-> 3 22) ^ 7> !> Z> ■> S> ^ ^5> :> i HARVARD UNIVERSITY Library of the Muséum of Comparative Zoology APR3 1929 > I -- 7',^¥*/ HISTOIRE NATURELLE DES REPTILES. K HISTOIRE NATURELLE DES REPTILES, avec figures dessinées d'après nature ; Par C. S. SONN1N1, Homme de Lettres* Naturaliste, et P. J. LATREILLE , Membre associé de l'Institut 7iationaL TOME PREMIER, PREMIÈRE PARTIE. QUADRUPEDES ET BIPEDES OVIPARES, DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET. \ A PARIS, Chez Deteryille, rue du Battoir, n° i6, AN X. £ AVERTISSEMENT. Cette Histoire naturelle des Reptiles est l'ouvrage de deux Ecrivains liés par l'amitié et par une longue association de tra- vaux ; chacun d'eux s'est chargé d'une partie de cette branche intéressante de l'histoire de la Nature. Celle des Tortues , des Lézards , des Grenouilles , des Crapauds , des Raines et des Ser- pens, a été rédigée par Latreille, Reptiles. I. i * 1} AVERTISSEMENT. et celle des Salamandres appar- tient à Sonnini, de même que le Discours préliminaire. DISCOURS PRÉLIMINAIRE. Tout se lie dans la Nature , tout s'y tient par une série non inter- rompue de productions , par la chaîne immense des œuvres de la création. En vain Fhomme , dans son désespoir de ne point embras- ser cette immensité d'êtres dont l'univers est peuplé , a cherché des divisions , des espaces vides , des limites dans un ensemble où l'u- nion , quoique graduelle , quoique modifiée avec un art admirable , n'en est pas moins intime , où les transitions d'un objet à un autre ne sont ni brusques, ni souvent très-sensibles , où enfin il n'y a d'autres bornes que celles de la iv DISCOURS Nature elle même;, ses tentatives ont été la preuve de son insuffisan- ce, et delafoiblesse de ses moyens. Ce seroil donc non-seulement un travail futile , mais encore une or- gueilleuse prévention, une manie ambitieuse et outrageante, que de regarder comme des divisions réellement existantes , les diffé- rentes coupures que notre concept tion trop rétrécie a imaginées dans la masse des êtres vivans. Ces di- visions , propres seulement à sou- lager notre esprit, à aider notre mémoire; ces classes , ces ordres , ces genres et ces espèces par les- quels ou partage la matière vi- vante en groupes plus ou moins considérables, ne sontque des rap- ports de convention qui ne man- quent pas d'utilité ; mais qu'il seroit absurde de croire avoués PRÉLIMINAIRE. ▼ par la Nature , et plus absurde encore de présenter comme tels. Et ce qui prouve que la Nature n'est pour rien dans ces sortes de fantaisies de lui prescrire des rè- gles _, et que dans son cours subli- me et majestueux , elle les dédai- gne toutes ? c'est qu'elle les aban- donne à la versatilité de nos con- ceptions , à l'inconstance et à la foiblesse de notre esprit, et à tou- tes les variations que peut enfan- ter le vaste champ des idées arbi- traires. Ces réflexious naissent d'elles- mêmes , lorsqu'on jette les yeux sur les divisions différentes dans lesquelles divers Auteurs ont com- pris les reptiles, et sur les divi- sions secondaires que les Natura- listes ont établies dans cette classe d'animaux. L'on en verra quel- > ■ vj DISCOURS ques exemples dans le discours que Latreille a placé à la suite de ce- lui-ci , sur les divisions générales des reptiles. Mais soit que l'on com- prenne , ou plutôt que Ton con- fonde les reptiles et d'autres ani- maux qui en sont fort éloignés , et que l'on en compose une seule masse à laquelle on donnera le nom à' amphibies , comme l'a voulu Linnœus , quoique la plupart de ces animaux n'aientaucuntitreà cette dénomination , soit qu'on se con- tente de la désignation ancienne de reptiles , et qu'on les sépare en quadrupèdes ovipares et en ser- pens y il n'en est pas moins cer- tain que les animaux rangés sous cette étiquette, ont des caractères communs avec les animaux des autres divisions , ou si l'on veut , des autres classes de convention* PRÉLIMINAIRE. vij Et pour ne parler d'abord que des quadrupèdes ovipares , ( les serpens devant être traités à part), on remarque dans leur organisa- tion des caractères qui les atta- chent à d'autres branches de la matière animée , et leur nom de quadrupèdes indique celle à la- quelle ils tiennent par un plus grand nombre de points de con- tact. En effet, ils ont quatre pieds divisés en plusieurs doigts, et dont la conformation générale a beau- coup de rapports à celle des pieds et des doigts des quadrupèdes pro- prement dits; et pour rendre le rapprochement plus complet , il y a dans l'une et l'autre classe des espèces vraiment amphibies , dont les doigts unis par des mem- branes , leur servent à se mainte- nir et à se diriger dans les eaux •* viij DISCOURS il en est aussi dont les pieds sont garnis de irjembraues qu'ils dé- ploient à volonté , comme des ai- les, au moyen desquelles l'animal peut voler ou plutôt s'élancer d'un arbre à un autre ; l'on ne connoî t en- core que deux espèces de ces qua- drupèdes ovipares volans, qui sont les analogues du polatouehe , du taguan et des chauve-souris par- mi les quadrupèdes vivipares , tan- , dis que , par cette faculté de se soutenir en l'air, les uns et les au- tres se rapprochent des oiseaux. Mais ces pieds que la Nature a donnés aux quadrupèdes ovipares, n'ont , généralement parlant , que des fonctions difficiles et pénibles; leurs mouvemens sont mal assor- tis , comme leur conformation est imparfaite , si on la compare à la forme des jambes , qui tiennent PRÉLIMINAIRE. ix élevé au-dessus de la terre le corps des quadrupèdes vivipares , et les transportent avec aisance d'un lieu à un autre. Les ovipares , au con- traire, quoique munis de pieds , se traînent plutôt qu'ils ne marchent; leur ventre touche à la terre , et leur démarche sans grâces comme sans légèreté , n'est que l'action d'avancer péniblement : en sorte que rampans plutôt que mar- cheurs 3 leurs jambes et leurs pieds ne peuvent les empêcher d'être compris sous la dénomination gé~ nérale de reptiles. Il se trouve dans les deux ordres de quadrupèdes des espèces dont les mâchoires sont armées de dent s, et d'autres qui en sont dépourvues ; mais les espèces édentées sonthien plus rares parmi les quadrupèdes proprement dits, que parmi les x DISCOURS o vipares.Plusieurs de ceux-ci n'ont point de dents; d'autres ont seule- ment , au lieu de dents , de légères crénelures , et les mâchoires d'un grand nombre sont solides et amin- cies en tranchant. La forme delà langue, qui éprou- ve peu de variations dans les qua- drupèdes , est différente dans pres- que tous les genres de quadrupè- des ovipares , ainsi qu'on le verra lorsque l'on traitera de ces genres en particulier. Ces animaux ont , comme les oiseaux , la paupière inférieure mobile , et cette autre sorte de paupière dont les yeux des oiseaux sont également pour- vus , et que l'on appelle la 7neni~ brane clignotante ^par ce que l'ani- mal pouvant l'étendre sur le globe de l'œil , et la retirer à volonté et PRÉLIMINAIRE. X) frès-rapidement, il semble cligno- ter sans cesse. Une autre conformité avec les oiseaux, c'est de n'avoir qu'une issue commune pour les déjec- tions, l'urine sortant également par l'anus avec les excrémens , et quelques genres qui iront point de parties sexuelles extérieures , ré- pandent , par cette même ouver- ture , le germe de leur reproduc- tion. Je ne pousserai pas plus loin la comparaison des parties intérieu- res des quadrupèdes ovipares avec celle des animaux des autres clas- ses ; ces détails appartiennent à l'anatomie comparée , et seroient, par conséquent , étrangers à un ouvrage de la nature de celui-ci. Je me contenterai d'observer que ces animaux ont des poumons X i j DISCOURS d'une substance différente de celle dont les poumons des quadrupèdes et des oiseaux sont composés ; ce sont des réunions spongieuses de vé- sicules , et partagées en deux lobes ; et si les quadrupèdes ovipares pa- roissent pouvoir se passer beau- coup plus long-temps que les au- tres de respirer , c'est qu'ils ont dans les poumons un réservoir d'air qui fournit pendant long- temps à ce besoin. Une autre remar- que qu'il est important de ne pas passer sous silence , c'est qu'ils ont le sang beaucoup moins chaud que les quadrupèdes et les oiseaux , dont le sang a , comme l'on sait _, plus de chaleur que l'atmosphère qui les environne. Leurs sens n'ont pas^ en général, une grande délicatesse ; celui de la vue paroît être le premier de PRÉLIMINAIRE. xîij tous dans Tordre de la sensibilité : il est assez perçant , et la faculté dont ces animaux jouissent, de con- tracter et de dilater leur prunelle comme plusieurs quadrupèdes , aussi bien q ue la membrane cligno- tante qui tempère la vivacité de la lumière , leur donnentlapuissance d'étendre leur vue au loin , et de rassembler au milieu de la nuit assez de faisceaux lumineux, pour se diriger et chercher leur nourri- ture dans les ténèbres. Après le sens de la vue , celui de l'ouïe est le moins émoussé ; mais , cette apparence de sensibilité se réduit à peu de chose : la confor- mation de l'organe privé des par- ties qui, dans les classes d'animaux que la Nature a le plus favorisés , réunissent et dirigent les sons , manquent aux oreilles desquadru- Reptiles. 1. 2 xiv DISCOURS pèdes ovipares ; aussi sont-ils pres- que tous à- peu-près muets , ou ne font entendre qu'un cri simple, mais rauque et rebutant ; car l'on, sait que la délicatesse de l'ouïe pro* duit les charmes et la variété de la voix. Il est aisé de s'appercevoir que le goût doit être très-obtus dans cette classe d'animaux ; la plupart n^ont qu'une bouche petite , dont l'intérieur est dur et presque sans velouté, sans houppes nerveuses, et pour l'ordinaire , enduit d'une ma- tière visqueuse qui serviroit seule pour émousser le sens du goût. Mais de tous les sens des quadru- pèdes ovipares , celui qui est le plus obtus et à-peu-près nul , est sans contredit le toucher. Les uns sont couverts d'un test osseux , d'au- tres sont revêtus d'écaillés '7 plu- PRÉLIMINAIRE. XV sieurs ont la peau chargée d'aspé- rités , de verrues, de plis épais; tous appliquent leurs doigts sans pouvoir palper, et n'ont que foi- blement la faculté de recevoir les impressions distinctes des objets extérieurs 5 aussi aucun animal n'est plus dur que le quadrupède ovipare ; il est , pour ainsi dire , d'une vitalité excessive , parce qu'il est peu affecté parles impres- sions étrangères •, et au moral com- me au physique , l'insensibilité est un des plus sûrs , mais des plus dé- plorables moyens de conservation. Combien n'a-t-on pas abusé de cette solidité d'existence dans des animaux dont les mœurs sont dou- ces,les habitudes tranquilles et pres- que toujours innocentes? L'his- toire de toutes les mutilations, de tous les supplices qu'on leur a fait XVJ DISCOURS éprouver , des expériences barba- res dont on lésa rendus victimes, formèrent un recueil d'un assez gros volume ; mais malheur à ce- lui qui le liroit sans frémir ! Une dure insensibilité est, à mon sens, le vice social le plus dangereux , parce qu'il est aisé d'y reconnoitre le berceau d'où se répandent les vices les plus pernicieux à la so- ciété , et les fléaux dont elle n'est que trop souvent tourmentée ou déchirée. Des recherches utiles gui- d oient sans doute le scalpel de l'a- natomiste, en même temps qu'elles fermoient son coeur à la pitié, lors- qu'arrachant les viscères ele quel- ques-uns des animaux dont il est question, ilcalculoit de sang-froid le nombre de jours , d'heures , de mi nu t es qu'une t ortue dont i 1 avoi t enlevé la cervelle , qu'une gre- I PRÉLIMINAIRE. xvij nouille inhumainement ouverte et privée de quelques-unes de ses par- ties internes, peut encore prolon- ger une demi-existence, qui n'est plus que celle des tourmens les plus horribles. Ces expériences cruelles ont pu avoir quelque importance pour découvrir les ressorts secrets de l'économie animale ; mais ces élans d'une curiosité louable, lors- qu'elle s'y livre avec ménagemens, trop souvent et inutilement répé- tés , se changent en actes de bar- barie , et rendent l'homme l'enne- mi le plus féroce des quadrupèdes ovipares. D'autres ennemis de ces ani- maux, plus destructeurs, à la vé- rité, mais moins cruels que l'hom- me , parce qu'ils ne suivent que l'impulsion de la prévoyante Na- ture, qui oppose leur appétit à xviij DISCOURS une prodigieuse multiplication , sont différentes espèces de qua- drupèdes , un plus grand nombre d'oiseaux et de poissons. Lorsque le quadrupède ovipare échappe à la voracité de ses enne- mis , sa vie est de longue durée ; 3a tortue passant pour vivre plus d'un siècle, le crapaud près de qua- rante ans , et le crocodile plus de deux cents. Si des moyens puissans de des- truction n'arrètoient pas la propa- gation extraordinaire des quadru- pèdes ovipares , quelques espèces auroient bientôt envahi la surface de la terre et le sein des eaux. C'est principalement sur les plages hu- mide*, fangeuses et en même temps échauffées de l'Amérique méridio- nale , que ces animaux pullulent avec une effrayante fécondité j PRÉLIMINAIRE. xix c'est sur ce sol bas à demi-inondé, ombragé par d'immenses et épais- ses forêts, et encore brut, qu'ils ac- quièrent une grandeur démesurée; c'est-là aussi que sont rassemblées les cohortes nombreuses de qua- drupèdes et d'oiseaux qui en font leur pâture ordinaire. Les œufs que produisent les qua- drupèdes ovipares n'ont pas tous la même enveloppe; elle varie dans les différens genres; tantôt elle est mince et souple , tantôt sa subs- tance est dure et crétacée comme les œufs des oiseaux , et c'est un autre chaînon par lequel cette classe se lie à la classe nombreuse des habitans des airs ; mais ces animaux dont le sang est froid , chacun des sens plus ou moins ob- tus , etl'insensibililé si remarqua- l)le,s'échautTent d'une ardeur étou- xx DISCOURS liante à l'époque marquée par la Nature pour leur reproduction ; les feux de l'amour viennent ani- mer, embraser des êtres auxquels toute vivacité du sentiment pa- roît étrangère ; des cris , expres- sion du désir, succèdent à leur si- lence habituel ; le mâle saisit sa femelle, se cramponne sur son dos; ils ressentent tous deux le même désir des jouissances , et il a tant de violence , que rien ne peut les séparer. On a vu des crapauds ne point quitter leur femelle , quoi- que par un raffinement de barba- rie on leur eût coupé une patte , et des femelles auxquelles on a voit ouvert le ventre , ne point se sé- parer de leurs mâles. Et cette union des quadrupèdes ovipares est aussi durable qu'elle a d'emportement et d'opiniâtreté PRÉLIMINAIRE. *xj dans son action ; elle se continue sans interruption pendant plu- sieurs jours , et c'est seulement lorsque la flamme des jouissances s'est éteinte à force d'activité , et que d'autres besoins prennent la place de désirs impérieux à qui tout cède , que les deux sexes se séparent. Quelles idées incohérentes en apparence font naître l'espèce de fougue dont les quadrupèdes ovi- pares sont transportés au premier printemps ! L'amour et ses déli- cieux transports d'un côté , et de l'autre , la dégoûtante image d'un animal fangeux et immonde, du hideux crapaud ! Ce seroit , en effet, avilir ce feu sacré dont les âmes sensibles et délicates sont émues et embrasées, que de cher- cher à le retrouver dans de vils xxij DISCOURS, etc. reptiles ; ils ne ressentent que le grossier emportement des jouis- sances ; ils le doivent à leur orga- nisation , les parties sexuelles étant renfermées dans le corps du mâle , et par conséquent pénétrées et mi- ses en mouvement par la chaleur interne ; mais ils n'éprou vent au- cun des charmes de la sensibilité; ils ne connoissent pas la douceur de l'attachement, et ce qui prouve que ces animaux n'en sont pas sus- ceptibles, c'est qu'ils abandonnent leurs œufs quand ils les ont dépo- sés , et qu'ils ne prennent aucun soin de leur progéniture qu'ils ne connoissent même jamais. » HISTOIRE NATURELLE DES REPTILES. DIVISIONS GENERALES DES REPTILES, LiiNNÉE désigna sous le nom iï amphi- bies , les animaux que nous appelons gé- néralement reptiles. Mais la classe dans laquelle il les renferma eut d'abord trop d'étendue. Les poissons chondroptêry- giens y ou poissons cartilagineux , tels que les lamproies , les raies , les squa- les, etc. furent mal -à-propos réunis avec eux ; ils formèrent l'ordre des am- phibies nagea ns. Cette dénomination d'amphibies n'a pas été favorablement accueillie d'un grand nombre de natu- ralistes : on l'a regardée comme trop vague ; et ne répondant pas à l'accep- tion qu'elle avoit reçue jusqu'à ce jour. 9 HISTOIRE NATURELLE Des animaux bien éloignés des reptiles par leur organisation , par leur ma- nière de se reproduire , le castor , les phoques , l'hippopotame , auroient pu se voir associés aux cunphibies propre- ment dits. Le célèbre collaborateur du Pline français , Daubenton , a posé sur des fonde mens solides les bases de l'erpéto- logie ou de la science des reptiles. Eclairé par le flambeau de l'anatomie , il a tracé d'une main aussi sdre que hardie ; les lignes de démarcation qui séparent les reptiles , soit des quadru- pèdes vivipares ou des animaux à ma- melles ; soit des poissons. C'est dans le principe de la vitalité , les organes de la circulation , et ceux de la respiration , qu'il a puisé ses ca- ractères. Ainsi que les quadrupèdes , les oiseaux, les reptiles respirent l'air par des poumons; mais les vaisseaux de ce viscère n'étant dans les reptiles que des branches de l'aorte et de la DES REPTILES. 3 veine-cave , il doit s'ensuivre que leur manière de respirer doit aussi différer de celle des animaux précédens : le coeur de ceux-ci a toujours deux ventricules, et le contact de leur sang avec l'air est dans une telle proportion , que sa tem- pérature est au-dessus de celle de l'at- mosphère : de-là vient qu'ils ont le sang chaud. Le cœur d'un grand nombre de reptiles , si ce n'est pas de tous , n'a qu'un seul ventricule, qui donne nais- sance à une artère unique, se parta- geant en deux grosses branches , qui renvoient chacune un rameau assez pe- tit au poumon de leur côté , et qui se réunissent ensuite pour se porter vers les parties intérieures. Ainsi ces ani- maux ont le sang froid de même que les poissons , jouissent de la faculté de suspendre , à volonté , leur respiration , sans arrêter le cours du sang , peuvent plonger un temps considérable , et de- meurer enfouis dans des lieux où l'air ne pénètre pas. Leurs poumons , senv» Reptiles. I. 5 4 HISTOIRE NATURELLE blables à des sacs alongés , peuvent s'en- fler d'une manière excessive , et leurs cellules sont beaucoup plus grandes, proportions gardées , que celles des au- tres animaux. Les reptiles ont été divisés d'après les organes du mouvement, en deux coupes principales : les uns , pourvus de quatre pieds , ont composé l'ordre des quadrupèdes ovipares ; les autres n'ayant point de pattes, et ne pouvant marcher qu'en rampant , ont servi à former le second ordre , celui des ser- pens ou des reptiles proprement dits : telle est la distribution générale de ces animaux établie par Daubenton , et suivie par le citoyen Lacépède. J'ai dit plus haut qu'on s'étoit élevé contre la dénomination & amphibies donnée à cette classe par Linnée. Cette censure nous paroît cependant outrée jusqu'à un certain point; car quoique la classe des animaux à mamelles four- nisse des exemples d'animaux amphi- I DES REPTILES. 5 bies , il n'en est point , toutefois , qui aient reçu , avec tant d'avantage , que ceux qu'on a appelés reptiles , la faculté de vivre dans l'air et dans l'eau. On ne voit point ailleurs une disposition d'or- ganes aussi appropriée à cette faculté ? et tout nous annonce que ces animaux liant ceux qui ont le sang chaud, qui vivent presque continuellement dans l'air , avec les poissons qui ont le sang froid et qui ont l'eau pour élément , doivent avoir une espèce d'organisation mixte , et partager les propriétés des uns et des autres. Le mot à? amphibies leur convient donc de préférence , et dans un degré d'universalité auquel la dénomination de reptiles ne sauroit prétendre. Mais consacrée par l'usage , et souffrant moins d'équivoque dans l'acception ordinaire que le mot & am- phibies , la dénomination de reptiles a prévalu parmi nous , et désigne la classe de la zoologie, qui comprend, soit les vrais reptiles, tels que les serpens ; soit 6 HISTOIRE NATURELLE ceux qui ne rampent pas, comme les tortues , les lézards , les grenouilles , etc. On peut même , en n'examinant pas la chose avec trop de rigueur , prendre ces derniers animaux pour des reptiles, puisque dans leurs mouveniens , dans leur marche, leur corps traîne toujours à terre, et que leurs pattes sont en gé- néral assez courtes. Le citoyen Alexandre Brongniart vient de publier une distribution mé- thodique de ces animaux plus naturelle que les précédentes , et qui aura pro- bablement l'assentiment général. Ce qui lui imprime sur - tout le cachet de la nouveauté , est d'avoir profité des dé- couvertes que l'on avoit faites sur l'or- ganisation , sur la manière de se repro- duire , les métamorphoses des sala- mandres , des grenouilles et autres qua- drupèdes ovipares analogues . pour en faire un ordre séparé , et le placer sur les limites de cette classe , qui sonteon- ligues à celle des poissons. DES REPTILES. 7 Les Naturalistes , qui s'étoient oc- cupes jusqu'à ce jour de la classification des reptiles , avoient eu , presque tous , plus d'égards à des caractères extérieurs, tranchés à la vérité , mais qui n'avoient pas une grande importance. Ils avoient négligé ceux que leuroffroient l'anato- mie , le mode de génération , le dé- veloppement , les mœurs et les habitu- des de ces animaux; la base de leur méthode n'étoit presque fondée que sur la présence des pattes et de la queue. Le citoyen Alexandre Brongniart a fait appercevoir le vice de cette marche , en prouvant , avec raison , qu'il falloit, dans toute méthode, épuiser les carac- tères de degrés supérieurs, tels que ceux que fournissent les organes les plus es- sentiels à la vie, avant de descendre aux caractères de degrés inférieurs , comme sont ceux que l'on tire des organes du mouvement, des tégumens , etc. Ce Na- turaliste , d'après ces principes, a di- visé les reptiles en quatre ordres , dont 8 HISTOIRE NATURELLE voici les noms et les traits distinctifs : (Bulletin delà Soc. Philomath. n°. 35.) Premier ordre. Les Chéloniens, ou ïes Tortues. Ces reptiles n'ont point de dents enchâssées , mais leurs mâ- choires sont enveloppées de gencives cornées et tranchantes ; leur corps est couvert d'une carapace ; ils ont deux oreillettes au cœur , un estomac plus volumineux que celui des antres rep- tiles , un canal intestinal garni d'un cœcnm : ils s'accouplent et pondent des œufs à coquilles calcaire et solide : les végétaux sont leur nourriture. Second ordre. Les Sauriens. Ils ré- pondent aux lézards de Linnée. Tous ces animaux ont encore deux oreillettes au cœur , des cotes , un sternum , et un corps couvert d'écaillés. Le mâle a ses organes de la génération extérieurs, et il s'accouple réellement. Les femelles pondent des œufs à coquille calcaire , et ïes petits qui en sortent n'ont pas à su- bir de métamorphoses* DES REPTILES. 9 Troisième ordre. Les Ophidiens, ou les serpens. Ils ont de longues cotes ar- quées , mais sans sternum , et une seule oreillette au cœur; le corps est fort alongé , dépourvu de pattes ; les mâles ont une verge double : il y a un accou- plement réel , et de leurs œufs à sub- stance calcaire , mais molle , sortent des petits semblables à leurs parens. Quatrième ordre. Les Batrachiens. Il comprend les crapauds , les raines ou rainettes, les grenouilles et les salaman- dres. Tous ces reptiles n'ont qu'une oreillette au cœur -, leur squelette est dé- pourvu de côtes véritables \ ils ont des pattes et la peau unie. Il n'y a point d'union réelle entre les sexes , le mâle n'ayant aucun organe extérieur de gé- nération. Les œufs sont fécondés la plu- part du temps hors du corps de la fe- melle , et ils n'ont point de coquilles. Les petits ont dans les premiers jours de leur vie des branchies . et s'éloignent par leurs formes , de leurs parens. Les lO HISTOIRE NATURELLE t salamandres avoient été mal-à-propos réunies avec les lézards : quoiqu'elles aient une queue , elles ne diffèrent pas essentiellement des autres reptiles de cette coupure. Les genres qui composent chacun de ces ordres , celui des sauriens principa- lement, avoient déjà été indiqués dans le Muséum deGronovius, dans Laurenti , ou établis comme divisions sous-généri- ques dans la belle Histoire naturelle des quadrupèdes ovipares du célèbre Lacé- pède. Mais le professeur Brongniart a fixé , avec plus de certitude et plus de clarté , les caractères qui signalent ces groupes-, il a mis à leur vraie place des espèces que les méthodistes avoient mal associées. La synonymie de ces animaux a été épurée, et l'on connoît à toutes ces rectifications , la main d'un excellent Naturaliste. Si ce travail avoit acquis le dévelop- pement dont il est susceptible , nous bous serions empressés de le suivre de DES REPTILES. 11 point en point ; mais ce n'est encore qu'un simple essai. Nous prendrons ainsi un autre guide , celui même qui a été d'un si grand secours au professeur Brongniart, le continuateur de Buffon , Iiacépède, Nous aurons soin cependant de ne pas laisser nos lecteurs en arrière pour ce qui concerne les progrès de la science , et nous mettrons à profit les recherches et les découvertes postérieu- res à celles des Naturalites que je viens de citer. Ï2 HISTOIRE NATURELLE PREMIERE DIVISION, QUADRUPÈDES OVIPARES. Corps pourvu de pattes. PREMIÈRE SECTION. Doigts des pattes onguiculés. PREMIER GENRE. TORTUE, TESTUDO. Caractères génériques. Corps revêtu d'une ou de deux pièces , ordinairement écail- leuses , en iorme de boucliers. Nous avons vu , avec surprise , en parcourant la série des quadrupèdes vi- vipares, la conformation singulière des tatous , des pangolins , etc. La nature , dans cette autre classe , veut se copier , et nous offrir même une forme de vête- DES TORTUES. l3 ment encore plus extraordinaire, en exposant à nos regards, la cuirasse sin- gulière des tortues. Ce n'est plus une simple enveloppe formée de bandes ou d'écaillés osseuses, c'est une Traie mai- son que Tanimal porte toujours avec soi, un lieu de refuge , un asyle protecteur , où il se met à F abri des insultes de son ennemi. Ni les serres des oiseaux de proie , ni les dents des quadrupèdes féroces ne peuvent l'en arracher , ou ce n'est du moins qu'avec beaucoup de peine. Le toit de cette habitation est si solide , que le dard le plus acéré et le plus vigoureusement lancé , vient s'émousser contre lui , qu'il résiste à de violens efforts, et souvent à de rudes se- cousses.Tandis que les autres animaux sont obligés d'employer , suivant leur genre particulier d'industrie , mille stratagèmes , pour se garantir des im- tempéries de l'atmosphère, la tortue, par un léger mouvement , une simple contraction de ses membres et de sa fc4 HISTOIRE NATURELLE tête , peut subitement braver toutes les incommodités qui la menaçoient : elle est aussi à l'abri, sous ce bouclier natu- rel , que l'animal qui s'est creusé une retraite dans les lieux profonds et inac- cessibles d'une roche. Cette enveloppe osseuse , ou ce test , est formée ordinairement de deux grands boucliers , plus ou moins ar- rondis , et unis sur les côtés , par de forts ligamens; la partie supérieure du test , le bouclier qui recouvre le dos , est appelé carapace : il est soudé à l'é- pine et aux côtés , voûté , recouvert ex- térieurement d'une certaine quantité de pièces osseuses ou d'écaillés , qui va- rient par leur forme, leur grandeur et leur nombre , dans les espèces , et même suivant les individus ; les bords de ces écailles sont dentelés , et s'engrènent les uns dans les autres : on doit remar- quer leur arrangement et leur disposi- tion. Les lames du disque, ou du milieu, «ont placées communément sur trois DES TORTUES, i5 rangs longitudinaux , dont l'intermé- diaire est un plus grand, ayant une lame de plus ; la bordure est ordinaire- ment garnie de vingt-deux ou de vingt- cinq écailles. Le bouclier inférieur est soudé au sternum , et a reçu le nom de plastron : il est souvent presque plat , moins dur et plus court que la carapace, qui le dé- borde sur tous les côtés, notamment à la partie postérieure ; le nombre des écailles dont il est revêtu , n'est pas le même suivant les espèces. Ces écailles se fondant à un feu assez doux , l'industrie de l'homme a su en profiter pour les réunir, les mouler, leur faire prendre différentes figures, et avec d'autant plus d'avantage, que plu- sieurs ont des couleurs assez belles qu'elles sont demi - transparentes , et d'une substance qui a de l'élasticité. L'enveloppe des tortues a des ouver- tures pour le passage de la tête, des pat- tes et de la queue , et l'animal fcit ren- Reptiles. I. 4 i6 HISTOIRE NATURELLE trer ces membres , lorsqu'il veut se soustraire au danger. Les tortues ont un corps assez ra- massé ; la tête grosse , de la forme , à- peu-près, de celle des serpens ; quatre pieds et une queue courte \ le museau est arrondi , quelquefois prolongé en pointe , et porte à son extrémité les narines ; les mâchoires sont si fortes qu'elles coupent ce qu'elles saisissent, étant Garnies dans leur contour d'une substance dure, cornée et tranchante , qui remplace les lèvres et les dents , du moins dans le grand nombre ; elles broutent ainsi, avec la plus grande faci- lité , les plantes dont elles tirent leur nourriture; les yeux sont assez gros et saillans -, le conduit auditif est caché par la peau , et ne peut se reconnoître que par les écailles particulières dont il est recouvert. La structure intérieure des tortues nous offre quelques particularités dignes de remarques : elles ont une vessie d'un DES TORTUES. 1% volume considérable; organe peu ou point observé dans la plupart des qua- drupèdes ovipares. Le nombre des ver- tèbres du coudes tortues, excède aussi plus ou moins celui des lézards , des sala- mandres , grenouilles , etc. Il existe en- core d'autres caractères plus importans, et dont nous avons fait mention, en rendant compte du travail du cit. Bron- gniart. La tête , le cou et les pattes , sont couverts d'une peau garnie de petites écailles , ainsi que celle de la majeure partie des reptiles , assez lâche pour se prêter aux différens mouvemens que l'animal est contraint d'exécuter , lors- qu'il veut marcher ou nager , et qui forme , lorsqu'il est retiré , plusieurs plis; souvent même autour de la tête, une espèce de capuchon. Les tortues varient beaucoup en grandeur : il y en a qui ont plus de quatre pieds d'épaisseur verticale , à la partie du dos la plus élevée, et qui pè- l8 HISTOIRE NATURELLE sent jusqu'à huit cents livres j les cou- vertures font environ la moitié de ce poids ; la supérieure a de quatre à cinq j)ieds de long, sur trois ou quatre de largeur. Les plus petites espèces ne pè- sent pas quelquefois une livre, et leur plus grand diamètre, n'est que de quel- ques pouces. Ces animaux ont la vie dure et très- longue, s'il en faut croire quelques au- teurs, qui la font aller jusqu'à quatre- vingts ans. Une tortue terrestre a vécu dix-huit mois sans nourriture , au té- moignage de Rédi : il en a vu une vivre six mois sans cerveau, l'ouverture de son crâne fut fermée au bout de trois jours , par une membrane, et elle n'ou- vrit plus les yeux; un autre individu , auquel il avoit coupé la tête, vécut vingt- trois jours. Différentes herbes , des fruits , des vers, des insectes, des poissons même, font les frais de leur nourriture. On dit DES TORTUES. ï 9 que leur accouplement dure de Irait à trente jours. La manière de vivre des tortues n'est pas la même. Le vaste empire des mers a été le partage des unes , et celles-là dif- fèrent essentiellement des autres par la l'orme de leurs pieds. Des rames leur étoient nécessaires, et la nature les en a pourvues ; ces pieds sont disposés en nageoires ; leurs doigts sont alongés , inégaux, élargis à leur extrémité ; ceux qui sont placés sur le côté extérieur , ont seuls des ongles distincts, encore ces ongles sont-ils extrêmement petits. Les bords des fleuves et des rivières , généralement les eaux douces, sont la demeure d'un très -grand nombre d'es- pèces de tortues ; les pieds de celles-ci peuvent à-la-fois leur servir à nager et à marcher \ leurs doigts sont courts , presque égaux , armés d'ongles longs et crochus , et réunis plus ou moins par une membrane. Il est d'autres espèces qui vivent dans les terreins secs et mon- 20 HISTOIRE NATURELLE tueux ; leurs doigts sont mi pou plus longs , plus fortement onguiculés , et moins palmés que dans les dernières. On a divisé les tortues , d'après ees trois sortes d'habitudes : en tortues ma- rines , en tortues fluviatiles et en tor- tues terrestres. Les espèces qui vivent flans la mer, ont le corps plus écailleux ; le plastron plus petit , et a}Tant quatre rangs de lames , deux de plus que dans le commun des autres ; les ouvertures du test sont plus grandes , et l'animal , dans l'état de contraction même, n'est pas entièrement recouvert par la cara- pace, dont la surface est moins bombée que celle des tortues fluviatiles et ter- restres : renversées sur le dos, celles-ci peuvent se relever ; mais celles-là fe- roient des efforts inutiles pour se re- mettre sur leurs pieds. Quand on n'au- roit que l'enveloppe osseuse d'une tor- tue , il seroi t facile , d'après ce que nous avons dit, de reconnoî Lie parle nombre des rangées des écailles du plastron ; si DES TORTUES. 21 ce test appartient à une espèce marine ou non. J'ai encore remarqué un carac- tère distinctif , qui ne souffre du moins que peu d'exceptions -, les tortues ma- rines ont leur plastron figuré en une sorte de croix. La tortue serpentine est la seule , des espèces fluviatiles , qui contrarie cette note indicative. En parlant de la forme des tortues, nous n'avons examiné que les rapporta généraux. Quelques espèces, mais en très-petit nombre, s'éloignent des au- tres , soit par la carapace , qui n'est r point garnie d'écaillés , dont la substan- ce même n'est pas quelquefois osseuse, soit par l'absence du plastron ; le mu- seau de quelques tortues est cartilagi- neux à son extrémité , alongé en forme de trompe, et ne ressemble pas mal au museau d'une taupe ; tous ces caractères sont très-propres à fournir de bonnes divisions dans ce genre nombreux. 52 HISTOIRE NATURELLE PREMIERE EAMIELS. LES TORTUES DE MER, Che lon I a. Brokgn. Pieds disposés en nageoires : doigts iné- gaux , alongés , élargis , et dont le grand nombre n'a que des ongles larges et ar- rondis. La Tortue franche, Testudo mydas. Linnée , le cit. Laccpède , ont donné pour caractère à cette espèce, de n'avoir qu'un seul ongle aux pieds de derrière. Schœpff dit formellement , dans sa belle histoire des tortues , que celle-ci a, ainsi que le caret, la caouane, deux ongles à tous les pieds. La conformation de la carapace de la tortue franche, me paroi t offrir des ca- ractères plus faciles à saisir et moins équiyoques que le précédent. Cette ca- Tom T. Pll(7 ■ 22 Dese&e t/e? '. SyTiTTièeu dcufp ■ 1 . La l'oi-die & anche . 2. . La T . carot DES TORTUES. 1ô rapace est ovale , d'un vert obscur , qui se convertit en une couleur brune ou noirâtre : elle est recouverte en dessus de petites écailles qui ne sont pas ini- brique'es par leurs bords , comme dans le caret , et dont celles du disque , à l'exception de celles du dos, n'ont pas, du moins dans les adultes, de carène bien prononcée. Les pieds de la tortue franche sont plus grands , proportions gardées , que dans les espèces voisines ; la queue est aussi plus pointue. La tortue franche parvient à une grandeur considérable. On voit des in- dividus qui ont six à sept pieds de longueur , à compter depuis le museau jusqu'à l'extrémité de la queue, trois ou quatre de largeur, et quatre environ d'épaisseur. Leur poids est alors d'en- viron huit cents livres. On rencontre même quelquefois des individus beau- coup plus grands, et dont la chair peut fournir au repas de cent personnes. La carapace sert de batelet aux sauvages f 24 HISTOIRE NATUR.ELLE et deux leur suffisent pour la construc- tion d'une cabane. La tête , les pattes et la queue de la tortue franche , ont leur peau défendue comme celle du corps des lézards , des serpens , par un grand nombre de pe- tites écailles ; celles du sommet de la tête sont plus grandes ; son cerveau n'est pas plus gros , dit - on , qu'une fève ; la bouche s'ouvre jusqu'au-delà des oreilles ; les mâchoires ne sont pas gar- nies de dents; mais les gencives sont très-dures, très-fortes, et parsemées de nombreuses aspérités; c'est aveccepuis- sant secours qu'e 11 es broutent les plantes marines , et qu'elles brisent les coquil- lages dont elles se nourrissent aussi; quelquefois les pierres même ne ré- sistent pas à l'action de ces mâchoires; le museau est presque conique, com- primé, et un peu plus court que celui du caret. La carapace est ovale et ses bords sont comme ondes ; le disque , ou le mi- DES TORTUES. 'j5 lieu de cette couverture supérieure , est peu convexe , en dos d'âne dans le milieu de sa longueur : il est recouvert de treize lames ou écailles , qui tom- bent quelquefois , ainsi que celles de la circonférence , par l'effet d'une grande dessiccation ou de quelqu'autre accident ; les cinq du dos sont inégales , plus larges que longues , hexagones , à l'exception de la dernière , qui ressem- ble à un segment de cercle , tronqué à son extrémité ; les écailles latérales du disque sont à cinq côtés ; les lames qui forment la bordure de la carapace, sont ordinairement au nombre de vingt- cinq , petites , carrées ; presque toutes semblables à l'exception de la première qui est plus étroite et plus longue 3 la saillie que fait un des angles extérieurs de chaque lame , rend le contour denté ou festonné; l'âge apporte cependant, quelques modifications dans le nombre et la figure de ces écailles. Fougeroux de Bondaroy a observé que la carapace 26 HISTOIRE NATURELLE paroissoit dans l'eau d'une brun clair tacheté de jaune. Le plastron , moins dur et plus court que la carapace , est composé de vingt- trois à vingt-quatre lames ; disposées sur quatre rangs. Les pieds de la tortue franche , comme ceux des autres espèces marines , sont alongés etdisposésen vraies nageoires ; leurs doigts étant larges , déprimés , ré unis par des membranes , et terminés, excepté un ou deux , par un ongle grand et membraneux : les pieds anté- rieurs sont plus étroits , se courbent à quelque distance de leur origine , et di- minuent insensiblement de largeur vers leur extrémité : ils ont la figure d'un aileron; les pieds postérieurs sont plus courts que ceux de devant , dont ils diffèrent aussi un peu par la forme ; leur extrémité est dilatée et arrondie. Suivant le cit. Lacépède , leur premier doigt , ou l'extérieur , est le seul qui soit armé d'un ongle aigu, tandis qu'aux DES TORTUES. 27 pieds du devant les deux doigts inté- rieurs sont exclusivement munis d'on- gles semblables. Les tortues marines sont ainsi > parmi les quadrupèdes ovi- pares , ce que sont les phoques parmi les animaux à mamelles ; destinées à vivre habituellement au milieu des eaux, leurs pieds ne peuvent guère leur servir qu'à nager , et des rames ont pris la place de ces organes du mouvement. « Un des plus beaux présens que la » nature ait faits aux liabitans des con- » trées équatoriales , dit le cit. Lacépè- » de , une des productions les plus utiles )> qu'elle ait déposées sur les confins de )> la terre et des eaux , est la grande tor- » tue de mer . à laquelle on a donné le » nom de franche. L'homme emploie- i> roit avec bien moins davantage le )> grand art de la navigation , si vers n les rives éloignées , où ses désirs l'ap- )> pellent, il ne trouvoitdans une nour- » riture aussi agréable qu'abondante , » un remède assuré contre les suites eptiles. I. 5 a8 HISTOIRE NATURELLE » funestes d'un long séjour dans un es- )) pace resserré, et au milieu des sub- )> stances àdemi-putréfiées, quelacha- ?» leur et l'humidité ne cessent d'alté- » rer. Cet aliment précieux lui est four- » ni par les tortues franches ; et elles n lui sont d'autant plus utiles, qu'elles 3) habitent sur-tout ces contrées arden- )> tes , où une chaleur plus vive accé- » 1ère le développement de tous les )> germes de corruption ». La chair de ces animaux renferme un suc adoucis- sant , nourrissant , incisif et diaphoré- tique j on en fait des bouillons dont on vante l'efficacité dans la pulmonie , la cachexie et le scorbut. (Test dans les bas-fonds , tapissés sur- tout d'une grande quantité d'algues, sur les côtes des îles et des continens delà zone torride , que les tortues fran- ches ont établi leur domicile. Leurs pâturages sont ordinairement tellement près de la surface des eaux , qu'il est facile d'y voir paître ces animaux, lors- DES TORTUES. 29 que la mer est tranquille : ils se rassem- blent en si grande quantité, qu'ils for- ment de vrais troupeaux. Ils procurent au navigateur une nourriture aussi agréable que salutaire, bien plus pré- cieuse alors pour lui que celle que lui fourniroit la chair des animaux do- mestiques qui broutent l'herbe de nos prairies. Les tortues franches , après s'être repues au fond de la mer , se rappro- chent de l'embouchure des grands fleu- ves, et viennent 3* chercher l'eau douce, dans laquelle elles paroissent se com- plaire ; mais ce n'est qu'avec méfiance qu'elles jouissent de ce plaisir. Eile^ n'ignorent pas que ces lieux où elles res- pirent un air plus agréable , en élevant continuellement la tête au-dessus de l'eau, sont le séjour d'ennemis nom- breux , qui les guettent et méditent leur perte : aussi le moindre objet les met en fuite. Cet acte de prudence est à-peu-près le seul de l'histoire de leurs 3o HISTOIRE NATURELLE moeurs et de leur instinct , qui mérite de fixer l'attention. Elles n'ont que des propriétés passives : si elles se réunis- sent par bandes nombreuses, ce n'est ni pour se défendre ni pour attaquer. Couvertes d'un bouclier impénétrable et que des poids fort lourds ne peuvent écraser , elles ne redoutent point les autres habitans de l'onde : d'un naturel tranquille , rencontrant presque tou- jours une nourriture abondante, pou- vant même s'en passer un laps de temps considérable , pourroient-elles avoir des sujets de guerre avec eux ? leurs rassemble mens n'ont d'autre cause que l'identité de leurs goûts et de leurs ha- bitudes. <( La douceur et la force pour résis- » ter , sont donc , dit le cit. Lacépède , » ce qui distingue la tortue franche ; » et c'est peut-être à ces qualités que » les Grecs firent allusion , lorsqu'ils ■» la donnèrent pour compagne à la » beauté , lorsque Phidias la plaça DES TORTUES. 3 1 » comme an s}rmbole aux pieds de sa » Venus. » Rien de brillant dans ses mœurs , » non plus que dans les couleurs dont » elle est variée ; mais ses habitudes » sont aussi constantes que son enve- » loppe a de solidité ) plus patiente » qu'agissante , elle n'éprouve presque 3) jamais de désirs véhéniens. Plus pru- 3) dente que courageuse, elle se défend )> rarement, mais elle cherche à se met- » tre à l'abri -, et elle emploie toute sa )) force à se cramponner., lorsque ne pou- » vant briser sa carapace , on cherche à 3) l'enlever avec cette couverture ». Le mâle recherche sa femelle avec ardeur ; et leur accouplement qui se fait au milieu des ondes, plastron contre plastron , dure près de neuf jours; s'eni- brassant fortement avec leurs nageoires, ils voguent ensemble , toujours réunis et sans s'abandonner au milieu des plus grands périls. Le trait de la mort a percé la femelle , elle est couverte de •• 3fâ HISTOTRE NATURELLE son sang , et le mâle la serre encore étroitement. Le temps de l'accouplement des tor- tues franches varie suivant la tempé- rature, la saison des pluies, des lieux: où elles se trouvent. Dans les contrées chaudes de l'Amérique septentrionale, l'union a lieu vers la fin de mars et au commencement d'avril ; peu de temps après la femelle va déposer ses œufs sur le sable le plus propre à recevoir la cha- leur du soleil , et à hâter ainsi la nais- sance de sa postérité. Mais, quoique cl'aprèslesloix établies par l'Auteur de la Nature, elle se repo- se sur l'astre du jour du soin de vivifier ces germes précieux qu'elle lui confie, nous voyons encore , dans la manière dont elle fait ce dépôt , toute la ten- dresse , toute la sollicitude d'une mère. Les tortues, à l'aide de leurs nageoires , creusent dans le sable et au-dessus du point que peuvent atteindre les plus hautes vagues , un ou plusieurs trous, DES TORTUES. 35 avant environ un pied de largeur sur deux de profondeur ; ellesy enfouissent, au nombre de plus de cent, leurs oeufs qui sont ronds , de deux ou trois pou- ces de diamètre , dont la membrane qui les couvre ressemble en quelque sorte à du parchemin mouillé , et dont le blanc , dit-on, ne durcit pas étant exposé à l'action de la chaleur la plus active. Elles font plusieurs pontes , éloignées l'une de l'autre de deux ou trois semaines , suivant les contrées : soit quelles veuillent se dérober à la vue de leurs ennemis , soit qu'elles craignent les rayons ardens du soleil , elles choisissent presque toujours le temps où cet astre est éloigné de l'ho^ rizon pour faire, leur ponte. Il est certains parages que les tor- tues affectionnent, comme étant plus favorables , sans doute , pour recevoir leurs œufs, et parce qu'ils sont moins fréquentés. Celles qui habitent les bords des îles Gallapagos , situées sous la 34 HISTOIRE NATURELLE Ligne et dans la mer du Sud , vont faire leur ponte sur les côtes occiden- tales de l'Amérique , éloignées de plus de deux cents lieues de leur point de départ : quelques-unes font même trois cents lieues ; telles sont les tortues qui , faisant leur séjour près des terres du continent de l'Afrique, se rendent à File de l'Ascension pour déposer leurs œufs sur ses rives propices. Nous avons dit que l'époque de l'ac- couplement de la tortue franche ré- pondoit aux premiers mois de notre printemps -, c'est donc alors que com- mence la ponte -, elle dure jusqu'au mois de septembre.. Il est des plages , toile que celle de la côte d'Issini , en Afrique , où cette ponte se fait plus tard , et ne finit qu'en janvier. La température des contrées où. ces œufs ont été déposés étant différente , il en résulte aussi une inégalité dans le temps que les œufs sont à éclore ; il est de dix-sept à vingt-cinq jours. Les DES TORTUES. 35 petites tortues n'ont au plus , à leur naissance , que deux ou trois pouces de longueur sur un peu moins de largeur : elles ne sont pas encore capables de gagner la mer -, il faut qu'elles soient âgées d'environ neuf jours : elles s'y traînent avec lenteur ; mais arrivées au port , elles y périssent en très-grand nombre : hors d'état de résister àl'im- péiuosité des vagues , plusieurs d'elles sont rejetées par les flots sur le rivage, et y deviennent la proie des oiseaux de mer , des crocodiles , des animaux carnassiers. L'homme leur fait aussi la guerre. Il recherche avec avidité et les œufs qui donnent une nourriture aussi saine qu'agréable , et les petits qui viennent de naître , pour les renfermer dans un parc sur le bord de la mer , où on les laisse croître pour en avoir au besoin : usage tout-à-fait semblable à celui que l'on pratique sur nos côtes , à l'égard des huîtres. C'est aussi à la même époque que les 36 HISTOIRE NATURELLE pêcheurs prennent les grandes tortue» femelles , dont la chair est plus estimée que celle des mâles , principalement au temps de la ponte. Dès l'entrée de la nuit, et sur-tout lorsque la lune leur prête une lumière favorable , ils se rendent sur le rivage où les tortues ont. coutume de pondre : là ils attendent dans le silence qu'elles sortent de l'eau ou qu'elles y reviennent : dès qu'ils les apperçoivent , ils les assomment à coups de massue, les retournent avec rapi- dité , sans leur donner le temps de se défendre , de lancer une grande quan- tité de sable, qu'elles font quelquefois rejaillir sur les assaillans avec leurs na- geoires. Plusieurs hommes se réunis- sent pour cette pêche, emploient même le secours des leviers lorsque les indi- vidus sont très-grands. La carapace des tortues marines étant presque plate , ou du moins peu convexe, ne leur per- met pas de se remettre sur les pattes ; et une fois renversées ou chavirées , DES TORTUES. 37 pour me servir de l'expression des pé- cheurs , elles périssent dans cet état. Les amateurs de fables pourront nous dire, que les tortues ne pouvant plus se défendre , jettent des cris plain- tifs et versent des torrens de larmes. .Nous n'ajouterons point foi à ce mer- veilleux , et nous penserons seulement que la crainte, le sentiment de la dou- leur peuvent faire produire à cet ani- mal une espèce de gémissement. Si les matelots sont en assez bon nombre , ils retournent , dans l'espace de trois heures , quarante à cinquante tortues , qui renferment une grande quantité d'oeufs : ils traînent dans les parcs, et renversées,celles qu'ils veulent conserver ; les autres sont mises en pièces; la chair, les intestins même , les œufs en sont salés : la graisse leur fournit une huile jaune et verdàtre , cmplovée dans les alimens lorsqu'elle est fraîche, et qui sert toujours à bru- 38 HISTOIRE NATURELLE 1er: les grandes tortues en donnent jus- qu'à trente-trois pintes. Les côtes de Cuba , celles des îles situées dans son voisinage, et principa- lement des îles de Cayman, sont les lieux d'où, les pêcheurs des Antilles ti- rent leur cargaison : le produit de leur pêche , qui dure deux ni ois , plus ou moins , est destiné à servir de nourri- ture au peuple , aux esclaves , et tient lieu de morue salée dans la plupart des colonies d'Amérique. On prend aussi les tortues au milieu des eaux , toujours à la faveur de la nuit , et, s'il est possible, d'un beau clair de lune : deux pêcheurs montés sur un petit canot , conduit par l'un d'eux , vont à la découverte de ces animaux; ils en reconnoissent la présence par un écume qu'ils produisent lorsqu'ils ga- gnent la surface de l'eau : dès qu'ils sont à proximité de la tortue , l'un des pécheurs lui lance son harpon avec tant de vigueur; quïl perce sa. carapace et DES TORTUES. 3g pénètre jusqu'à la chair : elle se préci- pite inutilement au fond de l'eau ; une corde retient le harpon , et lorsqu'elle a perdu ses forces avec son sang , on la tire dans le bateau ; ou on l'amène au rivage. Dans l'Oce'an Pacifique , un plon- geur hardi profite de l'instant où les tortues endormies nagent sur la sur- face des eaux , pour les saisir fortement prèslaqueue, les empêcher de s'enfon- cer, et donner le temps aux pécheurs qui l'accompagnent de les prendre. Un filet large de quinze à vingt pieds sur quarante à cinquante de long, dont les mailles ont un pied d'ouverture en carré , et auxquelles , de deux en deux , sont attachés deux flots faits d'une tige épineuse . le moucou-moucou, des Indiens , bien tendu par de grosses pierres , est l'instrument que l'on em- ploie sur les côtes de la Guyane pour pêcher les tortues : on place ce filet , appelé sole, près d'un îlot j les lames Reptiles. I. 6 4o HISTOIRE NATURELLE d'eau y étant plus fortes , produisent aux deux extrémités du filet un mou- vement continuel qui étourdit ces ani- maux : lorsque le filet commence à s'enfoncer d'un côté , ou à caler , on s'empresse de le retirer. Les requins et les espadons dévorent quelquefois les tortues prises dans le piège qu'on n'a pas visité , et brisent la sole. Cette pêche se fait depuis janvier jusqu'en mai. On les prend encore d'une manière plus simple , en s'approchant d'elles lorsqu'elles dorment à la surface de la mer , en les retournant avant qu'elles ne s'éveillent , et les poussant devant soi jusqu'à terre. Il paroitque cette mé* tliode de pêcher est la même que celle des anciens. Pline dit qu'on les entend ronfler de fort loin. Le cit. Lacépède remarque que ce bruit peut être attribué au peu d'ouverture de laglote de ces animaux, DES TORTUES. 4l qui ont ainsi plus de facilité à ne pas avaler l'eau. Les tortues augmentent ou dimi- nuent le poids de leur corps, en intro- duisant dans leurs poumons une quan- tité d'air plus grande , ou en en expul- sant une partie de celui qu'ils contien- nent : mais leur pesanteur spécifique comparée avec celle de l'eau , est telle que si la carapace vient à se dessécher par un séjour trop considérable sur la surface de l'élément qu'elles habitent , et par une trop forte chaleur , la tor- tue perd presque la faculté de plonger : cette diminution de pesanteur n'égale cependant jamais le seizième du poids total du corps. Ces animaux ont beaucoup de force , pouvant porter autant d'hommes que leur dos peut en tenir, et vu qu'il en faut souvent plusieurs pour les arra- cher des objets auxquels ils se cram- ponnent. On peut encore en juger par la vigueur de leurs mâchoires. ^2 HISTOIRE NATURELLE Si on. ne veut point saler la tortue afin de la manger fraîche avec toutes ses qualités, on enlève le plastron, la tête , les pattes ainsi que la queue , et on fait cuire la chair dans la carapace. La portion contiguë au plastron est la plus estimée Les sucs de la chair, ainsi que les œufs , conviennent parti- culièrement dans les maladies où la masse du sang a besoin d'être épurée. Ces vertus réelles, et quelques autres imaginaires , comme d'être un contre- poison , portèrent quelques peuples d'Amérique à avoir un respect singu- lier pour la tortue , et de-là lui est venu le nom de poisson de Dieu. La différence des plages fréquentées par les tortues modifie la couleur de ces animaux : il y en a de noires , de jaunes et de vertes. C'est même sous cette dernière dénomination que des voyageurs indiquent la tortue franche. Nous ne parlerons pas de ces concré- tions qu'on a, dit-on, trouve'es dans DES TORTUES. 43 le corps de ce quadrupède ovipare , de ces bézoards, préfères par les Indiens aux bézoards orientaux , ni des propriétés que l'ignorance ou la superstition leur attribuent : sa carapace a une utilité plus reconnue ; des Indiens s'en sont servis pour couvrir leurs maisons. Des peuples voisins de la mer Rouge en fai~ soient , au rapport deDiodore de Sicile , de petites nacelles ; elles furent , ces carapaces , les premiers boucliers des hommes ; et plusieurs peuples sauvages y trouvent encore aujourd'hui le même objet de défense. La nature compacte et très-serrée de la couverture des tortues , la gran- deur que plusieurs acquièrent, indi- quent suffisamment qu'il leur faut un temps considérable pour avoir tout leur volume. On estime que ce développe- ment n'est parfait et entier qu'au boat> environ , de vingt armées. Ces animaux habitant le même élément queles pois- sons, doivent aussi participer à leurs 44 HISTOIRE NATURELLE propriétés et vivre long-temps. Nous ne prétendons cependant pas donner à cette induction une trop grande éten- due ; l'organisation des poissons, la na- ture de leur charpente osseuse diffèrent de celles des tortues. Les présomptions que l'analogie nous a fait soupçonner à ce sujet, doivent être modifiées et per- dre une partie de leur application. On n'a pas de faits bien précis relativement àla durée de la vie de ces quadrupèdes ovipares. Il est néanmoins certain qu'elle est fort longue, qu'elle peut même aller à un siècle, et peut-être plus. Une tortue d'eau-douce , la bour- beuse , a vécu quatre-vingts ans, et il e'st probable que les espèces marines , les grandes sur-tout, poussent plus loin leur carrière. « Cette longue durée de la vie 57 des tortues les a fait, dit le cit. Lacé- » pède, regarder parles Japonois com- )> me lin emblème du bonheur; et c'est D) apparemment par une suite de cette » idée , qu'ils ornent des images plus ou DES TORTUES. 45 » moins défigurées de ces quadrupèdes , » les temples de leurs dieux , et les pa- )) lais de leurs princes » . Une seule tortue pouvant, à chaque ponte , donner l'existence à trois cents individus , peupleroit facilement une plage fort vaste, si cette multiplication ne trou voit point d'obstacles; mais le trentième des jeunes tortues écloses à peine prospère-t-il ; des ennemis sans nombre et de toute espèce cherchent à les détruire dans le principe même , en enlevant les œufs. Nonobstant cette guerre cruelle , les tortues franches sont généralement ré- pandues , et en quantité , sur }es cotes basses, sablonneuses des contrées chau- des des Deux-Mondes. Les limites de leur habitation ordinaire s'étendent à quelques degrés de plus que celles de la zone torride. On en trouve jusques vers le cap de la Floride. Seulement la diver- sité des températures , la diversité des herbes qu'elles paissent et des animaux. 46 HTSTOIRE NATURELLE marins dont elles tirent aussi leur nour- riture, doivent produire quelques légers change mens dans l'espèce. Nous avons vu que le besoin de trou- ver un lieu favorable pour leur ponte , leur faisoit entreprendre des voyages très-lointains. D'autres circonstances , telles que celle d'une population trop grande, la nécessité de chercher des pâ- turages plus abondans , peuvent les for- cer à établir ailleurs des colonies ; quel- ques-unes même dépassent quelquefois la ligne de leur habitation, et se ren- dent dans les mers voisines de nos côtes. On en a pris sur celles des ci-devant pro- vinces du Languedoc et delà Provence- peut-être fréquentent-elles les parages méridionaux de la Méditerranée, ceux de la Barbarie , de l'Egypte. Sans par- ler ici des tortues que des accidens par- ticuliers peuvent transporter à une haute latitude , pourquoi des causes plus naturelles , mais qui nous seroient inconnues comme tant d'autres , ne DES TORTUES. 4/ pourroient-elles pas déterminer ces ani- maux à quitter les lieux qui les virent naître, ces régions brûlantes, pour ga- gner des plages où l'influence de l'astre du jour et du père de la nature est plus douce ? Dieppe a vu prendre , en 1 752, une tortue franche qu'une tourmente a voit jetée dans son port. Elle pesoit huit à neuf quintaux, et avoit six pieds de long sur quatre de largeur. On en a pris d'autres auprès de l'embouchure de la Loire. Mais la véritable patrie de la tortue franche , les lieux où elle peut en paix se développer , croître et jouir d'une longue vie , sont les rivages déserts des pays peu distans de la ligne , ceux que baigne particulièrement la mer Paci- fique. Là elle n'a d'autre maître que la nature, d'autres loix que les siennes. Le cit. Lacépède , dont nous venons d'analyser l'histoire de la tortue franche , termine son article par ce vœu si digne '58 HISTOIRE NATURELLE d'un bon citoyen : U On clevroit , dit-il, 3) tâcher d'acclimater ces animaux sur » toutes les côtes tempérées où ils ■» pourroient aller chercher dans les ter- » res, des endroits un peu sablonneux, )> et élevés au-dessus des plus hautes » vagues , pour y déposer leurs œufs, et v les y faire éclore. L'acquisition d'une 3> espèce aussi féconde seroit certaine- f> ment une des plus utiles ; et cette ri- j) chesse réelle, qui se conserveroit et ;» se multiplieroit d'elle-même , n'exci- r> teroit pas au moins les regrets de la phi- » losophie , comme les richesses funes- » tes arrachées avec tant de sueurs au )> sein des terres équatoriales ». La Tortue à écaille-verte, Tcsludo viridis. Plusieurs voyageurs ont appelé cette espèce tortue -ver te ; mais comme la tortue franche a reçu aussi la même dé- nomination , le cit. Lacépède , pour DES TORTUES. 4cj éloigner toute équivoque , nomme l'es- pèce dont nous allons parler écaille- verte. Les pièces de sa carapace sont en effet plus vertes que celles des autres tortues ; ajoutez à cela qu'elles sont très-belles , transparentes , et qu'elles peuvent être enployées à plusieurs ou- vrages. Ces tortues sont d'un quart environ plus petites que les tortues franches , et leur chair est aussi estimée. Leurs œufs , salés et sèches au soleil, passent pour un excellent mets. Cette espèce n'a pas encore été décou- verte dans l'ancien continent. Elle paroît propre au Nouveau-Monde , dont elle fréquente les contrées les plus chaudes, telles que les côtes de la Nouvelle-Es- pagne , le golfe du Mexique , la mer du Sud , etc. Les connoissances qu'on a snr elles sont très-vagues, et nous ne pou- vons en donner la description ; cette tortue n'est peut-être qu'une variété de la tortue franche» 50 HISTOIRE NATURELLE La Tortue Caret , Testudo imbricata. Cette espèce est facile à reconnoître par la disposition de ses écailles , qui se recouvrent de même que les ardoises de nos toits , et dont la couleur luisante est jaspée. Daubenton l'appelle latuilée, mot qui n'est que la traduction française du nom spécifique imbricata , que Lin- née avoit donné à cette tortue. Pour nous , à l'exemple du cit. Lacépède, et de plusieurs Naturalistes j nouslui con- serverons la dénomination de caret , qu'elle porte dans son pays natal. Cette espèce est beaucoup plus petite que la tortue franche. Sa tète et son cou sont bien plus longs. La mâchoire su- périeure, par son avancement sur celle d'en bas et par sa forme , donne au mu- seau quelque ressemblance avec le bec d'un oiseau de proie; aussi les Anglais l'appellent-ils bec à faucon. La carapace DES TORTUES. 5U est plus bombée que celle de la tortue franche. Elle a presque la forme d'un cœur; son disque est garni de treize écailles, placées sur trois rangs, et dont les dorsales ont une arête ; sa circonfé- rence a une bordure composée de vingt- cinq lames, et qui par leurs angles avan- cés, semble être dentée en scie ; les écail- les sont fort belles, très-fines , transpa- rentes, d'unjaune doré, jaspées de rouge et de blanc, ou d'un brun presque noir. Toutes celles qui revêtent la couverture supérieure pèsent ensemble de trois à quatre livres , et même de sept à huit. Le plastron est arrondi en devant , alongé , terminé en pointe mousse à sa partie postérieure.et composé d'environ vingt-deux lames beaucoup plus larges que longues, imbriquées et blanchâtres 5 sa surface est plane. Ses pattes antérieures sont propor- tionnellement plus longues que celles1 des autres espèces marines, ce qui lui sert quelquefois à se relever : lorsqu'elle Reptiles. I, 7 62 HISTOIRE NATURELLE est couchée sur le dos, elle se défend avec plus de succès, et ses morsures font une impression vive et douloureuse. Sa chair n'est pas agréable , elle paroît même être dangereuse ou du moins sus- pecte, puisqu'on rapporte qu'elle cause des vomissemens, accompagnés d'érup- tions de petites tumeurs et d'une fièvre violente ; cela peut dépendre de la na- ture des alimens que la tortue a pris. œufs sont plus délicats que ceux dvs » autres tortues ». Cette tortue habite non-seulement les contrées chaudes du Nouveau-Mon- de, mais encore les mers de l'Asie, et c'est de-là que les anciens, long-temps même avant Pline „ tiroient les écailles fines qu'ils iaisoient servir au luxe dm DES TORTUES. 53 ïcurs meubles. Nous les employons aussi depuis un temps immémorial , à des usages semblables. La demi-transparen- ce, l'éclat et la souplesse de l'écaillé ren- dent cette matière précieuse pour les arts. L'opticien, le tabletier savent, sur-tout , la mettre à profit ; elle est le cadre qui renferme ce verre qui fournit un supplément heureux à notre vue ; elle est le support de ce bijou auquel vous confiez le portrait de ce que vous avez de plus cher. Pour façonner l'écaillé , on la ramollit avec de l'eau chaude , on la met dans un moule dont elle prend la forme , et les pierres précieuses , For , l'argent con- courent ensuite à l'embellir. La Tortue Caouane , Testudo Caretta, Ltnnée , et d'autres naturalistes , ont décrit cette espèce , sous le nom de caret; mais comme ce nom a été appli- 54 HISTOIRE NATURELLE que à la tortue précédente , dans diffé- rens voyages , nous préférons appeler celle-ci caouane : dénomination sous laquelle elle est désignée par les natu- rels des pays qu'elle habite. La caouane est plus grande que la tortue franche \ sa tête est plus grosse ; sa gueule plus grande ; sa mâchoire supé- rieure plus alongée et plus forte ; la peau du cou est épaisse , lâche , ridée , et gar- nie d'écaillés calleuses ; la forme du corps est ovale , un peu en cœur ; la carapace semble dentée en scie sur ses bords, par la disposition des lames qui forment sa circonférence , et qui sont au nombre de vingt-cinq ; le disque a quinze écailles , tandis que la tortue franche et le caret n'en ont que treize j les pièces du milieu se relèvent en bosse, et l'arête se termine en pointe, dans les adultes ; leur figure est hexa- gone, avec les angles latéraux saillans , et plus obtus que dans les autres espè- ces voisines. Lorsque ranimai est dans DES TORTUES. 55 l'eau , la carapace paroît d'un jaune ta- cheté de noir; le plastron est composé d'environ vingt-deux lames : il finit , du côté de l'anus, par une sorte de pointe arrondie au bout ; la queue est courte ; les pieds ont des écailles épais- ses. On trouve la caouane dans les pays chauds des deux mondes; mais les bor- nes de son habitation s'étendent plus au nord, que celles des tortues décrites précédemment : elle n'est pas rare daus la Méditerranée ; on en fait des pèches abondantes auprès de Cagliari et de Castel-Sardo. Elle y pèse souvent jusqu'à quatre cents livres, poids de Sardaigne. Ron- delet en a nourri une chez lui pendant quelque temps : elle avoit été prise sur les côtes du Languedoc, qu'il habitoit ; on l'entendoit quelquefois jeter des es- pèces de soupirs, semblables à ceux que l'on attribue à la tortue franche. L'écaillé de la caouane est mainte- 56 HISTOIRE NATURELLE liant peu employée dans le commerce , étant défectueuse à raison d'une sorte de gale qui la recouvre. Cette tortue est plus hardie , plus carnassière que les autres. On prétend, même , que retirée dans les creux situés le long des rivages, elle v attend les cro- rod il es pour lésa (taquer avec plus de su- périorité ; la longueur du corps de ces derniers les obligeant d'entrer à reculons dans ces cavités, sans leur permet tre de se retourner, les caouanes les saisissent fortement par la queue, et n'ont rien à craindre de leurs dents. La chair de ces tortues tient aussi delà nature de leurs habitudes. Entre- tenue par un chyle que fournit une plus grande portion de substances animales , elle est huileuse , coriace , et d'une odeur de musc , plus forte que dans les autres espèces, fétide même. Des navi- gateurs qui en ont mangé, l'ont trou- vée échauffante. On la sale, dit-on, quelquefois pour l'usage des nègres» DES TORTUES. 5j L'huile qu'on en retire avec abondance, ne peut être employée que dans la pré- paration des cuirs , et qu'à enduire les vaisseaux. Moins utile que les autres espèces, la caouane n'est pas si poursuivie , et se ré- pand en plus grand nombre. Plus hardie, plus vigoureuse , elle entreprend aussi de plus fréquens et de plus longs voya- ges. On l'a rencontrée à huit cents lieues des terres; se nourrissant d'ailleurs de poissons, de grands mollusques qu'elle déchire ou brise avec facilité , elle doit s'éloigner des côtes à une distance plus considérable. Il est dangereux de cher- cher àla saisir, car elle se défend avec une telle force, qu'on risque d'être griève- ment blessé. Son opiniâtreté ne lui permet pas de lâcher prise. La Tortue nasicorne ? Testado nasicornis. Cette espèce a été confondue avec la caouane • mais elle en est très-distin- ^8 HISTOIRE NATURELLE guée par nn tubercule cliarnu qui s'é- lève au-dessus de son museau, et dans lequel sont placées les narines. Le citoyen Lacépède pense que cette tortue a encore plus de rapports avec la tortue franche qu'avec ia caouane. On la mange , tandis qu'on ne se nourrit presque pas de la chair de celle-ci ; se- roit-elle la tortue bâtarde des pêcheurs d'Amérique ? Les tortues marines , et particulièrement la nasicorne , ont été peu observées , et lorsqu'on les étudiera avec soin et sur les lieux, on v décou- vrira un plus grand nombre d'espèces. La tortue nasicorne est un habi- tant des mers équatoriales du nouveau continent. La Tortue luth , Testudo corlacea. Cette espèce a des caractères si tran- chans et si distinctifs, qu'il estimpossi- sible de la confondre avec celles qui Tom -T. JPaç. sâ, 1 . La Toi' tu o luth . 2 .La T. ojreccr 3. La T . géométrique . ne DES TORTUES. 5g nous sont connues. Eile n'a point de plastron apparent ; sa carapace n'est point garnie d'écaillés ; une pean ; qui , par sa consistance et sa couleur, res- semble à un cuir dur et noir , la revêt ; cette couverture est place'e sur le dos de ranimai comme une espèce de cuirasse, sans s'étendre assez aux deux extrémi- tés pour mettre à l'abri la tête, les pat- tes et la queue; cinq grandes arêtes la parcourent dans toute sa longueur, et de plus elle est terminée en pointe , ce qui feroit croire , au premier coup d'œil , que la tortue a une double queue ; la partie inférieure du museau est recour- bée et se loge dans une fente , placée à l'extrémité de la mâchoire supérieure ; par les pieds, la tortue luth se rapproche plus que les autres des phoques , des la- mentins ; ces parties sont recouvertes d'une peau très-coriace et noirâtre. On ne leur donne point d'ongles ; mais cette observation est-elle exacle ?... La tortue luth se trouve dans l'Océan 6û HTSTOIRE NATURELLE et dans la Méditerranée. Elle choisit de préférence, du moins à l'époque de la ponte, les rivages déserts et sablonneux des cotes de Barbarie : elle semble craindre le froid des latitudes élevées, puisqu'elle parvient rarement jusqu'à la mer Noire , et qu'elle remonte peu la mer Adriatique. On en a pris en Fran- ce , sur les bords de la Méditerranée. Rondelet en avoit vu une, prise àFron- tignan , et qui étoit longue de cinq cou- dées, sur deux de large : elle donna une grande quantité de graisse et d'huile bonne à brûler. Amoureux, fils, en a décrit une autre , pêchée au port de Cette, et dont la longueur totale étoit de sept pieds cinq pouces. On en prit une , en 1 7 'i5 , à treize lieues de Nantes , au nord de l'embouchure de la Loire. Elle étoit presque aussi grande que la précédente. On lui cassa la tête à coups de crochets de fer , et elle fit alors des hurhinens qui anroient pu être enten- dus d'un quaii de lieue. Sa gueule ex,- DES TORTUES. Gi ftaloit nue vapeur très- infecte. En lj56 , vers le milieu de Te té, il en fut pris une sur les côtes de Cornouailles , en Angleterre. La tortue luth fréquente les cotes de l'Amérique et celles de l'Afrique, qui ■ont voisines de l'e'quateur. Ce n'est que dans les grandes chaleurs, qu'elle gague la partie septentrionale de la zone tem- pérée. Commune dans la mer Egée, les Grecs la connurent plus particulièrement que les autres peuples , et leurs premiers inventeurs de musique tirent de sa ca- rapace un corps d'instrument : ils y at- tachèrent des cordes, et telle fut, dit Jt; cit. Lacépède , la première lyre gros- sière qui servit à faire goûter à des peu- ples peu civilisés encore , le charme d'un art dont ils dévoient tant accroître la puissance ; aussi la tortue luth a-t-ellc été, pour ainsi dire, consacrée à Mer- cure, que l'on a regardé comme l'in- venteur de la Lyre. Les modernes L'ont 62 HISTOIRE NATURELLE même souvent , à l'exemple des anciens , appelée lyre ainsi que luth. SECONDE FAMILLE. LES TORTUES D'EAU DOUCE ET DE TERRE. Pieds propres pour marcher , point dispo- sés en nageoires ; doigts presque égaux, courts ou peu alongés, munis presque tous d'un ongle crochu et distinct. Observations sur cette famille. Cette famille étant fort nombreuse en espèces , il seroit important de la sous-diviser \ mais comme nous man- quons souvent de moyens pour rem- plir avec exactitude le cadre des coupes que l'on peut y former, nous sommes contraints de donner la série des espèces de cette famille , sans offrir des points de repos. Nous avons cependant, au- tant qu'il nous a été possible 7 rappro DES TORTUES. 63 clié les espèces suivant leur identité de conformation et d'habitudes. Nous commençons par les tortues terrestres , distinguées par leurs doigts libres, très- courts, et dont on ne voit même sou- vent que les ongles. Leur carapace est plus bombée que celle des tortues d'eau douce : elle est toujours dure , cou- verte d'écaillés , et le plastron de consis- tance également osseuse , est ovale ou elliptique. Les pieds antérieurs ont cinq ongles, ou du moins quatre. Je termine la suite des tortues terrestres , à celle qu'on appelle vermillon. Succèdent les tortues d'eau-douce, remarquables par la membrane qui réunit leurs doigts , ce qui leur donne cle la facilité pour na- ger. La tortue molle et l'espèce qui vient après elle , doivent en être séparées par 3a nature et la conformation de leurs tests, qui sont mous, sans écailles ni sutures, ainsi que par le nombre ter- naire des ongles des pieds antérieurs. La tortue chagrinée qui précède la, Reptiles. I. S 64 HISTOIRE NATURELLE inolle, n'a même pas sa carapace cou- verte d'écaillés ; mais cette enveloppe a du moins des sutures. La serpentine commence à se rap- procher des dernières espèces. Les deux- tests , quoique revêtus d'ailleurs de la- mes, comme à l'ordinaire , sont mou. ~. Le plastron est disposé en croix, et nous sommes ainsi préparés à voir les clian- gemens qui signalent les tortues , pla- cées à la fin de la famille. La manière dont le plastron est uni à la carapace ; son jeu , son mouvement; ou toujours général , ou quelquefois particulier, et s'effectuantpar le moyen d'une charnière qui divise en deux bat- tans cette couverture , eussent fourni d'excellens caraotères ; mais les obser- vations nous manquent encore ici, et en indiquant la voie, nous avouons qu'elle est fermée, en ce moment, pour noiH. DES TORT II E S. 65 La Tortue Grecque , Test ado Grœca. Cette espèce n'a porte fort long-temps qne le nom de tortue terrestre ; une désignation aussi vague ne pouvoit être du goût des bons naturalistes : ils î'onl un peu rectifiée, et cette tortue terrestre est devenue la tortue de terre commune, la tortue grecque. On comprend aisément que cette dernière dénomination est motivée sur l'abon- dance de ce quadrupède ovipare , dans les pays qui répondent à l'ancienne Grèce. La tortue grecque est du nombre de celles qui vivent toujours, ou la plu- part du temps, Lors de l'eau: on la trouve dans les bois _, sur les lieux élevés , les montagnes, et il paroi l même que les individus qui habitent lfes Hauteurs, sont plus forts que ceux de la plaine. La len- teur de cet animal est connue de tout I© 66 HISTOIRE NATURELLE inonde, et a passé en proverbe. La pe- santeur de son bouclier , la charge qui l'accable , la position des pattes trop re- jetées sur le côté et trop écartées, peu- vent nous rendre raison de la difficulté et de la lenteur de sa marche ; car on voit d'ailleurs que son sang n'est pas plus froid que celai des autres animaux de la même classe, et que les diverses parties de son corps , considérées isolé- ment , sont susceptibles d'une assez grande agilité ; mais au surplus tran- quillisons-nous sur le compte de la tor- tue : si elle ne peut éviter ses ennemis par une fuite prompte et rapide , si elle tombe nécessairement en leur pouvoir , elle sait leur opposer un bouclierimpé- nétrable , et se moquer de leurs vains efforts. Nous allons décrire la tortue grec- que d'après Schœpff, dont le travail sur cette partie mérite une confiance par- ticulière. Il n'est pas d'accord avec le cit. Lacépède , comme nous le verrons DES TORTUES. 6> plus bas. La taille de la tortue grecque varie. Il paroît cependant que sa lon- gueur moyenne , à prendre depuis le bout du museau jusqu'à la quDue , est communément de sept pouces , et sa largeur de trois et demi ou près de quatre ; la tête a environ un pouce de long sur neuf lignes de large et sept de hauteur -, la partie supérieure est un peu convexe , et garnie de quelques écailles plus larges ; le front va légère- ment en pente; les narines sont rap- prochées sans être proéminentes ; le museau finit brusquement ; l'extrémité de la mâchoire supérieure a de chaque côté des espèces de dents ; les bords des deux mâchoires ont aussi des aspérités qui en tiennent lieu ; le cou est long d'environ un pouce ; il est reçu dans une sorte de capuchon formé par les plis de la peau. Tout le corps est recou- vert de petites écailles , qui sont plus grandes sur les pieds ; les doigts ne sont pas apparens : on apperçoit seule- CS HISTOIRE NATURELLE ment leurs ongles, qui sont au nom- bre de cinq aux pattes antérieures, et de quatre aux postérieures. Les pieds eont renfl h à leur extrémité , comme en massue ; ceux de derrière sort plus forts. La queue est courte , épaisse et terminée par une pointe de consistance de corne , jaune et longue d'environ} demi-pouce, La carapace est très - bombée ; son disque est composé de treize lames , dont les latérales sont plus grandes : celles de la circonférence ont aussi, pro- portions gardées , plus d'étendue que dans les autres espèces ; les deux der- nières ou les voisines de la queue se prolongent en dessous. Toutes ces écailles forment une sail- lie un peu courbe ; soit celles du dis- que , soit celles du bord , ont leur fur- face , à l'exception du centre, très- s triée ; le fond de leur couleur est jaune , et toutes ont communément une tache noirâtre : sur les écailles du DES TORTUES. 69 dos, la tache semble suivre les con- tours , ou former des espèces de carré ouvert parun bout ; la tache des écailles latérales du disque a son centre évidé : le jaune y paroît , ainsi que sur un des votés de la longueur : elle est pleine, avec quelques dentelures sur les lames des bords. Le plastron est aussi marbré de jaunâtre et de noir; il est strié, très- échancré postérieurement , et composé de douze ou treize lames. Forskal dit qu'il est plan dans les mâles . et con- cave dans les femelles ; la queue est ter- minée , du moins à un certain âge, par «ne pointe dure comme delà corne. Les tortues franches , une fois ren- versées sur le dos, ne peuvent plusse relever ; mais il n'en est pas ainsi de ]a tortue grecque : sa carapace étant plus bombée, s'applique moins sur le plan de position : l'animal a donc plus de disposition à se mouvoir; sa tète, $on cou lui servent à s'appuyer, à tâ- tonner jusqu'à ce qu'il ait trouvé la fO HISTOIRE NATURELLE coté du terrain qui, par une inclinai- son plus forte , oppose une moindre ré- sistance. Le fardeau que la tortue grecque supporte , sa grande facilité à briser les corps les plus durs , sont une preuve de sa force : on a vu ses mâchoires claq uer encore , avec un bruit remarquable, une demi-heure après que la tête avoit été séparée du corps. Il résulte même des expériences de Rédi, que ces ani- maux peuvent vivre dans cetétatdouze jours au moins, le coeur palpitant en- core et la circulation du sang y ayant lieu au bout de cet intervalle de temps. On en a vu vivre six mois quoiqu'on leur eut enlevé la cervelle. Les Natu- ralistes ont remarqué à cet égard que leur cerveau étoit d'une petitesse in- croyable, n'étant pas plus gros qu'une fève. Des fruits , des herbes , des insec- tes et des vers , telles sont les matières dont la tortue grecque se nourrit. D'un naturel tranquille , on en fait aisément DES TORTUES, ri tm animal domestique, qui détruit les insectes de nos jardins. Son entretien n'est pas coûteux , il ne faut qu'un peu de son et de farine : il peut suppor- ter une diète considérable. Blasius en garda une chez lui pendant dix mois sans qu'elle eût pris le moindre aliment ni la moindre boisson ; et si elle mou- rut au bout de ce temps-là ; ce fut plu- tôt l'effet d'un froid rigoureux que de sa longue abstinence. La tortue grecque vit très-long-temps. Cetti en a vu une en Sardaigne qui pe- soit quatre livres , et qui vivoit depuis soixante ans dans une maison. Ces animaux se terrent ; vers la fin de l'hiver , dans les lieux où la tempé- rature de cette saison est plus froide. En Sardaigne , ils s'enfoncent dans les trous qu'ils se sont creusés vers la fin de novembre. Leur engourdissement finit au retour de la belle saison , et peu de temps après ils s'accouplent. Les mâles ont les organes de la gêné- 72 HTSTOIRE NATURELLE ration très-grands , et leur ardeur pour la femelle est dans la même proportion. On a même prétendu, qu'animés par le sentiment le plus impérieux de tons, ils se livroient alors, pour la posses- sion d'une compagne , de violens combats. La chaleur des contrées qu'habite la tortue grecque n'étant pas la même, il s'ensuit que le temps de la ponte varie aussi suivant les températures. En Sardaigne , elle pond , vers la fin de j uin , trente à quarante œufs , qui sont ronds et gros comme ceux de pigeon : ils sont déposés dans un trou qu'elle forme avec de la terre ou du sable : les petits éclosent vers la fm de septembre , et ne sont pas alors plus gros qu'une co- que de noix. Cette espèce ne va presque jamais à l'eau , quoique son organisa- tion intérieure soit cependant à-peu- près semblable à celle des espèces aqua- tiques. Ou trouve la tortue grecque dans la D R S TORTUES. y$ partie méridionale de l'Europe y en Macédoine , en Grèce , en Italie , même en France: on la rencontre sur-tout dans les déserts de l'Afrique , en Syrie. I>es habitans de la campagne des envi- rons d'Alep en conduisent au marche plusieurs charretées, qu'ils donnent à bas prix. Nous n'avons pas de notions assez certaines sur les espèces de tor- tues qui habitent les Grandes-Indes , pour affirmer d'une manière positive que la tortue grecque fréquente aussi ces contrées de l'ancien Monde. Les voyageurs nous parlent en général des tortues de terre , sans nous donner à connoître quelles sont les espèces qu'ils ont vues -, et on n'a pas plus de raison pour appliquer à la tortue grecque ce qu'ils nous disent des habitudes de ces animaux qu'à tout autre. Nous n'a- vons pas des observations plus exactes sur les tortues terrestres de l'Amérique méridionale : on se sert, pour les pren- dre ? de chiens dressés à cette chasse ; 7 4 HISTOIRE NATURELLE ils les découvrent à la piste , et aver-» tissent leurs maîtres par leurs aboie - mens, qu'ils prolongent jusqu'au mo- ment de leur arrivée : on les emporte en vie et on les renferme dans un parc , où on les nourrit d'herbes et de fruits. Elles y multiplient beaucoup. La chair, quoiqu'un peu dure , est bonne et dé- licate ; elle est , dit-on, interdite aux Grecs modernes et aux Turcs ; mais il paroît qu'ils se relâchent les jours de jeûne, en assimilant cette viande à celle du poisson ; ils en boivent le sang crud et avec avidité : on fait cuire la chair , particulièrement le foie et les œufs. Les médecins arabes prescrivent sur-tout le sang crud et les œufs des tortues terrestres dans la colique et la fièvre lente : on fait sécher ces sub- stances, et l'on en fait prendre aux enfans inquiets et qui se plaignent ha- bituellement , la valeur pesante d'un grain , mêlé avec du lait de leur nour- rice. DES TORTUES. 7$ Les jeunes tortues croissent , du moins d'une manière plus sensible à l'œil , pendant sept ou huit ans : les femelles s'accouplent n'ayant encore atteint que la moitié de la grandeur ; mais il faut que les mâles aient , dit-on, acquis tout leur développement, ce qui contredirait un peu les idées que les anciens nous ont transmises sur l'ar- deur des mâles et sur la retenue des femelles. Il paroîtroit qu'àquelques changemens près , la tortue grecque se retrouverait dans l'Amérique septentrionale et dans les iles qui l'avoisinent. Mais avant que de rien affirmer à cet égard , il faudrait comparer avec soin la prétendue tortue grecque de ces pays avec la nôtre. Bien des choses se ressemblent lorsqu'on les examine superficiellement. Lacépède fait mention de quelques individus de cette espèce remarquables par leur grandeur. Un de ceux-là, ap- porté de la côte de Coroniandel , avoit Heptiles. I. g j6 HISTOIRE NATURELLE quatre pieds et demi de long , depuis l'extrémité du museau jusqu'au bout de la queue ; la verge qui étoit renfer- mée dans le rectum avoit neuf pouces de longueur sur un pouce et demi de diamètre: la vessie étoit d'une gran- deur extraordinaire, et contenoit douze livres d'urine claire et limpide : la queue étoit très-grosse ; après la mort de l'animal , elle étoit tellement inflexible qu'il fut impossible de la redresser ; sa pointe étoit formée d'une substance dure et cornée : seroit-ce une défense pour cet animal ? Scliœpff pense que cette grande tortue de la cote de Coro- mandel , n'appartient pas à la tortue grecque, mais à une autre espèce , dont nous parlerons sous le nom de tortue des Indes. Il rapporte la figure et la description de la tortue grecque , données par cet illustre Naturaliste à une espèce différente qu'il appelle bordée, pi. xi, pag. 52. La carapace de celle-ci est plus alongae et resserrée DES T O P. T U E S. JJ de chaque côté vers le milieu de ses bords ; sou extrémité postérieure est élargie , déprimée , et ne se prolonge pas inférieurement comme dans la tor- tue grecque: les lames de la circonfé- rence sont au nombre de vingt-quatre au lieu de vingt-cinq ; elles ont d'ail- leurs , ainsi que les treize du disque , des stries nombreuses ; le brun ou le noirâtre domine plus que le jaune sur le dessus de la carapace \ c'est cette der- nière couleur qui forme des taches : le plastron est mélangé de jaune et de noi- râtre. Lacépède a vu cette tortue vivante; elle étoit longue de près de quatorze pouces sur dix environ de large ; la tête avoit un pouce dix lignes de long sur un pouce deux lignes de largeur et un pouce d'épaisseur ; le dessus en étoit applati ettriangulaire : les yeuxétoient garnis d'une membrane clignotante , et la paupière inférieure étoit seule mo- bile ; les mâchoires étoient très-fortes, 78 HISTOIRE NATURELLE crénelées , avec des aspérités à l'inté- rieur j qu'on a prises pour des dents ; les Irons auditifs étoient recouverts par la peau : la queue é toit très-courte et n'avoit que deux pouces de longueur ; toute la peau étoit grenue , parsemée d'écaillés inégales , brunes ; quelques-unes de celles qui terminent les pattes étoient assez grandes pour être confondues au premier coup-d'œil avec des ongles : les pieds étoient courts et ramassés ; les doigts n'étoient sensibles que par leurs ongles : comme l'animal en fait un usage plus continuel que la tortue d'eau- douce, ces ongles sont aussi plus émous- ses. (( Lorsque la tortue grecque , la )) bordée de Sckœpffi, marche , dit Lacé- )) pède , elle frotte les ongles des pieds » de devant, séparément et l'un après » l'autre , contre le terrein ; en sorte » que lorsqu'elle pose un des pieds de )> devant à terre , elle appuie d'abord D sur l'ongle intérieur , ensuite sur ce- » lui qui vient après, et ainsi sur tous DES TORTUES. 79 » successivement jusqu'à l'ongle exté- » rieur; son pied fait, en quelque sorte, » par-là, l'effet d'une roue, comme si » la tortue cherchoit à s'élever très-peu » sur ses pattes , et à s'avancer par une )> suite de petits pas successifs , pour » éprouver moins de résistance de la }> part du poids qu'elle traîne ». Il me paroit assez évident que la tor- tue grecque de Lacépède diffère, jus- qu'à un certain point , de celle que Schœpff a décrite , et nous d'après lui, sur le même nom. Mais Je ne vois pas trop d'abord pourquoi cette tortue, que le Naturaliste allemand appelle la grec- que, seroit plutôt celle qui porte ce nom dans Linnée , que l'espèce que Lacépède a regardée comme telle. Les caractères que le Pline suédois assigne à sa tortue grecque , conviennent au- tant à l'espèce que Lacépède décrit sous ce nom , qu'à celle de Schœpff. Cette expression même , bord latéral très- vbtus , s'appliqueroit mieux à la tortue 8o HISTOIRE NATURELLE de Lacépède. Mais cependant comme nous pouvons réputer pour tortues grecques les individus qui , portés du JLevant sous la dénomination de tortue terrestre , se ressemblent en plus grand nombre , comme le Naturaliste alle- mand paroi t en avoir vu une quantité assez considérable , les avoir comparés , et s'être décidé là-dessus, nous parta- gerons son sentiment, n'affirmant pas toutefois que la tortue grecque de La- cépède soit une espèce , et non une variété de celle que nous donnons pour telle. La Tortue géométrique, Testudo géométrie a. La conformation des pattes de cette espèce a tellement de rapports avec celle des pattes de k, tortue grecque , qu'il est facile de juger que celle-ci vit à-peu-près de même , ou qu'elle fait son séjour habituel hors dç l'eau ; U* DES TORTUES. Si doigts sont reunis par une peau cou- verte de différentes écailles , ce qui fait paroitre le pied comme une masse ar- rondie , qui n'est point divisée , et qui est simplement munie d'ongles pointus : les pieds de devant en ont cinq et ceux de derrière quatre. Parmi les écailles qui recouvrent l'extrémité inférieure des pattes , il en est que l'on prendrait, à leur grandeur et à leur forme . pour d'autres ongles. L'inuiA'idu décrit par le cit. Lacé- pède avoit dix pouces de long sur huit de large, et quatre d'épaisseur. Les couleurs de cette tortue sont très- variées , et de là lui sont venus ses noms di'é toi lée , de géométrique , etc. Les lames de la couverture supérieure sont noires ; mais leur centre offre une tache jaune à six côtés , d'où partent différens rayons de la même couleur, souvent contigus à d'autres par leur extrémité : ces lames sont hexagones , fortement striées et relevées en bosse 82 HISTOIRE NATURELLE dans leur milieu : le disque en a treize , et la bordure de la circonférence vingt- quatre à vingt-six : le plastron com- posé de douze à treize lames , est aussi mélangé de jaune et de brun noirâtre ; il est écliancré à un des bouts : le corps de cette tortue est très-bombé. Le cit. Lacépède a vu plusieurs in- dividus qui différoient de celui que nous venons de décrire, par l'éléva- tion des écailles , le nombre et la dis- position des rayons, et par une couleur jaunâtre pins ou moins uniforme sur le plastron , dont les lames avoient d'ail- leurs peu de saillie ; mais il ignore si ces variétés sont constantes, et si elle3 dépendent du climat ou du sexe. Schœpff , pag. 111, pi. 25 , parle , d'après SebaetCommerson,d'une tortue qui a de grandes affinités avec la géomé- trique. Cette espèce, qu'il appelle élégante , est hémisphérique et couverte de peti- tes écailles \ ses doigts ne sont distincts DES TORTUES. 83 que par les ongles. Sa couleur est d'un baifoncé ounoiràtre ; la carapace a deux pouces huit lignes de long, deux pou- ces trois lignes de large et un pouce et demi de hauteur ; les lames du disque sont au nombre de treize , à cinq ou six côtés , marquées parallèlement , et sou- vent à angles droits , de côtes et de sil- lons profonds, et très-élevées; le milieu, de ces lames ou l'aréole, est plan , ponc- tué et jaunâtre -, la surface de cette aréole est grande à proportion de l'é- caille , et plus large que longue , carac- tères qui éloignent cette espèce de la tortue géométrique. Du point central des lames, partent quatre rayons jau- nâtres , divergens , qui par leur con- fluence avec ceux des lames voisines , forment des espaces symétriques , trian- gulaires, rhomboïdes ou hexagones. Les écailles de la circonférence sont au nom- bre de vingt -trois, petites, presque carrées , à-peu-près sillonnées comme celles du disque, mélangées de jaunâtre 84 HISTOIRE NATURELLE et de brun, mais ne formant point d'é- toiles; la bordure est très-obtuse, même échancrée en devant, et assez fortement crénelée postérieurement : l'écaillé qui la termine est beaucoup plus large que les autres. Le plastron est composé de douze pièces , échancré aux deux bouts} et varié de jaune et de noirâtre. Le museau de cette tortue est mousse; ]e bord de la mâchoire supérieure a des stries; laquelle est courte, conique, jaunâtre , ainsi que les pieds et la tête. On trouve la tortue élégante à Mada- gascar, aux Indes orientales. La géomé- trique habite plusieurs contrées mcri-> dionales de l'Europe , l'île de l'Ascen- sion , le cap de Bonne-Espérance , et une partie de l'Asie ; mais il laudroit examiner et comparer entr'eux les in - dividus portés de climats si éloignés les nus des autres , avant d'afiïrmer que ces tortues appartiennent à la même es- pèce. D'après les observations de Uni- DES TORTUES. S5 guière , la tortue géométrique pondroit de douze à quinze œufs. Il est douteux que la tortue hécate dô Brown , la terrapène de Dampier ne soient que des variétés de cette espèce. Je n'assurerai pas non plus que la tor- tue que Pison donne pour être du Brésil, tab. io5 , soit encore la tortue géométri- que. Il arrive tous les jours qu'on est obligé de séparer des objets réunis sans examen , d'après de pures ressemblant- ces de couleurs. La Tortue à marqueterie, Testudo tabulata» Séba, Stobée, Walbaum , et SchoepfF, particulièrement , ont fait connoitre cette espèce. Elle a pour patrie l'Améri- que méridionale et l'Afrique. Elle est peut-être le jaboti des habitans du Bré- sil, disent quelques auteurs. Ses rapports avec la tortue grecque sont si grands , que feu Herman, célèbre professe m àtà S6 HISTOIRE NATURELLE Strasbourg, ne pensoit pas qu'elle en fût distinguée. La longueur de la carapace de l'indi- vidu que possédoit ce naturaliste, étoit de dix pouces six ligues , sa largeur de six pouces et demi, et sa hauteur de cinq pouces. La tête de cette tortue est figurée comme celle des serpens , ta- chetée de jaune en dessus, de rouge en dessous. On ne lui distingue pas de con- duit auditif apparent et de paupière supérieure. La langue est large et arron- die ; les mâchoires sont semblables à celles des autres tortues ; les yeux sont noirs, presque toujours humides; leur regard est languissant ; ils jettent sou- vent des larmes, et l'animal siffle, écu- me en même temps. Le cou est couvert d'une peau noirâtre , ridée , à petites écailles ; il peut s'étendre après de qua- tre pouces. Les pattes ont les cuisses épaisses , arquées , tachetées de rouge j les pieds antérieurs ont cinq ongles , et les postérieures quatre. La queue est DES TORTUES. 87 épaisse , conique , longue d'un pouce, et susceptible de raccourcissement ou d'alongement. Il paroît que la couleur de la carapace est , en général , d?uo. brun noirâtre , plus clair ou tirant sur le jaunâtre vers le milieu des lames. La forme de cette couverture supérieur© est oblongue et renflée. Le disque a treize écailles , grandes , foibleraent penta- gones ou presque carrées , et sillon- nées dans tout leur contour jusques près du milieu qui est un peu renflé , et raboteux dans plusieurs. La circonfé- rence est resserrée sur les côtés , formée de vingt trois lames grandes, et presque semblables à celles du disque. La der- nière ou la plus voisine de la queue se courbe un peu en dessous. Le plastron est mélangé de brun et de jaune , strié et échancré postérieurement. Cet animal a vécu long- temps , bu- vant peu , se nourrissant de racines de pommes-de-terrcs, de bâtâtes, de fiente de poule et de pigeon. Le professeur Reptiles. I. 10 $8 HISTOIRE NATURELLE Tliunberg , en nous donnant la figura des objets que les Hottentots portent autour de leur cou, a représenté la cou- verture d'un petit individu de cette espèce, d'où Schoepff conjecture qu'elle est plutôt originaire de l'Afrique que de l'Amérique. Gautier paroit aussi avoir connu cette tortue. Voyez ses observa- tions sur l'Histoire naturelle , tom. 1 , part, m, pag. j jo, tab. 100. Schoepff donne la figure d'un jeune individu de cette espèce. Il diffère prin- cipalement de l'adulte , en ce que les stries de ses lames sont bien moins nom- breuses : on n'en voit que dans leur contour. Cette tortue doit avoir les mêmes habitudes que la grecque, dont elle est peu éloignée par ses caractères physi- ques. Tarn .T. ?«.*■ 8j9 Dej'eoe del . P?7ar i&*> u Jeu/p ■ J a . La Tortue noirâtre . a . La T. m a ta m a ta. en desj.ii> 5 . La même en dessous . DES TORTUES. 89 La Tortue noirâtre , Testudo subnigra. On ne connoît que la carapace et le plastron de cette tortue. lia couverture supérieure est un peu bombée , ronde , ayant cinq pouces quatre lignes de dia- mètre ; sa couleur est très -foncée et noirâtre. Le disque est recouvert de treize écailles épaisses, striées dans leur contour, mais très -unies, paroissant comme onctueuses sur le reste de leur surface. Les cinq écailles du dos sont un peu relevées dans leur milieu en crête longitudinale ; les bords sont garnis de vingt-quatre lames ; le plastron en a treize , et il est écbancré par-derrière. La manière de vivre , la patrie de cette tortue sont inconnues. Son enve- loppe est conservée au Muséum d'His- toire naturelle , et c'est Lacépcde qui Ta le premier décrite. 9° HISTOIRE NATURELLE La Tortue des Indes , Testudo Indica. Schneider, Schœpff, rapportent à cette espèce la tortue des Indes dont Perrault nous a donné la description anatomique dans les Mémoires de l'Aca- démie des Sciences. Schœpff pense aussi que la tortue grecque de la côte de Co- romandel dont parle le cit. Lacépède , est la même. Cette tortue a quatre pieds et demi de long depuis le bout du museau jus- qu'à celui de la queue : sa hauteur est de quatorze pouces ; la couverture su- périeure est longue de trois pieds sur deux de large. La couleur de ranimai et celle de son enveloppe sont d'un gris fort brun \ la tète , le cou et les pieds sont couverts d'une peau lâche, ridée , et grenée comme du maroquin ; celle de la tête , qui a sept pouces de long et cinq de large ; est plus mince que celle DES TORTUES. gi des autres parties du corps. Les mâ- choires ont deux rangs d'aspérités en forme de dents 5 les doigts des pieds ne sont pas distincts : on n'apperçoit que leurs ongles ; les pieds de devant en ont cinq , et les autres quatre. La queue est longue de quatorze pouces, et terminée par une pièce d'une consistance tirant sur celle de la corne. On n'a point dé- crit, du moins suffisamment, l'enve- loppe de cette tortue. On lui assigne pour caractères d'avoir l'extrémité an- térieure de la carapace recourbée ou relevée, et un gros tubercule sur cha- cune des trois lames antérieures du dis- que. La figure qu'on en a donnée ne paroit pas assez exacte pour nous ser- vir de guide. Cette tortue vient des Indes orienta- les. Nous avons eu occasion d'en parler à l'article de la Tortue grecque, et nous y renvoyons nos lecteurs, 52 HISTOIRE NATURELLE La Tortue vermillon, Testudo pus i lia. Worm a nourri pendant quelque temps , dans son jardin , cette tortue que des marchands lui avoient vendue comme venant des Grandes-Indes. Sur le sommet de sa tête , dont la forme a été comparée à celle d'un perroquet, s'élève une protubérance d'une couleur de vermillon , mélangé de jaunâtre. C'est de-là que le cit. Lacépède a pris occasion de nommer cette espèce , la tortue vermillon. Daubenton lavoit ap- pelée la bande blanche (Encyel. met.). Un agréable mélange de noir , de blanc, de pourpre , de verdàtre et de jaune orne la carapace, qui esta peine longue de quatre doigts; exfoliée, elle ne présente plus qu'un fond d'un jaune noirâtre. Le plastron est blanchâtre j les pieds sont revêtus d'écaillés très- dures, et armés de quatre ongles. Lt% DES TORTUES. g3 peau des cuisses ressemble à du cuir ; la queue est très-courte. Cette descrip- tion est la substance de celle qu'a don- ne'e le cit. Lacépède. Il est aise de sen- tir combien elle est insuffisante : sa sy- nonymie me paroît douteuse en bien des points. Je vois cette tortue récla- mer à-la-fois pour sa patrie, l'Asie, l'Afrique et l'Amérique ; mais sur quel- les preuves ? Kolbe nous dit que les grands aigles de mer des environs du Cap de Bonne- Espérance , et nommés orfraies , sont très-avides de la chair des tortues ; qu'ils enlèvent celle de terre, et qu'après l'a- voir transportée au plus haut des airs , ils les laissent tomber à plusieurs re- prises sur les rochers où son enveloppe écailleuse se brise. Kolbe attribue ainsi aux aigles de cette partie de l'Afrique le même instinct que l'on prête depuis un temps immémorial aux aigles d'Eu- rope, sans citer cependant un témoi- gnage respectable pour appuyer ce pré- 9't HISTOIRE NATURELLE tendu fait. Le cit. Lacépède croit trou- ver dans la tortue vermillon la tortue terrestre de ce voyageur , et lui appli- que ce qu'il en rapporte. Mais cette application peut convenir à toutes les tortues terrestres du cap de Bonne-Es- pérance. Kolbe ne décrivant point la forme de ranimai dont il est question, l'éditeur du Système de la Nature de Linnée , Gmelin , donne plus de dé- tails que nous sur cette tortue , sa sy- nonymie n'y étant pas plus épurée qu'à l'ordinaire , je crains de parler d'après lui. La Tortue Matamata, Testudo jyiatamata. Le célèbre helmintologisteBruguière nous a fait connoître cette singulière tortue dans le Journal d'Histoire natu- relle , Paris, 179^, tom. 1 , pag. 253. Les naturels de Cayenne la nomment matamata. La saillie de son corps hors DES TORTUES. $5 du test ou de la carapace est telle , que l'animal, dans les instans de la plus forte contraction , même lorsqu'il se sent blessé , ne peut en faire rentrer qu'une partie. Cette espèce est encore remarquable par la largeur et l'appla- tissement disproportionnés de sa tête avec les autres parties du corps , par la configuration de son museau , et enfin par la grosseur de son cou , et par les appendices frangés dont ses côtés , le dessous de la gorge et les bords des mâ- choires sont ornés. C'est ce qui lui a fait donner, par SckœpfF, le nom spécifique de frangée, Jimbriata, pag. 97, pi. 2li La tortue que Linnée a désignée sous le nom de scorpioides , a de grands rap- ports avec celle-ci ; mais l'onglet cro- chu qui termine la queue de la pre- mière , et qui ne se voit pas dans la notre ; la forme singulière du museau de la tortue matamata , et qui lui pa- roît propre, à en juger du moins par le silence de Linnée , décrivant la tortue $6 HISTOIRE NATURELLE scorpioïcle , sont des raisons assez soli- des pour nous faire croire que ce sont deux espèces différentes. La longueur totale de la tortue ma- tamata , est de deux pieds trois ponces huit lignes : sa tête est grande , appla- tie , arrondie antérieurement, ridée et verruqueuse, ayant sur le derrière une callosité saillante qui se divise posté- rieurement en trois lobes , et sur les côtés, deux espèces d'ailerons membra- neux ; le museau est cylindrique , en forme de trompe , long de dix lignes , et divisé par deux narines qu'un car- tilage sépare ; les yeux sont ronds et situés à la base de la trompe ; la bou- che est grande ; les mâchoires sont éga- lement avancées j l'inférieure a en des- sous deux appendices tendineux, tour- nés en avant. Le cou est très - saillant , verru- queux en dessus , avec six appendice» frangés , membraneux , dont trois alter- na Livement plus grands et trois plus DES TORTUES. 9? petits, disposés sur sa longueur; la face inférieure a quatre rides longitudinales et autant d'appendices tendineux vis-à- vis les deux ailes latérales de la tête. Les pieds sont couverts de petites écail- les , avec les doigts à peine séparés , mu- nis d'ongles forts, longs et très-pointus ; les pieds de devant ont leurs cinq doigts onguiculés ; mais ceux de derrière n'en ont que quatre. La queue est longue d'un pouce , légèrement arquée , et granulée à sa superficie. La carapace est ovale , longue de quinze pouces et large de onze. Le dis- que a treize écailles , quatre fois plus grandes que celles de la circonférence , inégales entr'elles , presque coniques , avec des rides qui partent près du som- met et qui sont disposées en rayons obliques. Les trois rangées des lames du disque formenttrois arêtes longitudina- les, plus saillantes vers la queue. Les écailles de la circonférence sont au nom- ire de vingt-cinq, presque carrées, 98 HISTOIRE NATURELLE ridées en rayons obliques , de même que les autres, et dentées à leur bord inté- rieur. Le plastron est moius long d'un pouce que le test supérieur , et presque du double moins large , figuré en ovale alongé , applati , fourchu postérieure- ment, et composé de treize écailles, dis- posées sur deux rangs ; l'écaillé impaire est placée en avant et figurée en coin. La couleur de l'animal est d'un brun noirâtre et uniforme , plus clair sur le plastron. Cette tortue étoit commune autrefois dans les rivières qui entourent l'île de Cayenne ; mais poursuivie par les chas- seurs qui font, grand cas de sa chair , elle s'en est éloignée et ne se trouve plus maintenant, en abondance , qu'à vingt- cinq lieues au sud de Cayenne. Elle pâture pendant la nuit , se nourrissant d'herbes qui croissent sur les bord6 des rivières, des lacs, dont elle s'écarte peu. L'individu décrit par Bruguière étoit une femelle, que Gautier avoit facile- DES TORTUES. 99 ment nourrie avec du pain et des sub- tances végétales. Elle pondit cinq à six œufs , dont un vint à éclore dans un tiroir oà il avoit été renfermé. La Tortue Scorpion _, Testudo Scoj^pioides. Cette tortue, qui a été découverte à Surinam , diffère peu de la tortue mata- mata: l'espèce de pointe dure et osseuse dont l'extrémité de sa queue est armée , et qui paroît manquer dans la tortue précédente , lui a fait donner le nom spécifique qu'elle porte. Les plus grandes carapaces de cette tortue , du moins celles des individus qui sont dans la collection du Muséum d'Histoire naturelle , n'ont que six on sept pouces de longueur sur quatre ou cinq de largeur : elles ont été appor- tées de la Guyanne , dan? les savannes de laquelle habite la tortue. Cette con- verture supérieure est ovale ; noirâtre ; Reptiles. I. 11 ÎOO HISTOIRE NATURELLE avec trois arêtes longitudinales sur î& dos ; le disque a treize lames , dont celles du milieu fort alongées ; la cir- conférence en a vingt-trois et le plas- tron douze. La tête de cette tortue est couverte, au-devant , d'une peau cal- leuse , divisée sur le front en trois lo- bes ; les pieds ont cinq doigts , un peu séparés , et munis d'un ongle , excepté les extérieurs des pieds de derrière. La Tortue à petites raies, Testudo virgulata. Cette espèce a été apportée de la Caroline par le cit. Bosc , ex-consul à Cliarlestown , savant si recomman- dable par son zèle pour l'Histoire na- turelle , par ses travaux dans toutes les parties de cette science , et d'autant plus digne de notre estime , que ses con- noissances et sa riche collection soni; en quelque sorte le domaine de tous ceux qui courent la même carrière. Tom .7. Paç ■ 100. sS- D e*reve Je/. tTTeïïdieu ifeulp ■ i . La 1 or tue a petite* raie* . •Jé ■ La T. jaune . o . La T ronde . DES TORTUES. loi La tortue à petites raies est très- voi- sine . suivant ce bon observateur , de la tortue à courte queue, carolina de Lin* née , et doit venir après elle. Il faut les ranger parmi les tortues terrestres , les pieds de la première n'étant point pal- més , et ceux de celle-ci ne l'étant que très - foiblement -, leur plastron est à charnière mobile , caractère qui se re- trouve dans quelques espèces fluvia- tiles , et dont on ne peut ainsi se servir pour séparer les tortues qui vivent dans les eaux douces de celles qui habitent à terre. La tortue à petites raies est longue de quatre pouces et demi , large de trois et demi , et haute de deux et demi : sa tête est alongée , applatie en dessus, brune , marquetée de jaune , avec une grande tache à la joue et à la mâchoire inférieure de la même couleur. Cette dernière partie de la tête a trois raies brunes ; les pattes sont brunes, et les pieds n'ont pas de membranes ) ceux 102 HISTOIRE NATURELLE de devant ont cinq ongles et ceux de derrière quatre ; les écailles qui recou- vrent les seconds sont plus petites ; la queue est très-courte et d'un brun pâle. La couverture supérieure est entière sur les bords qui sont légèrement rele- vés : les écailles sont très-unies > brunes , marquées d'un grand nombre de taclies ou de petites raies jaunes , irrégulières, et dont les postérieures sont moins co- lorées : le disque a treize lames ; les latérales sont carrées , et celles du dos presque hexagones \ leur côté antérieur ayant un angle rentrant , et le côté op- posé en ayant un de rentrant : la cir- conférence m'a paru avoir de vingt- quatre à vingt-cinq lames, dont l'an- térieure très-petite-, le plastron est d'un jaune uniforme , à charnière mobile , et ne tient à sa carapace que par une simple membrane. Cette espèce se trouve clans les grands bois de la Caroline : elle y est rare. DES TORTUES. 10J La Tortue jaune , Testudo Europœa* Le cit. Lacépède a décrit cette tor- tue sous le nom spécifique de jaune , et a pensé qu'il n'en étoit pas fait men- tion clans aucun des Naturalistes dont les ouvrages sont les plus répandus. Nous soupçonnons cependant, que c'est celle qui se trouve dans Linnée, édit. de Gmelin, sous la dénomination d'or- bicularis ; nous croyons qu'elle est la tortue bourbeuse , la tortue ponctuée de plusieurs auteurs , et la tortue euro- péenne de Schneider. Le continuateur de Buflon a vu plu- sieurs individus de cette espèce vivans. On les avoit fait venir d'Amérique dans des baquets remplis d'eau , pour les «mplover dans divers remèdes. On con- serve au Muséum national d'Histoire naturelle une carapace d'un individu de cette espèce , qui a sept pouces neuf loi HISTOIRE NATURELLE lignes de longueur ; le corps est d'un vert d'herbe un peu fonce , varié agréa- blement d'un jaune imitant la couleur de l'or : cette dernière couleur y forme des taches fort petites , très-serrées , disposées quelquefois en rayons , et of- frant un mélange qui fait plaisir à l'œil : la carapace est un peu applatie dans les individus âgés , plus convexe et pres- que en carène dans les jeunes : le dis- que est composé de treize lames, et la circonférence qui sert de bordure , de vingt-cinq ; le plastron , dit le cit. La- cépède , est garni de douze lames , et îa partie postérieure de cette couver- ture est terminée par une ligne droite, comme dans la bourbeuse , avec la- quelle la jaune a beaucoup de rapports \ les doigts des pieds sont réunis par une membrane , car cette espèce vit dans l'eau douce : les antérieurs ont cinq ongles et les postérieurs quatre , longs et crochus à tous; la queue est menue, tachetée de même que le corps , et près- DES TORTUES. ÎOJ que aussi longue que la moitié de la ca- rapace ; lorsque la tortue marche, elle retend et la porte horizontalement, comme la bourbeuse. Elle se meut avec moins de lenteur que les tortues terrestres : près de s'ac- coupler , elle fait entendre une espèce- de cri , que l'on prendrait pour un gé- missement hors de cette circonstance. Il paroît , d'après le cit. JLacépède , qu'elle se trouve en Amérique , à l'île de l'Ascension; mais elle n'est pas par- ticulière à ces contrées: n'étant pas rare en Sardaigne , en Corse , en Italie , en Hongrie : on la rencontre jusques dans la Prusse. Elle habite les marais, les lieux fan- geux , où elle se nourrit d insectes aqua- tiques , de limaçons , de vers , ou de différentes substances végétales : on la conserve dans des réservoirs , dans des cuves ) et on lui donne du pain , des laitues, déjeunes pousses d'avoine et d'autres herbes. Sa chair est bonne à loH HISTOIRE NATURELLE manger , et cette tortue est ainsi de- venue un objet de commerce. La fe- melle pond des oeufs semblables à ceux de poule, mais plus petits et plus longs-, elle les enfouit au commencement du printemps , dans le sable , mais de telle manière qu'ils soient exposés à la cha- leur bienfaisante du soleil ; les petits ne naissent, d'après Marsigli , qu'au bout d'un an, et leur croissance est fort lente. L'âge, le sexe, le climat font beau- coup varier cette espèce. Nous avons puisé ce que nous avons dit de ses mœurs dans l'ouvrage de Schœpff, qui adonné une bonne figure de cet animal, pi. l. Cet auteur paroît l'avoir prise lui-même dans d'autres , tels que Cetti , Marsigli. Je suppose que la Synonymie de Schœpff est exacte; car si ces derniers Naturalisses avoient eu en vue la bourbeuse 3 dont nous par- lerons bientôt , il en résulteroit une fausse application , et les habitudes de la tortue jaune resteraient inconnues* DES TORTUKS, lOJ La Tortue ronde, Testudo rolunda. Nous avons dit , à l'article de la Tor- tne jaune, que nous soupçonnions que cette espèce étoit celle que Linnée ap- pelle orbicularifi. Le cit. Lacépède a cru reconnoître cette dernière dans une tortue différente de la jaune, et qui fait partie de la collection nationale d'Histoire naturelle. Il l'a donc consi- dérée comme une espèce distincte qu'il •nomme la ronde, orbicidarisàe Linnée, suivant lui ; il y rapporte aussi la tor- tue européenne de Schneider. La forme arrondie de la couverture supérieure de cette tortue , ses petites taches me paroissent être les seuls mo- tifs qui aient pu donner lieu à l'applica- tion de cette synonymie , mais il faut avonerque ces caractères étant assez va- gues , ne peuvent être d'un grand se- cours dans la détermination de cette espèce. Puisque la tortue jaune est ré- *o8 HISTOIRE NATURELLE panel ne clans une partie de l'Europe , en Prusse même •, puisqu'elle a d'ail- leurs le même signalement que la tor- tue orbiculaire de Linne'e , nous per- sistons dans notre premier sentiment , et nous verrons dans la tortue ronde du cit. Lacépède une espèce particulière. La carapace de la tortue ronde est revêtue en dessus de trente-six lames, dont treize sur le disque, et vingt-trois à sa circonférence : elles sont très-unies, d'une couleur assez claire, et semées de très-petites taches rousses , plus ou moins foncées : le plastron est éclian- cré par-derrière et recouvert de douze écailles le museau se termine par une pointe forte et aiguë , en forme de très- petite corne-, la queue est très-courte ; les pieds sont courts et ramassés ; leurs doigts sont réunis par une membrane , et ne sont presque sensibles que par leur ongle , qui est assez fort et assez long : ces ongles sont au nombre de DES TORTUES. 109 cinq aux pieds de devant, et de quatre à ceux de derrière. Cette tortue est fort petite. Les deux individus du Muséum national n'ont pas plus de trois pouces neuf lignes de longueur totale, sur deux pouces cinq lignes de largeur. Le cit. Lacépède pense cependant que ces individus navoient pas encore atteint toute leur grandeur ; et que si cette conjecture étoit vraie, il pourroit se faire que la tortue ronde ne fut qu'une variété de sa terrapène. Mais attendu le défaut d'observations relatives à ce sujet , il croit devoir séparer ces deux tortues. Nous ne devons pas passer sous si- lence un fait intéressant qu'il a recueil- li , en examinant les deux tortues rondes que possède le Muséum : les avant-der- nières pièces du plastron étoient sépa- rées etlaissoient passer la peau nue du ventre , qui formoit une poche ou un gonflement , plus considérable dans mit* HO HISTOIRE NATURELLE de ces tortues: on remarquai tau milieu de cette poche , à un individu sur-tout, l'origine du cordon ombilical. L'on a observé dans le crocodile et dans des lé- zards un fait analogue , et on le retrou- vera pe at-être dans un grand nombre de quadrupèdes ovipares , lorsqu'on les étudiera avec plus de soins. Le cit. La- cépède prend de-là occasion d'exhorter les Naturalistes à examiner si le plas- tron des jeunes tortues a une scissure semblable. Nous observons ce même fait dans quelques tortues de l'Améri- que septentrionale , celles dont le plastron est mobile et à charnière. Schœpff, pi. 5 , donne la figure de la carapace d'une tortue qu'il appelle ponctuée, et qui , par les petites taches rondes dont, elle est parsemée, a des rapports aveclespèce décrite ci-dessus. La carapace de la tortue ponctuée est longue de quarante-cinq lignes , sur trente-trois de largeur et treize environ de hauteur j elle est oblongue , peu cou- DES TORTUES. III vexe ; lisse , noirâtre et mouchetée de points jaunes ; le disque a treize lames et la circonférence vingt cinq ; le plas- tron est panaché de noir , de brun et de jaunâtre ; ses sutures sont noires j le bout postérieur est échancré ; l'anté- rieur est presque de niveau avec le bord de la carapace. Cette espèce se trouve dans les marais de l'Amérique sep- tentrionale. Schœpff a vu de ses pe- tits aux environs de Philadelphie , dans le mois de mai ; ils étoient à peine aussi gros que des œufs de pi- geon , très - noirs et mouchetés d'un jaune safran. Séba a figuré , tab. 80 , fig. y , une tortue, qu'il dit venir de l'île d'Ain- boine , et qui est très-voisine de la ponctuée. Schneider décrit sous le nom de mou- chetée une tortue qui en diffère peu. Le nombre et la disposition des points ne sont pas tout-à-fait les mêmes : la taille est un peu plus petite ; le corps est Reptiles. I. 12 112 HISTOIRE NATURELLE de la couleur de la carapace, et a, dans toutes ses parties , la forme de la tor- tue jaune ; la tète est mouchetée de jaune-safran , ainsi que la couverture supérieure ; la queue est droite , et dé- passe de neuf lignes cette enveloppe. Comparez cette tortue avec la prison- nière striée du cit. Bonnaterre. Schneider est d'avis , d'après la ma- nière dont se fait la jonction de la ca- rapace et du plastron de cette tortue , d'après le rétrécissement latéral de cette carapace , qu'il faut ranger cette espèce dans la famille des tortues ter- restres ; mais Schœpff pense qu'il faut la mettre parmi les tortues aquatiques. La Tortue bourbeuse ? Testudo lut aria. Des Naturalistes très-recommanda- bles pensent qu'il faut réunir les tor- tues que Liunée a désignées sous les noms spécifiques d'orbiculaire et de '/'o/n ■ I. J'ag . Ji-i i . La Tortue bourbeuse a .La T . roussatre • 3 . La T , odorante . DES TORTUES. Il3 bourbeuse , et les rapporter à l'espèce que nous avons appelée la jaune. Mais le cit. Lacepède a va dans la tortue qu'il prend pour la bourbeuse , une es- pèce distincte. Ses caractères , en effet , diffèrent sensiblement de ceux de la précédente. Je n'affirmerai cependant pas que la tortue décrite sous ce nom de bourbeuse par le cit. Lacepède , soit vraiment la tortue luiaria de Linnée. Le Naturaliste suédois n'ayant parlé de ce quadrupède ovipare que d'une manière trop concise , n'ayant pas vu moi-même la tortue qui porte ce même nom dans l'ouvrage du cit. Lacepède, je m'en rapporte, en ce moment, au témoignage de l'illustre continuateur de Buffon , sans le confirmer. La tortue bourbeuse est, parmi celles qui habitent les eaux douces , une des plus répandues ; sa longueur totale est ordinairement de sept à huit pouces, et sa largeur de trois ou quatre. Sa couleur générale tire sur le noir, ainsi que cell« Il4 HISTOIRE NATURELLE de la couverture supérieure dont le dis- que a treize lames, et les bords commu- nément vingt-cinq. Ses écailles sont lé- gèrement striées à leur circonférence et poiutillées dans leur centre; les cinq qui occupent longitudinalcment le milieu du disque sont relevées en arête. Le plas- tron est terminé postérieurement par une ligne droite ; les doigts sont réunis par une membrane , et distincts ; les pieds de devant en ont cinq , et ceux de derrière quatre., tous pourvus d'ongles, excepté le doigt extérieur de chaque pied. Les pieds de devant n'auroienfc alors que quatre ongles et les autres que trois , observation qui mérite, à ce que je crois, un nouvel examen. La queue est de la longueur de la moitié de celle de la carapace. L'animal la porte étendue lorsqu'il marche- dc-là lui est venu le nom de rat aquatique. Il fait entendre quelquefois une espèce de sifflement, de même que les autres tortues. Cette espèce se trouve, dit-on, non- DES TORTUES. 11S seulement dans les climats chauds et tempérés de l'Europe, mais en Asie, au Japon , aux grandes Indes ; on la rencontre même dans les rivières de Sile'sie. Elle supporteroit , cependant très -difficilement un climat très -ri- goureux , s'engourdissant pendant l'hi- ver dans les pays tempérés. Sa retraite, durant cette saison, consiste en un trou de six pouces de profondeur, qu'elle creu- se dans la terre vers la fin de l'automne, et qui exige d'elle un travail de la du- rée d'un mois : elle n'y «st pas toujours bien recouverte , la terre des bords de son trou ne retombant pas quelquefois sur elle. Le printemps la ranime et la fait changer de demeure : elle passe la plus grande partie de cette saison dans l'eau, s'y tenant souvent à la surface lorsqu'il fait chaud , et que le soleil luit. L'été, elle est presque toujours à terre. La tortue bourbeuse multiplie beau- coup en plusieurs endroits aquatiques Îl6 HISTOIRE NATURELLE des départemens les plus méridionaux de la France, auprès du Rhône, dans les marais d'Arles , etc. On trouva , une année, dans un marais des plaines de la Durance , une si grande quantité de ces animaux , qu'ils suffirent plus de trois mois à la nourriture des habitans de la campagne des environs. Cette tortue , ainsi que les autres , dépose ses œufs hors de l'eau, dans un trou qu'elle creuse , et qu'elle comble ensuite. La coque en est moins molle que celle des œufs de la tortue franche , et leur couleur est un peu variée. A leur naissance , les jeunes tortues n'ont quelquefois que six lignes ou environ de largeur. Ayant à porter un poids moins lourd que la tortue grecque , la bourbeuse marche avec moins de lenteur : elle croît pendant très-long-temps , pas au- tant néanmoins que la tortue franche, étant plus petite et ayant une vie plus courte : on a observé qu'elle pou voit par- DES TORTUES. lij venir à l'âge de quatre-vingts ans et plus; son goût pour les limaçons, les insectes et les vers , la rend utile dans les jardins, et soit par cette raison, soit parce que sa chair est employée en me'deciiie, on en fait un animal domes- tique, que l'on conserve dans des bas- sins pleins d'eau, et ayant une planche inclinée , pour qu'il puisse sortir à vo- lonté. S'il ne trouve pas une nourriture suffisante, on y supplée avec du son et de la farine : il supporte la faim pen- dant un temps considérable : il est même tellement vivace , qu'on a vu son corps conserver du mouvement long temps après que la tète en a voit été séparée. Si cette tortue est utile dans les jar- dins , elle est nuisible dans les étangs ; elle saisit , à ce qu'on rapporte , des poissons, même assez gros, sous le ven- tre , leur fait perdre leur sang par des blessures cruelles, et les entraine au fond de l'eau, où elle les y dévore , ne laissant que les arêtes et les parties les Il8 HISTOIRE NATURELLE plus cartilagineuses. Leur vessie aérien- ne est quelquefois rejetéc, et leur pré- sence sur la surface des eaux, décèle le terrible destructeur de ces poissons. La plupart de ces observations sont communes à la tortue jaune, ou peut- être même bien des faits qui n'ont rap- port qu'à celle-ci , sont appliqués par la confusion des deux espèces , à la tortue bourbeuse. La Tortue à trois carènes y Testudo tricarlnata. Feu Her manu, célèbre professeur de Strasbourg, possédoit cette tortue, et c'est d'après cet individu qu'on Fa décri te et figurée dans l'ouvrage de Schœpff , plane. 2. Retzius l'a vue dans le Mu- séum d'histoire naturelle Britannique. Nous la possédons aussi à Paris , et le cit. Daudin, qui l'a observée dans une collection de cette ville, m'a dit qu'on a voit reçu cet individu de Cayeiine. DES TORTUES, 11$ Sa patrie avoit été ignorée j usqu'à ce jour. La tortue à trois carènes est petite. L'individu du Muséum de Londres , n'a que deux pouces trois lignes de long, un pouce et neuf lignes de large , sur dix lignes environ de hauteur. Il paroît ce- pendant que cette espèce parvient à une grandeur plus forte, l'individu que nous avons à Paris, ayant près de six pouces de longueur. Le corps est en général noirâtre et couvert de petites écailles j la tête est grande , en proportion du volume de l'animal; les côtés, le dessous de la mâ- choire inférieure et le cou, sont tache- tés de blanc ; les pattes sont courtes , mais fortes ; les pieds ont les doigts réu- nis par une membrane ; les antérieurs ont cinq ongles , et les postérieurs qua- tre ; la queue est fort courte. La carapace est ovale, foiblement convexe, très-entière dans son contour; le disque a treize lames ? dont le centre Ï20 HISTOIRE NATURELLE a de petites élévations grenues , et dont les bords ont quelques foibles stries , sui- vies , en avançant vers l'aréole , de plu- sieurs rides ou petites lignes élevées ; mais ce qui caractérise ces lames , c'est une carène longitudinale, qui se remar- que vers le milieu de toutes; la carapace a ainsi trois arêtes qui en parcourent la longueur; la circonférence est formée de vingt-trois écailles, qui ont aussi quel- ques irrégularités à leur surface; ses bords en dessous et le plastron sont jau- nâtres , avec quelques taches brunes ; cette couverture inférieure est ovale , et le lobe du milieu n'est point divisé par une suture transversale , comme dans la tortue jaune. Cette tortue doit vivre dans les eaux douces. La Tortue roussâtre , Tesludo subrufa. Sonnerat a trouvé cette espèce dans les Grandes-Indes , et c'est d'après l'iii- DES TORTUES. 12X dividu qu'il a déposé au Muséum d'his- toire naturelle de Paris , que le profes- seur Lacépède l'a décrite. La carapace est applatie , longue de cinq pouces et demi, et large d'autant; les lames sont minces, légèrement striées, unies dans leur centre , d'un roux marron ; le dis- que en a treize , et la circonférence douze , suivant Lacépède , caractère numérique qui éloigne cette espèce des autres tortues connues ; le plastron est formé de douze lames , son extrémité postérieure est éebancrée ; la tête est plus plate que dans les autres espèces de ce genre-, les ongles sont longs et pointus, ce qui, avec l'applatissement de la carapace, fait présumer an cit. La- cépède , que cette tortue est plutôt d'eau douce que terrestre. Tous les pieds ont cinq doigts ; la queue manque à l'individu apporté par Sonnerat : c'est une femelle ; le plastron est plat ; son corps renfermoit plusieurs œufs, ovales^ 122 HISTOIRE NATURELLE longs d'un pouce et d'une substance molle. La Tortue odorante , Testudo odorata. Je dois la communication de cette tortue au naturaliste Bosc , qui l'a ob- servée dans la Caroline. Elle est, d'a- près lui-même , très-voisine de la tor- tu de Pensylvanie de Linnée , qui est pour Lacépède et pour nous, la rou- geâtre; mais elle en diffère , en ce que sa taille est plus petite , qu'elle a une carène sur Je dos, des lignes jaunes sur la tête ; un bec plus obtus ; la pointe cornée de sa queue est moins longue , et l'échancrure de son plastron est plus aiguë. La tortue odorante est longue de trois pouces, et large de deux et demi ; sa tête est applatie, pointue, brune , avec deux lignes jaunes et un peu flexueuses de chaque côté : elles parlent du nez , DES TORTUES. 123 Tune au-dessus , l'autre au-dessous , renferment l'œil et vont mourir à l'o- reille ; la ligne supérieure a la forme d'un Y ) le menton a quelques tuber- cules jaunes , en forme de barbillons ; les pattes sont brunes , avec des nuances plus claires et pâles ; les pieds sont pal- més j on voit cinq ongles à ceux de de- vant, et quatre à ceux de derrière; la queue est très-courte, chargée de tu- bercules charnus, blanchâtres, en forme d'épines. La carapace est d'un brun noir et uniforme ; les écailles sont très-lisses , excepté celles du dos qui ont une légère carène plus marquée postérieurement , le disque en a treize ; la première de celles qui forment la rangée du milieu , est triangulaire , alongée ; les autres sont un peu imbriquées , presque hexa- gones , avec le côté qui regarde la tète et celui qui lui est opposé, irréguliers et souvent éehancrés ; la circonférence a vingt-trois lames , dont l'antérieure Reptiles. I. i3 lli HISTOIRE NATURELLE très-petite , et les postérieures beaucoup plus grandes ; le plastron est étroit, avec une écliancrure aiguë au bout qui re- garde la queue j les sutures sont carti- lagineuses, le devant du plastron se fer- mant sur la tête. Je suis porté à croire , d'après cette description que m'a fournie en majeure partie le cit. Bosc, que cette tortue dif- fère très-peu de la tortue ruugeâtre , sur-tout de l'individu que nous avons donné, comme en étant peut-être une variété. La tortue odorante babite les eaux dormantes de la Caroline, où elle est rare ; elle répand , lorsqu'elle est en vie , une légère odeur de musc qui n'est pas désagréable. La Tortue réticulaire, Teaiado reticularia» Cette espèce, que le cit. Bosc a trou- vée dans la Caroline et dont il m"* ^Tom .1. Pcx? . 124 ■ \Deï?.E NATURELLE charnière cartilagineuse, cou verte d'nne peau très-élastique , et placée à l'en- droit où le plastron se réunit à sa cou- verture supérieure. La tortue peut ou- vrir ou fermer à volonlé ces deux bat- tans, en les appliquant contre les bords de la carapace , de manière à être alors renfermée comme clans une boîte, d un lui vient son nom. Le battant antérieur est plus petit que l'autre ; la couleur lie la couverture supérieure est brune et jaune , celle du plastron est d'un jaune pale , tacheté de noirâtre. On ne commit pas l'animal. La for- me très- bombée de son test pouiroit faire soupçonner qu'il vit plus sur terre que dans l'eau. Nous plaçons cependant cette espèce parmi les tortues aquati- ques , à cause de ses rapports avec la tortue rougeâ:re , jusqu'à ce que nous ayons acquis des conuoissances sur ses mœurs. DES TORTUES. 1 il La Tortue peinte , Testudo pictcu ! :ba a figuré, tom. 1 , pi. 80, 11". 5, une tortue de la Nouvelle-Espagne , et appelée par les Portugaièragado d'agno; elle a une grande ressemblance avec celle que nous allons décrire d'après Schneider, et sur-tout d'après Schœpff qui l'a représentée, pi. 4. La tortue cendrée de ce dernier naturaliste, a, comme nous l'avons déjà fait observer , plusieurs pointsde rapprochement avec la tortue peinte; mais celle-ci, d'abord plus grande , s'en éloigne ensuite par le nombre des lames du disque -, il n'en a que treize, ainsi que le commun des espèces ; la circonférence en a une t! i plus que la tortue cendrée , c'est-à-dire vingt-cinq au lieu de vingt-quatre. La tortue peinte a près de huit, pou- ces de longueur , à prendre du bout du museau jusqu'à l'extrémité de la queue : sa tète est petite relativement à la gran- 3 42 HISTOIRE NATURELLE deur du corps , oblongue et applatie ; la peau est ridée , couverte de petites écailles, noirâtre et mélangée de jaune. .Les pieds sont palmés , armés d'ongles longs , arqués et pointus : ceux de de- vant en ont cinq , et les postérieurs quatre ; les ongles de ces derniers sont moins forts. La queue est noire, écail- leuse, rayée de jaune dans sa longueur, qui fait à-peu-près le quart de celle du corps. La carapace est oblongue, très- lisse, foiblement et également convexe : elle a cinq pouces et demi de long sur trois et neuf lignes de largeur. Les la- mes sont d'un brun noirâtre , presque carrées, et séparées par des lignes jau- nes ; les écailles du disque sont beau- coup plus grandes et sans taches ; celles de la circonférence ont des lignes noi- râtres entremêlées de jaune. Le plas- tron est jaunâtre, grand , de la longueur de la couverture supérieure ? un peu crénelé aux deux bouts, arrondi en de- vant, et tronqué à la partie postérieure. DES TORTUES. l43 On y remarque , outre les sutures or- dinaires , trois lignes transversales et courbes ; de plus, une tache oblongne , noirâtre , avec une apparence d'ombilic dans le milieu. Cette tortue est fluviatile. On la trouve dans l'Amérique septentrionale, en Pensylvanie , où on la nomme jlat boochturtle. La Tortue cendrée , Testudo cinerea. Cest au naturaliste anglais Brown que nous sommes redevables de la con- noissance de cette espèce. Schneider en a ensuite parlé d'après un individu fai- sant partie de la collection du célèbre Bloch ; lequel individu , au témoiguage e naturaliste Garden en a conservé une vivante, près de trois mois, sans qu'il s'apperçût qu'elle mangeât de ce qu'on lui offroit : elle pesoit de vingt -cinq à trente livres. La tête de cet individu étoit petite , un peu triangulaire , s'élargissoit du côté du cou, qui étoit épais, long de treize pouces et demi , et que l'animal pouvoit retirer facilement sous la cara- pace ; les yeux étoient placés à la partie antérieure et supérieure de la tête , et assez près l'un de l'autre; les paupières étoient grandes et mobiles ; la prunelle étoit petite, et l'iris entièrement rond , DES TORTUES. 1B7 l1 extrémité postérieure sur-tout , étoit d'un jaune fort brillant. Cette tortue avoit une membrane clignotante, qui se fermoit lorsque l'animal s'endormoit ou étoit saisi de quelque frayeur ; la mâchoire supérieure se terminoit par un prolongement cartilagineux, un peu cylindrique j long au moins de neuf li- gnes , tendre , menu , transparent, ayant à son extrémité les narines qui s'ou- vroient aussi dans le palais; les pattes étoient recouvertes d'une peau ridée et d'un vert sombre, comme tout le corps, épaisses et fortes -, les pieds avoient cinq doigts réunis par une membrane, et dont trois seulement munis d'ongles q ui étoieut crochus, les pieds avoient en ou- tre des faux doigts , servant à étendre la membrane qui les réunit tous, savoir les antérieurs deux, et ceux de derrière un; la queue étoit grosse, large et courte. La carapace avoit vingt pouces de long, et quatorze de large; son milieu étoit dur et osseux ; mais ses bords lG8 HISTOIRE NATURELLE étoicnt mous , piians, flexibles, être- seinbJant à du cuir tanné. On remar- quent près des deux bouts, des éléva- tions unies et oblongues ; celles du côté qui regarde la tète, étoient un plus grandes. Le plastron étoit blanchâtre : il avan- çoit en devant; de telle sorte que l'ani- mal retirai! t sa tête, pouvoit la reposer sur cet avancement, qui éloit pliant et cartilagineux ; la partie postérieure étoit dure, osseuse, relevée et confor- mée de manière à représenter une es- pèce de selle à cheval. L'individu apporté à Garden, et sur lequel la description précédente fut faite, étoit une femelle qui pondit quin- ze œufs: on en trouva un pareil nombre dans son corps. La tortue molle passe pour très-bon- ne à manger, et sa chair même est, dit-on, plus délicate que celle de la tortue franche; mais il est dangereux d'attaquer cet animal , ayant beaucoup DES TORT f ES. 169 de force ; il arrive qu'il se lève quelque- fois sur ses pattes, tombe avec furie sur son agresseur , et le mord fortement. Le cit. Lacépède, duquel nous avons tiré cet extrait, fait connoître une ob- servation d'un ancien correspondant du cabinet d'histoire naturelle de Paris, d'après laquelle il résulteroit que cette espèce de tortue neseroit pas étrangère à la Guiane. La Tortue à bec , Testudo rostrata. Tel est le nom que Tliunberga donné à une tortue fort voisine de la molle par la consistance et la disposition de sa ca- rapace ; d'autres auteurs l'ont appelée tortue membraneuse , tortue càftilagi- lieuse , tortue de Boddaert , tortue à trois ongles , etc. Gmelin , ( Système de la Nature ) fait des deux premières et de la dernière autant d'espèces dilfé - rentes, que SchœpfT a ré unies en une. la tortue a bec de Tinmbeig ( pag. y3 , 170 HISTOIRE NATURELLE pi. 20 ). Pour affirmer cependant avec certitude que ces tortues appartiennent à la même espèce , il faudroit les avoir toutes examinées et comparées les unes avec les autres. Elles pourroient bien ne se ressembler que par quelques rap- ports généraux , ceux de famille , par exemple. On doit être d'autant plus circonspect à prononcer , que la patrie de quelques-uns de ces animaux est différente , comme la Guiane , la Flo- ride et l'Egypte. A la vérité, on est très-peu instruit sur leur origine. La tortue à bec de Thunberg est pe- tite , sa longueur n'allant pas au-delà de quatre à cinq pouces. Tout le corps , ainsi que le test , est grisâtre ; la tête est déprimée , lisse , avec les lèvres lar- ges , et dont la supérieure est repliée en dessus , et l'inférieure en dessous ; le museau est prolongé en forme de bec cylindrique -, les yeux sont grands , pro- portionnellement à la petitesse du corps; la paupière supérieure est plus large DES TORTUES. 1 71 que l'inférieure ; le cou est environné de plis nombreux et épais formés par la peau; tous les pieds sont très-courts, réunis par des membranes à cinq doigts , et dont trois seulement sont oiiïiuicu- les ; la queue est très-courte -, la cara- pace est presque ronde , d'une seule pièce , ou n'ayant point d'écaillés , d'une consistance coriace et non osseu- se , carinée sur le dos, avec des rides ou des stries obliques , formées par des suites de points élevés : le devant de cette carapace est élevé , et la partie opposée est assez plane. J'ai remarqué dans les individus du Muséum natio- nal , une échancrure au bord posté- rieur. Le plastron est , de même que la couverture supérieure , d'une figure presque ronde , d'une seule pièce et d'une nature cartilagineuse , excepté aux supports latéraux qui sont osseux : il est uni et entier ; le segment de son extrémité postérieure paroît plus court et plus étroit que celui de l'antérieure; Ventiles, I. >7 1-2 HISTOIRE NATURELLE le disque est un peu plus élevé', et cette convexité est oblongue. Schœpffne pense pas seulement qu'il ne faut faire qu'une même espèce des tortues mentionnées ci-dessus ; il n'est même pas éloigné de croire que la tor- tue molle doive y être rapportée. Nous n'adopterons pas une telle opinion et des conjectures semblables. Si le natu- raliste doit craindre de multiplier les espèces, il doit aussi appréhender de tomber dans un excès contraire , et qui est peut-être plus dangereux : la pru- dence nous commande de suspendre notre jugement jusqu'à ce que de nou- velles observations aient éclairci nos doutes. Foiskal décrit une tortue qu'il nom- me tortue à trois ongles, triungûis , et que Sehoepfi , comme nous l'avons déjà dit , rapporte à celle dont nous venons de parler. DES LÉZARDS. Ij5 INTRODUCTION à l'histoire des animaux connus géné- ralement sous le nom de Lézards. Les quadrupèdes ovipares dont nous allons nous occuper sont ceux dent le cit. Alexandre Bronguiart a composé son ordre des sauriens. Ce sont les lézards du cit. Lacépede, à l'exception des sa- lamandres, et de ses reptiles bipèdes. Le mot de lézard devant servir à désigner mi genre particulier de cette grande fa- mille , ou plutôt de cet ordre , je de- vrais , à la rigueur , lui substituer dans les généralités que je vais donner sur tous ces animaux, une dénomination com- mune , celle qui est propre à cet ordre , les sauriens. On éviteroit ainsi les équi- voques et les méprises qui peuvent ré- sulte r d u do able e mploi d u mot d c lézard. Mais celui de sauriens n'étant pas en- core assez connu, j'ai craint de me ren- 3 7^ HISTOIRE NATURELLE tire moins intelligible par un change- ment prématuré de noms. Je continue- rai donc d'appeler , en général , lézards les animai ix de la famille que nous allons traiter, sauf à nommer lézards propre- ment dits ceux qui appartiennent au genre désigné par ce mot. Les lézards n'ont pas , ainsi que les tortues, un test ou enveloppe osseuse et commune, qui leur sert de maison et de bouclier ; leur corps est simplement couvert de petites écailles, disposées sou- vent par imbrication , et si dures dans quelques-uns, qu'elles deviennent, par leur ensemble, une sorte de cuirasse presque impénétrable. L'organisation intérieure de ces animaux paroit être la même que celle des reptiles dont nous venons de donner l'histoire. Les lézards ont cependant des dents véri- tables, au lieu de gencives cornées , ca- ractère qui éloigne encore les lézards des tortues. Les serpens , les salamandres , les crapauds, les grenouilles et les rai- DÈS LÉZARDS. 176 lies ne sauroient être confondus avec ces quadrupèdes ovipares ; les serpens , parce qu'ils n'ont pas de pattes ; les au- tres , parce que leur peau est nue , que leurs doigts ne sont pas onguiculés, que leur langue n'est pas entièrement libre , et parce que leur manière de se repro- duire est fort différente , se rapprochant de celle des poissons. Les lézards ont depuis deux ou trois pouces jusqu'à trente piedsde longueur. La forme de leur corps est , en géné- ral , alongée et presque cylindrique , à prendre du cou jusqu'à la naissance de la queue ; la tête est triangulaire ou ovale. Les yeux , dans quelques espèces , telles que celles de la division du camé- léon,sont singulièrement remarquables : ils sont recouverts par une membrane chagrinée, remplaçant leurs paupières , et obéissant à tous leurs mouvemens. Cette membrane est divisée par une fente horizontale , à travers laquelle on 17S HISTOIRE NATURELLE distingue la prunelle, vive et brillante , comme celle des yeux de presque tous les lézards. Dans ces mêmes espèces, le trou auditif n'est point apparent. La langue des lézards est alongée et rétractile, dans ceux qui se nourrissent sur-tout d'insectes et de vers ; courte dans les espèces qui, à raison de leur grandeur, font leur proie de plus grands animaux, entière ou plus ou moins é chancre e. Les écailles , dont le corps est revêtu , sont ou lisses, ou raboteuses et relevées en carène, arrondies dans les uns , car- rées ou hexagones dans les autres , dis- posées sans ordre ou verticillécs ; celles du dos et même celles de l'origine de la queue forment quelquefois des franges dentées ou des espèces de crêtes ; la peau, dans les iguanes, est très-dilalable sous la gorge, et y produit, au besoin, un gonflement représentant un goitre. Les dragons ont les premières cotes écartée i du corps et réunies par une membrane- DES LEZARD S. I 77 en forme d'ailes. Une observation re'a tive aux écailles dont la peau est garnie et qui devient très-essentielle, vu ïa bon té des caractères qu'elle fournit , est ïa différence respective de la grandeur de ces écaille.; : elles forment dans plu- sieurs lézards des espèces de plaques sous le ventre, de même que dans le grand nombre des serpens. Le cit. Lacépède s est servi, avec le plus grand avantage , de cette considération , que j'ai aussi moi-même fait plus valoir encore dans la détermination des variétés des lézards de France. La forme et les proportions de la queue varient : elle est alongée*, même très-longue dans les uns , courte dans les autres , ici ronde , là comprimée : tous i'é tendent horizontalement. Le plus grand nombre des lézards a quatre pattes : ceux qui a voisinent les serpens les ont déjà très- courtes , pres- qu,iinperceptibles : les derniers de tous, tels que les bipèdes et les slieltopusik 178 HISTOIRE NATURELLE du cit. Lacépède , n'en ont absolument que deux. Les pattes de devant sont plus cour- tes que celles de derrière ; elles ont dans dans la plupart cinq doigts , dont l'ex- térieur séparé des autros , comme une espèce de pouce, et le troisième, ainsi que le quatrième, plus alougés. Le nom- bre de leurs phalanges est plus considé- rable que celui des phalanges des doigts des quadrupèdes vivipares ; il est quel- quefois de quatre. Aussi ces animaux ont-ils plus de facilité pour saisir les branches des arbres sur lesquels ils grim- pent. L'ongle crochu dont ces doigts sont pourvus à leur extrémité , leur donne le moyen de s'accrocher à des corps qui offrent même peu de prise : on en voit plusieurs courir avec agilité sur les murailles. Ces doigts sont grêles etalongés dans un grand nombre , quel- ques espèces, comme les geckos, les ont courts , larges et imbriqués en dessous ; leur direction est inégale et singulière DES LEZARDS. 179 dans les caméléons. Trois de ces doigts sont opposés aux deux autres : les cro- codiles les ont palmés. Si la conformation extérieure des lé- zards est diversifiée , leurs habitudes ne le sont pas moins. Les pins grands , tels que les crocodiles , habitent les fleuves et les marais : les autres vivent, les uns au milieu des bois , dans les déserts ; les autres, dans les lieux habités , sous les pierres, dans les murs. Les dragons se tiennent sur les arbres , et s'élancent, avec le secours de leurs ailes, d'une branche à une autre. Les lézards ont la vie très-dure : ils supportent des diètes de plusieurs mois, et malgré ces longs jeûnes, ils subissent leur mue , comme s'ils avoient été nourris pendant ce temps. Les époques auxquelles ils prennent une robe nou- velle , sont le printemps et l'automne. La saison de l'hiver venant à détruire ou à faire disparoître les insectes , les vers dont ils s'alimentent , on les voit j8o histoire naturelle se retirer dans des trous où ils s'eneour- dissent, jusqu'à ce que le soleil les ra- nime avec la nature. Les lézards de nos contrées commencent à sortir de leur retraite vers la fin de février. Les pre- miers essais de leur liberté consistent à sortir la tête hors de la fente de la mu- raille qu'ils habitent , et à recevoir la chaleur bienfaisante de l'astre du jour. Ils le chargent bientôt après du soin de vivifier et de faire éclore leurs œufs, qui ont une coquille calcaire, de même que ceux des tortues , et qu'ils enfouis- sent dans la terre ou dans le sable. Le cit. Lacépède a partagé ce genre en huit tribus. La première a pour caractère d'avoir la queue applatie , et cinq doigt» aux pieds de devant. Elle comprend le cro- codile , le crocodile noir , le gavial, le fouette- queue , la dragonne, le tupi- nambis , le sourcilleux, la tète-four- chue , le large-doigt , le bimaculé et le sillonné. DES LÉZARDS. 1 Si La seconde renferme des reptiles qui ont tous la queue ronde , cinq doigts à chaque pied, et des écailles relevées sur le dos en forme de crête. On y voit les espèces suivantes : iguane, basilic, port-crête, galéote , agame. Les lézards de la troisième tribu ont la queue ronde , cinq doigts aux pieds de devant , et des bandes êcailleuses sous le ventre. Ses espèces sont : le lé- zard gris , le vert , le cordyle , l'hexa- gone , l'ameiva , le lion et le galonné. La quatrième tribu ne diffère de la précédente , que parce que les animaux dont elle est composée n'ont pas de ban- des êcailleuses sous le ventre. Le camé- léon , la queue-bleue , l'azuré , le gri- son , l'ambre , le plissé , l'algire , le stellion , le scinque , le mabouya , le doré, le tapaye , le strié , le marbré, le roquet . le rouge-gorge , le goitreux , le téçuixin, le triangulaire . la double- raie , et le sputatcur, appartiennent à celle division. 1&2 HISTOIRE NATURELLE La cinquième tribu est distinguée des autres par les écailles grandes et imbriquées dont le dessous des doigts est garni. Il n'y a que trois espèces : le gecko, le geckotte et la tête-plate. On reconnoît facilement la sixième tribu aux caractères suivans : trois doigts à tous les pieds. Ici sont placés le seps et le chalcide. La septième division est encore plus distincte \ elle est destinée aux lézards qui ont des membranes en forme d'ailes. Elle na qu'une espèce : le dragon. La dernière tribu comprend les lé- zards qui ont trois ou quatre doigts aux pieds antérieurs, et quatre ou cinq aux autres. Elle ne renferme que des salaman- dres dont les espèces sont : la terrestre , ]a queue plate, la ponctuée, la quatre- raies , la sarroubé , et la trois-doigts. Vient ensuite la seconde classe composée des quadrupèdes ovipares qui n'ontpas de queue. Elle est formée de trois genres : DES LEZARDS. l83 grenouille , raine , crapaud. Les reptiles bipèdes terminent la première grande division des reptiles. Le professeur Alexandre Brongniart divise son ordre des sauriens ou les lé- zards en neuf genres : crocodile, iguane, dragon , stellion, gecko , caméléon , lé- zard, scinque et chalcide. Les salaman- dres, les grenouilles , les raines et les crapauds sont destinés , comme nous l'avons déjà dit , à composer son dernier ordre des reptiles', celui qu'il appelle batrachiens. Ces divisions étant fort naturelles , serviront de base au travail que nous allons donner sur les lézards. Nous nous permettrons cependant quelques ckan- gemens dans l'ordre de ces genres. Il me semble que les lézards proprement dits doivent venir après les crocodiles. Les caractères pris de la forme et de la dispo- sition des écailles du ventre , ceux des mœurs et des habitudes offrent tant de points de rapprochement entre ces ani- Beptiles. I. 1$ l84 HISTOIRE NATURELLE maux, que je croirois violenter l'ordre naturel , si je mettois des intermédiaires entre ces deux familles de lézards. Des considérations générales doivent rem- porter sur quelques caractères partiels et éloignés , quoique communs ; je pas- serai donc des crocodiles aux lézards proprement dits, de ceux-ci aux igua- nes, aux dragons et aux caméléons. Je leur ferai succéder les stellions , le* geckos et les scinques. Les reptiles qui ont quatre pattes très-petites ou qui n'en ont même que deux, feront la clô- ture des lézards ; mais je ne crois pas qu'il faille n'eu faire qu'un genre , à l'exemple du cit. Brongniart. Des ani- maux qui diffèrent entr'eux par le nom- bre de leurs pattes, méritent certaine- ment d'être séparés génériquement, et on n'eut jamais de caractère d'une va- leur plus importante. Ces derniers rep- tiles sont très-propres à nous introduire dans l'ordre des ophidiens. DES CROCODILES. l85 I Ie GENRE. CROCODILE, Crocodilus. Caractères génériques, Quatre pattes très- apparentes et de grandeur relative. Corps couvert d'écaillés : les supérieures et les inférieures plus grandes et en forme de petites plaques ; langue courte , attachée presque jusque sur ses bords ; doigts pos- térieurs réunis par une membrane ; queue comprimée. # Tel est le signalement auquel on pourra reconnoître les animaux dan- gereux , appelés crocodiles. Ils com- posent une famille bien plus nombreu- ses en espèces qu'on ne l'avoit d'abord cru. La plupart des Naturalistes ne s'é- tant. décidés que d'après des rapports généraux , n'ayant pas eu le bon esprit de soupçonner qtie des animaux , quoi- que rapprochés, mais habitant des par- ties du globe bien différentes , pour- l86 HISTOIRE NATURELLE roient bien aussi n'être pas les mêmes . n'ayant point comparé entr'eux ces divers quadrupèdes ovipares , ont. tout confondu, comme à l'ordinaire ; le crocodile du Nil , celui qui ha- bite les fleuves de l'Amérique équato- riale , le cayman , se sont tous vus re- gardés comme frères. Mais des yeux plus clairvoj^ans que ceux du trop grand nombre de ces superficiels obser- vateurs de la Nature , Gronovius , Cu- vier sur-tout , ont cherché à dissoudre une société aussi informe. Nous regret- tons que l'excellent Mémoire sur les crocodiles , lu par ce dernier à l'Insti- tut , n'ait pas encore été publié ; nous eussions fait connoître ici les caractères qui sont propres à chacune de ces es- pèces d'animaux , et sur l'exactitude desquels je n'ai pas besoin dédire qu'on peut compter. Jusqu'à ce que ces belles observations aient vu le jour , il nous suffira d'avoir dénoncé l'erreur , et dé- grossi seulement le travail des diffé- DES CROCODILES. 187 rentes sortes de crocodiles , d'après Gro- novius en particulier. Le crocodile, en général , est, parmi les lézards, ce qu'est le lion dans la classe des quadrupèdes vivipares , ce qu'est l'aigle aux autres oiseaux -, tous,, sont autant de maîtres redoutables : l'un a pour son domaine les vastes so- litudes de la zone torride , l'autre celui des airs. Habitant de la terre et des eaux , le crocodile semble étendre plus loin sa puissance ; elle est d'autant plus terrible , que ses forces , à raison delà température de son sang, s'affoi- blissent moins vite , qu'il vit plus long- temps, et que sa cuirasse le rend plus impénétrable. , Si l'on en excepte quelques grands quadrupèdes , les cétacés et quelques serpens , le crocodile est un des ani- maux dont la taille est la plus énorme : on en voit qui sont longs de trente pieds. Le cit. Lacépède fait ici une re- marque très -judicieuse : « On diroit 188 HISTOIRE NATURELLE j; que la nature auroit eu de la peine >î à donner à de très -grands animaux )> des ressorts assez pnissans pour les » élever au milieu d'un élément aussi » léger que l'air, et même pour les faire » marcher sur la terre ; et qu'elle n'a i> accordé un volume, pour ainsi dire )> gigantesque aux êtres vivans etani- )> mes, que lorsqu'ils ont dû fendre lé- )> lëment. de l'eau , qui en leur cédant » par sa fluidité, les a soutenus par sa )) pesanteur. L'art de l'homme , qui )> n'est qu'une application des forces de » la nature , a été contraint de suivre )) la même progression ; il n'a pu faire » rouler sur la terre que des masses peu )) considérables-, il n'en a élevé da. » les airs quede moins grandes encore ; )> et ce n'est que sur la surface d?é » ondes qu'il a pu diriger des machines » énormes ». v Si les baleines et la plupart des cé- tacés sont supérieurs en masse et en volume au crocodile } tout est cepen- DES CROCODILES. 1S9 dant tellement disposé, que celui-ci jouit en j3aix du domaine dont la na- ture l'a mis en possession : les premiers exercent presqu'exclusivement leur puissance dans les régions Iryperborées, dans ces mers qui environnent le pùle ; le dernier est souverain dans un climat tout opposé; il lui faut un ciel brû- lant, ou du moins très-chaud, tel que celui de la zone torride ou des pays qui l'avoisinent. Incapable par la nature de son tem- pérament de violens désirs , le croco- dile n'est tyran que par besoin. Aris- totel'avoit depuis long- temps disculpé du reproche de férocité. Nous avons présenté , au commen- cement de cet article , un léger apperçu des caractères extérieurs de ce quadru- pède ovipare. Entrons dans un plus grand détail que nous puiserons , en majeure partie, dans notre source or- dinaire , l'Histoire des Heptiles du ci- toyen Lacépède. TgO HISTOIRE NATURELLE Les crocodiles ont à -peu -près la forme des autres lézards : leur tête est alongée , applatie et très-ridée ; le mu- seau est gros et un peu arrondi , ex- cepté dans le gavial -, les ouvertures des narines sont placées au-dessus , au mi- lieu d'un espace rond , formé d'une substance noirâtre , molle et spongieu- se , et elles ont la figure d'un croissant; la gueule s'étend au-delà des oreilles -, les mâchoires sont quelquefois longues de plusieurs pieds ; la supérieure s'é- largit près du gosier , déborde ensuite de chaque côté l'inférieure , puis de- vient plus étroite jusques près du mu- seau, où elle s'élargit de nouveau, et enferme, pour ainsi dire, l'autre; les bords de celle-là sont festonnés ; ceux de celle-ci ou de l'inférieure sont droits; il en résulte que les dents , par la dif- férence de largeur des deux mâchoires, paroissent alternativement en suivant ces inégalités à l'extérieur , et ressem- blent à des crochets. Le crocodile du DES CROCODILES. îgl' Nil a même cela de remarquable , que quelques-uns de ses crochets , ceux qui sont près du museau et sur les côtés de la mâchoire inférieure , pénètrent si avant dans la mâchoire supérieure , qu'ils s'élèvent au-dessus, à la façon de petites cornes. On compte environ trente- six dents à celle-ci et trente à l'autre; mais ce nombre ne doit pas être constant : elles sont fortes , coniques , striées , un peu creuses , de longueur inégale , attachées par de grosses racines , et disposées , de chaque côté sur un seul rang ; lorsque îa gueule est fermée , elles passent les unes entre les autres , et leur pointe est reçue dans des cavités qu'on remar- que aux gencives. D'après une obser- vation faite par les membres de l'Aca- démie des Sciences de Paris , en 1 68 1 , il paroîtroit que les premières dents du crocodile sont sujettes à tomber , et sont remplacées par de nouvelles. La mâchoire inférieure est seule mo- 102 HISTOIRE NATURELLE bile , et elle n'a même qu'un mouve- ment de haut en bas ; aussi il avale le plus souvent sa proie sans la broyer, ne pouvant mâcher que difficilement; mais ses crochets saisissent, retiennent et déchirent avec force les corps dont il peut s'emparer. Quoiqu'on en ait dit, le crocodile a nue langue plus considérable même, en proportion, que celle dubœuf : mais attachée aux deux bords de la mâchoire inférieure par une membrane , il ne peut la darder et la faire paroître au- dehors. Cette membrane est percée de plusieurs trous, auxquels aboutissent des conduits venant des glandes de la langue. Ses yeux sont très-rapprochés l'un de l'autre , placés obliquement , défen- dus par une membrane clignotante, garnie de deux paupières dures , mo- biles , fortement ridées, avec une espèce de rebord superciliaire. Celte disposi- tion des yeux, leur éclat, et cette suite DES CROCODILES. 195 nombreuse de dents qui se montrent au-dekors , faute de lèvres qui puissent les cacher, donnent à cet animal un air terrible , dont les voyageurs ont en- suite exagère l'effet. Les oreilles situées très -près et au- dessus des yeux, sont recouvertes par une peau fendue et un peu relevée, on dirait deux paupières fermées; et de-là quelques auteurs ont voulu leur donner quatre yeux : on apperçoit la mem- brane du tambour sous la partie supé- rieure et mobile de cette peau. Héro- dote dit que les habitans de Memphis attaclioient des espèces de pendans aux oreilles des crocodiles privés. Le cerveau est très-petit. La queue de ces animaux est com- primée , semblable à un aviron dont elle fait l'office ; elle est aidée en cela du mouvement des pieds , de ceux de derrière principalement, dont les doigts réunis par une membrane, servent d'es- pèces de nageoires ; ceux-ci ont quatre ni/± HISTOIRE NATURELLE doigts et les autres cinq ; les trois in* teneurs sont seuls onguiculés. A l'exception du sommet de la tête, où la peau est nue et collée immédiate- ment sur l'os , tout le corps du crocodile est recouvert d'écaillés : celles qui dé- fendent le dos et le dessus de la queue sont carrées et forment des bandes transversales, dont le nombre paroi t être constant dans cliaque espèce : les écailles des côtés et celles du dessus des pattes sont rondes , de grandeur iné- gale et disposées irrégulièrement ; les premières sur - tout sont très - dures , flexibles , et ont dans leur milieu une sorte de crête qui ajoute encore à leur solidité. Pour blesser cet animal , il faut donc le frapper dans les jointures des bandes , comme étant les seuls en- droits qui présentent la peau ; la balle ne fait que glisser sur les autres parties , revêtues d'une armure impénétrable. Le cou a deux rangées transversales d'écaillés à tubercules : on en voit aussi DES CROCODILES. 190 deux autres de chaque côté de la queue ; et ces élévations, en forme de crêtes, la font paraître hérissée de pointes , qui se réunissent vers son extrémité et ne font plus qu'une ligne : les lames de la partie inférieure du corps , du dessous des pattes , sont disposées en bandes transversales, carrées., flexibles, du- res , mais moins que celles du dos et sans crête : le dessous du ventre du cro- codile étant plus foible , est la partie que ses ennemis attaquent de préfé- rence lorsqu'ils lui livrent combat ; c'est par-là que le poisson scie , sur- tout , le frappe , en lui enfonçant dans son corps l'arme terrible qu'il porte à l'extrémité antérieure de sa tète. La couleur des crocodiles est d'un jaune verdâtre , avec des taches et des bandes tirant sur le bronze un peu rouillé : le dessous du corps est d'un blanc jaunâtre- ou en voit cependant de très-bruns dans la rivière du Sé- négal. Reptiles- t, ig To6 HISTOIRE NATURELLE Le nombre des vertèbres des croco- diles est variable, suivant le cit. Lacé- pède : on en a compté dans quelques individus cinquante-neuf , dont sept pour le cou , et trente-trois dans la queue : leur œsophage est très-vaste et susceptible d'une grande dilatation : ils n'ont point de vessie, leur urètre ayant son écoulement dans le rectum : les organes sexuels des mâles ne parois- sent au-deliors qu'au moment de l'ac- couplement , ainsi que dans les autres lézards ; ils sortent par l'anus. On ob- serve auprès de lui et au-dessous des mâchoires , deux glandes qui contien- nent une matière d'une odeur de musc assez forte. La grandeur de ces animaux varie , depuis quatorze pieds jusqu'à trente ou environ ; il paroit qu'elle dépend beaucoup de l'influence du climat : ceux des côtes de la Guiane sont les plus petits : il faut cependant remarquer que cette espèce n'est pas la même que DES CROCODILES. 197 celle d'Afrique , du Nil principalement. C'est au printemps que les deux sexes se recherchent : la femelle est, dit-on, renversée sur le dos dans l'accouple- ment ; mais la durée de son union avec le mâle n'est pas connue ; on présume qu'elle doit être plus courte que celle des tortues. Les observations de Laborde nous ont appris que ïe cayman fait deux , et quelquefois trois pontes de vingt à vingt-quatre œufs , et à peu de distance les unes des autres. Linnée a avancé que le crocodile pondoit aussi quelque- fois jusqu'à cent œufs : ils sont déposés le long des rivages que ces animaux fréquentent , et confiés à la chaleur vivifiante de l'astre du jour. La femelle duca3rmanmet cependant un peu plus de sollicitude dans la manière dont elle fait sa ponte : elle prépare , assez près des eaux qu'elle habite , une espèce de nid dans le creux de quelque terreux élevé , en y ramassant des feuilles et lyo HISTOIRE NATURELLE des débris de végétaux . dont la fer- mentatîôn accélère le développement du germe de l'œuf. Aux environs de Cayenne , le temps de la ponte est le même que celui des tortues , c'est-à- dire . le mois d'avril ; mais il est plus prolongé. Suivant Catesby , l'œuf du crocodile de la Caroline , l'Alligator , n'est pas plus grand ,que l'œuf d'une poule d'inde ; mais ceux du crocodile ordinaire sont bien plus grands : ces œufs sont ovales , blanchâtres , et leur coque est d'une substance crétacée , semblable à celle des œufs de poule. Les petits crocodiles sont repliés sur eux-mêmes dans l'œuf, et n'ont que six à sept pouces de long lorsqu'ils sor- tent de la coque : ils la cassent soit avec la tête, soit avec les tubercules écail- leux de leur dos; l'insertion du cordon, ombilical paroît encore quelque temps après qu'ils sont éclos ; ils le traînent même, à leur naissance, accouipagu* DES CROCODILES. 1 99 du reste du jaune de l'œuf, et d'une es- pèce d'arrière -faix. On a aussi remarqué dans de jeunes tortues, une fente au plastron, indi- quant la place où le cordon ombilical a voit eu son attache. La chaleur de l'atmosphère fait seule éclore les œufs du crocodile. Dès que les petits sont ne's , ils vont se jeter dans l'eau pour y chercher leur nourriture et leur sûreté ; mais à un âge aussi ten- dre, ils deviennent souvent la proie des poissons voraces , des crocodiles même. La durée de la vie de ces animaux est inconnue j il est cependant à présu- mer qu'elle doit être plus longue que celle de la tortue franche, qui paroit vivre plus d'un siècle : on a nourri des cavmans dès leur sortie de l'œuf, et vingt-six mois après , ils n'avoient en- core que vingt pouces environ de lon- gueur : d'où l'on peut conclure que leur accroissement est fort lent. 200 HTSTOTRE NATURELLE C'est su ri es rives des grands fleuves, et cj ni offrent une grande quantité de testa- cés, de tortues, de poissons, de grenouil- les, près des lieux où il est facile de se mettre en embuscade, au milieu des lacs marécageux et des savanes noyées, que les crocodiles , les caymans établissent leur demeure. C'est là qu'ils attendent dans le silence l'instant favorable pour tombersur leur proie. Les béliers, les co- chons, les bœufs même, sont quelquefois attaqués. Elevant la partie supérieure de leur tète au-dessus de la surface des eaux, ils guettent les animaux qui vien- nent boire ; dès qu'ils en apperçoivent quelqu'un, ils plongent, vont jusqu'à lui en nageant entre deux eaux , le saisissent par les jambes et l'entraînent pour le noyer. Pressés par la faim, ils se jettent sur l'homme, sur le nègre prin- cipalement. Quoique le crocodile soit lourd et tl'un volume considérable, il se remue cependant avec agilité , et dans l'eau DES CROCODILES. !20\ spécialement ; il y est d'autant plus dangereux, qu'il y jouit de toute sa force : il se précipite avec rapidité sur l'objet dont il veut faire sa proie, la ren- verse d'un coup de queue , la saisit et la déchire aussi-tôt avec les armes redou- tables dont il est muni. Ses mouvemens sont plus gênés lors- qu'il est à terre , mais il y est encore bien à craindre , marchant très-vîte dans les terreins plats et unis ; ne pou- vant se tourner avec promptitude, on l'évite en faisant beaucoup de détours. IL faut se tenir avec soin sur ses gardes, lorsqu'on se trouve sur le bord des eaux peuplées de crocodiles ; on en à vu grimper sur des canots, dans le temps que les passagers se livroient au sommeil, Quelle que soit la voracité du crocodile, il ne faut pas leur imputer le reproche de dévorer une partie de leur famille , comme les petits qui ne peuvent se rendre à Feau , où on suppose que le père et la mère veulent les conduire. 202 HISTOIRE NATURELLE Ces animaux demeurent quelquefois beaucoup de temps sans manger : ils avalent alors de petites pierres , des morceaux de bois . afin d'empêcher la contraction des intestins : ils s'engour- dissent aux approches de l'hiver , du moins aux latitudes voisines des tropi- ques. Catesby dit que ceux de la Caro- line sortent de leur état de sommeil , en faisant entendre des mugissement horribles et qui retentissent au loin. On dit aue leur voix est plus forte que celle du taureau. Les crocodiles de Cayenne, de l'Afrique, poussent des cris qui doivent être encore plus terri- bles , ayant plus de force. Ces quadrupèdes ovipares ne muent point, et leur couverture étant écail- leuse , n'éprouve point d'altérations. Ils vont par troupes nombreuses, même au nombre de deux cents, dans les pays où ils ne sont pas inquiétés par rhom- me. Cette habitude de se réunir ainsi, prouve que leur naturel n'est pas du DES CROCODILES. 20'S moins aussi féroce qu'on le suppose : on est venu à bout de les apprivoiser. Aris- tote a dit que l'on y parvenoit, en lui donnant une nourrit are abondante. Le roi de Saba, en Afrique, a deux étangs remplis de crocodiles, qu'il nourrit par ostentation. Les nègres du Sénégal osent attaquer un animal aussi dangereux. Dès qu'ils le surprennent dormant dans des en- droits où il n'a pas assez d'eau pour na- ger , ils vont à lui le bras gauche enve- loppé dans un cuir , l'attaquent à coups de lance aux parties qui sont moins ou pas du tout cuirassées, lui ouvrent la gueule , et le tiennent ainsi sous l'eau, jusqu'à ce qu'il soit suffoqué par ce li- quide, qu'il est obligé d avaler en quan- tité. En Egypte on l'effrave à grand cris, pour le faire tomber dans un fossé pro- fond couvert de branches, et qu'on a ouvert sur son passage près du bord de l'eau. On le prend ailleurs par le moyen d'un crochet auquel on a suspendu 204 HISTOIRE NATURELLE un appàt; comme un agneau dont les cris attirent le crocodile : il y a même, dit-on , des gens assez téméraires, pour aller en nageant sous lui , et lui per- cer la pean du ventre. Les tigres , les hyppopotames font la guerre à celui d'Afrique , et les cougars à ceux de l'A- mérique. Le crocodile du Nil , importuné par la présence de l'homme , a fui la basse Egypte , et s'est retiré dans la haute. Le cayman, ou le crocodile de l'Amérique méridionale , habitant des pays moins populeux, s'y est multiplié à un tel point , qu'il y remplit les lacs , les ri- vières, et qu'il gêne la navigation; on peut les écarter à coup de rames lors- qu'ils ne sont pas très-grands : ils n'es- sayent même pas de renverser les py- rogues qu'ils rencontrent et n'attaquent pas l'homme. Les nègres d'Afrique et d'autres peu- ples font beaucoup de cas des œufs du crocodile, quoiqu'ils aient une forte DES CROCODILES. 205 odeur de musc. Les singes, la mangous- te, plusieurs oiseaux, vont aussi à la recherche de ces œufs , et en font une grande destruction. On trouve quelquefois dans le corps des crocodiles, desbézoards formes, ain- si que les autres , de couches placées les unes sur les autres : ils sont de la gros- seur d'un œuf de canard, un peu plus longs, et parsemés d'aspérités : ils sont marbrés , d'un cendré obscur avec un mélange de blanc. L'édile Scaurus fit voir le premier, des crocodiles au peuple Romain. Sous Auguste , des hommes combattirent publiquement avec ces animaux. Hé- liogabale en nourrissoit. Il fut un temps où la terreur en fit des dieux ; on leur consacra la ville d'Arsinoë , et leurs cadavres étoient renfermés dans les pyramides, auprès des tombeaux des rois. 2o6 HISTOIRE NATURELLE Le Crocodile du Nil et le Cayman, Crocodilus niloticus et CrococL alligator. Il est bien difficile, d'après Grono- vius, qui a voulu distinguer les différen- tes espèces de crocodiles , d'assigner pour celle du Nil et pour le Cayman, des caractères nets et bien tranches. Ce Naturaliste rapporte à la description qu'il donne du premier, une partie des synonymes du second , et celui-ci pa- roîtroit ne s'éloigner de l'autre , que parce que ses pieds de derrière ne se- roient qu'à moitié palmés , au lieu de l'être dans leur totalité : il parle ensuite plus bas d'une espèce de Ceylan, dont les mêmes pieds ne sont aussi qu'à demi- palmés , à l'exception des deux doigts extérieurs. A l'article du cayman, il cite des figures de Séba, qui n'appartiennent pas à cette espèce. Suivant Blumcnback ; le crocodile Tom .7- JJeseve . I.e Crocodile 1 f du Xil DES CROCODILES. 207 ordinaire a la tête cuirassée , la nuque relevée en arête, et la queue garnie en dessus de deux fortes crêtes latérales, JLe cayman est distingué par sa tête plane , couverte d'écaillés imbriquées; par sa nuque sans écailles, et par sa quelle qui a au-dessus deux lignes éle- vées. Ces notes indicatives ne me pa- roissent pas suffisantes pour bien signa- ler ces deux espèces , et nous sentons encore plus la nécessité de jouir du tra- vail du cit. Cuvier sur les crocodiles. Je me bornerai à. dire ici, que le croco- dile du ZSil diffère du cayman par l"a- lonecmeut de son museau et la saillie de quelques dents de la mâchoire inférieu- re, ces dents n'étant pas reçues comme les autres dans des cavités de la gencive de la mâchoire supérieure , mais parois- saut au-dehors, en forme de crochets: j'ajouterai encore que le dessus du cou du crocodile du Nil n'a que quelques tubercules osseux, et que derrière la partie postérieure de la tête est un ùi- Hejjtiles. I. 20 208 HISTOIRE NATURELLE tervalle garni simplement de petites écailles , tandis que dans le cayman ces tubercules sont très-nombreux, et com- mencent à la naissance du cou ; enfin les pieds postérieurs de celui-ci ne sont qu'à demi-palmés. Je renvoie pour l'historique de ces deux espèces , aux généralités du cro- codile. Le cit. Faujas de Saint -Fond a bien voulu me communiquer les deux ex- cellens dessins qu'il a fait faire du cro- codile du Nil et du gavial • les figures que nous en donnons ici, ont été prises sur ces modèles. Le Crocodile Gavial , Crocodllus Gangeticii8. Cette espèce habite les bords du Gange , où elle porte le nom de gavial : elle est très-distinguée des précédentes par la forme étroite et l'alongement de ses mâchoires , qui représentent une Tom .H. J>, :<e //<>/ ' . /? 'Jart/ieu 1 . Le Lézard o-ns 1 . Le I. • vert . 3 .Le L . tête-bleue DES LEZARDS. 229 tus d'ongles très-aigus et légèrement recourbés. Ce lézard se trouve au Brésil , d'a- près Séba cité par Lin née. Quelques auteurs ont aussi donné le nom de té- guixin au tupinambis. Le Lézard gris, Lacerta agilis. Ce lézard est connu de tout le monde, îl est peu de personnes qui n'en aient fait . dans leur enfance , un sujet d'amu- sement: c'est un animal presque domes- tique j et dont la présence nous est d'au- tant plus précieuse , qu'il nous délivre d'une foule d'insectes incommodes: les anciens l'appelèrent l'ami de l'homme. Il varie beaucoup pour la grandeur de son corps et par les teintes de sa cou- leur : il a communément cinq à six pou- Ces de long , sur un demi-pouce de lar- ge ; le dessous du corps est d'un gris cendré tacheté de noir; maio ers taches forment tantôt de simples marbrures > 33o HISTOIRE NATURELLE tantôt des espèces de raies qui sont en- tremêlées de lignes d'un gris clair , al- ternativement plus larges , avec des points blanchâtres sur plusieurs; dans les uns le ventre a six rangs longitudi- naux d'écaillés, celles des bords non comprises ; la gorge, les côtés du ventre et la queue sont pointillés de noir ; dans les autres, l'abdomen a huit rangs d'é- cailles ou de petites plaques et le des- sous du corps n'est pas moucheté ; les premiers ont un cordon de dix- sept tu- bercules aux cuisses postérieures, et les seconds en ont un de vingt-quatre à vingt-six ; mais ils ont tous la tête triangulaire, applatie, couverte de gran- des écailles-, les yeux vifs, recouverts de leurs paupières, les oreilles rondes , ouvertes et situées derrière la tête ; la gueule grande, formée de deux mâ- choires également longues, et armées de petites dents fines, un peu crochues et tournées vers le gosier ; la langue est rougeâtre, plate, assez longue, et bifide, DES LÉZARDS. 23l comme dans les reptiles de ce genre; les pattes ont cinq doigts fort déliés , de longueur inégale } munis de petits ongles crochus ; le doigt qui répond à l'index est le pins long; la queue est ronde , allant toujours en diminuant de grosseur et de la longueur du corps. Le lézard gris est un animal innocent et que l'on peut tenir entre les mains sans crainte ; il suce avec avidité la sa- live des enf'ans, qui renferment ces rep- tiles dans des boites pleines de son, et prennent plaisir à les faire battre ensem- ble. Si l'on met du tabac en poudre dans leur gueule , ils tombent sur le champ en convulsion, et périssent peu après : ils changent de peau deux fois par an- née , au printemps et en automne. De même que les autres quadrupèdes ovi- pares, ce reptile s'engourdit aux appro- ches de Thiver. Il se cache au fond des trous des vieilles masures, où il demeure habituellement , et où il dépose ses œufs. « Lorsque dans un beau jour di* Reptiles. I. 23 232 HISTOIRE NATURE LU: 3) printemps, dit le cit. Lacépède, une 3> lumière pure éclaire vivement un gâ- ta zon en pente, ou une muraille qui aug- » mente la chaleur en la réfléchissant , )> on le voit s'étendre sur ce mur , ou sur 5) l'herbe nouvelle , avec une espèce de j) volupté : il se pénètre avec délices de 3> cette chaleur bienfaisante : il marque )> son plaisir par de molles ondulations 3> de sa queue déliée : il se précipite com- » me un trait pour saisir une petite 3> proie ou pour trouver un abri plus )> commode. Bien loin de s'enfuir à 3> l'approche de l'homme , il paroit le 3> regarder avec complaisance ; mais au 3> moindre bruit qui l'effraie, à la chute 5) d'une feuille , il se roule , tombe et 3) demeure pendant quelques instant 3> comme étourdi par sa chute; ou bien , » il s'élance, disparoît, se trouble, re- 3> vient , se cache de nouveau , repai oît 3> encore , décrit en un instant plusieiirs j) circuits tortueux que l'œil a de la pei- j) ne à suivre , se replie plusieurs ibis DES LÉZARDS. 233 » sur lui-même, et se relire enfui dans )> quelque asyle, j usqu'à ce que sa crain- » te soit dissipée ». Ce lézard se nourrit de mouches, de fourmis, de grillons, de sauterelles , et d'antres insectes : il saisit les plus petits avec sa langue parsemée de petites as- pérités , et qu'il darde avec vitesse. Edwards dit avoir surpris un de ces ani- maux attaquant un petit oiseau. Les œufs sont presque ronds et n'ont pas quelquefois plus de cinq lignes de diamètre. Déposés au pied d'une mu- raille tournée vers le midi , ils n'ont be- soin pour éclore que de la chaleur de l'atmosphère. La queue de ces lézards étant formée de petites vertèbres très-fragiles, est souvent exposée à être coupée ou mu- tilée mais la nature répare cette perte; cette queue repousse , et la partie régé- nérée se distingue facilement par le contraste de sa couleur, avec celle du corps. On a vu des individus avec deux 25i HISTOIRE NATURELLE et même trois queues. La dissection qu'on en a faite , prouveroit que les vertèbres ne sont remplacées que par de simples cartilages. Le cit. Lacépède regarde comme une variété du lézard gris, celui que Pallas appelle véloce , et qu'il a rencontré par- mi les pierres , auprès du lac Diders- koï. Koyez son article. Le Lézard vert , Lacerta viridis. Linnée n'en a fait qu'une simple variété du précédent. MaisDaubenton, Je cit. Lacépède, le regardent comme une espèce différente: sa couleur verte , sa taille constamment plus grande , ses habitudes particulières , semblent en effet le prouver. Nous observerons ici cependant que le beau lézard vert de la ci-devant Provence , décrit par le ci- toyen Lacépède, a des caractères pro- pres , et qu'il ne faut pas appliquer en toute rigueur sa description au vérila- DES LÉZARDS. 235 ble lézard vert, celai que l'on trouve plus communément en France. L'exa- men d'un grand nombre d'individus , de celui même que le cit. Lacépède a fait connoître , nous a convaincus qu'il y avoit dans cette espèce plusieurs va- riétés très-distinctes ; nous les avons indiquées dans notre tableau des rep- tiles de la France , auquel nous ren- voyons , pour éviter une énumération qui se roit fastidieuse. Le beau lézard vert envoyé au Mu- séum d'histoire naturelle de la ci-devant Provence a vingt pouces de long sur deux de largeur ; il est, en dessus, d'un vert bleuâtre, picoté et finement mar- bré de noir , le dessous du corps est jaunâtre • les cuisses postérieures ont chacune une rangée de tubercules , au bout desquelles on voit un mamelon ; l'abdomen a huit rangs longitudinaux de plaques , non compris ceux des bords qui sont moins distincts. Les environs de Paris , mais sur-tout 2 36 HTSTOTHE NATURELLE les déparlemens du midi, nous offrent nn lézard que Ton peut regarder , au mi- lieu de tant de variétés , comme le type de l'espèce , le vrai lézard vert : il est d'un tiers ou d'un quart plus petit que le précédent sa tête a des points blancs bordés de brun ; le dessus de son corps est d'un vert tirant sur le bleu et pi- coté de noir ; les cuisses postérieures ont chacune un rang d'environ dix- sept tubercules. Je soupçonne que ce lézard , rare autour de Paris, ne vient pas en Suède; et que Linnée a désigné par le nom de vert quelqu'une desautres variétés plus petites et plus répandues. Le lézard vert est remarquable par la beauté et l'éclat de son vêtement : il s'arrête lorsqu'il voit l'homme, dit le cit. Lacépède; on diroit qu'il l'observe avec complaisance ; et qu'au milieu des forêts qu'il habite, il a une sorte de plaisir à faire briller à ses yeux ses cou- leurs dorées, comme dans nos jardins, DES LÉZARDS. Qoj Je paon étale avec orgueil l'émail de ses belles plumes : mais ce repos momen- tané est, je pense, plutôt l'effet de la surprise et de la crainte , que celui de tout autre sentiment. Cet animal court avec beaucoup d'a- gilité ; et la promptitude avec laquelle il s'élance au milieu des broussailles ou des feuilles sèches , excite un bruit qui fait naître, parce que souvent on ne s'y attend pas , une émotion de trouble ou de frayeur : il saute très-fort , se défend hardiment contre les chiens qui l'atta- quent , se jette même à leur museau , qu'il mord avec tant d'opiniâtreté , qu'il se laisse tuer plutôt que de lâcher prise •, mais sa morsure n'est pas veni- meuse , comme le peuple le croit. Ses habitudes , sa manière de vivre sont les mêmes que celles du lézard gris j ses œufs doivent être plus gros , puisque sa taille est plus considérable : plus fort que lui , il se bat contre les serpens , mais rarement avec avantage : les Afri- 258 HISTOIRE NATURELLE cains se nourrissent Je sa chair ; les ha- bitans de Kamschalka les regardent comme des envoyés des puissances in- fernales, et s'empressent de couper en morceaux, ceux qu'ils rencontrent et qu'ils peuvent saisir; s'ils les laissent échapper, leur frayeur augmente, et ils croient mourir à chaque instant. Le cit. Lacépède parle d'une variété du lézard vert , qui se trouve aux en- virons de Paris , et qui est distinguée par une bande d'un gris fauve , tachetée de brun foncé , parsemée de points jau- nâtres et occupant toute la longueur d :i dos. C'est notre variété e. (Tab. des Reptiles. ) Les Italiens appellent le lézard vert stellion ; mais nous donnerons ce nom à un animal très-différent. M. Cetti, dans son histoire des am- phibies et des poissons de la Sardaigne , fait mention d'un lézard vert qu'on y nomme , en certains endroits , tili- guerta , caliscertula , et qu'il dit DES LÉZARDS. 2J() tenir le milieu entre le vrai lézard vert eli:ameiva. Voyez l'article suivant. Le Lézard Tiiiguerta, Lacerta Tiliguerta, Quoique voisin de notre lézard vert, il est cependant facile de le distinguer par sa queue verticillée , du double plus longue que le corps , et par quatre- vingts écailles abdominales. Sa longueur totale est de sept pouces et demi. Sous les cuisses postérieures on voit une ligne formée de points calleux ou petits tubercules. Le mâle est vert, parsemé de taches noires ; mais la femelle est brune. On le trouve en tout temps, suivant Cetti 1), en Sardaigne. parmi les ga- zons , dans les champs et sur les murs. (1) Cetti, Anfib. di Sard. p?.g- i5. 2io HISTOIRE NATURELLE Le Lézard véloce, Lacerta velox. Quoique très - semblable au lézard gris par sa forme , par sa tête , par son collier écailleux , par ses points cal- leux sous les cuisses et par sa queue verticillée , il doit cependant consti- tuer une autre espèce à cause des ca- ractères suivans. Il est beaucoup plus petit et plus grêle. Sa couleur en dessus est constam- ment cendrée , avec cinq stries longi- tudinales plus pâles, auxquelles tien- nent de nombreux points bruns ; la strie du milieu se prolonge à peine au- delà du cou : sur les côtés du corps on voit de grandes taches longitudinales noires , avec des points d'un bleuâtre luisant, dispersés entr'elles ; les pieds postérieurs ont des aréoles arrondies , plus pâles que le fond. DES LÉZARDS. 24 1 On le trouve , selon Palïas ( i ), parmi les rochers et dans les déserts brûlans des environs du lac Inderskoï : il court aussi vite qu'un trait lancé. Le Lézard verdelet ? LacerLa viridula. Il est facile , suivant le cit. Daudin , de reconnoître cette nouvelle et petite espèce de lézard à sa couleur d'un vert clair en-dessus, tirant sur le jaune des- sous le corps, et à sa queue verticillée trois fois plus longue que le corps. Sa longueur totale est de cinq pou- ces , y compris la queue : il ressemble beaucoup par sa forme au lézard des souches ; mais les plaques qui recou- vrent le dessus de sa tête sont à pro- portion plus grandes et moins nom- breuses , suivant le naturaliste espa- (1) Pallas , Voy. en Russie. App. no. 83. 242 HISTOIRE NATURELLE gnol Ruiz de Xelva , qui l'a trouvé uaus la partie du Mexique la plus voi- sine de l'Isthme de Panama. Il habite dans des fentes de rochers et parmi des tas de pierres près des bois : on distingue le mâle à ses cou- a leurs, plus vives dessous le corps ; et sur- tout à une tache orangée, entou- rée de noirâtre sur l'occiput et le cou. Le Lézard tète bleue , Lacerta cœruleo - cephala. On peut reconnoître facilement ce lézard , regardé comme une espèce par le cit. Daudin , à la couleur bleue du dessus de sa tête , et aux bandes longi- tudinales d'un blanc jaune , baies et bleues qui ornent le dessns de son corps et les flancs. Le corps est long de quatre pouces , non compris la queue qui est un peu plus longue, et formée de petits an- neux de couleur bleue. DES LÉZARDS. S43 On le trouve dans l'Amérique méri- dionale. Séba en a figuré deux individus sous les noms brésiliens taraguira et tecum- lana (1) ; et Linnée a regardé a tort le dernier comme une simple variété du stellion azuré : c'est au contraire une espèce voisine du lézard galonné , sui- vant le cit. Daudin. Le Lézard à queue bleue , Lacertafasciata, Voici une espèce très-voisine de la précédente. Linnée l'a nommée lé- zard à bandes; et Daubenton, le ci- toyen Lacépède , lézard à queue bleue ; cette dernière dénomination caracté- rise fort bien ce reptile ; et nous la conservons ? quoiqu'il eût été primiti- vement plus convenable d'employi ç ( i) Séba , Thés. tom. 1 ; pi. 91 , fig. 3 et -ï. Reptiles. I. :•". 2Î4 IIISTOIRi: NATURELLE celle de Linnée , pour ne pas augmenter la multiplication si vicieuse des noms spécifiques. Ce lézard a environ six pouces de longueur: il est brun, avec cinq raies jaunâtres et longitudinales sur le dos ; sa queue est menue , bleue et plus lon- gue que le corps : il se trouve en Caro- line, se retire souvent dans les creux d'arbres ? et passe pour venimeux ; mais Catesby assure n'avoir été témoin d'au- cun fait à cet égard. Marcgrave et Ray parlent aussi d'un lézard à queue bleue que Ton rencontre au Brésil , et que l'on croit encore être venimeux : il est long de deux pouces ; son dos est couvert d'écaillés grises ou cendrées ; celles de la tête, des côtés du corps et des cuisses sont jaunes ; on le nomme amtricima. Le lézard à queue bleue de la Caro- linea aussi de très-grands rapports avec l'espèce suivante. DES LÉZARDS. 245 Le Lézard à six raies , Lacer ta sex - lineata. Ce lézard a la qneue longue et ver- t i cillée , avec six lignes blanches sur le dos. Il est de la même taille que notre lé- zard galonné, et lui ressemble au moins pour la forme. Son dos est blanchâtre , orné de trois lignes blanches et de trois noires sur chaque côté ; sous son cou il y a deux plis ^ ses cuisses sont garnies en dessous d'une rangée de points calleux. Il habite dans la Caroline et dans quelques iles Antilles : les creux des ro- chers près de la mer sont les lieux qu'il préfère ; il y court avec une grande vi- tesse à l'aide de ses longues jambes , dont les doigts sont armés d'ongles cro- chus , avec lesquels il se cramponne adroitement. Daubentou et d'autres Naturalistes l'ont nommé le #o/2,d"après ^46 HISTOIRE NATURELLE les Anglais, sans doute parce qu'il re- dresse souvent sa queue et qu'il l'agite avec force. Le docteur Garden l'a dé- couvert le premier , et mon collègue Bosc Ta retrouvé depuis peu en Caro- line. Gatesby (1) en a donné une bonne figure. Le Lézard du Nil , Lacerta Niloticâ. Cette espèce a la queue longue et triangulaire à son bout , avec le corps nu , excepté sur le dos, où il a quatre ligues écailleuses. Hasselquista fait connoître àLinnée ce lézard qu'il a trouvé en Egypte , dans les marais voisins du Nil. Ce voya- geur assure que les Egyptiens ont la ri- dicule prévention de croire que ce lé- zard provient des œufs de crocodile qui (0 Catesby, Hist. nat. de la Caroline, tom. 2, pi. 68. To/n . I. ? .L lo-uane vubv.iire DES LEZARDS. i^j ont été pondus clans le sable, et que ie crocodile ne sort que de ceux qui sont déposés dans l'eau. Nota. Comme Hasselquist n'a fait connoître que très-imparfaitement ce quadrupède ovipare , et qu'aucun au- teur après lui n'en a eu connoissance ; que d'ailleurs le cit. Olivier ne l'a ja- mais trouvé en Egypte, je suis presque fondé à croire que ce lézard du Nil est seulement un jeune crocodile peut- être mal conformé. C'est ce que le temps et les Naturalistes français maintenant en Egypte nous feront connoître. Ces remarques sont du cit. Daudin. Le Lézard du désert, Lacerta deserti. Cette espèce est très-reconnoissable à sa couleur noire , marquée sur le des- sus du corps de six lignes blanches lon- gitudinales et un peu en zigzag, et à sa queue cylindrique verticillée , aussi longue que le corps, • • 2Ï8 HISTOIRE NATURELLE La longueur totale de ce joli quadru- pède ovipare est de deux pouces en- viron. Entre les lignes blanches extérieu- res , il y a cinq points blancs ; le des- sous du corps est aussi de cette couleur. Lépéckin a découvert ce lézard dans le désert de l'Oural , près de la mer Caspienne , et l'a figuré dans la rela- tion de son Voyage en Russie, tom. I, pi. 22 , fig. 4 et 5. Le Lézard rembruni , Lacerta tristata. Ce lézard, dont nous devons la con- noissance à notre confrère Bosc, est voisin du lézard gris • mais il en diffère par son dos d'un brun pâle , et par ses flancs plus obscurs , marqués dune bande longitudinale d'un blanc gris qui part de l'oreille et se perd au milieu de 1% queue. La partie pâle est irrégulièrement DES LEZARD 5. 2^i) parsemée do petites taches plus foncées, et celle qui est obscure , de petites ta- ches plus claire?. La longueur totale est de neuf pou- ces et demi. La tète est appîatie, plus large que le corps , peu obtuse , d'un brun clair , avec ses côtes et quelques petites taches plus obscures : par sa forme , elle res- semble à celle d'un serpent. Le cou est presque cylindrique, ainsi que le ventre , qui est d'un blanc ar- gentin. Toutes les écailles sont hexagones , parfaitement lisses , et un peu plus co- iorées sur leurs bords. Les pattes sont de la même couleur que le corps , et ont chacune cinqdoigts onguiculés. Le cit. Bosc l'a trouvé très-commu- nément en Caroline. Il se tient ordi- nairement dans les lieux couverts de feuilles , de branchages , etc.; et il y s5o HISTOIRE NATURELLE court avec une tics - grande vitesse. Cette description est du cit. Daudiu. Le Lézard à museau pointu , Lacerta argutus. Le célèbre Pallas a rencontré ce îé- zard dans les lieux arides , pierreux et abrités des contrées arrosées par llr- tisch, qui sont les plus australes. Il est plus court et plus ventru que le lézard gris. Son museau est plus pointu ; son cou a aussi un collier formé par un double rang d'écaillés. La couleur de la partie supérieure du corps est d'un vert glauque , avec des bandes noires , trans- verses , nombreuses, et souvent con- fluentes : elles sont séparées à la base do la queue, et ont chacune quatre à cinq taches en forme d'3-eux , de la couleur du dos. La queue est beaucoup plus courte que celle du lézard gris , assez épaisse à sa base , amincie ensuite tout d'un coup, et filiforme à l'extrémité. DES LEZARDS. '231 Le dessous du corps est blanc ; les cuisses postérieures ont peu de points calleux , et à peine sont-ils visibles. Je soupçonne que ce lézard de Pallas n'est qu'une variété du lézard vert , celle que j'ai indiquée dans mon tableau des reptiles, sous la lettre y*ou g. Le Lézard exanthème ,, Lacerta exanthematica. Ce lézard a la queue un peu carénée en dessus , le corps et le dos marqués de taches blanches arrondies , avec des ban- des brunes sur le ventre , et deux lignes noires près de chaque œil. Sa longueur totale est de six pouces environ et la queue est plus courte que le corps. La tête a une forme quadrangulaire un peu obtuse etalongée :1a peau est par- tout couverte d'écaillés granuleuses non- carénées, parsemée de points obscurs, s52 HISTOIRE NATURELLE avec six à sept taches transversales sur les lèvres. Le dos est garni d'écaillés inégales presque carénées , marbré de taches ar- rondies, blanchâtres; les bandes brunes du ventre sont placées sur un fond clair , et ses écailles sont disposées en long sur plusieurs rangs. Les pieds sont comprimés , dépour- vus de tubercules particuliers , avec leurs doigts simplement écailleux et de moyenne grandeur. Cette espèce ? qui a été décrite et figurée par le citoyen Boscdans les Actes de la Société d'Histoire naturelle pour 1792, pag. 25 , pi. 5 , fig. 3 , habite en Afrique près du fleuve Sénégal. Quoique très-voisin du lézard tupinambis de l'Amérique , cependant il en diffère essentiellement par la queue qui n'est carénée que d'un côté , et par l'absence des tubercules , qui , d'après l'obser- vation du respectable Lacépède , ac- DES IGUANES. 253 compagiient toujours les écailles du tu- pinambis. I Ve GENRE. IGUANE, Iguaka. Caractères génériques. Quatre pattes très- apparentes et d'une grandeur relative ; cinq doigts longs , inégaux , libres et non opposés , à chaque pied ; corps compri- mé , garni de petites écailles ; gorge dila- table et goitreuse -, trous auditifs visi- bles à l'extérieur ; langue libre , courte et entière. Ces reptiles ont, comme Ton voit, des caractères bien distincts et faciles à saisir : leur corps a, par sa forme com- primée, la poche de In gorge , quelques rapports avec les caméléons ; mais la peau de ces derniers n'a que de petits tu- bercules, et celle des iguanes est garnie d'écaillés. Les caméléons n'ont qu'un «joîUe très- petit, et celui des iguanes 254 HISTOIRE NATURELLE est fort grand : le dos et la base de la queue de ces reptiles-ci sont ordinaire- ment garnis de membranes frangées ou dentées. Ceux-là n'ont point encore de trou auditif apparent ; leur langue est fort alongée et terminée par un tu- bercule visqueux ; leurs doigts sont di- visés en deux paquets opposés de trois et de deux; leur queue , d'ailleurs lon- gue et ronde comme celle des iguanes , est prenante , ou peut s'accrocher aux corps qu'elle est en état d'embrasser , en se roulant tout autour. Les yeux des ca- méléons diffèrent encore de ceux des iguanes, étant presqu'entièrement en- veloppés d'une membrane. Ces derniers reptiles ont un cordon de tubercules aux cuisses postérieures , de même que les lézards : ils courent , à ce qu'il paroît, avec beaucoup d'agilité; tandis que la marche des caméléons est fort lente. Ils vivent également d'insec- tes, et habitent les forêts de l'Asie, et celles de l'Amérique principalement. DES IGUANES. 255 L'Iguane vulgaire , Iguana délie atissima. Son caractère consiste principalem eut dans des écailles relevées en forme de crête sons la gorge , et en dessus depuis la tète jusqu'au bout de la queue. Sa longueur totale est de quatre à six pouces , et sa queue est un peu plus lon- gue que le corps. La tète est comprimée sur les cotes , applatie en dessus , et recouverte par de grandes plaques. Le dessous du cou est muni d'un 501- tre très-saillant. Les écailles de la crête gutturale sont en fer de lance , et celles de la crête su- périeure sont étroites, aiguës, verticales , très-longues sur le dos et plus courtes sur la queue, qui est ronde. Tout le reste de la peau est revêtu de petites écailles lisses, excepté celles du dos qui sont sur- montées d'une arête. Reptiles. I. 2-i 256 HISTOIRE NATURELLE Sous chaque cuisse, il y a une rangée cîe quinze tubercules. Quoique les couleurs de l'iguane vul- gaire soient très-variables , cependant il est le plus souvent d'une teinte verte mêlée de jaune, ou bien bleu , avec le dessous du corps, les pattes et la queue quelquefois panachés. La femelle est plus petite que le mâle, et sa taille est aussi plus svelte. On trouve assez communément cette espèce d'iguane dans diverses parties de l'Amérique méridionale , principale- ment à Surinam , à Cayenne , et dans toute la Guiane. Quoiqu'on trouve aussi des iguanes dans l'intérieur de l'Afrique et à la Nouvelle-Hollande, suivant le témoignage de Dampier, je ne puis affir- mer qu'ils soient de la même espèce. Cet animal n'est ni venimeux, ni méchant, et s'apprivoise aisément, se- lon le témoignage de Brown ( i ) , qui en ^ ^ — ■ mm. ■„» — m— — — — ^— mi .1 mm (1) Brown , Hist. nat. of Jamaïca , p. 452. DES IGUANES. 25j a gardé un vivant pendant deux mois. Lorsque le mâle est en amour, il re- dresse avec grâce les longues écailles de sa crête , il gonfle fortement son goitre , et il se promène avec plus de vivacité , soit à terre, soit sur les branches des ar- bres dans l'intérieur des forêts, en fai- sant entendre un sifflement monotone. Vers le mi lieu du printemps,lcs femelles iguanes s'approchent des rivages de la mer, et viennent déposer dans le sable leurs œufs , dont le nombre est de treize ou vingt-cinq. L'iguane se nourrit d'insectes et de plusieurs végétaux ; mais quoique pourvu de fortes mâchoires et de dents aiguës , il avale cependant sa proie sans la mâcher. Il est moins commun main- tenant en Amérique , parce qu'on en détruit tous les ans un grand nombre, sa chair étant très-recherchée pour les tables , sur- tout celle des femelles , qui est plus tendre et plus succulente que la meilleure volaille lorsqu'elle est ser- 258 HISTOIRE NATURELLE vie en fricassée. Les œufs sont égale- ment bons. On nomme ce lézard, en Amérique , ivana , se.nembi , ou ta- macolin , selon Séba, qui en a donné plusieurs ligures assez exactes (i). L'iguane Basilic, Iguana Basiliscus, Le basilic ( lacerta basiliscus , Lin. ) peut être facilement distingué des au- tres iguanes, par une sorte de capuchon qui couronne sa tête , et par une crête qui s'étend sur le dos jusqu'au milieu de la queue. Cette crête est formée de longues écailles pointues, séparées l'une de l'au- tre, et réunies par une membrane-, ce qui lui donne l'apparence d'une fausse nageoire. (1) Vc>3'ez Séba , Thés. tom. 1 , pi. g.S , fig. 12 ; pi. 96 , fig. 4 j pi. 97 , fig. 3 ; pi. 98 , èg. 1. DES IGUANES. 25g Comme les autres iguanes , il a les cinq doigts séparés à chaque patte : il vit principalement au milieu des forêts de l'Amérique méridionale , en grim- pant sur les arbres ; en sautillant et s'é- lançant de branche en branche. Sa taille totale est de deux à trois pieds , en y comprenant la queue qui est un peu plus longue que le corps. Sa peau est couverte de petites écail- les, ainsi que son capuchon, qui est creux et susceptible d'être enflé au gré de l'animal. Cet iguane appelé basilic , ce qui veut dire petit roi, ne paroît avoir été observé et peint d'après nature que par Séba ( i ) , qui l'a regardé comme un animal amphibie. Nota. Une faut pas confondre ce basilic avec l'animal fabuleux du même nom , qui tuoitles hommes de son regard, sui- vant les anciens poètes, ni avec celui des - ■ ■■ - - - - _ (1) Séba, Tlies. tom. 1 , pi. 100 , fig. i. 200 HISTOIRE NATURELLE charlatans , qui n'est formé qu'avec les nageoires desséchées d'une espèce de raie ? ou d'autres poissons. X/lguanegaléote, Iguana calotes. Cet iguane a pour caractères distinc- tifs, une queue trois fois environ plus longue que le corps ; une crête composée d'écaillés lancéolées , piquantes sur la partie antérieure de l'épine dorsale, et d'autres épines sur la partie postérieure de la tête laquelle est large , tandis que le devant est aminci. La longueur du corps , non compris la queue , est de quatre pouces environ , si l'on excepte les écailles piquantes de la crête dorsale et de l'occiput; toutes les autres sont rhomboïdes , disposées en losange, avec une arête saillante en dessus. Sa couleur paroît être d'un beau bleu plus clair dessous le corps , avec des Tom -I. Peu/ . 260 De. 176b. pi. 1. (1) Hornstedt , Nov. act, Stockh. 1780, triru. 2 , pi. 5, fig. 1 , 2. 272 HISTOIRE NATURELLE fendue; son col près le dessons de la tète , a une sorte de poche goitreuse , applatie, plissée et couverte de petites écailles rondes. Le corps est garni d'écaillés quadran- gulaires, avec ses quatre pieds munis chacun de cinq doigts séparés et armés d'ongles crochus. Sa couleur est verdâtre avec des lignes blanches sur la tête et s ur le col ; il est d'un fauve plus ou moins foncé sur la crête et le dos ; d'un gris pâle sur le ventre , et on voit de plus sur chaque côté du corps des taches ou bandes blanches, prolongées jusques sur les pieds. Quel- ques individus sont presqu'entière- ment verdàtres. Il habite dans les îles d'Amboine et de Java, où il se nourrit de fruits qu'il cherche sur les arbustes : il fréquente de préférence le bord des fleuves , se jette dans l'eau , nage , et y plonge avec adresse, en se servant de sa queue com- primée; et de sa large crête mcmbra- D E S IGUANES. 27J îieuse comme d'une grande rame. Sa chair est très-savoureuse, et préférée en quelque sorte à celle de l'iguane. L'Iguane bimaculé , IgUana himaculata. Nous rangeons ici sous une même espèce et comme synonymes, d'après le témoignage du naturaliste Alexandre Brongniart, l'iguane bimaculé deSparr- man (1) et le stellion roquet {lac. prin* cipalis} de Linnée (2). Les caractères particuliers à cette espèce sont d'avoir la queue une fois plus longue que le corps et un peu ca- rénée en-dessus, avec les doigts lobés, à cause de leur pénultième phalange plus large. (1) Sparrman , Nov. act. Stockh. 1784 > trim. 5 , pi. 4. ( 2) Linnée, Amcen. Acad tom. 1, pi. i4, fig. 2. 2/4 HISTOIRE NATURELLE La longueur de son corps est de deux pouces et demi, et celle de sa. queue est presque double lorsqu'il a acquis tout son accroissement. Sa tête est un peu semblable pour la forme à celle de notre lézard gris ; ses yeux sont brillans , et l'ouverture des narines est assez grande : sous sa gorge est une très-petite crête à peine visible. Son corps est couvert d'une peau très-mince, d'un bleu verdâtre, ordi- nairement tacheté de noir, avec deux pins grandes taches également noires sur les épaules. La queue est composée d'articles , dont chacun est formé par cinq anneaux, et couverte d'écaillés très-petites. Cet iguane a été envoyé , de l'Amé- rique septentrionale, au baron de Géer, par le docteur Acréiius, qui l'a trouvé à Saint- Eustache et dans la Pensylva- nie : il est doux , habite dans les bois, dans des trous d'arbres ou des souter- rains j il fait quelquefois entendre un DES I G U A X E S. 2j5 petit sifflement. La femelle pond ses œufs en terre. Nous avons observé au commence- ment que le lacer ta principales est le même animal : il est connu dans quel- ques Antilles , sur-tout à la Martini- que , sous le nom de roquet 3 sans doute parce quïl tient quelquefois sa tète et sa queue redressées. Sloane (1) en a figuré un petit individu. Quelques individus sont d'une cou- leur feuille morte ; avec des taches jau- nes et noirâtres. L'Iguane à bandes 3 Iguana fa sciât eu Cette espèce a été rapportée par Riche , de son voyage autour du mon- de , à la recherche de la Pcyrouse. Le cit. Bron^uiart Ta décrite dans lcbulle- (1) Sloaue , Hist. Jam. tom. 2 , pi. 275 fig.4. -««• 2j6 HISTOIRE NATURELLE tin des Sciences de la société philoma- tique , n°. 36 , et y en adonné la figure. L'iguane à bandes a environ six pou- ces de longueur, du museau à l'anus . et la queue est trois fois plus longue : sa couleur est d'un bleu foncé en des- sus et d'un bleu pâle en-dessous ; le cou est moucheté en dessus de ce dernier bleu, et en dessous de l'autre : la tête est obtuse et la nuque très-peu dentée } quatre bandes d'un bleu foible, trans- versales, et dont la seconde est plus courte, divisent le bleu foncé de la par- tie supérieure du corps. L'Iguane rouge-gorge, Iguana bullaris. Il a pour caractères particuliers la queue mince , articulée , et un peu plus longue que le corps-, les doigts lobés , et le corps grîs-verdâtre , mêlé de diverses nuances, avec une rangée de petites taches brunes irrégulières le long de DES IGUANES. !>"? lepine dorsale jusqu'au milieu de la q ueue. Sa longueur totale est de quatre pouces. Sa tète est alongée , très-applatie , .d'un gris verdâtre , avec une ligne jau- nâtre devant les veux, et une tache foncée derrière : les yeux sont noirs ; les oreilles concaves et la langue épais- se , non-fendue. Le dessous du corps est entièrement d'un gris-blanchâtre , tacheté de fauve pale. Les pattes sont de même couleur que le corps , toutes à cinq doigts lobé- . les postérieurs plus inégaux que les antérieurs. Sa couleur est tantôt brunâtre , tan- tôt d'un vert éclatant. Les écailles ne sont en recouvre- ment que sur la queue et les pattes : celles du corps sont presque rondes et conniventes -, les lobes des pieds s> peu marqués, alongés , et les écaiV 278 HISTOIRE NATURELLE