-M»*^^ €."^'4mi''y)^ I 1^, • W' »•«• .i: -l^j HARVARD UNIVERSITY. LIBRARY OF THE MUSEUM OF COMPARATIVE ZOOLOGY n !.. IpS'O. LiBRARY OF SAMUEL GARMAN îN.:?v?«sar *■. m 2 2 1929 HISTOIRE. NATURELLE DES POISSONS. HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS, avec les figures dessinées d'après nature PAR BLOC H. Ouvrage classé par ordres , genres et espèces , d'après le système de Linné ; AVEC LES CARACTÈRES GENERIQUES; Par RXNÉ-RICHARD castel , auteur du poëme des Plantes, TOME VII. DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET. A P A R I S, Clicz DiTrRViLLE , rue du Battoir, n° 16. AN IX. r ■ 1 L, nez Lr;:^V.Y i:. MA USA Tom. rZl. J>eifeve de/- J.e fl&un Lfcu^. 1. 1.A wSKRPE . 1 LK ROTKNGLE. 3 . I,A. IIOSSK . ^. I.E 1!^ASE . ^■^■^■^^-^•^l'^^^l^^^ HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. L X V^ GENRE. IjA serpe , GJSTEnOPELEC J75. Caractère s^énérique. Deux nageoires au dos ; le ventre terminé en arc. LA SERPE, GASTEROPELECUS STEHNICLjI, Les trente -quatre rayons de la na- geoire de l'anus, sont le caractère dis- tinctif de ce poisson. On trouve trois rayons à la membrane des ouies, neuf à la nageoire pectorale , deux à celle du ventre , vingt-deux à celle de la queue , onze à la première du dos , et deux à la seconde. La tète et le tronc sont fort compri- més des deux cotés , et d'une belle cou- Poissons. VII. 1 Q HISTOIRE ^'ATURELLE leur argentine, dans laquelle se joue un bleu d'acier. L'ouverture de la bou- che est grande, ainsi que les écailles, à proportion de la grosseur du poisson. La langue est blanche , unie et épaisse. Les yeux sont grands , ronds , placés près de l'ouverture de la bouche , et ont une prunelle noire , entourée d'un iris argentin. Entre la lèvre supérieure et les yeux, on apperçoit les narines. L'ouverture des ouies est large , et l'o- j)ercule des ouies est uni. Depuis la gorge jusqu'à l'anus , s'étend un os tranchant, qui est aussi mince que du papier, et qui, par son tranchant et sa forme arquée, ressemble à une serpe de jardinier; c'est pourquoi je lui ai donné ce nom. Cet os, ainsi que le tronc, est couvert d'écaillés. Il sert de point d'ap- pui à la nageoire pectorale, qui est lon- gue et qui a la forme d'une faucille ; celle de la queue est fourchue. Tontes ]es nageoires sont grises. Ce poisson doit nager avec beaucoup D E L A s E R P E. 3 de promptitude , car il n'a que peu, d'obstacles à vaincre. Sa patrie est la Caroline et Surinam. Il est du nombre des poissons voraces, comme on le voit par les dents dont sa bouche est garnie. Mais comme il est petit, il ne doit se nourrir que du frai des autres pois- sons, de vers et d'insectes. Du moins ceux que je possède ne sont pus plus gros que le dessin que j'en donne sur la quatre-vingt-dix-septième planche (i). On voit par cette description, que ce poisson n'est semblable à aucun de ceux connus jusqu'à présent. Le ra- soir que j ai décrit, est celui auquel il ressemble le plus, à cause des trois rayons de la membrane des ouies, du peu d'épaisseur de son corps et de son ventre tranchant. Mais les dents dont sa bouche est armée, l'excluent du ^enre des carpes , auquel appartient le rasoir. Ainsi Gronov a eu raison (i) Eilit. in- fol. 4 HISTOIRE NATURELLE cl'cn faire un genre particulier. Mais il s'est trompé en lui refusant les na- geoires ventrales , en ne donnant que deux rayons à la membrane des ouies, et en ne faisant pas remarquer la se- conde nageoire du dos. Après quoi Linné a fait la même chose ; et ce grand naturaliste a commis une nou- velle faute , en le rangeant dans la classe des harengs. Linné décrit un autre poisson semblable à celui-ci, qui se trouve dans le Recueil de Vacadêmie de Stockholm , et que M. le professeur Pallas regarde comme le même pois- son que le nôtre. Mais dans la mem- brane des ouies et dans la nageoire de l'anus, le nombre des rayons dilïero trop entre ces deux poissons pour qu'on puisse croire qu'ils ne font qu'une seule espèce : car Linné compte six rayons à la membrane des ouies de son poisson, et cinquante- trois à la na- geoire de l'anus ; au lieu que dans les i>ix serpes que j'ai examinées, je n'ai DE LA SERPE. 5 trouvé que trois rayons à la membraiio desouies, et trente-quatre à la nageoire de l'anus. Cependant , si la remarque de M. le professeur Pallas est juste, et que ces deux poissoiv ne soient qu'une môme espèce, nous devons à Linné la découverte des nageoires ventrales; et dans le cas contraire, c'est M. Pallas qui les a observées le premier. Cet liabilo observateur a aussi découvert le pre- mier la seconde nageoire du dos; mais comme il n'y a point remarqué les rayons, il la prend pour une nageoire adipeuse , et met par cette raison notre poisson dans la classe des saumons. Ce- pendant , les rayons de la seconde na- geoire du dos, et ceux des nageoires du ventre, sont si délicats, qu'on ne peut les appercevoir qu'au microscope , do sorte qu'il n'est pas étonnant queGro^ nov et Koblreuter n'aient pas remar- qué la dernière, ni Pallas la première. Statius Millier se trompe , quand il dit que la serpe n'a point de dents. Poissous. VU. 4 HISTOIRE NATURELLE DES CARPES EN GENERAL. IjEs poissons compris sous ce genre, sont nommés ordinairement poissons blancs , et carpes par les auteurs sys- tématiques. Ils ont la tête applatie des deux côtés, le corps couvert d'é- cailles blanches et brillantes. Une partie des poissons de ce genre sont étroits , alongés , et les autres sont larges , courts et minces : ce qui a donné l'idée à quelques iclithyologistes de diviser les carpes en larges et étroi- tes. Les premières ont ordinairement la tête petite ,et les autres l'ont grosse. Elles ont sept nageoires , une sur le dos, deux à la poitrine, autant au ven- tre, une derrière l'anus et une à la queue ou à l'extrémité du corps. Le fi ont est noirâtre et large, le dos ar- DES CAHrES EX GÉNÉRAL, 7 que, noir ou verdâlre, les côtés et le ventre sont de couleur argentine , et jaune chez quelques-uns. JLa ligne la- térale commence à la nuque. Dans la plupart, elle forme une courbure vers le ventre , et finit au milieu de la na- geoire do la queue. L'ouverture des ouies est large , et les opercules sont composés de trois lames osseuses, dont la supérieure est la plus grande. Les na- rines sont divisées en deux ouvertures particulières par une peau qui les sépa- re \ les ouvertures antérieures sont ron- des, et les autres ovales. Les lèvres sont cartilagineusesjvccouvertcs d'une peau épaisse, et forment une ouverture ronde quandla bouche est ouverte. Ces poissons n'ont proprement point de langue -, ce qui paroît en être une , n'est qu'une partie cartilagineuse for- mée par l'union des ouics de chaque côté. Dans le gosier, il y a de petits o& raboteux qui servent au poisson à tenir ferme les corps qu'il veut avaler. SovA 8 HISTOIRE NATURELLE les ouïes, on remarque deux mâchoires garnies de dents , dont nous avons par- le; mais comme ces dents ne sont pas delà même forme et en même nombre dans toutes les espèces de ce genre, j'en parlerai à part dans la description de chaque poisson. Ces poissons n'ont point proprement d'estomac :1e canal des intestins commence tout près des dents , où il est le plus large, et finit à l'anus. Dans la plupart , ce canal n'a que deux sinuosités ', dans quelques autres il en a trois et même quatre. Le foie est formé de deux lobes de dif- férentes longueurs. Dans quelques es- pèces, le fiel est d'un fond vert foncé ; chez d'autres il est jaunâtre. Dans 1© premier cas il est plus amer , dans le second il l'est moins. La vésicule aé- rienne est blanche, brillante , ronde , et divisée en deux parties de grandeur inégale. Les ovaires sont doubles aussi bien que la laite. Le temps des amours est ordinairement en avril et mai. Mais DES CAP.PES EN GENERAL. ♦> tous les poissons de la mrmc espbce ne fraient pas en même temps : les gros frayent plutôt que les petits. Ces poissons vivent de glaise , d'ar- gile , de craie, de vers, d'insectes aquatiques, de plantes et de fumier. Quelques-uns avalent aussi de petits poissons. Ils mordent ordinairement à l'hameçon. Mais comme ils ne cher- client pis tous la même nourriture , il faut avoir égard à leur goût quand on pêche à la ligne, et leur mettre un appât convenable. On prend, par exem- ple , le vilain avec des pois cuits , l'or- phe avec un morceau de hareng , et la carpe avec un ver. La plupart des poissons de ce genre habitent les lacs et les rivières. Quel- ques-uns , comme la tanche , la gibclc et le carassin, vont aussi jusque dans les marais; quelques antres , comme la zaerte et le nase , entreprennent des vbyages considérables. Au piintemps ils sorlcnt des lacs. lO HISTOIRE NATURELLE pour passer dans les rivières qui y com- muniquent , et reviennent après avoir jeté leur frai. Ces poissons appartiennent sur-tout aux eaux douces de la partie septen- trionale de l'Europe. Voilà pourquoi ils ont été inconnus aux Grecs et aux Romains, à l'exception de la carpe commune dont parlent Aristote et Pline. A la vérité, on trouve dans leurs ouvrages les mêmes noms dont se servent les naturalistes pour désigner plusieurs poissons dont nous parlons ici : tels que Leuciscus, Ballerus et Pbo* xinus : mais l'obscurité de leurs des- criptions ne nous met pas à même de juger s'ils ont compris sous ces noms des poissons du genre des carpes ou dç quelqu'aulre genre. Ausone , au commencement de son poëmc , parle des poissons de la Mo- selle : il nomme le barbeau , le goujon , la taiicbe, la veblette , le ccpbale j 33clgn ^ la rosse, le véx'on , le spirlin , DES CARPES EN GENERAL. 1 i Ja brème et la bordelière. Outre quel- ques-uns de ceux dont nous venons de parler, Salvian parle des deux autres, auxquels il donne des noms italiens, d'albo et de piclio. C'est aux natura- listes italiens à examiner si ces deux poissons sont du nombre de ceux que nous connoissons, ou s'ils sont de ce ])ays. Rondelet , outre ceux dont nous venons de parler, en nomme encore quelques-uns qui appartiennent à ce î^onre ; mais je ne trouve pas qu'il s'ex- plique assez clairement pour ne laisser aucun doute sur l'espèce. Ensuite Gcsner nous fit connoître le vilain, la ilûbule, la raphe , l'orphe, le nase , le carassin et la scrtc. Sclion^veld, l'a- pliye ; Jonston, la reine des carpes; Scliwcnckfeld lagibële et le roleugle, et VVillughby, le grislage , ou nageoire blanche. Bientôt après Mar^igli nous donne la description du rasoir , Artédi ci.lle de la bierquc, de la farènc, tlo Vide ci de la sopc. Ce sont trente es- 12 HISTOIRE NATURELLE pèces en tout qui étoient connues du temps d'Artédi. Comme cet auteur omet la reine des carpes, le rasoir, la bordelière et la gibèle , il n'auroit du en décrire que vingt-cinq. Cependant il en compte trente trois, mais la sér- ie , la raplie et l'orpbe , font chez lui cliacune deux poissons différens. Je laisse à d'autres naturalistes à décider à quelle espèce il faut rapporter le picho et l'albo de Salvian , le waper de Willugbby , la bambelle de Gcsner , ainsi que labubuleadeBelon. Kaempfer nous donne ensuite la description de la dorée de la Chine -, Ilassclquist nous a fait connoîlre une carpe de l'orient et du Nil; Gardon en a décrit une de l'Amérique , Gronov une du Cap de Bonne- Espérance, et nous devons à Linné la description de l'ilbarus. Les six nouvelles espèces jointes à celles que j'ai rapportées , font trenle- six espèces connues dutempsde Linué. Mais comme cet auteur omet la borde- DES CARPES EN GÉXÉRALt t3 lière , la reine des carpes , la gibèle, le picho , l'albo et la carpe orientale de Hasselquist, il ne décrit que trente es- pèces. A la vérité, il en compte trente- une ; mais le dentex de Hasselquist est un saumon: il l'adonné pour tel , et c'est ce que Forskaol a confirmé. Re- tranchons maintenant l'itbare , que je crois être son ide , et il ne restera proprement à Linné que vingt- neuf espèces. Depuisce temps-là, Lcpecliin et Forskaol ont découvert chacun une nouvelle espèce , et j'en ai observé trois, que je décrirai bientôt, dont liinné ne fait pas mention; de sorte que , autant que je puis faire foi sur les descriptions des auteurs, et sur les poissons que j'ai eu occasion d'obser- ver, je crois qu'on peut compter trente- deux espèces sous ce genre. Je n'en dé- crirai ici que vingt-huit , parce que je n'ai pu me procurer des dessins exacts des trois autres. Les auteurs les plus anciens qui ont î4 HISTOIRE NATURELLE écrit sur l'ichtliyologie , ont traité les poissons de ce genre avec beaucoup d'obscurité et de désordre. Ceux qui ont divisé les poissonsselon les endroits de leur séjour , ou qui les ont distri- bués par ordre alphabétique , ne nous disent rien de plus satisfaisant à cet égard , que ceux qui n'ont adopté au- cun système ou classification. Dans les uns et les autres, les figures sont mau- vaises , les descriptions insufHsantes , et les espèces confondues. Willugliby, qui , vers le milieu du dernier siècle , se distingua dans cette partie , observa le premier le nombre des rayons des nageoires , et attribua comme carac- tères distinctifs au genre des carpes, une bouclie sans dents et une seule na- geoire dorsale. Artédi , célèbre iclitliyologiste, qui vivoit au commencement de ce siècle , eut aussi égard , dans la détermina- iion des genres, aux rayons des oper- cules des ouies. Cette méthode caraçté-. Des carpes en général. i5 rise différens genres, aussi bien qnece- Jui des carpes. D'ailleurs , ses descrip- tions sont beaucoup trop courtes , et ne donncHt pas toujours une idée par- faite des poissons. Klein, dont l'esprit systématique ca- ractérise les ouvrages, publia, au milieu de ce siècle , un traité des poissons; et pour mieux faire connollre les poissons de ce genre, il les divise en quatre , et y fait entrer les variétés comme diffé- rentes espèces. Quelque temps après , Gronov pu- blia sur l'ichthyologie un ouvrage, où les carpes sont désignées selon le sys* tème d'Artédi , et rangées sous deux divisions. Mais comme il compte dix- sept espèces , et qu'on en trouve treize dans la seconde division , on ne sauroit tirer un grand avantage de sa méthode. Un autre ouvrage du même auteur, qui parut en lyljS, n'approche pas plus du but. Il y range les carpes sous troi? divisions j mais la seconde , qui com- l6 HISTOIRE NATliRELLE prend les carpes étroites , renferme toujours onze espèces. Vers le même temps , Cramer nous fit connoître les carpes de la Basse- Au triche : il suit la méthode d'Arlédi ; et faisant naître des doutes sur le nombre des rayons et la durée des couleurs , il augmente encore l'obscurité et l'incertitude. Après Cra- mer , WulfF nous donna les poissons de la Prusse : ouvrage peu important , sans descriptions particulières , et où 3e peu d'exactitude de la plupart des citations a servi à induire en erreur plusieurs de ceux qui l'ont suivi. Le célèbre Linné suivit en grande partie Artédi dans la détermination des pois- sons, et crut perfectionner sa méthode en rangeant sous quatre divisions ce genre nombreux. Mais comme les trois premières ne contiennent que sept espèces, et que la quatrième en comprend vingt-quatre , dont la plu- part ont les nageoires rouges , et sou- vent le même nombre de rayons , il est DES CARPES EN GENERAL. 1J difficile , d'après la courte description qu'il donne de chaque poisson , de le distinguer exactement. Il y a quelque temps que M. Millier , conseiller d'état en Danemarck, nous a fait connoître les carpes de sa patrie , et il ne les dé- crit que selon Linné. M. le professeur Lescke a décrit celles de Leipzig , et M. Pennant celles de l'Angleterre. Ces ouvrages, qui ont assurément beau- coup de mérite , ne jettent pas cepen- dant sur cette matière toute la lumière qu'on pourroit désirer. Le célèbre Duhamel a aussi décrit les poissons qu'on tronve dans sa pa- trie ; mais comme ses figures ne sont pas coloriées , il m'arrive quelquefois d'être dans l'incertitude, et de douter si quelques-uns sont les mêmes que j'ai décrits , ou si ce sont des poissons par- ticuliers à la France : voilà ce qui m'est arrivé par rapport au gardon , à la pla- tane et à quelques autres. Je ne sais pas , par exemple ^ si le gardon ou la Poissons. VII. 3 l8 HISTOIRE NATURELLE vancloise sont le même poisson que ce- lui que nous nommons ici dobule. Quoique je ne fasse point ici de divi- sions particulières , j'espère cependant lever toutes les difficultés , en plaçant à la suite les uns des autres , les pois- sons que leur grande ressemblance peut faire confondre aisément , en les dési- gnant tous par leurs marques distinc- tives. Voilà pourquoi j^ai mis à la suite les uns des autres , le rotengle et la rosse ; le nase et la serte *, la zope , la bordélière, la gibèle et le carassin. J'ai eu soin aussi de citer en même temps les auteurs qui ont parlé de chaque poisson , après m' être assuré qu'ils en- tendoieut vraiment, par ces noms , les poissons auxquels je les rapporte. A la fin de chaque description , j'ai fait quelques remarques , où je tâche de rectifier les auteurs qui se sont tj'ompés. DU RO T E K G LE. 19 LXVr GENRE. LA CARPE, CYPRINUS. Caractère générique. Trois rayons à la membrane des ouies. LE ROT EN G LE, CYPRINUS ERYTHROPHTHALMUS. L E rotcngle appartient à l'espèce des carpes qui sont larges et courtes : il a l'iris couleur d'orange , les nageoires de l'anus , du ventre et de la queue d'un rouvre vermeil : ce sont les caractères distinclifs de cette espèce. Les na- acoires delà poitrine ont seize rayons, celles du ventre dix , celles de l'anus quatorze , de la queue vingt , et du dos douze. Celui que j'ai acluellenient sous 20 HISTOIRE NATURELLE les yeux a dix pouces de long, trois et demi de large, cinq quarts de pouce d'é- paisseur, et pèse dix onces. La tête est petite et arrondie à l'extrémité; les mâclioires sont d'égale longueur : ce- pendant lorsque la bouche est ou- verte, la mâchoire inférieure , qui est courbe , surpasse un peu la supérieure. Les narines sont larges , et le corps est couvert de grandes écailles. Au-dessus de la nageoire dorsale, l'extrémité du dos forme un tranchant; au-dessous il est rond et d'un vert très- foncé. La nageoire de la poitrine est d'un rouge- brun , et celle du dos , qui est plus éloi- gnée de la tête que celle du ventre } d'un rouge-verdâtre. La ligne latérale commence à la nuque , forme une courbure vers le ventre , finit à la queue , et a des deux côtés trente points élevés : les côtés sont ordinairement d'un blanc tirant sur le jaune. Le rotengle est un des poissons les plus communs de nos contrées. On Ift B U R O T E N G L E. 21 ti'ouve dans la Marche de Brande^ bourg et en Poméranie , dans les lacs et les rivières qui ont un fond sablon- neux. Autrefois ce poisson étoit si commun aux environs de l'Oder , qu'on le donnoit aux codions, faute de pouvoir le vendre. Le rotengle multiplie beaucoup , et l'on peut s'en servir avantageusement pour nourrir le sandre , la perclie , le brochet et la truite. Comme il a la vie dure , on peut le transporter aisé- ment. Il fraie en aviil ; et lorsqu'il y fait chaud pour la saison, le frai nedui e communément que quatre jours. Il dé- pose ses œufs sur toutes sortes de plan- tes aquatiques. Les pêcheurs profitent ordinairement de cette circonstance : ils enfoncent dans l'eau des pieux cil forme do cercle; ils y adaptent des nasses qu'ils couvrent de branches do bruyère. Le poisson entre de lui- même dans les nasses ', mais il en sort 22 HISTOIRE NATUPcELLE bientôt , si l'on n'a pas soin de les lever bien vite. Une des causes de la grande mnîlî- plication du rotcngle , vient sans doute de ce qu'il ne peut pas déposer ses œufs tout d'un coup, mais peu à peu. Quand le froid, les inondations ou quelqu'autre cause en détruit une partie , l'autre est toujours conservée. Dans un poisson de dix onces , le dou- ble sac qui contient les œufs , pcsoit sept dragnies , et contenoit environ 91,720 œufs jaunes. Dans le temps du frai , on peut voir sur ]gs écailles des mâles , de petites excroissances dures , pointues , qui disparoisscnt après le temps. Ce poisson se nourrit comme ceux dont nous parlerons bientôt : lui- même sert de nourriture au brocliet , à la perche , au sandre et aux oiseaux d'eau. On le prend dans toutes les sai- sons de l'année. Dans le temps de ses amours, on le pêche sur-tout aisément au filet et à la nasse. DU R O T E N G L E. 23 Lerotengîe ne devient pas fort gros: il parvient à peine à la longueur d'ua pied, et pèse rarement une livre. Dans le temps du frai et en hiver, il est or- dinairement maigre; mais en été , il est gros , et sa chair est blanche et d'un bon goAt , sur-tout lorsqu'il est jeune. Cependant comme il a beaucoup d'arê- tes , il n'y a guère que les gens du peu- ple qui s'en nourrissent. Comme il n'eat pas gras , sa chair est une nourriture fort saine. Du reste , ce poisson est du nombre de ceux dans le corps des- quels on trouve quelquefois une espèce de vers solitaire. Des deux côtés de chaque mâchoire, le rotengle a deux rangées de dents un peu courbées et en forme de scie : cinq sont à la rangée antérieure, et trois à la postérieure : ces dernières sont plus courtes que les autres. Le canal des in- testins a deux sinuosités , l'épine du dos trente -sept vertèbres, et il y a se ire côtes de chaque côté. liCS autres !i4 HISTOIRE NATURELLE intestins sont semblables à ceux des autres poissons. Le rotengle est connu sous plusieurs noms. On le nomme : Plotze , dans la Marche électorale , dans la Poméranie , la Silésie et la Prusse. B-othaugef en Saxe, en Autriche et en Empire. Rn'sch et Rietvooren , en Hollande. HuéLeX. Finscalc, en Angleterre. Sarfj en Suède. Skalle et Rodskalle , en Danemarck. Flah-roie , en Norwège. Floc et Plotkat en Pologne. Szarnyuketiegh, en Hongrie. Les anciens ichthyologlstes ne par- lent point de ce poisson , sans doute parce qu'ils l'ont confondu avec la rosse , qui lui ressemble beaucoup. Schwenckfeld fut le premier qui , au commencement du dix -septième siè- cle, fit une différence entre ces deux poissons. Il donna à la rosse le nom de rubellio, et appelle le rotengle erytJin-' DU R O T E N G L E. 25 nus. Ceux qui l'ont suivi n'ont pas ob- servé les caractères distinctifs de ces poissons ; tels sont Aldrovand , Schone- veld et Jonston. Vers la fui du même siècle , Willugliby divisa de nouveau ces poissons en deux espèces, et donna leurs caractères distinctifs. Il nomme le rotengle erytrophthalmu6 , et donne à la rosse le nom de rutilas- C'est à lui que nous devons le premier dessin du rotengle , qui cependant est assez mau-« vais. Artédi s'est donc trompé, en di- sant que nous n'avons point de dessin de ce poisson. Le dessin que Marsigli donna ensuite ne vaut guère mieux. Ceux de Klein , Meyer et Pennant sont plus fidèles , mais celui de Millier est aussi bien mauvais. Les citations de Gronov sont en par- tie fausses ; car le poisson de Gesncr dont il parle , est la rosse , et celui de Klein qu'il cite aussi, est le meunier. Celles de Wullf sont toutes fausse*? ^ car aucun des auleurs qu'il cite , n'.'i 1>6 IIîSTOIRE NATURELLE voulu designer le roteiigle sous le nom qu'il rapporte. LA ROSSE, CYFRINUS rutilus. La rosse se distingue à ses nageoires rouges, à l'iris de même couleur, et aux douze rayons de la nageoire de l'anus. Ce poisson a quinze rayons aux na- geoires de la poitrine neuf à celles du ventre, douze à celles de l'anus, vingt à celle de la queue, et treize à celle du dos. Ses mâchoires sont aussi d'égale lon- gueur et ses lèvres routes. Les narines sont tout près des 5''eux. Dans les j eunes poissons de cette espèce , l'iris est rou- ge, mais seulement vers la partie su- périeure , et les nageoires le sont aussi. Le corps est couvert d'écailles larges, le dos est rond et d'un noir verdàtre , les côtés et le ventre sont argentins. La ligne latérale forme une courbure vers le ventre, et a trente -six poinU. D E L A R O s s E. 27 Les nageoires de la poitrine et de la rjiieac sont d'un brun-rouge, celles dti ventre et de l'anus sont d'un rouge cou- leur de sang. La nageoire dorsale est placée vis-a-vis de celle du ventre, et la queue est fourchue. Ce poisson tient le milieu entre les carpes larges et ctroi* les^ car sa tête est plus petite que celle des carpes étroites, et plus grosse que celle des larges; et son corps n'est ni si large que celui des dernières , ni si étroit que celui des premières. Ce poisson pèse une livre , ou tout au plus une livre et demie. Il aime les eaux claires et les fonds sablonneux ou marneux : voilà pourquoi on le trouve aussi bien dans nos grands lacs que dans les rivières. Avant qu'on eût desséché les maréca- ges de l'Oder, on le prenoit aussi dans CCS endroits en si grande quantité , qu'on s'en servoit dans les villages voi- sins pour engraisser les cochons. Le temps du frai arrive ordinairement au ijiilicu de mai. Dans nos contrées, où 28 HISTOIRE NATURELLE les pêcheurs poursuivent presque sans cesse le poisson , il ne fraie ordinaire- ment que vers midi , pendant que le pêcheur est occupé à dîner. C'est le plus rusé de tous les poissons de nos contrées , et il reste toujours caché dans le fond , tant qu'il entend quel- qu'un sur l'eau. Selon les observations de M. Lund, les rosses passent dans l'ordre suivant, des mers où l'on pêche rarement, pour aller frayer dans les rivières. Une par- lie part quelques jours auparavant , et forme l'avant -garde. Ce qu'il y a de singulier , c'est que celte première troupe n'est composée que de mâles. Ensuite viennent les femelles, puis en- core des mâles. C'est un spectacle di- vertissant , de voir avancer en ordre les bataillons de cette petite armée. Cha- que division est composée de poissons d'égale grandeur, qui nagent tout près les uns des autres , dix , vingt , cin- quante à cent ds file. Quelquefois, ce D E L A R O s s E. 29 qui pourtant arrive rarement , cet or- dre est interrompu par la frayeur , ou P'ir quelqu'accident; mais ils se remet- tent bientôt, et cherchent les endroits couverts d'herbages ou de branches , pour y déposer leurs œnfs. Cette espèce multiplie beaucoup ; ses œufs sont verdâtres. Dans le dou- ble ovaire, pesant environ deux tiers d'once , j'en ai compté 84,570. La cuis- son leur donne une couleur rouge. Ce poisson a la vie dure , et peut servir de nourriture aux espèces voraccs. Sa cou- leur brillante le fait distinguer agréa- blement au milieu des eaux. On le pê- che en grande quantité dans le temps du frai , quoiqu'avec assez de peine. Ou se sert pour cela de colerets, de seines et autres filets ; il mord aussi à l'hame- çon. Sa chair blanche est d'assez bon goût , mais garnie d'arêtes fourchues, qui Jiic le rendent pas propre à la table des riches. Comme il n'est ni trop gras Poissons. VU. /i 3o HISTOIRE NATURELLE ni trop visfjueux , il se digère facile- ment. Il se nourrit d'herbages et de vers aquatiques , et a pour ennemis tous les poissons voraces et les oiseaux pê- cheurs. La rosse n'a qu'une simple ran- gée de dents , et cinq dents à chaque mâchoire. Ces dents sont applaties des deux côtés, et courbées vers la pointe. Le canal des intestins a deux courbu- res , et les autres viscères sont comme dans les autres poissons du même gen- re. Jusqu'à présent, je n'ai point trou- vé de vers dans le corps de ce poisson. Dans plusieurs endroits de ces con- trées , on confond la rosse avec le ro- tengle, et on donne à l'une le nom de l'autre. On la nomme : Plotze y en Prusse, en Poméranie et dans la Marche. Kodo , en allemand populaire. Rothauge et Rothethe, en Saxe. Rotlifrieder y à Magdebourg. Rothfiossery en Empire. 1) E L A R O s s E. :^i Voorn, en Hollande. Rœskalle et Fies Roîe , en Norwège. Tliidsl aile f en Danemarck. Koach , en Angleterre. Rosse, en France. Pîota, en Italie. Flotwij en Russie. Jotz et Gacica, en Pologne. Kcthauge f Radane et Raudi , en Livo- nie. Comme les anciens ont confonclu la rosse avec le rotengle , et que quelques modernes ne l'ont regardée que comme une variété, il ne sera pas inutile de rapporter les caractères qui distingu cnt les deux espèces. 1**. Le rotengle est plus mince et plus large, le corps de la rosse est plus alongé, et elle aie dos plus rond. 2°. La tète de cette dernière est plus grande et a l'iris rouge, au lieu que le rotengle a la tète plus petite et l'iris jaune d'orange. 3°. Le rotengle a les nageoires du ^2 HISTOIRE NATURELLE ventre , de l'anus et rie la queue, d'un incarnat très -foncé, et la membrane qui sépare les rayons est de la même coiiîeur. Dans la rosse, la couleur est plus claire et la membrane brunâtre. 4°. Les écailles de la rosse sont plus grandes, et forment trente-six raies de chaque côté ; celles du rotengle sont plus petites, et ne forment que trente raies. 5°. Dans la rosse, la nageoire de Va.- nus n'a que douze rayons j dans le ro- tengle elle en a quatorze. 6°. Chez le dernier, la nageoire dor- sale est plus éloignée de la tête que chez la première. 7°. L'anatomie indique aussi d'au- tres différences entre ces poissons. Le rotengle a une double rangée de dents , la rosse n'en a qu'une. L'épine de la rosse a quarante - quatre vertèbres , celle du rotengle n'en a que trente- sept. 8<*. La rosse est beaucoup plus pares- DU N A S E* 35 seuse que le rotengle , et par consé- quent beaucoup plus difficile à prendre. L'une fraie au mois de mai ^ et l'autre en avril. D'abord Gronov regarda la rosse comme une variété du rotengle, dans^ la suite, il l'a considérée comme une espèce particulière. Ainsi il cite ici mal à propos le pigus de Ragus , qui indique la différence du temps du frai et de la grosseur. On peut dire la même chose de ce que dit Wulff , qui rapporte ici le poisson auquel Linné et Schwenk- feld donnent le nom de rotengle. LE NASE, cr PRiNUs nasus. LEuase se distingue des autres pois- sons de ce genre par la noirceur du péritoine. Cette couleur lui a fait don- ner dans quelques contrées le nom d'd- crivain et de ventre noir : mais elle est cause aussi quje plusieurs personnes ne veulent point en manger par dégoût. 34 HISTOIRE NATURELLE Les nageoires pectorales ont seize rayons , celles du ventre treize , de l'anus quinze, de la queue vingt-deux , et la dorsale en a douze. Les trois pre- mières sont rougeâtres , et les deux dernières noirâtres. La nageoire dor- sale est placée tout-à-fait vis-à-vis de celle du ventre, à laquelle on remarque im appendice ventral. Une chose fort singulière que j'ai remarquée dans le poisson que j'avois sous les yeux , c'est que la partie de la nageoire delà queue, la plus près du dos , avoit la couleur de la nageoire dorsale , et l'autre étoitrou- geâtre comme celle du ventre. Ce poisson appartient au genre des carpes oblongues.il doit probablement le nom de nase {nez ) àla mâchoire su- périeure qui s'avance en pointe émous- .sée au-dessus de l'inférieure. La bou- che, dont l'ouverture est entravers, so trouve nu-dessous : elle est quarrce et petite relativement à Ja grosseur du poisson. D U N A s E. 35 La inique est large et noire , l'ccil grand, la prunelle noire et l'iris d'uno couleur changeante, jaune et argen- tine. Le corps est couvert de grandes écailles ; le dos est un peu courbe et noirâtre. Au-dessous de la ligne laté- rale , qui forme une courbure vers lo ventre, les côtés sont blancs, le ventre est de la même couleur. Le nase qui est représente ici pesoifc une livre. Cependant on en trouve quelques-uns d'une livre et demie , et même de deux livres. Dans ce cas, les nageoires sont ordinairement grises. Les rayons des nageoires , si l'on en excepte les deux premiers, se divisent vers leur extrémité en huit branches. Le nase habite ordinairement dans le fond des grands lacs : mais au prin- temps il remonte en foule dans les ri- vières. Il fraie en avril ; il dépose ses œufs dans des endroits profonds et contre des pierres exposées au courant. Les deux ovaires de celui-ci pcsoicnt 36 HISTOIRE NATURELLE une once et un quart; les œufs ctoicnt blanchâtres , de la grosseur d'un grain de millet , et j'en ai compté sept mille neuf cents. Pendant le temps du frai , il paroît sur le corps et sur les nageoires des mâles de petites taches noires , dans le milieu desquelles on apperçoit de petits points élevés : mais ceci n'a lieu que sur les plus jeunes. C'est dans ce temps qu'onle pêche dans des nasses, au filet et à la ligne. Au printemps , on le trouve en abondance dans la Vis- tule , roder , l'Elbe et le Rhin : mais il ne passe pas comme les autres de ces grands fleuves dans les petites rivières qui s'y déchargent ; du moins cela est fort rare dans nos contrées. Du reste, sa chair est molle , fade et pleine de petites arêtes, et par conséquent peu estimée. Comme c'est ordinairement le peuple qui l'achète , on lui a donné , dans quelques endroits , le nom de pois* son de tailleur^ Schneiderji^ch. Il vit do D U N A s E. 3/ vers et de plantes comme les autres poissons de ce genre. Il a à chaque mâchoire six dents applaties des deux côtés , et qui en- grènent les unes dans les autres. J'ai trouvé dans le canal des intestins plu- sieurs sinuosités. Ce poisson avoit un pied trois pouces de long , dix-huit côtes et quarante-quatre vertèbres. Les autres viscères ne diffèrent point de ceux des autres poissons du même genre. Albert le Grand est îe premier qui donna à ce poisson le nom de nasus : voilà pourquoi les ichlhyulogistes le- désignent sous le nom de nasus. Al- herti , nase d'Albert. On le nomme : Nase ou (Esling , dans la plupart àf> LA SERTE, cYPRiNUs vimba. La serte se distingue des autres poissons du même genre par Tavance- ment de la mâchoire supérieure et left vingt-trois rayons de la nageoire de l'anus. On compte dix-sept rayons aux nageoires de la poitrine , onze à celles du ventre , vin^t à celle de la queue et douze à celle du dos. Cette dernière est un peu plus éloignée de la tête que les nageoires du ventre. La tête est petite et cunéiforme. La mâchoire supérieure , qui est tronquée , avance sur l'inférieure et forme une espèce de nez. L'ouverture de la bou- che est ronde, l'oeil grand , la prunelle bleuâtre ; l'iris est d'un jaune paille par en haut , et jaunâtre à la partie infé- rieure. Les écailles sont petites à pro- portion de la grosseur du poisson. Le dos est tranchant entre la tête et la na- geoire; l'autre partie est ronde, bl sua* 4o HISTOIRE NATUPcELLE tre et un peu courbée. La ligne laté- rale forme une courbure vers le ventre, et est garnie de points jaunes. Au-des- sus de cette ligne, les côtés sont bleuâ- tres; au-dessous , ils sont argentins, aussi bien que le ventre. La serte est un poisson de passage , qui sort vers la S. Jean de la mer Bal- tique , ou du moins des baies de cette mer , et remonte dans l'Oder , puis dans l'Inna et dans la Vartbe. Elle cherche dans ces rivières des pierres propres et lavées par les courans ; elle se frotte contre ces pierres , et dépose ses œufs. Ce poisson devient long d'un pied et demi. Celui que j'ai examiné pesoit une livre et demie ; et ses œufs , qui étoient environ au nombre de 28,800, et de la grosseur des grains de pavot , pesoient trois quarts d'once. On le prend en quantité dans le temps du frai dans les environs de Landsberg sur la Varthe , et dans ceux de Custrin. On se sert pour cela du carrelet; d'autres filets et DELASERTE. 4l d'une ligne , au bout de lac[uelle on met lin ver de terre. Dans tout autre temps il n'est pas aisé de le prendre. 11 multiplie beau- coup , aime les eaux claires , un fond pierreux et sablonneux. Il se nourrit de vers et de plantes comme les autres poissons de ce genre. Il croît lente- ment, a peu de vie, et meurt bientôt après être sorti de l'eau. M. de Marwitz a essayé de transporter la serte , et le succès de ces essais nous a prouvé que ce poisson peut aisément être mis dans des lacs profonds et marneux. Les en- nemis de la serte sont le silure et le brochet. Ils la prennent quand elle est encore jeune. Sa chair est blanche , d'un très-bon goût : on la mange fraî- che et marinée. Ordinairement on ma- rine ce poisson pour l'envoyer de tous côtés. Voici comme on s'y prend. On met les séries sur un gril posé sur un brasier ardent ; on les fait un peu gril- ler, puis on les met dans des barils par Poissons, YII. 5 42 IHSTOIRE NATURELT,F. lits de cinq à huit , que l'on paisèine de feuilles de laurier \ ensuite on prend de bon vinaigre froid qu'on a fait bouil- lir, et on en arrose les poissons. C'est de cette manière qu'on prépare à Lands- berg , depuis quarante ans , les sertes qu'on envoie hors de la province. La serte a à chaque mâchoire , une raie de cinq dents, dix-sept côtes de chaque côté, quarante-deux vertèbres à l'épine du dos et deux sinuosités au canal des intestins. Dans quelques endroits de ces con- trées, on confond le nase av^ec la serte, et on donne à l'un le nom de l'autre. On la nomme : Zœrthe , en Prusse , en Silésie et dans la Marche. Gœse , à Drambonrg sur le Drage. IVimha , en Suède. Flire et Blikke , en Danemarck. Wemgalle , TVein galle , fp^imb , IVimm , Sebris , en Livonie. Tavaun j eu Russie. DE LA S E R T E. 43 Comme la forme de la mâchoire su- périeure a souvent fait confondre ce poi&scn avec le nase , il ne sera pas liors de propos d'établir les caractères distinutifs de ces deux poissons, avant que de rectifier les auteurs qui en ont parlé. La bouche du nase est en travers ; celle de la série est en long. Dans le premier, la bouche ouverte fait un quarré -, dans la seconde , elle forme une fleure ronde. Le nase n'a que quinze rayons à la nageoire de l'anus ; la serte en a vingt-trois. Le premicra aussi un appendice ventral, quel'au- trc n'a point. Le ventre du nase est noir intérieurement ; celui de la série, au contraire , est d'une couleur bril- Jante et argentine. Ue plus , la serte n'a que deux si- nuosités au canal des intestins, et le nase en a un plus grand nombre. Enfin , les écailles du nase sont plus grandes , et il fraie avant la serte. 44 HISTOIRE NATURELLE Quant aux auteurs qui ont parle de ce poisson , voici les remarc[ues quo j'ai cru devoir faire : 1°. Ce que ]e viens de dire doit lever entièrement le doute de Willugliby , el prouve qu'on peut répondre affirma- tivement à la question d'Artédi, de Klein et de Kramer, qui demandent si le nase et la serte sont deux espèces différentes. 2°. Artédi a parlé de la serte sous deux nomsdifférens : une fois sous le nom de caput anadromus , et ensuite il la désigna comme nn poisson suédois , qu'il nomme U^imha. Il s'ensuit delà : 3°. Que le cypri nus vimba de Linné , n'est pas un poisson particulier à la Suède , mais qu'il est aussi connu en Allemagne ; c'est-à-dire , que c'est no- tre serte , que les anciens ichtliyologis- les ont décrite sous le nom de caput anadromus. Si l'on en doutoit , il suffi.- roit pour s'en convaincre , de compa- rer les descriptions qu' Artédi et Linné D E L A s E R T E. ^5 font (lu vimba , avec celles qu'on a du çaput anadromus , ou celle que je donne de la serte , on verroit d'une manière évidente , que toutes ces des- criptions appartiennent au môme pois- son. 4°. C'est à tort que Linné attribue à sa serte , la noirceur du ventre inté- rieur que Kramer donne au nase. 5°. Statius Millier et Tauteur de l'article des carpes , dans le nouveau Spectacle de la Nature, donnentmêmo la noirceur du ventre comme un des caractères dislinctifs de la serte. 6*^. Par ce que j'ai dit plus haut , il est clair que la prétendue femelle du nase dont parle Klein , n'est pas réel- lement la femelle de ce poisson , mais la véritable serte. 7°. Je ne puis répondre qu'affirma- tivement à M. Lcske , lorsqu'il de- mande si notre serte est le même pois- son que la vimba de Linné et d'Ar- tédi , et s'il faut la ranger dans le troi- 46 HISTOIRE NATURELLE siènie ordre des poissons blancs de- Klein. 8°. Il n'y a pas d'cxactiUide dans toutes les citations que Wuiff a faites au sujet de notre poisson, excepté dans celle qu'il fait de Scliwenckfeld. 9°. Schoneweld a tort de ne faire qu'une espèce du nase et de la serte. io°. Enfin , je remarquerai encore que l'auteur de l'article Cyprinus ca- jpite anadromus , dans le dictionnaire d'Iiistoire naturelle , se trompe en di- san t que Gesner , Jonslon , Willugliby , Artédi , Gronuv , et peut-être aussi !Linné , n'ont donné le nase quecomme une variété de ce poisson; car Gesner distingue expressément ces deux es- pèces. Il donne à l'un le nom de nase , et appelle l'autre nase de mer , nase de VElhs et zeri. 11 dit du premier j qu'il reste toujours dans l'Elbe , et que c'est ïin poisson dont on fait peu de cas \ au lieu que ^ selon lui, l'autre remoalô DELADOBULE. hj de la mer dans l'Elbe, et offre un mets fort délicat. liA DOBULE, cvpRiNUs vobula. Ïja dobule estime carpe étroite et alongée , qui a onze rayons aux na- geoires de l'anus et du dos. Celles de la poitrine en ont quinze , celles du ventre neuf, et celle de la queue dix- huit. La tête est arrondie à l'extrémi- té , large et d'un gris foncé par en haut. La mâchoire supérieure avance \\n peu sur l'inférieure , et les narines sont au-dessus des yeux. La prunelle de l'œil est noire, l'iris jaune et marqué en haut d'une tache verte. Le dos est rond et verdâtre. Les écailles sont d'une grandeur médiocre, brillantes? et garnies sur les bords de points noirs. Quand on les rcîiardeavec un micros- cope , elles ofiTrcnt un spectacle très- agréable. Au-dessus de la ligne latérale, la. 4S HISTOIRE NATURELLE tlobule est verdâtre , et le ventre est argentin. Cette ligne est garnie de points jannes, et se courbe un peu vers le ventre. La nageoire pectorale est jaune, celles du ventre et de l'anus sont rouges , celle de la queue est bleuà" tre , et la dorsale verdâtre. Dans les jeunes poissons de cette espèce , elles sont toutes blanches. La dobule ne de- vient pas grosse. Celles qu'on pêche dans la Havel ne pèsent pas plus d'une demi- livre*, celles delà Sprée, au con- traire , pèsent quelquefois jusqu'à une livre et demie. La dobule aime les eaux claires , un fond de marne ou sablonneux. Elle ha- bite le fond des grand s lacs , et remonte les rivières au printemps -, elle fraie depuis le milieu de mars jusqu'au mi- lieu de mai. C'est vers ce temps qu'elle dépose ses œufs sur les pierres des ri- vières : les grosses déposent leurs œufs avant les petites. Dans le même temps il paroît de petites taches noires sur le D E L A D O B U L E. 4^ corps et sur les nageoires des mâles q^ai sont encore jeunes. On prend ce poisson avec les autres, dans des filets, des seines, et sur-tout dans le temps du frai. Il se nourrit d'herbages et devers, et mord par con- séquent à l'hameçon. M. le docteur Tralles a observé , qu'il cherche parti- culièrement les petites sang-sues noires et les jeunes limaçons blancs qui s'atta- chent aux licrbages. Il a peu de vie ^ et meurt bientôt horsde l'eau. Dans les lacs qui n'ont pas une profondeur con- sidérable , on le voit, dans les grandes chaleurs, monter sur l'eau , et y mourir si la chaleur continue. Sachair est blan- châtre , pleine d'arêtes, et par consé- quent peu estimée. Comme il n'est ni trop gras ni trop visqueux, il peut pas- ser pour un mets assez sain. 11 se plait dans les mêmes eaux que le sandre et la truite, et peut, par conséquent^ leur servir de nourriture. La dobule se multipHe lentement' 5o HISTOIRE NATURELLE On en prend peu dans nos contrées , même dans le temps du frai. On la trouve dans l'Oder , l'Elbe , le Veser , le Rhin , et dans les rivières qui s'y jettent. Celle que j'ai examinée , pe- soit quatre onces et demie, et les deux ovaires trois quarts d'once. Les œufs étoient verdâtres , de la grosseur de la graine de pavot, et j'en ai compté a6,46o. Chaque mâchoire est ornée do deux rangs de dents à pointes recour- bées : on en trouve cinq sur le devant , et deux sur le derrière. Le canal de* intestins n'a que deux sinuosités. Le fiel est très-amer. On compte quarante vertèbres à l'épine du dos, et quinze côtes de chaque côté. Ce poisson est connu sous différens noms. On le nomme : Vobel , Sand-Dobelf Diebeî, Tievel ^ Ehrl et Sand-Ehrl , dans les diffé- rentes contrées de l'Allemagne; PFeissdobel , quand il est jeune et que ses nageoires sont encore blauchesj nrîLADOBULE. 5l îiothdobel , quand il est plus âgé et que ses nageoires sont rouiîes. Diebel, Tahelle et Taharre^ en Prusse. HassUng et Weissfisch , caPoméranie et en Silésie. HassUng , eu Saxe. Dobeleret Maiisebelsser, dans quelques environs de l'Elbe. Dover y dans le Holstein. IJassel, dans l'Autriche. Schnottfisch ou Schnattfisch , à Stras- bourg. Hes-St'le et Hesling, etl Danemarck. Dans la plupart des poissons de cette espèce, j ai toujours compté onze rayons à la nageoire de l'anus ; et c'est faute de recherches qu'Artédi n'en compte que neuf. Comme ce poisson est étran- ger à la Suède , Artédi s'en est rapporté là-dessus à Willughby , qui n'en compte non plus que neuf. Il tombe dans de pareilles erreurs toutes les fois que l'im- possibilité de faire lui-même des ob- servations l'oblige de se régler sur cet 5'2 HISTOIRE NATURELLE auteur. Willnghby n'a point compté les petits rayons qui sont au bout des nageoires, comme on peut s'en con- vai ncr e par ses descri ptions d a barbeau , du nase et de plusieurs autres. Parmi les poissons du Danube dont Marsigli nous a donné la description , il en comprend un , qu'il désigne sous le nom de hasel cephalus Jluviatilis seu squalus minor Gesneri. Si sa description étoit exacte , ce poisson devroit être le même que notre dobel ; mais la fi- gure prouve que c'est le laugele de Gesner , ou le leuciscus de Linné. C'est à tort que Wulff rapporte à ce poisson celui que ScliAvenkfeld nomme aland , et Richter Vorphe. LE VILAIN ou MEUNIER, CYPRINUS JESES. Le vilain ou meunier a pour carac- tères distinctifs; le corps gros et robuste, la tête grosse , le museau arrondi , et D U V I L A I N. 55 i|^uatorze rayons à la nageoire de l'anus. La nageoire de la poitrine en a seize, celle du ventre neuf, celle de la queue vingt,et celle du dos douze. Le front est large et noirâtre , et les narines sont placées plus haut que les yeux. Les der- niers sont grands , ont la prunelle d'un bleu noirâtre , entourée d'un iris jaune. Les opercules des ouies sont bleus aussi bien que le dos. Les côtés sont cbangeans bleuâtres , jaunes au-dessus de la ligne latérale , bleus et argentins au-dessous. Les écailles de ce poisson sont grandes , et garnies au bord infé- rieur d'une bordure bleuâtre. La li^ne latérale est assez droite et marquée de cinquante-huit points d'un jaune brun. La nageoire du dos est bleuâtre et plus éloignée de la tète que celles du ventre : ce qu'on remarque aussi dans le poisson précédent et dans celui qui va suivre. La nageoire de la queue est large , peu fourchue , grosse et bordée de bleu tout autour. Les nageoires de l'anus , Poissons. VII. G 54 Histoire naturelle du ventre et de la poitrine , sont d'un violet clair. Au-dessus de la nageoire du vçntre , on remarque un appendice. Le vilain est un poisson de grande rivière. Il nage avec rapidité , et peut par-là éviter la poursuite du brochet et des autres poissons voraces. Il aime sur- tout les endroits où le courant est le plus rapide; et on le trouve le plus ordinairement auprès des buttes de sable et des moulins, où l'on peut très- aisément le prendre à la ligne, avec un appât de pois amollis dans l'eau. Son séjour auprès des moulins , lui a fait donner le nom de meunier. Il fraie , vers le temps de Pâques, de la même manière que ceux que nous venons de décrire ; et alors on le prend en quantité dans des poches et autres filets. Le temps du frai dure ordinai- rement huit jours ; mais dès que le poisson apperçoit que le temps paroîlt vouloir se rafraîchir , il a fini en trois jours. 1) U V I i^ ^ I N. 55 Le vilain parvient à une grosseur assez considérable. Ou en prend quel- quefois qui pèsent huit à dix livres. Sa cliair est grasse , garnie d'arêtes , et paroît jaune quand elle est cuite. On le marine comme la serte. Comme la cliair de ce poisson est grasse et molle, elle n'est pas si facile à digérer que celle des poissons dont nous venons de parler. Il a la vie assez dure ; il mul- tiplie beaucoup , et ne croît que lente- ment. Un jeune vilain d'un an a à peine trois pouces de long. On le trouve pendant toute l'année dans l'Oder , la Sprée , et dans les rivières qui s'y jettent. Le vilain a à chaque mâchoire huit dents en deux rangées. Les cinq qui sont sur le devant sont grosses , et les autres petites. Dans celui que j'ai ob- servé , au lieu des dents ordinaires , on voit à la mâchoire supérieure trois pointes avancées. Comme toutes les autres dents étoient grosses, il est vrai- 66 HISTOIRE NATURELLE semblable que les poissons changent aussi de dents. Ce poisson pesoit une livre et demie ; Fovaire sept onces trois quarts; et j'y ai compté 92,720 œufs jaunâtres de la grosseur de la graine de pavot. L'épine est composée de qua- rante vertèbres ^ et il a dix-huit côtes de chaque côté. Le canal des intestins a deux sinuosités , comme dans les poissons précédens. Le reste des intes- tins et la nourriture ne diffèrent point de ceux que nous venons de décrire. Ce poisson est connu sous différons noms. On le nomme : Aland , dans la Marche. Gœse ou Jese , en Prusse. Hartkopf, Pagenfisch et Divel , en Po- niéranie. Vœhel , en Saxe , tant qu'il est petit ; Giehel , Dikkopf et Bratfisch , quand il est gros. Gengluig, en Autriche, quand il ne pèse pas une livre et demie ; Bratfisch , quand il est plus gros. D U V I L A I N. 57 Vevere' eseoi en Hongrie. Vilain, Meunier , Chevanne , Chevesne , Chevenne, Testai'd , Barhotteau ,Gar~ bottin f Garbotteau et Chaboisseau , en France. On confond souvent le vilain avec la dobule; mais il en diffère en ce qu'il a la lele beaucoup plus épaisse et le corps plus gros. Le vilain pèse jusqu'à dix livres , et a la largeur d'une carpe ; au lieu que la dobule est étroite , et ne pèse jamais plus d'une livre et demie. De plus , la dobule a de petites écailles ; celles du vilain sont , au con- traire , grandes. La dobule est d'une couleur verdâtre , au lieu que celle du vilain est bleuâtre. Enfin, ces deux poissons sont encore distingués par le nombre des rayons des nageoires. Beckmann n'a aucune raison de faire deux espèces du vilain et de la gœse. 58 HISTOIRE NATURELLE LA RAPIIE , Ci'PRINUS ASPIUS. On distingue la raplie aux seize rayons de la nageoire de l'anus , et à la forme de la mâchoire inférieure , qui forme un arc : elle est avancée quand la bouche est ouverte ; et quand elle est fermée , sa pointé recourbée s'em- boîte avecl'échancrure de la mâchoire supérieure. Les nageoires de la poitrine ont vingt rayons , celles du ventre neuf, celle de la queue en a vingt grandes et douze petites, et celle du dos onze. La tète est cunéiforme , et petite à proportion du reste du corps. L'ouverture de la bouche est grande , les yeux sont de moyenne grandeur , la prunelle est noire , et l'iris jaune. Ce dernier est garni par en haut d'une bande verdâtre. La nuque est large et d'un bleu foncé. Les opercules des ouies sont d'une couleur mêlée de bleu , de jaune et de verd. Le dos est noi- Tom . fH. Pqçe 68 i.IAlUrHK.-2.I.K SPIULIX. a.I.ABOFVTÈR*: + i/ABLK . o .LE o()^J0^" . () . \^ù vkiion i:\ci u -■•/ - '■'!A USA D E L A R A P H E. 5(j râtre. La partie la pins proche de la tête est large , le reste est rond. Les côtés sont d'un blanc blenâtre. Les écailles et la ligne latérale ressemblent à celles du vilain, si ce n'est que les premières sont un peu plus petites. Dans les jeunes poissons de celte es- pèce , i'ai trouvé autant de lignes pa- rallèles à la ligne latérale que le poisson avoit de rangées d'écaillés. Les na- geoires du dos et de la queue sont bleues , celles de la poitrine , du ventre et de l'anus bleuâtres avec un mélange de rouge : mais dans les jeunes pois- sons, les dernières sont jaunâtres, et les premières grises. La raplie est du nombre des poissons de rivière qui parviennent à une gros- seur considérable. Il n'est pas rare dans nos contrées , d'en trouver qui pèsent jusqu'àdouzelivres.Cette espèce forme pour ainsi dire le passage entre les poissons voraces et ceux qui ne le sont point. Elle mange des poissons eomme 6o HISTOIRE NATURELLE les premiers , et vit aussi d^herbes et de verscommelesseconds. Mais comme sa gueule n'est pas aussi grande que celle des poissons proprement voraces, elle est obligée de se contenter de pe- tits poissons. Elle aime un fond propre, se plaît dans les rivières dont le cou- rant n'est pas rapide, et dépose son frai vers la fin de mars, sur les pierres du fond. Sa cîiair est blanche et d'un bon goût: mais elle tombe en morceaux: lorsqu'on la cuit. D'ailleurs , elle est traversée de petites arêtes; et comme elle est molle et grasse , les estomacs foibles ne la digèrent pas aisément. La raplie a peu de vie ; et par conséquent ne se transporte pas aisément. Elle croît promptement On peut dire de ses dents ce que j'ai dit de celles du vilain. Le canal des intestins a trois sinuosités ; l'épine du dos quarante- quatre vertèbres , et dix-huit cotes de chaque côté. Quand ce poisson est en- core petit ; il devient souvent la proie DELARAPHE. 6l clés espèces voraces : mais dans la suite , il lise de représailles. Il sait sur-tout si bien assembler les véblettes, qu'il Ini est facile de s'en rendre maître. Dans le temps du frai et en automne, on lo prend en quantité avec des filets, des poches et des lignes , auxquelles ou attache un petit poisson. On le trouve dans la Marche , la Poméranie , la Prusse, en Saxe, en Autriche, en Suède et en Nor^vège. On en pèche sur-tout une grande quantité dans le Cnriscli-IIave et le Frisch-Have , eu Prusse, Ce poisson se nomme : Rappe f en Silésie. Rappe , Aland , Raubalet , en Saxe. Rapen, en Prusse. Schied , en Autriche. j4sp , en Suède. Blaa-Spol , en Norwège, Artédi range ce poisson sous diffé- rens numéros. II en parle une fois comme d'un poisson connu aux ichlhyo- (^2 IÏISTOIP»^E NATURELLE logîstes -, puis il le donne pour un pois- son suédois. Mais si l'on compare ses descriptions avec la mienne , on verra, sans en pouvoir douter , que la raapfe d'Allemagne et l'asp de Suède n'est qu'un seul et même poisson. Comme Linné a décrit ce prétendu poisson suédois sous le nom de cyprinusaspius, les auteurs que nous avons cités ci- dessus , peuvent être consultés avec assurance sur ce poisson. WulCf rap- porte faussement à la raphc le cépbale de Linné : et c'est ce qui a donné lieu à M. Pennant de regarder comme un seul poisson notre raphe et son cé- pliale. LE SPIRLIN, CYPRIN us B 1 P U N C T .4 T U S. Le spirlin est reconnoissable par les seize ra5'^ons de la nageoire de l'anus , et par le double rang de points noirs qu'on apperçoit sur la ligne latérale , DU S P I R L I N. 63 qui est ronge. C'est sur ce dernier ca- ractère que je lui ai donné en lalin le nom de bipunctatus.Vài compté treize rayons aux nageoires de la poitrine, liuit à celles du ventre , seize à celle de l'anus. La nageoire de la queue est fourchue et a vingt rayons -, celle du dos en a dix. Les trois premières na- geoires sont d'une couleur rougeâtre ; celles de la queue et du dos sont ver- dàtres ; la dernière est plus éloignée de la tète que celles du ventre. Ce pois- son qui appartient à la classe des carpes larges , a une grosse tête pro- portionnée au corps, ce qu'on ne trouve ordinairement que dans les es- pèces étroites. Samâclioire supérieure est un peu avancée ; l'œil est grand , la prunelle noire , l'iris jaune et mar- qué par en-haut d'une tache vcrdatrc. Les joues sont d'une couleur chan- geante hlcue et argentine , et le dos est arqué et d'un gris foncé. Au-dessus do la ligne, les côtés sont d'un brun ti- 64 HISTOIRE NATURELLE rant sur le vert j le dessous et le ventre sont d'un blanc argentin. Le corps est couvert de petites écailles tachetées de noir. La ligne latérale est rouge , et forme une courbure vers le ventre. Sa couleur , ses points noirs et le fond blanc sur lequel ils sont placés , don- nent au poisson une apparence char- mante. La couleur rouge de la ligne latérale se perd quand le poisson vieillit ou qu'il meurt. Le spirlin ne réussit que dans les eaux courantes, dont le fond est cou- vert de sable ou de cailloux. Il fraie dans le mois de mai. Alors il cherche les endroits les plus rapides, afin de pouvoir se frotter contre les petits cail- loux. Hors de ce temps, il se tient or- dinairement sur la surface de l'eau. J'ai trouvé dans ce poisson un si grand nom- bre d'oeufs , qu'ils pesoient presqu'au- tant que le poisson même. Ils étoient si petits, qu'il me fut impossible de les compter. Depuis quelque temps ^ on a D U s P I R L I K. 65 trouvé ce poisson dans le V^escr , et il s'y mulliplic sans doute beaucoup , car on en prend un grand nombre à la ligne et au filet. Ce poisson peut très-bien servir de nourriture à la truite , parce qu'il se tient dans les mêmes eaux. Comme il est petit, il devient facile- ment la proie de toutes les espèces vo- races. Il se nourrit , comme les autres carpes , d'herbes et de vers. Sa chair est blanche et d'assez bon goût. Le canal des intestins a deux sinuosités, l'épine du dos trente-trois vertèbres , et on trouve quinze côtes à chaque côté. On nomme ce poisson : Alandbleke , en Westphalie. Spirlin , à Strasbourg. Lauben , en Bavière. Nous ne saurions décider si ce pois- son fut connu des anciens ichthyolo- gistes , et si c'est celui qu'ils ont nommé hambèle à grossesécailles. L,esma.uva.ise5 figures et le manque de descriptions nous laissent dans l'incertitude à cet l'oissons. VII. 7 GG HISTOIRE NATURELLE égard. La figure du poisson auquel Marsigli donne le nom de l'eislauheii , a , à la vérité, beaucoup de ressem- blance avec la nôtre. Mais comme il avoue lui-même que son dessin n'est pas exact , il est clair qu'il a voulu dé- crire un poisson d'une autre espèce. La description que M. Leske nous donne de son elritze , convient assez à notre spirlin •, et je croirois volontiers que c'est le même poisson , si les au- teurs qu'il cite à ce sujet , ne nous prouvoient qu'il n'a pas voulu parler du spirlin , mais du véron , que Voxx nomme en allemand ^/afz,^. LA BOUVIÈRE, cyprinus amarvs. La bouvière est le plus petit pois- son du genre des carpes. On le distin- gue des autres espèces aux sept rayoiis des nageoires pectorales et ventrales. On trouve onze rayons à la nageoire de l'anus , vingt à celles de la ^ueue en DE LA BOUVIÈRE. 6? comptant les petites , et dix à celle du dos. Ce petit poisson est du nombre des carpes larges , car il n'^a jamais plus do deux pouces de long, et a plus d'un dcmi-poucc de large. Il est transparent comme presque tous les petits poissons, La tête est petite et cunéiforme. Les niâclioires sont égales, les yeux pe- tits j la prunelle est noire, et l'iris rouge par en haut , jaune par en bas. Les opercules des ouics sont jaunâ- tres ; les écailles grandes à proportion du poisson. Ces dernières, vues à la loupe , paroissent marquées de petits points noirs. Le dos est d'un jaune- vert , effilé au-dessus de la nageoire dcn-sale, rond au-dessous. Les côtés sont jaunes au-dessus de la ligne latérale ; au dessous , ils sont blancs aussi bien que le ventre. Cette ligne forme une courbure près de la nuque; en allant vers le ventre , elle devient noirâtre , et vers la queue, elle est d'un bleu (Î8 HISTOIRE NATURELLE d'acier. Les nageoires de la poitrine , du ventre et de l'anus sont rougeâ- tres , celles de la queue et du dos ver- dâtres. La bouvière aime les eaux pures et courantes qui ont un fond de sable. Ou ne la trouve que dans les rivières ou dans les lacs qui sont traversés par quelques rivières : tels que le lac Mi- gel , qui est auprès de Cœpenic. La cliair de ce poisson est a mère , ce qui lui a sûrement fait donner par les Al- lemands le nom de hilterlin^. On le sert rarement sur nos tables. Comme il no fait pas un objet de gain pour les pé- cheurs , ils y font si peu d'attention , que je n'ai pu apprendre d'eux le temps du frai. Tout ce que je sais , c'est qu'il a nn grand nombre d'œufs très- tendres , très-blancs, et si petits qu'il est impossible de les compter. Malgré la grande quantité d'oeufs de ce pois- son , et quoique l'aniLn^tume de sa chair l'expose rarement à la poursuite D E L A B O U V I È R E. 69 âeshoniuies , il ne multiplie cepeudanî; pas beaucoup. Comme il est petit , il devient fréquemment la proie des es- pèces voraces. Les viscères sont .semblables à ceux des autres poissons de ce i^enre. On trouve quatorze côtes de chaque côté, et trente vertèbres à l'épine. La transparence de ce poisson me fit croire d'abord que c'étoit VapJiya de Linné. Mais dans la suite , la difFé- rcnce du nombre des rayons , et la description que cet auteur en donne, m'ont convaincu qu'il avoit sous les yeux un petit poisson rond et diffé- rent du nôtre. En général , la transpa- rence ne forme pas un caractère dis- tinctif chez les petits poissons, parce qu'ils ont tous cette propriété tant qu'ils sont jeunes. Richler fait mention d'un poisson, auquel il donne le nom de bilterling j elritze et wetterJîscJilein ; mais les cou- leurs qu'il lui donne, et le nombre des 70 HISTOIRE NATURELLE rayons des nageoires prouvent qu'il n'a rien de commun avec notre bou- vière. Biroklioltz , au contraire , qui indique en peu de mots un petit pois- son , qu'il appelle bitlerling j paroi t l'avoir connue. Il me paroît vraisemblable que notre bouvière est le même poisson que le petit phoxinus de Rondelet , la petite bambèle à écailles de Gesner , et lo phoxinus squamosus de Jonston. L'ABLE; CYPRIN us ALEURNUS. L'able se distingue aisément des autres carpes par l'avancement de la mâchoire inférieure , et les vingt-un rayons de la nageoire de l'anus. On en compte quatorze aux nageoires de la poitrine , neuf à celles du ventre , dix- huit à celle de la queue , et dix à celle du dos. Sa tête finit en pointe. Le front est plat , olivâtre et parsemé de petits points noirs. Les joues sont bleues , les D E L'A B L i:. 71 yriix grands , la prunelle bleue , et l'iris argentin. Le corps est couvert «l'écailIes minces et brillantes, qui se détachent aisément. On s'en sert à Pa- ris pour donner aux fausses perles l'é- clat des perles fines. On enlève les écailles en ratissant le poisson à l'ordi- naire : on les met dans un bassin d'eau claire, où on les frotte comme si on vouloit les broyer. Cette opération, qui occupe à présent dans Paris un grand nombre d'ouvriers , se répète dans différentes eaux , jusqu'à ce que les écailles ne déposent plus de tein- ture : la matière argentée se précipite au fond. On verse l'eau surabondante , en inclinant le vase ; et l'on s'arrête lorsqu'il n'y a plus qu'une liqueur ar- gentine, que l'on nomme essence d'O" rient. On mêle à cette essence un peu de colle de poisson -, ensuite on a des grains de verre creux très - minces , couleur de gyrasolc , ou bleuâtres , dans lesquels on insinue , à l'aide d'un 72 HISTOIRE NATURELLE clialumeaii , une goutte de cette es- sence d'Orient , que l'on agite pour faire étendre la liqueur sur toute la surface des parois. Le dos est presque droit et olivâtre, et les côtés brillans, d'une belle couleur argentine. Ce pois- son est large vers le ventre ", mais il devient étroit par-derrière, et la ligne latérale est courbée. Les nageoires pectorales sont d'un blanc mêlé d'un peu de rouge ; celle de l'anus est grise, et celle de la queue verdâtre , aussi bien que celle du dos. La dernière est plus éloignée de la tête que les na- geoires ventrales. L'able se trouve ordinairement dans tous nos lacs et dans toutes nos riviè- res. Sa longueur ordinaire est de quatre à cinq pouces. On en trouve cepen- dant dans dilFérens endroits qui par- viennent jusqu'cà huit à dix pouces i alors on les confond assez souvent ici avec les petites marèncs , avec les- quelles elles ont beaucoup de resseni- D E l'a BLE. 7^ blance. Mais comme ces dernières ap- parlicnnent au genre des saumons , et qu'elles ont par conséquent une na- geoije épaisse, il est aisé de les recon- noîtrc à ce caractère et de découvrir la tiomperie. Quand ce poisson est gros, il est d'un assez bon goût ; mais à cet éi^ard il n'approche pas de la ma- rcnc. Comme il a beaucoup d'arêtes, il n'y a guère que les gens du peuple qui l'achètent. L'ablc multiplie beaucoup. On la prend pendant toute l'année au filet et à la ligne. En hiver , on en prend en quantité sous la glace, avec de grands verveux ; et au printemps, dans des nasses d'osier, auxquelles elle aime à se frotter pour déposer son frai. Ce poisson fiaie en mai et en juin. Comme il est polit, il devient non-seulement la proie de la plupait des espèces vo- races, mais aussi des oiseaux pêcbeurs. liCs pécheurs le font servir d'appât au bout de leur Vi^nc quand ils veulent 7i HISTOIRE NATURELLE prendre de gros poissons. Quant à la nourriture et aux parties du corps, il ressemble aux autres poissons du même genre, si ce n'est qu'il a sept dents, cinq devant et deux derrière. Le ca- nal des intestins a deux sinuosités. J'ai souvent trouvé une espèce de ver so- litaire dans l'intérieur du ventre. De Table et du rotcngle proviennent des mulets , dans lesquels j'ai remarqué des écailles plus grandes , un corps plus large, et moins de rayons à la na- geoire de l'anus , qu'à la véritable able. Ce poisson est connu sous dilTérens noms. On le nomme : Ueckeley, dans la Marche, en Poméra- nie et en Prusse. Ockeleiy en Silésic. Schneiclerfischet , Spitzlauben et JVind^- lauhen , en Autriche. Bulle, Bleicke f Ochelbetze , Ueckeley } etWeidenhlatt j eu Saxe. I) U GOUJON. j5 Neatelin^, danS l'Empire. Zumpelfischlein , dans quelques autres provinces. Albel, en Suisse. Mayblecke , en Westplialie. Alplienaar, en Hollande. JVitinck et Witecke, en Sclileswig. Sf.alle , Luyer et Blikke , on Dane- rnarck. Mort, en Norwège. Loja, en Suède. PFeissfisch , Plite , M aile y Walyhalla , en Livonie. Kalinlcan , en Russie. Aukschle , en Lithuanie. Gusczova , en Pologne. ^/)/^ , Ablette , Ovelle et Borde , en France. Bleack , en Angleterre. LE GOUJON, cYPRiNus gobio. Le goujon est un poisson du genre des carpes étroites. On le distingue ai- 7^ HISTOIRE NATURELLE sèment à deux barbillons places cha- cun à un côté (le son museau, et aux taches dont son corps est couvert. On compte seize rayons aux nageoires de la poitrine , neuf à celles du ventre , dix à celle de l'anus, dix-neuf à celle de la queue , et neuf à celle du dos. Sa tête est semblable à celle des autres carpes étroites, grosse et d'iui brun verdâtre. Quand la bouche est fer- mée , la mâchoire supérieure avance un peu. L'oeil est petit , la prunelle d'un bleu noir, et l'iris jaune d'or. Le corps est rond et couvert de grandes écailles. Le dos est droit et d'un bleu noir. Au-dessus de la ligne, les côtés sont bleus, et au-dessous d'une couleur changeante blanche et jaune. La ligne latérale est droite et couverte de ta- ches bleues. Les nageoires sont tantôt rougeâtres, tantôt jaunâtres , selon l'âge du poisson et la nature de l'eau où. il vit. Ordinairement l'aide des poissons, le changement de nourriture BUGOUJON. 77 ou d'eau , le temps du frai , influent sur la couleur de leur corps et de leurs na- geoires. On remarque plusieurs taches noires sur les nageoires de la queue et du dos ; et la dernière est vis-à-vis de celles du ventre. On trouve ce poisson dans les lacs et dans les rivières de France et d'Al- lemagne, dont le fond est pur et sa- blonneux. Dans quelques lacs où il trouve une bonne nourriture , il par^ vient quelquefois à la longeur de huit pouces. Sa chair est blanche , très- bonne au goût et de facile digestion. C'est par cette raison qu'on le conseille préférablement à tout autre poisson, aux personnes foibles et maladives. Dans le printemps, le goujon sort des lacs pour passer dans les rivières : là il dépose son frai contre les pierres, non tout d'un coup , mais peu à peu ; ce qui dure un mois. En automne , il retourne dans les lacs, o\X on le prend Poissons. VU, S 78 HISTOIRE NATURELLE en grande quantité en septembre et en octobre. Alors il est à si bon marché, sur-tout en Poméranie , que , selon Riclîter, on en a pour trois sous de quoi rassasier six personnes. On le prend au filet et à l'hameçon. Quoi- qu'il soit sans cesse exposé à la pour- suite des hommes, des poissons vora- ces et des oiseaux pêcheurs , il so multiplie cependant en grande quan- tité. La manière dont il fraie, fait, selon moi , que ses œufs produisent plus , à proportion , que ceux des au- tres poissons. Cette multiplication et sa vie dure le rendent très-propre à servir de nourriture aux sandres , aux perches et aux truites. On trouve quelquefois une espèce de ver solitaire dans la cavité de l'ab- domen de ce poisson. Le canal intes- tinal a deux sinuosités. Les œufs sont d'un bleu clair et si petits, qu'on ne sauroit les compter. Il a cinq dents à chaque mâchoire ; mais elles sont si pe- D D GOUJON. 79 tites , que dans \ui poisson long de quatre pouces, on avoit bien de Ta peine à les distinguer à l'oeil. J'ai trou- vé à chaque côté quatorze côtes, et trente - neuf vertèbres à l'épine du dos. Le goujon vit de plantes , de vers et de jeune frai. Il aime aussi la cervelle de bœuf; et si l'on en jette dans l'eau , les goujons s'y rassemblent en grande, quantité. On prétend qu'il aime la Ciiair humaine : je ne sais si ce dernier fuit est certain. Si, comme le dit Mar- sigli , ils préférèrent les hommes aux chevaux qu'on avoil jetés dans le Da- nube, dans une guerre avec le Turc, je crois qu'il faut l'attribuer à ce que les premiers se corrompent plus aisé- ment, et non à un godt particulier de ces animaux pour la chair humaine. Ce poisson aime la société, et on le trouve toujours en grandes troupes. ■ Le goujon est connu sous diflercn* noms. 8o HISTOIRE NATURELLE On le nomme : Gr'àndlin^ ou Gressling , en Alle- magne. Greyling et Gudgeon , en Angleterre, Goujon de rivière , en France. Goiffon , à Lyon. Grumpel , Sandhest f Grundling et Gym," pel , en Danemarck. Grondel y en Hollande. Pohps et Grundulis , en Livonie. LE VERON, crpiii;^c/'s phoxinus. Ce joli petit poisson se fait distin- guer par les dix rayons qu'il a aux na- geoires du ventre , de l'anus et du dos. On en trouve dix-sept aux nageoires de la poitrine , et vingt à celle de la queue. La tête est cunéiforme et d'un verd noir par en l^aut. Les opercules des ouies sont jaunes , les mâchoires égales et bordées de rouge. Les yewx. sont petits, et ont une prunelle noire. I) U V E R O N* 81 civtoiirée fl'iin iris couleur d'or. IjC corps est alongé , rond et couvert do petites écailles minces et gluantes. Il y en a qui ont le dos tout noir ; d'aulres l'ont d'un bleu clair. Les couleurs di- verses des raies et des taches donnent aux côtés un coup - d'œil charmant. Chez quelques-uns, le bleu , le jaune et le noir y diversifient agréablement les raies \ cliez d'autres, c'est un beau rouge , un bleu clair et un blanc argen- tin. Ils ont presque tous des raies Lieues, qui vont du ào^ à la ligne laté- rale. Les nageoires sont grises , bleuâ- tres , placées près du corps, et mar- quées d'une tache rouge. La ligne la- térale et le dos sont droits. Quoique ce petit poisson ne devienne pas plus gros qu'il est indiqué sur la planche > sa chair est cependant blanche , tendre , saine et de très- bon goût. On trouve ce poisson en Silésie, en Westphalie et en France dans plu- sieurs rivières, et il passe pour un des 8:2 HISTOIRE NATURELLE poissons les plus délicats du Véser. On le prend dans toutes les saisons , mais sur -tout vers la S. Jean. On se sert pour cela de petits filets fins , ou de la ligne. Il mord très-promptenien ta l'ha- meçon. Comme il a la vie fort tendre , il meurt bientôt après être sorti de l'eau. Ses ennemis les plus dangereux sont le brochet et la lote. A trois ou quatre ans il commence à frayer ; ce qui se fait ordinairement vers la fin de juin et dans le fond de l'eau. Il a une grande quantité d'œufs et multiplie considérablement. Il aime une eau pure et courante , le fond sablonneux ou pierreux , et se tient par troupes dans les endroits oii il n'y a point d'autres poissons : voilà pourquoi on le preinl rarement avec ceux d'une espèce dif- férente. Il se nourrit comme les autres poissons du même genre , et ne croît que lentement. Comme il aime la cha- leur, il se tient ordin.ûrcment vers la surface de l'eau. îir.y 1 - MA U3A ^a4/e 33 Tom . TTT. 1.1 A S OPE . 2 I^V 1U)K]>FJ,IK1\E . 3.J.E CARXSSIX D E L A s O P E. 8^ J'ai trouvé dans ce poisson deux si- nuosités au canal intestinal , environ trente- quatre vertèbres à l'épine dti dos, et quatorze à seize côtes de chaque cote. ' Ce poisson est connu sous différens noms. On le nomme : Elrilze , en Silésie. Grimpel , en AVestphalie. Elritze et Elbute , en Danemarck. Envel et Elritze , en Livonie. EUerling , en Basse-Saxe. Elwe-Kitze , en Nor\vège. Olszanka , en Pologne. Vairon ou Véron , en France, Sanmiinerolla , en Italie. IMorella , à Rome. Pincky Minow et Minîm , en Angle- terre. LA SOPE; CYPRllfUS BALLERUS. On distingue cette espèce des autres carpes par le^ quarante- un rayons de 84 HISTOIRE NATURELLE la nageoire de l'anus. On en compte dix-sept aux nageoires de la poitrine y. neuf à celles du ventre , dix-neuf à celle de la queue , et dix à celle du dos. L/a tête est petite et arrondie par le bout. Les mâclioires sont égales ; la mâclioire inférieure est recourbée et un peu avancée lorsque la bouche est ouverte. Le front est brun jl'oeil grand , la prunelle noire , l'iris jaune et mar- qué de deux taches noires. Les joues et les opercules des ouies paroissent successivement bleus , jaunes et rou- ges. Le corps de la sope est très-mince, sur- tout depuis l'anus jusqu'à la na- geoire de la queue. L'anus est à-peu- près au milieu du corps. Les côtés sont d'un blanc argentin, et le ventre;,qui est de l'épaisseur du petit doigt , est rou- geâtre. La ligne latérale a une direc- tion droite , et est marquée de points bruns. Le dos est noirâtre , et finit en tranchant. Les écailles qui couvrent le «•orps sont petites. Les nageoires sont D E L A s O P E. 85 entourées d'une bordure bleue j la na- geoire du dos est plus éloignée de la bouche que celles du ventre j celle de l'cuiiis est très-large, et celle de la queue est taillée en croissant , et a la partie inférieure plus longue que la supé- rieure. Ce poisson habite ordinairement les eaux du Hâve , en Poméranie , et celles du Curiscli - Hâve , en Prusse. C'est dans ces eaux qu'on le prend au prin- tempsdans des filets et dans des poches. Il ne se multiplie que lentement, et on ne l'estime guère , parce qu'il a peu de chair et quantité d'arêtes. Comme il n'est pas gras , il fournit une nourri- ture assez saiue. La sope ne devient guère plus grosse qu'elle est représentée sur la neuvième planche : alors elle pèse environ une livre et demie. Cependanton en trouve quelquefois qui pèsent jusqu'à trois li- vres. Le temps du frai est vers la fin d'avril. C'est vers ce temps que j'exa- 86 IIISTvOTRE NATURELLE minai une femelle : elle pesoit quinze onces; l'ovaire en particulier en pe- soit cinq et trois quarts, et contenoit 67,500 œufs de la grosseur de la graine de pavot. Quant aux autres parties , ce poisson difiPère peu de ceux du même genre. 11 a à chaque mâclioire cinq dents applaties des deux côtés , et pointues par en liant. Le canal intestinal a deux sinuosités jl'épine du dos quarante huit Vertèhres, et on trouve dix-huit côtes à chaque côté. Ce poisson est connu sous différens noms. On le nomme : Zope y en Marche et en Prusse. Schwope et Schwuppe , en Poméranie et à Hambourg. Ssapa y en Russie. Flire et BUIche, en Danemarck. Brasen et BunkeyenNor\vhge. Blicca , Blecca , Braxenblicca , Braxen- panka et Braxenflia , en Suède. BU) er , Rudulis et Sarg , en Livonie. La sope a beaucoup de ressemblance DELASOPE. 87 avec la bordélière , à cause de son corps large et mince. Cette ressemblance jointe aux mauvais dessins que les an- ciens ichthyoiogistes nous ont donnés de ces poissons , peuvent servir d'ex- cuse à Artédi et à Linné, qui ont pris ces deux espèces pour le même poisson , et ont rapporté à la sope ce que les écrivains avoient dit de la bordélière. Voici les vrais caractères distinclifs de ces deux poissons : 1 °. La bordélière est courte j la sope est alongée. 2°. La dernière a la tête tronquée; celle de la première est poinlue. '6°. Chez la sope la mâclioirc supé- rieure surpasse un peu l'inférieure ; dans la bordélière les deux mâchoires sont égales. 4°. Les nageoires pectorales et ven- trales de la bordélière sont rouges ; celles delà sope sont jaunes et bordées de bleu. 5"^. La sope a quarante-un rayons h 88 HISTOIRE NATUKELLli la naiicoire de l'anus ; la bordélière n'en a que vingt-cinq. 6". La bordélière est un poisson des plus communs , non-seulement dans les états du roi de Prusse , mais encore dans toute l'Allemagne , en Suisse , en Hollande, en France, et probablement aussi dans toute l'Europe La sope , au contraire , ne se trouve que dans la mer Baltique et à l'embouchure des fleuves qui s'y déchargent. Voilà sans doute pourquoi Richter , qui écrivoit cepen- dant en Poméranie , ne connoissoit pas même ce poisson de nom ; et Briigge- mann ne l'a point rapporté dans le ca- talogue des poissons de la ï'oméranie. y°, La bordélière a deux rangées de dents ; la sope n'en a qu'une. 8°. Celle-ci a quarante-huit vertè- bres à l'épine du dos -, celle-là n'en a que trente-neuf. 9°. Enfin, la bordélière pèse à peine une demi-livre ; au lieu que la sope eu pèse Jusqu'à trois. D E L A s O P E, 89 Comme noire sopc ne se trouve que dans les environs de la mer Baltique , il n'est pas étonnant que les anciens ichthyologistes n'en aient point fait mention. Artédi fut le premier qui eu donna une description : mais comme il la regardoit comme un poisson déjà connu , il ne crut pas nécessaire d'en- trer dans les détails, et négligea même de la mesurer. Dans la suite Linné en parle-, mais en peu de mots , et sans doute par la môme raison. WulfF en fait aussi mention comme d'un pois- son de la Prusse , et la rapporte fausse- ment à la farène de Linné. Enfin , Millier la donne pour un poisson du Danemarck. Quoiqu'on prenne ce poisson en quantité dans le Curisch-Have , le cé- lèbre Klein a cependant douté de son er^istence. D'abord il se trompe en pre- nant le ballerus d' Artédi pour la bor- délière. Mais comme il ne compta que vingt-cinq rayons à la nageoire d« Poissons. Vir. «j go IIISTOIRE NATURELLE ]'anus ( caril ne comploil point les pc- lits rayons du bout ),il tomba dans une autre erreur , qui cloit de soutenir qu'il n'y avoit aucune carpe qui eût quarante rayons à une nageoire. Kra- mer en parlant du poisson connu en 'Autriche sous le nom de Schein-Plein- zen , cite le ballerus d'Arlédi , de 3Linné et des autres écrivains qui ont parlé de la bordélière. Il est très- vrai- semblable que le poisson qu'il a décrit n'est aucun de ces deux, mais la brème. Car, 1°. il doit être difficile de trouver la sope dans les pays méridionaux de l'Europe. 'j.^. Son poisson pèse six à sept livres; au lieu que notre sope ne passe guère deux à trois livres. Il est plus vraisem- blable qu'il a eu en vue la brème de Linné ; car c'est le seul poisson du genre des carpes larges qui parvienne à cette grosseur. La vraisemblance augmente encore en ce que Marsigli en DE LA B O R D E L I E R E. 9 1 décrivant la blême du Danube , lui donne le nom de Bleinzen. LA BORDÉLIÊRE, CYPRINUS 3 L 1 C C A. On reconnoît la bordélière à son corps large et mince, et aux vingt-cinq rayons de la nageoire de l'anus. Les na- geoires pectorales ont quinze rayons , les ventrales dix, celle de la queue eii a viiiGt-deux , et la dorsale douze. La lete de ce poisson est petite, et finit en pointe. Lorsque la bouclie est fermée , la mâchoire supérieure avance un peu sur l'inférieure. L'ouverture delà bou- che est si petite, que, dans un poisson de huit pouces, je n'ai pu y introduire le petit doigt qu'avec force. L'œil est de nicyenne grandeur , la prunelle noire , l'iris jaune et tacheté de noir. Le corps est couvert d'écaillés minces de moyenne grandeur *, la nuque est bleuâtre, aussi bien que le dos, qui est !92 HiSTOmE NATURELLE traiicliant par le haut et rond par le bas : il forme un arc, et ne s'élève pas insensiblement comme dans la plupart des poissons du même genre, mais il monte tout d'un coup , ce qui fait pa- roître la nuque enfoncée. La ligne la- térale qui est courbe , garnie de points jaunes , sépare les côtés en deux par- ties, dont la supérieure est d'un blanc tirant sur le bleu , et l'inférieure bleue aussi bien que le ventre. Les nageoires pectorales et ventrales sont rouges , celles de l'anus et du dos brunes et bor- dées de bleu : la dernière est plus éloi- gnée de la tête que celles du ventre. La nageoire de la queue est bleue , fourchue , et la pointe inférieure est plus longue que la supérieure. La bordélière est un de nos pois5;ous les plus communs. On le trouve pen- dant toute l'année, dans tous nos lacs et dans toutes nos rivières , dont le cours est tranquille et le fond sablon- neux ou marneux. On ne l'estime guè- DE LA B OR DÉLIVRE. gS re , parce qu'elle est peu charnue et qu'elle a beaucoup d'arêtes. 11 n'y a presque que le peuple qui l'achète. Dlle fraie aux mois de mai et de juin, sur l'herbe des rivages unis; alors elle est si occupée de cette action; qu'on peut la prendre à la main. Hors de ce temps, elle est fort peureuse , se préci- pite dans le fond au moindre bruit , et est par conséquent assez diflicile à prendre. La manière dont ce poisson fraie , donne occasion d'en distinguer trois classes. La plus grosse paroît la première, et fraie aussi -tôt après la brcmc. Elle commence à pondre au lever du soleil, et continue jusqu'à dix heures du ma- tin : elle finit (Uns trois ou quatre jours, à moins qu'un fioid subit ne se fasse sentir, car alors elle finit dans la journée. Neuf jours après, paroissent celles de la seconde grosseur, ensuite les plus petites, après un autre espace de neuf jours, Toutes fraient en faisant 9^ HISTOIRE NATURELLE un grand bruit, causé par leurs divers mouvemens. La bordélière multiplie extraordi- ïiairement ; et comme elle a la vie dure, elle est une des meilleures proies pour les poisson? voraces. Celle que j'ai examinée pesoit quatre onces, et avoit environ cent huit mille œufs verdà- tres, plus pelits que des grains de mil- let (i). (i) C'est sur-tout dans le bas-ventre delà bordélière que se tient ordinairement le ver que Liuné nomme fasciola intestinalis. On y en trouve fort souvent jusqu'à six à huit , longs d'un pied chacun. On connoît aisé- ment à l'enflure du ventre quand ce poisson est attaqué de ce ver. Comme on sait qu'il est sujet à cette maladie, plusieurs person- nes en ont du dégoût , et n'en mangent point. Les pêcheurs tachent de l'aire sortir le ver en pressant le ventre du poisson; mais ils n'y réussissent que rarement , parce qu'il s'entortille ordinairement autour des intestins. Au printemps , on trouve rare- nieut ce ver. Teut-être que pressé par les DE LA BOÎIDÉLIÈRE. 9^ Ce poisson ne pèse ordinairement que trois à quatre onces: cependant, on en trouve quelquefois qui pèsent jusqu'à une livre. On le prend à la li- gne, au filet et à la nasse. Il vit comme les autres, d'herbes et de vers; il est aussi très -avide du frai du rotengle. Pour lui, son frai ne devient la proie d'aucune espèce, ce qui fait qu'il mul- tiplie beaucoup. Le canal des intestins a deux sinuosités, l'épine du dos trenle- >icuf vertèbres , et chaque mâchoire sept dents en deux rangées. Les autres œufs et les laites qui augmeutent alors , il est forcé de quitter ce poiàson , et disparoit entièrement. Il attaque plus communément les jeunes que les vieux. Ou trouvera plus de détails sur ce sujet dans ma Dissertation sur les vers des intestins, qui a remporté le prix à l'académie de Copenhague. Il est remarquable qu'Aristote a observé ce ver danslabordélière, pourvu que son ballerus soit le même que notre poisson. Voyc^ son iiist. Nat. Lib. vui , cap. 20, 9^ HISTOIRE NATURELLE parties intérieures sont comme dans les autres carpes. La bordélière a pour ennemis tous les poissons voraces, les oiseaux d'eau et l'aigle de mer. Les pêcheurs de ce pays en font un appât pour prendre des anguilles à la ligne. La chair de la bordélière est mollasse; mais comme elle n'est pas fort grasse, elle ne peut pas être mal -saine pour les personnes' foi blés. Ce poisson est connu sous dilTérens noms. On le nomme : Gûster, dans la Marche électorale. Geuster, en Pomérauie. Plitenoa Plitfisch, à Hambourg. IVeissjisch , Bleiche et Jûster , en Prusse. Bleyweissfisch et Bleyblicke , à Danlzig. Geuster, Gûchstern et Pf^eissfisch , en Silésie. Plofze et Bleyet'f en Saxe. Bley et Bliecke , en Hollande. Braseii et Bunka , en Norwège» DE LA BORDEL 1ERE. 97 Bordélitre et PLeslie, en France. G'ùstraa , en Russie. Comme Linné et Artédi ont regarde leur sope et notre bordéîière comme le même poisson , il n'est pas étonnant que Klein, WulIF, Gronov , Statius Millier et Bomare , qui ont écrit après eux , aient pris la sope pour la bordé- îière. Mais Willugliby , qui doutoit si la bordéîière et le carassin étoient le même poisson, paroît n'avoir eu au- cune idée distincte ni de l'une ni do l'autre. Notre bordéîière ne seroit-clle point la bierkna d'Artédi et de Linné? La description de cette dernière convient parfaitement à notre poisson ; mais comme Linné assure expressément , que dans cette espèce il a trouvé, à la nageoire de Tanu?, trente-cinq rayons, et non vingt -cinq comme Artédi, on •n'aura quelque chose de certain là-des- aus , que lorsque quelque naturaliste 9B HISTOIRE NATURELLE suédois aura montré lequel de ces deux auteurs a raison. LE CARASSIN, C Y P RI N V s CARASSIVS. Le carassin est du genre des carpes larges, et se distingue det. autres par sa. ligne latérale, qui est droite, par la na- geoire de la queue , qui n'est point par- lagée, et par les dix rayons de la na- geoire de l'anus. On en compte treize fiux nageoires pectorales , neuf aux ventrales , et vingt- un à celles de la queue et du dos. La tête est petite et arrondie à l'extrémité. La partie supé- rieure est olivâtre , les côtés sont jau- nes et mélangés de verd. Les yeux sont petits, la prunelle noire, et l'iris ar- gentin, bordé d'une ligne couleur d'or. Les narines sont plus près de l'œil que de la bouche. Quoique ce poisson ait le corps plus large que celui de tous les autres du même genre y il est avec ceU DU C A R A S S I S, 99 anssi épais, et est couvert d'ccailles de moyenne grandeur. Les côtés sont ver- dàtrcsversle dos, et jaunâtres vers le ventre. Le dos est arqué , d'un brun foncé, d'une forme tranchante vers la nageoire , et ronde au dessous. Le v^en- tre est d'un blanc mêlé de rouge. Les nageoires de la poitrine sont violettes, les autres sont jaunâtres et bordées de gris. Le carassin aime un fond marneux , et on ne le trouve que dans les étangs et les petits lacs. Il réussit sur- tout dans les fonds de glaise. Sa cbair est blan- che , tendre , n'a pas beaucoup d'arctes , et est par conséquent fort estimée. Comme il n'est pas gras, il fournit un aliment assez sain aux personnes foi- bles et maladives. Il est remarquable que le carassin , lorsqu'on le met dans une eau dont le fond est fangeux , n'y prend pas si-tot lin mauvais goût que le brochet , la perche et les autres poissons. 11 a la lOO HISTOIRE NATURELLE vie dure, vit assez long-temps hors «Je l'eau, sur-tout en hiver; de sorte qu'on j)eut le transporter facilement dans de la neige , dans des feuilles de chou et de laitue. Un avantage considérable qu'il offre aux cultivateurs, sur -tout dans le pa3's où les poissons sont rares, c'est qu'il réussit assez bien dans de petites eaux dormantes. Ce poisson se prend au filet et dans des nasses. Il mord aussi à l'hameçon , auquel on a mis un pois cuit. Il vit de bourbe , de plantes et de vers ; et comme sa nourriture est la même que celle des carpes, il ne faut pas en met- tre une trop grande quantité dans les étangs à carpes, de petir qu'ils ne leur enlèvent la nourriture. Le carassin ne croît que lentement, et ne pèse pas or- dinairement plus d'une demi - livre. Quelquefois on en trouve qui pèsent une livre et même plus. Il a pour en- nemis toutes les espèces voraccs et tous les oiseaux pêcheurs. Si on veut les DU C A R A S S I N. 101 faire multiplier et les engraisser, il ne faut leur donner à manger que du pain (le clienevis, du fumier de brebis , des pois et des fèves cuites. Le carassin fournit un mets délicat à la table des riches. On trouve à chaque mâchoire cinq dents larges. Le canal intestinal a cinq sinuosités. L'épine du dos est compo- sée de trente vertèbres , et a quinze cô- tes à chaque côté. J'ai trouvé dans les ovaires environ 93,700 œufs jaunAtrcs, de la grosseur de la graine de pavot. Il fraie en mai , quelquefois en avril , quand la saison est chaude , et il com- mence dès l'âge de deux ans. Ce poisson est connu sons différcns noms. On le nomme: Zohelpleinzl et Braxen , en Autriche. Gareis , dans la plupart des provinces méridionales de l'Allemagne. Karutz, en Westphalie. Kai'ausche , en Saxe, Ruda et Canissa, en Suède. Foissona. VII. 10 102 HISTOIRE NATURELLE Karudse, en Danemarck. Hamburger ou Slernkarper , en Hol- lande. Coras , en Hongrie. Karanssen f en Poméranie. Karausse , en Silésie^ K arsche , dans la basse Silésie. Crucian , en Angleterre. Carassin , en France. L/A GIBELE , cyprinus gibelio. La gibèle est da genre des carpes larges, et se distingue des autres par sa queue écliancrée en forme de crois- sant et par les dix-neuf rayons de la nageoire dorsale. On en compte quinze aux nageoires de la poitrine , neuf à celles du ventre-, huit à celles de l'anus, et vingt à celle de la queue. La tête est grosse , brune par en haut , et d'un brun jaune des deux côtés et vers la gorge. Les màclioires sont égales, la bouche est de la même forme que celle Tom. f2l Paç'- 102 J)c\rei>c »/t'/. 3.1, A TAXCIIK. , ,^:!TY 3E. MA USA 11 E LA G I B i: L E. 1 0.^ cic la carpe , et les narines sont placées. ]nhs de l'œil. Les yeux r>ont gramls et ont une prunelle noire , enlQurée d'un iris jaune d'or. Le corps est large , alongc et couvert de grosses écailles, même au ventre , qui dans les autres espèces n'en a que de très - petites. Les côtés sont d'un bleu verd par en haut , et d'un jaune d'or vers le bas: mais il y en a dont tout le corps est noir-, ce qui vient de la nature de l'eau dans laquelle elles vivent. Le dos est arqué et bleu , et sa nageoire est plus près de la tête que les ventrales. La ligne latérale est garnie de points bruns, et courbée vers le ventre. Les nageoires sont jaunes , excepté celle de la queue qui est grise , etl'extrémilé des rayons est divisée en huit branches. La gibèle multiplie considérable- ment. Elle fraie dès sa troisième an- née , dans les mois de mai, juin et juillet. Mais chacune ne fraie pas trois fois comme le croient les gens de la. loi HISTOIRE NATURELLE campagne ; le temps est différent selon' leur âge : les vieilles fraient plutôt que les jeunes. Le créateur, dont la sagesse infinie pourvoit a la conservalion de tous les animaux, a donné à ce poisson des ovaires très- considérables. Celui que j'ai examiné avoit , au mois de janvier , temps auquel les œufs sont encore petits , un ovaire de cinq onces, et le poisson entier n'en pesoit que quinze. La seizième partie des ovaires contenoit 3,6oo œufs ; ainsi l'on peut sans crainte de se tromper, faire mon- ter le tout à 3oo,ooo. Quelle quantité prodigieuse pour une seule année ! Mais si nous considérons que ce poisson n'a pour séjour que les petits lacs et les marais , où il est exposé à être dévore non -seulement par les cigognes, les hérons, les oies, les corneilles et les pies , mais encore par les grenouilles qui l'entourent , nous verrons que cette sage précaution de la nature n'est pas superiluo. DE LA GIBÈLE. 105 La gibèle ne devient pas grosse , sur-tout lorsqu'il s'en trouve un grand nombre ensemble -, parce qu'elles se dérobent mutuellement la nourriture. Ainsi , si l'on veut en avoir de grosses, il faut mettre avec elles quelques-uns de leurs ennemis , afin qu'ils diminuent la progéniture , et que les plus âgées trouvent assez de nourriture pour grossir. Les gibèles ne pèsent guère plus d'un quarteron ou d'une demi- livre. Cependant lorsqu'elles trouvent abondamment de quoi manger , ou qu'on les nourrit comme le carassin , elles parviennent jusqu'à près d'une livre et demie. Mais il n'est pas bon de leur donner à manger ; car s'il arrive qu'on ne leur en fournisse pas une quantité suffisante , elles y perdent plus qu'elles n'y gagnent; parce que. par- là elles se déshabituent de chercher Içur nourriture. Tant que les gîbèles sont petites, elles ont beaucoup de ressemblance If^n HISTOIRE NATURELLE avec les jeunes carpes: ainsi en ache- tant de Talevin de carpe pour le mettre dans des étangs , il faut bien prendre garde de ne pas prendre des gibèles pour des carpillons. Un grand désavantage qu'il y auroit, c'est que la plupart des gibèles ne deviennent pas aussi grosses que les carpes , et que d'ailleurs elles multiplient beaucoup et afFameroient les dernières. On prend la gibèlc autramail , à la nasse et au verveux ; mais elle ne mord pas à l'iifimcçon. Comme elle a la vie dure , ou peut facilement la tians- porter dans de l'herbe ou des feuilles vertes. Elles ne meurent pas non plus aisément dans les eaux dormantes et exposées au soleil ; parce que pendant la chaleur du jour,ellesse cachent dans la bourbe. Pendant l'hiver, elles vi- vent sous la glace , pourvu qu'il y ait quelques pouces d'eau. Elles réussis- sent dans toutes les eaux tranquilles, et ont par-dessus les autres poissons. DE LA G I B E L E. 10-7 l'avantage de proi'lrc diflicilement un goût de bourbe. On peut les mettre dans les mares, marais et dans toutes les eaux bourbeuses ; ce qui est un grand avantage pour les économistes. La chair de ce poisson est tendre , a peu d'arètcs , et n'est pas mal-saine pour les malades. JLa gibèle a huit petites dents poin- tues en deux rangées; le canal des in- testins forme deux sinuosités; l'éjîine du dos a vingt-sept vertèbres et dix- 5e})t côtes à chaque côté. Ce poisson est connu sous difTércns nom s. On le nomme : Ciebely dans la Marche de Brande- bourg et en Poméranie. Gieben , en Prusse. Kleiner Karass et Giblichen , en Silésie. Steiiikarausch , en Saxe. On trouve la gibèle dans la MarcIie , en Poméranie , en Silésie , en Prusse et dans plusieurs autres contrées de I08 HISTOIRE NATURELLE l'Allemagne. Les anciens ichthyologis- tes l'ont connue : Gesner , Scliwenck- feld et Willngliby en parlent comme d'une espèce particulière. D'après cela , il paroît très-étonnanl qu'x\rtcdi j Linné , Gronov et Kramer n'en aient point fait mention , et que Klein et Leske ne l'aient regardée que comme une variété du carassin. Comme elle diffère beaucoup de ce poisson par les parties internes et externes , j'ai cru devoir en faire une espèce particulière. Voici les caractères qui distinguent CCS deux poissons : 1°. La gibcle est alongée , et le ca- rassin est non- seulement beaucoup plus large , m ais encore le plus large de toutes les carpes. '2'\ Le carassin a la tête et les écailles beaucoup plus petites que la gibèle. 3°. Dans la gibèle , la ligne latérale est courbée, et la nageoire de la queue en forme de croissant ; dans le caras- sin , elles sont droites toutes deux , et DE LA GIBELE. 109 de plus , il a le dos beaucoup plus courbé que la gibèle. 4*^. La gibèle a Luit rayons à la na- geoire (le l'anus , et dix-neuf à celle du dos ; le carassin,au contraire, en a dix à la première, et vingt-un à la se- conde. 5°. Le carassin a une rangée simple de dents arrondies; au lieu que la gi- bèle en a une double rangée de poin- tues. 6°. Le canal intestinal du carassin a plus de sinuosités, et l'épine du dos un plus grand nombre de vertèbres. 7°. La gibèle a la vie plus dure , et pond une bien plus grande quantité d'œufs que le carassin. D'ailleurs, il ne faut pas confondre la gibèle avec la dobule , que les Saxons nomment aussi Giebel. Les économistes prétendent que la carpe et la gibèle produisent une es* pèce bâtarde , à laquelle ils donnent le nom de Cibèle-carpe. IIO HISTOIRE NATURELLE LA BREME, cyprin us bramj. Ce poisson se distingue des autres par ses nageoires noirâtres et les vingt- neuf rayons qu'il a à la nageoire de l'anus. On en compte dix-sept aux na- geoires pectorales , neuf aux ventrales , dix- neuf à celle de la queue , et douze à celle du dos. La brème a la tête tronquée, la bou- che petite , et la mâchoire supérieure vin peu avancée. Le front est d'un bleu noirâtre; lesjoiies sont d'un bleu jaune, la prunelle de l'oeil est noire, l'iris d'iui jaune pâle , et l'on remarque au-dessus une tache noire en demi-lune. Quand ce poisson est parvenu au point de son accroissement , il est assez large et épais. Les jeunes , au contraire , sont minces et d'une forme alongée. Il est couvert d'écaillés assez grandes. Son dos est noirâtre , tranchant , et repré- sente un arc tendu. La ligne latérale DE LA BRÈME. lll est courbée vers le ventre, et garnie fl'cnviron cinquante points noirs. La couleur des côtes est un mélange de jaune , de blanc et de noir. Les na- geoires pectorales sont violettes par en haut , jaunes par en bas , et noirâ- tres vers les bords. Les nageoires ven- traies ont un fond violet , et on re- marque au-dessus un appendice ven- tral , qu'on ne Irouve point dans les autres carpes larges. La nageoire de l'anus est grise dans le milieu , noirâtre vers les bords; celle de la queue , qui est fourchue , et dont la partie infé- rieure est pi us longue que la supérieure, est par-tout d'un bleu-foncé. La na- geoire dorsale est de la même couleur, et est plus éloignée de la tète que celles du ventre. Ce poisson est un des plus important de nos contrées. On le trouve dans tous les grands lacs, et dans les rivières d'un cours tranquille , dont le fond est com- pose de marne , de glaise et d'herbages. 112 HISTOIRE NATURELLE On le prend principalement sons la glace ; alors la pêcherie est si considé- rable , que dans quelques lacs des états du roi de Prusse , on en prend quel- quefois pour trois , cinq et jusqu'à sept cents écus d'un seul coup. On en prend aussi une grande quantité dans le Hols- tein , le Mecklenbourg , en Livonie et en Suède. Dans un lac de ce royau- me , situé auprès de Nordkiœping, on en prit au commencement du mois do mars 1 749 , cinquante mille en un seul coup, qui pesoient 18,900 livres. La brênie devient assez grosse. On en trouve communément qui sont lon- gues d'un pied et d'un pied et demi, et qui pèsent douze à quatorze livres : on en a vu aussi de vingt livres. Ce poisson se tient ordinairement dans le fond de l'eau , où il vit d'herbes , de vers et de terre grasse. Au printemps , il cherche les rivages unis , garnis de joncs et d'autres plantes. Lorsqu'il se trouve dans un lac qui communique DE LA BRÈME. Il3 avec quelque rivière , ii y remonte avec le courant de l'eau. C'est-là qu'il dépose ses œufs sur des herbages. Or- dinairement la femelle est suivie de trois à quatre mâles. Il sembîeroit que ces animaux , qui se trouvent alors en grande quantité , et qui font un grand bruit dans l'eau , devroient s'y accou- tumer ; cependant au moindre son étranger, ils s'effraient et se précipi- tent au fond. En Suède,une expérience de plusieurs années a prouvé qu^il sullisoit quelque- fois du son d'une cloclie pour faire fuir les brèmes d'un endroit où elles s'arre- toient en quantité depuis long- temps • voilà pourquoi on évite d urant le temps du frai , de faire le moindre bruit , môme aux jours de fête , dans les vil- lages où l'on pèche ces poissons. La brème fraie au mois de mai , ou à la lin d'avril quand il y fait chaud. Cette opération se fait en trois fois : les plus grosses commencent^ les moyennes J*oissous. VII. J i U4 HISTOIRE NATURELLE viennent ensuite , et enfin les plus pe- tites. Quand il fait beau , il se passe toujours neufiours entre chaque épo- que ; mais quand il fait froid , rien n'est réglé , et elles fraient au premier beau temps. Dans le temps du frai , il vient sur les écailles des mâles comme c'est l'ordinaire chez les autres mâles de ce genre, de petits boutons, qui leur font donner différens noms par les pêcheurs. Pline a remarqué les mêmes excres- cences aux poissons des lacs Larius et Verbanus; et Salvin les décrit exacte- ment en parlant du poisson qu'il nom- me pzgo , qui étoit une espèce de carpe. Il dit que les bou tons ne paroissoient que sur les mâles , qu'on les remarquoit or- dinairement sur le dos et sur les côtés , et qu'ils disparoissoient au bout d'un mois. Lorsqu'il survient un temps froid pendant le temps du frai , ce poisson se retire dans le fond : le nombril des femelles se referme , s'enflamme ; le poisson enfle , dépérit et meurt. Il est DE LA BREME. lia singulier que dans les poissons comuie dans les autres animaux, les femelles qui en propagent l'espèce, soient exposées à un plus grand nombre de maladies que les mâles. Quoique les mâles de la brème se retirent aussi dans le fond lorsqu'il survient un mauvais temps , ils ne sont pourtant pas sujets à cette maladie. On m'a apporté une brème dont le corps avoit dépéri, et dont le ventre étoit excessivement enflé. Elle pesoit trois livres et trois quarts. Vers l'enflure , les écailles paroissoient aussi grandes que celles de la carpe ; ce qui venoit sans doute de la trop grande tension de la peau ; car au lieu d'être arran^écslesunes sur les autres comme des tuiles , elles étoicnt rangées les unes à côté des autres en lignes paral- lèles. Ayant ouvert le poisson , j'y trouvai une substance gluante et rou- geâtre , qui paroissoit aussi granuleuse que le millet cuit. J'en fis cuire une partie ; mais au lieu de devenir rouge Il6 HISTOIRE NATURELLE ou jaune comme les œufs cuits des pois- sons , elle se changea en bouillie blan- che. Outre cette maladie , la brcme , aussi bien que le sandre , est sujette à la phlhisie. J'en ai vu une attaquée de cette maladie , qui étoit si maigre et si exténuée , que lorsque je voulus la prendre par la tête , le tronc tomba comme un chiffon. On trouve dansl'in- térieur du bas-ventre de ce poisson , sur-tout lorsqu'il est jeune, le fieck ^ espèce de ver solitaire. J'y ai aussi trouvé , dans le canal intestinal , le lé- chin ; c'est une autre espèce de ver des intestins. Ce poisson a de petits œufs rougeâ- tres. J'en ai trouvé environ 137,000 dans une femelle qui pesoit six livres. Quoiqu'il soit sans cesse exposé à la poursuite des hommes , du silure , du brochet, de la perche , du sandre, de lalolte, de Panguille et des oiseaux pêcheurs, il n'est pas étonnant qu'avec une si grande quaiitité d'œufs , il so DE LA BRÈME. II7 multiplie si prodigieusement. Le grèbe et le plongeon sont aussi du nombre des ennemis de ce poisson. Ces oiseaux s'assemblent ordinairement en autom- ne, en troupes de dix ou douze, efc plongent les uns après les autres. Les petites brèmes effrayées par la couleur blanche de leur plumage , se retirent. Les oiseaux continuent à plonger jus- qu'à ce qu'ils aient poussé les poissons vers le bord , où ils les prennent et les mangent. Quand on veut avoir des brèmes pour empoissonner quelque pièce d'eau, il est Irès-aisé alors de les prendre à la truble. La buse chercbo aussi souvent à contenter sa faim aux dépens de la vie de la brème; mais elle V perd quelquefois la sienne lorsqu'elle veut al Laquer une grosse brème. Le poisson plonge au fond des qu'il sent les serres de l'oiseau. Si celui-ci n'a sai- si que la chair du poisson , le bruit des ailes delà buse lui fait faire un effort , et le morceau reste entre les serres do Il8 HISTOIRE NATURELLE l'oiseau; mais aussi s'il a saisi l'épine du dos, le poisson tire avec lui son ra- visseur dans le fond de l'eau. On prend la brème , dans le temps du frai , à la louve , à la nasse et au eoleret. En hiver , on la pêclie sous la glace avec la seine. Comme elle est avide des vers , elle mord aussi fort aisément à l'hameçon : et dans un endroit oii il y en a beaucoup , on peut avec cet ins- trument en prendre une douzaine en tm quart d'heure. M. Taube, médecin de la cour à Zelle , décrit une manière de pêcher ce poisson , qui est en usage dans ce pays-là. Au mois d'août , quel- ques pêcheurs se mettent dans un ba- teau par un temps clair. Pendant que les uns rament à force , un autre fait du bruit avec un tambour \ deux au- tres , de chaque côté de la rivière > battent l'eau avec des perches , et chas- sent ainsi les brèmes vers une partie de la rivière , oii d'autres pêcheurs les attendent avec des filets ;, et en pren- DE LA BREME. 1 1 9 ncnt ordinairement une grande quan- tité. Ce poisson, quand il est bien nourri, croît aussi vite que la carpe. Sa chair est blanche , de bon goût , et assez gé- néralement estimée. On peut le trans- )torter à peu de frais : il suffit de pren- dre , dans le temps du frai , des herbes sur lesquelles il a frayé , et de les met- tre dans un petit vase avec un peu d'eau; ensuite il faut les déposer vers des bords unis. Au bout de qucl(|ues jours , on voit sortir plusieurs mille de petits poissons. Je suis d'autant plus sûr du succès de cette expérience, que jeVai faite plusieurs fois dans ma cham- bre , et que des amis à qui j'avois donné des iierbes de cette espèce , ont vu les mêmes effets. Ils seront bien plus fé- conds, sans doute , si on met les œufs dans l'élément qui leur convient. Ces petits poissons ont vécu pendant plu- sieurs semaines dans ma cliambrc. La brcmc a la vie assez dure , sur- T20 HISTOIRE NATURELLE tout pendant la saison froide. En l'em- paquetant dans de la neige, après lui avoir mis dans la bouche un morceau de pain trempé dans de l'eau-de-vie , on peut la transporter vivante à vingt lieues; mais pendant la chaleur elle meurt bientôt. Parmi ces poissons, on en trouve quelquefois un qui se distingue des au- tres par sa belle couleur , et que les pêcheurs nomment chef des brèmes. Il est toujours suivi d'une nombreuse suite , qu'il semble conduire. Lorsque les pêcheurs le prennent , ils le rejet- tent ordinairement ,afin que les autres brèmes le suivent et qu'ils en prennent une plus graîide quantité. J'ai observé un de ces poissons , qui étoit long de treize pouces , et large de quatre ; et j'y ai remarqué les dill'érences sui- vantes : 1". L'oeil est plus grand que dans la brêmc ordinaire , et l'iris est bleuâtre. 2°. La tête et le fond des nageoires DE LA BRÈME. 121 sont d'un beau rouge pourpre , et les dernières sont bordées d'une bande rougeâlre. 5°. Les écailles sont plus petites et plus épaisses. 4*^. Il a sur le corps plusieurs taches ronges d'une forme irrégulière, 5°. Enfin, il étoit couvert d'une matière visqueuse. S'il en faut croire les pêcheurs , co poisson ne pèse jamais plup de trois à quatre livres. Ne proviendroit-il point de la brcme et du rotengle ? Les na- geoires rouges , le corps court et large, et son peu de pesanteur le feroient conjecturer avec assez de vraisem- blance. On trouve encore une autre espèce , qui tient de la brcme et de la bordélière , et qui ressemble en partie à l'une et à l'autre. La bordélière fraie ordinairement plus tard que la brème; ♦ependant il arrive quelquefois, lors- qu'il survient un temps froid, que la dernière fraie au même temps. Quand 122 HISTOIRE NATURELLE elles se trouvent toutes deux dans les nasses ou filets, il arrive souvent que les œufs de l'une sont fécondés par les laites de l'autre ', ce qui produit l'es- pèce bâtarde dont nous venons de par- ler. Dans cette sorte de poisson , )'ai trouvé la tête aussi petite et le corps aussi large que dans la l)ordélière;mais les nageoires étoicntscmblablesà celles de la brème. Les pêcheui's m'ont assuré que cette sorte est une fois pluslourde que la bordélière ; mais qu'elle ne de- venoit jamais aussi grosse que labrême. Le canal intestinal de la brème a deux sinuosités \ l'épine du dos trente- deux vertèbres , et quinze côtes à chaque côté. On trouve dans cliaque mâchoire cinq dentslarges finissant en pointes par en haut , et un peu cour- bées. Les autres viscères sont comme dans la plupart des poissons de cette classe. La brème est connue sous difiPérena noms. On la nomme : DE L A B R è M E. 125 5choss-Bley , dans la Marche électo- rale , lorsqu'elle n'a pas plus d'ua an ou deux -, Bley-Flink , lorsqu'elle a trois ans ; Bley , lorsqu'elle est plus âgée. U^indlauben, dans quelques contrées , lorsqu'elle est encore jeune. Schleim-Bleitzen , en Autriche , lors- qu'elle est encore jeune. Brassen, en Poméranie. Bressmen, en Prusse. Rhein ou Ren-Braxen , à Danlzig. Bleye et Brassle , en Saxe. Bleitzen , en Empire. Lrassen, Bressen et Braden , dans les autres provinces d'Allemagne. Brax , en 5uède. Brasem , en Danemarck. Brachen , Bressem , Flusshrachsen , Plaa- di , Flaudis et Lattikas , en Livonie. Letsch , en Russie. Braseriy en Hollande. Bream , en Angleterre. Pr^mf; en France. 124 HISTOIRE NATURELLE KlorzeZj GnVo]o^uc. Pesses^^i, en Plongrie. Scarda et Scardola, en Italie. Braexen, en Portugal. Quand la brème est jeune , on la confond souvent avec la boidclière , à laquelle elle ressemble beaucoup ; mais avec un peu d'attention, on verra que la première est plus alongée -, que la queue ou la partie qui est entre Tanus et la nageoire de la queue , est plus longue , et qu'elle est plus courte dans la bordélière, La bordélière a les na- geoires rougeâtres , l'ouverture de la bouclie très -petite, au lieu que la brème a les nageoires noires et l'ou- verture de la bouche plus grande. Il y a apparence que Kramer a con- fondu ce poisson avec la bordélière car sa description convient également à l'une et à l'autre. Il la nomme garei- sel, et dit qu'on la trouve aussi dans les marais , mais qu'elle pèse ordinaire- ment une livre, et rarement une livre D E L A B R E M E. i 25 et demie ; ce qui convient fort bien à la bordélière. Marsigli a tort, comme on le voit par son dessin, de donner une jeune brème pour une femelle de cette es- pèce. Klein et Sclioneveld se trompent , en faisant une espèce particulière de la brème, qui semble servir de conduc- teur aux autres, et qu'ils nomment hrême- conducteur ou Ziverg-hle.y. Le poisson qu'ils décrivent , n'est autre chose qu'une brème , dont la queue étoit gâtée et difforme. Scboneveld dit aussi lui-même, que ce poisson a la queue courbe et sillonnée comme si elle eut été cassée deux fois. Cette dif- formité vient, selon moi, de ce que le poisson , quand il étoit encore jeune , s'est embarrassé dans des herbages, et s'est forcé l'épine du dos en voulant se débarrasser. Linné a aussi trouvé des brèmes bossues dans le lac Wetter , prèsd'Askerfund. Il a trouvé la même Poissons. VII. 12 3 2G HISTOIRE NATURELLE difformité dans la perche, et j'ai ren- contre la même chose dans le sandre et dans la rosse. LA TANCHE, cvprinus tança. La tanche se distingue des autres es- pèces de carpes, par les petites écailles dont son corps est couvert, que Richter fait monter au nombre de trente mille, et par ses nageoires épaisses et opaques. On compte dix -huit rayons à la na- geoire pectorale, neuf aux ventrales , onze à celles de Fanus, dix-neuf à celle de la queue, et douze à celle du dos. La tête est grosse, le front large et d'un verd foncé , l'oeil petit , la prunelle noire et l'iris d'un jaune d'or. Les joues sont d'un jaune tirant sur le verd. La gorge est blanche , et à chaque coin de la bouche , on trouve un petit barbiU Ion. Les mâchoires sont d'égale gran- deur, et les lèvres aussi fortes que celles de la carpe. Elle fait du bruit en man- DE LA TANCHE. 12/ géant comme cette dernière. Le dos, qui est rond et d'un verd foncé , forme un arc lâche. Des deux côtés, jusqu'à la ligne latérale, elle est d'un verd plus clair; au-dessous elle est jaune, et au ventre blanchâtre. J'en ai trouvé aussi qui l'avoient noir , et d'autres vert. Il seroit diiïicile de trouver un poisson sur lequel la couleur de l'eau influe da- vantage que sur celui-ci. Les mâles dif- fèrent aussi des femelles, soit pour la couleur, soit pour la bonté de la chair. Les premiers ont une couleur plus claire , la chair plus grasse et meil- leure ; ils ont les nageoires ventrales pins grandes^ et les os plus forts. Cette diffcrence leur fait donner diffcrens noms dans nos contrées. On appelle les mâles knochen-schleye, et les femelles bauch-schleye. Les nageoires sont for- tes et violettes; celle de la queue est arrondie par les coins , et droite vers le milieu. Dans aucun poisson je n'ai trouvé les os, où sont attachées les na- 128 HISTOIRE NATURELLE geoires pectorales et ventrales aussi forts que dans la tanche. Tout le corps du poisson est couvert d'une matière épaisse et visqueuse, ce qui le fait glis- ser dans la main comme l'anguille. Les écailles sont sous cette matière, et ne paroissent que lorsqu'elle est ôtée : elles sont attachées fortement à une peau noire qui couvre une chair blanche. Ce poisson aime les eaux tranquilles. On le trouve dans foutes les parties du monde , et presque dans tous les lacs et dans tous les marais. Il a la vie dure. Il se tient pendant l'été dans les eaux stagnantes, et pendant l'hiver sous la glace , sans qu'on soit obligé de faire des trous pour lui donner de l'air. 3M. de Bergen a soutenu que la tanche dort pendant tout l'hiver. Je sais, par expérience, que dans nos contrées on n'en prend point dans les pèches qu'on fait sous la glace. On sait que la loche de marais et l'anguille se cachent dans la bourbe pendant l'hiver , et y restent DE LA TANCHE. 1 29 sans mouvement. La tanclie peut, se mettre dans des marais , mares , abreu- voirs et autres petites eaux. Quand on la nourrit bien , elle croît prompte- ment et devient assez grosse. On en trouve quelquefois de sept à huit livres. Comme sa chair est molle et limon- neuse, les estomacs foiblcs la digèrent difficilement. Au mois de juin , elle cherche les endroits couverts d'her- bages pour y déposer ses œufs, et mul- tiplie beaucoup On la prend au filet et à l'hameçon. Quand le beau temps veut * venir , elle saute hors de l'eau, comme Cardanus l'a remarqué, et comme le remarquent tous les jours les écono- mes. Ses ennemis , quand elle est pe- tite, sont la perche et le brochet. Elle évite souvent leur poursuite , en se ca- chant dans la bourbe. Qi.ant à la conformation des pai ties internes , ce poisson diffère des autres du même genre , en ce qu'il a à chaque mâchoire quatre dents courtes et lar- -, l'^O HISTOIRE NATURELLE ges , seize côtes de chaque côté , et trente-neuf vertèbres à l'épine du dos. Le canal intestinal a deux sinuosités. J'y ai trouvé des vers, et M. Bonnet y a aussi trouvé le ver solitaire dans le bas -ventre. La vésicule du fiel est grande, le fiel est d'un verd foncé et très-amer. Les œufs de ce poisson sont verdâtres et très -petits. A la fin de mai, c'est-à-dire, avant le temps du frai, je les ai trouvés un peu moins gros que la graine de pavot. Dans un poisson de trois livres et trois quarts , les œufs pesoient près de cinq onces , et étoient au nombre d'environ deux cent quatre-vingt-dix-sept mille. La nourriture de la tanche est la même que celle de la carpe. Un bon économe ne doit point souffrir de tan- ches dans les étangs où il nourrit des carpes, parce qu'elles leur enlèvent la nourriture, et valent moins qu'elles. La tanche est connue sous différens noms. On la nomme ; DE LA TANCHE. i3l Schlei, en Allemagne. Schumacher j en Ijivonie. Kuppesch , Lichnisj Line et SchUye y en Estonie. Zeelt, en Hollande. Muythonden, en Frise. Tench , en Angleterre. Skomacker , Linnore et Sutore , cii Suède. Siideret Slic , en Daiiemarck. Tanche , en France. TencOf en Italie. Tinca, en Espagne. Nous avons dit plus haut que cc poisson prend une couleur plus claire ou plus foncée, suivant la couleur do Peau où il séjourne et la nature du fond. Ainsi Artédi , Klein et Gronov ne parlent pas exactement, quand ils regardent la couleur noire comme \\\\ caractère distinctif de ce poisson. Richter se trompe aussi, quand il dit que les femelles sont sujettes à une pur- gation menstruelle. l32 HISTOIRE NATURELLE Linné, dans la première édition de son Fauna , donne onze rayons à la na- geoire do l'anus de ce poisson ', mais dans la dixième édition de son Sys-' terne f oii il se sert de chiiFres au lieu de lettres , pour marquer le nombre des rayons, il en met vingt-cinq au lieu de onze. C'est sans doute une faute d'impression. Cette faute se trouve non-seulement dans la seconde édition de son Fauna , mais encore dans toutes celles de son Système , et dans plusieurs ouvrages modernes. Elle est d'autant plus pardonnable, que Linné et ceux qui ont écrit après lui, n'ont pu exa- miner de nouveau , en particulier , chaque animal dont ils donnent l'his- toire. Mais quand le traducteur du Sys- tème ajouLe qu'il y a onze à vingt-cinq rayons à la nageoire de l'anus, chacun pourroit en conclure que les rayons des nageoires varient dans ces ani- maux. Comme les poissons se meuvent par le moyen de leurs nags^oires , com- DE LA TANCHE. l3/î me 1ns autres animaux avec leurs pieds et leurs ailes , et comme dans les oi- seaux , le nombre et la grandeur des plumes des ailes et de la queue , et dans les autres animaux , le nombre et la grandeur des pieds et des doigts sout proportionnés aux besoins et à la struc- ture du corps, il en est de même dans les poissons. Chaque espèce a autant de nageoires et de rayons que ses besoins le demandent, et l'expérience confirme cette observai ion. Une aufre raison qui fait que les auteurs ne sont point d'accord sur le nombre des rayons, c'est la manière dont ils les comptent. I/un compte les petits rayons simples , et l'autre ne les compte point. Le barbeau et la brème peuvent nous en offrir un exemple. Linné donne au premier onze rayons à la nageoire dorsale, et dit que le se- cond est dentelé. M. Leske , an con- traire , en compte douze , et fait le troisième dentelé. Tous deux ont rai- l34 HISTOIRE NATURELLE son. M. Leske compte le premier petît rayon que Linné omet. Artédi etGro- nov donnent vingt-sept rayons à la na- geoire de l'anus de la brème. M. Leske et moi, nous en comptons vingt-neuf. Les premiers ne comptent point le pre- mier petit rayon , et ne comptent que pour un les derniers, qui paroissent en effet unis l'un à l'autre. Je remarque aussi qu' Artédi , dans la description des poissons de la Suède , c'est-à-dire , ceux qu'il a été en état d'observer lui-même , leur donne pres- que toujours deux rayons de plus que Linné et Gronov ; mais que lorsqu'il les décrit d'après Willugliby , qui no compte pas non plus les petits rayons , il est d'accord avec les autres. Dans les poissons jeunes ou gras, il faut beau- coup d'attention , pour déterminer exactement le nombre des rayons des nageoires du dos et de l'anus. Si le poisson est gras , la peau est épaisse , et le premier rayon de la nageoire dor- DE LA TANCHE. l35 Sale est caché; et voilà probablement la raison pour laquelle Linné attribue au second rayon de la carpe la dente- lure que Gronov et Leske n'attribuent qu'au troisième. Les rayons des pois- sons à nageoires molles sont divises Vers les bouts extérieurs en quatre à liuit pointes Or , comme les deux der- niers rayons de la nageoire de l'anus sont pour ainsi dire réunis , comme nous l'avons déjà dit ,il n'est pas facile de les distinguer dans les jeunes pois- sons. A la nageoire pectorale , les pre- miers sont longs , et les derniers très- courts. Cependant je ne voudrois pas soutenir que le môme nombre de rayons se trouve toujours dans chaque indi- vidu, car il peut arriver quelqu'acci- dent qui en divise ou détruise quel- ques-uns. Il se peut aussi qu'étant bles- sés dans leur jeunesse, plusieurs rayons se réunissent ou croissent ensemble, ou que quelqu'antre cause inconnue en fasse croître un plus grand nombre 3 de HISTOIRE NATURELLE même qu'il arrive aussi quelquefois qu'eu a plus de cinq doigts à un pied ou à une main ( l ). On n'a pas estimé également ce pois- sou dans tous les temps. Les Romains le méprisoient beaucou p , et il n'y avoit que le peuple qui le mangeât, comme on le voit dans Ausone. Dans le royau- me de Congo , il passe pour un mor- ceau très-délicat : il n^y a que la cour qui en mange , et il y a peiiie de mort contre quiconque pêclie une tanche et ne la porte pas à la cuisine royale. En, Allemagne , elle n'est pas générale- ment aimée , et en Livonie , c'est par mépris qu'on lui donne le nom de scha- (j) J'ai trouvé une fois une carpe qui avoit au côté une nageoire , qui commençoit vers celle du ventre , et alloit jusqu'à la dorsale. J'ai vu aussi une plume d'oiseau qui avoit trois barbes 5 et M. de Rocbiro a trou- vé six serres à un oiseau de proie- Le règne végétal nous offre une grande quantité d'exemples de c<;tte nature. DE LA TA N C H E. 1*^7 mâcher {corùonmer.y En Angleterre, on l'aime assez généralement. 11 y a au- tant de sentimens différens sur son iisaae et son utilité que sur son goût. Quelques-uns croient que ce poisson donne la fièvre à ceux qui en man- gent -, d'autres prétendent qu'en le coupant et le mettant sous la plante des pieds , il guérit de la peste , et fait passer la chaleur de la fièvre ] qu'en l'appliquant vivant sur le frout , il ap- paise les maux de tête ; qu'en l'atta- chant sur la nuque , il calme l'inflam- mation des yeux; et la jaunisse, quand on l'applique sur le ventre. S'il est vrai, comme on le dit , que son fiel chasse les vers , et que lorsqu'on le met sur du charbon , la fumée guérit du ilux d'oreilles , il faut attribuer le premier clTet à l'amertume , et le second à la chaleur. On ne se contente pas de le re- garder comme un bon remède en mé- decine, maison en fait le médecin des poissons. On prétend que lorsqu'ils Poissons, Vlï. ^^ 1^8 HISTOIRE NATURELLE sont blessés, ils s'approchent de la tan- clie, et se guérissent en se frottant contre son corps gluant , et que c'est ainsi que le carassin se débarrasse da ver desouics. Mais ceux qui disent que le brochet et le silure ne la mangent point , par reconnoissance de ce qu'elle les guérit, je ne les crois pas plus que ceux qui assurent que ce poisson naît de la bourbe , et que ses femelles sont sujettes à un écoulement menstruel. LA DORÉE D'ÉTANG, CYPRINUS TINCJ-JURJTUS, La dorée d'étang se distingue des autres carpes par ses petites écailles , et de la tanche par ses nageoires minces et transparentes. On compte seize rayons à la nageoire pectorale , dix à celle du ventre , neuf à celle de l'anus , dix-neuf à celle de la queue , et douze à la dorsale. Ce poisson est sans contredit un des To//i . /!/. J't^e ^3â. ^\ 1 . A K i: 1 N J'. ] )T: S C A U P l' S . ITY A J _;! DE LV DOUÉE d'ÉTANG. 1% pîn? beaux de l'Enrope. La couleur do- rée de son corps est relevée par des ta- ches noires. Ses lèvres et ses rayons cou- leurderose, le jeudeses nageoires min- ces et blanchâtres, tout cela forme un spectacle fort agréable , sur-tout lors- qu'il est éclairé des rayons du soleil.. Te suis obligé d'avouer que , malgré tous les soins des artistes qui l'ont repré- senté , la figure que j'en donne est en- core bien au-dessous de l'original pour la beauté des couleurs. La tête est petite en comparaison de la grosseur du corps -, les lèvres et le nez sont d'un rouge vermeil ; le front est large et noirâtre , et les joues jau- nes. Les yeux ont une prunelle noire , garnie d^in iris jaune, qui tire sur le blanc vers le haut , et devient noir vers le bas. L'ouverture de la bouche est petite , et on voit un petit barbillon de chaque coté. Le dos forme un arc lâche ; il est rond, noir au-dessus de la nageoire, et d'un jaune brun au-des- ]4o HISTOIRE NATURELLE sous. La nageoire dorsale est grande, et plus près de la tête que celle du ven- tre. Vers la ligne latérale , le corps est d'un jaune-rouge ou orange ; au-dessous de la ligne, le jaune devient plus pâle: cette ligne est large , droite , et garnie de points rouges. Les rayons des na- geoires sont rouges , forts, divisés vers l'extrémité en huit branches , et unis par une membrane blanche , parsemée de points noirs. La dorée que j'ai fait représenter ici , est un présent que sa majesté la reine de Prusse a daigné me faire. Il y a treize ans qu'elle fit venir trente de ces poissons , pour les mettre dans les canaux de Scliœnhausen. Feu M. le comte de Haack avoit aussi dans ses étangs des dorées _, qu'il avoit fait venir d'Ohlau en Haute-Silésie. M. de Car- mer , grand-chancelier de Prusse , m'a assuré que ce poisson est assez com- mun en Silésie , et qu'on le trouvoit dans les étangs avec les autres tanches. DE LA DOREE D'ÉTANG. i4% La dorée se trouve aussi près d& Naisse , et en Bohème , où madame do Sobeck m'a dit en avoir vu dans les étangs du prince Klary. Ce poisson est originaire de la Silésie. Excepté Kra- mer, aucun auteur ne parle d'un pois- son de ce nom *, et comme il dit qu'il tire sa couleur jaune des eaux bour- beuses, il paroit qu'il ne parle pas de notre poisson , mais de la tanche ordi- naire , qui brille quelquefois comme de l'or. J'ai vu de ces sortes de tan- ches , mais elles n'avoient p is la cou- leur de celle dont nous parlons : elles étoient d'un jaune tirant sur le noir ou sur le vert. Je n'y ai remarqué non plus , ni la membrane blanche des na- geoires , ni les rayons rouges. La dorée d'étang ne croît que lente- ment. Celles dont j'ai parlé étoient depuis treize ans dans le canal ; et quoiqu'elles y eussent de la nourriture en abondance, la plus longue n'avoit pas plus de deux pieds ou deux pieds l42 HISTOir.E NATURELLE et demi tout au plus. Je ne saurois dé- terminer le temps du frai de ce pois- son; car on n'a point apperçu qu'il fasse du bruit avec sa queue , comme les autres poissons lorsqu'ils fraient, et on n'y a point non plus remarqué de petits, ce qui ne vient vraisemblable- ment que de l'élévation des bords du canal. Ainsi il ne peut pondre ses œufs qu'en se frottant contre les herbes du fond , où ils n'éclosent point , faute de clialeur. Cette tanche vit ordinairement d'herbes et de vers, comme les autres poissons de cette classe. A Schœnhau- sen , on leur donne à manger comme aux carpes. En été, on leur jette du pain y en hiver, comme elles ne vien- nent point sur la surface de l'eau, on leur jette des pois et des fèves cuites, qui tombent au fond. Ce qu'il y a de re- marquable , c'est que lorsqu'on sonne «ne cloche pour avertir les carpes qu'où va leur donner à manger . les DE LA DORÉE D'ÉTANG. i45 tanches ne viennent pas aussi-tôt avec elles , mais qu'elles paroissent n'être averties que par le bruit que font ce* dernières en courant après la nourri- ture. Je ne sais si elles ont l'ouie plus dure , ou si cela vient de ce qu'elles ont moins d'intelligence que les carpes pour distinguer le signal. Ce poisson aime la chaleur , car en hiver et au printemps , il se cache dans le fond , sous les branches qui tombent dans le canal ; mais en été , il nage en petites troupes vers la surface de l'eau , où il est attiré par la chaleur , et non par la lumière du soleil. Une chose qui confirme cette observation , c'est que celui que i'ai en dans ma chambre , se tenoit toujours vers le coté du vase qui é toit ombragé, et cherchoit de nouveau l'ombre lorsqu'on mettoit le vase dans une autre place. 11 y resta tranquille pendant quelques semaines ; mais dans la suite , ayant mis dans le même vase ïine rosse et un carassin , qui faisoieut l44 HISTOIRE NATURELLE beaucoup de mouv^emens dans leur nouvelle demeure, il commença aussi à tournoyer -, et lorsque )'eus ôlé les autres poissons , il quittoit de temps en temps l'ombre pour nager; mais cette promenade ne duroit pas long- temps. Je l'ai gardé pendant quelques mois dans de l'eau de fontaine , que je faisois renouveler de temps en temps, et dans laquelle je jetois du pain. Le poisson y étoit aussi vif que dans le ca- nal d'où on l'a voit tiré. La dorée d'étant; a la vie dure : la mienne a survécu au goujon , à la bor- délière , au roteugle , à la rosse , et même à la tanclie ordinaire que j'avois mise dans le même v^ase. liA CARPE, CYPRIN us CJRPIO. C r. poisson , connu dans presque tous les pays sous le nom de Carpe , donne le nom à ce genre. Son caractère dis- tinctif est d'avoir le troisième rayon DE LA CARPE. l45 dentelé aux nageoires de l'anus et du dos. On compte seize rayons à la na- geoire pectorale , neuf à la ventrale , autant à celle de l'anus, dix-neuf à celle de la queue, et vingt-quatre à la dorsale. La tête est grosse ; le front large et d'un bleu-foncé , et les joues sont bleues. L'œil de la carpe est en- tièrement noir, excepté une ligne jaune qui entoure la prunelle. Leslèvres avec lesquelles elle fait du bruit en man- geant , sont fortes , jaunes et garnies de deux barbillons, accompagnés de deux autres plus courts , qui sont au nez. Les écailles qui couvrent le corps , sont grandes et rayées dans leur lon- gueur. Le dos forme un arc lâche et est d'un bleu-verdâtre -, il est tramhant au-dessus de la nageoire , et rond au- dessous La ligne latérale est garnie de petits points noirs , et forme une légère courbure. Versle ventre , les côtés sont jaunes , et changeans bleu et noir : au Vi'nlre même, ils sont blanchâtres et l46 HISTOIRE NATURELLE jaunes vers la queue. La nageoire Jor- sale est bleue , la ventrale violette , celle de l'anus d'un brun rouge , et celle de la queue , qui est fourcliue , est aussi violette , avec une bordure noi- râtre. Aristote et Pline ont déjà connu ce poisson. C'est sans contredit dans les jDarties méridionales de l'Europe qu'il faut chercher la patrie de la carpe : car si on la trouve dans les pays septentrio- naux , ce n'est que parce qu'on l'y a transportée. En i5i4 , Maschal les porta en Angleterre , où elles sont au- jourd'hui aussi communes que chez nous. Environ l'an i56o, sous le règne de Frédéric ii , Pierre Oxe les porta en Danemarck. On les a aussi portées en Hollande et en Suède. Mais plus ce poisson avance vers le Nord . plus il dégénère et devient petit. Yoilà pour- quoi on envoie tous les ans de Prusse à Stockholm plusieurs vaisseaux char- gés de carpes. DE LA CARPE. 14^ On trouve les carpes dans les eaux qui coulent doucement, dans les lacs et les étangs. Leur goût diffère selon les eaux on elles séjournent : voilà pourquoi on les distingue en carpes de rivières , de lacs et d'étangs. Les pre- mières passent pour les meilleures j les dernières pour les plus mauvaises : mais les meilleures de toutes , ce sont celles qui vivent dans un lac ou étang traversé par un ruisseau qui leur four- nit continuellement des eaux fraîches. On reconnoît déjà à leur couleur dans quelles eaux elles ont été pêchées. Celles des rivières et des grands lacs sont plus jaunes , et celles des étangs plus vertes ou plus noires. Les der- nières ont aussi ordinairement un goût de bourbe^ mais elles le perdent quand on les met quelques semaines , avant de les manger , dans une eau claire , ou qu'on les laisse pendant quelques jours dans une huche placée dans le courant d'une rivière. l48 HISTOIRE NATURELLE La carpe a la vie si dure , que , pen- dant l'hiver, on peut la garder dans des caves , dans des réservoirs ou des citernes. On peut les y engraisser , en leur donnant du pain et de la laitue. On peut aussi les transporter à trente lieues , en les empaquetant dans de la neige , et leur mettant dans la bouclio un petit morceau de pain trempé dans de l'eau-de-vie. Quand ce poisson est Lien nourri , il croît vite , et devient d'une grosseur considérable. L'été dernier , on m'ap- porta une carpe qui avoit été prise en Saxe, dans les terres de M. le comte de Schulenbourg ; elle pesoit vingt- deux livres , et elle n'étoit pas des plus grosses qu'on prend ordinairement dans cet endroit. Près d'Angerbourg en Prusse, on en trouve qui pèsent jus- qu'à quarante livres. A Dertz , dans la Nouvelle-Marche, sur les frontières de laPoméranie, on en prit une de trente-huit livres, et on la porta commo DE LA CARPE. 1^9 une rareté au roi, qui éloit pour lors à Steltin. En 1 762, on en prit une qui étoit grosse comme un enfant, dans le lac Lagau , situé dans le cercle de Sternberg. En 1711 , on en prit une à Bifcliofshause , près de Francfort sur- rOder , qui avoit deux aunes et demie de long , une de large ; elle pesoit soi- xante-dix livres, et ses écailles étoient aussi grandes que des pièces de vingt- quatre sous. Dans le lac de Golitz , près du bailliage de Lenin , on en pèche qui pèsent trente livres et plus. On en prend dans le Dniester , qui sont si grosses, qu'on fait des manches de cou- teau avec leurs arêtes. La Ploiigrie offre aussi des carpes de quatre pieds (le long , et si grasses , que leur panse paroît garnie de lard. Avec les œufs de ce poisson , on fait du caviar , qu'on vend aux juifs de Constantinopic. Comme on nourrit des carpes dans les canaux, non -seulement pour le Toissons. VII. i4 j5o histoire naturelle profit , mais aussi pour le plaisir , on a. eu occasion de s'assurer qu'elles at- teignent un âge très-avancé. Ledel dit qu'il y a dans la Lusace des étangs où l'on garde des carpes depuis 200 ans. M. de BufFon dit avoir vu dans les fos- sés de Pont-Charlrain des carpes qui avoient sûrement plus de i5oans. Dans le jardin royal de Cliarlottenbourg , on en voit qui sont d'une grosseur prodigieuse , et qui sont si vieilles , qu'elles ont la tête couverte de mousse. Ce poisson vit comme tous ceux de ce genre , de plantes, de terre grasse , de vers et d'insectes aquatiques. Il aime sur-tout le fumier de brebis , et pros- père dans les étangs où les pluies amè- nent le fumier des troupeaux. La carpe fraie en juin , et même en mai , quand le printemps est cliaud. Alors elle cherche les endroits couverts d'herbes, pour y déposer ses œufs. Or- dinairement une femelle est accom- pagnée de trois mâles. Dans le temps DE LA CARPE. l5l du frai, les carpes de rivières nagent en troupes vers les eaux tranquilles , auxquelles la rivière communique ; et lorsque dans leur course elles rencon- trent une grille qui les empêche de passer outre , elles sautent par-dessus, quand elle auroit quatre à six pieds do haut. Après le frai , elles reviennent dans les rivières. Ces sauts des carpes ressemblent à ceux du saumon : on les remarque souvent dans les étangs. Elles viennent sur la surface de l'eau , se mettent sur le côté , courbent la tête et la queue au même instant , de ma- nière qu'elles décrivent un cercle par- fait ; ensuite s'étendent tout-à-coup , battent l'eau avec vivacité , cts'élèvent ainsi à la haulcur de quatre à six pieds , et aussi loin de l'endroit où elles ont sauté , du côté oiî leur mouvement s'est dirigé. Les petites , qui ne sont pas assez fortes pour sauter par dessus les grilles , restent dans l'étang , et ap- partiennent au propriétaire. Lorsque l52 IIISTOmE NATURELLE les carpillons ont atteint liuit à dix pouces , on les ôle de l'étang par les eaux basses , pour les vendre ou les transporter dans d'autres étangs. On a vu par expérience que ces sortes de carpes, quand elles sont bien nourries, deviennent fort grosses , et sont d'un bon goiit. Quoique la carpe soit exposée à la poursuite des poissons voraces et des oiseaux pêcheurs , elle se multiplie pourtant beaucoup, vu qu'elle a reçu de la nature une si grande quantité d'oeufs , que j'en ai compté jusqu'à i37,ooo dans une femelle d'une livre. Bientôt après M. de Schlegel , con- seiller provincial à Crossen , m'envoya une de ses carpes , dont il avoit cou- tume de se servir pour empoissonner ses étangs. Il m'écrivit en même temps, qu'il ne savoit comment faire pour eiii- pêclier d'avoir une quantité d'alevin aussi grande que celle qu'il avoit eue jusqu'alors : car la grande quantité lea r> E L A C A R P F. 1 53 empêchoit de trouver la noiirrllure convenable , et d'atteindre à la gros- seur de six à sept pouces , pour être en étal d'être transportées dans d'autres eaux. Quelques carpes seulement lui donnoient 100,000 carpillons. La carpe en question pesoit neuf livres , et ses œufs une livre et quatorze onces. Or^ comme une drachme de ces œufs en contenoit 1296 , l'ovaire entier étoit de 621,600. On voit par-là, 1°. qu'un gros poisson a infiniment plus d'œufs qu'un petit-, 2°. qu'on peut expliquer par-là la grande différence que l'oti trouve dans les différens écrivains par rapport au nombre des œufs des pois- sons -, 3°. qu'on ne peut jamais déter- miner ce nombre, parce que l'âge et la nourriture peuvent y apporter des cliangeniens considérables. Les carpes des étangs de M. Schlegel deviennent très-grosses : ce qu'il faut attribuer à la plante nommée nayade , qui y croît en grande c^uautité. Celte plante est l54 HISTOIRE NATURELLE sijalcaline, qu'elle peut ébouillir avec cîe l'eau-foi te -, et comme elle a des grai- nes, on pourroit aisément la faire venir dans les autres étançs. Quand un économiste s'apperçoit que ses mères - carpes donnent trop d'oeufs , ce qu'on peut connoîtrc aisé- ment à l'épaisseur et à la dureté du ventre , il se conduiroit avec beaucoup plus de sûreté, pour obtenir de bonne semence , en ne mettant dans son étani; qu'une seule carpe oeuvée et une seule laitée. Mais si malgré cela le nombre étoit encore trop grand , il faudroit aussi- tôt après le frai mettre avec les carpes un petit poisson vorace pour dé- truire l'alevin superflu , ou une partie des herbes où sont déposés les œufs , ou enfin au lieu de poisson , n'employer que des herbages chargés d'oeufs. Dans les grands lacs , on pêche ce poisson avec la seine, dans les étang=î on le prend avec des colerets, des lou- ves et des nasses dans lesquelles ou D E L A C A R P E. 1 55 met un appât. En général, la carpe ne se laisse pas prendre aisément ; car dès qu'elle apperçoit le lilet, elle en- fonce sa tête dans la bourbe, et lo laisse passer pardessus son corps. Si le fond est dur, elle fait avec sa queue un certain mouvement, qui la fait sauter de quatre à cinq pieds par-des- sus le filet. Voilà pourquoi dans les pe- lils lacs on se sert pour les pêclier de deux trubles, dont les ouvertures sont tellement placées, que lorsque la carpe saule de l'une, elle retombe dans l'au- tre. On les prend aussi à l'hameçon quand on les attire avec des pois cuits ou quelqu'autre nourriture, qu'on jette à l'endroit où on leur donne à manger, ou qu'on attache un ver à un hameçon. La différence qu'il y a entre la con- formation des parties internes de ce poisson et celle des autres du mémo genre, c'est qu'il a à chaque mâchoire cinq dents larges, qui forment au milieu un angle obtus. Le canal des intestins a l56 HISTOIRE NATURELLE cinq sinuosités , l'épine du clos trente- sept vertèbres, et on trouve seize côtes de cliaque côté. La vésicule du fiel est grosse , et le fiel est d'un verd foncé ^ très-amer, et fournit au peintre une couleur verte., Comme elle a la cliair molle et grasse, on ne sauroit la recommander aux malades. S'il arrive qu'on crève la vé- sicule du fiel en vidant la carpe , on peut faire passer l'amertume avec de fort vinaigre. Le temps où les carpes sont les meilleures, c'est depuis l'au- tomne jusqu'au printemps. Ce poisson se nomme ; Karpfe ou Km'pfen , dans q^uelques pro- vinces d'Allemagne. Karpe , dans d'autres. Strich ou Karpfenhrut j lorsq[u'il n*a, qu'un au ; Saamen ou Satz , dans sa seconde et troisième année. Karp ^ en Suède et en Angleterre. DE LA CARPE. 15; Karper, en Hollande. Carpe , en France. Carpa, en Italie. Carpe.na , dans les environs de Padoite. Rayna , à Venise. Fontty y et Poidka , en Hongrie. Il y a des bermaplirodites parmi les carpes; et je pourrois en convaincre par leurs propres 3'^eux ceux qui en douteroient , car je garde dans ma collection les entrailles d'une carpe do cette nature. L'ovaire, qui, dans ce poisson , consiste toujours en deux sacs, est aussi double dans celle-ci, avec Id difterence qu'un des sacs est interrompu au milieu par la laite qui y est contenue -, de manière qu'elle est bordée également par en haut et par eu bas par les œufs , qui sont verdâtres. La laite , au contraire , est simple; elle a cependant à l'extrémilé inférieure une petite pièce, et est une fois plus épaisse qu'elle ne l'est ordinairement. l58 HISTOIRE NATURELLE Le reste des intestins conserve sa situa- tion et sa forme ordinaire. La carpe d'oà l'on a tiré ces entrailles pesoit trois li- vres, et elle n'offroit extérieurement aucune différence , si ce n'est qu'elle étoit un peu plus verte que les carpes ne le sont ordinairement; ce qui venoit sans doute des eaux mal-piopres dans lesquelles elle avoit vécu. Selon tout© apparence , un hermaphrodite de cetto nature a trois manières de se repro- duire. 1°. Par lui-même; car comme dans les poissons la fécondation s^opcre hors du corps de l'animal, il peut en se frot- tant contre les piaules, jeter successi- vement les œufs et la laite, et fécon- der les premiers par la dernière. 2". Quand sa laite tombe sur d'au- tres œufs. 3°. Quand ses œufs sont fécondés par la laite d'un autre poisson. Le carassin et la gibèle produisent avec la carpe des poissons qui sont plus DE LA CARPE. i5g gros que les deux premiers, mais qui ne deviennent jamais aussi gros que la carpe : ils ne pèsent guère plus de trois livres. Gesner , Aidrovand , ScliAvenc- kfed , Schoneveld , Marsigli , Wil- lughby et Klein parlent de la même espèce bâtarde , que les possesseurs des étangs et les pêcheurs de nos con- trées connoisscnt sous différens noms. On les reconnoît i«. à leurs écailles plus petites et qui sont plus attachées à la peau j i"^. aux lignes qui sont sur les écailles, qui sont de la longueur du poisson ; 3^ à leur tête, qui est plus grosse et plus courte. Ils ne doivent pas non plus avoir de barbillons ; mais cela n'a lieu que lorsque les oeufs de la carpe ont été fécondés par un caras- sin ou une gibèle ; car les espèces bâ- tardes ont toujours la tête et la queue du père. Comme je n'ai point encore eu occasion d'examiner moi-même un de ces poissons, j'ai dit ce que m'en a appris un économe habile. J'ai voulu l6o HISTOIRE NATURELLE mettre les naturalistes à même d'ob- server ces faits, que plusieurs révo- quent en doute. Il seroit aisé de s'en assurer , en mettant dans un étang des carpes femelles avec des carassins ou desgibèles mâles. Les auteurs dont nous venons de parler , se trompent en fai- sant de ces poissons une espèce parti- culière j car ils ne peuvent jamais être produits sans le concours de deux es- pèces. D'ailleurs si ces poissons pro- duisent eux-mêmes, ils retombent alors dans la première espèce, même quand ils seroient fécondés par des espèces différentes; c'est ce qui arrive aussi fort souvent dans le règne végé- tal. Je rapporterai encore une chose que les anciens ont regardée comme un phénomène étonnant , et les moder- nes comme une fable. Nous trouvons dans Rondelet, Gesner et Aldrovand, des figures de carpes qui ont une tête de mort ; llichler en rapporte une qui a une tête de morue j et il y en a une DE L A C AR P É. iGl <3ans Meyer qu'on voit avec une tèlc ig^t HISTOIRE NATURELLE et qu'il arrive des aceidens fâcheux à ceuK qui en mangent. Mais c'est an préjugé, qui vient sans doute de ce qu'ils prétendoientqueles femelles ont lin écoulement menstruel à chaque nouvelle lune. Comme ils éloient per- suadés que ces sortes d'écoulemcns étoient , en général, un poison que la jialaro rejetoit , ils croyoient que les oeufs dévoient aussi en être un. Cette assertion est soutenue par plu- sieurs auteurs modernes , mais elle est combattue par l'expérience. Je pour- rois moi-même en fournir une preuve. J'ai mangé des oeufs de ce poisson avec toute ma famille , et personne n'en a jamais été incommodé. Klein parle aussi d'un roi des bar- beaux comme d'une espèce particu- lière , qui se distingue des autres par ses longues nageoires. Mais , comme il l'avoue lui-même , il n'en a vu qu'un seul dans le cabinet de Dresde -, et d'ailleurs, comme les autres auteurs no D E L'i D E. IgS font point mention de ce poisson, il y a. apparence que la longueur de ses na- geoires n'est qu'un accident particu- lier , ou une tromperie de quelque marchand de curiosités naturelles. On nous dit aussi , dans un nouvel ou- vrage , que le barbeau fait ses petits an mois d'août ; mais c'est peut-être une faute d'impression ou de copiste , car ce poisson n'est point vivipare, et ne fraie point en août. L'IDE, cr PRi N us mus. Cette carpe se distingue de celles dont nous avons parlé , par la grosseur de son corps et les treize rayons de la nageoire de l'anus. On en compte trois à la membrane des ouies, dix-sept à la nageoire pectorale , onze à celle du ven- tre^ dix- neuf à celle de la queue, et dix à la dorsale. La tète est grosse et tronquée. La bouche a une petite ouverture , et est i[)G HISTOIRE NATURELLE sans dents. Le front , la nuque et le clos sont noirs. Le dernier est rond, et les premiers sont larges. La mâclioire su- périeure avance un peu sur l'infé- rieure. L'oeil est de moyenne gran- deur, sa prunelle est noire, entourée d'un iris d'un blanc jaune. Le ventre est large et tout blanc. La ligne laté- rale forme une courbure en arrière, près de la tête. Le dos est rond , et forme un arc lâche. Les écailles sont grandes, la nageoire de la poitrine est . jaunâtre , celle du ventre rouge au mi- lieu, blanche des deux côtés , ainsi que le fond : on voit au-dessus un appen- dice. La nageoire de l'anus a le fond blanc , le reste est d'un beau rouge ; celles de la queue et du dos sont grises : la première est large , a une échan- crure en forme de croissant, la seconde est placée vis-à-vis celle du ventre. Tous les rayons, excepté les premiers, sont larges et ramifiés. Ocsner est le premier qui ait décrit D E L'i D E. \^j ce poisson. Les iclithyologistes qui lui ont succédé n'en ont pas parlé, excepté ceux que je viens de citer. On trouve l'ide en Poméranie , en Westplialie, en Suède, en Norwège,en Danemarck et en Russie. Il habite les grands lacs où il y a une eau claire et de grosses pierres. Il en sort au mois d'a- vril dans nos contrées , et en Suède en mai , pour passer dans les fleuves , et y reproduire son espèce. Il cherche les endroits les plus rapides, et fraie dans le fond sur les pierres nues. Il vit d'her- bages et de vers, comme les autres es- pèces de carpes; il a les mêmes enne- mis , croît lentement , commence à frayer à trois ans, parvient à la lon- gueur d'un à deux pieds, et pèse alors six à huit livres. Il a la vie dure et multiplie beaucoup. On le prend avec le filet, le manche, et à l'hameçon. Il mord sur-tout , quand on prend pour appât des queues d'écrevisses ou des Poissons. VII. 18 198 HISTOIRE NATURELLE grillots (1). Sa chair est blanche, ten- dre et de bon goût. Au commencement de l'estomac , on trouve deux os , sur chacun desquels on voit deux rangées de dents un peu courbées vers la pointe : les cinq qui sont sur le devant , sont fortes et gros- ses , les deux qui sont sur le derrière petites. L'estomac continue avec le ca- nal, sans interruption, et n'a que deux sinuosités. Le foie est long et rouge -, il consiste en trois lobes. La vésicule du fiel est grosse, et le fiel est d'un verd foncé. La rate est d'un rouge foncé , et formée de deux petites pièces. La laite est double, aussi bien que l'ovaire. En avril, j'ai trouvé , dans un poisson de trois livres, 67,600 petits œufs jaunes, de la grosseur de la graine de pavot. La vésicule aérienne est grosse et divisée. On trouve quinze côtes de chaque côté. (i) Grjllus campeàtris. L. D F. L'I D E. 199 et quarante-une vertèbres à l'épine du dos. Ce poisson est connu sous différens noms. On le nomme : Dœbel, en Poracranie. Kiihling ,en Wcstplialie. Nerjlingf Erfîing et Bi'adfiscli y en Au- triche. TLnd, en Danemarck. Id et Tioschfjœlîng y en Suède. Rod-Fiœrigj en Norwège. Jass et Plotwa, en Russie. Poluwana , en Tartarie. L'idus et l'idbarus de Linné ne se- roient-ils point le même poisson? Je le soupçonne, parce que ni Linné dans sa Fauna , ni Artédi dans sa Descrip- tion des poissons suédois y n'ont parlé du dernier, qui est pourtant naturel à ce pays. 200 HISTOIRE NATURELLE LE RASOIR , cvpRiNUs cultratus. Cette carpe se distingue des vingt- trois espèces dont nous avons parlé jusqu'à présent, par la place qu'occu- pent vis-à-vis l'une de l'autre les na- geoires de l'anus et du dos. On voit trois rayons à la membrane des ouies , quinze à la nageoire de la poitrine , neuf à celles du ventre et du dos , trente à celle de l'anus, et dix -neuf à la queue, La tête, qui est comprimée des deux côtés, est très- petite, et a une éléva- tion en haut , près de l'ouverture de la touche. La mâchoire inférieure qui est arquée, avance sur la supérieure. La Louche s'ouvre comme celle du ha- reng, et n'a point de dents. Les nari- nes sont larges , et placées près des yeux, qui sont très-grands, et ont une prunelle noire, entourée d'un iris ar- gentin. Entre les yeux et l'ouverture D U R A s O I R. 201 de la bouclie, on voit une pelilc lame osseuse et mobile , garnie de petites protubérances. Les joues brillent d'une couleur perlée. La nunue est lar^c et d'un bleu d'acier. Le dos forme uno ligne droite ; il est rond et d'un gris- brun. Les côtés sont comprimés et ar- gentins, le ventre est mince et tran- chant. La ligne latérale a une direction d'une variété remarquable; elle com- mence au-dessous de l'opercule des ouies. Après avoir parcouru l'espace d'un pouce en longueur, elle tourne en bas vers le ventre, forme un angle ob- tus, et finit au milieu de la nageoire de la queue, après avoir encore serpenté plusieurs fois. Les écailles , excepté celles de la nuque, sont grandes, min- ces, à cinq rayons , et se détachent ai- sément. Les nageoires de la poitrine , du ventre et de l'anus , sont rougeâtres en dessous et grises en dessus. Les pre- mières sont très -longues, et vont jus- qu'à la nageoire du ventre^ les nageoi- •• 202 HISTOIRE NATURELLE res du dos et de la queue sont grises , la dernière est fourchue. Nous trouvons ce poisson en Prusse, en Poméranie , presque dans toutes les rivières du voisinage de la Baltique*, en Suède , dans le Danube , dans le Jaik , et dans l'Elbe , selon Richter. Linné, le met au nombre des poissons de la Baltique , et le regarde comme un poisson rare en Europe. J'ai reçu celui que je décris ici de M. de Marwitz,de la Nonvellc-Marclie. Il a été tiré d'un lac où on l'avoit transporté : il étoit long d'un pied et demi , large de qua- tre pouces , et pesoit une livre et un quart. On en trouve cependant de plus gros et de plus lourds. Il aime l'eau claire , comme les autres espèces de carpes , et vit de vers , d'herbages et de terre grasse, et se tient ordinaire- ment sur les bords. C'est-là qu'au mois de mai , il dépose son frai sur les her- bages. Il a dans les oiseaux de proie et les poissons voraccs un grand nombre DU RASOIR. 203 cl'ennemis , dont il devient souvent la proie, parce que son éclat les frappe et les attire; ce qui fait qu'il ne multiplie pas beaucoup. On le prend avec des fi- lets et avec des nasses, dans le temps du frai. Il mord aussi facilement à l'ha- meçon. Le peu de cliair qu'il a est blanche , molle , maigre et traversée de plusieurs petites arêtes fourchues. Ainsi il n'y a guère que le peuple qui le mange. Ce poisson dilTère des autres pois- sons de rivière, non-seulement par la forme extérieure , mais encore par la structure intérieure de son corps. J'ai trouvé la cervelle en arrière près des yeux , recouverte par la chair du dos : je n'ai pu remarquer les petits os du cerveau , que l'on trouve ordinaire- ment dans les autres poissons. On voit dans l'œsophage, ou plutôt à l'entrée de l'estomac, deux os, dont chacun a sept dents pointues en deux rangées. La cavité du ventre est lonirue et lai:- 20^ HISTOIRE NATURELLE ge. L'estomac se perd dans le canal in- testinal, comme dans les autres espè- ces de carpes. Le dernier a deux sinuo- sités , et est de la longueur du poisson. Le foie consiste en deux lobes , dont le plus long va jusqu'au trou ombilical. La vésicule du fiel est petite , de même que la rate , qui est brune. Le fiel est jaune. Les deux ovaires, qui sont pla- cés le long du dos, sont grands, et cha- cun est divisé par une raie en deux parties égales. Dans un poisson d'une livre et un quart, tous les œufs pesoient deux onces et demie. Les œufs étoient gris, et au mois de mars, ils étoient presque de la grosseur de la graine de millet, et l'ovaire contenoit io5,74o œufs. J'ai trouvé vingt côtes de chaque côté , et quarante-sept vertèbres à l'é- pine du dos. Le dos est droit , le ventre mince et tranchant. C'est cette forme qui lui a fait donner en Suèdelenomdes^é'r/'^«// ( rasoir } j en Autriche celui de sichet DU RASOIR. 2o5 ( faucille ) ', en Hongrie celui de sœhîar (sabre ) ; de même que sa maigreur lui a fait donner en Prusse le nom de ziege , et celui de zicke (chèvre) eu Poméranie. C'est cette même forme et la na- geoire située fort loin derrière le dos , de même que sa bouche sans dénis qui ont été cause que les écrivains l'ont pris tantôt pour un hareng, tantôt pour un brochet ou une carpe. Mar- sigli , le premier qui le décrivit et le représenta en 17^6 , croit qu'il a beau- coup de rapport avec le saracho d' Al- drovand , dont cependant il diffère beaucoup. Klein le décrivit en i74q , et en donna aussi un dessin. Il en fit un brochet : il cioit que personne ne l'avoit encore ni décrit ni représenté , et le rapporte à deux espèces diffé- rentes ; savoir , le ziege et le sichling. Bientôt après Linné en donna une des- cription dans son voyage de Golhl.ïnd, et en fit une espèce de carpe. Quelque- âo6 HISTOIRE NATURELLE temps après, Kramer en fit aussi men- tion en lyôG, comme d'un poisson tout- à- fait nouveau , et le détermina comme Linné. Enfin, WulfiFen fit un Lareng. Il diffère pourtant de ce pois- son, soit par la bouche qui est sans dents, soit par le nombre des rayons de la membrane desouies. Use trompe encore d'un côté quand il le prend pour le chalcis de Rondelet et de Jons- ton ; de l'autre , quand il donne ce poisson foible et sans arme pour l'en- jiemile plus redoutable de l'esturgeon, qui est un poisson fort et armé de tous les côtés. Il faut aussi queRichler n'ait pas bien observé ce poisson, sans quoi il n'auroit pu lui donner des écailles aiguillées et tranchantes. LA DORADE CHINOISE, CYPRIN us AVRATVS. La couleur brillante comme l'au- rore j dont ce poisson est décoré, le 2'o//i . /J/. yi^^ u^où\ 1. LA DOKADi: rhiiioiso . i :\ et 4 . I.E KTX- JU- AariHes Ao la Doi-^ar . o . LA CARPK DL lU (■.Cil'.N'MAdKN . •TY /^ DE LA DORADE CHINOISE. 20/ distingue des autres espèces de carpes. On trouve seize rayons à la nageoire de la poitrine , neuf à celles du ventre et de l'anus , vingt-sept à celle de la queue, et vingt à celle du dos. La tête est de moyenne grosseur. Les narines, qui sont doubles et larges, sont placées près des yeux. Ceux-ci ont une prunelle noire, et l'iris jaune. Le reste de la tête est rouge par en haut , et jaune d'or des deux côtés. L'oper- cule des ouies consiste en deux pe- tites plaques. Le dos est rond, et on y remarque diverses taclics noires ; des deux côtés, il est d'un rouge mêlé de jaune, et le ventre est rougeâtre , avec un mélange de couleur argenti- ne. Le tronc est couvert de grosses écailles. La ligne latérale a une direc- tion droite près du dos. Toutes les na- geoires sont rouges comme du carmin. La nageoire de la queue est fourchue. Cependant je ne connois aucun pois- son où les nageoires soient «i variablc>; 2oS HISTOIRE NATURELLE que dans celui-ci. J'en possède un dont la nageoire du dos n'a que deux rayons j dans d'autres elle manque entière- ment, comme à celui qui est repré- senté sur la xciv^ planche (i). Un au- tre encore a seulement une élévation au lieu de nageoire , et un troisième a deux élévations semblables. Dans un, la nageoire de l'anus est double, et celle de la queue comme une four- chette à trois pointes ou fourchons, comme on peut le voir aux fig. i et 2 de la planche citée. Dans un autre encore , cette dernière nageoire est extrême- ment longue , et les autres nageoires sont plus longues qu'elles ne le sont or- dinairement. Les deux nageoires de l'anus sont placées près l'une de l'au- tre ) mais la partie superflue de la na- geoire de la queue croît communé- ment au milieu du côté. Il semble que lorsque la force de la nature diminue (i) Edit, in~foU DE LA DORADE CHINOISE. 209 cVun côté clans la production ou le dé- veloppement des nageoires, elle s'aug- mente de l'autre : cela dépend proba- blement du plus ou moins de soin qu'oa prend en nourrissant ces poissons. Une chose remarquable, c'est que les cou- leurs de ce poisson changent avec son âge. Dans les premières années, elles sont ordinairement noires : cou- leur que la nature offre assez souvent dans le genre minéral et dans les qua- drupèdes, très-rarement dans les in- sectes , les oiseaux et les plantes , mais iamais dans les poissons , excepté dans tclui-ci. Dans le cours de quelques an- nées ils offrent ordinairement des points argentins, qui augmentent in- sensiblement jusqu'à couvrir entiè- rement l'animal., Après cela , il de- vient rouge, et s'embellit à mesure qu'il avance en âge. Cependant, il ar- rive aussi quelquefois qu'il devient rou^e avant que de prendre la couleur Voissoiis. Vil. '9 2lO HISTOIRE NATURELLE argentine *, quelquefois aussi il est rouge dès le commencement. Ce poisson est sans contredit le plus beau et le plus superbe animal des iia- bitans des eaux. J'avoue qu'à la pre- mière vue , j'ai été frappé de son éclat, quoique je possède plusieurs beaux poissons étrangers. Car à travers le bocal ^ où je le reçus dans de l'eau, il avoit une couleur lumineuse, sembla- ble à celle d'un charbon ardent. Mais ma joie ne fut pas de longue durée j car à peine eut-il resté quelque temps dans l'eau-de-vie, que presque toute sa couleur disparut : circonstance qui fait croire que cette couleur vient d'une matière visqueuse , dont le corps du poisson est enduit, car Teau-de- vie se teignit de la couleur du poisson, à mesure qu'il la perdoit. J'ai remar- qué la même chose à la loche de ma- rais , elle perdit la belle couleur jaune du ventre dans les endroits ovi j'avois ôté la matière visqueuse, en la te- DE LA DORADE CHINOISE. 211 nant dans mes mains. Ce qui me con- firme encore davantage dans cette opi- nion , c'est que le poisson conserve cette couleur quand il est séclié ou em- paillé. Alors la matière visqueuse reste, et le poisson conserve sa couleur natu- relle , moyennant qu'on le vernisse. Los gens riches de la Chine et du Ja- pon, qui le regardent comme un de leurs plus heaux poissons, le gardent comme un ornement dans leurs élang& et bassins. Ils en tiennent aussi dans des vases de porcelaine. Il sert sur- tout de récréation aux dames de qua- lité : elles s'amusent à le nourrir , et à voir les mouvemens rapides qu'il fait dans l'eau. Ce poisson est originaire d'un lac qui est peu éloigné de la haute montagne qu'on nom»ne Tsicnhing , près de la ville de Tchanghou , située dans la province de The-Kiang , à trente degrés vingt-trois minutes de la hauteur du pôle. Dc-là , il a été transporté dans les autres provinces 'J}'2 HISTOIRE NATURELLE de cet empire, ainsi qu'au Japon et en Europe. A présent , on le trouve non- seulement en Angleterre et en France, mais aussi en Hollande et dans plu- sieurs villes de l'Allemagne. H fut apporté en Angleterre l'an 1611, et en 1728, il y étoit déjà généralement connu. M. Grew, négociant à Hambourg, madame la comtesse de Goes , en Ca- rinthie, et M. le bourguemaître Oel- riclis , à Brème , ont consacré des étangs particuliers à ces poissons. M. Oelrichs a écrit à ce sujet ce qui suit à M. le docteur AVichelhausen , qui demeuroit alors à Berlin : «Je )) possède un assez bon nombre de do- ?) rades cbinoises, qui sont provenues >) de huitque j'ai reçues deM.le doyen )> Rouwe. Je les garde dans un petit » bassin d'environ trente-six- pieds de ))long, que j'ai fait creuser exprès, )) où elles vivent très-bien; et je n'ai )) pas remarqué qu'il en soit mort uiio DE LA. DORVDE CHINOISE. '2l3 V seule. Les Imit premières , qui » a voient uu demi- doigt de long lors- )) que je les reçus , ont déjà tellement » grossi, que deux d'entr'cUes sont 3) comme de pelits harengs. Les petits )) qu'elles ont faits ne croissent pas si j) vite-, peut-être que le bassin en est )) trop rempli. Les huit premières )) étoicnt noirâtres lorsque je les reçus. » A présent , deux sont toutes rouges ; )) une autre commence à le devenir, )) et n'a plus que le dos noir -, les autres » ont conservé leur couleur. Parmi )) les jeunes, j'en ai remarqué, avec le )) temps , qui éloient toutes ronges )) lorsqu'elles avoient à peine la lon- 1) gueur d'un doigt. Il n'y a que les )) rouges qui deviennent argentines , )) mais seulement quand elles sont j) vieilles, parce que la couleur rouge » pàlit peu à peu , et devient enfin 3) blanche. Les taches rouges frappent t> la vue, sur-tout dans celles qui sont 1) noires. Ces taches conimencenl ù 2l4 HISTOIRE NATURELLE » paroître au bout rie la quene. Je les » nourris comme les carpes, avec du » pain blanc ». Un marchand de curiosités natu- relles en a laissé à Cassel. Son excel- lence M, le comte de Heyden , envoyé de Hollande, en a apporté à Berlin il y a quelque temps. C'est à sa bonté que je dois la belle dorade dont je donne le dessin. Quand on garde les dorades chi- noises dans des verres, ou dans des vases de porcelaine , on les nourrit avec de petites oublies , de la mie de pain blanc bien fine , des jaunes d'œufs durs mis en poudre, ou de la chair de porc Iiachée et des limaçons, dont, à ce qu'on dit, elles aiment beaucoup la mucosité. Elles prennent onssi volon- tiers les mouches qu'on leur jette. En été, il faut les chan<^er d'eau deux fois par semaine, et plus souvent encore quand l'air est chaud et étouffant. En hiver, il suffit de la renouveler tous les DE LA DORADE CHINOISE. 2l5 liait ou quinze ionrs. Dans les étangs dont le fond est de terreau ou de terre grasse, ils n^ont pas besoin d'autre nour- riture. Mais si le fond est sablonneux, on peut les entretenir avec du pain de clienevis, du fumier, ou du pain. En hi- ver, elles ne mangent point-, car les Chi- nois ne leur donnent point de nourri- ture pendant trois ou quatre mois , c'est-à-dire, tant que dure cette saison. Comme on pourroit aisément les blesser en les prenant des vases, on se sert d'un petit filet. Ces poissons aiment les lieux ombragés , de même que la carpe, la tan- che , et le carassin ; ainsi on fait bien de leur jeter un peu de verdure, pour s'y cacher. Mais il faut prendre des bran- ches qui ne donnent pas une mauvaise odeur à l'eau , ce qui feroit mourir les poissons. Comme les petits sont beau- coup plus vifs que les gros , on les pré- fère ordinairement pour les mettre dans des vases : cependant, il ne faut pas y en mettre trop, sans cela ils 2 If) HISTOIRE NATURELLE mouiToieni. Afin que l'on puisse voir de loin leurs mouvemens et leurs belles couleurs, il faut prendre principale- ment de grands et larges bocaux de verre blanc. L'ouverture ne doit pas être trop petite, afin qu'ils puissent respirer aisément •, il ne faut pas non plus qu'elle soit trop large, parce qu'alors ils pourroicnt sortir bors du vase et périr. Quand l'étang n'a ni herbages dans le fond , ni des bords unis , où les femelles puissent déposer leurs œufs , il faut y jeter des bran- ches vertes. Ce poisson a un grand ovaire , multiplie considérablement , et fraie en mai. Il a la vie dure ; car , selon M. Baster , un de ces poissons , qui avoit sauté hors d'un bocal, et étoit tombé par terre , où il resta une heure , se remua encore lorsqu'il fut remis dans l'eau. Ces poissonsont l'ouie fine. Pour leur donner à mangrr, on les attire aisément sur la surface de l'eau avec un certain signe. Us appren- DE LA DOPcADE CHINOISE. 21 7 rent aussi à rcconnoître ceux qui leur donnent ordinairement à manger*, car ils se présentent , dès qu'ils les enten- dent venir de loin. Les Chinois ont un petit sifllot aux vaisseaux oii ils les conservent , afin de les accoutumer à un certain son. Lorsqu'ils sont enfer- més dans des vases, ils ne deviennent guère plus long que de six à huit pou- ces ; mais dans les étangs , ils par- viennent à la longueur de douze à quatorze pouces. Au commencement du canal intesti- nal on trouve les dents , comme dans les autres poissons de ce genre. Ce ca- nal a trois sinuosités , et est aussi long que le poisson. La laite et l'ovaire sont doubles. La vésicule aérienne est com-» posée de deux parties \ l'une large t ï l'autre étroite. Ce poisson se nomme : Kingjo , dans la Chine. Kin-jii , au Japon. Çoldfishf en Angleterre. 218 HISTOIRE NATURELLE Goldjisch y en HoUancle et en Suède ; Silberfisch , tant qu'il est jeune. Goldkarpfen , en Allemagne. Dorée de la Chine et Poisson d'or, en France. Linné et Gronov croient avoir trou- vé le caractère distinctif de ce poisson dans la queue à trois fourchons ; mais ce caractère est aussi incertain que ce- lui qu'ils tirent dans un autre endroit de la nageoire de l'anus, qui est double: car ces marques sont accidentelles. Il est vrai que la couleur rouge que jo donne pour caractère , ne se trouve pas toujours dans les jeunes poissons ; mais alors les caractères distinclifs no sont pas toujours clairs. LA CARPE DE BUGGENIIAGEN, CYPRINVS BUGGENHAGEN. Les dix-neuf rayons que l'on trouve à la nageoire de l'anus , distinguent cette carpe des autres espèces. On DE LA CARPE, &c. 219 trouve douze rayons à la nageoire pectorale et à celle du dos , dix à celle du ventre , et dix-huit à celle de la queue. La tête est petite , aussi bien qn© l'ouverture de la bouche. Lamâchoiro supérieure est plus longue que l'infé- rieure. Les ouvertures de l'ouie et de l'odorat sont près des yeux. Sur le nez et la nuque on remarque un enfonce- ment dirigé en travers. Le dos, qui forme un arc , est trancliant et noirâ- tre. Les côtés sont comprimés et cou- verts de grandes écailles argentines. La ligne latérale forme une courbure vers le ventre , et va ensuite au milieu du corps vers la queue. Les nageoires sont bleues dans le fond, et ont une bordure de la même couleur. La nageoii'e do l'anus est en forme de croissan t , et celle de la queue est fourchue. L'anus est si- tué fort loin à la partie postérieure du corps. Onapperçoit à la nagcoijre ven- trale uu appendice. 220 HISTOIRE NATURELLE Nous Ironvons ce poisson dans la Pomcranie suédoise , dans la Pêne et les lacs qui y communiquent. C'est à M. de Buggenhagen que je suis rede- vable de celui dont je donne le dessin. Il parvient à la longueur de douze à quatorze ponces. Sa chair est blanclie et traversée de petites arêtes , et par conséquent on n'en fait pas grand cas. On le prend avec les mêmes engins que la brème. 11 n'en diffère point non plus quant aux parties intérieures. Les pê- cheurs se réjouissent quand ils en pren- nent dans leurs filets , parce que l'ex- périence leur a appris que lorsque ce poisson paroît , la pêclie des brèmes est abondante. Ils croient que les brèmes suivent notre poisson , et se laissent conduire par lui : voilà pourquoi ils lui ont donné le nom de leiter ( guide ou conducteur). A la première vue , on prendroit co poisson pour une jeune brème ou uno sopej mais le petit nombre de rayons ^rf^e jg^a/. Jo/?i.. /!/. 1 I/ORPTl !•: . i . I /APni K .3.1 -A VAN D OI SK . DE l'or P H E. 221 à la nageoire de l'anus , prouve le con- traire. L'ORPHE, CYPRJNUS ORFUS. La couleurjanne dont brille ce pois- son , et les quatorze rayons de la na- geoire de l'anus, le distinguent des au- tres espèces de carpes. Ou trouve onze raj-^ons à la nageoire pectorale, dix à celle du ventre , vingt-deux à la queue , et dix à la nageoire du dos. La tête , qui est petite , est d^un jaune rouge, aussi bien que le dos et les côtés. Les yeux ont une prunelle noire dans un iris jaune. La mâchoire supé- rieure avance un peu sur l'inférieure. Les écailles sont grandes. Toutes les nageoires sont rouges , et celle de la queue a une échancrure en forme de croissant. Cette belle carpe , que nous pouvons en quelque façon mettre à côté de la dorade chinoise , conserve aussi sa couleur dans l'cau-de-vic^ ce Poissons. VII. 20 222 HISTOIRE NATURELLE qui vient vraisemblablement 44 HISTOIRE NATURELLE commencement de la nageoire dorsale. Cette dernière est tachetée, ainsi que le tronc. Nous trouvons ce poisson dans la jTier du Nord et dans la Baltique. Il parvient à la longueur de deux à trois pieds. Il sert comme les autres à faire de l'appât. Les pêcheurs prussiens s'en servent principalement pour prendre le dorse. Le foie est gros , long , attaché au diaphragme , et il entoure la troisième partie du canal intestinal. Ce canal est court et sans aucune sinuosité , et par conséquent pas plus long que la cavité du ventre. A sa partie inférieure sont situés les deux ovaires, qui sont longs, ronds et d'une couleur d'orange , dont le droit est le plus long. Ils contenoient entre soixante à soixante-dix œufs de la grosseur des grains de millet. Der- rière le canal intestinal j'apperçus une vésicule mince qui étoit attachée par le moyen d'une membrane ;par-devant DE LA TROMPETTE, 245 an hoyan , et par-derrière , à l'épine du dos. Je ]y quia le premier décrit ce poisson; mais Gesncr nous en avoit donné nn dessin long-temps auparavant , et Schoneveli une description. 248 HISTOIRE NATURELLE LA TROMPETTE DU CAP, SYNGNATHUS PELAGICVS. La forme eptagone du tronc, et les lignes brunes qui le traversent , sont des caractères qui distinguent ce poisson des autres du même genre. On trouve deux rayons à la membrane des ouies, quatorze à la nageoire de la poi- trine , quatre à celle de l'auus , sept à celle de la queue ; et vingt-six à celle du dos. La tête est petite : le museau cylin- clrique,et la mâchoire inférieure avan- cée sur la supérieure. Les yeux ont luie prunelle noire , entourée d'un iris blanc. La couleur foncière du tronc est d'un brun jaune. La nageoire pectorale a une couleur plombée ; celles du dos et de la queue sont jaunes. On compte dix - huit articulations au tronc, et trente-deux à la queue , qui est quar- rée. En Amérique, il y a une variété De la TÏIOMPFTTE DU CA.P. 24<3 fre ce poisson, à laquelle Linné donne vingt - cinq articulations au tronc , Irentc-trois à la queue , et Irente-cincj rayons à la na":eoire du dos. Ce poisson , qui n'a pas plus d'une palme de long , est naturel au Cap de Bonne - Espérance. Il se multiplie comme les autres anguilles. Il n'y a pas long-temps que mon ami M. Cîiemnitz, aumônier d'un régiment à Copenlia- î^ue , m'a envoyé deux de ces poissons, dont l'un a les œufs sous la queue. 11 a quaire pouces trois quarts de longueur. Les œufs sont placés sur deux rangées dans un espace d'un pouce et un quart, et sont couverts d'une peau mince. Derrière la nageoire de l'anus il a une fente mince et longue. Les parties intérieures sont sembla- bles à celles de l'aiguille de mer, que )'ai décrite dans la troisième partie. Ce poisson est nommé : Con'altensauger, chez les Allenjands. Trompette du Cap , chez les rianculs. 25o HISTOIRE :NATURELLE Osbeck est le premier qui nous ait fait connoître ce poisson ; mais il a omis la nageoire de l'anus. Voilà pour- quoi Linné n'en a point parlé non plus, sur la foi de cet auteur. Je n'ai encore vu aucun dessin de ce poisson. LE CHEVAL MARIN, SYNGNJTHUS H IPP 0 CAMP US» Les tubercules dont ce poisson est îrarni , servent à le distinguer de tons les autres du même genre. On trouve deux rayons à la membrane des ouies , dix-sept à la nageoire de la poitrine , quatre à celle de l'anus, et vingt à celle du dos. La tête est grosse , et sa ressemblance avec celle du cheval , lui a probable- ment fait donner le nom qu'il porte. Cette ressemblance n'a lieu qu'après la mort; parce qu'alors la tête s'incline et la queue se roule. Mais quand il est envie, il a comme les autres poissons, DU CHEVAL MARIN. 25 1 une direction droite. On remarque aa- dessus du nez une excroissance carti- lagineuse , et quatre au-dessus des yeux. Ces excroissances se terminent en barbillons. L'opercule des ouies est grande, et l'ouverture très - étroite. Le corps est eptagone et garni de sept rangées de tubercules. Le ventre avance, et est terminé en un tranchant dentelé. La queue est quarrée , sans nageoire , et finit en une pointe. Elle est couverte de trente-cinq boucliers, et le tronc de treize. Cependant on ne trouve pas exactement ce nombre sur tous les chevaux marins: car de neuf que j'ai devant les yeux , il y en a trois qui ont à la queue un bouclier de plus que les autres. Sur le dos et les côtés , qui sont gris, on remarque un grand nombre de points noirs et blancs, et sur quelques-uns des taches blanches et étroites. Le ventre est brun. Les nageoires sont tendres et rougeâtres. Le tronc est applali par les côtés , aiuù *j5'2 histoire naturelle que la tèle. Dans quelques uns, les tu- bercules (le la tête et du dos sont gar- nis de barbillons. Nous trouvons ce poisson en quan- tité sur les côtes de la Méditerranée , sur - tout à Pozzuoli , Naples , Mar- seille , dans la mer du Nord, dans lo détroit du Sund , aux îles Malouines et à la Jamaïque. Il parvient à la lon- gueur de huit à douze pouces. Il vit comme les autres poissons de ce genre, de petits insectes aquatiques. L'estomac est grand , le cœur petit, le foie long; étroit et d'un jaune pâle. La vésicule du fiel est de la grosseur d^un grain d'orge. Le canal intestinal est court , et sans aucune sinuosité. La vésicule aérienne est située sous l'es- tomac. L'ovaire est double. Ce poisson est connu sous différens noms. On le nomme : Seepferdchen , en Allemagne. Cheval maria j Chci/al et Chevalet , cii France. DU C II E VA L MARI N. 2.5'S Cavoletto marino , en Italie. Canliiiho , e\\ Espagne. Biscia , à Venise. Zeepardje , en Hollande. Sea-Horce y en Angleterre. Hav-Bœçer , en Daneniarck. Soe Hest y Soe-Bœver , en Norwège. Jean couda, Laut^d femelle j aux îles Mol tiques. Kœdœ lœvci , Jong-Koning , aux Indes. Le cheval maiin éloit connu des Grecs. Pline parle en plusieurs en- droits d'un poisson sous le nom d'hip- pocampus; mais comme il en fait men- tion parmi les poissons dont on se ser- voit pour représenlerlesdieux marins, il faut ou qu'il ait eu une fausse idée de notre poisson , ou q^u'il en ait eu un autre en vue. Rai , qui se trompe en faisant quatre espèces particulières de ce poisson , est assurément cause que Klein y a trouvé trois variétés. Les barbillons, les tu- bercules un peu plus saillans, les eu-- 254 HISTOIRE NATURELLE foncemens plus profonds entre les bou- cliers , ne sont que des accidens qui dépendent de la différence d'âge et de sexe. Par la même raison , je ne saurois être du sentiment de Gronov quand il fait une variété du cheval marin dont les tubercules sont garnis de bar- billons. Selon Belon , le mâle doit avoir une forme pentagone depuis le nombril, et la femelle hexagone. Mais je doute fort de la justesse de celte observation , du moins dans les neuf chevaux marins que j'ai examines , je n'ai apperçu au- cune différence. C'est Belon qui nous a donné le pre- mier dessin de ce poisson. Afin de mon- trer sa ressemblance avec le cheval, il l'a représenté avec une crinière , et l'a mis au nombre des habitans des eaux qui n'ont point de sang. Bientôt après Rondelet en donna un dessin un peu meilleur ; mais il le regarde comme un insecte. C'est ce (juc fait aussi Gesuer , DU CHEVAL MARIN. 255 qui omet toutes les nageoires dans le dessin qu'il en donne. Selon ce dernier auteur , ce poisson est un remède con- tre la morsure d'un chien enragé. yElicn dit que le ventre du cheval marin est venimeux j Pline, Galien et Rondelet le vantent comme un remède salutaire contre diverses maladies. Se- lon toutes les apparences , cet animal n'est pas plus utile que nuisible , et sa figure singulière est probablement cause qu'on lui attribue des propriétés extraordinaires. , Pontoppidan se trompe en regardant ce poisson comme un insecte , et en di'^^ant que les pointes avancées lui ser- vent de pieds , pour marcher sur terre ferme ; car ces pointes n'ont point d'ar- ticulations. En Dalinatie , on regarde encore au- jourd'hui ce poisson comme un lemcde contre le lait coagulé dans les mamelles des femmes • et les Norwégiens le prennent pour un poison. .*25G HISTOIRE NATURELLE Quand Linné dit que la nageoire de l'anus est située devant l'anus , et que par conséquent il faut le regarder comme un poisson de la classe des ab- dominaux , l'expérience le contredit -, car je l'ai toujours trouvée derrière l'anus. L' ÉPINE-DOUBLE, SYNGNJTHVS 31ACVLEATVS. La quadrature du corps , et les deux épines qui sont au - dessus des yeux , sont des marques suffisantes pour dis- tinguer ce poisson des autres du même genre. On trouve deux rayons à la membrane des ouies , vingt- un à la nageoire pectorale , quatre à celle do l'anus, et trente-quatre à celle du dos. Le museau est long, applati des deux côtés , et la bouche comme dans les autres poissons du même genre. Les yeux sont petits, et ont wnQ pupille noire , entourée d'un iris jaune. Les DE L'EPINE - DOUBLE. 25/ opines qui sont au - dessus des yeux , sont arquées en arrière , et on remar- que entr'elles un léger enfoncement. Derrière ces épines , on voit une échan- crure en forme de croissant. L'opercule des onics consiste en une lame mince. L'ouverture des ouies se trouve en haut, et est fort étroite. La forme de ce poisson diffère sensiblement de celle des autres de ce genre , qui ont une forme quarrée, ou hexagone, ou ep- tacone ; car au commencement du tronc, il a une petite partie triangu- laire , et le reste est quarré. Le com- mencement de là queue est liexagone, et le reste quarré. J'ai compté dix-sept boucliers sur le tronc , et quarante-cinq sur la queue. Sur chaque bouclier du tronc , on remarque des taches claires , qui forment une ligne latérale. Je trouve encore à un de mes poissons , deux raies qui se croisent sur le ven- tre , et forment une X. Le tronc est large vers le ventre , étroit vers le Poissons, Vil, 20 ^58 HISTOIRE NATURELLE dos Les côtés sont brnns , et le ventre est garni de taches jaunes et brunes. Les nageoires sont tendres et d'une couleur jaunâtre. Les rayons sontmous et simples. Selon Klein, on trouve ce poisson dans la mer Baltique. Mais j'en possède deux , que j'ai achetés d'un marchand de curiosités naturelles hollandais qui les avoit achetés avec d'autres rare- tés , d'un capitaine de vaisseau , qui venoit des Indes orientales. Les parties intérieures sont de la même conformation que celles des au- tres poissons de ce genre. On nomme ce poisson : Stachelnadel , en allemand. Epine-double , en français. Klein est le premier qui nous a fait connoitre ce poisson , et qui nous en a d nné le dessin ', mais il a omis la na- geoire de l'anus. StatiusMliller nous en a donné aussi DE l'Épine - double. 259 un dessin; mais comme il le repré- sente avec une nageoire à la queue, on ne sauroit le prendre pour noire poisson. S60 HISTOIRE NATURELLE LXVIir GENRE. LE CENTRISQUE, ou LA BÉCASSE DE MER, CENTRISC us. Caractère générique. Le corps compri- mé des deux côtés j la tête termi- née en bec, LA. BÉCASSE, centriscus scolopax. Ijes écailles qui couvrent le corps de ce poisson , le distinguent de la bécasse bouclée. Elles sont dures, terminées en pointes , placées les unes près des autres, et rendent le poisson rude au toucher , lorsqu'on passe la main à re- bours. On compte quatre rayons à la jnenibrane des ouies, seize à la nageoire J'orri ///. Pa^cT^Ûo^ 1 1^\ nKCAS SK . 'i . 1,A HKCAS S K l.ourlôo . ,1 . la potito l.ICOltNK . + . I.A IkVM.STE ^ «Umix j)i(juajis . .i . J,K RAS OIK blm . /f/z/n- 2 /fm/ (''."i -riy 1 DE LA BÉCASSE. sGi èle la poitrine , cinq à celle du ventre , dix-huit à celle de l'anus , neuf à la queue , quatre à la première nageoire du dos , et dix-sept à la seconde. Le corps est court et large , compri- mé des deux côtés, et d'un rouge pâle. La lête , un peu large par en haut, so termine en un cylindre courbé par en has, à l'extrémité duquel on tiouvo l'ouverture de la bouche, qui est pe- tite. Cette ouverture est couverte par la mâchoire inférieure, quifermeavec la supérieure comme un couvercle ferme une tabatière. Les narines qui sont doubles , se trouvent près des yeux. Ceux-ci sont grands , placés sur les côtés, et ont une prunelle noire dans un iris d'un rouge pâle. L'oper- cule des ouies consiste en une plaque. L'ouverture des ouies est large , et couvre la membrane des ouies qui est dessous. Les côtés finissent en tran- chant par en haut et par en bas. Celui d'en haut est plus émousséj celui d'eix 2^2 HISTOIRE NATURELLB bas plus aigu. L'anus est beaucoup plus près de la nageoire de la queue que de la tête. Le premier rayon de la na- geoire pectorale est le plus long. Le poisson peut cacher ses petites nageoi- res ventrales dans une fente osseuse , qui est placée derrière ces nageoires, La nageoire de l'anus est courte et près de celle de la queue. Les deux nageoi- res du dos sont vis-à-vis de celle de l'a- nus. L'antérieure consiste en quatre rayons durs , dont le premier est grand, mobile, aune fente veis la partie pos- térieure , et est dentelée des deux cô- tés. Toutes les nageoires ont une cou- leur grise. Ce poisson est un habitant de la Mé- diterranée. Il parvient à la longueur d'une palme. Sa chair est tendre, de bon goût , et aisée à digérer. Mais comme le poisson enlai-même est fort mince , on le vend presque toujours avec d'autres petits poissons de peu ^e valeur. Comme ses nageoires sont DE LA BÉCASSE BOUCLÉE. 2G.'5 fort petites à proportion des autres parties , et qu'il ne peut pas nager assez vite pour éviter ses enncsnis, le créa- teur l'a pourvu d'une pointe mobile, pour se défendre. Ce poisson se nomme: Meerschnepffe et Schneppenfisch , en Al- lemagne. Bécasse , en France. Snippe - Fish , Trumpet-Bellows-Fish , en Angleterre. Rondelet est le premier qui ait dé- crit ce poisson ; il nous en a donné un dessin beaucoup plus supportable que celui que nous a donné dans la suite Willughby , et qui a été copié par les icbtliyologistcs venus après lui. LA BÉCASSE BOUCLÉE, CEN TRIS eu s SCUTATVS. Les boucliers unis dont ce poisson est couvert, le distinguent du précé- dent. Ces boucliers sont si serrés et si 2G4 HISTOIRE NATURELLE près les uns des autres , qu'ils paroi»- sent n'en faire qu'un seul, et donnent au poisson beaucoup de ressemblance avec une espèce de coquillage , qu'on jiomnie manche de couteau (i) ; ce qui fait qu'on peut le regarder comme la nuance de passage entre les poissons et les coquillages. On trouve onze rayons à la nageoire de la poitrine ^ cinq à celle du ventre , treize à celle de l'a- nus , douze à celle de la queue , trois à la première du dos, et onze à la se- conde. La tête est alongée et terminée en vin museau cylindrique , recourbé par en haut. L'ouverture de la bouche est petite, et la mâchoire inférieure avance sur la supérieure. Les yeux ont une prunelle noire dans un iris d'un blanc jaune , et sont couverts d'une pellicule clignotante. Les narines sont doubles, et se trouvent près des yeux. L'oper- ^■i» -■ ■ ■ ■ ■■ - ■■ !■■■■ — !■■■ ■ ■■■ »W.^a (i) Soleu Siliqua. La. DE LA BÉCASSE BOUCLEE. 265 raie des ouies est uni , transparent et de la nature de la corne. L'ouverture des ouies est placée sur le côté , et est large. Le dos qui finit en une longue pointe, sert probablement au poisson à se défendre contre ses ennemis. La couleur du dos est brunâtre ; les côtés sont d'un brun mêlé de couleur argen- tine , et ils deviennent rougeâtrcs vers le ventre. Les lignes blanches qui vont du haut en bas, sont formées par la réunion des boucliers. Le poisson est mince, et les deux côtés sont termi- nés par en haut en un bord tranchant. Quand on le présente à la Uimière , on remarque près du dos une place trans- parente. L'écaillé a par-tout un bel éclat semblable à celui de l'or , et sem- ble couverte par-tout d'un beau ver- nis de cette matière. La partie infé- rieure , qui est brune , consiste ordi- nairement en dix ou douze boucliers. Au bord inférieur , on remarque une peau mince, qui s'étend depuis le mu- 266 HISTOIRE NATURELLE seau jusqu'à la nageoire de l'anus. Près de cette peau , les boucliers sont sépa- résles uns des autres, et l'anus se trouve entr'eux. La place des nageoires est très-remarquable dans ce poisson -, car je n'en ai point encore vu dont la na- geoire pectorale fût si éloignée de l'ou- ve.rlure des ouies,ou qui n'eûtqu'une nageoire ventrale comme ce poisson. II en est de même des deux naiîeoircs dorsales, qui sont placées sous le bou- clier, tout près de la nageoire de la queue. Les nageoires de la poitrine , du ventre et du dos sont jaunâtres, et les autres brunes. Ce poisson babite les Indes orien- tales. Il parvient à la longueur de six à huit pouces. Il faut qu'il attire la nourriture à lui par succion , car je n'ai pu appercevoir aucune langue. Sa nour- riture consiste en terre grasse , ou en petits animaux qui vivent dans l'eau. Après avoir coupé les boucliers du ven- JDE LA BÉCASSE BOUCLÉE. 267 Ire, j'ai trouvé la chair de ce poisson si mince , qu'elle ne poiivoit ^uère pe- ser plus que quelques grains. Elle avoit cru (les deux côtés par-dessus les bou- cliers , et étoit d'une belle couleur blanche et brillante. Le foie consistoit en deux petites plaques , appuyées des deux côtés sur les boucliers. L'estomac étoit mince , long et rond, et rempli de petites écrevisses. Le canal des in- testins avoit deux sinuosités , et étoit encore moitié aussi long que tout le poisson. On nomme ce poisson : Messerfisch , en Allemagne. Mesi^isch , Geharnaste Schildvisch , en Plollande. Bécasse bouclée , chez les Français. Ikan-Pisan, Mes'Visch, Cala Roepa- Tija y dans les Indes. Farras el hahr et Kesab el bahr j en Arabie. Klein à qui nous devons , comme je l'ai dit , la connoissance de ce poisson , 268 HISTOIRE NATURELLE nous en a donné aussi un dessin, mais peu exact ; car il a omis les nageoires ventrales. Gronov est tombé dans la même erreur. DE LA LICORNE DE MER. 269 LXIX* GENRE. LA BALISTE, balistes. Caractère générique. Le corps rude, le ventre effilé. LA LICORNE DE MER, BALISTES MOJNOCEROS, Ij a corne placée entre les yeux et les cinquante-un rayons de la nageoire de l'anus, sont les caractères distinctifs de ce poisson. On trouve quinze rayons à la nageoire pectorale, douze à celle de la queue , et quaraute-huit à la se- conde du dos. Ce poisson est comprimé des deux eôtés. Il est mince , et par-tout rude au toucher. Le fond est gris , marbré Poissons. VII. 24 n^o HISTOIRE NATURÏILLÉ de bran. La tête est grosse et ranl- pante. L'ouverture de la bouche est petite. Des deux mâelioires , l'infé- rieure est la plus longue : chacune do ces mâchoires a huit dents larges vers la racine , et terminées en pointes. Les lèvres sont mobiles. Les yeux sont placés au sommet de la tête, et ont une prunelle noire dans un iris jaune. Tout devant les yeux, on remarque deux ouvertures oblongues. Avant et près des nageoires pectorales, on voit les ouvertures des ouiesqui sont étroi- tes et ont une direction transversale. Les deux côtés sur lesquels je n'ai point apperçulaligne latérale, sont terminés en forme de tranchant en haut et en bas. La cavité du ventre est large , et l'anus un peu plus près de l'ouverture de la bouche que de la nageoire de la queue. Le rayon qui tient lieu de nageoire ventrale , est caché dans la peau exté- rieure; et celui qui représente la pre- jnière nageoire du dos , est courbé ei» DE L.\ LICORNE DE MER. 27 1 arrière. Les deux bords postérieurs de ce dernier sont dentelés, corn me on peut le voir sur la figure de notre planche , où il est représenté plus gros que na- ture. Par en bas, il est attaclié au dos par une peau particulière. Toutes les iia^Tcoires sont iaunes j celle de la queue seulement est garnie de trois raies brunes. Les rayons des nageoires du dosetde l'anus sont simples- mais ceux des nageoires de la queue et de la poi- trine sont ramifiés. Ce poisson habite les eaux de la Chine , du Japon et du Brésil. On le prend à l'hame^n et à l'épervier. Quand il nage , il ressemble de loin au ilcz. Il parvient à la longueur d'ui. pied et plus; maiî^ on ne l'estime pas beau- coup , parce qu'il est fort mince et que sa chair est corince. H vit de petites écrevisses et de jeunes polybes. On trouve à la Chine et à la Caro- line une variété de ce poisson, qui a sur Ifi corps des taches semblajjles à des ca- ^'jl HISTOIRE NATURELLE ractères cliinois; c'est par celte raison qu'Osbecklui a donné le nom de ha- liste à Lettres. Mais Catesby lui a donne celui de licorne deBahamay parce qu'il l'a trouvé près de cette île ; et il nous en a donné un dessin Ce poisson par- vient à la longueur de trois pieds. Il se distingue aussi du nôtre par la den- telure de la nageoire de la queue, par il corne droite et placée derrière les yeux. Il n'a que deux dents à chaque mâchoire , comme on le voit par le des- sin de Catesby. Cet auteur assure que sa chair est venimeuse, et que, par cette raison , on n'en mange point. Il se tient ordinairement dans des en- droits où il y a des coraux et des co- quillages, dont il se nourrit : Catesby en a trouvé dans son estomac. On nomme ce poisson : JEiVï/iornj^sc^i, en Allemagne, 'Einhornige Hoorn-^'isch fDonderaar ^ ea Hollande. hicorne de mer , en France, DE LA PETITE LICORNE. 27^ Acaramuca , au Brésil. Ican Girgadjil Jang Biroe , Ewaanwa pangey , Luey , Ican Pangontor ^ a.i\ Japon. LA PETITE LICORNE, 3AL1STES r OMENT OSUS. La petite licorne diffère de la licorne de mer par les petites pointes de la queue qui sont recourbées en arrière , et des autres poissons de ce genre par le rayon unique qui représente la pre- mière nageoire du dos. Ce rayon est dentelé vers la racine aux deux coins, plus court, plus fort et plus large que le précédent. On compte neuf rayons à la nageoire pectorale, vingt -sept à celle de l'anus , neuf à celle de la queue, et trente-un à la seconde. Le corps est mince , rude , compri- mé des deux côtés, et terminé en un tranchant par le haut et par le bas. L'ouverture de la bouche est petite. 274 HISTOIRE NATITREtLE Les deux mâchoires sont d'égale lon- gueur : la supérieure est garnie de di:a petites dents, et l'inférieure de huit. Les narines qui sont doubles, se trou- rent tout près des yeux, et l'ouver- îiire des oui es est située non loin de îa nageoire pectorale. Les yeux sont ronds, ont une prunelle noire et un iris jaune. Je n'ai point apperçu non plus de ligne latérale à ce poisson. Le front et le dos sont bruns. Au dernier, on remarque un sillon , dans lequel le poisson peut coucher son piquant. Le côté est jaune par en haut , et gris vers le bas. Le ventre est jaune et garni de taches noires , oblongues et rudes au touclier. Ce poisson forme le passage des hérissons à quatre dents aux ba^- listes. Il ressemble aux dernières par la première nageoire du dos , la na- geoire ventrale et les dénis 5 et aux premiers par le ventre rude qu'il peu* aussi gonfler. Les premiers rayons des nageoires du dos et de l'anus sont four- DELA PETITE LtCORKE. 275 elins, et les autres simples • mais ceux de la nageoire de la queue sont rami- fiés. Toutes les nageoires sont de cou- leur jaune. Nous trouvons ce poisson dans les Indes orientales et à la Jamaïque. Il parvient à la longueur de sept à huit ponces, et vit d'insectes et de vers aquatiques. Selon Ruysch, sa chair est sèche et de mauvais goût ; mais elle devient bonne en la mettant dans le sel; et c'est pour cela qu'on ne la mange pas fraîche. Ce poisson se nomme : Ikan kipas , Ewauwe , dans les Indes orientales. ÎVojer-visch , Horn-VLSch , Speer-visch ^. en Hollande. Rleiner Einhornfisch , en Allemagne. Petite Licorne j en France. Little Old-wife , en Angleterre. Clusius nous a donné à la vérité nii dessin de ce poisson : mais il lui donne wa piquant trap long. Renard et Mul-, 2j6 HISTOIRE NATURELLE 1er font non-seulement la même faute, mais le dernier place aussi le piquant trop loin en arrière sur le ventre. Les figures que nous en ont données Gro- nov et Séba sont meilleures. Dans tous ces dessins je ne trouve qu'un piquant ; et mon exemplaire n'en a pas davan- tage non plus. Cependant si Linné lui en donne deux , il se fonde proba- blement sur Brown ^ qui dit en avoir trouvé autant. Linné rapporte aussi à notre poisson la dix-neuvième figure que Séba a représentée sur la vingt- quatrième planche 5 mais comme celui- ci est alongé , et a un museau fort long ^ ce ne sauroit être notre petite licorne. LA BALISTE A DEUX PIQUANS, BALISTES BUCVLEATUS. On reconnoît aisément ce poisson aux deux piquans qui tiennent la place des nageoires ventrales. On trou- ve treize rayons à la nageoire de la DE LA BA LISTE, 5cc. 277 poitrine , un à celle du ventre , dix- sept à celle de l'anus, douze à celle de la queue , quatre à la première du dos , et vingt-trois à la seconde. Le corps est alongé , un peu rude au toucher , et un peu plus épais que chez la petite licorne. La tête est terminée en forme de groin. L'ouverture de la bouche est petite. Les deux mâchoires sont d'égale longueur ; la supérieure a douze dents terminées en pointes, et l'inférieure dix. Les narines sont dou- bles , et se trouvent non loin des yeux. Ces derniers sont grands , oblongs, et placés près du sommet. La prunelle est noire, et l'iris d'un verd clair. L'ou- verture des ouies est étroite , et se trouve tout près de la nageoire pecto- rale. Les côtés et le ventre sont blancs, mais le dos est gris. Dans ce poisson , on voit distinctement la ligne latérale : elle commence au-dessus de l'œil , a assez près du dos une direction p.iral- lèle avec lui , et forme une courbur* fi 7^ HISTOIHE NATURELLE nii peu avant Ja nageoire de la queue ^ clans laquelle elle va se perdre. Les- deux piquans dont nous avons parlé, sont longs et dentelés aux deux côtés. On voit au ventre deux sillons desti- nés à recevoir ces piquans. Avant ces sillons, on apperçoit une tache ïioire. La première nageoire du dos est noire ; toutes les autres sont jaunâtres. Les nageoires de la poitrine et de la queue ont des rayons à plusieurs rami- fications, mais les autres des rayons simples. La nageoire de la queue est longue et fourchue. L'anus est plus près de la nageoire de la queue que de l'ouverture de la bouche. Le premier rayon de la nageoire antérieure du dos est fort , long , recourbé en arrière, efc dentelé des deux côtés. Ce poisson est naturel aux Indes orientales. Celni dont je donne le des- sin m'a été envoyé du Japon parmi une collection d'autres poissons de ce pays. On voit par la structure de sa t)E LA B A LISTE, Scc, 279 bouche, qu'il est du nombre des pois- sons voraces. Il vit probablement , comme ceux du même genre, déjeunes pol3'^pcs et de petites écrevisses. Je no saurois déterminer la grosseur à la- quelle il parvient. Ce poisson se nomme : Zweistachelichter Hornjisch , en AUc- ma^ine. Baliste à deux piquans y en France. Hooi'n-i'isch , Steekelbuik, en Hollande. NieubofF , qui a le premier fait con- noîlre ce poisson , nous en a donné un dessin , mais qui est assez mauvais. Quoique nous trouvions aussi dan» Willugliby et dans Ray une descrip- tion de la baliste à deux piquans, ce- pendant ni Artédi , ni Linné , n'en ont fait mention. tm DU TOME SEFTIi^MS* yf:»^i!m ^9im^- >-«-