}AA1 n . S eM^y^. ¥£ 3 /fe • f HISTOIRE NATURELLE ET MORUE ILES^^fÏÏJLES DE L'AM ERIQUE- Enr'chie * d'un grand nombre de belles Figures en taille douce^ des Places ^r des %arete\ les plus conjtderableSy qui y font décrites. Avec un Vocabulaire Caraïbe. SECONDE EDITION, ^eyeu'édr augmentée de plufieurs Defcriptions > i? de quelqptM èclaircijjemens , au on dejtroit en la précédente,. A ROTER DAM, Cher A R N O U T fc E E R % M* DC LXV. MONSIEUR MONSIEUR DE BEVEREN G O U Y E R N E U R D E L'ILE DE TABAGO, Tour les Hauts (srPuifatts Seigneurs les Eflats Generam des Provinces Fmes du $4ïs4as. O N S I EUR, s AyanteftéconviéderevoirPHi- ftoire Naturelle & Morale des Iles Antilles de P Amérique , & d en procurer une Edition nouvelle, qui fut enrichie de plufieurs Defcrip- tions, & de quelques figures & • a 3 éclair- EPISTRE. éclaircirtémensiqu'oh defiroit en îa précédente : j'ay creu que je ne pou- Vois rechercher une protection plus avantageufe à toutes ces Additions, qu'en leur faifant voir le jour à la fa- veur de vôtre Nom , qui ell autant célèbre dans cette partie du nou- veau Monde, dont ce Livre traite^ qu'il eft illuftre 6c debonneodeur au milieu de nous. Mais bien que je fois perfuadé, que ce petit Ouvra? ge doive recevoir un ornement &' un éclat tout particulier de la liberté que je prens , & que jeconfelTe hau- tement , qu'il a befoin de cet apuy, pour paroitre aus yeus d'un fiecle tres-éclairé , É qui a fujet d'exami- ner pi us feverement que par le paiïé» les SPISTRE: lespieces de cette nature qu'on îuy prefente ~ il iant neantmorns que je vous avoue , Monsieur, que ce n'efl point tant fon propre intereft, qui m oblige à vous l'ofrir, que le defirqui me preue,de donner au pu- blic quelques preuves de la grande eftime que ie fais devoseminentes vertus , & fingulierement de vôtre pieté, & de ce zèle que vous avez pour l'avancement de la gloire de Dieu , dans cette aimable Colonie, qui recueille avec ioye les dous fru its de vôtre fage conduite, dépuis que la providence vous y a appelle. Il efl vray , M on si eu r , que n ayant pas le bien d'efk-e connu de vous, i'ay fuiet d'aprehènder, que d'abord vous EPISTRE. vous ne foyez furpris de mon pro- cédé : mais fi vous me permet- tez de le iuftifîer, ie vous diray s'il vous plaît , qu'en vifkant durant mes voyages la plupart des Iles de l'Amérique , & trouvant celle de Tabago entièrement deferte , bien quelle me parut richement pour* veuë y de tous les avantages natu. reîs, qu'on eut pu defirer pour re- cevoir des Habitans : ie fouhaitois dés lors, que quelque perfonne d'autorité , prit là refolution de la faire cultiver comme elle le meri- toit : de forte , qu'ayant en fuite en- tendu , que Mefsieurs Lampfins y avoient fait porter à leurs frais & dans leurs propres vaiffeaus , plu* fleurs E P I S T R E. fieurs braves hommes, poar^ y éta- blir une nouvelle' Peuplade , fous la Gommifsion ? 6î les favorables aufpices des Hauts ôc Puiûans Seig- neurs les Eflats Generaus des Pro- vinces Unies du Païs bas, & qu'ils vous avoient présenté à leurs Hau- tes PuifTances , pour y comman- der en leur Nom : je bénis Dieu de tout mon cœur de ce genereus deilein , &de l'excellent choix que ces Seigneurs avoient fait de vôtre Perfonne , pour en avoir la di- rection : & dés ce tems-là , je con- ceus de grandes efperances , qu'il fèroit acompagné d'un heureus fuc- cés par la benediéèion du Seigneur, & que cette belle Terre étant en de b fi EPISTRE. fi bonnes mains , (èroit bien toft, l'une des plus florifTantes& des plus célèbres de toutes les Antilles. Cer- tes , Monsieur » ie puis dire maintenant avec vérité , que mon attente n'a point efté vaine , & que mes/'defirs font à prefent parfaite- ment acomplis, puifque j'aprens avec une fatisfa&ion nonpareille, parle récit confiant Se unanime de tous ceusqui en font retournez dé- puis peu , qu'outre la grande pru- dence, l'équité, ôc la modération tres-exquifes , que vous aportez en Fadminiftration de vôtre charge, en protégeant les gens de bien , repri- mant , les déréglez par leslotx de la juftiee>& veillant fur tout que Dieu foit EPISTRJE. {bit fervi, dans toute 1 étendue de vôtre Gouvernement : vous gar- dez encore un fi bel ordre dans vô- tre Maifon , & Vous y recevez avec tant de courtoifie & de civilité tou- tes les Perfonnes d'honneur qui vous vifitent, que vous confervez & avancez merveilleuiement parmi ce nouveau Monde , la gloire & la réputation de la Nation Belgique. Je fais, Monsieur, que vôtre Mo- deftie, qui relevé grandement le luftre de vos autres perfections, n'aprouvera point ces louanges, bien qu'elles foyent fondées fur la vérité : c ed pourquoy je ne m'etendray point plus avant dans cette riche matière, de peur de vous b 2 ofen- EPISTRE. ofenfer, ôc afin aufsi que l'on ne me puilTe point imputer avec quelque couleur , d'avoir entrepris de faire vôtre Eloge , qui e(l refervé aune meilleure plume : mais je vous. prie-, ray tant feulement,quepour confir- mer ce que cette Hiftoire pofe par tout pour confiant; ailavoir, queles lies Antilles ne font point fi obfcu- res, qu'elles. n'ayent le Boaheurd'ei lire éclairées de plusieurs honneftes Familles ; Se = particulièrement de Chefs, qui fonttres illnilres, pour leur pieté, leur valeur^eur fageiTe, Ôc même pour leur grande érudition ; il vous plaife , M o n. si eu r , de fou- frir que j'ajoute encore ce mot : qu'ayant la connoiiTance de toutes les E F I S T R M les belles chofes , & pofledant en égale perfection les plus nobles lan* gués de l'Europe , & même celles qui font les plus prifées entre les do- ctes, comme les excellentes Poëfa Latines que nous avons de vôtre faflon le témoignent amplement : Vous avez aufsi toutes les grâces na- turelles ôc aquifes r & tous les atraïts de l'ef prit .&■ du corps , qui font ca- pables de toucher les cœurs ôc de gagner les afeétions des Habitans de nie que vous gouvernez , & des étrangers qui y abordent :. telle- ment, qu'encore que cet agréable féjour ait toutes les beautés &■ tous les charmes qu'on fauroit deftrer, pour le rendre acompli, il faut toute- b $ foii E P I S T R Ë. fois avouer, que vous eftes fon plus precieus joyau, ôc que vous faites {es plus chères délices. Voila, Mon- sieur, le fèntiment commun de tous ceus qui ont eu le bien de vous voir, & les raifonnables motifs qui m'ont excité à graver vôtre Nom au frontifpice de cette Hiftoire des Iles Antilles , entre lefquelles celle où vous commandez, eftlapremie- re en ordre , de même que vos foins l'ont rendue l'une des plus confi- derables. Et c'eft aufsi de toutes ces necefTaires & évidentes premif- fès , que je tireray s'il vous plait , la preuve tres-claire de la juftice de mon entreprife,de même que c'eft fur vôtre grande bonté que je fon- de E P I S T R E. del efperance que iay, qu'en la féel- lant de votre aprobation , vous agréerez, le petit prefènt que ie vous fais de la Defcription de votre Ile & du pais des Apalachites en parti- culier, comme un témoignage du fer vice que ie vous ay voué ôcdu refpeéVtres-fmcere que ie vous por* te , & comme un gage inviolable des prières que ie prefènte à Dieu pour laprofperité & la bénédiction de vos grands employs, me difant à toujours. MONSIEUR Vôtre tns-humble ér tres- ebfïjfîmt Strvitfur, ©>E R O CHEF OR T.: FRE- PRE FACE, • Ous ayons le malheur dam les Relations aueîon nom donne des pals lointains , quefouVent elles font écri- tes par des pzrfonnes interejfèes , qui par de certains moùfs iTpour de certaines confédérations deguifènt la Vérité, cr nom représentent les chofes d'un autre-; air y qu'il y en aura d? autres > à qui cespetk enrichijje- mens ne fieront pas désagréables. Et s'ils ne les confiderent: pas 'comme de traits apartenans au defifein efifenciel du table au y ils les pourront regarder aVec quelque plaifiir r comme des bor- dures de fleurs y defiruits , t& d'oifeam r pour l'ornement de la pièce. Pour ne 'pas fiatiguer le Lecteur r en lui fiai fiant faire de trop* grandes traites tout d'une h alêne ,. <&pour ne point l'afifier [es yempar une trop longue que nom avons ejîimé le pouvoir faire raifionablement y <ùr aVecgra ce. Mais en quelques endrois y la contexture isrla liaifion de la matière ne nom ayant pts laijfié la liberté défaire despaujës 0 & de couper notre récit , comme nom ïeufîions Voulu ; cette contrainte nous fiervira d'une excufie fiiifififante. Le dificours eslf image de lapenfèe. Mais le portrait repre* fente la chofie même. Ceîî ' pourquoy , nom ne nom fiommes point contente^ de fitmples paroles dans cette Hiîtoire. Nous y avons ajouté un grand nombre de figures quand on nous les au- ramontre^ fâchant ajfe^quelle eïlla foibleffe , & de lame- moire & du jugement de tous les hommes du monde. Seulement nous fùplions cens qui les auront remarque^ de s'apliqueràem mêmes ce direfameus , Homofum, huraani à me nihil alienum puto* CeH à Sre defefouVenir qu'ils font fujets a fie méprendre , & à Je tromper comme toute autre perfonne. Quau lieu donc de reprendre feVerement <ÙT avec rigueur, ce qu'ils naprouVe- ront pus dans notre Hiîloire, ils nous en avertirent doucement & en charité : ù il en faut, félon la règle d'aujourduy. Nous difons aufii le même des Apoftrofes, & des ponctuations, On trouvera, auflfi en quelques endrois ,. des lettres qui ne font pas neceffai- res , fuivant la prononciation & l'ortografe qui ont cours $ & en d'autres il en faudroit ajouter, pour éviter lesincongrui- tez. Nous aurionsfait une lifte de toutes ces fautes , que nous condamnons les premiers, fi nous néuffions craint , qu'elle eut étonné par fa longueur. Pour ce qui eft de l'elegance & dés enrfchiffémens du îan~ gage, comme cela li'eft pas de l'etTence deL'Hiftoirc ; Les efprits folides & raifonnables , rechercheront plus îcy les ehofes-, que les mots , & la vérité quelesornemens. Nous confefîbns neantmoins, que pour nouseftre arrêtez un peu trop fcrupuleufement , aus propres termes de quelques mé- moires , qui nous font venus de diverfes mains, nous avons quelquefois employé des mots qui ne font plus de mile, Se même des faflbns de parler, qui ne font pas du bel ufage. Nos Lecteurs , les Apporteront s'il leur plait : puifque fi ces fautes font tort à iapureté de la diction , & àl'élegance du ftile, qui eft à prefent le mieus receu , elles ne corrompent point le fens, & ne changentpas la fubftance des chofes. Nous demandons particulièrement ce bénin fuport , en fa- yeur des Additions , des éclaircifiemens, & des amplifications que nous avonsefteobiigez de faire à cette deuziéme Edition* c s fan& ^ivertiffement au Lefteui. fans en avoir pu conférer fdon nôtre defir , avec ce tres-doûe & incomparable Amy & Allié, qui eut la bonté de polir, d'orner, & d'adoucir par fes pures & naïves expreflions, les rudes matières que nous lui communiquâmes pour encom- pofercetteHiftoire, à peu prés en la même forme, qu'ellea paru en fa première imprelïjon. Car nous avouons que c'eft de cette excellente plume, que nous tenons la plus grand- part , de tout ce qu'il y a de plus net & de plus exad dans cet Ouvrage, & particulièrement tous ces riches paraleles , & toutes ces judicieufes opofitions , dont il luy plût de parfemer, commed'autant de belles fleurs , THiftoire Morale de nos Ca- raïbes: de même que nous lui devons le Vocabulaire du lan- gage de ce Peuple, qu'il obtint du P. Raymond qui étoit alors à Paris. De forte , que fi nous avions efté encore afie^ heureus , pour eftre éclairez de fes belles lumières , fans dou- te, que cette pièce pourroit eftre mife au rang des plus ache- vées en fa forme , comme nous ofons avancer , qu'elle l'eft en la vérité de fes matières. Mais une étendue d'environ deus cens lieues de chemin qui nous fepare, ayant interrompu dé- puis quelques années le dous commerce de lettres, que nous entretenions auparavant avec ce grand homme : le Ledeur débonnaire eft fuplié d'atribuerà cette infurmontable necef- fité, l'inégalité du ftile qui eft vifible en quelques endrois, & laprivationdetons les autres precieus ornemens , dont cette Hiftoire auroit efté enrichie , fans cet éloignement. Bien que tout cet univers foit un teatre d'inconftance, où il arrive journellement des révolutions fi étranges & fi inpre- veuës, qu'elles changent en peu de tems la face des chofes mêmes , qui fembloient eftre les plus afermies : il faut parti- culièrement confetTer, que ces altérations & ces changement font plus reconnoiftables & plus frequens dans ce nouveau Monde , duquel nous décrivons icy une partie $ qu'en aucun autre endroit de l'ancien , où nous habitons. Dépuis environ dixfetans , que nous fommes de retour du dernier des voyages que nous y avons faits cheminans en nôtre vocation , félon l'ordre que la providence nous avoit adrefie : nous aprenons que des Iles qui avoient alors des Colonies tres-florilTantes, fontàprefentprefquedefertes 3 & que d'autres , qu'on tenoit en ^sïvertiffemeut au Lecteur, en ce tems-là comme abandonnées , font maintenant peti- pléesà merveille. Que la plupart des mêmes Iles ont changé de Seigneurs fonciers, bien qu'elles reconnoifient la même Souveraineté dont elles relevoient auparavant. Que les In* diens originaires du Pais, font tellement réduits à l'étroit, qu'ils n'ocupcnt plus que les Terres de la Dominique & de Saint Vmceht , où l'on projette encore d'établir des Colo- nies , & de les obliger à les recevoir ou par amitié ou par for- ce. Tellement qu'on nous affure, que fi nous étions main- tenant fur les lieus , nous aurions de lapéne à reconnoitre les chofes, que nous y avons autrefois veuës de nos propres I yeus, & touchées de nos propres mains. Voila, ce qui concerne les changemens qui font arrivez? aus Antilles : & pout ce qui touche cens du Continent , les derniers mémoires qui nous font venus du fein delà Mexi- que nous informent , que la Colonie de la Palme, qui ocupoit autrefois l'un & l'autre rivage delà grande Rivière, qui efir connue dans la Floride fous le nom du Fleuve du Saint E/prit & .quis'étendoit lors que nous y fûmes portez, dépuis la co- fte de la mer jufques à Ochille , c'eft a dire , plus de dix ou douze lieues avant dans la terre, acué contrainte dépuis peu d'abandonner toute cette contrée- là , & de fe retirer au pied des montagnes,qui font éloignées de plus de foixante lieues de la cofte de la mer , en tirant au domaine des ^Âpahchites^ tant afin de fe mettre à couvert des incurfions des Sauvages delà Province de TagoeJia qui les harceloient fans cefîe 5 que pour fe parer par même moyen, des fréquentes inondations de la Rivière & des torrens , qui enlevoient fouvent tout le- provenu de leurs champs, lors qu'ils étoientàlaveilledele recueillir. Nous avançons ces exemples , afin que ceusqui faifans le voyage de FAmerique, porteront avec eus nos Re- lations , ne trouvent point étrange d'y voir toutes ces ré- volutions qui y font furvenuës , & qui ne pouvoient cure preveuës d'aucun homme. Quelques- uns de nos Amis, ayant veu entre nosmains , les- excellentes Lettres, dontplufieurs Seigneurs & Chefs de di- verfes Colonies de l'Amérique, nous ont honorez en fuite delapremiere Edition de cette Hiftoire-: & ayans juge qu'elles donne- x^ivertijfement au Leffeur. donncroient un raerveilieus poids à nos Relations, & qu'el- les leur ferviroient d'une aprobation autentique , Ci nous leur donnions place à l'entrée de ce Volume , veu nonmé- ment , qu'elles leur fembloient écrites à deflein d'eftre pu- bliées. Nous avons eu beaucoup de pêne à fuivre en ce point leurs inclinations , à caufe que nous fommes perfuadez que la grande generofité de ces Seigneurs, leuradidé des termes trop beaus, tropobligeans & trop avantageus en faveur de cet Ouvrage, & fi nous avons fléchi à leurs fentimens, ce n'a pas efté fans protefter , comme nous le faîfons encore , que ce n'eft point pour nôtre intereft particulier, puifque fans nous atribuer aucune partie de ces éloges , mais les renvoyant en- tièrement à la même civilité d'où ils ont pris leur origine, nous ne les produirons icy , que pour les confiderationsque ces Charitables amis nous ont alléguées : & pour junirier amplement , ce que nous avons déjà pofé comme tres-con- flant: que ces P aïs-là, ne font point fi barbares que quel- ques-uns leseftiment : puis-qu'ils'y rencontredes perfonnes tres-illuftres, non feulement au fait des armes & en la fage conduitedes peuples , mais encore en la connoiffance parfaite de tout ce qui eft en eftime parmi les plus grands & les plus folides efprits de nôtre Europe , ainfi que ces riches pro- ductions de leurs plumes le témoignent, fans qu'il foitbefoia de recourir à d'autres preuves, CO- COPIES De quelques Lettres choifies entre plufieurs au- tres , qui ont efté écrites de l'Amérique en faveur de cette Hiftoire. Et premièrement de celle que Monfieur le Chevalier de Lonvilliers Poincy, Bailly& Grand Croix de l'Ordre de Saint Jean de Jerufalem , Commandeur d'Oyfemont & de Coulours, Chef d'Efcadre des Vaif- feaus du Roy en Bretagne , Lieutenant & Gouverneur General pour fa Majefte'aus Iles de l'Amérique nouse'cri- vit apre's qu'il en eut receu un Exemplaire, & en nous envoyant le Plan de fa Manon , & le payfage de l'Ile de Saint Chriftofle. M ONSIEUR JE n'ay point efté fur pris de la beauté ' & de V excellence de votre Livre ? que vous avez, pris la pêne de m'envoyer . il ne peut rien Jortir de votre bel ejprit , qui ne [oit parfaitement achevé : & il me femble que vous avez,fi heureufement reufi dans cet Ouvrage, que je majfure que votre réputation en recevra un grand éclat. Vos re« marques font fi curieufes & fi véritables , & le dife ours fi poli que vos amis n'y peuvent rien defirer d'avantage. Pour moy , je me v eus feulement rejouir 'avec vous, d'un [i beau fuccés,& vous rendre mille grâces , de ce que vous vous eftesfi avant ageufe* mentfouvenudemoy. le vous envoyé en échange le Plan de cet* te CMaifon que vous avez, defiré. l'y ay ajouté celui du payfage de notre île, qui ne vous desagreéra pas : & quoy que l'abfence de CMonfiew i^Auber de OMidelbourg , m'aye un peu mis en peine par qui vous faire tenir ces petites curiofitez, , j'ay creu que 8. Serviteur. Le Chevalier de Poincy, Copie d'une autre Lettre que le même Seigneur nous adref- fa , en nous envoyant encore un autre Crayon de f*. Maifon. MONSIEUR Ï'Ay rsceu la lettre que vous avez prk la peine de m ter ire lefixié- me du mois de Mars dernier , & je Juû bien aife que vous ayez, agrée les Tableam de ma Maifon & de notre lie. Vofire Livre est rempli de remarques tres-doctes , & fi curieufes qu'il ne recevra quun médiocre enbelijfement , en y ajoutant le Rlan d\une petite Caze À l' Indienne. le prens pourtant tant de p-laifir a/atisfaire h ce que vous- defirez , que je vous en envoyé encore un autre Crayon far cette voye, afin que vous ayez le moyen de choifir celui que voué jugerez le plus propre a votre defiféin. le ne fuis point du tout iton- né de l'aprobation que notre T^ation , ejr même les étrangers ont donnée h vofire Hifioire : Car elle eU fi exaffe çjrfihien écrite % quon n'y peut rien ajouter. le fuis témoin depuis plus de vint an- nées de la plupart des belles chofes.que vous remarquez , & on ne: faut -pit trop avantageusement reconnoitre un travail fi louable. le vous fouh ait e toute forte de profier ité ^ ejr vous conjure de croire % qu'en toutes ocafions je vous feray paroitre > que je fui s parfaite* ment, M O N S I E U R De Saint Chriftofle le i $ Vôtre tres-humble Juillet 1659,. Serviteur Le Chevalier de Pqincy* Copie LETTRES, Copie de la lettre que Monfieur le Gouverneur de la Co» lonie de la Palme , nous a envoye'e au fujet de cette Hiftoire. MONSIEUR Nofire Colonie doit beaucoup à votre doBe plume, ejr au zèle que vous avez, eu de la faire connoitre a l'autre CMonde , ou fans vos belles lumières , l'on nefauroitpas mtmefielle fubfifle en celui-cy : tellement que nous reconnoiffons par une très -agréable expérience , qu'en quelque part qu'on vous trouve $ foit dans le fein de l*[le Hifpaniola , foit dans celle de. la Tortue , foit dans la 3F loride , foit en France ', ou dans vos riches Ecrit s y vouseftes par tout £ obligeant é* le tout aimable, il ny a aucun de notre Com- pagnie qui n'ait cesfentimens , qui ne vous regarde comme un ami intime t qui nefouhaite de vous revoir dans ces contrées , ejr de vous pouvoir un jour témoigner la reconnoiffance que nous vous de- vons', a caufe de ce dous fouvenir que vous ave? eu de nous dans votre vraye ejr incomparable HiHoire des ^Antilles. T^ous avons tout fujet de donner ces éloges à cette excellente production de vo- tre efjrrit , après tant de Relations fabuleufe s qui ont pajféfous nos y eus , ejr qui ont donne aus ^Apalachites ejr aus autres Indiens qui peuplent ces Pais , une toute autre face qu'ils n ont en éfet. Pourmoy , fay du d épiai fir de ce que lors que cette Colonie naïf- fante eut le bien de vous pojfeder , je ne pus jouir qu un moment de voflre douce converfation. Fous fave2 , CMonfieur , que la necefitt de nos affaires m obligea de me rendre fur nos frontières pour opofer nos forces h la défi ente des Barbares • qui y av oient paru , ejr que je pris congé de vous dans l'ejferame de vous trou- ver encore h U Palme h mon retour , mais fans doute , vous ne le fauries pas fi je ne le vous difois , que jamais aucun vent ne fut plus contraire h mes inclinations , que celui qui durant mon abfence fe reitàit favorable h la continuation de voflre Voya- ge , puis qu'en vous enlevant du milieu de nous , // ra- vit aufii les délices de nos cœurs , ejr nous priva d'une tres- fenfible confiât ion. Depuis cetems4k , mus avons fouvent parlé à 2 de LETTRES, de vous , & nous Avons teconnu par votre digne Hiftoire, que fa* mitie que nous avons pour vous eîl réciproque, veu que vous avez» fi bien confervs les Idées delà Palme , de Cofa , de Bemarin à* des Provinces voifines , & que vous nous donnez* des enfeignes- illuftresdeceprecieusfouvenïr.. Certes, Mànfiem t, quand bien vous nous -auriez laiffez dans ce profond frience, ou nous fommes comme enfevelu depuis tant d'années , nous dirions^ neantmoins de votre HiHoire , quelle eHjudicieufe , fidèle , ejr divertijfante, ejr quelle eH richement embelie de tous les agrêemens :-, que les efhnts les plus délicats faur oient defirery pour leur entière fatis* faction. PourfuiveT , Monfieur 0 nous aimer , & tenez s'il vous plait pour affuri que nous reput erons h grand bonheur d'aprendre que nos lettres vous ayent eji ^fidèlement délivrées , & que nous ayons toujours part envosafettions, de même qù en vous hono- rans très. parfaitement ^ nous faifons des prières h Dieu pourvu tre pro/perité , & pour V heur em ' fuccés de vos louables entrepris fis. C'eft aufi h fa fainte protection , que je vous recommande &m particulier , comme étant de tout mon cœur,. MONSIEUR Be la Palme en PAmeri- que Septentrionale le 14, Juin 1659, Votre tres-humble & tres~ obeïlTant Serviteur. De Vax Croissant. Copie d'une Lettre que MonfieurEdouardGraeves, Do&eur en droit , & l'un des Chefs & Directeurs des Familles étrangères qui font parmi les Apalachites , nous à envoyée furie fujet de cette Hiftoire,avecla Relation fort ample de tout l'état de ce Païs-là , & les crayons de la montagne: d'Olaimy, de la Ville de Melilot, ôc de la Plante fenfitive,1 MONSIEUR B ve Ten que nous vivions dans l'une des plus reculées Colonies de- ^ l' '^Amérique Septentrionale, ejr que nous foyons prefque pri-~ 'z> de tout commerce avec le reîie des h$mmes , qui fontprofef- fion L ET TRES. fion de rechercher les belles chofes & de leur donner le prix que& les méritent : non* Avons neantmoins efté afifez heure m , que de recevoir un Exemplaire de l'excellente HiBoire Naturelle & Mora- le des îles Antilles , que vom avez, donnée au public. Et parce que vous avez eu la bonté de vous fouvenir de nom , ejr de nous nom- mer avec honneur en plusieurs endroits de votre Livre , ejr même dy inférer à deffein une belle &judicieufe digrefiion , qui ne traite que de nous , jt crois efire obligé de vous en rendre de tres-afec" tueufes affions de grâces , ejr de vous ajfurer comme je fais , que nous avons leu avec un contentement extraordinaire , cette Re- lation très -fidèle & tres-exaBe, que vous ave7 compofée de ce petit Etat, fur les mémoires que feu M*- Briflok vous avoit envoyez. Kljmfouhaiterio -s , Mmfieur , que ce docle Perfonnage% qui a, laijfé parmi nous une fi douce odeur de fes vertus , fut encore en vie four syaquiter de la promeffe qu il vous avoit donnée, d'informer encore plus amplement l'Europe , de tout ce quily à de plus rare & de plus confiderable dans ce Pais & dans les Provinces voifines. Car comme il avoit une tres-exaffe connoijfance de toutes ces cho~ fis , & une grâce incomparable h s' en exprimer de vive voix & far écrit , // eut efléfans doute aufiiftignem détenir fi parole avec honneur , qui l avoit efti facile & obligeant à la donner. t-Mais afin que d*ms cette perte qui nous eH extrêmement fenfi* ble , vous ne foyez* pas entièrement frufiré de cette douce attente , & de l'ejperance que vous en avez fait concevoir au public : nom vom prions Monfieur de recevoir le Cayer qui acompagne les pre-* fentes, ou vom trouverez le s~ Crayons de la célèbre montagne d'O- laimy, de notre Ville de Melilot, & de la Plante fenfitive , avec un récit véritable de notre petite Colonie , & de tout ce dont nom avons creu vom devoir informer l , pour efire ajouté fi vom le jugez convenable, a la deuziéme, Edition de vôtre Hifioire. Nom avons aufii eflimé \ Monfieur , que vom ne trouveriez point mauvais, que nom joignif ions aufiiùces, mémoires que nom confions à vôtre prudence , le jugement que nom avons pris la li- berté de faire de tout vôtre digne Ouvrage, ér h prière que nom< vom faifons de le recevoir , comme le fentiment gênerai de tout ce- qu'il y a d' honnêtes 'gens, dans cette partie du nouveau Monde. &e t Jans qu'on, vous puijfe acufer avec juftice , de partialité, ou de- flaterie. De peur-, que ces chaleurs prefque continues qui régnent aus Antilles' , nefujfent tant fait peu contraires au tempérament de vos* MUeurs7 vous leur avez fourni par une fage prévoyance, un aima- ble: LETTRES. Me rafraichiffement au milieu de leur cour fi , au moyen de la Re- lation fi curieufe & fi bien circonfianciée , de ces triftes Habit ans du Détroit de Davis, qui paffent les deus tiers de leur vie parmi les glaces ejr les neiges qui couvrent leurs cavernes : tjrlerefie, dans les eaus avec les coiffons , comme une e fie ce (t^Amfibies en- tre les autre s homme s. Nous ne doutons point % CMonfîeur , queles Caraïbes que vous avez.fi bien dépeints , dans leurs ménages & dans leurs diver- tijfemens , dans tous leurs exercices de la paix ejr de la auerre dans leur natffmce ejr dans leur mort : ne vous avouent déformais pur leur propre Hifiorien , ejr qu'ils ne vous célèbrent en leurs Carbets&en toutes leurs rejoùiffanc es les plus folemnelks -,, pour avoir fait l'arbre de leur généalogie , ejr pour leur avoir donné la connoiffxnce de leur vraye origine , ejr fingulierement , pour les avoir produits à la face de lr Europe tels qu ils font en éfet, ceHaff avoir , beaucoup moins barbares , qu'on ne les avoit cre m jufques-à prefent. Nous avons eu la curiofiti r de communiquer ce que vous en avez, dit', à cem qui refient encore au milieu de nous $ (jr nous les avons entendu confirmer de vive voix , tout te que feu CUonfieur Brifiok, vous avait mandé de leurs guer~ tes , de leur religion , de leur langage t ejr de leurs mœurs % tellement que toutes ces chofes font fi véritables au fonds , ejr en toute? leurs cir confiances , quon ne fauroit les rejeter , fans démentir tout un peuple , quipar une tradition confiante ejr una- nime , étant nourri dans cette créance » en fera toujours le ga- rant. CMais ce fer oit peu r s9 il n'y avoit que cette Nation , qui fe refent encore de l'humeur fauv âge , qui publiaB vos perfections,, & qui vous témoignait fis rcconnoiffances : il eH aufii tres- jufie , que nous qui vivons, entre quelques refies de ces Feu- pies , & parmi d'autres , que nous tâchons de civiliser , tenions À gloire finguliere de nous aquiter de ces devoirs r ejr que nos Fa~ milles, qui ne compofent aprefint aucun corps d'état fi paré d%avec eus , ejr qui jufques-k maintenant s' étaient contentées d'a- voir leur timoin au ciel, ayant efté produites au jour par vôtre BiHoire „. confie ffent qu'elles font redevables à vatre bonté, de ^ toupe U lumière dont elles joui ffent en l Europe ^ ejr fu elles vous en réitèrent par ma plume , leurs plus cordiales LETTRES. avions de grâces. Recevez-les s'il vous fiait Monfieur , & en continuant de nom honorer de votre bienvue illance , qui nous efi fi avantaqeufe : Croyez, que notre Floride , répandra volontiers & fans aucune rejerve tout ce qu'elle a de fleur s , pour orner ta couronne qui efi deuë a votre Hiftoire , & que nos plaines , nos lacs , nos forets , & nos plus hautes montagnes n'ont point d'ha- bit ans , qui n'admirent vos écrits , ejr qui ne forment des vœu* pour votre projperité. Ce font-la leurs fentimens communs t & les particuliers de celui qui fer a pour toujours, MONSIEUR De Melilot en la Iloride ce 6]an. i66o. Vôtre tres-humble & très- aife&ioné Serviteur. Edouard Graeves. 1 i HISTOI- 1 1 J J ? * < U T A t . O 7 Z : I rxsi T-T T ' Ç T1 rY ^ t? T7 NATURELLE & MORALE *• DES ILES ANTILIES VA ME R I Q U E- ^ / ,x , vvl^j 4^\ !SS L I V RE P R E M I E R Comprenant THiftaire Naturelle; C H A P I T R E PREM I E R. $H la fîtuation des ^Antilles en gêner d : de la Température de l'Jir$ De la nature du, Pais -g ejr des Peuples qui y habitent, Ntre le Continent de rAmerique Méri- dionale , & la partie Orientale de l'Ile de Saint S Jean PorfG-Rjco , il y a plufieurs Iles , qui ont la figure d'un arc, & qui font difpofées en telle ■forte, qu'elles font une ligne oblique au travers de l'Océan. . Elles font communément âppellées, les ^Antilles Jet Amé- rique. Que fi Ton demande la raikpn de ce nom Jà , il m | croire, qu'elles ont été ainfi nommées ,: parce qu'elles font comme une barrière au devant des grandes Iles , qui font ap- pellées , les Iles de rAmerique. Et ainfi il faudroit écrire j ôc $>rononcerj?ro.prement Antilles , ce mot étant compote de « -A ' ecluy yjM *~ffù /rr/*, // /e % Histoire Naturelle, Chap. i ccluy d'Ile r & de la particule Gréque *m, qui fignifié à l'op- fofite, N eantmoins l'ufage a obtenu ,. que l'on écrive & que l'on prononce ^Antilles, On les noastne aufli, les lies Caraïbes ou Cannibales , du nom des Peuples qui autrefois les pofle- doicm toutes , & quelques uns les appellent aujourduy , lies Camerçanes. Christofle Colomb, fut le premier qui les décou- vrit , fous le règne de Ferdinand & Ifabelle 5 Roys de Catulle & de Léon, l'an mille quatre cens quatre-vints douze. Oa en conte en tout vint-huitprincipales , qui font fous la Zone Tornae , à prendre depuis l'onzième degré'de i'Equa:- teur, jufques au dix-neuviéme , en tirant vers le Nord. Quel- iui*t*7 lit quesnns, comme Linfcotenfon Hiftoire de l'Amérique, pre- r\ «/^nant le nom d'Antilles en une fignification plus générale, le /f<"y:"-~ donnent aus quatre grandes Iles, l' Efiagnok ', ou Saint Da- mïngue, Cube, lamaique, & Porto-Rico, auiti bien qu'a ces Vint- huit. L'air de toutes ces Iles eft fort tempéré, & afifes fain, quand on y eft acoûtume'. La Pefte y étoit autrefois in- connue de même qu'en la Chine, & en quelques autres- lieus de l'Orient: Mais il y a quelques années , que la plu- part de ces Iles furent affligées de fièvres malignes ,. que les Médecins tenoienrpour contagieufes. Ce mauvais air, y avoit été apporté par des Navires qui venoient de la colle d'Afrique : Mais aujourduy , on n'entend plus parler de fem- blables maladies. Les chaleurs, n'y font pas plus grandes qu'en France aus mois de Juillet & d'Août: Et par le foin delà Divine Pro- vidence, entre les huit & neuf heures du marin , il fc levé un petit vent d'Orient, qui dure fou-vent jufques fur les quatre heures du foir, & qui raffraichit l'air, & rend la chaleur plus importable. Jofef Acofta dit, qu'aus grandes lies deT Amé- rique , on ne fent ce rarTraichiffemenr que vers le midy. Et c'eft ainfi que prefque fous toute l'enceinte de la Zone Tor- ride, iefage Maiîre du Monde, a ordonné des vens frais, & réguliers, pour tempérer les ardeurs du SoleiL Il ne fait jamais de froid aus Antilles. Aufli la glace n'y/ cft point connue, ce feroit un prodige que d'y en voit , JEt Chap. i des Iles Antil les. j It jamais en ces bords de verdure embellis ; Vbïyver ne fe montra, , qu'en U neige des lys. Mais les nuits y font extrêmement fraîches , & û l'on demeure découvert pendant cetems-ià , on eft fujetàs'cnrumer , & à gagner de grands & dangereus maus d'eftomac: Et on à re- marqué, quetousceusquis'expofentànudàcettc deticieufe. fraîcheur, s'ils ne font faifis de maus d'eftomac , du moins ils deviennent pâles, jaunâtres, &boufls, & perdent en peu detems , tout ce qu'ils avoient de couleur vive & vermeille. Ileftvray, que d'autres attribuent ces effets, à la nourriture de la Cajfave, que l'on mange ordinairement en ces lies au lieu de pain , & qui peut eftre , a quelque qualité contraire à la constitution naturelle des Habitans de nos climats. On éprouve la même température durant la nuit , au Pérou , & dans les M aldivcs. Et ceus qui ont fait le voyage de Jerufalem , & de tous les pais chauds, rapportent, qu'autant que les cha- leurs y font-grandes pendant le jour, autant les nuits y font froides. Ce qui arrive, à caufe des grandes vapeurs que le So- leil élevé fur le jour, & qui venant à fe condenfer la nuit , & à tomber en rofée, raffraichiffent l'air merveilleufement. L'Equinoxe , dure en ces lies prés de la moitié de Tannée, &lerefte du tems, les plus grands jours font de quatorze heures , & les plus courtes nuits de dix. Et c'eft ainfi que la Divine fageffe, a donné aus terres qui font plus expoféesaus ardens rayons du Soleil , des nuits fort longues & fort humi- des , pour reparer & remettre en vigueur , ce que cet aftre fi v-oifuyy a flétry & defleché durant le jour. On n'y peut point divifer Tannée en quatre égales & diver- fes parties , comme nous le faifons en l'Europe. Mais les pluyes, qui y font fort fréquentes dépuis le mois d'Auril, jufques à celuy de Novembre, & les grandes féchereffes qui dominent le refte du tems , font la feule différence, qu'on peut remarquer entre les faifons. Que (i on demande, comment on doit appeller ces deus diverfes Conftitutions & Températures de Tair ) C'eft en cet endroit où les opinions fe trouvent fort partagées. Les uns veulent, que demême que les jours n'y ont prefque point de ces heures qu'on nomme Crepufcule, qui tiennent le mi- A z lieu — * Histoire X atuiehj^ Chap.i lieu ctitTe le jour & la nuit , qu'aufifi il n'y ait point de Prin* tems ni d'Automne , qui faflent la liaifon de l'Eté , ôc d'une efpece d-Hyver qu'ils y admettent. Les autres maintiennent au contraire , qu'il n'y a aucune jufte raifon , qui puifte obli- ger, à faire porter le nom d' Hy ver à Tune de ces faifons: à eau- - fe que la terre n'y eft jamais couverte de glace, nide neige, qui font les triftes productions de l'Hyver , mais toujours revêtue dune agréable verdure, & prefque en tout tems couronne'e de fleurs 3c de fruits, quoy qu'en une différente mefure. D'euils concilient que le Printems., l'JEté , &.i'Au- tomne , y partagent l'année en trois diverfes & égales por- tions, encore qu'on ne les p.uhTe pas difcexner Ci ayfément,.. qu'en plufieurs autres endroits du monde. Mais4efentimcnt des Peuples , qui ont forme' des Colonies en ces lies , ne s'accorde pas avec cette divifion , parce qu'ils prenentle tems des pluyes-pour l'Hyver, & celuy desféche- refles , qui eft beau* riant & fereku pour l'Eté. \[ eft vray qu'Acoitaau Chapitre troisième, du deuzieme Livre de fon V. Hifloire , querelle les Espagnols qui parlent de la forte, & qui prenentpour Hyver ces mois pluvieus. ■ .Il'fou tient que le tems - tec iSc ferein, eft. le vray Hyverdans toute la Zone Torride, par ce qu'alors le Soleil eftie plus éloigné decette Région- <5c %i'au contraire, la faifon des pluyes& desbrouïliars, y doit eftre nommée l'Eté, à^ amende la proximité de cet Aftre. Mais bien qu'à/parler proprement^ à la rigueur t .. iL-fe faluticy ran- ger au fentiment d'Acofta, neantmoins puis que non feule- ment les Efpagnols , mais tant d'autres --Nations-, font accou- îumées à tenir un autre langage, il nous fera bien permis d'u- ferde leurs termes, ea une chofe de ii petite-importance. Au refte , quelque pluvieufe que puifte eftre la faifon dans les Antilles, cens qui y onr demeuré plufieurs années aiTurent, qu'ilne Ce pafle prefque aucun jour , que le Soleil ne s'y fa fie voir. Etc'eftce que Tondit aufti de l'Ile de Rhodes: Acaufe dequoy toutv. l'antiquité ladediée au Soleil, croyant qu'il en « avoir un foin particulier* Leflus & renusde la Mer , eft réglé en ces païs comme aus codes de France : mais il nemonte que trois ou quatre pieds au plus. La . Ghap. î DES les A'nî i e I £ fe. y La-plus grand1 partie de ces Iles, eft couverte de beausbo/s, quieftautverdsen toute (ai: 'on , font une agréable perfpefti- Ve, & reprefentent un Eté perpétuel. La terre y e(t en pïufieurs lieus auffi belle , auffi riche , & au (fi capable de produi e qu'en* aucun endroit du Monde/ En effet toutes celles deces 1res qui font cultivées, donnent en abondance, dequoy vivre ans Habitans qui y demeurent: Wn quoy elles font bien différentes de ces pais de la nouvelle France, où les pauvres fanvages ont tant de peine à^rouver leur nourriture , que leurs en fans en fortant le matin de leurs Cabannes, & eus au milieu delà campagne où ils font leur ehafle, ont accoutumé décrier à haute voix, mWèt Tatom,. vene^ Cajiors t vene^ Orignacs £ appellant ainfi au fecours de.-, kûrneceflké, cesanimaus, qui nefe prefentent pas à eus Ci ; fouvent, qu'ils en auroientbefoin. Ces mêmes I les habitées , font pourv eues de bonnes four- ces d eau douce , de fontaines ; de lacs , de ruhTeaus , de puits ou de eifternes : & quelques unes d'entre elles omauûl de belles rïviert s, qui arrofent la terre fort agréablement. Il W â même en pïufieurs lieus des eaus minérales , dont on ufe avec heurcus f.cccés pour la gtierifon de divers niaus. Le foul- ée , fe tireen pïufieurs endroits du fein des montagnes , & les- paillettes luifantes & argentées que les torrens & les rivières charrient parmy le fable & l'écume de leurs eaus, au tems de leurs débordenaens, font des Indices certainsqu'il s y forme du Criftal, & qu'ily aaufli des minesdeces precieusmetaus, 4ui font tant recherchez de laplûpart des hommes. Les eaus courantes^, qui mentent de porter le nom de Ri- vières n'y ratifient jamais dans les plus grandes féchereifes , & font fort fécondes en poifion s, qui font pour la plupart, dif- ferens de ceus qui fe voient en Europe: Mais il s'en trouve en telle abondance aus cofres de la Mer ,. que les Habitans ne s amufent pasfouventàpefeherdansles rivières. La Vigne vient fort bien en ces Iles,ôc outre une efpece devjgne fauvage, qui croifi -naturellement pârmy les bois, & qui porte de beaus & gros raiilns, l'on voit en toutes celles qui font habitées, de belles treilles, & même en quelques en- droits des Vignes cultivées comme en France , qui portent A 3 êmm 6 Histoire Naturelle, Chap. i dcus fois l'année, & quelquefois plusfouvent, félon la taille & la culture qu'on leur donne , ayant égard à la Lune & à la faifon convenable. Le raifin en eft fort bon , mais le vin que l'on en tire n'eft pas de garde , & ne fc conferve que peu de jours ^ c'eftpourquoy on nes'âuiufepasà en faire. Quant au Blé, qui vient en la neuve Efpagne aulti bien qu'en lieu du monde , il croift feulement en herbe aus Antil- les, & ne peut fervir qu'à faire de la fauce verte, àcaufeque le froment veut eftre hyverné, & que la terre eftant trop gratte en ce païs , elle pouffe tant d'herbe au commencement, qu'il ne refte pas affés de force à la racine, pour pafler au tuyau, & former un épy. Mais, s'yonavoitefiayé d'yfemerdcl'Or- ge, dufeigle, & d'autres grains qui veulent Ic'chaud , il eft croyable, qu'ils y croiftroient en perfe&ion. Ileftvray, que quand tous ces grains y pourroient venir en maturité, les Ha- bitans , qui ont prefque fans peine le CHanioc , les Patates , le CMays , & diverfes autres efpeces de racines & de légumes, ne voudroient pas prendre le foin qu'il faut pour les cultiver. Tous les vivres naturels de ces lies font légers & de facile digeftion. Dieu l'ayant ainfi permis, à caufe que le païs étant chaud , on n'y doit pas tant charger fon eftomac , que dans les contrées froides. De la vient , qu'on confeille aus nouveaus venus , de manger peu & fouvent , pour fe bien porter. Les vivres , n'y font pas aufl] beaucoup de fang , ce qui eft caufe que les Chirurgiens y faignentfort peu. Pour ce qui regarde les Habitans de ces Iles. Elles font peu», plées de quatre Nations différentes : Dont la première qui en eft Originaire, & qui les poffede de tems immémorial, eft cel- le des Caraïbes , ou Cannibales , déquels nous entreprenonsdç parler au long au deuziéme Livre de cette Hiftoire. Les autres trois font , les François , les Anglais , & les Ho/landois, Ces Nations étrangères, nefe font établies en ce Pais, que dépuis l'An mille fix cens vint-cinq. Et dépuis ce tems, elles s'y font tellement accrues, que la Françoife & l'Angloife nommé- ment, y font aujourduy un très-grand peuple: Comme il fc verra plus particulièrement dans la fuite de cette Hiftoire. CHA* Chap. 2 des Iles Antilles. 7 CHAPITRE SECOND. De chacune des jintilles en particulier. POur obferver quelque ordre , en la deferipeion que nous ferons de chacune des Antilles en particulier, nous les diftribuerons toutes en trois clartés : dont la pre- mière comprendra les lies qui approchent plus du midy , & qui font les plus voifines de la ligne. La féconde , celles qui s'étendent plus vers le Nord $ & la dernière, celles qu'on nomme ordinairement les Iles de deflbus lèvent, qui font au couchant de l'Ile de Saint Chriftofle, la plus renommée de toutes les Antilles. ARTICLE I. T>c Vite de Jabago , oh de la T^ouvelle Oiïalcre. LA première , & la plus Méridionale de toutes les Iles Antilles, que nous avons propofé de décrire au premier Livre de cette Hiftoire , eft celle qui a efté connue jufqu'à prefent dans toutes les Cartes Geografiques , fous le nom de Tabago , & qui dépuis trente ans ou environ , a auftï cfté apeléela l^juvelle Ouater e , ou bien Walchre félon Tortografe des Fiamans. Elle eft diftante de l'Equateur en tirant vers le Nord, d'onze degrez & fézc fcrupuîes. Son circuit eft du moins de trente lieues , & fon étendue d'onze en longueur, fur la largeur de quatre, & de quelque peu moins aus extré- mités. Cette Ile , n*eft point heriflee de montagnes fourcilîêufes & inaccefîibles , ni inondée de marécages, ou couverte de boi-sinpenet râbles comme quelques autresdes Antilles, qui font encore pofledées par les Caraïbes. Maisenquelquesen- drois elle eft relevée en collines fort agréables , puis après feftre abaiflee en des vallées extrêmement divertiffanres , elle rél'argjt en des plaines tres-fertiles , qui font revêtues de Cè- dres, dé Palmes, à* Acajous t d'Akoumas^ & de toutes fortes d'excellens Arbres d'une hauteur & d'une grofteur demenV % Histoire Naturelle» Chap. * rées , quifaifans par tout de merveilleufes perfpe&ivcs , fem- blent avoir efté plantez à deffein , de fc promener fous leurs branches, ou d'y prendre le plaifirde la chalTe , fans aucun enpefchement* Quant ausqualite's de Ton Terroir, il eft en quelques lieus léger & fablônneus , en d'autres il eft parferai de gravier, & depetis caillous, ailleurs il paroit gras & noirâtre: & ceus qui l'ont vifité dans toute fon étendue, dépuis Tes plaines, jufqu'aufommet de fesçôtaus, raportent condamnent , que par tout il eil très propre à ^ftre cultivé: Maisles Arbresqui îuy font en tout tems une riche guirlande , font fans contredit fon plus precieus ornement. Les uns fontehargezdebons fruits , qui peuvent contribuer beaucoup au rafraichilTement & au foûtien de la vie des hommes : lequel étant percé enfon tronc ou en fes plus grofles branches jette un baume de . tres-douce odeur ,. qui ala vectu de guérir en fort peu de tems toutes fortes de coupures , & de faire refoudre ou fupurer les tumeurs , qui fe font amafîees en quelque partie que ce foit du corps des hommes. L'écorce de cet Arbre eft rou'sâtre, & i de même que le Caféier , il perd fes feuilles durant les grandes chaleurs », contre la nature de tous les autres , qui pare&t la- terre de ces contrées, & qui confervent en tout tems leur, agréable verdure. I S-/7/ /^è?7t^^^ Le fw^r' c^ Uîl Arbre qui vient dans cefte Ile d'une y^^Z^zf^—f. — — groffeurtouta fait extraordinaire, & d'une figure bien dife- rente de celle des autres de même nom , qui fe treuvent ail* leurs, comme nous le dirons enfon lieu. llefï'ravifTantpou? le bel ombrage qu'il donne , &pour le fruit merveilleus qu'il produit. 11 confifteen; une groflefilique ligneufe, laquelle eft de la groffeur d'un œuf de Poule, &de lalongueurd'un demipied. Lorsque cette rude envelope eft meure , le foleil îa. fait ouvrira moitié, & le vent l'ayant fait tomber, on trouve qu'elle eft remplie d'un fin coton ou duvet, lequel étant extrêmement dous, &deliécommede lafoye , feroic très-propre à faire quelques beaus ouvrages*. Cet Arbre a fans doute receu le nom qu'il porte,, à caufe que fon bois qui eft revêtu par dehors d'une écorce grisâtre, eft fi m o- lafle , qu'on, le peut couper auffi aifément que du fro- îïiage. €sus. Chap.a des Iles Antilles. ii Ceus qui ont eu la curiofité de pénétrer dans les bois d'hau- te fûtaye qui couronnent cette Terre, y ont aufli rencontré un nombre bien confiderable de ces Arbres, qui portent le fruit de Cacao, dont les Efpagnols fe fervent en la compofi- tion de ces pains tant prifez parmi- eus , déquels ils font cet excellent bruvage , qui eft connu par tout fous le nom de Ci- tolat*. Ils y ontaufîi remarqué une fort grande quantité de ceus qu'on apelle de Fufiok , dont le bois qui eft jaune eft employé avec heureus fuccés à la teinture: & une infinité d'autres qui font en eftime , ou bien à caufe qu'ils font char- gez de ce precieus vermillon que les Indiens nomment Rou- cou, ou d'autant qu'il diftile de leurs troncs des gommes & des raifines de bonne odeur , en aûez grande abondance pouc en tirer du profit. Les Orangers, les Citronniers aigres Ôc dous, les Grenadiers, les Figuiers, les Goyaviers , les lMo- mins , les Bananiers , Ôc les Papayers , y portent aufli des fruits autant beaus<5c délicats, qu'en aucun autre endroit des An- tilles. Tous les vivres qui fervent à la nourriture ordinaire des Habitans de ces pais chauds, croifîent aufli dans cette lie en leur perfection , & avec une telle facilité que fans beaucoup de travail, on y recueille du Ris, du gros Mil, des Pois ôc des Fèves, du ^Manioc dont on fait le pain qui eftenufage dans la plus grande partie de l'Amérique, des Melons, & toutes ibrtes d'herbes potagères & de racines , qui font fort îiourriflantes ôc d'un goût relevé. Les K^fnanas ôc les Pa- tates y viennent aufli à merveille: Ôc cette Terre répond Ci parfaitement à l'atente de ceus qui prenent le foin de la culti- ver, qu'elle leur rend avec une douce ufure, toutes les fe- mences qu'ils jettent dans fon fein. On trouve dans cette feule Ile, toutes les efpecesdeBétes à quatre pieds, dont on voit feulement une ou deus pour le plus ans autres Antilles. En premier lieu, l'on y rencontre communément une forte de Sangliers que quelques Indiens nomment ^-z/w, & les autres, Paquires, qui font diferens de ceus de nôtre Europe, en ce qu'ils ont les oreilles plus courtes, un évent , ou comme veulent quelques-uns, le nombril fur le dos , ôc que leur grongnement eft beaucoup B % plus %% Histoire Naturelle, Chap.a plus effroyable. 2. Des Tatous ou des ^rmadilles : 3. Des agoutis. 4. Des jR4/i mufquez, , qu'on nomme en quelques endroits Piloris. 5 • Une efpece de petites Martes ou Fouines, que les habitans appellent Manicom. 6. Et même des Re- nards & des Chats fauvages , qui ont des pcaus, qui font marquetées de diverfes couleurs. La plupart de ces anima-us que nous décrirons en leur propre lieu, fe retirent entre les fentes des rochers, ou dans les troncs des Arbres qui font creufez& minez de vieillefle , & quelquefois dans les taniè- res qu'ils font fous la terre. Quant aus Oifeaus qui peuplent l'air de cette Ile , outre les Ramiers, les Tourtes, les Perroquets, & une efpece de Merles &deGrives qu'on y voit voler par troupes, il y a en- core une forte de Faifans, que les habitans nomment Kéque- reka, à caufe que des le point du jour, ils répètent diftinde- ment& à diverfes reprifes un certain ramage, quifemble for- mer ce mot, dont ils font une mulàque autant choquante & dcs-agreable aus oreilles de ceus qui n'y font pas encore acoûtumez, que leur chair eu: favoureufe & délicate à leur goût. Les bords de la mer qui entoure cette lie, &des Rivières qui l'arroufenr, font encore couverts d'Aigrettes , de Plon- geons, de Canaris, & de plufieurs autres fortes de beaus Oifeaus, qui fe nourrirent de petis PouTons, ou de quel- ques infe&es qui flotent furies eau s. Et le Continent qui n'en eft pas beaucoup éloigné, la remplit auffi d'une infinité d'au- tres, qui ne panent point jufqu'aus lies plus reculées. Quel- ques-uns font parez d'une feule livrée: mais les autres ont h corps émaillé de tant de belles & de vives couleurs , que foie que l'on confidere l'agréable bigarrure de leur plumage, ou la merveilleufe induftrie avec laquelle ils font leurs nids, ou l'agilité incomparable dont ils fendent l'air, ils fournie fent un trcs-ample fu jet de célébrer le Seigneur , qui aparé fi magnifiquement tant de légères créatures. La Mer qui lave inceffanment les bords de cette Terre , en: abondante en toutes fortes d*exceLlens PoifTons. Les greffes Tortues , durant le calme & le profond filence de la nuit, for- îçat par centaines de ce vaitefeia de l'Océan où elles fe font jouées Chap. 2 des les Antilles, ij jouées pendant le jour, pour cacher leurs oeufs à. la faveur de la nuit, dans le fable mollet qui eft fur fes rivages. Les Ca- rets , qui font couverts de cette forte d'écaillés precieufes dont on fait à prefenttantdebeaus ouvrages qui enrichiffent les cabinets des curieus , s'y viennent aufîl rendre par trou- pes, poury terrir enleurfaifon : la nature leur ayant donné cet inftinéfc, qu'ils y trouveront des lieus commodes > pour y mettre en dépoli, l'unique efperance de la confervation de leurefpece. Au couchant & au nord de cette Ile, y a des havres Se des mouillages tres-feurs & tres-commodes pour toutes fortes de navires. Mais ce qui eft de plus merveilleus, & d'un fingulier avantage pour yatirer & conferver le commerce , c*eftque fes Habitans ont reconnu par une douce expérience, qu'elle n'eftpointfujetteàces éfroyables tempeftes, queleslnfulai- resapellent Ouragans, qui font ailleurs tant de ravages. Nous ne rechercherons point curieufement, comment il fepeut fai- re, que toutes les autres terres des Antilles étansexpoféesfî fouvent à cette univerfdle confpiration des vens, celle- ci feu- le en foit exempte, & jouïfled'un calme parfait , pendant que tout le voifinage eft dans la confufion qui acompagne ordi- nairement ce defordre : Mais en raportant cet éfet extraordi- naire à Dieu feul qui en eft le véritable Auteur , & lui donnant route la gloire de cette illuftre merveille , nous dirons en ad- mirant ce rare privilège, que fon adorable providence a voulu déployer en faveur de cette Ile , que ces vens fi légers & fi forts, qui bouleverfent les maifons,& defolenf les campagnes» fortent du fonds de fes inepuifables trefors , & que n'ayans point d'autre force que celle qu'il leur infpke , ils ne foulent que là, oàfa tres-fage ordonnance les adrefle. Cette Ile, de même que quelques autres des Antilles, aen- core cet avantage tres-confiderable, qu'elle ne nourrit aucune befte qui ait du venin. Il eft vray qu'on rencontre quelque- fois parmi fes forets le moins fréquentées , de monftrueus ferpens de douze à quinze pieds de long. Mais ,, outre qu'ils prenent la fuiteà la rencontre des hommes, & qu'on n'a pas encore ouï dire, qu'ilsleur ayent fait aucun mal, lors que les Nègres, qui font ces ferviteurs perpétuels des Habi- B i uns i4 Histoire Naturelle, Chap.2 tans de ce nouveau Monde , les trouvent à leur avantage , ils les tuent pour fe repaiftre de leur chair, laquelle ils difent eftre auflî délicate & favoureufe à leur goût, que celle des meilleurs poifiôns. Ils confervent auffi les dépouilles de ces épouvan- tables Reptiles , pour en accommoder les curieus qui en font état, à caufedes écailles de diferente couleur dont elles font émaillées avec une fi admirable variété , & un mélange fi fuperbe , qu'il n'y a aucune tapuTerie qui leur foit compa- rable. Nous pouvons mettre aufïl entre les faveurs que le ciel a répandues libéralement fur cette lie, qu'a peine y en a t'il aucune dans tout le vaftefein de l'Océan de l'Amérique, qui à proportion de fon étendue, ait tant de Rivières & de Fon- taines d'eau vive , que celle-cy. Les anciens habitans n'en a voyent autrefois remarqué quedixhuit: mais ceus qui y font à prefent en content beaucoup d'avantage, dont la plu. part après avoir ferpenté & rafraichi les plaines & les vallées, ontafiezde force & de rapidité , pour rouler leurs eaus juk ques-à la mer. 11 y a même quelques unes de ces agréables ïUvieres , qui en faifant leur cours ordinaire , & reneon- trant en quelques endrois des pentes , ou des rochers plus eminens que le refte du terrain, y précipitent leurs eaus avec tant d'inpetuofité, qu'elles feroient capables de faire tour- ner avec une facilité nonpareille , les roues des Moulins à fucre, ou des machines à fier le bois, qu'on y voudroit drefler. ^ Il y a encore dans cette Ile, plufieurs belles & grandes Prai- ries, qui font couvertes d'une herbe très-propre à nourrir & à engraiffer le bétail , & qui après la faifon des pluyes font e'maillées d'une infinité de petites fleurs de diferentes figures, qui recréent merveilleufement la veuë : mais les arbres <5c les plantes de cette terre en portent défi raviflantes, & d'une fi douce odeur, qu'on ne s'arrête pas fouvent à confiderer toutes ces menues produdions des prairies , bien qu'il foit contrant , que les plus curieus y trouveroient la riche matière de leurs fpcculations. Nous décrirons au Chapitre onzième de cette Hiftoire Na- turelle, les fleurs qui font communes à toutes ces Iles , mais d'autant Chap. 2 des Iles Antilles. j$ d'autant que celle-ci produit une forte de Lys qui n'eft point connue ailleurs , nous la reprefenterons en cet endroit avec le plus de naïveté qu'il nous fera poflible. La Plante qui porte cette fleur myfterieufe , ne rampe point fur la terre où elle pourroit eftre foulée aus pieds des paffans, mais ellecroift fur le tronc ou fur les plus grofîes branches de quelques uns de ces arbres precieus dont cette lie eft avantageufement pa- rée , & ayant un fi riche foâtien , elle s'élève par toufes & par bouquets, comme le Muguet ou le Lys des vallées. Cette in- comparable fleur qui n'a pas plus d'étendue que celle du Nar- cyfle , reprefente fi parfaitement un Lys en broderie d'argent, qu'il femble que la nature ait déployé tout ce qu'elle a de plus rare dans fes trcfors, pour la produire dans cette Ile, avec toute la grâce & les atraits que les mains les plus adroites des- brodeurs & des orfèvres luy fauroient donner, pour la faire paroître avec toute cette pompe & tout cet éclat , qui l'a ren- due digne d'enrichir la couronne & la pourpre des plus augu- ftes Rois du Monde. Bien que cette place entre toutes les autres Antilles , foit la plusavancée vers la Ligne Equinoc*tiale,& par confequentla plus expofée aus ardeurs du Soleil , l'Air y eft neantmoins extrêmement agréable & tempéré. Il eft bien vray qu'a cau- fè de certaines incommoditez qui acueillirent les premiers hommes qu'on y avoit portez pour la défricher , les en- vieus de cet etabliflement fe fervirent d'une fi trifte oca- fion , pour en dire des chofesdifamatoires, comme fi cet- te terre, eut dévoré fes habitans, & n'eut pas eûé digne d'eftre cultivée. Mais ces maladies qui pour lors lui étoient communes avec toutes les Iles qu'on découvre nouvellement , (ont à prefent entièrement evanoiiyes y & par la benedi&ion du Seigneur , l'on y jouît d'une fan- té aufli ferme , & d'une conftitution de corps & d'e- fprit autant vigoureufe , qu'en aucune autre des An- tilles. Cette Terre de même que les voifines étoit autrefois peu* pléede Caraïbes, quiyavoient plnfieurs beaus& grands Vil* lages: mais il y a prés d'un fiecle qu'ils furent contrains de l'abandonner , ;&de fe. retirer à l'Ile de Saint Vincent, pour, fê~ i6 Histoire Naturelle, Chap.2 fe mettre à couvert des furprifes fort fréquentes & des rudes afîauts, qui leur y étoient livrez parles ^sfroùagues , leurs anciens & irréconciliables ennemis du Continent. Cette Ile e'tant ainfi deferte par la retraite des Caraïbes, & apartenant de droit aus premiers qui l'ocuperoient , fa beauté, fa fertilité' , & fa fituation fort avantageuse , convièrent il y a environ trente ans, une Compagnie de Bourgeois de la Ville de Fleffingue d'y faire porter deus cens hommes , à defîein d'y jetter les premières fondemens d'une Colonie, à laquelle ils donnèrent des lors le nom de la IS^ouvelle Oiïalcre, qui eft celui de la plus célèbre & de la plus peuplée de toutes les lies qui composent la Province de Zelande, en laquelle leur Vil- le a toujours tenu un rang tres-confiderable : mais les Indiens du voifinage s'étans liguez avec les Efpagnois de l'Ile de la Trinité refolurent de venir fondre d'un commun acord fur ces nouveaus venuz , avant qu'ils euffent le loifîr de mettre en bonne defenfe le Fort qu'ils avoient commencé de bâtir, & que le fecours qui leur avoit efté promis fut arrivé. Ce funefte deflein , reuflit à ces barbares ainfi qu'ils l'a- voient projette: tellement, qu'après avoir taillé en pièces tous ceus qui eurent le courage de s'opoferàleur defeente, démoli la forterefie , & fait pluileurs prifonniers de guerre : ceus qui furent arTez heureuspouréchaperlemafTacreou la captivité, aprehendans un traitement pareil à celui de leurs compagnons , furent d'avis de fe retirer ailleurs. Dépuis cette déroute, cette Ile fut prés de vint années fans avoir aucuns habitans qui y fufïent fermement arrêtez : mais en Tan mille fix cens cinquante quatre, Meffieurs Adrien & Corneille Lampfins , refolurent de faire peupler de nouveau cette belle Ile, fous les favorables aufpices des Hauts & Puif- fans Seigneurs les Etats Generaus des Provinces Unies du Païs-bas : Et depuis onze ans que ces deus genereus Frères, onr formé & heureufement exécuté ce grand deflein , ils y ont fait pafler à leurs frais & dans leurs propres vaifleaus, un nombre tres-confiderable de braves hommes , qui travail- lent incefifanment à la défricher, «Se à relever glorieufement les ruines de rancienne Colonie que leurs compatriotes y avoient autrefois dreflee. Mon** Chap.2 des Iles Antilles. 17 Monfieur Adrien Lampfins eft Dire&eur de la Compagnie des Indes Orientales à la Chambre de Midelbourgj & Mon- fieur Corneille Lampfins , fon frère, qui eft dccedé dépuis peu au grand regret de tous ceus qui l'ont connu , étoit ancien Bourguemaiftre & Sénateur de la Ville de Fleffingue, & Députe perpétuel delà Province de Zelande , à i'Aiïem- bléedes Hauts & PuhTans Seigneurs lesEftatsGeneraus des Provinces Unies. Outre ces grandes charges Sceminentesdignitez , déquel- les ce Seigneur étoit revêtu de fon vivant, & dont il s'efl: aquité avec beaucoup de louange, l'onremarquoiten faper- fonne une intégrité incorruptible, un dous& facile accès , & un grand zèle à conferver & à acroître la gloire & la réputa- tion de fa patrie, & à entretenir les Provinces confédérées, dans l'étroite corrcfpondance , & la parfaite amitié de Puifl fances Souveraines, qui font dans leur ancienne alliance. D'où vintquele Roy tres-Chreftien à prefent heureufement régnant, voulant reconnoiftre les mentes de cedigne Séna- teur, & les bons fervices qu'il avoit rendus à fa Majcfté, en plufieursocafions importantes , de fon propre mouvement, certaine feience , pleine puiflTancè& autorité Royale, le créa & déclara Baron, voulant qu'il fut réputé cenfé & apeîlé BARON DE TABAGO, & que tel il fe pûrnom- mer&apeler tant en jugement que dehors: & qu'il jouît de cettedignité titre & prééminence, pleinement paifiblement & perpétuellement , luy , fes hoirs , fucceOeurs & ayans caufe tant maûes que femelles, en tels ôc pareils droits de nobleffe, autorkez, prérogatives , privilèges , & prééminen- ces , en fait de guerre afiemblées de Nobles & autres , com- me en jouïflent,ufent, & ontacouftumé d'en jouir les autres Barons du Royaume de France. Et que déformais lui & fa pofterité , puiffent porter les armes efeartelées , ayant fut le tout un EfcufTon chargé de fleurs de Lys fans nombre, & ornée d'une couronne perlée , ainfi qu'elles font icy cm> praintes. Et if HiiteiM NàtvJlell %,. Chap. % Et pour le gratifier encore d'avantage fa MajeftéUui donna îe ceint militaire , & le fit CHEVALIER DE L'A- COLA DE , Comme il apert plus amplement par fes Let- tres données à Saint Germain en l'Aye, au mois d'Aouft , de* l'an de grâce mille fix cens foixante deus, léquelles font (Ignées de fa main Royale, & feelléss du grand feau en cire verte, & Chap. 2 DIS ils A NT II LE S. i* -en fuite vérifiées & enregistrées au Parlement de Paris , ouï & à ce confentant le Procureur General de fa Majefté, fuivaat l'Arreft de vérification, en date du vintcinquiémeMay, mil- le fix cens foixante trois. D'autant que cette Ile, eft au rang des îles Antilles , & du nombre de celles qu'on nommeauiïi les lies Caraïbes, & qu'en cette qualité, elle eâcomprife dans la conceflion que la Com- pagnie des Indes Occidentalesa obtenue des Hauts &Pui(Tans Seigneurs les Eftats Generaus des Provinces Unies , dés le commencement qu'elle fut érigée, M. M. Lampflns ont apuyé retabliffement qu'ils y ont fait, de l'Oclroy des Directeurs commis des chambres refpe&ives de cette même Compagnie, feprefentans l'AlSemblée des dixneuf: ainfi qu'il paroit par 4'Extrait de leurs refolutions, en d&te du cinquième du mois de May , de l'année mille fix cens cinquante cinq. L'une des conditions de cet O&roy , portant exprelTement, ■que celui qui feroit nommé pour commander à cette Colonie îiaifiante , feroit agréé & confirmé en cette charge par les mê- mes Hauts <5c PuitTans Seigneurs les Eftats Generaus , M. M-, Lampfins leur prefenterent Monfieur Hubert de Beveren : & 4eurs Hautes Puiflances étant deuëment informées de la gene- rofité , de l'expérience , de la fidélité , & de toutes les autres belles qualitez dont ce Gentil-homme eft richement pourveu„ &qui le rendent très-capable de cet employ, le munirent de leur ample Commifïîon , le deuziéme du mois de Septem- bre en la même année mille fix cens cinquante cinq : en verm de laquelle, il eft entré en polîeffion de ce Gouvernement, ait grand contentement de tous les Habitans de l'Ile, qui ont tout lu jet de fe louer de fa tres-fage Conduite, & de tous les grands foins qu'il aporte pour procurer le bien & la gloire de leut Colonie , & l'entretenir dans le repos & latranquiiité dont elle jouit. 11 faut avoiïer,que cette Ile meritoitbien d'avoir des Habi- tans : car outre ce que nous avons déjà dit, de la bonté de l'air qu'on y refpire, de l'incomparable fertilité de fontes roir, de la beauté ravifiante des arbres qui le revêtent, &dn criftal coulant des rivières & des fontaines qui l'an-oufent, les Calibis , les Caraïbes* ôc plusieurs autres nations Indiennes,. qui ont leurs Villages fur le bords de la grande Rivière d'Orinoque, ôc le long de la coite de la mer; Pour afïbrer ce commerce, ôc mettre cette place en état de ne point redouter les courfes des fauvages , ou les furprifes de quelque autre ennemi, M. M. Lampfins y ont fait bâtir trois Fortereftes, qui font à^prefent en très-bonne défenfe , ôc fuffifanmentpourveuëde canons, ôc de tontes les autres mu- nitions de guerre & provisions de bouche, qui font neceflai- res pour afermir le repos des habitans , contenir les brouil- lons dans le devoir , ôc donner de la terreur aus envicus de la gloire de cette Colonie. Laplus confiderable de ces FortereC fes , ôc où Monfieur le Gouverneur fait fa demeure ordinaire, eft connue fous le nom de LamfÇinbergue , pour la diftinguer des deus autres , qui font communément apelées de Beveren, & de BelleviHe. La première eft bâtie fur une agréable colline , laquelle eft: élevée de cinquante pieds ou environ, au defus du terrain que l'on nomme Lam0n~Baye , ôc oàl'on a aufli jette les fonde- mens d'une Ville , qui porte le nom des Seigneurs de l'Ile , 5c qui eft déjà enrichie d'une belle & grande rue , en laquelle on voit l'Eglife , plufieurs agréables maifons couvertes de tuiles, .& acompagnées de Magasins, fort amples ôc fondement bâ- tis , & de quelques autres ornemens publics ôc particuliers, qui font tous d'une belle monftre au dehors , ôc tres-commo- des au dedans. Cette Fortereiïe confifte en quatre battions, fur chacun déquels , il y aunebaterie de plufieurs groiTes pie* ces de canons, qui defendans la Ville ôc la Campagne voifine, peuvent foudroyer tous les vaifleaus qui auroient i'alTuran- ce de mouiller àcette Baye , ou de porter des hommes à terre, fans en avoir obtenu la pçrmiflion. Ces quatre baûions enfe.c- ment Chap. z des Iles Antilles. 21 ment dans leur enceinte le corps de garde , larfenal muni de toutes fortes de bonnes armes, la maison de Monfieur le Gou- verneur, & les apartemens des Officiers & des foldats de la garnifon qui y eft entretenue. L'autre Fort qui eft appelle de Beveren , eft flanqué fur un rocher, lequel étant inacceiTible de quelque côté qu'on le vueille aborder, eft encore baigné de la mer & d'une rivière d'eau douce , qui lui font un large & profond fofle, en forme dedemyelune. Lafituationdecette place eft fi avantageufe, que félon le Jugement de tous ceus qui s'entendent aus fortifi- cations, l'on pourroit avec peu de frais, la mettre en état d'ar- rêter une puiflante armée : parce qu'outre qu'elle n'eft com- mandée d'aucune montagne ouemineneequifoitau voifina- ge, le roc fur lequel ce Fort eft bâti, ne peut eftreniminé ni fapé, à caufe de fa dureté naturelle, & des eaus qui l'en- tourent. Joint que pour y entrer, il faut traverfer la rivière, & monter par un petit fentier pratiquédans la mafte du rocher,, & qui eft fi étroit, qu'il n'y peut pafler qu'un homme de front, tellement que les foldats qui le gardent , n'ont pas beaucoup de peine à défendre cetteavenuë , & d'en empefchér l'accès. 11 eft auffi pourveu de plufieurs grottes pièces d'artillerie de quinze à dixhuit livres de baies, qui tiennent la rade & tout le Quartier voifin en feureté. Tout joignant cette Place , il y a une langue de terre qui forme une prefqu'Ile, fur laquel- le on a deftein de bâtir encore une autre Ville , fous le nom de la Ts^cuvelle Flefîwgue^ LetroifiémeFort, qu'on apelle de Belfevifîe , neconfifte qu'en une redoute > qui eft conftruite entre deus Pointes,, dont l'une eft nommée de Caron , & l'autre de Sable, L'on a édifié dépuis peu cette petite Forterefie, âdefleind'empefcher les Indiens de faire quelques irruptions dans l'Ile par ces en* drois-là. Car bien-que M. M. Lampfins défirent que leurs lujets entretiennent une bonne intelligence avec ces Barbai res, afin de les aprivoifer & de les aiireràlaconnoiflfance de Dieu , par toutes les voyes de douceur & de charité Chre«* ûienne, fi eft-ce qu'ils ne veulent pas qu'ils defeendent à ter- re , fans en avoir demandé & obtenu la licence de Monfièur: le Gouverneur. € s Foui ai Histoire Natureiu, Chap. a Pour ce qui eft de l'état prefent de cette Colonie, les der- niers mémoires qui en font venus nous aprenent, qu'il y a, déjà environ douze cens Habitans , qui s'ocupent tous à cul- tiver le Tabac ou le Gingembre, ou le Coton, ou l'Indigo, oucesprecieus Rofeaus dont on fait le Sucre , & qu'ils ont déjafix beaus Moulins pour brifer ces Cannes & en exprimer le Suc. Il eft aufïl confiant que les Navires qui en font re- tournez dépuis peu, ont déchargé à Flefïinguedans lesma- gazins de M. M. Lampfins, une quantité bien notable de toutes ces fortes de marchandifes , qui étoient du cru & de la faflbndc cette lie : léquelles auffi au raportdcs experts ont efté jugées autant excellentes <5c auffi bien conditionées qu'aucunes autres de même efpeee , qui jufqu'à prefent font venues de l'Amérique. 11 eft à croire , que la bonté &.la fertilité du terroir de cette île, contribue beaucoup aus louables qualitez & à toute la perfection de ces marchandifes: mais il en faut auffi donner la gloire & la louange, à la diligence & à la d'exterité des Habitans de cette IS^ouvelle o'ùdcre , qui étans d'un naturel vigilant & laborieus au poffiblc, font auffi fort foigneus de ne rien oublier de tout ce qui eft capable dé mettre dans l'efti- me leur aimable Colonie, &. de lui aquerir Stconferverun bon renom parmi les marchands. Quant au Gouvernement de cette lie, la jufticc& la police y font adminiftrées avec tpute l'équité, la douceur & la mode» ration que l'on fauroit defirer, par un fageConfeil auquel Monficur le Gouverneur prefide. Ce Sénat eft compofé d'un Bourguemaiftre de cinq Efchevins&desprincipaus Officiers de la milice 3 qui terminent promtement & fans beaucoup de remifes fuivant les bonnes loix , & les anciennes coutumes des Provinces confédérées , tous les diferens qui peuvent fur- venir entre les Habitans. Les Eglifes de l'une & de l'autre langue que le Seigneur y a recueillies, c'eft à dire tant la Flamande que la Valonnc, font auffi conduites par le miniftere des Paftcurs des Anciens & des Diacres, de même que celles des Provinces Unies aufquelles- elles font aflbciées , fous laditedion d'une même Difcipline Eclefiaftique , & l'Infpe&ion de leurs Synodes. Enfin [v Chap. 2 des Iles Antilles. z$ Enfin , pour ce qui concerne la Police, l'on ne foufre point de parefieus ni de bouches inutilesdans cette petite Republi- que , non plus qu'en celle des Abeilles : mais comme l'oyfi- vetéqui eu: la roùillure des corps & des efprits , en eu bannie par un Arreft irrévocable , auffi le dous & profitable employ de l'agriculture, & tous les louables exercices qui fervent à l'entretien du commerce, y font receus & pratiquez avec hon- neur, de même que parmi les plus genereufes Nations , dont l'hiftoire eft. parvenue jufques à nous. A. R T I C L E II, Ve l'île de h Grenade. CEttelle , qui eu: fituée fur la hauteur de douze dégrez, & feize fcrupulesau deçà de la Ligne , commence pro* prément le demy cercle des Antilles. On luy donne fét lieues de longueur , fur une largeur inégale , elle s'étend Nord ôc Sud en forme de Croiflant. Les François s'y font placez il y m- environ fix ans. Us eurent à leur arrivée beaucoup à dé- mefier avec le Caraïbes, qui leur en contefterenfc quelques mois par la force des armes * la-paifible pofiefuon. Mais enfin Monlieur du Parquet Gouverneur pour le Roy de l'Ile de la Martinique , qui avoit entrepris à fes frais cet établiflcraenr,* les obligea^, à luy laitier laterre libre , par la confideration de leurs propres Interefts, fondez principalement fur le grande avantage qu'ils recevroient du voifinage des François ? qui les affifteroient en tous leurs befoins. La Terre, y eft très-propre à produire toute forte dèvi* ¥res du païs , des Cannes de Sucre , du Gingembre & d'excel- lent Tabac. Elle jouyt d'un air bien fain* Elle eft pourveue de plufieurs fources d'eau douce , & de bons mouillages pour les Navires. Il y a auffi une infinité de beaus Arbres , dont fcs uns portent des fruits deiieieus à manger, & les autres* font propres à bâtir des maifons. La pefche eft bonne cm toute laeofte, & les Habitans fe peuvent étendre tant pour; la pefche , que pour la chaffe, en trois ou quatre petis llets5, fu on. nommé les Grenadins t c^tiifontau Nord-Eft de cette: ter m; 2+ Histoire Naturelle, Chap.i terre. Monfieur le Comte, Capitaine de la Martinique, â efté le premier Gouverneur de cette Ile. Monfieur de la Vaumeniere , luy a fuccedé en cette charge. Il a fous fa conduite plus de trois cens hommes bien aguerris , qui pour la plupart ont déjademeuré en d'autres lies, & qui s'enten- dent parfaitement à faire cultiver la terre , & à manier les armes , pour repoufler au befoin les efforts des fauvages, & de tous ceus qui voudroient troubler le repos dont ils jouyffent , en cette aimable demeure. Monfieur le Comte de Seryllac , ayant entendu le récit avantageus qu'on faifoit à Paris & ailleurs , de la bonté <5c beauté de cette Ile, là fait acheter dépuis peu deMonfieûrdu Parquet. Ce qui donne tout fujet d'cfperer, que dans peu de tems cette Colonie, qui eft tombée en de fi bonnes mains, fera confiderable pour le nombre de fes Habitans, & pour la quantité des Marchandifes qu'elle fournira. ARTICLE III. De l'Ile de Bekia. CEttc Terre, eft diftante. de la ligne de douze dégrez & vint-cinq fcrupules. Elle a dix ou douze lieues de cireuir, & elle feroit afles fertile , fi elle étoit cultivée. Il y a un fort bon Havre pour les Navires , qui y peuvent eftre à l'abry de tous vens : mais à caufe qu'elle eft dépourveué d'eau douce, elle eft peu fréquentée, fi ce n'eft de quelques Caraïbes de faint Vincent , qui y vont quelquefois faire la pefche , ou cultiver de petis jardins qu'ils ont ça 6c là, pour leur diver- tiflement. ARTICLE IV. De l'île de Saint Vincent. CEttc Ile, eft la plus peuplée de toutes celles quepoffe- dent les Caraïbes.- fcllceft fur la hauteur de feize dé- grez auNoid de la Ligne. Ceux qui ont veuille de Ferro, qui Chap.* dés Tlfs Antilies. 2$ qui eft Tune des Canaries, difent que cclfecy eft de même ligure. Elle peut avoir huit lieues de long&fix de large. La terre eft relevée de plufieurs hautes montagnes , au pied defqueiles fe voyent des plaines, qui feroyent fort fertiles Ci e.les croient cultivées. Les Caraïbes y ont quantité de beaus Villages , ou ils vivent delicieufement , & dans un pro- fond repos. Et bien qu'ils foient toujours dans la méfiance des Etrangers , & qu'ils fe tiennent fur leur garde quand il en arrive à leur rade, ils ne leur refufent pas neantmoins du pain du pais , qui eft ia Caflave , de l'eau , des fruits ; & d'au- tres vivres qui croiffent en leur terre , s'ils en ont befoin : pourveu qu'en échange, ils leur donnent des couteaus, des ferpes, des eoignées, ou quelques autres ferremens, dont ils font état. A caufe que cette place , entre toutes celles que les Caraï- bes pofledent aus Antilles , eft la plus voifine du continent, ou habitent les Aroùagues leurs irréconciliables ennemis, ils y âfTignent ordinairement , le rendez-vous gênerai de leurs troupes , lors qu'ils ont formé le defleih de les ataquer. C'eft âufli de cette lie , que font fortis les plus vaillans hommes, qui idiverfes reprifes, ont fait des defeentes & des ravages dans les Colonies des François & des Anglois , comme nous le dirons enfjnlieu. ARTICLE V. De V lh de la Barboude. L'île que nos François appellent la Barhoude , & les An- glois Barbade, eft (ituée entre le treizième & le quator- zième degré , au Nord de l'Equateur, à l'Orient de Sainte Aloufie& de Saint Vincent. Les Anglois, qui y ont mené des l'an mil fix cens vint* fétia Colonie qui l'habite encore à prefent, luy donnent environ vint-cinq lieues détour» Elle eft d'une figure plus longue que large. 11 n'y a qu'un feul ruiiTeau en cette lie , qui mérite de porterie nom de Rivière: Mais la terre y étant préfque par tout platte & unie , elle a en plufieurs endroits des Etangs, & des refervoirs d'eau douce, D <ï«i ï& HrstoiRE Natculu, Chap.i qui fuppîéent audefaut des fontaines & des rivières. La plu- part des maifons , ontaufudesCifternes , & de? puits, qui ne tariflent jamais. Du commencement qu'on cultiva cette terre, on tenoit qu'elle ne promettait pas beaucoup: Mais l'expérience a vé- rifie lecontraire, & elle s'eft trouve'e fi propre à produire du Tabac, du Gingembre , duCotton, & particulierémentdes Cannes de lucre, qu'après l'Ile de Saint Chriftofle, elle eil ia plus fréquentée des Marchands , & la plus peuplée de tou- tes les Antilles. Des l'an mil fix cens quarante fix , on y con- îoit environ vint mille Habitans, fans comprendre les Efcla--. ves nègres , que ion tenoit monter à un nombre beaucoup plus grand. Uyaplufieurs places en cette Ile, qui portent à bon droit k nom de Villes : parce-qu'on y voit plufieurs belles, lon- gues & larges rués, qui font bordées d'un grand nombre de beaus édifices, où les principaux Officiers & Habitans de cette célèbre Colonie font leur demeure : Mais a confiderer toute cette île en gros , on la prendroitpour une feule gran- de Ville, à caufe que les maifons ne font- pas fort éloignées les unes des autres t. Qu'il y en a aufli beaucoup de bien bâties, à la falton de celles d'Angleterre : que les boutiques & les magazins y font fournis de toutes fortes de Marchan- dées : qu'on y tient des foires & des marchez : Et que toute l'Ile, a limitatioird'es grandes Villes, efl.divifée en plufieurs Parroifles, qui ont chacune une belle Eglife, ou les Parleurs qui y font en grand nombre, font le fe.rvice Divin. I ous lesplus considérables Habitans de cette 1 le, y font fer- mement établis , & s'y trouvent fi bien , qu'iLarrive rarement qu'ils la quittent, pour aller en une autre. Cequin'eft pas étonnant , puifqu'e lie leur fournit en abondance tous les meil- leurs rafraichinemens qui peuvent eftre tranfportez de l'Euro- pe , & une infinité de douceurs que ce nouveau Monde pro- duit. Nous aprenons auffi-, que cette Colonie s'eft tellement a* crue, que ne pouvant plus contenu fans enprefiemcnt le grand nombre de fes Habitans , elle a efté obligée pour fc mettre plus *u large, depoufler une nouvelle Peuplade daas le Continent de Chap.a des Îles Antilles. %j de l'Amérique Méridionale, laquelle s'acroift de jour à autre, à la décharge , ôc au plus grand avantage de celle-cy , dont elle relevé. Cette lie eft renommée par tout , à caufe de la grande abondance d'excellent lucre , qu'on en tire depuis plufieurs années. 11 eft vray , qu'il n'eft pas fi blanc que celuy qui vient d'ailleurs, mais il eft plus eftimé des Rafrineurs, par ce qu'il a le grain plus beau, & qu'il foiffbnne davantage, quand on le purifie. ARTICLE VL De Vile de Sainte Lucie. Lis François appellent communément cette Ile Sainte ^loufie , elle eft fituée fur le treizième degré & quaran- te fcrupules au deçà de la ligne. Elle n'eftoit par cy devant fréquentée que par un petit nombre d'Indiens , qui s'y plai- foient à caufe de la pefche qui y eft abondante. Mais les Erançois de la Martinique, font venus dépuis peu leur tenir compagnie. Il y a deus hautes montagnes en cette Ile, qui font extrêmement roides. On les apperçoit de fort loin , ôc on les nomme ordinairement, les Pitons de Sainte <^4loufie^ Au pied de ces montagnes; il y a de belles & agréables vallées, qui font couvertes de grands arbres , &arroféesde fontaines. On tient que l'air y eft bon , & que la terre y fera fertile, quand elle fera un peu plus découverte, qu'elle n'eft àprefent. Monfieur de RoiTelan , a étably cette Colonie Françoife, fous les ordres de Monfieur du Parquet, qui l'avoit choify pour y eftrefon Lieutenant.- & étant decedé en l'exercice de cette charge de laquelle il s'aquittoit dignement, Monfieur le Breton Parifien a efté mis en fa place. i? i AB.TI- i ! sf;- .- H is toi be Naturelle, Chap, % - ARTICLE VIL. De l* lie de la Martinique. LEs Indiens, appelloient cette île CMaâanina^ mais les Efpagnols iuy ont donné le nom qu'elle porte à prefene;f Elle eft fur la hauteur de quatorze degrez & trente fcruputes. au deçà de la ligne. C'eft une belle & grande terre , quiaen- viron feize lieues en longueur, fur une largeur inégale , & quarante cinq de circuit. C'eft aujourduy l'une des plus celé* bres, & des plus peuplées des Iles Antilles. Les François , & les Indiens occupent cette terre , & y ont vécu long tems enfembie en fort bonne intelligence. Mon* fieur du Parquet , neveu de feu. Monfieur Dcrnambuc , qui donna le commencement aus Colonies Françoifes qui font répandues en ces Antilles, comme nous le dirons cy après, en efî Gouverneur pour le Roy ,& dépuis quelques années H en aaquis la Seigneurie. C'eft la plus rompue des Antilles, c'eft à dire la plus rem- plie de montagnes, qui font fort hautes, & entre-coupées de rochers inacceilibles. Ce qu'il y a de bonne terre, eft com- pofé en partie de Mornes, qui font des eminences prefque mondes , ainfi nommées au pais : de côtaus qui font parfaite- ment beaus, (on les appelle Cotieres au langage des lies:) Et de quelques plaines ou 'valons, qui font extrêmement agréables. Les montagnes, font tout à fait inhabitables, «5c fervent de. repaire au beftes fauvages , aus ferpens, <3c aus couleu- vres , qui y font en fort grand nombre. Ces montagnes font couvertes de beads bois , d'ont les arbres , furparTent de beau- coup <3c engroffeur, <5cen hauteur les nôtres de France; & produifent des fruits ?. quelques dégâts en l'un de' nos quartiers: ceus qui font envieus de la gloire de nos Colonies , & de leur progrez & anxrmifTément dans ce nouveau Monde > faifoient courir le bruit, que nos gens.ne pourroyent jamais domter ces Barbares^ que ceus de cette même Nation qui habitent à la Dominique, ôcàSaint Vincent, avoient ébranlé tous leurs alliez du Continent,, pour nous faire la guerre à forces unies v que pour faciliter ce deffein, & grom rieur party, ils avoient même traittédepaix avec les Arovaguës leurs anciens ennemis 5 <5t qu'ils avoyent engagé fi avant tous ces Sauvages en leur querelle , qu'ils croient refolus de feietter d'un commun effort fur nous , & de nous accabler de leur multitude. L'On ne fait pas au vray, fi cette ligue générale dont on nous menaçoità efté projettée : mais il eft conftant qu'elle n'a point paru ; & qu'après les premières courfes , que les Ca- raïbes de la Martinique firent fur nos terres avec quelque avantage , ils ont dépuis fi mal reulîy dans leurs entreprifes,& ils ont efté fi fouvent pour fuivis & repouffez des nôtres, avec perte de leurs principaus Chefs , qu'ils ont efté contrains de- puis deus ans ou environ d'abandonner leurs Villages, & leurs Jardins à leur difcretion, & de fe r'enfermer dans l'epaifleur des bois, & parmy des montagnes & des rochers qui font préfque kucceftibles. De forte que ceus qui connoiilent la valeur, Châp. | des Iles Antilles. 5$ valeur, l'expérience , & le bon ordre de nos François qui ha- bitent cette Ile , font entièrement pctfuadez , que (i ces Bar- bares , ont encore l'affurance de fortir de leurs tanières , pour expérimenter le fort des armes, & pour fecoiier cette pro- fonde confternation en laquelle ils vivent , ils feront con- trains par neceffité , ou de leur quitter l'entière po(Te (Ho n de cette terre, ou d'accepter toutes les conditions fous lesquel- les ils voudront traitfer de paix avec eus , 6c renouveller l'an- cienne alliance, qu'ils ont trop légèrement rompue. Dépuis la première édition de cette Hiftoire, nous avons efté plenemcnt informez de l'état auquel eft à prefent cette floriflante Colonie, & de l'heureus fuccés des guerres quelle a eus avec les Caraïbes : Mais à caufe que cet Article eft déjà aflez diffus , & que cette matière apartient proprement i l*Hi- ftoire Morale , nous la remettrons avec toutes fes circonftan« ces, au Chapitre vintiéme de nôtre fécond Livre, auquel nous traitons des guerres des Caraïbes. CHAPITRE TROISIEME, Des Iles jintillescjtà s* étendent y ers le Nord. TOutes les lies dont nous ferons la defcriptïon en ce Chapitre, étans (ituées plus au Nord que les précé- dentes; jouiffent par confequent d'une température un peu plus douce. Elles font aufli plus fréquentées que celles de Tabago ■ de la Grenade, & de Sainte Aloufie $ à eau fe que les Navires qui fe font rafraichis à la Martinique , & qui des- cendent à Saint Chriftofle , les peuvent vifiter les unes après les autres , fans fe détourner de leur route. ARTICLE De l'île de h Domwijue, CEtte lie , eft fur la hauteur de quinze degrez & trente fcrupules. On i'eftime avoir en longueur environ tréze lieues, & en la pk.s grande largeur un peu moias. Elle a en £ s Tau 1$ Histoire K a turbllb, drap. $ fon centre plufieurs hautes montagnes y qui entourent un fonds inaccefïible , où Ton voit du haut de certains rochers* une infinité de Reptiles, d'une grolTeur & d'une longueur effroyable. Les Caraïbes, qui habitent cette Ile en grand nombre: , ont fort long-tems entretenu , cens qui les alloient vifiter , du conte qu'ils faifbient , d'un gros & monûrueus ferpent , qui avoit fon repaire en ce fonds. Ils difoieSt qu'il portoit fur fa îefte une pierre éclatante comme une Efcarboucle, d'un prix inéftimable. Qu'il voiloit pour l'ordinaire ce riche orne- ment, d'une petite peau mouvante, comme la paupière qui couvre l'œil: mais que quand il alloit boire, ou qu'il fejoiiok au milieu de ceprofond abyfmc , il le montrok ^découvert, & que pour lors les rochers, & tout ce qui étoit à l'entour, recevoit un merv^illeus éclat dix feu,, qui: fortoit de cette precieufe couronne. Le Cacique de cette Ile , étoit autrefois des plus confidc- fez entre les autres de la même Nation. Et quand toutes leurs troupes marchoient en bataille, contre les Aroiiagues leurs ennemis du Continent, celuy-cy avoit la conduite de l'avantgarde, & étoit fignalé par quelque marque particuliè- re , qu'il avoit fur fbn corps. Et encore à prefent , il tient un rang de Prince parmy ces Barbares , qui ont même tant de re- fpcd -.& de vénération pour luy , qu'ils le portent fouvent fur leurs épaules, dans une forme de brancart, lors qu'il veut honorer de fa prefence leurs feftins k & .leurs autres a(Tem- blées folemnelles* Quand il paHecTe Navires François prés, de cette île , on voit aufij tôt plufieurs canots,. en chacun déquels'il y a trois ou quatre Indiens au plus , quj viennent convier les Capitai- nes de ces Vaiiîcaus, d'aller mouiller aus bonnesrades qu'ils montrent: Oudu moins, ils prefentent des fruits deleur ter- re, qu'ils ont apportez , & après avoir fait prefent de. quel- ques uns des plus beaus ans Capitaines , & aus autres Offi- ciers , ils offrent ce qui leur refte , en échange de quelques hameçons, de quelques grains de criilal , ou d'autres menues bagatelles qui leur font agréables... Ce us Ohap.j des Iles Antilles, 3,7 Geus qui ont une connoilTancc particulière de cette belle île, nous aflurent, qu'elle eft l'une des meilleures, & des plus dignes d'eftre cultivées de toutes les Antilles, à caufedes excellentes vallées, & des plaines de grande étendue , qui font au pied des agréables montagnes , qui luy font une fuper- bc couronne, & parce qu'elle eft rafraîchie plus qu'aucune autre, de plufieurs grandes fources, qui y forment des rui& feaus & des rivières , qui font merveilieuiement commodes, On tient auiTt , qu'il y a des perfonnes de qualité , qui ont deflein d'obliger bien tôt les Caraïbes , àrece voir dejs com- pagnons dudous repos & de la tranquilité qu'ils y refpirenu ARTIC LE IL De l'île de ^Mmgdknte, ON îa met ordinairement fur la hauteur de quinze déni- grez & quarante ferupukSi C'efl une terre aflèz platte & rempliede bois, qui témoignent qu'elle neferoit pas infé- conde, fi elleétoit cultivée. Elle atoujouts été fréquentée des Indiens, tant pour la pefche , que pour l' entretien de quel- ques petis jardinages qu'ils y ont. Les derniers avis , qui nous font venus des Antilles , por- tent, que Monfieur D'Hoûel, Gouverneur de la. Gardeloupe, a nouvellement fait, peupler cette Ile , &. qu'il y afait qui font requifes en un homme de commandement; A cet effet ils jetterent lesyeus fur Monfieur Aube* J'un des Capitaines de l'Ile de S. Chri- ftofle, qui étoit pour loi sa Paris. Le tems à amplement vé- rifié, que ces Meilleurs ne pouvoient pas faire unmeilleur choiz: Car cette Coloflfe doit fa confèrvation , & tout le bon état auquel elle 'M été déduis , à la prudence , & à la fage eonduittede ce digne Gouverneur, qui fignalafon entrée en cettecharge, par la paix qu'il fit avec les Caraïbes, & par plu- iîcurs bons ordres qu'il établit, pour le foulagement des Habi- tans , & pour rendre l'Ile plus recommendable : comme nous le déduirons au Chapitre croifiéme , du fécond Livre de cette HiflOire. Monfieur d'Houel efl auJoKfduy Seigneur & Gouverneur de cette lie : & depuis qu'il y acte étably, elle a pris encore une toute autre face, qu'elle n'avoit auparavant;, car elle s'eft accrue en noiiabre d'HabitfânsVqùiy ohtbâty plufieurs belles maifons., & y ont attiré un fi grand commerce , qu'elle eft a prefent l'une des plus confiderables , &des plus florilTantes des Antilles. . ïop ■« 3 O y voit de belles plaines , fur îefqueîles on fait pafler la charrue pour rabouter la terre > ce qui ne fe pratique point aus autres lies : Apres quoy le Ris , le Mays , le Manioc dont on fait la Caflaue , les Patates i & même le Gingembre, 6c les Cannes de fucte, viennent le mieux du monde. Chap. 3 DES Il£S An.TU. LE Sy \> 4i Les jacobins Reformez, poflcdent. une partie de la meil- leure rerre de cetre Ile , fur laquelle ils ont fait plufieurs belles Habitations, qui font d'un bon rapport. Elles doivent le bon état auquel elles font, ans foins incomparables du P. Raymond- Breton, qui les a confervées à fon Ordre , parmyplufiem; difricultez. La partie de l'Ile -qu'on nomme la balle terre , eft enrichie d'une petite Ville, qui s'acroift tous les jours.. Elle a déjà plu- fieurs rues , qui font bordées d'un grand nombre de beatis édifices de charpente , qui font pour la plupart à deus étages, & d'une UTu&ure commode, «Se agréable à la veuë. Elle eft atuTi embellie de l'Eglifè Parroifliale, des Maifons desjefui- tes, & des Carmes, que Monfieur le Gouverneur y a appel- iez dépuis °peu 5 & de plufieurs amples Magazins, qui font necefiaires pour la fnbfiftence de cette aimable Colonie. JMonfieur le Gouverneur, fait fa demeure en un Château, qui n'eft pas fort éloigne' de la Ville. M eft bâty bien folidé- ment, à quatre faces. Les coins font munis déperons, & de redoutes de maiTbnnerie d'une telle épaiileur , quelle peut foûtenir la pefanreur de plufieurs pièces de Canonde fonte verte, qui y font pofées en batterie. Un peu au delà de ce Château, il y a une fort haute montagne, qui le pourroit in- commoder: mais Monfieur le Gouverneur , qui n'oublie rien de tout ce qui peut contribuer à l'ornement & à la fôu- retédefon Ile, y a fait monterdu Canon- & afin qu'un en- nemy ne fe puifte emparer de cette place , il y a fait une efpéce de Ciradelle , qui eft en tout tems pourvenë de vivres , & de munition> de guerre. 11 y aauffi fait bâtir des logémens , qui font capables de tenir à couvert les Soldats qui la gardent , & de (erviraubefotnde retraite afluréeaus Habitans. La Ca- bes-Terre , a aulîl un Fort , qui eft ben confiderable. H eft bâty en un lieu qu'on nommoit autrefois. la Café au borgne. Il contient tout ce quartier-là en aiTurance. On l'appelle le Fort de Sainte Otarie, Meftleurs les Neveus de Mon- fieur d'Houel, ayans contribué de leurs biens à l'afermif- fement delà Colonie de cette lie, en font aufîi Seigneurs en partie, & leur Jurifdiaion s'étend, fur ce quartier de la Cabes-terre, qui leur eft échu en partage, F Plu- 4a Histoire Naturelle, Chap.i Plufieursperfonnes de condition , fe font retirées en cette Ile , & y ont fait dréflfer un grand nombre de Moulins à lucre. Monfieur de Boifteret J y cft Lieutenant General de Monlicur le Gouverneur. Monfieur Hynfelin , Monfieur du Blanc, Monfieur de Me, Monfieur des Prez , & Monfieur Poftel, y font eftimez entre les principaus Officiers , & les plus hono- râbles Habitans. Monfieur d'Aucourt, perfonnage d'un rare favoir, & d'une convention fort douce, y exerce la char- ge de Lieutenant Civil & Criminel, avec beaucoup de louange. . RT1CLE VI T>ctlÎQT>>^Anttgoâ. CEtte lie, eft fur la hauteur de feize degrés & quarante fcrupules, entre la Barbade & la Defirée , fa longueur cil de fix ou fept lieues, fur une largeur inégale. Elle eft de difficile accès aus navires, à caufe des rochers qui l'environ- nent. L'on tenoit cy-devanr, quelle étoit inhabitable , par ce qu'on croyoit qu'il n'yavoit point d'eau douce-, mais les Anglais , qui s'y font placez , y en ont trouvé, & y ont encore creufé des puits,& des cifternes, qui fuppléeroientà ce défaut. Cette Ile eft abondante en pohTons , en gibier, &entoutc forte de bétail domeftique* Elle cft habitée par fét ou huit cens hommes , & il y a comme en toutes les autres , qui font entre les mains de cette Nation, de bons &de favans Pa- fteurs, qui ont un grand foin des troupeaus, qui leur font commis. ARTICLE VIL De l'île de CMont-ferrat. Es Efpagnols , ont donné à cette Ile le nom qu'elle por- ^ te , à caufe de quelque reflemblance qu'il y a , entre une montagne qui y eft, & celle de Mont- ferrât, qui cft prés de Barce- Chap. 3 des lus Antilles, 41 Barcellonnc, & ce nom luyeft demeuré jufques à prcfcnt. Elle cft fur la hauteur de dix-fét degrez de latitude feptcn. trionale. Elle a trois lieues de long, & préfque autant de large, de forte qu'elle paroit d'une figure ronde. La terre y eft tres-fertile. Les Anglois la poffedent & y font fort bien lo« gcz. On tient qu'il y a environ fix cens hommes, Ce qui eft de plus confiderable en cette lie, eft une belle Eglife, d'une agréable ftru&ure , que Monfîeur le Gouver- neur & les H abitans y ont fait bâtir: la chaire, les bancs, 6c tout l'ornement du dedans , font de menuiferie , de bois du païs, qui eft precieus, & de bonne odeur. ARTICLE VIII; Des îles de la Barbade & de Redonde. L'Ile , que les François nomment Barbxde, & les Anglois Barboude , eft fur la hauteur dedix-fétdegrez & trente fcrupules. C'eft une terre baffe* longue d'environ cinq lieues, fîtuée au Nord» Eft de Mont- ferrât. Les Anglois, y ont une Colonie de trois à quatre cens hommes, & y trouvent de- quoy fubfifter commodément. Elleàcccy de fâcheus & de commun avec les îles d Antigoa , & de Mon-ferrat , que les Caraïbes de la Dominique & d'ailleurs, yfontfouvent de grands ravages. L'inimitié que ces Barbares ont conceuë con- tre la Nation Angloife eft fi grande, qu'ils ne s'écoule préfque aucune année , qu'ils ne faflent une ou deus defeentes à la fa- veurdelanuit, en quelcune des Iles qu'elle poffede : &pour lors, s'ils ne font promtément découvers & vivement rc^ pouffez, ils maflacrent tous les hommes qu'ils rencontrent, ils pilent les maifons Ôc les brûlent , & s'ils peuvent le faifir de quelques femmes ou de leurs enfans, ils les fontprifonniers de guerre,& les enlèvent en leurs terres, avec tout le butin qui leur agrée. l'Ile qu'on appelle Redonde ou Rotonde, à caufe de fa figu- re, eft fur la hauteur dedix-fétdegrez & dix fcrupules. Elle eft petite , & ne paroit de loin que comme une grofte tour : & félon une certaine face, on diroit que cefçroit un grand E z Navire, 44» Histoire Nature; l le, Cbap* s Navire, qui eft fous la voile. On. la peut ■facilement aborder de toutes parts, à caufe que la mer qui l'entoure eft profon- de ,. & fans rochers ou écueils r qui puiûent mettre en danger les Navines. . A K T I G L E IX, De File de. Trêves. C'Eft une petite terre, qui eft fi tuée fur la hauteur du dix~ fettiéme degré & dixneuf fcrupules vers le Nord* Elle n'a qu'environ fix lieues de tour, à dou- ble rang de degrez , avec un beau parapet au dediis j & celle qui a l'afpeâ: au Couchant, eft auffi embellie d'un efca'ier tout pareil au premier, & d'une belle & grotîe fource d'eau vive, qui étant receùe dans un grand baftin , eft de là conduite par des canaus fou- terrains en tous les offices -. Les fales& les chambres font bien percées 5 les planchers font faits à laFrançoife, de bois rouge, folide, poly,debon- neodeur, & du crû de l'Ile. Lecouvert,eft fait en platefor- me, d'où Ton a une veue des plus belles, & des plus accom- plies du monde, G i qu'il démolit le Fort & abandonna l'Ile.' Ce qui ayant efté apperceu par Monfieur de Ruyter , qui commandoit l'un des grands Navires, que Mefiieurs Lampfius envoyent d'otdinaire en l'Amérique, & quipourlors coftoyoit cette lie de Saine Martin, il fut à Saint Euftache lever des hommes, qu'il y amena pour l'habiter, & en prendre poflefiion , au nom de Meiïîeurs les Eftats Generaus , des Provinces Unies. La nouvelle de la fortie des Espagnols de cette terre/, -étant venue au même tems à la connoiflance de Monfieur le General des François, il equippa promtement tin Navire, & y mit un nombre de braves hommes , pour relever le-droit ôc les prétendons de nôtre Nation, qui avoit pofledé cette Ile avant l'ufurpation de l'Efpagnol. Depuis les François, & les Hollandois , ont partagé cette terre à l'amiable, & ils y viventenfemble, en fort bonne intelligence. Les Salines, font au quartier des Hollandois: mais les François en ont l'ufage libre. Monfieur le General, établit pour fon Lieutenant en cette place Monfieur de la Tour. Etaprefenr , c'eft Monfieur de Saint Amant qui y comman- de. Il a fous foy environ trois cens hommes, quicultivent la terre , & font tous les devoirs polfibles , pour la mettre en réputation. Les Hollandois, y font en aulfi grand nombre que les François. Mefiieurs Lampfius , êc Monfieur van Rée , font les principaus Seigneurs , & Directeurs de cette Colonie. Us ont en leur quartier de belles Habitations , de grands Ma» H z :azins. éo Histoire Naturelle, Chap.j gazins , & un nombre bieacoBfiderable de Nègres ,. qui lent font fervitcurs perpétuels. Il n'y a point d'eau douce en cette Ile, que celle, quiau tems des pluies eft recueillie endes citernes-, qui y iontaflez- communes. Il y a plusieurs Ilets à l'entour de cette terre, qui font tres-commodes , pour les menus divertiflemens des Habitans 11 y a auflî des Etangs d'eau Talée, qui s'avancent bien avant entre les terres , où Ton pefche une infinité de bons poiflbns , particulièrement des Tortues de mer. On trouve dans les bois, des Porceaus fauvages , des Ramiers, des Tourtes , & des Perroquets fans nombre. On yvoit ph> fleurs arbres» quidiftilent diverfes fortes de gomme a mais le Tabac qui y croifKétant plus eftimé que celuy des autres Iles.: c'eft ce qui rend fon commerce plus confiderablc. Les François & les Holiandois , ont leurs Eglifes particu- lières, es quartiers de leurjurifdidlion. Monficur des.Camps, qui a elle le premier Pafteur.de.TEglife Hbllandoife , y- fut en- voyé en cette qualité par le Synode des Eglifes Vallonnés des Provinces Unies , qui a cette Colonie fous fon inspection fpi- rituelie, & étant decedé en l'exercice de cette charge, les premiers Vaifleaus qui doivent partir pour ce païs-là, y en doir vent porter un autre, quiaeftéchoifipour fon fuccetfeur, & qui y doit prefeherie Saint Euangile du Seigneur, en 1 une «3c eja loutre langue. A R T I C L E 5Ï, De l'île de £ "Anguille* ELîeportcee nom, àcaufe dëfafigure: carc'eiTune ter^ re fort longue , 5c fort étroite , qui s'étendren fèrpentant: prés de Pilé de Saint Martin, d-où on l'appcrçoità découvert.. Il ne s y trouve aucune montagne, là terre , y eftpar tout plat- te ôc unie. A l'endroit oudle a plus de largeur, il y a un-étang, autour duquel , quelques familles Angloifes fe font placées dépuis fit ou huit ans , & où elles cultivent du Tabac, qui eit fort prifé de ceus qui fe connoiflent à cette Marchandife. On met cette lie fur la hauteur de dixhuit degrxz & vint fcrupules, au deçà de [aligne. ARTI- Chap. 5 des (les Antilles, 6\ ARTICLE VI. Des lies dj Sombrero , d'^negade, & des Vierges. LA première de ces trois lies , eft fituée au milieu des Bancs, quibordentle Canal par ou paffent les Navires, qui veulent retourner en Europe. Elle eft fur ledixhuitiéme degré , & trente fcrupules. Les Efpagnols, l'ont nommée Sombrero, à caufe qu'elle à la figure d'un chapeau. Elle cil inhabitée. ^Anegadey qui eft fous le même degré que Sombrero, eft aufli deferte, & de dangereus abord.. Les Vierges grandes & petites , comprenent plufieurs Iles qui font marquées en la carte fous ce nom. On en conte en tout douze ou treize. Elle s'étendent au Levant de l'Ile de Saint Jean de Eorto-Rico*. fur la hauteur de dixhuit degrez au Nord de la ligne. Entre ces Iles 5 il y a de fort bons mouil- lages, pour mettre en feureté plufieurs flottes. Les Efpagnols les vifitent fouvent pour lapefche, qui y eft abondante. Il y a aufli, uneinfinité de beaus Oifeaus de. mer & de terre. Mais il f a fi peu de bon terroir, qu'après 1 avoir.eflayé,ôc vifitë en tou-* tc.fon étendue, on a trouvé, qu'il ne meritoit pas d'avoir des Habitans, A IL T I C L E VIL De. llle de Sainte Croix. £" A dernière de toutes les Antilles \ qui font au deifous du Vent, eft celle , qui porta: le beau nom de Sainte Croix. Elle eft fur la hauteur de dixhuit dëgrez & quel- ques fcrupules. Les Caraïbes , qui en furent chaflez par les Efpagnols, lanommoient. ^y-ty? Elleétoit fort eftimëe par- my eus : à caufe que c'étoit la première Ile que cette-Nation avoit occupée aus Antilles , en venant du Nord chercher une habitation commode , pour jetter les fondement de leurs Colonies r ©onmie nous le: reprefenterons particulière- H. $i 'ment* éi Histoire Naî un elle, Chap.g ment au fécond Livre de cette Hiftoire , au Chapitre de leur Origine. La terre de cette Ile, rend avec beaucoup d'ufure, tout ce qu'on y feme. On y voit de belles & fpacieufes plaines de terre noire ôc facile a labourer. Il y a aufïi plufieurs arbres fort £eaus , ôc precieus , qui font propres â la teinture, & à la ménuiferie. L'airy eftbon5 maisleseaus n'y font pas beau- coup faines, fi on les boit incontinent qu'elles ont efté pui- fées. Pour leur ôter lamauvaife qualité qu'elles ont , on les iaifle repofer quelque tems en desvaiiïeaus de terre, ce qui les rend bonnes, & qui donne fujetde croire, qu'elles ne font mauvaifes, qu'à caufe de leur limon, commeceiles du Nil. Cette Ile , eft maintenant en la porTelîion des François , qui en ont relevé glorieufement le débris. Apres les divers changement de Maîtres , qui y étoient furvenus en peu d'an- nées , comme nous le dirons au Chapitre deuziémedu fcconrte que le vin d'Bfpagne. ARTICLE II. Du Goyavier, POur commencer par les Fruitiers, on fait état du Goy&~ vier, qui approche de la forme d'un Laurier, horsmis que fes feuilles font plus molles, d un vert plus clair & qu'el- les fonteottonnées par defTous. L'écorce de cet Arbre eft fort déliée & unie. Il pouffe plufieurs rejettons de fa racine , qui font à la fin, fi on ne les arrache, unôois épais fur toute la bonne terre voifine. Ses branches qui font affés toufues , font chargées deus fois Fan de petites fleurs blanches , qui font fui- vies de plufieurs pommes vertes, qui deviennent jaunes & de bonne odeur , lors qu'elles font meures. Ce fruit, qui fe nom- me Goyave , eft orné au deffus d'un petit bouquet en forme de couronne , & au dedans , fa chair eft blanche ou rouge, remplie de petis pépins comme eft la Grenade, Ce qui fait que les Hollandois rappellent Grenade douce. Il eft de la grolTeur d'une pomme de Rénette, ôc il meurit en une nuit. Sa qualité eft, de referrer le ventre eftant mangé vert : dont aufïi plufieurs s'en fervent contre le flus de fangj Mais étant mangé meur, il a un effet tout contraire. ARTI- Chap,6 ûes Iles Antilles, 65 ARTICLE III. Du Papayer. LE Papayer, eftun Arbre qurcroiil fans branches, delà hauteur de quinze à vint pieds , gros à proportion, creus & fpongieus au dedans, d'où vient qu'on remployé à con- duire partout où l'on veut, les ruifleaus des fontaines. Il y en a de dcus fortes, Tune qui fe voit communément dans rou- tes^les Iles. Ses feuilles fontdivifées en trois pointes , à peu pre's comme la feuille du Figuier , elles font attachées a de lon- gues queues, qui font groffes comme le pouce, &creufesau dedans: Elles fortent de la cime de f Arbre, d'oùeftant re- courbées , elles couvrent plufieurs fruits ronds de la groiîeur dunepoyre de Coin, .qui croifTent à l'entour du tronc, au* quel ils demeurent attachez.. I X'antrc M HlSTOSfU HAtOREUB, Ctop. 6' lè"J I L'autre efpéce de Papayer , fc" trouve particulièrement err File de Sainte Croix. Elle eft plus belle & plus chargée de fuëillcs que l'autre. Mais ce qui la fait eftimer d'avantage, c'eftfon fruit qui^eft delaj^ojfeurd'un Melon, & de la figu- re d'une rnammcHe* "d'où vjÉnt que les Portugais L'oat nom- mé- ^Mamao. Ces Arbres , ont cecy de particulier , qu'ils donnent de nouveaus fruits chaque mois de Tannée. La fleur de l'une & de l'autre efpéce eft de bonne odeur ; & approchante de celle du Jafmin. Mais on met entre les regales des lies le fruit de la dernière , à caufe que quand il eft arrivé à fa perfedion, il a une chair ferme, qui fe couppe par tranches comme le Melon, & qui eft d'un goût delicieus. Son Ecorce,eft d'un Jaune méfié de quelques lignes vertes , & au dedans il eft remply d'une in- finité de petis grains ronds gluans & mollafles , d'un goût pic- quant, &quifemTépice. Ce fruit fortifie Keftomas, & aide à la digeftion. Quelques uns le mangent , comme iî vient de l'Arbre 5. mais ks délicats le préparent avec du Sacre, &en font Chap.6 $2$ ltlS ÀHTUUS,' $> font une forte de Marmelade, qui eft fort agréable à la veuë, & delicieufe au goût, lors notamment que la douceur natu- relle de ce fruit, eft relevée par quelques e'piceries qu'ils y mettent. Ou bien ils le confuTent tout entier, ou coupé «5c feche' par quartiers , en forme d ecorces de Citrons. ARTICLE IV. Bu CWomin , & des Cachimas. KtMomin, eft un Arbre qui croift de la grofieur d'un A-1 Pommier, & porte un gros fruit de même nom queluy. Il eft vray que les infulaires rappellent ordinairement Corafol, àcaufe que la graine de ceus qui fevoyentparmy eus, à efté I 2. appor- «S 1/ Sfù^^-ft |W ôt H IST O I R E N A T Î7 R £ L Ï.E, Châp.6 apportée de Corafol,qui eft une Ile teniie dépuis un long tems parlcs-Hollandois, qui y ont un bon fort, & une ample Colo- nie, qui s'eft étendue enplufieurs autres Iles voiiînes de celle là. Ce fruit reffemble à un petit Cocombrc , qui n'eft point meur, Il a la peau toujours verte, & émaillée de ptufieurspetis compartimens, en forme décailîes. Si on le cueille en fa matu- rité il eft blanc au dedans comme de la Crème, & d'une don* ceur relevée par une petite aigreur , qui luy donne une pointe fort agréable. Ce fruit, eft raffraichifîant au pofllble, & deli- cieus au goûtai porte fa femencesâû rôijfeii, qui eft de lagrof- feur , & de* la figureVune Fève extrêmement polie , & de 1& couleur d'une pierre de touche, fur laquelle onauroittout fraîchement éprouvé une pièce d'or j car elle paroit émaillée de petites veines d'orées. Ho^s- Chap. 6 des Iles Antilles. £9 Nous joignons les Cachimas avec le ^Momin àcaufequc ces Arbres, portent aufti des fruits , qui ont le goût & la blancheur de la Crème, & que leur fcmence qui croift au milieu , eft prefque d'une même figure & folidité. Mais il y a deus fortes de Cachimas , Tune qui eft fauvage & herilTée dépines, eft chargée d'un fruit de la groffcur d'une pomme médiocre , qui a la peau relevée par boffettes , & qui demeure tousfours verte & dure. Et quant à l'autre , qu'on appelle or- dinairement le Cachimas franc , c'eft un Arbre qui à l'écorce affez polie , & qui dans la faifon, prefente un fruit beaucoup plus gros que le premier , qui étant parvenu à fa maturité eft d'une couleur vermeille, & dont la fubftance qui eft cachée fous cette peau, eft blanche au poffible, & d'une tres-douce faveur. Ces Arbres croiflent afiez hauts , & font couverts de feuilles aprochantes à celles des Chatagniers. Ceus qui man- gent rarement de ces fruits , ont remarqué, qu'ils ont la vertu d'exciter l'apetit , & de purifier l'eftomac des humeurs gluan- tes , qui y ëtoyent atachées , ce qui fait , qu'ils les ont en cftime: ARTICLE V.- VU Iunigiu T E Iumpa ou Gempar qui eft le même Arbre que les Bre- -*--' filiens nomment Ianïpaha, , exiles Portugais lenipapo^ croift de la groifeur d'un Châtaignier, fes rameaus fe* recourbent près de terre , & font un ombrage agréable , fes feuilles font longues comme celles du Noyer. Il porte des fleurs pareil- les à celles du Narcifie, qui font de bonne odeur. Son bois eft> folide , de couleur de gris de perle. Les Habitans des îles couppent les troncs de ces Arbres quandils font encore jeu- nes , pour faire des afuts de fufils & de moufquets r parce que ce bois étant mis facilement en œuvre, peut eftre poiy en perfe&iôn. Chaque mois il fe revêft de quelques feuilles nouvelles. 11 porte des pommes qui étant meures, femblent eftre cuites au four , elles font de la groffeur d'une pomme de Rambour. En tombant de l'Arbre. elles font un bru k pareil I £ à ficîuy 70 HXSTQIRE NaTUREILE, Châp.« à celuy d'une arme à feu: Ce qui vient, de ce que certains vens ou efprits , qui font contenus en de petites pellicules qui couvrent la femence, étans excitez par la cheute,fe font ou- verture avec violence. D'oùilyaraifondefeperfuader.que c'eft le même fruit , qu'en la nouvelle Efpagne les Indiens ap- pellent d'un nom fort barbare , Jouant Ulazin. Sx on mange de ces pommes de Junipa, fans ôter cette peti- te peau qui eft au dedans, elles referrent le ventre d'une étran- ge fafibn. Ce fruit eft recherché des cha(Teurs,à caufe qu'étant aigrelet il étanehe la foif , & fortifie le cœur de ceus qui font fatiguez du chemin. Son fuc, teint en violet fort brun, encore qu'il fait clair comme eau de roche , & quand on en veut mettre jufqucs à deus fois fur la même place du corps que Ton veut teindre, la féconde teinture paroit noire. Les Indiens s'en fervent pour fe fortifier le corps , & le rendre plus fou- pie , avantqued'alleràlaguerrc. Ils croient aufiî, que cette couleur les rend plus terribles à leurs ennemis. La teinture de ce fruit riè'fe peut effacer avec le favon : mais au bout de neuf ou dix jours, cllcd'ifpatoit d'elle même. Au teins que ce huit tombe, les pourceaus qui en mangent , ont 1a chair & la graifle Chapr* g> jm 1 1 £ s Antîue u 71 graille entièrement violette, comme l'expérience le témoig- ne. Il en eft 4e même de la chair des perroquets , & des au- tre? ©ifeaus, lors qu^ls s'en nourrirent. Aurefte, on peut faire avec ces pommes un breuvage afie/-, agréable, mais qui n'eft gueres en ufage, que parmy les Ind as , & les Chafleurs, qui n'ont point 4e demeure arrêtée. I C L E VI, Du Kéfinier, y A /> y LE Rëfmier que les Caraïbes nomment OuUem , croiff de moyenne hauteur 6c rampe prefque parterre au bord de la mer : Mais dans une bonne terre il devient haut, com- me un des plus beaus Arbresdes Forets. \\ a les feuilles ron- des , épaifles, entre-meflées de rouge & de vert. Sous l'écor- ce du tronc, après qu'on a enlevé unaubel blanc .cki'e'paif- feur dedeus pouces , on trouve un bois violet, folide , &. fort propre à faire d'excellens ouvrages de menuiferie. Ilpro- duit-ea fes branches des fruits, qu'on prendrait quand ils ion m meurs. 7* Histoire Naturelle» Chap.é meurs , pour de gros Raifins violets : Mais au lieu de pépins, chaque grain a fous une tendre pellicule , & fous fort peu de fubftancc aigrette , raffraichifiante , & d'aflez bon goût , un noyau dur comme celuy des prunes. A R T I CLE De l'^fcajett VIL IL y $ trois- fortes d'Arbres qui portent le nom D1 'acajou $ mais il rVya 't^fcrcciny que nous décrivons icy, qui porte du fruit. C'eft un Arbre de moyenne hauteur , quipanche fes branchesjufquesàterre. Ses feuilles fontbelles& larges, ar- rondies par devant, & rayées de plufieurs veines. Il porte des fleurs qui font blanches, lorsqu'elles s'épanoviffent nouvel- lement, puis aptes elles deviennent incarnates, & de couleur de pourpre. Elles croiiîent par bouquets & elles exhalent une fi douce odeur , qu'on n'a point de pêne à difeerner T Ar- bre qui les porte. Ces fleurs ne tombent point jufques à ce 1 l qu'elles y Chap. 6 DES I'LES A.N ? I h L Es. $j qu'elles foient poufifées par une efpece de Châtaigne faite en forme d'oreille, ou de rognon de lièvre ■; Quand cette châ- taigne a pris fon accroiflemenr, il fe forme au deiïbus une belle pomme longuette , qui eft couronnée de cette crefte , qui de- vient en meuriiïant d'une couleur d'Olive, pendant que la pomme fe reveft d'une peau délicate , & vermeille au pofTible. Elle eft remplie au dedans , de certains filamens fpongieus, qui font imbus d'un fuc tout enfemble dous& aigre, qui defal- tere grandement , & que l'on tient eftre très-utile à la poitri- ne, & aus défaillances de cœur , étant tempère' avec un peu de Sucre. Mais, s'il tombe fur quelque linge, il y imprime une tache rouue , qui demeure jufques à ce que l'Arbre fleu- rifle de nouveau. Les Indiens font un bruvage excellent de ce fruit , lequel étant gardé quelque jours, a la vertu d'enyvrerauiïi prom» tément que feroit le meilleur vin de France. Lanois qui e au deflus étant brûlée , rend une huile cauftique , de laquelle^W- on fe fert heureufement pour amollir , & même pour extirper ^—/^Z- ces durétez quicroiflent aus pieds , & que l'on nomme Cors, Que s'y on la cafte , on trouve au dedans un pignon couvert d'une tendre pellicule, laquelle étant ôtée, eft d'un tres-bon goût, & a la vertu déchaurfer & de fortifier mer veilleuferneiK i'eftomac. Cet Arbre , ne porte du fruit qu'une fois l'an , d'oà vient que les Brefiliens , content leur âge avec les noisquicroif- fent fur cette pomme, en refervantunepar chacun année» laquelle ils confervent avec grand foin , dans un petit pa- nier, qui n'eft deftiné qu'à cet ufage. Si on fait une incifion au pied de cet Arbre, il jette une gomme claire & transpa* rente, quepiufieurs ont pris pour celle qui vient d'Arabie. La femence de l'Arbre eft en la nois , qui produit aifément «tant mife en terre. ÂRTI* m ^4 H ! sïoue Naturelle, Chap. ê ARTICLE VIII. Des Prunes D'Icaque. w • *Ic*^A Sn*s*i.&j T E Courbary , crôift d'ordinaire plus liant, plus tôu'ffii , oc ^plus gros , quele Monbën. Il porte un fruit., dont h co^ que eft fort dure à cafter 5 & quia environ quatre doigts de long, deus de large & un dépais. Dans la coque il a deusou trois noyaus , couverts d'une chair fort pâteufe, qui eft jaune comme du Safran. Le goût n'en eft pas mauvais: maison n'en peut faire d'excès, que Teftomac n'en foit extrêmement chargé & que la gorge n'en foitempefehée. Les Sauvages, en casde neceftîté en font une forte de broyage* qui n'eft pas désagréable étant bien préparé, c'eft à dire lors qu'il à K ï bien fë Histoire Naturelle, Chap.6 bienboûilly avec l'eau. Son bois eft folide , de couleur tirant fur le rouge. l'Arbre étant vieil rend de la gomme , qui s'en- durcit au Soleil ^ «5c qui demeure toujours claire , transparen- te comme l'ambre jaune, & de bonne odeur. Quelques In- diens en forment des boutons de diverfe figure, dont ils font des Bracelets , des Colliers & des pendans d'oreille ,.. qulfont beaus, luifans, & de bonne fenteur, ARTICLE XL Du Figuier d'Inde, ON voit en la plupart de ces îles, un gros Arbre, que les Européens ont nommé Figuir d'Inde , à caufe qu'il porte.-, un petit fruit fans noyau , qui a la figure, & le goût appro- chant des. figues de France. D'ailleurs il ne reflemble de rien à nos Figuiers j. car outre que la feuille eft de différente fi- gure, Ôt beaucoup plus étroite, il croift en des lieus, fi déme- surément gros, qu'il s'en rencontre qu'ipeineplufieurs hom- mes pourroient cmbraiTer, parce que le tronc, qui le plus fou- vent n'eft pas uny en fa circonférence, pouffe à fes coftez, de- puis la racine jufques à l'endroit où les branches prenent leur iiaiffance, certaines areftes., ou faillies, qui s'avancent jufques à 4 ou 5 pieds aus environs, & qui formentpar ce moyen de profondes cannelures , enfoncées comme des niches. Ces faillies , qui font de la même fubftance que le corps de l'Arbre font auffi envelopées, de la même écorce qui le couvre , & elles font de l'épaiffeur de fét à huit pouces , à proportion de la groffeur du tronc qu'elles entourent. Le bois de cet Arbre, eft au dedans blanc & mollaffe , & l'on couppe ordinairement de ces longues pièces qu'il pouffe hors de fon tronc, pour faire des planches > des portes , & des tables, fans crainte que l'Arbre meure. Car il recouvre en peu detems, fi propre- ment de fon écorce, la brèche qui a efté faite , qu'a peine peut onappercevoir que l'on en ait rien enlevé,' Tous ceus qui ont demeuré en l'île de la Tortue, quieftfituéeaucoffé fep- tentrional de file Efpagnôic , ont veu au chemin qui conduit des- Chap. 6 des Iles Antilles- 77 des plaines de la montagne, au village que nos François ont nommé MïlpLntage , un de ces Arbres , qui peut facilement tenr à couvert plus de deus cens hommes fous l'ombre de fes branches, qui font toujours chargées deplufieurs feuilles Ci tournés, qu'on y trouve en voyageant, une fraîcheur fort agréable , & un couvert bien allure contre lapluye. ARTICLE XIL Du Cormier. IL y a en ces Iles , une efpéce de Cormier , bien différent du Cormier que l'on voit en France. Car il éft d'une hauteur excelîive fort beau à voir, & orné de belles feuilles, & deplu- fieurs branches qurles accompagnent. 11 porte un fruit agréa- ble, rond comme une Cerife, qui eft de couleur jaune, tacheté de petites marques rouges, & qui tombe defoymême lors qu'il eftmeur. Il a le goût de la Corme, & c'eft ce qui eft cau- fe , qu'on luy a donnéle même nom. Il eft fort recherchéxies Oifeaus.. A & T I C L E XHL Du Palmifie Epinens. TOutes ces Iles ont des Palmes, & quelques-unes en ont jufques à quatrefortestoutes différentes* L'une fe nom- me Palmifie Epinem. Cet Arbre porte juftement ce nom, car il edtout Heriffé , ayant en fa tige , en fes branches , & en fes . feuilles de grandes épines extrêmement aiguës , & fî'dange- reufes, que quand quelcunen eft-piqué, il court rifque d'en eftre long teins incommodé , s'y l'on n'y apporte un promt remède. Celles qui entourent le tronc de l'Arbre, font plates, longues comme le doigt , de laiigure d'un Cure-dent, polies, & d'une couleur tannée tirant fur le noir. Les Nègres, avant que de s'en approcher,. mettent le feu à i'emour du pied de l'Arbre, pour brûler toutes les Epines qui l 'arment & luy fer- vent de defenfe. Son fruit confifte en un gros bouquet , qui K & & m ?§ Histoire Naturelle, Ckap,é eftcompofé de plufieurs noîs grisâtres , dures, & rondes, qui refierrent des noyaus qui font bons à manger. C'eft aufli de cette efpece de Palmes, que quelques Nègres tirent du vin, par le moyen des incitions qu'ils fonr au deiïous de fes bran- ches. 11 y a apparence, que c'eft le même Arbre, que les Bre- filiens nomment ^yri. ARTICLE XIV. Du FalmiUe Franc. T A féconde efpece eft nommée Palmiste Franc. C'eft un ~ grand Arbre droit & d'une hauteur demefurée. Les raci- nes de cette efpece de Palmier , s'élèvent hors de terre tout autour de la tige , de la hauteur de deus ou trois pieds , ôr de lagrofleur d'un baril. Ces racines font petites à proportion de la hauteur de l'Arbre qu'elles foutiennent: mais elles font entrelacées fi étroitement, & fi confufémcnt les unes dans les autres, qu'elles luy fervent d'un folide appuy. Cet Arbre a cecy 79 Chap.6 des îles Antilles: cecy de particulier , qu'il eft ordinairement plus gros parle haut que par le bas. Quand il eft encore jeune , il a l'écorce tendre, de couleur grisâtre, & marquée de pied en pied d'un cercle, qui donne à cognoiftre à peu prés, combien il y a d'années qu'il occupe la terre: Mais quand il a pris fa cou- Mence , il devient par tout fi folide & fi uny , qu'on n'y peut plus rien remarquer. Son fommet, eftorné de plufieurs belles branches canelées& polies, qui font accompagnées de parc: & d'autre , d'une infinité de feuilles vertes, longues, étroites, & déliées, qui leur donnent une merveiileufe grâce. Les plus tendres de ces branches, qui ne font pas encore épa- novyes.s'éleventdire&ementau milieu de l'Arbre, pendant que les autresqui font courbées tout autour, luy compofenc une riche & agréable couronne. Cet Arbre, fe décharge par chacun mois dequelcune|de fes branches, & dune écorce , qui fe détache de defibus , la- quelle eft longue de quatre ou cinq pieds , large de deus ou environ, & de l'épaifteur d'un cuir prépare. Les Habitans des. lies, nomment cette écorce Tache, r & ils l'eraployentr ppuri 8o Histoire Naturelle, Chap/6 pour la couverture de leurs Cuifines, & des autres petis offi- ces de leurs Habitations, de même qu'ils fe fervent des feuil- les , treiTées , &-cordonnées proprement à l'un des coftez des branches, pour faire celle de leurs matfons. Nous avonsàdeflein , rangé les Palmiftesàla fin des Ar- bres fruitiers quife trouvent en ces lies , àcaufe qu'ils contri- buent tous, horsmis le Latanier, à la nourriture des hom- mes. Car fi le Paîmifte épineus , le-quei nous avons décriten l'article précèdent, fournit du vin, celuy-cy porte aufommet de fon tronc, & comme enfoncœur , une moelle blanche, rres-tendre, & tres-favoureufe qui alegoûtde Noifette,étant mangée crue, & étant bouillie & alTaifonnée avec plufieurs feuilles déliées, & blanches au poflible , qui l'entourent, & luy fervent comme de chemife, elle peut tenir unrangconfi- derable, entre les plus delicieus mets des Antilles. Les Fran- çois , appellent cette fubftance moëlleufe , & les feuilles qui l'enveloppent, chou de Paîmifte , parce qu'ils en mettent au potage, au lieu de chous, ou d'autres Herbes. Si l'on fend en deus le tronc de cet Arbre, & qu'on enlève comme il fe peut faire aifément, une certaine matière filial feufe & mollatTe qui eft au dedans, ce bois qui refte ainfi creufé , & qui eft épais d'un bon pouce, fournit de belles & longues goutieres, qui font de durée. On s'en fert pour cou- vrir d'une feule pièce le faîte des Cazes, & pour conduire les eaus par tout où l'on veut. Les Tourneurs & les Menuy- fiers font aufti avec ce bois , qui eft préfque noir, &fc po- lit aifément , plufieurs beaus & rares ouvrages, qui font natu- rellement marbrez. Pline, fait des Arbres fuprodigieufement hauts, qu'une flèche n'en peut atteindre le fommet quand elle eft tirée; Et l'Auteur de i'Hiftoire générale des Indes, parle d'un Arbre de telle hauteur, qu'on ne s'auroit jetter une pierre a plein bras par deiïus. Mais encore que le Palmifte que nous dé- crivons furpafie de beaucoup tous lesautres arbres des Antil- les , nous n'oferions pas dire qu'il foit d'une hauteur fi deme- furée, puifquedu pied de l'arbre, on remarque facilement une belle panache , qui fortant du plus haut du tronc, eft toujours tournée au foleil levant; Elle fe renouvelle par chacune an- née, Chap. 6 des Iles Antilles, h née, & quand elle cft fortic de Ton étuy , elle cft émaiîlée d'u- ne infinité de petites fleurs jaunes, en forme de boutons do- rez, qui venans à tomber, font fuivis de plufieurs fruits ronds & de la grofleur d'un petit œuf de poule. Us font attachez en un feul bouquet, & afin que ces fleurs & ces fruits, foient con- fervez contre les injures du tems , ils font couverts par defllis d'une écorce épaifle, dure & grisâtre par le dehors, & d'un vermeil doré par le dedans, qui aboutit en pointe. Ceprecieus parafol, n'eft autre chofe que l'étuy, qui referroit les fleurs avant quelles fuflent épanouyes , & qui s'étant entre-ouvert par delTous, s'élargit en une figure creufe au milieu, & pointue aus extremitez, pour mieus couvrir & les fleurs & le fruit D'autant que cette efpece d'Arbres , n'a point dépines', on le nomme Pdmijle Franc. ïl y en a encore une autre forte qui ne croift pas fi haut que cclle-cy , quiporte une petite <4iinc ronde, que les Nègres font foigneus de recueillir, à°caufc qu'elle fert i fairede beaus Chapelets qui font marbrez ôc polis a merveille. ARTICLE XV, Du Latunier. f A treizième : efpece de Palme eft nommée Latmier. Cet arbre eleve fa tige aflez haut 5 mais il ne croifl pas beau- coup en grofleur. - Au lieu de branches il n'a que des longues îeuilles , qui étant épanouyes font rondes par le haut , & pli- cees par le bas, à la façon d'un Eventail £IIes font attachées a de grandes queues, qui fortent de certains filamens , qui entourentlateftedu tronc, comme une groffe toile rouffeSc iortclaire. Ces feuilles étant liées par petis faiffeaus , fervent a couvrir les cazes, 6c h peau qu'on enlevé de deflus le. queues, eft propre à faire des cribles, des paniers, Scieurs autres petites curiofitez, que les Indiens tiennent entre îeu meubles plus precicus. Ils font aaffidu bois de cet arbre ôc deceluy du Palmifte Franc , des arcs , des maflués , dont il s S tZ7r ^.leurstcomb^s,auHeu: dépées, des Zagayes , oui font de petites lances aiguës , qu'ils d'ardent avec la main k contre li Histoire Naturelle» Chap.& contre leurs ennemis , & ils en muniffènt la pointe de leurs^ flèches , qui font par ce moyen aulîi pénétrantes ,. que s'y elles, croient "d'acier. ARTICLE XV L DU COCOS. y LA quatrième efpece de Palme, & la plus exceilentede toutes 9 eft celle qui porte le nom de Cocos , ce fameus fruitdontles Hiftoriensdifenttantdemerveiiles. Mais il faut remarquer > que les Cocos qui fe trouvent aus Indes Occi- dentales, ne croiflent pas à beaucoup-prés fi hauts, que ceus de l'Orient, le tronc pour l'ordinaire n'excédant pas vint, ou vint-cinq pieds en hauteur, étant au refte d'une groiïeur bien proportionnée, il eft beaucoup plus chargé de branches & de feuilles ., que le Palmifte Franc. Les îles de la ^tonaque & de Roatam-, qui font an. Golfe d'Hondures , font renommées f.our- l'abondance de ce& Arbres* Llle de Saint Bartelcmy* «entre; Chap. 6 des îles Antilles, t*$ entre les Antilles, en eft aufll ornée , «Se c'eft de là , qu'on eft a apporté en celle de Saint Chriftofle. Le fruit, croift fur le tronc même , au pied des branches. II a la forme d'une nois : mais fans faire de eornparaifon pour la groffeur : car un Feul pefe quelquefois environ dix 1U vres. Depuis que l'Arbre a commencé de porter , on ne le trouve jamais fans fruit $ car il en poufle de nouveaus par chacun mois de l'année. La coque eft fi dure & fi épaifle, qu'on la peut polir , & y graver diverfes f gures, pour enrichir les coupes, les bouteilles, «Se plufieurs autres vaifîeaus, qu'on en fait, pour le fervice ordinaire du ménage. Elle eft entourée d'une groife envelope, qui eft toute de filamens. L % Quand $4 Histoire Naturelle, Chap. 6 Quand on a ouvert cette nois de Cocos , on trouve pre- mièrement une chair blanche comme neige qui eft nourrif- fànte aupoflible: & qui a le goût de l'Amande. Cette fub- ftance moëlleufe eft en fi grande quantité en chaque fruit, qu'on en peut remplir un plat 5 Elle eft attachée fermement au dedans de la Coque , & en Ton milieu , elle contient un grand verre d'une liqueur claire & agréable , comme du vin mufeatj. de forte qu'une perfonnefepourroit bien contenter de l'un de Tes fruits, pour fon repas. C'eft cette eau feule , qui fe convertit en germe , & qui entre fes autres vertus, a la pro- priété d'effacer toutes les rides du vifage, & de luy donner une couleur blanche & vermeille, pourveu qu'on l'en lave aufll-toft, que le fruit eft tombé de l'Arbre. Qui defirera d'apprendre toutes les particularitez du Co- cos , & les grands ufages qu'il a tant en la Médecine , qu'en la Ménagerie, lira s'il luy plait , la belle & ample defeription que François Pyrard en a fait , en fontraitté des Animaus, arbres & fruits des Indes Orientales. Oàil reprefente , que les Peuples de ces pais- la, trouvent dans ce feul Arbre non feulement leur pain , leur bruvage plus delicieus , leur vête- ment, leur huile, leur fucre, leur miel, leur baume, & les médecines pour rétablir leur fanté, lors qu'elle eft altérée t- mais , qu'ils en tirent encore lamatiere , pour bâtir avec une facilité <& folidité nonpareille, leurs maifons- , & les vaifleaus, dont ils entretiennent le commerce avec leurs voifîns. De- forte, que l'on voit au s lies Maldives, des Navires qui ne font bâtis & chargez que de Cocas , ayant receu de cet Arbre merveilleus, planches, chevilles, cordages, cables , voi- les, ancres, huile, vin, confitures, fucre, &diverfes au- tres clxofes. ARTICLE XVIL Vu Cacao.. ^ QUelques-uns-, à cauie de la reiTemblance des noms, con- fondent quelquefois le Cocos, avec le Cacao 9 qui croinV en la Frovmce dcGuatimala , près la neuve Efpagne , qui eft auûT Chap. 6 des Iles Antilles. g 5 au (fi un fruit tres-renommé en toute l'Amérique , pour eftrc le principal ingrédient , qui entre en la compofîtion de la Chi- çokte , ou chocolaté , d'ont on fait un bruvage fouverain, pour fortifier la poitrine, difliper toutes les humeurs malignes qui s'y attachent, chafier la gravelle , & tenir le corps frais ôc difpos,pourveu qu'on le prene modérément. Ce Cacao, qui fe trouvoit auûlaus Antilles, en Tan 164^. dans le Jardin d'un Habitant de l'Ile de Sainte Croix , eft à prefent connu en celle deTabago, comme nous l'avons dit en fon lieu. C'eft un Arbre prefque femblable à l'Oranger, fînon qu'il ne croift pas du tout fi haut , & qu'il a les feuilles un peu plus étendues. On le plante ordinairement en des lieus ombrageus , & même fous d'autres arbres , qui le puif- fentdefendre.de l'ardeur du Soleil > qui flétrirait fes feuilles, Son fruit qui eft de la grofTeur, '& d'une figure approchante de celle d'un Gland, ou d'une moyenne Olive , fe forme dans de grottes coïTes longuettes, qui font rayées, & divi- fées par le collez, comme il eft icyreprefemé. " L 3, G H A, té flïSfomE Naturelle, Chap,/ CHAPITRE SETTIEME, Ves Jrbres qui font propres à bâtir ; ou qui ferment à U menuyferie j ou à la Teinture. NOus avons jufques icy reprefenté, plufîeurs beaus Ar- bres qui portent des fruits, qui contribuent à la nour- riture, ou au rafYraichifTement des Habitans des An- tilles : & en ce Chapitre, nous nous proposons de traitter des principaus, qu'on peut employer utilement, tant à bâtir des maifons, qu'à les orner, par le moyen des beaus meubles de menuyferie , qu'on en peut faire j Puis après, nous considére- rons tous les autres Arbres de diverfes couleurs, qui font pro- pres à la Teinture. ARTICLE I. De demfortes d'Acajou. * IL y a fort peu d'Iles, ou l'on ne trouve de beaus Arbres,qui fonttrespropres à bâtir des maifons, & à faire divers ou- vrages de menuyferie. On fait particulièrement état de l'OÏ- cajou, qui croift d'une hauteur & d'une grolfeurfi excefïive, que les Caraïbes tirent fouvent d'unfeul tronc, ces grandes Chaloupes, qu'ils appellent Pyraugiïes , qui font capables de porter cinquante hommes. 11 poulie plufieurs branches , qui font fort tournes, à caufe de la multitude de feuilles d'ont elles font chargeas , l'ombrage de cet arbre eft fort agréable : Et même quelques uns tiennent, qu'il contribue à la fanté de cens quiferepofentdefibus. il y a deus fortes d'^Acajott, qui ne font differens qu'en la hauteur de leur tronc, & en la couleur de leur bois. Ccluy qui eftlepliiseftimé, aie bois rouge, léger, de bonne fenteur, & fort facile â eftre mis en œuvre. On a remarqué par expé- rience, que le ver ne l'endommage point 5 qu'il ne fe pourrit point dans l'eau, quand il a été coupé en bonne Lune 5 Et que Chap. 7 des Iles Antilles, %? que les coffres & les aumoircs qui font faites de ces bois , don- nent une bonne odeur aus habits , 6c qu'ils les contregardent de toutes les vermines, qui s'engendrent, ou fé gliflent aifé- ment dans les coffres qui font faits d'une autre matière. Ces proprietez font caufe que quelques-uns ont creii, que cet arbre étoit une efpece de Cèdre. On en fait auffi de l'Efcente, pour couvrir les maiibns. Les Capitaines de Navires, qui tra- fiquent aus Antilles, apportent fouvent des planches de ce bois qui font fi longues & fi larges,qu'il n'en faut qu'une,pour faire une belle & grande table. L'autre forte d'^feapu, eft de pareille figure quant au de- hors, que celuy que nous venons de décrire 5 mais il necroift pas du tout fi haut, & quand on a levé récorce&l'aubel, on trouve que Le bois eft blanc. Il eft aufli fort facile à mettre en œuvre , quand il eft fraîchement couppé $ mais fi on le lailîe a l'air , il fe durcit en telle forte , qu'on a bien de la pêne à s'en fervir. Les Habitans des Iles, ne l'employent qu'à faute d'au- tre , à caufe qu'il eft fujet aus vers , & qu'il fe pourrit en peu de tems. Si on fait des incifions au tronc de ces arbres , ils jettent une grande abondance dégomme, quipourroit avoir quelque bon ufage , fi on en avoir fait l'cffay,. A R T I C L I IL De VAcomas, CEt Arbre, eft bien auffi gros & au (fi haut que l'Acajou,^' n'efi: pas moins prifé des Architectes , & des Menuyfiers. Ses feuilles font polies , & affes longues. Il porte un fruit dr îagroffeurd'une prune , qui étant venu en fa maturité, eft de couleur jaune , & beau à voir , mais il eft trop amer pour eftre recherché des hommes. Les Ramiers s'en ençraifientï en une faifon de l'année , & pendant ce tems là, leur chair eft de même goût, que le fruit qu'ils ont mangé. Il a l'écoree cendrée & raboteufe , le bois pefant & ayfé à polir, & félon fes -lieu s où il croift , foncœur eft rouge , ou jaunâtre, ©a tirant furie violet. Si on ouvre l'écorce , il en fort une liqueur-" laiteuie^ qutfe durcit en forme (kGomme, . «S Histoire Naturelle» Chap. > ARTICLE H L Du Bois de Rofe. IL faut avouer, que fi les Habitans des Antilles, avoient dcf- fein de s'y établir fermement , ils y pourroient trouver, non feulement les chofes qui font neceffaires à l'entretien de la vie , mais encore les délices & les curiofitez , tant pour ce qui concernela nourriture, & le vêtement , quepourcequi re- garde la ftrudure de leurs maifons , & leur embelliflement in- térieur. Mais les douces penfées du retour au païs de leur naifiance, que la plu-part confervent en leurs coeurs , leur font négliger, tous les rares avantages que ces Iles leur pre- fcntent, &paffer légèrement, par deiïus la riche abondance des chofes precieufes qu'elles produiflent, fans en tirer aucun profit. Car pour ne rien dire prefentément , de la grande fa- cilité qu'ils ont de faire des étoffes, du Cotton qui y croift , de nourrir en leurs parcs toutes fortes de volailes, &debetaii domeftique , qui y foiffonne autant qu'en lieu du monde 5 ils pourroient fans doute, recevoir beaucoup démolumens / de plusieurs bois precieus , qui feroientde grand ufage non feu- lement pour les loger, & les meubler commodément: mais auiîi pour en faire du Commerce avec l'Europe. Les de- fcriptions que nous ferons de quelques uns de ces rares Ar- bres, tant au refte de ce Chapitre qu'au fuivant, justifieront cette proposition. Le Bois de Rofe, étant propre non feulement à la charpen- te, mais aufïïà la Menuyferie,doit tenir le premier rang. - Cet arbre croift d'une hauteur bien proportionnée à fa grofleurj Son tronc eft ordinairement fi droit, quec'eft l'un des plus agréables ornémens des forefts des Antilles 5 11 eft couvert de piufieurs belles branches, qui font accompagnées de feuilles molles, velues d'un codé, & longues à peu près comme celles du Noyer • En la faifon des pluyes il porte des rieurs blan- ches , de bonne odeur, qui croulent par bouquets, & qui re- lèvent merveilleufément la grâce naturelle de cet arbre. Ces fleurs font fuivies d'une petite graine noirâtre & polie, L'é- corce Chap. 7 des Iles Antilles. $9 çorce de Ton tronc , eft d'an gris blanc. Son bois eft an dedans de couleur de feuille morte, & quand le Rabot & lePolif- foiront pafle par deflus , on y remarque plufieurs veines de différentes couleurs , qui font comme des ondes , qui luy don- nent un éclat marbré, & un luftre merveilleus. Mais, la dou- ce odeur qu'il exhale, lors qu'on le mer en œuvre , & qu'on le manie eft , ce qui le fait prifer d'avantage , & qui luy donne le beau nom qu'il porte : Quelques-uns, ont même eftimé que cette douce lenteur , qui eft encore plus agréable que celle de la Rofe, luy devoit donner le nom de bois de Cyprc , & par effet ils le font paffer fous ce titre, en quelques-unes des Antilles. Cet arbre , croift dans toutes les lies de même faf- fon, quant à la figure extérieure} mais fon bois eft marbré de diverfes couleurs, félon la différence des terroirs, où il % pris fa naiflance. ARTICLE IV, Du Bok D'Inde* CEt Arbre precieus&de bonne fenteur, fe trouve en R grande abondance dans l'Ile de Sainte Croix , & en plu* fieurs autres, qu'il yen a des forefts prefque toutes entières. Il va du pair avec le Bois de Rofe, mais il croift beaucoup plus gros & plus haut, lorsqu'il rencontre une bonne terre. Son tronc prend de profondes racines , & s'élève fort droit. Son écorce eft déliée K douce & unie par tout , fa couleur eft d'un gris vif & argenté, & en quelques endroits elle tire fur le jaune, ce qui fait remarquer cet Arbre entre tous les au- tres. Il fleurit une fois l'an, autemsdes pluyes, & pour lors, il renouvelle une partie de fon feuillage. Son bois eft très» folide, Ôcpefant au poffible, d'où vient qu'il fouftte d'eftre poly , & que quelques fàuvages en font leurs maffuës. Apres qu'on a levé un aubei vermeil, qui eft fous l'écorce : onapper- çoit le cœur de l'arbre qui eft extrêmement dur , & d'une cou- leur violette, laquelle le fait beaucoup eftimer des curieus . La bonne odeur de cet Arbre , refide particulièrement en fes feuilles. Elles font de pareille figure, que celles du M Goya- 90* Histoire Naturelle, Chap. § Goyavier, <5c quand on les manie elles parfument les mains d'une fenteur plus douce, que celle du Laurier. Elles don- nent à la viande & ausfauces un goûtfi relevé, qu'on l'attri- bucroit plutôt à une compofition de plufieurs fortes d'épice» ries, qu'à une (impie feuille. On s'en fert aufli dans les bains, que les Médecins ordonnent pour fortifier les nerfs foulez* & pour deficicher l'enflure , qui refteaus jambes de ceus , qui ont l&q travaillez de fièvres malignes. ARTICLE V. De phfieurs Boù Ronges qui font propres a bâtir^ ér des Bois de fer. OUtre l'A cajou , dont nous avons parlé au commence- ment de ce Chapitre, il y a encore en ces Iles plufieurs.. beaus arbres , qui ont le bois rouge , folide, Scpefant , quire- fi fte ans vers , & à la pourriture. Ils font tous très-propres à bâtir des maifons ,, & à faire de beaus ouvrages de Me- nuyferie. Mais on faitparticulierement état , du Bois de fer, qui porte ce nom, à caufe qu'il furpafic enfolidité, pefanteur, & dureté, tousceus que nous avons d'écrits jufqucs à prefent. Cet Ar- bre, qui doit eftre mis entre les plus hauts , & les mieus pro- portionez des Antilles , eft revêtu de beaucoup de branches. .11 pottede petites feuilles, qui aboutilTent en pointe, & font divifées prés de la quelle. Il fleurit deus fois-L année, aflavoir aus mois de Mars & de Septembre. Ses fleurs , qui font de couleur de violette , font fuivies d'un petit fruit, delagrof- iéur d'une Cerize qui devient noir étant meur , & eft fort re- cerché des Oifeaus. L'écorce du tronc eft brune. Le Bois eft d'un rouge bien vif, lors qu'il eft nouvellement coupé •- mais il fe ternit étant mis àl'air, & perd beaucoup de fon . lu- it re. Le cœurde l'Arbre eft d'un rouge fort obfcur , comme le bois de Brefii, ôc d'une telle dureté , que l'on doit avoir des coignées bien trenchantes, & qui foyent à l'épreuve, pour le pouvoir abbatre : Mais fon bois étant beau, folide, facileà^ polir, & plus incorruptible que le Cèdre & le Cyprès , il re- corn* ■Chap.7 D E s * les A HT il &%c& 9 T compenfe abondamment par toutes ces bonnes qtialitcz , la pêne qu'il donne, avant qu'on s'en puifiefervir. Il y a encore un autre Arbre qui porte "le même nom de Bois de fer, mais il n'eft pas comparable au précèdent. Il ne porte que de petites feuilles, & quand il fleurit il e(l chargé d'une infinité de Bouquets, qui s'élèvent fur toutes Tes bran*, ches, comme autant de pannaches , qui les parent fort avanta- geufement. 11 eft d'une belle hauteur ; & il a l'aubel jaune ou fclanc , feïon les liens ou il croift. Tout le bois de cet arbre* horsmis le cœur qui eft fort petit, fort dur,& tirant fur le noir, eft fujet aus vers , ce qui fait qa'on ne le met pas volontiers çk œuvre, fi ce n'eft à faute-d autre. ARTICLE VI. De plujkurs ^Arbres dont le Bois eft propre a la Teinture. ENtre les Arbres qui crohîentaus Antilies , il yen a plu^ fleurs quifervent à la Teinture. Lesplus eftimez, & les plus connus, font, le Bois de Brefil,ieBois Jaune, l'Ebénever- te, &le Roucou. Le Bois de Brefil, eft ainfi nommé , à caufe que le premier qui a efté veii en Europe , avoit efté apporté de la Province du Brefil , ou il croift en plus grande abondance, qu'en aucun autre endroit de l'Amérique. Cet arbre eft rare aus Antilles, & on n'en trouve qu en celles , qui font le plus heriflees dé rochers fecs & arides. Son tronc n'eft pas droit comme ce- luy des autres arbres 5 maisileft tortu , raboteus, & plein de nœuds a peu prés comme l'Epine blanche. Lors qu'il eft chargé de fleurs il exhale une douce fenteur, qui fortifie le Cerveau. Son bois eft recherché des Tourneurs 5 mais fou principal ufage, eft en la Teinture. L'Ile de Sainte Croix , eft renommée parmy toutes les au- tres , pour avoir une infinité d'Arbres rares & precieus. On fait particulièrement état d'un, qui s'élève fort haut & dont le bois qui eft parfaitement jaune, fert à la Teinture. Lorsque les Anglois tenoient cette lie, ils en envoyokm beaucoup M % en *'â $i H I s T O I R E NAT tm ELLE, Châp . ,# en leur pais. On le' nomme Bois Iaime , à caufe de fa coup- leur, ou bien de Fujlok , ainfi que nous l'avons dit en la de- feription de l'Ile de Tabago , en laquelle cet Arbre eft aufllfort commun. L ehene Verte y eft ordinairement employée à faire plufieurs cxceliens ouvrages de Menuyferie , parce qu'elle prend aifé- ment la couleur, & le luftre de lavraye Ebe'ne • mais Ton meiL- leur ufageêft en la Teinture, laquelle elle rend d'un beau vert naiiîant. L'arbre qui porte ce bois, eft fort touffu, à caufe que fa racine pouffe une grande quantité de remettons , qui Tempe- fchentdecroiftref]haut&figrosqu'ilferoit,fi fa force étoit ramaOee en un feul tronc. Ses feuilles font polies, & d'iuvbeau vert. SousTécorce, il a environ deus pouces d'aubel blanc, & le refte du bois jufques au cœur, eft d'un vert fi obfcur, qu'il; approche du noir 5 mais quand on le polit, on découvre cer*** raines veines jaunes, q,ui le font paroiftre marbre. ARTICLE VIL Du Rqucou... ,, C'Eft le même Arbre que les Brafiliens nomment Vpifçtfrz 11 ne croift pas plus haut qu'un petit Oranger. Ses feuil- les qui font pointues par l'un des bouts,, ont la figure d'un» cœur. Il porte des fleurs blanches meûées d'Incarnat; Elles, font compofées de cinq feûilles,qui ont laforme d'une Etoile,. & la largeur d'Une Rofe. Elles croiflent par bouquets , aus extremitez des branches, Ces fleurs font fuivies de petites fi- liques , qui referrent plufieurs. grains de la grofteur d'un petit pois, qui e'tans parvenusà maturité', font couverts d'un ver- millon îe plus vif , & le plus éclatant , qu'on s'auroit délirer ^ Getre riche Teinture, qui eft enfermée en cette écofle , eftil mollette, & fi gluante , qu'elle s'attache aus doigts , aulTi-tôc qu'on la-touche. Pour avoir cette precieufe couleur, ons'écouë dans un- vaiffeau de terre les grains fus lefquels elle eft attachée, on venè deftus de leau tiède , dans laquelle on les lave, jufques à ce qu'ils ayent quitté leur vermillon, Et puis quand on à laif- féV Chap. 7 des Iles A>n tille s. 93 fé rcpofer cette eau, on fait feicher à l'ombre le marc , ou la lie épaifle qui fe trouve au fonds du vaiiïeau , & l'on en forme des Tablettes , ou de petites boules , qui font fort efti- mées des Peintres, & des Teinturiers > lors qu'elles font pu- res , & fans aucun mélange , comme font celles que nous ye- nons-de décrire* Le bois de cet Arbre , fe brife facilement 5 il eft* tres-propre pour entretenir le feu , & s'il eft entièrement éteint & qu'on en frotte quelque tems deus pièces l'une contre l'autre , elles jettent des étincelles comme feroit un fufil , qui allument le Cotton , ou toute autre matière fufceptible de feu , que l'on à mife auprez pour les- recevoir. Son écorce fert à faire des cordes qui font de durée. Saracine donne un bon goût aus viandes, & quand on en met dans les fauces » elle leur commu- nique la couleur, & l'odeur du Safran. Les Caraïbes, ont de ces Arbres en tous leurs Jardins, ils les (sntretienneiitfoigneufement&lesprifent beaucoup - àcau- M & fe $4 Histoire Hat u relie» Chap.» fe qu'ils en tirent ce beau vermillon dont ils fe rougifient le corps. Ils s'en fervent auffi à peindre , & à donner du luftre ans plus belles yaififelies de leur petit ménage. Onpourroit auffi mettre au rang des Arbres qui font pro- pres à la Teinture, la plupart de cens quidiftilent des gom- mes: car ceus qui ont efté curieus d'en faire l'efTay , ont re- marqué, qu'eftant méfiées dans la Teinture , elles relèvent les couleurs les plus fombres& les moins claires, par un cet- tain éclat, & un fort beau luftre, qu'elles leur donnent. y CHAPITRE HUITIEME. Des jtrhres qui font utiles à la médecine ; Et de quelques autres dont les Habitans des .Antilles peuvent tirer de grands ayant âges* Dieu ayant ordonne' à tous les Peuples les bornes de leur habitation, n'a l'aific aucune contrée dépourveuë de moyens neceflaires , pour y faire fubfifter commo- dément les hommes, qu'il y a placez; ôr pour étaler devant leurs yeus, les richeffes infinies de fon adorable Providence, il adonné à la terre la vertude produire, non feulement les vi- vres qui font neceflaires pour leur nourriture; mais encore divers antidotes, pour les munir contre les infirmitez, dont ils peuvent être açuëiilis , & plufîeurs remèdes fouverains, pour les en délivrer, lorsqu'ils y font tombez. Pour ne rien dire des autres endroits du monde, les Antilles, pofiedent fans •contredit tous ces rares avantages, en un degré fort confide- rable : Car elles ne fournilfent pas fimpiemenr à leurs Habi- tans une agréable variété de fruits, de racines, d'herbages , de Jcgumes , de gibier, de poififons, & d'autres délices pour cou- vrir leurs tables5 mais elles leur prefentent encore un grand nombre d'excellens remèdes, pour les guérir de leurs mala- dies. C'eft ce que le Le&eur judicieus pourra facilement re-^ marquer en iafuittede cette Hiftoire Naturelle, & particu- lière- Chap. 8 des Iles Antilles. 95 licrcmcnt en ce Chapitre, ou nous décrirons les Arbres qui font d'un grand ufage en la Médecine. ARTICLE I.' Du Cafiier ou Canificier. CEt Arbre croift de I agrofleur, &prefquedelamêmeh% gure qu'un Pefcher , Tes feuilles font longuettes & étroi- tes : Elles tombent une fois l'an pendant les Tcchcreffes , & quand la faifon des pluycs retourne, il çn pouffe de nouvelles, an tft%, ,1 Biles font précédées de pîufienrs beaus bouquets de Meurs- jaunes , auquellcs fuccedent de longs tuyaus , ou de longues filiques.quiviennentdela groffeur d'unpoulce, ouenvîron9 & font quelquefois d'un pied ôc dony, oude4euspieds de long. I 96 Histoire Naturelle, Chap. s long. Elles contiennent au dedans , comme en autant de pe- tites cellules, cette drogue M edecinaleti connue des Apoti- caires, que l'on appelle Cajft. Nos François nomment l'Ar- bre Cafter, ou Camficier , odes Caraïbes OMaltMali. Tandis que le fruit gromt ôc s'allonge, il cft toujours vert , mais quandilaprisfa confiftance , il devient en meuritïant, brun, ou violet , & demeure ainfi (ufpendu à Tes branches. Quand ce fruit eft meur & fec , & que les Arbres qui le portent font agitez de grands vens , on entend de fort loin le bruit, qui eft excité par la collifionde ces dures & longues filiquès, les unes contre les autres. Gela donne l'éfpouvante ausOifeaus, qui n'en oient approcher ; & pour les hommes qui ne favent pas la caufe de ce fon confus, s'ils ne voyent les Arbres mêmes émeus , & choquans leurs branches ôc leurs fruits, ils s'imaginent qu'ils ne font pas loin du bord de la mer, de laquelle ils croyent entendre l'agitation : ou bien ils fe perfuadent , quec'eft le Chamaillis de plusieurs foldats, qui font aus mains. C eft la remarque de tous ceus qui ont vifite le fein , ou comme on le nomme ordinairement le Cul-de-fac , de l'Ile de Saint Domingue, ou l'on voit des plai- nesentieres, & de fort longue étendue, quinefonteouver- tes d'aucuns autres Arbres. Ceft auiïi de-là, félon toute ap- parence, qu'on a apporté la femence de ceus qui croiflent aus Antilles. Au refte ces bâtons de Cafte , qui viennent de F Amérique, font plus pleins & plus pelants, que ceus qu'on apporte du Levant, & la drogue qui eft dedans , a tous les mêmes effets. Les fleurs du Cailler étant confites enfucre, purgent be- nignement, non feulement le ventre , mais aufH la veffie. Les bâtons du Cafîier lors qu'ils font confits verts, ont auftila même propriété. Mais la poulpe étant extraite du fruit meur, fait une opération plus prompte, & beaucoup plus louable. Plufieurs des Habitans du Pais fe trouvent bien d'en ufer chaque mois , un peu avant le repas : & ils ont remarque, quecedous Médicament leur conferve merveil- leufcmem leur bonne constitution. ARTI- Chap.s des ï&es Antïuss. v7 ARTICLE II, LEs JS(jis de iMedtcine qui font fi communes en toutes ces Iles, croiflent fur un petit Arbre, d'ontonfait le plus fou, vent les feparations des Jardins & des habitations. Si l'on n'empefchefa jufte croiffance, il monte à la hauteur d:un fi- guier ordinaire, duquel il a aufll la figure, fonboiseft fort tendre & moëllens , il produit plufîeurs branches qui ram- pent confufément à l'entour du tronc Elles font chargées de feuilles aflfez longues , vertes &c mollafles , qui font rondes par le bas,& fe terminent en trois pointes. ^/^^i/( 4 *JU Le bois & les feuilles de cet Arbre , diftilent un fuc laiteus, qui tache le linge: Même il n'y à pas de plaifir de s'enappro* cher en tems de pluie, parce que les gouttes d'eau qui tom- bent de dcflu* fes feuilles, ont un tout pareil effet que le fuc. Il porte plufieurs fleurs jaunes -compofées de cinq feuilles, N qui »• 0. H l S 7 O lit É N A T V k E L L E , Cha?. % qui ont la figure d'une étoile, quand elles font épanoiiyes. 1 es fleurs venant à tomber , quelques unes font fulvies de petites nois , qui font vertes au commencement , puis elles devien- nent jaunes , & enfin noires , ôc un peu ouvertes Ioês qu'elles font meures; Chaque Nois, referre trois ou quatre noyaus en autant de diftin&es cellules, qui ont l'écorce noirâtre de la groiTeur& de la figure d'une Fève. L'écorce étant levée, on trouve dans chacun, un pignon blanc, d'une fubllance huileufe, qui eft enveloppé & my-party d'une déliée pelli- cule. Ces pignons ont un goût aiTez agréable , qui eft appro- chant de celuy des Noifettes : Mais, s'y l'on n'obferve quel» <^ue règle en les mangeant, ils excitent un étrange devoyement par haut & par bas , particulièrement , s'y on avalle l'apetite peau qui les enveloppe , & celle qui les fepare parla moytie. Pour tempérer leur force , & pour en u fer avec unheureus- fuccés, on les purge de ces peaus, &onlesfait paiTer légère- ment fur les charbons , puis étant battus , on en prent quatre ou cinq , qu'on méfie dans un pende vin , pour leur fervir de véhicule & de correctif. Les rameaus de cet Arbre étant couppés & mis en terre, prenent facilement racine. Les Portugais tirent de l'huile des pignons, qui eft eftimée en la ménagerie , & qui peut aufîL avoiribnJieuenla Médecine. i ARTICLE II î. Dit Bois de Canelfe, L'Arbre, qui porte cette efpece de Canelle, qui eft fi com- mune en toutes les Iles, peut tenir place entre ceus qui fervent à la Médecine, puifquefon écorce aromatique eft re- cherchée de tous ceus qui font travaillez d'affedions froides, & employée pour décharger l'eftomac, des humeurs gluantes & piîuiteufes qui l'oppreflènt. La bonne odeur ,, & la verdu- re perpétuelle de ce bel Arbre, ontperfuadé à quelques uns que c'étoit une forte de Laurier 5 Mais il croift beaucoup plus haut , fon.tr.onc eftaufli plus gros, Ces branches Ion t plus éxçn* Chap. 1 nr * 1 1 i s Âftr&fit ^9 «tendues , & tes feuilles , qui ne font pas du tout fi longues, font de beaucoup plus douces , & d'un Vert plus gay. Son écorce , qui eft cachée fous une peau cendrée eft plus épaiflè, & d'une couleur plus blanche, que la Caneile qui vient du le- vant $ Elle eft aufli d'un goût plus acre & plus mordicant^ Mais étant féchée à l'ombre, elle donne une faveur tresagrea- bleaus viandes. Outre tous ces Arbres precicus que nous venons de décri- re, les Iles deTabago, delaBarbade, & de Sainte Croix, font eftimées entre toutes les autres, pour avoir plufieurs bois que l'ufage a rendus recommendables en la Médecine. Car on y trouve du Sandale, duGayac, & même du Safafras , qui font aflez connus , fans qu'il foit befoin d'en faire des -de» fcripùons particulières. ARTICLE IV. Bu Cottonnter. IL y a encore plufîenrs autres Arbres , afifez communs par toutes les Antilles , dont les Habitans peuvent tirer de grandes commoditez. Le Cottonnier, que les Sauvages ap- pellent CManoulou-Akecha , doit tenir le premier rang , com- me étant le plus utile. Il croift de la hauteur d'un Pefcher : Il al'écorce brune , les feuilles petites , divifées en trois. Il porte une fleur de la grandeur d'une Rofe , qui eftfoutenug par le bas, fus trois petites feuilles vertes, & piquantes, qui l'enferrent. Cette fleur eft compofée de cinq feuilles, qui font d'un jaune doré , elles ont en leur fonds de petites lignes de couleur de pourpre, & un bouton jaune, qui eft entoure de petis filamens de même couleur. Les fleurs font fuivies d'un fruit , de figure ovale , qui eft de la groiîeur d'une petite nois avec fa coque. Quand il eft parvenu à fa maturité , il eft tout noir par dehors, & il s'entrouve en trois endroits , qui font voir la blancheur du Cotton , qu'il referre fous cette rude couverture. On trouve dans chaque fruit , fét petites fèves, qui font la femencè de l'Arbre. N % Il îoo Histoire N a t urel tB,; Chap.s 11 y a une autre efpéce de Cottonnier, qui rampe fur la terre, comme la vigne deftituée d'appuis : c'eftcelle-cy , qu-i produit le Cotton le plus fin & le plus efLmé. On fait de l'un & de l'autre des toiles, & plufieurs petites étoffes , qui. font d'un grand ufage en la ménagerie. ARTICLE V. Du Savonnier, IL y a deus fortes d'Arbres , dont les Infulalres fe fervent au lieu de Savon, L'un. a cette qualité en fon fruit , qui croift par grappes, rond, jaunâtre , & de la grotTeur d'une petite pru- ne , qui a aufii un noyau noir & dur, qui fe peut polir. On lé nomme communément Pomme de Savon. L'autre , acette vertu en fa racine , qui eft blanche & mollaiTe. L'un & l'au- tre rend l'eau blanche & écumeufe, comme feroit Je Savon inêrne^ Mais fi on ufoit du premier trop fouvent, il brule- roit le linge. L'on appelle ces Arbres Savonniers, à caufe de -la propriété qu'ils ont de blanchir. A R T I C L E VL Du Pareîuvier^. C'Eft Arbre , ne fe plaît qu'ans marécages, & ans bords de; la mer. Il a la feuille verte, épaiffe, & aiïeziongue. Ses branches qui fe recourbent contre terre, ne l'ont pas Ci toit touchée, qu'elles prennent des racines, &pou(Tent un autre Arbre, qui entrelaffe ordinairement fa tige& fes branches fr présàprés, & à tant de réplis, avec tout ce qu'il peut join- dre , que ces Arbres gagnent ôc occupent en peu de tems, tour ce qu'il trouvent de bonne terre , qui eft parce moyen ren- due fi difficile à défricher, que l'on n'en peut attendre aucun- profit. C'eft fous ces Arbres , que les Sangliers, & autres bc- tes Sauvages tiennent leur fort.. Ite fervent au-Qi eu quelques >: lis: us- Chap.s UEs lus Anïiues, 102 "A îfeus de rempart ans Habitans des Iles -, qui font affûtez que perfonne ne les furprendra de ce codé là. Ils font encore tresutiles , en ce que n'y ayant point de Chefne en ces Iles? leur écorce eft propre à tanner les cuirs. ARTICLE VIL Bu Calebafiier, IL nefaut pas oublier le Cakbafiier, qui fournit la plus gran- de partie des petits meubles du ménage des Indiens , & des Habitans étrangers , qui font leur demeure en ces Iles. Cert un Arbre , qui croift de la hauteur , de la groffeur, & de la forme d'un gros Pommier. Ses- branches font or dinairémenr fort touffues. Ses feuilles qui font longuettes , étroites ,- & mndes par le bout, font attachées par bouquets ans bran- N- m ekess im H I S-T O ï RE N AT U R E tx E, Chap.s cîies , & en quelques endroits du tronc. Il porte des fleurs ôc des fruits prefque tous les mois de l'année. Les fleurs font d'un gris meflé de vert , & chargé de petites taches noires , ôc quelquefois violettes. Elles font fuivies de certaines pom- mes, dont à peine en peut-on trouver deus, quifoient de pa- reille grofleur, ôc de même figure. Er comme un potier, fait paroitre l'adrelîe de fa main , en faifant fur une même roue, & d'il ne même malle déterre, desvaifleaus d'une for- me & d'une capacité différente: Ainfi la nature montre icy fon induftriemerveilleufe, en tirant d'un feul Arbre , des fruits divers en leur forme, & en leur grofleur, encore qu'ils foient tous attachez à une même branche , ôc produitsd 'une même fubftance. Ces fruits ont cecy de commun , qu'ils ont tous une écorce dure, ligneufe , d'une épaiiïeur & d'une folidité requifepour s'en pouvoir fervir au lieu de bouteilles , de baflins , de cou- pes, Chap, 8 des Iles Antilles. 103 pes , de plats , décuelles , & de tous les autres petîs vahTeaus, qui font neceflaires au ménage.- Ils font remplis d'une cer- taincpoulpe , laquelle étant bien bien meure , devient violet- te, de blanche qu'elle étoit auparavant. On trouve parmy cette fubftance , certains petis grains plats , & durs qui font la> femence de l'Arbre. Les Chaifeurs des Iles , fe fervent de ce fruit pour étancher leurfoif au befoin, & Ils difentqu'iiale goût de vin cuit: mais qu'il referre un peu trop le ventre. Les Indiens poliilent l'écorce , & rémaillent û agréablement avecduRoueou, de l'Indigo, & plufieurs autres belles cou- leurs , que les plus délicats peuvent manger & boire fans dé- goût, dans les vaiiïelles qu'ils en forment II y aaufli des Çurieus, qui ne les eftiment pas indignes, de tenir place entre ks raretez de leurs cafeinets» ART I C IL E VI IL DuCMahot. IL y a deus fortes d'Arbrcsqti'on appelle Umhot, afîavoir le Mahot franc, & le Mahot d'herbe. Le premier eft le plus re- cherché, parce qu'il eft plus fort. Il ne devient pas fort grand;, mais il produit plufieurs branches, qui rampent contre terre. L'écorce en eft fort épaiffe, & fort aifée à lever de deiïus l'Ar- bre. On en fait de longues éguillettes, qui font plus fortes que les cordes deTeil, d'ont on fefert en plufieurs endroits, On l'employé ordinairement à monter les rouleaus du Ta- bac , & à attacher plufieurs chofes, qui font neceflaires au mé- nage. Pour ce qui eft du Mahot d'herbe, on s'en fert au défaut du premier •• maisilpourrit facilement, & n'égale enrien Tau- tre pour la force. Enfin il y a dans ces Iles plufieurs autres Arbres r qui ne fe voyent point en l'Europe, dont les uns recréent feulement la veue , tels que font , celuy qu'on appelle Mappou , & piu~ fieurs fortes de Bois Epine ut : Et les autres contentent l'odo- rat par leur bonne fenteur: ou même ont dcsquaUrez veni- meufes ,, comme l'^Arbre laites, Céluy dont la racine étant broyée ?,ôc jettes dans les rivières, enyure les Boiilbns : 1©: Mmce* 104 Histoire- Naturelle,' Cbap. 9 Mancenïlier, lequel nous décrirons en fonlieu, & une infinité d'autres, qui ont tous le bois blanc, mol & de nul ufage, & qui n'ont encore point de nom parmy nos François. CHAPITRE NEUVIEME. Vesjrbrijfeauédn&aîs-y qui portent des fruits , ou qui pouf fent dis racines , qui font propres à la nourriture des JrlabitanS) ou qui ferment à d'autres ufiges. Ieu ayant fait de la terre un feul Elément , lafeparée endiverfes Contrées , achacunedefquellcsil a donné quelque avantage. & quelque commodité, qui ne fe trouve point aus autres, afin que dans cette agréable variété, la Providence fe puiiTe tant plus diftindément reconnoître , ôc admirer. Mais , il faut avouer , qu'en la diftribution que cette Divine Sagcfle a fait de fes biens , les Antilles ont efté fort ri- chement partagées : Car pour nous arrêter fixement à la ma- tière que nous traitions , non feulement le grands Arbres, que nous avons décrits aus Chapitres precedens, contribuent au logement, à la nourriture, au vêtement , à la confervatîon de la fanté , & à plufieurs autres dous accommodémens des hom- mes qui y habitent , mais il y croift encore plufieurs Arbrif- feaus , qui pouffent des racines , ou qui portent des fruits qui fervent aus mêmes ufages, comme il fe pourra remarquer par la le&ure de ce Chapitre. ARTICLE!. T)u OManyoc. LEs Habitansdes Iles , fe fervent au lieu de blé de la raci- ne d'un ArbriiTeau , qui fe nomme Manyoc , & que les Toupinambous appellent Manyot , & d'autres Mandioque, de laquelle on fait un pain aflez délicat , que Ton appelle Cafjave. Cette racine eft fi féconde, qu'un arpent de terre qui en fera plantdj Chap.9 des îles Antïues, 10* plante , nourrira plus de perfonnes , que n'en pourroient faire fîx, qui feroient enfemencez du meilleur froment. Elle jette unboistortu, de la hauteur de cinq à fix pieds , qui eft très- facile à rompre &remply de petis nœuds. Sa feuille eft étroi- te & longuette. Au bout de neuf mois , la racine eft en fa ma* fiirité. On dit même qu'au Brefii , il neïuy faut que trois ou quatre mois, pour croiftre grofïèou comme la cuiftè. Si laterce n'eft point trop humide, la racine s'y peut conferver trois ans , fans fe corrompre : Ci bien qu'il ne faut point de grenier pourlaferrer, car on la tire de la terre, àœefure qu'on en a befoin. Pour faire venir cette racine, il faut prendre de ce bois, & le couper par bâtons, de la longueur d'un pie' ou environ. Puis faire des foffes dans le -jardin avec une houe, -& fourrer trois de ces bâtons en triangle dans h terre que Ton à tirée de ces Mes , & dont on a fait un petit monceau relevé. On O appelle ï oé Histoire Naturelle, Chap. 9 appelle cela planter À U fojfe. Mais il y a une autre forte de planter le Manioc , que l'on nomme planter au Piquet, qui eft plus pronte & plus ayfée, mais qui ne produit pas de Manioc fi beau, ni fieftimé. Cela ne conflfte , qu'à faire un trou en terre avec un piquet & à y planter tout droit le bois de Ma- nioc. Mais il faut prendre garde en le plantant, de ne pas mettre les noeuds en bas , parce que les bâtons ne poufle- roient point. Les Indiens n'y font point d'autre fa (Ton : mais pour l'avoir en faifon , ils obfervent le decours de la Lune , ôc que la terre foit un peu hume&ée. 11 y aplufieurs fortes de ces Arbriiîeaus , qui ne font dirTe- rens, qu'en la couleur de l'écorce de leur bois, & de leur ra- cine. Ceus qui ont i'écorcé, grife , ou blanche, ou verte,, font un pain de bon goût, & ils crouTent en peu de tems : mais les racines qu'ils produifent ne font pas de fi bonne gar- de, & elles ne foifonnent point tant, que celles du Manyoc: rouge ou violet , qui eft: le plus commun , le plus eftimé , & le plus profitable en la ménagerie. Le fuc de cette racine, eft froid comme celuy la ciguë •. &- £ eft un poifon fi puiffa-nt, que les pauvres Indiens des grandes lies, étans perfécutezà feu & à fangpar les Efpagnols , & voulans éviter une mort plus cruelle , fe fervoient de ce venin, pour fe faire mourir eus mêmes. On voit encore aujourduy en l'Ile de Saint Domingue, un lieu nommé la Caverne des Indiens , où fe trouvent les oiTemensde plus de quatre cens perfonnes , qui s'y donnèrent la mort avec ce poifon , pour échaper des mains des Efpagnols. Mais , au bout de vintqua- îre heures, que ce fuc fi venimeus pour toutes fortes d'ani- maus , eft tiré de fa racine, il perd fa qualité maligne & dangereufe. ARTICLE IL Du RkimS) ou PalmaChri/lL IL y a dans les Antilles , une infinité de ces Arbriflfeaus que l'on nomme PalmaChrifti, ou Ricinm. Et ils croiiTent (1 hauts , 6c (î gros en quelques liens , qu'on les prendroit pour une Chap.9 des Iles Antilles. 107. une efpece différente de ceus que Ton voit en Europe. Les Nègres en amaffent la graine & en expriment l'huile, de la- quelle ils fe fervent pour frotter leurs cheveus , & fe garentir delavermine. Les qualités que luy donnent Galien&Dios- coride , répondent bien à l'ufage qu'en tirent ces Barbares, La feuille de cet Arbriffeau eft aulfi fouveraine , pour la guéri» fonde quelques ulcères, parce qu'elle eft fort attractive." A K T I C L E III. Des Bananiers , é* Figuiers IL croift en toutes ces Iles deus fortes d'Arbriffeaus, ou plu? tôt de gros Rofeausfpôngieusau dedans, qui viennent vo* lomiers en terre grade , près des ruiifeaus , ou4ans les vallées qui font à Tabry des vens. On les nomme orcfinâireinent Bananiers , ou Planes & Figuiers , ou Pommiers de Paradis. G z Ces ioS Histoire Naturelle, Chapvg Ces deus efpeces d'ArbruTeaus ont cecy de commun entre eus , i. Qu'ils crohTent de pareille hauteur, aflavoir de douze ou de quinze pieds hors de terre: 2. Que leurs tiges qui font vertes, luifantes,fpongieufes & remplyes de beaucoup d'eau, fortent d'un gros oignon en forme d'une poire , qui eft muny de plufieurs petites racines blanches, qui le lient avec la terre : £. Qnils pouffent proche leur pie desrejettons, qui produi- fent des. fruits au bout de l'an : 4. Que quand on a coupe une des tiges pour avoir le fruit, la plus avancée fuccede en la- place, &amfil,'Arbri[Teaufe. perpétue -, & fe multiplie , telle- ment, qu'il occupe avec le temps, tout autant de bonne terre qu'il en rencontre:. 5-. Que la Tubftance de l'un &de l'autre eit moliaiîe, qui fe refout en eau , laquelle étant claire au pof- ûblc> a neantmoins la qualitéde teindre ie linge, & les étoffes blanches en couleur brune. 6. Que leurs fruits font au fom- met de chaque tige , en forme de groOes grappes , ou de gros bouquets . 7. Et que leurs feuilles, qui font grandes d'environ une aulne & un quart , & larges de dixhuit pouces , peuvent fervir de nappes & de ferviettes , & étant k'ches, tenir lieu de- matelas & délits, pourcoucher mollement. Ces deus ArbriiTeausfont encore femblablescncecyr que de quelque fens que l'on coupe leur fruit , lors qu'il eft en ma- turité', la chair qui efl blanche comme nége, reprefente ei fon milieu ra figure d'un Crucifix: cela paroit particulière- ment quand on le coupe par rouelles délicates. C'eft pour- quoy lesEfpagnols croiroient faire un crime, d'y mettre le couteau, & fe feandalifent fort , de le voir trancher autrement qu'avec les dens. Mais le Bananier acecy de particulier : 1. Son fruit eftîong de douze à tréze pouces , un peu recourbé vers l'extrémité, gros à peu prés comme le bras | au lieu que celuy du Figuier eft de lamoitie plus petit , de la longueur de fix pouces. 2. Le Bananier r ne produit enfon bouquet que vinteinq ou trente Bananes pour le plus, qui ne font point trop ferrées les unes auprès des autres; Mais le Figuier , a quelquefois jufques a. cent ou fix vint figues 5 qui font tellement unies «5c preflees les unes contre les autres , qu'on a de la peine à les en déta- cher. 3.. Les Bananes ont la chair ferme £c folide 3 propre à ■âftre Chap. * dis Iles Antilles. iop cftrc cuite, ou fous la cendre, ou au pot avec la viande, ou confite, &féchéeaufour, ou 3u Soleil, poureftre gardée plus facilement. Mais la Figue, ayant une fubitance molla- ce , ne peut fervir à tous ces ufages. Pour avoir ces fruits, on coupe par le pie les Arbres , qui ne portent qu'une feule fois en leur vie, «Sconfoutien avec une fourche la g roffe grappe, de peur qu'elle ne fe frohTe en tombant. Mais on n'y met pas volontiers la ferpe, que quand on apperçoit , qu'il y a quelques uns des fruits de chaque bou- quet, qui ont la peau jaune;. Car c'eft un figue de maturité: & lors étant portez à la maifon, ceus qui étoient encore verts meuriffent fuccefïlvement, & Ton a chaque jour du fruit nouveau. La Grappe , qui eft nommée Régime par nos François ,. efl ordinairement la charge d'un homme : & quelquefois iL la faut mettre fur un levier, &la porter à deus furies épaules* comme la grappe de raifm , que les Hfpions rapportèrent de la terre de Canaan. Quelques uns, ont trouvé ce fruit fi beau & fi délicat, qu'ils fe (ont imaginez que cétceiuydu Paradis terreftre, dont Dieu avoit défendu à Adam & à Eve de man- ger. Auffy ils le nomment Figuier D'Adam, ou Pommier de Maradis. La feuille de ces Rofeaus, fe trouvant de la gran- deur que nous avons dit , étoit du moins bien propre , à cou- vrir la nudité de nos premiers parens. Et pour ce qui regarde la figure du Crucifix, que le fruit reprefente au dedans" lors qu'il eft coupé, cela peut fournir une ample matière de pro* fondes fpeculations , à. ceus qui fe plaifentà fpiritualher les fecrets de la Nature.. llyenaquidifent, que la figure d'une Croix eft au fïî mar- quée dans la femence de l'herbe que l'on nomme Rué. La pe- tite Gentiane ou Cmciata , a les feuilles difpofées en forme de Croix, fur fa tige: & il faut avouer , que la nature comme en fe jouant,, s'eftpluëà reprefenter de cette forte diverfes figu- res, dans les plantes ôedans les fleurs. Ainfi il y en a qui fe rapportent à laibrme descheveus , d'autresà celle.des.yeus,. «des oreilles, du nez, du cœur, delalangue, des mains & de quelques autres parties du corps. Et ainfi il y a encore diver- fes-piantes fameufes, quijfemblent reprefenter pluficurs au- O 3, • Ifcti- • I 1 no Histoire Naturelle, Chap. 9 treschofes, comme des Aigles, des Abeilles, des ferpens, des pattes de chat, des creftcs de coq , des oreilles d'Ours , ^des bois de cerf, des flèches, & femblabies-j dont par fois même à caufe de cette refiemblance , ces plantes-là, portent le nom. Nous ne les fpecifions pasicy , parce que tous les Livres en font pleins. ARTICLE IV. Vu Bois de Cor al. ÏL y a encore en plufieurs Iles, un petit Arbriflfeau, qui porte une graine rouge comme du Coral. Elle croift par bouquets à l'extrémité de fes branches, qui en reçoivent un grand Uiftre. Mais ces petits grains , ont une petite marque noire à l'un des bouts, qui les défigure, & leur fait perdre leur prix , félon l'advis de quelques uns. Les autres difent tout au contraire, que cette bigarrure de couleurs, ne les rend que plus agréa- bles. On s'en fert à faire des Braffelets. ARTICLE V. Du Iafmin & du Boit de chandelle. LEs ArbrirTeâus , que nos François ont nomme lafmin , Se Bois de Chandelle, doivent eftre mis entre cens, qui font confiderables en ces lies. Car le premier porte une petite fleur blanche, qui parfume tout la circonférence de fa bonne odeur 5 &c'cft ce qui luy a acquis le nom qu'il porte. Et quant à l'autre, il exhalé une fi agréable & fi douce fenteur, lors qu'on brûle fon bois fec , il elt aufll fi fufceptible de feu , & il rend une flamme (i claire , a caufe d'une certaine gomme aro- matiqued'ont il cft Imbu, que c'eltavecraifon qu'il eft re- cerchédes Habitans pour l'uiagc&Ventrcticn de leurs feus, & pour leur tenir lieu de chandelle , & de flambeau pendant la nuit. CHA- Chap. io. des Iles Antilles, m CHAPITRE DIXIEME. "Des Plantes 3 Herbages , âcaufedelafi. gure de fa feuille : Mais dépuis qu'on y à apporté de la terre £rme de la femence de celles qu'on appelle Tabac de Venne, & tabac des ^Amazones, on les a auffi divifées en ces qua- tre fortes Les deus premières font déplus grand rapport- Ma.s les deus autres font plus eftimées , à caufe de leur boni ne odeur. Toutes ces fortes des plantes de Tabac, ctoiuemauslles.de U hauteur dm? homme & d'avantage, lors qu'on n'empêche pont leur croiflance, en coupant fefommetde leurs ti^es dèfltTT' qUHmitf- dC fcdillCS VerteS lonSues ' veluës°p»c' df flous , & que l'on d.roit eftrc huilées, lors qu'on les manie. Celles qui croulent au bas de la plante, font plus larges & plus * Ion- il ÎT4 H t S T O I R E N A T U R E L L E , Chap.îO longues , comme tirant plus de nourriture de l'humeur de la racine. Elles pouffent au fommet de petits rameaus, qui por- tent une fleur en forme de petite clochette , laquelle eft d'un violet clair. Et quand cette fleur eft féche, il fe forme un petit bouton en la place , dans lequel eft contenue la feme'nce, qui eft de couleur brune & extrêmement déliée. Quelquefois on trouve fous les feuilles, & fous les bran- ches de cette Fiante , des nids de ces petis oifeaus que Ton ap- pelle Colibris 9 & que nous décrirons en leur lieu. ARTICLE De l'indigo. III. A matière d'ont on fait cette Teinture violette qu'on appelle /»4g*,.fe:tire d'une Plante, qui ne s'élève hors àt ttïïQ» qu'un peu plus de deus pieds & demyv Elle a îâ feuille petite , d'un vert naiflant , qui tiïefuï le faune quand elle Chap. ïo des Iles A n t i i t e s. iï$ clic eft meure. Sa fleur eft rougeâtre. Elle vient de graine, que l'on feme par filions en droite ligne. Son odeur eft fort désagréable, au contraire de cette efpece d'Indigo que Ton trouve en Madagafcar , qui porte de petites fleurs d'un pour* pre méfié de blanc, qui s'entent bon. ARTICLE IV. Du Gingembre* ENtre toutes les Epiceries du levant, qu'on à efiayé de faire eroiftre en l'Amérique, il ny en a aucune qui ait reufllquele Gingembre , qui y vient en abondance , & en fâ perfection. Ceft la racine d'une Plante, qui ne s'élève pas beaucoup hors de terre, qui a les feuilles vertes & longuettes* comme celles des rofeaus , & des cannes de fucre. Sa Racine, P z fe I il jfA**^y^v£ ï ï 6 Histoire Naturelle* Chap. x© fe répand non en profondeur , mais en largeur , & eft couchée entre deus. terres, comme une main, qui a plufieurs^ doigts étendus aus environs. D'où vient auffi qu'on l'appelle Patte, entre les habitansdeslles* Cette plante fepeutprovignerde femence , ou comme il fe pratique plus ordinairement, de cer- teines petites racines, qui croiffent comme filets, autour de la vieille tige & des^plus .greffes racines, tout ainfi qu'ans Cher» vis. Elle croift facilement en toutes les Antilles & particulie- ment à S. Chriftofle. Auffi , depuis que le Tabac eft devenu àfi vil prix, plufieurs Habitans de cette Ile, ont fait trafic de Gingembre, avec un heureux fuccés. ART 1CL E V.. i Des Patates. LA Patate, que quelques uns appellent Batate% eft une ra- cine qui eft prefque de lafigure des Trttfes des jardins,que Ton nomme Toufmambou* ou ^Articham d'Inde , mais d'un goût beaucoup plus relevé, & d'une qualité beaucoup meil- leure pour la fanté. Nous prendrons icy occafion de dire en paffant par forme dedigrefïion, que ces Toufmambom, qui font au>ourduy non feulement fort commun en ces quartiers, mais fort vils & fort méprifez , & qui ne font guéres que la viande des pauvres s ens , ont efté autrefois entre les plus rares délices. Car aus fuperbes feftins , qui fe firent à Paris par les Princes, à quel- ques Ambafladeurs en Tan mil fix cens feize, on en fervir comme d un mets precieus & exquis. Retournons à noftre Patate. Elle croit en perfe&ion dans une terre légère, moyene- ment humide, & un peu l'abourée. Elle pouffe quantité de feuilles mollaffes, d'un vert fort brun, qui ont une figure ap- prochante de celles des Epinars. Elles fortent de plufieurs pampres qui rampent fur terre, 6c qui rempliffent inconti- nent au lo-ng & au large toute la Circonférence- Et fi la c-erre eft bienpreparée , ces pampres forment en peu de terris diverfes racines,, par le moyen de certains fibres ou.filamens blan- Chap.io r>Es Iles Antilles. ii? blanehâtrcs, qui fe pouffent de deflbus les noeuds , Se qui s'in« finuent facilement en l&terre. Elle porte une fleur, de la cou- leur à peu-prés qu'eft la racine , & en forme de clochette , au défaut de laquelle fe forme la graine. Mais ordinairement^ pour provîgner ce fruit , on prend feulement de ces pampres qui s'éparpillent par tout comme nous avons dit, & on les couche dans une terre labourée, où au boutdedeus ou trois mois ils ont produit leur racine : Laquelle a autli cette vertu, qu'étant coupée par rouelles & mife en terre , elle produit fa; racine & fa feuille, comme fi elle avoit fafemence, en chacune de fes moindres parties , de même quelesNaturaliftesl'atri- buentà iagraine de la Coriandre & à celledel'Armoife, de laquelle ils difentdeplus> qu'elle renaift même de fa cendre. Ces Racines font de couleur différente, & dans un même champ on en tirera quelquefois de blanches, qui font les plus commîmes, de violettes , de rouges, comme les Bettes-raves, de jaunes-, & demarbrées. Elles font toutes d'un goût ■■excel- I h lent. i ts Histoire Naturelle, Chap. i© lent. Car pourveu qu'elles ne foient point remplies d'eau, & qu'elles foient creiies en un terroir moyennement humide & fec, qui participe de l'un & de l'autre, elles ont le goût des Châtaignes, & font d'une meilleure nourriture que la CafTaue, qui defieche le corps $ Car elles ne font pas fi arides. Aufïi, plufieurs Anglois fe fervent de ces racines, aulieudepain& de Caflaue, & les font cuire pour cet effet fous la cendre, ou fur les charbons. Car étant ainfi préparées , elles font de meil- leur goût, & elles perdent cette qualité venteufe," qu'ont la pluspart déracines. Mais pour l'ordinaire, on les fait cuire dans un grand pot de fer , au fond duquel on met tant foit peu d'eau : Puis on étouppe foigneufement avec un linge l'orifice du couvercle , afin quelles cuifent parcette chaleur étouffée. Et c'eftlà le mets plus ordinaire des ferviteursôc des Efclaves du Pais , qui les mangent ainfi fortant du pot , avec une fauce compofée de Pyman, & de fuc d'Orange, que nos François appellent Pymantade. Il faut avouer , que fi cette racine n'étoit pas fi com- mune, elle feroit beaucoup plus prifée. Les Éfpagnols la mettent entre leurs délices , & ils l'aprétent avec du beurre, dufucre, delamufcade, ou de la Canelle. Les autres la re- duifent en bouillie , & y ajoutant force graiffe , & du poyurc ou du Gingembre, trouvent que c'eft un excellent manger. Mais la plupart des Habitans des Iles n'y font pas tant de façon : Quelques uns auffi cueillent la tendre extrémité des pampres , & après les avoir fait bouillir, ils les mangent en fa- lade, en forme d'Afperge, ou d'Houblon. A R T I C L E VL De l'ananas* L1 '^Ananas , cft tenu pour le fruit le plus delicicus , non feulement de ces lies , mais de toute l'Amérique. Il eft aufïifi beau & d'une odeur fi douce , qu'on diroit que la na- ture ait déploie en fa faveur, tout ce qu'elle referroit déplus rare, & de plus precieus en fes trefors. 11 croifl fur une tige haute d'union pied, qui eft reyétuë d'en* Chap. 10 des Iles Antilles, ii9 û*™--. izo Histoire Naturelle, Chap. io d'environ quinze ou feize feuilles, qui font delà longueur de celles des Cardes, de la largeur de la paume de la main, & de la figure de celles de l'Aloes. Elles font pointues par !e bout, de même que celles duGlaveul, un peucavées par le milieu , & armées des deus cotés de petites épines, qui font fort pointues. Le fruit qui croift entre ces feuilles, & qui eft élevé fur cet- te tige, eft quelquefois de la grofleur d'un Melon. Sa forme eft à peu prés femblable à une pomme de Pin. Sonécorce, qui eft relevée de petits comparrimens en forme décailles, d'un vert pâle, bordé d'incarnat , couchez fur un fonds jaune , eft chargée en dehors, de plufieurs petites fleurs, qui félonies di- vers afpeds du Soleil, fe revêtent d'autant de différentes cou- leurs, qu'on en remarque en l'arc en Ciel. Ces fleurs tom- bent en partie , à mefure que le fruit meurit. Mais ce qui luy donne plus de luftre , & ce qui luy a acquis le titre de R oy en- tre les fruits , c'eft qu'il eft couronné d'un gros bouquet, tiifu de fleurs & de plufieurs feuilles , folides & dentelées , qui font d'un rouge vif & luifant , & qui luy donnent une merveilleufe grâce. Lâchait, ou la poulpe qui eft contenue fous Técorce, eft un peu fibreufe; mais elle fe refout toute en fuc dans la bou- che. Elle a un goût fi relevé , & qui luy eft û particulier , que ceusqui l'ont voulu parfaitement décrire, ne pou vans lefaire fous une feule comparaifon, ont emprunté tout ce qui fe trou- ve de plus délicat , en l'Auberge , en la fraife, au Mufcat, & en laRénette, & après avoir dit tout cela, ils ont efté contrains de confeffer , qu'elle a encore un certain goût particulier, qui ne fe peut pas aifément exprimer. La vertu, ouïe germe, par lequel ce fruit fe peutperpe- raer, ne confifte pas en fa racine, ou en une petite graine rouffe , qui fe rencontre fouvent en fa poulpe : Mais en cette guirlande dont il eft couvert. Car fi-tôt qu'elle eft mife en ter- re , elle prend racine, elle pouffe des feuilles, & au bout de Tan elle produit un fruit nouveau. On voit fouvent de ces fruits, qui font chargez de trois de ces bouquets, qui ont tous la ver- tu de conferver leur efpece. Mais chaque tige, ne porte du fruit qu'une feule fois. li Chap. XO DBS Ii!$" AnTIUïs. X2I Ii y en a de trois ou quatre fortes , que les habitans des Iles ont distingués ou par la couleur, ou par la figure-, ou paria faveur, aflavoir l^inm as blanc, le Pointu, & celuy qu'ils ap- pellent URénete. Ce dernier e(t plus eltimé que lesdeus au- tres, àcaufequequandilcft bien meur, ii poffede pour le goût toutes ces rares qualitez que nous avons dites; II a auffi une odeur plus agréable que les autres, & ii agace moins les dens. Les Indiens naturels du Pais, & nos François qui demeu- rent aus Iles, compofent de cefrukuntrcs-excellentbruva- ge, qui approche fort de la M alvoifie, quand iieit gardé quel- que tems. On en fait auffi une confiture liquide, laquelle e& lune des plus belles, & des plus délicates , de toutes celles que T on apporte des Indes. On coupe auffi l'écorce en deus , & on la confît à fec avec une partie des feuilles les plus déliées, puis après on là rejoint proprement félon l'art, & on l'encroûte d'une glace fucrée, qui conferve parfaitement la figure du fruit & de fes feuilles, & qui fait voir en ces heureufes con- trées , nonobstant les chaleurs de là zone torride , une douce image des triftes productions de l'byver. On a mangé affés long tems de ce fruit, fans remarquer les rares ufages qu'il a dans la Médecine $ Mais à prefent , l'expé- rience a fait connoiftre, que fon me a une vertu admirable pour recréer les efprits, & relever le cœurabbatu ; on l'em- ployé auffi heureufement, pour fortifier l'eftomac , chatteries dégoûts, & rétablir l'appétit. 11 foulage auffi mer veill eu fe- menteeus, qui font affligez delà gravelle, oudefuppreffion d'Qrine , & même il détruit la force du poifon. Au défaut decefruit, fa racine produit les mêmes effets. L'eauquel'on en tire par l'Alanbic , fait une opération plus promte & plus puifiantc; mais à caufe qu'elle eft trop corrofive, & qu'elle offenfe la bouche, le palais & les vaifleaus uretaires , il en faut ufer en bien petite quantité, ôc par l'avis d'un favant Médecin, qui s'aura donner un corre&if, à cette acrimonie. - ç_ ARTI- il i2z Histoire Naturelle» Chap. 1e ARTICLE VIL Des Cannes de Sucre, LE Rofeau, qui par fonSuc delicieus fournit la matière dont on compofe le Sucre, porte les feuilles femblables aus autres rofeaus, que l'on voit aus marais & au bord des étangs j mais elles font un peu plus longues , & un peu plus trenchantes. Car fi on ne les empoigne avecadrefle, elles coupent les mains comme un rafoir. On le nomme Canne de Sucre ', ôc il croift de la hauteur de cinq à fix pieds, & de la grofîeur de deus pouces en circonférence. Il eft divifé par plu- fîeurs nœuds, qui font ordinairement éloignez de quatre ou cinq pouces les uns des autres. Et d'autant plus que cette di- ftance eft grande , d'autant plus aufli les Cannes font eftimées eftre plus propres, à faire le Sucre. La tige,poufle comme un buiffon de longues feuilles vertes & touffues, du milieu defquelles s'élève la canne, quieftauf- fi chargée en fon fommet de plufieurs feuilles pointues, ôc d un panache dans lequel fe forme la femence. Elle eft en- tièrement remplie d'une moelle blanche & fucculante , de laquelle on exprime cette douce liqueur, dont fe forme le Sucre. Elle vient en perfe&ion dans une terre grafTe, légère, & moyennement humide, On laplante en des filions, qu'on fait en égale diftance avec la houe, ou avec la charrue , & qui font profons d'un demy pied. On y couche des Cannes qui font meures, on les couvre déterre, & peu de tems après, chaque nœud forme une racine, ôepoufle fa feuille & la tige, qui pro- duit une nouvelle Canne. Si toft qu'elle fort de terre , il faut eftre fort foigneuzde farder tout aus environs, afin que les méchantes herbes ne la fuffoquent : Mais dçz qu'une fois elle a couvert la terre, ellefe conferve d'elle même comme un bois taillis , & elle peut durer plufieurs années , fans cftre renouvellée, pourveu que le fonds foit bon, & que le ver ne la corrompe, car en ce cas, le meilleur eft d'arracher au plutôt! toute la-plante, & de la faire toute nouvelle. Encore Chap. ii des Iles Antilles. m Encore que les Cannes foient meures au bout de neuf ou dix mois , elles feconfervent bonnes fur lepieddeus ans , <5c quelquefois trois ans entiers , après quoy , elles de'periflcnt. Mais le plus feur & le meilleur eft , de les couper tous les ans, prez de terre, & au defautdu dernier nœud. Lors que ces Gannes font en leur maturité', 5c que Ton marche fur les chams , on trouve ce dous ratrraichiffemenr , &c on en fàce avec plaifir le jus , qui eft excellent, ayant le même goût que le fucre. Mais fi Ton en prend trop, on fe met en dan» ger d'un cours de ventre, & c'eft dequoy il faut avertir les nou- veaus venuzj car ceus qui font naturalifezdans le pais, n'y font pas fifu jets. 1 1 y a encore en quelques unes de ces Iles , de ces belles & precieufes Cannes , qu'on porte à la main par ornement, & qui font naturellement , marbrées & émaille'cs de diverfcs figures. Le bord des Etangs , & tous les endroits mareca- geus, font aufïi pourveus de gros Rofeaus fort hauts & fort droits, dont les Habitans font ordinairement les parois & les feparations de leurs maifons , & les lattes de leurs cou vers. Les Indiens fe fervent auffi du fommet de ces rofeaus , pour faire laplûpart de leurs fk'ches. CHAPITRE UNZIEME. Ve quelques autres rares produSlions de la terre des Antilles % , IL y a plufieurs efpéces de bois rampans par terre, & qui s'attachent aus Arbres , & empefehent fouvent de couriiî J&cilenaent par les forets. Les Habitans des lies, les jnomnienfc Q^J Lient & 7#U*ÀS rzê Histoire Naturelle, 'Chap.it Lienes. Les unes font en forme de gros Cable de Navire. Les autres portent des fleurs de diverfes couleurs. Et même il s'en voit qui font chargées de grofîes filiques tannées, longues d'un bon pied , larges de quatre ou cinq pouces & dures com- me l'écorce du chefne, dans lefquelles font contenus ces fruits curieus qu'on appelle châtaignes de mer , qui ont la figure d'un cœur, ôc dont on fe fert fouvent après qu'on lesavuidez de leur poulpe, pourconferver du Tabac pulverifé, ou-quelque autre poudre de bonne fenteur. Ce que les Habitans des Iles appellent Pommes de Lienes * eft un fruit qui croift fur une forte de Vime, qui s'attache aus gros Arbres, comme le y&y* Lierre^ Il eft de lagroflfeur d'une baie de jeu de paume, & cou- Vert d'une coque dure , & d'une peau verte , qui contient au dedans une fubftance, laquelle eflant meure, a la'figure, & le goût de Grofeiiles. A R T I C L E IV. Des Herbes toujours vives. . f~% N trouve dans ces Antilles plufieurs cfpe'ces d'Herbes %*J toujours vives, dont les unes croiffent fur le tronc des Jklf^fe*-'' vieus Arbres, comme le Guy fur le Chefne: les autres croifîent en terre & fur des Rochers. Elles ont tant d'hu- midité naturelle , que bien qu'elles foient arrachées , & fufpenduès la racine en haut , au milieu des chambres , oii on les conferve par ornement , & pour recréer la veue , elles ne quittent point leur verdure. ARTICLE V. Des Plantes fenfih ie s. IL y a à Tabago une clpece d'Herbe toujours vive , qui d'abondant ft i cnfible. Elle croift haut d'un pied & deniy, ou environ: la tige eft entourée d'une grande multirude de feuilles longues d'un bon pied, larges de trois doits , dente- lées à peu prés comme celle de la Fougère^ aus extrémités de couleur verte enuemé.ée de petites tâches brune & rou- gis- ^xr-/ Chap.xx des Iles Antilles* 127 ges. En la faifon des fruits , il croift du milieu de cette plante une. fleur ronde, compofée de plufieurs feuilles, qui font rangées en même ordre que celles duSoucy. Mais elles font /^>v^^P d'un violet clair, & ont alTes bonne odeur eftant maniées.. / La nature de cette Plante eft telle, que fi queïc un arrache de fes feuilles , ou s'il les touche feulement , toute la Plante fe flétrit , & laifle tomber fes autres feuilles contre terre , com- me fi on l'avoit foulée aus pieds. Et félon le nombre des feuilles que l'on en a arrachées, elle demeure plus ou moins* de temps à fe redrefler. Il en croift une femblable à Madagafcar que les habitans appellent Haeft-vel, c*efta,dire Herbe ayant ivie. Maiscen'eft pas la même efpcce, quiYe voit à Paris au jardin du Roy, car elle a la feuille beaucoup plus petite, & qui n'eft ni ta- chetée ni dentelée: Et qui plus eft, elle ne produit point de fleurs. Outre que fes feuilles eftant touchées, fereflerrent en dedans-par quelque forte de contraction, Au lieu que celle que nous décrivons , laifle tomber les fiennes à terre en dehors. /fir&37k~~ n% Histoire Naturelle , Chap, u On voit encore une autre efpecc de Plante vive & fenfible, en plufieurs autres Iles. Elle croift quelquefois de la hauteur d'un ArbrhTeau. Elle eft revêtue de beaucoup de petites branches qui font 'chargées en tout tems d'une infinité de feuilles longuettes & étroites , qui font égaillées en la faifon des pluyes, de certaines menues fleurs dorées, qui réfemblent à de petites étoiles. Mais ce qui fait que cette Plante eft efti- méel'unedes plus rares & des plus merveiileufes du monde, eft qu'auffi-tôt qu'on là veut empoigner , elle retire fes feuil- les , & les recoquille fous fes petis rameaus , comme s'y elles étoient flétries, puis elle les épanouit de nouveau, quand on retire la main & qu'on s'en éloigne. Uyenà, qui nomment cette Plante l' Herbe chafte $ parce qu'elle ne s'auroit fouffrir qu'on la touche, fans s'enoffencer. Ceus qui ont pafie par Tlfthme depuis Nombre de Dios juf- ques à Panama , racontent qu'il y a des bois entiers, d'un Ar- bre nommé Senfitif, auquel fitoft que Ton touche, les bran- ches & le feuilles s'élèvent avec grand bruit, & font enfem- ble la figure d'un Globe. On voyoit a Paris, au jardin du Roy il y à quelques an- nées , un Arbrifleau fenfitif , eftimé de grand prix. Mais quelcun s'eftant avifé de donner l'invention de le mettre au fonds d'un puits , pour le conferver contre le froid, & les rigueurs de l'hyver , il y mourut miferablement, au grand re- gret des Curieus. ARTICLE VL De plufieurs fortes de ?oi$. LA terre y produit par tout des légumes, tels que font les pois & les fèves , de plufieurs-fortes : Les Sauvages An* tillois les appellent en gênerai Manconti. Pour les Pois, ils font prefque tous de même efpeceque ceus qui crohTent en l'Europe, excepté ceus que l'on cueille fur un petit Arbrifleau , qui eft de la hauteur du Geneft & a les feuilles petites, vertes , & étroites. 11 porte des Pois dans des gouflfes, ou filiques , qui font attachés à fes branches. Ils font Chap. ri du Iles Antuus, i%4 font verts & plus petis que les ordinaires , d'un goût relevé & fi faciles à cuire , qu'il ne leur faut qu'un bouillon On les nomme aus lies, Poisâ'^Angole, parce que la femence, en clt venue de ce pais la, comme il eft à croire. Il y en à d'une autre forte, que Ton nomme Pois, mais qui • ncantmoms ont la figure de Fèves. Ils font aOTes petis £t de cetteefpeceilycnadeblans,dcnoirs, de rouges , ou tannés qui font tous excellens , & qui viennent à maturité en trois • mois. On les nomme à Saint Chrifbfle Pois AngUs, ARTICLE VII. Des Fèves y&Ftfeoles. ENtrc les Fèves & Fafeoles , il en croift ans Antilles de ' plufieursefpeces,quonne voit point en France Les plus communes font des blanches , à qui les premiers Habit-ans ont donne un nom mal honnefte , à caufe deleur figure Elles produifenî leur fruit , qui eu bon à manger, fix femaines après avoir eue plantées. Les autres font diversifiées deplufieurs belles & différentes couleurs, comme celles nue i on nomme Fèves de Rome, eu de Lombardie. Mais les plus connectables pour leur rareré, fontcellcs qu on nomme F/Ves defit^s^ . parce qti 'une. même &£ por- te fet ans entiers fans fe iaTer, & s'étend fur ks Arbres m les rochers .. I R ÀRTI- ï$® Histoire Naturelle» Chap.ità ARTICLE VIII. Des plantes é* herbes qui peuvent avoir leur ufage en le ^Médecine ou au ménage» Uantaus plantes, qui peuvent avoir leur ufage en la Me» decine. Il y en a plufieurs en ces lies, defquelles les pro- priétés ne font pas encore bien connues, & quelques autres >v^£'«'''^ui fe trouvent aufïi ailleurs. Telles que font , WfcolopandrCj ,^U- /t*6^7&Z>- une efpece iï^Aloes , & plufieurs fortes de ^Capillaires. 11 y en / 1& ' A*S/-^ a- aufli quelques unes, dont on a déjà fait l'expérience, & qui U*->„ m*4é^*"" —- ¥'. /y y font recognues pour cftre douées de grandes vertus, entre. ^^^^^^■^^-tefquelles les plus prifées font ,. \c3Io.nc defenteur fie Salifier* €*^w*.Àmf£ #?a*-*^fe. &T l'Herbe au s flèches. Le Jonc defenteur, eft tout femblablc ans autres joncs qui croilîent auprès des étangs & des rivières 5 mais il pouffe une racine ronde de la groffeur d'une noifette , qui rend une odeur fort douce comme celle de l'Iris , & qui étant féchée à l'om- bre, & réduite en poudre, a une merveilleufe vertu pour aider les femmes qui font en travail d'enfant , fi on leur en donne une petite prife. LeBalifier, croift de différente groffeur & hauteur félon les terroirs où il fe trouve , il fe plaît particulièrement dans, des lieus humides. Ses feuilles font fi grandes & fi larges, que les Caraïbes en couvrent au befoin, leurs petites cabanes. Elles font auffi employées pour adoucir les inflammations des- pîayes , & pour faire des bains à ceus qui ont des nerfs foulés, ou quelque autre débilité. Sa fleur, qui croift comme une pan- nache , qui eft compofée de plufieurs petites coupes jaunes ou rouges , eft fuivic de boutons , qui font remplis d'un grand nombre de grains gros comme des pois , qui font fi polis & fi. durs qu'on en peut faire des Chapelets. L'Herbe aus flèches, eft une efpece d'herbe trifte, car pen- dant le jour fes fleurs font toujours fermées , & durant la nuit elles fontepanoûyes. Ses feuilles qui font d'un beau vert, font- longues de (ix ou fét pouces, & larges de trois. Sa.raci.ne étant pilée Chap.ii dïs Iles Antilles, ut pilée , a la vertu déteindre tout le venin des flèches cnpoifon- nées, étant appliquée fur la playe, le plus promtémenc qu'il. eftpofTible. La plupart des Herbes potagères que nous avons en France, croiffent aufll en ces lies. 11 eft vray qu'il y eu a quelques unes, comme font les Chous& les Oignons, qui ne portent point de graine. On n'en manque pas toutefois pour cela; Car quant aus Chous , lors qu'ils font en maturité , ilspro- duifent plufieurs rejettons, que l'on transplante, & qui en pouffent d'autres, qui deviennent auffi gros e cinq fortes de Êeïïes k quatre pieds y qu'on a trouvé en ces Iles. AVant que les Efpagnols & les Portugais euflent dref- fé des Colonies en l'Amérique, on n'y voyoitni Chevaus, ni Bœufs, ni Vaches , ni Moutons, ni Bre- bis, ni Chèvres, ni Pourceaus, ni Chiens. Mais pour faciliter leurs navigations , & raftraichir leurs vaififeaus dans le befoin, ils jetterent de tous ces animaus en divers lieus de ce nouveau Monde; où ils ont tellement multiplié, qu'a prefent ils y font plus communs, qu'en aucun endroit de l'Europe. Outre ce Bétail étranger, il a eu de tout tems dans les An- tilles quelques Belles à quatre pieds, telles que font, l'Opaf fum , Je lavarùi le Tatou, l'Agouty^ & le Rat mn/qué, dont nous ferons les defcriptions en ce Chapitre. ARTICLE I. J)€ UOpaJfum* L'Opaffum, qui eft le même animal que les Brefiliens nom* ment Carigueyay eft de la groffeur d'un Cochon de fix fé* maines. lia lemuféau pointu, la mâchoire d'enbas plus cour- te que celle dedeflfus, comme le pourceau: les oreilles, Ion* gués, larges & droites, <5c la queue longue , pelée par le bout, & recourbée. 11 eft couvert fur le dos d'un poil noir entre* mêlé de gris , & fous le ventre & fous le col, il eft jaunâtre. Il ades ongles extrêmement pointus, avec lefquels il grimpe lé- gèrement fur les arbres, fi fe nourrit d'oifeaus , & il fait la chalfeaus poules comme le Renard, mais au défaut deproye, il fe nourrir de fruits. Ce qui eft de particulier en cet Animal, eft, que par une fingularité bien remarquable , il a une bourfe de ù peau mê- me repliée fous le ventre, dans laquelle il porte fespetis, lef- S quels # ilf Hïstoiu Natuuli e, Chap.x* quels il lafche fur terre quand il veut , en deflerrant cette bourfe naturelle. Puis quand il veut pafler outre, il l'a r'ou- vre, & les petis rentrent dedans, & il les porte ainfi par tout. La femelle les allaitte fans les pofer à terre $ car fes mam- melles font cachées dans cette bourfe , qui eft en dedans cou- verte d'un poii beaucoup plus mollet , que celui qui paroit em dehors. La femelle produit ordinairement fix petis. Mais le malle, qui a auiïi un pareil fac naturel fous le ventre, les porte àfontour, pour foulagcr la femelle, quoy qu'il ne les puifie pas aliaitter. Ces Animaus font communs dans la Virginie, & dans la Nouvelle Efpagnc. La Baleine , n'ayant pas receu de la nature lacommodité d'un tel fac, al'induftrie, àeequedit riloftrate , de cacher fes petis dans fa gueule. Et la Belette aime tant fes petis, que crainant qu'on ne les luy dérobe, elle les prend auiïi dans fa gueule , & les remue de Heu sa autre, ARTICLE IL Du Iavaris. IL y a auiïi en quelques unes de ces Iles , comme a 7ahaga% une efpece de Pourceaus fauvages , qui fe voient pareilîe- ment au Brefil, & en T^jcaragua. Ils font prefque en tout fern- blablcs ans fangliers de nos forefts. Mais ils ont peu de lard, les oreilles courtes , prefque point de queue , & ils portent leur nombril fur le dos. On en voit de tout noirs, & d'autres qui ont quelques taches blanches. Leur grongnément, eft auiïi beaucoup plus effroyable, que celuy des Pourceaus dô- me/tiques. Onles nomme Iavaris. Cette venaifon eft d'affez bon goût : Mais elle eft difficile à prendre, à caufe que ce Sanglier ayant un event fur le dos, par lequel il refpireôc ra- fraîchit fespoulmons, il eft prefque infatigable à la courfe, & s'il eft contraint de s'arrêter, & qu'il foit pourfuivy des Chiens, il eft armé de defenfes fi pointues & fi trenchantes, qu'il déchire tout ceus qui ont l'afïurance de l'approcher, A&TI- Chap. 12 des Iles Antilles, 139 ARTICLE III. Du Tatou, LEs Tatous, qui fe trouvent aufïi a Tabago , font armés d'une dure écaille , de laquelle ils fe couvrent & fe pa- rent comme d'une cuirafie. Il ont la tefte d'un Cochon , le mufeau de même avec quoy ils fouillent la terre. Ils ontauftl en chaque patte, cinq ongles fort pointus , dont ils fe fervent pour renverfer promtément la terre, ôc découvrir les raci- nes, dont ils s'engrailTent pendant la nuit. On tient que leur chair eft délicate à manger, & qu'ils ont un petit ofTelet à la queue, qui guérit la furdité. L'on a expérimenté qu'il fou- lage le bourdonnement, & qu'il appaife la douleur d'oreille, le laifTant dedans enveloppé dans du cotton. Il y en a qui font gros comme des Renards , mais cens qui font à Tabago, font beaucoup plus petis. Quand ces Animaus font pourfuivis, & quand ils prenent leur repos , ce qu'ils font ordinairement durant le jour, ilsfe mettent en forme de boule , & ils ramaflent fi bien ieu rs pieds, leur tefte , & leurs oreilles fous leurs écailles dures & folides, qu'il ny a aucune partie de leur corps, qui ne foit à couvert fous cette curaflè naturelle , qui eft à l'épreuve des armes des chafîeurs & des dens des chien? $ & s'ils font prés de quelque précipice , ils fe biffent rouler du haut en bas, fans creinte de fe faire mal. L'Infcot recite qu'ans Indes Orientales , en la Rivière de Goa, fut pris un Monftre Marin , tout couvert d'écaillés , dures à l'égal du fer ; & qui lors qu'on le tou choit, fe rctiroit ainfi en une pelotte. A R T I C L E "IV. T>€ /'o^l gouty, LyAgouty , eft de couleur brune tirant fur le noir. 11 a le poil rude , clair , & une petite queue fans poil. Il a deus dens en la mâchoire den haut , & autant en celle d'en*bas. Sa U i^o Histoire Naturelle, Chap. t% 11 tient fon manger en Tes deus pattes de devant , comme l'Efcurieu. 11 jette un cry comme s'il difoit diftin&ement Couyé. On le pourfuit avec les chiens , parce que fa chair, quoy qu'elle fente un peu le fauvagin-, eft eftimée de plu- fieurs, autant que celle du Lapin. Quand il eft chafle , il fe fauve dans le creus des Arbres, d'où on le fait ibrtir avec la fumée , après qu'il a crié étrangement. Si on le prend jeune, il s'aprivoifeaifément, & lors qu'on le met en colère, le poil de defTus fon dos s'herifîe , & il frappe la terre de fes pattes de derrière, comme font les lapins. 11 eft aufti de même groffeur. Mais fes oreilles font courtes & rondes, & fes dens font tren- ehantes comme un rafoir^ ARTICLE V. Des Rats tMufquéu LEs Rats Mufqués , que nos François appellent Tilorîs^ font le plus fouvent leur retraitte dans les trous de la ter- re , comme les Lapins , auffi ils font prefque de la même grof- feur , mais pour la figure, ils n'ont rien de différent de celle des gros Rats qu'on voit ailleurs, finon quelaplufpart , ont le poil du ventre blanc comme les dirons , & celuy du refte du corps, noir ou tanné. Ils exhalent une odeur Mufquée, qui abbat le cœur , & parfume fi fort l'endroit de leur retraitte* qu'il eft fort aifé de le difcerner. La Terre ferme de l'Amérique, nourrit plufieursbeftes à quatre pieds, qui ne fe trouvent en aucune de ces Iles.. CBA* Chap. i2 des Iles Antilles, 30 des 'MatsJàu/àt %igs HijToui. Naturelle, Ckp. il CHAPITRE TREIZIEME, Des Reptiles quife yoyent en ces lies. APresavoirreprefentéau Chapitre précèdent, les Be- lles à quatre pieds, quife font trouvées ausAntiles, lors que les Colonies étrangères s'y font établies : nous devons à prefenttraitter des Reptiles , qui y font aufli en grande abondance : car ces animausqui font naturellement ennemis du froid, fe multiplient mervcilleufement dans ces pays chauds: Joint que les grands bois , & les rochers de ces Iles , contribuent beaucoup à leur production, car ils leurs fervent de retraitteaffurée. ARTICLE I. De plusieurs efpeces de Serpens & de Couleuvres. IL y a fort peu de Bcftes venimenfes dans les Antilles. Il eft vray qu'il y a beaucoup de Serpens & de Couleuvres de dif- férente couleur & figure. Il s'en voit de neuf a dix pieds de long , & de la grolîeur du bras & de la cuiûe. On y a même une fois tue' une de ces Couleuvres , qui avoit dans fon ventre une Poule entière avec, la plume , & plus d'une douzaine d'oeufs, ayant furpris la poule comme ellecouvoit. Il s'en eft trouvé uneautre, quiavoit cngîoutyun chat. D'où Ton peut aifément juger,delagroffeurdecesBeftes. Mais quelques prodigieufes qu'elles foient , elles n'ont au- cun venin en la plupart de ce Terres. Et même plusieurs ha- bitans , en ayans fur la couverture de leurs maifons , qui eft fait le plus fouvent des feuilles de Palme , ou de Cannes de Sucre 5 ils ne les en chaflent pas, à eau fe qu'elles dénichent & devorenttous les Rats. Mais il faut tout dire, elles font aufli la guerre aus Poulets. On a encore remarqué, que quelques unes ont i'adrefTe de garder une poule lors qu'elle couve, ians luy faire aucun mal pendant ce tems-là : Mais fi toft que Chap. ij des Iles Antflles. 141 quclesœufs font éclos , elles mangent les petispoufîins , ôc dumoinsfurfoquentla poule, s'y elles ne font pas afiezpuif- fantespour l'engloutir. 11 y en a d'autres qui font parfaitement belles & agréables avoir: car elles font entièrement vertes, horsmis fous le ventre, qu'elles font d'un gris blane. Elles font longues, d'u- ne aulne & demye, <3c quelquefois de deus : Mais elles font fort déliées àproportion, n'eftant pour le plus, que de la grof- feurdupoulce. Elles ne vivent que de grenouilles, qu'elles épient prés des ruifleaus , oud'oifeaus, qu'elles guettent fur les Arbres, & dans leurs nids, lors qu'elles y peuvent attein- dre. Ainfi cette efpece de Couleuvre eft noble par deflus les. autres: Car ellene vit quedepéfcheôc dechafie. Quelques Habitans , qui font acoûtumez à voir toutes ces fortes de Couleuvres, les manient fans crainte , & les portent en leur fein. Ceus qui ont voiagé en A(ie & en Afrique , difent qu'ils y ont trouvé quelque chofe de femblable. Car ils rappor- tent qu'en la grande Tartarie, il y a des montagnes , oàfe nourriflent des berpens d'une grofleur prodigieufe , mais nullement venimeus, & tresbons à manger: Et qu'au Royau- me de Syr, ils ont veu de ces Beftes , fe jouer avec des enfans , qui leur donnoient un morceau de pain. On ditauuî, que dans les Provinces des Antes , au Royaume du Pérou , il y a d'effroyables Couleuvres , longues de vinteinqà trente pieds, qui ne font mal à perfonne. Quant ans lies de la CMarrinïque s & de Sainte ^yfloupe, il n'en eft pas de même qu'a us autres Antilles $ Car il y en a qui ne font point dangereufes , & d'autres qui le font beau- coup. Celles qui ne le font pas , font plus grofles , & plus longues que les autres. C'eft pourquoy cens qui ne les connoiflent pas, en ont plus de peur, que de celles qui font véritablement à craindre. Neantmoins elles ne font aucun mal : au contraire, dcz qu'elles aperçoivent une perfonne ,. elles s'enfuyent avec diligence. Ce qui eft caufe qu'on les appelle C&urerejfes, Elles ontaufli des taches noires & blan- ches fur le dos , qui fervent à les faire reconnoitre plus aifément» Les ï-44- Hhtoui NAîuuitl, Chap.n Les Couleuvres dangereufes, font de deus fortes. Les unes font grifes fur le dos& fort veloutées. Les autres font toutes jaunes , ou roufles ôc effroyables à voir , à caufe de cet- te couleur, bien qu'elles ne ibient pas plus dangereufes, & peuteftre encore moins , que les premières. Les unes Ôc les autres ayment fort les Rats , auffi bien que celles qui n'ont point de venin 5 Et lors qu'il y en a beaucoup en une café, c'eft merveille s'il ny a auffi des Couleuvres. Elles font de dif- férente grofleur Ôc longueur, & l'on tient que les plus courtes, font celles qui font le plus à craindre. Elles ont latefteplatte ôc large , la gueule extrêmement fendue , ôc armée de huit dens, ôc quelquefois de dix -7 dont les unes font crochues com- me un croiiTant, ôc tellement pointues, qu'il eu impoflible de s'imaginer rien de plus. Et comme elles font toutes creu- fes , c'eft par ce petit canal qu'elles font couler fubtilement leur venin , qui eft renfermé dans de petites bourfes, ausdeus coftés de leur gueule, à l'endroit precifement où répondent les racines de leurs dens. Elles ne mâchent jamais les alimens dont elles fenourriflent: mais les avalent tout entiers, après les avoir prêtiez ôc aplatis , s'ils font trop gros. Quelques uns difent i que fi elles employoient leurs dens à les mâcher, elles s'empoifonnéroient elles mêmes, Ôc que pour obvier à cela, elles couvrent leurs dens de leurs gencives , lors qu'elles pre- nent leur nourriture. Ces Animaus font fi venimeus dans ces deus Iles , que quand ils ont piqué , s'y l'-on n'a recours promtément, à quel- que puiffant remède , la blefiure fe rend incurable , en moins de deus heures. Ils ont cecy de bon , qu'ils ne vous mordent jamais, pourveu que vous ne les touchies pas, ni rien fur quoy ils fe repofent. ARTICLE IL De Leïars. IL y a plufieurs fortes de Lezars dans ces lies. Les plus gros ôc les plus considérables , font eeus que quelques In- diens ont nommé Igmnas , les Brcfuiens Senembi , ôc nos Ca- raïbes Chap.n des Iles A m 1 1 l l s s. i45 raïbes Ouayâmau. Quand ils ont pris leur jufteconfiftence ils ont environ cinq pieds de longueur , à mefurer dépuis là tefte, jufques à l'extrémité de la queue, quieft bienauflï lon- gue que le refte du corps : Et pour leur grofleur elle peut élire d'un pied en circonférence. Scion les divers terroirs ou ils fe nourriflent , ils ont au-ffi la peau de différente couleur Etceftpeutcftrepourccfujet, que les Portugais les ont nom- mes Caméléons, &fe font perfuadez que s'en eftoit une cfpece En quelques lies, les femelles font couvertes d'un beau vert" qui eft marqueté de blanc & de noir, & les mâles font gris- En d'autres ils font noirs , & tes femelles font d'un gris clair' raye de noir & de vert, il y a même des liens , ou les maies & les femelles ont toutes les petites écailles de leur peau , fi éclatantes, & fi chamarrées , qu'on diroit à les voir de loin qu ils ioient couverts d'une riche toile d or , ou d'argent. 11$ ont fur le dos des épines en forme de crête, qu'ils dreiîent&i couchent quand ils veulent. & qui vont toujours en amoin- driflant depuis la tefte jufque au bout de la queue. Ils font portez fur quatre pieds, qui ont chacun cinq gritfes, qui font munies d'ongles fort pointus. Ils font fort légers à la courte. & ils grimpent des mieus fur les arbres Mais , fait qu'ils aiment de confiderer les hommes, ou qu'ils foient d'un natu- rel ftupide, «Scpeuapprehenfif, quand ils font apperceus du chafleur, ils attendent patienment le coup de flèche ,' ou de fufil fans branler. Et même, ils fouffrent qu'on leur mette au col un las coulant, quieft attaché au bout de la perche , dont on ic fer taifes fou vent , pour les tirer de deffus les Arbres où ils repofoient. Quand ils font en colère, ils enflent un grand goder, qui leur pend fous le col & qui les rend épouvanta- bles, ils ont auffi la gueule fort fendue, lalançue épaiîfé ôc quelques dents aflez pointues. Ils ne démordent pas aifé- ment, ce qu'ils ont une fois ferré: mais ils n'ont point de venin. r Les Femelles , ont des œufs qui font de la grofleur de reus des Ramiers, maïs ils ont la coque molle. Elles les pofent allés profond dans le fable , qui eft au bord de la mer , & les aident couver au Soleil, d'où eft venu que quelques Auteurs les ont mis entre les animaus amâbics» Les Sauvages ont T 1 aprins t^fc- Histoire Naturelle, Chap. i y aprinsaus Européens le moyen de prendre ces Lézards, &la hardiefîe de les manger à leur exemple. Ils font tres-dificiles à tuer. De forte qu'à quelques uns,l'on a donné jiifques à trois coups de fufil , & emporté une partie des entrailles , fans qu'ils fuiTent abatus. Cependant, en leur mettant un petit bois dans le nez, ou une épingle entre lesdeusyeus, yaiant là un petit trou, où l'épingle entre aifément , on les fait mou- rir auOTi-tôt. Les Caraïbes, font fort adroits à les prendre avec un laqs coulant, qu'ils leur pafîentfubtilement fur le cou,, ou bien les ajant attrapés à la courfe, ils les iàifiiTent d'une main pat la queue, laquelle étant fort longue 5. donne une belle prife : 5c avant qu'ils fe puiffent retourner pour les mordre, ils les prenent furie chinonducol: Et puis ils leur tournent les pattes fur le dos , ils les lient , & les confervent ainfi en vie plus de quinze jours , fans leur donner à manger. Leur chair eft blanche, & en des endroits couverte de graille. Ceus qui en ufent ,. la trouvent fort délicate , lors nommément qu'on a relevé un certain goût fade qu'elle a naturellement , par de bonnes épices & quelque fauce piquante. On ne confeille pas neantmoins d'en manger fouvent, àcaufe qu'elle défeche trop le corps , & lui fait perdre tout fon embon-point. Les œufs font fans glaire, & n'ont au dedans que du jaune, qui rend le potage aufli excellent, que nos œufs de poule. Outre ces gros Lezars , on en voit en ces lies de quatre au* très fortes qui font de beaucoup pluspetis. Nos François les nomment petite gueule aflez fendue, comme fidéjaelleledevoroit& TengloutifFoit par efperance. Au refte, bien que l'on mené du bruit en la chambre, ôcqueTon s'approche d'elle , elle eft (î attentive à fa chafle, qu'elle n'abandonne point fon poflej & ayant enfin trouvé fon avantage , elle s'élance fi droit fur fa proye, qu'il arrive rarement qu'elle lui échappe. C'eftun divertillement bien innocent, que deconfîdererrattention, que ces petites Beftes apportent, à chercher leur vie. De plus elles font fi privées qu'elles montent fur la table quand on mange 5 & fi elles apperçoivent quelque mouche, elles la vont prendre jufques fur les alïietes de ceus qui man- gent , & même fur les mains & fur les habits. Elles font d'ail- leurs fi polies & û nettes, qu'elles ne donnentpoint d'averfion ni M Chap. 1 1 d e s I l e s Antilles. 149 ni de dégoût , pour avoir palTé fur quelque viande. Pendant la nuit, elles tiennent leur partie en cette mufique que font les Anolis , & les autres petis Lezars. £t pour fe perpétuer elles font de petis œufs gros comme des pois , qu'elles cou- vrent d'un peu de terre, les laiiTant couver au Soleil. Si toft qu'on les tue , ce qui eft fort aifé , à caufe de l'attention qu'el- les apportent à leur chaffe, elles perdent incontinent tout leur luftre: l'or & l'azur, & tout l'éclat de leur peau fe ternit , & devient pâle & livide. Si quelqu'un de ces petis Reptiles que nous venons de dé- crire, devoiteftre tenu pour une efpece de Caméléon, fede- vroit eftre ce dernier $ à caufe qu'il prend volontiers la cou- leur, de tout ce furquoy il fait fa refîdcnce plus ordinaire. Car ceus qu'on voit à l'entour des jeunes Palmes, font entiè- rement verts comme les feuilles de cet arbre. Ceus qui cou- rent fur les orangers , font jaunes comme leur fruit 5 Et même il s'en eft trouvé , qui pour avoir efté familiers dans une chambre, où il yavoit un tour de lit de taffetas changeant, produisirent une infinité de petis , qui avoient tout le corps émaillé de diverfes couleurs, toutes femblables à l'ornement du lieu où ils avoient accès. On pourroit peuteftre attribuer cet effet, à la force de leur petite imagination : mais nous laiÊ* fons cette fpeculation aus curicus. ARTICLE VIL Des Bréchets, de terre*. IL y a encore en pîufieurs de ces îles des Brochets de terr^ qui ont l'entière figure , la peau , & la hure de nos Brochets de Rivière. Mais au lieu de nageoires, ils ont quatre pieds, qui font fl foihles, qu'ils fe traînent fur 4a terrien rampant , & enferpentant comme les Couleuvres vou pourdemeurer en nôtre comparaifon , comme des Brochets y qui font hors de kau. Les plus grands , ne peuvent avoirque quinze pouces de long , fur une groflfeur proportionée. . Leur peau , eft coi> verte de petites écailles , qui font extrêmement luifantes, T. m &'-èè ï^o Histoire Naturelle, Chap. i? & de couleur de gris argenté. Quelques curieus > en ont de petis en leurs Cabinets , qu'on leur a fait paner pour des Sale- mandres. Pendant la nuit, ils font un bruit effroyable dedeflbus les rochers, & du fonds des cavernes où ils fe tiennent. Lefon qu'ils rendent eft beaucoup plus fort, & plus defagreable que celuy des Grenouilles & des Crapaus , & il fe change & fe diverfifie , fuivant la variété des lieus , où ils font cachez. Ils ne fe montrent préfque point , qu'à l'entrée de la nuit , & quand on en rencontre de jour , leur mouvement , qui eft tel que nous avons dit, donne de la frayeur. ARTICLE .VIII. Des Scorpions & à* une autre efitee de dangereus Reptiles. IL y a aufli des Scorpions , qui ont la mêmcfornie, que ceus qu'on voit en France : mais ils n'ont pas un venin fi dan- gereus, ils font jaunes, gris, ou bruns, félon les difFerens terroirs où ils fe trouvent. En fouillant dans les iieus marécageus pour y faire des Puits , ou des refervoirs d'eau , on trouve fouvent une forte deLezars hideus au pofïible. Ils font delà longueur de fix pouces ou environ. La peau de leur dos eft noire, & parfemée de petites écailles grifes, qui femblent eftre huilées, tant elles font luifantes. Ils ont le déffous du ventre écaillé comme le dos : mais la peau qui le couvre , eft d'un jaune pale. Leur tefte eft petite & pointue. Leur gueule qui eft auez fendue, eft armée de plufieurs dens , qui font extrêmement trenchan- tes. Ils ont deus petis yeus , mais ils ne peuvent fupporter la lumière du jour, caraufïi-tôt qu'on les a tirez de la terre, ils tachent incontinent de faire un trou avec leurs pattes, qui ont chacune cinq ongles durs & crochus, avec quoy ils fe font ouverture de même que les Taupes , pour pénétrer par tout où ils veulent. Ils font un grand ravage dans les jardins , ron- geant les racines des Arbres & des Plantes. Leur morfure, eft auiïï autant venimeufe, que celle du plus dangereus Serpent. CHA- Chap.u des Iles Antilles, Gros Xitzart non me Tguançs i$r iBrechct- de terre 1 ijz H is toiu Naturelle, Chap. 14 CHAPITRE QUATORZIEME. Des InfeSies qui font communs ans Antilles. NOn feulement les cieus , & les autres plus vaftes & plus relevez corps de la nature, racontent la gloire du Dieu fort': mais même les plus petites 5c les plus ravalées de Tes productions , donnent auffi à connoitre l'ou- vrage de fes mains, &fourni(Tentà tous ceus qui les confide- rent avec attention, une riche & abondante matière, pour exalter la puiffance , de fa Majefté Souveraine. C'cft pour- quoy nous croyons, que ceus qui feplaifent à méditer les fe- crets de la nature , & de contempler les merveilles de Dieu, qui a tiré de fes inépuifablestrefors, tant de riches ornemens, de proprietez occultes , & de rares beautez, pour en revêtir les moindres de fes créatures : auront pour agréable, que nous donnions ce Chapitre, à la confîdcration de quelques Infecles, qui fe voyent communément aus Antilles , & qui font tous revêtus de quelques qualitez particulières , comme d'autant de rayons de gloire, qui foutiennent & relèvent avec éclat, leurfoibleffe & leur bafTefle naturelle. ARTICLE I. Des Soldats, & des Limaçons. ENtre les Infc&es , qui font en abondance en ces pais chauds, il y a uncefpeced'Efcargots, ou de Limaçons, que les François appellent Soldats , parce qu'ils n'ont point de coquilles qui leur foyent propres & particulières , & qu'ils ne les forment pas de leur propre bave , comme le Limaçon commun: mais, que fi toft qu'ils font produits de quelque matière corrumpuë, ou autrement, ilsontcetinftinÊb, pour mettre la foiblefife de leur petit corps à couvert des injures de l'air, & de l'atteinte des autres Belles , de chercher unemai- fon étrangère , & de s'emparer de tel coquillage qu'ils trou* vent Chap. H des 1 1 es Antilles. 153 vent leur eftre propre, dans lequel ils s'ajuftent & accommo- dent, comme les Soldats qui n'ont point de demeure arrêtée : mais qui font toujours leurmaifon deceiled'autruy , félon la rencontre & la necefiite'. On les voit plus ordinairement en des coques de Burgaus, qui font de gros Limaçons de mer, qu'ils rencontrent à la co- fte, à laquelle ils font pou fiez, quand le poifîbn qui en étok le premier hofle, eft mort. Mais, on trouve aufli de ces petis Sol- dats , en toutes fortes d'autres coquillages , même en des co- ques de nois de Liénes, & on en a veus quelques uns , qui s'ë- .toient fourrez dans des pieds de grofles Crabes mortes. Ils ont encore cette industrie, qu'a mefure qu'ils groffiffènr, ils changent de coquille, félon la proportion de leur corps, & en prennent une plus ample , dans laquelle ils entrent quittant la première. De forte qu'on en voit de différentes faftbns & figu- res, félon ladiverfite'des coquillages qu'ils empruntent. Il y à apparence que c'eft de ces Soldats que Pline parie fous le nom d'une efpecede petite E'crevifle , à qui il attribue le mê- me, ils ont toutlecorps fort tendre, horsmis latefte & les pattes. Ils ont pour pied & pourdéfenfe, un gros mordanr, femblable au pied d'un gros Cancre , duquel ils ferment l'en- trée de leur coquille, & parent tout leur corps. Il eft dentelé au dedans , & il ferre fi fort ce -qu'il peut attraper , qu'il ne démord point , fans emporter la pièce. Cet I nfe&e , va plus vifte que le Limaçon commun, & ne falit point de fa bave* l'endroit où il pafle. Quand on prend ce Soldat il s'en fafche , & fait du bruit. Pourluy faire rendre la maifon qu'il a prife, on en approche le feu : & aufli tôt il fort de la place. Si on la luy prefente pour y rentrer , il s'y remet par Je derrière. Quand il s'en rencon- tre plufieurs, qui veulent quitter en même rems leur vieille jnaifon , & s'emparer dJune nouvelle, qui leur agréeà tous; c eft alors qu'il entrent en une grande conteftation, & qu'après s'eftre opinâtrez au combat, & avoir joué de leurs mordans, les plus foibles font enfin contrains décéder au vidorieus, qui fe faifit aufli tôt de la coquille , de laquelle il jouit en paix, comme d'une precieufe conquefte. Quclquesiins deshabitans en mangent , comme on fait en V - «quel- il î*4 Histoire N à t u r e e l e ^ Chap. i$ quelques endroits les Efcargots : Mais ils font plus propres à la Médecine, qu'à la, nourriture. Car étansôtez de leur coquille, ôc mis au Soleil , ils rendent une huyle, qui eft fort profitable à la guerifon des goûtes froides , & qui s'employc aufïï heureufement, pour amollir les duretez, & lescallus du corps. Il y a encore deus fortes de petis Limaçons y qui font fort beaus. Les uns font plats comme les bonnets de Bafques, & de couleur brune. Les autres font pointus , & tournez* en forme de vis de preflok, ils font aufïï rayez de petites ban- des rouges , jaunes & violettes , qui les font eftimer des Curieus. ARTICLE II. T>ti Mouches Lummeufes.. ON voit en ces Iles, plufieursefpecesdegrones Mouches: de différentes figures & couleurs. Mais il faut donner le premier heu, à celles que, les François appellent Mouches Lummeufes, que quelques Sauvages nomment Cucuyos, & les Caraïbes Coy euy ou , d'un nom- approchant. Cette Mouche n eu point recommcndable pour fa beauté, ou pour fa figure qui n a rien d'extraordinaire : mais feulement pour fa quali! îelumineufe. Elle cftdc couleur brune, & delà grofleur d'un Hanneton. Elle a deus ailes fortes & dures, fous lefquelles font deus ailerons fort déliez , qui ne paroitTent que quand ellevole. Etc'eftauffipour lors que l'on remarque qu'elle a fous ces ailerons,, uneclartépareilleàcclle d'une chandelle, qui illumine toute la circonférence. Outre, qu'elle a aufïï fes deusyeusïï lumineus, qu'il n'y a point de ténèbres, par tout ou elle vole pendant la nuit, qui eft aufïï le vraye tems, qu'elle le monltre en fon luftre. Elle ne fait nui bruit en volant, & ne vit que de fleurs, qu ehe va cueillir fur les arbres. Sion la ferre entre les doits elle eft fi pohe& fi gliflante , qu'avec les petis efforts qu'elle' fait pour fe mettre en liberté, elle échappe infenfiblemenr* acfe fait ouverture. Sion la tient xaptive ,. elle referre* toute La Chap. 14 des ïtfcs Antilles* r$$ la lumière quelle a fous fes ailerons, & n'éclaire que de fe* yeus, & encore bien faiblement, au prix du jour qu'elle donne étant en liberté. Elle n'a aucun aiguillon , ni aucun mordant pour fa défenfe. Les Indiens, font bien aifes d'en avoir en leurs maifons , pour les éclairer au lieu de lampes. Et d'elles mêmes, elles entrent la nuit dans les chambres, qui ne font pas bien clo fes. 11 y a de certains Versluifans en ces Iles, qui volent comme des Mouches. Toute l'Italie & tous les autres païs du Le» vant en font aufli remplis. Le fameus Auteur de Moyfe fauve en fait mention dans la préface de Ion ouvrage. Et fur la fin du Poème , cetilluftre-Pocte en parle ainfi, dans la defeription qu'il nous donne d'une nuit : Les heures tenebreufes Ornoient le firmament de lumières nombreufes On decouvroit la Lune& de feus mimez, Et les champs & les airs étoyent déjafemez, Ces miracles volans , ces x^ftres de la terre ^uide leurs rayons d'or font ans ombres la guette % Ces trefirs ou reluit la divine fplendeur Eaif oient déjà briller leurs flammes fans ardeur ; Et déjà quelques unsenguife d'efear bouc les , Du beau poil de CHarie av oient paré les Boucles : Mais, quelques Lumineus que puuTent être ces petis Àftrci de l'Orient, toujours ne font ils que comme une petite étin- celle , au prix du grand feu , que jettent ces flambeaus volans de l'Amérique. Car non feulement, on peut à la faveur de leur clarté, voir fon chemin pendant la nuit: mais à l'aide de cette lumière , on écrit facilement, & on lit fans peine le plus menu cara&ere. Un Hiftorien Efpagnol recite, que les Indiensdel'Ilede Saint Domingue, fefervoient de ces peti- tes M ouches attachées à leurs mains & à leurs pieds , comme de chandelles, pour aller la nuit à la chafîe. Onditàuffi , que quelques autres Indiens expriment la liqueur l'umineufe, que ces Mouches ont en leurs yeus & fous les âîles , & qu'ils s'en frottent le vifage & la poitrine en leurs réjouifîânces V 3, no dur- ^56 H I S T O I RE N A T UR E L LE, CHap. 14?- nocturnes : Ce qui les fait paroitre au milieu des ténèbres, comme s'ils et oient couverts de flamme , . & comme des fpec- txes affreus, aus yeus de ceus qui les regardent. . On prend :aifément ces ^Mouches durant la.nuié. Et pour cet efkt , il faut feulement remuer en l'air un tifon allumé. Car incontinent que celles quifortent du bois à Centrée de la nuit , apperçoivent ce feu, croyant que ce foit de leurs corn* pagnes , elles volent droit au lieu où leur paroit cette, lumiè- re,., ôconles abbat avec le chapeau , ou bien fe venant jetter dxlles mêmes contre le tifon , elles tombent étourdies a terre. Ce fers fans doute icy une chofe divejrtiflante de rapport ter ce que Morifieur du Montel Gentil-homme François, perfonnage auiïi fincere& aufli digne de Foy qu'il eft Do&e & Curieus , &àla genereufe libéralité duquel nous devons beaucoup de belles & rares remarques qui enriehhTem cette Hiftoire, a nouvellement écrit, fur ce fujetàrundefesamis. ,* Voicy donc ce qu'il en dit. Etant en l'Ile Hifpaniola ou Saint 3> Domingue , je me fuisfouvent arrêté à l'entrée de la nuit ,, au devant des petites cabanes, que nous y avions dreflees 5, pour y pafler quelques jours, en attendant quc.nôtre Na- 3, vire fut reparé : ]e me fuis dis- je fou vent arrêté, à confi- ,, derer l'air éclairéxn plufieurs endrois , de ces petites étoiles ,, errantes. Mais fur tout , c'étoit unechofedes plus belles „ à voir, lors qu'elles s'approchoient des grands arbres, qui ?, portent une efpece de Figues, & qui étoyent joignant nos „ huttes. Car elles faifoient mille tours, tantoft aus environs,. „ tantoft parmy les branches de ces arbres toufus , qui car ,, choient pour un tems la lumière de ces petisaftres, .. & les „ faifoient tomber en éclypfe : <3c au même tems nous ren- 3, dorent cette lumière, & des rayons entrecoupez au travers *,des feuilles. La clarté venoit à nos yeus tantoft oblique- „ ment , & tantoft en droite ligne , & perpendiculairement. „ Puis ces Mouches éclattantes fe développant de l'obfcuritc ,, de ces arbres, & s'approchantde nous, nous les voyions far s>les Orangers voilins, qu'ils mettoient tout en feu, nous ren- dant la veiïe de leurs beaus fruits dorez, quela nuit nous „ avoit ravie, émaillant leurs fleurs ,. & donnant un coloris fî . »vi£ Chap. i-4 des Iles Antilles, 157 ,,vifà leurs feuilles, que leur vert naturellement agréable, „ redoubloit encore & r chauffait notablement Ton luftre , pac ,, cette riche enluminure. Je fouhaitois alors l'induftrie des „ Peintres, pour pouvoir reprefenter une nuit éclairée de tant ,, de feus, & un paifage fi plaifant & fi lumineus. Ne trouvez ,, pas mauvais, que je m'arreftefi long tems à l'Hiftoire d'une ,, Mouche, puifquedu Bartasluy a autrefois donné place en- ,,tre les Oifeaus, au cinquième jour de fa première fémaine, „ & en a parlé magnifiquement en ces termes. , , Déjà l'ardent Cucuyes es Efpagnes nouvelles , ,, Porte de m feus au front , & deus feus fous les ailes; L' aiguille du brodeur au rais de ces flambeau* Souvent- d'un lit royal chamarre les ride aus : t^fus rais de ces brandons , durant la nuit plus noire » Lï ingénie us tourneur polît en rond l'y voire 5 . exf ces rais l'ufurier reconte fin trefirt Lxf ces rais l'écrivain conduit fa plume d'&r. ,, S'y Ton avoitunvafe de fin criftal , &que Ton mk cinq ou >rfix de ces belles Mouches dedans, il n'y a point de doute „ que la clarté qu'elles rendroient, pourroit produire tous ,, les admirables effets, qui font icy d'écrits par cet excellent „ Poète, & fourniroit un flambeau vivante incomparable, ,, Mais au refte dés que ces Mouches font mortes , elles ne rc^ ,,luifent plus. Toute leur lumière s'éteint avec leur vie» C'eft là l'agréable récit de noftre digne Gentil- homme. Al T I CL E III. Des Fàlangesj POur venir aus autres efpéces dé grofles CMouches qui % voient aus Antilles , & que quelques uns nomment Fa- langes : outre les Cucuyos , il y en à qui font dé beaucoup plus greffes, & d'une étrange figure. 11 s'en trouve, quiontdeus trompes, pareilles à celle de l'Elefant: L'une recourbée en' haut, & l'autre en bas. Quelques autres ont trois cornes, Y $■'■ uns.' ijs Histoire Naturelle, Chap. 14 une nahfant du dos, & les deus autres de la tefte. Le refte du corps aufïi bien que les cornes , eft noir & luyfant comme du jayet. Il y en a qui ont une grande corne longue de quatre pouces , de la fafibn d'unbeede Beccafle , liflee par deflus , ôc couverted'un poil folet par deflbus, laquelle leur fort du dos, & s'avance tout droit fur la tefte, au haut de laquelle il y a en- core une autre corne, femblable à celle du Cerf volant, qui eft noire comme ébéne, & claire comme du verre. Tout le corps eft de couleur de feuille morte, poly & damafîe. Elles ont la tefte & le mufeau comme un Singe, deus gros yeus jaunes Se folides, une gueule fendue, & des dens femblables à une petite feie. Ecoutons encore icy ce que rapporte à ce fujet noftre fi- dèle & curieus voyageur. 8, J'ay veu dit il une efpêce de ces grofles Mouches, belle en ,,perfedion. Elle étoit longue de trois pouces ou environ. „ Elle avoit la tefte azure'e, & de la fafTon de celle d'une Saute- „ relie, finon que les deus yeus étoient verts comme une éme- „raude, & bordez d'un petit filet blanc. Le deffus des ailes, „ étoit d'un violet luifant, damaffédeojverscomparrimens, », de couleur incarnate, rehaufiee d'un petit fil d'argent natu- f , rel. Au refte ces compartimens ëtoient d'une Symmétrie fi „ bien obfervée, qu'il fembloit que le compas & le pinceau, 9, y euflTent employé toutes les régies de la pcrfpe&ive , Scies ,, adouciflemens de la peinture. Le deflbus du corps, étoit de 9, même couleur que la tefte, horsmis, qu'ils y avoitfix pieds *, noirs, repliez proprement contre le ventre. Si on epanoiïif- >, foit les ailes, qui étoient dures 5c folides , on appercevoit *, deus ailerons , qui étoient plus déliez que de ia toile de foye, 9, & rouges comme écarlate. ]e la vis en l'Ile de Sainte Croix, », entre les mains d'un Anglois Se j'encouchai à l'heure même », la defeription fur mes tablettes. Jecroiois aucommencé- », ment qu'elle étoit artificielle , à caufe de cet incarnadin fi vif, ,, Se de ce filet d'argent • mais l'ayant maniée , je reconnus que ,, la nature étant fans doute en fes plus gayes humeurs , s'étoit *, divertie à parer fi richement, cette petite Reine entre les 5, Infectes. AR-.TI- Chap. 14 des Iles A itt 1 1 1 1 s. i$9 ARTICLE IV. Des CMitlepieds. CEt Infcde eft ainfi nommé , à caufe de la multitude pref- que innombrable de fes pieds, qui heritient tout le def- fous de Ton corps , & qui luy fervent pour ramper fur la terre, avec une viteffe incroiable, lors notamment qu'il fe fenc pourfuivy. Il a de longueur fix pouces, ou environ. Le deflïis de fon corps eft tout couvert d'écaillés tannées, qui font fort dures, Stemboittées les unes dans les autres , com- me les tuiles dun toit: mais ce qui eft de dangereus en cet animal, eft, qu'il a des mordans en fa tefte & en fa queue, dont il pince fi vivement , & gliffe un fi mauvais venin en la partie qu'il ablefîee ; que l'efpaee de vint-quatre heures , & quelquefois plus long tems, on y reûent une douleur fort aiguë. A R T I C L E V. Des araignées. ON voitenpîufieurs des Antilles, de greffes ^fraigme^ que quelques uns ont mifes au rang des Falanges , à cau- fe de leur figure monftrueufe , & de leur groffeur fi extraordi- naire, que quand leurs pattes font étendues, elles ont plus de circonférence, que la paume de la main n'a de largeur. Tout leur corps cft compofé de deus parties , dont l'une eft platte , & l'autre d'une figure ronde , qui aboutit en pointe, comme un œuf de pigeon. Elles ont toutes, un trou fur le dos , qui eft comme leur nombril. Leut#gueule ne peut pas facilement eftre difeernée, à caufe qu'elle eft préfque toute couverte fous un poil d'un gris blanc , qui eft quelquefois en- tremêle de rouge. Elle eft armée départ & d'autre , dedeus crochets fort pointus , qui font d'une matière folide , & d'un noir fi poly & Ci luifant , que les Curieus les enchaifent en or^ pour s'en fervir au lieu de Curédens, qui font fort eftjmes. iéo H i s t o ire Naturelle , Chap. 14 detousceus, qui connoilîent la vertu qu'ils ont, de preferv et de douleur, & de toute corruption, les parties qui en font frottées. Quand ces Araigne'es font devenues .vieilles, elles font couvertes par tout d'un duvet noirâtre , qui eft auffi dons , & aufll prefle, que du velours. Leur corps , eft fupporté par dix pieds, qui font velus par les cotez , & heriffez en défous de petites pointes, qui leur fervent pour s'accrocher plus aifé- menr par tout, où elles veulent grimper. Tous ces piedsfor- tentde la partie de devant: Ils ont chacun quatre jointures, & par le bout, ils font munis d'une corne noire & dure, qui eft divifée endeus, comme une petite fourche. Elles quittent tous les ans leur vieille peau , comme les ferpens , & les deus crochets qui leur fervent de dens & de defenfe 5 ceus qui rencontrent ces precieufes dépouil- les , y peuvent remarquer la figure entière de leur corps, telle que nous l'avons fait dépeindre à la fin de ce Chapitre. Leurs yeus font fi petis, & fi enfoncez, qu'ils ne parohTent que comme deus petis points. Elles fe nourrirent de mou- ches , & de femblables vermines , & on a remarqué qu'en quelques endroits, elles filent des toiles qui font fi fortes, que les petis oifeaus qui s'y embarrafient, ont biendelapéne de s'en développer. On dit le même des Araignées, qui fe trou- vent communémeut dans les Iles Vermuâes , qui font habi- tées par les Anglois $ il eft auf&fort probable, quelles font d'une même efpece. ARTICLE VL "Du Tigre valmt.. ON adonné à cet Infede, le nom de Tigre votant , à caufe qu'il eft marqueté par tout fon corps, de taches de diver- fes couleurs , de même que le Tigre. Il eft de la grofleur d'un Cerf volant. Sa tefte eft pointue, & embellie de deus gros yeux, qui font au flî verts, & aufll brillans qu'une Emerau- de. Sa gueule eft armée de deus crocs durs , & pointus au poflîble, avec iefquels il tient fa proye, pendant qu'il en tire le Chap. 14 DES I L E S A N T I t L E S. f$J le foc. Tout fon corps cftrevéu d'une croûte dure & bru- 3w,,Sn fe"f°mme dC Cuiraffc- Ses ailes ' «î^ font auffi d une matière folidc, couvrent quatre ailerons , qui font suffi déliez que de la toile de foye. Ha fix pattes, qui ont chacune trois jointures , & qui font heriffées de plufieurs petites poin! dw?^? a '°U/' fl S'fCCUPe co««™ellcmentàlachaffe *'*!', & Pendant la nuit, il fe perche fur les ar~ ores , a ou il fait un bruit tout pareil au chant des Ci» ARTICLE VIL Drs abeilles, & de quelles autres Infimes.' LEs odfeêb, qu'on voit aus Antilles ne font pas de beau- coup différentes de celles , qui fe trouvent en V Ameri- que Méridionale : mais les unes & les autres , font plus p„t es que celles de l'Europe. Hy enaquifontgrifesf &IC t es qui font brunes , ou bleues : ces derniers four plus de c. e & de meilleur miel. Elles fe retirent toutes, dans L fen- tes des rochers, ou dans kereus des arbres. Leur cite eftnol- ia'nîw T f°um noire ' **» n'y a »»"n artifice, qui fo t capable de la banchir: mais en recompenfe , leur miel eft beaucoup plusblanc, plus dons & plus clair, que celuv que Sillons. ^ £ 1CS f°nt FCfqUe tOUtes dépourveuc. On trouve encore dans ces Iles, plufieurs Cerfs vdam &r merveille. Il s y voit auffi & fiirla terre, & en l'air divers K IL S: ffiaiS' nousP«lc™ns de ces incommodi- té*^ ^ K^-dérhiersÇh^s X C'HÀ- té% Histoire Naturelle* Chap.14 (Jïqre OJolantr. Ohap, 15 ois Iles Antilles* 16 î CHAPITRE QUINZIEME, Des Oijêaus les plus conjiderables des jfntïlks. TOuteslcs œuvresde Dieu font magnifiques , il les a toutes faites avec fagefle , la terre eft pleine de Tes biens: mais il faut avouer, qu'entre toutes les Créa- tures, qui n'ont rien au deiTus dclaviefenfitive ; les Oifeaus publient plus hautement qu'aucunes autres , les inépuifables richefles de fa bonté' & de fa providence : Et qu'ils nous con* vient , par la douce harmonie de leur chant , par l'activité de leur vol, par les vives couleurs & par toute la pompe de leur plumage, de louer & glorifier cette Majefté Souveraine , qui les fi avantageufement parez , & embellis de tant de rares per- fections. C'en: aufii pour nous animer a ces facrez devoirs, qu'après avoir traitté des Arbres, des Plantes, des Herbages, des Bettes à quatre gieds, des Reptiles & des Infectes, dont la terre des Antilles en: couverte, nous décrirons en ce Cha- pitre tous les plus rares Oifeaus , qui peuplent l'air de ces aimables Contrées, & qui enrichifient la verdure éternelle, de tant d'Arbres precieus , dont elles font couronnées. ARTICLE I, Des Freintes. DEs qu'on approche de ces lies , pluficurs Oifeaus qui fréquentent la mer, viennent à la rencontre des Navires, comme s'ils étoientenvoiez, pour les reconnoitre. Si toit que les nouveaus pafiagers les apperçoivent, ils fe perfuadent qu'ils verront incontinent la terre : Mais il ne fe faut pas natter de cette efperance, jufques à ce qu'on les voie venir par troupes. Car il y en à une cfpece , qui s'écarte fouvent en pleine Mer, de plus dedeus cens lieues loin de terre. Nos François les nomment Frégates, à eau fe de la fermeté & de la légèreté de leur vol. Ces Oifeaus ont bien autant de X 2, chair \ 164 H 1 s toire Naturell e , Ghap. i f chair qu'un Canart 5 mais ils ont les ailes beaucoup plus grandes, aufïi ils fendent 1' air,avec une telle viteiTe & rapidité, qu'en peu de temps, on les a perdu de veuë. Ils ont le plumage différent : car les uns font entièrement noirs : & les autres font tout gris, à la referve du ventre & des ailes , qui font mê- lées de quelques plumes blanches. Ils font fort bons pef- eheurs , car quand ils apperçoivent un poiflbn à fleur d'eau* ils ne manquent pas comme en fe jouant, de l'enlever, &d'en faire curée. Ils ont fur tout une adreffe merveilleufe, à fe fai- firdespoiflbtts volansj. car fi toft qu'ils voyent, que cette dé- licate proye fait herifiér les eaus, & qu'elle s'en va eftre coni- trainte de prendre l'eiTor, pour éviter les cruelles pourfuites de fes ennemis de mer. Ils fe placent fi bien ducofté où ils doivent, faire leur faillie, que dez qu'ils fortent de l'eau , ils les reçoivent en leur bec , ou en leur ferres : Ainfi ces inno- cens & infortunés poiflfons , pour éviter les dens d'un cnnemy, tombent fouvent. entre les griffes d'un.autre, qui ne leur fait pas une meilleure compofition.. Les rochers qui font en mer, & lespetites lies inhabitées fervent de retraitte à cesOifeaus* C'eftaulTienceslieus de* ferts, où ils font leurs nids. Leur chair n'eft point tant pri- fée : mais on recueille fort foigneufement leur grailTe, à canfe qu'on a expérimenté, qu'elle eft trespropre , pourlaguérifon ©11 du moins le foulagement, de la Paralyfic, & de toutes fot^ tes de gouttes froides. ARTICLE IL. Des Fauves» LEsOifeaus, que nos François appellent Fauves, àcaufé^ de la couleur de leur dos, font blancs fous le ventre. Ils, font de la grofleur d'une poule d'eau 5. mais ils font ordinai- rement fi maigres, qu'il ny.a que leurs plumes qui les faffe va* loir.. Ils ont les pieds comme les Cannes , & le bec pointu» comme les beccaffes.. Ils vivent depetisFouTons^ de même, que les Frégates- , mais ils, font les plus ftupides de tous.les, 0jfeaus de, mex & de. terre,*, qui font aus; Antilles 5; car foit: qiLilSi Chap. 15 des Iles Antilles. 16$ qu'ils fe lafient facilement de voler, ou qu'ils prenentîes Na^ vires pour des rochers flottans ; auffi tôt qu'ils en apper- çoivent quelcun , fur tout fi la nuit approche , ils viennent incontinent fe pofer deffus: Et ilsTont fi étourdis qu'ils fe laiflent prendre fans peine. ARTICLE II L Des aigrettes & de plu/teurs autres oifeaus de LMer & de Rivière.. ON voit auffi prés de ces Iles , & quelquefois bien loin en? M etydes Oifeaus parfaitement blancs, qui ont lebecSc les pieds rouges comme duCoral ; Ils font un peu plus gros que les Corneilles-. On tient que c'eft une efpéce iï aigrette* à caufe qu'ils ont une queue qui eft compofée de deus plume* longues & precieufes , qui les fait difeerner entre tous les au- tres Oifeaus, qui fréquentent la Mer. Entre les Oifeaus de Rivières & d'étangs : lly ades Pluviers* des Plongeons^ des Poules d'eau , des Cannars , des Oyes Sauva- ges 5 une efpece de petites Cannes, , qulfont blanches comme la neige par tout le corps , & ont le bec & les pieds tout noirs, &des Aigrettes, d'une blancheur, du tout admirable, qui font: de la grofleur d'un Pigeon, & qui ont le bec femblableà celuy de laBecafie,.& vivent de poifFon,,. aimant les fables &. les ro* chers. Elles font particulièrement recherchées , à caufe de ce precieus bouquet, de plumes fines & déliées comme de la foyer, dont elles font parées , &.qui leur donne une grâce toute particulière. Mais parce que tous ces Oifeaus de Mer & de Rivière , font communs ailleurs ,, il n'eftpas befoindele# décrire. A, R T I{ G L E lM~ Du Grand GofieK- IL y.-ar> encore un gros Oifeauen toutes ces-îles , qiii-ne v% quedepoilfom Ucft.de. la rg^offeur d'une greffe Canne*, ô£ X b d'un; y&6 Îïistoïr.e Naturelle, Chap. ! 5 d'un plumage cendré & hideus à voir. Il a le bec long & plat, la tefte grofle, les yeus pctis & enfoncez, & un col afifez court, fous lequel pend un Gofier,fi demefurement ampleôc varie, qu'il peut contenir un grand feau d'eau. C'cft pour- quoy nos gens l'appellent Grand Gofier. Ces Oifeaus, retrou- vent ordinairement fur les arbres , qui font au bord de la mer, où ils fe tiennent en embulcade pour épier leur proye. Car fi toit qu'ils voient quelque poilTon à fleur d'eau , & à leur avan- tage, ils fe lancent defîus& l'enlèvent. Ils font 11 goulus, qu'ils avallent d'aflez gros poifïons tout d'un coup, & puis ils re- tournent à leur fentinelle. Ils font aufïi fi attentifs à leur pé- fche, que ne detournans point la vciie de deffus la mer, d'où ils attendent leur proye 5 on les peut facilement tirer de la terre, fans qu'ils fe donnent garde du coup. Ils font fongearts & mélancoliques, comme il convient à leur employ. Leurs yeus font fi vifs & fi perçans , qu'ils découvrent lesPoiffons bien loin en Mer, & plus d'une braffe de profondeur: mais ils attendent que le poifibnfoitpréfque à fleur d'eau, pour fe ruer deffus : leur chair n'ell point bonne à manger. ARTICLE V. De Poules d'eau. LEs Iles, qu'on nomme les Vierges , font recommenda- bles entre toutes les Antilles, pour avoir une infinité de beaus & de rares Oifeaus de mer & de terre. Car outre tous cens dont nous venons de parler, qui y font en abondance, on y voit une efpece de petites Poules d'eau , qui ont un plu- mage ravinant. Elles ne font pas plus grofifes qu'un pigeon : mais elles ont le bec plus long de beaucoup , de couleur jau- ne, <5c les cuifles plus hautes, qui de même que les pieds, (ont d'un rouge fort vif. Les plumes du dos & des ailes , & de^ la queue, font d'un Incarnat luifant , entre-méléde vert & de noir, qui fert comme de fons , pour relever ces éclatantes cou- leurs. Le defious des ailes & du ventre , eft d'un jaune doré. Leur col & leur poitrine, font enrichis d'une agréable mé- lange, de tout autant de vives couleurs, qu'il y en à en tout leur 4 Chap. i* des Iles Antilles. \$? leur corps : & leur tefte qui eft menue , & en laquelle font enchaflez deus petis yeus brillans , eft couronnée d'une huppe tifluë de plufieurs petites plumes, quifontaufllémaillécsde diverfes belles couleurs. ARTICLE VI, Des Flammans. L'Es étangs , & lèslieusmarécageus , qui ne font pas fou- vent fréquentez, nourriflentde beaus & grands Oifeaus, qui ont le corps de la groffeur des Oyes fauvages , & de la fi- gure de ceus , que les Hollandois nomment Lepelaer , à caufe de la forme de leur bec, qui eft recourbé en faflon d'une ciicillierc. Car ils ont le bec tout pareil , le col fort long ,. <5c les jambes & les cuiftes fi hautes , que le refte de leur corps eft élevé de terre de deus bons pieds ou environ. Mais ils diffé- rent en couleur, d'autant qu'ils ont le plumage blanc quahdr ils font jeunes 5 puis après à mefure qu'ils croiftent , il devient de couleur de Rofe , & enfin quand ils font âgez, il eft tout incarnat. 11 y a apparence que c'eft à caufe de cette couleur, que nos François les ont nommés FUmmans. 11 fe trouve de ces mêmes Oifeaus,prés de Montpélier, qui ont feulement le deffous des ailes & du corps incarnat, &ledefïusnoir, lis'en voit auftî aus lies , qui ont les ailes mêlées de quelques^plumcs? blanches & noires. On ne les rencontre rarement qu'en troupe, & ils ont Ioiïye ' & l'odorat fi fubtils j qu'ils éventent de loin les chaûeurs, & les armes à feu. Pour éviter auîfi toutes furprifes , ils fe pofent volontiers en des lieus découverts , & au milieu des- marécages , d'où ils peuvent appercevoit de loin leurs enne~- mis , & il y en a toujours un de la bande , qui fait le guet, pen- dant que les autres fouillent en l'eau , pour chercher leur nourriture: Et aufli toft qu'il entend le moindre bruit, ou qu'il apperçoit un homme, il prend leflbr, &il jette un cri,... qui fert de fignal ans autres pour le fuivre. Quand les ehaf- feurs , qui fréquentent l'Ile de S. Domingue, veulent abattre de ces Qifeaus , quiyfo&t fbit communs, ils fe- mettenra^ «kfîbus m A iét Histoire Natuui te,' Chap. 15 deflous du vent, afin que l'odeur de la poudre ne leur foi t(ï facilement portée, puis ils fe couvrent d'un cuir de Bœuf, & marchent fur leurs mains, pour contrefaire cette befte, juf- ques à ce qu'ils foient arrivez en un lieu , d'où ils puiûem com- modemenr tirer leur coup: & par cette rufe, ces Oifeaus qui font acoutumez de voir des Bœufs fauvages, qui defeendent des montagnes, pour venir aus abreuvoirs , font faits la proie écs chaffeurs. Ils font gras & ont la chair aflez délicate. On conferve leur peau, qui eft couverte d'un mol duvet, pour cftrc employée aus mêmes ufages, que celles du Cygne &w du Vautour. ;1 ARTICLE VIL De l'Hirondelle de l'Amérique; IL y a quelques années , qu'il fut aporté de ces Iles, à un eu- rieus de la Rochelle, un Oifeau de la grofleur d'une Hiron- delle, &toutfemblable, excepté que les deus grandes plu« mes de la queue , étoient un peu plus courtes , & que fon bec etoir crochu, comme celuy d'un Perroquet, & fes pieds com- me «eus d'une Canne , le tout "parfaitement: noir , fi ce n'eft —• l le i i¥* Chap. 15 des Iles Antilles. 16$ ledeûousdu ventre, qu'il avoit blanc comme celuy des Hi- rondelles j enfin il leur reffembloit fi fort, horsmis cette pe- tite différence, que nous ne le faurions mieus nommer qu'Hirondelle d'Amérique. Nous luy avons à deffein donné place après les Oifeaus de Mer & de Rivière , à caufe que la forme de fes pieds donne aflezàconnoiftre qu'il vit dans les caiïs; Et parce qu'il eftfi rare, qu'aucun Auteur n'en a jamais parle' que nous fâchions, nous en donnons icy la figure fidè- lement tirée fur l'original, renvoyans celles des autres Oi- feausplus remarquables, que nous avons déjà décrits, ou que nous allons décrire , à la fin de ce Chapitre. ARTICLE VIII. De plu/leurs Oifeaus déterre. OUtre tous ces Oifeansde Mer, de Rivières, & d'étangs 5 on trouve en ces Iles une tresgrande abondance de Per- dus , de Tourtes , de Corneilles , & de Ramiers , qui mènent un étrange bruit dans les bois. On y voit trois fortes de Poules, les unes font Poules communes , femblables à celles de ces quartiers 5 les autres font de celles que nous nommons Hu* ksd'lnde; Et celles de la troifiéme forte, font uneefpecede Faifins, que les François à l'imitation des fcfpagnojs, appellent Poules Pintades , par ce qu'elles font comme peintes de cou- leurs blanches, & de petis points, qui font comme autant d yeus , fur un fonds oblcur. Il y a auffiplufieurs CMerlef, Grives, Ortolans & Gros-becs, prefque tout femblables ans nôtres de même nom. Quant aus autres Oifeaus, qui font particuliers âusforefh des Antilles , il y en à de tant de fortes , & qui font fi riche- ment, &flpompeufement couverts: qu'il faut avouer que s ils cèdent a ceus de l'Europe pour le chant : Ils les fur- paffent de beaucoup en beauté de plumage. Les descriptions que nous allons faire , de quelques uns des plus confide- râbles, confirmeront fufîifamment la vérité de cette propo- X, Nous tjf» HtsToik! Naturelle, Chap.r* Nous commencerons par les Perroquets , qui félon leur différente groffeur font diftinguez en trois efpeces. Les plus grands font nommes ferras , Canidés ou Canivés , les moin» dres Perroquets communs -, & les plus petis Perriques. ARTICLE IX. Des ufyvm* LEs ^Arra4 font des Oifeaus beaus par excellence r dé 1^ groffeur d'un Faifan : mais quant à la figure du corps , ils font femblables aus Perroquets. Ils ont tous la tefteafles grof- fe, les yeusvifs & affures,le bec crochu,, & une longue queue, qui eft compofée de belles plumes , qui font de diverfes cou- leurs, félon la différence des Iles, où ils ont pris leur naiffance. On en voit qui ont latefte, ledeffusducol, & ledosdebleii celefte tabizé, le ventre & ledeûfousdu coi& des ailes, da jaune pâle , & la. queue entièrement rouge. 11 y en a -d'autres,, qui ont préfque tout le corps de couleur de feu , horsmis> qu'ils ont en leurs ailes, quelques plumes, qui font jaunes* azurées & rouges. Il s'en trouve encore quiont tout le plu- mage meflé de rouge , de blanc , de bleu , de vert & de noir, c'eft à dire de cinq belles & vives couleurs, qui font un très- agréable émail. Ils volent ordinairement par troupes. On ju« geroit à leur pofture qu'ils font fort hardis & refolus : car ils ne s'étonnent point du bruit des armes à feu, & (i les premier, coup ne les a bleffez, ils attendent fans bouger du lieu où ils. font , une deuziéme charge : mais il y en a plufieurs , qui at- tribuent cette affurance, àleur.ftupidité naturelle, plutôt qu'a leur courage. Onlesapprivoife allez ai fém ent : on leur ap- prend auffi à.prononcerquelques paroles , mais ils ont pour la, plupart, la langue trop épaifie, pour fe pouvoir faire enten- dre, aum bien que les Canidés > & les plus petis Perroquets* Ils font C\ ennemis du froid, qu'on à bien de la peine àkur faire^ jgaÛeriameiv ÀRlfë Chap, 1-5 dis Ues Anthh^. Ï$R ARTICLE X. Des Canidés, ON eftime beaucoup les Canidés qui font de même grof- feurquelesprecedens, mais d'un plumage encore plus ïaviflant. Témoin celuy que Monfieur du Montel qui a fait plufieurs voyages en l' Amérique , & qui a foigneufément vi» ûté toutes les lies , a veu en celle de Corâçao » & dont il nous „ donne cette exa&e relation. Il meritoit, dit il, de tenir „ rang entre les plus beaus Oifeaus du monde, je leconfide* ,, ray de fi prez, & le maniay fi fouvent étant en ce lieu là, que „ j'en ay encore les idées toutes fraîches. Il avoit tout le plu- ,, mage fous le ventre, fous les ailes &c fous le col de cou- pleur d'aurore tabizée: Le deffus du dos, Se de la moitié „ des ailes'd'un bleii celefle , & vif au poifible. La queue & „les grandes plumes des ailes, étoient entremêlées d'un in«= „ carnadin éclatant à merveilles , diverfiflé d'un bleii comme „ le deffus du dos , d'un vert naiflant , & d'un noir luifant, qui ,,rehau(ïbit&faifoitpâroître avec plus déclat, l'or & l'azur „ de l'autre plumage. Mais ce qui étoit le plus beau , étoit (k „tefte, couverte d'un petit duvet de couleur de Rofe, mar- ,, quêté de vert , 4e jaune , & de bleii mourant, qui s'étendoit „ en ondes jufques au dos. Ses paupières étoient blanches, „ & la prunelle de Tes yeux jaune & rouge , comme un rubis „ dans un chaton d'or. Il avoit fur la tefte , comme une toque „ de plumes d'un rouge vermeil , étincelant comme un ehar~ „bon allumé, qui eftoit bordée de pluneurs autres plumes ,, plus petites, de couleur de gris de perle. » Que s'il étoit merveilleus pour cette riclie parure , il n*é* *, toit pas moins à prifer pour fa douceur ^ Car bien qu*il eût 3> le bec crochu, & que les ongles, ou ferres de fes pieds, d'ont „ il fe fèrvoit comme de mains , tenant fon manger , & le por*- , , tant au bec , fuffent fi perça ntes & fi fo rtes, qu'il eut pu cm- ,, porter la pièce , de tout ce qu'il empoignoit : neantmoins , , il étoit fi privé,qu'il jouoit avec les petis enfans, fans les blef- „ fer : Et quand on le pténoit , il renerroit fi bien fes ongles, Y z >,que 17* Histoire Naturelle, Chap. i $? „que l'on n'en fentoit aucunement les pointes. Il l'échoie ,, comme un petit chien, avec fa langue courte & épaiffe, ceu$ „ qui l'amadoùoient, & luydonnoient quelque friandife, joig.- „noit fatefteàleur joues, pour les baifer&careffer, &té- „ moignant par mille foupleffes fa reconnohTance , il felaif- „ foit mettre en telle pofture qu'on vouloit , & prenoit plaifk „ à fe divertir de la forte , & à faire paner le tems à fes amis. ,, Mais autant qu'il étoit dous & traittable , à ceus qui luy fai- „ foient du bien; autant étoit il mauvais & irréconciliable, , , à ceus qui l'avoient offenfé , & il les favoit fort bien difeer- „ner entre les autres, pour leur donner quelques atteintes ,9 de fon bec & de fes ongles , s'il les trou voit à fon avantage. „ Aurefteil parloitHollandois , Efpagnol ,& Indien : Ec >? en ce dernier langage il chantoit des airscomme un Indien >t même. Il contrefaifoit auiïi toutes fortes de volailles , , mille fingeries , fe mirant en fon plumage qu'il agençoit<3c ,,paroitr nettoyoit & polhToit avec fon bec. On n'avoir „ point de peine à. le nourrir. Car non feulement le pain ,,dont on ufe en cette lie, mais tous les fruits & toutes les >} racines qui y croiffent , luy étoient agréables. Et quandon ,,luy en avoit donné plus qu'il n'en avoit befoin, il cachoit ,, foigneufement le refëe, fousles feuilles de la couverture de ,., la caze, & y avoit recours dans la neceffité : Enfin , je n'ay „ jamais veu d'oifeau plus beau ni plus aimable. Il étoit digne ,, d'être prefenté au Roy, fi oneuft pu lepaffer en France, C'ed-la, ce qu'en rapporte ce noble & véritable Témoin 5 qui ajoute , qu'il avoit été apporté des Antilles à Monfieur Ro- denborek, qui étoit alorsGouverneur du Fort , & de la Co- lonie Hollandoifc, qui eftenrile de Caraçao. ARTU Chap. 15 dis Iles Antille s. 173 ARTICLE XI. Des Perroquets. ON voit prcfque par toutes les Antilles des Perroquets .que les Indiens habirans du pais appellent en leur langue Kouléhuec* & qui vont par troupes comme les E'tourneaus. Les chafleurs les mettent au rang du, gibier, & nQ Grojent ^ perdre leur poudre ni leur peine de les mettre bas. Car ils font aufli bons & aufli gras, que le meilleur poulet : furtouc quand ils font jeunes , & pendant le tems des graines , & des fruits de plusieurs Arbres , dont ils fe nourrkTent. Ils font de différente grofleur & de différent plumage , félon la différence des lies. De forte queles anciens habitans favent reeonnoître le lieu ou ils font nez, à leur taille & à leur plume. Il y en à d une admirable forte, en l'une des lies qu'on ap- pelle Vierges. Ils ne font pas plus gros que l'Oifeau que les Latins nomment Hupupa , & ils ontprefque lamêmefrgure. Mais ils font d'un plumage chamarre' d'une fi grande variété dé couleurs , qu'ils recréent merveilleufement la veuë , & ce qui eft le principal, ils apprenent parfaitement bien à parler, & contrefont tout ce qu'ils entendent. A K T I C L E XI V Des Perriques. LEs plus petis Perroquets, ne font pas plus gros qu'un* Merle,, il s'en trouve même qui n'ont pas plusde corps qu'un PalTereau. On les nomme Perriques. Elles font cou. vertes d'un plumage, qui eft entièrement vert , korsmisque fous le ventre & aus bords des ailes & delà queue, il tirefe le jaune. Elles apprenent aufli à : parler & à fiffler. Mafselles retiennent toujours quelque peu du fauvagin. Ce qui faît qu'elles pincent bien fort, quand elles ne fo^epas en bonne humeur. Et fi elles peuvent avoir la liberté, elles gagnent les. bois, où elles meurent de faim. Car ayant efti nourries t S: âk fjfSf. H * S T GIHE N ATUH Ê X t E , Ckap. î 5 de jeuncfle en la cage , où elles tronvoient leur nourriture préparée, elles ne favent pas choifir les Arbres, furléquelsil y a des graines qui leur font propres. ARTICLE XIII. Vu Trembla. IL y à en quelques Iles , particulièrement à la Gardeîoupc, un petit Oifeau que l'on nomme Jremblo, parce qu'il trem- ble fans ceffe principalement des ailes qu'il entr'ouve. Il eft de la grofleur d'une caille , & (on plumage eft d'un gris un peu plus obfcur, que celuy de l'Alouette. ARTICLE XIV. Du V nffere au de V Amérique. Lis Iles -de Tabago & de la Barboude, comme étant les plus Méridionales écs Antilles , ont beaucoup de rares Oifeaus, qui ne fe voient pas en celles,qui font plus au nord. Il s'y en reneonti^entre autres un . qui n'eft pas plus gros qu'un Paflereau, & qui a un plumage raviiïant : Car il a la tefte , le col, & le dos, d'un rouge fi vif & û e'eiatant , que lors qu'on le tient ferré en la main , & qu'on ne fait paroiftre que le col, ou le dos , on le prendroit même de fort prez , pour un char- bon allumé. Il a le défions des ailes & du ventre d'un bleu celefte , .& les plumes des ailes & de la queue , d'un rouge ob- feur, marqueté de petis points blancs, difpofez en égale di- ftance , qui ont la figure de la prunelle de fon œil. H a auffi le bec» & le ramage , d'unPauereau. & pour cefujeton l'a nommé à bon droit , Pajfereœu de l'Amérique. ARTIf Chap. i* ©es Iles A n t i l i ! &- 171 A R T I CL E XV. De l' Aigle D ' Or moque. IL parte auflî fouvent de la terre ferme , à ces mêmes Iles*, une forte de gros Oifeau , qui doit tenir le premier rang, entre les Oifeaus de Proye , qui font ans Antilles. Les pre- miers habitans de Tabago, le nommèrent, i^figleD' orinoqtte, àcaufe qu'il eftde lagroffeur&de la figure d'une Aigle, & qu'on tient que c'et Gifeau, qui n'eft que paifager en cette 882 fe voit communément en cette partie de rAmcrique Méri- dionale , qui eft arrofée de la grande Rivière d'Orinoque. Tout fon plumage eft dyùn gris clair , marqueté de taches noires , horsmis que les extrémités de fes ailes & de fa queue, font borde'es de jaune. 11 a les yeus vifs & perçants. Les aîles fort longues y le vol roide & promt, veu lapefanteur de fon corps. lis fe repaift d'autres Oifeaus , fur léquels il fond avec furie, & après les avoir atterrez, il les déchire en pièces , Ôt les avale, lia neantmoins tant de generofité , qu'il n'attaque jamais ceus, qui font foibles & fans defenfe. Mais feulement Ies_Arras t les Perroquets , & tous les autres qui font arme^- comme lui , de becs forts & crochus , & dégriffés pointues* On a même remarqué, qu'il ne fe rué point fur fon gibier, tandis qu'il eft à terre, ou qu'il eft pofé fur quelque branche ;. mais qu'il attend qu'il ait pris refîQr,pour le combattre en Fauv avec un pareil avantage» isfflt^Ù* '*«*/ ART I G L E XVI. Du LMansfeny* LE iMmsfeny, eft auffi une efpece de petite Aigle, quivif aufll de Proye, mais il n'a pas tantdecœur, que celle done bous venons de parler, car Une fait la guerre qu'aus Ramiers, aus Tourtes , au&poulets , & ans autres petis Oileaus, qui nsr lui peuvent réfute,.. m M a~y~r*<4' V >♦> & 176 Histoire Natuheu e, Ctup, 1$ Il y a encore dans ces Iles une infinité d'autres Oifeaus de toutes fortes d'éfpeces , & dont la plupart n ont point de noms. ARTICLE XVII. Du Colihry. POur couronner dignement l'Hiftoire des Oifeaus de-nos Antilles, nous finirons par l'admirable Colihry , admirable pour fa beauté', pour fa petiteffe, pour fa bonne odeur, & pour fâ FaiTon de vivre. Car étant le plus petit de tous les Oifeaus qui fe voient, il vérifie glorieufement le dire de Pline, que TVjtura nujquam m agi s quant m mimmis tota eH. Il fe trouve de ces Oiieaus, dont le corps eft fi petit , qu'ils ne font guéres plus gros qu'un Hanneton. Il y en a, qui ont le plumage II beau , que le col les ailes & le dos reprefententladiverfité de l'arc-en-ciel , que les Aneiensont appelle Iw, &fillederad- miratiom L'on en voit encore, qui ont fous le col un rouge fi yif, quedeloin,oncroiroitque ceferoituneefcarboucle. Le ventre & le deifousdes ailes eft d'un jaune dore'; les cuifles d'un vert d'Emeraude $ les pieds & le bec noirs comme ébe- ne polie $ & les deus petis yeus , font deus diamans ênchafiez en une ovale de couleur d'acier bruny. La tefte eft d'un vert naiflant qui lui donne tant d'éclat qu'elle paroit comme d'o- rée. Le mafle, eft enrichy d'une petite Hupe en forme d'ai- grette , qui eft compofée de toutes les différentes couleurs, quiemaillentce petit corps, le miracle entre les Oifeaus , & Tune des plus rares productions de la nature. 11 abaifle Ôc lève quandil lui plait cette petite crefte de plumes, dont l'Au- teur de la nature la fi richement couronné. Tout fon plu- mage eft auili plus beau, & plus éclatant, queceluy de la femelle. Que fi cet Oifeau eft mcrveilleus en fa taille , & en fon plu- mage} iln'eftpas moins digne d'admiration en l'adivité de fon vol , qui eft fi vite & fi précipité, qu a proportion, les plus gros Oifeaus, ne fendent point l'air avec tant de force , & ne font pas un, bruit fi refoanant , queceluy qu'excite cet aima- ble i. «»p. 15 ses îtts AuriLLf, s. m ble petit Colibry, par le- battement de fesaîlcs; Carondiroir que ce fojt un petit tourbillon émeu en l'air, & qui fifflc a[,, oretlles Et parce qu'il fe plaira voler prés de cens qui P3f. Smil H15"2 ^quéfoisfi inopinément, que bien fou- vent il .donne une fubite, & innocente frayeur, à cens m lentendentplûtoft qu'ils ne le voient. : ' Il ne vit que derofée, laquelle il fuece fut les fleuri des fiec,& qui eftereufe comme un petit chalumeau, de laWofi- feur d une menue aiguille. On m le voit que fort rarement ut terre, ni même perché fur les arbres : mais fufpendu en 1 air auprès de 1 arbre , où il prend fa nourriture. 11 k foutien' mû par un dous battement d'ailes, & en même temsi! tîl larofee, qui fe conferve le plus long-tems , au fond des fleurs a demy épanouies C'eft en cette pofture , qu'il v a du plaifir a le confiderer. Car épanovïflànt fa petite huPe on dire r qu il ait fur la tefte , une couronne de rubis & de toutes forte, de pierres precieufes. Et le Soleil rehaulTant toutes les riches enluminures de fon plumage, il jette un éclat fi brillant, qu'on e pourroit prendre , pour une rofe de pierrerie animée & Md VoTordinair- AUS lieUSO", jl y à 1*** CottonnL Z voit ordinairement quantité de Colibris. Bien que fon plumage perde beaucoupde fa graeequand ileftmort,fieftceq„'ilefte„corefibeauVquel'onavequd« Dames en porter par curiofité pour pendans d'oreilles Ce kUseaulres!UrS°mtr0UVé 'W ^ mkus feailt> l™*™ Ce merveilleus Oifeau , n'a pas feulement la couleur extra- ordinaircmentagreablet mais il y en a d'une forte, qui après avoir recrée la veuë, réjouît encore & contente lodoratpar P^pSnt1 eftaUffid— ^celledel'amb-ac n,,!! bâtit^C pIUS f0UVCnt fon nid ' fous une P««tc b"nche de quelque oranger ou Cottonnier, & comme ileft propor- tionc a lapetitefle de fon corps, il le cache fi bien parmC les ieui les,& le mct fi induftrieufement à l'abry des injures dé l'air quileftprefque imperceptible, lleftauffi ; fi bon architeae' que pour n'eftte point expofé ans vens du levant & du Nord! i7$ Histoire Naturelle, Chap. 15 qui tournent d'ordinaire en ces païs-la, il le place aumidy* 11 le compofe au dehors de petis filets d'une Plante que Ton nomme Pite-, & dont nos Indiens, font leurs cordes. Ces petis filamens, font déliez comme des cheveus , mais beau- coup plus forts. 11 les lie & les entortille avec fon bec Ci ferrement, à l'entour de la petite branche fourchue, qu'ilà. choifie pour y perpétuer fon efpece : que ce nid étant ainfi parmy les feuilles, & fufpendu fous la branche, fe trouve comme nous avons dit & hors de la veuë , & hors de tout péril. L'ayant rendu folide & remparé au dehors par ces fila» mens ,. & par quelques brins décorces & de menues herbes, entrelacez les uns dans les autres avec un merveilleus artifi- ce , il le pare au dedans du plus fincotton^ & d'un duvet de- petites plumes , plus molles que la foye la plus déliée. La fe- melle , ne fait communément que deus œufs , qui font en; ovale, & de la girofle m d'un pois ,, ou (i vous voulés d'une perle de conte. Nôtre brave voiageu^ ne fe taira pas fur cette -matière,. elle eft trop digne de fes obfervationscurieufes. Voicydonc ce qu'il en écrit entr'autres chofes à fon amy, en fes relations ,, familières. On trouve par fois des nids de Colibry , fous ,., les branches de quelques unes de ces plantes de tabac, qu'on ,, laifle croître au iïi haut qu'elles peuvent, pour en avoir la ,, graine. Je me fouviens , qu'un de nos Nègres m'en montra ^, un, qui étoit ainfi fort proprement attaché fous une de ces ,, branches. Même comme j'étois à Saint- Chriftorle, à la ,, pointe des Palmiftes , un Anglois m'en fit voir un autre, qui ^tenoitàl'undesrofeaus, qui foutenoit la couverture de fa yi café à Tabac , comme ont parle ans lies, j'ay veu au Ai un w de ces nids avec les œufs, qui était encore attaché à la ,., branche', qui avoir efté coupée pour l'ornement du cabi- ,, net d'un curieus, lequel avoit de plus encore le mafie & la w femelle fe.es -, & confervez en leur entier. Et c'eft là où je „confideray attentivement & le nid & l'oifeau. Et apréi ^t avoir admiré l'œuvre de Dieu en cette petite créature , j< p dis étant tout ravy à la; veué de ce nid , qui étoit de la grof ',,.Ceur d'une nois., 4* Chap. 15 dis Iles Antilles* 179 gue la matière ou la figure Se fajfe icy confiâerer Rien ne fie doit accomparer ^A cette txqmfè ^Architecture Vne fiolide dureté S'y mc/ie avec la beauté Par un fiingulicr artifice : Car un bec cji tout l'mjirument J%ui donne h ce rare édifice \ Son plus precieus ornement. Au refte , il fe voit de ces Oifeaus prefque en toutes les An- tilles, mais félon ladiverfité des lies ils différent ôc de grof- feur & de plumage. Les plus beaus 5 & les plus péris de tous, fc trouvent en Tlle d'Aruba, qui relevé de la Colonie Holian- doue , qui eft à Coracao. On pourroit peuteftre defirer icy , que nous parlaffions du chant de cet Oifeau, & qu'après avoir rav y la veuë, & fatisfait merveilleufement l'odorat , il contentaft encore l'ouïe par l'harmonie de Ton chant. Quelques uns dîfent qu'en effet il y en a d'une cfpece , qui chante en quelque fai- fonde Tannée. Mais il y a grande apparence, que ce qu'on appelle le chant du Colibry, n'eft autre chofe, qu'un petit cry femblable à celuy de la Cygale , qui eft toujours d'un même ton. Mais quand il ne chanteroit pas , il poffede fans cela , aGcz d'autres rares avantages de la nature , pour tenir rang entre les plus beaus , & les plus exceliens Oifeaus. Ceus qui ont demeuré au Brefil, nous rapportent con- itanment , qu'il y a un petit Oifeau nommé Gonambuch \ d'un blanc luifant, qui n'a pas le corps plus gros qu'un Frelon , & qui ne doit rien au Rofïignol , pour le regard du chant clair ôc nef. Peuteftrcqne c'eft uneefpécedc Cclibry* comme quelques uns le pofent. Mais toujours n'eft il pas comparable , ni en beauté de plumage , ni en odeur , 5c autres raviflantes qualitez, à celuy que nous venons de décrire. Z 2 Cens i8o Histoire N a t u ïi e l l e, Chap, 15 Ceus la ont mieus rencontré , qui ont dit que ce chef d'oeuvre de nature * eft une efpéce de ces petis Oifeaus que quelques Indiens appellent Guaracubâ, ou Guacayigay c'eftà dire Rayon au Soleil , 8c Guaracigaba, c'eft â dire cheveu du Soleil, Les Efpagnols les nommeut Tommeios* par ce que quand on en met un avec fon nid dans un trébuchera pefer l'or, il ne pefc ordinairement , que deus de ces petis poids, que les mêmes Efpagnols appellent , Tommes. , c'eft à dite vint-quatre grains. Quelques uns ont mis en avant, qu'une, partie de ces ad- mirables Colibris , font premièrement des Mouches, qui puis après fe transforment en Oifeaus. D'autres ont écrit , que les Antillois appelloient ces Oifeaus des Rénez , parce qu'ils dor- ment la moitié de Tannée comme les L'oirs, ôc qu'ils fe reveil- lent au Printems , renaiflant comme de nouveau , a^vec cette agréable faifon. Même il y en à qui difent , que lors que.ies fleurs viennent à tomber, ils pouffent leur petit bec dans le tronc des arbres , Ôc y demeurent fichez immobiles & comme morts durant fix mois, jufques à ce^que la terre vienne à à eftre couverte , d'un nouveau tapis de fleurs. Mais nous n'avons garde de méfier tous ces contes, à la véritable Hiftoire ..de nôtre Colibry , &.nous ne les faifons que toucher du doigt, enpalfant, Nous fermerons ce Chapitre, par une chofe bien digne d'être remarquée , & qui ne fe voit point ailleurs , fi ce n'eu peuteftre en la Guinée comme l'Infcot le rapporte. G-eft le metveilleusinflincl:, que Dieu adonné à tous les petis Oifeaus de l'Amérique , pour conferver leur efpcce. En ce qu'y ayant parmy les bois une forte de grandes couleuvres vertes & me- nu es , qui rampent fur les Arbres ,< & qui pourroient s'çntor- îillant de branche en branche , aller manger les oeufs des Oi- feaus , dont elles font fort avides : Pour empefeher ces larron Beifes-d'atteindre à leurs nids , tous les petis Oifeaus, qui n'ont pas îc becaflez fort, pour fe défendre contre, leurs_ ennemis, font leurs nids au bout fourchu de certains ftlamens , , qui conu me. le lierre croiffent à terré , s'élèvent à la faveurdes Arbres,, & s'étant.poufTez jufqu'à leur fommet , ne pouvant aller plus autre > retombent en bas , cuielquesfois deus ou trois, braues, Chap. 15 des îles Antilles, m audefïbusdes branches. C 'eft donc auboutdeces ligamens nommés Lienei par nos François, que les Oifeaus attachent fortement leurs nids , avec une telle induftrie , que lors qu'on les rencontre dans les bois, comme il y en a grand nombre, on ne peut àlTez admirer , ni la matière, ni l'ouvrage de ces pe~ tis édifices branlans. Pour ce qui eft des Perroquets, & des autres Oifeaus qui font plus forts , ils font leur nids dans les creus des arbres,ou fur les brancheSjComme ceus de par deçà 1 Car ils peuvent rechafler avec le bec & les ongles, les Cou- leuvres qui leur font la guerre. On trouvera en la page fuivanre , les figures des Oifeaus les plus rares & les plus confiderables que nous venons de décrire : mais il fautconfelTer que le burin , ni même les pinceaus les plus delicas , ne leur s'auroient don- ner la grâce, les traits, ni toutes les vives couleurs, dont ils font naturel^ lement parez, Z r CHA* %U Histoire Naturelle, Ch*p.is c^k^ JiamMuuiÀ çpauts mitU Cfcap. 16 dis lus Antilles» iH CHAPITRE SEIZIEME. Des ToiJJons de la Mer r ui courm dans les flots far des monftres avides t ht mettant leur refuge en leurs ailes timides i^Aufeindupn vogueur pleuvotent detom cotez, T Mtjoncohtent le tillac de leurs corps argent ez. A R T I C LE II. Des Perroquets de Mer. IL y a aufli en ces quartiers là des Poiflbns /qui ont Técâilte ^ comme la Carpe , mais de couleur verte comme la plume d'un Perroquet: d'où vient aùfïi que nos François les nom- ment Perroquets de Mer. Il ont les yens beaus éc fort étince- lans ; les prunelles claires comme du Criftal , qui font entou- rées d'un cercle argenté , qui eft enfermé dans un autre, qui eft d'un vert d'émeraude comme les écailles de leur dos , car celles de deifous le ventre, font d'un vert jaunâtre. Ils n'ont point de dents , mais , ils ont les mâchoires d'enhaiit & d'en- bisd'unosfolide, qui eft extrêmement fort, de même cou* leur que leur écailles, & diviféparpetiscompartimens beaus avoir. Us viveur de Poiflbns à Coquille, & en cet avec ces du- A -a res i86 Histoire Nature ll e, Chap.iô rcs mâchoires , qu'ils brifent comme entre deus meules , les Huitres les Meules , & les autres coquillages , afin de fe repaî- tre de leur chair. Ils font excellens à manger , & fi gros, qu'il s'en voit qui pefentplusde vint livres. ARTICLE III. De la Dorade. LA Dorade , que quelques uns nomment Brame de CMer , y eft encore commune. Elle a ce nom de Dorade , parce que dans l'eau fa tefte paroit d'un vert doré , & tout le refte de fon corps jaune comme or, & azuré comme le ciel ferain. Elle fe plaît à fuivre les Navires, mais elle nage d'une telle viteffe, qu'il faut eftre bien adroit, pour la pouvoir atteindre avec la gaffe ou foine , quifontdesinftrumens, aveclefquels les Matelots ont de coutume de prendre les gros Poifïbns : auiïi il s'en voit peu, qui ait une plus grande difpofition natu- relle à fendre les flots que celuy-ci; car il a le devant dé la tefte fait en pointe, le dos heriffédépines qui s'étendent juf- ques à la queue qui eft fourchue , deas nageoires au défaut de la tefte, & autant fous le ventre, les écailles petites, & tout le corps d'une figure plus large que gtofle5 Ce qui luy donne un merveilleus empire dans les eaus. Ils'en trouve, quiont environ cinq pieds de longueur. Plufieurs eftiment que leur chair qui eft un peu féche , eft auiïi agréable au goût que celle de la Truitte où du Sauîmon5 pourveu que fon aridité foit corrigée, par quelque bonne fauce. Lors que les Portu- gais voient que ces Dorades fuivent leur Navire , Ils fe met- tent fur le beau pré, avec une ligne à la main, au boutde la- quelle il y a feulement un morceau de linge blanc au haut de l'hameçon, fans autre apas. ÀRTI- Chap. i* des Iles Antilles. i$7 ARTICLE iy. De la Bonite: IL y a un autre Poiflbn, qui fuit ordinairement les Navires. On le nomme Bomte. Il eft gros & fort charnu, & de la lon- gueur de deus pieds ou environ. Sa peau paroit d'un vert fort obfcur , & blanche fous le ventre. Il n'a point d'écaillés fi ce n'eftaus deus coftes, où il en a deus rangs de fort petites, qui font couchées fur une ligne jaunâtre, quis'étend de part & d'autre, à commencer depuis la tefte jufques à la queue qui eft fourchue. Il fe prend aveede gros hameçons , que l'on jette ans environs du Navire. Tout en avançant che- min , & fans caller les voiles on fait cette pefche. Ce Poifîbn eft goulu comme la Morue, & fe prend avec toute forte d'a- morces , même avec les tripailles des PohTons , qui ontefte eventrez. On le rencontre plusfouvent en pleine mer, qu'es coftes. Il eft bon étant mange' frais 5 mais il eft encore plus délicat , lors qu'il a demeuré un peu dans le fel , & dans le poivre, avant que de le faire cuire. Plufieurs tiennent , que ce Poiuon eft le même, que eeluyque nous appelions Thon, & qui eft commun en toutes les coftes de la Mer Médi- terranée. ARTICLE V. De l'Eguïle de CMer, L'Eguille, eitunPc-ifïbn fans écailles, quicroift gueur de quatre pieds ou environ. Il a la tefte te, longue d'un bon pied, les yeus gros & luifans bordez de rouge. La peau de fon dos eftrayécde bleu & de vert , & celle de deQbus fon ventre , eft d mefléde rouge. Il a huit Nageoires , qui tirent fur & une queue fort pointue, qui a peuteftre donné 1 oc luy donner le nom qu'il porte, de même que Aa % de la Ion» en poin- qui font lignes de 'un blanc le jaune, occafion la figure de mm H i s t 01 re Naturelle, Chap. j$ de fa tefte , a convié les Hollandois de l'appeller , Tabac-Pype, c'eft a dire Pipe À Tabac, ARTICLE VI. De plufieurs. autres Poijfons de UxJïter &■ des Rivières, •T Es Côtes de ces îles ont aufTi àt% Carmgues des Mulets JL/qui entrent quelquefois en l'eau douce, & fe pefchent dans les Rivières , des Poiffons déroche qui font rouges , &dc diverfes autres couleurs , & fe prennent auprès des R ochers 5 Des T^egres ou diables de Mer ••,. qui font de gros Poiflbns qui ont l'écaillé noire , mais qui ont la chair blanche & bonne au poflible, & une infinité d'autres Poiflbns , qui font pour la pluspart differens de cens qui fe voient en Europe , & qui n'ont encore point de noms parm y nous,. Pour ce qui eft des Rivières 5 elles fourniflent une grande abondance de bons Poillons ausHabitans des Antilles, & s'il cft permis de comparer les petites chofes aus grandes, elles ne cèdent point à proportion de leur étendue en fécondité, à la Mer. Ueftvray qu'elles ne produifent pbint de Brochets» de Carpes, ni de femblables Poiflbns , qui font communs en ces quartiers-cy : mais il y en a grande quantité d'autres ,. qui ne font connus que des Indiens, & dont quelques uns ap- prochent de la figure des nôtres,. - c:ha. Chap. s 6 ©es îles Antille si it$ J^ût/SarL de^îRocae (^J3onii~e QAwkre noifsoiioc roche s#o Histoire Naturell E,-Chap. 17 CHAPITRE DIX SEPTIEME. Des Montres Marins qui fe trouvent en ces quartiers. C Eus qui ontdécry l'Hiftoire des Poifions, ont mis au rang des Baleines, tous ceus qui font d'une grofleur ex- traordinaire, de même, qu'ils ont compris fous le Titre des Monftres , tous ceus là qui ont une figure hideufe , ou qui vivans de proye font des ravage dans les eaus, comme les Lions, les Ours, les Tigres, & les autres beftes farouches en font fur la terre. Nous devons parler dans ce Chapitre des uns 6c des autres, c'en à dire de tous ceus qui font d'une grof- feur prodigieufe, ou qui font effroyables pour leur forme hideufe à voir , & redoutables à caufe de leurs de'fences. Et ainfi, nous defcendrons pour un peu de tems, dans les abyfmes de cette grande & fpacieufe <\lcr , où comme dit le Saint Roy qui a compofé les Sacrez Cantiques d'Iftacl, il y a des Repti- les fans nombre , de petites bettes avec des grandes , & après y avoir contemplé les oeuvres du Seigneur, nous en remonte- rons incontinent , pour célébrer fa bénignité & fes merveilles envers les fils des hommes. ARTICLE L De ÏEfpadm. ENtre les Monftres Marins , on remarque particulière - mentceluy que nos François nomment Efpadontkc2L\xfc qu'ilaaubout de fa mâchoire d'enhaut une defenfe de la lar- geur d'un grand Coutelas, qui a des dens dures & pointues des deus cofte's. Il y a de ces PoilTons , qui ont ces defenfes longues de cinq pieds, larges de fix pouces par le bas, & mu- nies de vintfet dens blanches & folides en chaque rang , & le corps gros à proportion. Ils ont tous la tefte plate & hideufe, delà figure d'un cœur, ils ont pre's des yeus deus fouspiraus, par où ils rejettent l'eau qu'ils ont avallée. Ils n'ont point d'écail- Chap. 17 des Iles Antilles. 1191 d'écaillés, mais ils font couverts d'une peau grifefurledos & blanche fous le ventre , qui eft raboteufe comme une lime' Ils ont fét nageoires, deus à chaque cofté, deus autres fur le dos , & puis celle qui leur fert de queue. Quelques uns les appellent PoiffonskScie, ou Empereurs, àcaufe qu'ils font la guerre à la Baleine , & bien fouvent la bleflent à mort. ARTICLE IL Des CMarfouins. LEs CMorfeùms, font des Pourceaus de Mer , qui vont en grande troupe, & fe Jouent fur la Mer, faifant des bonds, & fuivant tous une même route. Ils s'approchent volon- tiers atfez prés des Navires 5 Et eeus qui font adroits à les harponner, en accrochent fouvent. La chair en eft aiTez noirâ- tre. Les plnsgros, n'ont qu'un pouce ou deus de lard. Ils ont le mufeau pointu, la queue fort large, la peau grisâtre, & un troufur latefte , paroùilsrefpirent & jettent l'eau. Us ron- flent préfque comme les Porccaus de terre. Us ont le fans- chaud, & les Inteitins femblables à ceus du Pourceau Se font prefque de même goût : mais leur chair eft de difficile digeftion. H y a une autre efpece de Marfoiims, qui ont le groin rond & mouflu comme une boule. Et à caufe de la rerïembiance de eurtefte avec le Froc des Moines. Quelques unslesappeU lent , lejles de Àtoine, & Moines de Mer. ARTICLE III. Du Requiem* E Requiem, eft une efpece de Chien ou de Loup de Mer *~>lc plus goulu de tous les Poiflbns, & le plus avide de chair humaine. Il eft extrêmement à craindre, quand on fe baigne. Une vit quedeproye, & il fuit fouvent les Navires pour fe repaître des immondices que l'on jette en Mer. Ces monûresparoirïentde couleur jaune dans l'eau,- llyenaqui font ff$ H i s t o i x i Naturelle, Chap. 17 font d'une grandeur <5c d'une grofîeur deméfuréc, &quifonr capables, de couper tout net un homme en deus. Leur peau eft rude, & l'on en fait des limes douces, propres à polit le bois, lis ont la tefte plate, & n'ont pas l'ouverture de leur gueule tout au devant de leur mufeau, mais delïbus, Ce qui fait, que pour prendre leurproye, il faut qu'ils fe retournent le ventre pref- que en haut. Iks ont les dents trenchantes fort aiguës & fort larges, qui font dentelées tout autour , comme les dents d'une feie. 11 y en a tels , qui en ont trois & quatre rangs en chaque mâchoire. Ces dents font cachées dans les gencives 5 mais ils ne les font que trop paroitre quand ils veulent. Ces cruels Dogues Mirms , font le plus fouvent efeortez de deus ou trois petis PoilTons, & quelquefois d'avantage qui le précèdent avec une telle vit elfe <3c un mouvement fi mefuré, qu'ils s'avancent 8z s'arreftent plus ou moins , félon qu'ils ap- perçoiventque les Requiéms s'avancent ou s'arreftent. Quel- ques uns les nomment Rambos , & Pelgrtmes. Mais nos Ma- telots les appellent les Pilotes du Requiem, parce qu'il femble que ces petis Poitïbns le conduifent. Ils n'ont qu'un bon pied -ou environ de longueur, & ils font gros à proportion. Mais au refte, ils ont l'écaillé parfemée de tant de belles «5c vives cou- leurs , que l'on diroit, qu'ils foient entourez de chaînés de per- les, de corail, d'émeraude, & d'autres pierreries. Cn ne s'au- roit fe laïferde les confiderer en l'eau. C'eft ainuque la Baleine ne marche jamais, qu'elle n'ait devant elle un petit Poilïbn, femblable au Goujon de Mer,'" qui s'appelle pour cela la Guide. La Baleine le fuit, fe laiftant mener j & le Crododyle. Et cette Coquille qu'on appelle la Nacre, vitainfiauiliaveclcPinnothere, quieft un petit animal delà forte d'un Cancre. C'eft ce que recite Michel de Montagne, au fécond Livre de fes Eflais, Chapitre 12. •Au refte la chair du Requiem n'eft point bonne , & l'on n'en mange qu'en necefîité. On tient toutefois que quand ils font jeunes , ils ne font pas mauvais. Les curieus , recueillent foigneufement la Cervelle qui fe trouve dans la tefte des vieus , & après l'avoir fait s'écher , ils la confervent , & ils di- fènt qu'elle eft très-utile à ceus, qui font travaillez delà pier* re, oudelagravelle. " Quelques Nations .appellent ce Monftre liburon & Tube* r*n. Mais les Françoise les Portugais luy donnent ordinaire- ment ce nom de Requiem y c'eft à dire Repes , peuteftre parce •qu'il à accoutumé de paroître, lors que le tems eft ferain ôc Tranquille, comme font aufli les Tortues : ou plutôt, parce qu'il envoyé promtément au repos , ceus qu'il peut attraper^ qui eft l'opinion la plus communeentre nos gens, qui rappel- lent de ce nom. Son foye étant bouilly, rend une grande quantité d'huy le , qui eft très-propre pour entretenir les lam- pes, & fa peau, eft utile aus Menuyfiers? pour polir leur ouvrage. ARTICLE IV, Zte h Remore. OUtreces Pilotes , dont nous avons parlé: les Requiems\ font bien fouvent accompagnez d'une autre forte de Petis PoilTons , que les Hollandois appellent Suyger , par ce qu'ils s'attachent fous fe ventre des Requiems, comme s'ils les vouloientfucçer. Nos François tiennent, que c'eft une efpece de Remore , & ils leur ont donné ce nom , à caufe qu'Us te collent contre les Navires /comme s'ils vouloient arrêter leur cours. Ils croiflent environ de deus pieds de long , Se d'une groîTeur proportionée. Ils n'ont point d'écaillés , mais ils font couverts par tout , d'une peau cendrée , qui eft gluante comme celles des Anguilles. Ils ont la Mâchoire Bb de. 19^ H I S T Q I R,E N A TU R E L L E, Chap. 17- de deffus, un peu plus courte que celle de deflbus , au lieu de dens, ils ont de petites eminences, qui font affez fortes pour brifer ce qu'ils veulent avaller. Leurs yeus font fort petis , de couleur jaune. Ils ont des Nageoires & des Empennures, comme les autres Poiffons de Mer, mais ce qu'ils ont de par- ticulier , e(t , qu'ils ont la tefte relevée d'une certaine pièce faite en ovale, qui leur fert de couronne. Elleeft platte, &' rayée par deffus de plufieurs lignes , qui la rendent heriffée^ C'eftauffi par cet endroit ; que ces PoilTons s'attachent Ci fer- mement ans ï>avires& aus.Requiems, qu'il faut fou vent les tuer, avant que de les pouvoir feparer. On en mange, mais c'eft au défaut d'autres Poiffons, qui font plus delicas. A R T I C L E V. Du Lamantin,. ENtre les Montres Marins, qui font bons à manger,, & que ionreferve en provision, comme on fait en Europe le Saumon & la Morue, onfait.fqr tout état au s Ilesdu La* mantin félon nos François, ©u 2{amantm &Mmaty . félonies Efpagnols. ^ C'eft un Monflre, qui croift avec lage dame grandeur fi étrange , qu'on en a veu qui avoient environ dix- huit pieds de long, & Cet de groffeur au milieu du corps. Sa tefte a quelque relTemblance à celle d'une Vache , d'où vient que quelques uns l'appellent Vache deCtecr. 11 a de petis yeus, & la peau épaiffede couleur brune, ridée en quelques endroits &parfemée de quelques petis poils. Errant feiche, elle s'endurcit de telle forte, qu'elle peut fervir de rondashe impénétrable au s flèches des Indiens. Auflî , quelques Sau- vages s'en fervent pour parer les traits de leurs ennemis, lors qu'ils vont au combat. Il n'a point de Nageoires , mais en leur place, il a fous le ventredeus petis pieds, qui ont chacun, quatre doits fort foibles, pour pouvoir fupporter le fais d'un corps (i lourd & fi pefant : Et il n'eft pourveud'aucuneautre defenfe. Ce Poiffon vit d'herbe, qui croift auprès des Ro- ches , & fur les baffes qui ne font couvertes que d'une braffe ou environ, d'eau de- Mer. Les femelles mettent. leur fruit- hors, Chap. 17 des Iles Antilles, ify$ hors, à la faflbn des Vaches , ôc ont deus tétines avec lequel- les elles allaitent leurs petis. Elles en font deus à chaque por- tée , qui ne les abandonnent point, jufques à ce qu'ils n'ayent plus befoin de l'ait , & qu'ils puifient brou ter 1 herbe comme leurs mères. Entre tous les Poiflbns , il n'y en a aucun qui ait tant de bonne chair, que le Lamantin. Car il n'en faut fou vent que deus ou trois , pour faire la charge d'un grand Canot , & cette chair eftfemblable à celle d'un animal terreftre, courte, ver- meiile , appetiiîante, & entre-meftée de graille, qui étant fon- due ne fe rancit jamais. Lors qu'elle a efté deus ou trois Jours dans le fel , elle eft meilleure pour la famé , que quand on la mange toute fraiche. On trouve plus fouvent ces PoiiTons, à l'embouchure des Rivières d'eau douce , qu'en pleine Mer. Lescurieus , font grand état de certaines pierres qu'on trouve en leur tefte , à caufe qu'elles ont la vertu à ce qu'ils difent, eftant réduites en poudre, de purger les reins de gravelie, & de brifer même la pierre qui y feroit formée. Mais, à caufe que ce remède eft violent , on ne confeille à perfonne d'en ufer , fans l'avis d'un fage & bien expérimenté Médecin. A R T I CL E VI. Des Baleines & autres OtfonJheS de Cfrfer. C Eus qui voyagent en ces îles, apperçoivent quelquefois fur leur route des Baleines qui jettent l'eau par leur évent de la hauteur d'une pique, & qui ne montrent pour l'ordinaire qu'un peu du dos, qui paroit comme une Roche hors de l'eau. Les Navires, fontauili par fois efeortez afiez long terris, par des Monftres qui font de la longueur , & de lagrofleur. d'une Chalouppc, & qui fcmblent prendre plaifiràfe mon- trer. Les Matelots les nomment Morhous ou Souffleurs , par ce que de tems en tems , ces prodigieus Poiflbns mettent une partiede leur tefte hors de l'eau , pour reprepdre haleine. Et alors ils foufflent, & font écarter l'eau de devant leurs mu- feaus pointus. Quelques uns difent, que c'eft uneefpecede gros Marfoiiiîis. Bb 2 ÂRTI- 10 Histoire Naturelle.,- Ghag. vf> ARTICLE VIL Des Diables de CMer.. A Us coftes de ces lies, il tombe quelquefois fousla \Tarrc: des Pefcheurs un Monftre, que l'on met entre les efpeces de Diables de CMer , à caufede fa figure hideufe. Il eft long d'environ quatre pieds, & gros à proportion. Il porte une bode Cm le dos, couverte d'aiguillons pareils à ceus d'un Heriflbn. Sa peau eft dure , inégale, <3c raboteufe comr me celle du Chien de Mer , & de couleur noire, lia la tefte platte, & relevée pardeffus de plufieurs petites bofles ,. entre lefquelles on voit deus petis yeus fort noirs. Sa- gueule qui eft demefurément fendue, eft armée de piuficurs dens extrê- mement perçantes, dont il y en a deus qui font crochues & annele'es, comme celles d'un fanglier. 11 a quatre nageoires & une queue aftez large ,, qui eft fourchue par le bout. Mais ce qui luyàfait donner le nom de Diable de Mer t eft, qu'au deffus des yeus , il adeus petites cornes noires ailes pointuës«, qui fe recoquillent fur fon dos comme celles des Béliers. Outre que ce Monftre eft laid au poftiblc , fa chair qui elfe mollafle & fllafeufe , eft un vray poifon , car elle caufe des vo- miffemens étranges, & des défaillances, qui feroient fuivies de la mort , s'y elles n'étoient prontement arrêtées par une prife de bon Teriac, ou de quelque autre contrepoifon. Ce.dang.e~ reus animal, neft recherché quedescurieus, qui font bien aifes d'en avoir la.d'époiùlle dans leurs cabinets. Ainfi ce Diable, qui n'a porté jamais d'utilité aus hommes pendant fa tfie; repaift au moins leurs yeus après fa mort. Il y a encore une autre forte de Diablesde Mer , qui ne font pas moins hideus, que les précédents, encore qu'il foient d'une autre figure. Les plus grands de cette efpecc n'ont qu'un pied ou environ dépuis la tefte jufqucsàla queue. Ils ont prcfque autant de largeur,mais quand ils veulent,ils s'enflent d une telle forte, qu'ils paroiifent ronds comme une boule. Leur gueule qui eft afîes fendue, eft armée de pluficurs petites dens extrê- mement pointues ? 6c au lieu de langue ils n'ont qu'un petit Chap. 17 des Iles Aktill.es» W os, qui eft dur au pofllble. Leurs yeus font fort étincelans, ôc fi petis & enfoncez en la tefte, qu'on a peine de difcernerla prunelle. Ils ont entre les yeus une petite corne, qui rebroufie en arrière, & au devant d'icelle un filet un peu plus grand , qui eft terminé par un petit bouton. Outre leur queue, qui en: comme le bout d'une rame, iteontdeusempennures, l'une qui eft fur le dos, laquelle ils portent droite & relevée, de l'autre fous le ventre. Ils ont aufli deus nageoires , qui ré- pondent de chaque coftédu milieu du ventre, & qui font ter- minées en forme de petites pattes, qui ont chacune huit doits, qui font munis d'ongles alfez piquans. Leur peau eft rude & heriflee par tout , comme celle du Requiem , horsmis fous le ventre. Elle eft d'un rouge obfçur, & marquetée détaches noires, qui font comme des ondes. Leur chair, n'eft point bonne à manger. On les peut écorcher aifément , Se après avoir remply la peau de cotton, ou de feuilles s'éches , on luy donne place entre les raretez des cabinets ; Mais elle péri beaucoup de fon luftre, lors que lePoifton edmort. A R T I G L E VIIL &c lu Becunei ENtrelès Monftres goulus & avides de chair humaine^ qui fe trouvent aux coftes de ces lies, laBecune eft l'up des- plus redoutables. C'èft un PoilTon , qui eft de la figure d'un Brochet , qui croift de fét à huid pieds en longueur , & d'une grolîeur proportionée. Il vit de proye, & il fe lance de furie, comme un chien carnaflfier, fur les hommes qu'il apperçoit en/ l?eau. Outre qu'il emporte lapiece de tour ce qu'il peut at- traper, fes dents ont tant de venin, que. leur moindre morfu* re , devient mortelle, fi on n'a recours au même inftant à quel- que puiflant remède, pour rabattre & divertir la force de &e poifon.. B h £ A.K.TB- ijfé Ht s t o ire KATunn s, Chap. 17 A K T I G LE IX I>e hBeccajfe de Mer. \ IL y à encore une antre forte de Çecunes que nos François ont nomméto^ de Mer, àcaufedela fïguredefon bec, qui eft prefque pareil à celuy d'une Beccaffe, excepté, que la partie d'enhaut, eft plus longue de beaucoup, que celle d'enbas, <5c que ce PoiiTon,reiîiuë l'une & l'autre mâchoire, avec une égaie facilité. On en voit défi gros. & de (i longs, qu'on peut mcfu- rer 400ns pieds entre queue & tefte , & 12 pouces en la lar- geur de chaque cofté, qui répond aus ouïes. Sa telle a préfque la forme de celle d'un Pourceau, mais elle eft éclairée de deus gros yeux, qui font extrêmement luyfans. il a ia queue" divifée en deus , & des nageoires aus coftes & au deflbus du ventre, & une empcnnure haute & relevée par degrez, comme une cré- fte,qui commence au fommet de !a tefte,& s'étend tout le lono- dudos, jufques prés de la queue. Ourre le bec long & folide qui le fait remarquer entretous les Poiftbns , il a encore deus efpeccs décernes dures , noires , & longues d'un pied & de- my , qui pendent au deifousde fo.n gofîer, & qui luyfontpar- ticulicr.es , il les peut cacher aifement dans une enfonçure qui eft fous ion ventre, & qui leur fende gaine II n'apointdé- cailles: mais il eft couvert d'une peau rude, qui eft noirâtre furie dos, grifeauscoftez , & blanche fous le ventre. On en peut manger fans péril, encore que fa chair nefoit pas fi déli- cate, que celle de plufieurs autres PoiiTons. ARTICLE X. De iHerijfon de Mer. T *Rerijfon de Mer qui fe trouve auffi en ces côtes , porte à '■""'bon droit ce nom là. Il eft rond comme une boule, ôc tout revêtu dépines fort piquantes, qui le rendent redoutable. D'autres le nomment Poifjon armé. Quand les pefcheurs en prennent, ils les font fécherpour les envoyer aus curieus, qui les pendent par rareté en leurs cabinets. CH'A- Chap. 17 dus Iles Antilles». ysrznc Cs5{zndan. 199 rm\w\0 »oo H t s îoiiB Saïurelu, Chap. ts CHAPITRE DIXHUITIEME. Defeription particulière d'une Licorne de Mer ^ qui s'échoua k la rade de file de la Tortue en Un 1 644. Jvec un récit curieus, par forme de comparaison ,efpéce de couronne rehauffee par deflus le relie du cuir, Ce de . m% Histoire Naturelle, Chap. is ,., de deus pouces ou environ , & faite en ovale , de laquelle „ies extrémités aboutîflbient en pointe: Plus de trois cens „perfonnes de cette lle-là, mangèrent de fa chair en abon- 3, dance , & la trouvèrent extrêmement délicate. Elle étoit ,, entrelardée d'une graine blanche, & étant cuite, elle fe ,, levoit par écailles, comme la morue' fraiclie : mais elle avoit „ un goût beaucoup plus favoureus. », Cens qui avoient veti ce rare Poiflon en vie , & qui luy ,,avotent rompu l'échiné à grans coups de leviers, difoient y, qu'il avoit fait de prodigie us efforts , pour les percer avec fa ,, corne, laquelle il manioit & tournoit de toutes parts avec ,, une dextérité àc une vitefTe incomparable, & que s'il eut „ eu afles d'eau pour fe foutenir & pour nager tant foit peu, il ^lèsent tous enfilez. Quand on l'eut eventré , on reconnut ,., aifément qu'il fe nournfïbit deproye , car on trouva en fes ,, boyaus, beaucoup décailles de PoiiTons. ?, Les rares dépouilles de ce merveilleus animal , & fur tout y, fa telle , & la riche corne qui y étoit attachée, ont demeuré # près de deus ans fufpenduès au corps de garde de i'Jle, juf- ,,qiies à ce que Monfieur le Vaflfeur qui en étoit Gouver- „ neur, voulant gratifier Monfieur des T rancarts,. Gentil- ?, homme de Saintonge , qui l'étoit venu voir, luy fit prefent ,,de cette corne. Mais quelque peu après m'étant embar- ,., que dans un vaifleau de Fleffingue avec leGcntiUionime* >,, qui avoit cette precieufe rareté en une longue cajfie , nôtre ,, vaifleau febri fa prés de l'Ile de la rayale, quseft Tune des j, Açores. De forte que nous filmes pertede toutes nos har- y, des ôc de toutes nos Marchandées. £t ce Gentil-hommere» f, gretta fur tout facailTe. jufques icy font les paroles de nôtre, aimable Voyageur. On trouve en la mer du Nord , une autre efpece de Licor- nes, qui font fouventpoufiees par les glaces, ans coites d'ifian- de. Elle font d'une longueur & d'une groffeur Ci prodigieu-' fe, que la plupart des Auteurs qui en ont eferi , les mettent au rangées Baleines. Elles ne font point couvertes décailles, comme celle dont nous venons de donner la defeription^ niais d'une peau noire & dure comme le Lamantin. Elles a ont que deus nageoires aus codez,, & une grande & large enpeiv Chap. is des Iles Antilles* 203 enpennure furledos, laquelle étant plus étroite au milieu, fait comme une double crefte, qui s'élève en une forme très-propre , pour fendre commode'ment les eaus. Elles ont trois trous en forme de foupiraus , à la naiffancede leur dos, par où elles vomiflent en haut toute l'eau fuperflue" qu'elles ont avallée , de même que les Baleines. Leur tefte fe termine en pointe, & au code' gauche de la mâchoire d'enhaut, elle eft nmnie d'une corne blanche par tout, comme la dent d'un jeune Elefant , qui s'avance quelquefois de la longueur de quinze à feize pieds hors de la tefte. Cette corne eft torfe eu quelques endrois , & rayée partout de petites lignes de cou- leur de gris de Perle, léquelles ne font pas feulement en la fuperficic : mais qui pénètrent au dedans delà mafle, qui eft creufe jufques au tiers, & par tout aufïi folide, qu'un os le plus dur. Quelques uns , veulent que cette prominence , foit pîûtoft une dent qu'une Corne , à caufe qu'elle ne fort pas du front comme celle dont nous venons de parler, ni dudeiïiisde la tefte , comme celles des Taureaus & des Béliers ; mais de la mâchoire d'enhaut dans laquelle le bout eft enchalfé , comme font les dens en leurs propres caffettes. Ceus qui font de ce fentiment ajoutent, qu'il ne fe faut pas étonner fi ces Poif- fons n'ont qu'une de ces longues dens , veu que la matière la- quelle en pouv oit produire d'autres , s eft entièrement epui- fée pour former cellecy, qui eft d'une longueur & d'une grof- feur fi prodigieufe, qu'elle fuffiroit bien pour en faire une centaine. Or foit que cette pefante & merveiileufe défenfe d'ont ces monftrueus Poiflbns font armez , foit appellée dent ou Corne: il eft confiant qu'ils s'en fervent, pour combattre contre les Baleines , & pour brifer les glaces du Nord , dans léquelles ils fe trouvent bien fouvent enveloppez ; d'où vient qu'on en à veu quelquefois, qui pour avoir fait de vio- lens efforts, pour fe démefler du milieu de ces montagnes glacées , avoyent non feulement emoufle la pointe de cette lance naturelle 5 mais même Tavoyent brifée-& fracalTée en deus. Nous avons fait metrre en une même planche les fi- gures de la Licorne laquelle s'échoua en l'Ile de la Tortue, & Ce 2 d'une . 20% H i s ,t oire Naturelle, Chap. is d'une de celles du Nord , afin que Ton puifle plus facilement difcerncr la grande différence qui eft entre ces deus efpeceso Au même tems, que nous tirions de noftre cabinet ectte- Hidoire pour la donner au public, un Navire deFlifïlnguc commandé par Nicolas Tunes , dans lequel MonOeur Lamp- fius , les Sieurs Biens , Sandras , . & d'autres Marchands delà même Ville étoientinterenez, étant heureufement retourné du d'étroit de Davis , en a rapporté entre autres rarétezrplu- fieurs excellentes dépouilles de ces Licornes de la mer du Nord, dont nous venons de parler. Et d'autant que la rela- tion qu'on nous a envoyée touchant cevoiage, peut donner de grandes lumières à la matière que nous traînons , nous croyons que le Le&eur curieus trouvera bon, que nous le fer- vions de cette nouveauté par forme de digrelïion , qui fera ac« corn- Chap. 17 des Iles Antilles» 205 eompagnée de la même fidélité , avec laquelle elle nous a elle communiquée. Le Capitaine de qui nous tenons ce récit, étant party de Zelande fur lafin du Printems de l'an 1656. en intention de découvrir quelque nouveau commerce es terres du Nord, arriva fur la fin du mois de Juin dans le Vernit de Davis , d'où étant entré dans une rivière qui commence au foixantequa* triéme degré & dix minutes de la ligne en tirant vers le Nord, iifitvoilejufques au feptante deuzieme, fous lequel la terre que nous allons décrire eft fituée. Dez que les Habitans du Pais qui étoient à la perche eurent apperçeu le Navire, ils le vinrent recognoitré avec leurs pe* tis efquifs, qui ne font faits que pour porter une feule per- fonne , les premiers qui s'étoient mis en ce dévoir , en attirer rem tant d'autres aprez eux , qu'ils compoferent en peu de tems unefeorte de foixante& dix de ces petis vaùTeaus, qui n'abandonnèrent point ce ■Navire étranger , jufques à ce qu'il eut mouillé à la meilleure rade, où ils luy témoignèrent par leurs acclamations , & par tous les fignes de bienveùillance, qu'on peut attendre d'une Nation fi peucivilizée , la joye ex- traordinaire qu'ils avoyent, de fon heureufe arrivée. Ces pé- ris y aifleaus font fi admirables , foit qu^iis foyent confiderez en leur matière, foit qu'on ait égard à la merveilleule induftrie dont ils font faflbnnez , ou à la d'exterité incomparable avec laquelle ils font conduits, qu'ils méritent bien , de tenir le premier rang, dans les deferiptions que cette agréable digref* ïion. nous fournira. Us font compofez de petis bois déliez, déquels la plupart font fendus en deus comme des cercles. Ces bois faut atta- chez les unsavec les autres, avec de fortes cordes qui font fai- tes de boyaus de Poifibns , qui les tiennent en arreft , & leur donnent lafigure qu'ils doivent avoir, pour eftre propres aus ufages aufquels ils font deftinez. Ils font couverts endehors de peau de Chiens de mer? qui font fi proprement coufu es par enfemble , & fi foigneufement enduites dé refine à l'endroit des coutures, que l'eau ne les peut aucunement penetrei*. Ces petis Bateaus , font ordinairement , de la longueur dei quinze à feize pieds, & ils peuvent avoir par le milieu oiiih Ce S: ©ri* zo6 Histoire Naturelle, Chap. 1 8 ont plus de grolîeur, environ cinq pieds de circonférence. C'eftauftidés cet endroit qu'ils vont en appetiffant, de forte que les extremitèz aboutirent en pointes , qui font munies d'os blanc, ou de dépouilles des Licornes dont nous venons déparier. Le deflus eft tout plat & couvert de cuir de même que le refte , ■& le deftbus a la forme du ventred'un gros -Poif- fon : de forte qu'ils font très-propres à couleur fur les eaus. ils n'ont qu'une feule ouverture , qui eftdire&ement au milieu de tout l'édifice. Elle eft relevée tout à l'entour d'un bord de cofte de Baleine , & elle eft faite à proportion , & de la grof- feur du corps d'un homme. Quand les Sauvages qui ont inven- té cette forte de petis vaifîeaus s'en veulent fervir, foitpour aller à la pefche, ou pour fe divertir fur la mer, ils fourrent; par cette ouverture leurs jambes <5c leurs cuifles, & s'étans mis fur leur feant, ils lient Ci ferrement la cafaque qui les couvre* avec le bord de cette ouverture , qu'ils femblent eftre entez fur cet efquif , & ne faire qu'un corps aveeluy. Voila pour ce qui concerné la figure & la matière de ces petis vaiffèaus. Confiderons à prefent , l'équipage des hom- mes qui les gouvernent. Quand ils ont deflein d'aller fur mer, ilsfe couvrent par deftus leurs autres habits d'une Cafa- que , laquelle n'eft deftinée à aucun autre ufage. Cet habit de mer eftcompoféde plufieurspeaus , dénuées de leur poil, qui font fi bien préparées & unies par enfemble , qu'on le croiroit eftre fait d'une feule pièce. Il les couvre dépuis le fommet de la tefte , jufques au deftbus du nombril. 11 eft en- duit par tout d'une gomme noirâtre , laquelle ne fe diflbut point dans l'eau, &qui Tempefcbe de percer. Le Capuchon qui couvre la tefte , ferre fi bien fous le col, & fur le front, qu'il ne leur laifle rien que la face à découvert. Les man- ches font liées au poignet , & le bas de cette cafaque , eft aufti attaché au bord de l'ouverture du vaiffeâu, avec tant de foin, & avec une telle induftrie , que le corps qui eft ainfi couvert, fe trouve toujours à fec au milieu des flots , qui ne peu- vent mouiller auec tous leurs efforts , que le vifage & les mains. Encore qu'ils n'ayent ni voiles , ni maift , ni gouvernail, ni compas, m ancre ni aucune des pièces de tout ce grand at- tirail, Chap. 18 des Iles Antilles. • 207 tirail, qui eft requis pour rendre nos Navires capables d'aller fur mer. Il entreprenent neantmoins~de longs voiages, avec ccspetis vaifleaus, fur-léquelsils femblentcftre coufus. Us fe connoiftent parfaitement bien ans étoiles, & ils n'ont befoia d'autre guide pendant la nuit. Les rames dont ils fe fervent, ont une largeur à chaque bout en forme de palette , & afin qu'elles puilfent conpper plus ailement les flots , & qu'elles foyent de plus grande durée, ils les enrichirent d'un os blanc, qui couvre les extremitezdu bois , ils en garniffent aufli les bords des paîlettes, & ils y attachent cet ornement avec des chevillesde corne, qui leur fervent au lieu de clous. Le milieu de ces rames cftembelly d'os, oudecorneprecieufe,de mê- me que les bouts , & c'eft par là qu'ils les tiennent afin qu'elles ne leur coulent des mains. Aurefte, ils manient ces doubles rames avec tant de dextérité' & de vitefle f que leurs petis vaif- feaus devancent aifementles Navires, qui ont déployé' tous leurs voiles, & qui ont le vent & la marée favorables, il* font fi aflurez dans cet petis efquifs, &ils ont une fi grande adreffe â les conduire „ qu'ils leur font faire mille caracoles, pour donner du divertiilement à ceiis qui les regardent. Ils s'éferiment auffi quelquefois contre les ondes , avec tant de force & d'agilité , qu'ils les, font écumer comme fi elles étoient agitées d'une rude tempctte ? & pour Jors/on les pren- droit plutôt pour des Monftres marins qui s'entrechoquent, que pour des hommes : Et même, pour montrer qu'ils ne re- doutent point les dangers,& qu'ils font enbonne intelligence avec cet élément qui les nourrit & les careffe , ils font le mou, linet, fe plongcans & roulans en la mer, par trois fois confecu- tives, de forte qu'ils peuvent pafTer pour de vrais Amfibies. Quand ils on fdeflein, de-fairc quelques voiages pluslon^s que les ordinaires, 011 quand ils appréhendent, d'eftre jettez bien avant en pleine mer par quelque tempelle, ils portent dans levuidede leur vailTeau , une vcffie pleine d'eau douce, pour étancher leur foif,' & du Poiiîon feché au Soleil ou à la gelée, pour s'en nourrira faute de viandes fraiebes. Mais, il arrive rarement quils foyent réduits à recourir à ces provi- fions : CajT ils ont certaines flèches en forme de petites lances, qui -font attachés fur. leurs 8ateaus3 & lefquellcs ils saveur ■f7 d'ardexr soS Histoire Naturelle, Chap. i s d'arder fi vivement fur les Poifïbns qu'ils rencontrent, qu'il n'arrive presque Jamais , qu'ils foyent fans ces rafraichiife- mens. Ils n'ont point befoin de feu pour cuire leurs viandes, par ce que fur la mer & fur la terre, ils font accoutumez de les manger toutes crues , ils portent auiïi certaines dens de gros Poiftbns, ou des broches d'os fort pointues , qui leur tien- nent lieu de couteaus ,. car ils s'en fervent pour eventrer «5c trancher les Poiffons qu'ils. ont pris. Au refte il n'y peut point avoir de débats dans ces vâhTeaus , puis qu'un feul hom- me en eftle Maître, le Matelot , lePourvoyeur, StlePilote, qui le peut arrêter quand bon luy femble , ou l'abandonner au gré du vent ôc de la marée , lors qu'il veut prendre le re- pos qui luy eft neceffalre pour réparer fes forces. En ce cas , il accroche fa rame à des courroyes de cuir de Cerf, qui font preparéez à cet ufage, & qui font attachées par bandes au dciTus de ce Batteau : ou bien il la lie à une boucle , laquelle pend au devant de fa cafaque. Leurs femmes, n'ont point î'ufage de ces petis Efquifs, mais afin qu'elles puhTent quelquefois fe divertir fur la mer , leurs marys, qui ont beaucoup de douceur & d'amitié pour elles, les conduifent en d'autres vaufeaus , qui font de la grandeur de nos Chaloupes, & capables déporter cinquante perfon- nes. ils font faits de perches liées par enfemble, & ils font couverts de peaus de Chiens de mer , comme ceus que nous venons de décrire. Us peuvent eftre conduits à force.de rames quand le tenas eft calme", mais lors que le vent peut fervir, ils attachent au maft des voiles de cuir. Or afin que la description de ces rares vaiflfeaus, & de ces hommes de mer , foit mieux éclaircie & comme anime'e : nous en avons icy faitaiettre une figure , laquelle a été tirée au naturel fur l'original. Pour parler maintenant de la terre , en laquelle naiflent ces hommes , qui font fi entendus en la Navigation : lesdégrez, fous léquels nous avons déjà dit qu'elle eft ficuée, témoignent allez, qu'elle eft d'une tres-froide conftitution. 11 eft vray, que durant le mois de Juin & de juillet, qtiicompofent l'été de cette contrée là, ôc qui font éclairez d'un jour perpétuel, de même que ceus de Décembre & de janvier , n'y font qu'une feule Ghap, x8; des Iles àntuus. 309 feule nuit, l'air y eft chaud agréable & fercîn : mais îe refte de l'année , les jours qui s'allongent & s'accourchTent alternati- vement, font accompagnez de brouillards épais, denéges, ou de pluyes glacées , qui font extrêmement froides & ia* portunes. Toute la Terre quieft prez de la mer eft féche , & heriflee de plufieurs rochers pelez , qui font affreus au poflible , elle eft aulTi inondée en beaucoup d'endroits, au tems que les néges fe fondent, de plufieurs effroyables torrens , qui roulent leurs eaus troubles, dans le vafte fein de la mer. Mais lors qu'on a traverie une petite lieu ë.. de mauvais chemin, on ren- contre de belles campagnes , qui font tapiffées durant l'Eté, d'une agréable verdure. On y voit aulTi des montagnes , qui font couvertes depetis arbres , qui recréent merveilleufement la veuë , & qui nourriiTentune grande multitude d'oifèaus ôc de Sauvagine. Et on pafte par des vallées , qui fontarrofées de plufieurs claires & agréables rivières d'eau douce, quiont affezdeforce, pour fe rendre jufques à la mer. Le Capitaine qui commandoit ce Navire de Flifîlngue, étant defeendu à terre avec une partie de fes gens, & l'ayant ■ I Dd foigneu» *ra Histoire Naturel LE, Chap.is foigneufement vifitée, il y rencontra entre autres chofes dignes de remarque, une veine d'une certaine terre brune, parfeméede paillettes luifantes& argentées, de laquelle il fit remplir une barrique, pour en faire l'épreuve: mais après avoir étëmife au creufet , on a trouvé qu'elle n'éroit pro- pre qu'à encroûter des Boettes , & quelques autres menus ouvrages de bois, aui quels elle donne un fort beau luftre^ Cet Indice laine neantmoins quelque efperance , qu'on pour- roit trouver des Mines d'argent parmy cette terre, 11 on avoir encore pénétré plus avant. Encore que ce Païs foit bien froid, on y voit plufieursbeaus & grands Oifeaus d'un plumage blanc & noir, & de diverfes- autres couleurs, que les Habitans écorchent, pour en manger la chair , & pour fe couvrir de leurs dépouilles. On y trouve auiïi des Cerfs, des Helans, des Ours, des Renards, des Liè- vres, des Lapins , & une infinité d'autres Bettes à quatre pieds,, qui ont prefquc toutes le poil blanc ou grisâtre , fort épais, long, doux, & très-propre à faire de bons chapeaus, ou de belles & tres-riches fourrures. Quant aus Peuples qui habitent cette terre, Nos Voya- geurs y en ont veu dedeus fortes , qui vivent enfemble en bonne correfpondance & parfaite amitié. Les uns, font d une fort haute ûature , bien faits de corps , de couleur afifez blan- che , & fort habiles à la courfe. Les autres , font de beaucoup plus petis, d'un teint olivâtre * & affés bien proportionnez en leurs membres, horsmis qu'ils ont les jambes courtes & greffes* Les premiers fe plaifent à la chafîè , à laquelle ils font- portez parleur agilité .& leur belle difpofition naturelle, pen- dant que ceus-cy s'occupent à lapefehe. Ils ont tous les dens extrêmement blanches & ferrées, les cheveus noirs , les yeus, vifs , & les traits du vifage fi bien faits, qu'on n'y peut remar- quer aucune notable difformité. Ils font auffi tous fi vigou- reus, & d'une Ci forte conftitution , qu'on en voit plulieurs qui ayans palTé la centième année de leur âge , font encore fort alaigres & fortrobuftes. En leur converfation ordinaire ,. ils parouTent d'une hu- meur gaye, hardie & courageufe. Ils aiment les étrangers qui les vont vifiter, à caufe qu'ils leurs portent des aiguillés, »i ■ des Chap. i8 dïs lus Antilies. àià des hameçons , des couteaus, desferpes, des coignées, Ôc tous les autres ferremens qui leur font propres, & dont ils font une fi grande eftime qu'ils les achètent au prix de leurs propres habits, & de tout ce qu'ils ont de plus precieus i mais ils iont fi grands ennemis de toute nouveauté , en ce qui concerne leurs vétemens & leur nourriture . qu'il feroit bien difficile, de leur faire- recevoir aucun changement, ni en l'un "ni en l'autre. Encore qu'ils foyent l'une des plus pau*- vies, & des pins Barbares nations que le Soleil éclaire , ils fe croyent tres-heureus , & les mieus partagez du monde; Et ils ont fi bonne opinion de leur manière de vivre , que les civijitez de tous les autres Peuples, païTent auprès d'eux pour des a&ions mal-feantes , fauvages , & ridicules am polTible. Cette haute eftime laquelle ils ont conceuë de leur con- dition , ne contribue pas peu à cette fatisfaction , & à ce con- tentement deiprit qu'on lit fur lcurvifage^ Joint, qu'ils ne s'entretiennent pas dans la vanité de plufieurs defleins, qui pourroient troubler leur tranquillité: lis ne feaventee que c'en" de tous ces foucisrongeans , & de ces chagrins inpor- tuns , dont ledefir déréglé des richefîes tourmente la plupart des autres hommes, La commodité des beaus & fomptueus bâtimens, la gloire du fiecle, les délices des feftins, la coi> noiflance des belles chofes, & tout cequenouseftimonsla douceur & le repos de la vie, n'ayant point encore pénétré jufques à eus, ils ne font auffi travaillez d'aucune penfée de les pofteder, qui pourroit interrompre le dous repos dont ils joùiffent : mais tous leurs defieins font terminez à ac- quérir fans beaucoup d'emprcfîement , les chofes qui font precifément necetTaires pour leur vêtement, & pour leur nourriture. Leurs exercices les plus ordinaires, font la pefche & la chaf- fe : & encore qu'ils n'ayent point d'armes a feu, ni de filets, Fingenieufe necefîité , leur a fuggeré des autres industries toutes particulières, pour y pouvoir reuiFir. Ils mangent tou* tes les viandes dont îlsfe nourriflent, fans les faire cuite , & fans autre fauce, que celle que leur franc appétit leur fournit, ils le rient de ceus qui font cuire le poiffon ou la venaifon* Dd â car 2ia Histoire Naturelle, Chap. i s car ils tiennent, que le feu confomme leur faveur naturelle, ôc tout ce qui les rend plus agréables à leur goût. Encore qu'ils n'ayent point befoin de feu , pour cuire leur viandes, ils en louent neaatmoins grandement i'ufa- ge , & leurs cavernes n'en font jamais dépourveues durant Thyver; tant pour éclairer & adoucir par fa lumière, la noir- ceur & l'effroy de cette longue nuit, qui règne en leur con- trée; que pour tempérer par fon aimable chaleur, la froi- dure qui les tient aftiegez de toutes parts. M ais quand ils pren- nent leur repos , ou qu'ils font contrains de fortir de leurs grottes , ils fe muniffent d'une certaine fourrure , laquelle par unexcellenttraitdela Divine Providence, a la vertu de les garantir parfaitement, contre toutes les injures du froid, quand ils feroyent couchez au milieu des néges. Les habits des hommes confiftent en une Ghemife , un haut de chauffe ,. une Cafaque&des bottines. La Chemife ne bat que jufques au défions des reins. Elle a un Capuchon qui couvre la t eue & le col. Elle eft faite de vefliesdegro3 PoilTbns, qui fonteouppées par bandes d'une égale largeur, & fort proprement coufuës par enfemb.ie. Elle n'a. point d'ouverture à la poitrine comme les nôtres j mais afin qu'elle ne fe déchire en la vêtant, les bouts des manches, la tétiere» & Le dénous, font bordez d'un cuir noir fort délié : félon la figure laquelle nous avons fait mettre- en ce lieu. Leurs autres Habits , & même leurs bottines , font au iïi ds pièces r 'apportées comme leurs chemifèsi mais ils font d'une matière beaucoup plus forte., aiTavoirde peausde Cerf, ou. de Chien de mer , parfaitement bien préparées , & garnies de leur poil. Celuy du Sauvage duquel nous avons fait mettre icy le pourtrait tiré au naif fur l'original, étoit de peau de deus couleurs, les bandes étoyent couppées d'une même largeur, & difpofées en un fi bel ordre , qu'une bande blanche , étoit coufuë entre deus brunes , par une agréable aûêmblage. Le poil qui paroiiïoit en dehors, étoit au (fi poly ,.& auiïi dous que du velours, & il étoit fi bien couché > & les diverfes pièces fe rapportoient fi parfaitement les unes aus- autres, qu'on eut jugé au dehors, que tout- l'habit avoit cité taillé d'une feule peau. Source quiconceine maintenant la forme de la cafaque. Chap. i$ des. ïlesAntxlles, zij eafaque & de tout l'ornement extérieur du Sauvage qui em étoit paré : le Graveur les a reprefentezfi naifucment en cette taille douce , que ce feroit un travail inutile, d'en vouloir faire une plus ample description, Ces Sauvages qui habitent ce détroit , ne fortent jamais en campagne , fans avoir fur l'épaule un carquois remply de flèches, & Parc ou la lance en la main. Quant aus flèches ils en ont de plusieurs fortes. Les unes font propres pour tuer les Lièvres, les Renards, lesOifeaus, & toute forte démena Gibier: & les autres ne font defrinées, que pour abbatre les Cerfs, les H élans , les Ours, & les autres greffes beftes. Cel- les-là , n'ont qu'environ deusou trois pieds de longueur, & au lieu de fer , elles ont la pointe munye d'un os délié , tren*-- ' a l'un des cotez heriffé de tr©is ou qua* D d 5; um chant & fort aigm, c lâi * ^ * -s ToràB N'Aluni ft u/ Chap, x s - Chap.is des îles Antilles. -z-tf. tre crochets , qui font qu'on ne les peut arracher du Ik» qu'elles ont percé , fans élargir la playe. Et celles-cy, qui ont du monis quatre ou cinq pieds de longueur , font armées par le bout d'un os pointu, quiaauili des crochets , qui fODt f^rs comme les dens d'une Scie. Ils lancent ces dernières avec la main 5 mais pour leur donner plus de force , & faire qu'elles attaignent de plus loin. Ils attachent à leur bras droits un bois long d'un pied & demy , qui a d'un côté une affez profonde couluTe , dans laquelle ils font paOer le gros bout de cette Javeline , laquelle étant dardée, reçoit par ce moyen une plus forte împreflion, & fait un etfet beaucoup plus violent. Ils portent aufïï quelquefois à la main, une efpece de lance qui eft d'un bois fort & pefant, lequel erVgarny par le petit bout, d'un os rond , dont la pointe aefté aiguifée fur une pier- re, ou bien ils les muniffent de ces cornes > ou dens de PoiObns gue nous avons décrites. Ces lances ont Cet ou huit pieds d'hauteur , & elles font enrichies par le gros bout , de deus ailerons de bois, ou de coites de Baleine, qui leur don- nent un peuplus de grâce, qu'elles n'auroyent fans cet or- nement. Outre plufieurs fortes d'hameçons, dont ils fe fervent pour prendre les menus Poiûons qui fréquentent leurs co- ftes, ils ont encore diverfes efpeees de Javelots, ldquels ils fçavent lanceravec une dextérité non pareille , fur les gros & monftrueus Poiffons qu'ils vont chercheren pleine mer. Et afin que cens qu'ils ont blefîez avec cette forte de d'ards, m fe puilTent couler au fonds de l'eau & fruftrerleur attente,' ils lient au gros bout une cou noyé de cuir de Cerf, longue de vmt-cinq ou trente braffes,, & ils attachent au bout de cette courroye, ou de cette ligne de cuir, une veffie enflée 5 la- quelle retournant toujours au déflus de l'eau, leur marque 1 endroit où eft le Poiflbn, lequel ils attirent à eus , ou bien ils le conduifent aifément à terre, après qu'il s'eft biendébatu pc qu'il a epuifé fes forces. Le jeunes femmes portent un habit, qui n'eft pas de beau- coup différent de celuy dés hommes : mais les vieilles, fe cou- vrent le plus fouvent , des dépouilles de certains gros Cifeatis, m ont le plumage blanc &Lnok3 & qui font fort communs en - %\6' Histoire Natuuli &> Chap.it en cette terre. Elles ont l'adretTe de les écorcher fi propre- ment, que la plume demeure attachée à la peau. C«habits ne leur battent que jufqu'au gras de la jambe Elles iont ceintes d'une courrove de cuir, à laquelle au lieu de clefs , elles attachent pluficuts'offelets-, qui font pointus comme des poinçons, & de même longueur que des aiguilles de tçftc. Elles ne portent ni bracelets, ni colliers, ni pendansd oreil- les • mais pourront ornement, elles fe font unej taillade en chaq-iicjouë, & elles remplilTent la cicatrice , d'une certaine couleur noire, qui félon leur opinion, les fait paroitre beau- coup plus agréables. ; Pendant que les hommes fe divertilîent a la chatte , ou a la pefche, elles s'occuper à coudre des habits, & à faire des tentes, des paniers, & tous les petis meubles, qui font neccf- faires au ménage. Elles prenncmaufll W erand foin des pe- tis Enfans, & fi elles font -oblige d le ù, meure, ou defuivre leurs Maris en quelque voyage: , files ses portent ou les conduifftit par tout ou elles vont , & pour les defennuyer par le chemin, & les appaifer lors qu'ils crient, elles ont de pe- tis Tambours , qui font couverts de veines de Portons , iur léquels elles s'avent faire de fi bons accords , que cens des Tambours de Bafqne , ne font pas plus dons, ra plus agréables. Elles les -Tonnent autTi , pour donner épouvante , & faire prendre la fuiteausOurs, & aus autres Belles farrouches,qiu viennent fouvent roder prés des cavernes, onces Sauvages fe retirent avec leurs familles durant l'hyver, ou alentour destentcsfousléquellesiislogent pendant l'été. Nous avons fait mettre en ce lieu,le pourtrait d'une de ces femmes vêtue de plumes, duqueion pourra inférer la grâce que les autres peu- vent avoir. Encore que ces pauvres Barbares n'ayent pas beaucoup de police, ils ont neantmoinsentre-eux des II oytelets* des Ca- pitaines qui les gouvernent, & qui prefident à toutes leurs auemblees Ils élèvent à ces dignitezceûs qmlbm les mieus faits de corps, les meilleurs chailcurs, & les plus vaillans. Ils font couverts de plus belles peaus, & de plus prceicuies fourrures que leurs fujets, & pour marque de leur grandeur, fis sortent une en eigne , enferme de rozede broderie, la- ChAJM* pif, Ilr l $ An.-?! il m» »n> . quelle eft coufuë au devint de leuï cafaque, & lors.qdils marchent, ils font tou jours efcortez de plufieurs jeunes hom- mes, qui font armez d'arcs & de fle'ches, & qui exécutent fide- Iraient tous leurs commandemens. Il n'ont point l'induftrie de bâtir des maifon.s5 mais du* tant l'été, ils demeurent à la campagne fous des tentes de cuir,, k'quelks ils portent ayee eus , pour les drcflçr m tous les en- I ê droits- . iiS Histoire Naturel ie, Chap. i« droits ou ils trouvent bon de camper : & pendant l'hyver ils habitent dans des cavernes , qui font faites naturellement dans les montagnes, ou qu'ils y ont creufées par artifice. Ils ne fement, ni ne recueillent aucuns grains de la terre* pour l'entretien de leur vie. Ils n ont point aufiî d'arbres, ou déplantes qui leur portent des fruits , qui foyenc bons à man- ger , horsmis quelque peu de fraifes , & d'une efpece de ïramboifes: mais ils ne fubfiftcnt , comme nous l'avons de'ja infinie', quedeleurchafle &deleurpefche. L eau toute pu- re efl leur boiflon ordinaire» & pour leur plus delicieufe ré- gale , ils boivent le fan g des chiens de mer, & celuy des Cerfs,, & des autres animaus de terre qu'ils ont abbatus, ou qu'ils ont fait tomber dans les pièges, qu'ils leur fçaventdreûer, avec un mcrveilleus artifice.. L'Hyver , étantfi long & fi rigoureus en cette contrée où: ils habitent, ileftimpofïible qu'ils nefouffrent beaucoup de dizette durant cette trifte conftitution de l'année , notam- ment pendant cette arfreufe nuit qu'iies enveloppe deus mois entiers • . mais outre qu'au befoin ils fupportent aifémenfc îavfaim, ilsonttant de prévoyance, qu'ils font fécher en cfté le furplus de leur pefche &■ de leurchaiTe, & le mettent, en referve , avec toute la graine , & le fuif ,, qu'ils ont pûramaf- fer, pour la ■■provifiôn de cette fâcheufe&ennuyeufefaifon. 0n dit même, qu'ils font fi adroits à faire la chaire à lafa- ¥eur de la Lune , que durant les plus épaifles ténèbres, qui les couvrent , ils font rarement dépourveus de viandes fraîches. Ils n'ont pas là curiofité de voir d'autre pais que celuy de leur naifiancej & s'il arrive que quelque rude tempefte , ou^ quelque autre rencontre, les air pouffez en quelque terre étrangère, ils foûpirent perpétuellement après leur chère patrie , & ils ne fe donnent point de repos , jufques àce qu'on les y ait rétablis: que Ci l'on refufe, ou qu'on diffère trop à leur accorder cette grâce, ils elfayent de s'y rendre au péril de leur vie , à la faveur de leurs petis vaifTeaus , dans Jéquels ils s'expofent à tous les périls de la Mer ,,fans autre guide que' celle des Etoiles, dont: ils ont aiîez. de connoiffance, gour régler leur navigation fur leur cours „. Lez m Chap. is ois I ■ 1 1 s A H t r i i es. S f| Le langage dont ils fe fervent , n'a rien de commun avec celuy de tous les autres peuples de la terre. Nous en avons un petit Vocabulaire : mais de peur de groîïir un peu trop cette digreflion , nous le referverons parmy nos mémoires, juiques à ce qu'un fécond voyage qu'on projet- te pour ce d'étroit, nous en ait donné de plus claires lu- mières. On n'a pas encore pu bien remarquer , qu'elle forte de re- ligion eft enufage parmy ces pauvres Barbares: mais par ce qu'ils regardent fou vent le Soleil , & qu'ils le montrent avec admiration , en élevant leurs mains en haut, on a inféré de-la, qu'ils le tenoient pour leur Dieu. : Le Navire qui nous a fourny cette Relation, retourna de ce d'Etroit de Davis chargé de plufieurs bonnes Marchandées, dequelles nous mettrons icy la Lifte, pour montrer que le froid qui règne en cette contrée n eft pasfi rigoureus , qu'il j ait gelé toute forte de commerce. i. Neuf cens peaus de Chiens de mer, longues pour h plupart de (et à huit pieds , marquetées, & ondées de noir, de rous , de jaune , detanné , & de plufieursautres couleurs] qui relevoyent leur prix , par deffus celles qu'on voit comrmU nement en Hollande. 2. Plufieurs riches peaus de Cerfs , d'Helans, d'Ours, deRenards, de Lièvres, & de Lapins, dont B^?^aridj part e-toit parfaitement blanche. 3. Un grand nombre de precieufes fourrures, dériver- fes Beftcs à quatre pieds, qui font toutes particulières à cette région , & qui n'ont encore point de nom parmy nous. A 4. Plufieurs Pacquets de cotes de Baleine, d'une longueur extraordinaire. ° v 5* Des Habits complets des Habitans du paï's, dont les uns «toient de peaus, & les autres de dépouilles doifeaus , & de h figure que nous les avons reprefentez. 6. Plufieurs de leurs Chemifes, faites de veffies de Poif- fonsyfbrt proprement coufuës, de leurs bonets, gants, 5c bottines, de leurs carquois , flèches, arcs, & autres armes dont ils fe fervent, comme auffi plufieurs de leurs tentes, de « 2z& Histoire Naturelle, Chip, is leurs facs , de leurs paniers & autres petis meubles , dont ils ufent en leur ménage. 7. Un grand nombre de ces petis vaififeaus de mer, qui font faits pour porter un feul homme. Un grand Batteau long de quarante cinq pieds, quipouvoit porter commodément cinquante personnes. 8. Mais ce qui étoit de plus rare & de plus precieuSj, c'étoit une quantité bien confîderable de ces dens, ou cor- nes de ces Poiflbns qu'on appelle Licornes de mer , qui font eftimées les plus grandes, les plus belles , & le mieux pro- portionnées, de toutes celles r qu'on avok veuës jufques à prefent. On en a envoyé quelques unes à Paris, & en d'autres en- droits de l'Europe, qui y ont efté bien reccuës: mais il ya grande apparence qu'elles feront encore plus prifées, quand on aura laconnoiflance, des admirables venus quelles ont, en la Médecine. Car bien-que leur beauté, & leur rareté,, leur doivent faire tenir le premier rang entre les plus pre- eieufes richefles des plus curieus cabinets : .plusieurs célè- bres Médecins & Apoticairesde. Dannemark , & d; Allemâig- ne, qui en ont fait les eflaysendiverfes renconrres^ témoig- nent conftamment , qu'elles chaffent le venin, & quelles ©nt toutes les mêmes proprietez, qu'on attribue commune» ment à la, Corne de la Licorne déterre. En voila allés , & peuteftreque trop au goût de quelques-uns, pour unefim* !>Le digrefifion. • C-BÀ- - Chap. 19 des Iles Antilles izi CHAPITRE DIXNEUV1EME. Des Toi/Tons couverts de croûtes dures , au lieu de peau i? dêc ailles : de plusieurs rares Coquillages : <& de quelques autres belles productions de la Mer , qui Je trou- Vent aus coHes des .Antilles. A M pins que d'avoir quelque participation de cette celefte Sapience 9 qui fut autrefois adreffée à Salo- mon , pour parler non feulement des Arbres dépuis le Cèdre qui eft au Liban, jufques à l'HifTope qui fort de la paroi : mais encore des Beftes, des Oifeaus,, des Reptiles , & des- PohTons: 11 eftimpoffible de fonderies profons fecrets des eaus, pour y conter toutes les excellentes créatures, qui fe jouent dans leurfein, & remarquer toutes les vertus , & les propriétés occultes , dont elles font ennoblies. Car cet Elé- ment eft doué d'une fimerveilleufe fécondité, qu'il ne pro- duit pas feulement en toute abondance , des Poiflbns de diffé- rentes efpeces , qui fervent à la nourriture de l'homme, & qui font pour la plupart d'une groifeur demefurée , & d'une figure monftrueufe, comme nous venons de le monftrer dans les Chapitres precedens : mais encore, une 11 grande multitude de precieus Coquillages & d'autres Rarétez, qu'il faut confefîer, que la Divine SagerTe qui eft diverfe en toutes fortes , a tiré toutes ces riches beautez de feS inepuifables trefors, pour faire paroître la gloire de fapuhTance, au milieu des flots de kMerj & pour nous convier doucement ..à l'admiration de fesbontez, & de fon adorable Providence , PaqueMesâbaiffe jufque dans la profondeur des abifmés, pour les peupler d'un nombre de bonnes créatures, qui ne fevoyent point ailleurs» & d'une infinité d'autres , qui portent les cara&eres , & les images des corps les plus confiderables qui ornent les cieus, Ou qui volent parmy les airs , ou qui embeliflent la terre : é'ow vient qu'on y trouve, comme nous le verrons en ce Chapitre, des Etoiles, des Cornets, des Trompettes, des Porcelaines^ . %z% Histoire Nat-uuiu, Chap. 19 des Arbres , des Pommes » des Châtaignes , & toutes les plus ravivantes cunofitez , qui font prifécs parmy les hommes. Or pour commencer par les Poiflbns , qui font couverts de croûtes dures & folides au lieu d écailles, ou de peau. Il y en a plufieurs efpeces en la Mer, & aus Rivières des Antilles. On fait particulièrement état, des Homars , des ^Araignées, êc des <ïamres. ARTICLE L "Ùes Homars, LEs Homars , font une efpecc d'Ecreviffes de même figure que celles de nos Rivières. Mais elles font fi grofTes, qu'il n'en faut qu'une pour remplir un grand plat. Elles ont la chairblanche& favoureufe, mais un peu dureà digérer. Les Infulaires les prennent pendant la nuit fur le fable, ou fur les baflcs.de la Mer, & à l'aide d'un flambeau ou de la clarté de la Lune , ils les enfilent avec une petite fourche de fer. ARTICLE Iî. D* t Araignée de Mer, Ly Araignée de Mer y efl: tenue par quelques uns, pour une cfpccede Cancres. Elle efl: couverte de deus fort dures écailles, defquelles celle de defluseft relevée, & celle de def- fous efl: plus unie,& dentelée de pointes rudes. Elle a plufieurs jambes, éc. une queue forte, & longue quelquefois d'en- viron un pied. Quelques Sauvages les recherchent foigneu- fement, pour en armer leurs flèches. Quand ce Poiflbn eft feché au Soleil, fon écaille devient luifante & comme dia- fane, encore qu'elle foit naturellement de couleur cendrée. . ■ ARTI. - b Chap. i* des Iles Antiue s» &zï ARTICLE III. Des Cancres. LEs Cancres ordinaires des Antilles , font de la- même for- me que ceus qu'on pefche es coftes de France. 11 y en a de différente groiïeur, mais cens qui font le^plus rares , font ceus qui vivent de proye. Ils font aflfez communs en la plu- part des Iles , fur tout aus Vierges. Ils fe tienent fous les tronc des arbres du rivage de la mer: & à l'exemple de ces Grenouilles qu'on appelle Pejcheufes , ils épient- de leur fort les Huitres & les Moules , pour en faire curée , & Us s'y; pa- nent par cette rufe merveilleufé. G'eft qu'ils ont reconnu- que leurs mordans & leursdéfenfts, n'ont pas affez de force pour rompre les coquillages qui couvrentees Poiflons déli- cats. De forte, qu'ayans auffi remarqué qu'ils ouvrent pluf fleurs fois le jour leurs écailles y pour prendre le frais , ils en> épient foigneufément le tems , & s'étans garnis d'un petit caillou rond , qu'ils ont choifi dans le gravier , ils le tiennent preften l'une de leurs tenailles, 6c s'aprochans de l'Huitre, ou de la. Moule, le laiflent tomber avec tant d'adrefle dans (h coquille entr ouverte, que ne fc pouvant plus refermer , le PouTon demeure la proye de ces fins chafîeurs. Quant aus Coquilles que l'on trouve en ces Mes, dans les ances où la mer les pouffe, elles font en grand nombre, ôc. de plufieurs fortes. Yoicy les plus, recherchées. &, les plus* sonfiderables.. A R T I G L E IV: Du Burgœw. LE Burgatt , qui à la fTgu re d'un Limaçon , étant denu é de lapremiere croûte qui le reveft en dehors, prefonte uns Coquille argentée ,. &. entrelacée de taches d'un noir luifanf, d'un.vert gayr& d'une grifaille fi parfaite Ôc fi lufirée, qu'aucun éaiailleur, neas'auroit aprocher avec t©ut>fon artifice. Si toâ que. 324* Histoire Naturelle, Chap. 19 que le Poiflbn , qui a l'honneur de loger fous ce precieus cou- vert, en a quitté la poflèiTion , on voit d'abord une entre'e magnifique , encroûtée de perles :.ôc en fuitte plufieurs riches appartenons , fi clairs , fi polis , & émaillez par tout d'un ar- gent fi vif, qu'il ne fe peut rien voir de pius beau, en matière de Coquillage. A R T I C LE V. Du Cafque; L'RCafqtte, qui eftdc différente grofTeur, à proportion des teftesde tant de PohTons qui en font revêtus , eft ainfi nommé à caufe de fa figure. Il efl doublé par dedans &fuc les bords, qui font épais , plats , & dentelez , d'un fatin incar- nat, extrêmement liûfant. Et par le dehors, il eft fafïbnné d'une agréable ru (tique \ relevée de plufieurs petites bofles, qui font entrelacées de "mille compartimens , fur léquels on voit ondoyer uapannache, dedivcrfcs rares couleurs, ARTICLE VI. Du Lttmbis* LE Lambis,* peut-eftre reçcu ce nom, à caufe que le Poif- ibn qui le fait mouvoir , a la figure d'une-grofle langue, qui lèche- cette humeur gluante, qui s'atache fur les rochers que la mer baigne de fes flots. C'eft un des plus gros Coquil- lages qui fe voient. Il eft retroufle par l'un de fes bords, comme pour faire mieus paroitre , la belle couleur pourprine qui l'enrichit au dedans. Mais , il faut avouer que fa mafle étant affez groffiere , & heruTée par defiits de plufieurs bottes rudes & pointues, Juy fermeroit la porte des cabinets, fi l'ar- tifice en luy enlevant fa première robe, ne découvroit la bigarrure & la politefle de lécaille marquetée, qu'il porte fous cet habit de campagne. Le Poiflbn , qui loge fous les caver- nes de cette petite roche mouvante , eft fi gros , qu'il en faut peu pour remplir un plat. Il peut être admis fur les tables des L Chap/rp DES ÎLES A M ïllt S S. 13$ des délicats , pourveu qu'il foit bien cuit, & encore micus poyuré, pourcorrigerfonindigeftion. Etpourprorlterdefa dépouille , étant calcinée & méfiée avec du fable de rivière, on en compofe un ciment , qui redite à la pluie & à toutes les injures du tems. Ce lambis au (fi , s'entonnant comme un Cordechaue, ôcs'entendant de fort loin, quelques Habitans des lies s'en fervent , pour apeller leurs gensaus repas. Et les Indiens de l'Amérique Septentrionale,l'ayans réduit en chaus, & meilé avec une certaine terre minérale, qu'ils tirent des montagnes, en forment cesbeaus pavez de leurs cabanes, dont no us parlerons en ion lieu. ARTICLE VIL Des Porcelaines, F s Porcelaines y doivent être rangées, entre les plus rares ■*-' productions de l'Océan : foit que l'on confidere cette agréable politeffe, dont elles font liffées & au dehors & aé dedans j foit que l'on fatTe réflexion , fur tant de différentes & de vives couleurs , dont elles font revêtues. Elles replient leur bord dentelé, & le roulent en dedans, & bien quelles foient plus ou moins luftrées , elles font toutes d'une même figure ovale, entrebâillantes au milieu , & recoquiilées pat le bec. Mais il s'en trouve , quifont fort différentes en grof- feur& en couleur. Les plus ordinaires, font d'un jaune doré, marqueté de pe* tires taches blanches ou rouges, & l'on diroit de loin que ce font des marques de perles, ou de grains de coral. On en voit auffi de bleuâtres, détoilées, de grisâtres, de cryftaîines , & de couleur d'Agate, qui ont toutes un œil fort attrayant. Mais celles qui font les plus effimées des curieus, font de coraline incarnate au dehors, & argentées au dedans • ou bien elles font parées d'un beau bleii celefte au dedans, & d'un riche porfire au dehors, rayéez de petis filets d'orez. On prife auffi avec raifon , celles qui font par deffus d'un vert lui- sant comme émeraude, &emperléesdans l'intérieur, au bord, Se en leurs canelures. L'on met auflî dans ce même rang, cel- E £ le$ â*& Hist©uî Naturelle, Ghap. r* ks qui font fur le d'os d'un noir luifant comme j'ayer, & quant aurefte, émaillées d'un bleu mourant, entrelacé de petites veines de pourpre. Enfin , il y en à qui font chamarrées de tant de vives cou- leurs , qu'il femble que larc-en-ciel, air imprimé fur ces peti- tes créatures, un racourcyde fes plus ravivantes beautez: 11 y en auffi une infinité d'autres -, qui font diverfifiées-dets-nt de chifres & de grotefques , qu'il eft à croire que la nature étoit en fa plus gaye humeur, quand elle s'edmife à produire ces merveilles. Mais le mal eft , que la mer qui les pofiede comme fesplus precieus joyaus, nes'endeffaifit pas volontiers, & femble ne les donner qu'à contre cœur.. Car files vens ne la mettoyent quelquefois en colère , & qu'en fecoiiant fes entrailles, ils ne: foùilloyent jufques au. fonds de fes tréfors , pour les enlever par force, elle jôuïroit toute feule de ces richefTes <5c de ces beautez, fans nous en faire jamais de part. Les curieus pour enrehaufier le luftçe , les placent feîon leur rang , & leur prix , dans de différentes cafletes doublées dé velours vert» ou de quelque autre riche étoffe;. Et a limi» îariondes Fleuriftes, qui qualifient leurs Tulipes & leur Oeil- lets, desnoms des Cefars& des plus illuftres Héros ; ils ieus; :fiont porter les titres des Empereurs & des Princes. A R T I C L E Vïtîo Des Cornets de CA€er^ N voir encore ans Antilles , de deus fortes de ces gros- Coquillages^ que l'on appelle Cornets àe Mer, qui font tournez par le bout en forme de vis. Les uns font blancs somme de l'y voire , & ne cèdent en rien à fon luftre. Les au- tres font enrichis par dedans d'un gris de perle , extrêmement luifant , & par dehors de plufieurs belles & vives couleurs^ qpî; fe terminent quelquefois en écailles , ou fe répandent en forme d'ondes, quife^onflent& qui flottent les unes fur les autres, depuis le bord; de la large ouverture de deffus, jûf- ■ques à la -pointe entortillée où elles meurent. Si l'on perce ces Cor- m Chap. 19 des Iles A n t i l l e s.' '£if Cornets par le petit bout, on en fait une efpéced'inftmnient de mufique , qui rend un Ton aigu & pénétrant , <5c qui étant pouffé parles diverfes s'inuofhésde ce Coquillage , fe fart -en- tendre de loin ., comme feroiteeluy d'un clairon. Mais , il y à du fecret,à comparer le foufle qu'il faut, pour les faire jouer. La mer, auïîi bien que les Architedes , fe piait à produire des ouvrages de diverfe ordonnance. Quelquefois elle en fait à la ruftique, qui font tout nuds , & ont fort peu dornemens } Puis elle en fait de compofez par un mélange des ordres, qui viennent au fecours les uns des autres, avec tant de mignardife &dedclicateffe, qu'iln'yariende plus agréable à l'œil. Cela fe remarque en une infinité de Coquilles , qui font diverfifiées décent mille grotefques. On y peut remarquer des laqsen- trenouez, desefpécesdefruitages, des faillies hors d'oeuvre, des culs de lampe, des pointes de diamant , des goûtes pendant tes;deséguilles, des clochers, des pyramides, deseolomnes, des fufées, des chapiteaux, des moulures ôc une infinité d'à u- tres fantaifles , & d autres morefques, qui donnent fujet d'en- tretien & d'admiration auscurieus» Comme en effet, Tonne s'auroit jamais affés admirer par ces échantillons , la merveil- }eufe diverfué, de tant de riches ouvrages , que les eaus refer- vent dans leurs profons cabinets. ARTICLE IX, T>t la Nacre de ferle, L?.s Coquilles ne donnent pas feulement un divertiffe- ment agréable, qui porte les hommes , parlaconfidera- tiondeces petis, mais admirables ouvrages delà nature, à bénir celuy qui en c-ft l'Auteur. Mais après avoir contenté les yeus , elles fourniffent aufïi dequoy fatisfaire le goût , & dequoy accroiftre les tréfors. Car les Huîtres & les CMoules fervent aus délices des tables : & ï Ecaille Nacrée ou la 2(jcre dt ferle, eft groffede laPerle, qui enrichit les couronnes des Rois. Il eft vray que ces Perles ne fe trouvent qu'en femence aus Antilles, & quec'eff l'Ile de la Marguerite, & la cofte Me» ridionale de l'Amérique, qui ont le bonheur de les recueillit Ff a entie* . M .jy'iw ^r''^"^vY' : 22$ Histoire N a t u r e l l e, €hap. r$ entièrement formées. Mais fi les Antilles ne voyent point ce precieus germe fe durcir en grones Perles , ces riches Co- quilles, ne les laifîent pas pourtant fans quelque avantage. Car elles leur offrent pour nourriture le corps qu'elles-, enferment , & les deus parties de leur écaille argentée four- nifîent chacune une cuëillier, qui peut paroitre avec éclat fur la table. 11 eu malaifédedire , fi la rofée qui tombe aus Antilles» n'eft pas afles féconde pour faire que les M ères Perles , ypro- duifent leurs fruits en perfection : Cu fi après avoir reçeu cette femence des cieus , elles auortcnr ,,. & n'ont pas afles'de force naturelle pour la retenir. Mais fans rechercher de qu'elle part vient le défaut , il eft afluré qu'elles ont une aullî forte inclination à fe délivrer de i oprobre de la fteriliré , que celles qu'on péfche'aus coûtes de la-Marguerite. Car fi on fe veut donner la curiofité d'épier leurs fecrettes- amours , de delïus les rochers au pied déquels elles îeplatfent, on aper- ceura qu'au lever de l'Aurore, elles s'élancent plufieurs fois fur la furface de l'eau, comme pour faire hommage au Soleil levant: Puis tout à coup, on verraqu'ellesouvrentleurfein, & qu'elles s'épan ovulent fur ce lit mollet , pour attendre les premiers rayons de ce bel aftre. Que fi elles font afles heu* reufes, pour recevoir quelques goûtes de la rofée, qu'il fait diftiller des cieus à fon lever,, elles referment promtément leurs écailles nacrées, de peur que quelque gourexi'eaufalée, ne vienne à corrompre ce germe celefte. Et puis elles fe re- plongent alégrement au fonds de leur couche. Un Auteur nommé Fragofus, efiime que les Perles s'en- gendrent dans la chair de THuitre , comme la pierre dans quelques animaus , d'une humeur crade & vifqueufe, qui refte de l'aliment. Quelques Do&es Médecins , qui font aufii dans lemêmefentiment, appuyent cette opinion -, fur cequejofef à Cofta, Ecrivain fort croiable pofe pour confiant , anavoir^. que les Efclaves qui pefchent les Perles, plongent par fois iniques à douze brafles dans la mer , pour chercher les Huî- tres , qui d'ordinaire font attachées aus rochers : qu'ils les arrachent de-là , .& reviennent fur Te au en étant chargez : 4'où ils concluent que. du moins on ne peut pas dire , que ces Buitres- L €hap. 19 des Iles An t i l l e s« 22$ Huitres-là, qui font attachées aus rochers, hument h rofée, & que par là fe faflfe la génération des Perles. Mais fans entrer en contefhtion avec ces Meilleurs , 5c fans rejeter absolument leur opinion, laquelle a fes fonde- mens : On peut dire que le récit tres-vcritable d' Acofta tou- chant lapefche des Perles , ne fait du tout rien , contre le fen- timent communément reçeu de leur génération : Car il fe peut faire, que les mères Perles qui ontconçeudelarofée, fe sentant chargées de ce precieus fruit, nayent plus d'incli- nation de fe faire voir fur la furface des eaus ^ & qu'étant con- tenus du trefor qu'elles poltedent , elles s'attachent pour lors fixement aus rochers , d'où puis après, elles font arra- chées avec violence. ARTICLE X. ~De plufiews autres fortes de Coquillages. C Eus qui au milieu des Villes les plus fréquentées , veti* lent contrefaire des deferts, des rochers, & des folitudes5: ou qui dans les plaines de leurs jardins, veulent élever des montagnes dans lequelles ils creufentdes grottes, qu'ils en- croûtent de toutes les plus curieufes dépouilles de la -mer, & de la terre, trouveroyent en la plupart de ces lies , dequoy contenter leur inclination. Mais il feroitil à craindre, que l'abondance & ladiveriité, métant en peine leur choiz, ne leur en causât du mépris, Car pour parler de quelques-unes., on y voit une multitude innombrable de Trompes de mer9 d'E/cargots, & de petis Vignes , argentins, étoilez, fanguinsP verdâtres, rayez d'incarnat, mouchetez de mille fortes de couleurs, qui les font éclater parmy le fable, comme autant de pierres precieufes. Le Soleil rehaulfe merveilleufemenr leurluftre. Et lors qu'après quelque rude tempefte > la niera ©nrichy lafurfacedeces rivages, de tous ces péris bTillansP l'œil en demeure tellement éblouy, que l'on eâ obligé d'a- vouer, que la nature fait reluire aveemajefté fapukTance -, &• montre ce qu'elle fait faire , en révérant de tant de riches ©xaemenSjCk. de tant de belles lumières, es menues créatures, âio Histoire Naturelle, Chap. 19 Nos Infulaires , ramafient quelquefois par divertiflement ces petis jouets de la mer , & en ayant percé le bout, ils les en- filent, pour en faire des bracelets & des cordons: Mais la plupart des Indiens de l'Amérique Septentrionale, les ont en une bien plus haute eftime. Car ils s'en fervent pour leur trafic & pour leus menu commerce , comme, nous faifons parmy nous , de l'or & de l'argent monnoyé : <5c ceux là , qui en ont le plus grand nombre, font eftimez les plus riches. Les Coquilles qui fervent à cette ufage , font de médiocre grofleur, d'une folidité & d'un luftre extraordinaire. Et pour eftre de mife en certains endroits, elles doivent avoir été marquées par des Officiers deftinez à cela , qui y don- nent le prix Ôc le cours, en y gravant de certains petis ca- ractères. ARTICLE XL Jfun Coquillage couvert de T^otes de Utfufyue; IL y a un Coquillage fort confiderable , que Monfîeur du Montel croit que l'on peut trouver en quelcune des Antil- les, bien qu'il n'en aitveu qu'aCoraço. 11 eft d'une figure un peu différente des Porcelaines , c'eft à dire un peu plus ramatfe. On le nommé CMuficd, par ce qu'il porte fur le dos, des lignes noirâtres pleines dénotes, qui ont une efpece de clé pour les mettre en chant, de forte que l'on diroit qu'il ne manque que la lettre, à cette tablature naturelle. Ce curieus Gentil-homme raporte, qu'il en a veu qui av oient cinq lig- nes, une clé & des notes, qui formoient un acord parfait. Quelcun y avoit ajouté la lettre , que la nature avoit oubliée, & la faifoit chanter en forme de trio , dont l'air étoit fort agréable. Les beaus efprits , pourroient faire la defius mille belles confiderations. Ils diroient entr'autres chofes , que fi félon l'opinion de Pythagore , les cieus ont leur harmonie, dont les dous accords ne peuvent être entendus à caufe du bruit que l'on fait fur la terre, que files airs retentuTent de la mé- lodie Chap. 19 des Iles Antulis, z$é lodie d'une infinité d'oifeaus,qui y tienent leur partie, & que fi les hommes ont inventé une Mufiqueà leur mode, qui char- me les cœurs par les oreilles: au (fi la mer, qui n'eft pas tou- joursagitée, a dans fonempire des Muficiens, qui chantent d'une faflbn qui leur eft particulière , les louanges du Souve- rain. Les Poètes adjouteroient, que ces Tablatures natu- relles , font celles quelesSyrenesavoientenmains dans leurs plus melodieus concerts: & qu'étant aperçeiïes de quelque œil qui vint troubler leur paffetems , elles les laifierent tom- berdansles eaus , qui dépuis les ont toujours foigneufement confervées. Mais laiflant ces conceptions , & leurs fembla- bles, àceus à qui elles apartienent r fuivonsle fildenoftre Hiûoirc. ARTICLE XI I. Des Pierres am yeux. ENcore qu'on tro'uve de ces Pierres bien avant en îa ter- re, aufllbien qu'an bord de la mer: neantmoins puifque la plus commune opinion les tient pour une production des eaus, nous leur donnerons place en ce lieu. On en voit qui io t au fii larges qu'un Lyard 5 mais les plus petites font les plus eftimées. A les eonfidererau Soleil , on croiroit que ce feroit de ces perles qu'on nommé Baroques , qui auroyent efté couppées en deus , tant elles font claires y transparentes* & polies. 11 y en a quelques unes , qui ont de petites, veines rouget ou violettes , qui leur donnent.un fort agréable éclat, félon les divers afpe&s qu'on les regarde. Elles portent rou- tes , la figure d'un Limaçon gravée fur le cofté qui eft plat. Quand onlesmet fous la paupière, elles fe roulent autourde la.prunellede l'œil, & l'on dit, qu'elles ont lavertu de la forti- fier, de l'eclaircir, & de faire fortir promptément les fétus, qui; y feroyent tombez. C'eft pourquoy on lesaappellécs d'un., mm,, qui monftre leur propriété,. MUT h ^ . m si* H isT'oiRB Naturelle, Châp.i 9 "Bureau Jiufical ^Pôrcelemc ^±ri2î?i££tîz marine Cafqut de rrur Lamhis J^^i " Chap.i* des Iles Antilles, 2j* ARTICLE XIIL Des Pommes de mer, ON rencontre en l'Ile de Saint Martin, des Pommes de mer, hcnffces d'aiguillons perçans, qui. forcent- d'une peau- brune: mais quand le Poiflbn qui les roule eft mort, elles quittent toutes ces épines & toutes ces défences , qui leur font désormais inutiles : & laiuanrauûl , cette croûte cendrée qui les envelopoit, elles font montre de la blancheur de leurs coques, qui font entrelacées detantdecompartimens &de petites finuofitez, que l'aiguille du plus adroit brodeur fe trouveroit bien empéfchéefielielesvouloit imiter. 11 femble que ces Pommes , pourroient mieus être apellées , de petis Heyiffons de mer , ou des Châtaigne* de mer: Car étant envie elles font & de la figure, & de la couleur, d'un petit HeriÏÏbn qui fe forme en boule & qui s'arme de tous fes traits pour fe rendre imprenable à fon ennemy. Ou bien, elles font fem- blablesacesgrolfes&rudes envelopes, armées dépines qui couvrent laChataigae, quand elle eft fur l'Arbre.. A R T I C L E XIV. Des Etoiles de dfrr.- A Confiderer de prés , toutes les raretezquife trouvent eri A A la mer, ondiroit que le Ciel ne veuille rien pofféder de beau , qu d n'en imprime une reffemblance en la mer,, com- me en fon miroir. Ceft pourquoy , 1 on y voit des Etoiles qui ont cinq pointes , ou cinq rayons , tirant fur Je jaune; i ont ce beau compofé , n'a qu'un bon pied de Diamètre • Sonépailkur eitd'un pouce -, fa peau eft allez dure,, ôcreiel vee par de petites boiTes, qui luy donnent meilleure grâce Si ^ ^toiles demer cèdent en grandeur & en lumière à:celles, des Cieus,edes les furpaûent.en ce qu'elles fontanimées, & en ce queleur mouvement n'eft point-forcé, -&:qu"ellesne font point fixes niattacïïéeseniineplace. CadePoiOQnk àquice. G fe sfchi *asâ r~m 234. îîisTOîRï Naturelle, Chap. 19 riche domicile étoile êft écheu en partage, fe promené com- me ii veut dans l'azur des eaus pendant le calme h Mais auffi- tôt qu'il prévoit quelque orage, de crainte d'être pouffé fur la terre, qui n'eft pas digne de poffeder les Affres^ il jette deus petites ancres de fon corps , avec léquelies il s'accroche Ci fermement contre les rochers, que toutes les agitations des ondes irritées, ne l'en peuvent détacher. Sa vie eft entretenue par le moyen de la nourriture qu'il prend , par une petitettu- verture, qui luyfert de bouche, &quieft juftement au centre de fon corps. Les cUrieus, tirent ces Etoiles de leur Ciel hu- mide , & âpres les avoir fechées au Soleil, ils en parent leurs Cabinets, A R T I C LE XV. Des Ls&brts de Mer, LEs bancs des Rochers , qui fontcouverts d'eau , ne peu- vent foufrir la fterilité, & nonobftant la falure qui les baigne incefiamment , ils féforcent de produire parmy l'herbe qui lesreveft, des Arbres qui- font incontinent glacez d'un Salpêtre , qui les rend blancs aupofïible. Quelques uns les prenent pour une efpecede Coral. On en arrache de toutes figures , & de fi bien faffonnés , que l'œil ne fe peut iafler, d'en confiderer les grotefques. A R T I C L E XVI. Des Panmches de Mer. IL y aauffides Pannaches, qui font par manière de dire com- me les bordures de ce grand jardin liquide , qui n'a jamais befoin d'être arrofé. Elles font tiffuës fort délicatement, cr$| forme d'un riche point-coupé. Et félon la qualité des Ro- chers où elles ont leur racine , elles font auffi de différentes couleurs. Il fer oit feulement à defirer, qu'elles euffent un peu plus de folidité , pour fouffrir le voyage des lies , en ces quartiers. c H A- — b Chap. 19 des Iles Antiiie **i 1 f w k 23^6 H I S T O.l %S H A TUREt'L'E. Châp. 20 CHAPITRE VI NT IE ME. Ve l'jfmbre gris ; Defai Origine & des marques de celuy qui eTtbony ï? fans mélange. L 'Ambre gris t fe trouve en plus grande abondance aus coftes de la Floride , qu'en aucune des autres contrées de l'Amérique. C'eft pourquoy les Efpagnols y ont drefle des forts, pour feconferver la terre, & pour entretenir avec les Indiens qui l'habitent , le commerce de cette riche marchandise, laquelle ils receiiillent foigneufement, dépuis qu'on leur enaenfeigné le prix. Onenaaulïi ramafie quel- quefois, après de rudes tempeftes, fur les rades de Tabago, de laBarboude, 6c de quelques autres de nos Antilles , comme nous le reconnoilTons par plufieurs mémoires , que nous avons entre nos mains: Et c'eft ce qui nous fait croire, que fans fortir des limites de l'Hiftoire Naturelle que nous trai- tons, nous pouvons parfumer tout ce Chapitre de la foueue odeur de cette drogue Aromatique, qui eft fans contredit la plus rare, 6c la plus precieufe de toutes les productions, que l'Océan ait encore pouffé hots defonvafte6cinépuifablefein, pour enrichir ce nouveau monde. Les Maldivois appellent l' Ambre-gris Panahambâr , c'eft à dire ^Ambre d'or , à caufede favaleur. Les habitansde Fés 6c de Maroc 6c les Ethiopiens, le nomment du même nom que la Baleine. Ce qui fait croire probablement, qu'ils ont eftimë qu'il venoit de la Baleine. Il eft très-certain , que ni Hippocrate, niDiofcoride, niGalien, n'ont jamais ouï par- ler de T Ambre-gris , non plus que de la pierre de Béfoar, du Gayac,duSaffafras,delaSarfepareiUe, de laGomme-goutte, delà Rubarbe, du Mechoacan , 6c d'une . infinité d'autres chofes. L:ambre-gris eft donc une drogue , dont la connoif- fance eft tout à fait moderne, 6c d'ont on ne fait pas l'o- rigine. Quelques uns , fefont imaginez que cet Ambre , inconnu à l'antiquité, eft un excrément de Baleines, D'autres cro-yent qu'il Ghap. 20 des Iles Antilles. ïî7 qu^il vient des Crocodiles , parce que lear chair eft parfu- mée. Quelques autres fe perfuadent , que ce font des pièces d'Iles , êc des fragmens de rochers cachez en la mer , & em- portez par la violence des flots , parce qu'il fe recueille quel- quefois des pièces de cet Ambre, qui péfent jufques à cent livres, & de la longueur de foixante paumes , & qu'au rapport de Linfcot, en l'an mil cinq cens cinquante cinq , il en fut trouvé un morceau vers le Cap Comorin , du poids de trente quintaus. 11 y en a qui eftiment que c'eft une efpéce d'écu- me de mer, qui s'amaffe&s'epaifïit avec letems, par l'agi- tation des eaus de la mer : & qui fe durcit par la chaleur du Soleil. Mais, c'eft plus vrài-femblablement une forte de Bitume, qui s'engendre au fond de la mer : Et lors qu'elle vient à eftre agitée extraordinairement par quelque furieufe rem- pefte , elle détache ce Bitume de fon fein , & le porte fur fçs rivages. Caren effet, c'eft ordinairement après une grande tempefte, que l'on en trouve fur les bords. Filoftrate en la vie d'Apollinkîsdit, que les Panteres quifontàl'entour du mont Caucafe, aiment fort la bonne odeur de ce lieu là. Mais il eft certain qu'entre autres beftes, les Oifeaus remon- trent extrêmement amoureus de cet Ambre , & qu'ils le s'en- tent de fort loin. C'eft pourquoydés que l'orage eft cède', il le faut chercher & l'enlever en diligence , autremement on le trouveroit tout mange'. Et ce n'eft pas fa bonne odeur , mais fa mauvaife, qui attire ces Oifeaus. Car ce parfum fi precieus & fi admirable, lors qu'il eft encore frais, & mol , & qu'il ne faitquefortirdelamer, fent très-mauvais, & les animaus y courent en même faflbn , qu'ils vontaus charognes : Car fon odeur eft àpeu prés, commede lard corrompu, & il eft à croi- re, que c'eft pour cette raifon, que l'on a étéfi long-tems à le connoitre , & à s'en fervir. Les Anciens jugeoient de fa ver- tu, par fa mauvaife odeur, plutôt capable de faire mal au cceur,quede le réjouir, ainfi ils le rejettoient comme inutile, ou même nuifible. Joint , qu'il ne fe trouve pas fi fréquem- ment , ni en fi grande quantité vers la cofte de Grèce , ni dans l'Europe : ôc que les navigations aus Indes étoient rares autrefois. G 2 le? \V" ■j&fV^ r' *;><^ X / S7Ar*K} %m Histoire Naturelle, Chap.z* Les Renards,, ne s'en montrent pas moins pafïionez. Au$ Pais où il fe recueille en quantité' , ces animaus font le guet à la cofte , & auflitoft qu'ils en découvrent , ils s'en faillirent & l'avalent. Mais, après l'avoir garde' quelque tems dans leur ventre, ils le rendent fans qu'il foit aucunement digéré: Seulement il y perd une partie de fa qualité' , & de fa bonne odeur. C'eil pourquoy cette forte d'Ambre , qu'on appelle Renarde; > eft moins prifée que l'autre, & nes'employegueres qu'a us parfums. Il ne fera pas mal à propos de donner en parlant , le moyen de difcerner le vray Ambre- gris d'avec le faus , veu que tous ceus qui en ont écrit, comme Gardas, Monard,.Scaliger, Fer- dinand Lopés, Ciufius, & autres, n'en parlent que fort fuc- cindement, & ne nous en difent pas les marques eifen- délies. Il faut favoir premièrement , que l'Ambre fediftïngue en gênerai, en celuy delà mer du levant, & enceluydela mer du Ponant. Celuy qui feprendà la cofle du Levant , & par- ticulièrement à la coite delà Barbarie, oii il fe trouve en gran- de quantité & engrofles pièces, eu généralement noir, & ne lèche jamais fi bien , qu'il fe piaffe réduire en poudre,, comme celuy du Ponant, quelque addition qu'onyfaiîe pour* lepulvérifer. Il fe fond aunlplus facilement au feu , ileftde moins douce odeur, & de beaucoup moindre prix. On ap- porte peu de cet Ambre en ces quartiers, parce qu'il n'y eft pas eftimé , & qu'iln'eit guère bon pour l&Medecine, ni pour les parfums. L'Ambre du Ponant, dont le meilleur eft celuy de nos coites >, eft ordinairement d'un gris cendré : comme il l'on- avoit meflé de la cendre parmy delà cire : de falîbn neant- moins, quelacendreyparutdiftinaement, & ne fe confondit- pas avec la cire. Ledeffus ayant frayé furie rivage, & ayant plus fenty l'air, eft ordinairement de couleur tannée , ou du moins plus blanc que le dedans, dur & folide en fatïon de croûte, & par fois meflé de fable, & de coquillages. Ce qui arrive, lors qu'étant mol comme du Bitume ou de la poix, les ordures s'y attachent facilement 5 Et cela diminue fon prix, mais ne. le rend pas moins bon, Eour Chap.20 DES ÎLES ANTlLt E % 2$$ Pour favoir Ci cet Ambre, qui eft de la meilleure efpécc eft bon, on regardera premièrement la figure, qui doit tirer pour l'ordinaire , à la rondeur, par ce que toutes les chofes moyen- nement molles étant roulées parla mer, <5cpouffées fur le ri- vage, s'arrondiffent. Il doit eftre encore en quelque faffon poly , & de couleur brune , entre gris de more & tanné. Que s'il eft bien fec, il faut qu'il foit fort léger pour fa groffeur., Car parla, vousjugeres Ci cen'eft point une mixtion de Co- lofone, de Bitume, de Cire, de Poix, & de Refîne , toutes ces chofes pefant beaucoup plus. Vous connoi.trez auûl par là, fi parmy le bon Ambre , on n'a point méfié de fable , ou Ci ce n'eft point de l'Ambre noir du levant. Si l'on ne veut pas rompre la pièce , il faut prendre une aiguille, & la faire chauffer, & en percer cette pièce d'Am- bre. Vous remarqueres par ce moyen Ci elle entre aifémcnr, ■qu'il n'y a point de pierres enciofes. Eten fentant la liqueur qui fortira par la chaleur de l'aiguille qui fondra l'Ambre, vous trouvères une odeur,qui approche de celle de la cire gommée, & qui fe termine enfin en une odeur affés douce. Mais le plus affuré moyen, eft, après avoirfait 1c prix de la pièce d'Ambre à condition qu'il foit bon , de la rompre. Ainfi vous reconnoîtres s'il n'yji point de caiilous II faut comme nous avons déjadir, que l'Ambre fe trouve de cou- leur cendrée, à petis grains, comme font ceus de nos Truffl es. Lors qu'il eft récent, il eft plus brun que lors qu'il eft fort fec. Mais pourveu qu'il ne s'éloigne guère de cette couleur, ôc. qu'il ne foit ni trop noir, ni trop blanc, il n'importe 5 fur tout il faut qu'il paroiffe de couleur méfiée. Il faudra aufïl prendre un peu de l'intérieur de la pièce, ou de l'endroit que l'on foubçonne le moins bon, & le mettre fur un couteau que vous aures fait chauffer 5 y étant mis, il faut qu'il, fonde aufli-tôt comme de la cire, & Ci le couteau eft fort chaud, qu'il s'exhale tout fans rien biffer. Vousprendrés gardeenlefaifant aînfi fondre, s'il-a à peu prés l'odeur que nous avons déjà dite , & qui ne fe peut guère reconnoitre, qu'on ne Tait expérimentée auparavant , par ce qu'elle luy eft particulière. Et parla vous reconnoîtres en- core, s'il n'y a point de poudre méfiée parmy l'Ambre. Lors qu'il Il 240 Histoire Naturelle, Chap.» qu'il fe fond vous pourrés aufii , fi vous voulés en faire l'ef- fay r en prendre un peu & le mettre fur la main : & en l' éten- dant vous verres s'il n'y a rien de mené. Il doit adhérer fi for* îement à la main , qu'il ne foit pas aifé de L'en oter. Quand il fond il devient d'une feule couleur , bien qu'auparavant il femble meflé , & il tire alors fur la Colofone. Ilnefedoitdif- foudrenidans l'eau, ni dans l'huile. Ce n'eft pas qu'il n'y ait un moiende le dififoudre dans l'une & dans l'autre , par l'addi- tion d'une certaine chofe , que ceus qui la favent tienent fe* crette. Il ne faut pas auffi qu'il fe mette en poudre , fi ce n'eft qu'étant bien fec on le racle,, ôc on le meflé avec quelque pou* drebien fubtile : encore prend ilen partie au mortier, qu'il faut racler de tems en tems. Le noir ne fera et jamais bien en. poudre, ni de cette faffcn, ni d'aucune autre- La différence du noir d'avec.le gris eft, premièrement fa cou- leur , qui tire plus fur la poix noire , & qui n'eft pas meflée de grains gris-blancs, mais par tout égale. Le noir. eft au ili plus mol & plus pefant*.& il fent plus le Bitume,. Il y a une troifiémeefpece d'Ambre, qui eft blanc, lequel comme dit Ferdinand Lopés, eft le plus rare , mais non pas le meilleur, comme iL eftime: au contraire c'eft le moindre da tous : & comme Ton n'en fait nul cas , on en transporte fort peu. Mais pour mieus dire, c'eft de l'Ambre , ou gris ou noir,, lequel ayant été mangé & digéré par les- Oifeaus, qui ont l'eftbmac fort chaud , devient ainfi blanc , comme font prés* que tous lesexcremens des Oifeaus. Celuy quelesPoiffbns ont dévoré , ce qui arrive fouvent , n'eft guère alteré.ni en fa couleur,, ni en fa fubftance. Ce qui vienr, de ce que les Pôif- fons ont l'en o mac moins chaud que les Oifeaus , & que peut* eftre (entant cet Ambre plus chaud que leurs alimens ordi- naires, & s'en trouvant travaillez , ils le vomifient prompte- ment. Mais celuy que l'on appelle Renarde, eft presque rou& corrompu , & de peu de valeur, à caufe de la chaleur de l'efto- mac des RenarSi qui l'ont dévoré. Cet Ambreblanc, reffemble à du Suif Mariné, fe fond aifé- menr, &. fent le fuif , auffi quelques uns croyent, que ce n'eftï «|ueduSuif Mariné.-. Nous- Chap. 21 des I L I S AnTHUI, Sff Nous ne nous arrefterons pas à rcprefcntçr les Sofiffica- tions qui fefont en l'Ambre, parce quelles font. infinies, «5c qu'il fumt d'avoir donne' les marques du bon. Nous ne dirons rien auiïi, des admirables ufages qu'il a en la Médecine , ni de toutes fes bonnes qualitez , & fur tout de la douce odeur qu'il donne aus liqueurs, aus confitures, &à tout ceenquoyon remployé: puifque les Livres nouveau* en font pleins, & que l'expérience les témoigne. CHAPITRE VINT-ET-UNIEME. T>e quelques animaus Amfibies^ qui font communs en ces Iles. POur ne faire qusune volée des Oifeaus de nos Antilles, & ne les pas feparer les uns d'avec les autres, nous avons déjà parlé dans le fétiéme Chapitre de cette Hiftoire, des Oifeaus que l'on nomme de Rivière, & qui vivent également & Jur la terre & fur l'eau. Il ne nous' refte donc plus icy, qu'à décrire quelques autres Amfibies, qui font communs en ces Iles. ARTICLE t Du -Crocodile; NOus commencerons par le Crocodile, quelesïnfulakcs nomment Cayem&n. C'e-ft un monftre tresdangereus^ qui croift par fois d'une grofleur & d'une longueur énorme* On en apporte fi fouvent des dépouilles en France , qu'il n'eft pas neceûaire de nous étendre beaucoup fur fa dé* fcription. Cet Animal , fe tient en la Mer & aus Rivières des Iles in- habitées, & même fur la terre parmy les Rofeaus. llefthi- ieus aupofiible. On tient qu'il eft de longue vie, & que fou :orps croift en toutes fes dimenfions, jufques à fa mort. Ce lui fait, qu'on ne fe doit pas étonner^ on en a veu,qui a voient H h dixhuit %j±% Histoire Naturelle, Chap. 21 dixhuit piedsde long , & qui étoient gros comme une Barri- que. Il eft fbutenu fur, quatre pieds y quifont armez d'ongles crochus. Sa peau qui eft relevée par écailles, eft fi dure fur le dos, qu'un coup de moufquer chargé de baies ramées, ne fait que l'effleurer légèrement 5.. mais fi on le bleue fous le ventre, ou aus yeus ». il eft incontinent arrêté. Sa mâchoire inférieure eft immobile. 11 a la gueule fi deméfurement fendue , & he~ riîfée de tant de dens fi pointues & fi tranchantes , qu'en Uïij coup, il peut couper un homme en deus. Il CQiirt allés vitte fur laterre5 mais la pefanteur de fon corps/ fait que fes pattes impriment dans le fable des traces auffiprofondes, que feroit un cheval de carrofie. Et comme il n'a point de vertèbres à i'éfpine du dos 9 non plus que les Hyè- nes : il va tout droite fans pouvoir tourner fon grand corps,, que tout d'une pièce. De forte, que fi Ton en eft pourfuivy, il nefautque prendre de faufies routes, & courir en biaifarit & en ferpentant, pour l'éviter. Ceux qui fe nourriflent en l'eau douce , fentent tellement le Mufc quand ils font en vie , que l'air en eft tout parfumé, àà plus de cent pas aus environs : Et même l'eau où ils font , en eÂ$ odoriférante. Cette remarque de la bonne odeur du- Crocodile, nous montre en paifant l'erreur de Pline, qui s'étoit imaginé, queia feule Panthère entre tous les animaus étoit odoriférante , comme il le dit en quelque endroit: bien qu'ailleurs il écrive, que les entrailles du Crocùdtle fentenr îres-bon, & que cela vient des fleurs odoriférantes qu'il prend pour fa nourriture. Au refte cette odeur mufquée dul Crocodile de l Amérique, eft particulièrement renfermée , en* certaines glandules qui font aus Emondoires, qu lia fous les cuifies ,..-& qui eftant arrachées confervent encore long-tems> cette odeur. Il eft à croire, que Dieu leur a donné cette fen^ îeur, afin que l'homme & les autres animaus , aufqueis cei monftrecamacierfak une cruelle guerre , puiflent à l'odeur, difeerner le lieu où il fe cache , & s'en donner garde. Cens qui vivent en la Mer, ne fentent point le Mufc, mais» lés uns & les autres font extrêmement à craindre quand on fe baigne ,,. ou qu'on eft contraint depaficrquelque riviereal* nage,. Cet horrible Jvionftre, aune rufe pour faire curée des Bœufs — — — • — — Chap. 2i de s In s A n t 1 1 x ï s. i4$ Boeufs ôc des Vaches. C'eft , qu'il fe met aus aguets aus en- droits des étangs, ou des Rivières d'eau douce, où ces animaus ont coutume d'aller boire. Et quand il en apperçoit quelcun à fon avantage , il ferme les yeusàdemy, &felaiflfe comme emporter au fil de l'eau, reflemblant ainfi à une grofife pièce de bois pourry qui flotte. Par ce moyen s'étant approché peu a peu de la pauvre befte qui boit, ôc qui ne fe donne pas garde de luy,laprenantentrahifon, il s'élance tout à coup, &lafaiùT~ fant proprement parles babines , ili'atirc d'une telle furie au fons de l'eau, qu'il ne la quitte point, qu'elle ne foit noyée , ôc puis il en fait fon repas. Il n'attrape pas feulement lesbeftes, mais auflî les hommes par cette mfe. Témoin ce que recite Vincent le Blanc, du ferviteur d'un Conful d'Alexandrie , qui Voulant prendre une de ces beftes cruelles , qu'il eftimoit eftre Une Pjcce de bois, fut emporté par elle au fonds de l'eau, fans qu'il ait jamais paru dépuis. Mais , ils ne contrefont point au milieu des rofeaus où ils fe tiennent cachez , les plaintes & les gemilfemens des hommes comme cens du 3SU1 , pour atiree H h % dans A S'44 Histoire JSTaturelli, Chap.s* dans leurs pièges les pauvres pafîàns, qui touchez de eompaf. fions fe détournant de leur chemin , pour aller aufecours de ces prétendus afligez. Le pais de l'Amérique, ne produit pas auiïides Ichneumons y qui étans les ennemis irréconciliables dcccmonûrc, ont aufli le courage & la dextérité, de lu y de'- chirer les entrailles. On voit fur tout abondance de ces Monftrueus Crocodiles, ans Iles qui pour ce fujet ont elle nommées les lies du.Caye» mm , & qui ne font fréquentées qu'au tems que Ion va tour- ner la Tortue: Car à caufe qu'après que l'on a pris la meil- leure chair de la Tortue , on laifle le refte a l'abandon , ce* Crocodiles viennent à troupe pendant la nuit, fe repaicre des- inteftins & des Carcafles qu'on a laiflez fur le fable. De forte que ceus qui font en garde pour tourner la Tortue, font obli- gez de porter de gros leviers de bois , pour fe parer contre ces Cayemans, qu'ils affomment le plus fouvent , après qu'ils leur ©nt rompu le dos avec ces leviers. Ces Animaus ont une graiffe blanche, d'ont autrefois le* Médecins fe fervoient pour refoudre les fluxions, qui proce- doient d'humeur froide 5. parce qu elle eft chaude , & qu'elle eft compofée de parties fubtiles. Et par la même raifon, on en frottoit les malades dans l'accès de la fièvre, pour leurpro- toquer la fueur. Pline recite mille autres proprietez qui fe rencontrent au Crocodile , pour la guerifon des maladies: Quelques uns , recerchent foigneufement certaines petites pierres enformedMeletsqu11aenfa,tefte,& iesaiantredui- tes en poudre, ils en ufentpourchaiTer lagravelle des reins. On dit aufli que les dens plus pointues de cet Animal , qui fonc à cofté de chaque mâchoire, font paner la douleur des dens , & les empefehent de pourrir 5 pourveu qu'on ait foin de les frot- ter tous les jours avec ces dens Canines. Ainfi la refte des Dra- gons, &desCrapaus, renferment des Pierres d'une merveiU kufe vertu, contre plufieurs mans. Et ainfi ces cruels Re- quiems que nous avons décrits cydefliis, fourniflent un re- mède contre la pierre &. la gravellc. Le fageAuteur de la na- ture aiant voulu, que nous rcceuflions quelque utilité.,, des skofes mêiïies les plus contraires,.. Les Chap.M des Iles Antilles. 24$ Les Chinois, favent prendre & apprivoiser ces Crocodiles, à ce que difent les Hiftoriens. Et quand ils les ont nourris quelque tems chez eus , & bien engrauTez , ils les tuent ôc les mangent. Mais les Européens qui en ont goûté , difent, que cette chair bien que blanche & délicate, n'eft pas agréable,, parce qu'elle eft fade, & douçâtre& par trop mufquëe. ARTICLE I h * Des Tortues Franches-, ON prend en ces îles plufieurs fortes de Tortues de terre, de mer, & d'eau douce, qui font de différentes figures. Les Caraïbes les nomment toutes Catallou, mais quand ils parlent de celles de terre , ils ajoutent le mot de T^onum , qui; fignifie la terre en leur langage *r ouceluy^sJT*»*, ceftàdire de rivière, ou d'eau» Les Tortues de mer , fe divifent ordinairement par les In- âilairesen Tortue Franche ,.. en celle qu'ils nomment Cao'ûanne, & en Caret. Elles font presque toutes d une même figure §s Mais iln'yaquelachairdelapremiereefpece, qui foit bonne à manger , fi ce n'eft en neceffité, & à faute d'autre chofe : de- même, qu'il n'y a que iécaillede la dernière, qui foit de prix. Les Tortues Franches &ies Caomnnes, font le plus fou vent d'une grofleur fi demefurée, que la feule écaille de deitus a environ quatre pieds & demy de longueur , & quatre de large, Dequoy il ne fe faut pas étonner, veu qu'en l'Ile Maurice on en rencontre, qui peuvent marcher portant quatre hommes : Qu'Elian recite, que les habitans de l'Ile Taprobane , en cou^ vroient leurs maifons : Et qu'au rapport de Diodore de Si- cile, certains peuples des Indes Orientales , s'en fervent com- me de petis Bateaus , fur léqueîs ils palTent un d'étroit de mer», qui les fepare de la terre ferme. Ces Animaus Amfîbies, ne viennent gueres à terre que pour pofer leurs œufs r Ils choiflfTent pour ceterTetun fable fort dous , & fort délié, qui foit fur le bord de la mer , en un endroit peu fréquenté, Se où ils puiûoit avoir un facile accès. Hiif Ljw- ifll'H II 146 Histoire Naturelle, Chap. 21 Lesînfulaires , qui vont en certain téms de l'année aus Iles du Cayeman, pour faire provifîon de la chair des Tortues qui y terrifient en nombre innombrable , difent , qu'elles y abordent de plus de cent lieues loin, pourypofer leurs œufs, à caufe de la facilité du rivage qui eft bas , & par tout couvert d'un fable molet. Le terriffage des Tortues commence à la fin du mois dAvril, & il dure jufques à celuy de Septembre^ & c'eft alors que l'on en peut prendre en abondance , ce qui fe fait en cette forte. A l'entrée de la nuit , on met des hommes à terre , qui fe tenant fans faire de bruit fur la rade , guettent les Tortues lors 'qu'elles fortent de la mer pour venir pofer leurs œufs dans le fable. Et quand ils apperçoivent qu'elles font un peu éloig- nées du bord de la mer, & qu'avec leurs pattes elles font au -fable ui\ trou profond d'un pied & demy , & quelquefois d'avantage pour y pofer leurs oeufs ; pendant qu'elles font occupées à fe vuider dans ce trou , ces hommes qui les épient les furprenant , les tournent fur le dos ; & eftant en cette po- fture, €hap. 21 des Iles Antilles. 247 fture , elles ne peuvent plus fe retourner , & demeurent ainfî jufquesau lendemain, qu'on les va quérir dans les chaloupes pour les apporter an Navire. Lors qu'elles font ainfi renver- féesfur le dos, on les voit pleurer , & on leur entend jetter des foupirs. Tout le monde fait , que le Cerf pleure, lors qu'il eft réduit aus abois. Et c'eft une chofe presque incroiable, de cris & des gemifiemens , que pouffent les Crocodiles du fleuve du Nil , & des l'armes qu'ils répandent fevoians pris. Les Matelots des Navires qui vont en ces Iles duCayemanr pour faire leur charge de Tortues, en peuvent facilement tourner chaque foir , en moins de trois heures , quarante ou cinquante , dont la moindre pefe cent cinquante livres , & les ordinaires deus cens livres , & il y en a telle, qui adeus grands feaus d'œufs dans le ventre. Ces œufs font ronds, de la grof° feur d'une baie de jeu de paume: Ils ont de la glaire & un moyeu f comme les œufs de poule, mais la coque n'en eft pas ferme , mais mollafle comme fic'étoitdu parchemin mouille. On en fait des fricafiees, Ôc des amelettes qui font aiîes bon- nes f mais elles font plus féches & plus arides ? que celles qu'on fait avec des œufs de poule. Une feule Tortue a tant de chair, qu'elle eft capable de nourrir foixante hommes par jour. Quand on les veut manger , on leur cerne récaille du ventre, que les Infulaires appellent le plaftron dedejjhm, qui eft uni a ecluy de deffus par de certains cartilages/ qui font aifés à couper Tout le jour, les Matelots font occupés à mettre en pièces & à faler les Tortues , qu'ils ont prifes la nuit. Lapluspart dés Navires qui vont en ces Iles du Cayemm^ après avoir fair leur charge, c'eft à dire après fix femainesou deus mois de demeure , s'en retournent aus Antilles , où ils ven- dent cette Tortue falée^, pour la nourriture du commun peu- ple & des Efclaves. Mais les Tortues qui peuvent échapper la prife, après avoir pondu leurs œufs à deus ou trois reprifes , s'en retournent au Heu d où elles eftoient venues. Les œufs qu'elles ont cou- verts de terre fur le rivage de lamer , étans éclos au bout de fix femaines par l'ardeur du Soleil, & non par leur regardP comme Pline & quelques anciens fe font imaginez autrefois; aiifti tôt que les petites Tortues1 ont brifé laCoque, quiles te- %& Histoire Naturelle, dhap.ii noie envelppées, .elles percent le fable , & fortent de ce tom- beau qui leur a don ré naiflance, pour fe rendre droitàlamer auprès de leurs mères , par un inftinct qu'elles ont receu de la nature. La chair de cette efpéce de Tortue, eft aufli délicate que le meilleur veau , pourveu qu'elle foît fraîche „ & qu'elle foit feulement gardée du jour au lendemain. Elle eft entremeflée de graiiïe , qui eft d'un jaune verdâtre eftant cuite. Elle eft de facile digeftion, & fort faine.$ d'où vient, que quand il y a des malades., s ils ne peuvent fe guérir aus autres lies, on les fait pafferaus Iles des du Cayeman, dans les Navires , qui en vont faire la provifion. Et le plus fouvent , ayans efté rafrai- chis & purgez par cette viande, ils retournent en bonne famé. La graiiTejde cette forte de Tortue, rend une huile qui eft jau- ne, &propre.à frire ce que l'on veut, lots qu'elle eft fraîche. Itam vielle, elle fertaus lampes. ARTICLE ï I L Des Tortues c[uon appelle Caaudnnes, LA Tortue qu'on nommé Cao'ùanne , Quant aus œufs qu'elles ont ainfi confiez à la mer, après avoir efté repoqlTez fur le fable mollet , & échaufez quelque temps par les rayons du Soleil, ils viennent enfin à s'eclorre, & à 9 On tient, qu'il s'eft perdu environ deus mille cens de fel, ,, qui font la charge de deus cens Navires, de trois cens ton- ,, neaus la pièce. Il s'eft auffi perdu des Navires Hollandois „ devant Ré , à Bordeaus , Sci Bayonne , qui eftoient riche- „ ment chargez D'où il apparoit , qu'il fait fou vent en Eu- rope des Tempeftes , qui font bien aufïi violentes , que celles qui font tant appréhendées aus Antilles, Quelques uns , pour fe mettre à couvert de cette Bourraf- que, abandonnent leurs maifons,, crainte d'eftre envelopez fous leurs ruines, & fe fauvent es cavernes & es fentes des rochers, ou bien fe taphTent contre terre, au. milieu des chams , où ils efluyent tout cet Orage. Les autres , tâchent de gagner promptement, quelque maifon du voifînage, qui foit afiez fdiidement bâtie , pour refifter à toutes les fecouiïês de cette Tempefte. Car par bonheur , il y a maintenant aus Antilles plufieurs édifices , qui peuvent foûtenir cette épreu- ve. H y en a même, qui fe retirent dans de petites cabanes, que les Efclaves Nègres ont bâties, fur le modèle de celles des Caraïbes , car on à reconnu par expérience , que ces petites huttes de figure ronde , qui n'ont point d'autre ouver- ture que la porte, & dont les cheurons touchent la terre, font ordinairement épargnées; pendant que les maifons les _ plus Chap. 23 des Iles Antilles. 263 plus élevées, font transportées d'une place en une autre , fi elles ne font entièrement renverfées, par l'impetueufe agita- rion des vens, qui excitent cette tempefte. Mais il faut avouer, que toutes ces précautions extérieur res , ne font pas capables de délivrer plainement les efprits des hommes , des frayeurs mortelles qui les environnent, lors que Dieu tonne du Ciel , qu'il fait retentir fa voix terrible, qu'il lance les éclairs & les charbons allumez; que la terre en tremble, que les montagnes croulent, & que les fondemens du monde font découverts : car i^Aceut que fe s bontés ne peuvent émouvoir Cette ejfroiable voix ne fait elle pas voir Vne image de fapuiffance Y Certes , qui ri y connoift fa haute ^Majes~ie\ ^ui l'entend fins frayeur , ri a pas de la-confiance ' CMais il a de l impieté,. il faut donc, queceus qui défirent d'eftre fans apprehenfion; au milieu de ces defordres , & de ces émotions de la mer & de Fair , ayent recours à des retraites plus affurées , & que pour cet effet, ils entrent dans le fan&uaire de Dieu , qu'ils fe logent à l'ombre du" toutpniffant , & qu'ils prennent le Seigneur pour leur retraite & pour leur forterefle. Il faut qu'ils embrafTen* avec une foy vive, ce grand & precieus falut qu'il a déploie en fon fils bienaimé , qui nous a délivré de toutes nos frayeurs par lefangdefa Croix, qui a fait noftre paix, & qui feulpeutap- paifer les craintes & les orages de nos confeiences , & donner un vrai repos à-nos âmes, d'autant que Celuy , qui du très haut implore tafiftanc e- Et dont lUJpuoir plein de confiance T^attend fon fecours que deluy „ , Quelque péril qui le menace Se peut promettre fans audace1 If avoir en fa faveur un immobile appuy, ïl faut qu'ils confidèrent pendant cette tempefte , que c?ei%* Dieu qui tire lesvensde fes trefors % & qu'ils ne fouillent que *5"7v«-\v"/' ^/'IW H HBi^HHQHI - 264 'Histoire Naturelle, Chap. z4 par Ton ordre : Que ces effroiables Tourbillons , ces Ton- nerres grondans , ces noires obfcuritcz, qui voilent la face de la terre , & toutes ces puhTantes agitations qui la fecouënt : ne font que des groffieres idées, de ce jour épouvantable du Seigneur, auquel les Ciéux paieront rapidement & eftant mis en feu feront diffouts , ôc les elemens étans enabraféz fe fon- dront, & la terre Ôc les œuvres qui font en elle, feront brûlées. Ils doivent particulièrement recourir à Dieu de tout leur cœur, & le prier qu'en contemplation des mérites infinis de fon Saint Fils Jefus, illuyplaifed'eftre appaifé envers fes fer- viteurs , .& qu'il daigne avoir pitiedefaterre. Ils fedoivent fou venir , que fon courroux ne dure qu'un moment : mais que fa bienvueillance dure route une vie. Que le pleur loge chés nous aufoir, & qu'au matin il y a voixdéjouiffance. Enfin ils doivent eftre fermementperfuadez , ^quecclny quiaconté leurs cheveus , a auffi conté leurs jours» Qu'il ne les aban- donnera point au befoin , mais qu'il les commettra à ia char- ge de fes Anges de lumière, pour les contregarder parrnyces affreufes ténèbres , afin que nulle playe n'approche de leur tabernacle. Mais, pour avoir au befoin toutes ces douces penfées, & pour eftrcmunysau jour de la calamité, d'une fi fainte con- fiance. 11 faut qu'en bien faifant , ils recommandent par cha- cun jour leurs âmes au fouverainCreateurdctout.es chofes^ Qujils s'étudient de cheminer en Sainteté ôc ]uftice devant luy , durant toute leur vie >y Qu'ils lavent leurs mains en innocence , ôc qu'ils purifient leurs cœurs , par la Foy en fes precieufespromefles 5 étans afiurez, qu'il tient les vens, ôc toutes les autres créatures en bride par fa puhTance , qu'il n'y en à aucune, quife puiffe mouvoir fans fa permiffion , qu'il fait fervir à fa gloire les Feus , les Tonnerres , les Tempeftes, & les Tremblemcns de terre, Ôc qu'il les dirige au bien & au falutdefesenfans. CHA- • Chap. 24 des Iles Antilles* 26$ CHAPITRE VINT-QUATRIEME. De quelques autres incommodités du pats , remèdes qu'on y peut aporter. :Cf & OUtre les Tremblemens de terre , les Tonnerres , «Se les Ouragans , qui fecoùcnt & defolent fou vent la terre des Antilles, comme nous venons de le repre- fenter : il y a encore quelques autres incommoditez , qui font bien inportunes , encore qu'elles nefoyent point tant à craindre que les précédentes. Nous leur avons , refervé ce dernier Chapitre du premier Livre de cette Hiftoire , ou, pour témoigner la grande pafïïon que nous avons d'e-ftreaflez heureus pour contribuer quelque chofe au foulagément, &à l'entière fatisfa&ion des aimables Colonies de ce nouveau monde : nous propoferons les remèdes , que l'expérience des anciens Habitans , & le jugement de plufieurs célèbres M ede- cins , ont trouvé eftre les plus propres , & les plus enicacieus* pour les munir contre leurs dangereus effets. ARTICLE ï. Des CMouBiques & des CMaringmns. NOus donnerons le premier lieu, à certains petis Mou- cherons appeliez OHouHiques , que l'on fent plutôt qu'on ne les voit, tant ils font petis 5 Mais dans lafoibléffe de leur corps, ils ont un aiguillon fi piquant, & venimeus, que leur piquure caufe une demangéaifon tellement impor- tune Kqu'en s'écorchant quelquefois la peau à force de fc grat- ter, lablefïùre dégénère en un ulcère d'angereus , fi Ton n'y aporte du remède. 11 s'en trouve d'une autre efpece , qui font plus gros , & qui font un bruit, pareil à celuy que font les Moucherons, qui en France fe trouvent : proche les étangs, & leslieus maré- cageus. On les nommé LMaringoins. Ils produisent le même effet «$$ Histoire Naturelle, Chap. 24 effet que les Mouftiques, étant armez d'un petit trait, qui perce les habits, & même les lits branlans , dansléquelson repofe. Mais ils ont cecy de particulier , qu'ils ne lancent jamais leur petit éguillon , qu'ils n'ayent auparavant déclaré la guerre, & fonné la charge avec leur petite trompette, qui donne fouvent plus de peur, que leur piquure ne fait de mal. Pour s'exempter de ces deus fortes de petites Beftes, on a de coutume de placer la Maifon, en un lieuun peu haut élevé , de luy donner air de tous collez, & de coupper tous les arbres qui empefehent le vent d'Orient , qui foulée presque ordinaire- ment en ces Iles, & qui chaffe au loin ces malins & importuns ennemis. Ceusauûi qui ont des logis bien fermez, &deslks- biens ck>£, n'en font point tant incommodez; Mais, fi l'on en eft travaillé , on n'a qu'à faire fumer du Ta- bac en la chambre, ou de faire un feu, qui rende beaucoup de fumée j, car par ces moiens, on met en fuite ces petis perturba- teurs du repos des hommes. Que s'ils ont piqué, & qu'onde» fire de faire parler bien-tôt la demangéaifon , & attirer tout le venin, qu'ils ont gliîîe : il faut feulement moùilier l'endroit de vinaigre, ou de jus de petit Citron. ARTICLE IL Des Guefpes , & àes~ Scorpions. L Es Guefpes, & les Scorpions , font communs en la plupart des Antilles. Ces vermines font de même figure, & au (H : dangereufes, que celles des mêmes efpéces que l'on voit en beaucoup d'endroits de l'Europe. Les piquuresdes Guefpes font foulagées par le jus de la feuille de la Ru ë, & entièrement guéries-, par une fomentation du fouverain remède contre toutes fortes de venins, qui eft difpenfé fous le nom célèbre D'orvietan. Et celles des Scorpions , trouvent leur remède en la befte même , qu'il faut écrafer deffus, & à fon défaut, il faut recourir à l'huile qu'on appelle de Scorpion , qui doit cftre^ commune par tout, ou.il fe trouve de ces infectes. A3LT h — ■ — — — L Chap. 24 des Iles Antilles. $&§ ARTICLE III. Des Arbres de Mancenillt. EN la plupart de ces Iles, crouTent certains Arbres nom- més Mancenilliers , beausà voir, qui portent des feuilles femblables à celles des Pommiers fauvages , & un fruit que l'on appelle Mmcenille , tout pareil a une Pomme d'Apis, car ileftpannachéderouge, beau à merveille, & d'une odeur fi agréable, que l'on feroit incontinent invité à en goûter, fi l'on n'étoit averty de fa qualité dangereufe. Car bien qu'il foit dons à la bouche , il eft fi funefte , que fi l'on en man- geoit, il envoyeroit dormir, non pour vint-quatre heures, comme une certaine femence du Pérou , ôc une Herbe de l'orient, de laquelle Linfcot parie amplement 3 mais pour n'en réveiller jamais. Tellement que c'eft bien pis, que ces Amandes d'un fruit de la Mexique , qui fentent le mufe, mais qui après eftre mangées , laifïènt un goût de pourriture. Et bien pis encore , que ces belles pommes de Sodome , qui étant ouvertes , ne prefentent que de la fuye, & de la pouf» fiere. Car s'y vous avez le déplaifir d'y eftre trompé, du moins cen'eftpas au danger de voftre vie. Mais ces Pom- mes venimeufes, fe peuvent comparer à la noix Indienne* quicroift en Java. Elle retTembleà une noix de Galle, & xi'abord qu'on la mange, elle à un goût d'Avelaine$ mais puis après , elle donne des angoifîes mortelles , & c'eft un poifon tres-dangereus. Il fe trouve aufîi dans l'Afrique , un Arbre nommé Cofcoma, qui eft chargé de Pommes mortelles. L'Arbre des Maldives nommé ^Ambou , porte un fruit , qui n'eft pas moins trompeur, & moins pernicieus. Et le Ter- roir de Tripoly en Syrie, produit certains gros Abricots , qui font fort beaus à l'œil, & fort favoureus au goût; Mais les cuaalitez en font fouvent mortelles , ou du moins, elles caufent de longues & fâcheufes maladies , à ceus qui en mangent. 11 croift des CMancenllles , fur le bord de la mer & des riviè- res , & fi k fruit tombe en l'eau , les pontons qui en man~ Ll 2 geiU^ ^■■■■i m ■ 268 Histoire Naturel t. e > Chap. 241 genr, ne manquent jamais d'en mourir 5 & encore qu'il demeure long tems dans l'eau, il n'y pourrit point j mais il fe couvre d'un falpêtre, qui luy donne une croûte foiidc, comme s'il étoit petrefié. Dans les lies, où cet Arbre croift en abondance, les Couleuvres y font venimeufesj Par ce que quelques uns croient , qu elles fucent quelquefois de fon fruit. Les Crabes mêmes, qui font leur repaire fous ces Arbres ., en contradent une qualité dangereufe , comme nous l'avons dit en fon lieu : & pluûeurs ont été mala- des pour en avoir mangé, D9où vient, qu'au tems queces fruits eftans fort meurs tombent à terre,, on confeilleàtous ceus qui fontfoigneus de leur famé, de s'abûenir de manger des Crabes. Ni les Couleuvres, ni les Crabes, ne vivent pas abfoln- ment de Pommes de Mancenilles. Mais quand elles font leur repaire fous cet Arbre, elles en tirent l'infedion, & plus encore quand elles fucent le venin de fon fruit. 11 fe peut faire neantmoins, que ce qui eft mortel à quelques animaus, ne lefoitpasàtous: £t même que ces Infects, qui4nanaent fouventdecepoifon, le changent en leur nourriture , parla coutume & la continuation: Comme l'on dit de Mitridate. Ainfi ils peuvent infedcr ceus qui eamangent, n'en recc- Tant quant à eus, aucun dommage. Sous i'écorce du tronc, & des branches de. ces Arbres , eft contenue une certaine eau gluante, & blanche comme du lait, extrêmement maligne & dangereufe. Comme il y a plu- lîeursMancenilliers fur les chemins , fi fans y prendre garde, vous frohTez en paflant quelcune de ces branches ,. ce lait, ou plutoft ce venin, en fort & reiaillit fur vous: smI tombe fu r voftrechemife, il y fait une vilaine tache, qui paroit comme une brûlure. Sic eft fur la chair nue, & qu'on ne lave pron- îement l'endroit quiaefté touché , il s'y forme aullïtot des cnlcuvres & des ampoules. Mais ce qui eft le plus à crain- dre, c'eftpour les yeux: Car u par malheur, une goutte de cerre. eau cauftique &. venimeufe tombe deiluf, il s'y fera une horrible inflammation , & vous en perdez la veiic neuf jours durant h au bout déquels vous rcccyrcs du Xbulagemenr.. La Chap. 24. des Iles Antilles. 269 La rofée , ou la pluye, aprcs avoir demeuré quelque rems fur les feuilles des Mancenilten -, produifent le même effet, ôc fi elles tombent fur la peau , elles l'écorchent , comme feroit de l'eau forte. Ce qui ne vaut guerés mieus , que les gouttes de pluye de deffous la ligne , qui font teilementcontagieufes, à ce qu'affûtent ceus qui les ontfenties, ques'y elles tombent fur les mains , fur le vifage , ou fur quelque autre endroit du corps, qui foit à découvert; il s'y élevé auffitôtdes veflles & des ampoules avec douleur, ôc même fi l'on ne change promptement d'habits, on voit bien toft (on corps tout cou- Vert de pullules, fans parler des vers qui s'engendrent dans les habits. L'ombre de cet Arbre-nuit aus hommes, & fi Ton repofe deffous, tout le corps enfle dune étrange faffon. Pline Ôc Plutarque font mention , d'un Arbre d' Arcadie , aufïidange- reus que celuy-cy : Et ceus qui ont voyagé aus i ndes Orien- tales , rapportent, qu'il s'y trouve une Herbe nommée Saponyr qui donne la mort à ceux qui couchent deffus. Mais ce qui augmente les mauvaife squalites du Mancenillm , eft, que même la viande cuite au feu de fonbois, contracte quelque chofe de malin, qui brûle la bouche & legoficr. . Les Sauvages Antillois , connoiffans fort bien la nature de ces Mancenilles , font entrer & le Tait de l'arbre .,- & la rofée qui en tombe, &le fuedu fruit en la compofition du venin^ dont ils ont accoutumé démpoifonner leurs flèches. Pour guérir en peu de tems l'enflure & les Puftuîes, quife forment au corps , après avoir ^dormy par mégarde à L'ombre de ces Arbres. , ou après qu'on a été arrofd de la pluye , ou de. la rofée qui tombe de deffus leurs branches , ôc même de ce Tait, qui eft fous leurs écorces , il faut recourir promtementà. une efpece d'Efcargots, dont nous avons parlé cy deffus , fous, lenomde Soldats', ôc il en faut tirer une certaine eau claire^ qui eft contenue dans leur coquille, Se l'appliquer fur la partie offenféc; ce remède, rabat incontinent le venin de cette bru«- lante liqueur, & met la perfonne hors de danger. L5huile9, qui eft tirée fans feu de ce même efeargot, a auffi le même effet, ques'ileft arrivé à quelcun , de manger du fruit de c s il faudra qu'il ufe des mêmei re ned s L\ î «§ue -Arbres venimeus » i S70 H 1 s TOUE Naturelle, Chap.au. que nous prefcrirons cy après , pour chaHèr le venin des Seir- pens, <5c tous les autres poifons. ARTICLE IV. Des Vom de bois. IL y a suffi une efpece de fourmis , ou de vermhTeaus , qui ont une petite tache noire fur la tefte , & le refte du corps tout blanc. Ils s'engendrent de bois pourry , & C'eft pour ce fujet, que nos François les nomment Pousdeboà. Ils ont le corps plus molaffe , que nos Fourmis ordinaires , & neant- moins leur dent eft fi acérée , qu'ils rongent le bois , & s 'infi- nuent dans les coffres , qui font placez prés de terre : & en moins de deus jours , par ce qu'ils fe fuivent à lapifte , fi l'on n'eft foigneus de les tuer, il y en entre fi grande quantité, qu'ils percent mangent & dëtruifent, le linge, les habits, les papiers, & tout ce qui eft dedans : Ils mangent même & rongent telle- ment les maitréfles fourches , qui foutiennent les cabanes communes , qu'ils les font enfin tomber à terre , fi Ton n y ap- porte du remède. On empefche ces beftes là de s'engendrer , fi on ne latlïe pointde bois à terre en batiûant la maifon. Car ils s'engen- drent de bois corrompu & pourry : fi on brûle le bout de tous les bois qu'on plante en terre : fi incontinent que l'on en re- marque quelques uns , on jette de l'eau chaude dans les trous, qu'ils peuvent avoir faits : fi on fufpend les coffres en l'air avec des cordes, comme on eft obligé de faire en divers endroits de l'Inde Orientale, afin qu'ils ne touchent point la terre, ôc fi on a foin de nettoyer fouvent les chambres, &de ne rien laiflec contre terre. On a encore remarqué , que pour leur coupper chemin , il ne faut que frotter le lieu par où ils paffent, de l'huile de cette efpece de Palma-Chrifti , dont les Nègres fe frottent la tefte, pour fe garentir de la vermine. L'hurle de Lamantin , à auffi le même effet, & fi Ton en verfe fur leur ci- tadelle , qui eft une fourmilliere compofée deleurbaue, la- quelleils attachent autour des fourches, qui foutiennent les cafés, Us l'abandonnent incontinent. ARTI- Chap, 24 des Iles Antiues, î7i ARTICLE V. Des Ravets. LEs Rivets font encore dangereus. Il y en à de deus for- tes^ Les plus gros font environ comme des Hannetons & de même couleur : les autres font plus petis de la moitié. Les un** les autres rodent principalement pendant la nuit, & fe ghflcnt dans les coffres , s'ils ne font bien fermez , s'alif- fent tout ce qu'ils trouvent, & font afles de dégaft; mais non pas tant, nifipromtement , que les Pousàeboish On les appelle Ravets, par ce qu'ils rongent comme les Ratstoutce qu ils peuvent attraper. C'eft fans doute la même efpéce, que JeandeLery nomme i^tm&jç félon, le langage des Brefi- liens. Cette vermine, en veut particulièrement aus livres & a leur couverture. Les pous de bois n'en' font pas moins lors qu ils y peuvent mettre la dent. Mais ils ont cela de bon" quilsrefpeaent les lettres,*. & qu'ils fe contentent de ronger la marge des livres, & d'y faire des cizelures profondes Car foit que l'ancre ne foit pas à leut goût \ oupour quelques au- trecaufe, ils ne mangent rimpreffion, qu'en une extrême fa~ mine & a faute de toute autre chofe. Nous pourrions faire dens. Mais ils font frians de linge, par deiïïis toute autre choie : Et quand ils peuvent entrer en un coffre, ils prépa- rent en une nuit plus d'ouvrage, queles plus habiles couturiè- res, n en pouiToientr'entraire en un mois. Quant aus Rayets > encore qu'ils ne foient pas fi habiles en befongne ils nepargnent rien , finon les étoffes de ibye& de cotton. Celuy notanment, qui n'eft pas mis en œuvre ;nVfc pas félon leur appétit.. Et-fi l'on tient les coffres fufpendus en .> &.?L1ron en ei^°ure les cordes, qui les foutiennent : aufll tôt qu ils font parvenus à ceeotton, qui embaraffe leurs pé- ris pieds, ils tâchent des en démefler , & ils prennent inconti- nent une autre route. Geusquiontdesmaifonsdebnqne ou dcpicrr-c, ne craignent point les Pomdebois: mais avec tous leurs loins , ils ont bien de la peine de s'exempter des courtes^ r * 27A Histoire Naturelle, Chap, 24.' & dudégaftdesRavets. On a neantmoins reconnu par ex- périence , qu'ils font ennemis des bonnes odeurs , & qu'ils ne fe fourrent pas volontiers dans les coffres, qui font faits de Cèdre, & de ces excellens bois defenteur, qui font com- muns en toutes les Iles. Au Caire , on met les pieds des Ca- binets dans des vailfeaus pleins d'eau, pour empefeher les fourmis d'y monter. Ce feeret qui eft bien aifé , produiroit fans doute le même effet aus Antilles , pour fe munir contre les Pous de bois & les Ravets, dont nous venons de parler, & même contre les fourmis , qui y font aufïi extrêmement inportuns. ARTICLE Vi. Des chiques. CE qu'il y a de plus à craindre en toutes ces lies, font de certains petis cirons , qui s'engendrent dans la poudre, dans les cendres du foyer , & en d'autres immondices. Gn les nomme ordinairement chiques. Ils fe fourrent le plus fou- vent aus pieds, & fous les ongles des orteils , maiss'yonles laide paffer outre , & qu'on ne les tire de bonne heure , ils gaignent toutes les autres parties du corps. Au commence- ment, ilsnecaufent qu'une petite demangeaifon : Mais lors qu'ils ont percé la peau , ils excitent une inflammation à la partie, quieftinfedée, & de petis qu'ils y étoient entrez, ils déviennent en peudetems delà grofleur d'un pois, & pro- duifent une multitude de Lentes, capables d'en engendrer d'autres. Et en fuite , il fe fait fouvent des ulcères aus liens, d'où on les à tirez. Les Sauvages, à ce que racontent ceus qui ont converfé parmyeus, ont une certaine gomme, de laquelle ayant frotté leurs pieds , particulièrement fous les ongles , ils ne peuvent eftre incommodez de cette vermine. Mais , on confeille à ceus qui n'ont pas la connoifTance de ceiècrer, de fe faire regarder aux pieds , par ceus qui s'entendent à découvrir, & à tirer ces dangereufes petites belles, incontinent que l'on lent la moindre demangeaifon, à quoy les Indiens font fort adroits, Ch*p. 24 des Iles Antilles. 279 adroits, & fort heureus. 11 faut que ceus qui tirentccsoWx, prennent bien garde à ne pas crever la poche, où ils font en- clos- autrement il ne manque jamais de demeurerqueiqucs uns de leurs petis œufs, dont il s'engendre infailliblement d'au- tres chiques. On croit auffi, que le Roucou dont les Caraïbes fe fervent pour fe rendre plus beaus, plus fouples , & plus ail- les a la courfe, à la vertu de chaffer toutes ces vermines & Ccft auffi un bon remède , d*arrofer fou vent la chambre d'eau falee5 De n'aller point nuds pieds ; déporter des bas de Chamois: & de fe tenir nettement. Car, il n'y a d'ordi- naire que ceus qui fe négligent, & qui fe tiennent faléinent, qui en foyent fenfiblement attaquez. Ces facheus Cirons font les mêmes que les Brésiliens appellent Tons , & quelque autres Indiens TSljgas. Ceus qui ont des Ulcères, qui leur font cauféz par les chi~ ques, lors qu'ils n'ont pas efté tirez ni alTés â tems , ni aOcs adroitement , font nommez iMdmgm au ftile du pais Ce* ulcères viennent aufli fouventefois , après quelque petite ecorchurc, qui femble d'abord n'eftre que fortpeudechofe Mais après on eft tout étonné, que cela devient grand con> mêle creusdela main5 & alors vous avez beau y donner or- dre : Car il faut que l'ulcère prenne fon cours. Il y en a même qui pour eftre plus petis, ne lauTentpasd'eftrc tres-di- nciles à guérir Ces ulcères font de deus fortes. L'une eft ronde , & l'autre inégale. L'ulcère rond eft beaucoup plus difficile à guérir que l'autre, parce qu'il a des bords de chair njorte qui viennent toutàl'entour, & qui empirent le mal. Car tant que cette chair morte & baveufe y eft, l'ulcère ne peut guérir. C'eftpourquoy , l'ors qu'on penfe la playe, ii taut toujours couper jufqu'au vif cette chair morte, ce qui tait de cruelles douleurs. Entre les remèdes pour la guerifon de ces ulcères , on ule de vert de gris, de l'eau forte, de l'efeice de vitriol, & aAlumbrule, qui mangent la chair morte de la playe. On le fert aufli pour le même effet, du jus du peit Citron qui eft extraordinairément aigre. Et lors que la playe eft faîe , il la rend belle & nette, lleftvray, qu'a caufe de la grande dou- leur que l'on fent, lors que Ton en frote la playe, on a plutôt M m recours 274 Histoire Natureeie, Chap. z+ recours à d'autres remèdes : mais aufïï Ton ne guérit pas fi tôt. On tait encore un onguent avec du Miel commun, un peu de fort vinaigre, & de poudre de vert de gris , quieftfou- verain pour guérir en peu de tems les ulcères. Et pour les pre« venir, on confeille de ne point négliger la moindre bleflure, ou égratinure, qui furvient en quelque partie du corps que ce fbit, particulièrement aus pieds, ouausjambes , mais d'y ap- pliquer quelque emplâtre, qui attire-le feu , qui pourroit élire cnlapiaye, & au défaut de tout autre remède, d'ymettredu moins des feuilles de Tabac. Et de fe fervir de jus de citron, & de vinaigre, pour faire palTer ladémangeaifon , qui demeure après que les Mouftiques, ou les Maringoins ont piqué , plu- tôt que d'y emploier les ongles.. ARTICLE-. VÎT. Remèdes contre la morfure des Serpens venimem , ejr çon~ tre tous les autres poifins tant de la terre , que de U mer des, ^Antilles. NOus avons dit au Chapitre (îxiéme de cette Hiftoire, qu'il y avoit des Serpens , & des Couleuvres aus lies de la, Martinique & de Sainte Aloufie , qui ont un dangereuî venin. Mais nous avonsà delTein tefervé pour ce lieu r les re- mèdes qu'on peut heuteufement emploier, pour en rabatre la force. Nous poferons donc premièrement , qu'ils doiyene sitre mis en ufage, & par dedans & par dehors. Par.dedana pour foulager & fortifier le cœur , & diflipet la qualité veni- meuiequile pourroit gagner, on fe fert avecheureus fuccés deThériaque, de Mitridat, de Confection d'Alkermes, de Baume e'Egypte , & du Pérou , de Rhuë, de Scordeuni, de Scorçonnaire, de Vipérine, d'Angélique , deContrahiervai Mais' fur tout, il faut avaler avec un peu d'eau de bourrache, oude bugloie,. ou de quelque autre liqueur, le poids d'un efcu , de poudre du foye & du cœur des Vipères. En gênerai il faut ufer de toutes les chofes qui fortifient le cœur , & qui. réjouiiTent & réveillent les Efprits. Par dehors, on peut ap- pliquer tous les remèdes , qui ont la vertu & la faculté d'at- tirés. Chsp.24 des Iles Antilles. 275 tirer & diflîper toute forte de venin. Comme font la Ven~ toufe appliquée fur laplaye fcarirlée , les Cornets, & tous les medicamens chauds & attractifs, tels que font le Galbanum, l'Ammoniac, la fomentation de vin cuit, avec la racine de Serpentaria, ou la feuille d'Armoife , les Aux & les Oignons, la fiente de Pigeon, le fang de la Tortue de terre , féche & mis •en poudre, & femblables. 11 n'eft rien de plus allure , que de lier au dèfius de la mar- furc le plus pronrement que faire fe peut, la partie offencée : & deTincife-raufli tôt, &même d'en emporter la pièce $ où du moins après ravoir fcarirlée, d'y appliquer le plûtoft que l'on peut, le derrière plumé d'une Poule , ou d'un Pigeon pour en attirer le venin , & cette Poule , ou ce Pigeon eftant mort, il en faut reprendre un autre , tant qu'il n'y ait plus de Venin à attirer. Ilferoitaufïiàdefirer, que tous IcsHabitans des A milice, euflent I'uragede cet excellent Antidote, qui a été éprouvé en tant de liens, qui eft connu fous le nom fa meus d'Orvié- tan, & qui fe débite à Paris au bout du Porit-nèuf , au coin dclaruëd'Auphine, à lenfeigne du Soleil. Car cet admira- ble fecret, a entre plufieurs autres rares qualirez, la vertu de chatTer le venin de toutes fortes de Serpcns, & de rabat- tre la force des pluspuifïàns poifons. Voici la faflbn dont ccus qui ont efté mordus de5erpensvenimeus, s'en doivent fervir. Il en faut prendre la groffeur d'une fève, diflbusdansdu vin. Et après il faut faire des fearifkations fur lamorfure, & tirer le fang parle moyen delaventoufe. Puis y appliquer un peu d' Orviétan , ôz prendre garde, quclc patient "demeu- re éveillé, au moins l'efpace de douze heutes. Ce puùTant re- mède , fe peut conferver en fa bonté plufieurs années , pour- veu qu'on ne le tienne pas en un lieu chaud, où il fe puiffe deflecher. Et s'il devient fee, il le faut remettre en faconfi- ftance avec du miel rofat. On en trouve aulTi qui eft en poudre. Quant au régime de vivre, qu'il faut tenir durant Tufage de ce remède 5 11 faut éviter tous les alimens , qui, échaufent ôc brûlent le fang , ou qui engendrent l'humeur mélancolique. M m s Et A J !$&£ Histoire Naturelle, Chap. 24 It il fe faut abftenir entièrement de la purgation & de la faignée,. de peur d'attirer le venin de dehors au dedans : fi ce n'eft que le mal eût gagné les parties nobles : Auquel cas il faudroit purger afles copieufément^ & ufèr de bains, &dc chofes capables d'ouvrir les pores, & de provoquer la Tueur. Que fi on eftoit réduit à telle extrémité, qu'on ne pût re- couvrer aucun des Antidotes que nous venons de décrire : En voicy encore un , qui eft fort commun & tresfacile à pra&i- quer. llfautqueceluyqui aeftémordud'unanimalvenimeus,. mange promtément une écorce de Citron tout frais ; car elie a la vertu de munir le cœur contre le venin. S'il eftpofîible it faut lier la partie offenfée le plus ferré que l'on peur , au delïus del&morfure. 11 la faut en fuir te fcarifier, & y appliquer fou- vent de la falived'un homme, qui foit à Jeun , & fi on peut avoirla belle , qui a fait le mal, il luy faut couper latefte ,. & la broyer , jufques à ce qu'elle foit réduite en forme d^onguenr,, qu'il faut appliquer tout chaud fur la playe. C'eft le remède ordinaire, dont fe fervent les Habitans naturels du Brefii,, pour fe garantir de la, violence du venin de ce dangereus &: monitrueus Serpent , qu'ils appellent en leur langue Boicini- mnga% & que les Efpagnols nomment Cafeavel. Les derniers mémoires qui nous ont eux envolez de la Martinique , portent que quelques- Honorables Familles qui font venues dépuis peu du Brefii avec leurs ferviteurs Nègres,, pour demeurer en cette lie, ont donné aus Habitans la con- nohTance de piufieurs herbes & racines, qui croiuent aus An- tilles auffi bien qu'au Brefii , & qui ont une vertu fouveraine pour éteindre la force du venin de tonte forte de Serpens , «5c dès flèches envenimées. On fe peut fervir des mêmes remèdes que nous avons déf- unts cydefîus, pour fe prémunir contre le venin de la Becu- ne -, & de tous les autres poiflbns dangereus , qui fe trouvent en la mer. Us peuvent aulfi eftre employez avec heureus fuc~ ces, pGurempefcher les pernicieus effets du Suc de Manioc,, «lel'ârbe de Mancenille, & de la piqûre des Guéfpes , des> Scorpions^ & de tous lesautres lnfe&es venimeus. MB. TU Chap.24 des Iles Antilles» 277 ARTICLE VIII. î)e l'Ecume Ae mer, CEus qui pefchent ou qui fe baignent en la mer, fout quel- quefois accueillis d'une certaine écume qui flotte au gré du vent , comme une petite vcflfie de couleur de pourpre , de différente figure, & agréable à voir : Mais à quelque partie du corps qu'elle s'attache , elle y caufe en un inftant, une très- fenfible douleur, qui eft: brûlante , & piquante au poffible. Le remède le plusprompt qu'on peut apporter pour appaifer cette cuifante douleur , eft, d'oindre la partie offencéc avec de l'huile de noixd'Acaïou , mêlée avec un peu de bonne eau d€ vie : car une chaleur en fait pafifer une autre, ARTICLE IX; Des Rats qui fint communs en ces îles» DEpuis qu'il fréquente aus Antilles , un Ci grand nombre de Navires, & qu'il arrive allez fouvent, queplufkurs s'échouent à la rade de ces lies, ou. ils pourriflent de vieil- lefle: Les Rats , quiétoient autrefois inconnus aus Caraïbes, ont gagné la terre , & ils s'y font tellement multipliez , qu'en quelques endroits, ils font grand dommage aus Patates , aus Pois, aus Fèves, & particulièrement au Maïs ou gros Blé, qu'on nommé Blé de Turquie. Et n'étoit que les Couleuvres lesdetruifent, & les vont chercher bien avant dans les trous de la terre <& des rochers où ils fe fourrent , & même dans les couverts des maifons , qui fonrcompofez de feuilles de Pal- mes , ou de Canne de fucre , onauroit fans doute de la peine"à> eonferver des vivres. Il eft vray , qu a" prefenr il y a des C flats en ces Iles , qui ne les épargnent pas. On a mêmedrefle dés chiens à leur faire la guerre , & c'eft Un plaïfir devoir comme ils font fubtils à les éventer, &adroitsàlcur donner lachaOey &àlestuery- Mm & > Cette; %?% Hist. Natur,. des Iies Antil. Chap. 24 Cette inco nmodité n'eft pas particulière aus Antilles. Et c'eft bien pis au Pérou, carGarcilaflb en fon Commentaire Royal nous témoigne , que ces vilains animaus y érans en nombre préfque înfiny, y font par fois de grands dégâts, rava- geant les lieus par où ils paflent , defoiant les champs , & rongeant les fruits julques aus bourgeons , & à la racinedes Arjies. Les Habitans des lies, fe fervent encore d'une invention qu'ils nomment $alw , pour empeicher que les Rats ne man- gent leur caffaue ,. & leurs autres prôvifions. Ce Balan, eft une efpece de claye ronde , ou quarrée compofée de plufieurs bâtons, fur léquels il ont coutume d'arranger la caffaue, apre's qu'elle a efté féchée au Soleil. Elle cft attachée au haut de la café avec une liene $ ouuneccirde^quUient le Balan fufpendu en l'air. Et afin que les Rats ne fepuiflenr pas couler le long de la corde , 6c descendre furie Balan , ils font pafier la corde par une calebafle bien polie , qui demeure fuipendué au mi- lieu , de forte que les Rats étans parvenus jufques à cet en- droit-là, ne trouvans point de prife pour arrefter leurs pieds, & apprehendans le mouvement -de I3 CalebaiTc , ils n'ont pas laffurance de pafler outre. Sans ce petit (ecret , les Habitans auro.ientdelapeine àconferverleurs vivres. Voila comme le fage Auteur de la Nature, a voulu par un admirable contrepoids , qui balance toutes les perfections de l'univers , que les Pais qui ont quelques avantages pardefius les autres, foientà l'oppofite fujects à des incommodité'* , qui ne fe rencontrent point ailleurs : £r comme fa Divine Provi- dence, qui pourvoit paUfanment ausbeibins de (es créatures, a mis l'Antidote auprès du venin, le remède joignant le mal, & a même ouvert devant l'homme , les inépuifable trefors de la grâce , & de la nature , pour le prémunir contre les injures de l'air, les outrages des faifous, la violence despoifons, &de tout ce que la terre à produit de plus dangereus, de'puis qu'eU le à elle envenimée par le premier péché. Fin du premier Livre de l'Histoire des Antilles. H ISTOIR E NATURELLE ET MORALE DES ILES ANTILLES D E L'A MEHIQUE' LIVRE SECOND. Comprenant L'HISTOIRE MORALE. j 3 ■ rj: 281 HISTOIRE NATURELLE ET MORALE DES ILES ANTILLES D E L'A MERIQ U E. LIVRE SECOND. Comprenant l'Hiftoire Morale. CHAPITRE PREMIER. VefEtabltffement des Habit ans Etrangers dans les Iles de Saint O?rijiofle > de Nieïes , de la Gàrdelouper de la Martinique } <& autres Iles Antilles, Présavoir achevé, tout cequipouvoiteftrede l'Hiftoire Naturelle des Antilles, ii faut venir à l'Hiftoire , que nous appelions Morale, & trai~ ter dorefenavant en toute la fuite de ce Livre, des Habitans de ces lies > dont nous avons déjà fait quelque mention, félon qu'il eftvenu à propos, en la defeription que nous avons donnée -au Livre précèdent , de chacune de ces lies e» particulier. Nous p axerons premic- N n rement iÊ* Histoire Morale, Chap. r rement des Etrangers , ou des Européens , autant qu'il fera necetTaire a nôtre deflein . Et puis nous dépendrons , à u ne ample & particulière confideration des Indiens , Habitans na- turels du Pais , dont le fujet peu connu , demande une dedu- ttiondeplus lo igue haleine, & une recherche plus exacte & plus curieufe. Les Espagnols , fe fondans fur la Donation du Pape Ale- xandre C\z\émc t & fur quelques autres ràifons apparentes,, prétendent que le droit de naviger en l'Amérique , & d'y éta- blir des Colonies , foit auContinent foit aus Iles , leur appar- tient privativement à tous autres. Mais outre que la vanité de cette arrogante prefomption, fe découvre allez d'elle mê- me , & que ce feroit interrompre le fil de notre Hiftoire , que de nous arrêter icy à une telle controverfé, le Docte & eu- rieus Bergeron , a li exa&ément traître cette queftion, ôcfi clairement montré l'abfurdité de cette chimère, en Ion Trait- té des 2{av Rations > que ce feroit pêne perdue de s'y étendre davantage, & d'y vouloir apporter denouveaus éclairçiife- mens* Auflî tous les Rois & Princes Chrétiens, ont tou- jours conteftéau Roy d'Efpagne , ce prétendu droit qu'il s'at- tribue. Et ils ne l'ont pas feulement combattu par paroles & par écrits -: mais encore par les effets , ayant envoyé de tems en tems des flottes en l'Amérique , pour y faire des Peuplades, & fe mettre en poiTefllon de plufieurs terres de ce nouveau M onde 5 où particulièrement fe font fignalez les François, les AngloiS; &lcs Hollandois. Mais les plus renommées déroutes les Colonies que ces trois Nations poffedent en Amérique , & celles qui font les- plus fréquentées des Marchands , comme étant les plus avan- tageufes pour le commerce, ce font celles des Antilles. Les Erançois & les Anglois , comme on le peut remarquer au pre- mier Livre de cette Hiftoire, y font les plus avancez $ & ont en partage ies plus grandes, les plusriches, & les plus peuplées de toutes ces îles. Il eft auffi confiant , que ces Nations en leur établirTemenr,, n'ont pas fuivy les cruelles & Barbares Maximes des Efpag- no!s, & n'ont pas impitoyablement exterminé comme eus, les PeupLs originaires du pais. Car fi elles les ont trouvez; dans il Chap. i des Iles Antilles. z$ $ dans les terres qu'elles pofledent , elles les y ont confervez pour la plupart, & ont contracté alliance avec eus. 11 eft bien vray, que les Caraibes ont dépuis un long tems de grands dif- ferens avec les Anglois : mais l'origine de leurs querelles vient de quelques iujets de mécontentement , qu'ils ont re- ceus de quelques particuliers de cette Nation , qui en corps àdefapprouvé leur procédé : & en toute rencontres , a té- moigne' qu'elle defiroit, qu'ils fuflent traittez avec la même humanité, modération, & douceur Chrétienne, d'ont les amples & florhTantes Colonies de la Virgine & de la Neuve Angleterre , qui relèvent de fa]urifdi&ion, ont ufé jufques à preïenr, à l'endroit des Habitans naturels de l'Amérique Sep- tentrionale, où elles font établies: avecléquels elles entre- tiennent une fi fàinte , & fi parfaite correfpondence , qu'elle leur a facilité les moyens , de lesinftruire avec un heureus fuc* ces , es my frères de la Religion Chrétienne, & de fonder un grand nombre de belles Egliies , au milieu de ces pauvres Peuples. Sur tout , il eft tres-averé , que lors que les François fe font érabiisà la Martinique, à lâGardeioupe , & à la Grenade, ils l'ont fait par l'agrécment des Caciques, & des principaus d'entre les Caraïbes, qui ont déiavové ceus des leurs , qui ont voulu aller au contraire 5 & qui ont employé leurs forces 5c leurs bons avis pour reprimer leurs delTeins, & faire entrer les nôtres en la paifible pofleiTion , de ce qu'ils leur avoyent auparavant accorde. Ce qui juitifie , que nous ne fournies pas coupables des mêmes violences que les Efpagnols , <5c que nôtre procédé en l'étabiifîcment de nos Colonies ans lies , n'a pas efté femblable au leur. Que s'y on nous obje&e que nous les avons chauez de Saint Chrittofle , & de la Gar- deloupe , & qu'encore à prêtent, nous avons,guerre avec ceus de la Martinique. Nous répondons , que lors que nous avons peuplé ces Iles, nous n'avions autre but, que l'édification & Tinitruàion de ces pauvres Barbares, & .que fi contre nôtre première intention , nous avons été obligez dufer de feve- rité à l'endroit de quelques uns, & de les traitter comme en- nemis, ils ont attiré ce malheur fur eus, en violant les pre« miers, les facrées loixde l'aliance qu'ils, avoyent çontra&éc Nn z avec as^ Histoire Morale» Chap. i avec nous, & en prenant des confeils fanguinaires , quieuf- fent étouffé nos Colonies dans leur berceau , s'ils n'euflent efté découverts. Les Colonies Françoifes & Angloifes ont eu leur com- mencement en même tems , c'cft à dire en l'an mil fix cens vint-cinq. Monfieur Besnambuc, Gentil-homme Fran- çois v, de l'Ancienne Maifon de Vauderop ? & Capitaine en- tretenu par fa Majefté en la mer du Ponant, & Monfieur Waerkaer, Gentil-homme Anglois (lequel nos Fran- çois nommoyent Monfieur Oiiarnard, pour faciliter la pro- nontiation du double W, que notre langue ignore) ont en un même jour pris poiTeffion de l'Ile de Saint Chriftofle , an nom des Rois de France , & de la Grand' Bretagne leurs- Maî- tres , pour avoir un lieu de retraite alïurée , & une bonne ra- de pour les Navires de l'une & de l'autre Nation , qui fre- quentoient en l'Amérique. Cette lie , ayant tous les rares avantages que nous avons amplement déduits au Chapitre qui en contient la defeription , étoit fort vifitée des Espag- nols, qui y prenoient fouvent leurs rafraichiiîemens, en al- lant & en retournant de leurs longs voyages. Ils y Laiflbient aufll quelquefois leurs malades, qui étoienttraittez par les Indiens Caraïbes, avec léquels ils avoient fait la paix a cette condition Ces Meilleurs donc confiderant , que s'ils poffedoient cette terre , ils incommoderoient TEfpagnol leur ennemy com- mun en L'Amérique , & qu'ils auroient une bonne & feure demeure , pour jetter les fondemensdes Colonies , qu'ils fe propofoient de drelTer en ces lies , ils s'en rendirent mairres5 & y lailTerent des hommes pour la garder. Mais avant que d'en partir,, craignant que les Indiens ne fomentaiTent quel- que fecrette intelligence avec les Efpagnols , ou qu'en leur abfence, ils n'executalfent la refolution, que certains Sorciers, qui font en haute eitime parmy ce Peuple , leur avoient fait prendre.dépuis peu ,. de mettre àmort tous les Etrangers, qui étoienten leur terre 3 ils fe défirent en une nuit de tous les plus fadieus de cette Nation 5 & peu après ils contraignirent tous les autres qui s'étoient cantonnez & mis en defénfe,à fe istirer ailLeurs, 6c à leur laitier la place libre. Après Il Chap, i des 'Iles Antilles. 285 Apres quoy , Monficur Defnambuc s'en retourna en Fran- ce, & Monfieur Oùarnard en Angleterre, oùleurconqucfte, & tout leur procédé furent agréez- des Rois 5 & lapermiiïion leur ayant été donnée d'y faire palTer des hommes, ils y re- tournèrent en bonne compagnie , en, qualité de Gouver- neurs, ôc de Lieutenanspour les Rois de France , yenc de fe Q,a. h fan-- ■294 Histoire Morale Chap. fauver par mer, ou de fe retirer fur les montagnes, pendant que les autres, qui etoyent un peu plus courageus, furent d'a- vis d'envoyer des Députez à Dom Federic, pour le prier de vouloir entendre à quelque accommodement : mais pour toute reponfe, ils receurent un commandement exprés de (or- tir promtement de l'Ile , ou qu'autrement ils feroyent traittez avec toute la rigueur, dont les armes permettent d'ufer à l'endroit de cens , qui s'emparent contre tout droit , du bien qui ne leur apartient pas. Pour faciliter cedëpart que Dom Federic leur ordonnoit, on leur rendit félon fes ordres les Navires, que faÇlotte avoit pris devant l'Ile deNieves, & il voulut qu'ils s'y embarquaf- fe-nt fans aucun delay , & qu'en fa prefence ils nUent voile vers l'Angletere. Et parce que ces vahTeaus ne pouvoient pas contenir une fi grande multitude, il permit à tousceus quin'y purent pas avoir place,dedemeurerdans l'Ile, jufques à ce qu'il fe prefentâtune oeçafion favorable , pour fuyvre leurs compagnons. Apres cette expédition , Dom Federic fit le- ver l'ancre à fes Navires pour continuer leur voyage: mais incontinent que les Anglois qui étoyent reftez eurent perdu de veuë cette flotte, ils commencèrent à fe rallier , & à former une confiante refolution, de relever conrageufement les rui- nes de leur Colonie. Pendant que ces chofes fe pafîbyent à Saint Chriftone , les François qui en étoyent fortis au commencement de cette déroute, avoyent tant enduré fur mer, à caufe du manque- ment de vivres & des vms contraires , qu'ils avoyent été con- trains de ré lâcher aux Iles de Saint Martin & de Montferrat, après avoir vifité enpaffant celle d'Antigoa. Ilseuffent bien fouhaitté de fe pouvoir établir en quelcune de ces terres : mais elles ne leur fembloyent que desaffreus déferts , en cora- paraifon de celle qu'ils avoyent quittée. Sa douce idée re- pafloit incefïtnïment devant leurs yeus , ils l'àregrettoient à chaque moment, & l'aimable fouvenir de cet agréable fejour, où la Providence Divine les r'appelloit, par des voyesqui leur étoient inconnues, leur fit naiftre le defir de s'informer de l'état auquel l'Efpagnol l'avait l'aiffé , puis-qu ils en étoyent fi voifîns. Pour contenter cette louable curiofité, ; ils Il Chap. i des- Iles An t-i lies, 2^? ils y firent pafTer l'un de leurs Navires, qui leur rapporta à fou retour, que la Flotte ennemie s'étoit entièrement retirée, 6c que les Anglois qui y étoient reflez, travailloyent courage n- fement à rebâtir leurs cafés , à planter des vivres & à reparer leurs defolations. Cette agréable nouvelle, refufeita en un inftant toutes les efperances de nos François, & releva glorieufemcnt le cou. rage des plusabbatus : de forte qu'il ne fallut pas employer beaucoup d'artifice , pourles animer au retour, & pourleur perfuader de fe rendre en toute diligence en cette deiieieufe terre , qui poffedoit déjà leurs cœurs & toutes leurs plus ten- dres affedions. Audi-tort qu'ils y furent arrivez, chacun reprit fonpofte & retourna fur fa place, en bonne intention de s'y affermir, & d'en relever promtément le débris: Mais la famine qui les' talonnoit , eut fans doute interrompu le cours de tous ces beaus defleins, & ils fuffent fuccombez fous le faiz des pe- fans rravaus qu'il leur falloit entreprendre en un même teins, pour rebâtir leurs maifons, & planter des vivres , fi dans ces extremitez fi prenantes , Dieu ne leur eut fufeité k fecours de quelques Navires des Provinces Unies, qui les vinrent vi- firer à la bonne heure, & ayant reconnu leur trifte état , les affilièrent genereu fement de vivres , d'habits , & de toutes les chofes qui leur étoient neceffaires dans ce grand abandonné- ment où ils fe trouvoient réduits : & même pour leur faire la faveur toLîteentiere , ils fe contentèrent de leur (impie pa- role, pour aiïurance de toutes ces avances. Nos gens, s'étans tirez doucement à J'ayde^de ce fecours, hors du mauvais pas 011 ils fe voioyent accrochez, dez l'en- trée de leur rétabliflement, travaillèrent en fuite avec tant d'ardeur en leurs habitations, que Dieu beniffant l'œuvre de leursmains , la terre leur produifit des vivres , & du Tabac en fi grande abondance , qu'ils contentèrent avec honneur leurs charitables Créanciers, ôc en peu de teins ils fe trouvèrent beaucoup mieus accommodez r qu'ils n'etoient avant leur dé» route. Mais il leur falloit encore des hommes pour appuyer leurs ehtreprifes , & entretenir le commerce , qui commen-- çoit à s'établir parmy eus. Eour remédier à ce befoin , Mon- fieur ■ 296 Histoire Morale, Chap. i fieur Defnambuc , quivoyoit fa confiance couronnée d'un fi heureus fuccés , ne trouva point de plus feur , ni de plus dous expédient, que de permettre aus principaus Habitans de la Colonie d'aller en France, pour en lever, & les y amener à leurs propres fraiz. Ce fage confeil ayant efté fuivy , l'Ile Te peupla en peu d'années de plufieurs braves hommes , qui la mirent en réputation, La Colonie Angloife , répara auiïi en peu de tcms , toutes les brèches que le ravage de l'Efpagnol luy avoit faites. Et la Compagnie de Londres qui s'étoit chargée de fa diredion, ne fe laffant point de luy envoyer des hommes & des raffrai- chiffemens, les deùs quartiers qu'elle occupoit dans l'Ile de Saint Chriftofle , fe trouvèrent fi étroits pour contenir une fi grande multitude , qu'outre l'Ile de Nieves qu'elle avoit peu- plée avant la déroute , elle eut allés de force pour pouffer en moins de 4 ans des nouvelle Peuplades dans Celles de la Bar- boude , de Montferrat , d'Antigoa , & de la Barbade , qui s'y font merveilleufement accrues , &fe font rendues fameufes par le trafic des riches Marchandifes qu'elles fourniffent ,. & par le nombre de leurs habitans, comme il fe peut voir, par les deferiptions particulières que nous avons données de ces Iles, au commencement du premier Livre de cette Hiftoire. Pourcequieftdes Colonies Hollandoifes aus Antilles, elles ne content leur établiffement qu'aprez celles des François & des Anglois. Et ce n'eft pas l'Etat qui a fourny aus frais, mais des Compagnies particulières de Marchands, qui ontdefiré, pour faciliter le commerce qu'ils ont en toutes les Iles, que les François & les Anglois occupent, d'avoir des places de retrait- îe affurée pour ratfraichir leur Navires. La plus ancienne de ces Colonies , qui relèvent de la Souveraineté de Meilleurs les Etats Generaus des Provinces Unies, eft celle de Saint Eu- flache. Elle fut établie environ le thème terris , que Monfieur. Oiïarnard forma cellede Montferrat , c'eftà dire en l'an 163 s. Elle eft confiderable, pour eftreenunc place très- forte de na- ture 5 pour le nombre & la qualité de fes Habitans : pour l'a- bondance du bon Tabac qu'elle a produit jufquesà prefent: & pour plufieurs autres rares avantages, dont nous avons déjà parlé, au Chapitre cinquième du Livre précèdent. Mon- Chap. i des Iles Antilles. 197 Monfîcur Defnambuc , n'avoit pas moins de Paflion ni de generofité que les autres Nations pour étendre fa Colonie: mais n'ayant pas efté fecouru comme il eût efté requis dans ces commencemens, & Tes deffeins ayans efté fouventéfois traverfez de plufîeurs facheufes rencontres, il eut ce déplai- fir , de voir plufîeurs belles Iles occupées par d'autres , avant qu'il fut en état d'y prendre part, & de pouffer fa conquefte hors des limites de Saint Chriftoflc. Il avoit dépuis union* tems jette les yeus fur l'Ile de la Gardeloupe , comme étant l'une des plus belles & des plus grandes de toutes les Antilles, mais au même inftant qu'il fe difpofoit pour y envoyer des hommcs,il fut prévenu par Monfîcur de ï Olive, l'un des princi- paus habitans de fa Colonie, qui pendant un voyage qu'il avoit fait en France pour fes affaires particulières , s'affocia avec Moniteur du Pleffis , & quelques Marchands de Dieppe pour y é&ablir une Colonie , fous la commiflion des Seigneurs de la Compagnie des lies de l'Amérique. Ces deus Gentils-hommes, étans établis Gouverneurs de îa Gardeloupe avec égale autorité , y arrivèrent le vint- huitième de juin , mil lix cens trente cinq, avec une Compag- nie de cinq cens hommes , qui furent accueillis dez leur arri- vée de la famine , & de diverfes maladies , qui en enlevèrent plufieurs. . On tient, que le premier de ces maus leur furviîit, pour s*eftre placez d'abord en des endroits , où la terre étoit lapîus ingrate & lapius mal-propreau labourage, qui fât en toute l'Ile 5 & pour a voir entrepris trop légèrement la guerre contre les Caraïbes Originaires du lieu, qui leur euiîent pu fournir en toute abondance la plupart des vivres , qui étoient neceffaires pour leur fubiiltence dans ces commencement, jufques à ce que la terre leur en eût produit. Les mala- dies fuivirent les mauvaifes nourritures , que la faim les con- traignoit de prendre, à faute de chofes meilleures: à quoyon peut auffi ajoufter , que la terre n'étant pas encore défrichée, l'air y étoit facilement corrompu. Monfieur duPleffis, voyant les malheurs quîdejouren jour fondoient fur cette nouvelle Colonie , & ayant tout fujet d'en appréhender encore de plus grands à l'avenir, en cemeeut un tel dcplaifir, qu'il mourut dans le fêttiéme mois P p après 1 â$$; Histoire Moral e Chap. i après fon arrivée. H fut regretté de tous les François, & même des Indiens , qui avoyent toujours témoigné beau- coup de déférence à fes fentimens , & d'amour & de refped pour fa perfonne. 11 étoit doué d'une gtande prudence , & d'une humeur fi affable & fi obligeante , qu'il attiroit les cœurs de tous ceus qui traitoient avec luy. Après ledecés de Monûeur du Plefïis , Monfieurde l'Oli- ve s'empara de tout le Gouvernement, & comme il étoit au* tant remuant, que fon Collègue avoir efté dous & modéré, il défera tant aus confeilsviolens de quelques brouillons , qui Tobfedoient continuellement i qu'il fit bientôt après entre- prendre , cette guerrefunefte contre les Caraïbes , qui penfa ruiner cette Colonie nailTante. 11 eft vray , qu'il les prefla^ d'abord fi vivement, qu'il les obligea de luy quitter l'entière poiTemon de la Gardeloupe. Mais d'autant, que pour venir à foou t de ce deiTein qu'il avoir formé déz fon arrivée, iWe fouil- la deplufieurscruautez, que les Barbares n'cuiTent pas vou- lu exercer à l'endroit de leurs plus grands ennemis, il flétrit tellement fa gloire & fa réputation , qu'il ny avoit que des gens de fang., & des desefpérez .., qui aprouvaâènt &t conduite. Les Caraïbes , que Monfieur de l'Olive avoit chaffez decettelle, fe retirèrent en celle de la Dominique. Ceus de- la même Nation qui la poffedent les receurent fort volon- tiers, & pour leur témoigner,, qu'ils étoient fenfibiement touchez de leur difgrace, ils leur prefenterent de fe joindre avec eus , pour venger par les armes l'injure qui leuravoit cfté faite, cette offre étoit trop avantageufe, pour élire refufée. Leurs forces étant donc ainfi unies, ils firent piufieursdefcen- tes àJa Gardeloupe , & s'opiniâtrerent tellement à harce- ler les nôtres , pat les fréquentes incurfions qu'ils faifoient fur eus -, qu'ils étoient contrains d'abandonner la culture du Ta* bac, & même des vivres qui étoient necetTaires pour leur fub- fiftence „ afin d'eftre toujours fous les armes1, pour repouf- fer les- efforts, prévenir les rufes , & éventer les deïTeins de ces ennemis , qu'ils av oient attirés fur eus par leur ma prudence. Cette Chap. i des Iles Antille s. $*r$ Cette cruelle guerre, qui dura'cnvirôn quatre années, re- butât cme Colonie en un (i déplorable état, qu'elle étoit dé. criée partout, & à caufe qu'elle avoit fi fouvent les Caraïbes fur le bras , on la croyoït à la veille de fa ruine , mais comme clleétoirreduite à ces extremitez, Monfieur dcl'Oliveper- dic la veue, ôc Meilleurs de la Compagnie y envoyèrent Monfieur Auber pour Gouverneur, qui remédia à tous ces desordres , appaifa tous les troubles , ôc y apporta cette bonne paix, qui y attira puis après le commerce, ôc l'abondance de toutes chofes , comme nous le dirons au Chapitre troiziénae de cette Hiftoire Morale. Incontinent que Monfieur Defnambuc eut fçeu ., que la Gardeloupe étoit habitée , il refolut , de ne pas différer davan- tage à fe placer dans quelcune des meilleures Iles, qui etoient encore a fon choix , & de peur d'eftre encore une fois fup. plante, fe voyant affiftéd'aifcz bon nombre devaillans hom- mes, & pourveu de toutes les munitions de guerre , cX de bouche, qui font neceffaires en ces entreprifes, il alla luy mê- me prendre poûcffion de l'Ile de la Martinique, en laquelle il mit pour fon Lieutenant Monfieur du Pont, & pour pre- mier Capitaine, Monfieur de la Vallée. Puis mourant à Saint Chriftofle, il donna par fon teftament tous les biens , & tous les droits , qu'il avoit à la Martinique , laquelle il avoit fait peupler à fesfraiz, à Monfieur du Parquet fon Neveu, qui en efl encoreà prefent Seigneur ôc Gouverneur, comme nous lavons déjà dit. Ce Gentil-homme étoit vaillant, digne de commander, accoflable , familier à tous, & doiié d'une grande adreffe à e faire aimer & obéir tout enfemble. Les Anglois mêmes e refpedoient ôc le craignoient également. On recite de luy , que ces Anglois , ayansoutrepafle tantfoit peu les limi- tes, qui par un commun accord, avoyent efte pofées entre les e tEjîahliJfement des François dans les Iles de Saint (Bartelemjt , de Saint Martin y ï? de Sainte Croix. A Prés le decés de Monfieur Defnambuc , duquefl* mémoire eft en bénédiction dans les Iles , Monfieur du Halde , qui étoit fon Lieutenant au Gouverne- ment, fut fait Gouverneur en chef par M eifieurs de la Com- pagnie des Antilles. Mais comme peu de tems après il fe fut retiré en France, Monfieur le Cardinal de Richelieu, premier Miniâre d'Etat, duquel la prévoyance s'étendoit auslieus les plus éloignez, jugea quec'étoit une chofe digne de fes foins, de prendre à cœur la confervation , & l'accroiiTement de cet- te Colonie en l'Amérique, & que de là, la gloire du nom François , & les armes victorieufes de nôtre invincible Mo<- narque, pourroient s'étendre par tout ce nouveau Monde, comme elles éclatoient magnifiquement en ceîuy-cy. 11 de- firapour cet effet que les lies fufïènt pourveuës d'un Gou- verneur, qui pût féconder & exécuter fes genereus dcffeins. Et après avoir cherché par tout, un Seigneur capable de cet employ, & doîié de la conduite , delà fageffe , delà genero- fité ?, & de l'expérience neeeiTaire à une fi grande charge : En un mot, qui eut tous les avantages de l'une & de l'autre No- bleffe , pour reprefenter dignement la Majefré du nom Fran- cois en un pais fi éloigné , fon Eminence n'en trouva point qui eûr toutes ces rares qualitez , en un plus haut degré, que MONSIEUR LE CHEVALIER DE LONV1L- LJERS POINCY, BA1LLY ET GRAND CROIX ÛE LORDRE DE S. JEAN DE JERUSALEM* Gon> Chap. 2 des Iles Antilles» 301 Commandeur d'Oyfemont > & de Coulours & chef d'Efca- dre des Vaiffeaus de fa Majefté en Bretagne , Gentil-homme de fort ancienne Maifon , qui porte Je nom de P o i n c y , & dont l'aime' fait fa demeure en Tune de fes terres , proche la Ville de Meaus. Monfieurle Cardinal, prefenta cet excellent Gentil-homme au Roy Louis treizième deglorieufe mémoire, qui louant & approuvant ce bon choix, l'inveftit de la charge de Gou- verneur , & Lieutenant General pour fa xMajefté aus lies de T Amérique. Dequoy , lettres lu y furent expédiées au mois de Septembre , de Tan mil fix cens trente huit. Cette qualité, n'avoitpaseftédonnéàceus qui l'avoient précédé. L'an mil fix cens trente neuf, Monfieur leBaillydePoin- cy, étant party avec tout fon train de la rade de Dieppe vers le my-]anvier , arriva un mois après aus Antilles , & fut reçeu premièrement à la Martinique, par les Habirans en armes. Puis il alla à la Gardeloupe , & à Saint Chriftofle, recevant- par tout le ferment de fidélité. Sur tout fa réception fut très- belle en l'Ile de Saint Ch-riitofle. Il fut falué à fon arrivée du Canon de nôtre Fort, & de celuy de tous les Navires, Tous les Habitans François étant fous les armes, le receurem en qualité de General, avec un applaudiflement uoiverfel* comme déjà auparavant ils avoient fait des feus dejoye, & rendu grâces à Dieu , fur les premières nouvelles qu'ils avoient eues , de fa nomination à cette charge , &il fut cot> duit à F Eglife accompagné de fes Gentils-hommes , & de fes gardes pour y chanter le TeDeum. Si tôt qu'il fut entré en polTelTion ,. l'île prit une nouvelle face, & l'on vit en peu de tems un notable changement de bien en mieus. Ainfi il ne répondit pas feulement ans gran- des attentes que fa Majefté , & Monfieur le Cardinal avoient conceuës de fon Gouvernement : mais il les furpafla de beau- coup. D'abord il fit bâtir des Eglifes en divers quartiers de nie. Il prit foin que les Preftres fuifent bien logez & entre- tenuz, afin qu'ils pufient vacquer à leurs-charges fans diver- tillement. Sa Juftice parut au bel ordre qu'il établit , pour la? rendre bonne, briéve , ôc gratuite, par un Confeil compofé des plus fages & des plus entendus d'entre les. Officiers de PBi l'Ile,. $QZ Histoire Morale Chap. l'Ile. Sa Vigilance corrigea tous les désordres, quife glif- fent facilement parmy des perfonnes recueillies de divers en- droits, ce cette charge aveegrande approbation par plufieurs années, & le revêtit de la qualité de Gouverneur de cette lie. 11 mou- rut en l'exercice de cette charge, au grand regret de tous les habitans , après avoir mis l'Ile en bon ordre $ redrefle Tes rui- nes, & donné les comrnencemens à un Fort, qu'il avoit luy- même deflfmé, pourlafeuretédesvai(ieaus,quiviendroient cy après àla radej & pour faire perdre aus Lfpagnols, toute en- Vie d'y defeendre à l'avenir, pour y faire des ravages. Lacon- quefte de cette lie fut faite, en la faOTon que nous venons de di- re en l'an 1650. Si cette Colonie, doit fes comrnencemens à la generofité de Monfieur le General, qui ne laiffe écouler aucune occafion ca- pable d'amplifier la gloire & le nom de la Nation Françoife,el- îeluyeftaufïi redevable de fa confervation, & defonaccroiife- ment. Car il a eu foin d'y faire pafler des hommes , & d'y en- voyer des vivres , jufques à ce que la terre en eut produit, ôc tous les raffraichiflemens neceflaires en de nouveaus établivTe- rnens , & notamment les munitions de guerre qu'il faut en une place, qui eftfivoifme de l'ennemy , & qu'il a enlevée devant fes yeus , & fous fa main. Pour faciliter ce deffein,il a eu long tems en mer un de fes navires commandé par le Capitaine Mancel, duquel la vertu, la fidélité, le courage, & l'adreiTe,ont cité éprouvées en plufieurs rencontres fignalées, Il faifoitle voyage ordinaire de S. Chriftofle à Sainte Croix , pour y por- ter tout ce qui pouvoit faire befoin, à cette nouvelle Colonie. Les Hollandois, avoient édifié furuneagreableeminence de cette lie , une belle Eglife bârie en forme de Croix. Si les Lfpagnols refpe&antcefignefacré, qui étoit furie clocher, n'ont pas ruiné cet édifice: nos François doivent cette mai- ion d'oraifon à la pieté & au zèle d'une Compagnie de Mar- chands de la ville de Fleffingue , qui fit premièrement habiter cette lie, fous la commiiïioa de Meilleurs les Etats. Le Chap. 2 des Iles Antilles. $05 Le Roy à prefent régnant , étant informé de toute la gloire queMonfieurdePoincy a aquis, & qu'il acquiert journelle- ment à nôtre Nation, & combien fa prefence eft neceflairc en l'Amérique, a confirmé de nouveau ce G encre-us Cheva- lier en Ja charge de fon Gouverneur & Lieutenant General en ces quartiers là , & la Reyne pendant fa Régence , a haute-, ment loué les dignes a&ions, & fa fidélité au fervice du Roy. En l'an 1651 Monfieur le General , traitta fous le bon piai- fir du Roy: avec la Compagnie dont nous avons parlé, & l'ayant remboursée de tous les frais qu'elle avoit faits pour rétabliflement de cette Colonie , a aquis de ces Mef- fieursqui compofent cette Compagnie,- la Seigneurie & pro- priété foncière des lies de Saint Chriftone , de Saint Bartele- my, de Saint Martin, de Sainte Croix, & des adjacentes, ôc cela au nom & au profit de fon ordre de Malte, qui par ce moyen eft accreiï de l'une des plus belles, des plus riches, ôc des plus honorables Seigneuries dont il jouiiïe, fous la Souveraineté de fa Majefté Tres-Chrefuenne. Et dépuis le Roy a fait don afrfolu de toutes ces îles , à l'Ordre de Malte, à la feule referve de la Souveraineté, & de l'hommage d'une Couronne d'or de redevance , à chaque mutation de Roy , de la valeur de milefeus, comme il paroit parles lettres paten- tes de fa M ajélté, du mois de Mars 1 6 5 3 „ LOUIS PAR LA GRACE DE DIEU ROY D-E FRAN CE ET DE NAVARRE: A tous prefens & avenir Salut. L'ordre de Saint Jean de jerufaleni, s'eft monftré fi utile à l'Eglife par fes fervices Ôc fa continuelle refiftance aus entreprifes des Mahometans, ennemis de la Foys dont les victoires fréquentes qu'il a remportées fur eus , en tant de combats , font des marques certaines , efquels grand nombre de Chevaliers ont efpanché leurfang, «5c prodigué leur vie pour le falut commun, & lesHofpitaus, ont efté fi dignement & charitablement adminiftrez pariceluy, depuis fon Institution , qu'il feroit utile qu'il eut fon fiege non feule- ment en l'Ile de Malte, mais aufîi en d'autres & plufieurs en- droits, afin que ce fu fient autant de (tarions, fortereiTes & remparts pour la Chrétienté , ôc d'azilles aus Fidèles. Ces Qjj Con- W& Histoire Morale, GHap. r. Confident ions , & l'afFe&ion que les Rois nos predecerTeurs, & nous à leur exemple avons toujours portée audit Ordre, nous ont fait favorablement entendre aux fupplications qui nous ont eux faites de la part de noftre très-cher Coufinle Grand Maiftre dudit Ordre de Saint Jean de Jerufalen^ par no- ftre amé& féal Confeiller en nos Confeiîs Chevalier & Baiily d'iceluy , & Ambalîadeur de noftre dit Coufin le Grand Mai- ftre prés noftre perfonne, le Sieur de Souvré : Que le Sieur Bailîy de Poincy Grand Croix dudit Ordre , après plufieurs beaus cmpîoys en France , auroit efté envoyé par le feu. Roy noftre tres-honoré Seigneur & Père, fon Gouverneur & Lieu- tenant General es lies de Saint Criftophe, & autres lies de l'Amérique peu connues pour iors , lesquelles dépuis fous fa conduite font habitées de grand nombre de François, enquoy ledit Sieur Baiily de Poincy n'auroit rien efpargné pour y main- tenir noftre authoricé , l'éclat & iadignité du nom François : Mefnies auroit fait baftir plufieurs forts à fes defpens*, & fe fe- roit aufti formé un revenu confiderable par acquittions quïî a faites dans lefdites lies , ayant employé pdur cet effet , le re- venu de plufieurs années de deus des plus belles Commande- ries dudit Ordre, defquelles il jouiflbit en France, lefquels Domaines,par droit de peculaparriennent à fon Ordre, auquel d'abondant ledit Sieur Baiily de Poincy, comme bon Reli- eus en a donné toutes les feuretez ncceiTaires. En fbrteque a? noftre-dit Coufin le Grand Maiftre & ledit Ordre, s'en peu- vent dire dés à prefent le vray propriétaire , fans attendre qu'ils luy reviennent après le decés par droit de dépoùille,àquoy no- ftre-dit Coufinle Grand Maiftre a defiré joindre la propriété entière defdires lies de Saint Chriftophc , par l'acquisition d'icelles , pour laquelle noftre dit Coufin a envoyé fes ordres & pouvoir audit Sieur de Sou v ré , afin de traiter avec cens de la Compagnie defdites Iles fous noftre bon plaifir, & fous i'éfperance que nous aurions ledit traité agréable, & que nous y joindrions en outre , ce qui nous apartient efdites îles , afin de pouvoir par noftre-dir Coufin & fon Ordre , y former un établiiVement pour le fervice & ladéfenfe de la Chreftienté, & pour la couves fion des Sauvages à la Religion Catholique. .&. après avoir fait voir en noftre Confeii les Let- A CES CAUShS Chap. 2 des Iles Antilles. 307 Lettres de ConcelTion par nous cy devant faites à ladite Com- pagnie des lies de l'Amérique du mois de Mars 1642. L'a£te de délibération de l'afl emblée de ladite Compagnie de l' Amé- rique, pour laceiïion, vente & aliénation de tout ce qu'ils pour- royent prétendre en icelies fous nôtre bon plaifir , aus charges & conditions portées par le refultat du 2 May 165 1. Le traité fait par ledit Sieur de Souvré avec ceus de ladite Compagnie, le 24 defdits mois & an , attachez fous le çontre-feel de noftre Chancellerie. De l'avis de noftre-dit Confeil, oùeftoycntla Reyne noftre tres-honorée Dame & Mère, noftre très-cher Frère le Duc d'Anjou , plufieurs Princes, Ducs, Pairs ôc Officiers de noftre Couronne , & autres grands & notables Perfonnages de nôtre Royaume 5 Nous defirans favorable- ment traiter noftre Coufin le Grand Maiftre & fon Ordre, & tefmoigner à toutela Chrétienté reftime que nous enfaifons, & que comme Fils aifné de l'Eglife, nous ne iailïbnsefchaper aucune occafion pour le bien & l'augmentation de la Religion Chrétienne, & par ce moyen inviter les autres Princes Chré- tiens de faire le femblable , & de contribuer de leur part ainfi que nous faifons, à la manutention & propagation delà Foy, de noftre grâce fpeciale, certaine feience , plaine puiiîance & authorité Royale, Avons loùé,agrée, ratifié, louons, agréons, ratifions & confirmons par ces prefentes (Ignées de noftre main, la conceffioncy devant faite à ladite Compagnie des lies de l'Amérique du mois de Mars 1642. Enfemble ledit Con- trad du 24 May 1651. Portant l'aliénation vente & ceffion des droitsde ladite Compagnie dans les îles de l'Amérique , à eus concédées, au profit de noftre-dit Couii nie Grand Mai- ftre & dudit Ordre de Saint Jean de Jerufaiem. Et adj ourlant aus concevons faites par cy devant , avons de nouveau donné & o&royé à noftre-dit Coufîn & à fon Ordre , donnons & o&royons par cesdites prefentes ladite Ile de Saint Chriito- phe , & autres en gênerai en dépendantes , conformément au- dit Contrad du 24/vlay avec toutes leurs confiftances, à la referve des Iles contenues & fpechiées aus^Contrads de Ven- te des 4 Septembre 1649. & 27 Septembre 1650. Pour ladite île de Saint Cliriitophe , & autres Iles de l'Amérique , en gê- nerai, à la referve cy defTus, eftre tenues par noftre-dit Coufin Qj 2 ie jos Histoire Moral e , Chap. i le Grand Maiftre & fon Ordre en plain Domaine , Seigneurie directe , & utile propriété incommutable, Enlemble les pla- ces & forts eftans en iceiles , droit de Patronage Laïque de tous bénéfices <5c dignités Ecclefiaftiques , qui font ou pour- ront eftre cy après fondées,- & qui nous peut de prefent ou pourroitapartenir , avec tous droits Royaus, & pouvoir de remettre & commuer les peines, créer, inftituer , & deftituer Officiers- & Miniftresde juftice , & Juridiction tant volontai- res que contentieufes, pour pafler tous a&es , juger toutes matières tant civiles que criminelles en première inftance , & par appel en dernier reftbrt, & en tous cas, le tout à perpé- tuité en plain fief , & amorty , & fous tel titre , & y faire tels établuTemens que bon luy femblera , à la feule referve de la Souveraineté*, qui confilte en l'hommage, d'une Couronne d'or de redevance à chaque mutation de Roy , de la valeur de mil efcus , qui fera prefentée par l'AmbavTadeur dudit Or- dre vers cette Couronne , ou par tout autre officier d'ice- lûyenfonabfence, à la charge que noftredit Coufin le Grand Maiftre , «3c l'Ordre , ne pourront mettre lefdites Iles hors' de leur main, n'y y donner commandement à autres qu'ans Chevaliers des Langues Françoifes nos fujets , fans nous le faire fcavoir, êz pris fur ce noftre confentement. Si don- nons en mandement à nos ame% & feaus Confeiilers les Gens tenans noftre Cour de Parlement de Paris, Chambre des nos Comptes , & antres nos Officiers qu'il apartiendrar que ces prefentes ils falTent enregiftrer , & du contenu en icei- les faire jouir noftre-dit Coufin le Grand Maiftre «Se ledit- Ordre piaillement , paisiblement & perpétuellement , fanS' fourïrir qu'il luy fon fait, mis ni donné aucun trouble ni empefehement au contraire. Et d'autant que des prefentes- l'on peut avoir befoin eh même tems en plufîeurs lieus. Nous voulons qu'aus Copies deuëment collationées , foy foit ad- jouftée comme à l'Original des prefentes. CAR TEL EST NOSTRE PLAISIR. £t afin que ce foit? chofe confiance pour toujours , Nous avons fait mettrer noftre Seel à. ces prefentes , fauf en autres chofes noftre droit,, ôcl'autruy en toutes» Donné à Paris au mois de Mars?. Chap. % des Iles Antilles. 509 Mars, l'an de grâce 1653. Et de noftre Règne le dixié- me. Signé loqis Et fur le Reply , parle Roy de Lomenie. Vifa Mole', Et feelle'e du grand fceau de ciré verte fur lacs de foye.a Apres que Monfieur le General dePoincy, eutafermy te Seigneurie de l'Ile de Saint Chriftofle entre les mains de fon Ordre de Malte , & procuré foigneufement la gloire & la profperité des Colonies Françoifes de l'Amérique, ildeceda paifiblementàSaint Chriftofle, l'onzième dumoisd'Auril de Tan mil fix cens foixante , au grand regret de tous les Habi- tansdes Iles , parmy léquels la mémoire de les eminentes ver- tus fera toujours precieufe ôc en finguliere vénération. Le Roy, confiderant félon fon exquife fagelie, que la charge qui étoit vacante parle decés de ce digne Seigneur, étoit de très-grande importance , en a pourveu Monfieur le Cheva- lierdeSales, qui porte en fes Titres. Charles de Sales, Che- valier de l'Ordre de S. Jean de]erufalem , Adminiftrateurde la- Seigneurie de Saint Chriftofle, & Chef de la Nation Fran- çoife eftabiy de fa Majeftépour fon Eminence de Malte. Monfieur du Parquet Gouverneur de la Martinique, à aulïï aquis de la même Compagnie la Seigneurie des Iles de la Martinique, de la Grenade , 6c de Sainte Aloufie. Mon- fieur d'Hoùel Gouverneur de la Gacdeloupe , a fait la même chofe pour les lies de la Gardeloupe de Marigalante , de la De- firade, & des baintes. Ces deus dernières ne font pas encore peuplées. Mais il a demandé par avance la Seigneurie de ces terres , afin que d'autres ne s'en puiffent civilement em- parer. Car il faut favoir , que la Compagnie des I les de l'A- mérique, laquelle eft maintenant. abolie, avoit obtenu êm Roy, toutes les Antilles habitées , & à habiter par fucceftlon de tems. De forte que ces Meilleurs , qui ont traîné avec cette Compagnie, ont fait mettre dans leuro&roy, des Iles qu'ils n'ont pas encore habitas -r mars qui font enieur voi- Qa._ 3: Cnagci\ $ie Histoire Morale, Chap. » {înagej&àleurbienfeance: & incontinent qu'ils auront affëz d'hommes en leurs autres Iles, ils en feront palier en celles là, fi ce n'eft que les Anglois , ouïes Hollandoiss'en em paradent auparavant. Car c'eft une régie générale , qu'une Terre qui eft fans habitans , eft au premier occupant. Et l'O&roy du Roy, ou de la Compagnie, nefert, que pour parer ces Mef- fîeurs contre quelcun de nôtre Nation, qui pourroit courir fur leurs deflems. Ainfi toutes ces îles que les François tiennent aujourduy ■en l'Amérique , relèvent entièrement du Roy pour la Souve- raineté, & de Meilleurs les Chevaliers de Malte , du Parquet, & d'Hoiïel, pour la Seigneurie, fans plus reconnoitre la Com- pagnie , qui a cédé en leur faveur tous fes droits , 6c toutes fes prétentions. Quanta la fuite des Gouverneurs Anglois de l'Ile de Saint Çhriftofle. Monfieur Oùarnard étant mort après avoir gio- rieufement étably fa Nation dans les Antilles , & avoir peuplé en particulier l'Ile de Saint Çhriftofle , de douze à treize mille Anglois: Monfieur Riche t qui étoit premier Capitaine de l'Ile fut étably en cette charge , & celuy-cy pareillement étant decedé, Monfieur Emet fut pourveu du Gouvernement, qui l'adminidre encore aujourduy , avec la capacité & l'approba- tion (inguliere, que nous avons déjà représentée, en parlant de l'Ile de Saint Çhriftofle. Au refte lors que les Nations étrangères arrivèrent en ces lies, elles fe logèrent au commencement à peu prés comme les Habitans naturels du pais, fousdepetis couverts, & dans de Amples huttes , & cabannes, faites du bois même qu'ils cou- poient fur le lieu , en défrichant la terre. On voit encore dans les Colonies naiftantes, -plufieurs de ces foibles édifices, qui nefontfoutennsque par quatre ou (ix fourches, plantées en terre, & qui pour murailles ne font entourez & pallifa- dez que de rofeaus , & pour toit, n'ont que des feuilles de pal- mes, de cannes de fucre, ou dequelqu'autre herbe. Mais en toutes les autres Iles, ou ces Nations font miens établies, on voit à prefent plufieurs beaus édifices de charpente , de pierre & de brique , qui font faits en la même forme, que cens de leur païs j excepté , que p$ur l'ordinaire ils n'ont qu'un Chtp.i DEs itES Antilles. 30 étage, ou deus au plus, afin qu'ils puifient plus facilement refifter aus vens, qui foufflent quelquefois avec beaucoup d.mpetuofite en ces quartiers là. Nous avons afiez parlé de ces édifices dans l'occafion qui s'en eftprefentée, lorsque nous avons décrit chacune des Antilles en particulier Maisnousajouterons feulement icy, quefurtout,' les An- glois qui habitent ces lies, font pour la plupart commodé- ment logée, & proprement ajuftez en leurmeW, parce qu ils s arrêtent dans les Colonies, & les cmbelliflSié com- me f. c etoit le lieu de leur naiflance. Ils font aufly préfque tous mariez, ce qui fait, qu'ils travaillent mieus à s'accommo- der, que ceus qui mènent une vie de garçon , comme font plu- ncurs entre les François. ^ Nous avions dtlfein pour la clôture de ce Chapitre de coucher icy tout le procédé que tint MonfieurAuber pour fcîfinnT r3VeC kS CaraïbeS • '0rS qU'ilvint P^ndrcpofc ieffion du Gouvernement de la Gardeloupe : mais à caufe que le «hfcours eneftunpeu long, & qu'il peur donner de grandes lumières, pour connoitre le naturelde ces indiens dont nous avons à traitterencedeuziéme Livre, nousavons sieu qu il n en falloitrien rerrancher, & qu'il meritok bien de remplir un Chapitre tout patticulier. . CHAPITRE TROISIEME. 2># l'afermifementde la Glonie France Je la Gardeloupe, par la paix , qui fut faite aVec les Caraïbes de la Dominique , en l'an 1 640. LEs premiers d'entre les -François qui occupèrent l'île de ,a Gardeloupe, y abordèrent en l'an 1635, par les Ordres d une Compagnie de Marchands delà viUedc 1I«5P V.qm r°as}'iatoûté de la Compagnie Générale des Peffi .lc*ïï£f établieàRriS' y -voyerentlesSieursdu kDtèiikre'^n? ' Po"ryc0mraa"d«en leurnom. Mais J- ipemut euntmort peu «bunois aptes (on érablifleoient , & l'au- 3ia ~ Histoire Morale, Chap. $ l'autre par la perte de fa veuë, & par Tes maladies continuelles, étant rendu inhabile à gouverner une Colonie naifiante, com- me nous l'avons déjà reprefenté dans les Chapitres precedens. Monfieurde Poincy, pourveut dignement atout ce qui étoit neceflaire pour l'entretien des nôtres en cette lie , laquelle auroitefté abandonnée, fans les grands foins qu'il prit, d'y en- voyer des troupes auxiliaires fous la conduite de Monfieurde la Vernade, & de Monfieurde Saboûîlly, pour s'oppofer ans defieins des Caraïbes, qui leur en conteftoient puùTan- ment la poOeiïïon ; de forte, que fi cette Colonie ne doit pas fon premier e'tablnTement à Monfieur le General de Poincy, elle luy eft redevable au moins de faconfervation , &de fi fubfiftence. Il approuva auffi & confirma au nom du Roy , la nomination que la Compagnie des lies avoit faite de Mon- fieur Auber , pour eftre Gouverneur de cette lie. Ce nouveau Gouverneur, prêta ferment de fidélité entre les mains de Monfieur le General le 2©d'Odobre 164.0. Mais avant que de defcendreàSaint Chriftofie , le navire qui l'avoitpafîede France en Amérique, ayant mouille prés de la Dominique, plufieurs Sauvages qui avoient reconnu de loin le navire, ôejugé par les fignes de bien-vueillance qu'on leurdonnoit, qu'ils n'avoient point d'ennemis dans ce vaif- feau, prirent l'atfurance d'y entrer. Par bonheur, ceus qui l'étoient venu reconnoître; étoient les premiers Capitaines de l'Ile. Monfieur Auber fe refoiut de profiter de cette oc- cafion, jugeant qu elle étoit tres-favorabie, pour-r'entrer en alliance avec ce peuple, qui avoit été éfarouché , & presque entièrement aliéné des François, par les violences & les Ri- gueurs de Monfieurde l'Olive, l'un de fes predécefieurs en la charge, & par la mauvaife conduite de ceus qui comman- doient le fecours que Monfieur le General avoit envoyé à nos gens qui étoient en cette lie. Et parce qu'il favoit, que ceus de cette Nation felaiffent facilement gagner parcarefies & parpetis prefens, il n'oublia rien de tout ce qui pouvoir contribuer a l'avancement de fon delfein. 11 leur fit donc favoir qu'il venoit de France , & qu'il ëtoit envoie pour commander en l'Ile de la Gardeloupe : Qu'il avoit aptis avec regret , les diférens qu'ils avoient eus avec les ïran- Chap. s des Iles Antilles. 313 François dépuis quelques années : Qu'il venoit avec iritehtion de les terminer à l'amiable $ Et qu'il vouloir eftre leur bon Compère, & leur bon voifin ,.& vivre avec eus cqmme avoir fait feu Monfieur du Pleiîis leur bon amy. Il faifoit entremê- ler cet entretien, de force verres d'eau de vie , qu'il leur faifoit prefenter. Ces Sauvages , voyant une réception fi franche , & fi cor- diale $ après avoir parlé entre eus en leur langage de guerre, qui n'eft entendu que des Anciens Chefs de leurs entreprifes, fc refolurent d'accepter l'cfre qui leur e'toit faite > & de re- nouer lâncienne amitié , en renonçant à tout ce qui pourroit entretenir cette guerre fanglante , qui avoit tant incommodé les deus partis. Mais avant que de rien promettre ils deman- dèrent à Monfieur Auber, fi Monfieur de l'Olive, Monfieur Sabouily, Ôc tous ceus qui avoient fuivy leurs violences, foni- roient de l'Ile. Et lùy leur ayant réfpondu, qu'il les y obii- geroit, ils dirent que cela étoitneceffaire , .& qu'autrement ils feroient toujours fâchez contre les François , par ce que difoient ils, 1° olive & Sabouly point bons pour Caraïbes, Ce font leurs mots. La deiïus, Monfieur Auber les ayant aflurez que celadeineureroitarrefté , & que pour luy il leurferoit bon, s'ils vouloient aufli eftre bons: ce qu'ils promirent , il leur fit faire grand'chere, & les r'envoya avec des prélens , & bien fatis faits. De la rade de la Dominique, Monfieur Auber alla à la Gardeloupe, pour y pofer fon Equipage j & de là à Saint Chriftofle, pour y rendre fes devoirs à Monfieur le General, qui fut joyeus du bon chois que la Compagnie des Iles avoit fait de fa perfonne , & le confirma en fa charge au nom du Roy, après qu'il eut prêté le ferment de fidélité. Il partit bien tôt après de Saint Chriftofie , pourfe rendre en fon Gouvernement : où étant arrivé il fut re*.eu avec joye par tous leshabitans, qui l'avoient en une haute eftime pour fon expérience , en tout ce qui pouvoir fervir à l'avancement des Colonies naiffantes , & par ce qu'ils étoient perfuadez qu'il étoit remply d'une prudence finguliere , pour remédier aus desordres paîlez , d'une generofité capable de refifter aus difficultés prefentes , & d'entreprendre ce qui feroit neceftaire R r pour $14* Histoire M or a l _b> Chap. ? pour le bien & le repos de l'Ile, & d'une douceur fcafabilité qui Kavoient rendu recommandable à tous ceus de Saind Chriftofte,. léquels aufii l'avoient reconnu pour un de leurs meilleurs Capitaines. Sa comminion fut leuë. & publiée à la teftedes Compagnies de l'Ile , par deus Dimanches confe- cutifs, qui turent le z.% Novembre ôc le fécond de Décem- bre, de Tan 1640. La guerre , qui s'étoit allumée entre les Sauvages & ceus de noftre' Nation, par le mauvais confeil de quelques efprits remuans, en quelcune des qualités qu'il doit avoir pour eftre parfait. Ce bon ordre , & dans la milice , & dans la police , rendit cette lie Floriflante en peu de tems : Et fa renommée y atira plufieurs Marchands , & convia un grand nombre d'honnêtes familles, à y venir prendre leur demeure, 5c à s'y établir. Pour revenir maintenant à nos Sauvages, qui avoient vi« fité Monfieur Auber en fon navire , & qui avoient traité de paix aveeluy, fous les conditions que nous avons dites, ils îie furent pas plutôt retournez en leur terre, où ils étoient attendus avec impatience, fur ce qu'ils avoient demeuré un peu long tems au navire , qui é:ok a leur rade ,~ qu'ils publiè- rent par toute l'Ile, l'amiable aciieil qu'ils avoient re'çeu. Ils ne pouvoient aifés prifer le bon traitement, que le Gouverneur nouvellement venu de France leur avoit fait. Les beaus pre- fensqu'illeur avoit donnez j-confirmoient autènuquemetufa 3i6 . Histoire Morale, Chap. s bonté & fa libéralité. Et ils ajoutoient , que leurs ennemys l'Olive & Sabouly devant fortir de la Gardeloupe , ils avoieng fait la paix avec ce brave Compère, quilesavoit fi bien re- ceus>, qu'il étoit digne de leur alliance. Que pour ne luy don- ner aucun fujet de défiance , il faloit désormais s'abftenic des courfes , qu'ils avoient coutume de faire en la terre de la Gardeloupe , dépuis qu'ils étoient en guerre. Et que lors qu'ils s'auroient que ce nouveau Gouverneur feroit ferme- ment étably , ils iroient le vifiter avec des prefens , & confir- mer folenneilement cette paix , qui leur feroit fi profitable d l'avenir. Les Caraïbes , qui avoient perduplufieurs de leurs hommes, dans les combats qu'ils avoient eus contre les Fran- çois , & qui fe lalîoient d'avoir à faire à des ennemis fi adroits & fi courageus , furent bien aifes de Theureufe rencontre qu avoient fait quelques uns de leurs principaus Capitaines, De forte qu'ils approuvèrent ce qu'ils avoient arrêté avec Monfieur Auber , & aquiefcerent à tout ce qui leur "etoie propofé , pour entretenir & pour afermfa d'orefenavaut cette paix. . : Prés de cinq mois s'écoulèrent , pendant îefqueîs les Sau- vages tinrent ponctuellement la promette qu'ils avoient faite à Monfieur Auber, de ne plus inquiéter les François. Apres quoy , s'étantperfuadez que cetems-là luy devoir avoir fuiy pour s'accommoder à la Gardeloupe, y. mettre les ordres ne- ceiTaires, & informer les habitans de l'aliance qu'ils avoient contra&ée enfembleà la rade de la Dominique , ils fe refolu- rent de luy envoyer une dépuration folemnelie , pour confira mer la- paix y & luy fouhaitter toute profperité en. fou Gou- vernement. Il y avoit de l'empi-ciTernent parmy. ces Sauvages, à qui auroit rhqnneur d'une Commiiïïon de fi grande im- portance,, &: de. laquelle ils ne doutoient aucunement qu'ils ne leceuflent des avantages finguliers. Ils feréfolurentdonc, pour contenter les plus apparens d'entr'eus ■■,. qui étoient com* getii e,urs en cette ambailade , d'en établir Chefs deiis de leurs plus anciens ,, & de leurs plus renommez Capitaines : de de donner à chacun une efeorte eonfiderable ,, eompofée de re- lire de leurs plus braves Officiers & (oldats.. Et afin qu'il &'y eut point de jaloude entre les Capitaines, ils trouvèrent . boa; Chap. 3 des Iles Antilles. 317 bon de les faire partir en deus différentes Piraugues, chacun avec la fuite , & avec cet ordre , que l'un devanceroit l'autre d'un jour. Le premier de ces Ambafiadeurs, fe nommoit le Capitaine ^Amichon ^ fort confidcréparmy eus , qui fut accompagné de trente des plus leftes & des plus adroits de la Dominique» Monfieur Auber dit, qu'il n'a point veu dépuis de Sauvages plus beaus , ni de plus agiles. Ces Sauvages donc fe confiant en la parole qu'il leur avoir donne'eà leur rade , abordèrent à laGardeloupe . Et auffi toit qu'ils eurent apris de celuy qui commandoit au corps de garde, que Monfieur Auber étoit en l'Ile & qu'il y e'toit en bonne fanté > ils dépendirent har- diment à terre & demandèrent à le voir, ayant laifle cepen* dant quelques uns des moins considérables de leur troupe, pour garder la Piraugue. Pendant qu'on aloit donner avisa Monfieur le Gouverneur de l'arrivée de ces Députez de la Dominique , le Capitaine Amichon, qui devoir porter la pa- role, luy envoya deus des plu s gaillars de fa fuite, chargez des plus beaus fruits de leur terre , qu'ils avoientaportez pour luy en faire prefent. Monfieur Auber fut fort joyeus de leur arrivée. Et ayant incontinent commandé à ceusdefamaifon, & à tout le quar- tier, de ne leur donner aucune occafion d'aprehender quelque mauvais traitement , il prit la peine d'aller luy même au de- vai t d'eus , avec un vifage qui témoignoit afles qu'ils étoient les biens venus. Il ne faut pas fe mettre icy beaucoup en pei- ne, pour coucher la harangue & les complimens, que le Ca- pitaine Amichon luyfit en cette première rencontre. Il avoit été l'un de cens quiavoient veu Monfieur Auber en fon na^ vire à Ton arrivée de France, & il n eut point de peine à le. reconnoirre. D'abord il luy fit entendre, qu'il venoit pour, confirmer ce qu'ils avoient refolu enfemble a h rade de la Dominique, touchant une bonne paix: & que tous les Ca- raïbes de fa terre le fouhaitoient auffi. Monfieur Auber, avec cette affabilité & cette grâce particulière qu'il- a pour gagner: les cœurs de ceus qui traitent avec luy, leur donna. fur le champ afTés clairement à entendre , & par fon interprète., <3c par fa contenance;, qu'il garderoit toujours de fa^part une. S.E % union; 3 is Histoire Morale, Chap. 3 union inviolable , pourveu qu'ils n'y contrevinrent pas les premiers. Après, il les fit entrer en la maifon : Et par ce qu'il favoit que la bonne chère étoit le meilleur feanqu'iipûtapo- ferà ce traité de paix, il leur fitaulTi tôt prefenter de l'eau de vie , ôc fervir de tout ce qui le trouvoit de plus apétiflant dans l'Ile. En fuite il courona le feftin , par des prefens qu'il leur fit de toutes fortes de curiofitez, qui font le plus eftimées parmy cette Nation. Et afin que tous les Députez euflent part à la bonne chère & aus liberalitez de Monfieur le Gouverneur, ceusqui avoient été traitez furent prendre la place de ceus-qui étoient demeurez à la garde deiaPiraugue , qui eurent aulft à leur tour, tout fujetdefelouërdu bon accueil qui leur fut fait , & des prefens qui leur furent diftribuez de même qu'aus premiers. Le Capitaine Amichon n'oublia pas , félon la cou- tume dont ils ufent envers leurs amis, de prendre le nom de Monfieur A uber,& de luy donner le fien. Apres qu'ils eurent tous été comblez des biens & des civi- litez de Monfieur le Gouverneur , ils retournèrent fort jo\eus en leur Piraugue , & firent voile du côté de leur Ile. Ils trou- vèrent à un certain rendez-vous dont ils étoient convenus avant que de partir delà Dominique, l'autre Piraugue, qui étoit chargée du fécond Chef de la dépuration , nommé le Capitaine Baron \ avec fa fuite. Et comme ce fécond Capi- taine eût apris du premier , tout l'agréable adieu1 & toute la bonne chère que Monfieur Auber avoit faite à luy & à fes gens , il fe rendit le lendemain à la Gardeloupe, Ce Baron avoit été l'un des meilleurs amis de Monfieur du Pleins, qui étoit mort Gouverneur de laGardeloupe, en égale autorité avec Monfieur de l' Olive fon Collègue , lequel après la mort de Monfieur du Pleins, avoit fait imprudemment la guerre aus Sauvages. Ce Capitaine donc , quiavoit vifité diverfes fois feu Mon- fieur du Plellis, & qui confervoif un fouveiûr particulier de l'amitié qu'il luy avoit portée, étant perfuadé delà generofité des François , mit d'abord pied à terre avec fa Compagnie , & fut conduit au logis de Monfieur Auber, qui leur fit toute la même réception qu'il avoit faite aus premiers. Et même quand il eut apris que ce Capitaine étoit le Compère de feu Mon- Chap. j des .Iles Antilles. 319 Monfieur du Plefiis, c'eft à dire l'un de fes confldens & de fes meilleurs amis , il le traita avec plus de témoignages d'a- fedionque les autres, & lia une amitié particulière avec luy, recevant ion nom & luy donnant le fien. Ainfi ces nouveaus hôtes, fe retirèrent encore plus fatisfaits que les premiers, & promirent de continuer leurs vifites à l'avenir. Mais les uns & les autres firent raport en tous leurs Carbets, de la civilité & du bon acîieil du nouveauGouverneur. Le Capitaine Baron , qui s'étoit fi bien trouvé de fa pre- mière vifite, ne tarda guère fans avoir envie d'en faire une féconde. Et ce fut en celle-cy que Monfieur Auber luy fit voir un des fils de feu Monfieur du Plefiis, auquel ce Capi- taine fit mille carêmes, en mémoire de fon Père , qu'il appel- ioit fon bon Compère , & l'amy de fa Nation. En éfet , ce Gentil-homme avoir aquis l'afedion des ces Barbares , qui refpe&oient fes mentes, &ks belles qualitez qu'il avoit pour commander. Apres cette vifite , & plufieurs autres que les Caraïbes fai- foient prefque tous les jours, Monfieur Auber voulut eftre afîuré d'eus par otages , qu'ils tiendroient ferme l'alliance. U s'adrefla pour cet éfet au Capitaine Baron , avec lequel il avoit contracté une amitié plus étroite qu'avec les autres, & qui l'appelloit fon Compère , comme ayant fuccedé à l'al- liance qui avoit autrefois été entre Monfieur du Plefiis & luy: MonfieurAuber demanda donc un jour à ce Capitaine, s'il ne trouvoit pas raifonnabîe que pour s'aflurer de ceus de fa Nation,^ il leurdemandat quelques uns de leurs enfans en otage. Cet homme qui avoit le raifonnement beaucoup meilleur, & le jugement beaucoup plus vif que l'ordinaire desSauvages , répondit auffi-tôt, qu'il faloit faire la condi- tion égaie : & que s'ils donnoient de leurs enfans aus Fran- çois, il étoit jufte anfli que les François leur en donnaffenr des leurs, il prefenta fur l'heure à Monfieur Auber, quelques uns de fes enfans qui l'avoient accompagné : Et Monfieur Auber prenant Toccafion, & acceptant l'offre, ehoifitentr eus tous un jeune garçon, qui avoir un air plus agréable, une façon plus atrayante, en un mot je ne fayquoy de plus aima- ble que fes autres Frexes. Le l'ère accorda fon fils, &lefîîs donna j2o Histoire Morale, Chap. 3 donna fon confentement à demeurer avec Monfieur Auber, fans aucune répugnance. Ce qui eft bien confiderable par- my des Sauvages, il s'apelioit Umalabouy. Dés ce jour-là Monfieur Auber le traita comme fon fils , & ne le nommoic point autrement. Auffi le jeune garçon, de fon coté, l'ap- pelloit fon Père. Il ne paroiflbit point contraint dans fes ha- bits , lors qu'il fut habillé : & il n'eut pas beaucoup de peine à s'acoutumerà nôtre faffon de vivre. Le Capitaine Baron demandoit de fa part, en échange de fon fils, un des fils de Mademoifele Auber , qui avoit été mariée en premières No- ces à feu Monfieur du Pleffis , & qui l'étoit en fécondes à Monfieur Auber. Mais Monfieur Auber ayant reprefenté à ce Capitaine, que le Jeune duPleffis étoit d'une nature trop délicate pour pouvoir fuporter la falTon de vivre des Caraï- bes , il le fit confentir à accepter en otage, au lieu de luy, l'un de fes ferviteurs qui s'ofroit volontairement aie fuivre. Ce jeune homme qui étoit d'une forte complexion, demeura quelques mois avec ces Sauvages , qui le traitoient avec beau- coup de douceur. Mais foitquele changement d'air, ou le changement denourriture , eût altéré fa bonne difpoftion , il tomba malade quelque tems après. Ce que le Capitaine Ba- ron ayant aperceu , & craignant que s'il mouroit entre leurs mains, il n'en reçeut du reproche, il le ramena à Monfieur Auber avec grand foin, fans luy demander une autre perfon- ne en fa place , difant, que pour otage il ne vouloir que la pa- role de fon Compère. Il efl vray qu'il folieita fon flis à re- tourner: mats il ne put l'y induire, le garçon difant, qu'il fe trouvoit beaucoup mieus avec MonOeur Auber, qu'avec fon Père. Le Capitaine Baron , ayant iaifie à la Gardeloupe un fi precieus gage, prenoit fouvent occafion de vifitcr Monfieur Auber , & par même moyen de voir fon fils : Et fefentant infiniment redevable à Monfieur Auber de tant de biens qu'il recevoit de luy , & fingulierement de l'afe&ion fi tendre qu'il portoit à fon fils, lequel il avoit en otage , il chercha les occafions de luy en témoigner quelques reconnoifiànce. 11 s'avifa donc, de luy déclarer que durant les guerres que ceus de fa Nationavoient eues contre les François comman- dez Chap. 3 des Iles Antilles. 321 dez par Monfieur de l'Olive , il avoit fait Ton prifonnier de guerre un jeune homme François, à qui il avoit donné la vie, par ce qu'il avoit été autrefois au fervice de Monfieur dit Pleiïîsfon Compère: Et qu'il y avoit prés de trois ans qu'il le tenoit dans une honnête liberté, bien qu'ayant été pns les armes en main, & dans la chaleur du combat, il eut pu le faire mourir. Mais qu'il n avoit pas voulu ufer de rigueur , en con- sidération de l'ancienne amitié, qu'il avoit eue autrefois avec Monfieur du Pleiîis , à la fuite duquel il fe fouvenoit d'avoir yeu ce François. Monfieur Auber, ayant cornpafïion de ce pauvre jeune homme , pria le Capitaine Baron de le luy vou- loir ramener. Ce qu'il luy accorda volontiers : & peu de jours après il fatisfit à fa promefle ; <5c celuy qui avoit été délivre par ce moyen , a demeure dépuis à la Gardeioupe, fortlong-tems. Cegencreus Capitaine, ne fe contentant pas d'avoir ain(ï obligé Monfieur Auber, & relkhé à fa confiderarion Ton prifonnier , luy donna avis , qu'un autre Capitaine de la Do- minique avoit encore un François en fa maifon, auiîi prifon- nier de guerre, & s'offrit de s'em ployer auprès de ce Capi- taine, pour le faire mettre en liberté. Ce qu'il exécuta avec une fidélité & une affection nonpareille , ramenant peu de Jours après cet autre prifonnier , qui fe nommoit iean Iardm. Ce jeune homme ayant beaucoup d'efprit , avoir gaigné les bonnes grâces, non feulement du Capitaine dont il étoit le prifonnier, mais de tous les Caraïbes, qui luyportoientau- tant d'afe&ion , que s'il eût été de leur Nation même. Et il avoit la mémoire fi heureufe , qu'il avoit apris leur langue en perfection. Monfieur Auber, ne pouvant foufrir que le Capitaine Ba- ron l'emportât fur luy en bons offices , & en témoignages d'a- fe&ion , outre les prefens qu'il luy faifoit tous les jours, & l'a- mitié fincere qu'il luy montroit en particulier, voulut aufïi obliger toute fa Nation. Ce fut lors que ce Capitaine devoit aller en guerre, contre les Aroûagues qui habitent en l'Ile de la Trinité , & que pour ce deflein, il eut fait un armement ex- traordinaire. Car ce brave Sauvage, étant venu dire adieu à Monfieur Auber avant que de partir pour cette expédition. Sf Mon- T*7n^* rvsvr s/sv^^'f jt''?^ WÊM '&à Histoire Morale, Chap f Monfieur Auber luy donna pour mettre dan. fesrroupes un de fcs fcrviteurs domcftiques , qui étoit Ton giboyeur, nommé Des Seripers , qui (ouhaitoit depuis long-rems de (e trouver aus combats de ces Sauvages : Et il le poiKveutde bonnes armes à feu , & de toute la munition necellaire pour s'en bien fervir Le Capitaine Baron fut ravy de cette faveur , & l'ayant acceptée avec joye , la fit fonner bien haut parmy ceus de fa Nation. Ce volontaire, fuivit de grand cœur ce Capitaine: & s'étant embarqué il fut au combat contre les Arouagues de mie de la Trinité, avec une piaffante armée de Sauvages de toutes les Iles Antilles^ En cette rencontre il fit tout ce qu'on pouvoir atendre d'un vaillant Soldat : & comme il etoit très- bon fufclier , il tua & blelîa tant d? Arouagues, qui n'étoient pas acoutumez à s'entirl'éfer des armes à feu, qu'enfin ils Tachèrent le pied, & s'étant retirez dans les montagnes, bif- fèrent le champ de bataille aus- Caraïbes vidorieus. Dépuis,. Scrifliers paûbit parmy ceus de cette Nation pour un grand Capitaine , & ils ne pouvoient affés admirer la bonté de Mon- fieur Auber, qui s'étoit volontairement privé du- fe-rvice qu'il pouvoir atendre de ce jeune homme, pour le prêter à leurs troupes. Nous avons d original toutes ces particularitez, & Monfieur Auber luy même en eft garent. Pendant tout le tems que Monfieur Auber à gouverne riledelaGardeloupe , la paix qu'ilavoit faite avec les Caraï- bes à été inviolablement entretenue de parr& d'autre, au grand profit des deus Nations. Car les Sauvages par cet accord avoientmoyen de traiter avec les François, désig- nées,, de ferpes, decouteaus, & de plufieurs autres outils & marchandes qui leur étoient neceffaires: Et les François, icce voient d'eus en échange , des Porceaus , des Lézars , des TortuësdeMer, & une infinité d'autres poiffons, ôc d'au- tres rafraichiffe mens , qui leur aportoientunfingulier avan- tage. De forte, que les Caraïbes étoient comme les Pour- Voleurs des François , qui travailloient cependant en leurs habitations avec auiduiti& feureté* CH:A- Chap.4- des Iles Antilles, M'î CHAPITRE QUATRIEME. Du Trafic v«rvvr jr/'VSy ^^/yv miBxm 324 Histoire Morale. Chap.4 que l'on apporte à les préparer, il fera à propos pour con* tenter leurcuriofité, de parler icy de chacune : & nous y join- drons un mot du maniment du Cotton. Il eftvray, que ces matières ont efté déjà traittëes par di- vers Auteurs. Mais outre que noilre Hiftoire feroit incom- plette & defeëfcueufe fi nous les paflions fous lllenee, nous pouvons dire icy premièrement avec finceriré, que tout le difeours que nous en allons faire n'eft pas une copie, ou une imitation de quelque autre , mais un véritable original , tiré au naturel avec tout le foin,, & toute la fidélité poiTible. De forte, que fi nous difons les mêmes chofes,,que d'autres ont dites avant nous : l'on ne doit pas eftre marry de voir icy la confirmation d'une vérité qui vient de Ci loin , & dont on ne fauroit avoir trop d'atTurance, Et fi ce font des chofes con- traires, elles pourront fervir à faire voir la fauilété de celles qui leur font oppofées : ou du moins elles prouveront qu'en tous lieus on ne fuit pas fi exactement une même métode en la préparation de ces marchandifés , qi^l ne s'y remarque fouvent quelque petit changement. Déplus, nous efpcrons auffi, que quelques uns trouveront peuteftre dans les deferip- tions fuivantes, quelque exa&itudeôc quelque clarté, qui ne leur déplaira pas , & que même ils y rencontreront quelque chofe de nouveau, qui n'a pas encore elle remarqué ni prc*. duit par les auteurs. Apres tout,, nous fupplions ceus qui croiront ne rien trouver dans ce Chapitre , ni dans le fuivant qu'ils ne fâchent , & qui puifTcou lesinftruire , ou les diver- tir , de palier outre, fans blâmer nôtre diligence , & nôtre peU ne, & de permettre que nous écrivions cecypour d'autres, qui pourront en. recevoir de l'indrudion , ou du diveniiTe- menr. Pour avoir de beau Ôt bon Tabac, on prépare première- ment en faifon propre des couches en divers endroits des jar- dins,, quifoienr à. l'abry des vens. On jette deiïus. la graine qui a été recueillie des tiges de l'année précédente -y que l'on à îaifle." croiitre & meurir pour fervir à cet ufage. On melle. de la cendre avec la graine quand on la feme, afin :ftè ne tombe pas trop épais en de certains lieus. Quand lie commence à lever , on la couvre foigneufement de feùilr les L Chap. 4. des Iles Antilles. $x$ les de Palmifte épineus , ou de branches d'Oranger ou de Ci" tronier , pour la garantir des ardeurs du Soleil , du froid de la nuit, & du degaft que les volailles domeftiques & les Oifeaus y pourroient faire. Pendant que la plante croift , & devienten état d'être trans- plantée , on prépare la place neceflaire pour la recevoir. Si l'habitation eft nouvellement établie, il faut avoir long tems aupatavant abattu le bois, & brûlé les branches fur la terre & fur les fouches pour les faire mourir. Que s'il y en refte en- core , il faut tirer aus lizieres tout ce qui n'a pas été brûlé, afin que la place foit libre. Il eft vray, qu'il n'eft pas befoin de labourer la terre ni de la renverfer& remuer profondement, mais il en faut feulement arracher toutes les méchantes her- bes , & la nétoyer fi foigneufement qu'il n'y refte ni bois , ni écorce, ni feuille, ni le moindre brin d'herbe. Pour cet effet on fe fert de Houëcs larges 6c tranchantes , qui pèlent & écor- chent la furface de la terre , & au befoin extirpent la racine des herbes, que l'on craint devoir pulluler de nouveau. Après qu'on a préparé la terre en cette forte 7 on iapar- tage&divife en plusieurs filions , éloignez de deus ou trois pieds l'un de l'autre en égale diftance. On fe fert pour cela des grands cordeaus , qui font marquez de deus en deus pieds., ou environ, avec une petite pièce de drap de couleur, qui y eft coufuë. Et puis on fiche de petis bois pointus , en tous les iieusdelaterre, où ces marques répondent: Afin que quand le tems de transplanter le jeune Tabac arrive, qui eft celuy auquelDieu envoyé une bonne pluye, on n'ait rien à faire qu'à planter, fans s'amufer à former les compartimens du jardin. La plante de Tabac, eft en état detre levée de deffus fà couche, quand elle a quatre ou cinq feuilles affez fortes & épaifles, de la largeur de la paume de la main. Car alors s'il arrive que la terre foit arrofée d'une agréable pluye , tous ceus qui font foigneus d'avoir de beau Tabac en la première. faifon , ne craignent point de fe mouiller , pourveu qu'ils ea mettent beaucoup en terre. On voit tous les bons ménagers en un. agréable emprelTemcnt dans leurs jardins , les uns s'occupent à choifir&àtirer la plante de deflus les couches,, Sf 1 &. HHHHHHHHHBlflEIHHIIHHflHSii 3^6 H ISTOUE MO RALE, Chap.4 & à l'arranger en des paniers : les autres la portent à cens qui la doivent planter en tous les lieus, qui ont été auparavant marquez au cordeau, comme nous avons dit. Ceus qui ont la charge de planter .font un trou avec un bois pointu , à chaque endroit marqué , où ils mettent la ra- cine du Tabac : puis ils ramaflent & prefient tout-autour la terre , en telle forte neantmoins que l'œil de la plante ncfoit pointeouvert. Ilsfontainfile long de chaque rangée. Puisiis en recommencent une autre. Après qu'ils ont finy cet exer- cice , la première fois que les voifins fe rencontrent , leur en- tretien le plus ordinaire, eftdc s'informer les uns des autres, combien ils ont mis de milliers de plantes en terre $ & fur cela chacun fonde l'efperance de fa future récolte. La plante étant mife en terre 5 ce qui ferait ordinairement à diverfes reprifes , à caufe que la pluye ne vient pas allez abondammant pour le faire tout à coup , ou bien parce que la terre n'eft pas préparée à même tems, ou qu'on n'a pas aûez de plantes, on ne la laide pas à l'abandon. Ce n'eft encore que le commencement du travail Ôc des foins qu'il y faut ap- porter. Cariifautétrefoigneusdelavifiter fouvent: & au fil tofl qu'on a remarqué qu'elle a pris racine , il faut prendre garde que les vers, les chenilles, & autres méchans infectes qui fourmillent en ces païs-là , ne la rongent & ne l'empe- fchentdecroiftre. 11 faut en fuite, du moins de mois en mois, arracher les mauvaifes herbes qui la pourroient étouffer, farder diligem- ment toute la terre , & porter les herbes qu'on a enlevées , à laliziere, ou bien loin du jardin : car fi on les laiffbit en la place d'où elle ont été tirées , la moindre piu^e leur feroit prendre de nouvelles racines , & elles fe rekveroient bien- tôt!:. L'herbe la plus importune , & que l'on a le plus-de pei- ne à bannir des jardins, c'eft le Pourpier, qui ne croift en Fran- ce que par les foins des Jardiniers. On continue cet exercice, jufques a ce que la plante du Tabac ait couvert toute la terre voifine , & que fon ombre empefche toutes les autres herbes nuifiblesde fe pouvoir élever. Cela fait, on n'a pas encore de repos , parce qu'à mefure que la plante fe hauûefc s'élargit, il faut luy retrancher les feuilles Chap.4 des Iles Antilles. b 2.7 feuilles fuperfiues , arra her celles qui font féches, pourries, ou viciées, & la rejcttpnner, comme on parle, c'eft à dire émonder les petis remettons, quil'empêcheroient de venir en perfection, en tirant le foc des plus grandes feuilles. Enfin quand la Tige eft creuë d'une hauteur convenable, il faut l'arrêter en coupant le fommet de chaque plante , hormis de celles qu'on veut conferver pour en avoir la graine. Apres toutes ces façons , la plante demeure quelques femaines à meurir : pendant quoy elle donne quelque trêve au foinafli- du qu'on en aprisjufques alors; Mais fi l'on ne travaille autour d'elle, il lu.y faut préparer la place propre pour la mettre à couvert quand elle fera meu- re. On doit prendre garde que la grange où elle doit être médiocrement féchée , foit bien couverte , & fermée de tous coftez j qu'elle foit fournie de plufieurs perches propres pour k pouvoir fufpendre ; qu'on ait bonne provifion de certaines éeorces déliées que l'on tire d'un arbre appelle ^Mahot , pour attacher chaque plante fur les perches 5 & que la place pour tordre le Tabac quand il fera fec, foit en bon ordre. Pendant que Ton fait tous ces préparatifs , fi les feuilles du Tabac quittent un peu de leur première verdure , qu'elles commencent à fe recourber vers la terre plus qu'à l'ordi- naire, & que l'odeur en devienne un peu plus forte, c'eft figne que la plante eft en maturité". Et alors il faut en un beau jour, après que la rofée eft tombée de deflus , la couper à un pouce prés de terre, & la laiflfer fur la place jufquesau foir, lare- tournant une fois ou deus , afin que le Soleil defféche une partie de fon humidité. Sur le foir on la porte a pleines braf- fées fous le couvert. On l'attache par le bas de la tige aus perches , en telle forte que les feuilles panchent contre bas. 11 ne faut pasaufil, qu'elles foient par trop prcfteeslesunes contre le$ autres, de crainte qu'elles ne fé pourrifTent, ou qu'elles ne puiffent fécher faute d'air. Cette première coupe du Tabac étant achevée, onvifîte fouvent les plantes qui (echent , tandis que les autres que l'on aencore lanîées fur le pied meuriflent. Et lors qu'on apper- çoit qu'elles font en état d'être torfes, (nos gens des Iles di~ fent tor^uées) e'eft a dire qu'elles ne font ni trop féches, car elles v>v " syv*s ^kv'/- y/? ^hh WÊÊÊÊÊKKÊk I z% Histoire Morale, Chap. 4 elles ne pourroient fouffrir le maniment delà roue : niautfi trop humides , car elles pourriraient en peu de tems : on les détache des perches , on les arrange à un bout de la grange, 6c on dépouille chaque tige de toutes fes feuilles en cette forte. On met premièrement à part les plus longues & les plus larges feuilles , &on arrache la groflecofte qui eftaumilieu de chacune : les habitans appellent cela éjamber. Les peti- tes feuilles font mifes auffi de cofté , pour être employées au dedans de la corde du Tabac -3 & les grandes leur fervent de couvertures & des robes. Ces feuilles ainfi difpofées t font arrangées fur des planches ou des tables , à cofté de celuy qui les doit tordre , & faire la corde,, telle qu'on la voit fur les rou- leaus que l'on envoyé par deçà. Il y ade rhnduftrie à tordre leTsabac: & eeusquiîefavent faire avec diligence & dextérité, font fort eftimez, & gagnent beaucoup plus ,. que ceus qui travaillent à la terre, il faut qu'ils ayent la main & le bras extrêmement fouples & adroits, pour faire tourner, le rouet avec la vitefle & la propor- tion neceflfaire, pour rendre la filme de même groileur par tout. C'eft aufii une adreffe particulière en fait de Tabac, defa- voir bien difpofer , arranger , & monter , comme parlent les maitres , un rouleau fur les baftons , qui doivent tous être d'une certaine groiTeur. & longueur, pour éviter la trom- perie. Quand le Tabac eft ainfi monté , on le porte au Magazin, Sconle couvre de feuilles de Bananier ou d'autres , de peur qu'il ne s'évente \ & afin qu'il prenne une belle couleur. Ce- luy qui a la coupe grade , noiraftre , &luifante, & l'odeur agréable & forte , •& qui brûle facilement étant mis à la pipe, eiteftimé le meilleur. Nous avons dit, que la plante de Tabac fecouppoit entre deus terres , & ne s'arrachoit pas : Ce qui fe fait à deflein, afin que la racine puifle repouficr. Et en effet elle produit une fé- conde plante , mais qui ne devient pas fi forte ni fi belle que la première Le Tabac que l'on en fait , n'eft pas aufli fi pré- cieus , ni de fi bonne garde. On le nommé , Tabac de rejttton> ou de la féconde coupe, ou levée. Quelques uns tirent dune même Chap. 4 des Iles Antilles. 329 même Touche, jufquesau troifiéme rejetton. Et c'eftce qui décredire le Tabac, qui vient de quelques Iles. Puifque nous nous fommes tant étendus fur la manufactu- re du Tabac , il ne faut pas oublier ce qui fe pratique par quel- ques Curieus, pour le rendre même plus. excellent que celuy qu'on nommé de Verine , de bonne garde, & d'une odeur qui fortifie le cerveau. Après qu'on a mis à part les plantes de la première couppe, & pendant quelles féchent à la perche, on amafle toutes les feuilles de rebut , les petits remettons , com- me auflî les filamens qu'on tire du milieu des feuilles , qui ont été déjà émondées , qu'on appelle communément , jambes dt Tabac, Et après les avoir priées en un mortier , on met tout cela dans un fac, que l'on porte fous la preife pour en expri- mer le fuc , lequel on fait puis après bouillir fur un feu médio- cre , jufquesà ce qu'il foit réduit en confiftance de fyrop. Puis après il faut mêler en cette décoction un peu de Copal, quieftune gomme aromatique, qui a la vertu de fortifier le cerveau, laquelle coule d'un arbre de même nom, qui eft commun en la terre ferme de l'Amérique, & aus lies du Golfe d'Hondures. Après qu'on a.verfécette drogue en la compofition, il la faut bien remuer, afin que fa bonne odeur , & les autres qua- litez , fe communiquent & fe répandent par tout. Puis il la faut retirer du feu , & quand elle eli refroidie , la mettre dans un vaifieau prés du Tordeur de Tabac : & il faut qu'à chaque poignée de feuilles qu'il met en œuvre, il mouille fa main dans cette liqueur, & qu'il l'effuye fur les feuilles. Cet arti- fice, a un eifet admirable pour rendre le Tabac, & de bonne garde , & d'une vertu qui iuy donne un pris extraordi- naire. Le Tabac ainfi compofé , doit être tordu gros du moins comme le pouce, & mis en fuirte enpetis rouleaus de la pe- fanteur de dix livres au plus, puis envoyé en desTonneaus ou en des Paniers faits à delfein, pour le mieus conferver. Quelques habitans des Iles ayans eiïayé ce fecret , ont fait paflerleur Marchandifepourvray Tabac de Verine, & l'ont débitée au même prix. Tt Cens ■■■ s/Iss ^w jr"v?sr 53a Histoire M o r. a l e? Chap. p Ceus qui s'imaginent que le Tabac croift Tans peine , ôç que Ton en trouve , pat manière de dire, les rouleaus attaches aus arbres de l'Amérique , d'où il ne faut que les fecouër pour les ramaffer en fuite lors qu'ils font tombez : Ou qui du moins fe perfuadent , qu'il ne faut pas beaucoup de fanon ni de peine pour les remettre en leur perfe&ion , feront defabufez, s'ils jettent les y eus fur cette relation de la culture & de la prépara- tion du Tabac. Et nous pouvons ajouter, que s'ils av oient veu eus-mêmes, les pauvres ferviteurs & les Efclaves qui tra^-' vaillent à ce pénible ouvrage, expofez la plus grande partie du jour aus ardeurs du Soleil, & occupez plus de la moitié' de la nuit, à le mettre en l'état auquel on renvoyé en l'Europe , fans doute, ils eftimeroient davantage, & tiendroient pourpre- cieufe cette herbe, qui eu détrempée par la fueur de tant de- miferables créatures. ' Iln'eft pas befoin d'ajoutericy, ce que les Médecins, écri- vent des merveilieus effets du Tabac, veu que çelaeft pro- prement de leur fait, ôc qu'il fe trouve affez amplement dans- leurs livreSi Nous dirons feulement qu'il faut bien que fes vertus foient grandes , puis qu'il a fon cours par tout le Mon- de , & que prefque. toutes les Nations de la Terre , tant les civilifées que les Barbares , luy ont fait une réception favora- ble 4 & en ont confeillé l'ufage. Que fi quelques Princes Pont-: interdit en leurs Etats , de crainte que l'argent de leurs fujets, qui leur eft rare & precieus, ne.s'en ailleen fumée , &nes'e* coulede leurs mains, pour une chofe qui n'eft paanecelfaire à l'entretien de la vie , il n'y: a toutefok perfonne, qui ne luy doive permettre au moins, de tenir place entre les Drogues & les remèdes de la Médecine. Les délicats & les curieus , parmy les Peuples qui habitent des contrées chaudes, letemperentavecdelaSaugc, du Ro- marin, &desfenteurs qui luy donnent une odeur fort agréa- ble :. Et après l'avoir réduit en poudre, ils l'attirent par les natines*. Les Nations qui habitent des pais froids, n'en in- terdifent pas l'-ufage aus perfonnes de condition : & c'efï mê- me une perfection, & une galantiere entre les-Dames de ces-- païs-là, defavoirtenirdebonnegrace une pipe, le tuyau de- laquelle efl décorai ou dlambre, & la texte d'argent ou d'or r L Chàp. 5 des Iles Antilles. 33ï & de rendre lafumée de cette herbe, fans faire aucune grima- ce , & la pouffer hors de la bouche à diverfes reprifes , qui font paroiftre autant de petites vapeurs, dont la couleur brune, rehaufle la blancheur de leur teint. La compofition que nous avons d'écrite pour rendre Je Tabac de bonne odeur , fera bien receuë, fans doute, parmy cesperfonnes, qui trouvent tantd 'agréement & dedeiicateffe en cette fumée. Au refte, on ne fauroit dire la quantité deTabacqui fe tire tous les ans de la feule Ile de Saint Chriftoflc : &c'eft une chofemerveilleufe que de voir le nombre de Navires de France, d'Angleterre, de Hollande, & particulièrement de Zelande , qui y viennent entraitte , fans qu'aucun s'en rctour- neàvuide. AuiTi le commerce que cette dernière Province a toujours entretenu en cette lie & aus lies voitînes , a fait de riches & puiffantes maifons à Middelbourg & à Fleiïingues. Et encore a prefent le principal trafic de ces deus villes, qui font les plus considérables de la Zelande , fe fait en ces Iles, qui leur font ce que les Mines du Pérou font à TEipagae, CHAPITRE CINQUIEME, De la manière de faire le Sucre > & de préparer le Gin- gembre 3 l'Indigo wr //vvv vr irak^w^jw» g Chap.5 des Iles Antilles. 333 de roue* à feaus, fait mouvoir toute la Machine. A l'exemple de xMonfieur le General, les principaus Of- ficiers & Habitans de l'Ile de S. Chriftofle, ont au fli fait édi- fier des Moulins à Sucrev. De forte qu'en cette feule lie , on conte aujourd^huy beaucoup plus grand nombre de ces Ma- chines, que les Portugais n'en ont bâty jufques à prefentà Madère. Les principaus apre'sceus de Monfieur leGeneral, fe voyent aus habitations de Meflieurs de Lonvilliers , de Treval, & de Benévent. Et après ceuslà Monfieur Giraud en a trois en divers quartiers de l'Ile, ou il a de belles & de grandes habitations, Monfieur de la Rofiere, Monfieut Âu- ber, MeffieursrEfperance, de Beaupré, de la Fontaine-Paris, & de la Roche , qui font tous Capitaines dans la même lie, en ont pareillement fait baftir , comme aulTy Meilleurs Bon- homme, de Bonne Mère, de la Montagne, Belletefte , & Guillou , qui font des principaus & des plus confiderabîes Ha^ bitans. LcsAnglois, en ontauifiplufieurs en leurs quartiers, qui font parfaitement bien faits. Quand ces Cannes de Sucre font meures , on lescouppe entre deus terres , au delTus du premier nœud qui eft fans Suc, & après leur avoir ôté le fommet , & les avoir purgées de cer- taines petites feuilles , longues & extrêmement déliées , qui les environnent, on en fait des faifleaus, que L'on porte an Moulin, pour y erre preffez & ecrafez , entre deus rouleaus garnis de bandes d'acier , qui fe meuvent l'un fur l'autre, à mefureque la Machine eft ébranlée, par l'impreffi on qu'elle reçoit d'une grande roue , qui la fait tourner. Le Suc qui en découle, eft reçeu dans un grand baiïlaou refervoir, d'où il fe répand par de longs canaus dans les vatf. feaus , qui font deftinez pour le faire bouillir. Dans les gran- des Sucreries , il y a du moins fix chaudières, dont il y en a trois fort grandes , qui font de cuivre rouge, & de la largeur & pro- fondeur de celles des Teinturiers , & qui fervent à purifier le Suc qu'on doit faire bouillir à petit feu , en y méfiant detems entems, d'une certaine lefllve extrêmement forte , qui luy fait poulTer en haut toutes les immondices,, qu'on enlevé avec une grande écumoire de cuivre.- Après que ce Suc eft nien puri- fié, dans ces trois chaudières , par où ilpalîe alternativement, X t. £ OR WÊÊ&mam - m m s, ^>\^ -syvr */ r"\V',7TO^ IV^A 04 Histoire Morale, Chap. 5 on le coule par un drap , & en fuitte on le verfe dans trois autres chaudières de métal, qui font fort epaiffes, affcz amples & profondes d'un bon pied&demy; c'eftdans ces chaudiè- res ou ce Suc reçoit fa dernière cuifoiï , car on iuy donne alors un feu plus vif r on le remue inceflamment j & quand il eleve fes bouillons un peu trop haut , & qu'on craint qu'il ne ré- pande hors de ces chaudières, onrabailîefa ferveur en jettant dedans un peu d'huile d'olive, ou de beurre, & à nïefure qu'il s'epaiitit, on le verfe en la dernière de ces chaudières , d'où quand il commence àTe nger,il eft mis dans des formes de bois ou de terre , puis-ii eft porté en des gail'câes, où on|c blanchit avec une efpece de terre graiîe, détrempée avec de l'eau, qu'on étend deiîus, puis on ouvre le petit trou, qui eft au de- fous de chaque forme j afin que tout ce quireited'immcdices dans le fucre,coule dans un canal, qui le porte dans un vauîeau, qui eft pi-epate' à cet ulage. =j La première écume qu'on enlevé des grandes chaudières,. ne peutfervir qu'au bétail,, mais l'autreeft propre pour fair» le bruvagedes i'erviteurs & des Efclavcs. LeSucqni eft tiré de la Canne' ne peut durer qu'un jour , & fidanscetems-là il n'efteuit, il s'aigrit 6c le change en vinaigre. Il faut auftî ap- porter un grand foin, à laver fouvent le refervoirquiconferve le fuc qui°eft exprimé, & lescanaus par oùilpafle, car s'ils avoient contracté de l'aigreur, le fuc nefe pourroit réduire en fucre. Qn gateroit aufti tout l'ouvrage j G dans les trois gran- des chaudières qui doivent eftre arroiées de leftive, onyjet* toit du beurre ou de l'huile d'olive, ou fi dans les trois petites où le fuefe forme enfyrop & en grain, par la force du feu & par lactation continuelle qui s'en fait avec une pallette, on yerfoft tant foit peu de leftive. Sur tout il faut bien pren- dre garde, de ne point laiûer tomber de fuc de Citron dans les chaudières: car cela empefeheroit abfolument le fucre de fe former. '" Plufieurs habitans qui n'ont pas le moyen d'avoir tant de chaudières , ôc de ces grandes machines pour brifer leurs Can- nes , ont des petis Moulins qui font faitscomme des prefioirs, qui font conduits pardeus eu trois hommes , ou par un feul cheval, 6c avec mie ou deus chaudières, ils purifient le lue ' quils I Chap.s des Iles Antilles. 33 5 qu'ils ont exprimé, le reduifent en confiftance de fyrop , & en font de bon fucre, fans autre artifice. Le plus grand fecret pour faire de bon Sucre, confifteàle favoir blanchir $ Ceus qui ont la conduite des Sucreries de Monfieurle General le favent en perfection , mais ils ne le communiquent pas volontiers. De ce que deflus ou recueil- le quel eft l'avantage & le profit fingulier qui revient aus habitans de cette lie , par le moyen de cette douce & pre- cieufe marchandife : Et quel contentement reçoivent nos François, de voir croître en leur terre , & fi grande abondan- ce & avec fi grande facilité , ce qu'ils n'avoient aupara- vant que par les mains des étrangers , & à grand prix d'ar- gent. Cette abondance de Sucre , leur a donné envie de confire une infinité d'excellens fruits, qui croifient en cette lie : tels que font les Oranges, les Limons, les Citrons, & autres: mais ils reurTurent fur tout au Gingembre, dont nous parlerons incontinent , & en l'admirable confiture qu'ils font du fruit de Tx\nanas, & des fleurs d'Oranges & de Citrons. Quant à lapreparation du Gingembre, lors que la racine eft meure , on la tire de terre. Puis on la fait féçher en des liens fecs & aërez : la remuant fouyent de peur qu'elle ne fe cor- rompe. Les uns fe contentent de, i'expofer au Soleil pour la fécher : mais les autres jettent encore par deflus de la chaux vive , réduite en poudre, pour attirer plus facilement l'humi- dite. Cette racine, qui tient un rang confiderableparmy les éfpiceries , fe transporte par tout le monde ;, mais elle eft par- ticulièrement recherchée ans pais froids. Nos François , la tirent par fois de terre- avant qu'elle foit meure , & la confiiTent entière avec tant d'artifice , qu'elle de- vient rouge & transparente comme un verre. Le Gingembre confit que l'on envoyé du Brefil , &du Levant ,. eft ordinaire- ment fec, plein de filamens , & trop piquant pour eftre mangé avec pïaifir. Mais celuy qu'on prépare à Saint -Chriftofle , n'a point du tout défibres , & il -eft fi bien confit, qu'il n'y demeu- re rien qui refile fous la dent, quand on en veut ufer. Il a une propriété fingulier©' pour fortifier la poitrine quand elle eft affoiblie , par un amas- dliumeurs froides, éclair- H ^ m^rarav 5"lVv -«»'/• •"V»v-VYy' 5j6 Histoire Morale, Chap.j ëclaircirlavoix, adoucit l'haléne , rendre bonne couleur au Vifage cuire les cruditez de l'eftomac, ayder a ladigeftion, rappeller l'apérit , & confumer les eaus Se la pituite , qui ren- dentie corps languiffant. Et même on tient, qu'il conferve, & fortifie merveilleufemcnt la mémoire , en diflipant les humeurs froides , ou la pituite du cerveau. On reduic.aufli cette racine enpafte, de laquelle on compofe une conferve, ou une Opiate qui a les mêmes effets. v ^ Venons à l'Indigo. La plante étant coupée, eft mile en petis faiffeaus , qu'on laiffe pourrir dans des cuves de pierre ou de bois, pleines d'eau claire, fur laquelle on verfe de 1 huile, qui félon fa narure, fumage & occupe toute la fuperfide On charge de pierre les faiffeaus, afin qu'ils demeurent fous 1 eau, & au bout de trois ou quatre jours quel'eauabouilly par a feule vertu de la plante, fansqu'onl'aitapprocheedufeu, a feuille étant pourrie, & diffoute par cette chaleur naturelle qui eft en la tige ; on remuëavec de gros & forrs bâtons toute la matière qui eftdanslescuves, pour luy faire rendre toute fafubftance, & après qu'elle eft repofée , on tire de la cuve le bois de la tige qui ne s'eftpaspourry. Puis on remue encore par plufieurs fois, ce qui refte dans la cuve, & après qu on la laiffe raffoir, on tireparunrobinetl'eauclairequi fumage: Et la lie, ou le marc qui demeure au fonds de la cuve, elt mis fur des formes , ou on le laiffe fécher au Soleil. Ce niarc, eft la Teinture qui eft tant eftimee, & qui porte le nom d'Indke. ■ . , . .„ , . ' Quelquetuns, expriment en des preffoirs les faifleaus delà planTe pourrie, pour luv faire rendre tout fon lue: Mais par ce que ce font les feuilles de l'herbe, qui compofent cette marchandife, ceusquila veulenr rendrede plus grandpnx, fc contentent d'avoir le marc qui demeure après lacorruption de ces feuilles, & qui fe trouve après l'agitation, au tonds de la cuve. Le lieu où l'on prépare cette riche couleur de pour- pre violette, s'appelle, IndigoUrie. Les François des Antilles , ont demeure un fort long tems avant que de faire trafic de cetre marchandife, à caule que la plante dont on la compofe, étant de foy-meme de forre odeur , exhale une puanteur infuportable , quand elle eit ' pour- Chap.5 des Iles Antilles. 337 pourrie: Mais dépuis que le Tabac à efté a un prix fort bas, & qu'en quelques endroits , la terre ne s'eft plus trouvée pro- pre, pour en produire de beau comme cy devant, ils fe font adonnez a la culture de l'Indigo, dpnt ils tirent à prefent un grand profit. Enfin pour ce qui eft du Cotton , nos François ne s'occu -' pent pas beaucoup à lamaOer, encore qu'ils ayent plufieurs arbres qui le produifent aus lizieres de leurs habitations. Ce qui toutefois eft fort peu dechofe, au pris de ce que l'on dit d'un certain quartier , d'une Province de la Chine. Car Tri- gaut au Chapitre dixhuitiëme du Livre cinquième de fon Hiftoire, rapporte qu il y croifttantde Cotton, que pour le mettre en oeuvre, il s'y conte jufques à deus cens mille tif- ferans. Les Angiois de la Barboude , font grand trafic de cette mar- chandife , comme autfi ceus qui demeuroient cy devant en l'ile de Sainte Croix. 11 n'y a pas grand artifice à mettre le Cotton en état: carilnefautxjuetirerdu bouton entr'ouvert cette matière, qui fe pouffe au dehors préfque d'elle même. Et par ce qu'elle eftmeûée des grains de la femerice de l'ar- bre, qui font en forme de petites fèves, liées avec le Cotton, au milieu duquel ils ont pris naiflance, on a de petites ma- chines, qui font compofées avec tel artifice, qu'au mouve- ment d'une roue qui les fait jouer, le Cotton tout net tombe d'un côté, & la graine de l'autre. Après quoy, on cntaffe le Cotton en des facs avec violence, afin qu'il occupe moins de place. Ce font là les principales occupations , qui entretien* netit le commerce des Iles , & dont les Habitans font leur trafic ordinaire. Vv CHA- 3lS Histoire M o r a l t Chap. s t CHAPITRE SIXIEME. Des Emplois les plus honorables des Habitans Etrangers des Antilles ; de leurs Efclayes , & de leur Gouvernement LEs Colonies étrangères qui habitent les Antilles, ne font pas feulement compofées de gens errans & de balle condition , comme quelques uns s'imaginent, mais aulTi de plufieurs perfonnes Nobles , 6c de plufieurs fa- milles honorables. De forte que les occupations que nous venons de décrire, ne font que pour les moins considérables Habitans , & pour ceus qui ont befoin de gagner leur vie par le travail de leurs mains. Mais les autres , qui ont des hom- ïnesàgages, qui conduifent leurs ferviteurs & leurs efclaves en tous ces ouvrages , mènent , quant à leurs perfonnes , une vie fort douce & fort agréable. Leurs emplois & leurs di- vertiffemens , après les vifites qu'ils font profeffion de rendre, & de recevoir avec grande civilité» font la charte, la pefche, & autres bonnettes exercices. Et à l'exemple de Monfieur le General , qui eft incomparable à recevoir avec courtoifie, & à traîner magnifiquement ceus qui le vifitent, foit des Erançois, foit des Etrangers : tous ceus de nôtre Nation de fon lie, qui font de la condition que nous venons de reprefen- ter, tiennent à faveur qu'on les fréquente , & qu'on accepte les témoignages de leur civilité 5 qu'ils rendent avec tant de franchife, & d'un cœur fi ouvert, que Ton s'entrouve double- ment obligé. Ils font fplendides dans les fefïins qu'ils font à leurs amis, où , avec le bœuf, le mouton, & le pourceau 5 les. volailles, legibierde toutesfortes, le poifibn, la patiffèrie, & îesconfltures excellentes, ne font non plus épargnées qu'ans meilleures tables de France. Tous les Officiers excellent no- tamment en ces courtoifies. Et à leur imitation , les moindres Habitans tiendroient avoir commis une incivilité, s'ils avoienc ' congédié quelcun hors de chez eus, fansluy avoirprefentéà boire, & à manger. Le Chap. 6 des Iles Antilies. 33 g* Le Vin, la Bière, & l'Eau de vie , manquent rarement dans les Iles 5 & au défaut de toutes ces chofes , on y fait première- ment une efpéce de bruvage deiicieus , avec cette douce li- queur qu'on exprime des Cannes de Sucre , laquelle étant gardée quelques jours , a autant de force que du vin d'Efpag- ne5 on en tire aufli de l'excellente eau de vie, qui eft fort approchante de celle qu'on aporte de France; Mais ceus qui en prenent avec excès , en font dangereufement malades. Déplus, ils font plusieurs autres fortes de boitions avec du fuc d'Oranges, des Figues, des Bananes, & des Ananas, qui font toutes fort delicicufes, & qui peuvent tenir lieu de vin. Ils compofent aufli de la Bière, avec de la CalTaue, & des Racines de Patates , qui eft prefque aulïi agréable, nour- riflante 6c rafraichifiante, que celle qu'on leur amehe d'Hol- lande. Quant aus emplois honorables & neceflaires tout enfem- ble pour la confervation des Habitans des lies , ils font tous profeflion de manier les armes, & les chefs de famille ne mar- chent gueres fans épée. Chaque quartier eft rangé fous cer- tains Chefs & Capitaines qui y commandent. Ils font tous bien armez, & fouventon leur fait faire la reveuë , & les exer- cices de guerre, même dans la paix la plus profonde , fi bien qu'en tout tems ils font prêts , au premier coup de tambour, pour fe rendre au lieu delïgné parleurs Capitaines. £n pj{e de Saint Chriftofte, outre douze Compagnies de gens de pied, il y a aufli des Compagnies de Cavalerie, comme nous en avons fait mention cydeiïus. Et par ce que toutes les perfonncs de condition honorable, qui font en allez grand nombre en ces Iles , ont des ferviteurs & des Efclaves, qui travaillent à tous les ouvrages que nous avons fpecifiez, & qu'en France on ne fefert point d'Efclaves, n'y ayant en toute l'Europe que les Efpagnols & les'Portugals, qui en aillent acheter au pais de leur naiiTanee, Angole ou Cap Vert , & Guinée : il fera bon que nous endifionsicy quelque chofe. Mais premièrement, nous parlerons des ferviteurs à louage, & qui ne font que pour un tems. Les François, que l'on mené de France en Amérique pour fervir, font ordinairement desades obligatoires à leurs Mai- V v s tres, $qm Histoire Morale, Chap. & très, pat devant des Notaires: Parlefquels a&es ils s'obli- gent de les fervir trois ans, moyenant un nombre de livres, de Tabac qui leur font acorde'es pendant ee tems-là. A caufe de ces trois ans de fervice où ils font engagez , on les appelle communément des Trente-fix mois , au langage des Iles. ]1 y en a qui s'imaginent, que pour ne s'eft re pas obligez par écrit à leurs Maitres dés la France ,. ils en font moins engagez lors qu'ils font rendus dans les lies. Mais ils fe trompent fort en Cela. Car lors qu'ils fe produifent devant un Gouverneur, pour fe plaindre de ce qu'on les a embarquez par force, ou pour repréfenter qu'ils ne fe font pas obligez par écrit, on les condamne à fervir trois ans, celuy quia payé leur paflages , ou tel autire qu'il plaira à leur Maître. Si le Maître n'a promis pour falaire à fon ferviteur que l'ordinaire des lies, il n'en: ©bligé à luy^donner pendant tous ces trois ans , que trois cens livres de Tabac;. Ce qui n'eft pas grand ehofe pour s'entre- tenir de linge & d'habits. Car ce Maître ne luy fournit chofc~ quelconque pour fon- entretien , que la fimple nourriture. Mais celuy qui dés la France promet de donner plus de trois cens livres de Tabac à celuy qui entre à fon fervice , eft obligé à les luy fournir exadement , luy en euft-il promis mille. Cet pourquoy il eft avantageus à ces pauvres engagez, de ne s'en pas aller aus Iles, fans bien faire leur marché, avant que de Rembarquer. Quant aus Efciaves ou Serviteurs perpétuels dont on fe fert dans les Antilles, ils font originaires d'Afrique $; & on les amène du Cap de Vert, du Royaume d'Angole,& d'autres ports de mer qui font en la côte de cette partie du Monde. Cfeft-là qu'on les acheté , de même que l'on feroit des beftes de fervice. Les uns font contrains de fe vendre & de fe réduire à une fervitude perpétuelle , eus & leurs enfans , pour éviter la faim. Car aus années de la fterilité , laquelle arrive afifez fou- Vent quand les fauterclles , qui comme des nuées inondent le pais, ont brouté tout le fruit de la terre, laneceiTité les preife tellement, qu'il n Va forte de rigueur , où ils ne fe fou- eicttent volontiers , pourveu qu'ils ayentdequoy s'émpefcher de mourir. En ces occalkms lamentables , le Père vend fes enfans Chap. 6 des Iles Antilles. 341 enfans pour du pain, & les enfans quittent Père & Mère fans regret. Les autres font vendus, ayans été faits prifonniers de guerre par quelque Roytelet, car c'eft la coutume des Princes de ces quartiers-là, défaire fouvent des courfes dans les Etats de leurs voifins , pour prendre des prifonniers , qu'ils vendent aus Portugais «3c aus autres Nations, qui vont faire avec eus cet étrange & barbare trafic. On leur donne en échange , du fer qu'ils prirent à l'égal de l'or, du vin, de l'eau dévie, ou quelques menues bardes. Ils captivent aufli bien les femmes que les hommes , ■ & les vendent pefle-mefle , à plus haut ou à moindre pris , félon qu'ils font jeunes ou vieus , robuftes ou foibles, bien ou mal proportionnez de leur corps. Ceusqui les amènent aus lies , les revendent derechef quinze ou feizé cens livres de tabac, chaque tefte. Si ces pauvres Efclaves tombent entre les mains d'un bon Maître, qui ne les traître pas avec trop grande rigueur , ils préfèrent leur fe.rvitnde à leur première liberté: & s'ils font mariez, ils multiplient à merveilles dans les pais chauds. Ils font tous noirs, & eeus qui ont le teint d'un noir plus lui- fant, font ellimez les plus beaus. Lapluspartontlenez un peu plat , & de grofies lèvres : ce qui pafie aufil pour beauté entre eus. On rient même qu'en leur paï's, les fages femmes leur applatiflent ainfi le nez tout exprés à leur naifiànce. Ils on& tous les cheveus fi frifez, qu'à peine fe peuvent ils fervir de peignes: mais ils ufent de l'huile de cet arbriffeau que l'on nomme PalmaChriFfi ,* pour empefeher la vermine, lis font forts & robuftes au poifible, mais fi timides & ..fi peu adroits à manier les armes, qu'on les domte facilement. Leur naturel eft (ufceptible de toutes imprefilons^ & îeB' premières qui leur four données parmy les Chreftiens , après qu'ils ont renoncé à leurs fuperftitions & à leurs idolâtries, ils les gardent confhmment. En quoy , ils font dirTerens des In- diens de l'Amérique , qui font changeaus comme des Ca- méléons. Entre les François habitans des Antilles , il y a de: ces Négresquà jeûnent exa&ement le Carefme, & tous-les- autres jours de jeune qui leur font ordonnez, nonobûaat leurs travaus ordinaires & continuels. ¥ v h » l+i Histoire Morale, Chap.6 Ils font ordinairement orgueilleus&fuperbes: Et au lieu que les Indiens veulent être traittez avec douceur , & qu'ils fe lahTent mourir de triftefîe , fi on les rudoyé tant foit peu 5 ceus-cy au contraire, doivent être rangez à leur devoir par les menaces & par les coups. Car fi on fe familiarifeunpeu trop avec eus, incontinent ils en abufent. Mais, fi on les châtie avec modération quand ils ont failly , ils en devien- nent meilleurs, plus fouples, & plus obehTans, & fe louent de leurs maîtres. Si aufïî on ufede rigueur exceïfive en leur en- droit, ils prennent la fuite , <5c fe fauvent dans les montagnes, où ils mènent, comme de pauvres beftes? une vie malheureu- fe & fauvage , & on les appelle alors Nègres CWarons , c'eft à dire Sauvages: Ou bien ils s'étranglent par defefpoir. Il faut donc garder en leur conduite un milieu , entre l'extrême fe- verité & la trop grande indulgence, fi on les veutconferver en leur devoir, & en tirer un bon fervice. Ils s'aiment paiTionément entre eus, <3c bien qu'ils foyent nez en paï's dirTerens , & quelquefois ennemis les uns des au- tres , ils s'entrefupportent & s'entr'aident au befoin , comme s'ils étoyent tous frères. Et quand leurs maîtres leur donnent la liberté de fe recréer , ils fe vifitent réciproquement , & paf- fent les nuits entières en jeus, endanfes, & en autres pafle- tems & rejouifiances , & même en petis feftins, chacun d'eus épargnant ce qu'il peut, pour contribuer au repas commun. Ils fe plaifent à la mufique , & aus inftrumens qui peuvent rendre quelque fon agréable & faire uneefpéce d'harmonie, laquelle ils accompagnent de leurs vofs. Autrefois ils avoient à Saint Chriftofle un certain rendez-vous au milieu des bois, où ils s'affembloient tous tes Dimanches , &tous les autres jours de fefte, après le fervice de TEgliie, pour donner quel- que relafche à leurs corps. Ils pa(ïoyent-là quelquefois le reftedujour, & la nuit fuivante, endanfes, & enentretiens agréables , fansprejudice de l?ouvrage ordinaire de leurs maî- tre?. Mêmeonremarquoït , qu'après qu'ils s'étoyent diver- tis de cette forte , ils travailloient de beaucoup meilleur cou- rage , fans témoigner aucune l'alTitude , & mieus que s'ils euf- fentrepofé en leurs cabanes tout le longkde la nuit. Mais par ce que, pour entretenir ces réjouillances publiques , ilsdéro- boient Chap. 6 des Iles Antilles. 343 boient fouvent les volailles & les fruits des voifins , & quel- quefois de leurs maîtres, l'exquife fagefle de Monfieur Je Ge- neral, qui n'eftime pas les moindres chofes , indignes de fes foins, Jeur a interdit ces affémblées nocturnes: & à prefent s'ils fe veulent divertir, ils le font feulement en leurvoifina- ge , avec la permifïionde leurs maitres , qui leur accordent volontiers cette honnefte liberté'. Aurefte, celuyqui a une douzaine de cesEfciaves, peut être eftimé riche. Car outre que ces gens-là cultivent & en- tretiennent tous les vivres necefîaires pour la fubfifiance de leurs maitres, & pour la leur: e'tant bien conduits ils font beaucoup de marchandée de Tabac, de Sucre, de Gingem- bre, & d'Indigo, qui apportent un grand profit. Et leur fer- vice e'tant perpétuel , leur nombre s'accroift de tems en tems, par les enfans qui leur naiffent; lefquels pour tout héritage fuccedent à la fervitude & à la fu jettion de leurs parens. Tous les Habitans étrangers, quiontleur demeure en ces Iles, fe goflverncnt félon les Lois & les coutumes de leurs pais. Parmy les François de Saint Chaiftofle, la Juftice s'admi- niftre par un Confeil compofé des principaus Officiers de la Milice de l'Ile, auquel Monfieur le General Préfide., ki bien qu'il y ait des maifons propres & deftinées à cette action, comme cette Chambre du Confeil, que nous avons dé- crite en fon lieu , neantmoins ce Confeil s'aflemble par fois, félon que le tems & les affaires le peuvent requérir, & q.ue. Monfieur le General le trouve le plus à propos pour fa com- modité ; fous une efpe'ce de grand Figuier, qui eft de la grof- feur du plus gros Orme , proche le Corps-cle garde de la Baf- fe-terre , & tout joignant la Rade. C'eft en ce Confeii , que fans ufer de tant de formalitcz que l'on a inventées pour rendre les Procès immortels „ tous les differens qui peuvent fur-venir entre les Habitans, fontvuir dez à l'amiable, & terminez le plus fouvent à. la première feance , fans qu'il coûte rienaus parties, finon ce que celle qui eft trouve'e avoir tort , doit payer , fuivant la-coutu?- me , au profit des pauvres , & de l'entretien de L'EgVifc; & pour la fatisfaëfcion de la partie qui eftoit interellee. 144- Histoire Morale. Chap.7 Ce Confeil condamne auffi à mort en dernier reffort. Les Gouverneurs des autres lies , rendent aufll la Juftice, chacun en Ton Gouvernement. De forte, qu'il ne faut pas fe perfuader qu'on vive en ces païs-là , fans ordre & fans régie, comme plusieurs fe l'imaginent. Et c'eft une merveille , de ce qu'y ayant là des perfonnes ramaflees de tant de divers païs, & qui font d'humeurs fi différentes, ledefordrene s'yfoitpas glifle , & qu'on les punie contenir dans le devoir & la fujetion des Lois. Voila pour ce qui regarde les Habitans Etrangers des Antilles. CHAPITRE SETTIEME, De IJ origine des Caraïbes , Habitans Naturels du fais. L Ordre que nous nous fommes propofé, demande que nous parlions deformars , des indiens Habitans Natu- rels des Antilles. Et il n'eft paft befoin d'agiter icy cette grande & difficile quenion, comment la race des hommes s'eû répandue en l'Amérique , & d'où elle eft venue en ce Nouveau Monde. De grands perfonnages ont traitté cette matière avec tant de fuffifance, d'exa&itude , & de foiidité, que ce feroit une chofe ennuyeufe & fuperhVé d'en entre- tenir prefentement les Ledeurs. Joint , & qui cependant portent ce nom de Caraïbes. Que s'il y en a d'entr'eus qui fefoyent rebelles* contre d'autres Souverains, s'éfans dépuis reconciliez avec eus, & vivant encore aujourduy au milieu- d'eus-* fous ce nom de Caraïbes , ainfi que nous le verrons plus particulière- ment tantolt, il ny a nulle apparence, qu'il exprime des Re- belles , puifque ce leur ferait une flétriflure r..& une marqua d'infamie. Mais , ceus qui ont converfé long-tems avecles Sauvages de la Dominique, raporrent que ceus de cette lie eflimentv que leurs Anceftres font fortis delà Terre ferme , d'entre les Calibites , pour faire la guerre à une Nation & ' K^r-ouague-^ quihabicoitles lies, laquelleils détruifirent entièrement , y&? Xx.j, Mm*- ■ 3$o Histoire Morale, Chap.7 referve de leurs femmes, qu'ils prirent pour eus, ayant par ce moyen repeuplé les Iles. Ce qui fait, qu'encore aujourduy les femmes des Caraïbes infulaires , ont un langage différent de celuy des hommes en plufieurs chofes , & conforme en quelque chofes à celuy des Arouagues du Continent. CCkiy qui étoit le Chef de cette entreprife, donnoit les Iles conqui- fes à fes confidens. Et celuy qui avoit eu en fon partage la Dominique , fedifoit Ouboutou-timum^ c'eft à dire Roy, & fe faifoit porter fur les épaules de ceus que les Infulaires noua* ment Lahouyou* c efià direferviteurs. Il y a fi peu de certitude , & tant d'irfconftance en toutes ces narrations , & en d'autres femblables que ces pauvres ignorans peuvent, faire fur ce fujet , que félon l'avis des plus fages, il n'y a guère d'aparence d'y allbir aucun fondemenr. En effet, ces Sauvages eus mêmes, n'en parlent qu'a l'av amu- re , & comme des gens qui reeiteroient des fonges : tant ils ont été peu foigneus de la tradition de leur origine : Et ils fe contredirent & fe réfutent les uns les autres , par la diferen- ce de leurs récits. Nous verrons neantmoins à la fin de ce Chapitre , ce qui pour fembler probablement , leur avoir donné ocafion à la plupart, de croire qu'ils font venus des Cdibites. Dans tous ces divers fentimens, que nous avons raportez ou des Efcrits ou des difeours de plufieurs, il y a cecy de louable, que ceus qui les mettent en avant, fuiventles con- noilTances qu'ils ont, & qu'ils font leurseffortspourëclaircic éepour déveloper des veritez anciennes & inconnues^ Mais comme la Relation que nous allorts donner de l'Origine des Caraïbes Infulaires, eftlaplus amplela plus particulière , la pluscurieufe, & la miens circonfiantiée, qui ait paru jufqu a prefent, auffi la tenons nouspour lapins véritable, & la plus certaine, biffant toutefois à la liberté du Lcâeur judicieus, de fuivre tel fentiment qu'il jugera le plus raitonable. Au refte , comme nous devons rendre à chacun la louange qui luy apartient, le public fera redevable de cesparticularitez &de ces lumières, à l'obligeante communication que nous en a donnée Monfieur -BtiHok , Gentilhomme Anglois, l'un des plus curieus hommes du Monde , & qui entre les autres riches c con- Chap.7 des Iles Antilles. i$i connoiflances , parle en perfection la langue des Virginicns &des Floridiensj Ayant veu dans Tes beaus voyages toutes les Iles , & une grande partie de l'Amérique Septentrionale, C'eft par ce moyen, qu'il a appris exactement fur le lieu même, dont nous allons faire mention, & pardesperfonnes intelli- gentes , & qui luy ont parle' avec certitude, THiftoire fuivante de l'Origine de nos Sauvages, dont il garentira toujours la vérité', lors qu'il en fera befoin. Les Caraïbes, font Originaires de l'Amérique Septentrion nale , de la Terre que l'on appelle maintenant la Floride, lis font venus habiter les Iles , après eftre fertis du milieu des k^fpalachites, entre léquels ils ont demeuré iong-tems. Et ils y ont laifie de leurs gens , qui portent encore aujourduy le nom de Caraïbes-. Mais leur première origine eft des Cofa- chues, qui changèrent feulement de nom , & furent appelle? Caraïbes,, en la terre des Apalachites, comme nous Talions voir incontinent. Les ^yifalachites font .une Nation puiflarite & genereufe,. qui fubfiite encore à prefent en la même contrée de la Flori- de. Ils habitent un beau & grand païs nomme \^4palache> dont ils ont reçeu leur nom: & qui commence fur la hau- teur de trente-trois degrez & vint-cinq fcrupuîes , du Nord* de la Ligne Equino&iale , & s'étend jufqu'au trente-feptiéme. Ce Peuple, communique à la mer du grand Golfe de la Mexi- que , ou de la Neuve Efpagne , par le moyen d'une Rivière qui prenant fa fource des Montagnes ^Afalates, au^pied dé- quelles ils habitent," après avoir arrofé plufieurs belles cam* pagnes, fe vient en fin rendre en la Mer, près des Iles de &* eobago. Les Efpagnols ont nommée cette Rivière, Rio del Spmtu Santo. Mais les Apalachites luy confervent fon an*- eien nom d'Hitanachi , qui lignifie en leur langue, Belle à* agréable. Du cofté du Levant , ils font feparez de toutes Us autres Nations, par de hautes & longues montagnes , qui-, font couvertes de nége en leur fommet la plus grande partie de Tannée, ce qui les fepare de la Virginie. Des autres coftes ils confinent avec plufieurs petis Peuples , qui leur font tous amis accrurent leur Etat d'u- ne autre Province qui leur elloit voifine du code' du Midy, & qui s'appelle Viatique , laquelle perçant les montagnes par une ouverture , qui reçoit un torrent defcendant des mê- mes montagnes , s'étend puis après au Couchant, jufqu'à la Rivière qui prenant fa fource au grand Lac , après avoir fop- mé plufieurs lies , & arrofé plufieurs Provinces , fe va rendre en fin dans l'Océan. C'eft cette célèbre Rivière que nos Irançoisont appellée deMaj, & que les Apalachites nom- ment Ba/ainjm quifignifie en «leur langue, Rivière deluieufc, ou abondante en foiffons, Les Caraïbes ayant a'infi étendu leurs limites, & écarté leurs ennemis , firent pour quelques années uneefpece de trêve avec les Apalachites, qui eftant fatiguez de tant de guerres, & mattez par la perte d'une Pro- vince confiderable , entendirent volontiers de leur part à cet- te cetTation d'armes , & de tous ades d'hoftftité. Mais ces Apalachites , qui fèchoient de regret de voir leur Etat écorné d'une célèbre Province, profitant de l'occa/ion fa- vorable decette trêve, tinrent plufieurs fois des confeils fecrets comment ils pourroient emporter de plus grands avantages furies Caraïbes, qu'ils n avoient fait jufques alors. Et après avoir reconnu par leurs triftes expériences, qu'ils n 'avoient pas beaucoup avance leurs affaires en attaquant leurs enne- mis à découvert & à main armée , ils fe refolurent de les Sup- planter parfineffe ,, & à cet effet , de chercher tous les moyens de les divifer entre eus, & de les engager infenfiblement en une guerre civile & inteftine. Ce confeil eftant reçeu '& ap- prouvé généralement de tous : leurs Prcflres , qui font parmy "eus en grande eftime , & qui ont vois en leurs Aflemblées les plus importantes, leur en fournirent bien toflles expediens, & leur en fuggererent les moyens, qui furent tels. Ils avoient remarqué , que ces gens qui les eftoient venu furprendre en leur propre Terre, eftoient fans Religion , & fans connoiffance d'aucune Divinité , à laquelle ils rendhTcnc quelque fervice public., & qu'ils craignoient ietvlement un Efprit $6o Histoire Morale Chap. f Efprit malin , qu'ils nommoicnt UWahouya , à caufe qu'il les tourmentoit quelquefois: mais que cependant ils neluy fat- foient nul hommage. Et c'eft pourquoy dés les premières an- nées de leur arrivée , pendant lefquelles ils avoient vécu en bonne intelligence avec eus, ils les avoient voulu induire à reconnoître à leur exemple le Soleil pour le Souverain Gou- verneur du Monde , & à l'adorer comme Dieu. Ces exhor- tations & ces enfeignemens avoient fait de fortes impreiîions, dans les efprits des principaus d'entre les Caraïbes. De forte •qu'ayant reçeu les premiers principes de cette R eligion , pen- dant les années que leur mutuelle correfpondanceeut lieu, beaucoup quittoient la Province d'{^dmana9 en laquelle ils demeuroient , pour aller en celle de Bémarin , la Capitale des Apalachites , d'où ils montoient en la montagne , d'olaï- miy fur laquelle les Apalachites font leurs offrandes loîen- nelles. Etàleurimitation, ils avoient participé à ces Céré- monies & à ce Service. Ces Preflres, que les Apalachites nom- ment Iaoùa* ) qui veut dire, Hommes de Dieu , lavoientque les femences de Religion ne s'étouîfent pas fi facilement dans les cœurs des Hommes , & qu'encore que les lon- gues guerres qu'ils avoient eues avec les Caraïbes , en ■enflent empefché l'exercice , il leur feroit aifé de rallumer les étincelles de cette connoiiTance , quieftoient cachées fous la cendre. La trêve & ceffation de tous a&es d'hoftilité , qui avoit efté arreftée entre les deus Nations, en prefentoit une occafion favorable. C'eit-pourquoy les Preftres duSoleils'aviferent avec l'agrément du Roy , de faire publier parmy les Caraïbes, qu'au commencement du mois de Mars , qu'ils nomment T^aarim en leur langue , ils feroient un fervice folennel à l'honneur du Soleil en la haute montagne , & que ce fervice feroit fuivy de jeus, defeilins, & de prefens, que le Roy donne- roit libéralement ausaffiftans. Cette Cérémonie n'eitoit pas nouvelle parmy les Apalachites ; les Caraïbes ne pouvoient foupeonner aucune fraude , ni avoir aucune crainte de fur- prife. Car ils avoient cette coutume fort ancienne parmy eus, de faire des prières extraordinaires an Soleil, au com- mencement de ce mois de ?{jar?w, qui eft précifement le tems Chap.7 des Iles Antilles. 36 1 tcms qu'ils ont feméleur CMays. Ils font ce Service, pou r de- mander au Soleil qu'il veuille faire germer, croiftre, & meu- rir , ce qu'ils ont confié à fes foins. Et ils pratiquent la même chofe, à la fin de May -auquel temsiis ont fait la première moiiïbn , pour lu y rendre grâces des fruits qu'ils croyent avoir receus de fa main. D'ailleurs, les Caraïbes favoient que durant ces feftes les Apalachites pendoient au croc les arcs & les flèches -y que ce feroit un grand crime parmy eus de porter des armes en leur Temple , & d'y émouvoir la moin- dre difpute 5 & qu'en ces jours -là , les plus grands ennemis fe reconcilioient & dépofoient toute leur inimitié, llsnedou- toient aufïi nullement, que la foy publique , & la promeMe fo- lennellement faite, ne fuft inviolablement gardée. Dans cette afïurance, ils fedifpofent à parler à Bémarin au tems aiïîgné : & pour contribuer de leur part à laréjouïtTan- ce publique, ils fe parent le plus avantageufement qu'il leur eft poffibie. Et bien que dés lors ils eufTent coutume de s'ha- biller fort à la légère, & de montrer leur corps prefque à nud* toutefois,pour s'accomoder aus faflbns de faire de leurs voifins qu'ils alloient vifiter.ils mettent en oeuvre toutes les fourrures, lés peaus peintes, & les étoffes qu'ils avoient, pour fe faire des habits. Ils n'oublient point auflî de peindre d'un rouge écla- tant leur vifage , leurs mains , & toutes les nuditez qui pou- voient paroitre : Et ils fe couronnent de leurs- plus riches guirlandes, tiflués de plumes différentes des plus beaus oifeaus du païs. Les femmes, voulant de leur cofté prendre part à cette folennité , font tout ce qu'elles peuvent pour fe rendre agréa- bles. Leschâinesde Coquiliagede diverfes couleurs, lespen- dans d'oreilles , & les hauts bonets enrichis de pierres luifan- tes&precieufes, que les torrens charrient avec eus des plus hautes montagnes, leur donnoienr un luitre extraordinaire. En cet équipage les Caraïbes , partie parcuriofité , partie par vanité de fe faire voir , ôc quelques-uns par un mouvement de Religion , entreprenent ce pèlerinage : Et pour ne point donner d'ombrage à ceus qui les avoient fi amiablement con- viez, ils quittent arcs, flèches-, & maiTuës, au dernier village de leur jurifdi&ion, & entrent en la Province de Bémarin avec une ûmple baguette , en chantant & en fautant, com- Zz me ï£n Histoire Morale, Chap.7- me ils font tous d'une humeur extrêmement gaye , ôc ^D'autre part les Apalachires les atendoient en bonne dé- votion- & fuivant l'ordre qu'ils en avoient reçeu de leur Roy, quifenommoit TeltLbw, la race duquel commande encore à prefent parmy ce peuple , ils receurent courtoife» ment tous cens qui vinrent au Sacrifice. Des l'entrée même des Caraïbes en leur Province, ils leur firent un accueil auffi cordial , que s'ils eulïent efté leurs frères , ôc qu'il n'y euft ja- mais eu de différent entre eus :11s les rcgalcrcnt&fcftincrert tout le long du chemin, & les efeorterent jufquesalaVille Royale qu'ils appellent encore maintenant CMMots ceft a dire U Ville au Confeil , parce que c'eft la demeure du Roy & de fa. Cour. Les Chefs des Caraïbes, furent traittez fplendi- dément au Palais Royal , ôc cens du commun chés les Habi- tai de la- ville, qui n'épargnèrent- rien,. .de ce qui pouvoir contribuer à la fatisfaûion ôc à la rejouiûance de leurs hroftes. £ k- '■• •,-;. Le jour dédié au Sacrifice du Soleil, le Roy des Apalachi- tes avec fa Cour , .quieftoit notablement accreuë par l'arrivée des -Caraïbes , ôc d'un grand nombre d'habitans des autres Brovinces , qui eftoient venus à la fefxe , monta de grand ma, îin fur le femmet delà montagne d'Olaïmi , qui n'eft éloignée que d'une pente lieue de la ville. Ce Prince , félon la coutu* me du païs, efioit porté dans une chaizefur les épaqles de quatre grand hommes, efeortez de quatre autres de même hauteur, pour prendre la place quand les premiers feroienc las. 11 eftoit précède de plufieurs joueurs de flûte ôc d'autres; Inftrumens de mufique. En cette pompe ilarriva au lieu de» ûîne' à ces alTemblées . Et quand la Cérémonie fut achevée, il fit une plus grande largelîe d'habillemens ôc de tournures qu'il n'avoit accouftumé de faire en de pareilles rencontres; Sur tout , il eftendit fa libéralité à l'endroit des pnncipaus d'entre les Caraïbes: ôc à fon imitation les plus aifez de fon peunle diftribuërent auffi des prefens à tous ceus de cette Nation, qui avoient honoré de leur prefence leur Sacrifice Solennel De forte qu'il n'y eutaucun des Caraïbes,^ qui ne retournât!: content ôc parc.de quelque Jivrde. Apres qu'ils furent Chap. 7 bes Ues Ah ? i Lles, 363 furent defeendus de la montagne, on les accueillit encore, & on les traitta, avec toute forte de témoignages de bonne volonté, en toutes les Maifons des Apalachites, au milieu defquels ils avoient à repaffer , pour retourner en leur quar- tier. En fin, pour les inciter à une féconde vifite, on leur pro- tefta de la part du Roy & de fes Officiers , qu'ils feroient tou- jours reçeus avec nne égale affection , s'ils defiroient de fe trouver quatre fois l'an avec eus , aus mêmes Cere* monies. Les Caraïbes eftant de retour en leur Province, ne pour- voient affez louer la bonne réception qu'on leur avoit faite. Ceus qui avoient gardé le logis , eftans ravis de voir les riches prefens que leurs concitoyens avoient rapporté de leur voya« ge, prenoient dés-Iorsla refolutionde faire le même pèleri- nage , à la première fefte. Et le jour qui y eftoit deftiné eftant écheu , il y avoit un fi grand empretTement parmy eus à y aller, que II leur Cacique n'y eufl mis ordre, la Province euftefté dépourveuëd'habitans. Les Apalachites continuèrent aufti leur accueil & leurs liberalitez : & il y avoit une émulation entre eus , à qui rendroit plus de devoirsaus Caraïbes, Leurs Preftres , qui favoient à quoy devoit enfin aboutir route cette rufe, ne leur recommandoient rien tant que la continuation de ces bons offices , qu'ils difoient eftre fort agréables an Soleil. Trois années s'écoulèrent en ces vifites : au bout âcC» quelles les Apalachites qui s'eftoieut épuifez en liberalitez à l'endroit de leurs voifins, voyans qu'ils avoient puiffanment gagné leurs affections , & que la plus part eftoiënt tellement zelezau Service du Soleil , que rien ne feroit capable de leur faire perdre à l'avenir, les profonds fentimens qu'ils avoient conçeus de fa Divinité , fe refolurent , eftant incitez à cela pat leurs Preftres, à l'avis defquels le Roy & tout le Peuple dé- feroient beaucoup , de prendre roccafion de la trêve qui eftoit expirée, pour déclarer de nouveau la guerre aus Ca- raïbes , & leur interdire l'accès de leurs cérémonies , s'ils ne vouîoient faire comme eus, une profeffion ouverte de tenir le Soleil pour Dieu , & s'aquitter de îa promefTe qu'ils leur avoient autrefois faite de reconnoître le Roy d'Apâlache Zz2 pour JlJi 364 Histoire Morale, Chap.7 pour leur Souverain, & de luy faire nommage de la Provin- ce àï^mma, , en laquelle ils habitoient , comme la tenant de luy. Les Caraïbes furent divifez fur cette proposition. Car tous ceus qui étoient portez pour l'adoration du Soleil, fu- rentd'avisde contenter les Apalachites, d'jfant que quand ils n'yferoient pas obligez par leur parole, ilsyferoicnt tenus, pour ne fe point priver du libre exercice de la Religion du Soleil , en affiliant aus facrifices , qu'ils ne pourroient à prc-r fent abandonner qu'à grand regret. Le Cacique , & la plu- part des plus confiderables entre lesCartïbes, difoient, au contraire, qu'ils ne vouioient point flétrir leur réputation* & la gloire de toutes les vi&oires précédentes , par une paix honteufe, qui fous prétexte de Religion, les rendroit lujets des Apalachites. Qu'ils étoient nez libres', & qu'en cette qualité, ils étoient fortis du pais de leur naiflance ,. & s'eftoient pouÛez en une meilleure terre par la valeur de leurs armes. Qu'il falloit défendre pour toujours cette precieufe liberté, & la cimenter de leur propre fang ,. s'il en étoit befoin. Qu'ils étoient les mêmes, qui avoient autrefois contraint les Apala- chites à leur quitter en propriété la plus confiderable de leurs Provinces, qui étoit le centre & comme l'œil de leur Etat. Qu/ils n'avoient rien diminué de cette generofité: Et que tant s'en faut, que cette valeur fuft éteinte j qu'au contrai*, re ils avoient accru depuis peu leur jurifdi&ion, d'une belle ôc grand étendue de pais, qui les mettoit au large , & leur don- noit jour au delà des montagnes , qui les referroient aupara- vant. Qujayant ainfi écarté tout cequipouvoits'oppofer à leurs defleins , ce leur feroit une lâcheté infupportable, de quitter, furunfimple prétexte de Religion, & pour la feule curiofité de fe trouvera quelques facrifices, lapofieffionde ce qu'ils avoient aquis, avec tant de peine & tant de fang : En fin , que s'ils deliroient d'adorer le Soleil , il luifoit aufli favo- rablement en leurs Provinces, qu'en celles des Apalachites* Quilles- regardoit tout les jours d'un œil aufîî graeieus^ qu'aucun autre endroit du monde. Et que s'il s'agiilbit de luy, confacrer une montagne & une grotte, on en pourroiç M©uver parmy celles qui feparoknt leur, Etat, d'avec le grand'; Chap. 7 des Iles Antilles. $6$ grand Lac , d'auffi hautes & d'auffi propres à ces myftercs» qu'étoit celle d'olaïmi. Cens qui defendoient le Service du Soleil , «Se qui fouter noient qu'il ne faloit pas s'engager en une nouvelle guerre, en refufant des conditions qui leur étoient aufïi avantageu- fesqu'aus Apalachites, repliquoient , que puis qu'ils avoient goûté depuis quelques anne'es la douceur de la paix, & qu'ils avoient expérimente' en tant de rencontres la bonte',1 a candeur, & la generofitë de leurs voifins , il n'y avoit point d'apparen- ce de fe jetter en de nouveaus troubles , qu'il étoit fi facile d'éviter , & même fans perte' de la réputation qu'ils s'étoient aquife. Que la reeonnoifiance que les Apalachites deman- doient pour la Province qu'ils occupoient , pourroit être d'une telle nature & de fi petite confequence , que leur hon- neur n'en feroit en rien diminué, ni leur autorité blenee. Que poureequitouchort le Service & les facrifices du Soleil , ils n'avoient point de Preftresqui fuflentinftruits en cette feien- ce , «5c qui en feuflent les Cérémonies. Qu'il feroit à craindre^ que s'ils vouloient entreprendre d'imiter les /^i^r des Apa- lachites , ils n'attiraffont par les fautes qu'ils y feroient > l'in- dignation de la Divinité qu'ils voudraient fervir, au lieu de gagner fa faveur. Que même ils avoient appris , qu'il nefe trou voit nulle montagne en tout le pais , dont ils avoient connoiffaneequi fuft regardée du Soleil d' un afpecl: fi agréa- ble & fi dous , que celle d'olaïmï : ni qui eufl comme elle un Temple cave dans le roc d'une façon fi merveilieufe ,. que tout l'artifice des hommes , ne pourroit jamais atteindre à cet- te perfedion ; & qu'auffi, c'étoit un ouvrage des rayons de la Divinité qui y étoit adorée. Que quand on trouveroit une montagne & une caverne qui approchait de celle-là , ce qu'ils eroyoientneantmoins être impoffible, les oifeaus meflagers du Soleil n'y feroient pas leur demeure. Et que la romaine confacrée à fon honneur, laquelle produifoit des effets ad- mirables & des guerifons inouïes, ne s'y rencontreroit pas. Et par confequenr gu'ils sexpoferoientà lariféedes.Apala- ehites, qui auroient toujours -Tu jet de fe glorifier d'une in£U nité de prérogatives de leur Temple & de. leur Service an- cien^ par deflus ce nouveau qu'ils pretendoient d'établir,, Z,z. i Ce: ■$m Histoire Morale, Chap. 7 Ce party, concluoit de tout cela , qu'il falloit faire une bonne paix , & affilier à l'avenir aus mêmes Cérémonies , qu'ils avoient fréquentées pendant la trêve. Maisceus qui s'eftoient arrêtiez à des fentimens contrai- res, ne peurent aucunement être fléchis par toutes ces consi- dérations ni divertis de la refolution qu'Us avoient pnfc de ne reconnoître jamais les Apalachites pour Souverains , & de ne pas perdre leur liberté, fous l'ombre d'une Religion & d'une adoration que leurs pères avoient ignorée. De forte qu'enfin cette contrariété d'avis donna le commencement a deus faftions qui fe formèrent parmy les Caraïbes , comme les Preftres des Apalachites l'avoient préveu% Et parce qu'ils étoient divifez en leur Confeil, ils ne peurent rendre une refponfe affurée & uniforme , fur les proposions de guerre ou de paix qui leur etoient faites. Mais chaque party fe for- ttnantdejourenjour, celuy qui concluoit en faveur de 1 al- liance avec les Apalachites & de l'adoration du Soleil, sac- creut tellement, qu'il fevidenétat d'obliger l'autre a fe fou- mettre à fon opinion, ou bien à abandonner la Province^ Ce feroit un récit tropennuyeus , de vouloincy d écrire tous les maus que cette guerre civile apporta aus Caraïbes, qui fe déchiroient les uns les autres, jufqu'a ce qu entin, après plufieurs combats, les Apalachites s'etant joints avec le party qui leur étoit favorable, ils contraignirent 1 autre a prendre la fuite & à vuider des Provinces d'imam & de CMatique , pour aller chercher au loin quelque demeure âlïuree Les Caraïbes viftorfeus , ayant ainfi chaffé par le fecours des Apalachites ceus qui troubloient leur paix & leur re- pos, munirent puiffamment leurs frontiers , &poferent aus avenues les plus vaillans &les plus genereus de leurs corps, pour ofter à jamais aus exilez toute efperance & toute pré- tention de retour. Puis ils contrafterent une tresferme al- liance avec les Apalachites , fe foumettant à leurs Lois , em- braflant leur Religion, &nefaifant plusqu^-Pe^le avec eus. Ce qui dure encore à prefent: Mais non pastoutefois en telle forte, que ces Caraïbes ne retiennent let» ancien nom, comme nous l'avons déjà remarque au commence- ment Chap. 7 des Iles Antilles. 367 ment de ce Chapitre , & beaucoup de mots qui leur font communs avec les Habitans des Antilles: tels que font entre une infinité d'autres les termes de Cakonnés pour dire les me- nues curiofitez qu'on referve par rareté , de Bouttou , pour lignifier une maîTuë de bois pefant, de Taumaly, pour exprimer unragouft: de Banaré> pour dire un Amy familier. à'Etoutou^ pour dénoter un Ennemy. Ils nomment aufli un arc Allouba^ des flèches Allouant: un Etang 7400^0 •: lefprit Malin Mabmya, &l'ame de l'homme Akamboué, qui font les propres termes defquelles les Caraïbes. Infulaires fe fervent encore à pre- fent, pour fignifier les mêmes chofes. Quant aus Caraïbes déchaflez de îeurterre, par ceus de leur propre Nation* &jettez hors des limites de leur ancien- ne demeure & de toutes leurs conquêtes, après avoir rôdé prés de la rivière qui prend fa fource au grand Lac , & avoir effayé en vain , de s'accommoder avec les Peuples qui habi- tent l'un & l'autre bord, ils refolurent de fe faire paflage au travers de leur terre, ou par amitié ou par force, &depouf- fer du moins fl les reftes de leur condition malheureufe , en quelque pais defert, où ils puûentfe perpétuer, & relever en toute fenreté, les ruines de leur Etat. Dans cette refolution ils pénètrent jufques au bord de la mer, où ayant rencon- tré des Peuples qui prirent compaftion de leur mifere , ils hy- vcrnerent auprès d'eus, & paflerent en grande difette cette trifte faifon de l'année. Et comme ils faifoycnt des regrets continuels , pour la perte qu'ils avoient faite d'un païs fi dous & fi fertile que le leur, & qu'ils voyoient qu'ils ne fe pour- roient jamais habituer aveejoye, en celuy où leur malheur les avoit reléguez, voicy arriver à la cofte , au commence- ment du printems, deus petis vaifîeaus qui venoient des Iles Lucayes , & qui avoient efté pouffez par lesvens à la rade, où nos Caraïbes avoient parlé leur hyver. H y avoit en ces deus vaineaus, qu'ils nomment Canos où Piraugues •■■, environ treize ou quatorze habitans de cigateo , qui eft l'une des lies Lucayes- ., lefquels ayant mis pied à terre, racontèrent ans Ha- bitans naturels de cette code, comment ils avoient efte jet- tez par la tempefte entre leurs bras. Et ils dirent entre autres chofes, des merveilles des Iles où ils demeuroient, ajoutant, qu/il 3 6$ Histoire Morale, Chap. 7 qu'il y en avoit encore plufieurs au deffus d'eus , en tirant vers l'orient & au midy , qui étoient defertes & inhabitées , & que l'on eftimoit meilleures , que celles-là même, dont ils leur fai- foient un fi grand récit. Que quant à eus , ils ne demandoient aushabitans du païs qu'un peu d'eau & de vivres , pour pou- voir repafier dans leur Terre, dont ils tenoient n'être éloignez que de quatre ou cinq journées pour le plus. Les Caraïbes, qui étoient en peine de chercher quelque nouvelle demeure , & qui s'ennuyoient beaucoup de n'avoir point de lieu feut & arrefté , qui les mift à couvert de tant de maus qu'ils foufifroient en une vie errante & vgabonde, a-yans ouï dire tant de bien de ces Iles , quel'onafluroit être voifines des Lucayes , fe refolurent de profiter de l'occafion de ces guides, qui leur avoint été fufeitez par un bonheur extraordinaire , de les fuivre lors qu'ils s'en retourneroient, & après qu'ils feroient arrivez enleurterre, defe'placerdans les autres Iles defertes , dont ils leur avoient ouï faire un récit û avantageus. Us eftimoient que l'exécution de cetteentreprifemettroit fin à toutes leurs miferes. Mais ils y rencontroient un grand obftacle , qui d'abord leur fembloit infurmontable , affavoir le manquement de vaifieaus pour pafler la mer, & les porter où ils defiroient aller. Ils fe propofoient bien pour remé- dier à ce défaut, de mettre à bas des arbres, & decreufer le tronc avec du feu , comme faifoient les autres Nations, & celle-là même au milieu de laquelle ils vivoient. Mais cet expédient, demandoit un long-tems pour en venir à bout: pendant quoy,ceus qu'ils efperoient avoir pour conducteurs, mediteroientfans doute leur retraite. Et par confequent ils jugèrent que le plus court feroit, de chercher des vauTeaus tout prefts. Pour cet effet , ils fe difpoferent à enlever à la fa- veur de la nuit, tous cens que les Nations des rades voifines, ôc du long des rivières, qui fe venoient rendre à îa mer, avoient de préparez en leurs ports, & en état de voguer. Le jour donc étant arrivé du partement des Lucaïquois, qui leur dé- voient fervir de guides , nos Caraïbes , qui s'étoient munis auparavant des provifions neceffaires, s'aiTemblereit , le plus fecrettement qu'il leur fut po&ble , le long des rivières & des Chap.7 des Iles Antilles. 369 des havres, &s'étant emparez de tous les Canos ou vaiffeaus, qu'ils rencontrèrent, fe joingnirentaus Lucaïquois , avec lef- quels, fans avoir pris congé de leurs hoftes , ils firent voile vers les Iles Lucayes. Le vent ayant été favorable à ces fugitifs , ils arrivèrent • enpeudejours à Cigateo , où ils furent reçeus fort humaine- ment par les habitans , qui après leur avoir fourny les refrai- chiffemens neceflàires , les conduifirent jufques aus dernières de leurs îles , & de-là leur donnèrent encore une efeorte, pour les mener à la première des Iles defertes , dont ils leur avoient parlé , laquelle ils nommèrent K^fyay & qu'à prefent on appelle Sainte Croix, Ils cottoyerent en faifant ce chemin l'Ile de Boriquen, diteaujourd'huy Porto- Ricco, qui étoit ha- bitée par une Nation puilîante. Ce fut donc en cette lie tf^Ayay , que nos Caraïbes jetterent les premiers fondemens de leur Colonie, & où jouïtTant d'un dons repos , qui leur fk bien-tôt oublier toutes leurs traverfes paflees , ils fe multipliè- rent tellement, que dans peu d'années ils furent contrains de s'étendre en toutes les autres Iles Antilles. Et quelques fic- elés après, ayant occupé toutes les Iles habitables , ils fe pouf- fèrent jufqu'au Continent de l'Amérique Méridionale, ou ils ont encore aujourduy plusieurs grandes «Se nonabreufes Colonies, dans lefquelles ils fe font tellement affermis, que bien que les Taos , Sappayos , Pâragotis , Arou'àcœs , ou Aroua- gues , qui demeurent en l'Ile de la Trinité & es Provinces de lorenoque , les ayent fonvent voulu chaiTer de leurs demeures , & qu'ils leur ayent livré de fangfances guer- res , ils y fubfiftent en un état floriflant , &z entretiennent une fi bonne correfpondance & une fi parfaire amitié avec nos Caraïbes infulaires, que ccus-cy, vont xuie fois ou deus l'an- née à leur fecours, fe lignant tous enfenible avec les Caifa bit es leurs amis & confederez , pour faire la guerre ans K^iro'ûagttcs leurs ennemis communs, & aus autres Nations qui leur font contraires. Au refle , nous voulons bien croire, que la plupart des Caraïbes Infulaires fe difent defeendas des Calibites leurs Confederez. Car ces Caraïbes crans moins puiflans que les Calibites, lors qu'ils arrivèrent en la Terre ferme parmy Aaa cuss 370 Histoire Morale» Chap. 7 eus , & s'étant dépuis alliez avcceus par mariages & par in- térêts communs , ils n'ont fait qu'un peuple , qui s'eft mutuel- lement communiqué le langage & les coutumes particuliè- res. Ce qui fait, qu'une grande partie des Caraïbes , oubliais de leur Origine , fe font acroire qu'ils font defcendus des Ca- libites. Et il eft à prefumer, que dépuis un tems immémo- rial , que leurs predecefleurs font paflez du Nord dans les. Iles ils n'ont eu aucune connoiiTance de leur terre natale,, qui les ayant comme vomis hors de fa bouche, & jettezhor» de fon fein , les traittant comme des rebelles, ne fut pas re- grettée de ces pauvres fugitifs, jufques au point^d'en confer- ver precieufement la mémoire. Au contraire il efl croyable,, que pour bannir de leur efprit, lefouvenirdesraaus qu'ils y avoient fouferts, ils en effaçoient les triftes idées, autant qu'il leurétoitpoifibie, & qu'ils étolent bien aifes de fe glorifier, d'uneautre Origine, ilpourroit bicneftreauffi, queiors que les Caraïbes entrèrent dans les lies, en venant duSepten* trion, elles n'étoient pas tellement defertes , qu îln y cm ç> & là quelques familles, quipouvoientyeftre palTées de l'Ile Hifpaniola ou de Porto-Rico , lefquelles ils défirent à la refer- me des femmes, qui pouvoient ferviràl'acroifiementdeleur Colonie. Veu nommément, qu'il y a toute aparence de croire que ces Caraïbes étant exilez du milieudes Apalachites, 6c contrains par le fort des armes , de quitter la place auvido- rieus, plusieurs de leurs femmes étoient demeurées parmy ces- Apalachites, & les autres de leur Nation, qui s'étoient unis avec eus. Etdelàpourroit eftre venue, la différence du langa- ge des hommes & des femmes Caraïbes. Mais , pour.reprefenter plus particulièrement ces Colonies de Caraïbes au Continent Méridional del' Amérique, premiè- rement, les Mémoires de ceus qui font entrez dans la célèbre rivierede/'O^a^, diftantede la Ligne vers le Nord, de huit degrez& cinquante fcrupules, difent , que fort loin au dedans dupais, il yhabite des Caraïbes, qui peuvent aifément y être paflez de l'Ile de Tabago , celle detoutes les Antilles qui eft la plus proche de ce Continent. Les Relations des Hollandois nous apprennent auffi, qu'a- vançant plus outre vers ls£quateur, on trouve à-fept degrez- de r cette Chap. 7 des Ixes Antilles. ry% cette Ligne ; la grande & fameufe rivière d' Effequcbe , au bord de laquelle font premièrement les Arouâgues , -& eu fuite les Caraïbes, qui ont guerre continuelle avec eus , & qui fe tiennent ausdeffus des fauts de cette Rivière, qui tom- be avec impetuofite des montagnes. Et de là ces Caraïbes s'étendent jufquesà la fource de la même Rivière , & font en grand nombre, tenant une vafte étendue de pais. Les même Voyageurs nous récitent, qu'à fixdegrez de la Ligne, on trouve la rivière de Samame ou Suriname , dans la- quelle entre une autre rivière appellée ikouteca , le long de laquelle il y a aufli plufieurs villages de Caraïbes. Il y a de plus un grand Peuple de cette Nation , lequel ha- bite un païs qui pénètre bien avant en la terre ferme . & qui aboutit à la côte, fous lecinquiéme & le fixiéme degré au Nord de l'Equateur , s'étendant le long d'une belle & grande rivière, qu'on nommé CWaroftyve , diftante feulement de dix- huit lieues de celle de Samame, laquelle depuis fa fource, tra- verfe plus de deus cens lieues dépars j où font plufieurs villa- ges de Caraïbes, qui éiifent comme les Infuiaires, les plus vaiilans d'entre eus pour leurs Caciques, & qui font d'une ftature un peu plus haute que ces Antillois , ne différant gue- res d'eus , finon que quelques uns couvrent d'un drapeau leurs parties naturelles , plutôt par parure que par pudeur, on par honte. Ceus donc qui ont voyagé en ces Contrées, difent que depuis rembouchure de cette nviere de (JMarouyne , la» quelle eft à cinq degrez & quarante cinq fcrupules de la Ligne vers le Nord , jufquesà fa fource , il y a vint journées de chemin: & que dans toute cette étendue, les Caraïbes ont leurs villages, pareils à ceus des infuiaires. Nous recueillons encore des Voyages des mêmes Hollan- dois, que les habitans de ce Continent , 'parmy lefquelsferpen» te la rivière de Caymne , font Caraïbes de N ation. Enfin, ces Caraïbes, ont pûpafferau travers des terres de ces Contrés, jufqu'au Brefiî. Car ceus qui y ont voyagé af- fûtent, que parmy les Provinces qui font le long des côtes delaMerduSud, il s'y trouve des gens qui portent lenomde Caraïbes , & qu'étant d'un naturel plus hardy & plus entre- prenant , plus rufé & pins fubtil, que les autres Indiens 4u Aaa z Brcfîl, J $jz Histoire Morale, Chap. 7 Brefil, ils font en telle eftime parmyeus, qu'ils les tiennent pour être douez d'un favoir plus relevé que les autres. D'où vient , qu'ils défèrent beaucoup à leurs avis , & les prient de préfider à toutes leurs feftes &- réjouïîlances , lefquelles ils ne célèbrent gueres, qu'il n'y ait quelcundeces Caraïbes, qui pour cet effet vontrôdantçà & la par les villages, où ils font receus de tous avec joye,- feflins , & careffes $ comme Jean de Lery l'a remarqué. Que s'il étoit bcfoin de confirmer que ces Caraïbes „ ré- pandus en tant de liens de la terre ferme de l'Amérique Méri- dionale , font de la même Nation que les Infulaires, on pour- roit icy mettre en avant, ce qui nous eft constamment rappor- té par les deus Colonies Holiandoifes qui font en ces codes, affavoir celle de Cayenne & celle de Berbice , l'une & l'autre voiilnesdes Caraïbes du Continent , pour faire voir le rap- port & la reiTernbiance qu'il y a en plufieurs chofes , de leur naturel, de leurs mœurs , & dcleurscoutusnes, à ceilesd.es Indiens Antillois. que nous décrirons cy après. Mais il eft tems de finir ce Chapitre , qui fans cela même, femblera peut être trop long. 11 a été impoillble de ledivifer, à caufede- l'uniformité & de l'enchainure de la matière : Et la nature- du fujet que nous traittions, ne nous à pas permis d'en abréger le difcours. Nous ferons même obligez d'ajouter encore un mot , fur iaqueftionque lacuriofité de quelcunle pourroit obliger de faire, combien de tems il y a, que les Caraïbes font parlez de la Floride dans les lies. Et c'eft dequoy l'on ne peut avoir de corinoiiîance aiTurée, Car ces N ations n'ont pour la plus- part , d'autres ^annales que leur mémoire. Mais parce que ces gens-là vivent pour l'ordinaire, plus de llx vints ans, on ne doit pas trouver étrange , fi les chofes qui- fe font pafleês parmyeus, fe perpétuent jufques à trois ou quatre généra- tions. Et pour confirmation dececy , on voit plufieurs hom- mes & pluii eut s femmes entre ce peuple , qui racontent la venue des Efpagnols en l'Amérique, comme fi elle étoit d'hyer. De forte, que le fouvenir de la fortie des Caraïbes hois de la Eloride , & des guerres qulls y ont eues , étant en- core frais à prêtent parmy les Apalachites , ceus qui les ont. h Chap. S des Iles Antilles. 373 ont ouï difcourir, conjecturent, qu'il y peut avoir cinq à fix censans, ou environ, queccs chofes làfontavenuës. Que fi l'on demande pourquoy s'étant accrus PipuiOamment dans. les Iles , ils neie font pas mis en devoir de repaffcr en la Flo- ride , pour fe venger des Apalachites, & de ceus de leur Na- tion qui les en avoient chaflez 5 on peut répondre , première- ment. Que la difficulté de la navigation , qui e(t fort aifée des Antilles en la Floride : mais fort perilleufe de la Floride aux Antilles, les vens étant ordinairement contraires, leur en a peut eftre fait perdre l'envie. Secondement, Que les lies ayant un air plus chaud , & une terre auffi bonne, & apparem- ment plus propre à leur naturel, que celle de la Floride , ils ont creu que cens qui les en avoient chafiez, leur avoient, fans y penfer, procuré le plus grand bien qu'ils pouvoientdefirer j. ôc leur avoient fait trouver , contre leur defTein , un repos allure dans leur exil. CHAPITRE HUITIEME. VigreRlon contenant un Abrégé de F Histoire Naturelle par C$é*; Briïiok , puis après en. notre langue , par OH*. Edouard de Graeves ,. Chefs & Di* Aaa %t redêuis: J74- H i s t o ï b. e Morale, Chap. 8 re&eurs des familles étrangères , qui font à prefent habituées, parmy ce Peuple. ARTICLE I. De retendue & de U nature de Tais des ^Âçalachites. L'Etat des t^fpalachites , contient plufieurs petites Pro- vinces , dont les unes font en cette belle & fpacieufe Val- lée, qui eft bornée des côtés du levant & du nord , par une chaine d'hautes montagnes, qui font connues dans toutes les cartes, fous le nom d'Updates: de celuy du midy, de la Province de Tago'ùeBa, qui eft habitée par une nation cruelle & barbare au poilible , qui eft toujours en guerre avec fes voi- fins : & du couchant , de la Rivière d'Hitanachi, que les Efpagnols appellent^ Fleuve du Saint Efprit , & de quelques petites montagnes, qui les feparent des Cofacites , &deplu- fieurs autres petites Seigneuries, qui font dans l'aliance , ou fous la protection du Roy d'Apalache. La plus confiderable des Provinces qui font en la vallée , fe nomme Bemarin, celle qui la fuit s'appelle ^Âmana , & la troifiéme Matique. U eft vrai que cette dernière , quicom- mencedansla vallée, s'étend encore entre les montagnes, & même jufqu'au midi du grand Lac : qui eft connu parmy eus fous le nom de Theomi. Les autres Provinces, font, Schama, & Meraco, qui font fituées entre les montagnes d'i^fpalates, & ^chalaque, qui eft en partie dans les montagnes , & qui s'étend en fuite en des marais , qui font entretenus par les de- bordemens du grand Lac, qui arrivent règlement deus fois chaque année. ■ Le Pais des ^paLchites étant ainfi divife en fix petites Provinces, qui ont chacune leurs Chefs particuliers , qu'ils appellent Paracoujfes , & qui reconnoiffent celuy d'Apalache pour leur Souverain: il neluy manque que le voifinagedela mer, ou quelque fleuve navigable, pour avoir tous les plus grands avantages, qu'onfauroitfouhaiteràunétat, aftndele rendre recommendable. Car il renferme des montagnes d'une vafte étendue, & d'une hauteur prodigieufe , qui font habi- tées Chap. 8 des Iles Antilles. 37s téespar tout où elles font acceffibles, d'un Peuple vaillant aupoiïible , quinevitprefque que de fauvagine, qui eft abon- dante parmy ces folitudes. On y rencontre aufti des plaines ôc des valées,qui font peuplées d'une Nation moins rude 6c mieus policée* qui cultive la terre , &fe nourrit de toute forte d'ex- cellens fruits , qu'elle produit en abondance. Et enfin Ton y trouve un grand Lac, & plufieurs marécages, qui y font fré- quentez d'un nombre a(Tezconfiderable de familles, qui y vi- vent de leur pefche , & des grains , que le peu de bonne terre qui leur refte à cultiver, leur peut fournir. L'air de ces Provinces , n'eft point d'une égale & confiante température , comme celuy de la plupart des lies que nous avons décrites : mais , le chaud & le froid , les pluyes & le beau tems , y changent alternativement la face de la terre , & y entretiennent une agréable diverfité de faifons. Sur la fin de l'été , & au commencement de l'automne, les tonnerres y font fi frequens & fi terribles , que les habitans mourroyent de frayeur, s'ils n'étoyent fafîbnnez à les entendre. Le vent du nord , y eft aufti tellement impetueus, que ceus qui font à la campagne, font fouvent contrains de fejetter par terre, jufques à ce que fa plus grande furie foit paflee. Le fommet des plus hautes montagnes qui regardent le fep- tentrion , eft couvert de neiges pires de la moitié de l'année. * Car elles ne fe fondent , que durant les plus grandes chaleurs del'été: &c'eftauftiencetems-là, queles torrens qui fe for- ment dans les ravines, faifant fortir les rivières hors de leurs canaus, inondent les plaines, & caufent de grands ravages dans toutes les campagnes : mais, outre que ces débordemens font bien toit écoulez, ils laiffentpartoutoùils paffent, un li- mon , qui engraifie la terre, & la rend fertile à merveille. Les trois Provinces qui font dans les Vallées , ont par tout une terre graffe un peu dificile à labourer , mais d'un grand ra- port. Les Villages & les autres places plus confiderables, qui portent le nom de Villes , font ordinairement bâties fur de pe- tites eminences, qui les garentiflentdes inondations. Et le terroir qui eft â la pente des montagnes , eft (àblonneus, & tres-aifé à cultiver , à caufe qu'il eft prefque par tout arroufe deruiffeauSj ôc de petites rivières qui en defeendent» 376 Histoire Morale, Chap.s La Terre qui n'eft point défrichée, eft revêtue d'une infi. nité dt beaus Arbres, qui recréent merveilleufement laveuë. Ils font pour la plupart d'une hauteur & grofleur démefurées & produifent divers bons fruits, qui fervent à lanourritureôc au rafraichiflement des habitans. L'on y voit des Cèdres , des Cjprés, des Pins, des Chefnes , des Saffafras de toute forte de Palmes, des Tapaïkas , qui font couverts d'une écorce, qui a la couleur & legoûtaprochantde laCanelle, & un grand nombre d'autres , qui n'ont encore point de noms -parmy- nous. Quant à ce qui eft des Arbres fruitiers, outre le Chatagniers & les Noyers qui y croulent entre les autres arbres des forets: les dernières familles étrangères qui font payées à cette terre, & les Indiens qui y font aufïi venus dépuis peu, du Golfe d'Hondures, y ont planté en tant d'endroits des Cocos, des figuiers , des Bananiers , des Grenadiers , des Orangers, des Citronniers , des Pommiers & des Poiriers de différente efpe- ce, &c même des Cerifiers, des Pruniers, des Pefchiers , des Abricotiers & toute forte de fruits à noyaus, qui y ont telle- ment multiplié, qu'a prefcnt ils y font auili communs qu'en la Virginie , ou en quelque autre des Colonies de l'Amérique Septentrionale, Les Arbrifleaus & les Plantes qui portent des feuilles , ou des fleurs de bonne odeur, comme le Laurier , lejafmin, le Myrte , les Rofiers , le Romarin & la Sauge , y croiflent en perfection: de mêmeque les Oeillets, les Tulipes, les Vio- licrs, les Lys, & toutes iesautres belles Fleurs qui émaiilent les parterres. Les Frai fes, les Frambroifes, & les Bleues, croifient dans Tes bois fans eftre cultivées. On y trouve même des Noifettes , des Groièilles rouges & blanches , & une in- finité d'autres petis fruits , qui font bons à manger. Le Froment , l'Orge , & le fégle , qu'on y a femé à diver- ses reprifes & en divers endroits , n'ont poufle que de l'herbe de même qu'ans Antilies. Mais en recompenfe , il y croift par tout, une fi grande abondance de ris & de toute forte de millet, de pois , de fèves , & d'autres légumes , que les Habitans des Vallées & des Plaines , en recueillent allez pour leur nourri- ture , & pour en fournir à leurs voiiins qui demeurent aus mon- Chap. S d E s Iles A -n t i l l e s. 3 7? montagnes , & qui leur aportent en échange , des peaus pre- cieufes de Martes, de Renards, de Chamois, de Cerfs, d'Ours» de Tigres & de diverfes autres baies fauvages. Les herbes potagères , les racines , les melons , les cocom- bres, les citrouilles, & généralement toutes les productions des jardins de l'Europe , y viennent auffi facilement , qu'en aucun endroit du monde , pourveu qng-l'on prene la peine de les cultiver, &d'avoirde bonne femence. Entre les Beftej.à quatre pieds, qui fevoyent dans ces Pro- vinces , les plus ordinaires, font, les Cerfs, les Cheurevils, les Sangliers, les Daims, ■& les Chanloys. 11 n'y a point de Lièvres j mais les Lapins y font fort communs , .& les Origi- naires fe fervent de leurs peaus , qui font parfaitement blan- ches, pour faire les paremens de leurs habits d'hyver. Ils les favent aufll teindre en diverfes couleurs, afin de donner plus de grâce à leurs fourrures. Il n'y a aucun animal farroucke dans le plat pais , parce que les Indiens qui habitent aus mon- tagnes , etans parfaitement bons chafieurs , leur font incef* fanment la guerre , & les repoiuTent au loin dans les folitndes inhabitables*, tellement que les troupeaus de brebis, de va- ches, & de chèvres, qu'on y a amenez, paiffent parmy les prez en toute aflurance , fans qu'il y ait perfonne qui les garde. Mais dans les grandes forets, & au fond des deferts plus éloig- nez du commerce des hommes, ilyades Ours, des Tigres, des Léopards, uneefpece de Lions plus craintifs, 6c moins cruels que ceus de l'Afrique, & plufieurs autres fortes debe-- ftes farrouches , qui vivent de proy-e. On y rencontre auffi plufieurs monftrueus & dangereus Reptiles. Quant aus Oifeaus, il y a prefque par tout des coqs-d'inde, des poules pintades, qu'on peut à bon droit nommer les fai- fans du pais , des perdris , des ramiers , des tourterelles , des oifeaus de proye , des aigles, des oyes fauvages, des cygnes, des canner, des aigrettes , des palîereaus blancs , des Tonat- zulis* des Paracoufis , des Flotiens , que nous décrirons en l'article fuivant, & une infinité d'autres , qui ont un pluma- ge mervei.Ueus, & beaucoup différent de celui des mêmes efpeces, dont nous avons parlé en traitant des Antilles. Les Perroqifets n'y font point frequens, à caufe qu'ils ne peuvent B b b pas 37$ H i s t o i r £ M o r a -l e^» Cha;p. s pas fouffrlr le froid. Mais les Indiens, qui demeurent aus con- trées plus méridionales , y en aportent affez , pour contenter la curiofité des habitans , quffe divert iffent à lesaprivoifer , & à leur aprendre à parler, comme on le fait ailleurs. Les x^fpaUchiteSy n'ont aucune connoiffance des Poiflbns de la mer , à caufe qu'ilsfont éloignez de la cofte , de fét ou huit journées pour le ndbins: mais ils en pefchent une grande quantité dans les rivières & dans les Lacs , qui font fort nour- riflans, d'un excellent goût, & d'une figurejpien aprochante de celle de nos carpes, de nos perches, de nos barbeaus, 6c de nos brochets. Ils y prenent auiTi des anguilles , des Ecre* villes , des Crabes , & même des Loutres , qui ont la peau parfaitement noire & luifante , & des Caftores, dont ils font de riches bonetsî& de belles 5c precieufes fourrures, ARTICLE ttl. De plusieurs rares fmguhrireï , qui fe trouvent dans k$> Provinces des x^ffdachhes. LA plupart des productions de la terre & dès eaus, q®£ nous avons fpecifiées enjl'artick précèdent, font commu- nes à toutes les Provinces des Apalaohites : mais les fingulari- tés, que nous allons décrire en celui-ey, nefe reiiconftœnt qu'en quelques endroits particuliers , bien qu'elles foyent connues parmi tous les habitans des autres , à caufe de là grande communication qu'ils ont par enfemble, comme étans menhresd'un même état. La Province de ^Bemarm, eft fertile en une efpece de raci- nes fort excellentes, que les Originaires apellent Oriaely. Elles font pour la plupart un peu plus groûes qu'une noix , & d'une forme prefque ronde. La peau qui les couvrecft fort déliée, & d'une couleur vermeille , mais la fubftance qu'elle envelope eft d'un gris blanc , partagé de veines violettes. Ces racines font liées les unes aus autres , par certains petis filamens , dé- quels elles tirent aufîi leur nourriture. Etant cuites fous la cendre, ou bouillies en l'eau, elles ont un goût agréable & relevé , & une vertu fi puiflanteà fortifier la poitrine , qu'on are- Chap.'S DES îles Anîjili s. 3.7^ a remarqué pa-r une douce expérience , que leur fréquent ufa- ge, reftitu e la chaleur -naturelle, àceusqutL'Ontdebilitée, & qu'il conferve & augmente les forces , & la bonne constitu- tion, de ceus qui font en Tante. Les i^fpabtdntes , ont auffr la connoiflance dune autre Racine qui croift dans la même Province , qui a une vertu particulière pour fortifier le corps après un long travail. Elle eft compofée de piufieurs nœuds, qui font de lagrotTeur d'un petit oeuf de poule. Elle n'eft point propre à eftre mangée, mais étant formée en boulettes, & féchéeà l'ombre, de même que ces chapelets , que l'on forme parmi-nous de la racine d'Iris : ils s'en fervent à laver les mains & le vifage , au lieu de favonettes , & même ils s'en frotent tout le corps \ quand ils fe baignent^ dans la créance qu'ils ont , qu'elle a la propriété de délalïer les menbres , & de les rendre plus foupies & plus vigoureus. Ils ont auflfi remarque' par l'ufage4 queces racines étant bien préparées , communiquent leur odeur aromatique à leurs vétemens , & qu'elles empefehent toute forte de ver- mines de s'engendrer dans leurs fourrures. Ils les nomment 'Koymelak en leur langue, c'eft à dire, les Racines de bonne odeur. Il croift parmy les buifïbns de la Province d'Amam, une Plante en forme de chardons , à larges feuilles , qui font lie- riffées d'un cofté de piufieurs épines. Les habitans du pais Fa- pellent Hydeitokt , d'un terme qui fignifié , la Plante bien unie. Elle pouffe un tige , qui eft ordinairement chargé une fois Tan , de deus ou trois teftes , qui grofiflent comme celles des Artichaus , & qui font couronnées d'une fleur de couleur violette, laquelle eft divifée en piufieurs petites feuilles Ion* guettes & écroites, comme celles du Soucy. Cette fleur étant tombée , & la chaleur ayant meitry la tefte qu'elle couvroit, ce gros bouton s'ouvre en divers endroits, & fait voir par fes fentes , une efpece de cotton extrêmement dous & délié dont il eft rempli. Cette forte de cotton ou de duvet, aunluftre éclatant & vermeil comme celuy des rofesfraifchement épa- nouies : mais ce qui reieve fon-prix , c'eft qu'il conferve cette vive couleur bien qu'il foit expofé au Soleil , & que- les vents en fafîent leur jouer. Les étrangers , & même piufieurs des Bbb % origi- 3*o ' Histoire Morale, Chap.g originaires à leur imitation, le recueillent lors qu'il eft meut, pour en garnir des matelats, des lits, & des couffins, qui font beaucoup prifez parmy eus à caufe de leur molleffe , & qu'ils n'échaufent point les reins , comme cens qui font faits de plumes, ou de laine, ou de cotton. Dans les montagnes de la Province d'^sfchalaque , qui con- fine à la feigneurie des Co faites, il y a une plante fenfitive, qui eft l'incomparable entre toutes celles , qui méritent de porter ce nom. Les habitans du païs l'apelient par excellence , Amt~ zuli, qui vaut autant à dire, que la fleur vivant*. Elle n'a point d'autre graine que fa racine, qui a lafïgure d'un gros oignon de lys , d'où elle pouffe un buiffon fort toufu , coni- pofé de plufieurs feuilles longues & étroites, qui font fe m- blablesàcellesduglayeul, horsmis qu'elles font herifiees de tous côtés, de certaines petites pointes extrement piquantes, qui leur fervent de défenfe. Du milieu de cet amas de feuilles, quifont d'un beau verd d'émeraudes , qui recrée merveilleu- fementlaveuë, il s'eleve un tuyaude la groffeut d'un pouce; qui durant le printems , jufques au commencement des plus ardentes chaleurs de l'efté, eft chargé d'une feule fleur, agréa-* blealaveue, & de bonne fenteur, laquelle étant épanouye,. eft un peu plus large ,. que les plus grandes Peonnes.^ Ses feuil- les qui font de la couleur de pourpre , font parfemées de plu- sieurs points jaunes, qui paroiffent comme autant de petites, étoiles: & pour le dernier trait de fa beauté., elle pouffe de fonfein, une forme de clochette , émaillée de tout autant de. couleurs, qu'on en admire en l'arc en ciel :. & au milieu de cette coupe , on voit un petit fruit vermeil au poffibie , de la groffeur d'une cerife fans noyau, qui eft fort délicat au goût,, ce qui fait que les Oifeaus en font fort friands. Mais cequieft de plus merveilleus en cette belle Fleur , & quiluy a aquis le nom qu'elle porte, c'eft, qu'elle fe tourne toujours du cofté du Soleil , qu'elle fe ferme lors qu'il fe couche , & s'épanouît quand il fe levé, & quepour un furcroift de merveille , elle, ne peut fouffrir d'eftre touchée de la main , ni en fes feuilles, ni en fa fleur ,. & particulièrement en fon fruit, qui eft corn- ' me le petit cœur de ce rare compofe , que toutes fes feuilles, qui font armées d'épines, comme nousl'avons reprefenté, ne- Chap. s des Ile' s Antilles. 3 s i ne fe recoquillent comme par de certains re'forts fecrets & naturels, pour enveloper la main , 6c remettre en état de rc- pouffer la violence. Mais après ce foible & inutile éfort , qui n'eit bon qu'a enlacer dcpetis oifeaus, qui ont l'affuranee de s'en aprocher, & non pas afiezde force pour rompre ces fi* lers, cette admirable fleur, fe flétrit en un inftant avec Tes feuilles, fans reprendre jamais fa première vigueur. De for- te, qu'un léger atouchement eft capable, de faire perdre en un moment, non feulement toute la grâce & tout le luftre, mais encore iavie à ce petit miracle de la nature. M1', de Grae- ves , de qui nous tenons cette naifue defcription , de même que le crayon de cette plante incomparable, que nous avons fait tirer au racourcy, dans le Payfagede la vil le de au lieu de pouffer le tige il s'eil pourri. Ge qui fait croire, que cette merveilleufe Plante, quinefè plaifr qu'ans montagnes & dans les lieus les plus éloignez du commerce des hommes , nepeuteftre élevée en un autre air, qu'en ceiuy où elle apris fa naiffanee , ni arrachée de fon pro* pre terroir, fans qu'elle perde la vie. Les Provinces de Bêmarin & de CMeraco, font fertiles en certains Arbres que les Originaires nomment Labiza ., c'eft a dire un Joyau , acaufe fans doute qu'ils en tirent leurs colliers, leurs bracelets , & laplûpart de leurs plus precieufes riehclTes, lis font de la grolïeur & de la figure des Lauriers *„ excepté que leurs feuilles qui font dentelées par le bout,font d'un ver4plus gay. Ils portent auflî au printems des fleurs fort aprochantes de celles, des abricotiers , qui fe s'echent & tombent fans eftre fuiviesd'aucun fruit : mais en recompenfe, le tronc & les plus groffes branches de ces Arbres , fuent une efpece de Cofd, ou dégomme precieufe , de bonne odeur , & d'un jaune pâle > à laquelle on peut donner teliefigure que l'on defire, quand kh- le eft nouvellement recueillie. Mais étant expofée au Soleil, ou gardée quelque tems en lieu fec ,elle fe durcit en telle forte, B bb 3 qm'clk.: 3B2 H i s t o-i re Morale, Chap. 8 qu'elle ne fe peut difoudre ni à la pluye , ni même dans l'eau chaude. Pour avoir cette liqueur gluante & épetTe, en plus grande abondance , les Habitans de ces Provinces-là , font au printems des incifions & divers endroits du tronc , & des plus grottes branches de ces Arbres, puis de trois en trois jours, ils vont recueillir les goûtes qu'ils y trouvent pendantes , des- quelles ils forment des bracelets, des coliers , des pendans- d'oreiUes, des boutons, des jettons, & même de petites boettes de diverfe figure & capacité, & des médailles fur lé- quelles ils impriment diverfes effigies , avant que cette riche matière, qui eft comme une efpece d'Ambre , fe d-ùrcifie. Toutes ces curiofitez , font en grande eftimeparmy ce pauvre Peuple , & y tiennent le même rang que l'or & l'argent entre- nous. Ils s'en fervent aufiî , au lieu de monnoye, pour entre- tenir leur commerce , comme nous le dirons en fon lieu. Mais , entre tous les plus beaus Arbres , qui croitTent dans ces contrées, ils font un état particulier , d'une efpece de Cè- dres, de tres-agreable odeur, qui ne le trouve communé- ment, que dans une belle vallée, que les Originaires de la Province de CMatiques , ont nommée Berfaykaou , qui fignifié en leur langue, la Vallée des Cèdres. Ces Arbres pouiîent leur troncs fort droits, & fort hauts , avant qu'ils s'épandent en branches. Leur bois eft fans noeuds, de couleur de citron, & fi folide, qu'on le peut polir, & en faire toutes fortes de beaus ouvrages de menuiferie, qui ont un luftre éclatant com- me l'or bruni, & une fi douce &fi agréable lenteur, qu'elle a la vertu de fortifier le cerveau , & de parfumer tout ce qu'on referre dans les coffres , qui font faits de ce precieus bois , fans crainte qu'il s'y engendre aucune vermine. I«a Province de Bemàrin , & cette vallée dont nous venons de parler, font encore tres-renommées , pour les rares Oi- feaus qui s'y trouvent, dont les plus conilderables font les To- natzwlis, qui chantent, aulli melodieufementquenos Rof- fignols. Ils font de lagroiTeur & prefque de la figure des Char- donnerets : mais ils ont le ventre & les ailes , d'un jaune do- ré, ledos, d'un bleu celefte, qui s'étend jufques à la queue. La tefte, d'un plumage entremeflé , de toutes les couleurs, dont le relie de leurcorps eft revêtu , & le bec & les ferres , de cou- h Chap.s dès Ilïs Antilles. 383 couleur d'yvoire. Ces peuples croyent , comme nous le dirons tantoft , que ces Oifeaus , qui fonr fi pompeufement parez , font les melTagers du Soleil , & qu'ils font particuliè- rement confacrez à chanter Tes louanges , aufii le nom qu'ils leur ont donne , fignifie en leur langue , un chantre, ou Mu- jic-iende Ciel. Apres le Tmatzulî, que nous venons de décrire, le plus rare & le plus merveilleus de tous les Oifeaus , qui font en efti- meparmy ces Nations, eft celuy qu'ils nomment Paracoujfe, e'cft-à~dire, le Roytelet. Il eft de la grofteur de ces petis Per- roquets , que nos Infulaires apellent Perriques ; mais , il n'a pas le bec crochu, fon vol, eft auffi plus roide, & de plus longue portée 5 & au lieu d'un ramage inportun, & d'un même ton , il a une voix fort douce, qui contente merveil- leufement l'oreille, à-caufe qu'il la fait conduire félon les rè- gles d'une mufique naturelle , qui n'a point de mauvais acords. ïl eft timbré d'un pennache, d'où il fort encore une petite ai- grette , qui eft comme le plus riche fleuron , qui termine fa couronne. Sesyeus, font comme deus rubis enchaflez. En un chaton d'or , émaillé de blanc. Sa tefte & fon cor, font enrichis d'un duvet, de tontes les plus vives couleurs de la nature, qui reprefentent un changeant admirable. II a (bas le col, un petit cordon noir, qui luydonne une grâce mer- veilleufe. Son ventre & ledéfus de fes ailes , font diverfificE de jaune & d'incarnat. Son dos , & les greffes plumes de fes ailes & de fa queue, font d'un jaune doré, partagé de noir» & de couleur de feu , par un mélange en forme d'écaillés, qui ont une tres-acomplie proportion. Ses jambes font orangées, & la corne de fon bec, & l'extrémité de fes ferres , (ont de cou- leur brune , tirant fur le violet. Le port , & le corfage de cet Gifeau , montrent aflèz qu'il a quelque fentiment de gloire, Se qu'il fait tenir fon rang t parmy les autres , pour fe voir revêtu: de tant de vives couleurs, & 11 avantageufement paré. De forte qu'il faut avouer , que c'eft avec raifon que les Apalachl- tes, luyontdeferélacouronne, & le titre de Roy, entre tous les autres Oifeaus, qui fe voyent dans leurs Provinces^ Le grand Lac, qui eft connu parmy eus, fous le- nom de Theomi, & celuy qui eft dans la vallée de Berfrjhm , ont au ffi fe 3S4 Histoire Morale, Chap. s plufieurs rares Oifeaus, tels que font les Flammans & les Ai- grettes , que nous avons déjà décrits au premier Livre de cette Hiftoire. Mais celuy qui mérite d'eftre particulièrement con- fideré , entre ceus qui hantent les rivières & les marais , eft ce- luy, que les Originaires du pais nomment Flotien , il eft de la groffeur d'une Aigrette, & d'une forme toute pareille. Ses ailes, fon dos, & les plumes de fa queue, font chamarrées comme par écailles , de gris , de blanc, & de noir, & bor- dées d'un petit filet rouge. Sa telle, eft couverte de petites plumes noires &luifantes, qui luy font comme une toque 5 & quant au refte de fon plumage , il eft parfaitement blanc. Il prépare au printems fon nid dans les rofeaus, de même que les Poules d'eau. Il le couvre par défus avec unefinguliere in- duftrie , ne laifiant qu'une petite ouverture du cofté du midy, par laquelle il peut entrer & fortir . Il le garnit par dedans d'une fine moufle, & de diverfes petites plumes, qu'il va recueillir ça & là parmy les buiftlons , où il a coutume d'en trouver : & après avoir ainfi préparé & agencé fon lit mollet , il y pofe (es œufs, & y écloft fes petis, pour perpétuer fon efpecc. Parmy les Cofacites , qui font les bons voifms & alliez des Apalachites, il y a dans les plus hautes montagnes de leur Pro- vince , une Caverne merveilleufe, en laquelle les eaus ont faf- fonné,toutes les grotefques & les raretez les plus exquifes, que la curiofité la plus dificile à contenter v s'auroit defirer pour fon divertiffement. L'on y admire particulièrement un certain en- droit , où les eaus tombant en partie fur une pierre dure au pof- fibic , & diftilant auiïi goûtes après goûtes de différente grof- feur , dans un baftin quelles ont formé , font unemufique fi acomplie, qu'a peine y à-til aucune harmonie , quiluy foit préférable. On trouve aufîi parmy les montagnes des Provinces de Schama , & de Meraco , du Criftal de roche , & quelques Pierres rouges , & éclatantes , qui ont un feu allez brillant, pour paffer pour une efpece de Rubis. Il y a aufli des mines de- cuivre , mais elles ne font pas encore découvertes. Ce qui confirme cette opinion , eft , qu'on y rencontre du fable dore, quia un fi grand luftre , qu'on le prendroit pour du tres-fin or, quand les torrens qui le charrient des montagnes à la plaine , le 1 laiftent ^i Chap. 3 des Iles Antille s. 3 s 5 laifTentfurlebord des rivières parmy le fable 5 mais, les Or- fèvres l'ayant voulu mettre à l'épreuve , il s'eft prefque entiè- rement évaporé au feu , & même ce peu quieft refté dans le creufet, nepeutpaiTer, que pour du plus fin Cuivre. Pour la clôture, de toutes les raretez & iingul.aritez qui fe trouvent parmy les Apalachites , il ne faut pas oublier de faire Jadefcription , de la célèbre Vallée de Berfaykaou , de laquelle nous avons déjadit quelque chofe. Car c'eft l'une des plus agréables, &des plus propres à recevoir des Habitans, quife trouvent non feulement en la Floride , mais encore en toute l'Amérique Septentrionale, foit qu'on ait égard à \a fertilité de fon terroir , aus claires fources qui l'arroufent, aus excei» lens arbres qui la revêtent fi magnifiquement , & fur tout aus Cèdres tres-precieus , qui luy ont aquis le nom qu'elle porte, de Vallée des Cèdres , quieâ l'interprétation du terme, dont les Originaires fe fervent , pour la diftinguer d'avec*ies autres 5 ou que l'on veuille confiderer , la chaffe & la pefche , qui s'y peuvent faite fort avantageufement , ou la facilité de la forti- fier avec peu de frais, & la rendre du rang des places que l'on dit eftre intenables . Cette Vallée, eft fituée en un air forttemperé, entre les trente-quatre & trente-cinquième degrez au deçà de la ligne, & prefque au centre des renommées montagnes ' £ <<_ApâLte$t qui l'entourans de touscoftez, ne luy laiflént qu'une petite ouverture, laquelle après plufieurs finuofitez fort étroites, fe vient enfin rendre dans la Province de CMatiques , qui s'é- tend comme nous l'avons dejadit, & dans la plaine & dans les mêmes montagnes. Elle eft couverteprefque par tout de beaus Arbres de Cafime Aont la plupart des Floridiens font ce breuva- ge (i excellent & fifain, qui eft tant prifé parmy eus. il y a auffi des Chefnes d'une grofleur & d'une hauteur extraordinaire, qui portent des glands fi dous , qu'ils font autant prifez que les Châtaignes: & un fi grand nombre de cette efpece de Cèdres precieus dont nous avons parlé cy défus, qu'ils ont donné à cette vallée le beau nom qu'elle porte. Tous ces beaus Ar- bres, y font rangez par ie^fages mains de la nature, en une diftance fi bien proportionée , qu'on diroit qu'ils y ayent elle plantez à deffein , d'aller par tout à cheval , *& fans aucun em- pefchement. Ccc Cette « $g& Histoire Moral e , Chap. s Cette agréable Vallée, a environ neuf iieuës de long,- à prendre du Nord au Sud, fur une largeur inégale. Car en quelques endroits , elle s'étend jufques à trois lieues , & ans plus étroits , elle en adu moins une & demye. Elle eft arrou- féepar tout de plufieurs petis ruuTeaus d'eau vive, qui de la pente des montagnes , où ils prenent leurs fburces, fe viennent rendre dans une belle Rivière, qui commence au pied de la plus haute montagne du cofté du Nord , & après avoir fer- pente' cette VaUe'c en fa longueur , vient enfin fe perdre dans un grand Lac, qu'elle forme au Sud, qui a environ deus lieues détour. Ce Lac, acecy demerveilleus , quêtant entouré de toutes parts, d'une chaine continuëde hautes & fourcilleufes mcn* tagnes, qui luy font par tout un rampart inpenetrable, ex- cepré du feul codé , par où la Rivière s'y décharge : fon baffin paroit neanunoins en tout tems également rempli j. bien que la Rivière qui le forme, foit fouvent demefurément enflée, & quelestorrens , qui roulent leurs eaus de toutes les mon- tagnes voifines , s'y précipitent avec inipetuofité , lors que les neiges fe fondent, & durant les grandes pluyes dfl printcms & de l'automne-. Cette égale conftitution deseausdece Lac^ qui fe contiennent toûjoursdans leur lit, fait croire avec rai- fon, àtousceus qui voyent cette merveille, que dans les ra- cines de ces hautes montagnes , qui le bornent e s Iles Antilles. 3 s 7 de l'année montent jufques-à la fourcede la Rivière, puis redefcendent dans le vafte fein d'où ils eftoy ent fortis , s'ils ne tombent dans les naiïes des Pefcheurs , qui leur dreiïent pour lors des pièges. On trouve auiïi fur le rivage du Lac, & en divers endroits du bord de la Rivière , des Loutres & des Ca- itors , qui font fort eftimez non tant pour leur chair , qu'a caufe de leurs precieufes dépouilles. On rencontre auiïi parmy les montagnes , qui font une fi forte ceinture de murailles naturelles à cette Vallée , une efpecede Chamois, ou de petites Chèvres Sauvages , qui fe coulent quelquefois par les précipices & les fentes des rochers dans la plaine 5 mais auiïi toit qu'elles aperçoivent des hom- mes , elles regaignent les montagnes avec une agilité incom- parable. Les Apalachites les nomment ^koueyas , elles ont la tefte fort petite , à proportion du refte du corps $ le col droit & élevé , les yeus gros ôc vifs, le poil blanc & allez long, pour pouvoir eftre filé. Leurs cornes font fort petites , & recour- bées fous les oreilles. Leurs pieds font partagez en quatre on- cles , dont il y en a trois fur le devant , & le quatrième , qui cft plus large & plus gros que les autres, tourne en arrière. Ces Chèvres font G légères à la courfe, & lors qu'elles font pour» fuivies, elles s'élancent avec tant de roideur & devitedede rocher en rocher, quelîesfemblentplûtoft voler que courir. Cesanimaus, ont auiïi une fi grande cnaleur naturelle, que par tout où ils le couchent , durant même les plus grandes froidures de Thyver, la glace «Se la neige y font incontinent, fondues. C'eft auiïi à cet indice , que les Chaffeurs ixçon- noiflent leur gifte , & qu'ils prenent occafion de leur y tendre des lacets. Leur chair, eft très-bonne, courte & la pies dé- licate de toutes les venaifons de la Floride : & leur peau étant bien préparée , refifte à la pluye , & a la propriété , de même que celle du Velâre , d'échaufer tellement ceus qui en font couverts, qu'ils peuvent palier fur les glaces , & parmy les neiges, fans eitre incommodez de la rigueur du froid. Tous ceus auiïi, qui font travaillez de defluxions froides, ne fau- royent defirer un plus dous & plus fouverain remède , pour en eftre foulagez. Cette Vallée, n'eft pas feulement fréquentée des Chaflears Ccc z de £3 s Histoire Morale» Chap. s de la Province de ^Matiques , qui y ont déjà bâti des Villages, mais même du Paracoujfe d'Apalache , qui y va tous les ans uneoudeusfois, prendre le plaifir de lachaife, parce quel- le eft tres-abondanre en Cerfs, en Renards , en Sangliers» & en une infinité d'autres beftes fauves , qui font recher- chées par ces Peuples, non tant pour leur venaifon , qu'a caufe des peaus & des precieufes fourrures qu'ils en ti- rent , & qui font cftimées entre eus , pour de grandes richeffes Aurefte, cette Vallée n'ayant qu'une entrée fort étroite, qui foit connue jufqu'à prefent , peut eftre facilement pre- fervéedes ravages , que les Barbares font fou vent dans tout le plat pais des terres voifines, & au befoin , elle pourra fervir de retraite affurée , & de vaux & ample Citadelle aus Apala- chitcs, à l'encontre de tous cens qui voudrôyent troubler le repos dont ils jpuïflent parmy ces agréables folitudes, où la providence les a fait naiftre. Nous aprenons aulïi des der- niers mémoires de Mfide Graeves, qu'ils ont delTein , d'y tranfporter les principales forces de leur Etat , la Maifon Royale, les Collèges, & tous les autres ornemens de leur Ville capitale, & d'y enbaftirune autre de plus grande éten- due que celle de CMelilot , fuyvant le plan, qui en a efté dreiïe dépuis quelques années , par un Capitaine Jrlandois, qui s- entend parfaitement bien à Tarchite&ure , & aus fortifi- cations : ôc que dans l'efperance de venir à bout de ce gène- reus projet , ils ont déjà bâti un petit fort à l'embouchure de cette Vallée, pour s'en conferver la propriété. ARTICLE II L Du Corps des ^Afahchites^ & de leurs VetemenK LEs K^fdachites font pour la plupart de grande (rature, de couleur olivâtre & bien proportionez de corps. Us naiflent tous affez blancs î mais ils changent la couleur natu- relle de leur peau , par le fréquent ufage d'un certain onguent, qu'ils compofent avec de la graifle d'Ours , & la racine d'une Herbe ? qui a la vertu de les endurcir contre le chaude le froid. Chap. s des Iles Antilles» 389 froid, lis ont tous les cheveus noirs & longs, <3cce leureft comme un prodige, de voir quelques étrangers, qui les ont blonds, & naturellement bouclez & frifez. lis n'ont point de barbe, &s*il leur en vient quelques poils , ils les arrachent avec un grand foin, & de même que les Caraïbes Infulaires, ils apliquentpromtement à l'endroit quelque huile cauftique, qui a la vertu de refermer les pores , & de brûler les racines du poil, afin qu'il ne puhTe plus recroiftre. Les hommes & les femmes , ont unecuriofité égale , d'en- tretenir leurs cheveus dans une grande netteté', & de les trefler fort proprement 5 toutefois avec cette différence, que les fem- mes les agencent fur le fommet de leurs teftes , en forme de guirlande, au lieu que les hommes, les tiennent d'ordinaire liez & entortillez en deus floquets , qui-pendent derrière leurs oreilles: pour n'avoir rien quiempefche, de bander & de ti- rer leurs arcs : mais aus jours de parade & de rejouïflance, ils enlaifieiitfloter une partie fur leurs épaules, ce qui leutdon- ne une fort bonne grâce. Les Habitans des montagnes , coupent entièrement les che- veusducofté droit, & lailTantcroiftre les autres, ilslesrceo- quillent & les ramaiïent fur le haut de> leur tefte , en forme de crefte , qui panche un peu fur l'oreille gauche. Ils n'ont auffi pour la plupart, aucun ufage de bonets ni dechauflure, & quant aus autres parties de leurs corps , ils les couvrent de dé- pouilles de Tigresôc de Léopards , ou de peaus de Cerfs & de chèvres fauvages, fort proprement coufuës en forme de cafa- ques , qui leur bâtent jufques-aus genous , & qui ont des man- ches qui ne patient point le coude. Ceus des autres Provinces , qui font fi tuées- au pied des montagnes d'Updates, alloyent autrefois nuds dépuis le nombril en haut , durant tout l'efté : & en hiver^ ilsportoient des manteaus de peaus, enrichis de fourrures, mais au jourduy., ils font en toute faifon honeftement couverts. Car pendant les chaleurs ils ont des habits fort legers,qui font faits de cotton ou de laine , que les femmes favent filer, pour en compofer en fuite fur des métiers , plufieurs fortes de petites étofes bigar- rées de diverfes couleurs , qui font de durée , & agréables à la veuë. Mais durant l'hiver, qui eft fouvent afiezrude, ils G ce: 3, font. $go Histoire Morale, Chap.g font tou s habilez de diverfes peaus , qu'ils favenr aprefter aufll proprement, que les plus experts peîetiers de l'Europe. Ils iaifîent à quelques unes , le poil ou la laine , qui leur fervent de fourrure j & ils paflent les autres & les laillent unies des deus cotez, afin d'y peindre des fleurs , ou quelques figures, léquelles ils relèvent avec des couleurs fi vives , & fi bien apii- quées, quelles paroifTent de loin, comme de la broderie bien exquife. Ils ont auffi aprisdes étrangers qui font parmi-eus, à tanner les peaus de bœufs & de cerfs, pour -en faire des fou- liers & des botines. Les hommes mariez , portent des bonets de peaus de Lou- tres, parfaitement noires & luifantes. Ils les font aflez hauts, & leur laifient un bord large de trois pouces ou environ , qui aboutit en pointe par devant, & l'un des cotez eft enrichi d'un bouquet de plumes d'aigrettes , ou de quelque autre oi- feaus, qui font en eftime parmi eus. Les Femmes, fe couvrent aufîilatefte, avec des coefFes qui font bordées de quelque ri- che fourrure grife ou noire , mais les jeunes hommes & les fil- les, n'ont en tout tems aucun autre ornement de tefte, que leurs propres cheveus,cordeîez & treflez curieufement, com- me nous 1 l'avons reprefeate cy defus. Ceus du commun, n'ont pour tout habilement, qu'une Cafaque à courtes manches, fur un petite chemifette de cha- mois , qui leur defcend jufqnes ans genous. Cette Cafaque qui leur couvre le gras de la jambe , eft lieefur les reins avec une ceinture de cuir, qui eft orne'e en divers endroits d'un ou- vrage, qui femble eftre fait à l'aiguille. Mais les Chefs de fa- mille portent encore par défus , une forte de manteau fans col- let, qui ne tombe par devant, que fur le nombril ; bien que parderriere, il pende prefques jufques à rerre. L'habit des femmes de la même condition , eft fort aprochant de celuy des hommes, horsmis que leurs robes couvrent la cheville du pied, & que leur manteau, qui eft entièrement ferme' par de- vant , a deus ouvertures aus cotez , par où elles paflent les bras. Le Paracoufle , les Gouverneurs des Provinces, les Capi- taines . & généralement tous les Officiers, qui fréquentent lacourde ^Mdilot , font habilez beaucoup plus richement 5c plus Chap.s des Iles Antilles. 391 plus eu rie ufe ment que le commun. Caraulicu queceus-c% fontcouverrsfurla peau d'une chemifette de chamois, ceus- la , qui ont à prefent la connohTance & l'ufagc des toiles de cotton & de lin , Te fervent de chemifes fort amples , dont les bords des collets 8c des manches, font brodez de foye de di- verfes couleurs: & quant à leurs robes, elles font enjolivées en efté , de plufieurs liftons en forme de palfemens , & en hi- .ver, de fort ex quifes& rares fourrures, qui les enrichifienf, & qui paroiflfent comme par divers étages. Ils fe ceignent aufti d'une ceinture de foye, ou de quelque autre riche étofe : <5e lors qu'ils veulent paroiftre en leur plusgrande pompe, & avec leurs habits de cérémonie , ils fe chargent par défus tout cela, de cette forte de long manteau, dont nous avons déjà parle : ou s'ils ne veulent point eftre tant embaraifez , ils fe parent feule- ment d'une efpece de cafaque à larges manches, qui efl ou- verte par devant, afindefaire voir leurs autres habits, & fur tout, une lame d'argent ou de fin cuivre, de la largeur de là paume de la main, qu'iis portent fur leur poitrine , comme une marque de leur nobiefte, ou fi vous voulez comme le collier deleurordre. Ils font auffi fort curieus d'avoir des Toques de grand prix, foit que l'on confidere les belles peaus & les riches fourrures dont elles font faites, ou qu'on ait égard aus plumes , ôcaus riches cordons qui les erribelnTcnt. Ils n'ont pas encore l'ufage des bas de chauffe, ni des gants: mais ils portent des botines & des foulîers , qui leur tiennent le pied ferré, &quipeuvent palfer pour bien faits , en un pais , où les ans ne font encore qu'en leur naifiance. Les lao'ùas , qui font les Sacrificateurs du Soleil , & les Médecins de ce peuple , font auûi djfcernez par des vétemens, qui leur font particuliers.: & bien que la matière & la forme, en foit ridicule & grotefque au poffibley,ils croyent néant- moins, qu'il n'y arien qui foit plus feant à la gravité de leur profeflîon, ni qui foit plus capable de leur atirer le refpe£tc% l'admiration des autres ordres. Ces habits confiftent eh une longue robe , qui eft faite de peaus de diverfesbeftesfauvages, coupées par bandes de largeur inégale , dont les poils de diffé- rentes couleurs , reprefement au dehors un afreus mélange. Cm: •A ■ 39* Histoire Morale Chap.s -Ce Peliflbn , qui leur bat jufqu'au défous du gras de la jambe, eft ferre' par le milieu, avec une ceinture de cuir de cerf , à la- quelle ils attachent trois ou quatre efcarcelles , qui fontordi- nairement remplies de plufieurs fortes d'herbes , aufquelles ils atribuent de grandes vertus pour la guerifon de diverfes mala- dies , aufquelles ils font fujets. Par défus cette robe , ils por- tent au lieu de manteau , la dépouille toute entière, d'un Lion, ou d'un Tigre, ou d'un Léopard, dont la telle & les pâtes qui font féches , leur pandent fur l'eftomac , & aus deus cotez. Ils ont les oreilles percées , & au lieu de pendans de quelques pierres precieufes , ils y atachent certains petis oifeaus noirs, qui font endurcis à la fumée. Soitquecefoitparfuperftition, ou par coutume, ils ont en tout tems les pieds nnds , îhais leur tefte eft couverte d'un bonet fort haut qui aboutit en pointe, & qui eftcompofé de peaus avec leur poil marquetées de dife- rentes couleurs > & les plus hideufes qu'ils peuvent rencon- trer. Enfin , leurs bras qui font nuds jufques au coude , font marquez de plufieurs caraderes , & autres figures qui leur font faites au tems de leur promotion à ces charges , par les Surintendens de leur religion , qui après les avoir defignées fur la chair de leurs difciples, y font des piqûres jufques au fang , lequel ils étanchent à Imitant en jettant fur la playe la cendre d'une certaine écorce d'arbre, qui laiffeâla cicatrice une couleur brune, qui ne s'éface jamais. Les femmes des Gouverneurs & des Officiers, font plus richement parées que les autres de moindre condition. Leurs robes montent par degrez & font enrichies de broderie à leur mode, ou de riches fourrures fuyvant la faifon 5 de même que celles des hommes de qualité. Mais au lieu de Cafaques , el- les portent des mantelines, qui les couvrent jufqu'aus genous, & qui ont des ouvertures aus cotez , par où elles patTent les bras. Lors qu'elles font conviées dé fe trouver en quelque aflembiée folemnehe, ou à quelque ferlin , elles ajoutent à leurcoefFareordinaire, un voile de quelque légère étofe.qiù flote fur leurs habits. Elles peignent auffi leurs joues de ver- millon , & atachent à leurs oreilles des pendans de criftal , ou de quelque autre matière qui ait de l'éclat , & pour le dernier de leurs ornemens, elles fe chargent le col, de chaînes & de coliers, Chap.8 des. Iles Antilles. 391 colicrs , d'ambre, ou décorai, ou de quelques pierres vertes ou rouges qui ont duluftre. Car pour les perles , les émo raudes & les diamans , que quelques uns ont mis entre les tre- fors de ce peuple, il eft tres-conftant, qu'ils leur ont donné beaucoup plus de richeffes fur le papier, qu'ils n'en ont dans leurs cotres. ARTICLE IV. De V Origine des ^palachites é* de leur Langage. LEs i^fpalachites , fe tiennent des plus anciens Peuples de tout ce nouveau monde : & bien qu'ils ne fe vantent pas comme les Arcadiens d'eftre nez devant la Lune, & d'avoir efté produits immédiatement de la terre, ils fe glorifient neantmoins, d'avoir poffedé dépuis plusieurs générations, le pais qu'ils habitent. Mais d'autant qu'ils n'ont point d'autres Annales, que la traditive qu'ils ont receuë de leurs predecef- feuts , ils ne fauroient dire precifement , combien il y a de Cic^ clés qu'ils font en cette terre, ni d'où ils y font venus. De for- te, que tout ce que Ion peut recueillir de plus vray femblable de leurs difeours fur ce (ujet , c'eft , qu'ils y ont eux pouffez de cette partie de PAiie , qui ed à prefent ocupëe par une nation de Tartares , qui n'eft fepare'e de l'Amérique Septen- trionale, que par ce petit d'étroit que l'on apelle d'Anjan. Les plus éclairez dans la connoiffance de l'origine des Ha- bitans de ce nouveau monde, & les plus judicieus entre les Angiois de la Virginie & de la neuve Angleterre , confirment ce fentiment touchant la vraye fource de ces Peuples , & l'a- puyent en premier lieu, fur ce que les Américains, ont le teint, tous les traits du vifage, la poiture du corps, les che- veus , & particulièrement les yeus entièrement raportans à ceus des plus rudes entre les Tartares , qui habitent les con- trées de l'Aile, que l'on tient eftre les plus voifi nés deTAme- rique, Ils fondent auffi leur opinion , fur ce que les Améri- cains font dans l'ignorance groffiere des lettres 6c des arts , & au milieu des plus épaiffes ténèbres de l'idolâtrie , de même que ces peuples barbares del'Afie. Ils confirment enfin leur juge- Ddd ' ment, 594 Histoire Morale, Chap. § ment , fur ce que ceus qui ont confideré atentivement les moeurs, le langage, la police, & la religion des uns & des autres , y ont remarqué de fi grands raports , & unefi grande conformité en plufieurs chofes tres-confiderables , qu'Us ne tiennent pas feulement pour probable, mais pour tres-con- fiant que les Américains font defcendus des Tartares. Mais, nous laiffons volontiers cette difpute qui eft affez délicate , & nous nous contentons de reprefenter les opinions des autres fur ce fujet, fans prétendre de le décider, veu notamment que nous aprenons avec joye , que des perfonnes tres-do&es des Colonies Angloifes , travaillent prefentement à éclaircir fur les lieus une matière fi confufe, & qui foufre encore tant de dificultez , bien qu'elle ait efte maniée par tant de bon- nes plumes. Pour ce qui eft maintenant de leur langage, les fix Pro- vinces qui reconnoiffent le Paracouffe d* Apalache pour leur fouverain , entendent la langue de celle de Bemarm & de la ville de ^Melilot , où jufqu aprefent il a fait fa demeuré plus arrétée : mais , elles ont chacune une dialede particulière, qui fait que le langage des uns , diffère en quelque ehofe de eeluy des autres. Les Provinces à'^Amana & de CMatiques , où fe trouvent encore plufieurs familles de Caraïbes , ont aufli rete- nu jufqu'à maintenant, beaucoup de mots de l'ancien idiome de cette Nation- là, qui juftifient plénement ce que nous avons pofé , aflavoir , qiv aians un même nom , & beaucoup de ter- mes qui leur font communs 'avec les anciens habkans des An- tilles, ils ont aufïl une mêmeorigine y comme nous l'avons reprefentéau Chapitre précèdent. Les Capitaines, les Chefs de familles, &tous ceus qui font profeiïion de quelque civilité , ou qui afpirent d'eftre em- ployez au confeil , & au maniement des afaires de la dernière importance de leur petit état , fe fervent d'un langage plus or- né, & plus fleuri que celuy du vulgaire. Leurs exprefïions font precifes , & leurs périodes aflez courtes. Us ont aufîi de beausmots, qui font très-propres, pourexprimer leurs pen- fées, ils font aufTi.fort riches en comparaifons fortnaifues, qui donnent une grâce merveilleufe, & de grandes lumières à leurs difeours. Et. tous les étrangers qui vivent avec eus ôc qui Chap. S D E S ï L E S A N T I L L E S. 3 f? qui entendent Jeur langue , leur rendent ce témoignage, qu'ils n'ont ni ia fterilité de quelques autres peuples de I7 Amé- rique, qui n'ont point de termes particuliers, pour exprimer beaucoup de chofes, quifontde Tufage ordinaire de la fociete civile; ni l'abondance & la fuperfluité de quelques autres : mais une netteté fans artifice, quieft animée d'un certain feu, & d'une agréable cadence , qui n'a rien de rude ni de choquant en la prononciation , ou qui n'ait fon poids & la force par- ticulière. Nous aurions icy ajouté pour la clôture de cet Article , ua petit elTay de cette langue, pour en donner quelque goût aus curieus. Mais, outre que la prononciation des Originaires lui donne la meilleure partie de la douceur & de la grâce, que nos cara&eres & nôtre ortographe , ne lui peuvent point conferver : l'un de Meilleurs les Dire&eurs delà Colonie de JaPalme, travaillant actuellement, à faire voir la conformité & le grand raport, qu'il y a entre la plupart des langues des Peuples de l'Amérique, & celle des Tartares , & de quel- ques Arabes de l' Allé, nous luy laiflbns tres-volontiers , cette tâche toute entière. ARTICLE m Des Villes , & des Villages des ^Apduhites , de leurs maifins & de leurs meubles. LEs places que les Apalachitcs honorent du nom de Vil^ les, font certains Villages ou hameaus un peu plus peuplés que les autres qui au lieu de murailles de pierres ou de briques, font fermez par dehors , degroffes pièces de bois pointues & brûlées par le bout, quieft fiché profondement en terre; ou qui au lieu de ces palifades qui peuvent eftre facilement brû- lées , font entourez d'hayes vives , tifîu'ës & entreiaffées d'épi- nes fort piquantes , qui ont ordinairement trois ou quatre pieds d'épaifleur , & qui font plantées au pied du terrain qui les apuye , & qui panche en talus au dedans la place , a laquel- le il fert de rampart allez large, pour la pouvoir défendre de défus. En chaque Ville, il n'y a pour l'ordinaire que deus Ddd 2 portes 396 Histoire Morale, Chap. g portes attez étroites, qui le ferment avec des pièces de bois, que l'on coule de défus une efpece de petis boulevards , ou de tourelles de gazons, qui font élevées de part & d'autre de ces entrées pour y pofer les fentinelies, & pour pouvoir commanderde-là fur les avenues. Chaque Province, n*a que trois ou quatre Villes pour le plus, qui ont leurs Gouverneurs particuliers , qui y font leur demeure ordinaire , & qui com- mandent à tous les Capitaines des Villages voifms , qui font de leur réfort, félon le partage, queleParacoulTed'Àpabche à trouvé bon d'en faire , pour éviter les querelles, qui naif- foyent fouvent entre les Gouverneurs & les autres Officiers qui relèvent de luy , fur l'étendue des limites de leur Ju- rifdiction. Les Villages des Apalachites , font fans contredit plus agréables que leurs Villes : à caufe que les habitations ou mai- fons , y font beaucoup plus fpacieufes & plus aérées , bien que quant au refte, elles ne foyent pas de beaucoup diferentes. Car elles font toutes bâties avec une merveilleufefimplicité, alTavoir de pièces de bois plantées en terre , & jointes les unes ans autres , fans eftre rabotées ni enclavées par quelque folide alTemblage, félon l'ordre de nos bâtimens de charpenterie. Ou bien , elles font faites de perches , dont on a levé l'écorce» qui fontarangéesen forme de claves, ou de galandage , le- quel eft enduit & encroûté de part & d'autre , avec de la terre graiTe, qui en remplit (1 parfaitement tous les trous , & toutes, les crevafles, que le vent ni le froid ne peuvent pénétrer au travers. Ces légers édifices , font tous d'une figure plus longue que large , qui fe termine en ovale aus deus extrémités , qui font toujours tournées au Nord & au midi ^ afin que les vens les plus impetueus,qui fouflent régulièrement de ces cofxez- la, ayent moins de prife fur elles. C'eft aufîîdansle mêmedef- fein , de les parer contre les grandes fécouffes des vens, qu'ils les font fi baffes, que la naiffance de leurs toits, n'eft élevée de terre, que de cinq à fix pieds pour le plus. Ces Cou- verts , qui n'ont de pente qu'autant qu'il en faut pour faire écouler la pluye , font pour la plupart tilTus de rofeaus , ou de joncs liez en petis failTeaus ôc ferrez ù prés les uns des au- tres, Chap. 8 des Iles Antilles. 397 très, qu'ils fuportent plus long tems lapluye& le vent fans en eftre endommagez', que ceus qui font de tuiles ou d'ar- doize: fur tout s'ils font enduits d'un cettain maftic, quieft compofé de gomme d'arbres , & d'un certain fable meflez en- femble, qui a la vertu de les conferver entiers par plufieurs années. Dans l'intérieur de ces maifons baffes & fimpîes, il n'y a rien de plus beau ni de plus considérable , que le pavé des chambres. Car bien qu'il ne foit fait que de coquillages calcinez, & d'une forte de fable doré qu'ils tirent des montagnes , dont ils font un ciment 5 il a tant d'éclat lors qu'il eft bien fec , qu'il femble eftre parfemé de paillettes dor , & avec le tems , il devient fi folide & fi poli , qu'on le prendroit pour une efpece de mar- bre. Ces Maifons, qui font fort longues à proportion de leur largeur, font toutes partagées en plufieurs petites chambres un peu obfcures , aufquelles on entre par une allée fort étroite , qui les fepare, par une forte .de tapiflerie faite d'é- corces d'arbres , ou de feuilles de palmes, & rïïïiïë en for- mevde compartimens de diverfes couleurs. Les Chambres des principaus du pais , font tendues tout autour de peaus de Cerfs ou de Chamoys , qui font diverfifîées par une agréa- ble mélange de couleurs affez vives , dont ils les favent teindre. Il y a même des hommes parmy eus, qui font aifez adroits , pour faire des tapis avec le duvet «5c des plumes de divers oifeaus , lefquelles ils arrangent avec tant d'induftrie & de proportion , qu'à pêne y a t-il aucune étofe de foye , qui foit plus agréable à la veuë. Leurs lits, ne font point fermez ni entourez de rideaus comme la plupart des nôtres. Deus ou trois planches élevées fur quatre piquets qui font fichez en terre , en font le châlit & le foûtien , fur lequel cens du commun, étendent des facs remplis de Fougère , & des couvertures de peaus d'Ours , qui ont la propriété de ne foufrir aucu- ne vermine. Ils tiennent, de même que les anciens Ecbiîois,. que ces lits qui ne font que de (impies feuilles de fougère , font Ddd 3 prefe» 3fS Histoire Morale. Chap.s préférables à ceus de plumes: àcaufequecette plante, a une vertu fecrette pour delafler le corps , & reparer Tes forces épuifées par la chaffe , ou par quelque autre violent exercice. Mais les perfonnes qui veulent coucher un peu plus molle- ment , remplirent leurs lits de ce duvet, qui croift fur la Plante que nous avons d'écrite cy defus fous le nom d'Hyakitokt. Ils les parent aufïi durant les chaleurs de peaus de chamoys , ou d'autres beftes fauves , lefquelles ils favent préparer & teindre de fi vives couleurs , qu'on les prendroit de loin pour des plus riches tapis de Turquie. Ces Couvertures d'efté, font d'ail- leurs fi proprement coufuës , qu'encore qu'elles foyent faites de plusieurs pièces raporte'es à pêne en peut-on difeerner les jointures : mais en hiver les Gouverneurs & les Chefs des fa- milles les plus confiderables , couvrent leur lits de fourrures de martes , ou'de caftors , ou de renards blancs , qui font tou- tes fi bien paflees , qu'il ne s'y engendre aucune ordure : de Jbrte , que fans eftre beaucoup chargez , ils font parfaitement bien munis contre la rigueur du froid. Ils n'ont ni bufets, nicofres, ni tables, ni aucuns autres meubles precieus pour l'ornement de leurs chambres : leurs lits , & quelques Couffins , leur tiennent lieu de chaifes & de bancs: & un tapis de cuir étendu fur le pavé, autour duquel ils fe rangent en rond, lors qu'ils veulent prendre leur repas, leur fert de table, de napes & de ferviettes. Ils tranchent toutes leurs viandes en petis morceaus, avant que de les prefenter pour eftre mangées , & bien qu'ils n'ayent point l'ufage des fourchettes, ils fe fervent de cueillieres, & de certains poin- çons d'os ou de bois, & ils en prenent leurs morceaus avec tant de dextérité , qu'il arrive fort rarement , qu'ils répandent quoy que ce foit fur leurs habits. Le vaiûeile d'ont ils ufent en leur ménage, ell de terre , ou de fruits d'arbres qui ont une écorce ligneufe, laquelle ils fa- vent polir & encroûter par dedans , d'un certain lac de dife- rente couleur, qui ne s'eface jamais, bien qu'il foitibuvent lavé avec de l'eau chaude: & quant au dehors, il eft émaillé de fleurs & de diverfes grotefques , qui enchérirent leur prix, félon qu'elles font faites d'une meilleure main , ou qu'elles font mieus enjolivées. Les Chap. s des Iles Antilles. 399 Les pois , les feve's , le ris , les mays , les lentilles , & fem- blables légumes font les mets les plus ordinaires qui leur font fervïs, & il arrive rarement, qu'on leur prefente d'eus fortes deviandeenunmêmerepas. Avant que les Etrangers eunenc penetre' jufques-à eus , ils ne triangeoyent aucune chaire d'oi- feaus ni de beftes à quatre pieds , & bien qu'ils fiffent la chaiTe, ce n'e'toit quepar divertilîement, & pour netoyer le pais d'ani- maus farrouches. H y a même encore à prefent plufieurs an- ciennes familles parmyeus , qui ne fauroyent eftre induites à manger du poiflon, ni d'aucuneautre chofe, qui ait eu vie fen- fîtive5 tellement, que fans faire profefïion d'eftre des difciples de Pythagore , ils obfervent exactement ce point de fa rigou- reufedifeipline. Bien-que la Vigne croifle naturellement en leur terre , & que les raifins y viennent à maturité , ils ne font point de vin ; maislean pure , eft leur boiffon la plus ordinaire. Ils ne batif- fent auflî aucune de leurs demeures , qu'aus endroîs où il y a desfources, qui ne tarifTent jamais. Il eilvray que dans leurs feftins , ils fe fervent d une forte de bière fort agréable ôc nourriflante , qui eft faite de CMays l & qu'ils ont l'adrefle de compofer de l'hydromel parfaitement bon, le miel qu'ils ti- rent des fentes des rochers & du creus des vieus arbres , leur en fourniflant la matière en toute abondance: mais ni l'un ni l'autre de ces bruvages , non plus que celuy de la Cafine , qui eft myfterieus & medecinal , ne font point d'un ufage commun^ parmy ce peuple. Diverfes bonnes racines qui croilïent dans leurs terres, leur fervent en la place du pain. Ils font auffi des galettes a£ fezdelicatesavecdu OHays , que les femmes reduifent enfa^ rine à force de bras , en moulant ce grain entre deus pierres, dont l'une eft plate & l'autre ronde & longue. Ce qui ne peut eftre fans un grand travail , & une longueur quilafleroit la pa- tience de toutes autres perfonnes. Ceus d'entre eus qui ufent à prefent de chair & de poilTon , les font rôtir, àcaufe qu'ils efliment , que l'eau leur ofteroit leur meilleure & plus agréa- ble faveur. Ils ont, à ce qu'ils difent, l'ufage du fel de'puis un tems immémorial , mais au lieu qu'autrefois ils n'en avoyent point qu'avec m 400 Histoire Morale» Chap. s qu'avec beaucoup de pênes ,. & par l'entremifc des autres peuples qui demeurent le long de la coftc de la mer , ils ont dépuis peu découvert une fontaine falée , au pied de Tune de leurs montagnes, qui fera capable de leur en fournir de fort blanc & de tres-pur avec une facilité nonpareiile, puis qu'il ne leur manque point de bois pour le cuire , & qu'ils ont trou- vé le fecretde le mettre en petis pains, ainfi qu'ils l'ont déjà éprouvé avec un heureus fuccés. ARTICLE VI. Des mœurs des t^fpalachites. LEs Apalachites ont une certaine (implicite naturelle, qui paroit en plufieurs rencontres , aufquelles ils font fâifis d'étonnement, pour ne pouvoir point comprendre la vraie caufe, de ce qui leur en fournit le fujet. De même que les au- tres nations barbares, qui n'ont pas encore l'ufage des caractè- res , ils étoyent autrefois extrêmement furpris lors qu'ils voioyent écrire , & fur tout , quand ils remarquoyent par leur propre expérience, qu'à l'ayde de ces petites figures formées furlepapier, les Européens qui vivent avec eus, donnoyent à connoiftre à leurs amis abfens , l'état de leurs afaires , & leurs plus fecrettes penfées. Ils admiroyentaulîi les livres, les ar- mes à feu, les montres tenantes, les quadrans , les cartes de gcografle , les globes celeftes & terreftres , les fpheres , ôc toutes les curiofitez d'émail, de miniature, & d'orfèvrerie, que les étrangers leur aportoyent: maisàprefent que toutes ces chofes leur font alfez familières , ils cefient d'avoir de l'admiration pour elles , bien qu'ils les ayent en fi grande efti- me, qu'ils n'épargnent point ce qu'ils ont de plusprecieus pour en avoir la polïefïion. Ils ont une Aftrologie à leur mode , par laquelle ils predi- fent à peu prés, les piuyes , les féchercftes, les orages, & les changemensdutems , auparavant qu'ils arrivent: mais ils ne peuvent fe perfuader que la mer & la terre ne fanent en- femble qu'un feul globe , qui eit ferme & fufpendu au milieu de la vafte étendue de l'air , qui l'envelope également de tous cotez, Iè Chap.8 des ItES Antilus. 40Ï cotez, n'ayant aucun autre foûtien, que lapuifTantcmain du Divin Ouvrier qui l'a faite à la louange de fa gloire. Car au contraire, ilseroyent, qu'encore que lafuperfïciedelaterre foitraboteufe & relevée en montagnes, elle eft plate par dé- fous, étant apuyée fur une baze ferme & immobile, qui leur eft inconnue. Ils tiennent aufïï, que les Cieus font d'une matière fonde & tranfparente , & que le Soleil la Lune & les étoiles, font des corps celeftes, incorruptibles «5c animez, qui s'é- gayentinceflament & fans le lailer,furcesbeaus lambris azurez d'où ils éclairent le monde. Ils ne peuvent voir de longues barbes , fans en témoigner un étonnement extraordinaire, parce qu'ils ne puvent com- prendre , à ce qu'ils difent , que des perfonnes douées de rai- fon , puiflènt foufrir à leurs mentons & en leurs joues , ces cxcremais fupcrflus & cette charge inutile, qui fuyvant leur fentiment, ne peut eftre bienfeante, qu'aus cheures , & aus boucs. Ils s'émerveilîoyent aufli au commencement de ce que les étrangers qui ont la veuëfoible, ou débilitée par la vieil- lelfe, ou par quelque accident, fe fervent de lunettes pour la foulager. Parce que parmy-eus, Ton voit communément des vieillards qui aprochent , on même qui ont paflfé ia centième année de leur âge, fans qu'ils puhTent remarquer aucune foi- blefle , ou le moindre racourciflement de leur veuë. Le grand foin qu'ils ont d'éviter la fumée , & tout ce qui peut ofenfet les yeus, contribue beaucoup à la vigoureufe confUtution, & à la conservation de ce fens, car ceusquionteonverfépar- my eus ont remarqué; qu'ils n'aprochent point du feu,{îce n'eft dans des rencontres extraordinaires , fe fervant pour cchaufer leurs chambres durant l'hyver, d'une forte de Poêles, qui font faits de terre cuite , & qui font fi bien dilpofëz en cer- tains endrois de leurs demeures , que toutes les places en font échaufées , fans queceus qui font dans les chambres aufquel- les ils répondent , foyent tant foit peu incommodez de h flamme ou de la fumée du feu , qui y eft mis & attizé pat de- hors. llsontneanfmoins , une finguliere vénération pour le feu, comme étant, félon leur ancienne créance, la vive image du Soleil qu'ils adorent. D'où vient que s'ils introduifent quel- £ e e ques j. 4®* Histoire Mokaie. Chap. g ques étrangers dans leurs cuifmes , ou à l'enbouchute des fournaifes qui échaufent leurs Poêles , ils ne peuvent foufrir, qu'ils crachent ou qu'ils jettent quelque inmondice fur lebra- zier, d'autant qu'ils croyent que L'injure qu'on fait à l'image, réiaillit fur l'original, & que c'eft une irrévérence & une in- gratitude infuportable, d'avoir fi peu de refpe&, ôcderecon- BohTance, pour un élément fi pur, & fi neceflaire à l'entretien de la vie. Ils conferventfoigneufement en leurs mémoires , comme en autant de fidèles regiftres , les genereufes adions de leurs anceftres , & les plus mémorables exploits de leurs Roitelets, pour en faire le récit aus jours de leurs rejouïflances publiques;. Ils font particulièrement une commémoration folennelle de l'un de leurs plus iliuftres Faracoujfe , qu'ils nomment \Mayr- dok, d'autant qu'ils tiennent que c'eft lui, qui étendit &afer- mit les limites de leur état, avec tant de gloire & d'heureus fuccés, que durant fon règne, les Sauvages n'ofoyent pas feulement aprocher de leurs frontières pour y faire le dégafty ou y enlever des prifonniers, comme ils le faifoyent aupara- vant. Ils ajoutent, que ce fut même Prince, qui les obligea par la force de fes raifons, & par fon exemple, à former des communautez fixes & arrêtées en un lieu,. & à munir leurs Villages de pieuz & d'hàyes vives, pour refifter plus facile- ment aus ataques de leurs ennemis, & éviter leurs furprifes. Ils célèbrent aufii dans leurs chanfons ,^'un de leurs lao'ùas^ qui eft connu parmy eus , fous le nom de Karakaïry , & qui a mérité cet honneur, pour avoir inftitùé le fervice du Soleil, & leur avoir enfeigné la façon de cultiver la terre, de faire la chaue du Cerf, & de tendre des pièges aus belles farrouches, qui defoloyent autrefois leurs Provinces, Ils ont afiez de foin & de prévoyance, pour fe procurer les chofes qui font abfolument neceffaires pour leur nourriture, & pour leurs vétemens , comme auflfi pour bâtir leurs cabanes, à fe mettre à couvert des injures de l'air: mais ils n'amaiïent point de provifions pour piufieurs années, ôc tant s'en faut qu'ils fe travaillent en aucune façon pouramaffer des richeûes,, ou des délices, & des magnifiques maifons, qu'ils fe rient or- dinairement entre- eus. des vaines follicitudes , Ôc de tous les enpref- Chap. 8 des Iles A n t r 1 1 e s. 401 cnpreffernens des étrangers , qui recherchent fouvent avec ardeur toutes ces chofes fuperrluës. Us font prefquejous , d'un naturel obligeant Se grandement aimable, & parce qu'ils ne Te fouvienent point, d'avoirreceu aucun déplaifir des étrangers, depuis que les premiers Efpag- nolsqui les vifiterent fous la conduite d'HemandoaSoto , ra- vagèrent leur pais , & contraignirent leur Roy, d'abandonner fa ville capitale à leur diferetion, pour fe retirer au fommet des montagnes voiflhes, ils ne favent à prefent qu'elles carefles ils doivent faire , à cens des autres nations , qui les vont vifi- ter , & dans ces rencontres, ils ne le lalîent point, de leur, rendre toutes fortes de bons ofices, & de témoignages d'à- mitie. D'autant , qu'ils n'ont pas encore la connoifFance d'une in- finité de delicatetTes , qui font en ufage parmy les peuples fnieus civilifez, ils paroiflenr aifez fobres , dans leurs repas ordinaires : mais au rems de leurs feftins folemnels , &de leurs réjouïiTances publiques, ils fe licencient à plufieurs excès, qui témoignent allez , que touteia frugalité qu'ils obfervent au boire & au manger, dans leurs maifons particulières , ne leur eft di&ée que par HnpuitTance en laquelle ils font, d'avoir commodément les vivres qui font requis pour continuer en de pareilles débauches , ou de ce qu'ils ne veulent pas acheter des ragoûts, & des friandizes, au détriment de ce profond repos -dont ils jouififent, fans y chercher tant d'artifice. Ils font dociles & fufceptibles d'inrtruc1:ion , & de tonte louable difeipline: ce qui paroit, en ce qu'il y en a déjà plu- fieurs de leur corps , qui ont apris en perfection , & avec une merveilleufe facilité à lire & à eferire , & quelques-uns des métiers qui font neceflaires à l'entretien de la focieté civile. JMais ils ont cecy de mauvais , qu'ils font fort merlans & arre* tez à leurs propres fentimens, promts à fe courroucer, 6c adonnez à tirer vengeance par trahifon 3 de tous ceus dont ils croyent avoir receu quelque déplaifir. Il y en a au fïi plufieurs parmi-eus, qui confervent des inimitiés herediraires dans leurs familles , qui éclatent fouvent en des querelles ouvertes , Se en des bateries, qui ne peuvent eftre apaifcesqueparïâiito- ïité abfolue de leurs Chefs, au commandement desquels ils Eee 2 défc« m 404. Histoire Morale, Chap. r défèrent entièrement , dans ces occurrences. Ils ajoutent en- core une trop légère créance à leurs fonges $ & ils ont entre1 eus, certaines vieilles rcveufes, qui faifant ouverte profef- fion de les interpréter', & de prédire en fuite, les choies qui leur doivent avenir,, entretiennent ce pauvre peuple dans fes fu perdition s, & le repaifient de ces vanité z. ARTICL E VIL Des Ocupatiovs ordinaires des ^ApaUcbites, LEs Apalachites, ont toujours eus en horreur l'oKîvetc' comme la plus dangereufe pcftede leur petite Republi- que , la touille de leurs efprits , & le fepulcre des hommes vi*. vans: & le travail auquel ils s'adonnent avec plaifîr& affiduité, fans toutefois , témoigner beaucoup d'enpreifement, leur pro- duit ce grand avantage entre plufieurs autres, qu'au lieu que leurs voifins qui habitent joignant Jacofte de ia mer, font fou- vent preffez de la famine , pour n'avoir pas enfemencé leurs terres en. la faifon convenable, ou pour avoir confumé en feftins & en débauches les fruits de la dernière moiffon $ ceus- cy au contraire s'adonnans au labourage , & menageans avec prudence & diferetion le provenu de leurs champs , ont tour jour dequoy entretenir leurs familles avec honneur , & même pour fubvenir à laneceflité de leurs Alliez, qui demeurent au& montagnes. Apres, le tems dés femailles& dès mohTôns, les hommes s'employent à la chafTe, à la pefche, à planter des arbres fruitiers , à défricher les places qui font propres à, faire des jardins, à bâtit leurs maifons , à reparer les brefehes de leurs Villes , ou à coudre leurs habits , leurs fouliers & leurs boti- nés : de forte qu'il arrive rarement.quon les treuve fans em- ploy. Mais, il n'y a rien à quoy ils fe plaifent d'avantage, ni en quoyilsreufiffent mieus, qu'a préparer leurs arcs, leurs flèches , leurs malfuës , leurs zagayes , leurs boucliers , & toutes les autres armes ofenfives & défenfives, dont ils ont acoutumé de fe fervir, tant pour la chaffe que contre leurs enne* Chap. 8 des Iles Antilles. +05 ennemis. Car tous les hommes jeunes & viens, tiennent à gloire de les favoir faire, d'en avoir à rechange pour en acommoder leurs amis, de les entretenir luifantes & polies, non tant pour en faire parade dtirantiapaix, que pour s'en pouvoir fervir avecd'exteritéau tems de guerre. Ils faveur aufïî préparer, avec une adreffe bien confiderable les peaus de Cerfs, deChamoys, & d'autres bétes , pour en faire des vétemens, des tapis, & des couvertures de lits, qui font tres-commodes & de durée. Ils fe divertiffent encore aifezfouvent, à faire de toutes fortes de poterie, de corbeil- les & de paniers : ou bien à arranger des plumes d'oifeaus en forme de tapiflerie, avec une induftrie merveilleufe. Les .femmes auili de leur part, après le foin de leurs ménages, & de ce qui concerne la .cuifine , s'ocupent inceffanment à filer du. cotto«, ou de la laine, ou delà pite, dont elles font plufieurs fortes de petites étofes fur desmétiers , qui font très-propres à faire des habits d'-efte , pour l'acommodement de leurs familles. Ils aiment paiïîonement la mufique & tous lès inftrumens qui rendent quelque harmonie, tellement qu'a pêne trouve t-on aucun parmy eus , quinefache jouer du flageollet, ou d'une forte de flûtes de différente groffeur •,, qui font un acord fort agréable. Us ont aufïi la voix naturellement douce & flexible, ce qui efi caufe, que plusieurs de' leurs jeunes gens s'étudient à contrefaire le chant & le gazouil- lement des Oifeaus: en quoy, ils reufilfent pour la plupart fi heureufement , que comme des autres Orphées, ils ati- rent des bois auprès d'eus, ces, innocentes créatures, qui croyent d'entendre leurs femblables. Ils adoucirent aufll avec le chant, tout le travail auquel ils s'adonnent félon leur louable coutume , par forme tlediverruTemenr , & pour éviter i'oifmeté , plûtoûV que pour le profit qu'ils en efpe* rent. Ils font au (5 paiïîonement amoureus devla dànfe , fàutil- ians & faifans mille poftures , par léquelles ils croyent fe décharger des mauvaifes humeurs que^ leurs corps ont amaffées , & fe conferver cette grande agilité qu'ils ont à, la courfe , & à grimper les montagnes quand ils fon» Eee 5i la, . 4£>6 Histoire Morale, Chap. $ la chatTe; comme auiïi pour acroiftre par ce moyen, cette merveiileufe foupleffe de tous leurs menbres, delaquelleils font de grand trofées , en la prefence des étrangers. i]s cele- broyent autrefois des danfes folemnelles à la clôture de cha- que moiffon : mais à prefent, ils n'ont point de tems règle pour ces divertifTemens , qui dépendent absolument de l'incli- nation, & de l'humeur des Capitaines, & des Chefs de fa- mille , qui les alignent en la faifon, & aus jours , qu'ils jugent les plus convenables. Dépuis quarante cinq ans ou environ, qu'ils ont la fréquen- tation ordinaire des étrangers , ils fe font beaucoup perfedio- nez dans les métiers, dont ils n'avoyent auparavant que quel- que légère connohTance. Et même, ilsenontaprisplufieurs autres, qui leur font très-utiles f d'où vient, qu'ils bârùîent à prefent un peu plus folidement & plus commodément* qu'ils nefaifoyentparlepafle. Ils font aufli, beaucoup plus habiles qu'ils n'étoyent, à tanner les cuirs, &: à préparer iespeaus, de Cerfs, deChamoys, de Cafiors, de Martes, & tontes lesautres, dont ils font leurs plus riches fourrures. Ils com- mencent même à faire des cofres , des bufets, des tables & d'autres ouvrages de menuiferie* & à travailler au Tour, comme aulTi à peindre des fleurs & des fruits , plus aprochans du naturel , qu'ils ne faifoient , avant que les Européens leur enflent fait part de leurs fecrets,. & des outils qui font necef- faites, pour reunir en ces arts, avec, facilité & avec fuccés. ARTICLE VIII. De U Police des Apalachii&s, CE Peuple, à l'exemple des Arabes , & de la plupart des Tartares , étoit autrefois errant parmi les^brcts & les Vaftes folitudes , de cette partie de l'Amérique, où la divine providence les a voit pouffez $ & après qu'ils avoyent confu- mé les fruits des arbres >& les racines de la terre, qu'ils avoyent treuvéesen un lieu, ils endécampoienr, pour courir à un au- tre. De forte , qu'étans ainli vagabonds , & expofez en tout tems aus injures de l'air, & à l'intempérie des faifons, ils, - me- Chap. S des Iles Antilles. 407 menoyentunevic forttrifte, & tour à faitennuyeufe. Mais il y a environ cinq ou llx générations, à ce qu'ils racontent, qu'un de leurs Paracoujfes , nommé CMayrdok , dont nous avons déjà parlé, leur periuada de s'arrêter au pais qu'ils pof- fedent encore à prefent ; leur prefcrivant la police qu'ils y de- voyent garder , afin qu'ils ne fu fient plus flotans de place en place, comme font encore aujourduy les HouFtamins & les Elamins , qui rodent fans celle par les Provinces de la Floride, pour y faire le dëgaft par tout, où ils ne trouvent point de re- fiftance, ne traifnant aucun autre bagage avec eus, que leurs armes , & quelques chetives tentes faites de peaus ou d'écor- ces d'arbres , fous léquelles ils fe mettent à couvert durant la nuit. m Dépuis ce tems-la , les Apalachites ont maintenu Teur pe- tite République en bonne union , fous la conduite d'un Chef & premier Capitaine , qui faifoit autrefois fa demeure à Apa> lâche, & maintenant à ^Métdot- B - Xa^ croule, ^^f& - C . J atL^ JioyaMJn-fi d ' Agalctche . ^44-4** Hat/tes ïUls ^BarahntMÏ on, /3Loytelet>. D - Xitv -trumbcuttie, cLOleûny, 1 ! Chap.s des Iles Antilles. 413 qui avoient plongé le monde dans cette épouvantable confu- fiorij &que depuis œ tems-là , leurs predcceiïeurs , par un tres-jufte mouvement de reconnoiflance , fe fenti rent obligez de l'adorer &de l'avouer pour leur Dieu. Ils tenoientaufli pour confiant , que le Soleil s'étoit bâti lui-même le Temple, qui eft dans la montagne à'olaïmy^ & que les Oifeaus qu'ils nomment Tonat&ulis ', quife plaifent parmi les bois de cette agréable retraite , étoyent fes courtifans , & les muficiens qui chantent fans ceffe fes louanges^ Le fervice que les Apalachites rendoient au Soleil , étoit de le faluer à fon lever, & de chanter quelques Hymnes à fon hon- neur. Ils lui faifoient auffi le même hommage tous les foirs, lefupliant de retourner bien toft , pour les éclairer de fa lumiè- re. Mais outre ce fervice journalier, que chacun lui pouvoir prefenter à la porte de fon logis , ils en avoient encore d'autres plus folennels, qui confiftoient en des Sacrifices de louanges 6t d'a&ionsde grâces acompagnées de parfums, qu'ils avoienr aeoûtumé de lui ofrir quatre fois l'àn,fur la montagne dCelaimy^. avec une grande pope,& un concours gênerai de tous les Habi- rans de leurs fix Provincesa& même de ceus des états voifins,qui font dans leur alliance, commenous le reprefenteronsen fuite. Cette montagne d'olaimy , eft fans contredit, l'une des plus belles & des plus raviflantes de toutes celles , qui font en ce nouveau Monde. Elle eft fifuée en la Province de Bemarin , & elle commence à une petite lieue de la ville royale de CMeliloî^ fafigureeft parfaitement ronde , & d'une pente fi roiâe, que pour en faciliter Taccés,- on a efté contraint de tailler tdutau tour, un chemin aflfez large, pour monter trois hommes de front , qui dure environ deus lieues &demye, en tournoyant continuellement , jufques à ce que l'on foit parvenu audefus^ Ce chemin, qui eft entretenu aus frais communs de la Provins ce, eft orné en divers endroits, & dans une diftance égale , d© beausrepofoirs gagnezdans le roe,en formede grandes niches^, pour la commodité des voyageurs: & tout le circuit de la mon^ tagne dépuis le pied, jufqu'à deuscens pasdu coupeau , eft re- vêtu de beaus arbres de Cedres,de Pins, de Palmes, de Cyprès,, de Cafiine,& de plufieurs autres fortes, qui rendent des rétines^ ôt d^s drogues aromatiques, d'une tres-foueue odeiuv Mi s, Hi m 413. Histoire Morale, Chap. s Le fommet de cette incomparable montagne , s'étend en une large plaine parfaitement unie , qui a environ une lieue détour, & qui eft ombragée en divers end rois , de petisbou- quets des mêmes arbres qui font à la pente, bien qu'ils ne foyent pas d'une pareille hauteur, àcaufeque les grands vens qui les agitent , les empefehent de croiftre ; Mais ce qui eft ex- pofé au plein jour,eft couvert par tout d'un riche tapis d'herbes allez courtes, qui font émaillées d'une infinité de petites fleurs, & d'une efpece de Thym & de Mariolaine , qui recréent tel- lement la veuë. & exhalent une fi agréable fenteur, que l'oeil &: l'odorat, y rencontrent également leurs délices. Bien que cette montagne , levé fa tefte beaucoup plus haut que les autres du voifinage aufquelles elle commande , & qu'elle foit du rang de celles à qui les Poètes attribueroient d'avoir de fecrettes intelligences avec la moyenne région de l'air: elle a encore ces precieus avantages , qu'elle eft rare- ment couvertedeneigesdurant l'hiver, & que pour étancher enefté la foif des Voyageurs , elle eft rafraichie d'un agréable étang, qui conferve en toute faifonfes eaus claires & enjouées, dans un large baflin, qui s'eft trouvé directement placé, au milieu decefleuriflanttcrrein,quiluifert de couronne. Le lieu qui leur fervoit de Temple , eft une belle & fpa- cieufe Caverne , qui s'eft rencontrée naturellement taillée à l'orient de cette montagne. Son ouvertureeft vafte , large, & bien proportionée comme l'entrée de quelque fuperbe palais $ & bien* que l'artifice n'ait rien du tout contribué à fa per- fe£tiulis , qu'ils avoyent aportez & confervez en des cages , pour fervir à cette cérémonie. Ces Oifeaus , qui étoient rêverez parmy ce peuple comme les Ggg chan- #i* Histoire Moiai!< Chap.* chantres & tes mefîagers du Soleil , ainfi que nous l'avons déjà dit, ayans fait le tour du Temple, & trouvans l'entrée ocu- pée par les Sacrificateurs , qui la fermaient entièrement avec des branches d'arbres qu'ils tenoient entre leurs mains, étoient enfin contrains de prendre leur vol par l'ouverture du milieu du Temple, & après avoir fait quelques tours par defusl'af- femblée , qui étoit fur la montagne, & qui les acompagnoit de grands cris d'e'iouiiTance, ils gagnoient les bois avec une vitefie incroyable. Incontinent que ces mifterieus Oifeaus avoient donné ce congé, & que les Pèlerins les avoyent perdus de veuë, ils defcendoient de la montagne en atîez bon ordre , portans en leurs mains des rameaus de palmes, ou d'autres arbres-ver- doyans , & quand ils étoyent parvenus au parvis du Temple, les Sacrificateurs les y faifoient entreravec un profond filence, & fans enprelfement ,. pourlaver leurs vifages & leurs mains, dans le balïin de ce.fte fontaine inefpuifable , quieft tout au fonds. Ce qu'étant fait, ils fe retiroaent avec beaucoup de re- fped , par la même porte, qui dans ces occurrences étoit divi- fée en deus, par une feparation^quiy étoit mife à deflèin d'évl* ter le defordre. Les pauvres, dont les Sacrificateurs avoient la lifte-, do meuroient au parvis du Temple les derniers de tous, pour y recevoir les robes & les autres prefens , qui leur étoient defli- nez , & après s'en eftre revêtus & chargez , ils prenoient le chemin des autres , & laceremonie étoit terminée. Aujourduy , que la plus confiderable partie du peuple qui habite les Provinces de Bemarin > & de Ces Peuples ont toujours creu à ce qu'ils difent , l'immor- talité de l'ame , mais ils avoient méfie' tan t de fables parmi cette vérité, qu'elle en étoit prefque toute étoufée. Ils tenoient aufïl, que leurs predeceiTeurs qui avoientbien vécu , & qui avoient fervireiigieufement le Soleil, & donnéàfon hon- neur des aumônes aus pauvres, étoyent tranfportez au Ciel après leur mort, & qu'en ce bien-heureus fejour, ils étoienc changez en étoiles; & au contraire, que ceus qui avoient mené une vie méchante & déréglée , étoyent portez entre les précipices des hautes montagnes du nord , où parmi les neiges & les glaces, & au milieu des Lions, des Ours des Tigres & des autres beftes farrouches, ils foufroient des miferes extre- aies, & de continuelles frayeurs. ARTICLE XI. Comment les i^ipdachites ont eu connoijfance de l& Religion cbreHienne. LAconnoiflancedela Religion Chrétienne, eft parvenue aus Apalachites par divers degrés. Car pour prendre la chofedésfafource , il y a un peu plus d'un fiecle, que les pre- mières femencesdu Chriftianifme, furent jettees en la Floride parune ColonieFrançoife, compofeedeplufieurs perfonnes de condition, qui y fut conduite & établie par le Capitaine Ribauldr fous les aufpices du Roy Charles neufvieme. Ce. digne Commandeur muni de la commiffion de fon Souve*> rain , y fit bâtir d'abord une forterefïe, laquelle il nomma Carolme , du nom du Roy fon maitre. 11 impofa auiTi , aus caps, aus ports, & aus rivières, les noms qui leur font de- meurez jufques à prefent, léqucls étans françois, juïtifient amplement que cette nation-là , y a autrefois commandé , & qu'elle a efté la première qui en a fait la découverte , à deiTein d'y former une Colonie. De forte , qu'on trouve le long de cette cofte le fort Royal } le eaf François , les Rivières de Seine^ dcLoire7dç Charente, de Garonne, des Dauphins^ & de Somme. Ggg 2 Mm> 4*o Histoire Morale, Chap. a Mais, ce qui eft le plus digne de remarque, & qui fait d'a- vantage à nôtre propos, eu\ que par ce premier embarquement, qui fut fait pour la Floride^ îlypafTadeus favansôc religieus Perfonnages , qui dés leur arrivée en cette belle terre, prirent à cœur de gagner par toutes fortes de bons offices , les af- fections des Habitans du pais , & d'aprendre leur langue , afin de leur pouvoir donner quelque connoiflance de Dieu , & des facrezmifterescîefon Euangile. Lesmemoires, queleCapi- taine Ribauld à lailîez fur ce fujet, raportent , que le Roy Sâturiovz , qui commandoit le quartier , où les François s'é- toient établis , receut fort humainement ces Hommes de Dieu , & qu'étant ravi de la douceurde leur convention , & & de la fainteté de leur vie , il commanda à tous fes fujets , de les avoir en une finguliere eftime , & de ne poinrtroubler leurs religieus deffeins. De forte que le refpeCt que ce pauvre Peu- ple leur portoit, & la fidélité & le zèle qu'ils emploioyent pour avancer leur converfion, donnoient dés lors de très- grandes efperances, que l'œuvre du Seigneur profpereroit en- tre leurs mains , & que cette petite portion de fa Vigne, étant foigneufement cultivée , prôduiroit avec le tems, plufieurs bons & precieus fruits , à la louange de fa grâce. Ces heureus commencemens , & ces agréables premicesde la prédication de i'Euangile de nôtre Seigneur Jefus , en la Floride, furent en fuite foûtenuës & acmés par les foins de Monfieur l'Admirai de Coligny, qui donna commiffion à Mon*- iieur de Lmdonïere d'y conduire un renfort bien confiderable de Soldats , & de toutes fortes d'artifans , qui y arrivèrent en Pan mille cinq cens foixante quatre; mais, à peineces nou* veaus venus avoient pris l'air de la terre , que]' Ffpagnol , qui prétend que toute l'Amérique lui apartient , print l'ocafion des defordres qui étoient pour lors en France , pour traverfer les genereus deiTeins des Directeurs de cette Colonie n ai (Tante, & l'étoufer dans fon berceau. Pour cet effet, il y envoya FierreCMela^ez,, avec fix grands navires , remplis d:hommes & de munirions de guerre, qui vinrent fondre fur elle le dix- neufviéme de Septembre, de l'an mil cinq cens foixante cinq. . Monfieur de Laudoniere , S: le Capitaine Ribauld, qui avoit encore amené tout fraichement un petit fecours à.cette Colo- nie, Chap. 8 des Iles Antilles. 4-^i nie, reconnoiiïans félon leur prudence, & leur grande expé- rience en fait de guerre, que leur Place n'étoit pas en état de foûtenir un fiege , & que leurs forces étoient entièrement in- égales pour repourter l'agrelTeur, refolurent, par l'avis & le confentement exprés de tous les Officiers , de capituler & de fe rendre , fous les conditions les plus honorables que les af- (iegez ont coutume de demander. Pierre % leur acor- da la plupart des articles qu'ils avoient propofez ; mais r auffi-toft qu'il fut entré dans la FortereiTc , & qu'il fe fut ren- du maiftre du corps de garde , il fa u fia la foy qu'il avoit don- née, & en violant le droit desGens, fit cruellement mafla- crer non feulement les Soldats, mais même les femmes & les enfans qu'il y trouva. Le Capitaine Ribauld, fut envelopé dans ce maflacre,. Monfieurde Lnuàoniere échapa heureufement, enfefauvant au travers des Marais, dans des vaiffeaus nouvellement arri- vez de France, qui par bonheur étoient à la rade à deus lieues de-là , en un fein qui étant couvert d'un cap fort haut, les avoit dérobez à la veuë des Efpagnols. Quelques autres Habi- tans,qui dés l'arrivée de l'ennemi,ayans preveu le péril eminent quiles menaçoit ,. s'étoyent retirez de bonne heure dans les bois , gagnèrent à la faveur de la nuit 3. le village de Saturio le Paradû, l'Enfer , ouy , non , & plufieurs autres mots , qui font com- muns parmi ces Peuples ,& qui font employez par eus, pour exprimer le même, qu'ils fignifient entre nous. Après la mort de ces quatre François , qui furent regrettez de tous les Apalachites , horsmis des Sacrificateurs du Soleil, qui leur portoient une haine irréconciliable, à caufe qu'ils détournoient le Peuple de l'idolâtrie , & le portoient à la con- noiflance du vray Dieu vivant qui a crée le Soleil , & toutes les chofes qu'il éclaire : les Provinces qui font dans les vallées des montagnes d'^palates , & qui pour lors n'avoient receu qu'un bien foible rayon de la lumière celefte, fufîent facile- ment retombées dans les plus épaifles ténèbres de leur ancien- ne fuperftition , fi Dieu par un trak fingulier de fa providence ne leur eut envoyé quelques familles d'Angleterre ôcd'Hirlan- de, qui à leur arrivée raiumerent ce petit feu, qui étoit cache fous la cendre, Ces Familles , ainfiquenous l'avons tiredes Relations, que les Habitans de la Colonie de la Palme nous ont envoyées, avoient efté contraintes de quiter la yirginie en l'an mil fix cen* Chap.s dis Iles Antilles, 425 cens vint & un , à caufe des horribles malîacres que les Barba- res Originaires du pais , y faifoient pour lors, de tous les étran- gers qu'ils rencontroient , & elles s'étoient embarquées à def- fein de fe retirer à la neuve Angleterre : mais les vens leur ayans efté contraires , elles furent poufiees à la code de la Flo- ride, où le manquement de vivres les obligea de defeendre, & de s'arrêter fur le bord de la rivière de Seloy t & c'eft de là qu'elles paflerenten la Province de UWatique & puis en celles d' Lsfmamôt de Btmariwy fous la conduite d'une Compagnie d'Apalachites , qui étoient defeendus à la cofte de la mer, pour y prendre leur provifion de fel, comme ils avoient acoû- tumé de le faire en ce tems-là. C'eft dans ces belles Provinces, que ces Familles étrangè- res fe font acruës & fortifiées, y ayant attire dépuis quinze ou feize ans la plupart des Indiens Habitans des Iles de Roatam, delà Monaqut & d*OutiUy qui font au Golfe d'Hondures, ôc un nombre aflez confiderable deperfonnes de toutes fortes de qualitez & dediferentes nations,qui vivoient aus Lucayes prés du détroit fi célèbre de Bahama, & particulièrement quelques favans & zelez Eclefiaftiques , qui fe font fervis d'une retraite fi douce & fi favorable , pour s'employer ferieufement & fans diftradionà leur propre falut : & pour eftendreen fuite les H. mites du pur & ancien Chriftianifme , parmi ces pauvres Peu- ples , fi Dieu leur en donnoit les moyens. Nous aprenons aufll , par tes derniers mémoires qui nous font venus de ces quartiers-la , que Dieu beniflant les louables intentions des Chefs & Directeurs de ces Familles étrangères qui fe font alîbciées dans ce religieus deffein , & les incompa- rables foins de leurs Prédicateurs & Catechiftes , le Parakoujfc d'Apalache, s'eft fait inftruire par eus en la Religion Chré- tienne , qu'en fuite il a reçeu le Batéme , & qu'a fon exemple plufieurs de fes Officiers , & des principaus Cfrefs des familles de Bemarin & d'OËiïram, & fur tout de la Ville de Meltlot, ont aufli embrafîe le Chriftianifme, avec beaucoup decônnoif- fance & d'ardeur : qu'outre les Pafteurs ordinaires qui ont la conduite des Eglifes formées, ils ont encore établi une fainte Compagnie d'Envoyez, ou de Miftionaires Euangeliques, qui comme leurs Coadiuteurs en l'œuvre de la prédication de Hhu U m &zê Histoire M o r. aie. Chap.& la parole de Dieu, travaillent avec une affiduité & une fidélité nonpareilles , à l'inltrudion de ce Peuple, & à recueillir des Eglifes en divers endrois de ce nouveau Monde, fous l'apro- bation & ladiredion des lnfpedeurs .& Pafteurs ordinaires, de qui ils tiennent leur vocation extérieure, à ce facré miniftere, & leur envoy particulier en cette belle moinon du Seigneur: Que pour reulïir en une fi fainte entreprife , ils ont première- ment apris en perfection la langue la plus connue des Flori- diens , & qui a le plus de cours parmi ces peuples j & qu'en fuite, ils ont drefle des Efcoles en tous les iieus, où Dieu a altérable des Fidèles par leur prédication , afin que les grands & le petis y y puuTent eftre informez des facrez mifteres de la Religion Chrétienne, & élevez-en la vraye pieté paries in- flru&ions familières du Catechifme, au même tems qu'on leur enfeigne à lire & à écrire. Ces mêmes mémoires ajoutent , qu'encore que le Para- kou/fe d' Apalache ait receu le Batéme, 6c qu'il témoigne avoir beaucoup d'afe&ion pour les étrangers dont Dieu s'eft fervi pour lui procurer ce bonheur $, il eft neantmoins entré dépuis peu en quelque ombrage contre eus, & que dans l'aprehen- fion que quelques unsdefon Confeil luy ont fait concevoir, que s'il leurfoufroit de s'acroiftre d'avantage, ils pourroienr avec le tems s'emparer de tout le gouvernement de l'état , il les apremierement difperfez en diverfes Villes 5c Villages de fes Provinces, afin qu'a l'avenir, ils ne foient pas capables de faire en aucun lieu un corps aflez confiderable pourfomen^ ter quelque party: & qu'en fuite il a ordonné , quetousceus qui fe trouvent à prefent dans fes pa'xs, y pourront demeurer paifiblement , ôc y jouir de tous les mêmes droits & avanta- ges que fes fujets naturels , pourveu qu'ils n'entretiennent au- cune intelligence au dehors , au préjudice de la tranquilité pu- blique: mais que rentrée en fera déformais entièrement fer- mée, à tous les autres étrangers, qui auroient denein de s'y ve- nir établir. Ceus qui favent la nature de ce pais- là , difent que les Apa» laehites n'ont aucune jufteraifonde craindre, que les Euro* peensprenent jamais l'envie d'ufurper leurs Terres: Car ou- àe qu'il faudroit une afleZ puifîfante armée pour exécuter une: pareille? Chap.s des Iles Antilles. 4ïj pareille entreprife , & que les familles qui s'y font arrêtées de leur confentement, ne font au milieu de ce grand Peuple, aucun corps confiderable , qui puhTe fubfifter de foy mê- me : ce païs étant fi recule' du refle du monde , & entièrement dépourveud'or, d'argent , de pierres precieufes , ôc de tou- tes les riches marchandifes,qui atirent & entretiennent le com- merce , il eft confiant, qu'il ne fera jamais recherche',nï en- vié avec beaucoup de paflion, des peuples de^'Europe , qui ne pouffent des Colonies, que là-^ù iiyaefperancedefaire du profit pat le moyen du trafic. Joint , que quand ces Provin- ces auroient les racines de l'or, & les fou rces des perles , il n'y a point d'aparence, qu'on pût trouver beaucoup de perfon- nes en l'Europe, qui vouluffent fe refoudre à paffertant de mers, pour aller finir leurs jours dans une Terre, qui efl •éloignée prés de cent lieues de tous ports de mer, qui n'a aufïï aucune rivière navigable , qui s'y vienne rendre pour faciliter le commerce,qui ne peut aufli efperer d'eftre rafraifehie de tant de douceurs, qui font fubfifter avec honneur les autres Colo^ nies de l'Amérique, & pour le dire en un mot, qui ne peut promettre à fes Habitans, que ce qui eft precifement necef* iaire , pour le vivre & le vêtement. ARTICLE XII. Des mariages des ^Apalachites , de F éducation de leurs en> fans y é* des maladies aufquelles Us font fujets , df des remèdes dont ils fe fervent. Bien que les Apalachites ne fe glorifient pas d'eftre dépen- dus des anciennes Tribus d'iftaël 5 ils ont neantmoins ce- cy de commun avec elles, qu'ils ne prenent point de femmes hors de leurs familles , & fi quelques-uns d'entre eus en ufent autrement , ils s'expofent au mépris & au rebut de toute leur parenté; & outre, que de femblables mariages font facile- ment difouts , les enfans qui en naiffent, font incapables d'eftre Capitaines ou Chefs de familles , d'autant qu'ils font tenus parmi eus, au même rang que ^es bâtards. Hhh 2 Les mmm 42s Histoire Morale, Ch&p.s tes jeunes hommes ne font pas beaucoup de cérémonies ni de -recherches pour avoir des filles en mariage ; parce que les parens de part & d'autre , ont fouvent conveuu de tout cela par enfemble , lors que leurs enfans étoient encore fort jeunes : & les enfans font en ce point fi refpe&ucus envers leurs parens, & défèrent tellement à de pareils acords, qu'il n'y a point d'exemple parmi eus ,' d'aucuns qui ayent defavoué ce qu'ils ont traité en de pareilles rencontres. Ils peuvent époufer de leurs parentes, ^ans tous les degrez qui font au défous de leurs feeurs. lisent toujours pris la- liberté d'a- voir autant de femmes qu'ils en peuvent commodément en- tretenir : mais il n'y a que la première, qui leur a efté donnée par leurs parens, qui foit réputée pour légitime , & dont les enfans puiiîent eftre avancez aus charges, & préférez à tous ceus quinahTent des autres. Ils donnent pour l'ordinaire à leurs enfans mâles , les noms de leurs ennemis qu'ils ont furmonté, ou de leurs Villages qu'ils ont brûlez, ou même de leurs prifonniers de guerre qui font morts à leur fervice. Quant à leurs filles, ils les nomment de mêmes noms que leurs nieres ou grand'meres ouayeules qui font decedées , ayant toujours égard , qu'iL n'y en ait au- cune dans leur famille qui foit encore en vie , qui porte le même nom : & au défaut des noms de cette nature , ils err forgent d'autres félon leur caprice , aufquels , fi on les en doit croire, il y a beaucoup de mylieres cachez. Les femmes, élèvent tous leurs enfans jufqu'à l'âge de douze ans ou environ » mais quand les garçons font parvenus à ce terme , elles les confient entièrement aus foins & à la conduite? de leurs maris, qui fe chargent dés-lors , de leur éducation , les conduifant avec eus à la chaffe , à la pefche, au labourage , & à tous les autres exercices , dont ils tachent de les rendre capables. Ils lesfaiTonnent auiïi à tirer de l'arc & à lancer la zagaye de bonne grâce, &àfe parer de leurs bou- cliers contre les coups de flèches , & ils les mènent à la guer- re , quand ils font parvenus en âge d'en pouvoir fnporter la fatigue. Ils ont tous beaucoup d'amitié ponr leurs enfans, mais ils ne leur en donnent point t^nt de.preuves extérieures que plu- Chap. s des Iles Antilles. 429 plufieurs autres nations , qui font confifter l'amour qu'ils ont pour eus, en une infinité de carefifcs , «5c qui l'evaporent en rnignardifes , dont les enfansabuzent le plus fouvent. Et bien que cette conduite des Apalachites , fembleun peu trop pan- eher du cofte delà feverité , l'on remarque toutefois par expé- rience , qu'elle n'abat point le courage à leurs enfans , Se qu'elle n'êtoufe en aucune fafTon le feu & la vivacité' qui eft re- quife , pour enrreprendre quelque chofe de genereus. L'on ne voit aucun d'entre eus qui foit travaille de la pierre, ou delagravelle , ni même des goûtes : ce qu'on atribuèà la fobrieté qu'ils gardent au boire & au manger, <5c aus exerci- ces aÛezlaborieusaufquels ils s'ocupent tous les jours de leur vie, comme auffi à l'ufage fréquent de la CafTine, qui eft une forte de bruvage fort eftimé parmi eus , qui eft compofé de la feuille de cet Arbre de même nom , dont nous avons déjà par- lé en plufieurs endroits. Car Hs tiennent qu'il aia vertu , de faire rendre quantité de ferofitez parles conduits naturels ,. & de chafiër toutes les humeurs gluantes, qui leur pourroienc caufer des obftruclions. Mais ils font fort fujets,, lors no tan- ment qu'ils deviennent vieus , à de grandes douleurs detefte, à des foibleues d'eftomac, «5c à des demangeaifons , qui leur excitent des puftules par tout le corps , qui dégénèrent fou* vent en des ulcères malins, qui deviennent incurables. Hs n'ont point d'autres Médecins que leurs Iaouas , qui méfient beaucoup de fuperfVitions parmi les remèdes qu'ils prcfcriventàleurs malades. Ils fc fervent au lieu de lancettes & de rafoirs , de certaines dens de poiftbns extrêmement aiguës & trenchantes, d'ont ils font des incifions aflfez pro- fondes, fur les parties donloureufes de ceus qui fe mettent entre leurs mains. Ils n'efiuyent point le fang-, qui coule des playes qu'ils ont faites : mais après l'avoir fucë, ils lerendent promptement à terre. Les efcarcelles qu'ils portent atachées à leurs ceintures, font toujours garnies dediverfes fortes de: graifles,. & de plufieurs feuilles-, d'herbes, lefquelles ilsapl> quent en forme d'emplâtres , fur les parties mal affe&ées de leurs patiens. ils provoquent auffi des vomifiemens & des lueurs, avec une poudre compofée de l'écorce d'une forte d'atbriffcau , & d'une efpece de coquillage calciné, qui ont; H h ife 3 -hs& $39 . H i S t o i k E Morale, Chap.s la vertu de produire ces éfets. Mais ces remèdes font fi vio lens, que les Européens qui ont eus l'affurance den ufer, en ont efté dangercufement malades. Quand tous ces remèdes ordinaires n'avancent point la gue* *ifon des malades , les Tao'ùas leurs prefcrivent des bains , des fomentations , l'ufagedes eaus minérales qui font au pied de la montagne d'olaimy, & enfin, après avoir épuifé tous leurs fecrets , ils les font expofer au lever du Soleil , a la porte de leurs cabanes , dans la créance que les dous rayons de, cet Aftre, feront plus puiffans pour leur rendre la fanté, que toutes leurs autres ordonnances. Ceft pourquoy , dans ces occurrences ils conjurent cette prétendue divinité', de vou- loir déployer fa vertu vivifiante en faveur de cens qui lui de'* couvrans leurs maus , n'attendent leur guerifon , que de fes bénignes influences. Ces Médecins, qui font auffi Sacrificateurs du Soleil, com- me nous l'avons reprefenté , font fort eftimez parmi les Apa- lachites, car outre qu'ils acompagnent cette double profef- fion, de gravite , de modeftie , & d'une abftinence de toute forte de délices, & même de l'ufage des créatures, quiont euëslaviefenfîtive: ils ne peuvent point cftre promeus à ces charges , qui les obligent à mener une vie beaucoup plus reti- rée que celle du commun , qu'ils n'ayent faitlaprentiffagede toutes leurs fuperftitions au milieu des forets , & des plus afreufes folitudes , fous la conduite des Chefs de leur Sede, qui durant trois ans entiers les exercent & les faflbnnent par plufieurs rudes épreuves, à tous les myfteres de leur profane difcipline. Ceft aufll durant ce tems-là , qu'ils ont à ce qu'ils racontent, d'étranges vifions, & la communication fami- lière de certains cfprîts folets , qui leur aparoiffans en diverfes figures , fe jouent de la fimpiicité de ces miferables abufez, quiontradrefTe& la vanité, de faire paffer leurs rêveries, & les illufions de ces Anges de ténèbres qui les fediûfent ,' pour des révélations divines, & des infpirations qui leur font en- voyées du Ciel. ARTI- Chap. S des Iles AntilIes. ARTICLE XIII. 4FX 3 De V&ge ordinaire des ^Apdacbites , de leur mort , ej> de leurs enterrement. LEs Apalachites , font prefque tous de fort longue vie> car il s'en voit communément qui pattent les cent ans i & en- core à prefent il s'en trouve plufieurs, qui ont atteint le cent cinquantième. Ce qui ne doit point eftre tenu pour une nou- veauté', ou pour une merveille extraordinaire; puifquenous lifons au Chapitre dixième du livre quatrième de la De- fcription des Indes Occidentales , du Sieur de Laët, que Mr. de Laudoniere vifitant la cofte de la Floride, y vid tm Roitelet ,, amy de ce Saturtova , dont nous avons tant parlé dans les articles precedens , qui avoir plus de cent cinquante ans , & qui pouvoit conter de fesfils & petisfils, jufqu'à la cinquième génération. Ils embaument avec un artifice tout particulier , les corps de leurs parensôc amis décédez: car après en avoir tiré tous les inteftins , léquels ils enfevelhTent au même lieu, où le f efte du corps doit eftre mis à la fin de leur deuil , ils les plon- gent dans un baume precieus qu'ils refervent à cet ufage. Cette compofition eft faite de plufieurs fortes de gommes aftringentes , & de quelques drogues aromatiques,, qui ont la vertu dedeflfécher les corps, Ôc les preferver de corruption : & il eft conftant , qu'après qu'ils ont demeuré trois mois ou environ dans ce baume, ils.en peuvent eftre tirez , fans qu'il y aparoiffe aucune altération , & fans crain te qu'ils fe corrom- pent à l'avenir. En fuite de cet embaumement, ils les revêtent de leurs plus preeieufes fourrures ,. & après les avoir enfermez dans des cofres de cèdres, & confervez dans leurs maifons l'efpace de douze lunes entières, ils les enterrent dans la . fo* refila plus voifine de leurs demeures, au pied de quelque ar- bre, avec beaucoup dé pleurs & de lamentations. Il n'y a pas-grande différence entre lesenterremens du fim- fie peuple & ce us des Capitaines, ou des Chefs de famille: mais ils Qbfervent quelque chofë de particulier aus funérailles dm 45* Histoire Morale» Chap.s de leurs Parakoujfes : Car après qu'ils les ont enbanmez avec tous les (oins poflibles , & qu'ils les ont couverts de leurs plus beaus habits, & parez de leurs chaînes & de leurs Colliers de cérémonies, ils les gardent trois années entières dans des Cofresdcboisprecieus, au milieu de la chambre où ils font décédez. Ce terme étant expire', ils les portent avec beau- coup de pompe au tombeau, que les héritiers du défunt ont faitcreufer, à la pante de la montagne \dolaimy, où depuis un tems immémorial, ils ont acoûtuméd'enfevelir leur Sou- verains: & fi toft qu'ils ont pofé les corps dans la grote, ils ferment l'ouverture avec de grofles pierres, qu'ils couvrent d'un grand amas de gazons de terre. Les Capitaines, & tous les autres Officiers & Chefs de fa- mille, qui ont afïifté à ces derniers devoirs, après avoir jetti beaucoup de cris & pleuré le défunt , attachent aus arbres voi- fins leurs arcs Ôç leurs carquois pleins de flèches , leurs maflTuës & leurs boucliers. Et les plus proches parens du défunt, plantent auprès de la caverne où ils ont mis le corps , un Cè- dre, ou quelque autre forte d'arbres precieus, qu'ils y entre- tiennent avec tous les foins qui font requis pour empefcher qu'il ne meure: & s'il arrive quifoitrenverféparlesvens,ou qu'il vienne à fécher, ou à dépérir par quelque autre accident : ils ne manquent jamais d'en fubftituer un autre en la place, pour perpétuer entant qu'il eft. en eus, la mémoire du défunt parcefignevifible. Pour témoigner leur deuil, & faire paroiftre la grande trifteffe qu'ils ont conceué de la mort de leurs parens, ils cou- pent une partie des cheveus de leur tefte: mais lors que leur Prince eft decedé , ils les rafent entièrement, & ne les laufent point recroiftre , jufques-à ce qu'ils ayent porté fon corps au fepulcre , en la façon que nous venons de décrire. Pour véri- fier que les Cérémonies que les Apalachites obferventà em- baumer les corps de leurs parens, & à les conferver quelque tems dans des cofres, avant que leur rendre les derniers de- voirs $ ne leur eft ni nouvelle, ni particulière ; le Sieurde Laët au Chapitre troifiéme du livre quatrième de fon Hiftoire déjà citée , raporte que les Soldats qui acompagnoyent Pamphilâ Mmmm y en fes expéditions du nouveau monde , fous la ^ * com- Chap. 8 des Îles Antilles. 4.33 commiflïon de l'Empereur Charles cinquième Royd'EfpagnC) qui lui avoit acordé le gouvernement de toutes les terres qu'il pourroit découvrir, dépuis la Rivière des Palmes , jufqu'aus derniers confins de la Floride, étansdéfceiidusàlaplus pro- chaine cofte du pais que nous décrivons , trouvèrent dans les cabanes que ces pauvres barbares avoyent abandonnées, in- continent qu'ils eurent aperceu ces étrangers , qui étoyent munis d'armes à feu & montez à l'avantage : quatre grands Cofresdeboisprecieus, ou il y avoit pour tout trefor, des corps morts couverts de peaus de beftes fauvages. Ce que nous avons dit jufques-à prefent , des mariages des Apalachites, de leurs Médecins & de leurs Funérailles, ne doit eftre entendu, que de ceus qui font encore dans l'idolâtrie. Car ceus que Dieu a honorez de fa precieufe connoiflance, avec ccus de- la Colonie : qu'il y a même une Académie fort célèbre en l'u- nede leurs villes , "laquelle cftcompofée entre autres ^ de plu- fieurs Docteurs & ProfefTeurs en Théologie , qui enfeignentr publiquement & gratuitement cette divine fcience,à tous cens qui ont un iaintdeur deconfacrer leur vie & leurs études, au fervice des Eglifes que le Seigneur a recueillies dans cette par- tiede nouveau Monde: & que leurs faints labeurs, y font en- core à prefent acompagnezde tantd'heureusfoccés , & de grandes benediaions duCiel , que leur dernier Synode Natio- nal, étoit compofé de plus de cent Parleurs, qui y comparurent au nom de leurs Troupeaus, & qui y rendirent des folemnelles actions de grâces au Seigneur, de ce que de jour en jour, ilou- vroit le cœur de ces "pauvres barbares , au milieu dequels fa providence les a appeliez, pour entendre à rEuangile qui leur cft prefché, & en y croyant avoir partàfonalliance de grâce. C HA* Chap.<> des Iles Antilles. 43 5 CHAPITRE NEUVIEME. Vu Corps des Caraïbes 5 , quacaufe dece changement* les Ouragans font plusfre- j,quens qu'ils n'étoieot par cy-devant : & que CMéoya, ,, (c'eft à dire , l'efprit malw) nous a mis fous la puiilance des 3, François, des Anglois , & des Bfpagnqls , qui bous ont „ chafléz de La plupart de nos meilleures terres. 1 1 I. Ils peuvent avoir des fafTons de faire différentes . fç_ Ion la diverfité des lies, bien qu'ils foient un mên>c Peuple r comme nous le voyons dans la diverlité des coutumes d'un, même Royaume , félon les quartiers y & les Provinces. De forte que par exemple , çeus qui ont Je pius convexe 3 la Do- minique rapporteront des opinions, des coutumes, & des cérémonies des Caraïbes, qui feront récitées diverfementpar des perfonnes qui les auront fréquentez ailleurs. Et néant- moins les uns & les autres feront une relation fidèle, I V. Comme dans le Continent de rAmeriquç ,, les Caraï- bes qui habitent bien avant dans la T erre , & qui voyent rareV. ment les étrangers , retiennent beaucoup plus leurs anciennes mœurs , & leur ancienne faffon de vivre , que ceus qui habi- tans prés des Colonies Hollandoifes de Cayenne & deBcrbi- ce , ont un commerce ordinaire avec les Chrétiens. Auflï en- tre nos Caraïbes Insulaires > cens qui ont moins de communi-, cation avec les Européens, tels que font ceus de Saint Vin- cent , font plus exacts observateurs de leurs vieilles habitudes,, que ne le font par exemple , ou ceus de la Martinique» ou ceus de la Dominique, qui nous hantenr davantage. - V. C'eft pourquoy fi «eus qui ne les ont veu& qu'en ces derniers lieus, ou qui ont appris de leurs nouvelles par des j>erfo&^ Chap.9 des Iles Antilles. 457 perfonnes qui ne les avoient pratiquez qu'en ces lieus Jà> trouvent dans la fuite de nôtre Hiftoire diverfes chofes qui ne s'accordent pas bien avec celles dont ils ont la connoiflance, ils ne s'en étonneront pas s'il leur plait, vcu que la plupart de nos mémoires, ont efté faits fur les Caraïbes de S. Vin- cent. V I. Enfin les Lecteurs feront avertis, que nous allons dé- crite pour la plupart les anciennes mœurs, & les anciennes coutumes de ces Caraïbes, afin que perfonne ne trouve étrange 11 dans ce qu'ils pratiquent aujourduy, il y a quelque chofe qui ne s'y rapporte pas. Ces avertiffemens étant donnez, tienne nous empefche de commencer ce que nous avons en- trepris, pour fatisfaire au titre de ce Chapitre. La plupart des Peuples que nous appelions Sauvages & Barbares, ont quelque chofe de hideus, & difforme, ou de defectueus, foit en leur vifage foirau relie de leur corps : corn-» me les Hiftonens nous le rapportent des Maldivois , des Habi- tans du Détroit de Magellan & de plufieurs autres qu'il n'efl pas befoin de nommer. Mais les Caraïbes font gens bien-faits , <5t proportionezde leur corps , aflezagreables , la mine riante, de moyenne tailley, larges d'épaules & déhanches , & prefque tousenaffezbon point, & plus robufles que les François. Ils ont le vifage rond & ample , & pour la plupart les joues marquées de deus peti- tes follettes dans le milieu. Leur bouche eft médiocrement fendue, & leurs dents font parfaitement blanches & ferrées» Il eft vray qu'ils ont le teint naturellement olivâtre, & que- cette couleur s'étend même fur le blanc de leurs yeus , lequel* ils ont noirs , un peu petis, auffi bien que les Chinois & les Tartares , mais fort penetrans. Us ont auffi le front & le irçgr aplatis, mais par artifice, & non pas naturellement. Car leurs mères les leur preffent à leur nailfance, & continuelle- ment pendant tout le.tems qu'elles les" allaitent , (imaginant qu'il y a en cela de la beauté & de la perfection, car fans cela ils- auroient le nez bien formé, & le front élevé comme nous. Ils ont les pieds larges & épatez, parce qu'ils vont nus- pieds-: mais au refte fi endurcis „ qu'ils font à toute épreuve, & dans^ ks bois & fur les rockers. lit $, I*mm: 1 43S Histoire Morale Chap. 9 De Lery Voyage deBrè- XngAut «nfon ~HsB. de U Chine Itv. i. ehap. 8. lajfi liv. 8. skâf.i}. Entre ccus du pais on ne voit ni borgne, ni aveugle, ni boiteus, ni boflu, ni chauve, ou qui ait de nature aucune dif- formité, comme on le témoigne aufli des Brefiliens, des Flori- diens, & de la plupart des Peuples de l'Amérique. Au lieu que cens quife font promenez dans le grand Caire, rappor- tent que parmy les rués on voit force borgnes , & force aveu- gles, ces infirmitez étant fi fréquentes, & fi populaires en ce païs-là, que de dix hommes, il y en a toujours cinq ou fix qui en font atteints. Mais s'il y en a quelques uns entre les Ca- raïbes qui foient difformes , ou perclus de quelque menbre, cela leur eu furvenu dans les rencontres , & dans les combats qu'ils ont eus avec leurs ennemis, &cesdifforrnitez ou ces flétrilTures , étant autant de preuves de leur valeur , font efti- niées parmy eus de bonne grâce , & glorieufes : bien loin de les mettre en danger d'eftreaffommez , ou jettez en une fon- drière par leurs compatriotes , comme ces pauvres enfans qui parmy le Peuple deGuyana, & chez les Lacedemoniensdu tems, deLycurgue, venoient du ventre de leursmeres im- parfaits & difformes. 11 fe voit même de belles filles 6c de belles femmes entre les SauvagetTes Caraïbes. Témoin Ma- damoifeilede R.oflelan, femme de Monfieur le Gouverneur de Sainte Aloufie. Tous les Caraïbes ont les cheveus noirs , comme les Chi- nois , qui pour cela font par fois nommez , le peuple am che- , *vem noirs. Ces cheveus des Caraïbes, ne font pas frifez com- me ceus des Mores, mais tout droits & fort longs comme cens des Maldivois. Et leurs femmes donnent toutes à' cette couleur noire, le premier rang de la beauté pour la cheve- lure Onditaufïi, que les Indiennes du Pérou, ont tant de paffion pour les cheveus noirs, que pour donner à leur che- velure cette couleur, quand elle y manque; elles fe donnent des. peines & des tourmens incroyables. Au contraire, en Efpagne plufieurs Dames pour fe teindre les cheveus de cou- leur d'or, les parfument de foufre, les trampent dans de l'eau forte, & les expofent au Soleil en plein midy, durant les plus violentes chaleurs de la Canicule. Et en Italie cette couleur de cheveus eftaufli fort atTeftée; témoin ce que dit un Poète au fujet des Courtifannes Romaines. Oquc 439 Chap. 9 des Iles Antilles. O que ces Guenuches coiffées ^Avec leur p oit fauve par art , ejrc. Les Caraïbes font fort foigneus de fe peigner, & eftiment cela fort honnefte. Us huilent leurs cheveus, & ont une in- vention pour les faire croître. Les femmes peignent ordi- nairement leurs maris & leurs enfans. Hommes & femmes treflent leurs cheveus par derrière, & les font aboutir en une petite corne, qu'ils fe mettent au milieu delà tefte. Ausdeus codez ilsleslaùTent en mouftaches/ félon la liberté naturelle. Les femmes divifent leurs cheveus en forte, qu'ils leur tom- bent des deus coftezde la tefte 5. £t les hommes feparent les leurs en l'autre tens, c'eft à dire qu'ils les tirent fur le devant & fur le derrière de la tefte. Ce qui les oblige à en couper de defîus le front, parce qu'autrement ils leur tomberoient fur les yeus. Ce qu'ils faifoient autrefois avec de certaines her- bes tranchantes, avant- que d'avoir l'ufage de nos cizeaus. Outre ce qu'ils ont accoutumé d'en couper, lors qu'ils font en deuil. Au lieu qu'en Madagafcar les hommes ne coupent rien du tout leurs cheveus. Mais les femmes feraient entiè- rement. Ce qui eft tout à fait contraire à la coutume des. Peuples, parmy léquels vivoit T Apo&re Saint Paul. On n'apperçoit point du tout de barbe aus Caraïbes, s'il' leur en vient ils l'arrachent , comme font les Breii liens , les Cumanois > & certains Peuples fujets de l'empire des Tar ra- res, qui portent toujours un fer à la main,, dont ils s'arra- chent tout les poils de barbe qui leur croiûent de nouveau. Au refte, Tonne voit guère les Caraïbes en cette peine, & l'on croit qu'ils ont un fecret, pour empêcher le poil de reve- nir, quand une fois il eâ arraché ; Invention qui euft efté fort commode aus anciens Romains. Car on tient qu'ils n'ont prefque point donné à leur barbe la permiulon de croître, que dépuis le tems de l'Empereur Adrien , qui le premier laif- fa croître la fienne. Jufques là, il étoit fi honorable parmy eus de ne porter point de barbe, que les efc laves n'enflent ©fé faire rafer la leur : Et même cela ëtoit défendu à toute perfonneaceufée de crime comme pour mettre fur eus une marque d'infamie, jufqu'a ce qu'ils enflent efte abfous , ainh* ^uelerapparteAuk-Gelle. Tant &u contraire de ce qui fe Bergf^ rois* m T&ut cecy est rap- f$rte far devers , Ht0o- riens qutl fe- rait trop long de cttsr. 44,o Histoire Morale, Chap. 9 pratique fous la domination du Grand Seigneur, qui fait ra- fer la barbe par ignominie. Ce qui arriva l'an 165 2 au Con- fiai François d'Alexandrie, aceufé d'avoir mal-verfé en fa char- se & de qui la barbe étoit naturellement fi bien fnfee, & d'une couleur blonde fi belle, que quelques Turcs luy en voulurent donner une fomme d'argent bien confiderable, pour la garder par rareté. Mais il aima mieus rapporter en Erance Les Caraïbes s'étonnent de voir nos Européens nourrir leur barbe, & trouvent que c'eflrune grande difformité d'en avoir , comme c'eft en eus une belle perfedion de n'en avoir point. Mais ils ne font pas les feuls des Sauvages , qui foient fantafques en matière de bienfeance & de beauté. Toutes les Nations Barbares, & même quelques civilifees, ontfur cela des goûts & des fentimens particuliers. Par exemple, on met pour beauté entre les Maldivois, d'avoir tout le corps velu, c-qui feroit parmy nous la beauté d'un Ours-, & non pas celle d'un homme. Entre les Mexicains , d'avoir le front petit & pleindepoil. Entre les Japonnois, de n'avoir gueres de cheveus- ce qui les oblige à les arracher ioigneufement, & à n'en laiflfer qu'un toupet au fommet de la tefte. Entre les femmes Tartarcs , d'eftre fort camufes, Mais pour rele- ver les attraits de leur nez, elles le frottent d'un onguent fort noir. Entre les Guinois , d'avoir de grans ongles & le nez plat C'eft pourquov ils l'aplatiflent & l'enfoncent avec le pouce à leurs enfans, dés qu'ils viennent au monde , comme font aufli les Brefiliens. Entre ceus de la Province de Cufco au Pérou, & quelques Indiens Orientaus , comme entre les Calecutiens & les Malabares , d'avoir les oreilles extrême- ment grandes, & pendantes jufques fur les épaules. Aufli quelques uns d'entr'eus, fe les font venir telles par artifice. Entre les Ethiopiens , d'avoir de groffe lèvres , & le teint noir & poly comme jayet. Entre les Nègres de Mozambi- que, d'avoir les dens extrêmement pointues: &ilsu(cntdc la lime pour les rendre telles. Entre les Maldivois, de les avoir rouées, & pour cet éfet, ils mâchent continuellement du Perd Entre les ïaponois & les Cumanois de les avoir noi- res : aufli les noircilTent ils exprès. Entre ces derniers en- core, Chap. 9 des Iles Antilles, 441 core, d'avoir le vifage long, les joués maigres, & les jambes greffes par excès: Et c'eftpour cela qu'ils preffenr la teftede leurs enfans entre deus couffins à leur naiffance, & qu'au ffi- bienqueles Habitansdela Rivière d'Effequebe, ils fe tiennent les jambes étroitement liées parle haut, & à la cheville du pied , afin de les faire enfler. Entre quelques Péruviens, d'a- Voirie vifage incifé & déchiqueté, commeà coups de lan- cettes, & d'avoir la tefle platte & contrefaite, large de front, & fort étroite dépuis le front, jufqu'au chignon du cou. Et ceft pour fe la rendre de cette belle forme, qu'ils tenoient la teûe de leurs enfans preffée entre deus pensais, dés le mo- ment de leur naiffance , jufqu'àj'aage de quatre ou cinq ans. Enfin entre quelques Orientaus, & quelques Africains , c'eff une grande perfection aus femmes , d'avoir des mammellesà renverfer par deffus l'épaule. Et entre les Ghinoifes , la prin- cipale beauté eft, d'avoir le pied exceffivement petit &grefle. Et e'eft pour cet effet, que dés leur enfance on le leur ferre Ci étroitement, qu'elles en font tout effropiées, & qu a peine fe peuvent elles foûtenir. Il feroit bien maUifé de décrire une beauté, furies opinions différentes de tous ces Peuples. Retournons aus Caraïbes. Ils vont nus entièrement, hommes & femmes, comme plufieurs autres Nations. Et û quelcun d'eus vouloir cacher lés parties naturelles , il feroit moqué de tous les autres. Quel- que fréquentation que les Chrétiens ayent eue avec eus, i{ leuraefté jufques à prefent impoffible de leur perfuader'de fe couvrir. Que fi quelquefois en venant voir les Chrétiens, ou traitter avec eus , ils fe couvrent pour leur complaire,' prenant une chemife , des calleffons , un chapeau, & les ha- bits qu'ils leur ont donnez, auffi toft qu'ils font de retour chez eus , ils fe dépouillent , & mettent tous ces habits-là dans leurs Cabinets en parade. Pour échange de cette corn- plaiffance des Caraïbes , quelques uns de nos François , étant allez au milieu d'eus, n'ont fait point de difficulté defe dé- pouiller entièrement à leur exemple. Cette nudité règne au long & au large fous la zone Torride comme chacun fait. Quand on reproche aus Brefiliens leur nudité, ils difent que nous venons nus au monde , & que c'eft folie de cacher Kkk le riment le Blane 3. ?ar. ' I 44* Histoire Morale, Chap.* XgUtio» le corps qui nous a efté donné par la nature. Ceus du Roy- des Hol- aume ûe Bennin en Afrique , font louables , de fe couvrir au UndM% moins lors qu'ils le marient, oumêmeplutoft, fi leur Roy le veut premettre. Les femmes des lies Lucayes , dévoyent aufXi participer à cette louange , car elles avoyent accoutu- mé de fe couvrir , lors qu'elles étoient en état d'être mariées, & folemnifoient cette a&ion avec beaucoup de réjouillance. Mais aujourd'huy cette coutume n'a plus de lieu : car cette pauvre Nation a été entièrement détruite par les Efpagnols, ou enlevée pour travailler aus mines , & il n'y a plus en tou- tes les lies qui portent ce nom, aucuns habitans naturels, mais- feulement quelque peu d'Anglois, quei'on y a transportez, de l'Ile de la Vermoude. Venons aus ornemens de nos Sauvages. Ils changent leur couleur naturelle , par une couleur rouge qu'ils appliquent fur leur corps . Car demeurant auprès des Ri- tn fi» vieres & des Fontaines , la première ehofe qu'ils font tous les Uvrtder matins, c'eft de s'aller laver tout le corps. Etc'eftce quepra- tiquoient les. anciens AUemans comme Tacite le. témoigne. Aufli-tofl: que les Caraïbes font lavez ils retournent à la maifon , & fe féchent auprès d'un petit feu. Etant féchez, leur femme, ou quelcun de leur domeftiques , prend une Calebafïe remplie d'une certaine peinture rouge , qu'ils ap- pellent Roucou, du nom de l'arbre qui la produit , & lequel nous avons reprefenté en fon lieu. On leur frotte tout le corps, & même auffi le vifagede cette couleur, qui eftdé- méfiée avec de l'huile. Pour appliquer cette peinture ils fe- fervent d'une éponge au lieu de pinceau , & ils nomment cet- te a&ion-là, fe Rouco'uer. Et pour paroitre plus galans, ils fe font fou vent des cercles noirs à l'entour desyeus, avec du; jus de pommes de Junipa. Cette peinture rouge, leurfert d'ornement & de couver- ture tout enfemble. "Car outre la beauté qu'ils y trouvenr,. ilsdifent que cela les rend plus fouples& plus agiles, com- me de vray, les anciens Atîetesfe frottoient d'huile, pour le même effet. De plus ils difent, qu'en fe Roucoiïant ainfi » ils fegarcntifientdu froid delà nuit & des pluyes , despiquûres des Moufquites & des Maringoins , & de l'ardeur du Soleil,. qui mœurs des an- ciens AÏ kmans, La U avoientacoutuméde fe faire ans oreilles un trou d'une gran- deur incroyable , où ils attachoient des lacets longs d'un quart d'aune, qui foutenoient des pendans d'or, d'une largeur de- rncfuré'e. Mais nos Caraïbes, ne veulent qu'un petit trou à l'Européenne , au molde l'oreille , ou ils mettent des arreftes de certains poiflbns fort polies, des pièces d'ecaille de Caret, & depuis que les Chre'tiens font venus vers eus , des boucles d'or, d'argent, ou deleton?où ils attachent de beaus pendans d'oreilles. Ils font ravis d'en avoir de cens que leur apportent nos gens , & favent fort bien dillinguer , & chérir fur tous les autres,, cens qui font de prix, ils fonr particulièrement. etac de- Chap.9 des Iles Antilles. 445 deceusquifontde Criftal, d'Ambre, deCoral, on de quel- que autre riche matière, pourveu que la boucle, & tout l'en- richiiTement foit d'or. Quelquefois on leur en a voulu don- ner , qui n'étoyent que de cuivre doré , & leur faire accroire qu'ils étoient d'or: mais ils les ontrejettez endifant, qu'on les vouloit tromper, & que ce n'étoit que de l'or de chau- dière. Et pour en faire l'épreuve, ils ont accoutumé de mettre la pièce en leur bouche. Bien au contraire de ceus de Ma- dagafear, qui lors que les Hollandois qui ynavigerenten l'an mil cinq cens quatre-vints quinze, leur offrirent une cuillier d'argent, la mirent entre leurs dens, & fentant qu'elle étoit dure, la refuferent demandant une cueillier d'étain. Et l'on peut affez juger quel état ils faifoient de l'étain ,, puis qu'ils prefenterent une fille, en échange d'une cuillier de ce métal. Hérodote nous recite, qu'autrefois parmy les Ethiopiens, le z/w*.> cuivte étoit plus eftimé que l'or, dont l'ufage étoit vil à un tel point , que l'on y lioit les criminels avec des chaînes d'or. Les Caraïbes , fe percent aufll quelquefois les leures, pour y faire paifer une efpece de petit poinçon , qui eft fait d'un os, ou d'une arrefte de poifTon. Ils ouvrent même l'entredeus de leurs narines, pour y attacher une bague, un grain de cri- ftal, ou quelque femblablegentilefle. Le col , & les bras de nos Caraïbes ont auffi leurs ornements ; Car ils y mettent des Colliers & des Bracelets ,; d'ambre , de raflàde, de coral, ou de quelque autre matière qui ait du luflre. Les hommes, portent les bracelets au gros du bras proche l'épaule:. Mais les femmes en entourent leurs poignets , de même que celles de ces contrées. Ils parent encore leurs jambes de chaines de ralïade , au lieu de jarretières. Ceus d'entr'eus qui n'ont poins de communication avec les Européens , portent G.rdi~ nairement pendus à leur col, des fifflets d'os de leurs ennemis,. &. de grandes chaines qui font compofées de densd'Agouty,, de Tigres , de Chats Sauvages, ou depetis Coquillages per- cez & liez par enfemble, avec une cordelette dé fin cotton^ teinte en rouge ou en violet. Et quand ils fe veulent mettre? fur leur bonne mine, ils ajoutent à tout cetadesBonets , des* Jkâcekts qu'ils lient fous les e (Failles ,, des écharpes>s & êcs> Kkk $ cein- %0 H ÏS TOI El MofiAll, Châp.9^ ceintures de plumes, fort indùftrieufement rilTués par un" agréable aflemblage, léquelles ils laiflent flotter fur leurs épaules , ou pendre dépuis le nombril, jufques au milieu de leurs cuifles. Mais les plus confiderabîes de tous leurs ornemens, font, de certaines grandes médailles de fin cuivre extrêmement poly, fans aucune grauvre, qui ont la figure d'un croifiant, &font enchaflees en quelque bois folideôt precieus. Ils les nomment Caracolii en leur langue ; Elles font de différente grandeur, car ils en ont de fi petites , qu'ils les attachent à leurs oreilles en forme de pendans, & d'autres qui font environ de la lar- geur de la paume de la main , léquelles ils portent pendues au col , d'pu elles battent fur leur poitrine. Ils ont ces Caracolis en grande eftime, tant par ce que leur matière, qui ne con- tracte jamais de roûillure, eft éclatante comme l'or: qua caufe que c'eft le butin le plus rare & le plus prifé , qu'ils rem- portent de courfes qu'ils font tous les ans , dans les terres des Arouagues leurs ennemis: Et que c'eft la livrée, ou le col- lier qui diftingue les Capitaines & leur enfans , d'entre les . hommes du commun. Ceus-là aufli qui ont de ces joyaus en font un tel cas, qu'en mourant ils ne laiflent autre héritage à leursenfans, ou à leurs plus intimes amis : Et il y en a tel par- my eus,qui garde encore un Caracolis de fon Grand Père, dont il ne fe pare qu'ans plus grandes rejouifiances. Les femmes , fe peignent tout le corps & s'ajuftent prefque comme les hommes-, horsmis quelques petites différences que nous avons déjà remarquées , & qu'elles ne mettent point de couronnes deflus leurs teftes. Elles ont aufli cecy de particulier, qu'elles portent des demye bottines , qui ne leur defeendent que jufques à la cheville du pied. Cette efpece de chaufîure eft fort proprement travaillée, & terminée par le haut & par le bas d'une petite rotonde tiffuë de jonc & de cotton, qui leur ferre le gras de la jambe, & le fait paroitre plus remply. CHA- Chap, 10 es Iles Antilles* 447 CHAPITRE DIXIEME. Remarques Jur la langue des Caraïbes.. NOus avons defleinde donner à la fin de cette Hifloire pourlafatisfa&iondes curieus un allez ample Voca- bulaire du langage des Caraïbes. C'eft pourquoy nous nous contenterons de faire en ce Chapitre les Remarques principales^qui en pourront faire connoître la grâce , la dou- ceur & les proprietez. i. Les Caraïbes ont un Langage ancien & naturel, & qui leur eft tout particulier, comme chaque Nation aie fien. 2. M ais outre cela , ils en ont formé un autre , qui eft bâ- tard & niellé de plusieurs mots étrangers , par le commerce qu'ils ont eu avec les Européens. Surtout ils ont emprunte beaucoup de mots des Efpagnols , par ce que ce font les pre- miers Chrétiens qu'ils ayent abordez. 3 . Ils fe fervent toujours entr'eus , de Leur Langage ancien & naturel. 4. Mais lors qu'ils converfent , ou qu'ils négocient avee- que les Chrétiens, ils employent leur Langage corrompu. 5 . Outre cela ils ont un fort plaifant baragoin , lors qu'ils veulent entreprendre de parler en quelque Langue étrangère. Comme lors qu'ils difent , Compère Gouverneur ; employant ce mot de Compère généralement envers tousceus, qui font leurs amis où leurs alliez. Ainfi ils diroient tout franchement, s'il s'en prefentoit occafion, Compère Roy, C'eft aufti un de leurs complimens de dire à nos François , avec un vifage riant, ^4h fi toy bon pour Caraïbe , moy bon pour France : Et lers qu'ils veulent fe louer de nos gens , & témoigner qu'ils en font fort fatisfaits, ^douche bon France pour Caraïbe. Ainfi difent ils encore LMaboya mouche fâche contre Caraïbe, lorsqu'il- tonne ou qu'ils fait un Ouragan: Et, UMoy mouche Lunes , pour lignifier qu'ils foi\t fort âgez. Us ont auiïi fort fouvent ces pa- roles en la bouche , lors qu'ils reconnoiffènt que nos gens veulent abufer de leur (implicite,. Compère, toy trompe Caraïbe-, '.'là 44$ Histoire Morale, Chap.9 Et on les entend dire fouvent lors qu'ils font en belle humeur, Et à ce fujet , eft remarquable le difeours de quelques Brefiiiens à Vincent le Blanc, Ces richefles, difoient-ils, îMîf- „ que vous autres Chrétiens pourfuivez à perte d'haleine eh*?'lC* Mm m vous 4$S H i s i?*o i re Moule, Chap. ii ,,vous mettent-elles plus avant en la grâce de votre Dieu 5 ,, Vous empêchent-elles de mourir > Et s'emportent elles ,, avec que vous au tombeau i Ils tenoient à peu près le mê- C%.ij. me difcoursà Jean de Lery , comme il le rapporte en Ton Hi- ftoire. Les Caraïbes , favent au fil fort bien & fort emfatiquement reprocher aus Européens, comme une injuftice manifeftc, „ l ufurpation de leur Terre natale. Tu m'as chalTé , dit ce s, pauvre peuple, de Saint Chriftofle, de Niéves , de Mont- t, ferrât, de Saint Martin , d'Antigoa, delaGardeloupe,de ,,la Barboude, de Saint Euftache, &c. qui ne t'apparte^- „ noient pas , & où tu ne pouvois légitimement prétendre. ,, Et tu me menaces encore tous les jours de m'ofter ce peu ,, de pais qui me refle. Que deviendra le miferable Caraïbe? ,,Faudrat-il qu'il aille habiter la mer avec les poifibns* Ta ,, terre eft, fans doute, bien mauvaife , puisque ru la quittes ,,pour venir prendre la mienne: Ou tu as bien de la malice, „ de venir aïnfi de gayeté de cœur me perfecuter. Cette plainte n'a pas un air trop Sauvage. Lycurgue ne permettoit pas à fes citoyens de voyager, craignant qu'ils ne priffent des mœurs étrangères. Mais nos Sauvages auroient bien befoin de grand voyages , pour fedé- barbarifer, s'il eft permis de parler ainii. Et cependant, ils ne font pas feulement exems de cette convoitife infariable, qui fait entreprendre de fi grans & fi perilleus voyages aus Chrétiens , & traverfer témérairement tant de terres & tant de mers: mais ils n'ont même nulle curiofité de voir les au- tres contrées du monde , aimant leur pais plus que tous ceus qu'on leur voudroit propofer. Et comme ils eftiment que nous ne devrions pas être plu^curieus, ni moins amateurs du nôtre , ils s'étonnent fort de nos voyages. En quoy , cer- E»/S» tes , ils ont l'honneur de reilembler a Socrate, à qui Platon çrito». rend ce témoignage, qu'il étoit moins forry d'Athènes pour voyager, que les boiteus & les aveugles: & qu'il ne délira jamafs devoir d'autres villes, ni de vivre fous d'autres loix5 N'étant pas en ce point, nonplusqueces Caraïbes, de l'opi- nion dis Perfes,quidifent en commun proverbe, queceluy qui n'a point voyagé par le monde, refemble à un Ours. Les Chap.n des Iles Antilles. 459 Les Antillois ne font pas feulement fans aucun defir de voyager $ ils ne veulent pas même fouffrir que l'on enmene perfonne des leurs en une terre étrangère, fi cen'eft quel'on promette expreflement, de le ramener bien-toft. Mais s'il arrive par malheur qu'il meure en chemin , il ne faut pas faire état de retourner jamais parmy eus; car ils vous pren- nent en une haine mortelle, & il n'y a point de réconciliation à efperer. Mais s'ils n'ont point de curiofité pour les chofes qui font éloignées, ils en ont beaucoup pour celles qui font proche d'eus; jufqueslàquefionouvre un coffre en leur prefence, il leur faut montrer tout ce qui eft dedans, ou bien ilsfe tien- droient desobligez. Que s'ils agréent quelque chofe de ce qu'ils y voyent, encore qu'il ne foit que de tres-petite valeur, ils donneront ce qu'ils ont de plus beau & de plus précieus pour l'avoir, afin de contenter ainfi leur inclination. Pour le trafic, il eft vray que lors qu'ils ont palTé l'envie de cedontilsonttraitté, & qu'ils ont reçeu en échange, ils s'en dediroient volontiers. Mais le feeret pour leur faire tenir leur marché , eft de leur dire qu'un marchand doit eft rc ferme en fa parole. Quand on les piqpe ainfi d'honneur, & qu'on kur reproche qu'ils n'ont pas plus de confiance que des en- fans, ils ont honte de leur légèreté. Le larcin eft tenu pourun grand crime parmfcus. En quoy véritablement ils fe montrent plus raifonnables que Lycur- gue, qui nourriiîbit en ce vice les enfans de Lacedemone, Ww*- commeenune occupation fort louable, pourveu qu'on s'en fu$e»u aquitaft finement & avec fou plefle.^ Mais comme les Caraï- 1^^. bcs hahTent naturellement ce péché, au fil ne fe voit-il point **'• au milieu d'eus ; ce qui eft afiez rare chez les antres Sauvages : Car la plupart font larrons 5 Et de là vient que quelques unes de leurs lies en portent le nom. Pour les Caraïbes, comme ils ne font point enclins de leur nature à dérober, ils vivent fans défiance les uns des autres. Tellement que leurs maifons & leur héritages font à l'aban- don, fans portes ni clôtures, comme les Hiftoriens le té- Voyapt moignent des grans Tartares. Que fi on leur dérobe la d*c**~ moindre chofe, comme pourroit être un petit couteau, p,ne" ■ LeslUs dis Lar- Tarfitrtës- avec m 460 Histoire Morale* Chap. 1 1 avec quoy ils font mille qpetis ouvrages de menuyferic, ils eftiment tant ce qui leur eft utile, que cette perte eft capable deles faire pleurer huit jours, & de les faire liguer avec leurs amis pour en tirer réparation , & pour fe venger fur la per- sonne qu'ils fou pçonneroient de ce larcin. Et en effet, dans les lies ou ils ont leurs demeures prés des Chrétiens , ilsont fouvent tiré vengeance de ceus qui leuravoient , à ce qu'ils difoient, pris quelques uns de leurs petis meubles. Auffi en ces lieus-là, lors qu'ils trouvent quelque chofe de manque en leur maifon , ils difent aufll toft , Vn chrétien efivenuicy. Et entre les griefs & les plaintes qu'ils fontaus Gouverneurs de nôtre Nation , celle- cy eft toujours en tefte , Compère Gou- verneur , tes matelots (ainfi nomment ils tous les habitans étrangers) ont prii en ma café un couteau , ou quelque autre me- nue pièce de pareille nature. Les Guinois ne formeraient pas de telles plaintez. Car s'ils perdent quelque choie , ilsefti- ment qu'un de leurs parens trépaffez s'en eft venu faifir f parce qu'il en avoit affaire en l'autre monde. Tous les interefts des Caraïbes font communs entr*eus. Ils vivent en grande union & s'entr'aiment beaucoup les uns les autres : ne reffemblant pas aus Afiatiques de Java , qui ne parlent pas mêmes à leurs frères, fans leur Poignard à la main, tan« ils ont de défiance. Cette amour , que nos Sauvages fe portent naturellement l'un à l'autre fait, que l'on ne voit que fort peu de querelles & d'inimitiez entr'eus. Mais s'ils ont été offenfez, ou d'un étranger ou de quelcun de leur compatriotes, ils ne pardonnent jamais , & pouffent à toute extrémité leur vengeance. Ainfi lors que quelcun de ces abufeurs qu'ils nomment Boyez> leur fait accroire que l'un de cens qu'ils eftiment forciers , eft auteur du mal qui- leur eft arrivé , ils ne manquent pas de rafeher à le tuer s'ils peuvent, difant Taraliatim, il m'a enforcelé. TÇjbanebouïbatwa, je m'en vengeray. Et cette paflion furieufe & desefperée de fe ven- ger , eft celle qui les pouffe , comme nous avons déjà dit , à manger même à belles dens la chair de leurs ennemis , félon que nous en décrirons les particularitez en leur lieu. Cette animofité defordonnée, eft le vice régnant univerfellemenc & tyranniquement parmy eus. Et il règne de même* pref- que Lmfeot Chap. u des Iles Antilles. 461 que fans exception, chez tous les Sauvages Américains. La vengeance des Canadiens eft quelquefois bien plaifante: car elles les porte jufques à manger leurs pous parce qu'ils en ont été mordus. Si les Brefihensfe heurtent à quelque pierre, P' £ tenue par les Anglois , il fit une fois un grand dégât dans les habitations voifines delamer, qu'il en enleva un grand butin, ôc queparmylesprifonnierss'étant trouvé une belle Demoifelle, qui étoit femme de Fun des Officie&s de l'Ile , il la fit conduire en l'une de fes maifons de la Domi- nique. Cette Demoifelle étant enceiate lors qu'elle fut en- levée , fut fervie avec grand foin en fes couches , par les fem- mes des Sauvages de la même lie. Et bien qu'après cela, elle demeurât encore long tems parmy eus , ni le Capitaine Ba- ron, ni aucun autre d'entr'eus, ne la touchèrent jamais* Ce qui eft fans doute, une grande retenue pour de selles geiîS. M m m £ McH ■ ■ ■'■ - • 4^fc Histoire Morale, Chap;ii 11 ett vray , qu'une partie d'eus ont dégénéré de cette cha* frété, >& de ptufieurs autres vertusde leurs anceftres. Mais il eft certain aurîi , que les Européens par leur pernicieus exem- ples , & par le mauvais traitement dont ils ont ufé envers eus* les trompant vilainement, fauflant lâchement en toute ren- contre la foy promife, pillant & bruflant impitoyablement leurs maifons & leurs villages , & violant indignement leurs femmes& leurs filles, leur ont appris, à la perpétuelle infa- mie du nom Chrétien , la diffimulation , le menfonge , la tra- hifon , la perfidie, la luxure, & plufienrs autres vices, qui leur -étoient prefque inconnus , avant qu'ils euflent eu commerce avec eus* Au refte, ces Sauvages, tout Sauvages qu'ils font, ont de la civilité ôc de la courtoifie au delà de ce qu'on pourroitfima- ginerertdes Sauvages 5 Ce n'eft pas fans doute, qu'il n'y ait quelques Caraïbes fort déraifonnables & fort abbrutis. Mais au moins pour la plupart » témoignent ils du jugement & de la docilité en beaucoup de rencontres, & ceus qui les ont pra- tiquez ud long tems, ont remarqué en plufieurs divers traits dînonefteté& de reconnonîance , d'amitié & de generofité- Mais nous en parlerons plus particulièrement au Chapitre de la réception qu'ils font aus étrangers , qui leur vont rendre vifite. Ils ont aufïl la propriété en fi grande recommandation: (chofebien extraordinaire encore entre les Sauvages) & ont fi grande horreur des ordures , que Ci l'on en avoit fait en leurs jardins ou font plantez leur Manioc Scieurs Patates, ils les abandonneroient auiîl toft, & ne voudroienf plus fe fervir des vivres qui y feroient. Nous verrons plus amplement ieurpropreté & fur ce fujet& fur quelques autres, aus Cha- pitres de leurs Habitations & de leurs Repas. €HA« Chap. 12 des Iles Antilles. #<) CHAPITRE DOUZIEME. De la /implicite naturels des Caraïbes. L'Admiration étant fille de l'ignorance , on ne doit pas trouver étrange, que les Caraïbes, qui ont fi peu de lu- mière & de connoiflancc de toutes les belles chofes, que l'étude «5c l'expérience ont rendues familières parmy les Nations civilifées , foyent faifis d'un profond étonnement à la rencontre de tout ce dont ils ignorent la caufç, & qu'ils foyent nourris dans une fi grande fimplicité, qu'on la pren- Cette fimplicité paroift, entr'autres chofes, dans l'extrême peur qu'ils ont des armes à feu , lefquelles ils confluèrent avec une extrême admiration. Surtout, ils s*étonnent desfuzils: car encore pour les pièces d'artillerie &pour les moufquers, ils y voyent mettre le feu. Mais quant ausfuzils , ils ne peu- vent concevoir , d'où il eft potlible qu'ils prennent feu : & ils croyent que c'eft CMaboya qui fait cet office. Ainfi nom- ment ils TEfprit malin. Mais cette peur & cet étonnement leur font communs avec beaucoup d'autres Sauvages, qui n'ont rien trouvé de (i étrange en leur renconnes avec les Européens, que ces armes qui jettent du feu , & qui de fi loin percent & tuent ceus quelles rencontrent en droite u>ne. Cefut-là, avecleprodige de voir des hommes combattre à Cheval, la principale caufe qui fit que les Péruviens tinrent les Efpagnois pour des Dieus, & qu'ils fe fournirent à eus, avec peu derefiftence. On dit que les Arabes même * qui cou- rent le long des rivages du Jordain, & qui fembient devoir être plus aguerris, font dans cette peur & dans cet éton nement. Entre les marques de fimplicité des Caraïbes , tn voiey en- :core deusbien confiderables. Lors qu'il arrive unee'clipfe de Lune , ils croyent que LMahoya la mange , & danfent toure la nuit, faifantfonnerdescaiebafles où il yadepetis caillous. Mmm z Et "Gava- Uftom mtxtatrQ Royal Uv. 3. thap. 8» Voyage i rr Que®, maine. Et ailleurs, la nature même a imprime la connoinance Tujcftlo. de la Divinité en l'Efprit de tous: les hommes. Car quelle nation , ou qu'elle forte d'hommes y a til , qui n'ait fans l'a- voir appris d'aucun, un fentiment naturel delà Divinité? On admire fans doute , avec jufte raifon , ces belles lumières, qui fortent de la bouche d'un homme envelopé dans les ténè- bres du Paganifme. Mais il femble, qu'il eft aujourd'huy bien malaifé de vérifier les fameufcs paroles de cet incomparable Orateur. Car les pauvres Sauvages de l'ancien peuple des K^ïntes au Pérou, & des deus Provinces des chirhuanes ou cheriganes j Ceus de la plupart des pais de la Nouvelle France, de la nouvelle mexique, delà nouvelle Hollande, du Brefil, desnouveausPaïs-bas, de la Terre del Fuego , des Axouaguc? , des Habitansdu fleuve de Cayenne,desilesdes larrons & quelques autres, n'ont à ce que rapportent les Hi. ftoricns , aucune efpecede Religion, & n'adorent nulle puif- fance fouveraine. Ceu& Chap.iî des Iles Antilles. 469 Ceus auffi quiontconverféparmy les Caraïbes înfulaites, font contrains d'avouer, qu'ils ont ptefque étouffé parla vio- lence de leurs brutales paffions , toute laconnonTance que la nature leur donnoit delà Divinité, qu'ils ont rejette' toutes les adrefies & les lumières qui les y conduifoient , «5c qu'en fuitte , par un jufte jugement de Dieu , ils font demeurez dans unenuitfiaflfreufe, qu'on ne voit parmy eus, ni invocation^ ni Cérémonies, ni facrifices, ni enfin exercice ou aflfemblée quelconque de dévotion. Ils n'ont pas même denom pour exprimer la Divinité , bien loin de lafervir. De forte, que quand on leur veut parler de Dieu , il leur faut dire. Celuy qui a crée le Monde, qui a tout fait, qui donne la vie & la nourriture à toutes les créatures vivantes , ou quelque chofe de femblabie. Ainfi font ils aveuglez & abrutis à tel point, qu'ils nereconnoiffentpas le Seigneur de la nature, en cet ad- mirable ouvrage de l'univers, où luy même a voulu fe peindre de mille couleurs immortelles , & faire voir comme à l'œil fon adorable puifiance. Ainfi demeurent-ils fourds à la vois d'une infinité de créatures , qui leur prêchent continuelle- ment un Créateur. Ainfi ufent-ils tous les jours des biens de leur fouverain Maitre , fans penfer qu'il en eft l'Auteur, & fans en rendre grâces à fa bonté, qui les leur communiqués libéralement. Us difent que la Terre eft la bonne Mère-, qui leur donne toutes les chofes necefîaires à la vie. Mais leur efprit tout de terre, ne s'élève pas jufques à ce Père Tout-puiiTant &c Tout-mifericordieus, qui de fes propres mains à formé la- Ter- re, & qui par une continuelle influence de fa Divinité, luy don- ne tous les jours la vertu de porter leur nourriture. Que fi on leur parle de cette Effence Divine, & qu'on les entretien- ne des myfteres de la Foy , ils écoutent fort patienment tout le difeours : Mais après qu'on à achevé , ils répondent comme par moquerie , Compère tu es fort éloquent.,, tu es mouche muni- gat , c'eft à dire fort adroit, je voudrois aufilhien parler que toy. Même ils difent comme les Brefifiens, que s'ils fe lait foient perfuader à de tels difeours, leurs voifins. fe moque- roient d'eus. Quelcun d'entre les Caraïbes travaillant un |our de &K- N~mx\ % mancte M *?© «Hyt^iRE Morale, Chap.i$ ,, manche , Monfieur du Montel rapporte qu'il luy dit , celuy „quiafaitle Ciel & la Terre fera fâché contre toy dece que „tu travailles aujourd'huy : Car iï a ordonné ce jour pour ,, fonfervice. Etmoyluy répondit brufquement le Sauvage, je fuis fâché contre luy: Car tu dis qu'il eft le Maitredu Mon- de, &- des faifons. C'eft donc luy, qui n'a pas envoyé la pluye en fon tems , & qui a fait mourir mon Manioc ôc mes Patates , par la grande f ccherefie. Puis qu'il m'a (i mal traitté, je veus travailler tous les Dimanches pour le fâcoer. Voyez jufqu'où va la brutalité de ces miferables. Cedilcours-!à, fe m Ltry rapporte à celùy de ces infenfez de Toupinambous, qui fur ce d**t- 17- qu'on leur avoit dit que Dieu étoit l'Auteur du tonnerre , ar- gumentoient qu'iin'étoit pas bon, puisqu'il fe plaifoit aies épouvanter de la forte.' Retournonsaus Caraïbes. Céus de cette même Nation , qui habitent au Continent Méridional de l'Amérique , n'ont aucune Religion non plus que ces înfulaires. Quelques uns d'entr'eus refpe&ent bien 4e Soleil & la Lune, qu'ils eftimenteftre animez, Maispôur- tant ils ne les adorent pas, ni ne leur offrent ni facrifient cho- fe qui foit. Il eft vray-femblable, qu'ils ont encore retenu cette vénération pour cesdeus grands luminaires » qu'ils l'ont dijc retenue des Apalachites, avec léquels leurs predecef- feurs ont fejourné autrefois. Nos Infulaires n'ont pas même eonfervéeettetraditive, mais voicy tout ce qu'on peut nom- mer Religion parmy eus, & qui en porte quelque grofïiere Image. Ils ont un fentiment naturel de quelque Divinité , ou de quelque puiflance fuperieure & bienfaifante, qui refide es Cieus , ils difent , qu'elle fe contente de joiïyr en repos des douceurs de fa propre félicité , fans s'ofFenfer des mauvaifes adiOns des hommes, & qu'elle eft douée d'une fi grande bon- té , qu'elle ne tire aucune vengeance de fes ennemis, d'où vient, qu'ils ne luy rendent ni honneur ni adoration , & qu'ils interprètent ces trefors de Clémence qu'elle déployé fi libé- ralement envers eus, & cette longue patience, dont elle les fupporte, ouàuneimpuifiance,ouàune indifférence qu'elle a, pour la conduite des hommes. Ils Chap. 13 des I h e s Antilles* 471 Ils croyait donc deus fortes d'Efprirs, les uns bons, les au- tres mauvais. Ces bons Efprits font leurs Dieus. Et ils les appellent en gémt&{ du fe r vice qu'ils luy rendent. On allure , que les Juifs même fe font portez à faire quelquefois des offrandes à ce Démon, pour élire delivrez.de les tentations & de fes pièges. Et l'un de leurs Auteurs cite ce Proverbe comme ufité parmy eus ; Donnez* un prefent a Samael , au jour de l'expiation. Mais, quelque crainte que les Caraïbes puhTent avoir de Ieur/^%/4, & quelque rude traittementquils en reçoivent,, ils ne l'honorent ni d'offrandes, ni de prières, ni d'adoration,, ni de facrirïces. Tout le remède dont ils ufent contre fes cruelles vexations , c'eft de former le rnieus qu'ils peuvent de petites images de bois > ou de quelque autre matière folide , a l'imitation de la forme où ce cfprit malin leur eft apparu, ils pendent ces images à leur col , & difent , qu'ils en e'prouvent du foulagement : Et que Maboya les tourmente moins, quand ils les portent. Quelquefois aufti , à l'imitation des Caraïbes du Continent,. ils fe fervent pour l'appaifer, de l'entremife des Boyez>.y qui confultent leurs Dieus fur ce fujet, de même qu'en ces rencontres, ceus du Continent ont recours à leurs Sor- ciers, qui font en grande recommandation parmy eus. Car bien que les Caraïbes de ces quartiers-là, foyenttous généralement affez rufez , neantmoins ,, ils ont parmy eus certains Efprits adroits, qui pour fe donner plus d'autorité & de réputation parmy les autres : leur font accroire qu'ils- ©ut des intelligences fecrettes avec les Efprits malins , qu'ils nomment MAboyœs, de mime que nos Caraïbes Infulaires,. dont ils font tourmentez , & qu'ils apprenent d'eus, les cho- ies les pluscachées.. Ces gens, font eftimez parmy ces Feu- pies fans connoilîance de Dieu, comme des Oracles, & ils les confultent en toutes chofes, & s'arrêtent fuperftitieufe- ment à leurs réponfes: Ce qui entretient des inimitiés irré- conciliables parmy eus ,. & qui eft caufe bien fouvent y de plu- fkurs meurtres. Car quand quelcun eft mort, fes parens & fes alliez ont de coutume de confulter le Sorcier pourquoy ik eft mort * Que Ci le Sorcier répond, que celuy-cy ou celuy- là^ en eft la caufe^ ils n'auront jamais de repos, tant qu'ils ayent fait mourir celuy que le Fiais (ainfi nomment-ils le Sorcier en leur langue ) aura marqué. Les Caraïbes des lies , imi- feejaÊ 477 comme Chap.i* dis Iles Antilles. tent aufïi en cela , la coutume de leurs Confrères, nous l'avons déjà reprefenté cy deflus. Mais c'eft une chofe alïurée , & que tons ces Sauvages reconnoiflent tous les jours eu-s-mêmes par expérience , que le Malin n'a pas le pouvoir de les maltraitter , en la Com- pagnie d'aucun des Chrétiens. Aulfi , dans, les lies ou les Chrétiens font mêliez avec eus , ces maîheureus étant perfe- cutez par ce maudit adverfaire, fefauventàtoute bride dans les plus prochaines maifons des Chrétiens, où ils trouvent un azile & une retraitte alïurée , contre les violentes attaques de ce furieus agrefieur. C'eft aufîî une vérité confiante , & dont l'expérience jour- nalière fait foy dans toute l'Ameriqut, que le Saint Sacre* ment du Batême étant conféré à ces Sauvages , le Diable ne les bat & ne les outrage plus tout le refte de leur vie. Il fembleroit après cela , que ces gens dévroient fouhaitter avec paiïion d'embraiTer leChriftianifme, pourfe tirer une bonne fois des griffes de ce Lyon rugifTant. Et de vray , dans les momens qu'ils en fentent les cruelles pointes en leur chair, ils fe fouhaittent Chrétiens, & promettent de le de- venir. Mais aufll-toft que la douleur eft pafTée, ils fe mo- quent de la Religion Chrétienne & de fon Batême. La mê- me brutalité fe trouve parmy le peuple du Brefil. shafribi Oot ■'§ €W& 478 Histoire Morale, Chap.14 CHAPITRE QUATORZIEME. Continuation de ce qùon peut appeller (Religion parmj les Caraïbes ; de quelques unes de leurs Traditions : ï? dujêntiment qu'ils ont de ïimmorta^ litè de l'ame. NOus avons veu dans le Chapitre précèdent, com- ment les Efprits de ténèbres , e'pouvantent durant la nuit par des fpe&res hideus , & des reprefentations effroyables les miferables Caraïbes, & comment pour les en- tretenir dans leur erreur, & dans une crainte fervile de leur prétendu pouvoir, ils les chargent de coups s'ils n'acquief- cent prontément à leurs malignes fuggeftions , & qu'ils char- ment leurs fens par desillufions , & des imaginations étran- ges, feignant d'avoir l'autorité' de leur révéler les chofes fu- tures, de les guérir de leurs maladies, de les venger de leurs ennemis, & de les délivrer de tous les périls où ils fe rencon- trent. Apres cela fe faut il e'tonner, fi ces Barbares qui n'ont point fçeu difeerner ni reconnoitre l'honneur que Dieu leur avoit fait, de fe révéler à eus en tantde belles créatures, qu'il a mifes devant leurs yeus pour les conduire à la lumière de leurs enfeignemens , ont eux livrez en un fens reprouvé, s'ils font encore à prefent deflituez de toute intelligence pour ap- percevoir le vray chemin de vie , & s'ils font demeurez fans efperance & fans Dieu au monde. Nous avons auûi reprefenté, que quelque effort qu'ils ayent fait, pourétoufertouslesfentimensdela Divinejufti- ce, & de fon droit, en leurs confeiences 5 ils n'ont neantmoins pu faire en forte, qu'il ne leur foit relie' quelque e'tincellede cette connoiffance , qui les reveille, & leur donne de tems en tems, de diverfes craintes & appréhendons d'une mainvan- gereffe de leurs crimes , mais au lieu d'élever les yeus au Ciel pour en implorer le. fecours, & fléchir par confiance & par amandement de vie , la Majefte Souveraine du vray Dieu qu'ils Chap.14 des Iles Antilles. 47* qu'ils ont offenfé, ils defcendent jufques au profond des" en- fers , pour en évoquer les Démons par les facrileges fuperfti- tions de leur Magiciens , qui après leur avoir rendu ces fu ne- ttes offices , les engagent par ces infâmes liens, en la déplora- ble fervitude de ces cruels tyrans. Ces fureurs , transportent ces pauvres Barbares jufques- là, que pour avoir quelque faveur de ces ennemis de tout bien' & apprivoiferces tygres, ils leur rendent plufieurs menus fer- vices. Car ils ne leur confacrent pas feulement les prémices de leurs fruits : Mais ils leur dreflent auïïi les plus honorables tables de leurs feftins ; ils les couvrent de Jeurs viandes les plus délicates, & de leurs bruvages les plus delicieus; ils les confultenr en leurs affaires de plus grande importance , & fe gouvernent par leurs funeftes avis5 ils attendent en leurs maladies , la fentence de leur vie ou de leur mort de ces dete- ftables oracles , qu'ils leur rendent par l'entremife de ces mar- xnoufets de Cotton , dans lefquels ils envelopent les os ver- moulus de quelque malheureus cadaure, qu'ils "ont tiré de fon fepulcre ^ Et pour détourner de deflus eus la pefanteur de leurs coups, & divertir leur rage, ils font fumer à leur hon- neur parle miniftere des Soyez des feuilles de Tabac j ils peig- nent auffi quelquefois leurs hydeufes figures, au lieu le plus confiderable de leurs petis vaiflfeaus qu'ils appellent PyrAuguesr ou ils portent pandueà leurs cous , comme le collier de leur defordre, une petite effigie relevée en boffè, qui reprefente quelcnn de ces maudits Efprits, en laplus hydeufe pofturèv qu'il leur eft autrefois apparu , comme nous lavons déjà touché au Chapitre précèdent. On tient auffi , que c'eft dans le même dcfleïn qu'ils ont de fe rendre ces monures favorables , qu'ils macèrent fou vent leurs corps, par une infinité de fanglantes incifions, & de jufnes fuperftitieus, & qu'ils ont en fînguliere vénération les Magiciens, qui font les infâmes miniftres de ces furies. d'enfer, & les exécuteurs de leurs panions enragées. Ces pauvres abufez n'ont neantmoins aucunes loix, qui détermi- nent precifement le tems , de toutes ces damnabies Cérémo- nies , mais le même Efprit malin qui les y pouffe », leur en fait naiftre affe^ fouvent l'envie : ou par le mauvais mûrement fu'il 4&P H lis (t: o #A M o k a l E i Chap. 14 .qu'il leur fait, ou par lacuriofité qu'ils ont, de favoir lévene- ment de quelque entreprise de guerre, ou le fuccésde quel- que maladie , ou enfin pour chercher les moyens de fe vanget de leurs ennemis. Mais, puis queceus qui ont demeuré plufieUrs années au milieu de cette nation, témoignent conflamment, qu'en leurs plus grandes détreffes, ils ne les ont jamais veus adorer ou in- voquer aucundeces Démons, nousfommes perfuadez, que tous ces menus fervices que la crainte leur arrache , plutôt que la révérence ou l'amour, ne peuvent point pafferpour un vray culte, ou pour des a&es de Religion , & que nous donnerons le vray nom a toutes ces fingeries , fi nous les ap- pelions des fuperltirions, des enchantemens , des fortileges, & des honteufes productions d'une Magie autant noire, que le font ces Efprits tenebreus , que leurs Boytz, confuîtent. Et nous tenons aufli , que le manger & le bruvage qu'ils prefen- tent à ces faillies Divinitez, »e peuvent pas eftre propremenc appeliez des Sacrifices , mais plutôt les pades exprez, dont les Diables font convenus avec les Magiciens, pour fe rendre prefens à leur demande. De forte, qu'il ne faut pas trouver étrange , fi dans tous ces foibles fentimens qu'ont la plupart des Caraïbes, de tout ce qui a quelque apparence de Religion, ilsfe moquent entt'eus de toutes les Cérémonies des Chrétiens, & s'ils tiennent pour fufpeds ceus de leur Nation, qui témoignent quelque defir de fe faire batifer. Aufïi le plus feur pour ceus à qui Dieu au- roit ouvert lecœur pour croire au Saint Euangiie, feroit, de fortir de leur terre, & de leur parenté , & de fe retirer a us Iles, qui font feulement habitées de Chrétiens : Car encore, qu'ils ne foyentpas fi fuperititieus que le Peuple du Royau- me de Calccut, qui témoigne de l'horreur à toucher feule- ment une perfonne de Loy contraire à la leur, comme s'ils en etoient fouillez 5 ni fi rigoureus qu'au Royaume de Pegn, où quand un homme embraffeleChriftianifme, la femme en célèbre les funeraillesyromme s'il étoit mort , & luy dreiTe un tombeau , où elle fait fes lamentations, puis elle a la liberté de fe remarier comme veuve: neantmoins celuy d'entre les Caraïbes , qui feferoit rangé au Chriâianifme , s'expoferoit à mil- Chap.i* des Iles Antilles. 481 à mille réproches & injures, s'il perfeveroit de faire fade* meure au milieu d'eus. Lors qu'ils voyent les Afiemblées & le Service des Chré- tiens, ils ont accoutumé de dire , que cela eft beau & di vertif-, fant, mais que ce n'eft pas la mode de leur pais: fans témoig- ner d'ailleurs en leur prefence , ni haine ni averfion contre ces Cérémonies , comme faifoyent les pauvres Sauvages qui vivoyent en l'Ile Hifpaniola , ou de Saint Domingue , & aus lies Voifines , qui ne vouloyent pas fe trouver au fervice des Efpagnols, & encore moins embrafler leur Religion , à caufe, difoientils, qu'ils nepouvoyentfeperfuaderquedes perfbn- nes fi méchantes & fi cruelles, dont ils avoyent tant ex- périmenté la fureur & la ilarbarie, pulTent avoir une bonne créance. Quelques Preftrcs & Religieus, qui ont autrefois efté en cepaïs-là, en ayant batizé quelques-uns un peu à la légère, avant que de les avoir bien inftruirs en ce myftere , ont efté caufe que ce Sacrement n'a pas efté en telle réputation par- my ces Caraïbes , qu'il eut efté fans cela. Et parce que leurs Parreins , leur donnoient de beaus habits, ôc plufieurs menues gentiieites au jour de leur Batéme, & qu'ils les traittoyent fplendidement , huit jours après avoir reçeu ce Sacrement, ils le demandoyent de nouveau, afin d'avoir encore des pre- fens, & dequoy faire bonne chère. Il y a quelques années, que quelqu'unsde ces Meffieurs je chargèrent d'un jeune Caraïbe leur Catecumene natif de la Dominique qui fe nommoit TaCMarabouy , Fils du Capi- taine que nos François nommoyent le Baron, & les Indiens, Orachora Cararniana, à deffeinde luy faire voir Tune des plus grandes & des plus magnifiques Villes du monde, ils luy fi- rent parler la mer, & après luy avoir montré toutes les fomp- tuofitez de cette cité incomparable, qui eft la Capitale du plus Floriflant Royaume de l'univers , il y fut batizé avec grande folemnité, à la veuë de plufieurs Grands Seigneurs, qui hono- rèrent cette adion de leur prefence , il fut nommé Louis. Et après quelque rems de fejour en ces quartiers-là , il futren» voyé en fon pais : étant chargé de beaucoup de prefens à la vérité, mais auiîi peu Chrétien qu'il en ...croit forty, parce ■' ÉPP qu'il m ét$ Histoire Morale, Chap.i-f qu'il n'avoit pas bien compris les Myfteres de la Religion Chrétienne. Et il n'eut pasfitôft mis le pied dans fon lie, que fe moquant de tout ce qu'il avoitveu comme d'une far- ce, & difantque les Chrétiens ne fe repaiflbient que de fo- lies , il retourna en la Compagnie des autres Sauvages, quitta^ fes habits, & fe fit roucouër comme auparavant. Pour preuve de l'inconftance & de la légèreté des In- diens Caraïbes, en la Religion Chrétienne quand ils l'ont une fois embraffée, on raconte encore que du tems que Mon- sieur Auber étoit Gouverneur de l'Ile delaGardeloupe , il étoit fouvent vifité d'un Sauvage de la Dominique , qui avoir demeuré un fortlong temsàSevillecn Efpagne, oùil avoir reçeu le Batéme. Mais étant de retour en fon Ile , bien qu'il fit tant de (ignés de Croix qu'on en vouloir, & qu'il portât un grand Chapelet pendu à fon col , il vivoitneantmoinsàla^ Sauvage , alloit nud parmy les fiens , & n'avoit rien rerenu de ce qu'il avoir veu,& de ce qu'on luyavoit enfeigné à Seville, hormis , qu'ils fe couvrent d'un vieil habit d'Efpagnol pour fe rendre plus recommandable ,. lors qu'il rendoit vifite x Monfieur le Gouverneur. Ils ont une Tradition fort ancienne parmy eus , qui mon^ ire que leurs Ayeuls ont eu quelqueconnoilTance d'une Puif- fance Supérieure, qui prenoitibin de leurs perfonnes,& dont ils avoyent fenty le favorable fecours. Mais c'eft une lumiè- re y que leurs brutaus enfans lailTent éteindre , & qui par leur ignorance ne fait fur eus , nulle réflexion. Ils difent donc, que leurs anceftres étoyent de pauvres Sauvages, vivant comme ne beftes au milieu des bois, fansmaifons, & fans cou- vert pour fe retirer, & fe nourrilTant des herbes & des fruits- que la terre leur produifoit d'elle même , fans eftre aucune- ment cultivée. Comme ils étoyent en ce pitoyable état , un vieillard d'entr'eus extrêmement ennuyé de cette brutale faflbn de vivre , fondoit en larmes tres-ameres, & tout abba^ tu de douleur, déploroit fa miferable condition. Mais fur ce- la, un homme blanc s'apparut à luy defcendantdu Ciel, & s'étant approché, ilconfolace vieillard defolé en luy difantj- Qull étoit venu pour fecourir luy & fes Compatriotes , Ôc mm leur enfeigner le moyen de mener à l'avenir une vie plus douce Chap.H des Iles AntilU s. . 4$* douce & plus raifonnable. Que fi quclcun d'eus eut plutôt formé des plaintes, & poufle vers le Ciel desgemiflemens, ils euffent efté plus prontement foulagez. Que le rivage de* la mer étoit couvert de pierres aiguës & tranchantes ., dont ils pourroyent couper & tailler des arbres pour fe faire des mai* fons. Et que les Palmiers portoyent des feuilles, qui feroient fort propres à couvrir leurs toits, contre les injures de l'air. Que pour leur témoigner le foin particulier qu'il avoit d'eus, & lefingulieramourdontilfavorifoit leur efpece , fur toutes celles des animaus, il leur avoit apporté une racine excellente, qui leur ferviroit à faire du pain, & que nulle belle n'oferoit toucher, quand elle feroit plantée 5 Et qu'il vouloir que des» ormais , ce fut leur nourriture ordinaire. Les Caraïbes ajou- tent, que la deffus ce Charitable Inconnu , rompit en trois ou quatre morceaus un bâton qu'il avoit en main : & que les don- nant au pauvre Vieillard, il luy commanda de les mettre en terre , Taffurant que peu après y foùiffant , il y trouveroit une puiffante^racine, & que le bois qu'elle aùroit poufledehors, auroit la'vertu de produire la même plante. Il luy enfeigna puis après comme on en de voit ufer, difant qu'il falloir râper cette racine avec une pierre rude & picotée , qui fe trouvoit au bord de la mer: exprimer foigneufement le jus de cette rappure, comme un poifon dangereus i & du refte, à l'ayde du feu, en faire un pain qui leur feroit favoureus , & dont ils vi~ vroient avec plaifir. Le vieillard fît ce qui luy avoit été en- joint , & au bout de neuf Lunes , (comme ils difent) ayant là curiofité de Lavoir quel fuccés auroit eu la révélation, il fut vifiter les bâtons qu'il avoit plantez en terre, & il trouva que chacun d'eus avoit produit plufieurs belles & greffes racines, dont il fît entièrement comme il luy avoit efté ordonné. Cens de la Dominiquequi font le conte, difent de plus , que fi le vieillard eut vifité ces bâtons au bout de trois jours , au lieu de neuf Lunes , il auroit trouvé les racines creuës de mê- me groffeur , & qu'elles auroient efté toujours produites en aufli peu de tems. Mais parce qu'il n'y fouilla qu'après un fi long terme , le Manioc demeure encore à prefent tout ce tems-là en terre , avant qu'il foit bon à faire la Caf* faue. Ppp a C'eft m Com- ment. Royal de G<*tct- Uffo l. z. «hap i. 4H Histoire Morale* Chap. 14. C'eft tout ce que porte la Tradition Caraïbe, & l'onpou- voit bien la coucher icy toute entière, veuquec'eft la feule qui fe conte entre ce Peuple ignorant, qui ne fe met point en peinedefavoirlenom, & la qualité de cet aimable & celefte Bienfaiteur, qui les a tant obligez, ni de luy rendre aucune reconnoiflance, & aucun honneur. Les Payensétoient bien plus curieus d'honorer leurCerés, dont ils difoient tenir le froment , & l'invention d'en faire du pain. Et les Péruviens, quoy qu'ils ne connurent pas le grand Pachacamac , c'eft à di- re celuy qu'ils tenoient pour l'ame de l'univers , & le Souve- rain Auteur de leur vie «3c de tous leurs biens, ne laiflfoicnt pas de l'adorer en leur cœur avec beaucoup de refped & de vénération , & de luy rendre extérieurement par leurs geftes & par leurs paroles, de gratis témoignages de foumiflion & d'humilité, comme au Dieu Inconnu, Les Caraïbes , croyent qu'ils ont autant d'ames chacun d'eus , comme ils fentent en leurs corps de battemens d'artè- res, outre celuy du cœur. Or de toutes ces âmes la principa- le , à ce qu'ils difent,eft au cœur, & après la mort elle s'en va au Ciel avec fon Jcheiri, ou fon chemiin , c'eft à dire avec fon Dieu , qui l'y mené pour y vivre en la compagnie des autres Dieus. Et ils s'imaginent, qu'elle vit de la même vie que l'homme vit icy bas. C'eft pourquoy ils tuent encore au- jourd'huydesefclaves fur la tombe des morts y quand ils en, peuvent attraper qui muent au fervice du défunt , pour l'aller fervir en l'autre monde. Car il faut favoir fur ce fu jet , qu'ils ne penfent pas que l'amefoit tellement immatérielle, qu'elle foit invifible : Mais ils difcnt , qu'elle eft fubtile & déliée com- me un corps épuré : Et ils n'ont qu'un même mot, pour fignifierle cœur & l'ame. Quant à leurs autres âmes, qui ne font point dans lecœur, ils croyent que les unes vont après la mort faire leurdemeure fur le bord de la mer, & que ce font elles qui font tourner les vaiffeaus. Us les appellent Oumékou. Les autres à ce qu'ils eftiment, vont demeurer dans les bois, & dans les forets, & ils les nomment des CMaboyas. Bien que la plupart de ce pauvre Peuple croye l'immorta^ |ité de l'ame, comme nous venons de le dire: ils parlent fi con- CHap.T4 des îles Antilles. 4*5 confufément & avec tant d'incertitude , de i'erat de leur ame feparée du corps , qu'on auroit plutôt fait de dire qu'ils l'ig- norent entièrement , que de rapporter leurs reve'ries. Les uns àennent , que les plus vaillans de leur Nation font portez après leur mort en des Iles fortunées, où ils ont routes cho- fes à fouhait, & que les Arouâgues y font leurs Efclaves. Qu'ils n'agent fanslaflitudeen de grans & larges fleuves , Ôc qu'ils vivent delicieufement , & paffentheureufement letems en danfes en jeus & en feftins, en une terre qui produit en abondance toutes fortes de bons fruits fans eftre cultivée. Et au contraire, ils tiennent, queceus qui ont efté lâches & craintifs d'aller à la guerre contre leurs ennemis , vont fervir après leur mort les Arouâgues, qui habitent des païsdeferts & fteriles, qui font au de-là des montagnes. Mais les autres, qui font les plus brutaus, ne fe mettent point en peine de leur état après la mort : ils ny fongent ni n'en parlent jamais. Que fi on les interroge la deffus, ils ne faveur que répondre, & fe moquent des demandes qu'on leur fait. Ils ont neantmoins tous eu autrefois quelque créance de l'immortalité des âmes j mais greffiere & bien ofeure , ce qui fe peut recueillir de cérémonies de leurs enterremens, & des prières qu'ils font aus morts de vouloir retourner en vie^ comme nous le reprefenterons plus amplement au dernier Chapitre de cette Hiftoire t & de ce que les plus polis d'en- tr'eus, vivent encore à prefent en cette perfuafion , qu'après leurs trépas ils iront au Ciel, où ils difent que leurs devanciers font déjà arrivez : mais ils ne s'informent jamais du chemin qu'il faut tenir, pour parvenir à cebien-heureusfejour. Auflî quand leurs Boyez , qui contrefont les Médecins , defefpe- rent de les pouvoir guérir de leurs maladies, & que les Dia- bles leur ont prédit par leur bouche, qu'il ny a plus- de vie à attendre pour eus y ils ajoutent pour les confoler, que leurs1 Dieus les veulent conduire au Ciel avec eus, où ils feront pour toujours à leur aife, fans crainte de maladie.. La créance des Calecutiens fur cet article, vaut encore moins que celle de nos Caraïbes, & c'eftune extravagante r,ffp% inmortalité que leur Metempficofe : car ils croyent que rardxi kur ame au. fortir de leur corps , fe va loger en celuy d'un JjJ^j.. P p p 3 Buffle, f' VoyagSrr I Voyez, Garct- lajfo 1. 1. chap. 7. Jean de #| Histoire Morale, Chap. 14 Buffle , ou de quelque autre Befte. Les Brésiliens font icy plus raifonnables : car ils eftiment que les âmes des méchans, vont après la mort avec le Diable , qui les bat & les tourmen- te: mais que les âmes des bons vont danfer & faire grand chère en de belles plaines, au delà des montagnes. Et c'eft une chofe plaifante & pitoyable toutenfemble , que la plu- m Levy part des Sauvages Américains, mettent dans la danfe leurfou- chap.16. yeraine félicite' de l'autre vie. La refurreëtion des corps, eft parmy les Caraïbes une pure rêverie; leur Théologie eft trop obfcure, pour les éclairer d'une fi belle lumière. On admirera fans doute , dans les pau- vres Virginiens , un petit rayon qui s'y trouve de cette vérité facrée , veu que c'et une matière , où les anciens Payens non plus que nos Caraïbes , n'ont veu goutte. 11 en apparoit aufïl fhap!7? Ç^que étincelle chez les Indiens du Pérou , àeequedifent la plupart des Auteurs, Au refte, bien que les Caraïbes ayentfïpeude connoif- fance & de crainte de Dieu , comme nous l'avons reprefenté, ils ne laiflent pas de redouter merveilleufemcnt fa voix, c'eft à dire le Tonnerre: Cette épouvantable voix qui gronde dans les nuées, qui jette des e'clats de flammes de feu, qui ébranle les fondemens des montagnes, & qui fait trembler les Nerons & les Caligules même. Nos Sauvages donc aufll- tôt qu'ils apperçoivent les approches de la tempefte , qui ac- compagne ordinairement cette voix, gagnent prontement leurs petites maifons, fe rangent en leurcuifine , & fe mettent fur leurs petis fieges auprès du feu , cachant leur vifage & appuyant leur tefte fur leurs mains , & fur leurs genous, & en cette pofture, ils fe prenent à pleurer, & difent en leur Baragoin , en fe lamentant, CMaboy amouche fâche contre Ca~ raibe , c'eft à dire que OWaboya eft fort en colcre contre eus, Se c'eft ce qu'ils difent an fti lors qu'ils arrive un Ouragan. Ils ne quittent point ce trifte exercice, que tout i'Oragan ne foit pafte : Et ils ne fe fauroient aflez étonner , que les Chrétiens ne témoignent point comme eus d'arliiâion ni de peur, en ces rencontres. Ainfi les grands Tartares , craignent tous mer* veilleufement le Tonnerre, & lors qu'ils l'entendent ils chaP ri-w/ft ^ent fleurs maifons tous les étrangers , & s'envclopent dans -~ b des Ruhï- que en fon Voy Age de Chap. 14 des Iles Antilles. 4g7 des feutres , ou dans des draps noirs , où ils demeurent cachez tant que le bruit foit pafle. Et divers autres peuples Barba- res , ne font pas moins épouvantez que les Antillois , en de pareilles occafîons. On dit même que les Péruviens , les Cu- manois, les Chinois, & les Moluquois les imitent dans ces lamentations, & dans ces frayeurs, lorsqu'il arrive une Eclipfe. Il eft bien vray, que dépuis que les Caraïbes ont eu la com- munication familière des Chrétiens , il s'en trouve quelques- uns, qui témoignent en apparence aiïez de confiance & de refolution pour ne point craindre le Tonnerre. Car on en a veu , qui ne faifoient que rire lors qu'il éclattoit le plus forte- ment , & qui en contrefaifoient le bruit, difant par manière de chant, & de raillerie, un mot q\ie l'on à peine à écrire, & dont le fon revient à peu prés à ces lettres Trtrquetenni. Mais il eft aufîï tres-conftant , qu'ils font une grande violence à leur inclination naturelle, quand ils feignent de n'avoir point peur du Tonnerre, & que ce n'eft qu'une pure vanité', qui les pouf- fe à contrefaire cette affurance , pour perfuaderà ceus qui les voyent, qu'en ces occurrences , ils n'ont pas moins de gene- rofité que le Chrétiens. Car quelques-uns des nos Habitans delà Martinique, qui les ont furpris dans leur Quartier lors, qu'il tonnoit & qu'il éclairoit , difent , qu'ils ont trouvé, mê- me les plus refolus d'entr'eus, qui trembloient de frayeur dans leurs pauvres Cabanes. Or ce trouble & ces épouvantemens qu'ils fontparoitre ë l'ouïe de cette voix celefte , ne font ils pas un effet tout vifi- ble , du fentiment d'une infinie & fouveraine puifîance , im- primé par la nature dans l'efprit de tous les hommes, & une preuve bien illuftre, que bienqueces mifcrabless'éforcentde tout leur pouvoir, à émouffer les aiguillons de leur confeien- ce, ils nefauroientneantmoinslesbrifer tellement, qu'ils ne les piquent & les tourmentent malgré qu'ils en ayent. Et ce- la ne peut il pas bien vérifier le beau mot de Ciceron, que nous avons mis à lateftedu Chapitre précèdent? Veu que il tous les hommes ne reconnoiflent pas de bouche cette Di^W nité, au moins ils en font convaincus en eus mêmes, par une' ftaette mais invincible main, qui d'un ongle de diamant- écrite 4|s Histoire Morale, Chap.15 écrit cette première de toutes les ventez dans leurs cœurs. De forte, que pour conclure, nous dirons avec ce grand 'Au Li- homme , dont les paroles finiront excellenment ce difcours, wefe- comme elles Vont commencé, Qujil eft né, & comme gravé tond de la natu re des Dteu$. dans l'efpnt de tout les hommes, qu'il y a une Divinité. / CHAPITRE QU INZIEME, "Des Habitations , il s'en trouve neantmoins des marques dans îmït ^antiquité, comme on le peut voir dans Theophrafte.. w* «id.. CHlAw m 496 Histoire Morale Chap. 16 De Lery chap. 9. Paul le leune en la Rela- tion de la Nouvel, Iranc. Voyez, Rubri- ques & Cdrptn. Busbe- quitte* y des Ha- yes,(3 Berge- ron. Vincent le Blanc, &Ôar~ stlafo. CHAPITRE SEIZIE ME. Des (Repas ordinaires des Caraïbes. LA plupart des peuples Sauvages & Barbares> font gou- lus & (aies en leurs repas. Les Brefiliens mangent & boivent & par excès , & fort falement , a toutes heu- res, & fe lèvent même la nuit pour cet exercice. Les Cana- diens font gourmans jufqù'à crever, & ne fe peuvent même réfoudre à laitier perdre l'écume du pot. Jamais on ne les voit laver, ni leurs mains , ni leurs viandes, ils ne fayent non plus ce que c'eft que de s'efluyer en mangeant, & \\s n'ont point d'autres fervietes que leurs cheveus & le poil de leurs chiens , ou la première chofe qu'ils rencontrent. Les grands Tartaresen font de même. Us ne lavent jamais leurs écuel- lcs , ni leurs marmites qu'avec le potage même , & commet- tent d'autres vilenies, qui feroient trop horribles à reciter. Les petis fartâtes ne leur Cèdent guère enfaleté , ôtengour- mandife, humant leur bouillon avec le creus de la main, qui leur fert de cuiilier pour en prendre : Et mangeant la chair des chevaus morts , fans fe donner la peine de la faire cuire autrement, qu'en la laiilant une heure ou deus, entre lafelle & ledos de leurs chevaus. Ainfî , pour fortir de ces vilains exemples , les Guinois , ceus du Cap de bonne Efperance, ôc certains autres Sauvages» dévorent la chair crue & puante, avec poil & plumes, tripes & boyaus, comme pourroient faire des chiens. Mais il faut donner aus Caraïbes la louange d'être fobres -, & propres en leurs repas ordinaires , auffi bien que ceus du Continent, encore que quelques unsd'entr'eus ne méritent pas cet éloge , comme il n'y a point de règle fi générale qui n'ait fon exception. Monfieur du Montel , dig- ne & fidèle témoin, rend ce témoignage de fobrieté & de propreté d ceus qu'ils a veus à Saint Vincent , & ailleurs; Mais ils ne font pas tous fi retenus ni fi propres. Et ceus qui les ont veus, entr'autres , à la Dominique, ne leur don- nent pas cette qualité. Cha.p.ié des Iles Antilles. 497 Ce peuple, mange fouvent enfemble en lamaifon publi- que, comme nous le verrons plus particulièrement cy après, ou pour fe divertir & faire la débauche , ou même pour s en- tretenir de la guerre & des affaires du commun , comme au- trefois les Lacedemoniens. Les femmes , comme en quel- ques autres païs des Barbares, ne mangent point que leurs matis n'ayenr pris leur repas , & ils n'ont point d'heure re- gléepour cet exercice. Leur eftomac eft leur Horloge, lis endurent fi patiemment la faim , que s'ils retournent de la pe~ fche, ils auront la patience de faire rôftir le poiflfon à petit feu, fur un gril de bois de la hauteur de deus pieds ou environ, fous lequel ils allument un feu fi petit, qu'il faut quelquefois une journée, pour cuire le poiffbn comme ilsledefirent. Il y a de nos François qui en ayant mangé de leur façon , l'ont trouve' de fort bon goût, & cuit en perfection. Ilsobfervent généralement en toutes les viandes qu'ils préparent, de les faire ainfi cuire fort lentement & à petit feu. Ils mangent d'ordinaire affis fur de petis fieges ; & chacun d'eus a fa petite table à part , qu'ils nomment CMatoutoni ^* kd'es comme Tacite témoigne qu'il fepratiquoit chez les anciens M«wt Allemans, & comme l'on dit qu'il fefait encore aujourd'huy d*sA»- dans le Japon. Parfois au (fi ils mangent à terre, accroupis "Zfm, fur leurs genous , & en rond les uns auprès des autres. Pour &»/&* nappes, ils n'ont point de linge comme nous , ni de peaus '%•**• comme les Canadiens : ni de nattes ou de taffetas comme les Maldivols, ni de tapis comme les Turcs, & quelques autres peuples, mais de belles & amples feuilles de Bananier tou- tes fraiches, qui font très-propres à fervir de napesj étant de la grandeur que nous les avons reprefentées. Ce font auiïï leurs ferviettes , & ils en mettent fur eus pour s'y efifuyer. Ils fe lavenr toujours foigneufement les mains avant le' re- pas. Et même dans leur cuifine, ils ne touchent jamais rien de ce que l'on peut manger , qu'ils n'ayent les mains nettes. En- fin, dans tous leurs repas ordinaires , il paroit avec la fobrieté, une propreté, que l'on auroit peine à s'imaginer parmy des Sauvages. Nous avons déjà dit cy-deffus , que leur pain ordi- naire eft une certaine galette alTez délicate, qu'ils appel- er r lent ■di Voyage Brèves. 498 Histoire Morale, Chap.16 lent Caffave, compofée de la racine du Manioc. Elle fe fait en cette forte , que nous fommes obligez de d'écrire icy, pour la perfection de nôtre Hiftoire, bien que d'autres Tayent re- prefentée avant nous. La racine, bien qu'elle foit quelquefois de la groffeur de la cuiffe, s'arrache aifément hors de terre. On la racle d'abord avec un couteau , pour emporter une petite peau dure qui la couvre . & puis on la râpe ou grage (félon la frafe du pais) avec une râpe ou grage platte , de fer ou de cuivre, de bonne grandeur : & on preffe la farine qui s'en forme dans un fac de toile , ou dans de longues chauffes, ou poches, que l'on appelle aus lies C0^#i7W,induftrieufe- nvent tilTuès de jonc, x)u de feuilles de Latanier, par la main des Caraïbes , pour en exprimer le Suc. Les Sauvages, avant qu'on leur eut porté de ces râpes , fe fervoient au lieu de cela, de certaines pierres dures & picotées , qui fe trouvent fur leurs rivages. Elles font femblables à nos pierres pon- ces. Quand l'humidité du Manioc cft bien tirée, on palTe la farine par un tamis, & fans la d'etremper avec aucu- ne liqueur, on la jette fur une platine , qui n'eft quel- quefois que de terre , fous laquelle il y a du feu. Lors qu'elle eft cuite d'un codé, on la tourne de l'autre. Et quand elle eft achevée de cuire, on l'expofe au Soleil, pour la faire durcir davantage, & afin qu'elle feputfie mieux conferver, On ne la fait pas pour l'ordinaire plus épaifie, que d'un petit doit, & quelquefois moins, félon la fanraifie des Habitans. Ellefe garde plufieurs mois. Mais pour la trouver meilleure, il la faut manger fraiche d'un jour ou deus. Il y en a qui ne la quitteroient pas pour nôtre pain ordinaire. Et c'eft une merveille, que d'une racine fi dangereufe de fa nature, l'on fâche .litçr par artifice, une nourriture fi excellente. Ainfi les .Mores , mettant fécher au Soleil de certains Abricots mor- tels qui croifïent dans leur terre, & les faifant puis après bouillir au feu, avec d'autres ingrediens , en font un bruvage3 dont on ufe fans aucun danger, & avec plaifir. Surtout , la Cau* ave que font les Sauvages Antillois eft ex- trêmement délicate. Car ils ont tant de patience à faire ce qu'ils entreprenent , qu'ils y reufliflent mreus que les Fran- çois , qui fe précipitent ordinairement en leurs ouvrages , & qui Chap.ié des Iles Antilles. 499 qui n'ont pas fi tôt commence qu'ils voudroient avoir ache- vé'. Mais nos Caraïbes travaillent à loifir , &ne confiderent pasietems qu'ils mettent en leur occupations, pourveu que l'ouvrage foit bien fait. Que fi quelques Européens, qui ont ufé delà Caflave , fe plaignent que cette nourriture n'eft pas faine , qu'elle gâte i'enomac, qu'elle corrompt le fang , qu'elle change la coup- leur, qu'elle débilite les nerfs, & qu'elle defféche le corps : il fautconfiderer, que comme l'acoutumance eft une féconde nature, fi bien queplufieurschofes, quoy quemauvaifes en elles mêmes, lors qu'on lésa acoutumê'es , ne nuifentpointà la famé, auffi à l'oppofite, celles qui de leur nature font bon- nes & innocentes, voire les meilleures} fi on ne les a point acoutumées, font par fois préjudiciables &nuifibles. Et pour ^ montrer cette vérité , c'eil que par cette faute d'acoutuman- cè, en la même forte que quelques uns de nos gens fe plaig- nent de la Caflave, les Hiftoriens nous rapportent que les Brefiliens étant enfermez avec les HollandoisauFort Sainte Marguerite, trouvoient étrange le pain & les viandes qu'on leur diftribuoit comme aus foldats, & dont il leur falloit vi- vre} & feplaignoient qu'elles les rendroient malades, &les faifoient mourir. Et à ce propos, eft encore extrêmement remarquable , ce que nous iifons dans le Voyage de Monteur des Hayes au Levant. C'eft que ce perfonnagé ayant à fa ta- ble quelques petis Tartares, qui ne favoient ce que c'étoit que de pain , il leur en fit manger , dont ils penferent mourir deus heures après, que ce pain qu'ils avoient mangé coin- mençaà s'enfler, & à leurcaufer de grandes douleurs. On fait au (fi , parmyles Antillois, une autre forte de pain avec du blé d'Efpagne, qu'on nomme CMays. Les Anglois qui habitent la Vermoude n'en ufent point d'autre! Quel- ques uns mangent aulfi au lieu de pain , la racine appellée Patate, dont nous avons fait mention cy devant. Pour ce qui eft des autres vivres dont ufent les Caraïbes, leurs mets les plus communs, & dont fe fervent aufli les Caraïbes du Continent, font les Lézards, le Poi (Ton de tou- tes fortes, excepté la Tortue- & les Légumes, comme les Chous, les Pois, & les Fèves, jvïais leur plus .ordinaire man- Rrr 2 gct Moreate en la Re- lation de la guerre fane au Brefil en* tre les Hotan- dois (S leTPor- tugaiê. Foydge de Fran- çois catt» chet. mm 50Q Histoire Morale, Chap.16 ger (bien au contraire des Madagafcarois qui ont cette nour- riture en horreur) eft de Crabes bien n'étoye'es de leurs Co- ques, & fricaflees avec leur propre graiflfe , & avec du jus de Citron & du Pyman , qu'ils aiment éperdument , & dont ils remplhTent toutes leurs fauces. Neantmoins , quand ils re- çoivent des François , ou d'autres Européens, ils n'en font pas fi prodigues , & ils s'accommodent en celaà leur goût, par une complaifance & unedifcretion qui n'eft pas trop Sau- vage, Us appellent le dedans-de la Crabe Taumaly : Et c'eft de cela qu'ils font leur ragoût le plus ordinaire avec de l'eau, de la mouchache,ou fine farine de Manioc, & force Pyman. Pour le detïert ils ufent de fruits comme nous. Et d'ordinaire ils fe contentent de Figues, de Bananes, ou d'Ananas. Que s'ils mangent de la chair, & des chofes faiées , c'eft feulement par complaifance envers les Etrangers > pour n'être point impor- tuns à ceus qui les reçoivent , & pour gratifier ceus qui les * vont voir. Car alors, ils appreftent la plupart des viandes fé- lon leur goût. Et c'eft à cela qu'il faut ajufter ce que nous avons dit , qu'ils ne mangent jamais de Sel % de Pourceau , ni de Tortue, ni de Lamantin. 11 eft vray , qu'il fe trouue parmy ce Peuple certains hom- mes extrêmement parefleus & mélancoliques qui mènent unemiferablevie; Carilsnefe nourriflent que de Burgaus, de Coquillages, de Crabes , de Soldats, & de femblables in- fecles. Ils ne mangent auffi jamais de potage , ni de chair , & ce n'eft de quelques Oifeaus qu'ils boucanent, c'eft à dire qu'ils font cuire fur labraife, avec leur plume, & fans les éventrer , & pour tout ragoût , ils ne fe fervent que d'eau de Manioc , qui perd fa qualité venimeufe étant bouillie , de fine farine de Manioc & de force Piman. Ils aflaifonnent quelquefois leurs viandes , d'undéteftable aftaifonnement , c'eft à dire de graille d' Arouâgues , leurs en- nemis irréconciliables. Mais, cela n'a pas de lieu dans leurs repas ordinaires : C'eft feulement en des jours folemnels de débauches, & de réjouïfîance. Quant à leur boiflbn . tout ainfî qu*en plufieurs endroits de l'Amérique, les mêmes grains de May s qui fervent à faire du pain , font employez à la compofition d'un bruvage qui tient liet* Chap.16 des Iles Antilles. 501 lieu de vin: & que panny nous , des mêmes grains de bléqu* compofent nôtre pain , nous faifons auffi de la bière ; de mê- me, en ces lies, avee les racines des Patates & du Manioc , qui fervent de pain, oncompofe deusbruvages , qui font ordi- naires dans le pais. Le premier & le plus commun, qui fe fait de Patates bouillies avec de l'eau , s'appelle LMaby. llraffrai- chit & defaitcre merveilleufement , & il a au (fi une vertu ape- ritive qui fait évacuer tout le fable & toutes les vifcofitez des parties bafîes. D'où vient que l'on ne voit aucun de ceus qui s'en fervent, fe plaindre delà gravelle. L'autre bruvage que l'on nomme Ouicoa, (d'un nom approchant du Caonïn des Brefiliens) fe fait avec la Caflfave même, bouillie pareillement dans de l'eau. On le coule au travers d'un tamis , que les Sau- vages nomment Hibnhet. Ce bruvage eft plus excellent que le Maby & n'eu: guère différent de la bière, en couleur , & en force. Les Indiens le rendent fort agréable, mais d'ailleurs d'une telle vertu, que fi l'on en prend beaucoup, il enyvre comme du vin. Ils le font de CaiTave bien riflblée fur la pla- tine, puis mafehée par des femmes, & verfée dans des, vaif- feaus pleins d'eau: où après avoir infufe&bouilly environ deus Jours par fa propre vertu, fans feu, comme fait le vin nouveau , on coule en fuite l'infufion par un tamis. Et le fuc que l'on en tire étant confervé deus autres jours, fe trouve dans fa perfection pour être bu. Au refte, pour faire bouillir cette composition, on met dans le vaifleau deus ou trois raci- nés de Patates , râpées bien menu. Et il eft vray que cette coutume que les Sauvages obfervent , de mafeher la Catfave avant que de la jetter dans le vaifleau, eft dégoûtante au po& fible: Maisauffieft-il confiant, queie bruvage qui eft com- poféde cette fo'rte, eft incomparablement meilleur que celuy; qui eft fait autrement, Cnfaitauifi le Ouicm d'une autre faflbn, fans racines de Patates. Ceft qu'après que la Caflave eft tirée de deiTus \m> platine, on la met quelque part dans la café, & on la couvre de feuilles de Manioc , & de quelques pierres-pefantes , pont la faire échaufer. Ce qui fe fait durant trois ou quatre jours. Après quoy on la met en plufieurs morceaus , que Ton étend' âisdes feuilles de Bananier, & puis on les airofe d'eau leg©^ &*£ â renient» — î'di Histoire Morale, Chap. 16 reaient , & on les biffe à découvert. Quand la Caffavc à de- meuré une nuit ainfi , elle devient toute rouge : Et c'eft alors qu'elle eft bonne à faire le Ouïcott, & qu'elle fait bouil- lir fon eau fans racines de Patates. On la nomme Caffave pourrie, x Outre ces deusboiffons, qui font les plus ordinaires dans les Antilies , on y fait encore en divers endroits , plufieurs vins delicieus. Les Nègres, qui font efclaves en ces Iles, font des incitions aus Palmiftes épineus, d'où il diftille une certaine liqueur femblable à du vin blanc , laquelle ils re- cueillent dans piufieurs petites Callebaffes qu'ils attachent aus ouvertures de ces arbres, qui en rendent chacun par jourdeus pintes, & quelquefois davantage. Les plus anciens Auteurs nous apprennent, queparmyles Orientausle vin de Palmes étoit fort en ufage, comme il y eft encore aujourd'huy : L'on s'en fertaufli en quelques endroits de l'Afrique, comme en <-Monomotap Apres tout, que Ton compare le vivre de nos Caraïbes avec celuy des Canadiens . qui outre l'écume, dont nous avons dit qu'ifs UntL mangent , boivent d'ordinaire de vilaine & falegraiiTe, & pre- ««jç** ferenr lâchait del'Oursà toute autre viande: Avec celuy des gesJ™n habitans.de l'Ile de fort-aventure, l'une des Canaries, qui £tf> mangent du fuif en abondance : Avec celuy des Tartares divers dcsPerfes.des Chinois, des Huancas, Nation du Pérou , & A"emêm des Nègres d'Angoie, qui vivent communément de chah: de Cheval, de Chameau, de Mulet, de Loup, de Renard, d'Afne, de Chien, & du fan g de ces Animausenbruvage : Avec ce' lnydeslndiensde l'Orient, qui trouvent la chairdeChauve- fouris auflî delicieufe que celle de la Perdrix : Avec celuy des Brefiliensquife nourrirent de Crapaus, de Rats, & devers: Ou enfin, avec celuy des Tapuyes, & de quelques autres Barbares, qui mangent des cheveusd'e'coupez fort menu, & méfiez avec du rniei Sauvage, & qui faupoudrent leurs vian- des de la cendre des corps brûlez de leurs parens, & la paîtrif- fent avec de la farine $ Ce qui caufe de l'horreur feulement à le reprefenter: Que l'on faite, dis- je, une comparaifon de tous ces infâmes ragoûts avec ceus de la Nation Caraïbe; Et l'on trouvera, que dans fon manger ordinaire, elle n'a rien de barbare. 11 ne faut pourtant pas difïïmuler, que quelques uns de nos François raportem, qu'Us ont veu parfois les Caraïbes manger des pous&dcs chiques qu'ils avoientpris* comme on ie dit des Mexicains & des Cumanois: Mais ils n'en font pas un ordinaire, & cela eft particulier à quelques- uns d'eus, joint qu'ils ne le font pas pour aucun goût qu'ils trouvent en ces vermines: mais feulement pour fe venger & rendre la pareille, à ce qui leur à fait du mal. Aurefte, l'horreur que les Caraïbes avoient autrefois de manger du Pourceau, de la Tortue, & du Lamantin, pour les plaifantesraifonsquenous avons alléguées cy defius, alloie jufquatelpoint, quefiqueicun des nôtres leur en avoit fait manger , par furprife , & qu'ils vinllent puis après à le favoir» ils s'en vengeoient apurement toft ou tard. Témoin ce qui ari- va à une perfonne de marque d'entre nos François. Ceper- fona.gs . mm 5 04 Histoire Morale, Chap.16 fonage recevant vifite du Cacique, ou Capitaine des Sauva- ges de l'Ile où il étoit, le traitta par raillerie de Lamantin de- guifé en faflbn d'achis, le Cacique , dans la défiance où il étoit de ce qui luy arriva, pria le Gentil-homme de ne le point tromper» Et fur l'alTurance qui luy en fut donnée, il ne fit point de difficulté' de manger. Le difner étant achevé nôtre Gentil-homme découvrit la fourbe au Cacique & à fa com- pagnie, pour avoir le plaifir de leurs difcours&de leurs gri- maces. Mais ils eurent aflez de pouvoir fur eus-même, pour diffimuler leur dépit. Et le Cacique fe contenta de dire en riant , He bien Compère nous nen mourrons pas. Quelque tems après , le Gentil-homme luy fut rendre la vifite. Il le reeeut avec toute forte de civilité, & luy fit grand chère. Mais il avoit donné ordre àfes gens, de mettre dans toutes les fauf- fesde la graifle d'Arouâgue , dont les principaus Indiens ont toujours provifion chez eus. éApre's que cet infâme repas fut finy, le Cacique plein de joye, demanda au Gentil- homme 6 à fa troupe, s'ils fe trouvoient bien de fon traittement. Eus s'en louant fort, &luy en faifant des remercimens, il leur apprit fa malice, dont la plupart eurent tant de créve- cceur , & tant de bondifîemens & de dévoyemens d'eftomac, qu'ils en furent grandement malades. Mais l'Indien fe mo- quant d'eus difoit, qu'il avoit fa revanche Ceus qui ont fréquenté dépuis peu les Caraïbes de la Do- minique & de la Martinique, difentqu'àprefent, ils ne font pour la plupart aucune difficulté de manger du Lamantin , de la Tortue , du Pourceau , & même de toutes les autres vian- des qui font en ufageparmy nous , & qu'ils fe rient de cette (implicite , qui les obligeoit de s'en abftenir , crainte de parti- ciper à la nature & aus qualitez de ces Animaus. Ils ont aufïl beaucoup relâché de cette grande feverité, dont ils ufoient à l'endroit de leurs femmes. Car elles ne vont plus que rarement quérir la pefche de leur mary. Et quand ils ont été à la pefche , le mary & la femme mangent enfemble. Elles vont aufli plusfouvent au Carbet , pour participer au feftin& à la rejouïlTance publique, qu'elles ne faifoient avant que leurs marys enflent eus la communication familière des étrangers. CHA- Chap. 17 dbs-Iies Antilles. 505 CHAPITRE DIXSETTIEME. Des Occupations & des ViyertiJJemens des Caraïbes . ALexandre le grand cftimoir que le travail eftoit une chofe vrayment royale. Et l'on voit encore ajour- d'huy dans le Serrail d'Andrinopie des outils, dont Amuratrefervoit pour faire des flèches , qu'il cnvoyoit à des prmcipaus de fa Porte. Les Péruviens méritent auffi fur ce fujet-là, beaucoup de louange. Car les R oys du Pérou avoient fait dcsLoys & étably des juges particuliers contre les Fai~ neans& les Vagabonds. Jufques-là,qu'ilfalloitquclesenfans decinqanss'employafient à quelque travail qui fuit confor- me à leur âge: fit ils n'efpargnoient pas même les aveugles, lesboiteus, & les muets. Les occupant à diverfeschofes, où* Ion pouvoit travailler de la main. Mais il s'en: trouvé des Peuples fi lâches, que de tenir l'Oifiveté pour une chofe fort belle & fort honorable. Et les Hiftoriens des Indes Occi- dentales nous parlent de certains flupides & brutans Indiens de la Nouvelle Efpagne & du Brefil, qui ronflent tout le ion a- du jour en leurs cabanes, pendant que leurs femmes leur vont chercher des racines pour manger. Nos Caraïbes, ne relTemblent pas à ces Faineans. Car on les voit travaillera prendre plaifiràdiverfes fortes d'exerci- ces. Les principaus & ceus qui leur font les plus ordinaires, font la chalTe & la pefche , où ils employent une bonne partie de leur tems , mais particulièrement à 'la pelche. On ne les voir gueres fortir de leurs maifons fans arc & fans flèches. Et ils font admirablement adroits à s'en fervir, s'habituântà cet exercice, comme les Turcs, des leur plus tendre jeunefie. Ce qui fait qu'avec le tems, ils fe rendent fi habiles & fi a(Tu- rez a tirer de l'Arc, que de cent pas ils metrroient dansun quart d'e'cu , fans jamais y manquer. Etmêmeens'enfuyant ils favent tirer adroitement fur leurs ennemis , comme fai- ibient autrefois les Parthes. Il y avoit encore plus de fu jet d'admirer ces gauchers Benjamitesqui frondoient à un che- veu, & n3y falloient point. SU Loi, Plut, tn la "v$t de es Iles Antilles. 511 neufes qu'il n'y manque rien, qui puifie contribuer à la ré- jouïlfance. Nos Caraïbes employent tout ce jour, & la meil- leure partie de la nuit à faire bonne chère, àdanfer, à s'en- tretenir, & à rire. Et dans cette débauche, ilsboivenr beau- coup plus qu'à 1 ordinaire : c'eft à dire en un mot, qu'ils s'en- y vrent : Les femmes même le font par galanterie. Lors qu'ils peuvent trouver du vin &de l'eau de vie, pour meflerdans cette fefte, ils ne s'y épargnent pas non plus, & s'en donnent au cœur joye. Si bien que ce que nous avons dit de leur fo- brieté ordinaire , n'a point de lieu dans ces rencontres , non plus que lorsqu'ils fe préparent à aller à la guerre, ou qu'ils en retournent. Quoy qu'au fonds ils n'aillent pas jufqu'à Tex- te des Brefiliens, qui dans leur réjouïftance, boivent deus ou trois jours entiers fansceffer, & dans leuryvrefFe, fe pion* gent en toutes fortes de vices. Leur yvrognerie & leurs débauches font fréquentes. Car ils en font. 1. Pour tenir leurs confeils de guerre. 2. Lors qu'ils retournentde leurs expéditions, foit qu'ils y ayent reufE ou non. 3 . Pour la naiflfance de leurs premiers enfans mafles. 4. Quand on coupe les cheveusàleurs enfans. 5. Quand ils font en âge d'aller à la guerre: 6. Pourabatre un jardin fé- lon leur ftile , c'eft à dire, pour couper des bois , découvrir «5c défricher la terre, & la préparer pour un jardin : 7. Quand ils traînent à la mer un VailTeau neuf. 8. Et quand ils ont été guéris de quelque maladie. Ils nomment ces Afiemblées Ou'icoti, & dépuis qu'ils ont converfé avec les François, Vin. Mais à l'oppofite auffi , tant leur humeur eft en cela bizarre & contraire à foy même, ils font de grands & de ridicules* jeufneurs. Et 1 . ils jeufhent lors qu'ils entrent en adolefeence. 2. Quand on les fait Capitaines. 3., A la mort de leurs Perest ou de leurs Mères. 4. A la mort du Mary , ou de la Femme. 5. Lors qu'ils ont tud un Arouâgue: jeufhe qui leur tourne à grand honneur. €HÀ» 512 Histoire Morale, Chap. i s CHAPITRE DIXHUITIEME. Du Traittement que les Caraïbes font à cens qui les "Vont yijtter. C'Eft icy ou nos Caraïbes trionfent en matière de civi- lité' pour des Sauvages. Car ils reçoivent avec toute forte de Courtoifie & de témoignages d'afFedion, les Etrangers qui abordent en leurs Iles, pour leur y rendre vifite. Ils ont des Sentinelles furie bord de la mer, dans la plu- part des lies qu'ils pofledent tous feuls. Ces Sentinelles font placées fur les montagnes , ou furies eminences qui décou- vrent loin en mer, & elles font pofées en telle forte, qu'elles ont la veuë fur les lieus où il y a un bon mouillage pour les Navires, & une facile defeente pour les hommes, Si toit que ces gens apperçoivent un Navire, ou uneChalouppe venir à eus, ils en donnent avis à ceus des leurs qui leur font les plus proches. Et en moins de rien , vous voyez parêtre plufieurs petisCanosouvaiiTeaus, dans chacundefquelsiln'yaauplus que trois hommes , qui font députez pour venir reconnoitre qui vous êtes, & qui vous crient de loin , que vous ayez à ie déclarer. ^Carils ne fc fient pas au pavillon, parce que fouvent ils y ont été trompez : & ils reconnoilTent à la voix fi l'on eft François, Efpagnol , Anglois , ou Hollandois. Sur tout on dit qu'ils reconnoiffent les Anglois. Onafiureque les Bre- filiens & les Péruviens ont l'odorat fi fubtil, qu'au flair ils difeernent un François, d'avec un Efpagnol. Quand les Caraïbes ne font pas bien afiiirez qui l'on elt, & qu'on defeend à eus les armes à la main, & enpofturede leur malfaire, ils fc mettent en défenfe , fe faififlent des avenues les plus étroites de leurs terres, mettent des embufeades dans les bois, & fans qu'ils foient apperceus , fuivent de l'œil leurs ennemis, fe reculant par les voyes égarées , jufqu'à ce qu'ils ayent trouve leur avantage , & qu'ils ayentuny toutes leurs forces. Et alors , ils décochent une grefle de flèches fur ces en ne- Chap.i8 des îles Antilles. 513 ennemis. Puis ijs les environnent , viennent aus mains , ôc les aflbmment avec leurs mafiuës. Ils font en quelques unes des Iles un gros , qui eft par fois de quinze cens hommes, 6c davantage, à ce qu'il paroift 5 car on ne peut pas favoir afluré- ment leur nombre, veuqu'eus-mêmes ne fâchant pas conter, n'en ont pas la connoiflance. Que s'ils fe fentent preflTez de leurs ennemis, ils fe cachent facilement , & feglifiéntparmy les buhTons heriflez d'épines extrêmement piquantes , fe cou- lant adroitement pas deflbus : Ou bien ils grimpent des ro- chers inaccefïibles à tous autres 5 Ou s'ils font voifins de la nier, ils fe jettent dedans, & plongent: puis vont fortir à cent, voireàdeus cens pas loin du lieu où vous aviez la veuëv Et enfuitte, ils fe rallient enfemble aus rendez- vous qui leur font connus, & viennent de nouveau à la charge, lorsqu'on y penfe le moins , & que l'on croit les avoir mis en dé- route. Mais quand ils reconnoiffent que ceus qui abordent font de leur amis, qui les viennent vifiter, comme fi ce font des Françoisoudes Hollandois, après leur avoir crié qu'ils fonr les très-bien venus , ils vont en partie à la nage au devaut d'eus , entrent dans leur vaifleau, & lors qu'il approche de terre, s'offrent à les porter à bord fur leurs épaules , pour té- moigner leur affedion dés l'entrée. Cependant, le Capitaine luy même , ou fon Lieutenant , vous attend fur le rivage. Et lorsque vous mettez pied à terre, ils vous reçoit au nom de toute l'Ile , & vous fait compliment fur vôtre arrivée. Vous étesauffi-toft conduits en bonne compagnie au Carbet, qui eft lamaifonde Ville, où les habitans de l'Ile, chacun félon l'âge & félon le fexe de leurs nouveaus hoftes , viennent faire la bien-venue. Le vieillard complimente & carefle le vieil- lard: le jeune homme & la jeune fille, font le même envers leurs femblables; «Se dans le vifage de toute la troupe , on peut lire clairement, la fatisfadion qu'ils ont de vous voir. Mais le premier difeours qu'ils vous tiennent, en vous abordant , eft de vous demander vôtre nom , & puis , ils vous difent le leur. Et pour témoignage de grande affedion, & d'a- mitié inviolable , ils fe nomment eus-mêmes du nom de leurs hoftes. Mais ils veulent poucla perfedion de la cérémonie 5 Ttt que 514- Histoire Morale, Chap.ig que celuy qu'ils reçoivent fe qualifie auûl de leur nom. Ainfi ils font un échange de noms $ Et ils ont la mémoire fi heu- reufe à retenir les noms de leurs amis & compères, qu'au bout de dix ans ils s'en fouviendront fans aucune équivoque, & reciteront quelque circonftance de ce qui s'eft palfé de confiderable en leur dernière entreveue. Que fi on leur a fait prefent de quelque chofe , ils ne manqueront pas de lera- mentevoir, pour témoigner leur reconnoifiànce. Et fi la cho- fe eft encore en être, ils la montreront à celuy qui la leur avoit auparavantdonnée. Apres tousces complimens de Sauvages, qu'ils vous ont faits d'abord, ils vous prefentent des lifts fufpend us , qui font fort nets & fort blancs, & qu'ils tiennent en referve pour de pareilles rencontres. Ils vous prient de vous y repofer, & en fuite ils vous apportent des fruits $ & pendant que les uns pourvoyent au ferlin, les autres fe tiennent auprésde vous, pour vous entretenir, obfervant toujours le rapport de l'âge ôc du fexe. Cétaccueil, fera trouvé fans doute, bien plus raifonnable que celuy des Caraïbes du Continent Méridional, quireçoi- vent leurs hottes d'une façon fort bizarre, &qui eilfembla- bleà celle que pratiquent les Canadiens. Car le Cacique de ces Caraïbes conduit en la maifon publique, fans parler au- cunement , celuy qui les vient voir 5 puis , on luy prefente un fiege& du Tabac, &on le laide ainfi quelque tems fans luy dire mot , jufques à ce qu'il fe foit repofé , & même qu'il ait achevé de humer fon Tabac. Alors le Cacique approche <3c luy demande s'il eft venu > L'autre répondant qu'ouy , il fe fiedprés de luy, & l'entretient. Puis après ceus du com- mun viennent, luy demandant en la même forte , s'il eft venu > Et luy ayant prefente à manger, ils s'entretiennent aufïi fort agréablement. Orileftbienvray, que nos Caraïbes Infulai- res pratiquent dans la réception de leurs hoftes, envers ceus de leur Nation qui font étrangers de leurs Iles , la même cho- fe que les Caraïbes du continent : Mais quand ils reçoivent des François, & d'autres Européens , qui ne favent pas garder lefilencefilong-tems, ils parlentàeus, & les entretiennent d abord, comme nous avons dit, s'acommodant à leur hu- meur, Chap.iS des Iles Antilles. 515 mcur, & contrevenant, pour leur complaire, aus règles de leurs propres cérémonies. Mais , le feftin qu'ils leur veulent faire eft déformais prépa- ré. Voyons donc comme ils s'y gouvernent. Ils donnent à chacun fa petite table, & fes mets à part , comme les Chinois, Les uns apportent des Lézards rôtis , les autres des Crabes fricalTées ; quelques uns des légumes : & d'autres des fruits ; & ainfi du refte. Pendant le repas , ils vous entretiennent, tu le s donneras a tes matelots. Us appellent ainfi, tous les ferviteurs, & domeftiques de ceus à qui ils parlent. Ce mot de CUatelot , eft commun a-uflî entre les François habitans des lies , pourfignirier un Afibcié. Et lors quedeus habitans ont acheté, ou défriché une habitation enfemble , on dit qu'ils fe font enmatelotez. On dit que les Brésiliens & Les Canadiens, font aufïi quelques prefens en de pareilles ren- contres. Et Tacite nous rapporte, que les anciens Allemans régaloient de leurs liberaîitez les étrangers qui les alloientvi- fiter: Mais qu'ils demandoient réciproquement au.ffi quelque tiens au chofe de leur part: En cette occafion, les Caraïbes fe mon- ïemam. îrenr plus genereus : Carils donnent fans rien demander. Mais ce feroitune incivilité, d'aller voir ces bonnes gens & de recevoir leurs courtoifies, fans leur faire aufïî prefent de quelque chofe. C'eft pourquoy les étrangers qui les vont ■ voir , ont toujours quelques grains de RaiTadc ou de Cryftal,, quelques hameçons, éguilles , épingles , ou petis couteaus, & autres menues bagatelles. Er à là fin du repas ils mettent fur la petite table , fur laquelle ils ont mangé , quelques unes de ceschofes, Ceus qui ont préparé lefeftin, s'en tiennent re- compenfez au centuple , & en témoignent une grande fatis. fa&ion, & une reconnoifiance nompareille. jufques icy, nous avons reprefenté le bon accueil & l'a* greable traittement^ que les Caraïbes ont fait autrefois à quelques uns de leurs amis > ou Compères comme ils parlent, de la Nation Françoife, & Hollandoife , qui les ont vifitez. Mais ils ufent d'autres Cérémonies en la réception des Etrangers de leur même Nation, ou de leurs Confederez, qui arrivent dans leurs lies. Il y a en chaque Carbet un Sauva- ge ^ qui a la Commifllon de recevoir les paflans , & qui s'ap- pelle Zfjoiïakaiti. S'ils font du commun , il leurprefente des fiégesj. Chap, is des Iles Antilles- $17 fiéges , &dece qu'il à de propre à manger, Ôc fur tout une Caifave pliée en double , qui fignifie qu'ils mangent ce qu'ils pourront, mais qu'il lauTent le refte. Si ceus qui les vont voir, ou qui partent par occafion, leur font plus.confiderables , comme parens , ou Capitaines , ils leur peignent les cheveus & en entrant & en fortant, ils pen- dent des lits & les invitent à fe repofer , en leur difant , En Bouëkra , voila ton lift. J 1s leur prefentent auiïi des CMatou- tou , qui font de petites tables tiffuës de jonc, ou de feuilles de Palme ou de Latanier , comme nous l'avons déjà dit , fur lé- quelles ils pofent des viandes & des Caflaves non pliées en deus , mais étendues. Les femmes les mettent à leurs pieds : Et les hommes fe preientant tout debout , font la civilité , & montrent ce qui a été apporté, en difant, Enyèrébdi, voila ton manger. Apres les femmes apportent des calebarTes plei- nes de Out 'cou , & leur font boire à même. Puis les ayant po- fées devant eus contre terre, le maryqui eft derrière elles,, fait encore civilité , en difant Enbatom-, voila ton bruvage. Et l'autre répond à ces deus complimens Tao , c'eft à dire Bien, ou grand mercy. La Caflave dépliée veut dire, Mange ton foui, & emporte le refte. A quoy ils ne manquent. Quand îlsontbiendifné fans eftre interrompus de perfonne, chacun ks vient faluer l'un: après l'autre, en luy difant Halea-tibour c'eft à dire fois le bien venu. Mais les femmes nefe méfient pas beaucoup dans cette cérémonie. Pour eus, quand il* s'en veulent aller, ils vont dire adieu à tous en particulier t Ce qu'ils expriment par le mot de Huichan, eu leur lan- gage. T tt & € R* su Histoire Morale Chap.19 CHAPITRE DIXNEUVIEME. De ce cpù tient lien de (Police che\ les dar ailes. IL y a en chaque Ile des Antilles habitées par les Caraïbes, piufieurs fortes de Capitaines. 1. Capitaine de Carber, ou de Village, qu'ils nomment Tiouboutouli hauthe. C'eft quand un homme a une famille nombreufe, & qu'il fe retire à lécart des autres avec elle, & bâtit des cafés pour la loger, & un Carbet où elle s'aiïemble quelquefois toute, pour fe réjouir, ou bien pour traitter des affaires qui touchent leur Communauté'. Il eftdonc à caufe de cela, nommé Capitaine de Famille, ou de maifons. 2. Capitaine de Piraugue, c'en: à dire , ou celuy à qui appartient le vaifleau , ou celuy qui y commande quand on va en guerre , & ils font nommez Tiouboutouli Canâoa. 3 . Entre ceus qui commandent chaque vaifleau en particulier , ils ont encore un Amiral ou un Gene- raldemer, qui commande à toute la Flotte, llslenomment ?$Jpdené. Enfin ils ont le grand Capitaine, qu'ils appellent Guboutou, & auplurier Quboutounum. C'eft le même que les Efpagnols nomment Cacique , comme quelques autres In- diens, & quelquefois aufli nos Sauvages par imitation. 11 eft toute fa vie, dépuis qu'il eft éleu à cette charge , le General de leur armées , & on luy fait toujours grand honneur. Il con- voque les aflemblées du Carbet, foit pour les rejouiflânees publiques,foitpourlesdeliberations delà guerre. Et il mar- che toujours accompagné de toute fa maifon, & d'autres gens qui luy veulent faire honneur. Ceus qui ont le plus de fuite, font les plus confiderez. Si quelcun ne luy porte pas le refpedt qu'il luy doit, il a droit de lever la main fur luy pour le frapper. Il n'y enaquedeusau plus dans une lie, comme à la Dominique. Ordinairement ils font auflj les Amiraus quand la Flotte marche. Ou bien c'eft quelque jeune hom- me qui prétend à la charge, & quifeveutfignaler en cette cccafion. On Chap.19 des Iles Antilles. $i9 On parvient à cette charge par eledion. Et on ne peut être éleuque Tonnait tué plusieurs Arouâgues , ou pour le moins un Chef. Les fils ne fuccedent pas plutôt que les au- tres à la charge de leurs Pères , s'ils n'en font dignes. Quand le Grand Capitaine parle, chacun fait filence. Et quand il en- tre au Carbet, chacun fe retire pour luy faire place, Uaaufli toujours la première , & la meilleure part du feitin. Le Lieu- tenant de ce Capitaine fe nomme en Sauvage , Ouboutou maïi ma , c'eft à dire proprement la trace du Capitaine , ou ce qui paroit après luy. ^ Aucun de ces Chefs ne commande à toute la Nation , ôc n'a d'empire fur les autres Capitaines. Mais quand les Ca- raïbes vont a la guerre, ils choififfentdetousles Capitaines, un General d'Armée, qui fait la première attaque : Et la Cam'- pagne étant finie, il n'a nulle autotité que dans fonlle. 11 eft bien vray, que s'il a genereufement reulTy dans fon entrepr ife, il eft toujours fort confideré dans toutes les lies. Mais au- trcfois , avant que le commerce que les Caraïbes ont avec les étrangers euft altéré la plus grand' part de leur ancienne po- lice, ilyavoitbien dumyftere, & bien des conditions, pour obtenir ce degré d'honneur. II .falloir premièrement, que celuy qu'on élevoit à cette Dignité, euft fait plusieurs campagnes à la guerre, ôc qu'au feudetouteflledontildevoit être éleû Capitaine, il s'y fuft porté courageufement ôc vaillammant. Après cela, il luy étoit neceftaire d'être fi agile & fi léger à la courfe , qu'il fur. montaft en cet exercice tous les compétiteurs qui s'y prefen- toientavecqueluy. Entroifiémelieu, le prétendant au Ge- neralat de l'Ile , devoit emporter l'avantage à nager & à plonger, fur tous les autres afpirans. Pour laquatriémecon- dition , il falloit qu'il portaft un fardeau d'une telle pefantcur, que tous ceusqui briguoientavecque luy, n'enpuifent fou- tenir le poids. Enfin , il étoit obligé à donner de grandes preuves de fa confiance. Car on luy déchiquetoit cruelle- ment les épaules ôc les mammellesavec une dent d'Agouty. Même fes plus grands amis , luy faifoient de tres-vives ôc prol fondes incifions en divers endroits du corps. Et le miferable qui vouloit obtenir cette charge,devoit endurer tout cela,fans faire Vtncene leBîaize, 3- part, chap. 7. Voyages de Mo- çuct, l.i. De Lery chap. 14. 520 Histoire Morale, Chap.19 faire parêtre le moindre figne de refentiment & de douleur. Au contraire, il faioit qu'il montrait un vifage fatisfait & riant , comme s'il eût été le plus content & le plus aife du monde. On ne s'étonnera pas tant que ces Barbares fouf- frifTent un traittementfi cruel, pour aquerirquelque dignité, lors qu'on fe reprefentera que les Turcs ne fe montrent quelquefois pas moins cruels envers eus-me'mes , par une pure galanterie , & comme pour un fîmple divertiflement. Témoin ce que Busbequiusnous rapporte au quatrième li- vre de Tes Ambafiadesj Ce quiferoit trop long à reciter en cet endroit. Pour revenir aus Antillais , cette ancienne cérémonie qu'ils obfervoientenl'éle&ion de leurs Chefs, femblerafans doute , comme elle l'eft en effet, étrange & Sauvage. Mais [i fe trouve parmy d'autres Nations quelque chofe dcfembla- ble. Car au Royaume de Chili* on élit pour Souverain Ca- pitaine, celuyqui peut porter le plus long-tems un gros ar- bre fur fes épaules. Au pais de Mapaco, vers la grande Ri- viere des Amazones, pour être fait Capitaine, il faut endu- rer, fans crier, fans faire la grimace 5 ni branler, neuffurieus coups de houfline de chaque Capitaine , à trois diverfes fois. Mais ce n'eft pas tout. 11 faut encore fouffrir d'être dans un iid de cotton au demis d'un feu de feuilles vertes , qui ne rend que de la fumée épaiflfe, laquelle montant en haut incom- mode beaucoup, comme l'ont peut penfer, lemiferablequi eft fi sot que de s'y expofer. Etileft obligé à demeurer là, jufqu'à être évanoui & à demy-mort. C'eft avoir une mer- veilleufe envie d'être Capitaine. Autrefois même , parmy les Perfes, ondemandoit à ceus qui vouloient être admis dans la confrérie du Soleil , des preuves de leur confiance , en qua- trevints fortes de tourmens. LesBrefiliens , fans y faire tant de façon, élifent pour leur General, celuy qui a le plus pris , & le plus tué d'ennemis. Etàprefent auiïi, en quelques unes des Antilles, les Caraïbes fe rient eus-mémes de leurs an- ciennes cérémonies , enl'éle&iondeleur Capitaine. £t par- ce qu'ils ont remarqué que leurs voifins tiennent pour ridi- cules ces façons de faire, ils fe contentent de choifir pour Chef celuy qui s'étant porté vaillammant dans les guerres, con- Chap. 19 des îles Antilles. $h contre leurs ennemis , s'eft aquis la réputation de brave & decourageus. Dés que le Cacique eft reçeu dans la charge , il fe voit ex- trêmement honoré de tous. On ne paroift devant luy qu'avec un grand refped. Et jamais perfonne ne parle , s'il ne l'inter- roge , ou ne le luy commande. Que s'il arrive à quelcun de ne pouvoir tenir fa langue , on entend les autres luy crier à l'heu- re même , Cala la Bocca , qu'ils ont apris de l'Efpagnol Mais ce n'eft pas tout que de fe taire en la prefence de leur Chef. Ils font tous fort attentifs à fon difeours , le regardent quand il parle, & pour témoigner, qu'ils approuvent ce qu'il dit, ils ont acoutumé de faire un foûris, acompagné d'un certain Hun-hun% Ces marques d'honneur n'ont rien du tout de Sauvage, & qui ne foit reçeu prefque par tout l'univers. Mais les Mal- Vo?e*\ divois ont une façon d'honorer bien particulière : Carcom- ^[d% me ils eftiment une a&ion de mépris de pafler derrière une Gara- perfonne, aufli pour luy témoigner une grande déférence, l$°'fs" ils prennent leur partage devant fes yeus , & fe baillant le & a*- corps, difent en paûant , 2Vjr vom déplaife. Les yuncas , peu- très. pies de l'empire du Pérou, pour témoigner le refpccl: qu'ils portoient à leur Dieu , entroient dans fon Temple à recu- lons, & enfortoienttoutdemême ; Tout au contraire de ce que nous pratiquons dans nos vifites & dans nos civilitez ordinaires. Les Turcs, eftiment la main gauche la plus hono- rable parmy les gens de guerre: les Javanscroyent qu'on ne fe peut foumettre & avilir davantage qu'en fe couvrant la tefte : Ce qui ne fe raporte pas mal à ce que Saint Paul dit de l'homme qui faitoraifon, ou qui profetife ayant la tefte cou* verte. Les Japonois tiennent pour une grande incivilité , de recevoir étant debout ceus que l'on veut honorer. Ils s'af- fayent, & déchaunent leur fouliers lorsqu'ils veulent faire honneur à quelcun. Au Royaume de Gago en Afrique, tous lesfujets parlent à gérions au Roy, ayant en leurs mains un vafe plein de fable , qu'ils fe jettent fur la tefte. Les Nègres du pais d'Angole fe couvrent aufli de terre, quand ils rencon- trent leur Prince, comme pour témoigner qu'ils nefont de- vant luy que poudre & cendre. Les Maronites du Mont V v v Liban Cor. 11, Wk Histoire Morale, Chap.i^ Liban rencontrant en face leur Patriarche , feprofternent à fes pieds pour les baifer. Mais luy les relevant auiïi-tôt, leur prefente la main , laquelle ils faififlent à deus mains , & l'ayant baifée , la portent fur leur tefte. Mais ceus du détroit de Sunda ont une coutume tout à fait étrange. C'eft que pour faire honneur à leurs Supérieurs, ils leur prennent en main le pied gauche , & leur frottent doucement la jambe de» puis le pied jufqu'au genou : Et en fuite, ils leur frottent de même le vifage jufques par deiîus la tefte. Jugez fi cette a&ion-là feroit etlimée fort refpeëtuëufe en ces quartiers. Tour cela montre que l'honneur mondain , qu'el qu'ilpuifle être , hors la vertu, ne confifte au fonds, que dans l'opinion ôc dans la coutume, qui différent, & qui bien fouvent fe cho- quent, félon la diverfité & la contrariété du caprice des Nations. Pour revenir au Capitaine de nos Caraïbes, fon office eft: de prendre les refolutions pour le tems de la guerre , d'en or- donner les préparatifs, & d'y aller à la tefte de fes Compagnies, C'eft auffi luy qui convoque les affemblées de fon lie , & qui; commande les réparations du Carbet, qui eu- la maifon où$ Ton s'aiïemble pour prendre les refolutions fur toutes les af- faires publiques. Enfin, c'eft luy qui dans les occafions , ré- pond au nom de toute l'Ile, & qui prefcric les jours de diver- tuTement & de rejouiftance, dont nous avons déjaparlé. Lajuftice, chez les Caraïbes , n'eft point exercée par le Capitaine , ni par aucun Magiftrat : Mais tout de même que farmyles Toufmambous , celuy qui fe tient offenfé entr'eus,v tire de fon adverfaire telle fatisfa&ion que bon luy fembie' félon- que la paiïïon le luy dicTe , & que fa force le luy perl mer.. Le public ne s'interefle point dans la recherche des cri* mes. Que fi quelcun d'eus iouffre un tort ou un affront , fans, s'en venger, il eft m'eprifé de tous les autres , & tenu pour un; lâche, & pour un homme fans honneur. Mais,, comme nous avons dit ailleurs , leurs divifions & leurs querelles fone fort rares. Un Frère venge fon Frère & fa Sœur, un Mary fa Femme,, !3nFerefesenfans? les enfans leur Pe^e. Ainfituez, ils font bism Chap.t9 des Iles Antilles. 5*1 bien tuez , par ce que ça été pour tirer raifon. Pour pré- venir cela, fi un Sauvage de quelque Ile a tué un autre Sau- vage, crainte d'eftre tué en -revanche par les parens du mort, il fe fauve dans une autre Ile, & s'y habitue. Ceus qu'ils croyent Sorciers , ne la font pas longue parmy eus , quoy que bien fouvent, il y ait plus d'imagination que de vérité. Si les Caraïbes foubçonnentquelcun de leur avoir déro- bé quelque chofe , ils tafchent de l'attraper, & de luy faire des taillades , ou de couteau ou de dent d'Agouty , fur les épaules, pour marque de fon crime & de leur vengeance. Ces dens d'Agouty , font en plufieurs occafîons chez les Caraïbes , l'office de nos rafoirs. Et en effet elle ne font guè- re moins tranchantes & moins affilées. Ainfi les anciens Pé- ruviens & les Canariens n'ayant pas encore l'invention de nos ferremens , fe fervoient de certaines pierres à feu , com- medecifeaus, de lancettes, & de rafoirs. Le mary , ne fouffre point que fa femme viole impuné- ment la foy conjugale: mais il s'en fait luy-même la jufti- ce, comme nous le dirons plus particulièrement au Chapi- tre des Mariages. Mais ils ne favent ce que c'eft que de •*****. punir publiquement, & par forme de juftice. Et ils n'ont JJJ^f* pas même de mot en leur langue, pour lignifier luftke ou ofe*. Jugement, Vw % €HA* 5*4 Histoire Morale* Chap.20 c Ltvre 1. Livre 3. Trigaui CHAPITRE VINTIEME. Des Guerres des Caraïbes. 'Eft ordinairement dans leurs feftins publics , que les Caraïbes prennent leurs refolutions de faire la guerre. Ce qui n'eft pas particulier à leur Nation : car les Bre- filiens & les Canadiens en font de même. Et afin qu'on ne penfe pas qu'il ne fe trouve rien de tel que chez les Sauvages, Hérodote & Strabon nous témoignent , qu'autrefois les Per- fes confultoient de leurs affaires les plus importantes dans leurs banquets i & lors qu'ils avoient la tefte pleine de vin. Et non feulement les Perfes : mais plufieurs Nations Gré- questenoient leurs Confeilsà table , fi nous en croyons Plu- dispos tarque. Ce que font encore aujourd'huy les Chinois , au de table, rapport desHiftoriens. Mais pour venir au détail des Confeils de guerre de nos Caraïbes, quand ils commencent à avoir le cerveau échauffé de leur boiiîon, une Vieille entre dans leur affemblée avec une mine dolente & un maintien trifte, & les larmes ausycus, demande audience. Ce qui luyeftantfacilemect accordé, à caufe du refpeâ: & delà révérence que l'on porte à fon âge : d'une vois plantive & entre coupée de foupirs, elle reprefen- te les dommages que toute la Nation a receus des h rouâgues, leurs anciens & capitaus ennemis. Et après avoir fait un'de- nombrement des plus grandes cruantez , qu'ils ont autrefois exercées contre les Caraïbes , & des vaillans hommes qu'ils ont tuez ou pris captifs dans les batailles , qui fe font données entr'eus, elle defcenden particulier, à c'eus qui de fraiche datte ontefté faits prifonniers , maflacrez, & mangez , dans les dernières rencontres 5 Et enfin, elle conclud, que ce fe- rait â leur Nation une lâcheté honteufe & infupportable, s'ils ae prenoient la vengeance de tous ces maus , imitant la gene- rofité de leurs PredecerTeurs , braves Caraïbes, qui n'ont rien eu en plus grande recommandation , que de tirer raifon de in- jures qu'ils avoient receuës ; Et qui après avoir fecoiié le joug ' que Chap.2o des Iles Antilles. 525 que les Tyrans leurvouloient impofer pourafTervir leur an-* cienne liberté, ont porté tant de fois leurs armes vi&orieu- fes dans les terres de leurs ennemis, qu'ils ont pourfuivis avec la flèche & le feu jufques fur leurs plus hautes montag- nes , les ayant contraints de fe retirer dans le creus le plus profond des Abymes , dans les ouvertures des rochers , & dans l'horreur des Forets les plus épaitTes: avec tant d'heu- reus fuccés, que mêmeàpreient , ils n'oferoient plus paroi- tre fur les coftes de leurs Mers, & ne fauroient trouver de demeure fi écartée, où ils fe puiflfent tenir à couvert contre les attaques des Caraïbes ; la frayeur & l'épouvantement les ayant faifîs après de fi grandes vi&oires. Qu'il faut donc courageufement pour fuivre cette pointe , & ne fe point relâcher, que cette race ennemie ne foit tout à fait exter- minée. Auffi-toft que le difcours de la vieille eftfiny, le Capitaine harangue fur le même fujet, pour émouvoir davantage les Efprits; après quoy, on voit toute l'aflemblée applaudir una- nimement à fa proportion, & donner toutes fortes de fignes qu'ils reconnoiûent la juftice de la caufe. Et dés ce moment, eftant animez par les paroles qu'ils viennent d'entendre , ils ne refpirent plus que le fang & le carnage. Le Capitaine, jugeant bien par l'applaudiûement de toute l'aflemblée, & par fes geftes& fa contenance , qu'elle concludàla guerre, bien qu'elle ne le difepas par fesparoles.il en fait , à l'heure mê- me l'ordonnance , & limite le tems de l'entreprife par quel- ques-unes de leurs façons de conter, comme nous l'avons dé- crit dans le Chapitre de leur (implicite naturelle. Il faut re^ marquer icy, qu'ils prennent ces refolutions fanglantes eftant yvresj & après que le Diable les a tourmentez pour les y porter, comme nous l'avons touché cy deflus. Dés le lendemain de cette aflemblée, on ne voit & on nren- tend en tous les quartiers de l'Ile, que les préparatifs à laguer- re. Les uns poiiffent leurs arcs : les autres mettent en état leurs mafluës: les autres préparent , aiguifent , & enveni- ment leurs flèches: les autres, enfin, dreflent & ageneene leurs Piraugues. Les femmes de le»r cofté , travaillent à difpofer & à amaffer les vivres neceffaires pour l'armée. Vvv 1 il %%% Histoire Morale, Chap. 20 Et au jour préfix chacun fe trouve fans manquer au bord de la mer, avec tout fon équipage, pour l'embarquement. Ils fefoumiffent tous d'un bon arc, & d'un gros trouffeau de flèches qui font faites d'un certain petit rofeau poly, armé d'un fer par le bout, ou d'un os de queue de raye , dentelé & extrêmement piquant. C'eft auffi de cela que les flèches des Brefiliens font armées. Mais les Caraïbes ajoutent aus leurs, pour les rendre plus redoutables, un poifon fouverainement • mortel , compofé de jus de Mancenilles , & d'autres venins, la moindre égratignure qu'elles font , eft une blefïurc mortelle. Il a efté jufquescy impoffible, de tirer d'eus le fecret de cette composition. Ils portent auffi chacun cette épée de bois quïls nomment Bouton* ou pour mieus dire, cette mafluë puiflante, qui leur tient lieu d'épée , & dontils s'eferimentà merveilles. Ce font-là toutes leurs armes: car ils ne fe cou- DeL&y vrent point deRondaches, comme les Taufinambous $ mais chap. 14. ]eurs corpS demeurent toutà nud. Après le foin de leurs armes, ils prennent celuyde leurs munitions de bouche , & portent en leurs vaifîeaus, delà Caf- fave, dupohTon rofty.des fruits , & particulierementdes Ba- nanes , qui fe gardent long-tems , & de la farine de Manioc. Les Icaques dans leur guerre ne fe donnent pas cette peine. Et ce qu'ils pratiquent en ce point, leur eft tout particulier, & mérite que Ton en parle. Car ils fe paflent de Ci peu de cho- fe pour leur nourriture , & fe pîaifent fi fort à vivre de cer- taines prunes, qui croiffent en abondance en leurs quartiers, & dont ils portent même le nom d'Icaques, que quand ils vont à la guerre , on ne les voit jamais porter de provision de bou- che avec eus. fha Ury Nos SauvaSes Antillois, auffi bien que ceus du Brefil , mc- 1 **: *4" nent a la guerre quelques femmes avec eus, pour faire leur cuifîne & pour garder leurs Piraugues ou vahTeaus de mer, quand ils ont fait leur defeente. Ils attachent fermement à- ces Piraugues leurs armes & leurs munitions de bouche. De forte que fi le vaifleau vient à renverfer , ce qui arrive alTez fouvent , ils le remettent fur fon affiette , fans rien perdre de C^.13. ce qui eft dedans. Et dans ces rencontres , eftant fi bons na- geurs que nous les avons reprefentez , ils ne fe trouvent point Chap. 20 des Iles Antilles. 527 point en peine de leurs perfonnes; & ils fe font quelquefois moquez des Chreftiens, quife rencontrant prés d eus en ces ©ccafions , fe mettoient en devoir de les fecourir. C'eft ainfi que les Toupinambous ferioient un jour de nos François, en une fcmblable aventure, comme le recite Jean de Lery. Les 6*1*. voiles des vaifTeaus des Caraïbes font de toile de cotton , ou d'une efpece de natte tifluë avec des feuilles de Palme! Us favent admirablement bien ramer avec de certains petisavi- rons, qu'ils poulîent d'une vitefle nonpareille. Ils mènent aufli quelques Canots, qui font leurs plus petis vaifTeaus, pour accompagner leurs Piraugues. Leur coutume eft de marcher d'Ile en Ile pour s'y rafFrai- ehir , & ils ont à cet effet des jardins , en celles là même qui font déferres & inhabitées. Ils defeendent aufîidans les Iles de leur Nation, pour joindre à leurs troupes, en chemin fai- A fant , tous ceus qui font en état de les accompagner. Et ainfï ils groffilTent leur armée, & avec cet équipage , ils fe vont rendre fans bruit, fur les Frontières. Lors qu'ils marchent le long des codes, & que le foir eft venu , ils mettent leur vaifteau fur le fable , & font en une de- mye heure leur logement fous quelque arbre, avec des feuil- les de Baiifier ou de Latanicr, qu'ils attachent enfemble fur des gaules, ou fur des rofeaus , foutenus par quelques four- ches plantées en terre, & pour fervirde fondement à ce petit couvert, & pour fufpendre leurs lits. Ils appellent ces lo^e- mensfaitsàlahafte, ^sîioupa. Le Legiflateur de Lacedemone avoir défendit, entre au- *&**- très chofes, de faire fouvent la guerre contre mêmes enne- HHSenltàt mis, de peur deles aguerrir. Mais les Caraïbes ne fuivent pas %ml ces maximes, & n'appréhendent pas un pareil inconvénient. &*. . Car ils font toujours la guerre à la même Nation. Leuranl ciens & irréconciliables ennemis , ce font les Aroiïacas, Avoua- ques , ou ^Arcuagues , qui eft le nom qu on leur donne le plus. communément dans les lies , bien que quant ans Caraïbes,, ils les appellent ^Aloùngues a léquels demeurent en cette par- tie de l'Amérique Méridionale, qui eft connue dans les Cartes fous le nom de Province de Guyana ou Guayand, guère fom des bords des rivières, qui defeendent de cette Province pou c fa: 5 %% Histoire Morale, Chap. 20 fe rendre en la mer. Le fujet de l'inimitié immortelle de nos Caraïbes Infulaires contres ces Peuples, a efté déjà touché au Chapitre de l'Origine des Caraïbes, affavoir, que ces Arouâgues ont cruellement perfecuté les Caraïbes du Con- tinent leurs voifins, Confrères de nos Infulaires, & de la même Nation qu'eus. Et qu'ils leur ont livré continuelle- ment des guerres fanglantes pour les exterminer, ou, tout au moins, pour les châtier de leurs demeures. Ce font donc ces Arouâgues , que nos Antillois vont chercher en leur pais or- dinairement une fois ou deus par an, pour en tirer toute la vengeance que leur fureur eft capable de leur dider. Et il faut remarquer que de leur cofté, les Arouâgues ne vont jamais attaquer les Caraïbes Infulaires dans leurs lies, dépuis qu'ils fe font retirez de celle de Tabago, qui étpit la plus voift- ne de leur Terre , mais qu'ils fe tiennent fur la fimple defen- '* five 5 Au lieu qu'ils font aflïirez de voir plus fouvent chez eus nos Sauvages, qu'ils n'auroient à fouhaiter, bien que de la der- nière des Antilles qui eft Sainte Croix, en côtoyant , comme ils ont coutume de faire , toutes les autres Iles , dans lesquel- les ils ont des jardins ou des Colonies, jufquesausterres de Arouâgues, il y ait environ trois cens lieues de chemin, ilr^tn La grande generofité du grand Alexandre le portoitàdi- teoïïfe' re, qu'il ne falloir pas dérobber la vidoire: Mais Filippe, d'une autre humeur que fon fils , eftimoit qu'il n'y avoit ja- mais de honte à vaincre , de quelque faflbn que ce pufteflre. Nos Caraïbes , avec la plupart des Ameriquains, fe trouvent dans le même fentiment. Car ils font toutes leurs guerres par furprife, & ne tiennent pas à deshonneur de s'y fervir de la faveur des ténèbres. Bien au contraire des Icaques , qui s'e- ftimeroient flétris en leur réputation, il lorsqu'ils arrivent dans les terres de leurs ennemis , ils ne les envoyoient avertir de leur venue & fommer de fe mettre fous les armes pour les recevoir. Les Arraucains qui font voifins du gouvernement de Chili, Peuple beiliqueus , & que l'Hfpagnol n'a pu domter jufques icy, en ayant efté même fouvent vaincu , font encore bien davantage. Car quand ils veulent combatre cet ennemy, ils luy font dénoncer la guerre par des Héraus & luy en- „Voyent; dire, Nous t'irons trouver dans tant de Lunes: lujitn, Uv. p. Cdrct- ia/fo l. J J> Tien éhap.îô des Ile* Antilles. $29 „ Tien toy preft. Et ainfi les Yncas , Rois du Pérou, n'entre- prenoient aucune guerre, qu'auparavant ils n'en avertiflcnç leurs ennemis , & ne la leur declaralTent par deus ou trois fois. Ce qui fera voir, enpaflànt, queLefcarbot s'eft trompé dans fon Hiftoire de la Nouvelle France , lors qu'il a dit que tous les Indiens Occidentaus univerfellement, font leurs guer- res par furprife. Les Caraïbes ont cette imagination , que la guerre qu'ils commenceroient ouvertement ne leur reùiîîroit pas. De forte qu'après avoir fait leur defcente chez les Aroiiagues, s'ils font découverts, avant que de donner le premier choc, ou qu'un chien, par manière de dire, ait abbaye contr'eus, tenant cela pour mauvais augure , ils remontent tout froidement dans leurs vaiffeaus , & retournent en leurs Iles , remettant la partie à une autre fois. Mais s'ils ne font point apperceus , ils donnent vivement fur leurs ennemis, & les vont chercher en leurs Cabanes. Que s'ils rie les peuvent pas aifément aborder, & qu'ils les trouvent trop bien retranchez & fortifiez dans quelques maifons mu- nies de bonnes palhTades, d'où ils décochent leurs flèches avec avantage : ils ont acoutumé de les contraindre d'en fortir , en y jettant le feu avec leurs flèches, au bout desquelles ils atta- chent du cotton allumé. Et ces flèches eftant poulTées fur- ies toits, qui ne font que d'herbes, ou de feuilles de Palme, les enflamment auili-toft. Ainfi les Aroiiagues font obligez de fortir de leurs tanières, & de rendre combat en pléne cam- pagne 5 ou bien de prendre la fuite , fileur courage ne leur permet pas de faire telle aus ennemis. Quand nos Sauvages les ont de cette forte attirez au champ de bataille, ils tirent premièrement contr'eus toutes leurs flèches. Et après avoir épuifé leurs Carquois, ils ont recours au Bouton, & font d'étranges effets avec cette épé de bois, ou plutofl avec cette mafliië: Ils ne font que fauteler en combattant , pour donner moins de loifir à l'ennemy de les mirer. Les armes à feu , particulièrement les canons , qui font tant de bruit ôc tant d'effet, fur tout lors qu'ils font chargez de clous, de chaî- nes, & d'autres ferrailles , leur ont abbatu le courage, quand ils ont affaire avec nous , &leur font appréhender l'approche X x x de ; - cent le BUnc. Ltnfcot er de Laet. Acofta & le ïeune. 530 Histoire Morale, Chap.2© Kf*fua dc nos navires & de noS f°rts« Mais bien qu'ils ne prenent mo«tU. pasd' Opium , pour ofter lé fentiment , avant que d'aller au rai»da- combat , comme les Turcs & les Indiens Orientaus de Cana- ™ïnfco? nor: & clu '^s ne ^e nourriflent pas deTygres ni de Lions, chap.76. pour fe rendre plus courageus, comme le Peuple du Royau- €2 ri»- rne de Narfingue vers Malabar, toutefois quand ils com- battent armes égales contre les Aroiïagues , & qu'ils ont commencé la bataille, principalement s'ils font animez par quelque heureus fuccés , ils font hardis comme des Lions, ôc rien n'eft capable de leur faire lâcher le pied : mais ils veulent vaincre ou mourir. Ainfi en faifoient les Sauvages beili- queus du pais de Cartagene cftans attaquez par les Efpagnols* Car ils fe precipitoient au combat de telle furie, hommes & femmes , qu'une de leurs filles, coucha plufieurs Efpagnols fur la place avant que d'être tuée. On dit auffi que les Mexicains & les Canadiens fe font plutoft tailler en pièces , que de fe laiffer prendre au combat. Si les Antillois peuvent avoir en vie quelcun de leurs ennemis, ils le lient &l'enménent captif en leurs lies. Quefi quelcun de leurs gens tombe mort ou blefifé dans le champ de bataille, ce leur leroitun reproche éternel & infupportable> de le lairTer au pouvoir de l'ennemy. Et c'eft-pourquoy ils fe jettent de furie au milieu des plus grands dangers, & t.efte-baiflee percent d'un commun effort , tout cequi leur fait refiftance , pour enlever les corps de leurs camarades , & les ayant arrachez par force d'entre les mains des ennemis, les porter en leurs vaiffeaus. Apres que la bataille eu finie , nos Sauvages fe retirent au bord delà mer, ou dans quelque Ile voifine. Et s'ils ont re- çeu quelque notable perte par la mort de quelques uns de leurs Chefs , ou de leurs plus vaillans foldats , ils font retentir l'air d'hurlemens&de cris épouvantables , avant que de re- monter en leurs vaiiTeaus: Et méfiant une infinité de larmes au fang de leurs morts , ils les couchent pitoyablement en leurs Piraugues , & les accompagnent de leurs regrets & de leurs foupirs jufques aus premières de leurs terres. Que s'ils ont eu la vi&oire , ils ne s'amufentpas à couper ksteftes de leurs ennemis tuez , à les porter en trofée , & à depoiiifc- Chap. 20 des Iles Antilles, 531 dépouiller ces pauvres corps de leur peau, pour la faire fervir d'étendart à leurs triomfes , comme font les Canadiens : Ôc comme le pratiquoient autrefois les Scythes , fur le témoig- nage d'Hérodote, & même nos vieus Gaulois, fi nous en z^.4. croyons Tite Live. Les Caraïbes fe contentent de jetter liv- rcK des cris de joye fur les corps des Aroùagues, & de faire éclat- ter fur leurs rivages des tons d'alégrelïe, comme pour inful- terà cette terre ennemie , avant que de la quitter. Mais après qu'ils onr re'pandu fur ce pais étranger une partie de leurs chanfons triomfaies, ils remontent en diligence dans leurs vailTeaus , pour porter le refte dans le fein de leur patrie. Et ilsenmenent biengarottez les pauvres Aroiiagues qu'ils ont pris en vie, pour en faire chez eus la curée, que le Chapitre fuivant va reprefenter. Le but qu'ils ont en cette guerre, n'eft pas de fe rendre maitres d'un nouveau pais, ou de fe charger des dépouilles de leurs ennemis : Mais ils ne fe propofent que {a feule gloire de les vaincre & d'en triomfer, & ieplaifird'aiTouvir fur eus la Vengeance qu'ils refpirent, des torts qu'ils en ont reçeus. Nos Caraïbes n'ont, après les Aroùagues, qu'ils nom- ment fimplement Etoàtou , c'eft à dire Ennemis , aucuns plus grands ennemis que les Anglois, qu'ils appellent Etoâtm 2{j>ubi% c'eft à dire Ennemis contrefaits , à cauie qu'ils font vê- tus. Cette inimitié' a pris fon origine de ce que les Anglois, fous le pavillon des autres Nations , ayant attiré plufieurs des Caraïbes dans leurs vaifleaus, où au commencement ils les avoient amadouez & aile'chezpar millecareffes&petis pre* fens, & fur tout avec de l'eau de vie, qu'ils ayment extrême- ment : lors qu'ils virent que leur vaiffcau croit rempîy de ces pauvres gens, qui ne penfoientàricn moins qu'à une pareil- le perfidie, ils levèrent l'ancre, & portèrent les Caraïbes, hommes , femmes , & enfans, en leurs terres, où jufqu'à pre- fent ils les tiennent efclaves. On dit qu'à limitation des Efpagnols, ils ont fait ce lâche trait en plufieurs lies; C'eft ce qui efteaufe qu'ils haïffent à mort les Anglois, & qu'ils ne peuvent feulement ouïr parler leur langue. Jufqueslàmême, que fi un François fefert de quelques termes Anglois en fon difeours , il atire fur foy leur inimitié. Auffi à leur tour, & Ixx z par 5J2 Histoire Morale, Chap.20 par droit de reprefailles, ils ont fait fouvent des defcentes dans les Iles de Montferrat, d' Antigoa > ôc en d'autres qui font oc- cupées par les Anglois. Et après avoir brûlé quelques mai- fons , ôc pillé quelques meubles , ils ont enlevé des hommes, des femmes, ôc des enfans , qu'ils ont conduit à la Dominique ôc à Saint Vincent. Mais on n'apprend point qu'ils enayent mangé aucun. Ils refervent cette cruauté pour les Aroùa- gues. Et même avant que les Caraïbes fuflent en guerre avec les Habitans de la Martinique , quand les Parens ou amis des Anglois qui avoyent été enmenezprifonniers de guerre par ces Caraïbes, employoient l'interceffion & l'entremife des François, ils étoyentaifément élargis, ôc remis entre les mains des François,, quidonnoienten échange aus Caraïbes, quel- ques unes de ces bagatelles dont ils font cas ; ou une coignée ôc quelque femblable outil qui leur eft neceflaire. On a mê- me recou de leurs mains des Aroiïagues deftinezà être mai> gez , en leur prefentant auffi en échange quelques unes de ces chofes. Ils ont encore à prefent en l'Ile de Saint Vincent, des garçons & des filles de la N ation Angloife, qui pour avoir été enlevez fort jeunes, ont oublié tout à fait leurs parens , Ôc ne voudroient pas même retourner avec eus , tant ils font façonnez à l'humeur des Caraïbes,, qui les traittent auffi de leur part fort doucement, comme s'ils étoientdeleur Nation. Aujourd'huy, on ne les reconnoift qu'auscheveus qui font blons > au lieu que les Caraïbes les ont tous univer.felle- ment noirs. Quant aus Efpagnols, au commencement delà découvert te de l'Amérique, les Caraïbes qui pofledoient toutes les An» tillesfurent rudement traittez par eus. Ils les perfecutoient avec le fer ôc le feu, ôc les pourfuivoient parmy les bois, com* me des beftes fauves, pour les emmener captifs travailler aus mines. Ce qui contraignit ce peuple, qui eft vaillant & ge- nereus „ à repoufîer la violence , Ôc à drefTer auffi des embûv ches à leurs ennemis 5 Etmêmeàlesaflaillir à guerre ouver- te en leurs vaiiïeaus qui étoient à leurs rades, léquels ils abor- doient fans crainte des armes à feu , & au travers des épées & des piques. Cequileurréùffità diverfes fois , (i avantageu- fement , qu'ils fe rendirent maîtres de plufieurs Navires ri- che.» Chap. 20 des Iles Antilles. 5 3 * chement chargez , faifant main-bafie par tout, enlevant tout le butin, & puis brûlant les vaifleaus. Il eft vray qu'ils pardon- noientaus efclaves Nègres qu'ils y rencontroient , & qu'ils lesconduyfoientàterre, pour les faire travailler en leurs ha- bitations. Et c'eft de là que font venus les Nègres qu'ils ont à prefent en l'Ile de Saint Vincent > ôc en quelques autres. Les Efpagnols ayant reftenty ces pertes t & voyant qu'ils avoient à faire à forte partie , & que quand ils auroient ruiné cette Nation, il ne leur en reviendroit aucun avantage : con~ fiderant auffi que les Iles qu'ils habitoient.étoient neceflaires à leurs vaifleaus qui venoient d'un long voyage , pour y pren- dre des raffraichiflemens , de l'eau, du bois, & même des vi- vres , au befoin , & pour y laitier dans la neceflité les malades qui etoienten leur Flotte, ils fe refolurent de traitter plus humainement les Caraïbes : & après avoir donné la liberté à quelques uns de ceus qu'ils tenoient captifs , & les avoir ama- douez & renvoyez en leurs terres avec prefens , ils fefervi- rent de leur entremife pour traitter une forme de paix avec ce Peuple, laquelle ayant été acceptée de quelques Iles, ils y jetterentles pourceaus qu'ils avoient amenez de l'Euro- pe : <5c depuis , ils y laiflbient en pafiant les malades qu'ils avoient en leurs Navires , pour les reprendre au retour étant guéris. Mais les Caraïbes de Saint Vincent, & ceus qui de- meuroient à la Dominique , ne voulurent point consentir à cet accord, & ont confervé toujours jufqu'à prefent , leur a verfion contre les Efpagnols, ôc kdefîr de fe venger d'eus. Au refte , pour ce qui eft particulièrement de leurs guerres defenfives, ils ont appris par la hantifeôc la fréquentation des Chrétiens , ôc par les démeflez qu'ils ont eu avec eusendi- verfes rencontres , à tenir leurs rangs , à fe camper en des lieusavantageus, à fe Gabionner , «Se à fe fervir d'une forte retranchemens à leur imitation. Nos François le reconnu- rent l'éprouvèrent ces dernières années, en la prife de l'Ile de la Grenade. Ils s'étoient imaginez, que les Caraïbes ne feroient nulle refiftance : Mais ils les trouvèrent endéfenfe, pour leur empêcher la defeente, ôc leur contefler la demeure en cette terre 5 Car outre qu'ils leur firent efluyer la grefle XXX % d'ilDlÊL 5H Histoire Morale, Chap.20 d'une infinité de flèches , & qu'ayant mis des barricades aus avenues, ils s'oppoferent courageufement à leur débarque- ment, & les elcarmoucherent par plufieurs fois : quand ils Virent que les nôtres , nonobftant leur refiftance ne faifoient point volte-face , mais qu'ils les repouffoîent vertement dans les bois, ils fe rallièrent fur une éminence laquelle ils avoient fortifiée. Et comme elleétoit efcarpée de tous cotez, hors- mis d'un feul qui avoit une fpacieufe avenue, ils avoient cou- pédes arbres , du tronc defquels ils avoient compofé de longs rouleaus, qui étant attachez & retenus fort légèrement au plus haut de la montagne, pouvoient être roulez le long de la pante, & pouffez avec force & violence contre les nôtres, s'ils euffent voulu aller à l'affaut. Ils rirent aullî , à plufieurs reprifes, des forties de ce fort-là fur nos gens , qui étoient oc- cupez à enbaftirun, où ils puffent attendre en feu reté ie fe- cours qui leur devoit être envoyé delà Martinique : Et ils les tinrent inveftis quelques jours 3 Pendant léquels ils avoient • faitdescreusen terre, où ils étoient à couvert du moufquet des François : Et de là, montrant feulement la teile , ils déco» choient des flèches contre cens qui avoient l'affurance de fortir du retranchement. Ils pouffèrent même, à la faveur de la nuit, un pot remply de braife ardente, fur laquelle ils avoient jette une poigne de grains de Pyman , en la Cabane que les François avoient dreffée dés leur arrivée en l'Ile , afin de les étouffer, s'ils euffent pu , parlafuméedangereufe&la vapeur étourdiffante du Pyman. Mais leur rufe fut décou- verte: Et quelque tems après, le fecours étant fur venu aus nôtres, les Caraïbes traitterent avec eus , & leur laifferent la libre poffeilïon de cette terre. Cet accord , ne fut pas univerfellement aprouvédes Chefs de cette inconftante Nation. Cens de i'UedeS, Vincent pro- tefterent les premiers à rencontre, & pour témoigner hau- tement leurdefaveu , ils éclatèrent quelque tems après en une rupture ouverte , qui donna le commencementà une nouvel- le guerre, laquelle à duré dépuis le trèziéine de Juillet , de Tannée mille fix cens cinquante quatre qu'elle fut déclarée, jufqu'a l'entrée de l'an mille fix cens foixante & un, c'eft à dire let ans ou environ. Il Chap. 20 des Iles Antilles. 53$ 11 eft vray que les Caraïbes , pour donner quelque couleur de juftice aus mafiacres aus embrazemens & à toutes les au- tres violences qu'ils commirent en fuite dans l'Ile de Sainte Aloufie , & en divers quartiers de celle de la Martinique aile- guoient entre leurs autres prétextes , que par le Traite' de paix qu'ils avoyent fait avec Mr- duParquet, avant que de lui laif- ferla paifible jouïflancc de la Grenade, il s'étoit obligé de leurdonnerencompenfation, la valeur de trois mille florins, qui leurferoient contez enmarchandifesquileurferoient les plus agréables , entre toutes celles qui ont cours dans le pais : & que cette condition n'ayant point eux acomplie, ils avoyent eu droit d'en rechercher la (atisfaëtion les armesàlamaîn, & de fe venger eus mêmes de tant d'autres injures qu'ils preten- doient avoir receu des François de la Martinique. ^ Cette longue guerre , qui fut accompagne'e de divers fuc- ce's, félon que les armes font journalières • fut enfin termi. ne'e un peu après la mort de Mr- du Parquet, par la prudence & la valeur de Mr* deGourfolas, lequel il avoit faitrecon- noiitre de fon vivant , pour fon Lieutenant General. M** de L'Aubiere, Pun des plus vaillans & des plus renommez Capi- taines de la même Ile de la Martinique, s'aquit aufifi beaucoup de gloire dans les grands & periikus employs ou il fut engagé, fuivant les ordres de M*- de Gourfolas fon digne frère , pour prévenir Jcs mauvais defleins de ces Barbares, reprimer Leur courfes, s'emparer de leurs retranchemens» & les obliger à quitter entièrement cette belle terre , pour fe réfugier aus Iles de S. Vincent & de la Dominique,qui font les feules places qui leur relient à prefent de toutes les Antilles qu'Us ont an* tre'fois occupées. On tient , qu'il y a encore quelques familles de Caraïbes à la Martinique: mais outre qu'ils font leur demeure parmi les François, & qu'on ne leur permet plus d'avoir des Villages particuliers & d'y faire des aflemblées* on les efclaire main- tenant de fi prés, qu'ils ne peuvent entretenir aucune inteili^ gence ni fomenter aucun parti avec cens de leur Nation qui demeurent ailleurs , fans eftre découverts. L'un des principaus Officiers de la Martinique , nous a en- voyé de fa grâce , une fort ample, & tres-exa&e Relation -d«- toute mm 536 Histoire Morale, Châp.21 tout ce qui s 'eft palîé de plus mémorable durant cette guerre : mais parce que ce Chapitre eft déjà affez eftendu, & que ce ré- cit groffiroit nôtre ouv jage au delà de ce que nous avons pro- pofé , nous le referverons pour un autre Traité , auquel nous luy trouverons fa place,fi le Seigneur nous continue la vie : & nous dirons feulement par avance , que les Habitans de cette ' Ile célèbre, font redevables de cedous repos, ôc de cette profonde tranquilite dont ils joiûflent à prefent, à la fage conduite, & au courage de M1"- de Gourfolas, & de Mr- de l'Aubierefon frère: puifque Dieu s'eft fervide leur zèle & de leur generofité, pour domter les Sauvages &conferver à la Irance l'une des plus illuftres & des plus peuplées Colonie» qu'elle ait dans tout ce nouveau Monde. CHAPITRE VINT-ET-UNÏEME. Du Traitement que les Caraïbes font à leurs cru (huniers de Guerre* NOus allons tremper nôtre plume danslefang & faire un Tableau qui donnera de l'horreur. Il n'y paroiftra que de l'inhumanité, de la barbarie & de la rage. On verra des créatures raifonnables y dévorer cruellement leurs femblables , & fe remplir de leur chair & de leur fang , après avoir dépouillé la nature humaine , & revêtu celle des plus fanguinaires & des plus furieufes bteftes. Chofe que les Payens même, au milieu de leurs ténèbres, ont autrefois trou- vée fi pleine d'exécration , qu'ils ont feint que le Soleil s'étoit retiré, pour ne point éclairer de tels repas. Lors que les Cannibales , ou K^întrofofages , c'eft à dire UMangeurs d'hommes : car c'eft icy proprement qu'il les faut appeller de ce nom , qui leur eft commun avec celuy de Ca- raïbes : lors dis-je , qu'ils ramènent quelque prifonnier de guerred'entreles Aroûagues, il appartient de droit à celuy qui s'en eft faify dans le combat , ou qui l'a pris à lacourfe. De forte qu'étant arrivé en fon lie, il le garde en fa maifon , & afin €hap.2i des Iles Antilles, $î7 dans un Amac , qu'il fufpend prefque au faille de fa café , & après l'avoir fait jeufner quatre ou cinq jours, il le produit en un jour de débauche folemnelle , pourfervir de victime pu- blique , à la haine immortelle des fes Compatriotes contre cette Nation. S'il y a de leurs ennemis morts fur la place , ils les man- gent fur le lieu même. Ils ne deftinentqua l'efclavage les filles & les femmes prifes en guerre. Ils ne mangent point les enfans de leurs prifonnier.es, moins encore les enfans qu'ils ont eus d'elles : mais ils les élèvent avec leurs autres enfans. Ils ont goûté autrefois de toutes les Nations qui les fréquentent, &difent que les François font les plus délicats, & les Efpagnols les plus durs* Maintenant ils ne mangent plus de Chrétiens. Ils s'abfhennent aulTideplufieurscruautez, qu'ils avoyent acoutumé de faire, avant que de tuer leurs ennemis: Car au lieu qu'à prêtent ils fe contentent de les alîbmmerd'un coup de matïuë, & en fuitte de les mettre en quartiers, & de les faire rôtir & de les dévorer ; ils leur faifoyent autrefois foufTrir beaucoup de tourmens, avant que de leur donner le coup mor- tel. Voicy donc une partie des inhumanitez qu'ils exerçoient en ces funeftes rencontres, comme eus-mêmelesont racon- tées à ceus qui ont eu la curiodté de s'en informer fur les lieus, & qui les ont apprifesde leur bouche. Leprifonnier de guerre, qui avoir eftéfimalheureus que de tomber entre leurs mains , & qui n'ignoroit pas qu'il ne fut deftiné à recevoir tout le plus cruel traitement, que Ja rage leur pourrait fuggerer , s'armoit de confiance , & pour témoigner la generouté du peuple Aroiïague, marchoit de luy mèmealaigrement au lieu du fuplice, fans fe faire lier ni traifner, & fe prefentoit avec un vifage riant &affuré au mi- lieu de l'auemblée, qu'il favoit ne refpirer autre choie que fa mort. ^**~ A peine avoit il apperceu ces gens qui témoignoient tant de joye , voyant approcher ceîuy qui devoit eftre le mets de leur abominable feftin ,^ que fans attendre leurs difeours , & leurs fanglantes moqueTres^ il les prevenoitences termes. Jefay 9, fort bien le delfein, pour lequel vous m'appeliez en ce lieu. Yyy „Je S?& Histoire Morale, Chap.2î ii Je ne doute nullement que vous n'ayez envie de vous raf- ,, fafier de mon fan g : & que vous ne brûliez d'impatience de ,, faire curée de mon corps. Mais vous n'avez pas fujer de ,, vous glorifier de me voir en cet état , ni moy de m'en affli- „ ger. Mes Compatriotes ont fait fouffrir à vos predecef- ,,feurs beaucoup plus de maus que vous ne faunez en in- „ venter prefentement contre moy. Et j'ay moy même avec ,,eus, bourrelé maffacré, mangé de vos gens, de vos amis, de ,, vos pères. Outre que j'ay des parens , qui ne manqueront „ pas de fe venger avec avantage fur vous ^ & fur vos enfans, „ du traitement le plus inhumain que vous méditiez contre „moy. Ouy, tout ce que la cruauté la plus ingenieufe vous ,, pourra diderdetourmens pour rn'ofterla vie , n'eft rien en „ comparaifon des fupplices , que ma Nation genereufc vous „ prépare pour échange. Employez donc fans feindre , & »* fans plus tarder, tout ceque vous avez déplus cruel , .& de „plusfenfible, & croyez que je le meprife, & que je m'en ,, moque. A quoy fe rapporte fort bien cette bravade fan- mÎ*J*. §l?nre & enjouée, qui fe lit d'un prifonniet Brefilien , preft à m liv.u " être dévoré par fes ennemis. Venez tous hardiment leur _*fcy.3o. ndifoit-il, ôc vous aflemblez pour difner de moy. Car vous „ mangerez quant 6c quant vos Pères & vos Ayeuls t qui ont „ fervy d'aliment & de nourriture à mon corps. Ces mufcles, ,, cette chair & ces veines , ce font les vôtres , pauvres fous ,, que vous êtes. Vous ne reconnoiflez pas que la fubïtance ,,des menbres de vos anceftres s'y tient encore. Savourez ,, les bien , vous y trouverez le gourde vôtre propre chair. Revenons à nos Aroiiagues. Son cœurn'étoit pas feulement fur le bord de fes lèvres • il fe montroit aufft dans les effets qui fuivoient fa bravade. Car après que la Compagnie avoit enduré quelque tems , fes fieres menaces , & fes défis arrogans fans le toucher : un de ta troupe luy venoit brûler les coltez avec untifon flambant. L'autre luy faifoit des taillades vives & profondes , qui pene- îroient jufques aus os , fur les épaules , & par tout le corps 5 Et ils jettoient dans fes douloureufes playes, cette épicerie piquante, que les Antillais nomment Pyman. D'autres fedi- yertiflbient à percer de flèches le pauvre patient : Et chacun travail- Chap. 11 des Iles Antilles. 5 3 1 îravailloit avec plaifir à le tourmenter. Mais luy fouffroit avec le même vifage, & fans témoigner le moindre fentimenc de douleur. Après qu'ils s'étoyent ainfi jouez bien lonç tems de ce miferable , enfin , s'ennuyant de ces infultes qui ne cefîbient point, & de fa confiance , qui paroilîbit toujours égale , l'un d'eus s'approchant l'aflommoit d'un furieus coup demafliië, qu'il luydechargeoit fur la telle. Voila le traite- ment que nos Cannibales faifoyent autrefois à leurs prifon- niers de guerre : mais à prefent ils fe contentent de les aflom- mer, ainfi que nous l'avons de'ja reprefenté. Sitoft que ce malheureus eft renverfé mort fur la place, les jeunes gensprennent le corps, & l'ayant lavé le mettent en pièces : puis ils en font bouillir une partie , & rôtir Tau» tre fur des grilles de bois deftinées à cet ufage. Quand ce deteftable mets eft cuit & aflaifonné , comme le defire leur in- fâme gofier, ils le divifent en autant de parts qu'ils font de perfonnes : Et aflbuviflant avec avidité leur barbarie , ils le dévorent cruellement, &s'en repaiflent pleins de joye: ne croyant pas qu'il fe puifle faire au monde de repas il delt- cieus. Les femmes , lèchent même les bâtons où la graifle de l'Aroiïague a coulé. Ce qui ne vient pas tant de l'agrément, que trouve leur palais au goût de cette viande , & de cette graifle, que du plaifir exceffif qu'ils ont de fe venger de la for* te de leurs capitaus ennemis. Mais comme ils feroientbien marris que la haine enragée qu'ils portent aus Aroiiagues prit jamais de fin , aufïi travail* lent ils à luy donner le moyen de s'entretenir. Et c'eft pour ce- la qu'en faifant cuire ce pauvre corps, ils en recueillent & amafîent fort curieufement toute la graifle. Car ce n'eft pas à deflein d'en compoferdes medicamens , comme les Chirur- giens en font quelquefois , ou d'en faire du feu Grégeois pour embrafer les maifons de leurs ennemis, comme les Tartares: voyagé mais ils recueillent cette graifle , pour la diftribuer aus princi- * c**~ paus , qui la reçoivent & la confervent avec foin , dans de pe- tites calebafles , pour en verfer quelques gouttes dans les fauf- fes de leurs feftins folennels, & perpétuer ainfi autant qu'il leur eft poiîible, la nourriture de leur vengeance. J'avoue" , que le Soleil auroit raifon d'abandonner ces Bar- Y y y 2 bares, pn en Tartane, 54® Histoire Morale, Chap. %i bares, plutoft que d'affifter à de fi deteftables folennitez. Mais il faudroit en même tems qu'il fe retiraftdela plûpare des pais de l'Amérique , & même de quelques Terres de l'A- frique & de l' Afie , où de femblables & de pires cruautez s'ex- ercent journellement. Pour exemple, les Toupinambous font à peu prés , à leurs prifonniers de guerre, le même traite- ment que les Caraïbes font aus leurs. Mais ils y ajoutent di- Be Ley vers traits de barbarie, qui ne fè voyent point aus. Antilles. Ils « *p> iî- frottent le corps de leurs enfans du fang de ces miferables çkap.z. vi&imes, pour les animer au carnage. Celuy qui a fait l'exé- cution du captif, fe fait déchiqueter & taillader en divers en- droits du corps , pour un trofée de vaillance , & une marque de gloire. Et ce qui eft entièrement étrange, c'eft que ces Barbares donnant de leurs filles pour femmes à ces ennemis* aum-toû qu'ilsles ont en leur punTance , quand ils viennent à les mettre en pièces , la femme elle même mange la première» s'il luy eft poffible, de la chair de fon mary. Et s'il arrive qu'elle ait quelque enfan de luy , il ne manque pas à eftre tZfef afl°mme'« rôty, & mange' , quelquefois à l'heure même qu'il t^H'u entre au monde. Une pareille Barbarie s'en: veuë autrefois en plusieurs Provinces du Pérou. Divers autres Peuples Barbares, fiarpaflentauïînes Caraï- bes en leur inhumanité. Mais fur tout,, les habitans du pais Gamlaf d'Antis font pkis cruels que les Xygres. S'il arrive que par _ii.«.u. droit de guerre ou autrement, ils faflent unprifonnier, ôc qu'ils le connoilïent pour être un homme de peu , ils l'écar* telent incontinent, & en donnent les membres à leurs amis* ou à leurs valets, afindeles manger s'ils veulent, ou de les vendre à la Boucherie. Mais fi c?eft unhomme de condition, les principaus s'afiemblent entr'eus, avec leurs femmes & leurs enfans, pour affilier àfa mort. Alors, ces impitoyables, l'ayant dépoiiillé , l'atachent tout-nudà un gros pieu , & le découpent par tout le corps à coups de rafoirs & de couteaus, faits d un certain caillou fort tranchant, & qui eft une efpece de pierre à feu. En cette cruelle exécution , ils ne le démem* brent pas d'abord , mais ils oftent feulement la chair des pat- ries, qui en ont le plus, comme du gras de la jambe, des cuifies, des feues» &des.bras. Apres cela, tous pefle-naeile, liom^ mes, Chap. 21 des Iles Antilles. 541 mes, femmes, &enfans, fe teignent du fang de ce malheu- reus ; Et fans attend te que la chair qu'ils en ont tirée, foie ou bouillie , ou rôtie , ils la mangent goulûment, ou, pour mieus dire, ils l'engloutifientfans la mâcher. Ainfi ce miierable fe voit mangé tout en vie , & enfevely dans le ventre de fes en- nemis. Les femmes ajoutant encore quelque chofe à la cruauté des hommes , bien qu'exceffivement Barbare & inhu- maine, fc frottent le bout des mammelles du fang de ce patient, afin de le faire fuccer à leurs enfans , avec le lait qu'elles leur donnent. Que fi ces inhumains ont pris garde , que dans les. langueurs & les fupplices qu'ils ont fait foufïriraumiferable défunt , id ait témoigné le moindre fentiment de douleur , ou; enfonvifage, ou aus moindres parties de fon corps: ou mê- me qu'il luyfoit échappé quelque gemnîement, ou quelque foupir, alors ils brifent fes os , après enavoirmangé la chair, & les jettent à la voirie , ou dans la rivière , avec un mépris extrême. C'eft ainfi que plufieurs autres Nations infultent cruelle- ment fur les miferables reftes de leurs ennemis tuez , & font paroitre leurinhumaine vengeance , & leur animofité Barba- re, fur ce qui n'a plus de fentiment. Ainfi quelques Peuples de la Floride, pourafîbuvir leur brutalité, pendent en leurs maifons, & portent fur eus* , la peau & la chevelure de leurs ennemis. Les Virginiens T en attachent à leur col une main fèche. Quelques Sauvages de la Nouvelle Efpagne , pendent fur leur corps, en forme de médaille , un petit morceau de la chair de ceus qu'ils ont maflacrez. Les Seigneurs de Belle- Ile, proche delà Chine , portent une couronne façonnée de teftes de morts hideufement arrangées & entre- lacées avec des cordons de foye. Les Chilois font des vaiûeaus à boire, du tell des Efpagnols qu'ils ont affommez, comme le prati- quoient autrefois les Scythes envers leurs ennemis , félon le rapport d*Herodote Les Canadiens & les Mexicains danfent en leurs feftes, portant fur eus la peau de ceus qu'ils ont écor- chez & mangez. LesHuancas, ancienne Nationdu Pérou, faifoient des Tambours de telles peaus , difant que ces caifles, lors qu'on venoit à les battre, avoient une feexette vertu, gour mettre en fuite ceus qu'ils combatoient. Y y. y $ T@£& De LdW en fon Hîfioire de VA- ?nerrquel Somedoe en fon] Etfioirçr d* là Chiney première" partie, chap. Zi- Livrt 4* GamUft L6. *.!«*, 'Eergeron en fin Traité des T or- tares. Carci- lajfo, de JLaet, (f L'tnfiot. CarciL en fon Com- mentaire 54* Histoire Morale, Chap.21 Tout cela fait voir , jufqu'à qu:el degré de rage & de fureur peut monter la haine & l'appétit de vengeance. Et dans ces exemples, on peur reconnoitre beaucoup de traits plus fan* glans, & de marques plus deteftables de cruauté & de barbarie, que dans le traitement que nos Cannibales font à leurs prifon- niersde guerre Aroiiagues. Mais pour faire trouver ce traitement encore un peu moins horrible , il feroit aifé de produire icy fur le théâtre divers Peuples , léquels outre cette animofîté furieufe , & cette ar- deur desefperée à fe venger, témoignent de plus, unegour- mandife barbare & infatiable, & une paffion tout à fait bru- tale & féroce de fe repaitrede chair humaine. Et premièrement, au lieu que les Cannibales ne mangent pour l'ordinaire que des Aroiïagues, leurs ennemis irrecon- ciable, épargnant les prifonniers qu'ils ont de toute autre Nation, quelques Floridiens voifins du d'étroit de Bahama, dévorent cruellement tous les Etrangers qu'ils peuvent attra- per , de quelque Nation qu'ils foient. De forte que fi vous defeendez en leurs terres , & qu'ils fe trouvent plus forts que vous, il eft infaillible que vous leur fervirez de curée. La chair humaine leur femble extrêmement délicate , de quel- qu'endroit du corps qu'elle puiiTe être. Mais ils difent que la plante du pied eft le plus friand morceau de tous. Àuflile fervent-ils ordinairement à leur Carlin* qui eft leur Seigneur 5 au lieu qu'anciennement, les Tartares coupoient lesmam- mellesaus jeunes filles , & les refervoient pour leurs Chefs qui fe repaiflfoient de cette chair. Il faut joindre à ces Barba- res, ceus de la Province de Hafcalaôc de la Région de la ville de Darien en la Nouvelle Efpagne, qui ne mangeoient pas feulement la chair de leurs ennemis , mais celle de leurs com- patriotes mêmes. Et les Hiftoriens nous rapportent, queles Yncas Roys du Pérou conquirent plufieurs Provinces, dont les habitans ne trouvèrent point de loyfifacheufe& fiinfup- portable, entre toutes celles que leurimpoferent ces Princes vainqueurs , que la défenfe de manger de la chair humaine, tant ils étoient affamez de cette exécrable viande. Car fans attendre que celuy qu'ils avoient bleffé à mort euft rendu l'cfptit, ils beuvoient le fang qui fortoit de fa playe : Et ils s'en fai- Chap.21 des Iles Antilles. 54* faifoient de même, lors qu'ils le coupoient par quartiers le fucçant avidement, de peur qu'il ne s'en perdift quelque goutte. Us avoient des boucheries publiques de chair hu- maine , dont ils prenoient des morceaus qu'ils hachoient me- nu, & des boyaus ils faifoient des boudins & des faucilles. Particulièrement les Cheriganes, ou Chirhuanes, Montag- nars , avoient un appétit fi étrange & fi infatiable de chair hu- maine, qu'ils la mangeoient gloutonnement toute crue, n'é- pargnant pas même dans leur Barbarie , leurs plus proches pa- rens quand ils mouroient. Ce que pourfatis- faire à leur damnable appétit, ils oftent la vie à leurs parent, & jouent à la paume des morceaus de cette chair, à qui la gagnera par fon adrefle. Les Aymures peuple du Brefii , font encore plus in humains & plus déteftables. Et il ne faut plus feindre des Saturnes qui dévorent leurs enfans. Car , fi nous en croyons les Hiftoriens, ces Barbares mangent en erTet leurs propres enfans, menbre après menbre, & quelquefois même ouvrant le ventre des femmes grolTes , ils en tirent le fruit qu'ils dévorent aulfi-tôt, affamez à un tel point de la chair de leurs femblables, qu'ils vont àlachaffe des hommes comme à celle desbeftes, & les ayant pris, les déchirent & les engïou- tilïent d une façon cruelle & impitoyable. Par ces exemples, il paroit atTez que nos Cannibales , ne fbnt pas tant Cannihales , c'eft adiré tMangéùrs d'hommes, bien qu^ls en portent particulièrement le nom , que beaucoup d'autres Nations Sauvages. Et il feroit facile de trouver en- core ailleurs des preuves d'une Barbarie, qui répond à celle de nos Cannibales Caraïbes , & même quïïes furpaiTe de bien loin. Mais c'en eft trop. Tirons le rideau fur ces horreurs, & lâiflant les Cannibales de toutes les autres Notions , re- paflbns vers ceus des Antilles , pour divertir en la confide- ration de leurs Mariages , nos yeus lalTez du fpe&acle de tant dlnhumaines & fanglantes tragédies. ria "iuomz 333 &J ; ..--.. Garci- laffo l. 7, chap. 17. Roulox Baro & Rghrii- quis en leurs VoyAges, Vincent le £ians} 1. part, chap. 1^. a m*. Herod. livre 3. Le Blam i.part. chap. 2,4, De Laet en fon HtÏÏotré del'A- meriqm. 544 Histoire Morale, Chap, tz I CHAPITRE VINT-DEUSIEME. Des Mariages des Caraïbes. L fe voit en l'Amérique des Sauvages fi Sauvages & û brutaus, qu'ilsne favent ce quec'eft que du mariage, mais f*nf*£ -Lfe meflent indhferenment comme des beftes. Ce que Ç5 \y Ton allure entr' autres des anciens Péruviens , & des habitans AS Uv.j. des nes des larrons. Mais les Caraïbes avec toute leur bar* barie, s'afuietitTentausloixde cette e'troite alliance. Ils n'ont point de tems pre'fix pour leur Mariage, comme lesPerfes qui fe marient ordinairement au Printems. Ni d'â- ge, comme piufieurs autres Sauvages, dont les uns fe marient ordinairement à 3 neuf ans $ les autres à b douze $ quelque uns à c vint-quatre , & d'autres , à d quarante feulement. Ce nefontpasaufil chez les Caraïbes, comme prefque chez tou- tes les Nations , les jeunes hommes qui choififlent ordinaire- ment les filles à leur gré , & félon leur inclination : ni à l'op- pofite, ce ne font pas les filles qui choififlent leurs Maris, comme font celles de la Province de Nicaragua , dans les fe- ftins & les afifemble'es publiques: Et comme il fe faifoit au- trefois aufil dans la Candie, auraport des Hiftoriens. Mais quand nos Sauvages défirent de fe marier, ils ont droit de prendre toutes leurs Coufines germaines , & n'ont qu'à dire qu'ils les prenent pour leurs femmes, elles leur font na- turellement aquifes , & ils les peuventenmener en leurs mai- fons , fans autre cérémonie, & pour lors elles font tenues pour leurs femmes légitimes. Ils ont tous autant de femmes qu'il leurplait: Surtout, les Capitaines font gloire d'en avoir plu- fieurs. Ils bâtifient à chaque femme, une café particulière. Ils demeurent autant de tems qu'ils veulent, avec celle qui Jeuragre'e davantage, fans que les autres enfoyent jaloufes. Celle avec laquelle ils font , les fert avec un foin & une af- fection non pareil le. Elle leur fait de la Cafiave, les peigne, les rougit & les accompagne en leurs voyages. Leurs maris les ayment fort ; Mais cet amour efl comme un chap. 17. 3truh$» liv. lié a En Orient. bEn Mada- gafear.} C Les Pe- jtuvienu à Les Flore- Aient, Chap.22 des îles Antilles. » 54$ un feu de paille , veu que foùvent ils les biffent aufïï aifé- ment qu'ils les preneur. Ils quittent pourtant fort rarement leurs premières femmes , notamment quand ils en ont eu des en fans. Lors qu'ils ont quelques prifonnieres de guerre qui leur agréent, ils les prenentàfemme. Mais bien que les enfans qui en naiflent foyent libres, elles font toujours tenues pour efclaves quant à elles. Toutes les femmes parlent avec qui elles veulent : Mais le mary n'ofe s'entretenir avec les pa- ïens de fa femme, qu'en des occafions extraordinaires. Quand il arrive que quelcun d'entr'eusn'apointde Cou- fines Germaines, ou que pour avoir trop tarde' à les prendre enmariage, leurs parens les ont données à d'autres, ilspeu- vent à prefent époufer des filles qui ne font poinrleurs pa- rentes 5 mais il faut qu'ils les demandent à leurs Pères & Mè- res, &aufïitoftquelePere, ou la Mère les ont accordées, elles font leurs femmes, & ils les enménent chez eus. Avant qu'ils eulTent altéré une partie de leurs anciennes coutumes, par le commerce qu'ils ont avec les Chrétiens, ils ne prenoient pour femmes légitimes que leurs Coufines , qui leur étoyent aquifes de droit naturel , comme nous venons de le dire, ou les filles que les Pères & les Mères leur orfroyent de leur bon gré , quand ils étoyent de retour de la guerre. Cette vieille pratique a beaucoup de particularitez qui font digues de nos remarques , c'eftpourquoy nous la déduirons icy tout au long, & toute telle que nous la tenons des plus anciens de cette Nation , qui l'ont racontée, comme une preuve des grands changemens quife fontgliflez dans leurs mœurs & leurs façons de faire , depuis qu'ils ont eu U con- noilTance des étrangers. Quand les Caraïbes étoient retournez heureufement de leurs guerres, & qu'on leur avoit fait en leurs Iles une récep- tion folemnelle , & un grand feftin dans leurCarbet. Apres cette rejouiflance quife pratique encore parmy eus, le Capi- taine femetroit à reciter le fuccés de leur voyage, & à donner des élogesàiagenerofitédeccusquis'étoyent portez le plus vaillamment. Mais II s'étendoit en particulier fur la valeur des jeunes hommes, pour les animer à témoigner toujours le Z^z même S4& Histoire Morale, Chap.22, même cœur en de femblables rencontres. Et c'eftoit ordi- nairement a la fin de ce difcours que les Pères de famille, qui avoient des filles en âged'eftre mariées, prenoient occafion de lesprefenter pour femmes à ceusd'entre les jeunes hom- mes, dont ils avoient ouï prifer les belles & louables quali- tez , & exalter le courage & la hardieue dans les combats. Ils s'empreflbient à faire l'aquifition de tels gendres, Et celuy qui avoir tué le plus d'ennemis , avoit bien de la pêne à ne re- cevoir en ce jour- la qu'une femme, tant il y en avoit qui le fouhaittoyent . Mais les poltrons & les lâches ne trouvoiene perfonne qui voulut d'eus, de forte que fi Ton avoit envie de îe marier parmy eus , il fallok neeeflairement avoir du coura- ge : Car une femme chez cette N ation, étoit alors un prix qui ne fe donnoitqu'à la generofité. Ainfi chez les Brefiiiens* les jeunes hommes ne fe peuvent marier , qu'ils n*ayent tué rincent quelque ennemy. Et en une ville de la grande Tartarie, nom- k£la»c, mée Palimbrote,ceusde la plus haute condition ne fauroieng avoir de femme > qu'ils n'ayent bien vérifié avoir fait mourir trois ennemis de leur Prince. On dit auÛfi qu'autrefois en \z .Cannante,, il falloir apporter au Roy la tefted'un ennemy , (î l'on vouloir être marié. 11 en étoit à peu prés de même chez un Peuple proche de lamer Cafpienne. Et qui ne fait que le Roy Saiil demanda la mort de cent Fiiiftïns à David , pour le douaire de fa fille, avant que de la iuy donner en Mariage \ Au refte , heureus étoit le Père chez nos Caraïbes , qui îe premier approchoit & faififoit au corps , quelcun de ces gen- dres valeureus, que le Capitaine avoit louez. Car il n'y avoic rien à attendre pour ce coup-là , pour celuy qui venoit après : & le Mariage étoit fait auffi toft que l'autre avoit dit au jeune homme , je te donne mafillepour femme. Un pareil mot de la Mère fufEfoit même à cela. Et le jeune homme n'ofoit ré- futer la fille, quand elle luy étoit ainfi prefentée: Mais il fal- loit que belle ou laide ,. il la reçeutdés-lorspour fa femme* Ainfi nos Caraïbes ne fe marioyent point par amourettes. Que û les jeunes hommes Caraïbes après être mariez con- îiinuoient à fe porter vaillanment dans les guerres fuivantes, on leur donnoit encore d'autres femmes à leur retour. Cette Poliganùe elt encore en ufage chez nos Amillois^ Elle efl* auiE I. part. &hap. 30 1 siiexan- dred'A- lexan- dre, l.x. Hrft. de Cîiap.22 des Iles Antilles. 547 aufli commune parmy les autres Peuples Barbares. Les Chi- loishabitans de l'Ile de la Mocha, n'y font point d'autre fa- çon, finon que toutes les fois qu'il leur prend envie d'avoir une nouvelle femme, ils en achètent une pour un bœuf, pour une brebis, ou pour quelque autre marchandife. Et il y a tel endroit où le nombre des femmes d'un feui mary eft prodi- gieus , comme au Royaume de Bennin , où l'on voit par-fois ReUm» au Roy fept cens que femmes que concubines : Et où les *"„£*' fimplesfujets , auflï bien qu'en la Mexique, ont jufqu'àcent, & jufqu'à cent cinquante femmes chacun. Et d'autre cofté il fe trouve quelques lieus , où l'on permet à chaque femme . d'avoir aufli plufieurs marys , comme chez les Pehuares Na- tionduBrefil , au Royaume de Calecut, & autrefois en quel- ques unes des Canaries. Les jeunes hommes parmy les Caraïbes, ne fréquentent &*&**. point encore à prefent de filles ni de femmes , qu'ils ne foyent *££* mariez. En quoy certes ils font bien éloignez de Peguans, pyrard* amoureus fi paflîonez , que pour faire voir que la violence du 1-?art' feufecret qui les dévore, éteint en eus le fentiment de toutes çj^ï les autres ardeurs , ils fe brûlent eus-même les bras en pre- P des fence de leurs Maitreffes , avec un flambeau allumé : où bien c*v**m ' * par Bc- ils laiflent mourir & confumer fur leur chair, un linge flam- ttmwtu bant & trempé en huile. Et pour montrer qu'étant navrez vtntent a mort, toute playe déformais ne leur peut eflre que légère, *f4^' ils fe tailladent le corps , & le percent de coups de poignard, chap.3. Les Turcs les imitent en cela , au rapport de Villamont. Car f****& en femblables occafions ils fe font plufieurs taillades & de grandes playes, avec leurs couteaus , furdiverfes parties du corps. Le nombre des femmes de nos Caraïbes , n'eft point limité ty*f& comme parmy les Maldivois, où l'on n'en peut avoir que trois Ï?J^ à la fois. Mais comme ce nombre étoit autrefois proportioné à leur courage & à leur valeur § Car à chaque fois qu'ils re- tournoient de la guerre avec un éloge, de hardieffe & de ge- nerofité ils pouvoyent prétendre & efpercr une nouvelle femme, aufli encore à prefent, ils en ont autant qu'ils en défi- rent & qu'ils en peuvent obtenir. De forte que chez eus, comme parmy les Toupinambous , celuy qui a le plus defem- jj*f Jjjf Zzz z mes Bfiair. de La- fez,. flutdï- que dans Us vies, de Ly- enrgtee &de Solo». Relation des Hol- lândois. JLinfcot, thap. 16. Vincent le Blanct î. part. é*ç. 31. 548 Histoire Morale, Chap.22 mes eft eftiméle plus vaillant & le plus confiderable de toute l'Ile. Et au lieu qu'en l'Ile Efpagnole, toures les femmes cou- choient dans une même chambre avec leur mary, les Caraï- / bes, comme nous l'avons déjà touche', pour éviter toute forte de querelles & de jaloufies, tiennent leurs femmes, de même que font les Turcs & les Tartares, en des demeures feparées.' Même quelquefois ils les mettent en diverfes lies : Ou bien ils font cette feparation & cetéloignement de leurs femmes l'unede l'autre, afin qu'elles fe puaient plus commodément adonneràlaculturedeleursjardinages, qui font épars en di- vers lieus. Et c'eft pour cela même , que l'on allure que les Caraïbes du Continent pratiquent le femblable , leurs fem- mes ayant la louange de ne fe point laûTer piquer à lajaloufle. Nos Sauvages Infulaires , ont foin s'ils n'ont qu'une femme, de ne s'éloigner pas beaucoup d'elle , & s'ils en ont plufieurs ils les vifitent les unes après les autres. Mais ils obfervene tous, comme les Floridiens , éenc point toucher celles qui font groiïes. On ne fauroit fumTamment s'étonner que Lycurgue & So- lon, ces lumières de la Grèce, fefoyent montrez fi aveugles, & Ci peu honnêtes gens, que d'ouvrir la porte à l'adultère,. & de trouver bon qu'il entrai!: chez leurs Citoyens, Car à pêne y a til aucune des Nations les plus Barbares & les plus Sauva- ges, qui n'ait en foy-même alTez de lumière, pour y lire cette loy, tracée de la main de la nature: Que l'adultère eft un cri- me , & qui! doit être en horreur : ôc quiauffi ne témoigne qu'elle l'a en deteftation % ôc ne le châtie fevérement lors qu'il s'introduit chez elle. La punition de l'adultère n'eftque plaifante chez les Guinois. C'eft que la femme fî elle ne veue êtrechalTée, paye pour amende à fonmary quelques onces d'or. Mais il n'y a pas dequoy rire chez les Orientaus de Bengala , & chez les Mexicains , qui coupent le nez «Se les oreilles à leurs femmes en pareils cas. Divers autres Peuples Barbares, les punifTent même de mort. Et les Peguans font fi rigoureus en ces rencontres , Ôc ont tant d'horreur pour ce crime , que chez eus les adultères font enterrez vifs, hommes: & femmes. Les Caraïbes ne font pas icy des plus indulgens, & des moins Chap.22 des Iles Antilles, 543 moins jalous de leur honneur. Ils ne favoient point autre- fois punir ce crime, par ce qu'il ne regnoit point entr'eus avant leur communication avec les Chrétiens. Mais au- jourd'huy, fi le mary furprend fafemmc s 'abandonnant à quel- que autre homme , ou que d'ailleurs il en ait une connoiflànce affurce, ii s'en fait luy même la juftice, & ne Juy pardonne guéres,maisillatuë, par fois d'un coup de Boutou , par fois en luy fendant le ventre du haut en bas, avecunrafoir, ou une dent d'Agouty , qui ne tranche guère moins fubti- lement. Cette execution-là étant faite , le mary s'en va trouver „ fon Beau-pere , & luy dit tout froidement. ]'ay tué ta fille „ parce qu'elle ne m'avoit pas eue fidelle. Le Père trouve „radion fi jufte, que bien loin d'en être fâché contre fon „gendre, il l'en loue & luy en fait gré. Tuas bien fait luy ,, répond-il : Elle le meritoit bien. Et même s'il luy refte encore des filles à marier , il luy en offre une dés lors , & pro- met de la luy donnera la première occafion. Le Père n'époufe pas fa fille, comme quelques uns ont voulu dire. Ils ont en horreur ce crime , & s'il y a eu par- my eus des Pères inceflueus, ils ont efté contrains de s'ab» fenter, car s'ils avoient efté attrapez des autres, ils les au- roient brûlez vifs , ou bien ils les auroient déchirez en mU* le pièces. Zzz % C nÂf 150 Histoire Morale, Chap.23 CHAPITRE VINT-TROISIEME. De la Naijfance & de l'Education des En/ans des Caraïbes» O Gdni- N ne voit guère parmy ces pauvres Indiens, de coutu- me plus brutale que celle dont ils fe fervent à la Naif- fance de leurs enfans. Leurs femmes acouchent fans beaucoup de peine, & fi elles fentent quelque difficulté , elles ont recours à la racine d'une efpeccdejonc, de laquelle elles expriment le Suc , & layantbu, elles font incontinent déli- vrées. Quelquefois dés le jour même de leur acouchement, elles fe vont laver avec leur enfant, à la plus prochaine Riviè- re ou fontaine, & fe remettent au travail ordinaire dinné- nagc. Les Péruviennes , lesjaponnoifes, & les Brésiliennes en font de même : Et il étoit ordinaire aus Indiens de l'Ile fcotïcs' Espagnole, &même aus anciens Lacedemoniens , de laver. deLaet, ainfî leurs enfans dans l'eau froide, pour leur endurcir la peau Pyrard. incontinent après leur naiflance. Les Maldivois lavent les leurs durant plufieurs jours. Et Ton nous veut faire croire, que les Cimbres mettoient autrefois dans la neige ces petites créatures nouvellement nées, pour les acoutumer au froid & a la fatigue , & leur renforcer les menbres. Ils ne font point de feflin à la naiflance de leurs enfans, que pour le premier qui leur vientj & ils n'ont point de tems prefix pour cette rejouïflance, cela dépend de leur caprice : mais quand ils aflemblent leurs amys pour fe refouïr avec eus fur la naiflance de leur premier-né, ils tâchent de ne rien éparg- ner de ce qui peut contribuer au bon traitement & à la joye des conviez; au lieu qu'autrefois lesThraces,accompagnoient de leurs pleurs les cris de ceus qui venoient au monde , fe re- mettant devant les yeus, toutes les miferes qu'il faut fouffrir en cette vie. Mais voicy la brutalité de nos Sauvages, dans leur réjouif- fance pour l'acroiflement de leur famille. C'eft qu'au même tems que la femme eft délivrée lemary femet au lit, pour s'y plain- ihrodot Hv. 5. Chap.23 des îles Antilles. 551 plaindre & y faire l'acouchée: coutume, qui bien que Sau- vage & ridicule, fe trouve neanrmoins à ce que l'on dit', parmy les payfans d'une certaine Province de France. Et ils appellent cela frire U couvade. Mais ce qui eft de fâ- chcus pour le pauvre Caraïbe, qui s'eft mis au lit au lien de l'acouchée , c'eftqu'on luy fait faire diète dix ou douze jours de fuite, ne luy donnant rien par jour, qu'un petit mor- ceau de Caiïave, & un peu d'eau , dans laquelle on a aufïî fait bouillir un peu de ce pain de racine. Apres il mange un peu plus; mais il n'entame la Caffave qui luy eft prefentée, que parle milieu durant quelques quarante jours , en laiflant les- bords entiers qu'il pend à fa café, pour fervir au feftin qu'il fait ordinairement en fuite à tous fes amis. Et même il s'ab- ftient après cela , quelquefois dix mois , ou un an entier , de plufieurs viandes, comme de Lamantin, de Tortue , de Pour- ceau , de Poules , de Poiffon , & de chofes délicates : Craig- nant par une pitoyable folie , que cela ne nuife à l'enfant» Mais ils ne font ce grand Jeufne qu'à la naiûance de leur pre- mier enfant. Car à celle des autres , leurs jeufnes font beau- coup moins aufteres, & beaucoup plus courts, n'étant d'or- dinaire que de quatre ou cinq jours au plus* On trouve bien chez les Brefiliens, & les Japponois des Bttm maris aiïez infenfés pour faire ainfi l'accouchée : mais ils ne £ m& fontpasfifots que de jeufner dans leur lit. Au contraire ils s'y font traiter délicatement & en abondance. On dit qu'au- trefois la même chofe s'eft veuë chez les Tibariens, voifîns à la Cappadoce , & chez quelque autre peuple. Mais les Ha- Jlexan- bitans naturels de Madagafcar imitent ce jeufne des Caraïbes *ed'<*~ lors qu'ils veulent faire circoncir leurs enfans. ' kdx*n~ Quelques uns de nos Caraïbes ont encore une autre folie: *£*/«* Et c'eft bien pis que tout le refte pour le pauvre père à qui il CaMch^- eft ne' un enfant , car à la fin du jeufne , on luy fearifie vive- ( ment les épaules avec une dent d'Agouty. Et il faut que ce miferable, non feulement fe laifle ainfî accommoder , mais que même il le fourTre fans témoigner le moindre fentiment de Couleur. Ils croyent que plus la patience du Père aura paru grande dans ces épreuves, plus recommandable auili ferais vaillance du fils : Mais il ne faut pas laûTer tomber à terre ce / k- 5 $ a Histoire Morale, Chap.23 le noble fang.dont l'effufion fait ainfi germer le courage. Aufïï le recueillent ils en diligence, pour en frotter le vifage de l'en» fant, eftimant que cela fert encore beaucoup à le rendre ge- flereus. Et cela fe pratique même en quelques endroits en- vers les filles : car bien qu'elles n'ayent pas à fe trouver dans ; les combats, comme autrefois les Amazones, neantmoins, elle ne laiflent pas d'aller à la guerre avec leurs maris, pour leurapprefter à manger, & pour garder leurs vaifieaus, tan- dis qu'ils font aus mains avec i'ennemy. De'squelesenfans font nez, les Mères leur applatiflent le front, & le preflent en telle forte, qu'il panche un peu en arriè- re , car outre que cette forme eft 1 un des principaus traits de la beauté qui eft eftimée parmy eus, ils difent qu'elle fert pour pouvoir mieus décocher leur flèches au deffus d'un arbre , en fe tenant au pied , à quoy-ils font extrêmement adroits, y êtans façonnez dés leur jeunefTe. Ils n'emmaillotent point leurs enfans : mais ils leur laif- fent la liberté de fe remuer à leur aife dans leurs petîs Amacs ou lits de Cotton, ou fur de petites couches de feuilles de Ba- nanier, qui font étendues fur la terre, à un coin de leurs cafés : Et neantmoins leurs menbres n'en deviennent point contre- faits 5 mais tout leur corps fe voit parfaitement bien formé. %&&* Ceus qui ont fejourné chez lesMaldivois, & chez les Tau- Be Lery pinambous , en difent autant des enfans de ces Peuples-là, êbap.iy. bien que jamais on ne les enferme , non plus que les petis Ca- Tiutar- raïbes, dans des couches & des langes. Les Lacedemoniens quetnU en faifoient de même autrefois. z.yctir. -Us ne donnent pas les noms aus enfans, auffitôt après leur g»e. naiflance : mais ils laiiTent écouler douze ou quinze jours, 6 alors on appelle un homme & une femme, qui tiennent lieu de parrein & de marreine , & qui percent à l'enfant les oreil- les, la lèvre de défous, & l'entre- deus des narines & y pafienfc un fil, afin que l'ouverture foit faite pour y attacher des pen- dans. Ils ont neantmoins la difcretion, de différer cette céré- monie, fi les enfans font trop foibles pour fouffrir ces perçu- res, jufques à ce qu'ils foyent plus robuftes. La plupart des noms que les Caraïbes impofent à leurs en- fans, font pris de leurs devanciers, ou de divers Arbres qui croif- Chap. 23 des Iles Antilles» $ 5 j crouTent en leurs lies- ou bien dt quelque rencontre qui fera furvenuë au Père pendant la groffeOedefafemme, ou pen- dant Tes couches. Ainfi à la Dominique une fille fut appellée 0uliem-bana , c'eft à dire feuille de Raifinier , qui eft un arbre dont nous avons donné la defcription enfon lieu. Un autre de la même lie, ayant efté à Saint Chriftofle pendant que fa femme étoit enceinte, & y ayant veu Monfieur le General de nôtre Nation , il nomma l'enfant que fa femme eut à fou retour , General^ en mémoire du bon traitement que ce Seig- neur iuyavoit fait. On trouve quelque chofe defemblablechez les autres Na- tions. Par exemple les Canadiens empruntent les noms de Ltfi*. poiffons& de rivières. Les Virginiens & les Brefiliens fe fer- b9t* ventdeceus de la première chofe qui leur vient en la penfée, comme d'arc de flèches, d'animaus , d'arbres , de plantes. Les grands Seigneurs de Turquie ont acoutumé de donner aus Eunuques qui gardent leurs femmes, les noms des plus belles fleurs, afin que ces femmes les appellant, par ces noms, il ne forte rien de leur bouche qui ne (oit honnefte , & agréable. Les Romains , comme il fe voit chez Piutarque , prenoierfc quelquefois leurs noms des Poifibns , quelquefois de leurs plaifirs ruftiques : quelquefois des imperfections de leurs corps, «5c par fois de leurs belles, attions à l'imitation des Grecs. Les Saintes Ecritures même , nous fourniflent des exemples de quantité de noms pris de diverfes rencontres, commeentre autres des Benoni, desFares,deslcabod, & au- tres fembîabies. Les noms que les Caraïbes impofent a leurs en fans mâles un peu après leur naùTance, ne font pas pour toute leur vie. Car ils changent de nom quand ils font en âged'eftre reçeus au nombre de leurs foldats; Et quand ils fe font portez vail- lamment à la guerre, & qu'ils ont tué un Chef des Arouàgues, ils prenent fon nom pour marque d'honneur, Ce qui a quel- que raport, à ce que pratiquoient les Romains après leurs victoires, prenant en effet les noms des Peuples qu'ils avoient Vaincus. Témoin Scipion l'Africain , & tant d'autres qu'il n'eft pas befoin d'alléguer. Ces Caraïbes viaoricus, ont aufii dans leurs vins, ou dans leurs réjouiffances publiques , quel- Aaaa cun fàdrcdaf. 0 Lefi sdrhot. te Blanc & Py- rmâ. Ah IL\ nomme moy. A quoy l'autre fatisfait aufïi- tôt. Et en recompenfe il reçoit quelque prefent, ou d'ua couteau, ou d'un grain de Criftal, ou de quelque autre me- nues bagatelles qui font en eftime parmy-eus. Les femmes Caraïbes alaitent elles même leurs enfans , & font très-bonnes nourrices, & très tendres Mères, ayant tous les foins imaginables de les bien nourrir. Et même leurs foins s'étendent aus enfans de leurs voifines , quand ellesfont à la guerre. Toutes les Péruviennes, & les Canadiennes, & pref- que toutes les autres Indiennes de l'Occident, font aufïi nour- rices. Et dans les Indes Orientales , au Royaume de Tranfia- ne, & aus Maldives , les femmes de quelque qualité qu'elles foient, font obligées à donner la mammelleà leurs enfans. Ainfi Tacite nous témoigne , que chaque Mère allaitoit elle- même fes enfans, parmy les anciens Peuples de i'Alemagne.. On dit qu'autrefois les Reynes mêmes du Pérou , prenoient bien la peine de nourrir leurs enfans. Et nous avons l'exem- ple de quelques Reynes de France, qui n'ont pas dédaigné cet office maternel. Bien au contraire de ces femmes Canarien- nes, qui faifoient ordinairement alaiter leurs enfans par des Chèvres. Comme faifoient aulïl quelques villageoifes de Guyenne, autemsde Michelde Montaigne. Les Mères de nos petis Caraïbes, ne leur donnent pas feulement la mammelle, mais aufïi-tôt qu'ils ont pris un peu de force, elles mâchent les Patates , les Bananes , & les autres fruits qu'elles leur donnent, Encore qu'elles laiuent quel- quefois leurs petis enfans fe rouler tous nuds fur la terre, & que bien fouvent ils mangent de lapouiïiere, & mille ordu- res qu'ils portent à leur bouche , ils croiflent neantmoins merveilleufement bien, & la plupart deviennent fi robu- ftes, qu'on en a veu, quipouvoient à fix mois marcher fans appuy. On leur coupe les cheveus à l'âge de quelque deus ans : & pour cela on fait un feftin à toute la famille. Il y a quel- ques Caraïbes qui différent jufques à cet âge-là , de faire per- cer les oreilles, les lèvres, & l'entre-deus des narines de leurs Û'Mf" Chap. ii des Iles Antilles. 535 leurs enfans : toutefois cela n'eft pas beaucoup en ufage , fi cen'cft lors que la foibleiTe de l'enfant n'a pas permis de le faire plutôt. Quand ils font parvenus en un âge plus avancé, les garçons mangent avec leurs Pères , & les filles avec leurs Mères. Ils appellent Pères, leurs beaus-peres, &tous ceus qui font dans la ligne collatérale, avec leurs vrais pères. Bien que les enfans des Caraïbes nefoient point inftruits à rendre quelque révérence à leurs parens, ni à leur témoig- ner par quelques geftes du corps le refped & l'honneur qu'ils leur doivent. Ilslesayment neantmoins tous naturel- lement, & fi on leur a fait quelque injure , ils e'poufent incon- tinent leurs querelles, & tâchent par tous moyens d'entirer vengeance. Témoin celuy qui voyant qu'un de nos François delaGardeloupe , avoit coupé les a rabans de l'Arme dans le- a Cefif quel étoit couché fonbeau-pere, de forte qu'étant tombé à utm^A terre il s'étoit demis une épaule, aflembla en même tems leùen- quelques jeunes gens, qui firent une defeente dans l'Ile de nl^& Marigualante , 5c y maiïacrerent les François , qui commet fjfî*»d* ^oient de s'y habituer. <*" Mais Le principal foin que témoignent Jes Caraïbes en l'é- ducation de leurs enfans : c'eft de les rendre extrêmement adroits à tirer de l'arc. Et pour les y faflbnner de bonne heu- re^ à pêne s'avent-ils bien marcher , que leurs Pères & Mères ont cette coutume d'attacher leur déjunér à une branche d'arbre, d'où il faut que ces petisl'abbatent avec la flèche s'ils ont envie de manger. Car il n'y a point de mifericorde. Et à mefure que ces enfans croiifent, on leur fufpend plus haut leur portion, lis coupent aufllpar fois un Bananier, & le pofent en terre, comme en butte, pour apprendre à leurs . enfans à tirer au fruit. Ce qui fait qu'avec le tems, ils fe ren- dent parfaits en cet exercice. Les anciennes Hifloires nous rapportent ; que certains Peuples , approchant icy de la cou- tume cks Caraïbes , obligeoient leurs enfans à abbatre ieuc manger avec la fronde. , Ils deflinent ordinairement tous leurs fils à porter les arô- mes, & à fe venger de leurs ennemis à l'imitation de leurs devanciers. Mais avant qu'ils foyent mis au rang de ceus qui peuvent aller à la guerre , ils doivent eilre déclarez fol- Aaaa a dats 556 Histoire Morale, Chap-.zj dats en prefence de tous les parens & amis , qui font conviez d'aiïifter à unefi folemneïle Cérémonie. Voicy donc l'ordre qu'ils obfervent en ces occafions. Le Père qui a auparavant convoqué l'aflemblee , fait feoir fonfils fur un petit liège, qui eft pofé au milieu de la cale , ouduCarbetj & après luy avoir remontré en peu de paroles, tout le dévoir d'un genereus foldat Caraïbe, & luy avoir fait promettre, qu'il ne fera ja- mais rien qui puifié flétrir la gloire de fespredeceflfeurs, & qu'il vengera de toutes fes forces l'ancienne querelle de leur Nation. 11 faifit par les pieds un certain oyfeau de proye, qu'ils appellent ^MansfenU en leur langue, & qui a été préparé long- tems auparavant pour eflre employé à cet ufage, &ilendé- eharge plufieurs coups fur fon dis , jufques à cequ'eToifeaii- foitmort, & que fa teftefoit entièrement écrafée. Après ce rude traitement, qui rend le jeune homme tout étourdy, il luy fcarifîe tout le corps avec une dent d'x\gouty , & pour guérir les Cicatrices qu'il a faites , il trempe loifeaudans une infufion de grains de Pyman , & il en frotte rudement toutes fes bleiTures, ce qui caufe au pauvre patient une dou=» leur tres-aiguë , & tres-cuifante : mais il faut qu'il fourîre tout cela gayément, fans faire la moindre grimace, & fans témoigner aucun fentknenr de douleur. On luy fait manger en fuitte le cœur de cet oifeatu Et pour la clôture de l'adion, on le couche dans un lit branlant , ou il doit demeurer étendu de fon long, jufques à ce que fes forces foyent prefque tou- tes épuifées à force de jeufner. Après cela , il eft reconnu de tous pour foldat, il fe peut trouver à toutes les affemblés du Carbet , & fuivre les autres dans toutes les guerres , qu'ils entrepreneur contre leuraenncmis. Outre les exercices de la guerre , qui font communs à tous les jeunes Caraïbes , qui veulent vivre en quelque eftime par- mj les Braves de leur Nation $ Leurs Pères les deftinent fou- vent à être Bayez,, c'eftàdire Magiciens & Médecins.* Ils les envoyent pour cet effet à quelq u'un des plus entendus en cette deteftable profeiîon, c'eft à dire qui foit en grande réputa- tion de favoir évoquer les Efprits malins, de donner des forts pour fe venger de fes ennemis , & de guérir diverfes maladies aufquelies ceus de cette Nation font fujets. Mais il faut que le jeune Chap.23 des Iles Antilles. 557 jeune homme qui eft prefente' au Boye' poureftreinftruit en fon art , y ait eux confacré dés fa plus tendre jeunette par l'abftinence de plufieurs fortes de viandes, par des jeunes ri- goureus & que pour commencer fon apprentiflfage , onluy tire du fang de toutes les parties de fon corps avec une dent d'Agouty, de même qu'on le pratique envers ceusc^ui font receus foldats. Les Caraïbes, apprennent aufli avec foin leurs enfansà pefcher , à nager , & à faire quelques ouvrages , comme des paniers , des boutous , des arcs , des fle'ches , des ceintures^ des lits de coton > & des Piraugues. Mais d'avoir nul foin de former & de cultiver leur efprit , & de leur apprendre ni hon- neur, ni civilité, ni vertu: c'eft ce que Ton ne doit pas at- tendredeces pauvres Sauvages, qui n'ont point d'autre gui*, de, ni d'autre lumière: pour une telle éducation, queleuc entendement aveugle & remply d'épaifles ténèbres, ni d'au- tre règle dans toutes les actions de leur vie, que le dere» glement & le desoidre pitoyable de leur Rature vicieufe & corrompues Aaaa 3 C H Â> 5$8 Histoire Morale, Chap.24. Cha^.Z. De Laet en [on Htflotrc] de Va- tnerique. Zefcar- hoe liv.$. ihap. 10. CHAPITRE VINT-QUATRIEME. De ïjige ordinaire des Caraïbes , de leurs Maladies , des Remèdes dont ils fe ferment pour recouvrer la Jante y de leur Mort^ t? de leurs funérailles . L Es "Caraïbes eftant de leur nature d'un tres-bon tem- pérament , & paflant leur vie avec douceur & repos d'efprit, fans chagrin & fans inquie'tude $ Joint auffi la fobrieté ordinaire dont ils ufent en la conduite de leur vie, ce n'eft pas de merveille s'ils font exemts d'une infinité d'in- commodkez & de maladies , qui travaillent d'autres Nations, & s'ils arrivent beaucoup plus tard au tombeau , que la plus grande partie des autres Peuples. Le bon air dont ilsjoiiif- fent , contribue encore à leur fanté & à la longueur de leurs jours. On ne trouve guère parmy-eus des ces âges abrégez , dont il fe voit fi grand nombre parmy-nous: mais s'ils ne meurent de mort violente, ils meurent fort vieusprefque tous. Leur vieillefle eft extrêmement vigoureufe : &: à quatre- vints dix ans les hommes engendrent encore. Il s'en voit grand nom- bre d'entr'eus, qui ont plus de cent ans, & qui n'ont pas un poil blanc. Jean de Lery, digne d'eftre creu , nousaffure qu'il n'avoit appcrçeu prefque point de cheveus blancs en la telle des Taupinambous de pareil âge. D'autres Hiftoriens nous atïurent, que les femmes de ces Sauvages-là, gardent leur fé- condité' jufques à quatre-vints ans. Et les François ont con- nu au pats de Canada un Sauvage , qui avoit encore les che- veus noirs, & meilleure veuë qu'eus tous, bien qu'il fuft à l'âge de cent ans. La vie ordinaire de nos Caraïbes eft de cent cinquante ans , & quelquefois plus. Car bien qu'ils ne fâchent pas con- ter leurs années, on ne laifle pas d'en recueillir le nombre par les marques qu'ils en donnent. Et entr'autres, ils avoient encore il y a peudetemsau milieu d'eus, des perfonnes vi- vantes Chap. 24 des Iles Antilles. 559 vantes, qui fe fouvenoient d'avoir veu les premiers Efpagnols quiavoient abordé en l'Amérique. D'où Ton conclud /qu'ils dévoient eftre âgez de cent-foixante ans au moins. Et en ef- fet, ce font des gens qui peuvent pafler pour l'ombre d'un corps , ôc qui n'ont prefque plus que le cœur en vie , eflant couchez dans un lit , immobiles & de'charnez Comme des fqueiettes. Ils ont , toutefois, encore delà fanté. Etilparoit bien que leur langue , non plus que leur cœur , n'eu pas mor- te , & que leur raifon refpire encore. Car non feulement ils parlent avec facilité , mais la mémoire & le jugement accom- pagnent leurs paroles. Cette mort fi reculée qui fe voit chez les Caraïbes , ne doit pas fembler étrange, ni eftre prife pour un fantôme. Car pour laifler maintenant les grands âges des premiers fiecles &ceus dont les Ctefias, les Herodotes & les Flines font mention, les Hiftoriens modernes nous fournivTent aflfez d'exemples pour confirmer cette vérité. £t entr'autres les Hollandois qui ont trafiqué aus Moluques nous aifurent , que la vie en ce païs-là eft bornée d'ordinaire à cent trente ans. Vincent le Blanc dit qu'en Sumatra , en Java , & aus Iles voifines , elle va jufqu'à cent quarante , comme elle fait aufïi chez les Cana- diens. Et qu'au Royaume de Cafuby, elle atteint la cent cin- quantième année. François Pirard, & quelquesautres , nous témoignent que les Brelliiens ne vivenr pas moins , & qu'ils vont jufqu'à cent foixante ans, & au delà même. Et dans laFloride&enJucatan , il s'eft trouvé des hommes quipaf- foient cet âge-!à. En effet, on recite que les François, au voyage de Laudoniere en la Floride, en 15:64. Virent- là un vieillard, qui fedifoit âgé de trois cens ans, & Père de cinq Générations. Et en fin au rapport de Mafée, un Bengalois en Orient l'an 1557, fe vantoit d'avoir trois cens trente-cinq ans. Après tout cela, la longueur de jours de nos Caraïbes ne fauroit palfer pour un prodige, ni une choie incroyable. Afclepiade , au rapport de Plutarque , eftimoit que géné- ralement les habitans des pais froids vivoient plus que ccus des régions chaudes, parce, dïfoit-il, que le froid retient au dedans la chaleur naturelle , & ferre les pores pour la garder, 311 lieu que cette chaleur fe diiïîpe facilement dans les cli- mats L'tvn 3I liv. 4. chap. 11. 0*7.2. Rtlattom des Hol- landois. 1. part, chap. 24*- Lefcarb. Vtncent le Blanc,- i.part. chap. 340 1 . part, cbap. 2.6Y Bergeron au Trai- te- des Naviga* tiortSi Le j car^ ht y &' de Lattu Bergeron.- ah Traim tè des Naviga*- itans. Lt-v. n. Jul.t^. des Opi- nions des FilifofeJt chap. \p,-. $6o Histoire Morale, Chap.24 mots ou les pores font élargis & ouverts par la chaleur du Soleil. Mais l'expérience des Caraïbes , & de tant d'autres Peuples de la Zone torride qui vivent d'ordinaire un fi grand âge, pendant que nos Européens fontveus communément mourir jeunes, eft contraire à ce raifonnement naturel. - Lors qu'il arrive , comme il ne fe peut autrement , que nos Caraïbes fonr artaquez de quelque mal, ils ont la connoiflfan- ce de quantité d'herbes , de fruits , de racines , d'huyles & de gommes, par l'ayde déquelles ils retournent bien-toft en con- vaiefeence, fi le maln'eftpas incurable. Ils ont encore un fecret aiïuré pour guérir la morfure des Couleuvres, pour- veu qu'elles n'ayent point percé la veine. Car alors il n'y a point de remède. C'eft le jus d'une herbe qu'ils appliquent fur la playe, & dans vint-quatre heures ils font infaillible- mentgueris. Le mauvais aliment de Crabes & d'autres Infectes, dont ils fe nourrififent ordinairement, eft caufe qu'ils font prefque tous fu jets à une fâche ufe maladie qu'ils nomment Pyans en leur langue, comme les François à la petite vérole. Quand ceusqui font entachez de cette fale maladie , mangent de la Tortue franche , ou du Lamantin , ou du Caret , qui eïl une autre efpece de Tortue , ils font incontinent après tous bou- tonnez , parce que ces viandes font fortir ce mal en dehors. llsontauiTifouventdegrofles Apoftumes, desclous, & des charbons en divers endroits du corps. Pour guérir ces maus qui proviennent la plupart de la mauvaife nourriture dont ils ufentj Ils ont ?une écorce d'arbre appellée chipïou, , amere comme fuye , laquelle ils font tremper dans de l'eau , & ayant râpé dans cette infufion le fonds dfun certain gros Coquilla- ge qu'on nomme Lambys , ils avalent cette Médecine. Ils prefTent auffi quelquefois , l'écorce fraîchement levée de quelques arbres de UMiby , ou d'autres Vîmes qui" rampent fur la terre, ou qui s'acrochentaus arbres , & boivent le jus qu'ils en ont exprimé: mais ils ne fe fervent pas volontiers de ce remède, que quand les arbres font en leur plus gran- de fève. Outre ces Médecines, avccléquelles ils purgent les mau- vaifes humeurs du dedans 5 ils appliquent encore au dehors cer- Châp. 24 dis le é s Antilles. 561 certains onguents, & linimens, qui ont une vertu très- particulière pour nettoyer toutes les pullules qui relient or- dinairement fur le corps de ceus qui font travaillez des Pyans. Ilscompofent ces remèdes avec de la cendre de rofeaus brû- lez , laquelle ils démefient avec de l'eau, qu'ils recueillent des feuilles de la tige du Balt/ier. Ils ufent aufïi pour le même delTein, du jus du fruit de Iumpa , & ils appliquent furies bou- tons le marc de ce même fruit, àcaufe qu'il à la vertu d'at- tirer tout le pus des playes , & de refermer les lèvres des ulcères. Ils n'ont point l'ufage de la faigne'e par l'ouver- ture de la veine , mais ils ufent de fearifications fur la partie douloureufe, en l'égratinant avec une dentd'Agou- ty, & la faifant quelque peu faigner. Et afin de diminuer l'étonnement que pourroit caufer ce que nous avons déjà reprefenré ailleurs , de tant d'incifions que ces Barbares fe font pour divers fujets, & quidonneroient lieu de fe figurer en leurs perfonnes des corps toujours fanglans, & couverts de playes, il faut favoir qu'ils ont aulTi des fecretsôc des re- mèdes infaillibles pour fe guérir prontement , & pour fermer leurs blelTures , & confolider fi nettement leurs playes , qu'à peine peut on remarquer fur leurs corps, la moindre ci- catrice. Ils fe fervent auffide bains artificiels , & provoquent les fueurs par une efpece de poêle où ils enferment le patient, qui reçoit par ce remède fon entière guerifon. Les Soriquois font auiïi fuer leurs malades : mais quelquefois ils les hume- ctent de leur haleine. Et pour la cure des playes, eus & les Flo- ridiens en fuccent le fang , comme ics anciens Médecins le pratiquoient , quand quelcun avoit été mordu d'une belle ve- mtneufè, faifans préparer pour cela celuy qui en faifoit l'office. On dit aulfi que nos Caraïbes, lors qu'ils ont été piqués d'un ferpent dangereus, fe font fuccer la playe par leurs femmes, après qu'elles ont pris un bruvage , qui a la vertu de rabatre la force du venin. Les Taupinambous fuccent même les parties malades , bien qu'il n'y ait point de playe. Ce qui fe fait aulîi quelquefois en la Floride. Et les Turcs, 1ers qu'il leur furvient quelque défluction, & quelque douleur, ou à la te (te ou fur quelque autre partie du corps, brûlent la partie qui fouffre. B b b b Quel- Lefcdv- hot,& de Laee* De Lery chap 10. LtnÇt«t% thap. 1. Voyage dcyîlld' 3 62 H i s t ô i re Morale", Chap.24 Quelques uns des Peuples Barbares, ont de bien plus étranges remèdes dans leurs maladies , comme il fe peut voie chez les Hiftoriens. Ainfi on dit que les Indiens de Mechoa.» cham & de Tabafco en la nouvelle Efpagne , pour fe guérir de la fièvre , fe jettent tous nuds dans la rivière penfant y noyer cette maladie. En quoy pour l'ordinaire ils reiififlent fort mal. Unea&ionàpeuprésfemblables'eft veuë chez les Caraïbes. Car Monfieur du Montel y trouva un jour un vieillard, qui fe l'avoit la tefte à une fontaine extrêmement froide. Et luy en ayant demandé la caufe, le bon homme luy „ répondit : Compère , c'eft pour me guérir : car je fuis ,, mouche c'eft à dire beaucoup enrhumé» Le Gentil-hommè ne fe put empefeher d'en rire : mais plutôt il en eut pitié» croyant qu'il y en avoit allez pour perdre lepauvre vieillard, Et cependant contre toutes les régies de nôtre Médecine , cet étrange remède luy fucceda heureufement. Car nôtre Gen- til-homme le rencontra le lendemain, gaillard <3cdifpos,'& délivré tout à fait de fon rhume. Et le Sauvage ne manquai pas de s'en vanter , & de railler nôtre François , de fa vaine pitié du jour précèdent. Les Caraïbes font extrêmement jalons de leurs fecrets en la Médecine , fur tout leurs femmes qui font fort intelligent les en toutes ces cures : & pour quoy que ce pufteftre, ils n'ont encore voulu communiquer aus Chrétiens les remèdes fouverains qu'ils ont contre lableûnre des flèches enpoifon- nées. Mais ils ne refufent pas de les vifiter & de les traiter quandilsontbefoin.de leurfecours: au contraire ils s'y por- tent alégrement, Scdetres-franche volonté. Ainfi unper- fonnage de qualité d'entre nos François ayant été mordu dangereufement par un ferpent , en a été heureufement gue- toïhL ry Par leur moyen; En quoy certes ils font bien differens de iand. & ces brutaus de Guinois & de Sumatrans , qui n'ont aucune devin- compafllon de leurs propres malades , les abondonnant com- Wïahc. me de pauvres beftes. Mais l'ancien Peuple de la Province j. par/, de Babylone , prenoit un intereft fi particulier dans toutes les «fe^. 14. maladies , que les malades y étoient mis en place publique^. Uv,u & chacun leur dévoit enfeigner le remède, dont il avoit fait l'expérience fur luy-même. Ceu&quiont fait voyage à Canv des Dr ac , t. part te Çhap.24 des Iles Antilles, 56* Cambaya, difent, qu'ilyamêmeunHofpital pour traiter les tyq* oifeaus malades. Quand les remèdes ordinaires dont fe fervent nos Caraï- bes en leur neceffité, n'ont pas eu un tel fuccés qu'ils s'é- toyent promis , pour lors ils ont recours à leurs Boyez, c'eft à dire à leurs Magiciens , qui contrefont auffiles Médecins : & les ayant conviez de les venir vifiter , ils les confultent fur l'e- venément de leurs maladies. Ces malheureus fuppots de i'E- fprit malin , fe font aquis par leurs enchantemens , un tel cré- dit parmy ces pauvres abufez , qu'ils font reputez comme les arbitres de la vie & de la mort , & tellement redoutez à caufe de leurs fortiieges , & de la vangeance qu'ils tirent de ceus qui les méprifent , qu'il nry a aucun de ce miferable Peuple, qui ne tienne à gloire de rendre une déférence & une obeïiïànce aveugle, à tous leurs avis. Pour ce qui eft des Cérémonies qu'ils ob fervent en ces ren- contres, nous les avons déjà touchées en partie au Chapitre de leur Religion. 11 faut avant toutes autres chofes, que la café en laquelle le Boyé doit entrer foit bien nettement pre- parée: que la petite table qu'ils nomment iMatoutpu, foit chargée de YAnakriyom CMaboya, c'efi à dire d'une offrande de Caflave & d'Ouycou pourl'Efprit malin: & même des prémices de leurs jardins , fi c'eft la faifon des fruits. Il faut aulTi qu'il y ait à l'un des bouts de la café, autant de petis liè- ges , qu'il fe doit trouver de perfonnes à cette deteftable action. Après ces préparatifs, le Boyé, qui ne fait jamais cette oeuvre de ténèbres que pendant la nuit , ayant fait foigneufe- ment éteindre tout le feu de la Café & des environs, entré dans cette obfcurité, & ayant trouvé fa place à l'ayde de la foible lueur d'un bout de Tabac allumé qu'il tient en fa main5il prononce d'abord quelques paroles Barbares : il frappe en fuit- te de Ton pied gauche la terre à pluOeurs reprifes , & ayant mis en fa bouche le bout de Tabac qu'il portoit en fa main, il fouf« fle cinq ou fix fois en haut la fumée qui en fort, puis frouTanc entre fes main le bout de Tabac , il l'eparpille en l'air. Et alors le Diable qu'il a évoqué par ces fingeries , ébranlant d'une fu- rieufefecouffelefaiftedelaCafe, ou excitant quelque autre Bbbb z bruit 5H Histoire Morale, Chap.24 bruit épouvantable, cornparoitaufli-tôt, & repond diftin- &ement à toutes les demandes , qui luy font faites par le Boyé. Si le Diable aflure, que la maladie de celuy pour lequel il eft confulté; n'eft pas mortelle .- pour lors le Boyé & le Fantô- me qui l'accompagne, s'approchent du malade pour l'af- fûter qu'il fera bien-tôt guery : & pour l'entretenir dans cette efperance, ils touchent doucement les parties les plus douloureufes de fon corps, & les ayant un peu preflees, ils feignent d'en faire fortir des e'pines , des os brifez , des éclats de bois & de pierre, quiétoyent, à ce qui difentcesmalheu- reus Médecins, lacaufede fon mal. lis humedent auiE quel- quefois de leur haleine la partie débile, & l'ayant fuccée à plufieurs. reprifes, ils perfuadent au patient, qu'ils ont par ce moyen attiré tout le venin qui étoiten fon corps, & qui le tenoit en langueur : En fin, pour la clôture de tout cet abomi- nable myftere, ils frottent tout le corps du malade avec le fuc du fruit de Iumj>at qui le teint d'un brun fort obfcur, qui eft comme la marque & le feau de ù guerifon. Celuy qui croit d'avoir été guery par un û damnable moyen, a coutume de faire en reconnoiiîance un grande fe- iHn, auquel le Boyé tient le premier rang entre les conviez. Il ne doit pas au Ai oublier l*\^Amkri pour le Diable, qui ne* manque pas de s'y trouver. Mais Ci le Boyé a recîieilly delà communication qu'il a eu avec fon Démon ,. que la maladie eftàlamort , il fe contente de confolcr le malade, en luy di* faut, que fon Dieu, ou pour mieus dire fon Diable familier, ayant pitié de luy, le veut enmeneren fa Compagnie, pour* eftre délivré de toutes fes infirmités. Certains Peuples , ne pouvans fupporter l'ennuy ôe les in- " commoditez d'une trop caduque vieillefle, avoientacoutumé de chaffer avec un verre de Cigué, leurame qui croupiflbie trop long tems à leur gré, dans leur miferable corps. JBtquel- *£lL qu.csautrcsaurapportdcPKne, étant las de vivre, feprecipi- EUa*9 ' toient en la mer. Mais en d'autres pais , les enfans natten- t4. ci. doient pas que leurs Pères étant parvenus à un grand âge, fiflent cette exécution. Car on dit que par une LoypubliL que, ils en étoiem les parricides & les bourreaus. Etle Soleil éclaire îliAK- Chap. 24 des Iles Antilles. 565 éclaire encore aujourd'huy dans quelques Provinces de la Floride, des maudites créatures , qui par une efpece de reli- gion & de pieté, afibmment leurs Pères parvenus à la cadu- cité , comme des perfonnes inutiles en ce monde , & qui font à charge à eus- même s. Mais quelque avancée que puilTe eftre la vieillerie chez nos Caraïbes , les enfans ne s'ennuyent pas de voir leur Pères & leurs M ères en cet état. 11 eft vray , que quelques Caraï- bes ont autrefois avancé la mort de leurs parcns, & ont tué leurs Pères & leurs Mères, croyant faire une bonne œuvre, &leur rendre un office charitable , en les délivrant de beau- coup d'incommodirez & d'ennuis, que traîne après foy la vieillefle. Un vieus Capitaine que nos François nommoient le Pilote , fe glonfioit d'avoir rendu ce deteftable fervice , à plufieurs de fes ancêtres. Mais premièrement , les Caraïbes ne pratiquoient cette inhumanité , qu'enversceusquiledefi- roient ainfi, pour être délivrez des miferesde cette vie: & ce n'étoit , que pour aquiefcer ans prières inftantes de ceus qui étoient la* de vivre , qu'ils en ufoient de la forte. De plus» cette Barbarie n'a jamais été univerfellement reçeuë parmy eus * & lesplus fages l'ont a prefent en deteftation , & entre- tiennent leurs Pères & leurs Meresjufques au dernier pério- de de leur vie, avec tous les foins, & tous les témoignages d'amttie , d'honneur & de refpedt, que l'on pourroir attendre d'une nation , qui n'a point d'autre lumière pour fe conduire que celle d'une nature corrompue. Ils fu portent patiemment leurs défauts & les chagrins de leur vieillelTe : ne fe laflent point delesfervir, & le plus qu'iLleureft poffible, fe tiennent prés d'eus pour les divertir , comme nos François l'ont veu en quelques unes de leurs lies, Ce qui ne mérite pas une petite louange, fi l'on confidcre qiie cela fe fait chez des Barbares. Que (i quelques uns d'entr'eus n'honorent pas ainfi leurs Pè- res & leurs Mères , ils ont dégénère de la vertu de leurs Ancêtres. Mendia* Mais quand après tous leurs foins & toutes leurs peines, ^«m£? ils viennent à perdre quelcun de leurs proches ou de leurs llfJZl amis, ils font de grands cris & de grandes lamentations fur. d^pcHc* famortj Biea au contraire des anciens Traces, &des Habi- n,HSM- Bbbb 3 tans'*1' %*pa?ue. Ï6é Histoire Morale, Chap.24. tans des Iles fortunées , qui enfeveliflbient leurs morts avec joye , danfes & chanfons , comme des perfonnes délivrées des miferes delà vie humaine. Apres que les Caraïbes ont arro- ïé le corps mort de leurs l'armes , ils le lavent, le rougifTenr, luy frottent la tefte d'huile, luy peignent les cheveus , luy plient les jambes contre lescuilïes, les coudes entre les jam- bes, & ils courbent le vifage furies mains, de forte que tout le corps eft à peu prés en la même pofture , que l'enfant eft dans le ventre de fa Mère, & ils l'envelopcnt dans un lid neuf, attendant qu'ils le mettenten terre. Il s'eft trouvé des Nations qui donnoient les rivières ans corps morts , pour fepulture ordinaire , comme quelques roydgs Ethiopiens. D'autres les jettoient aus oifeaus & aus chiens, *££' comme les Parthes, les Hircaniens & leurs femblables auffi honneftes gens que Diogene le Cynique. Quelques autres Peuples un peu moins infenfez , les couvraient d'un mon- ceau de pierres. On dit que quelques Africains les mettent en des vailTeaus de terre: &que d'autres lesjogent dans du verre. Heraclite , quitenoit le feu pour le principe de routes chofes, vouloit qu'on brulaft les corps, afin qu'ils retournai fent à leur origine. Et cette coutume obfervéepar les Ro- mains durant plufieurs Siècles, fe pratique encore aujour- d'huy chez divers Peuples de l'Orient. Mais Cyrus difoit en mourant, qu'il n'y avoit rien de plus heureus, qued'eftreau fein de la terre , la Mère commune de tous les humains. Les premiers Romains étoientde cette opinion: car ils enterroient leurs morts. Et c'eft auiïi de tant de pratiques différentes fur ce fujet, celle que l'on trouve en ufage chez les Caraïbes. Ils ne font pas leurs folTes félon nôtre mode , mais femblables à celles des Turcs, des Brefiliens , Ôcdes Canadiens • c'eft à diredelaprofondeur de quatre ou cinq pieds , ou environ de figure ronde, de la forme d'un tonneau : Et au bas ils mettent un petit fiege , fur lequel les parens & les amis du défunt af- féent le corps, le laiflant en la même pofture qu'il luy ont donné incontinent après fa mort. Ils font ordinairement la fofle dans la café du défunt, ou s'ils l'enterrent ailleurs, ils font toujours un petit couvert fur l'endroit où le corps doit repofer , & après l'avoir dévalé dans cette Sencfon €» fa Cyrope- die.Lî. fcv. 7. chaj>. 54. -Chap. 24 des Iles Antilles. 507 cette fofle, & l'avoir envelopé de Ton Amac, ils font un grand feu à l'entour, & tous les plus anciens tant hommes que femmes s'acroupiflent fur leurs genous. Les hommes fe placent derrière les femmes, & detemsen temsils leur paf- fent la main fur les bras pour les inciter à pleurer. Puis en chantant & pleurant ils difent tous d'une vois piteufe & la- mentable. Hé pourquoy es tu mort? Tuavoistant de bon " Manioc, de bennes Patates, debonnes Bananes, de bons „ Ananas. Tu étois aimé dans ta Famille , & l'on avoit tant „de foin de ta perfonne. Hé pourquoy donc es tu mort > $ Pourquoy es tu mort ? Si c'eft un homme ils ajoutent. Tu „ étoisfi vaillant & fi génereus. Tu as renverfé tant d'enne- " mis; tu t'es fignalé en tant de combats : Tu nous as fait *, manger tant d'Arouâgues : Hélas ! qui nous défendra >, maintenant contre les Arou'àgues > Hé pourquoy donc es J tu mort* Pourquoy es tu mort. Et ils recommencent plu- sieurs fois la même chanfon. Les Toupinambous font à peu prés les mêmes lamenta- s " étions fur les Tombeaus de leurs morts. Ileftmort, difent ffcffi , , ils , ce bon chafTeur, & excellent pefcheur, ce vaillant guer- rier, ce brave mangeur de prifonniers , ce grand aflbm- [\ meur de Portugais , & de Margaiats , ce génereus defenfeur „ de notre pais. Ileftmort. Et ils répètent fouvent le mê- me refrein. LesGuinois demandent aufïi à leurs morts, ce ™*^ qui lesaobligez à mourir, &leur frottent le vifage avec un yndokx bouchon de paille pour les réveiller. Et Busbequius, dans Emmk la È eiation de fes Ambaffades en Turquie recite, quepaflfant par un bourg de laServie, nomme Yagodena , il entendit des femmes & des filles qui lamentant auprès d'un mort , luy di- foient dans leurs chants funèbres , comme s'il eut efté capa- ble de les entendre. Qu'avons nous mérité & qu'avons ry nous manqué de faire pour ton fervicc , & pour ta confo- rmation > Quel fujetde mécontentement as tu jamais eu con- „ trenous , qui t'ait obligé de nous quiter , & de nous laifler „ ainfi miferables & defolées î Ce qui fe rapporte en partie aus plaintes funèbres de nos Caraïbes. Le Vacarme , & les Hurlemens des Toupinambous & des Vbgjniensenfemblables occafions, dure ordinairement un: mois* i/tc de Lycur Voyez* jiC0&4t 561 Histoire Morale, Chap. 24 mois. Les Peuples d'Egipte , faifoient durer leurs larmes plutar- ^xante&dix jours. Er quelques Floridiensemployent des quemU vieilles pour pleurer le mort fix mois entiers. Mais Lycur- gue , avoit limité le deuil à onze jours , & c'eft à peu prés le tems que prenoient autrefois nos Caraïbes, pour pleurer le défunt , avant que de le couvrir de terre. Car durant l'efpace de dix jours, ou environ , deus fois chaque jour les parens, & même les plus intimes amys venoient vifiter le mort à fa fofle. Et ils aportoienttoujoursà boire & à manger à ce mort, luy j, difant à chaque fois. Hé pourquoy es tu mort ? Pourquoy „ne veus tu pas retourner en vie \ Ne dis pas au moins î,que nous t'ayons refufé dequoy vivre. Car nous t'appor-' ,, tons à boire , & à manger. Et après qu'ils luy avoient fait cette belle exhortation, comme s'il l'eut dû entendre , ils luy laifïbient fur le bord delafofle les viandes & lebmvagejuf- ques à l'autre vifite, qu'ils lespouffoientfurfatefte, puis qu'il ne daignoit pas avancer fa main pour en prendre. LesPeraviens, les Brefihens, les Canadiens, les Mada- dÏLey, gafearois , les Canariens, les Tartates, les Chinois, accom- pauiu pagnent aufli de quelques mets, les tombeaus où ils enter- irZloi: rentle»rs proches. Et fans aller C\ loin , nefefaitilpasquel- C*uchc, que chofe de femblable parmy nous > Car on fert durant TmZ? ^ueicluesioul:s' les effigies de nos Roys& de nos Princes nou- che^ser. vellement morts , & on leur prefente à boire & à manger, geronr comme fî elles étoient vivantes: même jufqu'à faire devant elles, l'eflay des viandes & du bruvage. Les Caraïbes de quelques Iles , pofentencoreàprefentdes viandes prés de la fofle du more : mais ils ne le laiflent pas un Ci long tems qu'ils faifoient autrefois , fans le couvrir de terre. Car après que la chanfon funèbre eft finie, &que les femmes ont épuifé toutes leurs larmes , l'un des amis du défunt luy met une planche fur la tefte, ■& les autres pouffent peu à peu la terre avec les mains & remplirent la fofTe. On brûle après cela, tout ce qui apartenoit au mort. Ils tuent aulïi quelquefois des Efclaves pour accompagner les Mânes de leurs morts , & les aller fervir en l'autre monde. Mais ces pauvres miferabies, gagnent au pied quand, leur, maiftçç meurt , &fe fauvent en quelque autre Ile. On con- çoit Çtrpin, €3 Tr$- sfeofla Ht&otre de la Chtnc, de Laety Garcilaf, Ptrard, ■Ltnfcot P d'au- tres. Chap.24 des Iles Antilles. 54» çoit une jufte horreur , au récit de ces inhumaines & Barba- res funérailles, qui font arrofées du fang des Efclaves , & de divcrfes autres perfonnes : & qui expofent en veuè de pau- vres femmes égorgées , brûlées, & enterrées toutes vives, pour aller en l'autre monde tenir compagnie à leurs maris! comme il s'en trouve des exemples chez diverfes Nations! Mais nos Caraïbes fe contentent en ces rencontres , de tuer les Efclaves du défunt, s'ils les peuvent atraper. Il étoit défendu aus Lacedemoniens de rien enterrer avec les morts : mais le contraire s'eft pratiqué , & fe pratique en- core aujourd'huy chez diverfes Nations. Car fans parler de tant de chofes precieufes que l'on faifoit confumer avec les corps qui paflbicntpar le feu après leur mort, ehez les an- JJu ciensRomains, Macédoniens, Allemands, & autres Peu- Jt£^9 pies : Nous Lions en l'Hiftoire de Jofefe que le Roy Salo- Tactte' mon enferma de grandes richefles avec le corps de David fon ew 1ère: Ainfi les Tartares mettent dans la tombe avec le mort, D*t**y* tout fon or & fon argent. EtlesBrefiliens, les Vir^iniens' KelT? les Canadiens & plufieurs autres Sauvages enterrent avec &Efc les corps les habits, les hardes & tout l'equipase des de- DeLd«> funts. aie leuttti C'eft auflî ce que les Caraïbes pratiquoient en leurs fu- nérailles, avant qu'ils euflènt communiqué avec les Chré- tiens. Car â la dernière vifite qu'ils venoient rendre au mort, ilsaportoient tous les meubles qui luy avoient fervy durant fa vie, affavoir, l'arc ôc les flèches , leBoutou, ou la Maflue, les Couronnes déplume, les pendans d'oreilles, les Colliers, les Bagues, les Braffelets , les paniers, lesvaif- leaus, & les autres chofes qui étoient à fon ufage , ils en- terroient le tout avec le mort, ou ilslebrûioient furlafoflc. Mais à prefent ils font devenus meilleurs ménagers : Car les parens du défunt > refervent tout cela pour leur ufage ou bien ils en font prefent aus affiftans , qui les confervent en mémoire du défunt. Apres que le corps eft couvert déterre, les plus proches parens fe coupent les cheveus, & jufnent rigoureufement, croyant que par là , ils en vivront & plus long tems & plus heureus. D'autres , quittent les Cafés & la place où ils ont Ce ce enterré 57® Hist. Mon. des Iles Antil. Chap.24^ enterré quelcun de leurs parens , & vont demeurer ailleurs. Quand le corps eft à peu près pourry , ils font encore une afîemblée, & après avoir vifitéôc foulé aus pieds le fepulcre en foûpirant , ils vont faire la débauche , & noyer leur dou* leur dans le Ouïcou. Ainfi la Cérémonie eft achevée, & Ton ne vient plus tourmenter ce pauvre corps. Fin du fécond & dernier Livre de FHiiïoiri des Antilles» VOCA* 5?ï VOCABULAIRE CARAÏBE. Avertiflement. i. TWTOus marquons par des accens aigus les jj%| fyllabes longues, & fur léquelles il faut appuyer. Et nous mettons deus points fur plufieurs lettres, pour faire connoitre que celle qui précède appartient à la fyllabe d'auparavant^ & ne fe doit point dutoutjoindre en la prononcia- tion avecla fuivante. Comme lors qu'en François nous mettons deus points fur lomngey fur louer. Se fur quelques mots femblables. 2, Lorsque le mot que nous couchons eftceluy des hommes , nous le défignons par une H, Et lors que c'eft celuy des femmes, nous le diftinguons par une F. g. Enfin , comme les mots de cette Langue font difficiles à imprimer correctement, à ceus qui n'en ont pas la connoiflance par eus mêmes5 les Ledeurs font fuppliez d'attribuer à l'imprimeur les fautes qui peut eftre fe trouveront icy en quelques en** droits , comme il eft prefque impofllbk autre*- ment* Ce ce % $7* VoCABULAIR L LES PARTIES. du Corps humain. M On corps, T^okobou. La graine, TakeUé. Ma peau, Tfjra. Cela lignifie en général tout cequifert de couverture. Mes os , T^abo. Cela fignine au fil un tendron. Les Caraïbes ne dïftinguent point les veines d'avec les nerfs ; & ils les expriment p ar 1 e m ot de T^illagra , qui lignifie, mes nerfs ou mes veines : comme Lillagra fes nerfs oufes veines, lis ap- pellent encore ainfi les ra- cines des arbres. Mon fang , H. T^itta. Y*Ni- moinalou.. Mon poil, mes cheveus,2^>j?- bouri. Ma tefte, Niche uc ke. Mesyeus, Nâkou.. Ma prunelle , T^akou-euke. C'èft à.dire proprement, Le noyau démon œil. Mapaupiére, Nakou-ora. C'eft adiré, La peau de \mon œiL Mon fourcil , Nkhmmhk Proprement, Pièce d' œil. Mes cils, Nâkofc-tw. Propre- ment, le poil de l3œil. Mon front, Ne'rébé.. Mon vifagc,Nickibcu^ e Caraïbe. Mon nez , Nichki; Ma bouch.c,iïjj6umaï Ma lèvre, Nioumdrou, Ma dent, Nâri. Ma dent macheliére, Nackêu* ke. Mes gencives, NÀri-aregrih proprement, ce qui eji contre mes dents. Mon oreille, JSTarikaë. mes temples, 2{ouboyouhou. mes joues, T^itigné. ma langue, Ninigné. mon menton , Nariona. ma mammelle, 7>(ourù ma poitrine, Nârokou... mon épaule , néché.. mon bras, narreum* Ilfignifîe auflî une aile. mon coude, neugueumeuke., mes mains, noue abat mes doitSyno'ucabo-raiïn, conW me fî vous défiez , lespetis, au lès en fans dtma maih. mon pouce, noucabo-iteignum* Proprement , ce qui eji op- f ofé aus doits. Lepouls, Loptcabo ânichi, £Ï£Û. à dire proprement 7ïamedê la main. mon ongle, noubara^ mon eftomaç, nanichir&kou. mon cœur, H. niouanni. 1, nânichi. aufll, mon ame. mon poulmon , noarai mon foye, noubana. mes entrailles^ noulakaë. Ceî& Ce mot fîgnifîe: VOC ABU LAI fignifieauulle ventre. mes reins, nanagané. mon cofté, nauba. La ratte, eouêmata. La veffie, Ichikoulou aka'è. mon nombril, narioma. Les parties naturelles de l'ho- me , H. Tdoukouli , F. Ne- huer a. Les parties naturelles de la femme, Touloukou. mon derrière , nârioma-rokou. mafefle, niatta. macuhîe, nebouïk; mon genou , nagagirik. mon jarret , nichaoua-chaoua. ma jambe, nourna. rn&gïévc 9 nourna-aboulbugou. ma jointure , napataragoune, c'eû à dire, une chofe ajoutée. Ce qu'ils appliquent auifi à une pièce que Ton met fur un habit. ma cheville du pied, noumour- gouti» mon pied, nougouth mon talon, nougouti-ona-, mss> orteils , nougouti-raim. C'eit à dire proprement,/^ petisdupied. La plante de mon pied , nou- gouti-rokou, proprement, le dedans du pied. Comme ils ne difent prefque jamais les noms inde'finis, fur tout des parties du corps$, mais qu'ils les restreignent sl l'unedes trois perfonries, re Caraïbe. 573 nous les avons misicy à la première. Qui les voudra meitre aus autres , n'aura qu'à changer la première lettre à chaque mot : com- me on le peut apprendre du Chapitre du Langage. II. PARENTÉ. ôc Alliance; M Oh parent , H. 2VjW~ moulikou. F. lyjtoucke. Mon mariage, Touelleteli. Mon mary, Niraiti. Mon Père. En parlant à luy, H. &F. Baba. En parlant de luy >H.roumdan9> F, nonkouchili. mon grand Père ,. H* Itâmou- lou, F. nârgouti. Mon Oncle paternel. On Fa> pelle Père, Baba. Et pour fignifier le vray & propre Père , quand on le veut di- ftinguer expreflement , on fait quelquefois cette addi- tion, Baba tinnaka. L'oncle maternel ,, H. Tâo , Fi i^ékâtobou^ monfils5,H. Imakau, Tmoulou\ Tamoinri, F. TS^râhea. mon petit fils ,, Hibâli. Lors qu'ibn?y en a~ qu'un. Mais lors qu'il y en a plufieurs5 ■PQbagnem. ^C.cxc 3 Mon, 574- VOCABU.LAI Mon frcre aine, H. Hanhin, F. IStjboukayem. Mon cadet, H. Oudnôuè > & ibiri. C'eft à dire propre- ment, ma moitié, H.Namou- lêem. Mon beau-frere , & mon Coufin de mère , H. zba- mouï , F. 2{ikeliri. Le Coufin non marié à la Confine, Yapataganum. Mon Neveu, Yanantigmé. Mon gendre , Hibàli moukou. C'eft à ditc,guifait despetis enfans. Ma femme, H.Yene'nery. Les femmes difent , Liamtfa femme. Ma Mère, en parlant à elle, H. & F. Btbiy c'eft aufll une ex- clamation. En parlant d'elle* Hjckmum. F. TS^oukoûrchourou. Ma Belle-mère du fécond lit, 7^guk6uchourouteni% Ma Belle-me're dont j'ay èpoufè la fille , Imenouti. Ma grand'mère, H.Innouti. H.iïtjguette.^ La tante maternelle s'apelle Mère, Bibi. La paternelle, 7S(aheupouli> Ma fille, H.2tjananti,$tNi- raheu. Ma Sœur, Nitou. L'ainèe, Bibi-Qudriôudn. La cadette, Tamouleloud. Bru, belle fille, 6c Nièce , Ni- re Caraïbe» bâché» Ma Coufine, H.YouMéri, c'eft à dire , CWafeme//e, ou ma promife 5 parce que naturel- ment elles font deuës pour femmes à leurs coufins. Les femmes difent Youellou. Les enfans des deus frères, s'apellent frères & fours : les enfans des deus fceurs, tout de même. III, CONDITIONS ôc QJJ ALITEZ. F T N homme, ou un malle, ^ H. ouektlli ; au pluriel, Ouèkliem, F. Eym : au plu* riel, Eye'rium. Une femme, ou une femelle, Y\.0uèlle;2x\ pluriel, V.Ouliem Iridrou : au pluriel, Innvyum* Un enfant , Niankeïli. Un garçon, ^Mouléke. Une fille , Nunke'iy@u. Un petit garçon, Ouèkelliraett. Proprement, Vn petit ma/le. Une petite fille, Ouelle raett, Proprement , Vne petite fe* melle. - Un vieillard, Oudïhli. Un Père de famille , Tioubou* touli authe. Un veuf & une veuve, Moin*- cha. Un camarade , b-Anart. Un Vocabulaire Caraïbe; Un amy, H. ibaoudnale, F. Ni- tignon. Unennemy, H.Eto'utou, F. Un ennemy contrefait , Et ou* tounoubi. Ainfi nomment ils tous ceus de leurs enne- mis qui font vêtus. Sauvage , CMaron. Les Ca- raïbes ne donnent ce nom qu'aus animaus & au s fruits Sauvages. Habitant , bonon. Infulaire , ou Habitant d'une Ile, Oubac y bonon. Habitant de la terre ferme, h doué -bonon. Homme de Mer, balanaglé. C'efl ainfi qu'ils appellent les Chrétiens , parce qu'ils viennent de fi loin par mer en leur pais. Général d'armée navale , ou Amiral, Nhaléne. Capitaine de vaiffeau , Tioth boutouli eanaoud. Grand Capitaine , ou Géné- rai , Ouboutott 7 au pluriel, Ouboutounum, Lieutenant , Tiouboutoumali arici. C'eft à dire propre- ment , la trace du Capitaine, ou ce qui par oit après luy . Soldat, ou guerrier, Netou- kouïti, Sentinelle, Efpion, Lsfrikouti, Ndbara. Mon prifonnier de guerre, 575 Niouïtouli , Niouemakali. Celuy qui a la charge de re- cevoir les hôtes , Nioud- kaiti. Mon ferviteur àgage,telqne le Chrétiens en ont, Na- bouyou. Serviteur efclave, Tamon. Un chaffeur Ekerouti. Gras, Tiboulèli. Mzigïc^oulééli. Grand, CMouchipéUt. Gx.osyOuboutonti. Petit, Ntanti, Raeu. Chétif, Pikenine. En langage bâtard. Haut, Inoutï. Bas, Onabouti. Profond, Ouliliti, Anianlith Large, Taboubéreti. Long, Mouchinagouth Rond, Chiririti. Quarré, Pat agouti. Beau, Bouitouti. Laid, TSljantiichibou, Mol, Nioulouti. Dur, Tileti. Sec, Oudrrou, Oudrrouti. Humide, Kouchakoudlt . Le chaud & le froid font ex^ primez au titre ix. Blanc, i^Alouti. Noir, Ou lit i. Jaune, Hou'èreti. Rouge, Ponâti. Ils ne favent nommer que ce* quatre couleurs-là, ôc ils y rapportent toutes les antres* La&* 576 Vo CABIÏL AIRE Ca RAIBE. Larron, Touâlouti. Inceftueus, Kakouyoukouâtiti. -Adultère, Oulimateti. Paillard, Huéretï. Querelleus , Oulibimekodi , Koauaiti. Traitre, Nirobouteiti. Mauvais, Oukbati, TSljanouàn- ù. Bon, Iroponti. Sage, Kanichicoù, Adroit, es îles de de/Tout le Vent. pag.45 pag.5* Article premier de l'Ile de Saint Euflache» pag. $ 6 Article fécond, de l'Ile de Saint Bartelemy. 5 S Article troifième, de l'Ile àcSaba. $8 Article quatrième, de Y Ile de Saint LMartin. 59 Article cinquième, de l'Ile de l'Anguille. 60 Article fïxième, des Iles de Sombrere, d'Jnegade & des Fier* ges^ 61 Article f ettiéme, de Y Ile de Sainte Croix. 6 1 CHAPITRE V I. &es Ksfrhres qui eroijfent en ces îles dont on peut mangw le fruit. pag, 6 z Article premier, Des Orangers, Grenadiers, & Citnmers. 6 % Article fécond, Du Goyavier. 64 Article troifiéme, Du Papayer. 65 Article quatrième, Du LMomin. €f Article cinquième, Dulumpa. 6$ Article fixième, Du Raifinier. 71 Article fettième, Del' acajou* 71 Article huitième, Des prunes d'icaqut. 74 Article neufième, Des Prunes de *,*% 1 >» mm.**** mm l~***m T\ *> ». f» - ? J „ Je. '-.. *>! v J -, _ 7* „* — _ _ _ ^ FS- * 52 A rticle premier, Des Soldats & des Limaçons* article fécond , Des Mouches Lummeufes* 1 54: Article troifiénae, DesMêknges* *57 Article quatrième, Des LMillepieds. iy£ Article cinquième , Ztex Araignées* 1 5 9^ Article fixième, 2)#7/grfWi0£. 160 Article fettième, D*^ Abeilles é* de quelques autre s Infère s, 1 61 CHAPITRE XV. Des Oifeaus ks plm confiderables des ^Milles* pag, 16$ Article premier, Des Frégates* 16 3, Article fécond, Des Fauves. 164*. Article troifième, Des Aigrettes ér de plujieur s autres Oifeaus de Mer & de Rivière. 1 6 s Article quatrième, Z>« Grand Go/ter. 1 6 $ Article cinquième, Des Poules d'eau, ïèS A-rti* TABLE. Article fixiéme, Des Flammans; Article fettiëmc, De L'Hirondelle de l'Amérique^, Article huitième, Deplufieurs Oifeaus de Terre. Article netifiëme, Des Carras. Article dixième, Des Canidés. Article onzième, Des perroquets. Article douzième, Des Perriques. Article treizième, DuTremblo. Article quatorzième, Du Paffereau de l'Amérique- Article quinzième , De l'Aigle d' Qrinoque^> . Article feizième, Du CMansfeny. Article dixfettiëme, Du Colibry. CHAPITRE XVI. J>« Poijjbnsde h Met, dr des Rivières des Antilles. Article premier, Des •Poijfonsvolans. ; article fécond, Des Perroquets de Mer. article troisième, De la^orade. article quatrième, De la Bonite. article cinquième, De V Aiguille de Mer. l&7 168 169 170 171 175 175 174 174 17S 175 176 pag.ig* 186 I87 187 article fixième , D* plufeurs autres Coiffons de h Mer & des: Rivières. ISgj CHAPITRE X V I î. Des Montres Marins qui fe ttouvent en ces quartiers* pag. 1 90 article premier, D* l'Ejpadon. 1 90 article fécond, Des CMarfomns* 1 9 1 article troifîème, Du Requiem. 1 91 article quatrième, De la Remore. 39^ article cinquième, Du Lamantin. 1^4 article fixiéme, Des Baleines & autres Monjlr es de iMer. 1 93 article fettié me, Des Diable s> de CMer. j 96 article huitième, De la Becune. j97 article neufiëme, De la Becajfe de Mer. 1 9$ article dixième, De l'Reriffm de Mer.~ 1 gs - Ise-e $ CE A- T A B L E. CHAPITRE XVIII. Defcription particulière à* une Licorne de LMer , qui s'échoue a la rade de l'île de la Tortue en l'an 1644. ^Avec un récit curieus par forme de comparaifon & de digrefiiott agréable , touchant plu/leurs belles cjr rares cornes , qu'on a apportées depuis peu du dï étroit de Davis : dr de la qualité de la Terre , & des CMœurs des Peuples , qui y habitent. pag. ibo CHAPITRE XIX. Des Poiffons couverts de Croûtes Dures 9 au lieu de Peau , & d'écaillés : de plufieurs rares Coquillages : ejr de quelques autres belles productions de la LMer , qui Je trouvent aus ceftes des Antilles. pag. 221 article premier, Des Romars. * 222 article fécond, De l'Araignée de mer. 222 article troifième, Des Cancres. 225 article quatrième, Du Burgau. 223 •article cinquième, Du Ca/que. 2 24 article fixiéme, Du Lambis. 224. article fettiéme, Des Porcelaines. 225 article huitième, Des Cornets de Mer. 226 article neufiëme, Des TÇjcres de Perles. 227 article dixième , De plufieurs autres fortes de Coquilla- ges. 229 article onzième , D'un Coquillage couvert de notes de mu* flque. 230 article douzième, Des Pierres aus yeux. 231 article treizième, Des Pommes de CAïer. 233 article quatorzième, Des JEtoiles de OKer. \ 2 5 ? arti. TABLE. article quinzième, Des arbres de CMer. article feiziéme, Des Bannachesde^Mer. 23* 234 CHAPITRE XX. De V K^dmbre-gris : de fin Origine & des marques de celuy qui eslbon drfins mélange. pag. 236 CHAPITRE XXL De quelques ^Animam \^4mfbies qui font communs en ces îles. pag. zifi article premier, pu Crocedille. 241 article fécond, Des Tortues franches. 24 5 article troifiéme, DerTortues qu'on appelle Cao'ùannes. 24S article quatrième, Des Tortues qu'on appelle Carets. 24S article cinquième , De lafajfon qu'onpefche les Tortues t et tous les autres gros Poijpms des Antilles. 2$ o article ûxiémcDes.Tortues de terre & d'eau douce, zyi C H A P 1 T R E XX IL Contenant les deferiptions particulières de plufïèurs fortes de Crabes qui fe trouvent communément fur la terre des An- tilles. pag. *5* article premier, DesCrabes^quon nomme Tourhurou, . 23 a- article fécond, Des Crabes blanches, 254 axticleLtroidéme, Des Crabes peintes* .\ 2-54? C H A* TABLE, CHAPITRE XXIII. Des Tonnerres : des Tremblement de Terre j & des Tempe fies qui arrivent fouvent en ces îles. pag. 258 article premier, Des Tonnerres. 2 5 9 article fécond, Des Tremblement de Terre. 2 59 article troifiéme , D'une Tempefie que les Infùlaires appellent Ouragan 2 59 CHAPITRE XXIV. De quelques autres incommodités du pais , & des remèdes qùon> y peut apporter. pag . 2 6 5 article premier, Des Moujliques, & des Maringoins. 265 article fécond, Des Guefpes & des Scorpions. 266 article troifiéme, Des Cdrbres de CWancenille. 267 article quatrième, Des Vous de bois. 270 article cinquième, Des Ravets. 271 articlefixiéme,Z?*jG%0^. 272 article fettiéme, Remèdes contre lamorfure des Serpens vent* meus , & contre les autres poifons tant de h terre que de U mer des Antilles, 274 article huitième, Del'EcUrne^émek 277 mictenG\xfiémc,DesRatsquiJontcommMen ces Iles; 277, TABLE T A B LE Des Chapitres du fécond Livre de cette Hiftoire. CHAPITRE PREMIER. DE F Etablissement des Habit ans Etrangers dans les îles de Saint chriftofle% deUjéves, de la Gardeloupe ,de la Mar- tonique, é* autres îles Antilles. pag. i a i CHAPITRE IL De V Et ahliffement des François dans les îles de Saint Bartelemy, de Saint ^Martin, & de Sainte Croix. j oo CHAPITRE III. De Vaffermiffement de la Colonie Franc oife de la Gardeloupe , par la paix qui fut faite avec les Caraïbes delà Dominique , en l'an 1 640. j j j CHAPITRE IV. Dn Trafic & des occupations des Habit ans Etrangers du pa'is: Et premièrement de la culture & de la préparation du Tabac. £ f Ja| CHAPITRE V. De la manière défaire le Sucre, & de préparer le Ginvembret 1* Indigo & le Cotton. & . r CHAPITRE VI, Des Emplois les plus honorables des Habit ans Etrangers des An- tilles : de leurs Eftlaves, rjr de leur Gouvernement. 3 3 3 CHAPITRE VIL De £ Origine des Caraïbes Habitans naturels du Faïs. 344 Ffff CHA- T  B ï, E. G ri A P l T R E Yirt Digrepon contenant un Abrège de FHiJioire Naturelle & Moral? du Pais des Apalachites. pag. 373 Article premier * De l'étendue & de la nature du Pais des Apala~ chites. 3 74 Article fécond , De ptu/îeurs rares Jingularitez,,, qui fe trouvent dans les Provinces des Apalachites. 37$ Article troifième, Du Corps des Apalachites, & de leurs Vête* mens. 3S& Article quatrième , De l'origine des Apalachites et deleurlan** gage. '. 39$ Article cinquième , Des Villes , ejr des pillages des Apalachites^ de leurs maifons & de leurs meubles 3,9 g Article Oxie'me , Des mœurs des Apalachites-. 40a Article fettième,. Des Ocupations ordinaires des Apalachites. 404 Article huitième , De la Police des Apalachites., "' 406 Article neufième, Des Guerres des Apalachites* 410 Article dixième ,. De la Religion ancienne des Apalachites. 412 Article onzième, Comment les Apalachites ont eucmnoijfance de la Religion chreHienne. 41 9, Article douzième, Des ^Mariages des apalachites \ deVedu* cation de leurs enfans , & des maladies aus quelles, ils font fujets , ejr des remèdes dont ils fe fervent . 427 Article treizième , De l'âge des Apalachites iy de leur mort, & de leurs enterremens. 4&X G H A P I T R E I X. 3ik Corps des Caraïbes & de leurs Ornement 435* CHAPITRE X. Remarques fur la langue des Caraïbes. 44^ G H A P I T R E X I. Du Naturel des Caraïbes, & de leurs meurs* 45 f. CHA. Table. CHAPITRE XII. J)è (a /implicite naturelle des Caraïbes. pag.46$ CHAPITRE XIII. Vf ce qu'on peut nommer Religion par my les Caraïbes, 46 S CHAPITRE XIV. Continuation de ce qu'on peut appeller Religion parmy les Caraï* bes : de quelques unes de leurs Traditions 1 & du fintiment qu'ils ont de V immort alité de lame, 47 S CHAPITRE XV. $)es Habitatkns & du UWénage des Caraïbes, 4$$ CHAPITRE XVI. Dtes Repas ordinaires des Caraïbes* , 4^6 CHAPITRE XVIL Des Occupations & des J>ivertijfemens des Caraïbe sC J0| CHAPITRE X VII I Mu Traittement que les Caraïbes font à cens qui les vont *vijl~ m. C H A PI T R E XIX. Me ce quittent lieu de Police chez, les Caraïbes. CHAPITRE XX. Mes Guerres des Caraïbes, CHAPIT R E XXL "®n Train ement que les Cambes font à leurs prifonmer* de $1* $524*- guerre. CHAr m T A B L £ CHAPITRE XXII. Des UWariages des Caraïbes, $4.4. CHAPITRE XXIII. De la 2{aïjfance & de l'Education des Enfans des Caraïbes, 550 CHAPITRE XXIV. De l'Age ordinaire des Caraïbes \ de leurs maladies , des Remèdes dent ils [è fervent pour recouvrer Ufanté , de leur mort , & de leurs funérailles, 5 5 * Fin de la Table des Chapitres de cette Hiftoire. fv£( Q&*sJdL o*^t > 7*ict s?/2~ E G ***' i Lu ïfï M.MMM.U