HARVARD UNIVERSITY Library of the Muséum of Comparative Zoology 7/ i^^f^ ~ t APR8 Î929' HISTOIRE NATURELLE DES REPTILES, c^o ■^ • [ISTOIRE naturelle' > DES REPTILES, avec figures dessinées d'après nature ; xr C. S. SONNINI , Homme de Lettres- Naturaliste, et P. A. LATREILLB . Membre associé de l'Institut national. TOME III. SECONDE PARTIE. S E R P E N S. DE L'iMPRlME.^j, ^^ CRAPELET. A PAKo Chez DlLTEUViLi'E, rue du K^^i^,^ ^^. ^q^ ^ > a: îf. UJ < '-:i' > "v; C^ s MX- 5i o^ out du 7/tu^reau , q platpta. du ventre , jû . vetited" n/a ainsi dire , leur corps , et retirent à DES S E R F E N S. 23 i) eux leur queue qui leur avoitsaivi à M se suspendre )). La forme des serpens étant très-alon- gee , il n'est pas surprenant que ces rep- tiles surpassent en longueur tous les animaux , à l'exception des cétacés. Nous devons cependant observer ici , avec Daubenton , qu'il y a beaucoup de choix à faire dans les rapports des voyageurs sur la grandeur démesurée de quelques-uns de ces animaux. L'exa- gération est souvent d'autant plus for- te , que l'imagination effrayée a grossi les objets. D'après André Cleyerus , on auroit trouvé dans le corps de certains serpens des Indes orientales , des cerfs de moyenne grandeur , des boucs sauvages avec leurs cornes. Le père Gumilla nous dit , dans son histoire de l'Orenoque , que le serpent le plus commun de ce pays , appelé aviosa, ou mère de Veau, par les In- diens , ressemble à un vieux tronc ds 24 HISTOIRE NATURELLE pin abattu j que son corps fait snr le ter- rein où il passe , une traînée comme celle d'un mât ou cVungros arbre; qu'il a neuf aunes de longueur . et que sa grosseur est proportionnée. On connoît ce fait célèbre de l'his- toire ancienne , où il est parlé du serpent auquel Régulus fut obligé de livrer combat. Plusieurs soldats qui s'approclioicnt du lleuv^e Begrada (au- jourd'hui Megrada ) , entre Utiqno et Cartilage , pour puiser de l'eau , avoient été les victimes de cet énorme et terrible animal. Sa peau impéné- trable avoit résisté à tous les traits lancés contre lui. 11 fallut dresser contre lui des machines de guerre , l'attaquer en forme comme une citadelle. Une pierre d'une grosseur prodigieuse lui brisa enfin 5 après bien des cffortsinuLi- les. l'épine du dos, etl'étenditpar terre. Régulus envoya à Rome sa peau, qui ctoit longue, dit-on, de cent vingt pieds. Reste à savoir quelle cLoit cette mesure. DES S E R P E N 6. 9.5 On seroit volontiers tente de rcvo- \quer en doute des faits aussi extraor- dinaires, si nous n'avions un témoi- gnage plus certain , et qui sert, en quelque manière , de garantie aux pré- cédens , celui du célèbre Adanson. Etant au Sénégal , on lui apporta deux individus médiocres de serpent , nom- mé dans le pays, serpent géant. Le plus grand de ces individus avoit vingt- deux jiieds et quelques pouces de long sur huit pouces de large. La peati éten- due avoit deux pieds deux pouces de largeur. Ou la donna à ce Naturaliste, avec un trouçon de la cliair , dont le reste devoit faire le repas du chasseur et de toutson village, pendant plusieurs jours. La tête égaloit en grandeur ClIIc d'un crocodile de cinq à six pieds; \ç^% dents étoient longues de plus d'un de- mi-pouce ; Couverture de la gueule étoit suffisante pour avaler un chien assez gros. Des témoignages des naturels d u pays, Reptiles. III. 3 26 HISTOIRE NATURELLE comparés avec les observations faites sur les individus prëcédens de ce mons- trueux reptile , le cit. Adanson con- clut que les plus grands doivent avoir quarante à cinquante pieds de long sur un ou un et demi de large. Mais quoique les serpens excèdent en longueur les plus grands vivipares, leur masse , comparée avec celle des petits reptiles j est, suivant la judicieuse remarque du cit. Lacépède , dans le même rapport que la masse des grands éléi^lians, des liyppopotames, avec celle des rats, des musaraignes et des plus petits quadrupèdes. Nous avons vu le point le plus élevé de l'échelle de grandeur des serpens. Si nous considérons le plus bas, nous trou- verons de ces reptiles qui n'ont que quelques pouces de longueur. Le grand espace intermédiaire présente divers degrés et différentes nuances de me- sure. A l'exception des premiers degrés ou des plus grands qui ici ^ comme dans DES S E R P E N S. 27 toutes les autres classes , sont presque isolés , les passages sont bien ménagés , et nous arrivons insensiblement aa der- nier terme de la série. Cette variété singulière de longueur, dans les animaux de cet ordre , les cou- leurs brillantes de leur robe si merveil- leusement fondues les unes dans les au- tres; l'élégance, la beauté du dessin qui frappe dans la distribution de ces nuan- ces , de ces taches, de ces raies et de ces bandes, la forme et la figure des écailles qui revêtent la peau , doivent nous forcer d'avouer , quelqu'antipa- thie que nous ayons contre les serpens, qu'ils excitent notre surprise et notre admiration. Les serpens sont répandus sur tous les points de la surface, du globe. Les pays qui leur sont cependant les plus favorables, ceux où se trouvent les plus énormes , paroissent être ceux qui jouis- sent d'une température chaude et hu- mide y comme la Guyane. Les grande* 28 HISTOIRE NATURELLE espèces semblent aussi appartenir à nu plus grand nombre de contrées diffé- rentes ; parce que , comme le remar- que le cit. Lacépède , leurs forces plus puissantes, leurs armes plus meurtriè- res auront pu les rendre plus redouta- bles et plus ) udépendantes. Elles auront lutté , avec plus d'avantage , contre leurs ennemis , et possédant paisible- ment les domaines que ]a nature leur assigna , leur forme primitive aura été rnoins altérée que celle des petites es- pèces , toujours cliassées de leur pays natal, et plus subordonnées à l'influence des cliangemens de température , et plus exposées à divers autres accidens qui auront étrangement modifié leurs formes , leurs couleurs , leurs habitu- des même. Ce n'est pas seulement une plus grande abondance de chaleur qui re- tient, suivant le citoyen Lacépède, les grandes espèces de l'ordre desserpens , aux environs de l'équateur et des tro- DES S F. R P E N S. 2^ Iniques. Il faut admettre pour seconde cause une quantité de fluide électrique plus grande dans ces climats. Se com- binant avec le calorique , il anime des êtres qui sont naturellement froids et qui tendent à l'inertie. L'accouplement des serpens adonné lieu à mille contes absurdes et ridicules. L-e faitestqueles deux sexes sont étroi- tement unis ; que le corps de ces ani- maux étant très-flexible , le mâle et la femelle se replient l'un autour de Tau- Ire , et ne forment, en apparence , qu'un corps à deux têtes. Le mâle fait sortir par l'anus les or- ganes fécondateurs , et que nous avons dit être doubles. Leur union dure long- temps, et cela est une suite du défaut de vésicules séminales , du retard qu'é- prouve la liqueur vivifiante en passant dans les longs conduits qui vont des testicules à l'extrémité de la verge : cette dernière partie est d'ailleurs garnie de pointes propres à retenir la femelle- 3o HISTOIRE NATURELLE De même q^ue les oiseaux, les repti- les précédons , les poissons , les serpenf viennent d'nn œnf. Les espèces dans lesquelles ces oeufs éclosent dans le ven- tre de la mère , sont nomme'es vipères ^ au lieu de viviparfts , qui désigne spé- cialement les animaux vivipares pro- prement dits. Faisons bien sentir, avep le cit. Lacépède, la différence qui existe entre ces animaux vivipares propre- ment dils , et les ovipares ; car comme ioLis les animaux peuvent être censés avoir pris leur origine d'un œuf , il semble que cette distinction n'est q^u'i- déale. On peut donc, si l'on veut, admettre deux sortes d'ceufs, l'nn incomplet , et qui n'a lieu que dans l'iiomme et dans les quadrupèdes. L.e fœtus y est ren- fermé sous une enveloppe appelée ani~ nios y avec un peu de liqueur alimen- taire; mais comme cette liqueur n'est pas suffisante pour nourrir le fœtus ju,;- q^u'au moment de son entier déveloj^î- 13 ES SERPENS. 3t pemeiit , il reçoit d'autres alimeiis par le moyen d'un canal , connu sous le nom de cordon ombilical , et qui com- munique avec le corps de la mère. Mais l'œuf complet, tel que celui des oiseaux,' des reptiles , etc., renferme,, sous une enveloppe détacliée , isolée , entièrement inde'pendante du corps lîo la mère , toute la substance qui doit servir à la nourriture du foetus jus- qu'au moment de sa naissance. Les ani- maux qui produisent de tels œufs, sont les seuls vraiment ovipares. 11 faut un c<;i;ain degré de chaleur pour faire éclore ces œufs, et à cet égard, nous observerons que le calorique agit sur eux de trois manières. Ils éclosent , ou par la chaleur naturelle , mais appli- quée extérieurement , du corps de la mère , l'incubation ; c'est ce qui est propre aux oiseaux : ou par la seule chaleur de l'atmosphère , comme dans le plus grand nom-bre des reptiles , des- pois.ions, ou enfin par la chaleur natu-- i>1 HÏSTOIP.E NATURELLE relie du corps de la mère, mais dont l'action esttout-à-fait interne , comme dans la vipère , quoif[ue les petits nais- sent tout formes et à nu ; dans cette d< inière circonslance , ils n'ont pas moins été primitivement renfermés sous une enveloppe appelée œuf, qui ne communiquoit point avec le corps de la mère par un canal. Ces animaux ne sont donc point vivipares. Le nombre des oeufs des serpcns est différent suivant les espèces. Diminue- t-il , comme dans les oiseaux , suivant la grandeur de l'animal ? c'est ce qu'on ignore. On a vu des vipères mettre au ■juonde trente petits , et l'on a observé que le nombre des œufs de quelques couleuvres de nos contrées s'élevoit à treize. La ponte paroît être pénible , dou- loureuse à la femelle , et ne se termiiio qn'après plusieurs intervalles de repos. Ségérus , médecin du roi de Pologne , €a a3^ant trouvé une qui sembloit souf- DES S E R P E N S. ô3 frir dans cette opération, lui facilita la ponte , qui dura une heure et demie. Cette couleuvre exprimoit en quelque manière le plaisir que lui causoit ce se- cours, en frottant doucement sa tête contre les mains de ce singulier accou- cheur. Ces œufs sont abandonnés dès leur sortie ; la mère les laisse à terre , et se borne du moins à les couvrir et les ca- cher, de telle manière cependant qu'ils soient exposés à une chaleur de l'atmo- sphère suffisante pour les vivifier et les développer. On ignore combien il faut de temps pour les faire éclore. Il doit varier suivant les différens degrés de chaleur de température , et suivant les climats. Thomas Bartholin ayant ouvert avec précaution des œufs qu'on avoit trouvés en grappes dans le creux d'un vieux arbre, y vit les serpentaux tout vivans, et dont le cœur avoit des battemens sensibles. Le placenta étoit comme le 54 HIsroiHE NATURELLE prolongement du jaune, et se terminoit par un cordon qui abontissoit à Tom-- bilic du foetus assez près de la queue. « Il est à remarquer , dit-il , que ces « œufs de serpens n'e'closent qu'au fiais )) et à l'air libre • et qu'ils se desse'- )) clieroient dans un endroit fermé et )) trop chaud )>. Le serpenteau est roulé en spirale dans l'œuf. Mis à découvert , et vers le temps où il doit quitter cette enve- loppe ^ il demeure quelques instans im- mobile; mais bien tôt il ouvre lagueulc;, et excité par l'action de l'élément qu'il respire, il commence à ramper. Examinant l'instinct de ces reptiles, le cit. Lacépède observe que le sens de l'ouïe doit être très-foi b le dans ces ani- maux. Ils n'ont point de conque exté- rieur pour ramasser et concentrer les rayons sonores , et l'ouverture qui leur donne passage est embarrassée d'écai lies fortes et serrées ]c!i unes contre les au- tres. Leur odorat n'est j^as non plus DES S E R P £ N S. 55 très-fin, les narines nayant qu'une ou- verture très-petite, et pareillement en- vironnée cVécaiJles. Leurs yeux «ont brillans, animés et très-vifs ; leur pru- nelle peut aisément se dilater ou se con- trac ter pour adme tire o u arrêter n n pi us grand nombre de rayons lumineux ; plusieurs espèces même ont les yeux pourvus d'une membrane clignotante, qui les garantit de l'impression trop forte de la lumière. Il est donc vrai- semblable que le sens de la vue est assez parfait dans ces reptiles. L.a langue des serpens est déliée , fourchue à son extrémité , et composée de deux corps longs et ronds , réunis ensemble les deux tiers de la longueur. Dans la plupart des espèces, elle est con- tenue , presqu'en entier, dans une gaiiie d'où Fanimal peut la faire sortir en l'a- longeant : il la darde avec vivacité , sans ouvrir les mâchoires , la supérieure a3'-ant une petite échancrure pour liû donner passage. Celte langue est dési- HISTOIRE NATURELLE gnée vulgairement sous le nom de dard^ et bien des gens s'imaginent que c'est l'instrument dont ils se servent pour blesser et verser dans la plaie leur dan- gereux ]3oison. Quoique les serpens n'aient point des mains, des pieds pour embrasser les différens objets -, quoiqu'ils soient cou- verts d'écaillés , ils doivent néanmoins avoir le sens du toucher aussi ou plus parfait que celui de beaucoup d'ani- maux , par leur grande quantité de points de contact avec les corps qu'ils saisissent , et autour desquels ils se rou- lent. (( D'ailleurs, dit le cit. Lacépède, j) l'habitude d'exécuter avec facilité des )) mouvemens agiles , et de s'élancer » avec rapidité à d'assez grandes dis- 3) tances , ne doit - elle pas leur faire î) éprouver , dans un temps très-court , » un grand nombre de sensations qui ;) remontent , pour ainsi dire , les res- » sorts de leur machine, ajoutent à leur n chaleur intérieure ; augmentent leur DES SERPENS. 5^ n sensibilité , et par conséquent leur » instinct ? La patience avec laquelle » ils savent attendre pendant très-long- » temps , dans une immobilité pres- )) qu'absolue, le moment de se jeter sur )) leur proie ; la colère qu'ils paroisscnt » éprouver lorsqu'on les attaque ; leur » fierté lorsqu'ils seredressent vers ceux )) qui s'opposent à leur passage ; la bar- )) diesse avec laquelle ils s'élancent )) même contre les ennemis qui leur sont :> supérieurs ; leur fureur lorsqu'ils se )) précipitent sur ceux qui les troubleiit )i dans leurs combats ou dans leurs » amours -, leur acliarnement lorsqu'ils )) défendent leur femelle ; la vivacité )) du sentiment qui semble les animer )) dans leur union avec elle , ne prou- » vent-ils pas , en effet , la supériorité )) de leur sensibilité sur celle de tous t) les animaux, excepté les oiseaux et \>) les quadrupèdes vivipares » ? s Plusieurs espèces de serpens parta- gent avec riiomme sa demeure : ils en- Reptiles. III. -i 38 HISTOIRE NATURELLE trent familièrement dans les maisons, s'y établissent quelquefois, et délivrent riiabitationdc plusieurs animaux nui- sibles. Scliouten parle d'une espèce de serpens de Malabar, que les Hollan- dais ont nommé jore7Zé?î^r5 de rats, parce qu'ils vivent effectivement de rats et de souris comme Î6s cliats , et qu'ils se nichent dans les toits des maisons : loin de nuire aux hommes , ils passent sur le corps et le visage de ceux qui dorment, sans leur causer aucune in- commodité ; ils descendent dans les chambres d'une maison, comme pour les visiter , et souvent ils se jDlacent sur le plus beau lit. On embarque rarement Faction est bien moiiis forte daiisTuu- j) tomne qu'au printemps )), liCs serpens se dépouillent et revêtent luie peau nouvelle tous les ans j mais l'époque de cette mue ne doit pas être la même pour toutes les espèces et pour lou5 les climats. Il paroi troit qu'elle a lieu dans nos contrées, au commence- ment du printenij)S, quelque temps après la sortie de ces reptiles de leiH* sommeil hivernal ; les li«ux éhoits et resserrés qu'ils liabiteiït leur sont prin- cipalement favorables dans cette cir- constance. Appliquant presque toute la- surface de leur peau contre les parois intérieures de ces retraites creusées en boyaux, et dans lesquelles leur corps se moule , trouvant ainsi autant de points d'appui , de leviers , que de points de cûiiiact, se gonflant pour rendre l'ap- plicaiioiî de- la peau plus continue, et pour augmenter IVicfion du fi'ottement, ils &e dégagent plus, aisément de leur 42 HISTOIRE NATURELLE robe; c'est près de la tête que corn- meiice le de'pouillement. La nouvelle peau étant molle, par conséquent plus susceptible d'impres sions, l'animal attend qu'elle foit raf- fermie pour se mettre en campagne. (( C'est même dans les serpens , dit le » cit. Lacépède, que les anciens ont )) principalement observé le dépoiiille- 3) mentannuel, et comme Jcurimagina- 5) tiou riante et féconde seplaisoità tout » embellir , ils ont regardé cette opéra- )) tion comme une sorte de rajeunisse- 5) ment, comme le signe d'une nouvelle )) existence, comme un dépouillement )) de la vieillesse , et une réparation de » tous les effets de l'âge ; ils ont consa- » cré cette idée par pliisieurb provcr- » bes, et supposant que le serpent re- )) jJrenoit, chaque année, des forces nou- 3) vellcs avec sa nouvelle parure; qu'il » jouissoit d'une jeunesse qui s'éten- )) doil autant que sa vie, et que cette vie 5) elle-même étoit très-longue, ils se DES S E R P E N S. 43 5) sont déterminés d'autant plus aisë- )) ment à le regarder comme le symbole y de l'éternité, que plusieurs de leurs 5) idées astronomiques et religieuses se » lioient avec ces idées physiques ». La crainte qu'on a toujours eue des serpens, ladilïiculté delesobserA'"er,sont des causes qui ont perpétué notre igno- rance sur la durée de la vie de ces ani- maux. Elle doit cependant être assez considérable , à en juger par leurs rap- ports avec les quadrupèdes ovipares , dont nous connoissons un peu la durée de l'existence. Ne passons pas sous silence une re- marque sur ce sujet du cit. Lacépède. Il prétend que presque aucun des ani- maux qui sont dans l'état de pure na- ture , ne prolonge sa vie au-delà du mo- mentoii ses forces commencent à s'afToi- blir -, que les difficultés pour se procurer de la nourriture devenant plus grandes à défaut de moyens , que la résistance qu'ils peuvent opposer à leurs eiiiieiuis 44 HISTOIRE NATURELLE étant plus foible , ils doivent terminer promptement leur carrière. Il est bien certain que ces cav>ses doi- vent singulièrement abréger la dnrée de la vieillesse des animaux sauvages , et que la domesticité prolonge les jours de ceux que nous avons soumis à notre empire. Mais cette proposition nous paroît trop étendue. Elle ne me paroît rigoureusement applicable qu'aux ani- maux carnassiers , qui ne vivant que de rapines et de brigandages,, doivent être privés par le dépérissement de leurs for- ces , des secours et dos mo)^ens pour exister. Cependant faut-il encore obser- ver que si la vigueur s'afFoibllt, les be- soins diminuent également. Quant aux animaux frugivores, lauatureleur lient toujours table ouverte. Ils n'ont pas be- soin de courir après l'obj{ît qui doit leur servir de nourriture : s'ils épuisent un espace , ils en trouvent insensiblement et à peu de distance , un autre qui est vierge. La force, sans doutCy. est dans DES S E P. P E N S. 45 loç combats et dans l'art des rcsi s Lances nue arme bien paissante ; mais la pru- dence , la ruse , sont plus souvent les maîtresses de la victoire que la force elle- mtme. Ces moyens , loin de se perdre , ne fout qu'accroître avec l'âge. Pour- quoi donc l'animal sauvage , et accablé du poids de ses années , seroit-il con- damné sans pitié, à être la proie de ses ennemis ? pourquoi son instinct , cet excellent guide , ne lui fourniroit-il pas des ressources de salut ? Cesseroit-il d'être son conseiller, parce que ses for- ces Vabandonnent ? lies serpens sont carnassiers , et com- me les substances animales qu'ils dé- vorent restenttrès-long-temps dans leur estomac , qu'elles s'y décomposent et s'y corrompent , ces reptiles répandent sou- vent une odeur très-fétide. En se fai- sant sentir de fort loin, elle avertit l'homme de leur présence. Quelques espèces jettent une forte odeur de musc Il paroîtroit qu'elle seroit due à uncer- 46 HISTOIRE NATURELLE tain degré de putréfaction de matière? animales. Nous en voyons un outre exemple bien sensible dans l'histoire des insectes. Celui qu'on a nommé ni- crophore fossoyeur , parce qu'il enterre les taupes ; des insectes voisins, \eshou- cliers , répandent aussi une odeur de musc; et tous ces petits animaux vivent de matières animales putréfiées. Les miasmes putrides qu'exhalent les serpens forment une vapeur, une acmo- ■splière empestéeautour d'eux, soi t qu'ils aient du venin, soit qu'ils \i!en. aient pas. Quelle activité , quel pouvoir ma- gique n'a-t-on pas prêtés à cette vapeur infecte ! On a voulu qu'elle forçât des oiseaux, d'autres reptiles , des quadru- pèdes même ^ exposés à son influence, à venir s'introduire dans la gueule du serpent. Cette attraction si extraordi- naire , a été appelée charme. Beaucoup de personnes , d'ailleurs dignes de foi , attestent encore aujoiUTl'hui avoir été témoins d'un fait si extraordinaire. DES S E R P E N S. 4/ Quelle que soit leur autorité , j'avoue que j'éprouve une i-épugnance invinci- ble à le croire. Que la vue d'un serpent puisse effrayer l'objet dont il veut faire sa proie , et qui apperçoit son terrible ennemi , lien de si naturel. Je conçois même que cette terreur aura pu telle- ment saisir quelques oiseaux, qu'ils seront tombés en convulsion , qu'ils en auront eu une atteinte épileptiquc ; car on sait qu'ils y sont sujets. Il est possi- ble encore qu'un oiseau voyant une couleuvre s'approcher du nid de ses pe- tits ^ exprime ses craintes par des ac- cens plaintifs , et que voltigeant sans cesse autour de l'animal , dont la ter- rible approche émeut ses entrailles ma- ternelles , il ne soit enfin lui-même la victime de sa tendre sollicitude : tout cela , dis-je, est dans la vraisemblance ; mais aller plus loin , n'est-ce pas im- poF.er silence à la vérité , pour ne laisser entendre que le mensonge ou l'rimour dîi luerveillcnx, exagérateurs éternels ? 48 HISTOIRE NATURELLE Les serpeiis se roulent autour des animaux dont ils font leur proie , les serrent avec force , et cherchent à les étouifer , à leur briser les os. Pour en venir plus facilement à bout , ils pres- sent leurs corps contre des arbres, des pierres , qu'ils enveloppent aussi dans leurs replis , et ces malheureuses vic- times sont bientôt écrasées. Quelque- fois même elles sont saisies , et telle- ment comprimées , qu'elles sont cou- pées et mises en pièces. La gueule de ces reptiles peut en- gloutir des animaux d'un volume con- «idérable , et cela n'est pas étonnant : leurs mâchoires ont la facilité de se sé- parer l'une de l'autre , et s'écartent au- tant que la peau de la tète est suscep- tible de s'étendre. Mais outre que la gueule a une ouverture très grande , ces animaux enduisent leurs proies d'une es]ièce de bave qui les ramollit et favorise leur déglutition. Elle se fait l^ir intervalle, et à mesure que chaque DES S E R P E N S. 49 partie entre et se digère , lorsque le corps dont ils se sont empares est d'une masse trop grosse. Ce jToids , ajouté à leur pesanteur naturelle , les rend ex- trêmement lourds et incapables de se remuer. Les Indiens profitent de cette inertie pour les surprendre et les assom- mer ? On auroit du penchant à croire que cette e'norme quantité' d'alimens , en obstruant l'œsophage , devroit leur cou- per la respiration. Mais celui qui prë- voi t tout , celui qui est la sagesse même , le principe de tous les êtres , a su ob- vier à cet inconvénient. Le canal de la trachée-artère se prolonge dans la bou- che jusqu'au-dessus du fourreau qai engaîne la langue à son origine , et l'ou- verture par où l'air s'insinue^ n'est point ainsi obstruée ; il n'y a même pas d'épiglote pour fermer cette ou- verture , qui ne consiste que dans une fente très-étroite j c'est à raison de cette Ileptiles. m. 5 5o HISTOÎP.E NATURELLE organisation que les serpens ne peu- vent que siffler. « Il est à remarquer , dit le cit. Lacé- )) pède, que ces sifflemens plus ou moins )) aigus , ne paroi sscnt pas être , comme » les cris de plusieurs quadrupèdes ou » le cliant de plusieurs oiseaux , une » sorte de langage qui exprime les af- )) fcctioDs douces aussi bien que les af- )) fections terribles ; ils n'annoncent , )) dans les grands serpens, que le iDesoin )) extrême , ou celui de l'amour , ou » celui de la faim. Ondiroit qu'aucune )) affection paisible ne les émeut assez )> vivement pour qu'ils la manifestent )) par l'organe de la voix ; presque }) tous les animaux de proie , tant de î) l'air que de la terre , les aigles, les î) vautours , les tigres , les léopards , les )) panthères , ne font également enten- » dre leurs cris ou leurs hurlemens que » lorsque leurs chasses commencent, ou » qu'ils se livrent des combats à mort » pour la libre possession de leurs fe- DES SERPENS. 5i 1) melles. Jamais on ne les a entendus , » comme plusieius de nos animaux do- v inesliques et la plupart des oiseaux )> chanteurs, radoucir, en quelque sorte, )) les sons qu'ils peuvent proférer , et 5) exprimer par une suite d'accens plus )) ou moins tranquilles , une joie pai- )) siblfc ^ une jouissance douce, et pour » ainsi dire un plaisir innocent ; leur 5) langage ne signifie jamais que colère et » fureur ; leurs clameurs ne sont que }) des bruits de guerre ; elles n'annon- » cent que le désir de saisir une proie j) et d'immoler un ennemi , ou ne sont )) que l'expression terrible de la dou- i) leur aiguë qu'ils éprouvent , lorsque -» leur force trompée n'a pu les garan- î) tir de blessures cruelles > ni leur con- » server la femelle vers laquelle ils 5) ctoient entraînés par une puissance î) irrésistible )>. Les sifflemens des scrpcns ne sont pas assez forts pour être entendus de loin et avertir le voyageur. Mais la gran- 52 HISTOIRE NA'TURELLE deor de la masse de plLTsieurs d'entre eux , les agitations des plantes parmi lesquelles ils se tiennent , ou les oscil- lations des branches d'arbres autour desquelles ils se sont roulés, les décèlent souvent. On en rencoutre quelquefois repliés sur eux-mêmes, et représentant par le cercle élevé qu'ils forment , la margelle d'un puits. C'est sur -tout clans les contrées de la zone torride , aux bords ombragés des fleuves et des rivières , dans les terreins marécageux ou humides qu'habitent les serpens de la plus grande taille. C'est- là que cachés dans l'herbe , ou sous le feuillage touffu d'un arbre , ils se tien- nent à l'alfut, et épient l'instant où la gazelle , l'antilope , le tigre même , ainsi que d'autres quadrupèdes , viennent se désaltérer. Des A'-o^^ageurs prétendent avoir été témoins d'un spectacle bien terrible, le combat d'un serpent avec un tigre , et avoir vu le reptile sortir victorieux de DES SERPENS. 53 la lutte. Il ne faut j)as en être surpris. Quel nombre infini de leviers puissans n'a pas celui-ci, dans cette m iillitude de vertèbres qui s'appliquent à Ja fois et avec une force singulière , contre un corps animé , et qui par cette compres- sion subite et générale est presque ré- duit à la nullité ! .Les serpens de moyenne .grandeur se glissent souvent jusqu'au baut des ar- bres , pour y attendre arec patience que l'oiseau trop confiant vienne s'y percher : ils s'élancent sur lui , et l'en- gloutissent dans leur vaste gosier : mais on a remarqué qu'ils ne pouvoient en digérer les plumes. Les serpens plus pe- tits se nourrissent d'insectes , de vers, de grenôTiîîles , de crapauds , de souris, d'animaux qui sont, en un mot, pro- poi'tionnés à la grandeur de leur corps. Ces reptiles ont, en général, la vife fort dure: ils vivent plusieurs mois saiis manger, et conservent encore des res- tes de sensibilité long' temps aprè^' avoir 54 HISTOIRE NATURELLE été prives d'air. Réclien a place sous le récipient d'une machine pneumatique^ et ils ont donné des signes de vie , quoi- qu'ils eussent demeuré dans le vide près de vingt-quatre heures. Ou peut voir dans la Collection acatiémique , partie étrangère , tome 6 , page 25 ^ le détail de plusieurs expériences faites à ee sujet sur des vipères ou sur d'autres serpens. Elles nous expliquent comment ces animaux peuvent vivre dans des lieux marécageux, dans des endroits ou l'air est infect et corrompu. Une per- sonne m'a dit avoir assaini l'air d'un petit canton, en y laissant multiplier des serpens , celui qu'on appelle le ser- pent à collier , probablement, a C'est » son agilité , et la promptitude dé tous » lesmouvemens de ce reptile, qui l'ont » fait choisir par les auteurs de la M}'"- )y Ihologie égyptienne et grecque , dit w élégamment le cit. Lacépède, pour le » le symbole de la vitesse du temps, et i) de la l'apidité avec laquelle les siècles DES S E II P E N S» 55 » roulent ù la suite les uns r conti- nuellement la position de sa tête, et î\ imiter ainsi , pendant l'espace environ DES S E R P E N S. 5g d'un demi-quart-d'lieure , une espèce de danse. Le bateleur prévoyant l'instant où le serpent fatigué retomberoit , inter- rompt sa chanson et les niouvemens de sa main : la danse cesse aussi-tôt, et l'animal rentre dans sa boîte. Kempfer nous apprend comment un braclimane s'y prenoit pour dresser des serpens qu'il vendoit ensuite tout ap- privoisés. Il en conservoit vin^^t-ileux dans autant de vases de poterie de terre, assez grands pour que les serpens y eussenl leurs mouvemens assez faciles, et fermés par un couvercle. Lorsque la chaleur du soleil étoit modérée , ilfai- soit sortir les serpens de leur vase l'un après l'autre , et les exerçoit plus ou moins de temps , selon le degré d'habi- tude où ils étoient parvenus et les pro- grès qu'ils avoient faits. Dès que le serpent , après être sorti du vase , commençoit à fuir , le maître , à l'aide d'une petite baguette, lui retournoit HISTOIRE NATURELLE la te le de son côte, et à l'instant où. le serpent etoit près de s'élancer sur lui , il lui présentoit le vase, dont il se servoit comme d'un bouclier pour pa- rer ses coups ', en sorte que l'animal voyant ses eiForts inutiles , étoit forcé de reculer. Cette espèce de lutte étoit continuée l'espace d'un quart-d'lieure , ou même d'une demi-lieure , et pen- dant ce temps , le serpent tenant tou- jours sa peau enflée , en montrant les dents, suivoit tous les mouvemens du bouclier qu'on lui opposoit. On accou- tumoit ainsi peu à peu le serpent à se dresser de lui-même dès qu'on lui pré- sentoit le vase, qu'on supprimoit en- suite pour y substituer 1a main fermée; l'animal étoit tenu en respect , par la crainte de se choquer contre l'obstacle qu'il avoit sans cesse devant les yeux. Le bateleur accompagnoit la danse du serpent d'une chanson , pour complé- ter l'illusion du spectacle. Mais comme inalizré son adresse et sti DES S E R P E N S. 6l précautions, il ponvoit être mordn et perdre la vie , il avoit eu le soin aupa- ravant de priver le serpent de son ve- nin, en l'obligeant de mordre , à plu- sieurs reprises , un morceau d'ëtoffe , et d'y répandre sa liqueur empoisonnée. Il falloit que cette opération se fît plu- sieurs lois, le venin se renouvelant, et qu'il prît garde que le serpent ne man- geât pas sur-tout d'iierbe fraîche ; carie venin étoit reproduit presque sur le champ. Sïl arrivoit alors au bateleur d'être mordu, il en étoit quitte pour une légère blessure. On pense bien que cette racine dont il vantoit les qualités, ne pouvoit avoir celle de le préserver des morsures du reptile. Terminons ces généralités par un morceau extrait du beau discours sur les serpens du cit. Lacépèdc , que nous n'avons fait souvent qu'analyser. « Grandeur , agilité , vitesse de mou- )) vement, force, armes funestes, beauté, «intelligence, instinct supérievir ; tels Reptiles. III, 6 €2 HISTOIRE NATURELLE » sont donc les traits sous lesquels les )) serpens ont été montrés dans tous les » temps; et en cherchant ici à présen- » ter cet ordre nombreux et remarqua- « ble , je n'ai fait que rétablir des rui- » nés , ramasser des rapports épars , en )) lier l'ensemble, et exposer desrésul- )) tats généraux que les anciens avoient j) déjà recueillis. C'est donc la grande )) image de ces êtres distingués , déjà )) peinte par les anciens, nos maîtres en » tant de genres, que je viens d'essayer » de montrer , après avoir tâché de la j) dégager du voile dont l'ignorance , » l'imagination , et l'amour du merveil- 3) leux l'avoient couverte pendant une ;) longue suite de siècles; voile tissu d'or )) et de soie, et qui cmbellissoit peut- )) être l'image que l'on voyoit au tra- )) vers , mais qui n'étoit que l'ouvrage j) de riiomme , et que le flambeau de la j> vérité devoit consumer pour n'éclai- » rer que l'ouvrage de la Natui'e ». DES S E R P E N S. 65 MÉMOIRE (i) SUR LÉS SERPENS; JPar le citoyen Palisot-Beauvoîs ^ membre non-résident de l'Inst. nat. La répugnance qvi'inspirent généra- lement les serpens ; Fespèce d'horreur dont la plupart des hommes sont frap- pés à leur approche et à leur aspect ; telles sont sans doute les causes du peu de connoissances que nous avons re- cueillies sur ces animaux vraiment cu- (i) Ce Mémoire présente plusieurs faits neufs et piquans, d'excellentes observa- tions sur les serpens. Son estimable auteur, dont je m'honore d'être l'ami , m'ayant permis de l'insérer dans cet ouvrage , je le place à la suite de mon introduclion à l'his- toiie des serpens , comme un supplément précieux. Je suis bien persuadé que le Pu- blic partagera avec moi la reconuoissaHce que je dois à ce savant. ^4^ HISTOIRE NATURELLE rieux et intëf essans , et aussi peu con- nus cependant qu'ils méritent de l'être. Leurs mœurs et leurs habitudes , la manière et les moyens qu'ils emploient pour saisir leurs proies , parmi lesquels se trouvent des animaux si supérieurs à eux par le vol ou par la course , et qui leur servent de principale nouiri- ture ; le nombre^ la dilîérence et la qua- lité de leurs dents ; la nourriture pro- pre à chaque espèce j les moj'^ens de pré- venir leur raorsiue , ou de se garantir de ses effets : enfin leurs différentes ma- nières d'être, soit en été, lorsqu'ils sont répandus dans les bois et dans les plai- nes ; soit en hiver , dans leur retraite, sont autant de points essentiels qu'il nous reste à constater, sur lesquels nous n'avons que des notions bien imparfai- tes , et qui manquent à l'histoire de ces reptiles. .Douze années consécutives de yojh- ges, tant en Afiique, dans les royaumes d'Oware et de Bénin , que dans l'île de DES S E R P E N S, ^5 Saint-Doiiiuigue et dans les Etats-Unis d'Amérique , m'ont fom^ni de nom- breuses observations sur les diverses brandies d'histoire naturelle ; je me bornerai dan^ ce Mémoire à rapporter quelques faits aussi nouveaux que sin- guliers relatifs aux serpens. L'Amérique est une partie du monde" Irès-abondante en ces reptiles : on y en rencontre de presque tous les genres connus , et un grand nombre d'espèces decbacun. La partie septentrionale, ou les chaleurs sont si excessives en été, et le froid en hiver plus vif , plus pé- nétrant, et d'une durée plus longue qu'en France, n'en est pas même exemp- te. J'en ai rapporté trois espèces nou- velles, et reconnues telles par le citoyen Lacépède , à qui nous sommes redeva- bles d'une histoire récente et précieuse des serpens. Une de ces trois espèces extrêmement curieuse par la forme et la disposition particulière de ses dents-, différentes de celles de tous les serpci^s 66 HISTOIRE NATURELLE connus, m'a paru susceptible déformer un genre nouveau. i^Hétérodon.) Depuis New-York j uscju'à Savannali et au-delà, et depuis les bords de la mer j usques très-avant dans l'ouest et le nord- ouest , on trouve abondamment des ser- pensà sonnettes^.au nombre de trois espè- ces bien distinctes ) celle à qui Linnaeus adonné le surnom à'/iorridus, si dange- reuse dans le sud, dont on exagère si fort les elFets de la morsure dans Le nord, et que l'on connoit si susceptible d'être -saisi par le froid et par la gelëe , pré- sente à l'œil de l'observateur dégagé de tout préjugé des particularitévS aussi nou* vellcs qu'intéressantes , et entièrement opposées à toutes les fables qu'on s'est plu à débiter sur son compte. Qnelqu'effra3'"aiît que ce reptile pa^ roisse aux yeux de la prévention , il est conslant qu'il est peu d'animal plus doux et moins malfaisant que le ser- penta sonnettes. Jamais il n'attaque les animaux dont il ne fait pas sa uoum- DES S E R P E N S. ^7 ture , et s'il 21'est effrayé ou tonclié,. jamais il ne mord. II m'estarrivé nom- bre de fois de passer dans un sentier , à la distance d'un pied d'un boiquira, ou serpent à sonnettes , sans qu'il ait té- moigné la plus petite envie de mordre; j'ai toujours été averti de sa présence par le bruit de ses grelots ; et en m'é- loignant sans trop de précipitation , il ne remuoit pas , ne changeoit pas de position , et me laissoit tout le temps de couper une baguette pour le tuer. Quelque dangereuse que l'on suppose que soit sa morsure, et qui l'est en effet dans certains mois de Tannée , si sur-tout il intrcduit sa dent dans une "" artère (alors la morsure est presqu'in- curable ) , on. peut , sans aucun danger, le prendre à la main , lorsqu'il est dans sa retraite. On ne l'y rencontre cepen- dant pas toujours engourdi et dans l'i- naction : ce n'est qu'au milieu de l'iii- irer seulement, et pendant les fortes gelées , qu'on voit ces animaux entre- 68 HISTOIRE NATURELLE îaces par pelotons , et sans aucun mou- vement , dans leur retraite, mais aux approches du printemps, époque oti, si j ose m 'exprimer ainsi, les serpensrepa- roissent au nombre des êtres vivans, le boiquira commence à se mouvoir; d'a- bord, comme pour se dégourdir et pour .- essayer ses forces , il se traîne lente- ment entre les racines des arbres ; il $'anime peu à peu , à mesure qu'il sent approcher le terme de sa captivité; on en a nicme vu quelquefois par un beau jour devancer momentanément cette époque , sortir de leur trou , s'alouger et s'étendre au soleil ; mais alors ils ne mordent jamais ; surchargés de leur ancienne peau , dont ils atteiident le moment de se dépouiller, ils ne voient que foi ble ment comme tous les autres serpens, et je suis très-porté à croire qu'ils soiit alors dans un état maladif, qui leur ôte tout désir et tout pouvoir de nuire. En ]iluviôsc an cinquième (février i'^97), nous allâmes avec DES S E R P E N S. 6«| M. Pence de Pliiladelpliie, à la clia^se des serpens à sonnettes , qui sont en quantité dans le New-Jersey : nous en prîmes neuf , et presque tous à la main , dans l'espace de deux heures. Quoiqu'ils commençassent déjà à faire résonner leurs sonnettes , aucun d'eux ne témoi- gna la plus légère envie de mordre. En été , ce reptile est plus dangereux ; mais, comme je l'ai déjà dit, ce n'est jamais qu'après avoir été effrayé , ou touché, ou frappé, qu'aussi-tot se re- pliant sur lui-même, il fait entendre par ses siillemens et le bruit très-accé- léré de ses grelots, Tenvie qu'il a de se venger. Alors malheur à l'homme ou à l'animal qui se trouve à sa portée : jamais il n'attaque s'il n'est provoqué ; avec un naturel doux et pacifique , il semble que la nature ne lui a donné des armes si terribles et si dangereuses , que pour pourvoir à sa subsistance uni- quement , et pour se défendre. Sa mor- sure , depuis le moment qu'il paroît au 70 HISTOIRE NATURELLE grand j our j upqvi'en thermidor , ne pro- duit pas des accidens bien funestes. On a i-emarqué , et cette observation n'a pas e'cliappé aux Indiens qui me l'ont conlirmée, que depuis thermidor jus- qu'an moment où il est près d'entrer dans son quartier d'hiver , temps de Tannée où il mange le plus , elle est terrible , et quelquefois mortelle. On sait que tous les serpens en géné- ral se retirent aux approches de l'hiver, suivant la nature du sol ou la tempe-' rature des lieux qu'ils habitent , ou sous des amas de grosses pierres , ou dans des trous pratiqués en terre par d'autres animaux, dans le voisinage du. courant d'une source. Le hoiquira pré- fère les lieux voisins des eaux de sour- ce. On ne sera pCut-êlre pas fâché de trouver ici une descri ption dos dilFérens sites où nous les avons rencontrés. Nous fouillâmes plusieurs trpus pratiqués sur les bords de la rivière Maurice. Tous étoient tortueux , et correspoudoient à D E s s E R r E N s. Jl une espèce de chambre distante de l'en- trée de six à huit pieds ancienne me- sure ; c'est-là qu'immédiatement posés sur l'eau courante , on les voit en pelo- tons et entrelassés ensemble, sans mou- vement. Notre conducteur nous mena ensuite dans un fond marécageux , et couvert d'une quantité prodigieuse de spJiagnum palustre , espèce de mousse dont les tiges portoient de dix à douze pouces d'élévation. Ayant soulevé cette mousse , dont l'extrémité étoit saisie par la gelée , qui étoit si forte , qu'elle avoit pénétré la terre nue jusqu'à la profondeur de douze à quinze pouces, nous apperçûmes plusieurs boiquira qui rampoient lentement entre les ra- cines des arbi^es, immédiatement au- dessous de la mousse , et sur un ter- rein fangeux , arrosée d'une eau cou- rante et nullement attaquée par la ge- lée. J'observerai en passant, que ce fait me paroît susceptible d'être recueilli par les hommes qui s'occupent de la 72 HISTOIRE NATURELLE culture : ils pouiroient faire usage de cette mousse pour la conserYation des plantes délicates, et sujettes à être at- teintes par les gelées. lia nature semble avoir assigné aux serpens le même temps de repos que celui a/tiquel sont assujettis les arbres et les plantes des climats froids et tempé- rés. Il est bon d'observer que c'est tou- jours avant l'équinoxe d'automne qu'ils se réfugient dans leur retraite liyémale, après avoir cliangé de peau ; et qu'ils n'en sortent qu'après l'équinoxe du printemps. Alors , semblables aux vé- gétaux qui se dépouillent en automne des feuilles et des fleurs dont ils s'étoient parés au printemps , et qui après avoir passé cette espèce de moment de nullité auquel ils sont annuellement condam- nés , n'en reparoissent que plus beaux: et plus brillans , pour remplir la loi universelle de la naUire , la repro !uc- tion , ils se dépouillent de nouveau. C'est encore à l'une ; et peut-être à DES S E R P E N S. j3 cîiaciine de ces deux époques , que les serpens vivipares , à crochets percés et venimeux , renouvellent leurs dents canines, si on peut les appeler ainsi. J'en juge par la quantité de ces dents que nous avons trouvées. J'ai même lieu de présumer que leurs sonnettes tombent , non pas tous les ans , mais ^au bout de plusieurs années. En effet , dans le nombre des boiquù^a que nous avons vus, il s'en est trouvé de très- gros qui n'avoient que deux ou trois anneaux à la queue ; d'autres beaucoup plus petits, qui en portoientsept à liuit, et nous avons ramassé plusieurs de ces sonnettes isolées , qui indiquent assez qu'elles sont les dépouilles de ces rep- tiles. On a beaucoup^, et très-diversement, écrit sur la manière dont les serpens se saisissent de leur proie : les uns leur attribuent une sorte de pouvoir magi- que , dont rcJOTet est de charmer et d'en- chanter les animaux qu'ils fixent j d'au- Reptiles. III. 7 74 HISTOIRE NATURELLE très, moins partisans du merveilleux, prétendent qu'ils leur inspirent une frayeur excessive, et que ceux-ci , com- me étourdis , et ne sachant plus ce qu'ils font, vont, viennent de côté et d'au^- tres, fuient, reviennent, et finissent par se précipiter d'eux-mêmes dans le gouffre qui les engloutit j d'autres enfin ont imaginé que les serpens ré- pandent autour d'eux une odeur fétide, à laide de laquelle ils suffoquent les oiseaux, les écureuils, les lapins et les différons animaux dont ils se nourris- sent. Il seroit difficile sans doute de dé- terminer quels sont, dans l'état de Ji- berté, lesmo3^ens que ces animaux em- ploient pour attirer leur proie ; je pense même que ce seroit s'exposer à errer , que de les admettre uniformes poux- toutes les espèces. En efiet , pouvons- nous croire, par exemple , que la cou- leuvre noire, coluber consirictor ,\À\\ï\. qui rampe avec une promptitude sur- prenante , qui grimpe sur les arbustes ; DES S E R P E IM S. f^ et qni n'est nullement venimeuse (i) , se serve des mêmes moyens que le hoi- quira, animallent, qui ne grimpe jamais sur la plus petite plante (2) , et qui est armé comme tous les serpens venimeux, de deux crochets funestes à tous les in- dividus qui en sont frappe's ? Cepen- dant, si on peut juger de ce que font ces reptiles dans l'état de liberté , par (1) RJen de plus doux et de plus inno- cent que ce reptile : j'en ai pris avec la main nombre de fois , et dans tous les temps de l'année. Souvent , à force de les agacer , j'en ai été mordu , et je n'ai jamais éprouvé d'autre accident que celui qu'oc- casionne une piqûre d'épingle. M. Pence , dont j'ai déjà parlé, en conserve continuel- lement en vie , lui et ses enfaus les pren- nent ex les mettent dans leur sein. Il s'en sert pour faire la chasse aux rats, dont elle parent être un puissant ennemi. (•2) C'est mal-à- propos , et par erreur, que quelques Naturalistes ont prétendu que le serpent à sonnettes grimpoit aux arbres. Il ne quitte jamais la terre sur laquelle il rampe très-lentement. yG HISTOIRE NATURELLE ce qui se passe dans Fétat de captivité, il est certain qu'ils n'inspirent aux au- tres animaux qu'une fraj'eur ordinaire, et égale à celle que ressent tout être empressé à fuir et à échapper à son en- nemi ; que ces animaux n'épi'ouvent aucun enchantement , ni aucun de ces accès de folie dont on prétend qu'ils sont saisis^ &c. du moment qu'un ser- pent les a fixés ; accès de folie bien sin- guliers , et qui , s'ils existent , ne peu- vent être que l'effet du venin introduit par une morsure précédemment faite j enfin qu'ils ne répandent aucune mau- vaise odeur (du moins tous ceux sur lesquels nous avons fait des expérien- ces)^ encore moins une vapeur fétide capable de suffoquer les animaux qui se trouvent dans leur atmosphère. Les nombreuses expériences faites par M. Pence depuis long-temps , et dont plusieurs ont été répétées conjointe- ment avec moi , prouvent encore que le boirjuirama.n^e indistinctement tous DES S E R P E N S. Jf les oiseaux morts qui lui sont présen- tés ; qu'il n'emploie aucun ui-oyen sur- naturel poLUv attraper et saisir les ani- maux destinés à devenir victimes de ses besoins; qu'il ne mange point de grenouilles;,, dont le serpent noir ^ au contraire , semble faire ses délices^ Toute idée de fiiscination , de cliarme et d'enchantement répugne à notre rai- son ; il n'y a pas plus de sorciers et de magiciens parmi ces animaux-, qu'il ne s'en trouve parmi les hommes; l'astuce, l'adresse et la. force , voilà., pour les ui)s comme pour les autres, les seules armes et le seul pouvoir qui rendent toujours le plus faible tributaire et vic- time du plus fort.- On me saura gré, je pense, de rap- porter quelques expériences faites avec M. Pence sur un Zjoz'ûrzwm qu'il a con- servé cinq ans en vie, et sur le serpent Boir. Un oisea-U- en vie , oriolus phcerd- ùeus, Linn», a été mis dans^la cage du 7S HISTOIRE NATURELLE hoiquira; il y est resté deux jours, peîî- daiit lequel temps le reptile n'a pas clier- ché à le mordre ; l'oiseau n'a nullement paru inquiet; l'air qu'il respiroit, à en juger du moins par sa contenance , n'ë- toit pas différent de celui qui circule dans une cage ordinaire et feiunée. Dans cet intervalle de deux jours ce reptile a mangé un oiseau mort de la même es- pèce que celui qui y é toit vivant , et au* quel il n'a pas touché. Un autre oiseau , également vivant ( loxîa cardinalis , Lin. ) , loin d'être effrayé de se trouver en compagnie du hoiquira, s'amusoit àbéqueter dans la cage, et à ramasser les grains de millet qu'onyavoit jetés-, il cliangeoit sou- vent de place; nous l'avons même vu se reposer sur le dos dn reptile ; mais au bruit des grelots il s'est retiré. On a présenté au même serpent des grenouilles de plusieurs espèces, mortos ©t vivantes, il n'a touché à aucune. Il Jî'e5i est pas de même du serpent noir y DES SERPENS. 79 ce dernier se précipitoit sur les gre- nouilles ; il nous a paru préférer la raine ( rana arborea, Linn. ). Le même serpent se jetoit sur les mouches et les insectes. Eiifin, un rat commun a été mis vi- vant dans la même cage avec le hoiqui" ra ; à peine y a-t-il été introduit , que le reptile a paru s'animer; le rat. mi peu effrayé , fuyoit du ç^olé^ opposé au serpe ut: cette chasse a duré l'espace d'en- viron quarante secondes^avec beaucoup de sang froid de la part du hciquira et beaucoup de promptitude à fuir cle la part du rat. Au bout de ce temps, 3e reptile trouvant le moment favora- ble, s'est élancé sur sa proie et Fa mor- due ; le rat alors a couru inconsidéré- ment autour de la cage ; le hoiquira ne se remuoitplus. Au bout d'une minute environ le i^at étant prodigieusement enflé , tomba dans des convulsions , mourut et fut avalé par son ennemi, Ct's convidsioiis sont , sans doute ; ce So HISTOIRE NATURELLE que quelques observateurs anciens oiTt pris pour l'effet de l'enchantement ou d'une frayeur extraordinaire, mais elles ne sont que celui de la douleur et de l'agonie. Ces expériences ne suffisent peut-être pas pour résoudre entièrement le pro- blême , et pour déterminer le moyen dont les serpens font usage poar saisir leur proie, si facile à leur échapper par la course ou par le vol ; mais elles me paroissent suffisantes pour faire rejeter toute idée de fascination^ d'enchante- ment , de fraveur surnaturelle et de va- peur suffocante. Quant à ce dernier article , je ne dois pas oublier de dire , que les neuf hoiquira que nous avons pris avec M. Pence , sont restés prèsde trois semaines dans la même boîte ; que ra3'^ant ouverte au bout de ee temps , 310US n'avons reconnu aucune odeur particulière et capable de produiie l'ef- fet qu'on suppose. Je terminerai cet apperçu par une Des serpeîjs. 8i observalion des plus curieuses , des pins importantes , et (jui nous explique un ancien préjugé, aussi injurieux à la na- ture , qu'il est incro3^able et démenti par la propagation et par la régénéra- tion constante et non-interrompue de tous les êtres vivans : les liabitans de la Martinique ( i) , et ceux des lieux oii se rencontre la vipère sont aujourd'hui ( i) Dnns un Mémoire que j'ai envoyé da Philadelphie à l'Institut national , j'avois consigné l'observation dont je vais faire mention. Elle avoit rencontré quelques iii- crcilules , quoique j'assurasse avoir vn. J'é- tois résolu d'attendre que le temps et des observations d'autres voyageurs travaillas- sent à mj, justification en convertissant l'iu- créJulité. Mais le hasard m'ayant servi plus promptement que je ne comptois , je me suis empressé de communiquer à l'Institut la confirmation d'un fait aussi curieux et aussi important. Voici , à cet égard , la let- tre que m'écrivit à son arrivée d'^Amérique, le cit. Moreau de Saint-Méry , conseiller d'état, envoyé à Parme , homme avanta- S2 HISTOIRE NATURELLE même encore imbus de ce préjugé *, ils croient que les femelles des serpens man- gent leurs petits lorsqu'ils sont très-jeu- nes , et à une époque voisine de celle ou elles leur ont donné le jour. Ce préjugé , geiisement connu dans la république des lettres , et digne de foi. *' J'ai repassé mes notes , mon cher con- ii frère , et j'y trouve bien positivement , il comme dans ma mémoire , qu'à la Marti- V nique , ma patrie , qui est aussi celle des y» serpens par milliers , il passe pour cons- >» tant que la femelle de cet animal mange ♦» ses petits , lorsqu'ils sont très-jeunes, et 9> sur-tout à une époque voisine de celle où 9» elle leur a donné le jour. ?» Je regarde cette opinion universelle , »» comme le même fait que celui de votre »•• observation sur la retraite que la femelle 5» du serpent à sonnettes donne dans sa »♦ gueule à ses petits , retraite d'où elle les y> laisse sortir lorsqu'elle les croit affranchis » de tout danger. M Quant à votre observation même , j> M. Guillemard m'a dit qu'il l'avoit véri- « fiée depuis vous , et que vous n'assuriez ♦) qu'un iait vrai ». DES SERPENS. 83 tout incroyable qu'il est, parce que , s'il en étoit ainsi, lai-acedes serpens seroit éteinte depuis long -temps , tire cepen-» dant son origine d'un fait, mais f;tusse- iiient interprété et appuyé de l'amour qu'on a généralement pour le merveil- leux. Cette erreur est d'autant plus fa- cilement accréditée , que la l'épugnan- ce irréfléchie qu'inspirent tous les ser- pens , prête à toutes les idées défavo- rables qu'on peut présenter contre eux. L'observation suivante rétablit le fait dans toute son intégrité. Dans le pre- mier voj'^age que j'ai fait parmi la nation indienne Tcpiarlokée , appelée par corruption CherocJiée ,et par quelques- uns Cheroquoise , j'ai eu occasion de voir, dans un sentier que je suivois en herborisant, un hoiquira , ou serpent à sonnettes : l'ayant apperçu de loin , je m'approchai le plus doucement pos- sible -, mais quelle fut ma surprise , quant au moment où j'avois levé le bras pour pouvoir le frapper, après avoir 84 HISTOIRE NATURELLE fait quelques pas de plus , je le vis s'a- giter en faisant résonner ses sonnettes , au même moment ouvrir une large bou- che et y recevoir cinq petits serpensde la grosseur à-pen-près d'nn gros liiyau de plume. Surpris de ce speclacle inat- tendu , je me retirai de quelques pas et me cacliai derrière un arbre : au bout de quelques minutes , l'animal se croyant, ainsi que sa progéniture , af- franchi de tout danger, ouvrit de nou- veau sa bouche , et en laissa sortir les petits qui s^j étoient cachés. Je me re- montrai; les petits rentrèrent dans leur retraite, et la mère, emportant son pré- cieux trésor, écliappa à ma poursuite à la faveur des herbes dans lesquelles elle se cacha. Ce fait m'avoit été assui(' par plusieurs planteurs d'Amérique; j'avoue que je n'y avois pas ajouté grande con- fiance , mais depuis mon dépaVt d'Amé- rique , il a été de nouveau vérifié , ainsi que le porte la note ci -jointe, par M. Guilieaiurt; voyageur anglais. DES SERPENS. 85 Ce fait important est , sans aucun doute , le même que celui si mal inter- prête par les anciens , et qu'on vo adroit encore nous pre'senter comme vme ex- ception monstrueuse à la loi ge'nërale que subissent impérieusement tous les êtres vivans. Il se trouve aujourd'hui cons- taté d'une manière positive, et nous avons lieu de croire que de nouvelles observations et les recherches des voya- geurs, lui donneront bientôt une au- thenticité complète , s'il en avoit be- soin. Alors renonçant au merveilleux et à la prévention , pour se rappro- cher des causes simples et naturelles, on cessera de croire que , sciemment et volontairement des femelles puissent dévorer leurs petits. Envain citera-t- on des exemples de quelques cijattes , ou autres animaux, qui^ dans l'état de domesticité, mangent le fruit de leurs amours. Ces exceptions extra - natu- relles, dont nous ne soupçonnons peut- être pas même encore la vraie cause , ne Reptiles. III. 8 S6 HISTOIRE NATURELLE pourroient jamais être mises en opposi- tion avec cette tendre sollicitude ^ celte vive affection maternelle qui domine si impérieusement dans le coeur des fe- melles de tous les animaux : affection qui fournit tant d'exemples de traits de force , de courage et de grandeur d'ame parmi l'espèce humaine : affection qni entraîne les mères de tous les animaux , qui les porte à s'exposer aux plus grands dangers ; à combattre , à braver même des ennemis beaucoup plus forts et plus puissans qu'elles : affection , enfin , qui chez elles ne connoît d'autre borne, d'autre frein , d'autre loi que le salut et la conservation des êtres foibles , in no- cens et sans défense à qui elles ont don- né le jour. Pendant mes différentes courses dans les Etats-Unis, j'ai rencontré presque tous les serpens qui habitent toute cette partie de l'Amérique. Je les ai étudiés avec soins et j'ai reconnu 1°. Que l'espèce connue dans le paj'-s DES S E Pu P E N S. , .. Sy sous le nom de mokcson, parce qu'il est de la couleur de la chaussure des In- diens , appelée mokeson,est ou mal ou point du tout décrit. J'y ai reconnu tous les caractères de la vipère-, mais les deux écailles doubles au-dessous de l'anus étoient suivies de lames entières comme celles de dessous le ventre. Si ce caractère est constant , ce serpent est sans aucun doute un genre nouveau: si le dessous de la queue est garni de lames entières , il doit également faire un genre nouveau^ puisqu'il a des cro- chets , des lames , comme le crotalus , ce qui le distingue du boa ; mais il n'a point de grelots. Si au contraire le des- sous de la queue est garni d 'écailles doubles , il fait espèce à décrire du genre vipera , vipère. 2". Que le serpent à sonnettes , dont le dos est garni de losanges réguliers, est une espèce distincte qui , jusqu'à pré- sent a été mal- à- propos confondra© avec \q crotalus horvidus ,lÀu.i\, 88 HISTOIRE NATURELLE 3°. Que le serpent appelé îlog-nosc , ïiez-de-coclîon . est un ^enre nouveau non décrit. 4°. Que les serpens à crochets et ve- nimeux sont tous vivipares , et doivent être séparés du genre cohi ber, coulevivre, qui n'ont point de crochets et qui sont ovipares. 5°. Que les espèces des différens genres peuvent être distinguées par le nombre de dents qui n'est pas le même dans chacune ; au lieu de faire usage unique- înent des couleurs et du nombre des plaques ou lames, très-souvent incer- tain. 6°. Enfin le genre de nourriture propre à plusieurs espèces , et dont je me suis assuré en les ouvrant. C'est d'après ces observations que j'ai formé le tableau ci -joint. Je le présente plutôt comme un modèle que je propose , que comme un travail achevé. Reptiles, m. pag. 88. TABLEAU comparatif, et par apperçu , des dents de plusieurs Serpens de l'Amérique sep lenlrionale (i). NOMS GÉNÉRIQUES ET SPÉCiriQVES. Crotalus horridus. Linn. Cr. rhombeifer Cr. miliaris. Llnn Hetorodon platiihinos . Vipera berus, Linn Coluber erytrogrammus. Col. constrictor. Linn. Col. getulus. Linn. . . . Col. fasciatus. Jéinn. , . Col. fulviiis. Linn,. Col. saurita. Linn. Col. viridis. Linn. . MACHOIRE SUPÉRIEURE. BKANCHE EXTÉRIEURE. Dents à crochets de chaque côté. Dents ordinaires de chaque coté. BRANCHE INTÉRIEURE de chaque côté. i3 Les deux inférieures trois fois plus grosses. O 10 Les dents sont a observer . MACHOIRE INFÉRIEURE de chaque côté. . . 10 . . . i5 — i6 28 — 3o 18 — 20 20 — 24 12 — l5 10 — 12 10 — 12 iG — 18 12 — 15 TOTAL OE3 DENTS. Idem . Idem ■ 24 80—86 44— 48 35 — 38 112 — 120 72 — 80 80—94 LEUR NOURRITURE. Des écureuils , des oiseaux de différentes espèces, des rats, des souris. Des lapins , des écureuils , des oiseaux, des rats, des souris. Des sauterelles , et autres in- sectes , des vers. Des insectes , des vers , des mulots , des musaraignes. A observer. Des grenouilles , des oiseaux, de petites tortues naissan- tes, des lalamandres ; le rat amphibie. Comme le précédent ; plus , l'écureuil de terre , des lé- zards , la raine ordinaire. Des lézards, un serpent àban- des rouges et noires. ( j4n? col. Fulvius. ) De petits poissons , des gre- nouilles , des insectes , des vers. Des sauterelles et autres in- sectes. La raine ordinaire, des insec- tes , des vers. Idem. (1) On concevra aisément que ce lal;leau imp.irfail n'est qu'un rnoUéU que je propose , auquel on pourroit joindre d'autres caractères, et notamment, comme la fait le cit. Lacepcde , le nombre des plaques du ventre cl des écaille- de la queue. Mais je pense que le nombre des dents est le plus sur pour disllnguer parfaitement chaque espèce. 1 ai souvent donné un nombre inactermine, non p.is qu'il existe dans la nature , mais narce que les mâchoires que j'ai rapportées avant que d'avoir eu l'idée que je propose aujourd'hui , ont plusieurs dents cassées, et qui en rendent Je nomoie tl'ês-incertalD. DES SERPENS. 89 Je finirai ce Mémoire par un état des remèdes employés par les Indiens con- tre la morsure des serpens venimeux , sans cependant donner aucune certi- tude de leur efficacité. Les Américains de la Caroline se servent avec succès, à ce qu'ils préten- dent , du suc exprimé d'une plante dont la vertu a été découverte par un nègre , à qui pour récompense on a don- né la liberté. On la nomme en anglais, •plantain. J'ai long- temps pensé que c'étoit une espèce de plantain , plan- tago. Mais d'après l'inspection de la plante qui m'a été montrée par plu- sieurs Américains planteurs , je puis affirmer qu'elle n'appartient pas au genre planiago de Linnasus. On me l'a toujours fait voir dans un très-jeune âge , n'ayant encore poussé que les pre- mières feuilles : je ne puis donc dire po- sitivement qu'elle en est; mais je pré- sume que c'est une espèce ii^ aster ou à'erieeron. Cette vérification me paroît 90 HISTOIRE NATURELLE aussi importante à faire , que des ex- périences bien répétées de cette plante-, ses vertus bien constatées seroient un bienfait rendu à l'iiurnanité. Dans les premiers momens de la mor- sure , les Indiens ont trois sortes de remèdes qu'ils emploient indistincte- ment. Le premier , et celui que Je crois le plus efRcace de tous les remèdes con- nus , est la succion de la plaie lorsqu'il est possible de l'employer. Le second , le tabac mâcbé et appli- qué, puis comprimé sur la morsure. Le troisième , la poudre à canon éga- lement appliquée sur la plaie après y avoir fait une ou plusieurs incisions , et à laquelle ils mettent le feu. Rendus chez eux , et dans la suite en traitement, ils font usage de plu- sieurs plantes pilées et écrasées. Celles cjiî'il« emploient le plus communément, est la racine tin prenantJies alha , et do plusieurs espèces de lactuca. DES S E R r E N S* ^î Ils font également usage de la racine, des tiges et des feuilles d'une espèce d'héliantlius. Dans les cas désespérés , ils pilent l'écorce de la racine du tulipier. Ils m'ont assuré en avoir obtenu des suc- cès surprenans. Dans le cours du traitement , ils se purgent avec la racine du spirœa tri- fûliata , Linn. Ce remède leur procure le double avantage , selon eux , de les purger, et de les faire vomir abondam- ment , et peut-être plus qu'il ne seroi I nécessaire pour ne pas altérer les forces et le tempérament. Soit qu'ils aient voulu me caclier leur vrai remède, soit qu'en effet ils n'en aient pas d'autres que ceux que je viens de rapporter , ils m'ont paru ne faire aucun Q.disàupolygalasenecaiaiil van- té , et que quelques anciens voyageurs ©ut donné comme la plante dont ilsfai- soieiit le plus grand usage dans la mor- sure d.es serpens.- Cette plante eroît ^2 HISTOIRE NATURELLE abondamment dans leur pays : je la leur ai montrée nombre de fois ; ils n'ont ja- mais su me dire le nom d'après lequel ils la distinguent , et m'ont assuré n'en faire aucun usage. Il est bon d'observer que les Indiens, dans toutes leurs maladies , font beau- coup usage des plantes de la famille des composées {syngénésie de Linnseus), et de l'écorce du tronc et des racines de plusieurs arbres. Le gin-zeng, qui croîJ abondamment dans leur pays, est pour eux une plante d'agrément, dontils mâchent les racines fraîches uniquement par goût. DES SERPENS. gS DISTRIBUTION MÉTHODIQUE DES SERPENS. JLe Pline du nord ^ cet homme de génie qui a rendu de si grands services à l'histoire naturelle par les principes et la théorie générale sur laquelle il l'a établie , l'immortel Linnée, a donné le premier une bonne division des reptiles de cet ordre : il a compris tous ceux qu'il connoissoit sous six genres. Le premier genre de serpens est ce- lui qu'il nomme crotalus. Les animaux qui le composent ont au bout de la queue des anneaux secs et mobiles , qu'on a appelés sonnettes, parce que leurs mou- vemens et un frottement réciproque produisent un certain bruit qu'on peut comparer à celui que fait un ressort de montre ou de pendule qui se détend. Le mot de crotalia désigne, suivant Pline , des pendans d'oreilles , formés de l'as- semblage de plusieurs perles , qui venant 94 HTSTOIRE NATURELLE à heurter les unes contre les autres, lors- qu'on remuoit la tête , faisoient aussi un petit bruit. C'est de-là sans doute que liinnée a pris la dénomination de ce premier genre, crotalus. * Le second genre est celui de hoa. Pline nous rapporte qu'on avoit ainsi - nommé des serpens qui se nourrissoient quelquefois de lait de vache , et qui ëtoient d'une grandeur si prodigieuse , qu'on trouva un enfant tout entier dans le corps d'un de ces reptiles que l'on avoit tué à la place oii est aujourd'hui le Vatican. Daubenton doute, avec rai- son , de ce fait , l'Italie n'offrant point de serpens d'une grosseur telle, qu'elle permette à l'animal d'avaler un enfant. Les serpens les plus grands qu'on y voit, du moins aujourd'hui , n^ont pas plus de douze pieds de longueur. Voyez la quatre-raies. Quoi qu'il en soit , il pa- roît que le mot de boa vient de hos. Le troisième genre est appelé co/w^e/^ couleuvre. DES SERPENS. gS Le qnîitrième est. Vanguis. On croit que les Latins avoient donné ce nom. aux serpens , parce qu'ils suivent une ligne anguleuse en rampant. Le cinquième genre est VampJiift- bene , ou double - marcheur. Le bout de la queue de ces serpens étant pres- qu'aussi gros que l'autre extrémité du corps, on leur supposoit deux têtes, et on leur attribuoit ainsi la faculté de se diriger indistinctement dans leur mar- che par une de ces têtes. Le sixième genre est celui de cœci- lia , aveugle. Dénomination fausse ^ aucun serpent connu n'étant privé de la vue. Daubenton a conservé ces genres; mais il en a supprimé les noms, se con- tentant de désigner ces genres par leurs caractères et leur ordre numérique. Le travail sur les serpens du citoyen Laoépède , est fondé sur les bases que Linnée avoit établies. On y trouve deux genres de plus ; langaha et acrochorde. 96 HISTOIRE NATURELLE L'ordre des autres genres n'est pas le même que celui du Naturaliste suédois. Le cit. Lacëpède met les couleuvres à 3a tête. De-là il vient aux boa, passe aux serpens à sonnettes , aux anguis , aux ampliisbènes , et termine par les cœciles , les langaha et les acrochordes. Ajoutons à ces genres celui qu'il vient de faire connoître tout récemment , erpeton. Tous les serpens qu'il décrit ont été étudiés avec beaucoup de soins. Ses dé- tails sur la forme des tégumens de la partie inférieure de leur corps , sur la longueur de ces animaux , et celle de leur queue, sur la présence ou l'absence des crochets à venin ; son exactitude à rendre compte de la forme et de la gran- deur des écailles de la tête , et de celles du dos; ses observations sur la couleur et les traits de conformation extérieure des espèces de serpens quil a pu sou- mettre à son examen -, la manière élé- gante avec laquelle ces vccherches sont DES S E R P E N S. 97 exposées , rendent ce travail du citoyen Lace'pède infiniment précieux et agréa- ble au Naturaliste.* Je n'ai garde de vouloir m'e'carter des principes établis par de tels maîtres , dans la distribution méthodique des serpens que je vais suivre. Analyser clairement , et avec simplicité , leurs observations j y joindre celles qui me sont propres , voilà l'unique tâche que je me suis proposée , comme la plus convenabJe à lui ouvrage élémentaire. On me permettra cependant de suivre un autre ordre dans la série des genres. Je pense qu'il est plus naturel de com- mencer par les boa , qui par la nature et la forme de leurs tégumeiis, par leur force prodigieuse , leur grandeur exces- sive , semblent être , en quelque ma- nière , les chefs de cette famille d'ani- maux. Nous croyons aussi qu'il faut placer à l'extrémité opposée de la chaîne les amphisbènes , les cœciles , ces rep- tiles ayant la peau nue , et bien difle- Reptiles. III. 9 98 HISTOIRE NATURELLE renie, sous ce rapport, de celle des boa, des serpens à sonnettes. Ayant une fois les deuxcliaînons extrêmes , il est facile de trouver les intermédiaires : ainsi aux boa^ je ferai succéder les scy taies, nou- veau genre composé de boa ayant des crochets à venin; les crotales , les liété- rodons , nouveau genre du citoyen Beauvois ; les vipères, les couleuvres , les langalia , les erpetons , les liydres , les anguis, et les acrocliordes. Par la même raison que nous avons séparé des boa ceux qui sont venimeux, nous avons dû aussi former un genre des couleuvres à crochets à venin. Il seroit même à propos de distraire de ce genre, que nous appelons vipère , la couleuvre naja, la couleuvre lactée , qui ont le dessus de la tête couvert d'écaillés dif- férentes de celles du dos; mais cette base une fois adoptée , il auroit fallu , pour rendre la marche uniforme , se servir de la même considération dans d'autres genres ; ce qui nous cCit cutraîiics dans DES SERPENS. 99 des difficultés que nous aurions eu de la peine à surmonter , vu le peu d'obser- vations recueillies à ce sujet. Le genre couleuvre étant très-nom- breux en espèces , nous y formons deux coupes. Dans la première seront placées toutes les couleuvres dont les écailles ont une carène : dans la seconde , celles qui les ont lisses. Exposons tous ces genres avec leurs caractères, XVI F GENRE. B O A , Bo^. Dessous du corps et de la queue garni d'une suite de plaques ou de bandes transver- sales. Point de crochets à venin. Queue nue. Observ. La tête des boa est grande et dilatée , convexe , arrondie postérieu- rement ; le museau offre , dans quel- ques espèces , des écailles plus gran- des , ou des plaques dans son cou- 100 HISTOIRE NATURELLE tour ; mais , en général , les écailles de Ja partie supérieure sont semblables , pour la grandeur , à celles du dos , qui sont ordinairement unies. X V 1 1 r GENRE. SCY T MLB, ScYT^z s. Dessous du corps et delà queue garni d'une suite de plaques ou de bandes transver- sales. Des crochets à venin. Queue nue. Obs. Ce genre tient le milieu entre le précédent et celui qui suit. La tête des scytales est grande , triangulaire , couverte soit d'écaillés toutes sembla- bles à celles du dos, soit simplement de celles-ci à sa partie postérieure, et d® petites plaques en devant. DES S E R P E N S. lOî X I X^ GENRE. CROTALE, Cjiotalus. Dessous du corps et de la queue garni d'une suite de plaques et de bandes transver- sales. Des crochets à venin. Queue ren- fermée à son extrémité dans une ou plu- sieurs pièces d'une consistance d'écaillé, mobiles et bruyantes, Ohs. La tête est grande, triangulaire, toujours revêtue postérieurement d'é- callîes semblables à celles du dos ; mais la partie antérieure et supérieure du museau, ou du moins le dessus des yeux en ofFre de plus grandes , en forme de placjues. 102 HISTOî-RE NATURELtS X X^ GENRE. VIPÈRE, r 7 P£/2^. ' Dessous du corps garni de plaques ou d^me suite de bandes transversales. Dessous de de la queue en ayant deux rangées de pe- tites. Des crochets à venin à la mâclioire supérieure renfermés dans uue gaîne. Obs. Tête grande , sensiblement plus large que le corps , couverte , dans le plus grand nombre , de petites écailles semblables à celles du dos ; une arête ordinairement sur celles-ci. X X r GENRE. HÉTÉRODON, Heterodon. Dessous du corps garni de plaques ou d'une suite de bandes transversales. Dessous de la queue ea ayant deux rangées de peti- tes. Les quatre branches osseuses de la mâchoire supérieure armées , dans leur longueur , de dents , dont deux plus gran- des et réputées à venin , à la base de la branche extérieure. Obs. La tête est plate et triangulaire, comme dans les yipères. DES SERPENS. lo3 X X I r GENRE. COULEUVRE, CoLUBER.^ Dessous (lu corps garni de plaques ou d'une suite de bandes transversales. Dessous de la queue en ayant deux rangées de petites. Les quatre branches osseuses de la mâ- choire supérieure armées , dans leur lon- gueur , de petites dents égales , et dont aucune n'est à venin. Ohs. Tête étroite , ovale , couverte cle plaques ou d'écaillés plus grandes que celles du dos, ordinairement au nombre de neuf, et disposées sur trois rangs» Ecailles du dos souvent unies, XXII F GENRE. LANGAHA, LdisGAHA. Corps revêtu antérieurement de petites écailles en dessus , et de plaques en des- sous , d'anneaux écailleux vers l'anus j tt de petites écailles au bout. 104 HISTOIRE NATURELLE XXI V^ GENRE. ERPETON, Erpeton, Dessous du corps garni de plaques ou d'une suite de bandes transversales. Dessous de la queue revêtu de petites écailles sem- blables à celles du dos. Point de crochets à venin. Ohs. La tête est couverte de plaques on d'écaillés plus giandei c[ue celles du dos , au nombre de neuf, comme dans les couleuvres , mais disposées sur cinq rangs. La mâchoire suj)érieure a deux appendices charnus et garnis de petites écailles. On voit une arête sur les écailles du dos , et deux sur les plaques du ven tre. On ne connoî t encore qu'une seule espèce. DES SERPENS. io5 XXV' GENRE. HYDRE, Hydrus, Corps garni en dessus et en dessous , ainsi que la queue, d'écaillés semblables, et point disposées en anneaux. Queue très- comprimée , lancéolée. XXV F GENRE. ANGUIS, Jnguis, Corps garni en dessus et en dessous , ainsi que la queue , d'écaiiles semblables, et point disposées en anneaux. Queue cylin- drique ou conique. Ohs. La tête est couverte , dans les espèces mieux connues , d'écaillés plus grandes que celles du dos. On ne leur a pas vu de crochets à venin ; quelques- unes même n'ont pas de dents. lo6 HISTOIRE NATURELLE XXVI P GENRE. ACROCHORDE, Acrochordus, Corps et queue garnis de petits tubercules à la place d'écaillés. Point de crochets à venin. Obs. Des écailles de différente gran- deur sur la tête. XXVII F GENRE. AMP HI s RENE, Amphisb^nj. Corps et queue nus , entourés d'anneaux à petites stries nombreuses. Point de cro- chets à venin. Obs. Des écailles pi us grandes et peu nombreuses sur la tête. DES SERfENS. ÏOJ XXIX' GENRE. CCECILE , Coa , dans l'estomac duquel ëtoit un enfant. Scliwencktel dit, dans son Histoire des reptiles de la Silésie , qu'un homme digne de foi lui avoit as- suré qu'on trouvoit clans celte province des serpens longs de huit couJées , ei de la grosseur du bras. Ou apprend par les Mémoires des Cin^icux de la Nature , année i6S'2y qu'on avoit pris , peu de temps auparavant, auprès de Lausanne en Suisse , un si grand serpent , que sa D E s B O A. Il5 circonférence ëgaloit celle de deux cuis- ses très-grosses. On ajoute , ainsi que dans la plupart des récits vagues que l'on a faits à l'égard de ces scrpens mons- trueux , qu'ils avoient des espèces d'o- reilles. Une grande dilatation de la par- tie postérieure de la tête aura pu don- ner lieu à cette erreur. Il y auroit une espèce d'incrédulité à révoquer en doute le fondement gé- néral de ces narrations exagérées. Il est très-croyable qu'on a rencontré, et que l'on voit encore quelquefois , dans le midi de l'Europe principalement , des serpens , qui par leur vieillesse avoient on ont atteint une grandeur fort remar- quable. Mais je ne pense pas qu.e ces reptiles extraordinaires soient des boa, et sur-tout le devin. Je crois plutôt qu'ils tippartiennent aux espèces de cou- leuvres nommées par le cil. Lacépède , Venciilape. la verte et jaune, et \^qua^ tre-raies. Les deux premières ont quel- quefois plus de cinq pieds de longueur 3 Il6 HISTOIRE NATURELLE mais la dernière, qui n'habite que la partie la plus méridionale de la France, est souvent plus grande. On en voit qui ont jusqu'à dix ou douze pieds de long. Il est même probable que les individus de la même espèce , plus recules au midi, sont d'une taille supérieure. Il peut exister en Italie , en Espagne , quelques espèces de couleuvres incon- nues pour nous , et dont la grandeur soit plus frappante. Ce sera un boa pour les liabitans de ces contrées. Un serpent de quinze à seize pieds de long est certai- nement dans le cas d'inspirer de l'épou- vante , et l'on ne sera point surpris , d'après cela , de trouver de l'exagéra- tion dans les faits rapportés à ce sujet. Mais en dépouillant les narrations des voyageurs du merveilleux que l'imagi- îialion a pu ici leur prêter , des fables qu'ils ont souvent débitées sans le plus léger examen , il paroît assez constaté que le boa, nonnné devin , parvient conununémeut à une grandeur considé- D E s B O À. 117 raWe ; ([n'il est assez fort pour renver- ser un animal assez gros , Ihonime même , d' un coup de queue ; qu'il fait sa proie de grands quadrupèdes , comme de cerfs , de gazelles , de taureaux , même qnelquefois du tigre. Cléyerus e'crivoitde Batavia à Mentzelius(^/)/ze- Tnérides des Curieux de la Nature^ i684, décad. u,an. 2, i683,pag. 18), et en parlant des serpens des Indesorien- tales : a Ces reptiles ont plus de vingt- )) cinq pieds de longueur -, et quoiqu'ils 5) ne paroissent pas pouvoir avaler de 3) gros animaux , l'expérience prouve )) le contraire. J'achetai d'un chasseur )) un de ces serpens que je disse'quai, et j) dans le ventre duquel je trouvai uu 3) cerf entier de moyen âge, et revêtu » encore de sa peau. J'en achetai un au- )) tre qui avoit dcvoré un bouc sauvage, j) maigre les grandes cornes dont il e'toit )) armé ; et je tirai du ventre d'un troi- )) sième , un porc-épic entier et garni j) de ses piquans. Dans File d'Amboine^ Il8 HISTOIRE NATURELLE » une femme grosse fut un jour avalée 3) toute entière par un de ces serpens )) . Xte mênje rapporte qu'on a vu dans le royaume d'Aracan, sur les confins du Bengale , un serpent , le devin proba- blement , se jeter auprès des bords d'un fleuve , sur un très-grand bœuf sauva- ge , et donner un spectacle affreux par son combat avec ce terrible anijnal : on pouvoit entendre , à la distance d'une portée de canon d'un très - gros cali- bre , le craquement des os de ce bœuf sauvage ou de cet urus , brisés par les efforts de ses ennemis. Comment en effet résister à un animal qui ayant trente pieds de long , se roule autour de vous , applique si intimement la surface de son corps contre le vôtre , vous presse avec des muscles si roides sur tant de points , paralyse toutes vos forces , en empêchant l'action de vos bras , de vos mains, de vos pieds, les armes et les moyens de défense que la nature vous accorde ? Comment n'être pas étouffé ^ D E s B O A. 119 écrasé, moulu, par la puissance de tant de leviers qui agissent à-la -fois sur tou- tes les parties de votre corps? Considé- rez que vous êtes , en outre , au milieu d'une atmosphère pestilentielle, l'ha- leine de ce serpent corrompant , à une certaine distance , l'air qui l'environne ; que votre imagination effrayée à la vue de ce monstre dont la gueule est béante^ qui vous montre ses grandes dents, qui répand sur vous une bave écuraante et fétide , vous prive des secours que la raison pourroit vous fournir , et vous livre à tous les délires, à tous les fan- tômes de la terreur ? Et comme si ce terrible agresseur n'avoit pas assez de forces en lui-même pour vous détruire, il vous pousse autour d'un arbi'e , au- près de quelque bloc de pierre , vous y presse , vous renferme , avec ces corps , dans ses circonvolutions , et emploie la dureté et la résistance de ces objets pour auxiliaires contre vous. Il est difficile de se garantir de lapour- Î20 HISTOIRE NATU«.ELLi: suite de cet énorme reptile. Qui pour- îoit , en effet , l'arrêter dans sa course ? Un fleuve ? . . . mais il nage avec la plus iîrande facilité : vous vous hâtez d'at- teindre la cime d'un arbre , mais il y est presqu'aussi-tôt que vous. Votre marche précipitée ? . . . mais il franchit des intervalles considérables avec la ra- pidité d'un éclair. Rusé, il vous déro- bera sa vue, en se cachant parmi les iierbes élevées -, il se mettra en embus- cade sous le feuillage des arbres , à l'en- trée d'une caverne , d'où ce brigand s'élancera sur vous comme un trait. Vous le verrez même , et vous ne vous douterez pas de sa présence. Ce corps étendu, immobile , siu' lequel vous allez vous reposer , que vous prenez pour un tronc d'arbre ; eh bien î c'est le mons- tre , c'est lui-même. Les singes ont pour leurs plus dange- reux ennemis, ces serpensqui les pour- suivent avec une vitesse extraordinai- re, vont les cherchex' jusques sur les D E s B O A. 121 ambres , et les avalent tout en vie. Le devin se nourrit aussi de poisson. Le père de Montoya raconte qu'il vit un. jour une couleuvre dont la tête éCoit de la grosseur d'un ^eau , et qui pêclioit sur le bord d'une rivière : elle commen- çoit par jeter de sa gut^ule beaucoup d'ëcume dans l'eau ; ensuite y plongeant sa tête , et demeurant quelque temps immobile , elle ouvroit tout d'un coup la gueule pour avaler quantité de pois-, sons que l'écume sembloit attirer. Une autre fois, le même missionnaire vit un Indien de la plus grande taille, qui étant dans l'eau jusqu'à la ceinture, occupé de sa pêche, fut englouti par vme couleuvre qui, le lendemain, le rQJeta tout entier. Ce boa, si cependant c'est toujours le devin , est connu sur les rivages noyés delaGuj'-ane sous lenom.de gra?ide cou- leuvre (i); au Mexique , on le nomme empereur ; la divinité suprême de ses Anciens habitans. appelée vitzilipuztliy (i) Voyez le boa géant. Reptiles. III. il 122 HISTOIRE NATURliLLE riant représentée tenant dans sa main droite un serpent. X^es temples et les autels de cette di^dnité , à laquelle on faisoit des sacrifices barbares , offroient aussi l'image du même reptilt, le devin^ ou quelque espèce de boa. « Cette grande puissance , cette force T' redoutable, sa longueur gigantesque, y) r éclat de ses écailles , la beauté de ses » couleurs, ont inspiré, dit le citoyen » Lacépède , une sorte d'admiration , n mêlée d'effroi , à plusieurs peuples » encore peu éloignés de l'état sauvage ; » et comme tout ce qui produit la ter- è) reur et radmiration , tout ce qui pa- » roît avoir une grande supériorité sur » les autres êtres, est bien près de faire » naître dans des têtes peu éclairées , 5) l'idée d'un agent surnaturel , ce n'est )) qu'avec une crainte religieuse que les » anciens liabitans du Mexique ont vu » le serpent devin. Soit qu'ils aient pen- .; se qu'une masse considérable, exécu- j=> tant des mouvcmens aussi rapides , D E s B O A. 123 5) iiepouvoit être mue que par nn souffle » divin , ou qu'ils n'aient regardé ce )> serpent que comme un ministre de la î) toute-puissance céleste, il est devenu » l'objet de leur culte. Ils l'ont surnom- j) mé etnpereur , pour désigner la préé- )) minence de ses qualités , objet de leur » adoration ; il a dû être celui de leur » attention particulière • aucun de siSs » mouvemens ne leur a, pour ainsi dire, » échappé j aucune de ses actions ne pou- D voit leur être indijfférente ; ils n'ont » écouté qu'avec un frémissement reli- )) gieux les sifflemens longs et aigus qu'il )) fait entendre -, ils ont cru que ces sif- » flemens , que ces signes des diverses » affections d'un être qu'ils ne vo voient >) que comme merveilleux et divin, )) dévoient être liés avec leur destinée. » Le hasard a fait que ces sifflemens » ont été sou.vent beaucoup plus forts )) et plus fréquens dans les temps qui >♦ ont précédé les grandes tempêtes , les » maladies pestilentielles , les guerres 324 HISTOIRE NATURELLE )) cruelles ou les autres calamite's pu- )» bliques ; d'ailleurs les grands maux 5) pliysiques sont souvent précédés par 3) une chaleur violente , une sécheresse » extrême, un état particulier de l'at- )) mosphère , une électricité abondante 3) dans l'air qui doivent agiter les ser- 3) pens ; et leur faire pousser des siiïle- 3) mens plus forts qu'à l'ordinaire ; aussi 3) les Mexicains n'ont regardé ceux du 3) serpent devin que comme l'annonce 3) des plus grands malheurs , et ce n'est 3) qu'avec consternation qu'ils les ont )> entendus )>. Celte malheureuse superstition n'a pas été restreinte à quelques peupla- des du Nouveau-Monde. Les liabitans des côtes au Mozambique , et à ce qu'il paroît, les Japonois , déifioient le ser- pent devin. Encore si ce culte n'avoit pas été barbare ; mais on a lieu de pré- sumer que l'on ensanglantoit par des sacrifices Iiumains les au tels de cette di- vinité enfantée par la terreur. On en & D E s B O A. 1:^5 «lu moins quelques preuves relative-» ment aux Mexicains, Des animaux tels que des cerfs, des gazelles^ ont un volume trop considé- rable, pour que le boa devin puisse les avaler _, quoique sa gueule soit très- grande, et qu'il puisse la dilater beau- coup. Après avoir éioiiffé sa proie , en la serrant dans les replis de son corps, il répand sur elle une salive très-abon- dante , il l'en imbibe : une pression con- tinuelle alonge insensiblement le cada- vre de sa victime ; les chairs se ramol- lissent, les os étant d'ailleurs concas- sés. Les parties qui ont souffert cette altération , à commencer par la tête , entrent peu à peu et à force d'aspira- tions : celles-ci digérées , l'animal en attire d'autres à lui , jusqu'à ce qu'il parvienne à une déglutition entière. Une si grande masse de chair ne peut être dans son estomac > sans lui faire perdre momentanément son agilité et sa force, Prcsqu'incapabîe alors de se 126 HISTOIRE NATURELLE mouvoir^ plongé souvent dans le som-» meil, il est ainsi peu dangereux : on profite de son inertie pour tomber sur lui et lui danner la mort. I^es Indiens l'étranglent ou l'assomment à coups de branches d'arbres. Outre qu'ils se déli- vrent d'un terrible ennemi, ils retirent un avantage de sa cliair ,- qui est pour eux un mets agréable , et de sa peau , qui leur sert de parure. Ne pouvant se défaire de ce serpent destructeur par cette voie, ils le chassent eu mettant le feu aux végétaux qui couvrent leurs campagnes. La crainte des flammes qui se propagent en un instant , l'oblige à se retirer dans des solitudes plus recu- lées. (( Lorsque, dit Lopez , le serpent .)) est bien rempli, il tombe dans une [ r> espèce de stupidité ou de sommeil si » profond, qu'un enfant seroit capable » de le tuer. Il demeure dans cet état » l'espace de cinq à six jours , à la fin » desquels il revient à lui-môme. Cette » redoutable espèce de seraient change DES BOA. 127 » de peau dans la saison ordinaire, et T quelquefois après s'être monstrucu- » sèment rassasiée. Ceux qui le trou- » vent ne manquent pas de le montrer )) en spectacle. La chair de cet animal » passe , entre les nègres , pour un mets )) plus délicieux que la volaille. Lors- )) qu'il leur arrive de mettre le feu et » quelque bois épais , ils y trouvent » quantité de ces serpens tout rôtis , )) dont ils font un admirable festin ». Carli nous dit aussi, «qu'étant à se )) promener sous des arbres, près de » Kolamgo, les nègres de sa compagnie ï) découvrirent un grand serpent qui y) traversoit la rivière de Quenza ; ils » s'efforcèrent de le faire retourner sur » ses traces en poussant des cris , et en )) lui jetant des mottes de terre, car il » ne se trouve point de pierres dans le )) pays-, maisrienne put l'empêcher de î) gagner le rivage , et de prendre poste )) dans lui petit buis assez près de la i) maison ». Cette espèce de serpent ne 1^8 HISTOîRlî NATURELLE fait qu'un morceau d'une brebis, et dès qu'il Fa engloutie dans son vaste gosier , il va faire la digestion au so- leil. Les nègres, nous raconte le même auteur , qui connoissent les usages de ces reptiles , apportent beaucoup de soin à les observer , et les tuent facilement dans cet état pour le seul plaisir d'en man»- ger la chair. Ils les ëcorchent,et ne jettent que la queue, la tête et les entrailles. On trouve dans Diodore de Sicile, que l'on prit en Egypte, sous un Plolo- mée , un serpent énorme, ayant trente coudées de longueur. Il se tenoit tran- quillement couché sur le bord des eaux, et y demeuroit immobile , le corps re- plié en cercle, jusqu'à ce qu'il apper- cevoit un animal s'approchant du riva- ge, îl s'élançoit alors sur lui , et l'étouf- foit. Encouragés par l'espoir d'une ré- compense , des chasseurs résolurent de le saisir vivant, et de l'amener à Alexan- drie. Deux périrent dans une première attaque. Ne perdant point courage , les DES BOA. 129 autres s'avisèrent de fermer l'entrée de la caverne dans laquelle Tanimal sere- tiroit , e^t de placer près de ce repaire un rets, composé de cordes dont la gros- seur étoit proportionnée à la grandeur du serpent. Il tomba en effet dans le piëge , épouvanté par ces chasseurs qui se présentèrent tous à-la- fois, en présen- tant leurs armes , et en faisant un grand bruit avec des instrumens retentissans. Il fit d'inutiles efforts pour briser ses chaînes, et on le conduisit à A-lexandrie. Le froid de nos contrées produisant l'espèce de léthargie hivernale de nos serpens indigènes , il est à présumer que le devin n'est pas sujet à s'engour- dir , habitant les contrées brûlantes de la zone torride. Lorsque la saison des pluies est passée , il se dépouille de sa peau pour reparoître avec une robe nouvelle , et que ses couleurs plus fraî- ches et plus vives rendent plus agréa- ble. Elle est la livrée de Vhymen \ ainsi parés, et animés par l'amour, les deux: l3o HISTOIRE NATURELLE sexes se reclierclient , s'unissent pen- dant un temps dont on ignore la durée, et leurs besoins satisfaits , se séparent l'un de l'autre : la femelle va déposer ses œufs sur le sable ou sous des feuilles, chargeant l'astre du jour du soin de par- tager avec elle la maternité , en les fai- sant éclore par sa chaleur vivifiante. Mais un fait bien extraordinaire , est -que ces o&ufs sont très-petits , en pro- portion du volume de l'animal : ils n'ont que deux ou trois pouces dans leur plus grand diamètre. Le devin paroît jouir d'une grande vitalité. On a vu sa tête mordre , pen- dant quelques instans , quoique coupée, retenir même avec efforts , des corps mis à sa portée. On n'a point d'ailleurs d'autres renseignemens sur l'histoire de ce reptile. Le devin du Brésil est fjguré dans Pison, de Indice utriusque re naturali, page 277. Il le nomme boiguaça ou iiboya. Il dit que sa queue est armée de D E s B O A. l3l deux crochets , dont il se sert dans ses mouvemens. Un animal aussi redouta- ble et aussi monstrueux, est cependant la proie des fourmis , qui entrent quel- quefois en telle quantité dans sa gueule, qu'elles l'étouffent. C'est sans doute lorsqu'il est si repu , qu'il lui est im- possible de se remuer. On voit dans le même auteur la figure de son squelette. Il a plus de soixante- dix côtes , dont la grandeur diminue insensiblement à mesure qu'on appro- che de la queue j les trois ou quatre pre- mières paroissent être dépourvues d'à» pophyses épineuses. On peut voir dans Séba beaucoup de figures du boa devin d'Asie, d'Afrique et d'Amérique , tom. i , tab. 36 , lig. 5 , — 53 , fig. 1 . — 62 , fig. 1 , 2 , et tom, 2 , tab. 19, fig. 1. — tab. 98, fig, 1. — • tab. 99 , fig. \^'2, — tab. 100, fig. 1. — • lab. 101, fig. 1. — tab. io4, fig. 1. Cette dernière figure ;, qui paroît faite avec assez de soin, représente les écail* ^^^ HISTOIRE NATURELLE les de la partie antérieure du museau plus grandes que les autres de la tête, tandis qu'elles sont presque toutes éga- les dans d'autres devins. Il y a aussi beaucoup de variétés dans la disposi- tion des taches de la robe ; et lorsqu'on étudiera avec soin ces boa de contrées différentes, l'on trouvera probablement assez de caractères pour les distinguer et en faire plusieurs espèces , ou des va- riétés très-remarquables. Je me contenterai d'offrir ici un lé- ger apperçu des différences les plus es- sentielles que j'ai observées entfe tous les boa de Séba, regardés comme syno- nymes du devin. On peut les vérifier sur la nature dans la magnifique collec- tion des serpensdu Muséum d'Histoire naturelle. u. Tête couverte entièrement en dessus de petites écailles semblables à celles delà partie supérieure du corps, avec trois raies brunes j dos ayant une DES BOA. l33 suite de très-grandes taches ovales sur un fond d'un brun roussâtre , et qui offre par intervalle, sur des avan- cemens latéraux , une ligne grisâtre ou blanchâtre , de grandes taches sur les flancs, d'un brun roussâtre , dont plusieurs en lozange , avec une pe- tite tache presque triangulaire , gri- sâtre ou blanchâtre au milieu. Des- sous du corps tacheté de noirâtre. Séba, tom. i , pi. 56 , fig. 5. — pi. 53, fig. i,ettoni.2,pl.99,fig. 1. " — pi. 101, à ce que je crois. Ceux du tom. 1 viennent d'Amérique , et les Seconds (i) , de Ceylan , suivant cet iconographe. h. Le boa dit V empereur au Mexique , tom. -2, pi. loo , fig. 1. Il a des rap- ports avec le précédent. Le dessus de sa tête est par- tout couvert de peti- tes écailles semblables à celles du dos , fascié et tacheté de roussâtre ou de (i) Ceux-ci sont autant d'espw:es ou va-», rietes^ Reptiles. ÎII. >3 234 HISTOIRE NATURELLE bleuâtre : on y remarque une espèce de croix. Les écailles sont blanches , avec un ou plusieurs points noirs, et une infinité de taches roussâtres ou bleuâtres , ayant elles - mêmes des points ou de petites taches de la cou- leur du corps ; le dessous du ventre est tacheté de noir. e. Dessus de la tête couvert en entier de petites écailles semblables à celles de la partie supérieure du corps. Une espèce de chaîne d'un brun roussâtre sur le dos; de grandes taches d'un brun roussâtre sur les flancs , ocel- lées , ou ayant un arc blanchâtre sUr- monté d'un arc noirâtre. — Tom. 2 y pi. 98, fig. 1. — Mexique, d. Dessus de la tête couvert en devant d'écaillés plus grandes, d'un brun foncé , avec une ligne bleuâtre de chaque côté, traversant les yeux; de grandes marbrures sur la partie su- périeure du corps, formées de gran- des taches blanches ou d'un blanc jau-, DES BOA. 1^5 nâtre , et entremêlées de brun foncé. — Tom. 1 , pi. 62 , fig. 1. — Voyez aussi, pi. 102, second tome. — Mo- zambique^ Brésil (1). e. Dessus de la tète couvert en devant d'écaillés plus grandes-, fond du corps grisâtre ; des lignes noires très-irré- gulières , formant un treillis ou une espèce de chaîne sur le dos, avec des taches blanches bordées de noir sur les côtés. — Tom. 1 , pi. 62 , fig. 2. — De l'Orient. f. Séba représente un boa du Brésil , ' tom. 2 , pi. 99 5 fig. 2 , qui se rappro- che de la variété h ; mais on croit voir des écailles plus grandes sur le devant du museau \ le dessus de la tête est noire , avec une espèce de V couché , blanc ; le dos a des lignes noires, très-irrégulières, entrelacées, bordées de blanc , sur un fond d'un ronx ou bj.un foncé -, le ventre a des taches rouges. (1) On doit les distinguer. j56 histoire naturelle Le Boa géant , Boa gigas» !Le boa devin des Naturalistes paroi t, ainsi que nous venons de l'observer , présenter plusieurs variétés ou même plusieurs espèces très-distinctes. On y a généralement rapporté tous les grands boa sur lesquels les voyageurs ne nous ont parlé que vaguement. J'ai cliercbé à éclaircir une matière aussi obscure, et c'est en m'occupant de ce travail , que j'ai trouvé l'espèce dont je vais parler. Elle mérite d'autant mieux d'ê- tre connue, qu'elle est probablement celle dont la taille est la plus énorme , le serpent si monstrueux dont il est parlé dans un grand nombre de voyages. Le boa devin , celui du moins dont Je fais le tj'^pe de l'espèce , Séba , tom. /, planch. "56 , fig. 5 , etj)^}53 ,fig.i, ne parvient pas à la grandeur de l'espèce que je vais décrire , à en juger par ses DES BOA. 1^7 dépouilles que j'ai comparées avec celles ëé l'espèce précédente. Plusieurs individus du boa géant de tout âge et de toute grandeur m'ont constamment offert les mêmes carac- tèries. Ainsi, quelles que soient les idées que l'on se forme sur ce qui est espèce ou variété dans les reptiles, il n'en faut pas moins décrire celui-ci , parce qu'il a des traits qui le signalent parfaite- ment, et que tout bon naturaliste doit faire connoitre ce qu'il regarde même comme principale variété. XjC fond de la couleur du boa géant est en dessus d'uii gris brun tirant sur le verdâtre : la tête est garnie de peti- tes écailles dans toute son étendue , et m'a paru d'un brun fonce. J'ai trouvé à un individu qui avoit environ dix- huit pieds de longueur , des mâchoires _ bien conservées : ses dents étoient pres- que toutes égales, saillantes de près de quatre lignes, et au nombre de dix à l38 IIISTOIRK MATURELtE douze à-pea-piès par rangée. Il n'y avoit pas de crochets à venin. Les écailles du corps sont carrées ^ grandes et bien diflerentes sous ce rap- port de celles du boa devin. Je ferai ob- server à cet égard, qu'on dcvroit, pour déterminer plus sûrement les espèces, compter le nombre d'écaillés qui entrent dans quelques rangées circulaires du corps. On pourroit compter celles de trois rangées, dont la première se preu- droit au voisinage du cou, la seconde vers le milieu du corps , et la troisième près de l'anus. Plusieurs de ces écailles ont de petites stries ; mais en général , elles sont lisses j Fextrémité d'un très- grand nombre est relevé , ce qui fait paroître la peau cliagrinéc ou dure au toucher. Cette espèce est bien caractérisée par une suite de grandes taches ovales d'un brun noii'âtrc , disposées transversale- ment deux â deux , et se confondant à leur côté inlerno; tout le long du dos^ DES- B G A. 1% ^e sont autant de bandes courtes pla- cées ti'ansversalement et un peu obli- quement. Los côtés inférieurs et le des- sous du corps sont jaunâtres. Sur les flancs est , de chaque côté , une série de grandes taches arrondies^ ou ovales , ou lunulées, irrégulières, jaunâtres^ ayant chacune tout autour une bordure noi- râtre , ou d'un brun foncé. H y a quel- quefois deux taches l'une sur l'autrCr Les plaques abdominales sont au nom- bre de deux cent cinquante, et celles delà queue de soixante à soixante-huit. XiCs dernières, ou celles du bout, se distinguent à'peihe des écailles ordinai- res. Chaque plaque a une ou deux li- gnes brunes , et dans le sens de la lon- gueur , ce qui forme deux raies longi- tudinales et irrégulières. J'ai remarqué autour de l'anus des rangées de petites écailles. On trouve des peaux de ce serpent qui ont plus de trente pieds de lon- gueur. L'individu sur lequel j'ai fait l4o HISTOIRE NATURELLE nia description n'en avoit que dix-huit ", sa peau étoit large de près d'un pied et demi. Je conjecture que ce boa se trouve dans la Guiane. On conserve dans les galeries du Muséum d'Histoire natu- relle la peau d'un serpent très- voisin de celui - ci 5 qu'on avoit apportée de Cayenne. Je n'ai point vu cette espèce dans Séba. Le Boa Bojobi y Boa Canina, Ce boa paroît être, après, le devin, celui dont la grandeur et la force sont plus considérables. Il ne lui cède point en beauté, si même il ne le surpasse pas sous ce rapport. Ici , comme dans l'espèce précédente , l'on est arrêté par la dilficulté de déter- miner d'une manière positive , si tous les boa de pays très-diiférens que les Naturalistes rapportent au bojobi, n'en mnl rélleinent pas distingués. Je \oh DES BOA. l4l un bojobi des grandes Indes, réuni ave c le véritable bojobi des Brasilicns. Le premier est orangé en dessus ; le second est d'un vert de mer; tous les deux ont une suite latérale de taches aloncces quelquefois en lozange , en forme de pe- tites bandes , et qui commençant à quel- que distance du cou , se prolongent jus- qu'à la queue. Mais là elles sont d'un jaune clair ^ ici elles sont blanches. Dans l'un et dans l'autre, la disposition sy. métrique de ces taches produit un joli eflPet.' Le bojobi a deux rangs de dents à la mâchoire supérieure : les plus voisines du museau ressemblent aux crochets des serpens venimeux; mais elles ne sont ni creuses ni mobiles ; les écailles du dos sont lisses, luisantes, et rhomboïdales ; leur beauté et leur éclat ont fait donner par 1er. Indiens , à ce reptile, le nom de tleoa, ou serpent de feu. Les lèvres sont couvertes d'écaillés plus grandes, et sur lesquelles on découvre un sillon assea l42 HISÏOIIIE NATURELLE profond. Il y en a vingt-trois à la mâ- choire supérieure , et vingt-cinq sur l'inférieure. Le cit. Lacépède a remar- qué que les os qui composent chacune de ces mâchoires sont très-séparés l'un de l'autre dans la partie du museau , de même que dans la vipère commune. Selon Linnée, on compte deux cent trois plaques sous l'abdomen , et soixan- te-dix-sept autres sous la queue. Un in- dividu , faisant partie de la collection du Muséum d'Histoire naturelle, et dé- crit par le cit. Lacépède , a deux pieds onze pouces de longueur totale ; la queue a près de sept pouces , d'où l'on voit qu'elle est proportionnellement plus longue que celle du devin. Le bojobi entre quelquefois dans les maisons, sans chercher à nuire ni faire de mal. Si on l'irrite , il mord cruelle- ment , et sa morsure est suivie quelque, fois d'accidensfôcheux, mais qui ne sont point l'effet d'une liqueur venimeuse. Les dfnits de ce reptile ont des pointes D E s B O A. l43 trës-acërées, et la plaie qu'elles font est dès-lors assez profonde pour être diffi- cileàguérir, sur-tout dans des pays très- chauds et très-humides. Sëba a figuré le bojobi du Brésil , tom. 2 , pi. 96 , fig. 2 -, et celui que l'on re- garde comme une variété , propre aux grandes Indes, même vol. pi. 81 , fig. 1. Pison dit que les Portugais l'appellent œhre perde ; qu'il est long d'une aune, et de la grosseur du pouce. (Il paroît qu'il y a erreur dans cette dernière di- mension. ) La racine noueuse d'une plante nommée caa-apia , pilée et prise dans de l'eau, est le milleur remède que l'on puisse, suivant lui, employer lors- qu'on est mordu par un de ces serpens. Il la dit si venimeuse , qu'on a de la peine à en guérir j mais ce boa n'ayant point de crochets à venin, cela nous paroît invraisemblable. l44 HISTOIRE NATURELLE Le Boa Hipnale, Boa Hipaale. Ce serpent est bien infëricar , par sa taille, aux précédens : les plus grands que l'on connoisse n'ont que deux ou trois pieds de longueur , sur un pouce et demi de circonférence. Le fond du des- sus du corps est d'un blanc jaunâtre, un peu roux , varié d'une manière agréable à la vue , de petites taches blanchâtres bordées d'un brun foncé ; la tête est as- sez grande, avec quatorze écailles plus grandes en devant , sur le museau ; les mâchoires ont une bordure composée de très-grandes écailles très-courbées, con- caves à l'extérieur , et formant ainsi un petit canal. On observe aussi des écailles plus grandes autour de la gueule de plu- sieurs boa. Le dessous du corps est d'une couleur plus claire que le reste du corps , avec des taches noires , suivant Séba. Linnée a compté cent soixante-dix neuf grandes plaques à l'abdomen , et cent vingt ù la queue. DES BOA. i45 Ce boa se nourrit d'insectes, tels que clienilles , araignées , &c. et on le voit entrer avec plaisir, et comme un libé- rateur, dans les maisons. On le trouve dans le royaume d© Siam. Le Boa Cenchris , Boa Cencliris, Surinam est sa patrie. Linnée , qui l'a décrit le premier , lui donne deux cent soixante -cinq plaques abdomina- les, et cinquante-sept à la queue. Il est jaunâtre , avec des taches qui imitent des yeux, étant blanchâtres avec l'iris gris. Nous regardons comme très-voisin de ce boa, celui qui est décrit dans le Zoo- philace de Gronovius , sous le n°. \ 35. Sa longueur est de vingt pouces. Sa tête est en forme de cœur, émoussée , large , toute couverte, ainsi que le dessus dû corps , de petites écailles , imbriquées. Elle est déprimée en dessus et plane sur Jljeptiles. Iir. i3 l46 HISTOIRE NATURELLE les côtés. Les mâchoires sont égales et protubérantes à chaque angle, l'infé- rieure est pointue. Les lèvres ont sur les côtés de petites fossettes , disposées en degrés, scalarihuSy dit Gronovius; les narines sont marquées par deux petites ouvertures situées à l'extrémité du mu- seau. La couleur de ce serpent est roussâ- tre , tirant sur le jaune , avec des taches oblongues, très-^prononcées , d'une fi- gure qu'on ne sauroit déterminer, blan - cliâtr&s, avec leurs bords très-noirs, le tronc est un joeu comprimé, plus étroit que la tête à son origine, et j)resque de sa largeur vers le milieu ; le dos est rond ; les plaques delà partie inférieure sont très-étroites; l'abdomen en a deux cent neuf, et sa queue soixante et qua- torze. Elle est petite , subulée , avec le bout obtus et arrondi. On peut appeler ce boa , V ocellé. H liabite l'Amérique méridionale. D F. s BOA. l47 Vipera. Scheuchz, Phys. sac, tab. 62S. Jig. e. Le Boa Enydre , Soa Enydris, On trouve cette espèce en Amérique. Sa couleur est d'un gris qui offre différen- tes nuances. Les dents de la mâclioirc in- férieure paroissent, à ce que dit Lin- née , proportionnellement plus longues dans ce boa que dans les autres \ le des- sous du corps a cent soixante-dix gran- des plaques , et la queue cent quinze. Le Boa Ophrie, Boa Oplirlas» Linnée a décrit le premier cette espè- ce , qui a beaucoup de rapports avec le devin , par sa conformation. Elle est brune , ses plaques abdominales sont au nombre de deux cent quatre-vingt-une , et celles de la queue de soixante-quatre. On ne connoît pas son pays natal. if4S HISTOIRE Î^ATURELLE Le Boa Scytale , Boa Scjtale, Le dessus du corps est d'un gris mêlé de vert , avec des taches noires et arron- dies le long du dos ; et d'autres taches , "blanches au milieu, noires sur leurs bords , représentent ainsi des espèces d'5'-eux sur les flancs. On voit aussi des taches sur le ventre; mais elles sont plus alongées , et paroissent formées de plusieurs points noirs réunis. lia deux cent cinquante plaques sous le ventre, et soixante-dix sous laqueue. Linnée dit qu'il est assez gr gées extérieures présentent enfin des )) fâches rousses qui correspondent aux » intervalles des rangées dont les taches » ressemblent à des yeux: on voit sur le » derrière de la tcfe , cinq auti es taches 5) rousses et alongées^; dont les deux ex- DES BOA. î55 it iJricurcs s'étendent jusqu'aux yeux i) du serpent». Quoique cette description présente quelques traits d'identité avec celle de Séba , j'ai cependant de la peine à croire qucleboarativore du premier, venant de Ternate , soit le même que celui du second -j'entrevois quelques différence» assez sensibles entre ces deux reptiles. Le Boa Turc , Boa Tiircîcus* Tous les boa connus des Naturalistes ctoient étrangers à l'Europe. On vient d'y en découvrir une espèce. Elle a été rapportée des îles de la Grèce, de Polina, par le savant et infatigable observateur le cit. Olivier, mon ami et mon col- lègue. Ce boa, qu'il a figuré, pi. i 6, fig. 2. A, fig. 2. B. de son voyage dans l'empire Ot- toman , a le corps cylindrique , d'un gris jaune, marqué de taches noirâtres, nom- breuses, irrégulières; la tête est ovale. l54 HISTOIRE NATURELLE obtuse, couverte; au-dessus du museau^ de trois écailles triangulaires, larges et courtes, dont une seule en devant , et les deux autres sur une ligne transver- sale, revêtue ensuite d'écaillés presque semblables à celles du dessus du corps. Celles-ci sont petites , rondes , près- qu'hexagones et unies. Les 5'^eux sont petits et enfonces ; la langue est four- chue j la mâchoire inférieure est arron- die à son extrémité. On compte cent soixante - douze plaques , courtes et étroites à la partie inférieure du corps : elles sont si petites, qu'elles ressemblent plutôt à des écailles un peu plus grandes qu'à des plaques. La queue est très- courte et obtuse. Ses plaques sont au nombre de vingt-deux. Le cit. Olivier iie lui a point vu de crochets à venin. Ce boa n'est pas grand : il a le port d'un anguis, et quoiqu'il ait les écailles du dessous du corps un peu plus grandes que les autres , je ne serois pas surpris si D E s B O A. l55 les Naturalistes le faisoie^t un j our pas- ser du genre boa à celui d'anguis. Boa moins connus. Il faut placer à la suite des espèces précédentes, i°. le boa nintipolonga de Séba, tom. i , pi. 3/, lig. i. Sa tête a en devant de grandes écailles jaunes : le corps est d'une couleur de foie , mar- brée d'un cendré clair j trois rangs au moins de grandes taches très-irréguliè- ' res , dont les bords dans les unes sont noirs , dans d'autres fauves , et très- blancs dans quelques , parcourent toute ja longueur du corps. La queue est fort courte. Ce boa se trouve aux Indes orien- tales. Le nintipolonga de Rai est un ser- pent venimeux différent de celui-ci. J'ai vu dans la collection du Muséum d'Histoire naturelle, une peau en mau- vais état; d'un boa voisiu de celui-ci^ \ l36 HISTOIRE NATURELLE elle paroît avoir appartenu à un grand reptile. Sa couleur est d'un gris jaunâ- tre 5 mêle' d'un peu de vert ; le dos a dans toute sa longueur de grandes ta- ches d'un brun noirâtre , plus foncées sur leurs bords, irrégulières, dont les angles rentrans ou les échancrures sont plus marqués d'un côté que de l'autre ; les taches qui sont les plus près de la tête sont partagées en deux *, les flancs ort des fascies ou des taches un peu alongéesj de la même couleur que celles du dos, avec les intervalles qui sont entr'eiles, jaunâtres , ainsi que le voi- sinage des plaques du ventre. Le disque de quelques-unes de ces taches est aussi jaunâtre : on voit des points bruns le long des côtés , près des plaques ; les écailles sont grandes , à petites stries , et leurs bords sont relevés j les latéraie^i sont plus grandes. 2°. Le boa de Séba, tom. 2, pi. 19, n°. I , qu'il appelle le céraste de Siajîi. Il se rapproche du devin ; toni. 1, pi. 55, c D E s B O A, iSj fig. i. Son corps a en dessus une mar- lîiure formée de différentes taches^ dont les unes vsont alongées et sinueuses , les autres arrondies, et dont les bords sont délerminés par une couleur plus fon- cée -j îa tête a de chaque côté une bande d'une couleur différente de celle du fond r.lu corps; le dessous est d'un jaunâtre cendré , avec des taches noires et blan- ches. Cet ammal se nourrit d'oiseaux. '6°. Peut-être le serpent coralliu d'Amboine du même , tom. 2 , pi. 3o , n°. 1. Ses écailles offrent du blanc, du jiiune foncé , du rouge et du noir. 4°. La couleuvre xaxalJiuaàn Mexi- que y du même , tom. 2, pi. jj ^ i\°. 4 et 5. 5°. Le serpent ammodi te de Surinam duinêoie, tom. '2, pi. jB) , n". 5. Il n'est qu'une variété , à ce que je crois, du devin. Même tome , pi. 99, u*^, 1. Reptiles. TTl» li i58 HISTOIRE NATURELLE X V I I P GENRE. SCYTALE; ScYTAZE. Caractères génériques. Dessous du corps et de la queue garni d'une suite de plaques ou bandes transversales j des crochets à yenin; queue nue. Ce nom avoit été donné comme gé- îiérique , dans le Muséum de Gronovitis, au boa scytale ,Q\h une autre espèce de ce genre , qui a, ainsi que la précédente, la tête munie en dessus d'écaillés plus grandes que celles du dos. Ce principe ne nous paroissant pas être assez cons- tant pour servir de base à des caractères de ce genre , nous ne l'avons pas em- ploj^é, et le mot scytale désignera ici les boa venimeux. La considération prise de la présence des crochets à venin , noua paroît être d'une grande prépondérance dans une méthode uaturelle. Ce nou- DES S C T T A L E S. iSg veau genre est le cliaînon qui lie les boa avec les serpens à sonnette : il n'a pas les écailles particulières qui forment un étui bruyant au bout de la queue de ce» derniers; mais il a comme eux, les ar- mes terribles qui les rendent si redouta- bles, ces longs crochets venimeux. Otez, en un mot, au serpent à sonnette, ces écailles en grelot qu'il a au bout de la queue, et vous aurez un scytale. Le Scytale à ^ro'm ^ Scjtale contortrix. Daubenton et le cit. Lace'pède ont nommé ce reptile, qu'ils ont placé avec les boa, le groin , parce que son museau est relevé et terminé par une grande écaille. Catesby n'a point apperçu de crocliets à venin à la mâchoire supérieure de co g,C5''tale, mais il observe que l'animajL pouvoit en être dépo^lrvu à raison de son jeune âge. Linnée lui a trouvé les l6o HISTOIRE NATURELLE vésicules à venin , et il est infiniment probable , par ses autres rapports avec les crotales , qu'il est muni des mêmes armes qu'eux. Le scytale à groin offre d'aiîleurs^tous les caractères des serpens à sonnette. Sa tête est large , très-convexe, susceptible de dilatation , et couverte d'ecailles semblables à celles du dos, du moins à son sommet. L'individu de la collec- tion du cit. Bosca le museau couvert de petites plaques. Il est d'un brun roussâtre dans la figure de Catesby. La tête et tout le dessus du corps ont des taches noires , assez nombreuses , qui forment même sur le dos denx lignes; la queue a une suite de taches noires et de taches jau- nes, disposées alternativement; le des- sous da corps est blanc , tacheté de noir ; l'abdomen a cent cinquante plaques, et la queue quarante. Ce reptile n'a guère plusd'nn ou cleux pieds de longueur , suivant Catesby. Ne DES SCYTAtES. î^l seroit-il pas le mokesou dont parle le cit. Beauvois clans son mémoire? Le cit. Bosc m'a communiqué un scytale si voisin de celui-ci , qu'il Fa pris, au premier examen , pour un in- dividu de la même espèce ; mais je crois qu^il en diffère très-sensiblement. Le scytalc du cit. Bosc habite le bord des eaux de la Caroline; mais il y est rare. L'individu qu'il a apporte avoit été tué à la fin d'août : sa longueur étoit de trois pieds huit pouces , dont la queue emportoit les deux neuvièmes. La tête est fort applatie et d'une largeur ef- frayante lorsque l'animal est en colère- La partie antérieure est recouverte par neuf grandes écailles ou petites plaques ; mais la partie postérieure est garnie de petites écailles semblables à celles de la partie supérieure du corps. Ces derniè- res sont relevées en carène , à l'extré- mité de laquelle , se voit , de chaque côté, un point brillant. Les écailles du dos sont brunes, et les latérales verdâ- îC>2 HISTOIRE NATURELLE très; les plaques sont d'un blanc sale ; les flancs sont marqués cliactin de trente fascies noires qui se perdent vers le dos; la queue est aussi noire , et en cela, ce reptile s'éloigne certainement des précé- dens y dont la queue est fasciée alterna- tivement de noir et de Jaune. La mâ- choire est armée de dents .edoutables, crochets à venin, et ce reptile est peut- être plus dangereux q^ue le serpent à sonnette. Le Scy (aie à chaîne, Scytale eatenatus, Linnée a mis ce serpent avec les cro- tales, et l'a nommé le muet , parce qu'il n'a point de sonnette à la queue. Toua les scytales étant dans le même cas, nous ne pouvons conserver la dénomination spécifique de ce Naturaliste , et nous ap- pellerons cette espèce-ci, le scytale à chaîne, parce que son dos préseute des taches noires, rhomboidales , réunies fesunes aux autres. DES S C Y T A L K S. l63 Ce reptile est d'une belle taille, et d'autant plus effraj^ant, que ses crocheta à venin sont très-forts. Il a une ligne noire derrière les yeux ; ses plaques ab- dominales sont au nombre de deux cent dix-sept, et celles de la queue de trente- quatre : on remarque à son extrémité quatre rangs de petites e'cailles pointues- Ce scytale est de Surinam. Le Scytale piscivore , Scytale piscivora, liC cit. Lacëpède a fait un crotale de ee reptile ; mais comme il n'a réellement pas de sonnette au bout de la queue^, nous croyons devoir le ranger avec nos scy- tales. Catesby nous a fait connoitre ce rep- tile, qu'il appelle vipère d'eau, pi. 43 : son corps, qui a quelquefois cinq ou six pieds de longueur, est brun en dessus, noir etfascié transversalement de ban- des jaunes, irréguiières sur les côtés dii lG4 HISTOTTIK N\TURELLE COU et sur le ventre ; sa tête est grosse / avec le cou merru ; sa mâchoire supé- rieure est armée de grands crochets mo- biles ; sa queue est terminée par une^ pointe, de nature d'écaillé ou de corne , longue d'un demi-pouce. On a préten- du qne cette arme servoit h l'animal , autant que. ses dents, ponr donner la mort. On a même été plus loin, et on a avancé que le jeune arbre dont le tronc étoit percé de cette arme , se desséchoit et moiiroit, après avoir vu , à l'instant de sa blessure , ses fleurs se faner et sa verdure se flétrir. Quoi qu'il en soit de ces fables, il pa- roît assez certain que la morsure du scytale piscivore peut être très-funeste.^ Il est extrêmement; agile et fort adroit à prendre le poisson. Etendu , dans le courant de Tété , le long des branches^ d'arbres qui pendent aux bords des ri- vières, il y guette les oiseaux qui vien- nent se reposer sur l'arbre, ou le poisson qui vient à }a surface de l'eau : il se pré-^ DES S C Y T A L E S. iGS cipite sur celui-ci , le poursuit avec rapidité, en nageant et plongeant com- me lui, le saisit et l'entraîne au rivage , quoiqu'assez gros, pour l'y dévorer. Catesby ajoute qu'il *s'élance aussi quelquefois du haut des branches sur la le te despassans. Le Scytale ammodyte , Scytale amrnodytes. Séba a figuré cette espèce, tom. 2, pi. 76, n°. 1. Il le nomme ammodyte, et le dit de Ceylan. Sa tête est grande ; son front est large , garni de petites écailles minces, rondes, jaunesou rousses, avec des points noirs par intervalle ; de cha- que côté de la tête s'étendent jusqu'au cou des bandes ou des raies noires, tout le corps est d'un cendré blanchâtre ; le dos a une rangée de grandes taches poly- gones, brutes ou noirâtres , plus claires sur le disque; la queue est tachetée de br un,et se termine gn une pointe osse use. ÏSS HISTOTKE NATUEELLF. Ce serpent fait partie de la colîection du Muséum national d'Histoire natu- relie. X I X^ GENRE. CROTALE(i), Crotalus, Caractères génériques. Dessous du corps et de la queue garni d'une suite de plaques et de bandes transversales. Des crochets à venin. Queue renfermée à son extré- mité dans une ou plusieurs pièces d'une consistance écailleuse, mobiles et bruyan- tes. liEs crotales de Linnée, et que Séba, Gronovius' appellent crotalopbores , sont généralement connus sous le nom (i) Nous sommes obligés de nous servir de ee mot de Linuée , au lieu de celui de serpent à sonnette, parce qu'on doit reje- ter dans toute bonne métliode d'hisloiro naturelle tous les noms génériques compor ôés de plusieurs mots. DES CROTALES. iGf de serpens à sonnettes : ils sont les der- niers de cet ordre qui aient toute la par- tie inférieure du corps, je veux dire, de- puis la tête jusqu'au bout de la queue, partage'e par des plaques transversales , dispose'essur un seul rang longitudinal. Les armes redoutables qu'ils ont reçwes pourdonner la mort , ce singulier grelot qu'ils ont à l'extrémité de la queue, et qui leur est particulier, achèvent de les distinguer de tous les autres liCS crotales ont la tête large, trian- gulaire , applatie généralement dans toute son étendue, ou bien moins con- vexe postérieurement que celle des boa ; les écailles qui en recouvrent le sommetjou toute la portion qui est entre les yeiix et au-delà, sont semblables à celles du dos- mais celles du dessus du museau sont souvent plus grandes , en forme de plaques, notamment les écail- les de l'extrémité, et les deux qui dé- fendent les yeux ; une sur chaque. iiyS HISTOIRE NATURELLE Les écailles qui recouvrent le dessus du corps sont relevées en carène , au milieu , caractère qui s'observe dans presque tous les serpens venimeux ; mais qui n'est pas exclusif quoique assez général; elles sont toutes mues parleur muscle particulier. L'anatomiste anglais , Tison , a dé- couvert que les yeux du serpent à son- nette le plus connu, appelé boiquira , étoient accompagnés d'une membrane clignotante : on dit ceux de cette es- pèce étincelans et luisans dans les té- nèbres. La gueule de ces animaux a une grande ouverture; la langue est four- chue à son extrémité, et renfermée en partie dans une gaine , déliée et suscep- tible demouvemens prompts etendif- férenssens : les deux os de la mâchoire inférieure , d'après les observations fai- tes sur le boiquira, sont séparés aux deux bouts ; ce qui facilite ou du moins ne |)orle pas obstacle à lu dilatation de DES CROTALES. 169 la mâchoire : ces os sont arme's de dents crochues, tournées en arrière, etdimi- ï) Liant de grandeur à mesure qu'elles s'é - loignent du museau. Une telle disposi- tion est très-favorable à cesreptiles pour retenir leur proie. La mâchoire supérieure offre , de chaque côté près du museau , un ou deux énormes crochets ou dents plus fortes, longues de six lignes dans plu- sieurs , creux dans la plus grande partie de leur longueur , et ranfermés dans une sorte de poche ou de gaîne membra- neuse, d'où ils sortent lorsque l'animal les redresse. C'est là, et sous la peau qui recouvre la mâchoire , que sont pla- cées les vésicules du poison : il s'insinue dans la dent par un trou dont elle est percée à sa base , et en sort par une fente longitudinale, très-forte, que l'on voit à l'extrémité du crochet. On a remar- qué que le venin étoit d'une couleur verte ; et que loin de s'affoibiir , elle se çoncentroit par la lessive, sur le linge Kcptiles. III. ^5 iJO HISTOIRE NATURELLE imbibé de celte liqueur. Outre ces cro- chets , qui sout propres, à tous les ser- pens veuimeux, le boiquira a d'autres dents plus petites à la mâclioire supé- rieure , et dont il fait usage pour mieux retenir les corps dont il s'est saisi. Le nombre de plaques abdominales dans les espèces mieux connues, ne va pas tout-à-fait à deux cents, et'le rap- port moyen du nombre de celles de la .queue aux précédentes, est à-peu-près comme i est à 5. Passons à la description d'une partie très-curieuse , de ce grelot que les cro- tales ont au bout de la qxieuc , et dont le bruit décèle la présence de l'animal. Différentes pièces , dont le nombre varie depuis un j usqu'à trente et au-delà, d'une substance semblable à celle des écailles , sonore , cassante , élastique , demi-transparente, s'emboîtant les unes dans les autres, ne tenant point, ex-- cepté une, au corps de l'animal , et pou- vant se mouvoir les unes sur les au U es j DES CROTALES. l/ï telle est, en gros, la disposition de cette sonnette. Chaque pièce est une espèce de py- ramide à quatre faces , et dont deux op- posées sont beaucoup plus larges que les autres ; l'intérieur enestcreux, soit pour embrasser la queue , soit pour ser- vir à l'emboîtement respectif de toutes ces pièces : on peut les regarder comme autant d'ëtuis courts, coniques, se mou- lant surins dernières vertèbres du corps du serpent. On voit sur chacune de ces pièces trois cordons ou bourrelets circulaires , transversaux , répondant à un pareil ïiombre d'élévations vertébrales, creux et raboteux comme elles : le premier de ces cordons , celui qui est opposé au bovit de la queue est le plus grand , et le troisième ou celui de l'autre extré- mité, est le plus petit; mais ce qu'il est essentiel de remarquer , c'est que la pre- mière pièce , la plus voisine de l'origine de la queue , est la seule qui soit liée au IJ'l HISTOIRE NATURELLE corps ; elle est moulée sur les vertèbres, et appliquée exactement contre elles par le moyen d'une membrane mince intermédiaire. Toutes les pièces du grelot s'engrè- nent les unes dans les autres , à com- mencer du côté du corps ; les deux tiers de chacune d'elles sont renfermés dans celle qui suit : des trois bourrelets , le premier est le seul qui paroisse, excepté à la dernière pièce, ou celle du bout de la sonnette. Ici les trois cordons sont à nu. Les deux cordons qui ne sont pas visibles occupent le creux des deux pre- miers de la pièce qui suit immédiate- ment : c'est ainsi qu'ils s'emboîtent et se retiennent : l'inégalité réciproque des diamètres des deux derniers bourrelets d'une pièce , et des deux premiers de celle qui lui sert d'étui , permet le jeu du mouvement. Ces pièces, excepté la première , ne tenant point à l'animal par un nerf ou DES CROTALES. î 7^ xm vaisseau , ne peuvent recevoir de nourriture et croître; c'est vraiment conime une espèce de grelot at lâché à la- queue du serpent , et qui se remue lors- que cette partie du corps est agitée. <( La sonnette du boiquira est placée , )) dit le cit. Lacépède , de manière que » ses côtés les plus larges sont vertica- )> lement, lorsque le serpent est sur son )) ventre; elle ne touche pas immédia- ii tementaux grandes plaques qui gar- î) nissent le dessous de la queue ; mais » entre ces grandes plaques et le bord )) de la première pièce , on voit uneran- )) gée de petites écailles semblables à » celles du dos. La sonnette de rindi- » vidu conservé au Cabinet du roi _, a » neuf lignes de hauteur, un pouce )> neuf ligues de longueur y et est com-^ » posée de six pièces. » Les différentes pièces 5 dit toujours » le même Naturaliste , n'ont été for- » mécs que successivement ; lorsque )) chacune de ees pièces a pris son ac- ly^ HISTOIRE NATURFXLK ; » croissement , elle tenoit à la peau de j) la queue ; elle n'auroit pas pu rece- )) voir saus cela la matière nécessaire à )) son développement ; et d'ailleurs on )) voit souvent, sur les bords des pièces jf) qui ne tiennent pas immédiatement )) au corps du serpent , des restes de la )) peau de la queue , à laquelle elles )) étoient attachées ». A mesure qu'une pièce est fermée , il s'en produit un-o autre au-dessous qui fait effort pour la détacher de l'extré- mité de la queue : la première pièce n'ept cependant pas entièrement séparée du corps du serpent: a Elle est seulement )) repoussée en arrière -, elle laisse entre )) son bord et la peau de la queue un 3) intervalle occupé par le premier bour- )) relet de la nouvelle pièce ; mais elle- » enveloppe toujours le second et le )) troisième bourrelet de cette nou- î) velle pièce , et elle joue librement » autour de ces bourrelets qui la retieu- « ncnt ))• N DES CROTALES. IjS Il en est de même pour le troisième qui se forme sous la seconde , et pour toutes les autres. De raccroissement des dernières ver- tèbres de la queue , ou de la constance de leur grandeur , dépendent aussi la différence ou l'égalité de grandeur des pièces de la sonnette , pui^^que ces pièces se moulent primitivement sur les ver- tèbres. Il est aisé de conclure , de ce que nous venons de dire , qu il se forme une nouvelle pièce à chaque mue ; mais nous ne devons pas aller plus loin , et nous aurions tort de regarder cet accroisse- ment comme un moyen indicateur de l'âge des serpens à sonnette , ou comme propre à servir de caractère spécifique. Les loix de cet accroissement nous sont inconnues , et nous ignorons si ces mue» partielles concordent avec la mue gé- nérale pour le temps et pour le nombre. L'opinion que des Naturalistes ont con- çue à cet égard n'est pas fondée. Sans 176 HISTOIRE NATUPuELLE parler ici de ces accideiis^ de ces causes particulières qui peuvent avoir tant d'influence sur le dépouillement , la formation des pièces de ces sonnettes , et qui rendroient toujours le problême il résoudre du nombre des indéterminés, nous objecterions, avccle cit. Lacépède, que dans une mue générale, le dépouil- lement s'étendant jusqu'aux dernières vertèbres de la queue, la sonnette par- ti roit avec la peau, et que dès-lors elle ne seroit jamais composée que despièces formées dans l'intervalle d'une mue gé- nérale à iine autre. On compare le bruit excité par le mouvement de ces pièces, à duparche- min qu'on froisse. Ce bruit a plus de rapports avec celui que produit la dé- tente du grand ressort d'une montre. On l'entend à plus de soixante pieds de distance. Il seroit bien à désirer, dit le cit. Lacépède, qu'on pût l'entendre de plus loin encore, afin que rapproche DES CROTALES. 177 du l)oiquira étant moins imprévue , fut aussi moins dangereuse. On ne peut, en ejQPet, révoquer en doute les tristes suites de sa morsure. La première est une enflure générale ; la bouche s'enflamme ensuite , et ne peut plus contenir la langue; on est consumé d'une soif dévorante, qui redouble si on cherche à l'étancher ; le sang sort sou- vent par toutes les parties du corps ; une gangrène , qui se communique de la partie offensée au reste du corps, termine enfin une si tourmentante agonie. La mort est plus ou moins prompte , sui- vant le temps où l'on a été mordu , et la nature de la plaie. La morsui'e faite dans un temps chaud et à une artère , est incurable , et l'on en meurt dans l'espace de quelques heures. On a va un chien périr quinze secondes après avoir été mordu. Cet animal se soutient encore mieux que les chevaux et les bœufs , et on en a guéri quelques-uns jusqu'à cinq fois. L^n autre serpent , 178 HISTOIRE NATURELLE mordu par le boiqi lira, mourut en moins de huit minutes. Kalm rapporte qu'un de ces derniers reptiles, ayant tourné ses armes contre lui-même, expira en moins de douze minutes. Ces dents sont si aiguës , qu'elles per- cent même des bottines. Si l'animal a déjà épuisé une partie de son venin , sa morsure est moins dangereuse, ouïe poison agit plus len- tement. Nous ne parlerons point des différens remèdes que les Américains emploient pour neutraliser l'action de ce venin, le Mémoire du cit. Bcauvois en a déjà fait connoître les principaux. Celui qui pa- roi t avoir le plus d'efncacité est tiré du poligale de Virginie , senéha ou 5^- néga (i). Mais parmi ceux même qui échappent à la mort, plusieurs portent ( i) Des scarifications faites sur le champ à la plaie, ou sa succion, doivent préluder à tout remède. DES CROTALES. 1 ?<> toute leur vie le triste témoignage de leur funeste accident. Des taches jaunes sur la partie qui fut blessée, des enfki- ï*es, des douleurs périodiques, en perpé- tuent le pénible souvenir. Les malheurs qui accompagnent la morsure des serpens à sonnette ont du tellement effrayer les hommes qui ont un même lieu natal , que leurs rapports sur les habitudes de ce reptile doivent être présentés sous des couleurs fausses. On a craint de le voir , et on l'aura mal vu. Il est peint se mouvant avec une très-grande rapidité , et dans un clin- d'oeil se repliant en cercle , s'appuvant sur sa queue, se précipitant comme un ressort qui se débande, et tombant sur sa proie; tout cela est commun au grand nombre des serpens. Mais il paroît cer- tain , d'après le témoignage de plusieurs Naturalistes dignes de foi , que le boi- quira est d'un naturel doux et tranquille; qu'il n'exerce sa puissance que contre les animaux dont il fait sa nourriture ^ î8o HisromE naturelle à moins qu'on ne l'ait jDrovoqué; qu'où a souvent passé auprès de lui, sans qu'il ait donne le moindre signe de co- lère. Voyez le Mémoire du cit. Beauvois inséré dans cet ouvrage. Les serpens à sonnette semblent pins propres à l'Amérique qu'aux autres parties du monde. Ils se tiennent sou- vent sur les arbres , particulièrement aux bords des eaux ; les uns guettent de petits quadrupèdes, tels que des écu- reuils, des rats^ ou des oiseaux; les autres se nourrissent d'animaux aquatiques , de grenouilles, de poissons , de vers , &c. Ils exhalent une haleine empestée , une vapeur méphitique, dont on a trop vanté la puissance. Ne lui attribuons pas, avec tant de débiteurs de fables , une force magique, et n'ayons pas re- cours à un cliarme merveilleux , pour expliquer commentun animal, effrayé à la vue d'un serpent à sonnette , et qui en aura peut-être été déjà mordu, vien- dia tomber tout épuisé; auprès de lui . DES CROTALES. l8l et même dans ]a gueule de son ennemi qui sait ses mouvemens. Le docteur Tyson a fait connoître deux petites glandes qui s'ouvrent dans le rectu.m du boiquira auprès de l'anus , et qui con- tiennent une liqueur un peu épaisse, d'une odeur forte et désagréable. Kalm a dit que l'espèce de crotale sur laquelle on a fait le plus d'expériences, le boiquira , refuse toute nourriture lorsqu'il se voitcnfermé , et qu'il se con- tente de tuer les animaux qu'on met avec lui. Mais une observation rap- portée par le cit. Beauvois, dans son Mé- moire , prouve que cela n'est pas cons- tamment vrai. Toujours est-il certain, par les expériences faites à la Haye par M. Vosmaër , que le,-? oiseaux et les sou- ris qu'on emprisonne avec le boiquira ^ .sont saisis de douleurs mortelles à la vue de ce reptile. Mais cette épouvante est toute naturelle, puisque bien des hom- mes, se trouvant en vsa présence , ne pourroient se défendre d'une forte im- Reyilles. IH. x6 l8î2 HISTOIRE NATURELLE pression de crainte. Qu'est-il besoin d'enchantemens pour expliquer un tel fait? Le boiquira ne pond qu'un assez petit nombre d'œufs. Il n'est encore que trop multiplié , la durée de sa vie étant favo- rable à sa jiropagation. On le dit plus ter- rible dans les temps orageux. Soumis alors à l'action d'une plus grande quan- tité de chaleur et d'électricité, il doit elTectivement être plus prompt à la co- lère , et plus dangereux dans sa ven- geance. Kalm remarque judicieusement, que si les Indiens craignent de voyager dans les bois, lorsque le temps est pluvieux, c'est peut-être parce qu'ils entendent moins le bruit des sonnettes de ces ser- pens , les pièces dont elles sont compo- sées étant plus molles, moins élastiques et moins bruyantes lorsqu'elles sont mouillées. Les crotales des ips-js élevés , et dans îeaquels le froid se fuit sentir; passent DES CROTALES. 1 85 l'hh'er comme les autres reptiles, ca- cliës, abrités etengourdis dans des trous, sous la mousse abondante qui tapisse les grandes forêts. On profite de cette léthargie pour les saisir dans leurs repai- res. Vinssent-ils à se réveiller, ils seroient trop foibles pour se défendre et pour échapper à leurs agresseurs : des Indiens en mangent même la chair. On tire de sa graisse une huile que l'on emploie contre les meurtrissures et la morsure même du serpent. On fait aussi usage de cette graisse pour dissiper plusieurs dou- leurs", particulièrement celles de scia- tique, et on la regarde comme fondante. Les sonnettes sont données, réduites en poudre, dans les accouchemens labo- rieux , au rapport du cit. Bosc. Les cochons marrons se jettent avec avidité sur les boiquira , les saisissent de manière à ne pas craindre leurs morsures , et s'en nourrissent. Quelques couleu\'Tes leur font aussi la guerre. Leboiquira est très-vivace Tyson en l84 HISTOIRE NATURELLE disséqua nu qui vécut quelques jours après qu'on lui eut arraché la plupart de ses viscères , et que sa peau eut été dé- chirée. Ses poumons , qui étoient com- posés du côté de la partie antérieure du corps de petites cellules, comme ceux des grenouilles , et terminés ensuite par une grande vessie forte et transparente, demeurèrent enflés, remplis d'air , sans se dilater et se contracter, jusqu'au mo- ment où le serpent expira. Dès que les froids s'afFoiblissent , les serpens à sounette commencent à quit- ter le jour leur asyle , et à chercher les lieux exposés à la chaleur du soleil. Ils se retirent encore la nuit dans leur mai- son d'hiver ; ce nVst que vers la fin du printemps qu'ils l'abandonuent tout-à- fait, et après s'être dépouillés de leur robe ; ils cherchent alors les endroits ombragés , mais qui étant exposés au midi et abondans en eaux , servent à en- tretrenir leur chaleur , et leur offrent des provisions plus nombreuses. Los lu- DES CROTALES. l85 dieiis venant à trouver dans leurs cour- ses des troncs d'arbres qui barrent le cliemin , aiment mieux faire un détour que traverser ces troncs, instruits par i'expérienee que les serpens à sonnette s'y mettent souvent à l'abri. Ces repti- les sontaussi à craindre sur l'eau que sur terre , nageant avec beaucoup de facililé. Nous renvoyons, pour quelques au- tres particularités, au Mémoire du cit. Beauvois. Puisque tant d'animaux féroces, tant de reptiles, plus terribles encore par leurs armes funestes, désolent ces par- ties du globe où la nature est si belle , félicitons-nous d'être sur un théâtre moins imposant, il est vrai^ maison tout est compensé -, n'eiivions point le sort de ces Indiens ^ dont le pays offre à la fois un si grand nombre d'oljjets dad niiratien et d'horreur , piosternons- nous, avec reconnoissance, aux pieds de FEire suprême, qui a départi ses dons avec uue t^lle sagesse. l86 HISTOTP^E NATURELLE Occupons- nous maintenant des diffé- rentes espèces de serpens à sonnette , et répandons quelques rayons de lumière sur une classification encore trop em- brouillée. Le Crotale Boiquira, Croialus Morridus, Cette espèce appartient exclusive- ment, ou du moins spécialement, à ce qu'il me paroît, aux contrées du Nou- veau-Monde qui avoisinent l'équateur, telles que la Guiane, le Mexique j. le Brésil; c'est le serpent à sonnette ordi- naire de nos colonies ; c'est le hoicini- ninga de Ma regrave et de Pison , le teuhtlacetzauJiqui d'Hernandez, Ic^rep- tile que les Portugais appellent casca" vêla. Leshabitansdu Brésil le connois- sent aussi sous le nom de boiquira , et comme cette désignation a été adoptée par plusieuï-s Naturalistes célèbres , le cit. Lacépcde principalement ; nou» To7n .JIl, Pq^ . z86. i.Le Crotale Pjoicjuira . a. Ses soiine(tei> -vues, en dessits 3 .Les uîciiies vues en dessou-s ■ 4'Uïie de ses pièces detacliee . iî.La Platnre Pasciee . DES CROTALES. 187 nous faisons une loi de l'employerj nows préviendrons cependant que la plupart des faits rapporte's à l'égard des serpens à sonnette^ notamment du boiquira;, ne conviennent à la rigueur qu'à l'espèce la plus commune de l'Amérique sep- tentrionalc; le durissiis deïAunée. C'est probablement cette espèce qui a fourni àKalm plusieurs observations curieuses, dont nous avons fait usage , en les appli- quant, avec le cit. Lacépède, au boi- quira. Les habitudes des serpens à son- nette doivent , il est vrai , se ressembler beaucoup ; mais comme nous devons être vrais, qu'il est dangereux de géné- raliser avant qu'on ait une grande masse de faits, nous croyons devoir cette expli- cation aux sincères amateurs de l'his- toire naturelle. Pour bien distinguer l'espèce de cro- tale dont nous allons parler , nous ne nous sommes pas bornés à un examen critique des passages des auteurs qui leur étoient relatifs j nous avons aussi îS8 HISTOIRE NATURELLE étudié les reptiles dans la collection du Muséum d'Histoire naturelle de Paris, et dans quelques autres particulières. De la comparaison des passages do Marcgrave , de Pison , de Niéremberg et de quelques autres Naturalistes, de mes observations particulières laites sur le serpent à sonnette apporté de Suri- nom , il me semble résulter que les ca- ractères distinctifs du boiquira sont d'à-» voir le museau un peu en pointe ob- tuse, recouvert de six grandes écailles, avec une bande noirâtre transversale , deux grandes raies noirâtres partant de la tête et prolongées sur le cou 5 d'avoir le fond de la couleur de dessus du corps d'un gris brun ou rougeàtre , avec des nuances pin s obscures en quelques espè- ces, une suite de grandes taches d'un brun noirâtre le long du dos , formant des espèces de lozanges, (i^uelquefois plus clairs au milieu, bordés toujours exté- rieurement de grisâtre ; labdomen est d'un blanc tirant sur ic jaune , sans la- DES CROTALES. 1S9 elles, ou à tuclîcs très-pea nombreuses. Il a cent soixante-six ou sept plaques ; la queue en a vingt- six ) les écailles ont une forte arcte , les pièces de la sonnette sont au nombre de six à dix j mais cela n'est pas fixe. Sëba a ligure cette espèce au n°. 1 de la planche 95 du tom. 2. Le boiquira peut avoir de quatre a six pieds de longueur. On dit qu'il se transporte avec une vitesse incroyable au travers des rocîiers , et que c'est ce qui l'a fait nommer par les Mexicains, ecacoalt , qui veut dire vent. Il marche lentement sur terre. Pison rapporte à son sujet une opi- nion trop singulière pour être reçue sur simple parole ; c'est que la pointe de la queue de ce reptile introduite dans le fondement d'un homme, lui donne la mort plus promptement encore que le poison qui distille des crochets à venin. 190 HISTOIRE NATURELLE !Le Crotale Darissus , Crotalus Uurissus, Il est certain , d'après Linnée , que l'Amérique septentrionale est la pQ.ti ie du diirissus ; que cette espèce a été le sujet des observations de Kalni son dis- ciple , et de Catesby ; que ce dernier en ayant donné une bonne figure citée par Linnée, doit nous servir à lever les dif- ficultés relatives à la détermination de ce crotale. Entre les animaux que le cit. Bosc a recueillis dans la Caroline^ j'ai reconnu un reptile de ce genre , ayant tous les caractères indiqués par la figure de Ca- tesby , et je ne puis douter que ce cro- tale ne soit le durissus de Linnée ; ainsi que dans deux autres espèces , les écail- les du bord antérieur de son museau , et celles qui recouvrent les yeux, sont les seules qui soient plus grandes; les. autres ressemblent à celles du dos. DES CROTALES. igi Le fond de la couleur est d'un gris brun ou rougeâtre -, le museau est mar- qué de deux taches , le cou de quatre raies noires ; le dos a des bandes trans- versales, noires, irrëgulières, qui m'ont parU; dans l'individu du cit. Bosc, bor- dées de grisâtre; les côtés ont aussi des taches noires; le dessous du corps est d'un blanc jaunâtre. Linnéelui donnée cent soixante -douze plaques abdomi- nales et vingt - une caudales. Kalm , qui les a comptées avec soin , en a trouve une de plus à l'abdomen , cinq de plus à la queue. Le cit. Bosc en a tué un individu qui avoit quatre pieds de longueur. Il retira de son estomac le lièvre désigné sous le nom spécifique d'américain. On recher- che beaucoup les sonnettes de ce reptile, parce qu'on les prescrit dans les accou- cliemens laborieux. On rapporte à cette espèce la fig. 2 de la pi. 95 du tom. 2 de Séba ; mais 192 HISTOIRE NATURELLE elle ne convient, à ce qn'il me semble, qu'à l'espèce suivante. Je ne crois pas , non pius, que le dnrissLis du cit. Lacé' pède soit le nôtre. « Ce serpent , dit-il;, a j) le dessus dn corps varie de blanc et de » jaune, avec des taches rîiomboïdales , )) noires et blanches dans leur centre; j) le sommet de la tcte est couvert de 3) six grandes écailles placées sur trois ?) rangs : le dos est garni d'écaillés ova- )) les et relevées par une arête ». Cet in- dividu n'avoit qu'une pièce à sa son- nette. Salongueur totale n'étoit que d'un pied cinq pouces six lignes ; celle de la queue étoit d'un pouce huit lignes ; ses crochets à venin avoient quatre lignes de longueur, et la fente de l'extrémité une. Le crotale durissus a été trouvé dans l'Amérique septentrionale jusqu'au 45® dc£jré de latitude. Nous avons exposé dans les générali- tés des serpe ns à sonnettela plus grande partie des observations de Kalm rela- DES CROTALES. ig^ tives à cette'espèce , et consignées dans les Mémoires de l'Académie de Stock- holm. Achevons de terminer ce ta- bleau historique avec les faits suivans , que nous puiserons dans la même sour- ce ; mais n'oublions pas qu'ils no as paroissent propres au durissus , ahn d'éviter les applications trop générales. Les plus jeunes crotales n'ont ordi- nairement qu'une seule pièce à leur son- nette. Ceux que l'on tue maintenant dans les colonies anglaises l'ont compo- sée depuis une jusqu'à douze pièces. Quelques personnes disent avoir vu de ces sonnettes qui avoient de vingt à trente anneaux , et qu'on en trouvoit autrefois qui en avoient jusqu'à qua- rante. La chasse que l'on donne à ces serpens , fait qu'on n'en trouve plus de si vieux. Ils ne poursuivent jamais aucun liomme , parce que leur démarche est lente. Dès qu'ils en apperçoivent un, ils s'arrêtent , se mettent en rond , sou- Reptiles. III. 17 ig'i HISTOIRE NATURELLE lèvent la tête et la queue, ci font reten- tir leur grelot. Les Américains disent cependant qu'ils n'agitent leur sonnette que lorsqu'ils sont efFra3^és^ et qu'ils s'abstiennent d'exciter du bruit, à la présence de l'objet dont ils veulent faire leur proie ; ils attendent patiemment qu'il soit à leur portée , afin de le mor- aine avec pi us d'assurance. Ces reptiles marchent ordinairement par couples : ils traversent à la nage les rivières et les lacs. Lorsqu'ils sont dans Icau , leur corps se gonfle et surnage comme une vessie ; il est même dange- reux alors de les attaquer ; car il leur est facile de s'élancer dans le bateau. Ils jie peuvent mordre que dans la position circulaire, de manière qu'on peut met- lie le pied près d'eux , et sans avoir rien à craindre , lorsque leur corps est eu ligne droite ; mais Kalm conseille de ne pas le faire, pour plus granJc précau- tion, ces animaux se retournant pi omp- tement. Ils ne font aucun mal aux DES CROTALES. lO^ liomines, à moins qu'ils ne soient a{\a- mës, ou qu'on ne les irrite . soit exprès, soit en les blessant par mégarde. Ils passent quelquefois sur des hom- mes endormis sans leur nuire. S'ils voient quelqu'un , ils se mettent en défense , et continuent leur chemin de» qu'on s'est dérobé à leur vue. Leur odeur est très-mauvaise , sur- tout lorsqu'ils se chauffent au soleil , ou qu'ils sont en colère : on les sent ainsi quelquefois avant de les voir ou de les entendre. Les chevaux et les bœufs sont, lorsque le vent n'y est pas contraire , avertis, par l'odorat, de la présence de ces serpens. Ils attaquent , outre les écu- reuils, les lièvres , les petits oiseaux et les grenouilles , une espèce de loutre , appelée mink , qui a la grandeur;, la forme et la coule lU' de la marte. Les Américains avoient autrefois un très-grand respect pour le serpent à son- nette , et la superstition contribuoit ainsi à propager ce dangereux animal. 39S HISTOIRE NATURELLE Mais les Européens ont détruit dans leur esprit ces pernicieuses idées : on le tue sans scrupule, et beaucoup d'Amé- ricains n'en ont même jamais vu. La morsure du serpent à sonnette ne rend pas , suivant Kalm , la chair des animaux tués ée cette manière, plus dangereuse que ne le fait la blessure des flèches empoisonnées dont les sauvages se servent pour tuer le gibier qu'ils m animent ensuite. Lorsque la dent s'essuie en passant au travers d'un corps qui s^imbibe fa- cilement ; la blessure est moins dange- reuse. Mais si cette dent conserve du venin , sa piqûre peut , quoique sépa- rée de l'animal, donner la mort. On m'a cité, à ce sujet , un trait fort ex- traordinaire , et qui prouve combien cette liqueur empoisonnée est active. Un serpent à sonnette avoit enfoncé et laissé dans le cuir d'une bottine d'un liomme qu'il vouloit mordre ses cro- chets à venin ^ sans qu'ils eussent péné- DES CUOTALES. 197 trë dans sa chair. \Jae égratignure, oc- casionnée par l'extrëmité acérée de ces dents, produisit, quelque temps après, le même effet que la morsure de l'ani- mal. Deux personnes , entre les m.iins desquelles ces fatales bottines passèrent successivement, eurent le même sort. Lorsqu'on veut manger le serpent à sonnette , il faut le tuer, dit-on , promp» tement , et avant de l'avoir mis en co- lère , parce que se mordant lui-même et mourant de sa blessure, sa chair con- tracte une qualité venimeuse. Maispuis- que ce poison ne change pas , à ce que l'on assure, la qualité de la chair des animaux tués par son effet, pourquoi la chaii^ du serpent à sonnette devien- droit-elle dangereuse ? Le Crotale à lozange , Crotalus rJioinbifer, J'ai vu dans la collection des serpens du Muséum d'Histoire naturelle de Pa- îg^ HISTOIRE NATURELLE ris, ce crotale , qui nie paroît foriîier une espèce très-distincte. Cet individu m'a paru être plus petit d'un tiers environ que le durissus ; sa tête est plus courte, son museau est couvert en dessus de grandes écailles ; le fond de la couleur du corps est d'un gris jaunâtre ; mais le dos présente deux raies d'un brun rougeàtre , formant à elles deux une suite de lozanges très- distincts. La sonnette est composée de quinze à dix-huit pièces. Je crois qtie c'est le scrp<^nt à son- nette n". 2 , pi. 95 , tom. 2 , de Séba ; son Teutlacotzouphi , le même que Lin^ }iée, Daubenlon et le cit. Lacépède ont pris pour le durissus. On a donné , dans les planches de l'Encyclopédie métho- dique , le crotale n°. 3 de la même plan- che , pour celui-ci. Cette espèce se trouve en Amérique, J'ai trouvé, dans les observations que le cit. Beauvois a recueillies sur les ser- pens de la partie de l'Amérique septen- DES CROTALES. I99 trionale qu'il a parcourue , luie descrip- tion succincte d'un serpent à sonnette qu'il regarde comme nouveau , mais que je crois être Vkorridus.Il lui donne 3e même nom : ses écailles dorsales sont larges^ ovales^ grisâtres, coupées par d'autres qui sont jaunâtres , et forment des lozanges très-régidiers ; sa queue est courte j grosse , plus brune que le reste du corps. Il habite les contrées méridionales des Etats-Unis , dans les lieux bas et voisins des eaux , d'oii lui vient le nom de watter-ratte snah , serpent à son- nette d'eau. Sa morsure , dit ce natura- liste , est plus venimeuse que celle du crotalus diirissus. Il est deux ou trois fois plus grand que celui-ci , avec le- quel on l'a confondu. La grandeur de sa taille surpasse ainsi de beaucoup celle de l'individu du Muséum j peut-être ^clui - ci écoit - il jeune lorsqu'il fut ptis ; je n® le crois pas d'ailleurs de la même espèce. 20O HISTOIRE NATURELLE Le Crolale Dryînas , Crotalua Drjinaso On trouve ce crotale en Amérique : il a cent soixante-cinq grandes plaques sous le corps , et trente sous la queue-j Il est blanc , avec des taches jaunâtres. Le Muséum national d'Histoire na- turelle possède, à ce que je crois, cette espèce. Le crotale dans lequel je trouve ses caractères , est blanchâtre , avec quatre rangées longitudinales détaches d'un brun clair ^ ovales et assez gran- des. La tête est grosse , mais très-ob- tuse, et garnie sur son museau de gran- des écailles. On cite comme sj^nonyme d'une va- riété de cette espèce , la figure 3, pi. 95, et 1 , pi. 96 du tome 2 de Séba. Mais ce serpent, dont l'on conserve un indi- vidu au Muséum, n'a pas de taches ; et appartient aux grandes ludea. DES CROTALES. 201 Le Crotale sans taches , Crotalus hnmaculatus» Ce serpent à sonnette habite les In- clés orientales^ suivant Sëba, qui l'a figuré, n°. 7, , pi. 95 , et n°. i , pi. 96 , tom. 2. L'individu des galeries du Mu- séum d'Histoire naturelle n'est pas grand ; mais il paroît qu'il y en a d'une taille considérable , celui de Séba, plan- che 96, ayant trois coudées de long. Sa tête est grosse , courte , très-ob- tuse , couverte en devant de grandes écailles; celles du sommet sont petites , semblables à celles du dos. On remarque cependant quelque différence de gran- deur entre les écailles qui recouvrent le dessus du corps , celles des deux ex- trémités étant insensiblement plus pe- tites que celles du milieu. La couleur est d'un jaune cendré clair , avec un mélange d'un noir brun. Le dos est d'un jaunâtre intense j les 202 HISTOIRE NATURELLE plaques de la partie iiiiërieure du corps sont d'un cendré clair ; la sonnette est formée de plus de trente pièces. Le Crotale caïuard , Croialus sinius, Séba a figuré ce serpent à sonnette , pi. 45,tom. 2. C'est une espèce parfai- tement distinguée des précédentes : elle est de moitié au moins plus petite que le boiquira. Sa couleur , en dessus, est d'un gris cendré un peu bleuâtre ; la tête paroît comme tronquée en devant , d'où lui vient le nom spécifique que je lui ai donné. Je n'ai pu bien apperce- voir , à travers le bocal qui renferme un individu de cette espèce conserve au Muséum national, quelle étoit la forme des écailles du museau. La figure de Séba les représente plus grandes. De la tète partent deux raies noirâtres qui Re prolongent parallèlement sur le cou , sur lequel on en voit encore deux au- DES CROTALES. 2o5 très , une de chaque coté , ce qui fait quatre en tout. Il règne , tout le long du dos , une suite de ligures en lozauge, dessine'es par des raies noirâtres , gri- sâtres sur les bords : les flancs ont des taclies , des lignes souvent chevronnées, noirâtres , avec une bordure grisâtre ; le dessous du corps est blanchâtre ; la sonnette n'est formée que d'une pièce. Ce crotale se trouve à Ceylan, sui- vant Séba. Le Crotale millet , Crotalus iniliarius» Catesby a donné la figure ( tom. 2 , tab. 42) de cette espèce qu'il avoit dé- couverte dans la Caroline , et qu'il a nommée le petit serpent à sonnette. Sa longueur totale n'est , en effet , que de qninze pouces dix lignes dans l'indivi- du des galeries du Muséum national. liC dessus du corps est gris ou d'un brun rongeâtre j le dessus dvi museau est 2o4 HISTOIRE NATURELLE révéla de neuf écailles pi us grandes que celles du dos, et disposées sur quatre rangs , suivant le cit. Lacépède. Ces dernières sont ovales , et relevées par une arête. L'épine dorsale forme une espèce de crête ou d'are te saillante dans l'individu du Muséum , ce qui n'est , je présume,que la suite d'une compression accidentelle ou du retrait des parties. Mais le caractère particulier de cette espèce consiste dans une ligne rouge qui suit tout le dos, et qui est interrompue par une série de taches noires, presque rondes , blanches sur leurs bords \ les flaucs out deux rangées au moins de taches noires plus petites; le dessous du ventre est blanc , et offre aussi des ta- ches semblables. Il a cent trente-deux plaques , et la queue, qui est longue de vingt-deux ligues , en a trente-deux } la sonnette est composée de onze pièces. Il est parlé , dans une lettre de feu Mauduit, Journ. de Physique ^ i??^; pag. 284 , d'un serpent à sonnette de la DES CROTALES. 2o5 Louisiane, qu'il regarde comme une nouvelle espèce , et dont il donne une figure, mais si mauvaise , qu'elle ne mé- rite pas d'être citée. Nous rapporterons ici ce qu'il dit de ce serpent , et l'on y reconnoîtra facilement le crotale millet. (( Ce serpent , di^-i) , est du genre de )) la vipère , comme il est aisé de s'en )) convaincre par la forme triangulaire )) et applatie de sa tête, et sur-tout par )) l'inspection des deux crochets , en- )) tourés d'une vésicule à leur base dont » sa mâchoire supérieure est armée ; sa )) longueur , de l'extrémité de la tête à )) celle de la queue ; est de dix-srpt )) pouces : il a dix-neuf lignes de cir- 3) conférence , mesuré vers le milieu de )) la longueur ducorps; de ce point, en 3) s'éloiguant vers les deux extrémités, )) il diminue considérablement de vo- )) lume 5 mais le côté de la queue sur- )) tout se rétrécit subitement au-des- )) sous de l'anus , et finit en un fouet » de la grosseur d'une ficelle j le dessus Fveptiles. III. ^S 2o6 HISTOIRE NATURELLE j) du clos , depuis la base du crâne jus- )) qu'à la queue , est relevé par uue es- i) jjèce d'arête ou de crête ; et les côtés )) étant déprimés , le dos entier paroît )) triangulaire; le ventre est arrondi et j) légèrement déprimé, comme il acou- )) tume de l'être dans les rcrpens; les i) écailles qui recouvrent le dos sont i) grises sur les côtés, mêlées, de dis- )) tance en distance , de deux écailles )) noires à côté l'une de l'autre^ qui for • )) ment une rangée de taches le long des j) lianes ; les écailles qui recouvrent la 3) saillie ou la protubérance qu'on re- )) marque sur le dos , sont brunes, et 3) mêlées aussi , de distance en dis- 3) tance, de trois écailles noires à côté » l'une de l'autre , qui forment égale- )) ment une rangée de taches le long du 3) corps ; les écailles qui recouvrent le - 3) ventre sont d'un blanc gris , traver- » sées par des bandes ou taches noires » inégales et sans ordre; ce qui faitj^a- i) roîti'e tout le ventre comme luarbi é. DES C R. O T A L E S. '20J )) La queue qui , dans le serpent que )) nous considérons -, est la parure la 3) plus remarquable, est terminée par )) un appendice de substance cornée, » composée de neuf anneaux : ces an- )) neaux , et l'appendice entier , ont la 3) même forme , et sont de la même )) substance que l'appendice et les an- » neaux qui terminent la queue des )) scrpens à sonnette. Ils sont articulés )) de même ; et en comparant les choses » à côté les unes des autres , il n'y a de i) différence entre l'appendice du ser- )) peut que je considère , et celui du j) serpent à sonnette ordinaire , que le )) volume ; les sonnettes de celui-ci sont )) infiniment plus petites dans la pro- )) portion des dimensions de son corps, )) que ne le sont celles du serpent àson- )) nette commun, dans la proportion î) de sa taille générale ». Mauduit fait observer que par la dif- férence de sa robe , des taches et de leur grandeur q^ui occupe plus de deux écail- 2o8 HISTOIRE NATURELLE ]es j le volume des sonnettes dix foi^' pi VIS considérable , le serpent à sonnette ordinaire , même dans son jeune âge , ne peut être confondu avec celui-ci. Le serpent à sonnette ordinaire , ou le boiquira, ne se trouve point^ suivant lui, dans la Louisiane ; mais il est commun dans la Guiane. L'espèce de Manduit, au contraire^ habite la Louisiane, et n'a pas encore été de'couverte dans les con- tre'es équatoriales du Nouveau-Monde. M. Lebeau , qui avoit voj'^agé chez les Acatapas, peuple de la Louisiane , assure que la morsure de ce crotale a des suites encore plus promptes que celles du boiquira. Il dit avoir employé avec succès l'alkali volatil dans le trai- tement. Il prétend que ce remède agit en- core , ou du moins quelquefois avec efïïcacilc , n'étant administré que cinq à six heures au plus tard qu'on a été mordu par un boiquira ; mais que dans le traitement de ceux qui ont été blessé* DES CROTALES. 20^ par la seconde espèce de serpent à son- nette j un simple délai de trois heures rend le succès du remède douteux. Ce crotale est d'autant plus dange- reux qu'il est plus petit, qu'il peut plus facilement se cacher dan3 Iherbe , et que ses grelots se font moins entendre. Le Crotale à quene noire, Crolalus atricaudatus» Cette nouvelle espèce ( i ) a ë té trouvée en Caroline par mon ami Bosc, qui m'a communiqué la description qu'il en avoit faite sur le vivant. La tête de ce crotale est d'un gris verdâtre , avec deux taches brunes et oblongues à sa partie postérieure; ses écailles sont très-nombreuses ; le dessus du corps est d'un gris rougeâtre , ponc- tué de brun ; il est traversé par vingt- quatre taches alongées ou fascies bru- ,, „ — ■ ■ 1-1 ■ ■ ■ ■ ■ 1^ (i) Voyez le durissus» 210 HISTOIRE NATURELLE nés , iiTo,<,^iilières , anguleuses, souvent en forme de chevrons , accompagnées , de chaque côlé , de deux taches plus claires 5 également irrégulières, sépa- rées du côté de la tête , unies vers la queue ; le dos a une raie fauve et lon- gifcudiuale de quatre lignes de largeur; ses écailles sont relevées par une arête ; le ventre est blanchâtre , et défendu par cent soixante et dix plaques -, la queue est noire -, ses plaques sont au nombre de vingt-six ] sa sonnette est de liuit pièces. Ohserp. Nous avons placé le piscivore et le boa muet du cit. Lacépède , dans notre genre Scylale. DES VIPÈRES. 211 X X*' G E N R E. VIPERE, ViPERA. Caractères génér. Dessous du corps garni de plaques ou d'une suite de baudes trans- versales. Dessous de la queue en ayant deux rangées de petites. Des crochets à venin à la mâchoire supérieure. PREMIÈRE FAMIELE, LES VIPÈRES A TÊTE ÉCAILLEUSE, Tête garnie en dessus de petites écailles presque semblables à celles du dos , ou n'ayant que deux à trois plaques, et ja- mais neuf. Nota. Voyez , pour les gëne'ralitës, l'article suivant. 212 HISTOIRE NATURELLE La Vipère coinniune , J^ipera vulgaris. Je comprendrai , sous cette dénomi- nation, non -seulement la couleuTre herasàe Linnée , comme a fait le citoyen Lacépède , mais encore la couleuvre aspic du naturaliste suédois, cet aspic n'en étant qu'ui^e variété, que l'on en- voie très -fréquemment du ci -devant Poitou , sous le nom de vipère , et qui porte aussi ce nom dans les environs de Paris, àMontmorenci ^ h. Fontainebleau, où on la trouve. Le reptile que l'illustre continuateur de Buffon a pris pour l'as- pic, est une espèce très-différente , et que Linnée n'a pas connue. Nous l'ap- pellerons vipère ocellée ; ses taclies , ainsi que nous le verrons plus bas, ayarit leur bordure plus pâle que le reste , et imitant ainsi des espèces d'yeux. La vipère commune , le col. berus de Linnée, est longue d'environ un \>\cà Tome m. Pa^e . 21 X ■ Dej-eve mourir. Les symptômes qui suivent lam.or- sure d'une vipère , sont d'abord une douleur aiguë dans la partie blessée, avec une enflure rouge , qui devieirfc ensuite livide , et gagne peu à peu les parties voisines. Ces accidens sont sui- vis de syncopes considérables, d'un pouls fréquent, profond, et quelquefois in- trrcadent , de soulèvemens d'estomac , de vomissemens bilieux et convulsifs, de sueurs froides , et quelquefois de douleurs dans la région ombilicale. L) excellent spécifique contre le poison )) de tous les animaux venimeux. Tou- D tes les plantes qui , selon eux , ont » quelques vertus {^Aristolocliia trilo- « hâta , Liini. \ Arum colocasia; Sesa- (i) Espèce de râpe flont on se vsert pour réduire le manioc en farine. Xes écailles de i(,e. serpent sont hérissées , Ioniques et aiguës €cmme les dents de cette râpe. DES VIPETIES, 25.^ 3) Tniun orientale ; Maranta arimdina- )) ced) en pareille occasion , avoieiit été » employées de toutes les manières , et )) n'avoient apporté aucun soulagement. )) Le mal empiroit toujours , et ils s'at- 3) tendoieiit à voir expirer bientôt leur , )) parent. )) Je tentai une guérison que je n'o- )) sois espérer : je fis avaler au malade » une cuiller à café remplie d'eau de )) Lucedans un peu de vin; je scarifiai )) de nouveau la plaie pour la faire sai- )) gner, et j'y appliquai une compresse » imbibée de la même eau. Deux heu-, )) res après , l'enflure et la tension 3) avoient sensiblement diminué , ainsi y) que la fièvre. Je lui fis prendre une )) seconde dose, et je renouvelai la com- 3) presse : il étoit pour lors neuf heures 3) du soir. On le laissa tranquille pen- 3) dant la nuit, et le lendemain matin 3) je le trouvai marchant dans sa cham- 3) bre , à l'aide d'un bâton. Il avoit dor- j) mi , et la fièvre l'avoit quitté 3 il ne 256 HISTOIRE NATURELLE )) restoit qu'un peud'cnflure à la jambe, » qui disparut inseiisiblenieut , et le » troisième jour il alla à la pêche. )) Il n'est guère possible de voir un » effet plus prompt et plus marqué. Ce )) fait, dont tout un déLacliement que )) je commandois a été témoin , est une j) preuve évidente de l'efficacité de l'eau » de Luce pour guérir les suites terri- » blés de la morsure des serpens , et en 5) même temps , de l'insuffisance dea ^) autres remèdes , au moins dans cer- » taines circonstances ». Lebeau, médecin, dans ses voyages en Amérique , a aussi employé , et toujours avec succès , l'alkali volatil contre lamorsure du serpent à sonnette ordinaire. Il a guéri plusieurs fois, avec le même remède , des personnes qui avoient été mordues par une autre es- pèce de serpent à sonnette commun à la Louisiane, et plus dangereux ( Cro- tale niiliarius^. Voyez le Journal de Physique , aun, 17/4. Le cit. Bosc m'a n E s VIPER F; S.. -57 rîii avoir sauvé la vie , par le même traitement , à nn nègre que la vipère noire de rAmcriqwe septentrionale avoit blesse. Tant de faits, dont les eonse'qnen- ces à déduire sent si opposées à celles de Fontana , me porteroient à croire que l'emploi de l'eau de Lnce est du moins très-avantageux à i'iiommedans le trailement de la morsure des serpens vcnimenx.Ce traitement consiste àfaire prendre à la personne cjni a eu le mal- heur d'avoir été mordue, et le plus promptement qu'il eat possible , six gouttes d'eau de Luce dans un verre d'eau j d'en froîter lu partie affligée ; de mettre le malade dans un lit biencliaud, afin de provoquer d^cs sueurs abondan- tes ; de réitérer même l'emploi del'al- kali volatil , si besoin es!. On sent que la dose doit varier à raison de la gran- deur du serpent dont on a été mordu. Il est probable que ce qui seroit suffi- sant pour guérir de la morsure d'une 258 lîîSTOmE NATURELLE •vipère commune, ne le seroit pas poxrf traiter avec succès un homme qu'un serpent à sonnette auroit mordu. Mais nn point bien essentiel, avant tout, est de scarifier promptement la plaie ^ en y faisant, avec la pointe d'un rasoir, une incision de la longueur d'un travers de pouce , et en forçant le sang ainsi qtie le venin , à sortir. La succion seroit aussi un excellent moyen de couper court aux progrès du mal. L'usage d'une ligature , quoique pouvant être utile , ne pre'sente pas une grande assurance. Le physicien de Florence a trouvé que la pierre à cautère étoit le meilleur spécifique , et peut-être le seul contre ce poison. Il suffit de l'appliquer sur la plaie qu'on a agrandie , ainsi que nous venons de le dire , par des incisions,, Mais si ces incisions sont mal faites, ou que les dents de la vipère aient percé un gros vaisseau veineux^ ce mo3"en peut être inutile* Piusîetirs personnes îissufeiit avoir T) E s V I p E Tl F, S. 25g éprouvé avec succès l'application exté- rieure du grand plantain, que l'on pile à cet effet. D'autres se sont bien trou- vées d'avoir mis de l'iiuile d'olive chau- de ou de celle de térébenthine sur la plaie , et d'en avoir bu. Si le venin de la vipère introduit dans le sang un principe de corruption, l'usage du quin- quina seroit probablement très-salu- taire. On trouve daus un très-bel ouvrage anglais , sur les serpens de Coromandel 3 beaucoup d'expériences sur le venin des serpens venimeux de ce pa3^s. J'aurois désiré en donner ici l'anal3-se ; mais n'ayant pu me procurer à temps ce li- vre très-rare ici , parce qu'il n'est point connu , je me vois dans la nécessité de ne pouvoir remplir mes vœux. L'ou- vrage que le cit, Daudin publiera in- cessamment sur les reptiles , satisfera ^ à cet égard , Tattente des Naturalistes français* 2f?a HÎSTOIHE NATURELLE Achevons de suivre , avec Cliaras ^ Fanatomie de la vipère. 3^é à tout le corps le suc des parties dévorées qu'il pouvoit con- tenir ; après quoi il reçoit celles qui res- loicnt encore dans l'œsophage -, mais il faut un grand temps pour tout cela , à cause que rcstomac ne se ferme point , «t qu'il ne sauroit ramasser aucune cha- 2/2 HÏSTOmE NATURELLE leur considërable'poui faire une prompt» digestion. 3) Les intestins de la vipère sont si- tués au milieu du corps , sous l'épine du dos, et immédiatement après le fond de l'estomac. J'en ai remarqué seule- ment trois , dont le premier et le plus étroit de tous , peut être appelé duo-* denuin ; le second, qui est plus large, et qui est rempli de plusieurs sinuosi- tés, peut être nommé colon ; et le troi- sième et dernier , rectum ; lequel aussi est fort large et fort droit , et lequel a son ouverture au-dessous et près du Gommencementde laqueue, par où les excrémens sortent. Ces intestins ont à leurs côtés les testicules avec leurs vais- seaux, tant des mâles que des femelles, et les deux corps de la matrice des der- nières, dont nous parlerons après cette section : ils ont aussi les reins avec leurs vaisseaux qui en partent, et qui sojit accompagnés de leurs veines et de leurs, artères ; de même que tous les vais^» J) E s VIPÈRES. 2/3 seaux qui servent à la génération , et les intestins n^en sont pas aussi dépour- vus. » Les reins sont situés au-dessous des testicules ; ils sont composés de plusieurs corps glanduleux , contigus et rangés de long en long , les uns après les autres; ils ont d'ordinaire deux pouces et demi de long, et deux lignes et demie de large siu- leur rondeur, qui est un peu ap- platie ; ils sont de couleur rouge pâle; le droit est toujours situé plus haut que le gauche dans l'un et l'autre sexe ; ils ont aussi leurs uretères , par où ils dé- chargent les sérosités, près de l'extré- jiîité de l'intestin. » Tous les intestins, les testicules et les reins sont couverts de graisse fort blanche et fort molle, laquelle étant fondue, demeure en forme d'huile; oa voit aussi quelquefois, en certaines vi- pères , quelque peu de graisse , auprès du coeur, du poumon et du foie, et sur-tout près du fiel , et près de cette 274^ HISTOIRE NATURELLE partie que les uns prennent pour la rate, et les autres pour le pancréas; toutes ces parties sont enveloppées d'une tunique forte et fermement attacliée aux extrémités des côtes , qui pourroit passer pour épiploon, si on y joignoit la graisse ; mais comme la vipère , qui est une espèce de serpent , ne peut passer que parmi les animaux imparfaits, je ne déterminerai pas le nom de cette tu- nique , à laquelle ceux qui sont plus éclairés que moi donneront le nom qui leur semblera le plus raisonnable. )) Le mâle a deux testicules qui sont de forme longue , arrondie , et un peu applatie dans sa longueur -, ils vont aussi un peu en pointe vers les deux bouts; leur couleur est blanche et leur subs- tance glanduleuse -, leur longueur est iné- gale, car le droit a plus d'un pouce de long ; mais le gauche est plus court et un peu moindre en grosseur : l'un etfautre ne sont pas plus gros que le tuyau d'une Xîlume de l'aile d'un gros chapon. Leur DES VIPÈRES. 275 situation est différente; car le droit commence proclie et an-dessous du fiel, au lieu que le gauche commence envi- ron huit lignes plus bas que le droit. Ils sont tous deux suspendus , en leur par- tie supérieure , par deux fortes membra- nes qui viennent du dessous du foie , et sont d'ordinaire enveloppés de graisse, qui fait qu'on a peine à les discerner , à cause de la conformité de couleurs qu'ils ont avec cette graisse. )) Du milieu de chacun de ces testicu- les de la partie interne , on voit sortir lin petit corps long et menu, assez soli- de, et même un peu plus blanc que la substance des testicules, qui descend et qui leur est attaché tout le long jusqu'à leur bout inférieur; on peut l'appeler épididyme. On voit au bout de chacun, le commencement d'un petit vaisseau variqueux , qu'on peut nommer sper- n3atique, à cause de sa fonction, qui est impeu applali , de couleur fort blan- che et assez luisante ; et qui est d'ordi- 2/6 HISTOIRE NATURELLE îiaire rempli de semence en forme d'un, suc laiteux. Ce vaisseau est assez délicat , et il est rempli dans tout son cours en forme de plusieurs S, jointes ensemble d'une façon fort agréable à voir ; de -là il descend entre l'intestin et le rein, du- quel il suit l'uretère jusqu'au trou du dernier intestin, par où sortent les ex- crémens. Il est aussi accompagné de veines et d'artères d'un bout à l'autre , de même cjue les testicules; il cesse d'ê- tre anfractueux un peu avant que d'ar- river à l'ouverture de l'intestin. Chacun de ces deux vaisseaux spermatiques vient se rendre à son propre réservoir de semence, dont il y en a deux qu'on peut nommer parastates, qui sont com- me des glandes blanches , chacune delà longueur , de la grosseur et de la forme d'un grain de semence de chardon bénit. Ces elandes sont situées de lonîi enloncf au-dessous et entre les deux parties na- turelles; elles sont toujours remplies d un suc laiteux^ et tout semblable à DES VIPERES. 28g, peau, le cœur, conservent aussi quel- ques heures de mouvement. On ne doit toucher qu'avec beaucoup de pre'caution les crochets venimeux de ces animaux , quoique desséchés ou conservés depuis long-temps dans de l'esprit-de-vin. Les- piqûres qu'on pourroitse faire ne sont pas sans danger. Le tabac , son huile es- sentielle , tuent cependant , et prompte- ment , la vipère. L'huile de laurier-ce- rise, sur-tout, appliquée seulement sur les muscles mis à découvert, lui est très-pernicieuse. \ oilà ce qui est reconnu pour vrai. Il n'en est pas ainsi de sa prétendue antipa- thie pour le frêne dont une branche peut rendre, dit-on, la vipère qu'elle a sim- plement touchée , immobile , et pour Todeurde laconise, qui mettroit en fuite ce reptile. Les Marses, les Psylles , anciens peu- ples de l'Italie, faisoient profession de guérir de la morsure des serpens, et de Reptiles. IIL 26 2290 HISTOIRE NATURELLE plusieurs autres animaux venimeux, ett suçant les plaies. Parmi les erreurs extravagantes qu'on a débitées sur les vipères,) 'en citerai une de Porta , qui mérite d'être connue par son originalité. Le son d'un instrument de musique , et à cordes faites d'intes- tins de vipères, procure de fausses cou- ches aux femmes enceintes, et fait mourir leur fruit. La médecine emploie depuis long- temps, dans ses compositions pliarma- ceutiques , celle de la thériaque princi- palement, le corps de la vipère, la tête exceptée. On regarde le sel volatil et l'huile qu'on en retire , comme très-pro- pres à accélérer la circulation du sang, à fondre les concrétions lymphatiques, et très-utiles dans les maladies cutanées , soit scrophuleuses , soit lépreuses. On croit même y trouver l'antidote du ve- ^lin de l'animal ; ses bouillons sont re* nommés. Pline nous apprend qu'un mé- decin d'Auguste guéiissoit des ulcères DES VIPÈRES. 291 qui passoicnt pour incurables, avec des décoctions de vipères. Leur graisse est regardée comme un bon cosmétique et salutaire dans les maladies qui provien- nent d'un vice dans les nerfs. Une telle réputation a fait rechercher pendant long-temps ces animaux. Les habitans dupays qu'ils habitent , ceuxparticidiè- rement des Alpes, de l'Apennin, de nos ci-devant provinces du Dauphiné , du Poitou , les prennent dans leurs trous au commencement du printemps, époque à laquelle ces reptiles sont trop foi blés pour être bien dangereux. Les uns sont saisis par le cou , à l'aide d'une petite fourche , et mis ensuite dans un «ac, ou dans un pot de terre. Les autres se voient enlever leurs défenses, ayant leur tête trop pressée avec l'extrémité d'un, bâton pour pouvoir mordre. Certains chasseurs les prennent hardiment avec ]a main, par le cou, ou bien parla queue mais d'une manière si preste , que la vipère ne puisse se redresser et se re- 292 HISTOIRE NATURELLE plier. Les apothicaires en conservoient anciennement de vivantes dans des ton- neaux , avec du son. On ignore la dure'e de la vie de ce rep- tile. Il se trouve géne'ralement dans toute l'Europe. L'activité de son venin doit y varier suivant la tempc'rature des climats. On a., en Russie et en Si- bérie , un respect singulier pour la vi- père. On ne la tue pas , de crainte que l'espèce, outrée de cet affront, ne s'en venge d'une manière effrayante. Ce reptile n'est point particulier à l'Europe ; on le rencontre, dit-on, aux Grandes-Indes. Mais est-ce bien notre espèce ? On sait que le nom de vipère sert à désigner beaucoup de serpens ve- nimeux. La Vipère oceWée^l^ipera ocellata^ Cette vipère a été décrite par le cit. Lacépède , sous le nom d'aspic. En clian- ■ géant ce nom , nous ne suivons point rom . m. /V// . 7^1}^ . *^^^^ ^ ^ •3â^^S J \ ^^^^1 &k '^^^Ê , ^^^ ^^SmF 1 «1 ^^^W ^m ^^F ^ ^ J)ed-<'Oe de/ . N /.'' Tcn^dieu ifculjj . 1 . La Viper o ocolloo . a . La Couleuvre Aaboie . DES VIPÈRES. 293 Fexemple trop journalier de plusieurs Naturalistes, qui brouillent sans cesse la nomenclature , et qui feront tant , qu'à lafiu on ne pourra plus s'entendre ; c'est au contraire notre empressement à adopter de préférence les dénominations primitives , qui nous prescrit cette salu- taire réforme. Le cit. Lacépède n'a ap- pelé ce reptile aspic , que parce qu'il croyoit que c'étoit celui auquel Liunée avoit donné ce nom. Nous avons vu que l'aspic de Linnée étoit une variété de îa vipère des boutiques : Beriis. Il ne faat donc pas appliquer cette dénomi- jnation à cette antre espèce de vipère. Xânnée lui-même auroit mieux fait de donner le nom d'aspic à quelque vipère propre à l'Egypte. lise seroit rapproché davantage de la vérité j je dis rappro- ché , car les connoissanccs que nous avons acquises sur l'aspic, du venin du- quel la fameuse Cléopàtre se servit, dit- on, pour se donner la mort, sont en- core très obscures. Il paroi t même que 594 HISTOIRE NATURELLE quelques anciens auteurs , Galien entre autres^ désignoient sous la dénomina- tion commune d'aspic , plusieurs espè- ces différentes de serpens venimeux. Persuadé que son aspic éloit celui de Xiinnce, le cit. Lacépèdelui donne pour habitation la France , et particulière- ment ses départemens septentrionaux* Nous ne sommes pas éloignés de croire que ce reptile puisse se trouver dans la partie la plus australe de la France ; mais nous ne croyons pas que les limites de son pays natal s'étendeni en deçà, et nous devons nous en féliciter ^ car une vipère, de trois pieds de long, doit être encore plus dangereuse , à en juger par sa taille, que notre vipère commune. La couleuvre aspic du cit. Lacépède, est appelée, suivant lui, dans plusieurs cabinets , aerpent tigré , à raison des ta- ches de son dos. C'est sur cette désigna- tion que nou aurions établi notre nom spécifique, s'il n'y avoit paseu déjà une vipère tigrée. DES VIPÈRES. 295 La vipère ocellée que l'on possède au Muséum national d'Histoire natu- relle a trois pieds de longueur, mesurée depuis le bout du museau jusqu'à l'ex- trémité de la queue ; cette partie du corps en emporte trois pouces liuit li- gnes. Sa couleur est d'un gris roussâtre en dessus , jaunâtre, pointillé ou mar- bré de brun en dessous j la te te est en- tièrement couverte en dessus de petiles écailles , avec quelques taches obscures , d'autres noires sur le bord de la mâchoire inférieure , et une baude noire de cha- que côté , au-devant des ^'■eux. Le dos a ses écailles ovales et relevées par une arête : il ofFre trois rangs principaux de taches arrondies, brunes ou roussâ- t.res , bordées de noirâtres , dont celles tlu milieu plus grandes : ces trois ran- gées de taches occupent presque toute la longueur du corps, et se réunissent vers rextrémité de la queue. Les plaques abdominaics sont au nombre de cent 296 HTSTOIRE NÂTURELLli quarante-six, et les petites de la queue forment qnarante-six paires. Je crois que oettc vipère a été con- nue deSéba, tom. 2, pi. 55, n°. 3. Il l'appelle vipère cornue d'illyrie y espèce de céraste. S'il l'appelle cornue, ce n'est pas qu'elle ait quelque protubérance particulière sur la tête : cette dénomi- nation lui vient seulement d'une taclie arrondie frontale, prise, suivant lui, par les anciens pour une corne. Le des- sus du corps de cette vipère est d'un jaune cendré , avec de grandes taclies d'un jaune roussâtre , dont les bords sont d'un bai foncé. Il y a d'autres ta- ches plus petites, éparses dans les in- tervalles ; les écailles du ventre^ sont d'une couleur plombée et taclietées. Il paroît que cette espèce est dans Linnée, édit. deGmelin, sous le nom de eoluber jnaculatu&» DES VIPERES. 297 La Vipère Chersea , V^lperci CJiersea, De toLites les vipères d'Europe, celle- ci est la plus petite, et n'est pas, pour cela, la moins dangereuse. Elle est très- ï'edoutée en Suède, où elle porte le nom (Vœspiîig. Nous parlerons plus bas de l'elFet de sa morsure. La vipère cliersea se tient aux envi- rons d'Upsal , dans les lieux garnis de broussailles, d'arbres touffus : on la rencontre aussi en Prusse , en Dane- marck, et quelquefois en France. L'indi- vidu que je vais décrire avoit été tué par le cit. Alexandre Brongniart dans les Pyrénées. Il est long de treize pou- ces : le corps est en dessus d'un gris ver- dâtre, lavé de brun j le museau est re- levé; on voit au-dessus de chaque œil , et au milieu de l'intervalle qui les sé- pare, une écaille plus grande ; le reste de la partie supérieure de la tête est garni 2^8 HISTOIRE NATURELLE de petites écailles, semblablesàcellesdrs dos. Sut le vertex sont deux raies longi- tudinales, divergentes à leur extrémi- té , et noirâtres. L'espace qui est entre elles forme une espèce d'Y , et sa teinte est plus claire. Derrière cliaqme œil est un petit trait noirâtre , qui ne va que j usqu'au cou. Les bords de la mâ- choire supérieure, l'inférieure jusqu'au cou sont blancs. Les écailles, excepté celles qui avoisinent les plaques du dessons du corps, ont une arête. Le dos a dans son milieu une ligne brune qui parcourt sa longueur , et ayant alterna- tivement sur ses bords de petites taclies en demi-ovale, noirâtres. Les écailles continues aux plaques ont leurs bords latéraux blancs, et le sommet de plu- sieurs est noir. Le dessous du corps est Javé et pointillé de brun noirâtre, avec < tes bords des plaques entrecoupés de taches d'une teinte plus pâle. Ces plaques abdominales sont au nombre de cent q^uarante-siix. La queue a trente ou trcrt- DES VIVERÉS» 299 le-une paires de petites. Linnée compte cent cinquante plaques au ventre ^ et trente-quatre paires à la queue. L'auteur de l'Histoire naturelle du Jorat, tom. 1 , pag. ii8j nomme cette espèce la vipère rouge j pour la distin- guer de l'aspic (i) , dont, suivant lui, elle n'est peut-être qu'une variété. Ce reptile a , dans le Jorat , un pied cinq[ pouces quatre lignes de longueur , et en- viron un pouce trois lignes de plus grande circonférence. La vipère roug© n'a point , comme l'aspic , deux protu- bérances saillantes à la partie posté- rieure de la tète , une de chaque côté, et susceptibles de dilatation. Les côtés de la tête sont dénués, au rapport du même Naturaliste , de cette bande noire ou brune qu'on trouve à l'aspic et aux vi- pères. Elle est d'un roux de rouille eïi dessus , avec une bande de taches d'ui» <■ Mllll !■■■■■ ■ ..1- »— ^^— ■ I ■■ ■ ■ - ■ ^ (i) L'aspic de Linnée , variété d^ la vi-. père commune. 3oo HISTOIRE NATURELLE brun très-pâle le long du dos; le dessous est roux pointillé de brun avec une bor- dure d'un blanc bleuâtre à chaque an- neau; il y a cent cinquante-cinq plaques sous le ventre , et trente-six paires de petites sous la queue. Une vipère rouge de Montpellier, examine'e par le même auteur, étoit un peu plus petite , et avoit une paire de plaques de moins à la queue. La vipère cliersea de Suède est plus petite que la nôtre ; elle n'a que six pou- i^es de longueur suivant Linnée, et elle ^ de la grosseur du petit doigt ; sa queue est fort pointue ; le corps est rougeàtre, avec une raie brune tout le long du dos, formée de taches brunes, rondes. X^a tête est fort applatie , mar- qviée d'une tache brune en forme de coeur. Il y a près du nez six taches blan- dies disposées en demi-cerçle : ce sont probablement les écailles marginales. L-a lèvre inférieure porte une tache blanche en forme de scie. Les yeux sont DES VIPERES. 277 celui des vaisseaux spermatiques qne nous venons de décrire ; et pour fournir à l'e'jaculation , lors du coït, elles trans- metlentla semence qu'elles contiennent dans les canaux éjaculatoires des deux parties naturelles qui leur sont voi- sines. » Je puis dire là-dessus, que ceux qui ont pris ces deux réservoirs de semence pour d'autres testicules , se sont bien trompés dans l'opinion qu'ils avoient qu'y ayant deux parties naturelles , il y devoit aussi avoir, pour chacun, deux testicules : mais leur substance élant tout- à-fait différente des véritables tes- ticules que nous avons décrits, et leur fonction étant de recevoir et non de former, nous ne les connoissons que pourparastates, qui reçoivent peu àpeii la semence que les testicules leur en- voient , qu'ils réservent et qu^ils tien- nent toute prête pour le temps du coït, et pour faire dans un moment et à pro- pos, ce que les vaisseaux spermatiques Reptiles. III. 24 278 HISTOIRE NATURELLE ne sanroient exécuter si -tôt ni si bien, à cause de leur longueur et de leur entor- tillement. » Le mâle a deux, parties naturelles toutes pareilles, qui, étant attachées, 6ont chacune de la longueur de la queue de l'animal ; leur naissance vient de l'ex- trémité de la queue , sous laquelle elles sont situées de long en long , l'une pr( s de l'autre •, elles vont en grossissant, de même que la queue, au commencement de laquelle elles finissent, et elles ont leur issue auprès et à côté l'une de l'au- tre, et tout joignant l'ouverture de l'in- testin , qui fait en quelque sorte leur sé- paration. )> Chacune de ces parties est compo- sée de deux corps longs et caverneux, situés ensemble l'un contre l'autre , et qui se joignent vers leur sounnité en un même corps , qui se trouve environ- né de son prépuce, et qui a ses muscles ërecteurs , conformément à ceux de plu- sieurs animaux. Ces parties sont rem- D K s VIPERES. 279 plies par-dedans de plusieurs aiguillons fort blancs , fort durs , fort pointus et pi- quans, qui y sont plantés, et qui ont leur pointe diversement tournée , dont la grandeur et la grosseur se rapportent à l'endroit de la partie naturelle où ils sont situés ; en sorte que comme la som- mité est plus grande et plus grosse, ses aiguillons le sont aussi , et ils ne s'avan- ce nt et ne paroissent que lorsque le prépuce qui les couvre s'abaisse, qui est lorsque l'animal se dispose pour le coït. )) Ces parties naturelles sont d'ordi- naire cachées ; et elles ne s'enflent et ne sortent que pour le coït , si ce n'est que ayant pris l'animal , on les fasse sorlir par force en les pressant *, car alors on les voit sortir toutes deux également , cjiacune environ de la grosseur d'un noyau de datte et des deux tiers de sa longueur , et leur sommité se trouve toute couverte et tout environnée de ces aiguillons, comme la peau d'un hé- risson , et ces aiguillons se retiient et se 2S0 HISTOIRE NAT: RELLE cacLent sous le prépuce , lorsqu'on cesse de les presser. )) L'issue de ces deux parties est en- vironnée d'un muscle bien fort et bien épais, auquel la'peau est fortement atta- chée- en sorte qu'il est fort difficile de l'en séparer; le même muscle sert aussi à l'ouvrir et à resserrer l'intestin. )) La vipère femelle a deux testicu- les^ de même que le mâle; ils sont ton- tefois plus longs et plus gros, mais de la même forme. Ils sont situés aux côtés et proche du fond des deux corps de la ma- trice, et le droit est plus haut que le gauche, de même qu'aux mâles; leur substance et leur couleur sont aussifort semblables ; le droit a environ un pouce et demi de long et deux lignes et demie de large ; le gauche a quelque chose de moins; ils ont leur épididynie et leurs vaisseaux spermatiques, qui portent la semence dans les deux corps de la ma- trice, et qui sont bieu plus courts qu© ceux des mâles. Je dirai néanmoins que DFS VIPERES. Î28l ces testicules nepitroisseiit pas toujours tels en toutes les femelles, sur-tout en celles qui font amaigries, ou par mala- die, ou pour avoir etë long-temps gar- dées ; car leurs testicules s'accourcis- sent , serëtre'cissent et se dessèchent , de même qu'en celles qui ont leurs œufs déjà grands ; ayant remarqué qu'en cel- les-ci, les testicules sont fort raccourcis et fort dessécliés , et même qu'ils sont descendus plus bas, quoique le droit se trouve toujours plus haut quele gauche. » La matrice commence par un corps assez épais , qui est composé de deux fortes tuniques, et qui, étant situé au- dessus de l'intestin, a, au même lieu, son orifice qui est large et qui se dilate aisément, pour recevoir tout à-la-fois , par une même ouverture , les deux par- ties naturelles du mâle dans le coït. Ce corps est environ de la grandeur de l'on- gle d'un doigt médiocre, et il se divise fort près de son commencement, en deux petites poches ouvertes au fond, et que 282 HISTOIRE NAïUEELlE la nature a formées pour recevoir et pour embrasser les deux membres du mâle dans le coït. Leur tunique iutérieure est pleine de rugosités et est fort dure , de même que celle de tont le corps dont nous avons parlé. )) La matrice commence par ces deux petites poches, à se diviser en deux corps qui montent , chacun de leur côté , le long des reins , et entr'eux et les intes- tins , jusques vers le fond de l'estomac , où ils sont suspendus par des ligamens qui viennent d'auprès du foie , étant aussi soutenus d'espace en espace par divers petits ligamens qui viennent de l'épine du dos. Ces deux corps sont com- posés de deux tuniques molles, minces et transparentes, qui sont l'une dans l'autre. Leur commencement est au fond de ces deux petites poches qui em- brassent les deux membres du mâle, dont ils reçoivent la semence, chacun de leur côté, pour en former des œufs et ensuite des vipereaux , par la jonction DES VIPÈRES. 283 S.e leur propre semence que les testicu- les y envoient. Ces deux corps de la matrice sont fort aisés à se dilater , pour contenir un grand nombre de vipe- reaux jusqu'à leur perfection )). Noii^ celles expériences sur la Vipère , par Char as , pjag. t5 — 54. Si la vipère a reçu de l'Auteur de la Nature des armes aussi redoutables par la puissance du venin qu'elles distillent dans les blessures qu'elles font , elle a , pour nous rassurer , un caractère crain- tif et timide qui la porte à fuir notre présence. Ne l'irritons pas ^ etnous n'au- rons pas à nous défendre contre elle. Si elle cherche à nous j>ercer de ses traits, ce n'est que par droit de représaille j ses sifflemens préludent sa vengeance comme dansles autres serpens j sa mar- che même n'est pas , à beaucoup près , aussi rapide que celle de plusieurs cou- leuvre| j les vertèbres de son corps ne se prêtent pas au mouvemeut avec la même facilité. 2284 HISTOIRE NATUTIELLIÎ Comme cet animal fait souvent sor- tir sa langue Iburclnie , sur-tout Ions-- qu'il est irrité, qu'il l'agite et la darde avec beaucoup de vivacité , ou a cru qu'elle étoit le siège du venin, et une partie molle , incapable de nuire , a été transformée en une flèche empoison ' née : elle ne lui sert qu'à retenir les in- sectes dont elle veut faire sa nourriture ; ses ffrosses dents sont les seules armes que l'on doit appréhender. Nous a^-^ons fait observer que la vi- père pouvoit facilement, par le jeu al- ternatif et indépendant des deux côtés de ses mâchoires, avaler des animaux considérables. Charas dit à ce sujet , qu'il fut fort surpris de voir qu'un lé- zard vomi par une vipère, douze jours après avoir été avalé , eût toutes les parties qui n'avoientpu entrer dans l'es- tomac, celles qui étoient restées dans l'œsophage, très-saines et sans la moin- dre altération. La vipère dévore des insectes ; non- DES VIPÈRES. 285 seulement assez gros, mais même clan- irereux.tels q ne des scorpions. Sa nourri- ture consiste non-seulement en lézards, ainsi c[ue nous venons de l'indiquer , mais encore en grenouilles , en petits rats , en petites taupes -, le crapaud ne la rebute pas. Elle peut supporter des diètes fort longues, de six mois, sui- vant Pennant, sans paroître eu souffrir beaucoup. Le besoin de la faim estsi peu important chez elle , qu'enfermée avec des animaux dont elle se nourrit habi- tuellement, elle passe plusieurs jours avec eux sans leur faire de mal. Les vipères se rassemblent souvent dans des trous de vieux murs , sous des monceaux de pierres , pour passer l'hi- ver. Leurs corps sont tellement entre- lacés les uns dans les autres , qu'ils for- ment un peloton. L'on peut présumer,dit le cit. Lacépède, qu'elles se rapprochent ainsi pour ajouter à leur chaleur na- turelle , contrebalancer les effets du froid, et reculer le temps qu'elles pas- 28f) HISTOIRE NATURELLE sent clans l'engourdissement et dans une diète absolue. On trouve souvent ces animaux re- vêtus d'une doidjle peau ; l'extérieure ou l'ancienne ne recevant plus , par quelque altération ou qiielqu'antro cause , les sucs qui dévoient l'entrete- nir , il s'en forme une nouvelle sous elle. Cela arrive , non seulement vers le printemps, saison de la mue ordinaire et annuelle , mais même quelquefois eu été ou en automne. On estime qu'il faut environ six à sept ans à ces reptiles pour parvenir à leur entier accroissement. Ils sont en état, au bout de deux ou trois années , de se reproduire. Les deux sexes se recherchent ordi- nairement au mois de mai. Les anciens ont débité j au sujet de leurs amours, des fables dont on sent tout le ridicule. Le mâle , à les entendre , féconde sa fe- melle en mettant sa tête dans sa gueule , et celle-ci , pour lui témoigner sa scnsi- DES VIPÈRES. 287 Inlité, lai coupe la tête. Ce n'est pas tout , et afin que tout ce qui est relatif à la génération de ces animaux porte la ca- ractère du mêrâe et horrible merveil- leux, les vipereaux , éclos dans le sein de leiu' mère , lui donnent la mort , en dé- cliirant ses flancs pour venir au jour. Ils vengent ainsi leur père de sa mallieu' reuse destinée. Les œufs de la vipère commune sont aussi gros queceuxd'un merle, au nom- bre de douze à vingt-cinq, et forment deux paquets renfermés chacun dans une membrane qui sert d'ovaire : celui de la droite est communément plus fourni. Le vipereau est roule sur lui-même da«s l'œuf, et s'y nourrit par le moyen d'une espèce de cordon ombilical , une sorte d'arrière-faix , dont l'animal ne se débarrasse même que par les soins de sa mère , après sa sortie de l'œuf et de la tunique qui l'enveloppe avec les «utreâ. 288 HISTOIRE NATURELLE On a prêté aux vipères -mères un at- tachement fort tendre pour leurs petits. Elles ne les abandonneroient ([ue lors- que leur âge , 4eurs forces renJroient cette 'tutèle inutile. La ffiienle de ces mères a paru à d'autres un asylc pre'- cieux où se réfagioient les vipereaux menacés de quelq^ue danger. Nous avoiis vu que ce fait si extraordiuaire étoit garanti par l'autorité du cit. Beauvois , à l'égard du serpent à sonnette de l'A- mérique septentrionale. Il faut, en effel, un témoignage aussi respectable , pour ne pas reléguer cette assertion avec celles que le merveilleux a enfantées. La vipère a la vie très-dure. Plongée pendant trois ou quatre heures dans l'eau, dans l'esprit-de-vin même , ses fonctions animales ne sont pas suspen- dues j les esprits vitaux deme urent long* temps dans la tête : quoique séparée du tronc, elle est en état de mordre, et aussi dangereusement que si l'animal étoit en- tier et eu vie. Le tronc ^ dépouillé de la DES. VIPÈRE s. 3oi petits-, les narines sur les côtés; le des- sus du corps est couvert de viiigt-uu rangs de petites écailles longues et obtu- ses , dont cliacune a une arête : il y a trois grandes écailles sur le haut de la tête, une sur chaque paupière, et de petites sur le reste de la surface supé- rieure de la tête ; le bout de la queue a une tache noire. Les dents mobiles dont cette vipère est armée, sont une marque sûre qu'elle est venimeuse : elle fait périr beaucoup d'iiabitans de la Smolaandie, et c'est sous le nom de couleuvre de cette pro- vince delà Suède, qu'elle est décrite et fisurée dans les Mémoires de l'Académie de Stockholm. Voyez la Collcct. Aca- dém. part, étrang. tom. xi , pag. 91 , et planche 3*^. Nous en avons extrait la description que nous venons de donner, commç étant l'originale , celle qui caractérise véritablement le coluber chersea de liinuée. La vipère que nous avons fait Reptiles, III. 26 502 HISTOIRE NATURELLE coniioitre d'abord sous ce nom , offre quelques différences dans les laclies de la tête; il étoit donc nécessaire d'offrir le type de l'espèce , pris dans Linnée même. Le venin de ce reptile passe pour être plus actif que celui de la vipère com- mune. La partie mordue enfle davan- tage ; la plaie devient rouge et tache- tée ; le malade est saisi d'une horrible angoisse. On a coutume d'entamer lu partie mordue, de mellre l'animal écrasé sur la blessure , de la scarifier , afin d'en faire sortir le sang -, mais ces remèdes réussissent rarement : aussi les paysans qui sont mordus à un doigt du pied , se coupent-ils le doigt. Il est parlé dans les mêmes Mémoires de l'Académie de Stockholm, du traitement d'un homme qai avoit été mordu par un asspingau petit doigt du pied gauche. Six heures après la morsure, les extrémités infé- rieures du corps farentroLiges etenflées; le malade se plaignoit du mal de tête , de DES T I P È R E S. »^05 tranchées, de mal-aise dans le bas-ventre, de lassitude , d'oppression ; son poul» étoit petit et intermittent ; l'affligé pleiiroit souvent et n'avoit point d'ap- petit. Sur une poigne'e de feuilles de frêne, tendres , coupées menues, pile'es ensuite, et dont plusieurs expériences avoient fait connoitre l'utilité en pareil cas , on versa un verre devin de France : on exprima ce mélange pour en avoir la partie liquide , dont le malade but un verre de demi-heure endemi-heure. Un cataplasme des feuilles semblables fut appliqué sur la blessure : on fit boii'e encore au malade une tasse d'huile cliau- de : il se trouva beaucoup mieux le len- demain. Sa négligence à continuer les mêmes remèdes fit reparoitre les symp- tômes. Ses membres enflés avoient des raies bleues ; le pouls étoit foible et tremblotant ^ mais la reprise du traite- ment, auquel on ajouta une petite cuil- lerée de thériaque , dissipa bientôt 5o4 HISTOIRE NATURELLE tous ces effets du venin. On cessa les re- mèdes au bout de deux jours , le malade étant parfaitement guéri. lïavoit beau- coup d'âcreté dans le sang, ce qui avoit engage le médecin qui le soignoit à ne j)as s'en tenir au suc de feuilles de frêne* On trouve dans les Mémoires que nous venons d'analj'-ser ^ des faits qui semblent prouver l'efficacité de l'aristo- loche à trois lobes, prise en infusion et au poids de quelques dragmes. On oint les parties enflées avec de l'huile de lin camphrée. Il paroi t que cette plante, dont on emploie la tige , agit comme un bon su- dorifique , et chasse par des sueurs abon- dantes le virus introduit dans la masse du sang. La Vipère de Redi, J^ipera HecîL On n'a pas encore découvert en Fran- ce cette espèce de vipère , quoiqu'elle «e trouve dans des pays voisins et près- DES VIPERES. 3ô5 que de la même température, tels qvie rAutriche et une partie de Tltalie. Elle est employée , à la place de notre vipère ordinaire , he?ms , dans la pharmacie napolitaine. Il paroît qu'elle n'est pas aussi grande que le herus. Le docteur Sclireibers m'a dit qu'elle étoit presqu'entièrement ronssàtre , et peu ou point tachetée. La tête est revêtue , dans sa totalité, de pe- tites écailles semblables à celles du dos ; le corps, d'après la phrase de Gmelin , éditeur du Systenia Naturœ , auroit quatre rangs longitudinaux de stries transversales , courtes et alternes ; les lignes du milieu seroientconfluentesen devant; sa morsure donne promptement la mort ; on donne au malade une solu- tion gommeuse de mercure avec une décoction de gentiane. Cette vipère n'est-elle pas Vaspidis sjjecies, colore ferrugtneo , viperaparva vulgo dicta. Jonstoii, de Serpentibus ^ tah. 3. ? So6 HISTOIRE NATURELLE On lui donne cent cinqnanle-deux îpîaqaes abdominales , et trente -trois paires sous-caudales. La Vipère ammodyte, fripera aintnodytes. Le nom de cette espèce lui vient, suivant Rai , de son habitude à se cacher dans le sable» Aëtius, Avicenne, Bel- Ion, Matliiole , ont parlé des suites fu- nestes de la morsure de ce serpen t. On en a vu mourir presque subitement au bout de trois heures. Lorsque le venin agit de la manière la moins prompte , on ne vit guère que trois jours. On a cepen- dant vu aller jusqu'au septième. On doit employer dans le traitement de sa mor- sure, les mêmes remèdes que nous avons prescrits pour guérir de la morsure de la vipère. Mathiole met, avec raison, ce reptile dans le genre des vipères, et dit qu'on peut l'appeler aspide del cor no , ou as- DES y I P È 11 E S. Zoj pic cornu. Il a, en effet, sur le bout du museau, une petite élévation, eu forme de corne , cliainue , couverte de petites écailles, haute communément de deux lignes, mobile en arrière, et de cliaqvie cùté de laquelle on voit deux tubercu- les un peu saillans placés aux orifices des narines. L'ammodyle est d'un brun roussâtre , quelquefois bleuâtre , avec des taclies noires, et une raie dentée , pareillement noire sur le dos , dans sa longueur. La tête est couverte de petites écailles : il a cent quarante-deux plaques sous le ven* tre, deux paires de petites sous la queue. L'individu observé par Linnée étoit peut-être un jeune, n'ayant qu'un demi- pied de long , et d'autres auteurs don- nant à cette vipère une coudée de lon- gueur. L'ammodyte se nourritde lézards, et d'autres animaux de leur grosseur. On le trouve dans l'Orient, dans l'Escla- vonie, et on s'eivsert dans les pharma- 5o8 HïSTOTÎtE NATURELLE des do l'Allemagne , de même que dé notre vipère commune. Il paroît , dit le cit. Lacépède , que c'est à cette espèce, au développement de laquelle un climat très-chaud peut être très-nécessaire ^ qu'il faut rappor- ter les serpens cornus de la Côte-d'or dont a parlé Bosman , quoique ces der- niers soient beaucoup plus grands que l'ammodyte d'Esclavonie. Mais par la description, quoique vague, de la dé- pouille d'un individu de cette espèce , "Vue par ce voyageur au fort hollandais d'Axim , ce sentiment ne nous paroit pas probable. Je ne puis recomioitre dans un serpent long de cinq pieds j agréablement rayé ou tacheté de noir , de brun, de blanc et de jaune, ayant au-dessus de la mâchoire supérieure , au- près du nez , une petite élévation , niais qui ressemble à une dent, étant blanche, dure et pointue; je ne puis re- coiinoître, dis-je, notre vtpèreammo- dyte. DES VIPERES. 5o9 Oii peut voir une bonne figure de ce serpent dans le recueil de planches pu- blie'par Sturm, sur les reptiles de l'Al- lemagne. Seba applique le mot d'ammodyte à plusieurs serpens de difFërens genres. La Vipère noire, J^ipera prester. On a traduit dans notre langue le mot de prester par celui de dipsade. Le cé- lèbre collaborateur du Pline de la Fran- ce , Daubenton, l'a^^ant encore employé dans V Encyclopédie méthodique , nous eussions préféré cette dénomination dipsade, à l'épithète de noire du cit. Lacépède, s'il n'yavoit pas une vipère dipsas. De tous les serpens venimeux de no- tre pays , il est celui qui peut inspirer le plus de frayeur , en présentant à nos re- gards une couleur plus sombre , et por- tant, en quelque manière, les livrées de la mort. 5lO HISTOIRE NATURELLE La vipère noire est d'une couleur noirâtre et maLte en dessus, d'un gris d'acier foncé et luisant en dessous ; le bord des mâchoires, le dessous de l'infé- rieure , le milieu de la partie inférieure de la queue et dans le sens de la longueur, sont blancs; le bord postérieur des pla- ques du ventre est pltis pâle, avec un peu de roLissàtre. Cette vipère est sur-tout très-distin- guée des autres par plusieurs petites pla- ques qui occupent le sommet de la tête entre lesyeuxj les écailles du dos ont «ne arête. Sa longueur est d'environ deux pieds-, ses plaques abdominales varient de cent quarante-sept à cent cinquante- deux ; la queue en a de vingt-huit à trente-deux paires. La vipère noire se trouve en Suède , dans la Russie, en Allemagne, en Angle- terre , où les pharmaciens l'emploiejit au lieu de la vipère commune. On la rencontre aussi dans les départemens DES VIPÈRES. 5ll septentrionaux de la France. J'en pos- sède un individu qui avoit été pris dans les environs d'Arras , par mon ami le cit. Beauvois. Laurenti , qui l'a observée dans les montagnes de Sclineberg, a fait quel- quesexpériences qui scmbleroientprou- ver que son venin n'est pas dangereux. Mais comme ces expériences ont eu lieu dans le mois de novembre , temps oiï le poison de cette vipère doit avoit per- du la plus grande partie de son activité ;, on ne peut en conclure rien de positif. Cette espèce se trouveaussi dans la Loui- siane ^ suivant le cit. Lacépède. La Vipère mélanis, J^ipera nielanis. Le célèbre Pallas a fait connoître le premier cette espèce, qu'il a rencontrée dans les lieux couverts, où les végétaux se décomposent et se pourrissent, sur les bords du Volga et de la Samara. Elle a »>I2 HISTOIRE NATURELLE la taille et le port extérieur de la vipère commune; mais le corps est d'un noir opaque, avec des taches plus fonce'es en dessus ; le dessous du ventre présente un poli d'acier, comme dans la vipère noire , dont cette espèce se rapproche beaucoup, les environs de la bouche , et les deux côtés du corps sont nues de j p bleuâtre ; l'iris des yeux est brun ; la jj prunelle est alongée verticalement, lors- qu'elle est contractée, et son contour est argenté ; la queue est courte et co- nique ; l'abdomen a cent quarante-huit plaques, et la queue vingt-sept paires de petites ; autre trait de conformité avec la vipère noire, dontelle n'est peut-être qu'une variété. La Vipère Schy le , ViperaSclijta^ Le même voyageur a découvert dans les bois des monlagnes de la Sibérie, la partie même la plus septentrionale; DES VIPÈRES. 3l3 cette vipère, dont le venin, par une suite peut-être du climat, n'est pas très- dangereux. Comme dans la vipère pré- cédente, le dessus du corps de cette es- pèce est d'un noir très-foncé et opaque. Mais le dessous est d'an blanc de lait très-poli -, sa longueur est environ d'un pied et demi , dont la queue fait le dixiè- me -, la tête a un peu la forme d'un cœur; l'iris est jaunâtre. Elle a cent cin- quante-trois plaques sous le ventre, et trente-deux paires de petites sous la queue. La Vipère Céraste, T^ipera . Cérastes, Les premiers Egyptiens placèrent l'image de ce serpent parmi leurs figures hiéroglyphiques. Deux très - grandes pierres , apportées d'Alexandrie à Lon- dres , placées dans la cour du Muséum , offrent plusieurs cérastes bien gravés. Ces pierres paroissent avoir fait partie Reptiles, m,. 37 3l4 HISTOIRE NATURELLE d^ une grande corniche d'un magnifique palais. On trouve encore des figures du même serpent sur des momies. Cette vipère a été nommée cornue, parce qu'elle a deux petites cornes qui s'élèvent au-dessus des yeux. N'est-ce pas à cette singulière conformation , à SCS qualités venimeuses, qu'il faut at- tribuer l'origine de ce respect religieux des anciens habitans des bords du Nil. Les notions que les anciens auteurs nous ont laissées sur le céraste sont souvent très-opposées , ou du moins fort obscures. Sol in lui donne quatre cornes. L'animal, suivant lui, tient tout le reste du corps caché dans le sa- ble , de manière que les oiseaux n'ap- percevant que ces cornes, et 'les regar- dant comme un objet propre à faire leur nourriture, s'en approchent sans crainte , et sont dévorés par le céraste. On sent tout le ridicule d'une telle fable. DES VIPERES. 3i5 Nicauder refuse , au contraire , des cornes au céraste. Ruisch parle de trois serpens appor- tés du Caire , qu'il appelle cérastes , parce que l'un d'eux, plus avancé en âge, avoit deux petites cornes osseuses; mais il dit que cet individu pondit des oeufs, et cela ne s'accorde ni avec le té- moignage de Belon , qui dit que les cé- rastes sont vivipares, ni avec les règles de l'analogie , d'après lesquelles tous les serpens venimeux doivent être encore présumés vivipares. On trouve dans les Actes d'Upsal, lyôo, pag. 27, la description d'un cé-r rastepar Hasselquist. Il l'avoit apporté d'Egypte , où il est nommé alp et aeg. Ce serpent est aussi décrit dans son Voyage au Levant ; et par El lis, dans les Transactions philosophiques , an- née j 76 '3. On y en a donné une figure. Mais il est bien singulier que le doc- teur Tur-nbull soit le seul des Naturalis- tes du même temps quiait placé ce rep- 5lG HISTOIRE NATURELLE tile parmi les serpens venimeux. Has- selquist ne lui a point vu de crochets. Le céraste a réellement au-dessus de chaque oeil, suivant le cit. Lacépède , un petit corps pointu et alongé qu'on doit plutôt nommer corne, que dent molle, à l'exemple de Linnée. Ces cornes ne sont point attachées à des os de la mâ- choire supérieure, et se meuvent à la volonté de l'animal. Elles sont implan- tées parmi les petites écailles qui cou- vrent la partie supérieure de l'orhite des yeux , un peu arquées, et longues d'environ deux lignes : sa racine repré- sente une pyramide carrée , et dont cha- que face a une rainure longitudinale fort sensihlc. Belon compare ces émi- nences à celles d'un grain d'orge. La base de ces cornes est revêtue de plusieurs couches qui ont aussi les quatre côtés , avec le sillon longitudinal sur chaque, et elle est entourée d'écaillés plus petites que celles du dos. Le céraste peut avoir un peu plus de ©ES VIPERES. 3ir ^eux pieds de longueur : la queue est très-courte, en proportion du corps, et n'a pas cinq pouces -, la tête est applatie, garnie en dessus d'écaillés semblables en grandeur ou plus petites que celles du dos, qui sont ovales , avec une arête au milieu; le museau est gros et court ; l'iris des yeux d'un ocre jaunâtre, et la prunelle , en se contractant , ne laisse qu'une fente dont la longueur est per- pendiculaire. Le derrière de la tête est rétréci , et moins large que la partie du corps à laquelle elle est jointe. Le cé- raste est jaunâtre ou de couleur de rouille, en dessus, avec des taches irré- gulières, brunes, formant des espèces de petites fascies transversales. Le dessous du corps est'blanc ou blanchâtre. Le cit. Lacépède acompte, sur deux indivi- dus , cent quarante-sept grandes plaques sous le ventre , et soixante-trois petites plaques sous la queue Ellis en avoit trouvé deux de moins aux premières, et vingt-six de plus aux secondes. Linnée Si 8 HISTOIRE NATURELLE et Hasselquist donnent à ce reptile cent, cinquante plaques abdominales et cin- quante à la queue. On suppose que le céraste supporte la faim et la soif plus long- temps que les, autres reptiles du même ordre , qu il vit très-long-temps sans manger. Cela est d'autant plus probable, qu'il habite des lieux fort déserts, très-arides, et qui doivent ainsi lui fournir une nour- riture moins abondante. Sa peau ^ étant susceptible d'une grande distension, il avale , lorsqu'il peut , une si grande quantité d'aliniens, qu'il tombe, com- me beaucoup d'autres serpens, dans une torpeur et dans un sommeil qui permet- tent de le tuer avec facilité. La plupart des auteurs anciens ou du moyen ;jge , ont écrit que les cérastes avoient la faculté, plus que les autres , de se retourner en divers sens -, qu'ils n'alloient jamais que par des circuits tortueux, et en faisant entendre un petit bruit, occasionné par le frotte- DES VIPERES. 3î9 nient clés écailles les plus dures les unes contre les autres. Ils ont été regardés comme très-rusés _, et on a supposé qu'ils se cacliojent dans des trous, près des grands chemins , pour s'élancer à l'im- proviste sur les malheureux passans. De - là est venu le non! &Hnsidieux qu'on leur adonné. Leurs ruses ne peu- vent cependant les sauver des serres des oiseaux de pr-oie , qui se nourrissent de leur chair. Il n'est pas ainsi surprenant que les anciens Egyptiens aient rendu un culte à ces oiseaux libérateurs. f( C'est principalement avec cette es« » pèce de serpens que les Libyens , )) connus sous \e nom àepsy lies , pré- )) tendoient avoir le droit de jouer im- » punément , et dont ils assuroient )) qu'ils maîtrisoient, à leur volonté, » et la force et le poison ». ( Lacépèdei Histoire nat. des Serpens. ) Les habitans de Thèbes enterroient dans le temple de leur principale divi- nité des serpens à deux cornes j mais SâO HISTOIRE NATURELLE qui , au rapport d'Hërodote , ne fai- soient aucun mal. Il est probable que ce serpent à deux cornes étoit le cé- raste, le même reptile dont on trouve la figure sur d'anciens monumens de l'Egypte , et le père de l'histoire n'étoit pas bien informé sur les qualités du céraste. La Vipère d'Egypte ^ J^ipera JEgyptia, La même contrée qui nous a offert le céraste est aussi la terre natale de la vipère dont nous allons paider , et que nous avons nommée pour cela , avec Daubcnlon , la vipère d'Egypte. Elle mérite d'autant plus d'être connue, qu'elle est vraisemblablemeut l'aspic, ce serpent qui donna ia mort à une sou- veraine fameuse* S'il falioit , en effet , ajouter foi à l'opinion des anciens sur la nature et les suites du venin de l'aspic , Cleo- DES VIPÈRES. 321 pâtre, si puissante par la force de ses cliarjnes et par l'autorité que lui don- ïioit le diadème qu'elle portoit , auroit clioisi de tous les genres de mort le plus doux. Car tel seroit l'effet de la mor- sure de l'aspic , de détruire insensible- ment les forces , de conduire à une douce langueur ^ à un sommeil tran- quille qui se termine par un sommeil éternel. En supposant encore que cette vi- père d'Egypte soit l'aspic , nous rap- pellerons à la mémoire de nos lecteurs ce passage de Pline, où il peint si bien l'attacliement du mâle de ce serpent pour sa femelle , son courage à la dé- fendre et sa fureur à poursuivre ceux qui le privent de l'objet de sa tendresse. Combien la vérité aclièveroit d'em- bellir cette peinture ! Linnée et quelques autres natura- listes ont cru que l'aspic étoit le ser- pent que nous avons décrit sous le nom d'ammodyte. Mais les passages des an- 3'22 HISTOIRE NATURELLE ciens , celui de Lticain particulière- ment , au sujet de l'aspic , l'usage de faire venir de ces vipères d'Egypte pour la composition de la thériaque et qui remonte aux temps des Romains ; nous font préférer l'opinion de Laurenti qui a vu dans cette vipère l'aspic des an- ciens. Rien ne prouve d'ailleurs que l'ammodyte se trouve , du moins fré- quemment , en Egypte. Hasselquist est encore l'observateur qui nous a fait connoître la vipère d'Egj'-pte : il en a donné la description dans les mêmes actes d'Upsal. ( Ann. 1760, pag. 24. ) Cette vipère est longue d'environ neuf pouces j elle a le haut de la tête un peu enfoncé et beaucoup plus entre les yeux , ce qui fait que les côtés sont relevés en bosse ; le museau est court , la couleur de la partie supérieure du corps est d'un blanc ferrugineux, avec des taches d'un roux foncé , le dessus du corps est blanc. L'abdomen a cent dix- DES VIPÈRES. o'l7> !mit plaques et la queue vingt-deux paires de petites. Ces vipères ont, par les couleurs , des rapports avec les cé- rastes. Niconder prétend même que ceux qu'il regarde comme tels, n'ont pas de cornes étant jeunes. La vipère d'Egypte est le coluher vipera de Linnée \ on la trouve dans les lieux montagneux de cette partie de l'Afrique, sur les confins de la Libye d'un côté , et de l'Arabie de l'autre. On la prend dans les mois d'été , quelque temps avant ou après l'inondation du Nil. Les Italiens et les Marseillais vont en acheter, tous ]es ans, pour l'usage de la pharmacie. Le sel de la vipère se fait dans le pays même j on transporte sa chair dans des barils ; elle entre dans la tliériaque de Venise. Les Egyptiens attribuent à la salive de l'homme la vertu d'endormir ou de faire languir la vipère , et de guérir les plaies récentes qu'elle fait. Mais quoi qu'il en soit de ces contes , il paroît que 3^4 HISTOIRE NATURELLE le venin de cette vipère est très actif. Voyez le Dictionn, des aiiimaux. La Vipère Lébétine, Fripera JLehetina, On trouve ce sei'pentdans l'Orient, dans l'île de Chypre , d'où Forskal en avoit reçu deux individus ; il a près d'un pied et demi de long sur un demi- pouce d'épaisseur vers le cou qui est plus étroit que le corps ; la queue est longue de quatre pouces , la tête est en cœur , les écailles du dos ont une arête. Cette vipère est gr-ise en dessus , avec quatre rangées longitudinales de taclies alternes; celles du milieu sont jaunâtres, les autres noirâtres ou tout-à-fait noires, le dessous du corps est blanc avec des points noirs épais. Les plaques de l'ab- domen sont au nombre de cent cin- quante-deux , et les petites de la queue de quarante-trois paires. Linnée dit que le de^isous du corps DES VIPÈRES. 02S est parsemé de points roux , que l'abdo- men a cent cinqviante-cinq grandes plaques , et la queue quarante-six paires de petites. La morsure de cette vipère est mor- telle et inguérissable , suivant Forskal. Les hommes lettrés de Cli3'^pre l'ap- pellent aspic , et le peuple lui a donné en grec le nom de sourd. La Vipère fer-de-lance ^ Videra lanceolata. On connoît cette espèce sous le nom de vipère jaune de la Martinique. Ro- cliefort l'appelle couleuvre jaune ou rousse. Badier a soupçonné que ce rep- tile se trouvoit aussi à Ca3'enne et à la Dominique ; mais son habitation à la Martinique est la seule qui soit cons- tatée. Cette vipère est une de celles dont le poison est le plus actif ; elle parvient ordinairement à la longueur de cinq à Rej^tiies. III. 28 ^26 HISTOIRE NATURELLE six pieds sur trois pouces de diamètre. Le cit. Lacepède , le premier natu- raliste qui l'ait de'crile, l'a nommée fer- de-lauce , parce que l'espace triangu- laire , compris entre le museau et les yeux ; représente, en quelque sorte, un fer de lance large à sa base et un peu arrondi à son sommet. La couleur du corps est tantôt jau- nâtre , tantôt tirant sur le gris ; on en trouve même une variété dont la tête a une tache très-brune , alongée derritre chaque œil , et dont le dos est marbré de teintes livides ou brunes plus ou moins foncées -, c'est ce qui a déterminé le continuateur de Buffon à ne pas lui conserver le nom de jaune qu'elle porte dans le pays. La tête de cette vipère est plus grosse que le corps , les trous des na- rines sont placés très-près du bout du museau, les yeux sont gros, ovales et d.ans une position oblique. Le cit. Lacé- pède a remarqué une ouverture parti- DES VIPÈRES. 527 culière entre les narines et les yeux , de chaque côté de la tête. Ces ouver- tures sont regardées comme des trous auditifs^ et forment, en effet, un petit canal qui passe au-dessous de l'oeil , et paroit aboutir à l'organe de l'ouïe. Cette observation du C. Lacépède n'est point propre exclusivement à la vipère fer- de-lance. J'en ai fait une semblable sur quelques autres serpens , et , autant que j« puis m'en ressouvenir , sur le cro- taliLs horridus. Si ces ouvertures sont celles de l'ouïe , elles différeront par leur position de celles des sauriens, qui les ont placées derrière les yeux. Les oiganes relatifs au venin et la na- ture de ce poison funeste sont ici à-peu- près les mêmes que dans la vipère commune. Il est donc inutile de i-eve- iiir sur cet objet. La tête de la vipère fer-de-lance est couverte de petites écailles , de même que le dos \ celles qui recouvrent celte partie-ci sont ovales et marquées dans 528 HISTOIRE NATURELLE leur milieu d'une arête. L'abdomen a deux cent vingt-cinq à deux cent vingt- huit plaques , et la queue de cinquante - neuf à soixante et une paires de petites. (c Lorsque le fer-de-Iance se jette sur l'animal qu'il veut mordre , dit le cit. Lacépède , il se replie en spirale , et se servant de sa queue comme d'un point d'appui , il s'élance avec la vîtesse d'une flèche ; mais l'espace qu'il parcourt est ordinairement peu étendu ». Ce serpent ne jouit pas d'une grande agilité , et ne mord ordinairement que lorsqu'on le touche et qu'on l'irrite. L'odeur fétide qu'il répand , le cri de certains oiseaux qui , croyant voir en lui un ennemi , annoncent leur frayeur d'une voix gémissante ^ sont des signes indicateurs de la présence de cette vi- père. Est-on surpris par ce serpent ? on peut , dit-on , captiver son attention , suspendre le premier sentiment de sa colère, et avoir, dans cet intervalle, le temps de s'armer , en lui présentant DES VIPÈRES» 329 nne branche d'arbre , iiii paquet de feuilles ou d'autres objets qui tombent sous la main. L'époque des amours de cette vipère- coïncide avec les premiers mois du pj'intemps. L'union des deux sexes per- sévère quelques jours , et il seroit dan- gereux de la troubler. La mère porte ses petits six mois ^ à ce qui est rap- }i»rté dans une lettre de Bonadet de ï'oix , ancien avocat au conseil supé- rieur de la Martinique, insérée dans les nouvelles de la république des lettres et des arts, année 178S. Mais notre vipère commuîie ayant une gestation qui n'est que de deux ou trois mois , cette observation me parolt suspecte^ Des voyageurs font ce serpenL vivipare; Bonadet de Foix dit que les petits ne se débarrassent de leur enveloppo'qu'au moment oii la femelle les dépose à terre. Cîiaque portée est de vingt à soixante vipereaux , et toujours en nombre im- pair , à ce que l'on croit avoir remarqué 33o HISTOIRE NATURELLE Le fer-de-lance fait sa nourriture de rats, de volaille;, de lézards , et même, à ce que l'on assure^ de gibier et de chats; sa gueule peut se dilater jusqu'au point d'avaler un cochon de lait ; on en a vu avaler un gxos sarigue , mais le serpent fut victime de sa gourmandise. Ce rep- tile suit à l'odorat et des yeux l'objet qui loi a échappé , et quoique sa marche soit lente , il parvient souvent néan- moins à l'atteindre, l'animal qu'il pour- suit ayant ses forces affaiblies par l'effet du poison que la dent meurtrière du serpent a distillé dans sa plaie. La vipère fer-de-lance , après avoir pris de la nourriture , exhale uneodenr insupportable. Des nègres et des blancs même ont cependant mangé de sa chair, et lui ont trouvé un goût agréabie. Nous n'envierons pas leur plaisir. On a exagéré ici, comme à l'occasion des autres serpens venimeux, les effets du poison de cette vipère. L'auteur d'un mémoire relatif au sujet , et inséré dans DES VIPÈRES. 55l ïes nouvelles de la république des lettres et des arts,est presque désespérant. Mais la lettre de Bouadet de Foix , déjà cité, nous rassure. Il affirme , au contraire , qu'on a des remèdes prompts , assurés , connus des nègres et des mulâtres; que les traitemens sont souvent suivis du plus keurenx succès , quoiqu'on n'ait commencé à les emploj^er que douze ou quinze heures après l'accident, et que ceux qui en meurent, par une cir- constance particulière , ne paroissent pas éprouver, comme on l'avoit djit, une agonie très-cruelle , et qu'ils périssent plongés dans une sorte de léthargie ;, qui commence presque aussi-tôt qu'on est mordu. Il est bien permis de faire une guerre à toute outrance à de tels ennemis. Pourquoi , suivant la judicieuse re- marque du cit. Lacépède , les colons de la Martinique n'éteigncnt-ils pas dans cette île l'odieuse race d'un reptile aussi dangereux ? 332 HISTOIRE NATURELLE La Vipère à tête triangulaire, J^ipera trigonocephala. On voit au Musémn national d'his- toire naturelle cette vipère qui avoit été apportée de l'île S.-Eustatlie dans les Antilles. Sa tête est triangulaire , et ses côtes forment à leur extrémité pos- térieure une saillie ; elle est couverte en dessus de petites écailles enlozange,, semblables à celles du dos , mais les unes et les autres sont unies , et cette espèce diffère par-là essentiellement de la vipère commune , avec laquelle elle a beaucoup de rappart -, le corps est très- délié près de la tête; sa longueur totale est de deux pieds, celle de sa queue est de trois pouces neuf lignes ; sa couleur est verdàtre , avec des taches de diffé- rentes figures sur la tête et sur le dos, oiî elles forment une bande longitudi- nale et irréffulière. L'abdomen a cent cinquante plaques d'une couleur obs^ DES VIPÈRES. 333 cure eL bordées de blanchâtre ; on en compte soixante et une paires de petites «ousla queue. A cette espèce me paroît appartenir la vipère de l'île S.-Eustaclie , de Sëba^ Tom. 2 , pi. 36 , n°. 2. La Vipère Dipse, Vipera Dîpsas^. Ce serpent est venimeux , d'après liinnëe. La figure de Séba, tom. 2 , pi. 24 , n°. 3 , que l'on cite pour synonyme, représente cependant plutôt une cou- leuvre qu'une vipère. La tête est cou- verte de petites plaques -, le dos est d'un bleu de ciel , avec les côtés d'un bleu plus clair, suivant Séba. Linnée dit que le corps est bleuâtre , tirant sur le vert, avec le bord des écailles blanc; les plaques du ventre sont au nombre de cent cinquante-deux à cent cin- quante-cinq ) la queue en a de cent vingt-trois à cent trente-cinq paires de petites j leur sxiture est bleuâtie. 334 HISTOIRE NATURELLE Cette vipère est d' Ame'rique , de Sa- rinam , suivant Sëba. La Vipère Atropos , Vijpera Atropos» Le nom spe'cifiqne de cette vipère annonce Factivité funeste de son poison. Le dessous du corps est blanchâtre, avec quatre rangées de taches rousses , rondes , assez grandes , ayant à leur centre une petite tache blanche ; ïatête est garnie d'écaillés semblables à celles du dos , relevées par une arête ; elle a ordinairement quatre taches noires ; les plaques abdominales sont au nombre de cent trente et une \ la queue en a vingt- deux paires de petites. Cette espèce se trouve en Amé- rique. Tojfi .1/1. Pq(/ . 33o . J)e \ . La Viporo HoWaioTie . 2, . La CoiilciiATC a Collier DES VIPÈRES. 335 La Vipère hébraïque , Vipera severa. Séba ( tom. 2 , pi. 55 , fig. 4 ) dit que les taches du dos de cette vipère imitent des lettres hébraïques ; c'est de- là queDaubenton et le eit. Lacépède lui ont donné le nom qu'elle porte ici. Lin- née l'appelle severus. Cette espèce se trouve en Asie , au Japon j suivant Séba -, elle est longue d'un pied quatre pouces ; le dessus du corps est roussàtre et marqué , tout le long du dos , de petites raies transver- sales , anguleuses , chevronnées , d'un jaune clair , bordées de roux brun ; le dessus de la tête est un peu bigarré ; le dessous du corps est d'un jaunâtre cen- dré , clair , avec des taches alongées , noirâtres sur les côtés ; les plaques ab- dominales sont au nombre de cent soi- xante et dix \ la queue en a quarante- deux paires de petites. riN DU TOME TROISIÈME.