V a ! □ ' □ ; Ln ; a ru rt HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES COMPOSES D'EAU DOUCE, MM. DUMQRTIER et VAN RENEDEN. IIe PARTIE. DESCRIPTIONS. £ SÉASCE Dl 0 OAI ! 848. Mémoire servant de complément au tome XVI des Mémoires de l'Académie royale des > iena et belles-lettres de Bruxelles. CompL, t. XVI. HISTOIRE NATURELLE DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. DESCRIPTIONS SPÉCIALES. CHAPITRE II. ANATOMIE, PHYSIOLOGIE ET EMBRYOGENIE DES GENRES. § I. GENRE PALUD1CELLA. GERVAIS. Le polype qui forme le genre qui nous occupe avait échappé jusque dans ces dernières années aux recherches des naturalistes. Il a été trouvé dans les environs de Berlin, de Paris, de Bruxelles et de Louvain, ce qui nous fait supposer qu'il est répandu dans une grande partie de l'Europe, et qu'on ne tardera pas de le signaler dans plusieurs nouvelles localités. M. Ehrenberg paraît être le premier qui ait connu l'animal dont nous nous occupons ; il le désigne sous le nom d'Alcyonella articulata. Le savant zoologiste allemand l'a découvert dans les environs de Berlin, et en a fait 4 HISTOIRE NATURELLE mention dans ses Symbolae physicae L II est étonnant que M. Ehrenberg ait fait une alcyonelle de ce polype, puisqu'il diffère sous tous les rapports de ce genre : il n'a de commun avec les alcyonelles que de vivre dans l'eau douce. Quelques années après, en 1856, M. Paul Gervais découvrit le polype de M. Ehrenberg dans l'étang du Plessis-Piquet, près de Paris, parmi des alcyonelles. Ce savant reconnut, d'après les caractères extérieurs, que l'alcyonelle articulée devait former le type d'un nouveau genre, auquel il donna le nom de Paludicelle 2. M. Wiegmann fait aussi mention de ce polype 5, et M. Nordmann * cite YÀIcyonella diaphana à propos de la circulation qu'il y a observée et qu'il compare à celle du cbara. Nous verrons à la fin de ce travail que l'espèce de Nordmann est probablement la même que YAIeyonella articulata d'Eh- renberg. Par ses caractères, et surtout par l'articulation de ses rameaux qui fait que chaque polype présente une loge distincte, le polypier qui nous occupe forme un genre totalement distinct des autres polypiers d'eau douce. Nous admettons pour lui le genre Paludicelle formé par M. Ger- vais; mais nous ne pouvons accueillir pour désignation spécifique le nom d'articulé, puisque ce nom se rapporte au caractère générique de l'animal et qu'il doit être commun à tout le genre. Nous avons donc cru devoir le désigner sous une autre dénomination, et nous l'avons dédié, sous le nom de Paludicella Ehrcnbergii , à M. Ehrenberg qui l'a décrit le premier. Nous exposerons d'abord les caractères du genre Paludicelle et les rap- ports qu'il présente avec les genres voisins. Nous donnerons ensuite l'ana- tomie physiologique, et nous terminerons la description de ce genre par le développement du bourgeon. 1 Ehrenberg, Symbolae physicae, evertebratae , dec.IPol., fol. a. - Comptes-rendus , 1 856, 2" série, et Annales fr. et èlr. d'anat. Paris, 1859; Ann. se. nat., 2e série, vol. VII. s Wiegmann, Handbuch der Zoologie. Berlin , 1832, pag. 598. 1 Nordmann, Mikr. Beitrâge. Berlin, 1832, vol. II, pag. 73. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. CARACTÈRES DU GENRE PALVDICELLE. L'animal est pourvu d'un canal digestif complet; les branchiules ', au nombre de 10 à 18, sont toutes d'une égale longueur et disposées en en- tonnoir sans diaphragme à leur base. La bouche est dépourvue de lèvres. Le polypier est rameux , articulé et divisé dans sa longueur en autant de loges qu'il y a de polypes , au moyen de cloisons placées transversale- ment dans la partie la plus rétrécie , en sorte que chaque individu est isolé et qu'il ne s'établit pas de circulation commune. Le tube polypiaire est gonflé de dislance en distance, et contient, dans chaque renflement, un ani- mal qui sort à côté de l'extrémité de la loge. Le polypier formé ainsi de loges cornées placées bout à bout, est ramifié en di- ou trichotomie; sa consistance est pergamentacée ; dans son jeune âge, le polype est blanc, transparent; il est d'un jaune ferrugineux dans l'état adulte. Nous n'avons pas observé d'embryons libres et flottants comme dans les genres voisins; mais, à l'approche de l'hiver, il se développe une sorte de bourgeon déprimé, pointu, couvert d'une enveloppe cornée analogue aux œufs des autres genres. Le genre Paludicella diffère ainsi des autres polypes d'eau douce par des caractères importants tirés de l'animal et du polypier. Il a de commun avec le genre Fredericelta la disposition des branchiules en entonnoir, mais il est articulé, et ses organes sont dépourvus de cette membrane si caractéristique des Fredericclla et qui unit les branchiules à leur base. En outre, dans ces derniers, la bouche est pourvue, d'un côté, d'un prolongement en forme de lèvre qui manque tout à fait dans les paludi- celles. Notre genre diffère beaucoup plus encore des autres polypes d'eau douce par la forme de fer à cheval que présente leur couronne branchiale. Les alcyonelles et les Lophopus abandonnent la forme radiaire pour se ! Plus loin , pag. 1 2 , nous donnons les raisons pour lesquelles nous nous servons du mot bran- chiules au lieu de tentacules. 6 HISTOIRE NATURELLE rapprocher des animaux symétriques. Les frédéri celles font le passage entre ces derniers et le genre qui fait le sujet de ce travail. Le polypier des paludicelles présente des caractères au moins aussi tranchés; il se compose de plusieurs loges ou cellules placées bout à bout et dans chacune desquelles se tient un polype, en sorte qu'il n'y a aucune communication entre les différents animaux. Chaque individu vit ainsi pour son propre compte, ce qui est l'inverse des autres polypes d'eau douce. En traitant la question zoologique, nous examinerons les rapports qu'ils présentent avec des polypes marins. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE. Lorsqu'on examine au microscope une jeune tige de paludicelle, on aperçoit distinctement à travers sa peau diaphane toutes les parties de l'animal, et même les matières contenues dans son canal intestinal. Nous pouvons donc en décrire les différents organes avec autant ou même avec plus de certitude, que si l'animal était assez grand pour être disséqué au scalpel. Nous pourrons ainsi observer par quel moyen il sort de sa cellule; comment il y rentre, et quels sont les changements qui se passent dans l'intérieur; en un mot, étudier les lois physiologiques qui président à son existence; mais avant de commencer la description des différents organes dont ils se composent, nous ne pouvons nous empêcher de faire remar- quer que ces petits animaux conservent dans la disposition des principaux organes les mêmes rapports que les animaux supérieurs. Dans ces derniers, le corps de l'animal peut se réduire à une peau disposée en cylindre qui se replie en dedans aux deux extrémités, de manière à présenter l'image d'un manchon. Sur le trajet de la peau interne se développent différents organes pour la conservation de l'individu et de l'espèce; entre la peau externe et l'interne sont situés les principaux organes de la vie de relation: le système nerveux, le squelette, les muscles et l'appareil circulatoire. Dans ces polypes nous apercevons une distribution analogue. L'animal est formé de deux peaux distinctes, l'une extérieure et l'autre intérieure, et DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 7 c'est entre les deux peaux, dans un espace rempli de liquide, que nous voyons se développer les muscles, les nerfs, quand ils en ont, ainsi que l'appareil circulatoire. Tous les autres organes sont des dépendances de l'une ou de l'autre peau. Ce rapport nous avait échappé dans l'étude des individus adultes; mais en étudiant le développement, nous avons remar- qué, comme nous le verrons plus loin en détail, que le jeune individu ne consiste d'abord qu'en une membrane mince, formant une paroi autour d'un liquide, dans laquelle se développe une seconde membrane qui con- stituera le tube digestif. Système cutané. Nous avons dit que, dans le genre qui nous occupe, le polypier se com- pose d'une série de loges cornées placées bout à bout, chacune desquelles renfermant un polype distinct. Il importe de ne pas confondre cette loge cornée avec la peau véritable de l'animal, ce que l'on ne manquerait pas de faire sans une observation attentive. La peau extérieure que nous n'a- vons vue entièrement distincte que dans les jeunes individus , part de la base des tentacules et forme autour de ceux-ci une gaîne pendant la ren- trée de l'animal. Cette peau, arrivée à l'ouverture de la loge, suit ses parois internes et tapisse tout son intérieur. Mais si l'on Aoulait considé- rer le polypier corné comme étant l'épiderme, l'organe que nous venons d'indiquer devrait, dans ce cas, être considéré comme le derme. Nous croyons en effet devoir suivre cette détermination, parce que les polypes rentrent par là dans la forme animale commune. Ce ne sont plus des animaux à part qu'il faut considérer comme formant un type particulier, c'est le type général soumis à une modification nouvelle. Nous pouvons donc considérer la peau comme formée par le derme et l'épiderme ; ces deux couches conservent leur flexibilité dans la portion qui s'étend de la base des tentacules à l'ouverture du polypier. Le derme et l'épiderme sont tous les deux également transparents dans cet endroit. L'épiderme se durcit ensuite, devient insensiblement plus opaque; il s'é- 8 HISTOIRE NATURELLE paissit avec l'âge, devient corné et est toujours pergamentacé dans ce genre; mais, dans la plupart des polypes marins, il se dépose dans ses parois ou en dessous des sels calcaires qui constituent les polypiers pier- reux. Cet épidémie est organisé comme dans les animaux supérieurs et n'est pas une substance sécrétée comme on l'avait cru jusque dans ces derniers temps. Nous avons très-bien reconnu dans les très-jeunes indivi- dus, au milieu des parois, des cellules qui disparaissent avec l'âge et qui justifient à nos yeux le rapprochement que nous faisons entre l'épiderme des animaux supérieurs et l'habitation en apparence si compliquée des polypes. Nos observations s'accordent ainsi complètement avec celles que M. Milne Edwards a faites sur plusieurs polypiers marins. Toutefois, il résulterait des recherches de quelques naturalistes , comme par exemple de celles de Cavolini, que plusieurs polypiers sont formés aussi en tout ou en partie par exsudation , et par conséquent la nature des polypiers ne serait pas la même dans toute la classe. Le polypier des paludicelles se compose toujours d'une tige principale, simple au commencement, ramifiée à un âge plus avancé. Il est rétréci de distance en distance; et une cloison interne transverse divise la tige en autant de cavités ou loges distinctes qu'il y a d'étranglements. Dans chaque loge habite un animal , qui n'a aucune communication organique avec ses voisins. Sur le trajet de la tige principale l'on aperçoit, dans les polypiers adultes, des ramifications qui partent toujours de la partie renflée. Tantôt il n'y a qu'une seule ramification, et le polypier est fourchu, tantôt il s'en forme des deux côtés, et le polypier devient trichotomique. Chacune de ces branches se subdivise ensuite comme la tige principale, et de là vient cette forme régulière qui aura fait prendre plus d'une fois ce polypier pour un végétal. Nous exposerons plus loin à l'article reproduction, com- ment l'accroissement de ces parties a lieu. On voit assez communément sur le polypier de ce genre le Vaginicota tincta, qui se présente au premier aspect comme des excroissances du polypier lui-même. En l'examinant pendant quelques instants dans un repos absolu, on voit bientôt l'infusoire à la porte de son tube, et faisant tourbillonner autour de lui les particules suspendues dans le liquide. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 9 Système digestif. Le eanal intestinal est complet et se compose de quatre compartiments : la cavité buccale, l'œsophage, l'estomac et l'intestin. Toutes ces parties sont parfaitement distinctes les unes des autres. La bouche est située exactement au milieu des branchiules. Si l'on regarde de face un de ces animaux épanoui, l'appareil branchial se pré- sente sous la forme d'une rosace dont la bouche occupe le centre. Elle est complètement dépourvue de parties cornées; son ouverture est trans- versale, mais ne présente point de prolongement labial comme chez ses congénères. Le canal digestif est légèrement renflé à son origine pour former une cavité buccale; de nombreux cils vibratils tapissent l'intérieur et attirent, par leurs mouvements continuels, les particules suspendues dans l'eau. Ces particules, qui consistent le plus souvent en infusoires ou en conferves, s'accumulent dans cette première excavation, s'agglomèrent, et lorsque la quantité en est suffisante, l'œsophage se dilate, et les ali- ments, sous forme de bol alimentaire, passent directement dans l'estomac. C'est la seconde station des aliments. L'œsophage est assez long relativement au volume de l'animal; il est droit pendant que le polype est épanoui, et forme au contraire un coude lorsqu'il rentre dans sa loge. L'estomac est d'une forme ovale allongée. Il reçoit l'insertion de l'œso- phage près de son extrémité antérieure. Ses parois sont assez épaisses, et sa surface interne paraît couverte de petites éminences qui pour- raient bien être des cœcums biliaires. Ces éminences sont constamment coloriées ou en jaune ou quelquefois en rouge amaranthe. A l'endroit où s'insère l'intestin, on aperçoit une série de cils vibratils disposés en demi-lune, et qui mettent les particules nutritives agglomérées dans un mouvement continuel de rotation sur elles-mêmes. On voit souvent dans cet endroit de l'estomac les aliments comme s'ils étaient suspendus à un fil qu'on tourne sur son axe; ou bien on les voit attirés par les cils, et ils ne touchent pas plutôt ces derniers, qu'ils sont repoussés avec CompL, t. XVI. 2 10 HISTOIRE NATURELLE violence, ce qui produit le même effet que les moulinets des feux d'ar- tifice. On ne peut s'empêcher de ramener ce mouvement d'attraction et de répulsion à l'action du fluide magnétique. Les particules nutritives venant en contact avec les cils , reçoivent le même fluide et sont au même instant repoussées. Outre le mouvement communiqué par les cils vibratils, l'estomac lui- même se meut constamment par un mouvement péristaltique et imprime encore un autre mouvement aux aliments. Mais cette contraction péristal- tique paraît moins prononcée que dans les genres voisins. Entre l'estomac et l'intestin on observe un repli intérieur, un bourrelet circulaire ou pylore. L'intestin commence immédiatement au-dessus des cils. Il est droit et parallèle à l'œsophage lorsque l'animal est épanoui ; dans le cas contraire, il est replié sur lui-même. A son extrémité, il présente un cordon qui attache cet organe à la base des tentacules et qui entraîne l'intestin pendant les mouvements de l'animal. Ce cordon est formé par la peau de la gaîne qui passe de la base des tentacules à l'intestin et entoure cette extrémité. Les excréments s'agglomèrent dans l'intestin et ne sont expulsés que lorsqu'il y en a une certaine quantité. On reconnaît toujours ces matières fécales à leur forme et à leur cou- leur, qui tranche avec le blanc transparent de ces organes. L'anus est situé près de la base des branchiules. Pour évacuer les excréments, le polype doit être complètement épanoui. Système respiratoire. Comme la respiration est un acte indispensable dans la vie des animaux et qu'ils ont autant besoin d'air que d'aliments , il est évident que les polypes respirent. 11 nous reste à déterminer l'organe dans lequel s'ac- complit cet acte de la vie organique. Les polypes ont tous autour de la bouche des appendices que l'on désigne sous le nom de tentacules, et [qui ont été considérés déjà par quelques naturalistes comme l'organe respiratoire. Mais le développe- DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 11 ment des polypes , c'est-à-dire leur organogénésie, n'étant pas assez bien connu, l'élément principal pour la solution de ce problème manquait à la science. Voyons d'abord ce que c'est qu'un tentacule. On donne ce nom à une ou à deux paires d'appendices non articulés situés près de la boucbe et dont l'une au moins est un organe de sens spécial. Ils s'enroulent ordinairement comme un doigt de gant et ne servent point d'organe de préhension. Les appendices des mollusques gastéropodes se trouvent dans ce cas, tandis que ceux des mollusques céphalopodes étant préhenseurs appartiennent à un autre ordre d'organes. On a donné aux bras des hydres le nom de tenta- cules, et de là ce nom s'est étendu aux polypes, dont les bras sont des organes purement respiratoires. Une branchie , car c'est bien une branchie qui doit exercer la fonction de respiration dans les animaux aquatiques, est une dépendance du sys- tème vasculaire. C'est un vaisseau d'abord simple si on l'examine lors de son apparition, qui se courbe pour former une première anse. Celle-ci pousse de dedans en dehors dans un endroit déterminé du corps, pour mettre son contenu en contact médiat avec le milieu ambiant; elle se multiplie, c'est-à-dire qu'une seconde anse se forme au bout de la pre- mière, et puis une troisième, et ainsi de suite jusqu'à ce que le réseau sanguin ait pris sa forme convenable. Mais au lieu de se contourner , le vaisseau peut s'étendre directement et former des branches droites et parallèles. Ainsi la branchie diffère surtout du tentacule en ce qu'elle n'est qu'une extension du système sanguin, un vaisseau multiplié. Le tentacule n'est qu'une extension de la peau contenant seulement les vaisseaux d'entretien. L'organogénésie nous montre que les prétendus tentacules des polypes ne se forment que par l'extension de la cavité sanguine. Le liquide qui remplace ici le sang n'est pas contenu dans des vaisseaux. Il remplit une large cavité entre la peau externe et le canal digestif. C'est cette cavité qui s'étend au dehors autour de la bouche et forme des canaux isolés que l'on a nommés tentacules. Ils se forment de la même manière que les branchies, avec cette différence qu'il n'y a pas d'anastomoses. 12 HISTOIRE NATURELLE L'organe de respiration ne pouvait se placer qu'autour de la bouche, puisque c'est la seule partie qui n'est pas cachée dans la loge. Il n'y a dans ces animaux aucun organe qui puisse mettre le liquide en mouvement , comme le fait la bouche et l'opercule dans les poissons , le sac branchial dans les mollusques; mais les cils vibratils qui garnis- sent toute la longueur de ses appendices établissent dans l'eau un courant suffisant pour la renouveler constamment. Les hydres sont d'une organisation plus simple. Ces appendices autour de la bouche sont des organes de préhension comme ceux des céphalopodes, et comme tout le corps est à nu, qu'il n'y a pas de cavité sanguine sem- blable à celle des polypes , et qu'ils se déplacent facilement, les cils vibratils sont superflus. Aussi ne les trouve-t-on que dans les polypes bryozaires. De ces différentes considérations nous croyons pouvoir conclure que les prétendus tentacules sont les branchies. Aussi il serait mieux de dési- gner les tentacules sous le nom de branchiules , et l'ensemble sous le nom de couronne branchiale ou branchie tout simplement. Les branchiules sont disposées en forme d'entonnoir autour de la bouche; elles sont toutes également allongées et ont un même diamètre dans toute leur étendue. Dans l'animal épanoui ordinairement, on en trouve seulement seize; mais il n'est pas rare d'en rencontrer dix-huit dans cer- tains individus comprimés entre deux lames de verre, et nous nous som- mes assurés de la constance de ce nombre. Le diaphragme qui lie les dif- férentes branchiules entre elles à leur base dans les genres voisins, manque ici complètement. Chacune d'elles est ainsi isolée jusqu'à sa base; sa lon- gueur est de 0mm,80. Si l'on soumet un de ces organes à un grossissement assez fort , on aperçoit au milieu, dans toute la longueur, un canal qui charrie proba- blement un liquide, mais dans lequel nous n'avons point remarqué de mouvement. Le liquide chargé de corpuscules arrive, en tournoyant, jusqu'à la base des tentacules, mais se dépouille probablement de ces corpuscules pour pénétrer dans ces tubes et pour accomplir l'acte respi- ratoire. C'est là sans doute la raison pour laquelle nous ne distinguons point de courant dans leur intérieur. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 13 Elles sont garnies des deux côtés de longs cils vibratils qui établissent un courant dans le liquide ambiant. Ces cils sont très-longs et atteignent presque la longueur du diamètre transversal des brancbiules. Le liquide contenu dans l'intérieur est oxygéné à travers les parois, par l'air apporté au milieu des courants. Lorsque les brancbiules sont séparées du corps et légèrement contrac- tées, on voit qu'au lieu d'être lisses sur les bords, elles sont légèrement denticulées, c'est-à-dire qu'elles sont régulièrement écbancrées et ressem- blent en quelque sorte au corps d'un annélide. C'est à l'aide de ces anneaux que les brancbiules se déploient dans tous les sens (pi. I, fhj. 6). Elles sont le plus souvent toutes droites après la sortie de l'animal. Quelquefois cependant, lorsqu'il est en repos, ces appendices se re- courbent en debors vers leur extrémité et forment alors un entonnoir largement ouvert et à rebord extérieur. Elles se replient plus ou moins sur elles-mêmes dans l'intérieur de leur étui, lorsque l'animal rentre dans sa loge. Système circulatoire. Entre le canal digestif et la peau qui tapisse la cellule polypiaire est un espace assez étendu , rempli d'un liquide blanc transparent que nous devons considérer comme une cavité vasculaire rempli d'un liquide ana- logue au sang. Ce liquide s'étend dans toute la longueur de la cellule, depuis la cloison qui sépare l'animal de son voisin jusqu'au sommet des brancbiules. Des corpuscules de forme quelquefois arrondie, mais plus souvent irrégulière, flottent au milieu, et c'est par leur présence que l'on peut reconnaître la direction du courant. On le distingue le plus faci- lement dans l'espace qui se trouve entre le corps de l'animal et la cel- lule suivante. (Voy. fig. 5, pi. Irc.) Ces corpuscules parcourent là un petit cercle déterminé par la présence de cils vibratils situés sur les parois internes de la loge. Nous n'avons point remarqué ces cils dans ce genre, mais nous les avons observés, dans le même endroit, dans des genres voisins. Nous U HISTOIRE NATURELLE avons distingué aussi des courants semblables vers la partie inférieure de la cellule ou en dessous du canal intestinal; on aurait dit un liquide en pleine ébullition. Système musculaire. Les muscles sont parfaitement distincts les uns des autres. Ils con- sistent en cordons allongés, blancs, transparents, rassemblés en faisceaux et dans lesquels on ne distingue point ces lignes transverses qui ont tant occupé les anatomistes. Nous verrons plus loin leur mode de for- mation. Ces cordons, qui sont les libres primitives, ne se soudent point par un tissu interstitiel : ils sont séparés les uns des autres dans toute leur longueur. C'est ce que l'on voit facilement quand ils ne sont pas tendus. Cbaque fibre musculaire a à peu près le quart de la largeur des tentacules. Nous pouvons diviser les muscles en deux catégories : les rétracteurs et les extenseurs. Les premiers font rentrer l'animal au fond de sa loge; par l'action des seconds, le polype s'épanouit. Parmi les rétracteurs, nous avons d'abord à signaler deux muscles qui s'étendent depuis les tenta- cules jusqu'au fond de la loge et que nous pourrons nommer les grands rétracteurs (PL I , fig. 2 m. ) Ils sont situés l'un à droite et l'autre à gauche de l'animal , et forment pour ainsi dire une gaîne autour du corps. Ils s'insèrent en haut à la base de chacun des tentacules, et, à en juger par analogie, on doit même supposer que les fibres s'étendent séparément dans leur intérieur. Ces muscles sont fortement tendus lorsque l'animal est entièrement épanoui (PL I, fig. 5 m.), et, dans le cas contraire, le muscle est replié sur lui-même. On pourrait donner le nom de petit ré- tracteur (PL I, fig. 2 n.) à un autre muscle qui n'agit pas autant sur le polype lui-même que sur l'extrémité mobile du polypier. Ce muscle s'at- tache, d'un côté, au bord de l'ouverture du polypier qui livre passage à l'animal, et les fibres, en se dirigeant obliquement en bas, vont s'insérer, de l'autre côté, aux parois du polypier, vis-à-vis de l'ouverture précé- dente. (PL I, fig. 5 n.) Ce muscle est également double; il forme une bande DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 15 musculaire moins longue mais plus large que le précédent. Lorsque les deux grands rétracteurs ont agi et que le polype éprouve encore quelque inquiétude, ils se contractent, l'ouverture du polypier se ferme, et l'animal est hors de tout danger pour un ennemi ordinaire. Les muscles dont nous venons de parler sont des rétracteurs de tout l'individu. Il reste à parler des rétracteurs du tube digestif. De l'extré- mité du cul-de-sac de l'estomac part un cordon musculaire mince qui se dirige vers le fond de la loge et s'attache à ses parois à peu près à la même hauteur que le muscle grand rétracteur. 11 occupe la place où se trouve l'ovaire dans les autres genres. C'est le rétracteur de l'estomac. Dans quelques cas, nous croyons avoir vu encore des cordons minces et courts s'étendre des parties latérales de l'estomac obliquement vers les parois. Ils agiraient dans le même sens que les précédents. Quand le polype est entièrement retiré, on voit une gaîne autour des tentacules qui s'étend jusqu'à leur base. Cette gaîne n'est que le prolon- gement mobile du derme ou du polypier, qui permet à l'animal de s'é- tendre assez loin hors de sa cavité. De cette gaîne partent tout autour de petits cordons musculaires qui se rendent horizontalement ou oblique- ment aux parois du polypier, selon la position de l'animal, et qui agis- sent comme extenseurs de la couronne tentaculaire. Ce sont les extenseurs antérieurs. Dans toute la longueur de la Cellule, on aperçoit enfin des cordons musculaires situés à une certaine distance les uns des autres et qui s'éten- dent horizontalement de l'une paroi à l'autre. Ces muscles , en se contrac- tant, rapprochent les parois de la cellule, diminuent la cavité de la loge, et, en pressant de tout côté et de bas en haut sur le tube digestif, le re- poussent en avant. Ce sont les extenseurs communs. Ainsi quand les exten- seurs de la couronne se contractent, la gaîne se déroule et la bouche du polypier s'ouvre par le relâchement des courts rétracteurs. Par l'ac- tion des extenseurs communs, le tube digestif est pressé de toute part, et l'animal s'épanouit. Cette disposition nous fait comprendre comment ces animaux peuvent rentrer si brusquement, tandis que leur sortie a toujours lieu avec une 16 HISTOIRE NATURELLE certaine lenteur. La rentrée s'opère surtout par les deux longs rubans qui agissent directement sur l'animal; la sortie au contraire ne s'opère que d'une manière secondaire par la pression. Appareil de reproduction. Nous n'avons vu dans ce genre aucune trace d'organes sexuels. Nous avons observé les paludicelles, pendant les différentes saisons, sans pou- voir découvrir quelque vestige de cet appareil. Cependant il y a chez eux, comme dans les genres voisins, deux modes de reproduction bien distincts. Pendant tout l'été, l'animal se reproduit à l'aide de bourgeons; mais à l'approche de l'hiver, il se forme des bourgeons d'une forme toute particulière qui conservent l'espèce jusqu'au printemps suivant. Ainsi nous avons une reproduction estivale et une autre hyemale, comme dans les alcyonelles, les hydres, etc., en un mot chez tous nos polypes d'eau douce. La reproduction estivale a lieu de la même manière que dans les hy- dres, avec la différence dans les moyens et dans les résultats qu'entraîne ici la présence d'un polypier. La reproduction estivale des hydres ne diffère ensuite que très-peu de celle des éponges, et l'on doit considérer, dans ces derniers, l'accroissement et la reproduction comme n'étant qu'une seule et même chose. L'animal s'accroît dans toute la périphérie, et chaque por- tion détachée spontanément ou par accident, est semblable à la masse dont elle provient. C'est la reproduction la plus simple. La seule diffé- rence que l'on puisse signaler dans la reproduction estivale des hydres, c'est que l'accroissement de l'animal étant arrivé à terme, celui-ci ne s'ac- croît plus que dans un endroit déterminé du corps, et cette exubérance locale constituera un nouvel individu. Nous pouvons, du reste, considérer de cette manière la reproduction dans les animaux supérieurs, car il y a de même exubérance dans un endroit déterminé du corps (testicule chez le mâle, ovaire chez la femelle), et de cette excroissance sortira un nouvel individu. L'ovaire et le testicule sont non-seulement confondus ensemble, mais ces organes particuliers de reproduction sont disséminés et con- DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 17 fondus dans toul le tissu animal chez les éponges, tandis que dans les hydres , ces éléments organiques sont concentrés autour du cul-de-sac stomacal. Ce n'est que plus haut dans l'échelle animale que ces organes sont élevés à la dignité d'organe spécial. Dans le genre qui nous occupe, il y a deux endroits différents du corps où le hourgeonnement a lieu : l'un, le plus ordinaire, a lieu à l'extré- mité de chaque cellule; l'autre, à droite et à gauche de la portion la plus large. C'est à cette localisation qu'est due la forme du polypier. Dans les hydres, il y aurait une forme assez régulière si les animaux restaient réunis; mais chaque individu, après son développement complet, se déta- che de la mère et va vivre pour son propre compte. Les hydres, sans cela formeraient de véritahles verticilles, parce que les jeunes se développent tout autour du fond de l'estomac. Ils ressembleraient exactement à cer- tains végétaux. Dans les paludicelles, les gemmes qui se développent à l'extrémité de chaque cellule, continuent la tige principale, et le po- lypier se réduirait à une tige unique si ces bourgeons existaient seuls. Les gemmes qui se développent des deux côtés de chaque cellule for- ment des ramifications fourchues, s'il n'y en a que d'un côté; et tri- chotomiqucs s'il s'en développe à la fois à droite et à gauche. C'est le cas ordinaire. Au même endroit où se développent en été les bourgeons, se montrent, vers le commencement de l'hiver, des corps semblables à un bourgeon, mais pourvus tout autour d'une membrane solide. C'est par ces corps qu'a lieu la reproduction hybernale. Ce sont en effet des hybernacles, et nous les désignerons par la suite sous ce nom. Les hybernacles ne montrent pas cette régularité dans le volume et la forme que présentent les œufs des autres genres. Ils sont toujours forte- ment comprimés, mais leur contour varie et les uns sont beaucoup plus allongés que les autres. L'extrémité est toujours terminée en tubercule ar- rondi. (Pl.I,/Sp. IV, a.) Ces hybernacles sont d'un noir grisâtre, couleur qui contraste avec celle du polypier. Celui-ci à cette époque est d'un jaune ferrugineux. Ils se composent d'une enveloppe assez solide, dans l'intérieur de laquelle on Comf1, t. XVI. 3 18 HISTOIRE NATURELLE voit des globules ou cellules semblables aux cellules du vitellus. Cette enveloppe se divise au printemps en deux valves qui se séparent sur le bord et qui forment le commencement du polypier. On voit poindre alors le polype au milieu, et souvent on trouve encore en été les débris de l'iiybernacle, qui font connaître le point de départ du pied pohjpiaire. (F%.V,a,pl.I.) Embryogénie. Nous avons été assez beureux d'étudier le développement de l'embryon dans les bourgeons. La transparence des parois du jeune polypier nous a permis d'observer l'apparition successive de tous les organes , jusqu'au développement complet du polype. Nous nous sommes entourés de toutes les précautions nécessaires pour éviter l'erreur autant que possible, et, afin d'exposer le résultat de nos observations avec plus de clarté, nous avons refait plusieurs fois toutes nos figures et nous avons changé de même le texte. Nous n'avons qu'a nous louer d'avoir suivi cette marche. Un second examen montre souvent dans tout son jour ce que l'on n'avait fait qu'entrevoir la première fois. Un bourgeon n'est pas encore entièrement formé, sa loge a seulement les trois quarts de son développement, que déjà on voit poindre un nou- veau bourgeon au bout du premier. Nous avons vu que chaque loge est formée par l'épidémie en dessous duquel se trouve le derme, et c'est de là que partira le nouvel embryon. Le bourgeon une fois formé, a-t-il encore besoin de l'individu-mère sur lequel il se trouve? Nous ne le pensons pas. Nous avons trouvé une bran- che de polypier dans laquelle tous les individus étaient morts et décom- posés , et cependant un jeune bourgeon était en pleine vie. Sur ces mêmes branches, nous l'avons observé pendant plusieurs heures, et il ne nous était pas difficile de reconnaître que le développement avait lieu d'une manière tout à fait régulière. Ainsi le bourgeon une fois formé peut se passer de l'individu-mère. Nous ne devons pas perdre de vue que, dans ce genre, tous les individus sont isolés, qu'ils n'ont point de peau com- DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 19 mune et que cette observation ne prouve rien pour les autres polypes d'eau douce. Comme nous l'avons déjà dit, les bourgeons se forment dans un en- droit déterminé de la loge. Le premier phénomène que l'on remarque, c'est une légère éminence semblable à une boursouflure lorsque le bour- geon est latéral. Lorsqu'au contraire il est terminal, il ne paraît être que le prolongement de la loge-mère. Cette première éminence est d'abord formée par la prolongation de la peau. On ne tarde pas à voir des cellules se former et s'agglomérer dans l'intérieur. Ces cellules augmentent en nombre et en volume à mesure que le bourgeon s'élève, et elles se condensent bientôt vers les bords pour former une première membrane. Cette membrane tapisse l'éminence dont nous venons de parler. Elle est fermée de tout côté et elle contient des cellules dans son intérieur qui vont bientôt changer l'aspect du nouveau bourgeon. Ces cellules en effet se condensent à leur tour, c'est-à-dire qu'elles s'orga- nisent, et il se forme une seconde membrane contenue dans la première. C'est ainsi du moins que les choses semblent se passer quand on étudie un de ces embryons de face. Mais en l'examinant de proOl, la membrane in- terne ne semble que la continuation de la membrane externe, et on voit en effet qu'il existe toujours une continuité entre elles quand on examine l'embryon sur le côté. La membrane externe représente la peau qui for- mera la loge polypiaire , tandis que la membrane interne ou rentrée est le rudiment du canal intestinal. Si nous pouvions établir une comparaison entre le développement des paludicelles et celui des animaux supérieurs, et rien ne paraît s'y oppo- ser, nous trouverions dans ces animaux les trois couches primordiales qui forment la gangue de laquelle sortiront les différents organes : en dedans, la couche muqueuse, en dehors la couche dermique et un espace rempli de liquide entre elles ou la prétendue couche vasculaire. Mais il y a dans ces polypes une différence qui n'est toutefois que secondaire. La membrane germinative au lieu de s'épaissir et de se développer en dehors de la vési- cule ombilicale se replie au contraire en dedans, et tous les phénomènes 20 HISTOIRE NATURELLE continuent à s'opérer dans ce sens. Cette comparaison nous aidera beau- coup dans la détermination des différents organes. En effet, nous n'avons qu'à nous représenter l'animal, composé d'une muqueuse tapissant une peau extérieure et un certain espace entre elles rempli de liquide pour avoir l'image du polype. Les muscles et le système nerveux, quand il existe, doivent se développer au milieu de cet espace. La couche muqueuse une fois formée s'étend rapidement dans l'inté- rieur et touche bientôt par son extrémité inférieure les parois opposées de la loge. Les cellules muqueuses dont le tout est encore composé, contrac- tent de l'adhérence dans cet endroit, et c'est ce qui donne naissance au muscle rétracteur de l'estomac. L'embryon en s'enfermant ainsi dans sa loge, tiraille antérieurement la peau par laquelle il adhère aux parois, et cette peau tiraillée formera la gaine. On voit aussi de très-bonne heure des cellules remplies d'un liquide transparent au centre de la couche muqueuse, et qui paraît représenter le vitellus. Le liquide clair contenu dans leur intérieur semble être de nature huileuse , et si nous considérons l'arrangement de ces cellules dans l'inté- rieur de cette cavité, nous ne pouvons nous empêcher de les considérer comme présidant à la formation des parois digestives. Leur présence em- pêche les parois de se souder ensemble, et en se déplaçant ils perforent cette masse muqueuse par un effet purement mécanique. Nous voyons en effet que l'intestin, avant de se dessiner en dehors, l'est déjà en dedans par l'arrangement de ces cellules, comme on peut le voir dans les fig. 9, 10 et 11. Si c'est là le rôle que jouent ces globules huileux , c'est à eux aussi qu'on devra attribuer la perforation de la muqueuse pour la formation do la bouche et de l'anus. Une fois que la peau est formée dans le bourgeon, le jeune embryon est complètement séparé de la mère. Il se forme un diaphragme, véritable cloison médiane, entre la vieille et la nouvelle loge, et les individus sont isolés. C'est une disposition que l'on ne trouve pas dans d'autres polypes d'eau douce, mais que l'on observe dans plusieurs polypes marins. Quand le bourgeon est à ce degré de développement, il s'opère dans la DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 21 couche muqueuse une modification d'où va dépendre la forme de l'animal. Sur les parois internes de la muqueuse se forme un repli qui s'étend à droite et à gauche dans toute la longueur de la cavité et qui donnera nais- sance à la couronne branchiale. (Voy. fig. 20-52, pi. II.) Ce repli est d'abord simple et disposé comme les replis transverses dans les intestins des animaux supérieurs. Les bords sont presque conti- gus, ce qui produit une fente longitudinale, comme le montrent les fuj. 6, 8 et 25. Bientôt on voit se former des échancrures sur les bords de ce repli qui indiquent autant d'éminences qu'il y aura de branchiules. Ces éminences se présentent comme des tubercules placés sur deux lèvres qui s'élèvent insensiblement, et à mesure qu'elles croissent, leur calibre diminue. Pla- cées d'abord sur deux lignes parallèles , les branchiules , car nous pouvons bien déjà leur donner ce nom, s'écartent au milieu pour prendre insensi- blement la forme circulaire. Ainsi ils sont binaires avant de prendre la forme radiaire, comme on l'a observé déjà chez les méduses. Nous venons de voir la formation des branchiules en dedans de la cou- che muqueuse , mais nous n'avons pas parlé de la formation de la cavité qu'on observe dans leur intérieur. C'est ce que nous considérons comme le plus important dans lorganogénésie de ces animaux. A mesure que les branchiules s'élèvent, il se forme une excavation de dehors en dedans, et le liquide qui entoure la muqueuse pénètre dans leur intérieur. Elles se forment donc comme les branchies. La membrane qui emprisonne le sang s'allonge pour présenter à l'eau plus de points de contact, et comme chez les polypes l'extrémité antérieure du corps est la seule qui sorte de la loge, il fallait nécessairement que les branchies se fixassent dans le voisi- nage de la bouche. C'est le seul endroit du corps où l'oxygénation puisse s'effectuer. Là où des muscles doivent se former, les. cellules se multiplient, s'ag- glomèrent, marchent les unes vers les autres, se soudent ensemble, et les bosselures que l'on remarque à la surface de ces cordons grossiers dispa- raissent insensiblement. Des cordons réguliers et droits ont remplacé les masses noueuses, c'est ce que nous avons déjà vu à l'extrémité du cul-de- 22 HISTOIRE NATURELLE sac de l'estomac; et on voit au fond de la cellule des éminences cellulaires, formées sur les parois internes du derme, marcher l'une vers l'autre et se souder au milieu pour former les extenseurs communs, ou petits trans- verses. Ces muscles, ainsi que les rétracteurs, se forment les uns après les autres. Ce sont les courts rétracteurs que l'on voit se développer en dernier lieu. Ces différents muscles sont d'abord très-courts ; ils s'étendent directe- ment du tube digestif aux parois, mais ils s'allongent avec l'accroissement de la loge; c'est ce que l'on peut voir surtout dans le grand rétracteur m.,fig. 11-17. L'intestin est encore adhérent aux parois de l'œsophage, comme l'in- diquent les ftg. 9 à 11. Mais il s'en détache quand les branchiules s'élè- vent, et il se sépare dans toute sa longueur. (Voy. fig. 14, 15 et 17.) L'organisation du reste du tube digestif s'achève. Le cul-de-sac de l'es- tomac pénètre de plus en plus dans la loge, s'allonge ainsi que l'œsophage, et on reconnaît les différentes parties qui constituent le canal digestif. C'est tout à la fin qu'un repli se montre dans l'intérieur, entre l'esto- mac et l'intestin, pour constituer le polyre. La gaîne qui entoure le bourrelet tentaculaire s'allonge aussi comme les autres organes et forme l'étui qui doit se replier sur lui-même comme un doigt de gant, pendant les différents mouvements du polype, pour ren- trer ou pour s'épanouir. Le polype dans cet état est encore enfermé dans sa cellule et ne com- munique point avec l'extérieur. Mais à l'endroit où la gaîne adhère aux parois, celle-ci s'ouvre au dehors, et le polype vient en contact avec le milieu ambiant. Pour avoir l'animal dans son état complet, il ne reste plus qu'à al- longer encore quelques-uns de ces organes. Les branchiules prennent leur cils vibratils, le canal digestif se place dans l'axe de la cellule, et l'embryon devenu polype va établir ses rapports avec le monde extérieur. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 23 § II. GENRE FREDERICELLA. HISTORIQUE. C'est à Blumenbach que l'on doit la découverte du polype d'eau douce qui fait le type de ce genre. Il y a près de soixante et dix ans qu'il trouva pour la première fois cet intéressant animal dans les fossés qui entou- rent la ville de Gôttingue. Il présenta, à ce sujet, le 10 septembre 1774, à la Société royale des sciences de cette ville, ses observations sur le polypier nouveau qu'il venait de découvrir. Dans son Manuel d'histoire na- turelle, il le fit connaître sous le nom de Tubularia sultana, en accompa- gnant sa courte description d'une bonne figure *. Presque tous les auteurs qui se sont occupés depuis des polypes d'eau douce, ont cherché à classer cet animal sans l'avoir eu sous les yeux, et souvent sans avoir lu attentivement la description donnée par Blumen- bach. Il en résulte que tout ce que l'on a écrit sur sa synonymie, à l'ex- ception de ce qui se trouve dans les derniers mémoires de M. Gervais 2, doit être supprimé. Le Tubularia sultana de Blumenbach s'éloigne, comme nous allons le voir, de tous les autres genres de polypes d'eau douce. L'un de nous, M. Van Beneden, a retrouvé ce polype, en 1858, dans les environs de Louvain, et, la même année, il l'a découvert, avec M. Ger- vais, dans les environs de Paris. M. Dumortier l'a également trouvé dans les environs de Bruxelles. Au premier examen du polypier et de l'animal , il ne nous paraît point douteux que le Tubularia sultana ne doive faire le type d'un genre nou- veau. M. Gervais, qui publiait, en 1858, un Mémoire sur les polypes d'eau 1 Blumenbach, Manuel d'histoire naturelle. - Observations pour servir à l'histoire naturelle des polypes d'eau douce, par Paul Gervais; Comptes-rendus de l'Académie des sciences, 1836, 2 sem.; Annales françaises et étrangères d'ana- tomie, etc., 1839, pag. 129; Annales des sciences naturelles, 2e série, vol. VII. 24 HISTOIRE NATURELLE douce, lui a donné le nom de Fredericella, en le dédiant à Frédéric Cuvier, que les sciences venaient de perdre en ce moment. Dans le supplément du Dictionnaire des sciences naturelles, il en a donné de bonnes figures. CARACTERES. L'animal est pourvu d'un tube digestif complet; on voit à la bouche une forte lèvre couverte de cils vibratils très-longs. Ses branchiules, au nombre de 20-22, sont unies par une membrane mince et transparente jusqu'au tiers de leur longueur; elles sont placées en entonnoir; du côté où se trouve la lèvre, les branchiules sont un peu plus allongées; des cils vibratils s'étendent sur toute leur longueur. Le polypier se subdivise d'une manière irrégulièrement bifurquée, mais presque toujours en doublant ses rameaux du même côté. Ces rameaux sont libres, arrondis, légèrement élargis vers leur extrémité pour loger le polype; ils rampent sur les corps solides et souvent s'allon- gent dans l'eau; leur membrane externe est cornée et opaque, et elle se recouvre a l'extérieur, sur toute son étendue, de grains de sable et de limon, qui donnent à ces gaines de polypiers l'aspect de racines de plantes aquatiques. Les œufs sont de forme ovale , légèrement échancrés sur un des bords ; ils sont dépourvus de bourrelet et de crochets. Cette forme, qui rappelle celle d'une fève, est particulière au Fredericella et ne permet pas de le confondre avec aucune autre espèce de polype composé d'eau douce. C'est avec le genre Patudicella que notre animal présente le plus d'affi- nité, et c'est avec lui que nous allons le comparer. Dans l'un comme dans l'autre genre, les tentacules sont disposés en entonnoir, mais dans le genre qui fait le sujet de notre description ac- tuelle, les tentacules, d'un côté, sont plus allongés que de l'autre, tandis que les paludicelles les ont tous également longs. Cette inégalité dans la longueur est un passage vers les polypes à panache en fer à cheval. Dans les jeunes individus, outre l'inégalité dans la longueur, on aper- DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 25 çoit quelques tentacules en dedans du cercle du côté où se trouve la lèvre, et par là l'on trouve un passage de l'une division des polypes d'eau douce à l'autre, c'est-à-dire de la forme en entonnoir à celle de fer à cheval. Une membrane très-fine unit les différents tentacules entre eux et s'étend jusqu'au tiers de leur longueur. On peut la comparer à la mem- brane interdigitale des oiseaux palmipèdes. Elle manque complètement dans les paludicelles, tandis que les autres genres en sont pourvus; mais dans les frédéricelles, elle est la plus élevée. 11 en est de même de la lèvre qui se remarque uniquement chez les polypiers à tentacules en fer à cheval. Ces deux caractères de la lèvre et de la longueur inégale des tentacules éloignent ce genre de la forme radiaire absolue. Si nous comparons le polypier avec celui de la paludicelle, nous ne trouvons pas moins de différence : la principale consiste dans l'absence de cloisons qui séparent l'intérieur en plusieurs compartiments, comme cela se voit dans les paludicelles; l'on n'aperçoit pas non plus dans ceux- ci les étranglements extérieurs, réguliers du genre Paludieella. Les animaux ne sont point organiquement liés entre eux dans l'état adulte, comme dans le genre alcyonelle : chaque individu à ses attaches propres et accidentelles aux parois du polypier, et se retire séparément. Mais l'on trouve presque toujours deux individus réunis à l'extrémité de chaque branche du polypier, et dans ces deux individus il y a communauté aussi longtemps qu'ils n'ont pas atteint leur développement complet par l'élongation des rameaux. Pendant tout l'été, la reproduction a lieu par bourgeons, et l'on voit ceux-ci se développer un à un à la base de la houppe tentaculaire. (Voy. pi. 111, fuj. 18, w.) Le développement du bourgeon est ici localisé, et c'est la raison pour laquelle le polypier est bifurqué. Dans les alcyonelles, les bourgeons peuvent se développer dans différents endroits du corps, et par là la masse du polypier prend les formes les plus variées. Tous les polypiers sont, au contraire, semblables dans ce genre, et ne diffèrent que par la longueur des branches. Si l'on presse le bout d'une branche de polypier en avant ou en arrière CompL, t. XVI. 4 26 HISTOIRE NATURELLE de l'animal, en prenant soin de ne pas le comprimer lui-même, il en sort un individu complet pourvu en arrière d'un long cordon très-contractile. Cet individu est pourvu d'une peau propre qui contourne tout le tube digestif. Nous devons faire remarquer que ce procédé ne réussit pas tou- jours, mais en le répétant quelquefois on ne larde pas à isoler un individu complet, tel qu'il se trouve reproduit dans la figure V. La peau montre, à chaque polype, vers le tiers antérieur, des traces d'adhérence au polypier, et c'est dans cet endroit qu'elle doit se déchirer pour que l'on obtienne l'individu complet. Si, au contraire, la déchirure a lieu à la hauteur de l'estomac, cet organe fait hernie, et toute la peau s'est retirée en haut. Elle est, dans ce cas, tellement contractée, qu'on n'aperçoit qu'une masse de forme très-irrégulière. Ainsi la forme du polypier dépend du nombre des bourgeons et de la place où ils se développent sur le corps mère. Chaque individu ne donne naissance ici qu'à un seul bourgeon; celui-ci à son tour donne naissance à un autre unique, et de là résulte la forme que nous voyons toujours reproduite. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE. Système digestif. La bouche, formée par une fente transversale, est située au milieu des branchiules. Celles-ci forment un entonnoir au fond duquel on décou- vre une forte lèvre garnie de cils vibratils très-longs et très-nombreux. Cette lèvre garnit un côté de la bouche, et par l'action des cils vibratils les molécules nutritives sont attirées aussi longtemps que l'animal reste épanoui. Le tube digestif est complet comme dans tous les genres de polypiers composés d'eau douce, et il se divise aussi en cavité buccale, œsophage, estomac et intestins. La cavité buccale est large et se prolonge assez loin en arrière. Les aliments s'accumulent dans son intérieur et ne traversent ensuite l'œso- DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 27 pliage que sous forme de bols alimentaires. Il y a aussi des cils vibratils dans son intérieur. L'œsophage suit immédiatement cette première cavité. Une sorte de valvule établit la ligne de démarcation et empêche les aliments de passer à mesure qu'ils entrent dans la bouche. L'œsophage présente une teinte jaunâtre qui augmente dès qu'on approche de l'estomac. L'estomac est grand relativement au volume de l'animal. Il est allongé et se termine inférieurement en cul-de-sac. Ses parois internes sont plus ou moins jaunes, et l'on aperçoit plusieurs bandes de cette couleur qui s'étendent dans toute sa longueur. Ces bandes indiquent-elles une dépres- sion longitudinale, et par là un commencement de glande biliaire? Nous serions portés à le croire, car la couleur jaune y est plus foncée que dans le reste du tube. Nous n'avons point remarqué dans ce genre les cils vibratils qui se trouvent dans les paludicelles, à l'entrée de l'intestin, aussi n'avons-nous pas vu tournoyer les aliments dans son intérieur. L'intestin est situé parallèlement «à l'œsophage. Il est droit comme celui-ci et s'ouvre a son côté dans l'estomac. Une sorte de valvule pylorique se trouve à son origine pour arrêter le passage trop brusque des aliments. Les animaux en sortant de l'eau fraîche, ou examinés immédiatement après leur pêche, montrent l'estomac et l'intestin remplis d'infusoires. Les aliments sont évacués en quelques instants, et ils sont réunis alors en un corps compacte de forme allongée. Les fèces sont évacuées constam- ment sous cette même forme qu'ils prennent dans les intestins. L'anus s'ouvre à la base des tentacules. On ne peut bien le distinguer qu'au mo- ment où les fèces sont évacuées. (Fig. 5, h.) La rapidité avec laquelle ce dernier acte a lieu, fait croire que l'ab- sorption est extrêmement active chez ces animaux, et qu'il leur faut pour leur volume une très-grande quantité de nourriture. Cela s'accorde en- tièrement avec la difficulté de conserver ces animaux en vie dans une petite masse d'eau. Si on ne la renouvelle pas souvent et si elle n'est pas suffisamment chargée de crustacés microscopiques et d'infusoires, ils pé- rissent en peu de temps. Il leur faut, en outre, de l'eau vive pour ne pas 28 HISTOIRE NATURELLE entraver l'acte de la respiration, qui est tout aussi active. Ces deux circon- stances rendent la conservation de ces polypes assez difficiles, à moins qu'on leur donne tous les jours une grande masse d'eau vive et qu'on ait bien soin de nettoyer régulièrement les vases. Sijstème respiratoire. On compte ordinairement vingt branchiules, mais bien des fois nous en avons compté vingt-deux disposées autour de la bouclie en formant un entonnoir. Cbez quelques individus, et surtout dans les jeunes, nous avons remarqué souvent quelques tentacules rentrés, qui simulaient un commencement de fera cheval, ce qui indique la transition vers les genres qui vont suivre. Comme il faut attendre que l'animal soit épanoui pour bien les compter, les branchiules supérieures sont dans un champ différent des inférieures, et c'est de là que naît la difficulté de les compter. En pressant l'animal sous deux lames de verre, on n'est pas certain d'a- voir toutes les branchiules dirigées du même côté, et l'incertitude est encore plus grande. Les branchiules sont allongées et paraissent un peu plus fortes que dans le genre Paludicella. Vers le tiers inférieur, une membrane mince, en forme d'entonnoir, unit les tentacules les uns aux autres. Cette mem- brane inter-tentaculaire a sans doute pour but de faire converger vers la bouche les particules nutritives, et d'emprisonner jusqu'à un certain point les infusoires encore vivants. Le tentacule présente, dans son intérieur, une cavité dans laquelle se meut le liquide qui vient se mettre en contact avec l'eau intérieure. On n'aperçoit cette cavité qu'à un fort grossissement. Des cils vibratils gar- nissent les tentacules sur toute leur étendue, comme dans les genres voi- sins, et, comme chez eux, l'eau paraît monter d'un côté du tentacule pour descendre par l'autre. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 29 Système circulatoire. Ici, comme dans les genres voisins, nous observons un liquide en mou- vement dans l'intérieur. 11 peut s'étendre d'un individu à l'autre comme dans les genres qui vont suivre. C'est du sang qui est commun à tous les individus d'une branche. C'est là une différence capitale qui distingue ce genre des paludicelles, où tous les individus sont isolés. Système musculaire. Depuis longtemps on a reconnu dans ces animaux des faisceaux muscu- laires distincts. Il est très-facile de les apercevoir dans ce genre. On peut les diviser aussi en extenseurs et en rétracteurs. Entre la peau extérieure et le canal digestif sont placées, sur toute la longueur, des brides musculaires, à commencer depuis la gaine bran- chiale jusqu'à l'estomac. Ces brides musculaires sont situées à une cer- taine distance les unes des autres, et prennent leur attache aux parois du polypier. La direction de ces muscles est oblique ou horizontale, selon la position que le polype occupe dans sa loge. Ceux qui entourent la gaine agissent directement sur l'animal, tandis que les autres agissent plus particulièrement sur les parois du polypier, et leur effet est secondaire. On peut se faire une idée de ces muscles par la figure V. Ces différents muscles agissent tous comme extenseurs; par leur contrac- tion le tube digestif est pressé de toute part et ne trouve d'autre issue qu'en haut. C'est par le même mécanisme que nous voyons s'opérer l'ex- tension de plusieurs organes : tels que la langue des mammifères fourmi- liers, des pics, les tentacules des gastéropodes, etc. Comme l'extension ou la sortie de l'animal de sa cavité est immédiate, l'on conçoit que cet acte a lieu d'une manière lente, tandis que l'acte contraire ou la rétraction a lieu avec rapidité. Ce|dernier mouvement est 30 HISTOIRE NATURELLE produit surtout par deux longs cordons musculaires qui s'attachent en haut à la base des tentacules, et en dessous très-bas aux parois du poly- pier. Ce sont les long rétracteurs. Lorsque l'on fait sortir par la pression un animal du polypier, ce cordon est ordinairement contracté comme un ligament élastique et prend des formes très-différentes. Par suite de ces attaches, lorsque ces muscles se contractent, l'animal rentre brusquement dans l'intérieur du polypier. Les parois n'étant point transparentes, nous n'avons pu nous assurer s'il existe ici , comme dans les paludicelles , un court rétracteur. Système nerveux. Nous avons remarqué sur la cavité buccale, un organe arrondi demi transparent, que l'on peut considérer, à cause de sa situation, comme re- présentant l'anneau nerveux. Nous l'avons observé aussi dans l'alcyonelle, mais pas dans le paludicelle. {Fig. 5, Z. Z.) Système reproducteur. Le genre qui nous occupe se reproduit par bourgeons et par œufs. Il est probable qu'il s'y trouve des sexes distincts; cependant nous n'avons point observé des spermatozoaires. Dans les alcyonelles, on voit souvent les zoospermes se mouvoir librement autour du canal digestif, lorsqu'on examine un individu tout épanoui. Mais nous n'avons jamais vu les frédé- ricelles sortir aussi loin de leur loge, et c'est peut-être là la raison pour laquelle nous n'avons point observé des animalcules spermatiques. L'ovaire est très-distinct et se reconnaît facilement par la présence des œufs. Nous avons eu du doute pendant assez longtemps sur sa situation, parce que les individus expulsés complètement du polypier montraient ordinairement les œufs attachés sur le côté à la hauteur de l'estomac. Nous étions disposés à croire que c'était la véritable situation de l'ovaire, DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 31 lorsqu'à la fin nous avons observé sa véritable place dans quelques indivi- dus. L'ovaire est situé en dessous de l'estomac comme dans les alcyonelles, et c'est par la contraction des mhscles, après la rupture de la peau, que les œufs étaient toujours enfoncés en avant. On trouve dans l'ovaire des œufs à tous les degrés de développement. M. Gervais a fait connaître ces œufs dans la séance de la Société philoma- tique du 50 novembre 1859 *. Us sont entourés d'une membrane propre de l'ovaire comme dans les oiseaux , et lorsque l'œuf atteint un certain degré de développement, la membrane se déchire, et l'œuf devient libre. L'on voit souvent que les œufs restent attachés aux parois du polypier, et c'est alors sur le vieux polypier que commence le nouveau au printemps suivant. Ces œufs sont beaucoup moins nombreux que dans les alcyonelles. L'œuf varie en couleur selon son degré de développement. Il est d'a- bord, dans l'ovaire, blanc transparent et déforme sphérique. Plus tard, il prend la forme ovale lorsqu'il est encore incolore, et en approchant du terme de son accroissement, il se colore d'abord vers les bords, et insen- siblement jusqu'au milieu. La couleur est d'abord d'un brun chocolat; elle devient de plus en plus foncée et s'approche à la fin du noir. L'on voit que l'œuf alors présente une légère échancrure sur un de ses bords; il devient réniforme et prend l'aspect d'un haricot. L'on ne voit à aucune époque un bourrelet autour de l'œuf, ce qui permet de distinguer toujours les fré- déricelles des alcyonelles. Nous avons trouvé des œufs depuis le mois de juillet jusqu'au printemps suivant. L'œuf se compose d'abord d'une membrane cornée, qui offre assez de résistance et qui protège puissamment le contenu. C'est la membrane qui donne la couleur à l'œuf et que l'on aperçoit à l'extérieur. En dedans, l'on trouve une seconde membrane molle qui renferme dans son intérieur une grande quantité de cellules. La réunion de ces cellules forme le vitellus, et la membrane qui les entoure, la membrane vitelline. * Journal l'Institut, p. 4-35. 5-2 HISTOIRE NATURELLE Les globules du vilellus, soumis à un fort grossissement, nous ont paru doués d'un mouvement propre, que l'on pourrait comparer au mou- vement de trépidation que l'on observe dans les zoospermes. Au printemps , la membrane cornée de l'œuf se divise en deux valves qui s'écartent d'un côté pour laisser passer le jeune polype qui s'est formé dans l'intérieur. Ces valves servent en premier lieu de polypier, mais en- suite la peau prolonge cette première ébauche du polypier, et elle acquiert «le la consistance, surtout par les grains de sable qui viennent s'y incrus- ter. (Voyez, pour le commencement de la formation du polypier, les fig. 1 1 à 16.) 11 nous paraît inutile de nous étendre davantage sur l'organisation des frédéricelles. Nous avons fait connaître les principaux traits anatomiques et les différences qu'ils présentent avec les genres voisins. DES POLYPES COMPOSES D'EAU DOUCE. 53 Î^R III. Ge^re ALCYONELLE. L'alcyonelle a été signalé pour la première fois par Pallas. 11 la dé- signa sous le nom de Tubularia fungosa, et c'est sous cette dénomination que l'un de nous en a trouvé un bel échantillon dans le Muséum d'histoire naturelle de Vienne (Autriche). M. Diesing lui a assuré que ce polypier provient de la collection du célèbre voyageur russe. Pallas pense que c'est le même que Rôsel a trouvé attaché aux feuilles de plantes aquatiques et qu'il est ramifié dans le principe. Il en a vu les œufs *. Le peu de mots qui se trouvent dans les mémoires de Réaumur - sur les polypes d'eau douce et leurs œufs, se rapportent probablement aussi au genre alcyonelle, surtout quand on rapproche de ceci les paroles de Back 5. Le naturaliste suédois dit avoir vu chez B. De Jussieu à Paris, deux sortes de polypes dits composés. Bruguière a observé ce polype et le désigne sous le nom d'Alcyon ileu- viatile, à cause de la ressemblance que présente le polypier desséché avec celui des Alcyons *. Il provenait des eaux de la fontaine de Bagnolet, près de Paris. C'est sous cette même dénomination qu'il en est fait mention dans le Dict. des sciences naturelles ( 1 80 i ) 5. Lamarck reçut, plus tard, de ces alcyons fiuvialiles provenant de la maie d'Auteuil. Il en a fait le genre alcyonelle, et cette dénomination lui est restée 6. Lamouroux prétend avoir trouvé ce polype dans les environs deCaen7. 1 IVov. comment. Acad. scient. Imper. Petropolitanae, t. XII, 1768. 2 Reaumur, Mémoires pour servir à Chist. des insectes, t. VI, préface. 3 Back, Abhand. (1er schwed. Akad., t. VIII. * Encycl. mèthod., vers, 1789. r' Dict. des se. nal., art. alcyon. 6 Hist. nat. des anim. sans vertèbr. Paris, 1815-1822. 7 Hist. des pohjp. corallig., un vol. in-8°. Caen, 1816. Compl., t. XVI. 5 34 HISTOIRE NATURELLE Jusqu'alors on ne s'était guère occupé que du polypier, et l'on ignorait complètement l'organisation de l'animal. Un mémoire sur l'histoire naturelle de l'alcyonelle fluviatile fut pré- senté à l'Académie des sciences de Paris, en 1827, par M. Raspail. Il est inséré dans les Mémoires de la Société d'histoire naturelle *. Pour la première fois, l'alcyonelle est soumis à un examen vraiment scientifique. M. Raspail décrit ses principaux organes, il en décrit les œufs avec beau- coup de soins, et l'alcyonelle dégagé de ses enveloppes, se montre assez compliqué pour que l'on songe à lui assigner une tout autre place dans l'échelle animale. Il est presque inutile de répéter que c'est à tort que Raspail avait voulu faire des différences d'âge de l'alcyonelle les diffé- rentes espèces de polypes décrites par les auteurs. Ce qu'il peut y avoir de vrai dans ce rapprochement, c'est que quelques plumatelles des au- teurs ne paraissent être réellement que de jeunes alcyonelles. Meyen - et Gervais 3 ont étudié aussi l'alcyonelle et ont enrichi l'his- toire de ces polypes de plusieurs faits importants. Le premier décrit des œufs mobiles dont il a vu sortir les petits, mais c'est à tort qu'il prend des œufs pourvus de coque pour des corps parasites. Plusieurs autres auteurs font encore mention de ces polypes, mais sans signaler de nouvelles observations. CARACTERES DU GENRE ALCYOPiELLE. L'animal est pourvu d'une couronne de tentacules en forme de fer à cheval ; une membrane mince et transparente les unit à la base. Au-dessus de la bouche est une forte languette très-mobile qui la ferme comme un couvercle. Le tube digestif est complet. 11 y a un bourrelet entre la cavité buccale et l'œsophage, et un autre pylorique. L'anus est situé en dessus, du côté où les branchiules rentrent. 1 Hist. nat. de l'alcyon, fluv., Mém. de la soc. d'hist. nat. db Paris, t. IV. 2 Meyen, Naturgeschichte der Polypen, Isis, 1828, etlsis, 1830. 3 Dict. des se. nat., suppl., art. alcyonelle, 1841. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 35 Le polypier se compose, dansde jeune âge, de tubes ramifiés; à l'état adulte, ils sont soudés entre eux et forment des masses compactes. Les parois sont toujours opaques, d'abord jaunâtres, puis, avec l'âge, leur couleur devient foncée. Il prend de la consistance, et sa texture presque cornée le rend facile à conserver. Il peut former des masses du volume de la main. La reproduction a lieu par bourgeons, par embryons ciliés et par œufs à coques. Les bourgeons se développent irrégulièrement. Les véritables œufs sont de forme ovale d'un brun foncé et pourvus d'un bourrelet sans crochets. L'alcyonelle diffère donc des paludicelles et des frédéricelles par la disposition de ses tentacules en forme de fer à cheval. Il a de commun avec les frédéricelles, la languette labiale et la membrane à la base des tentacules , mais les branches du polypier sont toujours isolées dans les frédéricelles. Ces trois genres sont donc très-faciles à distinguer entre eux, et il est inutile de s'arrêter plus longtemps aux caractères distinc- tifs. Il se rapproche par ces caractères du genre lophopier, dont il diffère par la présence d'un polypier solide qui manque toujours dans ce dernier. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE. Système cutané. Nous avons décrit la peau dans les paludicelles, où tous les individus sont isolés. Dans les autres genres, une grande partie de la peau est com- mune à tous, et nous croyons nécessaire d'en donner une description par- ticulière. Ce que nous allons dire de l'enveloppe des alcyonelles sera en grande partie applicable aux frédéricelles, crislalelles , etc. Nous avons déjà dit, en parlant des paludicelles, qu'il y a dans les po- lypes une lame cutanée interne ou muqueuse qui forme le canal digestif, et une lame cutanée externe qui forme le polypier. 36 HISTOIRE NATURELLE Différentes parties de l'économie animale sont considérées par les plus grands naturalistes de cette époque comme des corps sécrétés ou produits et complètement soustraits à l'action organique de composition et de dé- composition : on place dans cette catégorie les coquilles des mollusques , les polypiers, les dents des animaux supérieurs, etc. Pour quelques-uns, tous ces organes une fois formés , sont abandonnés à eux-mêmes , et l'or- ganisme n'exerce plus aucun empire sur eux. En 1828, M. Milne Edwards en se livrant, aux îles Chaussey , à l'élude des eschares avec M. Audouin, fut conduit, par ses observations, à consi- dérer le polypier de ces polypes, non comme un corps sécrété, mais comme un organe soumis, comme tous les autres, à l'action de l'organisme et en tout semblable aux os. Le mode d'accroissement lui montra l'im- possibilité de former un pareil polypier par juxta-position de dedans en deliors. Le célèbre physiologiste traita l'enveloppe calcaire des eschares par l'acide nitrique, et il s'aperçut que la charpente calcaire faisait partie intégrante de l'animal, et que l'on ne désignait par le nom de polype qu'une partie de l'animal, c'est-à-dire le canal digestif. M. Milne Edwards soutenait ainsi , depuis cette époque, que le polypier des eschares n'est qu'une partie de la peau incrustée d'un sel calcaire. On a démontré depuis que les dents, ainsi que l'épidémie, sont des corps organisés composés de cellules comme tous les autres organes, et ces observations sur la structure des dents ont été confirmées ensuite par de nouvelles recherches. Mais il reste, en tout cas, cette différence entre ces deux sortes d'organes, que les dents sont pourvues de vaisseaux, tandis que l'épiderme en est privé. Schweigger pense que les polypiers ne se forment pas tous de la même manière, et telle est aussi l'opinion de Cavolini, qui a fait beaucoup d'expériences sur ce sujet. Les millepores, nullepores et madrépores de Lamarck, traités parles acides, laissent un résidu animal, dit Schweigger, tandis que le Lithodendron fastigialum, YAstrea intcrslincla , Yalveoliles et quelques autres se dissolvent comme la chaux *. 1 Schweigger, Handbuch, p. 32S. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 57 Les expériences faites par CaVolini sur les gorgones , le conduisent au même résultat. D'après ceci , nous voyons cpie l'on aurait tort de généraliser trop vite et d'étendre à tous les polypiers ce que l'on a observé sur quelques-uns. Toutefois, nous croyons pouvoir appliquer à la plupart des genres de polypes d'eau douce ce que nous disons de l'alcyonelle, et le polypier de tous ces animaux sera pour nous l'analogue de la peau ou mieux de son épidémie muqueux. Reste à voir si, après son incrustation, cet or- gane conserve encore sa vitalité. Nous pouvons considérer la peau comme un sac qui loge dans son intérieur un ou plusieurs tubes digestifs. Ces tubes digestifs ne sont autre cbose qu'une partie de la peau rentrée. La partie qui unit les deux, con- serve une grande flexibilité, et forme une gaine pendant la rentrée du polype. On y remarque deux couches distinctes que l'on reconnaît sur- tout dans cette portion qui forme la gaîne : l'externe est transparente, assez épaisse et formant comme une enveloppe externe; l'interne a plus de consistance et forme le corps de la peau. Nous les considérons comme le derme et l'épiderme. Comme dans les animaux supérieurs, l'épiderme peut s'épaissir et former ici à lui seul le polypier, ou bien il se dépose des sels calcaires dans les interstices du derme, ou bien encore il peut se former un dépôt entre les deux. C'est peut-être là ce qui constitue les différences essentielles entre les polypiers. La peau qui forme la gaîne autour des tentacules jouit d'une flexibilité très-grande. Lorsque le polype s'épanouit, elle lui permet, en se dérou- lant, de s'étendre assez loin, et se replie trois fois sur elle-même quand le polype rentre dans sa loge. C'est elle qui forme l'enveloppe depuis l'ouverture de la loge jusqu'à la base des tentacules. Pendant la sortie du polype, on voit quelques rides transverses à la surface externe et des renflements placés à des distances régulières, ce qui s'aperçoit seulement sur les bords. Cette gaîne passe de la base des tentacules à l'anus, et revient sur elle- même quand le polype est rentré dans la cellule. Cette peau ressemble 38 HISTOIRE NATURELLE exactement à un cordon qui parait attacher l'anus à la couronne bran- chiale, et au premier aspect, on le prendrait pour un cordon musculaire. L' épidémie est tellement clair et transparent à la surface de la gaine, qu'il faut une attention particulière pour le distinguer. Avec l'âge il perd sa flexibilité , devient opaque, et, en s'incrustant, finit par former la loge du polype. Aussi on passe insensiblement de celle pellicule mince et claire à la couche colorée et épaisse du polypier. Cet épiderme forme un tube qui s'étend chez les jeunes polypes, au sortir de l'œuf, des valves de la coque à la base des brauchiules. C'est alors un tube fermé de tous côtés, et le tout présente une grande analogie avec les ascidies simples. En dedans de ce tube se forment des bourgeons, et de là les ramifications. Celles-ci se serrent les unes contre les autres avec l'âge, et les parois du polypier se composent ainsi de deux couches d'épiderme souvent sou- dées entre elles. Si le polypier présente des formes très-variées, c'est que les bourgeons ne se forment pas d'une manière régulière et symétrique dans un endroit déterminé du corps. Aussi longtemps que le polypier formé par des bourgeons provenant d'un individu est complet, il y a une cavité commune remplie d'un sang commun, et le polypier est fermé de tous côtés. Mais lorsqu'un seul tube vient à se rompre, l'eau extérieure entre, parvient à circuler librement et baigne tout le canal digestif. Ceci ne nuit aucunement aux polypes, qui ne paraissent pas même s'en apercevoir. Système digestif. Le canal digestif est complet. Il est replié sur lui-même comme dans les céphalopodes, mais en sens inverse. L'anus est situé non loin de la bouche, et, comme dans ces derniers mollusques, la bouche est placée au milieu d'une couronne d'appendices. On peut le diviser en cavité buccale, œsophage, estomac et intestin. Les parois se composent, dans toute l'étendue de cet appareil, de deux DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 39 couches au moins; l'externe est plus mince que l'autre et agit comme la musculeuse dans les animaux supérieurs. C'est elle qui détermine les mou- vements péristaltiques que l'on observe surtout dans l'estomac. La seconde couche est plus épaisse, légèrement colorée en jaune et représente sans doute le derme. Nous n'avons point remarqué des cils vibratils dans l'intérieur de l'es- tomac des aleyonelles. Aussi la couche musculaire produit-elle des con- tractions péristaltiques assez fortes pour provoquer le mouvement néces- saire aux aliments ingérés. Lorsqu'on examine un polype de face, on aperçoit au milieu des deux rangées de branchiules un mouvement vibratil extraordinaire et qui n'est point produit par les cils des appendices branchiaux. Au milieu de ce mouvement, on découvre une languette ou lèvre supé- rieure très-mobile qui se soulève et s'abaisse de temps en temps. M. Ras- pail ne l'a point observée, et il a aussi mal représenté la bouche, ainsi que l'un de nous l'a déjà fait remarquer. Cette lèvre ou languette sert comme de couvercle à la bouche : son bord libre est dirigé en bas , et par sa base large elle est adhérente au pourtour de l'ouverture. A droite et à gauche se trouve une bride sans doute de nature musculaire, et qui, en se con- tractant, abaisse la languette. Cet organe est garni tout autour de cils régulièrement disposés sur les bords. Au milieu , ils sont courts et dirigés en avant; ils s'allongent insensiblement sur le côté jusqu'à la base, et ils sont courbés de manière à présenter leur côté concave en avant. C'est sans doute de la direction des cils que dépendent les courants dans l'un ou l'autre sens. Ne pourrait-on pas comparer l'action des cils vibratils au mouvement de la main, lorsqu'on veut établir un courant dans l'eau en la battant dans le même sens? 11 est vrai que les cils agissent dans l'intérieur et non à la surface de l'eau, mais ils reviennent sur eux-mêmes en se courbant, et par là ils offrent moins de résistance. Quand l'organe couvert de cils n'est pas fixé, on comprend qu'il doit tourner lui-même au lieu d'établir un courant. Nous croyons avoir vu un filet nerveux se rendre directement des ganglions œsophagiens à la languette, ce qui pourrait faire regarder 40 HISTOIRE NATURELLE encore cet organe comme étant le siège d'un sens spécial , celui du goût. La cavité buccale commence immédiatement au-dessous de la languette. Les corpuscules qui font la nourriture de l'alcyonelle s'y entassent, et quand la quantité est suffisante, la valvule œsophagienne s'ouvre, et les ali- ments passent tout droit dans l'estomac. Il existe, comme dans le genre précédent, un repli entre la cavité buc- cale et l'œsophage en tout semblable à la valvule du pylore, et qui divise la portion du tube digestif qui conduit les aliments à l'estomac en deux portions égales : la moitié inférieure est l'œsophage. L'estomac a la même forme que les précédents, et nous comprenons à peine comment cet organe, si facile à observer, n'a pas été plus tôt bien décrit dans ces genres. Inférieurement il se termine en cul-de-sac. M. Ras- pail n'a connu que la partie antérieure du canal digestif, c'est-à-dire l'œsophage et l'intestin , mais il a fait connaître la situation de l'anus. Le pylore est situé à côté de l'ouverture œsophagienne. Les parois sont très- épaisses, et l'estomac commence par se contracter en haut et refoule les aliments dans le cul-de-sac, qui, en se contractant, refoule le contenu en avant, et les aliments sont de cette manière régulièrement poussés d'avant en arrière et puis d'arrière en avant, jusqu'à ce qu'ils aient cédé aux parois leur partie nutritive. On aperçoit sur toute la longueur de cet organe des bandes paral- lèles de couleur jaune, mais dont nous ignorons la nature. Nous ne savons si c'est un indice de la présence de cœcums biliaires, au bien si ce ne sont que de simples replis longitudinaux à la surface interne. Mais leur couleur et leur situation paraissent justifier la supposition que ce sont des organes biliaires. L'intestin est situé parallèlement à l'œsophage, comme dans tous ces genres, et il s'ouvre de même en dessus, près de la couronne branchiale; on ne dislingue bien l'anus qu'au moment même où les excréments sont évacués. De même que les aliments s'accumulent dans la cavité buccale avant de traverser l'œsophage, de même les excréments s'agglomèrent dans l'in- testin avant d'être évacués. C'est ce qui fait que les fèces ont une forme DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 41 déterminée qui les a fait prendre déjà pour les œufs de ces animaux. Nous avons vu souvent qu'en expulsant par la pression les aliments contenus dans l'intérieur de l'estomac , ceux-ci étaient entourés d'une membrane mince et transparente au milieu de laquelle ils étaient sujets à un léger mouvement. Nous n'en comprenons aucunement la signification, et nous nous bornons à constater le fait. On peut dire que ces animaux se nourrissent de toutes les particules organiques suspendues dans l'eau au milieu de laquelle ils vivent. M. Raispail a reconnu parmi les infusoires qui servent d'aliments aux aleyonelles le Trichoda bomba, volvox , gonium , etc. Il y a au milieu du jardin botanique de Louvain, un étang où fourmillent des baccillaires. On y trouve surtout le Tessararthra (Uiformis; il donne à l'eau une teinte verte. Les fèces des aleyonelles qui proviennent de là sont uniquement composées de ces êtres, et l'on n'y voit guère de chan- gement lorsqu'ils ont traversé le tube digestif de ces polypes. Chez des individus d'autres localités , on trouve des infusoires qui donnent aux fèces une tout autre teinte. Nous y avons reconnu des Navicules, le Gomplwncma gracile , le Synedra ulna , etc. , etc. Lorsqu'on mêle un peu de carmin à l'eau dans laquelle ils vivent, on voit en quelques instants leur cavité buccale et leur estomac remplis de celte substance colorante, et, au bout de deux ou trois heures, ils rendent des fèces de cette couleur. Us consomment une prodigieuse quantité d'aliments, et c'est ce qui rend compte de la difficulté que l'on éprouve de les conserver en vie pen- dant quelque temps. On doit renouveler très-souvent l'eau et avoir soin que celle qu'on leur donne ne soit pas trop pauvre d'aliments. Il faut, de plus, une eau fraîche pour que la respiration ne soit point entravée. Système respiratoire. La fonction de respiration s'effectue à l'aide des appendices nommés tentacules. Ils entourent la bouche en formant un fer à cheval. La bouche est située au milieu des deux raneées de branchiules. CompL, t. XVI. 6 42 HISTOIRE NATURELLE Les tentacules ont tous à peu près le même calibre, et il n'y a guère entre eux de différence, que dans la longueur. Les plus longs se trouvent en dehors, en dessous ou au devant de la bouche; les plus courts sont opposés à ceux-ci et se trouvent au fond de la partie rentrée. Ils ne peuvent point se contracter comme les bras des hydres, quoi qu'on en ait dit, et tous leurs mouvements consistent à se fléchir un peu en dehors ou en dedans; mais ils ne sauraient se raccourcir. Les bran- chiules tendent à s'enrouler sur elles-mêmes aussitôt que le polype perd de ses forces. Elles sont raides et tendues dans le cas contraire. Lorsque l'animal est dans un repos complet, ses tentacules externes se retournent gracieusement en dehors, pendant que la rangée interne se dirige en dedans vers celle du côté opposé. Ces deux dernières forment une nef en ogive. Le nombre de tentacules nous paraît variable dans les acyonelles. On en compte de quarante-deux à quarante-six dans l'espèce qui a servi pour ce travail. Dans quelques-unes, nous en avons vu de cinquante à soixante. On en voit treize en regardant l'alcyonelle de profil, et on en compte de chaque côté neuf dans la rangée rentrée. Les branchiules sont creuses dans toute leur longueur. Un liquide qui fait les fonctions du sang pénètre jusqu'au bout et communique directement avec la grande cavité du corps. On peut voir distinctement le liquide chargé de corpuscules circuler jusqu'à la base des branchiules; mais on ne voit point de mouvement dans l'intérieur, parce qu'il est probable que le liquide dépose ses globules avant de pénétrer. Tous les tentacules sont liés à leur base par une membrane très-mince et transparente que l'on pourrait nommer interbranchiale. Cette membrane est un peu plus longue que la distance entre les branchiules, ce qui fait qu'elle est bombée en dehors. Il est probable qu'elle a pour usage de mieux entourer les infusoires, etc., qui sont attirés par le tourbillon. M. Raspail n'a point connu cette membrane interbranchiale, et la présence des cils vi- bratils sur les tentacules a été niée par lui. Rien n'est cependant plus facile à observer, pourvu toutefois que l'on se serve d'un grossissement suffisant. Chaque branchiule est garnie sur toute sa longueur de cils vibratils, qui DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 45 ont jusqu'à la moitié du diamètre des branchiules. Nous n'avons point re- marqué de différences entre les cils de la base au sommet, et il nous a semblé que tout le pourtour en est hérissé. M. Dugès A croit, sur l'autorité de Uaspail, que les tentacules sont unis et dépourvus de cils dans l'aleyonelle ; mais sans aucun doute, ce fidèle et laborieux observateur n'a pas vu lui-même ces animaux. Il se serait bien assuré au premier coup d'œil de l'existence de ces organes. D'après ce que nous apprend M. Milne Edwards, dans son travail sur les eschares, M. Dulrocbet, qui aurait étudié ce phénomène chez divers polypes d'eau douce, l'attribuerait à une membrane plissée dont les mou- vements seraient ondulatoires 2. Si on examine une branchiule isolée «à un grossissement de trois ou quatre cents fois le diamètre, le contour n'est pas aussi régulier qu'il le paraît d'abord. Le côté est échancré de distance en distance, et la bran- chiule est divisée en autant d'anneaux qui lui donnent quelque apparence avec un annelide. Les cils des branchiules agissent-ils de concert avec les cils de la bouche pour attirer les aliments vers la cavité digestive? Nous ne le pensons pas. Ces cils nous semblent agir dans un but bien différent. Les uns appar- tiennent à la fonction de l'alimentation et remplacent les organes de pré- hension : ce sont ceux de la languette et de la bouche; tandis que ceux des branchiules agissent pour établir un courant et pour renouveler l'eau nécessaire à l'acte respiratoire. 11 serait, en effet, fort difficile aux bran- chiules qui sont placées à l'extrémité du fer à cheval d'agir en faveur de l'alimentation. Elles sont beaucoup trop éloignées de la bouche pour leur supposer ce double emploi. Comment le liquide dans l'intérieur du tube capillaire des branchiules se renouvel le-t-il? C'est ce que nous ne savons pas encore, mais ils com- muniquent avec les bras. 1 Dugès, Physiologie, t. II, p. 546. 4 Annales des sciences naturelles, 2° série, t. VI, p. 22. 44 HISTOIRE NATURELLE Système circulatoire. Parmi le grand nombre d'auteurs qui ont parlé, dans ces derniers temps, de l'organisation des polypes, il n'y en a que quelques-uns qui ont refusé la circulation à ces animaux. Cavolini *, Mùller 2, Meyen 5 et Lister 4 ont observé ce phénomène dans les sertulaires, et, en 1828, Heyden a publié une notice dans Ylsis sur la circulation qu'il a observée dans les bras de la Plumatella cristata n; Treviranus 6 et Grant 7 admettent aussi une circulation dans les polypes. II. Wagner avait dit d'abord que l'observation la plus attentive ne lui avait pas permis d'apercevoir une circulation ni dans les polypes d'eau douce ni dans les marins 8. Mais depuis, il a vu dans le VéretiUum, le li- quide qui entoure l'estomac se porter en avant dans les bras par le secours des cils, et puis revenir sur ses pas 9. M. Raspail, dans son beau mémoire sur l'alcyonelle, ne fait point men- tion de ce phénomène, quoiqu'il soit facile à observer chez ces polypes. 11 suffit de se servir d'un grossissement suffisant et de choisir un individu convenable. Mais avant d'aller plus loin, il convient, croyons-nous, de nous arrêter un instant sur quelques points qui sont encore en litige. Le liquide que l'on voit se mouvoir autour du canal intestinal et jus- qu'à la base des branchiules , est-ce un liquide propre, analogue au sang des animaux supérieurs? Le mouvement que l'on y observe constilue-l-il le phénomène de la circulation? Voilà deux questions qu'il serait impor- 1 Cavolini , Mém. per servire ail. stor. nul. Napoli , 1 785. 2 Zool. Dan., vol. III, p. 62. 3 Meyen, Aet. nat. curios., vol. XVI. * Litler, Lond. and Edinb. philol. May. Mai 1834. 5 Heyden, Isis , 1828, p. 505. 6 Treviranus, Erscheinungen und Gesetzc des oi-ganischen Lebens. 7 Oullines ofeompar. anatomy. 8 Lehrbnch der veryl. Anal., 1. 1, p. 154. 9 R. Wagner's Physiologie, p. 179, el Icônes analom, tab. XXXV. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 45 tant de discuter d'abord. En effet, Nordmann, qui a vu la circulation dans le genre paludicelle, la compare à la circulation des Chara '. Carus regarde le liquide en mouvement pour de l'eau claire introduite du de- hors 2; Cavolini pense que la circulation est la même que celle des ani- maux supérieurs et que c'est du sang qui circule. L'un de nous a soutenu que c'est un liquide propre, analogue au sang. Comme on le voit, il règne une grande divergence d'opinions parmi les observateurs. Le phénomène de la circulation a-t-il lieu du moment qu'il y a un li- quide en mouvement dans l'intérieur du corps, et ce liquide qui se meut est-il par cela même analogue au sang? Il est vrai qu'il y a dans un grand nombre d'animaux aquatiques un liquide qui circule dans des vaisseaux propres, et qui diffère totalement du sang. Les vaisseaux aquifères en fournissent un exemple : on les trouve dans les poissons, les mollusques et les radiaires, et il est clair que chez les premiers, ils sont entièrement indépendants du système vasculaire. Ce liquide, dans ces cas, n'est pas plus du sang que l'air qui circule dans l'intérieur des trachées chez les insectes. Cette distinction est nette dans les poissons, mais elle l'est moins dans les mollusques et bien moins encore dans les radiaires, car il n'y a plus de différence. En effet, comme les organes se simplifient et que les fonc- tions se confondent à mesure que l'on descend dans la série animale, de même le liquide chargé de colporter l'élément nutritif, et qui est de trois sortes dans les animaux supérieurs, n'est plus même un liquide propre dans les animaux très-simples. Le sang des vertébrés perd sa couleur et ses différentes qualités physiques et chimiques. Les globules qu'il con- tient n'offrent plus de régularité dans les formes , et lorsque les vaisseaux ont disparu, l'eau du dehors vient remplir les fonctions du sang et devient son analogue physiologique. Ce raisonnement nous fait concevoir la possibilité de substituer de l'eau à du sang; et la série animale va nous fournir des exemples des mo- difications que le sang subit, d'abord en se mêlant avec de l'eau, en per- 1 Mikrorjraph. Beitrâge. 2 Carus , Anal. comp. et Tab. illustr. 46 HISTOIRE NATURELLE dant successivement ses principales qualités physiques et chimiques, et enfin, en se faisant remplacer par le liquide amhiant. Dans les mollusques céphalopodes , les veines caves sont pourvues d'ap- pendices spongieux qui livrent passage à tout liquide contenu dans l'in- térieur. Ces veines sont flottantes dans une cavité remplie d'eau qui entre par une ou deux ouvertures situées au milieu de l'abdomen. Ces ouvertures communiquent avec le sac branchial. L'eau qui entre dans le sac branchial pénètre dans la cavité où flottent les veines, et, par leurs appendices, elle doit pouvoir entrer dans les veines avec autant de facilité que le liquide contenu en sort. C'est le premier exemple du contact du sang avec l'eau et de leur mélange. Une autre disposition tout aussi anomale en apparence, et qui n'a pas non plus reçu d'explication, nous est fournie par les aplysies. On sait que Cuvier n'osait pas d'abord l'imprimer, tant il craignait de s'être trompé. Les veines caves communiquent directement avec la cavité abdominale, et l'extrémité antérieure de ces deux gros vaisseaux se confond même abso- lument avec la grande cavité générale , dit Cuvier. Ces mollusques ont la cavité abdominale remplie d'eau. Elle entre du dehors, soit par des canaux aquifères très-fins, soit par imbibition. Si on laisse mourir les aplysies dans un vase rempli d'eau, le corps se gonfle au delà de l'état normal, et en faisant une incision dans la veine bran- chiale, on voit s'écouler tout le liquide qui gonflait le corps, même celui qui remplissait la cavité viscérale. Le liquide des vaisseaux s'écoule de même lorsqu'on ouvre l'abdomen, par une incision dans la peau. Nous voyons donc là une communication directe et un passage évident vers la disposition des polypes. Tout le liquide n'est plus contenu dans des vaisseaux, et l'eau vient se mêler avec le sang. Le canal intestinal est entouré d'une masse de liquide qui pénètre du dehors à travers la peau, et qui suit le torrent circulaire. Il y a cette différence seulement que les lames branchiales des aplysies prennent dans les polypes la forme de tentacules, et que le cœur est rem- placé chez les polypes par les cils vibratils. L'organe que Bojanus a désigné sous le nom de poumon dans les ana- DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 47 dontes, pourrait bien encore se trouver dans la même catégorie, et être destiné à conduire l'eau du dehors dans le torrent circulatoire. Dans les polypes, l'espace qui existe entre le tube digestif et la peau ex- terne est la cavité péri-intestinale. Elle est remplie d'un liquide qui s'étend jusqu'au sommet des tentacules, et que ce soit de l'eau pure ou modi- fiée, il n'est pas moins semblable à celui qui entre dans le système vascu- laire des aplysies. Nous croyons donc devoir regarder le liquide des polypes comme analogue au sang des animaux supérieurs, et le mouve- ment que l'on y observe comme représentant la circulation. S'il pouvait rester quelque doute encore sur la nature du liquide qui remplit l'espace autour du tube digestif, l'anatomie de Yalajonidc va le lever. M. Mil ne Edwards a fait voir dans ce genre de polype que l'estomac chez plusieurs individus est ouvert à sa partie inférieure et communique avec l'estomac du voisin ; que, de plus, le liquide peut passer de l'estomac autour de cet organe, entre lui et la peau au milieu des lamelles qui le tiennent en respect, et que de là cette cavité s'étend jusqu'à la pointe de chacune des dentelures que l'on observe sur les tentacules 1. Il n'est donc pas étonnant que, dans certains polypes, cette cavité ait une communication avec le liquide extérieur, puisque la cavité abdominale des aplysies en a déjà, et si même ce liquide, qui circule autour du tube digestif, est de l'eau, nous ne devons pas moins le considérer comme l'analogue du sang ; mais ici la communication n'existe pas. Quelles sont les qualités requises po^ir être du sang? Pour les animaux supérieurs, la réponse devient fort facile; mais il n'en est pas de même dans les animaux inférieurs. On ne peut plus lui assigner aucun caractère physique pour le reconnaître. Ce sera donc un liquide quelconque chargé de charrier l'élément nutritif. Le sang ne doit servir que de véhicule pour porter à chaque organe son nécessaire, et pour rapporter son superflu. Puisque tous les organes se réduisent dans les animaux inférieurs que l'alimentation, la respiration et la circulation ne constituent plus, chez 1 M. Edwards, Anna, des se. nat., 2e série, t. IV. 48 HISTOIRE NATURELLE quelques-uns, qu'un seul phénomène, nous n'hésitons pas à regarder la substitution de l'eau au sang comme possible, et nous ne pouvons nous empêcher d'y voir un liquide analogue au sang, d'autant que ce liquide circule comme ce dernier. D'après la situation du liquide, les modifications de l'appareil circula- toire dans la série et la facilité avec laquelle on se rend compte de plu- sieurs phénomènes jusqu'ici inexpliqués, nous croyons devoir admettre le liquide comme l'analogue du sang, et son mouvement comme représentant le phénomène de la circulation. Pour comprendre la circulation, il faut que nous nous fassions d'abord une idée de la cavité dans laquelle nous voyons se mouvoir le liquide. Il n'y a point ici de traces de vaisseaux. Entre le tube digestif et l'enveloppe externe, il y a un espace rempli d'un liquide blanc, limpide comme de l'eau, et qui est en contact de tout côté avec les différents organes. Sup- posons un animal supérieur, dégagé de tout ce qui se trouve entre le tube digestif et la peau externe, et laissant par-ci par-là un organe isolé, quel- ques muscles flottants dans la cavité, cet espace sera rempli d'un liquide, et nous avons une idée parfaite de ce qui se voit chez les polypes compo- sés d'eau douce. C'est une cavité close de toute part lorsque les deux premiers indivi- dus d'une colonie se forment. Mais comme la reproduction principale a lieu par gemmes, et que ces gemmes se développent à la face interne de la peau, le canal digestif du nouvel individu formé vient flotter aussi dans la même cavité des précédents. Ce dernier individu donne naissance à de nouveaux bourgeons, qui se développent de même, et la même cavité reçoit toujours la cavité digeslive; de cette manière, tous les individus qui procèdent d'une même souche ont une peau et une cavité commune dans l'intérieur de laquelle se meut un liquide qui appartient à la fois à tous les individus de la même famille. Nous avions cru voir d'abord des ouvertures ou des bouches aquifères à la base des tentacules, mais nous nous sommes assurés que ces bouches n'exislent point, et que nous avions été induits en erreur. L'espace qui se trouve entre les cordons musculaires qui se rendent aux tentacules et qui DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 49 est couvert d'une peau mince, nous en avait imposé; nous ne connassions donc rien que nous puissions comparer à une bouche aquifère. L'eau du dehors pénètre, ou par imbibition, comme cela a lieu probablement chez les aplysies, ou bien, accidentellement, par la partie inférieure des tubes du polypier. Mais cependant la cavité commune est souvent en com- munication avec l'extérieur, et l'animal n'en souffre aucunement. Voici de quelle manière. Plusieurs individus sont placés de distance en distance sur une branche polypiaire et proviennent tous du premier individu situé d'abord à la base. Aussi longtemps que ces individus sont en vie et que le polypier n'est pas mutilé, la cavité intérieure est close. Mais si l'on coupe la branche dans son milieu, on détruira nécessairement la peau, et celle-ci doit laisser une ouverture qui communique au dehors. L'eau peut entrer librement, et comme les individus continuent à croître, et ne paraissent aucunement gênés de celte lésion et de cette nouvelle communication, on est tout tenté de croire que le liquide qui se meut dans l'intérieur est de la même densité que l'eau. On voit quelquefois des corps étrangers en assez grand nombre et de différentes dimensions flotter dans l'intérieur et suivre le courant commun. Nous y avons vu jusqu'à des débris d'animalcules et des fragments de ten- tacules de polypier. Nous devons supposer aussi que c'est par un moyen semblable que les vers, dont nous parlerons «à la fin du mémoire, s'intro- duisent dans l'intérieur de cette cavité. Au milieu du liquide nous avons remarqué, dans un genre voisin à po- lypier transparent, des globules tantôt simples, tantôt agglomérés et qui suivent le courant. Jouent -ils un rôle particulier dans le phénomène de la circulation ou de la reproduction? C'est ce que nous ne savons pas. Toutefois il nous paraît que ce sont les mêmes globules que l'un de nous, M. Dumortier, a cru devoir regarder comme le commencement des bour- geons au moyen desquels le polypier se rainifiie. Le liquide intérieur sera donc le véhicule pour porter la nourriture aux différents organes éloignés. 11 est probable que les parois du canal digestif se nourrissent directement. Compl., t. XVI. 7 50 HISTOIRE NATURELLE La grande cavité dont nous venons de parler s'étend, dans chaque animal, non-seulement dans les deux bras et tout autour du canal di- gestif et de l'appareil générateur, mais encore elle pénètre dans chacun des tentacules, et le liquide s'introduit jusqu'au sommet de cet organe. Les endroits où l'on voit le mieux le liquide intérieur se mouvoir sont : l'espace qui se trouve entre la bouche et l'anus, ainsi qu'au pour- tour des organes générateurs. On ne peut pas dire que ce sont des courants réguliers, car on voit souvent, surtout près de l'œsophage, le liquide tournoyer. Dans l'épais- seur des bras, on voit des molécules précipités avec force jusqu'au fond, revenir brusquement sur leurs pas, puis retourner, et ainsi on aperçoit un ballottement qui dure quelquefois assez longtemps. Nous n'avons pas vu de globules s'introduire dans l'intérieur des tentacules. La cause de ce mouvement se devine facilement : les cils vibratils pro- duisent ce genre de mouvement dans les liquides. Grant avait déjà sup- posé depuis 1827 i que des cils se trouvaient dans l'intérieur; mais depuis deux ans, nous nous en sommes assurés d'une manière positive. Ces cils se trouvent aussi bien sur la surface du canal digestif, du côté du liquide, qu'à la face interne de la peau. En 1859, dans la note que l'un de nous a publiée sur les polypes2, il a fait mention de cils dans l'intérieur du corps, comme déterminant le mouvement du liquide. M. Milne Edwards vient d'en observer à la face interne des vaisseaux chez les béroés 5. D'après J. Muller, la découverte des cils vibratils comme cause du mouvement du liquide chez les animaux inférieurs en général, est due à Siebold. 1 Grant, Tlie new Edinb. phil. Journal. Juny , 1827, et the Edinb. Journal of science, n" XV, p. 104. 2 Bulletin de l'Académ. de Bruxelles , tom. VI. z Journal de l'Institut, n° 324, 12 mars 1840, Ann. des se. nal., 1840. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 51 Système nerveux. Je ne serais pas étonné que quelques anatomistes exprimassent du doute sur la présence du système nerveux dans ces animaux ; il faut les étudier pendant assez longtemps et dans toutes les positions avant d'être convaincu de l'existence de ce système. On voit facilement les ganglions lorsque le polype est épanoui et qu'il se montre de profil, ou plutôt les branches du fer à clieval un peu diri- gées eu haut; mais il est d'autant plus difficile de le découvrir sur le po- lype vu de face. Ceci nous avait même fait douter un instant. Cependant, à force de chercher et d'examiner des individus de différents âges et dans toutes les positions, nous sommes parvenus à nous en faire une bonne idée. Nous avons déjà dit que l'honneur de celte découverte appartient à l'un de nous, et nos communes observations ne font que la confirmer. Le système nerveux se compose dans ce genre de gauglions, de com- missures et de nerfs. Les ganglions, au nombre de deux, sont situés au-dessus de la cavité buccale, derrière la languette. Une commissure assez large les unit supérieu- rement l'un à l'autre. Ils sont transparents et d'un aspect légèrement jau- nâtre lorsqu'on les regarde de côté. Nous croyons avoir vu une autre commissure passer autour de la cavité de la bouche, et former un anneau œsophagien complet. Les muscles longs rétracteurs se divisent tout près des ganglions et re- çoivent un même filet nerveux. De chaque ganglion part un autre filet nerveux qui se dirige en avant vers la languette et en fait peut-être un organe de sens. Un dernier filet part de la partie postérieure du ganglion et se rend à l'œsophage. Lorsque l'alcyonelle est retiré de sa loge, nous n'avons plus rien pu distinguer de ce système. 52 HISTOIRE NATURELLE Système musculaire. Les muscles sont nombreux el plus compliqués que dans les genres précédents. Ils sont séparés les uns des autres et agissent en conséquence. Chaque muscle se compose de fibres accolées et non réunies. C'est ce que l'on voit très-bien lorsqu'on a détaché un polype de sa loge. Autant il y a de fibres, autant on voit de cordons ilottants. On le voit de même dans les individus contenus encore dans leur loge, lorsque le polypier est assez transparent. Dans quelques individus, de longs vers, dont nous par- lerons à la fin, entouraient la cavité digestive, et passaient à travers les muscles en écartant leurs fibres. Chaque libre consiste dans un cordon blanc et transparent ; avec le plus fort grossissement, on ne distingue rien dans l'intérieur; elle a un peu moins de 0mni,01 de largeur. Les deux muscles principaux sont les longs rétracteurs que nous avons déjà signalés dans les genres précédents. Ils présentent, à la partie supé- rieure, une différence assez notable chez les alcyonelles. Ils sont au nombre de deux, l'un à droite et l'autre à gauche, et s'étendent depuis la couronne branchiale jusqu'au fond de la loge. Les fibres qui composent ces muscles sont libres dans une grande partie de leur étendue. A la base des branchiales, elles s'unissent, et le muscle se divise là en deux fais- ceaux : l'un se rend au-dessus, dans la branche du fer à cheval, l'autre se rend en dessous, aux branchiules qui entourent la bouche. Ces muscles reproduisent aussi dans leur partie antérieure la forme du fer à cheval. Ils suivent dans toute sa longueur les deux bras, et ils en- voient dans chaque branchiule un filet musculaire distinct. De ce même muscle se détache, vers l'extrémité antérieure de l'œso- phage, un faisceau de fibres qui s'insèrent sur ses parois. Lorsqu'on a déta- ché un polype de sa loge, on voit ces fibres musculaires flotter autour de l'œsophage. Ces muscles passent de deux côtés, le long du canal digestif et de l'ap- pareil générateur, en formant une sorte de gaîne. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 53 11 y a quelque différence dans ces deux cordons : ils ne s'insèrent pas en bas à la même hauteur, et la direction de leurs fibres varie de même un peu. Ils commencent en haut au même endroit, mais en bas ils s'écar- tent fortement l'un de l'autre. Si l'on examine de face, à un grossissement de trois ou quatre cent fois le diamètre, un des bras qui portent les tentacules, on voit un faisceau dans le milieu, qui n'est que la terminaison antérieure du grand rédacteur. 11 part à côté et un peu au devant du ganglion cérébral un faisceau musculaire qui s'étend jusqu'au bout du bras, et qui envoie sur toute sa longueur une fibre musculaire à droite et à gauche à chacun des tenta- cules. Ces fibres tentaculaires se fondent dans les parois de cet organe. C'est à cette disposition que les polypes doivent la faculté de replier un tentacule séparément, et, par la contraction de tout le muscle, de rap- procher tous les tentacules simultanément. M. Gervais a vu dans les cristatelles deux fibres musculaires distinctes se rendre à chacun des tentacules '. Ce faisceau musculaire s'amincit vers le bout lorsqu'il a fourni toutes les fibres aux tentacules. A sa base, ou au point d'où nous l'avons fait partir, il envoie un même cordon, au devant de la commissure cérébrale, à son congénère du côté opposé, et puis un autre cordon, en avant et au-dessous, «à la languette labiale. C'est lui qui donne cette grande mobilité à cet organe. Ainsi, en même temps que les muscles rétracteurs agissent, l'impulsion est communiquée a tout le fer à cheval; les branchiules se rapprochent, et le tout rentre dans la loge avec la rapidité de l'éclair. C'est dans un seul temps que tous ces mouvements ont lieu. A l'extrémité antérieure du polypier, chaque loge conserve de la flexi- bilité dans le derme et dans l'épidémie, et les parties peuvent se replier de manière à mettre l'animal dans une sécurité parfaite. Il se trouve dans cette partie du corps plusieurs faisceaux musculaires isolés, mais que nous pouvons réunir dans une seule catégorie. 1 Gênais, Dictionn. suppl., art. Alcvonelle. 54 HISTOIRE NATURELLE Lorsque l'animal est simplement rentré, la peau forme un léger repli en dedans, et elle présente à l'extérieur la forme d'un mamelon. Sur toute l'étendue de la peau rentrée, entre elle et la peau externe, se trouvent tout autour des brides musculaires de distance en distance. A l'endroit où le repli cesse en dedans, les cordons musculaires sont plus forts et disposés, à une égale distance, tout autour sous forme de couronne. Ces derniers muscles, par leur contraction, retirent au fond delà cellule tout le mamelon, et ils agissent dans les moments où le polype est sérieu- sement inquiété. Les autres ou les premiers, agissent différemment, selon leur point d'appui, en dedans ou en dehors. Dans le premier cas, ils agissent dans le même sens que la grande couronne de muscles et font rentrer la peau; dans le second cas, la peau interne est rapprochée de l'externe, et, en s'écarlant au milieu, prépare l'ouverture qui doit livrer passage à l'animal lorsqu'il veut s'épanouir. Ainsi, ces derniers faisceaux musculaires agissent, selon que le point d'appui est en dedans ou en dehors, comme extenseurs ou réfracteurs. Quand on retire un individu de sa loge, on voit des cordons muscu- laires nombreux sur l'estomac et sur l'œsophage; mais comme les parois de la loge sont opaques chez les alcyonelles, nous ne connaissons pas les autres attaches de ces cordons, et nous ignorons s'ils sont rétracteurs avec les grands cordons, ou bien s'ils s'insèrent plus haut pour opérer l'ex- tension. Système reproducteur. Les alcyonelles ont, comme les autres genres de polypes, deux modes de reproduction : 1° par bourgeons et 2° par œufs. Nous n'avons pas grand'chose à dire du premier mode de développe- ment. Nous pouvons renvoyer pour cela au genre paludicelle. Seulement nous ferons remarquer les différences qui existent entre ces deux modes de reproduction. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 55 Dans les paludicelles, les bourgeons se forment toujours dans un endroit déterminé, d'où résulte la forme régulière et constamment la même du polypier. Dans le genre akyonelle, ils se développent avec beaucoup moins de régularité. Vers l'extrémité antérieure de la loge, les jeunes bourgeons poussent plusieurs à la fois, au point qu'on en voit quelquefois trois ou quatre à côté l'un de l'autre et à des degrés différents de développement. Ces bourgeons se forment en dessous du derme. Les bourgeons poussent en dehors en soulevant l'épiderme dans les paludicelles, tandis qu'ils se développent plutôt en dedans chez les alcyo- nelles, et dans le même sac on voit plusieurs tubes digestifs. Nous devons faire remarquer que, dans ce genre, il y a une différence dans le jeune âge et l'âge adulte. Les premiers individus qui sortent de l'œuf ne sont pourvus que d'un ou de deux bourgeons à l'extrémité du tube, et par là le polypier se ramifie d'abord. Plus tard , ou dans les individus plus âgés , de nouveaux bourgeons se développent avec plus d'irrégularité et en plus grand nombre, et le polypier, au lieu d'être ramifié, présente un aspect de balai, parce que les différentes loges sont serrées les unes contre les autres. Le travail intérieur a lieu comme dans les paludicelles; aussi nous ne nous y arrêterons pas. Reproduction par œufs. Dans le premier mode de reproduction dont nous venons de parler, l'em- bryon naît de la peau. Dans la reproduction ovipare, il y a un organe par- ticulier qui lui donne naissance. Au cul-de-sac de l'estomac pend un appendice de forme variée, selon le degré de développement du contenu. C'est l'ovaire ou le testicule. Nous avons même cru voir dans quelques individus la réunion de ces deux organes sexuels. Cette différence dans la nature de l'organe sexuel nous a fait dire qu'il y a chez les alcyonelles des mâles et des femelles, et la réunion des deux 56 HISTOIRE NATURELLE organes dans un seul individu y ajoute encore une troisième sorte d'in- dividus ou des hermaphrodites. Nous avons donc ici une répétition de la disposition des plantes de la vingt-troisième classe de Linné : des mâles, des femelles et des hermaphrodites réunis sur un même pied. Les œufs sont, en outre, de deux sortes : les uns sont pourvus d'une membrane cornée solide et d'un bourrelet; ils se trouvent dans la dis- position des œufs ordinaires. L'autre sorte a le même volume, mais, au lieu de coque et de bourrelet, la surface du corps est hérissée de cils à l'aide desquels il nage librement; ce sont, à proprement parler, des em- bryons nus. Nous parlerons d'abord du testicule, puis de l'ovaire, et après cela, des œufs mobiles ou ciliés. Organe mâle ou tcsliculc. Au milieu de l'appendice de l'estomac se forme une cellule au milieu de laquelle il s'en développe rapidement plusieurs autres. C'est le testicule qui présente alors l'aspect d'un ovaire, et qui pourrait bien avoir été pris déjà pour tel. Dans chacune de ces cellules secondaires, il se développe encore plusieurs autres cellules, et ce sont elles qui deviendront les sper- matozoïdes. Ces cellules sont arrondies et contiennent un nucule au centre. Dans plusieurs cas, en examinant avec beaucoup d'attention, on voit deux cellules emboîtées et le nucule au milieu. D'un côté, la cellule s'allonge en formant un appendice, un Blâment, et le prétendu animalcule sperma- lique est formé. Les deux premières cellules se rompent, et les sperma- tozoïdes nagent librement. Quelquefois la cellule secondaire résiste plus longtemps que la première, et une grande cellule, hérissée d'autant de filaments qu'il y a de spermatozoaires, nage librement dans l'intérieur. Nous en avons vu qui avaient tout à fait l'aspect des Ophiures, et où quatre à cinq individus étaient encore pourvus de leur spermoderme; les fila- ments se mouvaient comme les bras de cet échinoderme, et leurs corps réunis formaient le disque central. Ainsi, les spermatozoïdes des polypes présentent la forme ordinaire. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 57 Ils se composent d'un disque auquel on a donné le nom de corps, et d'un prolongement filamenteux ou la queue. (Voyez les différentes figures, pl.Y,fig. 2,2-1.) M. Raspail donne la ligure d'un alcyonelle retiré de sa loge, pi. XIII, fuj. G, et autour des œufs duquel sont représentés des corpuscules sem- blables pour leur forme à des spermatozoaires. Mais on voit clairement par le texte (pag. 56) et par l'explication des planches, que ce ne sont pas des spermatozoaires que ce savant a cru représenter. Je doute, du reste, qu'à ce grossissement on puisse les observer. M. Favre en a observé dans deux genres marins, le Yalkeria et le Halo- daclylus. Il les représente dans la loge et isolés, mais le naturaliste an- glais les regarde pour des cercaires l. C'est Nordmann qui a parlé le premier des zoospermes chez les poly- pes. Le savant professeur d'Odessa communiqua ses observations à l'Aca- démie des sciences de Paris, sur un genre marin ( Tendra zostericola), presque en même temps que l'un de nous faisait ses observations à Louvain, sur l'al- cyonelle. Il est vraiment étonnant que l'on ait d'abord reconnu ces corpus- cules dans les polypes marins, qu'on est si rarement à même de bien ob- server, tandis que nous sommes entourés de polypes chez lesquels la démonstration de ces corps est très-facile. D'après la planche que M. Nordmann a publiée sur le Tendra zostericola, on est porté à croire que l'auteur n'a pas connu la situation du testicule. Nous avons signalé la place que cet organe occupe, et M. Milne Edwards vient de retrouver le testicule à la même place, c'est-à-dire derrière l'es- tomac, dans un autre genre marin (Dendrophyllie) 2. Nous venons de recevoir un travail de C.-T. Von Siebold 3, dans le- quel l'auteur parle des œufs de la Plumalella campanidata. Il a observé dans ces œufs la vésicule de Purkinje et une double tache germinalive. Les œufs étaient entourés de spermatozoaires. Ce travail est imprimé en 1859, la même année que nous avons publié nos observations. 1 Philosophical transactions, 1837, Observations on the minute structure , etc., p!. XXIII, fig. 5. * Milne Edwards, Ami. des se. nat., vol. XIII, 2e série, p. 196. 3 C.-T. Von Siebold, Beitràge zur Naturgeschkhte , etc. Danzig, 1839. Compl., t. XVI. 8 58 HISTOIRE NATURELLE Quelle est la signification des zoospermes et quel est leur rôle dans l'acte de la fécondation? Ce sont deux questions importantes, mais qu'il n'est pas facile de résoudre, surtout la dernière. Comme nous le verrons tout à l'heure, les zoospermes, quant à leur origine, nous paraissent analogues aux vésicules ou globules vitellins. Ils apparaissent de la même manière dans une grande cellule. Dans l'organe mâle, chaque cellule se prolonge d'un côté pour former ce que l'on a ap- pelé la queue, et elle devient libre. La cellule caudée nage au milieu d'un liquide qui la transporte vers l'œuf pour opérer l'acte de la fécondation. D'après ceci, le zoosperme perd donc son caractère d'animalité; on ne peut plus le considérer comme un parasite de la liqueur spermatique sem- blable aux entozoaires qui vivent aux dépens d'autres organes de l'écono- mie. Ce n'est qu'une dépendance, un organe de l'appareil de fécondation. Le spermatozoaire se développe comme tous les tissus des deux règnes , et procède d'un nucule qui s'entoure d'un noyau et d'une cellule. Quant au rôle que ces prétendus animalcules jouent, nous n'avons point d'observations à mettre en avant, et nous n'aimons pas à faire intervenir l'hypothèse pour compléter l'histoire mystérieuse de la fécon- dation. S'il est évident que les caractères physiques du père et de la mère se transmettent, dans les animaux supérieurs, aux enfants, et que l'un contribue autant que l'autre à la reproduction, nous ne pouvons pas plus comprendre comment le zoosperme transmet le caractère du mâle que le fluide qui le charrie; et il est tout aussi difficile de concevoir comment la cellule primitive de l'œuf puisse conserver dans la suite du développement les caractères particuliers à la femelle. C'est la limite de nos investigations. Nous connaissons la partie matérielle, comme dans le phénomène de la vision et de l'audition ; mais nous ne pouvons aller au delà. Est-il étonnant que nous nous trouvions ainsi arrêtés, lorsque le chimiste et le physicien lui-même ne dépassent point ces bornes dans la nature inorganique? Organe femelle ou ovaire. — Les œufs , chez les polypes , sont connus depuis fort longtemps. Bernard de Jussieu et Réaumur en ont laissé DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 59 une courte mais bonne description. Il n'est pas douteux que Pallas les ait vus dans son Tubularia fungosa (alcyonelle). Rôsel les a vus et figurés sans connaître leur nature. Schceffer reconnut les véritables œufs en 1754. Vau- clier est le premier qui les a figurés au moment de l'éclosion. M. Raspail en a donné une description très-détaillée, et il les a représentés sous toutes leurs faces. MM. Gervais et Siebold les ont observés dans ces derniers temps. En 1828, Meyen découvre dans les plumatelles des œufs mobiles cou- verts de cils et d'où il voit sortir de jeunes polypes. Étant sûr de son fait et ne pensant pas qu'il puisse y avoir deux sortes d'œufs, il ne veut plus voir dans les œufs ordinaires que des corps parasites, et une observation deNordmann le fortifie, en 1854, dans sa conviction. En suivant le même raisonnement, plusieurs naturalistes refusèrent d'admettre les observations de Meyen, convaincus qu'ils étaient, que les œufs décrits, depuis Bernard de Jussieu et Réaumur , étaient des œufs véritables. De là naquit une grande incertitude. Nous avons été assez beureux d'étudier chez les mômes poly- pes les deux sortes d'œufs, et les observations présentées, en 1859, par l'un de nous, s'accordent de point en point avec celles de Meyen. L'un de nous avait déjà distingué, en 1855, les œufs et les embryons mobiles chez le polype à panache de Trembley. Ovaire. — Ce n'est qu'après de longues recherches que l'un de nous est parvenu à bien connaître la disposition de l'ovaire dans le genre qui nous occupe. On avait toujours étudié cet organe chez des individus con- servés encore dans leur loge; il a fallu détacher des polypes réunis au nombre de 5, i ou 5, et en les comprimant entre deux lames de verre, on peut voir d'une manière très-distincte, l'organe mâle et femelle. N'ayant pu distinguer avant cela les œufs qu'à un faible grossissement et lorsqu'ils avaient déjà un certain volume, les parties essentielles avaient échappé. L'ovaire consiste dans plusieurs poches arrondies situées immédiate- ment derrière le cul-de-sac de l'estomac et qui font l'effet d'autant d'œufs. Ce sont des ovisacs, car dans chacun d'eux on trouve plusieurs œufs réunis pourvus chacun des vésicules qui les caractérisent. 60 HISTOIRE NATURELLE Dans chacun des renflements de l'ovaire, on trouve de 10 à 15 œufs à peu près également développés. Ces œufs sont arrondis et libres dans l'in- térieur du sac. En procédant de dedans en dehors, on voit qu'ils sont composés : 1° D'une macule de Wagner; 2° D'une vésicule de Purkinje, grande relativement au volume de l'œuf; 5° D'un vitellus très peu volumineux; 4° D'une membrane vitelline; 5° Du chorion. La macule de Wagner, le plus souvent simple, et quelquefois aussi dou- ble, comme on le voit dans la fig. 5e, pi. V. Elle est un peu opaque, tandis que la vésicule de Purkinje est claire et transparente comme d'ordinaire. Le vitellus a une couleur légèrement jaunâtre. Les vésicules s'accroissent avec l'œuf. Les membranes sont presque conliguës au commencement, mais se séparent plus tard par l'intus- susceplion des liquides. Dans le principe, les œufs, dans chaque ovisac , ont le même volume, mais ils se développent ensuite les uns après les autres. Lorsqu'on aper- çoit un œuf complet dans l'ovaire d'un individu encore en vie, on en trouve à côté une série aux différents degrés de développement. La macule et la vésicule de Purkinje disparaissent de bonne heure, et le vitellus s'étend pour constituer tout l'œuf; à ce degré de développement, l'œuf est opaque et d'un blanc laiteux. La membrane externe se durcit et se colore insensiblement. Vers les bords, l'œuf prend un aspect brunâtre qui augmente d'intensité à mesure qu'il augmente en volume. 11 se forme ensuite un bourrelet tout autour de l'œuf. Il consiste, en premier lieu, dans une rangée de cellules qui se multiplient et lient les deux valves qui constituent la coque. Au printemps suivant, par suite d'un travail organique dans les cellules du bourrelet, celui-ci disparaît, les val- ves s'écartent en formant les premières parois du polypier, et l'embryon sort. L'œuf, d'abord arrondi , prend une forme ovale et devient discoïde. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 61 Une des faces devient bombée et l'autre un peu concave. L'œuf est alors complètement formé. Les oeufs, en été, ont toujours ce bourrelet distinct; mais souvent, en hiver, il se colore , surtout dans les eaux un peu ferrugineuses , et en pre- nant la même couleur brune que l'œuf, il est à peine distinct. Il est à re- marquer aussi que les œufs complets ont la même forme. Vaucher a figuré le premier le mode d'éclosion ; M. Gervais l'a observé dans les alcyonelles *. On voit, planche V, l'état de l'embryon au sortir de l'œuf. Les œufs, en automne, restent dans le tube poîypiaire et attachés aux corps sur lesquels le polypier s'était formé. Lorsque le polypier est enlevé, on voit encore les œufs, disposés avec plus ou moins de régularité, sur les pierres ou des pieux. (PI. V, fig. 15.) Le polypier présente toujours des ramifications dès le commencement; on voit même des polypiers adultes et compactes, lorsqu'ils s'étendent davantage, présenter des branches isolées du côté où ils s'agrandissent. C'est dans ce premier état que l'alcyonelle a été pris en général pour une plumatelle ou une cristalelle , et c'est dans cet état aussi que llôsel Ta représenté. Après avoir poussé plusieurs branches, des bourgeons nombreux se développent presque simultanément à la base; les branches disparaissent, et les nouvelles loges serrées les unes contre les autres recouvrent les pre- mières et donnent un nouvel aspect au polypier. (Voy. fig. 16 et 17, pi. V). Œufs mobiles ou embryons nus. — Meyen les a vus d'abord dans les plu- matelles, l'un de nous dans le polype à panaches de Trembley; Nordmann les a observés dans le Tendra zostericola. Nos observations s'accordent de point en point avec celles de Meyen. Vers les neuf heures du matin , en examinant sur le porte-objet du mi- croscope, un morceau d'alcyonelle vivant, nous apercevons un corps couvert de cils, un embryon nu qui se meut avec une extrême rapidité. Il provenait de l'intérieur du tube poîypiaire. 1 Bullet. Zoolog.,f. 126. 62 HISTOIRE NATURELLE Il présente une analogie assez grande avec les planaires, et comme chez elles, on aperçoit des contractions dans toutes les parties du corps. Telle est la rapidité de leurs métamorphoses que, si on les dessine, pendant le temps de l'observation on aperçoit déjà quelques changements dans l'in- térieur. Dans ce premier état, le corps est un peu allongé, arrondi et sans au- cun appendice à l'extérieur, si ce n'est les cils qui le recouvrent de tous côtés et qui sont ses organes de locomotion. Nous avons observé ce pre- mier individu depuis neuf heures du malin jusqu'à six heures du soir, en ayant soin de renouveler l'eau, à l'aide d'un pinceau, toutes les demi- heures. Il perd un peu de sa mobilité dans la matinée. Des parties nouvelles apparurent dans l'intérieur, qui fut bientôt rempli d'organes. Le pour- tour conserva sa transparence. Un tubercule s'élève d'un côté et entraîne avec lui les organes formés dans l'intérieur. C'est alors que l'on reconnaît la partie contenue pour le corps d'un polype. Ce tubercule antérieur se divise bientôt en une moitié gauche et une moitié droite, par la formation d'une échancrure au milieu. Une peau commune, fermée de toute part, forme le pourtour de ce double tubercule. Dans l'après-midi, à la partie la plus reculée de chaque tubercule, il appa- raît une ouverture, au milieu de laquelle nous apercevons le bout de quelques tentacules. Cette ouverture est la bouche du polypier, par laquelle l'animal communique avec le milieu ambiant. Depuis le matin nous avions aperçu une vésicule assez grande, et beaucoup plus claire que le reste. Elle a persisté jusqu'au soir, en mon- trant au milieu un faisceau quadruple de filaments noirs. Cette vésicule nous a d'abord paru unique, mais à la fin nous avons remarqué qu'en dessous il s'en trouvait une seconde en tout semblable à la première. 11 y en a une ainsi pour chaque individu. Dans l'après-midi nous distinguions le tube digestif complet avec les tentacules et la gaîne ainsi que la peau , qui a commencé par former un tubercule et qui deviendra le polypier. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 65 Les cils vibratils sont remplacés par des cellules arrondies , el l'enve- loppe commune devient, comme les valves de l'œuf, le commencement du polypier. C'est par là que l'alcyonelle se fixe. Il n'y a qu'un organe douteux ici, ce sont les deux vésicules dans l'inté- rieur. Il paraîtra assez hardi de les comparer à une vésicule ombilicale, et cependant nous ne trouvons pas d'autre point de comparaison. Et pour- quoi, du reste, un tube digestif complet n'aurait-il pas une vésicule om- bilicale? Entre les céphalodopes et les polypes la différence principale se trouve dans l'appareil circulatoire. Ces différents états des œufs ciliés sont représentés par les fuj. 10-14, pi. V, d'après un seul et même individu. L'étude de quelques genres voisins nous a conduits à regarder ces œufs mobiles non comme une seconde sorte d'œufs, mais comme des embryons en voie de développement et dépourvus ou débarrassés de leur coque. C'est ce que l'un de nous a déjà établi en 1855. Entre le tube digestif et la peau, ou dans la cavité abdominale remplie de liquide, nous avons observé chez plusieurs individus, en 1840 et 1841 , plusieurs vers vivants, d'une taille un peu forte pour les considérer comme leurs parasites. Ils ont la longueur du tube digestif depuis la bouche jus- qu'au fond de l'estomac. Le corps est arrondi, effilé des deux côtés et sans traces d'appendices en cils ou en soies. On aperçoit deux membranes l'une emboîtée dans l'autre; l'externe représente la peau, l'interne ferait l'effet d'un canal digestif s'il n'était point rempli de cellules qui lui donnent l'aspect d'un ovaire. Ces cellules sont composées d'un micleus et d'un mteleolus. Ils remplissent toute la longueur du corps. Nous n'avons point observé de différences chez les divers indi- vidus que nous avons eu l'occasion d'observer. Us se remuent autour du canal digestif dans tous les sens, passent au milieu des libres du grand muscle rétracteur, et pendant qu'ils se livrent, au nombre de quatre ou de cinq , à toutes sortes de mouvement et qu'ils remplissent presque tout cet espace, le polype reste épanoui et n'est au- cunement inquiété par eux. Le moindre attouchement qui vient du dehors les fait rentrer dans leur loge. Ils ont 0""",10 de largeur. 64 HISTOIRE NATURELLE M. Faire a trouvé des ccrcaires dans le Yalkcria discuta et dans le Ha- lodaclylus. Wieggmann suppose que ces cercaires pourraient bien être des zoospermes ' , et nous partageons l'avis du professeur de Berlin. Nous ne cherchons pas à déterminer ces vers des alcyonelles, par la raison que cette partie de la zoologie est trop peu avancée. Ce n'est pas en imposant un nom et en donnant des caractères que nous aurons éclairci son histoire. Ce n'est que par un travail spécial et comparatif que l'on pourra leur assigner une place. Qu'il nous suffise d'en donner cette courte description et une ligure. 4 VVieggnuinn's Archiv. Jahresbericht. DES POLYPES COMPOSES D'EAU DOUCE. 65 § IV. Genre LOPHOP1ER. L'animal qui forme le type de ce genre a été découvert par le célèbre Trembley , qui l'a décrit et figuré dans son bel ouvrage sur les polypiers d'eau douce, sous le nom de polype à panache i. Trembley l'avait découvert dans les eaux stagnantes de la Hollande. On le rencontre également dans la partie occidentale de la Belgique, et surtout dans le canal de Bruxelles au Buppel. Pallas, qui l'avait aussi observé, lui a assigné une désignation spécifique exacte et qui donne une idée de son apparence cristalline, en le nommant Tubularia cryslallina 2 ; c'est ce nom spécifique qui lui est resté jusqu'aujourd'hui. Back a également observé l'animal qui nous oc- cupe, et il l'a figuré dans les Actes de l'Académie de Stockholm5. Dans sa vaste compilation zoologique, Gmelin a retenu le nom spécifique si inexact donné par Blumenbach, et il le décrit sous le nom de Tubularia veptans en retenant la phrase spécifique de cet auteur4. Le savant Lamarck, dans son Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, ayant formé de tous les polypiers d'eau douce un genre séparé des espèces marines, et qu'il réunit sous le nom de Plumatelle, décrivit le polypier de Trembley sous la dénomination de Pliunatella cristala :'. C'est aussi sous ce nom qu'il a été décrit par M. de Blainville, dans son bel ouvrage sur les actinozoaires 6. Lamouroux, qui réunit aussi en un seul genre les polypiers d'eau douce non spongiformes, et fait de cet amalgame le genre Naysa, a décrit l'animal dé- couvert par Trembley sous le nom de Naysa reptans '. Enfin l'un de nous, considérant les caractères remarquables qui distinguent le polypier de Trembley des autres genres de polypiers d'eau douce, a cru devoir en 1 Trembley, Polype d'eau douce, p. 210. * Pall., El. zooph., p. 85, n° 42. 3 Back, Act. Stock., 8, p. 203 et 0, fig. 3 et 6. * Gmel , Syst. nat. , 6 , p. 5835. 5 Lamk. , Anim. sans vert., 2, p. 107. G Blains, Actin., p. -i90. 7 Lamoui'. , Polyp., 223, lab. b, fig. i. CompL, t. XVI. 9 G6 HISTOIRE NATURELLE faire le type d'un genre spécial, auquel il a donné le nom de Lopliopus, qui n'est autre que l'expression de celui donné par Trembley lui-même *. CARACTÈRES DU GENRE LOPHOPIER. Le polypier est composé et fixé; il est enveloppé d'une couche épaisse d'une matière gélatineuse et transparente, qui remplace le polypier ou plutôt qui est un véritable polypier dépourvu des parties inorganiques qui constituent la partie solide des polypiers cornés, crustacés ou cal- caires. Cette matière est diversement lobée et laisse sortir les différents rameaux du polypier; celui-ci est diaphane et sa transparence laisse voir très-distinctement l'organisation intérieure. L'animal est pourvu d'un canal digestif complet qui se replie sur lui-même, en sorte que l'anus est l'ap- proché de la bouche. La bouche a deux lèvres , l'une supérieure , l'autre inférieure; aux deux côtés de la bouche s'élèvent deux bras en fer à cheval et bordés de chaque côté d'une série de tentacules; ceux-ci sont au nombre d'environ soixante. Le tube du polypier est commun h tous les polypes; on n'y observe aucune cloison, de manière que l'oxygénation et la nutrition sont communes à tous les polypes d'un même polypier. Les polypes fournissent l'été des embryons libres et nageants. Aux ap- proches de l'hiver, il se forme des œufs garnis d'une coque cornée, qui éclosent en avril et mai. Ces œufs varient de forme suivant les espèces : dans l'une, les œufs sont arrondis et bordés d'une rangée de cils terminés par des crochets aigus; une autre espèce a les œufs ovales aplatis et dépourvus de cils. Ce genre diffère des paludicelles et des frédéricelles par les tentacules , qui ne sont pas rangés en fer à cheval , mais disposés en fer à cheval sur deux bras allongés. Ce caractère le rapproche des alcyonelles, dont il diffère par l'absence de tout polypier inorganique. De tous ces polypiers composés d'eau douce, le genre qui nous occupe est celui dont la transparence est la plus grande et qui, par conséquent, laisse le mieux voir dans son intérieur toute l'organisation intime de l'ani- 1 Dumort., Bull, de tAcad., Brux. 1835, p. 424; Polyp. d'eau douce, p. 23. DES POLYPES COMPOSES D'EAU DOUCE. 67 mal, sans devoir recourir à la dissection, en sorte que l'étude microsco- pique du lophopier est une anatomie toute faite, et en même temps un cours de physiologie qui ne permet aucun doute sur l'exercice des fonc- tions des divers organes. Rien de plus curieux et en même temps de plus instructif que cette étude d'un être dont la transparence soumet à l'œil de l'observateur tous les phénomènes de la vie. Nous avons dit que l'en- veloppe générale, espèce de sac lobé, n'est divisée par aucune cloison, et qu'ainsi elle est commune à tous les animaux dont le polypier est formé. À l'extrémité de chaque lobe se trouve un polype; on ne peut mieux com- prendre cet état qu'en comparant le polypier à un gant dont l'extrémité de chaque doigt serait occupée par un polype en communication avec l'en- veloppe générale. Dans chaque animal la disposition binaire l'emporte évidemment sur la radiaire , qui est ici entièrement nulle. La disposi- tion des deux bras montre cette forme binaire dans toute son évidence. L'animal lui-même ni son polypier n'ont rien de radiaire. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE. Système cutané. Le système cutané du lophopier se présente sous la forme d'une pellicule continue et diaphane; il est absolument libre et formé comme un sac dans lequel pendent et s'attachent les muscles et les viscères. On ne lui recon- naît aucune organisation cellulaire, mais cependant, en le soumettant a un pouvoir très-amplifiant, on aperçoit à sa surface une foule de granu- lations diaphanes analogues à celles que l'on observe chez les acalèphes, et qui y représentent des plaques de forme et de grandeur différentes, qui ne sont autre chose que l'épiderme de l'animal. La peau étant continue, dépourvue d'articulations et de cloisons intérieures, il en résulte que le polypier est comme un gant diversement rameux, dont tous les polypes communiquent par leur base, ayant au sommet de chaque doigt un polype dont la poitrine et les tentacules sont extérieurs, et dont les viscères pen- dent dans la cavité commune. 08 HISTOIRE NATURELLE 11 suit de cette disposition que, dans lelophopicr, la plus grande partie du système dermique est commune, et c'est celle qui représente le système dermique abdominal, tandis que chaque individu possède en propre un système dermique pectoral et céphalique. Le premier est le système cu- tané général , le second le système cutané individuel. Le système cutané général est celui qui forme l'enveloppe commune du polypier. Il s'étend depuis sa base jusqu'à l'anneau d'insertion du sys- tème cutané de chaque polype. Cette partie se forme primitivement par le derme de l'embryon, qui s'allonge et se ramifie chaque fois qu'un nouveau polype se développe; sa consistance est plus épaisse que celle du sys- tème dermique individuel; d'abord diaphane, elle devient par la suite des temps presque opaque et d'une couleur ocreuse sale, mais jamais on n'observe ni dans son épaisseur ni à sa surface les matières inorganiques dont s'imprègnent les polypiers solides. Le système cutané individuel est celui qui appartient exclusivement à chaque individu polype. Il est inséré sur le système général, à l'endroit de l'anneau de jonction par lequel il rentre dans la cavité commune, et n'est qu'une continuité du système général, mais il n'est soumis qu'à l'ac- tion de l'individu auquel il appartient; il naît et meurt avec lui. Ce sys- tème est beaucoup plus mince et plus pellucide que celui du polypier ; comme lui , il est couvert de granulations épidermoïdes diaphanes. Lors- qu'un polype se contracte, il rentre dans l'intérieur en renversant tout son système cutané individuel jusqu'au point de sa jonction au système cutané général. Système digestif. Le système digestif du lophojner se compose de quatre compartiments : l'arri ère-bouche, l'œsophage, qui naît à la bouche, l'estomac et l'intestin, qui se termine par l'anus. Au fond de l'entonnoir formé par les bras et les branchiales, on aper- çoit la bouche, dont l'ouverture est uniforme et munie de deux lèvres, l'une supérieure, plus longue et retombant en languette sur l'inférieure, qui est DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 69 plus courte. Dans l'état habituel, la bouche est ouverte et béante, et la lèvre supérieure, placée plus haut, laisse entrer dans la cavité buccale les matières alimentaires tenues en dissolution dans l'eau, et qu'y apportent les courants formés par les tentacules. On aperçoit, dans l'intérieur de l'entonnoir, des vibrations incessantes et rapides produites par des cils vibratils, et qui paraissent avoir pour but de favoriser l'entrée des ali- ments dans la bouche. Lorsque celle-ci est suffisamment pourvue d'ali- ments, on voit très-distinctement la déglutition s'opérer. A cet effet, l'animal ferme la bouche, fait un mouvement de contraction vers le pharynx, et les aliments passent avec rapidité dans le gésier, qui les transmet à l'estomac. Chaque polype répète ces mouvements de déglutition au moins une fois par minute, quelquefois davantage, suivant que l'eau dans laquelle il se trouve est plus ou moins chargée de matières alimentaires. L'œsophage, qui a la forme d'un sac cylindroïde, est plus diaphane que le gésier, avec lequel il se continue et dont il est séparé par un resserre- ment. Dans l'acte de la déglutition, les matières alimentaires ne font que le traverser pour se rendre dans le gésier. Le gésier est pendant, ovale ou pyriforme, suivant qu'il est chargé d'a- liments. Par sa partie supérieure, il communique directement avec l'œso- phage, tandis que sa partie inférieure offre une ouverture oblique dans l'esto- mac, par laquelle les matières alimentaires sont déversées dans cet organe. Dans l'opération de la digestion, on voit facilement que, par suite des mouvements péristaltiques, les matières alimentaires ballottées reviennent dans le gésier pour retourner ensuite dans l'estomac. L'estomac est très-grand, cylindroïde et placé obliquement. Il commu- nique par sa partie médiane avec le gésier et présente inférieurement un grand cul-de-sac qui pend dans la cavité générale, tandis que son extrémité postérieure se relève pour se porter vers l'intestin. Sa substance est forte- ment musculaire, car lorsque l'animal est à jeun on aperçoit à sa surface des plis et des rides qui indiquent de fortes contractions; il se distend quand il est rempli de matières alimentaires, et alors rien n'est plus curieux que de voir les mouvements péristaltiques opérés par les contractions successives qu'il subit. 70 HISTOIRE NATURELLE L'intestin est court, droit, parallèle à l'œsophage et ascendant vers l'anus. 11 prend son origine à l'estomac, au point de l' extrémité supérieure de ce dernier, remonte vers les bras et se termine, un peu au-dessous de l'insertion de ceux-ci, par un anus situé postérieurement et par conséquent derrière l'orifice buccale. Système secrétaire. Le lophopier ne montre pas d'organes sécrétoires proprement dits, à l'état distinct, mais il n'est pas douteux que cet animal ne soit muni d'un appareil pour la sécrétion des sucs gastriques, et du fiel en particulier. On peut en avoir la preuve en considérant que tous les animalcules avalés par le lophopier sont incolores, tandis que ses excréments sont visiblement colorés de substances bilieuses. 11 existe donc dans ces animaux un appareil hépatique ; mais cet appareil quel est-il? Si nous réfléchissons à la grande épaisseur que présente l'estomac et à la couleur bilieuse qu'il affecte, nous serons portés à penser que cet organe est enveloppé de tous côtés par un appareil de glandules hépatiques, qui déverse dans son intérieur le produit de ses sécrétions. Cela ne manque pas d'analogie avec ce qui s'observe dans les mollusques agrégés. Système respiratoire. Au sommet de chaque polype sont situés deux bras entièrement garnis d'organes allongés et disposés comme les barbes d'une plume; ces organes sont les tentacules ou branchiules respiratoires. Dans le lophopier, les ten- tacules sont au nombre d'environ soixante, disposées en forme de fer à cheval; ce caractère rapproche notre genre de l'alcyonelle et le sépare net- tement des genres paludicelle et frédéricelle, chez lesquels il n'existe pas de bras, et où les tentacules sont disposés en forme d'entonnoir régulier. Les bras sont caves et se rejettent obliquement en arrière , de manière à former un gracieux panache tout bordé de tentacules allongés ; on con- çoit qu'ils ne sont qu'une prolongation du système cutané, en sorte qu'ils DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 71 sont caves à leur intérieur, et leur cavité communique sans interruption avec celle du corps. La base des tentacules est garnie d'une membrane conforme à celle du pied des oiseaux palmipèdes, et cette membrane constitue un entonnoir de forme irrégulière, qui dirige vers la bouche les matières alimentaires que l'eau tient en dissolution au moyen des cils vibratils dont sa surface interne est munie, et dont le mouvement engendre des courants dirigés vers les organes de la manducation. Les tentacules sont garnis de séries de tubercules diaphanes , mais seu- lement à la surface extérieure ; d'après les observations de l'un de nous , la face intérieure et les faces latérales étant absolument lisses, quels que soient les grossissements que nous avons employés, nous n'avons pu y voir de cils vibratils, comme dans les autres genres de la famille qui nous occupe; mais la respiration s'y opère le long de chaque branchiule, au moyen d'un courant moniliforme qui marche avec rapidité le long des deux côtés, et qui, remontant d'un côté, passe au-dessus de l'extrémité supérieure, redescend de l'autre, remonte le tentacule suivant, le redes- cend ensuite et ainsi de même, de manière à ce que tous les courants ascendants soient d'un côté des branchiules et tous les courants descen- dants de l'autre. Lorsque l'animal respire, ces courants sont comme un mouvement perpétuel, et présentent un aspect admirable à l'observateur : on dirait une chaîne sans fin, se mouvant continuellement et sans inter- mittence, au point qu'on serait tenté d'y chercher une illusion d'optique; mais on peut s'assurer qu'il n'en est rien, si l'on remarque que le derme des autres parties de l'animal et des branchiules elles-mêmes n'offre rien de semblable, tellement que si une branchiule est placée de côté, de manière à présenter en contact ses faces extérieure et intérieure, alors les chapelets respiratoires disparaissent complètement. Ce sont donc les faces latérales des branchiules qui servent d'organes à la respiration; mais ici on peut se le demander, que sont les chapelets que nous venons de décrire? Sont-ils dus à la réfrangibilité de globules de liquides qui subissent une oxygénation ; sont-ils le résultat de soulève- ments rapides de la membrane extérieure des faces latérales des bran- 72 HISTOIRE NATURELLE ch iules, ou bien sont-ils dus a des cils vibratils? Quelle est la force qui pousse ces chapelets? quelle est leur nature? Voila des questions qu'il serait à désirer que l'on pût résoudre. Mais l'analogie de ce phénomène avec celui de la décomposition de l'eau par la pile galvanique est trop remarquable pour être passée sous silence. Sans nul doute, les tissus res- piratoires des branchiules ont sur l'eau un pouvoir analogue, et il est pré- sumable que tous ces mouvements moniliformes sont dus à la décompo- sition du fluide qui sert à la respiration. Le mouvement imprimé à l'eau par les organes respiratoires procure dans le fluide ambiant un tournoiement presque continuel. Pour s'en assurer, il suffit de jeter dans l'eau un peu de liquide qui a été préalable- ment coloré au moyen d'un corps incomplètement soluble. Au moment où ce liquide s'approchera des tentacules, vous ne tarderez pas à voir les particules colorées, attirées par les branchiules, former des courants divers au moyen desquels elles sont ballottées entre les branchiules. L'eau se trouve ainsi entraînée jusque dans le fond de l'entonnoir formé par les tentacules et y établit des courants circulaires très -curieux à observer. Système circulatoire. Nous avons vu que le polypier du lophopier est dans la forme d'un sac rameux ou d'un gant, dont chaque doigt serait terminé par un indi- vidu polype, duquel les viscères pendraient dans la cavité commune. Or ce sac ou gant qui forme le polypier, et dont la cavité est unique, puis- qu'elle n'est divisée par aucune cloison, est rempli d'un fluide diaphane et incolore qui occupe toute cette cavité intérieure; ce fluide est le sang qui remplit, par conséquent, tout l'intérieur du polypier, à l'excep- tion de la place destinée aux viscères. Dans le genre lophopier, le sang s'étend donc sans interruption depuis la base de l'animal jusqu'à l'extré- mité des branchiules, où il est soumis à l'oxygénation. Ce sang est en mou- vement continuel, ainsi qu'on peut le voir facilement au moyen des glo- bules qu'il tient en suspension; il circule dans la cavité générale, se porte vers les bras, entre dans les branchiules où il s'oxygène, redescend dans DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 73 les bras, le corps et la cavité générale, de manière à opérer l'alimen- tation. Dans le genre qui nous occupe, la cavité intérieure du polypier n'étant interrompue par aucune cloison, la circulation est commune à tout le poly- pier, tellement que lorsqu'un polype a respiré, tous ont respiré; et que, lorsqu'un polype a mangé, tous profitent du bénéfice de la digestion. A la base de chaque bras, il existe une cavité circulatoire très-mani- feste, dans laquelle la circulation s'opère toujours avec rapidité. Cette ca- vité semble faire les fonctions de cœur, et c'est là que l'on aperçoit le ganglion cérébral; c'est elle qui dirige le sang vers les bras et vers le corps. Plusieurs auteurs ont affirmé que le liquide qui se trouve dans la cavité du corps des lophopodes n'est pas du sang, mais bien de l'eau qui y circu- lerait comme cela a lieu dans les éponges. C'est aussi l'opinion qu'a émise le célèbre Carus. « Cbez la Plumatella calcarea, dit-il, le vide existant entre le sac stomacal et l'enveloppe extérieure du corps renferme de l'eau claire , dans laquelle on observe quelquefois un mouvement régulièrement circu- latoire ou tournoyant, et par conséquent analogue à celui qu'on remarque dans les cliaragues '. » Pour connaître la vérité sur ce fait important, l'un de nous a interrogé la nature en plongeant divers polypiers dans des so- lutions de plusieurs espèces. Le résultat de cette expérience a toujours été le même; jamais le liquide coloré n'a pénétré dans l'intérieur du po- lypier, et le fluide incolore qui s'y trouve contenu a constamment conservé ses caractères sans jamais se colorer. Plongés dans les substances qu'ils affectionnent le plus , comme dans une forte dissolution d'encre de la chine, les lophopiers se gorgent l'estomac des matières noires qui s'y trouvent, mais quel que soit le temps qu'on les y laisse, le fluide interne reste toujours complètement diaphane. Cette expérience démontre que le fluide interne des polypiers composés n'est pas de l'eau comme l'affirme Carus; mais bien un fluide propre, analogue au sang, et qui, comme lui, se met en contact avec les organes respiratoires et revient ensuite servir à 1 Carus, Anal, comp., t. Il, p. 501. CompL, t. XVI. 10 74 HISTOIRE NATURELLE la nutrition. Ce mode du système circulatoire est entièrement analogue à celui des actinies. En effet, si l'on soumet à l'examen microscopique des jeunes actinies nouvellement écloses, et alors que leur système cutané a conservé assez de transparence pour permettre d'observer l'intérieur de l'animal, on ne tarde pas à apercevoir dans cet intérieur une circulation générale et sans vaisseaux, absolument analogue à celle que nous venons de dé- crire. Système musculaire. Ainsi que dans les autres genres de la famille qui nous occupe, les muscles des lopbopiers sont complètement séparés les uns des autres et ne se touchent pas; ils sont peu nombreux, de couleur blanche et res- semblent à des cordons allongés qu'on peut facilement apercevoir à travers l'enveloppe du polypier, mais surtout à travers le système cutané indivi- duel. Le système musculaire des lopbopiers se divise en muscles du système cutané commun et en muscles du système cutané individuel. Les muscles du système cutané individuel se composent, pour chaque polype, de quatre muscles longitudinaux insérés par leur base sur le sys- tème cutané commun, un peu au-dessous du système cutané individuel. , Deux de ces muscles s'insèrent aux extrémités latérales du système der- mique individuel, en divergeant sur les côtés, et envoient des rameaux musculaires jusque dans les bras : ce sont les muscles cervico-tentacu- laires; les deux autres longent le système intestinal et s'insèrent près do l'ouverture buccale : ce sont les muscles labiaux. On conçoit, par cette disposition, que ces muscles se contractant avec force, doivent retirer le polype dans la masse générale, et c'est ce qui a lieu chaque fois qu'un polype reçoit la moindre secousse; alors les muscles se contractent avec rapidité, les bras et les tentacules sont ramenés en faisceau , et immédiate- ment l'animal s'enfonce dans la cavité générale. Indépendamment des quatre muscles que nous venons de décrire, il DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 75 existe encore à la base de chaque polype des muscles semblables qui se rapportent au système général, et dont l'extrémité supérieure s'insère à l'anneau qui reçoit chaque polype. Leur structure et leur situation sont les mêmes que celles des muscles du système cutané individuel. Les polypes des lophopiers ne sont pas susceptibles de se contracter à la manière des hydres; tout ce qu'ils peuvent faire, lorsqu'ils sont tour- mentés, c'est de se retirer sous l'enveloppe commune, ce qui a lieu par la contraction des muscles du système cutané individuel. Si le polypier entier se contracte, les muscles du système cutané général sont les prin- cipaux agents de la contraction. Lorsqu'après être rentré dans la masse générale, un polype veut en sortir, il opère d'abord la contraction des muscles du système cutané général, au moyen de quoi l'anneau qui soutient l'enveloppe individuelle est retiré vers le polypier. Alors les muscles du système cutané individuel agissent en sens inverse, se relâchent, et ce système se déroule, délivrant successivement les diverses parties des tentacules, qui finissent par se trouver libres dans le liquide ambiant, où ils ne tardent pas à s'épanouir. Au moyen de ce mécanisme, l'œsophage, le gésier et l'intestin, qui pen- dant la contraction se trouvaient plongés dans la cavité commune du polypier, s'élèvent et prennent place dans la cavité individuelle, sauf à rentrer dans la masse commune lorsqu'une nouvelle contraction aura lieu. Système nerveux. Jusqu'ici le système nerveux n'avait pas été observé dans les polypes; l'un de nous est parvenu à le découvrir dans le genre qui nous occupe. La partie centrale de ce système consiste en deux ganglions sus-œsophagien qui y forment le cerveau. Ces ganglions sont situés chacun à la base d'un des deux bras, dans une cavité particulière. Pour les distinguer, il faut que le polype soumis h l'observation soit placé dans la position que les dessi- nateurs connaissent sous le nom de trois quarts. Cette observation étant très-délicate, il faut ne pas se rebuter si l'on ne tombe pas dans une circon- stance favorable pour distinguer les ganglions cérébraux, et attendre 7G HISTOIRE NATURELLE avec patience cette occasion qui doit révéler l'existence du système ner- veux chez les polypiers. Ces ganglions sont ovales et font saillie au-dessus de l'œsophage, dans la cavité dont nous avons parlé; leur aspect incolore et nacré ne permet pas de les confondre avec d'autres téguments. Il existe aussi dans l'intérieur du polypier des filets simples et non com- posés comme les muscles. Cette particularité jointe à leur aspect distinct et à d'autres considérations, nous portent à croire que ce sont les filets ner- veux de l'animal. Système reproducteur. À la base du système intestinal, on voit un filet incolore présentant ordinairement trois renflements et pendant dans la cavité générale du polypier : c'est le système génital consistant en un ovaire à trois renfle- ments. Pour bien apercevoir ce système, il faut que les polypes soient à jeun et sortis de leur loge; alors l'enveloppe commune devient plus pellu- cide, et l'on peut mieux distinguer les organes contenus dans son intérieur; autrement l'extrême ténuité du système génital et sa transparence ne per- mettent de le reconnaître que très-difficilement. L'ovaire est unique et central; il est inséré d'une part au cul-de-sac de l'estomac, et de l'autre à la paroi latérale du système cutané général. Un peu au-dessous de l'extrémité inférieure du cul-de-sac, on aperçoit un gros renflement presque globuleux, qui est suivi d'un second de même forme, mais moitié plus petit ; puis vient un troisième renflement allongé et fusiforme, après quoi le filet s'insère sur l'enveloppe générale. Vus a un très-fort grossissement, ces renflements, d'après les observations de l'un de nous, paraissent contenir des globules qui sont les ovules contenus dans les ovaires. Parfois on observe au-dessus des renflements de l'ovaire une masse de ces ovules qui en sortent, et qui sont des germes destinés à tomber dans la cavité générale pour s'y développer en embryons. D'autre part, l'un de nous a vu très-distinctement de semblables ovules sortir en masse par l'anus, d'où l'on peut conclure que l'ovaire a une ouverture dans le cul-de-sac de l'estomac, et qu'il émet par là, pendant l'été, les germes destinés à multiplier l'espèce. DES POLYPES COMPOSES D'EAU DOUCE. 77 Nous venons de voir que les ovules sortis des ovaires sont tantôt rejetés par l'anus, tantôt déposés dans la cavité générale du polypier. Ces ovules sont des germes proprement dits, d'abord inertes, mais qui ne lardent pas à se transformer en embryons, doués de mouvement, de locomotilité. et de la faculté de se transporter d'un lieu à un autre à la manière des volvoces. Si on rompt un polypier adulte par sa base, on ne tarde pas à en voir sortir une grande quantité de ces embryons nus, qui se mettent à nager dans le liquide et qui sont au polype ce que la larve des insectes est à l'insecte parfait. Il est donc évident que ces embryons nus proviennent de l'intérieur de la cavité générale. En effet, les ovules sortis des ovaires tombent dans la cavité générale et là se transforment en embryons; ils restent dans cette région du polypier, et si celui-ci n'est pas détruit, ces embryons en sortent en formant des sacs latéraux qui en sont entièrement remplis, et dans lesquels on voit très-distinctement les embryons se rouler les uns sur les autres et se glisser de mille manières sans aucune interrup- tion. Ces sacs latéraux peuvent quelquefois devenir des liyberuacles pour favoriser la conservation de l'espèce durant la froide saison. Lorsque les embryons nus sont sortis du polypier , ils nagent librement dans l'eau, tantôt s'allongeant et se contractant, tantôt se courbant de diverses manières, la pointe toujours en avant, à la manière des planaires. Enfin, ils finissent par se fixer par leur base ; alors ils deviennent immo- biles, leur peau devient turgide et se gonfle, et ils ne tardent pas à donner naissance à un polype presque toujours géminé, et qui, à son tour pro- duisant des bourgeons successifs, devient par la suite un polypier ra- meux. Les embryons nus et locomotiles des lopbopiers sont analogues à ceux que M. Grant a découverts dans les éponges; mais c'est à tort que certains auteurs les ont qualifiés du nom d'ceuf, puisque leur membrane externe appartient à l'embryon lui-même, et que plus tard elle devient la base du système cutané général du polypier. Le véritable œuf possède une mem- brane distincte de l'embryon ; nous en parlerons tout à l'heure. Vers l'automne , on remarque souvent vers la base du polypier des sacs latéraux qui se remplissent de germes, lesquels y restent tantôt à l'état 78 HISTOIRE NATURELLE inerte et ont l'apparence cellulaire, tandis que parfois ils s'y développent à l'état d'embryons. Les premiers sont de véritables propagules qui tom- bent et se maintiennent durant toute la froide saison pour assurer la con- servation de l'espèce. Parfois, au contraire, les embryons se développent dans les sacs latéraux, où on les voit très-distinctement circuler et se rouler les uns sur les autres. Les œufs sont autre cbose : c'est le moyen que la nature emploie le plus communément pour la conservation de l'espèce. Ils sont enveloppés d'une substance cornée brune et très-opaque, qui préserve l'embryon des atteintes de l'hiver et conserve ainsi l'espèce durant la froide saison. Les deux espèces de ce genre que nous avons observées présentent une différence considérable dans la forme de l'œuf. Dans le lopbopier cou- ronné, d'après les observations de l'un de nous, l'œuf est orbiculaire et armé tout autour d'une couronne de petites épines rudes terminées cha- cune par des cils recourbés en hameçons; c'est lui que M. Turpin a pris pour l'œuf de la Crislatella mucedo. Dans le lopbopier de Trembley, l'œuf est ovale et ne présente pas la couronne de hameçons qui rend l'autre si ex- traordinaire; ils sont simplement enveloppés d'une large bordure unie et fine. Ces œufs se forment vers la base du polypier, lorsque les pluies de l'au- tomne décomposant les eaux , les rendent fétides et empêchent l'animal de continuer à vivre; alors les embryons contenus dans l'intérieur du polypier se transforment en œufs recouverts de l'enveloppe cornée que nous venons de décrire , et par là propres à résister à toutes les vicissi- tudes de l'hiver. Ils ne sortent pas cependant du polypier, et par consé- quent ils ne sont pas pondus par l'animal, mais lorsque celui-ci, arrivant à la décomposition, tombe en déliquescence, ces œufs, restés libres, des- cendent au fond des étangs et y passent l'hiver, le plus communément attachés aux rhizomes des nymphœacées et des autres plantes aqua- tiques. Nous avons dit que l'une des deux espèces de lophopier avait ses œufs bordés d'une rangée d'épines terminées par des cils en hameçons. En ob- servant cette curieuse particularité, M. Turpin s'est écrié : « Quelle est la DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 79 » malheureuse mère condamnée à pondre des œufs si horriblement béris- » ses de crochets1? » Nous avons fait remarquer que ces œufs n'étaient pas pondus, mais le seraient-ils, leur ponte n'occasionnerait aucun mal à la mère, ne déchirerait pas ses flancs; car, pendant tout le temps que ces œufs sont contenus dans le polypier, et même encore après qu'ils sont libres, les épines en hameçons qui forment la couronne dont ils sont marginés sont repliées sur la face inférieure de l'œuf, et appliqués si exactement contre cette face que c'est à peine si on peut les voir. Dans cet état, l'œuf présente à son pourtour une bordure circulaire parfaitement lisse, et ce n'est que lorsqu'il est devenu libre que les épines formant la couronne se détachent, se redressent et montrent l'œuf, hérissé sur toute sa circonférence d'épines rudes terminées chacune par plusieurs cils re- courbés en hameçons. Les œufs passent l'hiver au fond des étangs, dans la vase ou à la base des plantes aquatiques; au printemps, ils deviennent plus légers que l'eau et s'élèvent à sa surface où ils éclosent. L'éclosion a lieu dans le com- mencement de mai, elle se fait par la rupture de l'œuf qui s'ouvre en deux valves, non pas transversalement comme l'a représenté M. Turpin, mais le long de la suture formant le bourrelet marginal. C'est par cette fissure que sort l'embryon. D'abord l'œuf se gonfle et s'entrouve légère- ment; on aperçoit l'embryon par la fissure. Peu à peu, il sort et montre l'extrémité de ses tentacules; alors la respiration commence et l'animal acquérant plus de force, on le voit sortir son corps de l'œuf auquel il est attaché. 11 reste plusieurs jours dans cet état , jusqu'à ce qu'enfin il s'en détache complètement. Lorsque le jeune lophopier a quitté son écaille, il flotte dans le liquide jusqu'à ce qu'il rencontre une surface qui lui offre de la solidité, une pierre, un morceau de bois, une tige de plante aquatique; alors il se fixe par sa base, qui paraît constituer un suçoir; il se développe, s'épa- nouit, se ramifie et devient un polypier. Une chose digne de remarque, c'est que les œufs du lophopier ne con- * Turp., Ann. se. nat., 7, p. G6. 80 HISTOIRE NATURELLE tiennent pas un embryon unique, niais trois embryons, naissant d'une enveloppe commune, l'un au centre, à l'opposite du suçoir, et les deux autres à droite et à gauche du premier, disposés dans la forme d'un trident; au contraire, les embryons d'été fournissent communément deux polypes, bien que quelquefois ils n'en présentent qu'un seul. Cette par- ticularité curieuse s'observera sans doute dans les autres genres de la même famille. Ramification du polypier. Les naturalistes ont admis que les polypiers composés se ramifiaient au moyen d'oeufs qui viennent se disposer à leur surface; c'est ainsi que l'on a cherché à expliquer le phénomène de la ramification des polypiers (jui donne à ces êtres les apparences d'une végétation. L'observation des polypiers cornés et des madrépores devait prouver le contraire, vu que les tubes qu'on y rencontre se continuent du sommet à la base; or cette con- tinuité de la cavité générale n'aurait pas lieu si de nouveaux polypes venaient extérieurement se superposer aux anciens. Mais l'étude du lo- phopier, que la transparence et l'absence de polypier solide rendent si utile et si commode pour déterminer les lois physiologiques qui régissent ces petits êtres, nous a démontré que les polypes destinés a former de nou- veaux bourgeons se forment à l'intérieur de la cavité générale, et n'en sortent qu'après leur entier développement. Le premier état d'un bourgeon se présente sous la forme d'une masse muqueuse attachée à la paroi intérieure du système cutané général du polypier, et communément vers l'endroit où le système cutané individuel se réunit au système cutané général. Cette masse muqueuse adhère forte- ment à la face intérieure de la peau du polypier, et elle paraît composée de plusieurs lobes contournés les uns sur les autres. Il se forme donc là un bourgeon adventif qui , une fois appliqué à la peau , y établira un foyer de vitalité dont l'effet sera d'exciter à l'intérieur le développement de sa masse, et à l'extérieur une tuméfaction naissant de dessous la peau et for- mant en dehors une protubérance. DES POLYPES COMPOSÉS D'EAU DOUCE. 81 Le deuxième état de développement du bourgeon adventif présente déjà cette protubérance du système cutané. C'est d'abord une faible bosse- lure qui tend à s'accroître avec rapidité. Les lobes de la masse muqueuse se développent, se déroulent et prennent une forme allongée de manière à former un corps pseudo-embryonnaire. Ce corps est stationnaire et im- mobile, toujours collé par le dos à la paroi latérale du système cutané du polypier. Le troisième état est indiqué par la séparation des lobes; on voit que les plis de la masse primitive se métamorphosent en intestins , et on y aperçoit l'estomac, le gésier et l'intestin. Le premier est replié sur lui- même et inséré parallèlement aux autres viscères. On ne voit encore aucune trace du système tentaculaire, seulement la protubérance du sys- tème cutané se prononce fortement , et fait une notable saillie en dehors. Au quatrième état, on voit l'estomac se détacher du système cutané, mais il y laisse un filet qui deviendra l'ovaire, fixé d'une part à l'estomac et de l'autre à la cavité générale. En se détachant du système cutané, l'estomac est contourné sur lui-même. Au sommet du gésier on voit l'œsophage, qui apparaît obscurément dans la proéminence toujours crois- sante du système dermique général du polypier. Le cinquième état se signale par la présence des muscles que l'on peut distinctement reconnaître; de son côté, le système intestinal se dis- tingue de plus en plus. A la proéminence du système cutané général appa- raît un bouton renfermant le système cutané individuel et les premières traces des tentacules. Le système intestinal est manifestement cave à l'in- térieur, et on reconnaît son épaisseur dermo- musculaire comme elle existe sur les jeunes polypes tout formés. Le sixième état présente un système intestinal parfaitement libre, et se mouvant dans la cavité générale. On y distingue l'estomac , le gésier et l'intestin, et l'on aperçoit leurs mouvements péristaltiques, qui mani- festent l'existence de la vie. Les tentacules sont de plus en plus apparents, et les branchiules paraissent roulées dans la partie supérieure de la proé- minence du système dermique. Celle-ci se perfore distinctement au sommet, et le jeune polype commence à avaler par cette ouverture de CompL, t. XVI. il 82 HISTOIRE NATURELLE l'eau et des matières alimentaires, ce qui donne naissance aux mouve- ments péristaltiques de l'estomac. On voit distinctement le sommet de l'œsophage opérer de temps à autre ses mouvements de déglutition comme le ferait l'animal parfait, seulement ces mouvements sont beau- coup plus faibles. Au septième état, le polype nouveau étant entièrement formé, on aper- çoit les branchiules qui font saillie hors de l'enveloppe générale, et qui en sortent par l'orifice que nous avons signalée au sixième état. Ces bran- chiules ne sont pas droites et fasciculées comme dans les polypes adultes, elles sont au contraire condupliquées et repliées sur elles-mêmes, de ma- nière à sortir de l'enveloppe générale le milieu d'abord. Le huitième état est la dernière phase de l'embryogénie du lophopier. Les bras se redressent en sortant de l'enveloppe générale ; les branchiules se déroulent les unes après les autres, en commençant par les supérieures et pour ne plusse rouler jamais. A peine sont-elles déroulées que la respi- ration s'établit immédiatement et avec force, et bientôt le système cutané individuel ne tarde pas à sortir de l'enveloppe commune, entièrement formé. Alors un polype nouveau existe à la surface du polypier; la proéminence dont il est issu forme un lobe de plus, qui lui-même produira à son tour d'autres lobes en passant par les mêmes phases, et ainsi le po- lypier se ramifiera indéfiniment. Le temps nécessaire à l'évolution d'un polype par bourgeon varie suivant la température de l'atmosphère. Dans les chaleurs de l'été, il suffit de quatre ou cinq jours, tandis que huit à dix jours et même davantage sont nécessaires, par les temps froids, pour qu'un polype arrive à son entier développement. Tel est le mode que la nature emploie pour la ramification du poly- pier et le développement de nouveaux bourgeons chez les lophopiers. Ces bourgeons ne sont donc pas, comme on l'a dit, produits par des œufs de polypes qui viennent se déposer extérieurement à la surface du poly- pier, ils sont produits par de nouveaux polypes qui se développent à l'in- térieur de l'enveloppe générale. Nul doute que pareille chose s'opère dans tous les polypiers véritablement composés, à quelque division qu'ils appar- DES POLYPES COMPOSÉS D'EÀU DOUCE. 85 tiennent. Ainsi s'explique également le mode de production des nouveaux polypes dans les hydres, sur lequel on n'avait que des données vagues et incertaines. Le mode de développement que nous venons de présenter est le même dans les embryons nus des polypiers composés d'eau douce. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. Paludicella Eiikenbergii. Fig. 1 Une colonie polypiaire un peu plus grande que grandeur naturelle. 1 '. Le même grossi dix fois , montrant quelques Polypes épanouis, u. b. Ouvertures de la loge polypiaire ou péristome. c. Bourgeons, d. Cloisons qui séparent les différentes loges , de manière à isoler chaque Polype. 1". Deux loges, vues au même grossissement, en hiver avec leurs hibernacles a. 2. Une seule loge et un bourgeon vus à un plus fort grossissement. L'animal vu de profil est entièrement épanoui. Les viscères sont dans leur position normale. L'individu est observé à travers les parois transparentes. On découvre facilement tous les organes. aaa. Couronne tenlaculaire formant un entonnoir. Tous les tentacules sont éga- lement longs, et couverts de cils dans toute la longueur. 11 n'y a pas de membrane intertentaculaire à la base. 6. Cavité buccale toute couverte de cils vibratils. 11 n'y a point de lèvre. c. OEsophage, caché en partie au-dessous du rectum. On n'aperçoit pas de val- vule sur son trajet. d. Estomac, montrant aussi l'épaisseur de ses parois. e. Cils pyloriques disposés en demi-lune sur la surface interne du pylore. Ils impriment par leur action, un mouvement de rotation aux particules ali- mentaires qui se rendent dans cette région. /'. Parois de l'estomac. (j. Valvule pyloiïque. Ii. Intestin placé parallèlement avec l'œsophage. On voit des fèces dans son in- térieur. i. Anus. CompL, t. XVI. i 2 86 EXPLICATION DES PLANCHES. k. Membrane formant la gaîne autour du cou du Polype. Elle descend de la base des tentacules, forme l'enveloppe externe dans cette région, se replie pour constituer une gaîne qui se déroule comme un doigt de gant, perd ensuite sa mollesse et se modifie en parois de la loge polypiaire. /. Muscle rétracteur du canal intestinal. Il s'insère d'un côté au cul-de-sac de l'estomac et de l'autre aux parois de la loge. Il aide à la rentrée de l'animal. m. Long muscle rétracteur qui s'insère d'un côté à la base de la couronne ten- taculaire et de l'autre côté au fond de la loge. C'est le muscle le plus long et le plus puissant. C'est surtout par son action que le Polype se retire si subitement lorsqu'il est inquiété, n. Court muscle rétracteur; il agit surtout après le précédent lorsque le Polype est inquiété encore après la première contraction. ooo. Cordons musculaires transverses; ils sont extenseurs du Polype en rapprochant les parois de la loge et en agissant ainsi secondairement sur lui. p. Bourgeon vu de profil; les parois de la loge sont continues; vers le milieu on aperçoit une dépression d'où sortira le nouvel individu. qq. Cloison ou diaphragme qui sépare les loges dès le principe. rr. Indique la cavité entre la peau et le tube digestif; elle est remplie de liquide contenant des globules; c'est le sang. s. C'est surtout dans cette région que l'on distingue bien la circulation. Elle est indiquée par les deux flèches. Fig. 5. Une autre loge coupée en dessous de la précédente. Elle montre un Polype vu également de profil , mais rentré dans sa gaine. Les mêmes lettres indiquent les mêmes organes. Les tentacules sont serrés et fléchis, l'œsophage se replie vers son milieu; le bout de l'intestin est maintenu par la peau de la gaîne. 4. Un Polype vu de face, rentré dans sa loge. Les mêmes lettres indiquent aussi les mêmes objets. On voit à droite et à gauche les longs et les courts rétracteurs. L'intestin est caché derrière l'œsophage et les tentacules. On aperçoit en avant un bourgeon vu de face; au lieu d'une dépression, le futur Polype présente ainsi la forme d'un œuf. U. Muscles extenseurs de la gaîne. u. La bouche de la loge ou mieux le péristome. 5. La coupe idéale d'un Polype. Les mêmes lettres indiquent les mêmes organes. 6. Le bout d'un tentacule vu à un fort grossissement. EXPLICATION DES PLANCHES. 87 PLANCHE II. P.UXWCELLA EhRESBERGII. Cette planche montre la série des transformations du Polype provenant d'un bourgeon. On voit toutes les phases de- puis la lig. 1 jusqu'à 17. Les mêmes lettres indiquent dans toutes ces figures les mêmes objets. De 18 à 25 ce sont les mêmes bourgeons vus à un plus fort grossissement. Les n"° 24 à 35 montrent les bourgeons d'hiver ou les hi- bernacles et le développement du polypier. Fig. 1. Un Polype rentré dans sa loge, vu de profil. a. Péristome. b. Gaine tentaculaire. c. Couronne tentaculaire. d. Cavité buccale. e. OEsophage. /'. Estomac. g. Pylore. h. Intestin. i. Anus. k. Peau qui se réfléchit de la base des tentacules sur l'extrémité de l'intestin. /. Muscle rétracteur de l'estomac. m. Grand muscle rétracteur. n. Petit muscle rétracteur. o. Muscles extenseurs communs. p. Bourgeon. 2. On voit dans la figure précédente p comment ce bourgeon apparaît; dans toutes les figures qui suivent jusqu'à 17, c'est le même bourgeon. 1. La peau. 2. Cellules ou vésicules formées dans l'intérieur et qui représentent le vitellus de l'œuf. 5. Il s'est opéré des changements importants. La peau extérieure se dessine en même temps que l'on aperçoit déjà au milieu la couche qui constituera la cavité digestive. On dé- couvre la couche muqueuse, la couche vasculaire et la couche extérieure. 5. Vésicules représentant le vitellus. 4. Vu de profil. La cavité intestinale s'est un peu agrandie. 5. Vu du même côté. La muqueuse s'étend en dedans et forme un cul-de-sac plus profond. G. Le même vu de face, ou dans la même position que la figure 5. La fente c indique l'es- pace entre les tentacules. Les lèvres de cette fente vont produire les tentacules. 7. Le bourgeon vu de profil. 8. Les bords de la lèvre, indiqués sur la figure 6, s'échancrent dans toute leur longueur, ou mieux il s'élève de leur surface des tubercules qui donneront origine à autant de tentacules. L'embryon s'est développé en longueur comme la loge. 9. Le cul-de-sac s'étend jusqu'aux parois opposées, et on voit le commencement du muscle rétracteur de l'estomac. L'espace péri-intestinal s'est formé; le liquide qui le remplit se meut par l'action des cils vibratils qui recouvrent la surface interne. 10. L'intestin se forme par extension, et la cavité et les tentacules apparaissent. On voit des 88 EXPLICATION DES PLANCHES. vésicules transparentes dans l'intérieur de la cavité stomacale. Cette cavité semble se formel-, comme la cavité péri-intestinale, par un liquide qui distend les parois. On voit aussi apparaître le muscle long rétracteur. Fig. 1 i. I /intestin est formé; sa gaîne lentaculaire devient évidente. 12. La coupe idéale du Polype à ce degré de développement. La flèche indique le trajet du canal intestinal. 15. L'embryon vu de profil. La bouche x est indiquée au milieu de la gaîne tentaculaire. IL L'intestin s'isole; tous les organes deviennent plus distincts. 15. Le même vu obliquement pour montrer le rebord tentaculaire. La cavité de l'estomac s'allonge en dessous. 16. L'ouverture de la loge commence à se ramollir au bout de la gaîne pour former le pé- ristome. 17. Le Polype est pourvu de tous ses organes. Les tentacules ainsi que la cavité digestive doivent encore s'étendre, et les parois de la loge s'ouvrent pour livrer passage au nouvel individu. Il peut dès lors se mettre en rapport avec le monde extérieur. 17'. Une coupe idéale. La flèche indique tout le trajet du canal intestinal. Elle entre au mi- lieu des tentacules par la bouche, sort par l'anus et se retrouve dans la cavité com- mune formée par la gaîne. 18-22. Le même bourgeon dans ses premières phases de développement, vu à un plus fort grossissement. On distingue ici de bonne heure les vésicules transparentes que l'on doit, croyons- nous, considérer comme les analogues des vésicules qui apparaissent dans le vitellus lorsqu'il commence à se bosseler. Elles servent évidemment à creuser le canal intestinal ou à tenir les parois à distance. 25. Un embryon au même grossissement, isolé et vu de face. 24. Polypier avec hibernacles. 25. L'n hibernaclc isolé vu à un plus fort grossissement. 25'. Les globules qu il contient. 2C-57. L'hibernacle se sépare en deux valves, comme un mollusque acéphale. On voit poindre successivement le Polype et ses bourgeons. On voit quelquefois de ces valves attachées encore, au milieu de l'été, au polypier. EXPLICATION DES PLANCHES. 89 PLANCHE III. FnEt'F.RicrxLA sultan a. Gerv. Les mêmes lettres de celle planche indiquent les mêmes objels. Fig. i. Une colonie polypiaire étendue sur un morceau de bois, un peu plus que grandeur na- turelle. 2. Une branche vue à un plus fort grossissement. On voil plusieurs Polypes épanouis. On dislingue les œufs a. a. à travers les parois du polypier. 5. L'extrémité d'une branche vue à un plus fort grossissement, montrant deux individus épanouis et vus de profil. On voit les tentacules plus longs d'un côté et par là une tendance vers la disposition en fer-à-cheval. A , C. Deux individus épanouis. B. Un autre sur le point de s'épanouir. b. Couronne tentaculaire. c. Membrane intertentaculaire. d. La bouche et la lèvre. e. Cavité buccale. f. OEsophage. g. Anus. h. Fèces. ». Estomac. h. Ovaire. /. Muscle rétracteur de l'estomac. m. Muscle long rétracteur. n. Peau. oo. Muscles courts rétracteurs. Z. Ganglion nerveux. 4. L'aspect du polypier vu à un plus fort grossissement. Des grains de sable et toutes sortes de corps étrangers incrustent les parois. 5. Un Polype complet, isolé, à moitié épanoui, tel qu'il se tient dans sa loge. Jamais les parois du polypier ne sont transparentes. 6. La couronne tentaculaire isolée pour montrer la disposition de lu membrane in- tertentaculaire. On voit aussi dans cette figure, en dessons des tentacules, de courts appendices à la surface de la peau. Cette couronne est vue du côté du dos , comme l'indique la situation du rectum. 7. Un ovaire isolé montrant des œufs à différents degrés de développement. 8. Un œuf isolé, vu de profil, un peu plus mûr. 10. Un œuf au dernier degré de maturité. 90 EXPLICATION DES PLANCHES. Fig. \ 1-16. Des œufs dans lesquels l'embryon s'est développé et qui font le point de départ d'une nouvelle colonie. p. Le Polype. q. La bouche. 17. Un de ces embryons dégagé de sa coque et montrant déjà ses différents organes. s. Tentacules. /. OEsophage. u. Estomac. v. Intestin. 18. Un autre embryon , dégagé aussi de sa coque, un peu plus avancé , montrant un nou- vel individu en voie de développement. EXPLICATION DES PLANCHES. 91 PLANCHE IV. Alcyonella funcosa. Pallas. Les mêmes lettres Je cette planche indiquent les mêmes organes. Fig. 1. Deux loges ouvertes dans leur longueur; l'une montre un Polype épanoui A, l'autre un Polype rentré B. On reconnaît les parois du polypier à leur couleur. En avant, cette couleur se perd insensiblement, les parois deviennent plus transparentes, perdent de leur consistance et se ramollissent pour le passage de la couronne de tentacules. On voit un ver dans la cavité péri-intestinale; sur le côté, en jaune, on voit des fèces évacuées. a. Couronne tentaculaire. b. Lèvre jouissant d'une grande mobilité. c. Cavité buccale. d. OEsopbage. e. Estomac. f. Rectum ou intestin. g. Anus. h. Valvule œsophagienne. ». Ëpiderme. I. Ganglion nerveux. (On a mis par erreur un b au lieu d'un l.) m. Long muscle rétracteur. n. Courts muscles rétracteurs de la gaîne. o. Ovaire dans l'un et testicule dans l'autre. p. Bourgeon. q. Embryons à trois degrés différents de développement. r. Le derme. s. L'épidémie. 2. Un individu vu à un plus fort grossissement pour montrer le repli forme par la peau et la manière dont il rentre dans la loge. Le Polype est vu obliquement du côté du dos. En m on voit les muscles longs rétracteurs et la manière dont ils se terminent a la base des tentacules. En n on aperçoit les cordons musculaires situés tout autour de la gaîne pour faire rentrer celle-ci ou pour l'enrouler, t montre la membrane qui unit les dilférents tentacules les uns aux autres. 5. Les muscles longs réfracteurs isolés pour montrer leur mode de terminaison et leurs rapports avec le ganglion nerveux. 4. Une coupe de la gaîne avec ses bandes musculaires, l'épaisseur du derme r et de l'épi- démie s. 5. L'entrée du canal digestif. o. La bouche véritable. b. La lèvre mobile. /. Ganglion nerveux et collier œsophagien. î>2 EXPLICATION DES PLANCHES. Fig. 6. Tentacule fortement grossi. 7. Ganglion nerveux isolé. S. Fibres musculaires. 9. Parasite observé dans la cavité néri-intestinale. 9'. La léle. 9". I.e milieu du corps avec les oeufs. 9'". Les œufs isolés. EXPLICATION DES PLANCHES. 95 PLANCHE V. Alcïonell.v fusgosa. Pallas. Fig. \. Une Alcionelle sortie de sa gaine polypiaire , encore enveloppée de toute part de son derme; l'animal est légèrement comprimé entre deux plaques de verre. On voit un individu adulte et des embryons de divers âges sur le côté. Un mouvement circula- toire s'aperçoit surtout sur le côté en avant et au fond du cul-de-sac. Autour des œufs contenus encore dans leur ovisac, on voit flotter des spermatozoïdes. Les mêmes lettres indiquent les mêmes objets que dans la planche précédente. 2. Un spermato-sac isolé, contenant différentes cellules à spermatozoïdes. 2a. Une de ces cellules isolée. 26. Cinq spermatozoïdes encore enveloppés. 2c. Plusieurs autres encore emprisonnés dans leur enveloppe. d-l. Montrant le mode de développement du spermatozoïde. La membrane cellulaire ne fait que s'étendre en dehors, et ce prolongement forme la queue. 3. Un cul-de-sac de l'estomac isolé, montrant un ovaire et des œufs au même degré de dé- veloppement. On voit au centre de tous ces œufs la vésicule et la tache germi- native. 3a. Un de ces œufs isolé, montrant le vitellus, la vésicule germinative de Purkinje et celle de Wagner. 56. Un autre œuf un peu plus avancé. 3c. Un autre plus avancé encore montrant deux taches de Wagner. od-g. Les vésicules ont disparu, l'œuf est devenu opaque, et la coque s'est insen- siblement développée. 4. Un œuf pourvu de son bourrelet contenu encore dans son ovisac. 5. Un œuf isolé complet vu de face et de profil. 6-8. L'embryon en voie de développement tel qu'il est contenu dans cet œuf. 9. Les deux valves formant la coque. 10-14. Embryon mobile ou œuf mobile qui, au lieu de coque, est ouvert de cils vibratils et nage comme un infusoire. Il se forme deux embryons simultanément. cm. La gaine. 6. Le corps du polype. c. Tentacules. d. Vésicule? e. Péristome. lo. Une Alcyonelle chargée d'œufs, retirée de sa loge en automne. 16. Jeune colonie développée sur une vanne. CompL, t. XVI. 15 94 EXPLICATION DES PLANCHES. Fig. 17. Autre jeune colonie. 18. Colonie adulte de grandeur naturelle. Ce polypier s'est développé autour d'une tige à'Arundo phragmites, tout près de la surface de l'eau. Presque tous les pieds de ce roseau en portaient dans cette pièce d'eau. Le polypier montre une coupe horizontale pour fair voir la disposition rayonnée des loges autour de la tige. d9. Un morceau du même montrant une coupe longitudinale ou de dedans en dehors. De grandeur naturelle. EXPLICATION DES PLANCHES. 95 PLANCHE VI. LOPHOPUS CRÏSTVLLINUS. DllITt . Fig. i. Un lophopier attaché à un jonc aquatique et enveloppé de sa masse muqueuse, représenté de grandeur naturelle. 2. Le même grossi pour montrer la disposition du polypier dans son jeune âge. On v re- marque le polypier commun formé par le système cutané général et enveloppé dans la masse muqueuse qu'il exsude. Divers Polypes sont épanouis, d'autres sortent de leur étui, d'autres enfin sont rentrés dans la masse commune. On remarque divers bourgeons naissants destinés à donner naissance à des bras nouveaux. 3. Rameau du polypier ci-dessus, fortement grossi et comprenant trois polypes adultes, l'un développé et vu de face, le second développé et vu de côté, le troisième plus jeune et rentré dans la masse commune. a, b , c, d, e. Système dermique de la masse commune. e, b, f, g. Système dermique individuel, sorti de la masse commune. e, h. Le même, rentré dans la masse commune et servant d'étui aux branchiules qu'il renferme. a, b. Anneau du système cutané général ou s'insère le système cutané individuel. f, g. Le col. g , i. Bras partant du sommet du Polype et portant les branchiules. k. Les branchiules réunies à leur base par une membrane faisant entonnoir. I. Muscles du système cutané individuel. m. Muscles du système cutané général. n. Bouche. o. Oesophage. p. Gésier. q. Estomac. r. Cul-de-sac de l'estomac. s. Intestin. t. Anus. h. Ovaires. 4. Portion du système cutané général fortement grossie. 5. Un Polype vu par le dos. a,b. Le col. a, b, c,d. Système dermique individuel. b,e, g. Le bras droit et ses branchiules. a, f, h. Le bras gauche et ses branchiules. i, i. Les deux muscles labiaux. h, k. Les deux muscles cervico-tentaculaires. I. L'estomac. 9G EXPLICATION DES PLANCHES. m. L'intestin. n. L'anus. o. Les deux ganglions sus-œsophagiens. Fig. 6. Région du col fortement grossie, pour montrer la situation des organes. a. Ganglions sus-œsophagiens. b. Lèvre supérieure. c. Lèvre inférieure. cl. Oesophage. f. Anus. z. Intestin. 7. La bouche. 8, 9, 10. Ovaires. On voit, fig. 9, une masse de globules qui paraissent sortir du renfle- ment supérieur. 1 1. Agrégat de globules du sang, formé dans les bras et qui retombe enfin dans la cavité générale. 12. Premier état du bourgeon qui se forme à la paroi intérieure de la cavité générale et qui deviendra plus tard un Polype. 15. Deuxième état : les lobes de la masse figurée au numéro précédent prennent une forme allongée. 14. Troisième état : les lobes se séparent pour former les intestins. 15. Quatrième état : le cul-de-sac de l'estomac se sépare et reste attaché par l'ovaire. 16. Cinquième état : les intestins se séparent de plus en plus et laissent entrevoir les muscles ; l'enveloppe générale forme une proéminence marquée. 17. Sixième état : la proéminence se perfore, et le jeune Polype commence à avaler par celte ouverture. 18. Septième étal : la branchiules, repliées sur elles-mêmes, commencent à vouloir sortir de l'enveloppe générale. 19. Sortie des bras; les branchiules se déplient, s'épanouissent; l'animal respire. 30. Base d'un polypier brisée et de laquelle sortent des embryons nus. 21. Embryons nus. 22. OEuf vu par le dos et en état d'éclosion , fortement grossi. 23. Le même vu de profil. 24. Jeune Polype sorti de l'œuf el fixé par son suçoir. 25. Base d'un polypier, présentant des renflements qui se formeront en propagules. 26. La même dont les propagules vont se développer. 27. Un propagule quelque temps après sa séparation. 28. Trois sacs formés à la base du polypier et dans lesquels on aperçoit une quantité d'em- bryons nus roulant avec rapidité les uns sur les autres. FIN. M \rnil.di-l5i-iix. I. \\ a. . J 1 l'a I iid icol l;i Klivenbpru'ii . Mém.AcafLcLcBmrx.T, XV. l'I.li. l'.-iludirrlla l ' . 1 1 1 ■ < ■ 1 1 1 > i • ! ■ <_; i i . Mcni. .Wiicl Hc Bpux. T. \\ . l'I.III. . Kredericilla Sultana Mém.. Vcad.de Brux T. XV. IV AJ.cyon.ella funoosa . M.'-m.A.-afl.cl.-li.-uvT. W, Pl.V. Mi'VoiH'lla L'imposa ' ! r:, rC .3 *-^. - ^^b"*5" ' - m