re rev nn rire nf Pre 6e tr 2 Be nn en SR seen na me nt amer mms AS mb nn SR SARA EE PPS de on on po Een se nd pb (AE SRE M A nr 2208 en . CRE peu one LS ES RM À Mn Rte Gal ui den es EN Er A 0 qe mt 20e st he Ê 4 hi sen AR intel LS aa mate ans La dett ve Athens COUSCOUS DOTE PERS DPEET PIRE EEE TER donner a À AS A AID, v GLS Ses TR LUS D ET FA GAIRÈT & 2 PP I 1 M 0 a LEE AS ma A BANG à A 1 nn TR TE : ee A « D ot te aa a on a ER a D COS EE EE EEE POLE TOR EE 0 9 Pope a ra hate A Te 9 ne A Un GE man on On 28 TE airs D 0e D 0 mad a 0 Vo TP Ron Es AR An DAV nn A on 6 ao 8 on PA ee ne Vo antenne nn 4 on nn ne Ne on ce © An OT ANR NA à nn ans Pan Name mare nm A Te on D Ba bn a no To on PEN 6 ne D at D oo on Do DOULEURS M nan Tnt men gore nn TS D ne 8 ntm pq sen 8 nt D 2 og 0 0 a eo Ta ronge mn ot mm RE nn on AR 0 DS M à un À Z nn n = Z Re À n , Z made È 72) ne LILSNI NYINOSHILINS S31#VH811 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION. NOIL | 7 au Z ST (2) 72 2, on .T = à = Si = < \ D ES 4 = 1 dE NN —| 7 NN ær re = OO NY: . ps es O EE D n , D NN 74 « a 32 © > ms ST O TL O à Æ Z = Z E Z * = > = > = > n Z n re on F4 ARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINLIISNI NYINOSHLINS S3IUVU817 LIBRA| n a n _ n _ : «8 e 6 NX ‘À & w. œ 1 NW ea œ GR œ < * — < si NS < — æ 5 œ E N œ = ae) = sa) — [es] _— _ O — O _ O = — 7 7 _— PA ï LILSNINVINOSHLINS 2 S 31 HV4 9117 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION ? NOILN! <0e (e] = (e] | = © œ el Les) — L/) œ == + : = 2 D 7 5 2 = 7 = A 2 E Ka ñ D = De tt Ve 2 us 9 £ on Z un Z j \RIES SMITHSONIAN_INSTITUTION NOIINIILSNI NYINOSHLINS S314vV4917 _ LIBRAR SMITHSONIAN Pr p SMITHSONIAN NYINOSHLINS SMITHSONIAN NYINOSHLIWS 4Z NYINOSHLINS N S LILSNI _ NVINOSHLINS LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINA] LIBRARIES LIBRARIES NOIINLILSNI NOILNLILSNI LIBRARIES NOILNLILSNI \RIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOILNLILSNI NVINOSHLINS S314VH817 LIBRAF o & = 3 Ÿ S )C LILSNI NVINOSHILIWNS INSTITUTION S3114vV4917 INSTITUTION INSTITUTION S31YVH911 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINII : LIBRARF NVINOSHLINS S31YVY911 NVINOSHLINS S314VY917 SMITHSONIAN SMITHSONIAN 2 LS 8 7/4 \RIES SMITHSONIAN_INSTITUTION NOIINIILSNI NYINOSHLINS S31YVU917 SMITHSONIAN NYINOSHLINWS no — on == n —_ ui Z us Z NE u Z 4 ‘5 Ë SN > : < = < =" KES = = : = : SK © = : ALES 3 u ee 2 = | LILSNI _NVINOSHLINS RE (R:A'£-E: HRE LIBRARI ES_, SMITHSONIAN_INSTITUTION NOIINL! L Z Sn © = S (> ô œm À = œ = y, _ 2 Ne = = = y : E VIS + > + Ÿ 4 te + pe) NON e—. D — D y, D _ a AR NS A os ee '} D = FH s N° 2 q 2 ; 2 \RI ES,,SMITHSONIAN _INSTITUTION, NOILALILSNI LNVINOSHLINS, S3 1#V4917 . £ EU = k = _ 29 NO? = D = NAN x (à )\ & K = & Me = LM, & s Ÿ [e] ô NN , A È 2 4 à NN D EE dr) 2 LN\NK 0 PP, » EE e< 2 Le © à SA - E de ca _ _ — Mes OUR EN, -— 4 —— bus [LE N Ke” L PA = un _ n RU an = NVINOSHLINS S3THVHS1T LIBRARIES, ,SMITHSONIAN_ INSTITUTION,NOILNITLSNI R A LS * RO £ = = NS = < = D - Æ = Z NS NS = Z = VAS fa Z e) ZT O KK Z O L [e] - a 2 KK 6 ë a D D 2 = 2 E NY 2 . _ C/1 = ; rs 7 5 a ©SMITHSONIAN INSTITUTION, NOILNIILSNI NVINOSHLINS _LIBRARIES #9) = _ me 2 Lu ES Le Lu Lu RE : a NN o É 1/2 È : AN : = < NS D © > K : . D 1,2 3 = : 2 , < de — _NVINOSHLINS 2 S31HV#411_ LIBRARIES SMITHSO IANLINSTITUTION | NOILNLILSNI 1 =: S u S = 6 = | — [== _. vs] pe) , À : NO ? > 2 > É > D K = 7 =} ‘2 = Le = SN 2 5 2 : - e en _— = = SMITHSONIAN _INSTITUTION NOIINLILSNI NVINOSHLINS S31u4vug11 LIBRARIES; in =, À n rs (22) Ze = EEE. = £ Z < Z = NL: Æ > . = . \ #, 5 e] L : 2 AN É 2 ë Z = NN % = Z = £ Z E E É = 2. = = à = _NVINOSHLINS, S3THVH811_LIBRARIES, SMITHSONIAN_INSTITUTION D NOALTLSNI 5 u & È G - ë 8. œ 2 œ es. œ Si = . < < < a < = A FE = = pe = 2 : = 9 : 2 — SMITHSONIAN INSTITUTION NOILNLIISNI NYINOSHLINS S31UVH@11 LIBRARIES 6 = ô = &. © = 6 —— . as RQ — (so) — - = : S QN 5 2 = 4 - = AN. 3 — y NS = + 2 7 Z = L = L — un (79) NAT an — | NYINOSHLINS S3I1UYVY811 LIBRARIES. SMITHSONIAN NOILNLILSNI > un = os (22) z on = < = = = < = = F2 = dE - = Z 4 41 lg : Æ à 2 . ÿ 1/4 È 52 © 5 L O T © y = E = £ = = N/A = re > Z PR - = > 4 = £Z an ; Ps n e FA n 'SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINLILSNI_ NVINOSHLIWS S31HVY911_ LIBRARIES = - Œ EN - =. : Es = < = LUN < = < LE : o : 3 Œ ‘a w z — Z = = =] TNVINOSHLINS = S31UVU811 LIBRARIES INSTITUTION NOINLILSNI D, + = E Z LE Z = £ = =: : È : 7 A > 2 > = 4 > É > à = . = _ E — 5 £ ; 2 E 2 o )SMITHSONIAN _INSTITUTION, LNVINOSHLINS, S3 luvygl1_ LIBRARIES, = LD = EP, LCR Ph > : oe Z = Ah, Z /£ C = | LU T EL [2 (e] © — CH. le Ê 2 E = ; A O à ns LT ST ff : L ut : | 1e Libé : M h | 1 PR | 4 ! L " "n > , . W D L jee: | | a: 4 à (ie | i M; en n : { »'; at 1 ty : ane. D” de m7 *}; ROUES #1: | ie jee” es ‘ N LL j L} 1p ur d À | © HISTOIRE ' NATURELLE # DU CORAIL ORGANISATION — REPRODUCTION PÊCHE EN ALGÉRIE — INDUSTRIE ET COMMERCE PAR LE DOCTEUR 131 LACAZE-DUTHIERS Maître de conférences à l'École normale supérieure, chargé d'une mission pour l'étude du Corail. « Si les bonnes observations sont le fruit de la patience, elles sont aussi celui de la pleine et entière liberté. » (DE SAVIGNY.) PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DE M. LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL DE L'ALGÉRIE, Avec 20 planches dessinées d’après nature et coloriées PARIS JB BAILLIHRE ET FILS LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MÉDECINE rue Hautefcuille, 19. Londres, Madrid, New-York, y Hippolyte Bailiière. | C. Bailly-Baillière. Paillière Brothers. | LEIPZIG, E. JUNG TREUTTEL, QUERSTRASSE, 10, q AS 8 1864 | $ Tous droits réservés, : TOM de:h de | 1, DA | “ho A Tu DA | A HT . . 4 14 [ re La DL RE L” 1! Por Me L : Mes. * * ! e (n: mi i 1 | 17 j D Nm Û pi , l FA AE CA HE ‘Hu TS | LA ’ À | : : 4 è Fe “ut: Fr L #4. or A Où é j: \ l £ LA WT rm k , ue Li mr tr f) ; Æ we A or F ei \ | | L Pis A MA MERE MÈRE , Dans ces heures de bonheur que m’a fait goûter tant de fois la contemplation de la nature, dans ces moments heureux où l'homme renaît à lui-même en retrouvant le calme jusqu'au milieu des vicissitudes et des ennuis de la vie, Jai toujours eu une pensée pour toi, une pensée de reconnaissance. Pourquoi ai-je été entraîné sur de lointains rivages par le goût du travail, que tu ne cessas de m’inspirer en guidant mon éduca- tion, depuis ces journées paisibles où, pendant mon enfance, tu n’apprenais à lire sous les ombrages de Stiguederne ? Pourquoi faut-il que mon absence, causée par des études dont tu étais la premiére à te réjouir, ait pu attrister les derniers instants de ta vie? Ah! sil ne m'a pas été donné de recevoir tes derniers embras- sements, mère vénérée et chérie, puisse du moins cette dédicace s'élever jusqu’à ton âme noble et généreuse comme une offrande de respect, d'amour et de regrets ! HENRI LACAZE-DUTHIERS. Stiguoderne, le 4 décembre 1862, TABLE DES MATIÈRES. INTRODUCTION. —. Discussions aux quelles a donné lieu le Corail. — Nom- breux projets pour ramener la pêche entre les mains des Français, — La question mise à l'étude par M. le maréchal Vaillant. — Décision de M. Chasseloup-Laubat, — Origine de la mission. — Plan de l'ouvrage, SD ORNE es 0 A EE ; Opinions des anciens sur la nature et r origine du Corail, — Découverte de Marsigli. — Fleurs du Corail. — Opinions de Ferrante Imperato, Boccone, Réaumur, de Jussieu. — Découverte de Peyssonnel. Le Co- rail animal: discussion qui en est la conséquence, — Réaumur, Guet- tard, de Jussieu contribuent, après avoir fait de l’opposition, à confirmer les idées de Peyssonnel. — Donati, Cavolini, Milne Edwards. Où en était restée la question. — Peyssonnel est, en définitive, celui qui fit la plus grande découverte ; ses débuts brillants. — Opinions de Buffon, de Lamoignon-Malesherbes. — Peyssonnel, médecin à la Guadeloupe, dé- couragé, abandonne la SCIERCR : HT Pots ss same DBSERNATION. DU CORAIL... 20 ; DC To ME I. VALEUR DES EXPRESSIONS EMPLOYÉES DANS L'OUVRAGE. .. APlote ire these. à IT. FORME DES RAMEAUX ; touffes, buissons, branches étalées; racines, extré- mités ou puntarellas; milieu des branches... .... ic TD DUPCORAIL VIVANT. 222 1/7 US RE TA ere $ 1°, Comment se procurer du Corail propre à l'observation, — Conditions actuelles de la pèche, — Difficulté qu’éprouve le naturaliste pour ses études. — Comment l’auteur se procurait les objets propres à ses obser- HRONS CONSEIL. Le NE Liu nt ne. $ 2. Soins à prendre pour observer le Corail. — Vases, aquariums, renou- vellement de l’eau, influence de la température. — Essais divers. — Signes de la mort du Corail............. P72 3. Des Polypes, leur étude faite extérieurement et indépendamment de l’organisation; leur forme : corps, bras ou tentacules, péris!ome, mouve- XIII onl1/à49 37 vHI TABLE DES MATIÈRES. ments démontrant la nature animale. — Opposition de Réaumur aux vues de Peyssonnel. — Encore l'opinion de Lamoignon-Malesherbes. — Grandeur des Polypes, des bras, des barbules, bouche. — Distribution des Polypes..-....-.. ner LME MR SRE ie ORGANISATION DU CORAIL..,.....:......... nd ei Tee PUR DE I. Des Bras, leur histologie; couches cellulaires qui les composent, — Né- mutocystes............ Dia oto'oi à (Dig Gino DD SD 00 0 à ie -eeiele ñé IL, De la cavité générale. — Coupes faites à différentes hauteurs dans un Po- lype contracté. — Tube œsophagien.— Lames ou replis mésentériformes. —— (Parois dUCOrPS- eee ee. les da na eee eee nee le : INDE L'ÉCORCE OU SARCOSOME. 2 rime ree-bececece: oo oo & 127. Écorce du Corail, son épaisseur ; les auteurs anciens la connaissaient; éléments quellescontient.enmee-crecceceee rene re or $ 2. Spicules ou sclérites, — Forme type. — Leur couleur. — Leur dis- tribution. — Dimensions, — Opinions de Swammerdam et Réaumur... $ 3. Des vaisseaux, leurs couches. — Réseau à tubes parallèles. —— Réseau sarcosomique. — Texture des vaisseaux. — De la circulation dans un zoanthodème de Coral. — Opinion de Cavolini, de Milne Edwards... .. $ 4. Lait du Corail, opinion qu'il faut s’en faire ; les auteurs anciens l'ont connu : Boccone, Peyssonnel, Milne Edwards, $ 5. Du tissu propre, ou tissu général du sarcosome. ..... $ 6. De l’épiderme. ........... ...,..... IV. DU BOURGEONNEMENT OU DE LA BLASTOGÉNESE, — Ce qu’il faut entendre par là. — En quoi elle consiste. — Loi de destruction réciproque des êlres qui jouissent de la propriété blastogénétique. — Application géolo- gique. — Greffes par approche. — Reconstitution d’un zoanthodème. — Production de Polypes nouveaux. ............. Pre RL CU : V. APPAREIL AQUIFÈRE. — Absence d’orilices spéciaux. — Communication des vaisseaux sanguins avec l'extérieur par l'intermédiaire de la bouche des Polypes. .... A e à DO DD © oo OR TO Male ee - NL "DU POIMPIER: A... .. IS a10 0-06 0 6 17, Formes et particularités du polypier. — Racine, corps, sillons, can- nelures, calyces. — Extrémités, difficulté de leur préparation, leur forme bien différente de celle qui se présente dans les corps du polypier. — Pourquoi elles semblent molles et flexibles. ...... do -eb-eReetr EC $ 2. Structure du polypier. — Préparation. — Apparence d’une coupe. — Différence de couleurs, -— Éléments particuliers. — Noyau central, — Rayons. — festons périphériques. — Texture des extrémités, des racines. — Deux éléments : le ciment, les spicules. — Opinion remar- de Swammerdam,.... REPRODUCTION DU CORAIL. . vole ie aie, € Be no 0e et a ee lo era Re, VTT Let lee nelle, e lelata J. ORGANES DE LA REPRODUCTION. ............ ; $ 1°". Sexes : leur distinetion, leur distribution, — Hermaphrodisme.. ... O1 CN 61 69 90 99 102 TABLE DES MATIÈRES. IX $ 2. Organes de la reproduction considérés en général, leur position ; époque de leur développement. ...... Men ele ul No ee € CO OE DAS Din LP $ 3. Organes mâles. — Caractères extérieurs. — Forme, nombre, re- marque. HISTOLOGIE. — Pédoncule, capsule, éléments spéciaux, spermatozoïdes, développements. Mel etes de ele DANS ASE 120 $ 4. Organes femelles. — Forme, position, facilité qu’il y a à les voir. HiSTOLOGIE. — OEuf, sa structure. — Capsule, vitellus, vésicule trans- parente itachemeerminative ee 00. letee el ot 1. 199 IT. FÉCONDATION. — En quoi elle consiste ; où elle s’accomplit, — Opinion des AUVEURS SU LC TOIE AUNTAIDE ass ee se erseto lan es rie sale 444 LÉ GESTARTON. — Le CorailestiVIVIpATC. ee 22e -c cc... 151 IV. NAISSANCE DES LARVES. — Comment elle se fait ; à quelle époque elle a lieu, relativement à l’âge des embryons, à l'époque de l’année ............ 152 V. DÉVELOPPEMENT, — Différentes périodes qu’il présente............... 157 $ 17. Période ovarienne ou du fractionnement. — Difficulté de l’obser- MADONNA se etre ete Ge lsle te eo sole DIS ON ILES Ge nee cac eveicie cie 158 $ 2. Forme larvée. — État de liberté. — Transformation de l'œufen un ver. — Mœurs des larves ; soins à prendre pour les faire vivre........... 160 $ 3. Métamorphose et fixation. — Difliculté de l'élevage. — Durée de la période de liberté, — En quoi consistent les changements de forme. — Histologie des petits disques résultant de la métamorphose. — Interpré- tation de l'opinion de Donati........... ne la DRE 164 $ 4. De l’oozoïte complet et coloré. — Comment les études ont pu se faire. — Développement des spicules et des bras. — Comment le Polype arrive à être caractéristique du groupe alcyonaire. .... 44.... 4024. 002.. 173 $ 5. Origine du zoanthodème. — Extension du sarcosome. — Multiplica- tion des MDIASLOZOILES. M. à ects ste senc vo PR ce 180 6 6. Développement du polypier, son origine; ce qu’il importe de bien établir; étude de ses premiers rudiments dans l’oozoïte et dans les extrémités des puntarelles. — Rapprochement entre la structure du polypier adulte et celle de ses premiers rudiments. — Remarque. — Union intime du poly- pier et des tissus profonds. — Historique du polypier du Corail. — Opi- nions de Cavolini, Milne Edwards. — Résultats auxquels étaient arrivés Swammerdam et Réaumur. — Idées singulières de l'abbé Poiret,....., 183 VI. DE LA DURÉE DE L’ACCROISSEMENT. — Opinion de Marsigli. — Accroisse- ment pendant la suspension de la pèche.— Proposition d'essais à tenter. — Expérience en voie d'exécution. ................ ne os A a 200 CONSIDÉRADIONS, GÉNÉRADES PR RARE AMAR MANN elle 10200 I. POSITION ZOO0LOGIQUE DU CORAIL. — Résumé des caractères généraux, — A quel groupe il appartient. — Espèces zoologiques. — Variétés, — Corail TOUTE TOSE.1DIANC NOT 00 ee eee mess SR D A ne 209 IT, COMPOSITION CHIMIQUE. — Analyse de Vogel, — Matière colorante, — Doutes quitexistent sSURSaNAIUTE er PR rec rs clame lile 214 X TABLE DES MATIÈRES. PÉCRE DU: CORALIE 0 RU Re Rent 2 ve liner 2 lite AA Fa Di: 1. DE LA PÉCHE EN ELLE-MÉÈME. - ee eee ee MNT ou $ $ 2. 4e, Des bateaux, leur forme, leur aménagement, leur grandeur. ,..... Des engins, leur composition, leur grandeur, suivant qu’ils appar- tiennent à la grande ou à la petite pêche. — Grattes. — Salabre. — Scaphandre, — Bateau sous-marin. ..... SEAT Oo Le ; 3. Comment on manœuvre l'engin, — Recherche du banc de Corail. — Habileté des patrons. — Ils font secret de tout. — Pourquoi. — Dis- tinction au point de vue des manœuvres de la grande et de la petite pêche. — Composition de l’équipage, sa solde, sa nourriture, son travail, ses fatigues. — Travail au chant du carrigo-lo. — Dureté des patrons. — Facon particulière de ramer des Italiens. — Des calles ; leur nombre dans un jour. — Modifications dela pêche au cap Bougaroni. — Pèche à la main ou petite pêche. — Comment il faut comprendre l’action du filet sur les fonds. — Action des courants. -—- Instruments nécessaires pour détacher les filets engagés. — Tortolo, sbiro... . Du scaphandre. — Du bateau sous-marin. — De la vapeur. — Engin de Béraud. — Dangers du scaphandre. — Essais, accidents. — Ce qu’il faut penser de son usage. — Bateau sous-marin. — Utilité qu’il ÿ aurait à faire des essais pour la pêche avec un locomobile à vapeur propre à enrouler un càble 11. RÈGLEMENTS ET ÉTAT ACTUEL DE LA PÊCHE. — Ge qu'ils sont, leur résul- Le IV. DE LA PÊCHE DU CORAÏL DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION tat. — Le marin français ne fait pas la pèche ; pourquoi. — L’armateur français est rare. — La colonie ne tire aucun avantage de la pêche, — Dépenses nécessaires pour faire la recette des droits de pêche AMÉLIORATION DESRRECLEMENTS AE DONS AR NA RAT Nr 1 Des hinterets el reVENUSIAUETÉSOT . =... ep ee rec Conservation, amélioration et aménagement des bancs ; imporlance de la question : 4° la pèche peut-elle être continuée dans toutes les saisons de l’année ? 2° La pêche peut-elle être continuée toutes les années ? — On doit mettre les bancs en coupe réglée. 3° Droit de pèche réservé à celui qui aurait découvert un banc nouveau. 4° Peut-on créer des bancs Nouveaux? =— COrANICUILUTE 2 22-02 + » : see iemep lee 3. Nécessité de connaître les bancs a 4. De la surveillance. — L'organisation actuelle est insuffisante ; ce qu’elle devrait être $ 47, La Calle considérée comme centre de la pêche à l’est.-— Historique de nos premiers établissements en Barbarie. — Tabarca, établissement italien. — Compagnie d'Afrique, sa prospérité, sa suppression. — Ce qui s’est passé jusqu’à nos jours. — La Calle d'autrefois et la Calle d’aujour- d'hui. — Création du port. — Mers-el-Kebir considéré comme centre de JaNÉCUE A LONESL ESS Een I D Te ou Des encouragements destinés à retenir les pêcheurs étrangers dans la colonie. — Avantage de la petite pêche sur la grande, au point de vue 223 250 12 O1 co 264 2695 TABLE DES MATIÈRES. de la colonisation. — Création de villages de corailleurs. — Choix de l'emplacement. — Camp des faucheurs, vieille Calle. — Dégrèvements relatifs aux matelots habitant le pays. — Exemplion de la conscription et de l'inscription maritime. — Francisation des matclots et des bateaux étrangers, — Création d’infirmeries où les malades recevraient les pre- miers soins. — Rareté des capitaux. — Création d’une caisse de corail- leurs. — Encouragements indirects. — Culture du chanvre. — Fabri- Catiomdes MsCUits eee ci EC Core cc SOROD0 co $ 3. Dépenses qu’entraînent l'armement des coralines : 1° bateau complé- tement armé ; 2° solde de l'équipage pendant six mois; 3° consomma- tion des objets de pêche pendant les six mois ; 4° nourriture de l’équipage eDAUNES RD OM ITAISMALVERS EEE ne eee eee de ee cle leie V. RÉSUMÉ DES MESURES PROPRES A FIXER LES PÊCHEURS DE CORAIL EN ALGÉ- RIE. — Encouragements directs. — Encouragements indirects. — Me- SUTES UPTENTES.. Re else cles dela » eee tee els)? à colo ae à elaie eee COMMERCE DU CORAIL.............,.,........ GC OU 0 ere I. QUANTITÉ DE CORAIL PÊCHÉ EN ALGÉRIE, — Revenus donnés par un grand ou un pelit bateau...... RS A D ee EC PO nee IL. VENTE DES PRODUITS DE LA PÊCHE. — Fraudes. — Vendeurs. — Acheteurs. — Marchés Importants dd AÎTIQUERME eue ee here emele Diirvo IT. QUuALITÉS. -— 49 Corail mort ou pourri; 2° Corail noir; 3° Corail en caisse; 4° Corail de choix ; corail rose. — Noms divers donnés aux qua- iÉCS = MAlONES ee sm eue eee Mio Tel ei oleletele IV. TRAVAIL DU CORAIL, — Siége des manufactures. — Diverses formes du Corail manufacturé. — Corail arabe ; débris, — Travail du Corail en lui-même, débit des tiges; modelage ; formes principales demandées par HDIOULERIES POlIsSSALE MP ET er CH OP D OUI Lee V. QUE DEVIENT LE CORAIL MANUFACTURE? Sa consommation en Europe et chez lesipeuples découle ee Teen rome DO OC ë CONCMSTON EE AR cn nie or on ie Se onde EXPDICATIONSDES EP TANCHES MR a ete alien iron clara ce TABPR AA BEBE RIQUE RAT de ca ee pa tln ete LACAZE-DUTIIERS. b XI 306 316 328 33/ 341 344 347 369 V 7 ME == CON HE 01 2} ct tesbd Le CRETE + + fési 0 La v ch he —- QUES CCATALL RL pe 5 Lines te À ; x 5 OMAN ! TETE les (ET È E : Û : æ ‘ à % | PATTES “hs l (PT! see 12 D nye EE “ | ELU F » re 4 ( ire Je 2 An OT dent e also Be of cute Loto DELL) | | | = = à w ; DU | d'E7 LCA 1 DS 27 | : 2, * OU fa a | _- dti) fai) an (ni cel @ LE ORE 7 hi Ti ê : RU | l CT ATLNTT CE {le omfih 1 adire" 1 6 : at 19 0 DL : podhepant (url \ { \ib GT f * | 5 2 WMV : i | ; : LA terne VI] « »,= T4 NZ : | h | s L ” pot = _ STE TE. un EE au 4 6 Si | e ef TT | : =: 4 à a. or D RNA. de th "st | 0) = e : . “10e | a Su sr 4 E rc : L ts : 1 e L ati , ä . LP (1 = ( or LES Li L sn « | — LEE f + AM : | » 5 CONTENT PET ù da, PET ; ) j CL ' TU ” reun) à Le SC ti ; L . Li. … CON ONTUI . = il L L È |è4 (er UT = ( o eÙ LT CR IE » L - à CRD t “cé be NS | hf Pi 6 sf i diet \ . ï pA ‘ A : re DR | (lim) USE. c0) guet (M 1 LUE HE üb( Mi al «fie En LE A | 2 CREER | H _ ë L | Sur | | : : di | À - ! L s : - | L h = : fi Rp) eau » tfunt ) Eur “x 100 NF Dir bu (Jan Cu l Le de | à ha — “ti \é 738 u! . JE 2 n | L ot TU 1 0e. “{ | : 19 [| Cr DELL ax " nu (1 .. =. urree ar roms ue ti di or. : LA SHELL | si ï à à ; NS CPE L cf à | : uit: tÿ PE: LA NT 0 True Et Ÿ (7 EUIU et à oo nu a Run à M | CT EL | : | nn a ès ass + LEA PS EE PC TS D ’ Lee sep: SULET MPORNEME È s.# : O4 M dl | OT * g4 : { F è PUS cumeues aeueuraerie ue dun tbe « * 1 “NE _ LRU “ . Li . : EN. | trs La | vii+#0N tie PORT - à 16 , n n PES sv A v , CAR l L f : Û Li ñ t : L + = E oo . a Le Li ' L : ( L] ns. n _ + a é i . , + , L L _ e « 7) . : à : 2 L = À h ph L . L : : | : 0 F 2 . : L = Ÿ “ a” = CE Se = } | L : INTRODUCTION Depuis que la France occupe l'Algérie, il n'est peut- ètre pas un administrateur qui n'ait compris que le Corail peut devenir pour notre colonie une source de richesse. Aussi voit-on de loin en loin se reproduire des projets, aussi variés que nombreux, dont le but a été de rendre de nouveau productive pour nous une pêche que la France avait jadis monopolisée. Mais, chose digne de remarque, tous les eflorts semblent avoir été paralysés, et les propositions ont été sans cesse ajournées. D'où cela est-il venu? Le Corail a été comme prédestiné à soulever des con- troverses, et cela aussi bien au point de vue scientifique qu'au point de vue de son industrie. Tantôt ce sont les découvertes relatives à sa nature et à son organisation qui subissent les vicissitudes les plus étranges, qui, re- poussées par la France, vont recevoir en Angleterre la publicité qu'elles méritaient. Tantôt ce sont les projets relatifs aux applications pratiques, qui, mis à l'étude, sont XIV INTRODUCTION. abandonnés, repris, abandonnés de nouveau, et restent indéfiniment sans résultats. On verra dans l'historique quelle fut la cause qui poussa les savants français à refuser d'admettre les découvertes de leur compatriote aujourd'hui célèbre. Quant aux règlements, s'ils ont été bien des fois soumis à des modifications, et s'ils ont été abandonnés ou s'ils n'ont point conduit aux résultats espérés, 1lest facile d'en trouver les raisons, pour quiconque cherchera à se rendre un compte exact de ce qui existe. Tous les projets ont eu, plus ou moins directement, pour but de ramener la pêche entre les mains des Fran- pais. Or, se placer à ce point de vue, ce n'est pas tenir compte des changements considérables qui sont, depuis bien des années, survenus dans les conditions de naviga- tion du matelot français; c'est oublier, en outre, que nos marins ont perdu l'habitude de la pêche du Corail; c'est enfin méconnaitre qu'on ne peut les y ramener brus- quement. Penser différemment, c'est se faire illusion, et supposer presque qu'on en est encore à l’époque où existait la compagnie d'Afrique. Quand il sera question de l'avenir de la pèche et de ses rapports avec la colonisation, on verra quels moyens sernblent propres à répondre à un besoin vive- ment senti par tous ceux qui ont étudié sérieusement l’'Aloérie. Mais une autre cause, une cause non moins directe, a frappé d'impuissance tous les projets, toutes les propo- sitions, Une législation sur une pêche, quelle qu’en soit d'ülleursla nature, pour Être sérieuse, doit être basée sur INTRODUCTION. XV les données scientifiques, surtout sur celles qui sont rela- tives à la reproduction. Or, pas un des règlements ne s'est appuyé sur des recherches scientifiques, car elles u'existaient pas. Monsieur le maréchal Vaillant, alors qu'il était mi- nistre de la guerre et que l'Algérie dépendait encore de ce département, porta le premier la question sur son véritable terrain. [l voulut en faire sérieusement l'étude en 1855, et, désirant agir en toute connaissance de cause, il demanda à la Société d'acclimatation de lui faire con- naïtre les faits scientifiques propres à guider son admi- mstration. Mais la Société dut répondre que la science était muette, et qu'il était nécessaire de faire d’abord des recherches suivies. La guerre d'Italie appela le maréchal à d’autres des- tinées, et on laissa la question de côté. Plus tard une administration spéciale fut créée pour les affaires de l'Algérie. Lorsque M. le comte de Chas- seloup-Laubat en eut la direction, il se rappela la pêche du Corail, qu'il avait étudiée jadis sur les Heux mêmes, en parcourant, en 1834, la nouvelle conquête de la France. Il décida done que des recherches sur la repro- duction seraient d'abord entreprises, et que plus tard on s'occuperalt des règlements. Les études furent offertes à M. de Quatrefages, que sa haute position scientifique désignait naturellement : «S'il ne s'agissait que d'aller passer deux mois en » Algérie, j'accepterais avec plaisir un travail qui me » fournirait l’occasion de faire un voyage curieux etutile » (m'écrivait, le 15 juillet 1860, M. de Quatrefages); mais XVI INTRODUCTION. » ces études demanderont de nombreux déplacements et » un temps qui ne sera certainement pas moindre d'une » année, si même on peut espérer de les mener à bien » dans un temps aussi limité. Les travaux que m'im- » pose ma position au Muséum ne me permettraient pas » d'entreprendre toutes les recherches quisont nécessaires » pour résoudre les questions relatives au Corail : je ne » puis donc en conscience accepter cette mission, mais » j'ai pensé à vous. Vos voyages en Corse, aux iles » Baléares et autres points de la Méditerrante, où vous » avez eu l’occasion d'étudier le Corail et les animaux » qui en sont les plus voisins, vous mettent plus que tout » autre en état d'accomplir la tâche que je suis, à mon » grand regret, obligé de refuser. » Telle est l’origine de la mission dont j'ai eu l'honneur d'être chargé, sans l'avoir sollicitée, sans l'avoir mème connue à l'avance. Que M. de Quatrefages trouve ici l'expression de la vive reconnaissance que je lui dois, pour m'avoir fourni aussi spontanément l'occasion de faire de nombreuses et intéressantes études. La mission qui m'a été confiée commençait le {€ oc- tobre 1860, elle devait finir le 1% octobre 1861; elle n'avait donc qu'une année de durée : ce temps était trop court, je men aperçus bientôt, pour pouvoir résoudre toutes les questions. Des modifications dans les administrations supérieures appelèrent M. de Chasseloup-Laubat au ministère de la marine, et le gouvernement général créé en Algérie, INTRODUCTION. XVII tout en continuant la mission dans toutes ses conditions, n'en prolongea pas la durée. Pour moi, il n'y avait pas à balancer. Je n'étais arrivé à reconnaitre la reproduction du Corail que le 4 septembre 1861, après bien des diffi- cultés et presque au moment où se terminait ma mission ; et, avant de faire connaître les observations recueillies en 1860 et 1861, je désirais vivement, non-seulement les vérifier une seconde fois, mais encore les contrôler par une étude comparative, sur le plus grand nombre pos- sible des êtres voisins du Corail et vivant sur les mêmes fonds que lui. Je demandai un congé d'une année à M. le Ministre de l'instruction publique, et j'entrepris à mes risques et périls, malgré les sacrifices qu'allaient m'imposer les voyages et l'éloignement de ma chaire, une nouvelle série d'observations qui dura pendant tout le printemps, l'été et l'automne de 1862. Aussi, est-ce avec confiance, je l'avoue, que je présente à l'appréciation des naturalistes les résultats obtenus sur la reproduction du Corail pendant trois campagnes. Ces résultats seront confirmés plus tard par la publi- cation de faits entièrement semblables, recueillis dans l'étude de la plupart des Coralliaires, et spécialement des Alcyonaires, des Zoanthaires et des Antipathaires, qui vivent dans les mers de l’ancienne Barbarie. C'est ainsi que les faits acquièrent en histoire natu- relle une valeur réelle : car ce n’est qu’en les multipliant pour les rapprocher, les comparer que l’on peut espérer d'éviter les erreurs, XVII INTRODUCTION. Sans rien préjuger de l'avenir, en Algérie, de la ques- tion qui va nous occuper, il est possible cependant de dire qu'elle fait aujourd'hui un grand pas, car les recher- ches dont on trouvera ici les résultats, en établissant l'époque, le mode de reproduction etles conditions favo- rables ou nuisibles à la pêche du Corail, fourniront des données sérieuses aux administrateurs chargés de faire les règlements qui doivent s'opposer à l'épuisement des banes. En exposant les faits qui forment, par leur réunion, une HisrorRe NATURELLE pu CoRAIL, j'ai eru devoir suivre la même marche que celle que je m'étais imposée en faisant les observations. D'abord, en entreprenant de nouvelles recherches, il fallait savoir où les auteurs qui s'en étaient déjà occupés avaient laissé la question. Un premier chapitre, consacré à l'HisroriQue, réunit les principales opinions, et surtout l'exposé des découvertes les plus importantes, relatives à la nature du Corail. Bien des détails, curieux à plus d'un titre, n'ont pas trouvé place dans cette introduction, mais on les retrou- vera scrupuleusement rapportés à côté des faits qui les concernent, et les citations textuelles des auteurs permet- tront d'apprécier justement leurs opinions. Des détails qui m'ont paru mériter quelques dévelop- pements en raison des difficultés que le naturaliste ren- contre devant lui, quand il veut étudier, non-seulement le Corail, mais encore les autres Zoophytes habitant à de grandes profondeurs, forment sous ce titre : OBSERVATION pu Cora, le second chapitre. On v trouvera les ren- INTRODUCTION . XIX seignements propres à faire connaitre, comment on se procure du Corail vivant, comment on doit sy prendre pour le faire vivre et pour l'observer; quelles sont les particularités relatives à sa forme générale, à la forme de ses animaux, etenfin, quelle est la valeur des expressions employées dans l'ouvrage? Le troisième chapitre est entièrement consacré à FOr- GANISATION, mais il n’y est question que des appareils de la conservation de l'individu. Tout y est étudié minutieu- sement : l'épiderme, l'écorce, les polypes, le polypier. La Repropueriox devait occuper d'une manière toute spéciale, puisqu'elle était entièrement inconnue. Son étude forme à elle seule le chapitre quatrième. Là sont ‘apportés successivement les faits relatifs aux organes, à la fécondation, à la gestation, à la naissance des jeunes, à leur développement et à la durée de l'accroissement. Enfin, des CoxsibéRaTIONS GÉNÉRALES devaient terminer ce qu'il serait possible d'appeler l Histoire scientifique du Corail. Établir nettement la position zoologique ; estimer la valeur et le nombre des espèces; dire ce qui était connu de la composition chimique : tel a été le sujet du cinquième chapitre. IL eût été peut-être naturel de former une seconde partie pour ce qui avait trait à l'industrie et au commerce ; mais, sans établir une distinction aussi marquée, les questions relatives à la Pècur, étudiée, soit en elle-même, soit au point de vue de ses règlements, soit enfin au point de vue de son avenir en Algérie, ont été traitées dans le chapitre sixième. Enfin, il ne pouvait venir à la pensée de séparer des XX INTRODUCTION. faits dont l'exposé précède, ceux qui se rapportent au Commerce proprement dit; aussi, dans le septième et dernier chapitre, ont été réunies, dans les limites que devait imposer un travail de la nature de celui-ci, les principales particularités relatives au Travail et à l'In- dustrie du Corail. En abordant ces études, il n'y avait évidemment pas à s'occuper de certaines questions déjà résolues depuis bien longtemps. Si j'avais voulu relever et réfuter toutes les erreurs grossières qui sont la consé- quence forcée des opinions fausses que se font certaines gens sur la nature du Corail, il m'aurait fallu remonter jusqu'à l'époque où l’on croyait à sa nature végétale. C'eût été reprendre en sous-æuvre la découverte de Peys- sonnel. Cela m'a paru tout à fait inutile. Si de loin en loin, dans le cours de cet ouvrage, quelques-unes de ces erreurs que propagent l'ignorance et la routine de la pra- tique ont été indiquées, cela n’a eu pour autre but que de montrer combien quelques personnes sont encore loin d'avoir des idées exactes, malgré leur prétention de con- naître le Corail. Un jeune Espagnol fort entreprenant, et qui allait avec une chaloupe pècher presque au large en vue de la Calle, devisait un soir avec ses camarades groupés autour de son embarcation tirée à terre, tout en faisant ües filets. Je m'approchai pour prendre part à la conversation. Il était question des engins armés de fer, et comme je ques- tionnais et puis cherchais à dissuader ee jeune homme, il me dit : « Le Corail est une plante qui, de même que » celles que nous cultivons, à besoin d’être débarrassée INTRODUCTION. XXI ) LA des mauvaises herbes qui croissent autour d'elle. Les » grattes de nos filets espagnols, que vous condamnez, » nettoient les rochers et préparent le sol du fond de la » mer, comme la charrue prépare la terre qu'on doit » ensemencer. D'ailleurs, ajoutait-il, le pied du Corail LA » dont on a cassé le sommet meurt et ne pousse plus; que » ce soient les filets de corde ou les instruments de fer ) LA qui l’aient rompu, la mort est certaine. » Combien ne serait-il pas à regretter que de semblables erreurs pussent être admises et être présentées à l'appui des projets de règlements permettant les engins de fer. Les armatures où gralles, en raclant les rochers, détruisent les gemmules, qui ont quelquefois moins d’un millimètre de hauteur, et que les cordes des filets, en flottant,ne peuvent atteindre. Îl faudrait, pour soutenir de pareilles opinions, croire encore à la nature végétale du Corail, ou n'avoir jamais observé ces pierres si riches en petits pieds de toutes les grandeurs | J ai passé bien des moments sur les plages de la Calle, le soir, accompagné du bon maitre Drago, qui me servait d'interprète pour comprendre les patois italiens; là, après la rentrée des corailleurs, en causant avec eux, 1l m'a Fe été facile d'apprendre à connaître tous leurs préjugés. Aussi leur donnais-je rendez-vous autour de mes aqua- riums, et s'ils ne s'en allaient point convaincus, ee qu'ils ne m'ont jamais dit, du moins paraissaient-ils profondé- ment étonnés et surpris de ce que je leur montrais. L'Espagnol qui soutenait l'utilité des dragues de fer était intelligent, et pour lui prouver son erreur, je le priai de me montrer les produits mêmes de sa pêche, en l’assu- XXII INTRODUCTION. rant qu'ils me fourniraient les preuves à l'appui de mon opinion. Ce me fut chose facile, car 11 est impossible d'ouvrir une caisse de Corail, et lon pourrait presque dire d'observer quelques échantillons, sans trouver tantôt des ramuscules cassés et soudés à leurs voisins, tantôt de oros rameaux portant de grandes troncatures recouvertes par les tissus mous de nouvelle formation, et sur les- quelles poussent de petites tigelles : ce qui démontre que le Corail cassé ne meurt pas toujours. IL est bien difficile de faire un livre d'histoire natu- relle sans accompagner les descriptions de dessins repro- duisant les formes principales des objets dont on veut donner une idée exacte; aussi un Atlas accompagne-t-il ce travail exéeuté avec les plus grands soins; toutes les figures qui ont servi de modèles pour le composer ont été dessinées et coloriées sur les lieux mêmes où ont été faites les observations, et les proportions de plusieurs d'entre elles ont été estimées à l’aide de la chambre claire. Pour beaucoup, le dessin a été refait plusieurs fois. Les formes des animaux sont tellement variables, qu'il a fallu prendre, entre toutes, celles qui rappelaient le mieux la physionomie la plus habituelle. Ce travail a été long, mais aussi il permet de pouvoir garantir une grande exactitude, car tout a été fait sur la nature vivante et dans les meilleures conditions possibles. Arrivé au terme de mon travail, c'est pour moi un devoir d'adresser mes remerciments à toutes les per- sonnes qui ont bien voulu s'intéresser à lui. INTRODUCTION. xt Je prie Leurs Excellences M. le Ministre de l'instruction publique et M. le Gouverneur général de l'Algérie de recevoir l'expression de ma gratitude pour l'encourage- ment qu'ils ont bien voulu donner à cette publication. Quoique la direction des affaires de l'Algérie ne soit plus entre les mains de M. le comte de Chasseloup- Laubat, je le prie de recevoir mes remerciments pour m'avoir fait l'honneur de me charger d'une étude géné- rale du Corail. Je serais heureux de penser que les soins, les fatigues de toutes sortes et les sacrifices même que m'ont imposés les voyages faits en dehors de la mission, puissent lui prouver combien j'ai cherché à répondre à la marque d'estime qu'il avait bien voulu me donner en me confiant ces travaux difficiles. M. le contre-amiral Baudin, commandant la ma- rine en Algérie, pendant mon séjour sur les côtes d'Afrique, a suivi mes études avec un intérèt tout par- ticulier. Il a facilité mon travail par tous les moyens dont il pouvait disposer, et l'accueil aussi bienveillant qu'affectueux qu'il a bien voulu me faire, ne s’effacera jamais de mon souvenir. Je le remercie cordialement, Avec cette urbanité qui caractérise MM. les officiers de marine, MM. les commandants des garde-pèche Ber- trand et Maulard, ont rendu mes recherches faciles en me faisant aider par deux de leurs hommes, dont le dévouement ne s'est jamais démenti pendant mes trois campagnes. Le second du Corail, qui fut plus tard à bord de l'A gérienne, le maitre de manœuvres Drago, qui connaissait XXIY | INTRODUCTION. parfaitement la pèche du Corail et naviguait depuis fort longtemps sur les côtes de l'Algérie, m'a rendu les plus grands services dans mes relations avec les pêcheurs. Si jamais, pendant les séjours prolongés que j'ai faits en Afrique, à trois époques différentes, les objets d'étude ne mont manqué, cest certainement au zèle qu'il mettait à remplir les ordres que lui avaient donnés ses com- mandants. Le matelot Lanceplaine était chargé de mes aquariums. Dans des études comme celles que j'avais à faire, les précautions devaient être aussi minutieuses qu'assidues. Ia été infatigable quand je rencontrais de si grandes difficultés à faire vivre le Corail, surtout pendant l'été, en 1861, lorsque je commençais à craindre de ne pas réussir. Îlsingéniait à mulüplier et à varier ses soins; rien na pu le rebuter pendant près de trois ans. Aussi, à maitre Drago comme à lui, je rapporte une bonne part de la réussite de mes recherches, et je pour- rais dire comme Peyssonnel parlant de la découverte : « Les matelots m'aidaient extrèmement, ils observaient » aussi bien que moi; bien des petits riens qui m'échap- » paient, étaient remarqués par eux. Îls me disaient : » Voyez telle ou telle chose, et sur leur dire je faisais » des attentions, je notais, je vérifiais (1). » M. Nardi Mangeapanelh, possesseur de nombreux bateaux et habitant la Calle depuis les premiers mo- ments de la conquête de l'Algérie, a mis toutes ses embarcations à ma disposition avec une grande libéra- (1) Voy. Peyssonnel, manuscrit du Muséum d'histoire naturelle, et le travail de M. Flourens (Ann. des se, nat., série 2%, t, IX, p. 854.) INTRODUCTION . XXV lité. Je ne saurais trop le remercier. C'est par ses patrons que j'ai pu faire jeter des jarres sur les bancs, pour commencer une expérience, qui est maintenant en voie de s’accomplir, sur la durée de l'accroissement ; c'est sur ses bateaux que je me suis embarqué et que j'ai passé plusieurs jours à faire des observations à la mer. [a Nas FF? dE onda surf qu 's sl fs EM: RE in ES CRE, LM ET CU TT volt tof, min. th£ ECTS h oruby bnégrel Der ess si CITE CODE at “its À vhs iubral mt QéRsg Le Le Di piments cran ‘tt attusM #44" LE ' CUITE D ui & unes ai DEL ft ur end à ÿ a La er ( HISTOIRE NATURELLE be CORAN HISTORIQUE. La nature du Coral à été longtemps méconnue. Elle est restée un mystère Jusqu'au siècle dernier. Ce n'est pas à dire que les naturalistes, tant anciens que modernes, n'aient essayé à toutes les époques de la faire con- naître. Mas leurs efforts devaient nécessairement rester sans résultats ; car leurs explications, basées sur des hypothèses gratuites, ne pouvaient résister à la critique. Qu'on ne s'étonne donc pas de rencontrer, dès les premiers pas que l'on fait dans l'histoire du Corail, de nombreux écrits, des opinions très- différentes et des discussions parfois assez vives. C'est le sort de toutes les choses peu connues ou difficiles à connaître. Elles servent d'altment aux discussions tant qu'un homme nest pas venu fixer 1rrévocablement leur origine et leur nature. Alors, mais alors seulement, on reconnait les erreurs du passé, et souvent on se demande comment les esprits les plus élevés ont pu s'éloigner autant de la vérité. Le Corail, plus que toute autre chose, devait fure naitre des discussions scientifiques. LACAZE DUTHIERS. I 2 HISTORIQUE. Appartenant à un groupe d'animaux dont Forganisation s'éloigne et diffère beaucoup des êtres les plus connus qui entourent l'homme; rappelant, par son port une plante, et par sa dureté une pierre, il devait naturellement embarrasser les naturalistes qui ne l'étudiaent que desséché, et qui n'al- laient point l'observer dans les conditions biologiques où 11 se développe. L'idée qui se présentut là dernière à leur’ esprit était certainement qu'il pût ètre produit par un animal. Aussi voit-on des hommes du plus grand mérite s'mgénier à trouver des preuves à l'appui d'opinions qui ne sont plus aujourd'hui que des erreurs. Placé successivement dans hat des trois règnes de la nature, il offrait, on doit bien le penser, des caractères tout à fait opposés à ceux qui voyaient en lui, soit un minéral, soit une plante, soit enfin un animal. Sans passer en revue tout ce qui a été écrit, cherchons a reconnaitre par quelle filiation d'idées les naturalistes sont arrivés à des opimons si opposées. En suivant cette marche, nous puiserons dans l'étude de l'histoire de la science des enser- gnements précieux, et nous éviterons des répétitions sans fin, en reconnaissant au milieu de tout ce qu à été écrit quelques idées principales reparaissant sans cesse, et n'ayant pour tout mérite qu'une forme plus neuve où un essai de démonstration plus original. Des la plus haute antiquité le Corail a été porté comme objet de parure. et dès la plus haute antiquité aussi on à cherché à reconnaitre sa nature, à expliquer sa formation. Orphée a dit en vers ses propriétés et son origme. Par une fiction ingénieuse et poétique, il a donné la raison de sa forine. de sa couleur et de sa dureté. Chacun a conservé dans ses souvenirs Fhistorre mythologique de Persée débarrassant le monde de la Gorgone Méduse, ce le] HISTORIQUE. D monstre dont le regard métamorphosait en pierre tout ce qui l'approchait. La fiction, S'aidant de cette fable, trouva dans le Coral une plante rougie par le sang et pétrifiée par le contact de la tête de Méduse, que Persée avait posée sur le rivage quand, après son triomphe, 1! vint purilier ses mains du sang qui les souillait (4). Les faits positifs ont été souvent remplacés par des fables, et l'intervention des forces surnaturelles à toujours fourni des explications faciles là où il n'était pas aisé d'en trouver. Faut s'étonner apres cela que le Corail ait jouit d'une si grande estime et qu'on lui ait attribué des propriétés si merveil= leuses? Mais, chose digne de remarque, quelques-unes des opinions qu'avaient sur fui les anciens se sont propagées presque jusqu'à nos Jours. On les trouve même encore parmi les personnes les mieux placées pour en reconnaitre la fausseté. Ovide (2) avait dit dans ses Wétamorphoses, que sous l'eau le Corail était mou, qu'il durcissait seulement au contact de laur. Cela n'est pas exact. et cependant durant combien de siècles n'a-t-on pas partagé l'opinion du poëte (3)! (4) Voy. Joan. Ludovici Gansii D. medici Franco furtensis Corallorum histo- FIG, NMDC.XXX, D. D. La pièce d'Orphée en vers grecs est suivie de trois traductions en vers latins, (2) Ovide, Métam., IV : Nune quoque curaliis eadem natura remansit, Duritiem tacto capiant ut ab aere ; quodque Vimen in æquorc erat, fiat super æquora saxumn. (3) Voy. Gansius, loc, cif, Les deux vers suivants sont sous la vignette qui représente le Corail : Nobilis emergil moriendo gemma coralius Qui sub aquis vivens vilis, ut alga, fuit. Id., 40. p. 26. Autre pièce de vers intitulée Marbodeï angli poetæ antiqui carmen de Corallis : Corallus lapis est, dum vivit in æquore vimen, Fetibus avulsus vel cæsus acumine ferri, Acre contractus fit durior et lapidescit, Quiq. color viridis fucrat modo, puniceus fit. hi HISTORIQUE. Déja Nicolaï (Jean-Baptiste), chargé de la pêche en Tunisie, avait fait plonger ses matelots pour s'assurer de la chose; 1l avait lui-même tàté les rameaux sous l'eau dans les filets, et reconnu l'erreur des poëtes (D). Apres lui, Boccone s'était élevé aussi contre une observation dénuée de tout fondement. I avait traité même assez mal ceux qui partageaient l'opinion d'Ovide, car il dit en propres termes «qu'il s'imagine que les idiots, s'arrêtant à cette superficie (la » croûte ou l'écorce), ont dit que le Corail est molsous l'eau (2).» Marsigli ne fut done pas le premier à démontrer l'erreur des anciens, propagée sans doute par l'habitude qu'ont les hommes de répéter les choses sans en vérifier par eux-mêmes l'exactitude (3). Théophraste, Dioscoride et Pline ont admis que le Corail étut une plante: mais ils ne nous ont rien appris sur son ori- oine et sa formation. Que dire de ses prétendues propriétés? Elles étuent tenues pour très-nombreuses, très-variées, et tout aussi merveilleuses que son origine. Louis Gansius les à énumérées avec com plusance dans son traité, où lon trouve, avec les vers d'Orphée, ceux d'un autre poëte qui nous apprend que le Coral préserve de la foudre, des ombres sataniques: que, répandu en poudre sur les champs. il les féconde; que, porté au cou, ilenleve les douleurs de ventre, et mille autres choses semblables (4). Liussons tout cela de côté : 11 peut ètre curieux sans doute (1) Voy. Fiourens, Annales des sciences naturelles, 1838, Zool., 2° série, L IX, p. 336. (2) Voy. Boccone, Recherches et observations naturelles touchant le Corail, ele., lettre 8°, p. 17. Amsterdam, 1674. (3) Voy. Marsigli, Histoire physique de la mer, p. 111. (4) Voy. Gansius, loc. cit., p. 26, la pièce de vers citée ici à la page 5. ; LA HISTORIQUE. 9 de voir comment les anciens mterprétaient l'origine des choses, mais en face des faits positifs maintenant acquis à la science, toutes ces histoires tombent dans le domaine de la curiosité. elles peuvent et doivent même rester en dehors du cadre de cet ouvrage. C'est tout près de nous, dans le siècle dernier, que com- mence, à proprement parler, l'histoire des vraies découvertes relatives au Coral. Elle Souvre par une discussion célèbre et intéressante à tous égards, qu'il n'est pas possible de passer sous silence, bien qu'elle soit rapportée dans plusieurs ou- vrages modernes. En 1706, le comte de Marsigli annonça un fait qui eut un erand retentissement, et étonna autant qu'il ravit le monde savant : car S'il existait des hypothèses pour expliquer la forma- tion du Coral, aucune ne paraissait, avec juste raison, suf- lisante et parfaitement démontrée. Ferrante fmperato avait affirmé, dans son Traité sur la mer, que la nature végétale du Coral étut évidente (4). Tournefort avait aussi écrit la même chose dans son Mémoire de 1700, sur les plantes pierreuses qui eroissent dans la mer (2); mais ni Fun in autre n'avaient donné des preuves inatta- quables de leur manière de voir, et n'avaient montré des ana- logies directes: d'ailleurs les trous dont sont percées la plupart de ces prétendues plantes embarrassaent fort les naturalistes par leur constance, leur régularité et leur forme particulière. Aussi, quand Marsigh (3) vint dire qu'il avait vu les fleurs du Corail. sa découverte fut accueillie avec empresse- (1) Voy. Ferrante Imperato, Historia naturale, 1699. (2) Voy. Tournefort, Histoire des sciences (Mém, de L'Acad. des sciences), 1750, p. 270. (5) La première communication du comte de Marsigli daie de 1706 ; elle fut adressée à l'abbé Bignon, président de l'Académie des sciences, (ti HISTORIQUE, ment, on pourrait presque dire avec reconnaissance; car elle paraissait démontrer d'une manière positive là nature végétale que des auteurs du plus grand poids maient encore, L'occasion se présentera plus lom de montrer que l'on dis- euta souvent sans s'entendre, parce que là plupart des études étaient fautes sur du Corail conservé dans les musées, et non sur du Coral frais; que l'avantage resta toujours à ceux des natu- ralistes qui étaient allés à lt mer pour voir les choses directe- ment et dans les meilleures conditions possibles. Boccone était de ceux-ci; 11 avait assisté à la pêche, etil s'était élevé depuis longtemps contre l'idée que le Coral pouvait être une plante. Ses arguments avaient fait impression et laissé le doute dans les esprits, car ils étaient de ceux qu'apporte un homme convamneu, un homme surtout fort de ce qu'il avait vu. Cependant, il faut le dire, Boccone n'était pas moins dans l'er- reur que ceux qu'il combattait (D). Réaumur, le savant célèbre que chacun connaît, ne t-ce que par le thermomètre qui porte son non, avait cherché à se fure une 1dée de ces productions marines regardées comme des plantes, et parmi lesquelles il lui répugnait tant de placer le Corail. Dans son opinion, 1l dédoublait, pour ainsi dire, la plante des auteurs anciens, et reconnaissait dans les parties d'un même être deux choses distinctes : la partie dure, véritable concré- tion devenue indépendante, et le végétal, représenté seule ment par l'écorce (2). On trouve son opinion bien nettement exprimée dans le passage Suivant : 1) Voy. Boccone, loc. cit,, les différentes lettres qu'il adresse à Pierre Gui- sony, médecii à Avignon. (2) Voy. Réaumur, Mém, de Acad, roy, des sciences, 1727, p. 274. 2 HISTORIQUE. T € Mais revenons encore à la comparaison des plantes et des animaux, et remarquons qu'il y a plusieurs espèces de ces derniers qui sont recouvertes de pierres. Les coquilles si va- riées par leurs figures et leurs couleurs, que sont-elles autre chose que des pierres du genre de celles dont on fait de la chaux ? Nous avons expliqué ailleurs leur formation. Un suc pierreux est charrié à la surface du corps de l'animal. il prend consistance ‘ils + rassemble par couches qui, ajoutées les unes aux autres, forment une couverture solide qui dé- tend les parties délicates. Le même sue pierreux, ou le sable rouge déposé par couches au-dessous de cette plante, qui n'a que l'épaisseur d'une écorce, lui forme la tige, le soutien qui lui est nécessaire : dans lun et dans l'autre cas, dans celui de la formation des coquilles et dans celui de la formation du Corail, la matière pierreuse s'échappe des vaisseaux et n'est plus reprise, ni par les vaisseaux qui l'ont portée, ni par d'autres. En un mot, les coquilles sont des pierres produites par des animaux, et les Coraux des pierres produites par des plantes ; mais les Coraux n'en sont pas plus plantes, comme les coquilles ne sont point animaux. La production et lac- croissement des unes et des autres ne se fait pas par la mé- chanique, qui fait l'accroissement des véritables parties des animaux et des véritables parties des plantes (D). » Au pnuheu de ces doutes. la découverte des fleurs venait apporter la clarté là où 1 nv avait que confusion. On voulut vérifier le fut, car 1létait encore des naturalistes peu faciles à convaincre, qui miaent la possibilité de l'existence d'une fleur au sein de l'eau, bien que Passertion de Marsigli fût positive, conime on peut en juger. » «Les branches de cette plante étant ürées de la mer et posées dans des vases où il v ait assez d'eau pour les couvrir, (1: Voy. Réaumur, Mém. de l’Acad. roy. des sciences, 4727, p. 275. 8 HISTORIQUE. CA T au bout de quelques heures on voit, de chaque tubule, sorur une fleur blanche ayant son pédieuleet huit feuilles, le tout A4 T S TZ ensemble étant de la grandeur et figure d’un clou de girofle. DH 220 Dans le même instant que l'on ôte de l’eau la branche » aussi fleurie, toutes les fleurs se retirent dans les tubules » que chacun d'eux à en la partie supérieure, e{ qui est l'en- » droit d'où elles sont sorties. Souvent ces tubules restent » comme les boutons des fleurs, et si alors on les regarde » promptement avec un verre, on s'aperçoit de la division de » l'écorce en autant de parties que la fleur à de feuilles (4). » Ce passage fait connaître une particularité qui n'appartient pas à une plante, c'est là motilité, et cependant Marsigli n'en tient pas compte. Cette découverte frappa beaucoup; elle était faite pour cela, mais elle n'avait pas toute la nouveauté que Marsigli lui at- tribuait, quand il dit encore dans sa lettre à l'abbé Bignon, «qu’elle le fit presque passer pour un sorcier dans le pays, n'y » avant jamais eu personne, même parmi les pêcheurs, qui eût » vu semblable effet de la nature (2). » Eh bien! Marsigli se trompe, car Boccone, qui ne voulait point voir une plante dans le Corail, en donnant au médecm Guisony, d'Avignon, la raison de son opinion, eritiquait déjà en 1674 l'existence des prétendues fleurs. «Une chose qui fortifie les conjectures que Fay, qu'il ne » peut estre mis au rang des plantes, est que l'on ne trouve » aucune semence dans le Corail qui puisse servir à la pro- » duction, ny de vaisseaux qui la puissent contenir; car, » quoy que veuillent dire des apoticaires de Marseille de leurs » fleurs de Corail, ce ne sont, selon ma pensée et mon obser- » vation, que les extrémités de cette pierre qui sont arrondies » et percées de plusieurs pores étoilez. nv a dans le Corail (1) Voy. Marsigli, loc. cit., p. 115. 2) Lettre de Marsigli à Pabb£ Pignon, président de l'Académie des sciences, 1706. HISTORIQUE. 9 » ny fleurs, ny feuilles, ny chair, ny graine, ny racine, et cela » posé, je erois qu'il est bien éloigné du genre des plantes (). » Parmi les rares naturalistes qui vérifiérent la découverte nouvelle, il était un jeune médecin marseillais, Peyssonnel, qui avait été instruit dans l'étude des choses de la mer par Marsigli lui-même. Il constata la présence des fleurs, dont l'existence sembla dès lors ne pouvoir plus être mise en doute. Ses débuts brillants l'appelèrent à Paris; lt 1l reeut, vers cette époque, mission de par le roi d'aller explorer les côtes de la Barbarie et d'en faire connaître les produits naturels. L'abbé Bignon, président de l'Académie des sciences, qui avait reçu les premières communications de Marsigli (2), qui avait fait donner la mission à Peyssonnel, ne pouvait manquer de recommander à ce dernier d'étudier avec soin les plantes marines, et surtout le Corail, en assistant à sa pêche. Peu de temps après son arrivée sur les côtes d'Afrique, Peys- sonnel écrivit qu'il n'avait plus les mèmes opinions, et qu'il ne pouvait continuer à partager celles de son maitre. «de fis fleurir le Corail, dit-il, dans des vases pleins d'eau » de mer, et j'observai que ce que nous crovons être la fleur de » cette prétendue plante n'était, au vrai, qu'un insecte sem- » blable à une petite Ortie ou Poulpe.. J'avais le plaisir de _» voir remuer les pattes ou pieds de cette Ortie, et ayant mis le » vase plein d'eau où le Corail était à une douce chaleur auprès » du feu, tous les petits insectes s'épanouirent..…. L'Ortie sortie » étend les pieds, et forme ce que M. de Marsigli et mor avions A » pris pour les pétales de la fleur’. » Le calice de cette prétendue fleur est le corps mème de » l'animal avancé et sorti hors de la cellule (3). » (4) Voy. Boccone, loc, cit., 1"° lettre, p. à. (2) Lettre de 1706. (3) Voyez le manuserit de Peyssonnel, conservé à la bibliothèque du Muséum d'histoire naturelle, 4° partie, p. 44 à 47, 1 a pour titre : Traité du Corail, con- 10 HISTORIQUE. Cette interprétation mattendue vint jeter inopmément le trouble parmi les savants, et la discussion recommenca de nou- veau, mas cette fois pour tourner entièrement au profit de la science et fixer définitivement la nature du Corail. Réaumur trouva le fait à ce point incroyable, qu'il ne voulut pas nommer celui à qui on en devait la découverte. On doit croire qu'il dut apprécier assez vivement, si lon eu Juge par le passage suivant d'une lettre écrite à Peyssonnel. et que ce dernier transcrivit dans son mémoire, dont le manus- crit, précieusement conservé à la bibliothèque du Jardin des plantes de Paris, à été mis à ma disposition. « Je pense, dit-il, » ConIMe VOUS, que personne ne s'est avisé jusqu'à présent de » regarder le Corail et les Lithophytons comme l'ouvrage d'in » sectes, on ne peut disputer à cette idée la nouveauté et la » singularité. Les Lithophytons etles Coraux ne me paraîtront »_ Jamais pouvoir être construits par des Orties ou Pourpres, de » quelque facon que vous vous v preniez pour les faire tra- » vauller (1 ) 5 On voit ict en germe une idée fausse que l'on trouve déjà dans Ferrante Imperato, qui s'est propagée jusqu'à nos jours, et qui cause de l'embarras à tous ceux qui cherchent à-com- prendre la formation du Corail. Du reste, on peut juger de la difficulté qu'éprouva Peyssonnel à fure admettre cette opinion, par cet autre passage d'une lettre de Bernard de Jussieu : «de ne sais si vos raisons seront assez fortes pour nous faire » abandonner le préjugé où nous sommes touchant ces » plantes (2). » tenant les nouvelles découvertes qu'on a faites sur le Corail, les Pores, Madre- pores, Scharras, Lithophytons, Esponges et autres corps et productions que la mer fournit, pour servir à l'histoire naturelle de la mer. (4) Voy. Flourens, loc. cit., p. 341. 2) Voy. tb. HISTORIQUE. 1 À | N'est-il pas évident que de Jussieu, en appliquant le mot de préjugé à des opinions qui parassaient st solidement enraci- nées, emplovait ironie ? M. Flourens, avec tout l'art qu'il apporte dans ses œuvres, toute la justesse qui caractérise ses appréciations et ses critiques. a montré dans un mémoire plein d'intérêt l'importance de la urande découverte de Peyssonnel; 11 à fut remarquer aussi avec raison qu'elle resta Inapereue et inadmise jusqu'en 1740, époque à laquelle Trembley fit connaitre ses observations intéressantes sur LHvdre d'eau douce. Alors on se souvint des assertions du naturaliste marseillais, trouvées d'abord si singu- lières, et trois hommes, appartenant tous à l'Académie royale des sciences, voulurent décider là question de savoir st, en effet, toute une innombrable classe d'êtres ballottés sans cesse entre le règne minéral et le règne végétal devait enfin passer dans une autre division, et compter décidément au nombre des animaux. Ce fut à Jussieu et à Réaumur lui-même, si opposés l'un et autre à l'opinion de Peyssonnel, que l'on dut une de ces recti- fications qui font toujours honneur à leur auteur. Guettard (D), naturaliste plem de zèle, apporta ausst son concours à l'échureissement de éette question importante. Il alla sur les côtes de la Méditerranée et sur celles du Poitou, pendant que Réaumur (2) étudiat de son côté les Polypes à panaches d'eau douce, et que B. de Jussieu (3) fusait, à des saisons différentes pour être bien sûr des résultats. deux voyages sur les côtes de Normandie. Tous les trois, dans des points éloignés et différents, consta- térent que les êtres compris jusque-là dans le règne végétal (1) Voy. Guettard, Mém. de l’Acad. roy. des sciences, 1760, p. 114. Son mé- moire ne fut publié qu'assez tard; il a pour titre : Sur le rapport qu'il y a entre les Coraux et les Tuyaux marins, etc. (2; Voy. Réaumur, Mém. pour servir à l’histoire naturelle des Insectes, & VI, préface, p. xIx. (3) Voy. B. de Jussieu, Wém. de l'Aral, roy. des sciences, 1742, p. 290. 19 HISTORIQUE. . devaient désormais prendre place parmi les animaux ; car ils en offraient tous les caractères. Is rendirent à Peyssonnel la justice qui lui était due en lui rapportant l'honneur de la décou- verte. Is donnerent le nom de Polypes à ces animaux (4), et celui de polypier à la partie solide sécrétée par eux. Mais ces auteurs eurent le tort de considérer les polvpiers comme l'ouvrage des Polvpes. On à déja vu plus loin l'origine de cette fausse opinion. Le Polype ne fait pas son polypier. Le mot faire, indiquant une action directe, n'est pas exact. Le Polype n'agit pas guidé par son instinct, il produit, pour ainsi dire, indépendamment de lui. Hne fait pas plus sa char- pente calcare que l'homme ne fait ses os. C'estson organisme qui là produit comme il produit les autres üssus. La com- paraison que fit Réaumur des polvpiers et des cellules des Abeilles fut malheureuse; elle fut cause de son opposition aux vues de Peyssonnel, et elle enracina une idée fausse que l'on retrouve encore aujourd'hui. Ainsi fut décidée la vraie nature du Corail, comme aussi celle de tous les êtres qui lui ressemblent, ILest rare qu'une opinion résumant un grand fait puisse être admise définitivement sans le concours de plusieurs personnes et de nombreuses circonstances. Un homme est quelquefois appelé à jouir seul et de son vivant de l'honneur de voir la science lui attribuer toute la gloire d'une découverte ; mas il faut le dire, presque toujours ce n'est que de l'ensemble des opinions diverses que naît la distinction nette et positive des choses : on en voit ici un exemple remarquable. EU maintenant l'histoire des travaux auxquels à donné lieu le Corail n'a plus à nous arrêter ionguement. (4) Voy. B. de Jussieu, Mém. de l'Acad. roy, des sciences, 1742, p. 293. HISTORIQUE. 15 Quoique sa nature semblàt définitivement fixée, un zoologiste italien, Donati, qui observa ses Polvpes et peut-être même ses œuls, crut devoir admettre un terme moyen entre les opinions extrèmes de Marsigli et de Peyssonnel : « Vous voyez ici, dit- » Il dans son Æssai d'histoire naturelle de la mer Adriatique, » une végétation de plante et une propagation d'animal ; jugez » donc si le Coral appartient à Fun ou à l'autre de ces deux » regnes, où S'il ne faut le placer dans un rang mitoyen (1)?» Dans sa description qu'il commence en ces termes : «On sait » que le Corail est un végétal marin, et qu'ilest, par sa figure, » fort semblable à un arbrisseau sans feuilles (2), » il indique nettement ce quil pense: aussi le doute exprimé dans sa _ conclusion n'est-il qu'apparent, car en commencant le cha- pitre VIE 11 s'exprime en ces termes : «Je vous ai jusqu'ici » montré comment la nature passe des plantes terrestres aux » plantes marines, il convient que Je vous montre comment elle » monte des plantes aux animaux. » Cette opinion eut bientôt fait son temps. Ainsi qu'il arrive le plus souvent, une question qui a vivement agité les esprits tombe pour longtemps dans l'oubli; il faut donc se rapprocher beaucoup de nous pour trouver des obser- vations nouvelles. Le Napolitam Cavolini fit connaitre des faits curieux et impor- tants sur l'histoire naturelle des Polvpes marins, dans ses mé- moires inprimés à Naples en 1785 (3). Nous aurons à les rappeler dans le cours de cetouvrage. où ils trouveront leur place bien inieux que dans cet exposé général. 4) Voy. Donati, Essai sur l'histoire naturelle de la mer Adriatique, chap. vir, p. 0, traduction italienne par Pierre de Hondt (la Haye, MDCGLVIN). (D)Moy:Id;Vocct.; p.12, (3) Filippo Cavolini, Memorie per servire alla storia de’ Polupi marin Napoli, 1785. A! HISTORIQUE. Enfin, M. le professeur Milne Edwards a donné dans le Regne animal illustré (4) des planches qui, pour là première fois, permettent de se faire une idée exacte des caractères z00l0- giques du Corail. Le savant professeur du Muséum avait fait des dessins sur la nature vivante, pendant son voyage sur les côtes d'Afrique, et cela doit faire regretter qu'il n'ait pas publié isolément toutes ses observations. en à seulement consigné les résultats généraux dans FHistoire naturelle des Coralliaires (2). De tout ee qui précede, il résulte que l'attention des natura- listes s'est presque exclusivement portée sur là détermination de la nature du Coruil, et qu'elle ne s'est pas dirigée avec le même soin du côté des recherches zoologiques, physiologiques et anatomiques. H faut donc reprendre les études au pomt où elles ont été laissées ; et pour préciser plus nettement ce qu'il y à à faire, voici les termes mêmes du programme des questions mises au concours par l'Académie des sciences de Finstitut de France. «L'histoire physiologique du Corail est restée tres-mpar- » faite, etcelle des autres animaux qui, par leur mode d'orga- » nisation, se rapprochent de ce Zoophyte n'est guère plus » avancée. En effet, on manque de renseignements précis sur » lesorganes mâles de tous ces Polypes, sur la fécondation de » leurs œufs ; sur ie développement de leurs larves: sur là pre- » duction des bourgeons multiplicateurs au moyen desquets » chaque individu provenant d'un œuf peut donner nais- » sance à toute une colonie d'animaux agrégés; sur les mouve- — ments du liquide nourricier dans les canaux gastro-vascu- » laires ; sur la production et l'accroissement de la tige solide 1, Voy. le Règne animal de Cuvier, pl. 80: Zoopn\rss, édition revue el illustrée par une réunion de disciples de Cuvicr, 2 Voy. Suites à Buffon : Histoire naturelle des Coralliaires ou Polypes pro- prement dits, & 1, p. 205. HISTORIQUE. 45 » qui occupe l'axe des agrégats dendroïdes dont il vient d'être » question, et sur beaucoup d'autres pomts importants de » l’histoire anatomique et physiologique du Coral (4). » Ce programme résume à peu près toutes les questions qu'on doit toujours se poser quand on veut apprendre à con- naître un être, quel qu'il soit : c’est lui que J'ai cherché à remplir aussi complétement que possible. Quant à l'historique de la pêche et des mesures administra- üves qui la régissent, mieux vaut sen occuper au moment où seront exposés les faits qui se rapportent à cette partie du travail. | En résume, € est Peyssonnel qui à fait la découverte la plus importante à laquelle ait donné lieu le Corail. Sa constance ne put être ébranlée par l'opposition des savants. Il voyagea beaucoup, et ne reçut dans son pays aucun encouragement pour ses travaux zoologiques. Ses mé- moires, analvsés en anglais, parurent dans les Transactions philosophiques de Londres, ils ne furent jamais publiés en françaus. Pevssonnel méritut cependant un autre sort. Vif, enthousiaste et courageux éomme un homme du Midi, ilne recula devant aucun danger, devant aucune fatigue, pen- dant sa longue exploration de la côte d'Afrique. Sa grande découverte lut avait assure un nom célèbre, mais son amour pour la science et pour son pays devait fut aturer dela part de ses concitoyens des marques plus directes d'es- üime. | Pendant la terrible peste de 1720, son pere, médecin à Marseille, s'était enfermé dans l'hôpital du Saint-Esprit, pour soigner les malheureux pestiférés que tout le monde abandon- (4) Voy. Compt. rend, de l’Acad. des sciences, 1861, t,. LEE, p. 1184 16 HISTORIQUE. haut, 1 v mourut victime de son courage. Plus tard, Peyssonnel ils, qui avait été, on le voit, élevé à bonne école, recut une pension du gouvernement pour avoir, dit du Dureau de la Malle (1), partagé le dévouement aussi honorable que dan- gereux de son père. Quand il donna cette preuve d'énergie, il était tout jeune encore, il n'avait que vingt-six ans. Le mémoire où il consigna ses observations importantes sur la contagion de la peste lui valut les suffrages de l'Académie des sciences, qui l'appela, malgré sa jeunesse, à être l'un de ses correspondants. [avait connu à Marseille le comte de Marsigli, ami de sa famille. Dans ses entretiens avec Fillustre naturaliste 1l prit un goût décidé pour l'étude de la nature, et surtout une véritable passion pour tout ce qui touchait à l'histoire de la mer; c'est alors qu'il partagea, en les vérifiant, les opinions de son maitre. l'est curieux de remarquer que Pevssonnel, plein de succes des ses premiers pas, encouragé par les corps savants, chargé d'une mission par le roi, semblait appelé à un brillant avenir, car la grande découverte qu'il fit devait lui assurer une haute position dans la science; mais cette découverte fut repoussée par les savants, et dès ce moment, acceptant la place de médecin royal à la Guadeloupe, il parut S'éloigner à la fois de son pays et de la science. On ne trouve plus de lui aucune communi- cation à l'Académie. [est possible, en effet, qu'après s'être exposé, comme il l'avait fait, aux dangers sans nombre qu'of- fraent à cette époque les vovages en Barbarie, qu'après avoir revu et bien observe les faits nouveaux dont il était sûr, il fut blessé d’un échec vraiment immérité. Les objections qu'on lui opposait n'étaient basées que sur des observations faites dans des conditions qui conduisaient forcé- (1) Voy. Dureau de la Malle, Peyssonnel et Desfontaines, Voyages dans les résences de Tunis et d'Alger, &. KT, préface, p, xvir. HISTORIQUE. 17 ment à l'erreur, et il jugeait les appréciations erronées qu'on portait sur sa découverte avec cette netteté, cette vivacité de sentiment qu'a tout homme qui est dans le vrai, qui aime la science pour elle-même, et qui se sent écrasé par la haute posi- ion de ceux qui le jugent, et non par la vérité des arguinents qu'on lui oppose. Buffon prit, du reste, chaudement son parti, st bien que l'on crut voir dans le passage suivant du célèbre écrivain une atta- que directe contre Réaumur : € On a voulu, dit-il, longtemps douter de la vérité de l'ob- » servalion de M. Peyssonnel. Quelques naturalistes trop pré- » venus de leurs propres opinions l'ont même rejetée d'abord » avec une espèce de dédam, cependant ils ont été obligés de » reconnaître depuis peu la découverte de M. Peyssonnel (1). » La discussion avait dû être vive, cela est évident. On en trouve la preuve dans ce fait que Lamoignon-Ma- lesherbes, dans ses Observations sur l'Histoire naturelle, erut devoir s'attacher à disculper Buffon de l'accusation de dédain adressée par lui à Réaumur, et à prouver que le sort de la découverte de Peyssonnel était bien celui qu'elle devait avoir (2). On verra plus loin que Réaumur, tout en reconnaissant qu'il avait eu tort de rejeter les nouvelles idées de Pexssonnel (il était bien forcé par l'évidence des futs), lhusse cependant entrevoir qu'il n'avait pu agir différennnent. (1) Voy. Buffon. — Voy. Histoire naturelle générale et particulière : Théorie de la terre, p. 453, édit. annotée par M, Flourens, 1853. (2) Voy. Lamoignon-Malesherbes, Observations sur l'Histoire naturelle générale ct particulière de Buffon et Daubenton, t. 1, p. 149, art, vir, 1798. Peut-être si on lit l'introduction du sixième volume de l'Histoire naturelle des insectes, rouvera-t-onLamoignon-Malesherbes indulgent envers Réaumur. J’avoue qu'il est difficite de trouver autre chose que de Ja prévention, quand on lit le mémoire du savant académicien, écrit en 1727. I ne prit aucune part à la décou- verte, et en cela il semble encore que Lamoignon-Malesherbes penche en sa faveur quand il dit(page 201) qu'ilrend aux autres savants, ce qui leur est dû pour la part qu'ils ont prise à la découverte, Réaumur et Jussieu n’ont véritablement rien découvert, Is ont fait de l'opposition à la nouvelle doctrine, ct ils se sont rendus à l'évidence des faits quandils les ont cu vérifiés. LACAZE-DUTIIERS. D) 18 HISTORIQUE. Si Peyssonnel ne donna plus aucun travail à l'Académie des sciences, dans cette sorte d'exil volontaire où avaient placé ses nouvelles fonctions il se rappela du moins, et ses études favorites, et surtout sa ville natale, maisil ne fut pas plus heureux auprès de ses concitoyens qu'auprès de l'Académie des sciences. L'Académie de Marseille refusa la dotation à perpétuité qu'il lui offrait pour décerner un prix à celui qui «aurait fait » chaque année la meilleure dissertation où la découverte » la plus considérable sur tout ce qui regarde lhistoire de » la mer (4). » Le prix devait être un poisson d'argent de la valeur de deux cents livres tournois. La Société cultivait exclusivement les belles-lettres, pas un de ses membres ne se sentit apte à juger des mémoires d'histoire naturelle, et elle refusa l'offre de Peyssonnel pro- bablement pour cette seule raison. Elle appuya son refus, pour ne pas avouer son incompétence, sur une foule de consi- dérations tirées surtout des conditions mêmes du concours et du mode de distribution du prix. Peyssonnel avait cru rehausser léclat et la valeur de la récompense en demandant que Messieurs les prud'hommes de Marseille, en leurs habits de cérémonie et avec leurs marques d'hon- neur, vinssent apporter à l'Académie, dans la séance publique, une couronne de Lithophytons ou Panaches de mer, et couronner eux-mêmes le vainqueur. Cette idée, peut-être malheureuse, lui valut les critiques acerbes d'un petit journal du temps, l'Année littéraire, qui n'épargna pas davantage l'Académie. Après ce nouvel échec on n'entendit plus parler de lui. Ses (à) Voyez la traduction d’un article des Transactions philosophiques sut le Corail, et Projet proposé à l’Académie de Marseille pour l'établissement d'un prix. Londres, MDCGLVI (1756). Ce livre se trouve à là bibliothèque du Muséum d'histoire naturelle de Paris. On trouverait aussi dans les Mémoires de l'Académie de Marseille le refus de la docte société, longuement motivé, HISTORIQUE. 19 mémoires furent communiqués à la Société royale de Londres et publiés dans les Transactions philosophiques de 1756 à 1759. ILest donc probable qu'en se retirant du monde savant français, il tourna ses regards pour quelque temps vers un autre pays; puis, que s'abandonnant entièrement à ce découragement qui accompagne inévitablement l'injustice, il cessa de travailler. I ne rentra plus en France; la date de sa mort n'est pas mème bien précise. Peyssonnel ne fut pas heureux. Son dévouement pour ses concitoyens pendant la grande peste de Marseille, son offre généreuse et libérale pour la fon- dation d’un prix, sa grande découverte surtout, devaient lui donner dans son pays une position qui l'eût conservé à la science; aujourd hui là France n'aurait pas à regretter d’avoir repoussé une grande et féconde idée scientifique, d'avoir négligé un homme qui lui fait honneur, et surtout d’avoir laissé marquer la date d'une grande découverte qui lui appartenait par les publications de l'Angleterre. ‘ft | sem si) Won toit a) qhabrerd méritent: er à less EVENE L: 7 £ He “> ns | Le } PL kit ALL TI M lt = TAN) dune à bots. à a TS 5 | L A1 DA ns Wi4 lot at rn 1#{ | rélutia} PA at ER pr at TT nets ge surpilasiatiice tatin ant atnts PPS houox pret op her itere ax pa rigide, À de | ROUE tite Qu etape ego de srvog rer 24 blé * 4 QU LE rer drenerilne D are let srtrten etre Ent re ET ns : BAL vi dcr Tdpotaement détenait hill si a RE “ LR FnReSLaNES | td. . 4 Er 1, L Éra Fe D” Ke PN ny auf tu u} ni fi k (PE Ve NT LAW LA: 2 d | PEL TANT EN LUE on L'E2 lu hialL (UT Li à pt j | ou Me ir} Po LMI LI > mi DATE mi ol: 4 | ti Tr AU DUT! Wie a de : dé: 3 La dE [ nc ct trs PNEU TT TT Murat tro vil ri mie FLE Me Lu: 7x Pr, * JUL a UE 14 MAT 1 Frs sg | sétine L 1 ul jui, pur " : gré ne Ai MATE % oi ivre W Et dyiev } Tu MALE Ban suite va Haiti! HUE ON his “1, Le HALL ni jiot sul pi PE £ L or = à L | + A | € | % $ | ee LES Le” d LS =" LS x 1 . Ta Le" " [ + : L - Co" EN - l = : 1 ( ü F î ER | dE rs ee” | | ' et 0 . mn EE em Se come er te tas ve LA E : L à D cet L _ L ' 4 u \ ÿ A La 7 | Le Le à L — : NET r # , , | L ‘ LL Û an "1 | { = ne .. » a ’ : - 4 L e L 0 : à ! : z J ’ k = .: L ‘as. à “ N î 4 { LU h 2 L n + | ." “ | LA. - L Es L : . | OBSERVATION DU CORAIL, Le Corail présente de très-nombreuses variétés de forme et de couleur : cela tient, à n’en pas douter. aux conditions dans lesquelles il se développe. La profondeur des eaux, la nature des fonds et la durée de son accroissement, tout doit agir sur son port, sur la disposition de ses rameaux et sur ses qualités. À Après avoir examiné beaucoup et fait en quelque sorte son éducation, le commerçant arrive à reconnaitre avec assez de certitude les localités d'où proviennent les échantillons. Ainsi le Corail des côtes de France, celui des côtes d'Espagne et de l'Algérie, présententdes différences notables dans la hauteur, la forme et la grandeur des rameaux. Mais dans ces différences, quelquefois très-grandes et très sensibles, on ne trouve pas de caractères d'une valeur z0olo- gique marqués ; il n'y a que des variétés semblables à celles que nous voyons exister dans les espèces d'animaux ou de plantes connues. Laissant donc de côté les distinctions utiles dansle commerce, mais sans valeur en zoologie, nous devons établir, en com- mencant, le sens précis de quelques termes qui se représen- teront fréquemment dans l'ouvrage et S'appliqueront à toutes les formes, quelles qu'elles soient. 29 OBSERVATION DU CORAIL. VALEUR DES EXPRESSIONS EMPLOYÉES DANS L'OUVRAGE. On peut considérer une branche de Corail vivant comme une agrégation d'animaux unis entre eux par un tissu CoMMUN, dérivant d'un premier être par voie de bourgeonnement, et jouissant d'une vie propre, quoique participant à une vie com mune. C'est une famille dont les membres sont unis et soudés : c'est une collection d'êtres nés peu à peu par un mode parti- culier de formation, et qui ne se séparent jamais de celui qui jeta les premiers fondements de la colonie. | Voilà l’idée qu'il faut avoir constamment présente à l'esprit, si l’on veut bien comprendre toutes les évolutions par lesquelles passe le germe d’où naîtra un grand et beau rameau de Coral. C'est l’idée de la pluralité dans l'unité, ou de l'animal composé, qui manquait à Pevssonnel pour faire comprendre et admettre sa découverte originale. n'ya pas de mot dans le langage ordinaire pour désigner les particularités qui viennent d'être mdiquées ; il faut donc trouver des expressions ayant un sens propre, afin de ne pas employer toujours des périphrases. Chaque branche, rameau, pied, souche, colonie de Corail, peu importe le nom qu'on voudra lui donner, a pour point de départ un œuf qui produit un jeune animal, lequel se fixe bientôt aprés sa naissance, et d'où dérivent alors les êtres nouveaux dont l'ensemble constitue le rameau. L'œuf n'a pu donner naissance à ce jeune fondateur de la colonie qu'à la condition d'être imprégné, fécondé par la liqueur du male. VALEUR DES EXPRESSIONS EMPLOYÉES DANS L'OUVRAGE. 23 I va done deux espèces d'animaux dans le Coral : les uns isolés et libres, les autres soudés et fixés, commeil y a eu pour eux deux modes distincts de formation. Les premiers sont le résultat de la reproduction ordinaire par le concours des sexes ; les seconds naissent par voie de bourgeonnement, indépen- damment des sexes. Ces distinctions sont trop capitales pour ne pas mériter d'être désignées par des noms spéciaux. Le nom de Polype (4) est déjà consacré. H désigne et dési- onera toujours ici un seul animal, sans distinction d'origine, pris isolément et ressemblant par ses caractères extérieurs à celui qui naît d'un œuf ou d'un bourgeon. La formation des Polypes isolés par des œufs est due au travail oogénétique ou à l'oogénèse ; celle des Polypes agrégés etrestant soudés est la con séquence du travail blastogénétique où de la blastogénèse : aussi, quand nous voudrons parler des premiers, nous les appellerons des oozoïles ; quand ee sera des seconds, nous dirons les blasto- zoïles. Tout un rameau a pour origine où point de départ un oozoïte, mais il s'accroît par la formation de nombreux blasto- zoïtes. Nous appellerons zoanthodème où zoanthodémie (ce qui veut dire population d'animaux-fleurs), l'ensemble de tout ce qui compose le rameau le plus complet: parties molles, dures et animaux. L'observation la plus superficielle montre, ce que con- (1) Voy. Réaumur, Mém. pour servir à l’histoire des Insectes, i. VI, préface, p. Liv. — B. de Jussieu, Mém. de l’Acad, roy. des sciences, 17/2, p. 293: On doit remarquer qu’il est assez difficile de dire qui, de Bernard de Jussieu ou de Réaumur, a créé le nom de Polype. De Jussieu dit (loc. cit., p. 293) : « J’appelle et dans la suite j’appellerai en gé- » péral Polype, une famille d'insectes, ete., ete, » Réaumur (loc. cit., p. Liv, dit : « L'e concert avec M. Bernard de Jussieu, je » leur (à ces animaux) imposai le nom de Polypes, parce que leurs cornes nous » parurent analogues aux bras de l'animal de mer qui est en possession de ce » NOM. » 9! OBSERVATION DU CORAIL. naissent aussi bien les pêcheurs que les armateurs et les com- mercants, que le Coral se compose de deux parties distinctes : l'une centrale, dure, cassante, de nature pierreuse, celle en un mot que l'on utilise dans la bijouterie; l'autre, extérieure, semblable à une écorce molle et charnue facile à entamer avec l'ongle quand elle est fraiche, pulvérulente quand elle’ est sèche : c’est la couche vivante animale formée par les Polypes. Réaumur (4) appela la première polypier : le nom est admis, il faut le conserver; quant à la seconde, MM. Milne Edwards et Jules Haime (2) l'ont désignée par le mot polypiéroïde (qui a l'apparence d'un polypier). Si lon considère le groupe zoologique tout entier auquel appartient le Corail, 11 semble avantageux de remplacer ce mot par celui-ci : s@rcosome, qui signifie simplement le corps charnu. Je n'ignore pas qu'en proposant ces noms, J'encours Île re- proche que l'on adresse avec bien des raisons aux naturalistes qui semblent à plhusir changer et modifier les nomenclatures : mais, Je le déclare, ce n'est qu'après avoir vu combien 11 était difficile de déerire churement les choses en employant des mots n'avant pas un sens bien nettement fixé et précis, que je me sus décidé à emplover quelques expressions nouvelles. Ainsi, Supposons qu'on observe une pierre rapportée du fond de Ja mer, et que sur elle on trouve une branche de Corail et de nombreuses petites taches rouges représentant autant de jeunes pieds. La branche tout entière est un zoanthodème, dont l'écorce, ou le sarcosome recouvrant l'axe où polypier, est creusée de loges d'où sortent les bastozoïles où polypes. nés les uns des autres par bourgeonnement où blastogénèse. Les petits pieds rouges, Sils n'ont qu'un seul animal ou polvpe, sont des oozoïtes nés d'embrvons fixés dans le pomt eu on les voit: S'ils en renferment deux, trois où davantage, 1) Voy. Mém. pour servir à l'histoire des Insectes, 1. VI, p. LXIX. 2) Vov, Suites à Buffon : Histoire des Coralliaires, 1 1. p. 84, VALEUR DES EXPRESSIONS EMPLOYÉES DANS L'OUVRAGE. 29 ce sont de jeunes zoanthodèmes fort simples, commençant à déposer à leur intérieur les premiers rudiments de leur polvpier. On accuse les naturalistes de parler et d'écrire un langage inintelligible et souvent rebutant pour les gens du monde. Cela est vrai, mais ce reproche n'est-il pas applicable à toutes les branches de la science, des arts et de l'industrie. Dans la marine et dans une profession quelconque, les expressions techniques abondent aussi bien que dans l'Histoire naturelle, que dans les autres sciences. En toute justice, on ne peut s'empêcher de remarquer que si celle-ci forme des mots nouveaux, au moins elle ne détourne pas de leurs sens propres ceux qui existent déjà, et qu'elle ne produit pas ainsi une confusion de langue, bien plus fâcheuse mille fois que l'obscurité résultant pour les gens du monde seulement de Lx création d'un mot nouveau (1). (1) Voici, du reste, les origines des noms qui viennent d’être indiqués : Oozoïte (0%, œuf; 62, animal) : animal dérivant d’un œuf. Blastozoïte (B26:::, bourgeon; f#cv, animal) : animal dérivant d'un bour- geon. Cogénèse (621, œuf; yves, origine) : naissance par œuf, Blastogénèse (B25+::, bourgeon; £v26::, origine) : naissance par bourgeon. Zoanthodème (!o:1, animal; &#::, fleur ; déuzz, peuple) : population d’ani- maux-fleurs. ; Sarcosome (522%, Chair ; couz, Corps) : Corps Charnu. Nota, — L'usage semble s'être établi, en histoire naturelle, de ne point créer de mot renfermant plus de deux racines, le mot zoanthodème fait donc excep- tion. Un helléniste me disait qu'à cet égard, en grec, iln°y avait point de règle, et pourvu que le mot ne fût nitrop long ni trop rude, trois racines ne faisaient rien à la chose, 26 OBSERVATION DU CORAIL. [L FORME GÉNÉRALE DES RAMEAUX. La forme et la disposition des rameaux dépendent beaucoup, a-t-1l été dit, des conditions où ils se sont développés; on en acquiert là conviction en comparant les Coraux de Bizerte, de la Calle et de Bône, on pourrait dire des côtes d'Afrique à l'est de nos possessions algériennes, avec ceux des côtes de France et d'Espagne. Les premiers offrent un développement en longueur relative- ment considérable. Es sont peut-être moins branchus et ramifiés, mais surtout moins trapus que ies seconds, aussi jouissent-ils dans le commerce d'une grande estime, et cela avec raison. A part la couleur et là dureté, il est certain qu'un polvpier arborescent dont les ramifications sont peu nombreuses et les tiges cylm- driques, présente un bien plus grand avantage au manufactu- rier, car il peut Ôtre travaillé pour ainsi dire sans perte. Un beau rameau de Corail de la Calle s'emploie en entier. Il n'est pas rare d'en voir qui étendent leurs branches comme les doigts de la main, et qui, à peine flexueux, donnent très peu de déchets. Le Coral des côtes de France, à en juger par les casses qui m'ontété montrées à Bône, est court et trapu ; sa base large couvre le rocher de grands empatements d'où s'élèvent de loin en loin de petits rameaux peu allongés qui donnent à un même polvpier apparence d'une petite touffe. Dans les parages de l'est de l'Afrique, le zoanthodème s'élève en une colonne de laquelle poussent les rameaux secondaires assez droits; dansles eaux de France etd'Espagne, la base s'étale davantage et produit plusieurs colonnes ou axes secondaires, qui FORME GÉNÉRALE DES RAMEAUX. 27 se ramifient à leur {tour : cette apparence est quelquefois très- marquée, et l'on comprend que st elle était toujours aussi grande que je l'indique 161, il n°v aurait aucune difficulté à reconnaître les origines, les provenances. Des commerçants, en me mon- tant les produits des pêches, me disaient ne jamais se tromper, et reconnaitre toujours les localités d’où ils venaient. I y à cependant des exceptions. A la Calle et à Bône, on voit souvent du Corail rameux ou court, et l'on peut juger, d'après un échantillon déposé au Muséum par M. Rousseau, que sur les côtes de France 11 va aussi du Coral dont les polypiers élevés et réguhèrement formés ressemblent à ceux d'Afrique. Les bases des zoanthodèmes, ou ce que l'on appelle à tort leurs racines, tantôt paraissent pénétrer profondément dans les rochers qui les portent, tantôt s'étalent à leur surface. Quand on les casse, il n'est pas rare âe les voir formées par des couches alternativement rouges, blanches ou brunes. Cela üent aux Bryozoares, aux Mélobésies, ou enfin aux dépôts des terrains de formation actuelle qui ont successivement étouflé et enveloppé le Corail, et ont été à leur tour tués ou recouverts par lui. Du reste, le Corail englobe tout ce qu'il approche, aussriln'es pas rare de trouver dans son intérieur, en le cassant, des corps étrangers. Un armateur italien de la Calle, en me montrant un magntique échantillon de Coral rose, me faisait remarquer le cœur, qui, disait}, était fort curieux. I renfermait la valve dorsale et supérieure d’une Thécidie, dont les lames contour- nées et la blancheur éclatante contrastaient vivement sur le tissu lisse, compacte et rose du Corail. 3occone à parlé dans ses lettres d’un morceau renfermant dans son intérieur une tige de bois : cela n'est pas rare. Tous les marchands de curiosités sur les bords de la mer, dans le voismage des lieux de pêche, offrent ce qu'ils appellent des 928 OBSERVATION DU CORAIL. J'ulipes de corail. Ce sont des Glands de mer, des Balanes de orande taille, complétement enveloppés par une racine qui les a recouverts d'une couche de son tissu rouge (1). Les extrémités des ramifications des zoanthodèmes, que l'on ne confond pas maintenant avec les extrémités des rameaux du polvpier tout seul, se font remarquer toutes les fois qu'il v a accroissement par un caractère constant, facile à observer, sur- tout dans les échantillons fraîchement sortis de la mer ou con- servés avec soin dans l'eau. Les pêcheurs les appellent punta- rellas (petites pointes). AY regarder de bien près, ce nom n'est pas exact, car le sarcosome est gonflé en massue, et offre un diamètre plus considérable aux extrémités que dans la partie voisine de la tige. Cela tient à ce que la blastogénèse est et doit être très-active vers les extrémités, puisque c'est à elle qu'est dû l'accroissement en longueur (2). I serait mieux de les appeler simplement les bouts des tiges : mais le mot est com mode, et il arrivera souvent de l'employer. La forme d'une massue se montre surtout bien distimctement dans les jeunes zoanthodèmes qui n'ont encore qu'un ou deux centimètres de hauteur (3); alors leur petite tige s'élève, soit verticale, soit un peu flexueuse, d'un centre, d'une base déjà un peu étalée, et le bouton qui les termine forme une véritable petite boule dont les proportions, comme on le verra, sont très- différentes de celles de l'axe. C'est en apprenant à connaitre la structure intime de ces petites massues que bien des erreurs accréditées dans l'esprit des pêcheurs, et dansleslivres même. trouveront une réfuta- tion aussi facile que positive. A) Voy. pl VIE, fig. 26: Extrémité d'un rameau de Corail recouverte par un ryozoaire, qui lui-même commence à être recouvert par une couche de sarco- some, (2) Voy. pl 1, toutes les figures, qu'elles soient où non grossies, 8) Voy. pl. XVI, fig. 106. FORME GÉNÉRALE DES RAMEAUX. 29 Ou rencontre des puntarelles où extrémités légérement étalées en lune. Ce sont les origines peu distinctes encore des bifur- cations futures laissées incertaines par x blastogénése qui n'a pas pris une direction bien déterminée, Jamais on ne voit de gros troncs présenter à leurs divisions ces épatements où apla- üissements : cela tient à ce que le travail, se régularisant peu à peu, apres avoir été plus grand dans telle ou telle direction. s'arrête dans certains points, se continue dans d'autres, et rend la tige cylindrique. I faut bien que les choses se passent ainsi, puisque les extrémités étalées en flabellum sont fréquentes, et que cependant les tiges qui leur succèdent n'offrent plus cette forme. Nous n'entendons parler ter que du port de l'apparence géné- rale, et nullement des dispositions organiques où anatomiques. en sera truté longuement plus tard. La grosseur du polvpier où axe, prise dans son ensemble, est non moins variable que la forme : elle semble être toutelois proportionnelle à la longueur, mas cela suppose un aceroisse- ment régulier, constant, non interrompu par des alternatives d'un travail tantôt languissant, tantôt actif. IV à des variétés qui dépendent du nombre et de la distribution des Polvpes, mais les causes de ces conditions échappent le plus souvent à l'obser- vation directe. Un Coral régulièrement développé doit, comme un arbre, représenter de la base vers le sommet une tige conique ; mas des accidents, des morts partielles de la couche blastogénétique, ou sarcosome. interrompent cette régularité. On verra, dans les dessins qui accompagnent cet ouvrage. une tige tuée et recou- verte par un Brvozoaire; mais dont le sarcosome s'étend et enveloppe déjà celui-ci (D. a dû évidemment y avoir dans ce cas un arrêt de développement du polvpier. (1) Voy. pl. VIL fig. 26. 50 ÔBSERVATION DU CORAIL. Quand l'accroissement en longueur commence à diminuer, les extrémités des rameaux ne sont plus renflées en massue, elles n'offrent pas plus de développement que les parties auxquelles elles font suite (L). I n'est pas rare de rencontrer des bases larges surmontées par une colonne d'un grand diamètre, qui brusquements arrête, et se continue en une toute petite tigelle. C'est le cas où le rameau primitif a été cassé par un accident quelconque, par les filets des pêcheurs, par exemple. Le sarcosome, après la rupture, s'étale en bourgeonnant au-dessus de l'axe primitif, et, en le recouvrant, produit dans un point souvent central un nouvel axe qui, tout jeune encore, se trouve bien différent par ses proportions de celui qui le porte (2). L'activité vitale peut alors reprendre un grand développement, et produire de très-gros morceaux, de très-beaux échantillons. Pour bien étudier les formes variées, les dispositions sans nombre des polvpiers du Corail, 1! suffit de demander aux arma- teurs à voir les caisses renfermant les produits de leur pêehe, et la, en quelques moments, on peut prendre une connais- sance complète de tout ce qui vient d'être indiqué. On peut aussi vérifier ces faits en étudiant les pierres rapportées du fond de la mer par les filets. Sur elles, à côté de grosses racines, on rencontre de Jeunes pieds de différente taille montrant toutes les particularités relatives à laccroisse- ment. (4) Voy. pl. IV, fig. 2 Ce rameau était vivant, mais la blastogénèse parais- sail éteinte, (2) Voy. pl VIL, fig. 28 DU CORAIL VIVANT. ol fl DU CORAIL VIVANT. I n'est pas aussi facile qu'on pourrait le supposer d'observer le Corail vivant. On rencontre de nombreuses difficultés qu'il n'est pas inutile de fure connaître. S 4er. Comment peut-on se procurer du Corail propre à l'observation. Dans les conditions actuelles de la pêche, tout naturaliste qui désirera avoir du Corail en bon état, se trouvera en face de ces deux alternatives : ou bien les pêcheurs consentiront à lui en apporter, où bien il devra aller lui-même le chercher à la mer. Dans le premier cas, les promesses ne lui manqueront Jamais, et s'il s’en tient à elles, il pourra bien perdre son temps à attendre des objets qui n'arriveront pas. Le corailleur qui rentrera sans rien apporter aura d'ailleurs mille raisons : il n'a rien pêché, il n'a pas ceer, il n'a pas cela. Il en est de lui comme de tous les pêcheurs, il songe à sa pêche, ne voit qu'elle et oublie tout, même avec la meilleure volonté. Souvent la rentrée se fait td dans la nuit, quelquefois elle n'a pas lieu. Si le naturaliste ne veut pas perdre son temps, qu'il ne compte donc pas trop sur les promesses, Ce qu'il a de mieux à faire, e’est d'obtenir d'un armateur l'ordre de faire apporter ce qu'il demande par les patrons. Mais, pour obtenir cet ordre, il faut encore connaître un ärmateur ou lui être chaudement recommandé, car la perte du temps ou le 92 OBSERVATION DU CORAIL. détournement des produits de la pêche, chose qui n'est pas rare, sont toujours à craindre. Mais indépendamment de {out cela, les conditions mêmes de li pêche s'opposent quelquefois à ee que Fon obtienne ce que Fon désire. Plusieurs armateurs avaient, avec la meilleur orace du monde, mis leurs patrons à ma disposition. Je ne puis trop me louer d'eux. Or, voici ce qui arriva huit jours apres mon installation : tous les petits bateaux partirent pour Tabarca ; ils ne revinrent que de loin en loin pour l'approvisionnement, et cela pendant deux mois de suite. A la Calle, où il v a bon nombre de petites embarcations appartenant à des pêcheurs qui sont eux-mêmes patrons, pen- dant huit, quinze jours, tous vont dans différents points de la côte, à la Vieille-Calle où Bastion de France, à la Calle- Traverse, à la Calle-Prisonnière, au golfe de Bône ; 11 m'est arrivé de passer plusieurs jours sans rien avoir : 1} faut évidem- ment tenir compte de tous ces contre-temps et chercher à s'en garer. Supposons qu'un patron apporte avec bonne volonté cc qu'on lui à demandé, 11 faudra encore lui donner les vases nécessaires, car le matériel du bord n'est pas considérable. Avant d'avoir reconnu l'utilité de cette précaution, Jai reçu du Corail qui avait été évidemment choisi à la mer dans de très-bonnes conditions, et qui, rapporté dans une des Jjattes à soupe des matelots, mal lavées sans doute, était mort. J'avais donné des bocaux de verre, mais on n'en cassait tant, que je pris le parti de faire faire de tout petits seaux de ferblane. Is éluent faciles à porter etrépondaient très-bien à mes désirs. ! ne faut jamais oublier surtout de se tenir en garde contre les petites supercheries. Fhabitais la presqu'île de la Calle, et de mes croisées, donnant sur la mer, je suivais avec la lunette la rentrée des corailleurs. Souvent jai vu fure ma provision dans les filets avant d'arriver DU CORAIL VIVANT. 99 à l'entrée du port; mes vases étaient seulement remplis alors : on Juge si je devais avoir confiance dans les démonstrations des hommes qui arrivaient ensuite, et me disaient qu'ils m'appor- tuent du Corail vivant et superbe. Peu à peu j'ai reconnu bien d'autres petites supercheries que je ne laissais jamais passer. Cela m'a servi. Avoir un petit bateau rapportant tous les jours régulière- ment les choses nécessaires, est certainement la condition la plus heureuse que puisse désirer un naturaliste ; elle m'a rendu les plus grands services. Mais je dois dire que ma position offi- cielle m'avait beaucoup servi pour obtenir ce que je demandais ; que surtout} étuis adnirablement secondé par le dévouement et le zèle du second de l'Algérienne, du maitre Drago, qui, se trou- vant dans ie port à tous les moments de la journée, recommandait sans cesse aux patrons de m'apporter des objets d'étude, et de soigner le changement de l'eau des vases, chose difficile à obtenir, et cependant la plus nécessaire, surtout pendant les grandes chaleurs. Quand on veut aller soi-même chercher du Corail sur les lieux de pêche, on rencontre des difficultés d'un autre ordre. La puission que j'avais rendait la chose facile, mais il sera loin d'en être de même pour tout naturaliste qui ne pourra aller à la mer qu'en armant une embarcation, ou bien er s'em- barquant à bord d'un bateau. Dans le premier cas, 1l aura des frais considérables ; car s'ilne fait de fréquentes sorties, 11 n'aura certainement pas à travailler longtemps avec ce qu'il recueillera dansune ou deux excursions. ei puis, Silnest muni de là recommandation des armateurs, il aura de la difficulté à aborder les coralines : on le com- prendra facilement plus lom. Pour s embarquer avec les pêcheurs, 1l aura en face de lui des obstacies nombreux. D'abord le patron ne peut se figurer qu'on vienne partager LACAZE-DUTHIERS, 3 DJ] | OBSERVATION DÉ CORAIL. sa vie pénible et dure, pour satisfaire une curiosité qu'il ne comprend pas, et pour voir un rameau de Corail sortant de l'eau. Son savoir, acquis par une longue habitude, est, pour ainsi dire, son trésor ; il en fait un secret, et, ne comprenant pas qu'on trouve curieux l'objet qu’il voit tous les jours, 1l pense bien plu- tôt qu'on lui demande à assister à la pêche dans un but caché : il sera très-difficile, on doit s’y attendre, pour admettre un étran- ser à son bord. Les règlements maritimes seuls sufliraient pour s'opposer à l'embarquement, car un bateau rencontré au large par le garde-pêche, avec des personnes en dehors du rôle d'équipage, se trouverait évidemment dans une position irrégulière. Ajoutons en outre que, dans le plus grand nombre de cas, le patron d'une barque n’est quele commanditaire d’un arma- teur ou d’une compagnie, et qu'il n’a le droit de recevoir per- sonne à son bord. La vente du Coral étant absolument inter- dite, la présence d'une personne étrangère sur son bateau pourrait faire planer sur lui des soupçons. On ne pourra donc songer à s'embarquer sans une autorisation de l'armateur et du propriétaire, et ceux-ci ne la donneront qu'avec réserve, Car ils craignent, avec juste raison, que là présence d'un étranger n'empêche le travail de marcher avee l’activité habituelle : or la perte du temps dans la pêche du Corail se représente bien vite par une perte d'argent considérable. Voila des difficultés réelles ; mais des conditions mêmes de la pèche feront le plus souvent reculer le naturaliste devant un embarquement. S'il n'a le cœur marin, sil ne peut supporter les grandes fatigues, 1l ne doit pas songer à aller à la mer avec les petites embarcations. Il serait trop mal, il gènerait trop le travail. il réfléchira aussi avant de s'embarquer sur les grandes cora- lines qui vont chercher les bancs dans des parages éloignés et différents, suivant que la brise est favorable ou contraire, et qui en raison de cela sortent presque toutes ravitaillées pour un DU CORAIL VIVANT. 99 temps assez long. Ce qui fait que leur rentrée au port n’a rien de fixe ni de régulier. H n'est arrivé bien souvent de causer avee des armateurs de la Calle, riches possesseurs de nombreux bateaux, et de leur demander où étaient tels ou tels patrons, et quand ils rentreraient; presque invariablement il nr'était répondu qu'on n'en savait rien, qu’on ne pouvait le savoir. Comment en effet un patron intelligent et bon pêcheur reste- rait-1il sur le même banc, s'il ne prend rien, si les courants et les vents rendent son travail mfructueux ? Son équipage se dé- couragerait, la pêche deviendrait nulle, et l’armateur serait peu satisfait. 1 va donc ailleurs chercher meilleure chance. Je rencontra un jour, dans le golfe de Propriano, sur les côtes de la Corse, une flottille de soixante corailleurs ; huit jours après, n'étant rendu dans ce même golfe pour obtenir d'eux des objets d'étude, 1l n'y en avait plus un seul. Je ne les ai jamais revus. En 4864, à la fin de mai et au commencement de juin, il y avait plus de cent bateaux pêchanten vue de la Calle, assez près pour qu'avec la lunette 1! me fût possible de suivre leurs évo- lutions. fs rentrèrent pour se ravitailler, partirent pour les eaux de Bizerte, de la Galite, etne revinrent que vers le 15 août. Est-il besoin de dire qu'un naturaliste qui n’a pas l'habitude de la mer, qui a besoin de travailler tranquillement dans son cabinet, et dont les moments sont souvent comptés, en sup- posant même qu'il ne rencontre pas les difficultés dont nous venons de parler, reculera le plus ordinairement devant des embarquements dont la durée est aussi variable, la fin aussi incertaine et les conditions toujours fort pénibles et fatigantes. de dois rapporter aux conditions particulières où j'étais d'avoir eu à ma disposition beaucoup de Corail. Je le dois aussi à ce que je rendais celui qui m'était prêté, et que je priais de ne m'apporter que les pointes, les petits échantillons sans valeur commerciale. Cette observation est importante, car tout pêcheur à qui l'on demande du Coral croit que c'est un grand et beau rameau que l'on désire. Or les plus petites parties 36 OBSERVATION DU CORAIL. suffisent aux études tout aussi bien et quelquefois mieux que les plus grandes. En 1861, on m'apportat beaucoup de Corail, recueill évidemment ainsi que j'avais indiqué de le fre. Comme 1l mourait d'une manière désespérante, je pris le parti d'aller le chercher moi-même, car je craignais que, après avoir été pris dans les filets, la grande chaleur à laquelle on le laissait peut-être exposé ne causât sa mort. Les garde-pèche du gouvernement de l'Algérie avaient été mis à ma disposition pour l’accomplissement de ma mission. Rarement je sortais avec eux pour me rendre sur les banes. Il leur fallait trop de brise pour gagner le large, et pendant les calmes de l'été, les rentrées eussent été trop incertaines. M. le contre-amral Baudin, à qui j'avais fait part de mes observaüons, eui l’obligeance de donner, comme annexe à l'Algerienne, une embareation non poniée, légère, mais solide et tenant bien la mer. Le commandant avait recu l'ordre d'armer cette embar- cation quand je la demandais, et avec six bons rameurs, il était facile, mème par les temps calmes, d'aller en vue de la Calle au milieu des pêcheurs. Lorsque le temps était beau, je partas à deux heures de la nuit. Le second de l Algérienne, le maître Drago, commandait le peut bateau. Marin consommé et connaissant parlatement la mer d'Afrique, où ilavait fait autrefois la pèche du Corail, 11 me conduisait sur des bancs choisis d'après la direction probable de la brise de mer, qui se fait ordinairement vers neuf heures du matin dans ces parages. iendus à l'aube au milieu des pêcheurs, nous allions avec cette légère embarcation d'une coraline à l'autre; souvent Je restais à un bord, un matelot à un autre, etle maître courait plus loin. Nous assistions ainsi, à la fois, à la levée de plusieurs filets, etil nous était possible de recueillir assez vite tout ce qui m'était nécessaire. DU CORAIL VIVANT. 37 Je n'abordais du reste que les bateaux dont les armateurs m'étaient connus et dont J'avais l'autorisation. Févitais autant que possible de porter une entrave quelconque au travail; puis, quand la brise était faite, nous repartions, et souvent nous arri- vions à midi à la Calle, ayant tenu bien couvert de petites tentes le Corail et renouvelé l'eau avec soin. Si jentre dans tous ces détails, c'est pour montrer que j'a eu de grandes difficultés à reconnaître la reproduction du Corail; je désire aussi que d’autres naturalistes puissent plus facilement, avec ces Indications, vérifier les faits que je présente et pousser les observations plus loin. 8 9 Se Soins à prendre pour observer le Corail vivant. Les difficultés qui viennent d'être mentionnées ont été, sans contredit, cause de la longue ignorance dans laquelle on est resté, et les naturalistes qui ont l'occasion d'observer le Corail vivant sont, aujourd’hui encore, en bien petit nombre. On comprendra donc tous les soins mis à faire connaître les moindres détails propres à faciliter la vérification des faits relatés dans ce travail. Ce n’est pas sans tâtonnement que je suis arrivé à me mettre dans les bonnes conditions où j'ai pu continuer mes observations pendant près de trois ans. Il y à une si grande différence, en effet, entre la position du Corail dans la mer, à quarante, soixante et quatre-vingts brasses, et celle que nous lui faisons en le plaçant dans les appareils de quelques décimètres de pro- fondeur ! La forme des vases est indifférente, cependant les surfaces planes sont bien préférables pour l'observation avec les instru- ments grossissants, 30 OBSERYATION DU CORAIL. Le Corail doit être suspendu à mi-hauteur du vase (1), et attaché du côté de sa racine par un fil à un petit crochet de métal facile à déplacer. Les échantillons, au nombre de trois ou quatre dans un même vase, se trouvent ainsi au centre de la masse d’eau, et ne sont jamais au contact des impuretés qui se ramassent inévitable ment au fond. Une petite tringle reposant sur les bords des parois des aqua- riums porte tous les crochets, en sorte qu'il est possible de déplacer à la fois, et sans les tracasser, les rameaux mis en observation ; il est aussi facile d'enlever un ou plusieurs d’entre eux sans toucher aux autres, quand la mort rend cela nécessaire, afin d'éviter la putréfaction. Cette disposition est précieuse à un autre point de vue. En faisant glisser la petite tringle sur les bords horizontaux qui la portent, on peut rapprocher les animaux épanouis assez près des parois pour les observer avee un nucroscope horizontal, grossissant même jusqu'à vingt ettrente fois. Les soins à donner sont simples ; mais s'ils doivent être con- tinus, il ne faut pas les exagérer, car trop soigner le Corail, c'est presque travailler à le faire mourir. D'abord les appareils, régulièrement et entièrement vidés pour être nettoyés, étaient remplis ensuite de nouveau; mais les alternatives d'expo- sition à l'air sont de mauvaises conditions. Après bien des essais, voici 6e qui à paru réussir le mieux. Les aquariums posés sur une table en face des ouvertures de l'appartement, exposés autant que possible au nord, afin d'évi- ter les grandes chaleurs, communiquaient avec des cruches placées dans un lieu élevé par des tubes de gutta-percha faisant l'office de siphons ; ceux-ci, plongeant très-bas, établis- (1) Voy. pl. XIE, fig. GI, Le vase a été ici bien réduit pour répondre aux exi- geances (le la publication, * DU CORAIL VIVANT. 39 saient des courants qui, se dirigeant de bas en haut, entrai- naient tout ce qui s'était déposé sur le fond. Le Corail librement suspendu , comme il vient d'être dit, balancé dans l’eau en mouvement, se contracte d'abord, ou même ne se ferme pas, mais s'épanouit toujours bientôt apres le renouvellement de l'eau. Afin de faire déverser le trop-plein sans mouiller l'extérieur, pour éviter la rouille ou altération des masties, 11 faut prendre la précaution, en faisant les aquariums, de couper quatre à cinq centimètres des verres à l’un des angles supérieurs, et de fixer, dans l’échancrure ainsi obtenue, une petite rigole de fer-blanc ; on garantit, par ce moyen, les montures métalliques contre l’action si corrosive de l’eau de mer, et cela est très-im- portant quand on doit continuer longtemps les observations. Ainsi disposés , il est très-facile d'entretenir ces appareils. Matin et soir il suffit d’amorcer les siphons, après avoir rempli les cruches ou réservoirs supérieurs. Les observations se continuent si bien dans ces conditions, que je ne saurais trop les recommander aux naturalistes qui ont des études à faire sur les Coralliaires. La position devant une fenêtre permet de voir par transparence, avec un microscope horizontal, beaucoup de détails qui échappent autrement. Si l’on prend l’eau dans un port, on doit s'éloigner autant que possible des bâtiments, afin d’être plus assuré de sa pureté. A la Calle, on la puisait dans le port, presque sous le phare, mais pendant les grandes chaleurs on allait avec une embarca- tion la chercher en dehors. Voici, à cet égard, une observation pleme d'intérêt. Une ra- mille de Corail qui avait vécu déjà depuis longtemps très-bien au Fort-Génois et à Bougie, se ferma à Alger pendant une quinzaine de jours; l’eau, qu'on renouvelait avec le plus grand soin, était prise sur la jetée, non en dedans, mais en dehors du port. Le matelot Lanceplaine que j'ai déjà cité, et qui a A0 OBSERVATION DU CORAIL. toujours soigné avec un si grand zèle et une si grande intelli- gence mes aquariums, se figura que cette eau était trop battue, et il alla en puiser dans l'intérieur du port : les Polypes s'épa- nouirent alors et devinrent superbes. N'est-il pas naturel de penser que la lame, brisant à chaque instant sur les rochers, fournissait une eau très-aérée, bien! différente en cela sans doute de celle des fonds où vit le Corail ? I faut tenir grand compte de la température; elle s'est élevée fréquemment, dans les aquariums, à 20, 22 et23 degrés. Pendant les étés de 1861 et de 1862, malgré tous les soins inaginables, 11 fut impossible de conserver longtemps du Corail : 11 mourait avec une rapidité qu'il n'était possible d’at- tribuer qu à la chaleur ou à la saison. Au contraire, l'observation dans les mois de septembre, d'octobre, de novembre et de décembre est très-facile : un petit rameau pêché le 45 octobre au cap Rosa à vécu jusqu'à la fin de décembre de la même année. En 1861, au commencement de septembre, alors que le succés des recherches sur la reproduction semblait douteux, la température changea tout à coup. Après de fortes bour- rasques, la saison d'automne commença, et dès ce moment le Corail vécut très-bien, sans aucune difficulté. À quoi faut-il rapporter cette mortalité : à l'élévation de la température seule, ou bien à l'état de l'activité vitale pendant la saison des grandes chaleurs? Pour résoudre ces questions, ileût été du plus grand mtérèêt de prendre la température de l'eau des fonds à l'époque de la reproduction, et de la comparer à celle de la surface. Cette expérience n'a pu être faite; mais, quoique la donnée qu'elle eût pu fournir manque, on doit re- marquer que dans l'hiver la force de résistance vitale à l'action des agents extérieurs est bien plus grande chez beaucoup d'animaux, chez les Grenouilles, par exemple, et l'on est en droit de se demander s'il n'en est pas de même pour le Corail, DU CORAIL VIVANT. HA L'eau dans les aquariums s’est trouvée exactement à la même température, 20 à 22 degrés, pendant les mois de mai, de juin ou de septembre, absolument comme dans les mois de juillet et d'août. Cependant la mort arrivait très-vite dans un cas, et non dans l'autre, bien que la condition physique fût identique. Une autre observation confirme encore cette opinion : il est fréquent de trouver en été le Corail déja mort dans les filets ; dans ce cas ce n’est pas à la chaleur de l'atmosphère qu'on peut en rapporter la cause. J'ai passé plusieurs jours à la mer, à bord d'une coraline, et malgré la possibilité de recueillir des échantillons à toutes les levées des filets, malgré un renouvellement d'eau aussi facile que fréquent, malgré, enfin, immersion des vases à l'arrière du bateau à une assez grande profondeur, la mort arrivait aussi vite qu'à terre. 1 paraît donc nécessaire, pour expliquer une mortalité aussi constante durant la belle saison, et cela pendant deux années de suite, d'admettre à côté de la chaleur, qui joue un grand rôle, une autre cause : une moins grande force de résistance de la vie à l'action des agents extérieurs. Le sirocco est funeste au Corail, comme à tous les autres Zoophytes que l'on fait vivre en aquarium. Un abaissement subit de température, quand 1! est trop grand, fait rentrer et mourir les Polypes. J'apportais en France le petit rameau dont il a été question, et qui déjà vivait dans un grand vase depuis deux mois. Pendant la traversée d'Alger à Marseille, il fut superbement épanoui. En arrivant en France, le froid le fit rentrer : de temps en temps, même à Paris, 1 sembla se gonfler et vouloir se rouvrir, mais il finit par mourir. C'est de 12 à 45 degrés que l'épanouissement est ordinaire- ment le plus complet. M. le docteur Péruy, chirurgien-major de l'hôpital militare de la Calle, qui aime les études d'histoire naturelle, et dont j'ai eu le plaisir, pendant ma campagne de 1862, de cultiver l'aimable connaissance, à fait aussi des observations et les à continuées L2 OBSERVATION DU CORAIL. pendant l'hiver de 1862 611863, I est arrivé aux mêmes résul- tats, qui désormais semblent certains, puisqu'ils sont démontrés par une observation qui n’a pas duré moins de quatre saisons. I me permettra de citer le passage de la lettre où il me faisait connaître les faits qui l'avaient le plus frappé ; on y trou- vera une confirmation entière de tout ce qui vient d'être indiqué. « de crois comme vous à l'inconstance, au caprice des Po- » Îypes; mais je dois faire observer pourtant qu'une température » de 12 à 15 degrés est évidemment favorable à l'épanouisse- » ment des animaux, qui ont alors une taille double de celle que »_hous avions constatée ensemble pendant l'été. J'ai pu garder » une branche fort belle pendant trois mois environ; puis est » arrivé un jour de sirocco qui l’a mise à mort, ainsi que tout ” TZ ee que renfermaient les aquariums. » Peyssonnel a dit qu'en approchant le Corail du feu, à une douce chaleur, les petites Orties sortaient(?); je n'ai rien observé de semblable. La chaleur du soleil brûlant d'Afrique remplaçait largement le foyer, et certainement elle les faisait rentrer et mourir. in octobre et en novembre, au F'ort-Génois, dans les con- ditions les plus favorables, 11 n’a paru exister aucun moment de la journée ou de la nuit où l'épanouissement fât plus com- plet. L'action variée de l’obscurité, de la lumière ou des rayons directs du soleil a donné souvent des résultats contradictoires. La tigelle dont il a été parlé étalait ses Polypes indifféremment à tous les moments du jour ou de là nuit. Elle à semblé déjouer toutes les prévisions : d'abord les rayons directs du soleil la faisaient fermer; plus tard ses Po- lypes ne s’ouvraient que par une insolation directe ; enfin, à Alger, pendant une quinzaine de jours, très-régulièrement, elle s'épanouissait le soir à quatre heures, et se fermait le lende- main matin à dix ou onze heures. (4) Voyez Peyssonnel, manuscrit, p. A7, DU CORAIL VIVANT. h3 On sait qu'il est des Zoophytes qui fuient les rayons trop directs du soleil. Le port de Mahon est, le soir, sur la côte exposée au midi, couvert d'un véritable tapis formé par les fleurs magnifiques du Cérianthe, que les Espagnols appellent Fleur de mer; dans la Journée on les chercherait en vain, elles sont cachées. Supposant que les déchirures, les meurtrissures produites par les filets pendant la pêche devaient être cause de la mort, j'ai longtemps tenté de conserver les pierres dans les cavités desquelles de très-petits rameaux avaient pu être parfaitement protégés; mais des essais multipliés ont été sans résultat. Ces petites pierres sont, en effet, couvertes de Bryozoaires, d'Éponges, de Zoophytes de toutes sortes, et leurs anfractuosités cachent en grand nombre des Annélides, des Crustacés, des pe- lits Oursins, des Ophiures ; elles représentent un véritable petit monde. Dans les premiers moments, tous ces êtres s'épanouis- sent, et j'ai eu de ces petits rochers qui faisaient l'admiration des personnes qui les voyaient : Gorgones, Brachiopodes, petits Mollusques , grands Polypes à polypier, tous vivaient, s'ou- vraient, se mouvaient et coloraient la masse des nuances les plus riches et les plus variées; mais le lendemain la vie avait cessé, la putréfaction commençait et l'eau était déjà fétide. Ayant pensé enfin qu'une grande masse d’eau était nécessaire, je plaçai, dans des paniers suspendus assez bas, à l'arrière du garde-pèche, des pierres couvertes de Corail ; mais les cou- rants qui s'établissaient par les interstices des parois étaient si violents, que toute la partie charnue était promptement enlevée. L'idée de suspendre le Corail mis en observation m'a été suggérée par la position qu'il occupe dans la nature ; il est, en effet, toujours en dessous des rochers auxquels 1l s'attache, sans se diriger, comme 0p l'a dit, vers le centre de la ierre, nl OBSERVATION DU CORAIL. Il est facile de reconnaitre le Corail mort à un signe con- stant. Ses tissus mous prennent une teinte Jaune très-marquée, et, toujours à la mer comme à terre, c’est en s'’adant de la couleur que les échantillons bons à conserver doivent être choisis. Ceci est important à connaitre, car on peut éviter bien des soins inutiles. La blancheur très-éclatante des tissus, quand on les déchire, permet d'affirmer que le Corail est en partait état et vivra très-bien. Quelquefois les Polypes meurent en restant épanouis, on pourrait les croire vivants ; mais l'indication fournie par la cou- leur empêche de se tromper et de donner des soins à des êtres qui ne sont plus bons à rien. Pendant les grandes chaleurs, le plus souvent du soir au len- demain, une couche épaisse d’une matière muqueuse appa- rait autour des rameaux et englobe les Polypes, que lon peut croire encore vivants. C’est une Algue qui se développe, parce que la mort est déjà imminente ou arrivée : elle en est la consé- quence et non la cause, comme je l'avais supposé’ d'abord. Quoi qu'il en soit, elle en est un indice certain. S & Je Des Polypes. Un célébre écrivain, dans son livre sur la mer, en citant l'expression figurée des Orientaux, appelle le Corail, Fleur de sang. Si ce nom désignait seulement la couleur de la tige, 1l serait juste, mais il’s'applique aux animaux, et 1l n’est pas exact. Dans un livre de cette nature il eût été plus heureux, et en même temps plus vrai, d’opposer la blancheur de la neige de l'animal à la couleur de sang de la tige. Rien n'est joli et délicat comme une branche de Coral bien” DU CORAIL VIVANT: 15 épanouie. L'élégance des formes, la transparence des lissus, le contraste des couleurs, tout en elle est fait pour exciter l’admi- ration; mais en Histoire naturelle, l'exactitude, même avec son aridité, doit passer avant tout, et si les détails remplacent ie les descripüons élégantes, 11 faut en accuser un peu la nature de l'ouvrage. Un rameau bien vivant et dans un bel état de prospérité au moment où on le sort de l'eau, est fortement contracté et cou- vert de mamelons saillants entourés de plis et de sillons pro- fonds (2). Chaque mamelon (2) répond à un Polype, et présente à son sommet huit plis rayonnés autour d'un pore central qui a l'apparence d'une étoile. C'est ce pore qui, s’entr'ouvrant et se dilatant peu à peu, laisse sortir le Polype. Ses bords repré- sentent un calice rouge comme le reste du sarcosome ou écorce, dont la gorge festonnée (3) porte huit dentelures. Quand les animaux sont bien épanouis et que leur tissu blanc transparent tranche sur la partie rouge, on voit que chacun des rayons de l'étoile des mamelons correspond à l'intervalle de l’un des festons du bord du calice (4). Si les animaux se relerment, les festons s'abattent, se rapprochent, et produi- sent l'apparence étoilée du sommet dont 1 vient d'être ques- tion. Le bord festonné du calice sarcosomique est d'autant plus marqué, que l'animal est plus dilaté, plus gonflé de liquide, et par cela même plus transparent (5). On le voit alors s'élever en tube à la base du corps des Polypes, et les accompagner assez haut en allongeant un peu ses festors arrondis. (1) Voy. pl. !, fig. 4. (2) Voy. 1d., fig. 4, 2, 4, pl IL fig. 6 (a). (3) Voy. pl. LI, fig. 6 et 7 (aa). (4) Voy. id., fig. 6, 7 et8, (5) Voy. 24., fig, 7, ri 6 OPSERVATION DU CORAIL. Du reste, c'est la matière colorante qui le limite; en s’arrêtant, elle en dessine les contours. Le Polvpe lui-même est formé (il n'est ici question que de ce que l’on peut voir extérieurement) d'un tube membraneux blane plus ou moins eylindroïde (), c’est le corps, et d'un disque supérieur entouré de tentacules, c’est le péristome. Quelque nombreuses que puissent être les descriptions, elles ne donneront jamais l'idée de toutes les formes qu'il est possible d'observer. Cette remarque s'applique, du reste, à la plupart des Zoophytes, qu'il faut bien se garder de tenir pour connus, parce qu'on en aura donné quelques figures d’après ces observations souvent trop rapides qu'on fait en voyage. Le corps représente un tube tantôt cylindrique (2), tantôt renflé, ventru et souvent rétréct (3) en une espèce de col à la base des bras, au-dessous du péristome. Quelquefois 11 n'est pas sallant, et le calice le cache entièrement (4). Dans ce dernier cas les bras sont peu dilatés, ils paraissent épais, simplement dentelés sur leurs bords et comme soudés au sarcosome : c’estcette forme que présentent toujours les animaux observés dans de mauvaises conditions où quand ils sont con- servés dans l'alcool; c’est elle aussi qui a été représentée dans presque toutes les figures qu'en ont données les auteurs. Le corps, lorsqu'il est bien étendu, est blanc et transparent ; il présente dans son milieu comme un axe, une traînée (5) plus opaque et plus obscure, comme une bandelette : c'est le tube central qui descend de la bouche aux cavités pro- fondes. La surface extérieure est quelquefois entièrement lisse et unie, mais dans bien des cas elle porte huit sillons fort petits et peu marqués, qui correspondent à l'intervalle de cha- (4) Voy. pl. Let JT, mais surtout II, fig. 6,7 et 8 (cc). (2) Voy. pl IL, fig. 8. (3) Voy. id., fig. 6 et 7. (4) Voy. id., fig. 6, le Polype A. (5) Voy. 1d,, fig. 6, Polype C (i). DU CORAIL VIVA h7 eun des bras et se trouvent en face"des cloisons que l'on verra exister dans l'intérieur de la cavité générale. Quand ces sillons paraissent et que le Polype ne renverse pas en dessous sa cou ronne, on voit aussi à la base de chaque bras un petit ren- flement (4) charnu qui répète la dent correspondante du feston du sarcosome, et si le Polype rentre dans sa loge, les bras, en se recroquevillant, sont recouverts par ces tubereules, comme le corps lui-même l'est par les festons obtus du calice. Les bras ou tentacules, ainsi que dans toute la division fort naturelle des Alcyvonaires à laquelle appartient le Corail, sont toujours au nombre de huit, et portent, ce qui est encore un caractère constant, de nombreuses et délicates barbules laté- rales. Tantôt grêles et allongés, ils se redressent ou s'abaissent en se courbant; tantôt courts et épais, ils ne présentent m inflexion, ni courbure ; aussi la petite corolle (le mot est juste tant la ressemblance est grande) est essentiellement variable : ou bien elle représente une fleur à peine entr'ouverte dont les blancs pétales, finement et délicatement frangés, sortent d'un calice du plus beau rouge (2), ou bien une urne élé- gante (3), vaguement dessinée, ou bien enfin, une roue (4) dont les rayons étendus dans un même plan offrent la plus grande régularité (5). 1lest fréquent de voir, lorsque l'épanouissement est complet, les extrémités des bras se rejeter en arriere, et alors la fleur paraît avoir ses pétales recroquevillés en dessous comme ceux d'un Lis martagon (6). Que l’on varie à l'infini les positions des bras, leur état de 14) Voy. pl. I, fig. 6, Polype B (b). ) Voy. id., id., Polype A. ) Voy. id., fig. 7. ) Voy. ?d., fig. 8. ) Voy. aussi pl. XVII, fig. 98, et comparez les figures de toutes les plan- ches où les Polypes sont représentés épanouis, mais surtout la planche T, (6) Voy. pl. XVIL, fig. 96. AS ATION DU CORAIL. dilatation ou de contraction, et l'on n'aura qu'une faible idée des mille et une formes de ces êtres délicats et charmants. Les dessins nombreux, faits pendant trois campagnes d'ob- servation, ne me satsfaisaient jamais, et je les recommençais toujours, tant la mutabilité et les changements de forme sont grands. Les bras sont parfois agités de mouvements très-vifs, faciles à suivre avec un microscope posé horizontalement ; on les voit même à l'œil nu. Si Fon parvient avec beaucoup de précaution à toucher légèrement l'un d'eux, on constate l'extrême sensi- bilité des barbules, que l'on voit se retirer d'abord, et puis disparaître en s'appliquant contre lui. Si l'excitation conti- nue, le tentacule se replie à son tour en se roulant en volute (4) du côté de la bouche. est fréquent de voir des Infusoires traver- ser l'eau, rencontrer le Polype etle faire contracter brusquement. Rien n’est difficile comme de faire admettre par les per- sonnes étrangères aux sciences naturelles, que le Corail est un animal. Combien de fois m'est-il arrivé de montrer ses mouve- ments aux pêcheurs et à d'autres personnes avec qui ma mission me mettait en rapport. J'ai souvent réusst à convaincre, mais j'ai rencontré des armateurs qui, malgré l'évidence des faits, n'ont pu abandonner leurs anciennes idées. C’est alors que j'ai compris toutes les difficultés qu'avait dû rencontrer Pevyssonnel pour faire admettre sa découverte, lui qui, ne s'adressant pas à des pêcheurs seulement, voulait convamcre des académiciens ayant des opinions opposées aux siennes. L'exposé des motifs allégués par Réaumur pour rejeter une opinion qui détruisait toutes ses hypothèses est curieux. St le savant naturaliste exposa dans son mémoire. de 1727 les vues de Peyssonnel, ce fut pour les réfuter : «L'auteur a vu, ditAl, » leurs jambes (des Madrépores) agitées dans l'eau; 11 à vu » s'élever du centre quelque chose jusqu'au-dessns de la cir- (4) Voy. pl. IL, fig. 8. DU CORAIL VIVA 19 » conférence; 1l à vu cette partie se dilater comme la prunelle. » Dans tout cela on ne trouvera peut-être encore rien d'assez » décisif : un corps délié ne saurait être dans l'eau sans faire » voir des mouvements tels que l'auteur les à vus. » Et quand Peyssonnel dit que ces fleurs ne paraissent que dans l'eau, Réaumur répond : « N'avons-nous pas des fleurs » qui s'épanouissent le Jour et qui se ferment la nuit; d’autres » qui s'ouvrent le soir et se ferment le matin ? » La présence même des Orties ne peut le convaincre. € Enfin, y eût-1l des animaux logés dans l'écorce du Corail » et dans celle des autres plantes marines, que serait-on en » droit d'en conclure? Rien de plus que ce qu'on conclut de » quelques espèces de vers, décrits par M. de Marsigli, qui » rongent la substance du Corail (1). » Lamoignon-Malesherbes, dans l'exposé de la découverte et des discussions auxquelles elle donna lieu, à cherché à montrer que Réaumur n'avait pas manifesté pour elle de dédain, et que la découverte de Peyssonnel avait eu le sort qu’elle devait avoir par cela seul qu'elle s'attaquait à l'opinion d'hommes consi- dérables. C'est être un peu indulgent; car, dans la préface du VI volume des Mémoires pour servir à l’histoire des Insectes, Réaumur semble rapporter tout l'honneur de la découverte à Trembley, et s'il reconnaît qu'il s'est trompé, il n'en cherche pas moins à légitimer encore son ancienne opinion, comme on peut en juger par le passage suivant : « Quoique l'exactitude » et le prix des observations sur lesquelles M. Peyssonnel avait » voulu létablir (lopinion nouvelle) me soient mieux connus, » il me parait cependant encore qu'elles étaient insuffisantes » pour prouver que les Coraux et les productions analogues » étaient les ouvrages de petits insectes de différentes espèces. » Apres avoir accordé que ces prétendues fleurs n'étaient que » «le petits animaux, qu'en pouvait-il résulter ? I semble que (1) Voy. Réaumur, Wém, de lAcad. roy. des sriences., 1727, p. 279. LACAZE-DUTIHIERS, 1 7 50 Eu OBSERVATION DU CORAIL. » la seule conséquence qu'on était en droit d'en tirer, est que » comme les tiges de différentes plantes terrestres sont cou- » vertes, les unes de pucerons, les autres de gallinsectes, les » autres de galles, de même l'écorce des plantes marines était » remplie d'insectes qui aimaient à s'y loger ; qu'on ne devait » pas plus regarder ces derniers comme les ouvriers des corps » sur lesquelsils se trouvaient en sigrand nombre, qu'on regarde » les autres comme ceux des plantes auxquelles nous les voyons » attachés (1)... » Il est évident que Réaumur se rend. mais non sans vouloir prouver que la découverte n'était pas assez complète et accom- pagnée de preuves suffisamment précises; aussi s'étendAl avec complaisance sur les observations de Guettard, de de Jussieu, sur les siennes propres, mais surtout sur celles de Trembley, en donnant, comme on à pu en juger, une importance moindre à celles de Peyssonnel. On a vu, dans l'introduction historique, que Réaumur avait rendu la justice qui était due au naturaliste marseillais; mais à coup sûr, ce ne fut pas en proclamant aussi haut qu'on veut bien le dire la découverte niée d'abord et admise ensuite for- cément. Cette citation complète ce qui a déjà été dit touchant les appréciations de Buffon et de Lamoignon-Malesherbes (2). Il serait difficile de prendre un terme de comparaison et d’assigner une grandeur absolue aux Polypes, car leur taille varie incessamment avec la contraction ou le relâchement. IT en estdont les deux bras opposés égalent ou dépassent, dans leur plus grande extension, les bords des extrémités gonflées en massue 9 du zoanthodème (3). 2, 3 ou 4 millimètres paraissent être les (4) Voy. Réaumur, Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes, t. VI, préface, p. LXXIV. Paris, 17/2. (2) Voy. l'Introduction historique, (8) Voy. pl. I, fig. 5 et 5. DU CORAIL VIVANT. 51 limites les plus habituelles du diamètre représenté par deux bras opposés; cependant ces chiffres peuvent être dépassés, et l’on trouve, quoique rarement, des tentacules ayant un cen- timètre de long. Une seule fois un bras s'est rencontré d'une longueur extraordinaire, près d'un décimètre; il était filiforme, d'une délicatesse et d’une transparence mouïes. Ses barbules affais- sées ressemblaient à de petits globules éloignés, et rappelaient les bras de l'Hydre d'eau douce, qui prennent quelquefois un développement immense, et ressemblent à des fils d'araignée portant de loin en loin de petits globules. Cette observation n'a malheureusement pas été répétée, mais elle doit faire supposer, car elle ne se présente jamais dans les cas d'altération, que, dans le fond de la mer, les Polypes sont bien autrement développés que dans les conditions excep- tionnelles où nous les plaçons. Les bras, lorsqu'ils sont étendus (4), présentent, dans les deux premiers üers de leur longueur, une forme cylindrique, puis ils deviennent coniques et diminuent peu à peu, à tel point que, vers l'extrénuté, 1ls ne différent plus des dernières barbules dontil est difficile de les distinguer ; mais les changements sont si fréquents, que, tantôt vers le milieu ils se renflent, tandis qu'à leur base ils se resserrent. Quand les Polypes sont morts où peu épanouis, les bras perdent leur transparence, deviennent presque opaques, et leur forme prend celle d'un triangle isocèle dont la base repose sur la dent correspondante du feston du calice du sarco- some (2). Les barbules, par leur position, leur développement et leurs (1) Voy. pl. IL, fig. 9 et 10. (2) Voy. id., fig. 6, l'olype A. DD ORSERYATION DU CORAIL. rapports, méritent toute l'attention du naturaliste, elles n'ont jamais été figurées bien nettement, Disposées sur deux rangs, elles n'occupent pas toutes la même place; elles n'ont pas, d'ulleurs, la même taille (D). Les plus grandes (2) sont au milieu de la longueur, et les plus petites (3) vers la base des tentacules; celles-ci placées sur la face supé- rieure, rapprochées de la ligne médiane, représentent tout au plus de très-petits tubercules. En regardant un bras étalé horizontalement et de profil (4), on voit que chacune des rangées de barbules coupe son axe obli- quement de haut en bas et de dedans en dehors, de telle sorte que les plus petites, les premieres, du côté de la bouche, sont en dessus, et que les dernières, vers les extrémités, sont en des- sous. On observe aussi que sur les deux rangées elles ne sont pas en face, qu'elles alternent plus ou moins. Ces particularités ne semblent pas avoir été remarquées parles zoologistes ; elles ne peuvent être du reste observées que sur des animaux parfaitement épanouis, qui montrent encore que les barbules des deux côtés ne Ss’étalent pas dans un même plan, mais se recourbent en dessous. Quant à leur forme, elles rappellent de petits cylindres obtus à leur extrémité, dont la surface est irrégulière et la transpa- rence inégale. La bouche peut encore être observée sans préparation ana- tomique ; pour cela, il suffit de regarder un Polype épanoutr, en se plaçant directement au-dessus de lui (5) : dans cette posi- tion, on voit que les huit tentacules se soudent au corps, (4) Voy. pl. Il, fig. 9 et 10, (2) Voy. id., id. (g g)- (3) Voy. id., id. (ff). (4) Voy. id., fig. 10. (5) Voy. pl. I fig. 5; le Polype dont l'étoile se présenie de face dans le bas de la figure, dans la fig. 5 ; les Polypes vus de face, dans la fig. 8 de la pl. IE, DU CORAIL VIVANT. 59 en circonserivant un espace réguliérement creulaire, au milieu duquel s'élève un petit mamelon allongé, avant à peu près une longueur égale à la moitié de celle du diamètre total. La fente qui occupe le sommet de ce mamelon est limitée par des rebords arrondis et peu saillants, qui représentent exac- tement deux lèvres. Ses deux extrémités correspondent, non à la base de deux tentacules, mais bien à l'intervalle de quatre d'entre eux. Ce fait a une valeur organogénique dont les auteurs n'ont pas tenu compte et dont il sera question plus tard. Il en est de la bouche comme des bras, elle est essentielle ment changeante : quelquefois, par exemple, à là place d'un mamelon, le centre du péristome est occupé par un large infun- dibulum qui conduit dans la cavité générale. On ne doit donc jamais oublier que, quelle que soit la partie que l'on étudie, il faut beaucoup multiplier les observations, afin de ne pas prendre des formes passagères et exceptionnelles pour des formes permanentes et caractéristiques. La distribution des Polypes sur un rameau n'a rien de par- üculier, pas plus que le nombre; l'un et l’autre dépendent abso- lument de l'activité de la blastogénèse du zoanthodème tout entier, ou de l’une de ses parties. Ainsi, plus un rameau porte de Polypes, plus son accroisse- ment en longueur est considérable; quant à l'accroissement en diametre, 1l est évidemment en rapport avec la puissance d'assimilation des matières dissoutes contenues dans les liquides nourriciers. C'est dans les extrémités en voie d’accroissement que les Polypes sont les plus nombreux et les plus serrés (2). Lorsque la petite ramille, dont il a été si souvent question, était bien épanouie, le rouge de son écorce disparaissait sous ses Polypes, tant 1ls étaient nombreux et serrés. En général, plus on s'éloigne des extrémités pour se rappro- (1) Vos. pl 1, fig. 8 et£, ol OBSERVATION DU CORAIL. cher de la base, plus les Polypes sont régulièrement espaces et de la même taille (4); il existe entre eux un tissu blastogé- nétique commun qui appartient aux uns comme aux autres, et dans lequel il est impossible de trouver la limite de chaque individu. Les Polypes basilaires sont souvent éloignés de plus de 3 à h millimètres les uns des autres (2). J'en ai trouvé à L cen- timètre sur des racines ou bases; mais ce qu'il est important de remarquer, c'est que sur le tissu mtermédiare commun qui les unit, On ne voit pas, dans ce cas, les petits points qui s'ob- servent si nombreux vers les extrémités en pleine activité de bourgeonnement. Là, en effet, autour des plus gros polypes, on trouve beaucoup de jeunes blastozoïtes (3) en voie de déve- loppement qui occupent plus tard une place plus grande, et étendent ainsi la longueur des rameaux. L'absence vers la base de ces points blancs si semblables à des pores, et leur constance au contraire dans les parties où il y à accroissement, sont l'une et l’autre fort importantes à constater, comme on le verra plus loin. (1) Voy. pl. VII, fig. 29, (2) Voy. pl. IV, fig. 20, (3) Voy. pl. VIL fig, 29, 30, 31, 39, B/. ORGANISATION DU CORAIL. S'il s'agissait de l'étude générale d'un groupe tout entier, il serait plus avantageux de suivre un plan méthodique et d'étu- dier les appareils d’après leur importance relative ; il ne doit être question ici que d’un seul être, qu'il faut faire connaître indépendamment de ses relations zoologiques, aussi importe-t-1l moins de s'assujettir à une marche sévèrement scolastique. Nous étudierons successivement les bras, la cavité générale du corps, l'écorce, les vaisseaux et l'axe, c'est-à-dire toutes les parties dans l'ordre où elles se présentent à l'observation. DES BRAS. Quand on coupe avec rapidité, sur un Polype bien épanout, l'un des bras pour le porter immédiatement sous le microscope, on en peut faire une étude des plus instructives et des plus utiles, car elle apprend presque à elle seule à connaître le reste de l'organisme. L'action de l'instrument tranchant détermine d’abord une 06 ORGANISATION DU CORAIL. forte contraction, et transforme le bras en une petite masse tuberculeuse toute ratatinée, où l'on ne reconnaît plus le evlindre effilé en un cône terminal et les nombreuses barbules qui ont été décrits. Pour revenir à la première forme (1), 1l faut, par la pression légère d'une plaque mince de verre, opérer l'extension des parties. On voit alors reparaitre peu à peu les dimensions primitives, et l'on peut Juger que Îles bras, creusés d’une cavité, offrent dans leurs parois une structure toute spéciale (2). En observant un tentacule entier avee un faible grossisse- ment, on reconnaît que sa cavité générale se continue di- rectement avec celle des barbules; mais que celles-ci ne s'ouvrent pas au dehors par un pore terminal, comme cela est assez habituel dans un grand nombre de Coralliaires. H n'a pas été possible du moins de le reconnaître. On voit encore que des courants rapides entraînent les granulations flottant dans le hquide de l’intérieur. Avant d'aller plus loin, il est nécessaire de faire une remarque. Dans toute l’organisation, les tissus de l'intérieur des cavités sont tellement délicats et faciles à détruire, que les contractions seules peuvent les détacher ; que surtout la préparation ou le poids des petites plaques de verre qui les recouvrent suffisent pour les altérer beaucoup. Aussi ne faut-il pas croire que toutes les granulations que l'on voit s’agiter dans la cavité se trouvent libres avant la préparation. Il y à deux couches très-différentes de tissu dans les parois des bras : l’une (3) est dense, serrée, c’est la paroi proprement dite ; elle est extérieure etparaît plus transparente , l'autre (4) est inté- rieure et tapisse toutes les cavités ; la premiere limite le corps à l'extérieur, la seconde limite les cavités à l'intérieur. (1) Voy. pl LL, fig. 9, 40, etc. (2) Voy. id., fig. 40. (3) Voy. pl. II, fig. 42 et 13 (1 à). (4) Voy, id,, id, (h h}), DES BRAS. 97 Ïl y a une telle différence entre les éléments de ces déux cou- ches, qu'il n'est pas possible de les confondre ; mais 1l est des cas OÙ 1} peut y avoir du doute sur leur position , cela üent à l'état où se trouve le Polype qu'on observe. Si lon prend un tentacule sur un animal rentré dans sa loge (4), on remarque que sa contraction est telle qu'elle à fait retourner à l'envers, non-seulement le tentacule, mais encore les barbules; qu'alors les positions sont interverties, et que ce qui était en dedans se trouve en dehors. Lorsqu'on rencontre cette disposition pour la premiére fois, elle ne manque pas d'embarrasser beaucoup (2). La couche externe (3), celle qui limite les tentacules, parait entièrement cellulaire, et son épaisseur est d'autant plus grande que l'animal est plus fortement contracté. L'esprit conçoit dans le tissu des fibres musculaires, mais est absolument impossible de pouvoir les distinguer et les démontrer. Les éléments qu'on y reconnaît avec facilité sont de deux sortes : des cellules (h) et des némalocystes (5). Les cellules sont petites, et mesurent à peine le quart d’un centième de millimètre, Leur contenu est finement granuleux, et leurs parois, fort minces, transparentes, disparaissent facile- ment les unes sous les autres : elles sont assez cohérentes, et rarement, en déchirant les tissus, on les voit s'isoler ; elles restent unies en petites masses. na pas été possible de voir dans leur intérieur un noyau bien défini, comme cela existe dans beaucoup de cas; mais. au (4) Voy. pl. IF, fig. 16 (b); pl. IV, fig. 48 (d). (2) Voy. id, et comparez la fig. 42, barbule dans sa position ordinaire, et la 13, barbule tournée à l'envers, l'Voysedtie 49:29, 14 (22 1), h) Voy. id., fig. 14: portion de la paroi fortement grossie; (à) couche de cellules, ) Voy, #d., fig. 15(7 k), nématocyste, 58 ORGANISATION DÜ CORAIL. milieu des granulations d’ailleurs assez peu nombreuses et tres- fines qu'elles renferment, on en trouve quelques-unes de plus grosses. | | La couche qu'elles forment est limitée par des lignes très- nettes, et offre une certaine consistance (4); bien que tous les tissus soient d'une grande délicatesse, elle résiste cependant à la compression. Ses éléments, semblables dans toute son étendue et uniformément groupés jusqu'à son bord libre et extérieur, ne laissent pas distmguer une couche d'une nature épidermique spéciale. Les nématocystes (2) sont peut-être moins nombreux ici que chez quelques autres Coralliaires ; mais ils existent à tous les états de développement et dans toute l'étendue des bras. I ne paraît pas, d'après cela, aussi facile qu'on l'a pensé, de partager les téguments en plusieurs couches superposées, dont l’une serait formée par les éléments spéciaux, puisqu'ils sont percus et semés au milieu des autres éléments histologiques, et que leur distribution n'offre rien de régulier (3). Dans beaucoup de Coralliaires il suffit de placer une légere plaque de verre mince sur une petite portion de tissu pour voir, par l'effet de la pression seule, les nématocystes faire d’abord hernie, sortir ensuite, et lancer enfin leurs fils urticants ; on ne remarque rien de semblable dans le Coral, sans doute à cause de la densité plus considérable du tissu dermique, d'un nombre moins grand de capsules à fils enroulés, ou enfin de la position et de la structure, qui sont différentes. Dans tous les dessins des nématocystes donnés par les au- teurs, le fil enroulé et pelotonné est enfermé dans une seule (1) Voy. pl, IL, fig. 49"et 13, (2) Voy. id., fig. 45 (j). (3) Voy. id, fig. 14, DES BRAS. 59 capsule ovoïde plus où moins allongée et variable de forme, suivantles espèces. Dans le Coral (c'est un caractère des Aleyon- naires), on rencontre une différence notable : 1l existe deux cellules (4) enfermées l’une dans l’autre; la plus grande (2) est à peu près sphérique; elle contient naturellement la plus petite (3), qui, allongée, est entièrement remplie par le fil spiral accolé si près de ses parois, qu'on la croirait striée. Cette différence ne paraît pas avoir été observée. Le nématocyste se compose donc de deux cellules imeluses l’une dans l’autre, et se développe par double production endo- æene où par emboîtement. La cellule extérieure la plus grande, en se détruisant, laisse la plus petite libre (4); le fil reste enfermé dans celle-ci, qui est bien réellement la cellule nématogène :1l se dégage sans doute plus tard; mais il est très-difficile d'en voir là sortie, proba- blement à cause de sa délicatesse. Je n'ai pu l'observer. La couche interne est tout autre ; elle a une structure entière- ment différente. De grosses cellules la composent (5); elles ont un diamètre au moins dix fois plus grand que celles de la paroi externe. Bourrées de granulations nombreuses et très-volumimeuses, elles réfractent la lumière à la manière des cellules remplies de grains de fécule; aussi croirait-on, au premier abord, avoir sous les yeux des cellules végétales. Elles se désagrégent et se crèvent facilement; cela explique pourquoi dans le liquide de la cavité des bras on en voit toujours flotter quelques-unes mêlées de nombreuses granulations. Dans quelques points, elles sont réunies en paquets plus (4) Voy. pl. I, fig. 45 (7 k). (2) Voy. id., id. (j). (8) Voy. id., id. (k), (4) Voy. id., id. (k k). (5) Voy. id, fig. 19, 13, 44 (h h h). 60 ORGANISATION DU CORAIL. volumineux les uns que les autres, qui, soulevant fa couche extérieure, donnent à la surface des barbules une inégalité assez marquée et à leur milieu une teinte plus obscure. Leur disposition estcurieuse : quand les parties sont fortement contractées, elles paraissent se toucher toutes et former une couche continue (4); mais lorsque la dilatation du tentacule nest même que médiocre, elles forment (2) un réseau à grandes maulles, lussant entre elles des espaces irréguliérement polvé- driques, au fond desquels paraît la couche externe. La grande facilité avec laquelle ces cellules se détachent, conduit à se demander si les espaces libres du réseau ne sont pas des parties simplement dénudées; mais, d'un autre côté, quand l'allongement est très-grand, ces grosses cellules doivent forcément s'écarter, car leur tissu ne peut suivre l'extension de la couche externe. Il est donc naturel d'admettre que leur formation n'a pas lieu d'une manière continue sur toute la surface Interne. Sur les barbules retournées à l'envers (3). tout cela est très- marqué, car alors leréseau représente une cs On doit remarquer encore que si ces grosses cellules s'écartent et forment un tissu à mailles très-âches, comme ce sont elles qui portent les cils, l'épithélium vibratile se trouve interrompu de loin en loin. Telle est la structure des bras et de leurs barbules. Elle offre des différences assez grandes avec ce qui existe dans les autres Coralliares, mais elle est semblable à ee qui s'observe chez tous les Alcyonaires. Dans une autre publication sur l'anatomie des animaux de ce groupe, pris dans leur ensemble, il me sera facile de prouver (1) Voy. . IL, fig. 44 (h). (2) Voy. d,, fig. 12 et 13 (h). (3) Voy, ch fig, 13, qui représente une barbule tournée à l'envers. DE LA CAVITÉ GÉNÉRALE. 61 que les dispositions anatomiques doivent, par la valeur des caractères qu'elles fournissent, jouer un rôle important dans la classification. FI DE LA CAVITÉ GÉNÉRALE. En tracassant les Polypes, on les fait rentrer complétement dans le sarcosome, et à leur place apparaissent des mamelons durs, plissés, formés par l'écorce (1). On se demande naturellement quelle est la nouvelle position qu'oceupent les animaux, après avoir ainsi disparu. Par des coupes minces perpendiculaires à l'axe même du Polype où du mamelon qui le remplace, et parallèles à la sur- face du zoanthodèeme, on peut se rendre un compte exact des rapports des diverses parties de l'organisme. D'abord la première coupe (2), la plus superficielle, montre que la bouche est enfoncée dans un mfundibulum dont on enlève les bords. Puis on rencontre autour d'une partie centrale, une cavité circulaire dans laquelle paraissent huit loges, remplies par de petits paquets blancs, et séparées par des cloisons membra- neuses minces. En descendant plus bas, on voit se dessiner un tube central ovale (3), adhérent par sa circonférence aux huit cloisons membraneuses ; mas, à la place des paquets qui remplissaient (1) Voy. pl. T, fig. 4. (2) Voy. pl. IT, fig. 16. On voit au centre la bouche (d); autour d'elle une coupe de tissus avec taches rouges (e) : c’est le bord du calice du sarcosome qui a été coupé ; les cloisons (c), les tentacules renversés (b). (8) Voy. pl. ILE, fig. 47 (d) : æsophage, (c) replis radiés, (f) paquet du bour-- relet pelotonné, (a) paroi de la cavité générale, 62 ORGANISATION DU CORAIL. les loges, on en voit de nouveaux contournés, pelotonnés et attachés aux cloisons elles-mêmes. Enfin, une dernière coupe, faite très-bas, découvre une cavité très-grande, où le tube central à disparu, mais où exis- tent seules les cloisons nées sur la cireonférence, et maintenant devenues libres (4). Ces diverses apparences s'expliquent aisément. Au centre du cylindre, représentant le corps de l'animal, se trouve un tube également cylindrique partant de la bouche, et descendant plus ou moins bas, suivant l'état de relâchement ou de con- traction : c'est l'œsophage, qui, à lui seul, représente tout ce qui reste d'un tube digestif très-rudimentaire. Il fait communi- quer la cavité générale avec l'extérieur, et pend au milieu d'elle, retenu là par des replis partant de huit points parfaitement symétriques de la circonférence, et venant se souder à lui dans toute sa longueur. Il est donc au centre et dans l'axe même du Corps. Les lames ou replis qui fixent ainsi l'œsophage se soudent en haut, au péristome, et transforment tout l'espace qui l'en toure en une série de loges (2), au-dessus de chacune des- quelles s'attache et s'ouvre un bras ou tentacule. Ainsi la cavité d'une barbule communique avec la cavité du bras ; celui-ci s'ouvre dans une loge périæsophagienne, qui elle- même se continue avec la grande cavité du bas du corps (3). Le tube æsophagien se termine en bas par un bourrelet qui le lite etle ferme comme un sphincter (4).Aussi quelques auteurs ont-ils voulu voir en lui le représentant de l'estomac. (4) Voy. pl. IV, fig. 18, Polype B”. (2) Voy. id., id., Polype B. (3) Voy. id., id., le Polype B à droite; il est coupé verticalement, (4 Voy. id., id, (1). DE LA CAVITÉ GÉNÉRALE. 63 Iexiste vraiment trop d'incertitude sur les fonctions physio- logiques en général, et sur la digestion en particulier chez ces animaux, pour pouvoir assigner un rôle aussi positif à cette partie de l'organisme. D'ailleurs on trouve souvent des matières alimentaires dans la cavité générale, au-dessous de l'æsophage. Les lames qui üennent à l'œsophage, d'une part, et à la paroi générale du corps, de l'autre, deviennent libres des que l’œso- phage se termine. Alors l'intérieur du Polype ne présente plus qu'une grande cavité, contre les parois de laquelle se trouvent des compartiments disposés comme des stalles tout autour d'une salle circulaire (4). Revenons aux apparences que présentent les coupes faites à différentes hauteurs. D'abord on divise le péristome, qui, en s'enfonçant, forme lPinfundibulum; puis on rencontre l'æsophage, et, autour de lui, les loges qui l'entourent. Dans celles-ci sont les bras, contractés, rentrés et retournés par une action qu'il estvraiment difficile d'expliquer, quand on n'a pas vules fibres musculaires, qui cependant existent, car les barbules rentrent dans le tube du tentacule, et celui-ci, se renversant en dedans, se loge dans la cavité périæsophagienne (2) correspondante. Le Polype ne se contracte done pas seulement; il rentre en lui-même, en imvaginant complétement ses parties saillantes les unes dans les autres. Aussi ne faut-il pas s'étonner de trouver dans chaque loge un bras barbelé comme celui que l'on à vu sur le Polype épanoui, seulement 1l est disposé en sens inverse, Dans les coupes inférieures, on ne trouve plus les bras. Les lamelles séparant les loges sont devenues libres; elles se couvrent sur leurs bords de pelotons formés par un bourrelet cylindrique qui semble plusieurs fois contourné sur lui-même. (4) Voy. pl. IV, fig. 18, le Polype B/. (2) Voy, td,, id., le Polype B’ (d!.) 6! ORGANISATION DU CORAIL. Que l'on fasse descendre sur la surface interne du cylindre, représentant les parois du corps de animal, les tissus que Fon a vus exister dans les bras, et lon aura une idée de Ta texture intime des Polvpes. Seulement la couche des grandes cellules remplies de granu- lations n'offre plus des éléments d’une taille aussi considéra- ble, quoique conservant toujours le même caractère, et sur les cloisons périæsophagiennes, que l'on peut appeler aussi les replos mésentériformes où replis radiés, on trouve une couche de ces cellules à grosses granulations, qui, dans quelques points, prend un développement égal à celui qu'elle à dans les bras. Les parois du corps, au-dessus du calice du sarcosome, présentent des apparences de fibres longitudmales et de fibres cireulures, mais il ne faut pas les confondre avecles rides ou plis que les contractions font naître, et qui sont des plus évidentes, même à l'œilnu. Elles doivent renfermer des fibres musculaires : le raisonnement l'indique, mais la démonstration en est très- difficile. Dans les parois de l'œsophage, on trouve quelquefois de loin en loin de très-petits corpuscules calcaires; tandis que cela n'est pas constant dans le Coral, au contraire, chez le plus grand nombre des Alcyonaires, cela ne manque jamais. L'œæso- phage est bourré d'une multitude de petites pierres analogues à celles de l'écorce qui lui forment comme une cuirasse. Les replis rayonnants du milieu de la cavité générale portent, comme on l’a vu, sur leurs bords devenus libres, au-dessous de l’'æsophage, un bourrelet (4) plus long qu'eux, qui, pour troaver place, se pelotonne etse contourne comme l'intestin, ee qui la fait nommer encore repli ou bourrelet intestiniforme. 1) Voy. pl. X, fig. 44 (g), DE L ÉCORCE OÙ SARCOSOME. 65 Leur structure est importante à connaitre; nous nous ré- servous d'en parler au moment où 1} sera question de la reproduction, car c'est dans leur intérieur que sont logées les glandes génitales. Nous éviterons ainsi des répétitions. En résumé, le corps d'un Polype se présente comme un sac dont la partie mférieure à ses parois propres confondues avec l'écorce où sarcosome, tandis que la supérieure s'allonge en un tube transparent, couronné par huit bras frangés, et dans la cavité duquel des lames nées de la circonférence limitent des loges cireulairement symétriques C'est là l'idée la plus simple que lon puisse se faire d'un animal du Coral, quelle que soit son origine, qu'il soit oozotte ou blastozoite. [TT DE L'ÉCORCE OU SARCOSOME. S 4er, Les formes et la structure que l'on vient d'apprendre à con- naitre, se trouvent dégagtes de toute complication dans un ooZoïte qui, n'ayant pas encore acquis la faculté blastogénéti- que, est resté simple etisolé. Mais dans une branche ou un zoan- thodème, les animaux (4) sont plongés dans le tissu commun qui recouvre l'axe. I faut donc maintenant chercher quels sont les rapports qu'affectent entre eux les différents habitants d'une même colonie; quels sont les moyens d'union qui les tiennent rapprochés et soudés; quels sont les tissus mous d’où (DAVoy: DL'IVS et 48; LACAZE-DUTHIERS. 5 66 ORGANISATION DU CORAIL. semble sortir leur corps, et enfin quelles relations ils ont avec l'axe ou le polypier. Le corps charnu, épais, mou et facile à entamer avee l'on- gle, qu'on nomme si volontiers écorce, tant sa ressenfblance est grande avec cette partie des végétaux, est plus ou moins épais dans les différents points où on l’examine; vers les extrémités, 1l forme presque à lui seul toutes les parties. Aussi les ftaliens appellent-ils puntas vaceas (pointes vides), les bouts des Zoantho- dèmes qui ne renferment pour ainsi dire pas de partie solide. Vers la basé, au contraire, il est infiniment moins considérable. C'est une loi générale : L'épaisseur de l'écorce, ou sarcosome, est en raison directe de l'activité de la blastogénèse. Comme celle-ci varie dans les différents points du zoanthodème, il en résulte que l'épaisseur de l'écorce suit les mêmes variations. Des armateurs n'ont affirmé que lon pêche quelquefois des tiges allongées de Corail, ayant Jusqu'à un décimètre de hauteur, et dont le polypier est si grêle, qu'on pourrait sup- poser qu'il n'existe pas. Chez elles, tout est pour ainsi dire écorce, tant l'activité du bourgeonnement à été rapide. H faut donc reconnaître que le sarcosome, où corps charnu, est la partie vivante par excellence, que lui seul produit le Corail que l'on trouve dans le commerce. Aussi s'étend-1l et s'apph- que-t-il exactement sur tout le polypier, et si quelquefois il lui arrive de mourir sur des points isolés, alors les parties correspondantes de l'axe cessent de s'accroître. I n'est pas rare de rencontrer des rameaux très-grands, presque entièrement dépouillés, et ne portant plus que quel- ques plaques d'écorce, dont les bords cicatrisés limitent autant de petits îlots ou agglomérations de polypes : ce sont les débris d'une population jadis florissante, qui si les chances leur de- viennent plus favorables, repeupleront de nouveau cette rume de la colonie, à la fondation et au développement de laquelle DE L'ÉCORCE OÙ SARCOSOME. 67 ils avaient concouru, C'est pour n'avoir pas reconnu ces relations intimes qui bent le polypier et l'écorce que les naturalistes ont discuté si longtemps sur la nature et la formation du Corail. Leurs opinions sont aussi insiructives que curieuses : elles montrent comment on cherchait, par tous les moyens possi- bles, à soutenir des théories qui, péchant par la base, croulaient à lamomdre objection. Pierre Boccone, gentilhomme sicilien, tres-expert dans la recherche des choses naturelles, comme le qualifie Swammer- dam, se refusait obstinément à admettre que le Corail fût une plante, et, d'apres des observations faites à la mer, il pensait que son lait, ou levain (éomme il l'appelle), le formait par juxta- position. l revient fréquemment sur l'existence de l'écorce, dont il fat connaitre les caractères. «Toute la surface du Corail, dit-il, quand il sort de la mer, » est couverte d'un tartre ou croûte déliée rouge sur le Corail » rouge et blanche sur le blane, approchant à une couche de bol » que les ouvriers sont accoutumés de mettre auparavant de » dorer et de coucher l'or sur quelques quormice de tableau. » …. Nous l'appellerons fucus, quoy que les auteurs l’appellent » mucus où tartre..….. (4).» " Plus loin. dans la même lettre, 1 cherche à en définir le rôle. «Quant à l'usage de ce fucus rouge... j'estime que c'est » pour contribuer à la couleur rouge et défendre le levain et les » bouts avec les autres parties du Corail des mjures de l'ur, de » l'eau et des autres corps qui l’environnent, et pour fournir » des sels par juxtaposition (2). » Les pores qui le couvrent lui paraissent concourir à la production des branches. mais il ajoute : « de croy qu'ils » servent encore pour transpirer et pour recevoir TR » parües du selet du sédiment des eaux de la mer (3). » (1) Voy. Boccone, loc. cël., lettre 2°, p. 7. (2) Voy. idem, &b., p. S. (3) Voy. idem, éb., p. 10. 68 ORGANISATION DU CORAIT. I est inutile de réfuter de semblables opinions; 11 suffit de les citer pour qu'elles soient jugées. Réaumur avait sur l'écorce une opinion plus raisonnable, et qui ne manquait pas dorigmalité. Puisant dans les lettres de Boccone les preuves de la nature p'erreuse et de la formation par juxtaposition; empruntant à Marsigli les démonstrations de la nature végétale, il était conduit à dire : «que cette écorce, » ou ce fucus, ressemble aux plantes parasites qui, pour croitre, » ont besoin d'être soutenues; mais elle en différe par un endroit » singulier, au lieu que les plantes parasites s'appuient sur des » tiges étrangères, à mesure que celle-ci croit, elle se bâtit une > tige pierreuse si belle, qu'elle s'est presque seule attirée l'at- C2 » tention, et qu'elle à usurpé Le nom de là plante à qui elle » doit son origine (4). » în les réumissant, il cherchait ainsi à faire concorder des Op IRIONSOPposées. Ïl est une erreur accréditée parmi quelques pêcheurs et armateurs qui, pas plus que les anciens naturalistes, n'ont connaissance du véritable rôle du sarcosome. I n'est pas sans utilité de Ei faure connaitre. Pour quelques-uns d'entre eux, il existe deux especes de Co- rail vivant : l’une avec écorce, l'autre sans écorce. Cette dis- lineton, entérement erronée est fondée sur ce que dans Findustrie on appelle Corail mort, tout celui qui, avant séjourné sur le fond de la mer, après s'être détaché de la roche, à pris une teinte brunûtre, noirâtre ou vaseuse. Le Corail en mourant perd son écorce; mais il peut rester attaché aux rochers, alors 31 conserve sa belle couleur rouge, et, aux veux des pêcheurs, est vivant. Un armateur qui sou- tenait cette opinion avee chaleur, me montrait dans ses caisses (4) Voy. Réaumur, Mémoires de l’Académie royale des sciences, 1727, p. 274. x DE L'ÉCORCE OU SARCOSOME. 69 de nombreux échantillons de magnifique Corail décortiqué, d'un beau rouge, et qui, pour lui, avaient été pêchés vivants. H ürait les preuves à l'appui de son opimon de Ia présence des poils et de la barbe qui les couvraent. Jamais, disait-1l en les montrant, ceux-là n'ont eu d'écorce.» Ces prétendus poils et cette barbe n'étaient que des Bryozaires où des Sertulariens bien connus, qui s'étaient fixés sur un axe dénudé, comme ils l'auraient fait sur toutautre corps solide. | Que de préjugés semblables il serait facile de relever! Mais il suffit d'en signaler un en passant pour montrer combien d'opimons fausses ont dù être peu à peu admises faute de sérieuses vérifications. Quels sont les éléments contenus dans Fécorce ? Dans une coupe mince (4) de son tissu, le microscope fait découvrir d'abord de toutes petites masses cristallines vivement colorées, disséminées çà et là, et auxquelles on à donné le nom de spicules, sclérites (2) où corpuscules calcaires: ensuite de nombreux vaisseaux (5), les uns plus grands (4), les autres plus petits (5), entrecroisés dans tous les sens; enfin, un tissu général commun, dans lequel sont creusés les vaisseaux et dis- séminés les spieules. Evidemment, 11 existe un quatrième élément, car le sarco- some est contractile, 1l doit renfermer des fibres motrices : mais les préparations sont rendues tellement difficiles par la présence des corpuscules calcaires, qu'il est impossible de rien affirmer à cet égard. Passons en revue successivement chacun de ces éléments. 1) Voy. pl. VE, fig. 25. 2) Voy. Milne Edwards et J, aime, lo, cit, et Histoire des Coralliaires. +) AN En) ES TE ER HNoy-ad is het ru): (5) Vav. id, id, (b b). ( ( ( ( 70 ORGANISATION DU CORAIL. 8 2. Spicules ou sclérites. Les éléments qui vont nous occuper sont de trés-petites concrétions caleaires plus ou moins allongées, couvertes de nodosités hérissées d'épines, et ayant une forme assez régulière- ment déterminée (D). On trouve des variétés si nombreuses, que l’on doute, au premier abord, de l'existence d’un caractère propre à les faire reconnaitre. Toutefois, en recherchant bien, on finit par dé- couvrir une forme qui, résumant toutes les autres, peut être re- gardée comme un type. Dans cette forme, la longueur égale une fois et demie à deux fois la largeur, et le nombre des nodosités est ordinairement de huit. Dans la plupart des Alcyonaires la longueur l'emporte de beaucoup sur la largeur, c’est presque la règle générale. Si, par la pensée on isole l’une de ces nodosités, on voit qu'il est possible de la comparer, à peu près, à une pyramide à base carrée (2), dont le sommet représente une sorte de pé- dieule, dont les arêtes sont hérissées chacune par deux sé- ries linéaires de petites aspérités, et dont la base irrégulière, un peu bosselée, porte elle-même quelques épines. Ce sont ces nodosités épneuses “x eu se groupant dans un certain ordre, forment les spiculet | Décrire un sclérite n’est pas chose facile ; on ne le peut guère sans s'aider de quelques figures géométriques, naturelle- ment beaucoup trop régulières, Qu'on s'imagine done un noyau (4) Voy. pl VE fig. 24. (2) Voy. td., fig. 25 : (b) est la figure de profil de l’une des tubérosités spinu- leuses les plus régulières, (a) est la base de la pyramide vue de face, pour montrer les huit séries de spinules, DE L'ÉCORCE OU SARCOSOME. jLil prismatique, à base carrée, couché devant soi ; que sur ses bases, l'une antérieure, l'autre postérieure, on fixe, par son pédicule, une des nodosités hérissées d'épines qu'on vient de voir; que tout près des bases, on en place une en avant sur sa face supérieure, ainsi qu'une en arrière sur sa face infé- rieure ; que sur ses arêtes latérales supérieures et sur ses arêtes latérales inférieures on en ajoute deux en arrière, deux en avant, et l'on aura groupé les tubercules composant le selérite que l'on peut considérer comme tvpe de la forme caractéristique dans Je Corail (4). Dans cette disposition, on voit qu'il v a deux nodosités ter minales et six latérales; en tout huit. On remarque sans doute que sur chacune des deux faces du prisme, il y a une nodosité isolée et deux rapprochées, et qu'elles alternent d’une face à l'autre ; qu'ainsi, en avant, on en trouve une en dessus, deux en dessous, et en arrière, deux en dessus, une en dessous, Cette alternance ne saurait mieux être représentée que par la superposition de deux triangles isoceles, dont les angles porteraient les nodosités, la base de l'un répondant au sommet de l'autre. Cela est si vrai, que les spicules en se développant (2), quand ils sont encore très-petits et sans nodosités, paraissent exclusi- vement formés par deux triangles isocèles superposés, le sommet de lun dépassant un peu là base de l'autre, et réciproquement. Pour analyser exactement les aspects variés que présente un même sclérite, il faut d'abord en faire l'étude dans la position qui vient d'être indiquée ; on la cherche en le faisant rouler lentement jusqu'à ce que les nodosités termineles soient vues de profil, que les deux rapprochées se montrent de trois quarts, et qu'entin celles qui sont isolées se présentent de face (1) Voy. pl. VI, fig. 24 (b\. Ce spicule est très-régulier, ainsi que celui qui est le plus vivement coloré dans le bas de la coupe, On n’a qu’à tourner la figure ainsi qu'il vient d’être dit, pour se trouver dans la position de la description. Voy. aussi pl. XX, fig. 116 : spicule de Corail blanc, (2) Voy. id, fig. 26. 72 ORGANISATION DU CORAIL. par leur base. Mais, pour peu qu'il y ait déplacement (1) à droite ou à gauche, alors tout semble interverti, etles jeux de lumiere, quis’accentuent si vivement dans les angles de la substance cal- care transparente, contribuent encore à rendre l'analyse plus difficile. Tous ces détails, quelque ennuyeux et fatigants qu'ils puis- sent être, devaient cependant trouver place ici; car, dans les études que nous aurons à faire plus tard pour reconnaitre le Corail à son premier état de développement au milieu de tant d'autres corps rouges, il sera nécessaire d'avoir un terme de comparaison bien positif. Il est maintenant possible de se rendre compte des variétés de forme que l'on rencontre; il suffit d'en fure connaître quel- ques-unes. Fréquemment, le nombre des nodosités augmente et arrive à dix ou douze ; dans ce cas, le spicule devient touffu ebtout hérissé de pointes. Ces nouvelles nodosités s'interposent entre les premières, dont là position parait constante. Quelquefois, on croirait que les spieules ne se développent que par un bout, et forment, en se soudant quatre à quatre, par l'extrémité non formée, une croix à bras égaux (2). I n'est pas rare non plus d'en rencontrer de soudés deux à deux, formant des masses globuleuses comme framboisées, dont les formes primitives sont très-difficiles à reconnaître. Ces corpuscules réfractent vivement la lumière; als offrent des contours très-nets ettrès-heurtés, bordés par des ombres tres-fortes et très-noires. Leur couleur est celle du Corail, mais elle paraît d’un rouge (4) Voy. pl. VI, fig. 25. Le spicule (a) est très-bien développé; il est aussi régulier que le spicule (b), mais pour avoir été dessiné un peu de côté, il n'a plus la même apparence que les autres. (2) Ce qui, pour le dire en passant, avait été déjà bien observé par Swammer- dam (voy. Boccone, letire citée, et, plus loin, le passage cité), DE L'ÉCORCE OU SARCOSOME. 73 plus fable; cela tent à leur peu d'épaisseur, car une coupe mince de l'axe n'est pas plus colorée qu'eux. Dans l'écorce desséchée et pulvérulente, ils paraissent jaunà- tres, et, quand ils sont réunis en masse, on croirait voir de la poudre de brique ou de litharge. Cela tient à la matière ami- iale qui les recouvre et qui, ajoutant son jaune à leur temte naturelle, les fait paraître d'un rouge jaunâtre ; mais si, par la putréfaction où par l'ébullition dans une eau légèrement soudée, on fait disparaître la matière animale, ilsse précipitent au fond des vases où, en se réunissant, ils reprennent leur belle couleur, forment par le tassement un dépôt qui rappelle complétement le polypier du Corail. Si les polypes épanouis et vus dans une grosse loupe frap- paient d'étonnement les pêcheurs qui venaient m'apporter du Corail vivant, les spicules ne manquaient jamais de provoquer encore bien plus les marques de leur admiration. C'est qu'en effet, en les éclurant par des reflets de lumière obliques ou ré- fléchis, on croirait voir le champ du microscope semé de petites pierreries, dont les facettes aiguës lancent des jets d'une lumiere vive et éclatante, rehaussée par le fond noir que produit l'éclairage. Le rôle etle développement des spicules seront étudiés, cela estimportant, quand il sera question de l'accroissement de Faxe. La distribution de ces corpuscules dans écorce se fait par- tout uniformément; ce sopt eux, et rien qu'eux, qui donnent la couleur. Si le Corail mort paraît plus briqueté que le Coral vis vant, cela tient uniquement à la cause indiquée déjà : lestissus, en jaunissant, masquent la véritable teinte. La partie du corps du polype, qui s'élève au-dessus du calice, né présente, dans son épaisseur (L), que très-exceptionnellement des spicules; dans tous les cas; ceux-ci sont tellement éloignés, () Vov. pl IT, fig. 7 (e). 7! ORGANISATION DU CORAIL, qu'il serait presque possible de les compter, J'ai observé beau- coup de Corail, et, cependant, je n'ai vu de spicule dans la paroi du corps des polypesque peu de fois. Toujours leur déve- loppement s'arrête brusquement, et marque ainsi les limites des festons du sarcosome (E). Dans une coupe mince (2) , on les voit occuper des positions qui n'ont rien de réguler; les uns se présentent par l'extré- mité, les autres par le côté, L'axe chez celui-ci est dirigé dans un sens, chez celui-là dans un sens opposé. En regardant une tigelle bien développée et épanouie avec une assez forte loupe ou un microscope à dissection, on voit que la teinte n’est pas uniformément égale partout, qu'en certains endroits, le rouge est plus vif, et que cela tent tantôt à l'ac- eumulation plus grande des spicules, tantôt à l'interposition des tissus entre eux. On peut s'expliquer maintenant l'apparence toute particulière que présente le Corail vivant, au moment où 1l va s'épanouir, On le comparerait alors volontiers à de la cire rose, à demi transparente ; cela s'explique par l'abondance des liquides, qui en gonflant les tissus, éloigne les particules de matière colorante et en affubli les effets. Les très-jeunes zoanthodèmes montrent avec la dernière évi- dence ce caractère, signe certain de la vie, qui, le plus souvent peut faire reconnaitre, quand il est très-marqué, que le Corail va bientôt s'ouvrir. Les dimensions des spicules ne dépassent pas certaines limi- tes; les plus grands mesurent 5 à 7 centièmes de millimètre, rarement davantage, Mais ils sont infiniment plus petits dans les premiers moments de leur formation(3). Ce n’est que peu à peu qu'ils arrivent à leur grandeur habituelle, (4) Voy. pl. IL fig. 6 (a), fig. 7 (a), fig. 8 (a). (2) Voy. pl. VI, fig. 28. (5) Comparez pl, VI, fig. 24 à 26 (abc). DE L'ÉCORCE OU SARCOSOME. ; 179 Depuis longtemps, on connaissait ces éléments particuliers, Swammerdam et, après lui, Réaumur les avaient étudiés. Swammerdam les appelle les petites parties du tartre corallin, et en donne la description suivante : « Chaque petite partie » est composée d'environ de dix boules angulaires erystallines ; » parfois, on en trouve moins et parfois davantagr. La » couleur de ces boules est approchante du rubis blanchâtre. » Leur figure est toujours en angle, quoy qu'elle semble » tantôt ronde et tantôt moins ronde, et mesme angulaire, » selon la réflexion de la lumière qui passe par ses angles, » néanmoins il me semble que Je puis toujours compter cinq : » angles. Or, dans cette petite partie... sont renfermées comme » j'ay dit, parfois moins et parfois plus de ces boules, qui sont » rangées d’une figure quarée et quelquefois d’une figure » cylindrique, mais le plus souvent de la figure d’une croix » simple, ou quelquefois d’une croix de Lorraine. Il arrive en- » core qu'au lieu d’une de ces figures, les boules sont rangées » comme un petit baston crystallin, qui est composé de six » boules, ou environ... (1). Cette citation montre combien les observations de Swam- merdam étaient exactes et surtout supérieures à celles de Boc- cone, à qui 1l adressait sa lettre. | Réaumur parle aussi des spicules, et, sans citer l’auteur hol- landais, il arrive aux mêmes conclusions que lui : il affirme leur existence, et les considère comme un sable fin, ayant la même nature que le Corail (2). Avec les progrès de la microscopie, il à été plus facile de se faire une idée précise de ces parties ténues. Aussi 1l est peu de naturaliste moderne ayant étudié les Aleyonaires, qui n'ait vu les spicules de bien des espèces; mais, entre tous, M. Valen- (4) Voy. Boccone, 19° lettre de M. Jean Swammerdam, touchant la pierre étoilée, l’origine et l'anatomie du Corail, à M. Paul Boccone, gentilhomme sici- lien très-expert dans la recherche des choses naturelles, p. 160, (2) Voy. Réaamur, Mémoires de 1727, loc. cit. 76 ORGANISATION DU CORAIL. ciennes (1) à fait connaître des faits importants sur la valeur relative de leurs formes appliquée à la classification. $ 3. Des vaisseaux, Ce qui apres les spicules frappe le plus dans le üssu du Co- rail (2), c'est la multiplicité des perforations dont il est criblé de toutes parts, et cela quel que soit le pot du zoanthodème où la coupe puisse avoir été faite. Pour se rendre compte de cette particularité histologique, que l'on prenne une tigelle morte déjà depuis quelque temps, et dont le sarcosome commence à tomber en décomposition; que l'on dirige sur elle avec précaution le jet de liquide d'une se- ringue fine à injection, et l'on verra les spicules et le tissu se désagréger peu à peu, et disparaitre pour faire place à un ré- seau de tube, fort riche, dont les mailles s'entrecroisent dans tous les sens (3). Ce réseau s'étend et se retrouve dans toute l'épaisseur du sarcosome. C'est lui qu'on divise dans les pré- parations microscopiques, et ce sont ses canaux qui forment les perforations qui criblent les lames minces. En poussant l'anatonne plus loi, 1l est aisé de reconnaitre qu'il y à des vaisseaux de deux ordres très-différents; que les uns, fort réguliers, relativement très-gros et couchés sur l'axe, sont réunis en une couche profonde de tubes parallèles (h) ; que les autres, très-rréguliers et beaucoup plus petits que les pré- cédents, forment un lacis à mailles inégales (5), et occupent toute l'épaisseur de l'écorce. (4) Voy. Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1855, t. XLI, p. 7. (2) Voy. pl. VI, fig. 23. (o) Voy. pl V, fig. 21, Cette préparation à été faite comme il vient d’être in- diqué. (1) Voy. id.,id. (a a), — Voy. aussi pl. IV, fig. 18 (f f). 5) Voy. td, id, (bb). — (bb). DE L'ÉCORCE OU SARCOSOME. 14 La couche profonde, ou le réseau à vaisseaux parallèles, est toujours facile à observer, aussi bien sur le Corail mort et des- séché que sur le Corail vivant. Sur les rameaux pêchés depuis longtemps, et dont l'écorce à beaucoup diminué d'épaisseur par la dessiccation, elle parait encore très-bien. Sa couleur jaune la fait remarquer facilement; elle semble, dans ce cas, former à l'axe un revêtement de tissu mou, etle séparer des parties rouges du sarcosome. En cassant brusquement un rameau non altéré, on voit sur la coupe, tout autour de l'axe, des trous qui correspondent à chacun des vaisseaux qui la composent. Sur le Coral vivant et frais, il n'est pas moins facile de dé- montrer les vaisseaux profonds (#). Le moyen quiréussit le mieux est celui-ei : 1 faut fendre le sarcosome suivant une ligne longi- tudinale, puis le détacher par un démasclage tout à fait analogue à celui que l'on pratique sur le chène-iége. Si l'on à enlevé tous les tissus jusqu'à l'axe, on n'aura plus qu'à les étaler sous l'eau pour voir distinctement, à l’aide de la loupe, les disposi- tions qu'ils présentent. Le réseau (2) des vausseaux profonds repose immédiatement sur le polypier, ilest formé de tubes gros, allongés et tout d'une venue, qui rarement se divisent en rameaux secondaires plus petits ; et qui placés à côté les uns des autres, marchent parallé- lement dans toutes les parties exlmdriques et régulières du polypier, et s'envoient de loin en loim des anastomoses (3), presque toujours formées de canaux plus petits qu'eux, ordi nairement perpendiculaires à leur direction. Ces gros tubes laissent des espaces fort étroits, linéaires, au fond desquels paraissent les autres vaisseaux de l'écorce (4). Ce réseau est remarquable par sa régularité, par sa posi- (1) Voy. pl. IV, fig. 18. CNVov plV. fr. 21. (3) Voy. id., fig. 22 (d). (4) Voy. td, id. (e). 78 ORGANISATION DU CORAIL. tion, et surtout par son développement. On le retrouve dans la plupart des Alcyonaires, et1l présente, dans quelques Gorgones, un très-grand développement. Ses rapports avee le polvpier, le sarcosome et les Polypes, sont certainement des plus curieux. Appliqué immédiatement sur l'axe, celui-ci, en se solidifiant, conserve en creux leur empreinte, comme il est facile de s’en assurer en décorticant avec som un rameau de Corail (4); on voit très-bien qu'à mesure que lon détache l'écorce, chaque vaisseau laisse vide une canelure du polypier. Nous reviendrons sur ces rapports, en étudiant la structure et le développement de l'axe. Sur une préparation du sarcosome, faite comme 1l à été dit, et présentant le réseau profond en dessus (2), on peut voir, si les tissus sont encore assez frais pour être transparents, les mailles du réseau sareosomique et les espaces circulaires répondant aux cavités du corps des Polypes (3), on constate un fait d’une valeur réelle pour la connaissance de la circulation et des phénomènes de nutrition du Corail. Les gros vaisseaux parallèles ne paraissent jamais s'aboucher directement par des orifices aussi larges qu'eux avec les Polypes. Ils passent, le plus souvent, au-dessous de la cavité générale du corps et quel- quefois à côté, ainsi qu'on le verra en étudiant l'axe. Le réseau sarcosomique est bien différent du réseau profond; il est irrégulier, et les canaux qui le composent s’entrecroisent dans tous les sens et s'anastomosent au-dessus, au-dessous et sur les côtés avec leurs voisins, Il représente done un ensemble (4) Voy. pl IV, fig. 18; pl V, fig. 21, On peut constater que, dans chaque silion il y à un vaisseau couché, (2) Voy. pl V, fig. 22. (3) Voy. id., fig. 21 et 22 (B). DE L'ÉCORCE OÙ SARCOSOME. 79 de tubes mettant en communication les parties profondes et les parties superficielles (4). On pourrait sans doute admettre que les mailles parallèles à la surface sont plus nombreuses et plus serrées dans quelques points de la hauteur, et qu'il existe deux ou trois couches de ces ca- naux, un peu moins irrégulérement anastomosés peut-être, mais cela n'offrirait rien de particulier qui méritât une des- cription spéciale. Le réseau sarcosomique a des rapports directs et importants d'une part, avec les polypes, de l’autre avec le réseau profond. Il communique directement avec la cavité générale du corps des animaux par tous les canaux qui s'en approchent; c'est là ce qui explique pourquoi , dans les coupes microscopiques (2), on trouve ces longues fentes qui vont d’une grande perforation à une plus petite. Les unes sont des vaisseaux divisés suivant leur longueur, les autres des cavités des Polypes, et enfin, les dernières, des pe- tits canaux coupés perpendicularement à leur direction. Les deux réseaux s'abouchent directement par un très-grand nombre d'anastomoses, dont il est facile de voir les orifices par les déchirures (3) que produit inévitablement la décortication dans la paroi des canaux profonds et parallèles. Si l’on étudie la disposition des vaisseaux dans les expansions du sarcosome qui courent à la base des zoanthodèmes s'é- tendant sur les corps étrangers, où qui, dans un point quel- conque, enveloppent les Bryozoaires ou les Mélobésies arrivées au contact du tissu charnu, on voit que leur surface inférieure, celle qui s'applique et s'étend sur le corps étranger, est couverte d'un lacis fort riche de vaisseaux, dont le diamètre est assez (4) Voy. pl. LV, fig. 18 ; pl. V, fig. 21 et 22, (2) Voy. pl. VI, fig. 23 (b e). (3) Voy. pl. V, fig. 22 (cc). 80 ORGANISATION DE CORAIL. grand, et dont les mailles, plus où moins polvédriques, sont irrégulières (4). Toujours, en effet, le réseau profond commence par être irrégulier, et ce n'est que par les progrès du développement que le travail, se régularisant, fait croître certains canaux plus que d'autres, et que le parallélisme s'établit. Dans les extrémités ou puntérelles en van on chercherait les canaux réguliers droits et parallèles qui s'observent sur le corps destiges, on n'y verrait que des lacis tout aussi peu régu- lièrement dessinés que ceux que l'on trouve sous les expansions du sarcosome. Les canaux parallèles coômmencent à apparaître seulement lorsque l'accroissement est assez considérable dans lun et l'autre cas. Nous reviendrons sur ces faits, en nous occupant du déve- loppement de l'axe. Tousles vaisseaux, grands et petits, profonds où superficiels. ont constumment la même texture intime; leur Imtérieur est tapissé par une couche plus où moms épaisse de cellules (2), analogues à celles que l'on a vues former le revêtement interne des parois des barbules des bras et de la cavité générale, Cette couche forme un épithélium cellulure et vibratile, qui se con- nue sans interruption dans les innombrables ramifications de tout l'appareil vasculaire, mais, toutefois, avec des cellules moins grandes que dansle corps des Polypes et surtout beaucoup plus nombreuses ; aussi ne retrouve-t-on pas 161, comme dans les barbules des bras, ces espaces irréguliers que laissaient entre elles les grandes cellules à granulations. L'épithélium est non-seulement partout continu, mais encore formé de plusieurs cellules superposces. (4) Vos. pl, VIF, fig. 28. — Portions de sarcosome qui à recouvert un Bryo- zoaire, qui lui-même avait déjà fait mourir le Corail: (b) les p'us gros vaisseaux superficiels, (a) les ramuscules plus profonds, (2) Yoy. pl. VI fig. 23. DE L'ÉCORCE OÙ SARCOSOME. 81 Les vaisseaux, du reste, ont une paroi propre qui, dans le réseau sarcosomique, se confond avec le tissu intermédiaire charnu, et qui, dansles vaisseaux longitudinaux voisins de l'axe s en distingue évidemment. il est facile maintenant de se rendre compte de la cireula- tion des fluides nourriciers dans toute l'étendue d’un zoantho- dème de Corail. Les vaisseaux voisins de l'axe ne s'abouchent pas directement avec les cavités des animaux, et s'ils communiquent avec elles, ce n'est que par l'intermédiaire de canaux assez déliés. Is recoivent donc les fluides nourriciers du réseau secondaire, qui les puise directement dans la cavité générale des Polvpes. Sans aucun doute, chaque être, dans un zoanthodème, jouit d'une vie mdividuelle propre; 1l peut, mdépendamment de son voisin, accomplir des actes concourant à sa conservation et à sa propagation ; ainsi s'ilse ferme, 1l ne travaille plus à élaborer les matiéres alimentares. Mas à côté de cette vie propre, mdi- viduelle, il en est une autre indépendante de lindividualité de chaque habitant de la colonie et qui appartient à tout le zoan- thodème qu'on peut regarder alors comme un seul être. Comment, en effet, ne pas remarquer que les fluides nour- riciers, après avoir été élaborés par les Polypes, échappent complétement à leur action; qu'ils passent d'abord dans les ramuscules des réseaux irréguliers et secondaires, pour arriver dans des canaux plus réguliers, plus gros, et disposés de ma- mere à leur permettre de parvenir d'une extrémité à l’autre du zoanthodème ? Comment ne pas voir que l'individu isolé perd ses droits devant ceux de là communauté, quand 11 lui a fourni sa part d'action ? Cest là certamement un fait bien curieux, qui, entre autres choses, nous apprend qu'il est impossible d'établir la limite des üssus appartenant à tel ou tel Polype, dont la sphère d'action s'arrête tout près de ses parois. Primitivement, chaque individu LACAZE-DUTHIERS, 6 82 ORGANISATION DU CORAIL. fournitet prépare les matériaux nécessaires à la production du polypier, Néanmoins, celui-ci est le fait de cette action vitale commune qui appartient au sarcosome indépendamment des ndividus. Le zoanthodéme tout entier est donc comme une résultante générale, dont chaque force composante particulière, après avoir produit son effet, disparait pour ainsi dire en se confondant avec l’activité générale qui fait vivre et croître toute lacolone. © Peut-être senüra-t-on mieux maintenant la valeur du mot zoanthodème et la nécessité qu'il y avait à trouver une expres- sion rappelant l’ensemble d'une colonie, et, tout à la fois, les êtres et leur produit; comment il fallait aussi désigner par des expressions propres, l'axe, les animaux et surtout l'écorce. On ne peut manquer, en réfléchissant à la disposition si particulière de cet appareil vasculaire, de remarquer encore que les animaux, changeant souvent de forme en aspirant et rejetant l'eau, doivent perdre une grande partie du fluide nourricier qui remplit leurs vaisseaux ; mais aussi que dans le réseau pro- - fond il doit rester emmagasinée une grande quantité d'un liquide qui, se mêlant moins facilement à l'eau, est, par cela même, plus directement propre à l'accroissement des organes. L'appareil vasculaire est trop facile à observer pour n'avoir pas été reconnu, du moins dans quelques-unes de ses parties, par les auteurs qui se sont occupés du Corail. Voici ce qu'en dit Cavolini, celui des auteurs du siècle dernier, qui à étudié certainement le mieux les Gorgones si voisines du Corail etdont les opinions méritent toute considération : il parle de l'écorce quil désigne par le mot italien de cuojo (cuir, peau, écorce), et fait remarquer que déja, depuis longtemps, elle était connue : «Questo cuojo del Corallo, il quale nella sua crassezza serba » 1 cavi pel ricetto delli sopradescritti organt, costa di due parti; DE L'ÉCORCE OU SARCOSOME. 83 » cloë del parenchima calcareo, e del periostioche immediamente » circonda lo scheletro petroso... Questo periostio, che meglio » verra detto perischeletro, difende un sistema di vasi longi- » tudinali, i quali sono posti tra esso, e la parte parenchimatosa » del cuojo anzi detto, e second la loro lunghezza vengono » applicati nelle righe che sono nello séheletro del Corallo : » qquesti vasi contengono un liquore biancastro il quale si osserva » 0 tangliando per traverso il euojo anzi detto, ovvéro rom » pendo questi vasi (4). » Nous citerons en temps utile le rôle qu'il attribue à ce pé- rioste ; mais on voit qu'il établit une distinetion peut-être exa- gerée entre les vaisseaux et une membrane qu'il serait sans doute bien difficile de démontrer , les vaisseaux adhérant pour ainsi dire directement sur le squelette ou polypier. A part cela, ses descriptions sont exactes. Dans son travail, M. Edwards à aussi signalé les vaisseaux du sarcosome : il les avait déjà étudiés sur les Alcyons pro- prement dits (2). S &. Du lait du Corail. Tous les observateurs ont parlé du lait du Corail. Cela ne pouvait manquer, car quiconque entrera en rapport avec un corailleur ou ira à la pêche, en entendra certainement parler ou en verra. On a eu, et l’on a encore de singulières idées sur lui : nous en citerons quelques-unes plus loin. Presque toujours c'est à la reproduction que l'on rapporte son usage; mais il ne (4) Voÿ. Cavolini, loc. cit , p, 39 : Del Corallo. (2) Voy. M. Edwaïds, Ann, des sc, nat. zool., 2° série, t, IV, p. 338, pl. XV ét XVI : Surles Alcyons et l’atlas de la grande édition du Règne animal de Cuvier; Zoophytes, pl. 80 et autres: 8/| ORGANISATION DU CORAIL. peut être ici question que des faits relatifs à sa constitution anatomique. Si l’on casse ou déchire avec l'ongle l'extrémité d’un rameau vivant, on voit s'écouler immédiatement par les blessures un liquide blanc, miscible à l’eau, et qui présente absolument l'apparence du lait. Il était donc tout naturel de lui donner ce nom. L'examen microscopique fait voir dans ce liquide des éléments nombreux, très-faciles à distinguer et à reconnaître (1). Il montre, dans un fluide transparent et incolore, des par- ticules solides, dont l'origine ne peut être douteuse. Les unes sont des cellules épithéliales (2) détachées des parois des vais- seaux ou des granulations devenues libres, qui formaient le con- tenu cellulaire (3) ; les autres des sclérites plus ou moins petits, mais ordinairement peu développés. On trouve quelquefois mêlés à ces éléments, qui l'empor- tent beaucoup en nombre, des œufs (4) mal formés, peu déve- loppés, et des spermatozoïdes ; mais ces deux ordres d'éléments ne se présentent qu'à des époques déterminées, et doivent être considérés comme purement exceptionnels. L'idée la plus juste et aussi la plus générale que l'on puisse avoir est celle-ci : Le lait est une véritable émulsion où entrent à la fois les éléments constitutifs des Polypes et du -sarcosome ; cest le fluide nourricier échappé des vaisseaux qui le contenaient et chargé de débris de l'organisme. La quantité de liquide contenue dans les zoanthodèmes est très-variable, et, par cela même, difficilement appréciable : elle est d'autant plus grande que le Coral est plus nouvelle- (4) Voy. pl. XIT; les fig. 55, 56, 57, 58, 59, 60, représentent toutes des élé- ments du lait. (2) Voy. id., fig. 57. (8) Voy. id., fig. 60 (c), fig. 55 (t) (4) Voy. id, fig. 26 (s) œuf; (4) cellules spermatiques. DE L'ÉCORCE OU SARCOSOME. 85 ment rapporté du fond de la mer. Les rameaux, quoique bien vivants, conservés longtemps dans les aquariums, semblent en renfermer beaucoup moins. Ne pourrait-on pas trouver là raison de cette différence dans la grande facilité avec laquelle se désagrégent les tissus? Le Corail vivement secoué et tra- cassé dans les filets, se contracte beaucoup, et ses tissus doivent nécessairement se désagréger. Aussi quand on prend du Corail au sortir de la mer, il répand, lorsqu'on l'ouvre, une grande quantité de suc laiteux ; dans les aquariums, au contraire, la tranquillité conduit à un effet inverse, et les liquides imtra- vasculaires ne s'étant point enrichis de particules nom- breuses, paraissent plus transparents et moins blancs. Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que la digestion prépare des liquides plus ou moins laiteux qui s'ajoutent au fluide san- guin, et que dans les aquariums, sans aucun doute, les con- ditions où les animaux se trouvent n'étant pas les mêmes qu'au fond de la mer, l'alimentation devient mois active. Quelles ont été les opinions des naturalistes sur le lait ? Voiei ce qu’en a dit Boccone en décrivant l'extrémité d’une branche : « Ilest à scavoir que l'ayant rompuë avec les » ongles je trouvay qu'elle estoit à peu près composée de six » cellules pleines d’une humeur blanche et grasse, semblable » à l'humeur lactée, et qui s'observe l’esté dans les gousses » longues de l'herbe dite Fluvialis Pisana foliis denticulatis qui » est rapportée par Jean Bauhin et par Dominique Chabrœus. » Cette humeur blanche et grasse contenuë dans les cellules » du Corail nous l'appellerons levain, parce que l'ayant mà- » chée aussi bien que les mariniers, nous avons toujours re— » marqué qu'elle estoit d’une saveur et meslée de parties » astringentes tirant sur la saveur du poivre et de la chastagne » ou de la corme:; cette saveur âcre est manifeste dans les bouts » du Corail fraîchement sorty de la mer; mais lorsqu'ils sont 86 ORGANISATION DU CORAIL. » desseichez ils la perdent, et ne retiennent que la saveur » astringente (1), » Marsigli et Peysonnel ne pouvaient manquer de s'en occuper. Le premier pensait trouver, dans la présence du lait, des preuves à l'appui de son opinion qui n'était rien moins que fondée (2). Le second en donnait une définition fort nette, absoiu- ment conforme à la vérité, moins, cependant, ce qui est de l'histologie qu’il ne pouvait connaître, ildit : « Le lait du Corail » est le sang ou le suc naturel de tous les insectes placés le long » du Corail; ils n'ont pas le sang rouge, mais blanc, de mème » que tous les autres poissons de mème nature (3). » Donati pensait que le lait n'était autre chose que le corps même du Polype. «Quand le Polype est caché et contracté, il » ressemble à une goutte de lait, et tous les pêcheurs de Corail » même les plus expérimentés, croient que c'est effectivement » le laut du Corail, d'autant plus qu'en comprimant l'écorce, » on fait sortir le Polype, qui conserve toujours l'apparence » de lait. C'est pourquoi je pense que le lait de Corail, pour l'exact André Césalpin, n’est rien que ces Polypes.. (4). » C'est là une erreur : les corps des Polypes paraissent sans doute blancs quand ils sont à demi contractés, c'est leur cou- leur, mais ce n’est pas à dire pour cela qu'ils constituent à eux seuls le lait. S LA TZ tons enfin l'opinion de M. Milne Edwards que l'on trouve dans le T'railé des Coralliaires. (1) Voy. Boccone, loc. cit., t. II, p. 8. (2) Voy. Marsigli, oc. cit., Histoire phys. de la mer, à l'article Corarz. (3) Voy. Peyssonnel, loc. cèl,, manuscrit de la bibliothèque du Muséum d’his- nalurelle de Paris, p. 47. (4) Voy. Donali, loc. cit., p. 48. DE L'ÉCORCE OU SARCOSOME. 87 « Le liquide qu'on fait suinter de ces Zoophytes, quand on » les presse, et que les anciens observateurs appelaient lait du » Corail, parait être l'eau contenue dans la cavité viscérale de » ces animaux, et chargée d'œufs, de semence et de matières » alimentaires (1). » Au milieu de toutes ces opinions, on voit que des données : positives manquaient sur la texture Imtme des tissus, et que si l'histologie eût été mieux connue, les auteurs, sans varier aussi souvent, fussent arrivés à des appréciations plus conformes à ce qui existe. IN x Du tissu propre ou tissu général du sarcosome. Nous désignerons par ce nom tout le tissu qui forme la gangue, où stroma de l'écorce, et qui entoure les Polypes, les vaisseaux et les spieules. Il présente assez d'homogénéité pour qu'il soit difficile de re- connaitre partout dans son intérieur des cellules évidentes et bien limitées. Cependant, en plusieurs points d’une coupe mince, indépendamment des corpuseules et des parois des vaisseaux, on voit (2) souvent des lignes qui se rencontrent, et indiquent distinetement les limites des éléments cellu- laires. Dans les Aleyons, le tissu interposé entre les vaisseaux et les corpuscules calcaires existe ainsi que dans le Corail; mais il est constamment semi-cartilagmeux, transparent et sans au- cune trace de formation cellulaire, bien que, dès son origine, il ait dû ètre complétement formé de cellules, comme on le voit dans de très-Jeunes zoanthodèmes. (4) Voy. loc, cit, Histoire des Coralliaires, vol, I, p. 204. (2) Voy. pl. VI, fig. 23. 88 ORGANISATION DU CORAIL. Ce tissu est donc le tissu même du corps charnu; il produit, dans son épaisseur, des corpuscules calcaires; il se creuse de vaisseaux , il unit tous les organes ; il est, en un mot, la char- pente de Ha partie vivante, plus ou moins résistante suivant les espèces. Ordmairement transparent, il emprunte sa teinte blanche aux vaisseaux qui le traversent en tous sens, et sa cou- leur rouge aux spicules dont il est bourré. Enfin, quand il meurt, il jaunit comme tout le reste de l'organisme. Il est, sans aucun doute, contractile, son resserrement quand on le touche, le prouve surabondamment; mais si, dans son intérieur, on croit voir des trainées fibreuses, on ne trouve pas là une de ces preuves suffisantes pour dire que l'on a vu des fibres musculaires. On peut, en résumé, se faire une idée aussi simple que juste de l'écorce, en se la représentant comme formée essentielle- ment par une substance hyaline, transparente, cellulaire quoique très-vaguement en quelques points, contractile, par- courue dans tous les sens par des canaux, creusée de cavités ou corps des Polypes, etsemée d'innombrables spicules calcaires, On comprend maintenant ce qui donne cette transparence de cire au Corail bien vivant : l’eau, absorbée par les Polypes, passe dans les mnombrables ramuscules des réseaux qui traver- sent en tous sens le sarcosome. Elle isole les îlots de tissu commun ou général, et la teinte diminue en certains endroits. On se rend amsi compte des petites taches plus vivement co- lorées, que l’on aperçoit çà et là; elles correspondent à des ilots dont les spicules sont restés tout aussi rapprochés qu'avant la distension. I faut remarquer qu'il n'est pas juste de dire que les Po- lypes sont logés dans le sarcosome, qu'ils y ont des cellules creusées dans lesquelles ils se retirent, Relativement aux rap- DE L'ÉCORCE OU SARCOSOME. 89 ports du tissu général et des animaux, ces expressions traduisent des idées fausses ou du moins mal définies. Le sarcosome est formé tout entier par les Polypes eux-mêmes dont les corps démesurément étendus sont soudés et confondus entre eux. On ne dit pas qu'une Actinie rentre dans sa loge, on dit qu'elle se contracte et se ferme; de même ici les Polypes se ferment en retirant leurs tentacules et la partie membra- veuse saillante de leur corps. Ce serait donc une idée fausse que de croire qu'il y a une distinction entre les parois du corps et l'écorce. C’est celle-ci qui forme, à proprement parler, celui-là. Cela est si vrai, que les limites du sarcosome, autour de la cavité générale où sont logés les organes, ne sont pasautrement constituées que les vais- seaux ; elles sont formées par des cellules épithéhales. S 6. De l’épiderme, Quand on peut arriver à faire vivre longtemps du Corail on le voit, de temps en temps, tout en conservant toujours sa transparence, signe certain de la vie, rester quelque temps sans s'épanouir. I devient luisantet comme poli à sa surface (1) : cela dure, si l'on en juge du moins par les faits observés, pen- dant huit, dix où quinze jours ; après ce temps, il se détache de la surface une pellicule très-mince, absolument anhiste, qui entraine avec elle quelques cellules détachées des tissus voisms et quelques spicules. C'est l'épiderme qui, probablement, se renouvelle (2). Il repose sur une couche qui paraît être à peu près complé- (4) Voy. pl. IV, fig. 20. Le haut de la tige est brillant et lisse. Dans un point E, on à détaché une pellicule d’épiderme dont une partie est isolée en la figure 19. (2) Voy. id, fig. 19 : E, pellicule anhiste ou épiderme ; ÿ, spicales ; k, particules granuleuses ; ?, cellules du sarcosome, 90 ORGANISATION DU CORAIL. tement cellulaire, et qui limite à l'extérieur le tissu général ou commun, on trouve ici une preuve à l'appui de cette opinion émise plus haut avec quelque réserve. à savoir que le tissu com- un du sarcosome est cellulaire, bien que, dans le milieu de son épaisseur, il soit difficile d'en reconnaître partout les éléments. Le plus souvent, cette mue est accompagnée par l'exsuda- tion d'une petite quantité de lait, qui se montre peu à peu sous l’'épiderme lorsque celui-ci a pris le lustre et le brillant indiqués : alors on voit apparaitre de grandes plaques blanches, qui masquent çà et là pour un moment la teinte rouge de l'écorce. Mais, en faisant une piqûre à la pellicule, on détermine la sortie de quelques gouttelettes de ce liquide blane, tout à fait analogue au lait qui s'écoule des blessures des tiges, et l'on voit au-dessous de lui le tissu reparaître parfaitement sain. Ce renouvellement de l'épiderme s’est opéré très-régulière- ment à Alger sur la tigelle dont l'histoire à été fréquemment rappelée : il a été observé plus tard encore, et toujours quand il s'accomplissait, les Polvpes s'ouvraient de nouveau. I paraît done constituer un véritable travail organique. Ainsi il existe, à l'extérieur du sarcosome, une couche ex- cessivement mince, qui, pour ne pas offrir de structure, n'en semble pas moins être une production épidermique particulière, due sans doute aux cellules qui forment les premières couches. mais dont la trace à disparu entièrement. IV DU BOURGEONNEMENT OU DE LA BLASTOGÉNÈSE. Les Zoophytes, et en particulier les Coralliaires, jouissent d'une propriété fort remarquable et tout exceptionnelle dans le règne animal. Ils peuvent, par un travail qui s'accomplit dans DU BOURGEONNEMENT OÙ DE LA BLASTOGÉNÈSE. 91 leur tissu, ou bien étendre les limites de leur corps, ou bien produire des êtres semblables à eux. Cette faculté rappelle entièrement ce qui se passe d'une manière constante dans les végétaux, et qui est connue en phytologie comme dans le langage vulgaire, sous le nom de bourgeonnement. On à vu, en fixant la valeur des expressions qui doivent être employées dans cet ouvrage, que cette propriété remarquable de l'organisme serait désignée par le mot blastogénèse qui signifie développement ou origine par des bourgeons (1). La blastogénèse appartient au sarcosome tout entier, mais elle paraît plus particuliérement avoir son siége dans les zones qui avoisinent et entourent les Polypes. Cela dépend, du reste, beaucoup de l’âge, de la forme et des conditions où se trouve le Corail, Mais ce n'est pas auprès de tous les animaux imdistinctement qu'elle se manifeste. Dans les conditions ordinaires, son acti- vité se montre plus particulièrement aux extrémités des tiges, dans l'étendue de quelques centimètres. A la base et sur le corps des branches, elle cesse à peu près, ou bien ce qui peint mieux son état, elle y est latente, elle y sommeille. Toutefois, quand un zoanthodème est en voie d’accroisse- ment, alors, et sans aucun doute, la blastogénèse se développe dans toute son étendue. Lorsqu'une blessure ou l’action directe d'un corps, vient entamer le sarcosome, cette force reparait avec toute son éner- gie, comme pour réparer la brèche faite à la colonie. Cela est très-remarquable, explique bien des particularités et montre comment, si l'on trouve des dispositions en apparence étranges, en étudiant la structure intime de l'axe, on peut cependant reconnaitre leur cause et voir qu'elles n’ont rien que de tres- naturel. (4) Voy. plus haut, p. 22. 92 ORGANISATION DU CORAIL. Voyons d’abord ce qui se passe lorsque le sarcosome s'étend par voie de bourgeonnement. Dans la racine, par exemple, les tissus croissent par là mul- tiplication de cellules analogues à celles que l'on à vues sous l'épiderme ou que l'on trouve dans les oozoïtes. Is débordent pour ainsi dire sur tout ce qui les environne ; puis à mesure qu'ils avancent, ils se creusent des vaisseaux qui, d'abord sans direction particulière, forment un réseau à mailles régulières, et qui, plus tard seulement, prennent la disposition spéciale et constante que l’on à trouvée sous l'écorce au contact de l'axe. Lorsqu'un zoanthodème produit des expansions, l'adhé- rence des parties nouvelles aux corps étrangers est encore faible, on peut les détacher avec facilité sous forme de lamelles, et en les renversant voir au-dessous d'eux les mailles mrégu- lières des vaisseaux dont il s'agit (1). Ce qui se passe dans l'extension des racines s'observe aussi sur le milieu des branches quand des larves de Balanes ou Glands de mer, de Bryozoaires, de Zoophytes, etc., viennent se fixer sur elles. Si, dans ce cas, le sarcosome ne résiste pas, s'il a le dessous, il meurt, étouffé sous le corps des êtres qui le recouvrent. Alors la blastogénèse qui sommeillait entre en activité, et souvent avec une force telle, que bientôt les tissus bourgeonnent, reprennent le dessus et couvrent les hôtes mal- faisants qui semblent se multiplier jusque-là impunément. C’est sous la forme d’une lamelle mince, présentant une organi- sation semblable à celle que l’on observe dans les racmes, que s'avance l'expansion sarcosomique. On s'explique très-bien, en étudiant ces faits, les alternances de couches blanches, grises et rouges que lon rencontre quel- quefois en cassant du Corail; elles sont dues au développement (4) Voy. pl. VII, fig. 27 et 28. Dans l’une et l’autre figure, le sarcosome, étendu en lames, à été séparé du corps qu'il recouvrait, pour montrer sa face inférieure qui présente de nombreux tubes blancs entrecroisés en tous sens. DU BOURGEONNEMENT OÙ DE LA BLASTOGÉNESE. 95 tantôt d’un Bryozoaire, tantôt d'un Zoanthaire à polypier, ou enfin du Coral lui-même (1). Le rapprochement suivant ne peut manquer de venir à l'esprit de quiconque étudie soigneusement les caisses de Corail des armateurs, ou les pierres rapportées du fond de la mer. I semble qu'entre les êtres inférieurs qui peuplent la profondeur des eaux , il existe une lutte imcessante, une lutte fatale qui les pousse à s'entre-détruire. En effet, quand la blastogénèse les fait croître dans un sens, ils s'avancent, s'étendent et recouvrent tout ce qu'ils trouvent sur leur passage. Comme ils sont fort nombreux, il est bien rare qu'ils ne se rencontrent pas. Alors malheur à celui dont la force blastogénétique est la plus faible; 11 succombe dans la lutte, 1l est recouvert. Mais ainsi qu'on l'a vu, dans toute colonie attaquée, la force blastogénétique se développe de nouveau, et d’un autre côté, à mesure que le zoanthodème ennemi s'étend, sa force d'expansion diminue, il arrive ainsi que le vameu reprend l'offensive et tra vaille à réparer ses pertes, tandis que son ennemi commence, d'après la loi qui vient d'être mdiquée, à se reposer. Il y a done une lutte aveugle mais acharnée entre deux zoan- thodèmes voisins. S'ils sont d'espèces différentes, ils se trouvent dans l’une de ces deux alternatives: ou bien leur force d'expansion est aussi développée chez lun que chez l'autre, et ils s'opposent un obstacle réciproquement infranchissable, 1ls se relèvent en s'adossant l’un à l'autre, ou bien leur activité n'est pas égale, et alors il faut qu'ils recouvrent ou qu'ils sotent recouverts. Rarement la premiére alternative se présente, aussi y a-t-il presque toujours une victime. (4) Vov. pl. VIE, fig. 27. Si rien n'était venu interrompre l'accroissement de celte tige, et sile polypier s'était formé sous la partie SS du sarcosome, plus tard, en Cassant la tige, on aurait rencontré le Bryozoaire sous une couche de Corail. 9h ORGANISATION DU CORAIL. C'est à cette cause qu'il faut rapporter en grande partie l'accroissement en épaisseur des roches des fonds coralligènes. Eù les cassant, on trouve souvent des couches de plusieurs décimètres formées par les recouvrements réciproques de plu- sieurs ESpÈces. C'est à elle qu'il faut aussi rapporter cette sorte de péné- tration des racines du Corail dans la roche. Car st l'on admet qu'une tige bien développée se trouve fixée à un sol sur lequel la lutte dontil a été question vient à être très-animée, les dépôts s’élevant autour d'elle finiront par l'enfouir peu à peu, et alors, quand on cassera la roche, on trouvera dans son intérieur une tige de Coral qui n'avait pas pénétré, mais qui s'était trouvée enfermée et enfouie comme 1l vient d'être dit. Quand deux zoanthodèmes de Corail viennent à se rencôon- trer, les choses se passent différemment. Is se soudent et se confondent absolument comme le font les branches d'un même individu. Il y à greffe par approche comme dans un végétal. Supposons qu'un rameau secondaire du polypier d'un zoan- thodème soit cassé par un accident quelconque, et que le sar- cosome ou les parties molles résistant encore, le tiennent sus- pendu et adhérant à la souche, il na plus cette rigidité qu'il avait avant l'accident, et entraîné par son poids ou les courants, il peut arriver à toucher quelque autre branche, Alors les frottements et le contact déterminent dés blessures, la force blastogénétique se réveille, du tissu cellulaire nou- veau se forme et une soudure se produit. Mais 1er, chose impor- tante dans une même espèce, la lutte s'arrête dès qu'elle 4 atteint son but réparateur. On m'a montré des branches de Corail tres-belles soudées par les extrémités supérieures de léurs ramifications, elles avaient deux grosses racines opposées fixées à des débris de rochers, et leur rencontre avait dû se faire par suite d'un accroissement en sens direct et opposé au fond d'une de ces DU BOURGEONNEMENT OÙ DE LA BLASTOGÉNEÈSE. 95 cavernules si fréquentes dans les roches des fonds coralligénes. On acquiert la conviction, en étudiant ces pierres couvertes de jeunes pieds de Corail, que quelques rameaux ont dû primi- tivement être formés par plusieurs jeunes zoanthodèmes qui, d'abord distincts, se sont ensuite soudés et confondus. On reconnait aussi que de jeunes colonies développées sur d'anciens polypiers de Corail dénudés, ont pu les recouvrir d’un nouveau sarcosome et les reconstituer, pour ainsi dire, en les entourant plus tard d'un dépôt de calcaire, où nouveau polypier. La fusion est, dans ce cas, si parfaitement établie, que le microscope peut la faire seul reconnaitre. La réédification d'une colonie à lieu encore d'une autre façon. Quand un zoanthodème bien vivant est cassé à quelques centimètres de sa racine, d'abord le sarcosome se contracte etse cicatrise. Tout autour de la blessure se développe le tissu cellulaire dont il a déjà été question, et l'écorce, en s'étendant et débordant, recouvre la surface de la coupe du polypier (D). absolument comme tout autre corps étranger solide, elle forme à l'extrémité de la tige un véritable moignon cicatrisé, Le nombre des nouveaux Polypes va toujours en croissant, aussi la place leur manquant bientôt, ils s'éléventen mamelon. comme ils le feraient autour d'un oozoïte. C'est une pun- larelle, une extrémité de jeune tige qui naît sur la coupe, sou- vent au milieu, et qui recommence l'extension de à vieille colonie (2). St les conditions deviennent favorables, le polypier peut être reproduit en entier, s'étendre et reprendre ses premières (4) Voy. pl. VIF, fig. 29 : grosse tige, dont les surfaces, répondänt aux blessures; ont été recouvertes par le sarcosome, (2) Voy. id,,id, : base d’un bel échantillon de Corail cassé par les filets sans doute, sur lequel la blastogénèse s’est développée et a produit deux jeunes rameaux. 96 ORGANISATION DU CORAIL. proportions. Mais alors, on le comprend, la base croissant en diamètre comme le reste et prenant des proportions consi- dérables, acquiert une valeur commerciale quelquefois énorme. On comprend aussi que les pêcheurs recherchent Jusque dans l'épaisseur des rochers ces racines qui quelquefois fournissent des morceaux de Corail d'un grand prix, et dont la taille s'explique tout naturellement par ce qui vient d'être dit. Voyons maintenant ce qui se passe quand le bourgeonnement produit des Polypes nouveaux. C'est autour des animaux bien développés que se manifeste surtout l'action de la blastogénèse, et plus particulièrement autour de ceux des extrénutés des branches (1). L'accroissement dans cette partie à sa raison d’être et a for- mation des blastozoïtes est la très-naturelle. Elle s'expliquerait moins facilement sur le mieu de la tige où les nouveaux venus trouveraient la place déjà occupée et où surtout l’exten- sion serait difficile. Néanmoins, dès que les blessures ou les causes extérieures mettent de nouveau la force blastogénétique en action, les Polypes ne se produisent plus aux extrémités seulement, mais ils se forment encore dans toute l'étendue du zoantho- dème (2) : ce fait ne doit pas être oublié, car, plus tard, 11 sera utilement invoqué pour résoudre une question importante. Les nouveaux Polypes ont une apparence toute particulière, ils ressemblent à de tout petits points blancs percés à leur centre d'un trou (3) qui ne paraît que lorsque la colonie est bien épanouie. Ils sont disposés quelquefois assez régulièrement en cercle autour des animaux anciens (4). ) Voy. pl. L fig. 5. ) Voy. pl. VIL, fig, 30. 3) Voy. pl. I, fig. 6 (a a). ) DU BOURGEONNEMENT OÙ DE LA BLASTOGÉNESE. DL Cependant cette régularité dans la distribution n'existe pas toujours. : Quand on étudie avec des grossissements d'une vingtaine de fois les tigelles épanouies, on remarque bientôt que ces petits orifices ou pores blancs n'ont pas tous, il s'en faut de beau- coup, la même grandeur; on en remarque de très-petits qui sont encore fermés, tandis qu'à côté d'eux il'en est d’autres qui sont ouverts ; mais ce qu'il y à de plus important à observer, c'est que les plus petits paraissent couverts par un léger voile de tissu rouge dans l'épaisseur duquel on reconnait les spicules du sarcosome (L). Il semble done que le pore n'existe pas à l'ex- térieur, qu'il est développé profondément et qu'il n'est pas encore arrivé à la surface. En augmentant la puissance des verres grossissants on re- connaît que la partie blanche, qui parait percée d'un trou rond à l'œil nu où à la loupe, est cependant étoilée, qu'elle pré- sente à sa circonférence huit lignes blanches rayonnantes, et que souvent le bord de l'orifice est comme dentelé, qu'il porte huit échancrures distinctes (2). Si l'on réussit à faire vivre du Corail assez longtemps, on voit apparaître de nouveaux points blancs entre ceux existant déjà, et l’on peut suivre leurs transformations en petites étoiles faciles à reconnaître pour de jeunes Polvpes. La tigelle (3), qui vécut du 15 octobre jusqu'à la fin de dé- cembre 1860, état, quand elle s'épanouit la première fois, couverte de Polypes et de points blancs; mais plus tard, vers la fin de l'observation, tous les pores apparents s'étaient transformés, et alors elle disparaissait presque entièrement sous la blancheur de ses nombreux blastozoïtes, tant leurs bras étaient rapprochés. J'avais pu sur elle suivre la formation de nouveaux individus. (WovVoy. pl. VIL fie. 98, (2) Voy. id., fig. 81. Deux blastozoites B/ B/ de la fig. 30, grossis, Dans la fig. 00, ils sont B'B/ de grandeur naturelle, (3) Voy. pl L fig.-1, 2, 5, LACÇAZE-DUTHIERS, 7 98 ORGANISATION DÜ CORAIL. Ainsi, sans aucun doute, les points blancs qui se forment autour des plus anciens et des plus gros Polypes sont des blas- tozoites tout petits déjà formés ou en voie de formation. Comment donc prennent-1ils naissance ? Par une cause qu'il est difficile d'apprécier; des cellules se développent et s'accumulent dans les îlots du tissu commun au milieu des mailles du réseau sarcosomique plutôt pres de la surface que profondément. Elles sont semblables à celles que l’on détache en enlevant l'épiderme ; à celles d’où dérive très-probablement tout le sarcosome ; à celles, enfin, dont sont entièrement formées les parois des jeunes oozoïtes. Lorsqu'une petite tumeur (1) s’est formée par suite de la multiplication des éléments cellulaires, il se passe un travail qui à pour effet de creuser, par érosion, lmiérieur de la petite masse d'une cavité sur les parois de laquelle sont réservées en saillie les origines des huit replis radiés à bourrelets intestmiformes. C'est la cavité générale qui parait la première et qui précède la formation des parties extérieures des Polypes; c'est elle qui avant l'ouverture à l'extérieur apparaît par transparence comme un petit trou obscur. À l’aide de coupes parallèlement faites à la surface du sar- cosome, on peut, en étudiant de très-jeunes blastozoïtes à diffé- rents degrés de développement, constater les faits qui viennent d'être ici mdiqués. Quoique encore bien rudimentaire et ne consistant à peu pres qu'en une masse cellulaire creusée d'une cavité centrale le Jeune blastozoïte en voie de formation fait saillie à la surface du sar- cosome, comme une petite tumeur bombée (2), qui déjà com- munique avec les vusseaux du réseau général. Lorsqu'il va s'ou- vrir au dehors, la couche épidermique qui le recouvre s'exfolie, entraînant avec elle des débris du tissu et quelques spicules (3): (4) Voy. pl. VIL, fig. 32. (2) Voy. 1d., fig. 33, (3) Voy. id, fig. 34, APPAREIL AQUIFÈRE. 09 . l'érosion continuant au dedans, gagne la surface et l'orifice apparait. Ce travail rappelle celui qu'on observe dans les tumeurs inflammatoires, qui se gonflent d'abord ct s'ouvrent ensuite apres s'être creusées d'une cavité Intérieure. Une autre période du développenient commence après lui. Sur la margelle de l'orifice, représentant désormais la bouche, paraissent de tout petits mamelons qui s'allongent peu à peu et finissent par devenir des bras ou tentacules du blastozoïte. Dès le premier moment de leur apparition ils se montrent au nombre de huit, un peu plus tard ils se couvrent de barbules. Ainsi se constituent les nouveaux blastozoïtes, qui atteignent en assez peu de temps une taille égale à celle des autres Po- lypes. On n'a donc plus qu'à suivre par la pensée l'extension de leurs parties et l'accroissement du nombre de leurs éléments constitutifs pour avoir une idée complète de la multiplication des individus dans toute l'étendue d'une même colonie, vV APPAREIL AQUIFÈRE, Dans le rapport fait à l'Académie des sciences, au nom de la commission chargée de présenter le programme des questions des prix, M. le professeur Milne Edwards à signalé l'absence de renseignements précis « .. sur les mouvements » du liquide sanguin dans les canaux gastro-vasculaires du » Corail... (1).» L'attention se trouvait done ainsi tout naturellement appelée (4) Voy. Comptes rendus de l’Académie, 1861, t, LIT, p. 1181, 100 ORGANISATION DU CORAIL. sur l'appareil aquifère dont l'existence avait déjà été indiquée depuis longtemps. I fallait déterminer d'abord si un système de canaux parti- culiers indépendants de l'appareil vasculaire sanguin portait l’eau dans toute l’économie ; et constater ensuite s'il existait des pores spéciaux servant d'orifices extérieurs à ces canaux. Dans les animaux inférieurs la solution de ces questions offre, sans doute, le plus grand intérêt, mais elle n'a certainement pas la même importance que dans les êtres plus élevés où l'ap- pareil circulaire est complétement clos et distinet de tous les autres organes. lei, en effet, la communication entre les vaisseaux et l'exté- rieur, par l'intermédiaire de la cavité du corps et de la bouche, est manifeste, ce n'est donc plus que l'existence d’une com- munication immédiate, mdépendante de celle qui vient d'être indiquée, qu'il s'agit de constater. Cette question à de l'intérêt, au point de vue de la philosophie de la science et de l'anatomie comparée, elle doit être résolue. On trouve dans les futs qui précèdent tous les éléments nécessaires pour arriver à une solution. n effet, si les points désignés comme pores aquiferes, étuent bien des orifices d'organes spéciaux, ils devraient se présenter partout et toujours. Or, cela n'a pas lieu. Sur quel- ques zoanthodèmes ils sont tres-nombreux et parfaitement évidents, sur d’autres on les chercherait en vain, et sur quel- ques autres ils sont très-irrégulièrement distribués, en partie au sommet, en partie à la base. Quand on à abandonné pendant quelque temps à la putré- faction des rameaux présentant très-évidemment ces pré- tendus pores, on voit, en désagrégeant le sarcosome par un jet d'eau, qu'il reste au milieu des mailles du réseau vasculaire de toutes petites masses cellulaires correspondant aux pores et ne paraissant pas terminer les vaisseaux à l'extérieur, . APPAREIL AQUIFERE. 101 D'un autre côté, si l'on fait une préparation semblable sur des tiges où l'on n'avait pas vu de pores extérieurs, on ne re- trouve plus ces petites masses cellulaires. I n'est donc pas possible d'objecter que dans le second cas les pores étaient masqués par une forte contraction. Le nombre de ces points blancs est d'autant plus grand et leur présence d'autant plus constante, que l'on considère une partie plus spécialement destinée à l'accroissement et où par conséquent l’activité blastogénétique (4) doit être plus déve- loppée. Cela prouve, bien évidemment, qu'ils n’ont pas de relation avec l'appareil vasculaire, tandis qu'ils en ont une di- recte avec la multiplication des Polypes. Pourquoi les extrémités des branches en présenteraient- elles presque toujours, tandis que les bases n’en offriraient que bien plus rarement? Pourquoi, lorsque la blastogénèse renait pour réparer des blessures où toute autre mjure faite au sarcosome, se développeraient-ils toujours? On n'en verrait pas la raison, tandis que tout s'explique simplement par le bour- geonnement. On ne peut d'ailleurs conserver de doute si l'on considere que les pores offrent constamment une disposition rayonnée, étoilée, et qu'enfin il est possible de suivre leur transformation en véri- tables Polypes. Il n’est donc pas possible d'admettre que l'appareil cireula- toire s'ouvre directement au dehors par des pores spéciaux ; et l'on est conduit dès lors à reconnaître que là circulation doit s’accomplir dans les conditions indiquées précédemment. Sans doute l'eau se mêle au fluide nourricier ; sans doute, quand ils sont tracassés, les animaux rejettent au dehors, par (4) Vos. pl. VIL fig. 29 et 30, où les nombreux points blancs correspondent à autant de bourgons ou blastozoïtes, 102 ORGANISATION DU CORAIL. suite de leur contraction, une grande quantité de liquide ; mais, Comme on l’a vu, les canaux régulièrement parallèles et profonds doivent conserver une grande partie du fluide ; 1ls paraissent devoir tenir en réserve et un peu à l'abri des mélanges avec l'eau les liquides vraiment nourriciers, tout à fait compa- rables au sang et destinés à l'accroissement des Polypes et des tissus. Dès lors il n'est guère plus possible d'admettre l'existence d'un appareil isolé et indépendant avant pour but spécial de faire circuler l'eau, car en rejetant les pores aquifères, on est conduit à n'admettre qu'un seul système de canaux. Les préparations anatomiques les plus multipliées et les plus nombreuses ne font que confirmer ces conclusions qui com plètent ce qui est relaüf à la circulation. VI DU POLYPIER. Nous arrivons maintenant à celte partie si généralement connue et qu'emploient exclusivement les Joailliers ; nous l'avons désignée par le mot polypier, déjà consacré (1) par Réaumur et B. de Jussieu. & 4T. Forme et particularités du polypier. La partie solide du Corail a un mode de formation, difficile à reconnaitre et à comprendre, aussi son origine à donné lieu à tant d'opinions diverses, que nous devons étudier avec le plus (1) Voy. plus haut, p. 22, DU POLYPIER. 405 grand soin sa structure intime dans les racines où bases, dans le corps ou milieu des branches et dans les extrémités, à la surface comme dans les parties les plus profondes, enfin dans le Corail mort ou vivant et dans le Corail nouvellement formé, ou dans celui qui est arrivé à son entier développement. La base du polypier, ce que l’on appelle à tort la racine, varie beaucoup pour la forme, l'étendue et l'épaisseur. Tantôt sa surface extérieure est ume et lisse, tantôt elle est finement striée ; cela dépend tout à fait de l'activité de la blasto- génése et de l’époque de la vie à laquelle on l'observe. Au début de sa formation, elle ne présente aucun sillon; c'est la conséquence de l’absence au-dessus d'elle d'un réseau de tubes parallèles. On se rappelle en effet que lorsque le sarco- some se développe et s'étend en lames, il commence par n'avoir au-dessous de lui que des vaisseaux un peu plus gros que les autres, il est vrai, mais encore fort irréguliers, incapables d’im- primer leur forme à la partie sur laquelle ils reposent (4). Mais quand la base est bien formée, elle porte, comme les au- tres points du polypier, des cannelures qui se continuent sans interruption avec celles de la tige. Comme le sarcosome précède toujours la formation des parties dures, il se moule sur les corps qui lui servent de support, 1l en remplit les moindres anfractuosités et dépose plus tard les couches stratifiées du polvpier en les soudant de la maniere la plus intime aux rochers ou aux autres corps durs. Voici un fait digne de remarque. On trouve fréquemment du Corail sur la Dentelle de mer ou R‘tépore dentelle. Les oozoïtes qui l'ont formé se fixent et se développent sur elle comme sur tout autre corps solide. En étendant leurs bases, ils rencontrent les interstices caractéristi- ques du Bryozoaire, les traversent d'abord, les comblent ensuite, (#) Voy. pl. VIL fig. 27 et 28, 104 ORGANISATION DU CORAIL. et, sur la face opposée de la Dentelle, forment une couche qui ne parait pointrenfermer d'animaux. Quand il sera question de l’origine du polypier, il sera utile de rappeler ce fait curieux à plus d’un égard. La multiplicité des formes des racines dépend exclusivement de celle des corps sur lesquels elles se sont moulées en se dépo- sant. Il n'ya aucun mtérêt à en faire une étude particulière. Le corps du polvpier est evlindrique ; toute autre forme est exceptionnelle. I serait cependant plus exact de dire qu'il est cylindro-conique; mais, pris dans une faible étendue, on peut le considérer comme une portion de evlindre, tant la diminu- tion de son diamètre est lente (1). Les renflements, les mamelons ou les tubercules sont tout à fait exceptionnels et résultent d'une activité passagère plus grande de la blastogénèse où d'un accident. La surface présente deux choses très-distinctes : l'une est constante, l’autre semble plutôt exceptionnelle. Ce sont les sillons ou cannelures, et les petites cavités où simplement les petites dépressions. Les sillons ne manquent jamais d'attirer l'attention des per- sonnes qui voient pour la première fois du Corail. Ils produisent, en effet, une apparence particulière qui frappe toujours vive- ment; aussi ne faut-il pas s'étonner que tous les auteurs les aent signalés et leur aient attribué, cela va sans dire, un rôle différent, toujours en rapport avec leurs opinions st diverses. Leur profondeur est variable. Isemble, en effet, qu'elle n’est pas la même dans toutes les localités. Le Corail de la Calle à ses cannelures plus fines, moins vivement accentuées que celui (4) Voy. pl. XX, fig. 115: portion de tige de Corail blanc ; on croirait voir un cylindre, Dans la pl. V, Ja partie P, fig, 21, ressemble absolument à un cylindre. DU POLYPIER. 105 d'Espagne ou de France. Mais on ne doit jamais oublier qu'à côté des observations les plus positives on rencontre tout de suite des exceptions qui, si lon se contente d'étudier un petit nombre d'échantillons, peuvent, à plus d’un titre, faire croire à des erreurs. Ainsi, je possède un échantillon de petite taille développé sur une lamelle de Mélobésie qui sur un point de son étendue, tout près de sa race, présente des stries à ce point marquées, qu'elles ont plus d’un demi-millimètre de profondeur. Les cannelures sont en général parallèles à l'axe même du cylindre que représente le polypier (1).Cependant elles peuvent souvent être obliques, plus ou moins Imelinées, et comme elles s'étendent de la base aux extrémités, il arrive dans ce cas qu’elles semblent s'enrouler en spirale autour de la tige. Le polypier parait alors avoir été soumis à une torsion d'autant plus forte que l'inclinaison de ses sillons est plus grande (2). Elles marchent ordinarement parfaitement parallèles , qu'elles soient obliques ou droites, et, dans des échantillons bien choisis, on peut les suivre ainsi côte à côte dans une grande étendue. Ce parallélisme, s'il est interrompu quelquefois par la jonc- tion à angle fort aigu de deux ou trois d’entre elles, reparaît bientôt. À la bifurcation des rameaux. on les voit se diviser elles- mêmes et se multiplier. Cela se fait surtout en dedans des angles de jonction des rameaux, et par conséquent il en est qui ne se modifient pas et qui, de la tige principale, passent directement sur les branches secondaires (3). Dans le Coral bien cylindrique et qui ne présente pas de (4) Voy. pl. V. fig. 21, partie P. (2) Voy. p. XX, fig. 120 : portion de Corail noir sur lequel les sillons paraissent très-évidemment. (3) Voy. id., id. 106 ORGANISATION DU CORAIL. petites cavités, lesstries sont régulièrement distribuées à peu pres sur toute la surface; seulement, de lom en lom, avec un peu d'attention, on aperçoit l'affablissement de leurs arêtes; on CroI- rait voir une espèce de fusion entre elles. Dans le point où 1l en est ainsi, le sarcosome renfermait un Polype, les vaisseaux longitudinaux sous la cavité générale de l'animal étaient bien moins développés, et les sillons qui les représentent doivent eux- mêmes Ôtre peu marqués. On observe même quelquefois que sous les Polypes le réseau profond n'existe pas. Dans ce cas le polypier ne peut évidemment présenter d'empreintes. Sur les bords de ces points isolés, on croirait souvent que les cannelures se confondent, s'anastomosent, s’affaissent et dis- paraissent. Cela est évidemment la conséquence des fusions, des bifurcations ou. des anastomoses des vaisseaux sanguins. Enfin les sillons sont tantôt plus marqués au sommet, à la base ou au milieu. 1 n’y à dans tout cela rien d'important et rièn dé Hixe. N + Dans des échantillons que l'on n'a affirmé venir des côtes d'Espagne, j'ai rencontré des dépressions ou même de petites cavités (1) extrêmement marquées. Je n'en ai jamais vu de semblables pendant les trois années que j'ai passées en Algérie où cependant j'ai eu l'occasion d'étudier beaucoup de Corail. Disons-le toutde suite, elles répondent au corps des animaux et par conséquent sont les analogues de ces espaces lisses, ob- servés sur les tiges parfaitement cvlindroïdes et sans dépres- SIONS. Dans les Zoanthaires à polvpiers où Madréporaires elles existent toujours et sont très-développées. Ce sont elles que Réaumur comparait aux cellules des gâteaux de cire des abeilles, et qui embarrassaent tant les auteurs lorsqu'ils vouluent rap- procher le Corail des autres polypiers. ei elles ont une impor (1) Voy. pl. XX, fig. 114 (2). DU POLYPIER,. 107 tance tout à fait secondaire, puisque leur existence n’est pas constante, mais dans les Coralliaires Zoanthaires, leur forme et les particularités qu'elles présentent jouent un rôle capital dans la classification; on leur donne le nom de calices, nom que nous conserverons, en lui ajoutant toutefois une qua- lification, car déjà il a été employé pour désigner les bords des cavités du sarcosome tout près dela partie saillante desanimaux. Les calices du polypier dans les Coraux d'Espagne d'un rouge vif, sang de bœuf, que J'ai sous les veux en faisant cette description (D), sont très-accusés, car 1ls ont presque un millimètre de profondeur. Jamais je n’en at rencontré d'aussi profonds, ils sont un peu oblongs ou ovales, et leur plus grand diamètre, qui ne dépasse guère un millimètre, est dirigé le plus souvent dans le sens de la longueur des branches. Semés irrégulièrement sur les grosses tiges, 1ls sont sur les plus petites, près des extrémités, disposés en séries linéaires parallèles aux stries ou cannelures de la surface, aussi lorsque celles-ci s'enroulent en spirale autour de l'axe, 1ls présentent eux-mêmes une disposition semblable. Leur fond est lisse et n'offre pas de stries comme le reste de la tige. Si l'on admet que les cannelures sont la conséquence de la présence des vaisseaux, on est bien obligé de reconnaitre qu'au- dessous des animaux dans les polypiers de Corail à ealices, 1l n'y à pas de vaisseaux, et de là on peut déduire le rôle que jouent les vaisseaux parallèles dans la sécrétion de l'axe, puisque à où ils n'existent pas, l'accroissement est plus lent. Les bords des calices du polypier sont arrondis, mousses, et n'ont pas d'arètes verticales, tranchantes, comme dans les autres Zoanthaires; les cannelures s'arrêtent et s'effacent peu à peu en arrivant près d'eux. D’après cela on s'explique aisé- ment leur formation, car il est tout naturel que l'accroisse- (4) Voy. pl: XX, fig: 114. 108$ ORGANISATION DU CORAIL, ment marche moins vite là où les vaisseaux manquent, et qu'une cavité où dépression résulte de la lenteur de la sécré- tion en cet endroit. Les extrémités des branches présentent des particularités de formes très-curieuses, aussi leur étude fournit-elle des ensei- gnements précieux pour l'interprétation de l'origine des parties solides. Dans un bout de tigelle, gros et bien développé en massue, il est facile de voir que la partie dure déjà formée ne s'étend pas tout à fait jusqu'au sommet, et que l'écorce, remarqua- blement épaisse, forme presque entièrement l'extrémité. Si l’on débarrasse le polvpier de tous les tissus mous qui l'entourent, on reconnait que sa forme première n'est pas cyhndrique, qu'il est d’abord représenté tantôt par une lame simple (1), tantôt par trois ou quatre lamelles réunies, suivant une ligne centrale, laissant entre elles des angles dièdres plus ou moins irréguliers et profonds (2). La préparation n'est pas facile à fre en raison de l'extrême fragilité des parties, aussi arrive-t-on avec peine, sur une tige fraîchement péchée, à enlever tous les tissus mous, même par une dissection des plus soignées. Le moyen qui réussit le mieux est celui-c1 : on laisse putré- fier une tigelle dans une petite cuvette dont on ne renouvelle l'eau qu'avec les plus grandes précautions, afin d'éviter les mouvements brusques. Quand la décomposition est assez avancée, on entraine peu à peu les tissus désagrégés et l'on dénude les parties dures nouvellement formées, sans les rom- pre, à l’aide d'un jet d'eau poussé tout doucement avec une sérmgue à injections fines. En portant sous le microscope les lamelles ainsi obtenues, (4) Voy. pl. VII, fig. 36. (2) Voy. id , fig. 35. La moitié des tissus mous a élé enlevée, et l'on voit une lame du polvpier P qui se trouve dégagée en avant, Voy. aussi pl. XX, fig. 112. DU POLYPIER. 109 et les examinant à un faible grossissement, on les voit (1) toutes percées de grands trous et couvertes de gros nodules fortement colorés. Il n'est pas possible, à la vue de ces formes lamellaires ou trigones, de ne pas remarquer quelle différence considérable existe entre le corps du polypier et ses extrémités, et l'on est conduit à se demander, puisque les branches sont toujours cylindriques, puisque les extrémités ne le sont jamais, com- ment s'accomplit le passage de l’une à l’autre forme. Le polypier a dû être primitivement irrégulier comme ses extrémités; cela est forcé. | Non-seulement le rasonnement l'indique, mais encore l'ob- servation directe le démontre, puisqu'au centre de tout axe parfaitement cylindrique sur des coupes minces, on retrouve la trace de la premiére forme (2). Sans avoir recours aux coupes microscopiques, on peut, sur des extrémités bien choisies, reconnaître comment les angles diédres se comblent peu à peu et comment les calices se forment. Tantôt, en effet, les couches déposées sont continues et rem- plissent les espaces vides que les lames laissent entre elles, et peu à peu la forme trigone s’efface pour faire place à la forme cylindrique. Tantôt les couches, interrompues sous les Polypes, s'élèvent comme des traverses entre eux et limitent des loges qui, se marquant de plus en plus, deviennent les calices. Sur quelques tigelles de Coraux venant d'Espagne, il a été facile de trouver, en remontant de la base au sommet, tous les passages insensibles entre des calices les mieux limités et des lacunes à peine séparées par des traverses incomplètes (3). (4) Voy. pl. VII, fig. 36, et pl. XX, fig. 112. (2) Voy. id. fig. 37 (23). (5) Voy. pl. XX, fig.114: en (e) on voit un des angles dièdres qui se trouve entre les lames ; en (d) on remarque trois calyces qui se forment en se séparant par des cloisons, Dans cette figure on peut suivre toutes les particularités indiquées ici, 110 ORGANISATION DU CORAIL. On s'explique d'après cela comment il se fait que les calices paraissent disposés en séries linéaires, puisqu'ils sont des restes non comblés et persistant de loin en loin des cavités ou des angles dièdres. | Nous pouvons apprécier maintenant une opinion mal fon- dée, et cependant encore accréditée auprès des pêcheurs ainsi que de beaucoup d'autres personnes. Les extrémités des tiges semblent molles et flexibles, et c’est de Lx qu'est venue la croyance que le Corail n’acquiert sa dureté qu'après sa sortie de Peau. C’est la grande épaisseur du sarcosome qui fait paraître ces parties molles sous le doigt ; la flexibilité n'existe pas, dès que le polypier est foriné; quel- que petit qu'il soit, il est rigide et absolument inflexible. Si les tiges semblent ployer, cela tient à ce que l'axe, très- fragile et très-grèle, qu'elles renferment, se rompt et n'offre pas assez de résistance pour s'opposer à ce que le sarcosome cède et fléchisse par le plus léger effort. $ 2, Structure du polypier. La structure intime du polypier doit être étudiée, cela est im- portant, dans les bases, le milieu et les extrémités des branches, "Les préparations consistent, pour les deux premières parties, en coupes minces faites dans différentes directions. Le Coral se travaille facilement à l'eau; prend aisément un beau poli qui permet de voir distinetement dans son épaisseur les éléments qu'il renferme, sans qu'il soit possible de les confondre avec les traces de l'action des instruments avant servi à faire la préparation, DU POLYPIER. A4 On doit, pour bien reconnaitre la structure, faire des coupes perpendicularement à la direction des branches à différentes hauteurs, depuis la base jusqu'au sommet; on juge ainsi du mode d’accroissement et de la position respective des éléments. On doit surtout multiplier les préparations en arrivant près des extrémités, là où le cylindre n’est pas encore parfaitement régulier. I ne faut pas négliger les coupes longitudinales parallèle aux tiges en les faisant passer soit par l'axe, ou milieu du cylindre, soit tout près de la surface, afin d'enlever des lames minces qui permettent d'étudier les moindres détails dans toute l'épaisseur de la tige. Sur les extrémités, les coupes deviennent sinon impossibles du moins d'une excessive difficulté; du reste, elles n'apprennent rien de plus que les lamelles minces, prises dans le milieu de la longueur. Quand on a examiné beaucoup de coupes microscopiques, on finit par reconnaitre au milieu des nombreuses variétés qu'elles présentent etqu'on pourrait prendre au premier abord pour des différences capitales, une disposition toujours à peu près la même. Voyons d'abord ce qui est essentiel; les apparences secondaires seront ensuite plus simples et à la fois plus faciles à indiquer. Si l'on opère avec soin, si la tige sur laquelle on fait la préparation est bien choisie, et si la surface du polypier est intacte, la circontérence du cercle représentant la coupe sera régulièrement festonnée, Mais indépendamment des précautions prises et de l'état de leurs bords, les lamelles présentent con- stamment deux choses distinctes : 1° dans leur milieu, des replis tantôt en Croix, tantôten trigone, tantôt en lignes irrégulières (1), 2° dans le reste de leur étendue, des trainées plus rougeà- (1) Voy. pl. VIL, fig. 37 (é. 7.) 112 ORGANISATION DU CORAIL. tres (1), plus foncées, alternant avec des espaces plus clairs (2) qui rayonnent du centre vers la circonférence. Les dents des festons marginaux ne sont pas aiguës; mais les échancrures qui les séparent sont relativement plus larges qu'elles et plus arrondies (3); elles représentent de véritables ares de cercle dont la concavité est tournée en dehors. On n'a pas à s’en étonner, car l'anatomie à déjà montré que les can nelures de la surface des polypiers répondent aux vaisseaux dont elles sont les moules; on reconnait de plus ici que le sommet du feston n'est autre chose que l'arête qui sépare les sillons, et que l'échancrure est le canal où avait dû être logé primitivement un vaisseau. Dans les coupes d’un Corail très-rouge on voit souvent que la couleur n'est pas égale partout, que des zones, alternativement plus foncées et plus claires, répètent vaguement les contours de la circonférence (4). Si l'on amincit extrêmement les préparations, on les voit bientôt se fêler, non pas irréguliérement, mais suivant une direction parallèle au bord de la lame, et les festons de la cir- conférence se reproduisent avec la plus grande exactitude. On peut déjà déduire de là que l'accroissement de la tige se fait par le dépôt de couches concentriques régulièrement mou- lées les unes sur les autres; car en passant de ces prépara- tions amsi brisées sur celles qui ne le sont pas, on reconnait aisément que la différence de la teinte correspond à la même cause, à la formation des couches d'accroissement. (4) Voy. pl. VIIL fig. 37 et 57 bis (h) (g). (2) Voy. id., id. (h). (3) Voy. id., id. (4) Voy. id., id. A la hauteur de la ligne Æ s'arrête la teiate plus rouge, et commence une partie centrale plus blanche, DU POLYPIER. 115 Les rayons (4) sont les uns colorés, les autres presque blan- châtres, ils alternent et vont du centre à la circonférence. Un peu flexueux et irréguliers, ils ne sont pas séparés par des lignes distinctes et passent des uns aux autres par des dégrada- tions insensibles dé teinte. La partie rouge correspond exactement au sommet des dents du feston périphérique, et celle qui estla plus claire, sou vent presque incolore, répond au milieu de l'échancrure qui occupe le fond du sillon. De loin en lon, chaque rayon rouge (2) présente des taches vivement colorées dont le bord le plus arrêté est vaguement con- vexe et regarde du côté du centre; on voit, en étudiant des coupes tres-minces, fêlées, que ces taches correspondent aux sommets des arêtes qui, avant d'avoir été recouvertes, séparaient les sillons. Il est dificile de dire pourquoi là teinte est plus vive de loin en lom, et comme interrompue; cela tient probablement à ce que la sécrétion calcaire s'est ralentie un instant pour reprendre ensuite tout à coup son activité, et que la matière colorante a été plus abondamment produite à un moment qu'à un autre. Ii en est des polypiers comme des coquilles : dans les uns comme dans les autres, sans qu'on puisse trop en reconnaître la cause, la croissance s'arrête, puis recommence, et ces temps d'arrêt sont toujours rendus évidents par des différences mar- quées de a coloration. Dans beaucoup d'exemples, ces alternances de couleur plus vive et plus päle, paraissent à peine, et alors l'apparence est uniforme et la structure devient difficile à démêler. On doit remarquer que si la vivacité de la temte aug- mente à un certain point de la longueur des rayons, elle aug- mente à la même distance sur tous les autres. Cela fait que les (1) Voy. pl. VIIL, fig. 37 et 37 bis (h g), (2) Voy. id., fig. 37 bis (g). LACAZE-DUTHIERS, 8 All ORGANISATION DU CORAIL. coupes présentent des cercles concentriques rendus distincts par les différences du coloris (4). Quelquefois il arrive que, dans une grande étendue, la teinte œénérale, indépendamment des rayons plus ou moins foncés, est tantôt plus vive et tantôt plus faible : dans l'exemple qui est 161 figuré, c'est en dehors, vers la circonférence, que le rouge est le plus intense. Sur de gros polypiers, il n’est pas rare de trou- ver plusieurs zones concentriques alternativement clares et foncées, tenant évidemment à des conditions particulières de la sécrétion au moment de leur formation. Si cela n’a rien d’im- portant, du moins cela explique ces modulations du ton des coloris que présentent les gros bijoux de Corail et qui sont si agréables à l'œil. Des lignes très-déliées et d’une grande délicatesse, paraissant noires dans l’observation par la lumière transmise, couvrent les rayons rouges ainsi que ceux d'une couleur claire (2). I faut bien se garder de les confondre avec des fêlures, souvent aussi fort délicates, auxquelles elles ressemblent beaucoup, ou bien avec les tubes des Algues parasites qui perforent quelquefois en tous sens le tissu du Corail. Dans les deux cas, 1l n°y a pas de direction particulière, tandis qu'ici on peuttoujours en recon- naître une. Ces lignes ont une marche difficile à indiquer, parce qu’elles ne sont pas toutes dans le même plan et parce qu'elles font sou- vent des zigzags qui les masquent. Supposons, et uniquement pour fixer les idées, cela est tout à fait arbitraire (3), qu'elles partent du fond d'une échancrure de la circonférence ; on les voit s avancer vers le centre en restant à peu près au milieu du rayon plus clair et à égale distance des rayons rouges : elles se dirigent done d'abord de dehors en dedans ; mais ensuite, après (4) Voy. pl. VII, fig. 37, (2) Suivez la description sur les fig, 37 et 37 bis, pl. id. (3) Voy. id., fig. 37 bis, DU POLYFIER. 115 avoir parcouru un espace variable, elles se détachent du faisceau qu'elles forment, s'infléchissent de l’un ou de l’autre côté, abandonnent la bande blanchâtre, traversent la rouge en déeri- vant une courbe à concavité extérieure, arrivent à la bande blanchâtre du côté opposé, et alors, marchant de dedans en dehors, reviennent au bord de la circonférence en suivant de nouveau le milieu de la bande blanche, ainsi que nous l'avons vu en les prenant à leur point de départ. En se recouvrant, elles produisent au milieu des rayons clairs comme une trainée noirâtre (1), et rappellent une membrane fine, plissée ; d'elles, se détachent à toutes les hauteurs les arcs qui couvrent les rayons rouges. Ellesexistent, du reste, depuis la eirconférence Jusqu'au centre; aussi le tssu du polypier paraît-il partout finement strié. Il est difficile de dire à quoi elles sont dues. Certainement elles ne sont pas des signes d’accroissement, Leur direction perpendiculure aux rayons rouges, parallèle aux rayons moins colorés, l'indique suffisamment. Elles ressemblent, par leur aspect, les angles brusques qu’elles font de loin en loin, et par leur délicatesse suivie d’une brusque accentuation, aux lignes de superposition de certaines lames cristallines. En faisant remarquer cette ressemblance, je n'entends toutefois nullement indiquer une analogie d’origine. Le milieu de l’axe du polypier est, avons-nous dit, toujours occupé par une figure très-variable et irrégulière que dessine le ruban coloré et contourné en différents sens dont il a été déja question (2). Ce ruban, ployé plusieurs fois, s’écarte ou se rapproche de lui-même et limite ainsi des espaces plus ou inoins grands, plus ou moins irréguliers, tantôt allongés, tantôt triangulaires, for- (1) Voy_ pl. VIIL, fig. 37 bis (d). (2) Voy. id. fig. 37 (2 7). 416 ORGANISATION DU CORAIL. mant des sallies anguleuses ou des dépressions, au sommet € au fond desquelles viennent concourir les rayons de la circonfé- rence. En se rapportant à ee qui a été dit de la forme du polypier aux extrémités des branches, on reconnaîtra sans peine ici que ce ruban central n’est autre chose que la coupe de la tigelle primitive qui a servi de noyau et sur laquelle se sont déposées des couches régulières et concentriques. Si maintenant on cherche à établir Le rapport qui existe entre ce noyau central et le reste du polypier, que l’on peut désigner par le nom de portion périphérique, on voit que les rayons plus colorés qui répondent aux arêtes de séparation des sillons naissent directement sur les angles saillants du noyau central; de sorte que l’on peut considérer les saillies de la surface d'un polypier cylindrique comme la continuation des bords des lames qui constituaient dans le principe la partie solide des bouts des tiges. On trouve, du reste, dans le ruban central la même tex- ture que dans les rayons périphériques. De loi en loin, la cou- leur s'avive et présente des points beaucoup plus rouges, dont la nuance est toutefois un peu jaunätre. Nous ne faisons, pour le moment, que signaler ces faits, plus loin on verra quelle en est la cause. On voit, sur le noyau central, les stries ou lignes noires fines et délicates qui, parallèles aux rayons blanes, croisent perpendicularement les rayons rouges. Dans quelque point qu'on le considère, toujours elles lui sont perpendiculaires ; aussi quand il se ploie et décrit une courbe, elles convergent vers un point unique d'où elles partent, puis se dirigent vers la cireon- férence en formant un faisceau (1). Telles sont les particularités de texture que présente une coupe (1) Voy. pl VILLE, fig. 37 bis {d)., fig. 57 (L) DU POLYPIER. PE7 perpendiculaire à Faxe dans le milieu d'une branche com- plétement développée. H y aurait bien encore à signaler quelques corpuscules (1) semés çà et là dans le tissu; mais leur histoire trouve mieux sa place dans l'étude du développement et de l'accroissement du polypier. Quant aux différences que présentent le Corail noïrci par l'ac- tion putride de la vase, le Corail blane et le Corail de différentes grosseurs ou de différentes nuances, elles sont toutes dues à la couleur qui change, aux teintes qui pâlissent, à la netteté des lignes qui disparaît ou s'exagère, au nombre des couches concen- : triques qui augmente ou diminue. Mais les bandes rayonnantes périphériques et le noyau central irrégulier, trigone ou allongé, ne manquent jamais. On le reconnaît toujours au milieu des variétés nombreuses d'aspect qui n’ont, il faut le dire, rien d'important. Le-nombre des rayons comptés auprès du noyau central et celui des dents du feston marginal de la coupe ne sont pas les mêmes; ils sent très-différents. Cela tient à la multiplication des bandes, qui se bifurquent à mesure qu'elles s'étendent (2). Ainsi, dans la figure qui représente une coupe de Corail, on voit sur l’un des angles du noyau central naître deux rayons, tandis que la partie qui leur correspond en présente à la cir- conférence six. Chacun d'eux se bifurque deux fois et produit ‘deux rayons secondaires qui viennent s'ajouter, comme autant de coins, entre les premiers et remplir les espaces qui sans eux eussent été libres. On s'explique ans! pourquoi tous les rayons, qu'on peut compter à la circonférence, n'arrivent pas jusqu’au centre et s'arrêtent de loi en loin à différentes hauteurs. is (c). (4) Voy. pl. VII, fig. 37 b } première bifurcation ; (e) deuxième, (2) Voy. id, fig. 37 (f 118 ORGANISATION DU CORAIL. En résumé, on constate deux faits très-importants, dont il sera tiré parti ultérieurement. D'une part, les bandes de cou- leur plus foncée partent du sommet des arêtes, et les bandes plus claires, du fond des sillons; d'autre part, le centre de l'axe est toujours occupé par un noyau irrégulier plus ou moins anguleux. Une coupe longitudinale passant par l’axe ou le milieu d’une tige régulière et cylindrique, ne montre rien de bien particulier. En effet, elle partage la partie qui correspond ou bien à une arête, ou bien à un sillon, et par conséquent présente le profil en longueur, soit d'un rayon rouge, soit d'un rayon pâle. Vers le milieu, elle montre aussi la division longitudinale du noyau central. La coloration en rouge vif ou rouge pâle de la partie péri- phérique n'offre que de faibles variations correspondant aux zones concentriques d'accroissement; et lorsque la préparation est poussée fort loin, elle se brise, suivant des lignes paral- lèles à ses bords mdiquant les couches superposées d'accroisse- ment. Les stries fines, dont 11 à été question, sont coupées ou per- pendicularement dans les rayons rouges, ou parallèlement à leur direction dans les rayons pâles ; aussi paraissent-elles à peine. Pour peu que l'on s'éloigne de la ligne médiane et que l'on tombe sur les côtés, l'apparence change complétement. I vaut donc beaucoup mieux exagérer cette condition et faire une coupe tellement près de la surface qu'elle lui devienne presque parallèle ; car on peut alors constater des faits importants. Si l'on veut, dans ces conditions, éviter les erreurs, il est nécessaire d'apporter quelques soins à la préparation. On doit débarrasser d'abord complétement le polypier de tous les tissus qui l'environnent, Cela s'obtient très-facilement si, après une ; DU POLYPIER. 119 courte ébullition dans un liquide contenant un peu de soude, on le brosse fortement sous un courant d'eau. Tous les spicules de l'écorce sont entraînés. La coupe, du reste, est bien plus facile à faire que dans les cas précédents. Il faut coller le polypier sur une plaque de verre à observation, à l’aide d’un mélange fondu de térében- thine de Venise et de gomme laque, puis on le recouvre d’une cire à cacheter de très-bonne qualité, où la laque domine. Cela fait, il n'ya qu'à user jusqu'à ce que la transparence soit suffi- sante, pour permettre de voir tous les détails. Ici, on n’a plus à déplacer la lame de Corail, comme dans les coupes perpendicu- laires à son axe ; la surface est empâtée dans le mastic transpa- rent, et l'on est assuré que ses moindres aspérités doivent résister au travail d'usure et de polissage. Une plaque obtenue ainsi qu'il vient d'être dit, se présente absolument comme si l'observateur était placé au milieu ou dans l'axe du polypier; et les détails de la surface sont vus de dedans en dehors. Il est bon aussi de dissoudre les masties et d'observer direc- tement du côté de l'extérieur. Le Coral réduit en lame très-mince parait d’un rouge bien différent de celui qu'on lui connaît quand il esten gros morceau, et dans le cas de la préparation actuelle 1l est divisé en bandes parallèles (4), alternativement plus claires et plus foncées. En se rapportant à l'observation des coupes perpendiculaires, on reconnait qu'ici les bandes rouges correspondent aux rayons plus fortement colorés, aux arêtes du polypier, et les bandes plus claires, aux rayons pâles, aux sillons ou cannelures. Ainsi, quelle que soit la direction des coupes, toujours on remarque la mème disposition. (1) Voy. pl. VII, fig. 38. (d) bandes plus rouges, plus épaisses, correspondant aux arêtes; (c) bandes plus claires, plus minces, correspondant aux sillons, 120 ORGANISATION DU CORAIL. Si la partie du polypier qui a servi à faire la préparation, n'est pas parfaitement parallèle à la plaque de verre sur la- quelle on l’a collée (et cela arrive presque toujours), il y a dans une même lame des épaisseurs variables , très-avantageuses à l'étude. Amsi, souvent 1l' existe de lom en loin des pertes de substance au milieu desquelles s'avancent, comme des dents, les bandes plus rouges, tandis que les bandes plus claires ont disparu. Cela montre bien évidemment que les parties peu colorées correspondent aux sillons, etque les parties plus hautes en couleur répondent aux arêtes (1). Du reste, quel que soit le pot que lon observe, toujours on voit une multitude de petits corpuscules, fort irréguliers, chargés d'aspérités et beaucoup plus rouges que le tissu dans lequel ils sont plongés. Hs réfractent vivement la lumière, ce qui, lorsqu'ils ne sont pas complétement empâtés, les fait paraître bordés de lignes sèches ef noirâtres très-accentuées. On est naturellement conduit à considérer ces corpuseules comme donnant plus de vigueur à la teinte générale; car leur nombre est infiniment moins grand dans les bandes claires que dans les bandes rouges, et l'on arrive à cette conclusion fort importante, comme on le verra plus loin, que, sous les vais- seaux, le nombre des corpuscules calcaires déposés par la sécré- tion est beaucoup moindre que dans leurs intervalles. L'histologie de la base du polypier ne montrerait rien qui n'ait été dit à propos du corps ou da milieu de la tige. Sur une racine très-minee, étalée en lame à la surface d’une Mélobésie, et n'ayant pas un dixième de millimètre d'épaisseur, les corpuscules spinuleux (2) qui viennent d'être mdiqués se présentaient avec la plus grande évidence ; mais les bandes plus (1) Voy. pl. VII, fig. 38. Ce dessin est fait à un faible grossissement afin de donner une idée de Pensemble de la préparation, Mais avec un pouvoir amplifiant plus considérable, chaque point rouge paraîtrait être un corpuscule héissé d’as- pérités, comme dans la fig. 109, pl. XIX. (2) Voy. id., fig. 38 bis (a) tissu de la Mélobésie, DU POLYPIER. 121 clares et plus foncées manquaient. Cela n'étonne point : car on n'a pas oublié que, lorsque la racine est très-nouvellement déve-- loppée, le réseau de vaisseaux à tubes parallèles manque encore, Les extrémités libres des polypiers doivent fixer l’attention d'une manière toute spéciale. Toujours jeunes, pour ainsi dire, on trouve en elles la raison de bien des choses: elles montrent à tout moment comment se fat l'accroissement des parties. Si l'on prépare un boutde tige de zoanthodème en faisant pour- rir les tissus, on n'a pas à faire de coupes minces, ce qui est d'ailleurs fort difficile. Les lamelles du corps trigone sont peu épaisses, et assez transparentes pour être examinées à plusieurs centaines de fois de grossissement. Dans les lamelles simples, les conditions de l'observation sont bien préférables, aussi doit-on toujours chercher à en ren- contrer. Leur tissu (1) est, en général, d'un rose tendre quelquefois cependant assez vif, Il est semé de gros nodules ou paquets d'une teinte rouge plus foncée. d’une forme à peu près sphéroï- dale et d’une apparence muriforme très-marquée (2). Ces nodules ont leur surface toute couverte de spinules, de pointes ou d’aspérités. En quelques points, on croirait qu'ils étaient naguère encore libres, car 1ls semblent portés par un pédonceule. Sur les bords de la lame, ils se rapprochent, marchent à la rencontre les uns des autres et finissent par se toucher, en laissant entre eux des espaces vides. C'est là l’origine de ces trous (3) ou lacunes que l'on remarque de loin en loin sur les polypiers encore lamellaires. (1) Voy. pl. VIT, fig. 36. — Il faut remarquer à propos des teintes que les plus grandes variétés se rencontrent ; elles sont semblables à celles que l’on voit dans le Corail de l'industrie, (2) Voy. id., id. (f). (5) Voy. id., id, (e). 122 ORGANISATION DU CORAIL. Après ce qui a été dit déjà, ces détails doivent suffire : car, en nous occupant, comme nous allons le faire bientôt, de la ques- tion de l’origine du polypier, nous aurons occasion de revenir sur toutes ces particularités de structure. Si l'on admet, ce qui sera démontré plus tard, que les spi- cules par leur agglutination s'ajoutent au polypier et contribuent à son accroissement, on est bien forcé de reconnaître que celui-ci se compose de deux parties : l'une, les spicules, est prise aux tissus environnants ; l’autre doit être considérée comme un ciment, et elle est déposée par la sécrétion qui s'effectue sous le réseau des vaisseaux parallèles. Ces deux éléments sont de la même nature. Is sont lun et l’autre calcaires. Le ciment se dépose en plus grande quantité sur le corps qu'aux extrémités des zoanthodèmes. C’est lui qui lie les noyaux de spicules formés çà et là dans le sarcosome. Mais n’empiétons point sur les faits qui seront plus tard rap- portés quand il sera question du développement. En résumé, le polypier du Corail renferme toujours un noyau central irrégulier, entouré par des couches concentriques, dé- posées régulièrement et formées de bandes rayonnantes dont la temte est tantôt plus claire et tantôt plus foncée. Si l'on coupe une tige de la base vers le sommet à différentes hauteurs, les figures que l’on obtient cessent peu à peu d’être régulièrement circulaires, leur bord présente des dépressions, et progressivement on arrive à une forme tout à fait identique avec celle du noyau central. On voit par là, d'une manière évidente, que le dépôt des couches se fait en plus grande abondanee dans les anfractuo- sités des angles rentrants du corps trigone primitif, et que les arêtes, nées progressivement et régulièrement tout autour de lui, produisent les apparences diverses dont il a été question, DU POLYPIER. 125 Si les couches sont plus épaisses d'un côté que de l'autre, le noyau central est plus où moms rejeté sur le côté, aussi rarement oceupe-t-1l exactement le centre (4). Il était naturel de rechercher quelles dispositions partieu- lières présentait la structure d’une tige cassée sur laquelle une nouvelle tigelle s'élevait au milieu de la cicatrice qui, recouverte, comme un moignon, par le bourgeonnement du sarcosome, reconstituait la colonie. Une coupe passant par l'axe d'une tigelle née dans ces conditions (2), montre que le polypier primitif s'arrête brus- quement dans le point où il avait été rompu, et qu'au-dessus de lui des couches d'abord verticales, puis horizontales, puis enfin verticales, recouvrent la tige primitive, la blessure et la tigelle nouvelle, absolument comme un corps étranger. Il n'ya done rien à ajouter à ce qui a été dit pour les bases, Îles corps et les extrémités du polvpier. Swammerdam avait recherché avec grand som comment pouvait se former le Corail. I avait méthodiquement étudié cette question, et si les conclusions auxquelles il arrivait étaient fausses, c'était certainement parce qu'il n'avait pas fait des observations sur le vivant. A la facon dont 1} avait conduit ses recherches, on peut, sans s'engager, affirmer que sil eût fait ses observations dans de bonnes conditions, 1l eût reconnu la vraie nature du Corail. Le passage où il décrit la composition de l'axe, est curieux : « Mais voiey une autre fort belle expérience, c’est qu'ayant, » avec une seie fort délicate, scié une tranche mince de » Corail et l'ayant polie sur un morceau de fer avec du sable menu, Jay observé avec le microscope, et mesme sans cela, T ) C2 » que le centre du Corail est dispersé par couches ou par stra- (4) C’est le cas de la coupe figurée pl. VNE, fig. 37. (2) Comme, par exemple, dans la tige représentée p', VII, fig. 29, 121 ORGANISATION DU CORAIL. » tifications, et en rayons ou en branches, selon l'ordre très- » admirable des rides ou des nerfs; et1l y a des lignes à deux : » et à trois fourches, et cela se fait d’une manière incroyable, » par la multiplication des rides ou des nerfs qui grossissent le » Corail. Il est constant que les rides ne sont autre chose que » des boules joinctes les unes aux autres, et moyennant cette » tranche mince et polie qui est rayonnée, on peut aussi avec » fondement conjecturer que le Corail se grossit par lappli- » cation des boules qui composent assurément les rides et la » croûte (4). » Nous renvoyons, pour apprécier cette opinion, au moment où nousétudierons les opinions relatives à l’origine de l'axe ; elle est véritablement très-remarquable. Réaumur était lui-même arrivé au même résultat. Cavolini ne semble pas avoir porté son attention sur la tex- ture intime du polypier. Il a cherché quel est son mode de formation, surout dans les Gorgones; nous aurons à nous occuper de son opinion. Telle est Forganisation du Corail. En présence des opinions diverses et opposées qui se sont produites à diverses époques, 1l était utile d'étudier, avee le plus grand soin, toutes les dispositions anatomiques. D'ailleurs, dans les détails qui précèdent, on trouvera une introduction né- cessare aux études qui nous restent à faire sur la Reproduc- tion, l'Embryogénie et le Développement des organes. (i) Voy. Boccone, loc. cit., p. 16h, leitre XIX de Swammerdam. Par rides ou nerfs, l’auteur entend parler des arêtes qui séparent les cannelures. REPRODUCTION DU CORAIL. ,9 1 » 9% pa OR « Et dn tic #5 GOX T3 TG TOAYUXT A , ESSAI PeRRE 72 ; Re @UOpLEY Biédeues > OITEP EvV Tots ZA Ÿ » , a 3 ” &Âkors xat Toutots xaxAAGT ay oÙro Jewpnrerey. » (AraisroTE, Polit., lib. E, ch. 1, 2 3.) «Ici, comme parlout ailleurs, re- monter à l'origine des choses, et en suivre avec som Île développement, est la voie la plus sûre d'observation, » (Trad, de BARTH. SAINT-HILAIRE.) 1 faut distinguer de la reproduction proprement dite l'exten- sion des colonies. On doit rapporter à la première là formation des nouveaux rameaux où zoanthodèmes, et à la seconde la multiplication des Polypes sur un même rameau, ou le développement et l'accroissement par la blastogénèse. On a vu que, dans un Zoanthodème, les animaux nouveaux prennent naissance par un travail spécial qui se passe autour des individus existant déja; nous avons désigné par le mot bourgeonnement ou blastogénèse (1) la force qui peut étendre la colonie, mais qui n'en crée pas de nouvelle, réservant au mot reproduction un sens exclusif et tout différent, qui im (4) Voy. plus haut, p. 22, pour la signification de ce mot, 126 REPRODUCTION DU CORAIL. plique le concours dessexes et la production d'êtres d’une forme particulière, d’où dérivent des rameaux ou zoanthodèmes NOUVEAUX. DES ORGANES DELA REPRODUCTION. S A°r, Sexes. La distinction des sexes ne peut se faire sans la connais sance des éléments caractéristiques, les œufs et les spermato- zoïdes. Que lon suppose connues pour un moment ces parties qui, dans le Corail, sont parfaitement distinctes, et l’on pourri établir les faits suivants, relatifs à la séparation ou à l'union des sexes. Tantôt un même zoanthodème ne présente que des mâles ou des femelles : il est unisexué. Tantôt les Polypes d'une même colonie sont les uns mâles (1), les autres femelles (2) : le rameau est bisexué. Mais ici deux conditions peuvent se présenter : ou bien les Polvpes mâles sont portés par une des branches, et les Polypes femelles par une autre; ou bien ils sont tous mélangés. Pour déterminer le sexe d’un rameau, il est donc impor- tant de tenir compte de ces conditions et d'étudier attentive ment les glandes dans toute l'étendue. Enfin, les organes de la reproduction peuvent être réunis (1) Voy. pl. IX, fig. 39, (2) Voy. td., fig. 42, DES ORGANES DE LA REPRODUCTION. _ 1497 dans un même Polype et donner Lieu à un hermaphrodisme (4) parfaitement caractérisé. Cette dernière condition, c'est-à-dire l'hermaphrodisme, est relativement la plus rare ; la séparation des sexes ést au con- traire la plus fréquente, et de toutes les dispositions, c’est la dis- tinction sur deux zoanthodèmes ou bien sur des branches secondaires d’un même rameau qui se montre le plus souvent. On voit que le Corail se trouve dans des conditions semblables à celles que présentent les plantes appartenant à la polygamie de Linnæus, puisque l’on peut, dans une même espèce, ren- contrer plusieurs sortes de noces, pour employer les expressions linnéennes. Il sera utile, du reste, de revenir sur ces faits quand il sera question de la fécondation. , 9 S 2 Organes de la reproduction considérés en général. Quel que soit le sexe, les organes offrent des dispositions générales qui re varient pas et qui ne permettent guère de les distimguer, si l'examen microscopique n'a fourni d'avance le moyen direct de les reconnaitre. Ils sont placés dans la cavité générale du corps, et en parti- culier dans l'épaisseur des replis intestiniformes. Si l'on enlève avec précaution et sans trop le déchirer, ce qui nest pas facile, tout un repli, on voit que ses bourrelets pelo- tonnés sont logés dans la partie la plus élevée de la cavité, et que ce n’est que plus bas que se trouvent les paquets de cor- puscules plus où moins saillants, souvent pédonculés, qu'on verra être soit des œufs, soit des testicules. (1) Voy. pl. X£, fig. 52 B/ (t) testicule, (0) œuf, 128 REPRODUCTION DU CORAIL. Aucun signe extérieur sur les Polypes ne permet de recon- naître les sexes. En cela rien qui puisse étonner, puisqu'il est difficile même de distinguer, à la simple vue, les organes pro- fonds et fondamentaux. Le temps pendant lequel se développent les glandes géni- tales est très-prolongé. Voiei des observations qui le prou- vent : du 45 octobre au milieu de décembre 1860, je n'ai pu rencontrer que deux œufs, et cela sur un très-grand nombre d'échantillons; à partir du mois d'avril en 1864 et du mois de mai en 1862, j'ai toujours trouvé les glandes génitales tur- gides et en belétat de développement. Puis au mois de septembre, en 1861 comme en 1862, les œufs diminuèrent peu à peu, et, au commencement d'octobre, ls disparurent entierement. Ne doit-il pas être évident pour tous, d'après cela, que le travail des organes reproduc- teurs se fait dans le printemps et l'été, etque, dans l'hiver, la propagation de l'espèce s'arrête et se repose? C'est done dans le courant de la belle saison qu'on doit entre- prendre les études; mais il faut remarquer aussi que, tandis que pour bien des espèces voisines, la reproduction cesse vite et même tout à coup après avoir pris une activité très-grande, pour le Corait, au contraire, elle semble se prolonger longtemps. Nous verrons, du reste, quelles induetions il sera possible de üirer de ces faits quand nous arriverons à la réglementation de la pêche. S Ale Organes mâles. CARACTÈRES EXTÉRIEURS. — Quand on a étudié comparati- vement les glandes mâles et femelles, il devient facile, sous la loupe et même avec un peu d'habitude à l'œil nu, de pouvoir DES ORGANES DE LA REPRODUCTION. 129 reconnaitre un œuf et un testicule. Mais au premier abord, sans le secours du microscope, la distinction est impossible. Ordinairement un testicule bien développé, quoique blanc comme l'œuf, présente dans son centre une translucidité (4) qui le fait paraître un peu obseur, e’est l'ombre du dessous ou des cavités, vue par transparence, qui lui donne cette apparence. Jamais il n'offre cette teinte blanche mate de l'œuf : et sa forme, qui est moins régulièrement sphéroïdale que dans celui-cr, donne à tout son ensemble un cachet spécial. Cependant ces caractères ne suffisent pas toujours pour le faire reconnaitre. Après la mort, les produits de la glande femelle deviennent jaunâtres comme les autres tissus ; le testicule seul conserve sa couleur blanche. Lorsque j'eus reconnu cette particularité, la distinction des sexes devint facile et commode; je pouvais y arriver très-vite sans le secours des verres grossissants. Pour bien reconnaitre la position des glandes mâles, 11 faut, comme pour étudier le reste de l'organisation, fendre le Polype par une section dirigée perpendiculairement à l'axe de son corps, ce qui revient à faire une coupe parallèle à la surface de l'écorce ou sarcosome (2). Il est facile, par cette préparation simple, de vor dans la cavité générale flotter des petits corps qui ne sont autres que les testicules suspendus à des filaments grêles partant des replis lamellares attachés à la etrconférence du sarcosome. Ces petits corps sont toujours blancs, jamais colorés ; seule- ment la transparence qu'ils présentent vers leur milieu modifie un peu et atténue la vivaerté de leur blancheur. Leur forme est très-variable, mais toutefois dans certames limites. Ainsi les uns sont ovoïdes ou sphériques, les autres sont (4) Voy. pl. XI, fig. 52 (6). (9). Voy. PRAIN, 24. fige 39 (E), LACAZE DUTHRIERS, 9 130 REPRODUCTION DU CORAIL. réniformes (4) ou trigones (2): il n’y a rien de fixe à cet égard, mais à mesure que leur développement fait plus de progrès, leur forme sphéroïdale devient de plus en plus exeception- nelle. A l'origine, ils sont arrondis, et ce n’est que par l'accrois- sement de leur contenu qu'ils finissent par se bosseler et par devenir plus ou moins irréguliers. Leur nombre est très-variable. I dépend beaucoup de lisole- ment et de la séparation des sexes, ainsi que du moment où on les observe (3). Quand on fait les études au printemps ou sur des mdividus qui sont en travail génésique depuis peu de temps, le nombre des glandes est beaucoup plus grand; on en compte de dix à quinze et souvent davantage, et l'on remarque qu'ils n'ont pas tous la même taille. Sur des animaux plus avancés vers la fin de la belie saison, on n'en trouve souvent que deux, trois ; mais alors ils sont très-développés. Dans le courant de l'été, 1ls sont ordinairement assez nom- breux pour remplir entièrement toute la cavité d'un Polype contracté, et alors l'idée qui se présente naturellement à les- prit, surtout quand on voit leur tulle disproportionnée, c'est que leur développement est successif, qu'ils n'arrivent pas tous au même moment à maturité, qu'ils doivent éclater et dispa- raître les uns aprèsles autres, et se céder amsi réciproquement la place. Dans un exemple on en comptait douze dont les proportions et les formes différaient un peu. Dans un autre cas, une seule glande mâle remplissait plus de la moitié de l'espace laissé libre par l'œuf. On voit done qu'il y a de nombreuses variétés dans la forme etle volume. (4) Voy. pl. IX, fig. 41, (2) Voy. id., fig. 40. (3) Voy. td., fig. 39. DES ORGANES DE LA REPRODUCTION. 131 L existence des organes mâles n'avait pas encore été consta- tée dans le Corail; c’est un fait nouveau pour la science. Remarque. — On ne peut manquer d'être frappé de l'énorme différence que présentent là grandeur et les proportions des figures. lei telle cavité générale est, relativement à la tige, très-grande ; là, tel animal est très-petit comparativement aux organes qu'il renferme. Tout cela tient exclusivement à l'état de relâchement, de contraction des Polypes et au développement de l'axe, du sarcosome et des organes, au moment où le dessin a été fait. I faut donc, dans les objections qui pourraient se présenter, faire la part de l’état des choses. J'ai voulu dans les dessins que je publie copier exactement les exemples choisis et pris pour modèle. Ces différences m'ont souvent étonné, parfois j'avais cru en commençant à des erreurs; mais bientôt J'ai acquis la conviction intime que toutes les proportions étaient exactement conservées. Hisrocoie. — Si l'on arrache avec des pinces fines un repli intestinforme portant des organes bien développés, on recon- nait aisément que chaque testicule est suspendu par un pédon- cule très-grèle, qu'il est limité par une membrane enveloppante, et quil renferme une matière d'une nature toute spéciale d'autant plus abondante et caractéristique qu'il est plus déve- loppé. C'est, en un mot, une capsule avec une paroi et un contenu. Le contenu (4) s'échappe au dehors dès que la pression même très-légère d’une plaque mince de verre vient à rompre la capsule ; alors un nuage visqueux, d'un gris un peu bleuâtre que rend tres-bien la teinte neutre, sort par la rupture et se mêle peu à peu à l'eau. I y a sur ses bords comme une sorte de dissolution du mucilage qui tient ses éléments rap- prochés, (4) Voy. pl. IX, fig. 41 (a). 132 REPRODUCTION DU CORAIL. Le contenu est formé de deux sortes de particules solides : les cellules spermatogènes, et les spermatozoïdes. Quand on n'observe pas un testicule arrivé à son état de parfaite maturité, on ne trouve que des cellules dont la forme et l'apparence rappellent ce que lon voit dans tous les organes males ; elles sont finement granulées à l'intérieur, leur paroi est transparente, et elles réfractent là lumière d’une certaine facon (4), qu'il est aussi difficile de définir que de décrire bien qu’elle soit caractéristique. Elles sont pâles et ne présentent rien de semblable à ce que l'on voit dans l'œuf; plutôt ovales que sphériques, elles ont un diamètre qui mesure en moyenne 1/2 ou 1/3 de centième de millimètre. Parmi elles on en trouve de plus grosses, moms nombreuses, qui n'offrent pas seulement un contenu formé de granula- tions fines, mais qui renferment les corpuscules qui viennent d'être indiqués. Ce sont des cellules mères qui produisent par voie endogène les cellules caractéristiques du sexe mâle. Cela explique leur réunion par petits groupes de trois, quaire où davantage, que Fon remarque souvent au milieu des nuages qui s’échappent des capsules. ‘ Les spermatozoïdes n'ont pas une forme spéciale et excep- tionnelle. Leur tête globuleuse est relativement assez grosse et leur queue très-fine et déliée (2). La première reste longtemps enfermée dans la cellule pro- ductrice, tandis que la seconde, déjà au dehors depuis long- temps, oscille, déplace et fait avancer le globule céphalique (3). Les filaments spermatiques sont d'une très-grande agilité quand ils sont complétement débarrassés de la cellule qui les (4) Voy. pl. IX, fig. 42 (a a), (2) Voy. id., id. (d). (3) Voy. 10. (6), DES ORGANES DE LA REPRODUCTION. - 133 a produits. Hs passent dans le champ du microscope comme des traits; mais ils semblent rester assez longtemps dans la capsule et avoir comme de là peme à s'en débarrasser. Dans ce cas 1ls sont lents à se mouvoir. Dans le contenu d'un même testicule, on rencontre des cellules ovoides avec un prolongement caudal, tantôt plus long, tantôt plus court, et l'on peut, d’un spermatozoïde à tête déga- gée et globuleuse passer insensiblement à la cellule productrice. Quelquefois on trouve en assez grand nombre des corpus- cules fusiformes (1) allongés, terminés à leurs extrémités par de véritables queues. Il est assez difficile d'en reconnaitre la nature exacte, peut-être sont-ils dus à la fusion de deux cel- lules spermalogènes, et au dégagement suivant les pôles des queues de deux spermatozoïdes ; il nr'est impossible de rien affirmer de posiüf à cet égard. Bien que dans ce travail tout spécial les comparaisons aient été autant que possible écartées, cependant 1l est difficile, à propos de ces faits nouveaux, de ne pas dire que dans le groupe tout entier des Alcyonaires les choses se passent ab- solument comme dans le Corail, et que par conséquent 1ct 1l n'ya rien d'exceptionnel. Dans l'épaisseur des lames ou replis radiés de Fa cavité générale, les tissus s'accroissent en des points isolés et produi- sent de petites tumeurs qui deviennent très-promptement sail- lantes. Peu à peu, par le progrès du développement, ces tumeurs s’éloignent des replis, et alors on peut remarquer qu'elles sont attachées par une base encore large qui a de la tendance à se (1) Voy. pL IX, fig. 42 (b). — Cette figure a été dessinée avec l'obj. n° 7 et l'ocul. n° 4 de Nachet. Dans des conditions de distance telles que 1/109° de millimètre couvrirait 6 millimètres. Ce grossissement serait donc de 600 fois. D'après ces mesures on pourra juger aisément des grandeurs relatives de lous les éléments, 13/4 REPRODUCTION DU CORAIL. rétréeir pour former un pédoncule (D) et que leur milieu semble creusé d'une cavité obscure (2), dont les limites, quoiqu'un peu ondulées, sont nettement marquées. On croirait à un véri- table trou occupant le milieu de la petite sphère. Jusqu'à ce que les cellules destinées à produire les sperma- tozoïdes soient toutes développées, cette apparence persiste. Dans les Gorgones en particulier, elle est extrèmement mar- quée et permet de reconnaître très-vite les mâles des femelles. C'est à elle qu'est due aussi la modification de la teinte de la glandule qui, avons-nous dit, parait comme vide dans son milieu. Toutes ces particularités s'expliquent quand on connaît le développement ou Févolution des glandes mâles depuis leur apparition jusqu'à leur parfaite maturité. On croirait qu'il existe contre les parois de la capsule une couche (3) de cellules qui, en se développant, gagne le centre et remplace un plasma où liquide capable de s'organiser de proche en proche. Ilest certain que cette disposition ne manque jamais et qu'elle disparait avec la maturité. La capsule produirait done les éléments destinés à devenir spermatozoïdes de la circonférence vers le centre. Le pédoncule est le résultat de l'étranglement qu'éprouve au- dessous d'elle la petite tumeur. Formé aux dépens des lames ou -replis radiés, 1lest la continuation des tissus qui ont entouré d'abord la petite masse. I renferme donc à la fois les mêmes éléments que la capsule et que le repli. La capsule testiculaire offre une structure constante, mais (4j Voy. pl. XI, fig. 49 (4). (2) Voy. id., id. (g) cavité centrale. (3) Voy. id., id. (f) partie cellulaire externe, (e) capsule, (g) partie centrale qui ressemble à une cavité, Vu à un grossissement de 500 fois. DES ORGANES DE LA REPRODUCTION. 439 elle s’altère facilement quand on la comprime, surtout quand l'époque de la maturité est arrivée. Son épaisseur, très-variable, est toujours moindre que celle de l'œuf. Elle est formée de deux parties (1) : l'une, externe, renfer- mant de très-grandes cellules à granulations nombreuses, rap- pelant, mais en petit, ces grosses cellules que l’on à vues à l'in térieur des bras et qui se désagrégent si facilement; l’autre, mince, transparente et légèrement striée parallèlement à sa surface. L'apparence de cette seconde partie est due, soit à la compression, soit peut-être à des fibres, continuation de celles que l’on trouve dansle pédoncule et dans les replis radiés. un Ss Organes femelles. La facilité qu'il y a à voir les œufs du Corail est si grande, que l'on est en droit de s'étonner que les naturalistes ne les aient point signalés plutôt. Pendant là belle saison, il n'est pas possible de ne pas en trouver en faisant des coupes parallèles à la surface du sarco- some et arrivant Jusque dans le corps des Polypes, on voit alors dans l'eau flotter les globules ronds parfaitement sphé- riques, trainant souvent après eux un long pédoncule (2). L'apparence d'un antmal ainsi ouvert rappelle complétement ce que lon trouve dans une foule de Gorgoniens ou d'Aleyo- naires, Où souvent les corps sont bourrés de germes à diffé- (4) Voy. pl. IX, fig. 42. Dans cette figure, on n’a pas représenté tout le testi- cule (t) ; on voit de chaque côté de la masse spermatique (a) les lignes appartenant à la capsule, et les grosses cellules qui la recouvrent, (2) Voy. pl. IX, fig. 43 B (0). 156 REPRODUCTION DU CORAIL. rents états de développement qui forment comme des grappes vivement colorées. L'œuf du Corail est parfaitement sphérique tant qu'il reste œuf. Plus tard, quand il a subi l'influence de la liqueur sémi- nale, il change de forme. Mais alors 1l est déja un embryon, il n'est plus un œuf (4). Sa couleur est d’un blanc mat, qui ne fait Jamais défaut, tout le temps que l'animal est vivant; mas qui, ainsi que cela a été déjà dit, passe au jaune quand les tissus du corps prennent eux-mêmes cette couleur après la mort. Jamais il n'a dans son milieu la transparence du testicule. Sa taille varie naturellement avec l'âge; il est fort petit au commencement de son apparition, puis il devient fort gros, mais il ne dépasse cependant pas certaines limites, 1l ne devient jamais aussi volumineux que les capsules mâles. Pour chaque animal, il est difficile d'en assigner le nombre, soit parce que le développement est moins considérable, soit parce que les naissances successives des jeunes viennent de loin en loin en faire disparaître quelques-uns. Les rapports de l'œuf et des replis mtestmiformes sont très- nettement déterminés. Supposons un de ces replis vu de profil (2); par sa parte inférieure, 1! est soudé avec le plancher de la cavité abdominale ; par son bord adhérent vertical, il est soudé à la paroi ou limite de la cavité, et sur son bord hbre, un peu au-dessous de son union avec lœsophage, il porte un paquet de bourrelets contournés en différents sens (3), comme l’in- (4) Voy. pl. XL, fig. 52. B est la cavité d’un Polype dont les œufs sont déjà transformés en embryons : B’ renferme un énorme testicule (f) et un œuf remar- quable aussi par sa grosseur (0). On doit être frappé de la différence de taille qui existe entre (0) de B et (0) de P', (2) Voy. pl. X, fig. 44. (3) Voy. àd., id, (a), DES ORGANES DE LA REPRODUCTION. 15 testin gréle appendu au mésentère. Ce paquet ne se continue pas dans toute l'étendue du bord du repli, il forme une petite masse bien limitée, supérieure, appelée par les auteurs cor- don pelotonné (4). C'est au-dessous de lui que commence la production des œufs. | Lorsque ceux-ci sont arrivés à leur entier développement, ils pendent à l'extrémité de leur pédieule (2), tantôt allongé et grêle, tantôt court, plus ramassé et plus épais. I y à là une disposition constante et tout à fait analogue à celle que l’on rencontre dans tous les Aleyonaires. HISTOLOGIE. — On trouve dans une glande femelle les mêmes parties que dans les glandes mâles. IF y à une enveloppe ou capsule, un pédicule et un contenu. L'œuf nait dans une capsule (3), qui persiste et qui l'envi- ronne pendant tres-longtemps. I S'y accroît et s'y complète, mais, tandis que dans la glande mâle l'intérieur même de ia capsule produit un grand nombre d'éléments, ici, au contraire, il n'en produit qu'un seul. On sait que l'en à cherché à trouver dans les organes males et femelles, les mêmes parties et cela jusque dans les moindres détails. La science ne gagne rien à de semblables parallèles, quand ils sont poussés trop loin. Sans doute on arrive à des rapprochements plus ou moins ingémeux et peut-être quelquefois utiles ; mais certainement on s'exagère la valeur de ces études comparatives que l'on aime beaucoup trop à décorer du nom de philosophiques, afin d'avoir à formuler après elles quelques lois, ce qui plaît tant. (4) Voy. Milne Edwards, À, J. Haime, His. des Coralliaires. (2 Voy. pl. X, fig, 44 (b). (3) -Voy. id., fig. 45 (f 9); fig. 46.(f 9) 158 REPRODUCTION DU CORAIL. L'élément caractéristique du mâle est le spermatozoïde, comme l'élément caractéristique de là femelle est l'œuf. La rencontre de l’un et de l’autre donne naissance à un nouvel être. Leur rôle est par cela même parfaitement défint, et leur individualté propre, si l'on peut employer cette expression, nettement démontrée. Cela suffit pour ne pouvoir établir aucune comparaison entre les granulations vitellines d’une part, et les cellules spermato- genes de l’autre. La glande mâle est une capsule qui sécrète des cellules dans l'intérieur de chacune desquelles se développe un élément mâle, particulier, mais si la glande femelle est aussi une capsule, elle ne sécrète qu'un seul élément d'une organisation toute spéciale. Aussi faut-1l rejeter, comme parfaitement impropres, ces expressions d'œuf mâle et d'œuf femelle ; car elles conduisent à cette exagération, qu'on a de la peme à comprendre, à l'œuf hermaphrodite (4), avec lequel on peut expliquer tout ce qu'on veut sans aucune difficulté, mais véritablement sans aucun résultat satisfaisant, car on part d'une pure hypothèse que rien ne démontre. L'œuf est composé exactement comme dans les animaux su- périeurs. [Il présente une enveloppe externe, la membrane vilelline, un liquide plastique où flottent de nombreuses granu- lations, le vitellus où jaune, et une vésicule transparente, dans laquelle on voit la fache germinative. L'enveloppe où membrane vitelline (2) est assez épaisse, elle se fait distinguer par son contour transparent comme dans les animaux supérieurs. Seulement elle ne mérite pas ici, comme là, le nom de zone transparente, car son épaisseur n’a rien de (1) L'expression à été employée par M. Barthélemy; mais elle est le résultat d’une vue de Pesprit, rien de plus (Voy. Annales des sciences naturelles, 4° série), (2) Voy. pl. XI, fig. 49 (a); fig. 50 (a). DES ORGANES DE LA REPRODUCTION. 159 comparable avec ce qui a été décrit sous ce nom, par exemple dans les Mammifères. Quand on comprime un œuf et qu'on le fait éclater, sa membrane propre, quoique mince, se ride, et, comme celle du testicule, paraît finement striée. I n'a point été possible de voir le micropyle ou petite porte, ouverture que l'on à reconnue exister, dans ces derniers temps, sur la membrane vitelline, et que l’on croit destinée au passage du spermatozoïde. On verra que s'il existe, sa présence est fort difficile à constater. Lorsque, par la pression, les éléments du vitellus S'échap- pent, ils forment un nuage (1) plus visqueux et plastique que lorsqu'il s'agit d'une capsule testiculare ; ils se séparent peu à peu par le mélange de l'eau et du plasma qui les unit. Le jaune à un aspect tout à fait caractéristique et particulier, dù à la nature et à la forme de ses éléments; on ne peut le mé- connaître dés qu'on l’a vu une fois (2). On ne trouve pas dans son intérieur de cellules particulières dont la forme et le volume soient constants; il ne renferme que des globules réfractant fortement la lumière, paraissant forte- ment ombréssur les côtés et extrèmementéclarés vers le centre : c'est l'apparence constante des globules graisseux ou huileux. On eu trouve de toutes les dimensions depuis 4/20° de cen- ième de millimètre jusqu'à un centième de millimétre et même davantage. Ces globules sont toujours beaucoup plus volumineux que les corpuscules producteurs des spermatozoïdes, et leurs con- tours, si vivement accusés, ne permettent guère de les con- fondre avec ceux-ci. (1) Voy. pl. XI, fig. 50 (b). (2) Voy. 1d., fig. 49 (d),. — Comparez dans cette figure (0) et (ft). Le déve- loppement de l'œuf (o) est à peu près égal à celui du testicule (#). La différence est des plus grandes, 140 REPRODUCTION DU CORAIL. Lorsque l'animal est mort et que tous ses tissus ont jauni, l'œuf se modifie un peu et la nature de ses granulations se dé- cèle, surtout quand il y à un commencement de putréfaction. Alors, en le comprimant, on voit sortir de son intérieur non plus des granulations à contours nets et bien dessinés, rappe- lant les gouttelettes d’une émulsion, mais de grandes fusées (4) d’une substance oléagineuse jaune, bordées d'un cercle tres- noir; c'est un effet de réfraction qui se présente toutes les fois que des gouttes de matière grasse se trouvent aplaties entre deux lames de verre. Ainsi, pendant la putréfaction il a dû s’accomplir un travail qui à fait disparaître les limites des globules graisseux et permis à la matière oléagineuse mise en liberté de se fondre en une seule masse qui exsude par la pression et qui surtout résiste à la putréfaction, ainsi que la plupart des matières grasses. La vésicule transparente (2) ou de Purkinje se fait remarquer dans l'œuf non mûr par un éclaircissement et une transparence vaguement définis, qui, ainsi que cela s'observe dans presque tous les animaux, est assez voisine des parois; elle écarte les granulations vitellines dont le rapprochement et la puissance réfringeante produisent la teinte foncée du pourtour de l'œuf. Elle parait surtout quand le développement n’est pas avancé, où lorsque lon écrase les œufs; dans ce second cas, elle sort, entourée par le vitellus ; mais elle ne tarde pas, dès qu'elle est dans l'eau, à disparaître, et probablement à se dissoudre, sans laisser de trace apres elle. La tache germainative (3) est elle-même fort évidente; elle est volumineuse et parait dans le milieu de l'éclairei qui répond à la vésieule de Purkinje. Dans des œufs assez Jeunes, on la (1) Voy. pl. XE, fig. 51 (2) fusée de matière grasse. (2) Voy. #4, fig. 49 (d); pl X, fig. 45 (3 fig. 46 (x). 3) Voy. pl. XE, fig. 49 (c). DES ORGANES DE LA REPRODUCTION. 11 voit très-distinctement; elle est très-régulière, elle rappelle tout à fait une petite sphère ombrée, dont la teinte sombre se dé- tache sur le ton clair de la vésicule transparente. Elle n’est pas toujours unique, bien souvent on en rencontre deux; ce n'est pas là, du reste, une exception, car dans les Mollusques, sans parler des Zoophyies et de beaucoup d’autres animaux, cela se présente très-souvent. Si l'on compare maintenant l'œuf au testicule, l'un et l’autre peu développés, on voit que le testicule est rarement sphérique, qu'il est un peu aplati et paraît comme creusé d’une cavité plus obscure, quoique transparente et limitée par un bord très-distinct; que l'œuf semble transparent aussi, mais dans un point qui se rapproche plus où moins de ses bords, et qu'il ressemble à une sphère formée d'une matière fortement réfrin- gente, vivement éclairée au milieu et obscure sur les côtés. H y a donc là un aspect tellement différent, qu'il n'est pas possible de confondre les deux organes. | L'enveloppe ou capsule est bien développée; elle est de na- 14 ture cellulaire et beaucoup plus épaisse que celle du testi- cule (4). H ne faut pas la confondre avec la membrane vitelline mince anbiste dont il a été question déjà. Les cellules qui là composent sont superposées en couches assez régulières, et lorsque l'œuf est bien mûr on en compte de douze à quinze en partant de la membrane vitelline jusqu'à sa limite extérieure (2). Elles ont une paroi évidente, et leur contenu est finement granuleux. Elles rappellent un peu les cellules des autres tissus, mais elles sont plus cohérentes et se désagrégent avec moins de facihté; aussi l'œuf ne peut s'échap- per que par une véritable rupture de sa eapsule. (1) Voy. pl. X, fig. 45 (9), fig. 46 (9), fig. 47 (9): pl. XIE, fig. 55 (e), fig. 54 (}, (2) Voy. surtout pl. XIE, fig. 54 (A g). 142 REPRODUCTION DU CORAIL. Les éléments de la dernière couche sont recouverts d'un épi- thélium vibratil très-vif, semblable à celui que l'on trouve dans tout l'organisme. IL est bien difficile de pouvoir dire s'il y à au-dessous de ces cellules, ou entre elles et la membrane vitellime, une autre couche fibreuse, ou bien si la membrane vitelline elle-même ne se confond pas avec la partie intérieure non cellulaire de la coque. Le tout est tellement délicat, et les éléments sont relati- vement si considérables, qu'il est fort difficile de décider de ces questions. Le pédoncule (L) offre une structure qui peut faire soupçon- ner que, dans l’intérieur de la capsule, il existe une membrane d'une nature autre que celle qui se reconnait si aisément. En effet il renferme, à n’en pas douter, un tissu qui n’est pas cel- lulaire et qui rappelle la couche fibreuse du milieu du repli radié. On est donc porté à se figurer l'œuf comme étant en- touré par les mêmes parties que celles qui se trouvent dans son pédicule ; parties qui elles-mêmes l'avaient déjà entouré dans le repli radié, et qui l'ont accompagné dans son déve- loppement,. L'œuf prend naissance dans l'épaisseur des replis intestini- formes (2), absolument comme les testicules ; car 1l n’en est pas des glandes génitales des Alcyonaires, et en particulier du Corail, comme de celles des autres Zoanthaires. Chez eeux-c1, une partie des replis radiés se gonfle et représente bien réel- lement un ovaire ou un testicule formant, par l'accumulation des capsules, une véritable masse glandulaire ; mais 1e1 les choses sont tout autres. Chaque capsule mâle ou femelle se développe isolément, et, lom de rester enfouie dans la lame où elle à pris naissance, elle s'en détache, pour ainsi dire, (4) Voy. pl. XIE, fig. 53 5 (d, (2) Voy. pl. X, fig, 45 (f). DES ORGANES DE LA REPRODUCTION. 143 quand son volume est devenu considérable. Elle finit par être comme suspendue à une portion plus étroite, laquelle, en s'al= longeant de plus en plus, devient le pédicule grêle dont il a été précédemment question. Dans le principe, 1l est très-facile de s'assurer que des or- ganes males et femelles sont complétement plongés au milieu des lames radiées. I devient maintenant utile et nécessaire de connaître la strue- ture de ces replis. Nous avions, on se le rappelle, réservé pré- cédemment leur étude pour le moment où nous nous occupe- rions des organes génitaux. Chaque lame radiée présente dans son milieu une couche épaisse (1) de fibres entrecroisées dont quelques-unes, plus évidentes, paraissent longitudinales ; ce sont, à n'en pas douter, des fibres contractiles, probablement musculaires et lisses ; mais, à côté d'elles, on en voit, qui leur sont directement perpendieulaires, qui semblent les croiser et se diriger vers les couches extérieures des cellules. Au-dessus et des deux côtés de cette couche fibreuse, véri- table charpente de la lame, 1l existe un revêtement cellulaire formé par une couche analogue à celle qui tapisse les vaisseaux, et dans laquelle on rencontre de nombreux nématocystes. Souvent, au-dessus de ces couches cellulaires, on retrouve le réseau des grosses cellules à granulations dont l'intérieur des barbules et des bras est si richement recouvert. C'est au milieu de la couche cellulaire, en dehors le plus souvent des fibres, au milieu des maulles du réseau, que nais- sent les œufs, autant qu'on en peut juger par la compression (2). Ïs paraissent le plus souvent comme de petits corpuscules à peine saillants, moms opaques que le reste du tissu. (4) Voy. pl X, fig. 45 : (a) (e) (d) couche extérieure cellulaire; (b c) partie médiane fibreuse, (2) Voy, id,, id, (f). ill REPRODUCTION DU CORAIL. La capsule ou enveloppe de l'œuf peut done, à bon droit, être considérée comme une partie de la lamelle radiée, dont le germe est resté recouvert, et qui continue à s'accroître et à augmenter d'épaisseur en même temps que lui. Peut-être parmi ses cellules il y à aussi des nématocystes, car ils sont en grand nombre dans la lame radiée (1); mais je n'ai pas eu l'occasion de les y rencontrer. Il est possible encore qu'il y ait quelques-uns des éléments de la couche fibreuse, prolongés dans le pédoneule, mais 1l est en tout cas fort difficile d'en constater l'existence, et de les distinguer de Fenveloppe vitelline lorsque celle-er est plissée. Il FÉCONDATION. Les rapports des sexes doivent d’abord être rappelés. On à vu que les glandes peuvent être portées par un seul et même Polype, c'est le cas de Fhermaphrodisme, cas rare où le rapprochement est le plus complet. Jamais je n'ai rencontré de zoanthodème dont tous les habi- tants fussent dans cette condition, on trouve à la fois des ani- maux mûles et des animaux femelles mêlés avec des Polypes hermaphrodites. I y a alors polvgamie, pour employer l'expres- sion de Linné. Les rameaux peuvent être monoïques, et dans ce cas, les males sont tantôt isolés sur des branches distinctes de celles habitées par les femelles, tantôt mêlés avec elles. Enfin les (4) Voy. pl X, fig. 48 (b). Cette partie représente une portion du cordon pelo- tonné qui renferme des éléments beaucoup plus petits et de nombreux némato- cystes : elle complète Pidée que Fon doit avoir de la structure Cu repli. FÉCONDATION. 145 zoanthodemes ne renferment souvent qu'un seul sexe, ils sont complétement dioïques. La fécondation, on le sait, consiste dans lacte mysté- rieux qui suit la rencontre de l'œuf et du spermatozoïde. On peut dire cet acte mystérieux, car rien n'est encore connu de son essence même. L'analyse microscopique à été, ilest vrai, poussée Jusque dans ses limites les plus reculées. Ainsi, on à vu les spermatozoïdes remonter, dans les pro- fondeurs de l'organisme des animaux supérieurs, jusqu’au point où se détache l'œuf; on les à suivis et on les a vus le cou- vrir, et c'était là un grand progrès. On à été plus loin encore : les Allemands surtout, désireux d'éclairer les mystères de la reproduction, ont découvert sur à membrane vitelline ce qu'ils ont appelé le micropyle ou la petite porte par où le zoosperme pénètre dans le vitellus et détermine ee mouvement vital si par- ticulier, qui est l'origine de la formation d'un être nouveau. Après tout cela que savons-nous? Sans doute, les filaments spermatiques sont les seules parties actives de la semence du male, c'est un fait avéré; sans doute, nous avons acquis la conviction qu'ils pénètrent dans l'œuf, mais évidemment nous n'en savons pas davantage sur l'action réciproque de ces deux éléments. Laissons de côté ces mysteres de la physiologie générale, et disons où à lieu là rencontre de l'œuf et du spermato- zoïde ; avouons n'avoir pu reconnaitre si elle se fait dans des conditions indiquées par Bischoff ou autres observateurs, et n'avoir pas constaté l’existence du micropyle. La capsule ovarienne est très-délicate ; elle se déchire avec la plus grande facilité; de petits tas de cellules restent épars çà et là accolés à la membrane vitellme, qui elle-même offre peu de résistance, et ne peut guère être dépouillée sans se rompre. il est done bien difficile de vérifier la présence du micropyle. LACAZE-DUTHIERS, 10 116 REPRODUCTION DU CORAIL. L'arrivée des spermatozoïdes dans l'œuf n'est pas moins difficile à constater. Comment. en effet, dans une cavité comme celle d'un polype, où sont réunis tous les organes, pouvoir suivre les antmaleules au milieu de tant de débris? Aussi la seule chose qu'il soit possible d’aflirmer, c’est qu'on trouve les spermatozoïdes ou dans le voisinage de l'œuf, ou sur sa capsule, et cela suffit. Quand les sexes sont portés par des zoanthodèmes distincts et éloignés, il faut que les courants de l'eau favorisent les mouvements des filaments spermatiques, sans cela la fecon- dation n'aurait pas lieu. Dans ce cas, les choses se passent absolument comme chez les Mollusques fixés et à sexes séparés, alors il est nécessaire que la fécondation soit favorisée par les courants. Ne trouve-t-on pas encore ici une grande analogie avec ce qu'on observe dans les plantes dioïques : pour les vents qui, en portant des nuages de poussière pollinique du côté des femelles, favorisent la fécondation ? C'est une observation facile à faire pendant la période de la, reproduction. Les mâles rejettent par là bouche au moment de la fécondation un liquide blanc qui retombe peu à peu au fond de l'eau, en formant un nuage qui va en s'affaiblissant de plus en plus, à mesure qu'il s'étend davantage (1). Si l'on puise avec une pipette ou tube de verre bien effilé un peu d’eau au milieu du nuage, on la trouve sous le microscope rem- plie de particules caractérisiques, de spermatozoïdes. I faut donc que rien ne s'oppose à l'arrivée de ce nuage sur les (1) Voy. pl. XIE, fig. 61. Ce qu'on a cherché à rendre dans cette figure est très- facile à reproduire. Que l’on prenne un flacon d’eau pure et que l’on vienne à faire touchet la surface du liquide par un pinceau chargé de la couleur blanche que l’on empleie dans l'aquarelle sous le nom de blanc d'argent, à l'instant on voit le blanc se précipiter et former une traînée verticale autour @e laquelle se produisent des cercles cui peu à peu se dissolvent et disparaissent dans l’eau en la blanchis- sant. FÉCONDATION. 117 zoanthodèmes femelles, sans cela la fécondation ne pourrait s'accomplir. Quand il y a diœcie, tout est abandonné au hasard. On doit remarquer qu'il ne peut être question que de la sécré- tion des glandes mâles; car, ainsi qu'on le verra plus loin, les élé- ments femelles ne sortent pas de la cavité où ils ont été produits. Quand le même zoanthodème porte des Polypes mâles et des Polypes femelles, les chances du hasard disparaissent un peu; mais encore faut-il 1ei que la maturité des deux éléments coincide. Le cas où il y a hermaphrodisme est celui où les conditions de fécondation se trouvent le mieux remplies, mais on à vu qu'il était relativement rare. Quoi qu'il en soit, la fécondation s'accomplit presque tou- Jours, car la transformation des œufs en embryons est constante. L'imprégnation de l'œuf a lieu non-seulement dans la eavité des Polypes, mais plus profondément encore dans l'ovaire même ; on en trouve la preuve dans ce fait que chez les AI- cyonaires et les autres Zoanthaires, on ne rencontre Jamais dans la cavité générale de véritables œufs, et que dans l'ovaire au contraire les embryons sont presque toujours déjà formés. Il faut donc ou que le spermatozoïde pénètre au travers des parois de la capsule cellulaire de l'œuf, ou bien que celle-ci soit déchirée et rompue en partie pour lui permettre d'arriver au vitellus. Cette dernière circonstance parait exister le plus souvent, car on trouve des œufs encore suspendus aux replis radiés et enfermés dans leurs capsules uit peu altérées, déchirées, et cela toujours à l'opposé du point d'attache du pédoncule (4). Ce fait a de la valeur, il permet d'expliquer quelques parti- cularités qui paraissent exceptionnelles et qui, mal interprétées, (1) Voy. pl. XIT, fig. 53. 145 REPRODUCTION DU CORAIL. pourraent conduire à des conséquences erronées, comme on le verra plus loin. Le rôle du lait à été diversement interprété, suivant que les auteurs ont eu des opinions différentes sur la nature du Corail. On à vu précédemment ce que réellement il fallait entendre par lait. Nous le rappellerons. C'est le liquide renfermé dans toutes les cavités du sarcosome, les vaisseaux et le corps des animaux, il doit être considéré comme un mélange de tous les éléments histologiques de Forganisme avec les liquides élaborés par la digestion et l'eau venue du dehors. D'après cela, il peut renfermer aussi les produits des glandes génitales, mais seulement pendant là saison d'été, car en hiver la repro- duction cessant, ces produits ne peuvent plus s'y trouver. Ceci nous à conduit à conclure, on se le rappelle, que le rôle du lait relativement à la conservation de l'espèce n'avait rien de spécral. Iest une opinion accréditée parmi les pêcheurs que je citerai entre tant d'autres. Le lait est pour eux la semence du Corail. «Prenez, me disait l'un d'eux, une pierre ou une brique ; faites » couler sur elle un peu de lait en pressant le bout d'une S » branche et frottez ensuite avec ce bout. Exposez la pierre au » soleil et lancez-la à la mer; la place où le lait se sera des- » séché donnera naissance à un pied de Corail. » Ce patron, homme intelligent et qui m'apportat avec beau- coup de soin du Corail toujours vivant et fort bien choisi, fut un jour témoin de la naissance de larves. Il lui en coûta d'abandonner ses anciennes opinions, cependant il parut ad- mettre son erreur; fut-il de bonne foi? Je ne saurais le dire. Évidemment cette opinion n’a aucune valeur, mais elle est un reflet, une exagération naïve de quelques-unes de ces opi- nions que les anciens auteurs ont eues sur le Hquide lacté du Corail, et qu'ils ont, en qualité de savants, entourées de raison- nements plus où moins Spécieux. FÉCONDATION. 4/9 Boccone a fait jouer un grand rôle à son levain, on à vu que c'est ainsi qu'il appelait le lat. EH le croyait destiné, quand la coction était suffisante, à accroître l'axe en se coagulant (1). Sans analyser ici toutes les opinions qui seront reproduites en- core à propos de l'accroissement du polypier, on peut dire que ce liquide blanc à beaucoup embarrassé ceux des naturalistes qui considéraient le Corail comme une pierre, et que leurs explica- tions cherchaient à concilier sa fluidité et sa couleur blanche avee la dureté et la couleur rouge de la pierre. Du reste, à part l'opinion de M. le professeur Milne Edwards que l’on à vue plus haut (2), peu d'auteurs modernes se sont occupés du lait à ce point de vue, surtout depuis que la vraie nature du Corail à été découverte par Pevssonnel. Mas avant d'aller plus loin, voyons ce que l'on savait sur la reproduction. Donati est l'un des auteurs qui prétendent avoir reconnu la semence véritable du Corail; mais ses descriptions renferment des indications qui font se demander si réellement il a rencontré les œufs : € J'ai vu au bas du ventre de quelques Polypes quelques S TZ hydatides rondelettes, extrèmement petites, molles, transpa- » rentes et jaunâtres, ou tirant sur la couleur pâle. Le lieu où » elles se trouvent et la figure qu'elles ont m'ont fait croire » que ce sont les œufs du Polvpe. » Ces œufs ne sont peut-être pas plus gros que Ja quaran- » tième partie d'une ligne, Cependant je crois y avoir décou- »vert quelques traces de ces corpuseules sphériques qu'on » trouve tant dans l'écorce que dans la substance du Corail. » Jamais on ne voit embryon renfermer de spicules; 11 faut (4) Voy. plus haut, p. 85. (2) Voy. id., p. 86. 450 REPRODUCTION DU CORAIL. , bien croire que Donati à voulu les désigner en parlant de ces corpuseules sphériques qu'on trouve dans l'écorce. Ceci pourrait donc faire douter que les objets décrits par lui fussent réelle- ment des œufs. Sa figure 44, à la lettre g, ne donne, du reste, aucune idée de ce qu'il a voulu indiquer (4). Quant à Cavolini, qui a étudié avec un si grand soin lhis- toire des Gorgones, il n'a pas donné beaucoup de renseigne- ments sur la reproduction du Corail. On en jugera par Île passage suivant : «Ogni buona ragion vuole di dover pensare che nel fondo » degli organi sopra descritti, siccomé nella Gorgonia si à » dimostrato, si trovino le matriei delle uovà, e che per somi- » glianti canali se ne faccia lo scarico. L'osservazione di questo » fatto è mancata, perchè di Coralli non he potuto avere quella »_copia che di Gorgonie ; né in ogni tempo, e ben condizionati : » onde ad avvalorare l’antecedente conghiettura, proporrd 1l » seguente fatto. In agosto del 177%, notomizzando 11 euojo » di un Corallo di fresco cavato dal mare, nel fondo dei » cavi degli organi sopradeseritti scoprii una copia grandissima » di piccioli granelli, che con acqua posti nel vetro concavo del » microscopio riconobbi ciascuno essere della figura di uovo » siccome nella Gorgonia, e neï rimanenti Polipi aveva osser- » vato. Forse erano questi sacchetti di uovà, siccome nella Gor- » gonia : ma in questo suggetto non giunsi à vederlo con quella » nettezza che si richiede per una coneludente osserva- » ZIone (2). » Tout cela est bien peu de chose, et si l'on se rapporte aux termes du rapport de la commission de l’Académie, on voit, ainsi qu'ils lindiquent, qu'il v avait encore une ample moisson à faire. (1) Voy. Donati, loc. cit. (2) Voy. Cavolini, loc. cit, p. 46. ° GESTATION. 151 IT GESTATION. C'est un fait qui ne peut plus être mis en doute : le Corail est vivipare, c’est-à-dire que ses œufs se transforment dans l'in- térieur de ses Polypes pour devenir des embryons, des jeunes animaux doués d’une vie propre et Imdépendante. Aujourd'hui la distinction établie entre les animaux ovipares et vivipares à une importance bien moindre qu'aux époques où l'on supposait que tantôt il existait des œufs, que tantôt 1l n'en existait pas. I ne peut être question des générations alternantes et de la parthénogénèse qui, malgré leur forme différente, reviennent tôt ou tard au développement par les sexes. Ici elles n'existent pas. Tous les animaux, sans exception, dont le développement est connu naissent d'œufs. Pour ‘les autres, on ne fait que des hypothèses qui conduisent à l'interminable discussion des générations spontanées. A part ces exceptions, dans un cas, les germes sont pondus directement au dehors et accomplissent leur développement, m— dépendamment de l'être qui les a produits; dans un autre, ils sont pondus dans le corps même de la mère où ilssubissent leurs premières transformations. Le Corail se trouve dans ce dernier cas : son œuf, apres s'être détaché de l'ovaire, reste dans la cavité générale du corps jusqu'à ce que son développement soit suffisant pour lui permettre de vivre d’une vie indépendante. Ce fait est démontré par l'observation directe. Tous les corps ovoides blanchâtres que l’on trouve libres et non suspendus dans la cavité abdominale, sont déjà des embryons, puisqu'ils 152 REPRODUCTION DU CORAIL. se meuvent. D'ailleurs, quand leur sortie est naturelle, jamais ils ne sontà l'état d'œuf; toujours, au contraire, à l'état de larves. On sera sans doute frappé d'une coïncidence remarquable ; ici dans une même cavité s'accomplissent deux phénomènes tout à fait opposés : une matière est dissoute par l'acte de la diges- tion, tandis qu'une autre, tout à côté, dans le même milieu, prend de l'accroissement et se développe. N'est-ce pas le cas d'avouer une fois de plus que les phénomènes intimes de la vie nous échappent le plus souvent dans leur essence même? n'est pas possible d’assigner un terme à la durée de la ges- tation, car on ne sait à quelle époque les œufs se détachent des replis radiés et commencent leur évolution génésique ; cepén- dant, tout porte à faire croire qu'elle peut durer un mois. Quoique très-développées, les larves restent encore long- temps dans la cavité générale des Polypes. On les v voit par trans- parence (1), au travers des parois du corps, se mouvoir entre les replis radiés, remonter dans les loges entourant l'æsophage, ou même s'engager dans les tentaeules, d’où elles ont quelquefois beaucoup de peine à se dégager. Le IV NAISSANCE DES LARVES. La ponte, on le sait, consiste essentiellement dans la sortie des œufs au dehors. On ne peut done pas dire que le Corail pond, puisqu'il en est de lui comme des animaux supérieurs. Chez ces derniers, on à appelé ovulation acte physiologique (4) Voy. pl. XIE, fig. 63. NAISSANCE DES LARVES. 153 par lequel les germes se séparent de la glande qui les produit, mais cela avant la fécondation. En s'en tenant strictement à cette définition, on ne peut dire non plus qu'il y ait iei ovulation. En effet, d’après les observations comparatives, d’après surtout quelques faits rela- tifs aux premières périodes du développement, on doit croire que, dans les Coralliaires, lorsque les germes se détachent et deviennent libres, déjà ils ne sont plus des œufs, puisqu'ils ont commencé leur évolution. La naissance commence donc à Fovaire même. Toutefois, il faut aussi désigner par ce mot la sortie des embryons du corps des Polvpes. C’est par la bouche de leur mère que les larves s'échappent, non-seulement dans le Corail (4), mais dans tqus les Coralliaires, et Cavolini (2) a fait une grave erreur en décrivant un orifice particulier pour la sortie des jeunes dans les espèces dont il avait suivi la reproduction. Cette erreur sera prouvée dans un autre travail. J'ai assisté bien des fois à la naissance des larves du Coral, souvent aussi je l'ai provoquée : elle peut avoir lieu quand le Polype est contracté comme lorsqu'il est épanour. La bouche s'entr'ouvre largement, et les larves sortent tantôt d'elles- mêmes, entraînées par leurs propres mouvements vibratoires, tantôt expulsées par les contractions de leur mére. C'est toujours en présentant leur grosse extrémité la pre- mière qu'elles sortent (3) car elles s'engagent ainst dans F'œæso- phage, en nageant dans la cavité générale : ce que l'on peut aisément constater quand le Polvpe est gonflé et transparent. (4) Voy. pl, XLIT. La figure 62 représente des naissances au moment où elles ont lieu, malgré la contraction des Polypes. Dans la figure 63, un jeune Polype sort à reculons d’un Polype mère bien épanoui. (2) Voy. Cavolini, loc. cit., les passages où il décrit et figure la sortie des larves dans les Gorgones et les Astroïdes. (3) Voy. pl. XII, fig. 62 et 63. 154 REPRODUCTION DU CORAIL. A quelle époque a lieu la naissance? Il y à deux réponses à cette question, suivant que l’on entend parler de l'état du développement de l'embryon, ou bien de l'époque de l'année. Relativement à l’état du développement, on doit être assez l'éservé. En effet, les animaux pris au moment de la reproduction et placés dans des conditions toutes particulières, se hâtent sou- vent de rejeter les produits de leurs organes génitaux ; il semble qu'un instinct, présidant à la conservation de l'espèce, avertit la mère du danger qu'elle court. On se demande sil n'en est pas du Corail, mis en observation dans de petits aqua- riums, comme de tant de femelles d'insectes qui, dès qu’elles sont en captivité, se hâtent de pondre. Le doute pourrait donc naître dans l'esprit en se rappelant que dans d’autres Coralliaires, la naissance à lieu très-tard, c'est-à-dire lorsque déjà les jeunes Polypes sont très-déve- loppés. Ainsi, par exemple, les Actinies ne donnent pas naissance à des larves, mais bien à de petites Actinies absolument sem- blables à elles moins la taille. Cependant, il n’est pas probable que pour le Corail, il en soit dans les aquariums autrement qu'au fond de la mer, ear les Gorgones, les Aleyons, les Bébryces et surtout les Astroïdes donnent naissance à des jeunes, en grande quantité, et tou- jours de la même manière. Pour l'Astroïde, qui s'éloigne déjà beaucoup des Gorgones et se rapproche à tant de titre des Actinies, le plus léger doute n’est pas possible. En effet, cette espèce vit à de irès-faibles profondeurs et les changements qu'elle éprouve, quand on la recueille pour en suivre la reproduction, ne sont pas capables de lui faire rejeter ses embryons avant terme. L'observation directe le prouve encore. Autour d'un petit ., pâté de rochers, près de la Calle. à l'île Maudite, J'ai pu recuel- NAISSANCE DES LARVES. 155 lir au printemps et au commencement de l'été, c'est-à-dire au moment de la reproduction, desembryons d’Astroïdesnageant en mer; ceux-là étaient certes bien nés spontanément et ne différaient en rien de ceux que J'avais obtenus en plaçant les zoanthodèmes dans les aquariums. Une autre observation démontre d’ailleurs que la naissance a bien été ce qu'elle devait être, c'est-à-dire que les larves ne sont pas nées avant terme. Des branches de Corail conservées vi- vantes, assez longtemps, ont donné suecessivement des jeunes pendant quinze Jours, et cela même après un voyage de la Calle à Bône. I est évident que st la sortie avait été prématurée, toutes les larves eussent été rejetées à la fois et non pas de loin en loin. Enfin chez les Gorgones les embryons naissent évidemment toujours viables puisqu'ils se métamorphosent, se fixent et pro- duisent des oozoïtes parfaitement semblables aux Polypes mères. Pour toutes ces raisons, 1l est done permis de croire que le Corail naît dans les aquariums comme au fond de la mer, et qu'il s'échappe toujours du sem de sa mère à l’état de larve, c'est-à-dire qu'il n'a pas, ainsi que cela a lieu chez les Actinies, la forme du Polype qu'il produira plus tard. Quant à l'époque de l'année où s'accomplit la naissance, voici quels sont les faits observés pendant deux voyages consécutifs chacun de plus de six mois. À parür du mois d'avril en 1861 et du mois de mai en 1862, le Corail était, on l'a vu, rempli d'œufs; il en renfermait un peu moins en avril que dans les autres mois de la belle saison. À la fin d'août et surtout au commencement de septembre, les naissances des embryons ont eu lieu d’une manière constante et continue Jusque vers le 15 septembre; à partir de cette date elles ont diminué, et en octobre. mais surtout en no- 156 REPRODUCTION DU CORAIL. vembre et décembre, elles avaient entièrement cessé; on ne rencontrait même plus d'œufs. Le fit n'est done pas douteux : la période de reproduction sétend du printemps au commencement de Fautomne et elle cesse pendant l'hiver. Quant à la naissance des jeunes, a-elle seulement lieu à la fin d'août et au commencement de septembre ? Je n’oserais l'affirmer d'une manière absolue. Je crois que la mort si ra pide et si constante du Coral, même à la mer, pendant les grandes chaleurs, apporte une grande cause de trouble dans les observations, et par suite dans les conclusions qu’on peut en tirer. Le 2 juin, en 1861, j'ai vu la naissance naturelle de plusieurs jeunes embryons. La branche de Corail qui les donnait était fort belle, bien vivante et épanouie, et sans nul doute, elle avait produit des jeunes venus à terme. Malheureusement des cir- constarces indépendantes de ma volonté, l'éloignement du garde-pèche de la Calle, mterrompirent à ce moment mes expé- riences, etla naissance ne s’est jamais depuis reproduite sous mes veux, soit en 1861, soit en 1862, pendant les mois de chaleur. Malgré le doute que jette dans l'esprit cette observation, ce- pendant on ne peut empêcher de croire que le nombre des naissances ne soit plus grand vers la fin de la belle saison, car à ce moment ausst on voit les mâles lancer moins fréquemment des jets de semence et les spermatozoïdes sont eux-mêmes très-vifs, c'est-à-dire parfaitement développés ; mais, dans ces observations, qu'on ne perde jamais de vue que, pendant la période des grandes chaleurs, la mort rapide des animaux peut être une cause d'erreur certaine dont on doit tenir compte. DÉVELOPPEMENT. 197 _ DÉVELOPPEMENT. Dans les détails qui vont suivre on trouvera la solution de ces questions : Comment d'un œuf peut-i naitre un Poiype? Comment un rameau, une colonie où un zoanthodéme, êtres composés, déri- vent-ils d'un être simple? Comment enfin se développe l'axe ou polypier du Corail? Il est tout d'abord nécessure d'établir: quelques divisions, de poser quelques jalons servant à marquer les époques les plus saillantes des modifications de forme et de nature que subis- sent les parties et les tissus. Ainsi 1l faut reconnaitre que des changements transforment l'œuf en embryon; que l'embryon devient une larve, d'où naît un oozoïte ou Polype et que celui-ci se métamorphose à son tour en un zoanthodème dans linté- rieur duquel se forme un axe où polvpier. il existe done dans le développement du Corail quelques grandes périodes que l'on peut caractériser ainst : 1° La période ovarienne où du fractionnement ; 2° La période de la liberté ou de la forme larvée ; 3° La période de la métamorphose et de la fixation ; h° La période de la formation de loozoïte où Polype com- plet, mais isolé ; 5° La période de l'apparition de la blastogénese ou de la production du zoanthodème ; 6° La période du dépôt du polvpier. 158 REPRODUCTION DU CORAIL. S 4°, Période ovarienne ou du fractionnement, Le premier mouvement vital qui se manifeste après la fécon- dation est ce que les embryologistes ont nommé /ractionne- ment. L'œuf soumis à un travail intérieur se partage en deux, quatre, huit, ete., sphérules et finit, après des divisions succes- sives, par former un corps cellulaire framboise. Ce phénomène est si général, qu'il est considéré, avec juste raison, comme fondamental et caractéristique de l'œuf en tra- vail. I n'a pas été possible de le voir ici nettement et dans toutes ses particularités. Comme le nombre des œufs examinés sur beaucoup d'espèces à été, je puis le dire, immense, ma première pensée fut que peut-être il n'existait pas et que le Corail faisait exception. Mais avant de présenter une exception à une règle aussi générale, on doit y regarder à deux fois, et naturellement mon attention se dirigea d’une manière toute particulière sur cette premiere période, Plusieurs fois j'avais trouvé, dans les capsules détachées di- rectement des lamelles radiées, des œufs qui semblaient doubles ou bien réunis deux par deux, sous une même enveloppe. Cette observation était embarrassante, car l'œuf étudié dans son développement m'avait paru toujours simple. Ne trouvant jamais d'œuf proprement dit dans la cavité générale, je fus conduit à rechercher quel était son état dans la capsule même à partir des périodes les moins avancées de son développement, et je remarquai bientôt que les embryons étaient déjà formés lcrsqu'il se dégageait de la capsule ovarienne. Cette observation me conduisit à admettre que la fécondation avait lieu dans la DÉVELOPPEMENT. 159 capsule de l'ovaire, et que, par conséquent, le fractionnement devait S'y passer aussi. Alors je m'expliquai l'apparence des œufs doubles, et je compris aussi comment cette première période du développement pouvait être masquée par l'épaisseur des parois de la capsule. Dans les Bébryces et les Alcyons on trouve fréquemment des germes presque murlformes , bien qu'encore suspendus aux lames radiées ; 11 faut voir là comme les premières traces du travail embryogénique. Par contre, dans les Actnies, les Astroïdes, il ne m'a jamais été donné de rencontrer la plus légère apparence de fractionne- ment ; il faut done admettre que cette phase du développement, ou bien n'a pas lieu, ou bien se passe dans l'ovaire après la f6- condation ; c'est à cette dernière opinion que j'ai cru devoir m'arrèter dans l’état actuel des recherches. Si du reste elle est juste, comme J'espère le démontrer dans un travail général, il faut aussi admettre que le fractionnement est très-rapide, puis- que les exemples d'œufs mamelonnés sont relativement rares. On voit toutefois qu'ici cette première période se passe dans des circonstances peu habituelles. | Le fractionnement est certainement une des choses les plus simples à constater, et il est peu de naturaliste qui n'ait suivi son évolution avec la plus grande facilité, sur des espèces marines. Pour mon propre compte, dans les Mollusques, j'en ai suivi toutes les phases, ainsi que je lai fait connaître, chez les Dentales et les Vermets dont j'ai publié l'histoire dans les Annales des sciences naturelles. Bien que des circonstances se soient op- posées jusqu'ici à là publication des nombreuses observations que j'ai recueillies dans mes voyages sur l’embryogénie des Mollusques, j'ose dire que les évolutions du vitellus qui se frac- tionne me sont familières. Aussi, il me parait y avoir dans les Zoophytes Coralliaires relativement à ee premier travail embryonnaire quelque chose de particulier, qui mérite encore de nouvelles recherches. 160 | REPRODUCTION DU CORAIL, U72 © Forme larvée. Etat de liberté. L'œuf est parfaitement sphérique. ji Le travail du fractionnement le transforme sans doute en une masse frambroisée multicellulée. Ainsi modifié dans sa constitution, 1} change bientôt de figure, Il devient ovoïde et représente alors un être nouveau qui n a encore aucune ana logie avec Île Polype qu'il produira plus tard : c'est, en un mot, un embryon. Peu à peu il s'allonge, prend là forme d'abord d'un petit ballon, ensuite d'un petit ver. On appelle larve tout embryon qui ne ressemble plus à l'œut et ne rappelle pas encore la forme de l'animal adulte. Aujourd'hui on abuse beaucoup de ce nom qui n'aurait peut-être jamais dû être détourné du sens st précis qu'il avait dans la classe des Insectes. Mais puisqu'il semble ne plus devoir désigner que des formes masquées des Insectes ou des autres Animaux, on ne peut s'empêcher de l'emplover ici; car à un moment de son existence, le Corail présente une véritable métamorphose, et la forme qui précède ce changement mérite, an’en pas douter, le nom de forme larvée. La larve ressemble à un petit ver blane, tantôt plus, tantôt moins allongé, suivant son état de développement où de con- traction. Peu après sa sortie de l'ovare, sa longueur mesure tout au plus une fois et demie à deux fois sa largeur, mais quand elle est bien développée et arrivée au terme de la période de liberté, elle est de dix à quinze fois plus longue que large (1). Quoique encore à peme ovoïde (2), elle commence à se (1) Voy. pl. XIV, fig. 65, 66. (2) Voy. id, fige 72, 75. DÉVELOPPEMENT. 161 creuser d'une cavité et à se couvrir des cils vibratiles à laide des- quels elle nage; mais bientôt ses tissus se partagent en deux couches distinctes : l’une, interne, à granulations nombreuses et grosses, rappelant à certams égards les granulations du vitellus ; l'autre, externe, à éléments plus transparents, ana- logues à ceux de la couche externe du tissu des bras. On voit aussi paraître bientôt une différence dans les pro- portions de ses deux extrémités : l’une devient plus grosse et plus large, l’autre devient plus grêle et plus pointue; sur celle-ci se forme une ouverture destinée à mettre la cavité en commu- nication avec l'extérieur, c’est la bouche. Nous appellerons désormais la première extrémité postérieure ou basilaire, et la seconde, extrémité antérieure ou buccale (1). Les mœurs des larves sont curieuses et utiles à connaitre; leur progression où natation se fait à reculons, c’est-à-dire que l'extrénuté buccale est en arrière et la grosse extrémité en avant. C'est là un fait constant dans les Actinies, les Astroïdes, les Gorgones, etil faut mème ajouter dans tous les Coralliaires. On en verra la raison plus tard. Les larves, quand elles sont au repos, prennent toujours la forme d'un ballon (2) posé verticalement en équilibre sur sa petite extrémité. Pendant qu'elles nagent, elles s’allongent (3) ordinairement beaucoup, surtout quand on leur donne de l'eau nouvelle et fraiche ; alors elles représentent un petit cylindre arrondi à l’une de ses extrémités, un peu pointu à l'autre. Il est nécessaire, pour qu'elles vivent, de renouveler l’eau des vases. Aussi plusieurs fois par Jour, à l'aide d’un tube de verre effilé, on faisait la pêche à la pipette des nouveau-nés pour les (4) Voy. les différentes figures des planches XIV, XV, XVL (a) extrémité postérieure, (b) extrémité antérieure buccale. (2) Voy. le flacon du milieu de la planche XIV, Les larves au repos sont au fond. (5) Voy. id., les larves de la surface de Peau. LACAZE-DUTHIERS. 11 162 REPRODUCTION PU CORAIL. porter dans des bocaux choisis, où il était possible, avec des loupes fortes ou un microscope horizontal, d'en suivre les mou- vements et les transformations. Je les abandonnais rarement dans mes grands aquariums, car il était difficile de les y obser- ver et de les y suivre. Les changements d’eau y étaient d’ail- leurs beaucoup plus difficiles et en causaient toujours la perte. | Dès que les larves sont placées dans une eau pure, elles se meuvent pendant quelques heures avec une grande agilité, puis elles descendent ou se laissent tomber au fond comme pour se reposer. Si alors on frappe avec le bocal un léger coup sur la table, elles entrent bientôt en mouvement, et peu à peu elles rega- gnent toutes la surface de l'eau, tantôt en droite ligne et ver- ticalement, tantôt en décrivant des tours de spire (4). Arrivées au niveau de l’eau, les plus actives changent de direction et se dirigent horizontalement en suivant les parois du vase: si elles rencontrent quelques obstacle, par exemple, les autres larves restées immobiles et verticales, elles les évitent en passant soit au-dessus, soit au-dessous. C'est surtout au moment où l’on vient de renouveler l’eau qu'il est intéressant d'observer les vases : on croirait voir s’yagiter une fourmilière de petts vers blancs, qui deviennent tout à fait filiformes et se tordent quelquefois en pas de vis comme des vrilles. La position verticale, là grosse extrémité en haut, la bouche en bas, est le signe le plus certain de la bonne santé de ces jeunes animaux, qui, après leur mort, tombent et restent cou chés horizontalement sur le fond. El faut remarquer que toutes les larves, qu'elles appartiennent au Corail ou à une autre espèce (2), ont une tendance marquée ( ( ) Voy. pl XIV, fig. 64, les figures du milieu du flacon, } 41 2) Voy. id,, id, les larves placées au bord de Peau. DÉVELOPPEMENT. 163 à venir à la surface de l'eau; que si elles descendent au fond des vases, elles remontent toujours de temps en temps: aussi, quand les Polypes se sont fixés et développés dans mes appareils, c’est presque toujours en haut, non loin de la surface de l'eau, que cela à eu lieu. Ceci explique et démontre l’opinion des pêcheurs dont 1l a été déjà question, et sur laquelle nous reviendrons à propos de la pêche, à savoir, que le Corail se trouve au-dessous des rochers. n'a pas paru que l’un des côtés des vases fût plus particu- lièrement recherché qu'un autre. Cela tenait-il à l'éclarage de l'appartement? On pourrait le croire, car quelques Gorgones que j avais oubliées dans un coin se sont fixées du eôté opposé aux fenêtres : elles étaient ainsi directement en face de la lumière. Mais dans des vases de verre placés en face d’une ouverture par où arrive le jour, il n'y à pas d’ombres aussi marquées que dans les anfractuosités des rochers, puisque la lumière arrive de toutes parts. Ïl faut beaucoup de som pour faire vivre les jeunes Coraux et surtout beaucoup de patience, comme on peut en juger en jetant les veux sur la figure représentant un flacon où sont beau- coup de larves (4); on doit, en effet, pour changer d’eau, faire ia pêche de chacune d'elles avec une pipette, et les recueillir avec le moins de liquide possible pour les porter dans les vases remplis d’eau fraiche et nouvelle : quand on a des centaines de peüts vers, on voit que le temps qu'il faut employer à ces soins doit être considérable, mais avec un peu d'habitude on finit bientôt par agir plus rapidement qu'on ne pourrait le penser. Il serait, du reste, difficile de changer différemment l’eau des vases, car les larves sont si délicates, qu’elles ne peuvent guère subir le contact des corps durs, et jamais, en tous cas, elles ne vivent quand elles sont mises à sec. (1) Voy. pl. XIV, fig. 64. 1G/ REPRODUCTION DU CORAIL. es Métamorphose et fixation. La métamorphose précède-t-elle la fixation de l'embryon, ou bien celui-ci commence-t1l d'abord par choisir le leu qu'il n'abandonnera plus pour se transformer ensuite? Voici les observations qui permettent de répondre à ces questions. IL est probable que si la métamorphose sest souvent ac- complie au milieu de l'eau et avant que les petits vers se soient attachés aux corps étrangers, cela tient aux condi- tions biologiques où ils se sont trouvés dans les petits aqua- riums ; on n'oublie pas, d’ailleurs, que les surfaces de verre sont peu favorablement disposées pour leur fixation. L'élevage de certains Coralliaires est infiniment plus facile que celui du Coral. L’Astroïde en particulier se fixe avec une telle facilité, que lon peut le faire adhérer sur tout ce que lon veut. Je l'ai fait fixer sur des plaques de verre à observation, sur des parois de flacon, sur des pierres, enfin sur toutes choses. Chez ce Zoanthaire il m'a été facile d'observer les faits sui- vants, qui se sont reproduits aussi pour le Coral, mais sur une échelle bien moms étendue. Le sirocco a sur lui une action remarquable. Les larves les plus vives et quoique tres-allongées, changent sous son influence tout à coup de forme. En quelques heures elles deviennent adhé- rentes et discoïdes ; mais parmi elles il en est qui ne se fixent pas, qui se métamorphosent au milieu de l'eau, et restent avec leur nouvelle forme parfaitement libres et éloignées de tout corps solide. Dans cette nouvelle condition, c’est avec beau- coup de peine qu'on parvient à les faire fixer. J'Y suis cepen- dant arrivé pour quelques-unes. Celles qui restent libres forment, quoique plus difficilement, DÉVELOPPEMENT. 165 leur polypier, et leur pesanteur spécifique augmentant peu à peu, à mesure que la quantité de matière minérale devient plus considérable, elles s'élèvent de moins en moins dans l’eau, et finissent par tomber au fond des vases pour ne plus se relever. Évidemment dans l’Astroïde la fixation s’accomplit en même temps que la métamorphose, ou un peu avant. Si l'on juge par analogie, on est conduit à admettre que les larves du Corail changent de forme, soit au moment de perdre, soit après avoir perdu leur liberté. Toutefois 1l est certain que les conditions biologiques exceptionnelles dans lesquelles nous les placons ont une grande influence. Il est probable, en outre, que les sur- faces de verre sont peu propres à leur adhérence, car on en voit rester attachées deux ou trois jours et se détacher ensuite ; il faut encore tenir compte de la diffusion de la lumière tout autour des vases transparents, condition qui est bien loin d'exister au fond de la mer. Mais si des changements de forme s'effectuent au milieu de l'eau (1), les embryons n'en accomplissent pas moins leur évo- lution, car les progrès de leur développement semblent forcés ; aussi peut-on les porter facilement sous le microscope et en étudier l’organisation. Ce n’est qu'assez longtemps après sa naissance que le Corail cesse d'être libre, et qu'il commence ses métamorphoses ; junais il ne s’est fixé dans mes vases avant une dizaine ou une quinzaine de Jours. Je me garde bien d'en conclure que cela se passe ainsi dans les profondeurs qu'il habite. Tout porte à croire, au contraire, que c'est très-proprement après sa naissance que la larve s'ar- rête, et par conséquent que la liberté dont elle jouit est de peu de durée. (1) Voy. pl. XV, fig. 79 et 80. Ces disques se sont ordinairement formés dans les flacons de dix à quinze jours après la naissance. 166 REPRODUCTION DU CORAIL. La position qu'occupe le Corail dans la mer est évidemment la conséquence des mouvements particuliers de sa larve, dont la grosse extrémité, ou base, avance toujours la première, et se butte contre les obstacles, tandis que la bouche reste en arrière. [l semble que le corps des jeunes animaux, poussé aveuglément ét invineiblement contre tout ce qu'il rencontre, at, par cela même, une tendance à s’épater, à s'étaler à leur surface, et par suite à se fixer; or, comme ses mouvements le diri- gent verticalement de bas en haut, lorsqu'après sa naissance il est descendu au fond de l’eau, il remonte ensuite jusqu’à ce qu'il rencontre les voûtes des rochers, où il n’est point éton- pant de le voir adhérer. Ainsi, par une observation des plus délicates et de science pure ou d'embryogénie, on arrive à prouver cette opinion, si généralement répandue parmi les pêcheurs, à savoir, que le Corail se forme au-dessous et non au-dessus des rochers, et l’on voit de plus qu'il existe une relation harmonique des plus remarquables entre son mode de progression, sa métamorphose et sa fixation. La métamorphose consiste essentiellement dans un change- ment des formes et des proportions. L'exitrémité qui porte la bouche diminue peu à peu, en s'effilant, tandis que la base se gonfle et s’élargit (4). On ne saurait alors mieux comparer la forme du petit animal qu'à celle d’une toupie. Lorsque les larves vont se fixer, leur grosse extrémité semble se couvrir d’une couche de matière muqueuse, qui probable- ment aide à leur adhérence (2), puis arrive la métamorphose. L'allongement du eorps fait place à un raiatinement qu (4) Voy. pl. AV, fig. 75. (2) Voy. pl XVI fig. 85. J'ai vu fréquemment des larves fixées par leur base (a) à l’aide d’un petit nuage muqueux, qui, après trois, quatre ou cinq jours, se déla- chaient pour rester libres encore longtemps, et puis se transformaient, DÉVELOPPEMENT. 167 d'une forme vermiculaire conduit à une forme ventrüe. Le diamètre transversal gagne ce que perd le diamètre longi- tudinal, et, de plus où moins fusiforme qu'il était, le ver devient discoïde (1). La partie ventrue semble atürer en elle la partie effilée (2), on croirait que celle-ci s'invagine. Sur le petit disque qui prend ainsi naissance, on trouve deux faces correspondant exactement aux deux extrémités de la larve : la face inférieure (3), ou postérieure, est plane; la face supérieure, ou antérieure, est creusée d'une dépression entou- rée d'un gros bourrelet, au fond de laquelle on aperçoit la bouche (4) : C'est le Péristome. La transformation dont on vient de suivre les phases s’ac- complit souvent très-vite; il m'est arrivé fréquemment, en changeant l’eau des vases, de ne rencontrer au commence- ment que des larves vermiculaires, et, à la fin de mon travail, je trouvais quelquefois de petits disques qui s'étaient formés pendant l'opération. On a déjà indiqué l’influence qu'exerce le sirocco sur la méta- morphose; c’est surtout chez les Astroïdes que cela à pu être bien observé, en raison du nombre et dela grande vitalité de cette espèce. J'avais, en juin 1861, plus d’une centaine d’embryons réunis dans un même flacon, où ils vivaient parfaitement depuis près d’un mois. Le siroceco souffla une matinée, et, vers midi, les parois du vase étaient recouvertes d’une multitude de petits disques formés et fixés presque en même temps; c’est alors qu'en présentant comme obstacle à leur progression des plaques de verre à observation microscopique ou de petites (1) Voy. pl. XV, fig. 78. (2) Voy1d., fe. 76,77. (3) Voy. id., fig. 79 et 80 (b). (4) Voy. id., id, (a) partie basilaire, (b) bouche. J’ai vu de jeunes Coraux de cette forme et de cette taille, mesurant un demi, un tiers, un quartde millimètre de diamètre soit fixés sur les parois des vases, soit nageant en tourbillonnant dans l'eau. 165 REPRODUCTION DU CORAIL. cuvettes, il me fut possible de les faire fixer, de les porter sous le microscope, et de voir toutes les transformations, depuis la forme allongée jusqu'à la forme discoïde. Pour n'avoir pas été aussi détaillées et aussi multipliées, les observations sur le Corail n'en sont pas moins concluantes : car elles sont venues concorder en tous points avec celles qui avaient déjà été faites sur les Gorgones, sur les Alcvons et les Astroïdes. L'analogie est telle, que l'on peut superposer les dessins représentant les transformations de l'embryon du Corail sur eeux des Gorgones, des Aleyons et des Astroïdes. En cela, les résultats comparatifs prennentune valeur incontestabie. La structure imtime ou l’histologie des larves et des disques résultant de la métamorphose doit nous arrêter; car elle per- met de constater des faits généraux importants. Quand on écrase une larve ovoïde ou vermiforme, sans toute- fois peser assez pour la détruire, on reconnaît que son tissu tout entier se réduit aux parois de sa cavité centrale; que son corps proprement dit n'a pas une grande épaisseur, et que l’on peut s'en faire une idée exacte en le comparant à une petite outre ovoïde (1). Son tissu se partage en deux couches très-distinctes, que l'observation la plus superficielle fait reconnaitre (2). La couche interne (3) rappelle entièrement, par ses grands globules sphériques de toute dinension réfractant vivement la lumiere et à bords noirs, les éléments du vitellus : on croirait avoir sous les yeux un œuf. Avec cette différence, toutefois, que les plus gros globules, un peu moins fortement bordés de noir, renferment dans leur intérieur des sphérules secondaires (1} Voy. pl. XVI, fig. 85. Quand la larve va se fixer, elle présente vers le milieu de sa longueur une partie claire qui est due à sa cavité remplie de liquide. Cela est bien plus marqué encore sur les Bébryces et les Gorgones, (2) Voy. 2d., fig. 89 : (f) représente la couche interne, (e) la conche externe, (3) Voy. &d., fig. 89 et 90 (f'. DÉVELOPPEMENT. 169 plus petites. Cette différence indique évidemment un travail multiplicateur. La couche interne est couverte en dedans par des eils vibra- tiles, aussi voit-on les granulations qui flottent dans la cavité générale mues de ce mouvement de trépidation qui s’observe toutes les fois que ces organes moteurs existent. La couche externe (1) représente une bande transparente dont la teinte et les éléments anatomiques diffèrent essentielle- ment de la couche précédente ; on peut s'assurer de cette diffé rence en jetant un regard sur les planches. Elle est couverte de stries fines, dirigées perpendiculaire- ment à la surface de l'ovoïde, et paraissant être les limites d'éléments cellulaires peu distincts, comme fondus, intimement unis ensemble, et un peu allongés. Si l’on dispose les condi- tions d'observation de manière à voir le dessus même de la face de l'embryon, on remarque (2) un réseau excessivement délicat d'espaces plus ou moins polvédriques et circulaires, limitant les cellules dont on vient d'indiquer les séparations longitudinales en écrasant un peu les embryons : c'est cette couche qui porte les cils vibratiles extérieurs, organes locomoteurs de la larve. La différence énorme qui existe entre ces deux couches, for- mant à elles seules toute l'épaisseur du corps de l'animal, est fon- damentale ; je l'ai rencontrée dans tous les Coralliaires dont j'ai pu observer le développement, et je crois qu'elle a une grande importance dont je ferai sentir plus tard la valeur, elle est si marquée qu'on peut la reconnaitre avec une simple loupe en regardant par transparence uu de ces embryons ayant la forme d'un petit ballon. Plus on s'éloigne du moment où le jeune Corail à pris nais- (1) Voy. pl. XVI, fig. 89 et 90 (ee). (2) Voy. t1d., fig. 91. 170 REPRODUCTION DU CORAIL. sance par la transformation de l'œuf et plus aussi la cavité générale du corps grandit, plus les parois s'amimeissent, plus les éléments de la couche interne se modifient et diminuent en nombre. La cavité centrale se forme par érosion, les particules du mieu de la masse préembryonnaire se séparent, deviennent hbres par une sorte de désagrégation, et puis sont rejetées au dehors quand la bouche est formée. Les embryons vermiformes, lorsqu'ils sont encore éloignés de leur métamorphose, laissent échapper, quand on les comprime, des corpuscules de différente nature qui sont les éléments de leur tissu; celui-ci est mou et comme imprégné d'un liquide plastique et visqueux. Aussi voit-on les granulations devenues libres être en nombre variable entourées par une zone trans- parente, semblable à un contour de cellules, et dû, sans aucun doute, à ce fluide pâteux qui les englobe (4). Une fois j'ai rencontré une grande cellule parfaitement ronde, avec un gros noyau sphérique, dont j'ai donné le des- sin (2). On aurait cru avoir sous les yeux une vésicule de Pur- kinje. Mais, à ce moment, cet élément constitutif de l'œuf ne devait plus exister, et c'était, sans doute, une apparence due à la matière plastique. À côté de ces longues et grandes masses d'apparence cellu- laire, on trouve de gros corps ovoïdes de taille très-variable transparents (3) et formés exclusivement par cette matière vis= queuse, sorte de chair fluide qui se modèle en sphérules. Du reste, c'est quelque chose de semblable à ce que lon observe chez bien des embryons de Mollusques-où la compres- sion fait exsuder une matière pâteuse, qui forme des globules sphériques, et qui, englobant les éléments isolés des tissus, semble produire de grosses cellules. (L) Voy. pl. XVI, fig. 87 et 88. (2) Voy. id., fig. 88 (L). (3) Voy. id. fig. 87 (j). DÉVELOPPEMENT. 471 L'étude microscopique des jeunes polypes ou des larves métamorphosées fait voir des dispositions du plus haut intérêt, au point de vue de l'anatomie générale des Coralliaires. Quand on observe un jeune oozoite transformé en disque, et fixé contre les parois d’un vase transparent, on reconnait (1) que son milieu est plus obseur que sa cireonférence, que celle-ci est limitée par une bande (2) transparente facile à reconnaitre pour la couche externe des tissus de la larve primitive. Tout ce qui est en dedans de cette couche est plus sombre, et paraît cependant, d'espace en espace, alternativement plus obseur et plus clair (3). Les grosses granulations formant la couche interne semblent partagées en plusieurs masses par des cloisons allant de la cir- conférence au centre (4). Cette apparence s’est reproduite sur tous les embryons des Coralliaires dont j'ai obtenu la fixation sur des surfaces de verre. et qui ont pu ainsi être facilement étudiés par transparence. L'observation devient encore plus facile, si l’on a la chance de rencontrer quelques-uns de ces disques formés au milieu de l'eau et non fixes, car on peut les porter sous le microscope dans une petite cuvette de verre, les examiner d’abord dans leur entière liberté, et puis, en les comprimant un peu, voir tous les détails anatomiques de leur intérieur. Dans ces conditions, on juge aisément des progrès du développement. Les changements qui s'accomplissent pendant la métamor- phose sont des plus importants, surtout ceux que présente la couche externe. On voit, en effet, très-distinetement que celle-ci se prolonge de loin en loin en bandelettes déliées, pénètre ainsi dans la couche interne et la divise en lobes (5). (1) Voy. pl. XV, fig. 82 (a). (2) Voy. id., id. (e). (3) Voy. id., id. (d). (4) Voy. id., fig. 83 : (f) grosses cellules, (9) cloisons qui les séparent. (5) Voy. id. fig. 81 et 83 (g g). 179 REPRODUCTION DU CORAIL. Ces bandelettes, absolument de la même nature qu'elle, ont une étendue variable et sont beaucoup plus prolongées vers le centre à mesure que l’âge augmente. Elles n'existent pas dans les larves vermiformes au début de leur existence. Mas plus tard, elles se montrent comme des traînées ou stries longitu— dinales sur la paroi de la cavité centrale. Enfin, quand le disque résultat de la métamorphose se forme, elles s'avancent de plus en plus, et l’on reconnaît facilement en elles le commencement de ces lames radiées que l'on à vues en étudiant l'organisation, partager en loges incomplètes la cavité de tous les Polypes. On doit donc remarquer, et c’est là le fait important à con- stater, que les lames radiées renferment dans leur intérieur des prolongements de la couche externe. N'ayant à étudier ici qu'un seul être, nous laisserons de côté les considérations générales relatives à ce fait anatomique ; non sans faire observer toutefois que la distinction des tissus à la plus grande importance quand il s’agit de reconnaître l'origine d'un organe tel que le polypier, par exemple, que l'on a rap- portée tantôt à telle ou telle partie. Ces considérations trouveront leur place naturelle dans une étude générale des Coralliaires. Quant à la couche interne, elle se modifie aussi très-profon- dément. On se le rappelle, les plus gros éléments qui la consti- tuent, renferment dans leur intérieur des globules heaucoup plus petits. Par les progrès du développement, la production de ces petits globules se régularise, et l'on voit apparaître bientôt les grandes cellules que l'on a trouvées dans les buas, les parois des vaisseaux et sur les replis radiés de la cavité générale (4). Ainsi, on est témoin d'un changement très-marqué dans (4) Voy. pl. XV, fig. 83 {f; : cellules remplies de granulations et Géjà très-sem- blables aux cellules des tissus de l'adulte, Voyez les planches précédentes relatives à l’'histologie, DÉVELOPPEMENT. 173 les transformations, puisque la larve discoïde à donné nais- sance à un oozoite dont le corps, creusé d’une cavité, est formé de deux couches : l’une, externe, transparente, renfermant des éléments microscopiques très-petits, se prolongeant en de- dans en forme de cloisons symétriques convergentes ; l’autre, interne, composée de grosses cellules, recouvrant d’une lame continue les parois internes de la cavité et les replis radiés. {faut remarquer que jamais, dans les embrvons ou leslarves. on ne trouve de spicules calcaires; que si les nématocystes commencent à apparaître dans les oozoïtes discoïdes, les cor- puseules de calcaire rouge, les spicules en un mot, ne se mon- trent jamais avant que les larves soient fixées et que les ten- tacules soient eux-mêmes déjà en voie de formation. Ilest difficile de comprendre, dès lors, comment Donati a pu dire que dans les hydatides qu'il avait vues et qu'il croyait être des œufs, il existait les mêmes globules que l’on trouve dans l'écorce et dans le tissu des Polypes; en admettant qu'il a voulu par le mot globule désigner les spicules, comme tout porte à le croire, 1l est évident qu'il a fait une erreur. 4. Uri De l’oozoïte complet et coloré. L'élevage du Corail est extrèmement difficile dans les condi- tions où j'étais obligé de le placer. Forcé d'abandonner mes observations à la fin de septembre, il m'a été impossible de suivre au delà de cette époque les larves qui étaient nées natu- rellement. Aussi n'ai-Je pu obtenir que des disques blancs pré- sentant déjà très-bien, il est vrai, l'apparence de jeunes oozoïtes parfaits, mais toujours sans matière colorante. Ici donc il peut sembler exister une lacune dans la série des recherches ; mais elle n’est qu'apparente. Dans mes appareils, il s'est formé sous mes yeux des jeunes 17h REPRODUCTION DU CORAIL. Polypes dont la taille est devenue plus grande que celle des individus les plus petits que j'aie pu rencontrer à la mer. Pendant trois années, le nombre des pierres qui m'ont été rapportées par les pêcheurs, ou que je suis allé moi-même cher- cher, à été très-considérable; je les ai toutes examinées avec le plus grand soin, en m'aidant de la loupe, et J'ai pu me procurer ainsi les plus petits pieds de Corail qu'il soit possible de ren- contrer après la métamorphose de la larve. Toujours je suis arrivé au même résultat. de possède des dessins des plus petits oozoïtes trouvés dans la mer et des plus grands formés dans mes aquariums. L'avantage est acquis à ces derniers; 1l a donc été possible de reprendre le travail en arrière du point atteint par l'observation directe en partant de la naissance, et de Île continuer jusqu'au développement le plus complet. Mais d'abord une remarque. Quand la science aborde une question dont la pratique est déjà en possession, il est rare que celle-ci n'émette à l'avance des doutes sur les résultats qui seront obtenus. Au commencement de ma mission, j'ai Compris combien on accueillerait avec réserve les faits que je serais assez heureux pour découvrir ; aussi ai-je appliqué mes soins à montrer, au— tant que je le pouvais, les résultats de ‘mes travaux, surtout aux armateurs et aux pêcheurs. Comment, avec des instruments tels que le microscope, peut-on se faire une idée exacte de ce qui se passe dans les pro- fondeurs de la mer? Telle est la question que j'ai entendu souvent poser. Voici la réponse : Pour savoir quand et comment le Corail se reproduit, il faut apprendre à connaître les organes reproducteurs, les sexes, la fécondation, la ponte et la naissance des jeunes. Est-il pos- sible, logiquement, de ne pas commencer par étudier les elandes pour reconnaitre l'œuf, et l'époque de son développe- ment, de sa maturité, et les conditions de l'imprégnation? DÉVELOPPEMENT. 175 N'est-il pas évident que le microscope seul a pu guider pour résoudre ces questions ? Cela est si vrai, que les auteurs qui n'ont pas agi de la sorte sont tombés dans l'erreur, et que la reproduction du Corail est restée entièrement ignorée jusque dans ces derniers temps. Les notions anatomiques une fois acquises, 1l fallait recher- cher dans les profondeurs de la mer les premières traces, les premiers rudiments des êtres dont la connaissance était le but même du travail. | Le microscope encore ici devait et pouvait uniquement gui- der le naturaliste; l'utilité de son application est tellement frap- pante dans ce cas, qu’elle convaimera les plus inerédules. Pour quiconque a vu et observé un peu attentivement ces rochers rapportés du fond de la mer, il y a là tout un monde de Mollusques, de Bryozoaires, de Zoophytes coralliaires ou spongiaires et de plantes. Tous ces êtres sont réunis à se toucher et présentent les colorations les plus variées et souvent les plus semblables. Qui voudrait, apres avoir vu une de ces pierres, affirmer, à la simple vue, que tel point rouge est un pied de Corail plutôt que toute autre chose? Il n’est certainement pas un naturaliste qui osàt se prononcer sans le secours du microscope. Mais, avec lui, il est extrèmement facile de reconnaître les choses sans qu'il reste le moindre doute. Les spicules du sarcosome, dès qu'ils sont formés, offrent une disposition constante et caractéristique, si bien qu'à leur aide, on peut reconnaitre, smou l'espèce, du moins le groupe. C'est en mettant à profit ces faits, sur lesquels déjà M. Valenciennes avait attiré l'attention des naturalistes, qu'il m'a été possible de trouver avec la plus grande certitude le Corail à presque tous les moments de son existence. Ainsi done, à l’aide de l'instrument destiné à dévoiler les in- finiment petits, on peut se guider sûrement dans l'étude des êtres qui peuplent les immensités de la mer. 176 REPRODUCTION DU CORAIL. L'observation directe, du reste, n'a jamais manqué de con- firmer les résultats de l'observation microscopique. Toujours, en effet, les plus petits pieds, mesurant quelquefois à peine un quart où un demi-millimètre de diamètre, lorsqu'ils étaient placés dans une eau bien pure, S'épanouissaient et montraient leur huit (1) tentacules barbelés et caractéristiques. Les plus légers doutes ne peuvent donc exister. L'oozoïte du Corail, quand ilest coloré, se présente pendant sa contraction, tantôt sous la forme d’un disque lenticulure d’un rose tendre, aplati à la surface du corps sur lequel il est fixé, tantôt comme un petit mamelon plus où moins saillant; et lorsqu'il est épanoui, son sommet se couvre d'une élégante petite étoile au milieu de laquelle on apercoit la fente buccale. Rien n'est joli et délicat comme ces petits êtres, dent la matière colorante, quoique encore très-peu développée, à une nuance faible et pleine de douceur qui se marie heu- reusement avec la transparence et la blancheur des tenta- cules au-dessus du fond bistre, tres-chaud, des pierres sur lesquelles ils reposent. Leurs formes sont des plus variées, et l’on ne peut s'empêcher de multiplier les dessins pour donner une idée exacte, et de leur pose gracieuse, et de leur délicatesse infi- nie. Mais, à côté de cela, les contractions les rendent quelquefois méconnaissables, tant les changements de forme qu'elles pro- duisent sont grands. Dans tout oozoïte, il est deux choses dont on doit suivre le développement : les spicules ou éléments solides et colorants, et les bras barbelés caractéristiques de la classe des Alcyonaires. Si l'on enlève avec la plus grande précaution les petites taches rouges d’un quart et un demi-millimètre de diametre, (4) Voy. pl XVI, fig, 93 : jeune oozoïte d'un quart de millimètre de diamètre. — Dans la figure 96, on voit un jeune animal simple un peu plus grand d’un demi- millimètre de diamètre : il est épanoui. — Dans la figure 97, il est fermé, — Figure 98, un jeune Polype simple épanoui, vu de face. DÉVELOPPEMENT. 17 représentant les plus petits oozoïtes (1) que Fon puisse trouver dans la mer; si l'on évite à la fois de les déchirer et de déta- cher avec eux des parcelles des corps sur lesquels 1ls reposent, afin de ne point être gêné dans l'observation, on peut explo- rer leur petit disque lenticulaire, et voir que leur couleur n’est pas due à une matière uniformément répandue, mais qu’elle est le résultat d’un pointillé délicat (2). À de fort pouvoirs amplifiants, la surface du petit oozoïte rappelle très-exactement la structure qué l'on à vue à l’exté- rieur des larves allongées en forme de ballon ; c’est-à-dire ces réseaux fort délicats, correspondant aux petites cellules qui composent la couche externe (3). Un peu plus en dessous, on commence à apercevoir (4) d'autres cellules plus grandes qui se perdent au nulieu des détails et que l'épaisseur de la couche ne permet pastdMsoler complétement. Si l'on pénètre plus profondémenbe Servant toujours par Que alcares avec leur cou parence, on Ps | leur rouge caract urS hodosités spinuleuses qui s’accusent vigOureus acier reconnaitre les oozoites dt {ous les autres Corps sem blablement colorés (5). En écrasant où déchirant qu'il puisse rester de doute, tous les éléments indiqué tissus des larves métamorphosées, ainsi que les spie lypes les mieux formés.Quelques gros globules semblé granulations graisseuses paraissent encore, mais ils deviennent (1) Voy. pl. XVIT, fig. 93. (2) Voy. id., id. (3) Voy. pl. XVI, fig, 91, (4) Voy. pl. XVII, fig. 94. Ces cellules rappellent complétement cell détachent avec l'épiderme (voy. pl. IV, fig. 19). "4 (5) 1 faut remarquer que la figure 94, planche XVIL, est loin de repi comme on pourrait être tenté de le croire, tout le petit oozoite qui e: côté, fig. 93. Elle n’est qu'une faible partie de sa surface observ ment de 500 fois en diamètre. LACAZE-DUTHIERS. Le X d 178 REPRODUCTION DU CORAIL. rares, et le tissu qu'ils forment ressemble à celui que lon à vu dans l'adulte. * On trouve aussi des cellules absolument semblables par l’aspect, la grandeur et tous les caractères, à celles qui tapissent les vaisseaux. En détachant, sans le déchirer, le disque que forme l’oo- zoïte, on peut soum à un assez fort grossissement les bords de sa circonférenc étudier les détails de son organisa- tion comme on l’a fait pour les larves métamorphosées (4). On voit alors que la couche externe a beaucoup diminué d'épaisseur, qu’elle s’est aussi transformée, que ses éléments cellulaires sont devenus plus petits, peu distinets, et qu'elle est _nousavons eu si souvent l'occasion Les spicules ou corpuscules cale: fixation du Jeune Ce la formation. | Malgré tous les effortsteti préparation, il n'a ments se développaient iose semble probable, car | loppe. Toutefois il est bien difficile d'affirmer quand il œit de choses aussi délicates ; et l’on ne doit pas oublier que, les Alcyons en particulier, le tissu général ou le sarcosome que cartilagineux, et que l'espace, la cavité où est logé é peut, à lui seul, produire cette apparence. donc de côté le pont de départ qui, dans le Corail, difficile à déterminer, on peut assurer que les corpus- . fig. 89, 90 el 99, DÉVELOPPEMENT. 479 LE eules commencent par ètre de petits bâtonnets presque cylin- driques, obtus et arrondis à leurs deux extrémités (1); qu'ils mesurent (du moins les plus petits que j'aie pu observer) deux fois en longueur le diamètre des cellules du tissu; qu'ils ne sont point colorés et qu'ils réfractent la lumière à peu près comme * les parties qui les environnent; aussi ne peut-on les recon- naître qu’en suivant les passages insensibles, depuis les plus gros jusqu'aux plus petits. Quand leurs extrémités cessent d'être obtuses, elles deviennent triangulaires (2) et leur disposition caractéristique commence à se manifester. Les aspérités secon- daires (3) se développent peu à peu, mais ne se présentent guère toutes à la fois ; elles sont aussi moins régulières dans le tissu de loozoïte que dans le sarcosome d’un zoanthodème bien développé. Dans le jeune Corail, comme dans les Gorgones du reste, la tendance à produire des corpuscules calcaires irrégu- liers est très-marquée, ce n’est que lorsque le travail est plus avancé que les corpuscules prennent leur forme symétrique ; mais cela, il faut le dire, | À arriver très-vite. On a déjà vu que lorsque Lé$ spicules étaient peu complets, ils représentaient deux triangles isoceles superposés base à sommet (4). Cette disposition semble, dans le développement, précéder toujours la forme définitive. Quant à la couleur, elle m'a paru dans les spicules bien développés, comme dans ceux qui l'étaient à peme, plus e vive dans les grands zoanthodèmes que dans les oozoïtes en voie de formation (5). $ (4) Voy. pl. XVI, fig. 92 {c). Ces corpuscules ont un centième et demi de mil- limètre de longueur et un demi-centième de largeur. (2) Voy. id., id. (d). (3) Voy. 2d., id..(h i\ (4) Voy. pl VI, fig. 26. Dans la figure 92, planche XVI, on voit en (d) le commencement de l'apparition d’un angle sur le milieu de la surface. I y à là une tendance à la production régulière. Voyez encore pl, XIX, fig. 107. (5) Voy. pl. VL fig. 26, et comparez avec la figare 92, planche XVI, Dans celle-ci la couleur est bien plus légère. PR, 150 REPRODUCTION DU CORAIL. C'est d’une manière très-simple et par bourgeonnement que les bras se développent autour de ce que nous avons appelé le péristome. Sur le bord du bourrelet marginal du disque que l'on a vu être le résultat de la métamorphose de la larve, huit plis ou sillons rayonnants, qui correspondent exactement aux cloisons et que l'on découvre dans là cavité en comprimant le petit disque, paraissent d'abord. Les intervalles que séparent ces sillons correspondent chacun aux loges internes, et entre eux s'élèvent de petits mamelons qui sont les rudiments des tenta- cules. Que par la pensée on les prolonge, et l'on aura bientôt une couronne entourant la bouche; qu'on se les figure bour- seonnant eux-mêmes sur les côtés, et l’on arrivera à la forme du Polype alcyonaire (4), caractérisé par huit bras ayant des barbules latérales. Ainsi on peut suivre sans discontinuité la série de toutes les transformations, depuis l'œuf, la larve vermiculaire, la larve métamorphosée, jusqu’au Polype, qui, à part ses dimensions et ses rapports, est semblable à ce qu'il devient plus tard dans un zoanthodème complet et bien développé. S 5. Origine et formation du zoanthodème. Lorsque l'oozoite est entièrement formé, son sarcosome est fort peu épais, relativement à ce qu'il deviendra, et surtout parfaitement limité, n'ayant rien de commun avec aucun autre animal; 11 constitue à lui tout seul les parois de la petite outre représentant le corps du Polype. Sa teinte rouge permet de reconnaitre la hauteur à laquelle s'arrêtent les spi- cules et où commencent les festons du calice sarcosomique (2). (2) Voy. pl. XVIE, fig. 96 et 98. (2) Voy. pl. XVIIL, fig. 99, 100 et 104. DÉVELOPPEMENT. 181 Cet état de simplicité ne dure pas longtemps, car à peine complété, le Jeune oozoïte jouit de là propriété de produire des Polypes, de fonder une colonie non pas encore par le concours des sexes, mais en donnant naissance, par la force blastogénétique qui se manifeste, à des êtres semblables à lui. Ici deux faits méritent toute l'attention : C'est d’abord l'accroissement, l'extension du sarcosome et la multiplication des blastozoites; c'est ensuite la formation du polypier, dont nous n'avons pas encore rencontré de traces. Le sarcosome est, à proprement parler, le corps tout entier; c'est lui qui, en se développant, produit accroissement du zoanthodème, quel que soit, du reste, le pont que l’on con- sidère. Nous n'avons pas à revenir sur ce qui a été dit du méca- nisme de la blastogénèse (1). 1 n'y a aucune différence dans ce qui s'accomplit dans un oozoïte pour produire un premier blastozoïte, et un Polype quelconque d’un grand zoantho- dème pour produire des Polypes nouveaux : tout est absolu- ment semblable. Constater des faits, voilà donc ce qui nous reste à faire. Les observations les plus nombreuses et les plus variées dé- montrent d'abord que, sur un point quelconque de la surface d'un oozoïte parfaitement régulier et déjà rouge, apparaît une petite tumeur au centre de laquelle la matière colorante dimi- nue peu à peu, si bien qu'elle finit par devenir blanchâtre et transparente (2). C'est tout à fait un bourgeon semblable à celui que l’on a vu se former dans le sarcosome général d’une grande tige (3); les éléments cellulaires du tissu commun se multiplient mdépendamment des vaisseaux et des spicules, forment une masse : c’est le bourgeon. Celui-ci se creuse, dans (1) Voy. plus haut, Organisation du Corail, IV : De la blastogénèse, p. 90. (2) Voy. pl. XVIIL, fig. 99 (b). (3) Voy. pl. VII fig. 82, 33 et 34. 182 REPRODUCTION DU CORAIL. ‘son centre, d'une cavité qui reste toujours distincte de celle du premier oozoïte; son sommet se perce ensuite d’un orifice, et 1l se passe en lui des modifications et des changements tout à fait analogues à ceux qui ont été décrits. I! n’y aurait ici qu'à répéter ce qui à été indiqué précédemment. Sur le bourrelet qu'entoure Forifice, des mamelons forment l’origine des tenta- cules, et, pendant l'érosion qui produit la cavité générale des lames, premiers rudiments des replis radiés, sont réservées en saillie. Ces transformations conduisent à un Polype nouveau. Souvent, sur une même pierre, on peut se procurer tous les échantillons nécessaires pour établir l'échelle progressive, conduisant sans transition brusque de l’oozoïte le plus simple au Polvpe le plus complet (1), et au zoanthodème le plus étendu. Ainsi, d’abord on ne trouve que deux Polypes unis, un oozoïte et un blastozoïte (2), puis on en rencontre trois (3), quatre (4), cinq : le zoanthodème est formé, et quoiqu'on arrive à un plus grand nombre, il n’y à plus de différences ; tout se passe désormais, comme nous l'avons déjà dit précé- demment, comme dans un grand rameau. Les ramifications qui naissent sur la tige primitive sont la conséquence d’une blastogénèse plus active autour d'un Polype. Elles commencent à des hauteurs très-différentes, variant depuis quelques millimètres jusqu'à plusieurs centimètres. Quelquefois cela est assez rare, on les voit naître à plus d’un décnnètre de hauteur ; elles constituent alors des polypiers allongés droits, que l’on peut utiliser comme porte-plume, et qui ont encore assez de valeur dans le commerce. Une question qui n’a pas une grande importance se pré (1) Voy. pl. XVIII, fig. 195. (2) Voy. id., fig. 99 à 104 : (a) oozoïtes, (b) blastozoïtes. (3) Voy. id., fig. 102: (a) oozoïte, (b c) deux blastozoïies. (4) Voy. td., fig. 104. Ici il est déjà difficile de reconnaître l'oozoïte, quicepen- dant paraissait être le Polype (a). DÉVELOPPEMENT. 183 sente quand on suit les progrès du développement d’un zoan- thodème : on se demande où se trouve l’oozoïte, ce qu’il devient au milieu de tous les nouveaux habitants de la colonie ; est-il au sommet ou reste-t-11 dans le bas des tiges, dépassé qu’il est par la rapide multiphcation de ses rejetons? I n'y a pas, sans doute, un grand intérêt à résoudre ces questions, mais elles se présen- tent tout naturellement. Aussi avouerai-je que sans chercher beaucoup, il m'a paru que l’oozoïte pouvait être porté au som- met du premier rameau par la multiplication au-dessous de lui de nombreux blastozoïtes, mais qu'il arrivait aussi bien souvent que tel blastozoïte, devenant un centre plus actif de la force blastogénétique produisait des ramifications au milieu desquelles disparaissait la première tigelle, et par conséquent le point de départ de la colonie. Du reste, en traitant du développement 7 des Gorgones, j'aurai occasion de revenir sur ce fait. S 6. Développement du polypier. Les discussions nombreuses auxquelles ont donné lieu la na- ture et l'origine de la partie solide du Corail forcent à entrer dans quelques détails, et à consacrer un paragraphe spécial à la question. Je dirai d'abord ce que j'ai vu, et puis Je rapprocherai les opinions aneiennes des faits nouveaux qui me paraissent démontrés. Quelle est l’origine du polypter? Il suffit de prendre de très-jeunes zoanthodèmes, ear très- sarement on trouve les premières traces de l'axe dans les oozoïtes, pour rencontrer, au milieu de l'épaisseur du sarco- some, plutôt en bas qu'en haut, des noyaux de substance pierreuse qui, tout mamelonnés, rappellent, par leur forme, 154 REPRODUCTION DU CORAIL. une agglomération de spieules (1). La première impression qu'on éprouve en les voyant est qu'ils sont formés de spieules réunis et agglutinés. Si l’on multiplie les recherches de manière à voir ce que deviennent ces noyaux, on s'aperçoit bien vite qu'ils font partie, quand leur nombre etleur tulle sont suffisants, d’une sorte de lamelle soudée au rocher, qui s'élève dans l'épaisseur des tissus du jeune animal (2). Ces lamelles, quand elles n’ont encore que quelques frac- tions de millimètre d'élévation, sont planes et parfaitement perpendiculaires à la surface qui les porte; mais, pour peu que leur développement augmente, leurs extrémités s'allongent de facon à leur faire décrire une courbe ou demi-cercle, à les transformer en un fer à cheval, ordinarement plus élevé vers le milieu (3). C'est là l’origine du polypier. Il importe de bien nettement établir le pont de départ de cette partie solide. Où commence-t-elle : à la surface imférieure de l’oozoïte, ou bien dans l'intérieur des tissus? Telle est la question qu'il faut résoudre, car de sa solution dépend la détermination exacte de sa nature. Le Polype est fixé par son sarcosome au rocher qui le porte, et il représente assez exactement, suivant qu'il est épanoui ou contracté, un cylindre ou un cône. Le fond de sa cavité ou de sa base est séparé du corps étranger par une lame de sar- cosome, limitée elle-même en dessous par une couche mince épidermique, qui se relève sur les côtes pour former les parois (1) Voy. pl. XIX, fig. 106 : jeune zoanthodème dans l’intérieur duquel ont été rencontrés les corpuscules, agglomérés et dessinés, fig. 107. (2) Voy. id. fig. 108 : jeune zoanthodème renfermant le polypier grossi repré- senté aux fig. 109, 110, — Fig. 411, jeunes polypiers de plus en plus développés (h à j). (3) Voy. id., fig. 11 (1. DÉVELOPPEMENT. 185 du cylindre ou du cône. Eh bien! est-ce la pellicule épider- mique externe revètant le cylindre en dessous qui s’ossifie et devient polypier? ou bien est-ce dans les couches profondes des tissus que se forment les premières concrétions ? Voilà les termes précis de la question. Si l'épiderme seul, en se dureissant et se solidifiant, formait l'axe, la couche extérieure et inférieure, celle qui est accolée au rocher serait la première à paraître, et le polypier devrait con- séquemment commencer par être une lame cireulare étalée parallèlement à la surface qui lui sert de support : or rien de semblable ne se rencontre. Il faut donc que ce soit dans l'épaisseur même des parois du corps que se forment les agglomérations de spicules, et ces agglomérations sont certainement nées dans les tissus du sarco- some, bien avant qu'il y ait la momdre trace d'adhérence ; elles entrent plus tard dans la composition du polypier. Jamais on ne rencontre de lames calcaires au-dessous de l'animal, et, quand il en existe une, elle s'élève comme une muraille en se plaçant entre la cavité centrale et la surface extérieure (4). Ainsi done il est difficile d'admettre que le point de départ du polvpier paraisse d’abord à l'extérieur, sur la limite de léco- nomie. En étudiant ces lamelles contournées comme de petits fers à cheval, on voit qu'elles sont lom de ressembler au tissu homogène et compacte de l'axe bien développé, et surtout de rappeler l'endureissement d’une membrane. (1) Voy. pl. XIX, fig. 111 : (g) jeune zoanthodème fort simple, dont la paroi à été enlevée en avant pour laisser voir le polypier (A) qui s'élève entre les mem- branes blanches du centre et Pécorce, Nora.—Cette figure a l'inconvénient de présenter leschoses trop nettement : ainsi la partie centrale est trop blanche, elle aurait dû être semée de spicules. Cela n'a pas été fait, afin de mettre le jeune polypier (k) plus en évidence. (i) petit polypier tout à fait dégagé des tissus et en fer à cheval ; (7) premicrs rudiments du polypier formant une lamelle verticale commencant à se courber. 186 REPRODUCTION DU CORAIL. Leurs bords sont irréguliers, et présentent, de distance en distance, des épaississements absolument semblables aux noyaux que l’on trouve dans les tissus mous d’un cozoïte qui com- mence à bourgeonner. Ces épaississements, tantôt largement soudés et confondus avec les parties voisines, tantôt portés par une sorte de pédicule, montrent évidemment qu'ils sont les résultats de soudures établies entre les noyaux plongés dans les tissus et la lame déjà formée. Dans la lamelle on voit des lacunes, des trous qui sont les intervalles des nodules des bords, et l'on est conduit à penser que quelques gros noyaux jetés entre eux comme des ponts les ont unis en laissant ces espaces vides. Peut-on se refuser d’admettre après cela que la lamelle représentant le jeune polypier s'accroît sur son bord libre, et cela par la soudure de noyaux composés de sclérites? Le fait ne me paraît pas contestable. Si d’ailleurs on soumet à un fort grossissement une de ces lamelles primitives, on remarque que sa surface est toute héris- sée de nodules qui sont eux-mêmes couverts de spinules (4). Ainsi, quelle que soit la taille du polypier, toujours on est frappé de l’irrégularité de ses bords, de la quantité des mame- ions spinuleux qui les couvrent, et de la position qu'il occupe au milieu de lépaisseur du sarcosome, et non à sa surface. Voilà ce que l’on voit dans de très-Jeunes colonies d'un à deux millimètres de grandeur. Dans les grands et vieux zoanthodèmes, aux extrémités des branches, là où la jeunesse semble être perpétuelle, puisque l'accroissement y est constant, on doit, si ce qui précède est exact, retrouver le mode d’accroissement tel qu'il vient d’être indiqué. (4) Voy. pl. XIX, fig. 109 : polypier du jeune Corail représenté dans la figure 108, grossi 200 fois, — Fig. 110, une partie du même, grossie 5900 fois. DÉVELOPPEMENT, 187 Mais 1! faut tenir compte de cette grande différence que les animaux ne sont plus isolés, et que c’est au milieu d’une série de Polypes que l’on doit chercher à reconnaître l'accroissement de l'axe. Cette condition augmente les difficultés. Le bout d'une jeune branche est formé de Polypes adossés base à base, quand ils sont opposés, ou placés côte à côte, quand ils sont voisins (4). Leur réunion forme un cylindre dont l'axe remplace idéalement, au moins, la surface du rocher sur lequel se fixe le jeune, le premier oozoïte. H faut donc arriver à retrou- ver ici l’analogue de cette lamelle que l’on a vue former sur le rocher le premier rudiment du polypier. Le plus ordinairement 1! y à trois séries de gros Polypes adossés base à base, et alors l'axe primitif qu'ils recouvrent est presque toujours un corps trigone, dont chacun des angles saillants n'est autre chose qu'une lamelle développée dans le tissu intermédiaire à deux animaux contigus, et formée par conséquent dans un tissu commun. La conséquence de cette disposition est celle-ci : entre les lames saillantes de ce corps trigone il y a des angles dièdres, des angles rentrants, formant des sillons profonds où sont logés les corps des Polypes. Ces angles représentent les arcs ou fers à cheval des jeunes polypiers, et sur leurs bords on doit constater des faits sem- blables à ceux que lon vient de voir sur ces lamelles des poly- piers primitifs. Sur ees parties minces, on trouve des noyaux couverts de spicules en tout semblables à ceux qu'on à vus dans les pre- miers rudiments du polypier d’un jeune zoanthodème; on y voit des lacunes, des trous et sur la surface des nodosités épi- neuses (2). L'analogie la plus complète existe donc ; et si l’on tient compte (4) Voy. pl. VIII, fig. 35 : P, polypier. (2) Voy. pl. id., fig. 36. 188 REPRODUCTION DU CORAIL. des différences qui sont la conséquence nécessaire des rapports de plusieurs blastozoïtes ou des dimensions des parties, on ne peut se refuser d'admettre la proposition suivante, à laquelle on arrive comme à une conclusion forcée : Le polypier renfer- mant des spicules éléments du sarcosome ou du tissu profond, ne peut être considéré comme une dépendance du tissu externe ou de l’épiderme. En multipliant les observations avec des gros- sissements variés sur des extrémités de polypier préparées, comme cela a été indiqué précédemment, on ne tarde pas à rencontrer sur leurs bords des spicules entiers parfaitement réguliers, soudés par un de leurs côtés (1) ou l'une de leurs extrémités, et l'on peut s'assurer, sans que le moindre doute soit possible, que les éléments du sarcosome entrent dans leur composition. Si l’on se rapporte maintenant à ce quia été dit plus haut de la structure de l’axe, on s’expliquera de la manière à la fois la plus simple et la plus naturelle toutes les dispositions que l'on a vues. La difficulté que l’on a rencontrée pour préparer les lames ou corps trigones des extrémités des branches tient à ce que les accumulations marginales des gros noyaux de spicules sont à peine soudées, et se brisent ou se détachent avec la plus grande facilité. Le noyau irrégulier et de figure variable (2) du centre des coupes perpendiculaires à la tige est dû à la premiere forme du polypier, où au corps trigone qui, entouré par des couches concentriques, est devenu le centre d’une (ePreAAus ainsi peu à peu régulière et cylindrique. Les petits corps (3) ou bâtonnets que l'on a trouvés çà et là, (1) Voy. pl. XX, fig. 113. Un des spicules (a) est recouvert par une couche mince de ciment, Il est de la dernière évidence. (2) Voy. pl. VLL, fig. 37 (2) et (7.) (3) Voy. id., fig. 37 bis (c). DÉVELOPPEMENT. 159 dans les lames minces du polypier, sont des spicules noyés dans les tissus qui les ont recouverts, et qui, confondus avec eux, ne se distinguent plus que par leur axe primitif. Dans les coupes parallèles à la surface de l'axe ou de la racine, on retrouve encore ces paquets épineux (1) qui sont absolument identiques avec ceux des lames d’origine des poly- piers (2). On n’a pas oublié que la teinte est disposée par bandes plus vives et plus rouges sur les arêtes, qu'elle est plus pâle dans les cannelures (3) ou fond des sillons ; en observant avec un fort grossissement, on ne tarde pas à reconnaitre que cela tient à l'accumulation d'un nombre de spicules infiniment plus grand sur les arêtes que dans le fond des sillons. On s'explique qu'il doit en être ainsi, car au-dessous des vaisseaux il y a tres-peu de spicules, la couche sarcosomique y est infiniment mince et bien moins riche en éléments calcaires ; au contraire, entre eux, le sarcosome se trouve avec tous ses éléments en contact direct avec le sommet des arêtes vives; il est donc naturel que dans ce point le nombre des spicules agglutinés soit plus considérable. Les racines n'ont point de vaisseaux aussi réguliers, et la distribution des spicules sur elles n’a rien qui rappelle ce qui se voit dans l'axe, à moins, toutefois, que les sillons ne se for- ment comme cela arrive quand les vaisseaux parallèles se sont développés et que les mailles polyédriques irrégulières ont cessé d'exister. De tout cect 1l résulte que le polypier est essentiellement formé de deux parties : l'une, véritable ciment qui se dépose par couches pour former la charpente solide du zoantho- dème, envahit de proche en proche les tissus et englobe les spicules voisins des corps existants déjà; l'autre, représentée par (4) Voy. pl. VILL, fig. 38 et 38 bis (b). (2) Voy. pl. XIX, fig. 109 et 110. (3) Voy. pl. VILLE, fig. 58. 190 REPRODUCTION DU CORAIL. les spicules libres, que l’on peut toujours retrouver plus ou moins empâtés, parfaitement reconnaissables, quoique entourés d’une légère couche de la prenuère. En résumé, il n’est pas possible d'admettre que le poly- pier du Corail soit une dépendance de lépiderme : 1° parce qu'ilne commence pas par la couche extérieure de l'oozoïte ; 2 parce qu'il renferme des éléments qui se trouvent dans les profondeurs de l’économie; 3° parce que dans le jeune Polype, comme dans les bouts des branches, les spicules se soudent entre eux et forment des noyaux plus où mois volumineux qui, d’abord placés au milieu des tissus, s'unissent plus tard au polypier déjà formé ; 4° enfin, parce que les vaisseaux forment une couche si particulière, qu'il est bien difficile, smon im- possible, de pouvoir reconnaitre au-dessous d'eux un épiderme. Remarque.— Dans l'origine, au moment où il prend naissance, le polypier forme un véritable calice, comme chez beaucoup d'autres Coralliaires où le corps de chaque animal est logé et se retire dans une cavité. Ici cela dure peu de temps et l'on est tout naturellement conduit à se demander comment une lame circulaire entourant presque entièrement l'animal peut se transformer en un axe cylindrique qui plus tard sera placé au dedans des tissus. Le premier oozoïte véritable fondateur d’une colonie produit un blastozoïte qui devient bientôt aussi grand que lui; 1 y a alors deux animaux adossés exactement l'un à l’autre, puisqu'ils sont également développés (4). I en résulte que le polypier du second viendra, en se formant, opposer la convexité de sa courbe à la convexité de celle du premier; de là naît un corps nécessairement à plusieurs angles. Les blastozoïtes, en se multipliant, ajoutent de nouveaux (1) Voy. pl. XVIII, fig. 100. DÉVELOPPEMENT. 191 éléments solides à la petite masse primitive. Ainsi, dans le milieu même, se forment des parties qui, s’ajoutant les unes aux autres, donnent naissance à une tigelle cannelée dont les arêtes représentent les bords des lamelles primitives courhées que l’on a vues dans les premiers blastozoïtes, et dont les Ans lee rentrants forment les concavités. Quand la vitalité de la colonie est suffisamment active, quand les sucs élaborés sont assez considérables, la sécrétion cal- caire est aussi plus abondante et comble peu à peu les vides ; alors la tige, de trigone qu'elle était, devient peu à peu régu- lière, ses angles rentrants se comblent, ses angles saillants s'arrondissent en s’affaiblissant, et les vaisseaux profonds appelés à faire circuler les liquides nourriciers d’une extrémité à l’autre du zoanthodème se développent en un réseau régulier qui laisse sa trace, son empreinte sur la surface de l'axe. Ajoutons que si des exceptions à ce qui vient d'être dit semblent se présenter, cela tient à ce que les blastozoïtes se disposent en ligne sur les extrémités, et suivant qu'ils sont sur trois ou quatre, ou cinq ou deux rangées, les angles rentrants profonds des polypiers sont eux-mêmes en nombre variable. Si l’on veut bien réfléchir à l'union intime qui existe entre le polypier et le réseau à vaisseaux parallèles, aux rapports du polvpier et du sarcosome dans les extrémités, on ne pourra s’empécher d'admettre que l'axe calcaire n’est point une partie extérieure et pour ainsi dire en dehors de l’économie. Ï ne paraît pas plus raisonnable de séparer le polypier du Polype, que d'isoler l'os de la chair. de ne veux établir aucune analogie, car ce serait comparer le polypier et l'os, ce qu'il n'est pas plus possible de faire que de comparer les Polypes aux animaux supérieurs. Je veux seulement établir que le polypier et les spicules font partie intégrante de l'organisme des ani- maux inférieurs, conne les os des animaux supérieurs appar- ticunent à leur corps. 192 REPRODUCTION DU CORAIL. Les corpuscules calcaires du sarcosome ne sont point cer- lainement des dépôts isolés et accidentels. Ils sont des par- ties sécrétées par l'organisme, des parties ayant des formes spéciales suivant les espèces, et il est impossible de les exclure de l’action vitale directe. Les spicules ont autant de raisons pour appartenir à l'être même que le reste du corps; ils ne sont pont, comme on à pu le croire, une excrétion ou précipitation de la matière calcure, car ils n'offriraent pas cette régularité, ce cachet constant que M. Valenciennes à proposé d'utiliser dans la classification des Gorgoniens, et qui m à si heureusement servi pour reconnaître le Coral infini- ment petit. La partie de l'historique du polypier du Corail offre un véritable intérêt. H semble que les auteurs des siècles derniers se soient appli- qués à multipher les explications pour arriver à démontrer des opinions erronées sur la formation du Corail. Aussi, depuis la grande découverte de Peyssonnel, leurs oplrions n'ont-elles eu aucune valeur. Voyons d'abord ce qu'ont pensé les auteurs plus rapprochés de nous : Cavolini a comparé les vaisseaux longitudinaux à un périoste et le polypier à un os (4). Il à donc admis que l'accroissement de la charpente solide des animaux inférieurs se faisait comme celui du squelette des animaux supérieurs : «Il descritto perischeletro è quello che impregnandose di calcare particelle, che gli vingono sommimistrare della parte parenchimatosa aggiunge nuove lamine petrose sullo scheletro, e ne produce l'mgrandimento. Questo sistema che un tempo fu ammesso per lPaccreseimento delle ossa negli animali, ma da altre osservazioni poscia smentito quello » che la natura dimostra avere sequito nella formazione dello C2 Ÿ CA CA A TZ S T (4) Voy. Cavolini, loc. cit., p. 40 et A5. DÉVELOPPEMENT. 193 » scheletro del Corallo, che percid potremo stimare come un » vero mezzo tra le ossa dell’animale, le quali per interna » nutrizione prendono accrescimento, e il legno del vegetabile » che per induramento del libro si aumenta (1)... Tutto cd » dunque conferma che l’accrescimento dello scheletro del » Corallo si faccia mercè lo sviluppo del periosto ossia peri- » scheletro, e dell'incorporamento di calcaree particelle che » fanno le sue lamine. Cosi compieremo l’analogia tra la Gor- » gonna, 61 Corallo. » Dans cette comparaison du périoste et du réseau sanguin à vaisseaux parallèles, 1l y a une exagération évidente. On remarque de plus dans cette opinion une tendance à trouver un passage entre les animaux et les végétaux; idée bien connue et que tant de naturalistes illustres ont cherché à démontrer. L'accroissement du Corail ne ressemble ni à l'en durcissement du liber des plantes, ni à la formation des os des animaux, et cela parce que ces êtres sont fonciérement différents. Comparer est une excellente méthode quand les choses sont comparables; mais pousser les comparaisons trop loin, c’est tou- jours une mauvaise chose, car les résultats obtenus sont faux et viennent encombrer la science inutilement, si même ils ne lui nuisent. MM. Milne Edwards et Jules Haime, dans les trèés-nom- breux travaux qu'ils ont publiés sur la classe des Polypiers, sont arrivés, en prenant pour point de départ l’organisation des Gorgones, à admettre que, dans les Coralliaires, le polypier est constitué, tantôt par le derme consolidé, tantôt par l’'épiderme endurei. L'analogie de l'axe des Gorgones avec la corne, pro- duction évidemment épidermique chez les animaux supérieurs, légitimait sans doute cette manière de voir; et comme le Corail, par ses caractères zoologiques, est aussi rapproché que possible des Gorgones, il était difficile, en considérant les choses à ce (1) Voy. Cavolini, loc cit., surtout ce qui a trait à l'accroissement des Gorgones, LACAZE-DUTHIERS, 13 194 REPRODUCTION DU CORAIL. point de vüe, de ne pas le placer dans le groupe des Polypiers épidermiques, bien que son axe fût calcaire. Cette manière de voir, alors que les études embryogéniques manquaient,se présentait tout naturellement à l'esprit quand une fois on avait admis que l'axe des Gorgones dérivait de l'épiderme. Mais en suivant les progrès du développement, il est bien difficile d'arriver à ce résultat : car il faudrait voir d’abord se former, sous le jeune oozoïte, un disque, puis s'élever un mamelon d’épiderme endurei qui, pénétrant dans les profon- deurs de l’économie, refoulerait devant lui tous les tissus. Nous avons assez insisté sur la formation, dans l'épaisseur même des parois du corps des nodules primitifs, origine du polypier du Coral, pour n°y point revenir 101. N'est-ce pas le cas de faire remarquer toute la valeur de ce pré- cepte d'Aristote, emprunté à sa PoLiriQue : « Lei, comme partout » ailleurs, remonter à l’origine des choses et en suivre avec soin » le développement, est la voie la plus sûre d'observation (4). » Encore quelques mots. À côté des opinions aussi étranges que singulières qui eurent cours dans les siècles derniers, on trouve des observations d’une remarquable précision, et l'on se demande comment, en étant aussi éloignés de la vérité quant à la nature du Corail, leurs auteurs pouvaient avoir eu des idées aussi justes relativement à quelques points de son histoire. À cela on peut répondre que l'homme supérieur ne manque jamais d'inprimer un cachet particulier à son œuvre. S'il fut erreur, cela tient seulement à l'esprit de son époque, qui le domine, qui l'influence, et ne lui permet pas de tirer tout le parti qu'il pourrait de ses observations propres. Réaumur n'a point parlé de l'opinion de Swammerdani, qui (1) Voy, Aristote, Politique, liv. 1, chap. f, 8 3, traduction de Barthélemy Saint- Hilaire, DÉVELOPPEMENT. | 195 avait écrit bien avant lui. Il devait cependant la connaître, puisqu'il cite les travaux de Boccone, et que Boecone a publié dans son petit livre les lettres de Swammerdam; quoi qu'il en soit, tous les: deux partagèrent la même manière de voir touchant la formation de l'axe, et ils accumulèrent les argu- ments pour démontrer que le polypier du Corail était une pierre formée par l'agrégation des particules de l'écorce. Cette opinion n'eut pas un grand succès. En effet, on ne pouvait tenir compte des preuves données à l'appui d’une manière de voir qui avait fait son temps et que personne n'admettait plus, surtout après la découverte de Marsigli; aussi ne trouve-t-on point d'appréciation sur les explica- tions de Swammerdam et de Réaumur. Sans doute, on s'était dit que, puisque la nature minérale du Corail devait être re- jetée, les développements donnés par les auteurs à l'appui de cette opinion étaient tout aussi faux qu'elle, et on la critiquait seule. La forme branchue à beaucoup embarrassé tous les natu- ralistes. Comment expliquer qu'une pierre se ramifie? On supposait, pour sortir d'embarras, que le dépôt du Corail se faisait sur du bois ou des tiges de plantes lui servant de sup- port et lui donnant la forme. 3oceone, qui avait observé le Corail vivant, niait la néces- sité d’une charpente pour que le dépôt corallin, comme il dit, revêtit une forme arborescente. Pour lui, les ramifications étaient un des caractères de ce minéral, formé par « juxta- » position, comme dans la plus grande partie des pierres, » et produit par le fucus ou museus (écorce). Voici en quels termes il s'en explique : « De sorte que nous pouvons raisonnablement juger par tout » cela, que la première impression du Corail est celle du fucus » sous lequel le ferment, et les parties du sel s'appliquant, se » distribuant, s’élevant, se cuisant et se fixant, grossit et en- » durcit toute la matiere, et lui donne enfin la consistance 196 REPRODUCTION DU CORAIL. » du Corail par une continuelle application, qui ressemble à » ce que les philosophes ont dit, touchant les autres pierres, » De additione partis ad partem (4). » Ainsi, pour lui c'est le levain qui s'endurcit et forme le Corail, et ce levain, comme on l’a vu, n’est autre chose que le lait. Voyons maintenant les observations de Swammerdam : Le savant Hollandais commence par étudier la croûte ou tartre corallin, il en fait l'anatomie dans ses moindres parties ; 1l observe les spicules ou selérites qu'il appelle boules angulaires ou erystallines, et dont il cherche à reconnaître le rôle. En retrouvant ces mêmes boules dans d’autres espèces, il en conclut que : «les Corallines frutiqueuses ne sont autre chose » que du bois environné de croûtes corallines, tantôt rouges, » tantôt jaunes, tantôt blanchâtres (2)... » Il est évident qu'il entend parler des Gorgones, qui à son époque étaient fort mal connues et tout aussi mal dénommées. Quant au lait, qu'il n'avait point étudié sur le vivant, il sup pose qu'en «tombant dans l'eau de la mer, il fait peut estre » précipiter les parties salines desquelles, après, se produit » la croûte des boules crystallines et angulaires, qui font la » premiére application du Corail (3). » Il compare cette précipitation à celle que détermine un métal plongé dans une dissolution d'argent, et que l'on nomme arbre de Diane. C'est à non-seulement une pure hypothèse, mais encore une erreur. L'observateur précis se retrouve, dès qu'il n'interprete pluset qu'il ne décrit que ce qu'ilvoit. Les pores rayonnés qu'ilrencontre dans un bout de tige où puntarelle l'étonnent par leur nombreet leur grandeur différente, car il est difficile de les expliquer dans (1) Voy. Boccone, loc, cit., 8° lettre, p. 15, (2) Voy. id, 49° et 20° lettres, p. 169. (3) Voy. 1d,, id, p. 170, DÉVELOPPEMENT. 197 sa théorie ; et il ne voit dans les membranes jaunes qu'il y trouve que le résultat de la coagulation du lait ou levain de Boccone. I croit que ces membranes (qui ne sont que les débris des- séchés du corps des polypes) ayant la forme de «tuniques ser- » vent comme de la colle au Corail, et s'endurcissent par le » temps avec les boules erystallines (4). » Pour lui donc, ce sont les dépôts de membranes jaunâtres dues à la coagulation du lait, qui unissent les spicules et for- ment les couches qui s'appliquent sur le vieux Corail. Voici les preuves qu'il donne à l'appui de son opinion : «Les boules dont est composée la partie du Corail dur sont » aisées à voir dans les pointes déliées, car l'attachement de » ces moindres parties y paraît fort évidemment. » Ainsi Swammerdam, à l’aide de l'observation directe des extrémités, comme par les coupes minces habilement faites dont nous avons déjà parlé (2), est conduit à la vérité, bien qu'il parte d’une idée fausse; mais son opinion sur l'origine de l'axe prend toute l'importance qu'elle mérite, si on la dégage des idées erronées de son temps. Réaumur, dans son Mémoire de 1727, n'est pas moins ex- plieite : les spicules ou les grains de sable délié qui remplissent toute l'écorce forment, en se déposant, la partie solide. Telle est en résumé l'opinion du savant célèbre ; on la voit aussi nette- ment mdiquée qu'il est possible dans le passage suivant : «L'existence d'un sable tel que du Coral réduit en pou- » dre étant démontrée dans l'écorce du Corail, la formation > du Corail n'est pas plus difficile à expliquer que celle des (1) Voy. Boccone, loc. cit., p. 179. (2) Voy. plus haut, page 12/4, où il est question d’un autre passage de Swam: merdam. En voyant cet auteur arriver à une interprétation si exacte, lorsqu'il se rend si bien compte de ce qu'il étudie dans de bonnes conditions, on ne peut douter qu'il n’eût connu la vraie nature du Corail s’il eût pu étudier les objets dans leur véritable station biologique, 198 REPRODUCTION DU CORAIL. » pierres les plus communes. Des grains d’un sable grossier » réunis forment des grès ; des grains d’un sable rouge incom- » parablement plus déliés formeront des pierres. rouges sans » grains sensibles. L'eau qui passe au travers des voûtes sou- » lerraines, quand elle est chargée d’un sable prodigieusement » fin, qu'elle dépose au haut de ces voûtes, y produit des » pierres cristallines. Que le suc qui circule dans notre écorce » charrie du sable jusqu'à la surface intérieure de cette écorce, » qu'il l'y dépose, parce qu'il n’est plus aisé à cette liqueur de » ramener le sable ou une partie du sable ; ces grains de sable » déposés sur le Corail déjà fait, et réunis les uns aux autres, » le revêtiront d'une nouvelle couche. Les grains déposés au » bout des branches les feront croître en longueur, comme » ceux qui sont déposés autour de leur circonférence les font » croître en grosseur; sa premiére formation aura été sem- » blable à un de ces degrés d'accroissement (1). » Au fond, l'opinion de Réaumur est fausse, mais le résultat auquel il arrive est juste ; il est semblable à celui auquel avait été conduit avant lui Swammerdam. Revenons encore aux recherches intéressantes de Cavolini. Ce naturaliste n'avait pas poussé son travail aussi loin sur le Corail que sur les Gorgones, dont il avait étudié l'accroissement, mais il avait vu dans les extrémités les nodules qui, en s’ajoutant, prolongentle polypier. Bien que la figure dont il accompagne sa descripüon soit extrèmement mexacte et ne donne aucune idée de ce qui existe dans la nature, elle n'en montre pas moins qu'il avait vu les nodules calcaires des extrémités : « Onde il Corallo si vede » colle cime crasse, ritonde, e quasi molli al tatto. » Ce sont bien les puntarelles qu'il veut désigner et où se trouvent ç un (1) Voy. Réaumur, loc, cit. (Mémoires de l’Académie, 1727). DÉVELOPPEMENT. 109 » impasto molle granelloso ». Il ajoute : « Questi granelli » essendo à più faccie si uniranno à maggiore contatto (1). » On voit du reste, dans cette opimion, qu'il n’est point question des spieules du corps des polypes ; et par granelli, 11 n’en- tend pas parler des sclérites, mais bien des noyaux formés par leur réunion, L'abbé Poiret s'est occupé du Corail dans son voyage de Barbarie, dont il publia la relation en 4789, Pour lui le lait n’est autre chose que les Polypes eux-mêmes, « qui de temps à autre découlent le long des branches sous la » forme d'un liquide blanchâtre. Cette liqueur est probable- » ment un composé de jeunes Polypes ou d'œufs de Polypes… » Ces œufs s'attachent aux corps étrangers qu'ils rencontrent » et y forment une nouvelle génération ; ou bien ils restent » fixés sur la branche paternelle, y vivent et y meurent, » après avoir produit des milliers d’autres Polypes qui, à leur » tour, se multiplient, se dessèchent, et forment avec le temps » ces branches magnifiques, l'ornement des cabinets et si » longtemps l’écueil des conjectures. » Ainsi, le lait est le Polype, et le Polype se change en arbris- seau. Poiret ajoute : « Le Polype meurt, mais en mourant » iln'est pas soumis à une dissolution quien fait un objet de » corruption. Sa mort est une espèce d'ossification…, les » branches sont des Polypes dureis et ossifiés. » Il développe cette idée et finit sa théorie par cette considé- ration : «Une branche de Corail n’est done plus une pierre, ce » n'est plus une plante, ce n’est pas non plus un animal. C’est » la métamorphose d’un millier de Polypes. C’est un très-bel » arbre généalogique où le Polype aïeul est recouvert par la » nombreuse postérité de ses enfants, où le père devient le » tombeau du fils, et où tous ensemble ne perdent l'existence 2 (1) Voy. Cavolini, loc, cit., p. 40, fig. 3, pl. IL. 200 REPRODUCTION DU CORAIL. » que pour retrouver, sous une forme nouvelle et dans ces » générations confondues et réunies, un état plus durable, plus » brillant, acquérant avec la vieillesse et se fortifiant avec les » années... » Parmi tous les Polypes, les uñs, fidèles à leurs aïeux, » n'abandonnent Jamais la branche paternelle ; ils y meurent. » D'autres, jaloux d’être les auteurs d’une nouvelle génération, » s'arrachent de cette antique souche et jettent sur un rocher, » sur un Corps dur quelconque, sur du bois, sur des os, les » fondements d’une nombreuse famille (4). » Cette opmion a été imprimée après l'ouvrage de Cavolini, après les mémoires de B. de Jussieu, de Réaumur et de Peys- sonnel ; il faut avouer qu'on à une idée plus exacte de ce qu'est réellement le Corail en lisant les auteurs antérieurs à Poiret. qu'en le lisant lui-même : après les détails qui précèdent, il n'est sans doute pas nécessaire de réfuter longuement de pareilles manières de voir; on n'y trouverait qu'une sorte de roman, que des faits exagérés et inexacts, ne s'appuyant sur aucune observation. NL DURÉE DE L' ACCROISSEMENT. Après avoir vu comment se produit le Corail, comment 1l se développe et s'accroît, il est nécessaire, au point de vue pratique, de chercher à savoir combien de temps il met à prendre les proportions si variées qu'on lui voit dans le com- merce. Cette question devra être résolue, quoi qu'on puisse faire (4) Voy. Poiret, Voyage en Barbarie, ou Lettres écrites de l’ancienne Numidie, en 1785 et 1786, publié en 1789, t. IF, p. 47 à 50, DURÉE DE L'ACCROISSEMENT. 201 pour l'éviter, si lon veut arriver à réglementer convenable- ment la pêche du Corail. Je dois déclarer ici qu'il m'a été impossible de recueillir des renseignements précis, et que je ne puis que faire connaitre l'expérience que j'ai commencée, et qu'exposer les mesures qu'il est nécessaire de prendre pour arriver à une solution des principales questions. Si l'on interroge les pêcheurs et les armateurs, on ne tarde pas à s'assurer qu'ils ont des opinions fort différentes sur la durée de l'accroissement du Corail. Les uns disent qu'il faut trente ans, voire même cent ans, pour produire une belle branche. Les autres n’admettent pas une durée aussi longue. Un armateur, homme intelligent, qui me montrait les produits de sa pêche avec la plus grande libéralité, me disait qu'il remar- quait que ses patrons, en revenant après quelque temps sur les bancs qu'ils avaient d’abord exploités, et puis abandonnés faute d’y trouver des produits suffisants, y pêchaient de nou- veau du Corail assez beau, même après un temps assez court. Sa conclusion était que le temps nécessaire à la formation du Corail ne devait pas être très-considérable. ILest des personnes qui pensent que la profondeur des eaux a une influence sur la durée de l'accroissement et sur la qualité. Voici, en résumé, les principales opinions rapportées par Marsigli, qui croyait aussi que les branches végétaient plus vite et mieux à de faibles profondeurs qu'à de grandes : «Comme elles sont crues à un fond de dix et douze brasses » d'eau dans le temps de dix années, elles l’auraient été en » huit dans une moindre profondeur ; à celle de cent brasses il » leur aurait fallu vingt-cinq à trente ans, et à celle de cent » Cinquante, quarante ans pour le moins (4). » Marsigli donne des figures représentant des tiges de Corail (1) Voy. Marsigli, loc, cit., p. 123, 202 REPRODUCTION DU CORAIL, de trois ans et plus. On se demande comment il lui a été possible d'admettre de pareils résultats sur de simples on dit et sans que l'expérience les eût confirmés? Rien, en effet, ne prouve ces faits, 11 n’y a aucune observation sérieuse à leur appul. En face de ces opinions si diverses, on sent le besoin de recherches précises. Or les expériences ne sont guêre possibles sans le secours des administrations, ou bien 1l faudrait, pour les conduire à bonne fin, habiter constamment les lieux voisins des bancs de Corail et faire faire la pêche. Voici une observation faite pendant les événements politiques qui agitérent la fin du dermer siècle et le commercement de celui-cr. Après la suppression de la compagnie d'Afrique, en 1794, deux cents bateaux exploitérent librement les bancs de la Calle. Les produits de la pêche s’élevèrent rapidement à 1 million 200 000 francs, puis à 2 millions. La guerre d'Égypte mit un terme à cette exploitation exa- gérée, et quand, plus tard, la pèche fut reprise : « On remarqua le singulier développement qu'avaient pris » en quatre ans de repos les tiges de Corail des banes les » mieux connus. Elles avaient une grosseur maccoutumée avec » un aspect lisse et dru.… » J'emprunte ce passage au baron Baude, dont j'aurai à citer encore plus lom l'excellent ouvrage sur l'Algérie (4). I nous fournit un renseignement des plus précieux qui, certaine- ment, met sur la voie des dispositions qu'il serait utile et urgent de prendre. En 1861, j ai demandé, dans mon rapport à M. le gouver- neur général de l'Algérie, de faire faire quelques essais ; jus- (1) Voy. Baude, l'Algérie, t. I, p. 208. DURÉE DE L ACCROISSEMENT. 203 qu'à présent on n'a pas donné suite à mes propositions, qui étaient cependant fort simples : Je demandais qu'un banc connu fût exploité sous les yeux de l'administration, qu'il fût choisi de manière que la sur- veillance en fût facile. On aurait constaté la grosseur moyenne des échantillons, puis on aurait interdit la pêche pendant quatre années, et au bout de ce temps on aurait de nouveau surveillé l'exploitation. Alors la comparaison des produits de la première pêche avec ceux de la seconde aurait fourni, j'en suis con- vaincu, des renseignements précieux, Il eûtété aussi indispen- sable de connaître les produits des bancs voisins et librement exploités : on n'aurait fait, on le voit, que contrôler l’observa- tion citée par M. Bauüde. D'un autre côté, J'ai institaé une expérience qui, si elle ne peut donner des résultats d’une précision absolue, contribuera certainement, dans quelques années, à éclaircir la question. Le Corail se fixe sur tous les corps durs, c’est un fait mcon- testable acquis à la science, peut-être même sur des Éponges ou autres substances molles; mais dans ce cas le peu de résistance de cette base de sustentation ne lui permet pas de vivre longtemps et de se développer. Tournefort rapporte le fait suivant, dans son Mémoire sur les plantes pierreuses : « On montre dans le cabinet de Pise » une pièce de Corail attachée sur un morceau de crâne » humain. On a trouvé depuis peu autour de la Jamaïque une bouteille qui en était toute chargée. Messieurs les princes de Radzivil m'ont fait l'honneur de me direqu'ils en avaient de beaux morceaux dans leur cabinet qui avaient pris naissance » sur plusieurs sortes de corps (1). » Marsigli, dont les études pratiques méritent d'être toujours prises en considération, dit à propos des plantes pierreuses, S 2 NA Ÿ NA Ÿ (1) Voy. Tournefort, loc, cit, (Mémoires de l’Académie royale des sciences, année 1700, p. 56). | 20! REPRODUCTION DU CORAIL. et par conséquent du Corail : « Ces plantes n’ont point de » racine, pour la même cause que nous avons rapportée » végétant indifféremment sur toute sorte de corps solide, » comme des pierres, des conglutinations de terre, des os, » des coquillages ; du fer, de la terre cuite, du bois et quelque- » fois même d’autres plantes (1). » Cavohini est non moins explicite : « I Corallo nasce indiffe- » rentemente su gli scogli, su 1 miechi delle conchiglie, sul » torace dei granchi, e su di stoviglie, e ferri che per caso si » trovano nel mare cadute : e su di altri polipi, come sopra di » se medesimo cioë un Corallo nasce sopra dellaltro. » corallari della Torre del Greco, Michele e Mattia d'Orso, » sulle barche dei quali ho istituite lemie osservazioni mi hanno »_assicurato di avere eglino raccolto nelle coste della Sardegna, » eorciuoli marinareschi, e pippe, e chiable Turchesche, e » picciole ancore, e fine la pietra del centro dell'ordigno con » Coralli sopranati (2). » Ces observations sont en parfait accord avec les faits que J'ai constatés moi-même en 1860,1861 et 1862. Tous les corps indistincetement qui sont durs et solides sont propres à fournir un point d'attache au polypier du Corail. J'ai trouvé des touffes de Dentelle de mer grosses comme le poing qui portaient jusqu'à quarante jeunes pieds de Corail ; j'en ai trouvé sur la valve dorsale et mobile des Thécidies, sur des encroûtements mollasses formés par des Éponges, enfin sur des Antennulaires et des Sertulariens. La vérité de ce fait étant incontestable, j'ai cru possible de ten- ter une expérience : J'ai fait jeter à la mer sur les bancs, par des patrons expérimentés et que M. Mangeapanelli m'a assuré être dignes de confiance, cent cinquante grandes jarres ou cruche de terre dont se servent les Arabes pour puiser et conserver l'eau. (4) Voy. Marsigli, loc. cit. (Physique de la mer, p. 107). (2) Voy. Gavolini, loc, cit., p. 34. DURÉE DE L ACCROISSEMENT. 205 Ces cruches ont été percées à jour sur leur ventre par deux L. On ne pourra done point les confondre avec celles que l'on pêche quelquefois, et la date de leur immersion sera parfaite- ment connue. Il est possible d'espérer, d'après ce qui vient d'être dit, que sur elles ou dans leur intérieur, il se fixera du Corail dont on pourra évidemment connaître approximativement l’âge, en faisant peut-être quelque erreur sur le nombre des années toujours en moins, mais jamais en plus, car la naissance ne pourra être antérieure à septembre 1861, date de limmer- SION. | Sans doute, on n'aura pas l'époque exacté de l'année méme où se seront fixées les larves, mais on pourra au moins re- cueillir des renseignements qui permettront de juger si cette durée d’accroissement de trente et quarante années indiquée par Marsigli et les pêcheurs est admissible. Il faut maintenant surveiller et suivre cette expérience, se faire rendre un compte exact du nombre de jarres repèchées et de l'état dans lequel on Îles trouvera. Cet essai rappelle ceux que l'on fait pour le repeuplement des bancs d'Huitres ; l'idée n'est pas nouvelle, car on la trouve mdi- quée déjà depuis longtemps par Cavolini, qui dit en propres termes : «Un bel gemio in un luogo del regno fece gettare nel mare, » ove era simile raceolta delle tazze di porcellana perchè un » tempo si sarebbero avute adorne naturalmente di Coralli, » per cosi servire nei Musei e nelle gallerie (4). » I eût été sans doute bien préférable de faire fabriquer des briques grandes et voûtées, offrant des crochets propres à les faire repêcher, et une disposition de forme et de pesanteur telle qu'arrivées sur le fond de la mer, elles dussent remplacer, quelle (4) Voy. Cavolini, loc. cit., p. 34, la note, 206 REPRODUCTION DU CORAIL. que pt être leur position, les voûtes des rochers. À mon grand regret, je n'ai pu le fure. Je suis loin de m'exagérer la certitude des résultats que fournira l'expérience qui s'accompliten ce moment, car je sens très-bien que la forme arrondie est une condition fàcheuse. Les jarres peuvent rouler, et sans aucun doute un grand nombre de jeunes pieds qui se seront fixés sur elles ne pour- ront se développer. L'expérience a commencé à la fin d'août 1861, et vers le milieu de septembre toutes les cruches étaient jetées à la mer. C'est entre ces époques, on se le rappelle, que le nombre des naissances parait être le plus grand. Depuis lors, il en a été repêché trois, une en 1862, que j'ai pu examiner à Alger : elle était recouverte d'un grand nombre d'espèces de Bryozoaires, de Gorgones fort petites, d’Annélides à tubes calcaires, ete., ete., que l’on trouve à côté du Corail. Les deux autres n'ont été trouvées qu'en 1863, et je ne les ai point vues ; mais, d'après ce qui m'a été dit, elles portuent deja des Gorgones de plus d’un décimètre de hauteur. Malgré ces premiers résultats négatifs, je suis loin de per- dre confiance, J'ai la conviction intime que tôt ou tard 1l en sera repèché avec du Corail. M. Mangeapanelli, armateur de la Calle, a bien voulu me donner une petite cruche de terre vernie qui à été retirée du fond de la mer par ses patrons, et qui porte dans son intérieur un petit pied de Corail d'un centimètre de hauteur. Il serait utile de jeter, tous les ans, un certain nombre de briques fabriquées ainsi qu'il à été dit plus haut, et portant la date, marque bien propre à la faire distinguer : on aurait ainsi des termes de comparaison nombreux, et l'on pourrait espérer d'arriver à des résultats certains sur la durée du temps nécessaire à l'accroissement, à des profondeurs variables. Ï faudrait aussi mettre à profit la pêche au scaphandre DURÉE DE L'ACCROISSEMENT. "207 pour ensemencer du Corail recueilli avec soin au moment de la reproduction, et former des bancs à de petites profondeurs, dans des lieux bien choisis, faciles à explorer et où l’on pour- rait ainsi suivre les progrès du développement ? L'administration agira avec peu de certitude dans les règle- ments qu'elle fera, si elle n'a des renseignements précis sur cette question. Il y à beaucoup d'études à faire, il n'était pas possible de les accomplir dans un temps aussi limité que celui de ma mission ; mais J'ai fait tout Ce que j'a pu. Si j'ai le regret de n'avoir pas résolu toutes les questions qui se présentaient, j'aurai du moins prouvé, comme on le verra plus loin encore, qu'elles ne sont pas passées imaperçues ; mais, à coup sûr, J'aurai apporté à la science des faits nouveaux dont les personnes qui s'occupent du Coral depuis mon rapport à monsieur le Gouverneur général de l'Algérie, peuvent tirer parti (4). À de plus heureux, de plus favorisés au point de vue des moyens d'exécution, à pousser les choses plus avant, et à faire connaître combien les tiges que l'on trouve dans le com- merce avec des grandeurs s! diverses, mettent de temps à se former. Sans aucun doute, on eritiquera les expériences qui sont indiquées ici; on en contestera l'utilité, on dira même qu'elles sont irréalisables. Mais j'en ai la conviction, personne ne s’en laissera imposer par des critiques creuses et verbeuses. Je ne donne point ces indications de recherches comme représen- tant tout ce qu'il y à à faire, car je sais trop bien que ce n'est qu'en suivant les expériences qu'on peut les modifier d'après les résultats de chaque jour. Si les observations sont difficiles à conduire, ce n'est point une raison pour ne pas les tenter. A faut les faire, c'est néces- (à) Le rapport contenant les résultats de ma mission est entre Îes mains de l'administration de la marine de PAlgétie depuis la fin de l’année 1861, 208 REPRODUCTION DU CORAIL. sure pour arriver à mettre les bancs en coupe réglée, à en diriger l'exploitation, et par un sage aménagement en aug- menter les produits. Il est, en outre, urgent de les commencer au plus tôt, quelles soient conduites comme je l'indique, ou qu'elles soient modifiées; car, par leur nature même, elles doivent avoir une très-longue durée, et tout retard éloignera le moment où l'on pourra appliquer des mesures qui semblent devenues indispensables. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. POSITION ZOOLOGIQUE DU CORAIL. — SES ESPÈCES. La position du Corail dans les cadres zoologiques, est aujour- d'hui parfaitement fixée. Le groupe très-naturel des Alcyonaires appartient à la grande division des Zoophytes coralliaires ou Polypes à polypier. ILest caractérisé par ses huit tentacules toujours couverts de deux rangées latérales de barbules, et se distingue par là très- nettement des Zoanthaires, qui ont des tentacules simples, toujours au nombre de six ou d’un multiple de six. Les divisions secondaires, basées sur ja liberté des zoantho- dèmes (Pennatulides), ou sur leur fixité (Alcyonides et Gorgo- nides), sont aussi très-naturelles. Le Corail appartient aux Gorgonides, et se distingue par son polypier dur et non interrompu : d'une part, des Gorgones pro- prement dites, dont l'axe est corné et flexible, etde l’autre, des Isis, des Mopsées, dont le polypier calcaire est Imterrompu de loin en loin par des articulations d’une autre nature. On consultera, du reste, à cet égard, avantageusement, les travaux spéciaux de MM. Milne Edwards et Jules Haime, et l’on LACAZE-DUTHIFRS, 14 210 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. y verra que les rapports et la position zoologique du Coral sont aujourd'hui parfaitement établis (4). Quant à la question de savoir s'il existe plusieurs espèces, les avis sont partagés. Dioscoride à décrit deux espèces, et n'a jamais manqué de distinguer le Corail blanc du Corail rouge. Boccone, dans ses lettres, dit constamment le vrai Corail rouge et blanc de Dioscoride. | Dans les ouvrages les plus importants et à la fois le plus moderne sur les Coralliaires, les auteurs que je viens de citer n’admettent comme espèce que le Corallium rubrum, le Corail rouge, celui que nous étudions ici, et le Corallium secundum : celui-ci, d'après M. Dana, ne présente d'animaux que sur l'un des côtés de son zoanthodème. Il n'est pasun pêcheur qui ne connaisse le Corail blanc (2), et tous pensent que cette couleur est due à une maladie. Leur opinion n'est peut-être pas aussi Invraisemblable qu'elle pourrait le paraitre. Sans doute, les Coraux offrent de grandes différences de cou- leur, mais ces différences n'ont pas une valeur telle qu'on puisse les prendre pour caractères spécifiques. J'ai cherché en vain des différences entre le Corail blanc et le Corail rouge, je n'ai pu en trouver que dans la couleur. Les spi- cules du premier sont semblables à ceux du second. La dispo- sition des animaux dans le sareosome, la structure du polypier, tout est absolument identique dans les deux. Ilne m'a pas été donné d'observer du Corail blanc vivant, on ne le pêche que très-rarement et fort au large. Aussi, pen- (1) Voyez les beaux travaux sur les Coralliaires de MM. Milne Edwards et Jules Haime, publiés dans les Annales des sciences naturelles, les Archives du Muséum , les recueils de la Soctété paléontologique de Londres, les Suites à Buffon. (2) Voyez, pour les variétés, la planche XX, les fig 144, 115, 116, 117, 118, 419 et 120. POSITION ZOOLOGIQUE DU CORAIL. — SES ESPÈCES. 211 dant mes trois campagnes, malgré toutes mes recommanda- tions, il m'a été impossible de pouvoir m'en procurer en bon état. L'observation en eût été, sans doute, précieuse ; mais néan- moins il est possible d'arriver sans elle à une conclusion satis- faisante. Il existe dans les galeries du Muséum de Paris un échantillon qui est en partie blanc et en partie rouge. On m'a montré à la Calle un petit bijou dont je donne la figure (1), qui, du rouge le plus vif passe au blanc le plus pur, par toutes les nuances les mieux dégradées et les mieux fondues. Est-il possible de songer à faire dans ce cas deux espèces différentes avec les parties éloignées d’un même zoanthodème ? Si l'on examine avec beaucoup de soin les variétés de Corail, il est possible de trouver dans les échantillons colorés les nuances rouges les plus accusées et les dégradations du rose le plus pâle jusqu'au blanc le plus pur. Dans la variété d'une grande valeur, que les Italiens appellent la peau d'ange, pour Indiquer la beauté de la teinte d'une carnation rose et fraiche, on voit souvent, sur les cas- sures de la tige, des zones presque blanches entremèlées de couches d'un rouge ou rose vif, qui, en se dégradant, forme des nuances les plus agréables et les plus douces. Il faudrait véritablement, pour établir des espèces avec les couleurs, trouver des différences tranchées et non des passages insensibles sur un même polypier. M. J.E. Gray a établi une nouvelle espèce de Corail, sous le nom de Corallium Johnsoni (2). Ce Corail est blanc; il n’a d'animaux que sur un côté de ses rameaux, comme le Coral- (1) Voy. pl. XX, fig. 118. — Sila couleur seule servait à distinguer l'espèce, en (f) on en aurait une, en (g) On en aurait une autre, (2) Voy. J. E. Gray, Proceedings of zoological Society, 18 novembre 1860. — Voy. aussi T'he Annals and Magazine of natural History, mars 1861, 3° série, vol, VIII, p. 214. 24 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. lium secundum de M. Dana ; mais tandis que celui-ei est rouge, celui-là (qui vient desiles Madère) est toujours blanc. Suivant M.Gray, ilne serait pas attaché au-dessous des roches, mais il se dirigerait horizontalement et n'offrirait d'animaux que sur la face Imférieure de ses rameaux. Quand on a constaté les variétés si nombreuses de couleur, de forme, etc., du Coral rouge, on se demande s'il est possible d'établir des espèces en se basant uniquement sur la couleur, et si la disposition des animaux elle-même est un caractère suffisant; ne doit-on pas se rappeler aussi les différences si notables que présente l'espèce de la Méditerranée, et par consé- quent se tenir en garde contre des spécifications basées sur l'observation d'un petit nombre d'échantillons ? M. Gray semble croire que le Coral blanc du commerce n'appartient pas au genre Corallium : «The white Coral of » commerce is a species Of Caryophylli& of Lamarck. » Il y a à exagération. Les Coraux sont ordinarement blancs, mais le mot désigne un groupe et non un genre. L'Oculine pourrait, à bien plus de titre que la Caryophyllie, être prise pour du Corail blanc : car son tissu est compacte. A ce sujet, voici une observation qui n'est pas sans intérêt. La structure intime du Coral blane m'a quelque temps beau- coup embarrassé. En regardant les bijoux aux étalages des magasins d'Alger, javais remarqué des bayadères de Corail (1) entremêlées de rouge et de blanc, dans lesquelles ce dernier m'avait frappé par son aspectstrié et par sa transparence. J'achetai une bava- dére, afin d'avoir de nombreux échantillons propres à faure des coupes pour l'étude microscopique. La différence de structure que je rencontrai était extrême, et (1) Sorte de longs chapelets à plusieurs rangs formés de petits bouts de Corail qu'on n'a pas même taillés, qu'on à polis assez grossièrement, et tout simplement percés d'un trou pour pouvoir les enfiler, POSITION ZOOLOGIQUE DU CORAIL. — SES ESPÈCES. 2413 *, j avoue que je commençais presque à croire que le Corail blanc devait bien décidément former une espèce. J'avisai cependant de répéter les préparations en prenant des échantillons recouverts de leur écorce et tels qu'on les trouve dans la mer. Quel ne fut pas mon étonnement en retrouvant la même structure, à part la couleur, que dans le Corail rouge ! Je me rappelai alors que les Italiens m'avaient dit à la Calle que l'on pêchait du Graminia, où Chiendent de mer, en grande quantité dans certains parages, et qu'on le faisait servir à la bijouterie. Je me hâtai de faire des coupes nicroscopiques de ce polypier qui appartient au groupe des Zsidées, car il est interrompu de loin en loin par des entre-nœuds mous ou des articulations; et je pus m'assurer bientôt que si la différence du ton blanc mat et du ton pius transparent que présentent ces tiges sous forme de stries fines, rappelle complétement à l'œil nu les caractères du Corail sous le microscope, 1l en est tout autrement. Ainsi, les caractères extérieurs peuvent induire en erreur. Mais l'analyse microscopique, poussée fort loin, montre tout de suite les différences extrèmes qui séparent le Corail à tige continue et les Isis à tiges partagées par des entre-nœuds. L'erreur n’est donc pas possible, et l'on trouve ici un renseignement précieux, montrant combien dans les spécifications il est utile de s’en- tourer du plus grand nombre de renseignements, même de ceux tirés des détails de l'organisation. Dans le monde, on m'a souvent dit qu'il existait du Corail noir. Cela est vrai, etmême à Naples on choisit les morceaux dont la teinte est la plus pure pour en faire des bijoux de deuil. J'ai eu en main du Corail noir, très-noir, mais ce n'est pas une espèce, c'est un accident, une altération : la couleur est due à une transformation, et parait être la conséquence d'une sorte de réaction chimique dont il va être question maintenant, PA 1 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Il COMPOSITION CHIMIQUE DU CORAIL. Dans l’état actuel de la science, il serait difficile de donner à cette partie du travail le développement qu’elle comporte; on ne trouve, en effet, qu'une seule analyse sérieuse, car, on le pense bien, on n'a pas a s'occuper ici de tous les produits plus ou moins mystérieux que préparaient les anciens chimistes et médecins. Vogel (1) assigne au Corail la composition suivante : Acide carbonique: 2. sseesietes sd nie 27,50 CES TE TL RE 50,50 MAGNÉSIO 4e 20 es Cros 3,00 Oxyde rouge de terrine 1,00 Hadeiuie Ja: DÉUVE AUEUR PL AU 5,00 Débnis d'andnaux:.... 10000 0,50 Dullate deChAUX. 2,55: Lis es abuecoa 0,50 Muraterde souder RM IAUERRE SR trace En somme, d’après cette analyse, le Corail est un carbonate de chaux mêlé à de très-faibles proportions de produits orga- niques. Ce qu'il importe surtout de remarquer, c’est la nature de la matière colorante. Vogel pense qu’elle n’est pas due à la présence d’une matière animale, 1l la rapporte à une base métallique, à l’oxyde rouge de ïer. La poudre de Corail a conservé, dit-1l, sa couleur pendant deux mois de séjour dans l'acide oæymuriatique : «I faut con- » venir que si la couleur rouge du Corail est due à une ma- » tière végétale ou animale, cette substance à une propriété (1) Annales de chimie, 1814, t. LXXXIX, p. 115. COMPOSITION CHIMIQUE DU CORAIL. 215 » bien particulière, celle de résister à l’action de cet acide, » qui ne respecte aucune couleur végétale rouge, mais qui ne » détruit pas l’oxyde rouge de fer, ce dont je me suis assuré » par expérience ; car j'ai imité jusqu'à un certain point le » Corail en mêlant ensemble quatre-vingt-quatorze parties de » carbonate de chaux, cinq de carbonate de magnésie et un » d'oxyde rouge de fer. Cette poudre avait la même nuance que » le Corail, et n’a pas perdu sa couleur rouge dans le gaz » oxymuriatique, ni dans l'acide liquide (4). » D’après Vogel, l’action du gaz sulfhydrique a été la même sur le Corail naturel et sur le Corail artificiel; dans l’un et l’autre cas, l'hydrogène sulfuré à produit une couleur noire. L'ébullition dans l'huile et la cire fait disparaître, cela était bien connu, comme la chaleur elle-même, la transparence et la couleur. Tous les chimistes ne partagent pas les opinions de Vogel. Ainsi, M. Guibourt, dans son Histoire des droques simples ; laisse paraître quelques doutes sur la nature de la couleur. « J'ai » vu, dit-il, des boucles d'oreilles de Corail blanchies par » l'application d’un cataplasme de farme de lin, reprendre » leur couleur primitive après quelques jours d'exposition à » l'air; on sait aussi qu’une forte transpiration fait perdre au » Corail une partie de la couleur... : nul doute que l’oxyde » de fer ne fasse une partie essentielle de la matière rouge du » Corail; maisil est possible qu'il ne la compose pas à lui tout » seul (2). » MM. Pelouze et Fremy émettent aussi des doutes sur l'exis- tence du fer. M. Fremy, en particulier, pense que la couleur est peut- être de la même nature que celle des coquilles, qui s’altère avec une grande facilité par l’action des acides, qui n’a rien (4) Voy. loc. cit., p.124. (2) Voy. Histoire des drogues simples, t. IV, 1854, p. 312 à 314. 216 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. de métallique, et qui est évidemment une matière animale. Du reste, le savant chimiste, en me faisant part de ses doutes, ajoutait que des analyses nouvelles étaient nécessaires. Il y aurait, sans aucun doute, une observation fort mté- ressante à faire dans la comparaison analytique du Corail rouge et du Corail blane. I serait curieux de voir si le fer à disparu dans ce dernier. Les matières organiques colorantes rouges sont souvent noir- ces par le gaz hydrogène sulfuré ; aussi cette réaction n'est-elle pas suffisante pour faire regarder l'oxyde rouge de fer comme la seule cause de la couleur. On peut maintenant se rendre un compte exact de ce qu'est le Corail noir connu, dans le commerce, sous le nom de Corail mort, de Corail noir, de Corail pourri. En éxami- nant des produits de pêche (comme J'ai eu si souvent occasion de le faire à la Calle), il est facile de s'assurer de ce fait, que, le Corail pêché mort, quand 1l n'est pas franchement rouge, a dû séjourner au fond de la mer, sur ou dans la vase; les corailleurs le pensent du reste eux-mêmes. La putréfaction qui suit la chute des rameaux sur les fonds produit certainement du gaz sulfhydrique, et dès lors le Corail noirait et s’altère de la circonférence vers le centre ; cela est si vrai, que l’on rencontre de gros morceaux parfaitement uoirs à l'extérieur et très-rouges encore vers le cœur. se passe donc dans la vase quelque chose d’analogue à ce qui se passe quand on place du Coral dans l'hydrogène sulfuré. En faisant pourrir des échantillons pour dégager les spicules, 1l west arrivé d'oublier quelque temps les flacons, et alors j'ai eu des sclérites qui n'avaient plus lour belle teinte ; 1ls devenaient ternes et nolrcissalent. Mais je dois cependant faire ici une remarque, relativement à l’action de l'hydrogène sulfuré : des morceaux placés dans les mêmes conditions, dans du sulfhydrate d’ammoniaque, sont devenus extrêmement noirs, tandis qu'a côté d'eux 11 en est COMPOSITION CHIMIQUE DU CORAIL, 917 qui sont restés tout à fait rouges; des morceaux de Corail blanc n'ont pas changé de couleur. L'étude microscopique sur des coupes minces de Corail ainsi altéré ne montre rien de particulier ; la couleur noire est aussi diffuse et uniformément répandue que la couleur rouge; seule- ment, dans les coupes, les fêlures se forment avec une bien plus grande facilité que sur le Corail rouge; elles montrent avec la plus grande évidence les lignes circulaires onduleuses, marquant l'accroissement de la tige. De tout ceci il résulte que les doutes relatifs à la nature de la substance rouge doivent être pris en considération. Aussi une étude analytique comparée du Corail rouge, du Corail blanc et du Corail rose, dont les teintes sont dégradées, serait fort intéressante ; elle pourrait conduire à des résultats d’une grande valeur, et permettrait peut-être de déterminer d'une manière exacte la nature de la matière colorante. VUS VPENTT { “4 PL , : F2 : = NT l Mer ad Or tgaaannaims : out Br ob ot PIN T UN ur Éiienn T0 | VA . {onif hé of PT ER noéepiqunire ui HONTE o tits Daa LL 10 à | nt NT) done aa hr CAT | ft son bte Mau: suite tasentrntion ET si file vit Het ni nu 1e AUTO rnb ni Stdtorèr val ; DUT mien), #1 is 010 DEAN he} dpt duky ACTEURS TN li rer tobnt ordres Ale te à pod re sal s 2 AG yret ut : ol dur AT à HIHUDS éatuoh eut um otre & cut fat Mi PE adorer nes ML priés JE A rt so 1 M ” [LPS 11) He AO Toi) 40 ROBE LE) anni nhiee ve Ris to be fatt pat rt dep fret) Nissan SHC LE PME PAL à du pce taste tuf Sens ati 45 hp pneng inienmatie ghruriy shoes vasthant dhafpeétifet naiss tant + sr #1 UT [| y M Î ty vo ' li 1 ' j à L û : 1 Re El 1 L ai LU | _ < : ! los nn aie ds aider p he { l NO | ? + 2 1 i { D TT : TR a "| L LI : ù D [ : : ! rh f te (] . | 4 ‘ ' w | } PT | ’ "+ . Ve f + ‘ + L u L Î … " L L ü 4 = nn # PÊCHE DU CORAIL. On a vu, dans l'Introduction, que si les questions relatives à la pêche du Corail ont été soulevées bien des fois en Algérie, néanmoins elles n’ont jamais été résolues, et l’on peut ajouter qu'il en est peu qui aient donné lieu à plus de rapports offi- ciels, à plus de propositions particulières. Les considérations que je présente ici sur la pêche en elle- même, sur les règlements qui la régissent ou devraient la régir, et enfin sur son avenir en Algérie, auront-elles plus de succès que celles qui les ont précédées ? Sans manifester aucune espérance, 1l me sera permis de dire cependant que, pour la première fois, elles auront eu pour base des données de la science. DE LA PÈCHE EN ELLE-MÈME. La pêche du Corail est toute spéciale; elle n’a d’analogie avec aucune autre pêche dans nos mers d'Europe. Cela tient à la nature même du produit qu'elle fournit. Ïl est des personnes qui pensent, et cela se trouve dans quel- 220 PÊCHE DU CORAIL. ques ouvrages, que des plongeurs descendent au fond de la mer pour faire la cueillette du Corail (1). Quelquefois, il est vrai, celui-ci se développe très-près des côtes, à des profondeurs que l’on affirme ne pas dépasser 10 mètres; mais c’est là une ex- ception, et dans les parages de la Calle, de Bizerte, de Bône et de la Galite, il n'existe pas un plongeur. Ce ne serait pas s'engager en disant que très-probablement il n'est pas un armateur où un pècheur qui se doute, dans ces localités, que l'on puisse supposer même que la pêche est ainsi faite. Comment en serait-il différemment, quand, dans les eaux de la Calle et de l'île de la Galite, les filets ne descendent pas à moins de 40, 50 et 60 brasses, et que même autour de File on pêche ordinairement à 80, 100 brasses, on dépasse parfois ce chiffre? Tous les pêcheurs de la Méditerranée agissent absolument de même, bien qu'à leurs yeux il y ait une grande différence entre la pèche des uns et celle des autres. Is promènent tous au fond de la mer, sur les bancs, des filets offrant pour condition essentielle de pouvoir s’accrocher aux aspérités. [n'y a de diffé rence que dans les détails de leurs manœuvres, la grandeur du filet et la façon de le composer. Les Espagnols et les Ita liens croient cependant avoir des procédés très-différents. La pêche, telle qu'elle est faite aujourd'hui, étant assez mal connue, 1] n'est pas sans intérêt de la décrire avec quelques détails. (1) Voy. Guibourt, Histoire naturelle des drogues simples, t, IV, p. 219 à 814: «Il y à aussi des plongeurs qui ne font pas d'autre métier que d'aller le cher- cher. » Remarque. — On n’en finirait pas si l’on voulait citer toutes les opinions sur la pêche, la nature et les propriétés du Corail, Sans nul doute donc on trouvera ici des omissions, mais elles seront de peu d'importance, DE LA PÈCHE EN ELLE-MÈME. 291 S Alex Des bateaux, Les embarcations viennent presque toutes d'Italie. [n’en a été construit jusqu'iet que très-peu en Algérie. Leur forme est identiquement la même, et toutes sont disposées pour leur destination spéciale. Elles jaugentenvironde 6 al et 16 tonneaux. Bien taillées pour la marche, elles sont très-solides et tiennent parfaitementlamer. Leur voilure est considérable; elle consiste en une grande voile latine, et un foc; quelquefois, mais rarement, on la modifie en augmentant où diminuant le nombre des voiles secondaires. L'arriere est réservé au cabestan ou à la pêche proprement dite et à l'équipage. L’avantest au contraire aménagé pour les besoins du patron. Quand le propriétare du bateau pêche lui-même, il est le capitaine de sa barque, dont l'aménagement est un peu diffé- rent. 1 a une couchette pour lui et une pour son second, et aussi un peu plus de confortable. Dans le milieu se trouvent l'eau et le biscuit; l'un et l'autre sont disposés de manière à permettre à l'équipage de boire et de manger à discrétion, et quand il le désire, car c’est chose nécessaire. L'homme qui travaille, et qui travaille sur- tout ainsi que le fuit un corailleur, consomme comme une machme ; il faut qu'il remplace ce qu'il use par son activité vitale, activité smgulièrement accrue par des mouvements et des efforts vraiment prodigieux. Aussi la soute à biscuit est- elle toujours ouverte et à proximité du lieu de travail, et le matelot peut en passant, quand il tourne au cabestan, recevoir une galette qu'il mange en continuant la manœuvre (4) (1) Voici comment est fait l'aménagement des soutes et des entrées de Ja cale, Près du banc du patron, à la barre, en arrière du cabestan et à tribord, est l'entrée 222 -PÊCHE DU CORAIL. et que lui à donnée celui qui, assis au pied du mât, tient la corde de l’engin. Les embarcations sont lestées par des pierres, car les filets et les autres choses du bord ne suffisent pas pour les placer dans de bonnes conditions de navigation. Elles ont une physionomie particulière et toujours la même, qui üent à la disposition des objets nécessaires à la pêche. De “plus, leur avant porte, au sommet d’un support assez élevé, une grosse boule de bois peinte de couleurs vives et qui mva- riablement est décorée des figures du Christ, de la Vierge et de quelques saints. On trouve aussi presque toujours au-dessous du support deux yeux : ils sont là, me disait un armateur, pour indiquer la clarvoyance du patron dans la recherche des bancs. | Quelques bateaux nouveaux n'ont plus cette grosse boule de pure ornementation, qui gène la manœuvre de la vergue de la grande voile, et ils ne perdent rien dans l'élégance de leurs formes à la suppression de cet accessoire à peu près mutile, et pour ainsi dire de mode ou consacré par l'usage. Quant aux petites embarcations, elles jaugent jusqu'à six tonneaux, mais bien souvent elles n'arrivent pas jusque-là : ainsi, à la Calle, il y avait en 1862 des chaloupes avec lesquelles de l'équipage. Au milieu de la longueur du bateau, en arrière du mât, est la plus grande soute : elle sert au lest, au cabestan destiné à tirer l’embarcation à terre, à l’eau, au bois pour le feu. Près du mât et en avant de lui, est la soute à biscuit et à chanvre pour la pêche; enfin en avant est l’entrée réservée au patron. Le cabestan est donc entre l'entrée de la cale, près du mât, et le banc du patron à la barre, Dans le tableau des choses nécessaires à l'armement d’une embarcation, on trouvera les objets désignés par leurs noms français et italiens. Il serait fatigant de trouver ces mots incessamment répétés dans le courant des descriptions. Je renvoie donc à cette partie de l'ouvrage pour les expressions techniques. Voici les mesures les plus ordinaires de la coque d’une grande coraline : Longueures frs vsete 15 Let fe 13°,20 Largeur: 6... ., < 29720 Profondeur . . . . . . . . 4,40 DE LA PÈCHE EN ELLE-MÈME. 2933 deux, trois hommes et un mousse allaient fare la pêche. La disposition de ces embarcations est, du reste, la même que celle des grandes, seulement l'aménagement pour les vivres est secondaire et moins soigné; cela doit être, puisque rarement elles tiennent la mer la nuit. Revenant tous les soirs au port, elles n’ont pas à faire, comme les grandes coralines, des provisions pour quinze jours, trois semaines ou un mois. Les unes sont à moitié pontées, les autres ne le sont pas du tout. Une coraline complétement armée en pêche, approvi- sionnée pour un mois et prête à prendre la mer sans direction déterminée, ce qui peut lui faire rallier des ports assez éloignés de ceux où elle s'est armée et approvisionnée, doit avoir tous les objets qui lui sont nécessaires. On trouvera plus lom, à propos des dépenses de l’armement, un tableau donnant l'in- dication de tout ce qui est à bord. I complétera ce qui a trait à l'aménagement du bateau de pèche. $ 2. Des engins. On donne le nom d'engin à l’ensemble des filets, des pièces de bois ou de fer employés pour la pèche. Au fond, les engins se ressemblent tous. Les Espagnols disent bien avoir une manière de pècher qui leur permet d'obtenir du Corail là où les Ttaliens n'en peuvent prendre, mais il n'y a de différence que dans les proportions des parties de l'engin et les dispositions des paquets de filets. La prise du Corail s'effectue par l'entortillement, autour de ses rameaux, des fibres peu tordues de la corde de chanvre ayant servi à faire le filet. Lorsque, par les manœuvres ou par l'action directe des courants, les rameaux ont été bien enlacés, ils sont cassés par des efforts répétés de traction. On le voit done, le secret de la pêche consiste à avoir des engins com- 22h PÊCHE DU CORAIL. posés de telle sorte qu'ils s'acerochent très-facilement à tous les objets, et surtout à les manœuvrer de façon à produire l’acerochement le plus complet qu'il soit possible. Invariablement, l'engin est composé d’une croix de bois for- mée par deux barres solidement amarrées au milieu de leur longueur, au-dessus d’une grosse pierre servant de lest et d'un nombre variable de paquets de filets. La longueur des bras de la croix varie, du reste, avec la crandeur des bateaux. Les petites embarcations ont des croix fort petites ; les grands bateaux les ont bien plus grandes (2). Dans ces derniers temps une innovation à été faite, elle semble devoir être avantageuse. La pierre à été remplacée par une pièce de fer dont la forme est celle d’une croix à bras égaux, très-courts et creux, pouvant recevoir dans leur cavité les barres ou bras de bois formant la croix. Un anneau sert à la suspendre. Elle est évidemment bien disposée et peut avania- sgeusement remplacer les anciennes dispositions, d'autant plus que les chevilles qui fixent les barres de bois s'enlèvent vite et aisément, et l'engin peut ètre démonté où remonté très- rapidement. Quelques pêcheurs ont exagéré les proportions de l'engin ainsi formé : ils ont cru pouvoir, avec cette nouvelle pièce, placer des bras d’une très-grande longueur ; mais alors leur machine est devenue tellement lourde, que léquipage ordi- naire s’est trouvé insuffisant pour la manœuvrer. Dans ces conditions on n'avait pu placer qu'un seul paquet de filet à chacune des extrémités des bras de la grande croix, et la pêche faite sans modifioation des manœuvres, avec ce grand engin, n'a pasété, à ce qu'il parait, très-fructueuse. Du reste, cette pièce de fer n’est que la copie de celle que les pêcheurs des petits bateaux emploient déjà depuis long- (1) Le plus ordinairement une coraline de 16 tonneaux à un engin dont Îles bras ont 2 mètres de longueur, tantôt un peu plus, tantôt un peu moins, D ; I } ; DE LA PÈCHE EN ELLÉ-MÈME. 9295 temps. Pour rendre leur engin plus dégagé et plus maniable, ils le lestent, non pas avec une pierre, mais avec un lingot de plomb carré, percé de quatre trous, dans lesquels ils fixent les bras de leur petite croix (4). Quant aux filets, ils sont toujours disposés à peu près de même. Ils sont d'abord faits en pièces longues de plusieurs brasses et larges de 4 mètre à 4 mètre et demi, avec une ficelle grosse tout au plus comme le petit doigt et à peine tordue. Les mailles sont grandes (2) et lichement nouées. Une corde passée dans celles de l'un des côtés de la pièce, et serrée en- suite, fronce cefiletet en forme une rosette autour du centre représenté par le nœud. Le paquet ainsi fait rappelle l’objet que les marms emploient pour nettoyer le pont des bâtiments, et qu'ils nomment faubert ; aussi ne le désignerons-nous plus que par ce nom. La grandeur des fauberts varie avec la place qu'ils occupent dans un même engin, ainsi qu'avec le tonnage desembarcations ; nous parlerons d'abord de ceux des bateaux de 12 à 16 ton- neaux. Les plus grands sont ceux des extrémités des bras de la Croix ; ils peuvent attendre 4 mètre et demi, 2 mêtres même, et leur volume s'accroît alors en proportion de leur lon- œueur. Une corde ayant cmq brasses environ, de 7 mêtres 50 cen- ümètres à 8 metres, fixée un peu en dedans de l'extrémité de chacun des bras, tout près des premiers gros paquets, porte six autres fauberts régulièrement espacés. Les deux premiers peuvent avoir 4 mètre et demi, tandis que les quatre autres n'ont que 50 centimètres. (1) La croix de l'engin, que les Espagnols manœuvrent à la main, est le plus or-- disairement de 4 mèire, chaque bras n’a donc que 0,50. Leurs embarcations sont le plus souvent fort petites et ne jaugent pas toujours six tonneeux. (2) Elles ont au moins 10 centimètres de côté, LACAZE-DUTHIERS, 19 296 PÈCHE DU CORAIL. Ainsi, cela fait vingt-quatre fauberts, plus les quatre de l'extrémité des bras : soit vmgt-huit. Enfin, sous la pierre servant de lest, et par conséquent au centre même de la croix, dans un anneau ménagé dans les amarres, pend une autre série de six à huit fauberts, à la- quelle les pêcheurs donnent le nom de queue du purgaioire. Ainsi donc, trente-quatre à trente-huit paquets de cordes peu tordues, destinés à tout acerocher, composent l'engin; mais il va de soi que le caprice du patron et le nombre d'hommes d'équipage doivent faire varier la grandeur et la quantité des paquets de filets. Le premier câble qui sert à attacher l'appareil est gros et très-solide ; il est recouvert, dans une assez grande étendue, par une petite corde enroulée autour de lui : précaution impor- tante, car, sans elle, il serait promptement éraillé en traînant sur les rochers, et le pêcheur serait exposé à laisser son filet au fond de la mer et à faire une perte encore forte. La valeur d’un engin complet est assez élevée; on l'estime en général à 200 francs, en supposant le prix du chanvre égal à 100 francs les 100 kilos. À ce prix, un seul faubert vaut en moyenne 5 franes. Cependant les plus gros peuvent devenir assez lourds pour valoir 10 à 44 francs (4). Si l'on veut se faire une idée exacte de la disposition de tout l'appareil de pèehe, qu’on le suive quand après avoir été jeté à la mer par un temps tres-calme on l'arrête un moment dans sa marche. La croix forme la base d’un prisme régulier à base carrée, dont les arètes seraient représentées par les quatre cordes pen- dant aux bouts des bras, et l'axe par la queue du purgatoire. (1) Ge prix est variable : une lettre datée de la Calle, du 24 août 1863, m’an- noncait que le chanvre valait cetie année 4156 francs les 100 kilos ; à ce prix, le filet aurait une valeur de près de 300 francs, DE LA PÊCHE EN ELLE-MÈME. 297 Mais quand les courants, la marche de l’embarcation ou les manœuvres entraînent l'engin, les cinq cordes de 7 à 8 mètres de long, les trente-six fauberts, n’occupent plus une position régulière : ils sont éparpillés et agités dans tous les sens. L'engin s’use, et l’on doit fréquemment renouveler ses fau- berts ; aussi, pendant les moments de repos, les matelots sont- ils occupés incessamment à faire des pièces de filet destinées à remplacer celles qui ne sont plus dans de bonnes conditions. Ils sont si habitués à ce travail, qu'ils le font machinalement et très-vite. J'en ai vu qui, harassés de fatigue et tombant de sommeil, réussissaient à boucler le nœud les yeux presque fermés. Les hommes relevés du travail du cabestan se groupent à l'avant du bateau, et là. assis sur des tas de filasse, s’occu- pent, les uns à mailler le filet, les autres à charger les navettes. Celles-ci s’épuisent bien vite, car la grosseur des cordes ne permet pas de les entourer d’une grande longueur : elles devien- draient de gros pelotons impossibles à manier et à faire passer dans les mailles. Alors les conversations les plus animées commencent, et la gaieté interrompt un moment la tristesse de cette vie pénible, ou bien des chants, souvent harmonieux, couvrent pour quel- ques instants les sifflements monotones des travailleurs qui s'excitent. L'engin qui vient d’être décrit est celui d’un grand bateau de 42 à 14 à 15 ou 16 tonneaux. Dans l'été de l'année 1862, on a repris l'exploitation des bancs de la côte de Kabylie, en vue du cap Bougaroni, et la pêche, qui paraît avoir été fructueuse, s’est surtout faite avec des filets de très-grandes dimensions. Les bras de la croix avaient 4 à 5 mètres, ou même davantage, à ce que l'on m'a assuré, et la pierre était remplacée par la pièce ou gueuse de 298 PÊCHE DÜ CORAIL. fer très-grosse dont il à été question. Les fauberts, réduits à quatre, étaient très-longs et très-garnis. Le filet ainsi formé n'était point manœuvré tout à fait comme les autres ; nous l’indiquerons plus loi. L'engin des petits bateaux présente des proportions bien moins considérables que celui des grands. La croix n'a quel- quefois pas 4 mètre de diamètre; elle porte à ses extrémités quatre fauberts composés un peu différemment. A côté des pa quets de corde peu tordue on en ajoute d’autres formés avec de vieux filets ayant déjà servi à la pêche de la Sardine. Ceux-ci s'accrochent très-bien à toutes les aspérités des rochers, et agis- sent de même sur le Corail. *, Les pêcheurs que j'ai interrogés sur la valeur relative de ces deux espèces de filets affirment que la corde peu tordue, étant forte, casse bien le Corail, mais souvent ne le rapporte pas, tandis que les vieux filets à Sardines, s’accrochant beaucoup mieux, ramassent, pour ainsi dire, ce que la première a cassé. La petite pèche fait une grande consommation de ce vieux filet; elle emploie des fauberts qui sont presque exclusivement formés par lui et qui ne sont pas très-gros : ils peuvent être estimés à peu près à 1 franc (1); mais on doit remarquer que la matière qui les forme étant déjà usée, se déchire facile- ment et doit être fréquemment renouvelée, ce qui conduit évidemment à une plus grande dépense. Les Espagnols emploient un engin fort petit, prohibé jusqu'ici sur les côtes d'Afrique, mais qui, chose singulière, est consi- déré, sur les côtes de France, comme engin ordmaire. Les Haliens soutiennent que les Espagnols détruisent les bancs de Corail avec leurs grattes : c'est ainsi qu’ils nomment les in- (1) H ne faut pas oublier que ces appréciations ne sont pas absolues, et l'on doit tenir compte, pour les juger, des changements qui surviennent de temps en Lemps dans les transactions commerciales, DE LA PÈCHE EN ELLE-MÈME. Mn struments de fer ajoutés à l'engin ordinaire et destinés à racler les rochers. À l'extrémité de chacun des bras de la eroix, en dehors du faubert, est fixée une sorte de casserole de fer sans fond, dont le bord supérieur est dentelé et les parois percées de trous; ceux-ci servent, les uns au passage de l’eau, les autres à ajuster un petit sac de filet à mailles très-serrées, destiné à recueillir le Corail déraciné ou cassé par les dents de fer et tombant dans son intérieur. L'engin ainsi formé est très-distinct de celui qu'emplotent les Italiens. Les Espagnols lui attribuent des avantages, mais 1! a des Inconvénients très-sérieux. Marsighi et Donati (1) (celui-ci semble avoir emprunté au premier, sans le nommer, bien des choses) distinguent l'engin de la salabre. Le premier serait, d'après ces naturalistes, beau- coup plus simple que celui qui vient d'être décrit. H n'aurait que quatre fauberts : un à chacune des extrémités de la croix et des grattes. La seconde serait encore plus réduite, et formée par une barre portant à l'une de ses extrémités une armature de fer, une gratte, semblable à celle des filets des Espagnols, plus un faubert, et à l'autre un poids de fer, un boulet destiné à contre-balancer le poids de l'extrémité servant à la pêche. La barre, suspendue à deux cordes, était tenue horizontale, et pénétrait, apres beaucoup de tâtonnements, au-dessous de; rochers, où elle cassait et recueillait le Corail. La salabre devait, sans doute, donner des pêches fruc- tueuses; cependant elle est abandonnée : est-ce parce que les armatures de fer sont prohibées déjà depuis longtemps? Le scaphandre et le bateau sous-marin doivent, a-t-on dit, remplacer tous les anciens engins (2). Sans doute 1ls peuvent (4) Voy. ces auteurs, loc. cit., les planches destinées à donner l'idée des engins. (2) Voy. Rapport fait à la Société d’acclimatation (Bulletin, années 1836 et 1857, p. 213. séance du 9 mai 1856, séance du 15 mai 1897). 230 PÊCHE DU CORAIL. rendre des services, mais quant à remplacer complétement les instruments de pèche, tels qu'ils sont faits aujourd'hui, ou tels qu'ils pourraient être modifiés, cela paraît difficile : on le verra plus loin, quand il sera question du mode d'action des filets ; alors 1l sera facile de montrer leurs avantages et leurs incon- vénients, en indiquant les essais qui ont été faits. 53. Comment on manœuvre l'engin. Il à été établi déjà que le Corail se fixe et se développe au-dessous des rochers. La pratique l'indique; la science, en faisant connaître la direction des mouvements des larves, le démontre. On sait de plus que le Corail s'attache à tout ce qui est ré- sistant et solide. C’est donc au milieu des rochers qu'il faut le chercher; sur les fonds sablonneux ou vaseux on n'en trou- verait pas. On nomme banes l'ensemble des rochers, tantôt de forma tion moderne, tantôt de formation ancienne, sur lesquels croît le Corail. La première chose à faire est évidemment de rechercher les banes, et pour cela deux conditions se présentent : ou bien on les connaît déjà, ou bien ils n’ont pas encore été exploités. Dans le premier cas, c’est à l’aide de relèvements pris sur la côte que les patrons arrivent à les retrouver. Plus ils ont relevé de bancs, plus ils sont capables et plus ils ont de chances de faire bonne pêche. I va sans dire qu'ils agissent sans aucun instrument, et que l'habitude seule et une mtuition vraiment admähble, aidée d’une connaissance parfaite des moindres accidents de la côte, guident ces hommes dont l'habileté est incroyable. DE LA PÊCHE EN ELLE-MÈME. 231 Des pêcheurs me racontaient que, dans l'exploitation d'un banc nouveau trouvé en vue de la Calle, les relèvements n'étant pas connus de tous les patrons, souvent très-près les uns des autres, les nouveaux arrivants n’accrochaient pas la roche. I faut donc, comme on le voit, une assez grande précision dans les observations, pour se retrouver exactement au même point ; sans doute les faits que l’on entend raconter sont sou- vent exagérés, mas cependant 1ls prouvent que les pêcheurs acquièrent une habileté vraiment extraordinaire à revenir à la même place. À Bonifacio, on me parlait d’un patron qui avait gagné le pari qu'il avait fait de laisser pendant tout un hiver son engin au fond de la mer, et de le repêcher l’année sui- vante. À la Calle, on m'a affirmé qu'un poupier était assez habile _ pour avoir pu repêcher à 60 brasses et assez au large les grandes tenailles avec lesquelles ils nettoient le Corail. Dans le cas où l'on veut chercher un banc dans un parage inexploré, 1ls’agit de connaître d'abord la nature du fond : pour cela, une longue corde est courbée en anse et lestée dans son milieu, elle est trainée au fond de la mer; lorsqu'elle s'accroche, on en conclut que l’on est sur les bancs, et alors seulement on lance l'engin. On trouve dans ces faits l'explication de la grande discrétion de tous les pêcheurs quand on les interroge, et surtout de leur méfiance quand on les aborde à la mer, ou quand on leur demande d'aller avec eux à la pêche. La connaissance qu'ils ont des fonds et de la côte est leur secret ; d'elle dépend presque leur fortune. Ils craignent donc toujours qu'on cherche à profiter de leur savoir, acquis par l'observation. Aussi, quand un bateau arrive de la pêche, son patron se garde bien de dire s'il à fait bonne pri et surtout où 1l l’a fuite. S'il n'agissait ainsi, il se verrit exposé à ne plus exploiter seul le lieu riche qu'il a découvert. # 2 PÈCHE DU CORAIL. I ne faut done avoir qu'une confiance très-limitée dans ce que les pècheurs répondent quand on les interroge sur la pêche ou sur la valeur de ses produits ; on peut être assuré que lon ne connaîtra que ce qu'ils veulent bien ou peuvent, sans in- convémient, ne pas cacher. Un exemple prouvera ce que j'avance. Pour des études que j'avais entreprises sur les autres Zoophytes habitant les mêmes fonds que le Corail, je me faisais apporter tout ce qui se trou- vait dans les filets. Une espèce, le Leiopathes Lamarckii, que les pêcheurs appellent Palme noire (Palma nera), vient très- grande et très-belle dans les eaux de la Calle et de Tabarca. Un soir, les matelots d'un petit bateau m'en apportèrent de superbes échantillons. Is furent tout de suite interrogés par les autres pêcheurs qui cherchaient à savoir où on les avait trouvés. Ces Antipathaires croissent à côté du Corail, et comme ils sont très-fragiles, lorsqu'il y à longtemps qu'un banc n’a été pêché, ils doivent être entiers et beaux, et par conséquent le Coral qui est près d'eux doit offrir les mêmes conditions. Le lendemain, le patron du petit bateau fut, à sa sortie, suivi de loin par les autres; mais il préféra laisser la pêche pour un jour, et, donnant le change à ceux qui l'observaent, 1l alla se placer au nulieu des bateaux qui pèchaient au large. PA les renseignenients que l’on recueille doivent toujours être accueillis avec la plus grande réserve. Ils ne sont pas tou- jours exacts, lors même qu'il ne s’agit pas du Corail. I faudrait n'avoir Jamais eu de rapports avec les pècheurs pour ne pas les reconnaître 11, comme ailleurs, faisant un secret de tout ce qu'ils observent pendant leur travail. Ces faits@rouvent aussi quelle utilité pratique il y aurait à faire une étude détaillée, sérieuse et scientifique de la nature desTonds coralligènes, Combien n'importeraitil pas. en effet, . DE LA PÉCHE EN ELLE-MÈME. 399 de chercher les rapports qui peuvent exister entre la faune, la flore et la géologie des bancs, afin d'établir les relations qui penvent se présenter entre certains produits sous-marins et le Corail, et d'arriver à exploiter des fonds nouveaux dont la richesse serait prouvée pour ainsi dire à l'avance par la connais- sance de certaines espèces faciles à pêcher. J'ai la conviction que des études faites dans cette voie faci- literaient la découverte de banes nouveaux, et surtout feraient sortir de la routine une pêche abandonnée complétement aux chances du hasard. Les manœuvres de la pêche dépendent beaucoup du nombre d'hommes; il est utile de faire connaître la composition de l'équipage, elle à une grande importance. L'armement varie dans la grande et la petile péche. Dans la première, les bateaux ont de dix à douze hommes d'équipage; dans la seconde, ils n'en ont que quatre ou six. Toujours, pour la grande péche, 1 y à un patron et un pou- pier; l'un est commandant, l'autre est second. Le premier décide de tout, 1i est maître absolu; 11 ordonne de commencer la pêche dans tel ou tel point, ear c’est lui qui connait les bancs. Le second prend le commandement pendant que le premier se repose. Il y à quelquefois un mousse qui souvent est le fils du pa- tron et fait son éducation sous les yeux de son père ; 1l aspire, lui aussi, à devenir d'abord poupier ou second, et puis com- mandant ou patron. Le nombre des matelots varie entre huit et dix, rarement douze. Cela dépend beaucoup de l’armateur et du tonnage de l'embarcation. Toutes les coralines n'ont pas d’ailleurs le même tonnage. L'origine des matelots est très-différente. Beaucoup viennent des côtes de la Toscane, Les Génois semblent aujourd'hut di- 23 PÊCHE DU CORAIL. minuer. La plupart sont Napolitains et plus spécialement de la Torre del Greco. La réputation du pêcheur de Corail n'est pas à l'abri de tout reproche. QI faut avoir volé ou tué pour être corailleur » , entend-on souvent répéter. C'est une appréciation qui est presque devenue un proverbe. Le grand-duc de Toscane avait fait autrefois embarquer quelques galériens à bord de chaque coraline partant de ses ports. On peut comprendre, d'après cela, que les matelots de cette classe aient laissé après eux d'assez mauvais souvenirs, car leur conduite n’était et ne devait pas être exemplaire, et leurs antécédents auraient seuls suffi pour motiver le proverbe. Les meilleurs matelots sont payés 500 et 400 francs pour les six mois de la saison d'été : 1is ne sont pas nombreux; le plus : grand nombre est à la solde de 306 et même de 200 francs. La nourriture du bord est en rapport avec cette solde : le biscuit (ou galetta, comme l'appellent les Italiens) et l'eau sont à discrétion toute la journée et la nuit. Le soir, chaque homme reçoit une Jatte de pâtes d'Italie fort simplement accommodées; quelques armateurs donnent aussi des oignons, mais le plus souvent les matelots achètent eux-mêmes les fruits qu'ils em- portent à la mer. La viande n'entre, dit-on, dans le menu du corailleur que deux fois dans la saison : le 15 août et le jour de la Fête- Dieu. Le vin est à peu près inconnu à bord, Avec une nourriture aussi simple et une solde relativement aussi faible, le travail rendu est cependant considérable et les fatigues prodigieuses. On aurait peine à comprendre comment dans de telles conditions le corps pourrait produire autant d'efforts, si l’on ne remarquait que la consommation de la galette, qui, en fin de compte, représente du pain desséché et de très-bonne qualité, est énorme. On peut dire sans exagération que le corailleur mange constamment. Je n’ai jamais accosté DE LA PÈCHE EN ELLE-MÈME. 235 un bateau sans voir quelques-uns des hommes ayant un biscuit à la main. La pèche dure nuit et jour. Six heures de repos, voilà, quand un bateau tient la mer toute la saison d'été, le temps donné à l'organisme pour refaire ses forces. Les relàches sont courtes, et le travail ne cesse complétement que pendant celles du 15 août et de la Fête-Dieu, ou quand le temps est mauvais et qu’il est impossible de tenir la mer. Mais habituellement lorsque le bateau rentre au port, c'est uniquement pour se ravitailler; l'équipage s'occupe, en arrivant, à tirer l’embar- cation à terre afin de la gratter et de la débarrasser des plantes et animaux marins qui, se fixant sur sa coque, l’attaquent ou la couvrent d’une couche épaisse, fort nuisible à sa marche. Le reste du temps est employé à charrier de l’eau, du biscuit et le chanvre nécessaire pour entretenir les filets. Si l'on n'oublie pas que le travail se fait sous le ciel et le soleil brûlant d'Afrique, on comprendra peut-être toute la valeur du proverbe eité plus haut; il signifie certainement aussi que les conditions sont tellement pénibles, qu'il faut être bien malheureux pour vouloir s'y soumettre. On comprendra encore comment il se fait que les marins français, trouvant meilleure solde, meilleure nourriture et un travail moins pénible, abandonnent la pèche du Corail. Je vais chercher à faire connaître ce que sont les fatigues de ces malheureux pêcheurs, en mdiquant par quelle manœuvre ils arrivent à obtenir du Corail; mais on ne peut se faire qu’une idée imparfaite de ce travail, si l’on ne va voir la pèche soi- même, je dirai même plus, si l'on ne passe quelques jours à bord d'une coraline, ainsi que je l'ai fait. - Lorsque le patron juge qu'il est sur un banc, il fait lancer engin à la mer. La voile est orientée d’après la fraicheur de la brise et de ma- + 236 PÈCHE DU CORAIL. nière à ne pas filer trop rapidement, car cela n'est pas utile pour accrocher la roche. Dès que l'engin est engagé, on ralentit la vitesse afin de ne pas le briser, et l’on commence les manœuvres de la pêche propre- ment dite. Si la brise n’est pas forte, si l’on est en calme plat, comme cela arrive si souvent pendant la belle saison, c’est avec les avirons que l’on continue à faire marcher le bateau, et dans ce cas tout l'équipage rame vigoureusement. Quand la roche est bien accrochée, vient la manœuvre du cabestan (1), que six où huit hommes accomplissent et que le patron combine avec les mouvements et la vitesse de Pembar- cation. Ainsi pendant que les uns tournent, les autres rament ou bien orientent la voile, suivant le commandement, suivant surtout qu'il y à où qu'il n°y à pas de brise. Le câble de l’engin qui à été souvent filé à soixante et quatre-vingt brasses, s’enroule sur le tambour du cabestan, après avoir passé en sautoir sur le plat-bord du bateau, à l'ar- rière, près de la barre; un homme assis au pied du mât en tient l'extrémité et obéit aux ordres du patron. Ainsi, à ce moment, deux forces peuvent agir sur le filet; elles sont la conséquence, l’une de la marche äu bateau, l'autre de la traction opérée par le cabestan. C'est le patron qui surveille et conduit la pêche, en acti- vant, ralentissant ou faisant cesser l'action de l'une ou de l'autre de ces deux forces. Placé à la barre, il dirige d’abord l'embarcation, puis, quand la roche est accrochée, 11 ne gouverne plus. Cela n'étant pas utile, 1l enlève même souvent le gouvernail. (1) Le sommet du tambour du cabestan est hexagone et recoit des barres ou bras longs de 3",45. La hauteur du tambour est de 1",05 à peu près au-dessus du pont. D'après ces mesures, on voit que les hommes doivent être penchés sur ces barres, et qu'ils doivent passer très-près des plats-bords, sur lesquels ils montent même, DE LA PÈCHE EN ELLE-MÈME. 237 Le plus ordinairement il est assis à tribord, laissant pendre en dehors de l'embarcation sa jambe droite. Il porte devant lui, lié à sa ceinture, un petit tablier de cuir très-épas, destiné à le protéger contre les frottements trop vifs de l'amarre de l'engin, car celle-ci passe contre lui, et appuie même quel- quefois sur sa cuisse. L'engin, en rencontrant les Imégalités du fond de la mer, en s'accrochant à elles ou en redevenant libre, avance par sac- cades. Les secousses qui sont la conséquence de cette marche produisent dans lamarre un frémissement particulier dont le poupier étudie attentivement les moindres particularités. D'après les impressions qu'il ressent, 1l commande d'activer le travail du cabestan et d'affuiblir l'action de la voile, ou bien il ordonne une manœuvre inverse, quelquefois enfin 1} les active tous les deux à la fois ou les fait cesser complétement tout à coup. Ce n'est que par une longue habitude, que par une pratique consommée, que cet homme arrive à sonder et à connaitre avec son engin les profondeurs de la mer, comme le fait, pour ainsi dire, le chirurgien avec son stylet, quand il cherche à reconnaitre la nature cachée du fond d'une plaie. Les bancs présentent des imégalités, et quand la croix de bois les rencontre, elle s'élève ou s'abaisse ; alors le poupier sent très- bien que l’amarre, qu'il tient vigoureusement serrée dans sa main, sur où contre sa cuisse, se relâche ou se roidit. Dans le second cas, 1l crie : Molla? ce qui revient à l'impératif français : «Lache! mollis ! » À ce commandement, l'homme assis au pied du mât, et qui tient l’amarre tendue, lâche prise. Le cabestan cesse son action, la corde se déroule et l'engin tombe au fond de l'anfractuosité des rochers qu'il à rencontrée, puis on recommence le travail pour le soulever de nouveau. Ce n'est qu'après avoir répété plusieurs fois cette manœuvre que l'on ramène le filet à bord. La calle, comme, on dit, est finie. 938 PÊCHE DU CORAIL. On comprend que le but de ses relâchements subits de l'amarre est de faire flotter et accrocher les fauberts, de les faire pénétrer, en tombant et s'écartant, au-dessous des rochers où se trouve le Corail. Que par la pensée on se reporte au fond de la mer, là où un bane présente ses innombrables inégalités rendues plus àpres encore par les dépôts sous-marins qui se forment irré- gulièrement, et l’on verra les trente-quatre fauberts éparpillant leurs mailles dans tous les sens et s’attachant à tout. Quels efforts ne faudra-t-1l pas pour les dégager et les ramener ? C'est en cela cependant que consiste la pêche : accrocher et décrocher les filets, voilà le travail pénible dont nul n'aura l'idée s’il ne fait que passer auprès des corailleurs en pêche ; pour juger des efforts et des fatigues de ces malheureux, il faut avoir séjourné plusieurs jours à bord : alors on se rendra un compte exact de ce qu'est réellement l’état de pêcheur de Corail. Les matelots sont presque nus, ils ne conservent qu'un calecon. Leur peau brûlée, noircie par le soleil, leur donne une physionomie rude et étrange ; ils chantent cependant pour s’exciter les uns les autres. Leur travail se fait de deux ma- nières : tantôt leurs efforts sont continus, et alors ils s’entraînent réciproquement par un sifflement particulier qui peut se rendre par les syllabes 21-21, sifflées pour ainsi dire avec les dents serrées, tenues comme une note longue de musique et renforcées de temps en temps, mais toujours sans changer de ton. Les hommes s’arc-boutent, tantôt en appuyant la poitrine, tantôt le dessus de l'épaule, et tantôt le cou, contre les bras du cabestan ; leurs pieds prennent appui sur toutes les parties du bateau, contre les salles des entrées des soutes, contre les plats-bords. Après un certain temps, si l'engin ne se dégage pas, le travail change. Le matelot occupé à tenir roide l'amarre, à la pelotonner, et qui est assis au pied du mât, commence à chanter sur un air lent et monotone des paroles qu’il compose ; DE LA PÈCHE EN ELLE-MÉME. 239 le plus souvent il psalmodie les noms des Saints les plus vénérés, où bien il chante les choses plaisantes qui lui passent par la tête. C'est une sorte de litanie, dont la réponse est faite par les six où huit hommes du cabestan, qui crient à la fois Carriga-mo ou Carrigo-lo ! «Chargeons maintenant, charge-le, monte-le » (sous-entendu l'engin) ; et ce cri est accompagné d’un effort simultané de tous les matelots, qu'interrompt de nouveau la voix monotone du chanteur. C'est en assistant à la manœuvre faite au chant du car- rigo-lo que l’on comprend bien les fatigues des pêcheurs. Avec ce sentiment parfait du rhythme musical qui caractérise les Italiens, les uns, rejetant leur tête et leur corps en arrière pendant la psalmodie, se préparent à se précipiter sur la barre qu'ils tennent entre leurs bras et à ajouter ainsi à la puissance de leurs muscles l'impulsion donnée par le poids de leur corps ; les autres, se ployant en arc, quand, placés près des plats-bords, ils peuvent prendre avec na un point d'appui fixe et solide, cherchent, en se détendant et se redressant brusque- ment, à faire un effort plus considérable encore. Alors cesmalheureux, haletants, font peine à voir : la chaleur du soleil qui les brûle fait ruisseler leur corps de sueur, leurs veux s injectent ; leur face, malgré sa temte basanée, rougit vive- ment; les veines de leur cou, gonflées et saillantes, montrent toute la puissance, toute l'énergie de leur action. Cependant l'engin engagé ne vient pas. Le patron excite ses hommes de la parole et du geste, et lorsqu'un bras du cabes- tan passe devant lui, il ajoute son action à celle de ses mate- lots, qui, à chaque cri de Carrigo-lo! avancent à peme d'un pas; il encourage les uns, il gourmande les autres, les efforts redoublent ; enfin il les entraîne, et fait si bien, que tout à coup le filet se dégage, déracine et casse des blocs énormes de rochers. Alors le travail reprend son train ordmaire, le bruit mono- 2/0 PICHE DU CORAIL. tone du zizi se fait entendre de nouveau, et l'équipage, quoique harassé, commence à plaisanter. Sa curiosité se réveille, car le filet approche, et il va connaître le fruit de tant de fatigues. La croix est redressée contre le bord, les filets amenés sur le pont; alors on s'occupe de recueillir le Corail. La calle est finie, et si la brise est bonne, il y a un moment de repos. Tant que l'engin est accroché sur le fond, il joue le rôle d'une ancre. Le bateau peut être considéré comme étant mouillé, il vient à pie et reste en place; mais dès que les filets sont dégagés, la brise et les courants le portent rapidement loin du banc. I faut, pour rejeter de nouveau le filet à la mer et faire une nouvelle calle, revenir au point d'où l'on était parti. Aussi, quand j'accostais les corailleurs au moment de la levée du filet, je me hâtais de recueillir le plus vite possible ce dont j'avais besoin, et de rentrer dans mon embarcation, afin de ne point gèner les manœuvres et de ne pas faire perdre un temps précieux : €'est une précaution que je recommande aux naturalistes qui iront à la mer. La pèche du Corail, on le voit, est un rude métier ; car, pour obtenir des résultats, il faut nécessairement un grand travail, de grandes fatigues, et ces conditions ne sont obtenues, le plus souvent, que par l'énergie et la fermeté du patron, qui, on doit bien le penser, mérite souvent sa réputation d'homme dur, inflexible et brutal. Il s’habitue, en effet, peu à peu à ce travail excessif qui nous étonne et nous fait de la peine quand nous ne le voyons qu'en passant, et comme il a souvent des matelots qui n'ont pas, en quittant leur patrie, oublié tout à fait les attraits du /are niente, il est conduit progressivement à les traiter avec peu de ména- gements. Placé sur son petit banc à l'arrière, chaque homme passe, en tournant à son tour, devant lui; heureux s’il ne recoit à ce mo- ment qu'une simple admonestation lorsqu'il travaille mollement. Les règlements mariiines défendent, 1lest vrai, les mauvais DE LA PÊCHE EN ELLE-MÈME. 2/1 traitements ; mais combien de coups sont donnés et reçus sans qu'il en soit rien dit, dans ce passage régulier et continu devant le poupier inflexible! On me citait l’un d'eux comme un des plus rudes et des plus exigeants ; il engageait des jeunes gens à son bord, pour les payer moins, tout-en leur demandant le travail d’hommes faits et robustes. Quand ses jeunes matelots haletants et accablés ne lui paraissaient point rendre un travail suffisant ou se plai- gnaent de la chaleur, il prenait un seau d’eau et le jetait sur leur corps tout couvert de sueur. I avait engagé un Jeune marin qui vint me consulter comme médecin. Ce pauvre jeune homme arrivait de la pêche avec une fièvre ardente, ses pieds étaient gonflés et couverts de plaies; il me demandait de le soigner et préférait abandonner ce qui lui était dû que de revenir à bord : « Je suis trop jeune pour mourir » encore », me disait-1l, avec cet accent pénétrant et cette pantomime si expressive que sat employer Ftalien. J'engageai la femme de ce patron propriétaire du bateau à l'envoyer x l'hô- pital : «Et comment fera mon mari pour pêcher, s'il n’a pas de » matelots ? » Telle fut la réponse d’une jeune et jolie femme de dix-huit ans qui tenait entre ses bras son premier enfant qu'elle semblait aimer beaucoup. On peut juger par là combien l’ap- pât du gain fait disparaitre tout sentiment d'humanité chez quelques pêcheurs de Corail, et combien leur réputation de brutalité est parfois méritée. Avec des traitements souvent de la plus grande dureté, 1 y a cependant peu d'exemples de crimes à bord ; mais 1l paraît que lon interdit les couteaux. Toutefois, en 1862, après une véri- table conspiration, un patron fut lié, mis à fond de cale par son équipage, et le bateau repartit pour l'Italie. En passant à Boni- facio, la coraline fut reprise et ramenée sur les lieux de pèche. Il est impossible de songer à faire faire une pêche aussi pénible à des hommes chez qui le sentiment de l'indépendance LACAZE-DUTHIERS. 16 242 _ PÈCHE DU CORAIL. est vivement développé. Jamais le Français ne voudra s'as- treindre à un travail semblabie, et, à bien plus forte raison, aux traitements et aux durs commandements d'un patron qui excite par tous les moyens, je ne dirai pas qu'il peut, mais qu'il ose employer, pour que la pèche donne le plus de bénéfices pos- sible. Le travail du cabestan n’est pas le seul, car il faut traîner le filet, et si la brise manque, alors c’est à l’aviron qu'on demande la force de traction. Aussi, presque toujours en été, pendant les calmes, y a-t-il à bord quelques avirons armés. Les Italiens ont une manière toute spéciale de ramer qui ménage beaucoup leurs forces, tout en donnant une vive im- pulsion au bateau. Voici comment ils agissent. Chaque homme a derrière lui un petit banc mobile, de peu de hauteur (1); il fait un pas en avant, puis il se laisse tomber en arrière pour s'asseoir sur le petit siége qu'il a convenablement placé. L'ex- trémité libre de l’aviron, pendant le pas en avant, est reportée en arrière et tenue hors de l’eau. Elle est plongée brusquement dans la mer et agit en étant ramenée vigoureusement en avant, par la chute même du corps. Aussi, dans le second temps, celui qui est véritablement actif, le poids du corps agit plus directement que l’action musculaire, et relativement la fatigue est moindre (2). L'aspect d’une coraline, quand tout l'équipage, composé de huit à dix hommes, est aux avirons, présente l'aspect le plus (4) Ces petits siéges ont ordinairement 0*,35 de hauteur. (2) Gette facon de ramer ou de nager, comme on dit en marine, est très-pro- pre à ménager les forces ; entre chaque coup d’aviron il y-a un repos, et le travail peut ainsi être continué bien plus longtemps. Aussi les équipages sont tellement faits à cette manœuvre, qu’il est bien rare, à moins que la brise ne soit très-fraiche, de voir rentrer au port les coralines sans que l’équipage nage. La longueur des avirons est de 5,156, condition qui donne une grande puis- sance, DE LA PÊCHE EN ELLE-MÈME. 2,3 animé. Qu'on se représente, en effet, les matelots marchant en cadence, se laissant tomber en arrière tous à la fois, frappant l'eau avec une simultanéité parfaite et accompa- enant leur travail soit de chanis ou de bruits entraînants, et l’on se fera une idée du côté pittoresque des scènes que l’on rencontre en mer, si l'on ajoute à cela la beauté du ciel et des eaux bleues de la Méditerranée, et surtout la lumière si chaude qui frappe de ses contrastes saisissants ces hommes à moiué nus et brülés par le soleil. Le nombre descalles (4) ou des coups de filet esttrès-variable, suivant que la configuration du fond et les courants contra- rient ou favorisent le travail, et surtout que l’on cherche à une plus où moins grande profondeur. ° Pendant ie temps que je passai à la pêche, la première Journée le filet fut relevé quinze fois; dans les dernières on ne le releva que sept fois. | Durant la nuit, le travail continue, mais son activité se. ralentit beaucoup, car la moitié de l'équipage dort et prend les six heures de repos qui lui sont accordées par jour. Il ne faudrait pas croire qu'il n’y eût aucune exception à ce qui vient d’être décrit. Après une très-longue interruption, la pèche à été reprise au Cap Bougaroni, sur les côtes de la Kabylie, mais la ma- nœuvre a dû être un peu modifiée. Vers ce point de la côte d'Afrique, la brise est presque toujours assez fraiche et la mer très-souvent agitée. Il serait difficile, à ce quil paraît, d'y pêcher absolument de la même mameére que dans les eaux de la Calle; aussi les en- gins ont-ils été formés de croix très-grandes que l'on s’est (1) On appelle ainsi l'ensemble des manœuvres depuis le moment où le filet est jeté à la mer jusqu'à celui où il est retiré. 21h PÈCHE DU CORAIL. contenté de traîner, de promener sur les rochers qui, sous la mer, prolongent les arêtes des montagnes de terre. Presque toutes les manœuvres, beaucoup plus simples, du reste, que celles qui ont été décrites précédemment, s’accomplissuent, m'a-t-il été dit, à la voile; les embarcations traînaient tout simplement leurs engins en se dirigeant du large vers la terre. Il paraît que quelques coups de filet ainsi conduits ont produit des pêches abondantes et du Corail très-beau : celase comprend, il y avait bien longtemps que ces banes n'avaient été exploités. La petite péche est celle que l'on pourrait appeler la péche à la main, par opposition a la grande péche, qu'il serait possible de nommer la péche au cabestan; elle est surtout faite par les Espagnols. L'embarcation n’est le plus souvent qu'à demi pontée, c’est une barque à pêche ordinaire, avec ou sans cabestan. Le plus grand diamètre de la croix dépasse rarement un mètre, et les fauberts sont formés moitié de vieux filets à sardme, moitié de cordes peu tordues ; il n'y à qu'un paquet à chaque extrémité des bras, et les cordes portant de loin en loin d’autres fauberts sont supprimées. Les marins, au nombre de trois ou quatre, soulèvent à bras leur petit engin. Après avoir reconnu et senti la roche, ils cher- chent à le faire pénétrer entre les Inégalités et dans les endroits où les grands engins ne peuvent pas arriver; 1ls prennent amsi souvent plus de Corail que les grandes embarcations, toutes pro- portions étant d'ailleurs gardées. C’est en faisant pénétrer ces petites croix garnies de graltes sous les rochers, que les Espagnols prétendent faire des pêches extrèmement fructueuses. I est positif qu’une eroix ainsi ar- mée doit pouvoir racler le dessous des grottes et n'épargner aucun pied de Corail. On comprend qu'un petit bateau, dans ces conditions d’ar- mement, à devant lui un champ bien moins vaste à exploiter DE LA PÈCHE EN ELLE-MÈME. 245 que les grandes embarcations, car il serait difficile et même impossible de manier à la main, et sans cabestan, un engin à 80 et 100 brasses de profondeur : aussi la petite pêche se fait-elle habituellement à 40 ou 60 brasses au plus. Les petits bateaux à demi pontés, et montés par six hommes, ont un cabestan dont les dimensions sont proportionnées à leur grandeur, et qui ne sert ordinairement que pour remonter et dégager l'engin. Les matelots semblent préférer manier à la main leur filet que tourner pour le soulever et le laisser tom- ber à plusieurs reprises. Ïl existait, en 1862, à la Calle, une petite chaloupe, presque un canot, qui n'était montée que par deux hommes et qui allait à la pêche tout comme les autres. Entre les très-petits bateaux et les plus grands, il en est de moyens; on comprend, du reste, que la distinetion entre la grande et la petite pêche n'est pas absolue, et qu'elle n’a été ici établie que pour faciliter les descriptions. Comment faut-il comprendre que le filet agit au fond de la mer? Quand ilest élevé, puis brusquement abaissé, tousles fauberts, relativement légers, flottent ets'éloignent en rayonnant autour du point qui lesattache. Au commandement de : Molla! (âche!), les filets s'ouvrent ets’écartent comme autant d’éperviers (1). Le patron ne commande cette manœuvre qu'au moment où l'engin, étant près du sommet des rochers, peut tomber dans leurs an- fractuosités, et il estévident qu'elle a pour but de faire accrocher les fibres et fibrilles, les cordelettes peu tordues de chanvre à toutes les aspérités. La réussite est quelquefois si complète, l'en (4) Filet de pêche pour les poissons, qui, lorsqu'il est étendu, représente un véritable cercle, Il se passe pour ces fauberts un peu ce qui a lieu quand un parachute descend ; la résistance de l’air le fait ouvrir; de même ici la résistance de l’eau écarte des mailles du filet qui tombe, 26 PÈCHE DU CORAIL. chevêtrement est tel, qu'on doit casser les fibres pour dégager le Corail. Il est des Gorgones à écorce âpre et rugueuse qui sont à ce point enlacées dans les fibrilles, qu'il est difficile de les avoir intactes : on les rompt presque toujours pour les retirer. Les coquilles elles-mêmes sont prises et arrachées des roches. Les Térébratules en particulier, qui sont, comme on le sait, atta- chées par un pédoncule et saillantes à la surface des fonds, sont parfaitement déracmées : aussi j'ai pu recueillir dans les filets des pêcheurs une grande quantité de Térébratulines (1) et de Mergelies (2); mais, pour les avoir, il fallait littéralement les arracher et rompre les brindrilles qui les entouraient. On comprendra maintenant quels ne sont pas les efforts que doivent employer les matelots pour remonter un engin bien engagé et dont les trente-quatre fauberts sont accrochés par leurs mailles nombreuses. On entend souvent répéter aux pêcheurs que les courants les gènent. Leur demande-t-on si la pêche est bonne, ils ré- pondent mvariablement s'il prennent peu de chose : « La cor- riente cattiva, signor. » C’est qu'en effet la direction du courant favorise la pêche ou lui nuit considérablement. Le Corail, comme la plupart des autres Coralliaires, évite de se fixer sur les parties déclives des rochers tournées vers le nord, et peut-être aussi vers le nord-est et le nord-ouest, Il se place plus habituellement du côté de la lumière, mais en se mettant à l'abri des rayons trop directs. On sait que beaucoup d’Actinies évitent Paction trop vive des rayons du soleil. J'ai déjà cité l'exemple du Cérianthe qui, dans le port de Mahon, s’épanouit le soir et reste fermé pendant la journée; il abonde sur la côte nord exposée au nudi, et manque à peu près complétement sur les berges du sud exposées au nord. G) Terebratulina caput-serpentis. (2) Megerlea truncata. DE LA PÈCHE EN ELLE-MÈME. 9247 Si l’on fait une excursion à marée basse dans des localités où la mer découvre des rocs amoncelés, ce n’est pas sur leur surface .que l’on fait des trouvailles, c’est en dessous et bien plutôt du côté du midi que du côté du nord. On comprend donc que la pêche doive être d'autant plus pro- ductive, que les courants sous-marins viennent la favoriser en portant les fauberts de l’engm dans une direction qui leur fait rencontrer le Corail placé comme il vient d’être dit. Aussi les pêcheurs répêtent-ils «la corriente cattivu » , toutes les fois que les courants sont dirigés du nord au sud, et par conséquent, sur les côtes d'Afrique, du large vers la terre. Ce sont au contraire les courants de terre qui, prétendent-ils, les favorisent le plus. N'y a-t-1l pas là les plus belles études pratiques à faire pour un homme appelé, comme le commandant d’un garde-pêche, à se porter fréquemment sur les bancs? Ne serait-il pas plein d'intérêt de savoir si, par tel ou tel vent, les courants varient d’une manière constante, et si les mouvements de la surface ont une relation avec ceux du fond? N'y a-t-il pas, en un mot, à chercher par des études suivies si la science ne pourrait éclairer la pratique, la guider par des données précises, et lui faire éviter de perdre un temps considérable en changeant ses manœuvres ou ses positions, quand les courants la gênent. H faudrait enfin déterminer s'il existe des lois qui régissent la direction des courants. On vient de voir que le travail de la pêche a pour but de faire accrocher le filet aux aspérités des rochers; la chose peut être à ce point réussie et l'engin se trouver si bien engagé, qu’on ne puisse plus le retirer. La croix s’introduit quelquefois dans les in- tervalles des rochers, et alors, malgré les effortsles plus énergi- ques et le travail le plus prolongé,1lestimpossible de la faire venir. Une embarcation fourme de tout ce qui lui est nécessaire doit avoir ce qui peut parer à cet mconvénient. On a vu que l'engin à au mois une valeur de 200 francs; ce serait donc 218 PÈCHE DU CORAIL. une grande perte si l'on était obligé de l'abandonner; la sus- pension de la pêche constitue d’ailleurs un dommage réel. = On emploie généralement deux mstruments qui réussissent vite et bien. Ce sont le tortolo et le sbiro. Le premier est un gros anneau de fonte de fer pesant environ 100 kilos, dont le diamètre extérieur est de 55 à 60 centimètres et le diamètre intérieur de 25, ce qui donne, pour diamètre du cylindre courbé qui forme le cercle, 15 centimètres. Quand on veut employer le tortolo, on le recouvre d’une corde enroulée en tours serrés autour de lui, afin d'éviter son action directe sur l’amarre du filet; on le suspend par une corde par- ticulière, et alors seulement on passe dans son intérieur la corde de l'engin. L’embarcation est mise à pic, c'est-à-dire que halant sur le câble, elle est amenée perpendiculairement au-dessus du rocher qui la retient. Alors le tortolo est ché. 11 descend avec toute la rapidité que peut lui donner sa pesanteur, et, en tombant sur les ro- chers, il les casse et dégage la croix. L'effet de ce moyen semble sûr, rarement les rochers résis- tent, et tous les pêcheurs que j'ai mterrogés m'ont paru una- nimes pour en louer les bons effets. Dans quelques circonstances cependant, le sbiro peut seul ramener l'engin. Le motitalien sbiro veut dire herse. L'instrument dont il est maintenant question rappelle en effet, mais en petit, ce qu’en agriculture on désigne par ce nom. Il est formé par une pièce de bois presque cylindrique, hérissée de quatre rangées de six gros clous à large tête, enfoncés solidement et inclinés à peu près à 15 degrés. La pièce de bois est percée d’outre en outre aux deux extré- mités et dans des directions qui se croisent à angle droit. Dans ces trous on passe deux cordes : l’une forme une anse ou un DE LA PÈCHE EN ELLE-MÈME. 249 anneau de deux à quatre brasses, elle est du côté opposé à l'incli- naison ou aux têtes des clous: l’autre est l’amarre même du sbiro. La manœuvre est toute différente de celle que nécessite l'emploi de lanneau de fer ou tortolo; il faut ici qu'une deuxième embarcation prête son concours. Le bateau qui est dans l'embarras passe dans l'anneau de corde du sbiro, lesté par une pierre, l'amarre de son filet, puis il se met à pic. L’em- barcation qui vient donner la main conserve l’amarre de la petite herse. Celle-ci est filée jusqu’à ce qu’elle arrive au fond ; alors en halant sur elle, on cherche à accrocher les fauberts, et en tirant dans tous les sens, on finit par rencontrer la direc- Uon par où s’est engagée la croix, et par lui faire reprendre la route qu'elle avait suivie une première fois. En comparant le mode d'action de l'anneau et de la herse, on voit que chacun à son avantage. Le premier permet d'agir seul; le second nécessite la présence d'une autre coraline sur les lieux de pêche. Mais évidemment ni l’un ni l’autre ne peuvent suflire à tous les cas qui se présentent. Que l’on sup- pose, par exemple, une des longues cordes portant les fauberts attachée et nouée autour d’un piton ou d’un bloc de rocher : _Jorsque l'embarcation se sera mise à pie, il arrivera évidemment que le tortolo tombera sur la croix élevée au-dessus du point qui la retient, et donnera une secousse, sans arriver au roc, tandis que la herse, en tiraillant dans tous les sens, pourra parvenir enfin à détacher les nœuds ou à défaire les entortille- ments qui s'étaient produits. Il peut d'ailleurs se faire aussi que les rochers soient assez résistants pour n'être point cassés par l'anneau de fer, et évidem- ment dans ce cas la herse est encore préférable. I est donc mieux de placer à bord des coralines les deux instruments. L'un d'eux s'ajoute au lest, et la première dépense une fois faite, larmateur y gagne en évitant la perte de temps et parois aussi celle de ses filets. 250 PÈCHE DU CORAIL. Les petites embarcations n’ont pas habituellement ces pièces fort utiles ; aussi, s’il leur arrive d'engager leur engin, et si pendant qu'on travaille à le dégager, la mer, devenant grosse, les force à rallier le port, elles sont obligées de l’abandonner et quelquefois de le perdre. Je viens de déerire la pêche telle qu’elle se pratique dans les eaux de Bone, de la Calle, de Bizerte, de la Sardaigne et de .la Corse. C'est Pancienne tradition sans modifications, sans amélioration. D’après le baron Baude, qui connaissait parfaitement la question du Corail, les mariniers de la Compagnie africaine savaient manier deux engins à la fois. Pas un patron aujour- d'hui ne songe à essayer l'emploi simultané de deux filets (4). $ 4. Du scaphandre et du bateau sous-marin. — Emploi de la vapeur. L'Académie de Marseille, qui avait rejeté la dotation de Peys- sonnel (2), couronna plus tard le mémoire dans lequel Béraud décrivait des machines propres à pêcher le Corail, à le déta- cher des rochers aussi près que possible, sans en casser les branches. Ces machines agissaient toutes par des armatures de fer. Malgré le jugement de l’Académie, nous nous permettrons d'en blâmer l'emploi, car tout ce qui racle comme une drague nuit à la reproduction ou à l’aecroissement du Corail (3). Aussi parait-il inutile de donner une description détaillée des engins proposés par Béraud. (4) Voy. Baude, loc. cit., t, [.. p. 205. (2) Voy. Historique, p. 18. (3) Voy. Journal de physique, 1792, t. XLI, p. 21. (Mémoire qui a rem- porté le prit au jugement de l’Académie de Marseille, 1787, par J. J. Béraud de l'Oratoire, professeur de physique et de mathématique au collége de Marseille.) DE LA PÈCHE EN ELLE-MÈME. 291 Dans ces derniers temps, on a beaucoup parlé de certains ap- pareils à plonger, qui ont été très-améliorés, mais est-il possible de penser que l’on arrivera à pêcher le Corail uniquement, et dans tous les parages, avec les scaphandres ou les bateaux sous-marins ? Voilà la question qu'il faut examiner. Le scaphandre est un appareil très-bon, très-utile, et qui rend les plus grands services dans certaines conditions : comme par exemple dans les réparations des quais des ports de mer, dans les constructions sous-marives, dans l'exploration à l’ex- térieur des coques des navires, etc. Cherchons s’il est appelé à remplacer entièrement et partout l'engin que nous avons décrit. On sait qu'il se compose d’un vêtement complet de tissu im— perméable pour le corps, et d’un immense casque de bronze pour la tête, avec des glaces pour permettre de voir, et des sou- papes, ingénieusement disposées pour laisser l'air se renou- veler et répondre aux besoms de la respiration. Le casque est en communication avec une pompe foulante qui le remplit constamment d’un air frais et nouveau. L'homme est vissé (l'expression est exacte) dans cet appareil, et sa vie est à la merci des mouvements de la pompe et de ceux qui la manœuvrent. Quand le jeu de la pompe gonfle ses vêtements, le plongeur sent diminuer singulièrement sa pesanteur spécifique ; aussi doit-1l prendre à ses pieds des bottes garnies de plomb et mettre sur sa poitrine et son dos des plastrons du même métal. Alors il peut descendre au fond de l'eau. Le jeu de là pompe foulante doit être très-régulier, sans cela le travailleur éprouve beaucoup de gène. Peut-on espérer d'obtenir cette condition à bord d’un bateau, sur une mer souvent houleuse ? L'homme enfermé dans l'appareil a toujours une corde atta- chée à sa ceinture pour faire des signaux. Cette corde, tenue _ par une personne qui suit attentivement tous ses mouvements, doit être toujours non fortement, du moins un peu tendue, 252 PÈCHE DU CORAIL. afin que le signal soit vite et facilement fut. Or, qui voudrait, au large, avec la houle, abandonner sa vie à des signaux aussi incertains, quand le roulis et le tangage commencent à être forts ? Dans un port, même avec un fond mégal, il est facile de descendre avec le scaphandre et de marcher sans difficulté. Toutefois, après son arrivée, l'ouvrier soulève la vase avec ses lourdes bottines à semelles de plomb, et bientôt 1l agit dans la plus profonde obscurité. | Mais, dans la mer, c’est bien autre chose. Le fond sur lequel descendra le plongeur sera le plus souvent inégal, comme sur les côtes, comme sur les plages rocheuses que nous voyons à marée basse ; car puisque le Coral vient sur les rochers, on ne peut espérer de le trouver ailleurs. Sans doute, les difficultés seraient moindres si, comme on l’a représenté, le Coral se développait sur des roches voisines de plages unies et sablonneuses ; alors on pourrait sans peine aller faire la cueillette des rameaux bien développés, en laissant ceux qui n'ont pas acquis une taille suffisante ; mais 1l est loin d'en être toujours ainsi. Comment oser s'aventurer et se pro- mener sur un fond rocheux dans ce costume embarrassant? Qui voudrait, avec ce vêtement, marcher sur un sol glis- sant, inégal, et souvent être contrarié dans ses mouvements par les oscillations de lembarcation à laquelle on est véri- tablement suspendu? Qui voudrait encore aller s'engager dans une grotte ou sous les rochers avec cet énorme casque et les conduits qui apportent l'air ou la vie? Il faudrait, pour cela, traîner après soi une grande longueur de tube, et, en sortant des anfractuosités du fond, n°y aurait-il pas à craindre que le tube ne se fût entortillé autour des rochers et accroché à quelques aspérités? Or, un simple ploiement suffit pour suspendre l’arrivée de l'air et produire lasphyxie avant que le signal soit fait, que l'on ait remonté le plongeur, et qu'on ait ouvert son casque. “ DE LA PÈCHE EN ÉLLE-MÈME. 253 En 1864, dans le port d'Alger, six scaphandres fonctionnaient constamment. Les ouvriers travaillaient avec facilité, mais à quelle condition? La pompe, immobile, fonctionnait avec régularité. Un homme placé sur le quai tenait en main la corde du signal et suivait attentivement le travailleur, le surveil- laitavecle plus grand soin, afin d'éviter que, dans ses évolutions, il n'enroulât son tube autour de l'échelle qui lui avait servi à descendre. Quand j'assistais à ce travail, on me disait que parfois les ouvriers, après avoir marché et troublé l'eau, se perdaient et ne savaient plus se retrouver, entourés qu'ils étaient d’une nuit profonde ; souvent aussi ils glissaient et tombaient. Que l'on se reporte maintenant à la pèche du Corail : ne voit-on pas qu'au milieu des rochers, sous les grottes, le dan- ger est bien plus grand ; les tubes aériens pourraient souvent s’accrocher, se ployer, et l’arrivée de l'air être interrompue? Le bateau qui porte la pompe doit forcément être mouillé, afin d'avoir Le plus de stabilité possible. Dans les essais faits 11 y à quelques années, non loin de Djidjelli, et plus particulière- ment à Mansouria, les barques avaient quatre grappins, deux à l'avant et deux à l'arrière, et malgré cela, quand la houle se formait, le travail devait être suspendu: Au milieu de ces quatre amarres, les chances de brouiller les tubes et la corde- signal se multiphaient encore beaucoup. Cependant tout cela n'est pas msurmontable. Aussi ce ne sont pas là les objections les plus sérieuses ; car ce qui fera toujours réfléchir l’homme intelligent avant de descendre ou de faire descendre quelqu'un, c'est certainement la profondeur à laquelle se trouve le plus souvent le Corail. A 20 mètres, dans les ports, les travailleurs m'a-t-on dit, sont vite fatigués, la pression est déjà considérable. Est-1l possible, avec les appareils tels qu'ils sont aujourd'hui, de descendre à 60, 80, 100 brasses, c'est-à-dire à plus de 90,1920,450 mètres de profondeur ? 251 PÈCHE DU CORAIL. . La résistance que l'air devrait vaincre pour soulever les sou- papes du casque lui ferait acquérir une tension évidemment bien dangereuse, et probablement imcompaüble avec la délica- tesse des organes de la respiration et les conditions de Ja eircu- lation de l’homme. En supposant qu'on puisse arriver à fournir de l'air dans de bonnes conditions, il faudrait, à ce qu'il paraît, encore cuirasser certaines parties du corps, les mettre dans un vêtement de fer, afin de les soustraire aux douleurs violentes qu'elles éprouvent par suite de la pression de l'eau, pression qui est telle, que l’on m'a cité l'exemple d'un homme guéri d'une hernie par un travail prolongé dans le scaphandre. Le poids de l’eau sur les parties génitales est des plus pénibles, et la personne qui avait fait des essais à Mansouria m'a dit avoir dû placer un bouclier de métal au devant du bas- ventre, ainsi que sur les jambes de ses plongeurs. Quand on a revêtu un scaphandre, quand on s'est vu vissé et écroué dans le casque et les boucliers qui le portent, quand on a été chargé des plastrons et des bottines de plomb, on ne peut s'empêcher de frémir à l'idée de descendre sur un fond inégal, où l’on aurait peine à marcher à terre en étant libre, et où l'on serait à chaque instant secoué par les mouvements de l'embar- cation communiqués à la corde de sauvetage et au tube qui porte l'air nécessaire à la vie. Pour toutes ces raisons, 1l paraît impossible; dans l’état actuel des choses, de pêcher avec le scaphandre au large et par de grandes profondeurs. On doit croire que les progrès modi- fieront les conditions où se trouvent les plongeurs. Mais en ce moment il n'est pas possible d'y songer, tant que lon n'aura pas soustrait l’homme à la pression énorme qu'il supporte extérieu- rement, tant surtout qu'on enverra dans les poumons un ar aussi comprimé qu'il doit l'être pour vaincre la pression exté- rieure d’une colonne d’eau de 100, 150 mètres. À de petites profondeurs, sans aucun doute, la pêche est DE LA PÈCHE EN ELLE-MÈME. 255 possible ; mais y a-t-il, tout près des côtes, autant de Corail qu'on le dit? Voilà une question encore qui mérite des études. Dans ce cas, les conditions sont plus favorables : on m'a affirmé qu'à Mansouria, sur les côtes de Kabylie, on avait trouvé du Corail à 10 mètres. I y a là évidemment des recherches à faire, des faits à bien établir. En 1861, on disut à Bone qu'une compagnie catalane avait acheté dix scaphandres et fait des pêches magnifiques au cap Creus, sur les frontières de France et d'Espagne. Je n'ai point vu les choses, mais toujours est-il que des essais ont été faits et que des accidents sont arrivés : l’un d'eux, en parti- cuher, entre les mans d’un homme qui manie le scaphandre avec la plus grande habileté. | Sur les côtes de France, en 1862, ïl paraît qu'en vue du cap et du village de la Couronne, non loin de’ Marseille, On à avec des scaphandres pêché, en quelques jours, beaucoup de Coral; mais qu'aussi, vers la fin de cette première campagne, l'un des plongeurs est mort. Cependant on ne s'est pas découragé, et l'on a continué la pêche, malgré de nouveaux accidents. Voici les renseigne- ments que M. Marin, conchylhographe aussi distingué que prompt à servir tous ceux qui visitent les Martigues, a bien voulu me donner. | À la date du 24 septembre 1863, trois des plongeurs qui avaient fait leur apprentissage dans les ports de Marseille et de Toulon étaient morts: « {ls remontaient sains et saufs, m'écrit » M. Martin, sans éprouver la moindre mdisposition. Une demi- » heure après ils ressentaent un malaise avec envie de vomir, » et deux heures plus tard ils rendaient le dernier soupir. » La mort n'a été évidemment que la conséquence de la pression à laquelle ces hommes avaient été soumis. Les organes s'étaient congestionnés au fond de la mer, et à l'arrivée à l'air libre, les changements subits de conditions détermmaent des troubles et des accidents cause de la mort. 956 PÈCHE DU CORAIL. Les plongeurs ne se sont jamais hasardés à plus de 40 mètres de profondeur; mais 1ls ont toujours pêché au-dessous de 40 à 12 brasses. Ils n'ont pas accusé, d’après M. Martm, les dou- leurs au bas-ventre dont 1l a été question plus haut; ils les ont ressenties sur les bras et les jambes, mais peu à peu, par Fha- bitude, elles dimmuaient beaucoup. Les produits pendant les deux années se sont élevés à des sommes considérables, aussi paraît-il que les pêcheurs préfè- rent le scaphandre à l’ancien engin. Malgré ces résultats, nous ne saurions modifier notre opi- nion, et nous dirons qu’en résumé, le scaphandre semble devoir servir avantageusement par un temps calme, à de petites pro- fondeurs; mais que dans les conditions actuelles de pèche, c’est- à-dire au large et par de grands fonds, son usage paraît aussi dangereux qu'impossible. Les accidents arrivés à Mansouria et au cap Couronne prouvent d’ailleurs que la pression qu’exerce sur l’homme la colonne d’eau est le danger contre lequel il faut d’abord trou- ver un remède. Le bateau sous-marin n’est au fait qu'une cloche à plon- geur, profondément modifiée, qui reçoit de l'air ou qui en renferme une provision emmagasinée à l'avance; il s'ouvre en dessous quand on veut explorer le fond sur lequel on le fait descendre. Naturellement la prenuère question à se faire est celle-ci : Est-il possible d'ouvrir un appareil quand on est ar- rivé à des profondeurs de 60, 80, 100 brasses? Comment l'air ne serait-il pas soumis immédiatement à la pression énorme d’une colonne d’eau de 90, 400, 120, 150 mètres? Que devien-. drait la position de l'homme? Ce bateau estgrand, et renferme un certain nombre de per- sonnes; aussine peut-il s'accommoder aux inégalités des fonds. Comment, alors, aller faire la cueillette en dessous des rochers, puisqu'il ne permettrait que d'observer le dessus? Quand on DE LA PÊCHE EN ELLE-MÈME. 957 expérimente à Paris, dans la Seine, les conditions sont bonnes : mas quelle différence quand on arrive au large, dans une mer souvent houleuse et agitée ! Ces appareils renferment en eux des germes de très-heu- reuses applications à la pêche du Corail. Cela peut être ; mais ils doivent nécessairement subir de nombreuses améliorations pour arriver à remplacer complétement, dans toute l'étendue des fonds qu'on exploite aujourd’hui, les engins actuellement en usage. Si l'on doit améliorer la pêche, c’est surtout au point de vue de la force à employer pour les manœuvres : car les matelots, avec les progres de la civilisation, se soumettront de moins en moins à un travail aussi pénible, à des traitements aussi durs, sur- tout avec une nourriture aussi simple et une solde aussi faible. N'y aurait-il pas à chercher dans l'emploi de la vapeur la possibilité de manœuvrer l'engin avec moins de peine, et par cela même ne pourrait-on pas espérer de voir les Francais se livrer de nouveau à une pêche qui en somme est fort luerative ? Le nombre d'hommes tournant au cabestan s'élève, quand l'engin estgrand et qu'il doit être dégagé, à six, huit, dix au plus. Leur force représente un certain nombre de chevaux-vapeur. La quantité de force employée pour faire la pêche peut done être évaluée exactement, et pour obtenir une égale puissance, il est facile de calculer la quantité de charbon nécessaire ; aussi serait-il possible de savoir exactement siavec une petite locomo- bile, on n’arriverait pas au même résultat qu'avec des hommes. remplaçant ainsi les fatigues excessives par la vapeur. Il existe maintenant sur les quais des ports de mer, et même à bord des paquebots, des grues qui fonctionnent par la vapeur avec une rapidité, une précision et une simplicité remarquables : un homme les manie comme il le veut. Que l’on suppose done connue la valeur d'une petite machine propre tout simplement à enrouler un eäble: la quantité de LACAZE DUTHIERS. for 258 PÊCHE DU CORAIL. charbon nécessaire pour travailler avec cette machine pendant quinze jours, un mois, comme le feraient huit, dix, douze ma- telots; le nombre d'hommes à une solde plus élevée, néces- saire pour manœuvrer l’'embarcation, et l'on verra si l'on ne pourrait, avec les dépenses du filet qui resteraient évidemment les mêmes, arriver à faire beaucoup plus et mieux, et s'il n'y aurait pas alors à espérer de voir la pêche revenir entre les mains des Français. Les conditionsde travail devenant différentes; elles n’éloigneraient peut-être plus comme aujourd’hui nos ma- rins; j'ai déjà en 1861, dans mon rapport, émis cette pensée. Il RÈGLEMENTS ET ÉTAT ACTUEL DE LA PÉCHE. Par le traité de 1832, le bey de Tunis a abandonné à la France la pêche du Corail sur toutes les côtes de la Régence, moyennant une redevance de 13 000 piastres. Aussi l'éten- due de mer à exploiter sous notre autorité est-elle considé- rable ; elle est presque comprise entre Gibraltar et Tripoli. La pêche est à peu près libre; elle peut s'effectuer en toute saison moyennant une redevance qui était de 800 francs, mais qui, depuis une convention avec l'Italie, sera, à ce*qu’il parait, de 400 francs par an sans distinction de saison. Les engins sont tous permis, sauf ceux qui portent des armatures de fer. Les corailleurs peuvent entreposer, sans payer de droit, les ohjets qui leur sont nécessaires dans les magasins des ports où ils viennent s'inscrire et où ils déclarent avoir leurs dépôts. Il est difficile que les règlements soient plus favorables aux étrangers et plus préjudiciables aux intérêts français. Voyons quelles en sont les conséquences? RÈGLEMENTS ET ÉTAT ACTUEL DE LA PÊCHE. 259 Il suffit de consulter les tableaux de statistique pour recon- naître que la France a perdu à peu près complétement l’indus- trie et la pêche du Corail, et qu’elle est loin d’être en voie de les reconquérir. H faut done modifier profondément les règlements, si l'on veut avoir des résultats différents. Le matelot ou la main-d'œuvre, en lialie, se paye aujour- d'hui infiniment moins qu'en France. Il est peu exigeant, et malgré sa réputation de paresseux, il n’en fait pas moins un tra- vail dont pas un de nos marins pe veut se charger. H suflit d'établir un parallèle entre la vie du corailleur et celle du matelot français, pour comprendre que celui-ci doit nécessurement se refuser à faire la pèche. On peut même ajouter qu'il n'est pas possible qu'il la fasse dans les condi- ons de concurrence qu'il rencontre devant lui. Tout en [talie est produit à bien meilleur marché qu’en France. L'ftalien est très-sobre, ie Français demande une nour- riture assez confortable. Tout ce qui est nécessaire à la vie et à la pêche arrive de Naples en Afrique à des prix qui sont loin d’être ceux auxquels la France pourrait les livrer. Pour ne ciier, entre tant d'autres, qu'un exemple, voici ce qui existait en 1861. La corde à faire le filet était rendue à la Calle, en provenance d'Htalie, à 90 francs les 100 kilos. Le chanvre seul, sans être préparé ni tordu, valait en filasse, dans les plaines de la Garonne, où l'on cultive beaucoup cette plante, 90 fr. 50 c. les 100 kilos. I y aurait donc eu en pius le travail du cordier, les trans- ports par terre jusqu'a Marseille, et par mer jusqu'à la Calle (4). Cet exemple n'est pas isolé, il en est de même pour toutes les autres productions. Mais ce qui éloigne surtout le pêcheur français, c’est le travail (4) On n'oublie pas que les valeurs des denrées changent souvent, et que celle du chanvre en particulier s’est beaucoup élevée en 4863 (voy. p, 226, la note). 260 PÈCHE DU CORAIL. et la solde. Un matelot s'engagera dans nos ports facilement à 50, 60, 70 francs par mois à bord d’un bâtiment de com- merce. I sera nourri convenablement, il aura du vin; et puis, sil à du travail pénible pendant certains moments, il lui arrivera de jouir d’un repos, d’une liberté relativement assez grands. I aura, à moins qu'il ne soit en mer et par un gros temps, la nuit pour lui. S'il était coralleur dans les conditions actuelles, sa solde s'éléverait bien rarement à 509 francs pour six mois. Il aurait de l'eau à boire, du biscuit à discrétion, le soir une énorme jatte de pâte d'Italie préparée assez grossièrement, et quelquefois des oignons. Son travail durerait dix-huit heures par jour, et quel travail : tourner au cabestan! Quand il reviendrait à terre, tous les quinze jours où tous les mois, si le temps n'était pas mauvais et si la barque n'avait pas d’avaries à réparer, la re- lèche, très-courte, serait employée à gratter la coque du bateau pour la débarrasser des animaux ou des plantes qui se fixent sur elle, a charrier de l’eau, du biscuit et du chanvre nécessaire pour une nouvelle quinzaine de pêche. C'est à peine s’il aurait quelques heures de libres. I n’est pas possible, après ce parallèle, que l'on puisse son- ger à vouloir faire, dans les conditions actuelles, revenir la pêche aux mains des Franças, qui, on doit même le prévoir, avec une augmentation de salaire et de bien-être, ne voudraient pas encore faire, pendant une saison d'été, sous le soleil d’Afri- que un travail semblable à celui quia été décrit précédemment. J'ai toujours entendu les marins du garde-pêche qui m'ac- compagnaient dans mes excursions à bord des corailleurs, répéter que, quelle que fût la solde, ils ne voudraient s'em- barquer et se soumettre à un tel métier. Ainsi, sans aucun doute, la réglementation telle qu'elle est établie, la pèche telle qu’elle est pratiquée, éloignent com plélement les Français. Voilà une première conséquence des règlements en vigueur. RÈGLEMENTS ET ÉTAT ACTUEL DE LA PÉCHE. 261 Mais si la main-d'œuvre française s'éloigne, l'armateur de notre pays continue-t-il à s'occuper de la pêche? Pas davan- tage; car avec les facilités qui sont accordées aux Ftaliens, 1l n'est même pas possible à un Français de songer à armer un bateau sur les lieux. Il y a bien quelques colons qui arment, mais presque tous sont des Italiens fixés dans la colonie, faisant venir leur monde et leurs bateaux d'Italie. Encore sont-1l peu nombreux. Les armateurs sont à Livourne, à Gênes, à la Torre del Greco, à Naples, etc. Il leur est bien plus commode de faire partir leurs coralines tout armées, d'envoyer dans leurs magasins de la Calle ou de Bône les objets nécessaires, que d'aller en Afrique pour compléter un armement qui leur serait plus coûteux, moins facile et parfois impossible. De plus, ils conservent leur équipage sous les lois de leur pays, et à part la visite de leurs papiers de bord, de leur engin par le commandant du garde-pêche, les différends qui peuvent s'élever entre eux sont réglés par le consul italien, tout à fait en dehors des autorités françaises. Ils ont donc tout avantage d'armer sous pavillon étranger, avec les faveurs dont ils jouissent ; cela est si vrai, qu'il y a eu même des habitants d'Afrique qui ont fait naviguer leurs cora- lines sous pavillon étranger, et non sous pavillon français. Ainsi, la réglementation, telle qu'elle a existé, a dû éloigner, non-seulement les marins, mais encore les armateurs français. Le trésor de la colome trouve-t-1l quelque compensation dans ces conditions particulières? Pont du tout. Que l’on suppose, sur nos côtes de France, de beaux et riches produits naturels, se formant seuls et indépendamment de tout soin; que l’on conçoive un droit de 800 et maintenant de h00 francs, permettant, à quiconque le désirerait, de venir exploiter ces richesses en toute liberté, et l’on aura une idée très-exacte de ce qui se passe en Algérie pour le Corail. 262 PÈCHE DU CORAIL. Les Italiens, à l’est, les Espagnols, à l’ouest, viennent exploiter cette énorme étendue de côtes qui s'étend de Gibraltar à Tripoli. Is emportent pour 2 millions 500 000 francs de Corail brut. et ne laissent dans la colonie que là location de quelques maga- sins, et, quand ils viennent en relàche, le prix des consom- mations de quelques liqueurs fortes. Le Corail, pêché brut, représente une valeur perdue, és lument perdue pour notre colonie. Que dirait-on si l’on per- mettait, moyennant 800 francs, et aujourd'hui 400 franes par an, et par réunion de huit, douze et quinze homines, d'aller exploiter librement, en toute saison, pendant une année, Tes forêts de Chènes-liége? Évidemment il n’est personne qui ne s’élevàt contre une perte aussi directe d'un produit de pre- mière valeur. C'est cependant ce qui se fait pour le Corail. Gr, voici ce que coûte la recette des droits de pêche. La surveillance de la pêche a été faite, en 1861 et 1862, par deux garde-pèche : le Corail, à l'ouest, l’Algérienne, à l'est. de n’ai point les données nécessaires pour établir en détail ce que ces deux bateaux ont coûté à l'État. Mais d’après un renseignement qui m'est fourni par la direction des services civils en Algérie : « La pêche du Corail figure au budget pour » une somme de 35 067 fr. 30 €., qui se partage par parties » égales entre le Corail et l'Algérienne. » D'une autre part, voici le FRE donné par M. le maréchal Vaillant, ministre de la guerre, en 1855. Ti y avait alors aussi deux bâtiments de l'État dont les équipages étaient plus nom- breux. « Frais d'entretien de deux navires de l'État, chargés de sur- » veiller la pêche du Corail sur les côtes est et ouest de l'AI- » gérie, personnel et matéri el, 7 15 000 francs (1 » Le nombre des bateaux étant évalué à deux cents, la somme (4) Voy. Lettre de M. le maréchal Vaillant (Bulletin de la Société d’acclimata- tion, avril 1855, p. 485). RÈGLEMENTS ET ÉTAT ACTUEL DE LA PÈCHE. 263 totale des revenus,en supposant que touseussent payé 800 francs, était done autrefois de 160 000 francs, diminuée de la rede- vance de 13 000 piastres au bey de Tunis, et des 75 000 francs des dépenses de surveillance. Le ministre de la guerre évaluait les revenus nets, toutes les dépenses soldées, à 42 000 francs (1). Or, maintenant, puisque la prestation est diminuée de moitié, puisque les droits ne s'élèvent plus qu'à 80000 francs, la redevance au bey de Tunis, et les garde-pêche absorbe- ralent, et de reste, la somme, si les dépenses étaient les mêmes qu'en 1855. D'après des renseignements officiels, on proposerait de réunir désormais la surveillance de la pêche du Corail à celle de la pêche des poissons, et la dépense des deux surveillances étant portée au budget de 1863 pour une somme totale de 86 000 francs, s’abaisserait à 70 000 francs par la réunion des deux services en un seul. Je ne sais ce que rapporte la pèche du poisson ; mais si le revenu qu'elle donne n’est pas très-fort, on voit, d’après les chiffres cités plus haut, que celuide la pêche du Corail ne peut s’élever aujourd'hui à 40 000 francs 2), et c’est pour ce prix que nous abandonnons à l'Italie un produit ue plus de 2 millions. Il suffit de constater ces chiffres pour reconnaitre que la France perd des sommes énormes, et que les Ttaliens et les Espagnols font une véritable récolte chez nous, moyennant une faible redevance, sans apporter rien, sans laisser même cet argent qui, dans toute relation commerciale, est la consé- quence de l'arrivée des bâtiments étrangers dans un pays. (1) Voy. maréchal Vaillant, loc, cit., p. 485. | (2) 80 000 francs, produit de la patente, en supposant deux cents bateaux sans exonérations ; 35 000 francs dépenses des deux garde-pêche : soit 45 000 francs de revenu. On reviendrait presque au chiffre du maréchal Vaillant, qui donnait 42 000 francs. Mais il faut défalquer aussi les 13 000 piastres payées au bey de Tunis, et certainement encore bon nombre d’exonérations, puisque c’est par elles qu'on veut encourager. 261 PÈCHE DU CORAIL. La législation, telle qu'elle existe, est donc mauvaise, en ce sens qu'elle fait de la pêche du Corail une industrie étrangère, au détriment de notre commerce, en même temps qu'elle nous fait perdre une valeur considérable. Cela est si évident, que presque tous les administrateurs géné- raux de l'Algérie ont nommé des commissions chargées de propo- ser des règlements destinés à faire disparaître cet état de choses. Examinons done ce qu'il est urgent de faire pour répondre à ces besoins. IT AMÉLIORATION DES RÈGLEMENTS. Chaque amélioration, et cela en toute chose, à son époque déterminée; aussi ce que l’on conseillait 11 y à quelques an- nées, n'est plus applicable aujourd'hui; ce qui, en 18614, m'avait paru, après bien d’autres, être une mesure excel- lente, ne peut plus être proposé. La nouvelle convention de navigation signée le 13 juin 1862 avec l'Italie, ne permet plus de songer à élever les droits à 2 000 francs, et cette proposition que J'avais eu l'honneur de faire, n’a plus de raison d'être. Pour que la législation sur la pêche fût bonne (il n'est ici question, bien entendu, que de l'Algérie), 1! faudrait qu'elle pût sauvegarder les intérêts etrevenus du Trésor; préserver les bancs et en diriger l’aménagement de manière à en augmenter les produits; enfin, favoriser la colonisation, ou, si l’on veut, la formation d’une colonie maritime. Examinons donc la question sous ces trois points de vue dif- férents (1). (1) Dans les appréciations des revenus, on peut calculer en général sur deux cents bateaux, mais ce nombre peut varier, et les chiffres, dès lors, ne sont pas absolus. AMÉLIORATION DES RÈGLEMENTS, 265 SE Des intérêts et revenus du trésor. Des trois conditions qui viennent d’être indiquées, lune a moins d'importance que les autres, par les circonstances nou- velles où la convention de navigation avec l'Italie vient de placer l'Algérie. Toutes les fois qu'un pays se trouve en face d’une coloni- sation, son premier but, celui qui domine tous les autres, doit être l’extension, le développement de la population. Si donc il y a un intérèt direct, les revenus doivent être, sinon totalement, du moins en partie sacrifiés, de telle sorte que la prospérité de la colonie y trouve un encouragement marqué. Qu'importeraient, par exemple, les 80 000 francs que don- nera désormais la pêche, si la Calle, Bone et Mers-el-Kebir prenaient une importance considérable, si la population de ces villes croissait rapidement, si la manufacture du Corail s'y éta- blissait ; si, en un mot, les 2 millions 500 000 francs de Corail brut, qui sont perdus pour l'Algérie, se transformaient sur les lieux en ces Coraux ouvrés qui représentent dans le commerce de l'Italie près de 10 à 12 millions ! Il faut donc le reconnaître : dans les conditions actuelles, ces 80 000 francs de droits ont une importance tout à fait secon- daire. Ce qui doit être la ligne de conduite, c’est évidemment de chercher à couvrir simplement les frais de surveillance et d'administration, si même cela peut se faire. On doit évidemment, non plus courir après des recettes im- possibles à réaliser, mais chercher à éviter des dépenses en faisant de la pêche une charge avec des avantages indirects. On est sans doute frappé de la singulière alternative en face de laquelle on se trouve. Il faut, en effet, entièrement 266 PÈCHE DU CORAIL. abandonner la pêche à elle-même, afin de ne rien dépenser, ou bien continuer à s’en occuper, et faire des dépenses qui ne donnent pour le moment presque aucune compensation. Il est done urgent de prendre des mesures qui, modifiant l'état des choses, promettent en retour des sacrifices du Trésor de nombreux avantages dans l'avenir. & 2. Conservation, amélioration et aménagement des bancs. La mission dont j'ai eu l'honneur d’être chargé avait sur- tout pour but de rechercher si les bancs n'étaient pas fatigués par une pêche trop active et continue, s'il ne serait point pos- sible de les aménager de manière à en augmenter les produits en quantité et en valeur, et si, dans la connaissance des faits relatifs à la reproduction, on ne pourait trouver des guides propres à faire réglementer la pêche de façon à obtenir des - résultats à tous égards plus satisfaisants. Cette question, toute simple qu'elle paraît, prend une exten- sion très-grande : si des moyens se présentent pour améliorer le rendement des banes, il faut aussi que la surveillance vienne apporter son concours, car dans les conditions où elle est faite aujourd'hui, elle est absolument illusoire. Mais qu'on observe la position de l'administration : si elle prend des mesures prohibitives qui, à coup sûr, amélioreraient l'état des bancs, elle entrave la colonisation (4); si la colonisa- tion fait de très-grands progrès, la pêche s'accroît dans de grandes proportions. Or, si un règlement n’a sagement prévu ces conséquences, les bancs seront certainement plus fatigués encore par une pèche devenue bien plus active. (1) Ilest entendu qu'il n’est ici question que de la colonisation au point de vue de la pêche. AMÉLIORATION DES RÈGLEMENTS. 9267 I faut donc que les règlements soient transitoires et s’amé- liorent avee les progrès de la colonisation. Différentes questions secondaires se présentent et doivent être examinées successivement : 1° La pèche peut-elle être continuée dans toutes les saisons de l'année ? Ici les études de la reproduction trouvent naturellement leur place. Bien que la distinction qui existait autrefois entre la pêche d'hiver et la pêche d'été ait disparu dans les règlements, ce- pendant encore, pour les armements, il y à deux saisons par- faitement distinctes : la saison d'été et la saison d'hiver. Les matelots s'engagent pour l'une ou pour l'autre. La pêche d'été commence au 1° avril et finit vers le 29 sep- tembre ; celle d'hiver commence au 4 octobre. Les engage- ments pour celle-ei ont lieu dans les derniers jours du mois de septembre, et les bateaux reprennent la mer après la Notre- Dame du 8 octobre. C’est aussi dans les premiers jours d'octobre que les bateaux qui ne doivent pas rester en Afrique pendant l'hiver, et c’est le plus grand nombre, partent pour Ftalie. Si l’on compare les pêches dans les deux saisons (et cela est important, comme on va le voir), on peut se rendre compte de la nécessité qu'il y aura plus tafd à modifier le règlement. Sans aucun doute, la pèche d'hiver a le M au point de vue du nombre des jours de travail, et avec les procédés actuels on ne peut songer à la faire par un gros temps; les embarcations, quoique parfaitement taillées pour tenir la mer, ne sauraient garder le large avec les coups de temps qui sont si fréquents, pendant l'hiver, en ad aussi, à ce point de vue, l'été est réellement aujourd'hui ia saison de la pêche. 268 PÈCHE DU CORAIL. Quant à la quantité du Coral pêché, il n'en est pas de même. On se rappelle que la partie des rochers sur laquelle se fixe le Corail est plus ordinairement exposée du côté de la lumière. Les courants sous-marins de terre, sur les côtes d'Afrique, ont donc une grande influence en poussant les filets sous les grottes gar- nies de Corail. Ces courants existent bien plus souvent en hiver qu'en été; de l'avis de tous les pêcheurs que J'ai pu mterroger; aussi, à égal nombre de jours de pêche, la récolte est-elle plus abondante en hiver qu'en été. S'il est vrai queles courants soient plus favorables dans une époque que dans une autre, 1n°y a rien de surprenant dans les résultats. Cette opinion est généralement répandue, et il faut bien qu'elle soit fondée sur quelques observations de la pra- tique. L'étude des produits de pèche permet d'établir quelques faits intéressants qui viennent à l’appui de cette opinion. Le Corail dans les caisses, tel qu'il est vendu par les arma- teurs, se présente sous deux états différents : 1l est sans écorce, ou il est revêtu de la couche polypifère desséchée. Dans le premier cas, il a bien la couleur rouge ordinaire du Corail de la bijouterie, ou bien une couleur terreuse, parfois comme brunâtre ; dans le second, sa temte est rouge brique. L'un à été pêché mort, l'autre a été détaché vivant. Le Corail d'hiver est presque tout couvert d'écorce, et dans l'été la quantité de Corail mort est relativement fort grande. J'ai pris dans les caisses au hasard un nombre de kilos assez considérable, et le Corail mort étant choisi et pesé à part, ainsi que le Corail vivant, j'ai trouvé le rapport de deux à un. Ainsi, en été, on pêche les deux tiers de Corail mort. C'est évidemment celui qu'ont cassé les filets et qui est tombé dans la vase. On voit, dans ces proportions, certainement la preuve de AMÉLIORATION DES RÉGLEMENTS. 269 l’action des courants sur les filets. Si en hiver les fauserts rap- portent plus de Corail vivant, ilne faut en chercher la raison que dans leur passage dans les pomts où il existe, c’est-à-dire sous les rochers (4). On m'a montré à Bone une caisse remplie de Coral venant des côtes d'Espagne. Il n’y en avait que très-peu de mort; il était d’un beau rouge de brique et tout couvert de son écorce. On n'a pas perdu de vue que les Espagnols pêchent avec de petits engins propres à pénétrer directement dans les an- fractuosités des rochers, qu'ils arment souvent leur croix de grattes, c'est-à-dire de couronnes où armatures de fer, et qu'ils récoltent plus particulièrement des rameaux encore suspendus aux rochers. Dans ces conditions, 11 n’y a rien d'étonnant, uon plus, de voir les produits de la pèche consister en Corail presque exclusivement vivant. Revenons maintenant aux faits relatifs à la reproduction. EH n'est n équitable, ni prudent, dans les circonstances actuelles où se trouve la navigation, de supprimer la pèche pendant la saison de la reproduction. La gestation est, on se le rappelle, fort longue, puisque dès le commencement d'avril, jusqu'au commencement de sep- tembre, on trouve les Polypes avec des œufs. Si done on sus- pendait la pêche pendant que le Corail pond, on devrait com- plétement supprimer la saison d'été ; évidemment cela n'est pas possible dans les conditions actuelles. La naissance des larves paraissant être plus active à la fin d'août et au commencement de septembre, on se demande st, à ce moment, il n'y aurait pas avantage à suspendre la pêche. Mais en y réfléchissant bien, on trouve que ce temps serait bien peu (4) Jai prié M. Martin, des Martigues, d'interroger les scaphandreurs du cap Couronne. pour savoir si le Corail aimait à se placer réellement en dessous des rochers. Is ont répondu affirmativement, On à donc là de visu une preuve de ce fait indiqué depuis si longtemps par la pratique et démontré par l'embryogénie, 970 PÈCHE DU CORAIL. de chose, comparé à la durée de la pêche pendant toute la période d'ovulation. Ces quinze jours ou un mois de suspension n'auraient pas une efficacité bien grande sur la multiplication du Corail. ù On comprendra peut-être mieux ma pensée en prenant un exemple en dehors des faits relatifs au Corail. Une Gorgone ou Aleyonaire à axe corné (la Gorgonia sublihs) fait ses petits à partir de la fin d'avril, mais surtout de mai au commence- ment de juillet; après cette époque elle ne renferme plus un seul œuf. Pour elle il serait facile de pouvoir assigner une époque pour la pêche, et, sans aucun doute, la suspension pendant la période qui vient d'être indiquée aurait une grande influence sur la multiplication ; mais pour le Corail il n’en est pas ainsi, puisque sa reproduction se prolonge pendant toute la belle saison. Si l'administration de l'Algérie arrive à créer tous les ports qu’ou lui demande, sans aucun doute 1l serait utile de favoriser la pêche d'hiver au détriment de la pêche d'été, car il y au- rait avantage à voir pêcher le Corail quand 1l n’est plus en état de reproduction, et ensuite parce que les pêcheurs, forcés de passer l'hiver en Algérie s’habitueraient à y sé- journer et à s’y fixer peut-être. La pêche d'hiver est fruc- tueuse, on l'a vu, mais il faut, pour que le pêcheur s’y adonne, qu'il puisse trouver des ports toujours abordables et sûrs, lorsque les gros temps le chassent des bancs. I eût été plus brillant, je le sais, de présenter des mesures nettes et positives, analogues à celles que l'on voit si fréquem- ment indiquées dans les autres branches de la pisciculiure. Pour les administrations, ces propositions clairement définies sont toujours les bienvenues ; mais, on ne saurait trop le ré- péter : en Algérie, tous les règlements maritimes doivent se lier à l'amélioration des ports, aux progres de la colonisation, AMÉLIORATION DES RÈGLEMENTS. 974: et l’on ne peut sagement proposer tout d'abord des mesures définitives telles qu'elles devront être prises par la suite. 2° La pèche peut-elle être continuée toutes les années ? À cette question se rattache l'aménagement des bancs ou leur mise en coupe réglée. Ici point de doute, les banes doivent se reposer, afin que leurs produits s'aceroissent, se multiplient et prennent de la valeur. Dans la pratique, on trouve cette opinion . il y a eu du Corail, il y en a, et il y en aura toujours. C'est là une de ces croyances erronées comme on en rencontre tont d'autres, et surtout de si fortement enracinées dans l'esprit des pêcheurs. Toutefois, à côté de cette manière de voir, on en trouve une qu'il importe de signaler : elle est la critique la plus juste que l’on puisse faire de la première. Si les courants n'étaient jamais contraires, s'ils venaient, toujours de terre, pendant le beau temps, 11 n°y aurait bientôt plus de Corail, me disait un vieux marin qui à fait la pêche lui-même et qui en connaît parfaitement toutes les manœu- vres, toutes les conditions et surtout toutes les difficultés. Les courants contraires, voilà ee qui protége les bancs contre les dévastations, ajoutait-11. Les pêcheurs, malgré les fausses opinions qu'ils ont, finis- sent par reconnaitre eux-mêmes que, lorsqu'on pêche d'une manière continué et très-active sur un même banc, les pro- duits diminuent bientôt. Les faits parlent d'eux-mêmes. Près de la Calle, les petits bateaux avaient, 1l y a quelques années, découvert, non loin de la côte, un banc nouveau. Il était riche. Tous les pêcheurs l'exploitèrent à la fois, ils s’y portérent en très-grand nombre, et il fut à ce point dévasté, qu'on ne le pêche plus. Cela m'a été raconté par les pêcheurs 279 PÊCHE DU CORAIL. mêmes qui avaient assisté à l'exploitation. Supposons mainte- nantique dans quelques années on revienne sur ce banc, et que l'on pêche de nouveau du Corail alors qu'on n’en trouvait plus. N'est-il pas évident que la durée de accroissement répondra à peu près à la durée du repos du bane, et ne sera-ce pas là l’une des expériences indiquées plus haut (1)? I est un livre, fort bien fait, où l'on trouve les questions relatives au Corail traitées avec une grande supériorité de vue, et qui renferme des renseignements présentés trop sou- vent ailleurs comme nouveaux, sans que lon cite la source où ils ont été puisés : Je veux parler de l'ouvrage de M. le baron Baude sur l’Algerie. On y trouve le fait suivant (2) : «… La découverte de très-beaux bancs de Corail sur la » Pianosa rendit, en 1807, aux pècheurs de Livourne une » grande activité. Issy portèrent en foule, et les bancs étaient » épuisés en 181 / : ils ne paraissent pas s'être regarnis depuis. » Cet exemple n'est pas le seul... Le prolongement sous-marin » du Monte-Cristo, qui était autrefois riche en Coral pourpré » (Jania rubens), ne S'est pas relevé de son épuisement, et s'il » faut remonter jusqu'à l'antiquité, l'île Gorgone ne fournit » plus le beau Coral qu'on y recueillait du temps de Pline. » Si les côtes d'Afrique ne sont pas épuisées, 1l faut le dire, on se plaint de la petitesse du Corail, et dans l’année 1864, à: la Calle, les beaux échantillons n'étaient pas communs. À côté des faits positifs d'épuisement, il y à aussi les faits qui montrent que là où l'on n'a pas pêché depuis longtemps, les Coraux ont une grosseur considérable, preuve de leur accroissement pendant le temps de repos. Dans l'été de 1862, les bateaux corailleurs se sont portés sur (1) Voy. plus haut, p. 2035. (2) Voy. Baude, loc. cit., 1. I. p. 210. AMÉLIORATION DES RÈGLEMENTS. 273 les côtes de la Kabylie, au nord du cap Bougaroni. Ils avaient les engins très-grands dont 1} à été question précédemment. Ils ont fait de bonnes pêches, et à la Calle J'ai vu des Coraux de fort belles dimensions provenant de ces parages. En 1865, dans la saison d'été, on a découvert un banc nou- veau dans le golfe de Mansouria, et le Corail, quoiqu'un peu trapu, était cependant gros. Du reste, M. Baude rapporte des faits non moins positifs : « En 1831, sept bateaux qui se sont avancés sur les gise- » ments vierges du golfe de Collo, en ont tiré, en quinze jours, » 3900 kilogrammes de Coraux de dimensions énormes » cette pêche à fait la fortune des patrons qui étaient proprié- » taires de leurs barques (4). » Ainsi, que l’on considère la petitesse des Coraux pêchés sur les banes longtemps exploités, ou là beauté des produits des banes nouveaux et longtemps reposés, toujours on arrive à ce résul- A tat facile à prévoir : le repos des bancs est nécessaire pour que le Corail puisse prendre un accroissement convenable. Une premiere conclusion se présente done : il faut mettre le fond de la mer en coupe réglée, 1! faut l'aménager comme une forêt. J'invoquerai encore iei l'autorité du même auteur, un des hommes qui avaient certainement le mieux étudié la question du Corail au point de vue pratique. Apres avoir cité combien les Coraux s'étaient accrus pen- dant la suspension de: la pêche, lors de la guerre d'Égypte, ce qu'on à vu déjà, M. Baude ajoute : « On sentit que l'exploita- » tion des Coraux voulait être aménagée comme celle des » bois, que la végétation sous-marine avait aussi sa maturité et » ses chances d'épuisement (2). » (1) Voy. Baude, l’Algerie, t. 1, p. 2536. (2) Voy. id., ibid., p. 208. LACAZE-DUTHIERS 1S 97 PÊCHE DU CORAIL. En mettant les bancs en coupe réglée, les pêcheurs seront forcés d'aller chercher des exploitations nouvelles, et le jour où l’on interdira la pêche dans quelques zones, ce jour-là 1l y aura certainement des bancs nouveaux de trouvés, et ce n'est pas s'engager que de dire qu’il ÿ en aura beaucoup. Un fait vient de se passer en 1863, qui prouve combien cette mesure est nécessaire. Les pêcheurs eux-mêmes se sont dispersés, ils ont abandonné quelque peu les eaux de la Calle pour aller dans celles de Djidjelli; ils ne revenaient que de temps en temps pour s’approvisionner. N'est-il pas évident qu'il y à urgence à diriger ces dépla- cements et à déterminer des zones où la pêche sera permise, et d’autres où elle sera interdite. Ne peut-on pas ajouter que les étrangers, perdant beaucoup de temps pendant les voyages d'arrivée et de départ, seront sollicités par leurs intérêts mêmes, sinon à se fixer, du moins à séjourner dans la colonie. Mais s’il n’y à aucun doute sur l'utilité et la nécessité même d’une mise en coupe réglée, on se demande s'il est prudent d'appliquer la mesure immédiatement. Il ne faut point se le dissimuler : sion veut faire marcher de front les progrès de la colonisation et l'amélioration des pêches, on doit encore retarder l'interdiction de la pèche dans certaines zones, du moins pour une partie des pêcheurs. I faut établir deux catégories : l'une pour les grandes em- barcations, l'autre pour les petites. On verra, quand il s'agira de la colonisation, que l'un des moyens les plus sûrs de faire fixer les corailleurs, c'est de favo- riser les matelots de la petite pêche, ceux qui manient l'engin à la main, ne traînent pas, après leurs faibles embarcations, ces grands filets, et pèchent le plus souvent à la part. Les petits bateaux ne s'écartent pas, ils ne vont pas au lom des parages habituellement fréquentés : pour eux, done, la pêche doit continuer à se faire dans les mêmes conditions qu'aujour- d'hui, elle ne doit pas être astremte aux coupes réglées. AMÉLIORATION DES RÉGLEMENTS. 275 Au contraire, il est utile d'établir des zones pour les grands bateaux, qui seront ainsi forcés d'aller à la recherche de bancs nouveaux, surtout dans des eaux où ne peuvent s'aventurer les petites embarcations. Par cette mesure, la surface des fonds exploités doublerait bientôt détendue. Les grandes coralines tiennent la mer pendant plus de quinze jours. Il en est qui, parties de la Calle, sont restées plus d’un mois au nord de la Galite, ou sur les côtes de Bizerte, à chercher des gisements inexploités. L'une d'elles apporta un pied de Corail dont elle demandait 1500 francs. En 1862, les pêcheurs n'ont-ils pas eux-mêmes donné l'exemple de cette recherche loin des ponts habituels? N'ont-1ls pas exploité les bancs de la côte de Kabylie? I n'y a donc plus qu'à les diriger, et pour cela prendre la mesure que j'mdique. 3° Droit de pêche réservé pendant un temps limité à celui qui aurait découvert un banc nouveau. Les patrons des petits bateaux font une réclamation qui semble juste, elle doit être prise en considération. Quand un bane inconnu est découvert, les produits en sont habituellement abondants et beaux. Or, si les petits bateaux ont fait la découverte, et si les grands arrivent en foule, dès que la nouvelle est connue, ce qui ne manque Jamais d’avoir lieu, les premiers doivent abandonner la place, car 1l leur serait dif- ficile de travailler à côté des seconds sans éprouver des avaries. Ne serait-il pas juste d'assurer l'exploitation, pendant un temps déterminé, à celui qui aurait fait la découverte? Dans l’industrie, nous voyons donner un brevet qui garantit à l'inventeur la jouissance du fruit de ses recherches; pour- quoi un pêcheur qui à passé du temps à chercher, et par con- séquent à ne rien gagner, se verrait-il dépossédé de son droit par le plus fort? Au reste, les armateurs des petits bateaux qui m'ont adressé 276 PÈCHE DU CORAIL. cette réclamation, que je me suis fait un devoir, d'après leurs désirs, de faire connaître à l'administration, ne demandaient pas exclusivement, pour celui qui aurait découvert le banc, une propriété absolue, ils désiraient seulement que les grandes embarcations, au milieu desquelles il leur est impossible de pêcher sans avarie, pussent être tenues à l'écart pendant un certain temps. On peut affirmer que les pêcheurs chercheraient bien plus activement des exploitations nouvelles, s'ils étaient assurés que l'exploitation leur fût acquise pendant un certain temps. Us s’épient les uns les autres ; ils cherchent à savoir quelle est la valeur des produits que chacun d'eux rapporte, afin de se supplanter sur les bancs. On se rappelle l'exemple de ce pêcheur qui préférait sacri- fier ses journées de travail plutôt que de @venir dans un lieu dont l'exploitation lui eût été disputée bientôt par ceux qui le surveillaient et le suivaient la nuit à sa sortie du port (4). Ce serait encourager la petite pêche et l'extension des re- cherches, en même temps qu'il v aurait justice à rendre cette mesure générale pour tous les bateaux. Il sera donc important, quand la législation sera refaite, d'examiner une proposition tendante à assurer le droit exclusif d'exploiter un bane nouveau à celui qui en aurait fait la décou- verte, en lui permettant de placer une bouée ou un signal que les autres bateaux ne pourraient approcher à plus d’une ou deux encàblures, pendant quinze jours de pêche réelle, non com- pris les suspensions pour cause de mauvais temps ou de force majeure (2). (1) Voy. plus haut, p. 232. (2) Il n’y a pas à se le dissimuler, une telle mesure augmenterait beaucoup les charges de la surveillance ; mais, on l’a déjà vu, si la réglementation est modifiée, sans aucun doute le mode de surveillance, tel qu'il existe actuellement, doit être lui-même complétement modifié, et dès lors cette mesure, qui est de tonte justice, pourrait entrer dans les nouveaux règlements, AMÉLIORATION DES RÈGLEMENTS. 277 h° Peut-on créer des bancs nouveaux ? Ilest difficile de traiter aujourd'hui une question de pêche sans que la pisciculture se présente à l'esprit. Dans un rapport adressé à M. le maréchal Vaillant, alors ministre de la guerre, au nom d'une commission prise dans le sem de la Société d'acclimatation, M. Focillon à avancé, d'après les témoignages de M. de Montgaudry, que de temps immémorial on faisait des ensemencements de Corail sur les côtes de la Sardaigne (L). J'ai mterrogé, à cet égard, bien des pêcheurs et des arma- teurs connaissant toutes les exploitations de la Méditerranée, et quand je leur ai parlé de cela, non-seulement ils n'ont pu me donner de renseignements même vagues, mais ils ne m'ont pas compris. Je suis loin de mettre en doute des faits avancés aussi positivement; mais ce que je puis dire, c’est qu'en Corse et en Algérie Je n'ai rien vu de semblable, et qu'en outre, les pêcheurs qui ont longtemps fréquenté les côtes de Sardaigne m ont dit ne pas savoir ce dontje voulais parler. Les essais que l'on tentera pour chercher à augmenter l'étendue des fonds coralligènes et à créer des bancs artificiels seront certainement difficiles, mais surtout très-dispendieux. En hiver, la côte de l'Algérie est fort imhospitalière ; les bri- sants qui se forment dans presque toute son étendue, boule- verseront les pierres chargées de Corail, si on les dépose au fond de la mer par une faible profondeur, et à de grands fonds les difficultés sont bien sérieuses. En été, la mortalité si prompte et si constante du Corail ne semble guère indiquer cette saison pour faire des essais, bien (1) Voy. Bulletin de la Société d'acclimatation, t IF, mai 14856, p. 221 : «M. le baron de Montgaudry, l’un de nos plus dévoués coilègues, affirme lui- » même que sur les côtes de Sardaigne, un ensemencement du Corail à main » d'homme se fait traditionnellement, et réussit avec promptitude et facilité. » 278 PÈCHE DU CORAIL. qu'elle soit éminemment propre cependant aux expériences, en raison des calmes. Le printemps et le mois de septembre seraient les époques où les expériences pourraient être tentées. Mais une donnée manque pour les faire avec des chances de succès : on ne connaît pas la nature des bancs. N’est-il cepen- dant pas logique et nécessaire de commencer par les connaître, afin de porter du Corail dans des points et sur des fonds sem blables à ceux qu'il habite ordinairement? En instituant et continuant les expériences indiquées plus haut, pour résoudre la question de la durée de l'accroisse- ment du Corail, on pourrait trouver des éléments propres à essayer les ensemencements. Des briques ayant une certaine conformation, et sur lesquelles viendraient se fixer les larves, seraient dans de bonnes conditions pour être transportées dans des lieux bien choisis à l'avance. On le voit, pour faire des expériences de coralliculture, il faut devant soi du temps, et surtout de l'argent, car on doit compter sur des dépenses sérieuses. Les moyens et le temps dont Je disposais ne m'ont pas permis de m'occuper de cette question, qui, du reste, est très- difficile à résoudre. La mer d'Afrique est loin d'offir cette tranquillité, ce calme, ces abris toujours nécessaires aux succès des tentatives. D'ailleurs, sans des études préalables sur la nature des fonds, bien dés éléments du problème manquent. C'est dans les points des côtes de France où l'on à, dit-on, employé avec succès le scaphandre, qu'il serait utile d'entre- prendre quelques essais. ls montreraient dans quelle mesure on peut espérer de réussir, et permettraient d'aborder avec plus de prudence et de certitude des entreprises vastes et coûteuses AMÉLIORATION DES RÉGLEMENTS. 279 (Ws e) [Jt) Nécessité de connaître les bancs. D'après ce qui vient d'être dit, on voit qu'il ne suffit pas de décider que les bancs seront mis en coupe réglée, mais qu'il faut savoir où ils sont pour établir des crconseriptions. Si je m'en rapporte aux observations qu'il m'a été donné de faire, je crois urgent que l'administration de l'Algérie cherche à connaître les bancs de Corail, comme sur les côtes de la France, l'administration de la marine connaît ceux d'Huîtres. I faut que les fonds soient étudiés, pour être méthodique- ment livrés à la pêche quand les produits seront dans de belles et bonnes conditions pour le commerce. 1] faut, en un mot, que la richesse de la côte de l'Algérie soit aménagée d'une ma- mere régulière. L'étude que je propose est un grand travail; mais, dans les relations de la flore, de la faune et de Ja constitution géolo- gique des fonds coralligènes, on trouvera, il faut l’espérer, des renseignements qui feront sortir les pêcheurs de la routine où ils restent. I faut surtout espérer que le nombre et l'étendue des parties de la eôte riches en Corail se trouveront augmentés par suite des explorations intelligemment conduites. Rien n'est fait dans cette voie. On est absolument au commen- cement des études, aussi peut-on craindre de rencontrer des difficultés dépendant des habitudes prises : quand on passe de la liberté la plus absolue à une réglementation sérieuse, on doit toujours s'attendre à trouver devant soi une vive répulsion, et le plus souvent des observations qui se résument et se terminent par ces mots consacrés : C’est bien difficile, c'est impossible. Pour moi, n'ayant pas à me préoccuper des moyens de faire, j'indique ce qui me paraît utile et nécessaire. 280 PÈCHE DU CORAIL. Dans tous les cas, 1! y a là pour les commandants des garde- pêche, des sujets de recherches les plus intéressants et les plus variés. j Noter par des sondages la profondeur des points où se trou- vent les bancs de Corail; établir la topographie des fonds ; recueillir le plus grand nombre d'êtres organisés végétaux ou animaux, avec la position exacte en profondeur, en latitude et longitude où ils auraient été pêchés ; étudier les courants sous- marins quand les pêcheurs s'en plaignent, et voir s'ils ont une relation avec ceux de la surface, avec le calme, la tem- pérature, les vents; chercher s'il existe un rapport entre la conformation des côtes, des chaînes de montagnes et les fonds : voilà certainement des recherches dignes d'occuper un officier pendant les deux années de son commandement. Heureux encore S'il parvenait, dans une aussi vaste étendue de côtes que celle qu'il à à surveiller, à faire une partie de ce travail. La durée de la suspension de la pêche dans des zones cir- conscrites doit être subordonnée évidemment à la durée de l'accroissement du Corail. Or, on à vu qu'il était nécessaire de faire des expériences, et que sans elles on ne pouvait raisonna- blement assigner des limites certaines. Iest donc beaucoup à regretter que l'administration de l'Algérie n'ait point, dès 1862, pu commencer à s'occuper des propositions que j'avais faites : car, pour établir des coupes réglées, 11 faudra bien y revenir, et l'on aura perdu du temps. I n'existe, en effet, que cette seule indication de quatre an- nées de suspension de la pêche pendant la guerre d'Égypte, après laquelle le Corail parut plus beau. On le voit, 1l y a tout à faire encore. Mais, 11 faut le remarquer, les mesures qui seront prises ne peuvent être définitives, et ce n’est que progressivement qu'elles doivent être introduites dans la législation. En résumé, il est urgent que les banes soient connus, non- AMÉLIORATION DES RÊÉGLEMENTS. 281 seulement au point de vue de leur position, mais encore de leur valeur comme rendement et qualité ; que les expériences sur la durée de l'accroissement soient continuées et variées de toute manière, afin d'avoir une base exacte pour pouvoir assi- gner un terme à la durée du repos. Il faut, en un mot, que ce qui se pratique pour les Huîtres se pratique, autant que cela est possible et applicable, pour le Corail. S 4. De la surveillance. Si l'on arrive à modifier les règlements, forcément la sur- veillance ne peut rester dans les conditions où elle se trouve. Aujourd’hui les garde-pêche se bornent à constater que les roles d'équipage, que les patentes de pêche sont en règle, et que les engins non prohibés sont seuls employés. Quelques excursions suffisent pour attemdre ce résultat, car les papiers du bord sont presque toujours réguliers, et les Espa- gnols seuls paraissent être en contravention pour leurs filets. Les Italiens, qui sonten majorité, n’emploient point de dragues de fer. Pendant l'hiver, jusqu'à aujourd’hui du moins, le peu de sûreté du portde Bone avait fait revenir enrelâche le garde-pêche à Alger, où il restait sept mois presque entièrement désarmé. La surveillance n’était donc en réalité que de cmq mois dans l'année. Il est évident que si la pêche est suspendue dans quelques parages, nécessairement la surveillance prendra une tres- grande activité : car les coralines ne manqueraient pas de se rendre sur des banes en repos, elles y trouveraient tout avantage. Aussi peut-on dire que, si l'on fait des règlements dans le sens qui vient d'être indiqué, le mode de surveillance exis- tant en ce moment doit lui-même être complétement modifié. Voici ce que J'avais cru devoir proposer dans mon rapport 282 PÈCHE DU CORAIL, adressé à M, le gouverneur général de l'Algérie, en novem- bre 1861. D'après les renseignements que J'avais recueillis, une surveil- lance exercée par de petites péniches pouvant se haler à terre pendant les mauvais temps paraissait devoir atteindre parfaite- ment le but. Six où huit hommes d'équipage, un maître de manœuvres comme commandant, et un fourrier pour tenir les papiers, faire les rapports, suffiraent à l'armement de ces péniches pontées du tonnage de einq à six tonneaux, ou plus, st l'administration le jugeait utile. Elles croiseraient sur la côte et se rencontre- raient à la linite des eaux confiées à leur surveillance, On pourrait en placer une à la Calle pour veiller dans les eaux de Bizerte, de la Galite et de la Régence, Elle se trouverait, à des jours donnés, vers le cap Rosa, avec celle de Bone, dont la surveillance s'étendrait jusqu'à Philippeville. Une troisième aurait à croiser dans les eaux de Bougie, de Diidielh et de Phiippeville ; elle correspondrait avec celle de Bone, à l'est, avec celle d'Alger, à l'ouest, Une seule suffirait pour la côte d'Oran, où la pêche à eu jus- qu'ici moins d'importance. Toutes ces péniches seraient sous le commandement d'un officier de marine, qui, à l’aide des courriers, se transporterait d'un point à un autre, et s'assurerait de la régularité du service, par une sorte d'inspection de tous les moments. Ou bien encore elles pourraient dépendre des capitaines des ports. On n'aurait plus à mettre en avant les mauvais abris de la côte, puisque les embarcations pourraient être halées à terre, comme celles des coralleurs eux-mêmes ; elles iraient se retirer dans les petits mouillages, d'où elles arriveraient à l'impro- viste sur les bancs, sans avoir de direction connue à l'avance et sans être attendues. Les pêcheurs, qui seraient assurés de la présence permanente des garde-pèche, oseraient moins enfreindre la législation. AMÉLIORATION DES RÈGLEMENTS. 283 Le port de Bone commence aujourd’hui à présenter un abri sûr; sa jetée avance, et avant peu, sans aucun doute, le garde- pêche pourra passer l'hiver à l’est : ce sera une bonne mesure, si l'on ne modifie pas le service de la surveillance tel que cela vient d'être dit. On a essayé de faire surveiller la pêche par un vapeur. Cela ne paraît pas avoir eu un grand avantage. Le panache de fumée, la forme particulière du bâtiment, tout avertit au loin les pêcheurs. L'adnunistration serait-elle bien en mesure, avec la réduction considérable et nouvelle de la prestation, de faire les dépenses que nécessitent les vapeurs? On m'a assuré qu'on pourrait employer avantageusement ces canonnières destmées à aller à la fois à la voile et à la va- peur, mais quelques personnes m'ont dit que leur marche n'était pas suffisante. Je me gardera bien de me faire juge en pareille matière ; cependant je crois que des bateaux en tout semblables à ceux des corailleurs pourraient rendre de grands services. Ils devraient être achetés et gréés à Naples et tenus dans des conditions de peinture, de voilure, de manœuvres, ete., telles, que les pêcheurs ne pussent les reconnaître et les prissent pour de véritables coralines. Que l’on ne s’y trompe pas, on à affaire à des gens adroits et rusés. Ainsi, supposons une coraline pêchant en fraude sur un banc interdit, ou bien avec des engins prohibés; dès qu'elle reconnaitra de loin le garde-pêche, elle lui donnera le change avec la plus grande facilité : plaçant une bouée entre deux eaux à l’'amarre de son engin, elle laissera celui-ci au fond de la mer et prendra le large ; les patrons sont st habi- tués et si habiles dans la prise des relévements, qu'ils retrou- veront certainement leurs filets que le garde-pêche n’aura pas vu et pu voir. 284 PÈCHE DU CORAIL. Les Espagnols, quand ils pêchent avec les filets de fer prohibés, se gardent bien de les avoir à bord ; ils les laissent, soit au fond de la mer, avec une bouée flottant entre deux eaux. soit sur la côte, et ils ont toujours l'engin réglementaire pour le montrer quand on les visite. I faut que les embarcations du service de la surveillance sor- tent à l'improviste, surtout quand les corailleurs ne sont plus dans le port, sans appareil, sans préparatifs, ou bien elles ne réussiront pas à surprendre les fraudeurs. Pour dire 161 toute ma pensée, il me parait difficile que des officiers de marine puissent être astreints à tenir la mer d’une manière aussi constante, et à aller s'embusquer dans une petite baie, y passer la nuit pour tomber sur les bancs au moment où les pêcheurs s’y attendent le moins. D'ailleurs, dans la mise en coupe réglée, l'administration aura grand soin, sans doute, d'établir des zones qui concilient à la fois la facilité de la surveillance et les intérêts des corailleurs de la colonie, qui doivent être favorisés autant que possible. IV DE LA PÈCHE DU CORAIL CONSIDÉRÉE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. Les Français, C'est un fait bien établi, ne font pas la pêche du Corail. Is ne là feront que si des règlements protecteurs leur assurent de nouveau les monopoles qu'ils avaient jadis et qui leur donnaient de grands bénéfices. Pourrait-on même bien assurer qu'après les changements considérables survenus dans les conditions de la navigation moderne, les matelots français voudraient aller se soumettre DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 285 aux dures exigences de cette pêche? On cite toujours les temps où la compagnie d'Afrique était florissante ; mais on oublie, en cela, comment elle recrutait son personnel : on verra plus loin ce qu’en dit l'abbé Poiret dans son Voyage en Barbarie. Il est peu de personnes ayant écrit sur l'Algérie qui n'aient proposé de créer une marine indigène. Les essais n'ont pas conduit à de grands résultats, et l’on peut douter que, relati- vement à la pêche du Corail, il en soit autrement que pour les autres branches de la marine. En voyant les choses telles qu'elles sont aujourd'hui, et en recherchant la cause de l’insuccès des propositions si nom- breuses qui ont été faites, on se demande si ce n'est pas le but même que l'on s’est proposé qui à conduit à ces résultats. Toujours, en effet, les propositions ont eu plus ou moins direc- tement en vue de ramener la pêche entre les mains des Francais. Or c’est là une chose qu'on ne peut espérer sans de grandes modifications en toutes choses dans ce qui existe actuel- lement. La concurrence est trop facile, et les conditions de solde, de fatigues et de bien-être ne conviennent plus à nos marins. Aussi, dans l’état actuel des choses, les efforts de l'admi- nistration doivent tendre, non à franciser la pêche, mais à la coloniser avec une population étrangère, quelle qu'elle soit. Voyons donc ce qu'il semble utile de fre en prenant comme exemple le point de la côte qui, à tous égards, est le plus important et dans les meilleures conditions pour cela. S 41°". La Calle considérée comme centre de la pêche à l'est. La Calle a des Coraux dont la réputation est bien méritée, car ils sont d'un coloris, d’un débit en manufacture et d'une qualité de tissu qui les font apprécier partout. 286 PÈCHE DU CORAIL. Sa position géographique près de Tabarca, de Bizerte et de la Galite, dont les produits n'ont pas moins de valeur, semble la destiner à devenir, en quelque sorte, le centre des pêches dans l'est, puisque, moyennant une redevance annuelle, le bey de Tunis nous abandonne l'exploitation de ses bancs dans toutes ses eaux. Par son voisinage de la frontière de la Régence, le port de la Calle doit devenir le refuge assuré des bateaux chassés par le temps ou le fanatisme musulman, qui peut se réveiller d'un moment à l'autre. Les minerais de plomb du kef d'Oum-Téboul, les hiéges des forêts du cercle, viennent s'ajouter au Corail pour former trois ordres de produits d'une spécialité toute particulière. Quant aux autres objets de commerce, ils ressemblent à ceux du pays et du reste de la côte nord de l'Afrique, et n'ont qu'une im portance secondaire au moins pour le moment. La Calle est donc appelée à être un point important par sa spécialté. Elle à eu sa renommée, et les grands progrès qu'elle à faits, ou ceux qu'elle ferait bien plus rapidement encore st son port était en bon état, justifient pleinement cette opimon (1). Dès longtemps elle a attiré sur elle l'attention des premiers Européens qui vinrent en Afrique. Sielle ne fut pas le premier établissement français sur les côtes de Barbarie, elle fut cependant, dans le principe, une des dépendances importantes du Bastion de France, connu aujour- d'hui sous le nom de Vieille-Calle. Le Bastion a toujours été une chose très-distinete. Il avait (1) I suflit d’avoir habité et observé la Calle pour partager cette manière de voir, déjà si nettement formulée par M. Baude en 1844 : « La Calle, qui de tous » les points de la côte est incontestablement le premier où se fixeront les corail- » leurs; la Calle, où sont réunis tant d'éléments de prospérités locales, » (Voy. loc cit., 1. IT, p. 225.) DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 287 été fondé en 1561 (1), sous Charles IX, par deux Marseillais, Thomas Linches et Carlin Didier, qui ne furent pas heureux dans leur entreprise, puisque, dit-on, ils se ruinérent. I fut détruit par les Arabes qui, alors, comme aujourd’hui, voyaient avec déplaisir les chrétiens prendre un pied sur leur côte. Mon intention n'est pas de faire un historique complet de tout ce qui s'est passé sur cette côte mhospitalière de Barbarie, où nous nous établissions malgré la répulsion qu'avaient pour nous ses habitants. Ce ne sont done que les faits principaux que l'on trouvera ici, aller plus loin serait sortir du cadre de ce travail. D’ail- leurs, 1l existe tant d'incertitude sur une foule de points, qu'il faudrait entreprendre de véritables recherches, les accom- pagner de nombreuses citations, et ce serait tout à fait hors de propos. Tantôt chassés et battus, tantôt rappelés et favorisés par le bey de Tunis, les deys de Constantine ou d'Alger, les Français n'en jetaient pas moins peu à peu, sous le prétexte de pêcher du Corail, les premières fondations de leur établissement futur en Afrique. Les guerres d'Europe du xvi° siècle eurent une grande m- fluence sur la réussite ou la disparition de ces établissements, car le Grand Seigneur et ses suzerains ne manquèrent Jamaus d'en tirer parti. (4) Voy. Baude, Loc. cit., t, 1, p. 494. M. Baude dit : « Ce bastion, relevé » en 1561... » Il aurait donc été fondé antérieurement. Il est extrêmement difficile de se faire une idée exacte des époques. Cela tient sans doute à ce que les documents sont perdus ou bien incomplets. Mais à chaque instant on rencontre des différences, comme on le verra par la suite, Plus loin, M. Baude (loc. cit., p. 202) s'exprime ainsi à propos de Linches et Didier : « Ils formèrent, en 1561, dans l’anse du Bastion de France, douze » lieues à l’est de Bone, un établissement qui eut bien des vicissitudes à subir, » Dans un autre passage, on voit encore : « En 1560, s’achevait le Bastion de » France. » (Loc, cit., p. 172.) 288 PÈCHE DU CORAIL, Les passages suivants que j'emprunte à M. Baude suffiront pour donner une idée de la succession des événements : IL faut remarquer que pendant les guerres du xvr° et du xvir siècle qui divisèrent la France et la maison d'Autriche, les concessions avaient un caractère surtout politique, et que ce n'est qu'après elles que la prospérité de nos comptoirs fit des progres. CA A ) DA CA MA « Notre établissement sur cette côte est contemporain de celui des Turcs. En 1520, tandis que Khaïreddin s'emparait de Bone et de Constantine, des négociants provençaux trai- taient avec les tribus de la Mazoule, pour faire exclusivement la pêche du Corail depuis Tabarque jusqu'à Bone. François F° et Henri devinrent, dans ces circonstances, les alliés de Khaïreddin et de son fils Hassan contre Charles-Quint et Philippe If. » Sous Charles IX, Sélim I nous faisait concession du com- merce des places, ports et havres de Malfacarel, de la Calle, de Collo, du cap Rose et de Bone. » En 1560, s'achevait le Bastion de France. » En 1604, la confirmation des concessions resserrait les liens d'amitié qui existaient entre Henri IV et les sultans. » ... À la voix puissante de Richelieu, en 1624, trois mois après que le roi eut changé son conseil, Amourath IV nous cédait en toute propriété les places dites le Bastion de France, la Calle, le cap Rose, Bone et le cap Nègre. » En 1694, Pierre Hélv, et sa compagnie, nommée et avouée par l'empereur de France pour la pêche du Corail et autres négoces, sont déclarés propriétaires incommutables des places dites le Bastion de France, la Calle, le cap Nègre, Bone et autres dépendances. Ilest défendu à tous les habitants de ces côtés de vendre à d’autres qu'audit Hély, ete., etc., qui, de son côté, s'engage à payer annuellement au divan 34 000 roubles d'or, environ 405 000 francs. Ce traité est resté la base de nos relations avec la Régence, jusqu'à la conquête, » DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AYEC LA COLONISATION. 289 Cen est guère que vers époque où Samson Napollon, homme énergique et habile, négocia avec le dey d'Alger pour la recon- struction du Bastion de France, que cet établissement prit réel- lement de l'importance. Samson Napollon (1) s'adressa, le 28 septembre 1698, au divan d'Alger, pour obtenir ce qu'il demandait : « Messieurs, » dit-il, en se présentant devant lui, anciennement les Fran- » Ças avaient Construit un bastion appelé de France, en la » coste de votre royaume, lequel à été par vous démoli, il y a environ trente ans : si vous voulez que je le redresse, je le ferai au nom du roy mon maistre (2). » D'après ces dates, la destruction de l'établissement francais remonterait à 1598. S 2 C4 Il ressort, comme on va le voir, des documents laissés par Napollon, que le fort de la Calle et celui du cap Rosa furent d’abord des dépendances du Bastion. En 1632, le roi Louis XEE envoya en Barbarie Ph. d'Es- tampes, seigneur de Fisle, avec une lettre adressée à Napollon, par laquelle 1l'entendait que celui-ci tint lesdites places immé- diatement de sa main, qu'il lui en répondit sur sa vie, qu'il prit charge de la pèche du Corail et négoce de Barbarie ; que sur les profits et revenus qui en proviendraient, il prélevàt les fonds nécessaires pour là dépense, pour l’entretènement de lui et des- dites places, et que du surplus il rendit bon et fidèle compte. La réception faite à l'envoyé du roi montre bien l’état des établissements français à cette époque. Le Bastion de France était comme la métropole où se centralisait évidemment toute l'action. (4) L’orthographe de ces deux noms est souvent ainsi: Sanson Napolon. Dans le manuscrit elle n’est pas fixée. (2) Voy. Manuscrit de Samson Napollon (Collection de Brienne, vol. 78 (Lxxvin), à la Bibliothèque impériale, fol. 145). Relativement à la pagination de ce volume des manuscrits, il faut remarquer qu'après le feuillet 254, on tombe au 152 : il est pro- bable que c’est une erreur dans le nombre des centaines, car les autres chiffres se suivent très-bien, On devra ici, dans les renvois, tenir compte de cette observation, LACAZE-DUTHIERS, 19 290 PÈCHE DU CORAIL. «L'an mil six cent trente-deux, le onzième jour d'avril, » nous, Charles Gatien, escrivain du Bastion de France en » Barbarie, faisons savoir à tous ceux qui ces lettres verront, » que ledit jour est arrivé en cette place du Bastion, M. Phi- » lippe d’Estampes, seigneur dé l'sle-Antry, Lamotte-Vouze- » ron, Orsay, gentilhomme ordinaire de la chambre du Roy, » lieutenant de Monseigneur le Cardinal, dans le vaisseau admi- » ral, lequel à dit qu'il a esté réputé commissaire du Rov, pour » venir visiter ledit Bastion et autres places construites en cette » coste au nom de sa Majesté. Aussitôt que le capitaine San- » son Napollon, commandant pour le Roy en ladite place, à » veu débarquer ledit sieur de l'Isle, 1 est allé à sa rencontre, » et avec grande joye et contentement l'a receu, à fait ouvrir » toutes les portes du Bastion, dans lequel ledit sieur de FIsle a » pris son logement. Le 18 dudit mois, ledit sieur de Fisle est » allé à Cap de Rose visiter le fort et l'équipage qui est dedans ; » le 22 du même mois, il est allé visiter lé port et le fort qu'on » appelle la Calle. L’ayant le capitaine Samson Napollon » accompagné partout pendant le séjour que ledit seigneur » de l'Isle a fait au Bastion (4). » Dans ces trois établissements on tenait garnison, et une ad= ministration prévoyante subvenait à tous les besoins (2): Il est difficile de comprendre comment on à pu croire, après cela, que le centre d'action de la compagnie qui suc- (4) Voy. les mianüscrits, loc. cit., fol. 163. (2) Voy. ibid., État de ce qui est nécessaire pour l'entrelènemént du Bastioh, la Calle, le cap Rose, etc., fol. 237, Il y est dit : « Le lieu de la Calle est le port où les navires qui abordent le Bastion demeu- » rent avec tout temps, assurés et sans aucun danger. Il y a une forteresse et deux » grands magasins, Où il demeure un capitaine et quatorze soldats. » De plus, se fournit tous les vivres de bouche et munitions de guertre néces- » saires pour ladite garnison, qui s’envoient du Bastion. » Le Bastion est la place principale et la plus forte, dans laquelle se tient toute » Ja munition de guerre et debouche nécessaire pour toutes lesdites places... » Ceci ne peut laisser le moindre doute sur la position secondaire de la Calle à cette époque. DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 294 céda à Linches et Carlin Didier fut entièrement porté à la Calle. Le centre de nos premiers établissements pour la pêche fut done sur le territoire de la régence d'Alger, à peu près entre les caps Rosa, à l’ouest, et Roux, à l’est, c’est-à-dire à la limite deseaux de la Tunisie. Je dis le centre, parce que les opérations s'étendirent peu à peu jusqu'aux caps Nègre et Serrat, à l'est, et jusqu'à Bone, Collo et Djidjelli même, à l'ouest. Mas bien avant nous les ftaliens avaient des privilèges et des comptoirs sur la côte de Barbarie. Dès 1167, le bey de Tunis, Abdallah-Bockoras, avait fait cession de la pêche du Corail aux Pisans, et leur avait permis d'élever un comptoir à Tabarca, à l’est du cap Roux. Ce ne fut toutefois que vers 4550 que Tarbaca devint un établissement important. Voici à quelle occasion : «Jean Doria, qui commandait quatre galères d'André Doria, » son oncle et son père adoptif, ayant eu nouvelle que Dragut, » fameux corsaire d'Alger, était à l'ile de Corsé avec six ga- » lères, marcha contre lui, l’attaqua et le prit. Doria raillant » Dragut Sur ce qu'étant si fameux corsaire, il s'était laissé » prendre, Bragut, homme fier, lui répondit que ce qui le » fàchait le plus, c'était d'avoir été pris par un ragassou ou » jeune home. Doria, piqué dé cetté réponse, le fit mettre » aux fers, et Dragut tomba en partage à la galère d'un M. Lo- » iellihi, qui traita de sa rançon, et, entre autres choses, » Dragut s'obligea de lui faire donner l'île de Tabarque pour » la pêche du Coral. I tint sa promesse, et le don fut con- » firmé par les firmans de Soliman If, empereur ottoman, qui » avait conquis le royaume de Tunis. MM. Lomellini s'accor- »_dèrent après avec Charles-Quint, qui s'obligea d'y faire bâtir » une citadelle et d’y entretenir une garnison pour la défense » de l'ile, à condition que les Génois qui y trafiqueraient lui » payeraiént 5 pour 100 de tout le commetce qu'ils Ÿ feraient, » L'accord fut tenu pendant quelque temps, et Charles- 292 PÈCHE DU CORAIL. » Quint y fit bâtir le château que je viens de décrire (4). » En 1551, les Génois exploitaient les golfes de Bone, au delà du cap de Garde, et probablement jusqu'au cap de Fer, en abritant leurs embarcations au mouillage qui porte encore au- jourd'hui leur nom, et que défendait le fort Génois bâti par eux. Ainsi, nos premiers établissements se trouvaient entre ceux qu'avaient formés les Italiens à la fois en Algérie et en Tunisie ; et l’on comprend aisément que pendant les guerres (1) Voy. Dureau de la Malle, loc. cit., t. 1, p. 264, correspondance de Peys- sonnel. Il y à dans cette citation quelques faits qu'il est utile de remarquer. La date de la cession de Tabarca aux Lomellini est loin d’être pour tous la même. Ici, on le voit, Peyssonnel admet que c’est Charles-Quint qui s’accorda avec les Lomellini. Desfontaines (voy. Dureau de la Malle, loc, cit., correspondance Desfontaines), au contraire, prétend que la cession n’eut lieu qu'après la mort de Charles-Quint. On retrouve, pour la date de la fondation de Tabarca, la même incertitude que pour la Calle et le Bastion. Relativement encore à la cause de la cession de Tabarca aux Italiens, il existe une incertitude non moins grande. Peyssonnel dit en 4530. Mais si réellement Tabarca fut donnée en échange de Dragut, il n’y a qu'à fixer la date de la captivité du corsaire, Or, elle semble, pour plusieurs auteurs, indiquée comme ayant eu lieu en 1550. On Île sait, les erreurs sont fréquentes quand il s’agit de 1530 et de 1550. Sandoval raconte la prise de Dragut, et la rapporte à l’an 1550 (voy. Histoire de Charles-Quint, t& 11, p. 665, liv. xxx, $ 16). Les corsaires étaient en Corse; la plupart, descendus à terre, partageaient entre eux leurs prises, lorsque parut subitement Jean Doria. Ils n’eurent que le temps de fuir dans les montagnes, et Dragut fut pris. « Pero Dragut y otros capitanes » aunque pelearon bien, al fin fueron presos con otros muchos Turcos que se » hecharon al remo... Hecha esta presa tan venturosamente, boluié loanetin, y » presenté à su tio el principe Andrea Doria el Dragut, que recibid con grandis- » simo contento. Desseo mucho Barborroxa poner en libertad a Dragut, y al cabo » de quatro años se la dio Andrea Doria, segun dexo dicho. » Le mot rapporté par Peyssonnel n’est pas le même que celui que lon trouve dans d’autres ouvrages, en particulier dans la Biographie de Michaud, non plus que la valeur de la rançon : «Dragut fut mis à la chaine avec tout son équipage. Parisot de la Valette, de- » puis grand maître de Malte, voyant le corsaire au rang des forcats, lui dit : » — Señnor Dragut, usanza di querra. Dragut, qui lui-même avait vu Parisot » esclave chez les musulmans, lui répondit fièrement : —Y mudenza de fortuna. » En effet, la captivité ne fut pas longue, et pour trois mille-écus de rançon les » mercantiles Génois relâchèrent un si redoutable ennemi DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 293 du xvr° siècle ils aient eu à souffrir de nos revers ou à profiter de nos avantages; qu'ils atenten un mot suivi toutes les chances de la guerre. Le fort Génois était heureusement situé, difficile à attaquer par mer; il offrait un bon mouillage, qu'il couvrait de ses feux (1). Aujourd'hui qu'il nous appartient, nos pêcheurs, n'ayant rien à redouter, vont y chercher un abri contre les mauvais temps. Quantà l’île de Tabarca, elle avait une bien autre Importance. Elle est brusquement élevée en cône; le château qui la domine semble imprenable, et protégeait d'ailleurs entièrement les deux mouillages placés à ses pieds. inclinée à l'est en une pente rela- tivement assez douce, elle fut, dans cette partie, évidemment bien cultivée, ainsi que lattestent quelques magnifiques mais rares arbres fruitiers que j v ai vus, les nombreuses citernes qui fournissent encore de l'eau aux corailleurs en relâche, et les murs de soutènement qui s'écroulent de toutes parts. Au temps où l’île florissait, elle comptait quinze cents habi- tants (2). Entourée par la mer, sa défense était facile; mais elle ne tardera peut-être pas à être unie à la terre ferme, car des atter- rissements se forment, et une langue de sable encore submergée lunit aujourd'hui au continent. Par certains vents et lorsque les eaux sont basses, un homme peut arriver à l’île en n'ayant même pas de l’eau partout jusqu’à la ceinture (3). + (1) Pendant ma mission, j'ai passé un mois et demi d’hiver au fort Génois, où venait mouiller le garde-pêche mis à ma disposition ; lorsqu'il sortait pour aller chercher le Corail vivant dont j'avais besoin pour mes recherches, j'ai pu juger, dans les moments de solitude et de repos que me laissait le travail, en me pro- menant sur les plates-formes de cette petite citadelle isolée, combien la position était heureusement choisie, et combien l'idée que quelques personnes avaient eue d'y créer un village aurait mérité une plus sérieuse attention. . (2) Voy. Baude, loc. cit., t. I, p. 235. (3) Il y a dans l’île de Tabarca un consulat, qui occupe un des bâtiments laissés en partie debout par les Tunisiens au pied du fort, près de la plage du sud. À l’arrivée de l’Algértenn?, le consul mit son costume, et descendit jusqu’à la x | 294 PÈCHE DU CORAIL, Tabarca à, de tout temps, excité la convoitise des Euro- péens. Combien pensent encore aujourd'hui, et c'était l'avis de M. de Baude, que nous devrions l'acquérir ! Déjà, en 1740, les Lomellini se seraient départis de leurs priviléges et de leur propriété en faveur de la France, mais une rupture survenue entre le bey de Tunis et le consul de France amena la guerre. Les Français disaient trop ouver- tement que la pêche du Corail était moins leur but, en s'empa- rant de Tabarca, que l'acquisition d'une place importance, Le bey chercha à reprendre l’île : il y réussit par ruse et par tra- hison, en 1741. | « Les chebeks et les troupes de terre arrivèrent en même » temps devant Tabarque. Les premiers demanderent des » rafraichissements qu'on avait coutume de leur donner; une » douzaine de Turcs, des plus braves, entrèrent dans l'île, se » saisirent du commandant, qui se trouvait là par hasard, » et de trois des principaux habitants. Us les menerent aux » chebeks; on les mit à.la chaîne, on somma les habitants de » se rendre, s'ils ne vol aient pas s'exposer à un assaut et » voir massacrer les otadgs. On parlementa, et Tabarque se » rendit. SidyJonis y entra Yictorieux ; 11 y mit garnison turque, » fit enchaiîner les Tabarquihs et les envoya esclaves à Tunis. grève, malgré ses douleurs et son âge. II nous recut avec une franche cordialité. La venue d’an bâtimentde l’État était pour lui: ‘une bonne fortune. Il se plui à nous compter ses campagnes et son exil de Naples, sa patrie. Il aimait encore Murat, son ancien roi, dans les armées duquel il avait: combattu : c'était pourlui un bon souvenir. Il représente, dans ce point retiré, à peu près tous les intérêts européens. Son prestige n’est pas en rapport avec l'étendue de ses fonctions. Il se plaignait de l'oubli où on le laissait. Les corailleurs, disait-il, refusaient de lui payer les droits de chancellerie qui lui étaient dus; et, pour comble de malheur, les Tabarcains avaient traversé pendant la nuit la mer, en suivant la langue de sable, et lui avaient enlevé dans le consulat même une caisse de Corail déposée par des pêcheurs. Tout ce qu'il avait pu obtenir, c'était une garde de quelques soldats tunisiens. Il a passé dans cette retraite de longues années, Quel exil et quelle existence, entre des Tabarcains et des corailleurs ! DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 295 » Al fit raser les fortifications modernes, c’est-à-dire celles qui » avaient été faites par la famille des Lomellini, abattre les mai- » sons, démolir l’église et presque tous les magasins (1). » Dés ce moment la France ne put réussir à s'emparer de _Tabarca. Cette Île resta au pouvoir des Tunisiens, qui la défendirent contre nos attaques et refusèrent de nous la céder. Elle pré- sente encore aujourd'hui toute la désolation d'une place forte détruite par lesg uerres. En face de l'ancien château construit par Charles-Quint, se dresse, sur la montagne, un fort, qui ne permettrait pro- bablement pas à de nouvelles colonies de s'établir là où fut si florissante la maison des Lomellini. Sans doute la position de Tabarca est importante; sans doute elle constituerait un poste d’une haute valeur pour la France; mais que d'argent ne faudrait-il pas pour y fonder un établissement? Ne vaut-il pas mieux commencer par faire un port à la Calle, sauf à réserver une action directe pour plus tard vers ce point? Les Italiens, si l’on en croit quelques rumeurs, songeraient à revendiquer Tabarca. La France ne laissera jamais revenir à la nation qui déjà lui enlève les Coraux les plus beaux du monde, une île dont la position stratégique deviendrait pour elle un véritable danger. Elle veillera sans doute à ce que le comptoir italien ne soit point relevé, Là, pour le moment du mois, doivent se borner ses efforts. Ce fut vers l’époque de la chute de Tabarca que les établis- sements français prirent véritablement beaucoup d'importance, et que se forma la compagnie d'Afrique, qui donna à la Calle son plus grand développement. (4) Voy. Dureau de la Malle, Loc, cit., corresp. de Desfontaines, t. IE, p. 260. 296 PÈCHE DU CORAIL. Plusieurs sociétés (1) s'étaient formées depuis Samson Napol- lon; mais, soit que les faveurs accordées aux Lomellini, soit que les guerres avec les régences leur eussent fait éprouver de grandes pertes, elles ne firent pas toutes de brillantes affaires. La chute de Tabarca ne pouvait qu'être utile à la nouvelle compagnie; elle donna beaucoup d'importance à la Calle, qui déjà, à l'époque où Peyssonnel visitait le Bastion, était devenue le centre de l’activité commerciale : « Pendant la guerre que nous » eûmes avec les Algériens, dit-il, on fut obligé d'abandonner » cet endroit-là, et l’on vint s'établir, après la paix faite, à trois » lieues à l’est du Bastion, dans un lieu appelé la Calle (2). » On n'a pas oublié que, déjà en 1632, Samson Napollon y avait une garnison, un fort et des magasins, et que les bâti- ments destinés au commerce du Bastion venaient y chercher un refuge sûr. Comme point stratégique, du reste, la presqu'ile de la Calle valait beaucoup mieux que le rocher du Bastion de France. La compagnie d'Afrique resta donc, après 1741, à peu pres sans rivale, elle eut le monopole de la pêche : tous les ba- eaux qui ne lui appartenaient pas étaient exclus des eaux qui lui étaient concédées; aussi longtemps donna-t-elle une grande importance à la manufacture et au ecommerce du Corail de Marseille, et fut-elle pendant quelques années très- florissante. Parmi toutes les conditions d'administration, de règlement ou de pêche, que présentent les documents laissés par la com- (4) «En 1719, les concessions d'Afrique passèrent entre les mains de la com- » pagnie des Indes, mais celle-ci ne conduisit pas mieux ses affaires en Afrique » qu’en Asie, Elles se ranimèrent pendant le bail de dix années passé en 1730 à » la compagnie Auriol, Enfin, en 1741, elles furent placées sous la direction d'une » Compagnie d'Afrique qui se constitua à Marseille avec un capital de 1 million » 200 000 livres. » (Voy. Baude, loc. cil., p. 174, t. I). (2) Voy. Dureau de la Malle, loc. cit, t. 1, p. 270, correspondance de Peys- sonnel, On se rappelle que ce naturaliste était sur les côtes d'Afrique en 1725, DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 297 pagnie, il en est deux qui méritent d'être ei remarquées. Les bancs, suivant toutes les probabilités, étaient parfaitement aménagés et leur exploitation soumise à des interruptions régulières; le nombre des bateaux était aussi toujours limité, ce qui permettait au Corail de prendre un accroissement qu'on ne Jui trouve plus aujourd'hui que la pêche est incessante. Enfin, les patrons, pour la plupart Provençaux, avaient une babileté toute particuhère ; 1ls savaient manœuvrer deux engins à la fois (4). Mais la compagnie eut ses revers, car elle était jalousée et avait des ennemis. Les Corses, exclus par elle, comme tous les étrangers, demandaient avec instance d’être admis dans les mers d'Afrique. En 1794, ils finirent par obtenir de se rendre avec leurs bateaux dans les eaux de la Calle et de Bone. Cette mesure fut un des premiers échecs de la compagnie, qui ne devait plus désormais compter sur une longue existence. Lorsqu’en 1785 et 1786 l'abbé Poiret visita la Calle, l'établis- sement était encore florissant. La relation de son voyage, dans laquelle ils’éleva avec une force qui tenait peut-être un peu de l’exagération, contre une société qui faisait, assurait-1l, de la Calle un repaire de coquins et de malheureux scélérats, avait donné plus de poids aux réclamations des Corses; et il faut bien le reconnaître, les appréciations du savant voyageur ne furent pas sans influence plus tard sur les décisions des assemblées délibérantes de la république française. «… J'affligerai votre âme, dit-il, par le tableau que J'ai à » vous tracer; votre humanité gémira sur les maux de toute » espèce auxquels le mercenaire est exposé sur ces côtes bar- » bares, et votre cœur formera des vœux pour voir à Jamais » anéantir un commerce qui fait le déshonneur de la France, » occasionne tous les ans la mort d’un grand nombre de per- (1) Voy. Baude, l'Algérie, t I, p. 265. 298 PÊCHE DU CORAIL. » sonnes, et offre une retraite à une foule de scélérats qui, » par la dissolution de leurs mœurs, remplacent les crimes » qu'ils ne peuvent commettre sans impunité (4). » Le mode de recrutement donne l'idée, d'après Poiret, de la valeur du personnel de la compagnie. «ILse fait de temps én temps des recrues à Marseille, pour » peupler ce comptoir que les maladies et l'abandon fréquent » de ses habitants obligent à renouveler : la compagnie prend » indistinctement tout ée qui se présente, sans examen, sans » information. Pour être admis, il suffit d’avoir des bras; si elle » ne voulait que des honnètes gens, la Calle serait déserte, et » elle le serait pour longtemps. L’honnète homme ne s’'ex- » patrie point pour gagner peu et risquer beaucoup. Aussi cette » place n'est-elle habitée que par des hommes sans asile, sans » établissement, sans ressource; des hommes la plupart flétris » par la justice et poursuivis par les lois, des hommes perdus » par le libertinage, la débauche, sans principes de religion, » sans le moindre sentiment de probité (2). » On comprend combien, à une époque où les priviléges étaient en butte à une guerre acharnée, ces récits devaient avoir d'influence. « Que faire? Faut-il le réformer (cet établissement) ou l'a- > bandonner tout à fait? Faut-il, pour favoriser une compagnie » de commerce..…, arracher des pères à leurs familles, des » enfants à leurs parents, pour en faire des monstres en Bar- » barie (3)? » La question ainsi posée par Poiret, le comité du salut public la résolut en 4794. I supprima les privilèges de la compagnie d'Afrique, qui, ne pouvant plus, dès lors, subve- nr à ses dépenses, cessa d'exister. On voit, par cette relation, que ce n’est pas seulement CA A (4) Voy. Poiret, Voyage en Barbarie, ou Letlres écrites de l’ancienne Nu- midie, 1789, t. I, lettre 11, p. 6. (2) Voy. id. ibid., p. 11. (3) Voy. id. ibid., p. 9. DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 299 aujourd'hui que les marins français redoutent la pêche du Corail, et que le travail auquel on les soumettait devait évi- demment alors, comme maintenant, être la cause de cette répulsion qui date de longtemps. Que dire des vicissitudes de cette pèche abandonnée par les Provençaux et délaissée peu à peu par les Corses, qui, après avoir si vivement réclamé contre l'illégalité des privilèges , sentirent bientôt qu'il leur était impossible de lutter contre la concurrence des Italiens. Ceux-ci, en effet, se jetèrent tout à coup sur les côtes d'Afrique, et le nombre de leurs bateaux s’éleva rapidement à deux cents. Il diminua néanmoins pendant les guerres de la république et de l'empire, dont il suivit les bonnes et les mauvaises chances. Dans cette série de changements, on verrait le dey d'Alger et le bey de Tunis, tantôt nous favoriser, tantôt nous repousser, suivant nos succès et nos défaites ; et les Anglais nous rem placer, en 1807, dans toutes nos positions, sur la côte de la province de Constantine. Pendant ce temps, les patrons français oubliaient la pêche, et les manufactures de Marseille se fermaient peu à peu. Les Anglais, comme toujours fort habiles politiques, ne nous avaient supplantés sur les côtes de Barbarie que pour s'assurer l'approvisionnement de Malte et de Gibraltar; mais dès que la paix revint en Europe, ils se hâtérent d'abandonner une pêche qui leur était onéreuse et dont ils n'avaient plus besoin, puisque désormais leurs places auraient des approvisionnements assu- rés. Lorsque la France fut remise en possession de ses privi- léges, en 1817, elle trouva, en reprenant la pêche, non plus ses avantages d'autrefois, mais des charges très-lourdes. Les redevances à payer, devenues excessives, grevèrent le Trésor ; on essaya de reconstituer une compagnie à Marseille, mais ce futen vain. Les Italiens avaient déjà fait, et pour long- temps, leur affaire de la pèche du Corail. 200 PÈCHE DU CORAIL. Enfin, aujourd'hui, la réduction des droits leur assurera à jamais le monopole du commerce et de la pêche, si l'on ne prend des mesures propres à la ramener, non plus comme autrefois, par une voie directe, entre les mains des Francais, mais, par une voie détournée, dans la colonie (4). ILest un rapprochement bien curieux qu'on ne peut man- quer de faire, quand on cherche dans l'histoire par quelles vicis- situdes est passée la pèche du Corail. Jadis, sur les côtes de Barbarie, nos pêcheurs avaient à se défendre contre les attaques des habitants du pays. Les gens des compagnies devaient se faire escorter par des soldats, toutes les fois qu'ils voulaient sortir des murs de leurs établisse- ments ou de leurs îles fortifiées ; les traités étaient onéreux, et à chaque instant la mauvaise foi et le désir d'augmenter les limes ou redevances les faisaient enfreindre; des corsaires armaient dans tous les ports de la Barbarie et rendaient la mer peu sûre ; le fanatisme musulman repoussait dédaigneusement les Euro- péens ou ne les tolérait que pour les pressurer et les soumettre à de fortes rançons. Cependant la pêche était alors florissante, les compagnies gagnaient, et les manufactures de Marseille, nombreuses, bien approvisionnées, étaient en pleine prospérité. Aujourd'hui la France est maitresse de l’ancienne Barbarie ; la mer est sûre ; les Arabes, soumis, ne viennent plus inquiéter les pêcheurs et exiger des redevances exagérées ; la Tunisie nous à abandonné la pêche dans toutes les eaux de son littoral. Elle observe scrupuleusement les traités, malgré la modicité de l'indemnité qu'on lui paye, et cependant la pèche n'est plus (1) On ne peut manquer de consulter avec un grand intérêt le résumé histo- rique de tous les changements, et d'étudier les mesures qui ont trait à la pêche du Corail sur les côtes de l'Afrique. M. le maréchal Vaillant, lorsqu'il était mi- pistre de la guerre, voulut mettre la question à l'étude, et en demandant à la Société d’acclimatation des renseignements scientifiques propres à éclairer son administration, lui adressa le travail qu'il avait déjà fait sur la question. (Voy. Bul- letin de la Société d'acclimatation, année 1855, t. If, p. 177.) DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 901 faite par nous; les manufactures, loin de se multiplier, dimi- nuent de nombre, et peu s'en faut que la pêche ne devienne une charge pour le Trésor. Ainsi donc, lorsque la pèche du Corail offrait des dangers, les marins ne reculaient pas devant les fatigues, et aujourd’hui que tout est tranquille, ils ne veulent plus s'en occuper. Ne faut-il pas répéter une fois de plus que la cause de cet abandon est la conséquence de la concurrence faite par les étrangers, et ne doit-on pas se demander si la France n’a versé le sang de ses soldats et dépensé l’argent de son Trésor que pour laisser cueilkr par d’autres les fruits de tant de sacrifices? Ne sommes- nous en Algérie que pour donner la sécurité à ceux qui viennent y faire d'abondantes récoltes, sans nous laisser rien en retour des avantages que nous leur assurons, sans nous demander même les choses nécessaires à la vie, RE ils apportent jus- qu'à leur pain quotidien. En comparant ce qu'est la Calle en ce moment à ce qu’elle a été jadis et à ce qu'elle était au commencement de notre occu- pation de l'Algérie, on voit qu'elle a fait de très-grands pro- grès, et l'on pressent qu'il lui est réservé d'en faire encore bien davantage. si l'administration peut arriver à lui donner un port. La nouvelle ville, qui n'existait pasil y à quelques années, tend à remplacer la presqu'île, dont l'importance diminue de jour en jour. La population augmente ; les cultures s'étendent, car la sûreté dans les environs est à peu près complète, chose impor- tante pour les progrès. Le temps n'est pas encore très-éloigné où l’on ne s'écartait pas sans danger, même à peu de distance, dans la campagne. L'état sanitaire semble s'être aussi un peu amélioré. Est-ce par suite de la mise en culture des environs? Les années ont-elles été moins pluvieuses? Je ne saurais le dire; mais, à cet égard, il ne faut pas oublier que les trois lacs des environs sont toujours à peu près dans les mêmes conditions, 302 PÈCHE DU CORAIL. Une eau claire et d'excellente qualité est conduite des hau- teurs des bois de Bouliff jusque sur la plage et dans la presqu'île : c'est un bienfait qu'a rendu l'administration à la population sédentaire ; c’est surtout un bienfait pour les corailleurs, qui emplissaient, il y a peu de temps encore, leurs barils pour aller à la mer avec une eau saumâtre puisée aux pompes des bords de la plage. On est loin de l'époque où M. Baude écrivait ses impres- sions en arrivant dans ce pays : « La Calle n'était encore qu’un monceau de décombres, » reste de l'incendie du 27 juin 1827. Le 22 juillet 1836, » M. A. Bertier est venu, à la tète de cinquante zouaves, » reprendre possession de ce sol que nos pères ont possédé » trois cents ans, et le brick le Cygne a salué de ses bordées le » drapeau tricolore, qui n'avait pas flotté sur cette plage » depuis 1812... : la Calle renaissait à la seule présence do » notre pavillon. Sur la plage du fond, sont, outre un puits, » les ruines d’un lazaret et une mosquée. C’est sur la presqu'ile » de rochers de trois hectares d'étendue qui enceint le port » qu'est assise la ville (4). » Toute l'activité aujourd’hui se trouve dans la nouvelle ville, qui n'existait pas au temps où ces lignes ont été écrites. Si le port était sûr et permettait de rentrer par tous les temps, les coralines passeraient peut-être plus souvent l'hiver sur les lieux de pêche, et la prospérité croîtrait bien plus encore qu'elle ne Fa fait dans ces dernières années. Mais les vents de nord-ouest y poussent une mer furieuse qui vient se briser avec violence dans son intérieur, Le ressac y est tres-fort, et comme la profondeur est faible, les bâtiments d'un ton- vage un peu considérable talonnent bientôt et éprouvent les plus graves avaries, S'ils ne se perdent pas (2). (1) Voy. Baude, l'Algérie, t. T, p. 169. (2) Le Boberach, garde-pêche de l'État, s’est perdu dans le port de la Calle, malgré ses fortes amarres et ses corps-torts, en mai 1858. DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 309 Pour les coralines, ce n’est pour ainsi dire pas là un danger, car elles peuventse ürer à terre. Ce qui leur importe surtout, c'est la difficulté presque insurmontable qu'offre la passe quand la mer est grosse. Sur toute la côte, jusques assez avant dans la baie de Bouliff et vers l’île Maudite, il v a peu de fond, et, dès que les vents soufflént dans la direction du nord-ouest, la lame brise avec une violence extrème. La barre se forme très-rapidement, et l'entrée du port devient impraticable. Les bateaux partis du large et fuvant devant letemps, arrivent souvent tout près de terre au moment où ils ne peuvent plus entrer, il léur faut donc reprendre la mer. Tout ce que peut faire l'administration dans ce cas, c’est de hisser un pavillon rouge pour signaler que l'entrée est im praticable.Qu'adoncà espérer le malheureux corailleur à ce mo- ment critique? en regagnant le large; 1l courtles plus grands dan- gers ; en cherchant à franchir la passe, sa perte est presque certaine. Aussi les sinistres sont fréquents devant là Calle où sur les Côtes, vers le Monte-Rotondo. Au large les marins ne sa- vent pas ce qu'est l'entrée, et quand ils arrivent assez près pour distinguer le drapeau rouge, souvent les rafales, les courants ou la mer qui vient du large, les poussent à la côte, surtout vers la Messida, où les plages sont très-dificiles à rallier, car elles sont rares ét de peu d'étendue. Une jetée est absolument nécessaire, il n'y a qu'une voix pour la réclamer. Il'est des armateurs qui voudraient payer un droit de tonnage pour que le travail fût commencé. Je me garderai bien de porter une appréciation sur la direction et le mode de création de cette construction, car je décline toute compétence ; mais je dirai seulement qu'elle doit être faite dans des conditions telles, que l'entrée nouvelle qu'elle déterminera soit au delà des brisants : car, si on ne l'avance assez en mer, on aura bien un portsür, ms une passe toujours impraticable pen- dant les mauvais temps. Au point de vue de la pêche du Corail, il y a une importance extrême à ce que la jetée permette d'en= »0/ PÊCHE DU CORAIL, trer en tout temps : cela a même peut-être plus d'importance pour les coralleurs que la sûreté mtérieure du port; car une fois entrés, ils se halent à terre et ne courent plus aucun danger. Les bricks et les grandes tartanes qui viennent apporter des provisions d'Italie, ou qui font le cabotage pour la côte et la France, n'osent point approcher quand le temps n'est pas sûr ; dans l'incertitude où ils sont relativement à l'état de len— trée, ils vont au mouillage de la Galite ou de Tabarca, car la barre peut se former en très-peu de temps, lorsqu'ils sont même au moment d'arriver. Quand on à vu la mer en fureur sur les côtes de la Calle, et les cent ou cent cinquante coralines pêchant en face disper- sées en tout sens par le mauvais temps et courant après un refuge, on comprend alors l'anxiété des familles et des arma- teurs, et l'utilité des améliorations. C'est aux ingénieurs à bien étudier les conditions actuelles pendant le mauvais temps, s'ils veulent faire non-seulement un port sûr, mais encore un port dont l'entrée ne soit plus dangereuse. Ilest une autre considération qui, au point de vue de l'avenir, a le plus grand intérêt : la profondeur du port diminue tous les jours. Ilest rare que dans les localités où cela arrive, on n’accuse les courants, les remous, et que l’on ne fasse mter- venir la mer comme unique cause. Sans être compétent dans toutes ces questions pour les résoudre, et sans nier que ces causes ne puissent avoir une action réelle, il est cependant possible d’aflirmer qu'elles ne sont pas les seules. Les terrains élevés et sablonneux des alen- tours fournissent d'énormes quantités de sables qui, dans l'hiver, pendant les pluies torrentielles, sont entraînées dans le bas de la ville. Jadis 11 y avait un ravin qui détournait les eaux ; aujourd'hui il n'existe plus, et elles descendent directement dans le port. DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 305 Il est des pêcheurs qui se rappellent avoir vu, pendant les gros temps, la mer déferler sur la chaussée qui unit la pres- qu'ile et la ville nouvelle, et aller tomber dans la baie Saint- Martin : cela ne se produit plus tant, l’isthme s’est exhaussé. Lorsque Peyssonnel était à la Calle, en janvier 1725, l'isthme devait être bien plus bas encore, car il dit, en parlant de ce pays : « C'est une presqu'île qui se joint à la terre ferme » par une plage de sable, mais qui devient véritablement île » dans les mauvais temps, lorsque la mer est agitée par les » vents de nord-ouest (1). » Dans les constructions civiles, dans les nivellements, il est im- portant que les autorités locales ne perdent pas de vue la direc- tion des eaux pluviales vers la baie Saint-Martin, qui s'ensable- rait peu à peu, et qui ajouterait amsi à la ville une étendue considérable de terrain. Les considérations qui précédent paraîtront peut-être un peu longues, mais l'intérêt tout particulier qui doit s'attacher à la Calle, en raison de sa position frontière et de la nature spéciale de son commerce, servira, je l'espère, d'excuse. On y puisera cette conviction mtime, etque toute personne qui ira sur les lieux rapportera indubitablement, savoir, que l'avenir qui appartient à la Calle avait été entrevu dès longtemps par nos devanciers, et qu'aujourd'hui, avec l'immense étendue des bancs dont elle est le centre, elle doit devenir un des points importants de notre colonie algérienne. Mers-el-Kebir, placé à l'ouest, et pour ainsi dire à l’autre extrémité de nos possessions, mérite aussi d'attirer l'attention. De ce côté ce serait la population espagnole, qui déjà se rend si volontiers en Afrique, qu'on devrait chercher à retenir. Là (4) Voy. Dureau de la Malle, loc. cit, correspondance de Peyssonnel, t, If p.274; , LACAZE-DUTHIERS, 20 506 PÈCHE DU CORAIL. peut-être fonderat-on un centre de pêche qui serait analogue à l'ouest, vers la frontière du Maroc, de ce qui est et sera à la Calle, vers la frontière de la Tunisie, à l’est. $ 2. Des encouragements destinés à retenir les pêcheurs étrangers dans la colonie. Le but qu'il faut chercher aujourd'hui à atteindre n'étant plus le même qu'autrefois, c'est surtout du côté de la coloni- sation maritime qu'il faut tourner ses regards. On ne doit jamais l'oublier, quand on veut fonder une colo- nie, tout habitant nouveau qui arrive doit être engagé à se fixer dans le pays par tous les moyens possibles. Sans doute on court le risque de ne pas réunir ainsi la meil- leure partie des populations des pays voisins ; mais avant tout, pour fonder une colonie, il faut du monde. Cela ne doit jamais être perdu de vue. Si l'on oppose l'existence des mariniers de la petite et de la grande pêche, on voit dans leurs habitudes de grandes diffé- rences. Les premiers rentrent tous les Jours de quatre à sept ou huit heures; leurs provisions ne sont faites que pour une journée ou deux; ils reviennent le soir dans leur famille, où ils retrouvent leurs habitudes et le bien-être qui manque à bord. Les seconds, au contraire, passent quinze, vingt Jours en mer; rien n'est prévu pour eux, et souvent, entraînés par le désir de faire meilleure pèche, ayant des provisions Eu un mois, ils vont dans des parages fort éloignés. Sans aucun doute, les premiers ne balanceront pas à ame- ner leur famille, tandis que les seconds s'en garderont bien. Pourquoi déplacer des femmes, des enfants qu'ils ne verraient que trois, quatre ou cinq fois dans l'espace de six mois? Es les laissent en Italie, à la Torre del Greco, ou à Naples, à Livourne, a Gênes, etc. DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 307 Ainsi, la petite pêche à sur la grande, au point de vue de la colonisation, un avantage marqué. C’est done en l’encoura- geant d’une manière toute particulière que l'on peut espérer de voir la population maritime s’accroître. Il y avait à la Calle une famille que j'ai soignée comme médecin, et qui, pleine de reconnaissance, m’apportait dela mer une foule d'objets bien choisis pour mes études. J'ai pu la vor souvent et la bien connaître : le père était patron de sa barque ; ses quatre garçons étaient ses matelots, le plus jeune était son mousse. Combien d’autres viendraient se fixer encore dans le pays, si l'administration leur donnait des avantages tout particuliers ! Quelques moyens paraissent très-propres à encourager le développement de la petite pêche, par conséquent la venue des familles sur les lieux. Si l'on met les bancs en coupe réglée pour les grandes em- barecations seulement, on peut être assuré de voir les petits bateaux se multiplier considérablement. Ce serait là évidem- ment un encouragement, une faveur que ceux-ci apprécieraient beaucoup. On a souvent parlé de la création de villages de corailleurs. Ce serait une excellente mesure, éminemment propre à enga- ser à s'établir ceux qui viendraient pêcher, et l'accroissement du nombre des Italiens qui déjà viennent habiter sans difficulté, assez volontiers même, le littoral de l'Afrique, ne paraîtrait pas douteux. Mais les lieux où l’on pourrait créer ces villages doivent être sagement choisis. On doit, en effet, rejeter d’une manière absolue les propositions qui ont été faites, soit pour le Camp des faucheurs, près de la Calle, soit pour la Fieille-Calle, sur l'emplacement de l'ancien Bastion de France. Le Camp des faucheurs est trop éloigné. 208 PÈCHE DU CORAIL. Il faut ne pas connaître les mœurs et habitudes du pêcheur, pour vouloir placer sa famille aussi loin du port. Comment songer à faire faire à l'équipage, tous les soirs, après les fatigues de la journée, plusieurs kilometres pour emporter les produits de la pêche, aller chercher les choses nécessaires au lendemain, et revenir ensuite dans la nuit, pour reprendre la mer, à une ou deux heures du matin? Le rapprochement de sa famille, voilà ce qui fera fixer le marin. Placer sa maison loin du port, c’est l'engager presque à ne pas amener sa femme et ses enfants. Le Bastion de France serait sans doute mieux choisi; mais, en le proposant, on oublie la cause de son abandon : « Les » maladies furent si meurtrières un certain été, que de plus » de quatre cents hommes il n’en resta que six. » C’est l'abbé Poiret qui rapporte ce fait (4). Desfontaines va plus loin encore : «Telle était l'insalubrité de » cette position, que les épidémies emportaient annuellement CA » la plus grande partie de ceux qui l'habitaent. Une année, » entre autres, les maladies furent si meurtrières, que, de toute » Ja garnison, 1l ne resta que trois hommes. Ces pertes conti- » nuelles engagerent la compagnie d'Afrique à abandonner le » Bastion de France pour former un nouvel établissement à la » Calle (2). » J'ai visité la Vieille-Calle pour me rendre compte de la dis- position des lieux : il n'y à point d’eau dans l'emplacement même, il faut aller par les broussailles pour en trouver à quel- que distance. L'état de l'étang el Melha, dont le voismage cau- sait la mortalité qu'ont fait connaître Poiret et Desfontaines, NA n'a pas changé, etles conditions hygiéniques sont restées les mêmes. Quelle défense trouveraient, dans ce point, les femmes res- (4) Voy. Poiret, loc. cit., t. I, p. 7. (2) Voy. Dureau de la Malle, loc, cit., correspondance de Desfontaines, t, I, p. 229. DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 309 tées seules pendant que les hommes seraient à la mer? Sans doute le pays est paisible; mais qui peut dire que, sur ces fron— tières insoumises de la Tunisie, quelque chérif ne se présentera de temps en temps etne viendra réveiller le fanatisme! En 18062, ne s'est-il pas commis des actes que lon à dû réprimer vigou- reusement par la force? Quelle ressource, d’ailleurs, y aurait-il dans cette localité? Les provisions pour la pèche et tout ce qui est nécessaire à la vie devraient au moins, dans le principe, être apportées de la Calle, car on ne pourrait pas songer à les faire arriver par des bricks dans le mouillage trop peu sûr et profond du Bas- tion de France ? Ce qu'il faut faire, c’est créer sur un ou deux points cul- minants de la Calle, sur l'emplacement qui est entre le cime- tière et la baie Saint-Martin, ou bien au-dessus de Phôpital . militaire, sur la route de Bone, sur la butte du Moulin fortifié, de véritables faubourgs formés de maisons simples et commodes. Quand on à passé quelque temps dans les villages de pê- cheurs, on reconnait que la famille aime à aller voir la mer quand l'heure des rentrées est arrivée; qu'elle va suivre les péripéties du retour quand la mer est mauvaise. Les points que j'indique seraient très-bien choisis. Le soir, assis devant leur porte, les pêcheurs aiment à deviser, à se raconter les dangers, les chances et les émo- tions de la journée (4). Aussi faut-il ne pas les disséminer au (4) On ne lira pas sans intérêt le tableau suivant, emprunté à l'ouvrage de M. Baude; il est plein de vérité : « Pour être la plus modeste et la plus élémentaire des écoles de marine, la pe- » tite pêche n’en est pas moins profitable, L’habitude de braver sur de frêles » embarcations les écueils et les orages, d’être à la fois la tête et le bras dans » la manœuvre, de s’entr’aider dans le danger, d’avoir besoin de ses égaux, » de compter sur soi-même ei sur eux, donne à l’âme des pêcheurs une trempe » vigoureuse. La communauté du péril et la réciprocité des secours ne sont pas » les seuls liens qui les attachent les uns aux autres : la pêche se fait la plupart » du temps en famille; le père y dresse ses fils, le frère aîné ses frères cadets ; les 310 PÈCHE DU CORAIL. milieu d'une ville, et oublier qu'ils cherchent à se rapprocher les uns des autres. Du reste, quel que soit l'emplacement désigné par l'adminis- tration, il est nécessure qu'il soit le plus près possible du port. et que les constructions deviennent comme l'un des faubourgs de la ville. Ces deux conditions s'observent sur toutes les côtes où la pèche, quelle qu'elle soit, est active. La famille de corailleurs dont j'ai déjà parlé, et qui formait à elle seule l'équipage d'un petit bateau, habitait une simple petite chambre. Le père couchait à terre. Les fils passaient la nuit à bord, mais ils venaient manger avec leurs parents, et la famille se trouvait tous les soirs un moment réunie. Si l'administration se décide à créer des villages, elle doit au moins donner deux chambres à chaque habitant : l'une qui ser- vira de magasin et l’autre de logement. La jouissance de semblables habitations données à ceux qui s’'engageraient à passer deux ou trois ans dans la colonie, et qui y viendraient avec leur famille, serait certainement une des causes les plus efficaces d'augmentation de là population, et bientôt on verrait un faubourg ainsi eréé se peupler de pê- cheurs accourus de la Torre del Greco. où le Vésuve et les trem- blements de terre ont détruit tant d'habitations. Car les loge- ments sont relativement d'un prix élevé à la Calle : la famille dont il vient d'être question payait, pour le loyer d’une petite chambre, 13 francs par mois. » vieux parents ont une part dans les préparatifs des travaux. La femme, les » sœurs, les filles, attendent la barque au retour; elles sont chargées du débar-- » quement, de la conservation et de la vente du poisson qu'elle rapporte. L'esprit » d'observation du pêcheur s'exerce avec ses autres facultés, dans la poursuite de » sa proie ; il s’affectionne aux parages qu'il a étudiés et qui le font vivre : comme » le laboureur à son champ, l'œil tourné vers la mer, il se mêle peu aux débats » qui troublent la cité; les sensations fortes et variées qui naissent tous les jours de » l'exercice de sa profession suflisent à toute l’activité de son âme, Aussi les pê- » Cheurs forment-ils presque partout, dans le peuple, une classe à part, tenace » dans ses habitudes et recommandable par son courage, son patriotisme et ses » vertus domestiques, » (Loc, cit., 1, II, p. 199.) DE LA PÉCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 911 Un autre encouragement direct serait l'exonération de tout droit concédée aux pêcheurs venus, avec leur famille, pour habiter le pays. En résumé, il semble difficile que le nombre des armateurs des petits bateaux n'augmente beaucoup, si on leur donne un logement, si on les exonère de la prestation, et si on leur permet la pêche en toute liberté, sans les astreindre aux coupes réglées imposées aux grandes embarcations. L'établissement des matelots dans la colonie aurait une très- grande importance, car il permettrait les armements sur les leux, ce qui ne peut se faire aujourd'hui que dans des limites extrèmement restreintes ; aussi devrait-on accorder aux arma- teurs, pour chaque homme fixé dans le pays et engagé à leur bord, un dégrèvement de 50 francs : de la sorte, les grandes em- Parecations elles-mêmes pourraientse trouver exemptes de droits. Sans doute il faudrait s'attendre à des abus, à voir, par exemple, de grands armateurs, habitant l'Ttalie, obtenir l'exo- néralion pour leurs petits bateaux, dont les patrons habite- ralent seuls la colonie. Aujourd'hui la plupart des petites em barcations appartiennent à des armateurs riches de la Calle, de Bone, ou surtout des côtes d'Htalie ; mais qu'importe l'abus, si le résultat, l'habitation dans la colonie, c'est-à-dire l’accroisse- ment de la population, est obtenu? Il y aurait encore beaucoup d'importance à favoriser la naturalisation des hommes et des bateaux. Les Italiens redoutent notre conscription et l'inscription ma- ritime. J'avais, en m'entretenant avec les pêcheurs, rencontré une douzaine d'entre eux qui me demandaient de les faire natu- raliser français, afin de pêcher sans payer de droits, mais ils craignaient la marine et l'armée pour leurs enfants. Ne pourrait-on exempter du service militaire ou des levées de 312 PÈCHE DU CORAIL. la marne, pendant une ou deux générations, les enfants de tout corailleur qui se ferait naturaliser ou se fixerait dans le pays? D'après ce dont j'ai pu m'assurer, des matelots jeunes et ro- bustes, ayant peu souci de revenir en ftalie, auraient sans aucun doute demandé la naturalisation, si on leur avait assuré qu'ils seraient exempts du service militaire etde inscription maritime. Que l'administration songe aux conséquences heureuses qu'auraient ces mesures; elles permettraient, j’en ai la convic- tion, ce qui est fort difficile en ce moment, l'armement sur les eux mêmes de la pêche. Rien ne saurait encore être plus utile qu'une grande facilité donnée à la francisation des bateaux. On objectera sans doute qu'une semblable mesure fera ces- ser où empêchera la construction navale en Algérie. On ne construitque bien peu d'embarcations en Afrique, car la main-d'œuvre y est très-rare et très-chère. En 1862, il s'est trouvé des ouvriers qui ont fait un petit bateau à la Calle ; la coque seule a coûté plus qu'une embar- cation semblable toute gréée, venue de Naples. D'après une lettre du docteur Peruy que j'ai cité plus haut, il y aurait eu en 1863 six autres embarcations de construites. C'est un pas de fait dans une voie heureuse. Les ouvriers calfats arriveront quand il Y aura une popu- lation de coralleurs sédentaires : car les embarcations, restant toujours dans la localité, auront besoin tôt ou tard de répa- rations. Aujourd'hui les armateurs font partir de Naples leurs coralines en bon état, aussi n’ont-elles que rarement besoin d'être réparées, et à tout prendre, s'il n’y à pas danger pour la traver- sée du retour, ce n’est qu’à la rentrée qu'on répare les avaries. Les ouvriers se rendront sur les lieux quand ils y trouveront de l'ouvrage assuré, et alors ils penseront à construire. Mais vouloir encourager la construction quand les ouvriers manquent à peu près complétement, c'est d'avance être sûr de n'avoir DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 913 aucun résultat; aussi les décrets relatifs aux constructions n'ont-ils pas produit encore les effets qu'on attendait d'eux. En francisant des embarcations, on ne portera aucun tort à une Imdustrie qui n'existe pas; au contraire, on engagera des ouvriers à se rendre dans le pays, assurés qu'ils seront d'y trouver du travail. La santé des hommes est trop souvent négligée, et dans la pêche du Corail elle l’est plus que partout ailleurs. L'hôpital militaire de la Calle recoit les corailleurs comme les autres malades civils, d'après des règlements déterminés ; mais le plus souvent ils n'y vont que lorsqu'ils ne peuvent plus faire autrement: car, où bien l’armateur paye les frais de maladie, et alors 1l trouve rarement que ses hommes soient assez malades pour aller faire une dépense à l'hôpital; ou bien il retient les dépenses sur la solde, et à leur tour les matelots ne se consi- derent presque Jamais comme étant assez souffrants pour abandonner le bord. Est-ce l’eau de la mer et les insolations? est-ce, comme le disent les marins, l’eau du Corail ou des fonds vaseux qui leur donne des maux particuliers aux jambes, aux pieds, aux mains? I y a là une question d'étiologie médicale à résoudre ; toujours est-il que fréquemment J'ai eu à donner des soins à des pa- trons ou à des matelots ayant des espèces spéciales de furoncles et des panaris qui les faisaient souffrir beaucoup et produisaient le gonflement de leurs membres. Pour guérir ces maux, un peu de repos, quelques médica- ments simples émollients, suflisent. Le travail les exacerbe, et peut conduire à des suites plus graves. Cetexemple est pris entre bien d’autres. Dans tous ces cas, les marins, ne se croyant pas suffisamment malades pour aller à Fhôpital, vont chez le barbier italien qui les saigne, les médicamente et les loge ; il est même des armateurs qui s'abonnent avec lui pour leurs équipages. Je fus témoin, en 1862, à la Calle, d'une rixe violente qui ol PÈCHE DU CORAIL. faillit se terminer par un malheur. Elle s'éleva entre le barbier de la presqu'ile où j'habitais et le frère d’un matelot qui venait d'être saigné, disait-on, sans en avoir besom. I y eut «querelles et menaces, et enfin les couteaux furent de la partie ; le pauvre barbier s’échappa heureusement de sa boutique : 1l en fut quitte pour la peur. N'est-il pas déplorable que, dans un pays soumis aux lois de la France, une partie de la population échappe ainsi aux règle- ments de police qui régissent l'hygiène publique? Il serait de la plus grande importance qu'une imfirmerie fût créée ; elle serait visitée par le médecin militaire ou civil : les malades pourraient y coucher et y recevoir gratuitement les soins qu'exigent des plaies, des maladies légères, et pour lesquelles les émollients, les pansements simples sont suffisants. On soulage- rait ainsi ces matelots ou patrons qui, véritablement, ne sont pas assez malades pour entrer à l'hôpital, et qui cependant le sont trop pour revenir à la mer. Dans ces conditions de maladie, le marin ne comprend pas la diète, il redoute même l'hôpital à cause d'elle ; à l'mfirmerie, il pourrait apporter sa nourriture et satisfaire son appétit. Cette institution serait accueillie avec grande reconnaissance par la population des corailleurs tout entière, armateurs et matelots. C’est en donnant des soins à des hommes qui se trouvaient dans les conditions que je viens d'indiquer, que j'ai acquis la conviction qu'une création semblable serait éminem- ment utile. Une des grandes difficultés qui se présentent quand 1l s'agit de faire une entreprise en Algérie, c'est la possibilité de se procurer de l'argent. Les capitaux sont rares, le taux de l'intérêt est très-élevé, aussi voici ce qui se passe. On peut être témoin de ces faits à la Calle même. Les grands armateurs qui font partir leurs coralines d'Halie DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 949 envoient tout ce qui est nécessaire à la pêche ; ils ont des entre- pôts en Afrique. Au contraire, les petits armateurs ou les proprié- tres des petits bateaux qui arment ou résident, du moins quel- ques-uns, en Afrique, n'ont pas cette ressource. Ts achètent le plus souvent au jour le jour ce qui leur est nécessaire aux riches entrepositaires, et alors, s'ils veulent payer en argent comptant, ils sont obligés de vendre les produits de leur pêche à un assez bas prix, et s'ils reculent devant ce sacrifice, ils doivent emprun- ter chez les entrepositaires des biscuits et du chanvre. Or, c’est en payant le plus souvent un intérêt fort élevé de 20 et quelque- fois de 30 pour 100, à ce que l'on m'a dit, qu'ils sont obligés de demander ces objets de première nécessité. TE faut qu'à tout prix ils prennent ce dont 1ls ont besom, faute de quoi ils mour- raient de faim. Ils emprunteraient avec bonheur de l'argent à 10 pour 4100, eten cela ils ne seraient pas seuls. Un armateur de plusieursgrands bateaux était obligé, en 1861, de donner du très-beau Corail à un prix très-bas, afin de faire face à ses affaires; s’il eût pu trouver de l'argent à 10 pour 100, il en eût été très-heureux. La création d'une caisse des corailleurs serait done très- utile, car elle ferait disparaître ces abus d'usure. Déjà, en 18/1, M. Baude voyait en elle une des conditions les plus favorables à l'établissement des colonies de pècheurs. I pensait qu'elle permettrait une concurrence facile aux provenances de FTtalie. Si donc des propositions pour la création d'une pareille in- stitution se présentaient, elles mériteraient certainement des encouragements : car, avec la facilité d'avoir de l'argent contre le dépôt du Corail, on verrait les patrons, les poupiers et les matelots bons travailleurs s'entendre, armer des embarca- ons, pêcher à la part, ce qui est une chose si éminemment favorable à la colonisation, et probablement se fixer dans un pays qui leur offrirait de nombreux avantages. Tels sont les encouragements qui semblent propres à engager directement les pêcheurs à rester dans la colonie. 216 PÈCHE DU CORAIL. On peut appeler encouragements indirects ceux que ladmi- nistration, par des mesures sagement prises, donnerait à la production des choses nécessaires à la pêche. n prenuère ligne, 1! serait important d'obtenir des essais de culture du chanvre dans les terrains des environs des trois lacs du Tonga, d'el Melha et d’el Garah. Des concessions de terrains ont été déjà demandées par de riches armateurs de la Calle ; pourquoi ne pas donner suite à leurs projets? Si la culture du chanvre venait à fournir des produits de bonne qualité, on verrait bientôt s'établir des corderies pour préparer la filasse. Le blé d'Afrique est émmemment propre à la fabrication des biscuits ; à la Calle et à Bone on en a déjà fait de la meilleure qualité. Ce résultat à la plus grande Importance. Combien ne serait-il pas à désirer que l'approvisionnement de plus d’une centaine de bateaux, qui consomment chacun jusqu'à 35 quintaux, püût se faire dans la colonie, et ajouter encore à son activité commerciale ! Dans la colonisation, toutes les questions se touchent et se lient. Ce n’est pas par telle ou telle mesure plus où moins par- ticulière et spéciale que l’on peut espérer de voir la pèche du Corail revenir parmi nous; ce ne peut être qu'en combinant les moyens directs et indirects; aussi a-1-il paru utile d'appe- ler l'attention sur tous ceux qui semblent propres à atteindre ce but. S 3. Des dépenses qu'entraîne l’armement des coralines, Afin de donner une idée exacte des dépenses auxquelles conduisent la pêche du Corail et les premiers armements, voici DE LA PÈCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 917 un état de tout ce qui est nécessaire et de tout ce qui est con- sommé à bord d’une grande coraline. On pourra ainsi juger en toute connaissance de cause, soit de la première mise de fonds, soit des dépenses d'entretien. 19 Le bateau complétement armé. Coque du’batean prise surle chantier-.....:........... A A ll 1 1 À 1 1 l 4 HA IDETO) RS ESC NU rec once VERBUE (ANT A) 0 ee aie ce «eue de ha ice Jen Ver EUE(SIUZZA) eee ac este eee. RAD Te DEAUDRÉ tn te ee ne Voile (ÉlAAMAPS ITA) st de tu des PR a ae eee denievoile (mezzavela ie Mn TN SLT IdORDORACONS) ES Se ee een sers see MIEZZOMMENIOR ER eee select CICR Re Made te tee eee D NE de 0 eee io. poulies de bois à deux yeux (bozzelli ai due occhi)........ 16 poulies de bois à un œil ( bozzelli ad un occhio)......... 400 kilos corde goudronnée et non goudronnée.............. 1 1 2 1 corde à tirer le bateau à terre (cavo da tirare 400 kilos).... DTENAN CUIR) ASS eee pt ee TA AA SADDINSADESANt VOURIOSN EL AL SE 4 0m ee Lester deplace cabestan du bord avec 6 barres de bois (voce)........... NAFAVITONRSIReME) Ra TEE LAN ue ere hopodne ( 9 pl 1 cabestanide terre (NOBlA VOS) 4 eos: de Re r. Role moutés) ie eue 3 1e lersle eo jet ne 81e 1e) 616 chatdronideNcuivre rouge se AR M Se anse NE Saone DIS ide As Dee ie dot ca 4 SÉAUXS tete elles ete ele eos store mis sie dolaleie = +0 ses sec). 0 eee CR IS DOME ea See see mec ete ee à 2 barriques bordelaises pour l’eau (piscinelle).............. e] Li 9 Ai = 1 sapes et # pelles (zappe et pale)......:."#%"........... poussoles"(buzzole). 2.1.2 26e RM ee ete 2Er Lie tenaille pour le Corail...,...... re rte relie Les ed ere À reporter. Un C: 2500 » 100 » 100 » DD) 30 » 250) 450 » 150): » 90 » 75 » 10 » AROUND 110 » 430 » 12000 » 435 » 40 » 60 » 710 35 » 25 & 80 DR 45 » 48 » 4 60 CS) 4 50 97 50 40 » 10 » 10 » 15 » 4446 40 318 PÈCHE DU CORAIL. Report. À hache: im er ue ere sic CHE ST et - 0 a Re RE PT D NU, Eoiseane dé CHA peEnUter M PE RE Se cos e ae AMATIeAU, LR: ares. 0 Bo Rele Polotele NE MUR 4 boîte de fer-blanc pour les papiers du bord............... 8 barres formant quatre croix pour l’engin (traverzagnie)...... 4 pierres pesant 20 kilos chacune, pour lester les croix. ..... A Dlier dE CHE IICUEMUANA) ee eee. 1 cercle de fer (cerco di ferro ou tortolo), pesant 90 kilos... ANHÉTSC CUS DILO PS MP TENTE Me en bee che cie 2° Solde de l'équipage pendant les six mois d’été. Patron (padrone ou cOMandamMte) RL LA. LRO. RSS een : Regalia pour les dépenses où récompense du patron SOUS-DAITOR (PODDIÈTÉ) aime coince ee es ee ci AUVFE SOUS DATOMUAUIANLE). 2% « ce à one me miese see eee = ee 2 matelots (spallajoli) à 325 fr etes ierele ee 20 !: restantnrés dumat A BOT LEE. Le see Mad. sans distinction SPECIAIS, à SOU IP... Se... mousse (Vagliont) rs SET sr re. 2. Mn eniadbhee ee 3° Consommation des objets de péche pendant les six mois. 22 quintaux chanvre (spago), à 445 fr 6 cordes de 320 kilos, à 430 fr L: nds 6108 120 kilos 120 0x 2 en te AE 3 id. goudronnées de 90 kilos, à 445 fr de se 0.2 'e c'e + "6 es ee eu 4° Nourriture de l'équipage et autres. 35 quintaux biscuits (pane), à 52 fr. 50 Sud; pâte d'Italie {pasta), à 50 fr 2 id. haricots (fagiuoli), à 35 fr fe, e e5e esclhenere. hp Sielsue;e à sa eee o7e' ee ec d'a loir sisi e A reporter. (LC: 1446 40 LR) 3 » D) 2 » 2 11 NET Ga) 5 )» 16:09 0) 45 » 35 )» 10 » k549 40 1000 » 200 » 500 » 400 » 650 » 500 » 1200 »  00 ») &550 » 2530 » 416 » 106 » 103 50 3205 50 1837 50 450 70 » 2057 50 DE LA PÉCHE DANS SES RAPPORTS AVEC LA COLONISATION. 319 fr, (LS Report. 205 50 45 kilos huile d'olive (olio d’oliva), à 4 fr. 50......,....... 22 50 J0MId Viandersate (Catnesalata) aire... co: 60 » 20 ES, (Sero) AUS ee PP AR PONS JEANS 20 » Amadou, coton pour mèches, soufre, cuillers de bois......... 10 >» Dépenses diverses pour les.sit, mals.s fier 51 ba auae secte 76e 100 » 2270 » 0° Frais divers, prestation. Pour passe-port et patente d'entrée en pêche.......,....... 17 5» Au-peinire, pour le numéro du bateau: .1::5.6.,,:3044..1.3. À » Internet AO DUB. ES lutte cadence pr cet : 2. D RÉ SRR R P O T Er 6 » OUBLIER En nie Ronnie mir are Dette ie S'aele lie . 25 COUR M MES eo bee dre pero nos MES 6 » Douanes, prestation (nouveau droït)...................... 400 » Magasinage pour Les prOYISIONS. 2. ve a 2e M sniee lon ie + 50 » Don DES (VOlONtArID)E ES si eee nee senc ose 2 » 509 40 Ainsi au total : Jafeau complétementigréé. se... 001 4549 40 Solderde l'équipage... 24e conte he à 4550 n Valeur des objets consommés pour la pêche. 3205 50 Nourriture de l'équipage... 4.5... 2270 » Presfalioniet frais diversst. 20 509 140 15083 Îr. » Les prix et la plupart des noms (dont je ne saurais garantir l'orthographe napolitaine) que l'on vient de voir sont ceux de l'Italie, et principalement de Naples, pour l'année 1862, sauf la prestation. Ils m'ont été fournis par M. Mangeapanelli. Il est facile, en jetant un coup d'œil sur ces tableaux, de faire la part des premières dépenses, qui ne se renouvellent pas les années suivantes, et l’on peut, par conséquent, voir quelle est la somme qu'il faudra tous les ans avancer pour se livrer à la pêche; on jugera ainsi de la quantité de Corail qui devra être pèchée, en supposant une valeur moyenne, afin, d'une part, de couvrir les frais des avances, de l'autre part, 920 PÈCHE DU CORAIE. d'avoir un bénéfice qui puisse permettre d'amortir la première mise de capital, et conduire aux avantages que l'on cherche toujours dans une entreprise. On trouvera, du reste, à propos du commerce, l'évaluation approximative des quantités de Corail qui doivent être pèchées par saison pour couvrir les frais. H semble inutile de donner en détail les dépenses pour le matériel et l'entretien des petits bateaux. Le nombre d'hommes étant moitié moindre, la consommation des matières alimen- taires diminue en proportion, ainsi que la solde. La coque, les agrès, tout est évidemment moms coûteux. V RÉSUMÉ DES MESURES PROPRES A FIXER LES PÉCHEURS DE CORAIL EN ALGÉRIE. Encouragements directs. 1° Favoriser la petite pêche le plus directement possible. 2 Créer des villages ou faubourgs de corailleurs aux en- virons surtout de la Calle et à Mers-el-Kebir, afin de don- ner la jouissance d'un logement à tout pêcheur qui viendrait habiter la colonie avec sa famille. 3° Exonérer de la prestation les coralines qui ne s’éloigne- raient plus de la colonie. | Favoriser et faciliter autant que possible leur francisation. h° Donner avec facilité la naturalisation aux pêcheurs qui viendraient avec leurs familles, en exemptant de la conseription et de l'inscripüon maritime leurs enfants jusqu'à la seconde génération ; les exonérer de là prestation. 5° Dégrever de 50 francs tout armateur pour chacun de ses matelots habitant en Algérie, RÉSUMÉ DES MESURES PROPRES À FIXER LES PÈCHEURS. 921 6° Laisser les petits bateaux (4) pêcher dans tous les parages, sans les astreindre à là mise en coupe réglée. 7° Établir dans les centres où affluent les corailleurs, des infirmeries où les matelots recevraient les premiers soims pour le soulagement des maladies légères, qui n'exigent pont l'entrée à l'hôpital. Encouragements indirects. 8° Engager les colons à cultiver le chanvre dans les environs des lacs de la Calle, par des concessions de terrain exclusive- ment destinées à cette production. 9° Encourager la manufacture du biscuit pour l’'approvision- nement des coralines et de tout ce qui est nécessaire aux pê- cheurs. 10° Favoriser la création de manufactures de Corail (2). 43° Aïder la création d'une caisse des corailleurs qui fa- cilterait l'armement dans la colome. Mesures urgentes. 12 Établir des zones où la pêche serait interdite pendant quatre années aux grandes embarcations (8) ; en un mot, mettre en coupe réglée les bancs de Corail des eaux de l'Algérie et de la Tunisie. 13° Réserver un droit d'exploitation pendant quinze jours de pèche effective, non compris les mauvais temps ou les cas de force majeure, à tout pêcheur qui aurait découvert un banc nouveau. (4) Par petits bateaux il faudrait entendre ceux de 6 tonneaux et au-dessous, (2) Cette mesure, sur laquelle j'avais eu déjà, en 1864, l'honneur d'appeler l’at- tention de M, le gouverneur général dans mon rapport, a recu un commencement d'exécution; des conditions avantageuses ont été faites à un industriel à Alger. (8) Par grands bateaux il faudrait entendre les grandes embarcations pontées au-dessus de 6 tonneaux. Du reste, ce serait à l'administration à établir les limites, LACAZE-DUTHIERS, 21 _ 329 PÈCHE DU CORAIL. 14° Modifier entièrement le mode de surveillance actuelle de la pèche en vue d'assurer l'exécution des règlements. 15° Prohiber les engins de fer, les dragues et tout ce qui peut, en raclant les rochers, détruire les jeunes pieds de Corail (1). 16° Faire un port à la Calle, dont la jetée protége les embar- cations pendant les mauvais temps et permette de passer l'hiver dans la colonie, mais surtout dont l'entrée soit prati- cable en tous temps, par sa position au dela des points où se forme la barre. 17° Étudier les bancs sous le rapport de leur constitution, de leur production et de leur situation, en vue de leur aména- gement, de leur conservation et surtout des essais de coralli- culiure que l’on pourra tenter plus tard. 18° Continuer les expériences en voie de. s’accomplir, en instituer de nouvelles, afin d'arriver à connaître la durée de l'accroissement du Corail et à fixer avec certitude la durée du repos qu'il est nécessaire d'accorder aux bancs. (1) ! est des personnes qui soutiennent que les engins de fer ne font pas de mal aux bancs. On peut remarquer que pour soutenir une semblable manière de voir il faut en être encore aux opinions qui avaient cours avant la découverte de Peyssonnel, c’est-à-dire être en retard de près de cent cinquante ans et croire que ce Corail est une plante, Qui oserait aujourd’hui assurer, sans craindre d’être accusé de n’avoir pas vu les choses, que le Corail cassé cesse de vivre, C’est une de ces erreurs comme on en louve tant d’auires accréditées parmi les pêcheurs et qui, après l'exposé des faits qui précède, mérite à peine d'êlre relevée. COMMERCE DU CORAIL. QUANTITÉ DE CORAIL PÈCHÉ EN ALGÉRIE. IL est assez diflicile d'apprécier la quantité que pêche chaque bateau par jour et par saison, et surtout d'avoir un chiffre exact sur le résultat général de toute l'année, Les armateurs n'aiment pas à dire quel a été le produit de leur pêche, cela se comprend, ce serait, en fin de compte, faire connaître leurs affaires, et la douane ne peut guère donner de chiffre préeis. Chaque soir, quand ils rentrent, les patrons des petits bateaux apportent à larmateur les produits de la pêche de la journée. Pour les grands bateaux, c'est à chaque rentrée, après quinze jours, trois semaines, un mois, que le Corail, sans être trié le plus souvent, à part les échantillons de qualités rares et les rebuts, est ajouté aux grands coffres où on le conserve. On ne pourrait done avoir un compte bien exact qu’en voyant les livres des ventes que chaque armateur fait à la fin de la saison, or, cela n'est pas facile, il n'est même pas possible de le demander. | Le Corail, après s'être desséché, est mis en caisse et expédié à Naples, à Livourne ou à Gênes, sur les tartanes qui appor- 22/ COMMERCE DU CORAIL. tent les choses nécessaires à la pêche et à l'entretien des corail- leurs. Les caisses sont scélées et estimées chez le consul italien ; c'est une habitude si bien prise, qu'ayant demandé à voir les pr oduits de la pêche au moment de leur sortie, il m'a été im- possible d'obtenir qu'une caisse fût ouverte. Les chiffres dé- clarés par les Italiens sont donc ceux qui figurent dans les relevés des douanes. On conçoit que dans ces conditions on doive accueillir avec une certaine réserve les données des sta- tistiques. Les revenus varient beaucoup avec les saisons, avec l'ha- bileté du patron, avec les chances imprévues; aussi ne faut-il pas s'étonner de rencontrer les appréciations les plus diverses relativement au rendement de la pêche. Bans le catalogue de l'Exposition de Londres, de 1862, le revenu d’une barque était évalué entre 15 et 3h 000 nt la movenpe roulant autour de 22 à 24 000 francs. Cette moyenne paraît bien élevée. Comment la faire accorder avec les renseignements suivants que lon trouve dans la même notice. En 4860, le nombre des bateaux était de 204 ; le Corail pêché de 29 888 kilogrammes et la valeur de 4 448 950 francs ; or, à 22 000 francs par bateau, la vaieur des produits de pèche eût été évidemment de /; 488 000 francs. Combien de personnes souscriraient à perdre le bénéfice de ces belles et rares pêches qui arrivent de loin en loim, si on leur assurait 2000 francs où 1500 francs de rente pour chacun de leurs bateaux, tous frais payés, sans aucune chance de perte. D'après le devis des choses nécessaires à la pêche, qui à été donné précédemment, le total des dépenses étant à peu près de 45 000 francs pour la première année, si une barque rap- portait 22 000 francs, tous les frais seraient couverts etil y aurait encore 7000 francs de bénélices. Cela peut arriver quelquefois, mais certainement c'est lex- ception, QUANTITÉ DE CORAIL PÉCHÉ EN ALGÉRIE. 929 Supposons que les frais de la première année soient couverts et qu'il y ait encore 1500 francs de bénéfices. La quantité de Coral pêché par un bateau, pour représenter une valeur de 16 500 francs à 17 000 francs, doit être de 340 à 350 kilos approximativement pour la saison, soit 2 kilos un dizième par Jour, en comptant que, sur les 180 jours de pêche, il y en a au moins de quinze à vingt perdus dans les relches, les dépla- cements ou les mauvais temps. Mais il faut bien le reconnaître, la quantité n’est pas aussi considérable. Pour un grand bateau de 45 à 16 tonneaux, monté par un équipage de douze hommes, la dépense peut être estimée à 41 000 francs pour six mois, déduction faite de la valeur de là coque et de tout ce qui est nécessaire à bord. Il faut donc qu'il y ait, bon an, mal an, 260 kilos de pêche pour avoir 2000 francs de bénéfices, en supposant la valeur égale à 50 franes le kilo, 25 francs la livre, ce qui, en défal- quant les Jours perdus, donne 41,50 à peu près par jour. J'ai beaucoup interrogé, et autant que les chiffres que j'ai recueillis, toujours vagues et dont je n'oserais affirmer la valeur absolue, peuvent être considérés comme exacts, presque tou- jours 1l m'a été répondu que pour un grand bateau il fallait pêcher dans la suson au moims 5 quintaux 250 kilos) pour se retrouver dans ses frais, qu'a 6 quintaux, où 300 kilos, la pêche était bonne et donnait, suivant la qualité, de 2 à 3000 francs de bénéfices. I faut compter pour les petits bateaux moitié moins environ pour tout. La pêche avec le scaphandre est bien plus fructueuse. Voici, d'après les renseignements que n'a fournis M. Martin, la quan- tité et la valeur des produits obtenus par les scaphandreurs du cap Couronne. Dans l’espace à peu près d'un an et demi, avec six scaphandres qui n’ont pas tous et toujours fonctionné, on a pêché pour 100 000 francs de Coral vendu 65, 57, 59 francs le kilo. Chaque bateau monté par deux plongeurs, un patron 226 | COMMERCE DU CORAIL. et quatre hommes d'équipage, récoltait dans les premiers temps jusqu'à 7, Set même 10 kilos par jour. Mais cela n'a pas tou- jours duré. Les bancs ont été dégarnis, et lus des bateaux a même passé dix-neuf jours sans rien pêcher. | IT VENTE DES PRODUITS DE LA PÈCHE. Le règlement interdit absolument à tous les hommes du bord, matelots et patrons, de vendre du Corail. Toute per- sonne qui achète sans le consentement des armateurs est pour- suivie comme pour effets volés (art. 20, arrêté du 31 mars 1832). La fraude à lieu malgré la surveillance la plus active que puissent désirer faire les autorités locales ; elle se fait sous toutes les formes. À bord du bateau de M. Mangeapanelli, où j'ai passé plu- sieurs jours, quelques matelots avaient les oreilles percées de trous assez grands pour y introduire, Conme ornements, des petits rameaux de Corail; ils lés renouvelaient de temps en temps sous le prétexte qu'ils étaient tombés. C'est là un moyen de faire une petite provision et d'obtenir, en allant à terre, la goutte, un verre d’anisette ou tout autre chose ; on n'empêchera jamais cela, car il est des débitants de boisson ayant des bateaux de pèche, et les recherches chez eux ne conduiraient à aucun résultat; le Corail qu'on trouve- rait viendrait naturellement de leur pêche. Ceci n’est qu'une petite fraude, dont Je n'ai parlé que pour montrer que, sous toutes les formes, les armateurs ont à re- douter les supercheries; mais les choses vont plus loin. Dans les rochers, à l’est de la baie de Saint-Martin, en cher- chant des objets d'histoire naturelle, j'ai trouvé un très-joli raneau de Coral et quelques petits morceaux placés au fond VENTE DES PRODUITS DE LA PÈCHE. 927 d'une petite grotte : sans aucun doute ils avaient été cachés là en attendant que la vente ou la cession en fût faite ; c'était le fruit d'un vol évident, Près de la Vieille-Calle, les Arabes ont découvert, 1l y a quel- ques années, enfouie dans le sable, une caisse renfermant, pour une grande valeur, de très-beaux Coraux, et qui, sans nul doute, avaient été volés. Les vendeurs de Corail sont les armateurs, à moins qu'ils ne soient à la fois manufacturiers et commereants. Il est des propriétaires de bateaux qui ont des manufactures, qui ne vendent point leurs Coraux ; pour eux, il y à un béné- fice direct, car ils n’ont pas à supporter un accroissement du prix, conséquence forcée du passage de la matière entre plu- SIQUTS Mains. Bone et la Calle sont les marchés les plus importants de l'Algérie; quelques négociants italiens viennent s'établir sur ces places, à la saison des pêches, pour y faire des achats. Aussi y apporte-t-on, espérant trouver des prix supérieurs, les Coraux venant des côtes d'Espagne et même de France, dont la qualité est moins belle et la valeur mférieure. Si l’on en tire un meilleur parti à Bone, c'est que les acheteurs ou négo- ciants les mêlent et les font passer au milieu des masses des Coraux de première qualité. Ainsi s'observe ce fait curieux dont l'industrie nous offre bien d’autres exemples. La matière première, portée d’abord par les transactions loin du point où elle à été produite, y revient cependant pour y être plus tard manufacturée. Le Corail pêché aux côtes de France ou dans nos possessions algériennes n'arrive aux manufactures francaises qu'après être passé par les marchés de l'Italie. Puissent des mesures sagement conçues conduire à des ré sultats différents et faire disparaitre ces conditions onéreuses pour notre commerce et notre bijouterie. 228 COMMERCE DU CORAIL, IT QUALITÉS. ILest difficile de faire connaître exactement toutes les qua- lités, elles varient beaucoup trop. En entrant dans le commerce au sortir de là pèche, le Corail est partagé en plusieurs catégories variables, avec les idées de l'armateur, et pour cela estimées très-différemment. Voici les choix qui sont faits assez généralement : 1° Corail mort ou pourri. — On nomme ainsi les racines séparées des rochers par le tenallement. Dans ses moments de repos, le patron se fait apporter, dans un panier, les produits de la journée, et avee de grandes tenailles 11 casse les débris de rochers encore adhérents aux pieds de Corail, et souvent 1l trouve des racmes qu'il met de côté avec les rameaux grisâtres qui ont séjourné au fond de la mer. Tout cela réuni constitue la qualité dont il est ici ques- tion. =" Les racines sont couvertes de dépôts pierreux, de Bryozoaires ou d'encroûtements végétaux ; le plus souvent elles sont per: forées par des vers où par des Éponges; on lés désigne par le nom de terrailles, et leur valeur varie depuis 5, 10, 45 et 20 francs le kilo. L'œil peu exercé a de la peine à voir en elles du vrai Corail ; mais le négociant reconnait au poids seul, avec beaucoup de sagacité, si elles renferment quelques beaux morceaux. Les chances sont cependant bien incertaines, mais les exemples ne sont pas rares, de perles de 20 et 30 francs ou plus et de broches magnifiques extraites de ces racines Informes et sans apparence. QUALITÉS. 329 C'est donc le hasard qui détermine un peu les chances dans l'acquisition. Mais il y a toujours à craindre que le séjour dans la vase n'ait altéré la qualité, la transparence et la beauté du coloris. 2° Corail noir (4). — Cette catégorie n’est réellement dis- tincte et mise à part que lorsque les rameaux sont bien déve- loppés et que la teinte noire à pénétré assez profondément pour en permettre le travail et Femploi comme bijou de deuil. Elle vaut de 42 à 15 franes le kilo, mais encore pour attemn- dre ce prix, faut-il que l’action de la vase n'ait pas altéré trop profondément le tissu compacte. Dans un document fourni à l'administration par le consulat de Toscane, en 4658, les Coraux noirs sont appelés Capiresi, et d'après la valeur qui est mdiquée dans ce document (281 francs la livre), 1l paraît difficile que ce soit la même qualité qui est désignée par ce nom chez les armateurs. 3° Corail en caisse. — Celui-ci présente toutes les grosseurs possibles, depuis les pointes vides et les débris formés seule- ment d'écorce, jusqu'aux rameaux les plus beaux. C'est le Corail tel qu'il est rapporté de la pêche et à son entrée dans le commerce. Les prix en sont très-variables on le comprend, mais en moyenne, dans les trois années où j'ai fait mes observations, ils étaient compris entre 45, 50, 66 et 70 franes le kilo; dans cette appréciation 1} faut tenir compte de la qualité, de la cou- leur et surtout du nombre des gros rameaux laissés pour parer les caisses. hCoraldechoix Les gros rameaux sont ordinairement (1) Voy. pl. XX, fig. 120, 390 COMMERCE DU CORAIL. mis à part et les armateurs les vendent séparément, soit à la pièce, soitau poids. Il est donc très-difficile d'en indiquer la valeur absolue; le manufacturier seul peut les apprécier, en les voyant et juge du parti qu'il pourra en tirer ; 1ls sont cotés à 00 et à 500 francs le kilo; mais il faut pour cela que les tiges soient, autant que possible, peu tortueuses, de belle venue, assez grosses, et pro- mettent un débit facile et sans perte en manufacture. Le Corail rose forme un choix tout particulier; sa valeur est considérable lorsque il est nuancé de cette couleur carminée, si agréable à la vue, que les ftaliens, dans leur langage tou- jours figuré, ont désignée sous le nom de peau-d'ange. Cette qualité acquiert une grande valeur. Jai vu un morceau brut assez petit, vendu au prix énorme de 145 francs (4). Le Corail, en sortant des mains des armateurs, est trié dans le commerce, et reçoit alors différents noms qui ont dù varier avee les époques et qui ne sont pas les mêmes pour toutes les localités. On m'indiquait à la Calle les trois catégories suivantes comme étant nommées ainsi que suit dans le commerce italien . Roba viva, T'errailo, Male-quaste. Elles correspondent évidemment au beau Corail en caisse, au Coral en débris et au Corail mort ou pourri. \ M. Baude donne les noms et les prix suivants (2) : (1) Voy. pl. XX, fig. 117.—Variété rose, peau-d’ange, blanc pur mêlé de taches de carmin vif, L’impression en couleur ne peut rendre la transparence et Ja viva- cité du coloris. Ce morceau dont les ramuscules n'étaient pas très-grands a été vendu 1415 francs. 11 était tout au plus possible d’en obtenir deux belles perles. (2) Il ne faut pas oublier que le livre De l’Algérie, a été écrit en 1858 (t E, p. 250). QUALITÉS. 991 BA MONTE UE 21 PU RAIN EEE! 14 à 19 fr. le kilogr. SOUS-MORITE 08.508 L80 Er. AU 15 Hévants dés ol enios S he. sie à M) BAPHATES CD sas eee 3 Teneglatura den "000.2. 3-à" Térrailles flottantes: .::....... 1 Il semble qu'a l'époque où M. Baude à écrit son livre, le Corail devait avoir subi une dépréciation considérable , car avee ces prix, la pêche serait aujourd'hui plutôt une charge qu'une source de revenus. Dans le document mdiqué plus haut et fourmi par le consul de Toscane, voici les noms et les prix qu'on trouve : fr. fr. Capiresi (Corail noir)..... 234 la livre, ou 462 le kilogr. Hameau 240. at 2 136 — 252 Eractnent.- nee es 84 — 168 Morceaux moyens. ....... 33,60 — 67,20 PETIÉS MOLCEAUX. 4 22. -. 2, 25,20 — 50,40 Cette évaluation date de 1858. Ces prix, par rapport aux précédents, sont bien élevés; 1l faut qu'il existe quelques conditions de choix, de qualité ou de travail même qui causent les différences ; mais il est impossible de les déterminer avec des notes sans détails. Je n'ai cité ces chiffres que pour montrer combien il est difficile d'avoir des renseignements concordant entre eux, pouvant servir à établir des calculs précis et des bases sérieuses à la statistique. Pour mdiquer encore mieux cette incertitude, je citerai une autre estimation : d’après la notice qui se trouvait au catalogue des produits de l’industrie algérienne à l'Exposition de Londres, le Corail brut n'aurait valu que 2 franes le kïlo (1) en 1826. Comment, avec cette valeur, serait-il possible de couvrir les 5, 10, 42 000 francs de frais de pêche ? I faudrait pour cela que les bateaux eussent pris, pendant une saison, 7500 kilos, ce qui (1) Voy. Catalogue des produits de l’industrie algérienne, Exposition de Lon- dres, 1862, CORAIL. 992 COMMERCE DU CORAIL. peut sans doute arriver, mais ce qui, à coup sûr, est tout à fait exceptionnel; et si l'on diminue de moitié les frais d'exploita- tion, il faudrait encore que la quantité atteignit le chiffre con- sidérable de 3000 kilos. En 1861. les prix du Corail à là Calle s'étaient abaissés de 60 à 45 francs. Les armateurs se plaignaient beaucoup, qu'eussent- ils donc fait si les valeurs eussent été telles qu'il vient d'être dit. En résumé, il est bien difficile d'indiquer, d’une manière absolue, la valeur et les qualités, car on a vu le Corail pourri, le Corail de choix et le Corail en caisse, estimés, le premier 5 à 10 francs, le second 500 francs, le troisième de 45, 60 et jusqu'à 80 franes. Ces prix ne se rapportent qu'aux places de la Calle et de Bone; or, les couleurs, les proportions des rameaux de choix, peuvent faire varier ces estimations. Il m'a semblé que ces trois catégories se présentent le plus souvent etque la valeur du Corail dit en caisse varie, à peu de chose près, entre les chiffres indiqués, pourvu, toutefois, que le désir de faire un choix considérable ne conduise le vendeur à enlever un trop grand nombre de gros morceaux. Les Italiens nomment généralement le Corail brut greggio et le Corail qui sort des manufactures lavorato. Toutes ces désignations sont utiles à connaître, mais n'ont évidemment qu'une importance secondaire. La qualité du Corail en elle-même et indépendamment des choix faits par les armateurs où commercants peut tenir aux lieux de provenance, à la nature du tissu, à la vivacité ou à la douceur du coloris, à la forme des rameaux et à leurs altéra- tions. Pris en masse, le Corail de la partie est de nes possessions d'Afrique, y compris celui de Tabarca, de la Galite, en un mot, celui des eaux de la Tunisie, est d'une qualité supérieure à celui de l’ouest. Son tissu est dense, compacte, il prend an poli remar- quable et conserve une demi-transparence qui lui donne une 99 QUALITÉS. 990 grande douceur de ton. De plus, les belles tiges sont très-bien disposées et sans piqüres. ‘ Au contraire, ob reproche au Corail de l'ouest, d'Oran plus particulièrement, d'être souvent piqué. On entend, par cette qualification, désigner les petits trous ou tubes qui pénè- frent le tissu des tiges, et qui sont le résultat de l'érosion des Éponges ou des vers. Il ne m'a point été possible de don- ner les figures des petites Annélides, voisines des Serpules, qui se logent dans l'écorce du Coral et y sécrètent leur tube calcaire blanchâtre. Celui-ci est recouvert par la formation du polypier et reste dans les profondeurs des tissus. J'ai eu vivant un rameau qui était perforé dans tous les sens par ces Anné- lides dont les tentacules en forme d’éventails rivalisaient d'élé- gance avec les rosettes des Polypes. Le tissu du Corail était cri- blé de trous dus à leurs tubes calcaires; 1l était d'une belle qualité cependant, mais aux yeux du manufacturier, il n'avait point de valeur, car toute perle ou pièce quelconque faite avec lui eût présenté à sa surface les traces des habitations de ces vers (1). Les mers de l’ouest sembleraient donc plus favorables au développement de ces parasites. Toutes les personnes que j'ai pu interroger ont été unanimes pour indiquer cette particularité. On s'explique pourquoi le Corail de la Calle où des parages de l'est a beaucoup de réputation; ilest moins piqué. En rappor- tant ces faits, je n'entends pas dire que dans l'ouest on ne pêche pas de très-beau Corail, n'offrant aucune altération. Le supposer serait mal interpréter ma pensée. Les échantillons d'un beau rouge de sang et d’un ton très- foncé, venant des côtes d'Espagne, manquent parfois de cette transparence qui donne tant de charme et de douceur aux bijoux. En faisant des études microscopiques avee une grande attention, on ne tarde pas à reconnaitre que cela est dû (1) On a vu à l'article Blastogénèse ceite lutte qui existe entre tous les animaux bourgeonnants au fond de la mer, (Voy. plus haut page 95.) 39/1 COMMERCE DU CORAIL. à la présence d'une innombrable quantité de filaments très- déliés qui s’entrecroiseraient en tous sens. Ces filaments sont les petits tubes d’une Algue où plante marine parasite, et que j'ai retrouvée dans les polypiers des Astroïdes et dans les coquilles de quelques Mollusques (4). I est tout naturel que dans les parages où se développent plus abondamment ces parasites, la qualité du Corail se trouve plus fréquemment altérée, | IV TRAVAIL DU CORAIL. Les manufactures sont pour la plupart en Htalie. C’est à Na- ples, à Livourne et aussi à Gênes que se taille presque tout le Corail de nos possessions algériennes. Au temps de la compagnie d'Afrique, 1} y avait à Marseille un grand nombre de manufactures ; aujourd'hui on n'en compte, d’après ce qui m'a été affirmé, que peu d'importantes. Voici un fait qui montrera, bien mieux que tous les commen- taires, que le commerce du Corail est entièrement aujourd'hui entre les mains des Italiens. En septembre 1862, vers la fin de la saison de la pêche, je visitais à Bone des négoerants venus d'Italie pour faire leurs acquisitions. L'un d'eux me montrait du Corail, qui, disait-il, avait été pêché sur les côtes de France et qu'il allait expédier à Livourne, mêlé à celui des côtes de l'Algérie dont la qualité est, avec juste raison, fort estimée. En rentrant en France, l'occasion me fut offerte de voir une manufacture. Là je reconnus le Corail de Ia Calle, mais 4) C'est l'Achlya ferax décrite par M. Kôlliker, comme parasite des coquilles et qui avait été prise à Lort pour des vaisseaux, TRAVAIL DU CORAIL. 399 jappris qu'il n'en venait pas directement, ear il avait été acheté à Livourne et à Naples. Aimsi, Marseille demande aux négociants napolitans et livournais ou génois, non-seulement le Corail produit par notre colonie, mais peut-être encore celui qui a été pêché à ses portes et qui revient à son point de départ en passant par les marchés d'Afrique et d'Hialie. A Paris on taille peu, si ce n’est quelques camées de choix, mais on y monte beaucoup de Corail, on y fait des bijoux. A Bone, ainsi qu'à Alger, on le travaille aussi. La plus grande partie des Coraux que l’on voit chez les bijoutiers, vient d'Italie. Cependant tout doit faire espérer que notre colonie verra se développer la fabrication. En 1861, dans un rapport que j'avais adressé, à ia fin de ma mission, à M. le gouverneur généralde l'Algérie, je faisaisremar- quer qu'il y aurait une grande importance à encourager Féta- blissement des manufactures, je disais : « Des démarches seront » faites auprès de l'administration, car des désirs très-vifs » m'ont été exprimés. » Quelques riches armateurs m'avaient fait part de leur mtention de se livrer à cette mdustrie. Le 22 septembre 1862, l'admimistration de l'Algérie est entrée dans cette voie d'encouragement en assurant le pri- vilége de certaines primes, pendant dix années, à un industriel qui s'est engagé à fonder des manufactures dans la colonie et à recruter, autant que possible, le personnel de ses ateliers parmi les Français ou les habitants du pays. On aura à luiter contre une de ces absurdes fantaisies de la mode, qui fait qu'à Paris on demande du Corail de Naples, et qu'on n'en veut pas d'autre. Le Corail façonné et poli (lavoralo, comme disent les Italiens) sort des manufactures, sous quelques formes principales que la bijouterie demande plus particulièrement et qu'elle utilise ensuite. Il existe à Paris plusieurs dépôts où les bijoutiers vont chercher ee qui leur est nécessaire, Voici ces principales formes : 200 COMMERCE DU CORAIL. Les perles grosses, moyennes où petites, unies ou taillées à facettes ; Les olives offrant les mêmes variétés ; Les sculptures : têtes d'hommes, d'animaux, fleurs ou fruits, sujets Varlés ; Le Corail arabe; Enfin les petits bouts ou morceaux polis et percés simple- ment sans être autrement travaillés. Ilest mutile d'ajouter sans doute que la fantaisie et la mode modifient ces formes prineipales à l'infini. L'industrie française fait moins la sculpture que la perle ou l'olive ; au contraire, à Naples ou à Livourne, les ouvriers ont une grande habileté pour faire les figures et les fleurs. Les Napolitans, il serait mieux de dire les ftaliens en général, savent tirer un parti tres-avantageux des pièces de Corail brut, ils utilisent fort ingénieusement les moindres inéga- hités. On montrait à la Calle une broche que le goût italien tenait pour superbe : C'était une grande plaque d'une seule pièce couverte de fleurs ou de fruits entourant la figure d’un ange ; ce qui me parut le plus remarquable, ce fut l'habileté avec laquelle l'ouvrier avait su tirer un parti heureux de toutes les inégalités, de tous les défauts de la pièce. Les trous résul- tant des piqûres des vers, formaient les creux des fleurs ou les inégalités des fruits. Il faut reconnaitre aux ouvriersnapolitains, Hivournais, génois et même romains, une certaine supériorité dans leur travail. Is semblent tirer nstinctivement un parti merveilleux d’une pièce de Corail brut, mais cette supériorité 1} faut la rapporter à la grande habitude que leur donne le monopole du commerce. Il faut ajouter aussi que dans leurs ouvrages, on retrouve une sorte de tradition, une répétition des mêmes modèles qui enlève le mouvement et la vigueur aux sujets farts presque par routine. Quant aux bijoux de Corail, ceux de Paris l'emportent et de beaucoup par la tournure que leur donne le goût exquis de la TRAVAIL DU CORAIL. 337 mode parisienne. Le Corail travaillé en Ita, après avoir passé par les mains de nos premières maisons de joaillerie, ne res- semble plus à ce qu'il était. Rien n'est lourd et peu gracieux comme ces bracelets formés de plaques sculptées, comme ces serpents, ces bouquets de fleurs, ces grosses grappes de fruits, ces boucles d'oreilles, ces parures complètes dont la vue fatigue, tant l'étendue des choses rouges est grande; rien, au contraire, n’est gracieux, élégant et chatoyant à l'œil, seyant à la figure, comme ces mélanges de Corail et de diamant ou d’or eiselé que monte la joaillerie française. Que FTtalien travaille parfaitement le Co- rail, cela est incontestable, c’est la conséquence des conditions florissantes où se trouve l'industrie dans son pays;mais quant au montage, nul doute que le Français ne le fasse avec beau- coup plus de goût. Les perles à facettes étaient jadis à la mode, on les emploie moins aujourd hui. Dans la bijouterie européenne de luxe, les boules lisses et unies sont surtout demandées depuis plus d’une vingtaine d'années. Ilen est de même des olives ou larmes. Mais en cela, les goûts changent avec les époques et les pays. Le Corail dit à Alger Corail arabe, est d’un travail simple et d'une qualité inférieure ; il est formé de portions de tiges, de petits cylindres de À centimètre et demi à 2 centimètres de longueur, poli et percé suivant l'axe. On en fabrique à Alger; des ouvriers en chambre, des juifs surtout, débitent les tiges de Corail et les polissent à peu près comme les petits morceaux destinés à faire des bayadères. Les piqûres ne font point mettre les échantillons au rebut pourvu que la couleur rouge soit vive et éclatante, car elle est plus estimée par les Arabes. Où m a affirmé, mais Je ne saurais me rendre garant de cette opinion, que sur les côtes d'Espagne, au sud du cap Creux, où LACAZE-DUTRIERS, 22 338 COMMERCE DU CORAIL. l’on pêche du Corail très-rouge (1), il y avait des manufactures travaillant aussi du Corail destiné à l'Afrique. Les petits morceaux ou les puntarelles sont très-demandés dans tous les pays d'Orient, ainsi qu'en Afrique; enfilés en longs chapelets, ils servent à former ces longues filoches, ces sortes de ceintures nommées bayaderes.C’estsurtout de Naples qu'ilsvien- nent. Le prineipal travail auquel ils donnent lieu est le perçage. Cette partie de l'industrie aura certainement des chances de succès en Algérie. Travail du Corail en lui-même. — ne peut être question des moindres particularités de ce travail, et l'on ne trouvera ici que des données générales sur la manière dont on faconne ces pièces si variées et si brillantes. En préparant des lames minces pour les études de la struc- ture intime au microscope, J'ai pu voir comment on faconnait le Corail; quant aux difficultés que cela présente, peut-être accordera-t-on qu'il y en a autant à faire une lame mince, de un dixième ou un vingtième et moins encore de nullimètre d'épaisseur et à la polir parfaitement, qu'à modeler une perle ronde ou une olive à surface unie. C'esttoujours sous l'eau que le travail doit se faire, cependant on dégrossit souvent les pièces à la lime et par conséquent à sec. Sur les disques horizontaux d'un de ces tours à tailler le verre qu'emploient les opticiens, on peut user les pièces avec des émeris gros et obtenir les formes que l’on désire, puis avec une gamme de numéros de plus en plus fins, de 3 à 60 minutes, on arrive à des surfaces unies, mais non brillantes, et qui prennent le plus viféelat, le plus beau poli, à l'aide de la potée d’étain déposée en pâte sur des disques recouverts de drap. J'indique ici comment J'opérais pour obtenir les prépara- tions microscopiques. (1) Vos. pl XX, fig, 444 : échantillon qui, m'a-t-0n assuré, venait des côtes d’Espagne, TRAVAIL DÜ CORAIL. 399 Le Coral, quand 1} n'est pas poli, présente quelque chose de tout à fait analogue à ce que l'on observe sur le verre rendu mat par l'émeri. Lorsque le poli commence à se produire, la nuance se déve- loppe et devient plus belle, le rouge se caractérise mieux. Cela tient à ce que, dès que la transparence est rendue à la surface supérieure, la couleur des tissus profonds s'ajoute à celle des couches plus superficielles. Le très-beau poli s'obtient avec une facilité bien plus grande que pour le verre, et l'on peut dire en somme, si j'en juge parce que J'ai pu fure moi-même, que le travail du Corail n'est pas très-dificile. Toutes les pièces sont d'abord modelées, puis ensuite polies. Le modelage est ce qu'il y à évidemment de plus difficile. Cest là que l'artiste vraiment habile se reconnait. Ainsi un bijoutier me disait qu'il faisait faire ses beaux camées à Paris et à Rome par de véritab es artistes. Les femmes sont surtout employées à percer et à polir les pièces. Prenons pour exemple la fabrication des perles à facettes. Un ouvrier est chargé de débiter les rameaux. Pour cela il fait des entailles sur les tiges avec une lime tranchante et dé- tache ensuite, avec une grosse tenaille, autant de courts eylin- dres qu'il à fait d’incisions. Sous la pression des mors de Ja tenaille, les morceaux se cassent avec facilité, très-régulière- ment et perpendiculairement au rameau. Dans chacun de ces cylindres est inscrite une petite sphère, c'est elle qui doit devenir la perle. Ayant de la modeler, on perce le cylindre suivant son axe, en le plaçant sous une aiguille portée par un foret vertical qu’on fait tourner avec un archet et au-dessus duquel est un réservoir qui laisse tomber goutte à goutte l'eau nécessaire au travail. Pour modeler la pièce on introduit dans le tou qui Ja tra- verse, un stylet emmanché qui permet de Ja manier commo- SYIT COMMERCE DU CORAIL. dément. C'est en la présentant dans tous les sens à une meule de grés, qu'on l'arrondit d'abord et qu'on taille ses facettes ensuite. L'habileté des ouvriers pour faconner ainsi les pièces est re- marquable, car les facettes, quoique taillées avec rapidité, sont cependant très-régulières. La perle passe alors entre les mains des polisseuses. Celles-ci, assises devant une table offrant des dispositions particulières que lon peut facilement imaginer, font tourner avec rapidité un disque horizontal placé au-dessus d'une boîte carrée peu profonde et dans laquelle est de l'émeri en pâte. En tenant la perle emmanechée comme 11 vient d'être dit, elles présentent toutes ses faces au disque tournant qu'à chaque instant elles couvrent d'émerti à l’aide d’un pinceau. Elles emploient des gammes de numéros de plus en plus fins et obtiennent le bril- lant le plus beau. I ne faut pas croire que tout cela soit très-long, c’est dans quelques minutes qu'une perle à été faite ainsi sous mes veux dans la manufacture de M. Garaudy à Marseille. Les pièces passent successivement de main en main, depuis Pouvrier qui sépare les cylindres des tiges, les modèle et les donne à la perceuse, jusqu'aux polisseuses qui leur font acquérir le beau brillant. Quand on à moins de soin à prendre, comme pour les pointes et débris dont on fait ou des bayadères, ou des bracelets de peu de prix, on met les morceaux dans de grands sacs de toile solide, avec de l'eau et de la pierre ponce pilée; et en les secouant en différents sens, on finit par obtenir ces innombrables petites pièces, assez bien polies, qui servent à faire les filoches ou les chapelets. lci le poli s'obüent absolument comme sur les grèves, où les débris de Coral, incessamment roulés par là vague avec les grains de sable, finissent pas s'arrondir et devenir brillants, QUE PEVIENT LE CORAIL MANUFACTURÉ ? SE Aujourd'hui que la forme lisse, sans facette, est à la mode, le travail peut-être bien moins long que s'il était fait à la main pièce par pièce; on sait avec quelle rapidité et quelle facilité on arrive à obtenir le poli des surfaces des petits objets métalliques en les plaçant dans des cylindres creux tournant sur leur axe, et renfermant les substances nécessairesà l'accom- plissement de cetravail. Ces broches formées par des branches plus où moins ra- meuses, Je ne dirai pas taillées, mais raccourcies, de facon à présenter une forme gracteuse, se polissent différemment. Leur dégrossissement se fait presque toujours à la lime et par conséquent à sec; quant à leur polissage, ii ne peut avoir lieu sur des disques tournants et horizontaux. On ne pourrait accommoder leurs formes tordues et irrégulières aux surfaces planes et rigides ; alors on fixe un écheveau de fil, de très-bonne qualité, à une muraille, on le couvre de poudre de pierre ponce ou d’émeri et l’on frotte sur lui, en le mouiilant et le tenant tendu, toutes les parties de la pièce, qui prend ainsi dans ses moindres anfractuosités un très-beau brillant; du reste, on agit encore sur elles avec ces pierres artificielles ou ces polis- soirs que l’on emploie pour donner du brillant aux métaux. Les sculptures se font au burin et le polissage en est difficile en raison des inégalités, mais c'est toujours sous l’eau et avec des émeris que l’on obtient l'adoucissement des surfaces. V QUE DEVIENT LE CORAIL MANUFACTURÉ ? L'Europe est loin de consommer la plus grande partie du Corail façonné. Sans doute c’est un des caprices de la mode européenne qui a donné, dans ces dernières années, tant de valeur à la variété 342 COMMERCE DU CORAIL. rose ; mais il faut bien le dire, les populations occidentales de l’ancien monde n’ont pas un goût aussi prononcé pour le Corail que celles des pays chauds. Est-ce, comme l'observe M. Baude, parce que «on lui re- » proche de n'être pas assez cher (4). » Cela est possible, car la rareté des choses contribue singulièrement à les faire recher- cher. Mais il y à aussi une grande différence entre le goût des habitants des pays chauds et celui des habitants des pays tem pérés : les uns aiment les couleurs vives, les contrastes ; les autres se plaisent dans l’harmonie et la douceur des nuances et du ton. Ce n’est donc que pour une valeur relativement secondaire que le Corail est employé dans la bijouterie d'Europe. L’Asie tout entière, l'Inde et la Chine, le centre de l'Afrique et l'Amérique en enlèvent, on peut le dire, la plus grande partie. Une des causes, disait Marsigli, qui fait qu'il a toujours de la valeur, c’est l'habitude où sont les mahométans de l'Arabie Heureuse, « d’'ensevelir les morts avec un chapelet au » çou, qui reste, de cette sorte, dans la terre (2). » Sa couleur brillante rouge est très-seyante à la peau brune et foncée des races mongolique et éthiopienne, aussi com- prend-on le goût prononcé que les peuples de l'Inde et de l'Afrique ont pour lui. Chez ces peuples, il n’a jamais passé de mode. Toujours il a été un signe de richesse, un objet de luxe. Combien de malheureux nègres ont-ils été el sont-ils encore achetés, dans le centre de l'Afrique, pour quelques grains de Corail? Les Orientaux, en général, le recherchent. Ils Pincrustent dans leurs aiguières d'argent, dans leurs armes, ils le suspendent aux murs de leurs appartements en signe de richesse. Les Mauresques passent autour de leur taille, ou laissent (4) Voy. Baude, loc. cit., 1. I, p. 200. (2) Voy. Marsigli, Histoire physique de la mer, p. 427. QUE DEVIENT LE CORAIL MANUFACTURÉ ? 913 flotter sur leurs vêtements de laine et de soie d’une blancheur éblouissante, ces longs chapelets, ces bayadères dont elles font de véritables ceintures où écharpes. I se vend à Alger, dans les bazars, pour des sommes à ce qu'il paraît considérables, de ce Corail dit arabe. Fai vu, pen- dant qu'un juif m'en montrait dans une bourse grossière de cuir, un Arabe en guenille qui s'approcha et qui, pour quelques douros, marchanda encore une quantité représentant une va- leur de 1500 franes et qu'il voulait acheter depuis trois jours. Les préoccupations politiques des dernières années ont eu de loin en loin une influence assez marquée sur les prix. Beaucoup de Corail arrive dans les Indes en traversant la Russie et en pas- sant par les mains des négociants juifs que l’on sait être nom breux en Allemagne, en Hongrie, en Autriche et en Pologne. On comprend que les agitations et les guerres diminuant la confiance, les transactions commerciales s’en soient ressenties. La guerre d'Amérique elle-même n'a pas manqué de prendre une part à ces dépréciations. La mode européenne, bien qu'elle ait mis le Corail en faveur, n'a pu seule maintenir des prix élevés, car elle de- mande surtout à la bijouterie de belles pièces roses et non ces petits morceaux si employés et recherchés par les Orientaux. Tels sont les principaux faits qui se rapportent à l’industrie et au commerce. Ce ivre ne devait pas avoir la prétention d’être un Manuel ou un Guide du pêcheur, du commercant et du manufacturier ; il devait donner une idée générale de ce que sont la pêche, l'mdustrie et le commerce, Ce qui précède suffit pour faire Juger des améliorations propres à conduire notre colonie à uti- liser un produit naturel, qui lui est enlevé tous les ans, pour une valeur moyenne de 2 millions, et qui représente dans le commerce, quaud il arrive aux consommateurs, la somme énorme de 10 à 12 millions. CONCLUSION. En finissant cette histoire naturelle du Corail, je tiens à faire remarquer que bien de choses avaient déjà été écrites avant mon travail ; que si j'ai cherché, par des citations scru- puleuses, à rendre à chacun ce qui lui appartenait, il a dû m'arriver souvent de ne pas parler de toutes les opinions, bien que je fusse en communauté de vues avec leurs auteurs, dont les rapports officiels ou officieux se trouvent dans les archives des administrations compétentes. Je n'ai point analysé, au point de vue de l'avenir de la pêche, toutes les propositions qui ont été faites par des particuliers ou des compagnies qui demandaient à monopoliser la pêche et à la fondre dans l’industrie : ces propositions sont aussi nombreuses que variées ; du reste, tous les documents sont réunis au com missariat de la marme, à Alger, ils peuvent servir aux per- sonnes chargées de faire les règlements nouveaux que l'on attend. En allant sur les lieux j'ai voulu d’abord, par un séjour pro- longé, me rendre un compte exact de la situation des choses. Je n'ai emprunté d'idée à qui que ce soit. C'esten causant le soir sur la grève de la Calle, après leur rentrée, avec les pà- trons; c'est en allant chez ceux qui, fixés dans le pays, ‘me demandaient des soins médicaux, où bien, en m'entreteuant CONCLUSION, 305 avec les armateurs qui voulaient bien me montrer leurs Co- raux, que Je m'enquérais des désirs des uns, des plaintes des autres et que J'ai cherché à me former une opinion. Plus tard J'ai eu beaucoup de documents en main et j'ai pu voir que toutes les idées avaient, pour ainsi dire, été émises à l'endroit des questions que soulève la pèche du Corail. Avoir la prétention de la priorité des idées dans les règle- ments que l'on pourrait fure, serait une singulière présomption, car tout à été dit, tous les movens proposés, dans les rapports si nombreux adressés par les autorités civiles, maritimes ou militaires, enfin par les particuliers ou les mdustriels habitant les localités où se fait la pêche. Cette abondance de documents tient à ce qu'il est impos- sible de séjourner quelque temps dans un des lieux où viennent se rendre les coralleurs, à la Calle par exemple, sans être navré par ce que l’on y voit. Le Corail se desséche simplement dans nos magasins, il n°y lusse rien, absolument rien, et la tartane qui apporte tout ce qui est nécessaire pour la pêche, emporte ensuite en Htalie ce beau produit. À part la consommation des liqueurs fortes, les corailleurs ne demandent et ne laissent rien au pays. I était impossible que’ devant un pareil fait les autorités locales, dans quelque ordre qu'on les prenne, restassent muettes. Aussi les administrateurs de la marine, en Algérie, ont-ils entre les mains des documents nombreux qui leur fourniront toutes les données dont ils auront besoin pour préparer les rè- glements nouveaux. Mas ils auront à faire un choix judicieux. Usen tireront sans doute parti pour que, désormais, la pêche soit de quelque utilité à la colonie, et je serais heureux moi- même que les réflexions que renferme mon travail puissent leur servir, en venant s'ajouter à celles de mes devanciers. La législation qui régit la pêche du Corail en Algérie doit être révisée ; 1l a done paru mutile de faire 1e1 une analyse détaillée de tous les règlements aujourd'hui en vigueur. I suffisait d'en 9116 CONELUSION. indiquer l'esprit et de montrer en quoi il paraissait utile de les modifier (4). Si j'ai beaucoup imsisté sur la nécessité de porter d'abord toute sa sollicitude sur la Calle, c'est, non-seulement en raison de la position particulière de ce port à l'est, mais encore parce que l’on doit éviter de trop entreprendre à la fois. Qu'à Mers-el-Kebir ou tout autre point de la côte sagement choisi à l’ouest, on cherche à créer des villages de corailleur, cela serait “très-heureux, mais que l'administration résiste à cet entrai- nement qui pousse certaines personnes à lui conseiller, sans trop calculer, de faire des dépenses sur un grand nombre de points. J'ai entendu, pendant mes trois voyages en Algérie, bien des opinions, bien des désirs, bien des projets. N’est-il pas des personnes qui proposent de relever le bastion de France, de faire des travaux à la Calle-Traverse, d'acquérir Tabarca, et tant d’autres choses? La Calle à l'est, Mers-el-Kebir à l’ouest, voilà les deux points dont il faut s'occuper d'abord. Quand on aura réussi à rappeler la pêche dans ces deux centres de la colonie alors on pourra songer à d’autres établissements. Mais en commençant, qu'on ne le perde Jamais de vue, il faut éviter de trop entreprendre ; 11 faut surtout avoir pour principe que faire peu, mais faire bien, c'est faire beaucoup. (1) On consultera, du reste, avantageusement le Dictionnaire de la législation algérienne, par Ménerville, 1853, p. 502, On y trouvera réunis : 1° L'arrêté du 31 mars 1832 de l’intendance militaire, dont la plupart des articles sont encore ex vigueur ; 90 L'ordonnance royale du 9 novembre et 18 décembre 1844, contenant Pabro- gation de quelques articles de l'arrêté précédent, et des dispositions nouvelles ; 3° L'arrêté ministériel du 16 octobre et 24 novembre £851. Voyez aussi : Franque, Lois de l'Algérie, t.1, p. 83. — Le rapport à l'Empereur et Le décret du 10 avril 1861. — La convention de navigation entre la France et l’Lialie, du 13 juin 1862. — Le traité avec le bey de Tunis, du 24 octobre 1832. FIN. EXPLICATION DES PLANCHES, EXPLICATION DES PLANCHES, 318 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE L. CORAIL ÉPANOUI DE GRANDEUR NATURELLE ET GROSSI. Fig. 1. PUNTARELLA ou extrémité d’un zoanthodème de grandeur naturelle, contracté, ayant vécu deux mois et demi dans les aquariums. Fig. 2. La même gonflée quelques moments avant l'épanouissement ; les Po- lypes paraissent comme dé petits points blancs. Ce doit être l’état que les auteurs anciens ont voulu désigner, lorsqu'ils ont dit que les tiges se cou- vraient de petites gouttelettes de lait. Fig. 3. Autre extrémité d’un zoanthodème de grandeur naturelle, avec les Polypes épanouis pour montrer la grandeur relative des animaux. Fig. k. Portion de la même, grossie, destinée à mettre en évidence la forme des mamelons du sarcosome qui succèdent à la rentrée des Polyne: Fig. 5. Gette figure représente dans tout son développement la puntarelle, fig. 4 et fig. 2, très-grossie et pendant son épanouissement. Si on la compare à la figure 3, on peut remarquer que le corps des Polypes est beaucoup moins allongé et que les étoiles semblent sortir directement du sarcosome. C'est là une de ces nombreuses différences que l'on remarquera bien vite en observant le Corail vivant. F7 -DUTHIERS Le “Corail PL L 5 LA CCEEELLLY SR Corail epanoui de Grandeur naturelle el Grossi. = = LD, ad nat. del Librairie AB. Baillière et Fir. Paris Annedouche seul. np A Salmon, À. Vieille Fstrapade, 16. Corail Le LACAZE - DUTHIERS dE : Aa | LT Er KKKÇKK Re CE ES Formes des Polypes et de leurs bras. Annedouhe seul. Librairie AB. Baillière et Bis, Parier. HLD ad nat. del. Jr ANalmon. À. Meile Estrarade 16. EXPLICATION DES PLANCHES, 319 PLANCHE IL. FORME DES POLYPES ET DE LEURS BRAS. Fig. 6. Trois Polypes épanouis à des degrés divers : À, Polype sortant du calice du sarcosome (a); B, animal moins épanoui que celui qui est en C, il montre sur son corps, au-dessous de chaque tentacule, un petit bourrelet (b), cor- respondant à la dent du calice du sarcosome. Dans l'individu C on aperçoit une traînée (4), c’est l’œsophage ; la bouche paraît en (k). Fig. 7. Un Polype isolé présentant une des formes les plus habituelles. Au- dessous des bras est un rétrécissement (c), puis une portion ventrue (d). Sur le corps blanc, il y a de loin-en loin quelques spicules rouges (e). Ce fait est assez rare. On peut remarquer dans cette même figure combien la séparation du sarcosome et du corps du Polype est nettement marquée. Fig. 8. Polype offrant une forme toute différente de celle qu'on a vue dans la figure précédente; le sarcosome ne s’élève point en tube, le corps est cy- Hindrique, les bras sont étalés en roue et les barbules sont rabattues en dessous : (k) bouche ; (c) ride circulaire. Fig. 9. Un bras grossi pour montrer (f) les barbules les plus petites, placées sur la face supérieure du côté de la bouche : (g) les plus grandes du milieu ; (h) celles de l'extrémité. | Fig. 10. Le même plus fortement grossi et vu de profil. On voit très-bien dans cette position que les barbules sont obliquement dirigées de haut en bas et de dedans en dehors ; que les premières (/) sont les plus petites et ressemblent à des tubercules. Nora. — Pour bien apprécier la description dans le texte, il est utile de tourner la planche de manière à placer ce tentacule horizontalement. Fig. 11. Barbule grossie, montrant sa cavité interne occupée par une matière brunâtre, 350 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE NT. INTÉRIEUR DES POLYPES. — HISTOLOGIE DES BRAS. Fig. 12. Extrémité d’une barbule grossie 500 fois : (i) couche externe de cellules ; (4) grosses cellules formant le réseau interne et portant l’épithé- lium vibratile. Fig. 13. Barbule tournée à l'envers par les contractions dont il a élé ques- tion dans le texte : (i) couche de cellules externes qui se trouvent mainte- nant en dedans; (h) cellules à grosses granulations et à cils vibratiles, formant la couche interne et enveloppant la barbule d’une véritable résiile. Fig. 4%. Portions de la paroi d’une barbule grossie 700 fois : (i) cellules élémentaires de la couche externe ; (j) nématocyste. Fig. A5. Nématocystes isolés et fortement grossis : (k) capsule interne à fil spiral ; (j) cellules mères entourant le nématocyste proprement dit. Fig. 16. Tige de Corail sur laquelle une coupe horizontale montre : (a) les loges périæsophagiennes ; (b) les tentacules tournées à l'envers occupant la cavité périæsophagienne ; (c) les cloisons séparant les loges ; (d) la bouche; (e) reste du calice du sarcosome. Fig. 17. Coupe semblable à la précédente, mais faite plus profondément : (a) paroi du corps; (e) cloison; (f) replis intestiniformes ; (d) bouche ; (g) ca- naux vasculaires du sarcosome. ni] £ | L ACAZE - DUTHIERS, LD. ad nat. del Le Corail. Intérieur des Polypes. - Librairie JB. Paillière - Histolooie des bras. et Fils. Dares RAATT Annedouche sreulp. \ sn aan FA A gen" - CEA me he. | n ï ' ù : s . . : : . L 0 ï , - » , à | ‘ * ’ I ï ï 0 l : ï qe | ' Le t 4x Ï | L ve s 1 F , \ 0 Û ' , | . \ { Û i . de 4 ‘ ï “ ‘ ü , ' LACAZE - DUTHIERS. Le Corail: ‘, Epiderme. _ Sarcosome . Polypier. ALP. ad nat. del. Librairie LB. Baillière et Fihsr. Parts. Annedouche set, EXPLICATION DES PLANCHES. 351 PLANCHE IV. ÉPIDERME. — SARCOSOME. —— POLYPIER. Fig. 18. Portion d'une tige dont l'écorce a été fendue suivant la longueur et en partie enlevée. B, B’, B", Polypes ouverts et vus dans des positions différentes. B, Polype dont les tentacules sont épanouis : (k) bouche, l’une des lèvres est conservée; (m) œæsophage; (i) bourrelet ou sphincter inférieur de l’œso- phage; (;) replis radiés ou mésentéroïdes. B’, Polype à tentacules rentrés qui paraissent en (d) dans les loges péri- œsophagiennes : (e) espace circulaire autour de la bouche et œsophage ; (c) orifice correspondant aux tentacules retournés; (b) partie du corps formant le tube saillant lorsque l’animal est épanoui ; (a) festons du calice. B’, Polype coupé profondément et montrant les huit cloisons rayonnantes ou replis radiés libres vers le milieu de la cavité. A, À, sarcosome avec ses vaisseaux en réseaux irréguliers (h); eñ réseaux à tubes longitudinaux (/). P, polypier : (g) ses cannelures dans lesquelles se longent les vaisseaux longitudinaux (f). Fig, 19. Portion d’épiderme détaché de la surface sans structure bien appré- ciable, ayant enlevé, en se séparant du sarcosome, des spicules (j), des cel- lules (4, i). Fig. 20. Zoanthodème adulte qui ne semble plus s’accroître en longueur et dont les blastozoïtes sont gros et éloignés surtout vers la base, E, portion d’épiderme qui se détache du sarcosome, C’est cette partie qui est vue grossie dans la figure 19. A, écorce séparée du polypier et des Polypes, pour montrer ces derniers encore attachés à l’axe, 352 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE V. APPAREIL DE LA CIRCULATION. Fig. 21. Corail préparé à l’aide de la putréfaction. On voit distinctement deux ordres de vaisseaux mis à nu à l’aide d’un cou- rant d'eau qui a entraîné le tissu et les spicules du sarcosome. P, polypier : («) vaisseaux logitudinaux ; (b) réseaux irréguliers ; À, sarco- some intact; B, Polype contracté dans le haut de la figure. Ce dessin donne une idée très-exacte des rapports des parties qui com- posent un zoanthodème. Fig. 22. Portion de sarcosome détachée de l’axe et vue par sa face interne : (a) vaisseaux longitudinaux; [d) vaisseaux transversaux anastomotiques éta- blissant une communication entre deux vaisseaux parallèles ; (b, e) réseaux irréguliers plus ou moins superficiels et profonds; (c) orifice de communi- cation des deux ordres de vaisseaux. B place qu’occupe la cavité d’un Polype ; À, épaisseur du sarcosome ; (æ) petits corpuscules blancs que l’on rencontre souvent autour des animaux et dont la nature n’a pas été déter- minée. LATAZE-DUTHIERS, Le. Corail. PISE ile Si à Sn A ER # DE FAST RE, se DT ‘ LE FÉES D D Sd > FA Sr Sd Vi ss L* Appareil de la Cireulation. ALD. ad nat.del. Libraire. TB Balière et Fr. Parés Annedouche rculp . LACAZE-DUTHIERS , LLD. ad nat. del. Le Corail. « Tissus et Spicules . Lbnuriæ JB Bullière et Filr. Parts. Zap, À Salmon, À. Veille Estmpade, 16. b Annedouche. soul? . EXPLICATION DES PLANCHES. 359 PLANCHE VI. TISSUS ET SPICULES. Fig. 23. Coupe mince du tissu du sarcosome, vue à un grossissement de 500 fois. B, paroi interne du corps d’un Polype adulte, elle est chargée de cils vibratiles et formée de cellules granuleuses : (b, b) conduits coupés perpen- diculairement à leur direction; (e) vaisseaux conduisant de la cavité d’un Polype B dans le réseau à mailles irrégulières. Dans le tissu du sarcosome sont des spicules assez régulièrement espacés et placés à différentes profondeurs, ils sont empâtés dans ‘un tissu en partie cellulaire et en partie transparent sans structure bien évidente. Fig. 24. Spicules dessinés à un grossissement de 500 fois : (b) position qu'il faut donner aux spicules pour pouvoir suivre la description du texte; (a) le même qu’en (b) vu un peu de côté, pour montrer combien change l'aspect par un léger déplacement. Fig. 25. Nodosités spinuleuses terminales des spicules les plus réguliers que l’on puisse rencontrer, et montrant les huit rangées d’épines qui les cou- vrent; en («) on les voit de face, par leur extrémité, et en (b) de profil. Fig. 26, (a,b,c) trois spicules vus au même grossissement que ceux de la figure 24 et en voie de développement, chacun d’eux représente très-exac- tement deux triangles isocèles superposés, LACAZE=DUTHIERS, 23 35h EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE VIE. BOURGEONNEMENT ET BLASTOGÉNÈSE. Fig. 27. Zoanthodème dont les animaux avaient été tués par le développement d’un Bryozoaire T, mais qui reprend le dessus et commence à recouvrir celui-ci d’une couche de sarcosome S. En P on voit le polypier de la for- mation primitive. Fig. 28. Portion de la couche sarcosomique, recouvrant le Bryozoaire dans la figure précédente et renversé afin de montrer le réseau vasculaire super- ficiel (a), dont les vaisseaux sont beaucoup plus gros que ceux que l’on aperçoit au-dessous (b). Fig. 29. Portion basiliaire d’un zoanthodème cassé, dont les extrémités se trouvent recouvertes par du sarcosome de nouvelle formation, et au milieu duquel s’élève une jeune tigelle. Si l’on oppose la figure 20 de la planche IV au dessin de ce pied de Corail, on voit que les Polypes offrent la même taille ; mais dans un cas ils présentent entre eux de nombreux petits points blancs, tandis que dans l’autre ils n’en offrent pas. Cela tient à ce que, dans ce der- nier exemple, la force blastogénétique s’est réveillée par suite de l'accident arrivé au zoanthodème, et la réparation est en voie de se faire. Un polypier cassé peut donc continuer, non-seulement à vivre, mais encore à s'étendre. Fig. 30. Portion d’une tige offrant des blastozoïtes très-gros B, entourés par de jeunes Polypes formant autant de points blancs B’ + Cv sont ces points qui ressemblent à des pores. Fig. 31. Deux points blancs B’ de la figure précédente vus à un plus fort grossissement. On distingue très-nettement, en augmentant ainsi les pouvoirs amplifiants, que chacun de ces pores présente les huit rayons caractéristiques du calice du sarcosome. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme des orifices particuliers, ils correspondent aux bouches des jeunes blastozoïtes. Fig. 32. Portion du sarcosome montrant autour d’un Polype six jeunes blas- tozoïtes de B’ en B". Fig. 33. Blastozoïte B" de la figure précédente vu à un assez fort grossisse- ment et montrant la partie (b) ou tissu blanc qui se développe pour former le Polype. Fig. 34. Un blastozoïte plus avancé, le tissu rouge (a) commence à se déta- cher et à laisser à nu la partie centrale (b). LACAZE - DUTHIERS ÆLD. ad nat. del. Le Corail. Bourgeonnement ou Blastogenése. _ Le Librairie JB. Badlière et Fils Parts. mp. A.Saldnon. R Welle Estrapade 16. PI. VII Annedouche sculp. P1 VII Corail. Le LACAZE - DUTHIERS Structure du Pol ypier. Annedouche. sculr. Librairie JB.Bailere et Fils. Paris L' LD. ad nat. del. Zrp. A Salmon, R Vieille Estra pade,1, SE 2 ox EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE VIHL STRUCTURE DU POLYPIER. Fig. 35. Extrémité d’une tige dont une portion du sarcosome a été enlevée, - afin de montrer la position du polvpier P, encore sous la forme de lames irrégulières et interrompues de loin en loin, au milieu des tissus mous et des Polvpes B. Fig. 36. Polypier en voie de formation, tel qu’on le trouve dans l’intérieur d'une extrémité. Il est lamellaire et percé d’orifices résultant de la soudure des paquets ou agglomération de spicules, quise forment dans les tissus qui l’envi- ronnent ; (/) paquets de corpuscules calcaires isolés et non encore soudés à la lamelle ; les trous ou espaces libres (e) sont la conséquence de la soudure et de la jonction des noyaux (f). Fig. 37. Lames minces d'un polypier coupé perpendiculairement à l'axe et montrant : (i) rubans plus colorés et contournés, laissant entre ces deux lamelles un espace occupé par une matière grisâtre (j). Ce rubañ repré sente la première forme qu’a eu le polypier dans l'extrémité des branches, comme, par exemple, dans la figure 35. Autour de cette partie centrale et irrégulière, la matière calcaire s'est dé- posée de façon à rendre l’axe parfaitement cylindrique ; elle présente des rayon alternativement plus rouges et moins colorés. Ces derniers offrent des stries noirâtres fines (A), qui correspondent exactement au fond des caanelures que l’on voit à la surface des rameaux. Les bandes plus colorées (g) cor- respondent au sommet des arêtes qui séparent les sillons. De loin en loin, on peut remarquer que ces bandes rayonnantes se bifur- quent à différentes hauteurs. Fig. 37 bis. Un des rayons de la figure précédente vu à un grossissement de 200 fois : (a, b) ruban central; (g) taches de couleurs plus vives ; (d) es- pace plus clair couvert de petites stries noires ; (e, f) deux bifurcations du rayon ; (c) corpuscules particuliers qui paraissent être les noyaux correspon- dants aux spicules englobés par le ciment qui a formé la tige. Fig. 38. Portion de polypier coupée parallèlement à la surface et montrant l'inégalité de coloration correspondant au sommet des arêtes (d) qui sépare les sillons (c). Dans cette figure, on distingue nettement un pointillé de très-petites taches rouges lesquelles correspondent chacune à un spicule. Fig. 38 bis. Lames de mélobésie (a) usées pour mettre à découvert une couche de Corail qui la recouvrait et dans laquelle on aperçoit l’origine des spi - cules (b). 396 | EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE IX. MALES ET FEMELLES. — SPERMATOZOÏDES. Fig. 39. Un Polype ouvert B pour montrer la forme et la disposition des cap- sules glandulaires mâles attachées aux replis rayonnés de la cavité centrale. Fig. 40. Une capsule mâle isolée et turgide. Fig. 41. Capsule mâle à l’état de maturité et crevée par endosmose, (a) nuage de matière séminale qui s’en échappe. Fig. &2. La même, vue à un grossissement de 500 fois : (a) cellules caracté- ristiques et productrices des spermatozoïdes qui sont plus ou moins libres et dégagées de la capsule depuis (b) jusqu'en (ce) et en (d). Fig. 43. Polype femelle ouvert et montrant des œufs parfaitement sphériques à divers états de développement, ACAZE - DUTHIERS. Le Corail. PL.IX. L Males et Femelles —— Spermatozoides. ÆL.D.ad nat. del Libraire JB. Bailliere et Ets. Paris Annedouche sculp Lnp. A Nalmon À. Medle Estrapade, 15 LACAZE - DUTHIERS, LD. ad nat. del Le (Corail. Formation des œufs. Librairie LB. Baillière et Kile, Pares. Lg ASulmon. À. Mille Estrapade, 16. LS. Annedouche sculp EXPLICATION DES PLANCHES. 397 PLANCHE X. FORMATION DES OEUFS. Fig. 44. Un repli rayonné ou mésentéroïde vu de profil, pour montrer la position de l'œuf {c), suspendu à la lame {d), par un pédicule (b), au-des- sous du bourrelet pelotonné (a) rappelant les circonvolutions de l'intestin. Fig. 45. Portions du repli radié, vu à un grossissement de 500 fois, présen- tant une partie centrale fibreuse (b,c), une couche externe (a) et (e), sur lesquelles on retrouve un réseau (d) de cellules à grosses granulations semblables à celles que l’on a vues dans l’intérieur des bras ; (f) est un œuf en voie de formation entouré d’une capsule cellulaire (g). Fig. 46. Un œuf plus développé : (g) capsule cellulaire : (f) vitellus ; (v) espace clair correspondant à la vésicule germinative, Fig. 47. Partie d’un œuf plus grossi que le précédent : (f) vitellus ; {g) eap- sule cellulaire couverte de cils vibratiles. Fig. 48. Portion des bourrelets pelotonnés, vue à un fort grossissement : (a) cellules granuleuses ; (b) nématocystes ; (c) cellules légèrement jaunâtres mêlées aux cellules petites et délicates qui forment le reste du bourrelet, 998 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XI. ÉLÉMENTS DE L'OEUF. — HERMAPHRODISME. Fig. 49. Portion d’un replis radié (r), portant : 4° en (o)un œuf, dont la cap- sule (a) est en partie tombée, dont le vitellus (b) offe un éclairci très-mar- qué (d), correspondant à la vésicule transparente, et au milieu duquel on voit les taches germinatives (ec) ; 2° en {e) une capsule en voie de dévelop pement, remarquable par un espace qui semble vide (g) entouré par une bande cellulaire (f) que limite une capsule {e); c’est un testicule. Fig. 50. Éléments des vitellus (a) partie strié, formée par le plissement de la capsule viteltine ; (b) granulations graisseuses formant le viteilus. Fig. 51. Portion d'un œuf mort et devenu jaune, son vitellus exude sous forme de grosses gouttelettes huileuses (4). Fig. 52. Deux Polypes ouverts et appartenant à une même tige de Corail; lun d'eux (B) est femelle et ne renferme que des œufs (0), l’autre B’ présente ses replis radiés (r), refoulés par un œuf (0) et une capsule mâle (e). Il est donc hermaphrodite. PI. XI. Corail. Le LACAZE - DUTHIERS me. 5 Hermaphrodi ‘œuf. l de ments Ele Annedouche sculp. t Fils. Parts. re el TB. Baille. brarie LE LLD. ad nat. del Lrop ASubnon, A Viille ! LACAZE - DUTHIERS Le "Coraït: PL XII. Maäles lançant la semence. Lait. = Capsule de l'œuf. ÆL.P. ad nat. del. Librairie. AB. Baïllière. et Fils Paris. Annedouche sculp. Znp, A S'alrnor, Ji. Vurille Estrapade, FLE EXPLICATION DES PLANCHES. 359 PLANCHE XIE. CORAIL LANÇANT SA SEMENCE. — LAIT. — CAPSULE DE L'OEUF. Fig. 53. Œuf arrivé à sa maturité : (d) pédicule ; (e) capsule déchirée et laissant voir l’œuf (f). Fig. 5%. Portion de la capsule de l'œuf pour en montrer la structure : (h) cellules qui la forment couvertes de cils vibratiles (g) ; vitellus (t). Grossissement, 500 diamètres. Fig. 55. Portion d’une gouttelette de lait du Corail où tous les éléments se trouvent réunis : (m, e) cellules granuleuses ; (n) spicules ; (o) baguettes indé- terminées ; (p) granulations très-petites. Fig. 56, 57, 58, 59, 60. Éléments que l'on trouve dans le lait du Corail, plus ou moins réuus ; fig. 56, œuf peu développé, offrant exceptionnellement une teinte rose. Fig. 57. (q) cellules qui tapissent les vaisseaux; (r) nématocyste. Fig. 58. (j) baguettes indéterminées ; (k) spicules peu développés. Fig. 59. Cellules qui tapissent la face interne des bras. Fig. 60. Cellules diverses et granulations. Fig. 61. Rameaux mâles de grandeur naturelle ; on voit au-dessous de lui les nuages blancs que forme la semence lancée par quelques polypes. 900 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XHE. NAISSANCE DES LARVES OU EMBRYONS. Fig. 62. Sortie des larves, sous forme de vers blancs, pendant la contraction des Polypes. Fig. 63. Portion d’un rameau de Corail montrant en B une larve s’échappant à reculons par la bouche de sa mère; C, un Polype contracté dans lequel on voit par transparence des embryons; en D, les larves deviennent libres, le Po- lype a été ouvert. REMARQUE. — On a vu dans la figure 7, planche IT, quelques spicules semés çà et là, dans l'épaisseur de la paroi du corps des animaux au-dessus de la limite du sarcosome ; ici le fait est bien plus frappant, il rappelle ce qui est si marqué dans beaucoup d’autres Alcyonaires. FL ACAZE - DUTHIERS LLD. ad nat. del Le Corail. Naissance des larves. Librairie Enp. AS TB.Barlere mon LR. Vie . Fret et Fils Larts. 1 ; Lnté is PI. XIII, uehe re : > » ns - ‘ * - \ : ou , | “ : rs Ê = ‘ ; L L Dre . \ . = in È a 0 . 2 - - à PS * À : * = +) pe Æ : > + . , h - = s ” va . ” ; x Û : La AT .- : - + a : > = = E ® = * = : = . : : 3 L _ S ï : tu Ê ” d + “AL d + » : : : : : # L : £ - ï Ÿ | $ 4 É : L = Gr 2 = . = TA h : + P : É . 1 CAT , . = * - " . ; , = { dt » ‘ - a È L É à : = : i ‘ . « : = “ s 0 à : ; = ; - ï : 4 ' L LM) < + ï i = . - . : > L mr . È + + : L È v à " fe : - ; M + l … | e = S | ï | : ‘ " L ï + È : ï ,. | 7 : U ù % h ve > g— . ‘ =, =: È + - ; Le 3 s . : : Ge" 1 i = d « : i L | + ï ‘ d - ne : - p : : . h - j « < : e * ! x re L FC h ÿ . ; “ES u : Hit a { È Le " L ‘ “ “ + : OR à : - : =. - EI 4 £ me sk ' : | - = - = « ; CR F & ' C « : - 1. CT x pe , . Ë : x L + € va NP de : E: 2: * r +5 2 s c : ï ! - L et Le NP 2e : . j à Ds | Re | ! : . = _ - . Me : ï : ° : . ® Ce h û LA \ . 0 " nr 4 * : es" . PE = pa : 2 à Û = k . . +. 1 = : K | . = ‘ : Û i Dre % | ‘ : + 2 " L . 1 … » à L L : =: l x ' ' F L = D à à Pos L a = , " DE _ : Le Corail. 66 AA} \ OZ Larves du Corail de orandeur naturelle el OrossIes EXPLICATION DES PLANCHES. 361 PLANCHE XIV. LARVES DU CORAIL DE GRANDEUR NATURELLE ET GROSSIES. Fig. 64. Un bocal rempli de larves de grandeur naturelle. Les unes se reposent au fond en conservant toujours leur position verticale. Elles ont leur grosse extrémité en haut, quelques-unes montent dans le liquide en décrivant des tours de spire, les autres, arrivées à la surface, restent immobiles ou bien, enfin, se meuvent en se dirigeant horizontalement. Fig. 65 à 73. Toutes ces figures autour du bocal représentent les différentes formes amplifiées que présentent les larves de la figure précédente, suivant qu'elles sont contractées, allongées ou plus ou moins développées. 962 EXPLICATION DES PLANCHES: PLANCHE XV. MÉTAMORPHOSE DES LARVES. Fig. 74. Forme exceptionnelle, monstre double, ayant pour une seule base deux extrémités buccales. Fig. 75, 76, 77, 78. Ces figures montrent les transformations qui doivent s’accomplir dans la larve pour qu'elle passe de la forme d’un ver à celle d’un disque. On voit que la partie postérieure (a) tend à s’élargir, et que l'extrémité antérieure ou buccale (b) rentre, au contraire, en dedans ; de la sorte on arrive aux figures qui suivent. Fig 79. Larve tout à fait métamorphosée en un disque et vue de face. Au centre on aperçoit une dépression au fond de laquelle paraît la bouche (b). Fig. 80. La même, vue de profil, afin de montrer la partie qui correspond à (b) dans les figures précédentes. Fig. 81. La même, vue de face et plus développée quelques jours après sa métamorphose. La partie centrale autour de la bouche {b) s’éleve déjà et forme un petit bourrelet; la base n'est plus aussi régulièrement circulaire, car elle commence à s’étaler sur le corps qui la porte. Fig. 82. La même, vue par la face postérieure (a), telle qu’on pouvait l’obser- ver en regardant avec une forte loupe la paroi du vase de verre contre la- quelle elle s’était fixée. On aperçoit déjà dans son tissu une partie centrale plus obscure (g), des parties plus claires (c) séparées par des cloisons (d). Fig. 83. Bord du disque du jeune oozoïte précédent, vu à un grossissement de 360 fois. On distingue déjà la séparation des tissus en deux couches, l’une (f) formée de cellules granuleuses fort grandes, l’autre composée de cellules plus petites constituant une couche externe (e) et se prolongeant au milieu de la couche précédente en formant une cloison. Fig. 84. Cellules (f) de la figure précédente, vues à un plus fort grossissement. Si on les compare à celles de la figure 44 (A), planche IE, on sera frappé de la similitude qui existe entre elles. ? | | . LACAZE - DUTHIERS, Le Corail. PL XV. Métamorphose des larves. ALD. ad nat. del. Librairie LB Baillre et Fils Larës Annedouche veulp lrupude, 15, np A Sulmon. R Weil L'N LACAZE - DUTHIERS, Le Corail. PL XVI. 0 : 1 À ï À. ‘4 Sr) Re ed { 1 di + ? £ 1 7h : RL TL LAN ; 2 Histologie des larves. — (LD. ad nat. del. Librairie JB Baillwre el Füs Lartr. Annedouche seulp. #£ Lip A Salmon, R.Veile Estropuue, 15. EXPLICATION DES PLANCHES, 369 PLANCHE XVL. HISTOLOGIE DES LARVES. . Fig. 85. Larve au moment où elle se fixe. Il semble se déposer vers son extré- mité (a) comme un petit nuage de matière visqueuse, qui doit servir sans doute à faciliter son adhérence sur les corps solides. Fig. 86. Extrémité buccale d’une larve montrant déjà autour de la bouche (b) des sillons qui correspondent aux cloisons qui se forment dans l'intérieur. On doit remarquer que dans les larves qui sont représentées aux figures 69, 70, 71, 72, 73 de la planche XIV, et 74, 75, 76, 77, 78 de la planche XV, en les étudiant à un grossissement suffisant, on aurait trouvé une bouche semblable à celle que l'on vient de voir ici. Fig. 87. Portion d’ane larve analogue à celle de la figure 85, comprimée et déchirée : (n) paroi externe ; (0) apparence de grandes cellules granuleuses ; (p) apparence d’une cellule sans granulations. Fig. 88. Corpuscules qui sortent d’une larve comprimée. On croirait voir tantôt de grandes cellules granuleuses (k), tantôt des cellules semi-transpa- rentes plus on moins allongées (j), tantôt une véritable vésicule germina- tive ({), tantôt enfin des cellules granuleuses enfermées dans une plus grande cellule transparente (g). Toutes ces apparences sont dues à une matière plastique qui exsude de l'embryon et qui englobe les granulations devenues libres. Fig. 89. Extrémité postérieure d’une larve vue à un fort grossissement : (f) cou- che granuleuse interne ; (e) paroi externe de nature cellulaire et striée per- pendiculairement à sa surface. Fig. 90. Portion latérale du même embryon. Fig. 91. Surface externe du même, mise au foyer de l’objectif de manière à voir de face les petites cellules qui paraissaient longitudinales dans les figures 89 et 90 (e). Fig. 92. Bord du petit disque représenté dans la figure 93, planche XVII, vu à un fort grossissement pour montrer sa structure intime : (m) cellules qui for- ment son tissu; (c) noyau allongé, premier rudiment des spicules ; au delà de cette forme il est difficile de les reconnaître ; (d) forme déjà bien caracté- ristique des spicules ; en (g, k, i), ces éléments, de plus en plus gros, sont faciles à reconnaître. 361 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XVII. TRÉS—JEUNES POLYPES NÉS DES OEUFS ET ENCORE SIMPLES. | | Fig. 93. Jeune oozoïte formant un petit disque d’un quart de millimètre de dia- mètre fixé sur un Pryozoaire et déjà coloré en rouge par des spicules parfai- tement caractéristiques, comme on peut en juger dans la figure suivante. Fig. 94. Portion du disque (fig. 93) vu à un fort grossissement (500 diam.), et montrant par transparence les spicules caractéristiques du Corail noyés dans les tissus. Cette figure n’est qu’une partie du disque bombé que repré- sente le jeune animal contracté. Fig. 95. Éléments cellulaires, granuleux, etc., du même oozoïte. Fig. 96. Autre oozoïte plus développé que le précédent, fixé sur un rocher et épanoui. À sa base se sont attachés des débris de corps étrangers blancs. Fig. 97. Le même, contracté. Fig. 98. Oozoïte encore plus développé que les précédents, quoique simple, épanoui et vu de face. Corail. PI. XVII Très jeunes Polypes nés des œufs et encore simples. ZL.D, a nat. del, Zibrairw JB. Bailière et Fils. Parér, Annedouche sculr /np. A. Sabnon, rue. Veille Estrapade, 15 . LACAZE - DUTHIERS Le Corail. P1.-XvIfr 100. Tres Jeune Corail en voie de bouréeonnement . Annedeuche- ). ad nat. del Librairie JB. Batlli mp. ASalmon, rue Filles Ertropade, 15 EXPLICATION DES PLANCHES. 265 PLANCHE XVIIL TRÈS-JEUNE CORAIL EN VOIE DE BOURGEONNEMENT. Fig. 99. Oozoïte (a) fixé sur une Thécidie présentant un bourgeon latéral (b). La blastogénèse commence à se développer en lui. Fig. 100. Jeune Corail formé d’un oozoïte (a) portant un blastozoïte presque aussi grand que lui (b). Fig. 401. Grandeur naturelle de la figure précédente. Fig. 102. Oozoïte (a) ayant sur ses côtés deux tumeurs blastogénétiques (b, c) qui vont se transformer en Polypes. Fig. 4103. Petit zoanthodème de grandeur naturelle, grossi dans la figure suivante. Fig. 104. Zoanthodème composé d’un oozoïte (a) et de trois blastozoïtes (b, c, d) de grandeur différente. Fig. 105. Un petit rocher couvert d’oozoïtes et de zoanthodèmes de différente taille. Le tout est de grandeur naturelle. 566 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XIX. ORIGINE ET DÉVELOPPEMENT DU POLYPIER. Fig. 106. Très-jeune zoanthodème (a) fixé sur un Bryozoaire de grandeur naturelle. Fig. 407. (b, c) noyaux formés de corpuscules agglomérés et soudés entre eux, trouvés dans le zoanthodème de la figure précédente et formant le point de départ du polypier. Spicules en voie de développement (d), qui souvent sans être plus développés sont soudés dans les agglomérations (b). Fig. 108. Jeune zoanthodème (e), de grandeur naturelle, plus développé que le précédent et renfermant déjà un polypier dont la forme et là structure se montrent dans les figures suivantes. Fig. 409. Lame à bords irréguliers et inégaux, à bandes plus épaisses et plus co- lorées, recouvertes çà et là de petits corpuscules saillants hérissés de pointes : c’est le commencement du Polvpier. Fig. 110. Portion du même, grossie 500 fois et montrant que le tissu homogène qui réunit les spicules est irrégulier, pointillé et comme finement granulé. Fig. 414. Petit rocher sur lequel se trouvent trois zoanthodèmes dont les po- lypes en (i et j) ont été détruits; les polypiers restent seuls. (j) Lame analogue à celle qui a été décrite figure 109. (i) Première forme du polypier ; elle est très-remarquable, elle représente une lame courbée en fer à cheval, irrégulière, formée de paquets de spi- cules agglomérés, semblables à ceux que l'on a vus dans la figure 107, C'est dans l’intérieur de la courbe que se trouve logée la cavité générale du corps du Polype, et par conséquent la lame solide doit se trouver, comme on peut Je voir en (A), entre la surface externe et la surface interne, au milieu du ‘arcosome (g). LACAZE - DUTHIERS, Le Corail. PL XIX, Origine et developpement du Polypier. e AB Baillére et Fils. Parts 1 4 PL XX Corail. Le Pa Coral. du Varietes EXPLICATION DES PLANCHES. 367 PLANCHE XX. VARIÉTÉS DU CORAIL. Fig. 112. Polypier de la puntarelle dont on a vu le dessin planche I, figure 5. ILest formé de trois lames limitant entre elles des angles dièdres et couvertes de spicules agglomérés, saillants sur ses bords et sur ses faces. Fig. 113. (a) spicule enfermé dans un ciment de même nature que lui et encore parfaitement reconnaissable ; (b,c) spicules noyés dans le ciment et si bien confondus qu’ils paraissent à peine. Fig. 114. Portion d’un rameau de Corail d’Espagne, d’une couleur rouge de sang très-foncé et remarquable par des dépressions régulières que présente sa surface. Ce sont évidemment des calices correspondant aux Polypes du sarcosome ; ce qui est digne d’être observé, c’est que les stries correspon- dant aux vaisseaux du sarcosome n'existent pas au fond de ces calices. On peut voir aussi dans cette figure que ce sont les espaces laissés libres entre les lames de l'extrémité qui, cloisonnés de loin en loin, forment et limitent ces calices (e,d) si exceptionnels et si marqués. Fig. 115. Corail blanc. C’est une variété et non une espèce : son polypier res- semble à du marbre blanc; son sarcosome, lorsqu'il est mort, présente une très-légère teinte jaunâtre, très-bien rendue dans la figure. Fig. 116. Un spicule de Corail blanc ; si on le compare à ceux du Corail rouge, planche VE, on trouvera qu'il leur est parfaitement identique. Fig. 117. Corail rose, variété dite peau d’ange, la cassure de la base montre des taches de carmin, du rose le plus vif, mêlé au blanc le plus pur; ce rameau avait été pêché mort, comme le prouvent les taches noires et blanches de sa surface. Fig. 118. Bijou de Corail d’un rouge très-vif à la base (f), passant au blanc le plus pur à l’extrémité (g) par une dégradation insensible du ton. Fig. 119. Bijou de Corail chamois. Fig. 120. Corail noirci par un séjour prolongé au fond de la mer ; le cœur est encore rouge, l’altération n’ayant modifié la couleur qu’à la surface. FIN DE L'EXPLICATION. DES PLANCHES, TABLE ALPHABÉTIQUE, CR D | - sont mtsllile 11. LL L ‘ L'ÉCEPIT RTFE dy | ' RP "TE Mi CUIR LOT: où sb NE Ar nl 9 ÉTCALE, i hier le SN UE at, 8 1 # h TT sl af sir 7 l'an à ess hl af) 1 ri JA ae QT L LT ITU el ñ ( LU (L EL | Muni 4 : fl f à i Ë + Te AAC Cet Là ; ah. APT Kk © LA + : Le 608 NA EN à, nu Les tin 29 TR à ' d CE Î ï UT ÿ + dont TIRE EL ni * L N 4 AID Ut | ] | 1 JTRUTITURNTER Æ { nu #. TUE ( {:: dit Û à Ana Os) ee ' ” . : a 1 . F0. VHR Po: | M Os MARNE LL EM UT Le à AFTTET à RAR TT ENT 0 = { | 114 | D RE À wre CAES En LE DTE 112 | A Î e L d'! d 118 0 TE n 4: { L 0 1e 4 j er NE DT La A ” r # nf it Le à à y M # à ; i F ‘ k { 1 à 1j 14 si " 5 A LA AT | . se ss e id ie Ù UT PA À eo + r F t ot 1 14 = s DL ne \ . Û ph « V . , ” = . F LL L ne ; R Le Le : - L ’ Fi Re. _ . ‘* _ U ja LL “ r de E- a h è , a TABLE ALPHABÉTIQUE. ACHABMAUICOrRAIlE RS. RL Ce er 326 Amélioration des règlements....., 264 APPareilaqUuifÈrE. ns... 99 B Banc (amélioration, aménagement, CONSERVAUON)s eee ces ee sie 266 Bastion de France.......... V0 0284 Bateaux despéche te ee. 221 NT SOUS-MATINS. ee 256 Biscuit (production du) 316 DIASIBPÉNESE ee oct 24, 90 BIASLOZOÏ CS RE ce cree 23 BOUCHER ET Cr tee 52 BOUTSEONNEMENC. AE ere 90 Brast(forme) ee. 1... ee Ar TRUE n7 = (SÉTUCIURE) Ceres seu 55, 57 C Caisse des corailleurs, ........... 315 Calle (la) considérée comme centre dela pèche àal'est. "#7... 285 CONS RE ER see ects 213 Camp”des faucheurs. . .......... 307 Capsules testiculaires............ 134 Ch OR EE Rec nacdane 239 Gavité générale 2h. ...1..... 61 Cellules spermatiques.. .......... 132 Ghanyret(culture)" "te eee 316 CIFCUIANON eee eme cer ee 76 LACAZE-DUTHIERS, Comment on se procure du Corail VIVANT ee ee cie ce Commerce rene: 7 Re oe Composition chimique........... CONCLUSION EME. 2 eos Considérations générales. ........ Consommation du Corail façonné... Coral arabes en. eee ED CAISSES en abe HeNCROIA EE more FACONNÉE AN SR citadelle manufacturé. ... V0) Re IE COEUR Corallieulture eee ee Corrienteicativa(la). Coupe réglée (mise des bancs en).. D Dépenses du garde-pêche........ Dépenses qu’entraine l'armement des COTAÏINES PER ee ee Développement des embryons...... — du polypier....... Distribution des Polypes......... Droil'de pêche réservés... Durée de l’accroissement......... Encouragemeuts destinés à retenir 24 970 les pêcheurs étrangers dans la co- lonie...................... ENSINS A Peer ER CRC CCE Ensablement du port de la Calle... Espèces du genre Corail Etat de liberté du Corail Explication des planches. ....... ss ste ein os le. « Fécondation Forme générale des rameaux. .... Forme Tarvée ce ee: cecer. Kractionnement PR Er ccc- ce Fraudes......., dB T0 UN dub (estalione 2e. er .-e Te GROUCS. NES MR DE ee Greffepar approche... "#7"? Historique des opinions sur la nature du'Corail, =." 5.35 Se: | me Historique de la structure et de l’ori- gine du polypier © + + 5 = + + + alelsiere Infirmeries pouf les corailleurs. . .. Intérêts et revenus du trésor Introduction ..... RER …_.... Lait du Corail. . Lames radiées eee + + + » ss eieto lolo « + « M Manœuvre de l'engin terme enr, Membrane vitelline CNCROSCACÈC LÉO Mers-el-Kebir, son avenir........ Métamorphose des larves. Mission (son origine) Mœurs des larves... Naissance des larves. ........... 306 223 304 209 160 347 144 26 160 158 326 151 24h 94 230 4138 305 162 XVI 161 152 TABLE ALPHABÉTIQUE. Naturalisation des hommes et des bateaux F6 P re CRRE tante 311-312 Nécessité de connaître les bancs... 279 NéMatOocySles EC PAT ET EE 98 Noms des qualités du Corail...... 328 (9) Objets nécessaires à la pêche. .... 8317) Observation du Corail. .......... 21 OESophane Rec PRE re 62 ŒufdulCorall®. te. .-2.2e te 137 Olives (Corail'taillé en)... ........ 336 Oozénèse #7." :."FCN-TRRE 23 Oozoite. . Fam 7:01... CCCREE 23 Organes de la reproduction, ...... 126 Organes de la reproduction en gé- HÉRAIME » Me ee es see ie 127 Orsanestfemelles REC COR ER 135 tr males. ere 128 Organisation du Corail........... 55 Origine et formation du zoantho- déme, ns cneerR.-crcecRE 180 Origine et formation du polypier... 183 P Péchedu Corail 2.6. 0 219 Pêche du Corail en elle-même.... 219 — a la Main... 244 Pêche du Corail considérée dans ses rapports avec la colonisation. ... 284 Pédoncule de l'œuf... 142 Péristome :!. 4.0 MC MRC CCE 46 Perles(Corail travaillé, en forme de) 336-339 Polype (sensdu mot)... 23 — (fogme du):.........04+ Un Polypier (forme du)... cm7. 102 — * (structure du).......".. 110 Polypiéroide Cet rer CCE 24 Portide la Cale PAM ER ER 302 Position zoologique ............. 209 Q Qualités diverses de Corail. ....... 328 Quantité de Corail pêchée........ 323 TABLE ALPHABÉTIQUE. R Règlements et état actuel de la DOC RE EC eee Replis mésentériformes. ......... REDLOUUCIIONE ES er. Résumé des mesures à prendre. ... \ S SATA DL PRE re ele sis nute SALCOSOTE Eee cle ce elle ISOITOICMNESE. . . ; + + + 566 se eee « SPA AE - sole mcielete ele o ie D CLÉLITE SERRE CE -1e see cle à eee Seulptures du Corail. . . . ........ Sexes sheltetetela ole se e/sele ee ee pois ere Soins à prendre pour faire vivre le Corail #0 2: 0 4. SDEBMIALOZOIAES. Ne... see. Spicules Surveillance de la pêche 229 65 218 250 70 336 126 37 132 70 281 T Tabarque ou Tabarca. Tache germinative ee) eee eûete else Tissu propre ou général du Sarcosome Tortolo ou cercle Travail du Corail elle ele see en) ele ete. 1e ahelelere sie ele se aise L'ÉTÉ US PRE COR - 0 Valeur du Corail pêché Valeur des expressions employées dans l'ouvrage. ---rere Vapeur (emploi de la) Vendeurs de Corail eholo slelstehehele nie Vésicule transparente. Vieille-Calle. . ....." NE Ole ie Villages de corailleurs........... NISSAN nc Re ce Z Z0anthodemes...:.----...0 76 324 manufacturé. 265 et 343 22. 257 326 140 308 307 139 23-80 LÉ E Lu. : | RU AT. . à Vu qi cb à ‘p si LE € ñ ti | ê id or LL rs t@ux | » LE LT “ - L LLE : L à ne. ni re ) a: È " | mn sig CRE TT ud) = CE " L 1 « te 1e 4 . n \ F .- 5 LE Le : . 4 d - 4 ne MP * - sd | . DEF es L …J Sa re . ce (] # + L ë L ‘ d ä . : e ‘ a + » & F3 d CA L * » * . k - ., : : : se 3 « 4“ À * à , n à * L2 ; : . d 5€ # ‘ d + s Je à « , ‘ * LS Æ" : a . LA PA : n L nd A a ” é . ) +" se A * de é . | ." N d” 4 + , e è _ du Le à + , * : : , u . L] | à" : . A + L2 . » TE , . v Li Pal « n Ce . , " “ ) 4 2 n L | e g * ‘ d _#æ « : ’ x . À UT LE LEA 1. LILI IV R n7 221 ! LILI AMMNIR, 2 L'ALRRRAL LL ARLIALR, LRBL AREA LARL AN INLVILIILILRSISE 29JOVOUUrI:! NVINUSFILIFEO S318V89I1 -'SRARIES SMITASONIAN _INSTITUTION NOIINILILSNI _ 4 Æ oh s PP 0 A «a —_ = PA à : EC YA = œ O = ? O Fe FA er Fe — INSTITUTION., NOIALILSNI_NVINOSHLINS _S318V# 817 LIBRARIES 6 un o = e 5 Ne ? = F = à = > = n KR NC + 2 SERR-A'R-E Li PL B RARI ES, SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINLILSNI D, < £ “A £ MNT. ; 22] P72) : N . A “a N e) == K NW O E à £ re N KS Z , CN € PE INSTITUTION NOIINILILSNI NVINOSHLINS S31#VYg17 un = n = - ü _ 7) œ : œŒ ms. < C , =. 2 = ne am [se] —_— — [e) = a Zz : S S318VY911 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINLILSNI ee Z La Z — O = O œ = ‘uw = 2 5 dl 5 > As > Se 2 F a = un un D : D : NOITINLIISNI S314VH411 LIBRARIES 2 = 2 E k@ NT 'd- = ‘2 NN es Le 4 O a EU O NN s 1€ + AIN LATE > 7 = > = \ = n = n > __ LIBRARIES SMITHSONIAN _INSTITUTION NOIINLILSNI Z di 2 w de Le _ = LA >: £ E œ WE, = œ 5 0 HW 5 = SA | zZ —| INSTITUTION NOILALILSNI _NVINOSHLINS S314V#411 LIBRARIES O D © _ Es pe) Ne RE 7 = : Na : = F a NK = 5 CL EP N 2 m Z 7) de = uw S314#v44a17 LL B RAR ES, SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINLILSNI : Na : ÉD da : dr - (e) £ © = Z E Z = S > = >° Un # 2 77) #R Z INSTITUTION NOIINLILSNI NVINOSHLINS S31#vV#817 un He un — : a ms ü œ : œŒ S < = ne = m o a = UILIILILOINT LR ALL A ARE 2222) * LIBRARIES SMITHSONIAÏ LIBRARIES SMITHSONIA SMITHSONIAN SMITHSONIAN NVINOSHLIAR NI SMITHSON INSTITUTION NOINJIISNI NVINOSH1I LIBRARIES NVINOSHLINS SMITHSONIAÏ NVINOSHLINS S314vVa4817 NVINOSHLIAS Kw SMITHSONIA . « INSTITUTION NOIINIILSNI NVINOSHII BRARIES 7" LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOILNLILSNI NVINOSHIINS S31uV Le 4 K S K N NOIINLILSNI NVINOSHLINS SMITHSONIAN + LIBRARIES NOTINJLILSNI LIB S313V4811 LIBRARIES INSTITL ñ INSTITUTION NOIINLILSNI INSTITUTION NOIINLILSNI SIIUVUBIT LIBRARIES INSTITUTION S314#vV4817 S31#va8l AL # 4 1 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINIILSNI NVINOSHLINWNS S318% | g ne N NOILNLILSNI NVINOSHLIWNS S314VUG17 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITL Ÿ 1 LIBRARIES SMITHSONIAN SMITHSONIAN / NYINOSHLINS SMITHSONIAN ” ”/ 4 NYINOSHLINS SMITHSONIAN NVINOSHLINS NOIINIIISNI NOILNLILSNI NOILNLILSNI LIBRARIES LIBRARIES INSTITUTION NOIINIILISNI NVINOSHIINS S314v ù x ss ' NS SIIUVUHSIT LIBRARIES S314vV4817 INSTITUTION INSTITUTION NC INSTITUTION IN NOIINLIISNI NVINOSHLINS S31YVH811 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITI NVINOSHIINS S314vV4817 [2] _ 2 Z Z à T< fe = = NS < NS er Z — A NN S Zz NN + he O 2 O Kit 6 RK 8 2 Æ 2 NX 2 KR _ ES Z E NS F > = > = = 2 n ee (75) à = 1 LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION NOIINLILSNI NVINOSHLINS S314v LIBRARIES NOIINITISNI LIBRARIES IN _ NOILNLILSNI NVINOSHLINS _S314VH911 LIBRARIES INSTITI : Kw SMITHSONIAN INSTITUTION NOIJNIIISNI INSTITUTION NOIINIILSNI S314V4811 LIBRARIES INSTITUTION S314vagl S314vV4817 1 _LIBRARIES SMITHSONIAN INSTITUTION * NOILNLILSNI NVYINOSHIINS S313% SMITHSONIAN NVINOSHLINS NYINOSHLINS NVINOSHLINS “nu NN N : NS SK à. N S314VH811 LIBRARIES N NOIINLILSNI_ NVINOSHLINS SMITHSONIAN INSTITL BRARIES SMITHSONIAN BRARIES SMITHSONIAN ELA LIISNI HALNLILSNI )ILNLILSNI BRARIES | ] | ION LIBRARIES [l FF à pavé CAE RENE RE TG OT GES NE pt ES mag ur D TT eee nr y D A M EL NN EN RU VA ES D D eg gg mp ane RE A DEA AUS PA À DDR MAN M D 9 png Ses L ru. ' sure as 49 * MR LL ODEIT El DÉCPEPENTEENEE EE Lane MAR ES RE 7 g : LAC RCEETETS TETE sa ind Fat Da «parent EE LR EE Ad eg MP € em RS EM RS mg AN Bu aa du _ CORRE EEE TES UT à 5 ‘ ADN CITE EPP Er ES ge a à d'a ta : env 9 DATE re LE URI ES MENT AD SV Coins , , SIND SÉRIE ma nd VA PT é 2 AN ee en Er RARE Ê [NE A OU a A SA D 2 8 sy ÉrTEES de et te = eh en he h-s-n-chn ch avr dt eur Gama Ma PORTES = DR nes AR LEUR ES A OS SENS END PSE NA SE à 9 DS ESS D GS mt ie AT PEN ere DUR e D UR pnT DA Eu Bon MELLE A DCE ETS - CAUSE ETE ETES DD 8 IS PAS Va Be care 7 CAE re 4 5 Vadee ue A 4 AR MD AU APR IE ne à 4 Cp MNT A ST AS … : LD DR CCE TENTE" TPE TEE RAT ge a ge NÉE rer aa D Ed ÉD 4 8 AIN AU BRIE ZA se era ap da va ve TR © BE QE AA AR DU m0 OS LT ne AAA SD Ue PÉOGEU À Au à 9 y à a We sn * = AE TEEN DA PAST Ce en a ad 4 verres ». ir LS AAU A rne 2 EU Ve QE en QU Le EPA 8 : A - Norbert D M és LOTR EL ne LS UT er RL ben aa Te rar re qe COLA ETS Ê se TA 4 vue m9 A 6 UE QC 4 Ut MAT NE en 92 A Bu ue e CERREECECEEN LEURS