ftikAJUlAAÀAAÀÀAAÀAÀAAÀJULA^ i -/y) ^s^w-.^**^^ J0J|B \\i m: •^%v. I »*^y*«^fc«^te^»i ^ AVà'i aaaaaVa^aaa * AaVa AAA^XÂ^^ÂXâ'*', ââ&4 Ald'iLi^^-t^ 'i&/^m^KSKM^m9^iÊxSmi HISTOIRE MORALE DES ILES ANTILLES D E L'AMERICLVE. T©rne Second» €HeZ CHRISTOFLE FOVRl^T>^ ^eMerciere^la^ibliothequei) >ï< <> «"Am,m.!jjmakmAm-^£!imu^am&IMtiBiS^S^ ga^BB^aeaMSBMgu CJl TABLE tS Des Chapitres, & des Arti-l eles du fécond Livre de g l'Hiftoire Morale des An- ^ filles. R Ghap. I. St^i £ VEtabliffement- des 7lMià Habitais Etrangers" dans les Iles de Saint Cbrislofle, do - Nievesydela Gardeloupe>de la Mar- tinique, & autres Iles Antilles, p.i II. I* Etabli ffement des François dans les lies de Saint Bartelemy y de S. Martin, & de Sainte Croix. 42. D* V affermiffement de la Colonie Françoife de la Gardeloupe3parla paix qui fut faite avec les Caraï- bes de la Dominique > en Van 1 640. 7 1 TV. Du Trafic & des occupations des Habitant Etrangers dupais r Et premièrement de la culture & de la préparation du Tabac. 9 5 ë V V.De III ^"^-^x^^^sWZx^&ri&zm* ÏABLE. V. De la manière défaire le Sucre % &' de préparer le Gingembre >V Indigo &leCotton. 115 V I. Des Emplw les plpti h&norables de Habitans Etrangers des Antilles: de leurs Efclavesy & de leur Gou- vernement'. 1 1 9 ¥ I l.De l'Origine des Caraibes Habi- tant naturels du Fais* 145 V- III. Digrejjion contenant vn Abre- , gê de V H ivoire Natwelle & Mo- rale du Pais des Afalachites, 209' ak T . î . De ï et endm & de la nature du Pais des Afalachites. 210 2,. Deflufieurs rares fwguUritez,iqUï Je trouvent dans les Provinces dep Afalachites. 220 3. Du- Cerf s des Afalachites , & de leurs W&temens. 24 5 4« De l* Origine des Afalachites & de leur langage. 253 f. Des Willes * & des Villages dep Afalachites y de leurs maifons & deleursineubles. 258'^ é\ Des mœurs des Afalachites. 16 9 7. Des Ocufations ordmmres des" Afalachites. v 27/ %*De 'la Police d^s Afdachites.i% ji % De& «PMga^«reMic»p^^ gBgS^Bj % ABÊ E. o. Des Guerres des Apalachitès.zjQ- iOi.De la Religion ancienne des Apa- lachites. 2-9 §> ïi. Comment les Apalachites ont eu1 cohnoïffan D^s Mariages des Apalachites^ del 'éducation de leurs en fans > & des maladies aufqueEes ils font fuie t s y & des remèdes dent i/s fe fervent. 330 î 3 . De l'âge des Apdachites> de leur mort y & de leur enterrement. 337 ïlXfDu Corps des Caraïbes et de leurs- Ornemensi ' 3 47 i X. Remarques fu? «là longue, des Ca- raïbes, 374 X I. Du Naturel des Car dik&r>& d& leurs mœurs* yyi XII. De ' la fîmp licite 'naturelle de s Ca* raibes. 40g: XII hDe ce qn on peut nommer lkz\i- gïon pœrwy, les Caraïbes. 421 XIV .Continuation de ce quonpeut ap- peler Religion parmyles Caraï- bes: de quelque s~imçs de leurs Tra- ditions ; & du fentiment qu ils onp d%ï immortalité de famé. 44 2 ^^^¥^Si TABLE. X V. Des Habitations & du Ménage des Caraïbes. $6$ X V l.Des Repas ordinaires' des Caraï- bes. 48 & XVI T. Des Occupations & des Di* vertiffemens des Caraïbes. 505 XVHLDfl Traittement que les Caraïbes font à ce Hé qui les vont vi fit er.^ 1 9 X I Xv. De ce qui tient lieu de Police chez, les Caraïbes. 5 3* X X. J)w Guerres des Caraïbes. 545 X X I. Du Train ement que les Caraï- bes font a leurs prisonniers de guerre. f 574. XXI l.Des Mariages des Caraïbes. f 9 2 XX I II. DelaNaiJfance & de VE- ducat ion des Enfans des Caraïbes 60$. XXI V. De l'Age ordinaire des Ca- raïbes5 de leurs maladies , des- Remèdes dont ils fe fervent pour recouvrer lafantê> de leur mort*, &dè leurs funérailles ■* 6 1 3 ? fin de la Table de lTïiftôirc- Morale» HISTOIRE VBs&smmsmsm feto &$tog* June partie Aetile dcJi. Chri/ioflçauee un Crayon du Çhaftaut de Mie General Fol, t , ztelardin- 3LaBaJe cour p La Chapelle et les offices ■ A-lesEfcums I 6 ■ La Tour des munitionï . ?La T%ffe 3'An^ole . ^>^»>^3n^wwat^.y^^qr^^i HISTOIRE MO RALE DES ILES ANTILLES D E V A M .E R I QJ/ E. LIVRE SECOND, Chapitre Premier. De l'établijfement des Habit ans Etran- gers dans les Iles de Saint Chrittofle, de Nieves , de la Gardeloupe , de la Martinique}& autres Iles Antilles. jlHJP Près avoir achevé tout ce qui WM, pouvoit eftre de l'Hiftoire Na- turelle des Antilles , il faut venir à Tom. II. A l'Hiftoi ^^^'^^^^^^MBàmmÊmsi^sm % Histoire Morale rHiftoirc , que nous appelions Mora-* le, & traiter dorefenavant en toute la fuite de ce Livre , des Habitans cte ces Iles , dont nous avons, déjà fait quelque mention, félon qu'il ett venu à propos , en la defcription que nous avons donnée au Livre précèdent^ de chacune de ces Iles en particulier, Nous parlerons premièrement des E- trangers,ou des Européens» aucât qu'il fera neceflàire à nôtre deiïein. Et puis nous defcendrons , à vne ample ôç particulière considération des Indiés, Habitans naturels du Païs , dont le fujet peu connu > demande vne dedu*- étionde plus longue haleine ,& vne recherche plus exaâe & plus curieu* fe. Les Efpagnols fe fondans fur la Donation du Pape Alexandre fizié^ me, & fur quelques autres raifons ap- parentes y prétendent que le droit de naviger en l'Amérique, & d'y établir des**Colonies, foit au Continent, foit aus Ilesjeur appartient privativement à tous autres.Mais outre que la vanité de cette arrogante prefomption , fe découvre ■SOgqflHireS des Iles Antilles. £ découvre affez d'elle-même, de que ce feroit interrompre le fil de nôtre Hi- ftoire 5 que de nous arrêter icy à vne telle controverfe : le Do&e & curieus Ikrgeron a fi exa&ément traitté cet- te queftion > & fi clairement montré rabfurdité de cette chimère > en fon Traitté des Navigations > aue ce feroit pêne perdue de s'y étendre davantage, &c d'y vouloif'apporter de nouveaus aéclaircifTemens. Auffi tous les Rois ÔC Princes Chrétiens ont toufiours cori- tefté au Roy fd'Efpagne , ce préten- du droit qu'il s'attribuë.Et ils ne l'ont pas feulement combattu par paroles & par écrits: mais encore par les ef- fets , ayant envoyé de tems en tems des flottes en l'Amérique, pour y fai- re des Peuplades, de fe mettre en pof- feffion de plufieurs terres de ce nou- veau Monde 5 où particulièrement fe font fignalez les Frâçois,les Anglois, & les Hollandois. Mais les plus renommées de toutes les Colonies que ces trois Nations poffedenten Amérique, & celles qui font les plus fréquentées des Mar- A 1 chands-. 4 Histoire Moïialh chatids , comme étant les plus avan- tageufes pour le commerce^ ce font celles des Ântilles.Les François &c les Anglois,commeon le peut remarquer au premier Livre de cette Hiftoire,y font les plus avancez; & ont en parta- ge les plus grandes Jes plus riches, 8c les plus peuplées de toutes ces Iles. Il eft aufficonftant^que ces Natiôs en leur établiflement , n'ont pasfuivy les cruelles Se barbares Maximes des Efpagnols, & n'ont pas impitoyable- ment exterminé comme eus, les Peu- ples originaires du païs.Car fi elles les ont trouvez dans les terres qu'elles poffedent * elles les y ont confervez pour la plupart , & ont contra&é al- liance avec eus. Il eft bien vray, que les Caraïbes ont depuis vn long tems de grands differens avec les Ànglois: mais l'origine de leurs querelles vient ide Quelques fujets de mécontente* ment , qu'ils ont receu de quelques particuliers d,e cette Nation , qui eu corps a defapprouvé leur procédé : 8c en toutes rencontres a témoigé qu'elle defiroit , qu'ils faffent traittez avec ta vsŒsasam8assQ&®ù bes Iles Antilles. $ la même humanité , modération., Se douceur Chrétienne , dont les amples Se Aurifiantes Colonies de la Virgi- ne & de la Neuve Angleterre , qui relèvent de fa lurifdi&ior^ont vfé iuf~ ques à prefent , à l'endroit des Habi- tans naturels de l'Amérique Septen- trionale,où elles font établies ; avec léquels elles entretiennent vne fi fain- te,& fi parfaite correfpôdance, qu'elle leur a facilité les moyens , de les in- struire avec vn heureus fuccês,és my- ûeres de la Religion Chrétiene, Se de fonder vn grand nobre de belles Egii- fes>au milieu de ces pauvres Peuples. Sur tout,il efl: tres-averé , que lors que les François fe font établis à la Martinique , à la Gardeloupe , Se à la Grenade, ils l'ont fait parl'agréement des Caciques, & des principaus d'en- tre les Caraïbes , qui ont defavove ceus des leurs, qui ont voulu aller au côtraire;& qui ont employé leurs for- ces & leurs bons avis pour reprimer leurs deffdnsJ& faire entrer les nôtres en la paifible poilèffion , de ce qu - ils leur avoyent auparavant accordé» A 5 Ce 3 1 11 i ï S ■L"*U»g-^LJt ^i***r-^\r^**^ry\WZ é Histoire Morale Ce qui iuftifie , que nous ne fommes pas coupables des mêmes violences que les Espagnols* &" que nôtre pro- cédé en l'établiflement de nos Colo- nies auslles^n'a pas eftéfemblable au> leur. Que s'y on nous objeéte que nous les avons chaffez de Saint Ghri- ûofle , & de la Gardeloupe,&: qu'en* core à prefent 3 nous avons guerre a- vec ceusde la Martinique. Nous ré- pondons 3 que lors que nous avons peuplé ces lies ^ nous n'avions autre but , que l'édification & l'inftru£tion de ces pauvres Barbares y & que fi contre nôtre première intentions- nous auons été obligez d'vfer de fe- vérité à l'endroit de quelques- vns5 Se de les traitter comme ennemis^ils ont attiré ce malheur fur eus 3 en violant les premiersjesfacrées loix de i'alian* ce qu'ils avoyent contradtée avec nous y de en prenant des confeils fan- guinaires5 qui euiTent étouffé nos Co- lonies dans leur berceau 3 s'ils n'eut fent efté découverts. Les Colonies Françoifes & An* gloifc ont eu leur commencement en même esp*^»^ 1 1 9 I l &es Iles Antilles, y même tems * c'eft à dire 3 en Tan mil fix cens vint-cinq. Monfieur Des KAMBVc, Gentil- homme François* de l'Ancienne Maifon de Vauderop, & Capitaine entretenu par fa Majefté en la mer du Ponant 3 ôc Moniiear Waernaer, Gentil- homme An- glois ) lequel nos François nommo- yent Monfieur Ouarnard, pour facili- ter la pronontiation du double W^que nôtre langue ignore ) ont en vn mê- me jour pris pofleffion de l'Ile de S. Chriftofle3 au nom des Rois de Fran* ] ' cc,8c de la Grand'Bretagne leurs Mai- yS tres3 pour avoir vn lieu de retraite af- fûtée^ vne bonne rade pour les Na- vires de r'vne & de l'autre Nation, qui frequentoient en l'Amérique. Cette Ile, ayant tous les rares avanta- ges que nous avons amplement dé- duits au Chapitre qui en contient la defcription 3 étoit fort vifitée des Es- pagnols, qui y prenoient fouvét leurs rafraichiffemens , en allant de en re- ïj' _| tournant de leurs longs voyages. Ils y laifloient auffi quelquefois leurs ma- lades i qui étoient traittez par les In- A 4 diens J& i 5 Histoire Morale diens Caraïbes , avec léquels ils a- voient fait la paix à cette condition. Ces Meffieurs donc confiderant.que s'ils poiledoient cette terre,ils incom- rooderoient l'Efpagnol leur ennemy commun en l'Amérique, ôc qu'ils au- roient vne bonne ôc feure demeure* pour jetter les fondemens des Colc*. nies , qu'ils fe propofoient de drefler en ces Iles^iis s'en rendirent maitres^ 6 y laifferent des hommes pour la garder. Mais avant que d'en partir, craignant que les Indiens ne fomen- taient quelque fecrette intelligence avec les Efpagnols,ou qu'en leur ab- fence, ils n'executaflent la refolution, que certains Sorciers , qui font en haute eftime parmy ce Peuple, leur avoient fait prendre dépuis peu , de mettre à mort tous les Etrangers, qui étoient en leur terre : ils fe défirent en vne nuit de tous les plus factieus de ce* te Nation, Se peu après ils contraigni- rent tous les autres qui s'étoient can- tonnez &: mis en defenfe , à fe retirer ailleurs,ôc à leur laifler la place libre. Après quoy> Monfieur Delnambuc, s'en VS2SEam®E8œa®âE£S&mBi fiSSs^SBPi des Iles Antilles. 9 s'en retourna en France^ 5c Monneur Oiïarnard en Anglecerre^où leur con- quefte 3 5c tout leur procédé furent agréez des Rois;, & la per million leur ayant été donnée d'y faire paiFer des hommes3ils y retournèrent en bonne compagnie 3 en qualité de Gouver- neurs^ de Lieucenans pour les Rois de France ,J5z de la Grand'Bretagne, leurs Maîtres, Mais avant qae Monfieur Defnam- bue vint cultiver de pourfuivre fa cou quelle y il creut que pour avoir vn puiflant appuy en France.qni prit in- tereft en la confervation de cette Ile3 fous la Souveraineté du Roy, & pour aiïurer 5c avancer ainfi fes deifeins , il feroitbien dedrefTer vne Compagnie de perfonnes d'authorité., qui euïlènt la direction & la Seigneurie de cette Ile y & des autres qu'il pourroit con- quérir 5c foumettre à lobeiflànce du Roy.àcondition quecette compagnie eut foin y & prit à cœur d'y faire paf- fer des hommes pour conferver la terre, & la cultiver :d3y envoyer des EccLefiaftiques > & de pourvoir à leur À 5. entra I î % 1 4 1 I jg^MMWWgggH^ la Histoire Morale entretenement : d'y faire bâtir des- Forts pour lafeureté des Habitans^ &c de les munir de Canons > de poudre, de bouletSjde moufquets^de mefche 8>c de balles: en vn mot d'y entretenir vn bon arlenal 9 pour avoir toujours en nuin^déquoy faire tefte à Tennemy. Cette Compagnie ou Société , fut établie au raoys d'Oétobrede Tan mil. fix cens vint-fix tant pour l'Ile de: Saint Ghrifioffie y. que pour les adja- centes , & fut approuvée par le Roy: & dépuis elle fut confirmée & favori- fée de nouvelles conceflîons x 8c de très beaus Privilèges obtenus de fa Majefté, le huitième de Mars milfîx cens quarante deus pour toutes les Iles de l'Amérique 3 fituées dépuis le dixième , jufques au trentième degré ai^deçà de l'Equateur. Monfieur Defnambuc ayant ainfi mis ordre à fes affaires en France , re- tourna à Saint Chriftofle avec trois cens hommes j que les Seigneurs de la Compagnie nouvellement érigée avoient levez5pour jetter les fondemes; de cette Colonie : ilamena auffi plu- fieursi *B£B3&msaSMiSmœS2BMSE SSClfc^apM Drs Iles Antilles. m fieurs braves Volontaires > qui te- noient à gloiredefuivre vn fi célèbre Avanturier 3 & de prendre parc dans fes honorables fatigues y fous l'efpe- rance^ de recueillir aufTi en fon tems, le fruit de (es conqueftes. Ils arrivè- rent tous à Saint Ghriftofle au com- mencement du Printems de Tannée mil fix cens vint-fét : & bien qu'ils euifent beaucoup fouffert durant leur voyagea quais fuflènt malades pour la plupart ouaffoiblis, ils ne fe laif- ferent point abbatre à ces rudes épreu- ves : mais fé fouvenans , que les bel- les entreprifes font toujours accom- pagnées de grandes difficultez,, Ôc que les rofes ne fe cueillent que parmy les épines ^ ils commencèrent des-lors à' mettre la main à l'œuvre, 5c ayans appris dans peu de jours de cens qu'ils avoient trouvé dans TUe3tout l'ordre1 qu'il faut tenir pour défricher les bois y drefler les habitations ^culti- ver la terre , planter les vignes & le Tabac> &pour faire tous les devoirs^, ** ils fécondèrent les gène-*- A^ (f icû-$* 3 I î I A **^^y^*>^N0JVSg*^0 n Histoire Morale reus deileins de leur Capitaine , qui les animoit puiilamment par fes paro- les> & parfon bon exemple^ Les partages de l'Ile entre les deus Nations, avoient été projetiez avant ce voyage : mais ils furent conclus &c arrêtez folennellement , le treizième du mois de May en la même année» Car afin qu'vn chacun- put travaillée avec aiïurancetur fon propre fonds, & que les nôtres n'euflent rien à dé- méfier avec les Angiois : Monfieur Oiiamard étant auffi retourné d'An- gleterre * quelque tems avant Mon* iieur Defnambuc,où il s'étoit auffi ap- puyé d'vne Compagnie^qui prenoit la protection de fes entreprifes: ils divi- sèrent entre eus tente la terre de l'Ile, & y poferent les limiteSjtelles qu'elles fe voient encore aujourdny, à condi- tion toutefois^ que la chafle &c la pef- che feroient par tout libres ans Habi- tans des deus Nations > & que les Sa- lines,les bois de prixj.qai font propres à la teinture > ou à là menuy fexie > les radeSi& les. mines demeureroient auffi communes» Ils convinrent encore de certains ^^^A^K«I^^^ fc ■ il i n'JPl — des Iles àntilies. i| certains articles, qui furent agréez 5c arrêtez de part ôc d'autre, pour entre- tenir vne bonne eorrefpondance>pre- venir toutes jaloufies , & éviter tous les fujets de difputes 3c de contefta- lions y qui peuvent ai fé ment naiftre> entre des Peuples de différentes hu- meurs.Ils firent auffi enfemble vne li- gue defenfive>pour s'entre-lecounr au befoin> & le prefter main forte i pour: repoufler Tennemy commun 3 &c qui- conque voudroit troubler la paix de le reposaient ils efperoient de jouir par enfemble* en cette aimable terre> qui leur était écheuë en partage* Après ces chofes, les deus Gouver- neurs travaillèrent à Tenvy ., à l'affer- mi lieraient & à l'ornement de leur Co- lonie, Mais il faut avouer , que les Ànglois eurent de très-grands avan- tages par deflus les François, pour fa- ciliter ôc côduire à chef leurs deifeins» Car outre que cette Nation-là^qui eft née au fein de la Mer>fupporte plus fa- cilemét que nousjes fatigues des vo- yages de long cours>& qu'elle s'entêd mieux à faire de nouvelles Peuplades^ La 14 Histoire Mo raie La Compagnie qui fut établie à Lon- dres 3 pour la direction de celle de Saint Chnftofle, pourveut fi gene- reufement à ce qu'elle fut afliftée dés fa naiiïanceyd'hommes>& de vivres>5 qui écoient neceflaires pour leur fub- fiftance, jufques à ce que la terre leur en eut produit^ elle eut tant defoins,, que de teins en terns elle fut rafrai- chie de nouveau fecours > & de tou- tes les chofes dont elle pouvoit avoir îkfoin dâs cescommencemens>qu'el- le profperoit & s'avançoit à* veuë* d'œil, pendant que la nôtre, qui étoit dépourveuë de toutes ces affiftances, nefaifoit que languir, & mêmefe fut facilement écoulée > fi l'arTedion qu'elle avoit pour ion chef , & la haute eftime qu'elle avoit conceuë de- fa valeur y ne l'eurTent entretenue -à- fa dévotion 3 & liée tres-étroitement/ à fonfervice. Pendant donc que nôtre Colonie- fouffroir toutes ces foibleffès:>& qu'el- le ne fucfiftoit que par fon coura- ge > cdiedcs Anglois profitant de fes fcsco; 9>m gouiîa vik; nouvelle dans m* V>^^>^ws^acw^v^^rt ^f y DES II es An TII LE s. 15 file deNiéves , qui n'eft feparée de Saine Chriftofle,que par vn petit bras de mer,eomme nous l'avons dit en fon lieu. Mais fi ce petit nombre auquel nos gens étoient réduits, ne leur per- mettoit pas de faire de pareils pro- grez|3 Moniteur Defnambuc s'étudioit en recompenfe de les affermir , ôc de les policer par plufieurs beaus Regle- mens,dont nous coucherons icy quel- ques-vnsdes principaus articles , afin que la mémoire en foit precieufement confervée ,. pour Tinfiruftioii de la pofterité. En premier lieu , par ce que par la paix ôc la concorde ,. les plus petites chofes s'accroi{ïènt,& que la divifion fait écouler,& évanouir les plus gran- des : Il vouloit que tous les Habitans^ de nie^qui reconnoiffoient fon auto- rité, confervaflent entre-eus vne très** parfaite vnion, laquelle il leur recom- mandent en toutes occurrences, com- me la colomne de leur petit Eftat, Ôc le facréCanal d'où toutes fortes de be- nedi<5tions du Giel 3c de la Terre, dé- couleraient abondamment fur eus. Et: d'autanec ^^asa^s^assEs^ ï£ Histoire Morale d'autant qu'il eft impoffible, que dans la converfation mutuelle il ne fur- vienne beaucoup de chofes y qui fe- roient capables d'altérer fouvent cecte aimable corrcfpoudançe, s'il n'y écoit promptcment pourveir.il defiroit que îemblables diffèrens fuffent auplûtoiî terminez avec douceur > ôc même avant le coucher du Soleil > s'il étoit poffible. Il leur ordonnoit d'eftre loyaus, ronds, & jinceres dans toutes leurs affaires > d'eftre courtois & fecoura- bles envers leurs voifins > &C de tenir auffi religieusement U parole qu'ils avoient donnée 5 que fi elle eue eflé rédigée par écrit* &c receuë par devant des Notaires. Afin que le travail trop affidu de leurs habitations , ne leur fit oublier le métier de la guerre r ou que leur courage n»e fe ramollit dans le pro- fond repos* & qu'au befoin ils fçeuC- fent manier les. armes §£ s'en fer vir avec dextérité * il vouloic qu'ils en ifiiTen t fouvent les exercices x qu'ils; sy feÛbanaffeiit félon les règles de ia difciplin^ ^^^wn^qc^^^P^ bes Iles Antilles. 17 difcipline -militaire, Se bien qu'ils EL fenc cous profeffion de cultiver la terre , qu'ils euffent la grâce Se l'air genereus des Soldats , Se qu'ils en portaient en tous tems les marques Se tes4ivrées,ne forçant jamais de leur quartiers fans arme à feu^oudu moins fans avoir Pépée. Que s'il les formoit en cette forte» afin qu'aus occaiions ils fiffent paroi- tre leur valeur, &leur courage à l'en- droit des ennemis j il les obligeok d'ailleurs ,d'eftredous & humains les yns envers les autres j Et il ne pou- voit fouffrir 3 que les plus forts fou- lairent les plus foibles. C'eft pourquoy il fit cette belle ordonnance , laquelle eft encore en vigueur dans toutes ces Ilcs,a(ïavoir,que les maitres ne pour- roient engager leurs fervitems que pour $.ans,durant léquels ils feroyent tenus de les traitter avec toute mode- ratio & douceur* & de n'exiger d'eux qu'vn fervice raifonnable,& propor- tion é à leuis forces. Ses foins s'étendoient notam- ment à l'endroit des nouveaus venus, & _ saHfflaB^Es^ssass^ssg^ ï8 Histoire MoRAtÉ & afin que dés leur arrivée ils eulfètïf dequoyfe mettre à couvert des iniu- res ; 4eTair, & que leur travail ne fut point retardé à faute de logemens , il defiroit5qû'anffi toit que la place qu'ife avoientdeftinéepour faire leur bâti- ment étoit découverte , tout le Voifi- nage les aidai à l'élever. Cette loua- ble ïnftitution fut fi bien receue,& fi fbignedlmeac puttiquée, qu'il n'y avoit aucun des Habitant qui n'en re- connut l'équité, ôc qui ne tint à bon- heur dans ces occafions, d'y iôtribuer volontairement fes péne^ & fes foins. Les yns alloient couper les bois qui étaient neceflfaires , les autres couro- yent aus -rofea«s3& aus feuilles de palw mes,pour faire les palifiàdes & le cou- vert 5 les meilleurs Archite&es plan- toyent les fourches.élevoyent les che- vrons , Se attachoient la couverture,, &ils étoient tous dans vn fi aimable empreflement s que le petit édifice fe trouvoit logeable dans peu de]ours,> fans que le propriétaire eut befoin de fe mettre en aucun fraiz , qu'à pour- voir unt feulemetia.ee que la boiilbn ©rdinaira s^g BES IlES AtfTIILES. If ordinaire du pais 9 ne manquaft point durant ce travailla ces charitables ou- vriers. Enfin il avoit en horreur les paref- feus> qui vivent de la fueur &du tra- vail d'autruy, comnieles Bourdons du miel des Abeilles \ mais pour ramener en nos jours, vne petite image du fie- cle d'or^qui eft tant pnfé des Anciens,, il incitoit tous les Habitans à eftre li- beraus , communicatifs des biens que Dieu leur avoit departjr y & à témoi- gnée leur charité de leur Hofpitalité* envers tous ceus qui les venoient vi- fker,afm qu'à l'avenir , on ne fut pas obligé d'établir parmy eus des Hofte- leries , des Cabarets ôc de fembkbles lieus de débauches, qui ferviroient de retraite aus oifeus 8c ans diiïolus 3 8c qui attireroient la defolation de l'en- tière ruine delà Colonie. Cependant que Monfieur Defnam- buc regloit fi fagement fa petite Ré- publique^ qu'il l'entretenoit de Tef- peranced'vn prompt fecours-, les Sei- gneurs de la Compagnie, imitans le naturel de plufieurs de nôtre Nation,. qui ?^"*Mfca"g*fl**Wi«^ to Histoire Moïiale qui voudroient moiiîonner inconti- nent après les fémailleSj étoyée de ieu^ part , dans vue continuelle attente de quelques Navires chargez de tout ce qu'il y a de plus riche^ck de plus pre- cieus das l'Amérique, pour remplacer avec vfure,ce qu'Us avoient déboursé, pour faire le premier embarquement* & jufques à ce que ce retour fut arri- vées ne penfoient à rien moins,qu'à fe mettre en de nouveausfraiz. Mon- fi_ur le Gouverneur, ayant remarqué que toutes les Lettres qu'il avoic en- voyées à ces Meilleurs fur ce fujet, n'avoyent point obtenu de réponces favorables,fe refolut avât que la Co- lonie fut réduite à vne plus grande ex- tremité,de les aller trouver en perfon- ne,&: d'entreprédre vn fecôd voyage, pour folliciter ce fecours^duquel dépé- doit la feureté de leurs premières a vi- ces , Se la fubfiftance des François en cette Ile- Ce bon deffein , que le zèle qu'il avoit pour la gloire de nacre Na- tion luy avoit infpiré,reu-ffit félon fou cœunCar étant arrivé à Paris,il fçeut fi bien reprefenter l'importance & la neceflué ^*°^à)Xïrf^i\^r*>K^ des Iles Antilles. n neceffité de ce fecours à Meffieurs de la Compagnie, qu'ils luy accordèrent 300. hommes , &des vaifleaus munis de toutes les pLovifions neceflaires, pour les rendre à Saint Chriftofle. Ce renfort tant attendu de nôtre Colonie , luy arriva heureufement au commencement du mois d' Aouft > de Tan 1629. & elle le reçeut avec tant de joye & de fatisfactiô^qu'clle s'ima- ginoit d'eftre parvenue au comble de lis fouhaits, ôc que dez lors elle pou- voit furmonter aifcment > tout ce qui voudroit traverfer l'exécution de Tes projets. Mais comme les profperitez de cette vie font de courte durée^à pê- ne s'étoitelle égayée deus mois en la pofleflion de ce bonheur,qu'vne puif- fante Flotte d'Efpagne vint fondre fur elle.Dom Federic de Tolède qui la cô- mandoit^avoit ordre exprés avant que de defcendre à la Hav annexa Cartage- ne>& aus autres plus célèbres ports du fein de 1' Amerique3de s'arrêter à Saint Chriftofle5& d'en chaflTer les François & les Anglois5qui s'y étoient établie dépuis peu d'années. Cette ^^^^^m^^Rk^s&smmSÊmÊ &z Histoire Morale Cette armée navale, qui étoit cotn- pofée de vint-quatre grands Navires de charge , & de quinze Frégates * fe iaifit pour premier ade d'hoftilité de quelques Navires Anglois qui éto- yent à l'ancre prés de l'Ile de Niéves, puis elle vint mouiller à la rade de S* Chriftofle , à la portée du Canon de la Baffe ~Terre3où Monfieur de Rolfey commandoit. Les fonts des deus Co- lonies > n'étoyent pas encore en état pour foùtenir vn fiege^ils étoyent dé- pourveus de vivres , toutes les muni- tions de poudre &c de baies 5 qui fe trouvoyent dans l'Ile > ne pou voient pas faire de grands effets , & quand les deus Nations eulfent vny toutes leurs forces, elles n*eufTent pas pu re- lifter à vne ii redoutable armée : mais leur courage fuppleoit à tous ces dé- fauts; car afin que l'ennemy n'eut pas fiijet de fe glorifier d'eftre venu à bcut de fes defieins > fans quelque oppofi- tion -, Monfieur Defnambuc, détacha du quartier de la Cabes - terre où il commençoit de fe fortifier , tous fes meilleurs foldats^pour aller au fecours de ©es Ixes Antilles. i$ de celuy qui étoit menace,& les An- giois y firent pafler quatre de leurs meilleures Compagnies. Aufli tôt que ces troupes furent arri- vées au rendez-vous, jelles s'employè- rent (Tvn GÔmun accord avec les Ha- bit an s du quartier , à fe retrancher le long de la cofte , pour repouflèr vu goureufement i'ennemy 3c luy con- céder la defeente, & fans doute, elles luy euflent bié dôné de la péne,fi elles eufsêt efté bien cômandjées,& que cet- te premier? ardeur n eut efté ralentie, par la frayeur qui faifit tellement le cœur de Môiîeur de RofTey,qu'iI l'eue laillé mettre pied à terre , & venir aus approches fans aucune refiftance , fi. vn jeune Gentil-homme , Neveu de Monfieur Defnambuc , frère aifné de Monfieur du Parquet , qui eft à pre- fent Seigneur & Gouverneur de la Martinique, n'eut obtenu la liberté de palfer les retranchemens,& de donner fur la première Compagnie des enne- mis qui parutTur le fableJljfut foute- nu de quelques Volontaires,qui vou- lurent avoir part à fa gloire,mais il les devança »^W\^*r^\»^Vg«J^S 24 Histoire Morale devança tous de beaucoup en courage 3c en refolution , car il attaqua avec tant de vigueur celuy qui conduifoit la troupe, qu'il le tua & plufieurs autres des plus vaiilans de fa Compagnie, qui eurent raiïïirancede vouloir é- prouver fa valeur; mais étant abandon né de ceus qui l'avoient fuivy en cette méfiée ., il fut tellement invefty de la multitude 9 qui venoit fondre fur luy, qu'enfin il fut abbatu & emporté dâs IVn des navires des ennemys^où après tous les devoirs qu'on fie pour le gué- rir de fes bleflurcs, il mourut au grand regret de Tvn & de l'autre party , qui avoit été témoin de fa generofité 5 ôc qui ne pouvoitfe rafler de luy donner tous les plus beaus éloges^que fa ver* tu avoit mérités. Durant ce choc , qui devoit eftre foutenu vn peu plus vigoureufemenc des nôtres 5 le General de la Flotte3fit détacher en vn mêmetems^de tous les Navires de grandes Chaloupes rem- plies de Soldats bien armez , qui dépendirent en fort bon ordre, ■& couvrirent la rade.Ceft ce qui redou- bla «BWMEaw^wagwiB^^ des Iles Antilles^ z$ Ma l'epouvaiïtement de Monfieurde RofTey y qui de peur d eftre opprimé de cette multitude, fot d'avis de céder à la force > & de faire vne honorable retraite , avant que les nôtres furent invertis & envelopés de tous cortez. Cette refolution prife tumultuaire- ment,fût fort mal receuë de tous ceus qui étoyent jalous de la gloire de no- ftre Nation , & qui enflent defiréquc rennemy eut acheté vnpeu plus chè- rement le degaft de leur Colonie: mais les fuffrages que l'épouvante- raet fuggeroit en cette fatale conjon- cture ayans prévalu, il fut arrêté qu'à imitant même ,' on prendroit le che- min de la Cabes-terre , & que là on aviferoit plus amplement à tout ce qui ieroit jugé neceffaircpour le fabc commun, L'Efpagnol voyant que nos gens abandonnoyent leur Fort , & leur re- tranchement, fans avoir fait beau- :oup de refiftan.ee, crut que cette re- faite n'étoit qu'vne feinte , qui ctoie ménagée à deiïèin de l'attirer dans îuelqae embufeade , qu'on luv âvolç Tm* U> B dreffée %G Histoire Morale dreffce dans les bois. Ce foupçon3qui étoit appuyé far quelques apparences* le retint de pourfuiyre fa vi&oire 3 &C l'arrêta ,au quartier de la Baffe-terre^ jqfques à ce qu il eut apris au vray l'état de toute Plie a & qu il eut pour- veuà tout ce qu'il trouverait eftre le plus expediét* pour exécuter prora- ptement &: fidellement tous les points de fe çommiffion. Pendant que i'ennemy prenoit ainfi fes mefures* pour conduire à chef fes deffeins , fans fe mettre en danger: Monfieur Defnambuc furpris d'vn fi fubit changement , & d'vn fuccés fi ïnefperé , tâchoit de raffurer les fiens, Se de les encourager à porter con- ftamment cette difgracedeur remon- trant qu'elle n'étoit pas irrémédiable;" que l'eiinemy ne s'opiniatreroit pas à demeurer dans l'Ile, jufques à ce qu'il en eut entièrement ehaffé les Habi- tans : qu'il avoit des affaires de plus auand poids , qui l'appelloyent ail- leurs : qu'il ne s'engageroit pas faci- lement dans les forets , qu'il luy fau- droit traverfer de neceffité.pour venir. des Iles Antui.es. Xj a ion Quartier: qu'ils pouvaient s y mettre en bonne defenfe, pour foute- nir [es effortSj& luy faire marquer de Ion lang cette invafion, s'il entrepre- noit de palier outre; & qu'en ce cas,il y avoir même en chemin des endroits fi forts de nature, que peu d'hommes le pourroyent arrêter , & le contrain- dre de retourner fur fçs briféès. Ces avis étoient tres-)u.dicieus:mais a terreur avoir tellement préoccupé les efprits, & la confternation étoit ii générale qu'ils ne furent point pe- lez félon leur mérite. L'affaire étant donc mife en délibération, la conclu- iionfut, qu'on abandon neioit M«4 Se que la Colonie fe tranfporterok en quelque autre^qui ne donneroit point tant d'ombrages à l'Efpagnol , & qui ieroit plus écartée delà route ordi- naire de fa Flotte. Monfieur Defnam- buc, qui prevoyoit que quelque cou- leur qu'on pût donner à cette réfec- tion , elle feroit notée de quelque lâ- chete , qui flétriroit l'opinion qu'on avoit juftemét conceuëde la valeur des François , & étouferoit en vn inftanc B z ces i8 Histoire Morale ces grandes efperances , qu'on avort eues de leur Colonie , ne pût point eilre pcrfuadé d'y donner fon appro- bation. Neantmoins, encore qu'il fut S'y ri fentiment tout contraire , pour ne point abandonner dans cette trifte rencontre, ccus qu'il avoit amenez de fi loin , & avec qui il avoit parlé tant de mers , Se eiîuyé tant de périls i il s'accommoda à leur' humeur, & s'em- barqua avec eus dans quelques navi- res qui fe trouvèrent à la rades & ainfi pour éviter vn plus grand defordre, en fe furmontant foy même, il témoi* gna qu'il oublioit genereufement le peud'eftime qu'ils faifoyent de fes re^- montrances. Les Quartiers des Ânglois étoient auffi dans vn grand des- ordre,ils avo- uent apris quel'ennemy étoit maître de toute la Baffe-terre : qu'il ruinoit la Fortereffe des François,apres en avoir enlevé le Canon : qu'il avoit déjà bru- Té toutes les cafés, & fait le dégaft des habitations du quartier, ils çroyoient à chaque momçnt,qu*ii venoit fondre fur eus avec toutes fes forces, &c dans cette jDes Iles Antilles. 29 cette apprehenfion les vns effayoienc de fe fauver par mer ou de fe retirer for les montagnes,pendant-que les autres, qui étoyent vn peu plus courageus; furent d'avis d'envoyer des Députez à Dom Federic, pour le prier de vou- loir entendre à quelque accommode- ment : mais pour toute réponfe , ils receurcnt vn commandement exprés defortir promtement de l'Ile, ou qu5- autrement ils feroyent traittez avec toute la rigueur ,dont les armes per- mettent d'vfer à l'endroit de ceus, qui s'emparent contre tout droit, du bien qui ne leur apartient pas. Pour faciliter ce départ que Dom Federic leur ordonnoit,on leur rendit félon fes ordres les Navires, que fa Flotte avoit pris devant l'Ile de Nie- ves,& il voulut qu'ils s'y emb.irquaf- lentfans aucun delay, & qu'en fa pre- fence ils fiffent voile vers l'Angleter- re. Et parce que ces vaiifeaus ne pou- yoient pas contenir vne fi grade mul- titude , il permit à tous ceus qui n'y purent pas avoir place, de demeu- rer dans .Me, iufquesàce qu'il fe B 5 ' prefentât jo Histoire Morale prefentât vne occafion favorable^ pour fuivre leurs compagnons* Aptes cette expédition , Dom Federic fit le- ver l'ancre à fes Navires pour conti- nuer leur voyage : mais incontinent que les Ânglois qui étoyent reftez eu- rent perdu de veuë cette fiotte^iîs co~ ttfencerent àfe rallier>& àformet vne confiante refolution > de relever cou- rageufement les ruines de leur Color nie. Pendant que ces chofes fes paiïo- yent à Saint Chtiftofle > les François qui en étoyent fortis au commence- ment de cette déroute 5 avoyent tant enduré fur mer > à caufe du manque- ment de vivres & des vents contrai- res, qu'ils avoyent été contrains de relâcher aux Iles de Saint Martin 8c de Mont-ferrat > après avoir vifué'en paflant celle d'Antigoa. Ils enflent bien fouhaitté de fe pouvoir établir en quelcune de ces terres : mais elles ne fembloyent que des affreus deferts^en comparaifon de celle qu'ils avoyent quittée.Sa douce idée repalîbit incef- {ammltdevat leurs yeus, ils la regret- soient £es Îles Antilles. 51 Éoient à chaque moment,& l'aimable fouvenir de cet agréable fejour , où la Providence Diuine les rappclloit par des voyes qui leur étoienc inconnues* leur fit naiftte le defir de s'informer de l'état auqttel l'Efpagnol l'avoit laif- fé,puis qu'ils en étoycc-fi voifins.Pour contenter cette louable curiofité , Us firent pafler i'vn de leurs Navires^qui leur rapporta à fon retour^que la Flot- te ennemie s'étoit entièrement reti- re'e.,& que les Anglois qui y étoient reftez, travailloyent courageufement à rebâtir leurs cafés, à planter des vi- vres & à reparer leurs defolations. Cette agréable nouvelle refufdta en vn inftant toutes les efperances de nos Françoise releva glorieufement le courage des plus abbatus : de forte qu'il ne fallut pas employer beaucoup d'artifices^pour les animer au retour, & pour leur perfuader de fe rendre en toute diligence en cette delicieufe ter- re x qui poflèdoit déjà leurs cœurs ôc toutes leurs plus tendres affeclîons. Auffi-^oft qu'ils y furet arrivez,cha- eun reprit fon pofte ôc retourna fur fa B 4 place^ "4> 1 1 _ zmvï^mûÊi 32. Histoire Morale placera bonne intention de s'y âffetv mil y, de à'en relever promtément le débris : Mais la famine qui les talorï- noit 3 eut fans doute interrompu le cours de tous ces beaus deireins3& ils fuflent fuccombez fous le faiz des pe~ fans travaus qu'il leur falloit entre- prendre en vn même tems^pour rebâ- tir leurs maifons s 8c planter des vi- vres 5 fi dans ces excremitez fi preflan- tes3 Dieu ne leur eut fufeitéle fecours de quelques Navires des Provinces*- Vmes^qui les vinrent vifitervà la bon- ne heure 5 Se ayant reconnu leur trifte état 3 les affilièrent genereufement de vivres^ d'habits* & de toutes les ch-o- fes qui leur étoient neceifaires dans ce grand abaiidonngment où ils le trouvoienc réduits : &c même pour leur faire la faveur toute entière,, ils fe contentèrent de leur fimple parole, pour ailurance de toutes ces avan- ces. Nos gens détails tirez doucement à Fayde de ce fecours > hors du mau- vais pas ou ils fc voyoient accrochez, dez des Iles Antilles. f§ àez rentrés -de leur retabiiiïenient, travaillèrent en fuite avec tât d'ardeur en leurs habitations, que Dieu benif- fant l'œuvre de leurs mains ,. la terre leur produifit des vivres >&c du Tabac en fi grande abondance , qu ils con- tentèrent avec honneur leurs charita- bles Créanciers» & en peu detems ris fe trouvèrent beaucoup mieus accom- modez, qu'ils n'ëtoicnt avant leur de- route. Mais il leur failoit encore des hommes pour appuyer leurs entre- prifes, & entretenir le commerce,qui commençait à s'établir parmy eus, Pour remédier à ce befoin , Mondent Delnambuc 4 qui voyoit fa confiance couronnée d'vn fi henreus fuccés, ne trouva point de pius feur b ni de plus dous expédient 5, que de permettre aus principans. Habitans de la Colonie d'aller en France , pour en lever j, & les y amener à leur propres fraiz. Ce fageconieil ayant efté fuivy y l'Ile fe peupla en peu données -Je plufieurs braves hommes ,qui Unirent en &&. putatiom- B | La- - ^^mKS^m^Mgsl^S^i^eS^^^ 34 Histoire Morale La Colonie Angloife répara auffë en peu de tems toutes les brèches que le ravage de l'Efpagnol luy avoic faites* Et la Compagnie de Londres qui s'était chargée de fa direction > ne & laiïant point de luy envoyer des ïiommes & des raffraichiiTemens , les deus quartiers quelle occupoit dans rijle de Saint Chriftofle,fe trouvèrent fi étroits pour contenir vue fi grande inuititude > qu'outre l'Ile de Nieves qu'elle avoit peuplée avant la déroute, elle eut ailés de force pour pouffer en moins de 4-ans des nouvelles Peupla- des dans celles de la Barboude , de Moc-ferrat, d' Antigoa ,& de la Barba- de5 qui s'y font merveilleufement ac- crues, &C fe font rendues fameufes par le trafic des riches Marchâdifes qu'el- les fourniffentr & par le nombre de leurs habitans,comme il fe peut voir, par les deferiptions particulières que nous avons données de ces Iles 3 au commencement du premier Livre de cette Hiftoire. Pour ce qui eft des Colonies Holla* doifes aus Antilles , elles ne content leur u^^^waws^^^v^^^a des Iles Antilles. 35 leur établiifement qu après celles des Frâçois Se des Anglois.Et cen'dtpas l'Etat qui a fourny aus frais, mais des Gopagnies particulières de Marehîds, qui ont defiré, pour faciliter le com- merce qu'ils ont en toutes les Ucs.que les François & les Anglois occupent, d'avoir des places de retraitte afîurée pour rafFraichir leurs Navires.La plus ancienne de ces Colonies^qui relevét de la Souveraineté de Meilleurs les Etats Generaus dès Provinces-Vnies eft cellede Saint Euftache.Elle fut éta- blie environ le même tems,que Mon- fieur Oiiarnard forma celle de Mont- ferrat,c'eft à dire-en Tan i^2.Elle eft confiderable, pour eftre en v-ne place tres-forte dénature; pour le nôbre ôc h qualité de fes Habicansrponr l'abon- dance du bon Tabac qu'elle a produit juiques à prefent:& pour plujîeurs au- tres rares avantages.dont nous avons de]a parlé, au Chapitre cinquième da Livre précèdent. Monfieur Defnambuc n'avoit pas moins de paffion, ni de generofité que les autres Nations pour étëdre fa Co- È 6 ionier 3 'M quelque Mar- chands de Dieppe pour y établir vne Colonie 5 fous la commiflion des Sei- gneurs de la Compagnie des îles de l'Amérique. Ces deiis Gentils-nom rnes^étanséta- Mis Gouverneurs de la Gardeloupe avec égale autoricé,y arriveréè le vint- huitième- z>is Iles Antiiies*. fj huitième de Iuin > mil fix cens trente cinq5arec vne Côpagnie de cinq cens' hommes,qui furent accueillis dez leur arrivée de la famine y & de diverfes maladies3qui en enlevèrent plufkurs, On tient^que te premier de ces maus leur furvint > pour s'eftré placez d'a- bord en des endroits^où la terre étoit la plus? ingrate ôc la plus mal-propre au iabourage.qui fût en toute nie*, & pour avoir entrepris trop légèrement la guerre cotre les Caraïbes Original res du lieu.qui leur ënffeftt pu fournir en toute abodâce la plupart des vivres^ qui étoient neceffaires pour leur fub- fiftance dans ces Gommencemens^uf- ques à ce que la terre leur en eût pro- duit. Les maladies fuivirent les mau- vaifes nourritures.que la faim les cô- traignoit de prendre^ faute de chofes meilleures: àquoy on peut auffi ajou- ftcr.que la terre n'étât pas encore dé- frichéerla(r y- étoit facilemétcorrépu, Monfieur du Pleffis voyant les malheurs qui de jour en jour fon- daient fur cette nouvelle Colonie, & ayant tout fujet d'en appréhender encore 0 HisToms Morale encore de plus grands à l'avenir , en eonceut vntel déplaifir, qu'il mourut dans le fettiéme mois après fon arri- vée. Il fut regretté de tous les Fran- çoisQ .& même des Indien s> qui avo- yent toujours témoigné beaucoup de déférence à fes fentimensj & d'amour ëc de refpeâ: pour fa perfonne. Il é- t?oit d'vnip grande prudence v& d'vne humeur fi affable & fi obligeante* qu'il attiroit les cœurs de tous ceus qui traitoient avec luy. Apres lé decés de Monfieur du Plef- fis , Monfieur de l'Olive s'empara de; toxït le Gouvernement 5 &c comme il étoit autarrt remuant , que fon Collè- gue avoit efté dous & modéré , il dé- fera tant aus confeils violens de quel- ques broiïillons,qui robfedoient con- tinuellement à qu'il fit bien tôt après entreprendre cette guerre funefte contre les Caraïbes, qui penfa ruiner cette Colonie naiflante. Il eft vraysi qu'il les prefla d'abord fi vivemét3qu'- illes obligea de luy quitter l'entière pofieffion de la Gardeloupe.Mais d'au> talque pour venir à bout de ce deffein ^^^WaWNtflT¥»VNX*^ des Îêes Antilies. $jp qu'il avoit formédés fon arrivée,'il fe fouilla de plufieurs cruautez , que les* Barbares n'euflent pas voulu exercer à l'endroit de leurs plus grands enne- mis, il flétrit tellement fa gloire 5c fa réputation qu'il n'y avoit que des gens de fang, & des defefpérezAqui aprou- vaiîènt fa conduite. Les Caraïbes , que Monfieur de rOlive avoit chaflez de cette Ile , fe retirèrent en celle delà Dominique» Geus de la même Nation qui la pof- fedent les receurent fort volontiers, & pour leur témoigner, qu'ils étoient fenfiblement touchez de leur difgra- ce, ils leur prefenterent de fe joindre avec eus , pour vanger par les armes l'injure qui leur avoit efté faite , cette offre étoit trop avantageufe,pour eftre refufée. Leurs forces étant donc ainfi; vnies y ils firent plufieurs defcentes à la Gardeloupe H & s'opiniâtrerent tellement à harceler les nacres , par les fréquentes incurfio-iis qu'ils fai- foient fur eus,qu'ils étoient contrains d'abandonner h culture du Tabac, &£ même des vivres qui étoiet neceflaires pour œ&smn 4® Histoire Mo raie pour leur iubfiftance, afin d'eftre torr- jours fous les armes , pour repoufler les efforts , prévenir les ruies , Se éventer les defleins de ces ennemis-, qu'ils a voient attirés fur eus par leur imprudence. Cette cruelle guerre y qui dura en- viron quatre années,redui(it cette Co- lonie en vn ii déplorable état , qu'elle étoit décriée par tout,& à caufe qu'el- le avoit fi fouvent les Caraïbes fur le bras , on la croyoit à la veille de fa ruine , mais comme elle étoit réduite aces extremitez,Monfieur de l'Olive perdit la veuë , & Meffieurs de la Compagnie y envoyèrent Monfieui; Auber pour Gouverneur, qui remédia- à tous cqs defordres , appaifa tous les troubles , & y apporta cette bonne paix 3 qui y attira' puis après le com- merce , & l'abondance de toutes cho- fes, comme nous le dirôs au Chapitre troisième de cette Hiftoire Morale, Incontinent que Monfieur Defnanl- buc eut fçeu, que la Gardeloupe écôk feabitée , iirrefolut de ne pas différer davantage à fe placer dans queîqu'v- ^^j^^^*^~^,d^Kœ>i^/^ ï?es Iles Antilie-s. 41 ne des meilleures lies, qui écoient en- core à ion choix , & de peur d'eftre encore vne fois fnppîanté s fe voyant àffifté d'aflez bon nombre de vaillans hommes , de pourveu de toutes les munitions de guerre > ôc de bouche* qui lont néceffaires en ces entreprifes* il alla luy même prendre poffeiïion de l'Ile de la Martinique ^ en laquelle il mit pour fon Lieutenant Monfieur du Pont,.& pour premier Capitaine3M6- fieur de la Vallée.Puis mourant à Saint Chriftofle5il donna par fon teftamenc tous les biens > 8c tous les droits^qu'il avoit à la Martinique, laquelle il avoit fait peupler à (es fraiz, à Monfieur du Parquet ion Neveu y qui en eft enco- re à prefent Seigneur & Gouverneur comme nous l'avons déjà dit. Ce Gentil-homme écoit vaillant, digne de commander 9 accoftabîe, fa- milier à tous & doué d'vne grande adrefTe à fe faire aimer 3c obéir tout enfemble. Les Anglois mêmes le ref- pe£boient& le craignoient également. On recite de luy , que ces Anglois, ayans outrepaifé tant foie peu les limi- tes* i œ&ssmv 4% Histoire Morale tes j qui par vn commun accord aV'o-- yen* eftépofées encre les deus Natios* il alla avec bien peu de fes gens an quartier des Anglois>& parla au Gou- verneur 3 qui l'attendoit avec vne grofle Compagnie de Soldats : Mai£ il fe comporta avec tant de courage &c de refolution >mic en avant de fi bon- nes raifons>& fit de fi puiîïàntes me- naces de venir à bout par la fbrcer de ce qu'il ne pourroit obtenir par la douceur>q*te le Gouverneur Anglois, luy accorda ce qu il demandoit. Cet- te rencontre prouve combien il étoit jalous- de conferver les droits de fW Nation. Dépuis ces deus Gouverneurs furent toûjpurs bons amys^ CHAPITRE IL De ÏEfiablijJement des FrançoU dam 'le sj le s de Saint Bartele- myy de & Martin^ é> de Sainte Croix. A Prés le decés de Monfieur Def- nambucr duquel la mémoire eft en DES IeES ÂNTrLLE&. £f en benedidrion dans les Iles 3 Mon- fieurs du Halde>qui étoit fon Lieute- nant au Gouvernement* fut fait Gou- yerneur en chef par Meilleurs de b Compagnie des Antilles. Mais com- me peu de tems après il fe fût retire- en France , Monfieur le Cardinal de Richelieu :r premier Miniftre d'Etat*-. duquel la prévoyance s'éténdoit aus lieus les plus éloignez yiugea que c'é- tait vne chofe digtiedefes foins 3 de prendre à cœur la côfervation, & que de là, la gloke du jaom ■ Françoise les armes viftorieu* fes de nôtre invincible Monarque^ pourroient s'étendre par tout ce nou- veau Monde 3 comme elles éclatoient magnifiquement en celuy-cy. Il défi. ra pour cet effet que les Iles fuflent pourveuës d'vn Gouverneur* qui pût féconder & exécuter fes genèreus def. feins.Et après avoir cherché par tout* vn Seigneur capable de cet employa & doué de la conduite*de la fageil?*de kgenerofité,& de l'expérience necef- faire à vne fi grande charge : En vn mot5) v=%*ssm*. i^^^\^*^\*V£cr^ 44 Histoire Morale mot, qui eut cous les avantages de l'v- ne & de l'autre Noblefle, pour répre- fenter dignement la Majelié du nom François cnvn paï; (i éloigné , foii Eminence n'en trouva point qui tut toutes ces rares qualitez , en vn plus haut degré,que monsievr le Che- valier DE LONV1LLIERS POIN- CY , BA1LLY ET GRAND CROIX DE L'ORDRE DE S. lEAN DE Ifi- RV salem. Commandeur d'Oyfe- mont, & de Couleurs & Chef d'Efca- dr€ des Vaiffèaus de fa Majefté en Bretagne , Gentil-homme de fort an- cienne Maiion , qui porte le ncmde Poi nc y,& dont l'aifné fait fa demeu- re en Pvnede fes terres,proche la Vil- le de Meaus. Monfieur te Cardinal prefenta cet excellent'Getitil-hôme au Roy Louïs treizième de glorieufe mémoire, qui louant Se approuvant ce bon choix, Tinveftit de la charge de Gouverneur, <5c Lieutenant General pour fa Maje- fté ans Iles de l'Amérique. Dequoy, lettres luy furent expédiées au mois de Septembre de Tan mil fix cens trente huit. des Iles Antilles. 4f huit. Cette qualité , n'avpit pas efté donnée à ceus qui l'avoient précédé. L'an mil iîx cens trente neuf^Mon- fieur le Bailly de Poincy , étant party avec tout fon train delà rade de Diep- pe vers le my-Ianvier, arriva vn mois après aus Antilles , & fut reçeu pre- mièrement à la Martinique , par les Habitans en armes. Puis il alla à la Gardeloupe,& à Saint Chriftofle, re- cevant par tout le ferment de fidélité. Sur tout fa réception fur très-belle en l'Ile de Saint Chriftofle.il fut fa lue à (on arrivée du Canon de nôtre Fort> & de celuy de tous les Navires. Tous les Habitans François étant fous les armes, le receurent en qualité de Ge- lierai, avec vn applaudillément vni- verfel, comme déjà auparavant ils a- voient fait des feus de joye , 8c rendu grâces à Dieu, fur les premières nou- velles qu'ils avoiit euës3de fa nomina- tion à cette charge , & il fut conduit à l'Eglife accompagné de fes Gentils- hommes 3 & de fes gardes pour y chanter le Te T>eum. Si £Ôt qu il fut entré en polTeffion, l'Ile i i ~ g^ossnu 1 f W&ZèaêSM •Afi Histoire Moraie File prit vne nouvelle face,& Ton vte en peu de tems vn notable change- ment de bien en mieus.Àinfi il ne ré- pondit pas feulemet aus grandes atte- lés que faMa)e(té,& Môfieur le Car- dinal avoient conceuës de fon Goa- vernemec : mais il les fnrpafla de beau- coup. D'abord il fie bâtir des Eglifes en divers quartiers de llle.Il pr^foit! que ks Preftres furent bien logez & £ntretenus,afin qu'ils puiîènt vacquer à leurs charges fans divertiffement.Sa luftice parut au bel ordre qu'il établit* pour la rendre bonne 3 briéve,& gra* tuite^par vn Confeil compofé des plus fages & des plus entendus d'entre les Officiers de nie. Sa Vigilance corri- gea tous les^defordres 3 qui fe gliffem: facilement parmy des perfonnes re- -cuëiilies de divers endroits^& compo- sées de différentes humeurs. Sa Pru- dence^qui n'eft jamais furprife, & qui eft toujours accompagnée d'vne elar- *4& d'vne fage prévoyance , en l'oc- currence foudaine des affaires les plus ipineufes, le fit admirer également Se de ceus qu'il gouvernoit , & de fes Voifins. des Iles Antilles. 47 Woiûns. La Grandeur de fon efprit, qui luy fie furmonter toutes les diflfi- cultez qu'il trouva en J^accompliiTe- ment de fes defieins 9 le rendit redou- table aus brouillons. Son AiFabilitéj» fon facile accès, & le bon açciieil qu'il faifoit au$ étrangers , attira le com- merce & l'abondance dans fon Ile.Sa Bonté & fa Libéralité* luy aquit à îu- fte titre les cœurs & les affedfons des François/ Enfin fa generofité éprou- vée en plufieurs rencontres , tant en France , aus emplois tres-honorables .qu'il a eus dans les armées de fa Ma- jefté, qu'en l'Amérique , dépuis qu'il y commande > en la confervation > ou amplification , & en la conquefte de tant de places confiderables 3 donna dés lors de la terreur à l'Efpagnol,qui iufques à prefent n'a ofé traverfer fçs belles 8c gloùcufes entreprifes. Monfic v îe General ayant établi dans l'Ile de S. Chriftofle tout le bon :ordre qui étoit nece-flairs pour entre- tenir les Habitans en vne bonne con- corde p pour y attirer toutes forces de biens & y faire fleurir le trafic : 8c l'ayant ~ 48 Histoire Morale Tayant rendue la plus belle & la plus illuftre de toutes les Antilles, comme nous L'avons reprefenté au Chapitre 4- du premier Livre de cette Hiftoire, étendit puis après la Colonie Françoi- fe dans les Iles de Saint Bartelemy, de Saint Martin 3 Se de Sainte Croix, dcquell.es nous avons fait la deferi* peion en fon lieu > mais il nous refte encore quelques circon (tances bien considérables , touchant la conquefte de Tlle de Sainte Croix 3 léquelles nous ajouterons en. cet endroit. Cette Ile a eu plufieurs maîtres en bien peu de tems 9 5c durant plufieurs années, les Anglois & les Hollandois ont contefté enfembleàqui elle fe- roit. Enfin * ils Tavoient partagée en- tre eus : Mais £n 1 an mil fix cens quarante neuf* les Anglois ayans re- marqué , que les Hollandois étoient en petit nombre* les obligèrent à leur laiiFer toute la place. Toutefois ils ne jouyrent pas long-tems de leur "vfur- pation. Car bien tôt après* les Efpa- gnols de l'Ile de Porto-Rico y firent vne defeente , brûlèrent les maifons, tuèrent ^^à)^^rn^^^^^\s^ des Îles Antilles. 49 tuèrent cens qu'ils trouvèrent fous les armes^ck; firent tranfporter les autres, avec leurs femmes , &c leur bagage, en l'Ile de la Barboude. Après qu'ils eurent ainfi dépeuplé cette Ile , comme ils étoient fur le point de remonter dans leurs vaif- feaus, pour s'en retourner en leur ter- re, voicy arriver vn navire des Iles de Saint Euftache & de Saint Martin.qui étoit chargé d'hommesjéquels ayant apris la déroute des Angîois , dans la créance que l'Efpagnoi s'écoic déjà re- tiré , venoient relever les droits , & les prétentions que la Nation Hollan- doife avoit fur cette Ile : mais la par- tie étant inégale , veu que les Efpa- gnols étoient dix contre vn,ils furent contrains decompofer. Le dcflein des JEfpagnols , qui leur aroient promis bon quartier, & qui les tenaient pri- fonnicrs,étoit'de les mener à Porto- Rico à leur Gouverneur, qui félon l'humeur EfpagnoIe,ne leur eut peut- eftre pas fait vn trop bon party. Lors donc qu'ils méditaient leur retour avec ces prifonniers 3 qui Tom.il Q étoienC 5© Histoire Morale étoient venus d'eux mêmes fe jetter entre leurs mains: deus navires Fran- çois chargez de Soldats, de vivres, & de toutes fortes de munitions de guerre abordèrent en l'Ile 5 étant en- voyez de la part de Moniteur de Poin- cy leur General pour chafifer l'Efpa- gnol de cette terre > 8c la conquefter pour le Roy. Ce fecours , vint bien à propos pour la délivrance des Hollan- dais: Car les Efpagnols ayant veu nos gens , qui defcendoientaJégrement &C en bon ordre , & qui d'abord , for- mèrent fur terre vn gros de vaillans hommes bien armez36c en difpofition de combattre , ils lâchèrent inconti- nent leurs prifonniers3 & après queL- que pour-parler , les François leur fi- rent commandement de vuider à tin*" ftant de l'Ile , & de rentrer dans leurs vailfeausj à faute dequoy, ils les char- geroient comme ennemis, tels qu'ils étoient,& ne leur donneroient aucun quartier. A quoy ils aimèrent mieus obéir a que d'expérimenter la valeur des nôtres, & le fort des armes* quoy qu'ils fuilent en plus grand nombre. Monfieur des Iles Antilles, j? Monfieur le General , reconnohTane ielon ion exquife prudence , l'impor- tance de cette lie , qui peut faciliter d autres conqueftes , encore plus glo- rieufes i jugea qu'il falloir accompa- gner de fi heureus commencemens, d vn grand foin pour la conferver, & la munir d'vn nombre confiderable de vaillans homes, & fur tout d'vn Chef genereus &cxperimenté,poury com- mander en fon nom. Pour cet eff=t, il y envoya Monfieur Auger Majô/de 111e de Saint Chriftofle, qui a voie exerce cette charge avec grande ap- probation par plusieurs années , & le revêtit de la qualité de Gouverneur de cette Ile.il mourut en l'exercice de cette charge , au grand regret de tous ies habitans , après avoir mis l'Ile en bon ordre, redrefle fes ruines, & don- ne les commencemens à vn Foit,qu*il avoit luy mêmedeffigné pour la fen- iete des vauTeaus , qui viendroient cy aptes a la rade ; & pour faire perdre aus Elpagnols, toute envie d'y dépen- dre a l'avenir^pour y faire des ravages. 5i Histoire Morale La conquefte de cette Ile fut faite* en la faffon que nous venons de dire en l'an 1650. Si cette Colonie doit fes comment cemens à la generofité de Monfieur le General, qui ne laide écouler aucu- ne occafiô capable d'amplifier la gloi- re 6c le nom de la Nation Françoife, elle luy eft auffi redevable de fa con* fervation^&de fon accroiffement.Caç il a eu foin d'y faire palier des honv mes, & d'y envoyer des vivres 5 juG- ques à ce que la terre en eut produit, & tous les rafftaichiffemç.ns neçeflai- res en de nouveaus çtabliffemens > 8$ notamment les munitions de guerre qu'il faut en vneplace^qui eft fi voifi* ne de 1 ennçrny>& qu'il a enlevée de« vant fes yeus > & fous fa main. Pour faciliter ce delfein , il a eu long-tem? tn mer vnde fes navires commandé parle Capitaine Mancel 3 duquel la . vertu , la fidélité , le courage , & l'a* àreifeaont efté éprouvées en plufîeurs ' rencontres fignalées. Il faifoit le vo- yage ordinaire de Saint Chriftofle à Sainte Croix , pour y porter tout ce qui des JIès Antilles. || qui pouvoit faire befoin à cette nou- velle Colonie. Les Hoilandois âVoient édifié fm vne agréable eminenee de cette Ile* vne belle Eglife bâtie en forme de Croix. Si les Efpagnols refpe&ant ce figne iacré 5 qui étoit fur le clocher, n'ont pas ruiné cet édifice : nos Fran-i cois doivent cette maifon d oraifon à la pieté & au zèle d'vne Compagnie de Marchands de la ville de Flcflîn- gue, qui fit premièrement habiter cette lie 3 fous la commiflion de Mei- lleurs les Etats. Le Roy à prefent régnant , étant informé de toute la gloire que Mon^ fieur de Poincy a aquis , & qu'il ac- quiert journellement à nôtre Nation, & combien fa prefence eft neceffaire enTAmerique , a confirmé de nou- veau ce Générais Chevalier en la charge de fon Gouverneur & Lieute- nant General en ces quartiers là,& la Reyne pendant fa Régence, a haute- ment loué fes dignes actions , & fa fidélité au fervice du Roy. G 5 En l 3 54 Histoire Morale En Tan 16$ i. Monfieur le Générale trairca fous le bon plaifir du Roy avec la Compagnie donc nous avons parié , & l'ayant rembourfée de tous les frais qu'elle avoit faits pour l'é- tabli (Ternent de cette Colonie, a aquis de ces Meilleurs qui compofent cette Compagnie, la Seigneurie Se pro- priété foncière des lies de Saint Chri* ftofle 3 de Saint Bartelemy , de Saint Martin , de Sainte Croix , Se des adjacentes > Se cela au nom & à pro- fit de fon Ordre de Malte , qui par ce- moyen eft accru de Tvne des plus belles , des plus riches 3 Se des plus honorables Seigneuries dont il jpiiif- fe , fous la Souveraineté de fa Ma- jefté Tres-Chreftienne. Et dépuis le Roy a fait don abfolu de toutes ces lies à l'Ordre de Malte, à la feule referve de la Souveraineté , & de l'hommage d'vne Couronne d'or de redevance à chaque mutation de R oy , de la valeur de mil efcus3 com- me il paroit par les lettres patentes de fa Majefté > du mois de Mars 3 mil iîx cens cinquante-trois. Loris bes Iées Antilles. jj 0V1S PAR LA GRACE DE DIEV R 0 Y DE FRANCE ET DE NAVAR- RE: A tous prefens $> avenir Salut. L'ordre de Saint Iean de lerufalem sejl monïîré fi vtile ùÎEgïife par [es fervices , &fa continuelle re finance aus entrepri- fes des Mahomet ans , ennemis de la Foy , dont les viâloires fréquen- tes qu'il a remportées fur eus , en tant de Combats ^ font des mar~ ques certaines , efquels grand nom- bre de Chevaliers ont ejpanché leur fang y & prodigué leur vie four le faim commun , & les Ho- pitaus , ont ejlé fi dignement & charitablement adminilîrez, par iceluy , depuis fom Inflitntion , qu'il feroit vtile qu'il eut fon fiege non feulement en {lie de Malte , mais C 4 mjïi œesssu*) 1 1 ■j6 • Histoire Morale aujji en flufieurs autres endroits^ sfin que ce fujfent autant défla- tions , forterejfes & remparts four % Chrétienté^ & à* avilies aus Fi- dèles. Ces Confédérations s& f&ffe- Uion que les Mois nos fredecejfeur$> é* nous À leur- exemple avons toù- iours fmée audit Ordre , nous ont fait favorablement entendre aux fufp lie at ions qui nous ont eflé fat* tes de la fan de no (Ire très- cher Coufin le Grand Maifre audit Ordre de Saint le an de lerufalem^ far noftre amé érf^al Confeiller en nos Confeils^ Chevalier é* Bm iliy d'ieeluy^ dfàbaffadeur de no- ftre dit Coufm le Grand Maifire frés ncflre perfonne , le Sieur de Souvré: ^ue le Sieur Bailly de Poincy Grand Croix dudit Ordre% après flufieurs beaus employs en France , auroit efté envoyé far le feu Roy nofln très honoré Seigneur & des Iles Antilles. 57 ér Père ^fon Gouverneur $ Lieu^ tenant General es îles de Saint Chriftofle , (jr autres lies de ( A- merique feu connues four lors^ lef* quelles depuis fous [a conduite font habitées de grand nombre de Fran~ foù y en quoy ledit Sieur Bailly de Poincy nauroit rien efpargné pour y maintenir nofire authoritéj 'éclat -(jr la dignité du nom François : Me [me s auroit fait bajlir plu (leurs forts a [es defpens^&feferoït aujft formé vn revenu confîderable par ac qui fit ions quil a faites dans lefl dites Iles , ayant employé pour cet effet , le revenu de plu fleurs années de deus des plus belles Commande- ries Audit Ordre^defquelles ilioiiif- foit en France , lefquels Domaines^ par droit de pecul apartiennent k [on Ordre ^auquel d'abondant ledit Sieur Bailly de Pàincy^ comme fart Religiem m & donné toutes j3 Histoire Moralb tes feuretez, neceffaires. En forte que nofire - dit Coufin le Grand CMaiBre & ledit Ordre , s'en peu- vent dire dés a prefent le vraj ■propriétaire *>fans attendre quils luy reviennent après le decés far droit de dé fouille , a quoy nojlredit Coufin le Grand Maifire a defiré ioindre la propriété entière defdu tes lies de Saint chriflofie , par ï acquifition d'icelles^pour laquelle nojlredit Coufin a envoyé fies ordres é* pouvoir audit Sieur de Souvréy afin de traiter avec cem de la Compagnie défaites llesfom nofire bon plaifîr y & fous ïefierance que nom aurions ledit traité agréable^ & que nous y ioindrions en outre je qui nom apartient efdites llesy afin de pouvoir par no Ft redit Coufin } & fon Ordre i y former vn établiffe- ment pour te fervice & la defenfe de la ChréUenté^&pQUr la conver» fon ^^^^^à^K^ïî^^^^ des Iles Antilles. 59 fi on des Sauvages a la Religion Ca- tholique. ACES CAVSESïé* après avoir fait voir en noBre Con- feil les Lettres de Conceffion par 2(omcy~devant faites à ladite Co- pagnie des lies de (Amérique dît mois de Mars 1641. LÏaêie de dé- libération de £ A ff emblée de ladite Compagnie de ( Amérique > pour la cejfîon, vente & aliénation de tout ce quils pourroyent prétendre en icellesfom notre bon plaiftr , mua charges & conditions portées par le refultatdu, t. May 1 6 5 1. Le traité fait par ledit Sieur de S ouvré avec ce m de ladite Compagnie , le '24. defdits mois & an , attachez, fous le contre- féel de noflre chance lle~ rie. De t avis de noBredit Confeilr eu eB oient la Reyne noBre très ho~ norée Dame & Mère y noBre très- cher Frère le Duc d" Anjou>plufieur$ JPrimeSyDucsyPairs à* officiers de € 6 mftfp - éo Histoire Morale nofire Couronne , & autres grandÉ dr notables Perfinnages de nôtre Royaume 5 2{pus defirans favora- blement traiter nofire Coufin le Grand Matjtre & fin Ordre \ & tefmoigner a tonte la chrétienté fefiime que nous enfaifons, & que comme Fils atjné de l'Eglifi , nous ne laiffons efchaper aucune occsfion four le bien & faugmet attende la Religion chrétienne, &par ce mo- yen inviter les autres Princes chré- tiens de faire lefimblable , & de contribuer de leur fart ainfi que nous fat fins 5 a la manutention & propagation de la Toy , de nojîre grâce fpeciale , certaine feieuce^ pleine puijfance & authorité Ro- yale 5 Avons lQue\agréeyratife\ lo- uons > agréons y ratifions & confir- mons par ces prefenies fignées de nofire main^ laconcejfion cy devant fêitç h ladite Compagnie des îles i o 4* î)£s Iles Aktillbs. 6x de £ Amérique du mois de Mars 164.1. Enfemble ledit Contrat du 24. May 1 6 y 1 . portant t alié- nation , vente & ceffïon des droits de ladite Compagnie dans les lies de l Amérique À eus concédées y au frofit de no (Ire dit Cou fin le Grand Maiflre & dudit Ordre de Saint le an de lerufalem. Et adi enflant am concevons faites far cy devant^ avons de nouveau donné & 0 Broyé À nojlre* dit Cou fin & àfon Qrdre^ donnons & octroyons far cefdites f refentes ladite Ile de Saint chri- flofle 5 & autres en gênerai en dé- fendantes , conformément audit Contrat} du vint- quatrième May avec toutes leurs conflit ances , a la referve des lies contenues &Jpeci~ fiées am Contrats de vente des quatrième Septembre mil flx cens quarante - neuf \ & vint - fetfié* me Septembre 1650. Pour ladite Ile fa Histoire Morale lie de Saint chriBofie > & autres lies de l'Amérique en gênerai, a la referve cy-dejfm , efire tenues far no lire dît Coufin le Grand Mai lire ér [on Ordre en plein Domaine, Seigneurie 5 Direffie, & vtile pro- priétéincommutable. Enfemble les Places & forts e Bans en te e lie s y droit de Patronage Laïque de tous Bénéfices & Dignité z> Ecclefialii- ques 3 qui font ou feront cy « après fondé es \& qui nous peut de prefenî ou pourroit appartenir , avec tou? droits Royaus , & pouvoir de re- mettre $> commuer les peines >cre'ery ïnTUtuer , £r deïîituer officiers & CMinifires de Iuliice y & lurifdi- Bion tant volontaires que contenu tieufes\ pur pajfer tous aBes , iu~ ger toutes matières 3 tant Civile? que Criminelles en -première in- fâme y & par appel en- dernier r>tj£orty & en tout cm y le tout a * perpétuité JSS&SU2 SSQe DES IlES An-TILEES. *€% perpétuité' en plein fief é* amortyr & fous tel titre^&yfaire tels éta- bliffemens que bon luyfemblera^ m la feule referve de la Souveraine** te\ quiconffie en î hommage Svne Couronne d'or de redevance à cha- que mutation de Roy 3 de la valeur de mil efcm^qui feraprefentée par ï Ambaffadeur dudit Ordre vers; cette Couronne , ou far tout autre officier d'iceluy en fon abfence , k la charge que noflre dit Cou f nie Grand Maifîre , & f Ordre > ne pourront mettre le f dit es lies hors de leur maïn^nyy donner comman- dement a autres qu'au s- cheval- liers des Langues ïrançoifes nos fuiets )fans nous le faire fçavoirv & pis fur ce noflre confewte- ment. Si donnons en mandement k nos amex> & feaus Confeillers les Genstenans noflre Cour de Parle- ment de Paris r Chambre de nos- Compter i ~~ va&sami 1 I SSQStfÇ &4 Histoire Morale Comptes^ autres nos officiers qu'il appartiendra , gw ces pre fentes ils faffent enregijier , & du contenu en îc elle s faire iouirnofre-dit Cou- fin le Grand Maifire & ledit Or- dre pleinement 3 paifiblement & perpétuellement > fans fouffrirqu il luy foi t fait , mis 3 ni donné aucun trouble ni empefchement au con- traire. Et d'autant que des pr e fen- tes Ion peut avoir befoin en même tems enplufeurs lieus 5 Nom vou* Ions qtiaus Copies deuement colla- tionées^foy fort adiouflée comme h (Original des prefentes% CAR TEL EST NOSTRB PLAI- S 1 R. Et afin que ce foit chofe confiante pour toujours^ Nous avons fait mettre nàftre Seel a ces pre fen- tes , fauf en autres chofe s no- {Ire droit , & fautruy en toutes. Donné a Paris au mou de Mars '> fan de grâce mïlfix cens foixame- trm* des Iles Antilles, 6§ trois. Et de notre Règne le treize* me. Signé > LOTIS. Et fur le Reply 9 par le Roy* ï)e Lomeme. Vifa Mole'. Et feellée du grand fceaudecire verce fur lacs de foye. Apres que Monfieur le General de Poincy , eut afermy la Seigneurie de lJIle de S. Chriftofle entre les mains de fon Ordre de Malte , & procuré foigneufement la gloire Se la profpe- rité des Colonies Frâçoifês de l'Amé- rique 3 il deceda paisiblement à Saine Chriftofle, l'onzième du mois d'A- vril de l'an mil fix cens Soixante , au grand regret de tous les Habitans des Iles> parmy léquels la mémoire de fes eminentes vertus fera toujours pre- cieufe &c en Singulière vénération. Le Roy , confiderant félon fon exqmle fageffe, 1 i \ il p Histoire Mo raie tagcflc-, que la charge qui étoit va- cance par le decés de ce digne Sei- gneur,etoit de très-grande iniportan- ce, en a pourveu Monficur le Gheva- hj de Sales , qui porte en (ss Titres: Charles de Sales , Chevalier de l'Or- dre de S. leande Iernfalem , Admt- n.ftratenr de la Seigneurie de Saint Cbnftofle, & Chef de la Nation Fra- çoife eftablydefaMajefté pour fon fiminence de Malte. Méfieur du Parquet Gouverneur de la Martinique, a , uffi aqnis de la mé- me Compagnie k Seigneurie des Iles de la Martinique , de la Grenade, & de Sainte Alonfie. Monfienr d'Houel Gouverneur de la Gardeloupe , a fait ' ia même chofe pour les Iles de la Gardeloupe,de Marigalante,de la De- fîrade x 6c des Saintes. Ces deus der- nières ne font pas encore peuplées. Mais il a demandé par avance la Sei- gneurie de ces terres, afin que d'au. très ne s'en puiflènt civilement em- parer. Car il fautfavoir, que la Com- pagnie des Iles de l*Àmeriqne,Iaqtiel- le eft maintenant abolie,avoit obtenu du ©es Iêes- Antiiles. lu Roy,toutes les Antilles habitées,<$£ i habiter par fucceffion de tems. De orte que ces Meffieurs,qui ont traitté .vec cette Compagnie, ont fait mèt- re dâs leur oékroy des îles qu'ils n'ont >as encore habitées ; mais qui font en eur voifinage3&; àleur bienfeance: ôc ncontinéc qu'ils auront allez d3hom- nes en leurs autres lies, ils en feront >affer en celles là-, fi. ce n'eft que les knglois , ou les Hollandois s'en em- >araflent auparavant. Car c'eft vne egle générale , qu'vne Terre qui efë ans habitâs,eft au premier occupant. it i'Oftroy du Roy,oude la Compa- gnie , ne fert que pour parer cts Mef- îeurs cotre quelcun de nôtre Nation, jui pourroit courir fur leurs deffeins* Ainfî toutes œs Iles que les Fran- çois tiennent aujourduy en l'Ameri- jue relèvent entièrement du Roy sour la Souveraineté , 8c de Meilleurs .es Chevaliers de Malte, du Parqueta *k d'Hoitel , pour la Seigneurie , fans plus reconnoitre la Compagnie,qui a :edé en leur faveur tous fes droits, 8c loutes.fes prétentions. Quant "--îr^'-^rrf^nMiF I 1 £8 Histoire MorâIe Quant à la fuite des Gouverneurs Ànglois de l'Ile de Saint Chriftofle*- Moniteur Oiiarnard étant mort après avoir glorieufemeilt étabiy fa Nation dans les Antilles 5 6c avoir peuplé en particulier Pile de Saint Chriftofle, de douze à treize raille Anglois : Mmd fieur Riche > qui eftoit premier Capi- taine de l'Ile fut étabiy en cette char- ge ; & celuy-cy pareillement étant de- cédé* Monfieur Eiiret fut pourveu du Gouvernement qui Tadminiftre enco- re auiourduy, avec la capacité & l'ap- probation finguliere* que nous avons i déjà reprefentée 5 en parlant de l'Ile- de Saint Chriftofle. Au reftc lors que les Nations ctrâ- geres arrivèrent en ces Iles , elles fe logèrent au commencement à pu prés comme les Habitans naturels du païs, fous des petis couverts3&: dans de (im- pies huttes Se cabannes,faires du bois même qu'ils coupoient fur le lieu, en défrichant la terre. On voit encore dans les Colonies naiflantes, plufieurs de ces foibles édifices > qui ne font Soutenus que par 4. ou 6.. fourches, plantées des Iles Antilles. 6<) Gantées en terre, & qui pour murail- es ne font entourez & pallifladés que te rofeaus,& pour toit,n ont que des eîlilles de palrnes,de cannes de fucre, )U de queiqu autre herbe. Mais en outes les autres Iles , ou ces Nations ont mieus établies,on voit à prêtent >lufieurs beaus édifices de charpente, le pierre èc de brique , qui font faits :n la même forme-, que çeus de leur yàis , excepte , que pour l'ordinaire 1s n ontqu vn étagé>ou deus au plus* ifin qu'ils puiflent plus facilement efifter aus vens , qui foufflent queU jucfois avec, beaucoup d'impetuofite m ces quartiers là. Nous avons allez ?arlé de ces édifices , dans i'occafion ^ui s'en eft prefentée , lors que nous ivons décrit chacune des Antilles en particulier, Mais nous aiouterons feulement icy.que fur tout, les Angiois qui ha- bitent ces Iles , font pour la plupart commodément logez , & propre* ment ajuftez en leur ménage , par ce qu'ils s'arrêtent dans les Colonies, & les embelliflent * comme fi c'écoit le 35U5SM** ^tfx«ai*M5SR5Z 7© Histoire Mou axe le lie» de leur naiffance. Ils font aufFjr preique cous mariez^ce qui fait,qtfils travaillent mieus à s'accommoder* que cens qui mènent vne vie de gar- çon , comme font plufieurs entre les François. Nous avions deffein pour la clôtu- re de ce Chapitre.de coucher icy tout le procédé que tintMonfieur Auber, pour faire la paix avec les Caraïbes, lors qu'il vint prendre poireiïïon dm gouvernement de la Gardeloupe: mais à caufe que le difcour s en eft vn peu long5& qtfil peut donner de gra- des lumières^ pour connoitre le natu- rel de ces Indiens, dont nous avons à traitter en ce deuxième Livre 3 nous avons creu qu'il n'en falloit rien re- trancher ; & qtfil meritoit bien de remplir vn Chapitre tout parties Chapi &e$ Iles Antilies, fi $m %%& *» tm && *^ s«* «cm >a#s< g» C HAPIT RE 1 1 L De fafermijfement de la Colonie JFrançoife de la Garde loupe \ par la paix , qui fut faîte avec les Caraïbes de la Dominique* en l an i<*4Q> LEs premiers d'entre les François' qui occupèrent l'Ile de la Garde- oupe 3 y abordèrent en Tan 163 5. par ,£s Ordres dVne Compagnie de Mar- :hands de la ville de Dieppe, qui fous ^autorité de la Compagnie Générale les Iles de l'Amérique établie à Pa- ris > y envoyèrent les Sieurs du Pteffis Sf de l'Olive, pour y commander en eur nom. Mais le premier étant mort p£u de mois après fon établnîement, 5c l'autre par la perte de fa veuë 3 &C par fes maladies continuelles > étant rendu inhabile à gouverner vne Co- lonie naiflante > comme nous l'avons lé)a reprefenté dans les Chapitres precedens* ,3 I H i l-x Histoire Morale prscedens. Monfieur de Poincy,pour- Veut dignement à tout ce qui était ne- ceflàire pour l'entretien des nôtres en cette Ile 3 laquelle auroit efté aban- donnée 3 fans les grands foins qu'il prit, d y envoyer des troupes auxiliai- res fous la conduite de Monfieur de la Vernade , & de Monfieur de Saboiiii- l%> pour s'oppofer ans defleins des Caraïbes , qui leur en conteftoient puliFamment la poiFeffion ; de forte, que fi cette Colonie ne doit pas fou premier ctabliflement à Monfieur le General de Poincy , elle luy e(l rede* vable au moins de fa confervation,& de fa fobfiitance. Il approuva aufli ÔC confirma au nom du Roy , la nomi- nation que la Compagnie des Iles avoit faite dç Monfieur Auber , pour eftre Gouverneur de cette Ile. Ce nouveau Gouverneur 5 prêta ferment de fidélité entre les mains de Monfieur le General le lo.d'O&obre !jÉ40, Mais avant que de defeendre à Saint Chriftofle > le navire qui l'avoic pa.fle de France en Amérique , ayant fnoiiillé prés de la Dominique 3 plu- fieurs I JSàK^IsSLSSW des Iles Antilles. 75 fleurs Sauvages qui av oient reconnu de loin le navire,&.iugé par les fîgnes de bien - veillante qu'on leur don- noit^qu'ils n'avaient point d'ennemis dans ce vaifeau, prirent l'aflurance d'y entrer.Par bonheur5ceus qui l'étoient venu reconnoître j étoient les pre- miers Capitaines de l'Ile. Monfienr Auber fe refolut de profiter de cette occafion , iugeant qu'elle étoit tres- ■ favorable , pour rentrer en alliance avec ce peuple , qui avoit été éfarou- ché>8c prefque entièrement aliéné des François , par les violences & les ri- gueurs de Monfîeurde l'Olive, Tvn de fes predecefleurs en la charge , & par la mauvaife conduite de ceus qui commandoient le fecours que Mon- fieur le General avoit envoyé à nos gens qui étoient en cette Ile.Ec parce qu'il (avoit, que ceus de cette Nation (e laiiTçnt facilement gagner par ca- l'cflfcs &par petis prefens > il n'oublia rien de tout ce qui pouvoit contri- buer à l'avancement de fon deflèin. Il leur fit donc favoir qu'U venait de France , & qu'il étoit envoyé pour fpti II D cona 74 Histoire Morale commander en l'Ile de la Gardeloupe; Qu'il avoit apris avec regrec 5 les dé- ferais qu'ils avoient eus avec les Traçais depuis quelques années.Qu'il venoit avec intention de ks terminer à l'amiable ; Et qu'il vouloit eftre leur bon Compère > ôc leur bon voifin, êc vivre avec eus comme avoit fait feu Monfieur du Pleffis leur bonamy. Il faifoit entremêler cet entretien * de force verres dJeau de vie , qu il leur faifoit prefenter. Ces Sauvages , voyant vne récep- tion fi franche , & fi cordiale ^ après avoir parlé entre eus en leur langage de guerre * qui n'éft entendu que des Anciens Ctefs de leurs entreprifes, fe refoiurent d'accepter Tofrequi leur étoit faite ? & de renouer l'ancienne amitié j» en renonçant à tout ce qui |>ourroit entretenir cette guerre fan- glance, qui avoit tant incommodé les deus partis. Mais avant que de rien promettre ils demandèrent à Mon- iteur Auber , fi Monfieur de l'Olive, Monfieur Saboiiily, & tous ce-us qui avoient fuivy leurs violences > forti- roient des Iles Antilles^ 75 Ment de l'Ile. Et luy leur ayant réC pondu , qu'il [es y obligeroit , ils di- rent que cela étoit n.eceiTaire,& qu'au- trement ils feroient toujours fâchez contre les François.parce que difoicc ils y l'Olive & Sabouily point bons pour Cœrdibes,Cz(om leurs mots.Làdeffus, Monlîeur Auber les ayant allùrez que cela ' demeurerait arrefté , & que pour luy il leur feroit bon , s'ils vouloient auffieftre bons :ce qu'ils promirent,!! leur fit faire grâd'chere, & les renvo- ya avec des prcfens,& bien fatisfaits. De la rade de la Dominique, Mon- sieur Auber alla à la Gardeloupe,pouc y poler fon Equipage; & de là à Saint Chriftofle , pour y rendre (qs devoirs à Monficur le General , qui futjo- yeus du bon chois que la Compagnie des Iles a voit fait de fa perfonne J ÔC le confirma en fa charge au nom du Roy, après qu'il eut prêté le ferment de fidélité. Il partit bien tôt après de Saint Chriftofle, pour fe rendre en fon Gouvernement : où étant arrivé il fut reçeu avec joye par tous les habitant D z qui ■ '■ \jS Histoire Morale qui l'avoient en haute efti me pour (on expcriéce3 en tout ce qui pouvoit fer- vir à l'avancement des Colonies naif- . fantesjôc par ce qu'ils étoient perfua- dez qu'il étoit remply dVne prudence iïnguliere pour remédier aus defor- ,dres palfez, d'vne generofité capable de reiifter aus difHcuitez prefentes,& d'entreprendre ce qui feroit neceflaire pour le bien &c le repos de l'Ile , & d'vne douceur & afabilité qui Tavoiéç rendu recommandabie à tous ceus de S.ChriftofleJéquelsauffi l'avoient re- connu pour vn de leurs meilleurs Ca- pitaines. Sa Commiffion fut ieue" & publiée à la tel) e des Compagnies de ■l'Ile /par 2. Dimanches consécutifs* qui furent le 25 . Novembre* & le 2, de Décembre de l'an 1^40, La guerre qui s'étoit allumée entre les Sauvages & çeus de nôtre Nation* par le mauvais çonfeil de quelques efprits remuans , &: par la facilité du Gouverneur précèdent, qui leur avoit prêté l'oreille ; Et les divifions^les ffàh \ "ances, 5c les partialités , que ces brouillons avoient fufeitées entre les; princi t>Es Iles Antilies. 77 principaus de l'Ile 3 l'avoient rendue la plus defolée de toutes les Colonies de l'Amérique. La diiette des vivres en avoic réduit plufieurs à des extre- mitez fi grandes 5 que la vie leur étoit ennuyeufe 5 8c la mort fouhaitabte* L'aprehenfîon en laquelle ils eftoient continuellement d'être furpris par les Sauvages 5 les obligeoit à le tenir ïn- f ceflamment fous les armes , 8c à laif- fer leurs jardins 8c leurs habitations en friche : Et le rude 8c infuportable traitement, qu'Us xecevoient de quel- ques Officiers qui abufoient de leur authorité * lés avoit tous réduits à la veille d'vne ruine inévitable. Mais, depuis que Monfieur Auber eût été reconnu pour leur Gouver- neur , par l'acclamation vnanime de tous les Habitans 3 8c qu'il leur eût donné les nouvelles de la paix , qu'il avoit conclue avec les Sauvages leurs voifins y laquelle il efperoit de voir bientôt ratifîée^par toutes les affurâces qu'on pourroit atendre d'vne Nation fi pu ciuilisée qu eft celle des Caraï- bes ; les perturbateurs du repos public D 3 s'écar 1 i 1 1 I I 1 1 mua — sa*jw ■«.ams» 78 Histoire Morale s «carrèrent > & les gens de bien fe vtrent en feureté/ous la fage condui- te de ce digne Gouverneur, qui n 'ou- bliait rien de tout ce qui pouvoit con- tribuer à remétre l'Ile en bon ordre. De forte , que cette Ile prit en vu luttant vn* nouvelle face : La jufti» ce commença à y refleurir > la bonne vnion^& le travail des habitans y ra- pclla l'abondance * la paix & le com- merce, qui $en étoient retirez : Et la pieté du chef,convia tous les mem- bres de cette Colonie , à bien vivre à fon exemple. Quoy qu'il eut traité de paix avec les Sauvages , il fut neantmoins d'a- vis , crainte de furprife 3 que les ha- bitans fe tinffent toujours fur leurs gardes. A cet éfet, il ordonna des fen- îinelles en tous les lieus où les Ca- raïbes pourroient le plus facilement aborder , fans eilre découverts : Il changea les corps-degarde, & les pla- ça en des lieus plus avantageus j & réprima par fon autorité^ceus qui vou- loient ruiner les premiers fondemens qu'il avoit jettez d'vne ferme paix,6c d'vne ■ dés Iles Antilles. 79 d vne étroite alliance avec ees enne- mis réconciliez, les obligeant par fes défenfes exprefTes, de ceflfer tous actes d'hoftilicé, afin de ne pas troubler par leurs animofitez particulières , cette confédération fi necellaire 3 pour le feien gênerai de tous les habitans. Les Iles fubfiftant par le commer- ce i Monfieur Auber reconnut , qu'il n'y avoit rien qui les décretitât plus que les mauvaiies Marchandifes que Ton y fait > Et par ce que le Tabac é- toit la feule , qui avoit cours en ce tems-là à la Gardeloupe ; ayant apris que plufieurs en débitoient 3 qui n'é- toit pas de mife s ce qui auroit de'crié Tlle envers les Etrangers, qui n'y auroient plus envoie leurs navires* il établit des perfonnes intelligentes en Tabac 3 qui le vifîtoient foigneufe- mentj & qui jettoient dans la mer celuy qui fe trouvoit ou pourry , ou defe&ucus, en quelcune des qualités quil doit avoir pour eftre parfait. Ce bon ordre 3 & dans la milice 8c dans la police , rendit cette Ile florif- fante en peu de tems ; Et fa renommée D 4 y ■ I i I m te* go Histoire Morale y atiraplufieurs Marchands , & con- via vn grand nombre d'honnêtes fa- milles , à y venir prendre leur demeu* £e>&: à s'y établir» i Pour revenir maintenant à nos Sauvages > qui avoient vifité Mon- iteur Âuber en fon navire , ôc qui a-* voient traité de paix avec luy,fous les conditions que nous avons dites ^ ils ne furent pas plutôt retournez en leur terre, où ils étoient attendus avec im- patience,fur ce qu'ils avoient demeu- ré vn peu long-tems au navire,qui é- toit à leur, rade , qu'ils publièrent par toute ■ l'Ile , l'amiable aciieil qu'ils a- voient reçeu. Ils ne pouvoient ailés* prifer le bon traitement , que le Gou- verneur nouvellemét venu de France leur avoit fait. Les beaus prefens qu'il avoit donnez, confirmoient autenti* quement fa bonté &: fa libéralité. Et ils aioutoient,que* leurs ennemys l'O- live &C Sabouly , devant fortir de la Gardeloupe 3 ils avoient fait la paix a- vec ce brave Compère , qui les avoit fibienreceus, qu'il étoitdignedeleur alliance. Que pour ne iuy donner au- cun &à*i**>nes Iles Antilles. Si cttn fuiec de défiâce^il faloit déformais s'abftenir des courtes > qu'ils avoient coutume de faire en la terre de la Gar- deloupe > dépuis quils étoient en guerre. Et que lors quils fauroient que ce nouveau Gouverneur feroit fermement étably> ils if oient le vifiter avec des prefen*> Se confirmer folen- nellement cette paix 3 qui leur feroic fi profitable à l'avenir. Les Caraïbes,, qui avoient perdu pluheurs de leurs hommes > dans les combats qu'ils a- voient eus contre les François, & qui fe laflbient d'avoir à faire à des enne- mis fi adroits & fi courageus 3 furent bien aifes de l'hcureufe rencontre: qn avoient fait quelques vns de leurs principes Capitaines. De forte qu'ils approuvèrent ce qu'ils avoient arrêté avec Monfieur Auber y & aquiefee- rent à tout ce qui leur étoit propofé, pour entretenir & pour afermirdoie- fenavant cette paix, ; Prés de cinq mois s'ëconlerent^pen- dant lefquels les Sauvages tinrent pon&uellement la prorneflè qu'ils a- fybkut faite à Monfieur Auber » de îi Histoire Morale ne plus inquiéter les François. Après quoy 5 s'étantp erfuadez que ce tems- là luy devoit avoir fufy pour s'accom- mocler à la Gardeloupe > y mettre les ordres neceifaires 3 de informer les habitans de l'aliance qu'ils avoient contra&ée enfemble à la rade de la Dominique , ils fe refolurent de luy envoyer vne deputation folemnelle* pour confirmer la paix^& luy fouhait- ter toute profperité en fon Gouverne- ment. Il y avoit de Tempreffenient parmy ces Sauvages , à qui auroic l'honneur d'vne Comiflion de fi gra- de importance > & de laquelle ils ne doutoient aucunement qu'ils ne re- ceuifent des avantages finguliers. Us fe refolurent donc, pour contenter \es plus apparens d'entr'eus 5 qui étoient compétiteurs en cette ambalïade^a en établir Chefs deus de leurs plu? an- ciens, & de leurs plus renommez Ca- pitaines : & de donner à chacun vne efeorte confiderable, compofée de l'é- lite de leurs plus braves Officiers Se foldats. Et afin qu'il n'y eut point de jaloufie entre les Capitaines> ils trou- vèrent V*kVà1X*rWW>ï**^W\^ bes Iles Antilles. 8| verent bon de les faire partir en deus différentes Piraugues 3 chacun avec fa fuite y & avec cet ordre 3 que l'vn de- vanceroit l'autre d'vn iour. Le premier de ces Ambaflàdeurs/e nommoit le Capitaine Amichon 5 fort confideié parmyeus* qui fut accom- pagné de trentes des plus leftes &c des plus adroits de la Dominique. Mon- îîeur Auber dit , qu'il n'a |point veu dépuis de Sauvages plus beaus , ni de plus agiles. Ces Sauvages donc fe con- fiant en la parole qu'il leur avoit don- née à leur rade , abordèrent à la Gar- deloupe. Et auffi toft qu'ils eurent a- pris de celuy qui cômandoit au corps de garde 3 que Mon fieur Auber étoit en l'Ile & qu'il y étoit en bonne fan- té y ils dépendirent hardiment à ter- re & demandèrent à le voir > ayant laifîé cependant quelques ~ vns des moins confiderables de leur troupe, pour garder la Piraugue.Pendant qu'- on aloit donner avis à Monfieur le Gouverneur de l'arrivée de ces Dé- putez de la Dominique , le Capitaine Amichon;qui devoit porter la parole, D 6 luy 1 1 I (S I 1 I 84 Histoire Morale luy envoya deus des plus gaillars de fa fuiteachargez des plus beaus fruits de leur terre^qu ils avoient aporcez pour luy en faire prefent. Monfieur Auber fut fort joyeus de leur arrivée. Et ayant incontinenc commandé à cens de (a maifon 3 &.à tout le quartier»de ne leur donner au- cune occafion d'aprehender quelque mauvais traitement > il prix la peine d* aller luy même au devant d'eus , avec yn vifage qui témoignoit ailés qu'ils étoient les biens venus. Il ne faut pas le mettre icy beaucoup en peine* pour coucher la harangue Se les corn- piimens * que le Capitaine Amichon- luy fit en cette première rencon- tre. Il avoir été Tvn de ceus qui avo- ient veu Monfieur Auber en fon na- vire à fon arriver de France * & il pj eut point de peine à le reconnoitre* D'abord il luy fit entendre * qu'il ve~ îioit pour confirmer ce qu'ils avoienr refolu enfemble à la rade de la Domi- nique a touchant vne bonne paix : & que tous les Caraïbes de fa terre le fouhaitoient auJlL Monfieur Auber* avec I ^^^«jr^^^m.MBBMB^^..^^ mi des Iles Antilles. \s$ avec cette affabilité & cette grâce par- ticulière qu'il a pour gagner les cœurs de ceus qui traitent avec luy 3 leur donna fur le champ aifés clairement à entendre , & pair (on interprète, &9 par fa contenance qu'il garderoit tou- jours de fa part vne vnion inviolable, pourveu qu'il n'y contrevinlfent pas les premiers. Après 5 il les fit entrer en fa maîfon : Et par ce qu'il favoic que la bonne chère étoit le meilleur (eau qu'il pûtapofer à ce traité de paix* il leur fit aufficôt prefenter de l'eau de vie»& fervir de tout ce quife trou- voit de plus apérifïint dans l'Ile. En fuite il courona le feftin,. par des pre^ fens qu'il leur fit de toutes fortes de curiofitez 3 qui font les plus eftimées parmy cette Nation. Et afin que tous les Députez euilent part à la bonne chère de aus liberalitez de Môfieur le Gouverneur,ceus qui avoient ététrai- tez furent prendre la place de ceus qui étoient demeurez à la garde de la Pi- raugue,qui eurét auffi à leur tour,tout fujet de fe louer du bô accueil qui leur fut fait^Sc des prefens <^ui leur furent diflri I Jm I i I i l# Histoire Moraeé diftribuez de même qu'aus premiers. Ha Capitaine Amichon n'oublia pas, félon la coutume dont ils vfent en- vers leurs amis, de prendre le nom de Monfieur Auber y & de luy donner le fien. Apres qu'ils eurent tous été com- blez des biens Se des civilitez de Mon- fieur le Gouverneur , ils retournèrent fort ioyeus en leur Piraugue,& firent voile du côté de leur Ile. Us trouvè- rent à vn certain rendez-vous dont ils étoient convenus avant que de partir de la Dominique , l'autre Pi- raugue , qui étoit chargée du fécond Chef de la dépuration, nommé le Ca- pitaine Baron , avec fa fuite. Et com- me ce fécond Capitaine eût aprisdu' premier5tout l'agréable aciieil & tou- te la bône chère que Monfieur Auber avoit faite à luy & à fes gens,il fe ren- dit le lendemain à la Gardeloupe. Ce Baron avoit été Tvn des meilleurs a- mis de Monfieur duPleffis , qui étoit mort Gouverneur de la Gardeloupe* en égale autorité avec Monfieur de l'Olive fon Collègue 3 lequel après là mort ses Iles Antilles, wjfi mort de Monfieur du Pleflîs3avoitfait imprudemmét la guerre aus Sauvages** Ge Gapitaine donc 3 quiavoit vifi- té diverfes fois feu Monteur du Plef- fis y & qui confervoit vn fouvenir particulier de l'amitié qu'il luy avoir portée^étant perfuadé de la generofité des François 3 mit d'abord pied à ter- re avec fa Compagnie y & fut conduit au logis de Monfieur Auber, qui leur fie toute la même réception qu'il avoir faite aus premiers. Et même quand il eut apris que ce Capitaine étoit le Compère de feu Monfieur du Pleffis5 c'eft à dire Tvn de fes confidens & de fes meilleurs amis y il le traita avec plus de témoignages d'afe&ion que les autres , & lia vue amitié particu- lière avec luy » recevant fon nom Se luy donnant le fien. Ainfi ces nou* veaus hôtes y=fe retirèrent encore plus fatisfaits que les premiers 3 & promi- rent de continuer leurs vifites à Tave- Mais lesvns&les autres firent nir. raport en tous leur Carbets>de la civi- lité & du bon acueil du nouveau Gou- verneur, Le î i 1 Histoire Morale Le Capitaine Baron , qui sétoit Ci bien trouvé de fa première vifite > ne tarda guère fans avoir envie a en faire vne féconde. Et ce fut en celle-cy que Monfieur Auber îuy fit voir vn des fils de feu Monfieur du Pleffîsyauquei ce Capitaine fit mille carefles, en mé- moire de fon Père, qu'il appelloit fou bon Compère, & l'amy de fa Na- tion. En éfet^ce Gentil-homme a- voitaqùis l'afecUon des ces Barbares,.' qui reipedoient fes mérites 3 de les belles qualitez qu'il auoit pour coirw mander. Apres cette vifite ,& plufieors que les Caraïbes faifoient prefque tous les iours , Monfieur Auber voulut ê~ tre affilié d'eus par otages » qu'il tien- droient ferme l'alliance. îl s'adreiïâ pour en éfet au Capitaine Baron , a- yec lcq.ueliiayok-contraâé vne ami- tié plus étroite qu'avec les autres , 8c qui l'appelloit fon Compère, comme ayant fuecede là l'alliance qui avoic autrefois été entre Monfieur du Pleflis & fay g Monfieur Auber demanda donc vn jour à ce Capitaine > sll n* WQUTOÎC ^"■''^^miwy^^ des Iles Antilles. 8? trouvoit pas raifonnable que pour s'aflurerde ceus de fa Nation ,.il leur demandât quelques vns de leurs en- fans en otage. Cet homme qui avoic le raisonnement beaucoup meilleur* & le iugement beaucoup plus vif que. l'ordinaire des Sauvages 9 répondit aufli-tôtjqu il faloit faire la condition égale : & que s'ils donnoient de leurs enfans aus François , il étoit iufte auffi que les François leur en donnaf- îent des leurs. Il prefenta fur l'heure à Monfieur Auber 5 quelques vns de fes enfans qui l'avoient accompagné: Et Monfieur Auber prenant l'occa- fîon,& acceptât l'offi e.choifit entr'eus tous vn jeune garçon 3 qui avoit vn air plus agreable>vne façon plus atra- yante , en vn mot ie ne fay quoy de plus aimable que fes autres Frères. Le Père accorda fon fils,& le fils don- na fon confentement à demeurer avec Monfieur Auber > fans aucune répu- gnance. Ce qui eft bien confidera.ble parmi des Sauvages. Il s'apelloit lama- laboiiy.'Oès ce iour-là Monfieur Auber le traita corne fon fils * 6c ne le ncm- moit $o Histoire Morale moit point autrement. Auiîï le jeune garçonne foncoté,l'appelloic fon Pè- re. Il ne paroifibit point contraint dans (es habits 5- lors quai fut habil- lé : & il n'eut pas beaucoup de peine às'acoutumer à nôtre faflbn de vivre. Le Capitaine Baron demandoit de fa part y en échange de fon fils , vn des ils de Mademoifele Auber s qui avoic été mariée en premières Noces à feu Monfîeur du Pleffis y &c qui Tétoit en fécondes à Monfieur Auber. Mais Monfieur Auber ayant représenté à ce Capitaine» que le Ieune du Pleffis étoit d'vne nature trop délicate pour ° pouvoir fuporter la faffon de vivre des Caraïbes , il le fe confentir à ac- cepter en otage y au lieu de luy 3 lVnr defes ferviteurs qui s'ofroit volon- tairement à lefuivre. Ce jeune hom- me qui étoit dVne forte complexion» demeura quelques mois avec cqs Sau~ vages^qui le traitoientavec beaucoup. de douceur. Mais foit que le change- ment d'air ou le changement de nour- ritureveût altéré fa bonne difpofition, il tomba malade quelque tems après.- Ce bés ÏÊÉs Anïieêês. $p Ce que le Capitaine Barô ayant aper- ccxiyôc craignant que s'il mouroit en* tre leurs mains y il n'en reé:ut du re- . s- proche* il le ramena à Mofieur Auber avec grand foin 5 fans luy demander vne autre perfonne en fa piace5difant» que pour otage il ne vouioit que la parole de fon Côpere. Il eft vray qu'il folicita fon fils à retourner-.mais il ne put l'y induire3le garçon difàt* qu'il fe trouvoit beaucoup mieus avec Mon-; fieur Auber, qu'avec fon Père. Le Capitaine Baron > ayant laide h la Gardeloupe vn fi piecieus gage3 prenoit fouvent occafion de vifiter Monfieur Auber * & par même mo- yen de voir fon fils : Et fe fentant in- finiment redevable à Monfieur Auber detant de biens qu'il recevoit de luy5 ôc fingulierement de l'afedSion fi ten- dre qu'il portoit à fon fils , lequel il avoit en otage > il chercha les occa- sions de luy en témoigner quelques reconnoUîances. Il s'avifa donc 3 de luy déclarer que durant les guerres que ceus de fa Nation avoient eues conue les François commandez par Monfieur $1 Histoire Morale Monfieur de l'Olive, il avoit fait fou prifcnnier de .guerre vn jeune hom- me François , à qui il avoit donné la vie, par ce qu'il avoit été autrefois au fervice de Monfieur du Pleffis fou Compere:Et qu'il y avoit prés de trois ans qu'il le tenait dans vue honnête liberté 3. bien qu'ayant été pris les ar-; mes en main,& dans la chaleur du cô- batj.il eut pu le faire mourir.Mais qu'il n'avoit pas voulu vfer de rigueur, en confideratiô de l'ancienne amitié^qu'il ayoit eue autrefois avec Monfieur du Pleflîsjà la fuite duquel il fe fouvenoit d'avoir veu ce François. Monfieur Au- ber y ayant compailion de ce pauvre jeune homme3pria le Capitaine Baron de le luy vouloir ramener. Ce qu'il luy accorda volontiers : .& peu de jours après il facisfk à fa promeut & celuy qui avoit été, délivré par ce moyen* a demeuré dépuis à la Gardeloupe^fort. long-tems. Ce genereus Capitaine , ne fe con- tentant pas d'avoir ainfi obligé Mon- fieur Auber,& relâché à fa conlidera- tion fon prifonnier ? luy donna avis, qu'vn des Iles Antilles. 95 outre les prefens qu'il luy faifoit tous les jours, ôc l'amitié fincere qu'il luy montroit en partiçulieravou-. lut auffi obliger toute fa Natiô.Cc fut lors que ce Capitaine devoit aller en guerre, cotre les Aroiiagues qui habi-. ^et en rile de la Trinités que pour ce deflein* I i 94 Histoire Morale deflein, il eue fait m armement ex- traordinaire. Car ce brave Sauvage* étant yenu dire adieuà Monfieur Au- ber avant que cfe partir pour cette expédition. Monfieur Auber luy don- mpom mettm dans fes troupes vn de Ces ferviteurs domeftiques , qui é- toitfon giboyeur , nommé DesSerif Jiers, qui fouhaitoit depuis long-tems de fe trouver aus combats de ces Sau- vages : Et il le pourveut de bonnes armes à feu ,& de toute la munition JieceOàire pour Ven^bien fervir. Le Capitaine Baron fet ravy de cette fa- veur^ levant acceptée avec joye 3 la fit ionner bien haut parmy ceus de fa iNation.Ce volontair^fuivit de grand cœur ce Capitaine : 8c s'étant embar- que il fut au CQmbat contre ks Aro- iiagues de l'Ile de la Trinité, avec vne puiflinte armée de Sauvages de toutes les Iles AntillesjEn cette rencontre il fit tout ce qu'on pouvoit atendre à3 va vaillant Soldat:& comme il étoit très- bon fufelier, il tua & bleÛa tant d'A- roiiagues-3 qui n'étoient pas acoutu- m$z à fentir l'éfet des armes à feu, qu'enfin des Iles An tille s. 9$ qu'enfin ils lâchèrent le pied , & s'é- tant retirez dans Les montagnes 9 laif- lerent le champ de bataille aus Carai% bes viâorie^is.. Dépuis,, des Seriffiers, paflbit parmy ceus de cette Nation pour vn grand Capitaine 5 fk ils ne pouvoijpnt ailes admirer la bonté de jMonfieur Auber 3 qui s'étoit volon- tairement privé du fer vice qu'il pou- voit attendre de ce jeune homme> pour le prêter à leurs troupes. Nous avons d'original toutes ces par-ticula- sritez * &c Monfieur Auber luy même en eft garent. Pendant tout le teins que Mon- fieur Auber a gouverné l'Ile de 1$ ■Gardeloupe ^ la paix qu'il avoit faite avec les Caraïbes a été inviolable- ment entretenue de part & dJautre3au grand profit des deusNations.Car les Sauvages par cet accord avoient mo- yen de traiter avec les François > de coign.éesjde ferpes^de couteaus, ôc de plufieurs autres outils &: marchandises qui leur étoient neceffaires : Et les François > recevoient d'eus en éc^an- géodes Porceausades Lézars^des Tor- tues 1 1 95 Histoire Morale tues de Mer , & vne infinité d'antres poillbns, Se d'autres rafraichiiîèmens, qui leur aportoiènt vn fingulier avan- tage. De forte , que les Caraïbes é- toient comme les Pourvoyeurs des François, qui travailioient cependant en leurs habitations avec affiduité & feureté. CHAPITRE IV. P0 7V^ c^ <^ Occupations des Habitans Etrangers du Pais: & premièrement de la culture & de la préparation du Tabac. EN toutes les Antilles,l'argent n'a point de cours pour le trafic ordi- naire , mais il fe fait par échange des Marchandifes qui croiflent au païs, contre celles qui viennent de l'Euro- pe i foit qu'elles confident en habits 5ç en linge , foit en armes ou en vi- vres, ôc en autres commodités necef- faires pour paifer la vie avec douceur. Et des Iles Antilles. 97 Etc'eft ce qui fe pratiquoit chez tous les peuples, avant l'vfage de la mon- noye,8c qui fe voie encore autourd'- huy enplufieurs Nations Sanvages,&: mefmedans la Colchide , où chacun porte au marché ce qu'il a de trop, pour avoir de ce qu'il n'a pas. Les Magazins qui fe voyent en ces Iles y font ordinairement fournis de toute forte de Marchandifes qui font amenées de France > d'Angleterre, de Hollande , & de Zelande , auflî abondamment qu'en lieu du monde. Le prix de chaque marchandife, n'eft point laiffé à la liberté des marchans qui tiennent les Magazins.mais il eft mis à chaque forte , par Meffieurs les Gouverneurs > de l'avis de leur Con- feil. Les marchandifes, que les habi- tans prefententèn échange en toutes ces Iles , fe reduifent a cinq efpeces principales/avoir au Tabac,au Sucre* au Gingembre, à l'Indigo^ au Cot- ton. Au commencement, tous les habi- tans étrangers des Antilies s'adon- noient à la feule culture du Tabac, Tarn. Il g qui ! i 1 1 1 i 5)8 Histoire Morale qui les faifoit fubfifter honorable- ment. Mais depuis que la grande a- bondance qu'on en a fait en a ravallé le prix, ils ont planté en plufieurs en- droits dés Cannes de Sucre* du Gin- gembre y ôc de l'Indigo : Et Dieu a tellement beny leurs defleins , que c'eft vne merveille de voir avec quel £uccés> toutes ces marchandifes croif- fent en la plupart de ces Iles, Et dau- tant que plufieurs qui les voient en l'Europe > ne favent pas la façon que Ton apporte à les préparer 5 il fera à propos pour contenter leur curiofité, de parler icy de chacune ; Se nous y joindrons vn mot du maniment du Cotton. Il eft vray 5 que ces matières ont efté déjà tramées par divers Auteurs, Mais outre que noftre Hiftoireferoit ineomplette Se defedueufe fi nous les pallions fous filence a nous pouvons dire icy premièrement avec fineerité* que tout le difeours que nous en al- lons faire n'eft pas vue copie > ou vne imitation de quelques autres^mais vil véritable original ., tiré au naturel avec des Iles Antilles. 09 avec tous le foin , & toute la fidélité poffible. De forte ; que fi nous difons [es mêmes chofes , que 'd'autres ont dites avant nous : l'on ne doit pas ê- tre marry de voir icy la confirmation dVne vérité qui vient de fi loin , Se dont on ne fauroit avoir trop d'aflu- ranec. Et fi ce font des chofes con- traires , elles pourront fervir à faire voir la faufieté de celles qui leur font oppofées : ou du moins, elles prouve- ront qu'en tous lieus on ne fuit pas fi exa&ement vne même métode en la préparation de œs marchandises, qu'il ne s'y remarque fou vent quel* que petit changement. De plus, nous7 efperonsauffi,que quelque, vns trou- veront peut-eftre dans les descriptions •■ fuivantes, quelque exadfcitude Se quel- que clarté, qui ne leur déplaira pasy&- que même ils y rencôtreront quelque chofe de nouveau , qui n'a pas enco- re été remarqué ni produit par' les Àu- teurs.Apres tout,nous fupplions ceûs |ui croiront ne rien trouver dans ce Chapitre , ni dans le fuivant qu'ils ne achent , Se qui puilîè ou les ihftruire, E 2 ou 4> if I 1 I 1 I I *E*^^AJW^STvV I ioo Histoire Moràie ou les divertir , de pafler outre 3 fans blâmer nôtre diligence 3 &c notre pê- ne , & de permettre que nous écri- vions cecy pour d'autres 3 qui pour- ront en recevoir de Tinitruétion , ou» dudivertiflement. Pour avoir de beau & bon Tabac, an prépare premièrement en faifon propre des couches en divers endroits des )ardins5qui foiét à l'abry des vens. On jette deitus la graine qui a été re- cueillie des tiges de Tannée précéden- te e, que Ton alaiffé croiftre & meurir pour fervir à cet vfage. On raefle de la cendre avec la graine quand on la ferne , afin qu'elle ne tombe pas trop épais en de certains lieus. Quand elle commence à lever , on la couvre foi- gneufement de feiiilles de Palmifte épineus,oude branches d'Oranger ou de Citronier , pour la garantir des ardeurs du Soleil ) du froid de la nuit, & du degaft que les volailles dome- ftiques & les Oifeaus y pourroient faire. Pendant que la plante croit>& déviée en état d'être tranfplantée , on prépa- re K2U£âS2£4K £>es Iles Antilles, ici ïe la place necefïaire pour la recevoir. Si L'habitation eft nouvellement éta- blie , il faut avoir long-tems aupara- vant abattu le bois, & brûlé les bran- ches fur la terre & fur les fouches pour les faire mourir. Que s'il y en refte encore , il faut tirer avis lizieres tout ce qui n'a pas été brûlée afin que la place (bit libre, li eft vray 5 qu'il n'eft pas befoin de labourer la terre, ni de la renverfer 8c remuer profonde- ment > mais il en faut feulement arra- cher toutes les méchantes herbes , Se la nétoyer fi foigneufement qu'il n'y refte ni bois , ni écorce , ni feuille, ni le moindre brin d'herbe.Pour cet effet on fe fert de Houëes larges & tran* chantes, qui pèlent de écorchét la fur- face de la terre, & au befoin extirpent la racine des herbes , que Ton craint devoir pulluler de nouveau. Apres qu'on a préparé la terre en cette forte , on la partage &divife eu plufieurs filions, éloignez de deus on trois pieds l'vn de L'autre en égale diftance. On fe fert pour cela des grands cordeaus , qui font marquez E 3 de ■toi Histoire Morale de deus en deus pieds , ou environ 3 a- vec vne petite pièce de drap de cou- leur5qui y eft coufuë, Et puis on fiche de petis bois pointus, en tous les lieus de la terre,où ces marques répondent:. Afin que quand le tems de tranfplan- ternie jeune Tabac arrive, qui eft ce- luy auquel Dieu envoyé vne bonne ptoye_, on n'ait rien à faire qu'à plan- ter 5 lans s'amufer à former les com- partimens du jardin. La plante de Tabac eft en état d'ê- tre levée deflîis fa couche , quand elle a quatre ou cinq feuilles allez fortes & épaifles , de la largeur de la paume de la main. Car alors s'il arrive que la terre foit arrofée d'vne agréable pluye , tous ceus qui font foigneus d'avoir de beau Tabac en la première faifon y ne craignent point de fe mo- uiller , pourveu qu'ils en mettent beaucoup en terre. On voit tous les bons ménagers en vn agréable em- preflement dans leurs jardins, les vns s'occupent à choifir &: à tirer la plan- te de defïus les couches , & à l'arran- ger en des paniers : les autres la por- tent BES Ï3LES AtfTILlE'S. ÏO| t€nt à cens qui la doivent planter en tous les li@usyq.ui ont été auparavant inarquez au cordeau* comme nous a- vons dit. * Ceus qui ont la charge de planter^- font vn trou avec vn bois pointu 3 à chaque endroit marqué^oè ils mettét ia racine du Tabac : puis ils ramaiïent &c preffent tout autour la terre^en telle forte neantmoins que l'œil de la plan- te ne foit point couvert. Ils font ainfî le long de chaque rangée. Puis ils en recommencent vue autre. Apres qu'ils ont finy cet exercice, la première fois que les voifins fe rencôcrent, leur en- tretien le plus ordinaire,eft de s'infor- ïner les vns des autres, côbien ils ont miïs de milliers de plantes en terre; & fur cela chacun fonde l'efperance de fa future récolte, La plante étant niife en terre;ce qui fe fait ordinairemét à diverfes reprifes, à caufe que la pluye ne vient pas aifez abondâment pour le faire tout à coup, ©u bié parce que la terre n'eft pas pré- parée à même tems, ou qu'on n'a pas alfez de plantes , on ne la laiffe pas à E 4 l'abandon 304 Histoire Morale l'abandon. Ce n'eft que le commen- cement du travail & des foins qu'il y faut apporter.Car il faut être foigneus de la vifiter fouvent:& auffitôt qu'on a remarqué qu'elle a pris racine, il faut prendre garde que les vers % les chenilles , & autres infe&es qui four* millent en ces païs-là , ne la rongent & ne l'empêchent de croitre. Il faut enfoite tous les mois arra- cher les mawvaifes herbes qui la pour- r oient étouffer /fareler toute la terre, & porter les herbes qu'on a enlevées, à la liziere , ou bien loin du jardin: car fi on les Laiflbit en la place d'où elles ont été tirées ,.la moindre pluye leur ferott prendre de nouvelles raci- nes , & elles fe releveroient bientoft. L'herbe la plus importune , & que Ton a le plus de peine à bannir des jar- dins,c'eft le Pourpier,qui ne croift en France que par les foins des lardi- niers. On continue cet exercice , }uf- ques à ce que la plante du Tabac aie couvert toute la terre voifine, de que fon ombre empefche toutes les autres Jberbes nuifîbles de fe pouvoir élever. Cela des Iles Antilles, icy Cela fait * on n'a pas encore de re* pos y parce qu'à meiure que la plant le hauiïè & s'élargit 3 il faut luy rcc trancher les feuilles fuperftue's , ar- racher celles qui font féches^pourries^ ou viciées,& la rejettonner, corne on parle > c'eft à dire, emonder les petits rejettonsaqui l'empecheroient de ve- nir en perfection , en tirant le fuc des plus grandes feuilles. Enfin quand la Tigeeft creu'é d'vne hauteur conve- nable , il faut l'arrêter en coupant le fommet de chaque plante , hormis de celles qu'on veut conferver pour err avoir ,1a graine* Apres toutes ces fa- çons T la plante demeure quelques fe- maines à meurir : pendant quoy elle; donne quelque trêve au foin affidu qu'on en a pris jufques alors. . Mais fi l'on ne travaille autour d'el- le ï il luy faut préparer la place pro- pre pour la mettre à couvert quand' elle fera meure. On doit prendre gar- de que la grange où elle doit être médiocrement féchée > foit bien cou. verte * & fermée de tous coftezjqu el- le foit fournie de pluficurs perches; E 5 propre? ■^»rn»n 10$ Histoire Morale propres pour la pouvoir (ufpendre^ qu'on aie bonne provifion de certaines écorees déliées que l'on tire d'vn ar- bre appelle Mahot, pour attacher cha- que plante fur les perches ; & que la, place pour tordre le Tabac quand il ïera fec^ foit en bon ordre. Pendant que lJon fait tous ces pré- paratifs, fi les feuilles du Tabac quit- tent vn peu de leur première verdure,, qu'elles commencent à fe recourber vers la terre plus qu'à l'ordinaire , 8c que Fodeur en devienne vn peu plus- forte , c'eft figne que la plante eft ea maturité. Et alors il faut en vn beau jour, après que la rofée eft tombée de deffus , la couper à vn pouce prés de terre ,, & la biffer fur la pkee juf- ques au foir , la retournant vue fois ou deus , afin que le Soleil defféche vne partie de fon humidité. Sur le foi& ©n la porte a pleines braflees fous le couvert; On l'attache par le bas de 1& tige aus perches , en telle forte que le feuilles panchent contre bas. Il ne faut pas auffi , qu'elles foient par trop p reliées les vues contre les autres,, da des Iles Antilles. 107 de crainte qu'elles ne fe pourrifTent^ou qu'elles ne puiflfent lécher faute d'air. Cette première coupe du Tabac étant achevée y on vilîte fouvent les plantes qui féchenty tandis que les au- tres que Ton a encore laiffées furie pied meurillent. Et lors qu'on apper- çoit qu elles font en état d'être torfes3 ( nos gens des Iles difent torquêes ) c'eft à dire qu'elles ne font ni trop féches y car elles ne poutroient fouf- frir le maniaient de la roue : ni auffi trophumides > car elles pourriroienc en peu de tems:on les détache des per- ches y on les arrange à vn bout de la grange ,-& on dépouille chaque tige de toutes les feuilles en cette forte, On mec premièrement à part les plus longues &: les plus larges feuil- les, & on arrache la groffe cofte qui eft au milieu de chacune : les habi- jBans appellent cela éjamber. Les peti- tes Feuilles font mifes auffi de cofté» pour être employées au dedans de la £orde du Tabac ;;. & les grandes leur fervent de couvertures & de robes, Ces feuilles ainfi difpofées , font arl £ G rangées 1 ! A/^WW ïoS Histoire Morale rangées fur des planches ou des ta- . blesj à coftéde celuy qui les doit tor- dre 3 Se faire la corde , telle qu'on la voit fur les rouleaus que Ton envoyé par deçà. Il y a de i*induftrie à tordre le Ta- bac : 6c ceus qui le favent faire avec diligence Se dextérité , font fort efti- mez,& gagnent beaucoup plus y que ceus qui travaillent à la terre. Il fait qu'ils ayent la main & le bras extrê- mement fouples Se adroits>pour faire tourner le rouët avec la viteffe c^ la proportion neceflaire, pour rendre la filure de même grofleur par tout. Ceft auffi vue adrefle particulière en fait de Tabac 3 de favoir bien dif- pofer y arranger > Se monter , comme parlent les maures, vn rouleau fur les baftons 3 qui doivent tous êcred'vne certaine gro fleur & longueur y pouir éviter la tromperie. Quand le Tabac eftainfi monté5on le porte au Magasin, Se on le couvrq de feuilles de Bananier ou d'autres, de peur qu'il ne s'évente3ôc afin qu'il prenne V|ie belle couleur» Celuy qui des Ixes Antilies. 109 a la coupe grafle , noiraftre , &c tari- fante , & l'odeur agréable de forte,&: qui brûle facilement étant mis à la pipe, eft eftiméle meilleur. Nous avons dit , que la plante de Tabac fe coupoit entre deus terres* 3c ne s'arrachoit pas : Ce qui fe fait à deffein , afin que la racine puifie rc- poufler.Et en effet elle produit vue fé- conde plante, mais qui ne devient pas fi forte ni fi belle que la première. Le Tabac que Ton en fait , n'eft pas auf- fi û precieus ,- ni de fi bonne garde. On le nomme , Tabac de rc)etton> ou de la féconde coupe* ou levée. Quel- ques vns tirent dVne même fonche, jufques au troiiîéme rejetton. Et c'eft ce qui décredite le Tabac > qui vient de quelques Iles. Puifque nous nous fomtnes tant étendus fur la manufacture du Tabac* il ne faut pas oublier ce qui fe prati- que par quelques Curieus , pour le rendre même plus excellent que celuy qu'on nome de Verine,de bône garde, & d'vne odeur qui fortifie le cerveau, Après qu ou a mis à part les plantes de __H f IG BiStOME MoHAïlE de la première coupe 3 &c pendant" qu'elles féehent à la percheron amaflTa douces les feuilles de rebut 3 les pecis reje£tons*5 comme aufïl les filarnens qu'on tire du milieu des feuilles, qui ont été déjà émondées,qu5on appelle communément^ jambes de Tabac, Et après les avoir pilées en vn mortier* on met tout cela dans vn fac^que Ton porte fous la preiîe pour en exprimer le fuc, lequel on fait puis après bouil- lir fur vn feu médiocre 3 jufques à ce ;1 qu'il foit réduit en confiftance de fyv rop. Puis après il faut mêler en cette deco&ion vn peu de Gopal 5 qui elt vne gomme aromatique^qui a la ver- tu de fortifier le cerveau>laquelie coup- le dVn arbre de même nom, qui eft commun en la terre ferme de F Améri- que^ aus Iles du Golfe d'Hbndures, Après qu'on a verfé cette drogue en la composition y\\ la faut bien re- muer^afin que fa bonne odeur , &fes autres qualitez y fe communiquent Si fe répandent par tout. Puis il la- faut retirer du feiv&: quand elle eft re* feaidia^ la mettre dans vn vaiiïeaus grés- des Iles Ântiêêes, ïï*t prés du Tordeur de Tabac : & il faut qu'à chaque poignée de feiiilles qu'il' met en œuvre > il mouille fa main dans cette liqueur ? ôc qu'il reiïuye fur les feuilles. Cet artifice x a vn efet admirable pour rendre le Ta- bac , & de bonne garde 5 8c d'vne vertu qui luy donne vn pris extraor- dinaire. Le Tabac ainfî compofé doit être t ordu gros du moins comme le pou- ce 5 & mis en fuite en petisrouleaus de la pefanteur de dix livres au plus-, puis envoyé en des Tonneaus ou en des Paniers faits à deflein y pour le mieus conferver. Quelques habitans des Iles ayans eflayé ce fecret 3 ont fait paffer leur Marchandife pour vray Tabac de Yerine > & l'ont débitée au même prix. Ceusqui s'imaginent que le Tabac croift fans peine, &: que l'on en trou- ve ^ par manière dédire, les rouieaus attachez aus arbres de l'Amérique, .■ d'où il ne faut que les fecouër pour les ramaffcr en fuite lors qu'il font torn^ bez- 9 ou qui du moins fe gerfoadent, qu'il m Histoire Morale qu'il ne faut pas beaucoup de faiîod ni. de peine pour les remettre en leur perfedion , feront defabufez , s'ils jettent les yeus fur cette relation de la culturel de la préparation du Ta- bac. Et nous pouvons ajouter ., que s*ils av oient veueus-mêmes, les pau- vres ferviteurs & les Efclaves qui tra- vaillent à ce pénible ouvrage^expofez la plus grande partie du jour ans ar- deurs du Soleil * fk occupez plus de la moitié de la nuit 3 à le mettre en 1 état auquel on l'envoyé en l'Euro- pe 3 fans doute, ils eftimeroient da- vantage y & tiendroient pour pre- cieufe cette herbe 3 qui eft détrem- pée par la fueur de tant de miferables- créatures. Il n'eft pas befoin d'ajouter icy ce que les Médecins écrivent des mer-» veilleùs effets du Tabac > veu que ce- la eft proprement de leur fait, ôç qu'il fe trouve allez amplement dans leurs livres. Nous dirons feulement qu'il faut bien que fes vertus foient gran- des 5 puis qu'il a fon cours par tout le Mo&de > Se que prefque toutes les Nations ^'S*s*^àKK*w bes Iles Antilies, iij Nations de la Terre, tant les civilifées que les Barbares , luy ont fait vne ré- ception favorable , ôc en ont confeil- lé l'vfage. Que fi quelques Princes Font interdit en leurs Etats, de crain- te que l'argent de leurs fujets , qui i leur eft rare & precieus , ne s'en aille en fumée , ôc ne s'écoule de leurs mains , pour vne chofe qui n'eft pas neceiîaire à l'entretien delà vie, il n'y a toutefois perfonne , qui ne luy doive permettre au moins , de tenir place entre les Drogues ôc les remer- cies de la Médecine. Les délicats ôc les curieus , parmy les Peuples qui habitent des contrées chaudes, le tempèrent avec de la Sau- ge , du Romarin, ôc des fenteurs qui luy donnent vne odeur fort agréable: Ec après l'avoir réduit en poudre , ils l'attirent par les narines. Les Nations qui habitent des pais froids , n'enin- terdifent pas l'vfage ans perfonnes de condition : ôc c'eft même vne peife- <5tion, ôc vne galanterie entre les Da- mes de ces pais- là , de favoir tenir de bonne grâce vne pipe , le tuyau de laquelle ~^!PsSP>!U 5VZ2 SWSÏ! 1ï4 HiSTdrïRfi Morale laquelle §ft de coral ou d'ambre, & h tefte d'argent ou d pi : M de rendre la fumée de cette herbe' fans faire au- cune grimace,& la pouffi* hors de la bouche à diverfes réprifcs > qui font paroiftre autant de petites vapeurs,- dont la couleur brune,rehauile la blâ- ehettr de leur teint. La compofition que nous avons- d'écrite pour rendue le Tabac de bonne odeur x fera bien f eceuë è fans d-oute^parmy ces pêrfon- Bes, qui trouvent tantd'agréement & de delica telle en cette fumée* Au refte.on ne iauroit dire la qua- lité de Tabac qui fe tire tous les ans de la feule Ile de Saint Chriftofle : & c'eft vne chofe merveilleufe que de- voir le nombre des Navires d'e'Frâce»; d'Angleterre^e Hollande, & particu- lièrement de Zelande, qui y viennent en- trame , fins qu'aucun s'en retour- ne à vuide.. Auffi le commerce que cette dernière Province a toujours en- tretenu en cette lie & aus Iles voifi- nes3a fait de riches & piriffantes mai- sons àMiddelbourg &c à Fleffingues* Et encore à prefentle principal trafic . ' de- frorew W^Vl ïv I DES IlES ÂNTIÏ.IES* iTf de ces deus Villes > qui fondes pins eoniïderables de la Zelande,fe fait en? ces Iks,q,ui leur font ce que les Mines au Pérou font ài'Efpagne. CHAPITRE V. Pc h manière âe faire le Sucre % de préparer le Gingembre ï Indigo $ le Gotton. A Prés que la grand© abondance de Tabac que Ton faifoit à Saint Chriftofie * ôl aus autres Iles3 en eut tellement ravalé le pris > qu'on n'y frouvoit plus fon conte. Dieu mit au cœur de Monfîeur de Pôincy Ge- neral des François de tenter d'autres moyens > pour faciliter la fubfiftance des Habitans y & pour entretenir le commerce. Et fa Prudence luy ayant fuggeré d'employer fes ferviteurs <3£ fes e(claves à la culture des Cannes de Sucre 3 & du Gingembre, & de Flndigo 5 ce defiTein a efté fuivy d'vne telle beaedidion , que c'eft vne mer- veille I 1 Jî ii6 Histoire Morale veille de voir , quels en ont efté les heureus fuccés. Si la plante de la Canne de Sucre à efté connue à l'Antiquité , an moins l'invention d'en faire le Sucre ell nouvelle. Les Anciens l'ont ignorée, auffi bien que le Sené,la CarTe, l'Am. bre-gris , le Mufc , la Civette, & le Benjoin.ïls ne le (en/oient de ce pré- cieux roieau qu'en bruvage & en Me- decine.Et nous pouvons oppofer tou- tes ces chofes,avec beaucoup d'avan- tage , au'ffy bien que nos Horloges, nôtre Bouilole, & nôtre artdenavû ger,nos Lunettes d'approche , nôtre Imprimerie , nôtre Artillerie, .& plu- fleurs autres belles inventions des ces derniers ilecles * à leur teinture du vray Pourpre, à leur verre malléable, aus fubtiles Machines de leur Archi- mede,& à quelques autres femblables. Ayant donné au Livre précèdent la defcription de la Canne de Sucre, il ne nous refte qu'à reprefenter la ma- nière, dont on s'en fert pour faire le Sucre. En décrivant la magnifique maifoii de i dbs Iles Antilles. 117 de Monfieur le General de Poincy, nous avons dit que fa baffe-cour eft enric" :^ de trois Machines ou Mou- lins propres à brifer les Cannes de Sucre. La Fabrique de ces Moulins eft de bois plus folide , plus élégante* plus indufirieufe, mieus ordonnée, &C plus commode, que celle des Moulins qu'on voit à Madère &c au Brefil. Il n'eft pas a craindre icy,comme en ces Ijeus-là, que le feu gagne les chaudiè- res bouillantes, & allume vn déplora- ble embrafement , qui caufe fouvent la mort de ceus qui travaillent aus environs. Car on voit bouillir œs Chaudières , fans appercevoir le feu, qui s'allume, s'attire, & s'entretient par le dehors, dans les fourneaus, qui font iî bien cimentez,quç ni la flam- me , ni la fumée n'empefche aucune- ment ceus qui font occupez à ce tra- yail>d'y vaquer sas crainte d'aucun pe- pi, & fans en recevoir d'incômodité. Outre ces trois Moulins que Mon- sieur le General a devant fon Logis de la grande montagne , il en a fait faire trois à iï8 ^ Histoire Morale trois à Gayonne, qui eft vn des quar- tiers tenus par nofire Nation en la même Ile : IVn déquels > au lieu que tous les autres font tournez par des oœufs.ou par des cheyaus,èft conduit par la cheute dVn gros ruiffean d'eau vive.quimnt ramaifée dansyn grand reiervoir è Se de-là tombant fur vne grande roue* à feaus^Fait mouvoir tou- te la Machine. A l'exemple de Monfieur le Géné- ral 5 les principaus Officiers Ôc Habi- tans de 111e de S. Chriftofle, ont auffi fait édifier des Moulins à Sucre. De forte qu'en cette feule île , on conte auiourdJhuy beaucoup plus grand nombre de^ ces Machines , que les Portugais n'en ont bâty iufques à pré- sent à Madère. Les principaus après ceus de Monfieur le General , fe vo- yent aus habitations de Meilleurs de Lonvilliers , de Treval , & de Bené- vent. Et après ceus là, Monfieiir Gû raud en a trois en divers quartiers de nie 3 oà il aile belles ôc de grandes habitations 3 Monfieur de la Rofiere, Monfieur Auber.Meffieurs TEfperan- ce* **pkM\SMK a&bsgsam £>es Iles Amtixies. 119* ce, de Beaupré , de la Fontaine-Paris, 3c d£ la Roche, qui font tous Capi- taines dans la même Ileren ont pareil- lement fait baftir , comme aufly Mef- ileurs Bon-homme , de Bonne- Mère* cte la Montagne , Belletefte , 3c Guil- lou , qui font des principaus &" des plus confiderables Habitans. Les An- glais en ont auffi plufieurs en leurs quartiers, qui font parfaitement bien faits* - Quand ces Cannes de Sacre font meures,on les couppe entre deus ter- res^au deffus du premier nœud qui eft fans fuc , & après leur avoir ôté le Commet , 3c les avoir purgées de cer- taines petites feuilles , longues de ex- trememlt déliées, qui les environnée, on en fait des faiffeaus, que l'on porte au Moulin , pour y être prenez &: é- crafez , entre deus rouleaus garnis de bandes d'acier , qui fe meuvent Fvn fur l'autre , à mefure que la Machine eft ébranlée , parl'impreffion qu elle reçoit dVne grande roue , qui la fait tourner. Le Suc qui en découle] eft reçeit dans no Histoire Morale dans va grand baffin ou refervoîry d'où il fe répand par de longs canaus dâs les vaiffeaus.qui sot deftinez pour le faire boiiillir.Dans les grandes Su- creries,il y a du moins fix chaudières, dont il y en a trois fort grandes , qui font de cuivre rouge, & de la largeur & profondeur de celles des Teintu- riers , 5c qui fervent à purifier le Suc qu'on doit faire bouillir à petit feu,en y méfiant de tems en terns,d'vne cer- taine leffive extrêmement forte 3 qui luy fait poufler en haut toutes les im- mondices y qu'on enlevé avec vne grande écumoire de cuivre. Apres que ce Suc eft bien purifié dans ces trois chaudières, par où il paife alter- nativement on le coule par vn drap, &enfuitteoti leverfe dans trois au- tres chaudières de metal.qui font fort épaiiles -y affes amples & profondes dVn bon pied & demy ; c'eft dans ces chaudières où ce Suc reçoit fa demie* re cnifon , car on luy donne alors vn feu plus vif, on le remue inceiTam- mënc-, & quand il élevé fes bouillons vn peu trop haut,& qu'on craint qu'il ne **rkVé & de ces grandes machines pour brifer leurs Cannes , ont des petis moulins qui font fais comme dtes preiïbirsjqui font conduits par z.ou $.hommes3on par vn feul cheval, & avec vne ou 2, chaudières , ils purifient le fuc qu'ils ontexprimé.lereduifenten confiftan- ce de fyrop | &c en font du bon fucre, fans autre artifice. Le plus grand fccrst pour faire de bon ^k\^fWV>i des Iles Àntillïs^ mj bon Sucre, confifte à le favoir blan- chir : Cens qui ont la conduite des Sucreries de Monfieur le General, le favent en perfe&ion , mais il ne le communiquent pas volontiers. De ce que deflus on recueille , quel eft l'a- vantage & le profit fingulier qui re- vient ans habitans de cette Ile, par le moyen de cette douce , & peecieufe marchandife : Et quel contentement reçoivent nos François de voir croî- tre en leur terre , & fi grande abon- dance , & avec fi grande facilité , ce qu us n avoient auparavant que par les mains des étrangers , & à grand prix d'argent. Cette abondance de Sucre , leur a donné envie de confire vne infinité d'excellens fruits,qui croifïent en cetc Ile: tels que font les Oranges,les Li- mons , les Citrons , 3c autres : mais ils reuffiflent fur tout au Gingembre, dont nous parlerons incontinent , 8c en l'admirable confiture qu'ils font du fruit de l'Ananas,&des fleurs d'O- ranges & de Citrons. Quant à la préparation du Gingem- F z bre» s i I ? <^fe*J£*^U£4fe 114 Histoire Morai^ bre , lors que la racine eft meure, on la tire de terre. Puis on la fait fécher en des lieus fecs & aërez : la remuant fouvent de peur qu'elle ne fe corrom- pe. Les vns fe contentent de Texpofer au Soleil pourlafécher : mais les au- tres jettent encore par defliis de la chaux vive , réduite en poudre, pour attirer plus facilement l'humidité. Cette racine, qui tient vn rang con- fiderable parmy les épiceries,fe trans- porte par tout le monde : mais elle eft particulièrement recherchée aus païs froids. Nos François la tirent par fois de terre avant qu elle foit meure , és Iles Antilles. 125 Il a vue propriété Singulière pour fortifier la poitrine qttand elle eft a£« foiblie , par vn amas d'humeurs froi- des , éclaircit la voix , adoucir Thaié- ne , rendre bonne couleur au vifage> cuire les cruditez de Teftomac, ayder à la digeftion , rappeller Tapent , 8c confumer les eaus &c la pituite , qui rendent le corps languiifant. Et mê* me on tient , qu'il conferve , ôc for- tifie merveilleufement la memoire,en diflipant les humeurs froides > ou la pituite du cerveau. On réduit auffi cette racine en pafte , de laquelle on compofe vne conferve,ou vne Opiate qui a les mêmes effets. Venons à l'Indigo. La plante étant coupée , eft mife en petis faiflèaus, qu'on laifle pourrir dans des cuves de pierre ou de bois , pleines d'eau ciai- re,fur laquelle on verfe de l'huile^qui felô fa nature, fumage & occupe toute la fuperficie. On charge de pierres les faifleaus , afin qu'ils demeurent Cous l'eau, Ôc au bout de 3. ou 4. jours que Teau a boiiilly , par la feule vertu de la plante 3 fans qu'on lait approchée F $ du i%é Histoire MoRAtt du feu., la feuille écant pourrie* & dif- foute par cette chaleur naturelle qui eft en la tige ', on remue avec de gros & forts bâtons toute la matière qui eft dans les cuves , pour luy faire rendre toute fafubftance, & après qu'elle eit repofée * on tire de la cuvé le bois de la tige qui ne s'eft pas pourry.Puis on remué encore par plufieurs fois 3 ce qui.refte dans la cuve j & après qu'on la biffé raflbir* on tire par vn robinet l'eau claire qui fumage: Et la lie > oi¥ le marc qui demeure au fonds-de la cuve a eft mis fur des formes , où bti le laiife fécher au SoleiL Ce marc eft: la Teinture qui eft tant eftimée>& qui porte le nom d'Indigo* Quelques-vns expriment en ■. des preffoirs les faiffeaus de la plante pourrie , pour luy faire rendre tout fon fuc : Mais par ce que font les fe- uilles de rherbe>qui compofent cette marchandife, ceus qui la veulent ren- dre de plus grand prix> fe contentent d'avoir le marc qui demeure après la corruption de cts feuilles , & qui fe trouve après l'agitation * au fonds de la ^^w*»awak>a)irew?^^ — i 2>ES Ï£E$ AWTIIIiS. II7 îa cave. Le lieu où l'on prépare cette riche couleur de pourpre violette^s'ap- pelle Indigoterie* Les François des Antilles ont de- meuré vu fort long-tems avant que de. faire trafic de cette marchandife > à caufe que la plante dont on la com- j>ofe , étant de foy-même de forte o- deur 3 exhale vne puanteur infuporta- ble, quand elle eft pourrie : Mais dé- puis que le Tabac a elle à vn prix fort bas > & qu'en quelques endroits > la terre ne s'eft plus trouvée propre, pour en produire de beau comme cy devant > ils fe font adonnez à la cul- ture de l'Indigo > dont ils tirent à pre- fent vn grand profit. Enfin pour ce qui eft du Cotton, »os François ne s'occupent pas beau- coup à Tamaifer : encore qu'ils ayent plusieurs arbres qui le produifent aus lizieres de leurs habitations. Ce qui toutefois eft fort peu de chofe, au pris de ce que Ton dit dVn certain quar- tier, d'vne Province de la Chine.Cat Trigaut au Chap. 18. du Livre cin- quième de fon Hiftoire ^apporte qu il F 4 y ïi8 Histoire Morale y croift tant de Cotton , que pour le mettre en œvure* il s'y conte iufques à deus cens mille tifïèrans. Les Anglois de la Barboude font grand trafic de cette marchandise, comme auffi ceus qui demeuroient cy devant en II le de Sainte Croix. Il n y a pas grand artifice à mettre le Cotton en état : car il ne faut que ti- rer du bouton entrouvert cette ma- tiere3 qui fe pouffe au dehors prefque d'elle même. Et par ce qu'elle eft mê- lée des grains de la femence de l'arbre, qui font en forme de petites fèves* liées avec le Cotton^ au milieu duquel ils ont pris naiflance , on a de petites machines , qui font compofées avec tel artifice > qu'au mouvement d'vne roue qui les fait jouër^le Cotton tout net tombe d'vn côté , 6c la graine de l'autre. Apres quoy,on entaflele Cot- ton en des facs avec violence 5 afin qu'il occupe moins déplace. Ce font là les principales occupa- tions 3 qui entretiennent le commer- ce des Iles y Se dont les Habitans font leur trafic ordinaire. Chapi r*v^~w*â)*urn't des Iles Antilles. 129 CHAPITRE VI. Des Emplois les plut honorables des Habit ans Etrangers des Antil~ lessde leurs Efc laves > cjrde leur Gouvernement. LEs Colonies étrangères qui habi« tent les Antilles , ne font pas feu- lement compofées de gens errans & de baffe condition 3 comme quelques vns s'imaginent > mais aufli de plu- fieurs perfonnes Nobles > & de plu- sieurs familles honorables. De forte que les occupations que nous venons dedécrire,nefontque pour les moins confiderables Habitans ^ & pour ceus qui ont befoin de gagner leur vie par le travail de leurs mains. Mais les au- tres3 qui ont des hommes à gages^qui conduifent leurs ferviteurs, 6c leurs efclaves en tous ces ouvages^ménent* quant à leurs perfonnes 3 vne vie fore douce ôc fort agréable. Leurs emplois ôc leurs divertiffemens , après les vi- fices qu ils font profeilion de rendre* F j Se 1 I 1 I I s i i 130 Histoire Morale & de recevoir avec grande civilité^ font la charte , lapefche, & autres bonnettes exercices. Et à l'exemple de Monfieur le General , qui eft incom- parable à recevoir avec eourtoifie , & à traitter magnifiquement ceus qui le vifitent , foit des François , foit des Etrangers : tous ceus de nôtre Na- tion de fon Ile , qui font de la condi- tion que nous venons de reprefenter, tiennent à faveur qu'on les fréquente, êc qu*on accepte les témoignages de leur civilité , qu'ils rendent avec tant de franchife , & d'vn cœur fi ouvert, que Ton s'en trouve doublement obli- gé. Ils font fplendides dans les feftins qu'ils font à leurs amis , où, avec le bœuf, le mouton „& le poreeau j les- volailles^ le gibier de toutes fortes , le poiiïbn,ia patiilerie, & les confitures excellentes, ne font non plus épar- gnées qu'ans meilleures tables de FrâU çe.Tous les Officier&excellent notam- ment er^ ces courtoiiies» Et à leur imi- tation , lesv moindres Habitans tien- droient avoir commis vne incivilité, , 4 ils a^oknt,congedié.quek:un hors de chezi ^^«^^m^^^wv^^^^v^f^^ pes Iles Antilles, tji chez eus > fans luy avoir prefentéà boire , . & à manger. Le Vin , la Bière , & l'Eau de vie> manquent rarement dans les Iles , 8c au défaut de toutes ces chofes , on y fait premièrement vne efpéce de bru- vage delicieus , avec cette douce li- queur qu on exprime des Cannes de Sucre,laquelle étant gardée quelques jours 5 a autant de force que du via d'Efpagne > on en tire auffi de l'exceU lente eau de vie ,. qui eft fort appro- chante de celle qu'on aporte de Fran- cejMais ceus qui en prenant avec ex- cés^en font dangerepfement malades» De plus 3 ils font plufieurs autres for- tes de boillbns avec du fuc d>Oranges> des Figues, des Bananes, & des Ana- nas , qui font toutes fort delicieufeg, & qui peuvent tenir lieu de vin. Ils compofent auffi de la Bière , avec de la Caffaue, ôc des Racines de Patates* qui eft prefque auffi agreâble,noufrif- isâte & rafraiehilïante3que celle qu'on* leur amené d'Hollande» Quant aus emplois honnorablés & neceflàires tout enfemble pour la* F 6 conferyaùcm il i 1 I s iji Histoire Morale confervation des Habitans des Iles, ils fonc tous profeffion de manier les .armes* & les chefs de famille ne mar- chent gucres fan épée. Chaque quar- tier eft rangée fous certains Chefs & Capitaines qui y commandent. Ils font tous bien armez 3 & fouvent on leur fait faire la reveuc y & les exer- cices de guerre % même dans la paix la plus profonde^ bien qu'en tout tems ils font pret^au premier coup de tam- bour s pour fe rendre au lieu defigné par leurs Capitaine?. En l'Ile de Saint Chriftofle, outre douze Compagnies de gens de pied > il y a auffi des Com- pagnies de Cavalerie,comme nous en avons fait mention cy-deilîis. Et par ce, que toutes les perfonncs de condition honorable ., qui font en allez grand nombre en ces Iles * ont des feruiteurs & des Efclaves,qui tra- vaillent à tous les ouvrages que nous avons fpecifuz*&: qu'en France on ne fe fert point d'Efclaves P n'y ayant en toute l'Europe que les Efpagnols de les Portugais^qui en aillent acheter au pais de leur naûTance,Angole ou Cap Vert, t>^»^N>*^*>^^Nl>^^VWaP^^>^ iTTrvnBMJ des Iles Antilles, i^j Vert>& Guinée : il fera bon que nous en difions icy quelque chofe. Mai£ premièrement 3 nous parlerons des ferviteurs à louage, &c qui ne font que pour vn tems. Les François , que Ton mène de France en Amérique pour fervir,font ordinairement des a&es obligatoires à leurs Maitres > pardevant des No- taires ; Par lefquels a&es ils s'obli- gent de les fervir trois ans* moyenant vn nombre de livres de Tabac qui leur font acordées pendant ce tems-là. A caufe de ces trois ans de fervice oà ils font engagez, on les appelle com- munément des Trente-fex mou&w lan- gage des Iles .11 y en a qui s'imaginer* que pour ne s'eftre pas obligez par écrit à leurs Maitres dés la France, ils en font moins engagez lor$ qu'ils font rendus dans les Iles.Mais ils fe trom- pée fort en celà.Car lors qu'ils fe pro- cluisét devant vn-Çouverneur3pour fe plaindre de ce cju'on les a embarquez par force , ou pour repréfenter qu'ils ne fe font pas obligez par écrit , on les^condamne à fervir trois ans5celuy ;\ oui w qui ■ -J I i>j^^Ny^E^P^^A*^, I ïj4 Histoire M&KAtw qui a payé leurs paiîages , ou tel atti- tré qu'il plaira à leur Maitre.Si le Maî- tre n'a promis pour fakire à fon fer- viteur que l'ordinaire des Iles^il n'eft obligea luy donner pendant tous ces trois ansj que trois cens livres de Ta- bac;Ce qui n eft pas grand chofe pour s'entretenir de linge 8e d'habit. Car ce.Maitre ne luy fournit ehofe quel- conque pour fon entretien y que la fimple nourriture. Mais celuy qui dés la France promette donner plus de- trois cens livres de Tabac à celuy qui entre à fon fervice y eft obligé à les luy fournir exactement $t luy en euft- il promis mille. G'ét pourquoy il eft avantageus à. ces pauvres engagez,, de ne s'en pas aller ans Iles* fans bien faire leur marché^ avant que de s'em- barquer. Qu&nt aus Efclaves ou Serviteurs perpétuels dont onfe fett dans les An- tilles y ils font originaires d'Afrique^ &c on les amène du Gap de ¥èrt 5 du Royaume d'Angôle* & d'autres ports de mer qui font en la côte de cette farde4& Mo&de» Ceft4à qy&>n les acheté^ rrwm DES ItES» ÂNTr££S'^ 1 ff acheté > de même que Ton ferait des beftes de fervice^ Les vns font contrains de fe ven- dre 3 & de fe réduire &vne feruitude perpétuelle 3 eus & leurs enfans* pour éviter la faim. Car aus années de fte- fcilité^ laquelle atrive aflez fouvent quand les fauterelles 3 qui comme des nuées inondent le pais > ont broutté tout le fruit de la- terre* la neceffité les preffe tellement * qu'il n^a forte de rigueur*oàils ne fe foumettent volon- tiers 3 pourveu qu'ils ayent dequoy s'émpefcher de mourir. En ecs occa- fions lamentables > le Père vend fes enfans pour du pain 5 & les enfans quittent Père & Mère fans regret. Les autres font vendus > ayans été fkits prifonniers de guerre par quel- que Roy teletjcar c'èft la coutume des Princes de ces quartiers4à * de faire fouvent des courfes dans les Etats de leurs voifinsjpour prendre des prifon- niers3 qu'ils vendent aus Portugais 8e aus autres .Nations, qui vont faire avec eus cet étrange de barbare trafic» Qn leur donne en échange, du fcc qu'ils. I l I 1 I 8 I 1 1 i$6 Histoire Morale qu'ils prifent à l'égal de l'or ,du virî, de l'eau de vie > ou quelques menues hard.es. Ils captivent auffi bien les femmes que les hommes * & les ven- dent pefle - mefle 3 à plus haut ou à moindre pris, félon qu'ils font jeunes ou vieusj robuftes ou foibles* bien ou mal proportionnez de leur corps. Ceus qui les amènent aus Iles > les revendent derechef quinze ou feize cens livres de tabac^chaque tefte. Si ces pauvres Efclaves tombent entre les mains dVn bon Maitre > qui ne les ttaitte pas avec trop grande ri- gueur > ils préfèrent leur fervitude à leur première liberté : & s'ils font mariez -, ils multiplient à merveille dans les pais chauds. Ils font tous noirs, & ceus qui ont le teint d'vn noir plus luifant* iont efti- mez les plus beaus. Laplufpart ont le nez vn peu plat* & de grofles lèvres: ce qui palïe auffi pour beauté entre eus.On tient même qu'en leur paisses fages femmes leur applatillèntainli le nez tous exprés à leur naiflance. Ils ont tous les cheveus û frifez^qu'à pei- ne des Iles Antilles, 237 ne fe peuvent ils fervir de peigne: mais ils vfent deThuile.de cet arbrif» fcau que Ton nomme Palma Chri$îi3 pour empefcher la vermine. Ils font fort .& robuftes au poffible $ mais fi timides 3c fi peu adroits à manier les armes^qu'on les donne facilement. Leur naturel eft fufceptiblede tou- tes impreffions » de les premières qui leur font données parmy les Chre- ftiens^aprés qu'ils ont renoncé à leurs fuperftitions & à leurs idolâtries 5 ils les gardent conftamrnent. En quoy, ils font differens des Indiens de TA- merique, qui font changeans comme des Caméléons. Entre les François habitans des Antilles,il y a de ces Nè- gres qui jeûnent exactement le Ca- rême x Se tous les autres jours de jeû- ne qui leur font ordonnez > nonob- ftant leurs travaus ordinaires & con- tinuels. Ils font ordinairement orgueilleus & fuperbes:Et au lieu que les Indiens veulent êcre traittez avec douceur, &: qu'ils fe lailfent mourir de trif- tt((Q , fi on les rudoyé tant foit peu; ceus-cy I m i I Si N5F^E^V^\J^ Ï38 Histoire Morale ceus-cy au contraire,doivent être ran- gez à leur devoir par les menaces 3 &c par les coups. Car fi on fe familiarife vn peu trop avec eus> incontinent ils en abufent. Mais û on les châtie avec modération > quand ils ont failly , ils en deviennent meilleurs^plus fouples* obcïirans , & fe louent de leurs maî- tres, fi aufli on vfe de rigueur exceffi- ve en leur endroit > ils prennent la fuite y & f t (auvent dans les monta- gnes , où ils mènent, comme des bê- tes , vne vie malheureufe &c fauvage, 8c on les appelle alors Nègres Ma* tons \ c'eft à dire.. Sauvages : Ou bien ils s'étranglent par defefpoir. Il faut donc garder en leur conduite vn mi- lieu y entre l'extrême feverité , fk la trop grande .indulgence, fi on les veut conferver en leur devoir * & en tirer vn bon fervice. Ils s'aiment paiîionément entr'eus, & bien qu'ils foient nez en differens païs, & quelquefois ennemis les vns* des autresjilss'entrefupportét 8c s'en- traident au befoin>comme s'ils étoient tous frères* Et quand leurs maîtres leur ^^v>^^»^v^^^A^yreMgm à i s Ïée s Ah t ï lie K rj 9? leur donnent la iib&rté de fe recréer^ ils fe vifitent réciproquement* & paf- fent les nuits entières en jeus^en dan- fes, ôc en autres pafle-tems de rejouif- fances, & même en petis feftins, cha- cun d'eus épargnant ce qu'il peut* pour contribuer au repas commun. Ils fe plaifent à la mufique , 5c ans inftrûmens qui peuvent rendre quel- que fon agréable &c faire vne efpéce d'harmoniejaquelle ils accompagnée de leurs vois. Autrefois ils av oient à Saint Ghriftofle , vn certain rendez- vous au milieu des bois, ou ils s'aiTem- bloienttous les Dimanchcz, & tous lés autres jours de fefte > après le fer- vice de l'Eglife^pour donner quelque relafche àleurs corps. Ils paffoyent-là quelquefois le refte du jour, Se la nuit fuivante, en danfes > & en entretiens agréables * fans preiudice de l'ou- vrage ordinaire de leurs maures. Mê- me on reniai' quoit > qu'après qu'ils s'etoyent divertis de cette forte >. ils travailloient de beaucoup meilleur courage^fans témoigner aucune laffi- 6tide3 & mieus que s'ils eulïènt repofé en I I t 14a Histoire Morale en leurs cabanes tout le long de la nuit. Mais par' ce que,pour entretenir ces réjouiiïànces publiques 3 ils dêro* boient fouvent les volailles & les fruits des voifins , 6c quelquefois de leurs maitres3rexquifefage(Iede Mô- fieur le General 5 qui n'eftime pas les moindres chofes^indignes de fes foins* leur a interdit ces alfemblées no&ur- nes:& à prefent s'ils fe veulent diver- tirais le font feulement en leur voifî*. nage, avec lapermiffion de leurs mai- tres5qui leur accordent volontiers cet- te honnefte liberté. Au refte, celuy qui a vue douzaine de ces Efclaves,çeut être eftimé riche. Car outre que cqs gens - là cultivent 8c entretiennent tous les vivre necef- taires pour la fubfiftance de leurs mai- tres5& pour la leur : étant bien con- duits ils font beaucoup de marchan- dife de Tabac , de Sucre, de Gingem- bre y 8c d'Indigo > qui apportent vn grand profit. Et leur fervice étant perpétuel 3 leur nombre s'accroift de tems en tems , par les enfans qui leur naiffent > Icfquels pour tout héritage fuccedent 1 ^^^^i«P«N«Ra^ m* djbs Iles Antilles. 141 fuccedent à lafervitudç & à la fuja- tion de leur parens. Tous les Habiçans étrangers , qui ont leur demeure en ces liés 3 fe gou- vernent félon les Lois & les coutu- mes de leurs pa'is. Parmy les François de Saint Chri- ftofle , la luftice s'adminiftre par vn Confeil compofé des principaus Offi- ciers de la Milice de l'Ile , auquel Monfieur de General Prefide. Et bien qu'il y ait des maifons propres Se de- ftinées à cette a&ion > comme cette Chambre du Confeil > que nous a* vons décrite, en fon lieu, neantmoins ce Confeil s'affemble par fois 5 félon que le tems &c les affaires le peuvent requérir, 3c que Monfieur le General le trouve le plus à propos pour fa co- moditc fous vne efpéce de grand Fi- guier qui eft de la grofleur du plus gros Orme^proche le Corps -de-garde, de la Baflè.-terre,& tout joignant la Rade. C'eft en ce Confeil, que fans vfer de tant de formalité? que Ton a. inven- tées' pour rendre les Procès immor- tels 9 tous, les differens qui peuvent furvenk I i 1 I I ! ! 1 ! s I l 1 ;:: : WBBÊSSSBBt 341 Histoire Morale Curvenir entre les Habitans, font vni- dez à l'amiable , 8c terminez le plus Couvent à la première feance3fans qu'il coûte rien aus parties , iinon ce que celle qui eft trouvée avoir tort 9 doit payer 3 fuivant la coutume 3 au profit des pauvres , Se de l'entretien de l'E- glife, 8c pour la fatisfadion de la par- tie qui eftoit interelïee. Ce Confeil condamne auffi à mott en dernier ref- fort. Les Gouverneurs des autres Iles* rendent aulïi la Indice, chacun en fon Gouvernement. De forte > qu'il ne faut pas fe perfuader qu'on vive en ces païs-là 3 fans ordre & fans régie, comme plufieurs fe l'imaginent. Et c'eit vne merveille > de ce qu'y ayant là des perfonnes ramaiïees de tant de divers pais y8c qui font d'humeurs fi différentes , ledefordre ne s'y foitpas glifle,&: qu'on les puiife contenir dans le devoir & la fujetion des Lois, , Voila pour ce qui regarde les Ha- jbitans Etrangers des Antilles. Chapi m m* bes Iles Antilles. 14 $ >Habi- ^) £#;&$■ 3$jttwels du Pais. )% L'Ordre que nous - nous fommes J^ propofé , demande que nous par- jj S lions deformaisjdes Indiens Habitans Naturels des Antilles. Et il neft pas befoin d'agiter icy cette grande & difficile queftion * comment la race des hommes s'eft répandue en Y Ame- fâ rique y &c d'où elle eft venue en ce i Nouveau Monde. De grands perfon- nages ont traitté cette matière avec \ tant de fuffifance , d'exaâitude , & de -Ç folidité y que ce feroit vne chofe en- ; ; nuyeufe de fuperfluë d'en entretenir prefentement les Le&eurs. Ioint que i'Hiftoire de TOrigine de nos Sauva- ges A nt illois * ne requiert pas que nous en prenions le commencement fi haut y ni fi loin. Les Anciens & naturels Habitans des Antilles , font cëus que l'on a nommez ï44 Histoire Morale nommez Cannibales > Antropofages3 ou Mangeurs d'hommes : & que la plupart des Auteurs qui en ont écrit, appellent Caraïbes : Mais leur nom primitif & originaire^ .qui a plus de gravité, eft celuy de Caraïbes, comme ils le prononcent eus- mêmes ,auiïi bien que ceus de leur Nation , qui fe trouvent en la terre ferme de l'Ame- rique:foit au Continét Septentrional, foit au Méridional. Et par ce que c'eft auffi l'appellation- la plus commune, en la bouche de nos François HabU tans de ces Iles , & qu'elle eft fuivie par les derniers Ecrivains î nous l'em- ployerons plutôt que l'autre , en la fuitte de cette Hiftoire. » Quelques vns eftiment que ce nom de Caraïbes n'eft pas naturel aus Sau- vages Antilloisj mais qu'il leur a écé impofç par les Efpagnols , comme à plufieurs Sauvages du Continent Mé- ridional qui le portent : de même que celuy de Galibk , on de Calibites , à leurs alliez Habitans du même Con- tinent.Ceus qui font de cette opinion, difent que les Efpagnols ont bien pu donner SA**,mW2*m**~7jréw ^^^yyypgH^y r-rm ^es Iles Antilles, 14; donner à ces Peuples ce nom de Ca- raïbes* veu qu'ils ont parcouru tous les quartiers de l'Amérique Méridio- nale , & qu'ayant fait les premières Cartes, ils ont marqué ces Nations- là fous ce nom, qui leur eft demeuré dé- puis.Pour preuve de cela,ils aléguent, que les Caraïbes ne fe nomment ja- mais ainfi entr'eus , finon lors qu'ils font yures , & qu'ayant le tefte pleine de vin, ils fautent &: fe réjoui ffent, difant en leur Baragoin , Moy bonne Caraïbe. Que hors de là , ils fe fer- vent feulement de ce mot^ors qu'ils font parmy les Etrangers,^ que dans leur négoce, & leur communication avec eus il le veulent donner à con- ■ «pitre à eus, tachant bien que ce nom leur eft connu. Mais qu'entr' eus ils s'appellent touiïours -, auffi bien que font ceus de leur Nation de la Terre ferme , Se les Calibites, Calinago, qui eft le nom des Hommes ; & Callipo- nany qui eft celuy des Femmes. Et qu'ils fe nommée encore Oubaobonon, cfeft à dire, Habitant des Iles, ou In- fulaires : de même qu'ils appellent Toma IL G cens i 1 i 146 Histoire Morale ceus du GonûnentyBaloué- bonon* c'eft à dire, Habïtans de terre- ferme. Avec tout cela neantmoins , il n'y a guère d'aparence que le nom de Ca- raïbe foit venu des Efpagnols,&: que nos Infulaires ne l'ayent porté que depuis -qu'ils ont été connus dJeus| Premièrement , parce qu'avant que les Efpagnols ny les Portugais euf- fent pénétré au Brefil , il s'y trouvoit de certains homes plus fubtils 6c plus ingenieus que les autres, que les Bre- filiens nommoient Caraïbes3ainfi que lean de Lery Ta remarqué dans (on Hiftoire. Secondement 3 il eft Gon- flant, qu'il y a des Sauvages qui por- tent le nom de Caraïbes, en des quar- tiers du Continétde l'Amérique Mé- ridionale , où les Efpagnols n'ont ja- mais eu de commerce. Car non feule- ment ceus de la Nation de nos Infu- laires, qui habitent le long de ces cô- tes de l'Amérique Méridionale^ qui font voifins des Colonies Hoilandoi- fes de Cayenne &c de Berbke\i\rÀs ceus| encore qui demeurent bien avant dans ce Continent Méridional , au delïus yv^^ra?ïsvfF> des Iles Antilles. 147 deflus du fault des plus célèbres Riviè- res , s'apellent eus mêmes Caraïbes. De plus , nous verrons dans la fuitte de ce Chapitre , qu'il y a au Conti- nent Septentrional vne Nation puif- ■fante.3 compofée en grande partie de certaines Familles qui fe glorifient en- core à prefent,d eftre Caraïbes A d'en avoir reçeu le nom , long-tems avant que l'Amérique ait été découverte. Apres 5 quand même les Efpagnols auroient voulu impofer ce nom à tou- tes œs Nations , comment pourroit- 011 prouver qu'elles Teuiïent voulu accepter de la main de gens incon- nus & ennemis : Or il eft certain que non feulement tous ces peuples, s'a- pellent -eus-memes Caraïbes , mais que de plus , ils fe glorifient Se tirent avantage de ce nom,comme Monfieur du Monte! l'a ouï de leur bouche plu- sieurs fois: fe plairoient - ils à faire trofée dVn nom qu'ils auroient reçeu de leurs ennemis?Que fi,comme nous le verrons tantoft , les anceftres de nos Sauvages Infulaircs , ont recett des Apalachites le nom de Caraïbes* G 1 au i ï4& Histoire Morale au lieu de ceiuy de Cofachites qu'ils portoient auparavant ,ils le prirent de perfonnes amies & confédérées % ëc même comme vn éloge d'honneur' Enfin, ce n'eft pas feulement dans i yvreiîe % M dans la débauche , que nos Indiens Antillais m nomment Caraïbes , mais aufïï > lors qu'ils font fobres ;■& de fang froid. Que s'ils fe nomment entr'eus Calinago 3 ils peuvent bien avoir plufieurs noms diferens, fans que pour cela il s'enfui-- ve, que les Européens leur en ayent donné quelcun. de cens * là. Pour ce qui eft du nom d'Onbao-banon ,fa fi~ ■gnification montre alTez.qu il nç leur eÛ pas particulier ,& qu il fe peut aplir quer à tous les Infulaires générale* ment 5 Et s'ils fe fervent plutôt du nom de Caraïbes > que d'vne autre nom y en parlant aus Etrangers, c'eft parce qu'ils fa vent en effet , que ce nom leur eft plus connu : Mais cela n'emporte pas , qu ils l' ayent reçeu des Efpagnols.il feroit fans doute plus probable de dire , que les Efpagnols Tayant apris d'eus, l'auroient en fuite communiqué ^^awav^hi^^wx^ai DES Iles Antilles* 149 communiqué ans autres Européens*. Mais au- fonds , il. n'importe- guère ce que Ton en croye : Et chacun en peut avoir quel fentimêt il luy plaira.Nous ne faifons que propofer ce qui nous femble plus vray-femblable. Quanta l'Origine des Caraïbes în~ fulairesjceus qui en ont parlé jufques icy y ont eu iî peu de lumière pour fe conduire dans cette obfcure antiquité^ qu'à vray dire ils n'y ont marché qo a tâtons. Quelques vns s'imaginét qu'ils sot venus des Iuifs/e fondât entre au- tres chofes/ur ce que les parentes des Caraïbes leur font naturellemét aqui- fes pour femmes , 8c qu'vne partie d'eus 3 ne mangent point de Porceau, nideTortuë.Mais c'en: prédrela cho- fe infiniment loin.>&: fur de trop foi- bles conjedures.il y en a qui les font dériver du havre de Caribana., ôc qui prétendent qu'ils en font iffus. Mais cette opinion a'eft fondée que fur la feule rencôire des mots de Caribana & deCaribeSjfans aucun autre foudemét. D'autres difent par vne fimple con- iedure * que ces Sauvages font Ori- G 3 gînaires I 9 I s I f ■I 150 Histoire Morale ginaires des grande slles*& qu il n'y a pas bien long-tems qu'ils habitent les Antilles* n'étant que des réfugiez* des reftes * ôc des parcelles de débris, en vn mot des rechapez des horri- bles maffacres que firent les Efpa- gnols * lors qu'ils s'emparèrent de Saint Domingue * Cube * lamaique* ëç Porto Rico. Mais la vérité del'Hi- ftoire nous témoi-gne*que dés îe com- mencement de la découverte de l'A- merique*Ies Antilles étoient occupées & peuplées par les Caraïbes. Et que à abordais furent furpris & mal-trait- tezpar les Efpagnols. Mais que puis après les Efpagnols étant vivement repoufTez * ôc reflentans beaucoup d'nîcommoditezde cette guerre>firent vneefpece d'acord avec quelques vns d'entr'eus : comme nous le verrons plus particulièrement au Chapitre de leurs Guerres. Aiouftez à cela*que les Indiens de Coraço * qui font fans contredit de ces véritables rechapez* & qui ont encore parmy eus des per- fonnes vivantes* qui demeuroient au port * dit à prefent de l'Ile à Fâche* en des Iles Antilles. 151 en l'Ile Hifpaniola^quand les premiers Efpagnols y abordèrent > n'ont aucun mot de la langue Caraïbe en la leur, ni aucune faflbn de faire 3 d'où. l'on puiife recueillir qu'ils ayent jamais eu de communication avec les Caraïbes. Outre que ceus des grandes Iles* qui pouvoient prendre la fuite pour évi- ter la tyrannie des Espagnols, avoient bien meilleur conte de fe retirer aus terres qui étoient audeiîbus d'eus, &: où les ^cns réguliers les portoient, que de remonter contre le vent 3 &c ainlî retarder leur fuite > s'expolerà mille périls de la mer,& allonger leur voyage de vint fois autant. Car c'eft merveille quand des vaifleaus tels que font les leurs,peuvent gagner co- tre le vent vne lieuëen vn jour. Et il arrive le plus fouvent àde bien grands vaifleaus qui veulent remonter,qu'ils reculent plus en trois heures qu'ils n'avaient avancé en fix jours. Nous favons de bons Pilotes , qui ont mis. trois mois à remonter du Cul-de Sac> de Saint Domingue* à Saint Chrifto- fle 5 au lieu que pour defcendre de G 4 Saint I \ i ïj4 Histoire Moraië Saint Chriftofleà Saint Domingue,îl ne faut d'ordinaire que quatre ou cinq jours au plus. Quant au fentiment que les Caraï- bes eus - mêmes ont dés leur propre origine , ignorans les monumens de rAntiquité,autant que peu curieus de l'avenir , ils croyent Sa plupart eftre venus des Calibites ou Galibis, leurs alliez & grans amis,Babitans de l'A- mérique Méridionale , &voifîns des jiroùagptes , ou Aloïiagues y en cette Contrée , ou en cette Province , qui fe nomme communément Guyana^ ou Cofie Sauvage. ht ceus qui adhèrent à cette opinion , fe fondent fur la conformité de langage, de Religion, & de mœurs , qui le- trouve entre les Caraïbes Infulaires & les Calibites: Bien qu'au refte , cette refTemblance puifle venir en partie de l'alliance & de l'amitié particulière qu'ils ont entr'eus , en partie du voifinage des Caraïbes du Continent Meridional,& de cqs Calibites, ôc en partie d'autres caufes que nous repreienterous cy- aprés. Mais des Iles Antilles. 155 Mais ces pauvres Sauvages Infuiai- res ne s'accordent pas entr'eus 3 dans le récit particulier qu'ils font de leur extraction > de ât la caufe qui les a portez dans les Iles > & ils ne peu* vent dire le tems. Voicy ce que cens de Saint Vincent & quelques autres* en ont recité à Monfijur du MonteL, de qu'il nous a fait voir dans Ces Mé- moires curies. ^ Tous les Caraïbes é- toienc autrefois afïlijetis aus Aroiia- gues Se obeiffoient à leur Prince.Mais vne partie d'entr'eus ne pouvant plus foporter ce joug-là , fe rebellèrent. Et afin de pouvoir vivre en repos,, éloi- gnez de leurs ennemis^ils Ce retirèrent aus AntiHes , qui étaient aie:, s inha- bitées ^ & abordèrent premièrement en l'Ile de Tahago a qui eft l'vne des plus proches du Continent. Dépuis les autres C^tefjfecouërentauiïila domination des Arouagues , mais fe trouvans allez forts > ou n'ayant pa^s la même inclination que les prece- -dens , ils demeurèrent en leur païs; Et ils s'y font toujours confervez jufqu'à prêtent, qu'ils y vivent encore G 5 libres 154 Histoire Morale libres > mais ennemis des Aroùagues? ayant vn Capitaine General de leur propre Nation > qui leur commande. Ils (ont auffi demeurez jufqu'à cette heure confederez &c fînguliers amys des Caraïbes. C'eft fur ce récit là même que Ton fonde, & par ce détail que l'on expli- que le nom de Caraïbes , comme s'il lignifioit Rebelles , foit qu'il ait efté impofé à nos Antillois par les Aro- iiagues , foit que ces Peuples l'ayent pris eus mêmes , pour leur 1er vît d'v- neefpecede trofée 3 tirant gloire de leur noble foulevement 5 & de leur genereufe Rébellion 3 qui les a mis en paix de en liberté. Mais il ne faut au- tre chofe pour montrer" que Caraïbe ne veut pas dire Rebelle , comme le pofe entr'autres vn certain Iournal dVn Hollandois > fin on qu'il y a plu- sieurs Colonies en divers endroits de la terre ferme de l'Amérique , foit an Septentrion , foit au Midy> que per- sonne ne prétend, 6c ne peut preten- dre^avoir jamais efté fous la puillance des Aro'ùagues^&c qui cependant por- tent des Iles Antilles. i]f tënt ce nom de Caraïbes. Que s'ils f en a d'entr'eus qui fe foyent rebellez. contre d'autres Souverains, s'étans dépuis reconciliez avec eus5& vivans encore aujourduy au milieu d'eus,fous ce nom de Caraïbes , ainfi que nous le verrons plus particulièrement tan- toft , il n'y a nulle apparence , qu'il exprime des Rebelles , puifque ce leur feroit vne flétriflure > & vne marque d'infamie. Mais^ cens qui ont cpnvcrfé long, tems avec les Sauvages de la Domini- que , raportent que cens de cette Ile eftiment que leurs Anceftres/ont for- tis de la Terre ferme>d'entré les Cali- bites, pour faire la guerre à vne Nati- on d'Aromgues qui habitoit les Iles, laquelle ils détruifirent entièrement, à la referve de leurs femmes , qu'ils prirent pour eus, ayant par ce moyen repeuplé les Iles. Ce qui fait > qu'en, core aujourduy les femmes des Caraï- bes Infulaires 3 ont vn langage diffé- rent de celuy des hommes en plu- sieurs chof®s3& conforme en quelque chofe à celuy des Arokaguesàn Con- G 6 tineiu . ^^g*^^^*»^^^*^ggJ^^;s« J56 Histoire Morale tinent. Celuy qui croit le Chef de cecce entreprife,donnoit les Iles con- quifes à fes confidens. Et celuy qui avoit eu en fon parcage la Domini- que , fe difoit Quboutou-timani 5 c'eft à dire Roy, & Te faifoit porter fur les épaules de ceus que les Inlubires nomment Ldbouyou , c'eft à dire fer- viteurs. Il y a fi peu de certitude > & tant d'inconftâce en toutes ces narrations, &c en d'autres femblables que ces pau- vres ignorans peuvent faire fur ce fa- jet,que félon l'avis des plus fages , il n'y a guère d'aparence d'y aiToir aucun fondement. En crïet^ces Sauvages eus mêmes, n'en parlent qu à favanture, & comme des gens qui reciteroienc des fondes : tant ils ont été peu ' foi- g n'eus de la tradition de leur origine: Et ils fe contrciifenc Se fe réfutent les vus les autres,par la diference de leurs récits. Nous verrons neantmoins à la fin de ce Chapitre, ce qui, pour fem- bier probablement, leur avoit donné ocafion à la plupart , de croiie qu'ils font venus des Ctlibitcs. Dans ^^^^^^.^^^x^^^^v^^^^wx^^^^^j^ v des Iles Antilles. 157 Dans tous ces divers fentimen$3 que nous avons raportez ou des Ef- crits ou des difcours de plufieurs , il y a cecy de louable , que cens qui les mettent en avant , fuivent les eon- noiifances qu'ils ont & qu'ils fonC leurs efforts pour éclaircir & pour dé- veioper des veritez ancienne* &: in- connues,Mais comme la Relation que nous allons donner de l'Origine des Caraïbes Infulaires,eft la plus ample* la plus particulière^ plus curieufe3&: la mieus circonftanciée , qui ait paru jufqu'à prefent > aufli la tenons nous pour la plus veritable,& la plus certai- ne , laiifant toutefois à la liberté du Ledeur judicieus 3 de fuivre tel fenti- ment qu'il jugera le plus raifonable. Au refte,comme nous devons rendre à chacun la louange qui luy apartient, le public fera redevable de ces particu- laritez & de ces lumieres>à l'obligean- te communication que nous en adon- née Monfieur Snffo^Gcntii-homme Anglois, l'vn des plus curieus homes du Mode*& qui entre fes autres riches cônnoiffances , parle en perfe&ion h I 1 i ! I 358 Histoire Morale la langue des Virginiens & des Flori- diensj ayant veu dans fes beaus voya- ges toutes les Iles» & vne grande par- tie de T Amérique Septétrionale. C'eft par ce jïioyën > qu il a appris exacte- ment fur le lieu même, dont nous al- lons faire mention , & par àes per- sonnes intelligentes , ôc qui luy ont. parlé avec certitude 3 THiftoire fui- vante de l'Origine de nos Sauvages, dont il garentira toujours la vérité* lors qu'ils en fera befoin. Les Caraïbes font Originaires de l'Amérique Septentrionale>de la Ter- re que l'on appelle maintenant la Flo- ride. Ils font venus habiter les Iles, après eftre fortis du milieu des Apa- iachites y entre léquels ils ont demeu- ré long-tems. Et ils y ont laifle de leurs gens,qui portent encore aujour- duy le nom de Caraïbes. Mais leur première origine eft des Cofachïtes* qui changèrent feulement de nom, & furent appeliez Caraïbes > en la ter- le des Apaïachites y comme nous Tal- ions voirincontinent. Les ApaUchites font vne Nation puifFanc-e r^fnfl-nr-rMT ■ TTint dis Iles Antilles. i-Sf puiiïante & genereufe 3 qui fubfifte encore à prefent en la même contrée delà Floride. Ils habitent vn beau ôc grand païs nommé ApaUche >&o\\t. ils ont reçeu leur nom : &c qui com- mence fur la hauteur de trente-trois degrez ëc vint- cinq fcrupules s du Nord de la Ligne Equino&iaie >. Ôc s'étend jufqu'au trente» feptiéme. Ce Peuple i communique à la mer du grand Golfe de la Mexique a ou de la Neuve Efpagne > par le moyen d'vne Rivière qui prenât fa fource des Mon- tagnes Ajtalates 3 au pied déquelles ils habitent > après avoir arrofé plu- fieurs belles campagnes 5 fe vient en- fin rendre en la Mer 3 près des Iles de Tacobago.Les Efpagnols ont nommée cette Rivière > Rio del Spiritu Sant© Mais les Apalachites luy confervent fon ancien nom d3 Hîtanachi 3 qui Sh gnifie en leur langue > Belle & agréa* ble. Du codé du Levant , ils font fe- parez de toutes les autres Nations^par de hautes 5c longues montagnes* qui font couvertes de nége en leur fom- mçt la plus grande partie de Tannée* ce I J I I I )l 1 V &i:è Histoire Morale ce qui les fepare de la Virginie. Des autres collez ils confinent avec phi- fleurs petis Peuples qui leur font tous amis & con fédérez. Ces Apalachites fe glorifient d'a- voir poulie des Colonies bien avant dans la Mexique. El ils montrent en- core à prefenr vn grand chemin par terre, par lequel ils difent que leurs troupes parlèrent pour s'y rendre. Les Habitans du pais les nommèrent à leur arrivée Tlmmmjqm lignifie Mon- tagnars : car ils eftoient plus robuftes & plus genereus qu'eus. Ils fe placè- rent en vn quartier pareil à celuy de leur naiiTance fitué au pied des mon- tagnesaen vue terre fertile ■$ où ils bâ- tirent vne Ville de même forme & fi- gure que celle dont ils eftoient fortis, laquelle ils occupent encore aujour- duy.Ils s'y font tellement vnis par ma- riages y & par d'autres liens de paix, qu'ils ne font plus qu'vn Peuple avec eus. Et on ne les pourrait difeerner. s'ils n'avoiét retenu plufieurs mots de leur langue originaire, qui eft la feule différence que Ton y remarque. Après frftMWWraw des Iles Antilies. \6i Après que les Apalachkes eurent fait cette p euplade^les Cofachites qui demeuroient plus au Nord de l'Ame- rique^en vn païs marécageus Se pres- que fterile 5 Se qui avoient vécu juf- ques - ià en bonne intelligence avec eus/aehât qu'ils étoient alors dénuez de leurs meilleurs & plus vaillans hommes > prirent l'occafion qui leur écoit favorable , pour entreprendre fur ces Apalachites leurs voifins , & , les chalïèr de leurs demeures 3 ou du moins partager avec eux la terre ou ils habitoient3aprés qu'ils s'en feroient rendus maitres. Ce deilein y ayant été ménagé fort adroitement entre les Chefs des Cofachites 3 ils le publiè- rent puis après par tous leurs villa- ges, & le firent approuver à tous les Chefs de familles^qui au lieu de cul- tiver & d'éfemencer la terre de May s» au commencement du Printems^com- me ils avoient accouftumé de faire chaque annèe^préparerent leurs arcs, leurs fléches,& leurs maiïuës:& après avoir mis le feu en leurs villages , 8c s'être munis du peu de provifions qu'ils I p I I •lél HïSTOÏRÊ MôRALÉ qu ils avoienc dertfte de Thy ver paffé5 ils fe mirent en campagne avec leurs femmes & leurs enfans^ tout le pe- tit bagage qu'ils avoient ,dans- la refo- lution de mourir ou de vaincre 5 puis qu'ils ne pouvoient plus rebroulTer chemin^ retourner en vn lieu qu'ils avoicnt détruit & dépouillé de toutes fortes de commoditez. En cet équipage, ils arrivèrent bien toft fur les frontières de leurs voi/înso Les Apalachites , qui ne penfoienc à rien moins * qu'à avoir vn ennemy fur les bras > étoient alors occupez à planter leurs May s \ Se les racines qui fervent à leur nourriture ordinaire. Ceus qui demeurent auprès du grand Lac y qu'ils nomment en leur langue Tbeomi, ayant appereeu cefte puifTan- te armée qui venoit fondre fur eux3 fe retirèrent incontinent aus monta- gnes ypifinesj Se laifîerent leurs villa- ges>& leur beftail , à la diferetion de Fennemy, puis ils furent de là au tra- vers des bois y porter la nouvelle de cette irruption , aus villes qui font dans les vallées > entre les premières montagnes, DES IlES AnTII^ES. lé> montagnes 0 où refidoit le ParacouJf*9. qui eft le Roy du païsy avee coûtes- les forces les plus confiderables de fon Etat. Sur cette nouvelle fi farprenan* te 3 ce Prince * pendant qu'il fe prepa- roit à aller à k rencontre de Tenne-- xny > fit gagner > par ceus qui fe trou- vèrent le plûtoft prêts à cette expé- dition, les avenues des montagnes,& mit desembufcades en divers endroits des grandes forets > qui font entre le grand Lac & les montagnes > & par kiquelles il faut pafler pour entrer en vne belle & fpacieuie vallée a quia plus de foixante lieues de long>& en- viron dix de largejoù font les demeu- res des principaux du païs 9 & les vil- les les plus confiderables de l'Etat. Pendant que les Cofachites s'amu- foient au pillage des maifons 3 qu'ils avoient trouvées prés du grand Lac* les Apalachites eurent moyen de fe préparer à les recevoir» Mais eus, au lieu de prendre les routes & les chemins ordinaires qui conduifoient au plat païs ,qui eft entre les monta- gnes comme nous avons dit , après. a voie I ! i s *^^\^w^rvv*vs»^a^ f^^^yv>^s»^z/ff^jgiJwyyjpu des Iles Antilles. i£> entre; & ayant des Villes de retraitée, où ils avoient laillé de bons hommes en garnifon , ils furent au devant du Roy d' Apalache , en intention de le combattre, ou du moins., de l'obliger à leur laiffer la paiiîble jouïflance d'v- pe partie du païs. V Apalachite, fut extrêmement furpris quand il apprit que i'ennemy qu'il attendoit aus fron- tières Se aus avenues acouftumées du païs s'étoit déià emparé d'vne Pro- vince qui étoit au centre de fes Etats, &c qu'il avoit laiiîé garnifon dans les Villes &c autres places confiderables, Neantmoins , comme il étoit magna- nime ôc courageus , il voulut effayer fi le fort des armes iuy feroit auffi fa- vorable , qu'il croyoit fa caufe bonne £c iufte. Il defeendit donc avec les fîens des montagnes où il s'etoit cam- pé : & après avoir animé (es gens au combat, il attaqua bruiquement Ta- vant-gardedes Cofachites , qui étoit venu reconnoître fa contenance.Lors que de part & d'autre ils eurent con- fumé toutes leurs flèches , ils vinrent aux main$j& ayant pris leurs rnalïuës, il IKK^K&aSS^JgfBaSPSBÇi i€6 Histoire Morale il fe fit vn grand carnage de deus ar- mées , iufques à ce que la nuit les a« yant feparez , les Cofachites remar- querét quils avoient perdu beaucoup des leurs en cette rencontre 3 & trou- vèrent qu'ils avoient à combattre vn peuple plus vaillant,quilsjnes'étoient imaginé : 3c par confequent qu'ils fe- raient mieus de traitter avec luy a IV miabie , que de hazarder encor vn£ fois leurs troupes en vn païs étrâger- Ils refolurent donc d'envoyer dés le matin des Ambalïadeurs au Roy des Apalachites , pour luy prefenter des conditions de paix, & pour en cas de refus ( diflimulant la perte qu'ils a- voient faite au dernier combat) luy déclarer le guerre/ & le fommer de fe tenir preft à Tinftant 3 pour recevoir leur attaque, qui feroit bien plus rude que celle qu'il avoit expérimentée le Jour précèdent > que leurs forces é- toient alors toutes vnies. Le Para- couffis à3 Apaleche ayant ouï ces Ara- bafladeurs 3 demanda la journée pour advifer ffir leur propofition de paix. Et en fuite , leur ayant auffi demandé les — n^trrnn.Tr ^ rrMf r des Iles Antilles. t6j les articles &c conventions fous le- squelles ils vouloienc traitter avec luy, en cas xju'il inclinait à vne paix , ils luy dirent qu ils avoient quitté leur terre en intention d£ fe placer ou par amitié, ou par force , en ce bon &c gras païs qu'il poiïedoit : Et que s'il agréoit le premier de ces moyens, ils demandoient de faire vn même Peu- ple avec les Apalachites, d'habiter en leur terre , & delà cultiver i & ainiî de remplir les places vuides deceus d'entr'eus qui s'étoient débandez de puis peu , pour aller au loin planter vne nouvelle Colonie, I/Apalachite aifembla fon Con- feil fur ces propofijtions ; Se en ayant fait Pouveiture^llreprefenta que l'ar- mée des Cofachites leur empefehoit le fecours, qu'ils pourroient avoir des autres Provinces, qui n'avoientpas été preftes pour venir avec eus à cette guerre. Que par même moyen le paf* fage des vivres leur étoit entièrement fermé. Que Tennemy étoit maitre de la Campagne, Se que fans coup ferir, il étoit entré en f vne des meilleures Provinces 1 î I P 1 t 1 g«^y^Jg^^VS>^V55gyg; ï£8 Histoire Morale Provinces de tout l'Etat , où il s'étoîfc faify des places de la plus grande im- portance. Et que bien qu'en la jour- née précédente, il eut remarqué la fi- délité & la generofité incomparable des fiens , à attaquer Se à combattre leurs ennemys,furlefquels ils avoient remporté de tres-notables avantages, toutefois cet heureus fuccés avoit été acheté par la perte de fes plus vaillans Capitaines ôc de les meilleurs Sol- dats : Par confequent , qu'il falloit a- vifer à conferver le refte du Royau- me, en épargnant ce qu'il y avoit en- core d'hommes d'élite. Et puifque les ennemis propofoient d'abord des cô- ditions de paix , ce feroit fagement fait d'y entendre-, fi cela fe pouvoit faire fans préjudice de leur gloire, ôc de la grade renommée qu'ils s'étoient aquife iufqiies alors. Qa'aa refte , la terre qui étoit deferte en pîufieurs en- droits , par la tranfmigration d'vne partie de leurs habitans , étoit allez grande & allez fertile, pour les nour- rir tous. Tous les Chefs des Apalachites ayant ^smm^m^^m^m^^tx;^nfirY1^w des Iles Antilles. ïffj! ayant ouï la propofition de leur Roy, & jugeant que ce n'etoit pas la timi- dité , qui l'obligeoit à pancher du co- fté d'vn accommodemét avec les Co- fachites , veu que le jouir précèdent il s'étoit trouvé au plus fort de la mê- lée^ : mais que c'eftoit le feul defir qu'il avoit de ne les pas expofer té- mérairement y de de conferver fon peuple lequel étoit déjà en proye à rennemy , qui occupoit vne des plus floriffantes Provinces. Ayant auffi eu advis par quelques coureurs [ qui s'é- toient rendus en l'armée du Roy par des voyes détournées^ qui venoient des Villes , où les Cofachites avoient leurs garnifons,qu ilstraittoient avec grande douceur & grand refpe<5fc , les femmes & les veillards^qu'ils y avoiét trouvez;ils fouferivirenc vnanimemét au fentiment du Prince,& répondirét qu'il faloit entendre à vn bon accord, & faire en forte que les conditions en fufient les plus avantageufes 3 que la conjointure prefente de leurs affaires le pouvoir permettre. Et après avoir: confirmé cete refolutiô par leur haha% Tom.lL H qui I i s? i I I I 1 S70 Histoire Morale qui eft la marque de l'applaudifTement 8t de la ratification qu'ils ont coutu- me de donner à leurs deliberations^ils la fignifierent ans Ambaiïadeurs des Çofachites>qui Pattendoient avec im- patience. Cette nouvelle eftant apportée au camp des Cofachites s ils la receurent avecque joye > comme cftant confor- me à la fin qu'il s'eftoient propofée, en entreprenant la guerre, ôc en quit- tant leur pa'îs. Ils députèrent donc fur le champ des principaus d'entr' eus, pour côvenir avec les Apalachites^des înoyens de cette paix, & pour en paf- fçr tous les articles. Ces Députez > e- ftant arrivez au lieu où le Prince d'A- palache les attendoit > avec les plus confiderables de fa Cour , affis fur vn fiçge plus relevé que les autres^Sc cou- vert de riche fourrure^iis furet receus courtoifement. Et ayant pris feanceje Roy leur fit prefenter à boire dVn certain bruvage nomme Cajfwe, dans vae coupe dont félon la coutume il goûta le premier. Tous cens du Con- ieil en burent en fuite : Et puis on entra ^^ik^^^^^v^^^^wx>J^^HLJ^^^^àz laquelle le Roy d'Apalache les mit luy même en pai<- fible pofleffion.Les fcmraes,les enfans & les vieillards,qui y étoiêt demeurez pendât que les hommes capables d'al- ler à la guerre,avoient fuivy leur Pris- ce,furent tranfportez dans les autres Provinces, où le Roy leur affigna vne demeure arreftée , pour eus & pour tous les vaillàns homes de cette même Province, qui s'eftoient expofez pour fepouflet :Tennë"my,& pour conferver l'Etat. Après quoy,lesdeus partis po- ferent les armes : E& les Cofachites furent quérir leurs femmes, leurs en- fans , leur bétail , leur bagage , & les Soldats quils av.oicnç taillez prés du grand Lac de Theomi : Et fc réjoui- rent tous enfemble dans les Villes de leur demeure , pour le beau Pais qu'- ils avoient conquis , ainfi qu'ils IV voient 1^SSJ^^m^^^^^r^^^^m,m^t^^^^^ __ JDES ÎLÏS ÂNTîtLEÉ. %J$ Voient auparavant projette. Les Apalachites 3 nommèrent de- puis ce tems-là Caraïbes., ces nou- veaus hoftes^ qui leur étoient arri- vez inopinément ôc contre leur at- tente, pour reparer la brèche qui a- voit efté faite3 par la peuplade de leurs gens en vne autre Contrée de rAme- rique. Ce mot de Caraïbes fignifie en leur langue 3 des Gens ajoutez,) on fur- venus fubitement & k Pimprovijla ; des Etrangers 3 ou des Hommes forts & vmilans > Comme pour dire qu'vn Peuple genereus, qu'ils n'attendoient pas leur eftoit furvenu 5 & leur avoit efté ajouté. Et ce nom demeura à ces nouveaus venus , au lieu de celuy de Cofachit€s3 qui n'a efté confervé que par quelques foibles 3c chetives fa- milles s qui elloient plus au Nord de la Floride , 6c qui après la fortie des vrais Cofachices > s'emparèrent de leurs Terres* & encore à prefent* veulent paflèr fous le nom de ceus qui les ont précédez en la poiTeflion de ce païs. Pendant que d'autre collé ces vrais Cofachites furent re- H 5 connus i ! 1 i l il §74 Histoire Moraee reconnus fous le nom de Caraïbe^ en la Province d'Amana.Et c'eft auffi fous ce nom que dorefenavant nous parlerons d'eus 3 de des Colonies qu'ils ont faites depuis ce tems- là. Ces deus Nations s'ecant ainfi v- nies pour terminer leur differens , & finir vne cruelle guerre qui les euft pu ruiner toutes deus,vécurent en fui- te plufieurs années en bonne corres- pondance l'vne avec l'autre. Mais a- prés que les Caraïbes fe furent acruë en grand nombre en cette terre qu'ils avoient aquife par kurs armes, ils ne voulurent point embrailèr la Religion des Apalachites qui adoroient le So- leil , comme nous dirons cy après, ni fe trouver à leurs ceremonies,au Tem- ple qu'ils avoient en la Province de Bémarin , où étoit la Cour , ni enfin rendre au Roy les hommages qui luy eftoient deus^ pour la Province qu'ils avoient occupée/uivant leur promef- fe Se leur Traitté. Ce manquement de parole de la parc des Caraïbes^ céta&e de félo- nie. aisLrw^»^^^^»^^ ^^^^.^^.^^■^^ des- Iles Antilies. 175 tût fut le fujet de plufieurs guerres fanglantes 5 qui furvinrent puis après entre ces deus Nations. Les Caraïbes, étoient invertis de tous coftez de leurs adverfaires3qui les reiîerroient de tel- le fortes qu'ils ne pouvoient aucune- ment s'élargir. Et les Apalachites, a- voient au cœur de leur Ecat vn cruel & irréconciliable Ennemy , qui les tenoit perpétuellement en alarme, de les obligeoit à eftre toujours fous les armes. Pendat quoy ces deus peuples, tantoft vaincus Se tantoft viîtorieus, félon que le fort de la guerre eft jour- nalier Se cafuel , menoient vne trille vie ; Et fouvent^pour n'avoir pu cul- tiver la terreau pour avoir fait le dé- gaft dans les champs les vns des au- tres , vn peu auant la récolte , ils e- ftoient réduits à vne extrême famine, qui faifoit mourir plus de gens entre eus que l'épée. Ils paflferent plus d'vn fiecle en cqs conteft'ations Se en cette .guerre. Pon- dant laquelle les Caraïbes qui avoient pour Chef Se pour Roy de leur Natiô vn de leurs plus vaillans Capitaines H 4 qu'ils îj6 Histoire Morale qu'ils nommoient Regaz.im&ccmïtnt leur Etat dVne autre Province qui leur eftoic voifme du cofté du Midy, & qui s'appelle Matique , laquelle perçant les montagnes par vue ou- verture, qui reçoit vn torrent dépen- dant des mêmes montagnes > s'étend puis après au Couchant , iufqu à la Rivière qui prenant fafource augrâd Lac, après avoir formé plufieurs Iles, êc arrofé plufieurs Provinces , fe va rendre enfin dans l'Océan. C'eft cette célèbre Rivière que nos François ont apelée de Maj/y&c que les Apalachites nomment Bafainim qui fignifle en leur langue , Rivière delkieuje , ou abon- dante en poijfons. Les Caraïbes ayant ainfi étendu leurs limites , & écarté leurs ennemis , firent pour quelques années vue efpece de trêve avec les Apalachites , qui eftant fatiguez de tant de guerres, & mattez par la perte d'vne Province confiderable , enten- dirent volontiers de leur part à cette ceiïation d'armes , de de tous adtes d'hoftilité. Mais ces Apalachites,quiféchoient de rr**ràVïdrmtwrtvît des Iles Antilles. 177 de regrec de voir kur Etat écorné d'v- ne célèbre Province, profitant deToc» cafion fauorable de cette trêve , tin- rent pluficurs fois des confeils fecrets comment ils pourroient emporter de plus grâds avantages fur les Caraïbes, qu'ils n'avoient fait iufques alors. Et après avoir reconnu par leurs triftes experiences,quails n'avoient pas beau- coup avancé leurs affaires en attaquât leurs ennemis à découvert &c à main armée,ils fe refolurent de les fupplan- ter par finefle * & à cet effet, de cher- cher tous les moyés de les divifer en- tr'eusj&de tes engager infenfiblement en vne guerre civile & inteftine. Ce confeil eftant reçeu & approuvé gé- néralement de tous : leurs Preftres, qui font parmy eus en grande eftime, 6c qui ont vois en leurs Alfemblées les plus importâtesjeur en fournirent bien toft les expediens3& leur en iug- gérèrent les moyens^qui fuient tels. Ils avoient remarqué^que ces gens qui les eftoiét venu furprendreen leur propre Terre^eftoiét fans Religion,& fans connoiffance d'aucune Divinités H 5 à 1 1 s î 1 1 I ni'1 J "178 Histoire Morale à laquelle ils rendiifent quelque fer vi- ce public3 &c qu'is craignaient feule- ment vn Efpric malin , qu'ils nom- moict Mabo'ùyaà caufe qu'il les cour» mentait quelquefois-.mais que cepen- dant ils neluy faifoient nul homma- ge.Et c'eft pourquoy dés les premières années de leur arrivée > pendant lef- quelles ils avoient vécu en bonne in- telligéce avec eus^ils les avoient vou- lu induire à reconnoîtreà leur exem- ple le Soleil pour le Souverain Gou- verneur du Monde,& à l'adorer com- me Dieu. Ces exhortations & ces en- feigncmens avoient fait de fortes im- preffions dans les efprits des princi- paus d'entre les Caraïbes. De forte qu'ayant reçeu les premiers principes de cette Religion, pendant les années: que leur mutuelle correfpondance eut lieuibeaucoup quittoient la Province dyj4mana5Qr\ laquelle ils demeuroient5, pour aller en celle de Bémarin,.la Ca- pitale des Apalachites5 dJoù ils mon- Soient en la montagne ctOldimi , fur laquelle les Apalachites font leurs offrandes folennelles». Et à leur imi- tation: aeatete-™ /yitw^^A^i des Iles Antilles. 179 tation ils avoient participé à ces Céré- monies & à ce Service. Ces Preftres^ que les Apalachites nomment Iaoùni* qui veut dire 5 Hommes de Dieu , fa- voient que les femences de Religion ne s'étouffent pas fi facilement dans les cœurs des Hommes > & qu'encore que les longues guerres qu'ils avaient eues avec les Caraïbes , en euflent empefché i'exercice3 il leur feroit aifé de rallumer les étincelles de cette con- noiifance , qui eftoient cachées fous îâ cendre. La trêve & ceffation de tous actes d'hoftilité , qui avoit efté arreftce en- tre les deus Nations 3 en prefentoit vne occafion favorable. C'eft pour- quoy les Preftres du Soleil s'aviferent avec l'agrément du Roy > de faire pu- blier parmy les Caraïbes, qu'au com- raencement du mois de Mars , qu'ils nomment Naarim en leur langue, ils fcroient vn Service folennel à i'hon- sieur du Soleil en la haute montagne^, $c que ce Service feroit fuivy de jeus., de feftins 9 8c de prefens ^ que le Roy donneroit libéralement aus affiftans^ • H- G Cette-' 1 1 1 1 U— ~>«s* F^^^yw^w» 6*U£ î 1 ! * # î8o Histoire Morale Cette Cérémonie n'eftoit pas nouvel- le parmy les Apalachites , les Caraï^ bes ne pouvoient fuf çonner aucune fraude , ny avoir aucune crainte de iurprife. Car ils avoïent cette coutu- me fort ancienne parmy eus > de fai- re des prières extraordinaires au So- leil, au commencement de ce mois de Naarim , qui eft précifement le tems qu'Us ont femé leurs Mays. Ils font ce Seruice pour demander au Soleil, qu'il veuille faire germer, croître .,&: meurir ce qu'ils ont confié à (es foins. Et ils pratiquent la même chofe , à la fin de May ; auquel tems ils ont fait la première rr oiilbn , pour luy rendre grâces des fruits qu'ils croyent avoir receus de fa main. D'ailleurs les Ca- raïbes favoient que durant cts Fêtes, les Apalachites pendoient au croc les arc» & les flèches ', que ce ferait vn grand crime parmy eus de porter des armes en leur Temple , Se d'y émou- voir la moindre difpute ; & qu'en ces jours-là, les plus grands ennemis fe reconcilioient Se dépofoient toute leur inimitié. Ils ne doutaient auffi nulle- ment irafpawww»»! ©es Iles Antilles. igx ment, que la foy publique , ôc la pro- méfie folemnellement faite, ne fût in- uiolablement gardée. Dans cette afleurance , ils fe difpo- fent à pafler à Bémarin au tems affi- gné : ôc pour contribuer de leur parc à la réjouiilance publique , ils fe pa- rent le plus avantageufemét qu'il leur efb poffible. Et bien que dés-lors , ils euiïènt coutume de s'habiller fort à la legere^&: de montrer leur corps prêt que à fruchj toutesfois pour s'acomo- deraus faflons de faire de leurs voifins qu'ils alloient vifiter,ils mettét en œu- vres toutes les forrures^les peaus pein- tes ôc les étofes qu'ils avoient pourfe faire des habits. Ils n'oublient point auffi de peindre d'vn rouge éclatant leur vifage , leurs mains, ôc toutes les nuditez qui pouvoient paroitre : Et ils fe couronnent de leurs plus riches guirlandes, dilues de plumes différen- tes des plus beaus oifeaus du pais. Les Femmes, voulant de leur côté prendre part à cete folénité,font tout ce qu'el- les peuvent pour fe rendre agréables. Les 1 ï Zz Hï s toi re Morale Les chaînes de Coquillage de divers fes couleurs, les pendans d'oreiiles,<5£ les hauts bonets enrichis de pierres luifantes & precieufes,que les torrens charrient avec eus des plus hautes montagnes, leur donnoienc vn luftrc extraordinaire. En céc équipage les Caraïbes , partie par curiofïté , partie par vanité de fe faire voir , &c quel- ques-vns parvn mouvement de Re- ligion, entrepreneur ce pelerinage:Et pour ne point donner d'ombrage h ceus qui les avoienc fi amiablement conviez , ils quittent arcs , fléches,6c mafïuës V au dernier village de leur juriidiâ;ion,&: entrent en la Province de Bémarin avec v ne (impie baguette^ en chantant & en fautant, comme ils font tous à' vue humeur extrêmement gaye , & enjouée. D'autre part les Apalachites les atendoient en bonne devotion:& fui- vant l'ordre qu'ils- en avoient reçeu- de leur Roy , qui fe no m moi t Teltla- Bin y la race duquel commande enco* xe h prefent parmy ce peuple s ils xe- ceurent courtoifement tous ceus qui wren& w-ww^yw^irwg^rt.'A des Iles Antilles. *8f vinrent au Sacrifice. Dés l'entrée mê- me des Caraïbes en leur Province^ ils leur firent vn accueil auffi cordiaî5 que s'ils euflent efté leurs frères 3 ôc qu'il n'y euft jamais eu de différent entre eus : Ils les régalèrent ôc fe- ûinerent tout le long du chemin , ÔC les efcorterent jufques à la Ville Ro- yale qu'ils appellent encore main- tenant Melilùt ; c'eft à dire Ut Ville au Confeil 3 parce que c'eft la de- meure du Roy &:de fa Cour. Les Chefs des Caraïbes > furent traittez fplendidement au Palais Royal > 5c ceus du commun chés les Habitans de la Ville 5qui n'épargnèrent rienr de ce qui pouvoir contribuer à la fa- tisfadion ôc à la rejouiifance de leurs faoftes. Le jour dédié au Sacrifice du Solei!3 le Roy des Àpalachites avec fa Cour3 qui eftoit notablement accreuë pat L'arrivée des Caraïbes^ ôc d'vn grand nombre diiabitans des autres Provin- ces^qui eftoient venus à la Fêtc^mon- ta de grand matin fur le fommet de la montagne d'Olaïmi,.qui n'eit éloignée; que: I ! I I 1 I I I 1 99 ï84 Histoire Morale que d'vne petite lieuë de la Ville. Ce Prince/elon la coutume du païs^eftoit porté dans vne chaize fur les épau- les de quatre grands hommes, efcor- tez de quatre autres de même hau- teur , pour prendre la place quand les premiers {croient las. Il eftoit pré- cédé de plufieurs joueurs de flutte de d'autres inftrumens de mufique. En cette pompe il arriva au lieu deftiné à cqs ailemblées. Et quand la Céré- monie fut achevée , il fit vne plus grande largeife d'habillemens & de fourrures qu'il n'avoit accouftumé de faire en de pareilles rencontres* Sur touc,il eftendit fa libéralité à l'endroit des Priiicipaus d'entre les Caraïbes: Se à fon imitation les plus aifez de fon peuple diftribuërent auffi des prefens à tous ceus de cette Nation , qui avaient honoré de leur préfence leur Sacrifice Solennel. De forte qu'il n'y eut aucun des Caraïbes , qui ne re- tournait content Se paré de quelque livrée. Après qu'ils furent descendus de la montagne 3 on les accueillit en- core , & on les traitta > avec toute forte »»"***— n C^^WX^^^^V^v^ft;^^ des Iles Antilles. 185 forte de témoignages de bonne vo- lonté, en toutes les Maifons des Apa- lachites,au milieu defquels ils avoient à repailèr 3 pour retourner en leur quartier. Enfin > pour les inciter à vne féconde vifite , on leur prote- fta de la part du Roy & de fes Offi- ciers y qu'ils feroient toujours reçeus avec vne égale affc&ion y sjls défi- roient de fe trouver quatre fois l'an avec eus y âus mêmes Cérémonies. Les Caraïbes eftant de retour en leur Province , ne pouvoient aflez louer la bonne réception qu'on leur avoit faite. Ceus qui avoient gardé le logis y eftans ravis de voir les riches prefens que leurs concitoyens avoient rapporté de leur voyage 3 prenoient dés lors la refolution de faire le mê- me pèlerinage, à la première Fefte. Et le jour qui y eftok deftiné eftant écheu , il y avoit vn fi grand empref- fement parmy eus à y aller^que fi leur Cacique n'y euft mis ordre^la Provin- ce euft efté dépourveuë d'habitans.Les Apalachites continuèrent auffi lcur accueii 1 1 1 ^^^^v^^r^P^^\y^^vvv^v^j^,^ fi i S lîj Histoire Moraib accueil 8c leurs litaeralitez;& il y avoir y ne émulation encre eus > à qui ren- droit pins de devoirs aus Caraïbes. Leurs Prdties , qui favoient à quoy de voit enfin aboutir toute cette rufe» ne leur recommandoient rien tant que la continuation àc ces bons offî- ces,qa ils diraient eftre fort agréables au Soleil. Trois années s'écoulèrent en ces vifites : au bout defquelles les Apala- chites qui s'eftoient épuifez en libe- talitez à l'endroit de leurs voiiins^vo- yans qu'ils avoient puilTa m ment ga- gné leurs afF dions, & que la pîufpart eftoient tellement zelez au fervice du. Soleil y que rien ne feroit capable de leur faire perdre à l'avenir , les pro- fonds fentimens qu'ils avoient con- çeus de fa Divinité , fe refolurent , é- tant incitez à cela par leurs Preftres* à l'avis defquels le Roy & tout le Peuple déferaient beaucoup, de pren- dre l'occafion de la trêve qui eftoit cxpiiée , pour déclarer de nou- veau la guerre aus Caraïbes , 8c leur interdire l'accès de leurs cérémonies*. sik des Iies Antilles. iS# s*ils ne vouloient faire comme eus3vne profeffîon ouverte de tenir le Soleil pour Dieu5&: s'aquitter de la promet» fe qu'ils leur avoient autrefois faite de reconnoîtrè le Roy d'Apalache pour leur Souverain > ôc luy faire hômage de la Province d'Jimana , en laquelle- ils habitoiênt,commela tenant deluyv Les Caraïbes furent divifez fur cette propofition.Car tous ceus qui étoient portez pour l'adoration du Soleil ., fu- rent d'avis de contenter les Apala- chites 5 difant que quand ils n'y fe-' roient pas obligez par leur parole* ils y ieroient tenus , pour ne fe point priver du libre exercice de la Religion du Soleil y en affiftant aus Sacrifices* qu'ils ne pourroient à prefent aban- donner qu'àgralid regret. Le Caci- que, & la plupart des plus confidera- bles entre les Caraïbes > difoient * ait contraire 3 qu'ils ne vouloient point flétrit leur réputation * & la gloire de toutes les victoires précédentes * par vne paix honteufe, qui fous prétexte de Religion, les rendrait fujets des Âpalachites* Qu'ils étoient nez li- bres* 1 1 I ! ~ ■ I I i Histoire Morale bres^ôc qu'en cette qualké^ils étoieiit fortis du païs de leur naiflànce, Se s'e- ftoient pouffez en vue meilleure terre par la valeur de leurs armes*Qu'il fal- îoit défendre pour toujours cette pre- cieufe liberté , 8c la cimenter de leur propre fang,s'il en étoit befoim Qu'- ils étoient les mêmes, qui avoîent au- trefois contraint les Apalachites a leur quitter en propriété la plus con- sidérable de leurs Provinces^qui étoit le centre & comme l'œil de leur Etat. Qu'ils n'avoient rien diminué de cet- te generofité : Et que tant s'en faut, que cette valeur fpft éteinte \ qu'au contraire ils avoîent accru depuis peu leur iurifdi&ion,d'vne belle &c grand', étendue de païs 3 qui les mettoit au large > ôc leur donnait jour au delà des montagnes > qui les referroient auparavant.QuJayant ainfi écarté tout ce qui pouvoit s'oppofer à leurs def- feins 3 ce leur feroit vne lâcheté in- fupportable.de quitter 3 fur vn fimple prétexte de Religion > ôc pour la feu- le curiouté de fe trouver à quelques Sacrifices , la polfelïion de ce qu'ils av oient UjL. des Iles Antuies. 189 avoient aquis 3 avec tant de peine de tant de fang : Enfin , que s'ils défi- roient d'adorer le Soleil , il luifoic auffi favorablement en leurs Provins ces y qu'en celles des Apalachites; Qu'il les regardoit tous les jours d?vn faeil auffi gracieus, qu'aucun autre en- droit du monde. Et que s'il s'agifloie de luy confacrer vne montagne ÔC vne grotte , on en pourroit trouver parmy celles qui feparoient leur Etat* d'avec le grand Lac 5 d'auffi hautes Se d'auffi propres à ces myfteres , qu'é- toit cellp d'Olaimù Ceus 'qui defendoient le Service du Soleil , & qui foutenoient qu'il ne faloit pas s'engager en vne nouvel- le guerre , en refufant des conditions qui leur étoient auffi avantagenfes qu'aus Apalachites, repliquoient^que puis qu'ils avoient goûté dëpuis'quel- ques annéçs la douceur de la paix y &C qu'ils avoient expérimenté en tant de rencontres la bonté 3 la candeur, ôc la generoficéde leurs voifins , il n'y avoit point d'apparence de fe jet- ter en de noiweaus troublesâqu'ilétoit fi I I frjo Histoire Morale û facile d'éviter , Se même fans perte delà réputation qu'ils s'étoient aqui- fe. Qae la reconnoiflance que les A- palachites demandoient pour la Pro- vince qu'ils occupoient>pouiToit. être d'vne telle nature Se de fi petite con- fequence , que leur honneur n'en fe- roit en rien diminué , ni leur autorité bleffée. Que pour ce qui touchoit le Service 6c les Sacrifices du Soleil , ils n'avoient point de Preftres qui fuf- fent inftraits en cette feience 3 &; qui en feuirent les Cérémonies. Qu'il fe- roit à craindre^que s'ils vouloient en- treprendre d'imiter les lœo'àatàzs Apa- iaçhites3 ils n 'attiraient par les fautes qu'ils y feroient > indignation de la Divinité qu'ils voudroient fervir , au lieu de gagner fa faveur. Que même ils avoient appris-, qu'il ne fe trouvoit nulle montagne en tout le païs3 dont ils avoient connoiffànce qui fuft re- gardée du. Soleil d'vn afped fi agréa- ble & fi dous , que celle d'Olaimi : ni qui euft comme elle vn Temple cave dans le roc d'vne façon fi merveilleu- fe, que tout l'artifice des hommes, ne pourroit des Iles Antilles, ipi ;po$rroit jamais atteindre à cette per- fection -, & qu'auffi^c'étoit vn ouvra- ge des rayons de la Divinité qui y é- toit adorée. Que quand on trouveroit vne montagne 3c vne caverne qui ap- prochait de celle- là>ce qu'ils croy oient neantraoins êtreimpoffîble^les oifeaus meflagers du Soleil n'y feroient pas leur demeure. Et que la fontaine confacrée à fon honneur * laquelle produifoitdes effets admirables & des guerifons inouïes 5 ne s'y rencontre- l'pit pas. Et par confequent qu'ils s^xpoferoient à la riféedes Apalachi- tes y qui auraient toujours fujet de fe glorifier d'Vne infinité de prérogati- ves de leur Temple Se de leur Service ancien a par deiîus ce nouveau qu'ils pretendoient d'établir. Ce party,con- cluoit de tout cela , qu'il falloit faire vne bonne paix 9 ôc affifter à l'ave- nir aus mêmes Cérémonies 3 qu'ils avoient fréquentées pendant la trê- ve. Mais cens qui s'eftoient arreftez à desfentimens contraires 3 ne peurent aucunement être fléchis par toutes ces p i i i I ! L1 ^7^W^~m7!K> t9i Histoire Morale ces con{îderations>ni divertis de la re- folution qu'ils avoient prife de ne re- connoîcre jamais les Apalachices pour Souverains 3 6c de ne pas perdre leur liberté^ fous l'ombre d'vne Religion & d'vne adoration que leurs pères avoient ignorée. De forte qu'enfin cette contrariété d'avis donna le com- mencement à deus fa&ions qui fe for* nièrent parmy les Caraïbes , comme les Preftres des Apaiachites i'avoieçt préveu. Et parce qu'ils étoient divi- fez en leur Confeil 3 ils ne peurent rendre vnc refponfe aifurée de vni- forme, fur les propofitions de guerre ou de paix qui leur étoient faites.Mais chaque party fe fortifiant de jour en jour , celuy qui concluoit en faveur de l'alliance avec les Apaiachites & cie l'adoration du Soleil , s'accreut tellement , qu'il fe vid en état d'o- bliger l'autre à fe foumettre à fon opi- nion , ou bien à abandoaner la Pro- vince. Ce feroitvn récit trop ennuyeus3 de vouloir icy d'écrire tous les maus que cette guerre civile apporta aus Caraïbes* A/ikXA^^vv^^iyiLVJ^^yjp | 9* 9c des Iles Antilles- i^| Caraïbes, qui fedéchiroiendes vns T les autres, jufqu'à ce qu'enfin > après plulîears combats Jes Apaiachites s'é- tant joints avec le party qui leur étoic favorable , ils contraignirent l'autre, Jg/ à prendre la fuite 8c à vuider des Pro- 5$ vinces à* Amana & de Matique , pour < { aller chercher au loin quelque demeu- ^ re alTurée. 7f\ Les Caraïbes vidorieus, ayant ainfî A chaire par le fecours des Apaiachites ceus qui troubLoient leur paix &c leur repos , munirent puiflamment leurs frontieres,& poferent aus avenues les plus vaillans & les plus genereus de leurs corps , pour ofter à iamais aus exilez toute efperance & toute pre- *y. tention de retour. Puis ils contractè- rent vne très ferme alliance avec les Apaiachites , fe foumettant à leurs Lois , embralfant leur Religion , 8ç ne faifant plus quVn Peuple avec çus. \ Ce qui dure encore à prçfent : Mais * > non pas toutefois en telle forte , que ces Caraïbes ne retiennent leur an* rien Nom s comme nous l'ayons dé- Tm.Ih l jà i i S1 g I I 194 Histoire Morale ja remarqué au commencement de ce Chapitre 3 &: beaucoup de mots qui leur font communs avec les Ha~ bkans des Antilles : tels que font en- tre vne infinité d'autres les termes de Çakonnes pour dire les menues curio- fitez qu on referve par rareté^de Bon* 2m, pour fignifier vne maffuë d ôc Ta me de l'homme Akantboué^x font les propres termes defquels les Ca«- raïbes Infulaires fe fervent encore à prefent,pour fignifier les mêmes cho- ies. Quant aus Caraïbes djéchaflez de leur terre , par ceus de leur propre Nation > & jettez hors des limites de lemr ancienne demeure & de toutes leurs conquétes^aprés avoir rodé prés de la rivière qui prend fa fource au #rand Lac 5 & avoir elFayé en vain* de s'accommoder avec les Peuples qui habitent ■rfw* twre mrc y ^arwa sv ces Lies Antilles^ 195 habitent l'vn & l'autre bord , ils re- folurent de fe faire paflage au travers de leur terre , ou par amitié ou pas: force , & de pouffer du moins, les re- fles de leur condition maiheureufe, en quelque païs defert , où ils puffent fe perpétuer * 8c relever en toute feuretc , les ruines de leur Etat. Dans cette refolutiôjils pénétrèrent iufques au bord de la mer , où ayant rencon- tré des Peuples qui prirent compaf- fion de leur mifere , ils hyvernerent auprès d'eus , & paflerent en grande difecte cette trifte faifon de Tannée* Et comme ils faifoyent des regrets continuels , pour la perte qu'ils a- voient faite d'vn païs fi dous & fï fertile que le leur , & qu'ils voyaient qu ils nefe pourroient jamais habituée avec joye , en celny où leur malheur les avoit reléguez , voicy arriver à la cofte3au commencement du printerns* deus petis vaiiTeaus qui venoient des Iles LucayesyÔc qui avoient efté pouf- fez par les vens à la rade, où nos Ca- raïbes avoient paffé leur hytfér. Il f I 2, avoit j % I I ^simapuMu 196 Histoire Morale avoit en ces 2. vaifleaux, qu'ils nom- ment Canos ou Piraugues > environ treize ou quatorze Habitans de Ciga* teoy qui eft iVne des Iles Ltuaj/esy\QÙ quels ayant mis pied à terre, racontè- rent aus habitans naturels de cette cô- te, comment ils avoient été jettez par la tempefte entre leurs bras. Et ils di- rent entr'autreschofes des merveilles âzs Iles où ils demeuroient Rajoutant qu'il y en avoit encore plufieurs au «kiîus d'eus, en tirant vers l'Orient &c le Midy, qw étoient defertes & inha- bitées , & que l'on eftimoit meilleu- res que celles-là même , dont ils leur faifoient vn fi grand récit. Que quane à eus , ils ne demandoient aus HabU ' tans du pays qu'vn peud'eau,& de vi- vres i pour pouvoir repalïer dans leur Terre , dont ils tenoient n'être éloi- gnez que de quatre ou cinq journées pour les plus. Les Caraïbes qui étoient en peine de chercher quelque nouvelle demeu^ re , & qui s'ennuyoient beaucoup de n'avoir point de lieu feur & arrêté, qui les mit à couvert de tanç de maus qu'ils des Iles Antilles. 197 qu'ils fouffroient en vne vie errante de vagabonde > ayant oiiy dire tant de bien de ces Iles.» que Ton aiïùroit être voifines des Lucayes> fe refoiurent de profiter de l'occafion de ces guides.* qui leur avoient êcé fufeitez par vn bonheur extraordinaire 3 de les fuivre lors qu'ils s'en retourneroient à & a- prés qu'ils feroient arrivez en ituc Terre^ de fe placer dans les autres lies defertes3dont ils leur avoyent oiiy foi- re vn récit fi avantageux. Ils eftimoient que l'exécution de cette entreprife^ mettroit fin à toutes leurs miferes.Mais ils y rencontroienc vn grand obftacle , qui d'abord leur . fembloit infurmonta.ble , à Cçavoir^ le manquement de vaiiT^aus pour paf- fer la mer , & les porter où ils défi- roient aller. Ils fe propofoient bien pour remédier à ce défaut , de mettre à bas des arbres,& de creufer le tronc avec du feu , comme faifoient les au- tres Natiôs3&; celle-là même au milieu de laquelle ils vivoient. Mais cet ex- pédient > demandoitvn long -temps I 5 pour 1 1 1 1 1 I 0" ! I i 19*5 Histoire Moraih pour en venir à bout : pendant quof3 cens qu'ils efperoient avoir pour con- clue^ urs,mediteroient fans doute leur retraite. Et par confequent ils iuge- rent que le plus court feroit* de cher- cher des vâijflTeaus tout prêts. Pour cet effet , ils fe difpoferent à enlever à la faveur de la nuit , tous cens que les Nations des rades voifines,& du long des rivières y qui ie venoient rendre à la mer , avoient de préparez en leurs ports, de en état de voguer. Le jour donc étant arrivé du partement des Lucaiqnois , qui leur dévoient fervir de guides, nos Caraïbes, qui s'étoient munis auparavant des provifions ne- neffaires , s'aflemblerent , le plus fecrettement qu il leur fut poffible* le long des rivières, de des havres* & s'étant emparez de tous les Canot ou vaiiîeaus, , qu'ils rencontrerent.fe joignirent ans Lucaïquois , avec les- quels , fans avoir pris congé de leurs hoftes , ils firent voile vers les Iles Lucayes. Le vent ayant été favorable à ces fugitifs, ils arrivèrent en peu de jours à i5i$ Iles Antilles. is)9 à Cigateo, où ils furent reçeus fort hu- mainement par les habitans^qui après leur avoir fourny les refraichillemens neceffaires j les conduifirent iûfques aus dernières de leurs lies , &c de là leur donnèrent encore vne efcorte* pour les mener à la première des Iles defertes 3 dont ils leur avoient parlé, laquelle ils nommèrent Ayay Se qu'à prefent on appelle Sainte Croix. Ils cottoyèrenten faifant ce chemin l'Ile de Boriquen , dite aujourd'huy Porto- Rkco , qui étoit habitée par vne Na- tion puiflante. Ce fut donc en cette lie d'Ayay > que nos Caraïbes jette- rent les premiers fondemens de leur Colonie , & où jouïflànt d'vn dous repos , qui leur fit bien-tôt oublier toutes leurs traverfes paiîées , ils fe multiplièrent tellement , que dans peu d'années ils furent contrains de s'étendre en toutes les autres Iles An- tilles. Et quelques fiecle^ aprés,ayant occupé toutes les Iles habitablesjils fe pouffèrent iufqu'au Continent de P Amérique Méridionale, où ils ont encore aujourduy piufieurs grandes I 4 & i ! I 3 i I I I I gJ/VH^Wg^^W 200 Histoire Morale êc nombreufes Colonies^dans îelquel- les ils fe font tellement affermis , que bien que les Taos>SappayosyParagotù3 Aroùacat y ou Arouagues> qui demeu- rent en l'Ile de la Trinité & es Pro- vinces de VOrenoque , les ayent fou- vent voulu chaffer de leurs demeures, & qu'ils leur ayent livré de fangian- tes guerres, ils y fubfiftent en vn état floriifant , & entretiennent vne fi bonne correspondance & vne fi par- faite amitié avec nos Caraïbes Info- foires* que ceus-cy , vont vne fois ou deus Tannée à leur fecours, fe liguant tous enfemble avec les Calibites leurs amis & confederez,pour faire la guer- re aus AroZagues leurs ennemis com- muns, ôc ans autres Nations qui leur font contraires. Au refte , nous voulons bien croi- re , que la plupart des Caraïbes Insu- laires fedifentdefcendusdes Calibit@S leurs Confederez. Car ces Caraïbes étans moins puiffans que les Calibi- tes , lors qu'ils arrivèrent en la Ter- re ferme parmy eus â & s'ét^nt dépuis alliez avec eus par mariage & par in- térêts des Iles ÂntiIles. 101 terets communs > ils n'ont fait qu'vn peuple 3 qui seft.mutuellement com- muniqué le langage & les coutumes particulières, Ce qui fait y qu'vne grande partie des Caraïbes y oliblieus de leur Origine^ fe font acroire qu'ils font defeendus des Calibites. Et il eft à preiumer y que dépuis vn cems im- mémorial y que leurs predeceileurs font palïezdu Nord dans les liés , ils n'ont eu- aucune connoiflànce daleur terre natale, qui les ayant comme vo- mis hors de fa bouche , & jettez hors de fon fein y les tralttant comme des rebelles , ne fut pas regrettée de ces pauvres fugitifs > iufques ait poinc d'en eonferver precieu{ement la rtie- moire. Au contraire il eft croyable^ que pour bannir de leur efprit, le Souvenir des maus qu'ils y avoîent fouferts , ils en eflfaçoient les triftes idées y autant qu'il leur étoit poffiblcy .& qu'ils éçoientbien aifesde te glori- fier d-Vne autre Origine. H pour- roit bien eftre auffi , que lors que ks Caraïbes entrèrent dans les iles3 É I 1 SBsaRsn^KsscraRRaa^n^oBSKK^ g I I > ioz Histoire Morale en venant du Septentrion , elles n'é- toient pas tellement defertcs,qn*il n'y eut cà & là quelques familles , qui pouvoient y être pafïëes de l'Ile Hi- ipagniola ou de Porto-Rico , lefqnel- les ils défirent à la referve des fem- mes , qui pouvoient feruir à l'accroif- lement de leur Colonie. Vea nommé- ment,qu*il y a toute aparenec de croi- re que ces Caraïbes étant exilés du milieu des Apalachites , & contrains par le iort des armes^de quitter la pla- ce aus viétoi-ieus s plufieurs de leurs femmes étoient demeurées parmy ces Apalachites, & les autres de leur Na- tion , qui s'étoient vnis auec eus. Et de là pourroit eftre venue la différen- ce du langage des hommes & des fem- mes Caraïbes. Mais 3 pour reprefenter plas parti- culièrement ces Colonies de Caraïhes au Continent Méridional de l'Améri- que , premièrement , les Mémoires deceus qui font entrez dans la célèbre rivière de /'©«modifiante de la Li- gne vers le Nord , de huit degrez M cinquante fçrupules* difènt , que fort loia Stesa r.«W«ïny-F«-VV1|-fa des Iles Antilles. ïof loin au dedans du pais, il y habite des Caraïbes, qui peuvent aisément y ê- ire paflez de l'Ile de Tabago, celle de de toutes les Antilles 5 qui eft la plus proche de ce Continent. Les Relations des Hollandois nous apprennent auffi , qu'avançant plus outre vers l'Equateur > on trouve à 7. degrez de cette Ligne \ la grande ôc fameufe riuiere d'Ejfequebe 3 au bord de laquelle font premièrement les A- roiïagues y & en fuitte les Caraïbes^ qui ont guerre continuelle avec eus5 & qui fe tiennent au deflus des fauts- de cette Rivière, qui tombe avec im- petuofitc des montagnes. Et de là ces Caraïbes s'étendent iufques à la four- ce de la même Rivière , & font en grand nombre 5 tenant vne vafte é- tendue de païs. Les mêmes Voyageurs nous réci- tent a qu'à fix degrez de la Ligne , on trouve la Rivière àtSamame ou Suri* name > dans laquelle entre vne autre rduiere appellée Ikoutera y 1€. long de laquelle il y a auffi plufieurs villages de Caraïbes^ t & m 1 ï i 1 204 Histoire Murais Il y a de plus vn grand Peuple de cette Nation > lequel habite vn païs qui pénètre bien avant en la terre fer- me* de qui aboutit à la côte 5 fous le cinquième & le fixiéme degré au Nord de l'Equateur , s'étendant le long dV- ne belle & grande riviere5quon nom- me Maro'Hjne ? diftante feulement de dix huit lmies de celle de Sarname y la- quelle depuis fa fqurce ; traverfe plus de deus cens lieues de païs ; où font plusieurs villages de -Caraïbes V qui éiifent comme les Infulaires , les plus vaillans d'entre eus pour leurs Caci- ques > & qui font d'vne ftature vr* peu plus haute que ces Antiliois x ne différant gueres cTeus^finon que quel- ques vus couvrent dty|> drapeau leurs parties naturelles * plutôt par parure que par pudeur , ou par honte. Ceus donc qui ont voyagé en ces Contrées* difent que depuis l'embouchure de cette rivière de Maroùyne > laquelle eft à cinq degrez ôc quarante cinq fcrepules de la Ligne vers k Nord, jufques à fa fourçe* il y a vint jour- nées de chemin : & que dans toute cette 0ës lus Antilles, icj cette étendue , les Caraïbes ont lem:s villages pareils à ceus des Iniulaires, Nous recueillons encore des Voya- ges des mêmes Hollandois , que les habitansde ce Continent,parmy lef- quels ferpente la rivière de Cdyenney font Caraïbes de Nation, Enfin, ces Caraïbes, ont pu palfer au travers des terres de ces Contrées, jufqu au Brefil. Car ceus qui y ork voyagé aiïurenc , que parmy les Pro- vinces qui font le long des côtes de la Mer du Sud > il s'y trouve des gens qui portent le nom des Caraïbes , &c qu'étant d'vn naturel plus hardy ôc plus entreprenant , plus rufé & plus iufctil , que les autres Indiens du Bre- fil, ils font en telle eftime parmy eus, qu'ils les tiennent pour être douez d'vn favoir plus relevé que les autres. D'où vient, qu'ils défèrent beaucoup à leurs avis , & les prient de préfider à toutes leurs feftes & réjouïifances, lefquelles ils ne célèbrent gueres,qu il n'y aie quelcun de ces Caraïbes , qui pour cet effet vont rodant çà Se là par les villages» ou ils font receus de tous; m %oë Histoire Morale avec joye , feftins , & eareffes *, conv- me lean de Lery l'a remarqué. Que s'il étoit befoin de confirmer que ces Caraïbes > répandus en tant de iieus de la terre ferme de l'Améri- que Méridionale y font de la même Nation que ks Infulaires x on pour- roit icy mettre en avant , ce qui nous eftconftamment rapporté par lesdeus Colonies Hollandoifes qui font en ces codes , afiavoir celle de Cayehne & celle de Berbice > l'vne de l'autre voifines des Caraïbes du Continent^ pour faire voir le rapport & la réf. femblance qu'il y a en plnfieurs cho- fes T de leur naturel 5 de leurs moeurs^ ëc de leurs coutumes , h celles des Indiens Antillois , que nous décri- rons cy après. Mais il eft tems de fi- nir ce Chapitre 5 qui fans cela même, femblera peut-être trop long. Il a été impoffible de le divifer 3 à caufe de Fvniformité & de Tenchainure de là* matiereiEt la nature du fujet que nous traitrions > ne nous a pas permis d'en, abréger ledifcours. Nous ferons même obligez d5a}o&- BES ItES AnTIIIES, %of ter encore vn mot > fur la queftioix que la curiefité de quelcun h pourroit obliger de faire , combien de tems il y a y que les Caraïbes font paffez de la Floride dans les Iles. Et c'eft de quoy l'on nepeutavoir de connoif- Tance affinée. Car ces Nations n'ont pour la plus-part > d'autres annales que leur mémoire. Mais parce que ces gens-là vivent pour l'ordinaire*, plus de fixvints.ans, on ne doit pas trouver étrange 3 & les chofes qui fe iont paffées parmy eus5 fe perpétuent Jufques à trois ou quatre générations. Et pour confirmation de cecy y. on voit plufîeurs hommes de plufieurs femmes entre ce peuple y qui racon* rent la venue des Efpagnols en PA- merique y comme fi elle étoit d'hyer** De forte 3- que le fouvenir de la for^ tiedes Caraïbes hors delà Floride* & des guerres qu'ils y ont euës.étant encore frais à prefent parmy les Apa- lachites y ceus qui les ont ouï dïfcou^ rir 5 conjecturent qu'if y peut avoir cinq à fix cens ans , ou environ, que ces chofes là font atenuë^. Que fi \XQW '$* 1 I s I I 10S Histoire Mo£axé l'on demande pourquoy s'étant ac- crus fi puiflammét dans les Iles, ils ne fe font pas mis en devoir de repafler en la Florideypour fe venger des Apa- lachites , Se de ceus de leur Nation qui les en avoient chafifez ; on peut répondre, premièrement. Que la diffi- culté de la navigation , qui eft fort aifée des Antilles en la Floride : mais fort perilleufe de la Floride aux An- tilles y les vents étant ordinairement contraires , leur en a peut-eftre fait perdre l'envie. Secondement, Que lçs Iles ayant vn air plus chaud , ôc vue terre aufli bonne ,. & apparemment plus propre à leur naturel , que celle de la Floride ? ils ont creu que ceus qui les en a voient chafTez , leur a~ voient, fans y penfer, procuré le plus grand bien qu ils pou voient défiler, , Se leur a voient fait trouver 5 contre leur deffein, vn repos allure dans leuc ©x-iL ï&AP^ des Iles Antilles. 105? CHAPITRE VII I. j)?grejfîon contenant vn Abrégé âe iliiUoîYe Naturelle & Morale du Pais des Afalachites. PVifque nous avons tant parlé des Afdachltes au Chapitre précè- dent^ que plufieurs des anciens Ca- raïbes dépuis leurs guerres , ne font qu'vn Peuple , & qu'vne même Re- publique avec eus : il ne fera pas hors de propos , veuque cette matière eft rare& peu connue > délire quelque chofe de l'étendue ôc de la nature de leur pais. Des productions deîa Ter- re , Ôc des ilngularitez qui s'y trou- vent. Des mœurs des habkans , de leur ménage, & de leurs employs. De leur Police , & de leurs Guerres. De la Religion qu'ils avoient autrefois, ôc de celle qu'ils profeiTent auiourduy. De leurs maladies 3 ôc de leurs enter- remens, comme nous L'avons recueil- li , des excellens ôc iudicieus memoi- res^qui nous onteftéenvoyez,premie- remenc ! i S 1 I 1 1 I Ïîô Histoire Moraîe rement en Latin, par Mr.Briftot^ puis après ., en notre langue , par iï/r. Edouard de Graeves > Chefs de Diredeurs des familles étrangeres^ui font à prefent habituées parmy ce " 'de. feupk Aeîïcie ï. De (étendue é* de fa nature des F aïs des ApaUchites. L'Eut des AfaUchites s contient pîufieurs petites Provincesydone les vues font en cette belle & fpacieu- fe Vallée 5 qui eft bornée des côtés du Levant & du Nord* par vne chaî- ne d'hautes montagnes^qui font con- nues dans toutes les cartes y fous le nom d'Apdates : de celuy du Midy3de la Province de TagomUa ,qui eft ha- bitée par vne nation cruelle & bar- bare au poffible , qui eft toujours en guerre avec fes voifins : &c du Cou- chant > de la Rivière $Hitavachi% que les Efpagnols appellent, le Fleuve du Saint Ef^rit * & de quelques pe- tites B"ES" ÏÊES ÂnTILIIS. ift gîtes montagnes _5 qui les feparent des CofachiteS} 5c de plufieurs autres peti- tes Seigneuries, qui font dans l'alian- ce,ou fous la protection du Roy d'A- palache. La plus confiderable des Provinces qui font en la vallée , fe nomme Se- marin > celle qui la fuit s'appelle Ama- na , & la troifiéme Matiqfte.ll eft vrai que cette dernière , qui commence dans la vallée, s'étend encore entre les montagnes,& même iufqu au Mi- di du grand Lac : qui eft connu par- my eus fous lé nom de Theomu Les autres Provinces , font , Schama &c Meraco y qui font fnuées entre les montagnes d*Apalates,&c Achœlaque3 qui eft en partie dans les montagnes* & qui s'étend en fuite en des marais, qui font entretenus par les déborde- mens du grand Lac , qui arrivent rè- glement deus fois chaque année* Le Pais des Apalachites étant ainfi divifé en fix petites Provinces , qui ont chacune leurs Chefs particuliers, qu'ils appellent Paracoujfes y Se qui reconnoiilent celuy d'Apalache pour leur ■ I I I i I 1 îii Histoire Morale leur vSouverain : il ne luy manque que le voifinage de la mer ou quelque fleuve navigable, pour avoir cous les plus gratis advantages , qu'on fauroit Fouhaiter à vn Etat , afin de le rendre recomnaandable. Car il renferme des montagnes dVne vafte étendue , ÔC d'vne hauteur prodigieufe -, qui font habitées par tout où elles font accef- ïibles , dVn peuple vaillant au poffi- bie , qui ne vit prefque que de fauva- gine, qui eft abondante parmy ces fo- litudes. On y rencontre auffi des plai- nes & des valées qui font peuplées dVne Nation moins rude Se mieus policée,qui cultive la terre,& fe nour- rit de toute forte d'excellens fruits, qu'elle produit en abondance. Et en- fin Ton y trouve vn grâd Lac,& piu- fieurs marécages, qui y font fréquen- tez d'vn nombre allez confiderable de familles, qui y vivent de leur pefche5 $f des grains , que le peu de bonne terre leur relie à cultiver 3 leur peut fournir. L'air de ces Provinces, n'eft point d'vne égale & confiante température* comme ^wïrwyi des Iles Antilles. 215 comme celuy de la plupart des Iles que nqus avons décrites : mais * le chaud & le fc oid^îes pluyes & le beau terns > y changent alternativement la face de la terre , & y entretiennent Vne agréable diverfité de faifons. Sur la fin de l'été 3 &c au commencement de l'automne * les tonnerres y font fi frequens ôc Ci terribles* que les habi- tans mourroyent de frayeur, s'ils n'é- toyent faiïbnnez à les entendre. Le vent du Nord^y eftauffi tellement im- pétueuse que ceus qui font à la cam- pagne y font fouvent contrains de fe jecter par terre * jufques à ce que fa plus grande furie foit palfée. Le fommet des plus hautes monta- gnes qui regardent le Septentrion*eft couvert de neiges prés de la moitié de l'année. Car elles ne fe fondent* que durant les plus grandes chaleurs del'été:& c'eftauffi en ce tems4à*que les torrens qui fe forment dans les ravines*faifant fortir les rivières hors de leurs canaus 5 inondent les plai- £È^& caufent de grands ravages dans lentes les çampagnç s : majs * outre que^ ~ 1 1 g i 1 g, ï 4 H I SXOÏRE MoR AIE que ces débordemens font bien toft icoulez,ils biffent par tout où ils paf- £ent,vn limon , qui engraiiTe la terre* & la rend fertile à merveille. Les trois Provinces qui font dans les Vallées , ont partout vne terré grafle vn peu dificile à labourer,mais dVn grand raport". Les Villages & les autres places plus coniîderables ? qui -portent le nom de Villes , font ordi- nairement bâties fur de petites emi- .nences^qui les garentiflent des inon- dations. Et le terroir qui eft à la pente des montagnes,eft fablonneus,&: tres- aifé à cultiver, à caufe qu'il eft pref- que par toutarrouféde ruiffeaus,& de petites rivières qui en defcendent. La Terœ qui n'eft point défrichée^ eft revêtue dVne infinité de beaus Ar- bres , qui recréent merveilleufement laveuë. Us font pour la plupart d'v- ne hauteur & groflfeur démefurée & produifent divers bons fruits, qui fer- ¥ent à la nourriture & au ra&aichif- fement des habitans. L'on y voit des Cèdres, des Cyprcs , des Pins , des Chefnes, des Sajfafra*, de toute forte de Lu r**sàviftrmarïVÉtm'i\\MSl ©es Iles Antïiles. iï| de Palmes , des Tapdik^is , qui font couverts d'vne écorce , qui a la cou- leur & le goutaprochantde la Cand- ie , & yn grand nombre d'autres, qui A ont encore point de noms parmy nous. Quant à ce qui eft des Arbres frui- tier s^outre les Chatagniers 8c les No- yers qui y croiifent entre les autres arbres des forets : les dernières famil- les étrangères qui font paiïees à cette t^erre , & les Indiens qui y font aufB yenus dépuis peu, du Golfe d'Hondu- res 3 y ont planté en tant d'endroits des Cocos , des Figuiers, des Bana- niers, des Grenadiers , des Orangers, dçs Citronniers, des Pommiers & des Poiriers de différente efpece,& même des Cerifîers , des Pruniers , des Pef- «chiers , des Abricotiers & toute forte de fruits à noyaus,qui y ont tellement multiplié, qu'à prêtent ils y font auffi communs qu* en la Virginie , ou en quelques autres des Colonies de l'A- mérique Septentrionale, Les Arbriflèaus & les Plantes qui portent des feuilles , ou des fleurs de bonne ^w ccts I 1 t %v6 Histoire Morale bonne odeur , comme le Laurier , le Iafmin y le Myrte , les Rofiers 9 le Romarin & la Sauge y croisent en perfectionne même que les Oeillets* les Tulipes , les Violiers , les Lys, & toutes les autres belles Fleurs qui é- maillent les parterres. Les Fraifes,les Frambroifes , ôc les Bleues, croiffeHt dans les bois fans eftre cultivées. On y trouve inême des Noifettes , des Grofeilles rouges ôc blanches, ôc vne infinité d'autres petis fruits > qui font bons à manger. Le Froment y l'Orge 3 & le Ségle, qu'on y a feméà diverfes reprifes ôc en divers endroits , n'ont pouffé que de l'herbe de même qu'aus Antilles. Mais en recompenfe 3 il y croift par tout , vne fi grande abondance de ris & de toute forte de millet 5 de pois^de fèves s ôc d'autres légumes , que les Habitans des Vallées Ôc des Plaines, en recueillent affez pour leur nourrie ire, ôc pour en fournir à leurs voi^ ■us qui demeurent aus montagnes, £c qui leur aportent en échange > des peaus precieufes de Martes , de Re- gards, des Iles Antilles. 2)7 nards,de Chamois, de Cerfs, d'Ours, de Tigres & de divcrfes autres beftes fauvages. Les herbes potagères, les racines, les melons,lescocombres,les citrouil- les , & généralement toutes les pro- ductions des jardins de l'Europe , y viennent auffi facilement , qu'en au- cun endroit du monde , pourveu que Tonprene la peine de les cultiver , & d'avoir de bonne femence. Entre les Beftes à quatre pieds, qui fe voyent dans ces Provinces,les plus ordinaires font les Cerfs, les Cheure- vsils , les Sangliers, les Daims, ôc les Chamoys. Il n'y a point de Lièvres* mais les Lapins y font fort cômuns, &îes Originaires fe fervent de leurs peaus , qui font parfaitement blan- ches, pour faire les paremens de leurs habits d'hy ver.Ils les favent auffi tein- dre en diverfes couleurs , afin de don- ne^ plus de grâce à leurs fourrures. Il n'y a aucun animal farouche dans le plat païs, parce que les Indiens qui habitent aus montagnes , étans par- faitement bons chafleurs , leur font Tom.II. K inceffam ;l *A**m±sà caufe qu'ils ne peuvent pas foufFrir le froid.Mais les Indiens^qui demeurent aus contrées plus méridionales , y en aportcnt aflez^pour côtentcr la curio- fité des habitans, qui fe divertiflent à les aprivoifer,& à leur aprendre à par- ler,comme on fait ailleurs. Les lApdachites n'ont aucune con- noiflance des Poiflbns de la mer,à cau- fe qu'ils font éloignez de la code, de let ou huit journées pour le moins: mais ils en pefchent vne grande quan- tité dans les Rivières & dans les Lacs, qui font fort nourrifTans, d'vn excel- lent goût, ôc d'vne figure bien a pro- chante "de celle de nos carpes , de nos perches , de nos barbeaus , & de nos brochets. Ils y prenét auffi des Anguil- les,des Ecreviflcs, des Crabes,& mê- me des Loutres, qui ont la peau paA faitement noire & luifante,& des Ca- ftors, dont ils font de riches bonets.Sc de belles & precieufes fourrures. K z Arts ■«KSSEV W\**jr± I ! i no Histoire MoRAti Article IL Deplufieurs rares Jingultritez» qui fe trouvent dans les Provinces des Âpalachites. LA plupart des produdions de la terre & des eaus.> que nous avons fpeçi'fiées en L'article précèdent, font communes à toutes les Provinces des Apalachices:mais les fingularités, que nous allons décrire en cçluy-cy,ne te rencontrent qu'en quelques endroits particuliers^ bien qu elles foyent con- nues parmy tous les habitans des m* très ; a caufe de la grande communia cation qu'ils ont par enfçmble3com* me étans membres dVn même Etat, ta province de Bmmm eft fertile en vne efpece de racines fort exceL lentes 3 que les Originaires apellent Griaëljr. Elles font pour la plupart vn yen plus greffes qu'vne noix.Sc d'vne forme prefque ronde.La peau qui les couvre eft fort dçliée,& d'vne couleur vermeille , mais la iubftance qu'elle envelope eft d'vn gris blanc > partagé de : Ifcàâiiaa Bes Îles Antilles. 2.2.Î de veines violettes. Ces racines font liées les vnes aus autres par certains petis filamens 5 déquels elles tirent auffi leur nourriture.Etant cuites fous la cendre > ou bouillies en l'eau ., elles ont vn goût agréable & relevé>& vne vertu fi puiirante à fortifier la poitrine, qu'on a remarqué par vne douce ex- périence, que leur fréquent vfage^re- ftituë la chaleur naturelle à ceus qui l'ont débilitée > 8c qu'il conferve ôc augmente les forces, 3c la bonne con- stitution de ceus qui font en fan té. Les Afalachites ont auffi la con- noifsâce d'vne autre Racine qui croift dans la même Province , qui a vne vectu particulière pour fortifier le corps après vn long travail. Elle eft compofée de plufieurs nœuds, qui font de la grofleur d'vn petit œuf de poule. Elle n'eft point propre àcftrc mangée, mais étant formée en boulettes, ck fc- chée à l'ombre s de même que ces chapelets > que l'an forme parmy nous de la racine d'Ii:is:ils s'en fervét à laver les mains & le vifage , au lieu de favonettes3& même ils s'en frotêt K 5 tout XXV, i I %n Histoire Morale tous le corps 5 quand ils fe baignent* .dans la créance qu'ils ont 5 qu'elle a h propriété de délaifer les membres, M de les rendre plus fouples & plus vigoureus. Ils ont auffi remarqué par Vvfagcque ces racines étant bien pré- parées , communiquent leur odeur a- rornatique à leurs vétemens, & quel- les empefchéc toute forte de vermines de s'engendrer dans leurs fourruresv Ils les nomment Koymelak^ en leur langue , c'eft à dire , les Racines de bonne odeur. Il croift parmy les baillons de la Province d'j4mana9vne Plante en for- me de chardons 3 à larges feuilles, qui font heriflees d'vn cofté de plufieurs. épines Les habitans du païs Tapellent Hyaleitokt, d'vn terme qui fignifie^la Plante bien vtile.Elle pourfe vn tige, qui eft ordinairement chargé vne fois* f an,de deus ou trois teftes, qui grofi-C fent comme celles des Artichaus , de. font couronnées dVne fleur de cou- leur violette , laquelle eft divifée en phifieurs petites feuilles longuettes & étroites, comme celles du Soucy.Cet- te fc^i^ ^ïSAV^r^mr* *^+^^sj^ jy Sk:JSr^:g4 des Iles Antilies. 223 te fleur étant tombée , Se la chaleur ayant meury la teftequ elle couvroity ce ^ros bouton s^ouvre en divers en- droits, & fait voir par Tes tentes, vne efpece de cotton extrêmement dous & délié dont il eft rempli. Cette for- te de cotton ou de duvet , a vn luftre éclatant tk vermeil comme celuy des rofes fraifehement épanouies : mais ce qui relevé fon prix, c'eft qu'il con- ferve cette vive couleur bien qu'il foit expofé au Soleil ,& que les yens en faflent leur jouet. Les étrangers , & même plufieurs des originaires à leur imitation , le recueillent lors qu'il eft nieur , pour en garnir des matelats, des lits3& des couffins, qui font beau- coup prifez, parmy eus à caufe de leur mollefTe , & qu ils n'échaufent point les reins, comme ceus qui font faits de plumes, ou de laine, ou de cotton. Dans les montagnes de la Provin- ce d'Achalaque , qui confine à la Sei- gneurie des Cofachites,\\ y a vne plan- te fenfitive^ui^eft l'incomparable en- tre toutes celles, qui méritent de por- K 4 ter -W.**J^W^.A1 I I I il 224 Histoire Morale ter ce nom. Les habitans du païs IV pellent par excellence , Amaz.uli, qui vaut autant a dire,que la fleur vivante. Eile n'a point d'autre graine que fa racine 3 qui a la figure d Vn gros oi- gnon de lys, d'où elle pouffe vn buif- fon forttoufu,compoféde plufieurs feuilles longues & étroites 3 qui font femblables à celles du glayeul, hors- mis qu'elles sot heriffées de tous cotés de certaines petites pointes extrême- ment piquantes , qui leur fervent de défenfe. Du milieu de cet amas de fe- uilles *qui font dVn beau verd d'éme- randes , qui recrée mer v^iTIeufe ment la veuë.ii s'eleve vn tuy

agreab.le à la veuë 3 & de bonne fenteur 3 laquelle étant épaiiouye,eft vn peu plus large, que les plus grandes Peonnes, Ses fçt iiilles qui font delà couleur de pour- pre/ont parfemees de plufieurs points jaunes , qui paroiffent comme autant de petites étoiles : & pour le dernier trait .rfWA^^I i>es Iles Antilles, 225 fraie de fa beauté > elle poulie de fon fein 3 vue forme de clochette > émail- lée de tout autant de couleurs^ qu'on en admire en Tare en ciel : de au mi- lieu de cette coupe > on voit vu petit fruit vermeil au poffible > de la grof- feûr cfvne cerife ians noyau , qui eft fore délicat au goût^ce qui fait que les Oifeaus en font fort friands* Mais ce qui eft de plus roerveilleus en cette belle Fleur 3 & qui luy a aquis le nom qu'elle porte ^ c'eft > qu'elle fe tourne toujours du cofté du Soleil, qu'elle fe ferme lors qu'il fe couche ,, & s'épa-* nouït quand il fe levé 5 & que pour vn fnreroift de merveille , elle ne peut fouffirir d'eftre touchée de la main > ni en fes feiàilles,ni en fa fleur > Se parti* culierement en fon fruit3qui eft corne le petit cœur de ce rare compoféyque toutes fes feuilles , qui font armées d'épines, comme nous l'avons repre** fente, ne fe recoquillent corne par de certains réfort fecrets & naturels^pout cnveloper la main,& fe mettre en état de repouiïer la violence, Mais après ce foible & inutik éforc , qui n'eft b**' i UWkMWJ&^JLXZW^^XHAmzï I 1 If? I !: 116 Histoire Morale qu'a enlacer de petis oifeaus , qui ont Tailbrance de s'en aprocher , êc non pas aflez de force pour rompre cqs fi- lées y cette admirable fleur fe flétrie en vn inflanc avec fes feuilles, fans reprendre jamais fa première vigueur. De forte , qu'vn léger atouebement eft capable , de faire perdre en vn moment > non feulement toute la grâ- ce & tout le lultre, mais encore la vie à ce petit miracle de la nature. Mi.de Graêves , de qui nous tenons cette mifue defeription , de même que le; crayon de cette plante incomparable, que nous avons fait tiïer au racourcy, dans les Payfages de la Ville de Mèli- Ut , & de la montagne d'OLiœj/,pout enrichir cette féconde édition de nô- tre Hiftoire, nous affine ^ qu'on a ef* faye à plufieurs fois de tranfplantejr fon oignon dans des jardins particu* liersy& qu'on a même aportédu liea- où elle croift,autant de terre qu'il faU loit pour l'entretenir : mais qu'après tous ees*foins &' toutes- ces precautiôs, au lieu de pouffer le tige il s'eft pourri. %% qui fait croire que cette merveil- kufe jfâvinrmm des Iles Antilles. 2.27 leufe Plante , qui ne fe plaitqu'aus montagnes Se dans les liens les plus éloignez du commerce des homes-, ne peut eftre élevée en vn autre air,qu'ëhr celuy où elle a pris fa naiiïance;, ni ar- rachée de fon propre terroir, fans qu'elle perde la vie. Les Provinces de Benarim & de Meraco font fertiles en certains Ar- bres que les Originaires nomment LabiXa , c'eft à dire vn Joyau, à caufe fans doute qu'ils en tirée leurs colliers, leurs bracelets , ôc la plupart de leurs plus precieufes richefles. Ils font de la groflèur 6c de la figure des Lauriers, excepté que leurs feuilles qui fontdâ- telées par le bout, font dVn verd plus gay. Ils portent auffi au Printems des fleurs fort approchantes de celles dos abricotiers , qui fe lèchent êc tom- bent lans eftre fuivies d'aucun fruit: mais en recompenfe , le tronc 5c ks plus groiïes branches de cqs Arbres, Fucnt vne eîpece dcCopal,on de gom- me precieufe , de bonne odeur,& d'vn jaune pâle, à laquelle 011 peut donner telle- figure que l'on defire,quand elle 0 1 f I 22S Histoire Morale eft nouvellement recueillie.Mais étant expoiée au Soleil a ou gardée quelque tems en iieu fec, elleie durcit en telle forte,quV)le ne fe peut difoudre ni à la pluye,ni même das l'eau chaude. Poui: avoir cette liqueur gluante & épeflè, en plus grande abondance , les Habi- tans de ces Provinces-là font au Prin- tems des incifions en divers endroits du tronc,& des plus greffes brandies de ces Arbres 3 puis de trois en trois jours , ils vont recueillir les goûtes qu'ils y trouvent pendantes, defquel* les ils forment des bracelets y des co- iiers^des pendans d'oreilles > des bou- tons* des jettons, & même de petites boettes de diverfe figure & capacités des médailles iur lequelles ils impri- meur diverfes efligies^avant que cette riche matière* qui eft comme vne ef- pece d'Ambre, iedurcifie. Toutes ces curiofitez lont en grande eftime par- iny ce pauvre Peupie,& y tiennent le même rang que l'or & l'argent entre nous. lis s'en fervent auffi* au heu de monnoye^pour entretenir leur cômer- ce3 corne nous le dirons en fon lieu* Mais des Iles Antilles. 229» Mais,entre tous les plus beaus Ar- bres5 qui croiflenc dans ces Contrées, ils font vn état particulier d'vneefpe- ce de Cèdres de tres-agreable odeur,, qui ne le trouve communément, que dans vne belle Vallée > que les Ori- ginaires de la Province de Manques > ont nommée Berfaykaou y qui figni- fie en leur langue > h Vallée des Ce~ dres. Ces Arbres pouffent leur troncs fort droitSjÔc fort hauts , avant qu'ils s'épandent en branches. Leur bois eft ians noeuds, de couleur de citron, Se fi (olide 3 qu'on le peut polir > & en faire toutes lortes de beaus ouvra- ges de menuilerie , qui ont vn luftre éclatant comme Tor bruni > & vne fi douce ôc fi agréable fenteur , qu'elle a la vertu de fortifier le cerveau>& de parfumer tout ce qu'on referre dans les coffres>qui font faits de ce precieus bois , fans crainte qu'il s'y engendre aucune vermine. La Province de Bemarin 5 & cette Vallée dont nous venons de parler, font encore tres-renommees , pouï les rares Oiieaus qui s'y trouvent, don* 1 ! 1 !» I I '%}&. Histoire Mô-ra-l* dont les plus confiderabies font les* TonatZMlis y qui chantent,- auiE melo- dieufement que nos Roffignok Ils font de la grofïeur & prefqne de la fi- gure des Chardonnerets: mais ils ont le ventre & les ailes- d*vn jaune do- ré ; le dos5 d'vn bleu celefte, qui s'é- tend jufques à la queue. La tefte d'vn plumage entremeflé de toutes les cou-r leurs y dont le refte de leur corps eft revêtu, & le bec Se les ferres de cou- leur d'y voire. Ces peuples croyent,, comme nous le dirons tantofi , que ces Oifeaus , qui font fi pompeu- fement parez , font les mefîagers du Soleil a & qu'Us font particulièrement eonfacrez à chanter fes loiianges5 auffi le nom qu'ils leur ont donné, fignifie en leur langue > vn Chantre • 5 ou Mu- sicien du Ciel. Après le Tâ^^/^que nous venons de décrire j le plus rare &c le plus mer- veilleus de tous les Oifeaus , qui font en eftime parmy ces Nations , eft ce* Juy qu'ils nomment Paracoujfe^ccfi-k^ dire 3 le Roytelet.W eft de la g.roffeur de ces getis Eenocmets , que nos ïiv* folair^s L des Iles Ântiele^. xipi fulaires apellent Perriques : mais,il n'a pas le bec crochu , fon vol eft auiïi plus roide, de de plus longue portées 6c au lieu d'vn ramage importun , & d'vn même ton , il a vne voix fort douce , qui contente merveiileule- ment l'oreille, à caufe qu'il la fait conduire félon les règles d'vne mufî- que naturelle * qui n'a point de mau- vais acords. Il eft timbré d'vn penna* che, d'où il fort encore vne petite ai- grette , qui eft comme le plus riche fleuron , qui termine fa couronnée Ses yeus , font comme deus rubis en- chaflèz- En vn chaton d'or , émaillé de blanc. Sa tefte &c fon col , font enrichis d'vn duvet de toutes les plus vives couleurs de la nature , qui re- prefentent vn changeant admirable* Il a fous le col, vn petit cordon noir^. gui luy donne vne grâce merveilleu- ?. Son ventre & le défus de fes ailes, font diverfifiez de jaune & d'incarnat» Son dos ,,& les greffes plumes de fes ailes & de fa queue , font d'vn jaune doré , partagé de noir , de de couleur de feu , par v-n jnclange en forme d'é- cailles^ I m '^^WkSWf^tfJt/; 151 Histoire Morale cailles 3 qui ont vne très -acomplie proportion Ses jambes font orangées, êc la corne de ton bec 3 & l'extrémi- té de fes ferres , font de couleur bru- ne , tirant fur le violet- Le port* & le codage de cet Oifeau, montrent allez qu'il a quelque fentiment de gloire, &: qu'il lait tenir fon rang parmy les 'autres, pour fe voir revécu de tant de vives eouleurs,& fi avantageufement paré. De lorte qu'il faut avouer, que c'efl: avec r^ifon que les Àpalachites, luy ont defifré la couronne, & le titre de Roy, entre tous les autres Oifeaus,- qui fe voyent dans leurs Provinces. Le grand Lac , qui eft connu par- my eus , fous le nom de Theomi , &c celuy qui eftdans la vallée de Berfay- k0ou,Qïit auffi pinfieurs rares Oifeaus, tels que font les Fiammans & les Ai- grettes , que nous avons déjà décrits au premier Livre de cette Hiftoire. Mais celuy qui mérite d'eftre particu- lièrement confideié , entre ceus qui hantent les rivières Se les marais , eft: celuy, ,qiae les Originaires du païs- somment Flotiw ? il eâ de la giofïéur des Iles Antilles. 2jj cTvne Aigrette i &c dVne forme tonte pareille. Ses ailes* fon dos, & les plu- mes de fa queue , font ehamarées comme par écailles, de gris,de blanc, & de noir , &. bordées d'vn petit filet rouge. Sa telle eft couverte de petites plumes noires & luisâtes,qui luy font corne vne toque; & quant au relie de fon plumage, il eft parfaîtemét blanc, Il prépare au Printems fon nid dans les rofeaus , de même que les Poules d'eau, li le couvre par défus avec vne finguliere induftne^ ne laiilant qu'vne petite ouverture du cofté du midy,par laquelle il peut entrer & for tir. Il le garnit par dedâs d'vne fine moufle^ de diverfes petites plumes,quJil va re- cueillir ça ci là parmy les buiflbns.oè il a coutume d'en trouver: & après a- vo'ii" ainfi préparé ôc agencé l'on lit mollet, il y pofe fes œufs , Se y écloft fes péris, pour perpétuer fon efpece. Parmy les Cofachites > qui font les bons voifins & alliez des Apalachi- tes, il y a dans les plus hautes monta- gnes de leur Province 3 vne Caverne merveilleufe, en laquelle les eaus ans faflonné ? & V I l ^34 Histoire Morale faflbnné, toutes les grotefques & les raretez les plus exquifes,qne. la curio*- fitéla plus dificile à contenter-, sauroit defirer pour fon divertilïement. L'on y admire particulerement vn certain endroit , où les eaus tombant en par- tie fur vne pierre dure au poffible, & diftilanc auffi goûtes après goûtes d© dififeréte grofieur 3 dans vn baffin qu'- elles ont formé, font vne mufique fi acomplie , qu'a peine y a - il aucune harmonie , qui luy foit préférable. On trouve auffi parmy les monta- gnes àts Provinces de Schama, & de Meraco, du Criftal de roche,& quel* ques Pierres rouges, & éclatantes,qui ont vn feu allez brillant , pour paffer pour vne efpece de Rubis. Il y a auffi des mines de Cuivre,mais elles ne font par encore découvertes. Ce qui con- firme cette opinion > eft qu'on y ren- contre du fable doré, qui a vn fi grand luftre ; qu'on le prendroit pour du très* fin or , quand les torrens qui le charrient des montagnes à la plaine, le laiifcnt fur le bord des Rivières parmy le fable > mais , les Orfèvres Tayaut 2l^kS^^«-^r^^.^^.^w^^x^»^fV^ des Iles Antî£i,es, 255. l'ayant voulu mettre à l'épreuve , il s'eft prelque entièrement évaporé ati feu, & même ce peu qui eft rcfté dans le crcufet , ne peut paffer, que pour du plus fin Cuivre Pour k clôture de toutes les rare-* tez & fîngularitezqui fe trouvent par- my les Apalachites, il ne faut pas ou- blier de faire la defeription , de la cé- lèbre Vallée de BerfaykaoH^àt laquelle nous avons déjà dit quelque chofe Car c*eft l'vne des plus agréables , de des plus propresà recevoir des Habi- tans ,. qui fe trouvent non feulement en la Floride > mais encore en tome V Amérique Septentrionale/oit qu on ait égard à la fertilité de fon terroir* aus claires fources qui l3arroufent,aus excellens arbres qui la revêtent fi ma- gnifiquement, & fur tout aus Cèdres tres-precieus,qui luy ont aquis le nom quelle porte,de Vallée des Cedres^ni eft l'interprétation du terme, dont les Originaires fe fervent, pour ladiftin- guer d'avec les autresjou que Ton ve- uille confiderer lachaffe & la pefche,.. qui s'y peuvent faire fort avantageufe- mcntâ. i$6 Histoire Morale ment* ou la facilité de la fortifier aved peu de frais 5 & la rendre du rang des pbces que l'on dit eftre imprenables. Cette Vallée eft fituée en vn air fort tempéré 3 entre les trente-quatre Se trente-cinquième degrez au deçà de la Ligne > 5c prefque au centre des renommées montagnes d'j4palatesy qui l'entourans de tous coftez, ne luy laiflent qu'vne petite ouverture ., la- quelle après plufieurs finuefitez fort étroites > fe vient enfin rendre dans la Province de Manques , qui s'étend comme nous l'avons déjà dit. Se dans la plaine & dans les mêmes monta- gnes- Elle eft couverte prefque par tout de beaus Arbres de Coffrée, donc la plupart des Floridiens font ce breu- vage (i excellent & fi fain,qui eft tant prilé parmy eus.il y a auffi des Chef- nés d'vne groffeur & d'vne hauteur extraordinaire3qui portent des glands fi dons y qu'ils lont autant prifez que les Chataignes:& vn fi grand nombre de cette espèce de Cèdres precieusdont nous avons parlé cy défus * qu'ils ont donné à cette Vallée le beau nô qu el- - . /,1e «■"«-vw^ginrrMiin p h i —un 11 ■vz$ Iles Antilles, lyj ïeporte.Tous ces beaus Arbres y iont rangez par les fages mains de la natu- re, en vne diftance fi bien proportio- née , qu'on diroit qu'ils y ayent efté plantez à deffein d'aller par tout ache- vai, 3c fans aucun empefehement. Cette agréable Vallée a environ neuf lieues de long , à prendre du Nord au Sud ,fur vne largeur inéga- le. Car en quelques endroits, elle s'é- tend jufques à trois lieues, Se aus plus étroits,eiie en a du moins vne de de- mye. Elle eft arroufée par tout de plu- fieurs petis ruiiFeaus d'eau vive,qui de la pente des montagnes , où ils pre- lient leurs fources , fe viennent ren- dre dans yne belle Rivière, qui corn* nience au pied de la plus haute mon- tagne du coftédu Nord,& après avoir ferpenté cette Vallée en fa longueur, vient enfin fe perdre dans vn grand Lac , qu elle forme au Sud> qui a en-* yiron deus lieue's de tour. Ce Lac a cecy de merveilleus,qu'e- tant entouré de toutes parts , d'vne chaine continue de hautes 5c iourciî- leufes montagnes , qui luy font par tout *> ** i 1 i ^* J-^JfWWA JV*J^ * * 5*8 Histoire Mo raie tout vn rampai-tinpenecrable.excepté du féal cofté,par où la Rivière s y dé- charge; fon baffin paroit neantmoins en tout tems également rempli ; bien que la Rivière qui le forme* foit fou- m venc demefurément enflée, & que les & torrens,qui roulent leurs eaus de tou- <* tes ks montagnes voifines, s'y précis Pi^nt avec impetuofité , lors que les neiges fe fondent, Se durant les gran- des piuyes du Printems Se de l'Autom- ne. Cette égale constitution des eaus de ce Lac 3 qui fe contiennent tou- jours dans leur lit , fait croire avec raifon , à tous ceus qui voyent cette merveille, que dans les- racines de cçs hautes montagnes , qui le bornent prefque de toutes parts,il y a des abyf. mes , & des concavitez fi profondes & fi vaftes , quelles font capables d'engloutir toutes ces eaus , qui fans doute après avoir traverfc ces con- duits foufterrains, vont faire leur for- tie, en quelque autre endroit de ce nouveau Monde. La Rivière qui compofe ce Lac, faifant fon cours depuis fa fource 5 Se rencontrant ^— ^^^^^v^^^^,/^~rrjpp des Iles Antilles^ 259 rencontrant en trois endroits difte- rens > quelques petites eminences de terre, armées de rochers , fe divife en deus branches , 5c fe' reunit autant de fois en yn même canal : ôc ainfi, elle forme en fon fein trois petites Iles, extrêmement belles, qui font auffi en- richies de Cèdres &C d'autres arbres, qui leur confervent vn ombrage per- pétuel. Elle eft auffi abondante en E- creviiTes , & en plufieurs fortes d'ex- cellens Poiifons. Le Lac en nourrit ,a»ffi vne inlînité,qui en vne faifon de Tannée , montent jufques à la fource de la Riviere,puis redefcendent dans le vafte fein d'oix ils eftoyent fortis, s- ils ne tombent dans les naffes des Pelcheurs, qui leur drefTent pour lors des pieges.On trouve auffi fur le riva- ge du Lac , fk en divers endroits du bord de la Riviere,des Loutres &c des Caftors y qui font fort eftimez non tant pour leur chair , qu'à caufe de leurs piecieufes dépouilles. On rencontre auffi parmy les mon- tagnes, qui font vne fi forte ceinture de murailles naturelles à cette Vallée, vne f^ 1 § Ï40 Histoire Morale vne efpece de Chamois, ou de petites Chèvres Sauvages , qui fe coulent quelquefois par les précipices Se les fentes des rochers dans la plaine;mais auffitoft quelles aperçoivent des hommes , elles regaignent les monta- gnes avec vne agilité incomparable., Les Apalachites les nomment Ako- ueyas^W^ ont la tefte fort petite, à proportion du refte du corps \ le col droit Se élevé, les y eus gros Se vifs,!e poil blanc Si affez long?pour pouvoir eftre filé. Leurs cornes font fort pe- tites à Se recourbées fous les oreilles. Leurs pieds font partagez en quatre ongles , dont il y en a trois fur le de* vant 3 Se le quatrième , qui eft plus large & plus gros que les autres,tour- ne en arrière. Ces Chèvres font fi lé- gères à la courfe, & lors qu'elles font, pourfuivies, elles s'élancent avec tant de roideur Se de vitefle de rocher en rocher, qu'elles femblent plûtoft vo- ler que courir. Ces animaus ont auffi vne fi grande chaleur naturelle > que par tout ou ils fe couchent, durant même les plus grandes froidures de i'hyver-, des Iles Antilles. 241 Fhyver, la glace & la neige y font in- continent fondues. Ceft auffi à cet jndice > que les Chafleurs reconnoif* fent leur gifte , Se qu'ils prennent 00 cafion de leur y tendre des lacets. Leur chair eft tres~bonne , courte & la plus délicate de toutes les venaifons de la Floride : & leur peau eftant bien pré- parée > refifte à la pluye , & a la pro- priété de même que celle du Veldres d'échaufer tellement ceus qui en font couverts,qu,ils peuvent ça (Ter les gla- ces^ parmy les neiges, fans eftre in- commodez de la rigueur du froid.Tous ceus auffi , qui font travaillez de de- fluxions froides,ne fçauroyent defirer vn plus dous Ôc plusYouverain remè- de 3 pour en eftrè foulagez. Cette Vallée , n'eft pas feulement fréquentée des Chaûeurs de la Pro- vince de Manques j qui y ont déjà bâ* tides Villages, mais même du Para* ™#dJApalache,qui y va tous les ans vneoudeus fois,predre leplaifirde la chaCe^parce qu elle eft tres-abondan- teen Cerfs,en Renards.en Sangliers, Tom.lL L & !=te* I I 242. Histoire Morale & en vne infinité d'autres beftes fa*ï- ves>qui font recherchées par ces Peu- ples 5 non tant pour leur yenaifon? qu'à caufe des peaus & des precienfes fourrures qu'ils en tirent % éc qui font eftimées entre eus^pout de grandes rir chelïes. Au refte,cette Vallée n'ayant qu'y*, jie entrée fort étroite qui foit con- nue iufqu'à prefent5 peut eftre facile- ment prefervée des ravages^ que les Barbares font fouvent dans tout te plat pais des terres yoifines;, &c au be- loin , elle pourra fervir de retraite af- filiée 3 &devafte& ample Citadelle ans Apalachites 3 à Tencontre de tous ceus qui voudroy eut troubler le repos dont ils jouïifent parmy ces agréables folitudes 3 où la proyiden.ee tes a fait îiaiftre. Nous aprenons auffi des der- niers mémoires de M**Pde Graëves, qu'ils ont deffein , d'y transporter les principales forces de leur Etatja Mai- fon Royale-» les Collèges, & tous les autres ornemens de leur Ville Capi- tale y de d'y enbaftir vne autre de plus grande étendue que celle de Mdilot9 SlkàttauEfix: oïs Iles Antilles." 24$ Melïlot i fanant le plan, qui en a efté drefle depuis quelques années, par vn Capitaine Irlandois,qui s entend par- faitement bien à T Archite<3ure>& auS Fortifications:& que dans l'efperance de venir à bout de ce genereus projet, ils ont déjà bâti vn petit fort à l'em- bouchure de cette Vallée , pour s'en çonierver la propriété. Article III. m Corps des ApaUchites , & de leurs Vétemens. LEs Apalachkes, font pour la plu- part de grande ftature, de couleur olivâtre & bien proportionez de corps. Ils naifTent tous aifez blancsj mais ils changent la couleur naturelle & de les trefler fort proprement ; toute- fois avec cette difference.que les fem- mes les agencent fur le fommet de leurs teftes , en forme de guirlande>au lieu que les hommes, les tiennét d'or- dinaire liez & entortillez en deus flo- qûets>qui pendent derrière leurs oreil- les : pour n'avoir rien qui les empef- che , de bander &c de tirer leurs arcs: mais aus jours de parade de de rejonïf- fance , ils en laiiïent floter vne partie fur leurs épaules, ce qui leur donne vne fort bonne grâce. Lei Habitas des montagnes,coupent entièrement ™T^r<*^*™^»>-r***—~>^Yârï\{m bes Iles Anti1le&. 145 entièrement les cheveusdu côté droite de lai liant croiftre les autres , ils les recoquillent ôc les ramaflent fur le haut de leur tefte, en forme de crefte, qui panche vn peu fur l'oreille gau- che. Ils n'ont auffi pour la plûpart,au- cun vfage de bonets,ni de chauiïures, ôc quant aus autres parties de leurs corps , ils les couvrent de dépouillées de Tigres de deLeopards,ou de peaus de Cerfs ôc de Chèvres fauvages, fort proprement coufue's en forme de ca- faques , qui leur bâtent jufques - aus genous , ôc qui ont des manches qui ne paflent point le coude. Ceus des autres Provinces,qui font fi tuées au pied des montagnes â'Apa- Utes , alloyent autrefois nuds dépuis le nombril en haut,durant tout l'efté: & en hyver , ils portoient des man- teau s de peaus,. enrichis de fourrures, mais aujourduy, ils font en tdute fai- fon honeftement couverts. Car pen- dant les chaleurs , ils ont des habits fort légers, qui font faits de cotton ou de Iaine,que les femmes fçivent filer, pour en compofer en fuite fur des L 3 métiers trm nwrm n I I 1 I I M i 24£ Histoire Moraib métiers > plufieurs fortes de petites étofes bigarrées de diverfes couleurs, qui font de durée 5 & agréables à la yeuë.Mais durant rHiver,qui eft fou- vent a0ez rude , ils font tous habilezr de diverfcs peaus , qu'ils £a vent âpre- fter auffi proprement,, que les plus ex- perts Peletiers de l'Europe. Ils laiiïent à quelques vues r le poil ou la laine*, qui leur fervent de fourrure; & ils paflènt les autres ôc les laiflent vnie& des déus cotez ,, afin dsy peindre des fleurs, ou quelques figures, léquelles ils releventavec des couleurs fi vives*. ôc (î bien apliquées ,. qu'elles paroit fent de loin x comme de la broderie: bien exquife. Ils ont auffi apris des; étrangers qui font parmi eus^à tanner les peaus de bœufs ôc de cerfs , pouE en faire des fouliers ôc desbotines. ; Les hommes mariez ,. portent des benêts dé peaus de Loutres , parfaite- ment noires & luifantes* Ils les font allez hauts , ôc leur laiffent vn bord large de trois pouces ou environ, qui aboutit en pointe par devant ,. ôc Yvn des cotez eft enrichi d'vn bouquet de plumes. ^■^i^^^n^^r iit§ ïtES ÂNTlLtES. 247 plumes d3aigrettes> ou de quelque au- tre oifeaus 3 qui font en eftime parmi eus. Les Femmes y fe couvrent auiïï k tefte 3 avec des coëffes qui fonc bordées de quelque riche fourrure grife ou noire > mais les jeunes hom- mes & les filles >< n'ont en tout tems aucun autre ornement de tefte , que leurs propres cheveus > cordelez de trefièz euTieufement 3 comme nous l'avons reprefenté cy défus. Cens du commun, n'ont pour tout habilement > qu'vne Cafaque à cour- tes manches, fur vne petite chemifet- tede Chamois , qui leur defeend juf- ques aus genous. Cette Cafaque qui leur couvre le gras de la jambe , eft liée fur les reins avec vne ceinture de cuir y qui eft ornée en divers endroits dJvn ouvrage 5 qui femble eftre fait à l'aiguille. Mais les Chefs de famille portent encore par défusyvne forte de manteau fans collet^qui ne'tombe par devant > que fur le nombril;bien que par derriere,il pende prcfques jufques à terre. L'habit des femmes de la mê- me condition > eft fort aprochant de L 4 celuy a-Jummg«i^mE« l I I m I 248 Histoire Morale celuy des hommes , hormis que leurs robes couvrent la cheville du pied;, 6c que leur manteaa>qui eft entièrement fermé par devant , a deus ouvertures ans cotez > par où elles paifent les bras. Le ParacoulTe , les Gouverneurs des Provinces* les Capitaines * & gé- néralement tous les Officiers^qui fré- quentent la cour de Melilot, font ha- billez beaucoup plus richement , & plus curieufement que le commun. Car au lieu que ceus-cy font couverts fur la peau d'vne chemifette dé cha- mois > ceus - la y qui ont à prefent la connoiiîance ôc Tvfage des toiles de cotton & de lin , fe fervent de che- mifes fort amples , dont les bords des collets 5c des manches , font brodez de foye de diverfes couleurs : de quant à leurs robes > elles font enjolivées en efté, de plufieurs liftons en forme de paifemens* & en hyver^de fort ex- quifes & rares fourrures , qui les en- richirent y & qui paroiffent comme par divers étages. Ils fc ceignent aufli d'vnc ceinture de foye* ou de quelque autre des Iles Antilles. 245? autre riche étofe : 3c lors qu'ils veu- lent paroiftre en leur plus grande pô- pc,6c avec leurs habits de cérémonie* ils fe chargent par deffus tout cela* de cette forte de long manteau* dot nous avons déjà parlé , ou s'ils ne veulent point eftre tant embaraffez, ils fe pa- rent feulement dJvne efpece de cafa- que à larges manches* qui eft ouverte par devant,afin de faire voir leurs au- tres habits*&: fur tout, vne lame d'ar- gent ou de fin cuivre*de la largeur de la paume de la main, qu'ils portent fur- leur poitrine, comme vne marque de leurnobleffe* ou fi vous voulez com- me le collier de leur ordre. Ils font auffi fort curieus d'avoit des Toques de grand prix , fait que Ton coniidere les belles peaus & les riches fourrures dont elles font (faites , ou qu'on ait égard aus plumes, & ans ri- ches cordons qui les embeliffent. Ils n'ont pas encore l'vfage des bas de. chauffes , ni des gants -niais ils por- tent des botines & des fouliers , qui leur tiennent le piedferré,& qui peu- véc paffer pour bic faits,en via païs*oà L s les m I I I 250 Histoire Moraee- les arts ne font encore qu'en leu& îiaifFanGe. Les laoàa* , qui font lès Sacrifica- teurs du Soleil, & les Médecins de ce peuple, font auffi difeernez par des vétemens , qui leur font particuliers: êc bien que la matière de la forme,en foit ridicule & grotefqueau poffible, ils croyent neantmoin*-, qu il n'y a> rien qui foit plus feant à la gravité de leur profeffion , ni qui foit plus ca- pable de leur atirer le refped &. l'ad- miratié des autres Ordres. Ces habits confident en vne longue robe, qui eft faite de peaus de diverfes belles fau- vages, coupées par bandes de largeur inégale , dont les poils de différentes couleurs , reprefentent au dehors va afreus mélange. Ce Pelîiïbn, qui leur bat jusqu'au défous du gras de là jam- be , eft ferré par le milieu -,. avec vne ceinture de cuir de cerf , à laquelle ils attachent 3.011 4. efcarcelles,qui font ordinairement remplies de> plufieurs fortes d'herbes , auxquelles ils atri- buent de grandes vertus pour la gue- lifQiide diverfes maladies ^aufquelles ils I j^^^^^^'^^^^^^w^îrwrr des Iles Antilles. 251 ils font fujets. Pair défus cette robe,ils portent au lieu de manteau > la dépo- uille toute entière, dVn Liqn , ou d'vn Tigre , ou dVn Léopard , dont la telle & les pâtes qui font féches, leur pandent fur leftomac,& aus deus cotez. Ils ont les oreilles percées > 8c au lieu de pandans de quelques pierres precieufes > ils y atachent certains pe- tïs oifeaus noirs qui font endurcis à la fumée. Soit que ce foit par fuperfti- tion 3 ou par coûtume^ils ont en tout fcems les pieds nuds, mais leur tefte eft* couverte d'vnbonet fort haut qui a- boutit en pointe 0 Se qui eft compofe" depeaus avec leur poil marquetées de diferentes couleurs ,;■■& le^ plus hideu- fés'qu ils peuvent rencontrer. Enfin, leurs bras qui font nud s iufques au coude y font marquez de plufieurs ca- ractères } de autres figures qui leur font faites auternsde leur promotion aces Charges-, par les Surintendant de-leur Religion y qui après les avoir defignées fur la chair de leurs &&-' fe^r ^nt des piqûres iufques m' £*fcj lequel ils étanchènt ffinffà# i 252. Histoire Morale en jettanc fur la piaye la cendre d'vne certaine écorce d'arbre , qui laiiîe à la cicatrice vne couleur brune 3 qui ne s'éface jamais. Les femmes des Gouverneurs & des Officiers font plus richement pa- rées ques les autres de moindre con- dition. Leurs robes montent par de- grez & font enrichies de broderie à leur mode^ou de riches fourrures fuy- vant h faifonjde même que celles des hommes de qualité. Mais au lieu de Cafaques* elles portent des manteli- nes,qui les couvrét jufqu'aus genous, & qui ont des ouvertures ans cotez* par où elles paflent les bras.Lors qu'- elles font conviées de fe trouver en quelque aiîerablée folemnelle > ou à quelque feftin 5 elles ajoutent à leur coëffure ordinaire * vn voile de quel- que légère ctofe5quiflote fur leurs ha- bits. Elles peignent auffi leurs joues de vermillon ~> &c atachent à leurs o- reilies des pendans de criftal > ou de quelque autre matière qui ait de ré- dat, &c pour le dernier de leurs orne- jpens,elles fe chargent le col,de chaî- nes afcsg^«-^>^ fcT-WMKSWfi £>ss Iles Antilles, ijj nés Se de coliers d'ambre^ou de cor al* ou de quelques pierres verres ou rou- ges qui ont du luftre. Car les perles* les émeraudes 8c les diamâs*que quel- ques- vus ont mis entre les trefors de çepeuple5il eft très - confiant 3 qu'ils leur ont donné beaucoup plus de ri- cheiFes fur le papier * qu'ils n'en ont dans leurs cofres. Article IV. De r Origine des Afalachites & de leur Langage. LEs ApaUchites 3 fe tiennent des plus anciens Peuples de tout ce nouveau monde : & bien qu'ils ne fe vantent pas comme les Arcadiens d'ê- tre nez devant la Lune,ôt d'avoir efté produits immédiatement de la terre* ils fe glorifient neantmoins 3 d'avoir poiïedé dépuis plufieurs générations* le païs qu'ils habitent. Mais d'autant qu'ils n'ont point d'autres Annales* que la traditive qu'ils ont receuë de leurs predecefleursj ils ne fauroient di- re precifement*côbien il y*a de ficelés qu'ils font en cette terre ; ni d'où ils y wav rv^-ii-i -■ n ru p. v**ji wjim^^m 7\ fà I g %f 4 Histoire Moraïi y font venus. De forte , que tout cr que l'on peut recueillir de plus vray- lemblable de leurs difcours fur ce fujet ,- c eft ,. qu'ils- y ont efté pouf- fez de cette partie de TAfie y qui eft à prefent ocupée par vne nation de- Tartares3 qui n'eft feparée de l'A- mérique Septentrionale p que par ce petit détroit que l'on zçdkd'An* jan* ~ Les plus éclairez dans la connoif- fance de l'origine des Habitans de ce nouveau monde, 3c les plus judicieus entre les Anglois de la Virginie &- de la neuve Angléterre^confirmentce fentiment touchant lavraye fourcede ces Peuples 3 &: Tapuyent en premier lieu , fur ce que les Américains > ont le teint , tous les traits du vifage , la pofture du corps, les cheveus>& par- ticulièrement les yeus entièrement ra- piortâns à ceus des plus rudes entre les Tattaresy qui habitent les contrées* de TAfié , que Ton tient eftre les plus voifines de l'Amérique ^ Ils fondent aufE4eur opinion/ur ce qyseles Ame» ricains fonrdans rigïiorance groffiere I m s II e s A n travaillent prefen- tement à éclaircir fur les lieus vne matière fi confufe>& qui foufre enco- re tât de difieultezjbien qu elle ait efté maniée par tant de bonnes plumes. Eour ce qui eft maintenant de leur langage- I 1 g I I 0 I i$6 Histoire Moraié langage, les fix Provinces qui recôn- noiisét le ParacouiTe à3 Apalache pour leur fouverain , entendent la langue de celle de Bernarin ôc de la ville de Melilot 3 où juiqu'à prefent il a fait fa demeure plus arrêtée : mais > elles ont chacune vne dialecte particuliè- re y qui fait que le langage des vns, diffère en quelque choie de celuy àç.s autres. Les Provinces d'Amana ôc de Manques , où Te trouvent encore plufieurs familles de Caraïbes 3 ont auffi retenu jufqu'à maintenant^beau- coup de mots de l'ancien idiome de cette Nation -là , qui juilifient plei- nement ce que nous avons pofé â af- favoir , qu'ayans vn même nom 5 ôc beaucoup de termes qui leur font com- muns avec les anciens Habitans des Antilles 3 ils ont auffi vne même ori- gine ; comme nous l'avons reprefen- te au Chapitre précèdent. Les Capitaines 3 les Chefs de £i^ milles y ôc tous cens qui font profef- fîon de quelque civilité y ou qui afpi- rent d'eftre employez au confeil>&: ail maniement des afaires de la dernière importance flWN&^fTifV! des Iles Antilles. 257 importance de leur petit: état , & fer- vent d\n langage plus orné , & plus fleuri que celuy du vulgaire. Leurs expreffions font precifes , 6c leurs pé- riodes afTez courtes. Ils ont auffi de beaus mots, qui font très- propres, pour exprimer leurs penfées. lis font auffi fort riches en comparaifons fort naifves, qui donnent vne grâce mer- veilleufe , ôc de grandes lumières à leurs difcouis. Et tous les étrangers qui vivent avec eus & qui entendent leur langue, leur rendent ce témoi- gnage , qu'ils n'ont ni la fterilité de quelques autres peuples de l'Améri- que, qui n'ont point de termes parti- culiers , poui exprimer beaucoup de chofes , qui font de l'vfage ordinaire de la focieté civilemi l'abondance & la fuperfluité de quelques autres ; mais vne netteté fans artifîce,qui eft animée d'vn certain feu,& d'vne agréable ca- dence, qui n'a rien de rude ni de cho- quant en la prononciation, ou qui n'ait fon poids & fa force particulière. Nous aurios icy ajouté pour la clôture de cet Article, vn petit effay de cette langue, s I I58 HlSÎOÎÏlE MoRAÊÉ langue^pour en donner quelque goût ans curieus. Mais > outre que la pro- nonciation des Originaires iny donne ïa meilleure partie de la douceur & de la grâce 5 que nos caraéteres ôë nôtre ortographe y ne luy peuvent point conferver : ÎVn de Meilleurs les Dire&euïs de la Colonie de la Pâfc me 5 travaillant actuellement -, à faire Voir la conformité & le grand raporc> qu'il y a entre la plufpart des lan- gues des Peuples de l'Amérique* 8c celle des Tar tares , & quelques Arabes de Y Aïîe ,- nous luy taillons ires-volontiersi cette tâche toute en- lîere-. A R T I C LE V. Des Fi lies, & des' Villages des Ap&* lachites^de leurs mmfons, é* de leurs mettbles. LEs places que les Apalachîtefr Ho- norent du nom de Villes/ont cer- tains Villages ou hameaus vn peu- f lus peuplés que les autres qui au lieu vrwévmi VV^fW^V, b-es- Iebs ' Anti'eies*. 2'5:^ <ëfe murailles de pierres ou de briques**- font fermez par dehors sde groiFes pièces de bois pointues & brûlées par le bouc y qui eft fiché profondément en terre 3 ou qui au lieu de ces palifa* des qui peuvent eftre facilement brû- lées, font entourez d'hayes vives,tif- fuës & entrelaifées -■ d*épines fort pi- quantes ,, qui ont ordinairement trois ou quatre pieds d'épaiflèur , de qui font plantées au pied du terrain qui les apuye , & qui panche en talus au dedans la place y à laquelle il fert de rampart aflèz large , pour la pouvoir défendre de défus. En chaque Ville,il n'y a pour l'ordinaire que deus portes aifez étroites, qui fe ferment avec des pièces de bois , que Ton coule de dé- fus vneefpecedepetis boulevards, ou de tourelles de gazons,qui sot élevées de part & d'autre de ces entrées pour pofer les fentinelles, & pour pouvoir commander de là fur les avenues» Chaque Province , n'a que trois ou quatre Villes pour le plus , qui ont leurs Gouverneurs particuliers , qui y font leur demeure ordinaire , & qui commandent £ i %ôo Histoire Morale commandent à tous les Capitaines deâ Villages voifîns, qui font de leur ref- fort 3 félon le partage 3 que le Para- coufTe d'Apalache à trouvé bon d'en faire , pour éviter les querelles s qui naifloient fouvent entre les Gouver- neurs & les autres Officiers qui relè- vent de iuy fur l'étendue des limites de leur lurifdi&ion* Les Villages des Apalachites^font fans contredit plus agréables que leurs Villes : à cauie que les habitations ou maifons , y font , beaucoup plus fpacieufes 8c plus aérées 5 bien que quant au refte > elles ne foient pas de beaucoup diferentes. Car elles font toutes bâties avec vne merveilleufe (implicite , aflavoir de pièces de bois plantées en terre 5 & jointes les vnes aus autres , fans élire rabotées ni en- clavées par quelque folide aflembla- ge 5 félon Tordre de nos bâti mens „ de charpenterie. Ou bien 3 elles font faites de perches ^ dont on a levé Té- corce , qui font arangées en forme de claves 5 ou de galandage , lequel eft enduit & encroûté de part & d3au- tre^ «««^^■«»iM»?«»WMMrT ■&ts- Ilbs Antilles^ i£î tre , avec de la terre grafle , qui en remplie fi parfaitement tous les trous/ & toutes les crevaiîes , que le vent ni le froid ne peuvent pénétrer au travers. Ces légers edifices/ont tous d'vne figure plus longue que large > qui fe termine en ovale aus deus extrémités, qui font toujours tournées au Nord & au midy, afin que les v en s les plus ; impetueus ; qui fouflent régulière- ment de ces coftez- payent moins de prife fur elles» Ceft auffi dans le mê- me deffein , de les parer contre les grandes fécouffes des vQns , qu'ils les font fi ba(Tcs,que la naitfance de leurs toits 3 neft élevée de terre , que de cinq à fix pieds pour le plus.Ces Cou- verts , qui a ont de pente qu'autant qu il en faut pour faire écouler la plu- ye , font pour la plupart tiiïus de ro- feaus^ou de joncs liez en petis faiiïeaus ôc ferrez fi prés les vns des autres, qu ils fuportenf plus long tems la plu- ye & le vent fans en eftreendomma- gez,que ceus qui font de tuiles ou d'ar* doize : fur tout s'ils font enduits d'vh certain % 90 I «S* Histoire Moraie certain maftic , qui eft compofé de gomme d'arbres, & dVn ceccain fable meflez enfemble, qui a la vertu de les coferver entiers par plufieurs années. Dans l'intérieur de ces maifons balles ôc fïmples , il n> a rien de plus beau ni de plus confiderable , que le pave des chambres. Car bien qu'il ne loic fait que de coquillages calcinez, .& d'vne iorte de fable doré qu'ils ti- rent des montagnes, dont ils font vn ciment ■; il a tant d'éclat lors qu'il eft bien fec,qu*il femble eftre parfemé de paillettes d or* &c avec letems , il de- vient Il folide & fi poli , qu'on le prendroit pour vue efpeccde mar- bre. Ces Maifons, qui font fort longues à proportion de leur largeur, font toutes partagées en plufieurs petites chambres vn peuobfcures, aufquelles on entre par vne allée fort étroite,qui les fepare , par vne forte de tapiflerie faite d'écorces d'arbres , ou de feuilles de palmes, & tiifuë en forme de corn- partirnens de diverfes couleurs. Les chambres des Principaus du païs,font tendues $******<— trm vttvmtmrfv MWM bes Iles Âh tilles. %€% tendues tout autour de peaus de Cerfs ou de Chamois 3 qui font .diverfifiées par vue agréable mélange de couleurs affez vives, dont ils les favent teindre.. Il y a même des hommes parmy eus, qui font allez adroits , pour faire des tapis avec le duvet Se des plumes de divers oifeaus,lefquelks ils arrangent avec tant dJinduftrie &c de propor- tion3 qu'à pêne y a - tf il aucune étofe de foye s qui foit plus agréable à la veuë. Leurs lits, ne font point fermer ni entourez de rideaus comme la plu- part des nôtres. Deus ou trois plan- ches élevées fur quatre piquets qui font fichez en terre , en font le châlit & le fo^tien, fur lequel ceus du com- mun > étendent des facs remplis de Fougère 5 & des couvertures de peaus d'Ours ? qui ont la propriété de ne foufrir aucune vermine. Ils tiennent, de même que les anciens Ecoilbis^que ces lits qui ne font que de fimples fe- uilles dp fougère » font préférables à ceus de plumes * à caufe que cette plante , a vne vertu feçrette pour dé- lairer I ! 1 i 2^4 Histoire Morale lafler le corps > &c reparer fes forces épuifées par la chaffe 3 ou par quel- que autre violent exercice. Mais les perfonnes qui veulent coucher vn peu plus mollement, remplirent leurs lits de ce duvet , qui croilt fur la Plante que nous avons d'écrite cy deffus fous le nom d'Hyaleitokj.Ws les parent aufli durant les chaleurs de peaus de cha- moys , ou d'autres beftes fauves , les- quelles ils fçavent préparer & teindre de iî vives couleurs > qu'on les pren- droit de loin pour des plus riches ta- pis de Turquie. Ces Couvertures d'e- lle, font d'ailleurs fi proprement cou- rues , qu'encore qu'elles foyent faites de plufieurs pièces raportées à peine en peut-on dîcerner les jointuresrmais en hiver les Gouverneurs Se les Chefs des familles les plus confiderables, couvrent leur lits de fourrures de martes , ou de caftors , ou de renards blancs,qui font toutes fi bien paffées, qu'il ne s'y engendre aucune ordure: de forte,que fans eftre beaucoup char- gez, ils font parfaitement bien munis contre la rigueur du froid. Ils "^~~1A~— TVT"T des Iles Antilles. 2^5 lis n'ont ni bufets,ni cofres, ni ca- bles , ni aucuns autres meubles pre- cieus pour l'ornement de leurs cham- bres : leurs lits,& quelques Couffins, leur tiennct lieu de chaifes & de bancs: & vn tapis de euir étendu fur le pavé, autour duquel ils fe rangent en rond* lors qu'ils veulent prendre leur repas, leur fert de tables , de napes & de ferviettes. Ils tranchent toutes leurs viandes en petis morceaus, avant qua de les prefenter pour eftre mangées, & bien qu'ils n'ayent point l'vfage des fourchues, ils le fervent de cueil- bercs, & de certains poinçons d'os ou de bois y Se ils en prenent leurs mor- ceaus avec tant de dextérité , qu'il ar- rive fortirarement , qu'ils répandent quoy qu? ce foit fur leurs habits. La vaiflelle d ont ils vfent en leur ménage, eft de terre, ou de fruits d'ar- bres qui ont vne écorce ligneufe , la- quelle ils favent polir &' encroûter par dedans > d'vn certain lac dedife- Lente couleur , qui ne s'eface jamais, bien qu'il foie fouvent lavé avec de l'eau chaude:& quant au dehors.il eft Totn.IL M émailié I 1 1 I I m i i w & i 166 Histoire Moraie émaillé de fleurs ôc de diverfes grotef* ques, qui encherillènt leur prix ,. fé- lon qu'elles font faites dVne meiU leure main,ouqu elles font mieus en- jolivées. Les pois, les fevés,le ris, les rnays, les lentilles , &c femblabies légumes font les mets les plus ordinaurs qui leur fontfervis, 6c il arrive rarement, qu'on leur prefente dens fortes de viande en vu même repas. Avant que les Etrangers euiïgnt pénétré jnfques àeus,iîs ne mangcoyent aucune chair cToilèaus ni de beftes à quatre pieds, & bien qu'ils filTent la cliaflè 9 ce n'é- toit que par diverti (Fetnent , de pour netoyer le pais d'aniroaus farouches. Il y a même encore k prefent piufieurs anciennes familles parmy eus , qui ne fauroyenr eftre induites à manger du poiiïbn 5 ni d'aucune autre chofe, qui ait eu vie fenfitive 5 teUement.que fans faire profeffion d' eftre des diiei- ples de Pythagore , ils obfervent exa*. <£keinent ce point de fa rigourçufe dis- cipline. Bien que la Vigne croifle naturel- rem en t yymywa^vwfi des Iles Antilles. %Gj lement en leur terre , Se que les raï- finsy viennent! maturité, ils ne font point de vin : maisTeau pure eft leur boifïbn la plus ordinaire. Ils ne batif- lent auffi auenne de leurs demeures, qu^aus endrois où il y a des fources* qui ne tariflent jamais. Il eft vray que- dans leurs feftins 3 ils fe ferventd'vne forte de bière fort agréable & nour- riflante, qui eft faite àtMays^ Se qu'ils ont TadreiFe de compofer de hydromel Par&itement bon, le miel qn ils tirent des fentes des rochers Se du creus des viens arbres,leur en four- niifant la matière en toute abondan- ce : mais ni lVn ni l'autre de ces bru- vages , non plus que celny de la Caf* fine , qui eft myfteriens Se medecinal, ne font point dVn vfage commun parmy ce peuple. Diverfes bonnes racines qui croif- lent dans leurs terres , leur ferven* en a place du pain. Ils font auffi des ga. lettes affez délicates avec du Majs9 que les femmes reduifent en farine à force de bras 5 en moulant ce graira entre deus pierres , dont Tvne eft pîa- M 2 m i i 1 ! S 1 C* »— ^ wji^p^mtjjiumgwga I ï Z6§ Hl&TOIRE MoRAIS te $c l'autre ronde & longue. Ce qui ne peut eftre fans vn travail > & vne longueur qui lafferoit la patience de tomes autres perfonnes. Ceus d'en- tre eus qui vfent à prefent de chair & de poiilon :> les font rôtir, à caufe qu'ils eftiment;, que l'eau leur ofteroit leur meilleure &. plus agréable faveur. Ils ont 3 à ce -qu'ils difent !j l'vfage du fel dépuis vn tems immémorial, mais au lieu qu'autrefois ils n'en avo- yent point qu'avec beaucoup de pé- xics,8c par l'entremife des. autres peu- pies qui demeurent le long de la cofte de la mer 3 ils ont depuis peu "décou- vert vne fontaine falêe3au pied de l'v- ne de leurs montagnes, qui fera capa- ble de leur en fournir de fort blanc & de très- pur avec vue facilité nompa- reille,puis qu'il ne leur manque point de bois pour le cuire , & qu'ils ont trouvé le fecret de le mettre en petis pains ï ainfi qu'ils l'ont déjà éprouvé avecvn heureus fuccés. Arti W^VThl JDÊS ÎLES ANTILLES, 2.6 $ Article V I. Des mœurs des A^alachites^ LEs Apalachite^ont vne certaine (implicite Naturelle , qui paraît en plufîeurs/rencontres, autquelles ils font faifis ciétonBeiYient3pour ne pou- voir point comprendre la vraie caufej de ce qui leur en fournie lèfujet. Dé même que les autres Nations Barbai res , qui n'ont pas encore l'vfage des caractères, ilsitoyent autrefois extrê- mement iurpris lors qu'ils voioyent écrire , ôc iur tout , quand ils remar- quoyent par leur propre expérience* qu'à l'ayde de ces petites figures for- mées fur le papier , les Européens qui vivent avec eusxdonnoyent àconnoi- ftre à leurs amis abfens, l'état de leurs afaircs, ôc leurs plus fecrettes penfées,. Ils admiroyent auffi les livres , les armes à feu , les montres fouantes, les cartes de Geografie , le§ globes celeftes ôc terreftr.es., les fpheres > & toutes les curiofitez d'émail , de miniature, Se d'orfèvrerie , que les étrangers i leur aportoyent : ;mais à M 5 prêtent w^9 SSKI19BKSB 1 270 Histoire Morale prefent que toutes ces chofesleur font allez familières , ils ceflent d'avoir de l'admiration pour eiles,bien qu'ils les ayent en fi grande eftime , qu'ils n'é- pargnent point ce qu'ils ont de pias preciens pour en avoir la pofleflîon. Ils ont vne Aftrologieà leur mode, par laquelle ils predifent à peu prés,, les pluyes , les fécherefles , les ora- ges , Scies changemens du tems, au* paravant qu'ils arrivent : mais ils ne peuvent fe perfuader que la mer ôc la- terre ne falîent enfemble qu'vn feul globe , qui eft ferme- & fufpendu au milieu de la vafte étendue de l'air,, qui l'envelope également de tous coû- tez , n'ayant aucun autre fourien»que la puiffante main du Divin Ouvrier qui l'a faite à la loiiange de fa gloire.. Car au contraire, ils croyent ,. qu'en- core que la iuperficie de la terre, foit raboteule Ôc relevée en montagnes,, elle eft plate par defous , étant apu- yée fur vne baze ferme & immobile,. qui leur eft inconnue. Ils tiennent auffi,que les Cieus font d'vne matière folide ôc tranfpareme,& que le Soleil --i . la ^^■^^^■^'tfiarii m i Z»£S Ï1ES ÀNÏlttÉS. ljl la Lune ^ & les étoiiesrfont des corps AY celeftes* incorruptibles & animez, qui s'égayentincefFament & fans fe kflfefj forces beaus lambris azurez d'où ils éclairent le monde. Ils ne peuvent voir de longues barbes/ans en témoigner vn étonne- ^ ment extraordinaire i parce qu'ils ne S$ peuvent comprédre5à ce qu'ils difent, 51 que des perfonnes douées de raifon, * puiiTent foufFrir à leurs mentons de en leurs pues > ces excremens fupeiflus j & cette charge inutile 5 qui fuyvant f leur fentiment , ne peut eftre bien- feante 3 qu'aus cheures 5 & aus boucs. Ils s'émerveilloyent auiE au com- mencement de ce que les étrangers qui ont la veuë foible3ou débilitée par la vieiilefïe, ou par quelque accident, fe fervent de lunettes pour la foula- ger. Parce que parmy-eus 3 Ton voit communément des vieillards qui a- prochent , ou même qui ont paife la centième année de leur âge/ans qu'ils puiflent remarquer aucune foiblefïe, ou le moindre racourcillemcnt de leur veuë.Le grand foin qu'ils ont d'éviter M 4 la s I Lu.M^miLjvK\wjmj^^ua&B iji Histoire Morale la fumée ., de tout ce qui peut ofenfer les yeux , contribue beaucoup à la.v.i- goureufe conftitution \ Se à la-conftr- vation de ce fens , car ceus qui ont conversé parmy eus , ont remarqué qu'ils n'aprochent point .du feu , fi ce ifeft dans des rencontres extraordi- naires à fe fervant pour échaufer leurs chambres durant l'Hyver d'vne forte de Poë!es,qui font faits de terre cuite, &qui font fi bien difpofezen certains endrois de leurs demeures, que toutes les places en font échaufées, fans que ceus qui font dans les chambres aux- quelles ils refpondent,foient tant foit peu incommodez de la flamme ou de la fumée du feu,qui y eiî mis 5c attizé par dehors. Ils ont neantmoins vue iînguliere Vénération pour le feu , comme étant félon leur ancienne créance , la vive image du Soleil qu'ils adorent,. D'eu vient que s'ils introduifent quelques étrangers dans leurs cuifines , ou à l'emboucheure des fournaifes qui é- chaufent leurs Poêles , ils ne peuvent foufrir , qn'ils crachent ou qu ils iet- teiit g*^«*=^iBrr des îles Antilles. 273 Cent quelque imroondice fur le bra- zier, d'autant qu'ils croyent que l'in- }ure qu'on fait à l'image 3 réjaillit fur roriginaliôc que ceù. vue irrévérence &C vue ingratitude infupportable, d'a- voir Ci peude refpe6fc,& de reconnoif- fance pour vn Elément û p«r3& fi ne- ceffaire à l'entretien de la vie. Ils conieruent foigneul eurent en leurs mémoires :> comme m autant de fidèles regiftresjksgenerenfes avions de leurs anceftres , & les plus mémo- rables exploits de leurs Roitelets pour en faire le récit aus jours.de leurs ré- joiiillànccs publiques. Ils font parti- culièrement vne commémoration fo- lemnelle de l'vn de leurs plus illuftres Paracoujfe, q u'i 1 s n o m me n t Mayrdoh^ d'autant quMs tiennent que c'eft luy, qui étendit , Ôc afermit les limites de leur Etat>avec tant de gloire,& d'heaf- reus fuccés, que durant Ton règne, les Sauvages n ofoient pas feulement aprocher de leurs frontières pour y •faire le dégât,ou y enlever des prifon~ niers , comme ils le failoient aupara- vant, lis ajoutent que ce fui ce même M 5 Prince* i i 274 Histoire Morale Prince , qui les obligea par la force- de fes railons , ôc par ion exemple, à^ former des Communaucez fixes ôc ar- rêtées eh vu lieu , ôc à munir leurs Villages de pkuz ôc d'hayes vives, pour rehfter plus facilement ausata- ques de leurs ennemis, & éviter leurs furprifes. Ils célèbrent aufïi dans leurs chanfons , l'vn de leurs Iaokas , qui eft connu parmy eus, fous le nom de ■Kœrakairy 3 "ôc quia mérité cet hon- -rieur, pour avoir infticué le fervice du "•Soleil>& leur avoir enfeigné la façon de cultiver la terre , de faite la chaife -du Cerf , ôc de rendre des pièges aus •fe^ftes farouches , qui defoloyent au*~ trefois leurs Provinces. . Ils ont allez de foin & de prévoyan- ce y. pour fe procurer les chofes qui font abfolument neceflaires pour leur nourriture ^ ôc pour leurs v-etemens, corne auffi pour bâtir leurs cabanesj&r fe mettre à^couvert des iniures de l'air: mais ils n'amalfenc point de provi- iîons pour plufieurs années i, ôc tant s'en faut qu'ils fe travaillent en aucu- ne façon pour . amaffer des richelTes,. ou •'"'^—^-^Ênnanrm des Iles Antilles. 275 ou des délices, de des magnifiques maifons,qu'ils fe rient ordinairement entre-eus 3 des vaines follicitudes , Se de tous les enpreiremens des étran- gers , qui recherchent fouvent avec ardeur toutes ces chofes -fuperfluës. Ils font prefque tous d'vn naturel obligeant &■ grandement aimable, Se parce qu'ils ne fe fouviennent points d'avoir receu aucun déplaifîr des é- trangers, dépuis que les premiers Ef- pagnols qui les v*i (itèrent fous la con- du i te $ Hernando h Soto > r a ' v à g cren t leur païs,& contraignirent leur Roy, d'abandonner fa ville" capitale à leur diferetion -., pour fe retirer au fommet des montagnes voifitiesails ne favent à-prefent quelles carefles ils doivent faire à cens des autres nations , qui les vont vi(îter3^dans ces rendxres» ilsne.fe laifent point de leur rendre- toutes fortes de bons olices^ & de té-- îisoignages d'amitié; D'autant qu'ils n ont pas eiïcôrê la connoiiïance d'vtie infinité de dett .eateifes 5 qui font en vfage panny les geugles - mkos civijiféss, ils paîcâf- ' M- & . fenfi i I 276 Histoire Morale lent allez fobres, dans leurs repas or- dinaires: mais au tems de leurs feftms folemnels, & de leurs réjouïflances publiques, ils fe licencienc à plufiturs excès, qui témoignent allez, que tou- te la frugalité qu'ils obfervent au boi- re & au manger , dans leurs raaifons particulières 4 ne leur eft didée que par l'impuilTance en laquelle ils font, d'avoir commodément les vivres qui font requis pour continuer en de pa* reilles débauches , ou de ce qu'ils ne veulent pas acheter des ragoûts g de des friandizes>au- détriment de ce pro- fond repos dont ils jouïHènt , fans y chercher tant d'artifice. Ils font dociles & fufceptibles d'in- ftruction, Se de toute louable difcipli- ne : ce qui paroit , en ce qu'il y en k déjà plufieurs de leur corps , qui ont apris en perfe&ion, & avec vnc mer- yeilleule facilité à lire «3c à eferire , & quelques - vns des métiers qui font necelfaires à l'entretien de la focieté civile. Mais ils ont cecy de mauvais, qu'ils font fort méfians & arrêtez à leurs propres fentimens , promts aie cour 2fc*tt2»« des Ilss Antilies. 27-7 courroucer, adonnez à cirer vengean- ce par trahifon , de tous cens donc ils croyent avoir receu quelque d épiai (ir. Il y en a auffi plufieurs parmy eus^qui confervcnc des inimitiés héréditaires dans leurs familles', qui éclatent fou- vent en des querelles ouvertes , & en des bateries , qui ne peuvent eftre a- paifces que par l'autorité abfoluë de leurs Chefs ,au commandement des- quels ils défèrent entièrement , dans cqs occurrences. Ils ajoutent encore vne trop légère créance. à leurs fon- ges i ôc ils ont entre eus , certaines vieilles réveufes > qui faifant ouverte profeffion de les interpréter 5 & de prédire en fuite les chofes qui leur doivent avenir, entretiennent ce pau- vre peuple dans fes fupeftitions, & k repaiflent de ces vanitez* Article VIL Des Occupations ordinaires des Afalachites, LEs Apalachites % ont toujours eus en horreur Toifiveté comme la plus I s I I 278 HISTOIRE MoRÀEE plus dangereufe pefte de leur petite- Republique,la rouille de leurs efprits, &c le fepulcre des hommes vivàns : ôc le travail auquel ils s'adonnent avec plaifir & affiduité-, sans toutefois té- moigner beaucoup d'enprelïèmens, leur prodoit ce grand avantage entre plusieurs autres 5 qu'au lieu que leurs voifins qui habitent joignant la cofte de la mer 3 font fouvent pretfez de la famine 3 pour n'avoir pas enfemencc- leurs- terres en la faifon convenable, ou pour avoir confumé en feftins ôc en débauches les fruits de la dernière moiflbn j ceus-cy au contraire s'"adon-- nans au labourage > ôc menageans a- vec prudence •& difcretion le provenu de leurs champs3ont toujours dequoy entretenir leurs familles avec hon-- neur,& même pour fubvenir à la ne- ceffité de leurs Alliez, qui demeurent ans montagnes. Après le tems desfemailles & des^ moiffbns 5 les hommes s?employent à- 3a chalîè , à la pefche, à planter desv arbres fruitiers , à défricher les places qui fonr propres à faire des jardins, ?À kNA ^» —-- ^^— - r# ^-~Ynre ftviar.rT ©ES ÏXES AïïTIXEBS-. ZJ<9 àibâxir leurs maifons , à repaver les brefchesde leurs Villes ; ou à coudre leurs habits fleurs fouiiers & leurs, botines 2 de forte qu'il arrive rare- ment qu on les treuve fans employ* Mais il n'y a rien àquoy ils fe plaifent d'avantage , ni en quoy ils reufiiTent mieus^qua préparer leurs arcs, leurs flèches, leurs maffuës, leurs zagayes* leurs boucliers^ toutes les autres ar- mes ofenfives Se défenfives , dont ils ©nt acoûtumé de fe fervir > tant pour la chaffe que contre leurs ennemis* Car tous les hommes jeunes & vieus tiennent à gloire de les lavoir faire», d'en avoir à rechange pour en aconi- moder leurs amis y de les entretenir iuifantes & polies, non tant pour en faire parade durant la paix , que pour s m pouvoir fervir avec dextérité au* cems de guerre. ; Ils favent auffi préparer avec vne adreffe bien confiderable les peausde Cerfs, <îeChamoys, & d*autres bétes** pour en faire des vétemensi des tapis^ êc des couvertures de lits , qui font- très -commodes & de durée., fis fc I I K i 25o Histoire Moraié divertiflent encore allez fouvent $ h faire de toutes fortes de poterie , de corbeilles & de paniers*: ou bien à arranger des plumes d'oifeaus en for- me de tapiflèric ,avec vne induftrie merveilieufe.Les femmes aufîi de leur part y après le foin de leurs ménages, & de ce qui concerne la cuifine 5 s'o- cupent inceffammenc à filer du cot- ton , ou de la lainé,ou de la pite, dont elles font plufïeurs fortes de petites e- tofes fur des métiers , qui font tres- fropres à faire des habits dJefté, pour acommodement de leurs familles. Ils aiment pafïionément laMufîque Se tous les. infini mens qui rendent quelque harmonie § tellement qu'à pêne trouve- t'on aucun parmy eus* qui ne fâche jouer du flageollet 3 ou a'vne forte de flûtes de différente grof- ieur^qui font vn acord fort agréable. Ils ont auffi la voix naturellement douce & flexible , ce qui eft caufe, que pluiieurs de leurs jeunes gens s'é- sudient à contrefaire le créant & le ga- zoli llemene des; Oifeaus: en quoy^ ils reafiileiit pour la plupart fi heureufe- des Iles Aktiues. 281 ment^que comme des autres Orphées3 ils acirent des bois auprès d'eus 3 ces innocétes creatures^qui croyent d'en- tendre leurs femblables.Ils adoucirent auffiavee le chant ^ tout le travail au- quel ils s'adonnent félon leur louable coutume , par forme de diverti ife- ment > de pour éviter Toifiyeté > plu- toft que pour le profit qu'ils en eipe- rent. Ils font auffi paffionément amou* r eus de la danfe * fautilîans ôc faifans mille poftures , par lequelies ils cro- yent fe décharger des mauvaifes hu- meurs que leurs corps ont amandes 3 ôc fe conferver cette grande agilité qu'ils ont à la courfe , Se à grimper les montagnes quand ils font la chai- fe y comme auffi pour acroiitre par ce moyen 3 cette merveilleufe foupleiîe de tous leurs membres^ de laquelle ils font de grands trofées, en la prelence des étrangers. Ils celebroyent autre- fois des danfes folemnelles à la clô- ture de chaque moiflbn : mais à pre- fent , ils n'ont point de tems ré- glé pour ces divertiffemens 3 qui dé- pendent **3*>\**Kmia.jv ! i *&* Histoire Moraii pendent abfolument de l'inclination^ &: de l'humeur des Capitaines, .& des Chefs de famille , qui les affignent en la faifon, & aus jours qu'ils jugent les* plus convenables. Depuis quarante-cinq ans ou envi* l'on, qu'ils ont la fréquentation ordi- naire des étrangers , ils fe font beau- coup perfedionnez dans les -métiers* dont ils n'avoientauparavâtquequeU que légère connoirfance. Et même,ils en ont apris plufigurs autres > qui leur font tres-vtiles > d'où vient,qa ils bâ- timent à prefent vn peu plus folidc- ment & plus commodement,qttJils ne faifoientpar le pafsé. Ils font auffi beaucoup plus habiles qu'ils n'étoient à tanner les cuirs , & à préparer les peaus de Cerfs, de Chamois. > de Ca- itors, de Martes , & toutes les autres dont ils font leurs plus riches fourru- res.Ils commencent même à faire des cofres, des bufets , des tables & d'au- très ouvrages de menuifene, 8c à tra- vailler au Tour y comme auffi à pein- dre des fleurs,. & des fruits, plusapro- chans du naturel qu'ils ne faifoient* avant I>ES IlES AnTIIIES. 2$$ arant que les Européens leur enflent lait part de leurs fecrets ,,- & des outils qui font neceiïàires pour reuffir en ces arts, avec facilité & avec fuccez. Artigu V 1 1 ï. JDe la Police des Apalachites. CE Peuple x à l'exemple des Ara- bes,& de la plupart des Tartares* étoit autrefois errant paimy les forets & les vaftes folitudes , de cette partie de l3 Amérique 3 ou la divine provi- dence les avoit pouffez y & après qu'- ils avoient confumé les fruits des ar- bres , & les racines de la terre, qu'ils avoient treuvées en vn lieu, ils en dé- campoient pour courir à vn autre. De forte qu^écans ainfi vagabonds, .& ex* pofez en tout tems aus injures de l'air & à l'intempérie des laifons , ils me- noient vue vie fort trifte ,.- & tout à fait ennuyeufe. Mais il y a environ 5. ou fix générations , à ce qu'ils racon- tent, qu'vn de leurs Paracoujfes nom- mé Mayrdok^y dont nous avons de )h § ariéjeur perfuada de s'arrêter au païs qu'ils- I te i 184 Histoire Morale qu'ils poifedent encore à prétentieux prefcrivant la police qu'ils y devo- yent garder, afin qu'ils ne fuirent plus flotans de place en place, comme font encore aujourduy les Houïïamins 5c les Elaminsy qui rodent fans celle par les Provinces de la Florïde,pour y fai- re le dégaft par tout , où ils ne trou- vent point de refiftance , ne traifnant aucun autre bagage avec eus,que leurs armes, & quelques chetives tentes faites de peaus ou d ecorces d'arbres, fous léquellesils fe mettent à couvert durant la nuit. Dépuis ce tems-là- les Apalachi- tes ont maintenu leur petite Républi- que en bonne vnion , fous la condui* ted'vn Chef & premier Capitaine, qui faifoit autrefois fa demeure à Apa- lache,&: maintenât à Melilot,qu\ eft la Capitale de leur» Etat. En chique Pro- vince il y a vn Paracoujfe , ôc en cha- que Ville vn Gouverneur , qui font établis par celuy d'Apalache , duquel ils relèvent. Il y a auffi d'autres Offi- ciers inférieurs, qui font nommez par les Chefs de familles , qui ont eu de tout; Lfctttts* ^^^——^wvmrrtr des îles Antilles. 2.85 tout tems 3 le droit de les inftaler en ces charges. Enfin il n'y a fi petit Vil- lage parmy eus > qui n'ait fon Capi- taine y qui reprefente la puiffance 111- perieure. Le procédé de leur juftice> eft fort court y parce qu'ils n'obfervent aucu- nes des formalitezo qui font en vfage parmy nous > en matière de procès, ni aucun des artifices * que la chicane a inventez > pour les rendre immor- tels. Les Capitaines affiftez des Offi- ciers qui compofent leur CôfeiL>ren- dent la juftice deus fois le mois > alfa- voir au premier croifïànt, Se au plein de la Lune , touchant tous les menus diferens, qui furviennent entre les fa- milles. Mais lors qu'il s'agit d'vné afaire de grande importance > ils ont recours au Gouverneur de la Ville ou au Paracoujfe de la Province , qui la terminent en dernier réfort. Et s'il ar- yiye -, que les Paracoufes des Provin- ces^ou les Gouverneurs des Villes* ayent des démêlez par enféble, ou avec leurs fu jets 3 le Paracoujfe d'Apalachç* qui refide ordinairement à Mdilet, en prend I i 1 ^S£ Histoire MonAïf prend connoiflanceen qualité de Sot^ verain, 5c les apointe par l'avis de fon Sénat , qui raccompagne par tout où il luy plait de fe tranfporter. Ils difenc qu'ils ont toujours puny de mort les traîtres , les incendiaires, les homicides , & les fentinelles qu'ils treuvent endormies, foit de iour, foit de nuit. Tous ceus qui font couvain* eus d'avoir commis quelquVn de ces crimes ., font liez à vu arbre , Se per- cez de flèches 5 ou alïbramez à coups de maffue. Mais quant au larrons , ils ne leur donnent point d'autres chafti- mes que la honte & le reproche qu'ik leur font de leur fante,dans toutes les Compagnies , où ils ont l'aiîeurance de comparoître. Ce qui leur eft vne punition fi fenfibie , que la plupart de ceus qui ont dérobé, pour éviter cette honte, fe retirent dans les deferts, où ils y mènent vne vie fauvage , ou ils s'âfïbcient aus HouHamins ou avec les Elamins^owx. continuer impunément dans leurs brigandages , & ne vivre déformais que de proye , à la faflon de ces Barbares. < Ils LKttttâki ©es îles Antilles. %%y Ils font prefque tous leurs petits commerces par échange de Marchant difcsâ& à ce defaut^ou lors qu'ils font obligez de donner du retour5ils fe fer- ment de même que leurs voifins a de certains petits grains noirs ou blancs* qui leur tiennét lieu de monnoye d'or ou d'argent 9 ou de quelqu'autre mé- tal : avec cette différence , qu vn feul de ces grains noirs , vaut autant que vingt de ceus qui font blancs, Les In- diens qui ont leurs Villages auprès de la mer, font cette efpece de monnoye avec l'extrémité de certains coquilla- ges qu'ils eftiment precieus 5 & après les avoir percez , & leur avoir donné la forme & le coin qu ils doivent â- voir pour être de mife ; ils en compo* fentdes chaines3defquelles ils fe char* gent quand ils veulent paroitre avec plus de pompe3comme étans les prin- cipales richeffes , ôc les plus grands trefors dont ils âyent la connoiilance. Cette légère monnoye a fon cours, non feulement entre les Originaires de l'Amérique Septentrionale , mais encore e&tre les Anglois 3 8c les Hol~ landois ifS Histoire Morale landois ,• qui y ont étabiy de célébrés Colonies. Les Apalachites trafiquent auflî a- vec des grains de Coral ôc de Criftal, & mefme avec cette efpece d'ambre, dont nous avons déjà parlé , & quel- quefois avec des pierres vertes ou rou- ges, que les torrens charrient des mô- tagnes , aufquelles ils favent donner des figures diferentes , qui rehauflent leur éclat , Se encherifïènt leur prix.. Avant qu'ils enflent la connoiflance des étrangers > ils n'avoient point Tv- iage des aulnes , ni des poids 3 ni des raefures : mais à prefent,ils reconnoif- fent par expérience , que tout cela eft neceflaire pour faciliter le commerce, & pour éviter les fraudes. Tous les biens immeubles font communs parmy ce Peuple : de forte qu'excepté leurs maifons , &: les pe- ti's jardins qui les accompagnent ; Us n'ont aucuns champs, n.y prez , riy boiSy ny autres héritages, qui leur ap- partiennent en propre : mais ils cul- tivent toutes les terres en commun, &: au tems qu'il faut faire le labourage, ou BES IlES ÀNTIILSS. li$ oiî les femailles > ou les moiffons, les Capitaines fe les autres Officiers, conduifent au travail tous ceus de leurs Compagnies , à qui l'âge & la fanté donnent affez de vigueur, pour s'ocuper à tous ces laborieus exercices* Ils vont tous à ce travail commun, fans empreflement , & de certains grands boucliers de figure ovale,qui font fais de joncs cordelez & pohfez avec va tel artifice , que bien qu'ils ne foient: couverts que d'vn Timple cuir, & qu'ils foient grandement légers , ils lont neanemoins impénétrables à tous les dards de leurs ennemis. Cens d'en- tre ce Peuple qui habitent aus mon- tagnes, font particulièrement renom- mez pour leur adrefle à tirer, de Tare. Car l'exercice affidu de la chaflè donc ils font profeffion , les a rendus fi ha. N 2 .bilea I I 291 Histoire Morale biles à le manier,que le Paracoufege- neral, qui en a toujours à fa fuite, n'a point de plus grand divertiflement, que de les faire tirer au blanc , pour emporter quelque prix,qu'il donne à celuy qui l'ateint en moins de coups* ou qui abat avec plus de dextérité, v- ne couronne , ou vn bouquet , qu'- il fait atacher au plus haut d'vn ar- bre. Ils ne cambatent point pour éten- dre leurs limites , ou pour le butin, comme plufieurs autres peuplesrcar ils s'eftiment fi bien partagez en terres, Se ils vivent fi contensdans leur con- dition , quik ne fouhaitent rien du tout , au delà de ce qu'ils pofledent. Mais comme ils ne font animez à la guerre , que pour conferver la gloire que leurs predeceflèurs leur ont biffée en herkage,ou pour repouffer la vio- lence^ ',& tirer vengeance des torts* qu'ils croyent leur avoir eue faits j h leurs voifins fe veulent emparer , de la moindre partie du païs qu'ils ocu- ■pent dépuis vn tems immémorial, ils n'oublient rien pour reprimer. prom- pte ment des Îles Antilles. 295 ptcmenc. & courageufeinent les vfur- pacions des vns y Ôc la violence des autres, & pour fe maintenir en la pai- sible poiTeilion du païs où ils (ont nez , & des places, qu'ils ont aquifes & confervées par leur valeur. Quand leurs troupes marchent contre Pennemy , aucun d'eus n'ofe- roit quiter fon rang ou s'écarter de la Compagnie , fans la licence exprefTe du Capitaine* fous pêne d'eftre dégra- de > ou percé de flèches, lis gardent vn profond filence en faifant leur route^parce qu'ils ne conduifent point de femmes ni d'enfans 3 comme les Elamins 3 & les Houïlamins , qui les traînent par tout avec le refte de leur petit bagage. Mais lors qu ils ont re- connu leurs ennemis > il$ les inveftif- fent Se leur donnent PaflTaut avec tant de furie* Se des cris fi effroyables, qu'- ils font capables de faire tomber les armes des mains > 5c de porter la ter- reur & Pépouvantement * -aus cœurs des plus aifurez. Ils ont tant de generofué , qu'ils n'ont point voulu aprendre le fecret N 5 cPcmpoi I 294 Histoire Morale d'empoifonner leur flèches : qu Us ont gagnéla vi&oire ,,&• qu'ils fe font rendus maîtres du champ de bataille 3 ils n'exercent aucune inhu- manité fur les corps de cens qui font morts au combat > mais après s'eftre afiurés de tous leurs prifonniers de' guerre > de leur avoir coupé la che- velure 3 ils la portent en trio m fe an bout de leurs zagayes, &c fi toft qu'ils font retournez de ces expéditions , ils Fatachent à la porte de leurs cabanes, comme vn precieus trofée. Ils vfent encore dans ces rencontres d'vne telle modération 3 qu'encore qu'ils foyent dans la chaleur du com- bat * ils pardonnent avec vne genero- ïké qui n'a rien de barbare,à tous ceus qui demandans quartier > pofent les armes à leurs pieds , comme auffi aus femmes & aus enfans de leurs enne- mis, & fe contentent de les mener h leurs Villes , où ils les entretiennent dans vne honefte liberté, avec autant de douceur de de foins que leurs pro- pres domeftiques. Enfin au retour de leurs guerresjils font de grâds feftins, Se ^"•^^tmari S8UB9HHHI>*Uli des ItE$ Antilles. is>§ Se paflent plufîêurs jours en danfes^en jeus ôc en d'autres rejouirTances , du- rant léquelles ils exaltent avec excès leur propre valeur, & les faits les plus mémorables de leurs predeceffeurs. Article X. î)e U Religion ancienne des Jlpa- lachites. LEs Apachites, adoroientle Soleil de même que la plupart des plus célèbres peuples de l'Amérique , & avoient des Prêtres ou Sacrificateurs, qu'ils nommoient ïaoùas > qui étoient fort fuperfticieus, à luy faire rendre le fervice qu'ils avoient inventé a fon honneur. Ils avoient auffi de nobles fentimens, pour cette prétendue' divi- nité : car ils croyoient> que fes ra- yons avoient la vertu de donner le mouvement & la vie^à toutes les créa- tures qui en fontdouëes:quJiis remet-- toient en parfaite fanté > toutes fortes de malades , &rendoient fécondes les landes & les montagnes les plus fieri- N 4 les; i I Si s %f6 Histoire Morale les 5 que le monde ne fubfiftoit y que par les bénignes influences de ce Roy àQS Aftres , & qu'ayant vne feule fois , recardé de vingt A quatre heures fa courfe ordinaire, leseaus du grand Lac y qu'ils appellent Theomi * s'é- toient tellement débordées > qu'elles avoient couverts les plus hautes mon- tagnes qui les entourent l à \a refer- ve du fommet de celle â'Oldilny , qui fut prefervé de cette inondation gé- nérale:, à caufe du Temple 5 qui y é- toit confacré à fa gloire , de forte que tant les hommes que les bétes y qui peurent gagner cet azyîe , y furent confervées en vie pour repeupler ia terre. Ils ajoutent encore 3 aces faibles idées i qui leur font reftées du Délu- ge Vniverfei 9 que la parole de Dieu nous enteigne^quece grand Flambeau retournant de cette éclypfe , avoit par fa prefence, révoyé les eaus dans leurs abyfmes 3 de déchargé la terre de tou- tes les vapeurs &c malignes qualitez> qui avoient plongé le monde dans cette épouvantable confufion y Se que dépuis frs^ des Iles Antilles. 297 depuis ce tems-là, leurs predecelfeurs,, par vu tres-iufte mouvement de. re- connoiiïànce le fentirent obligez de l'adorer ôc de l'avouer pour leur Dieu. lis tenoient auffi pour confiant 3 que le Soleil s'eftoit bafty luy - mefme le Temple qui eft dans la montagne.de Qlaimy \ ôc que les Oifeaus qu'ils nomment Tonatz.ulis > qui fe plaifent parmy les bois de cette agréable re- traite^ étoient fes courtifans , & les muficiens qui chantent fans celle Ces lolianges. Le fervice que les Apalachites ren- doient au Soleil a écoit de le falucr à ion lever , & de chanter quelques Hymnes à fon honneur. Ils luy fai- loient auffi le même hommage tous les ioirsjle lupliantde retourner bien- tôt]; > pour les éclairer de fa lumière. Mais outre ce fervice journalier \ que chacun luy pouvoit présenter à la por- te de (on logis , ils en avoient encore d'autres plus folemnels , qui çonfî- ftoient en des Sacrifices de louan- ges , & d'aéiion s de grâces accom- pagnées de parfums , qu'il^av oient N 5 acoûtu ^mmap>ugs^ I * 5 I 25>§ Histoire Morale acoûtumé de luy ofrir quatre fois l'an* fur la montagne d*'Olaimy , avec vue grande pompe,& vn concours gène» rai de tous les Habitans de leurs fix Provinces , & même de cens des états voitinsyqui font dans leur alliance, • corne nous le reprefenterons en fuite. Cette montagne dyOlaimj/yt!k fans contredit , l'y ne des plus belles & des plus ravivantes de toutes celles , qui font en ce nouveau Monde. Elle eft fituée en la Province de Bemarin , & elle commence à .vne petite lieue* de la ville royale de Melilot , fa figure eft parfaitement ronde, de d'vne pente fi roide ., que pour en faciliter l'accès, on a efté; contraint de tailler tout au tour , vn chemin aflèz large , pour monter trois hommes de front , qui dure environ deus lieues &demye,eiv tournoyant continuellement , iufqnes à ce que Ton foit parvenu au détus* Ce chemin,qui eft entretenu aus frais communs delà Province, eft orné en divers endroits , & dans vne diftance égale, de beaus repofoirs gagnez dans le i&êÀ en forme de grandes niches, / £OU£ des Iles Antilles* 299 pour la commodité des voyageurs : &c tout le circuit de la montagne dépuis le pied,iufqu à deux cens pas du cou- peau , eft revécu de beaus arbres de Gedres,de Pins.de Palmes.de Cyprès, de Cajfwe9Sc de plufieurs autres fortes* qui rendent des refînes & des drogues aromatiques d'vne très fou'eve odeur. Le Commet de cette incomparable montagne,- s'étend en vne large plai- ne parfaitement vnie , qui a environ vne lieue* de tour,&qui eft ombragée en divers endroits , de petis bouquets de mêmes arbres qui font à la pente, bien qu'ils ne foient pas d'vne pareil- le hauteur,à caufe que les grands vens qui les agitent, les empefehent de- croître-.Mais ce qui eft expofé au plein iour , eft couvert par tout dVn riche tapis d'herbes allez courtes , qui font émaillées dvne infinité de* petites fleurs, de dVn efpece de T'hin & de Marjolaine , qui recréent tellement la veuë, de exhalent vne fi agréable fen- teur „ que l'œil & l'odorat,y rencon- trent également leurs délices» Bien qpe cette montagne , levé fa i i i 300 Histoire Morale têce beaucoup plus haut que les autres du voifmage aufquelles elle comman- de 5 & qu'elle foie du rang de celles à qui les Poètes attrihueroient d'avoir de fecrettes intelligences avec la mo- yenne région de l'ainelle a encore ces precieus avantages^qu'elie eft rareméc couverte de neiges durant Fhyver, 6c que pour ctancher en eftéla foif des Voyageurs > elle eft rafraîchie d'Vn agréable étang, qui ccmfeiveen toute faifon fes eaus claires & enjoiiées5dans vn large baffin* qui s'eft trouve. dire- ctement placé > au milieu de ce fleu- riilànt terrein > qui luy fert de cou* renne. Le lieu qui leur fervoit de Temple* eft vne belle &c fpacieufe Caverne, qui s'eft rencontrée naturellemét tail- lée à l'orient de cette montagne. Son ouverture eft vafte 3 large , 6c bien proportienée commejl'entrée de quel- que fuperbe palais *, de bien que Tar^ tifice n'ait rien du tout contribué à fa perfection 3 l'on diroit toutefois à la voir de loin 9 que quelque archite- cte bien expert 5 ait voulu déployer en lia**^ des Iles Antilles. 301 en ce rare Froncifpice * coûtes les plus exquifes richefles de fon arc , & cous les plus dous agréemens * que fon in- duftrie lui a pu fuggerer , pour le ren~ dre acompli. Ce beau Portail s que le Soleil efclaire de les premiers rayons auffi-toft qu'il fe levé 3 eft pofé fur vne belle & ample plateforme , qui femble n'avoir efté gagnée dans la maiïè du roc > qu'addiein de fervir d'vn aimable parvis* à ce Temple ma- gnifique. Le dedans de cette Grotte merveil- leufe eft fait en ovale* d'vne longueur de deus cens pieds ou environ * fur vne largeur très convenable * pour entretenir la jufte proportion de fa figure. La voûte* qui paroit auffi n'a- voir efté f affonnée dans le fommet de cette montagne * par aucunes antres mains que par celles de la nature > fe hauffe doucement dépuis le bas en forme de demi cercle^ jufques - à la hauteur d'environ fix vints pieds > ou elle fe termine. L'on voit tout au mi- lieu de cette voute,vne alîez grade ou- verturejlaquelle perçât jufqu'au defns du iLA*^ VtMMK>, 6 joi Histoire Morale du terrain de la même montagne, en-* prunte de là^tout le beau jour qui Tel- claire. Cette efpece de lanterne, eft entourée au dehors de grolfes pierres qui font liées de enclavées les vues a- r> ■) vec les autres avec beaucoup d'indu- A ftrie, en forme de bord relevé de trois ^ pieds hors de terre , pour éviter les- r/ cheutes : & c'eft iuftement au défous y de ce v-afte foufpirail , que répond $\ l'autel de ce Temple , qui ne confifte rA qu'en vne table de pierre fans arti 6ce5 V( ioutenuë d'vn gros pivot , qui l'élevé B au défus du pavé. J? Tout l'intérieur de cette fabrique naturelle*-, eft encroûté d'vne forte de iB falpetre , qu'on prendrait pour du^ j§ eoral blanc , qui s'eft durci dans la jg faite du tems , & formé en plufîeurs grotefques &c figures différentes qui lediverfifient,& luy donnent vn mer- veilleus éclat. Lepavé3qui eft auffi d'vn feule pierre , fans fentes ni cre- vaffes^e même que là voûte 5c les pa- roisse ft fi poli 6c fi gliffant, que pour marcher défus fans péril 3 on eft con- tïaint de le couYïir de fable. Tout au fosds^ I iLu***. ses Iles Âsttillest. 505? fonds de ce Temple ,- & à i'opofite de l'entrée, on aperçoit vn baffin^qni eft rempli en tout tems d'vne eau trss- claire,qui y tombe d'vne petite fource, qui'eit prefque imperceptible, de mè* me que Ton ne peut difcerner- qu'a grand pêne les fentes & les fecrets conduis du rocher par où elle fe dé- charge. Enfin^le plus grand ornement de tout ce Temple fi renommé parmy ce Peupie,confifte en la parfaite blan- cheur , qui éclate de Tvn à l'autre bout, 8c en vne très - acomplie pro- portion de toutes fes parties. Les Sacrifices, que les Apalachites avoyent acoûtumé de faire au Soleil^ ne confiftoyent point en l'élévation d'vne peau de cerf au défus d'vn arbre replie des plus excellens fruis du pais, de couronnée de fleurs de d'herbes de bonne odeur , comme il fe pratique parmy quelques autres Nations de la Floride , ni en Téfufion du fang humain , ou en l'immolation de quel- ques bêtes ■,. comme ceus que les Me- xicains ofroient à leurs Idoles. Car ils croioient que ce grand luminaire ,, qu'ils l 1 1 ! I 1 I I 304 Histoire Morale qu'ils reveroient comme leur Dieu, donnant la vie à toutes les créatures qui en jouiffent , n'agréeroit pas vn culte, qui en priveroit queiques-vnes du plus precieus de fes dons. Mais au lieu de tputes ces chofes, ils luy o- froyent tant feulement de l'encens ôc d'autres parfums>quiils faifoyent brû- ler en chantant & exaltant fa gloire &: fes perfections s & des habits ou quelques autres prefens,qu'ils metto- yent entre les mains des Iaoùas , pour cftre donnez aus pauvres , qui alîito- yent à ces cérémonies. Ces Sacrifices de louanges & de re- connoiflance , fe celebroyent en la, manière que nous allons d'écrire. La veille de chaque fefte , les Sacrifica- teurs montoyent fur la montagne, où ils avoient auparavant fait dreiîër des tentes , ou quelques petites cabanes pour s'y préparer à Tadion folemnelle qu'ils y dévoient fairje le lendemain, ôc le peuple qui y abbrdoit de toutes parts , s'y rendoit du moins avant le jour. Le défus de la montagne & le chemin qui y conduifoit > étoyent é- claires ***r* wTMrgun fcMflgi des Ilïs Antilies. $c$ clairez durant toute cette nuict-là, de plusieurs grands feus qu'on allumoî't en divers endrois5pour réjouir ôc gui- der furement ceus qui s'y tranfpor- toient pour adorer. Pendant la céré- monie , le peuple demeuroit fur la montagne 5 mais nuls autres que les Sacrificateurs ^ n'ofoyent aprocher de la G rote qui leur fervoit de Temple, Les riches quiavoyent aporté des ro- bes j ou quelques autres prefens pour eftre donnez aus pauvres, les confio- yent aus la&iiaj, qui les fofpendoient à des perches qui étoient à chaque co*- fté du portail , où toutes c^s chofes demeuroyentjufqu'à la fin du fervice, qu'ils en faifoient la diftribution3 fui- vant rincentiondes Donateurs. Des que le Soleil commençoit à pa- roître , les Sacrificateurs qui écoient au devant du Temple^commençoient de chanter à fon honneur de^ Hym- nes Se des Cantiques en l'adorant 8c fe profternant les genous en tene à plufieuts reprifes : puis ils alioient en bon ordre chacun félon fon rang5}et- ter dans le brazier qui écoit entretenn devant s I 1 i vËi 9 § I I 1 I 1 I i I 'foG Histoire Morale devat le poitail^quelques grains d'en- cens 8c d'autres parfumsyiont le peu* pie les avoit abondamment pourveus. En fuite de cette cérémonie , Pvri des Sacrificateurs verfoit du miel dans tne pierre creufée à cet vfage^laqùel- le étoit au devant de la plate - fbrmey Jk répandant aus environs plufieurs poignées de May s à demy brifé de dépouillé de fon écorce > & quelque^ autres petites fetnences > que les Ta1- natmlié mangent volontiers. Ces Oi- feaus> qui fuy van t leur fuperftition- étoyent dédiez au Soleils étoyent fi- aeoûtumez à trouver de pareilles dou- ceurs en cette place-là, qu'ils ne man- quoient jamais d'y voler en troupe* incontinent que raiîemblée s'étoit re- tirée. Pendant que les Jaouas étoient ocu- pez à brûler le parfum^ à chanter les louanges du Soleil > tous ceus qui étoient fur la montagne s'enclinoient par plufieurs fois jnfques en terre pour îuy faire ho-mraage,.& après des feusjdes danfes, de quelques autres di- YertiflTemens aulquels ils socupoient* croyans- ^m^-^^v^^,. BIS- ILES ANTIELESv $&f éfoyans de luy rédre vn fervice agréa» blejilsmangeoientavec eeus de leurs familles 3 & avec les pauvres & les étrangers qui étoient venus à cette fe-f fte,les provisions qu'ils avoientapor- tées^pour fervir à ce feftin folemneh Ces exercices de réjouïfTance publi- que ^ plutoftque de dévotion ,-con- tinuoyent juiques environ le midy. Car lors que ce tems aprochoit y les Sacrificateurs quittans la porte àw Tcmple>& entourans la Table de pier- re qui étoit au milieu y redoubloient leursxhançons & leurs cris d'alegreC fe & & aufîi-toft que le Soleil doroic de (es rayons le bord de l'ouverture* fous laquelle cet autel étoit drefle > ils jettoient avec profufion &: fans aucu- ne referve, dans le brasier qui y a voit efté foigneufement entretenu dés le matin* tout ce qui leur reftoit de dro- gues aromatiques 3 afin que la fumée eut afTez de force pout monter par ce foûpiraily comme vne nuée de foue'ue Gdeur5 Se fe faire voir & fentir àceus; qui étoient fur la montagne. Après que les Idoiia& avaient em- ploie: 1 1 1 51 û m I I 1 I 1 JkM^^MMMWJUm^* 1 1 I il 308 Histoire Morale ploie cous leurs parfums félon la cou- tume s ils fe retiroient à la porte du Temple , à la reierve de fix de letu: corps^qui étoient choifis par fort3pour demeurer auprès de l'autel^ donner au nom de leurs Provinces la liberté à fix Ttf^^&V qu'ils avoyent apor- cz de confervez en ^des cages , pour fervir à cette cérémonie. Ces Oifeaus qui étoient rêverez parmy ce peuple comme les cha-ntres &C les meffagers du Soleil j ainfi que nous l'avons déjà die j> ayans fait le tour du Temple 3 & trouvans rentrée ocùpée par les Sacri- ficateurs s qui la fermoient entière- ment avec des brâches d'arbres qu'ils tenoient entre leurs rcains , étoient enfin contrains de prendre leur vol par l'ouverture du milieu du Temple, ôc après avoir fait quelques tours par défus l'ailemblée^qui étoit fur la mon- tagne, de qui les acôpagnoit de grands cris d'éjouïilance 3 ils gagnoient les bois avec vne vitefiTe incroïable. Incontinent que ces mifterieus Oi- feaus avoient donné ce congé, Ôc que ks des Iles Antilles. 309 les Pèlerins les avoyent perdus de veue'jils defcendoient de la montagne en aflfez bon ordre , portans en leurs mains des rameaus depalmes^ou d'au- tres arbres verdoyans , & quand ils écoyent parvenus au parvis du Tem^ pie , les Sacrificateurs les y faifoient entrer avec vn profond filence y &c ians empreirement , pour laver leurs yifages & leurs rnains^ dans le baffin de cette fontaine inefpuifable , qui eft tout au fonds.* Ce qu'étant fait » ils le retiroient avec beaucoup de refpedfc, par lai même porte > qui dans ces oc^ currences étoit divifée en deus > par vne feparation , qui y étoit mile à deflein d'éviter le defordre. Les pauvresjdont les Sacrificateurs avoient la lifte > demeuroient au par- vis du Temple les derniers de tous* pour y recevoir les robes & les autres prefens y qui leur étoient deitinez , de après s'en eftre revêtus & chargez,iU prenoieht le chemin dçs autres > & la cérémonie étoit terminée. Anjonrduy 5 que la plus confidera- ble partie du peuple qui habite les Provinces i 1 < I «5 s 310 Histoire Morale Provinces àeBemœrwôc de Manque» aembrafle le Chriftianîfme>& que le Paracoujfe de Melilotz receu le Batef- me , cette montagne d'Olaimy &c fou Temple, ne font plus fréquentez que par euriofité , ce Prince ayant défen- du fort étroitement > à tous fesfujets des autres Provinces qui font encore idolatres,& principalement ans Imhos d'y monter | pour y faire aucune de leurs anciennes fuperftitions. L'on dit aufli 3 qu'encore qu'il ne ks con- traigne en aucune façon de fe faire Chrétiens , qu il a refolu par l'avis de ion confeil , pour retirer fes peu- ples de leur idolâtrie : de faire murer l'entrée de ce Temple,& de faire rom- pre en divers endrois le chemin affez étroit, qui conduit au défus de cette môtagne.afin qu'elle foit inacceffible. Ces Peuples ont toujours creu à ce qu'ils difent > l'immortalité de i'ame, mais ils avoient méfié tant de fables parmi cette vérité , qu'elle en étoit prefque toute étoufée. Ils tenoient .aufli , que leurs predeceiïèurs qui a- voient bien vccu3& qui avoient fervi reli rr »■"— *~~vi¥ia-r 1 sr<.ianh«"~- ' des îles Antilles. $n reiigieufement le Soleil , & donné à fon honneur des aumônes aus pau- vrcs,étoient tranfportez au Ciel après leur mort, & quen ce bienheureus fejo=ur3 ils étoient changez en étoiles^ 8c au contraire , que ceus qui avoient mené vne vie méchante de déréglée, étoient portez entre les précipices des hautes montagnes du Nord , où par- pty les neiges & les glaces , 6c au mi- lieu des Lions , des Ours., des Tigres & des autres beftes farouches,ils fou- froient des miferes extrêmes , & de continuelles frayeurs. l a 1 Article XI. Comme Us Apalachites ont eu connoiÇ- fance de la Religion Chreïlienne* LA connoiflànce de la Religion Chrétienne eft paruenuë aux A- palachkes par divers degrés. Car pour prendre la chofe dés fa fource , il y a vn peu plus d'vn fiecle 3 que les pre- mières lemences du Chriftianifme fu- rent jettées en la Floride par vne Co- lonie I I I I in Histoire Morale lonie Françoife,çompofée de plufieurs performes de condition, qui y fut con- duite & établie par le Capitaine Ri~ bauldSom les aufpices du Roy Char- les neufViemc. Ce digne Comman- deur , muny de la commiffion de fon Souverain,y fit bâtir d'abord vne for- tereflè , laquelle il nomma Caroline, du nom du Roy fon maître. Il impo- fa auffi aus caps, aus ports , & aus ri- vières., les noms qui leur font demeu- rez iufques à prefent , lefquels étans François, iuftifient amplemét que cet- te Nation-là , y a autrefois comman- dé, & qu'elle a été la première qui en a fut la découverte , à deflein d'y for- mer vne Colonie. De forte, qu'on trouve le long de cette cote le Pcrt- Royal, le Cap-Françiù, les Rivières de Seine, de Loire9de Charente , de Garon- ne, des Dauphins, de de Somme. Mais ce qui eft le plus digne de re- marque, & qui fait davantage à nô- tre propos , eft , que par ce premier embarquement , qui fut fait pour la Floride ; il y palfa deus favans & reli- gieus Perfonnages , qui dés leur arri- éve s " des Iles An* ïlles. 515 vfe ea cette belle terre 3 prirent à cœur de gagner par toutes fortes de tons offices , lesaffedions des HabU tans du pais , & d'aptendre leur lan- gue5afin de leur pouvoir donner quel- que connoiïTance de Dieu , & des fa- crez mifteres de fon Euangile.Les me- moires 3 que le Capitaine Rihauld a laiflTez fur ce fujet /raportent , que le Roy Saturiova , qui commandoit le quartier,où les François s'écoient éta- blis , receut fort liumainement ces Hommes de Dieu, & qu'étant ravi de la douceur de leur convention , &c de la fainteté de leur vie, il comman- da à tous fes fujecs , de les avoir en vne finguliere eftime ; & de ne point troubler leurs religieus defleins. De forte que le refpeâ: que ce pauvre Peu- ple lear portoit, & la fidélité & le zè- le qu'ils emploioyent pour avancer l.ur converfionadonnoient dés lors de très- grandes efperances,que l'œuvre du Seigneur profpereroit entre leurs inams , & que cette petite portion de ia Vigne 3 étant foigneufement culti- vée, produiroit avec le tems3pltifieurs Tm. IL O bons 1 a I I •S i j -iirfi nasanrw 1*A*AX~*1SX'X. i i i 314 Histoire Mo raie bons 6c ptecieus fruits ,.àla louange de fa grâce. Ces heureus commencemens > §C ces agreableç prémices de la prédica- tion de rEu^ngile de nôtre Seigneur lefus , en la Fteride > furent en fuite foûtenuës & acruë's par les foins de Monfieur l'Admirai de Coligny , qui donna commiflion à Monfieur dé Ldudoniere d'y conduire vn renfort bien confiderable de Soldats -, & de toutes fortes d'artifans «' qui y arrivè- rent en Tan mille cinq cens foixante quatre;, mais 5 à peine ces nouveaus venus avoient pris l'air de la terre^que 3'EfpagnoL>qui prétend que toute l'A- Hierique luy apartient, print Tocafion des defordres qui étoient pour lors em ïrance, pour traverfer lés genereus cleifeins des Dirç&eurs de cette Co- lonie naiffante > Se letoufer dans fou berceau. Pour cet effet , il y envoya JPierre Melande^* avec iîx grands na- vires 3 remplis d'hommes Se de muni- tions de guerre > qui vinrent fondre fur cllele dixneufviéme de Septembre, de l'an mil cinq cens foixante cinq. Monfieur ■^ des Iles Antilles, jry > Monfieur de Laudonlere > Se le Ca- pitaine Ribauld^xxi aVoit encore ame- né tout fraîchement vn petit fecours a cette Colonie , reconnoiffans félon leur prudence , &: leur grande expé- rience en fait de guerre, que leur Pla- ce n'étoit pas en état de foûtenir- vu fiege , & que leurs forces étoient en- tièrement inégales pour repoufler Ta- ^reiTeur , refolurent , par l'avis Se le •confentement exprés de tous les Offi- ciers, de capituler & defe rendre,fous les conditions les plus honorables que les affiegez ont coutume de deman- der. Pierre Melandcz* leur acorda la plupart des articles qu'ils avoientpro- poiez ; mais , auffi-tofl; qu'il fut entré dans la -Fortereflè, Se qu'il fe fut ren- du maiftre du corps de garde, il fauflTa la foy qu'il avoit donnée , Se en vio- lant le droit des Gens, fit cruellement maflàcrer non feulement les Soldats, mais mêmes les femmes Se les enfans qu'il y trouva. Le Capitaine Ribauldfax. envelopé dans ce maffacre, Monfieur de Laudo- mère échapa heureufement , en? Ce O i fàuvant *J1» KJUP»^, **J^W^VJLS«^ $ï6 Histoire Morale fauvant au travers des Marais ,dans des vaiffeaus nouvellement arrivez de France , qui par bonheur écoienc à la rade à deus lieues de-là>en vn fein qui ctaisc couvert d'vn cap fort haut 3îes avojit dérobez à la veuë des Efpa- gndls. Quelques autres Habitans3 qui dés l'arrivée de l'ennemy y ayans préveu le péril erninent qui les me- naçoit 3 s'étoyent retirez de bonne heure dans les bois , gagnèrent à la faveur de la nuitée village de Saturio* va leur bon amy* qui haïflant l'Efpa- gnol lçs tint fous fa protection 3 & leur fournit des vivres pour fubfifter jhoneftement iufques à Tan 1 567. que le Capitaine de Gour gués , étant des- cendu à la Floride avec trois bons na- vires équipez à fes propres frais 3 & chargez de plufieurs munitions , de îbraves hommes s 8c de toute forte de guerres > punit feverement la cruauté des Efpagnols. Car ce vaillant Capi- taine ayant refolu de tirer vengeatv cède l'iniure qui avoit efté faite à fa Nation , s'étant rendu maiftre de la même Formelle nommée la Caroline des Iles Antilles, j 17 à l'aide des forces du Roy Saturiova3 qui vint en perfonne à i'aflàut gêne- rai y qui fut livré à la pointe du- jour* fit paifer au fil de Tepée tous les Efpa- gnols qu'iltrouvanon feulement dans cette place - là , qu'ils avoient bien munie & reparée depuis leur vfurpa- tion , mais encore dans dcus autres Forts y qu'ils avoient àuffi bâti le long de cette cofte , léquels il brûla &c démolit y comme Ton le peut voir tout au long , au Chapitre douzième du Livre quatrième de la defcription des Indes Occidentales du Sieur lean de Laët. Les mémoires que le Capitaine de Gourgues fit imprimer touchant fon expédition en la Floride y pour fervir d'Apologie à fon procédé qui n'étoit pas aprouvéà la Cour 3 nous apre- nent > qu'vn François nommé Pierre du Bréy qui etoit IVn de ceus qui se- toit réfugiez aupiés du Roy Saturio- va y pour éviter la cruauté des Efpa- gnols , luy raconta entre autres cho- fes^ qu'il ne rechapa de ce maflacre que dix hommes, du nombre déquels O 5 il BUP*--1 l 3 î S Histoire Morale il étoit:QuMs trouvèrent tous vne re- traite affiliée dans les états de ce Prin- ce 3 qui ne demeuroit pas beaucoup Loin de leur defolée Colonie : Que trois de ces rechapez y y moururent quelques mois api es cette grande dé- boute: Que de (et qui reftoient il y cm eutiix, qui furent tellement charmez du récit avantageas y que les fujets de Saturiova leur faifoient par chacun jour^des grands trefors du Roy May- ra x de. la puiiïance d'vn autre > qui fe nomrnoit Ollata > qui commandoit à quarante Seigneurs >... ôc particulière- ment de la generofité , & de la fage. conduite du Paracmjfe d^palache^m gouvernoit plufieurs belles &. gran- des Provinces , qui étoient fituées au? pied des montagnes ,. & qui s'éten- doient bien avant das plufieurs agréa- bles vallées qu'elles r enfer raoient,, qu'ils prièrent Saturiova qui les avoit: recueillis fi cordialement>de leur vou- loir donner des guides 3 qui les puf- fent conduire furément jufques ans frontières du Royaume de ce.dernier,* de qui ils avoyent ouy dire tant de merveilles^ $tÉ- Îles Antilles. 319 iïierveilles>& nommeméc qu'il aim oie les étrangers, Se que fes fujets étoienc ks miens policez de toute l'Améri- que Septentrionale : Que Saturiova voulant ajouter cette nouvelle faveur, à toutes les autres dont il avoit déjà vfé envers eus ,- leur donna vne bon- Be efeorte compofée de l'élite de fas fujets >, pour les mener auprès de tous fes Alliez $_&c même jufqu'au domai- ne du Roy d'Apalache,s*iis defiroienc de le vifiter. Nous recueillons eneore>de la Re- lation du fuccés de ce voyage^que ces François entreprirent pour contenter leur curiofité, & employer vtilement le tems que leur difgrace leur four- niffoit qu'après qu'ils eurent vifité Athore, fils de Samriova3Se la plupart des autres Princes fes bons voifîns & alliez , qui avoient leurs Seigneuries, le long dVne belle Se agréable riviè- re* qu'ils apellent Seloy , il leur falut paffer des rivières allez larges Se pro*. fondes, fur des branches d'arbres liées enfemble , traverfer des marais, grim- per des montagnes , pénétrer des fo- O 4. rets "A««S— *IUKMtf« 320 HlSTOIRE MORAIE rets très- épaiffes, où ils rencontrèrent plufieurs beftes farouches * & chemi- nèrent prefque toujours par les éga- lées , pour éviter la rencontre des fu- iets de Timagoa 3qui avoit guerre con- tre Saturioua: Qu'avant que d'arriver fur les terres du Paracouffe d34paU~ che, ils forent fouvent ataquez par des troupes de ces Sauvages > qui rodent inceflàmment par ces vaftes folitudesr Que deus de leurs Guides furent tues, dans ces rencontres , ôc plufiears- au- tres dangereufement bleflez : Que les fujets de Timagoa ayant efpié & dé- couvert leur marche 3 les avoient fui- vis quelque tems > & que ne les ayant pu ateindre,ils leur avoient dreffé des embufehes, pour tacher de les y faire. tomber à leur retour : Qu'enfin après avoir elluyé vne infinité de périls , de enduré fouvent beaucoup de faim 5c defoif, ils étoient parvenus à la Pro- vince de Matique , qui eft de la Sou- veraineté d'Apalache:Que le Gouver- neur de la ville d ' Ako'ùeka , qui eft k Capitale de cette Contrée-là^les fit cô- duire vers le Paracoujfe , qui pour lors étoit a^a^ DIS IlES ÀttTILLES. fit étoit venu vifiter la Province â'Ama- na : Que ce Prince leur fie vn favora- bla acueïl, ôc leur témoigna tant cTa- mitic, qu'ils prirent la refolution de renvoyer leurs Guides en leur païs36c de s'afermir au milieu des Apalachices^ puis qu'ils les trouvoiet en coures cho- ies y tels qu'on les leur avoit décrits. Le fou^renir des dangers que ces a- vanturiers avoyent courus, avant que m fe pouvoir rendre à Matique , la vive aprehenfion qu'ils avoient des dificultés qui leur étoient inévitables au retour , le. peu d'efperance qu'il y avoit que les François priflent envie de faire vn nouvel embarquement* pour relever les ruines de leur Colo- nie : la beauté ôc la fertilité du païs, où la Providence divine les avoic a- menez , ôc la douceur des mœurs des Habicans , jointe à piufieurs autres coopérations ôc leurs propres intérêts» les convioient puiiïamment à s'arrêter à ce bon deflein qu'ils avoient formé? mais les Guides que Satnrioua leur a- voit donnez, y faifoient de fi grandes opofkions & rcraontrpiétavec tant dé O 5 cl*al% % a * I i I £12. Histoire Morale chaleur, que fans eus 3 ils n'oferoïentc point fe prefenter devant leur Sei- gneur 3 qui les avoir confiez à leurs- foins x que pour compofer ce dife- r.cnt>& les mettre à couvert durepro- çhe qu'ils aprehendoient, lors qu'ils* fer oient retournez en leur terre ; ils obtinrent que deus de ces François retourneroient avec eus auprès de Sa- Mriova, pour y eftre témoins de toute la fidélité qu'ils avoient aportée* pour exécuter la comraiffion qu'ils avoient;. receuë de fa part. Cette même Relation ajoute , que ces quatre Voyageurs.qui s'arrêtèrent volontairement au milieu des Apala- cuites, étans bien infttuits en la voye.: de Dieu , leur laiïïèrent quelque con- noififance de fa MajeftéSouveraine^ M du vray fexvice qui luy doit eftre ren- du en efprit&. en vérité félon fa paro- le. Et les familles étrangères qui dé* guis ce tems4à^ont pénétré dans ces> Brovinces,& qui s'y, font afermies3 é- ^rivent , qpe les Habitans de celle de Bemamn , ont encore à prefent la me* (moire fraîche de.ces François ^.& que ctë& aiKdfc-v iywmth W.HB^i des Iles Antilles, j-'ij c'eft d'eus , qu'ils ont apris & confer- véplufieurs termes de la langue Fran- çoife,tels que font; Dievja Terre, Ami le Soleil, la Lune, le Paradis y l'Enfer -, o'ùy^non, ôc plufieurs autres mots, qui font communs parmy ces Peuples, & qui font employez par eus , pour ex- primer lé même,qu ils fignifient entre nous. Apres la mort de ces quatre Fran- çois i qui furent regrettez de tous les Apalachites ,, hormis des Sacrifica- teurs du Soleil , qui leur portoknt v- ne haine irréconciliable^ caufe qu'ils détournoient le peuple de l'idolâtrie, &Ie portoient à la connoiffance du vray Dieuvivant qui a créé le Soleil, & toutes les chofes qu'il éclaire : les Provinces qui font dans lès vallées des montagnes à'Apdates , ôc qui pour lors n'avoient receu qu vn bien foible rayon de la lumière celefte3fof- fént facilement retombées dans les plus épaiffes ténèbres de leur ancien- ne fuperftitio,fi Dieu par vn trait fin- gulier de fa providencene leur eut en- voyé quelques familles d'Angleterre È i j S I im^juim>MmKsa I I I i I 324 Histoire Morale 8c cTHiiiande, qui à leur arrivée rainv merent ce petit feu 3 qui écoit caché fous la cendre. Ces Familles3ainii que nous l'avons tiré des Relations > que les Habitans de la Colonie de la Palme nous ont envoyées , avoient efté contraintes de quiter la Virginie en Tan mil fix cens vint & vn, à caufe des horribles maffacres que les Barbares Originai- res du païs , y faifoient pour lors * de tous les étrangers qu'ils rencontroiét, et elles s'étoient embarquées à deflei»- de fe retirer à la neuve Angleterre: mais les vens leur ayans efté contrai- res , elles furent pouifées à la côte de h Floride 3 où le manquement de vi- vres les obligea de defeendre 3 & de s'arrêter fur le bord de la rivière de Se- loy, & c'eft de là qu'elles pafferent ea la Province de Manque & puis en cel- les A'Amana & de Bemarin > fous la conduite d'vne Compagnie d'Apala- chites3qui étoient defeendus à la cofte de la mec 3 pour y prendre leur provi- fion de fel3comme ils avoient acoûtu*- mé de le faire en ce tems-1^ . C'eft dans ces belles Provinces., que ïik^ 0ES ÏL£§ ANTILLES,- )lf ces Familles étrangères fe font acuités 6c forci fiées 3 y ayant attiré depuis^ quinze ou feize ans la plupart des In- diens Habitans des Iles de Roatam? de la Monaqtte & d'Omila y qui font au Golfe cTHondures s ôc vn nombre aU fez confiderable de perfonues de tou- tes fortes de qualicez &c de diferentes Nations 3 qui vivoient aus Lucayes prés du Décroit fi célèbre de Bahama> ôc particulièrement quelques favans & zelez Eclefiaftiques , qui fe font lervis dVne retraite fi douce &c Ci fa- vorable>pour s'employer ferieufement 3c (ans diftra&ion à leur propre falut: & pour étendre en fuite les limites du pur & ancien C h riftianifme* par- mi ces pauvres Peuples /fi Dieu leur en donnoit les moyens. Nous aprenons auiïi par les der- niers mémoires qui nous font venus de ces quartiers-là y que Dieu benif- fant les louables intentions des Chefs & Dire&eurs de cqs Familles étrangè- res qui fe font aiîociées dans ce reli- gieus deffein,&: les incôparables foins de leurs Prédicateurs & Çatechiftes^le m ^ 1 m I i 4 I •Bara*5- § i ! i s 1, '$±6 KlSTOTRE KfbfcAirr Paracoujfe d'Apalache , s'eft fait in* ftruirepareus en la Religion €hré- tiéne,qu en fuite il a te&eu le Batéme,, & qu'à fon exemple pîufieurs de fes Officiers, ■& des principaus Chefs des familles dé Bcmarin de d9 Amam-'y 8c for tout de la Ville de Melilot > ont aufli embraffe le Chriftianifme , avec beaucoup de connoiflance & d'ardeur:- qu outre les Pafteurs ordinaires qui ont la conduite des Eglifes formées, ils ont encore établi vne fainte Corn- pagnie d'En voyez , ou de Miffionai- rès Evangeliques , qui comme leurs Coadiuteurs en l'œuvre de la prédica- tion de la parole de Dieu, travaillent : avec vne affiduité & vnê fidélité ;. non- pareilles , à d'inftruââon de ce Peu* pie 3 de à recueillir des Eglifesen di- vers endrois de ce^ nouveau Monde* fous Taprobation & là dire&ion des Infpe&eurs & Pafteurs ordinaires; de qui ils tiennent leur vocation exté- rieure^ ce ■facré--miniftere,&' leur en» voy particulier en cette belle moiffon du SeigneunQijcpour reuflir en vne Munie entrepnfe ?ik ont prernîcre- $mnî" 23ES Ëfefe ÂNTiaE^ jSy» ment apris en perfection la langue la plus connue des Floridiens 3 & qui as le plus de cours parmi ces peuples; <5c qu'en fuite 3 ils ont drelfé des Efcoles- en tous les lieus 5 où Dieu a affembié des Fidèles par leur prédication 3 afin que les grands Se les petis , y puiffent eftre informez des facrez. mifteres de- la Religion Chrétienne^ & élevez^ en la vraye pieté par les inftructions familières du Gatechifme 3 au même tems qu'on leur enfeigne à lire & h écrire» Ges> mêmes mémoires ajoutent^ qu'encore que le Paracoujfe d'Apala- che ait receu le Batéme > & qu'il té- moigna avoir beaucoup d'afection pour les étrangers dont Dieu s'eft fer- si pour lui procurer ce bonheur> il eft neantmoins entré dépuis peu en quel- que ombrage contre eus* de que dans Taprehenfion que quelques vns de fon Gonfeil luy ont fait concevoir^ que s'il leur foufroit de s'acroiftre d'a- vantage * ils pourroient avec le tems s'emparer de tout le gouvernement de l'état^ il les a premièrement difperfe^- *—Mi3GMBS qui puilfe fubfiftesr î>is Iles Antilles. f%fy ftibfifter de foy même : ce Pais étane Ci reculé du refte du monde, & entiè- rement dépourveu d'or , d'argent, de pierres precieufes,& de toutes les ri- ehes marchandifes , qui atirent & en- tretiennent le comrnerce,il eft confiât^ qu'il ne. fera jamais recherché, ni en- vié avec beaucoup de paffion,des peu* pies de l'Europe , qui ne pouffent des Colonies,que là où il y aefperance de faire du profit par le moyen du trafic, loint , que quand ces Provinces au^ roient les racines de l'or , &c les four- ces des perles, il n'y a point d'aparen- ce y qu'on pût trouver beaucoup de perfonnes en i'Europe,qui voulufienc fe refoudre à palier tant de mers,pour aller finir leurs jours dans vne Terre,- qui eft éloignée prés de cent lieues de tous porcs de mer,qui n'a aufli aucune rivière navigable , qui s'y vienne ren- dre pour faciliter le commerce, qui ne peut auffi efperer d'eftre rafraifehie de tant de douceurs, qui font fubfifter avec honneur les autres Colonies de FArnerique>& pour le dire en vn moty. 1 I ! I! >5'o Histoire Mgraee qui ne peut promettre à fes Habi- tans , que ce qui eft précisément ne- eefFaire ,: pour le vivre & le vête- ment. A K T I E E E XI I. ' J>« mariages des Afalachites , de 1% : ducation de Uurs enfans, & des ma- ladies aufqwlks ils font fuiets, & de* remèdes dont ils fe fervent. Bien que les Apalachites ne fe glo- rifient pas d eftre defcendu* des anciennes Tribus dlfraël ; ils on* neantmoins cecy de commun avec el- les,qu'ils ne prenent point de femmes nors de leurs familles, & fi quelques- vns d'entre- eus en vfent autrement, ris s'expofent au mépris & au rebut de- toute leur parenté , & outre, que de lemblables mariages font facilement di{louts,les enfans qui en naiflent/ont incapables d'eftre Capitaines ou Chefs de familles , d'autant qu'ils font tenus parmy eus. ,.au. même rang que des bâtards,. *' "* Les- i Ees jeunes hommes ne font pas- beaucoup de cérémonies ni de recher- ches pour avoir des filles en maria- ge : parce que les parens de parc de d'autre 5>ont fouvent convenu de tout> cela par enfemble, lors queleursen- fens étoient encore fore jeunes -: &: les enfans font en ce point fi refpe* étueus envers leurs parens, & défè- rent tellement a de pareils acords^ qu'il n'y a point d'exemple parmi eus^, d'aucuns qui ayent defavouéee qu'ils ont traité en dépareilles rencontres* Us peuvent époufer de leurs paren- tes 5 dans tous les degrez qui font au défous de leurs fœurs. Ils ont tou- jours pris la liberté d'avoir autant de femmes qu'ils en peuvent commodé- ment entretenir 5 mais il n'y a que la premiere^qui leur a efté donnée par leurs parens > qui foit réputée pour légitime ,..& dont les enfans puiiïent eftre avancez aus charges 3 & préfé- rez àtous ceus qui naiffent des au- tres. Ils donnent pour l'ordinaire à leurs* enfans mâles 3 les noms de leurs en- nemis- KM^" i I ! $51 Histoire Morale ennemis qu'ils ont furmonté , ou cîe leurs Villages qu'ils ont brûlez,ou mé*. me de leurs prifonniers de guerre qui iont morts à leur fer vice.Quant à leurs filles.ils les nomment de mêmes noms que leurs mères ougrand-meres ou a- yeules qui font décèles 3 ayant tou- jours égard , qu'il n'y en ait aucune dans leur famille qui foit encore en vie qui porte le même nom : & au défaut des noms de cette nature 3 ils en for- gent d'autres félon leur caprice , auf- quels , fi on les en doit croire , il y a beaucoup de myfteres cachez. Les femmes élèvent tous leurs en- fans iufqo'à l'âge de 1 2. ans ou envi- ron,mais quand les garçons font par- venus à ce terme, elles les confient entièrement ans foins & à la conduite de leurs maris,qui fe chargent des lors de leur éducation, les conduisant avec eus à la chaiFe, à la pefchcau laboura- ge^ à tous les autres exercices , donc ils tachent de les rendre capables. Ils les fafïbnnent auffi à tirer de l'arc 3c à lancer la zagaye de bonne grâce , ôc à fe parer de leurs boucliers contre ks S*A2 ©es Iles Antilles. fj$ les coups de fléches^& ils les mènent à la guerre, quand ils font parvenus en âge d'en pouyoir fuporter la fatigue. Ils ont tous beaucoup d'amitié pour leurs enfans , mais ils ne leur en don- nent point tant de preuves extérieures que plufieurs autres Nations,quifont confifte? l'amour qu'ils ont pour eus* -fin vne infinité de carefles , & qui l?e- vaporent en mignardifes^dont les en- fans abuzent le plus fouvent. Et bien que cette conduite des Apalachites, femble vn peu trop pancher du cofté de la feverité 3 l'on remarque toute- fois par expérience , qu'elle n'abat point le courage à leurs enfans 3 & qu'elle n'étoufe en aucune failbn le feu& la vivacité qui eft requife pour entreprendre quelque chofe de gène- jreus. L/on ne voit aucun d'entre eus qui foit travaillé de la pierre^ou de la gra- velle y ni même des goûtes •. ce qu'on atribuë à la fobrieté qu'ils gardent au boire & au manger , &c ans exercices allez laborieus aufquéls ils s'ocnpent tous Içs jours de leurs vie , comme auflî STO5"" I I \ §34 Histoire Morale ' auflî à l'vfage fréquent de la Caffine* qui eft vne forte de bruvage fort efti- me parmy eus , qui eft corn poix de la feuille de cet Arbue de mime nom, dont nous avons dé- jà parlé en plu- fleurs endroits. Car ils tiennent qu il a la vertu de faire rendre quantité de ieroficez par les conduits naturels , Se de chalîer toutes les humeurs gluan- tes.qui leur pourroient caufer des ob- ftrudions. Mais ils font fort fujets, lors notamment qu'ils deviennent vi- .eus y à des grandes douleurs de tefte.à des foibleffes d'eftomac^ & à des de- mangeaifons , qui leur excitent des pullules par tout le corps 3 qui dégé- nèrent fouvent en des vlceres malins, qui deviennent incurables. ■ Ils n'ont point d'autres Médecins que leurs lao'iias^xxx mêlent beaucoup de iuperftitions parmy les remèdes quils preicriventà leurs malades. Ils le fervent au lieu de lancettes Se de raloirs, de certaines dents de poiffons extrêmement aiguës Se tranchantes, dont ils font des incifions aflez pro- fondes , fur les parties doloureufes de ceus aiv^^ï- mt •des- Iles Anti-lie-s". $j£ ceus qm fe mettent entre leurs mains. Ils n'effuyent point le fang qui coule des playes qu'ils ont faites > mais après favoir fuccé , ils le rendent prompte- ment à terre.Les efcarcelles qu'ils por- tent attachées à leurs ceintures., font toujours garnies de diverfes fortes de .grailles, & de plufieurs feuilles d'her- !bes 3 lefquelles ils appliquent en for*- me d'emplâtres , fur les parties mai- affectées de leurs patiens. lis provo- quent auffi des vomiiremens & des fueurs i avec vne poudre composée de i'écorce d'vne forte d'arbrilfeau^ & d'vne efpece de coquillage calciné, qui ont la vertu de produire ces éfets. Mais cqs remèdes font fi violens, que les Européens qui ont eus l'alfurance d'en vfer^en ont efté dangereufement rinalades. Quand tous ces remèdes ordinaires n'avancent point la guerifon des ma- lades , les 7^0/^ leurs prefcrivent des bains , des fomentations > l'yfage des eaus minérales qui font au pied de la montagne d'Olaïmjt 9 .& enfin , après avoir épuisé tous leurs fecrets, ils les font m ti^t. <^E&a^ 53^ Histoire Morale font expofer au lever du Soleil , à h force de leurs €abanes,dans la créan- ce que les dous rayons de céc Aftre, ■feront plus puiffans pour leur rendre la lancé, que toutes leurs autres or- donnances. C'eftpourquoy dansées occurrences ils conjurent cette pré- tendue Divinité-, de vouloir déployer fa vertu vivifiante en faveur de ceus qui luy découvrant leurs maus , n'at- tendent leur guerifon , que àc fes bé- nignes influences. : Ces Médecins, qui font auffi Sacri- ficateurs du Soleil , comme nous l'a- vons reprçfenté,font fort eftimez par- my les Apalachites , car outre qu'ils acompagnent cette double profeffion, de gravité, de modeftie,&d'vne abfti- iience de toute forte de délices, & mê- me de 1 vfage des créatures , qui ont eues la vie fenfitive : ils ne peuvent point être promeus à ces charges,qui les obligent à mener vne vie beau- coup plus retirée que celle du com- mun, qu'ils n'ayent fait l'apprenti ffa- ge de toutes leurs fuperftitions au mi- lieu des forets, & d* plus afreufes fo- j litudes MBS&S&FSl -DÏS ïiÊS ÂnTïXLES jj7 iitudes , fous la conduite des Chefs de kurSe&e^qui durant trois ans entiers les exercent & les faiïbnnentpar plu-> fieurs rudes épreuyesjà^ous les myfte- res de leurprofane difcipline. Ceft auffi durant ce t£ms-là, qu'ils ont à ce qu ils racontent , d'étranges vifions, & la communication familière de certains efprits folets , qui leur apa- roiffans en diverfes figures, fe jouent de la (implicite de ces miferables abu- fez , qui ont l'aefrelfe & la vanité , de faire paffèr leurs rêveries., &* les Ulu- lions de ces Anges de ténèbres qui les feduifent, pour des révélations di- vines,& des infpirations qui leur font .envoyées du Ciel - ARTICLE XI IL De Vage ordinaire des Apalachites* de Imr mort>& de leurs entemmens. LEs Apalachites font prefque tous de fort longue vie,car il s'en voie communément qui paffent les cent ans 3 .& encore à prefent il s'en trou- ve plufieurs i qui ont atteint le cent Tom.IL P cinquaa Knsragss 358 Histoire Morale cinquantiéme.Ce qui ne doit point jU trejt^nupour vne nouyeaut^ou pour vile merveille extraordinaire^puifque nous lifons au Chapitre dixième du livre quatrième de la Defcription de$ Indes Occidentales du Sieur de Laët,- que Mr. de Laudoniere yifitant la co- lle de la Floride > y vid vn Roitelet* amy de ce Saturiova> dont nous avons tant parlé dans lès articles precedens? qui avoit plus de cent cinquante ans* & qui pouvait conter de fes fils &C petis fils5iufqu*à la cinquième genera^ rion. Ils embaument avec vn artifice tout particulier les corps de leurs pa« xens & amis décédez > car après en a- ¥ok tiré tous les inteftins* léquels ils cnfeveliflent au même Heu 3 où le re- lie du corps doit eftre mis à la fin de leur deiiil 3 ils les plongent dans vn baume precieus qu'ils refervent à cet vfage. Cette compofition eft faite dç plufieurs fortes de gommes aftrin- gentes3& de quelques drogues aroma- tiques , qui ont la vertu de dépêcher les corps , Se les preferyer de corru- ption: ©es Iles Antilles* y$£ jption: Et il eft confiant, qu'après qu'- ils ont demeuré trois mois ou environ dans ce baume & ils en peuvent eftre rtirez,* fans qu il y aparoifle aucun© altération ,, & fans crainte qu'ils fe corrompent à Tavenir.En fuite de cee embaumements ils les revêtent de leurs plus precieûies fourrures > Ôc a- $>rés les avoir enfermez dans des co- fres de cedres,&; confervez dans leurs maifons Tefpacede n. Lunes entiè- res 3 ils les enterrent dans la foreftla pjus voifine de leurs demeures^au pied de quelque arbre 3 avec beaucoup de pleurs & de lamentations. Il n y a pas grande différence entré les enterremens du fimple peuple &c ceus des Capitaines , ou des Chefs de famille : mais ils obfeirvent quelque chofe de particulier aus funérailles de leurs Paracoujfes : Car aprésqu ils les ont embaumez avec tous les foins? poffibles, & qu ils les ont couverts de leurs plus beaus habits , & parez de leurs chaînes ôc de leurs Colliers de? cérémonies s ils les gardent trois an- nées entières dans des Gofres de bois F z preciees* I l É 1 1 ; I 140 Histoire Moraie precîeus , au milieu de la chambre ou ils font décédez. Ce terme étant ex- piré , ils les portent avec beaucoup de pompe au tombeau , que les héri- tiers du défunt ont fait crçufer , à la pante de la montagne d'Olaîmy > où depuis vn teins immémorial , ils ont acoutumé d'enfevelir leurs Souve- rains i & Ci toft qu'ils ont pofé les corps dans la grote, ils ferment l'ou- verture avec de grolfes pierres, qu'ils couvrent d vn grand amas 4e gaz-ons de terre. Les Capitaines , & tous les autres Officiers & Chefs de famille,qui onÇ affifté à ces derniers devoirs, après a-? voir jettté beaucoup de cris & pleuré le défunt, attachent aus arbres voifins leurs arcs & leurs carquois pleins de flèches 5 leurs maifuës &c leurs bou- cliers. Et les plus proches parens du défunt, plantent auprès de la caverne où ils ont mis le corps , vn Çedrc, ou quelque autre forte d'arbres precieus, qu'ils y entretiennent avec tous les foins qui font requis pour empefcher qu'il ne meqrejfic s'il arrive qu'il foit renverfé s#tyatxHMTi toËis Iles Antilles, ^41 îenverfé par les vens^ou qu'il vienne à fécher>ou à dépérir par quelque au- tre accident ; ils ne manquent jamais d'en fubilituer vn autre en la place* pour perpétuer entant qu il eften eus, îa mémoire du défunt par ce figue vi- fible. . Pour témoigner leur deuil, 8c faire paroiftre la grande triftefle qu'ils ont conceuë de la mort de leurs parens^ils coupent vne partie des cheveus de leur tefte : mais lors que leur Prince eft decedé, ils les rafent entièrement, & ne les laUFent point recroiftre* iuf« ques-à cù qu'ils ayent porté fon corps au fepulcre , en la façon que nous ve- nons de décrire* Pour vérifier que les Cérémonies que les Apalachites ob- fervent à embaumer les corps de leurs parens , & à les conferver quelque tems dans des cofres > avant que leur rendre les derniers devoirs 5 ne leur eft ni nouvelle , ni particulière ^ le Sieur de Laët au Chapitre troiiiéme du livre quatrième de fon Hiftoire déjà citée, ra porte que les Soldats qui acompagnoyent Pœmphile Ntmkmjgû P j fcs Mil p 1 g & 1 ar>PrytV^> g I I 1 i I I I 342, Histoire Morale1 les expéditions du nouveau mondée Touslacô.miffion de l'Empereur Char- les cinquième Roy d'Efpagne ,' qui lui avoit acordé le gouvernement de toutes les terres qu'il pourroit décou- vrir 5 dépuis la Rivière des Palmes \uù qu'aus derniers confins de la Floride* étans défcendus à la plus prochaine cofte du pais que nous décrivôs* trou- vèrent dans les cabanes que ces pau- vres barbares avoyent abandonnées,, incontinent qu'ils eurent aperceu ces étrangers 3 qui étoyent munis d'ai% mes à feu & montez à l'avantage: quatre grands Cofresdeboisprecieus*, ou il y avoit pour tout trefor5des corps morts couverts de peaus de bettes fau- vages. Ce que nous avons dit jufques-à prefent des mariages des Apalachites^ de leurs Médecins & de leurs Funé- railles, ne doit eftre entendu 3 que de cens qui font encore dans l'idolâtrie. Car ceus que Dieu a honorez de fa precieufe connoiflance , & apellez de leurs anciennes tenebres,à la merveil- leufe lumière de fon Evangile de grâ- ce*. ï>es Iles Antilles. 343 te.i ont leurs mariages réglez 5 dans les degrés permis par Ca Loy 5 & fe tiennent arrêtez indiffblublement à vne feule femme. Ils ne fe fervent point auffi dans leurs maladies3des re- mèdes fuperfticietïs des laouas , mais après l'invocation du nom du Sau-» Teur * qui eft le Vray Soleil de juftice quijcomme dit rEcriture5porte la fan- té , dans fes ailes^c'effe à dire en fes ra* yons s ils vfent de quelques fimples, que l'expérience leur a enfeigné eftre tre>propres à la guerifon de leurs ma- ladies. Ils confient auffi à la terre5 les corps de leurs frères en toute (impli- cite., gravité &c modeftie Chrétienne* dans l'efperance de la bien-heureufe returredion, félon la pratique de l'E- glife primitivei fuivans en cela^ 8c en toutes autres chofes qui concernent le fervice divin,i'ordre de leur Liturgie particulière ? laquelle eft entièrement tirée de la parole de Dieu,& fort apro- châtede celle de TEglife d'Angleterre. Voilà la Digreffion curieufe, dont la recherche de l'origine des Caraïbes bous a fourny le fujet & la matière. P 4 Nous ETW?" i S 1 344 HîSTO'IKÏ Morali Nous fouhaitons pour la clôture3q3Qô' cette nouvelle Relation, qui eft beau* coup plus ample &c plus exa&e * quâ celle que nous avions inférée en la première édition de cette Hiftoire-a- grée à ceus qui prendront la pêne de la lire, & qu'ils ayent la bonté de fuporter les défauts de nos: expreffîon& qui fe font bien fouvent trouvées con^ traintes 3 en tâchant de rendre fidèle* ment 3c clairement en nôtre langue* le contenu aux mémoires qui nous~ ont efté confiez de divers endroits^ & en langue différente > fur cette ri- che matière. Au refte> ces Meilleurs qui conver- fent encore à prefent avec ce Peuple^ ou qui demeurent dans le voifinage^ nous ayans honorez de toutes ces ex- cellentes & judicieufes remarques5que nous tenons de leur libéralité 5. com- me il apert par leurs lettres* qui pa* renflent au commencement de cet Ou- vrage, feront toujours les irréprocha- bles témoins de la fidélité * que 'nous nous fouîmes étudiez de garder 3 en les donnant au public ^ & les répon- dant KTÎrfWrtlKVrftt bes Îles Antilies. 345 dans delà vérité de tout ce que nous avons avancé après eus * en maniant ce digne fujet. Il ieroit à defirer qu'a l'exemple de ces genereus Habitans de la Floride, les autres Colonies de l'AmeriqueSe» ptentrionale , nous informaient auf~ f\ à leur tour , de ce qu'elles ont de plus considérable dans les païs où el- les font établies 5 car nous aprenons qu'en la neuve Angleterre y qui fans contredit , eft la plus peuplée , & la plus fteuriifante de toutes y il y a vnc infinité de raretez* qui font tres-di- gnes d'eftre communiquées à nôtre , Europe : qu'il y a plufieurs belles & grandes places- fort renommées > qui peuvent porter le nom de Villes-.quil y a par tout des Ecoles aufqueiies les enfans des Indiens font nourris & é- levez en la vraye pieté > & en la con- noifiànce des lettres > avec ceus de la Colonie : qu'il y a même vne Acadé- mie fort célèbre en Tvne de leurs vil- les.îaquelle eftcompofée entre autres, de plufieurs Docteurs &ProfeflTeursen .Theologie^ui enfeignét publiquemét HCW" I 8 1 1 il 1 r 1 î 346 Histoire Morale ôc gratuitement cette divine fcience^ir tous ceus qui ont vn faint defir de confacrer leur vie Se leurs études au fervice des Eglifes que le Seigneur a recueillies dans cette partie du nou- veau Monde : &c que leurs faints la- beurs 5 y font encore à prefent acom- pagnez de tant d'heur eus fuccés 3 & de fi grandes benedi&ions du Ciel > que leur dernier Synode National étoit compoféde plus de cens Pafteurs^qui y comparuret au nom de leurs Trou-- peaus3& qui y rendirent les folemnel- les a de ce que de jour en jour * il ouvroit le cœur de ces pauvreS/barfeares 3 au mi- lieu déquels fa providence les a appel- iez 3 pour entendi/e à TEuangile qui leur eft prefché, & en y croyant avoir part à fon alliance de grâce. CHÀPr ées Iêes Antilles. 247 CHAPITRE IX. I)# O^ ^ Caraïbes^ de leurs ornement* ÏL faut maintenant reprendre le che- min dont nous nous étions écartez, & retourner de la Floride aus Antil- lesj pour y confiderer auffi exaéfcernét qu'il nous fera poffible dans toute la faite de cette Hiftoire 5 le Corps &c rHfprit >4es Mœurs > la Religion,les Coûtumes3& les autres particularitez des Sauvages Caraïbes ou Canni- bales 3 dont nous avons déjà déduit amplement l'origine. Et parce que ceus d'entre ce peuple, qui demeurent dans les mêmes Iles où les François de les autres Nations Européennes ont des Colonies y ou qui les fréquentent fouvent,s'accom- modent en plufîeurs chofes à leurs faiîons de faire;8c que pour leur eftre plus agréables , ils quittent beaucoup de leurs vieilles coutumes > ceus qui P 6 wuk&£ P=OT s t 1 S i 8 i ; I i ^48 Histoire Morale veulent favoir les anciennes moeurs des Caraïbes s ne les doivent pas ap~ prendte des Caraïbes qui demeurent à la Martinique 9 ou qui fréquentent le plus nôsiîuropéens : mais de ceus de Saint Vincent , léqueis entre tous* les autres , ont eu jufqu à prefent le moins de communication avec les Ë- trangers.Auffi eft ce d'eus, queft par- ticulîcremêt tiré tout ce que nous di- rons cy après des Caraïbes : mais a- vant que d'entrer en cette it»atïei£, Jious ferons quelques remarques gé- nérales 3 pour prévenir rétoimemenc que. le Le&eur pourroit avoir delà différence de plufieurs de nos Rela- tions^ celles des autres^ou débouche ou par écrit. I. Il eft prefque impoffibîe5que des Relations de terres & de coutumes fi éloignas de nous s'accordent en tou- tes chofes,veu que même nous voyôs que celles des pais voifins, n'ont' pas toufiours vn parfait rapport entr'elles. II. Dépuis que les Caraïbes ont fré- quenté avec les Nations étrangères, ils gik beaucoup relafché de leurs an- ciennes ^ sis Iles ÂNfïiiESv }4f tiennes pratiques , de ont quitté plu- fieurs faffons de faire»qoi leur étoiene auparavant inviolables. E>e faite qu'- il te trouve aujourduy en eus vn no- table changement» à&œ qu'ils étoiene autrefois. Ce qui eft arrivé * •& eni partie de ce que nos Européens les ont déniaifez 3 & en partie auffi y car il le faut avouer à nôtre honte» de ce -qu'ils les ont corrompus, Et fur ce fo)et ; Monfteur du Montel nous rap- porte en fes memoires^que deus bons vieillards Caraïbes » avec léquels il a converfé familièrement » luy difoient fonvent en leur entretien. [ Nos gens font devenu* pref que com- me dépui$ qu'ils vous ont veus : Et nous avons de la peine a nous reconnoitre nous mêmes y tant nous fomr/ies différent de ce que nous étions autre fois* Auffi notre Nation eftime, qua caufe de ce change- ment y les Ouragans font plus fréquent quils nétoient par cy deviït:& que Ma- boya, (ceft a dàrç^dpk, malin ) mus a misfms Upuiffance des François, des Angloky & des Effagnols, qui nous ont chaffhz. de la plupart de TiQS meilleures terres.} %%}$ I I I 5T°. fTl;S-:TO--IR:E MoRAÊÈ III» Ils peuvent avoir des faifons de faire différentes y félon la diverfité des Iles, bien qu'ils foient vn même Peuple : comme nous le voyons dans la diverfité des coutumes d'vn même Royaume > félon les quartiers y & les Provinces. De force que par exem- ple , ceus qui ont le plus converfé & k Dominique rapporteront des opi- nions des coutumes > & des cérémo- nies des Caraïbes 5 qui feront reci- tées diverfement par des perfonnes qui les auront fréquentes ailleurs. Et neantmoins les vus & les autres fe- ront vne relation fidèle. I ¥. Comme dans le Continent de l'Amérique les Caraïbes qui habitent: bien avant dans la Terre > & qui vo- yent rarement les étrangers y retien- nent beaucoup plus leurs anciennes iïiœursj& leur ancienne fafFon de vi* we5 queceus qui habitans prés des Colonies Hollandoifes de Cayenne êc de Berbice y ont v-n commerce or- dinaire avec les Chrétiens. Aufli en- tras nos Caraïbes Infulaires, cens qui QBt moins de communication avec les Euro vmrrfVA\rt> Ëuropéens^tels que font cens de Saint Vincent y- font plus exa£ts obferva-- leurs de leurs vieilles habitudes , que ne le font par exemple' 9 ou ceus de la Martiniqué^ou ceus de la Dominique*, qui nous- hantent davantage.* V. C'eft pourquoy fi ceus qui ne îes ont veus qu'en ces derniers lieus^, ou qui ont appris de leurs nouvelles par des perfonnes qui ne les avoient pratiquez qu'en ces lieus la, trouvent dans la fuite de nôtre Hiftoire diver- fes chofes qui ne s'accordent pas bien avec celles dont ils ont la connoiflan- ee y ils ne s en étonneront pas s'il leur plait , veu que la plupart de nos mémoires ont efté faits fur les Ca- raïbes de S. Vincent. VI. Enfin les Ledteurs feront aver- tis, que nous allons décrire pour la- plupart les anciennes mœurs 5 & les anciennes coutumes de ces Caraïbes^ afin que perfonne ne trouve étrange fi dans ce qu'ils pratiquent aujourduyp il y a quelque chofe qui ne s'y rappor- te pas. Ges avertiffemens étans don- nez, tien ne peut empefeher de com- mencer s I 1 15 i Histoire Moraiè mencer ce que nous avons entrepris pour fatisfaire au litre de ee Chapitre. La plupart des Peuples que nous appelions Sauvages & Barbares, ont quelque chofe-de hideus, & difforme, ou de defe&uem , foie en leur vifage, foit au refïe de leur corps ; comme les Hiftoriens nous le raportent des Mal- divois , des Habitans du Détroit de Magellan, &c de plufieurs autres.quil Ji'eft pas befoin de nommer. Mais les Caraïbes font gens bien- farts > & proportionez de leurs corps*,, aifez agréables, la mine riante/de mo- yenne taille,large d'épaules & de han- ches , & prefque tous en allez bon point ? 5c plus robuftes que les Fran- çois. Il ont levifagerond ôc amplc,& pour la plupart les joues marquées de deus petites follettes dans le milieu. Xeur bouche eft médiocrement fen- due, .& leurs dents font parfaitement blanches 5c ferrées. Il elt vray qu'ils ont le teint naturellement olïvâtre,&" que cette couleur s'étend même fur le blanc de leurs yeus , léquels ils ont ..noirs, vn peu petis, auffi bien que les Chinois" ^^-«»-^-™ ^^wrf r ésS &i| Àxrttïisv §(-0 Chinois & les Tartares3 mais fort pe-*' Hetrans.ïls ont auffi le front & le nez? aplatis,- mais par artifice 3 de non pas naturellement. Car lettre mères les? ïeuï preiïent à leur naiffance, & conv tinuell&met pendant tout le tems qu'- elles les allaitentos'imaginaût qu'il y a en cela de la beauté & de la perteftioiï car fans cela ils aùïoient le nez bienf formée le front élevé comme nous. Ils ont les pieds larges de épatez/par^ ce qu'ils vont nfcs pieds:mais au refté û endurcis 2 qu'ils font à toute épreu=* ve, & dans les bois Se fur les rochers. Entre cens du? pais on ne voit ni borgne, ni aveugle, ni boiteus , ni boita 5 ni chauve ,ou qui ait de natu- re aucune difformité, comme de Lery ehap* &. le témoigne , auffi des Brcfi- liens, des Floridiens, & delà plupart de& Peuples de- FAmeriquev Au lieu que cens qui fe font promenez dans la grand Caire, raportent que par m'y les rues on voit force borgnes, & force a* veuglesjces infîrmitez état "fi fréquent tes,&: fi populaires en ce païslà^que de éix hômes^il y en a, toujours 5 .ou <£.qui es* rf54 Histoire Morale en font atteints : ainfi que de Lery ïé dit en fon voyage de Bréves.Mais ssil y en a quelques yns entre les Caraïbes qui foient difformes 3 ou perclus de quelque membre , eela leur eft furve- ftu dans les rencontres > &c dans les combats qtfilson&eus avec leurs en- fiemis y & ces difformitez on ces fié- Y triiïures y étant autant de preuves de b fcift valeur à font eftimées parmy eus S de bonne grâce s & glorieufes r'bien V î°in de les mettre en danger d'eftre af- û fommez ,• ou ]ettez en vne fondrière £ par leurs compatriotes,, comme ces 4\ pauvres enfans qui parmy le Peuple g ^e Guyana- , & chez les Lacedemo- ^ mens du teras de Lycurgue, venoient £ du ventre de feurs mères imparfaits f. & difformes.- Il fe voit même de bel- te les filles & de belles femmes entre les ^ Sauvagaffes Caraïbes y témoin Ma- ^ damoifelk de RofTelan > femme de Jl Mr. le Gouverneur de S. Aloufie. \J Tous les Caraïbes ont les eheveus ^ ^oirs > comme les- Chinois , qui pour cela font par fois nommez y le Peuple œm cheveu* Hoir* » (. ainfi que dit Tri- g#ut UStfkata WTy^^^>W^^»^^^^^Ym^r||ntrr f 3) -ES' IêES AnTllttt. p$$ gàlit en fon Hift. de la Chine, feMv chap.%. ) Ces cheveus des Caraïbes* ■■ ne font pas frifez comme cens des Mores a mais tout droits & fort longs comme céùs; des Maldivoîs. Et leurs femmes donnent toutes à cette cou- leur noire5le premier rang de la beau- té pour la cheveluf e> auffi 5 dit Garci- ïaiîo liv. 8* chap. i 3. que les Indien- nes du Peroo>ont tant de paffion pour les cheveus noirs* que pour donner sM leur chevelure cette couîeur,quand el- le y manque,elles fe donnent des pei- nes & des tourmefts incroyables. Au contraire 3 m Efpagne plufieurs Da- mes pour fe teindre les cheveus de couleur d'orales parfument des foufre* lès trempent dans de l'eau forte*&: les expofent au Soleil en plein midy* du- rant les plus violantes chaleurs de la Canicule. En Italie cette couleur de cheueus eft auffi fort affe&ée \ témoin ce que dit vn Po'éte au fujet des Cour- fcifannes Romaines. O que ces Guenuch es coiffées Avec leur poil fauve par art3ScCo I*es Caraïbes font fort foigneus de ry.^reca >y/v» '■ »— %p6 Histoire Morale le peigner, & eftimenc cela fort hon nete. Ils huilent leurs cheuéus,& oà vne invention pour les faire croître Les femmes peignent ordinairement leurs maris & leurs enfans. Hommes & femmes trelfent leurs cheveus pat derrière , & les fonc abomir en ^ne petite corne , qu'ils fe mettent au mi, lieu de la tête. Aus deus collez ils les laiflent en mouftaches, félon la liber- té naturelle. Les femmes divifent leurs cheveus , en forte qu'ils tombent des deus cotez delà tête : Et les hommes ieparent les leurs en l'autre fens, c'eft a dire, qu'ils les tirent furie devant & fer le derrière de la tête. Ce qui les oblige à en couper de deflus le front, parce qu'autrement ils leur tombe- roient fur les yeux. Ce qu'ils faifoiene autrefois avec de certaines herbes tran- chantes , avant que d'avoir l'vfage de nos cizeaus. Outre ce qu'ils ont ac- coutumé d'en couper, lors qu'ils font en deuil. Au lieu qu'en Madagafcar les hommes ne coupent rien du tout leurs cheveus. Mais les femmes fé ra- ient entièrement. Ce qui eft tout à fais -— "--^~~-~— —■"——— vnrriwrrr des Iles Antilles." 357 fait contraire à la coutume des Peu- ples 3 parmy iefquels yivoit IF Apôtre S.Paul. On n'aperçoit point du tout de bar- be aus Caraïbes , s'il leur en vient ils rarrachentjComme font les Brefiliens* les Cumanois, ôc certains Peuples fiu jets de l'Empire des Tartares^qui por- tent toufiours vn fer à la main , dont* ils s'arrachet tousles poils de la barbe qui leur croirTent de nouveau, comme dit Carpin chez Bergeron. Au refte^ l!x>n ne voit guercs les Caraïbes en cette peine3& l'on croit qu'ils ont vn fecret pour empêcher le poil de reve- nir quand vne fois il eft arraché. In- vention qui eût été fort commode aus anciens Romains. Car on tient qu'^ ils n'ont prefque point donné à leur barbe la permiUion de croître > que dépuis le tems de l'Empereur Adrien* qui le premier laiffa croître la fienne. Iufquerlàj il étoit fi honorable parmy eus de ne porter point de barbe > que les efclaves n'euffent osé faire rafer la leur : Et même cela étoit défendu à Itouteperfqnne accusée de crim^come poi|Ç HTW 358 Histoire Morale pour mettre fur eus vue marque i*inè famie,iufqu'à ce qu'ils euflentité ab- fous, ainfi que rapporte Aule - Gelle^ iïib.$.chap.4. Jout au contraire de ce qui fe pratique fous la nomination du Grand Seigneur 5 qui fait rafer la barbe par ignominie. Ce qui arriva Tan \6$i. au Conful François d'Ale- xandrie^ accusé d'avoir mal-versé ,e& fa charge , & de qui la barbe étoit naturellement fi bien frisée 3 8c d'v- ne couleur blonde fi belle * que quel- ques Turcs j luy en voulurent doru- ner vne fomme d'argent bien confi- derable , pour la garder par rareté* Mais il ayma mieus l'apporter en France. If*s Caraïbes s'étonnent de voir nos Européens nourrir leur barbe, 8c trouvent que c'eft; vne grande diffor- mité d'en avoir , comme c'eft en eus vne belle perfe&ion de n'en avoir point. Mais ils ne font pas les feuls 4es Sauvages^qui foient fantafques en matière de bienfeance & de beautez. Toutes les Nations Barbares ( ainfi qu'il eft rapporté par divers Histo- riens des Iles Antilles. }$f fAëtiSs qu'il feroit trop long de citer:) & même quelques civilisées ont fur cela des goûts & des fentimens parti- culiers. Par exemple^on met par beau- té entre les Maldivois, d'avoir tout le corps velu 3 ce qui feroit parmy nous la beauté d'vn fGurs, & non pas celle d'vn homme. Entre les Mexicains, d'avoir le front petit Se plein de poil* Entre les Iapponois de n'avoir gueres de cheveus : ce qui les oblige à les ar- racher foigneufement,& à n'en tailler qu'vn toupet m fommet de la tête» paître les femmes Tartares, d'être fort camufes:mais pour relever les attraits de leurs nez, -elles le frottent d'vn on- guent fort noir. Entre les Guinois, d'avoir de grans ongles & le nez plat. C'eft pourquoy ils TapplatUfent , 8c l'enfoncent avec le pouce à leurs en- fans , dés qu'ils viennent au monde, comme font auffi les Brésiliens. Entre ceus de la Province de Çufco au Pé- rou , & quelques Indiens Orientaus, comme entre les Calecutiens & les Malabares, d'avoir les Oreilles extre- memet grandes, & pendantes iufques fur 1 M m i i I -zw.sœ HCTF- I s r0n Jîj-ST.O;î.ïÛS MoKAtï * ;fpr les épaules, â-uffi quelques *.ym. d'entr'eus , fe les font v:enir telles par artifice. Entre les Ethiopiens, d'avoir de groflès lèvres , & le teint. noir & poly comme jayet. Entre les Nègres de Mofambique* d avoir les dens ex- trêmement pointues : & ils vfent de la lime pour les rendre telles. Entre ks Maldivois , de les avoir ronges* ■& pour cet éfet , ils mâchent conti- nuellement du Petel. Entre les Japo- nois & les Cumanois de les avoir boires : auffi ks noirciflent ils exprès, Entre ces derniers encore •> d'avoir le^ vilage long \ les joues maigres à & les jambes greffes par excès': Et c eft pour cela qu'ils preffent la tefte de leurs enfans entre deus couffins à leur naifTan.ee > 8c qu'auffi-biçn que les Habitans de la Rivière d'Eflèqaehe, i\s fe tiennent les jambes étroitement liées par le haut , & à la cheville du pied 3 afin de les faire enfler. Entre quelques Péruviens* d'avoir le vifage incifé & déchiqueté, comme à coups de lancettes j 8c d'avoir la tête platte §è ^contrefaite, large de front , & fort étroite bïs Iles Antilles.^ Xëi «troite depuis le front, jufqu'au chig- non du cou. Et c'eft pour fe ia rendre de cette belle forme , qu'ils tenoïent la tefte de leurs enfans preffée entre deus petis ais , dés le moment de leur miffance , jufqu à l'âge de quatre ou cinq ans. Enfin entre quelques Ori- «ntaus , & quelques Africains > c'eft vue grande perfection aus femmes, d'avoir des mammelles à renverfer par delTus l'épaule. Et entre les Chi- noifes, la principale beauté eft d'a- voir le pied exceflivément petit ÔC grefle. Et c'eft pour cet effet , que dés leur enfance on le leur ferre fi étroite - ment,qu 'elles en font tout eftropiées, & qu'à peine Ce peuvent elles foûte- nir. Il feroit bien mal-aifé de décrire vne beauté, fur les opinions différen- tes de tous ces Peuples. Retournons aus Caraïbes. Ils vont nus entièrement, hommes & femmes , comme plufieurs autres Nations. Et fi quelcun d'eus vouloit cacher fes parties naturelles, il fe- roit moqué de tous les autres. Quelr que fréquentation que les Chrétiens Tom. IL Q^ * ayent ^y/VHK ETV 561 Histoire Mirais ayent eue avec eus ^ il leur a été iuf* ques à prefent impoflîble de leur per- fuader de fe couvrir, Que Ci quelque- \ fois en venant voir les Chreftiens, )^ ou traitter avec eus * ils fe couvrent: > ! pour leur complaire^prenant y ne che- mife , des ealefibns * yn chapeau > &C les habits qu'ils leur ont donnez^auffi tôt qu'ils font de retour chez eus 3 ils « fe dépouillent 5 & mettent tous ces r:- Jiabits-là dans leurs Cabinets en para- ^ de. Pour échange de cette complais ji fance des Caraïbes > quelques-yns de P aios François , étans allez au milieu ^ d'eus 5 n'ont point fait de difficulté f^ de fe dépouiller entièrement à leur exemple. Cette nudité règne au long & au large fous la Zone Torride com- me chacun fait , feloji Vincent lé .^j Blanc }.pan.chap.i6. (j Quand on reproche aus Breiîliens £■ leur nudité > ils difent que nous ye* \i jions nus au monde, & que c'eft folie de cacher le corps qui nous a été don- V né par ja nature.Ceus du Royaume de Jk Bennin en Afrique font louables de £e couvrir, au moins lors qu'il fe ma- il rient* I LVjv-wr« i ™ ^"-^imn >vrfw mm Iles Antilles; 36*5 orient, même plutôt, fi leur Roy le veutj)eroiettre , ainfi que dit la Rela- tion des Hollandois. Les femmes des -Hes Lucayes devoiét auffi participer à cette louange, car elles avoient acoû- itumé de fe couvrir, lors qu'elles ê- toient enitat d'être mariées,& folem- nifoient cette adion avec beaucoup de réjouyflànce.Mais aujourd'huy cet- te coutume n'a plus de lieu : car cette pauvre Nation a été entièrement dé- truite par les Efpagnois , ou enlevée ;pour travailler aus mines , & il n'y a plus en toutes les Iles qui portent ce nom, aucuns habitans naturels , mais -feulement quelque peu d'Anglois que i on y a tranfportez de l'Ile de la Ver- moude. Venons aus ornemcns de nos Sauvages. Ils changent leur couleur naturelle par vne couleur rouge , qu'ils appli- quent fur leurs corps. Car demeurant auprès des Rivières Se des Fontaines, la première chofe qu'ils font tous les matins, .ejeft de s'aller laver tout le corps. Etc'eft ce. que prattiquoient-les Anciens AHeraans, comme Tacite le QL témoigne ypy,^frgsrj«7« S^ryrS HCV § 564 Histoire Morale témoigne en fon Livre des moeurs des anciens Allemans, Âuffitot que les Caraïbes font" lavez > ils retomv lient à la maifon > Se fe féchent au- près d'vn petit feu. Etant fcchez, leur femme3 ou quelcun de leurs do-* meftiques 9 prend vne Calebaiïè reun plie dVne certaine peinture rouges qu'ils appellent JRohcoh 3 du nom de l'arbre qui la produit. Se lequel nous avons reprefenté en fon lieu. On leur frotte tout le corps , Se mefme auffi le vifage de cette couleur 3 qui eft dé- meilée avec de l'huile. Pour apliquer eet£ç peinture ^ ils fe fervent d'vne é- ponge au lieu de pinceau, &: ils nom- mct;ceteaéfcion-là,fe RoucoHer.Et pour paroître plus galans3ils fe font fouvêc âes cercles hoirs à Tentour des yeus, avec du jus de pommes de junipa. Cette peinture rouge leur fert d'or-? tiement 3 Se de couverture tout en- femble. Car outre la beauté qu'ils y trouvent , ils dîfent que cela les rend plus fouples s Se plus agiles , comme ,de vray , les anciens Atletes fe frot- oient d'huile pour le même effet, De pîus tT—^r+^kWMvrtnvma £fcs Îles Antilles. j£$ jplûs ils difent qu'en fe RoucoLiant ain- iî,ils le garentiflent du froid de la nuie £cdes pluyes>des piqueures des Mouf- quites, des Marïngoins, ôc de l'ardeur du Soleil^qui autrement leur cauferoit des eleveures Se des vlceres à la peau. Cette ondtion endurcit leur peau^mais auffi elle la rend iuifanteJdoucei& pou- lie, comme lefavent tous ceus qui les ont veus & touchez. La plupart des Sauvages fe peignent & s'ajuftent ainfi le corps bizarremét» mais non pas de même couleur, ni 6s même façon , comme la leéture des Hiftoriens en fait foy. Car il y en a qui fe rougiflent le corps 3 auffi bien que les Antillois Caraïbes , comme ceus du Cap de Lopes Gonfalves: Mais les autres y employent d'autres couleurs* comme le noir", le blanc, la couleur de châtaigne , le Ztnzolin, le bleu, le jaune, & femblables. Quel- ques vnsn'en mettent quVne: ©au- tres fe peignent de plulîeurs enfera- ble > & y reprefentent diverfes fi- gures. Quelques autres fans s'appli- quer de couleur , fe frottent avec i F I t l $$€ Histoire Morale de l'huile de palmes. Il y en a qui fe font huiler de baume y & fau poudrer tout la corps d'vne menue poudre d'or. Et d*autres enfin s'oignent le" corps d'vne cole gluante, & foufflent fur cela du duvet de divers oifeaux : ou* bien ils fe couvrent d'vne pâte gom- mée &c odoriférante > & y collent des plus belles fleurs qui croiifent en leur païs. Il y a à choifirdans toutes ces modes > & ce feroit v-n plaifir que de voir tous ces pantalons danfer enfem- ble. On y pourroit joindre pour ren- dre la troupe plus compiette > ces Pè- lerins Turcs , qui portent ordinaire- ment des longues robbes ^faites d'vn million de pièces de toutes couleurs*, aiîîfi que dit de Leiy en fon Voyage de Brèves. Au refte ,;lâ mode de fe peindre le: corps eft bien ancienne : Et entr'au- tres monumens de cette antiqmté,PIi- ne lw.ii.chap. i .& Herodien en la vie de Severe 3 nous recitent que certains Peuples de la Grand'Betagne^ n'ayant l'vfage d'aucun vétement,fe peignoiét Je corps de diverfes couleurs , & y re- prefeip iKSrffc^a J%% Ï£e£ Antilles. 567 fu'éfentoient même des figures d'a'ni- maus : d'où ils furent nommez Piffief ou Peints. Mais entre tous les Sau- vages qui fe peignent aujoutd'huy h corps s les Caraïbes- ont l'avantage de fe parer d'vne couleur>que les An- ciens ont fort honorée fur toutes les autres. Car on dit que les Gots vfoiét de Cinnabre pour fe rougir le vifage- Et les premiers Romains au rapport de Pline liv.}$. chap.j. ie peignoient le corps de Minium le iour de leur Triomfe. Il nous apprend que Camil-. le en vfa de la forte. Et il ajoute ^ que les ioursde Fefte on enluminoit ainfi le vifage de la ftatuë de leur Iupiter: Et qu'autrefois les Ethiopiens fafoiét fî grand état de cette couleur vermeil- le5que les principaux Seigneurs fe i'a- pliquoient fur tout le corps > & que leurs Dieus - mêmes la portoient en leurs fimulacres. Nos Caraïbes fe contentent pour l'ordinaire de cette peinture rouge3 qui leur ferrde chemifc, d'habit > de manteau & de juft'au corps. Mais ea kuts jours folemnels Ôc de rejoiïyf- Q^ 4 iance 5^8 Histoire Morale fànce^ ils ajoutent à leur rouge |di vef^ fcs autres couleurs , dont ils fe bigar- rent le vifage &tout le corps. Mais ce n'eftpas de peinture feule^ ment qu'ils vfent pourfe parer.Ils or- nent le fommet de leur tefte5 d'vn pe- tit chapeau tiflfu de plumes d'oifeaus de différentes couleurs 5 ou dVn bon* quet de plumes d'aigrette^ou de quel- que autre oifeau. Ils portent auffi: quelquefois vue couronne de plu- mes s qui leur couvre toute la tefte^ Âinfi voit on parmy eus > force teftes* couronnées /bien qu'on n'y voye point de Rois» Encore les prendroit- on plutoft pour des Rois à leurs cou- ronnes de plumes 5 qu'on ne recon- noitroit pour Prince 9. le Seigneur du Golfe d'Anïongil , qui n'a pour fou feeptre & pour marque de fa dignité Royale > qn'vne grande ferpe de Iardinier qu'il porte toufiours avec luy* Les femmes Maldivoifes fe font à chaque oreille vn douzaine de trous> ou elles atachent de petis clous do- rez 5 & quelquefois des perles & des» pierres ©es Iles Antilles. $6$ pierres precieufes. Les Dames de Ma- dagafcar & du Brefil,fe font vn grand troua palier ie pouce , au tendron de l'oreille y où elles fourrent des pen~ dans de bois & d'os. Et les Péruviens fous le règne des Rois Yncas>avoienc acoutumé de fe faire aus oreilles vn trou d'vne grandeur incroyable 3 où ils attachoient des lacets longs d'vn quart d'aulne , qui foutenoient des' pendans d'or , â*vm largeur deme- inrée. Mais nos Caraïbes , ne veu- lent qu'vn petit trou à l'Européenne, au mol de l'oreille 3 où ils mettent des arreftes de certains poifïbns fort po- lies s des pièces d'écaillé de Caret , ÔC dépuis que les Chrétiens font venus vers eus 3 des boucles d'or , d'argent, ou de leton, où ils attachent de heans pendans d'oreilles. Ils font ravis d'en avoir de ceus que leur apportent nos gens5& fa vent fort bien distinguera chérir fur tous les au'tres,ceus qui soc de prix , ils font particulièrement état de ceus qui font de Çriftal, d'Ambre,' de Coral , ou de quelque autre riche1 marier e^pomveu que la boucle,, & tout i 1%1»J«^« i ff70 HlSToniE MoRAW renriehiiTënient (bit d'or. Quelque- fois on leur en a voulu donner > qui n'ëtoyent que de cuivre dorév&: leur* faire accroire qu'ils étoient d3or:niais ils les ont rejettez en difant5 qu'on les vouloir tromper^ qpe ce n'étoit: que de l'or de chaudière. Et pour en faire L'épreuve ,. ils ont accoutumé de- mettre la pièce en leur bouche. Bien au contraire de cens de Madagafcaiv» qui lors quedes Hollandois qui y na^ vigerent en l'an rail cinq cens qua- tre-vints quinze , leur offrirent vne cuillier d'argent* la mirent entre leurs dens>& Tentant qu'elle étoit dure5, la refuferent demandant vne cuillier d'étain. Et Ton peut afTez iuger quel état ils faifoient de Tétain , pnis^ qu'- ils prefenterent vpe fille , en échange d'vne cuillier de ce métal. Hérodote Livre; y. nous recite , qu'autrefois parmy les Ethiopiens > le cuivre étoit1 plus eftimé que l'or 5 dont rvfage étoit vil à vn tel point > que Ton y lîoit les criminels avec des chaînes d'or. Les Caraïbes Ce percent auffi quel- quefois fe ÛtS^** epes Iles Antilles. 37I £x quefois les leiires 3 pour y faire pafler Vne efpecede petit poinçon 3 qui eft faitdVn os5 ou cTvne arrefte de poif- fon. Ils ouvrent même Tentredeus de ^ leurs narines ^pour y attacher vue ba- * gue yvn grain de criftal , ou quelque f/ femblable gentilefTe. Le col , Se les <^ bras de nos Caraïbes ont auflî leurs KG ornemens j car ils y mettent des S Colliers & des Bracelets d'ambre , de 5£ ballade, de coral, ou de quelque autre matière qui ait du luftre. Les hom- mes portent les bracelets au gros du bras proche l'épaule : Mais les fem- mes en entourent leurs poignets 5 de même que celles de ces contrées. Ils parent encore leurs jambes de chai- ^ nés de reflade , au lieu de jarretières. m Ceus d^entr'eus qui a ont point de )ï£ communication avec les Européens,, portent ordinairement pendus à leur col^ des fifflets d5os de leurs ennemis,, â£:de grandes chaînes qui font co tri- potées de dens d'Agouty 3 de Tigresi^ ctê Ghats Sauvages y. ou de petis Co^. œ] quillages percez & liez par enfemble, avec vne- cordelette de fin cotton. i i "T—ïiT'Tir-r— — --~~--'-— ——- \ $ji Histoire Morale teinte en rouge ou en violet.Et quand ils fe veulent mettre fur leur bonne mine > ils ajoutent à tout cela des Bo- nets y des Bracelets qu ils lient fous les eflailles3 des écharpes,& des cein- tures de plumes y fort induftrieufe- ment tiffuës par vn agréable aflèm- blage ,. léquelles ils laiiîent flotter fur leurs épaules, ou pendre dépuis le nombril , jufques au milieu de leurs cuifïes. Mais les plus confiderables de tous leurs ornemens , font de certaines grandes médailles de fin cuivre extrê- mement poly 5 fans aucune gravure* qui ont la figure a vn Croulant, Se font enchaflees en quelque bois folide & precieus. Ils les nomment Cœracoliâ en leur langue; Elles font de différen- te grandeur , car ils en ont de fi peci- tes5qu ils les attachent à leurs oreilles en forme de pendans , & d'autres qui font environ de la largeur de la pau* me de la main , léquelles ils portent pendues au col , d'où elles battent fur leur poitrine. Ils ont cqs Caracolis en grande eftirae , tant par ce que leur matière, awN^— ■-*»-■! SES Ïlés AnîîIIè^ |7| matière s qui ne contracte jamais de roiiillure % eft éclatante comme Ton qu'à caufe que c'eft le butin le plus rare &: le plus prifé , qu'ils rempota cent des courfes qu'ils font tous les, ans dans les terres des Âro'tiagues* leurs ennemis : Et que c'eft la Livrée, ou le collier quidiftingue les Capitai- nes & leurs en fans 3 d'entre les hom- mes du commun. Ceus-là auffi qui ont de ces joyaus en font vn tel cas., qu'en mourant ils ne laifTent autre hé- ritage à leurs enfans 3 ou à leurs plus intimes amis : Et il y en a tel parmy eus 3 x[ui garde encore vn Caraco-lis de fon Grand Père , dont il nefe pare qu'ans plus grandes rejouiflances. Les femmes fe peignent tout le corps & s'ajuftent prefque comme les hommes > horsmis quelques peti- tes différences que nous avons dé)a remarquées , & qu'elles ne mettent point de couronnes deiïiis leurs telles* Elles ont auffi cecy de particulier* qu'elles porjtent des demy-bottines* qui ne leur defçendent que jufques à la cheville du pied. Cette efpece de chanflttfC i SLflUfcLi ywv«s ETW 1 i jt^ HlSTOlM MoH^tS chauflfure eft fort proprement travail! lée y &c terminée par le haut & par le lias àVne petite rotonde tifluéde jonc ôc de cotton > qui leur ferre le gras de la jarhb'e>&-lc fait paroitre plus rem- ply.- ÊHAPITRE X, Remarques fur la Langue deP Caraïbes. NOus avons deflein de- donner II la fin de cette Hiftbire pour la fatisfâ&iondès curieus vn allez ample "Vocabulaire du langage des Caraïbes,- G'eft pôurquoy nous nous contente- rons de faire en ce Chapitre les Re- marques principales^qui en pourront faire connoîtrela grâce» la douceur &- lès proprietez. ï* Les Caraïbes ont vn tangage ancien & naturels &: qui leur eft tout particulier > comme chaque Nation fl£ lèfien. 2. Mais outre cela> ils en ont for* mé vn autre- j,qpi eft bâtarde rucflé î * — — -- — ■ 'HVfM-l ._ de plufieurs mots étrangers * par le commerce qu'ils ont eu av€c les Ëu«* ropcenSo Sur tout ils ont emprunté- beaucoup de mots des Ëfpagnols, par ce que ce font les premiers (Shrédens qu'ils ayent abordez, 3. lis fe fervent toufîourseiitr'eus^ de leur Langage ancien & naturel* 4. Mais lors qu'ils converfent 3 on qu'ils négociét avecque les Chrétiens^ ils employét leur Langagecorrompuo $ Outre cela ils ont vn fort plai- fànt baragoin3 lors qu'ils veulent en- treprêdrede parler en quelque Langue étrangère. Gomme lors qu'ils difent^ Compère Gouverneur 5 employant C€ mot de Compère généralement envers tous ceus^qui font leurs amis ou leurs alliez. A in fi ils diroient tout franche^ ment > s'il s'en prefentoit occafion5 Compère Koy. G'eft auffivn de leurs complimens de dire à nos François* avec vn vifage riant > Ah fi toy bon pour Caraïbe $ moy bon pour France : Et lors qu'ils veulét fe loiier de nos gens., & témoigner qu'ils en font fort fatis- $ms>Momhe fan Ërance pmr Caraïbe* Ainfi ! I I *5 i 8 $76 HlS'TÔIRE MôRAtfi Ainfi difenc ils encore Maboya fnôU* che fâche contre Caraïbe >\oïs qu'il ton- ne ou qu'il fait vn Ouragan : Et 'Mojf mouche Lunes 3pom ûgnifiQn qu'ils font fort âgez.îls ont auffi fort fouvent ces paroles en la bouche * lors qu'ils re- connoiffent que nos gens veulent abufer de leur Ç\mp\\c\tç3Compere> toy trompe Caraïbe. Et on les entend dire fouvent lors qu'ils font en belle hu- meur* Moy bonne Caraïbe. 6. Au refte * bien que les Caraïbes de toutes les Iles s'entendent tous vniverfellement entr'eus* ce n'eft pas à dire pourtant > qu'il ne fe trouve en quelque v ne* quelque Diale&e diffé- rent de celuy d'vne autre. 7. Le P, n'eft guère en vfage en leur Langue: Mais hors de cela on n'y re- marque aucun défaut de lettres^ com- me en la Langue du lapon, du Brefil* & de Canada , qui fe trouve dans la difette d'F. L. R. Ou en celle du Pé- rou* qui manque de B. D, F. G. I.Io- ta* 8c X. au rapport des Hiftoriens. 8. Leur Langage eft extrêmement douSj& fe prononce prefque tout des lèvres. JàttKSM Mini-wm! fc-Es Îles Antilles. 57? îevres* quelque peu des dens, & pref- que point du gofier. Car bien que les mots que nous en donnerons cy-apré$ femblent rudes fur le papier 5 néan- moins lors qu'ils les prononcenr^ils y font des élifions de certaines lettres* & y donnent vne certain air^qui rend leur difcours fort agreable.Ce qui ob- lige Mr.du Montel à leur rendre ce té- moignage , [ le prenais * dit-il , grand flaifira les écouter > lors que fêtais par-* rny eus>& je nepokvoisajfez. admirer IÀ grâce Ja fluidité , & la douceur de leur prononciation, qu'ils accompagnent dior-* dinaire dïvn petit /oûris, qui a beaucoup d'agr cernent, .]. 9. Ils ont la prononciation plus» douce que les Caraïbes dnContinent;- Mnis d'ailleurs ils ne différent qu'en Dialede, 10. D'vn feuîrr.ot > félon qu'il e& diverferaent prononcé y ils figniÊ^nt plufieurs chofes différentes. Par exera- ple,le mot d'An han figmfie i.O/y.i» lenefaypa*} 5, Tien ou Pren \ felora la prononciation qu'on lu y donne. 1 1 . Pour nous * nous ne pouvons prononces ,MTW^^r(T-Til^^^^^^*T1^^a*?*gg^"y:^^^"ig HTV I I l i Ï7§ Hisf&mÊ MoâAÈ* prononcer cette Langue avecqne tonW te la grace,& toute la douceur qui \x\y eft naturelle $ à moins que de lavoir âpprife dés le bas âge, * 2« Ils s'écoutent patiemment les tns les autres , & ne s'interrompent: point dans leurs difcours : Mais ils ont accoutumé de pouffer vn petit ton de vois,au bout de trois ou quatre périodes de caluy qui parle , pour té- moigner la fctisfaÊfcion qu'ils ont de- M- Quelque avantage que ûom avons fur eus.ou pour les facultez na- turelles de lJefprit> ou pour la douceur delà-prononciation, qui nous devroitf augmenter la facilité de prononcer leur tangue, neantmoms ils apré. Bent plus facilement la nôtre, que bous n'aprenons la leur „ comme il ie reconnoit par l'expérience. 14. Nos François ont remarqué;, qu'ils ont grande averfioti pour la Langue Angloife ,.iufqua-ne pou- voir fouffrir qu'on la parle devant eus 5 par ce qu'ils leurs font ennemie 5dont les hommes n'vfent point, à moins que de fe fai- re moquer,- De là vient *« qu'en vne bonne partie de leur entretien , on diroit que les femmes ont vn autre &ng£ge qpe les hommes : -comme ow M |lo Histoire îvÎoràle le pourrra reconnoitre en nôtre Vo^ tabulaire* par la différence des faifbns de parler donc les hommes 3c les fem- mes fe fervent, pour exprimer vne même ehofe* Les Sauvages de la Do-* minique * difent.que cela procède de ce que lors que les Caraïbes vinrent" habiter ies Iles,elles étoient occupe'es par vne Nation d'Aroiiagues * qu'Us dctruifirent entièrement s à la reierve des femmes qu'ils épouferent ; pour peupler le païs.De force que ces fem- mes- là ayant confervé leur Langue3 renfcigneren't à leurs filles >'& les a- coutumerent à parler comme elles. Ce qui s'étant pratiqué jufques à pre- fent par les Mères envers les filles, ce Langage eftainfi demeuré différent de cçluy des hommes en plusieurs chov ks. Mais les garçons , bien qu'ils en- tendent le parler de leurs Mères & de leur fœurs, fuivent neantmoins leurs Pères & leurs frères, Se fe faflbnnenc à leur Langage , dés l'âge de cinq ou fixans. Pour confirmer ce que nous avons recité fur l'origine de cette dif- férence de langage,on allègue qu'il y a quelque bïs -Iles 'ÀKTiiLEsr jg-f quelque côformité entre la langue des Aroiiagues de la Terre Ferme,& cell© des femmes Caraïbes. Mais il eft à re- marquer que les Caraïbes du Concis ncnt, hommes & femmes, parlent vti même langage,n'ayant point corrom- pu leur langue naturelle , par des ma- riages avec des femmes étrangères. 17. Les vieillars ont pluiîeurs ter-r mes qui leur font affeâ:ez,& plufieurs faifons de parler particulières , qui n'ont point d'vfage en la bouche des- îeunes gens, ■ 18. Les Caraïbes ont auffi vn cer- tain Langage, dont ils fe fervent feu- lement entr'eus , lors qu'ils prenent des refolutions de guerre.Ceft vn ba- ragoin fort difficile- Les femmes Se les filles n'ont aucune connoilïance de ce langage myfterieus,ni même les jeunes hommes, jufques à ce qu'ils a-, yent donné des preuves de leur gene- rofité, & du zélé qu'ils ont pour la querelle commune de leur Nation contre leurs ennemis. C'efi afin que leurs deiïefns ne foient pas decou* vers avant le teros. ïf.Pouf i & >* s^- 19- Pour faire leurs cas ., leurs pet- formes .., leurs mœufs., & leurs gen- rés:? ils n'ont point de particules fe- farees comme nous : mais ils allon- gent leurs mots de quelques ■ fyllabjss ou de quelques lettres a au commen- cement ou à la fin * & ils en chan- gent quelques vnes. Ainfi difent-ils à l'impératif 3 Bayotfraka, marche:mais à l'indicatif ^ Nayoubakayem 4 je mar- che. Et de même Babinaka ., danfe jNabmakay{ems je danfe. Ce qui a du rapport 5 avec la faifon dont, fe for- ment les Verbes Hebreus. 20. Les noms indéfinis & abfolus* font peu en vfage parmy eus$ fur tout les noms des .parties du corps : mais ils font prefque toujours reftreints à .vne première, à vne faconde „ ou à vne troifiéme perfonne. x î . La première perfonne fe mar- que ordinairement par vne Ne au commencement du mot : Nichic, ma tefte. La féconde par vn B. Bichic, ta tefte. Et Ja troifiéme par vne L.Li- chlc , fa tefte. 2.2.. Le genre neutre & abfolu eft exprimé TT 0€S Iles Aw tilx es. 3S ^exprime par vn T. Tîchic , la telles J^ais cela eil peu en vfage. 23. Ils ont des noms differens^ -pour parler aus perfonnes m^mes 3 8c d'autres pour parler dalles. Ainiï di- fent ils Baba > mon Père : en parlant à luy : Et YoumoMn > en parlant de luy. Bibi ma Mère 3 en parlant à elle* 3c Ichanum 5 en parlant d'elle. Ce qui avec la différence du langage des hom- mes & des femmes 5 des Jeunes de des viens * de l'entretien ordinaire^ Se des confeils de guerre > doit fan? doute multiplier beaucoup les mots de leur languie. 24. Leurs noms propres ont fou- vent de la fignification. 8c font pris de diverfes rencontrer > comme nous Je verrons plus particulièrement a$ Chapitre de la NaijTan^e & de rédu.- .cation d,e leurs enfans. 25 . Ils n€ nomment jamais le nom d'vne perfonne ^ en fa prefence : Ou bien par refpe6fc ils ne le nomment qu'à demy. z6. Ils ne difent Jamais le nom entier ny dVn homnie^ny d'y. ne fem- me: **-JbS ^Bâé^fi^ § m y84 Histoire Mora-ïï m e.j mais bien celuy des en fan s : ÀinS ils diront 3 le Père ou la Mère d'vtî tel : Ou bien ils diront le nom à moi- tié 5 comme par exemple , Mala , au lieu]de dire Mala Kaali;&c Hiba pour jHibalomon» 27. Les Oncles & les Tantes, tout autant qu'il y a dans la ligne collaté- rale , font nommez Pères & Mères par leurs Neveus. Ainfi l'Oncle eft-ii appelle Baba , c'eft à dire Père. Mais quand ils veulent figniiîer exprefle- ment le vray & propre Père, ils ajou* tent par fois vu autre mot , en difant Baba tin me a. 28. Suivant cela, tous les Coufins s'appellent auffi Frères , èc toutes les Coufines Sœurs. 29. Mais de Coufin à Confine , le Coufin appelle fa Coufine : Touèilleri^ c'eft à dire proprement , ma femelle, ou mon accordée y parce que naturelement entreus , leurs Coufines , leur font a- quifes pour femmes, 5c. Ils nomment les mois des Lui nés ; Se les années des Ponjfinieres. j 1 . Ce font icy enfuite , quelques traits "des Iles Antilles^ $%f traits de la naïveté & de l'élégance d£ leur langage. Nous ne ferons pour la rplupart que marquer ce quejleurs mots iîgnifient , fans exprimer les mots mêmes , pour ne les pas mettre deus fois fans neceffité, parce que nous k$ donnerons cy-deflbus en notre Voca- bulaire. 32. Pour fignifier quvnc chofeeft perdue, ou qu'elle eft rompue ,ils difent ordinairement qu'elle eft morte. 3$. Ils nomment vn Capucin Peré Aioupa : Et le mot d* Aioupa lignifie en leur langue vn Couvert % ou vn Ap- ptnty. De forte que ceft comme s'ils difoient , que c'eft vn homme où il y a de quby le mettre à couvert", à eau* fe de fon grand Capuce. Ils le nom- ment auffi par raillerie , vne Guenon #u vne Barbue , à caufe de fa longue Barbe. 34« Vit Chrétien > vn homme de Mer ; à caufe que les Chrétiens font venus vers eus en des navires. 55. Vn Lieutenant , La trace d'vti Capitaine , ou Ce qui par oit après lujf. Tom/I h r 3£t Mon *m fci 1 r^s^k^KAs^^ I s-scv- I I I I I 586 Histoire Morale 3 6. Mon Gendre, Celuy qui mefa& des petits en fans. 17. Mon Cadet y Ma moitié. 38. Ma femme > Mon cœur. 39. Vn Garçon , Vn petit maf^ .40. Vn Fille , Vne petite femelle. 4 » . Les Efpagnols Se les Anglois^ Jinnemis contrefaits Et ont ou noubi^at^ ce qu'ils font vétus^en les oppofant à leurs Ennemis qui font nuds3& qu'ils nomment Amplement Etçutou?cc& à dire Ennemis. 42. Vn Fol o Celuy qui ne voit gou$~ te , ou qui napotnt de lanière. 45. La paupière^ la couverture d§ VœiL / 44. Les cils y le poil de l'œil. 45 • La pnjnelle* le noyau de l'œil, 46. La lév{'e3 le bord de la huche. 47. Le menton , le foutien des dens. 48. Le col y le foutien de la tejie. 49. Le bras &c vne aile s'exprimét par vn même mot. 5 o. Le pouW^wztf de la main .Les Allemâs font à peu prés vne compo- sition fembiable > lorsqu'ils appellent yn Gand , tefoulicr delà main. 51. Les eus Iles ÀtfïriLssV 0% 51. Les àoiisjes petMiQXL les enfans Me la main. 5 2. Le pouce > /* ïtatif ^ doits, ou re qui leur efl 0ppofe.C'e& iuftement- i?dvlf%&? des Grecs. 5 3 . Les Iointures 3 cfefl/J ajoutée ,\U nomment encore ainfi vne pièce mife fur vn habit. 5 4. La veffie5 le vaijfeau de l'urine* 5 5 . Le jarret 3 r* •j'&i *fe» /^ iambe. S 6. La plante du pied^ dedans du 57. Les or tells J es pet û9 ou &fc £#- fans du pied. j 8. Dix^aa /tf* ^Vj- âfe /^ mains m 5 9. Vint/0*# /tfJ" dai/j- //w mainsi& tom les orteils des pieds. 60. Vn Piftolet > petite arquebufe, 61. Vn Chandelier,*^ qui tient quelque chofe* 61. Des épines 9 le poil de V arbre, ou les yem de l*arbre. 63. LJarc-en-ciel > la plume ou le pannache de Dieu. 64. Le bruit du tonne£ïe97rtrgue~ tenni. 6j, Cette Langue a auffi dans fora, R. z aboa *<% frigarv^ry v^s^^Mryr Z^SêO£S I I i w j§8 Histoire Môr aie abondâce 6c dans la naïveté quelques défauts qui luy font particuliers; dont toutefois il y en a quelques vns > qui luy doivent moins tourner à blâme qu'à louange. 66. Les Caraïbes ont en leur langue naturelle peu de noms d'iniure 5c de moquerie j Et ce qu'ils difent ordinai- rement de plus offenfif en leurs raille- ries, eft , Tu n'es pas \>on , ou Tu es a- droit comme vne Tortue* 6j. Ils ne favent pas non plus les riôsdeplufieurs vices. Mais les Chré- tiens ne leur en aprenent que trop» Ainfi l'on admire au langage de Cana- da^qu il n'y a point de mot qui répon- de à celuy de péché : Mais il faut tout dire-, Il n'y en a point auffi qui expri- me la vertu. 6%. Ils n'ont point de noms pour exprimer Phyver 3 la glace Ja grejle> ni la neigey car ils ne favent ce que c'eft, 69. Ils ne peuvent exprimer^ce qui ne tombe point fous les Sens:excepté qu ils nomment quelques efprits ôc bons ôc mauvais : Mais hors de \à ils ri prit point de mot pour fignifier les autres •^ ~^—^*iri vnnr-t -hts Iles Antilles, 38^ autres chofesfpiritueliesjcôme l "enten- dementyla ?nemoïre & la volonté. Quat à i%me,ils l'exprimée par le mot de cœur, ' 70. Ils n'ont point anffi les noms des Vertmi des Sciences > des Arts^ des Métiers , ni de plufieurs de nos armes ^ 8c de nos outils , fi ce n'eft ce qu'ils en peuvent avoir appris,depuis leur com- merce avec les Chrétiens* 71. Ils ne favent nommer que qua- tre couleurs, aufquelles ils rapportent toutes les autres ; le blanc > le noir , le iaune,§£ le rouge, 72. Ils ne peuvent exprimer vn plus grand nombre, que vint : Et encore l'expriment ils plaifamment:étant ob- ligez comme nous avons dit, à mon- trer tous les doits de leurs mains , Se tous les orteils de leurs pieds, 75. Lors qu'ils veulent lignifier vn grand nombre, ou leur conte ne peut atteindre , ou bien ils montrent leurs chéveus , ou le fable de la mer : 0% bien ils répètent plufieurs fois le mot de mouche , qui lignifie beaucoup*, comme lors qu'ils difent en leur ba- fagoin » Moy mouche ^mouche Lunes, R 3 pour 59° Histoire Morale pour faire entendre qu'ils font fqxt âgez.. 74. En-fin*- il n'ont peint de com- paratifs ni de fuperlatifs. Mais au dé- faut de cela rlèi$ qu'ils veulent com- parer les choies entr'eiles,& qu'ils en veulent ekver vne au defliis de toutes les autres , ils expriment leur fenti- ment par vne démonftration allez naïve étaliez plaifante. Ainfi* quand^ ils ont deflein de reprefenter ce qu'ils penfent des Nations Européenes dont ifc ont l'a connoiflance 5 ils difent de l'Efpagnol 8c dèTÂnglois 5 qu'ils ne font point du tout bons : Du Bollan- dois,qu'il eft bon comme la main* oui "domine vu coudée: Et du François^ qu'il eft comme les deus bras 5 qu'ils étendent en même tems 3 pouf en montrer la grandeur. Auffi eft-ce la Nation Chrétienne^ qu ils aiment fut toutes les autres : Particulièrement: ceus des François qui ont étéà la guer- re avec eus. Car àceus-Ià* ils font part de tout leur butin; Et toutes les fois qu'ils retournent de la guerre * bieir <|ue ces gens-là n'ayent pas été de la partie^» %és Ïlhs Antilles. 39Ï partie ^ ils ne lai lient pas de leur en- voyer leurs dépouilles. CHAPITRE X I. WfH Naturel des Caraïbes , à* de leurs Mœurs. LÉs Caraïbes > dans leur naturel font d'vn tempérament trifte^ré- Veus de melancholique s la pefchey la fainéantife & la température de l'air, contribuent beaucoup à l'entretien de cette humeur : Mais ayant remarqué fat leur propre expérience y que cette iacheufe conftitution altère leur famé* êc que Tefprit abbatu deféche les cs3 ils font pour la plupart vne telle vior kncz à leur inclination naturelle* qu'ils paroiffent gais y agréables > Se ^npuëz en leur converlation y fur fout lors qu'ils ont vn peu de vin dans la tefte.Aqffi ont-ils de la peine^com- fne les Breftliens> à fourTrir la compa- gnie des mélancoliques : comme dit de Lery chap, 12. Etceusquiônt '% 4 converfé umau'.mji 1 1 i f 352, Histoire Morale converfé fouvent "avec eus , les onf bonjours reconnus fort facetieus 3 U fortfoigneus dene laifTer écouler au- cun fujet de rire fans en profiter-, &c même 5 ils les ont veu fouvent éclater en des occafîons , où les plus gais 'd'entré nous faifoient à peine vn jfouris- Leurs entretiens entre eus font: ordinairement de leur chaife , d©leur pefche, de \mP jardinage ou de quel- ques autres fujets fort innocens : Er lors qu'ils font en la compagnie des étrangers 3 ils ne fe fâchent jamais des rifées qui fe font en leur prefen- ce y & ne les prenent pas , comme fi l'on avoit delîein de fe moqjaer d'eus.. Toutefois 5 au lieu que les Soriqpois, Nation de la Nouvelle Frâce/e nom- ment eus mêmes > Sauvages x ne fa« chant ce que cela fignifie^ces peuples s'offencent fort 3 fi on leur donne ce nom-là;, quand on kiu' parle. Car ils entendent ce mot5& difent qu'il n'ap- partient qu'ans beftes des bois. Us ne veulent pas non plus être nommez Çavnibaks % bien qu'ils mangent la ?haî& KS^-f-, » bes Îles Antilles. 39J chair de leurs ennemis:Ce qu'ils font pour aiïbuvii* leur rage & leur ven- geance^ non pour aucun goût qu'ils y trouvent plus delicieus,que dans les autres viandes dont ils fe nourrirent, Mais on leur fait grand plaifir de les appeller Caraïbes 3 parce que c'efl: va nom qui leur femble glorieus s mar- quant leur courage 8c leur generofité, Car en effet ce ne font pas feulement les Apalachites du milieu déquels ils font venus, qui par ce mot lignifient vn belliquemy vn vaillant homme, doué d'vne force & d'vne dextérité parti- culière au fait des armes. Les A roua- gués même y leurs capitaus ennemis, ayant fouvent expérimenté leur va- leur a entendent par là> la même cho- fe y bien qu'ils expriment auffi par ce mot y vn Cruel , à caufe des m a us que les Caraïbes leur ont fait fentir. Tant y a que nos fauvages Antillois aiment fi fort ce nom-là, qu'ils difenc perpétuellement à nos gens^Ty1 Fran~ çois 3 moy Caraïbe. Leur naturel 5 au refte , eft dons Se bénin ; Et ils font fi ennemis de k R. 5 ' (ey n^ii 1 >,^gypy.v^?s^^Kr>;^r^^yT\ ECV JJT4- FTlSTOTlCE MbïtAX^ leverité, que fi les Nations qui lès* tiennent pour Efclavesveomme font les Anglois>qui par rufe^enont enlevé;- plufieurs des iieus deleur naiflance,les traittent avec rigueur, ils en meurent {cuvent de regret.Mais par la douceur on gagne tout fur eus $ tout au con- traire- des Nègres, qui veulent être menez avec rudefle, autrement ils de- viennent infokns , pareireus , & in- fidèles. Ils nous reprochent ordinairement- nôtre avarice 3 de le foin déréglé que nous avons d'amaffer des biens pour nous & pour nos enfans, puifque la terre eftfi capable de donner la nour- riture à tous les hommes 3pourveu qu ils veuillent prendre tant foit peu de peine à la cultiver. Auffi quant à eus, ils font entièrement libres dû fbucy des chofes qui appartiennent $* là vie,& incomparablement plus gras & plus difpos que nous ne fonimes.En m mot,ils vivent fans ambition,fans chagrin , fans inquiétude 3 n'ayant aucun defir d'aquerir des honneurs, m d'amaffer des richelfes : méprifant 1W t>i$ ïëzs Antilles. f$f l'or & l'argent , comme les anciens Lacedemoniëns 3 ôc les Péruviens, ôc fe contentant également , & de ce que la nature les a fait être , & de ce que leur terre fournit pour leur entre- tien. Que s'ils vont à la chaile ou à la pêche y ou qu'ils abbatent des arbres pour faire vn jardin 3 ou pouffe ba4- tir des maifons3 qui (ont des occupa- tions fort innocentes j & fort conve- nables àla nature de Thomme^ils font tout cela fans empreirement 5 par ma- nière de divertiffement ôc de récréa- tion^ comme en fe jouant. Sur tout y ils s'étonnent quand ils Voyent que nous eftimons tant Tor* veu que nous avons le verre & le Cri- ftaly qui 9 félon leur iugement >-font plus beaus , ôc par confequent plus à prifer. Et à ce propos y Benzoni^ Hi- ftorien Milanois 5 nous récite en fon Hiftoire dn Nouveau Monde 5 que les Indiens deteftânt l'avarice demefurée des Efpagnols qui les fubiugueren^ prenoient vne pièce d'or, ôc difoiento \Voicy le Dieu des Chrétiens yPour ' cecy/ ils viennent de Cafiille en notre frii$r R* 6* s fj$6 Hïs^o mfe Mort a % e />*»* cecy Us nota ont rendus efctaves?» nous ont bannis de nos demeures , & ont commis des cho fis horribles contre nous: four cesy^ ils fe font la guerre entr eus*, four cecy ils fe tuent lesvns les autres: four cecy Us fora toufiours en in^uieni- de y ils querellent 3 ils dérobent /ils rnau* dijfe.. t y ils hlasfément .* Enfin > pour cecy il ny a ni vileme>ni méchanceté 'ou ils ne fi portent v Pour nos Caraïbes y quand ils vo- yant les Chfétiés triftes 3e pleins d'en- ïiuy- 5 ils ont acoutume de leur en faire doucement la guerre ven leur difanr* l Compère ( car c'eft vn- met qu'ils ont appris ^ & dent ils fe fervent or<- dinairementpour témoigner leur bon- ne volonté^comme leurs femmes auil £ appellent nos Européenes 3 Commet w,pour vne marque d'amitié ) m es bien miferable d'expofer ta perfonneà de fi Icngs & de fi dangerem voyage j y & de te laiffer ronger a tant de fouck: & de craintes. La pajfion d'avoir des biens te fait mdurer toutes ces peines >& te donne jvm ces fachem foins: Et tunes f as moins en inquiétude pour les bien- que n afttt^f-. «aiaijv^^'* \ que tu as déjà aquis y que pour cem que m recherches encore. Tu- appréhendas continuellement que quelcun ne te "Dole en1 ton pais ott fur mer y ou que tes marchait- difes ne faffent naufrage y & ne f oient englouties dans les eam. A^infi tu vieil- le en feu de tems ytes cheveux en blan- chi jfe m ^t on front s'en ride > mille incom-> modite\ttrav aillent ton corps > mille cha- grins te minent le cœury& tu cours a grand'hajle vers le tombeau. Que n es- tu content des biens que ton fais te pro- duit i Que ne méprifes tu les richejfes comme nom ?■ ] Et à ce fujet5eft remar- quable k cbfcours de quelques Brek* liens àVincét le Blanc $0part.chap.\6. \^Ces richejfes «.chfoient-ils, que vom an- tres Chrétiens pourfuivez, à perte d'ha- leine vom mettent-ellesplm avant en la grâce- de votre Dieu .? Vom empêchent* elles de mourirl Et s emportent elles avec vom au tombeau ? ] Ils tenoienc à peu près le même difcours à lean de Leryy comme il le rapporte en fon Hiftoire* Chap.i $. Les Caraïbes favent aufll fort bien & fort emfatiquement reprocher aas Européens^ zsry ! I I Européens* comme vne iniuftice ma-- nifelle5iavfurpatiô de leur Terre nata- le. [Tu m*as cha0,(àit ce pauvre peu- pie 3 ) de Saint ChriJlofle^Niéves3de Montferrat3 de Saint Martin s d'Anti- goa^dela Gardddeia Bdrboude3de SainP Eufiache y &c. quinet'apparte- noièntpasy & ou tune pouvais légitime- mentpr étendre. EttUme? menaces en^ core tom les iours derrioftef ce feu de fiais qui merefte. Que deviendra le mi- fërahle Cjtrœibe ? Fand,ra-fil quTll aille' habiter la mer a<& bien mauvaife* puis- que tu la quittes pour venir- prendre la mienne : Ou tu as bien de la malice, d& Chrétiâis^&traveïfer teiiièrâirem^nc tânt'de terres &C tant'de mers:rnais ils ; n'ont mê*ne nulle curiofiténJc voir les autres contrées du monde *i aimant leur paï$ plus que tous ceiïs qu'on leuÉ V*oudroit propofer» Et comme ils efti-~ ment que nom ne devrions pas être plus cudeus3ni moins amateurs du no-^ treuils s* étonnent fort de nos voyages. En quoy3 certes^ ils ont l'honneur de rcflembler à Soeraté 5 à qui Platon rend ce témoignage en fon Criton^ qu il étoit moins forty d'Athènes pour voyager > que les boiteus de les aveugles : ôc qu'il ne defixa jamais de voir d'autres villes 5 ni de vivre fous d'autres loix:N'étant pas en ce point* non plus que ces Caraïbes * de l'opi- nion des Ferfes 3 quidifent en cômun proverbe '3 que celuy qui n'a point voyagé par le monde* reffemble à vn Ours» Les Antiilois né font pas feulemét fans aucûdefir de voyager, ils ne veu^ lent pas même fouifru* que Ton en-me- 'S0 4<5 auffi ne fe voit- il1 point au milieu d'eus* ce qui eft allez rare chez les autres Sauvagés.^ Car la p]ûpart font lar- dons : Et de là vient que quelques- vnes de leurs lies* portent le nom de3 Earronsv Pour les Caraïbes } comme ils ne font point enclins de leur nature à dérober 5 ils vivent fans défiance les vns des autres* Tellement qui e leurs ra-ai£bn« & leur* héritages font à l'a- bandon* I 5 I r46i Histoire iloRÀxÉ ' bandôn, fans portes ni clôtures,com- me les Biiloriens le témoignent des grans Tartares:It principalèmet Car- pin en fon voyage de Tartarie. Qje il en leur dérobe- la moindre chofe,cotn- me pootroit être vn petit couteau, avec quoy ils font mille petis ouvra- ges de menuyferie, ils eftimenttan^ ce qui leur eft vtifc,que cette perte eft capable de les faire pleurer huit jours,. &de les faire liguer avec leurs amis pour en tirer réparation , & pour le venger far la perfonne qu'ils foup- fonneroientdece larcin. Et en effet,- dans les Iles où ils ondeurs demeures pies des Chrétiehs,iijs ont foùvent ti- re vengeance.dc-ceus qui leuravoient, a ce qu'ils diraient, 'pris quelques vns de leurs péris- meubles. Auffi en ces liens-là, lorsqu'ils trouvent quelque choie de manque en leur maifon , ils dilent auffi toit, Vn Chrétien ejfvtttw *cj>. Etentre les griefs & les plaintes qu ils font ans Gouverneurs de notre Nation, celle -cy eft toujours en telle, Compère Gouverneur Jetmatelots ■( ainlt nomment il« tous les habitans étran- gers) "■•^-^- ii ii 'bï^ Iles' Atf -T'ilL-tfs: 46'f ggï$) ont pris en ma café vn couteau3oul quelque autre menue pièce de pareil- le nature.Les Guinoîs ne formeroient pas^d© telles plainteSoCar s'ils perdent- quelque chofe 3 ils eitiment quvn de leurs parens trépaflez s?en eft venu* faifir * parce qu'il en avoit affaire en l'autre monde. Tous les intereftsdes Caraïbes font- communs entr'eus.Ils vivent en gran- de vnion 6c s'entr'aiment beaucoup. lès v« s les autres : ne reiïèmblant pas aus Afiatiqaes de Iava5qui ne parlent pas même à leurs frères^ fans leur poi- gnard à la main^tant ils ont de défian- ce. Cette amour^que nos Sauvages fe portent naturellement ÎVn à 1 auue3> fait que Ton ne voit que fort peu de querelles & d'ininiitiez entr'eus* Mais s'ils ont été offenfez* ou d'vn étranger ou dequelcun de leur com- patriotes* ils ne pardonnent jamais5& poutïènt à toute extrémité leur ven- geance. Ain fi lors que quelcun de ces> abufeurs qu'ils nomment Boyel^ leur fait accroire que rvndeceus qu'ils eftiment forciers^ft aueeur du mal qui leur- ■ I 404 Histoire Môràlë leur eft arrivé , ils ne manquent f%Ê de tacher à le tuer s'ils peuvent > di- fant YaraliattMy il m'a- enio'reelé. Ne- baneboùibatina s ie m'en vengeray. Es cette paffion furie ufe & defefpeiée de fe venger >■ eft celle qui les pouffe^ comme nous avons déjà dit * à man- ger mefme à belles dens la chair dfc leurs ennemis ,« félon que nous en dé- crirons les particularitez en leur lieu* Cette anitnofîtédefordonnée eft le vi- ce régnant vniverfeMement &- tyran- niquement panny eus. Et il règne da même, prelque fans exception , chez fous les Sauvages Américains. La Vengeance des Canadiens eft quelque- fois bien pkifante : car elle les porte iufques à manger leurs poiïs 3 parce qu'ils en ont été mordus. Si ks BreiîU liens fe heurtent à quelque pierre , ifs la mordent a belles dens,comme pous s'en venger. Et ainfi mordent-ils- les flèches , dont ils font atteints dans les combats •> ainfî que dit de hoïy>cb.i 1. & 14. Sans avoir receu les loix dé Lycur- gue>- les Garaïbes^par vn-e fecrete Loy de S DBS IfES ÂHTïXL£$r 4©£ 4e nature,portë.t vn grand réfpe.â; aus vieillards , & les écoutent parler avec attention^témoignant, & par leur ge- fte qualité bien rare £ji- tre les Sauvages. Et quand nos gens les confiderent trop curieufement , §C fe rient de leur nudité, ils ont acoûtu- mé de leur à\ïe>Compere,il ne faut nous rçgarder qu'entre les deus yem. Vertu digne d'admiratiori^n vn peuple mid & barbare comme celuy-là» On raconte du Capitaine Baron, qu'entre m i i U£*2 tszM 1 i s i J&oS. HisfroittE Mo.ii A-xi1 .qu'entre les diverfes defcentes^ qusil & fait avec les fiens3à plusieurs reprifess en l'Ile de Monferrat , tenue par les .Anglois , ilïêt vne fois vn grand dé- gât dans les habitations voifmes de la mer, qu'il en enleva vn grand butin, & que parmy les prifonniers s'étant trouvé vne belle .Demoifelle^qui étoit femme de l'vn des Officiers de YlkM la fit conduire en Tviie de fes maifons de la Dominique* Cette Demoifeile jetant enceintelors qu'elle fut enlevée, fut fervie avec grand foin en fes cou- xhes p par les femmes des Sauvages de la même Ile. Et bien qu*aprés cela* elle demeurât encore long tems parmy eus 3 ni le Capitaine Baron ., ni aucun autre d'entr'eus* ne la touchèrent ja- mais. Ce qui eft fans doute^vne gran- de retenue pour de telles gens. Il- eft vray s qu vne partie d'eus ont dégénéré de cette chafteté , & de plu- fieurs autres vertus de leurs anceftres* Mais il e,ft certain auffi* que les Euro- péens par leurs pernicieus exemples* & par le mauvais traitement dont~ils-.. ont vfé envers eus , les trompant vi~ ' laine fc^NA^T S>£S ' Î1<£S AnTIHES* 407 îainemcn,t,fauflant lâchement en tou- te rencontre la foy promife , pillant .&: jbrulant irnpitoyablemét leurs mai- sons & leurs villages ?Sc violant m* ;dignemxent leurs femmes Se leurs EU les 3 leur ont appris > à la perpétuelle infamie du nom Chrétien* la diffimu- lation * le menfonge ? la trahifon > la perfidie > la luxure* Se plufieurs autrep vices , qui leur étoient prefque in- connus * avant .qu'ils euflent eu com- merce avec eus. Au refte > ces Sauvages * tout Sau- nages qu ils font * ont de la civilité Se ,de la çourtoifie au delà de ce qu'oa pourroit s'imaginer en des Sauvages: Ce n'eft pas fans doute * qu'il n'y ait quelques Caraïbes fort deraifonna- blés Se fort abbrutis. Mais au moins pour la plupart * témoignent .- ils du jugement & de la docilité en beau- coup de rencontres , & cens qui les ont pratiquez yn long- tems * ont remarqué en plufieurs divers traits d'honefteté Se de reco.nnoiiïance*d a- jnitié Se de generofité. Mais nous en parlerons plus particulièrement m Chapi I AT/W Bf&ea irtfrgV: 1 4-oS K ï sfèo i &é Mou ïi B i Chapitre de ^la réception qu'ils font ans étrangers , qui leur vont rendre vifite. Ils ont auffi la propriété en fi gran- de recommandation ( ehofe bien ex- traordinaire encore entre les Sauva- ges ) Se ont fi grande horreur des or- dures^que fi Ton en a^voit fait en leurs jardins où font plantez leur Manioc Se leurs Patates 3 ils les abandonne- roient auffi-toft s Se ne voudroient plus fé fervir des vivres qui y feroient. Nous verrons plus amplement kur propreté Se fur ce iujet Se fur queU ques autres > aus Chapitres de leurs Habitations & de leurs Repas-. CHAPITRE XII. De Ufimf licite naturelle des Caraïbes. L? Admiration étant fille de l'igno- rance 3 on ne doit pas trouver é- trange > que les Caraïbes , qui ont fi peu de lumière Se de çonnoiirance de toutes iuy^a^. jB^e^-g ils y voyent mettre le feu. Mais quant ans fuzils* ils ne peuvent cocevoir>d*où il eft pof- fible qu'ils prennent feu : de ils cro- yent^ue c'eft Mabeya qui fait cet of- fice. Ainfi nomment ils l'Ëfprit ma- lin.Mais cette peur de cet étonnement leur font communs avec beaucoup d'autres Sauvages , qui n'ont rien trouvé de fi étrange en leurs rencon- tres avec les Européens^que ces armes qui jettent du feu , & qui de fi loin Tom. IL S percent I; 4io Histoire Morale percent & tuent ceus qu'elles rencoa* trent en droite ligne. Ce fut-là , avec le prodige de voir des hommes com- batre à GhevaUa principale caufe quj fit que les Péruviens tinrent les Efpa- gnols pour les Dieus, de qu'ils fe fou- njkéj: à eus avec peu de refiftance. On dit que les Arabes mêmes, qui cou- rent le long des rivages du lordain^Sc qui femblent devoir être plus aguerris^ font dans cette peur ôc dans cet <éton- nement, comme nous font voir Gai> cilaflb en fon Commentaire Royal Uy. $.chap.§. Voyage de àe.s Haye$ au Levant. Entre les marques de (implicite des Caraïbes , en voicy encore deus bierj confiderables. Lors qu'il arrive vne cclipfe de Lune, ils croyent que Ma- boya la mange 3 & danfent toute la nuit, faifant fonner des Calebaffes où il y a de petis caillous. Et quand ils fentent quelque mauvaife odeur eq. vn lieu , ils ont accoutume de dire Maboya Cayeu eu > c'eft à dire, le Dia- ble eft icy. Caima Loary > allons nous en à caufe de luy 5 ou fàuvoro nous. ; crainte des Iles Antilles. Crainte de luy. Et même ils donènt le nom de Maboya , ou de Diable , à de certaines plantes,àde certains cham- pignons de mauvaife odeur, de à tous ce qui eft capable de leur donner de h frayeur. Il y a quelque tems,que la plus gra- de partie des Caraïbes fe perfuadoient que la poudre à Canon étoit la graine de quelque herbe:Et il s'en eft trouvé, qui en ont demandé pour en femer en leurs jardins. Et même quelques yns, quoy qu'on leur en ait pu dire* ,en ont jette en terre , dans la créance qu elle produiroit aufli aifément que de la graine de Chous : Imagination, toutefois , moins groffiere que celles de ces brutaus de Guinée, qui, la pre- mière fois qu'ils virent des Euro- péens,penfoientque les marchandifes qu on leur apportoit , comme toiles, couteaus , de armes à feu > croiflbiene fur la terre ainfi préparées , de même que les fruits des Arbres , & qu'on n'avoit qu'à les cueillit*. Cela n eft pas , fans doute /à beaucoup prés fî pardonnable > que la fimplicité de S z nos 4*£ Histoire Morale nos Caraïbes. Et l'on peut encore alléguer fuivât Garcilaffe Ly.chap. 1 6, pour excufer cette fîvriplicité , ou du moins pour la faire trouver plus iup« portable , }a ftupidité de ces Améri- cains , léquels au commencement de la découverte du Nouveau Monde s'i- maginoient que le Cheval Se le Gava,- lier étoient yne même chofe, comme les Centaures des Poètes : Et de ces antres, qui après avoir été vaincus, venant demander paix & pardon aus hommes", & leur apporter de l'or &c «les viandes , en allèrent autant offrir au$ chevaus,avec vne Harangue tour- te pareille à celle qu'ils faifoient aus hommes , prenant le hanniifement de ces animaus pour vn langage d§ compofitipn Se de trêve. Comme dit Montagne en fes Eifais /. ! . chap. g, Et pour faire la clôture de cqs exem- ples,nous ajouterons feulement la ni* aifçiie de cçs mêmes Indi.es deTAmÇr ïiquç , qui croypient tout franchir ruent , que les lettres miflives que les Efpagnols s'envoyoierit les vns aus autres , étoient des epuriers & des ek ons parlans,voyans, &c deckrans les KOiSttaM èis Iles Ântilxés. 41$ aftions les plus fecrétes félon de Lery thap.16. Se GarcilaiFo L9.chap.19. Ec dans cette croyance > redoutans vii jour l'œil & la langue del'vne de ce* lettres 3 ils la cachèrent fous vfte -pierre, pour manger en liberté quel- ques melons de leurs maîtres. En- fin Ton n'aura pas fufet de trouver fi étrange , que les Caraïbes ayent pris de la poudre à Canon qui leur étôit inconnue* , pour de la graine à femer, puis qu'il s'eft même trouvé des gens en France , qui vivant éloignez àcs lieus où fe fait le fel, c'roy oient pat vne imagination toute lèmblable, qu'il fe recueilloit dans les jardins. Il arriva auffi il y a peu d'années , qu'v- ne femme habitante de la Martini- que > ayant envoyé plusieurs livres de Caret , qui eft vn efpece d'écai- le de Tortue, ôc de Tabac à vne mar- chande de Saint Malo > comme cette- femme eut vendu fa marchàndife3 elle en donna avis à fa correfpondan- te à la Martinique , &c luy manda qu'- elle luy confeilloit de planter à l'ave- nir beaucoup de C aret en fon iardin, S 5 plutôt ! %ï4 Histoire Morale" plutôt que du Tabac , parce que ce Caret étoit beaucoup plus cher, en* France y & qu'il ne fe pourriffoit pas dans le navire comme le Tabac. Mais voyons ce qui fe prefente encore à di- re, fur la (implicite naturelle des Sau-* vages Antillois. Ceft vne chofe pîaifantë 5 que ces pauvres gens font fi fimples , que bien qu'ils ayent chez eus force bel» les Salines 5 neantmoîns ils n'ofe- roient s'en fervir dans leur ordinaire^ cftimans ta Sel extrêmement contrai- re à la fanté 5 ôc à la confervation de la vie. Auffi ne leur arrive- cil jamais d'en manger ni d'en affaifonner leurs viandes. Et quand ils voyent nos gens en vfeiyilHeur difent 3 par vne corn- paffion digne de compaffion 3 Corn- père , tu te fais mourir. Mais au lieu de fel y ils pimentent étrangement tous leurs mets. Ils ne mangent point non plus en- tr'eus> de Pourceau , qu'ils nomment Coincoin&cBouirokou: ni de TortubV qu'ils appelent Catallou> bien que ces aniraausfe trouvent en grande abon- dance jDÉs : Îles Antilles. 415 dance en leur pais. Et ils s'en abftien- nent pour les plus niaifes raifons du monde. Car pour le Pourceau 9 ils appréhendent d'en goûter ,- de peur que leurs yeus n'en deviennent petis comme cens de cette befte» Or c^eft, à leur avis 5 la plus grande de toutes les diformitez ,• que d'avoir dé petis yeus : Et cependant > il n'y en a gué- Èes d'entr'eus , qui ne les ayent tels. Quant aus Tortues 3 la raifon n'en éft pas moins ridicule. Ils ne s'en nourriiTent point^difent-ils^ de crains te que s'ils en mangeoierit^ils ne par- ticipaient à la lourdife & à la ftupidi- Ce de cet anima]. Les peuples Sauvages font ainfî remplis d'imaginations particulières & grotefques y en matière de repas. Pour exemple ,- les Canadiens s'ab- ftienneht de Moules par vne certai- ne fantaifie : comme dit Paul le jeu- ne en Fes Relations de la Nouvelle France s mais ils font fi beftes qu'ils ne fauroient donner la raifon de cette âbftinence* Ils ne jettent point aus chiens les os de Caftor , de peur que S 4 l'ame 416 Hl STOIRE MoKALS l'amc de cette bête ne Taille dire a"us autres Caftors y Se ne les fafle fuyr du païs. On dit auffi qu'ils ne mangent point la moelle de l'épine du dos d'au- cun, anima^de peur d'avoir mal au dos. Les Brefiliens ne mangent pointd'- cmifs de poule y eftimant que c'eft du poifon y ainfi que dit de Lery cb. 11. Ils ne mangent point non plus de can- ncs3ni d'aucun autre animal qui mar- che lentement y ni de poifTons qui ne nagent pas vifte , de crainte d'aquerir 1 a lenteur de ces bêtes-là. Les Maldi- vois ne mangent point de Tortue^non plus que les Caraïbes, mais cet à eau- le de la conformité qu'elles ont à leur avis, avec l'homme. Les Galecùtiens,, & quelques autres Orientaus ne goû- tent iamais de chair de buffle > de va- che 3 ni de taureau , par ce qu'ils cro- yentque les âmes humaines^au (ortie du corps y vont animer celuy de ces. bêtes > félon Pirard au traitté.des ani- mausdes Indes Orientales ych.z. En* fin 3 certains Péruviens de la Provin- ce de Paftu i ne mangent abfolument d'aucune chair x à ce que difent Vin:- cent de^ Iles Antilles. 417 cent le Blanc,& GarcilaiW.8.^.7. Et fi on les prelfe d'en goûter feulement, ils répondent qu'ils ne font pas des chiens. Tous ces exemples font mis en avant, pour faire voir que l'appre- henfion des Caraïbes de manger du fel, du pourceau ôc de la tortue, ne les doit pas faire eftimer les plus bourrus de les plus extravagans de tous les* Sauvages. Outre les marques que nous avons dé- ja produites de leur niaiferie 6c de: leur [implicite^ on trouve encore cel- le-cy. G'eft qu'ils font fi groffiers,* qu'ils ne lavent pas conler plus grand nombre que celuy des doigts de leurs mains , ôc des orteils de leurs pieds,» qu'ils mètrent pour lignifier ce nom- bre-là '9 le furplus leur étant vn nom- bre innombrable.De forte qu'ils n'au- roient garde d3être propre àétreban-: quiers. Bien au contraire des Chinois, qui font fi faVans à conter , qu'en viv moment ils font des contes fans fau- te, où nous ferions bien empêchez, comme raporté le Voyage fait aus In- des Orientales eu 1630.* § 1 l: 4*8 Histoire Morale Mais les» Caraïbes ont le privilège" de n'eftre pas la feule Natipn du mon- de y à qui l'on puiffe j?eprocher cette ignorance. Car elle s eft trouvée auffi chez les Peuples dé Madagafcar Ôc de Guinée , pour n'alléguer que ceus- là. Et même les Anciens Hiftoriens nous difent3 que certains Peuples ne favoient contre que jufquà cinq , de d'autres jufques à quatre. Les Guinois ayant conté jufqu'à dix , avoient acoummé de faire vue snarque^ck: puis derecommencer.Cer- tains Sauvages du Septentrion de T A- înerique y pour exprimer vn grand nombre qu'il leur èftimpoffifale dé- nommer 5 f e fervent d'vne démon- ftration bien facile y prenant leurs cheveus ou du fable h pleines mains** Comparaifons qui fe voyent en plu* fleurs endroits dans les Saintes Ecri- tures. Les Ântilloisy ont auffi leur invention pour fuppléer au défaut du conte : car quand il leur faut ail- ler à la guerre ôc fe trouver prefts au rendez-vous gênerai % à jour nom- jpae* ils prenent chacun Tvn après ITàutre*- jk*w>. d## Iles Antilles- 419" Fautre 3 vn égal nombre de pois > ens leur aiïemblée folennelle 3 comme trois ou quatre dizaines y de quelque nombre au défions de dix , sil en eft befoin > félon qu'ils ont refolu d'a- vancer leur entreprife. Ils verfent ces pois dans èvne petite Calebaffej & chaque matin ils en oftent vn , & le jettent : lors qu'il n'y en refte plus 5 c'eft à dire que le tc-ms arrefté pour leur partement eft écheuv 8c qu'il fe faut mettre en état de mar- cher le lendemain. Ou bien ils font chacun autant de nœuds en vue pe- tite corde s Se en dénouent vn cha- que jour : Et quand ils font venus au dernier * ils fe trouvent au rendez- Vous. Quelquefois auffi ils prenent de petis morceaus de bois* fur léquels ils font autant de crans , qu'ils veu- lent employer de- jours à leur prépa- ration. Tous les jours ils coupent vne de ces marques : & lors qu'ils ont là dernière -, ils fe vont rendre au lieu affigné.» Les Capitaines s les B oyez ; & les Vieillards^ ont Tefpritplus fubtii que S $ m p I 410 HisToijRE Morale le commun y & par vne longue expé- rience jointe à la Traditive de leurs- anceftresyils ont acquis vne grofîiere connoi fiance de piufieurs Aftres,doù; vient qu'ils content les mois par Lu- nes 'y Se les années par Pouffiniéres, prenant garde à. cette C on déflation.. Ain fi. quelques Peruvieus regjoient leurs années fur les récoltes. Les Montagnars de Canada obfervent le nombre des nuits & des Hy vers r &. les Soriquois content, par Soleils- Mais,, bien que les plus iudicieus par- my nos Caraïbes,difcetncnt. les mois. & les années >( & qu'ils remarquent, les différentes faifons, ils n'ont néant-, moins aucuns monumens d'antiqui- té , & ne peuvent dire combien de tems il y a ,. que les premiers de leur Nation vinrent du Continent habi- ter les Iles : Mais feulement ils ont. donné à entendre que ni eus , ni. leurs percs , ni leurs grands pères, ne 's'en fouvenoient point* Ils ne lau- roient dire non plus y ni ,quel âge ils ont,, ni dépuis quand precifement,les Efpagnolsfont arrivez en leur pai'sni beaucoup MMCMSKflK2K*JraMMMiC£j des ItES Antilles; 42t beaucoup d'autres choies femblablesi Car ils ne marquent rien de tout oè* la y & ils ne font nul état de ces con* noiiîances. CHAPITRE XIII. De ce qu'on peut nommer Religion pœrmy les Caraïbes. IL n'eft point de Nation fi Sauvage* ni de Peuple fi Barbare , qui n'ait quelque opinion s,ôc quelque cro- yance de la Divinité > difoit autrefois le Prince de l'Eloquence Romaine au Livre àcs Queft.Tufcul. Et ailleursja nature même a imprimé la connoif- fance de- la Divinité en l'Esprit de tous les hommes. Car quelle Nation> pu quelle forte d'hommes y a t - il> qui n'ait, fans l'avoir appris d'aucun, vn fentiment naturel de la Divinités On admire fans doute , avec iuite rai - fon ,,ces belles lumières y qui fortent de la bouche d'vn homme envelop- pé dans les ténèbres: du Paganifme Mais* i I I I "41% HPistoiRE Morale Mais il femble ,. qu'il eft aujourd'hui bien màiaifé de vérifier les fameufes paroles de cet incomparable Orateur. Gar les pauvres Sauvages de l'ancien peuple des Anfes au Pérou y & àcus Provinces des Chirhuanes ou Cheri- ganes r Ceus de la plupart des païs de la IsTouvelle France 5 de la nouvel- le Mexique \ de la nouvelle Hollan- de > du Brefîij des nouveaus Fais-bas* de la Terre dei Fuego y des Àrouâ- gues 5 des Habitans du fleuve de Ga- fenne > des Iles des larrons Se quel- ques autres s n'ont s à ce que rappor- tent les Hiftbriens 3 aucune efpece de: Religion* Se n'adorent nulle Fuiflan- ee fouveraine. Ceus aufli qui ont converfé panny IbsGaraïbesInfulaires/ont contrains" d'avouer y qu'ils -ont prefque étouffé par la violence de leurs brutales paf- fions 5 toute la connoiifance que !t& mture leur donnoit de la Divinité* qu'ils ont rejette toutes les adreiîes & les lumières qui les y conduifoient, êc qu*en fuitte3 par vn jufte jugement ©d Dieu 5 ils font demeurez dans vne nuit ITËS ÎLES" AVtÏIÊESï'' J0$ rôïlit fi affreufe , qu on ne) voit par- my eus , ni invocation , ni Cérémo- nies,» ni facrifices , ni enfin exercice ou aflemblée quelconque de dévotion»- Us n'ont' pas même de nom pour ex- primer la Divinité, bien loin de la fervir. De forto-V que quand on leur Veut parler de Dieu, il leur faut dire0 Celuy qui a crée le Monde, qui a tout fait , qui donne la vie & la nourri* ture à toutes les créatures vivantes, ou quelque chofe de femblable. Ainfr font ils aveuglez Se abrutis à tel point, qu'ils ne reconnoiffent pas le Sei- gneur de la nature , en cet admirable ouvrage de l'Vnivers , où luy même a voulu fe peindre de mille couleurs immortelles , & faire voir comme à l'œil ion adorable pùiflance. Ainfi de- meurent-ils lourds à la vois d'vne in- anité de créatures , qui leur prêchent continuellement vn Créateur. Ainfi* vfent- ils tous les iours des biens de leurfouyerain Màître3fans penfer qui! en eft PAutheur , & fans en rendre grâces à fa bonté , qui les leur com- munique fi libéralement, 1 424 Histoire Morale Ils difent que la Terre eft la bon-; lie Mère ,- qui leur donne toutes les choies* neceffaires à- la vie. Mais leu& efpric tout de terre ,• ne s'élève pas jufques à* ce Père Tout-puiflant Se Tout-mifericordïeus , qui de fes pro- pres mains a formé la Terre $ de qui par vne continuelle influence de fa Divinité 5 luy donne tous les iours la vertu de porter leur nourriture. Que fî on leur parle de cette efience Divi- ne , de qu?on les, entretienne des my- fteres de la Foy, ils écoutent fort pa- tiemmenttout le difeours: Mais après* qu'on a achevé, ils répondent comme par moquerie , Compère tu es fort élo- quent#n es mouche manigat>ceù. à dire fort adroit, je voudroisauffi bien par- ler que toy-. Même ils difent corne les Brefiiiens , que s'ils fe laiffbient per- fuader à de tels difeours, leurs voifins fe moqueroient d'eus. Quelcun d'entre les Caraïbes, tra^ Vaillant vn iour de Dimanche , Mon» fieur du Montel rapporte qu'il luy dit ', Celuyqui a fait le Ciel & la Terre fera' fachi contre toy de ce que tu travailles? amour i>es Iles Antilles. 425 étui&nrduy : Car il a ordonné ce tour four fonfervice. Et rnoy,luy répondit btuf- quement le Sauvage,je fuis fâché con- tre luy : Car tu dis qu'il eft le Maitre du Monde, & des faifons. C'eft donc luy,qui n'a pas envoyé la pluye en fou tems , & qui a fait mourir mon Ma« nioc & mes Fatates,par la grande ié- cherefle. Puis qu'il m'a fi mal -trame, je veus travailler tous les Dimanches pour le fâcher. Voyez jufqu'où va la brutalité de'ces miferables.Ce dicours- là> fe rapporte à celuy de ces infenfez de Toupinambous , qui fur ce qu'on leuravoit dit que Dieu étoit l'Auteur du toimerre,argumentoient qu'il n'é- toit pas bon,puis qu'il fe plaifoit à les épouvanter de la forte, à ce que dit De Lery chap. 17. retour nos au s Caraïbes* Ceus de cette même Nation, qui habitent au Continent Méridional de l'Amérique , n'ont aucune Religion non plus que cqs Infulaires. Quel- ques vns d'entr'eus refpeclent bien le Soleil & la Lune, qu ils eftiment eftre animez. Mais pourtant ils ne les ado- rent pas^ni ne leur offrent ni facrifient chofe 11 r4iê Histoire Morale thofe qui foit. Il eft vray - fembtab'lèV qu il sont encore retenu cette vénéra- tion pour ces dois grâds Lumlnairesy qu'ils ont di- je retenue des Apala- chites> avec lelquels leurs predecef- feurs ont fejourné autrefois. Nos In- folaires n'ont pas raénié cohfervé cet- te traditive, mais voicy tout ee qu'orr peut nommer Religion parmy eus 3 & qui en porte quelque groffière ima- Ils ont vri fentimënt naturel de quelque Divinité ou de quelque Puif- fance fuperieare 8c bienfaisante 3 qui' refide es Cieux : ils difent , qu'elle fe contente dé joiïyr en repos des dou- ceurs de fa propre félicité , fins s'of- I enfer des mauvaifes aéfcionsdes horn- meSySc qu'elle eft douée d'vne fi gran- de bonté qu'elle ne tire aucune ven- geance de fes ennemis, d'où- vient* qu'ils ne luy rendent ny honneur ny adoration 3 3c qu'ils interprètent ces threfors de Clémence qu'elle déployé fi libéralement envers eux >, & cette longue patience^ dont elle les fuppor- ie ,,ouà vne impuiiTance, ou à vne indiffe td'e s'' Irfs Àn'îii'i/e's'. ''JfifL indifférence qu'elle a3 pour la condui- te des hommes. Ils croyent donc deus fortes d'Èf- Jfrits 3 les vns bons 3 les autres mau- vais, C^s bons Efprits font leurs fiieusv Et ils les appellent en gênerai Jlk^mhom > qui eft le mot que difenr les hommes : Et Opoyem3 <\u\ eft ce- luy des femmes. Il eft vray que lé mot d\Akamboii$ > fignifie Amplement vn- Efprit > 3c de là vient qu'il fe dit auffî de l'Efprit dVn homme» Mais tant y a, qu'ils île l'appliquent point atts Ef- prits malins. Ces bons Efprits qui font leurs Dieus3font plus particulier remet exprimez parles hommes fous le mot â'hhéiri >ôc par les femmes* fous ceiuy de Chemijn , que nous ne pouvons tourner que par celuy de Dieu^ôc Chemïîgnum\z$ Dieus.Et cha- cun parlant de fon Dieu en particu- lier , dit lchéiril(ou Yquieft le mot des hommes > & Nechemerak^u * qui eft celuy des femmes.Mais les hommes Se les femmes nomment le mauvais Ef- prit squi eft leur Diable Mapoya , on Maboj/azcommç difent tous les Fran- çois* ^ 42S Histoire Morale çois. Mais les Caraïbes prononcent' icy le B, à l'Allemande. Ils croyent que ces bons Efprits, ou ces Dieus y font en grand nom- bre , & dans cette pluralité 3 chacun s'imagine en avoir vn pour foy en particulier. Ils difent donc que ces Dieus ont leur demeure au Ciel3 mais ils ne favent ce qu'il y font > & d'eus mêmes ils ne s'avifent point de les reconnoitre f comme les Créateurs du monde > &c des chofes qui y font. Mais feulement quand on leur die* que le Dieu que nous adorons a fait le Ciel ôc la Terre , &c que c'eft iuy qui fait produire à la terre nôtre nourri- ture $ ils répondent* ouy > ton Dieu a fait le Ciel & la terre de France > 8c y fait venir ton blé. Mais nos Dieus ont fait notre païs^ font croître nô- tre Manioc. Quelques-vns difent, qu'ils appel- lent leurs faus Dieus des Rioches\}A&ïs c'eft vn mot qui n'eft pas de leur lan- gue., il vient de l'Efpagnol. Nos Fran- çois le difent après les Efpagnols. Et files Caraïbes s'en fervent y ee a'efc [«irffeas* bes Iles Antilles. 429 «Vil pas entr'eus 3 niais feulement parmy les Etrangers. De tout ce que deffus il appert s que bien que ces Barbares ayent vn fentiment naturel de quelque Divinité > ou de quelque Puiflance fuperieure s il eft meflé de tant d'extravagances > &.. enveloppé de fi profondes ténèbres 3 que Ton ne- peut dire que cqs pauvres gens ayentconnoiflancçde Dieu. En effet, les Divinitez qu'ils reeonnoiflènt, & auquelles ils rendent quelque hom^ mage , font autant de Démons , qui les feduifçnt , 3c qui les tiennent en» chainez fous leur daranable fervitude, Bien que quant à eusneantmoins, ils les diftinguent d'avec les Efprits ma- lins- Ils n'ont aucuns Temples ni Au- tels > qui foyent particulièrement de- diçzà ces prétendues Divinitez qu'ils reconnoifîent ? ils ne font aufli aucun Sacrifice à leur honneur de chofe qui ait eu vie > Mais ils leur font feule- ment les offrandes de CaflTaue > & des primices de leurs fruits ,* Sur tout9 quand ils croyent avoir efté guéris par 4JO HlSTOïRE Moîia&s ,par eus de quelque maladie â ils font ¥n -vin \, ou yn feftinà leur honneur, :& pour reconnoiffance , ils Içur of- frent de la,€ai£iue & du Qidcou.Tou- tes ces offrandes font nommées par eus ^nacrLLmts maifons'étant faites en oyale5& Je-tok allant jufquàterre ils mettent à IVn des bouts de la café leurs offrandes 5 dans des vaifeaus, ielon la nature de la chofe , fur vu ou fur plufieurs Matoutons , ou peti- tes tables tiffuës de jonc &c de feuil- les de Latapier. Chacun dans fa ca- le peut faire ces offrandes à fon Dieu$ mais quand c'eft pour révoquer , il faut yn Boyé: Toutes ces offrandes ne font accompagnées d'aucune ado- ration.ni d'aucunes prieres,& elles ne confident p qtfen la prefentadon mê- me de ces dons. Ils évoquent auffi leurs faus Dieus, lors qu'ils fouhaittent leur prefence. Mais cela fe doit faire pajf l'interven- tion de leurs Bojez , c^eft à dire de leurs Prêtres , ou pour mieus dire de leurs Magiciens, & ils font cela prin- cipalement en 4. occafions. 1. Pour demander jpis Iles Antiî.le$; 49^ 4#mander vengeance de quelcun qui leur a fait du mal , & attirer quelque punition fur luy. 2 Pour être guéris ,de quelque maladie dont ils font affli- gez,^ pour en lavoir rifluë.Et quand ils ont efbè guéris , ils font des Vins comme on les appelle aus Iles , c'eft À dire des aflemblies de rp)ouiffancej & de débauches en leur honneur, .comité pour reconnoiflànce, Et leurs Magiciens j fontauffi parmy eus l'of- ixee de Médecin ; joignant enfemble la Diablerie & la Médecine, & ne fai- sant point de cure 9 ni d'application de remèdes , qui ne foit yn afte de fu- mfrW®m 3. Us les confultent enco- re fur l'événement de leurs guerres.4. jEnfin ils évoquent ces Efprits - là par leurs Boyez, pour obtenir d eus^qu ils chailènt le Maboya&n l'Efprit malin. Mais jamais ils n'évoquent le Maboya luy même , comme quelques vns fe tant imaginez» Chaque Boy^a fon Dieu particu- le on plutoft fon Diable familier, lequel il évoque par le chant de quel- les paroles,accompagné de la fumée de 4|2. Histoire Morale de Tabac , qu'ils font brûler devant ce Démon , comme vn parfum qui tay eil fort agréable , & dont Codeur eft .capable de l'attirer.. .Quand les Boyez évoquent leur Démon familier > c'eft toujours pen- dant la nuit y &c il faut bien prendre garde de ae porter aucune lumière* ni aucun feu dans la place où ils exercent ces abominatios,car ces Efprits de té- nèbres * ont quenc enfemble leurs Dieus, com- me ils parlent > ces Dieus , ou plutôt ces Demonsjs'injurie.nt tk querellent* s attribuant l'vn à l'autre la caufe des maus de quelcun * & il femble qu'ils fe battent* Ces Démons fc nichent fouvent dans des os de mort, tirez du fepulcre, ôc ,envelopez de letton , êc rendent par là des oracles* difant que c'eft l'a- ir» e du mort. Ils s'en lerv^nt pour en- forceler leurs ennemis é Se pour cet effet les forciers envelopent ces os, avec quelque chofe qui foit à leur en- nemy,Ces Diables eutrent auffi quel- quefois des Iles Antilles. 43$ quefois dans les corps des femmes, ôc parlent par elles. Quand Boyé , ou le Magicien a obligé par fes charmes le Diable qui luy eft familier , à compa- roicre , il dit , qu'il luy apparoir fous des formes différentes, ôc ceus qui font aus environs du lieu où il prati- que fes damnables fuperftitions , di- fent 1 qu'il répond clairement aus de- mandes qu on luy fait>qn'il prédit l'if- fu« d'vne guerre ou d'vne maladie, ÔC qu'après que le Boyê s'eft retiré,que le Diable remue* les vailfeaus , & fait comme claquer des mâchoires,de for- te, qu'il femble qu'il mange ôc qu'il boive les prefens.qu'on luy avoit pré- parés , léquels ils nomment Amcry: Mais que le lendemain on trouve qu'il n'y a pas touché. Ces viandes profa- nes,qui ont été fouillées par cts mal- heureus Efprits/ont réputées fi faintes par ces Magiciens , Ôc par le Peuple qu'ils ont abusé; qu'il n'y a que les Vieillards > ôc les plus confiderables d'entr'eus , qui ayent la liberté d'en ■goûter, ôc même il n'oferoient s'y in- gérer, fi ce n'eft qu'ils ayent vne cer- Tom^lL T taine gy yggs^>v ^gsr *s<€mztm*v\ 434 Histoire Morale caine netteté de corps,quils difent être requife en tous ceus,qui en veulét vfei% Auffi tôt que ces pauvres Sauvages ont quelque mal ou quelque douleur, ils croyent que ce font les Dieus de queicun de leurs ennemis,qui les leur ont envoyez: Et ont recours au Boyê> qui confultant (on Démon , leur ap- prend que c'eft le Dieu d'vn tel , ou d'vn tel qui leur a caulé ces maus-là. Et de là viennent des haines & des vangeançes contre ceus , dont les Dieus les ont ainfi traittez. Outre leurs Boye%^ ou Magiciens, qui font grandement refpeeiez & ho*, norez parmy eus^ils ont des Sorciers, au moins les croyent - ils tels , qui à ce qu'ils difent envoyent fur eus des charmes, & des forts dangereus & fu- neftes,& ceus qu'ils eftiment tels, -ils: les tuent quand ils les peuvent attra- per. Ceft bien fouvent vn prétexte pour fe défaire de leurs ennemis. Les Caraïbes font encore fujets à 'd'autres rnaus qu'ils difent venir du Mâboya, & ils le plaignent fouvent! qu'il les bat. Il eft vray.que quelques? Perfonnesde mérite qui ont converfl w*^ des Iles Antilles. 435 quelque tems parmy ce pauvre Peu- ple y font perfuadez qu'ils ne font ni pourfuivis , ni battus effectivement par le Diable: Se que toutes les plain- tes 8c les récits épouvantables qu'ils font fur ce fujet , font fondez fur ce qu'étans d'vn naturel fort mélancoli- que > Se ayant pour la plupart la ratte grofle Se enflée , ils font fou vent des fonges affireus & terribles , où ils s'i- inaginentque le Diable leur appa* roit * & qu'il les bat à outrance. Ce qui les fait réveiller en furfaut , tout effrayez. Et à leur réveiUls difent que Maboya les a battus 2 En ayant l'ima- gination tellement bleflee , qu'ils en croyent fenrir la douleur. Mais il eft-tres* confiant, par le té- moignage de plufieurs autres perfon- nes de condition, Se d'vn rare lavoir, qui ont fejourné afifez long- tems en l'Ile de Saint Vincent5qui n'eft habi- tée que de Caraïbes , Se qui ont aufli veu ceus de la même Nation qui de- meurent au Continent de l'Amérique Méridionale : que les Diables les bat- tent eJ3&âivérnent»&: qu'ils montrent T x foHvens II ^^r^a^^vsHy^y^givv^r^n^^ 5* I i i ■■ r43& Histoire Morale louvét fur leurs corpsjes marques bié vifibies des coups qu'ils en ontreçeu. Nous apprenons auffi par la relation de plufieurs des Habitans François de la Martinique5qu*étans allez au quar- tier de ces Sauvages , qui demeurent dans la même Ile, Ils les ont fouvent trouvez faifans d'horribles plaintçs^de ce que Aiaboy-a.hs venoit de mal trait* ter> &difans qu'il étoit Mouche fâche contre Caraïbes ,àç forte qu ils çftimo- yent les François heureus, de ce que leur Maboya ne les battoit point. Monfîeur Du Montel , qui s'eft fouvent trouvé en leurs AiFemblees &c qui a converfé fort familièrement & vn long .terris avçc ceus de cette Nation qui habitent l'Ile de .Saint Vincent*& même avec ceus du Con- tinent Méridional, rend ce témoigna- ge fur ce trifte fujet [Dans l'ignorance & dans l'Irréligion où vivent nos Caraïbes , ils connoilFent par expéri- ence * 8ç craignent plus que la mort,; TEfprit malin > qu'ils nomment^- hoya 5 car ce redoutable ennemy leur apparoit fouvent en des formes tres- hydeufes, des Iles Antilles. 437 hydeufes. Sur tout cet impitoyable $C fanguinaire bourreau^affa tné de meur- tres dés l'origine du monde,omrage 6c hltiVc cruellement ces niiferablesjors qu'ils ne fe difpofent pas affez promte,- ment à la guerre. De iorte^que quand on leur reproche la paillon fi ardente qui paroît en eus * pour l'effuilon du fang humainjils répondent3qu'iis font pbligez à s'y porter malgré qu'ils eu ayent,& que Maboyalzsv contraint» Ces pauvres gens ne font pas les feuls que l'ennemy du Genre humain traitte comme fes efclaves. Divers au- tres Peuples Barbares portent tous les jours en leurs fangiantes marques de fes cruautez. Et Ton dit que les Brésiliens fremiirent & fue'nt d'hor- reur , dans le fouvenir de fes appari- tions» de meuret quelquefois de la feu- le peur qu'ils ont du mauvais traitte- ment qu'il leur fait. Auffi fe trouve- t'il quelques vnes de ces Nations^qui flattent ce vieus Dragon , ôc qui par adorations 3 par offrandes , de pat Sacrifices tachent d'adoucir fa ra- ge & d'app^ifer fa. fureur* Gomme T 5 entre 2k>*»^ 438 Histoire Morale entre autres^, pour ne point parler des Peuples de l'Orient, quelques Flori- diens ,& les Canadiens. Car c'eft-la raiion qu'ils donnent du fer vice qu'- ils lu y rendent. Onaiïure, que les luifs même fe font portez à faire quel- quefois des offrandes à ce Démon, pour eftre délivrez de fes tentations &c de fes pièges. Et l'vn de leurs Au- teurs , qui eft Elie dans ion Thifby^ cite ce Proverbe comme vfité parmy eus : Dormez, vn prefent à Sama'èl > an iour de l'expiation. Mais quelque crainte que les Ca- raïbes puiflent avoir de leur 2kfaboya3. &c quelque rude traittement qu'ils en reçoivent 5 ils ne l'honorent ni d'of* frandes, ni de prières, ni d'adoration5 ni de facrifices. Tout le remède dont ils vfent contre fes cruelles vexations* c'eft de former le mieus qu'ils peuvent de petites images de bois*, ou dejquel- que autre matière folide , à l'imitation de la forme où cet efprit malin leur eft apparu. Ils pendent ces images à leur col3 Se difent , qu'ils en éprouvent du Et que M^boya les tourmente fouiagement dés Iles Antilles. 439 tourmente moins , quand ils les por- tent. Quelquefois auffi , à l'imitation des Caraïbes du Continent , ils fe fervent pour i'appaifer , de l'entremi- fe des BoyeT^y qui confukent leurs Dieus fur cefu)et,de même qu'en ces rencontres , ceus du Continent ont recours à leurs Sorciers,. qui fonc en grande recommandation parmy eus. Car bien que les Caraïbes de' ces quarties - là , foyent tous générale- ment aflez rufez , neantmoins,ils ont parmy eus certains Efprits adroits, qui pour fe donner plus d'autorité 8c de réputation parmy les autres : leja-r font accroire qu'ils ont des intelli- gences fecrettes avec les Efprits rha- lins , qu'ils nomment Mahoyas , de même que nos Caraïbes înlulaires, dont ils font tourmentez, & qu'ils ap- prenent d'eus , les chofes les plus ca- chées. Ces gens font eftimez parmy cqs Peuples fans cônoiflance de Dieu, comme des Oracles3& ils les confultéc entoures chofes,& s'arrêtent fuperfti- tieulementà leurs répofes: Ce qui en- T 4 tretient îragfcyggs^^v^^^^rry.v^^^^v^rr sr^-^ s t 440 Histoire Morale tretient des inimitiés irréconciliables parmy eus , ôc qui eft caufe bien fou- vent de pluiîeurs meurtres.Car quand quelcun eft morts/esparens &: les al- liez ont de coutume de confulter le Sorcier pourquoy il eft mort ? Que fi le Sorcier répond,que celuy-cy ouce- ky-ià en eft la caufe^ils naurôt jamais de repos» tant qu'ils ayent fait mourir celoy que le Fiais (ainfi nomment-ils Je Sorcier en leur langue ) aura mar- qué. Les Caraïbes des.lks imitent suffi en cela la coutume de leurs Confrères > comme nous l'avons déjà reprefenté cy * deilus. Mais e'eft vne chofe afïurée 3 &C que tous ces Sauvages reconnoiflTenc tous ks jours eus ~ mêmes par expé- rience 3 que le Malin 11a pas le. pou- voir des les maltrakter en la com- pagnie d'aucun des Chrétiens. Aufîï, dans les lies où les Chrétiens font: méfiez avec eus, ces malheureus étant perfecutez par ce maudit adverfaire,fe fauvent à toute bride dans les plus prochaines maiions des Chrétiens,où ils trouvent vn azile & vne retraitte afïurée* des Iles Antilles. 441 affurée , contre les violences attaques de ce furieus agreiîeur. C'eft auffi vne vérité cofifïante3 Se donc l'expérience journalière fait foy dans toute l'Amérique, que le Saine Sacrement du Batême étant conféré à ces Sauvages , le Diable ne les bac & ne les outrage plus tout le relie de leur vie. Il fcmbleroic après cela5 que cqs gens dévroient foahaitter avec paffion d'embrafler le Chriftianifm.c, pour fe tirer vne bonne fois des grif- fes de ce Lyon rugiflànt. Et de vray, dans les momens qu'ils en fentent les cruelles pointes en leur chair, ils fe fouhaiteent Chrétiens, & promettent de ie devenir. Mais auffi- toft que la douleur eft paffée^ ils fe moquent de la Religion Chrétienne & defon Ba- tême. La même brutalité fe trouve pavmy le peuple du Brefil, comme ncm faic voir de Lery chap.ié. SJL*"-J i ^ 1 442, Histoire Morale -*&*• tm- im hm '8€è-s#3« && *&» <&$$ €M-- CHAPITRE XIV. Continuation de ce quon peut ap- peller Religion farmy les Caraï- bes : de quelques vnes de leurs Traditions : & du fenîiment quils ont de l'immortalité de iame. NOus avons veudans te Chapitre précèdent, comment les Eiprits de ténèbres , épouvantent durant la nuit par des fpe&res hideus > & des représentations effroyables les mifera- blés Caraïbes , de comment pour les entretenir dans leur erreur 3& dans vne crainte fer vile de leur prétendu pouvoir 5 ils les chargent de coups s'ils n'acquiefeent promtément à leurs malignes fuggeftions > & qu'il s char- ment leurs fens par des illufîons 3 de des imaginations étranges , feignant d'avoir l'autorité de leur révéler les chofes futures , de les guérir de leurs maladies^de les vanger de leurs enne- mis sj**^^ des Iles Antilles. 445 mis, & de les délivrer de tous les pé- rils où ils fe rencontrent. Apres cela fe faut il étonner , fi ces Barbares qui n'ont point fçeudifcerner ni recon- noitre l'honneur que Dieu leur avoir fait , de fe révéler à eus en tant de belles créatures, qu'ils a mifes devant leurs yeus pour les conduire à la lu- miere de leurs enfeignemens,ont efté livrez en vn fens reprouvé, s'ils font encore à prefent deftituez de toute in- telligence pour appercevoir le vray chemin de vie3 de s'ils font demeurez fans efperance & fans Dieu-au monde. Nous avons auffi reprefenté , que quelque effort qu'ils ayent fait, pour étoufer tous les fentimens de la Divi- ne luftice , & de[fon droit, en leurs confeiences ; ils n'ont neantmoint pu faire en forte , qu'il ne leur fois refté quelque étincelle de cette con- noiffance, qui les reveille ,& leur tienne de tems en tems y de diverfes craintes ôc apprehenfions d'vne main vangereife de leurs crimes , mais an lieu d'élever les yeus au Ciel pour en implorer le fecours,& fléchir par con- T 6 fiance gy>grvpg^s 1 I I %*^ 444 Histoire Morale fiance Se par a mande nient de vie , la Majcité Souveraine du vray Dieu qu'- ils ont oftenfé , ils descendent iufques au profond des Enfers, pour en évo- quer les Démons par les facrilegesfu- perditions de leurs Magiciens , qui après kur avoir rendu ces funeftes of- fices 3 les engagent par cqs infâmes liens.en la déplorable Servitude de ces cruels Tyrans Ces fureurs transportent ces paie vres Barbares jufqiies là 3 que pour avoir quelque faveur de ces ennemis de tout bien,& apprivoifer ces tygres* ils leur rendent pluiieurs menus 1er vi- ces.' Car ils ne leur confacrent pas jeuîement les prémices de leurs fruits: Mais ils leur drelîent auOi les plus honorables tables de leurs feftins > ils les couvrent de leurs viandes les plus delicates^k: de leurs bruvages les plus delicieusjils les confuitent en leurs af- faires de plus grande importance.,©^ le gouvernent par leurs funeftes avisais attendent en leurs maladies x. la fen*- tence de leur vie ou de leur mort de .ces deteftables oracles > qu ils leur rendent des Iles Antilles. 44^ rendent par l'entremife de ces mar- moufets de Cotton * dans lefquels ils envelopent les os vermoulus de quel- que malheureus cadavre > qu'ils ont tué de fon fepulcre §Ec pour détour- ner de dellus eus la pefanteur de leurs coups y Se divertir leur rage 3 ils font fumer à leur honneur par le minifte- re des Boyez. des feuilles de Tabac -T ils peignent auffi quelquefois leurs hy- deulés figures , au lieu le plus confids- rable de leurs pecis vaiffeaus qu'Us appellent Pyraitgues > oxx ils portent panduë à leur cous 3 comme le col- lier de leur defordre, vue petite effigie relevée en boffe, qui reprefente quel- cun de ces maudits Efprits, en la plus hydeufe potture , qu il leur eft autre- fois apparu, comme nous l'avons déjà touché au Chapitre précèdent. On tient auffi , que c'eft dans le même deflein qu'ils ont de fe rendre cesmonftres favorables, qu'ils macè- rent fouvent leurs corps.par vne in- finité de fanglantes incifions , &c de jufnes fuperftitieus , de qu'ils ont en iinguiiete vénération les Magiciens, 11 446 Histoire Morais qui font les infâmes miniftres de ces furies d'en fer, Se les exécuteurs de leurs paffions enragées. Ces pauvres abu- iez n'ont ncantmoins aucunes ioix, qui déterminent preeifement le tenis de toutes ces damnables Cérémonies, mais le même Efprit malin qui les y pouiFe , leur en fait naiftre aflez fou- vent l'envie: ou par le mauvais trai- tement qu'il leur fait,ou par la curio- ficé qu'ils ont, de fa voir l'événement de quelque entreprifc de guerre, ou le (uccés de quelque maladie , ou enfin pour chercher les moyens de fe van- ger de leurs ennemis* Mais , puifque ceus qui ont de* meure plu-fieurs années au milieu de cette Nation , témoignent conftam- ment,qu5en leurs plus grandes détref- fes,ils ne les ont jamais vus adorer on invoquer aucun de ces Démons, nous fommes perfuadés que tous ces menus (QtvicQs que la crainte leur arrache, plutôt que la révérence ou l'amour, ne peuvent point pafler pour vn vray culte 3 ou pour des a&es de Religion, & que nous donnerons le vray nom DES II ES A NT I LEE S. 4^7 à toutes ces fingeries , fi nous les ap- pelions des tuperfticions^ des enchan- temens^des fortileges s ôc des hon- teufes produdions d'vne Magie au- tant noire > que le font ces Efprits te- nebreus , que leurs Boyez. confultent. Et nous tenons auffi > que le manger & le bruvage qu'ils prefentent aces fauiTes Divinite'z , ne peuvent pas eftre proprement appelles des Sacrifia ces^mais plutôt des actes exprez3do_nt les Diables font convenus avec les Magiciens * pour fe rendre prefens à leur demande. De forte , qu'il ne faut pas trouver étrange* fi dans tous ces foibles fenci- mens qu'ont la plupart des Caraïbes* de tout ce qui a quelque apparence de Religion , ils fe moquent entrais detoutes les cérémonies des Chrétiés*- & s'ils tiennent pour fufpects ceus de leur Nation y qui témoignent quel- que defir de fe faire bâtifer. Auffi le plusïeur pour cens à qui Dieu auroit ouvert le cœur pour croire au S.Euan- gile3feroit de fortir de leur terre*& de leur parenté ,> & de fe retirer aus Iles* quii i I 1 44§ Histoire Morale qui font feulement habitées des Chié- tiens : Car encore qu'ils ne foyenc pas Ci fuperftitieus que le Peuple du Royaume de Cakcut > qui témoigne de rhorrenr à toucher feulement vne perfonne de Loy contraire à la leur, comme s'ils en écoient fouillez *, ni il rigoureus qu'au Royaume de Peçu-, où quâd vn homme embrailè le Chri- ftianifme, la femme en célèbre les fu- nérailles > comme s'il étoit mort , Se îuy dreile vn tombeau, où elle fait fcs lamentations , puis elle a la liberté de fe remarier comme veuve : neant- moinsceluy d'entre les Caraïbes, qui fe feroit rangé au Chriftianifme, s'ex- poieroit à mille réproches 6c injures* s'il perfeveroit de faire fa demeure au milieu d'eus. Lors qu'ils voyent les AfTemblées 8c le Service des Chrétiens 5 ils ont accoutumé de dire , que cela eft bem 8c divertiiTant , mais que ce n'eft pas la mode de leur païs : (ans témoigner d'ailleurs en leur prefence, ni haine ni averfîon contre ces Cérémonies, comme faifoyenc les pauvres Sau- vages des Iles Antilies. 4%$ vages qui vivoyent en nieHifpanio- la > ou de Saint Domingue,& aus Iles voifines, qui ne vouloyent pas fe trouver au fervice des Espagnols , 8e encore moins embrafTer leur Religi- on,à caufe, difoient ils, qu'ils ne poa- voyent feperfuader que des perfcn- nes fî méchantes & ficrueiles,dont ils avoyent tant expérimenté la fureur 3c la Barbarie , pulTent avoir vne bonne créance* Quelques Preftres & Religieus, qui ont autrefois efté en ce pai\-ià3en ayant batizé quelques - vns vn peu à la légère, avant que de les avoir bien inftruits en cemyfiere , ont èfté cau- fe que ce Sacrement n'a pas eu telle réputation parmy ces Caraïbes, qu'il eut efté fans cela. Et parce que leurs Parretns leur donnoientde beaus ha- bits, & plufieurs menues gentileffès au jour de leur Bateme , & qu'ils les traittoyentfplendidement , huit jours après avoir reçeu ce Sacrement , ils le demandoyent de nouveau, afin d'a- voir encore des prefens , & dequoy faire bonne chère» ïl -S^Q^tV^^S I i f 450 Histoire Morale Il y a quelques années , que quel- que ns de ces Meilleurs fe chargèrent d'vn jeune Caraïbe icur Catecume-* ne natif delà Dominique qui fenom*; moit Ta Marabouy , Fils du Capitai- ne que nos François nommoyenc le Baron , & les Indiens % Orachora Ca- ramiana , à deflèin de luy faire voir Tvnedes plus grandes & des plus ma- gnifiques Villes du monde, ils luy fi- rent paiïer la mer, & après luy avoir montré toutes les fomptuofitez de cet- ce Cité incomparabie,qui eft la Capi- tale du plus Floriflant Royaume de l3Vnivers,ii y fut batizé avec grande folemnité,àla veuë de plufieurs Grâds Sejgneurs, qui honorèrent cette a£H- on de leur prefence, il fut nommé Louis. Et après quelque tems de fe~ jour en ces quartiers-là,il fut renvoyé en fon pais, étant chargé de beaucoup de prefens à la vérité , mais auffi peu Chrétien qu'il en étoit forty , parce qu'il n'avoit pas bien compris les My- ft.res delà Religion Chrétlenne.Ec il n'eut pas fi toft mis le pied dans font Ile , que fe moquant de tout ce qu'il avoit KSrtii des Iles Antilles» a< i avoit veu comme d'vne farce r & di- fant que les Chrétiens ne le repaii- foient que de folles 3 il retooma en la Compagnie des autres Sauvages3quk- ta les habits s & ie ne roucouër com- me auparavant» P our p reu v e de l'i n co n fta n c e 5c de la légèreté des Indiens Caraïbe^en la Religion Chrétienne quand ils l'ont vue fois embr^iTée, on raconte enco- re que du tems que Monikur Auber ctoit Gouverneur de l'Ile de la Gar- deloupe * il écoic fouvent vifitéd'vn Sauvage de la Dominique, qui avoit demeuré vn fort long tems à Seville en Efpagne y où il avoit reçeu le Ba- téme. Mais étant de retour en ion Ile* bien qu'il fit tant de fignes de Croix qu'on en vouloic , Ôc qu'il portât vn grand Chapelet pendu à ion col > il vivoit neantmoins à la Sauvage , al- loit nui parmy les fiens 3 6c n'avoïc rien retenu de ce qu'il avoit veu , &C de ce qu'on luy avoit enteigné à Se- ville 3 hormis > qu'il fe couvroit d'vu vieil habit d'Eipagnol pour fe ren- dre plus recommandable , lors qu'il rendoit Vf>V SHyS^^îTiVT-^r^W I 1 452. HïSTOîHE MôfcALÈ rendoit vifice à Monheur le Gouver- neur. Ils ont vne Tradition fort ancien- ne parmy eus , qui montre que leurs Ayeuls ont eu quelque connoiiïance dVne Puiffance Supérieure, qui pre- noit foin de leurs perfonnes, ôc dont ils g voyent fenty le favorable iecours. Mais ceft vne lumière, que leurs bru- taus enfans laiifent éteindre*& qui pas- leur ignorance ne fait fur eus nulle réflexion. lis difent donc * que leurs anceftres étoyenc de pauvres Sauva- ges, vivant comme des beftes au mi- lieu des bois h fans maifons a, ôc fans couvert pour fe retirer. & fe nourrif- fant des herbes & des fruits que la terre leur produifoit d'elle même,fans eftre aucunement cultivée. Comme ils étoyenc en ce pitoyable état > va vieillard d'entr'eus extrêmement en- nuyé de cette brutale failbn de vivre, fondoit en larmes tres-amercs,& tout abbatu de douleur j déploroit fa mife- rable condition. Mais fur cela , vn homme blanc s'aparut à luy dépen- dant du Ciel > &c s'étant approché , il confola dès Iles Antilles. 451 confola ce vieillard defolé, en luy dif fane s Qu'il étoif venu pour fecourir luy & tes Compatriotes,, de pour leur enfeigner le moyen de mener à l'ave- ni r vne vie plus douce Sç plus raifon-* nable. Que fi quelçun d'eus eut plu- tôt formé des plaintes, 5c pouffé vers Je Ciel des gemiffemensjils euffeut efté plus promtement foulagez.Que le ri- vage de la mer étoit couvert de pier- res aiguçs & tranchantes , dont Us pourroyent couper 8c tailler des ar- bres pour fe faire des maifons.Et que les Palmiers portoyent des feuilles, qui feroienç fort propres à couvrir leurs toits , contre les injures de l'air. Que pour leur témoigner le foin par- ticulier qu'il avoit d?eus,ôc le fingulier amour dont il favorifoit leur efpece, fur toutes celles des animaus , il leur ayoit apporté vne racine excellente, qui leur ferviroit à faire du pain , &ç que nulle befte n'oferoit toucher, quâd elle feroit piâtéejEt qu il voulpit que déformais, ce fut leur nourriture ordU naire.Les Caraïbes a)outét)Jquelà def- iu$ ce Charitable Inconnu rompit en 3.U0 T(€ YÏXZÏW W*Fi*SM^=m Les Caraïbes croient qu'ils ont au- tant d'ames chacun d'eus , comme ils (entent en leurs corps de batémens d'artères , outre celuy du cœur. Or de toutes ces âmes la principale , à ce qu'ils difent > ëft aq cceur, &c après la mort elle s'en va au Ciel avec ion Ichéiri y ou fon Che?niin > c'eft à dire avec fon Dieu , qui l'y mené pour y vivre en la copagnie des autres Dieus, Et ils s'imaginent , qu'elle y vit de la rnéme vie que l'homme vit icy bas, C'eft pourquoy ils tuent encore au- jourd'huy des efclaves fur la tombe des morts, quand ils en peuvent atra- per qui fuirent au fervice du défunt, pour l'aller /eryir en l'autre monde, Car % msg *4^ghSsfl^^^^g^t • des Iles Antilles. 457 Car il faut favoir fur ce fu)et , qu'ils ne penfenc pas que i'ame foit telle- ment immatérielle , quelle foie invifi- ble : Mais ils difent, qu elleeft fubtile de déliée comme vn corps épuré: Et ils n'ont qu vn même mot,pour fîgnifier le cœur & l'ame. Quant à leurs autres âmes , qui ne font point dans le cœur , ils croyent que les vnes vont après la mort faire leur demeure fur le bord de la mer,& que ce font elles qui font tourner les vaifleaus. Us les appellent Oumékou. Les autres à ce qu'ils eftiment , vont demeurer dans les bois , & dans les forets, & ils les nommée des Maboyas. Bien que la plupart de ce pauvre Peuple croye l'immortalité de l'ame, comme nous venons de le dire : ils parlent fi confufément & avec tant d'incertitude , de l'état de leur ame fe- paréedu corps, qu'on auroit plutôt fait de dire qu'ils l'ignorent entiere- ment,que de rapporter leurs rêveries. Les vns tiennent , que les plus vail- lans de leur Nation font portez a- près leur mort en des Iles fortunées, Tom. II. y où 458 Histoire Moral? ou ils ont coûtes chofes à fouhait, & que les Arouagues y font leurs Ef- calves. Qu'ils nagent fans laflitude en de grans de larges fleuves, & qu'- ils vivent delicieufemçnt >& paiîent heureufemét le tems en danfes^en jeus & en feftin * en vne terre qui produit en abondance toutes fortes de bons fruits fans eftre cultivée. Et au con- traire,^ tiennent3que ceus qui ont ê- té lâche s & craintifs d'aller à la guerT re contre leurs ennemis , vont fervir après leur mort les Arouagues * qui habitent des pais deferts & fteriles, qui font aurdelà des montagnes. Mais les autres,qui font lçs plus brutaus5ne fe mettent point en peine de leur état j après la mort : ils ny fongent ni n'en j parlent jamais. Que fi on les interro* ge là dellus , ils nefavent que répon- dre^ fe moquent des demandes qu'- on leur fait Ils ont neantmoins tous eu autres- fois quelque créance de l'immortalité des amesjmais groffiere & bien obfcu- re, ce qui fe pût recueillir des cérémo- nies de leurs enterremehs, &des priè- res] .^ sis Ixïs AîtTittEsJ 4y^ très qu'ils font a&s morts de vouloir retourner en vie, comme nous le re* prefenterons plus amplement au der~ nier Chapitre de cette Hiiloirc : & de ce que les polis d'entr'eus vivent en- core à prefent en cette perfuafion, qu après leurs trépas ils iront au Ciel, oà ils difent que leurs devanciers font déjà arrivez : mais ils ne s'informent jamais du chemin qu'il faut tenir,pour parvenir à ce bien « henreus.fejour. Auffi quand leurs Boy ez, qui contre- font les Médecins 9 defefperentde les pouvoir guérir de leurs maladies , ÔC à ue les Diables leur ont prédit par leur bouche 3 qu'il n'y a plus de vie à attendre pour eus ; ils ajoutent pour lesconfoler, que leurs EHeus les veu- lent conduire au Ciel avec eus, où ils feront pour toujours à leur aife , fans crainte de maladie. La créance des Calecutiens fur cet article , vaut encore moins que celle de nos Caraïbes , & c'eft vne extra- vagante inmortalité que leur Mecem- pficofexar ils croyent,ainfi qu'on voit dans les Voyages de Pirard i. partie, V t chapon* m iP3 I jyw- | s 460 Histoire Morale chap. 27. que leur ame aufortir de îeur corps , fe va loger en ceiuy d'vn Buffle, ou de quelque autre Befte.Les Brefiliens font icy plus raifonnables: car ils eftiment que les âmes des mé- chans^vont après la mort avec le Dia- hle , qui les bat & les tourmente: mais que les âmes des bons vont dan- fer & faire grand'chere en de belles plaines 3 au delà des montagnes. Et ceft vne chofe plaifante 6c pitoyable tout enfemble^que la plupart des Sau- vages Américains 3 mettent dans la danfe leur fou ver aine félicité de l'au- tre vie 3 comme remarque de Lery çhap.i6. La refurredion des corps eft par^ my les Caraïbes vne pure réverie,leur Théologie eft trop obfcure , pour les éclairer d'vne fi belle lumière. On ad- mirera fans doute , dans les pauvres Virginiens y vn petit rayon qui s'y trouve de cette vérité facrée* veu que ceft vne matière > oh les anciens Pa- yens nô plus que nos Caraïbes, n'ont veu goutte. Il en apparoit auffi quel- que étincelle chez les Indiens du Pé- rou* t>t$ Iles Antilles. 461 fou , à ce que difenc la plupart des Auteurs. Voyez GarcilaiTo l.i.chap.y» ôc Iean de LaetJ.j.chap.j. Au refte , bien que les Caraïbes ayent fi peu de eonnoiiranee ôc de crainte de Dieu, comme nous l'avons reprefenté,ils ne laiffent pas de redou- ter merveilleufement fa voix , c'eft à dire le Tonnerre : Cette épouvanta- ble voix qui gronde dans les nuées, qui jette des éclats de flammes de feu, qui ébranle les fondemens des mon- tagnes , ôc qui fait trembler les Ne- rons & les Caligules mêmé.Nos Sau- vages donc aufli-tôt qu'ils apperçoi-. vent les approches de la tempefte, qui accompagne ordinairement cette voix, gagnent promtement leurs pe- tites mailons,fe rangét en leur cuifine & fe mettent fur leurs petis fieges au- près du feu,cachant leur vifage & ap- puyât leur teftefur leurs mains,&: fur leurs genous,& en cette pofture.ils fe prenent à pleurer , ôc difenc en leur Baragoin , en fe*larnentant , Maboya mouchb fâche contre Caraïbe , c'eftT à dire que Maboya eft fort en colere V 3 contre I I saoazsssss&es I \ I I 1 4^2 Histoire Morale contre eus,& c'eft ce qu ils difent auf- ii lors qu*il arrive vn Ouragan. Ils ne quittent point ce uifte exercice, que tout l'Ouragan ne foit paffé:Et ils fie fe fauroient allez étonner* que les Chrétiens ne témoignent point com- me eus d'afflidion ni de peur y en c^s rencontres. Ainfi les grands Tartaresy craignent tous mer vei Heu fe ment le Tonnerre 3 & lorsqu'ils l'entendent ils chaffent de leurs maifons tous les* étrangers -9 ôc senvelopent dans des feutres 3 ou dans des draps noirs ,oà ils demeurent cachez tant que le bruit foit paffé, fttan Rubrique en fon Vo- yage de Tartarie.Et divers autres peu- ples Barbares > ne font pas moins é* pouvantez que les Antillois , en de; pareilles oceafions. On dit même que les Péruviens, les Cumanois,les Chi« »ois 3 & les Moluquois les imitent- dans ces lamentations^ dans ces fra- yeurs,lors qu il arrive vne Eclipfe. Il eft bien vray que dépuis que les Caraïbes ont eu la communication familière des Chrétiens>il s'en trouve quelques vns> qui témoignent en ap- parence ses Îles Antilles. 46} parenee aflez de confiance ôc de re- lolution pour ne point craindre le Tonnerre. Cat on en a veu > qui ne faifoient que rire lors qu'il éclattoit le plus fortement * & qui en contrefai- ioient le bruit * difant par manière de chanta de raillerie^vn mot que Ton a peine à écrire,& dont le fon revient à peu prés à ces lettres Trtrqutttnni. Mais il eft auffi très - confiant, qu'ils font vne grande violence à leur incli- nation naturelle, quand ils feignent de n'avoir point peur du Tonnerre3& que ce n'eft quVne pure vanité 5 qui les poufle à contrefaire cette afïùran- ce , pour perfuader à ceus qui les vo- yent , tju'en ces occurrences^ils n ont pas moins de generofité que les Chré- tiens. Car quelques-vns des nos Ha- bkans de la Martinique 5 qui les ont furpris dans leur Quartier lors qu il tonnoit & éclairoit, difent, qu'ils ont trouvé , même les plus refolus d'en- tr'eûs^qui trembloient de frayeur dans leurs pauvres Cabanes. Or ce trouble & ces épouvante- mens qu'ils font paroitre à l'ouïe de V 4 cette r *É 4^4 Histoire Morale - cette voix celefte , ne font ils pas vn effet tout vifible , du fentiment dVne infinie &c fouveraine puiffance , im- primé par la nature dans Fefprit de tous les hommes, & vne preuve bien illufti e , que bien que ces miferables s'éforcent de tout leur pouvoir , à é- mouffer les aiguillons de leur confei- ence 3 ils ne fauroient neantmoins les brifer tellement, qu'ils ne les piquent & les tourmentent malgré qu'ils en ayent. Et cela ne peut il pas bien vé- rifier le beau mot de Ciceron , que nous avons mis à la teftedu Chapitre précèdent ? Veu que fi tous les homes ne reconnoiiïènt pas de bouche cet- te Divinité, au moins ils en, font con*- vaincus en eus mêmes,par vne fecret- te mais invincible main, qui d'vn on- gle de diamant , écrit cette première de toutes les veritez dans leurs cœurs. De forte , que pour conclure , nous dirons avec ce grand homme , dont les paroles qui iont au Livre fécond de la nature des Dieus, finiront excel- lemment ce Dilcours5côme elles l'ont commencé. Qu'il eft né , & comme gravé iKSrfV-ii —mi l'ujff imPiiiM i r ses Iles Aktille-s. 465'- gravé dans l'efprit de cous Ses ho?h~ meSy qu'il y a vnc Divinité. CHAPITRE XV. J) es Habitations & au Ménage des Caraïbes. LEs Hiftoriens récitent & notai- ent Garcilaflb en fon Commen- taire RoydX.liv.L.c.i i.& I.6.C.1 i.qa'- autrefois vne partie des anciens Ha* bitans du Perouyvivoient épars fur les montagnes & par les plaines>comme des beftes Sauvages/ans avoir ni vil- les y ni maifons. Que d'autres Te tttu soient en des cavernes &en des lieus écartez & folitaires : & d'autres dans des fortes^ dans les creus des gros ar- bres. .Mais l'état des Caraïbes d'au- jourd'huy fé trouve bien éloigné de cette manière de vivre fi Sauvage & fi brutale. Il eil vtay que nous n'aurons •pas beaucoup de peine à décrire leurs ïogemens ; car ils n'y font gueres de falbn ; Et il ne leur faut qu'vn ¥ s arbre r i 1 i 46<£ Histoire Morale arbre & vne ferpe > pour leur bâtir vn logis. Ils ont leurs demeures proche les vne* des autres , de difpr 'j£i en for- me de village. Et pour la plupart ils recherchent pour leurs -logemens ,1a fituation de quelque petite montagne» afin de refpirer vn meilleur air,& de fe garantir de ces moucherons3que nous avons nommez Moufquitesôc Marin- go°ws.yQ$L\ font grandement impor- tuns & dont la piquure eit dangereu- se , aus lieus oà les vens ne foufflent- pas. G'eftla même raifon qui oblige ïeslioridiens;, de delà- la Baye de Car- los. & des Tortugues >à fe loger en partie à l'entrée delamer,en desHut- ces bâties fur pilotis. Les Antillois ne s'éloignent guère auffi des fontai- nes s des ruii&aus ,, & des rivieres>, par ceqpeô comme nous l'avons dit», ils ont acoutumé de fe laver le matin tout lé corps 3 avant que de fe rougir» It c'êft pourquoy ils recherchent au- tant qu'il leur eft poffible,vn voiûna- ge de cette nature pour leurs petisé- âifices- Barmy dis Iles Antilles. 4^7 Parmy-nous ôc parmy piufieurs au- tres Nations , les Architectes fe tra- vaillent à faire des édifices fi puiflàns êc-fi fupsrbes ., qu il femble qu'ils en- treprenent de braver les fiécles, & de faire difputer la durée de leurs ouvra- ges 3 avec celle du Monde. Les Chi- nois , dans la nouvelle fréquentation qu'ont eue les Chrétiens avec eus /en ont témoigné grand étonneraient , & nous ont taxé de beaucoup de vanité, comme dit Trigaut dans fon Hiftoire de la Chine * d^.4. Pour eus, ils ne mefurent la durée de leurs édifices, qu'à celle de la brièveté de leur vie. Mais nos Sauvages Antillais dimi- nuent encore beaucoup de cette du- rée , & ils édifient de telle forte, qu'il leur faut fouvent édifier en leur vie. Leur petites Cafés font faites en ova- le , de pièces de bois plantées en ter- re y fur léquelles ils élèvent vn cou- vert de feuilles de Palmes^oude Can- nes de Sucre , ou de quelques her- bes , qu'ils favent fi bien agencer ôC- iî proprement joindre les vues fur les autres > qjie tous ce couvert , qui ¥ 6- ba£ r ! & f 468 Histoire Morale bat jufqu'à terre , ils s'y trouvent à l'épreuve des pluyes & des injures dm tems. Et ce coït, tout foible qu'il fem- ble, dure bien trois ou quatre ans fans fe rompre 3 pourveu qu'il n'y vienne point d*Oiiragan. Pline au Li6. 6V3S. dit que certains Peuples du Septentrion fe fervoïent suffi de ro- feaus pour la couverture de leurs mai- sons : &c encore aujourd'huy > l'on en voit plufieurs maifons couvertes dans les Pais- bas y &. en quelques lieus - charopeftres delà France. Le^ Caraï- bes employent aufli de pecis rofeaus entre- laffez > pour faire des palifla- des > qui tiennent lieu de murailles à leurs logis. Sous chaque couver^ ils font autant de feparations qu'ils veulent de chambres. Yneiîm pie nat- te fait chez eus l'office de nos portes* de nos verrous,& de nos ferrures, leur plancher d*en haut eft le toit même:,& celuy d'en bas n'eft que de terre battuêV Mais ils ont vn tel foin de le tenir pro- pre, qu^ils le balayent toutes les fois, qu'ils y apperçoivent la moindre or- dure. Ce qui a a lieu que dans leurs cafés pes Iles Antilles. 4^5 cafés particulieres:Car ordinairement leur Carbet,ou leur maifon publique* où ils font leurs réjouïflancesjcft for& faievDe force que fouventla place eft pleine de Chiques. Outre vn petit corps de logis oà ils preuent leur repos^&oàiis reçoivent leurs amis^chaque famille cofiderable a encore deus petis couverts. Dâs l'vn5 ils font leur cuiiîne Se ils fe fervent de l'autre corne d'vn magafîn3oùils con- fervét leurs arcsjleurs fléches3& leurs boutous,qui font des Mafluës de bois pefant & poly > dont ils fe fervent en guerre au lieu d'épée^lors qu'ils ont vfé toutes leurs flèches. Ils y tiennent en- core leurs outils, leurs paniers , leurs ■lifts de referve3toutes les bagatelles^Sc tous les petis ornemens donc ils fe fer- vent en leurs réjouïflances- publique* & aus jours de parade. Ils nomment toutes ces babioles des Oiconncs. Pour tous meubles y nos Sauvages n'ont que des licts branlans^qu'ils ap- pellent Amacs^xà font de grades cou- vertures de cotton y fort indeftrieu- fement tifluës > qu'ils froncent par les 1 1 r l i al ■■ i m ■ il ■ mt 470 Histoire MàKÂÉt les boucs , pour joindre enfembfe les* deus coins de k largeur. Puis ils at- tachent ces Amacï par ces deus bouts froncez , aus principaus piliers de leur édifice. Ceus qui n'ont point de lift de cotton 3 fe fervent dVn autre tiék, que l'on appelle Cabane. Ce font plusieurs bâtons tiffus de long & de travers >■ fur lefquels on met quan- tité de feuilles de Balîfier s ou de Ba- nanier. Cette Cabane eft fufpejidue- êc foutenuë par ks quatre coins>avec de groffes cordes de Mahot. Ils ont ©utre cela de péris fieges * tout d'vne pièce 5 faits dVn bois de couleur rou- ge ou jaune 5 poly comme du mar- bre. Et Ton voit auffi chez- eus de pe- tites tables , qui ont quatre piliers de bois 3 &c qui font dilues de feuilles de cette efpece de Palme qui fe nomme ILatamer. Leur vaifïHle >« & leur batterie de cuîfine eft toute de terre , comme cel- le des Maldivois : ou:de certains fruits- fomblables à nos courges , mais qui ont l'écorce plus épaitfe & plusdure9 t&ilkz* & comgofe^ de diverfes figu- rer I w WBSS^OSSS ©es Iee^ An-tixees.-- 47T ves , &c qui font polis & peints auffi délicatement qu'il fe peut. Cela leur tient lieu de plats ^d'écuelles >de baf- fins, d'affietteSi de coupes ?ôc de vaif- feaus à boire. Ils nomment Cois ow €oms,toute cette vaiffelle fàitede fruiss Et c'ét le même nom 5 que les Breiï- liens donnent à la leur 5 faite de fem- blable matière. Us fe fervent de leur vaiiïelle de terre > comme nous-nous fcrvons de nos marmites y Se de nos chauderons de France» Ils en ont en* tr'autres d'vne faflbn* qu*ils appellenc Canary. On voit de ces Canaris qui font tort grans , & d'autres qui font fort petis. Les petits ne fervent qu?à* faire àts ragouts^avee des œufs & des entrailles de crabes , & du pigment^ que Ton appelle Taumalû 5\ Mais les grands font employez à faire le bru* -Vage,qu-iïs nomment ©uicou. Ees Ca- raïbes de la Martinique , apportent fort fouvent de ces petis Canaris zw quartier des François y qui leur don- nent en échange quelque Cacènes,cefc à dire , quelques petites babioles qui kur plaifent. Nos gens font état de KSSSûUâK y^Wr-s 1 ! i 1 S ' h 472, Histoire Moraiê ces petits vailfeaus , parce qu ils ne fe eailent pas fi aisément que nos pots de terre. Cette vaiffelle que nous ve- nons de décrire, quelque chetive qu'- elle foit > eft confervée ôc entretenue par eus 3 avec tant de curiofité tk de propreté que l'on puiffe defirer. Les Caraïbes ont même vn lieu* loin de leurs maifon-s, deftiné à leurs neceffitez naturelles , où > lors qu ils en ont befoin , ils fe retirent > y por- tant vn bâton pointu avec lequel ils font vn trou en terre où ils mettent leur ordure s qu'ils couvrent de terre puis après. De forte que jamais on ne volt de ces vilenies parmy eus. Et quoy que le fujet n'en foit pas trop a» greable , cette coutume^ neantmoins* mérite d'être remarquée > veu qu'elle fe rapporte formellement à l'ordon- nance que Dieu avoït faite au vingt- troifîcme du Deuteronome, pour Par- ttiée d'ifraël > qui étant à la campa- gne y ne pouvoit pas vfer de la pro* preté Sç de la commodité ordinaire dans ces neceffitez, A cela fe rappor- te auffi la coutume des Xurcs>qui lors qtiïb des Iles Antilles. 475 qu'ils fe trouvent dans ce befoin, font vne fofle avec vne pèle pour cacher leurs excremens , fuivant Bufbequius en fes Ambaffades liv.$. Ce qui rend leur Camp extrêmement propie^quâd ils font à la guerre. Ctefias ancien Autheur nous dit 5 que dans les l'In- desOriétalesi-vn certain Oifeau nom- mé le IuFîe , fait quelque cbofe de femblable , en fouillant fon ordure* de la couvrant en forte qu'elle ne pa- roifle point. Ce qui feroit merveil- leus y s'il tenoit autant de ia venté* qu'il fent la fable. Les Tartares, à ce que dit Carpin en fon voyage de Tar- tarie , ne voudroient pas même avoir fait de l'eau dans l'en clos de leurs lo- gemens , tenans cela pour vn péché. Repayons vers nos Sauvages. On voit dans l'enceinte de kurs maifons^ vn grand nombre de Poules communes, & de Poules dindes, qu'- ils nourriiîentj'non tant pour l'entre- tien de leurs tables x que pour rega^- ler leurs amis Chrétiens qui les vont vifiter * ou pour échanger contre des 474 Histoire MôraIé des ferpes, des coignées, de hoiies, Si autres ferremens qui leur font ne-> ce flaires* Ils ont encore ans environs de leurs logis plufieurs Orangers, Citroniers* Goyaviers 5 Figuiers 5 Bananiers , & autres arbres portans fruits : de ces péris Arbres qui portent le Pyroan* & les AibrifTeaus ou les Simples donc ils ont la connoiffince pour s'en fer- vir quand ils ont quelque incommo- dité. Et c'eft de tout cela qu'ils fane- les bordures de leurs jardins. Mais ces jardins font remplis au dedans de Ma- nioc y de Patates 5 & de divers Legiï- tacs y comme de Pois de plufieurs ef- pçces y de Fèves 9 de gros Mil, appel- le Mays, de petit Mil* & de quelques autres.Iis y cultivent auffi des Melons> de tôtftes fortes de Citrouilles excel- lentes, & vne efpece de Chous^uon appelle Chom Caraïbes , qui font d'vr* goût délicat* Mais ils ont foin parti- culièrement de la culture de l'Ananas* qu'ils cheriiTent par deffiis tous les autres fruits. Au refte, bien qu'ils n'ayent poini de ^SJ<^igW^gA^g4^^^>^^i bis Iles Antilles-. 47 y de Villages^ny de maifons mobiles^ ambulatoires > comme difent Brèves* Rubruquis > & Carpin > des Bëdovins*, pauvre Peuple de rÉgyptejde certains Mores,habitans au Midy de Tunis en Afrique^ des Nations de la grande Tartarie;neanttïioins,ils changent af- fez fouvent dedemenre>felo que les y porte leur caprice. Car auffi-tôt qu'v- 11e habitation leur déplaît le moins da monde s ils déménagent * Se fe vont placer ailleurs. Et ceiafe fait en moins de rien , & fans en demander la per- miffion à leur Caccique, comme é- toient obligez de faire à leur Roy les anciens Péruviens 5 en femblabks rencontres* Entre les fujets de ce changement de demeure parmy les Antillois > fe trouve parfois la créance qu'ils ont d'écre plus fainement placez ailleurs» Ce qui caufe bien fouvent vn pareil remuë-menage chez les Breliliens,fe- lon de Lery chap.i^. Parfois quelque faleté que Ton aura faite en leur logis* & qui leur donne de l'horreur. Et par- lois auffi la mort de quelqu'vn de la* maifoi* V^W^V* mu 416 Histoire Morale maifon , qui leur faifant appréhender d'y mourir de même /les oblige à fe retirer ailleurs i comme fi la more ne les y pouvoit ni trouver ni faifir avec la même facilité. Mais cette folle ap- prehenfion a bien plus de vogue en- core chez les Caraïbes du Continent, qui ne manquent point en des pareil- les occafiôs de brûler la cafe,& d'aller chercher autre gke.Cette plaifante fu- perftition fe- voit auffi chez les In- diens de nie de Coraçao, bien que pauvres gens ayent rcçeu le Saint Ba- terne. Car Monfieur du Montel rap* porte qu'étant au grand Village de ces Indiens nommé V Afcenfwn > tk ayant remarqué en deus ou trois endroits des maiions les ynts defertes > quoy qu elles furent en leur entier , & les autres abfolument ruinées, il deman- da pourquoy ces raaifons étoient ainfi abandonnées : & le Cacique ou Capi- taine luy répondit, à ce que dit Gard* laiTo , liv. t. chap.i.que c'étoit parce qu'il étok mort quelques perfonnes en c^s lieus»ià. Les anciens Péruviens fe mettoient même dans le tracas dVa ! tel des Iles Antilles. 477 d'vn tel déménagement 3 s'il arri- vent que leur logis vint à être frappé de la foudre. Car alors ils Tavoient en fi grande abomination, qu'ils en mu^ roient auffi-tôt la porte avec des pier- res & de la boue, afin qu'il n'y entrât iamais perfonne» On dit qu'autrefois les hommes de la Province de Quito au Pérou * n'a- voient point de honte de s'aiïujetir à faire tout le ménage pendant que leurs femmes s'alloient promener : Et les anciens Egyptiens n'en faifoient pas moins * fi nous en croyons Hérodote liv.%. Il faut bien dire que le métier de faire la cuifine étoit eftimé bien no- ble dans la vielle Grèce. Car le bon homme Homère reprefente en fon I- liade Z.?. qu'Achille faifant luy-méme vn hachis* 8c mettant de la viande en broche* 3c tous fes Courtifans emplo- yez à la cuifine pour régaler les Âm- balfadeurs d'Agarnemnon. Et pour le poiflon, il a toufiours eu ce privilège* comme il a encore aujourd'huy * que les perfonnes de qualité 5 ne dédai- gnent pas de le favoir aprêter. Mais parmy les Caraïbesyles hom- gy ^=gMy^N*»^J,,,*^a^^s«a F" s ! I * *: 47S Histoire Morale mes tiennent tous ces emplois & tm$ ces ces occupations pour indignes d'eus. Ils font d'ordinaire à la campa- gne. Mais leurs femmes gardent foi- gneufemcnt la maifon , & y travail- lent. Ils abbatent,à la vérité, le bois ^de haute futaye, necefiaire pour leurs iogemens : lis bâtifïent les maifons, & il font foin d'entretenir l'édifice des réparations necelïaires. Mais Les fem- mes ont la charge de tout ce qu'il faut pour la fubfiftance de la famille : Ils vont bien à la chalfe ôc à la pêfche, comme nous le dirons cy- après. Mais ce font elles,qui vont quérir la ven ai- ion au lieu où elle a été tuée,& lepoif- fon fur le bord de l'eau. Enfin, ce font elles -, qui ont la peine de chercher le Manioc , de préparer la Caflaue,& le Ouïcou , qui eft leur bru v âge le plus ordinaire, de faire la cuifîne, de culti- ver les jardins , & de tenir la maifon nette & le ménage bien en ordre/ans conter le foin qu'elles ont dépeigner ôc de rocouër leurs maris , & défiler le cotton pour IVfage de la famille. De forte qu'elles font en vne occu- pation ©es Iles Antilles. 479 pation continuelle 3 & en vn travail fans relâche, pendant que leurs maris courent les c-hams & fe divertilïènt: reflèmblant plutôt ainfi à des efclaves, qu'à des compagnes. Dans les Iles de Saint Vincent , & de la Dominique , il y a des Caraïbes qui ont plufieurs Nègres pour Efcla- ves , à la façon des Efpagnols & de quelques autres Nations. Ils les ont en partie , pour les avoir enlevez de quelques terres des Anglois : ou de quelques navires Efpagnols , qui fe font autrefois échouez à leurs coftes. Et ils les nomment Tamons , ceft à dire Efclaves. Au refte> ils fe font fer- vir par eus > en toutes les chofes ou ils les employent avec autant d'obeif- fance â de prompcitude,& de refpe£t, que le pourroient faire les peuples les plus civilifez. Quelcun pourroit peut - être de- mander icy y fur le fujet de ce ménage des Caraïbes 3 fi comme nous avons l'vfage des lampes > des chandeles, Ôc des flambeaus , ils ne fe fervent point auflTi de quelque lumière & de quel- que I I s 480 Histoire Morale que artifice durant la nuit , pour fu- pléer , dans le befoin , au défaut de la lumière du jour. Et de vray , ils ont apris des Chrétiens à fe fervir d'huyle de poiffon , & à mettre du Cotton dansées jampes, pour s'éclairer pen- dant les ténèbres de la nuit. Mais la plupart n'ont point d'autres lumières pour la nuit , qu'vn bois fort fufcep- tibie de feu , qu'ils confervent pour cet effet- j ôc que les nôtres , à caufe de cela, appellent bois de chandele. En effet , il eft tout retnply d'vne gomme graffe , qui le fait brûler comme vne chandele : Et ce bois "étant allumé, rend vue fort douce odeur. Ainfi les Madagafcarois vfent la nuit , au lieu de flambeaus & de chandeles, de cer- taines gommes qui prcnent aifément feu,lefquelles ils mettent en des creu- fets de terre,où elles font vn feu beau &c odorant. Que fî le feu des Caraï- bes vient à s'éteindre, ils favent le fe- cret d'en exciter avec deus bois de Ma- hot > qu'ils frottent l'vn contre l'au- tre : & par cette collifion ils prenent feu, Se éclairent en peu de terns,felon de des Iles Antilies. 481 de Lery cap.iy.C'efk ainfi que les Bre- filiens, au lieu de la pierre 3c du fufil, donc ils ignorent l'vfage 3 fe fervent de deus certaines efpecesde bois, dont l'vn eft prefqueauffi tendre que s'il é- toit à demy pourry , & i'autre,au con- traire, extrêmement dur : Et par la friâion &c l'agitation le feu s'y prend, de allume ce que Ton veut. On voit à Paris le même effet , en frappant l'vn contre l'autre certains bois d'Inde,qni fe trouvent dans les cabinets des Cu- ricus. Ceus qui ont voyagé vers l'embou- chure de le Rivière des Amazones, raportent qu'ils y ont veu des Indiens tirer du feu avec deus bâtons , mais d'vne fa (Ton différente de celle de nos Caraïbes. Car en ce quartier- là , ils ont auffi deus morceaus de bois , l'vn moi 3 qu'ils appladifent en forme de planchette, de l'autre qui eft tres-dur, en forme de bâton pointu parle bout, qu'ils piquent dans celuy qui eft mol, lequel ils tiennent arrefte contre terre fous leurs pieds. Et ils tour- nent l'autre avec les deus çaains, Tom. IL X d'vne 1 g^PryTV% 48 1 Histoire Morale d'vne fi grande vitefle, qu'enfin le feu prend à celuy de defïous & il s'enflam- me. Et comme il arrive fouvent qu'v- neperfonnefe laife en cet exercice, vne autre reprend promtement le bâ- ton 5 Se le tourne avec la même vi- tefle 3 jufques à ce qu'ils ayent allumé le feu, Au refte , bien que plufieurs eftiment que ces faiïons d'allumer le feu font modernes , il s'en trouve neantmoins des marques dans l'anti- quité , comme en le peut voir dans Theophrafte, Livre 7. de THift.des plantes. c\io. CHAPITRE XVI. Des Repas trdwmres des Caraïbes, LA plupart des peuples Sauvages Se Barbares , font goulus Se fales en leurs repas, comme dit de Lery chap, cf. Les Brefiliens mangent & boi- vent & par excès , Se fort falement, à toutes heures , ôc fe lèvent même la auièpour cet exercice. Les Canadiens font i>es Iles Antilles. 48^ font gourmans jufqu'à crever , & ne fe peuvent même refoudre à laiffer perdre l'écume du pot , félon Paul le Ieune en la Relation de la Nouvelle France. Iamais on ne les voit laver, ni leurs mains , ni leurs viandes. Ils nefaventnon plus ce que ccft que de s'effuyer en mangeant, &; ils n'ont point d'autres férvietes que leurs che- veus & le poil de leurs chiens , ou la première chofe qu'ils rencontrent, ainii que difent Rubriques & Car^ pin. Les grands Tartares en font de même.Ils ne lavent.jamais leurs écuel- les ni leurs marmites qu'avec le pota- ge même, & commettent d'autres vi- lenies , qui feroient trop horribles à reciter. Les petis Tartaies ne leur ce- dent guère en falfeté,& en gourman- dife 3 humant leur bouillon avec le creus de la main , qui leur fert de cuillier pour en prendre : Et man- geant la chair des chevaus -morts/ans ie donner la peine de la faire cuire au- trement , qu'en la biffant vne heure ou deus,entre la felle & le dos de leurs les Guinois^ceus du Cap de bonne E.fperance»&- certains autres Sauvages , dévorent la chair crue &C puante, avec poil & plumes* tripes ôc. boy ans 5 comme pourvoient iaire des chieiiSjfelon Vincent le B!anc,& Gar* eilaflo. Mais il faut donner ans CarajaV bes la louange d'être fobres , & pro- pres en leurs repas ordinaires , auiïi bien que cens du Continent 3 encore que quelques vns d'entr'eus ne méri- tent pas cet éloge , comme il n'y a point de règle fi générale qui n'ait Ion exception. Moniteur du Montel,dig- ne & fidèle témoin5rend ce témoigna* ge de fobrieté & de propreté à ceus qu'il a veus à S.Vincent , &ç ailleurs: Mais ils ne font pas tous fi retenus ni Ci propres. Et ceus qui les ont veus, entr'autres , à la Dominique, ne leur donnent pas cette qualité. Ce peuple mange fonventenfem* ble en la maiftm publique, comme nous le verrons plus particulièrement cy après , ou pour fe divertir Se faire la débauche , ou même pour s'entre- tenir! Dts Îles Antilles. 4% tenir de la guerre. & -des affaires dtt commun 3 comme autrefois les Lace* demoniens. Les femmes 3 comme eti quelques autres païs des Barbares^nê mangent point que leurs maris îva- yent pris leur repas>& ils n'ont point d'heure réglée pour cet exercice. Leur eftomaC/eit leur Horloge* Ils endu- rent fi {patiemment la faim 3 que s'ils retournent de la peiche 3 ils auront la patience de faire roitir le poiflbn à petit feu,fur vn gril de bois de la hau- teur de-deus pieds ou environ* fous le* quel ils allument vn feu fi petit, qu'il faut quelquefois vne journée 5 pour cuire le poiïlbn commeils le défirent.. Il y a de nos François qui en ayant mangé de leur façon , l'ont trouvé de fort bon goût , & cuit en perfection* Ils obfervent généralement en .toutes les viandes qu'ils préparent > de les faire ainfi cuire fort lentement & à petit feu. lis mangent d'ordinaire affis fur de petis fieges ; Se chacun d'eus a fa pe- tite tab]£ à part 9 qu'ils nomment V 3 MœtoHtoU} ■^O^SH? ■^Pry* i î *5 I 4S6 Histoire Moraï-e jMatoutou 5 comme Tacite- témoigne au Livre des Mœurs des anciens Al- ■Jettians,qaïl fe pratiquoit chez eux>8c comme dit Linfcotck 16. qu'il fe fait -encore -aujouia huy dans le lapon. Par fois suffi Us mangtntà terre , accrou- $>is fur leurs genou s , & en rond les vns auprès des autres. Pour nappes, ils n'ont point de linge comme nous, ni de pcaus comme les Canadiens , ni de nattes eu de taffetas comme kfc MiSdivois , ni de tapis comme les Turcs y & quelques autres peuples, mais de belles ôc ampjes feuilles de Bananier toutes fraiches , qui font très - propres a fervir de nape , étant de la grandeur que nous les avons teprelentées. Ce font auffi leurs fer- viettes, &: ils en mettent fur eus pour s'y efîuyer. Ils fe lavent toujours foi- gneufement les mains avant le repas* Et même dans leur cuiiîne,ils ne tou- chent jamais rien de ce que Ton peut manger3 qu'ils n'ayent les mains net- tes. Enfin , dans tous leurs repas or- dinaires, il paroit avec la fobriecé, vne propreté , que ton auroit pei- ne des Îles Antilles. 4§7 neàVimaginer parmy des Sauvages, Nous avons déjà die cy-deffus3 que leur pain ordinaire eft vne certaine galette aiïlz délicate, qu'ils appellent Cajfave , compofée de la racine du Manioc: Elle fe fait en cette forte^que nousfommes obligez de décrire icy, pour la perfe&ion de notre Hiftoire, bien que d'autres i'ayent reprefentée avant nous. La racine, bien qu'elle foit quelquefois de la grolleur de la cuifle , s'arrache aifément hors de terre. On la racle d'abord avec vn couteau , pour emporter vne petite peau dure qui la couvre, &c puis on la râpe ou grage ( félon la frafe du pais) avec vne râpe ou grage platte , de fer ou de cuivre, de bonne grandeur : &c on preife la farine qui s'en forme dans vn lac de toile , ou dans de lon- gues chauffes, ou poches,que l'on ap- pelle aus Iles Couleuvres, induftrieu- fement tiffuës de jonc ,ou de feuilles de Latanier, par la main des Caraïbes, pour en exprimer le fuc. Les Sauva- ges3 avant qu'on leur eut porté de ces râpes , fe fervoient au lieu de cela, X 4 de 5QSS<£g% i I i • 488 HistoiPvE Morale de certaines pierres dures ôc picotées, cjui fe trouvent fur leurs rivages. El- les lont femblables à nos pierres pon- ces. Quand l'humidité du Manioc eft bien tirée , on paiïe la farine par vn tamis, ôc fans la détremper avec au- cune liqueur, on la jette fur vne pla- tine qui n'eft quelquefois que de ter- re/ous laquelle il y a du feu. Lors qu'elle eft cuite d'vn cofté^on la tour- ne de l'autre. Et quand elle eft ache- vée de cuire > on l'cxpofc au Soleil, pour la faire durcir davantage, &c afin qu'elle fe puiife mieux conierver , on ne la fait pas pour l'ordinaire plus em- paille , que d'vn petit doit , & quel- quefois moins , lelon la fantaifie des Habitans.Elle le gardeplufieurs mois. Mais pour la trouver meilleure , il la faut manger fraiche d'vn jour ou deus. Il y en a qui ne la quitteroient pas pour nôtre pain ordinaire. Ec c'eft vne merveille, que d'vne raci- ne Ci dangereufe de fa nature , Ton fâ- che tirer par artifice , vne nourriture fi excellente , comme on voit dans le ■il lit ■■ I IF '" n^lrt' I li'Hli'i'i .^ n IHi il' t)ES îles Antilles. 489 le voyage de Brèves. Ainii les Mores,, mettant (echér au Soleil de certains Abricots mortels , qui croillent dans leur terre, &c le,s faifant puis après bouillir au feu > avec d'autres ingre- diens5 en font vu brnvage > dont on vfe aifez fouvent fans aucun danger^ 8c avec piaifir. Sur tout > la Caffave que font les Sauvages Antillois eft extrêmement délicate. Car ils ont tant de patience à faire ce qu'ils entreprennent > quMs y reuffiflent mieus que les François^ qui fe précipitent ordinairement en leurs ouvrages , &: qui n'ont pas iî tac commencé qu'ils voudroient avoir a- chevé. Mais nos Caraïbes travaillent à loifir , & ne confiderent pas le tems qu'ils mettent en leurs occupations^ pourveu que l'ouvrage foit bien fait. Que fî quelques Européens 5 qui ont de la Caffave , fe plaignent que cette nourriture n'eft pas laine 3 qu- elle gâte l*eftomac> quelle corrompt le fang 3 qu'elle change la couleur^ X f «|uJeik 1 I i 490 Histoire Morale qu'elle débilite les nerfs , Se qu'elle defféche le corps ; il faut eonfiderer* que comme TacoutUmance eft vne fé- conde nature , fi bien que plufieurs chofes , quoy que mauvaises en elles mêmes y lors qu'on les a acoutumées, ne imitent point à la fanté 3 auffi à. Toppofite y celles qui de leur nature font bonnes & innocentes ,. voire les meilleures , fi on ne les a point acocu tumées ,.. font par fois préjudiciables èc nuifibles. Et pour montrer cette. vérité, ceft que par cette faute d'a- coutumance , en la même forte que quelques vus de nos gens fe plaig- nent de la Caffave,les Hiftoriens nous rapportent & notamment Moreau en m Relation, de la guerre-faite au Bre- fil entre les Hollandois Ô£ les Portu- gais , que les B-refiliens étant enfer- mez avec les Hollandois au Fort Sain- te Marguerite 3 trouvoient étrange le pain ai les viandes qu'on leur diftri- feu-oit comme ans foldats , & dont il leur falloic vivre % Se fe plaignoient: qu elles les rendroient malades, & les .feitoient- mourir. Et à ce propos , eft; encore. — IIHh i MIF St^rt I 'l'I'UW'lj i^ tu ■ r des Iles Antilles. 491 encore extrêmement remarquable,- ce que nous lifons dans le Voyage de Monfieur des Hayes au Levant. C'eft- que ce perfonnage ayant à fa table quelques petis Tartares y qui ne fa- voient ce que c'étoit que de pain * il leur en fit manger, dont ils penferent mourir deus heures aprés^que ce pain qu'ils avoient mangé commença à s'enfler , & à leur caufer de grandes douleurs. On fait auiîi parmy les Antillois, Vne autre forte de pain avec du blé d'Efpagne, qu'on nomme Mays. Les Anglois qui habitent la Vermoude n'en vfent point d'autre. Quelques vns mangent auffi au lieu de pain > la racine appellée Patate > dont nous avons fait mention cy devant. Pour ce qui eft des autres vivres dont vfent les Caraïbes, leurs mets les plus comrauns,& dont le fervent auffi les Caraïbes du Continent* font; ■les Lézards 3 le Poiflbn de toutes for- tes : excepté la Tortue > & les Légu- mes , comme les Chous , les Pois3&: les Fèves, ainfi qu'on voit dans le X 6 yoyag^ 49* Histoire Morale. Voyage de François Gauches. Mars leur plus ordinaire manger ( bien au contraire des Madagafcarois qui ont cette nourriture en horreur ) eft de Crabes bien netoyées de leurs Co- ques -j Se -fricaflées avec leur propre graille, & avec du jus de Citron &c du Pyman , qu'ils aiment éperdu ment,& - dont ils 'rempliflènt toutes leurs fau- ces. Neantmoins, quand ils reçoivent des François , on d'autres Européens, ils nen sot pas fi prodigues, & ils s'ac- commodent en cela à leur goût , par vne complaifance & vne diferetien qui r/eft pas trop Sauvage.lls appellét le dedans de Crabe Taumaly : Et c'eft de cela qu'ils^ font leur ragoût le plus ordinaire avec de f eau, -de la moucha- che, ou fine farine de Manioc, & for- ce Pyman. Pour le -défier t ils vfeiït de fruits comme nous. Et d'ordinaire ils fe contentent de" Figues, de Bananes, ou d'Ananas. Que s'ils mangent delà chair , ÔC des chofes falées, Veft feu- iement par complaifance envers les Etrangers 5 pour n'être point impor- tuns à cens qui les reçoivent, Se pom gratifier des Iles An-tilles* ^$ gratifier ceus qui les vont voir» Car alors , ils appreftent la plupart des viandes félon leur goût. Et c'eft à cela qu'il faut ajufter ce que nous avons dic3qu ils ne mangent jamais de Sel,de Porceau^nideTortuë , ni de Lamâtin* Il eft vray > qu'il le trouve parmy ce Peuple certains hommes extrême- ment parefïeus Se mélancoliques qui mènent vue niifcrable vie \ Car ils ne fe nourriflent que de Burgaus , de Coquillages , de Crabes , de Soldats* Se de femblables infectes. Ils ne man- gent auffi jamais de potage, ni de chair i Ci ce n'eft de quelques Oifeaus qu'ils boucanét^c'eft à diie qu'ils font cuire fur labraife , avec leur plume* ■& fans leséventrer , & pour tout ra- goût > ils ne fe fervent que d'eau de Manioc 3 qui perd fa qualité veni- meufe étant bouillie, de fine farine de Manioc & de force Piman. Ils aifaifonnent quelquefois leurs viandes, d'vn déteftable affaifonne- ment , c'eft à dire de graifle d'Arouà- guçs, leurs ennemis irréconciliables» Mais cela n'a pas de lieu dans leurs repas Essësisssas; cas VttVTV» I I I I I *K 494 Histoire Motvaxb repas ordinaires : c'eft feulement m des jours folemnels de débauches xSc de réjoiiyflance.- Quant à leur boifTon ,-tout ainfi qu'en plufieurs endroits de 1* Améri- que > les mêmes grains de Mays qui fervent à faire du pain/ont employez à la côpoficion d'vn bruvage qui tient lieu de vin : &£ que parmy nous , des mêmes grains de blé qui compofcnt" nôtre pain,, nous faifons auffi de la bière ; de même , en ces Iles avec les racines des Patates & du Manioc 3 qui fervent de paillon compofe deus bru- vages^qui font ordinaires dans le païs, ILe premier de le plus commun qui le fait de Patates bouillies avec de Teau* s'apelle Maby. Il rafraîchit, ôc defal- tere merveiileufement3& il a auffi vue vertu âperitive qui fait évacuer tout le fable Se toutes les vifcofïtez des par- ties baflïs. Devient que l'on ne voit aucun de ceus qui s'en fervent , fe plaindre de la gravelle. L'autre brû- lage , que Ton nomme Oiikou ( d'vti nom approchant du Cao&in des Brefi- iens ), fe fait avec la Caflave même, boiiiliie DÏS IeES ÂNTIlX£;Si ^f bouillie pareillement dans de l'eaoi On le coule au travers d'vn tamis5que les Sauvages nomment HïBichet. Ce bruvage eft plus excellent que le Ma- by, de n'eft guère dif&rent de la bière en couleur & en forée. Les Indiens le rendent fort agréable 3 mais d'ailleurs d'vne telle vertu, que fi Ton en prend beaucoup > il enyvre comme du vin. Ils le font de Caflave bien riffolée fur la platine > puis mâchée par des fem- mes , ôc versée dans des vaifleaus pleins d'eau : où après avoir infusé ôc bo'dilly environ deus jours par fa pro- pre vertu 3 fans feu y comme fait le vin nouveau * on coule en fuite l'in- fufion par vn tamis. Et le fuc que l'on en tire étant confervé deus au- tres jours 3 fe trouve dans fa perfé- éfcion pour être bû. Au refte y pour faire bouillir cette compofition 5 on met dans le v-ai fléau deus ou trois ra* cines de Patates râpées bien menu. Et- il eft vray que cette coutume que les Sauvages obfervent 5 de mâcher la Gaffa ve avant que de la jetter dans le vaiffeau > eft dégoûtante au poffible; Mais 8 I 1 I 49^ Histoire MoHaie Mais auffi eft-il confiant, que le breu- vage qui eft compofé de cette force, eft incomparablement meilleur eue celuy qui eft fait autrement. On fait auffi le Oukou d'vne autre faiîbn , fans racines de Patates. C'eft qu'après que la CalTave eft tirée de deflus la platine 3 on la met quelque part dans la café , ôc on. la couvre de feuilles de Manioc • & de quelques pierres pelantes, pour la faire éebau. fer.Ce qui fe fait durant trois ou qua- tre jours. Après quoy on la" met en -Çiufieurs morceaus , que Ton étend M des feuilles de Bananier y ôc pm& on les arrofe d'eau légèrement , de on les laiffe à découvert. Quand la Caflàve a demeuré vne nuit ainfi, el- ie devient toute rouge ; Et c'eft alors qu'elle eft bonne à faire le Ouicou > & quelle fait bouillir fon eau fans ra- cines de Patates. On la nomme Ca]fa- on tire en cqs Iles vn excel- lent vin de ces precieus rofeaus qui donnent le Sucre. Et c'eft le bruva- ge le plus eftimé, qui fe fa lié aus An- tilles. On le nomme Km de Canner. & II i i 498 Histoire Morale & il y a vn fecret particulier pour fe faire. H s'en taie plus à Saine Chrifto- fle qu'ailleurs , à caufe de la quantité de Cannes qui y font plantées. Le fue de ces Rofeaus , s'exprime dans va moulin drefle tout exprès pour cet v- fage. Et puis on le purifie avec le feu dans de grandes chaudières. Il fe pût eonferver long-tems en fa bonté : Ec il a v ne douceur &r vne certaine poin- te.qui le feroienr prefque pafler pour du vin d'Efpagne. On en fait auffi de 1 eau de vie , que l'on appelle eau de vie de Cannes, ôc qui fe garde mieus- que le vin de ces mêmes Rofeaus. Il n'y a rien dans la matière de ces ïepas ordinaires de nos Antillois, qui puiiïe fembler tenir du Sauvage , que pût- être le lézards : mais cela ne vaut- il pas bien les grenoii lies Se les efear- gots^dont quelsques- vns mangent en cqs quartiers l Et qui ne fait qu'en Eipagne il fe mange force Afnons? Après tout 3 que Ton compare le vi- vre de nos Caraïbes avec ceiuy des Canadiens 5, qui outre l'écume , dont nous avons dit qu'ils mangéc,boivenc d'ordinaire de vilaine & (aie graiflè,. ©es Iles Antilles. 499 & préfèrent la chair de l'Ours à toute autre viandetAvec celuy des habitans de l'Ile de Fort-aventure , Tvne des Canaries , qui manant du fuif en a- bondanee : Avec celuy des Tartares, des Perfes , des Chinois , des Huan- cas, Nation du Pérou, 8c des Nègres d'Angole, qui vivent communément de chair de Cheval, de Chameau a de Mulet, de Loup, de Renard y d'Afne* de Chien, & du fang de cqs Animaus en bruvage : Avec celuy des Indiens de l'Orient , qui trouvent la chair de Chauvefouris auffi delicieufe que cel- le de la Perdrix : Avec celuy desBre- fîliens qui fe nourrilfènt de Crapaus^ de Rats, 6c de vers:Ou enfin,avec ce- luy des Tapuyes , & de quelques au- tres Barbares , qui mangent des che- veus découpez fort menu > 8c méfiez avec du miel Sauvage , 8c qui iaupou- drent leurs viandes de la cendre des. corps brûlez de leurs parens , & la paîtrilïènt avec de la farine > Ce qui caufe de l'horreur leulemcnt à le re- prefenter : Que l'on faife,dis je 3 vne compacaifon de tous ces infâmes ra- 500 Histoire Morals goûts avec cens de la Nation Caraïbe} Et Ton trouvera que dansfon manger ordinaire , elle n'a rien de barbare. Il ne faut pourtant pas diffimuler , que quelques- vns de nos François rappor- tent,qu'ils ont veti par fois les Caraï- bes manger des pous & des chiques qu'ils avoient pris, comme on le dit des Mexicains,& des Cumanois : mais ils n'en font pas vn ordinaire, & cela eft particulier à quelques » vns d'eus, joint qu'ils ne le font pas pour aucun goût qu'ils trouvent à ces vermines: mais feulement pour fevanger, de rendre la pareille , à ce qui leur a fait du mal. Au refte , l'horreur que les Caraï- bes avoient autrefois de manger du ■Porceau,de la Tortue & du Lamantin, pour les plaiiantes raifons que nous avons allégué cy-deiîus , alioit iuf- qu'à tel point , que fi quelqu'vn des nôtres leur en avoit fait manger par furprife , & qu'ils vinifent puis après à le (avoir, ils s'en vengeoient aii'u- rement tôt ou tard. Témoin ce qui ar- riva à vue perfonne de marque d'entre nos des Iles Antilles. 501 nos François.. -Ce perfonage recevant yifite du Cacique , ou Capitaine des Sauvages de l'Ile où il école , le traie- ta par raillerie de Lamantin deguifé en fajlbn d'hachis, le Cacique, dans la défiance où il écoit de ce qui luy arri- va , pria le Gentil-homme de ne le point tromper. Et fur Tallurance qui luy en fut donnée , il ne fit point de difficulté de manger. Le difner étant achevé nôtre Gentil-homme décou- vrit la fourbe au Cacique & à fa com- pagnie , pour avoir le plaifir de leurs difeours ôc de leurs grimaces. Mais ils eurent affez de pouvoir fur eus-mê- mes , pour diffimuler leur dépit. Et le Cacique fe contenta de dire en riant, He bien Compère nom rien mourrons pat* Quelque tems après, le Gentil- hom- me luy fut rendre la vifite, Il le re- çeut avec toute forte de civilité , ôç luy fit grand chère. Mais il avoit don- né ordre à fes gens , de mettre dans toutes les faufles de la graille d* Arouâ- gue , dont les principaus Indiens ont toujours provifiô chez eus. Après que çét infâme repas fut finy, le Cacique plein foi Histoire Moraxe plein de joye detnâda au Gentil-hom- me 5c à fa troupe 3 s'ils fe trouvaient bien de fon traittement. Eus s en lo- uant fort , 6c luy en faifant des re- mercimens, il leur apprit fa malice, dont la plupart eurent tant de créve- cœur , 8c tant de bondûTemens & de dévoyemens d'eftomac > qu'ils en fu- rent grandement malades. Mais l'In- dien fe moquant d*eus difoit , qu il avoit fa revanche. Ceus qui ont fréquenté depuis peu les Caraïbes de la Dominique Se de la Martinique , difent qu'à prefenc, ils ne font pour la plupart aucune dif- ficulté de manger du Lamantin , de îa Tortue > du Porceau , 8c même de toutes les autres viandes qui font en yfage parmy nous , 8c qu ils fe rient de cette fimplicité 5 qui les obli- geoît de s'en abftcnir , crainte de par- ticiper à la nature 8c aus qualitez de cçs Animaus* Ils ont auffi beaucoup relâché de cette grande feverité, dont ils vfoient à l'endroit de leurs femmes. Car el- les ne vont plus que rarement quérir la 1 î>es Iles Antilies. 505 lar pefche de leur mary : Et quand ils ont été à la pefche,, lemary & la fem- me mangent enfemble. Elles vont auffi plus fouvent au Carbet , pour participer au feftin de à la rejouïflan- ce publique, qu'elles ne fait oient a- vant que leurs maris euilent eus la cô- munication familière des étrangers, CHAPITRE XVII. Des Occupations & des Divertijfe- mens des Caraïbes. ALexandre le Grand eftimoit que le travail eftoit vne chofe vray-. ment royale, comme dit Plutarque en la vie de ce Prince. Et Ton voit enco- re au)ourduy dans le Serrail d'Andri- nople des outils , dont Amurat fe fer- voit pour faire des flèches , qu'il en- voyoit à des prineipaus de fa Porte, Les Péruviens méritent auffi fur ce fujet-Jà, beaucoup de louange. Car les Roys du Pérou , ainfi qu'on voit dans le Voyage de des Hayes au Levant, .avoient 504 Histoire Morale avoient fait des Loys & écably des lu- ges particuliers contre les Faineans 8c les Vagabons. Iufques-là , qu'il faU ioit que les enfans de cinq ans s'em- ployaffent à quelque travail qui fufl: conforme à leur âge : Et ils n'épar- gnoient pas même les aveugles , les boiteus , & les muets \ les occupant à diverles chofes où Ton pouvoit tra- vailler de la main, félon le Commen- taire Royal de GarcilaiFe, liv.$>ch>i i. & liv.6. cûkp*iy Mais il s'eft trouvé des Peuples fi lâches, que détenir l'Oifivcté pour vne chofe fort belle, ôc fort honorable, comme on voit en Hérodote Imp Et les Hiftoriensdes Indes Occidentales, & notamment du Laè't en fon Hiftoirede l'Amérique, nous parle de certains ftupides , ÔC brutaus Indiens de la nouvelle Eipa- gne & du Brefil, qui ronflent tout le long du iour en leurs cabanes , pen- dant que leurs femmes leur vont cher- cher des racines pour manger. Nos Caraïbes ne reffernblcnt pas à ces Faineans. Car on les voit travail- ler, & prendre plaifir à diverfes fortes d'exercices des Iles Antilles. 505 d'exercices. Les principaus ôc ceus qui leur font les plus ordinaires, font la châtie & la pefche , où ils emplo- yait vne bonne partie de leur tems, mais particulièrement a la pefche. On ne les voit gueres fortir de leurs mai- fons fans arc 5c fans flêches.Et ils font admirablement adroits à s'en fervir, s'habituant à cet exercice, comme les Turcs , dés leur plus tendre jeunefle. Ce qui fait qu'avec le tems, ils fe ren- dent fi habiles & fi aflurez à tirer de l'Arc, que de cent pas ils mettroient dans vn quart d'écu , fans jamais y manquer. Et même ens'enfuyant ils favent tirer adroitemeut fur leurs en- nemis, comme faifoient autrefois les Parthes , comme on voit au Livre des luges chap. 20. Il y avoit encore plus de fujet d'admirer ces gauchers Beniamites qui frondoient à vn che- veu, Se n'y failloient point. Lors que les Caraïbes fortent pour la chaile ou pour la pefche, ils ne mè- nent pas avec eus leurs femmes, comme certains Brefiliens qui les font toujours marcher devant eus, Tm. II. Y tant $o6 Histoire Morale Cane ils fonc jalous : Mais quand ils ont pris quelque chofe , ils la laiffent fur le lieu , & les femmes écoyenc au- trefois obligées à l'aller chercher , ôç à Tapporter au iogis^comme nous l'a- vons déjà touché. On dit que les Ca- nadiens en font tout de même. Il n'y a point chez les Antillois, îiou plus que parmy tous les autres Indiens Occidentaus,de diftin&ion de qualité pour la chaile:& l'exercice en eft auili libre au plus petit d'entr'eus, qu'au plus grand. Comme en leurs repas particuliers, ils ne fe fervent d'aucune chair , s'ils n'ont des Etrangers à leur table., auffi ne vont ils pour l'ordinaire qu'à la chaife des Lézards. Et s'ils font quel- que autre chaiïè3c'eft en des occafions extraordinaires , lors qu'ils veulent traitter quelques « vns de leurs amis d'entre nos Européens : où bien lors qu'ils les vont voir, & qu'ils veulent tirer d'eus quelque marchandife en é- change. Ils font merveilleuferrsentfubtils à péfcher à l'hameçon ôc à tirer le poif- fon dès Iles Antilles, jdj fon avec la flèche. Et ion ne fauroie allez admirer leur paciéce en cet exer- cice. Car ils y demeureroient quel- quefois vn demy jour jtout entier fans fe laffer. Et lors qu'après avoir guet- té long-tems le poiflon > ils viennent enfin à en appercevoir quelque gros ôc puiflant, qui foit à leur gré & bien à leur main , ils tirent ddïîis avec la flèche ., de même que les Brefiliens. Et comme ils font excellemment bons nageurs : 3 ils fe jettent à 1 mftant ens- niêmes à corps perdu après la flèche* four fe faifir de leur proye , comme dit Iean de Lery , chap.i z. Mais ou- tré l'hameçon Se la flèche avec quoy ils prennent le poiffon, ils favent auffi heureufement plonger auprès des ro- chers 3 & le tirer des cavernes où il eft caché : femb labiés en cela aus Flo- ridiens 5 qui n'attendant pas que le poison vienne à fe montrer , le vont chercher jufqu'au fond de Feau , & l'y aflomment à coups de mailuë. Si bien qu'on les voit remonter tenane d'vne main la befte s & de l'autre k mafue, félon Iofcph Acofta/**. Z%M U Y i ' I \ 508 Histoire Moralb ôc François Pirard i.part.ch. 2. C'eft vue choie commune entre les Sauva- ges y que d'eftre ainfi grands nageurs* Et Ton affure nommément des Bre- ■filicns > des Maldivois , de quelques Péruviens , & des habitans des Iles des Larrons , qu'ils peuvent paiTer pour anfibies. Que (î les autres inventions pour la. . peiche viennent à manquer à nos Caraïbes, ils ont recours à vn certain bois lequel ils battent , l'ayant coupé en morceau?. Puis ils le jettent dans Ses étangs , ou dans les lieus où la mer eft coye. Et c'eft comme vne mo- mie fouveraine si avec quoy ils pren- nent du poiiïbn tant qu'ils veulent. Mais ils ont cette prudence de ne fe point fervir de ce dernier artific'e,que dans la neceffité, pour ne pas faire vn trop grand dégaft. Apres la chafle & la pèche , ils s'a- donnent àplufieurs menus ouvrages, comme à faire des li&s de cotton,fort bien ri(Tus»&; qu'ils nomment Arnacs. Les femmes filent le cotton fur le ge- nou , & ne fe fervent pour l'ordinai- re, t>E$ Iles Antilles. 505) re>ni de fufeau*ni de quenoiïille.Mais il y en a à la Martiniqne s qiii en ont appris Tvfage de quelques Françoi- ks. Elles le favent auffi parfaitement bien retordre : Mais dans quelques Iles les hommes font la tilTure du lilfc. Ils font outre cela 3 des paniers de , joncs ôc d'herbes > de diverfcs cou- leurs : des fîéges de bois poly 5 qui font tout d'vne pièce , des petites ta- bles , qu ils appellent Matoutopi > cil— fuës de feiiilles de Latanier > des ta- mis nommez Hibichets , des Catolû, qui font de certaines hottes, pluiîeurs fortes de vafes , de de vaifFeaus , pro- pres à fer vira boire & à manger* qui font poiis,peints & enjolivez de mil- le grotefques &c enluminures agréa- bles à la veuë. Ils font auffi quelques petis ornemensjcomme les ceintures, les chappeaus ôc les couronnes de p!u- mes*dont ils fe parét les jours de leurs fêtes ôc de leurs rejouïflances publi- ques. Et les femmes font pour elles des demy- bonnes.* ou des demy-chauiles de cotton. Mais fur tout ils s'appli- quent avec foin à façonner & à polir Y 5 leurs 1 I « * m fK\ jio Histoire Morale kurs armes , c'eft à dire leurs arcs,» leurs fiée h e s, & leurs boutous ou maf- fue's , qui fe font de bois dur & poîy,» èc qui par le manche , font eurieufe- ment ornez de bois_& à3os de diveiv {es couleurs. Ils ne soc pas moins foigneus de tra- vaillera leurs P'iraugues , ou vaiffeaus de mer, 8c à tout leur appareil de paix & de guene.lis les font di'vn feul gros arbre , qu'ils creufent , rabottent , &C poliflent avec vnc dextérité nonpa- t eilie. Les grandes Fkaugues font par fois huvées , c'eft à dire rehawiTées, comme on parle,par haut,tout àTen-* tour, fur tout au derriere,de quelques planches ajoutées. Quelquefois ils y peignent leur Maboya. V&ï fois des Sauvagcs,ô.u- des grotefques»Ces cha- louppes portent fouvent iufqu'à cin- quante hommes,avec leurs munitions* de guerre. Avant qu'ils euflent com- munication avec les Chrétiens , qui leur ont fourny toutes fortes de coi- gnées , ..'& d'autres outils de charpen- terie & de menuyferie , ils avoient mille peines à venir à bout de faire leurs ses Iles Antilles. 51 s leurs vaiiTeaus, comme die de Lery chap.i 3. Car ils étoient obligez*com- nie les Virg.iniens & quelques autres Sauvages, à mettre le feu au pied des arbres , & à les environner de moufle mouillée vn peu au deflus du pied pour empefeh-er le feu de monter : Et ainfi ils minoient l'arbre peu à peu. Apres > ils fe fervoienc pour tailler le bois, de certaines pierres dures, aigui- fées par le bout3aveclefquelles il cou- poient ôc creufoieut leurs Piraugues. Mais c'étoit avec vne longueur de x tems fi pénible & fi ennuyeuîe,qu'ils reconnoilTent aujourd*huy l'obliga- tion qu'ils nous ont > de les en avoir délivrez , Ôc s'eftiment heureus de la facilité qu'ils ont à prefent en leurs ©uvrages,par le moyen des ferremens dont ils font pourveus. Ainfi les Pé- ruviens, comme nous allure Garcilaf- fo en fon Commentaire Royal, /.i. ca 1. tenoient pour vn fi grand bon- heur ces outils que leur avoient ap- porté les Européens , que Pvfage des cifeaus s'étant introduit dans le Pérou par le moyen des Efpagnojs , il y eut Y 4 vu i»:-^« 5 11 Histoire Morale vn Indien de qualité , qui n'en pou* vant allez louer l'invention s difoit à l'vn d'eus 3 que quand les Efpagnols n'auroient fait autre chofe que leur a- porter des rafoirs, des cifcaus,des pei- gnes , 8c des miroirs 3 cela pouvoit fuffire pour les obliger à leur donner libéralement * tout ce qu'ils avoient d'or & d'argent. Les Caraïbes s'employent auffi à faire des pots de terre déroutes fortes^ qu'ils favent cuire en des fourneaus, comme nos potiers. Et avec cette mê- me terre 3 ils forment àes platines, fur léquelles ils font cuire la Calfave.. L'adreffe qu'ils ont à tous ces petis exercices que nous venons de décri- re y témofgnent allez qu'ils appren- droient ailement plufîeurs métiers de nos Artifans , fi on leur en donnoit la connoiflànce. Ils fe plaifent fur- tout à manier les outils des Charpen- tiers & des Menuy fiers : Et fans avoir appris comme il s'en faut fervir , ils $n favent faire plufieurs ouvrages,de- pnis que nos gens les ont accomrao- dez.Dequoy donc vrayfemblablement ne i>ES Iles AwîiLtEs. 515 ïie feroienc - ils point capables > s'ils étoient inftr-uits * &c exercés par des bons maîtres, & qu'ils fifieni leur api prentiflage fous eus. Comme ils aiment fort les divertif- femens &c la récréation > anfli recher- chent-ils avec paffion tout ce qui pût les entretenir en bonne humeur > & c h a (1er la meiancholie. Pour cet efet> ils fe plaifent à nourrir & à apprivoi- fer grand nombre de Perroquets & de petites- Perriques, ou Arrats>aufquels ils apprennent à parler. Pour fe divertir > ils font plufieurs ittftrumens de Mufique i fi on les pKk appeller ainfi, fur lefqoels ils forment des accords. Comme entr'autres fuc de certains Tambours > faits d'vn ar- bre creus, fur léquels ils étendent vne peau d'vn feul côté, à la facondes Tambours de Bafque. On peut iom- •dre à cet exemple vne forme d'Or- gues , qu'il compofent avec des Cal- lebaiîes, fur léquelles ils pofent vne Corde faite d'vn fil de rofeau, que l'on nomme Pite. Et cette corde étant Y 5 ; touchée __ 514 Histoire Morale touchée rend vn fon qui leur agrée fore. Le concert de beaucoup- d'autres Sauvages , ne vaut pas mieus que le leur y & n'eft pas moins pitoyable de moins difeordant à-l'oreille des Fran- çois. Ordinairement auffi , le matin à leur lever ils fe mettent ai jouer de la flûte. Ils en ont dediverfes (ortes^auiîi bien polies que les nôtres : quelques vnes faites des os de leurs .ennemis.. Et plufieurs d'entr'eus.enfovent jouer avec autant de grâce que Ton pour- roit s'imaginer pour des Sauvages, bien qu'en cela ils n'approchent pas des François. Pendant qu'ils jouent ainiî de la flute,les femmes appreftenc le déjeuner. Ils palFent eneore le temsà chanter quelques airs, qui ont des refreins aiîez agréables. Et avec ces chanfons en la bouche, ils fe divertiiXent quel- quefois vn demy jour, affis fur de pe- tis fiéges, à voir rôtir leur poifibn. Il$;| mettent auffi des pois ou de menus caillons y comme les ¥irgimiens, ttÀ des calebaiïes5parle milieu dèfquelles ■ ils font palier yn ballon, qui leur fert: des Iles Antilles, fif de manche. Et puis ils les font fon~ neren les renouant. C'eftainfi qu'en ces quartiers les femmes appaifent &c divertiiïènt les enfans avec des jouets & des fonnettes.La plupart des chan- fons des Caraïbes , qui font fort fré- quentes en leur bouche3 font des rail- leries fanglantes de leurs ennemis.Les autres font fardes oifeaus > ou fur des poiflbns y ou fur des femmes , & le plus communément fur quelque ba- dinerie.Et il y en a beaucoup qui n'ont: ni rime ni raifon. Souvent auffi nos Sauvages Antil- lais 5 joignent la danie à leur Mufi- f ue : Mais cette danfeeft auffi belle & auffi bien réglée > que leur Mufique a de douceur 3c de judefTcOn voit vne bone partie des peuples Barbares s'a- donner à cet exercice, avec v-nepaf- fion démcfurce5comme pour exemple les Brefiliens 3- qui au raport de lean de Lery, danfent jour ôc nuit.Et nous avons déjà dit, qu'il y en a beaucoup,, qui font même eonfifter en danfes, fcur imaginaire félicité de l'autre vie0 Mais les Caraibes vfent particulier ;¥ S cernent I I I I I 5 16 Histoire Moralb rement de danfcs dans leurs feftins folennels > en leur Carbet ou mai fou publique. Ces feftins fe font avec cet ordre. Quelques jours avant cette ré- jouïflance publique , le Capitaine en avertit toutes les maifons, afin que chacun ait à fe trouver au Carbet, au jour affigné. Cependant , les femmes font vne forte de boiflbn de Cailaue rôtie,. .& mieus préparée que celle dont ils fe fervent à l'ordinaire. Et comme ils augmentent la dofe des in- grediens de cette boiflbn , elle a aufli plus de force3& elle eft capable d'en- yverauffi facilement que le vin. Les hommes de leurçoftc vont à la pef- che , où à la chalïe des Lézards. Car pour les autres viâdes,nous avons dé- jà dit qu'ils nen préparent point pour leur table s ils n'ont des étrangers à tramer. Au jour nomméjiommes & femmes fe peignent le corps de di- vertes couleurs & de diverfes figures, 6 fe parent de leurs couronnes de plumes s de leurs plus belles chaînes, &de leurs plus beaus pendans d'o- reilles , colliers é bracelets , &c autres ornement des Iles Antilles. 517 ornemens. Les plus galans fe frottent le corps d'vne certaine gomme , Ôc foufïlent déilus du duvet de divers oi- feaus. Enfin , ils fe mettent fur leur bonne mine , ôc s'efforcent de paroi- tre le plus qu'ils peuvent en cette fo- lennité. Eqmppez de la forte , ôc fe mirans en leurs plumes > ils vien- nent à l'alfemblée. Les femmes y ap- portent le bruvage ôc les mets qu'el- les ont préparez, ôc font extrême- ment foigneufes qu'il n'y manque ri- en, qui puiife contribuer à la réjouïf- fance. Nos Caraïbes employent tout ce jour , ôc la meilleure partie de la nuit à faire bonne chère > à danfer3 à s entretenir , & à rire. Et dans cette débauche , ils boivent beaucoup plus qu'à l'ordinaire : c'eftàdireen vn mot , qu'ils s'enyvrent : Les femmes même le font par galanterie. Lors qu'ils peuvent trouver du vin & de l'eau de vie, pour méfier dans cette fefle,ils ne s'y épargnent pas non plus, ôc s'en donnent au cœur joye. Si bien que ce que nous avons dit de leur fo- brieté ordinaire,n'a point de lieu dans ces I Ji8 Histoire Morale ces rencontres^non plus que lorsqu'- ils fe préparent à aller à la guerre * ou qu'ils en retournent. Quoy qu'au? fonds ils n'aillent pas iufqu'à l'extré- mité des Brefiliens * qui dans leur réjouïilànce y boivent deus ou trois jours entiers fans ceirer, & dans leur yvreffe^fe plongent en toutes fortes de vices. Leuryvrognerie de leurs débauches font fréquétes.Car ils en font.i.Pour tenir leurs confeils de guerre.z. Lors qu'ils retournêt de leurs expéditions* foit qu'ils y ayent reuffi ou non. 3, Pour la naiflance de leurs premiers enfans mafles.4. Quand on coupe les eheveus à kurs enfans. j. Quand ils font en âge d'aller à la guerre. 6. Pour aBatre vn jardin félon leur ftile * c'eft à dire 3 pour couper des bois £ décou- vrir & défricher la terre* & la prépa- rer pour vn jardin. 7. Quand ils traî- nent à la mer vn Vaiffeau neuf. 8. Èk quand ils ont été guéris de quelque maladie. Jls. nomment ces Afiem- blées Oukou.Sc dépuis qu'ils ont con- vecfc avec les François* Vin. Mais: ^ ©es Ixes An t riEE s. m^ Mais à roppofite auffi ,, tant leur humeur eft en cela bizarre & con- traire à foy même 3 ils font de grands & de ridicules jeufneurs. Et i. ils }euf- nenc lors qu'ils encrent en adolefcen- ce. 2. Quand on les fait Capitaines. 5, A la mort de leurs Pères , ou de leurs Mères. 4. A la mort du Mary 3 ou de la Femme, j. Lors qu'ils ont tué vu Arouague : jeufne qui leur tourne h grand honneur. CHAPITRE XVII I. $0 Traittement que les Cariiez font À cem qui le s vont vî~ C'Eft icy ou nos Caraïbes trion- fenten matière de civilité pour des Sauvages. Car ils reçoivent avec toute forte decourtoifie ôc de témoi- gnages d'affeétion , les Etrangers qui abordent en leurs Iles >pour leur y rendre vifite,^ *ÊC ^ >< Jio Histoire Morale Ils ont des Sentinelles fur te bord de la mer a dans la plupart des Iles qu'ils poiïèdent tous ieuls. Ces Sen- tinelles font placées fur les monta- gnes , ou fur les eminehees qui dé* couvrent loin en mer >'& elles font posées en telle forte 3 qu'elles ont là veuë fur les lieus où il y a vn bon mouillage pour les Navires , & vne facile defeente pour les hommes. SU tort que ces gens -là apperçoivent vn Navire ^ ou vne Chalouppe venir à eus 3 ils en donnent avis à ceus dés leurs qui leur font les plus proches. Et en moins de rien > vous voyez pa- rêtre plufieurs petits Canos ou -vaif- feaus , dans chacun defquel sil n'y & au plus que trois hommes > qui font députez pour venir reconnoître qui vous êtes , & qui vous crient de loin, que vous ayez à le déclarer* Car ils ne fe fient pas au pavillon, parce eue fouvent ils ont été trompez : &' ils re- connoifTent à la voix fi Ton eft Fran- çois, Efpagnol , Anglois 5 ou HoU landois. Sur tout on dit qu'ils recori* noiflent les Anglois, On allure que des Iles Antilles. 52 les Brefiliens > &c les Péruviens ont l'odorat fî fubtil, qu'au flair ils difcer-*, lient vn François , d'avec vn Efpa- gnol. Quand les Caraïbes ne font pas bien alïiuez qui l'on eft, & qu'on de- fcend à eus les armes à la main, Se en pofture de leur vouloir malfaire* ils fe mettent en defence , fe iaififlént des avenues le plus étroittes de leurs ter- res â mettent des embufeades dans les bois>& fans qu'ils foiétapperceus^fui- vent de l'œil leurs ennemis,fe reculant par les voyes égarées,iufqu'à ce qu'ils ayent trouvé leur avantage , & qu'ils ayent vny toutes leurs forces. Et alors ils décochent vne giefle de flèches fur ces ennemis. Puis ils les environ- nent , viennent ans mains , & les af- fomment avec leurs mailuës. Ils font en quelques - vnes des lies vn gros, qui .eft parfois de 1500. hommes ÔC davantage, à ce qu'il parok ; car on ne peut pas (çavoir aflTuremét le nombre, veu qu'eus- mêmes , ne (cachant pas conter, n'en ont pas la connoiiïance. Que i I $%i Histoire Moraié Que s'ils fe fentcnt preffez de lents ennemis , ils fe cachent facilement, ô£ fe ghiFent panny les bnifîons henllez d'épines extrêmement piquantes , fe coulant adroitement par deflous : Ou bien ils grimpent des rochers inac- ceffibles à tous autres y Ou s'ils fons voifins de la mer,ils fe jettent dedans, & plongent : puis vont forcir à cent, voire à deus cens pas loin du lieu oè irons aviez la veuë\ Et en fuittc , ils fe rallient enfemble ans rendez- vous qui leur font connus,&; viennent de nou- veau à la charge3lors qu'on y penfe le ] moins5& que Ton croit les avoir mis en déroute. Mais quand ils retonnoiiïènt que ctus qui abordent, font de leurs amis, qui les viennent vifiter , comme lî ce font des François ou des Hollandois, après leur avoir crié qu'ils font les très - bien venus , ils vont en partie à la nage au devant d'ew,entrent dans leur vaiiîeau , ôc lors qu'il approche de terre , s'offrent à les porter à bord fur leurs épaules , pour témoi- gner leur a^re&ion dés l'entrée. Ce- pendant^ pes Iles Antilles, 525 pendant , le Capitaine lu y- même , ou ion Lieutenants vous attend fur le ri- vage. Et lors que vous mettez pied à terre y il vous reçoit au nom de toute l'Ile,& vous fait complimlt fur vôtre arrivée* Vous êtes auffi-toft conduits ien bonne compagnie au Carbet 3 qui cft la maifon de Ville, où les habitans tle l'Ile, chacun félon l'âge & félon le fexe de leurs nouveaus hoftes , vien- nent faire la bien*venuë. Le Vieillard complimente & careife le Vieillard: m jeune homme & la jeune fille, font le même envers leurs femblables > &C 4ans le vifage de toute la troupe , on peut lire clairement, la fatisfaction qu'ils ont de vous voir. / Mais le premier difeours qu'ils vous tiennent en vous abordant , eft de Vous demander vôtre nom, & puis ils vous difent le leur. Et pour témoigna- ge de grande arTe<5Hon,& d'amitié in- violable , ils fe nomment eus- mêmes du nom de leurs hoftes. Mais ils veu- lent pour la perfection de la cérémo- nie jque celuy qu'ils reçoivent fe qua- lifie aufïide leurs noms* Ainfi ils font va mjmmi 524 Histoire Moraië vn échange de noms. Ec ils ont la mémoire fi heureufe à retenir les noms de leurs amis & compères, qu'- au bout de dix ans ils s'en fou vien- dront fans aucune équivoque , & re- citeront quelque circonftance de ce qui s'eft pafféde confiderable en leur dernière entreveuë. Que fi on leur a fait prefent de quelque chofe , ils ne manqueront pas de le ramentevoir, pour témoigner leur reconnoiifance. Et fi la choie eft encore en être , ils ia montreront à celuy qui la leur avoit auparavant donnée. Après cous ces complimens de Sau- vages, qu'ils vous ont faits d'abord, lis vous prefentent des lias fufpen- dus , qui font fort nets & fort blancs, ëc qu'ils tiennent en referve pour de pareilles rencontres. Ils vous prient de vous y repofer,& en fuite ils vous apportent des fruits : Se pendant que les vns pourvoyent au feftin 3 les au- tres fe tiennent auprès de vous , pour vous entretenir , obfervant toufiours le rapport de l'âge ôc du fexe. Cet accueil fera trouvé fans doute, bien -J^N/Vk^TL*J des Iles Antilles. 525 bien plus raifounable queceluydes Caraïbes du Continent Méridional* qui reçoivent leurs hoftes d'vne fa- çon fort bizarre * de qui eft fembla- bleàcelle que pratiquent les Cana- diens. Car le Cacique de ces Caraï- bes conduit en la maifon publique* fans parler aucunement * ceiuy qui les vient voir > puis on luy prefente vn fiege & du Tabac * & on le laide ainfï quelque teins fans luy dire mot* jufques à ce qu'il fe foie repofé * & même qu il ait achevé de, humer fon Tabac. Alors le Cacique approche &C luy demande s'il eft venu? L'autre ré- pondant qu'ouy* il fe fied prés de luy* & i'entretient.Puis après ceus du com- mun viennent , luy demandant en la même forte * s'il eft venu ? Et luy a- yant prefente à manger * ils s'entreti- ennent aufli fort agréablement. Or il eft bien vray * que nos Caraïbes In- fulaires pratiquent dans la réception de leurs hoftes * envers ceus de leur Nation qui font étrâgers de leurs Iles* la même chofe que les Caraïbes du Continent : Mais quand ils reçoivent des agâfi f I I i: i 3 VW>^" ■•516 Histoire Morale des François ,-& d'autres Européens* qui ne fa vent pas garder le filence fi long-temps * ils parlent à eus , & les entretiennent d'abord , comme nous avons dit , s'accommodant à leur hu- meur^ Se contrevenant pour leur com- plaire, aus règles de leurs propres cé- rémonies.. Mais le feftin qu'ils leur veulent faire eft déformais préparé. Voyons donc comme ils s'y gouvernent. Ils donnent donc à chacun fa petite ta- ■ble,& fes mets à part comme les Chi- nois. Les vns apportent des. Lézards rôtis 5 comme nous raconte Trigaut Uv.i.chapsjAes autres des Crabes fri- caflees : quelques- vns des legumes*,& d'autres des fruits , ÔC ainfi du refte. Pendant le repas , ils vous entretien- net, & vous fervent avec vn foin mer- veilleux On ne leur fauroit faire plus de plaifir5que de bien boire & de bien manger 9 de vous ■ver-fer à boire , & de prendre garde fi chaque table eft bien fournie. Il ne faut rien lai ilèr dans le vaifleau en bu- vant fSMfeg»»i des Iles Antilles. 527 Tant , fi vous ne voulez les mécon- tenter. Que (i vous ne pouvez mâger [toute la Cailàve qu'ils vous ont don- née , il faut prendre le reftc fur vous, & remporteLjautrement vous les des- - .obligeriez. Ainfi les Turcs, quand ils fe trouvent aus tables de leurs amis» ont acoûtumé de remplir leurs mou- choirs , & quelquefois les manches de leurs robes,de morceau s de viande & de pain qu'ils emportent chez eus» ainfi que dit Bufbequius,/ii>.4. Et par» my les grans Tartares,quand vn con- vié ne peut achever toute la viande qui luy a été prefentée , il faut qu il donne le refte à ion valet, pour le luy garder 3 où bien quM l'emporte luy *- même -en fon efcarcelle,où il ferre au- fi les os , quand il n'a pas eu le tems de les bien -ronger, afin de les ache- ver après, tout à fon aife , ainfi qu'on voit dans le Voyage de Rubruquisen. Tartane : Mais pàrmy les Chinois, quâd le convié s'en retourne chez luy, les ferviteurs du conviant portent a- vec luy, les mets qui font reftez fur la table. Âpres WR*»~ i 518 Histoire Morale Apres le repas , les Caraïbes vous mènent promener en leurs maifons particulières, & en leurs jardins,vous montrent leurs armes , leurs curiofi- tez y de leurs babioles , ôc vous font prefent de fruits, ou de quelques me- nus ouvrages de leur façon. Que fi Ton a envie de demeurer quelque tems avec êus3 ils le tiennent à faveur & en font ravis , & jamais ils ne ceffent de vous faire bon vifa- ge , ni ne diminuent leur bon traite- menf. Mais fi Ton fe veut retirer , ils. témoignent de la triftefle de vôtre dé- part > & demandent fi vous avez été maltraittez > pour vous en aller fi toft. Avec ce trifte vifage ils vous recon- duifent en grande troupe jufque au bord de la mer , & même vous por- tent dans la chalouppe 3 fi vous le voulez fouffrir.Et danspétadieu,vous recevez encore de leur main des pre- fens.de fruits , qu'ils vous -preflent fort d'accepter , difant à ceus qui les veulent refufer > Compère , fi tu rien &$ pat befoin pour toy -même , tu Les don- neras à tes matelots .Ils appellent ainfi, tous des Ile-s Antilles. 529 tous les ferviteurs & domeftiques de ceusà qui ils parlent. Ce mot de Matelot , eft commun auffi entre les François habitans des Iles, pour fignifier vn Aifocié-Et lors que deus kabitans ont acheté , ou dé- friché vne habitation enfemble , on dit qu'ils fe font enmatelotez*. On dit que les Brefiliens & les Canadiens, font auffi quelques prefens en de pa- reilles rencontres.Et Tacite nous rap- porte, que les anciens Allemans ré- galoient de leurs liberalkez les étran- gers qui les alloient vifiter:Mais qu'ils demandoient réciproquement auffi quelque chofe de leur part : En cette occafion , les Caraïbes fe montrent plus genereus : Car ils donnent fans rien demander. Mais ce feroit vne incivilité , d'al- ler voir ces bonnes gens & de rece- voir leurs cowtoifies , fans leur faire aufil prefent de quelque chofe. C'en: pourquoy les étrangers qui les vont voir, ont toujours quelques grains de Raflade ou de Cryftal.quelques ha- meçons, égailles , épingles /ou petis Tom. il 2 ®mmm> £«*»»■» 5 3o Histoire Morale conteaus , & autres menues bagatel- les, Et à la fin du repas ils mettent fur la petite table fur laquelle ils ont man- gé , quelques vnés de ces chofes* Ceus qui ont préparé le fcftin , s'en tiennent recompenfez au centuple, Se en témoignent vue grande fatisfa£li- on , 8c vne reconnoiilanee nompa- reille, Iniques icy, nous avons reprefen- té le bon accueil & t'agreable traître* ment, que les Caraïbes ont Rut autre- fois à quelques vns de leurs amis, ou Compère , comme ils parlent , de la Nation Fraocoife , .& Hoïlandoife, qui les ont vifuez.Mais ils vient d'au- tres Cérémonies en la réception des Etrangers de leur même Nation , ou de leurs Confederez , qui arrivent dans leurs Iles.il y a en chaque Carbet vn Sauvage , qui a la Commiffion de recevoir les paflans , & qui s'appelle Nieuakaiîu S'ils font du commun , il leur piefente des fiéges,&de ce qui! a de propre à manger, Se fur tout vne Gaffa ve pliée eu double , qui fignifie qu'ils des Iles Antilles. 531 qu'ils mangent ce qu'il pourront,mais qu'ils laiffent le relie. Siceusqui les vont voir , ou qui pailent par occafion , leur font plus considérables, comme parens, ou Ca- pitaines,.ils leur peignent les cheveus & en entrant & en forçant -, ils pen- dent des lits & les invitent à fe repo- ïer 3 en leur difant, En Bouekra, voila ton lia:. Ils leur prefement auffi des Matoutou , qui font de petite, tables tiiluës de jonc , ou de feuilles de Pal- me ou de Latanier , comme nous l'a- vons déjà dit , fur léquelles ils pofent des viandes, des Caffives non pliées £n deus , mais étendues. Les femmes les mettent à leurs pieds : Et les hom- mes fe prefentant tout debout, font la civilité, & montrent ce qui a été ap- porté , en difant _, En yérébali , voila tfm manger. Apres les femmes appor- tent des calebaffes pleines AzOtiicou, ■& leur font boire à même. Puis les a- yant pofées devant eus contre terre Je mary quieft derrière elles , fait enco- re civilité 3 en difant En bator.i , voila ton bruvage. Et l'autre répond à ces Z 2 deus B 7t i % i 11 ^4^- 5^1 Histoire Morale deus complimens Tao , c'eft à dire, Bien > ou grand mercy. La Caffave dé- pliée veut dire , Mange ton foui > ôC emporte le refte. A quoy ils ne man- quent. Qaand ils ont bien difné fans être interrompu de perfonne, chacun les vient falu'ër Tvn après l'autre , en luy difant Halea-tibou , c'eft dire > fois le bien venu. Mais les femmes ne fe mêlent pas beaucoup dans cetts céré- monie. Pour eus > quand ils s'en veu- lent aller 5 ils vont dire adieu à tous en particulier : Ce qu'ils expriment par le mot de Hukhan i en leur ian* gage. *m ^ «e-K&n»*» €$* «* -s^s» CHAPITRE XIX. De ce qui tient lieu, de Police che& les Caraïbes. IL y a en chaque Ile des Antilles ha- bitées par les Caraïbes plufieurs for- tes de Capitaines, i .Capitaine de Car- bet , ou de Village , qu'ils nomment Tioubouîonïi haute, Ceft quand vn. homme znœ^ES&sgzsm î>es Îles Antilles. 53J homme a vne famille nombreufe , Se qu'il le retire à l'écart des autres avec elle, & bâtit des cafés pour les loger, & vn Carbet où elle s'afTemble quel- quefois toute , pour fe réjoiïyr , ou bien pour traiter des affaires qui tou- chent leur Communauté* Il eftdonc à caufe de cela nommé Capitaine de Famille > ou de maifons. 2. Capitaine de Piraugue, c'eft à dire , ou ceiuy à qui appartient le Vaiiîeau, ou ceiuy qui y commande quand on va en guer- re , & ils font nommez Tiouboutouli €anaoaé 3. Entre ceus qui comman- dent chaque Vaiffeau en particulier, ils ont encor vn Amiral ou vn Gene- ral de mer, qui commande toute la Flotte , ils le nomment Nhalené. En- fin ils ont le grand Capitaine, qu'ils appellent Ouboutou , 5c au plurier Ou- boutQMmm. Ceft le même que les Ef- pagnols nomment Cacique > comme quelques autres Indiens , de quelque- fois auffi nos Sauvages par imitation. Il eft tonte fa vie , depuis qu'il eft c- leu à cette charge, le General de leurs armées, Se on luy fait toufiours grand Z j honneur ZfiggSâfiS &Z>rS 534 Histoire Morale. honneur, il convoque les aflembîées du Carbet, Toit pour les rejoui (Tances- publiques , foie pour les délibérations de la guerre. Et il marche toujours ac- compagné de toute fa maifon3& d'au* très gens qui luy veulent faire hon- neur. Ceus qui ont le plus de fuite* font les plus confiderez. Si quelcun ne luy porte pas le refpect qu il luy; doit^il a droit de lever la main fur luy pour le frapper. Il n'y en à que deus au plus dans vne Ile, comme à la Do- minique. Ordinairement ils font auffi les Amiraus quand la Flotte marche. Ou bien c'eft quelque jeune homme qui prétend à la charge ^ de qui fe veut fignaier en cette occafion- On parvient à cette charge par ele— £tion. Et on ne peut être éleuque Ton n'ait tue plufieurs Arouagues^ou pour le moins vn Chef. Les fils nefuccedéc pas plutôt que les autres à la charge de leurs Pères , s'ils n'en font dignes*. Quand le Grand Capitaine parle,, chacun fait filence. Et quand il en- tre au Carbet ^chacun fe retire pour luy faire place. Il a auffi toufiours la DES ItES ÂNTltLES. $ $$ la première , ôc la meilleure parc du feftin. Le Lieutenant de ce Capitai- ne fe nomme en Sauvage , Ouboutcu mali arici > c/eftàdire proprement la trace du Capitaine , ou ce qui paroit après luy. Aucun de ces Chefs ne comman- de à toute la Nation > & n'a d'empire fur les autres Capitaines. Mais quand les Caraïbes vont à la guerrexils choi- fiflenc de tous les Capaines 3 vn Ge- neral d'Armée^ qui fait la première attaque : Et U Campagne étant finie., il n'a nulle autorité que dans fon île. Il eft bien vray yque s'il a genereufe- ment reiïfty dans fon eiitrepnfe, il eft toujours fort confideré dans toutes les Iles. Mais autrefois, avant que le commerce que les Caraïbes ont avec les étrangers euft altéré la plus grande- part de leur ancienne police,il y avoit bien du myftére , 8c bien des condi- tions > pour obtenir ce degré d'hon- neur. 11 falloit premièrement, que celuy qu'on élevoit à cette Dignité s euft Z 4 fait I f 556 Histoire Moraib fait pîufieurs campagnes à la guerre, ôc qu'au feu de toute l'Ile dont il de- voit être élea Capitaine , il s'y fuft porté courageufemét & vaillamment. Après cela , il luy étoit neceflàire d'ê- tre ff agile & fi léger à la courfe>qu'il furmontaft en cet exercice tous les côpetiteurs qui s'y prefentoient avec- que luy. En ttbifiéme lieu , le préten- dant au Generalat de l'Ile , devoit emporter l'avantage à nager & à plon- ger, fur tous les autres afpirans. Pour la quatrième condition, il falloit qu'il portait vn fardeau d'vne telle pelan- ttur , que tous ceus qui briguoient avecque luy , n'en pulTent foutenir le poids. Enfin , il étoit obligé à donner de grandes preuves de fa coiv» ftance. Car on luy déchiquetoit cruel- lement les épaules & lesniamrnelles avec vne dent d'Agouty. Même fes plus grands amis y luy faifoient de très-.- vives Se profondes incitions en divers endroits du corps. Et le mi- ferable qui vouloit obtenir cette char- ge 5 devoit endurer tout cela, fans faire paroitre le moindre figne de re- fentiment «-«SL^ p'ES ItES ANTILLES. 5 J7 fentiment & de douleur. Au contrai- re , il faloit qu'il montrait vn vifacre fatisfait & riant x comme s'il eût été k plus content 6c le plus aife du mon- de. On ne s'étonnera pas tant que ces Barbares fouffri fient vn traitteraenc fi cruel y pour aquerir quelque digni- té, lors qu'on fe représentera que les Turcs ne fe montrent quelquefois pas moins cruels envers eus-mémes y par vne pure galanterie ,■& comme pour vn (impie divertiflement. Témoin ce que Busbequius nous rapporte au quatrième livre de fes Ambaflàdesj- Ce qui feroit trop long à reciter eu cet endroit. Pour revenir aus Antillois ,cette ancienne cérémonie qu'ils obfervoict en l'éleéfcion de leurs Ghcfs , fem- blera fans doute ,• comme elle l'efl: en effet , étrange 6c Sauvage. Mais il fe trouve parmy d'autres' Nations quelque chofe de femblable. Car an- Royaume de Chili, on élit pour Sou- verain Capitaine,celuy qui peut por- ter le plus long-fems vn gros arbre fur- fes épaules y ainfi que dît Vincent: sr*^ mm i 5 3 8 Histoire Morale le Blanc, $.part. chœpq. Au pais de Vvïapaco , vers la grande Rivière des Amazones , pour être fait Capitaine, il faut endurer , tans crier 5 fans faire la grimace ) ni branler 5 neuf furieus coups de honffine.de chaque Capitai- ne,- à crois diverfes fois, félon les V.o- yages de Moquet, 1.2. Mais ce n'eft pas tour. 11 faut encore fouffrir d'être dans vn lict de cotton au de (lus â'vn feu de feuilles vertes 3 qui ne rend que de la fumée épaiiïe,laqueile mon- tant en haut incommode beaucoup, comme Ton peut penfer , le mifera- bîe qui eft fi fot que de s'y expofer. Et il eft obligé à demeurer là, julqu'à être évanoui 6c à demy^mort. C'eft avoir vne merveilleufe envie d'être Capitaine. Autrefois même * parmy les Perfes 3 on demandoit à cens qui Youloient être admis dans la Confré- rie du Soleil, des preuves de leur con- fiance, en quatrevints fortes de tour-' mens, fuîvant De Lery chap. 1 4* Les Brefiliens, fans y faire tant de façon, élifenc pour leur General , celny qui a le plus pris *. & le plus tuéd'enne^ mis» b-ca^-w «^^A^^^/ra^aA; des Iles Antilles. ■ JJ9 rriïs. Et à prefent auffi > en quelques Vnes des Antilles,, les Caraïbes fe rient eus - mêmes de leurs anciennes cérémonies , en réleétion de leur Ca- pitaine. Et parce qu'ils ont remar- qué que leurs voifins tiennent pour ridicules ces façons de faire , ils fe contentent de choifir pour Chefce- luy qui s'étant porté vaillamment dans les guerres 3 contre leurs enne- mis y s'eft aquis la réputation de bra- ve & de courageus. Dés que le Cacique eft reçcu dans la charge 3 il fe voit extrêmement honoré de tous. On nepaioift devant luy qu'avec vn grand refpeâ:. Et ja- mais perfonne ne parle , s'il ne Hn* terroge^ou ne le luy commande. Que S' il arrive à queleun de ne pouvoir tenir fa langue > ou entend les autres luy crier à l'heure mëme,Cala la Boc- ca , qu'ils ont apris de rEfpagnol: Mais ce n'eft pas tout que de fe tai- re en la prefence de leur Chef. Ils font tous fort attentifs à fon difcours* le regardent quand il parle 5 ôc pour témoigner^q^ils approuvent ce qiul 2- ê'' dlr^ K ■< 540 Histoire Morale die i ils ont accûtumé de faire vn fou- ris > accompagné cTvn certain Hun- hun. Ces marques d'honneur n'ont rien dû tout du Sauvage, &: qui ne toit re- ceu prefque de tout l'Vnivers. Mais les Maldivoîs ont vne fiçon d'hono- rer bien particulière : Car comme ils eftiment vne uction de mépris de paC 1er derrière vne perfonne , auffi pour luy témoigner vne grande déférence, ils prennent leur pailage devant (es- y eus, ck le baillant le coi ps^ils difent en partant ,. Ne vom deplatfe , comme on voit dans Picard , Linicot, Garci- lalïb -, des Hayes ,8c autres. Les Yiir cas , Peuples de l'Empire du Pérou, pour témoigner le refpeâ qu'ils pon- toient à leur Dieu ,.. entroient dans fon Temple à reculons, &enfor>- toient tout de même y Tout au con- traire de ce que nous pratiquons dans nos vifites ôc dans nos ciuilités ordi- naires. Les Turcs eftiment la main gauche la plus honorable parmy les gens de guerre : Les la vans croyent qu'on ne fe peut ioûmetne & avilir davantage des- Iles Antilles. 5*4^ davantage qu'en fe couvrant la tête: Ce qui ne fe rapporte pas mal > à* ce que dit Saint Paul aux Corinthiens eh. i.verfet n. de l'homme qui fait oraifon > ou qui profetife ayant la tête couverte. Les Iaponois tiennent pour vne grande incivilité 3 de recevoir e- tant debout ceus que Ton veut hono- rer. Ils s'affienc , & dechauflent leurs l'ouliers lors qu'ils veulent faire hon- neur à quelqu* vn.Au Royaume de Ga- go en Afrique, tous les fujets parlent à genous au Roy r ayant en leurs mains vn vafe plein de fable , qu'ils fe jettent fur k tête. Les Nègres du païs d'Angole ,, le couvrent auffi de terre^quand ils rencontrent leur Prin~ ce jCorarae pour témoigner qu'ils ne font devant luy que poudre de cen- dre. Les Maronites du Mont Liban rencontrant en face leur Patriarche^ fe proftementà fes pieds pour les bai- fer. Mais luy les relevant auffi- tôt, leur prefente la main., laquelle ils faifif- fent à deus mainSj, & 'l'ayant baiféevla portent fur leur tête. Mais ceus du détroit de Sunda^ont vne coutume tout «par* -*x=-= I $%$■ ffi'ST'OlICt Mg^ès tout à fait étrange.CVft que pour faw re honneur à- leurs Superieurs/ils leui~ prennent en main le pied gauche > ôc-, leur frottent doucement la jambe- de- puis le pied jul qu'au genou:Et en fuite** ils leur frottent de même le vifage juf- ques par deffusla tefte. lugez fi cette aétiô-là feroit eftimée fort refpe&uë'u- fe en ces quartiers. Tout cela montre- que l'honneur mondain y quel qu'il puiiFeetre^hofs la vertu-,ne confifte au fonds 5 que dans l'opinion Se dans la* €outume3qui diftcerét>& qui bien fou- Ventsfe choquent/elon la diverfité & la contrariété du caprice des Nations» Pour revenir au Capitaine de nos • Caraïbes 3 fon office eft, de prendre les refoîutiôs pour le tems de îa guer- re s d'en ordonner les préparatifs , . répond au nom bts î&s&> A'nti i-w;sf. - 5<4?.* de toute 111e , &c qui prefcrit le jours de divertiflement & de rejo'uïïlànce*» dont nous avons déjà parlé. La luftice, chez les Caraïbes, n'efi> point exercée par le Capitaine, ni par aucun Magiftrat : Mais tout de même que parmy les Toufinmnhom , ceîuy- qui le tient offenfé entr'eus , tire de {on adverfaire telle fatisfaâion que bon luy femble , félon que la paillon le luydi£tc,& que fa force le luy per- met. Le public ne ■ sïntereffe point: dans la recherche des crimes. Que fi quelcun d'eus fouifre vn tort ou viv affront , fans s'en venger, il eft me* pnféde tons les autres , & tenu pour vn lâche , 3c pour vu homme fans honneur. Mais, comme nous avons dit ailleurs , leurs divifions & leurs querelles font fort rares. Vn Frère venge fon Frère Se fa Sœur,vn Mary fa Femme,vn Père fes enfans , les en fan s leur Père, Ainfi tuez , ils font bien tuez 3 par ce que ça été pour tirer raifon. Pour préve- nir cela , (\ vn Sauvage de quelque lie a tué vn autre Sauvage j crainte I 544 Histoire Morale d'eftre tué en revanche par les parens du mort 3 il Te fauve dans vne autre Ile ,& -s'y habitue*. Ceus qu'ils -ero- yenc Sorciers , ne la font pas longue parray eus > quoy que bien fouvent3il y ait plus d'imagination que de veritér Si les Caraïbes foupçonnent quel- cun de leur avoir dérobé quelque cho- fe, ils tafchent de l'attraper, & deluy faire des taillades ,ou de couteau ou de dent d'Âgouty y fur les épaules* pour marque de Ion crime & de leur vengeance^ Ces dens d'Agouty font en plufieurs occafions chez les Ca- raïbes y l'office de nos rafoirs, Et en effet elles ne font guère moins tran- chantes & moins affilées.- Ainlî les anciens Péruviens & les Canariens n'ayant pas encore l'invention de nos fcnemens j fe fervoientde certaines pierres à feu , comme de cifeaus > de lancettes , & de rafoirs.- Le mary ne fouffre point que fà femme viole impunément la foy con- jugale :- mais il s'en fait luy-même la indice , comme nous le dirons plus particulièrement au- Chapitre des Mariages,- EPES Ï1ES ANTILLES. 545 Mariages. Mais ils ne favent ce que c'eft que de punir publiquement i ôc par forme \te juftice. Et ils n'ont pas même de mot en leur langue* pour fi- 'gnifier Iujtice ou Iugementt CHAPITRE XX. Des Guerres des Caraïbes. C'Eft ordinairement dans leurs fe- ftins publics > que les Caraïbes prennent leurs refolutions de faire la guerre. Ce qui n'eft pas particulier à leur Nation : car les Brésiliens & les Canadiens en font de même. Et afin qu'on ne penfe pas qu'il ne fe trouve rien de tel que chez les Sauvages^He- rodote ôc Strabon Livre i.&/. 15U nous tcmoignent,qu'antrefois les Per- fes confultoient de leurs affaires les plus importantes dans leurs banquets, êc lors qu'ils avoient la teftepleîne de vin. Et non feulement les Pei(es:mais plufieurs Nations Grcques ten oient leurs pa^ )$%& Histoire Moram leurs Gonfeils à cable, Ci nous en cré- ions Piutarque Livre $. des propos de table > qmft. z0 Ce que font enco- re auiourd'huy les Chinois y au rap- port des Hiftoriens,& notamment de Trigaut /i^.i.c.y. Mais pour venir au détail des Gon- feils de guerre de nos Caraïbes.quand ils commencent à avoir le cerveau é- ehaufféde leur bpiflon , vne Vieille entre dans leur aifemblée avec vne mine dolente 6c vn maintien tiifte,&. le, larmes aus yeus, demande audien- ce.Ce qui luy eftant facilement accor- dé yk caufe du rctpeét ôc de la révé- rence que l'on porte à fon âge :d'vne vois plantive& entrecoupée de fou» pirs , elle reprefente les dommages que toute la Nation a receus des Àro- iiagues , leurs anciens & capitaus en- nemis. Et après avoir fait vn dénom- brement des plus grandes cruautez3 qu'ils ont autrefois exercées contre les Caraïbes,- & des vaiilans hommes qu'ils ont tuez ou pris captifs dans les batailles^qui fe font données entr'eus,. elle deicend en particulier^ c'eus qui de bïs: Iles Antilles. 547- de fraîche datte ont efté faits prifon-- niers , maflacrez , de mangez dans les dernières rencontres ; Et enfin , elle conciud 3 que ce fer oit à leur Nation1 vne lâcheté honteufe & infnp porta- table , s'ils ne pr en oient la vengeance de tous-ces maus,. imitant la generoil- té de leurs Predecefleurs 3 braves Ca* raïbes,qui n'ont rien eu en plus gran- de recommandation, que de tirer rai» fon des injures qu'ils av-oient reeeuës:: Et qui après avoir fecouéle joug que les Tyrans leur vouloient impofer pour affervir leur anciene liberté, ont porté tant de fois leurs armes vi&o- rieufes dans les terres de leurs enne- mis , qu'ils ont pour fuivis .avec. la flè- che & le feu iufques fur leurs plus hautes montagnes 3 les ayant con- traints de fe retirer dans le creus le plus profond des Abymes 3,dans les ouvertures des rochers,& dans l'hor- reur des Forets les plus épaiiles : avec tant d'heureus fuccés , que même à prefent 3 ils n'oferoient plus paroitre fur les coftes de leurs Mers 3 de ne fauroient trouver de demeure fi écar- tée: S!?x»^ ! 54S HisToïkE Morale tée , où ils (e puiffent tenir à couvert contre les attaques des Caraïbes j la frayeur & Pépouvantement les ayant faifis après de fi grandes vi&oires. Qu'il faut -donc courageufemét pour- fuivre cette pointe , & ne fe point re- lâcher, que cette race ennemie ne foie tout à fait exterminée. Auffitoft que le difeours de la Vieille cft nny , le Capitaine harangue fur le roêmefujcc, pour émouvoir davan- tage les Éfprits ; après quoy , on voit toute TaiFemblée applaudire vnani- mement à la propofnion ,> & donner toutes fortes de lignes qu'ils recon- ■noiffent la juftice de la caufe. Et dés ce moment, eftant animez par les pa- roles qu'ils viennent d'entendre, ils ne refpirent plus que le fang & le carnage. Le Capitaine Jugeant bien par i'applaudiiïement de toute l' a fie m- blée,& par fes geftes& fa eonten&ce, qu'elle'concîud à la guerre, bien qu'- elle ne le dife pas par fes paroles, il en fait , à l'heure même rordonnance,& limite le tems de Tentreprife par quel. qu£S- des Iles Antilles. 545? qoies-vnes de leurs façons de conter* comme nous l'avons décrit dans le Chapitre de leur (implicite naturelle. Il faut remarquer icy^qu'ils prennent ces refolutîons fanglantes eftât yvres» ôç après que le Diable les a tourmen- tez pour les y porter, comme nous IV vons touché cy delTus. Dés le lendemain de cette aflem- blée 9 on ne voit & on n'entend en tous les quartiers de Plle,que les pré- paratifs à la guerre. Les vns poliilent leurs arcs : les autres mettent en état leurs mafluës : les autres préparent* aiguifent*& enveniment leurs flèches: les autres enfin dreflènt & agencent leurs Piraugues, Les femmes de leur coftéf travaillent à difpofer & à amak fer les vivres neceflaires pour l'armée. Et au jour préfix chacun fe trouve fans manquer au bord de la mer avec tout fon équipage 3 pour rembarque- ment. Ils fe fournirent tous d'vn bon arc* & d'vn gros trouilèau de flèches qui font faites d'vne certain petit rofeau poly , armé d'vn fer par le bout > ou d'vn 550 Histoire Morale dyn os de queue de raye , dentelé 8c extrêmement piquant. Ceft aufli de cela que les flèches desBrefîliens font armées. Mais les Caraïbes ajoutent - ans leurs, pour les rendre plus redou- tables , vn poifon fouverainement mortel ^ compofé de jus de Mance- îiiiles0 de d'autres venins , la moindre égratignure qu elles font , eft vne blelfure mortelle. Il a efté lufques icy impoffible , de tirer d'eus le fecret de cette compofition. Ils portent auffi chacun cette épée de bois qu'ils nom- ment Bouton, ou pour mieus dire^cet- ce malluë puiiîance>qui leur tient lieu d'épée , & dont ils s'eferiment à mer- veilles. Ce font- là toutes leurs ar- mes : car ils ne fe couvrent point de Rondaches , comme les Tonpi- nambomji mais leurs corps demeurent tout à nucLà ce que dit de L.ery chap. 14, Apres le foin de leurs armes > ils prennent celuy de leurs munitions de bouche,& portent en leurs vaiifcaus, de la Caffave , du .poiflbn rofty , des fruits, & particulièrement des Ba- . nanes, — »■"• HS^niS^^i des Ilïs Antilles. $$i nanes , qui te gardent long-tems 3 Se de la farine de Ndanioc. Les Icaques dans leur guerre ne fe donnent pas cette p.ïncEtce qu^ils pratiquent en ce point 3 leur eft tout particulier , Se mérite que l'on en parte. Car ils Te parlent de fi peu de chofe pour leur nourriture , &: Ce piaifent fi fort à vi- vre de certaines prunes 5 qui croiiTent en abondance en leurs quartiers, Se dont ils portent même le nomd'Ica- ques > que quand ils vont à la guerre* on ne- les voit jamais porter de pra- yifion de bouche avec eus. Nos Sauvages Antiliois, auiîi bien que ceus du Brefil3comme dit de L ny chap.i^. mènent à la guerre quelques femmes avec eus, pour faire leur cui- fine Se pour garder leurs Piraugues ou vaiffeaus de mer > quand ils ont fait leur defeente. Ils attachent fer- mement à ces Piraugues Leurs armes Se leurs munitions de bouche. De forte que fi le vaiifeau vient à ren- verfer > ce qui arrive allez fouvent* ils le remettent fur fon affiette 3 fans rien perdre de ce qui eft dedans. Et dans 5^» - $jz Histoire Morale dans ces rencontres , eftant fi bons nageurs que nous les avons reprefen- tez, ils ne fe trouvent point en peine de leurs perfonnes;& ils fe font quel- quefois moquez des Chreftiens , qui fe rencontrant prés d eus en ces occa- fions 3 fe mettoient en devoir de les fecourir. C'eft ainfi que les Toupi- nambous fe rioient vn jour de nos François, en vne femblable aventure, comme le recite Iean de Levy, chap.n. Les voiles des vaifleaus des Caraïbes font de toile de cotton , ou d'vne ef- pece de natte tifluc avec des feuilles de Palme. Ils favent admirablement bien ramer avec de certains petis avi- rons , qu'ils pouffent dvne viteiïe nonpareille. Ils mènent auflî quel- ques Canots, qui font leurs plus petis vaiffeaus^pour accompagner leurs Pi- raugues. Leur coutume eft de marcher d'Ile en Ile pour s'y raffraichir , & ils ont à cet effet des jardins,en celles là mê- mes qui font defertes 8c inhabitées. Ils defeendent au fli dans les Iles de leur Nation , pour joindre à leurs troupes, des Iles Antilles. 555 troupes, en chemin faifanc , tous ceus qui fonc en état de les accompagner. Et ainfi ils groffifftnt leur armée , 8c avec cet équipage , ils fe vont rendre fans bruit fur les Frontières. Lors qu'ils marchent le long des côtes, & que le foir eft venu, ils met- tent le Vaifleau fur le fable,& font en vne demy - heure leur logement fous quelque arbrc,avec des feuilles de Ba- lifier ou de Latanier , qu'ils attachent enfemble fur des gaules3ou fur des ro- feaus, foûtenus par quelques fourches plantées en terre ôc pour fervir de fon- dement à ce petit couvert ôc pour fuf- pendre leurs lits. Ils appellent ces lo- gemens fait à la hâte, Aioupa. Le Legiflateur de Lacedemone5 avoit défendu entre autres chofes , de faire fouvent la guerre contre mêmes ennemis , de peur de les aguerrir , fé- lon Plutarque en la vie de Lycurgue. Mais les Caraïbes ne fuivent pas ces maximes , de n'appréhendent pas vn pareil inconvénient. Car ils font tou- jours la guerre à la même Nation, Leurs anciens & irréconciliables en- Tom. II. A a nemis jM££»'» î s i 554 Histoire Morale nemis , ce font les Arouacas , Arma* tmm , ou Aromgms , qui eft le nom qu on leur donne le plus communé- ment dans les Iies,bien que quant aus Caraïbes,, ils les appellent Aloùaguesv kfquels demeurent en cette partie de l'Amérique Méridionale, qui eft con- nue dans les Cartes fous le nom de Province de Guy ma ou Gnayana, guè- re loin des bords des rivières , qui de- scendent de cette Province pour fe rendre en la mer. Le fujet de l'inimi- tié immortelle de nos Caraïbes Infu- laires contre ces Peuples, a été dé-jà touché au chap. de l'origine des Ca- raïbes,affavoir,<|uecë.s Arouaguesont cruellement perfecuté les Caraïbes du Continent Leurs voifins,Confreres de nos Infuiaires,& de la même Nation qu eus. Et qu ils leur ont livré conti- nuellemétdes guerres fanglantes pour les exterminer3ou tout au moins poul- ies chaffer dé leurs demeures. Ce font donc ces Aroiïagues, que nos Antil- lais vont chercher en leur pays ordi- nairement vne fois ou deus par an, pour en tirer toute la vangeance que leur 1 DES IlES AnTIILES. 555 leur fureur eft capable de leur dider. Et il faut remarquer que de leur côté, les Aroiiagues ne vont iamais ataquer les Caraïbes Infulaires dans leurs lies, dépuis qu'ils fe font retirez de celle de Tabago , qui étoit la plus voifine de leur Terre , mais qu'il fe tiennent fut la fimple defennVe":Au lieu qu'ils font alfurez de voir plus fouvent chez eus nos Sauvages qu'ils n auroient à fou- haiter,bien que de la dernière des An- tilles qui eft Sm. Croix, en côtoyant, comme ils ont coutume de faire, ton- tes les autres Iles , dans lefquelles ils ont des jardins on des Colonies , iuf- ques ans terres des AroUagues, il y ait environ joo.lieuës de chemin. La grande generofité du grand Ale- xandre le portoit k dire , qu'il ne fsi- loit pas dérober la victoire : Mai> Fi- lippe d'vn autre humeur que fon fi!s, eftimoit qu'il n'y avoit iamais de honte a vaincre de quelque faflbn que ce put être , dont parlent Arriatï Quinte-Curfe, & Iuftin,/«w 9.N0S Caraïbes , avec la plupart des Ameri- quains, fe trouvent dans le même fen- A a 2 timenc >Pra«,V* I ï 1 X 556 Histoire Morale ciment. Car ils font couces leurs guer- res par furprife 3 & ne tiennent pas a deshonneur de s'y fervir de la faveur des ténèbres. Bien au contraire des I- caques y qui s'eftimeroient flétris en leur réputation , fi lors qu'ils arrivent dans les terres de leurs ennemis5ils ne les envoyaient avertir de leur venue & lommer de fe mettre fous les armes pour les recevoir. Les Arraucains qui font voifins du gouvernemét de C hili, Peuple belliquens 3 &c que i'Efpagnol n'a pu domter jufques icy , en ayant efté même fouvent vaincu , font en* core bien davantage. Car quand ils veulent combatre cet ennemy , com- me recite Garcilaflb /, 5.^.12. ils luy font dénoncer la guerre par des Hé- raus & luy envoyent dire3iVW t"irons trouver dans tant de Lunes : Tien toy preft. Et ainfi les Yncas , Rois du Pé- rou , n'entreprenoient aucune guer- re 3 qu'auparavant ils n'en avertie Cent leurs ennemis , & ne la leur dé- claraient par deus ou trois fois. Ce qui fera voir 5 en partant, que Lefcar- bot s'eft trompe dans fon Hiftoire de ÊÉS IlES ÂNTlttES. 557 de la Nouvelle France > lors qu'il à dit que tous les Indiens Occidentaus vniverfellèment , font leurs guerres par furpnfé. Les Caraïbes ont cette imagi nation* que la guerre qu'ils commenceroient ouvertement ne leur reiïfiîroit pas. De forte qu'après avoir fait leur def- cente chez les Aroiïagues > s'ils font découverts > avant que de donner le premier choc , ou qu'vn chien 3 par manière de dire 5 ait abbaye contr'- eus y tenant cela pour mauvais augu- re , ils remontent tout froidement dans leurs vaifïeaus ^ & retournent en leurs Iles , remettant la partie à vue autre fois* Mais s'ils ne font point apperceus, ils donnent vivement fur leurs enne- mis y &les vont chercher en leurs Cabanes. Que s'ils ne les peuvent pas aifémentaborder.& qu'ils les trouvent trop bien retranchez & fortifiez dans quelques maifons munies de bonnes paliiTades > d'où ils décochent leurs flèches avec avantageais ont acoutu- mé de les contraindre d'en fortir , en A J y I I I 8 558 Histoire Morais y j-eccant le feu avec leurs flèches ^a» boui: déquel'es ils attachent du cotton allumé, Et ces flèches eftant pouffées fur les toits,qui ne font que d'herbes* ou de feuilles de Palme , les enflam- ment auffi tolh Ainfiles Àrouag-ues font obligez de fortir de leurs taniè- res y ôc de rendre combat en pleine campagne > ou. bien de prendre la fuite y fi leur courage ne leur permet pas de faire tefte aus ennemis. Quand- nos Sauvages les ont de cette forte attirez au champ de bataille y ils ti-< lent premièrement contiens toutes leurs flèches. Et après avoir èpuifé leurs Carquois fc ils ont recours au, Bouton^ & font d'étranges effets avec cette épée de bois y ou plutoil avec cette maifuë : Ils ne font que fauteler en combattant > pour donner moins de loifir à l'ennemy de les mirer. Les armes à feu > particulièrement les ca- nons, qui font tant de bruit & tant d'effet > fur tout lors qu'ils font char- gez de clous > de chaines 9.8c d'autres ferrailles, leur ont abbatu le courage* fluand. ils ont affaireavec nous^Sc leur font tits Iles Antilles, $$$ font appréhender l'approche de nos navires 8c de nos forts , comme on voit dans les Voyages de Villamonc i. 2. Mais bien qu'ils ne prenent pas d'Opium , pour ofter te fentiment, a- vant que d'aller au combat, comme les Turcs & les Indiens Orientaus de Cananor : comme die Paludanus chez Linfcot>ffA4£.7<Ç.& Vincent le Blanc, ëc qu ils ne le nourri flent pas de Ty- gres ni de Lions, pour fe rendre plus courageus , comme le Peuple du Ro- yaume de Narfingue vers Malabar, toutefois quand ils combatent à armes égales contre les Aroiïagues,& qu'ils ont commencé la bataille , principa- lement s'ils font animez par quelque heureus fuccés, ils font hardis com- me des Lions , & rien n'eft capable de leur faire lâcher le pied : mais ils veulent vaincre ou mourir , au rap- port de Linfcot & de La et. Ainfi en ïaifoient les Sauvages belliqueusdu païs de Cartagene eftans attaquez par les Efpagnols , comme nous di- ient Aeofta & le leune. Car ils fe A fr 4 preei f^=rr A 5(50 Histoire Moralï precipitoient au combat de telle furie, hommes &c femmes , qu'vne de leurs filles, coucha plufieurs Efpagnols fur la place avant que d'êrre tuée. On dit anffi que lés Mexicains , de les Cana- diens fe font plutoft tailler en pièces que de fe laiiFer prendre au com- bat» Si les Antillois peuvent avoir en vie quelquVn de leurs ennemis, ils le lient 3 8c Temmenent captifs en leurs Iles. Que fi queiquVn de leurs gens tombe mort ou blefle dans le champ de bataille, ce leur feroit vn reproche éternel 8c infupportable , de le iaifler au pouvoir de Tennemy. Et cJét pour- quoy y il fe jettent de furie au milieu des plus grands dangers y8c tête-baif- fée y percent dVn commun effort tout ce qui leur fait relîftance > pour enle- ver les corps de leurs camarades , 8c les ayant arrachez par force d'entre les mains des ennemis , les porter en leurs vaiiîèaus. Apres que la bataille eft finie , nos Sauvages fe retirent au bord de la mer ou dans quelque Ile voifine. Et s'ils ont des Iles Antilles. $61 oïitreçeu quelque nocable perte par la more de quelques vns de leurs Chefs > ou de leurs plus vaillans fol- dats y ils font retentir l'air d'hurlé- mens ôc de cris épouvantables, avant que de remonter en leurs vaiflèaus: Et méfiant vne infinité de larmes au fang de leurs morts y ils les couchent pitoyablement en leurs Piraugues, & les accompagnent de leurs regrets ôc de leurs foupirs jufques aus premières de leurs terres. Que s'ils ont eu la vi&oire, ils ne s'annulent pas à couper les teftes de leurs ennemis tuez 3 à ks porter en trofée i Se à dépouiller ces pauvres corps de leur peau , pour la faire ler- vir d'étendartà leurs triomfes , com- me font les Canadiens : ôc comme* le pratiquoient autrefois les Scythes, fur le témoignage d'Hérodote y ôc îtêrnc nos vieus Gaulois y 11 nous en croyoiisTite-Live3to.4.d° lo.Les Caraïbes fe contentent de jetter des cris de joye fur les corps des Aroiia- gues,&: de faire éclater fur leurs riva- ges des- tons d'allegrelle, comme pour i s 1 I 562 Histoire Morale intuirer à eet&e terre ennemie * avant que de la quitter. Mais après qu'ils ont répandu fur ce païs étranger vne partie de leurs chanfons tnomfales». ils remontent en diligence dans leurs vailfwâus y pour porter le refte dans le fein de leur patrie. Et ils enmenent bien garottez les pauvres Àroiïagues- qu'ils ont pris en vie>pour en faire chez eus la curée , que le Chapitre fuivant va reprefentcr.^ Le but quils ont en cette guerre,, n'eft pas de le rendre maîtres d'vn nouveau païs, ou defe charger desdé- poiiilles de leurs ennemis:Mais ils ne fe propofent que la feule gloire de les. vaincre & d'en triofraer ,,& le plaifi& d'aiïbuvir fur eus la vengeance, qu'ils, refpirent des torts qu'ils en ont ré-- çeus» Nos Caraïbes n'ont^aprés les Àro* iiagues , quMs nomment fimplementr Etoutou y c'eil à dire Ennemis > aucuns plus grands ennemis que les . Anglois*, qu'ils appellent Etoutou Noubis c'en; à dire Ennen is contrefaits i3 à caufe qu ils foat vêtus* Cette inimitié a des Iles Antilles. jSj pris fon origine de ce que les An- glois, fous le pavillon des autres Na* lions , ayant attiré plufieurs des Ca- raïbes dans leurs vaille au s, où au com- mencement ils les avoient amadouez & alléchez par mille carefles & petis a fi prefens yÔc fur tout avec de l'eau de vie, qu'ils ayment extrêmement : lors qu'ils virent que leur vaiffeairétoit remply de ces pauvres gens , qui ne penfoient à rien moins qu'à vne pa- reille perfidie, ils levèrent l'ancre xSè portèrent les Caraïbes , hommes, femmes >& enfans ,, en leurs terres, où iufqu'à prefent ils les tiennent ef- claves.On dit qu à l'imitation des Ef- pagnols , ils ont fait ce lâche trait en plufieurs Iles. C'eftcequi eft caufe qu'ils haïifent à mort les Anglois, 8c qu'ils ne peuvent feulement oiiir par- ler leur langue. Iufques là même, que fi vn François fe fert de quelques ter- mes Anglois en fon difcours ,il atirc fur foy leur inimitié.Auffi à leur tour,, & par droit de reprefailles, ils ont fait fouvent des defeentes dans les Iles de Montferrat ^ d'Antigoa,& en d'autres A^a 6 qpî jjqP?pC^»- | 9 564 Histoire Morale qui font occupées par les Anglois.Ec après avoir brûlé quelques maifons*- ôc pillé quelques meubles», ils. onc en- levé des komrnes , des femmes , &C des enfans3qiv ils onc conduit àda Do- minique & à Saint Vincent. Maïs on n'apprend point qu'ils en ayët mangé aucun. Us refervenc cette cruauté poul- ies Arolivigues.. Et même avant que les Caraïbes fullent en guerre avec les Habic.ans.de la Martinique, quand les Parens ou amis des Apglois qui avoyent été enmenez. prifonniers de guerre par ces Caraïbes »employoienc Pinterceffion de Fentremife des Fran- çois » ils êtoyent aifément élargis, Se remis entre les mains des François, qui donnoient en échange aus Caraï- bes» quelques-vnes de ces bagatelles^ dont ils font cas , ou vne coignée $c quelque femblable outil qui leur eil neceffaire. On a même receu de leurs mains des Aroiuges deftimz à être mangez , en leur prefentantaufli en échange quelques vues de ces cho- fes. Ils ont encore à prefent en l'Ile de Saint Vincent » des garçons & des filles ■-■ — * *~+m ives Iles Antilles. $&f filles de la Nation Angloife, qui pouc avoir été enlevez fort jaunes, ont ou- blié tout à fait leurs parens , & ne voudroient pas même retourner avec eus, tant ils font façonnez à l'humeur des Caraïbes , qui les traittent auffi de leur part fort 'douccment,comme s'ils étoientde leur Nation. Aujourd'hui on ne les reconnoît qu'aus cheveus qui font blons , au lieu que les Ca^ raïbes les ont tous vniverfeilement noirs. Quant au s Efpagnols, au commen- cement de la découverte de TAmeri^ quelles Caraïbes quipoifedoient tou* tes les Antilles furent rudement trait- iez par eus. Ils les perfecutoient avec le fer & le feu > & les pourfuivoient parmy les bois^comme des befies fau^ ves y pour les emmener captifs tra<- vailler aus mines. Ce qui contraignît ce peuple » qui eft vaillant & géné- reuse repoufTer la violéce5& à dreiFer auffi des embûches à leurs ennemis:Ec même à les atTaillir à guerre ouverte en leurs vaiiïeaus qui étoient à leurs fades x léquels ils abordoient fans crainte: i ï | fG€ Histoire Moraes crainte des armes à feu, 6c au travers des épées 6c des piques. Ce qui Icue ïéiiflk & di ver fes* fois * fi avantageu- fement 3 qu'ils fe rendirent maîtres de plufiem s Navires richeme-nt char- gez y faifant main-balTe par tout 3 en- levant tout le butin * & puis brûlant les vaifïèaus.Il eft vray qu'ils pardon- Boient aus efclaves Nègres qu'ils y rencontroient 5 & qu'ils les çonduy- fcient h terre,pour les faire^ravailler en leurs habitarionsjLt^eftde là que font venus les Nègres qu'ils ont à* prefent en l'île de Saint Vincent 3- 8& €n quelques autres. Les Et pagnok ayant reflenty ces^ pertes, de voyant qu'ils avoient à fai- re à forte partie,& que quand ils au- roient ruiné cette Nation y. il ne leur en reviendroit aucun avantage : con- sidérant auffi que les îles qu'ils habi- £oient,étoienr neceflaires à leurs vaif- feaus qui venoient dVn long voyage^ pour y prendre des raffraichiflèmens, de rea»>du bois, 5c même des vivres^. aubefom, 5c pour y laiifer dans la- &eceilué4e& malades qui étoient en feu& leur Flotce>ils fe refolurent de traittet glus humainement les Caraïbes : 3c: après avoir, donné la liberté à quel- ques mis de Geus qu'ils tenoient ca- ptifs^ les avoir amadouez & renvo- yez en leurs terres avec prefens^ik fe fervïrent de leur entremife pour trait* ter vne forme de paix avec ce Peuple^ laquelle ayant été acceptée de quel- ques Iles -j ils y jetterent les porceaus qu'ils av oient amenez de rEurope:& depuis ii ils y laifToient en paifant les malades qu/ik avoient en leurs Navi- resjpour les reprendre au retour étant: guéris.. Mais les Caraïbes de Saint Vincent>& ceus qui demeuroient à la* Domimque^ne- voulurent point con- fentir à cet accord > 8c ont conferve toujours jufqivà; prêtent 5 leur aver- fion contre les Eipagnols s & ledefir de fe vanger d'eus. Au relte 3, pour ce qui eft particu* lierement de leurs guerres défenfives.,, ils ontappris par la hantife & la fré- quentation des Chrétiens .., & par les démeflez qu'ils ont eu avec eus en di- verfes rencontres* à tenir leurs ran gs* » h I I 1 I 1 I 568 Histoire Môràï,e à fe camper en des lieus avantageux! fe gabio'nner>& à fe fervir d'vne for- te de retranehemens a leur imitation.- Nos François le reconnurent Se l'é- prouvèrent ces dernières années > en la prife de File de la Grenade. Us s'étoient imaginez , que les Caraï-^ bes ne fer oient nulle refiftance : Mais ils les trouvèrent en délenfe , poui* leur empêcher ia defeenee 5 & leur contefter la $ênMure en cette terre* Car outre qu'ils leur firent efïuyer la: grefle d'vne infinité de flèches ^ &: qu'ayant mis des barricades aus ave- nues y ils s'oppoferent coùrageufe- inent à leur débarquement > &: les efcarmoiîcherent par plufieurs fois; quand ils virent que les nôtres 5 no- nobftant leur refiftance ne faifoient point volte-face y mais qu'ils les re- pouiloient vertement dans les boisais fe rallièrent fut vne é mi nenee laquel- le ils avoient fortifiée. Et comme elld étoit efearpée de tous cotez > hormis d'vn ienl qui avoit vne fpacieufe ave- siueVils avoient coupé des arbres > du- uona defquels ils avoient compoféde k>ng£ ï?es Iles Antilles. $6$ longs rouleaus, qui étant attachez & retenus fort légèrement au plus haut de la montagne3pouy oient eue roulez le long de la pante, & pouffez avec force & violence contre les nôtres, s'ils euffent voulu aller à l'affaut. Ik firent auffi à plufieurs repriles , des forties de ce fort-là fur nos gens, qui étoient occupez à en baftir vn, où ils puffent attendre en feuretéle fecours qui leur devoir êcre envoyé delà Mar- tinique : Et ils les tinrent inveftis quelques jours , pendant léquels ils avoient fait des creus en terre , où ils étoient à couvert du moufquet des François :Et de là,montrant feulement la teftê , ils décochoient des flèches contre ceus qui avoient Taffurance de fortir du retranchement. Ils pouffè- rent même à la faveur de la nuit, vn pot remply de braife ardente , fur laquelle ils avoient jette vue poignée de grains de P y mari » en la Cabane que les François avoient dreffée dés leur arrivée en l'Ile , afin de les é- touffer , s'ils euffent pût, par la fumée dangereufe & la vapeur étourdiffante au $<^rr^ $70 Histoire Morale du Pyman, Mais leur mfc fuc décou- verte : Ec quelque temps api es 5 k fe- eours étanc furvenu aus nôtres , les Caraïbes traitterent avec eus., & leur laiflerent la libre poireffion de cette ttoe. Cet accord ne fut pas vniuerfélle- ment aptouvé des Chefs de cette in- conftante Nation. Cens de l'Ile de S. Vincent procédèrent les premiers à l'encontre* & pour témoigner haute- ment leur defaveu, ils éclatèrent quel- temps après en vue rupture ouverte* qui donna le commencement à vne nouvelle guerre , laquelle a duré dé- puis le treizième de Iuillet» de Tannée mille (îx cens cinquante-quatre qu el- le fut déclarée, iufqu à l'entrée de Tan mil fix cens foixantc-vn,c'eft à dire* 7»ans ou environ» Il eft vray que les Caraïbes * pour donner quelque couleur de juftice aus maffacresj aus embrazemens & à tou- tes les autres violences qu'ils commi- rent enfuitte dans 111e de Sainte A- loufie y & en divers quartiers de celle de la Martinique $ alleguoient entre ©es lus Antilles. 57$ leurs autres pretextes,que par ieTrai- té de paix qu'ils avoient fait avec Mtv du Parqnet avant que de luy lai (Ter la paifible joihirance de la Grenade5il s3é- toit obligé de leur donner en compen- fation la valeur de trois mille florins, qui leur feroient contez en marchant difes qui leur feroient les plus agréa- bles, entre toutes celles qui ont cours dans le païs : &c que cette condition Payant pas êcé acomplie , ils avoient eu droit d'en rechercher la fatisfeétion les armes à lamain>& de fe vanger eus- mémes de tant d'autres iniures qu'ils pretendoient avoir receu des François de la Martinique. Cette longue guerre, qui fut aconit pagnée de divers fuccés, félon que les armes font journalières ;,fut enfin ter- minée, v n peu après la mort de Mon- fieur du Parquet > par la prudence ôc la valeur de Monfieur de Gourfolas^ lequel il avoit fait reconnottre de fon vivant pour fon Lieutenant General. Monfieur de TAubiere ,. l'vn des plus vaillans &c des plus renommez Capi- taines de la mêmeUade la Martinir qpe. j^&^JWp î t $jt Histoire Morale que , s'aquit auffi beaucoup de gloire dans les grands & petilkus empioys où il fut engagé, fuivant les ordres de M*, de Gouriolas fort digne frère* pour prévenir les mauvais deflein s de ces Barbares , reprimer leurs courfes* s'emparer de leurs retranchemens, & les obliger à quitter entièrement cet- te belle terre, pour fe réfugier ans Iles de S. Vincent Se de la Dominique* qui font les feules places qui leur re- firent à prefent de toutes les Antilles qu'il ont autrefois occupées* On tient qu'il y a encore quel- ques familles de Caraïbes à la Marti- nique : mais outre qu'ils font leur demeure parmy les Françoise qu on ne leur permet plus d'avoir des Villa* ges particuliers 6c d'y faire des aflêm- blées;on les efclaire maintenant de fî prés y qu'ils ne peuvent entretenir aucune intelligence ni fomenter au- cun parti avec ceus de leur Nation qui demeurent ailleurs , fans eftre décou- verts, LVn des principaus Officiers de la Martinique, nous a envoyé de fa grâ- ce, des Iles Antilles. 57J ce^ynefort ample , & tres-exa&e Re- iacion de coiu ce qui s'eft palTé de plus mémorable durant cette guerre : mais parce que ce Chap.eft déjà aifez éten- du , de que ce récit groffiroit nôtre ouvrage au delà de ce que nous avons propofé, nous le referverons pour vn autre Traité, auquel nous luy trouve* rons fa placée le Seigneur nous con* tinuë la vie : §C nous dirons feule- ment par avance , que les Habitans de cette Ile célèbre , font redevables de ce dous repos , & de cette profon- de mnquiiitç dont ils jouïtfènt à pre- fent , à lafagexonduite , &c au coura- ge de Mr. de Qourfolas 3 & de Mr. de TAubiere fon frère : pqifquç Dieu s'eft fervi de lçur zèle & de leur ge^. nerofité, pourdomter les Sauvages & conferverà la France Tvne des plus illuftres & des plus peuplées Colonies qu'elle ait dans tout ce nouveau Mon- de, Chapi J74 Histoire Morale CHAPITRE XXL Ds Traitement e[ke les Caraibei font À leurs frifinniers de Guerre, NOus allons tremper nôtre plume dans le fang & faire vn Tableau & revê- tu celle des plus fanguinaires & des plus furieufes beftes. Chofe que les Payens mêmes* au milieu de leurs té- nèbres y ont autrefois trouvé fi pleine d'exécration 3 qu'ils ont feint que le Soleil s etoit retiré * pour ne pointé- clairer de tels repas. Lors que les Cannibales y ou An- tropofagejyC-^A à dire Mangeurs à 'h om- ms$\ç.2CL c'eiî icy proprement qu'ils les 0£s Iles Antilles. 575 ks faut appeller de ce nom , qui leureft commun avecceluy de Caraï* bes : lors dis-je , qu'ils ramènent quelque prifonnicr de guerre d'en- tre les Aroiiagues , il appartient de droit à celuy qui s'en eft faify dans le combat > on qui Ta pris à la courfe. De forte qu'étant arrivé en fon Ilc5 il le garde en fa maifon,& enfin dans vn Amac 3 qu'il fufpend fkefque au faifte de fa café, & aptes l'avoir fait jeufner quatre ou cinq jours , il le produit en v.n jour de débauche folemnelle, pour fervir de viâime publique, à la haine immortelle desfes Compatriotes con- tre cette Nation. S'il y a de leurs ennemis morts fur la place , ils les mangent fur le lieu même. Ils ne deftinent qu'à l'efcla- vage les filles 8c les femmes prifes en guerre. Ils ne mangent point les en- fans de leurs prifonnieres, moins en- core les enfans qu'ils ont eus d'elles: mais ils les élèvent avec leurs autres enfans. Us ont goûté autrefois de tou- tes les Nations qui les fréquentent, & difent que les François font les plus W^5 I I 1 I I f> s I 576 Histoire Morale. plus délicats , de les Efpagnols les plus durs- Maintenant ils ne mangent plus de Chrétiens. Ils s'abftiennent auffi de plufiears cruautez, qu'ils avoyent acoûtumé de faire,avant que de tuer leurs ennemis: Car au lieu qu'à prefent ils fe con- tentent de les aiïbmmer d'vn coup de raafluë, & en fuitte de les mettre en quartiers, & de les faire rôtir & de les dévorer : ils leur faifoyent autrefois fouffrir beaucoup de tourmens, avant que de leur donner le coup mortel. Voicy donc vn partie des inhumani- té? qu'ils exerçoient en ces funeftes rencontres*cornmeeus-mcmes les ont racontées àceus qui ont eulacuriofi- té de s'en informer fur les lieus>& qui les ont apprifes de leur bouche. Le prifonnier de guerre , qui avoit efté fi malheureus que de tomber en- tre leurs mains, & qui n'ignoroit pas qu'il ne fut deftiné à recevoir tout le plus cruel traitement,que la rage leur pourroit fuggerer , s'armoit de con- fiance, 6c pour témoigner la genero- fité du peuple Aroiiague, marchoit de i des Iles Antilles. 577 de luy même alaigremenc au lieu du fupplice , fans fe faire lier ni traifner, & fe prefentoit avec vn vifage rianc & allure au milieu de l'aflemblécqu'ii lavoit ne refpirer autre chofequefa mort. A peine avoit il apperceu ces gens qui témoignoient tant de joy envoyant approcher celuy qui dévoie eftrele mets de leur abominable feftin ; que ians attendre leurs difeours , 6c leurs fanglantes. moqueries ï il les preve- noit en ces termes. Iefayfort bien le dejfeinfour lequel vom m appeliez, en ce lieu, le ne doute nullement que vom na- ye^envie de vom rajfafier de monfang: &que vom ne brulie^ d'impatience de faire curée de mon corps. Mais vom n'a- vez. pas fujet de vom glorifier de me voir en cet état, ni moy de m en affliger. Mes Compatriotes ont fait fouffrir à vos fredeceffeurs beaucoup plm de mam qm vom ne /auriez, en inventer prefentement contre moy. Et fay moy - même avec eus 5 bourrelé, maffacré , mangé de vos gens , de vos amis , & de vos pè- res. Outre que fay des parens > qui Tom, IL B b m r*2=~« I < * 578 Histoire Morale ne manqueront pas de fe venger avee a~ vantage fur vom3 & fur vos en fans , du traitement le plus inhumain que vous meditiel^ contre moy. Quy ,> tout ce que la cruauté la plm ingenieufe vom pour* ra diBer de tourmens pour mofler la vie yttefl rien en comparaison des fuppli- ces , que ma Nation genereufe vom pre~ pare pour échange. Employez, donc fans feindre > & fans plus tarder 3 tout ce que vous aveT^ de plus cruel > & -déplus fenfible, & croyeT^ que ie le meprife, & que ie m en moque, A quoy fe rapporte fort bien cette bravade fanglante Se enjouée 5 qui fe lit y dans les Eflais de Montagne iiv.uchap.$o.à'v.n pnfon- nier Brefilien , preft à être dévoré par fes ennemis, Prenez, tom hardiment leur difoit - il 5 & vom affemblez. pour difner de moy. Car vom mangerez, quant '& quant vos Pères & vos A- yeuls 3 qui ont fervy d'aliment & de nourriture a mon corps. Ces mufcles jet- te chair & ces veines > ce font les vôtres y, pauvres fomque vom êtes. Vom ne re-, \ connaiffeï^pas que la fub fiance desmen-. \ bres de vos ancefires s'y tient encore. S#~ \ vourez. \ * des Iles AntuxlesT 57^ vonreï^les bienjvomy trouver el^le goût de votre propre chair. Revenons à nos Aroiiagues. Son cœur n'étoit pas feulement fur le bord de fes lèvres 5 il fe montroic aufli dans les effets qui fuivoient fa bravadeXar après que la Compagnie avoit enduré quelque tems ks fieres menaces , & fe défis arrogans fans le toucher : vn de la troupe luy venoit brûler les coftez avec vn tifon flam- bant. L'autre luy faifoit des taillades vives & profondes , qui penetroient juiques aus os > fur les épaules , & par tout le corps* Et ils }ettoient dans les douloureufes playés , cette épice- rie piquante , que les Antillois nom- ment Pyman. D'autres fe divertif- foient à percer de flèches le pauvre patient : Et chacun travailloit avec plaifiràle tourmenter. Mais luy fouf- ftoit avec le même vifage , & fans témoigner le moindre fentiment de douleur. Après qu'ils s'étoyent ainfi jouez bien long tems de ce miferable, enfin s'ennuyant fde ces infultes qui neceifoient point, & de fa confiance, B b 2 qui - I ^8o Histoire Morali qui paroilïbit toufiours égale 3 IV ti d'eus Rapprochant ralïbmmoit d'vn furieus coup de mailuë , qu'il luy de-- chargeoit fur la tefte. Voila le traite- ment que nos Cannibales faifoyent autrefois à leurs prifonniers de guerre: mais à prefentils fe contentent de les ailbrnmer, ainfî que nous l'avons déjà reprefenté. Sitoft que ce malheureus eft ren- verfé mort fur la place , les jeunes gens prennent le corps,& l'ayant lavé le mettent en pièces : puis il en font boiiillir vne partie3& rôtir l'autre fur des grilles de bois deftinées à cet vfa- ge* Qsan(l c£ deteftable mets eft cuit êc affaitonné 5 comme le defire Jeur infâme gofier , ils le divifent en au- tant de parts qu'ils font de perfonnes: Et aflouviiïant avec avidité leur bar- barie 3 ils le dévorent cruellement, &C s'en repaiflent pleins de joye : ne cro«- yant pas qu'il fe puifle faire au mon- de de repas fi delicîeus. Les femmes3 lèchent même les bâtons où la graifle de rAroiïigtîe a coulé. Ce qui ne ¥ient pas tant de l'agrément, que trouve ©es Îles Antilles. 581 trouve leur palais au goût de cette viande > & de cette graille s que du plaifir exceffif qu'ils ont de fe venger de la forte de leurs capitaus enne- mis. Mais comme ils feroient bien mar* ris que la haine enragée qu'ils por* tent aus Arouagues prit jamais de fin> aulïî travaillent ils à luy donner le moyen de s'entretenir. Et c'eft pour cela qu'en faifant cuire ce pauvre corps , ils en recueillent & amaflènc fort curieufemeut toute la graifie.Car ce n'eft pasàdeflein d'en compofer des medicamens , comme les Chirur- giens en font quelquefois * ou d'en faire du feu Grégeois pour embrafer les maifons de leurs ennemis , comme hs Tartares : comme Ton le peut voir dans le Voyage de Car pin en Tarta- ne , mais ils recueillent cette graiflè, pour la diftribuer aus principaus , qui Ja reçoivent ôc la conlervent avec foin 3 dans des petites caiebaifes, pour en verfcr quelques gouttes dans les faufles de leurs feftins folen- îiels,& perpétuer ainfi autant qu'il B b 5 leur t I i i I I 582. Histoire Morale leur eft poffible> la nourriture de leur vengeance. l'avoue 5 que le Soleil 3 auroit rai- fon d'abandonner ces Barbares > plu- toft que d'aflifter à de fi deceftables folennitez. Mais il faudroit en même terns qu'il fe retirait de la plupart des pais de rAmerique,& même de quel- ques Terres de l'Afrique ôc de l' Afic* ou de femblables Ôc de pires cruautés s'exercent journellement. Pour exem- ple , les Toupinambous font à peu prés à leurs prisonniers de guerreje même traitement que les Caraïbes font ans leurs. Mais ils y ajoutent di- vers traits de barbarie x qui ne fe vo- yent point' aus Antilles , au raport de de Lery chap.14.. lis frottent le corps de leurs en fans du fang de ces mifera- bles viâimes, pour les animer au car- nage. Cèluy qui a fait l'exécution du captif > fe fait déchiqueter ôc taillader en divers endroits du corps > pour vu trofée de vaillance, & vne marque de gloire vfelon le même de Lery chap.%* Et ce qui eft entièrement é- trange^c'eft que ces Barbares don- nant des Iles Antilles. 583 liant de leurs filles pour femmes à ces ennemis , auffi - toft qu'ils les ont en leur puifiance , quand ils viennent à les mettre en pièces , la femme elle même mange la première > s'il luy eft poffible^de la chair de fon mary.Et s'il arrive qu'elle ait quelque enfant de luy3ii ne manque pas à eftre afïbmmé, ioty,8z mangé, quelquefois à l'heure même qu'il entre au monde. Vne pareille barbarie s'eft veuë autre- fois en plufieurs Provinces du Pe* rou , comme écrit Garcilaf. Livre i, chap.iz. .Divers autres Peuples Barbares, furpaflent auffi les Caraïbes en leur inhumanité. Mais fur tout , les habi- tans du pais d'Antis font plus cruels que les Tygres , dit le même Garci- laf. liv.i. chap.iz. S'il arrive que par droit de guerre ou autrement y ils faf- fent vn prifonnier 5 &c qu'ils le con- noiflTent pour être vn homme de peu> ils Técartelent incontinent , ôc en donnent les membres à leurs amis, ou à leurs valets , \ afin de les manger s'ils veulent , ou de les vendre à ta B b 4 Boucherie.- WS*SSÏ i ï i s 584 Histoire Morais Boucherie. Mais fi c'eft vn homme de conditionnes principaus s'afîèmblent cntr'eus > avec leurs femmes §ç leurs enfans> pour affifter à fa mort. Alors, ^es impitoyables , l'ayant dépouillé, Tatachent tout nud à vn gros pieu, & le découpent par tout le corps à coups de rafoirs & de couteaus , faits d'vn certain caillou fort tranchant, & qui cft vue efpece de pierre à feu. En cette cruelle exécution , ils ne le dé- membrent pas d'abord, mais ils oftent feulement la chair des parties, qui en ont le plus , comme du gras de la jambe , des cuilTes , des feffes, &: des bras. Après cela, tous ptfle-mefle, hommes , femmes , & enfans, fe tei- gnent du fang de ce malheureus. Et fans attendre que la chair qu'ils en ont tirée , foit ou boïiillie,ou iotie,i!s la mangent goulument,ou pour mieus dire,ils l'engloutiflènt fans la mâcher» Ainfîce ; raiierable fe voit mangé tout en vie , Se enfevely dans le ventre de (es ennemis. Les femmes ajoutant encore quelque chofe à la cruau- té des hommes , bien qu exceffive- ment dés Iles Antilles. 585 ment barbare & inhumaine > fe frot- tent le bout des mamnielles du fang de ce patient > afin de le faire fucccr à leurs en fans 3 avec le lait qu'elles km* donnent. Que fi ces inhumains ont pris garde , que dans les langueurs ôc les fupplices qu'ils ont fait fouffrir au défunt>il ait témoigné le moindre fen- timent de douleur3ou en fon vifage^ou aus moindres parties de fon corpsiou même qu'il luy foit échappé quelque gemiifementjou quelque foupir^alors ils brifent fes os^aprés en avoir mage la chaire les jettét à la voirie,ou-dâs la riviere3avec vn mépris extrême. C'eftainfique plufieurs autres N-a* tions infultent cruellement fur les rniferables reftes de leurs ennemis tut z, &■ font paroitre leur inhumaine Vengeance yëc leur animofité barba- re , fur ce qui n'a plus de fentiment.- Ainfi quelques Peuples de la Floride5 pour aiïbuvir leur brutalité 3 pendent en leurs* maifons y & portent fur eus, h peaw & la chevelure de leurs en- nemis. Les Virginiens, en attachent à km* col vne main feche» Quelques Bb $ Sauvages ££jfc£*£ I*— ^ I 5S6 Histoire Morale Sauvages de la nouvelle Efpaçne.pen- dent fur leurs corps en forme de mé- daille^ petit morceau de la chair de ceus qu'ils ont materez, comme dit de Laëten fon Mift. de l'Amérique Les Seigneurs de Belle - Ile, proche la Chine , portent vne couronne fa- çonnée de têtes de morts hideufemét arrangées & entrelacées avec des cor- dons de foye, félon Somedo en fon. Hiftoire de la Chine, upartie, chap 2 lw.4. Les Ghilois font des vaifleaus à boiredu teft des Efpagnols qu'ils ont auommez , comme le prattiquoient autrefois les Scythes envers leurs en- nemis „ félon le rapport d'Hérodo- te. Les Canadiens & les Mexicains danfent en leurs feftes , portant fur eus la peau de ceus qu'ils ont écorchez- & mangez. Les Huancas , ancienne Nation du Pérou, faifoient des Tam- bours de telles peaus^ difant que ces cailles , lors qu'on venoit à les bat- tte , avoient vne fecrette vertu, pour mettre en fuite ceus qu'ils comba- toient, dit Garcilaf. liv.ô.chap.io. Tout cela fait, voir, jufqu'à quel degré- des Iles Antilles. $îf âegré de rage &: de fureur peut mon- ter la haine & l'appétit de vengean- ce. Et dans ces exemples > on peut reconnoitre beaucoup de traies plus fanglans ,. 6c de marques plus dete- fiables de cruauté & de barbarie^ que dans le traitement que nos Canniba- les font à leurs prisonniers de guerre Aroiiagues. Mais pour faire trouver ce traite- ment encore vn peu moins horribky il fer oit aifé de produire icy fur le théâtre divers Peuples 3 léquels outre cette animofité furieufe y & cette ar- deur desefperée à fe venger > témoi- gnent de plus ,'vne gourmandife bar- bare & infatiable^ & vne paffion tout à fait brutale de féroce de fe repaitre de chair humaine. Et premièrement y au lieu que les Cannibales ne mangent pour l'ordi- naire que des Arouagues, leurs enne- mis irréconciliables^ épargnât les prU fonniers qu'ils ont de toute autre Na- tion ^ quelques Floridiens voifins du- détroit de Bahama 3 dévorent cruel- lement tous les Etrangers qu'ils peu-- 6 I I **5OT=F» ! 1 588 Histoire Morale vent attraper ; de quelque Nation qu ils loient.De forte que fi vous def- cendez en leuis terres , & qu'ils fe trouvent plus forts que vous , il eft infaillible que vous leur fervirez de curée. T_a chak humaine leur femble extrêmement délicate , de quelqa'en- droit du corps qu'elle puifle etre.Mais Us dilent que la plante du pied eft le plus friand morceau de tous. Auffi lelervent-ils ordinairement à leur Cailm , qui eft leur Seigneur } au Heu qu'anciennement > les Tartares coupoient les mammelles aus jeunes «Iles , & les refervoient pour leurs Chefs qui fe repaifloient de cette chair, comme écrit Bergeron en fou Traite des Tartares. Il faut joindre à ces Barbares x ceus de la Province de Hakala & de la Région delà Ville de Darien eu la Nouvelle Efpagne , qui lie mangeoient pas feulement la chair de leurs ennemis „ mais celle de leurs compatriotes mêmes , comme nous aflurent Garcilaftb, de Laet , & Linf- cot. Et lesH.ftoriens ,& entre autres Garai, en fon Commentaire Royal» nous, ©es Îles Antilles 0$ nous rapporte , que les Yncas Roys du Pérou conquirent plufîeurs Pro- vinces , donc les habitans ne trouvè- rent point de loy fi facheufe & fi inlupportable s. encre toutes celles que leur impoferent ces Princes vain- queurs, que la defenfe de manger de la chair humaine »tant ils écoient af- famez de cette exécrable viande. Car fans attendre que celuy qu'ils a voient bleifé à mort euft rendu l'efprit , ils beuvoient le fang qui fortoit de fa playe : Et ils en faiioient de même* lors qu'ils le coupoient par quartiers le fueçant avidement * de peur qu'il ne s'en perdifl; quelque goutte. Ils avoient des boucheries publiques de chair hpmaine * dont ils prenoient des morceaus qu'ils hachoient me- nu > & des boyaus ils faifoient des: boudins & des faucilles. Particulière- ment les Cheriganes.ou Chirhuanes, Monta gnars* avoient vn appétit fi é- trange & fi infatiable de chair humai- ne y qu'ils ia mangeaient gloutonne- ment toute crue y n'épargnant pas srap>s«^ feaj*^ 590 Histoire Mo&àeê même dans leur barbarie , leurs plus proches païens quand ils mouroienty ielon les relations de Garcilaflo /. 7. ^.i7.Roulox,Barov>& Rubruquis en leurs Voyages3& de Vincctle Blanc,- i.part.ch. 1 5 .& if. Ce qui fe voie en- core aujourd'huy chez les Tapuyes ôc chez quelque Nation de FOrient, ce qu'Hérodote au livre j. nous afïure s'être auffi trouvé dans ion fiecle.-On dit même que les peuples de lava font I barbares , & fi frians de cette abo- minable nourriture >■; que pour fatis- faire à leur damnable appétit , ils ô- fcent la vie à leurs parens>-& jouent à la paume des morceaus de cette chair* à qui la gagnera par Ion adreffe > ain- £1 que le raporte le Blanc , i.fart.cha^ fite.14. Les Aymures peuple du Brefilr font encore plus inhumains 5 & plus deteftables. Et il ne faut plus feindre des Saturnes qui dévorent leur en- Ans. Gar fi nous en croyons les Hi-- ftoriens ., 5c notamment du Ëàët en fon Hiioiré dg FÂmenquer,ees Bar- bares- mangeât ^ leurs propres émm& ^membre après membre ■>-&■' ©tes Iles Antieef:s. ff| quelquefois même ouvrant le ventre des femmes grofles , ils en tirent le fruit qu'ils dévorent auffitot , affamer à vn tel point de la chair de leurs fem- blables, qu'ils vont à la charte des hommes comme à celle des bêtes , &€■ les ayant pris 3 les déchirent & les en- gloutirent d'v ne façon cruelle 8c im- pitoyable. Par ces exemples^ paroit afTez que nos Cannibales^ne font pas tant €mi nibales , c'eû à dire Mangeurs d'hom- mes , , bien qu'ils en portent particu- lièrement le nom5que beaucoup d'au- tres Nations Sauvages.Et il feroit faci- le de trouver encore ailleurs des preu- ves d'vnebarbarie,qui répond à celle de nos Cannibales Caraïbes, Se mê- me qui les furparte de bien loin. Mais c'en eft trop. Tirons le rideau fur ces horreurs, & biffant les Cannibales de toutes les autres Nations, repartons vers ceus des Antilles , pour divertir en la confideration de leurs Maria- ges , nos yeus laflez du fpe&acle de tant d'inhumaines & fanglantes tra. gedies* ChA-exi \ ■T" 592 Histoire Morale' CHAPITRE XXI L Des Mariages des Caraïbes. IL fe voit en l'Amérique des Sauva-* ges fi Sauvages & fi brutaus > qu'ils ne faventce que c'ét du mariage^mais fe mêlent indifféremment comme des bêces. Ce que nous affine Garaîaiïo liv. i .chap. 1 4. & 1 5 . dr Iw.y.chap. 17» entr'autres des anciens Péruviens 3 & des Habitans des lies des Larrons, Mais les Caraïbes avec toute leur bar- barie 3 s'afTujettiflenx aux lois de cette- écroitte alliance. Ils n'ont point de temps prefilx pour leur Mariage.comme les Perles^qui fe- saiarieut ordinairement au Printems* félon S trabon Iwî 1 1 , Ni d'âge* corne plufcui s autres Sauvages^dont les vns fe marient ordinairement àmeuf ans* comme en Orient v les autres à do-uze,. en Madagaiear y quelque s- vus à vint- quatre, tels que font Je Péruviens , 3c d'autres- à quarante feulement , es Iles Antilies. 595 s'obferve chez les Floridiens. Ce ne font pas auffi. chez les Caraïbes, com- me prefque chez toutes les Nations, les jeunes hommes qui choifiiîent or- dinairement les filles à leur gré , ôc félon leur inclination : ni à Toppofi- te , ce ne font pas les filles qui choi- fiffent leurs maris* comme font celtes de la Province de Nicaragua>dans les feftins & les aflemblées publiques; Et comme il fe faifoit autrefois auffi dans la Candie > au raport des Hifto- riens. Mais quand nos Sauvages défirent de fe marier , ils ont droit de prendre toutes leurs coufines germaines , & n'ont qu'à dire , qu'ils les prennent pour leurs femmes, elles leur font na- turellemeni aquifes,& ils les peuvent emmener en leurs maifons^fans autre cérémonie , & pour lors elles font te- nues pour leurs femmes légitimes. Ils ont tous autant de femmes qu'il leur plajt : Sur tout > les Capitaines font gloire d*en avoir plufieurs. Ils bâtif- fent à chaque femme vne café particu- lière ♦ Ils demeurent autant de tems qu'ils I 594 Histoïhe Morale qu'ils veulent 3 avec celle qui leur agrée davantage l fans que les autres en foyent jaloufes.Celle avec laquelle ils foncées fert avec vn foin Se vne aflfeârion nonpareille, Elle leur fait de la Caiïavejes peignîtes rougit ôc les accompagne en leurs voyages. Leurs maris les ay ment fort : Mais cet amour eft comme vn fonde paille* veu que fonvent ils les LuiFent auffi aifément qu'ils les prenent. Ils quit- tent pourtant fort rarement l*tu*s pre- mières femmes,notamment quand ils en ont eu des enfans. Lors qu'ils ont quelques prifonnie- res de guerre qui leur agréent , ils les prenent à femme. Mais bien que les enfans qui en naiiîènt foyent libres, elles font toujours tenues pour efcla- ves quant à elles. Toutes les femmes parlent avec qui elles veulent : Mais le mary n'ofe s'entretenir avec les pa- reils de fa femme.qu'en des occafions extraordinaires. ^ Quand il arrive que quelcun d'en- tr'eus n'a point de Confines Germai- nes> ou que pour avoir trop tardé à Ici iris Iies Ân-tilies. 595 les prendre en mariage y leurs parens les ont données à d'autres ? ils peu- vent à prefent époufer des filles qui ne font point leurs parentes , mais il faut qu'ils les demandent à leurs Pè- res &c Mères ,. & auffi toft que le Pè- re y ou la Mère les ont accordées* et- les font leurs femmes > 8c ils les en- niénent chez eus. ; Avant qu'ils euiîent altéré vne par- tie de leurs anciennes coutumes , par le commerce qu'ils ont avec les C hré^ tiens y ils ne prenoient pour femmes légitimes que leurs Coufmes 3 qui leur étoyent aquifes de droit naturel* comme nous venons de le dire * ou les filles que les Pères & les Mères leur ofïloyentde leur bon gré, quand ils e'toyent de retour de la guerre.Cet- te vieille pratique a beaucoup de par- ticularitez qui font dignes de nos re- marques y c'eft pourqtioy nous la dé- duirons iey tout au long,6c toute tei- le que nous la tenons des plus anciens de cette Nation > qui Tout racontée* comme vne preuve des grands chan- gemens qui fe font gliflèz dans leurs. mœurs 59^ Histoire Moïialb mœurs ëc leurs façons de faire 3 de- puis qu'ils ont eu la connoiiïance des étrangers. Quand les Caraïbes étoient retour- nez heureufement de leurs guerres, & qu'on leur avoit fait en leurs Iles vne réception folemnelle3& vn grand feftin dans leur Carbet. Après cette rejouinànce qui fe pratique encore parmy eus , le Capitaine fe mettoit à reciter le fuccés de leur voyage > & à donner des éloges à la generofité de ceus qui s'étoyent portez le plus vaillamment. Mais ii s'étendoit en particulier fur la. valeur des jeunes hommes^pour les animer à témoigner toujours le même cœur endefembla- bles rencontres. Et c'eftoit ordinaire- ment i la fin de ce difeours que les Pè- res de familleaqui avoient des filles en âge d'eftre. mariées>prenoient occafion de les prefenter pour femmes à ceus ..d'entre les jeunes hommes > dont ils avoient ouï prifer les belles & loua- bles qualitez , ôc exalter le courage ôc la hardiefle dans les combats. Ils Vempreifaient à faire l'aquifition de I tels des Iles Antilles. 597 tels gendres. Et celuy qui avoit tué le plus d'ennemis, avoic bien de la pêne à ne recevoir en ce jour-là qu'- vne femme , tant il y en avoit qui le fouhaittoyent. Mais les poltrons de les lâches ne trouvoient perfonne qui voulut deus,de forte que fi Ton avoit envie de fe matier parmy eus , il fai- loit necelfairement avoir du coura- ge : Car vne femme chez cette Na- tion , étoit alors vn prix qui ne fe donnoit qu'à la generofité.Ainfichez les Brefiliens, les jeunes hommes ne fe peuvent marier, qu'ils n'ayent tué quelque ennemy , félon Vincent le Blanc , i.part. chap. 30. Et en vne ville de la grande Tartarie , nommée Palimbrote,ceus de la plus haute con- dition ne fauroïent avoir de femme, qu'ils n'ayent bien vérifié avoir fait rnourir trois ennemis de leur Prince, comme dit Alexandre d'Alexandre, l.i.chap.%4. On dit aufli qu'autrefois en la Carmanie, il falloit apporter au Roy la tefte d'vn ennemy , fi Ton vouloit être marié. Il en étoit à peu prés de mérnç chez vn Peuple proche de î i g P»,- 193 Histoire Morale de la mer Cafpienne. Et qui ne fait que le Roy Saiil demanda la mort de cent Filiftins à David pour le Douai- re de fa -fille, avant que de la luy don- ner en Mariage? Au reftc,heurcus étoit le Père chez nos Caraïbes , qui le premier apprd- choit & faififoit au corps, quelcun^le ces gendres valeureus , que le Capi- taine avoit louez. Car il n'y avoitjrietî à attendre pour ce coup-là , pour ce- luy quivenoit après: & le Mariage étoit fait auffitoft que l'autre auoit die au jeune homme, je te donne ma fille pour femme- Vn pareil mot de la Mère furfifoit même à cela. Et le jeu- ne homme n'ofoit refufer la fille, quand elle luy étoit ainfi prefentée: Mais il falloit que belle ou laide, il la récent dés lors pour fa femme. Ainfî nos Caraïbes ne fe marioyent point par amourettes. Que fi les jeunes hommes Caraï- bes après être mariez continuoient à fc porter vaillamment dans les guer- res fuivantes, on leur donnoit encore d'autres femmes à leur retour. Cette Poligamie des îles Antilles. 599 Poligamie eft encore en vfage chez nos Aiacillois : Elle eft auffi commune, parmy les autres Peuples Barbares» corne on voitjdans PHift.de Laet. Les Chilois habitans de l'Ile delà Mol' cha , n'y font, point d'autre façon, fi-, non que toutes les fois qu'il leur prend envie d'avoir vne nouvelle femme , ils en achètent vne pour vu bœuf 5 pour vne brebis^ou pour quel- que autre marchandée. Et il y 3 tel endroit où le nombre des femmes d'vn feul mary eft prodigieus , comme au Royaume de Bennîn,où l'on voit par fois au Roy fept cens que femmes que concubines, fuivant la Relation des Hollandois. Et où les fimpies fujets, auffi bien qu'en la Mexique , ont iuf- qu'à cent , & iufqu'à cent cinquante femmes chacun. Et d'autre cofté ilfe. trouve quelques lieus, où l'on permet à chaque femme d'avoir auffi plufieurs rnarys , comme chez les Pehuares Nation duBrefil, au Royaume de Ca- lecut , & autrefois en quelques vues des Canaries. L^s jaunes hommes parmy les Ca- raïbes, yy/^ S i I -T €co Histoire Morale raïbes , à ce que die de Laè't en fon Hiftoire , ne fréquentent point enco- re à prefent de filles , ny de femmes, qu'ils ne foient mariez. En quoy cer- tes ils font bien éloignés des Peguans amoureus (î paffionnez , au raport de Pif ard i .part, chap.ij. que pour faire voir la violence du feu fecret qui les dévore , éteint en eus le fentiment de toutes les autres ardeurs,ils fe brûlent eus - mêmes les bras en prefence de leurs Maîtrefles, avec vn flambeau al- lumé' y ou bien ils laiflent mourir Se confumer fur leur chair , vn linge flambant & trempé en huile > ainfi qu'on voit dans la Conquête des Ca- naries par Betencourt. Et pour mon- trer qu'étant navrez à mort % toute playe déformais ne leur peut être que légère , ils fe tailladent le corps, & le percent de coups de poignard , félon Vincent le Blanc, i.part.chap.jjiv.i* Les Turcs les imitent en cela, au rap- port de Villamont. Car en femblables ©ccafions ils fe font plufîeurs taillades & de grandes playes avec leur cou- leaus, fur diverfes parties du corps. Le frfow^k des Iles Antilles. 6qi Le nombre des femmes de nos Ca- raïbes n'eft point limité, comme par- my les Maldivois , où Ton n'en peut avoir que trois à la fois , comme écrit Pirard,i./7.c.i2. Mais comme ce nom- bre ctoit autrefois proportioné à leur courage & à leur valeur : Car à cha- que fois qu'ils retournoiét de la guer* re avec vn éloge de hardieiTe & de ge- nerofîté , ils pouvoient prétendre Se efperer vne nouvelle femme j aufli en- core à prefent, ils en ont autant qu'ils en défirent Se qu'ils en peuvent obte- nir. De forte que chez eus , félon de Lery c.iy.cômc parmy lesToupinam- bous, celuy qui a les plus de femmes eft eftime le plus vaillant Se le plus confïderable de toute l'Ile. Et au lieu qu'en l'Ile Efpagnole, comme on voie dans l'Hiftoire de Lopez , toutes les femmes couchoient dans vne même chambre avec leur mary : les Caraï- bes.comme nous l'avons déjà touché, pour éviter toute forte de querelles Se de jaloufies, tiennent leurs femmes, de même que font les Turcs , & les Tartares , en des demeures feparées. Tom. IL C c Même &o% Histoire Morale Même quelquefois ils les mettent en diverfes Iles : Ou bien ils font cet- te feparation &c cet éloignement de leurs femmes i'vne de l'autre , afin qu'elles fe puiflent plus commodé- ment adonner à la culture de leurs jardinages y qui font êpars en divers lieus. Et c'eft pour cela même , que Ton atïure que les Caraïbes du Con- tinent pratiquent le femblable , leurs femmes ayant la louange de ne fe point laifler piquer à la jaloufie. Nos Sauvages Infulaires ont foin s'ils n'ont qu'vne femme , de ne s'éloigner pas beaucoup d'elle 5 &: s'ils en ont plu- fieurs ils les vifitent les ynes après les autres. Mais ils obfervent tous > com- me les Floridkns , de ne point tou- cher celles qui font grofles. On ne fauroitfuffifammét s'étonner que Lycurgue $c Solon, ces lumières de la Grèce , au raport de Plutarque dans leurs vies , fe foyent montrez fi aveugles5& fi peu honnêtes gens, que! d'ouvrir la porte à l'adultère ,&dc trou- ver bô qu'il entrât chez leurs Citoy es. Car à pêne y a~il aucune des Nations les /iww* . des Iles Antilles. Çq$ les plus Barbares & les plus Sauvages qui;i'ait eu foy - même affez de lu- miere,pour y lire cette loy tracée de la main de la nature : Que l'adultère eft vn crime, &; qu'il doit être en horreur: êc qui auffi ne témoighe qu'elle l'a en deteftation,&; ne le châtie feverement lors qu'il s'introduit chez elle. La pu- nition de l'adultère n'eft que plaifante chez les Guinois , ainfi qu'il fe voit dans la Relation des Hollandois. Cet que la femme fi elle ne veut être chaf* fée , paye pour amende à fon mary quelques onces d'or. Mais il n'y a pas dequoy rire chez les Orientaus de JBengala? &: chez les Mexicains, qui coupent le nez & les oreilles à leurs femmes en pareils cas ; fuivant Lin- feot , chap. 16. Divers autres Peuples Barbaries puniflènt même de mort, à ce que dit Vincent le Blanc, upart. *h,ji .Et les Peguans font fi rigoureus en ces rencontres , & ont tant d'hor- reur pour ce crime , que chez* eus les adultères font enterrez vifs , hommes ■& femmes. - Ce 2 Les ,'i H ■ ï i ! i I s1 ï £04 Histoire Morale Les Caraïbes rie font pas icy des plus indulgens, de des moins jalous de leur honneur. Ils ne favoient point autrefois punir ce crime * par ce qu'il ne regnoic point entr'eus, avant leur communication avec les Chrétiens. Mais auiourd'huy/i le mary furprend fa femme s'abandonnant à quelque autre homme, ou que d'ailleurs il en ait vne connoiflance affurée > il s'en fait luy même la iuftice3& ne luy par- donne guère , mais il la tuë y pat- fois d'vn coup de Boutou, parfois en îuy fendan t le ventre du haut en bas* avec vne rafoîr^ou vne dent d'Âgou- ty* qui ne tranche guère moins fub- tilement. Cette exécution - là étant faite , le mary s'en va trouver fon Beau-pere* & luy dit tout froidement. Vay tué ta fille 5 parce quelle ne m'avoit pas eîlç fidelle9 Le Père trouve l'a ai on fi in* fte3 que bien loin d'en être fâché contre fon gendre , il l'en loue & luy en fait gré : Tu as bien fait , luy répon- il 5 Elle le méritait bien. Et même s'il luy refte encore des filles à marier , il luy des Iles Antilles. 60$ îuy en offre vne dés lors,& promet de la luy donner à la première oceafion. Le Père n'époufe pas fa*fi!!e,comme quelques vns ont voulu dire. Ils ont en horreur ce crime, & s il y en a eu parmy eus des Pères inceftueus,ils ont efté contrains de s'abfenter , car s'ils avoient efté attrappez des autres , ils les auroient brûlez vifs , ou bien ils les auroient déchirez en mille pie- ces. CHAPITRE XXIII. De la Naijfance & de t Education des En fans des Caraïbes. ON ne voit guère parmy ces pau- vres Indiens , de coutume plus brutale que celle dont ils fe fervent à la Naiffance de leurs enfans. Leurs femmes acouchent fans beaucoup de peine , & fi elles fentent quelque dif- ficulté, elles ont recours à la racine (Tvne efpece de jonc , de laquelle elles exprimée le fuc,5c l'ayant bailles font Ce 5 incon ip2"" s I I s 1 I €06 Histoire Morale incontinent délivrées. Quelquefois dés le jour même de leur acouche- ment, elles fe vont laver avec leur en- fant , à la plus prochaine Rivière ou fontaine > & fe remettent au travail ordinaire du ménage. Les Péruvien- nes , les laponnoifes & les Brefilien- nes en fent de même : au raport de Gatcilaffo,Linfcot , & de Laeu Et il -étoit ordinaire. aus Indiens de l'Ile Ef- pagnole 3Sc même aus anciens Lace- demoniens3de laver ainfi leurs en-fans-- dans l'eau ftoide,pom* leur endurcir la- peau incontinent après leur naiflance* félon Pyrard. Les Maldivois lavent les leurs durant plufieurs jours.Et l'on nous veut faire croire, que les Om- bres mettoient autrefois dans la neige ces petites créatures nouvellement nées , pour les acoutumef au froid &. à la facigue>& leur renforcer les mem- bres. v Ils ne font point de ftftin à la naii- fancede leurs enfans,que pour le pre- mier qui leur vi.enr,.& ils n'ont point dt temsprefix pour cette rejouïflance, cela dépend de leur caprice : mais quand www fcES Îles Antilles. 607 quand ils affemblent leurs amys pour fe réjouir avec eus for la naiiîance de leur premier-né,ils tâchent de ne rien épargner de ce qui peut contribuer au bon traitement & à la joye des eon- viezj au lieu qu'autrefois les Thraees, accompagnoient de leurs pleurs les cris de ceus qui venoient au mondé, fe remettant devant les yeus3toutes les miferes qu'il faut fouffrir en cette vie, comme écrit Hérodote /.j. Mais voicy la brutalité de nos Sau- vages, dans leur réjouiffance pour l'a- croiffement de leur famille. C'eft qu'au même tems que la femme eft délivrée le mary fe met aulit,pour s'y plaindre & y faire Tacouchée : cou- tume y qui bien que Sauvage 3c ridi- cule , fe trouve neantmoins à ce que Ton dit, parmy les payfans d*vne cer- taine Province de France. Et ils ap- pellent cela faire la couvade* Mais ce qui eft de fâcheus pour le pauvre Ca- raïbe , qui s'eft mis au lit au lieu de l'acouchée , c'eft qu'on luy fait faire diète dix ou douze jours de fuite , ne luy donnant rien par jour qu'vn petit Ce 4 morceau ' a £o8 Histoire Morale morceau de Caffave, & vn peu d*ean, dans laquelle on a auffi fait bouillir vn peu de ce pain de racine. Après il mange vn peu plus : mais il n'entame la Caflave qui luy eft prefentée y que par le milieu durant quelques qua- rante jours y en lai (Tant les bords en- tiers qu'il pend à fa café > pour fervir au feftin qu'il fait ordinairement ea fuite à tous fes amis.Et même il s'ab- ftient après cela > quelquefois dix mois , ou vn an entier > de pluiieurs viandes,oorr\me de Lamantin^de Tor- tuë>de Porceau, de Poules , de Poif- fon 3 & de chofes délicates : Craig- nant par vné pitoyable folie > que ce- la ne nuife à l'enfant. Mais ils ne font ce grand jeufne qu'à la naiflance de leur premier enfant. Car à celle des autres > leurs jeufnes font beaucoup moins aufteres > & beaucoup plus courts^n'étant d'ordinaire que de qua- tre ou cinq jours au plus. On trouve bien chez les Brefîliens, & les Iaponnois des maris aflez infen- fés pour faire ainfî l'accouchée : com- me raportent de Lact & Maffée * mais ils *«^wa. des Iles Antilles. 60$ ils ne font pas fi lots que de jfeufner dans leur lit. Au contraire ils s'y font traiter délicatement de en abondance. On dit qu'autrefois la même chofe s'eft veuë chez les Tibariens3voifins à la Cappadoce> & chez quelque autre peuple. Mais les Hahitans naturels de Madagafcar imitent ce jeufne des Ca- raïbes , lors qu'ils veulent faire cir- concir leurs enfans 9 à ce que dit Ale- xandre d'Alexandre. Quelques vns de nos Caraïbes ont encore vne autre foiie.Et c eft bien pis que tout le refte pour le pauvre perc à qui il eft né vn enfant , car à la fin du jeufne 3 on luy fearifie vivement les épaules avec vne dent d'Agouty, au raport de François Gauche. Et il faut que ce miferable , non feulement fe laifle ainfi accommoder , mais que même il le fouffre fans témoigner le moindre fentiment de douleur. Ils croyent que plus la patience du Père aura paiu grande dans ces épreuves , plus recommandable auf- fi fera la vaillance du fils : Mais il ne faut pas laiflèr tomber à terre ce Ce j 1 $ r OTacy- 4io Histoire Morale le noble fang dont Tcffulion fait aJjÈH jfi germer le courage. Auffi le recueil- lent ils en diligence > pour en frotter le vifage de l'enfanta eftimant que cela fert encore beaucoup à le rendre genereus. Et cela fe pratique même €n quelques endroits envers les fides: cas bien qu'elles n'ayent pas à fe trouver dans les combats y comme: autrefois les Amazones* neantmoins*. elles ne laiffent pas d'aller à la guerre avec leurs maris j, pour leur apprefter à manger a & pour garder leurs vaif- feaus y tandis qu'Us font aus mains; avec l'en ne m y. Dés que les enfàns font nez ', les Mères leur applanflent le front >& le preflent en telle forte^qu'il panche vu* peu en arrière a car outre que cette forme eft IVn des principaux traits de la beauté qui eft eftimée parmy ensuis difent qu'elle fert pour pouvoir mieus décocher leurs flèches au deifus d'vn arbre,en fe tenant au pied^à quoy 0| font extrêmement adroits a y êtansi façonnez dés leur jeune fïe. Ils n'emmaillotent point, leurs en- fans} i>es Iles Antilles. 6if fans: mais ils leur laiff-nt la liberté de fe remuer à leur aife dans leurs pe- t\s A macs ou lits de Cotton , ou fur de petites couches de feuilles de Ba- nanier , qui font étendues fur la ter- re y à vn coin de Lurs cafés : Et né- anmoins leurs membres n'en devien- nent point contrefaits-, mais tout leur corps fe voit parfaitement bien for- mé. Ceus qui ont fejourné chez les Maldivois y & chez les Taupinara- bous y en difent autant des en fan s- de ces Peuples- là , bien que jamais on ne les enferme > non plus que lespe- -tis Caraïbes , dans des couches & des langes,, comme nous difent Pyrard i. partie, de De Lery chap. 17. Les La- eedemoniens en faifoient de même autrefois v félon Plutarque en la vie de Lycurgue. Ils ne donnent pas les noms au* enfans, auffi tôt après leur naiflàn- ce : mais ils laiffent écouler douze àh quinze jours , & alors- on appelle vu homme & vne femme , qui tiennent: lieu de parrein de de marreine , Se qui percent à-l'enfant les oreilies.la levre- C a 6 da: éiz Histoire Morale de defous , l'entre-deus des narines Se y paflent vn fil , afin que l'ouverture toit faite pour y attacher des pendans. Ils ont neantmoins la difcretion > de différer cette cérémonie , files enfans font trop foibles pour fouftrir ces pc'r-. cures v, jufques à ce qu'ils loyent plus robuftes. La plupart des noms que les Ca- raïbes impofent à leurs enfans , font pris de leurs devanciers , ou de divers Arbres qui croiffent en leurs Iles % ou de quelque rencontre qui iera furve- nu'e au Père pendant la greffe fie de la femme^ou pendant fes couches. Ainfi à la Dominique vne fille fut appelles Ouliem-bana 3 c'eft à dire feuille de Raifinier5 qui eft vn arbre dont nous avons donné la defeription en fon lieu. Vn autre de la même Ile , ayant efté à Saint Chnftofle pendant que fa femme étoit enceinte , & y ayant veu Monfieur le General de notre Nation, il nomma l'enfant que fa femme eut à fon retour j General* en mémoire du bon traitement que ce Seigneur lu y av oit fait» ' On des Iles Antilles. £ïj On trouve quelque chofe defern- blable chez les autres Nations. Pai* exemple les Canadiens empruntent les noms de poillbns ôc derivieres5au ra~ port de Lefcarbot. Les Virginiens Se les Brefiliens fe fervent de ceus de la première chofe qui leur vient en la penfée,comme d'arcade fléches,d'ani- maus, d'arbres.de plantes. Les grands Seigneurs de Turquie ont acoutume de donner aus Eunuques qui gardent leurs femmesjles noms des plus belles fleurs, afin que ces femmes les appei- lant 3 par ces noms^il ne forte rien de leur bouche qui ne foit honnefte, & agréable. Les Romains f comme il fe voit chez Piutarque, prenoient quel- quefois leurs noms des poiffons, quel- quefois de leurs plaiiirs ruftiqaes: quelquefois des imperfections de leurs corps i & parfois de leurs belles a- dtions à l'imitation des Grecs. Les Saintes Ecritures méme5nous fournif- fentdes exemples de quantité de noms pris de diverfes rencontres 3 comme entr' autres des Benoni 3 des Fares, des Icabod, & autres femblables. Les £*4 Histoire Morale Les noms que les Caraïbes imp©- fetit à leurs enfans mâles, vn peu apr au temps de Michel de Montaigne , comme il dit dans fes Eiîais liv.ixhaf.%. Les Mères de nos petits Caraï- bes , ne leur donnent pas feulement la mammclle , mais auffi g tôt qu'ils ont pris vn peu de force , elles mâ- chent les Patates , les Bananes, & les autres fruits qu'elles leur donnent. Encore qu'elles biffent quelquefois leurs petits enfans fe rouler tous nuds fur la terre , & que bien fouvent ils mangent de la pouffiere 3 5c mille or- dures qu'ils portent à leur bouche, ils croiilènt neantmoins merveilleu- fement bien , & la plufpart devien- nent fi robuftes , qu'on en a veu , qui pouvoient à fix mois marcher fans ap- puy. On leur coupe les cheveus à l'âge - d'environ deus ans : & pour cela on fait lï t>Es Iles Antilles. Cij fait vn feftin à toute la- famille. Il y a quelques Caraïbes qui différent iuf- ques à cet âge là , de faire percer les oreilles* les lèvres, 6c Tentre-deus des narines de leurs en fans -.toutefois cela n'eft pas beaucoup en vfage3fî ce n'eft lors que la foibleife de i'enfant n'a pas permis de le faire plutôt. Quand ils font parvenus en vn âge plus a- vancéjes garçons mangent avec leurs Pères 9 &c les filles avec leurs Mères. Ils appellent Peres^leurs beaus-peres3 & tous ceus qui font dans la ligne col- laterale^avec leurs vrais pères. Bien que les enfans des Caraïbes ne loient point inftruits à rendre quel- que révérence à leurs parens 3 ni à leur témoigner par quelques geftes du corps le refpect &c l'honneur qu'ils leur doivent. Ils les aymenc neant- moins tous naturellement y & fi on leur à fait quelque injure , ils épou- fent incontinent leurs querelles ôc tâ- chent par tous moyens d'en tirer van- geance.Témoin celuy qui voyant qu*- vn de nos François de la Gardeloupe, avoit i I €t% HîSTOIRE MoRAil avoit coupé les rabans de iJAmac5qni font les cordelettes qui le tiennent froncé & fufpnedu en Fair. Dans le- quel étoit couché fon beau -père > de forte qu'étant tombé à terre il s'étoit demis vne épaule , a trembla en même tems quelque, jeunes gens3 qui firent vne defeente dans l'Ile de Marigua- lante , & y maflacrerent les Fran- çois , qui commençaient de s'y habi- tuer. Mais le principal foin que témoi- gnent les Caraïbes en l'éducation de leurs enfans ^c'eftde les rendre extrê- mement adroits à tirer de l'arc. Et pour les y faflbnner de bonne heurejà pêne favent - ils bien marcher >que leurs Pères & Mères ont cette coutume d'attacher leur dejuné à vne bran- che d'arbre 3d3oùil faut que ces petis Pabbatent avec la flèche s'ils ont en- vie de manger. Car il n'y a point de xnifericorde. Et à mefure que ces en- fans cioiffent y on leur fulpend plus haut leur portion. Ils coupent aufll par fois vn Bananier 3 Se le pofent en terre > comme en butte, pour appren- dre î>' t S ÎLES A NT 1 1 t Ë S". S 1 f efré à leurs, enfans à cirer au fruit. Ce qui fait qu'avec ie tems^ils fe rendent parfaits en cet exercice. Les ancien- nes Hiftoires nous rapportent 3 que certains Peuples x approchant icy de la coutume des Caraïbes* obligeaient leurs enfans à abbatre leur manager a* vec la fronde. Ils deftinent ordinairement tous leurs fils à porter les armes , 8c àfe venger de leurs ennemis à limitation de leurs devanciers. Mais avant qu'ils foyent mis au rang de cens qui peu- vent aller à la guerre 5 ils doivent e- ftre déclarez foldats en prefencede tous les parens & amisaqui font con- viez d'affluer à vne fi folemnelle Cé- rémonie* Voicy donc Tordre qu'ils obfervent en ces occafions. Le Père qui a auparavant convoqué l'allèrn- blée y fait feoir fon fils lur vn petit fiege , qui eft pofé au milieu de la ca- fé y ou du Carbet , de après luy avoir remontré en peu de paroles * tout le dévoir d'vn genereus foldat Caraïbe,, & luy avoir fait promettre , qu'il ne fera jamais rien qui puiiîe flétrir la gloire ■6 îo Histoire Morale gloire de Tes predeceffeurs , & qu'il vengera de toutes fes forces l'ancien- ■ne querelle de leur Nation.il faifit par les'pieds vn certain oyfeau de proye, qu'ils appellent Mansfenis en leur langue , & qui a été préparé long- tems auparavant pour eftre employé à cet vfage , Se il en décharge plufieurs coups fur sô fils,iufques ace que Foi- feau foit mort , Se que fa tefte foit en- tièrement écrafée. Après ce rude trai- tement.qui rend le jeune homme tout etourdy , il luy fearifie tout le corps avec vnedent d*Agouty,& pour gué- rir les Cicatrices qu il a faites,il trem- pe Foifeau dans vne infufion de grains de Pyman , Se il en frotte rudement toutes fes bleflures , ce qui caufe au pauvre patient vne douleur très- aiguë, ôc très - cuifante : mais il faut qu'il fouffre tout cela gàyéraent, fans faire la moindre grimace , Se fans témoi- gner aucun fentiment de douleur. On luy fait manger en fuite le cœur de cet oifeau. Et pour la clôture de l'a- ction , on le couche dans vn lit bran- lant, où il doit demeurer étendu de ion long* des îles Antilles. 611 long y iufques à ce que les forces fo- yenc prefque toutes épuifées à force de jeufner. Apres cela, il eft reconnu de tous pour ioldac , il fe peut trouver à toutes les aflembiées du Carbet 3 &C fuivre les autres dans toutes les guer- res, qu'ils entreprenant contre leurs ennemis. Outre les exercices de laguerre^qui font communs à tous les jeunes Ca- raïbes* qui veulent vivre en quelque eftime parmy les Braves de leur Na~ tion y leurs Pères les deftinent fou- vent à être Boyel^y c'eftàdire Magi- ciens & Médecins. Ils les envoyent pour cet effet à queiqu'vn des plus entendus en cette deteftable profef- fion y c'eft à dire qui foit en grande réputation de favoir évoquer les Ef- prics malin^de donner des forts pour fe vanger de (qs ennemis, & de guérir diverfes maladies aufquelles ceus de cette Nation font fu)ets.; Mais il faut que le jeune homme qui eft prefen- té au Boyé pour eftre inftruit en fon art,y ait efté confacré dés fa plus ten- dre jeunefle par l'abftinéce de plufieurs fortes de viandes^par des jeunes rigou- •4%z Histoire Moralï -reus & que pour commencer fon ap- prentiiïage, on iuy tire du fan g de toutes les parties de fon corps avec ■vnc dent d^Agouty , de même qu'on îje pratique envers ceus qui font re- cceus foldats. Les Caraïbes , apprennent auffi a* vec foin leurs enfans. à pefcher , à na- ger , Ôc à faire quelques ouvrages* comme des boutons , des arcs,des flé- ; che-s,des ceintures;des lits de coton, & desPiraugues. Mais d'avoir nul (oin de former ôc de cultiver leur cfprit,& ■de leur apprendre ni honneur,ni ci vi- lité,ni vertu : c'eft ce que l'on ne doit pas attendre de ces pauvres Sauvages* qui n'ont point d'autre guide, ni d'au- tre lumière : pour vne telle éducation, que leur entendement aveugle 'ôc ■remply d'épaiiTes ténèbres , ni d'autre règle dans toutes les actions de leur vie, que le dérèglement & le desordre pitoyable de leur Nature vicieufe de corrompue* Chapi B ©es Iles Antilles. 6i$ <§$& -tm>2*% -tm %$% $m ^•&*>s#* %m« CHAPITRE XXIV. De £ Age ordinaire des Caraïbes* de leurs Maladies \ des Remèdes dont ils fe fervent four recou- vrer la fanté s de leur Mort^ & de leurs funérailles. LEs Caraïbes eftant de leur natu- re d'vn très -bon tempérament, Se pailant leur vie avec douceur Se re- pos d'efprit ,, fans chagrin de fans 111- inquiétude j loint aufli la fobricté or- dinaire dont ils vfent en la conduite de leur vie , ce n'eft pas de merveil- le s'ils font exemts d'vne infinité d'incommodités 3c de maladies , qui travaillent d'autres Nations , ôc s'ils arrivent beaucoup plus tard au tom- beau , que la plus grande partie des autres Peuples. Le bon air dont ils jouiflent^contribuë encore à leur fan- ti & à la longueur de leurs jouis. On ne trouve guère parmy eus de ces âges abrégez , dont il fe voit iî grand ! ^14 Histoire Morale grand nombre parmy nous:n»ais s'ils ne meurent de mort violente3ils meu- rent fort vieus prefque tous. Leur vieillerie eft extrêmement viçoureufe: & a quatre-vint dix ans les hommes engendrent encore. Il s'en voit grand nombre d'entr'eus , qui ont plus de cent ans, & qui n'ont pas vn poil blanc. lean de Lery , digne d'eftre creu , nous allure , au Chap. 8. qu'il n'avoir apperçeu prefque point de cheveus blancs en la telle des Toupi- nambous de pareil âge. D'autres Hi- ftoriens nous a (Turent* & notamment De Lae't en Ton Hiftoire de TAmeri- que^que les femmes de ces Sauvages- là y gardent leur fécondité jufques à quatre-vints ans. Et les François ont connu au païs de Canada vn Sauvage, qui avoit encore les cheveus noirs,& meilleure veuë qu'eus tous3bien qu'il fuft à l'âge de cent ans3dont fait men* tion Le[czvbotliv.$.chap. to. La vie ordinaire de nos Caraïbes eft de cent cinquante ans,& quelque- fois plus. Car bien qu'ils ne fâchent pas conter leurs années , on .ne laiiTe pas des Iles Antilles. 61$ pas d'en recueillir le nombre par les marques qu'ils en donnent. Ec entre autres y ils avoient encore y il y a peu de tems au milieu d'eus y des perfon- nés vivantes , qui fe fouvenoient d'a- voir veu les premiers Efpagnols qui avoient abordé en l'Amérique. D'où l'on conclud , qu'ils dévoient être â- gez de cent foixante ans au moins. Et en effet, ce font des gens qui peuvent palier pour l'ombre d'vn corps > &C qui n'ont prefque pins que le cœur en vie , étant couchez dans vn lit, immobiles , & décharnez comme des fquelettes. Ils ont toutefois > encore de la fanté. Et il paroit bien que leur langue 9 non plus que le cœur y n'eft pas morte > & que la raifon refpire encore. Car non feulement , ils par- lent avec facilité , mais la mémoire ôc le jugement accompagnent leurs pa- roles. Cette mort reculée qui fe voit chez les Caraïbes y ne doit pas fembler ê- trange, ny être prife pour vn fantô- me. Car pour laitier maintenant les grans âges des premiersjfiecles & ceus Tom. II. D d dons T I 1 616 Histoire Morale dont les Ctefias aies Herodotes Se les Plines font mention *, les Hiftoriens modernes nous fourniffent aflez d'e- Kemples pour confirmer cette vérité/ Et entr'autres les Hollandois qui ont trafiqué aus Moluques , nous aiïurent en leurs Relations , que la vie en ce païs - là eft bornée d'ordinaire à cent trente ans. Vincent le Blanc dit 1 pAr, chap. 1 . qu'en Sumatra 5 en lava , Se aus Jles voifines ., elle va iufqu'à cent quarante , comme elle fait auiïi chez les Canadiens. Et qu'au Royaume de Cafuby , elle atteint la cent cinquan- tième année, François Pirard,& quel- ques autres, comme Bergeron au trai- té des Nauigations, Lelcarbot , Se de JLaët, nous témoignent que les Brési- liens ne vivent pas moins 5 Se qu'ils vont iufqu'à cent foixante ans, Se au delà même. Et dans la Floride Se en Iucatan,il s'ét trouvé des hommes qui paffoient cet âge là. En effet , on re^ cite que les François au Voyage de Laudoniere en la Floride, en 1564J virent là vn Vieillard 5 qui fe difoit âgé de trois cens ans , Se père de cinq Gênera Fé*2x*£^. des Iles Antilles. 6ij Générations 3 feLon Bergeron au trai- té des Navigations. Et enfin au rap- port de Mafée > vn Bengaiois en O- rient Tan i557.Ce vantoit d'avoir trois cens trente-cinq ans. Après tout cela* la longueur des jours de nos Caraïbes 11c fauroit pafïir pour vn prodige, ny vne chofe incroyable. Afciepiade au rapport de Plutarque m livre u. des Opinions des Filo- fofes ï chap. 3. eftimoit que générale- ment les habitans des païs froids vi- voient plus que ceus des regiôs chau- des y parce , difoit-il , que le froid re- tient au dedans la chaleur naturelle, Se ferre les pores p>our la garder 3 au lieu que cette chaleur fe diffîpe facile- ment dans les climats chauds > où les pores font élargis 3 Se ouverts par la chaleur du Soleil. Mais l'expérience des Caraïbes > Se de tant d'autres Peu- ples de la ZoneTorride qui vivent d'- ordinaire vn fi grand âge , pendant que nos Européens font veus com- munément mourir j?unes,eft contrai- re à ce raisonnement naturel. Lors qu'il arrive 5 comme il ne fe D d 2 peut 6i% Histoire Morale peut autrement > que nos Caraïbes font attaquez de quelque mal, ils ont la connoiffance de quantité d'herbes, de fruits , de racines, d'huyles & de gommes , par Tayde déquelles ils re- tournent bien-toften convalefcence, fi le. mal n'eft pas incurable. Us ont encore vn fecret allure pour guérir la morfure des Couleuvres > pourveu quelles n'ayent point percé la veine» Car alors il n'y a point de remède. Ceftle jus d'vne herbe qu'ils appli- quent fur la playe, &dans vint-qua- tre heures ils font, infailliblement guéris. Le mauvais aliment des Crabes & d'autres Infedes , dont ils fe nourrif- fent ordinairement , eft caufe qu'ils fontprefque tous fujetsàvne fâcheu- fe maladie qu ils nomment Pyans en leur langue , comme les François à la petite verol*. Quand ceus qui font entachez de cette fale maladie 3 man- gent de la Tortue franche, ou du La- mantin , ou du Caret, qui eft v ne au- tre efpece de Tortue , ils font incon- tinent après tous boutonnez , parce que des îles Antilles. 62.9 que ces viandes font fortir ce mal en dehors. Ils ont auffi fouvent de grof- fés Apoftumes,des clous, Se des char- bons en divers endroits du corps. Pour guérir ces maus qui provien- nent la plupart delà mauvaife nourri- ture dont ils vfent jils ont vne ecorce d'aïbre appellée Chipwny amere com- me fuyejaquelle ils font tremper dans de l'eau , êc ayant râpé dans cette in- fafion le fonds d'vn certain gros Co- quillage qu'on nomme Lambys, ils a- valent cette Médecine. Ils preiFent auffi quelquefois l'écorce fraiche- ment levée de qaelques arbres de Miby s ou d'autres Vimes qui ram- pent fur la terre , ou qui s'acrochent aus arbresa&: boivent le jus qu'ils en ont exprimé : mais ils ne fe fervent pas volontiers de ce remède i qo? quand les arbres font en leur plus grande fève* Outre ces Médecines 3 avec léquel- les ils purgent les mauvaifes humeurs du dedans ; ils appliquent encore au dehors certains onguens , de lini- mens 3 qui ont vne vertu très- parti- D d $ culiere r i WT s £$o Histoire Morale culiere pour nettoyer toutes lès ptr- ftuies qui refte'nt ordinairement fur le corps de ceus qui font travaillez des Pyans. Ils compofent ces remèdes a- vec de la cendre de rofeaus bruk z , la- quelle ils démeflent avecdeTeau^qu'- ils recueillent des feuilles de la tige du Balifitr.Ws vfent auffi pour le mê- me deflèin y du )us du fruit de Itinipay & ils apliquent fur'les bcuôts \c mare de ce fruir,à caule qu'il a la vertu d'at- tirer tout le pus des playes , & de re- fermer les kvresdss vlceres. ils n'one point Tvfage de la faignée par l'ou- verture de la veine > mais ils vfent de fearifications fur la partie douloureu- fe, en régratinant avec vne dent d'A- gouty, Scia faifant quelque peufai- gner. Et afin de diminuer l'étonne- ment que pourroit caufer ce que nous avons déjà repreienté ailleurs, de tant d'incifions que ces Barbares fe font pour divers fujets3& qui donneroient lieu de fe figurer en leurs perfonnes des corps toufiours fanglans, & cou- verts de playes , il faut favoir qu'ils ont auffi des fecrets & des remèdes infaillibles t ùês Iles AntiIlbs. ^31 infaillibles pour fe guérir pronte- ment , &c pour fermer leurs bleilurcsy 8c confoiider fi nettement leurs pia- yes , qu à peine peut on remarquer lui* leurs corps > la moindre cica- trice. Ils fe fervent auffi de bains artifi- ciels , Se provoquent les fueurs pair vne efpece de poêle où ils enferment le patient 5 qui reçoit par ce remède fon entière guerifon. Les Soriquois font auffi fuer leurs malades : mais quelquefois ils les humectent de leur haleine , au raport de Lefcarbot 3 &c de Laet. Et pour la cure des playes, eus ôc les Floridiens en fuccent le fang * comme les anciens Médecins le pratiquoient , quand quelcun avoit été mordu dVne befte venimeufe,fai- fans préparer pour cela ce!uy qui en faifoit l'office. On dit auffi que nos Carubes , lors qu'ils ont été piqués d'vn ferpentdangereus, fe font fuccer la playe par leurs femmes , après quV elles ont pris vn bruvage 3 qui a la vertu de rebatre la force du venin. Les Toupinambous fuccent même Dd 4 les €$i Histoire Morale les parties malades , bien qu'il n'y ait point de playe , félon de Lery chap. 20. Ce qui fe fait auffi quelquefois en la Floride,comme dit Linfcot3^/M. Et les Turcs, lors qu'il leur furvient quelque défluxion > & quelque dou- leur , ou à la tefte ou fur quelque au- tre partie du corps , brûlent la par- tie qui fouffte y ainfî qu'on voit dans le Voyage de Villamont /. j. Quelqu s - vns des Peuples Bar- bares ont de bien plus étranges remè- des dans leurs maladies 3 comme il fe peut voir chez les Hiftoriens. Ainfî on dit que les Indiens de Mechoa- cham & de Tabafco en la nouvelle Efpagne^pour fe guérir de la fievre/e jettent tous nuds dans la rivière pen- fant y noyer cette maladie. En quoy pour l'ordinaire ils reiififlent fort mal. Vne a<5tion à peu près femblable s'eft veue chez les Caraïbes. Car Mon fieur au Montel y trouva vn jour vn vieil- lard > qui fe lavoit la tefte à vne fontaine extrêmement froide. Et luy j en ayant demandé la caufe , le bon homme » 1 des Iles Antilles. 635 homme luy répondit "• Compère > ceji pour me guérir : car je fuis mouche }c3eil à dire y beaucoup enrhumé. Le Gentil- homme ne fe put empefcher d'en ri- rej: mais plutôt i^en eut pitié 5 cro- yant qu'il y en avoit aiTez pour per- dre le pauvre vieillard. Et cependant contre toutes les régies de nôtre Mé- decine, cet étrange remède luy fucce- da heureutement. Car nôtre Gentil- homme le rencontra le lendemaip, gaillard & difpos , & délivré tout à fait de fon rhume. Et le Sauvage ne manqua pas de s'en vanter>& de rail- ler nôtre François , de fa vaine pitié du jour précèdent. Les Caraïbes font extrêmement jalous de leurs fecrets en la Médeci- ne , fur tout leurs femmes qui font fort intelligentes en toutes ces cures; & pour quoy que ce puil eftre , ils n'ont encore voulu communiquer aus Chrétiens les remèdes fouverains qu'ils ont contre la bleflure des flè- ches empoifonnées. Mais ils ne réfu- tent pas de les vifiter Si de les traiter quâd ils ont befoin de leur fecours : au D d 5 contraire £34 Histoire Morale contraire ils portent alégrement > Se de très - franche volonté. Ainfi va perfonnage > de qualité d'entre nos François ayant été mordu dangereu- fement par vn ferpent > en a été heu- reufement guery par leur moyen. En quoy certes ils font bien dsffcrens de ces brutausde Goinois Se de Suma- trans> qui n'ont aucune compaffion de leurs propres malades 3 les abon- donnant comme de pauvres beftes3 félon la Relation à^s Holiandois & de Vincent le Blanc>i. part, ch.14. Mais l'ancien Peuple de la Province de Ba- bylone>prenoitvn intereft H particu- lier dâs toutes les maladie^que Ls ma- lades y étoient mis en place publique^ & chacun leur dévoit enfeigner le ïemede > dont il avoitfait l'expérience fur luy- même > félon Hérodote liv.i- Cens qui ont fait voyage à Gambaya> difent 3 qu'il y a même vn Hofpital pour traites, les oifeaus malades^ corne il fe voit au Voyage des Drac. 2./?. Quand les remèdes ordinaires dont: fe fervent nos Caraïbes en leur ne- ceffitéa n'ont pas eu vn tel fuccés qyrils des Iles AntilissV 6$f qu'ils s'étoyent promis , pour lors ils ont recours à leurs Boyez5 c'eil à dire à leurs Magiciens 3 qui contrefont suffi les Mrdecins : -& les ayant con* viez 5 de les venir vifiter J ils les con- fultent fur l'événement de leurs mala* dies. Ces malheureus luppoçs de l'Ef- prit malin, fe font aquis par leurs en-* chantemcns x vu tel crédit par'my -ces- pauvres- abufez 3 qu'ils font repûtes comme les arbitres de la vie & de ld mort y & tellement redoutez à caufe de leurs fortileges 3 8c de la vangean-i ce qu'ils tirent de ceus qui les mépri- fent, qu'il n'y a aucun de ce miferable Peuple , qui ne tienne à gloire de rendre v ne déférence ■& vne obeïiran- ce aveugle à tous leurs avis. Pour ce qui eft des Cérémonies1 qu'ils obfervent en ces rencontres^ nous les avons déjà touchées en par- tie au Chapitre de leur Religion, Il faut avant toutes autres chofes3que la café en laquelle- le Boyé doit entrée fbit bien nettement préparée : que la^ petite table- qu'ils nomment Matou- tm y foie chargée de YAnakji pour €$6 Histoire Morale Maboya 5 c'cft à dire d'vne offrande de Caffave de d'Ou^cou-^xouisl'Efprit malin: & même des prémices de leurs jardins , fi c'eft la faifon des fruits. Il faut aufli qu'il y ait à l'vn des bouts de la café autant de petis fieges , qu'il fe doit trouver de perfonnes à cette deteftable aâion. Après ces préparatifs fl !e Boyé5qui ne fait jamais cette œuvre de ténèbres que pendant la nuit , ayant fait foi- gneufement éteindre tout le feu de la Café &c des environs,, entre dans cet- te oblcur.ité 5 & ayant trouvé fa place à Tayde de la foible lueur d'vn bout de Tabac allumé qu'il tient en la main j il prononce d'abord quelques paroles Barbares : il frappe en fuit te de fon pied gauche la terre à plufieurs reprifes , & ayant mis en fa bouche le bout de Tabac qu'il portoit en fa main^il fouffle cinq ou fix fois en haut la fumée qui en lort 5,puis froiflanc entre fes mains, le bout de Tabac 3 il J'éparpille en l'air. Et alors le Diable cjga'il a évoqué par ces fingeries3ébrâ- lant d'vne furieufe fecoufle le faille de la des Iles Antilles. 637 la Café , ou excitant quelque autre bruit épouvantable , comparoir auffi- tôt , & répond diftinéfcement à toutes les demandes, qui luy font faites par le Boyé. Si le Diable a(ïure , que la maladie decehiy pour lequel il eft coniulcéj n'eft pas mortelle : pour lors le Boyé &c le Fantôme qui l'accompagne, s'approchent du malade pour l'ailurer qu'il lera bien-toc guery:& pour l'en- tretenir dans cette efperanee , ils tou- chent doucement les parties les plus douloureuiesde fon corps5& les ayant vn peu preffées > ils feignent d'en fai- re (ortir des épines, des os bnfez , des éclats de bois 8c de pierre , qui éto- yent,àce que difent ces malheu- reus Médecins , la caufe de fon mal. l\s humectent auiïi quelquefois de leur haleine la partie débile , & l'a- yant fuccée à plufieurs reprifes , ils perfuadent au patient , qu'ils ont par ce moyen attiré tout le venin qui é- toit en fon corps , & qui le tenoit en langueur : Enfin , pour la clôture de tous cet abominable myftere ils frottée tout €$% Histoire Morale tout le corps du malade avec le fue du fruit de Imipas qui le teint d'vn brun fort obfcur , qui eft comme la mar- que & le feau de fa guerifon* Celuy qui croit d'avoir été guery par vn fi damnable moyen>a coutume de faire en reconnoiflance vn grand feftin , auquel le Boyé tient le pre- mier rang entre les conviez. Il ne doit pas auffi oublier FAnakgi pour le Diable , qui ne manque pas de s'y trouver. Mais fi le Boyé a reciieilly de la communication qu'il a eu avec fon Démon * que la maladie eft à la mort, il fe contente de confoler le malade , en luy difant 5 que fon Dieu, ou pour mieus dire fon Diable fami- lier y ayant pitié de luy > le veut en- mener en fa Compagnie y pour eftre délivré de toutes fes infirmités. Certains Peuples, nepouvans fup- porter Tennuy & les incommoditez- â'vne trop caduque vieilteffë^avoient àcoutuméde chaffer avec vn vene de Ciguë , leur ame qui croupiflbit trop long tems à leur gréydansleur mifera- ble corgs^fi nous en croions Elian*/.^ — des Iles Antilles. 6$f tf£.$8. Et quelques autres au rapport de Plinc,£^.4. ch.i 2. étant las de vi- vre » fe precipitoient en la mer. Mais en d'autres pa'îs , les enfans n'atten- doient pas que leurs Pères étant par- venus à vn grand âge > fiflent cette exécution y à ce que dit Elian * L$* c.\. Car on dit que par vne Loy pu- blique, ilsen étoient les parricides &. les bourreau -. Et le Soleil éclaire en- core aujourd'huy dans quelques Pro- vinces de ta Floride, des maudites créatures > qui par vne efpece de reli- gion & de pieté,afïbmment leurs Pè- res parvenus à la caducité5comme des perfonnes inutiles en ce monde , ôc qui font à charge àeus-mémes. Mais quelque avancée que puiffe eftre la vieillerie chez nos Caraïbes^ les enfans ne s'ennuyent pas de voir leurs Pères & leurs Mères en cet état* Il efl: vray 3 que quelques Caraï- bes ont autrefois avancé la mort de leurs parens* ôc ont tué leurs Pères tte leurs Mères 3 croyant faire vne bonne œuvre5& leur rendre vn office chari- table * en les délivrant de beaucoup d'incom ■^VV^^^^WS^^l^V^^^ r i €40 Histoire Morale d*incommoditez 6c d'ennuis, que traî- ne après foy la vieiliefle. Vn vieus Capitaine que nos François nom- moient le Pilou , fe giorifi oit d'avoir rendu ce deceftable feLvice à plufieurs de fcs ancêtres. Mais premièrement, les Caraïbes ne pratiquoient cette in- humanité 3 qu'envers ceusqui le de- firoient ainfi , pour être délivrez des rniferes de cette vie : 8c ce n'étoit, que pour aquiefeer aus prières in- ftantes de ceus qui étoient las de vi- vre y qu'ils en vfoient de la forte. De plus i cette barbarie n'a jamais été vniverfellement reçeuc parmy eus;ôc les plus fages l'ont à prêtent en dete- ftation y & entretiennent leurs Pères & leurs Mères )ufques.au dernier pé- riode de leur vie 3 avec tous les loins5 & tous les témoignages d'amkiéyi'hô- aeur & de refped , que Ton pourroit attendre d'vne nation 3 qui n'a point d'autre lumière pour fe conduire que celle d'vne nature corrompue. Ils fu- portent patiemment leurs défauts & les chagrins de leur vieilleifr-.ne fe iaf- Cent point de les fervir3& le plus qu'il leur des Iles Antilles. £41 leur eft poffible/e tiennent prés d'eus pour les divertir , "comme nos Fran- çois l'ont veu en quelques vues, de leurs Iles. Ce qui ne mérite pas vne petite louange 3 (1 l'on confidere que celafe fait chez des Barbares. Que fî quelques vns d'entr'eus n'honorent pas ainfi leurs Pères & leurs Mères, ils ont dégénéré de la vertu de leurs Ancêtres. Mais quand après tous leurs foins & toutes leurs peines , ils viennent à perdre quelcun de leurs proches ou de leurs amis 3 ils font de grands cris & de grandes lamentations fur fa mort ; Bien au contraire des an- ciens Tra.ces5& des Habitans des Iles Fortunées , qui enfevelidoient leurs morts avec joye, danfes & chanfons, corne des perfonnes délivrées des rni- feres de la vie humaine, au raport d'- Herodote Liv.$. de de Fiïcftrate en la vie d'Apollonius , l.$ . ni 1 . Après que les Caraïbes ont arrole le corps mort de leurs larmes , ils le lavent > le rougllfent, luy frottent la telle d'hui- le , luy peignent les chevens 3 luy plient *5 S i.partie. Quelques autres Peuples vn peu moins infenfez , les couvroient dVft monceau de pierres.On dit que quel- ques Africains les mettent en des vaifTeaus de terre , 8c que d'autres les logent dans du verre. Heraclite % qui tenoit le feu pour le principe de tou- tes chofes , vouloit qu'on brnlaft les corps ,afin qu'ils retournaifent à leur origine. Ec cette coutume obfervée par ©•es IlE5 An Tï LIES-. é4J par les Romains durant plusieurs Siè- cles , fe pratique encore aujourd'hui chez divers Peuples de TOncnt* Mais Cyrus difoit en mourant 3 comme ra- porte X~nofon en fa Cyropedie , /.8- qu'il n'y avoit rien de plus heureus> que d'efhe au iein de la terre 3 la Mè- re commune de tous les humains. Lés premiers Romains étoient de cette opinion : car ils enterroient leurs morts félon Pline> Im. 7. chaf. 54, Ec c'ét auii de tant de pratiques diiïiren* te? fur ce fu jet , celle que Ton trouve cl vfagechez les Caraïbes. Ils ne font pas leurs folles félon nôtre mode* mais femblables à celles des Turcs^des Brelîliens > & des Canadiens % c'eft à dire de la profondeur de quatre ou cinq pieds ou environne figure ron- de 3 de la forme d'vn tonneau : Et au bas ils mettent vn petit fiege, fur le- quel les parens & les amis du défunt alïéent le corps, le iai liant en la même pofture qu'il luy ont donné inconti- nent après fa mort. Ils font ordinairement la folle dans la café du défunt > au s'ils l'enterrent ailleurs» i ^44 Histoire Morale ailleurs 3 ils fonc toujours va petit couvert fur l'endroit où le corps doit repofer3&: après l'avoir dévalé dâs cet- te folle, & l'avoir envelopé de fon A* rhacs ils font vn grand feu à l'entour, Se tous les plus anciens, tant hommes que femmes , s'accroupiiïent fur leurs genoux Les hommes fe placent der- rière les femmes > & de tems èli tems sis leur paflènt la main furies bras pour les inciter à pleurer. Puis en chantant & pleurant ils difent tous cTvne vois piteufe 8c lamentable. Hé fourquoy es tu mort ? Tu avois tant de bon Manioc ~y de bonnes Patates>de bon^ ries Bananes > de bons Ananas. Tu étois aimé dans ta Famille > & Ton avoit tant de foin de ta perfonne. Hé pour- quoy donc es tu mort ? Pourquoy es tu mort ? Si c'eft vn homme ils ajoutent. Tu et ou fi vaillant & fi génère us. Tu as renverfé tant d'ennemis \ tu t'es figna- lé en tant de combats : Tu nvu as fait manger tant d' Arouagues : Hélas ! qui ~snom défendra maintenant contre les . Arouagues } Hé pourquoy donc es tu mort .? Pourquoy es tu mort. Et ils recom des Ilîs Antilles. 645 recommencent plufieurs fois la même chanfon* Les Toupinambous font à peu prés les mêmes lamentations fur !es Tom- beaus de leurs morts, comme dit de Lery cbap, j. H ejl mort , difent ils, ce bon chajfeur , & excellent pefcheury ce vaillant guerrier , ce brave mangeur de prifonniers > ce grand ajfommeur de: Portugais > & de Margajats , ce ge~ nereus defenfeur de notre pais. Il eji mort. Et ils répètent fouvent le mê- me refrein. Les Guinois demandent £ufïi à leurs morts > ce qui les a obli- gez à mourir , & leur frottent le vifa- ge avec vn bouchon de paille pour les réveiller, ainfi qu'on remarque dans la Relation des Hollandois ,Zi- vre 1. Et Bufbequius , dans la Rela- tion de fes Ambaflàdes en Turquie re- cite , que partant par vn bourg de la Servie , nommé Yagodena , il enten- dit des femmes & des filles qui la- mentant auprès dVn mort , luy di- foientdâs leurs chants funebres,com- me s'il eut efté capable de les entédre. Qu'avons nous mérité & qu avons nom manqué ^^VV>L^/AN^VVV>^^> ï I i ^4^ Histoire Morale manqué de faire pour ton fervice3& pour ta confblation ? Quelfuiet de méconten- tement as- tu iamaiâ eu contre nepu 3 qui fait obligé de nom quitter y & de nom taijfer Mhfi mifsrabUs & défilées ? Ce qui fe rapporte en partie ans plaintes funèbres de nos Caraïbes, Le Vacarme & les Hurlemens dès Toupinambous, Ôc des Virginiens en femblables occafions, dure ordinaire- ment vn mois. Les Peuples d'Egipte, faifoient durer leurs larmes foixante- dix joins. Et quelques Floridiens em- ployent des vieilles pour pleurer le mort fix mois entiers. Mais Lycurgue avoit limité le dueil à onze iours, à ce que dit Pltttarquc en fa vie : & c'eft à peu prés le tems que prenoient autre- fois nos Caraïbes pour pleurer le dé- funt 3 avant que de le couvrir de ter- re. Car pendant Tefpace de dix jours, ou environ , deus fois chaque jour les pàrens 3 & même les plus intimes V- mis , venoient vifiter le «ort à fa fof- fe : Et ils portoient toufiours à boire & à manger à ce mort , luy difant à chaque fois : Hépourquoji es tu mort} Pour ?£&£&£& des Îles Antilles. 647 Pourquoy ne veut tu pas retourner en vie ? Ne dis pas au moins que nom t'a- yons refufé decjuoj! vivre. Car nom t'ap- portons a boire y & a manger. Et api es qu'ils luy avoient fait cette belle ex- portation , comme s'il l'eut dû enten- dre , ils luy laifloient fur le bord de la foiTe les viandes & le bruvage,iufques à l'autre viiîte , qu'ils les pouifoient fur fa tefte, puis qu'il ne daignoifc pas avancer fa main pour en pren- dre. Les Péruviens > les Brefiliens, les Canadiens , les Madagafcarois y les Canariens, les Tartoves > les Chinois, accompagnent aufli de quelques mets, les tombeaus où ils enterrent leurs proches , comme on peut voir dans Acofta > de Lery, Paule le Ieune, François Canche , Thomas Nicole, chez Bergeron, Carpin> & Trigaut. Et fans aller fi loin , ne fe fait il pas quelque chofe de femblable parmy nous ? Car on fert durant quelques jours y les effigies de nos Roys &c de nos Princes nouvellement morts , ôc on leur prefente à boire & à manger, comme ■^^v^^^w^^^v^*^* I £48 Histoire Morale comme fi elles étoient vivantes -, mê- me iufqu'à faire devant elles , l'eflay des viandes & du bruvage. Les Caraïbes de quelques Iles, po- fent encore à prefent des viandes'prés de la fofle du mort : mais ils ne le laif- fent pas vn fi long - tems qu'ils fai- foient autrefois,fans le couvrir de ter- re. Car après que la chanfon funèbre eft- finie, & que les femmes pnt épuisé toutes leurs larmes , IV n des amis du défunt luy met vne planche fur la tê- te, Se les autres pouffent peu à peu la terre avec les mains. & remplirent la folle. On brûle après cela tout ce qui apartenoit au mort,au raport d' Acofta, dans l'Hiftoire de la Chine , de Laët, Garcila(îb,Pirard, Linfcot,& d'autres. Ils tuent aufi quelquefois des Efcla- ves pour accompagner les Mânes de leurs morts, & les aller fervir en l'au- tre monde. Mais ces pauvres mifera- bles, gagnent au pied quand leut maî- tre meurt , & fe (auvent en quelque autre Ile. On conçoit vne jufte hor- reur , au récit de ces inhumaines Se barbares funérailles, qui font arrosées du l des Iles Antilles. 649 M fang des Efclaves , & de diverfes autres perfonnes : 8c qui expofent eu veuë de pauvres femmes égorgées^ brûlées , & enterrées toutes vives, pour aller en l'autre monde tenir compagnie à leurs maris , comme il s'en trouve des exemples chezdiver- fes Nations. Mais nos Caraïbes fe contentent en ces rencontres, de tuer les Efclaves du défunt :, s'ils les peu- vent attraper. Il-étoit défendu ans Lacedemoniens de rien enterrer avec les morts : mais le contraire s'eft pratiqué , & fe pra- tique encore aujourd'huy chez di- verfes Nations. Car fans parler de tant Àe chofes precieufes que l'on faifoit corifumer avec les corps qui paifoient par le feu après leur mort , chez les anciens Romains, Macédoniens, Al- lemands , 8c autres Peuples : comme nous voyons dans Virgile,Arrian, 8c Tacite, l.j.c.i 1. Nous liions en l'Hi- ftoire de Iofefe que le Roy Salomon enferma de grandes richefïes avec le corps de David fon Père : Ainfi les Tartares mettent dans la tombe avec Tm, IL E e ■^^/v^^^Ax^vv^^A rero I é$o HisTorRE Morale le mort,tout fon or & fon argent, fé- lon Carpin,& De Lery> Et les Brefi- liensjles Virginiens, les Canadiens & plufieurs autres Sauvages enterrent avec les corps les habits,les hardes & tout l'équipage des defnnts,fuiuant la Relation des Hollandois, de Laet, & le Ieune, Ceft auffice que les Caraïbes pra- tiquoient en leurs funérailles avant qu'ils euiTent communiqué avec les Chrétiens. Car à la dernière vifite qu'ils venoient rendre au mort y ils aportoient tous les meubles qui luy avoient fervy durant fa vie , affavoir, l'arc &c les flèches , le Boutou $ ou la Mafluë , les Couronnes de plume, les pendans d'oreilles , les Colliers , les Bagues , les Braffelets , les paniers, les vaiffeaus , & les autres chofes qui étoient à fon vlage , ils enter- roient le tout avec le mort 5 ou ils le bruloient fur la foffe. Mais à pvefént ils font devenus meilleurs ménagers: Car iesparens du défunt , refervent tout cela pour leur vfage , ou bien! ils en font prefent aus affiftans , qui les I des Iles Antilles. 6$i les confervent en mémoire du de- vint. Apres que le corps eft couvert de terre , les plus proches parens fe cou- pent les cheveus , & jufnent rigou- 4;eufement 3 croyant que par là , ils en vivront & plus long tems & plus heureus. D'autres quittent les Cafés & la place où ils ont enterré quelcun de leurs parens,& vont demeurer ail- leurs. Quand le corps eft à peu près pourry ., ils font encore vne afletn- blée^ après avoir vifitééc foulé aus pieds le fepulcre en foupirant, ils vont faire la débauche , & noyer leur douleur dans le Ouïcou. Ainfi la Cé- rémonie eft achevée,& Ton ne vient plus tourmenter ce pauvre corps. Pin du Second & dernier Livre de tHÏÏioire Morale des Antilles» Ee 2 VOCA ^K^^^^A^^^^â^^^é^J msm é$l V OC ÀBVIAU1 VOCABVLAIRE caraïbe. i^vertijfement. I, "KTOus marquons par des accens aigus J^^les fyllabes longues,& fui Jéquelles il faut s'appuyer .Et nous mettes i-points fur plu- sieurs lettres,pour faire connoitre que celle qui précède appartient à la fyilabe d'auparavant, & ïiefedoitpointdutout joindre en la pronon- ciation avec la fuivante. Comme lors qu'en François nous mettons deus points fur louange, fur louera fur quelques mots femblables. 2. Lors que le mot que nous couchons ell:; celuy des hommes, nous le défignons par vnt H. Et 1ers que ceft celuy des femmes, nous le çliftinguons par vne F. 3. Enfin , comme les mots de cette Langue font difficiles à imprimer correctement à cens qui n'en ont pas la connoiiTancc par eus mê- mes, les Lecteurs font fuppiiez^d'aftribuer au Conecleur les fautes qui peut-être Le trouve- ront icy en quelques endroits , comme il prefque ïmpoffibîe autrement. :ft LLE5 K^^y^^r^&z&xî^ Cara ï ô é. I. LES PARTIES DV Corps hvmain. M On corps 3 nikobou. La graille. taillé, Ma peau , nora. Cela fignifie en géné- ral tout ce qui fert de couverture. Mes os , »i^. Gela fignifie auffi vu tendron. Les Caraïbes ne diftirîguent point les veines d'avec les nerfs-, ôc ils les ex- priment par le mot de nillagra 3 qui fignifie mes nerfs ou mes veines: comme LMagrafesntïis ou fes vei- nes. Ils appellent encore ainfi les racines des arbres. Mon fang , H. nitta F. nimoinaloiï. Mon poil , mes cheveus,mtib nicheuc^e. Mes y eu s > nd^ou. Ma prunelle yndo^u-euk/* C'eft à dire proprement , Le noyau de mon eeiL Ma paupière > nakéu-ora. Ceft à dire, La peau de mon œil. Mon fourcil , nichikpuchi,- Propre- ment * Pièce d'œiL Ee 5 Mes ^^J^v>^^^ws^^>^^^^L^^ ^Bo^r ï 654 V o e A B V 1 A I R E Mes c\\s>nÀkptt~ >0#.Proprement,/tf ps0 de l'œil. Mon front > nêrêbé. Mon vifage , nichibom Mon nez 3nichiri. Ma bouche momna : Ma lèvre > mcnwÀrou. Ma dent » #^W. Ma dent macheliére, nackeu^e. Mes gencives , nàri aregri\. Propre- ment > ce qui efi contre mes dents*. Mon oreille, nariiia'è. Mes temples , ncuboyonbou^ Mes joues a nitignL Ma langue *rimigrJ. Mon menton , nariona* Ma manimelle ^nouri. Ma poitrine , nàrokou. Mon épaule 3néché. Mon bras , nanenna. Il fignifie auffi- vne #/&* Mon coude , neugueumcu\e. Mes mains yniucabo. Mes doits y nmcaboraùn , comme fi vous défiez, lesfetu>ou les enfans de ma main. Mon pouce xnottcaboiteignkm. Pro- prement* Caraïbe. 655 f renflent,** qui eji oppofé am doits. Le pouls , Lwcabo amchjycçfï à dke proprement , l'aine de la main. Mon ongle 3 niubara. Mon eftomac , nankhirokpu. Mon cœur , H. niouannu ï.nanichi* Ce mot fignifie zx&\>mon amc< Mon pou 1 mon *noara. Mon foye , noubana. Mes entrailles, noulakaè. Cela fignifie auffi le ventre. Mes reins >nanaganéx Mon cofté > nauba. La ratte , ewèmata. La veffie , ichikoulouaha'è* Mon nombril, nârioma. Les parties naturelles de i'homme,Hv Talonkpnli, F. Nehuera* Les parties naturelles de la femme, Touloukpu. Mon derrière ynàrioma-rok?^ Ma feffe , #*?'**. Ma cuifle > nebonik. Mon genou,nagagirikj Mon jarret ■ ymchaoua-chaoua. Ma jambe , nourna. Ma grève ynourna-aboidougou. pe 4 Ma ^^Mws^^>^\>^^A^i; 1 &S& VoiABVIAïRf Ma jointure , nœpataragame 3 c'eft % dire 3 vne cjoofè ajoutée. Ce qu'ils a p=*» pliquent auiïi à vne pièce que l'on met forvn habit. Ma chéveille du pied * noumourgouti* Mon pied , nougouti. Mon talon , nougouti-ona. Mes orteils * nongouti-raim.Q^lk à di* re proprement lespetu du pied. La plante de mon picà^ougôUM-ro^puy proprement* /* dedans du pied. Comme ils ne difent pref que jamais les noms indéfînis/ur tout des par- ties du corps-, mais qu*ils les reftrei- gnent à l'vne des trois perfonnes* nous les avons mis icy à la premie- re.Qui les* voudra mettre aus autres* n'aura qu à changer la première let- tre à chaque mot : comme on le peut apprendre du Chapitre du Lai*- gage. II. PARENTE' ET . Alliance. m On parent y H. niotwioulikouS» nitoucke. Mo s* C  B!' A ï B F. Mon mariage ,youêlleteliî Mon m2Lty>mraitL- Mon Père, en parlant àluy , H.& .?.. Baba. In parlant de luy, 1A. yovmmnjc *nm~ kôuchili. Mon grand Père > Hdtainoulouyï \*7ar>* gouti. Mon Oncle paternel; On rappelle VtïZyBaba. Et pour lignifier le vray ôc propre Père y quand on le veut diftingiiet expreflement * on fait quelquefois èéite :&&$à&hjÈé$f& tirH I/oncIe maternel 3 H. iyd'o. F. akjto- bon. Mon fils s H. ïmakou , imoulou yya- moinri , F. nirdheu. Mon petit fils , hibalù Lors qu'il n'y en a qu'vn. Mais lors qu il y en a plulieurs , nibâgnem. Mon frère aine ,H. hankin>Y\ mbôit* kiïyem. Mon cadet H. ouanouè , & /£/>*. C'eft à dire proprement ■> Mi moitié > SE, namouléem. Mon beau - frère, & mon Goufîn de E& | mére^>. >VVV^MC\^V7V^^/>V «W*»î i S i 1 Lw Cj% V O C A B V L A I R E mère , H. Ibamotii > E. nikelirk Le CouGn non marié à la Coullne^ Tapât aganum. Mon Neveu , Tanantigané. Mon gendre , Hibali moukou. G'eft à- dire y qui fait des petit enfant., Ma femme H. Tenénerj.hcs femmes difent Liant > fa femme. Ma Mère y en parlant à elle , H. & F<^ ^fc^c'eft aulïi vne exclamation. En parlant &'élt$&*.IchÀnwn.~Y.-ncu* kouchourou^ Ma Belle-mère du fécond lit> Moukjtè* choufoutenk Ma Belle- mère dont £ay époufé la Çi\\zyImenoutix Ma grancTmére >M>hnMti.¥.n&. guette. i Ba tante maternelle s'apeile Mère-,* bibh ta paternelle, naheupouli. Ma fille \\.nianant'uY.nimhe:m Ma Sœur , nitou. IL'âinée , bthiouanonan» JLa cadettes tamouhloua. Bru y belle fille 5 & Nièce 3 nibaeiïé; Ma Coufme a,H. XomUeri>ccù.kdiïç;) '< C Aîl A î B E. 6J9 Mafemelhy ou ma promife'rp^ïCQ Cjue naturellement elies font deues pour femmes à leus Confins : les femmes difent Touelbu. Les enfansde dseus fréres^appellênt frères &c fœitrs : les enfans des deus fœurs , tout de même* III. G ONDITIÔttS ET QVALITE2. VN homme , ou vn ma/le , H, Ouèkelli : au pluriel , otttkliem> F. eyéri : au pluriel, eyêrium. Vne femme v ouvne femelle, Vi.oueU le : au pluriel , Y.ouliem Inarou : au^ pluriel yïnnoyum. Vn enfant yniankèili.* Vn garçon, moule\e. Vne fille >niarikeiroua Vn petit garçon , ouekelliraeu. Proprement > Vn petit majle. Vn petite fille , ouelleraeuy Proprement, Vne petite femelle^ Vn vieillard, onmali. Vn Père de famille ytioufoutouli ' au**- thu Se a ; ^ ■g^^y\>ga^>i W^ €6o VOCABVIAIRF Vn veuf ôc vue vaxive3mo tricha* Vn camarade y bmiark Vn amy^Hi^z/iW^F. nklgnon. Vn ennemy^H.efoW^ ¥*al*am. Vu ennemy contrefait, ctontounoubil Ain fi nomment ils cous cens deleurs ennemis qui font vêtus. Sauvage^w^r^.Les Caraïbes ne don- nent ce nom qu'aus animaus &c aus fruits Sauvages. Habitant > benon. Infulaire 5 ou Habitant d'vne Ile , ow- bœo bonon. Habitât de la terre îctxçïtjodotièbonon. Homme de Mzï>balanaglé. C'eft ainfi qu'ils appellent les ChrécienSjparçe qu'ils viennent de fi loin par mer en leur païs. Général' d'armée navale > ou Amiral, nhœléne. Capitaine àtvû^Wyiiouboutouli ca~ naoua* Grand Gapitaine3ou GènètalsOuboutcH au pluriel, ouboutonnurn,. %\cutend.nt>tioHboutoMi??ali arici.Cziï à dire proprement,/^ trace au capital* m5QK M cjni partit nprés luy* Soldat^ G À & A îtfEY Soldat, on guerrier, neioukoùitu Sentinelie,Efpion, arikputiynabara Mon prifonnier de guerre y nioùkouli^ niouèmal^ali. Celuy qui a k charge de recevoir les» hôtes , Mouâkaitï. Mon ferviteur à gage , tel que les* Chrétiens en ont nabouyou* Serviteur efclave, tamon^ Vn challim ekeroutL Gras, tibauléti. Maigre , touUéli. Grand, mouchipééli* Gros, ouboMtomiy Petit, tf/4//f j ^ r4*k Chétif, pikemm.En langage bâta&L Haut , wêuti.. Bas , onaboutu Profond, culiliti , anianliti^ Large , taboubérm. Long ymouchinagoutu- Rond , çjoiriritu Quarrc , patagonti.. Beau , boukouti. Laid ïïiuinti ichibou* Moi ^nioulwtu* ■^vv>^^^i^^i^\>^^^>; é6% "Vf O G £ y V £ £ F R E Dur > *#/^'. Sec youarrou y ouarroutk Humide , k^puchak^uali. Le chaud & le froid font exprimez &w titre ix. Blanc , alomi. Moir y oâliti. laune yhouermi. Rouge yfonhi. Ils ne favent nommer que ces quatre couleurs - là , 6c ils y rapportent toutes les autres» Larron >ymalouti+ Inceftueus , kakouyoul^puatitL Adultère , oulimateti. Paillard y Huer et u Querelleuse oulibimekvali , fyamitC Trai t r e 5 mroboutehk Mauvais, oHÎibatiynmnouanti^ Bon 5 iroponti. Sage , f^amehicoth Adroit ymanigati loi , leuletuiao , ou, mlouali ao. Ceft: à dire proprement, qfiptfapimde^ lumière. f ai liant, hdlinumptii Boluon 3 Mtouàti. Car a i b e. * 0&: îoyeus , aou'èrekpua liouani: Trifte , imouemeti Yvre, nitimainti. Riche, \athobditu Pauvre , matakobaitu Wiquantychouchouti. Mort >neketali.- IV. ACTIONS ET Passions. 1E fe ié en luy moingamti lonéï- Atten moy , iacabainottbara* Efpere ,-atten^/^V/. Efpere en luy >emenichiraba. Efperance yementchira. Mon efperance ynemenichiraew Ma crainte , rimmnouboulu . Ma joye, M*naoHeregoti^.mouannià> Ma trifteffe , nitikabouc. Il cft né , emeignouali. Sois le bien venu v /?^/^ tiboui Vaf faim ylamanatina. l'ay foif ynacrabativOi Bonne moy à manger,ou,donne rnoy du pain, Vi.yerebali ùm bornant. nou- b#ute.ùmfomdff9 Donnée &s&mM$& es^ &g% V O C A B V L À I R t Donne moy à boire, n&tmi boman. Mange y à l'impératif,/?/*/^*. Manger , à l'infinitif *jM qui eft pcœ envfage , œikra. le mange, naihiem. Boy 5 kpuraba. le V>ois3natlemynatakayemt le fuis échauffé de boire , mchœrom-* tina* Vien [cjyflac-yété* Va t'en bayoubottkaa. Parle3 ariangafra. le parle ^nanangayem^ Tay toy >mambœ. KGkàs toy > nïouronba. Couche toy par t^tï^raolgnab^ Lève toy , aganeftyba. Tien toy debout y aramaba** Regarde yarikabar Ecoute , akambabœé. Flaire, irimichaba. Goûte- en rfochabaê. Touche Xtikourouabiie. *h{aïc\ie>bayoubœkd. ïevn2Lichzyriayoubdkayema Promené toy Mbachiafy. &QWSïhthmbœ.' C A R A I B-E, Dan fe5 babinafyt. Je dan-fe , nabinal^ayem. Sd.wiZjchoubal>ouaba. le vay fauter > choubakottaniabou»- Ry , béerraka. le ri-s}ou ie me réjouis* naoHirélipytmv Pleure > ayakouaba. Dors y baronka. Réveille x.oy >akakoteuaba. Veille , arcmankaba* Travail > H. yomtegmali. F. nwm&> nikjé. Repos y nemervonl. Combat stibouikfnoumalu- Guerre , H. nainkpaji :.mhhftoukpnlu> Paix * nmemboulouli. Il eft àéfàit^nioudlemaimi. Il eft V2L\ncu9enépati^ Refpire y aouraba banichi. Gela veut dire proprement > rajfraichy teœ cœur. Souffle 3 pkoitbae.- Crache, thouèbœ. Touffe y hymba. Mouche toy y nainraba:- Excrémenter , haumomsu Lave toy, Gbibabat Arr©fo* W^~S\>**^J*^r^S>+~Z^Ï M*»*?* Ï I I V O £  Et L A ïHE Ârrofe y touba bonbœra. Va baigner y -^40 bouka. le nage , napoulou^ay^m. Il nage bien, \apouloukfttitu lia été noyé , chalalaali. Il a été étouffé, niarak^uali. Ouvre ^ Talabœ* Ferme , tÂba. C herche, œlouj^aba* Trouve ibifçpuabaf. Voie, hamamha* Tu tombes , bati^eroyen, Perds le * ^boHte^oHabae, Ven* le i kebecikztœbaé. Acheté , amoulm^aba. Il traitte ou trafique, baonanemtth Va à la chaffe, ekre^aboukfi. Ma chalTe , neiger en. Il tire bien de l'arc, \0.chknratiti>bow- Il tire bien de l'arcjuebuie,^^?^//^. Va pefcher du poiisôjikaboul^a authe» le pefche, Natiakjiyem. Ma pefche, Natiakani. Il eft arrivé au port* abmîrnkaali. le chante en rEglife, NalUUkjiyem. le châte ¥nechanfoa,iV^r<9w^^y/^^?r. ffiSffMSBSSSS C ARA IB'!.' 66f Beff amoureux d'elle , il la careffe^ Ichoatoati tao* Baife-moy > Chouba nionmoulougou. le veux cftre nommé, nomme moy & yetkilée yate^, E l'aime, kjnchinti lone> Tibouinath Il le hait, y erekjtti lonè. Querelle , liouelebolu Yvrognerie, Litiètimali. Frappe, fouette, Baikoaba* Fouit, abaïchaglé. Bats- le, apparabaè* Tuë le, chiouiba'è. Il fe porte bien, atmtitttmlu Il eft malade, Nanégaeti. Nannêteith Maladie, ane^ Jl mzàdoicéZiNaraliatina. le me vengeray, Nibatiéhouibatitj&» Vengeance, NayouibanaboM. Il l'a mordu, kerreliale. Il eft btefféy NiboukœbottalL Il vit £ncQïQ,W.Ti F. kakikiiÏL Ea vie, Lakœkethonu Il eft mort, H. Aonéétii NiÇotamaiiia- UjjttHilaalu %& M^^s>^*^j*^*^js>+~z4yj* i 1 I 1 r % 1 €6% V OOA-SVl A I II Ë La more > Lalouêve. Enterre le ; ce qui ne. fe dit pas feule- ment de l'homme j mais en général d'e tout ce que Ton met en terre* comrae d*vne plante s bûnambat.Ew* ter rement, tonamonli. MENAGE Trafic, E^î VN V iîiage,^/k Vne maifon publique^r^/v Vne maiton,H^ vn couvert > ou vn au* vtr\ï.yaioupa. Vn Iardin^^W, Mon jardin, H. imaindi $ .nichalu Foire à manioc 3 tomonal^. Le t'oiâ , toubana ora.- Proprement^ couverture de maifb?? ou de café. Muraille ou paliflàde3^?wv?,r Plancher. Ils n'en ont points Phnchejbawoti* Porte y bêna. fenêtres Toullepen , proprement , tte'- %M> c a r-. a i s e; £6% Tdb\e,matoutou. Siège yhalaheu. Qz^ejonoulou banna. Vaifleau , Tœkfië* Ce qui s'applique à tout. Vaiflelle de çalabafle,cmr. Moitié de Couï qui fert de plat,ta/^< Ce mot fîgnifîe proprement vn çifr fié. TaiTe à boire, Ritta. Verre , flacon, bouteille , bcutella, de l'Efpagnol. Gril de bois , que d'autres Sauvages appellent Boucan >yotda. Pot de fer,ou marmite toura'é. Pot de tçvïc>Taurnali aka'é , & Canary. Chandelier , ou ce qui tient quelque chofe , Tak*t*k}ç* Chandele , lampe, flambeau , touli ç'eft du fandal qui rend vne goçnmç, }Àonçhette>tachackjpMaglé. Hameçon,j^0#£. Aiguilles, ahoucha. Epingle, alopholer. Coffre iak,a. Hotto, dÀoiiata3CatQli, Tami Jb ^^«^gg.vags^^ &1 G T OCABYiA I RE Tamis pour palfer la farine du Ma^ nioc , de pour couler le Ouïcoi% hibichet. IFirîe farine de Manioc , mouchache* Viande, chair tékeric. Du roty, aribelet y achêrouti. Vne (miïeytaomali.A owtaumalu Vn hachis natara. Vn feftin nÀtoniJaupaliyeletodl^. Du poifon , H. tiboukouloH , f. ;j&4*« \oura. Marchandife, eberitina. Marchand j baoùanemoukou, Piraugue , ou grand vaifleau de Sau- vages, canaeùa. Petit vaiflèau de Sauvages , que nous appelions Canot, coutiala. Navire^^/V^Cela vient fans dou- te de nôtre môYFrairçois. Corde > ibïtarrou. Cable skaboya. Ç'eft vn mot qui fent le barragoin j & qu'ils ont formé ,_ fans doute * depuis qu'ils ont fré- quenté avec les étrangers -y comme quelques-vnsdes fuivans. Ancre, tiehibam ôc ankonroute. Couteau, couchiqtïe* Cifeaus Caraib E. fft - Cifeaus, chïrachi. Beaucoup , Mouche, Mot du langage corrompu. T)\x> rbonnoûcabo raimicc& à dire tom les doits de la main> Vinc , chonnoucàbo C&im*chonnougouci rmm> c'eft à dire, tom les doits de 1$ main y & tom les orteils des pieds. Il$ ne fauent pas conter plus avant. Voila ton X\dtybouekra. 'Voila ton ttizngev9enyérébali. Voila ton bruvage, en hatoni* Grand mercy, tao. Oiiy , anhan. Non, oua* Demain , aloukœ* Bon jour, mabouè. Adieu, 'huichan. VI.OR.NEMENS, & Armes. BAbioles ou bagatelles en gênerai, cacones, C ou r o n n e, tiamatabom. BdLguçjouJ^œboHri. Collier I I i; I &J1 V©.CA-BVXAlRJE* Collier, ewkfk Mon collier, T.enekali. Bracelet , nournaru Pendant d'oreille , nariî(aëU> Ceinture , ieconti^oxx niranvary* Brodequin, Tiehepoulou. Peigne de France, briina* C'eft nôtre mot en Baragoin. Peigne de rofeaus, boulera. Mouchoir , nainraglé. Miroir ., chibouchi. Epée , echoubara. Arquebufe,moufquet,r^^^^^- ^iSïolctirakaboHchouraeu.PïoptQmQnt, -petite arquebufe > on petit moufquet* Canon , kfiloon. Pique , Halebarde , ranicha. La pointe,H Mchibau^.laboulougou. Le milieu , lirana. Le bout , ttona. Vn arc, H. oulUba> F. chimaU. Ces deus mots fignifient aufli vn arbre* La corde de Tare, ibitarrm. J)e$ûéches3dlm4vi>botileoua>faippç. MaiTuë d'armes , dont les Sauvages fe fervent dans leurs '.combats au lieu crêpée* hmttou. :; f il PSS^^RÇ^^^S^^^SS^^çs^^^^ri?^^^^ C A R AIBL 67 j I VI I. ANIMAVS DE Terre, d'Eau, & d'Air. m CHien , ^#/?. Chienne , ouëllé anly. Proprement, femelle de chien. Pourceau , boùirokgu. Ils le nomment quelquefois auffi , coincoin* Guenon , ou barbue -, œlouàta. Tonxx'è,catallou:Ôc en baragoin/^////^ «Gros ltzatd,ottâjratnalça9ce(i le même que d'autres Indiens appellét/g^/^. Petit lézard , ou Gobe mouche , c eft ce que nous apellons com- munément yn larnbis. Moufquite, ou efpece de- moucheron, aétera. Autre efpece de moucherons ^nom- mez communément maringoim ,&ç- couds fous ce nom-là,^//* kflaba- la. Qui ont les pieds blancs. Mouche J A»*r* fc«*>*. Mouche luifante, r^/^cela le rap* porte au cocuyos d'autres Indiens. Oifeau 3 tonoulou. Coq - d'Inde „ oue^'M fikpk** Pouk d'Inde 3 ouellé f\ké>a. , poule commune 5 ^/«^ Canne f^MMoii. Oifon > îr#>^. Perroquet > kpttléhuec,. pigeon > ouÀkpukpua* Tourte > o^Zkw. Perdrix > ouàllami. Plume , totèanna. C'eft auffi vne fe aille. Aile > ou bras , tarteuna. tmSg&kSÉX&t C A RAI * B. Bec ou houche9Tiowna. Pied ou %z\.tç,Tougonti. VIII. ARBRES ET PLANTES. 1 A Rbre 5 huehuê. . jf\ Vhntt^ninÂnteth t\mijllehuê. Fruit , ou grainea7#ff. Feuillej70#£^»tf^. Ceftauffi vr\z plume. Branche , Touribouri. 'Epine&ionMëhuê you. Proprement /; ^01/ de l'arbre > ou , huehuê akou: comme fi vous difiez > Lesyem de Varbre. Vr\c¥oïcQL3œrœbou. Figues 3 baekoukou. Ils nomment les Oranges & les Ci- trons comme nous5 parce que ces fruits leur font venus de l'Europe. Caflkr-, ou Canificier3W/V/^/£> C otton>ma?iGuloii. Cottonier, monouhu akecha. Raiiinier5 onlkm. F f % Racjuett© œllirou. Nuage noir , onallion* Brouillait 3 kemerei. Etoille* oualoukouma. Soleil y H.huyeyoUyY Machi. Lune > H. nonum, ce qui fignifie aufïl* la X-AiSëSe^ Caraib e. 6ff? lia'terre ,F. k*m. Journée, Uhuy-eoulL Clarté & îefplendeur , Ldloûkpne^ Lumière , lagmnanL Nuit yanakou. Ténèbres 3 bourrelL Il eft iour 3 haloukaali* II eft nuit > boureokœali. Air , naottaraglé. YQnt3bebéité3i[ fignifie auffi/W quel*- quefois. Feu 3 omttou. Gendre , bailijfi-.- Pluye , kpnobouL Grefle , glace 3 neige .Us ne les con^ noiflent pas. Hyver , leur eft inconnu tout de mé* me. Eté , LiromoulL Le froid , lamoyerâu Le chàvidjoubacha. Le beau - tems ,Ieyomonméeli3\\s Tap pellent auffi du nom de l'Eté. Il faLt- beau- tems j/?«eWi^//. Il» fait mauvais- tçm$geh$mw trtrguetennL- E £ j Tempefte: ^WV^^^W^VAV^>.^^VV r i i i ê'jî VocAlvt AI &t Tempefte xTouÀUoh> boinîara.ouroganï qui eft le nom le plus commun. Arc-cn-ciel s -alamonlon , ou foulpucay* comme qui diroit, plume,ou fmn&* che de Dieu* Vue montagne 3 ouebo* Vne vallée ytaraliromié* Le montant y tagreguin. Vne plaine > liromonoboUé Eau *■ rivière 3 *0//^. Source y. fontaine stabmliké^ Puits ychiekati. Ruiffeau , tiponlirL . Mer 3 H. balanna 3 F. balaouœ. Terre , H. #9»!flft£ela fignificauflLl* Lune, F. 7#0#i. Excrément * Wifc** Sable tfaccao. Chemin, erna. Pierre ytébon. Rocher , emétali.* Ile j oubao* Terre ferme^ou Continent,^/*»*; Du bois , huéfouê > il fignifie auffi vn Bu fer crœbofa* gss&më&mâi C A R A I B E. pel'or &c de Vaïgentyboulata. De l'airin , tialapirou. Du leçon 3 kftouanam. Vn trou , toullepen , cela flgtiifie auffî v ne fenêtre. y ne rade , %?« > c'eft le mot de £*/* vn peu changé. X CHOSES SPIRITVEL- les5 ou de Religion. L'Ame eft exprimée par le même mot qui fignifie le cmtr.Yoy^z au titre des parties du corps humain. Vn Efynt>H.atymbouë,ï.opoyem Ces noms font generaus, C'eft pour- quoy ils s'appliquent parfois à TEf- prit de l'homme.Mais ils font don- nez en particulier aus bons efprïtsj au moins que les Caraïbes eftiment tels 3 &c qui leur tiennent lieu de Dieus. Bon efprit , qu'ils tiennent pour vne Divinités dont chacun d'eus a le fien pour fon Dieu en particulier, eft au (lî, nommé > Icheiri, qui eft le mot des hommes,& cbmm><\pX eft celuy Ô/6J ê$0® Vocâbvlàire Caraïbe.' xelny des femmes, & dont le pluriel eft Chemimm.Detoïtzqvieœs mots répondent à ceby de Dieu , & des f*ton bon efprit > ou , mon Dieu, H. Icheirïkoii) F. nêchemtrakou* Efprit malin , ou Diable. Hommes & femmes l'appellent* maboya, com- me prononcent tous nos François : Mais les Caraïbes prononcent icy le B,vn peu à l'Allemande, comme fi nous écrivions, mopoya. Ils donnent auffi le nom de maboya à de certains champignons , 3c à de certaines plantes de mauvaife odeur. Le Diable , ou l'efprit malin eft icy: Sauvons nous crainte de luy ?nabo- yakayen - eu : kaima loari. Ils ont accoutumé de dire cela , lors qu'ils fentent vne mauvaife odeur. Offrandes qu'ils font aus faus Dieus, ou aus Démons, anacri. Invocation, prière, ceremonieaadora* tion : Ils ne favent ce que c'eft. Fm du Vocabulaire Caraïbe. ■* ^^v*og^sagn«gJE*»a fF**T S 1