DV à ARS DRE ErE oN ee Ve ir Se Te nn D ‘ V5 nt Ph Qu, Xe RARE. + and Po ae A on 8 Le DD doc Thnthe. Bo ère ue D on Ve nn Po ot ob EE ee b Les : Re To D Li ed mr pr D Po on ge on TN A Te 8 eV ns D D Tan no ue RE a PA De or Mg ir rat on r Si a on D. Boon 2 on nn PORC Ds Vs PAS PV D ap on TT A A MP Mn Le Licrarn of tbe Museum OF AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. Founded bp private subscription, fn 1861. DR. L. ne KONINCKS LIBRARY. No. 727, COMPARATIVE ZOÜLOGY, | | | 1 Hs | ‘ An EF ( Li. À : RTL $ |] Rp ‘ DEN pe ' LUE es 2 ns Te e ne Eye + ses ve) U HISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIER Es Di MOLLIUSOUES TOME PREMIER O N 80 US CRU À: PAS RU ES UN DuraAnrRT, Imprimeur-Tlibraire , rue des Noyers, N° 22; Cuez | 1FPE : die BERTRAND, Libraire, quai des Augustins, | N°35. d | A ROUEN, Chez VALLÉE, frères, Jabraires , rue Beffroi , N° 22. À STRASBOURG, Chez LrvrauzrT, frères, Imprimeurs-Libraires. A LIMOGES, Chez Barcgas, Libraire. AMONTPRELIEIER, Chez Vinaz, Libraire. Et chez les principaux Libraires de l’Europe. HISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIERE DES MOLLUSQUES, ANIMAUX SANS VERTÈBRES ET À SANG BLANC. Duvrace faisant suite aux Œuvres de LEcLERC DE Burron,et partie du Cours complet d'Histoire naturelle rédigé par C. S. Sonnini, membre de plusieurs Sociétés savantes. PAR DENYS-MONTFORT. DOME PREMIER MU RARES, DE L'IMPRIMERIE DE F. DUFART. a A N X. ct M HE PE ke: Wu ea ——— m4 VUES GÉNÉRALES. Lx oMME seul, au centre de tous les êtres; doué par son organisation de l’usage raisonné de la parole, a pu s'élever par la commu- nication des idées vers les plus hautes, vers les plus sublimes conceptions; c’est par ce moyen unique et tout-puissant, réservé à lui seul, qu'il est devenu le maître de la terre; il s’est asservi le globe où, comme tout nous le prouve, il est arrivé le dernier, et dont tout ce qui habite la surface est soumis à ses lois et à ses volontés. L'homme, par son intelligence, par sa réunion avec ses semblables, par ses moyens moraux, bien plus encore que par sa force, a su écarter de sa demeure les animaux nuisibles et féroces; il a presque anéanti des races toutes entières, lorsqu'elles ne pouvoient que li nuire : le tigre altéré, le lion écumant de sang et de carnage, et les races intermé- diaires, tous ont fléchi à l'aspect de l’homme réuni en société. Les uns ont fui au loin et se sont confinés dans les déserts ; les autres. ont courbé sous le joug; ils ont plié sous la main du roi de la Nature, À 3 sort VUES du Biemiôt état social amena celui de ‘la civilisation : et dès lors ce même homme, avide de savoir, voulut connoître les pro- priétés et les mœurs des êtres et des subs- tañcés dont il étoit énvironné : quelques $énies privilésiés se livrérent à l'étude; c’est . par la fiation des communications dde èt écrites due s'est enfin formé l’ensemble dés éonnoissancés, qui tnaintenant est de- veñu lappanage dés peuples policés : ils ônt cuftivé tous les arts, toutes les sciences; inais On les a vu, de tous tems, se livrer principalement à létude de l’histoire de Ia Nätüre : ils ont voulu développer les pro— priétés et l'usage des arbres et des plantes qui, éouvrant le sol, embellissoient la terre, én leur offrant un abri dans lintempérie et linclémence dés saisons, des remèdes dans leurs maux, et leur première nourriture. F’agriculture, sous leur influence créatrice ; défricha une partie des sombres et fangeuses forêts ; elle en retira les arbres et les plantes utiles à leur existence €t à la guérison de leurs maladies, pour les placer autour de leurs habitations ; le reste fut consacré aux besoins sociaux. Bientôt on vit le sac ferti- hsateur entr’ouvrir le sol et rompre la glèbe; il créa ces champs d’épis jaunissans qui sont GENÉRALES. 9 devenus aujourd’hui le fond de la nourri- ture des peuples parvenus au plus haut point de civilisation : car l’agriculture est le lien et la base de toute société; c’est par elle que l'homme a réellement fait la conquête de la terre, et c’est sur la richesse territoriale que s'appuient la richesse et la prospérité des peuples et des empires. Toujours observateurs, ces mêmes hommes contemplèrent les mœurs et les habitudes des nombreuses races d'animaux disséminés sur la surface du globe; pendant trés-long- tems cés races multiphiées, dévouées à la mort, périssoient sous l’ascendant de la race humaine; des êtres aussi brutes, aussi sau- vages que les animaux eux-mêmes, Îles abattoient pour se nourrir de leur chair et se couvrir quelquefois de leurs dépouilies ensanglantées ; mais l’étude du règne animal fut une source de prospérité et de jouissances pour le genre humain : presque tous les arts se sont emparé des débris des animaux ; ceux qui pouvoient nuire furent condamnés à la destruction ; ceux qui ont été réduits à Pétak d’esclavage et de domesticité sont devenus les esclaves de l’homme; et c’est à eux que V’ilote, que le prolétaire doivent ladoucisse- ment de leur sort. ue VUE Enfin des hommes avides avoient fouillé | les mines; des traces brillantes s’éloient mon- _trées sur la superficie du sol; on avoit suivi les veines métalliques dans les flancs déchirés des montagnes, et par l'extraction des mé- taux de nouvelles catastrophes étoient venu peser sur la race humaine; dès leur appa- rition ils devinrent la proie de l’avidité, de l'injustice et de la rapacité; par eux tous les maux à la fois vinrent inonder la terre : de ces premiers métaux les uns se trouvèrent natifs et malléables, mais plus tard l’homme en créa d’autres ; rival de la Nature, on le vit sur-tout forger le fer , métal précieux et terrible, qu'il sut d’une main rendre utile, et vouer de l’autre à la destruction et au carnage. La science consolatrice s’est emparé depuis de l’art du mineur; plus que lui elle a sondé les entrailles du globe; sans s’arrèter à des vues rapaces, on la vit rechercher l’origine des choses et se plonger dans létude des substances primordiales aux terres et aux minéraux; plus sublime encore, et presque de nos jours, elle s’éleva vers les plaines éthérées, forte de l’insatiable et brû- lant desir de connoître les sources de la vie et de l'existence. Loin de sa première ori- gine, l’homme, conduit par lamour de la GENERALES. y #cience, a su décomposer et réunir de nou- veau les airs et les terres; il a conjuré les élémens ; il s’est entr’ouvert les secrets de la Nature : rien ne peut plus indiquer le point où il s'arrêtera un jour; il n’est qu’une: catastrophe générale, instantanée, qui, en anéantissant la race humaine toute entière, puisse l'arrêter au milieu de sa course, l'empêcher de s'élever au dessus de son être et d'arriver au point moteur et créateur. Déjà il a sondé dans une grande profondeur une multitude de faits, qui sembloient à jamais devoir être cachés à son intelligence ; déjà il a pénétré d’un pas ferme et hardi dans ce sanctuaire où, loin de tout profane, enve- loppée d’un triple voile, la Nature dérobe au vulgaire ses moyens créateurs, puissans et régénérateurs; dans ces tabernacles mys- térieux où, roulée sur elle-même, lente- ment, en silence, dans la nuit profonde des siècles; elle soumet les élémens à ses augustes lois, les modifie et forme de leurs combi- naisons diverses le sublime édifice de l’uni- vers; et c’est par la culture des sciences que Thomme s'est élevé vers ce haut point de perfection. Une multitude d’observalions, que précédèrent les méditations et l’étlude, sont venu successivement se Joindre, se 10 CN EN UTERS réunir pour ne former qu’un seul et même flambeau : c’est à cette époque qu'on a vu se buriner en traits éloquens l’histoire des trois règnes de la Nature, qui, sous les dénominations de règne végétal, de règne animal, et de règne minéral , ont permis de classer d’une manière élégante et sublime toutes les œuvres palpables et visibles de cette Nature si féconde, si immense et $i inépuisable ; ses productions sont tellement variées; elle a modelée, elle a pétri la ma- tière sous tant de modifications, qu'il est au dessus des forces d’un homme, füt-il doué du plus grand génie, de pouvoir enire- prendre leur histoire générale. L’étude et la connoissance des trois règnes de la Nature s'étend de jour en jour sous la plume du travail et de l’observation; les bornes de lesprit humain, celles de la vie, un trop srand ensemble de choses ne permettent plus que de se livrer à une seule branche : Fhistoire de certains individus a presque rempli à elle seule et consumé les veilles de savans infatisables et laborieux ; le champ étant devenu trop vaste, c’est sur-tout au- jourd'hui qu'il est moralement impossible à un seul homme d'approfondir également toutes les branches de l'Histoire naturelle. GENERALES: :. ‘1 Quelques auteurs justement célèbres pu- blièrent cependant des systèmes généraux : tel fut entre autres l’illustre Linnæus: mais placés au milieu de l'accumulation et de l’entassement de ces richesses, les historiens de la Nature se virent forcés de faire un choïx : les uns, comme nous l’avons dit, se livrérent à l'étude des végétaux ; les plantes paroissant s'offrir d'elles - mêmes, leur coi- lection étoit facile ; une foule d'auteurs illus- trèrent la botanique , et nous leur devons une multitude d'ouvrages sur les vertus des plantes, sur leur nomenclature, sur leur physiologie ou mode d'organisation, d’exis- tence et de sensibilité. D’autres se traînèrent dans le premier abord sur les traces des mineurs : ils sui- virent pas à pas leurs travaux : bientôt, élec- trisés par des vues grandes et sublimes , ils ennoblirent un art qui jusqu’à eux n’avoit eu d'autre but que la cupidité et la soif de Vor; cette partie de l’hisloire naturelle compte moins d'historiens que les deux autres ; mais, de nos jours, l'étude de la minéralogie est devenue l'étude philosophique; les travaux, les galeries des mines ont entr’ouvert le sein de la terre, et l'inspection de ses couches a conduit vers les bases de sa théorie. Par 19 AN ET ERS; leur contemplation, l'homme a pu se repor* ier à l’instant de la formation et aux pre- miers ages de la planète qu'il habite. La minéralogie a été le fil, qui seul, comme celui d'Ariane , pouvoit conduire nos pas dans cette obscurité profonde où se sont ensevelis les restes et les débris des races multipliées qui, en se succédant, ont formé la masse terrestre du globe. Enfin , d’autres savans encore , et c’est le. plus grand nombre, soumirent à leurs obser- vations le règne animal ; Aristote (1), Pline, (:) Aristotelis, Histor. anim. Ub. 10 ; Paris , 1555. — De generatione animalium , lib. 5, ex interpreta- one th. Gazæ. Eugduni, 1590. — Afhenœus , Deipnosophistarum , lib. 15. Lugduni, 1583. — Cajus secund, Plin. Hist. nat. mundi. lib. 55. Wenet. 1469 A — Cloud. Ælianus , de nat. anim. lib. 17. Tigur: 1566. — Anazarbœus Cilix Oppianus. ITalieuticon seu de piscatu Libri 5; græco cum interpretatione latinæ Lippii. Venet. 1517.— Ebensina seu Avicenna , de animalibus Aristotelis lib. 19, ex arabico in latinurn. translati per Michael Scotum. Gothique , sans nom de Tieu. — Petrus Belonius, de Aquatilibus ; Paris, 1555. — De la Nature et de la diversité des pois- sons, avec leurs portraits en bois; Paris, 1555. — Conrad Gesner. JVomenclator aquatilium ænimantium.… Fisuri , 1560. — enricus Ruysch. Theatrum univer-. sale omnium animalium, piscium , etc. quod olim sul GENERALES. 13 Œlien, Oppien, Avicenne , Bélon, Gesner, Rondelet, Matthiole , Imperati, Aldrovande, Jonston , Blok, Pennant, Klein, Linnæus, Buffon, Brisson , Lacépède , et tous ceux qui ont couru la même carrière, décrivirent les mœurs et les habitudes des animaux ; ils publièrent leurs annales et leur histoire, Mais , plus étendu et bien plus vaste que les deux autres grandes divisions des pro- nomine Jonstoni , Historia naturalis prodiit. Amstelo- dami, 1718. —Guillaume Rondelet. L'histoire entière des poissons, composée premièrement en latin par maître G. Rondelet ; Lyon , 1538. — Pierre André Matthiole, Commentaires sur les six livres de Dios- corides, traduction de Jean Desmoulins ; Lyon, 1572, — Ferranti Imperati. Histor. natur. Neapoli, 1559. — Ulyssus Aldrovandus, de Quadrupedibus, digi- daëis viviparis , solipedibus , bisulcis ; de piscibus, eëc. Bononiæ, 1621. — Johannes Jonston , Hist. natur.de guadrup. de avib. de piscib. et cetis , de exsanguib. de insec. de serpent. Amstelodami, 1657, in-fol. — Hist. naturelle, générale et particulière, avec la descrip- tion du cabinet du roi, par Buffon et Daubenton; Paris, 1749, in-4°. — Histoire naturelle des quadr. ovipares et des serpens, par Lacépède ; Pa:is, 1788 et 1789 , in-4°. — François Willulghby, Ornithol. hib.3. Recognovit, digessit, supplevit J. Rajus ; Lon- dini , 1676, in-fol. — Brisson , Ornithol. en latin et français; Paris, 1760 , in-4.— JZippolitus Salvianus, Aquatilium animal. hist, Romæ, 1554, in-fol., etc. 14 VUES ductions naturelles, le règne animal déve= loppe aux regards de l’observateur une suite innombrable d'êtres animés ; immense chaine qui, par des dégradations insensibles, va se perdre dans l'infini, dont le premier chaînon nous offre d'énormes masses, telles que le pesant éléphant , l’indompiable et lourd rhinocéros chez les quadrupèdes , Pef- frayante baleine et d’autres vastes corps organisés parmi les habitans des eaux ; dont les derniers êtres pour nous sont ces mo- nades microscopiques, que l’infatigable Leu- wenhoeck vit dans des imfusions et dans les liqueurs séminales des animaux, animalcules dont cent , à la suite les uns des autres, n’at- teignent qu’à peine le diamètre d’un grain de sable. Voilà le terme où s'arrêtent les observations; notre vue ne peut point aller au delà ; lanalogie nous prouve que ce ne sont pas encore les bornes de l’animalité et de la vie, limites que nous ne pouvons pas même soupçonner ; chaque jour découvre de nouveaux objets ; le naturaliste appelle à son secours ; il construit des instrumens pour suppléer à la foiblesse de ses organes : le ciron étoit pour nos pères le terme visible des êtres vivans ; et depuis l'invention du microscope , on a découvert plus d'animaux GENERALES. 15 qu'il n’en existe depuis ce même ciron jus- qu'aux cétacés ; un monde nouveau est venu s'offrir pour ainsi dire tout à coup; c’est à l'aide de ce bel instrument qu'il nous est permis de plonger de plus en plus dans lim- mense série des êtres , et de nous assurer à chaque instant, qu'il west aucun point dé- terminé où s'arrête la Nature dans la créa- tion des myriades d’animalcules qui peuplent les airs , les eaux et la terre. | C’est donc par les travaux de ces hommes célébres, dont les noms vénérés par la science et par la saine philosophie se transmettront d'âge en âge à la postérité la plus reculée, que nous connoissons l’histoire des bimanes et des quadrumanes, des quadrupèdes vivi- pares et ovipares, des reptiles et des oiseaux, des cétacés et des poissons ; et les pages qu'ils publièrent forment par leur réunion la par- tie la plus briliante de la bible de la Nature. Eu nous arrêtant à ce terme , un nouvel ordre de choses va se présenter à nos regards et à nos observations. Deux grandes divisions paroiïssent s’étre partagé tout le règne animal : c’est à nos contemporains, sur-lout à Lamarck et à Cuvier, qu'il étoit réservé de saisir la diffé- rence caractéristique qui prononce celte scis- 16 VUES sion si remarquable. D'un côté, on trouva dans la suite des animaux la longue sérië d'êtres dont nous venons de parler, qui tous, jusqu’au dernier des reptiles et des poissons, ‘ont une charpente osseuse très-compliquée ; . et principalement une colonne vertébrale vulgairement connue sous le nom d’épine dorsale : tous ces animaux ont le sang rouge. | Mais ici la chaîne animale se rompt pour nous tout à coup ; plus de liaison ni de modi- fications intermédiaires ; un ressaut brusque et inattendu, contraire à tout ce que nous connoissons de la manière d'opérer de la Nature , nous conduit subitement à une foule (1) innombrabie de classes, de familles (1) On pourroit cependant regarder la mixine glu- tineuse , espèce de petite lamproiïe du nord que Fän- næus publia (*) dans son superbe Catalogue du cabinet du roi de Suède, comme un des chaînons intermé= diaires entre les animaux à vertèbres et ceux qui en sont dépourvus. Ce poisson cartilagineux , très-singu- lier, est tellement muqueux que, lorsqu'on le jette dans un seau d’eau, un seul individu suffit pour rendre toute cette eau visqueuse et presque en consistance (*) Mixine glutinosa , pl. rrrr, fis. 4. Museum Frederici; a car. Lin. pag. 91, seu lampetra cœca, oculis carens. Will. 2cht. 107 : Raji, Pisc. 56. et GENERALES. 17 ét de genres d'animaux qui, se séparant par des caractères absolument tranchés de ceux doués de vertèbres, semblent appartenir à un autre ordre de choses. Nous ne retrou- verons plus ces mêmes vertèbres , l’épine dorsale ne se représentera pas à nos yeux, de blanc d'œuf. Une dissection trop rapide de cct ani- mal w’ayant pas offert à Linnæus de colonne dorsaie, il plaça la mixine dans l’ordre des vers ; son opinion Lut suivie par les naturalistes et même par Bruguière, qui (*), dans les planches de l'Encyclopédie dont nous regrettons le texte, a laissé aussi ce poisson cartilagi- neux dans la même classe, Des observations modernes rectifièrent cette erreur ; il est prouvé maintenant que la mixine a une colonne vertébrale , mais frêle et presque gélatineuse, cependant assez apparente pour la ranger parmi les poissons où l’ont replacée les der- nières éditions du Systême de la nature. Sa viscosité, dont , comme les limaces, elle peut en faire transuder une quantité très-considérable au travers des pores de sa peau, et la presque nullité de ses vertèbres , ont pu induire en erreur les hommes célèbres que nous citons: d’autres animaux encore plns voisins peut-être des mollusques pourront venir se joindre à la mixine, et ‘ combler enfin peu à peu cette grande lacune qui con- traste si singulièrement avec la gradation successive, régulière et constante, qui enchaîne et lie entre eux tous les êtres. (*) Enc. Helminth. pl. zxxvirr , fig. 1, 2, 9 et Æ. Moëil. ‘Tome I. B h8 ONE UT S | et en partant de ce point, nous ne verrons | plus cette suite colonnaire de vertèbres eni- boîtées et articulées les unes aux autres, dont l'extrémité supérieure porte la tête de l’'ani- mal, et qui, dans son prolongement, livre passage à la moëlle épinière ; faisceau ner- veux qui, s’échappant de ce tronc par di- verses ouvertures, se sous-divise, se rarmife ; et va porter l’organe de la sensibilité et de l'irritation jusqu'aux dernières extrémités des corps animés ; l'absence de cette colonné vertébrale entraîne avec elle celle des côtes et de cette charpente intérieure si exacte- ment mi-partie d’un assemblage très-com- piqué, qui est exclusivement l’appanage des animaux à sang rouge. Ce sang lui-même va changer de couleur ; il n’est plus qu'une espèce de lymphe, de fluide élémentaire où de liquide blanchâtre , qui paroît remplir les mêmes fonctions dans l’économie animale de ces êtres vivans, que le sang dans Fhabi- tude du corps des animaux pourvus d’une colonne dorsale. Ces différences si tran- chantes , et dont nul être organisé connu ne vient faire jusqu'à présent la nuance, forment donc naturellement une seconde division dans le règne animal. A la vérité quelques êtres , mais peu nombreux, offrent GENERALES. 19 ans cette division une espèce d’ossature ou de soutien intérieur , mais il n’est plus divisé en articulations ou vertèbres, et ce ne sont plus des os empilés , adhérens aux chairs et percés par des nerfs; ce soutien consiste ordi- nairement en une seule pièce libre, mobile, plutôt crétacée ou cornée qu'’osseuse ; encore cette pièce cornée, et plus souvent calcaire ;, n’appartient-elle qu’à un très-petit nombre d'individus , qui, tels que les sèches et les calmars , forment les premiers genres des animaux sans vertébres dont nous allons décrire les propriétés , les habitudes, les mœurs et l’histoire ; division seconde du règne animal, aux individus de laquelle nous donnerons le nom général de mol- dusques que l'usage paroît avoir adopté, et sous ce nom nous décrirons une partie des animaux sans vertèbres et à sang blanc. _ Presque tous se contractent avec la plus grande facilité ; leur corps est mou, souvent gélatineux ; il est nud ou couvert quelquefois de tégumens et d’enveloppes cornées ou calcaires. Chez d’autres individus le corps recouvre ces mêmes matières; jamais ils n'éprouvent de métamorphose, et leurs pieds, quand ils en ont, ne présentent aucune B 2 20 HE AVQUTE S articulation ; quelques-uns régénèrent leurs parties tronquées. L#10 L Sous cette dénomination de moljusques ; hous comprendrons naturellement les vers, animaux très-singuliers, que la Nature pa- roît avoir placés presque tous dans l’intérieur du corps des autres êtres vivans, et décrits par les auteurs sous le nom de vers intesti- naux ; nous leur donnerons celui de 7ol- ee 2 PU. OU æ . dusques annelëés : par ce moyen nous évi- : terons l’acception repoussante que présente toujours leur appellation primitive ; tout autorise cette innovation. Il est de fait que beaucoup d'auteurs modernes ont confondu et même rendu presque synonymes les deux mots de mollusques et de vers. Tinnæus (1), qui, le premier débrouilla le chaos dans 2 % È 2 ce lequel étoit ensevelie cette belle partie de: l'Histoire naturelle, en y portant le flambeau d’un ordre didactique et d’une saine critique, ; donna le nom général de vermes, vers, à. la majeure partie des animaux que les an-: ciens connurent sous le nom d’exsangues. ou n'ayant point de sang rouge , et que les modernes ont reconnu n'avoir point de (1) System. nat, tom. TI, pars G, ‘clas. 6, vermes, edit. 15. GE N ER'ATL ES. 21 vertèbres. L'autre partie comprend les in- sectes, et chez le naturaliste suédois tout ce qui dans ces animaux n'est point insecte, est aussitôt rangé dans la classe des vers: c’est ainsi que, dans son Système, Linnæus nous présente des vers intestinaux et des vers mollusques, des vers testacés, zoophytes et infusoires. | Cetté ‘marche a été suivie presque en totalité par Bruguière (1), naturaliste cé- lèbre que les sciences ont perdu au retour d'un voyage en Perse, qu'il avoit entrepris uniquement pour elles; il fit un ordre de plus que Linnæus, en séparant de celui des vers mollusques de cet auteur les astéries et les oursins, qu’il nomma vers échino- dermes ; comme lui, il à donné le nom de vers aux mollusques el aux testacés, aux zoophytes, comme aux vers infusoires eb intestinaux. | Enfin, Lamark, habile et savant profes- seux au museum d'histoire naturelle de Paris, déja si recommandable par ses ex- cellens ouvrages en botanique, a repris ce même travail de Bruguière dont il étoit l’ami (1) Bruguière , Tableau encycl. et méthod. des trois règnes de la Nature, helminthologie; Paris, 179. ? 7 B 5 CE) : VUES etle collaborateur ; infatigable et laborieu%x \ donna dans ses leçons publiques une nou velle classification des animaux sans ver- tèbres, que depuisil a livrée à impression (1); il divisa tous ces animaux en sept classes, parmi lesquelles on en retrouve trois qui appartiennent aux insectes; ce sont celles, des crustacés, des arachnides et des insectes : les mollusques, les vers, les radiaires et les polypes forment le complément de son Sys- tême. C’est dans les polypes qu’il a rangé les vers infusoires où microscopiques ; les ra- diaires sont les échinodermes de Bruguière, qui faisoient partie des vers mollusques de Linnæus; et en comparant ces trois systèmes, on voit que celui de Lamark ne renfermant , quant aux mollusques, que quatre classes , il en-offre une de moins que celui de Lin- næus, et qu'il réduit les six de Bruguière aux quatre dénominations de mollusques, de vers, de radiaires et de polypes Lamark le premier trancha tout le règne animal en deux divisions distinctes et sé- parées; dun côté il plaça les animaux à (1) Système des animaux sans vertèbres, ou Tableau général des classes, des ordres et des genres de ces animaux; Paris , 1802 GENERALES. 25 colonne vertébraleetà sang rouge, et de l’autre les animaux sans vertébres et à sang blanc. C’est une justice et un hommage que se plai- ront toujours à lui rendre tous ceux qui, comme moi, ont suivi ses savantes leçons et ont été ses disciples. Guidé par ces hommes célèbres, c’est en osant marcher sur leurs traces et en m’appuyant sur des autorités aussi respectables, que je vais donner le nom général de mollusques à toute la série des animaux sans vertèbres, en exceptant seu- lemeni les crustacés, les arachnides et les insectes; j'en formerai dix classes qui seront: Les mollusques coriacés, renfermant les sèches, calmars, poulpes et clios; Les mollusques tentaculés, ou les limaces; les limaçons, et autres animaux rampans à plat sur le ventre ; Les mollusques éjaculateurs, où ascidies ; et un très-grand nombre de bivalves ; Les mollusques annelés, ce sont les vers; Les mollusques gélatineux , ou méduses, acbicies, etc. ; Les mollusques cuirassés, où oursins et astéries ; Les mollusques hydres, qui renfermeront les ligules, les multivalves et les polypes; B % 24 es VAUTTES : - Les mollusques polypes, ou madreporéss meandrines , etc. ; Les A nue cornés, ou a lithophytes, gorgones, elc.; Les mollusques infusoires, où microsco- piques, animalcules, etc. ; Toutes ces classes nous offriront des ani- maux nuds et d’autres testacés, et dans le cours de cet ouvrage, en traitant de cha- cune d'elles, nous indiquerons successive- ment leur ordre , leur RER et leurs va- riélés. En nous cou de Fhistoire de ces animaux , de leur étude et de leur mode d'existence, nous ne parlerons donc point des crustacés, des arachnides, mi des insectes; nous séparerons absolument ces trois classes de toutes les autres : car, loin d'offrir de la mollesse et de la contractibilité, lom d’être mous ; leurs corps sont très-souvent recou- : verts d’une peau ou croûte dure et solide, ordinairement osseuse, crélacée où cornée, et quelquefois même pierreuse. Presque tous changent plusieurs fois de peau dans le cours de leur vie, et leurs paites, loi qui ne souffre aucune exception, sont toujours articulées. À la vérité les deux premières classes ne subissent pas de métamorphoses, et les indi- GE N HE NL ES: 25 vidus qui les composent donnent, dans le cours de leur vie, naissance à plusieurs gé- nérations , mais, comme la troisième classe ; celle des insectes, leurs pattes sont articulées, Les insectes offrent de plus des métamor- phoses multipliées ; ils ne s’accouplent et n’engendrent qu’une seule fois pendant tout le cours de leur vie : les mollusques au contraire ne subissent jamais de métamor- phose ; jamais leurs pattes n’offrent d’articu- lations véritables. Nous iaisserons aux ento- mologues ou historiens des insectes, ces mêmes insectes qu'ils réclament, et les crus- tacés et les arachnides qu'ils ont toujours regardés comme faisant partie de leur do- maine : par ce moyen nous ne rencontrerons plus de classes intermédiaires qu’on a tou- Jours regardées comme des pierres d’achoppe- ment, et qu’on faisoit entrer forcément dans _ le système des mollusques. Ceux-ci, parfai- tement dépouillés de tout ce qui pouvoit leur être ‘étranger, verront se dessiner et leurs ordres et leur arrangement méthodique ; le naturaliste pourra suivre sans interruption la dégradation successive de taille, de forme et de moyens d'organisation, que la Nature paroît avoir mise dans la créalion et dans la reproduction de ces êtres animés. 26 | VUES Si j'avois été le maître de mon plan; st; me jetant dans la carrière ,je n’eusse pas eu devant moi un cannevas déjà tracé, entrant naturellement en matière, on m’auroit vu décrire d’abord l’organisation animale pre mieère, et commencer par les atomes et les monades, par les points et les mollusques microscopiques ; c'est ainsi que pas à pas j'aurois suivi les travaux de la Nature depuis la simple animation, depuis la première in-. flation de la vie, jusqu’à ses œuvres les plus compliquées ; mais , appelé à la confection d’un des plus beaux monumens que les hommes aient jamais élevé aux sciences et à l'Histoire naturelle, édifice majestueux dont Aristote et Pline ont posé pour nous les premiers fondemens, que. consohdèrent depuis Rondelet, Belon, Aldrovande, Ges- ner et Jonston, et tant d’autres savans cé- lèbres qui tous illustrèrent leur siècle ; temple dont l’immortel Buffon dessima si fièrement le péristile et le frontispice , sanctuaire au- guste où pénétrérent depuis tous les natu- ralistes que le Pline français sut enflammer par le feu de son génie; jai dû respecter leurs travaux et essayer de marcher sur les traces de ces immortels devanciers; j'ai dû suivre l’ordre que déjà ils avoient établi, et GENERALES. 57 Feprendre l’histoire des animaux au point où ils avoient cessé d'écrire. Buffon fit passer successivement sous le mâle et brillant coloris de ses pinceaux, la plus grande partie des animaux à charpente osseuse et vertébrale; ses continuateurs ont à peu près terminé ce travail. Il reste aux naturalistes à réunir en corps d'histoire, celle de l’iimmense suite des animaux sans vertèbres et à sang blanc. Il existeune foule dematériaux que des hommes célèbres se complurent à laisser échapper de leur plume, mais sans ensemble, épars çà et là ; leur réunion offriroit déjà un immense travail; puisse-t-il m'être donné de remplir la tâche que je me suis imposée! car combien n'est-il pas facile de s’égarer lorsque l’on considère que cette grande division de l’his- toire naturelle des animaux laisse, pour ainsi dire, encore tout à desirer, et que chacune de ses classes perd ses derniers chaïînons, tantôt dans l'ignorance profonde où nous sommes encore sur les individus qu en forment le complément, et tantôt dans l’a- bime sans fond de linfini qu'il ne nous a pas, jusqu’à ce jour, été permis de creuser ni de saisir. C’est donc en partant de ce qui est connu que nous allons arriver aux bornes visibles du monde animé, et l’analogie nous 28 MAUTERS fera dépasser ces mêmes limites, en nou$ conduisant bien plus loin encore : toutes les routes y dirigeront nos pas, et plus d’une . fois les derniers animalcules que nous allons décrire, nous introduiront dans une obscu- xilé, impénétrable peut-être à jamais pour nos foibles organes. : L'étude des animaux sans vertèbres où mollusques est laborieuse, mais pleine d’at- traits ; nous y retrouverons les plus grands résultats philosophiques , et en général elle est peu connue ; car lobservation de ces amimaux est toujours minutieuse et souvent difficile, soit par les localités. soit par les’ circonstances ; beaucoup d'entre eux vivent dans les plus hautes mers ou dans des pa- rages éloignés , et lorsqu'on les sort de leur élément, un instant souvent très-court suffit pour les déformer et les flétrir avant d’arri- ver sous les yeux et sous la main de Fob- servateur. Dans beaucoup d’espèces il est très - rare de rencontrer plusieurs fois le même individu , et leur conservation est presque toujours impossible : tantôt c’est dans un voyage loiniain , dans un escarpe- ment et des rochers dangereux , ou au sein de l'orage et des tempêtes qu’un objet vient se montrer d’une manière fugitive ; c’est au GENERALES. 20 milieu du tangage et du roulis d’un vais- seau , à la lueur des éclairs qui sillonnent et entr’ouvrent les plus sombres nuages, et au travers d’un déluge d’eau porté sur le pont par les vents et la mer en courroux, qu'un heureux hasard jette quelquefois aux pieds du voyageur un mollusque arraché des profondeurs de labime , et dont il ne soupçonnoit même pas l'existence. Il faut alors saisir d’un regard assuré ces notions fugitives et instantanées ; c’est dans le tu- multe et le bruit qu'il faut cependant se hâter de peindre et de décrire, car presque tous les mollusques sont gélalineux ; quel- ques instans suffisent pour les flétrir, et la contraction vient toujours les déformer. Tel est cependant presque le seul et unique moyen pour s’instruire dans l’histoire de la plus grande partie des mollusques ; ce n’est qu’au retour des voyages que l’on peut sou- mettre , à la discussion d’une analyse calme et tranquille, les objets que l’on a pu ren- contrer , et alors le repos et le silence même du cabinet présentent très-peu de ressources; car presque tous les mollusques marins qu’on a pu se procurer y arrivent dans un tel état de déformation et d’affaissement, que, loin de sourire à l'imagination , ils lui laissent 50 Le S'OURUUCE 6 toujours tout à desirer. Les soins Îes plus grands , les tentatives les plus multiphiées n'ont point encore pu parvenir à conserver la plus grande partie des mollusques dans une certaine intésrité ; au lieu que les histo- riens des autres parties de l’histoire naturelle ont perpétuellement sous leurs yeux les ob- jets les plus frais, les plus beaux et les plus propres à les enflammer , sur- tout aujour- d’'hui qu’un art, poussé à son plus haut dévré de perfection (1), semble redonner dans nos galeries d'histoire naturelle une seconde exis- tence aux quadrupèdes et aux oiseaux, aux reptiles, aux poissons comme aux insectes. Ce bel art , né du besoin de s’instruire , per- met même au savant qui jamais ne sortit de son cabinet , de peindre et de décrire le (1) I faut aller visiter pour cet objet le laboratoire du jardin des plantes de Paris, où Desmoulins, Dufresne et leurs collaborateurs se font non seulement un devoir de prévenir les questions qu’on pourroit leur faire, mais se font même un plaisir de ne cacher aucun de leurs procédés aux personnes qui veulent s’instruire dans l’art de la conservation et de la préparation des. animaux. On peut encore consulter avec fruit l’ou vrage publié récemment par Nicolas, savant chimiste de Nancy, sous le titre de #éthode de préparer et conserver les animaux de toutes les classes, GENBRATES. 51 ouuivré et les reflets de ces beaux insectes de l'Afrique et de l'Inde : pour lui, la robe des quadrupèdes et le plumage des oiseaux n’ont rien perdu de leur veloulé, de la fraicheur et des teintes de leur parure ; tout, jusqu'à leur attitude, respire la vie; tandis que d’un autre côté, une multitude de voyageurs et d'auteurs ont décrit, d’une manière aussi étendue qu’exacte et fidelle, l’histoire de ces animaux. Il en est tout autrement à l'égard des mollusques ; quelques - uns ne furent vus qu'une seule fois ; on rencontre la dépouille de quelques autres sans jamais avoir pu re- trouver jusqu’à ce jour l'animal auquel ces dépouilles peuvent avoir appartenu (1) ; et d’autres enfin sont décrits d’une manière tellement incomplette, que leurs historiens (1) Telles que les bélemnites, les orthocératiihes et une quantité d’autres fossiles et de pétrifications qui ont appartenu à des animaux que nous ne connois- sons point encore ; malgré toutes nos recherches ; il faut cependant convenir que le nombre de ces fossiles, dont l’analogue vivant n’étoit point encore connu , est bien diminué sur-tout depuis que l’étude des pétrifi- “cations fait de si grands progrès ; chaque jour nous amène des analogies, et on en verra des preuves mul- tipliées dans le cours de cet ouvrage. 52 VUES n’ont encore pu, faute d'observations suc= cessives , comparer et analyser les objets de leurs descriptions , et porier dans leurs tra- vaux celle critique sévère et raisonnée, sans laquelle il ne peut y avoir qu’erreur et con- fusion. Les mollusques ne peuvent être bien observés que pendant leur vie ; presque tous ont un mode d’épanouissement ; ils se : développent, et c’est alors seulement qu’ils poussent , qu’ils projettent au dehors; des parties de leur corps très-extensibles, sou- vent très -multipliées , qui se retirent et se replient en dedans à la mort de l’animal. Quand ces parties si singulières sont raccor-' nies, rentrées et flétries , tous les efforts sont imptussans pour les rappeler à la vie, et ces deux étais ont donné naissance à une multi- tude d'erreurs ; le même individu a souvent été décrit comme appartenant à plusieurs espèces en raison de sa conformation exté- rieure et de ses apparences diverses dans Fétat d'existence, de contraction ou de flé- trissement. La recherche et l’observation des mol- lusques présentent donc des obstacles sans nombre : l'étude même des mollusques mi- croscopiques, cette étude, la plus remplie de charmes et la plus philosophique, est hérissée GENERALES. 59 hérissée peut-être d’encore plus de‘difficultés que toutes les autres. Il faut, par un travail long, pénible et soutenu, avoir acquis l'ha- bitude de se servir du microscope; et malcré toutes les précautions et toute la dextérité, Voœil le plus exercé est bien souvent exposé à des illusions inconcevables de couleurs et de formes , mais qui n’en sont pas moins réelles et reconnues par tous ceux qui se sont le plus adonnés à ces observations. Il faut, en ne prenant pour seuls et uniques guides que la vérité et les faits, nous arrêter au moment où ce fil secourable nous man- quera; il faut, en s’occupant des individus, saisir l’ensemble des masses et la concaténa- tion des familles naturelles ; il faut réunir enfin les faits que les observateurs ne nous ont laissés qu'isolés et sans liaison. Mais ce n'est pas assez de vouloir écrire l'histoire de ces animaux, il faut encore bien se garder de donner systématiquement un squelette sec et décharné, hérissé de mots grecs et barbares, et respirant par-tout la fureur néologique comme malheureusement on ne le fait que trop de nos jours (1) : non seu- . {1) Toutes ces dénominations grecques modernes paroissent avoir pris leur source dans le besoin que Moll. Tone I. C 54 VUES Jement la science est aimable par elle-même mais on peut aussi chercher à l’embellir. Æ quoi sert-1l donc de la masquer sous des l’on a de créer de nouveaux mots pour exprimer de nouvelles idées; dans ce cas un homme qui ne vou- droit pas se servir d’une autre ressource pourroit agir comme l’illustre et respectable Adanson , qui, rapportant du Sénégal quelques centaines de coquilles inominées, prit, par le conseil de Guettard à qui ül avoit communiqué l’embarras où il étoit pour faire tant de noms, un tambour à rôtir le café dans lequel ils mirent les vingt-six lettres de l’alphabet, iracées sur de petits cylindres de bois. Avoit-on besoin d’um nom ? on tournoit la machine , et en ouvrant sa petite porte on en laissoit échapper quelques lettres ; cette porte se refermoit lorsqu’avec les consonnes il étoit tombé une où deux voyelles. Îls parvinrent ainsi à nommer toutes leurs coquilles, et c’est d’après cet étrange procédé que l’on trouve dans la dénomination des coquilles du Sénégal d’Adanson, les noms courts et singuliers de girol, d'osilin , dé bobi, de duchon, de staron ur , de genot , etc. noms excellens parce qu ils sont insignifians, que par conséquent ils ne peuvent pas s’appliquer à deux objets à la fois, et que leur usage ne permet aucun équivoque. Adanson et Guettard auroïent pu eñ rester là , et c’est avec peine qu’on les voit sacrifier au néologisme naissant , en donnant à la machine qu’ils venoient de s'approprier; le nom grec d’onomotapoi on machine à Jaire pe mots. gts 1 { 9 GENÉRALES. LE termes mintelligibles, et de la mettre par cé moyen hors de la portée de tous ? Pourquoi Vénvelopper sous des formes hideuses et repoussantes ? La sécheresse est tout au plus permise dans un livre élémentaire ou clas- sique, où tout doit se resserrer dans le moin- dre espace possible ; dans ce cas extrême lhomme savant sait encore semer de fleurs celte carrière : mais, quand on écrit pour la société , on doit lui parler son langage, et he point affecter d’être étranger au milieu d'elle ; on doit desirer de se faire entendre de tous et abandonner une nomenclature sreco-gothique qui ne peut qu'embrouiller toute chose , finir par faire qu'onne s’enten- dra plus, et plonger la science dans la bar- barie au lieu de la présenter parée de ses Charmes purs et naïfs, el ornée de sa fraiche et belle parure. Un système nest qu'un inoyen factice ou de convention pour aider la mémoire : il en existe aujourd'hui un grand nombre; presque tous ont leurs avan- tages ; tous ont aussi leurs côtés foibles. Sur des objets identiquementi les mêmes, chaque auteur a fait le sien , ce qui offre autant de systèmes que d'opinions. Quelques écrivains célébres ont su éviter cet écueil; on les vit classer avec sagesse les objets de leurs des- C 2 56 | VUES criptions , et consulter sur - tout les conve- nances, l’organisation animale et morale, l'utilité et le dégré d'intérêt que ces mêmes objets pouvoient inspirer : on ne voit chez Buffon ni mammaux , ni plantigrades , ni gasteropodes (1); on ne trouvera pas non plus chez lui les tardigrades et les pachydermes ; mais ce favori de la Nature divise les animaux en bipèdes et en quadrupèdes, en frugivores et en carnassiers, en animaux domestiques et en animaux sauvages et féroces, sans né- gliger leurs différences caractéristiques. Le Pline français sut réunir la magie du style au talent de la description; plus un sujet lui paroissoit stérile et ingrat, plus on le voit redoubler d'efforts et réussir à le rendre aimable; l’étude, sous sa plume, prit un nouvel attrait , et la science se revêtit de nou- veaux charmes ; ïl sait plaire à l’homme du monde et aux philosophes; il donne à la fois l'exemple et l’impulsion : 1l les donna à son siècle. Sa science n’est pas celle des mots, mais elle est celle des choses : ses descriptions sont pleines et nourries ; sa crilique est aussi sévère que juste et raisonnée ; sa synonynue. (:} Noms modernes employés par quelques natu- ralistes. GENERALES. 57 est parfaite ; il a tout lu , tout vu, tout com- paré ; son livre est un modèle de savoir et de bon goût, comme il est un monument de l'hommage rendu à la pureté d’une des plus belles langues que les hommes aient jamais parlé ; langue qui aujourd’hui est presque üumverselle. Buffon mania tour à tour la théorie de la terre et celle des minéraux ; l'histoire de homme , celle des quadrupèdes et celle des oiseaux ; toujours il le fit en maître; il est le chantre des époques de lx Nature ; c’est à lui, bien plus qu’à Linnæus, si justement célèbre et créateur dans un genre tout opposé, qu'on doit l’essor que prit l'histoire naturelle ; parce que, plus que tout autre, 1l sut la parer de tous ses charmes; parce qu'il sut faire passer dans tous les cœurs le brûlant enthousiasme qui embrâsoït son être pour la plus sublime des études , qui seule nous offre toujours une retraite aussi sûre que paisible dans les orages iné- vitables qui assiègent l'humanité et empoi- sonnent le cours de la vie. Plus que toute autre , l'étude de l’histoire naturelle est une jouissance aussi vive que pure pour le jeune homme , une occupation calme et pleme de douceurs pour l’homme fait , et elle remplit Je tems de la vieillesse des plus doux souve- C # } 38 VUES nirs. Le naturaliste est embrâsé sans retour et pendant toute sa vie par la plus douce, la plus vive et la plus calme des passions ; elle devient pour lui la source des plus aimables j jouissances : un plaisir pur et sans mélange , sans inquiétude et sans remords file ses momens tissus par le bonheur ; une satisfaction entière, secrette et paisible s’'em- pare de tout son être, rien ne peut désor- mais altérer sa douce quiétude, et supérieur à la fortune et aux événemens , rien ne peuk troubler Pexcès de sa félicité. | Si, pour le bonheur de ses semblables, il entreprend des courses éloignées; si, bra- vant tous les dangers, il parcourt des pays sauvages, inconnus et inhospitaliers ; s'il se dévoue a de dures fatigues et à des priva- tions de toute espèce, rien n’égale son ardent courage ; ses peines et ses maux deviennent encore des jouissances pour lui; et victime de son amour pour l'histoire naturelle, de ses efforts pour l’extension des connoissances bumaines, il se sacrifie généreusement pour l'avantage de. la société. ; Indépendant des hommes et des. circons- tances , par -tout où le jettent, où. le lancent les évènemens , il est dans son do- maine, el une nalure toujours riche. tou P'OENERNLES. 39 jours variée lui prodigue constamment ses inépuisables trésors. Si son existence prolon- gée lui permet de revoir ses foyers, ses jours sont encore pour lui des instans semés de fleurs ; tous sont également remplis, tous sont toujours trop courts, et jamais l'ennui n’as- siégera sa porte. D'accord avec lui-inème, en paix avec sa conscience , son ame égale et stoïque voit du même œil et les vœux du commun des humains et les dons d’une for- tune aveugle, capricieuse, disséminant un métal qu’il méprise et presque toujours acquis par un crime. Il se sufñit à lui-même, rend heureux ce qui l’entoure, et la fin de sa douce carrière est le soir d’un Li jour. Mais où m’entraîne l’intime conviction du bonheur dont jouit l’homme que des goûts simples et bons entraïnèrent vers l’étude de Phistoire naturelle ! Je n’ai pu me refuser de m'arrêter quelques momens avec complai- sance sur le partage que s’est fait Vobserva- teur de la Nature. Buffon parcourut cette belle carrière ; des maux cruels vinrent en terminer le cours dans un âge avancé ; il en vit le terme avec courage, avec sérénité , et des ressouvenirs pleins d’attraits embellirent ses derniers momens ; ils conduisirent le soufle qui l’animoit vers de nouvelles repro- C 4 ño | LEURS ductions, en le ramenant au sein de cetté Nature dont il avoit été le fidèle et le bril- lant historien. Il avoit projeté une histoire des ‘insectes parmi lesquels il comprenoit les mollusques, quelques passages de ses Œuvres semblent le prouver ; mais, du tems de ce grand maître , la connoissance des mollusques étoit bien moins approfondie qw’elle ne Pest de nos jours, et à l’instant de ienter cette entreprise, 1l hésita au point de désespérer qu'on püt jamais écrire leur histoire ; ce qu'on ne pouvoilt oser à cette époque qu'avec témérilé, est devenu plus aisé, quoique en- core bien difficile. Depuis quelque tems on a beaucoup observé, beaucoup écrit; nous nous servirons de tous ces malériaux, et d’autres auteurs après nous relèveront nos erreurs ; ils ajouteront leurs observations par- ticulières à celles que nous allons consigner; le tems amènera de meilleures coupes; celles qui seront bien faites resteront, et des décou- vertes nouvelles viendront former le com- piément des genres et des espèces que nous pourrons décrire. Autant qu'il nous sera possible , nous multiplierons les figures; elles sont toujours nécessaires en histoire naturelle pour la par- faite intelligence des objets dont on veut GENERALES. 4x parler; elles ont encore un autre avantage, car elles tracent d’une’ manière invariable ces mêmes objets, et elles permettent de les citer avec aulant de sécurité que de préci- sion. Non seulement un auteur doit cher- cher à se faire comprendre en essayant de s'exprimer clairement pour l’entendement et pour l'esprit de ses lecteurs, mais il doit encore parler aux yeux : les figures sont le complément de la démonstration ; elles viennent remplir les vuides et les lacunes du discours , et gravent dans la mémoire des notions. qui sans elles ne seroïent souvent que passagères. Malgré tous les soins qu’on peut prendre , et les efforts que l’on peut faire pour donner au style toute la clarté possible , on rencontre plus d’un écueil ; souvent on tombe dans l'obscurité , et on devient inintellisible quand ox décrit sur- tout des objets inconnus, ou qui ne sont encore connus que d’une manière super- ficieile et incornplette : alors il faut abso- lument appeler lart du dessinateur à son secours. Plus nous avancerons vers le terme de la chaîne connue des êtres animés et vivans , et plus ces desseins nous devien- dront utiles; ils nous aideront à représenter des traiis souvent fugilifs; vers ce terme nous 4e V'UE:S verrons les tégumens et l’intérieur de ces animaux se ramoilir peu à peu pour ne plus offir que des masses gélatineuses ; de dégra- dations en dégradations , l’organisation se simplifiera, et enfin l’animalité ne nous pré- sentera plus que des substances transpa- rentes et perlucides que, vers la fn même, la moindre compression et Îé soufle le plus léger seront capables de détruire : tels sont sur-tout presque tous les animalcules micros- copiques. Lorsqu'on s'enfonce dans létude des mollusqués, on est étonné de la grande quantité d'auteurs qui ont écrit sur cette belle et si intéressante partie des produc- tions de la Nature; il est probable que, dès Finstant qu'il y eut des observateurs qui se livrèrent à l'étude des animaux, ils durent en même tems s'occuper des mollusques, qui venoient aussi frapper leurs regards ; des rapports et des résultats philosophiques, suite naturelle de leurs méditations, durent les fixer sans doute sur des êtres animés, si admirables à tant d’égards, et par qui toute lanimahté paroît avoir commencé ; et om peut même croire que bien long-tems avant Aristote on avoit écrit sur ce sujet ; mais ces travaux, devenus la proie du tems, ont suivi le sort de la destruction des empires GENERALES. 438 où ils sont restés ensevelis dans le sein des révolutions , et ils ne sont point parvenus jusqu'à nous. Aristote est le premier phi- losophe de qui nous ayons des observations en histoire naturelle ; écrivain aussi exact qu'éclairé , il donna très-peu aux préjugés populaires , et le tems a sanclionné presque tous les faits que consigne la plume de ce naturaliste qui est encore aujourd'hui pour nous le père de l’histoire naturelle ; on le voit, avec la plus grande surprise, séparer des autres animaux ceux à sang blanc, et constituer ceux-ci en quatre classes sous les dénominations de mous, de crustacés, de testacés et d’insectes (1). Depuis ce grand homme, les historiens de la Nature se sont succédés dans cette partie ; leur nombre est bien plus considérable qu'on ne le croiroit au premier abord (2) ; et cetie division, (1) Aristote, Hist. 1, c. 4 et 8; et Lib. 4, cap. 1. (2) En faisant des recherches sur ces auteurs, ils semblent venir s’offrir, pour ainsi dire , de tous côtés. Je vais donner ici une liste décennale et alphabétique de ceux qui ont écrit principalement sur les mol- lusques , depuis Aristote jusqu’à nos jours. Les uns ne décrivirent qu’un seul objet, d’autres embrassèrent uue classe entière, et les troisièmes publièrent des systèmes ou des corps d'ouvrages; tous ont bien mérité 4 VUES étant de jour en jour mieux connue, recoit de la science , et c’est -par leurs travaux que l’histoire des mollusques est parvenue au point où nous la voyons maintenant. Nous commencerons par les an- ciens; l’époque précise à laquelle ils écrivirent est incertaine. Aristote , Elien, Athénée, Avicenne , Dioscoride , Oppien , Pline, Théophraste. 1530. Massari. 1540. Brylli, Gabucinius. 1550. Agricola, Belon, Bossuet, Conrad Gesner, Mos- gardi, Rondelct. 1560. Paul Ægineta, Maithiole. 1570. Mathias de Lobel. ‘x opo J. Bauhin , Fabius Colomna, [mperati. 1600. Aldrovande , Bœtius de Boot , Clusius, Codronchi, Libarius, Sarazeni, Schwenckfeld. | 1610. Craft , Franzius, Läceti, Majer, Spigelius. 1620. Gaspard Bauhin, Burgundius, Calceolarius. 1630. Ganzius, Geiger, Johnson, Johnston, Moufet, Nicremberg. ! GENERALES. 45 de nouveaux accroissemens. Les voyageurs 1640. Arnoldus, Besler, Cohausen, Parkinson, Scali, Severinus. 160. Borellus, Wormius. À 1660. Berquen, Blondel, Chabræus, Charleton, Du- tertre , Horstius, Lachmund, Merret, Swammer- dam , Trinkhusius. 1670. Boccone, Borrichius, Bromelius, Dapper, Dob- zensky , Elsholt , Fromman, Hans, Harder, Hooke, Jacobæus", Kircher , Läster et ses filles, Ludovicus, Olearius , Quirinni, Raven, Rhedi, Scilla, Schult- zius , Tulpius, Velsch, Widalinus , Winckler. 1680. Bonanni, Buonuomo , Brachius, Clauderus, Cla- vius, Cole, Crans, Dorstenius, Dyk, l'titmuller , Fehr , Felici, Geyer, Grassius, Grimm, Harderus, Hartley, Hartmann, Heide , Ledelius, Laurence, Leeuwenhoeck , Marcus , Mentzelius , Morison , Muralt , Schelhammer , Sibbald, Spielenberger ,' G. Wagner. 1690. Bautmann, Belon, Bidloo, Corn. Bruyn, Com- melinus, Dale, Dampier, Fabry , Hacshaert, Han- nemann , Koœmpfer , Lhuid, Petiver , Reiskius , Scaramucci , Sunellen, Stahl, Tyson, Woodward, 1700. _ Andry, 3. Bayerns, Bonetus, Bucher , Camcrarius, 46 VOUS modernes ont beaucoup étendu nos connoiïs Clericus, Dern , Eysel, Gottwaldt, Kellner, Lan- gius, Paulinus, Petiver, Pluknet, Pogatschnik , Poupart, Ray, Roslin, Rumph, Ruysch , Scheuzer , . Sloane, Tournefort, Valentin, Wedelius. 1710. Barrelier, Butiner , Derham , Feuillée, Dav. Her- man , Helving , Hiemer, Hoyer , Joblot, Kulmius, Liebknecht, Ludeen, Marsigli, Melle, Mercati, Morton, Ranouu, Reaumur, Rosinus, Spener, Teichmeyer, Valisnieri, Verdries, Vincent, Wol- fart. 1720. Mich."Alberti, Aronis, Bocrhaave, Bourguet, Brad- ley, Bruckman , Coulet |, Ehrhart , Frankenau, Harenberg , Hecbenstreit, Ant. de Jussieu, Kanold, Kundmanu, Lang, Leopold ; Mylius, Pre, Rud- beck , Schutte , Stalpaert , Stobæus , Valentin, P. Wagner. | 1730. Albrecht, Belkmer, Boetticher, Bromell, Abr. Bruyn , Catesby, Deshander, Duhamel, Fischer, JT. Frisch, Geoffroy, Ginima , Haïler, Klein, Kri- gelius, Lerche, Linck, Linnæus, Ludwig, Massuet, Michaëlis, Piancus, Pluche , Plutoneus, Ritter, Rousset, Sellius, Shaw, Siveïs, Spada, Swéden- borgh, Taylor. 1740. Chr. Bayerus, Baker, Balk, Barrère, Bianchi, Bonnet, Buffon, d’Argenville, B. de Jussieu , Dionis, Dubois , Ernst, Eckhardt , Fougt, Jod. Frisch ; # GENERALES. 47 sances en ce genre : dans leurs courses loin nm Gualtieri, Hoppe, Lesser, Masseus, Morr, Need- ham , Sauvages, Schmiddel, Trembley, Vianelli. 1706. Adanson , Adler, Al:inus, Allione, Annone , F. Bajerus , Barton, Bianchini, Bohadsch, Borlace, Brander, Brisson, Brown, Bruckman, Cartheuser , Deborn , Doevern , Delius, Donati, Eberhard, Ed- wards, Ellis , Gagnebin , Gadd , Gautier , J. Gesner, Gewe, Ginanni, Grisellini, Hanow, Hasselquist, El , Houttuyh , Holman , Kalm, Kniphoff, Knorr, Ledermuller, Mahling, Malbois, Panson , Passeri, Peyssonel, Pontoppidan, Regenfuss, Roesel , Schæef- fer , Schlotterbeck, Schreiber, Sidren, Snellman, Solander, Torrubia , Unzer , Vandelli, Vogel. 1760. Abilogaard, Andreæ, Baster, Bergen, Bischofr, Burmanus, Chemmitz, Colini, Crantz, Davila, Dau- benton , Fermin , Geoffroi , Gleichen, Hérissant , Tupsch, Martini, Marwye , Modeer, J. Murray, Osbeck , Pallas, Pennant, Phelsum , Reimarus, Schultze, Romé de l'Isle, Spallanzani, Strom , Taube, Valmont de Bomare , Vallis, Wagler, Walck, Wil- ken, Wrisbers. l 1770. à Arenswald , Ascanius , Beuth, Blumenbach , Bock, Bolten, Bossart, Brumrich, Caroli, Colini , Cubr, Costa, Dicquemarre , Ebert, Fortis, d'Herbigny, 3. C.Fabricius, Fris, Gentzmer,J.F.Gmelin , Goeze, _Goldtsmith, Guettard, Grundler, Ganthor, Grill, 48 ù VUES _taines, ils nous ont rapporté des objets aussi nouveaux que précieux. Tantôt c’est une Jourde sonde qui, jetée dans des mers péla- giennes , arrache de leur fond le palmier marin, analogue vivant du lys de pierre, lilium lapideum , et des entrochites de nos anciens oryctologues, dont nous parlerons lorsqu'il sera question des mollusques cuiras- sés ; tanlôt c’est dans l’énorme amas des sar- gasses, ou herbes marines détachées du fond, ee Gyllenbahl, Haidinger, Hacquet, Hammer, Her- man, Kohler, Kolreuter, Lepéchin, Lui, Maratti, Mayer, Meineken, Meuschen, O. Muller, Stad. Muller, A. Murray, Nicolson, Olaffen, Philhps, Raub, Schirach , Slabber, Schranck, Schroter, Sco- poli, Spengler, Terechomsky , Zorn. 1700. - Barbut, Beseke, Bloch, Carolini, O. Fabriaus, Fichtel, Helbling , Hollsteinbeck, Kammerer, La- peyrouse , Modeer, Molina, Peereboom, Ployer, Salis, Sander , Schopf, Soldani , Strange, Stutz. 1700. Amoureux, Borda, Bosc, Braguière, Devillers,; Degenton, Delamanon , Draparnaud, Faujas, Genton ; Tamartinière, Martin, Olivi, Olivier, Poli, Schranck, Sepp, Sparrman, Stols, Troja. 1800. «ét Brongniart , Cuvier, Daudin, Labillardière , La- marck, Latreille, Poiret, Sage, Stavorinus. ( Voyez la Bibliothèque kelminthologique de Modeer.) qui GENERALES. 49 qui sous les tropiques arrêtent le sillage d’un vaisseau, qu'on a trouvé une infinité de petils animaux que ces herbes, connues encore sous le nom d’acinaria et raisins du tropique, ont amenées avec elles à la superficie des eaux. D’un autre côté, des naturalistes plus sédentaires, mais heureusement placés aux bords des mers et des eaux, ou sur les rives des fleuves et des rivières , parcourent les falaises et les rochers escarpés; ils fouillent la plage et les rives sabloneuses : les plus heureuses découvertes sont venu couronner leurs courses et leurs travaux. Mais tout cela n'est encore rien en comparaison des êtres nouveaux pour nous depuis l'invention du microscope; des myriades d'animaux dont on ne soupçonnoit pas l'existence, sont venu peupler à nos yeux tous les élémens; des ob- servateurs infatigables ont plus que doublé la sphère de l’animalité. Ils furent transportés dans un nouveau monde que nous pouvons parcourir sur leurs traces jusqu’au terme de linvisibilité absolue, dont peut-être un jour d’autres instrumens étendront encore les bornes ; et c’est dans ces animaux que les générations se pressent, se multiplient et se succèdent avec une rapidité vraiment effrayante et inconcevable , car l’expérience Moll, Tome L D 50 VU ES a démontré que plus les espèces sont simples, plus elles sont nombreuses et plus elles se. rapprochent de la malière qui, tourmentée du besoin de créer, stimulée par de cer- taines circonstances , se livre alors à toule son énergie et enfante spontanément des. nues entières de mollécules organisées; ces mollécules se livrent elles-mêmes au besoin de la reproduction : alors l'imagination seule peut entrevoir leurs filiations entassées, car elles sont au dessus de tout calcul ; et si. Fordre existant ne rassuroit pas le ue sophe, il pourroit croire à l’envahissement de l'univers. : L’étonnement que doit inspirer la longue nomenclature de ces auleurs, cesse lorsque nous examinons d’un côté lutilité de étude des mollusques, les charmes attachés à cette étude, et les grands résultats auxquels natu- rellement elle donne naissance : car, indé- pendamment des merveilles, des modes de production et de propagation de ces animaux, les hommes ont su tirer le parti le plus utile des uns, tandis qu’ils ont à se défendre perpétuellement des autres. T’économie diététique et domestique s’est emparé d’une grande partie des mollusques ; les profondeurs de la mer et les anfractuosités des rochers GENERALES. 13 n’ontpas pu les sauver; un nombre incroyable de sèches, de coquillages et d’oursins servent de nourriture à l’homme depuis des teims im- mémorés. Cette source inépuisable de moyens d'existence que s’est assurée le genre humain, paroit même avoir ajouté à la population et à l'extension de la race ; car on a remarqué que l’homme produit constamment davan- tage et multiplie beaucoup plus, lorsqu’ayant placé son habitation sur les bords de la mer, il se nourrit de mollusques. Les ports de mer en général et toutes les côtes fournissent une population nombreuse qu’on neretrouve plus dans les villes de l’intérieur des terres. La médecine se sert utilement, et dans beaucoup de circonstances, de cette facuité prolifique qu'ont les testacés et les autres mollusques; tantôt c’est par leur secours qu’elle répare et rend les forces épuisées. et perdues , et plus loin c’est encore en les appelant comme auxiliaires, qu’elle oppose une digue à ces mêmes forces qui, devenues trop puissantes, menacent de briser les ressorts de l’économie animale ; chacun connoît le parti qu’elle sait tirer des sangsues pour arrêter dans sa fougue le sang bouillonnant dans les veines, et pour calmer son effervescence. Le commerce et les arts se sont approprié de même les mol- D 2 be VUES | lasques et leurs dépouilles ; des bancs d’huîtres immenses tapissent le fond des mers ; ils fournissent, non seulement à la consomma- tion des peuples de leur voisinage, maïs ou les transporte au loin, et ces coquillages vont alimenter les habilans des villes, situées à plusieurs journées d’éloignement de la mer. T’architecture se sert, dans la construction de ses monumens les plus somptueux et les ÿ plus solides, de la chaux faite avec des co-- quilles ; c’est la meilleure de toutes, et tous les édifices, de la Hollande particulièrement ; re sont bâtis qu'avec cette chaux de co- quilles calcinées. Plusieurs vaisseaux n’ont d'autre occupation pendant toute l’année, que d'aller les pêcher pour venir ensuite les: déposer en montagnes dans les environs de Harlem, où sont situés les fours à chaux du pays. Dans les Hébrides, aux Antilles, ét dans plusieurs autres îles, ainsi que dans beaucoup d’autres contrées maritimes, on ne connoît point d'autre chaux que celle qu’on obtient par la calcination des coquillages et des madrepores. Des peuples entiers et floris- sans se servent, pour exprimer leurs pensées et peindre la parole, de la liqueur noire que rénferment et que jettent quelques sèches ; tés chinois, les japonais, les tunquinois, les GENERALES. 55 coréens et quelques autres peuples, ne se servent point d'autre encre. On a vu le byssus des jambonneaux se soutenir avec avantage à côté de la soie, se prêter comme elle à former les tissus les plus fins, et ne lui céder que parce qu’il est moins commun. Enfin le luxe extrême des anciers avoit su extraire de quelques autres coquillages cette pourpre tyrienne si rare, si précieuse et si chère ; art que nous ne connoïissons plus» parce que cette pourpre fut effacée par les belles couleurs de nos teintures et sur-tout par notre écarlate. La nacre des coquilles chez les romains rivalisoit avec l’or, l’airain, livoire et les matières les plus précieuses; elle décoroit les chaires, les tables, les lits et les appartemens de ce peuple si fastueux, si puissant et si voluptueux; elle sert encore de vitres dans la Chine, et chez nous elle recouvre nos bijoux et nos écrins les plus élégans et les plus riches; on la voit ajouter à la parure de la beauté, plaire par son doux éclat, rayonner et s'irriser, suspendue en girandoles au milieu des plus brillans orne- mens qu'imaginérent la mode et le desir de plaire. C’est souvent sur un cou blanc comme lalbâtre, sur un sein de lys et de roses, qu'aujourd'hui comme autrefois, on voit un D 5 ‘54 TARENCU ES | ‘rang de perles pures et limpides, sénples produits de quelques mollusques, disputer d'éclat avec le diamant , être plus rares, et Ternporter quelquefois sur ces riches dons ‘des mines de Golconde. D'un autre côté, quel est l’homme qui n'ait éprouvé un sen- ‘timent de plaisir, en voyant ces richés col- ‘Jections où l’on s'est plu à réunir des co- ‘quilles ; charmantes dépouilles d'animaux ‘dont les uns vécurent au sein des eaux, et ‘dont les autres rampérent sur la surface de Ja terre, diaprées des plus riantes et des plus belles couleurs ? Elles forment une branche des plus brillantes de l'Histoire naturelle : teintée des nuances les plus variées et les ‘plus fraîches, une nappe nacrée, irrisée et réfletante, polie comme une glace, les ta- pisse intérieurement, et rien n’égale leur forme élégante, leur variété et leur: robe éclatante : aussi de tout tems elles ont fait _Îes délices, et elles ont: charmé les loisirs d'hommes célèbres, mème dans l'antiquité, Cependant ce n’est pas à cette étude amu- sante et préliminaire qu’il faut s'arrêter; elle doit servir d’échelon pour arriver à des con- noissances bien plus relevées. Il est utile de savoir classer les coquilles ; il est même né- cessaire de s’être bien assuré de leurs variétés GENERALE 55 et de leurs formes, pour pouvoir reconnoitre d'une manière aussi prononcée que décisive ces mêmes coquilles, lorsque nous les trou- vons pétrifiées au milieu des couches calcaires de la terre, qui nous présentent par-tout des D dore et des coquilles fossiles et pé- trifiées. Les animaux ne paroissent être pour la Nature que des instrumens dont elle se sert - pour la fabrication de quelques gaz et de la matière calcaire , qui toujours est le produit de l’animalité ; les mollusques ont formé la base de l'habitation de Fhomme , et c’est à eux que l’on doit le premier rudiment de la formation solide du globe, vérité que nous développerons dans un instant ; elle n’é- -chappa point aux poëtes ‘et aux philosophes qui voulurent remonter à Forigine des choses, _eton les voit tous s’écrier ; «Où est le grain de poussière qui n’air pas été amimé?»:Ce n’est donc que par l'étude philosophique des mollusques , et sur-tout des:analogsües de ceux dont les restes solides ont pu résister aux efforts des âges, que lon peut acquérir la connoiïssance des individus , et principa- lement des localités où vivent encore main- tenant ces mêmes animaux. En effet, si de grandes cités toutes entières, telles que Paris, D # 56 VUES bâties des pierres qu’on retire de l’intérieur du sol sur lequel s'élèvent leurs édifices, nous présentent presque toujours les masses de ces pierres enlièrement formées d’une seule et même coquille , connue sous Le nom de cérithe cpineux , cerithium serratum , et qui étoit inconnue dans nos cabinets du son état naturel, avant les voyages du célèbre navigateur Cook , qui la rapporta des îles de la mer du Sud, oùelle vit aujourd'hui en famille, comme tout prouve qu'elle a vécu jadis sous le climat de Paris, ne devons- nous pas en inférer que ce même sol, quel- quefois si froid de nos jours, subissoit à cette époque les influences du climat brûlant des terres de la mer du Sud : et ces faits rece- . vront une nouvelle force, lorsque nous consi- dérerons que ces mêmes coquilles se trouvent réunies dans ces bancs calcaires avec des nautilles et avec d’autres coquillages qui appartiennent exclusivement aux climats chauds des tropiques et de la zone torride. Rien ne peut mettre davantage cette vérité dans tout son jour que les escarpemens des montagnes calcaires , lorsque leurs flancs, dégradés par le tems, présentent à nud leur ossature intérieure , et en effet, de quelles sensations n’est pas frappé le naturaliste GENERALES. 57 errant au milieu des montagnes sourcilleuses, agrestes et solitaires , lorsque pour la pre- mière fois 1l trouve sous ses pas cette mul- titude de fossiles divers , débris des races successives de corps organisés que la puis- sante Nature s’est plu à former, à détruire, pour en créer des modifications nouvelles, aussi immuables que variées ? Au sein de l’'étonnement et de l’enthousiasme, des idées nouvelles , en foule et pressées, viennent se présenter tumultueusement à son esprit ; accablé sous leur poids , attéré de la force des preuves, effrayé de la distance énorme qu'il vient de franchir, il s'arrête ; toutes ses facultés sont pour aïnsi dire suspendues; il a besoin de reprendre haleine et de réunir ses sens étonnés : -un instant , un seul ins- tant linstruit et l’éclaire ; des vues étroites et relrécies , des idées consacrées et minu- tieuses , des préjugés enfin dus à une édu- cation première , tout fuit, tout disparoît ; une lumière pure, éclatante et vive, est venu frapper sa paupière, et un nouvel ordre de choses s'ouvre à ses regards étonnés. IL brûle de pénétrer dans des mystères cou- verts jusqu'alors pour lui d’un voile presque impénétrable , et transporté dans l'obscurité 58 VUES PURE des tems, il s’'indigne des fers qui l’asservis- soient, et c’est alors qu’il les brise sans retour. Le tems, se dit-il , n’est rien pour la Na- ture; c’est un instrument qu’elle tient entre ses mains, dont elle dispose à son gré , et les millions de siècles ne sont rien pour elle: c’est, en les pressant, en les cumulant Jes uns sur les autres , qu’elle est parvenue: au point où elle se montre à mes yeux. : Sa vue perce au travers de l'enveloppe du slobe de la terre, et pénétrant ces couches superficielles de terres végétales’, il s'arrête sur les bancs calcaires; c’est là qu'il ren- contre les dépôts successifs qu'entassèrent dans labime les flots profonds de l'antique Océan, ce père de toutes choses. L'ossature et l’organisation des continens deviennent pour lui l'ouvrage des vastes mers ; les dé- pouilles amoncelées de leurs anciens habi- tans sont les monumens irréfragables qui attestent la haute antiquité du globe et les révolutions qui tour à tour se succédèrent et sillonnèrent sa surface ; elles sont les mé- dailles probantes de la série des siècles sans nombre qui se sont succédés ; elles en offrent et le type et l'empreinte. Tout ce qui tient a celte étude prend dès-lors un caractère GENERALES. 5q auguste .et sacré ; les voyages sur-tout ins- -truisent et éclairent : ce n’est que par leur moyen qu'on peut interroger la Nature dans son domaine , étudier lordre et l’ensemble des choses ; l'inspection du terrain suffit sou- vent pour donner la clef des faits les plus .décisifs et les plus concluans. C’est au milieu - des plaines et au sommet des montagnes, sur leurs flancs déchirés par d’impétueux tor- -rens, ou sur les bords d’un fleuye majes- tueux ou d’une paisible rivière ,que l'attend le jet de lumière qui électrisera ses idées. Ici des ossemens énormes et gigantesques , disséminés au travers d’un déluge de cailloux -roulés , attestent irrévocablement l'existence d'animaux monstrueux , dont les races ont disparu , et qui semblent avoir appartenu à uu autre monde et à d’autres climats (1). Là, des rocs entiers présentent les restes et les débris de races innombrables entre (1) Toute la Sibérie est pavée d’ossemens énormes - qui ont appartenu à des quadrupèdes; Pallas y a trouvé un rhinocéros encore en chair et en os, con- L °1: . Q nl V Le servé au milieu des glaces depuis qu’elles pèsent sur cette partie du globe : ces ossemens se retrouvent en France , en Allemagne, en Amérique sur les bords de POhico, au Pérou, et dans beaucoup d’antres pays; 6o fa VUEËES homme et la brute (1), et en les voyant ; ‘on est forcé de croire à l’existence de peu- plades de cercopithèques , de singes ou d’au- tres êtres encore plus rapprochés de l'espèce humaine , qui vécurent sous les lois d’un pacte social, et qui avant l’homme domi- noient sur la terre; car dans ces catacombes de la Nature on ne trouve rien qui ait ap- partenu au genre humain. De même que les oiseaux , l'homme paroît être arrivé avec eux et le dernier sur la terre ; 1l fut un tems où son espèce n’existoit pas au milieu de la population du globe; et placé à la suite de Finimense série des êtres organisés , il a été le dernier œuvre et le complément des tra- il ne nous est pas possible de donner à cette note tout le développement dont elle est susceptible, parce qu’un volume ne sufliroit pas. (1) Témoins les cavernes de Gaïlenreuth et toute la chaîne de montagnes qui , partant d'Arles, passe par Gibraltar , plonge sous la mer et va se perdre dans les iles de l’Archipel, montagnes totalement formées d’ossemens de quadrupèdes , qu’on a presque tous cru reconnoître pour appartenir à des singes ; les cavernes de Gaiïlenreuth renferment une quantité de squelettes d’une espèce d’ours , et de quelques autres animaux qui peut-être vécurent en société comme le font encore les castors. GENERALES. 61 vaux de la puissance motrice qui préside et pèse sur la planète de la terre (1). Ailleurs , victimes de catastrophes aussi (1) La surface du globe et ses couches intérieures offrent les restes pétrifiés d’une foule de végétaux et d'animaux ; mais parmi ces débris et au milieu de leur entassement , jusqu’à ce jour , on n’a pas encore ren- contré un seul corps pétrifié qui ait appartenu à l'homme. D’anciens auteurs , el notamment Scheuzer et Swedenborgh, voulurent donner à la race humaine des squelettes pétrifiés d’amphibies et de poissons ; d’autres publièrent et firent graver des incrustations comme de véritables pétrifications; maïs, de nos jours, le flambeau de la critique a fait disparoître ces pré- tendues pétrificationus humaines pour les rendre aux animaux à qui elles avoient appartenu, ou aux eaux qui les avoient incrustées d’une conche pierreuse. Il en est de même des oiseaux dont nous ne connoiïssons pas de pétrification constatée; et comme on retrouve presque par-tout des bois, des coquilles et des animaux pétrifiés dont on peut assigner le genre, l'espèce et l’analogie, on peut justement cninférer que, puisqu'on n’a pas encore trouvé dans le sein de la terre des pé- trificaiions humaines ou quelques objets d’arts, que les hommes se seroient faits et qu’ils auroïent fabri- qués pour leurs usages ; qu’il a été une époque où les hommes et les oiseaux n’existoient pas sur la terte, et que leur avènement y date d’une époque moderne, ( Voyez encore sur ce sujet Fortis, Journal de phy- sique , floréal , an huit.} Ge 0 OURS. subites que terribles, les escarpemens des: montagnes entr'ouverts offrent des familles: de cétacés , de poissons (1) ; d'insectes, d’'a- nimaux étrangers au sol qui les recouvre ; (1) Il faut avoir beaucoup vu pour se faire une idée de la multitude d’endroits où on trouve des poissons pétrifiés. Je vais indiquer sommairement les lieux principaux où ils se rencontrent, d’après ni À Vestena-Nova, dans le Vérone À. Schio , dans le Vicentin. À Monteviale, près Vicence. À Tolmezzo, dans le Frioul. À Cerigo, île de Cythère. À Aix en Provence , aujourd’hui département des Bouches du Rhône. , À Scapezzano, duché d'Urbin. - À Mondolfo, dans le même duché. Au promontoire de Foccara , même duché. À Pietra-Roya, dans la Campanie. À Alessano , province d’Otrante. À Vile de Lésina , en Dalmatie. 1 | Au mont Liban. À Œningen, près du lac de Constance. À Pappenheim, en Allemagne. A Aïschstad , en Allemagne. À Eisleben , comté de Mansfeldt. À Glaris, en Suisse. A Montmartre, près Paris. À Saïint-Chaumont, en Lyonnais. À Beaune, en Bourgogne. Et dans une infinité d’autres localités. GE N'E'R AL ES. 63 tous sont ensevelis dans le sein de la terre , et ils forment des couches au milieu des débris de forêts des plantes marines et ter- restrés , et des bois qui autrefois leur offroient une br protectrice et tutélaire. Plus loin , des chaînes de montagnes en- tières , toutes formées de corps jadis marins, dont on ne peut décrire la variété des formes et les irinombrables espèces (1) ; les restes (1) Les montagnes calcaires, à l’exception seule- ment de celles de seconde formation, qui sent dnes aux dépôts des eaux flaviales qui tenoient la matière calcaire en suspension , offrent la prenve de cette vérité : les craies , les chaux , les marbres sont lardés en tout sens d’oursins , de madrepores, de coquilles , et on a retrouvé leurs pétrifications à deux mille cinq cénts toises de hauteur. Don Ulloa ct Dombey en ren- contrèrent à cette élévation au Pérou, dans la chaîne des Cordilières. La masse entière du rocher Lybique, sur lequel sont basées les pyramides , n’est qu’un amas immense d’une seule espèce de corps marins qui y vécurent en famille , et auxquels les naturalistes ont donné le nom de numulaires. On les voit encore en : Champagne où leurs bancs occupent quelques lieues d’étendue ; ils se remontrent près de Beauvais et dans beaucoup d’autres pays. Les sommets des Alpes calcaires sont entièrement formés de coquilles , comme le prouvent les observations d’une foule de voyageurs : “il en est de même des autres chaînes calcaires, qui presque toutes ont consérvé dans leur intégrilé et He VU ES immenses et les bancs prolongés de mol- lusques , dont beaucoup ont été reconnus de notre tems, attestent que ce globe entier n’est formé que des débris successifs de l’anima- lité. C’esl en comparant entre eux les indi- vidus fossiles et ceux vivans, en s’assurant -des lieux où ils existent maintenant, et de ceux où on les retrouve dans l’état fossile , lieux où ils crürent et où ils vécurent, qu’on pourra parvenir peut-être un jour à fixer sur des bases assurées quelques fondemens de la théorie de la terre. La formation de la terre a ioujours été le sujet des méditations des philosophes les plus célèbres ; ceux de l'antiquité la plus reculée solidifié ces dépouilles des âges. Gentil, après son retour de l’Inde, a présenté à l’académie des sciences, des coquilles fossiles , trouvées au Pérou en 1761, à . deux mille deux cents toises au dessus du niveau de la mer ; elles étoient bivalves et du genre des peignes. Ces coquilles avoient fait partie d’un banc très-consi- dérable entièrement coquillier de la montagne qui renferme la mine de mercure du gouvernement d’Ouancavelica , à treize dégrés quatorze minutes de latitude méridionale. Le mercure se soutient à cet endroit dans le tube à la hauteur de dix-sept pouces ; une ligne un quart, et au sommet de la montagne à seize pouces six lignes. (Journal de issu > 17715 tom, I, pag. 456.) s’en GENERALES. 65 s’en sont occupés comme l'ont fait les mo- dernes : les sages de tous les tems et de toutes les nations, tous ceux de lorient, comme ceux de l'occident , nous ont laissé des preuves écrites de leurs réflexions profondes. Mais pourquoi donñerions-nous comme eux l’origine du globe de la terre à des moyens étrangers, à des miracles qui lui seroient individuels, au feu, ou comme le fit Buffon, au choc d’une comète qui seroïit venu labou- rer la superficie du soleil, et projeter dans l’espace les débris du sillon qu’elle auroit creusé , lorsque nous avons sous les yeux un moyen simple et de toute puissance au- quel nous pouvons rapporter sa formation. Si la décomposition de l’eau de lillustre et infortuné Lavoisier , si cette découverte im- mortelle ne peut point être révoquée en doute , si sa recomposition est loute aussi incontestable , le même effet a pu et ïl a dû avoir lieu en grand dans laimosphère immense du soleil. C’est dans cette vaste mer aérienne , matrice de tous les fluides, que les gaz hydrogène et oxigène (1), se com- binant spontanément , formérent l’eau. Cette hypothèse ,qui dans le premier abord () Air inflammable et air pur de l’ancienne chimie. Moll, Tome ÎÏ. MAP 66 : VUES pourroit heurter par sa nouveauté, recoit une nouvelle force par une infinilé de faits avoués par la chimie et la saine physique: tous les jours des gaz se solidifient , les couches actuelles de la terre s’en appro- prient une grande partie, et entre autres preuves l'analyse chimique a démontré que la pierre calcaire renfermoit une grande quantité de gaz acide carbonique , ou air méphitique : la réunion des gaz hydrogène et oxigène est d’ailleurs prouvée par le fait; lun et l'autre constituent ce qu'on appelle peut-être improprement l’élément de l’eau. Maintenant que nous avons créé dans l'atmosphère du soleil une masse d’eau im- mense , elle a dü nécessairement prendre enfin le mouvement parfaitement circulaire que lui imprimoit la sphère d'attraction du soleil, et en subissant les lois de cette im- pulsion, ces eaux durent acquérir la forme d’un sphéroïde aplati ; ce sont là des lois mathématiques, et elles sont consacrées par les démonstrations les plus rigoureuses. Un jour je reviendrai sur ces grands objets dans un ouvrage que je médite sur la théorie de la terre; 11 me suffit ici d'indiquer jusqu'où m'ont conduit mes études, mes voyages et mes observations. En développant mes idées, GENERALES. 67 je pourrai alors m’appuyer de preuves aussi nombreuses que convaincantes, que pour lé moment je dois abandonner pour me ren- fermer:, autant qu'il me sera possible , dans les bornes que me prescrit le sujet que je traite. Nous venons de quitter les eaux, organi- sées en sphéroïde aplati; la puissante attrac- tion’, mobile de l'univers, s’est emparé de leur masse qu’elle vient de lancer dans une route circulaire ; la résistance du frottement leur a donné un mouvement de rotation sur elles-mêmes ; elles sont en marche: elles le sont pour toujours. Le calme s'établit dans leur sein , et une douce température permet enfin aux monades, aux mollusques infu- soires ; à ceux microscopiques , à d’autres mollusques plus grands, aux'innombrables variétés des polypes: madrepores et: tubi- pores , aux mollusques tesläcés ; aux crüusla cés, aux sèches et aux poissons, aux cétacés enfin, de naître et dé parcourir un: cercle quelconque d’éxistence et de vie. Chaque fois qu'ils én virent le terme, leurs'dé: pouilles sé rendirentau centre des: eaux ‘où elles durent:se précipiter par lés lois de la force-centripète ; elles $y'en tassérent succes- sivement ; elles y formèrent un sphéroïde E 2 68 2 À AVATARS 4.9 solide.et:modelé sur la forme de cel aqueux qui renfermoit ce noyau. Voilà la base future de l'habitation de Fhomme ; toute terre est due 'prumitivement aux animaux qui peu- plèrent les eaux; toute terre tire Son origine des débris abandonnés par ces mêmes ani maux, lors de fa fin et du terme de leur existence. Matrice de puissance ‘et de vie, ces eaux protégèrent dans leur sein la naïs- sance des générations. D’autres gaz durent se joindre aux deux gaz primitifs ; ‘celui méphitique sur-tout, dut se précipiter à leur surface ; toutes les expériences prouvent qu'il est celui dont les eaux s’imprègnent avec le plus de facilité ; il se mêla donc avec leur masse, et 1l'ajouta aux moyens d’exis- tence de ses habitans. En s’appropriant une partie de ces gaz, ils crürent et multiplièrent: c’est ainsi que-leur chair et leurs masses reçurent de : l'accroissement :. c’est ainsi qu'ils formèrent leur charpente extérieure et intérieure. Bientôt ils se dévorèrent les uns, les autres; les petits, les foibles ser- virent dé pâture aux plus forts ; aux plus grands, aux plus adroiïts, et cette nourri- ture. ajouta aux développemens de leurs organes. Et en effet, l'analyse des corps nous a maintenant démontré jusqu’à l'évidence , GE N'ÉIR)A'LES. 6q que les muscles, que les’chairs des animaux donnent dé Fair inflammablé; que leurs 68 plus sélides! renferment une grande partie d'air fixe. Ceux de cés'añimaux qui naturel lement 'atteignitent le terme de leur ‘vie; subirent es: lois: qui président à la’ décom: position dé tout être: vivant et dès cette époque première la matière én'mouvement, tourmertée du besoin: d'une : ‘reproduction éternelle, offrit un cercle pérpétuel de wie et de mort, -de néant, de repos et de rééxis teñce ; éllé enfantat 4: Chaque instant dés cofnbinaisons nouvelles, Androgynes d’abord et réanissant les deux sexés} plus tard deux individus de sexe différent transmirenit pat leur ünion intime à: des êtres nouveaux 22) vie qu’ eux-mêmes AvOiEnt reçue! en pAtase, et le terme Lie | éxisténté plas où MOifNÉ prolongée les rendit. &:des:prineipes Duscép tibles de toutes les modifications. © 11010 Le globe intérieur dut done s'augreñter} ét la masse des eaux diminüer graduélles ment; car, en se procrégft; én mufiphiant et croissant dans leur seit, les animatx s’en sont-sûccessivement approprié une parte C’ést avec elle, avec les gaz au coniposent leur essence ; que les madrepores bâtisse leur demeure ; que- les: Hestacés formentleurs E 3 coquilles et, leurs jcuirasses ; que-les poissons queles cétacés font leurs arêtes, et-leurs ‘essemens ; IMMENSES! 5.0 “chaque: instant doit donc: diminuer. Fes volume des eaux, et ajouter à.la:masse-terrestre::et; en:-effet, à la. suite de srècles. incommensurables, elles m'ont plus suffi pour recouvrir eutièreinent la Pnesae du, eanes ‘Pelle esti. PEUR des he sa En 2. sein, 2. none est. fn dé la tezre ; de. celte. terre sur la; surface de, laq uelle:-rampent, d’abord. des. mücus , des plantés humbles, -et hitiorales,, s'élèvent en- suite ides: gramens-des férulacées, des ar- bustes, .des arbres;; et énfin-des forêts: dont lés- {rones: altiers ‘et.-superbes porteront. les rameaux de leurs. sommets dans les: nues; forêts qu’habiteront les, reptiles, les qua drupèdes, les ; bimanes ,; €: : Fhomme. enfin; dernier œuvre dé. la, Nains: Je complé- ment-de ses travaux; enfantenient par Je- quebrélle paroît pour: notre: EiShten :aVoiE ternuné. sen . ouvrage. . 119 dre ed ::C’est donc par les coquilles Fa a 3; et par ces restes: que respecta toujours la faux: du tems;que nôus connoîtrons un jour non seu- lement les révolutions lentes, progressives et réglées ; auxquelles notre planète est, assu- 2 à... GENERALES. 71 jettie ; mais encore les déchiremens spon- tanés et subits, cataclismes de grands dé- placemens et de tourmentes intérieures qui , avec la rapidité de l'éclair , entr’ouvrent les entrailles et bgeyerent la surface de la terré. ;:: | Alors nous dirons en connoissance de cause que tour à tour , à des époques déterminées; les mêmes points de chaque hémisphère subirent les influences de tous les climats; que les mers, dans ce balancement prolongé de leurs eaux , foulent de tout leur poids les terres du nd qu’elles envahissent ; et qu'abandonnant les plages du nord , elles feront disparoître dans la suite des tems,; en les engloutissant , les ‘pitons volcaniques dé locéan Pacifique. Cette propension des mêérs n'est plus un problème ; en réunissant les observations. faites depuis trois siècles , il;n’est pas impossible de prédire vers quelle époque le golfe de Bothnie permettra aux peuples , habitans de ses bords, de par- courir à pied sec ses abimes naguère pro- fonds; un jour viendra que le Sund aban- donné par les eaux offrira à nud les débris de plus d’un triste naufrage; on verra la charrue sillonner le fond de son antique canal, et le cultivateur étonné, en retour- E 4 72 VUES nant la slébe, confiera ses plus chéres éspé- rances aux coquilles variées (1) qu’arracheræ du sein des sables le soc fertilisateur. Ces îles fortunées , témoignage authen= tique d’un añcien ordre social , ces îles des Amis, celles de la Société, que découvrirent et Bougainville et Cook, n’existeront plus. Les peuplades nombreuses des îlés de ce grand Océan, restes de l'immense population ne ) Cette image ; qui pourroit paroître incroyable, ; men est pas moins vraie; quelques localités pré- sentent déjà le mêmé fait ; tout le sol du Vexin offre du sable et des coquilles , et dans tous les cabinets on retrouve des coquillages fossiles de Chaumont. Ilen est de même de la Touraine, de la Champagne, sur tout à Cour tagnon près de Rheïms, dans le Hampton- Shire en Angleterre ; en Soissonnais et. même aux environs de Paris : témoin les nombreuses coquilles jadis marines de Grignon et des autres environs de cétte grande capitale ; toits ces pays nous présentent des. preuves presque modernes d&! séjour des eauxde là mer ; carces coquilles ne sont , pour ainsi dire , point altérées ; les eaux semblent ne les avoir quittées que d'hier, éu comparaison de: presque tout le reste de la terre où ces mêmes bancs coquilliers offrent des marbres et des pierres calcaires dures et solides, mais toujours lardées de corps incontestablement marins quand ils w’ont pas été chariés par Se eaux on ricures et secondaires. GENERALES. 73 qui couvroit autrefois un vaste continent ; ces peuplades sorties de la même tige, et dont l'origine fut commune, auront cherché un autre asyle et une terre moins fertile et moins riante que leurs terrains brülés et fécondés par les feux des volcans, mais plus hospitalière ; ces peuples se réfugieront sur le continent en abandonnant leurs îles, et les cimes des montagnes de ce continent déjà morcelé qui est derrière elles , deviendront des îles à leur tour ; à leur tour submergées par les eaux, elles dormiront au fond des mers pour reparoître dans les siècles à venir. C’est le serpent qui mord sa queue, cercle parfait et sans fin , emblème de Féternité. : Déjà cette vérilé a été sentie ; de grands hommes en saïsirent une partie, et c’est ainsi que, se reportant seulement à une époque des âges , l’infortuné Bailly , cet auteur pro-: fond des Lettres sur lAtlantide, fit descendre le genre humain des vastes plateaux de la Tartarie , terre que les eaux abandonnèrent peut-être pour la millième fois, où des ré-: veurs s’obstinérent à placer matérialement le paradis de notre premier père ,et dont depuis son exclusion , ils font garder les portes par des chérubins armés d’épées flamboyantes , à peu près de la même manière que les 74 OU WAUNEIS monstres étoient placés par nos romanciers autour des jardins d’Armide et des autres eux énchantés. À Il n’en est pas moins vrai que nous pour- rions reculer à une de ces époques renova- trices, l’origine et le terme suprême de la tradition : alors la Genèse , cette révélation sacrée d’une cosmogonie plus ancienne, cet ouvrage d’un génie sublime et profond, qui, sous un voile religieux et mystique; revoile de nouveau les mystères des sciences et des connoissances humaines , est devenue pour nous le recueil et l’histoire de la iradiuon orale : tout, dans ce grand monument de ce que peut un seul homme , nous retrace les cosmogomies qui le précédèrent , et nous y voyons que successivement des hommes .en- treprenans ‘ont asservi, au nom de la Divi- nité, la partie du genre humain que le sort placa sous leurs mains. s C’est dans les hiéroglyphes sacrés des prêtres de Memphis et de Thèbes, que! comme dans le centre commun des con- noissances humaines , on retrouve les traces de toutes les cosmogonies antérieures qui. se succédérent avec les races des hommes, et qui, ensévelies. pour nous dans la nuit dés siècles, ont à peine laissé quelques lueurs GENERALES. 75 de leur existence. Hermès , ce philosophe qui couvrit la Nature dun voile simple , transparent et pur, est déjà loin de nous ; d’autres lésislateurs l’avoient précédé, et les sages de: nos siècles comme ceux de lanti- quité , les brachmanes comme les chinois, Confucius et les gymnosophistes , tous sont sortis de la même école. Ceci posé, les nalions ,successivement ban- mes du coin de la terre qu’elles habitent , auroient, depuis leur existence , subi comme elle tous les genres de destruction; toutes, en dernière analyse , dateroient de l'instant où la Nature jeta l’espèce humaine sur ce globe, à une époque incommensurable comme les- pace , et qu’elle seule connoît. Les livres de Moyse, échos plus ou moins fidèles des traditions sacrées et populaires , nous transmettent eux-mêmes les preuves de la marche des mers : de son tems, la mémoire des hommes se reportoit encore à deux. époques différentes et bien distinctes; l’une entière et l’autre commencée, sont tracées dans le livre sacré. Adam vécut au milieu des sources des quatre fleuves , sur les plateaux élevés de cette même Tartarie ; de la création au déluge les eaux finirent leur 76 | VUES Univers se repeupler une seconde fois. Noé; sur le revers de l’abime du mont Arrarat, sort de larche avec sa famille : on voit ses petit-fils descendre de nouveau du haut du ces plateaux , et ces contrées sont encore une fois le berceau du genre humain : de là les traditions de déluges universels ; et quoi- que morcelant la terre par lambeaux, ils le furent pour des peuples isolés à cette époque, qui, séparés entre eux par des déserts et par des mers, privés des moyens de communi cation qu'ont amenés pour nous le perfec- . tionnement de l’état social , et la multitude d'arts qui en sont la suite , ignoroient qu’ils eussent seulement des voisins, et! qüi se croyoient , comme le faisoient autrefois les chinois, le point central et le seul peuple de l'univers. La partie de la terre qu'ils habitoient devint la proie de la marche des eaux ; au moment de leur fatale irruption, : quelques mdividus purent se sauver dans des barques, où peut-être se trouver sur les sommets de quelques montagnes , et c'est ainsi que nous rétrouvons chez tous les peuples la tradition d’un déluge qui couvrit Ja face de la terre et engloutit ses habilans j en respectant toujours quelques êtres favo- fisés par les circonstances. GENERALES. 53 Voilà comme les eaux, agent le plus im- médiat.et un des plus puissans de tous ceux qu’emploie la Nature, maîtrisent et couvrent le globe de leurs masses profondes ; elles dé- truisent ici pour reproduire ailleurs : mens- true active , elles dissolvent et liquéfent les autres élémens, pétrissent et remanient la matière de nouveau, pour l’abandonner en- suite. sous des milliers de modifications ; par- tout elles laissent des traces accumulées de leur passage, et perpétuellement agissantes, elles renferment ce cinquième élément, cette eau congélative de Bernard de Palissy ; et lorsqu'elles abandonnent la proie dont elles s'étoient emparées , elles sont pour nous le créateur des Alpes actuelles et des Alpes futures. Une tourmente intérieure semble les agiter sans cesse ; toujours en mouvement , elles refoulent sur elles - mêmes , et broïent tout ce qui est soumis à leur incalculable puis- sance ; cette lutte éternelle est une suite des lois de l'équilibre et de la pondération : elles _ doivent muliter contre les eaux des fleuves, qui, tributaires fougueux, viennent apporter des ondes surchargées de vase et de limon. ls coulent tous dans un plan incliné; et dans leur course vagabonde et rapide , ils tendent 78 6 aù LINAUMENS essentiellément à corroder et à détruire ; om lés voit continuellemeñit ronger leurs lits et leurs rives, et se précipiter dans les mers, chargés d’une immense quantité de matière hétérogène, dont ils finiroient enfin par rem- plir et combler leurs immenses : bassins : mais celles-ci, roulées sur elles-mêmes, for- mées d’un élément incompressible ,balancent leurs lames effrayantes ; leurs flots écumeux s'élèvent jusqu'aux nues, et leurs efforts ter- vibles les débarrassent dé tout ce qui: vient les obstruer. Elles minent continuellément le creux de leurs antres profonds , et rejettent sur leurs bords un limon qui, sans cela, dé- plaçant leurs eaux à la longue, les mettroit de niveau en inondant toute la surface dela terre : mais, toujours en pondération ét ja- louses de conserver leur fond dans toute son intégrité , elles le labourent sans cesse ; ici elles creusent des vallées profondés; ét là elles élèvent des groupes de montagnes. Des courans rapides sillonnent dans tous les sens les profondeurs de labime ; et un jour; lors- qu’elles auront transporté leur puissance sous d’autres climats, lorsqu’elles auront laissé à découvert une partie de l’espace que pressent leurs efforts, on verra des fleuves serpenter dans le fond des plaines sabloneuses'entou- GENERALES. 7q rées de montagnes coquillières, vastes bassins que creusèrent les flots agités, et vers la pente desquels se déterminent, à l'époque du dessèchement, le cours des fontaines et celui des sources des monts environnans. Les mers s’'avancent dans leur marche dévoratrice et reviennent dans leur à-plomb reconquérir un ancien domaine ; tout atteste que plus d’une fois elles revinrent dans leurs révolutions circulaires sur les mêmes points, et recouvrirent , après une longue série de siècles , les mêmes surfaces : nous nous con- tenterons d’en citer quelques preuves. La grotte de la Balme , que le peuple lui-même place au rang des sept merveilles du Dau- phiné , est percée naturellement dans une montagne calcaire et coquillière, évidem- ment formée par les eaux; lorsque celles-ci se furent retirées, les eaux pluviales s’'infil- trèrent au travers des couches du marbre ; elles formèrent des stalaclites aux voûtes de la grotte, et leur stillation produisit des sta- lagmites sur le sol , ce qui n’a pu avoir lieu qu'après le départ des eaux de la mer; là, des madrepores , monumens authentiques du second retour des eaux , se sont im- plantés et ont crû sur les stalagmites qui couvroient le fond de cette caverne pro- 80 VUES fonde, antique ouvrage de la puissance des mers, et qu'incontestablement elles avoient déja abandonné au moins une fois. 1il- lustre et savant Faujas de Saint-Fond , mon maitre en minéralogie , et dont je fus l’aide naturaliste au museum du jardin des plantes de Paris , a recueilli lui-même de ces ma- drepores sous la troisième voüte de cette grotte , et l’intrépide Dolomieu en avoit dé- taché d’autres en grimpant dans des fissures et dans des cheminées inaccessibles peut-être à tout autre qu’à lui. Ces faits 1rrécusables avoient été déposés par eux dans le beau cabinet du trop malheureux Larochefou- cuit; on y a vu ces madrepores encore attachés à leur base calcaire de seconde for- mation , et ces échantillons ont disparu comme beaucoup d’autres au milieu des orages inséparables des révolutions ; mais, des faits plus majeurs encore et bien plus évidens , peuvent nous consoler de cette perte ; il nous suffira, pour cet effet, d’exa- muner et de parcourir les côtes de France et d'Angleterre , sur-tout dans la Manche, à Douvres,au Hâvre, à Boulogne et presque par-tout ailleurs. En partant du cap Grisnez, on voit les falaises ou rochers calcaires qui bordent la côte , remplis de cornes d’ammon d’un GENPRALES 6? un trés- grand volume , de turbiniles, de tochlités, de pectinités , de éamités et de mal dreporés pétiifiés, qui ont äppartenti à des mers des pays chauds, comme le prouvent les'änalogues qui nous viennent aujourd’ hui des autres mers (1). | Le pied de ces falaises est baigné acids lement par les flots d’uné atütre mer, par teux de l'océan du Nord, qui y dépossht à à leur tour des coquilles d'un tout aulre genré ét absolument différentes d’éspèces : : ét ce qui ést ehcoré plus étonnant , c’est que je tiens de la générosité du célébre botanisté Desfontaines une "quantité de corps fossilés , œu'il a füi-même recueilli ch Afrique sur les de du Mae à PIS de deux cents fs Héros 5 Hour la eh , l'espèce d : genre dé pétrification, que les corps marins fossilés qui composent l'antique masse des rochers du Hâvre: cetté résséimblance est rêime si forte, qué l'œil le plus exercé né peut plüs les distinguer lorsqu'on les à inêlé et confondus les uns avec les auires (x) Voyez Faujas Saint-Fond , Histoire naturelle de la montagne de Saint- Pierre de Maestr icht ) pag 93 ‘ét suiv. in-fol. Moll. ToxeE I, 1) 83 r *V' RES | On pourroit étendre beaucoup ces exemi ples, mais ceux-ci suffiront pour attester aux plus incrédules le retour des eaux de la mer ; relour périodique, indépendant de ces srandes catastrophes auxquelles tout nous dit que ce globe est sujet; catastrophes ter- ribles , et qui ,plus d’une fois, ont dü renou- veler la surface de la terre. Ici les docu- mens nous manquent , et forcés d’errer à _tâtons dans la plus sombre des nuits, quels sont les témoins qui DOPEr ront nous instruire du choc épouvantable qui jeta notre planète hors de son axe : ce choc la fit incliner de vingt-trois dégrés et demi ; ses fondemens furent brisés Fe ce jour pe ; Jour de deuil pour la terre ; elle vit disparoître ses nombreux Libre, # Nos sens en devinent les effets, et ils. ne peuvent en saisir les causes. Le sénie ardent de l'homme cherche en vain dans l'infini quel est le corps céleste qui, s élançant d’ entre les myriades de millions de soleils qui gra- vitent dans l’espace, vint aborder. le, déisbe de la terre. RE MR Ce ne peut être que dans une ven ces de- sastreuses révolutions dont il ne reste point de témoins , que nous pouvons, chercher l’o- rigine des granits; visiblement formés d’élé- GENERALES. 83: mens divers, leur texture offre à nos yeux un'enchevètrement, un: entrelacis de sub- siances hétérogènes qui ne peuvent provenir que de celles préexistantes. L'analyse mo- derne :vient de retrouver dans les granits la matière calcaire , produit incontestable des seuls animaux; elle vient dy rencontrer l'alkali végétal, produit des. Yégélaux > Et peut-être le granit n’est-1l lui-même que. le résultat de, la cristallisation des. terres calcaires el, végétales tenues en dissolution dans un fluide quelconque et sursaturé d'air inflammable, lors de ces catastrophes qui. doivent tout ramener ait chaos. Cet objet occupe en seb instant la sReRpIseCe, de M mare ras aie mé æ ; et la conversion de la terre calcaire en terre siliceuse. paroît, prouvée : quelque heureux. hasard tranchera peut-être un jour ce nœud gordien. de la Nature. En attendant que. la science fasse ce grand pas, si nous jetons h0S regards, sur lensemble et sur la consti=. tution de notre globe, nous verrons derrière: nous les flots amoncelés, menaçant de recon- quérir de nouveau ce qui fut tant de fois leur proie. et leur domaine; et si nous por-. tons ces mêmes regards en avant, nous. F 2 SE en 0 ne verrons le dos de leurs lames mugissanted fuir devant nous; chaque siècle elles firent un pas, et le téms seul peut les suivré dans leur marche solemmellé. | ‘Les eaux passérent au dessus dés continens ; et tout, dans cette Nature que nous interro= geons, est leur ouvrage ; tout cé que nous voyons nous anhonce üH modé nouveau de la matière calcaire; et depuis la simple co= quille décolorée. » confondue avec le sol que nous foulons sous nos pas, jusqu'aux pics cal- caires , argileux , granitiques , pics groupés et pyramidaux, cristaux immenses auxquels Poil lui-même réfute de croire, et si bien démontré és pa Pazümot, rôts déchärnés, re= sardés jusqu'ici conne des Monuthens d’un ronde ana, qu'on donnoit à des feux violens, à des éaux en ébullifion ! torites ces” modifications dé la matière! soi dués aux caux de la mer, ‘qui, en $ ’émparant d’âäbor& : de la térre calcaire, débris dés ähimatx, ét! ensuité de la terre argiléuisé , produit des: végétaux, oût fornié avec ces detix bases! Res oû réuniés, toutes les roches qui conse | tituent Possature de la planète dé Ta terrét Entrainés invinciblement par l'étendue ét? l'importance de la grande série d'étrés'animes! dont nous s allons dcéite: ét les formés ét leg: GLNERALES. 85 mœurs, nous venons de. nous livrer aux réflexions qui naissent naturellement à l’as- pect de la vaste et immense carrière qui s'ouvre devant nous; chaque pas que nous allons. y faire nous fera apercevoir des faits aussi étonnans que merveilleux; chaque pas, en ajoutant à notre surprise et en stimulant notre admiration, ne peut que nous électriser de plus en plus. L'existence , la vie et les habitudes particulières des sie eo et principalement celles des mollusques tes- acés, leur prodigieuse variété, et plus encore que tout cela, la génération spontanée de leurs derniers échelons, doivent plonger dans l'étonnement leurs observateurs. En faisant Vhistoire des, êtres connus qui viennent se ranger sous chacune des divisions que nous -avons indiquées, nousappuyerons davantage sur les développemens et sur.les faits plus ou moins singuliers qu'ils offriront à nos regards, et leur étude individuelle viendra confirmer .ce .que nous n’ayons encore fait -qu’entrevoir d’une manière rapide. Les der- niers rangs sur-tout arrêteront nos regards ge et nous serons forcés d’assigner une cause à leffrayante uplraion des individus qui les composent. La génération spontanée viendra :s offrir F 5 FE 86 CNE ARE naturellement ? à nous. Plus nous avancerons “vers le terme de lanimalité , vers les der- niers dégrés de Féchelle des animaux, non pas ‘encore des animaux microscopiques, mais ‘de ceux que nos sens peuvent apércevoir, ‘et qui sont visibles à Poil nud ; plus nous ‘avancerons vers cette extrémité , et plus les individus, _. nous pourrons y rencontrer , ‘seront simples ‘dans leur orgarisation. Par “une dégradation insensible nous aurons passé par une foule d’échélons intermédiaires ; dans les uns, nous verrons se resserrer ‘et ‘disparoître peu à peu les organes CxtérIeUrs ; ‘les membres qui se projettent hors du corps “dans les animaux fortement organisés, ren- tirent dans celui des animaux dont lorgani- sation intérieure n'est point aussi compliquée, et on pourroit croire que, moins les viscères intérieurs occupent de place, plus les mens- bres extérieurs, forcés de se. rapprocher du céntre, se répliént, sé concentrent et tenderit à se réunir au tronc. Chez d’autres animaux "ces parties intérieures 4 ’oblitérent, se sup priment ; et cette oblitération dèvient'extré- mément rapidé, lor sque ; arrivé aux poly pes, où ñé trouve’ plus de traces dés principaux viscères qu’une longue habitude nous à fait regarder comté ésséntiels ‘à l’éxistence. . GENERALES. 87 . À ce dégré, un simple sic musculeux cons- titue l’animal ; on ne lui voit et on ne lui reconnoît plus de cerveau, de tête, de cœurs et, pour ainsi dire, rien de tout ce qui devroit exister chez un être, si on vouloit le comparer aux animaux dans qui le cœur et le cerveau paroïssent être le séjour du principe du mouvement : cependant ce po- lype vit; il raisonne ses mouvemens; il saisit sa proie, et, en l’engloutissant , 1l la dévore; il est enfin doué d’une vie très-active; et si on ne le voyoit point agir et se mouvoir à volonté, s’il restoit immobile à nos yeux ; loin de le regarder comme un animal, à peine lui accorderions-nous une faculté vé- gétative. Dés millions d'espèces d’êtres ani- més sont précédés par le polype, et toujours, en se dégradant, leur organisation devient encore plus simple. Là où nos yeux ne suf- fisent plus, là où notre vue en défaut ne peut plus pénétrer, nous appelons Îles mi- croscopes à notre secours, et par leur moyen nous plongeons dans un nouvel univers; des millions et des milliards d'espèces d’animaux _se montrent comme par enchantement, ef Jeux nombre paroît devoir remplir Fespace. Mais, comme à la vision naturelle, il existe üun terme à celle que nous devons à Part, 88 x NUE S pous. ignorons le point de la petitesse des derniers animaux microscopiques; ceux-là sout suivis cependant par d'autres, et ce m'est plus qu'à Pimagination qu'il.est permis d'ailer s’enfoncer dans celte obscure nuit. Cependant plus on s'avance vers le terme des êtres que l’œil peut apercevoir, et plus leurs multiplhications sont entassées, nom- breuses et pressées, leurs générations sont rapides, promptes. Chaque jour en voit plu- sieurs se succéder, parce que chaque mdi- vide, tige d’une immense famille, parcourt dans. peu d’instans le cercle de son existence, ou plutôt le moment de sa naissance .est souvent celui de sa jeunesse, de sa maturité et de sa mort; le tems, les circonstances peuvent seuls mettre des bornes à cet étrange envahissement. Cette abondance, ce flux de génération, s'il m'est permis de.me-servie de cette expression , a lieu par-tout où une douce température permet aux particules harmoniques. de s'organiser; par-tout où um, chmat et une chaleur favorables permettent | qu germes de’se développer et de parvenir à la vie par l'épanouissement de toutes leurs facultés, Ces germes. se multiplient et, se propagent avec une vélocité ineoneevable: on, voit des myriades d'insectes faire la GENERALES. 39 Buerre aux plus grands animaux ; et si des catastrophes aériennes ne venoient pas su- bitement réprimer leur invasion , après avoir anéanti les animaux, anciens habitans du com de la terre qui les vit éclore, ces insectes envahiroïient le globe, ils envahi- roient tout l’univers. Mais heureusement il est des bornes à cette extension : la Nature, indépendamment des grands moyens de pro- duction , en a aussi de destruction ; dés qu'une force agit, elle en comprime d’autres, et à l’instant une réaction puissante s'établit. Tout ce qui est froissé semble se conjurer contre la puissance nouvelle, qui annonce aux autres leur extermination; elle est com- primée à son tour de toutes parts, et l’ins- tant de son essor est presque toujours celui de sa chüûte : tout se balance , tout est en pondération , en équilibre dans la Nature, et elle paroïît avoir posé à chaque espèce des bornes qu'elles ne dépassent pas impuné- ment. Le moment de leur élévation est aussi celui de leur décadence; et rejetées, pour ainsi dire, dans le néant, elles y at- ‘tendent, en végétant, que des circonstances favorables viennent leur rendre une nou- velle énergie. Dans les tems et dans les climats chauds, 00 « VUES dans ceux sur-tout où une tempéraiuré régulière pendant neuf mois de l'année n’est jamais troublée par le moindre nuage, Pani- malité paroît se développer avec bien plus d'énergie que dans les clinrats froïds et glacés du nord. Ces pays fortunés sous tant de rapports, fourmillent d'insectes et d’animal- cules : l'air , la terre et les eaux se peuplent de molécules animées ; il semble que la matière agitée et pressée du: besoin de pro- duire, anime le sein de tous les élémens; ils s’animalisent et semblent vouloir se mon trer sous les formes palpables de la wie. Cette fécondité s'annonce avec une rapidité extrême; mais, source d'êtres différens ; on les voit se faire entre eux une cruelle guerre; des millions de générations s'élèvent contre des millions de générations d'espèce diffé- rente; ils se tuent , ils se dévorent ; la briè- veté de leur vie vient encore les frapper au milieu de leurs sanglantes et mortelles que- relles, jusqu’à ce qu'un ouragan plus terrible et plus prompt encore que la foudre vienne les balayer et en débarrasser la surface de la terre. Il est hors de doute que quelques espèces ont disparu , et cela doït être ; maïs c'est ainsi que tout reste dans l’ordre; c’est ainsi qu'aucune espèce ne vient dominer sur GENERALES. 92 toutes les aütres, parce qu’une espèce domi- natrice ne peut exister que par la destruction desautres ; et si elle existoit, elle seroit encore la proie de modes de destruction propor- tionnés à l’ascendant que se seroit arrogé cetlté espèce privilégiée. La race humaine en offre l'exemple, quoiqu’elle détruise plus à elle seule que toutes les autres. Non seule- mentil n’est pas au pouvoir de l’homme d'anéantiir les nuées de sauterelles qui vien- nent dévaster ses champs et porter dans ses habitations l'épidémie et la mort; mais au sein de ses demeures, les plus chétifs insectes lui livrent des assauts conlinuels , interrom- pent son repos , et vivent à ses dépens sans qu'il ait pu les exterminer jusqu’à ce jour ; trop heureux encore si des querelles politi- ques, armant les hommes contre les hommes, ne viennent pas les faire s’entr’égorger , et amener au milieu de la dévasiation et du carnage la solitude du désert , là où naguëres existoient des péuples industrieux et dés cités florissantes. | S1 l’organisation de la matière nous pré- sente autant de phénomènes , les modes qu’adoptent les êtres créés pour:leur multi- plication et leur génération, ne sont pas moins étonuans ét également variés : si la 02 LIVE TE ES malière est susceptible d'adopter toutes les formes, elle lest aussi d'adopter toutes les modifcalions, qui cependant ne paroïissent que secondaires et une suite naturelle de lor- ganisation que ses particules auront adoptée ; tel être doit marcher et tel autre ne peut que ramper, parceque l’un est pourvu de jambes; et qu’elles ont été refusées à l’autre. Il en.est de même dans la multiplication de l’espèce: tantôt, et c’est principalement dans les ani- maux microscopiques que celte générätion a lieu , le corps se fend en deux , chaque partie se refend de même à son tour, et dans quelques heures le nombre des ani= maux ainsi éclatés s'élève, par la double pro: gression, à un nombre tout aussi incalculable que les grainsde sable des bords de lamer(x)), et cela souvent dans le seulespace d’un jour. (1) On est quelquefois forcé d'appeler à son secours des comparaisons triviales quand elles peuvent con- tribuer à ce qu’on veut exprimer avec June certaine clarté. Cette progression double qui , au premier aper+ çu, ne paroît quetrès-peu de choses,s’élève cependant avec une rapidité qu’on ne peut croire que lorsqu’on. en a l'expérience. Un empereur de la Chine y fut trompé. Un de ses mandarins, qui avoit inventé le jeu des échecs , le présenta à l’empereur, et lui em ayant expliqué les diverses combinaisons, il fit naître G E NEESR/AYL ES. 95 Dans les classes qui viennent se placer immédiatement à côté de celles-ci , et dans d’autres qui les précèdent, la multiplication à ce prince l’idée de jouer à ce jeu , et d'apprécier par lui-même lesprit de calcul qui avoit présidé à son invention. L'empereur fut enchanté; il voulut récom- penser le Îe mandarin , ; et il lui permit de choisir lui- même ce qui pouvoit le flatter le plus, en lui donnant sa parole royale qu’il n’auroit rien à lui refuser ; il est à croire que l’empereur connoissoit la probité du magistrat envérs lequel il s’engageoit avec autant d'abandon , et la demande du mandarin nous prouve qu’il méritoit touté la confiance de son souverain, à qui'il voulut même donnér une leçon afin qu’il ne s'engagea plus: à l'avenir dans des promesses incon- sidérées et dont on auroit pu abuser. . @. Je demande ;. dit-il, ._à votre majesté , non seule- ment en récompense 4 mon invention, mais encore de mes services , qu’elle daigne m’accorder autant de grains de ris que pourront en produire: les'cases dé mon échiquier en commençant par un , et en doublant successivement leur produit »...... Tont.le ris de la Chine, celui même de dix récoltes wauroit pas suii pour acquitter le don indiscret du monarque , et c’est de quoi pourra se convaincre tout fecteur qui voudra sé saisir de sa plume et. déubler sénlement quelques cases. Que sera-ce donc d’une muitiplication redou- bléé , qui se diviseet se sous-divise ,, en se redivisant ä droite et à sauché, et dorit les premières séparations sont déjà inçcalculables ? Tel est cependant le mode 9 © EE CNTURESS s'opère par bouture et non plus par éclats ; comme dans les êtres dont nous venons de parler ; je dis non plus par éclats, parce que les polypes , livrés à eux-mêmes, ne multi- plhient que par des espèces de rejets ou de boutures qui les séparent de leurs corps, quand ils sont arrivés à l’état de polype parfait. L'art et les hoinmes les ont hachés en mille manières, et chaque atomerde polype a produit un polÿpeé. Ce fait est entiè- rement pour nous ; 1l prouve que ; dans lé même aninal, la Nature-peutavoir renferme plusieurs. principes de reproduction ; et dès ce moment ,:sorti de ses maïns, l’animal livré à lui-même peut subir une foule d’accidens: ces accidens peuvent intérvértir son mode de reproduction primitif; mais il en a éncore d’autres en réserve dont il pourra se servir au besoin , et qui ajouteront. de. nouvelles rain on à à: son organisation. primitive : et on peut en inférer que s’il existoit des cir- constancés où les polypés seroient constat : Lu" LARPT A ; 1320 3 4 CS RE: & | de reproduction d’une foule d'êtres animés, et cette reproduction n’est pas encore la plus rapide; ilen exisie d’autres qui ne permettent même: pas à:la pensée de les np ni à l'esprit del pouvoir les coin- prendre. ment hachés , dE en Al dro Fe races d'animaux qui ne se multiplieroient plus, ni par ramificalion , m1 par bouture, mais par des sections ou des coupures multiplées. Dans l’ordre naturel, le polype croît sur le corps de sa mère dont 1l paroit faire une protubérance , jusqu’au moment Où, par- venu à sa maturité et désormais en état de multiplier à son tour , il la quitte pour aller vivre dans l'isolement, et donner le jour à d’autres familles. Mais chez eux la multiphi- cation , quoique, très-forte , n’est. plus aussi considérable, l'animal est déjà plus organisé ; et dès-lors ses générations ne se osé dent plus dans le nombre et dans cette rapidité que celles des animaux moins organisés. Le polype croît et se développe à l'extérieur, et le polype est vivipare: ce mode de génération nous conduit insensiblement à ceux qui nous paroissent le complément de la. gestation , au lieu de croître en dehors; le petit , chez d'autres animaux ,; prend son accroissement en dedans du corps , et de là une foule de modifications. Tantôt androgynes, ou réu- nissant les deux sexes dans toute la plénitude de la. chose , des races entières d'animaux mâles et femelles tout ensemble, se fécon- dent eux-mêmes, et attendent pour le faire 06 R VUES que la Nature , l'âge et la saison aient parléf d’autres sont hermaphrodites ; des jouissance solitaires ne sont plus leur partage ; il faut qu'un autre être, doué commie eux des deux sexes , ait senti lé besoin impérieux de la reproduetion ; pour venir lui fairé ressentir les transports et le bonheur attachés à dés plaisirs partagés ; ; et ailleurs C’est un peuplé entier qui, comme dans les planotbes , ée livre, à des époques marquées par Ja N aturé, à une LCPEORICRES générale et à des Joüis— sances d’où dépendent là conservation de’ leurs races. | En remontant vers des êtres dont lorga füisation est plus compliquée , bientôt les sexes se séparent ; mais , fidèle à ses lois, 14 Naiure ne les sépare point par une scission brusque et inattendue. Dans les poissohs , 10 | inäle suit sa femelle : jamais de doux éin- brassemens ne viendront Fintérésser äu sort düre. progéniture qu il peut adopter en la fécondant ; mais qui a été conçue sans lui. Ce n'est que chez les quadrupèdes , ét sur iout chez Thomme , et Seulement chéz l'homme civilisé , que lé sentiment a su émi bellir des hens souvént tissus par lé bonhéur: ? 4 l'homme social aie sa Conipaghe, il repof te Sur le frttit de ses amours une partie de seÿ plus GENERALES, 97 plus douces affections , et toujours > quand il voit ses éenfans , ils lui rappellent des jours de tendresse , d'abandon et de bonheur. La génération spontanée fut admise par toute la sage et la savante antiquité, et les anciens bons observateurs avoient vu qu'il existoit un mode de génération dû à des réunions fortuites de lieux, de substances et de température : ils s’'étoient assurés, comme tout nous le prouve à nous-mêmes, qu'une faculté procréatrice et productive étoit répandue dans l'espace ; que ses molé- cules tendoïent perpétuellement à s’unir, à se conglomérer, et que de ces combinaisons il naissoit spontanément des êtres organisés , qui, tantôt éphéinères , disparoissoient au moment de leur apparition, et qui, dans d’autres Cas, doués d’un principe de vie plus actif ou placés dans un état de choses favo- rable à leur conservation et à leur dévelop- pement, acquéroient avec le tems un volume très - considérable. De constantes observa- tions leur avoient aussi prouvé que ces êtres dûs à une réunion fortuite , ne s’accouploient pas toujours avec les individus de cette espèce, et leur grande sagacité étoit partie de ce point pour établir plusieurs modes de reproduc- . ÆMoll. Tome I. œ O6) VUES tion, Moins bien partagés que nous du côté des instrumens et de tous les moyens auxi- liaires que nous pouvons appeler à notre secours, les anciens, sur bien des choses, étoient cependant plus avancés que nous: depuis des tems immémorés les prêtres, les médecins et les philosophes se transmettoient leurs notions et leurs connoissances ; presque toutes se perdirent pour nous à l'époque de la destruction de l'empire romain , qui fut suivie par la barbarie et l'ignorance la plus. profonde : et aujourd’hui que le feu sacré de la science brille dans tout son éclat et em- brâse par sa flamme vive et pure tous les peuples policés, nous retrouvons à chaque instant, dans le peu de ces anciens auteurs qui ont échappé à la destruction , une foule de faits d'accord avec les Gén mo- dernes , et qui ne nous permettent pas de douter qu’ils n’eussent acquis des connois- sances profondes dans toutes les branches de la philosophie. Mais, lors du renouvellement des sciences, une compression religieuse est venu ployer sous un sceptre de fer le génie de l'esprit humain ; elle l’arrêta dans son essor, et il fut obligé de lutter péniblement contre elle. 11 reste aujourd’hui de grandes questions à examiner, et de ces questions il en est même GENERALE na, 99 quelques-unes qu'on hésitera encore d’abor- der pendant quelque tems. Espérons tout de la hberté civile et religieuse : respect aux lois et liberté de conscience ; voilà les seules bases du repos social, de la tranquillité pu- blique et individuelle si rares parnni les hom- mes, parce qu'en voulant les maîtriser dans leur conscience et les asservir , on a toujours voulu bannir la raison et la vérité, et faire disparoître ces deux filles du ciel de dessus la surface de la terre. Craignons l'intolérance religieuse ; c’est le pire de tous les fléaux ; . car plus implacable encore que l'intolérance politique, elle égorge froidement ses victimes : et qui, plus que les sciences exactes, peut opposer une digue à ses fureurs ? Le fana- tisme haït la lumière, parce qu’il doit craindre le grand jour; aussi le vit-on opprimer de tout tems le génie , et actuellement l’hydre paroît vouloir se relever de nouveau: chaque jour elle essaie de porter des coups aux sciences et aux hommes qui les cultivent:; il est tems de se réunir contre elle si on ne veut la voir écraser tout de nouveau. Chaque jour elle compte un succès, et ce n’est pas sans le plus profond étonnement qu’on lit dans la Pré- face d’un livre qui traite de grands objets | G:2 ROO VUES d'histoire naturelle (1); livre traduit par un auteur qu'on regarde comme naturaliste: «que tous les naturalistes sont essentielle ment des athées». Eh ! grand Dieu, que vous ont donc fait les naturalistes pour jeter contre eux un cri qui a été et qui pourroit encore devenir un cri de proscription et de mort ? Quant à nous, intimement convaincus de existence d’une puissance suprême, éter- pelle et source de toute existence, nous voyons qu'elle arrive à son but par tous les moyens qu'il n’est pas même en notre pou- voir de deviner, peul-être y arrive-t-elle par le plus simple de tous, comme celui qui seul soit digne d'elle; et äussions-nous, comme Socrate , rencontrer quelque Anitus et boire la ciguë , pour avoir reconnu la puissance d’un être supérieur à un Jupiter ou à un Apollon de bois, à une Minerve, une Vénus ou un Mercure de pierre, et à toutes les autres divinités, grandes et petites, instituées par la rapacité et par la soif de l'or et de l'ambition, cette vérité n’en sera pas moins constante et éternelle. (1) Lettres géologiques de. Delue, lecteur de la reine d'Angleterre, traduction imprimée à Paris aw commencement du dix-huitième siècle. ur « GENERALES, 101 Nous voyons donc une force expansive régir. les lois du vaste univers ; une seule chaîne l’arrête quelquefois au milieu de sa puissance : ensevelie sous le froid, compri- mée par la glace, alors seulement elle se repose et ne produit plus rien. Mais ce tems n'est pas l’époque de la mort de la Nature, c'est seulement celui de son repos ; si le moindre mouvement vient effleurer cette surface glacée, si une douce chaleur vient pénétrer sa masse inénergique et consolidée, voilà le soufle de la vie : il est venu l’animer, et autant elle étoit immobile el inanimée, autant maintenant elle va devenir féconde, parce qu’elle est agitée par le principe de la vie. La Nature y tend perpétuellement ; et ce qui, pour les animaux et les végétaux, est le terme de leur existence momentanée sous leurs formes actuelles, leur mort et leur destruction ne sont point telles pour la Na- ture ; elle y puise au contraire de nouvelles combinaisons et de nouveaux modes d’exis- tence ; le froid seul, comme nous l'avons dit, enchaîne sa puissance, et c’est au froid et au retour de nos hyvers qu’il faut peut- être attribuer l’anéantissement ou le som- meil de ces épais nuages d’animalcules düs à la génération spontanée, qui n’existent que G 3 102 1 VUS d’une manière éphémère, qu’un rayon da soleil voit éclore, et que son : ‘absence fut évanouir. Accoutumés à classer toutes les produc- tions de la Nature sous trois règnes, nous avons établi d’une manière fictive les déno- minalions de règne animal, végétal et mi= néral ; cette classification arbitraire peut, à la vérité, aider notre mémoire; et être par= faitement d’acéord avec la foiblesse de nos moyens ; mais l’est-elle pour la Nature, et alieint-elle à som immensité ? J’ose dire que non. Au nrilieu de cette classification j Je ne vois rien qui me rappelle lair, ses modifica- tions ét ses météores : n'est-il pas pr ouvé de nos jours que l'air, qui peut-être est l’élé= ment universel, se combine et se modifie au point de devenir méconnoïssable 4 nos yeux; Himpide et diaphane par lui-même; pur et éxtrèmement compressible , impalpable ; ne le voÿyons-nous pas constituer Pean, et sous cette forme devenir le plus incompressible de tous les agens connus ; tantôt éthéré et pur, il n’est plus assimilé à nos organes ; et tantôt mélangé, ne vient -il pas constituer notre air atmosphérique? Et, d’un autre côté, si l’un des principes qui constituent cet air atmosphérique , si Pair méphitique domine, x GENERALES. 103 ne nous frappe-t-il pas , et ne nous donne-t-il pas la mort? Si le gaz inflammable domine, ne s’enflamme-t-il pas et ne se présente-t-il pas à nos sens sous les formes du feu ? Que sont d’ailleurs les chairs, les graisses , le sang des animaux ? N’est-il pas constant qu’ils ne sont autre chose que de l'air inflammable ; nos os, le marbre lui-même et les pierres (1) calcaires ne renferment-elles pas une quan- tité considérable d’air fixe? et tous ces faits ne nous prouvent-ils pas que l'air est le protéc de la fable qui peut revêtir toutes les | formes, et se mélamorphoser en feu, en eau; en terre, en pierre, eu bois, et se reproduire sous aspect de tous les corps animés. 51 nous voyons l'air former sous nos yeux des corps aussi apparens , pourrons-nous lui refu- ser la puissance de créer une foule d’autres êtres plus où moins compliqués ? Nous devons regarder cet élément comme un vaste ensemble de particules harmo- niques qui constamment tendent à se réunir, (1) C’est au docteur Black, célèbre chimiste écos- sais, que nous avons obligation des premières analyses exactes de la terre calcaire; en 1761 il démontra dans cette terre l'existence de l'acide aérien, gaz méphitique , gaz carbonique ou air fixe. G 4 104 | Ve UNS: à s’agglomérer et à former des êtres vivanss c'est-à-dire, susceplibles d’une modification de plus que la matière en elle-même, et que les particules harmoniques isolées. Du mo- ment que ces particules peuvent se réunir " du moment qu’elles ont une tension pour le faire, elles le font, et les combinaisons de ces réunions sont au dessus de tout calcul. Ll est à croire qu’une fois créées, le hasard seuf a présidé à leur réunion; tantôt il n’en a xéuni que deux, et cette réunion stérile n'aura rien opéré, et ailleurs, lorsqu'il s’en est réuni assez pour construire un édifice propre à la vie, la vie est venu l’animer., elle en a fait un animal : plus loin, élevan£ ‘un édifice encore plus parfait, l'animal a été doué de plus d’attributions encore, et celui-là a pu, en éternisant sa race, procréer son semblable. Je sens que ce raisonnement peut paroître très-hypothétique et que de grands préjugés viendront le combattre; mais je sens. aussi tout ce qui me manque pour mettre cette opinion dans toute son évidence. Un jour viendra, et ce jour n’est pas loin, ot des hommes plus habiles que moi ones ront là théorie de l’air, et prouveront que tout ce qui existe pour nous, que les êtres, qui forment l’ensemble des trois régnes de. GENERALES. 105 “a Nature, ne sont que des modifications de l'air. Et en effet, si nous admettons qu’il peut quelquefois se solidifier, qu’il peut quel- quefois former des corps palpables, ne pour- rions-nous pas aussi concevoir qu'il prend et revêt quelquefois des formes propres à la vie. Cette vie elle-même, dans son acception commune, n'est qu'un mot; elle est pour nous le point suprême de l'existence; et les animaux jouissent d’une vie ou d’une exis- tence animale, comme les végétaux d’une vie végétale et les minéraux d’une vie mi= nérale ; car les végétaux croissent et les mi- néraux augmentent ou se transmuent; parmi ces derniers il en est quelques - uns dont la manière de s’'augmenter nous est cachée, mais aussi, et principalement dans les cristallisa- tions, nous pouvons saisir ka Nature sur le fait et la suivre dans son travail, en nous emparant de sa molécule primitive (1). De ces pierres la plus dure, le diamant, n’est autre chose qu'une masse cohérente et con- : (1) Minéralogie ‘et cristallosrvaphie d'Haüy et de, Romé de l'Ile. Voyez aussi Leeuwenhoeck , An. nat, tom. I, pag. 5. Buffon ,tom. XVII, pag: 29 de cette édition. 106 & 6 VTUMENS , densée d’air inflammable comme l’avoit soup- conné Newton, et comime la prouvé LL chimie moderne. | Et en effet, si nous prenons un cristal de féld-spath, dont la cristallisation lamelleuse offre un cube très-alongé, nous verrons ce cristal se séparer sous le marteau en d’autres petits cristaux de même forme; ces pelits cristaux se diviseront en d’autres parfaite iment semblables, et cette subdivision, tou- jours la même , nous conduira aux atomes Mmicroscopiques qui, encore lamelleux et cris- tallisés, nous offriront le type de la molécule primitive du feld -spath, à laquelle, dans Vorigine, sont venu se réunir successivement: des molécules homogènes et de même na- ture, pour en former enfin un cristal qui acquiert quelquefois la grosseur du bras. > C'est ainsi que , par la réunion spontanée des particules harmoniques , les êtres se sont formés par échelons ; les unsavec une vie plus active que les autres ; les uns avec des:parties sexuelles , et les autres en étant absolument. dépourvus ,-et de là tous ces modes de re- production et d’accroissement, par.rejels , par bouture ; par adjonction , par division ; par laccouplement, et enfin par une mul- ülude de modes qui nous sont connus, où GE NE R°A'L ES. 107 d'autres encore qué nos observations ne nous ont pas fait reconnoître , et qui peut-être nous séront cachés à jamais. Ces particules harmoniques , en cela semblables à des in- sectes microscopiques que nous connois- sons (1), doivent être doués d’un principe bien actif ; car, d’après l’ordre des choses existant , nous pouvons croire qu'elles sont perpétuellement en mouvement et en acti- vité, se recherchant , se combinant et for- mant dans telle et telle circonstance des êtres animés ou inanimés. Ces productions spon- tanées doivent être beaucoup plus rares aujourd’hui qu’elles ne létoient dans les premiers tems du globe , et lirrégularité des saisons doit naturellement s'opposer aux progrès de la création animale. Quelle que soit la cause qui ait fait incliner l'axe de la terre , il n’en est pas moins constant qu’il est hors de son à-plomb de vingt-trois dégrés et demi , et que cetle inclinaison est la cause de l'irrégularité et'du changement des sai- sons: Avant que le globe eût essuyé cette catastrophe , un printems perpétuel embel- ; (1) Le rotifère, les anguilles du bled ergoté, etc. que nous pouvons rendre tour à tour au repos et à Vactivité. 108 VUES : lissoit la surface de la terre , et à cette époqué des âges , des froids rigoureux ou une tem pérature inconstante ne s’opposoient pas à la création des êtres animés ; lorsqu'ils arri- voient à l’existence , les variations de lat- mosphère ne détruisoient pas encore les iravaux de la Nature : c’est. à cette époque qu'on peut rapporter l'apparition et la for- mation des grands animaux , et peut-être de toutes les espèces qui peuplent encore main- tenant le globe de la terre ; tout ayant changé depuis , la Nature, contrariée dans ses productions , voit maintenant se détruire dans un instant des milliards d’êt:es qui ne lui coûtent aussi qu'un instant à procréer. Des germes peuvent rester enfouis , et c’est ce qui est arrivé dans les parties du globe qui ont été envahies par le froid : les poles extrêmes ne produisent plus rien , parce qu'un froid rigoureux y enveloppe tout. La Sibérie , qui autrefois a nourri des rhi- nocéros, des éléphans et d’autres animaux d’un climat chaud et bienfaisant , est com- primée aujowd’'hui par les glaces et par les rimats , et ces animaux , ainsi que beaucup d'autres, ne vivent plus pour elle : maïs, st le globe reprenoit son à-plomb , si une cons- tante et douce température se rétablissoit > GENERALES. 109 il est probable que la Nature s'y repro- duiroit sous ses formes anciennes , que les mêmes animaux ou d’autres analogues vien: droient la repeupler, et qu’on y verroit repa- roître les mêmes races qui y existoient avant cette catastrophe ; les plantes repousseroient sur les terres alors fécondées par les rayons du père de la lumière, et il est prouvé que leurs germes , éminemment vivaces, se con- servent intacts au sein de la terre. On a vu des terrains bouleversés reproduire; après un siècle, des plantes qui y avoient crü autre- fois, qui s’étoient perdues même et dont les graines s’étoient enfoncées dans la terre (1). (1) Les semences des plantes se conservent très- long-tems dans le sein de la terre, quand elles y sont enfouies à une profondeur assez considérable pour les priver de tout contact avec l’air. Quand on fait à Paris un transport de terres un peu considérable au jardin des plantes, on voit repousser avec étonnement des plantes qui avoient disparu depuis de longues années : comme ces végétaux qui se remontrent ainsi sont étrangers, on ne peut méconnoitre leur origine, et on est forcé d'attribuer leur apparition aux se- mences perdues et ensevelies de ces anciennes plantes que des voyages de botanique y avoient apportées. D’un autre côté on sait que l’habile physicien Humbolt a rendu la vertu prolifère à des graines qui avoient um siècle de vétusté , par le moyen de l’oxigène, 110 à TNT US: | Nous Dourrions encore parler. à ici des mo= difications secondaires qu’éprouvent les êtres abandonnés à eux-mêmes, quand ils sont sortis des mains créatrices de la Nature; ‘ces modifications sont quelquefois tellement éloignées qu'il est impossible de reconnoître deux individus de la même espèce (1). Mais, entrer dans ces nouveaux détails, seroït (1) Beaucoup de plantes changent de figure, et deviennent méconnoissables quand on les transporte | loin des lieux de leur naissance. Le célèbre botaniste Thouin rapporta des Alpes, sous le nom je crois de salix alpina où pumila , un petit saule naïn, argenté et charmant; il crut avoir fait anne heureuse acqui- sition, et à son retour il s’empressa d’en donner à quelques botanistes qui le cultivèrent comme lui avec le plus grand soin. Dès le second été ce saule quitta sa petite taille et sa jolie parure, ses rameaux se développèrent en s’alongeant , et ce saule en minia- iure devint le saule narceau ordinaire, qui sur les Alpes avoit adopté les formes d’un nain en quittant la sienne , qu'il reprit sous un climat moins rigoureux que celui des montagnes. On connoît la renoncule Ut oe qui se plaît particulièrement dans les eaux des fossés; elle y fleurit et y laisse précipiter sa graine. Si le fossé vient à se dessécher , la graine lèvera parfaitement, mais elle offrira une plante d’un tout autre aspect que la renon- cule aquatique , et elle ne reprendra ses formes ordi- GENERALES. 114 nous enfoncer dans un système complet de génération, et ici nous ne voulons parler que de la génération spontanée; en consé- quence nous devons nous renfermer dans notre sujet. | Aristote admit la génération spontanée ; ce philosophe, dans la distinction générale des animaux qu'il divise en trois espèces, classe ere naircs que lorsqu'elle sera baignée par le retour des Eaux. | : Moi-même J'ai demeuré quelque tems sur les bords de la mer du Nord; je me plaisois à rechercher dans les dnnes quelques plantes maritimes pour les trans- planter dans uu petit jardin où je suivois leurs méta- morphoses; les unes disparoissoient , et les autres changeoient d’ane manière presque incroyable. Le beau thitimale maritime changeoit son tirse élégant “li une large tige divisée en rameaux, et un charmant rame £ à côles rouges , à feuille épaisse et qui en tout n’étoi, pas plus large que la main, resta vivace; mais, dès la seconde année il couvrit plus de deux toises carrées par le jet de ses tiges. Jai choisi ces exempies entre mille pour prouver les modifications nouvelles que les êtres peuvent adopter en raison de certaines circonstances. Ne pourroit-on pas rapporter à cette. cause les différences qui existent entre les diverses espèces de chiens, de chats, de chevaux, de buffles, de rhinocéros , de l’homme, de certains mollusques, et enfin de tous les êtres existans sous divers climats ? . #12 Je EN UN BIS dans sa troisième tous ceux qui sont le pro duit, dit-il, de la pourriture ; et qui ont pas été engendrés par des animaux de même | espèce dia eux. Nous n’invoquerons pas les nombres har= moniques de Platon, ni la métempsicose des ‘Brachmanes et de Pithagore; et sans nous appuyer ici des passages des poëles de l’an- tiquité, que nous pourrions citer en foule, nous nous contenterons de dire que Virgile paroît les avoir tous réunis dans son poëme des Géorgiques, où Protée enseigne au ber- ser Aristée le moyen de se procurer de nouvelles abeilles en assommant un jeune taureau, pour obtenir par sa putréfactioh, c’est-à-dire, par la génération spontanée, de nouveaux essaims, Nous ne nous arrélerons pas sur le mot de putréfaction ; mais il, st constant que, dès que l’alkalescensce #'est emparé d’une substance quelconque, cette substance devient une matrice propre au développement d’une multitude de parti- cules ar oeues Je ne parle plus ici de ces insectes qu’on y voit éclore , parce que d’autres sont venus y déposer leurs œufs; mais, des jus de viande ont été versés bouil- lans dans des vases de verre, qu’on a im- méciatement bouchés avant que ces liquides eussenk \ GENERALES. 119 eussent le tems de se refroidir, et des animal cules se sont montrés dans ces liqueurs en putréfaction, comme dans toutes les autres qu’on avoit laissées en contact avec lair libre. La génération spontanée a été recon- nue de nos jours par des hommes justement célèbres. Buffon , convaincu par l'évidence, Padopta dans toute sa plénitude , et lui don- nant même une certaine extension ; il lui attribue la formation des vers qu'on trouve si communément dans les intestins, les vis- cères et jusques dans les veines des ani- maux (1). C’est au superflu, à la portion non digérée du lait, qu'il donne la pro- duction des vers qui attaquent l’homme presque dans le moment de sa naissance (2); et si d’autres vers se développent dans lac- croissement de l'individu, c’est encore à uue surabondance de matière organique , et à son séjour dans quelques parties de l'animal, qu’il accorde la génération spontanée des tænia, des ascarides, et de tous les autres vers (3). Ce n’est qu’en parcourant les auteurs qui (1) Buffon, tom. XVIII, pag. 56. (2) Idem, pag. 280. (5) Idem, pag. 227, ub. sup. Moil, Tone I. H 114 VUES : ont écrit sur les vers, qu’on peut se faire une idée de leurs éiranges opinions sur leur formation ; tous ceux qui ne Youlurent point admettre leur génération spontanée se sont trouvés dans le plus grand embarras, vou- lant expliquer comment ils étoient venu sé loger dans des endroits presque inaccessibles du corps des animaux , où leur découverte né permettoit plus de révoquer en doute leur existence. On lés voit souvent chercher à s’égarer eux - mêmes par des suppositions et des sophismes qu'ils auroient vigourèu- sement combattus, si d’autres qu'eux eussent émis ces opinions , qui, presque toutes éma- nées d'hommes célébres à juste titre, peuvent, en piquant notre curiosité, nous prouver à quel point l’esprit humain peut abberrer ; lorsque ; repoussant la lumière et lexpé- rience , il ne veut plus suivre d'autre route que celle qu’il vient de se tracer à lui-même. WVagler (1) prétendoit que les vers entroient dans le corps humain par l’haleine et les baï- sers des nourrices. Buchan (2) écrivit que (1) Naturforscher, ou scrutateur de la Nature; Journal allemand, tom. XIV, pag. 100. (2) Médecine domestique , traduction de l’anglais , seconde partie ; chap: 24: GENERALES. 115 t&’étoit par le lait que enfant pompoit dans les mammelles de sa nourrice, qu’il avaloit le germe des vers qui venoient se développer dans l’intérieur de son corps; d’autres attri- buoient l’origine de ces vers à l'air, aux ali- mens, aux boissons que les animaux avalent; mais, comme certains vers de l’homme n’ont aucune ressemblance avec ceux qu’on re- trouve dans les autres animaux , dans les poissons ou dans l’eau, ils admirent des méta- morphoses, et ils vouloient que les vers chan- seassent de forme en raison de la trituration ou de la nourriture. C’est ainsi que Frisch (1) prétendit que le tænia ne devoit son exis- tence qu'aux ascarides , et que ce ver si singulier étoit dû au changement que ceux- ci avoient éprouvé en arrivant dans le corps de l’homme , comme l'ont cru d’autres au- teurs , par la nourriture et en mangeant des poissons ou des animaux qui avoient des vers; ou par des œufs, qu’ils firent entrer de même dans notre corps, soit par l'air, soit par 1a boisson , soit par la nourriture. De ces œufs il pouvoit en éclore de diverses espèces dans le corps de l’homme, selon les différentes matières qui s y trouvoient. Ces œufs étoient UN uns A ma di gti ie à pin ES (1) Mélange de Berlin , tom. IT; pag. 47. H 2 ñ 16 VUIES | comme les graines des végétaux, dont les unes serment dans de certaines terres, et les autres dans d’autres : en sorte qu’une per- sonne dont le corps abonde en une certaine humeur , fera éclore des vers d’une certaine sorte ; celui dont le corps abonde en une autre humeur, en fera éclore d’une autre sorte ; et celui enfin en qui il n’y aura au- cune humeur propre pour les œufs des vers, n’en fera éclore aucun , et sera exempt de vers ; semblable en cela à une terre qui, n'étant pas propre pour, certains grains, en pourra être toute ensemencée sans qu’au- cun puisse y germer (1). Mais, si l’on demande à Dionis comment cette semence a passé dans le corps d’un homme, il répondra , de con- cert avec Andry, qu'il n’est pas plus difficile que cette semence se trouve dans les alimens que la semence d’une ‘infinité d’autres vers ; qui sont dans les fruits, dans le fromage, dans les herbes ; et d’ailleurs , disent-ils , la semence de ces vers a peut-être passé avec la substance du père dès le tems de la con- ception ; ou enfin , le germe des vers peut _ avoir été dans celui du fœtus. (1) Dionis , Dissertation sur le iænia, pag. 8; Paris. Lemercier. | GENERALES. 117 Les plus courageux cependant, se refu- sant encore d'admettre la génération spon- tanée , admirent une génération innée (1), et dirent que la véritable destination des vers étoit de vivre dans le corps des ani- maux. On les voit appuyer leur sentiment de tout ce qui pouvoit le faire adopter ; mais, que cette génération soit innée ou quelle soit spontanée , que la semence des vers passe dans la conception avec la substance du père , ou que leur germe soit dans celui du fœtus , tout cela reyient à peu près au même; et après avoir tourné dans un cercle vicieux, nous reviendrons toujours au point d’où nous sommes partis, c’est-à-dire, à la génération spontanée. Ceux qui adoptent cette géné- ration, se serviront même , pour soutenir leur opinion , des preuves et des faits qu’al- lécuèrent les auteurs qui ont parlé de la génération innée, de l'entrée des vers dans notre corps par l'air, par les baisers des nourrices , par la liqueur spermaltique du pêre , ou par tous les autres moyens qu'ils purent inventer. nc (1) Bloch, Traité de la génération des vefs, tra- duction Pa neo pag. 03. nt Treuttel, ann. 1788. H 3 | #’ 118 VUES | Cette génération spontanée des vers a lieu dans plusieurs parties du corps des animaux, non seulement dans celles où comme, dans les intestins , lPaccès seroit facile à leurs germes ou à leurs œufs, mais, dans des parties hermétiquement renfermées et mo- ralement inaccessibles à des œufs, en leur donnant même la plus extrême ténuité ; et que sera-ce donc, si lon veut avec Lin- uæus (1) et Schœffer (2), que quelques-uns entrent sous leur forme de vers dans ces parties dont l’abord est, si bien défendu , comme ils l’ont cru de la douve du foie des brebis (3), qu'ils ont dit ne pouvoir être avalée par ces bêtes à laine que lorsqu'elles vont boire l’eau des mares et des ruisseaux ? Maïs comment , en supposant même leur existence dans ces eaux, les vers pourroiïent- ils se frayer un chemin au travers de la nourriture qui remplit l’estomac de ces ani- maux ? Comment résistéroient-ils au broie- ment et à la trituration qui met en pâte et en bouillie ces alimens ? Comment ne (1) Syst. nat. edit. 12, pag. 1077. (2) Abhandl: von. der egeln der Schaafe ; ou Traité de la douve des brebis. (3) Fasciola hepatica, Linnæus. GENERALES, 119 seroient-ils pas entraînés par le mouvement ondulatoire qui tend continuellement à faire descendre ces mêmes alimens? Et en suppo- sant qu'ils y résistent, peul-on s’imaginer que , s'adressant directement à l’ouverture du conduit cholédoque , ils puissent le par- courir et arriver au foie et à ses vésicules par les conduits hépatiques et cistiques , tan. dis que cette ouverture du canal cholédoque est fermée par une soupape ou valvule qui la houche si exactement, et qui est unique- ment destinée pour empêcher que rien ne puisse entrer dans ce conduit du cûté des intestins. ? Lu Seroïit-ce par la même voie que le ver vésiculaire teniæforme d’'Harlman (1), de Ruysch (2), de Frisch (3), de Daubenton (4), de Pallas (5) et de Bloch (6) , qu’on trouve renfermé dans les vésicules du foie de la souris des champs, de la souris domestique et de la chauve-souris , seroit parvenu à sé (1) Miscellan. natur. euxi. dec. 5 , an. 2, obs. 193. (2) Ruysch , Op. omn. vol. T, pag. 17. (3) Mél. de Berlin, tom. VI, part. I, pag. 127. (4) Hist. nat. (5) Diss. des inf. viv. pag. 51; et Miscell. Zooloz, pag. 168, tab. 12, fig. 12 et 13. (6) Bloch, Traité de la gén. des vers, pag. Bo. H 4 120 VUES va loger dans ces vésicules, où tout prouve qu'ils n’ont cependant pu arriver du dehors sous cette forme ? Est-ce à la même origine ou à une pe qui lui seroit voisine , que nous pourrions attribuer l'existence du ver vésiculaire her- mile (1) que Thyson (2), Bartholin (3), Peyer (4), Muller (5), Linnæus (5), Pallas(7), Koelpin (8) et Bloch (a). n’ont trouvé que dans les cavités de l’abdomen et du thorax , dans ces cavités qui n’ont aucune commu nication avec les vaisseaux auxquels s’accro- chent, comme à une dernière ressource, ceux qui ne veulent point admettre la génération spontanée. Tous les observateurs ont ren- (1) ZLombricus Loeb Thyson, Phil. transact. vol. XVIT, n° 195 , pag: 506. | (2) Bloch, Traité de la gén. des vers, pag. à (3) Ova in porcis. Barth, cent. 2; observat. 875 pag. 293. (4) Æydatis animata. pue Miscell. nat. cur. dec. 1, ann. 7, obs. 206. (5) De wasserblase. Mull. (6) ÆLydra hydatula. Lin. (7) T'œnia hydatoidea. Pallas ; Elen. Ro n° 415; n°,2;: (8) Koelpin , Misc. nat. cur. berol. vol, ï. , p- 350. (9) Bloch, Traité de la gén. des vers, pag. Ba. GENERALES. 191 contré ce ver vésiculaire, tantôt dans le bas- “ventre des brebis et des animaux ruminans; dans le foie et attachés intérieurement au dos des lièvres ; dans l’épiploon et sur le dia- phragme du singe; dans la rate et dans le poumon du cochon ; dans le bas-ventre des hommes : gros comme un pois dans le Jièvre, il grossit dans les animaux ruminans et dans l’homme ; il devient gros comme une noix dans le singe; et enfin dans l'intérieur du corps d’un porc, il acquiert quelquefois la grosseur de la tête d’un enfant; et s’il n’étoit pas inné ou produit dans ces parties par la génération spontanée, quelles seroient donc les routes que nous. pourrions lui faire par- courir pour arriver au terme ? Il en est de même de la bandelette des poissons (1), qu'on rencontre constamment dans leur bas-ventre et jamais dans les intestins ; ellé semble même les fuir ; et quand ce ver presquecartilagineux est arrivé à une certaine époque de sa vie, il perce , il brise tout ce qui peut s’opposer à son passage ; el c'est au travers des muscles et des chairs du poisson qu'il se fraye un chemin pour venir se perdre et périr à la (:) Fasciola intestinalis. Linn. Fasciola lineûris longa. Faun. suec. edit. 2, pag. 505, n° 2076. aux | VUES | lumière du jour. Il paroît même choisir de préférence les endroits les plus épais et les plus charnus; et en labourant le corps de animal qui lui sert de berceau et de demeure, c’est ordinairement vers la nageoiïre dorsale plus que vers tout autre endroit que tendent ses efforts : 1l traverse les chairs, perce la peau, et vient se jeter dans l'eau où il périt presque aussitôt. … D'après leur existence dans les parties inaccessibles et intérieures du corps, les vers ou mollusques annelés, que nous venons de citer , ne peuvent y avoir élé introduits du dehors ; et nous ne pouvons en conséquence les PA que comme des productions de la génération spontanée. Mais, dira-t-on, nous sommes convaincus, et vous l’êtes vous-même, qu’il existé des semences et des germes d'animaux que le microscope ne peut lui - même nous faire apercevoir ? Par leur extrême petitesse , ces germes peuvent et doivent se glisser par- tout , rien ne peut s'opposer à leur introduc- tion ; et on ne peut douter avec raison qu’il n'existe dans tout le corps animal uue seule membrane qu’ils ne puissent traverser. Nous répondrons que cela peut être vrai jusqu'à un certain point, et que, si ces germes étoient GENERALES. 133 eux-mêmes des vers actifs et agissans, ils perceroient sans doute au travers de tous les obstacles , comme ceux de certaines espèces le font au travers des tégumens d’un cadavre; mais ce cadavre, privé de vie et dépouillé de sa force vivante et énergique , ne leur oppose plus de résistance , rien ne peut là les arrêter : dans un être vivant, de pareilles attaques entraînent nécessairement avec elles des douleurs, des contractions, des maladies, et cependant des vers existent chez :es ani- maux sans avoir fait remarquer leur arrivée par ces symptômes ; ce n’est au contraire que quand ils existent, quand ils sont muül- tiphés , et quand ils ont acquis une certame maturité, qu'ils avertissent de leur présence par tous les désordres qu'ils font naître dans l’économie animale. Les vers sont donc intérieurs avant de pouvoir se manifester à l'extérieur. Mais il y a plus : les vers naissent avec nous ; il n'existe, pour ainsi dire, point d'animal qui n'apporte avec lui , dès le sein de sa mère , des vers que la génération spontanée a fait éclore en même tems que le principe de la vie est venu s'emparer de son fœtus encore endormi. Non seulement on a trouvé 224 VUES des vers dans des enfans (1 ), dans des agneaux (2) dans des veaux (3) à la mam- melle ; mais on les asretrouvés vivars, déve- loppés et agissant dans le foetus lui-même. Rousseus (4) a trouvé des ascarides en quantité dans des animaux qui n’avoient pas encore vu le jour; Hartman (5) a décou- (1) Linnœus trouva des vers dans les intestins d’un de ses enfans, mort à l’âge d’un peu plus de deux mois, et qui n’avoit encore pris que le lait de sa mère. (De corp. palpit. pag. 155.) Dolæus rencontra un peloton de ces vers dans les intestins d’un enfant mort peu de tems après sa naissance. (De Morb. infant. Liv. 5, cap. 10.) Blumenbach, disséquantunjeune chienaussitôt après sa naissance , trouva le canal intestinal rempli d’une quantité innombrable de tænia. ( Haudbuch der nat. ou Manuel d’hist. nat. pas. 21.) Wepler vit de même une foule d’ascarides longs dans Pintestin ilium d’un jeune chat. ( De cicuta, pag. 383.) (2) Bloch trouva , dans un agneau à la mammelle, les douves du foie ; il rencontra même une fois dans un pareil agneau un tænia de sept aunes de long. { Bloch, ubi suprà, pag. 86.) Raulin rencontra aussi un tænia fort long dans uH agneau à la mammelle. ( Observ. sur le tænia.) (5) Valisnieri écrit qu’un veau qui tetoit renfermoi® des ascarides. (Opera in-fol. vol. I, pag. 271.) (4) De Morbis, lib. 4. (5) Miscell. natur. cur. dec. 1. an. 6 et 7, obs. 189. GENERALES. 125 vert des douves dans un agneau qui n’étoit pas encore à terme; Brendel (1), en dissé- quant un fœtus, rencontra un peloton de vers qui encombroit l'intestin grêle, et Hippocrate dit lui-même que le tænia s’en- gendre dans l’enfant au ventre de la mère; sentiment et observation qui, loin d’être combattus, ont été adoptés par Andry et Dionis (2). Bloch s’est encore appuyé de tous ces faits pour confirmer son système (1) Voyez Pallas, Diss. de inf. viv. pag. 59. (2) Hippoerate dit que souvent ce ver s’engendre dans l’enfant au ventre de la mère. Mais Dionis y joint que cela ne peut être que par l’œuf qui s’est in- sinué par le moyen du chyle dans le sang de la mère, qui sert de nourriture à l’enfant. Quelle ne seroit donc pas la route que Dionis fait parcourir à cet œuf du tænia ; d’abord avalé avec Ia nourriture qu’a pu prendre la mère, il seroit descendu dans l’estomac avec les alimens, delà trituré et broyé; mais ayant conservé toute son intégrité, le voilà voituré avec le chyle, il passe dans le sang, parcourt avec lui toute l’habitude du corps pour enfin aller se loger dans le fœtus; et quand il seroit prouvé que le fœtus vit du sang de la mère , quelle longue et dangereuse route cet œuf n’avoit-il pas à parcourir pour arriver à bon . port, et par quelles filières n’auroit-il pas à passer ? Toutes ces difficultés ne peuvent que faire repousser l’existencedes œufs,des vers et du tænia horsdes corps. (Voyez Dionis , Dissert. sur Le tænia , p. 13, à la fin.) 126 VUES de la génération innée ; et comme aucum de ces faits ne permet pas qu'on puisse le révoquer en doute , nous devons croire que, puisque les vers se manifestent non seule- ment chez les nouveaux-nés, mais encore dans les fœtus et dans les embryons, ils y sont le résultat d’une génération spontanée. Et, en effet, si nous examinons la structure des organes de la génération dans les ani- maux, sur-tout chez la femelle, comment sera-l-1l possible de supposer que des vers ou leurs œufs, ou leurs germes aient pu se glisser dans la matrice, percer le chorion, l'amnios, enfin toutes les membranes qui enveloppent le fœtus ; le percer lui-même, se faire jour au travers de sa peau, de ses muscles, de ses tégumens, de ses viscères naissans, et venir se placer au milieu de son organisation animale ? une pareille hypothèse sera toujours difficile à soutenir. À quelle époque de la gestation et par quelle voie ces vers s'introduiroient-ils dans cette matrice? car nous ne devons plus parler des germes mi des œufs, qui, sans énergie, ne peuvent forcer aucun obstacle, ni percer aucune membrane. Ces vers pénétrèrent-ils par le col de la matrice? on sait qu’à l'instant de la conception il se resserre hermétiquement, de nn 2 de Se GENERALES 9 et ñe permet plus au moindre atome d'y pénétrer. Cette matrice elle-même, comme l’a très-bién définie lillustre Blumenbach (1), peut être regardée Comme un animal ren fermé dans un autre animal; autant elle étoit nulle avant la gestation, autant elle devient active après la conception ; elle entre en travail et se distend dans tous les sens; elle repousse tout ce qui l’environne, et; douée d’uné sensibilité exquise,; des vers ne l’attaqueroient pas impunément, dans le tems d’une grossesse, pour l'individu à l'or ganisation de qui elle appartient, Des vers ne viennent donc pas la traversér; des vers ne viennent donc pas percer des membranes qui enveloppent le fœtus,-et-ils ne percent pas ce meme fœtus, où cependant on en trouve très-souvent et quelquefois de très- (i) Ce célèbre professeur de Goœttingue ; que j’ai eù l'honneur de visiter chez lui , a prouvé d’une manière aussi ingéniense qu’évidente, que la matrice est un corps animal qui existe dans un autre animal, mais qui ne peut exister sans lui; tandis qu’une femelle peut exister et continuer de vivre sans matrice : effective ., ment la matrice, ne s’éveille qu’à de certaines époques et sur:tout au moment de la gestation ; alors elle sort de sa léthargic et Joue le plus grand rôle dans l’éco- homie animale des animaux femelles et vivipares. 128 : VUES ; grands. On ne peut donc y attribuer leur existence qu’à la génération spontanée. Aujourd’hui nous connoïissons une quan< tité de ces vers, graces aux travaux des na- turalistes du nord; nous pouvons les com- parer entre eux et avec les autres animaux. Parmi ces derniers, les vers intérieurs n’ont aucun añalogue, et on ne les retrouve plus quand on abandonne les animaux qui leur servent de demeure. Unzer (1) et Lain- næus (2) prétendirent avoir trouvé des tænia libres et errans dans les eaux; mais en exa- minant la chose avec altention ,. Pallas (3) réfuta ce fait viciorieusement. Wettsiein trouva aussi à plusieurs reprises la bandelette : des poissons dans un vivier ou réservoir de Brémes. Il les avoit encore regardés comme des vers qui nageoïent dans un élément propre à leur existence (4); maïs Bloch prouva que ces vers n’éloient autre chose que ceux qui venoient d'abandonner ce (1) Magasin d'Hambourg, vol. VIII, pag. 315. (2) Amoœn. tom. IT , pag. 03. | (5) Diss. de inf. viv. pag. 57; et Elench. zooph. pag. 407. (4) Mém. de Suède ; vol. XXII, pag. 161; et Bloch, ubi supr. pag. ?. poisson , GENERALES. 129 poisson, et qu'ils étoient arrivés au moment de leur destruction. Depuis tous les natu- ralistes ont réuni leurs efforts , et ces efforts ont été vains, pour retrouver dans les eaux ou sur la terre les analogues des vers inté- rieurs, qui ne se rencontrent qu'exclusive- ment dans le corps des animaux. Ceux qui se sont le plus occupés des vers intérieurs, n'en ont jamais pu retrouver un seul qui existat ailleurs ; et comme ils se trouvent toujours et constamment dans les animaux ; qu'ils ne peuvent pas subsister autre part, c’est dans le corps de ces animaux qu'il faut chercher leur origine. Nous avons vu qu'ils y naissoient et sy développoient spontané- ment, et qu'on ne peut y attribuer leur existence qu’à une réunion fortuite de cir- constances et de particules harmoniques. Ces vers sont même tellement inhérens aux endroits où ils se sont développés, qu'ils re les abandonnent jamais sans perdre Ia vie ; et, malgré tous les soins qu'on a pris pour prolonger leur existence, on n’a jamais pu y réussir qu'à l'égard de quelques indi- vidus et pour un très-petit nombre de jours ;. ce n’est que dans le corps des animaux, dans leurs intestins et dans leurs viscères qu'ils trouvent la nourriture qui leur est propre, Moll. Tone I. 1 “ 4130 D\ WT DES qu'ils vivént et qu’on peut les reñcôntrer à - ils ÿ prospèrent ; par-tout ailleurs ils ne peu= vent plus exister , et c’est en vain qu’on les a plongés, pour cet effet, dans des liquides échauffés au mêmé dégré que la chaleur naturelle ; tous y oït constamment péri. Mais dans leur séjour ordinaire ils semblent au contraire braver les mouvémens ét lac- tion dissolvante dés liqueurs : destinés à la trituralion , à la digestion et à la chilifica- ion , ils restent intacts et vigoureux; et ils choisissent même leur demeure habituelle dans les lieux où des racines , des herbes sèches et dures , et d’autres corps très-solides sont réduits en bouillie ; où des os , et sou= vent des coquilles , sont dissous et convertis en mucilage ou en substance graveleuse. Ces vers frèles en apparence résistent au con-= traire à toute l’activité du suc gastrique , aux broyemens des fibres musculaires de l’es- tomac et des intestins ; les os, les corps cal- caires et d’autres tous aussi durs, sont réduits en pâte à côlé d'eux sans qu'ils en souffrent en aucune manière ; ét au milieu de tant d’agens destrueteurs , ils restent dans leur intégrité , ils y vivent intacts comme dans le seul lieu où ils peuvent puiser l'existence . €t la vie, dans le lieu où la Nature les à GENERALES. 151 placés par une génération spontanée , pour ÿ parcourir un cercle quelconque d'existence, sans pouvoir être attaqués par les mêmes agens qui détruisent par la digestion les par- tes des végétaux et des autres animaux, et qui détruisent même les vers des autres ani- maux qui servent de nourriture. Si, d’un autre côté , les vers ou leurs sermes entroient dans le corps des animaux par la boisson ou la nourriture, dès lors tous ces germes , également conformés , pro- duiroient les mêmes vers , et nous devrions retrouver les mêmes espèces dans les diffé- rens animaux qui viveni ,sur le même sol, de la même nourriture et de la même ma- nière. L'expérience cependant vient encore contredire cette opinion , et elle nous dé- montre que presque chaque genre d’ani- maux , et même beaucoup d'espèces , ont leurs vers particuliers et quin’appartiennent qu’à elles ; les tænia de l’homme ne sont plus ceux des oiseaux ni des poissons ; et des oiseaux qui, comme les plongeons et les hérons , vivent de poissons , devroient renfermer les mêmes vers qu'eux , sils devoient leur existence à des œufs qui ren- fermassent les vers qui se trouvent dans ces poissons : mais on ne voit rien de tout T 2 a52 : VUES cela , et chacun de ces genres d'animaux renferme des espèces de vers qui lui sont particuliers ; jamais même on ne trouve dans les hommes , les quadrupèdes ou les oiseaux, les vers qui appartiennent aux poissons ; quand ceux-ci sont engloutis, leurs vers, hôtes parasites, partagent leur sort et. sont broyés dans l'estomac de l'animal qui les a dévorés , sans que celui-ci se ressente jamais d'avoir avalé des êtres qui étoient aussi incommodes pour leurs victimes. Dès ce moment ces vers sont donc livrés à la des- truction qu'ils avoient bravée si long-tems dans leur premier et naturel asyle, où, comme le dit fort bien Bloch, ils étoient innés , et, ce qui revient au même , où la génération spontanée les avoit développés. Enfin dans de certaines'circonstances, des humeurs particulières ont pu donner lieu à la génération spontanée d’une foule de vers ; de sages médecins en ont vu dans une quan- tité d’épidémies ; d’autres, en généralisant ce système et convaincus par les cas nombreux que leur avoit offerts une longue pratique , ont vu, dans les vers et dans leur génération , la source de toutes les maladies qui affligent l'humanité et l’animalité; èt si quelques-uns ont repoussé cette opinion, ils n’ont pu aw GENERALES. 193 Moins se refuser à reconnoître que les vers ct leur génération étoient la cause de cer- taines maladies. S'il nous falloit recueillir ici ce qu'ils en ont dit, et citer leur auto- rilé, un volume sufhiroit à peine pour re- cueillir de simples notes sur les observations qu'ils nous ont transmises. Mais il nous suffira d'établir qu'il n’est aucun animal , aucun organe , aucune partie animale, qui ne puisse être envahie par la génération spontanée ; d’après les modes multipliés que cette géné- ration peut adopter (1); elle paroît aujourd’hui se renfermer dans les formes multipliées des vers, et ces formes sont en général extrême- ment simples. Les cas où elle crée des in- secles sont très - rares, et maintenant la maladie pédiculaire est un phénomène. Ces réflexions pourroient nous conduire à de très-srands résultats; mais nous devons nous borner pour le moment à notre sujet, nous (x) D'où vieudroient done, sion ne veut pas admettre cette génération, l'animal de la galle (*), celui des dartres , celui de la lèpre, et peut-être ceux de la maladie vénérienne, de la peste et probablement d’une foule de maladies qui viennent nous assaillir quelque- fois si spontanément ? {*) Acarus scabiei. Linn. 154 VUES. renfermer dans la génération spontanée, et terminer toutes les preuves que nous venons de rassembler par une dernière. Aucun de A nos organes ne peut se soustraire à l’action de cette génération, et j’invoquerai, à l'appui de cette assertion, ce ver que Spiegel trouva dans l'humeur vitrée de lœil d’un cheval (1). Il nous reste à examiner une question importante. Les vers intérieurs ont-ils des œufs, ou n’en ont-ils pas? Les vers intérieurs se distinguent-ils en mâles et en femelles? Il me semble que l’une et l’autre de ces hypo- thèses ne sont point parfaitement établies. Dans cette question difficile , je ne dois pas me dissimuler qu'il s'élève contre moi des autorités redoutables ; les vers intérieurs ont des œufs, et tel a été le sentiment de Muller, de Linnæus, de Bloch, de Pallas, de Bonnet, d'Andry, et d’une foule d’autres auteurs, tout aussi justement célèbres, qui ont vu ces œufs, qui les ont examinés avec attention, qui en ont découvert des millions dans chaque individu , et qui les ont représentés dans leurs nombreux desseins; ils ont même vu ces corps qu'ils appellent des œufs, acquérir de plus fortes dimensions, grossir et changer de couleur; et certes, j’ai long-tems vu comme (:) Boñnet , Sepulch. liv. 1, pag. 422. GENERALES. 135 eux, el Je ne veux pas ici contester contre la vérité. Mais un seul de ces auteurs a-t-il vu ces corps ovales où globuleux, quelque- fois mème anguleux ou carrés, se fendre et. produire un animal vivant? Je crois que non; plus je les lis, et plus je vois que donnant tout à l’analogie, assurés par le microscope de l'existence de myriades de globules ou de corps autrement conformés qui remplissent la peau de presque tous les vers, ils ont cru que ces globules étoient leurs œufs, et ef- frayés de leur masse immense, ils n’osenk plus pénétrer au delà; tant d'œufs supposent une multiplication prodigieuse ; les vers ce- pendant n'existent pas ordinairement dans une immense quantité, et que deviennent alors tant de germes formés qui doivent ou s’anéantir, ou parvenir à la vie? Nous voyons Leeuwenhoeck , Swam- merdam , tous les infatigables bé se servant du microscope , et en dernier lieu Andry (1) et Bloch (2), admettre l'existence de ces œufs et les retrouver en si grand nombre , que, « si on les touche avec la (1) Andry chèz Dionis, pag. 15. (2) Bloch, de la gén. des vers , pag. 9, 15, 16,17, 21; 24329 ; 28, 36, 46, 59,73, 79, 92 : 14 be VUES pointe d’une épingle, ce qui demeure attaché à l’épingle, ne füt-il pas plus gros que le” plus petit grain de poussière, paroît par le microscope un amas incroyable de petites boules ». Mais, si ces observateurs avoient ainsi soumis dans le même instant à leur microscope toute autre liqueur animale que celle que renferme la peau des vers inté- rieurs; s'ils avoient pris pour objet de com- paraison le chyle ou le sangrouge des quadru- pèdes, ils auroient de même enlevé avec la pointe d’une épingle un amas incroyable de petites boules ; car, soumis au microscope , notre chyle et notre sang ne sont qu'un amas de globules, qui tous ‘roulent les uns sur les autres; el pourroit-on nous persuader que ces globules de notre sang sont les œufs de la race humaine? Ce sang rouge chez nous et chez d’autres ’animaux, se change et se transmue en une Jymphe blanche chez les animaux sans vertèbres : cette lymphe y est constamment composée de molécules qui, au microscope , sont toutes globuleuses, et qui dans d'autres in- dividus admettent d’autres formes, comme dans les observations de Bloch (1).: | ER A PRO AU M A 1 (1) Bloch, ibidem, PP ER" CE GENERALES. 137 Jamais ni lui, ni moi, ni personne, n’avons vu ces globules produire un ver; et avec lui on a vu souvent les vers se fendre dans toute leur longueur et donner le jour à une foule de vers déjà tout formés (1); et ayant acquis une certaine longueur, parce que, peut- être parasites à leur tour, ils s’étoient formés spontanément dans le corps de ce même ver, el c'est ainsi que quelques auteurs ont pu croire à leur métamorphose. Si ces corpus- cules étoient des œufs, ils devroient éciore, et jamais ils ne l’ont fait, même quand on lur a présenté une maiière et .une cha- leur animale propre à leur développement, (1) Bloch, bi supr. le crinon vivipare, pag. 74. Le capuchon vivipare, pag. 77. Le chaos intestinal cordi- Jorme, pag. 8r. S'il m'est permis de joindre ici mes propres obser- vations , je dirai, qu'ayant plongé deux ascarides dans Peau tiède, ils s’y fendirent dans toute leur longueur au’bout de deux heures, et:donnèrent nais- sance à quelques centaines d’autres vers blancs ; d’un pouce et demi de long , que je n’oserai cependant pas assurer avoir été des ascarides, parce que je fis cette expérience dans ma première jeunesse, et qu’alors il m’étoit. impossible d’avoir les mêmes connoissances que j'ai acquises aujourd’hui; mais. ce qui pour moi est constant , c’est que j'ai vu ces vers sortir vivans de deux autres vers plus grands idée” ve I VUES Bloch (1) fit avaler tout vivans des vers inté- rieurs de poissons et d’oies à des canards et à des poules; il confesse qu’il ne retrouva à aucune époque, à l'exception des vers qui sont particuliers à ces espèces d'animaux, aucune trace des espèces de vers qu'il leur avoit fait avaler. | Les bornes d’un discours préliminaire nous arrêtent ; et forcés de renvoyer à notre his- toire des vers, que nous comprendrons sous la dénomination de mollusques annelés , un prétendu accouplement et la masse des preu= ves de leur génération spontanée , à quelle autre cause pouvons - nous attribuer cette étrange multiplication de petits msectes ailés et noirs , hérissés de poils, qui, pendant trois mois éntiers , se montrèérent, en nombre in- concevable (2), dans l’intérieur et au dessus du tombeau d’une personne de Montpellier , qui, dans le cours de sa vie, avoit été adonnée au vin? observation que nous devons au savant Moublet , médecin habile ; et ces ani- imalcules éphémères, auprès lesquels aucun autre insecte ne venoit se montrer, péris- (x) Bloch, zbidem, pag. 94. (2) Buffon, tom. XVIII, pag. 42 de cette édition. GENERALES. 159 soient dès qu’on les transportoit à quelques pas du lieu où ils venoient de se générer et dese produlre. Les maladies vermineuses, et les vers si multipliés dans de certaines épidémies n’annoncent-ils pas un ferment qui s'organise et qui spontanément donne naissance à ces Vers, qui quelquefois sont tellement nombreux que les chairs entières se changent en vers, comme dans le cadavre de cet animal que Swammerdam vit, et où ils fourmilloient au point qu'il n’étoit pas possible de découvrir la moindre partie des chairs. D’où viendroient donc ces animaux, qui s'emparent ainsi des cadavres, qui ne se trouvent que là , et qui périssent quand il ne leur reste plus rien à dévorer, et dis- paroissent presque aussi spontanément qu'ils sont venus? Plus on les a observés, et plus on s’est convaincu qu’ils ne subissoient au- cune métamorphose; un instant les voit naître ; ils prennent très-rapidement leur accroissement et se multiplient d’une ma- mière eflrayante pendant tout le tems de lalkalescence et de la durée de leur pâture, et ils disparoïssent. avec elle. Moublet avoit vu de même de petits vers blancs couvrir un cadavre; et 1l avoit observé que ces ani- >, 140 * VUES maux varioient en figure, er couleur et er forme d’après le genre des maladies. D’autres animaux, d’une ofganisation plus compliquée , naissent encore quelquefois spontanément ; les uns sont solitaires, et les autres très - multipliés. On peut rapporter aux premiers ces animaux cités par Andry et par d’autres observateurs, qui s'étoient générés dans différentes parties du corps humain. Un des plus singuliers est le ver au sujet duquel Vétillard, médecin du Mans, envoya des observations à Buffon, et qu'il pourrit pendant vingt jours. Il éioit earni- vore , el plus de deux cents personnes Fexaminèrent. Quant aux animaux plus organisés que les vers, aui doivent leur, crigine à la génération spontanée , ne peut- on pas ranger parmi eux les poux qui se produisent, et viennent tout formés dans la maladie pédiculaire avec une telle rapidité, et par une multiplication si extraordinaire, que dans une heure de tems je leur ai vu | dévorer un homme à bord d’un vaisseau, où j'étois, sans que ses camarades ou leurs Ets en aient été infectés, car ces insectes, qui restèrent à bord quand on eut jeté le cadavre à la mer, périrent tous. Jen avois GENERALES, 14X recueilli dans une petite fiole, et ils me parurent absolument conformés comme les poux ordinaires. … Lorsque nous parlerons des vers ou mol- lusques annelés, et des mollusques micros- copiques, je citerai les expériences que j'ai pu faire et les résultats qu’elles m'ont don- nés, et je suis parfaitement d'accord avec Bonanmi , lorsqu'il dit, que par la putré- faction, chaque espèce de corps ou de plante donne naissance à un être spontané d'espèce différente. J'espère faire partager alors cette opinion à mes lecteurs. J’aurois pu accu- muler une foule de preuves, qui toutes seroient venues à l'appui de la génération spontanée. On peut m’objecter'que personne . n’a vu ces particules harmoniques, et que tout au plus on peut soupçonner leur exis- tence; mais par tout ce qui précède, nous pouvons nous convaincre qu'il existe des animaux qui ne se montrent que dans de certaines circonstances , qu'ils ne doivent pas leur existence à d’autres animaux de la même espèce qu'eux, et qu'en eux, dans le mode actuel de l’animalité , commence et finit leur race; car ils croissent , ils aug- mentent de volume, mais tous ne donnent pas naissance à d’autres animaux semblables 142 VUES GÉNÉRALES. à eux : et l’immortel Buffon a très-bien vu, en disant, « qu'il y avoit une variété infi- nie dans les causes mêmes de la génération, que leurs. combinaisons devoient varier de même, et que toutes pouvoient devenir des sources de productions nouvelles; il y a peüt-être autant d'êtres, soit vivans , soit végétans, qui se produisent par l’asssmblage fortuit des molécules organiques, qu'il y a d'animaux ou de végétaux qui peuvent se reproduire par une succession constante de génération » (1). (1) Buffon , tom. XVII, pag. 24 de cette édition. | Sr Dent” date inc re rl Pomme nr ES EE "SR HN PL OUTRE NATURELLE DES MOLLUSQUEÉS. MOLLUSQUES CORIACÉS, DISCOURS PRÉLIMINAIRE. À porranr une nouvelle division dés animaux sans Vertébres , nous n'avons pu le faire que d’après un examen mur ét ré= fléchi de toutes les divisions dont s’étoient servi les auteurs qui ont écrit sur ces ani= maux. Toutes laissent quelque chese à dési= rer , ét cela doit être, parce que la Nature; s'emparant de toutes les formes et de toutes les places, se rit de tios efforts pour la saisir. A chaque instant elle sécarte de l’animal qu’elle avoit paru avoir choisi pour type ; et par des combinaisons sécondaires elle se jette à droite et à gauche, rentre ou se plonge dsns des espèces étrangères , pour revenir ; quelquefois par un trés-long circuit, au point d’où elle étoit partie. Nos sections et nos 144 | (DIS OOU 8 divisions seront donc toujours incomplettes comme nos systèmes, et ce sera nécessaire“ menti le sort du mien. Sous ce rappori 3e abandonne , parce que la saine raison ne peut regarder un système que comme un moyen mécanique et factice, inventé pour soulager la mémoire, et suppléer à la foi- blesse de nos moyens; et si, comme tous ceux qui mont devancé , j'ai adopté une classification , c’est que, plus que personne peut - être , j'en avois besoin pour classer mes idées , les mettre en ordre et les pré- senter à mes lecteurs. | | Tous les hommes qui ont écrit, ont adopté une marche quelconque pour se faire entendre. Ils ont dû faire passer leurs lec- teurs par les mêmes chemins qu'ils avoient parcourus ; ils ont dü les y conduire pas à pas, parce que la vérité ne se dévoile sou- veut qu'après de longues recherches , €E toujours elle est le résultat de lévidence ; mais on warrive à elle que par de longs travaux ; et par une singulière fatalité, elle’ perd quand elle est présentée d’une manière trop hative ; elle heurte dans son premier abord quand , annoncée d’une manire trop crue , elle vient combattre des idéés reçues, et nous aimons à la voir venir se placer prés PU ne) CT PRELIMINAIRE. 145 près de nous, dans l’état d’une vierge encore pure , mais à qui l'époque de la maturité permet d'enlever successivement les voiles nombreux dont s’enveloppent sa pudeur. Nous voyons que, long-tems avant Aris- tote, des hommes observateurs s’étoient livrés à l’étude des êtres vivans; et d’après la masse immense d'observations consignées dans les œuvres de ce grand philosophe, nous pouvons croire que les ayant recueillies et y ayant joint ce que lui avoient révélé ses propres méditations , 1l nous a laissé un code complet de l’histoire naturelle de son tems: et soit qu'il ait écrit d’après les auteurs qui lavoient précédé dans cette partie des con- noissances humaines, soit que, tirant tout de son propre fonds; il nait écrit que ce qu'il avoit vu par lui-même, on le voit diviser méthodiquement tout le règne animal, et faire une classe séparée des animaux sans vertèbres et à sang blanc. Il les sépare en quaire grandes divisions , sous les noms de mous, crustacés, testacés et insectes (1); les molles ou mollusques portèrent chez [ui la dénomination générale de malacodermes, ou animaux à peau molle. Gallien, après lui, (1) Arist. Elist. Liv. 1, eap. 4 et 8, et Liv. 4, cap. 1. Moll. Tone I. K 140 DISCOURS adopta ses travaux , et les nomima mala= kia (1), c’est-à-dire, écrit cet auteur, ani maux mous, et dont la peau n’est point âpre, ni écailleuse , ni testacée, mais molle. Dans ces tems antiques l’étude n’étoit pas portée au point où nous la voyons de nos jours, o& . plutôt les auteurs de ces époques, entrant les premiers dans la carrière, décrivoient les animaux et les êtres qui les entouroient de plus près; ils choisissoient les plus grands, les plus apparens ou les plus utiles, et ils n’alloient pas chercher au loin les espèces étrangères ou cachées, qui devoient venir pius tard se joindre à celles qu’ils ont obser- vées et décrites. Aussi voit-on Aristote ne connoiître seulement parmi les mollusques que les sèches, les poulnes, les calimars, et n’y joindre presque malgré lui que le lièvre marin (2) et quelques orties de mer, au rang desquelles 11 mettoit probablement les ané- mones de mer, et une quantité d’aulres mol- Jasques que de bonnes observations ont ren- voyés depuis à leur place, en augmentant (1) Malakia, id est, mollia vocantur , neque squam mam , neque asperam , neque testaceam autem haben- tia, sed mollem. Gallien , lib. 3. De aliment. facult. (2) Zaplisie des modernes. PRELIMINAIRE. 147 d’une foule de découvertes tous les genres que les naturalistes ont été forcés d’éta- blir. La manière de ‘voir d’Aristote fut encore suivie par Belon et par Rondelet ; ces restaurateurs de l'histoire naturelle ne sé- cartérent que bien peu du sentiment de ce célèbre naturaliste d'Alexandre (1); et quoi- que Rondelet ait beaucoup observé par lui- même, quoiqu'il ait publié quelques espèces inconnues , 1l les comprit toutes sous un nom général sans en distinguer les genres. Aldro- varde, après lui, essaya de débrouiller ce chaos ; il sépara les insectes en y jetant les vers, et fit de plus qu'Aristote une classe . (x) Alexandre le Grand, roi de Macédoine , qui avoit reconnu le profond génie d’Aristote, le garda près de lui, et fournit avec une magnificence royale tout ce qui étoit nécessaire à ce grand philosophe pour scruter les opérations de la Nature : Le nom de ce célèbre conquérant a survécu pour la postérité ; s’il n'eût été que guerrier, l’histoire, en nons transmet+ tant ses victoires, n’eût tracé que des tableaux de dévastalion et de carnage, et comme elle nous a dépeint ses vices, elle eût peut-être fait exécrer sa mémoire : mais Alexandre honora les sciences , il sentit leur utilité, et il contribua à leur avancement ; il sut apprécier les savans; sans lui Aristote n’eût peut-être jamais écrit, et sous ce rapport le nom d'Alexandre est immortel. K 2 148 DISCOURS de zoophytes, dans laquelle il entassa, sans nom et sans rang, les méduses et les ané- mones de mer, les laplisies avec les alcyons et d’autres polypes, quoiqu'il reconnüt que tous ces êtres incohérens n’étoient pas de vrais zoophytes. Nous devons remarquer que dans ce tems on donnoit le nom de zoophytes aux ascidies ou anémones de mer, et à press que tous les mollusques qui s’'attachent aux rochers par le bas de leurs corps. Les coraux et les gorgonés, comme les madrepores et les éponges, étoient rangés parmi les plantes marines ; on n’avoit pas encore découvert que ces corps rameux devoient leur exis- tence à des polypes qui les construisent en commun. Ce compilateur infatigable se livra à de très-laborieuses recherches. On est étonné à la vue de l’immensité des matériaux qu'il a pu recueillir; une vie de plus de quinze lustres ne püt suffire pour lui permettre la promulgation de la totalité. de ses travaux ; et après sa mort on voit sa veuve, fière de la gloire de son époux, hono- rer encore sa mémoire , en dédiant au sénat de Bologne ses quatre livres posthumes qui traitent des mollusques, des crustacés, des testacés et des zoophytes. Gesner et Jonston copièrent Aldrovande ; leur texte est le texte { v — PRELIMINAIRE. 149 abrégé du naturaliste bolonais, et leurs fi gures | ne sont autre chose que les siennes, quelque- fois encore bien plus mal exprimées. Jonston y joignit cependant quelques crustacés du Brésil; depuis lors cette partie de l’histoire naturelle a fait de grands pas ; beaucoup d'observations isolées vinrent ajouter de jour en jour des êtres nouveaux à ceux qui étoient consignés dans les travaux de ces natura- Listes , enfin le célèbre Linnæus les réunit en classes et en genres; et c’est sur les fonde- mens qu'il a posés que sont venus bâtir ses suc- cesseurs. Sa sèche nomenclature est l'œuvre d’un homme immortel ; dans son ouvrage, chaque ligne est le résultat d'immenses re- cherches ; chaque ligne renferme un livre. Dans ce siècle de lumière, que celui de Louis XIV avoit préparé, on vit s'élever à la fois de grands hommes dans presque toutes les sciences; des français osèrent entreprendre de consigner dans des annales l’état de toutes les connoissances humames à cette époque, et d’après la conception de ce vaste plan, on vit sortir l'Encyclopédie des presses de Panckoucke. Les sciences naturelles faisoient partie de ce grand ensemble ; elles devoient venir se jomdre à toutes les autres. Buffon avoit douné l’histoire naturelle des quadru- K 5 159 DISCOURS pèdes et des oiseaux; Lacépède publia celle des quadrupèdes ovipares et des poissons ; d’autres naturalistes firent celle dés serpens et des cétacés, et enfin Bruguière‘fut chargé de celle des vers et des mollusques. Dans les nombreuses planches que publia:cé savant, nous n'avons, pour ainsi dire, que lébauche de son travail : Bruguière voyagea au loin ; des circonstances imprévues suspendirent Ja publication de l'Encyclopédie, et cet homme estimable succomba à ses fatigues'au moment où, de retour dans sa patrie, il'alloit mettre la dernière main à ses travaux. Mais le feu sacré de la science ne devoit pas s’éteindre avec lui; il a laissé de nombreux successeurs qui, marchant sur ses traces, ont encore rectifié son système, et ajouté des: faits aussi hombreux que précieux à tous ceux qu’a- voient recueillis Bruguière , et Lous lesauteurs qui Favoient précédé. Lamarck, d’un côté, publia son système des animaux sans vertébres; Cuvier, dans un système complet du genre animal, établit le sien, et imfatigable , il appuya bientôt ces premiers travaux par son excellent ouvrage sur l’anatomie comparée. Bosc vient de pu- blier après eux une histoire naturelle des vers et des coquilles, dans laquelle, en rap- PRELIMINAIRE. 101 pelant la nomenclature linnéenne, il donne l'indication des espèces connues Jusqu'à ce jour dans chaque genre, et rend par con- séquent le plus grand service à la science, en évitant une fouie de recherches à tous ceux qui s'occupent de cette partie de l’his- toire naturelle. Dans cette courte esquisse , Je n'ai pas cité les auteurs qui ne se sont occupés que de faits isolés ; ceux-là préparent des matériaux que met en œuvre celui qui élève des masses: C’est par la réunion des observations parti- culières que se forme le faisceau de l’en- semble ;et d’après les connoissances que nous avons acquises sur l’organisation des mol- lusques , ils ont été rangés dans un ordré basé sur leurs rapports naturels. C’est sous ce point de vue que j'ai essayé de former les coupes dans l'histoire des mollusques que J'entreprends; et sous le nom de mollusques coriacés , je n'ai compris que les sèches, les caimars, les poulpes et les clios nuds et tes- tacés, non pas parce qu'ils ont leurs pieas sur la tête (1), mais parce que leur corps est (1) « Les bras de la sèche et des mollusques, qui viennent se ranger à côté d'elle, ne sont pas des pieds, comme indique la dénomination grecque adop- j O7 159 DISCOURS enveloppé par un fourreau ou sac commun à tous ces animaux. Leur caractère est d’avoir une tête saillante et un corps charnu, enveloppé dans un sac ou fourreau coriacé. Ils respirent par des branchies; leur sexe est séparé ; ils sont ovi- pares , et ne se trouvent que dans la mer. Ce sont là les seuls mollusques qui ont un véritable fourreau charnu et coriacé , et en admettant rigoureusement ce caractère, nous circonscrivons la classe de ces mollus- ques, qui ne renfermera plus qu’une partie des mollusques céphalés ou ayant une tête ; cette classe contiendra au contraire tous les mollusques céphalopodes de Cuvier , en y joignant le premier genre de ses gastéro- pèdes (1). tée par Cuvier; ce n’est pas avec ces membres qu’ils marchent, car ces animaux ne marchent même päs, Mais tous nagent, et ces pieds sont au contraire des bras , des liens très-souples avec lesquels ils saisissent et lient les animaux qui leur servent de nourriture, ou s’accrochent aux rochers. Aussi tous les auteurs leur donnèrent un tout autre nom, et les modernes, en distinguant l'usage de ces bras, ont appelé les uns tenlacules , et les autres, bras verrugueux ». ( Bosc.) (1) Il faut que, dans ee ouvrages du savant Cüvier, PRELIMINAIRE. 153 Je n’essaierai pas de justifier celte division, mais Jobserverai cependant que Lamarck et Bosc (1) donnent un manteau épais de forme variable à tous leurs mollusques cé- phalés, parmi lesquels ils rangent les Hmaces, etje crois qu'il seroit bien difficile de démon- trer qu’elle en aït un. Je n’ai pont pu adopter non plus la dénomination de céphalopodes ou pieds sur la tête, parce que les bras des sèches ne sont pas des pieds, et que plus tard nous verrons des polypes, des hydres, des actinies, des holothuries, des néréides et d’autres animaux qui ont aussi des bras à la partie supérieure du corps, par le moyen desquels ils saisissent leur proie. En rendant il y ait une erreur d'impression, extrèmement répétée, qui ait échappé à tous les correcteurs d'imprimerie. Gaster en grec signifie ventre , et podes, pieds ; ainsi gasteropodes ne peut que signifier pieds sous le ventre; mais plus je regarde nn Hmaçon, et moins je lui vois des pieds sous le ventre. Je sais que l’& des grecs étoit pour eux l'indication de la privation ; je sais qu’apodes vouloit dire sans pieds , et alors il faudroit lire dans toutes les Œuvres de cet infatigabie anatomiste, gas- terapodes au lieu de gasteropodesx Mais un limaçon rampe , il se traîne sur le ventre, et ce mot décom- posé ne rendroit pas encore l’idée de la marche d’un limaçon. Te crois qu’il faudra abandonner le grec. (1) Bosc, Hlist. nat. des vers , pag. 31. Le tableau. 254 FDF SCO IR A" 1 hommage à ces auteurs , en me servant de leurs ouvrages et de leurs observations , j'ai le regret de voir que mon opinion west pas entièrement d'accord avec la leur. Tous les mollusques coriacés vivent dans les mers; on ne les rencontre jamais dans les eaux douces, ni même à l'embouchure des fleuves et des rivières ; les uns meurent par le contact de Pair atmosphérique ; ce sont les sèches ; les autres, comme les cal- mars, peuvent supporter ses influences pen- dant quelque tems: les poulpes, plus robusles et plus vigoureux ; peuvent les braver , et quelques-uns viennent même à terre,comme le feroient des amphibies , parmi ceux qui sont testacés ; il en est qui paroïssent jouir au nulieu du calme et du beau tems, ils viennent alors s'ouvrir et se développer aux rayons du soleil dont ils aiment les bénignes influences. Les clios s'élèvent aussi à la surface des eaux, mais elles replongent à l'instant. Tous ces mollusques respirent par des branchies ; Rondelet est le premier qui re- connut leur usâge dans les sèches; il vit que ces branchies rameuses remplissoient , dans l'économie animale de ce mollusque, les mêmes fonctions que les branchies des pois- PRELIMINAIR HF. 155 sons. Les anciens, qui avoient vu ces espèces de viscères palmés, collés latéralement en dedans du fourreau de la sèche, les avoient appelés des capillamens (capillamenta). Ces branchies remplacent dans les mollusques le poumon des quadrupèdes ; elles sont un organe respiratoire ; et pour faire connoître leurs fonctions , nous allons copier ici la description qu’en a donnée Lamarck, p. 45 de son Système des animaux sans vertèbres. « Les branchies, dit ce savant naturaliste, sont un organe respiratoire placé à nud, qui ne présente pas, comme les poumons, de cellules, de bronches ou de trachée- artère. Les vaisseaux qui, dans les pou- mons , rampent sur les parois des cellules et des bronches , pour y recevoir l'influence de lair , qui, à l'instant de l'inspiration, sy antroduit par la trachée-artère , rampent à la surface des branchies, sur leurs feilets et sur leurs franges, s’y ranufient à l’infinx, et présentent une grande surface au fluide ambiant. Les animaux pourvus de bran- chies sont ordinairement des animaux aqua- tiques , en sorte que c’est l’eau mème qu'ils respirent ; c’est-à-dire , que pour eux leau est le fluide ambiant. Toute leur respira- tion consiste donc en ce que: leuxrs-branchies CS 156 OLSCTURS | recoivent le contäct d’une eau continuel- lement renouvelée. Or, il paroît que cet organe respiratoire a la faculté de séparer de l’eau lair qu’elle tient en dissolution , ou qui est constanument mélangé dans sà masse , et qu’il absorbe et l’introduit dans es fluides de lamimal. Il y a sans doute aussi des branchies aériennes , c’est-à-dire , des branchies dont les fonctions ne s'exé- _cütent pas dans Peau, mais dans l'air atmos- ._ phérique ; celles des Himaces et des limaçons en sont un exemple ; les branchies sont l’or- gane respiratoire essentiel aux poissons ; aux mollusques et aux crustacés ». Ces crustacés sontsouvent amphibies, quel- ques crabes même vivent très-long-tems hors de l’eau , et ils paroïissent préférer la terre à la mer, dans laquelle ils ne rentrent à peme que le quart d’üne journée chaque jour. I ést probable que leurs branchies diffèrent par leur construction de celles des poissons, qui, comme le hareng ou le maquereau, ñe peuvent soutenir le contact de Fair. Il doit ‘en être de même des organes de la respi- ration des mollusques coriacés, dont les uns périssent aussitôt qu'on-les sort de l’eau, et dont les autres ne paroïssent pas s’en res- sentir , au moins pendant quelque terms. Les nn # % # “ 4 LA PRELIMINAIRE. :à57 uns se trouvent dans la haute mer, et les autres semblent se tenir plus près des côtes; leur peau est visqueuse ; chez eux les sexes sont séparés, distincts , et ils se divisent en mâles et en femelles ; tous sont ovipares ; le mâle féconde les œufs de la femelle en les arrosant de sa liqueur séminale,. Il est possible que cette loi subisse quel- ques modifications chez les clios, dont les parties de la génération sont conformées comme celles du limacon ; mais on sait que lé corps blanc, qu'il fait sortir dans le moment de la copalation, n’est pas percé, et qu'il est probable que ce qu’on a pris. pour l’appanage du sexe mâle dans le lima- con , est tout au plus un moyen excitateur et un stimulant actif que cet animal em- ploie au moment qu’il remplit le vœu de la Nature, qui est de multiplier et de _ croître; et si les clios réunissent les deux sexes , comme le soupçonnent Cuvier et Bosc, alors elles viendront former pour nous la nuance intermédiaire entre les mollusques coriacés et les mollusques tentaculés, placées par leur manteau à la suite de ceux-ci, et par leur organisation à la tête de ceux-là. Les bras de tous ces mo‘lusques sont armés de ventouses ou de cupules ; elles offrent 1258 DISCO DES quelques variétés dans leur construction ; maïs toutes remplissent le même but, celui de former le vuide et de faire adhérer forte- ment le corps qu’elles saisissent. Celles des sèches sont simples et unies ; les calmars en offrent de plus redoutables et crochues ; mais les grands poulpes ont des armes acérées, gar- nies sur la crête de dentelures en forme de scie ; les pouipes testacés ont les bras revêtus de la même manière , quelquefois d’un seul rang , et d'autres fois de deux rangs paral- lèles ou alternes de cupules : si on ne les aperçoit pas sur les courts bras qui sortent du sac sous la tête des clios, on peut cepen- dant soupçonner leur existence. Ce moyen est un des plus fréquens que la Nature ait donné aux nombreux mollusques qui peu- pient les mers. J’oserois presque affirmer que tous ceux qui ont des bras prenans en sont doués. Je les ai retrouvés dans l’ané- mone de mer, dans les polypes ou hydres, dans ceux qui occupent les corallines, dans les chrysalides et dans les vellèles ; enfin , presque par-tout et chez tous les mollusques dont J'ai pu examiner les bras prenans au microscope , dans leur état d’extension ‘et d’épanouissement. D’après la. multitude de preuves que j'ai recueillies , je ne puis poiné PRELIMINAIRE 159 douler que les clios ne saisissent leur proie comme les mollusques, car , quoique leurs bras soient courts, il ne faut pas en inférer que, parce qu'ils ne lient et ne contournent pas leur proie , ils ne peuvent pas la re- tenir : Jai vu que la pointe aiguë d’un seul bras d’anémone de mer suffisoil pour arrêter un crabe de la grosseur du pouce , et qu’at- teint par le moindre point de contact , il étoit pris sans retour. I] doit en être de même des clios qui, d’après leur petite taille, ne peuvent se saisir que de petits animaux pour jes sacrifier à leur conservation et à leur existence. Le manteau ou fourreau dont ils sont énveloppés , et qui, en descendant du cou, recouvre tout le corps de ces mollusques, consiste en une membrane coriagée, quel- quefois très - épaisse , et d’autres fois plus mince , recouverte d’une peau fine ; celte membrane est toujours musculeuse et douée de la plus grande sensibilité. Ce manteau varie, quant à sa forme et à sa grandeur; il s'attache sur l'estomac de l’animal , et les attaches changent en raison des espèces. Leurs bras repoussent quand ils ont été re- tranchés par quelque accident. On rencontre très-souvent de ces moilusques dont un ou 160 DISCOURS plusieurs membres ne présentent pas leur longueur ordinaire; cette difformité mo- mentanée a sa source dans les combats qu'ils sont quelquefois obligés de soutenir contre des poissons plus foris qu'eux, et qui, à coups de dents, leur coupent quelques-uns de leurs bras : ces bras repoussent et reprenant peu à peu leur longueur, ils redeviennent en tout semblables aux autres. Lorsque le bras a été tronqué et séparé du corps , il reste dans la partie qui y tient encore un ou plusieurs ganglions ou centres nerveux, dont nous donnerons un plus grand développe- ment dans l’histoire de la sèche ; ces gan- ghions peuvent être regardés comme autant de noyaux de reproduction; la plaie , au lieu de se consolider par une cicatrice, se recou- vre d’une pellicule; les chairsrecroissent, re- poussent , et la pellicule croît et monte avec elle ; comme elle n’est qu'une extension de la peau , des prolongemens nerveux vien- nent y aboutir et s’insérer à la base des nou- velles cupules qui se montrent pour réarmer ces bras; dans un espace de tems assez court ils acquièrent leur ancienne longueur. J'ai cependant observé que, lorsque ces mollus- ques sont privés de plusieurs bras à la fois , ils ne paroissent pas pouvoir réparer une perte PRÉLIMINAIRE 161 pére aussi considérable, avec la même faci- lité qu'ils réparent celle d'un seul bras; et das ce cas, ces membres ainsi reproduits ne sont plus aussi forts que ceux auxquels il n'est arrivé aucun accident. Beaucoup de grands poissons et même des cétacés donnent la chasse à ces mollusques, et en font leur nourriture : les baleines engloutissent les plus petits tout entiers ; elles osent même attaquer les plus grands , et quelauefois elles parvien- nent à leur couper lun ou l’autre de leurs bras. Dans l’histoire du kraken ou du poulpe du-nord , nous verrons à ce sujet des faits incroyables , et que nous rejetterions comme des fables s'ils n’étoientunanimement atiestés. Lis pantoufliers et les requins, les dorades, les muürènés, les loups de mer, et une foule de poissons voraces dévorent aussi lés mol- lusques coriacés, qu’on retrouve très-sou- vent tout entiers dans leur estomac. C’est äinsi que des voyageurs ont pu se procurer dés espèces qui, ne se trouvant que dans la haute mer, vivent dans des profondeurs où il sera toujours presque moralement impos- sible à l’homme de pénétrer; et jamais on _ ne doit négliger de visiter l’estomac et les intestnis dés grands poissons qu’on pêche et qu'on harponne en mer; l'estomac même JHMoll. Tous I. - L 162 DIS C OU RS: : PT a de tous ceux qu'on nous apporte dans nos poissonneries , renferme des crustacés set d’autres animaux, principalement des our sins qui vivent au fond des mers, que ces poissons ont avalés, et qui sont encore quel- quefois intacts dans l’estomac où ils .sont restés engloutis. à EE | . Les mollusques coriacés sont les plus par- faits des mollusques, et ceux dont lPorgani- sation est la plus compliquée. Tous, comme nous l'avons vu, ont.une tête, et cette tête est presque toujours garnie de deux yeux qui diffèrent très-peu de ceux des poissons ; dans cette classe, comme dans celles de tous les autres mollusques, nous en verrons de nuds et de testacés. Jusqu'à ce jour on n'a, pas encore rencontré. des sèches, ni des calmars revêtus de coquilles ; mais, aprés avoir parlé, du kraken et des autres poulpes nuds, nous donnerons la figure de poulpes testacés ; nous .prouverons que l'animal de l'argonaute est un poulpe, et que ce poulpe est l’habitant naturel de cette coquille, qu'il la forme par une exudation calcaire de’ ses bras; nous prouverons qu'il en existe plu- sieurs espèces, toutes constantes, et qui constituent des coquilles différentes ; nous prouverons enfin que, quoiqu’on ait contesté PRELIMINAIRE. 103 ce fait d'histoire naturelle ! en se refusant à lPévidence ‘et à ce qu'en avoient écrit les anciens, que ces anciens avoient raison. À côté des poulpes argonautes (1) viendront se ranger les nautiles (2) et leurs différentes espèces; et nous espérons prouver enfin que ces belles coquilles, si brillantes et si nacrées, sont l’ouvrage de quelques poulpes, à qui elles servent de retraite et de demeure, comme Ja coquille d’un limaçon sert de de- meure à ce mollusque rampant. Les cornes d’ammon nous occuperont à leur tour ; analogie viendra nous assurer qu’elles sont encore le produit de poulpes dont les formes rentrent dans celles des animaux de l’argo- faute ef du nautile. Nous -verrons , avec étonnement, que l’histoire des mollusques coriacés nous conduira à celle des plus | énormes animaux qui existent dans la Na- ture, à ces monstres du nord dépeints sous tant de formes, dont on regarde l'existence comme mensongère, et qui cependant plus d’une fois, quittant les äbîmes des mers, ont saisi des vaisseaux tout entiers et les ont entrainés dans le fond des eaux avec tout - (1) Argonauta argo. Tän. © (2) Nautilus pompilius, Lin. 164 11D ES COURS leur équipage ; nous verrons ces mêmes équipages aux prises avec ces monstres ma- xins, les redouter bien plus que la rencontre. ; d'un vaisseau ennemi, se réunir pour les combattre à coups de haches et de coutelas, et dans ce péril extrême joindre aux eflorts de leurs bras des vœux adressés au ciel, et qui, ne sont arrachés aux hommes que quand: ils n’espérent plus en aucun moyen, ni en aucun, secours humain. Nous nous voyons forcés de renvoyer tous ces faits pour ei parler lorsque nous traiterons des individus qu’ils concernent ; mais, en appuyant ce que: nous en dirons de preuves constatées et irrévocables, nous mettrons leur existence hors. de doute, et nous éclaircirons enfin histoire d’une des. plus belles parties de l'histoire naturelle des animaux. et des cornes d’ammon ont, comme beau- coup d’autres mollusques, le pouvoir de se former une. coquille ou enveloppe. dure et calcaire ; comme à.ces mollusques, la Na- ture leur à donné des pores. qui, placés, à la superficie de la peau, transudent un suc crétacé propre à se solidifier et à former une coquille, dans laquelle ils peuvent se renfermer à volonté, Ils.en sont revêtus dès PRELIMINAIRE. 165 le premier moment, et nous verrons, à l’article du poulpe arvonaute de la Médi- terranée, des petits embryons revêtus de cette coquille même avant leur sortie de l’œuf. Les anciens, principalement Aristote et Pline, ont beaucoup plus connu ces ani- maux qu'on ne le croiroit au premier abord. S'ils ne les ont pas examinés d’après leur structuré , ils ont au moins recueilli des faits et ils nous les ont transmis dans toute leur intégrité. À cet égard même, ils en avoient vu beaucoup plus que presque tous les auteurs modernes, qui se contentèrent de les copier ou de révoquer en doute ce que les pères de l’histoire naturelle nous avoient laissé. Les anciens ont, à la vérité, commis bien des erreurs, mais elles pro- viennent presque toujours de ce qu'ayant été à portée de voir des choses très-singu- lières, ils ont pu croire à celles que des voyageurs leur racontoient , et qu’ils ne pou- voient vérifier par eux-mêmes. Quand un ancien dit qu'il a vu, on peut presque tou- jours s’en rapporter à lui, et assez constam- ment l'expérience a constaté ce qu'ils ont _consigné dans leurs écrits. Les mollusques paroïissent doués d’un sen- L 5 366 TDLSCOURS timent exquis; on verra dans leur descrip- tion qu'ils jouissent des sens de la vue, de l’odorat, de louïe, du goût et du toucher à un dégré très-éminent; on les retrouvera susceptibles de passions et de combinaisons, réunir la ruse à la force, et employer tour à tour les armes et les pièges, l'adresse où la force ouverte pour se défendre ou s'em- parer de leur proie. Aristote leur donne même les autres besoins des animaux : ils veillent lorsqu'ils sont éveillés par le besoim ou par l'amour, et dorment (1) quand leurs forces épuisées exigent un repos , au milieu duquel ils puissent en retrouver de nouvelles. Dans l’ordre du travail que je me suis imposé , je ne parlerai des coquilles que lors- que l’animal qu'elles renferment viendra se ranger dans une des classes au moyen des- quelles j'ai divisé les mollusques ; et je me réserve de publier un ouvrage préparé qui classera toutes les coquilles connues de ma- nière à former un systême complet de con- chyoliologie ; non seulement il comprendra les coquilles dont j'aurai décrit les individus qui les habitent, mais toutes celles dont nous ne connoissons pas encore les animaux, et qui eurichissent nos cabinets. Le point où (1) Arist. Hist. lib. 4, cap. 17. PRÉLIMINAIRE. 56 la science est arrivée de nos jours ne nous permet plus de former une classe sous le nom de mollusques testacés ; toutes les classes de mollusques nous présentent des animaux nuds et des animaux revêtus d’un test coquillier , et l'adoption de cette nouvelle manière de voir est devenue absolument né- cessaire. En conséquence, chaque fois que je rencontrerai une coquille qui renfermera encore son animal, j’essayerai de le ranger dans la classe et dans le genre où ses carac- tères le placeront , et nous pouvons espérer qu'un jour enfin toutes les espèces connues viendront se ranger de la même manière , et se placer à la suite les unes des autres. Cet ordre me paroît le seul naturel ; déjà il a été présenté et essayé avec succès par Bosc, qui a séparé et isolé lhistoire des coquilles de celle des mollusques ; e’étoit un pas qu’il falloit franchir sans pouvoir compter sur le succès. On regrette cependant de ne point retrouver dans sa nomenclature les mol- lusques testacés, congénères à ses mollusques nads. C’est ainsi que dans les limaces on cherche en vain les limaçons, quoique dans les considérations générales du genre il avoue que la limace (1) ne diffère des escargois Pa (1) Bosc, tom.f, pag. 71. Vers. Là 168 DISCOURS ou hélices terrestres que par le défaut de coquille apparente. On doit cependant con- venir que , s'appuyant sur les découvertes de Lamarck et de Cuvier, Bosc a ouvert une nouvelle route dans laquelle les naturalistes qui écriront après luine peuvent que lesuivre. Son petit ouvrage peut être regardé comme élémentaire , parce qu'il renferme le nom et l'indication des espèces connues , aux- quelles il a joint celles qu'il a pu rencontrer dans ses voyages; et on ne peut que regretter qu'il ait été resserré par le format in-18, et peut-être encore plus par le plan général de l'édition de Buffon, à laquelle il a tra- vaillé , au point de n’avoir écrit ni pour les gens du monde, ni pour la jeunesse, mais seulement pour les savans , qui seuls sauront tirer parti de ses travaux. Je le consulte dans les miens, et j'aime à lui rendre cet hommage. Entreprenant la même tâche que lui, mais dans un autre genre , des résultats philoso- phiques viennent souvent se présenter à ma plume , et il me seroit difficile de traiter de l’histoire naturelle d’une autre manière zc’est seulement par eux que nous pouvons entre- Voir que le mouvement et la vie n’ont mi commencement , ni fin ; et nous voyons se PRELIMINAIRE. 169 développer les. choses avec. la conviction intime de leur origine éloignée : en parcou- rant la chaîne immense des êtres existans, nous découvrons à chaque pas qu'il en existe une foule d’autres que nous ne pouvons apercevoir. De célèbres naturalistes ont à la vérité rendu le plus grand service à la science en publiant uñe aride nomenclature; nous leur “A | une reconnoissance éter- nelle. D’autres , infatigables dans leurs re- cherches , ont débrouillé le chaos dans lequel les espèces gisoient confondues, et dans ce pé- nible travail ils eurent à nettoyer, comme Hercule , les étables d’Augias , pour assi- gner à chaque individu l’ordre et le rang dans lesquels leur organisation venoit les placer ; en découvrant des animaux qui étoient encore inconnus , ils enrichirent même quelquefois leurs ouvrages de des- criptions nouvelles : ils y joignirent souvent des figures qui, comme autant d’heureux épisodes , viennent reposer le lecteur en ré- créant sa vue , et lui permettent d’asseoir ses idées. Mais il reste toujours quelque chose à desirer ; la raison ne peut pas être entiè- - rement satisfaite par des phrases didactiques et décharnées, ou par la vue d’un simple dessein, füt-il même enluminé des plus vives io "DITS C OURS couleurs et rendu avec toute la précision qui pourroit nous donner une juste idée des formes de l'animal ; nous voulons pénétrer at delà et connoître quelque chose de plus que des divisions par classes caractéristiques; nous aimons à pénétrer dans la nature et dans l’organisation intérieure de chaque individu ; à être instruits de ses mœurs, de ses habi- tudes , de ses propriétés et de son genre d'existence ; du rapport des animaux les uns avec les autres , ainsi que de l’ordre, de lé- conomie et de la constitution entière du règne animal ; de sa liaison et de son en— thaînement avec l’ensemble de l'univers : noble desir , qui ne peut qu’élever l’homme au dessus de lui-même , et le rendre par- ticipant des secrets de la Nature. C’est en comparant les individus et en saisissant leurs rapports qu'on jouit de l’ensemble des choses; alors seulement Ia Nature se développe ma- jestueusement à nos regards ; elle vient nous électriser par le développement de ses masses: en les analysant on y retrouve de nouveaux chaînons ; elles s’embrassent , s’enchaînent et se lient sans secousses , et dans une parfaite harmonie elles transportent celui qui les contemple dans un océan de mer- veilles. ne SEE ; à fi jun F ; 1 \ RL Pi | (KW | 1 \ \ù | | A A LA | È vi, = ASS I ==, JR EU us ee ae | | | | qu j | ui \ = EE === — = nn. ER —— > Z — ——— 2 nn — = == CL _—_ > EE == £ = RS LL = NS LÉ = RS PLIS À = === PE = CR — == = | à | PE — —— = PS LE =— — Es === ER hi j ! on Wu = = del ; \ 5 FANS LA SECHE COMMUNE. MOLLUSQUES CORIACÉS. PREMIÈRE CLASSE mt due Des Mollusques ou animaux sans verleébres el à sang blanc. P RE MIER G or ds E. SÈCHES. “LA SÈCHE COMMUNE (1). Frers des dons multipliés doët nous à comblés notre constitution physique et mo- rale, y rapportant tout ce qui existé, nous (1) Chez les thébains, opistholia. Par Aristote, sephium. En arabe, sarathan et sarthan. En espa- gnol, xzbia et siba. En italien, seccia , seppa , sceppa, sopt, cepia. En allemand, kuttel fische. En flamand, meer -spyn , zee-katte, spaensche zee-katte , En anglais, black fish, black kuttel, cuttel-cuttle. En gaulois, ciches , boufron, seiches. En latin, rauplium , sepia, sepia officinalis. Linn. 206, sp. 2. — Amæn. acad. 1, pag: 325. — Seba, tom. IIT , planche 111, figure 1—4. — Aldrovande, Exsang. de moll. pag. 49 et Bo. Bonnoniæ , 1606. — Gesrer , de Moll. pag. 166. Tiguri, 1560. — Jonston, Exsang. pl. 1, fig. 2 et 3. Amstelodami , 1657. — Encyclop. plauch. rxxvr, fig. 5, 6 et 7. — Lamarck, Mém. de la soc, d’hist 172 HISTOIRE en avons fait la mesure de l'intérêt que pouvoient nous inspirer les animaux; en accordant l'instinct et la sagacité aux uns, nous avons reconnu chez les autres des moyens de puissance et de force; et, maî- trisant tout ce qui respire, nous avons as- signé à chacun d'eux le rang que ces êtres animés devoient venir occuper autour de nous. Les quadrupèdes, commeles plusutiles, fixérent toute notre attention; parmi cesani- maux, ceux qui ont développé le plus d’intel- ligence ont étéasservis, et quelques-uns même sont devenus les compagnons de l'homme ; il les a placés sous son toit; les premiers ont partagé ses travaux, et les autres ses plaisirs. . Aux sons de sa voix et docile sous sa main, Péléphant se chargea des plus lourds far- deaux, le chameau et le lama parcoururent les arides déserts, le cheval partagea ses courses et ses dangers ; on vit le taureau et le buffle tracer en mugissant de pénibles sillons, et le chien fidèle porter son atta- nat. de Paris , pag. 4. — Belon, Pise. pag. 358, f. 341. — Rondelet, Aquat. 1, pag. 498; et pag. 365 de l'édition franç. — Olear. Mus. 97, fig. 97. — Salvian, Aquat. pag. 165. — Ruysch, Theat. II, exsang. tom. T, fig. 2 et 5. — Swammerdam, Bibl. natur. tom. I], pl. xz, ed. hol. et lat. DES SECHES. 173 chement el son amour pour son maître au delà même du tombeau. Ces qualités et leur intelligence les rendirent précieux ; c’est à eux qu'appartiennent les premières places dans l’ordre de lutilité et de l’économie que les tems et l’état de réunion sociales ont amenées. D'autres habitans primitifs des forêts vinrent encore se ranger autour de l’homme; mais foibles et secondaires, il ne leur accorda ses soins qu'en raison du produit qu'il pou- voit en retirer : ceux même qui, libres et indépendans, reçurent de la Nature un ca- ractère sauvage et indompté, ont su inté- resser aussi par leurs mœurs et par leurs habitudes, Le cerf et sa biche, le daim et sa femelle, le chevreuil léger et sa constante compagne furent suivis dans l’intérieur de leurs forts : tous, jusqu'aux animaux féroces ou destructeurs, eurent le pouvoir de sti- muler la perspicacité de l'esprit humain. Il se plut: à rendre hommage à la fierté et au courage des uns; aux vertus, à la fidélité conjugale des autres: quelques espèces même, telles que les castors, nous charment par léur industrie et leurs travaux en commun; nous aimons à connoître et à pénétrer dans leurs ressources, eb à construire avec eux ces 174 Et E S TON R'E OC digues si singulières que leur fait élever leuf» manière de vivre, jointe aux soins renaissans : et journaliers que leur impose leur conser- vation. Cette partie de l’histoire naturelle: des animaux à vertèbres ne nous offre point de faits plus intéressans ni plus dignes d’at- tention que ceux que nous allons retrouver dans celle des mollusques; tous ont reçu en partage de grands principes de vitalité ,: chacun de leurs membres portant en soi un: germe de croissance , de vie et de reproduc- tion repoussa après la section, et vient rendre à l’animal avec ses sensations l’instrument nécessaire à ses besoins. Ces mollusques nous offriront le principe aciif de l’existence sous une foule de modifications que ne nous ont pas encore présentées ni les quadrupèdes, mi. les poissons ; les mystères de la génération eux-mêmes prennent ici des aspects aussi. étonnans que nouveaux et variés, et chaque individu apporte avec lui son mode de régé- nération inhérent et particulier. Parmi ces animaux, la sèche peut tenir le premier rang ; elle paroît réunir dans un dégré im- minent les organes de la contractibilité, joints à ceux du tact, de l’odorat, de louïe, du goût et de la vue; amour conjugal, audace, courage et générosité chez le mâle, abandon D Æ 8 : SE CH E;S. 175 el. confiance chez la femelle ; adresse, ruse, prévoyance pour saisir leur proie , et sécurilé dans leurs moyens de défense ou de retraite ; telles sont, indépendamment de leur organi- sation et de leur constitution physique, les actions et les mœurs de ces premiers indi- vidus de la classe des animaux sans ver- tèbres. Le corps de la sèche , entièrement couvert ‘par une peau coriacée et musculeuse , est charnu et aplati ; il renferme dans lé dos un seul os non adhérent, calcaire et la- melleux; un sac, ailé dans tout son pour- “tour, enveloppe les parties intérieures ; . Ja bouche , placée au sommet de la tête, s'ouvre au milieu des dix bras qui la cou- _ronneni ; deux de ces bras , terminés en massue , sont plus longs que les huit autres. Cet animal est nud; 1l nage et se transporte à volonté (1). Les formes extérieures de la sèche sont aussi bizarres que singulières ; elles sont une preuve nouvelle que tous les moules, que toutes les matières possibles ont été pénétrés (1) Planche première, fig. 1 et 2. _176 QFFES TOIREN | | et remplis par la Nature, et qu'il n'est ant x cune place qu’elle n’ait fécondée en y pro-} jetant ses germes vivificateurs. Au premier! aspect, ces formes paroiïssént se confondre’ avec celles des calmars ét des poulpes; mais en parlant de chacun d'eux, Pœil exercé Gé naturaliste y apercevra d'abord les diffé- rences caractérisliques que présentent ces divérs genres d'animaux, et du nous aideront à les classer. SS tri | En circonscrivant leurs caractères, en nous y renfermant rigoureusement, le genre des sèches est peu nombreux ; il nous cffre un bien petit nombre d'espèces: Nous devons espérer que les voyageurs modernes, culti- vant presque tous la seience de l'histoire naturelle ; nous apporteront des mers lom- -taines quelques individus que nous cachent encore les abymes pélagiens, et qui viendront se ranger à côté de ceux que nous connois— sons. C’est ainsi que chaque jotir nous voyons s'enrichir nos collections , nos cabimets , et ces galeries dont s'énorgueillissentles nations et les souverains : monumens célèbres d’un’ haut dégré de civilisation , luxe de la science; et qui prouvent l'amour des hommes : les connoiïssances utiles. = Les sèches se distinguent des calmars par los DES SECHES, 17? l'os lamelleux et crétacé , toujours solide, qu’elles renferment dans leur dos ; car le corps qui soutient et roidit les calmars est corné et transparent ; les ailes continues de la sèche qui, la bordant , se prolongent dans tout le contour de son sac, et qui probable- ment lui servent à nager ou à diriger ses mouvemens dans les eaux , sont encore une différence tranchée avec les aïles courtes et tronquées des calmars, qui ne viennent se dessiner que vers la partie inférieure de ces mollusques, s’épanouissent en fer de flèche, et arriventtout au plus à la hauteur du quart de toute. la grandeur de Panimal. Les poulpés en diffèrent à leur tour ; ceux-ci n’ent que huit bras : les calmars et les sèches ont leur tête armée de dix, au milieu desquels on en voit naître deux terminés en massue , ei plus longs que les autres. Sous tous les autres . rapports, ces añimaux paroissent, à quelques nuances près, avoir les mêmes mœurs eë les mêmes habitudes. Les anciens auteurs, grecs et romains , confondirent souvent ces trois genres entre eux; 1l est difficile queique- fois de savoir de quel genre et encore plus de quel animal ils ont voulu parler ; en général il ne faut les citer qu'avec beaucoup de pru- dence et après avoir mürement examiné Mol. Tone I, M dy HISTOIRE. quel a pu être l'individu dont ils ont fuit mention. Mais , dans la suite, l’histoire natu- relle fit de très-grands progrès : les modernes saisirent les différences qu'offroit l’organisa- tion des mollusques ; ils les classèrent enfin et constamment ils les ont placés à la tête des animaux à sang blanc ; les uns se plürent à mettre les sèches sur la première ligne, et les autres entamèrent leur sujet par les poulpes. Jonston ; Gesner , Aldrovande, Rondelet , et une foule d'auteurs qui écri- virent sur leurs traces , suivirent la même marche; toujours ils distinguèrent les sèches des calmars , et ceux - ci des poulpes. Lin- næus, qui vint aprés eux, entraîné peut- être par un grand ensemble de choses , don- nant tout à des vues générales, les placa tous "en masse dans son système ; ce grand homme confondit tout de nouveau : probablement frappé par l’analogie et par les grands rap- ports qui se trouvoient entre ces animaux, et n'ayant que peu d'individus qu'il pouvoit soumettre à ses observations , il les regarda comme congénères , et il les réunit en un seul genre sous le nom de séche, en com- mençant par le poulpe et en finissant par le calmar. Bruguière vint aussi développer , dans l'Encyclopédie, un ordre plus exact et gr DES SÉCHES. 170 plus didactique ; il trancha ces genrés : son sys: tême fut suivi par Lamarck et par Cuvier (1). Ce dernier même divisa ces mollusques en nuds et en testacés : c'est un grand pas qu’il a fait faire à la science, ét en manifestant cette opinion , il y fut conduit par la forcé de lanalogie. Plus heureux que lui, on verra, dans la suite de cet ouvrage, que j'ai décou< vert et mis en fait ce qui, mal décrit par quel: ques anciens, avoit échappé à ce sayant labo- rieux ét justement célèbre, Cette partie de son système fut critiquée ; maïs à tort ; et les mollusques coriacés testacés existent, comme j'espère en donner la preuÿe, lorsque je serai arrivé à leur description. Cuvier et Larmarck; après lui, donnèrent aux mollüsques , que Je nomme coriacés, le nom génériqué de cepha- lopodes , ce qui, d’après deux mots grecs, veut dire ayant leurs pieds sur la tête; mais jamais on ne peut régarder les bit dé la sèche, ceux du calmar et du poulpe , comime (1) Cuvier, Leçons d’anatomie comparée, récueillies et publiées sons ses yeux, par C. Dumeril , chef des travaux anatomiques de l'Ecole de médecine de Paris, tom. L, 5° tableau, classification des mollusques, famille 1 , cephalopodes. Cet ouvrage, excellent dans son genre, réunit dans ses détails la science du maître et celle du rédacteur, Ma io HISTOIRE tles pieds ; cé sont leurs armes ét leurs ot= ganes du tact. Quelques auteurs même , në trouvant pas que lé mot de bras rendit les fonctions que ces membres exerçoient, leur donnérent le nom de barbes (1); ét nous ne pouvons que régrétter qu'il n’y ait pas un inot consacré dans notre langue pour ex- primer les bras de la sèche, comime il en existe pour déterminer sans obscurité les £riffes du tigre et les serres de- Foie dé proie: La sèche ordinaire habite les Mers ; jamais on ne la voit dans les eaux douces, mi à Fembouchure des fleuves et des rivières : elle éloigné même jusqu’à un certain point des côtés sans gagnér la haute mier ; parois saïit aimer de préférence les lieux-où il y a quelques brasses de profondeur ; elle fuit aussi les plages; uniquement sabloneuses , parce que leurs bancs dé sable ; toujours labourés par les eaux et par leurs courans, ne lui offrent pas une assiette ferme et stable. IL lui faut dés rochers qui, solides sur leurs bases, lui présentent un point d'appui sur lequel elle puisse appliquer les ventouses où (1) Gaza erura , barbas, cirros vocat, Fonston ; dé Exsang. col. 1 ; pag. 3: DES SEOHES. a8t eupules dont ses longs bras sont armés ; c’est par leur moyen qu’elle s’y met à l’ancre, et sait y braver toute l’inclémence de la plus forte tempête. Ces rochers , dégradés par le tems, laissent entre eux des angles saillans et rentrans, ainsi que des sinuosités et des détours , nouveau labyrinthe où les autres habitans des eaux viennent se retirer et se jeter dans le piège toujours tendu , et dans la mortelle embuscade que leur a dressée la sèche. Elle aime ces lieux , parce que c’est encore sur ces rochers que s’implantent et croissent les algues, les fucus , les sar= gasses et les autres herbes marines, au milieu desquels la sèche femelle jette ses œufs, et les dérobe à une multitude d’énnemis qui les recherchent pour en faire leur nourri- ture. C’est sous ces herbes trompeuses que des coquillages, que des crustacés se réfu- gient ou épient leur proie ; ces endroits rocailleux foisonnent aussi de petits pois- sons que la sèche dévore ; elle-meme y est en sûreté si elle à su y choisir un passage étroit ; cest un asile impénétrable pour les grands poissons et pour les cétacés qui lengloutissent à leur tour; ear les grands poissons pRite et les baleines recherehent # RE 3 182 HISTOIRE sèches avec avidité, et en dévorent uné pro“ digieuse quantité. Réfugiée dans ce fort, la sèche y établis son domaine ; c'est là qu’elle va déployer toutes ses ressources et mettre en activité toutes ses ruses; car 1l est rare qu’elle pour- suive sa proie : elle y met à contribution tout ce qui l'entoure ; sa bouche est munie _ d'armes fortes et terribles ; malheur à l’ani- mal qui vient se rendre dans ce lieu de mort et de carnage ; il est saisi , il y est dévoré , fût-il revêtu d’une épaisse cuirasse, et la sèche brise avec son bec les coquilles des testacés et la dure enveloppe des crus- tacés que viennent de saisir ses bras. On prétend même qu’elle aime de préférence la chair des huîtres ; en les attaquant, elle doit redoubler de finesse et de prévoyance: les huîtres sont adhérentes et attachées aux rochers, et il faut qu’elles soient attaquées assez brusquement pour avoir pas le tems de fermer leurs valves ; si elles peuvent le faire , alors malheur à l’assaillant; à son ‘tour la sèche est saisie par ses bras comme le rat de la fable le füt par le cou, trop heureuse si l’huître, r’ouvrant ses valves, elle ne devient pas dans ce tems de captivité la proie d'animaux qui ne lui font pas plus DES SECHES: 183 de quartier qu'elle n’en a fait aux autres: Dans quelques circonstances le mâle et la femelle , qui ne se quittent jamais, agissent en commun : d’après la manœuvre que nous allons décrire , je doute qu’on puisse leur refuser lintelligence et un très-grand dégré d’instinct. Quand les sèches ont tout massacré au- tour d'elles, quand elles ont épuisé leur repaire, les débris de leurs dévastations sisent autour d'elles ; ils en tapissent les environs de leur antre ; et en signalant le danger, ces restes épars averlissent les autres animaux, et leur disent de ne point aborder dans ces lieux de destruction ; alors le besoin de la faim se fait sentir , elle presse; nul animal ne vient plus s’enlacer dans des pièges ten- dus , ni se livrer à des lacs dévorateurs, et il faut, en prenant son parti, abandonner ces lieux où les moyens d'existence se pré- sentoient d'eux-mêmes avec autant de faci- lité que d’abondance. Dans cette occasion elles bravent, à leur tour, tous les périls ; elles se transportent de compagnie dans les eaux limpides et plus profondes ; elles s’y mettent à flot et y lâchent de concert une liqueur noire dont elles sont munies; à Finstant cette liqueur forme un épais nuage, M s LT" 184 HISTOIRE et, RÉ do press dans ce voile obscur, clés y lendent de nouveaux filets au sein des ténèbres qu’elles viennent de faire naître au milieu du jour. Invisibles à tous autres yeux que les leurs, leurs ennemis passent à côté d'elles sans les apercevoir , et. souvent on les voit sortir de cette magique retraite pour épier ce qui se passe au dehors ; elles y rentrent et peuvent en augmenter la den- sité à volonté. Les mers et leurs profondeurs sont une vaste arêne, où bien plus encore que sur la terre et dans l’immensité des airs, l’ani- malité est courbée sous le jous de la devas- tation et de lanéantissement prématuré ; peu d'individus y parcourent toute. l’éten- due de leur carrière. Là, comme ailleurs, le fort, le puissant opprime et dévore le foible , des générations presqu’entières sont moissonnées et sont broyées sous la dent meurtrière du besoin dévorateur qui füt imposé à tous les animaux. La sèche commune acquiert quelquefois jusqu’à deux pieds de longueur ; sa couleur est ardoisée, et toute sa peau est légèrement tigrée de pourpre et de noir ; elle habite les mers de l’Inde et celle de l'Amérique (1), (1) Seba , tom. III. DES SECHES. 185 l'Océan et la Méditerranée , et sur-tout le golfe Adriatique ; on la trouve près des côtes de la ci - devant Normandie , et sur celles de l’Angleterre ; elle se rencontre, assez rarement cependant, sur les bancs de sable de la mer de Hollande : à mesure qu'on s'enfonce dans le nord , elle y pullule dans les golfes et dans les baies du pole glacial ; elle existe en très-grande quantité dans les anses des terrains jadis brülés de l'Islande et du Groenland, où les baleines et les cachalots viennent les acculer en les poursuivant , les réunir en masses, et les engloutir dans leur large gueule par un coup de fouet de leur énorme queue dont elles font tourbillonner les eaux. Dans la Médi- terranée elles paroïssent avoir bien moins d’ennemis , cette mer est parcourue en tout sens par la navigation ; depuis long-tems les hommes y ont exterminé les cétacés et les autres grands animaux des eaux qui exis- tèrent dans celte mer cernée entre ses riva- ges, et qu'on n’y retrouve plus aujourd’hui: la sèche paroît sy multiplier davantage que dans les mers du nord. On pourroit même croire que , comme de certains pois- sons , elle se livre, à des époques marquées et constantes, à des énngrations ou à des 186 HISTOIRE voyages ; tantôt on Ja voit disparoître tout à coup des lieux où on la rencontroït en abondance , et ensuite elle revient sy re- montrer de nouveau. Dans les mers tem- pérées on ne se livre à sa pêche que pendant une certaine saison ; et ce n’est que depuis le mois de mai jusqu’en septembre qu’on fa trouve sur le sable des côtes de Flandre et de Hollande , abandonnée par le flot sur le rivage où elle’expire aussitôt ; presque toujours même on n’y rencontre que son os, parce que les oiseaux aquatiques et marins dévorent sa chair dès Pinstant qu'ils laper- coivent sous les flots mourans du reflux. La tête de la sèche est armée, comme nous l'avons vu, de dix bras, dont huit sont plus courts, et autrement figurés que les deux autres. Cette différence est si tran- chante, que l’on rencontre quelques auteurs qui voulurent les distinguer par des noms différens ; les anciens nommeérent les deux plus longs promuscides , et Swammerdam , dans la description qu'il en fit, les sépare en jambes et en bras (1). (1) Partes notabiles crura sunt atque brachia ejus. Crura , numero octona..... Swammerd. Bibl. naturs Leyde , 1738, in-fol, holl. et latin, pag. 877. DES SECHES. 187 Maintenant que nous allons nous occuper de la structure et de la conformation des parties extérieures et antérieures de la sèche, nous joindrons nos propres observations à celles des auteurs qui ont publié l’histoire de ee mollusque. Swammerdam , plus que tout autre, le jugea digne de ses regards ; nous devons à cet excellent naturaliste de bonnes observations , qu’il a enrichies de planches et de figures excellentes; elles sont une preuve constante de la patience , de la sagacité et de lesprit d'analyse dont étoit doué cet infatigable observateur : le premier il rectifia les erreurs des auteurs qui l’'avoient précédé , et qui, toujours copiées depuis Aristote , avoient successivement entaché leurs ouvrages. Le savant hollandais voulut Voir par lui-même ; et si son travail laisse quelque chose à desirer, on ne peut que latiribuer à la rapidité avec laquelle il étu- dia l’anatomie de la sèche , ou au peu d’in- dividus que les circonstances lui permirent de se procurer ; malgré sa perspicacité , la science de la dissection , quoique poussée très-loin , n’étoit pas encore assez avancée de son tems; des faits très - saillans dans l'économie animale lui échappèrent, et il en ‘méçonnut entièrement le systéme de la cix- 188 HISTOIRE eulation. Cuvier, depuis cet auteur, & publié $es travaux ; si l’organisation des mollusques ést presque totalement connue aujourd'hui , e’est lui qui vient d’en développer tout le mécanisme. Les huit bras courts de la sèche sont d’abord rangés circulairement sur le sommet de la tête et autour de la bouche de l’ani- mal ; deux de ces courts bras, placés du côté du ventre, sont constamment plus gros que les six autres ; du reste, ils leur res- semblent en tout: leur longueur est géné- ralement celle de la quatrième partie du corps de l’animal ; ils se touchent par leur base forte et épaisse; leur forme conique se termine en pointe assez aiguë : ils sont bombés en dos-d'âne à l'extérieur qui , par- futement lisse , est recouvert d’une peau fine et musculeuse , légèrement pointillée de pourpre et de noir ; leur face intérieure, celle qui regarde la bouche, est aplatie ; elle est armée et garnie dans toute sa longueur de plusieurs rangs perpendiculaires et paral- fèles de cupules où ventouses , dont celles de la ligne du milieu sont les plus fortes et. bien plus prononcées que les autres; serrées entre elles, elles se touchent de près; ces ventouses sont faites en godet, montées sux DES SECHES. 16 tin petit pied én étranglement que la sèche péut alonger ou raccourcir à volonté, qui lui-même , comme le revêtement des cu= pules, est formé par des prolongemens et par l'extension dé la peau muscuieuse qui énve= loppe loutés les parties extérieures du corps de l’animal ; cette construction, ést commune aux huit bras courts. Il nous reste à parles des deux plus longs, qui paroissent venir se placer, pour dés usages particuliers au milieu des autres ; à la racine des deux plus gros, ét qui, prenant naissance aux deux côtés de la bouche , s'élèvent en tige arrondie, par= faitement lisse , ét se terminent à leur extré= imité En massue , arrondie d'un côté, € fortement aplatie de l’autre. Ces bras, en se déployant , ont une longueur égale à cellé du corps éntier de la sèche ; le côté plat de la massue est garnié comme celui des bras courts de ventouses ; mais en général elles y sont, de même que leurs pédoncules musculeux , bien plus grandes et bien plus fortes que cellés qui se montrent sur ces bras inférieurs. La massue de l’un est tou= jours plus grosse , sans qu'on puisse lattris buer à aucune cause particulière ; cette Srosseur, d’un des membres de la sèche; rappelle celle des parties analogues dans 100 . LH TS TION RES quelques crustacés , et principalement daris les écrevisses , certains crabes et chez les bernards l’hermites, où un des mordans où pinces est toujours considérablement plus gros que l’autre ; comme ces pinces des crus- tacés , les bras des sèches repoussent lors- _ qu’elles en ont été privées par quelque acci- dent ou dans le combat, et alors il n’est pas rare de rencontrer de ces mollusques dont les membres tronqués n’ont pas encore re- couvré toute leur longueur. à. Ces bras , extrêmement souples et plians’; se meuvent et peuvent se contourner en tout sens ; ils se roulent sur eux-mêmes : cé sont des filets constamment tendus et conti- nuellement prêts pour envelopper, saisir et lier leur proïe : quant aux longs bras terminés en massue, ils sont encore destinés à un autre usage ; ils tiennent lieu de cables et d’ancres à la sèche; elle applique la surface plate et armée des massues sur la superficie des ro- chers, et par leur moyen elle se met à laffüt. Si le tems devient orageux, elle les cramponne encore plus fortement aux corps durs et solides aue lui présente le fond des eaux ; el ainsi amarrée comme un vaisseau à l’ancre dans une rade assurée , cédant mollement à l'impulsion des flots par la 7 DES SECHES. 191 Îongueur de leurs tiges flexibles et arron- dies , le balancement des vagues et toute Ja masse des eaux ne font alors sur elle que des efforts impuissans ; sans quitter prise, elle brave l'orage et la tempête , en profite même pour saisir, au milieu du trouble et de la confusion, les poissons balottés par le courroux des vagues , et attend avec sécu rité le retour du calme et du beau tems. Les ventouses, qui arment tous les pieds sur leur partie plate, sont creusées en coupes ou godets; d’après cette forme, les anciens auteurs leur ont donné le nom d’acetabulæ. On trouve, sous la peau qui les revêt, un petit anneau corné qui en décide les con- tours et leur sert de soutien ; cet anneau est renflé en bourrelet dans le milieu de son pourtour , et ses bords, comme ceux d’une . bague , sont lisses et unis; on a cru etona écrit qu'ils étoient dentelés ou crénelés ; maïs ce qui a pu tromper à cet égard est un petit cercle brun ou noir , qui surmonte en frange le godet lorsqu'il est recouvert de sa peau; ce petit cercle n’est point adhérent à lan- neau; il fait au contraire partie de cette peau, et 11 abandonne l'anneau avec elle lors- qu'on vient à l'enlever pour examiner à lin- térieur la construction des ventouses. La 192 HISTOIRE. peau, qui revêt les bras à l'extérieur, est assez épaisse et solide ; elle s’aminoit sur leurs côtés où elle les déborde en se festonnant. Dans la sèche commune celte bordure est peu sal- lante et par conséquent peu sensible, princi- palement aux huit bras courts ; dans d’autres espèces nous verrons cette frange s'étendre davaniage : après s'être ainsi déployée, la peau se replie sur elle-même, et devenue plus mince, elle vient couvrir la partie plate ou intérieure du pied ; non seulement elle en tapisse le fond, mais elle revêt encore le pédoncule des cupules et recouvre leur dessus en s’enfonçant dans les godets où elle se fronce et se replie. Ces pédoncules sont musculeux; ils servent à mouvoir les cupules en tout sens; et, à l'exception du petitanneau corné , elles -mêmes sont entièrement mus- culeuses et susceptibles de la plus grandé contraction. Swammerdam, qu'on ne sauroit trop citer, a donné tous les détails de cette anatomie des ventouses, et, pour ne pas trop multiplier nos figures, nous sommes forcés de renvoyer nos lecteurs aux desseins de cet écrivain célèbre, pl. x21, fig. IT, 1, 2, 3:,4, 54 où l’on voit le pédoncule musculeux et les muscles des cupules , ainsi que le cercle cofné osseux , dessinés dans leur développement ; O1] DES SECHES. 109 bi y remarque ce petit anneau qui offre dans son milieu un renflement ou bourrelet, ce qui, par une disposition aussi simple qu’ap- propriée à ses fonctions, assure sa solidité dans la peau qui li sert d’enveloppe. C’est au moyen de ces cupules que la sèche s'attache aux corps comme les ventouses le font sur la peau. Et en effet, quand on con- sidère attentivement leur action , on est étonné que des hommes imstruits aient écrit que c’étoit par la succion que ce mollusque S'attachoit aux corps : c’est en opérant le vuide , et en l’opérant dans une multitude de points, qu'il se cloue et adhère avec une force incroyable par-tout où il jette et colle ses bras ; cette adhésion est telle qu’on ne peut détacher la sèche qu’en lui arrachant le membre qu’elle vient d'appliquer aux rochers ; car à l’instant où elle vient de se choisir un lieu de demeure ou d’enlacer sa proie, à linstant où elle applique la surface plate et armée de ses bras flexibles et on- éoyans , la peau, qui remplissoit à fleur l’in- térieur des nombreuses cupules, se contracte et se retire en dedans à la volonté de lani- mal, et elle va tapisser, en forme de coupe, le fond de ces godets : le vuide se forme; chacun de ces creux multipliés adhère dans Moll. Tone I. N 194 HISTOIRE le contour. tranchant de ses Lords avec uné telle force aux corps, qu'ils empêchent l'air et l’eau de venir s’introduire dans les vuides de ces coupes, et les plus grands efforts ne peuvent réussir qu'à en arracher les sèches par lambeaux. Jamais elles ne quittent , ni n’abandonnent la proie dont elles viennent de s'emparer, et leurs redoutables armes, une fois saisies de la victime, ne laissant ni recours, ni espérance, sont d’irrévocables, instrumens de mort. Plusieurs observations même n'ont prouvé souvent qu'indépendam- ment de leur force réelle, la sèche y joint encore quelque influence magnétique ou électrique : une écrevisse , un crabe saisi par elle ne cherche plus à se défendre, ainsi qu'il le feroït envers un autre ennemi, et comme ces crustacés le font même contre l’homme au point de couper quelquefois les doigts des pêcheurs. Pris par la sèche, toute énergie les abändonne ; ils replient sous leur carapace leurs pinces tenaces et dessinées en. scie ; immobiles, ils ne font plus aucun usage de ces mordans qui les rendent si redoutables à d’autres habitans des mers : plians sous la fatalité, l'instant où ils se sentent pris les plonge dans la stupeur , et les livre sans défense aux serres crochues et acérées qui DES SECHES. 19h arment la bouche de la sèche. Nous retrou- verons cette émanation électrique dans les poulpes; je l'ai éprouvé moi-même; celle de la torpille engourdit, mais celle des poulpes est ifiniment douloureuse ; elle blesse même et rougit la peau. D’autres mollusques nous offriront les mêmes faits, el nous verrons avec étonnement les anémones de mer pres- qu'entièrement gélatineuses, et foibles en apparence , s'emparer des crabes comme les sèches, et les engloutir au milieu de leurs replis vésiculeux (1). (1) Quel que soit ce fluide ou cette émanation , qu’il soit masnétique, électrique, galvanique ou de toute autre nature, il paroît qu’il existe encore dans d’autres animaux, quelques quadrupèdes ovipares en sont émi- nemment pourvus : J'ai vu des grenouilles aquatiques avaler des guëêpes vivantes que je leur jetois , les saisir avec avidité , les engloutir dans l'instant sans être affecté en aucune manière de leur aiguillon, en avaler ainsi plus d’une douzaine, et plus que rassasiées, finir par en rejeter presque à l’instant ; leur estomac ne pouvant plus soutenir toutes celles dont je venois de les gorger : mais ces guêpes étoient mortes, quoique. bien entières, et malgré tous mes soins Je ne pus les rendre à la vie quoiqu’elles n’eussent pas resté trois minutes dansle corps de la grenouille ; tandis qu’on sait qu'une guêpe, un frelon ou une abeille, qu'on auroit laissé trois ou quatre heures dans l’eau, pa- N 2 jé HNTBTOIRE À exception des petits anneaux ou ceréles cornés et cartilagineux qui soutiennent in= térieurement la forme arrondie des cupules; les dix bras de la sèche sont musculeux ; mous et charnuüs; ils sont traversés par leur milieu et dans toute leur longueur par un nerf très-remarquable. Ces nerfs, au nombré de dix, partent circulairement de la tige ou collier médullaire, en se projétant antérieu- rement eb.par dessus le cerveau de la sèche; ils offrent, de distance en distance, et sur- tout dans les huit petits bras, des renflemens tuberculeux ; centres et réunion de cordons nerveux et de sensibilité, que les anatomistes modernes ont nommés ganglions, et de cha- eun desquels partent , en rayonnant , des nerfs plus petits » presque imperceptibles à l'œil nud, qui vont principalement se rendre aux ventouses. Une-fouie de muscles vien- nent seconder ét exécuter les volontés du fluide nerveux : un muscle fort, à large tissu, se rencontre d’abord sous la première roissent noyées en apparence, mais recouvrent bien+ tôt la vie, et s’envolent quand on les expose au soleil: Des mouches ordinaires que j'ai noyÿées dans de l’eau de vie se sont envolées de même, après en avoir été retirées et abandonnées à elles-mêmes pendant quel< ques heures, DES SECHES. 197 peau ; il sert à la froncer, à la plisser en tout sens; 1l est le fourreau et l'enveloppe d'autres muscles qui, jumeaux et palmes, se projettent d’un pied à l’autre, les lient entre eux par leur base en dehors conne en dedans, les soutenant dans leur écarte- ment ou dans tout autre mouvement violent et forcé. Un troisième muscle, de forme co> hique ; dont les fibres s’entrelacent , constitue intérieurement celle du pied; perforé dans sa longueur, il offre un tuyau qui, venant aboutir sous la peau à son extrémité, ren ferme:le nerf, ses ganglions et les vaisseaux ‘ou conduits nécessaires à la circulation de la Fymphe blanchâtre qui, dans les mollusques, remplace le sang rouge des animaux à ver= tébres. Des muscles plus petits vont se rendre aux cupules qu'ils peuvent mouvoir en tout sens : quand l'animal veut se détacher des rochers, c’est encore par leur intermède qu'il repousse la peau, de manière à cé qu'elle remplisse les godets en revenant à son affleurement ; et c’est ainsi qu’il fait dis- paroître le vuide au moyen duquel il venoït _ de s’attacher avec d’autant plus de puissance, que les ventouses de la sèche sont très= nombreuses: Au centre de ces dix bras, dans leur én- N 3 108 HS TONREF ; foncement, on voit une ouverture parfaite- . ment arrondie en forme de cercle, bordée en saillie par une extension de la peau ; ce cercle saillant et charnu, lisse et uni dans son état de repos, se fronce quelquefois en forme de bourse ou dé festons; c’est la bouche. On pourroit comparer la saillie des chairs que recouvre celte peau, aux lèvres des autres animaux, si cette ouverture et son rebord n’offroient pas un cercle parfait sans fentes latérales ou points de sc'ssion et de repos. Du milieu de ces lèvres on voit percer un bec qu’elles recouvrent presque entièrement ; il est très-enfoncé dans la bouche, montrant à peine le quart de sa grandeur (1); sa couleur est brune et se rapproche de celle marron foncé; il est PDA en bec de perroquet, composé de deux pièces, lune supérieure et l'autre infé- rieure; elles agissent en tenaille l'une contre l'autre; parfaitement mobiles, elles s’en- châssent exactement et se serrent de telle manière que l’inférieure est emboîtée her- métiquement dans la cavité du bec supérieur et crochu; leurs bases sont travaillées en chappe pour s'implanter avec plus de soli- (:) Planche IV, fig. 1 D'ES SECHES. 199 dité dans les muscles qui remplissent 128 fonctions de gencives; ‘et indépendamment de cette forme particulière, la base du bec inférieur est encore évidée de façon à per- mettre à la langue de s’y mouvoir Hbrement: Après la mort de Fanimal, pour peu qu'on . le manie ou qu’on le tourmente, ce bec se détache en abandonnant, sans aucune déchi- rure ; les chairs qui l’enclavoient ‘dans ses bases:isa substance ‘est cornée et fibreuse : c'est avec le bec supérieur que la ‘sèche pince; elle le fait avec ténacité, et presque tous les ‘auteurs anciens ont ‘éerit: que sa morsure étoit venimeusé. Lie contact de 5e bras l’est à coup sûr; "mais je doute ra sa moïsuré le soit, quoique inutilement j'aie essayé de me faire mordre par dés sèches qui périssent aussitôt qu’elles sont livrées aux influences de l'air ambiant, et qui d’ailleurs fwient là main de l’homme ; mais J'ai été mordu, comme on le verra, par ün poulpe, et la blessure, que me fit sa morsure ; ‘fut guérie avant que le sentiment de la douleur fut entièrement appaisé sur les parties de mon corps qu'il avoit enlacé de ses bras. Si donc il est permis de juger quelquefois des faits par analogie, nous pouvons inférer de celui-ci que le bee de la sèche blesse, N 4 200 HIS TOGER ET comme le fait tout autre corps tranchant, sans laisser ou jeter aucun venin dans la plaie, Le bec supérieur est fort ‘et épais!, arqué sur lui-même, et tel que doivent être des armes dont on fait un fréquent et rude usage; le bec inférieur, dans la racine duquel viennent s'implanter quelques muscles; offre un point encore plus solide de résistance ; il est membraneux et même présque tendi- neux à sa base, qui offre une teinte plus transparente, plus pâle et plus rouge que le reste de la substance du bec. En lexaminant de près, on voit presque à l'œil nud :qi'ilest totalement formé de fibres couchées et cou- dées les unes sur les autres, et :composé..de membranes tendineuses qui, avec letems et le contact de l'air, se sont changées en subs- tance cornée, dont ïl à toute la solidité, Cette corne ressemble à celle: dés ongles dé quelques animaux, et comme ces ongles elle ne paroîl être qu'un prolongement nerveux dont les faisceaux réunis se sont durcis aux extrémités, comme le prouvent l'anatomie et les connoissances modernes. Le bec de: la sèche ressemble beaucoup à celui des oiseaux de rapine ; aussi peut-elle se comparer dans les eaux à ces tyrans de l'air ; comme eux elle se transporte à volonté dans un fluide DES SECHES. 20X d’une immense étendue dont elle sait vaincre la résistance ; ils vivent de proie dans les airs, eb comme eux elle saisit la sienne dans les eaux ; comme eux elle sait lier, serrer, eulacer: et déchirer sa proie par ses serres et son bec acéré et tranchant, qui, dans les plus grandes sèches, n'excède jamais la Jar- geur de deux doigts; fait important et sur lequel nous reviendrons lorsque nous par- lerons de ambre gris. La langue est logée dans l'intérieur du bec:, où elle repose sur celui de dessous ; quand l’animal ne mange pas, il paroît qu’elle y est couchée dans un parfait repos , et elle en remplit toute la capacité. Jusqu'à Swam- merdam on avoit regardée comme une chair fongueuse ; et c’est ainsi qu’en ont parlé tous les auteurs qui, se copiant sans cesse les uns les autres, ne pouvoient que perpétuer des erreurs ; et cependant les mo- dernes, sur-tout ceux qui ont écrit sur le bord des mers ,avoient la facilité de se procurer des sèches et d'examiner par eux-mêmes. On.est souvent étonné de voir que les objets qui sont les plus près de nous, sont quel- quefois ceux qu’on a le moins étudiés ; on croit que les autres l'ont fait, et on se livre avec confiance , ou même aveuglément, aux 202 HISTOIRE. descriptions qu'ils en ont laissées. On ne peut que gagner enexaminant de nouveau, quand on le peut, un objet quelconque ; d'un côte , on saisit bien mieux ce que l’auteur a voulu décrire ; il nous sert de guide ; et de lautre } on s'approprie sa science en y ajoulant des faits inconnus qui dévoilent toujours les ob- servations et les recherches nouvélles.' IE seroit très-difhcile cependant d'ajouter quel- que chose à la description et aux desséins que Swammerdam nous a laissés de la langue de la sèche : cet habile naturaliste avoit Vu que, par un mécanisme très-sinsulier ; elle étoit composée de sept cartilages réumis par une membrane qui leur est Commune ; leur sommet est légèrement arqué en dessous ; la base de la membrane devient musculeuse et fougueuse ; dans sa longueur elle repré- sente une espèce de tube creux , et des muscles latéraux lattachent aux parois du gosier ; à sa base cette membrane est plissée, et dans ces plis sont renfermées quelques glandes salivaires ; qui servent à entretenir sa mollesse et sa fraîcheur. Un canal sali- vaire, bien plus remarquable encore , et qui prend son origine en fourche dans deux slandes renférmées dans liñtérieur du corps , vient, par un long conduit serpentant, s'ou- DES SECHES. 203 vrir à la base de cette membrane tubuleuse, ‘et au milieu de sa partie fongueuse , ce con- duit traverse tout le cou. Il est probable que ces deux glandes servent à la sécrétion de la salive ; car , creuses intérieurement, leur substance et leur texture spongieuse paroissent propres à cette filtration : le gosier passe au milieu de la fourche que présente , à son départ des deux glandes , le conduit ou canal salivaire. L'organisation singulière de la langue exige une description plus dé- veloppée , et l’observateur hollandais sera encore notre guide ; nous avons vu que , for- mée en tube, elle présentoit sept petits osse- mens cartilagineux que lanimal paroît pou- voir retirer dans l’intérieur de ce tube ; quand il les en fait sortir, leur extrémité se sépare , et elles se disposent en aigrette; ils sont fortement implantés par l’autre bout dans la membrane spongieuse qui les recou- vre; si, en la fendant dans toute sa longueur, on soumet cette langue au scalpel , ces petits cartilages se montrent d’abord lisses à la base, | mais leur partie supérieure , celle qui est susceptible de rentrer et de sortir, est armée à chacun d’eux de plus de soixante papilles cartilagineuses, crochues et formées en ma- nière de dents très-aigués : ces papilles tirent 4 EHTSTION RE sur la couleur jaune ; elles sont transpaz rentes, et elles se rapprochent de celles que Jon voit sur une langue dé bœuf. L’opé- ation demande quelque dextérité, et il faut une bonne loupe pour apercevoir distinc- ‘tement ces papilles qui probablement servent à l'animal pour faciliter sa déglutition ; peut être même:sont-elles les'instrumens et les organes du goût, ce. que leurs mouvemens indiquent parfaitement; ilsemble que lanimal ne les fait sortir à volonté que pour tâter et's’assurer de la saveur de la chair des ani- maux qu'il vient de saisir et dont il va faire sa nourriture. Vers leur base, ces cartilagés sont liés entre eux transversalement , et st on coupe la langue horisontalement à cette base , en l’examinant à la loupe , elle pré- sente le tissu et le treiihis le plus régulier: lorsqu'elle se dessèche après la mort de la: nimal ; toutes ces formes se flétrissent , et'en général il faut se hâter quand le hasard ou la pêche soumettent ce mollusque à nos ob- servations. | La tête de la sèche est grosse, très-sailz. lante, et son cou est très-court ; elle est cou- ronnée, conme nous l’avors vu, par ses dix bras presque ronds; sur ses côlés se mon: trent deux grands yeux rayonnans; leu D ES SE C HiE;$. 20% teinte est d’un pourpre couleur de feu; ils; se relèvent en bosse et sont très-saillans, La peau qui couvre toute l'habitude du corps recouvre aussi les yeux sans solution de continuité, de façon qu’en arrachant à la sèche sa peau, on ne voit point de trou à l'endroit de ces yeux, mais la peau y ést seulement un peu plus mince et transpa= rente ; le même fait se présente chez les serpens et chez les anguilles, où la peau recouvre aussi entièrement le globe de loi, D’après l’écartement des yeux de la sèche, elle ne peut voir le même objet des deux yeux à la fois, mais aussi, sans tourner la tête, elle voit à gauche et à droite, au dessus et au dessous, tout ce qui se passe autour d'elle ; sa vue est très- perçante ; ét comme un très-grand œil est presque toujours un signe que l'animal voit dans lobscurité, on peut en inférer que la sèche voit aussi bien, et peut-être mieux, la nuit que le jour. Les poissons en général ont l’œil grand, saillant , et arrondi en demi - sphère ; les eaux dans lesquelles ils vivent sont bien plus denses, et n’ont pas là même transparence que l'air fluide au milieu duquel respirent les qua- drupèdes : il a donc fallu que lorgane dé la vue fût approprié au milieu, dans lequel 206 HISTOIRE nagent les poissons; aussi voyons-nous qué leurs yeux offrent encore d’autres différences caractéristiques : l'humeur aqueuse manque presque dans tous ; elle est parfaitement nulle chez les sèches, les calmars et les poulpes (1): leur mode de vision est en conséquence différent de celui des autres animaux; car nous pouvons considérer le cristallin, l'humeur aqueuse et l'humeur vitrée qu’on retrouve toujours dans les yeux des quadrupèdes, comme placés les uns der- rière les autfes pour rompre et refranger les rayons de la lumière réfléchis par les corps, et qui viennent se peindre sur la rétine en traversant le trou de la pupille; le cristallin, lhumeur aqueuse et lhumeur vitrée for- ment le complément du mode de notre vision à peu près comme trois lentilles de verre de différens foyers constituent l’ob- jectif de nos lunettes achromatiques; si donc (1) Swammerdam est ici tombé dans l'erreur ; il prétend avoir trouvé l'humeur aqueuse dans la sèche, à la vérité en très-petite quantité ; je me suis plu à suivre ce guide célèbre , mais je dois avouer que je ne peux être d'accord avec lui ; voici ses paroles origi- nales : « Van binnen in het oog vont ik seer weynig van het Wateragtig vogts OU Bibl nat. vol, IF, pag. 694. DES SECHES: 07 dans ces lunettes on venoit à enlever un des. verres, alors la vision ne peut plus être la même que celle qui existoit par la réunion des trois verres; et 1l eñ résulte que la sèche et les autres mollusques ou animaux qui lui ressemblent à cet égard, et qui n’ont point d'humeur aqueuse, voient tous les objets en- vironnés et bordés d’un iris nuancé, comme le paroissent les corps que nous regardons au travers de lunettes ordinaires. 1/œil des sèches est encore muni de deux pupilles, et par cette structure singulière chaque œil paroît double. Les yeux de quelques pois- sons offrent la même organisation. Ces pu- pilles ont la forme d’un rein, et loeil n’est point recouvert par des paupières. La sclé- rolique où coque de l’œil, qui est si délicate dans les quadrupèdes, et qui, déjà cartila- gineuse chez les poissons, acquiert chez eux différens dégrés de solidité, est très-solide, presque crétacée et teintée des reflets de la plus belle nacre dans les sèches; elle imite les perles orientales : aussi en quelques en- droits de lItalie les femmes du peuple la percent d’un second trou, et elles l’enfilent pour s’en faire des colliers et s’en parer dans les jours de fêtes : elle est percée naturel- lement par devant, et légèrement conique 208 AH TSH LR'E! dans sa partie postérieure ; son ouverture n’est point revêtue par une cornée, partie dont l'œil des sèchès paroît privé , comme il Fest d'humeur aqueuse ; mais une membrane fine et très-légère, particulière à ces ani- maux, enveloppe la sclérotique elle-même, en recouvrant l'ouverture où elle remplace la cornée. Le cristallin très-dur fait saillie au travers de ce trou et au dessous de cette membrane; il est de forme sphérique, com- posé de couches concentriques les unes aux autres, et dont les extérieures enveloppent celles de l’intérieur ; une raie ou sillon creuse ce petit globe dans son contour assez profondément, et le partage en deux hémis- phères inégaux : ce sillon très-apparent et creux donne insertion et sert de logement au bord intérieur du procès ciliaire, qui, se dessinant comme un large disque ou dia- phragme rayonnant, enchâsse et retient cir- culairement le cristallin. | La couleur rouge et ardente des yeux de la sèche, des calmars et des poulpes, paroît due à celle de la mucosité dont est enduit intérieurement la ruischienne. On sait que chez tous les animaux cette mem- brane est tapissée d’une mucosité noire ; quelques oiseaux cependant l’ont colorée en | fauve DES SECHES. 204 fauve ou en roux, mais celle des sèches est tapissée en rouge pourpre, exception très- remarquable, et qui jusqu'à présent appar- tient exclusivement aux sèches, aux calmars et aux poulpes. Leur rétine est formée, par la réunion en tissu, de très-nombreux filets optiques qui, par leur ensemble, se con- fondent en ne faisant plus qu'une seule et même membrane. F'oœil de la sèche n’a que deux très-petits muscles; leur position laté- rale et leur double pupille n’exigeoient pas de bien grands mouvemens : de ces deux muscles, l’un supérieur monte vers les bras, et l’autre se plonge dans le fond du creux de l'orbite. Après avoir décrit l'organe de la vue dans ses parties extérieures et intérieures , exa- minons maintenant les nerfs optiques et les points de leur origme. Pour y parvenir, nous sommes forcés de nous occuper du systême nerveux de l'animal que nous observons: dans cette partie nous rencontrerons de nou- veau des faits bien différens de ceux que nous montre la dissection des animaux à sang rouge, qui ont la tête placée au soinmet d’une colonne vertébrale : chez les mollus- ques dont nous parlons, la tête est placée,’ pour ainsi dire , au centre de l’organisation, Mol. Tone I. (@) 210 HISTOIRE et c’est de cette base centrale que partent ent divergeant, les nerfs, organés éminens de vie; de sensibilité et de tout sentiment. Dans les animaux à sang rouge le cerveau se prolonge en une moëlle épinière dont les nerfs s’échap= pent de distance en distance , en perçant au travers de l'épine dorsale ; mais ici le cer- veau est le terme milieu et le point central de toute sensaiion ; les nerfs s’en élancent par paires, et vont se porter de droite et de gauche , en avant comme en arrière , Jusques aux dernières extrémités du corps des mol- lüusques. Si chez l'homme (1) le cerveau est (1) Les physiciens, bien plus encore que les antres hommes, se sont principalement occupés de la re- cherche du siège de lame ; les uns la placèrent dans la glande pinéale, dans le corps calleux , mais ni l’un ni Vautre ne se rencontrent pas constamment dans tous les animaux, même dans ceux à sang rouge ; les seconds losèrent l’ame ailleurs, et les troisièmes dans toute l’habitude du corps. Après un mûr examen, ne pour- roil-on pas croire avec juste raison que l’ame ou le soufle de la vie ne quitte entièrement un corps que lorsqu’il n’y reste plus aucune partie qui soit suscep= tible de sentiment , d’action et de croissance, et que ce sentiment réside principalement dans le cervean ou dans les ganglions qui le remp! lacent ques. Je n’entends pas entrer ici dans les discussions qu’a fait naître la célèbre découverte da fluide galvanique; DES SÉCHÉES. 211 44 source. d’où découle la pensée , s’il esi le point de réunion des sensations; le séjour de 22 mais un simple fait, et dont les fastes de la médecine offrent quelques exemples, prouve que le soufle de la vie , que l’ame qui ne peut être que lui, réside parti culièrement dans le cerveau ; et en effet supposons un omme-qu’une paralysie vient frapper dans les jambes &t dans les cuisses; tout sentiment est éteint dans ces parties; elles sont morles par anticipation, et par conséquent ne ‘sont plus le séjour de l’ame ni de ses émanations : une seconde attaque paralyse de même Les bras, il ne nous reste plus que le tronc et la tête; cependant un tel être ‘peut encore conserver tout son esprit, toute son intelligence et n'avoir rien perdu des connoissances qu’il avoit pu acquérir autrefois? disons plus, on a vu cétle même maladie frapper ke tronc jusqu'aux clavicules et aux omoplates; à la vérité l’homme ainsi attaqué n’a plus que peu d’heures à vivre, parce que les fonctions animales n’ont plus leur: cours, et qu’il faut qu’il périsse d’inanition ; mais sa tête et son jugement sont encore libres; et sa langue pourra dicter dans ce peu d'heures qui restent à sa disposilion, ses volontés et ses dernières intentions avec toute la clarté, toute l’énergie dont l'individu étoit susceptible au sein de la meilleure, de la plus florissante santé. L’ame , ou le souîle de la vie et du sentiment , existe donc essentiellement dans la tête; car, privé de celle-ci , le reste du corps reste inarimé. L’ame et le lieu précis qu’elle occupe, ont de tous tems été l’objet des réflexions humaines. Saint-Augus- tin se livra à cette recherche avec ardeur , et c’étoit O 2 212 HISTOIRE la vie et de lame , combien mest-il pag encore mieux placé chez la sèche où sa posi- tion centrale lui donne-:sa véritable place physique et morale , et font arriver droit au _centre de la vie, toutes les sensations qui peuvent affecter les différens membres et Jles parties diverses du corps des sèches, des calmars et des poulpes. là un des sujets de ses méditations ; souvent on le voit dans la plus grande perplexité (*). Un de ses amis coupa un jour devant lui, sur une table, un millepied en deux parties , et en même tems, à sa grande admi- ration, ces deux parties ainsi coupées se mirent à marcher et à fuir fort vite, l’une d’un côté et la seconde de l’autre. Ce père de l’église dit que cette expérience le ravit en admiration, et qu’il demeura quelque tems sans savoir que penser de la nâture de l'ame; enfin il appelle la métaphysique à son secours, et à ue de tordre et de retourner ses argumens, il finit par croire avoir trouvé la solution de cette grande question. Nos docteurs modernes ne. se sont pas donné autant de peine que lui ; plus expéditifs dans leurs moyens, ils ont sabré le nœud gordien en déclarant que l’homme seul étoit exclusivement doué d’une ame immortelle, et quant aux autres animaux, ils laxleur cnt totalement refusée. Ce qui, comme on le voit, est bien plus sûr et sur-tont bien plus court. | Ç (*) Saint-Augustin. Jiv. de la qualité de lame. : DES SECHEIS 115 Le cerveau de la sèche est très- petit, renfermé dans une boîte cartilagimeuse ; il est divisé en deux lobes : une main adroite peut le mettre à découvert , de même que tout le système nerveux , en fendant d’abord avec dextérité la tête par derrière entre les deux yeux. On voit au niveau de ceux-ci deux forts nerfs qui , partañt chacun de leur côté des lobes du cerveau , marchent en droite ligne directement devant eux , bien opposés en cela des nerfs optiques dans les animaux à sang rouge qui , dans les quadru- pèdes , les oiseaux et les reptiles , se croisent ets’entrelacent, après leur départ du cerveau, avec celui correspondant pour se porter à l'œil du côté opposé , de manière que le rerf gauche se porte à droite, et le nerf droit à gauche. Les poissons subissent eux - mêrhes celte loi générale à laquelle les sèches, les poulpes et probablement les calmars font une exception ; car chez eux le nerf optique marche , dès son départ , du cerveau droit à son but. Ces nerfs se boursouflent bientôt en un fort ganglion cordiforme, dont les sommets donnent naissance à une infinité de filets nerveux qui, s’épanouissant en nasse, vont se rendre au globe de lœil qu'ils sai- sissent en entonnoir. Leurs dernières exiré- (02 . 214 HISTOIRE mités se ramifient ; elles deviennent Capili laires , et vont se perdre et s'identifier dans les différentes membranes de l'œil. Swam- merdam a dessiné toute cette anatomie dans la belle et exacte figure qu’il donne du sys- tême nerveux de la sèche (1). Quoique Cuvier n’en ait pas fait mention dans lex- cellent ouvrage que nous avons cité, je me plais à lui rendre hommage , et il n’en est pas moins vrai que j'ai vu, dans les galeries d'anatomie du museum d'histoire naturelle de Paris , galeries que cet homme laborieux et savant a enrichies de tant d'objets nou- veaux , et à qui on doit le bel arrangement qu’elles présentent à l’observateur , une pré- paration anatomique des nerfs optiques d’un poulpe qu'il m'a généreusement commu- niquée , et qui, en me retraçant le travail de Swammerdam , a dirigé le mien. De la partie antérieure du cerveau on voit jaillir trois paires de nerf qui, comme les tiges du nerf optique, percent au travers du cartilage qui emboîte le cerveau; de ces six nerfs une paire très-courte constitue les nerfs des oreilles ou acoustiques , les autres sont envoyés aux muscles de la tête, du bec, OA L'OEIL APN (re GHISRRRIEESSEESS (1) Swammerdam , Bibl. nat, pl. zur, fig. 2. DES SECHES. 215 des bras et des parties circonvoisines : une paire se Jette à gauche , l’autre à droite, et celle du milieu va dans le haut de la tête former un ganglion globuleux. Ces ganglions que nous retrouvons si souvent dans lhis- toire naturelle des mollusques , paroïssent être des points de repos où la Nature, arrivée à un terme , s'arrête un instant, concentre ses forces!, et poursuit ensuite son ouvrage pour les répartir dans les différens points où elle doit les disséminer par des dégradalions insensibles. La paire de nerfs que nous venons de quitter laisse échapper de la cir- conférence de son ganglion globuleux des nerfs secondaires qui s’éparpillent en rayon- nant, et vont donner la vie et le sentiment aux bras où nous les avons vu former jus- qu'aux extrémités des cordons nerveux et pleins de nœuds, qui, centrés secondaires de puissance nerveuse, donnent encore eux- mêmes naissance à des ramifications que la main la plus exercée ne peut plus suivre dans leurs derniers et extrêmes repaires. Une cinquième paire de nerfs , plus forte encore que toutes celles que nous venons de décrire , part de la partie postérieure du cerveau ; 1ls descendent et percent au travers du thorax, et après avoir traversé une parte O 4 216 HISTOIRE du corps, chacun d’eux, en se renflant ; forme un ganglion en manière de poire ; de chaque côté il s’en échappe plus de trente nerfs filiformes qui , dans leurs ramifications sous-divisées à l'infini , vont se distribuer dans la peau, dans le corps, dans les parties intérieures, comme dans les branchies ou organes de la respiration de l'animal. Tous ces nerfs traversent, comme nous Pavons vu , dans leur origine, un anneau cartilagineux qui entoure le cerveau ; 1l est en conséquence percé de plusieurs trous, et sa forme est très-irréguhère. Les oreilles de la sèche sont cachées dans sa partie anté- rieure ; on peut croire que le son ne par- vient pas à ses organes, comme 1l le fait à ceux des grands animaux chez qui ils sont bien plus compliqués ; lair refoulé va dans sa percussion frapper et ébranler loreille des êtres qui vivent au nulieu de lu, et il paroît que l’eau , le plus incompressible de tous les corps, transmet de même le son aux cétacés, aux poissons, aux mollusques, aux insectes et aux crustacés, qui peuplent son sein. On peut se représenter les eaux comme formant un tout solide et homogène, trans- mettant le son, comme le fait un tronc d'arbre couché et abattu, à un bout duquel, DIE'S :$ EC ENS. 217 en appuyant l'oreille, on entend très-distinc- tement le choc d’une tête d’épingle dont on le touche à l’autre bout : et alors les ani- maux aquatiques entendroient par une es- pèce de compression retentissante, au lieu de le faire par la vibration. Cependant, chez tous les animaux dans qui on a découvert Porgane de l’ouïe , depuis le plus grand jus- qu'aux sèches, aux calmars et aux poulpes, derniers êtres , chez qui on a constaté son existence, nous observerons que cet organe n’est pas constamment formé de la réunion des mêmes parties , mais dans tous on re- trouve la pulpe gélatineuse qui remplit la membrane élastique et mince du labyrinthe membraneux de loreille, pulpe dans laquelle viennent se fondre , se ramifier et se perdre les derniers rameaux du nerf acoustique. L’oreille de la sèche est très - simple dans sa construction , et la niembrane du laby- rinthe offre une petite poche arrondie en ovale, garnie en dedans de protubérances coniques, irrégulièrement disposées, et dans sa pulpe on rencontre un petit oëselel en forme de valve de coquille bivalve , qui paroît y tenir lieu du limacon dans les oreilles de l’homme, et des petites pierres palmées du labyrinthe membraneux des 218 HISTOIRE poissons. Quoique les observations n'aient point encore découvert Forgane de louïe chez les autres mollusques, il paroït cepen- dant que beaucoup d’entre eux ont un mode quelconque pour entendre et reconnoître ce qui se passe autour d'eux, et éviter tout ce qui peut leur nuire. | La sèche paroît aussi pourvue des organes de lodorat , quoiqu’on n’en ait pas encore pu assigner précisement le siège. Il seroit pos- sible que sa peau tissue, pour ainsi dire, de nerfs, lui tint heu de membrane pitui- taire, comme 1l est probable qu’elle le fait chez les limaces et les limacons ; et dans ce cas le sentiment de l’odorat seroit répandu sur toute la surface du corps de la sèche. On a remarqué el même très-anciennement, qu'elle fuit et craint l’odeur de certaines herbes , et sur-tout celle de la rhue (1). Le cou est très-court , dégagé et libre sur le devant; la peau du dos le recouvre pres- qau'entiérement sur le derrière ; cette peau prend insensiblement sa naissance des deux côtés de’ la nuque au dessous des yeux , et se dessine en forme de sac que Lamarck a nommé manteau, en se reportant sur le dis riilheh sf dl mebipnretet I HR SOESEES (1) Elien. Hist. nat, lib. 1, cap. 30, DES SECHES. 21{ devant du corps ; sous la peau, ce sac est musculeux et charnu. Il renferme dans sa capacité tout le corps de lanimal, dont il constitue la forme extérieure. La sèche peut y replier et y faire entrer ses bras et sa tête , à peu près comme la tortue se ren- ferme sous son test, car ses membres sont susceptibles d’une grande contraction. La peau du dos déborde le sac dans tout son pourtour en forme de festons; cette bor- dure prolongée , qui à l'extérieur constitue le caractère de la sèche , et la sépare d’avec les calmars, est quelquefois assez large ; elle esl itrès-musculeuse , et il est probable qu’elle sert à animal pour nager, diriger sa marche, et seconder les mouvemens qu’il est obligé de faire lorsqu'il veut changer de place. D'anciens auteurs ont cru qu'il nage par le moyen de ses bras, en les portant suc- cessivement à droite et à gauche, mais la forme de ces bras prouve qu'ils seroient tout au plus propres à faire ramper la sèche au lieu de pouvoir l'aider à nager, comme tout nous prouve qwelle le fait; cette bor- dure est au contraire une espèce de nageoire; qui en s’épanouissant prend un mouvement ondulatoire ; vers la partie postérieure du corps, elle est divisée et fendue dans Le 220 BAT ES TEOT RE milieu d’une manière assez prononcée pour permettre à quelques auteurs de partir de ce point , pour assigner à la sèche un côté, droit et un côté gauche. Le dos est veiné de blanc , tigré, pointillé de pourpre et de noir, et marqué de taches blanchâtres; la lisière latérale ou bordure partage ces cou- leurs ;: elle est ourlée de brun. Le ventre est beaucoup plus blanc, et bien moins tigré que le dos. Comme la sèche meurt au moment qu'on la sort de l’eau, elle devient flasque à lins- tant, ses couleurs se ternissent et prennent une teinte plombée. Dans la vie de l'animal la peau est adhérente aux muscles qu’elle recouvre ; elle les quitte après la mort, en s’attachant aux doigts et en se déchirant de toutes parts. Dans un court espace de tems, et quelquefois en moins de huit jours le mol- lusque entier tombe en déliquescence , il se fond en une eau noire et fétide; alors il ne reste plus de lui que l'os du dos , et les deux mâchoires de son bec, qu'on retrouve sou- vent sur le bord des mers, et que les anciens naturalistes avoient pris pour des becs d’oi- seaux de rivages. Un des faits les plus remarquables dans Ja construction du corps de la sèche , du cal- RÉ «. A Aubert d. : SECHE FEMELLE OUVERTE. DerifT- Monfort del, \ DES SECHES. 221 mar et du poulpe, c’est qu'il n’est point fermé comme celui des autres animaux ; le sac ou manteau constitue la peau et les muscles du ventre : ce sac est ouvert par- devant sous le cou de l’animal d’une manière assez large pour permettre de glisser toute la main entre les parties intérieures, les intestins et ce manteau , qu’on peut regarder comme une véritable poche ouverte par le haut : sur son rebord intérieur et dans la partie supérieure on voit deux forts mame- ons où (1) protubérances que d'anciens naturalistes ,; et même: quelques modernes, tels que Jonston , regardent comme de véri- tables mamelles , et l’appanage exclusif de ce qu'ils appellent la sèche femelle ; mais par ce moyen loütes les sèches eussent été des femelles , car le mâle est muni de ces mêmes mamelons ; et quand nous parlerons des organes de la génération , nous verrons ces animaux se séparer en mâles et en femelles par des caractères aussi ‘tranchés que mar- quans , qui nous iñdiqueront leur différence sexuelle. Ces mamelons sont destinés à un tout autre usage; ils semboîïtent très-exac- tement dans deux évasemens creusés en CESR D SERIE" 3 USINE D (1) Planche IL 222 DH ES DIOLR EE salière qui leur sont opposés sur la superficie du canal éxcrétoire , l’un à gauche et l'autre à droite; ces creux sont soutenus par deux forts muscles intérieurs et colonnaiïres servant à leur épanouissement ou à leur contraction, et als paroiïssent destinés à retenir , à attacher et à clouer, pour ainsi dire, la peau du venlre avec les parties intérieures , car la sèche y loge ses mamelons , les y retient ou les lâche à volonté. Lorsque ces ma- melons sont placés dans leurs alvéoles , le bord du sac appuye par-tout ; il est contenu dans cette position par la contraction des creux qui, tirant à eux , le collent et le fermént hermétiquement ; alors il est abso- lument impossible qu'aucune matière étran- gère puisse se glisser entre cette peau et les parties intérieures ; le sac excrétoire peut seul montrer le bout de son extrémité qui se présente en avant, du côté du ventre et sous la tête de l'animal, en forme de tuyau un peu renflé ; ce tuyau est le bout d’um large entonnoir renversé , et c’est par cet entonnoïr où viennent aboutir les inteslins,, et dont da texture est musculeuse , que doivent passer les œufs , la hqueur séminale , l'encre et les excrémens de la sèche. Aristote, suivi par Rondelet , prétend que c’est aussi DES SECHES. 223 par cel orilice qu’elle rejette et expulse l’eau de la mer qu’elle ne peut éviter d’avaier en mangeant. Les anciens en avoient fait l’or+ gane extérieur de la génération, car, ayant reconnu que parmi les sèches il yen avoit de mâles et de femeiles , ils prétendirent qu’elles s’accouploient : on les voit mème donner la torture à leur esprit pour deviner ce mode 28 ; les uns ont voulu que ces mollusques s’embrassassent mutuellement par leurs bras, et nageassent ainsi immédiate: imént collés dans leur réunion intime; d'au tres changent cette attitude ; ils les mettent en opposition et les font se rencontrer en na- sean l’un contre Pautre par une espèce d’em- boitement : les troisièmes enfin crurent avoir saisi la vérité en disant que les sèches s’ac- couploient par la bouche , et en conséquence ils les ont traitées d'animaux :mmondes ; c’est pour cette raison que Pvihagore, qui regar- doit la pureté du corps comme préparatoire à celle de lame, défendit la chair de ces animaux à ses disciples. Maïs nous verrons qu'il n'y à point d’accouplement paran les sèches , et que le mâle féconde les œufs que jette la femelle en les arrosant de sa laite ou liqueur séminale. Plus on considère la sèche, et plus on est ! 22, HWLSTOIRE- tenté de croire que les anciens se sont trompés en ne Jui accordant que deux ans de vie : en général celle des poissons et des habitans de l’eau est beaucoup plus longue que celle des autres animaux. Hoock a cru que les pois- sons étoient immortels ; il est certain qu'ils vivent très-long-tems, parce que leurs arêtes, loin de se solidifier comme les os quin’aug- fnentent plus quand ils ont acquis un certain accroissement , restent au contraire toujours flexibles , et augmentent en longueur avec Panimal. D'ailleurs la température des mers est moins sujette aux variations que celle des airs et de la terre, comme danslintérieur de Ja terre lethermomètre ne s’y élève jamais ni ne descend au delà de dix dégrés ,sur-tout à une certaine profondeur. On a vu des carpes de deux cents ans et de très-vieux brochets dont l’âge a été parfaitement constaté , ek si on peut juger par analogie de l’époque à laquelle la sèche pond pour la première fois, nous pouvons croire qu'elle le fait dès la première année , comme beaucoup de poissons qui tous engendrent dès les pre- mières années de leur vie , quoique très- éloignés alors de la taille qu'ils acquerront plus tard. ÉTAT mo à En couchant la sèche sur le dos on peut trés- DES S ECHES. 295 trés — facilement, avec des ciseaux , ouvrir par le milieu le sac ou manteau dans toute la longueur du ventre : cette coupe permet de voir et d'examiner, saus aucune lésion, les viscères et les parties intérieures ; les unes se présentent à nud , et les autres se laissent apercevoir au trayers des membranes du thorax et de l’abdomen : de ces parties, celles qu’on distingue le plus dans le pre- imier aperçu , sont les branchies. Ici, comme chez des poissons et les crustacés , elles cons- tituent l'organe de la respiration et tiennent la même place que les poumons dans les quadrupèdes et les repliles ; mais , au. lieu de trachée-artère, de bronches et de leurs cellules, d’autres vaisseaux, que l’on pour- roit nommer branchiaires , viennent ramper par entrelassement et. former mille contours sur, les feuillets et rainceaux frangés que présentent les branchies. Ces vaisseaux pa- roissent, doués de la puissance de séparer, par des pores absorbans, l'air propre à la vie de lamimal que renferme l’eau , toujours renouvelée, qui vient baigner les branchies; celles de la sèche sont molles et spongieuses:; elles forment deux corps, dont l’un est placé à droite , l’autre à gauche vers lé mulieu de l’intérieur du corps, s’élevant en forme ol, Tone I. F #26 HIS TOI R EU dé palmes , et offrant dans leur longueur un gros vaisseau en saillie qui se ramifie des deux côtés en vaisseaux secondaires , blancs comme du lait, dont la couleur contraste et tranche sur le fond grisâtre des feuillets des branchies. Ces vaisseaux blancs se sous- divisent en rameaux principaux , et l’infa- tigable Swammerdam en compte plus de quarante sur chaque branche. € Si on con- sidèré mâinténant , dit-il , leurs ramifica= tions secondaires qui vont se perdre en plon- geant dans la substance des branchies, la quañtité én paroîtra innombrable 5. La singularité la plus frappante dé toute Porganisation de la sèche est dans ses trois cœurs ; trompé par l’analogie , Swarmimer- dam ne les reconnut pas : et en effet, pour- roit - on soupconner que le muscle actif, conservateur du mouvement et de la vie, qui jusques-là est toujours seul et unique , se multiplie ainsi tout à coup dans un mol- fusque au point de se tripler.. .: C’est par lintermède de ces trois cœurs que $opère chez lui la circulation du fluide chilifique qui constitue le sang ; ils sont disposés en triangle : deux sont égaux , et celui infé- rieur est le plus grand des‘trois ; la lymphe qui gonfle les veines est voiturée par elles DES SECHES. 227 dans la veine - cave qui, par une bifurca- tion , se divise en deux branches pour aller se rendre dans les deux cœurs placés sur les côtés ; de là elle est portée dans les bran- chies , d’où elle tombe dans le cœur du milieu placé au fond du sac vers la base du corps de lanimal , et ce troisième cœur la renvoie par les artères jusqu'aux extrénutés du corps ; cette lymphe revient ensuite par les veines , et forme ainsi le plus singulier et le plus frappant système de circulation ani- male qui existe peut-être. | L’'estomac ou ventricule est fait en forme de poche arrondie ou de gésier d’oiseau ; la sèche le remplit de chevrettes, de squilles, de crabes et de la chair des poissons dont on y retrouve les débris et les arêtes ; ses tuniques sont fortes et musculeuses ; il pa- roit qu’il est doué d’une grande vertu diges- tive ; car jy ai trouvé les parties du test des crabes et des étoiles de mer entièrement ramollies ; l'intestin rectum semble ne faire avec lui qu'un seul et même conduit, qui, partant de la bouche, descend par l’œso- phage dans le ventricule , et poursuit sa route pour aller se terminer sous le sac ou manteau, à droite et au milieu de labdo- men ; dans sa route il reçoit et donne inser- Pa #28 AÉES TONRE tion au canal de la vessie à l’encre qui vient _sy rendre. Quand le fourreau de la sèche est fermé par ses atiaches mamelonnées, ik est hermétiquement scellé ; alors rien ne peut plus passer par dessus le rebord de ce manteau , et le tuyau extérieur , placé en: avant sous la tête de l'animal, devient la sortie commune aux ovaires, aux Vases sper- matiques, comme aux excrémens et à l'encre de ce mollusque. | Les parlies caractéristiques du mâle con- sistent principalement en vaisseaux sperma- tiques renfermés dans une espèce de glande très -apparenie , ou testicule placé dans le bas du corps près de la vessie à l'encre et arrondi en œuf; cette glande est terminée par un vaisseau éjaculateur où déférent en forme de conduit qui flotte librement dans Fabdomen, où il vient se placer à gauche de l'intestin rectum, sy présentant à nud avec son ouverture. | T’oyganisation de ces parties est admi- rable , et elles vont nous présenter un nou- veau phénomène. On peul développer toute la substance du testicule en un long cordon spermatique , plus mince dans les deux extré- mités et légèrement renflé dans le milieu; rempli d’un sperme blanc qui, au premier Là. looaES. € nr: DES SECHES «®% attouchement , flue comme du lait ; cette liqueur spermatique devient plus limpide et plus claire dans la partie renflée du cordon; mais, vers la fin sur-tout où elle est plus épaisse, elle fourmille de milliers de fbrilles qui demandent une attention particulière : elles ont mérité celle de Swammerdam , de Needham , de Buffon et de Bonnet (1) ; et bien loin de pouvoir me mettre en parallèle avec ces hommes célèbres , je me permet- trai de suivre leurs travaux , et de donner le résultat de leurs expériences, que j'ai répé- tées et qui m'ont fait voir les mêmes choses. Swammerdam avoit observé à l'œil nud ; dans la dissection qu’il avoit faite de la sèche, des petites fibres blanches extrêmement (2) délicates, qui venoient se présenter d’elles- mêmes à l’ouverture du vaisseau, éjacula- teur , et cet homme de génie poussa la modestie jusqu'à dire qu’il ne pouvoit en indiquer lusage , les regardant peut-être (1) Swammerdam, loco citato. — Nouvelles Décou- vertes faites par le microscope, par T. Needham ; Leyde, Luzac, 1747; chap. 5. — Histoire naturelle de BuMon, tom. XVII, pag. 518. — Considérations sur les corps organisés, par C. Bonnet; Amsterdam. Mare Michel Rey, 1762, pag. 13 et 66. (2) Planche IV, fig. 5. P 3 250 HISTOIRE comme des corps parasites , et peut-être né, cessaires à la prolification. Depuis, Needham retrouva ces mêmes corpuscules dans les Vaisseaux séminaux des calmars ; il en com- muniqua le dessein à Buffon ; mais, quoique très-rapprochées, les figures des fibrilles du calmar ne sont pas exactement semblables à celles de la sèche : une autre différence encore très-remarquable, c’est que Needham, observant à Lisbonne , ne les trouva dans les calmars qu’en janvier ; tandis que pen- dant tout l’été il n’avoit rien pu y découvrir de pareil, et qu’au contraire Swammerdam observoit en mai en Hollande, mois d'été, où la sèche mâle étoit arrivée au moment de la puissance prolifique. Ces fibrilles , comme les nomme Swam- merdam , sont parfaitement blanches, per-. lucides aux deux bouts, et fourmillent dans la liqueur séminale à laquelle elles paroïssent donner plus de consistance ; elles sont un peu courbées en arc; parfaitement arron- dies , libres par derrière , et se terminant en avant par un fil délié qui les pelotonne et les embrouille entre elles ; ce fil est deux fois plus long que la fibrille; et quand on la soulève par son fil, qu’on la tient en l’air, il se durcit en se solidifiant, comme le fait DES SECHES. 231 celwi du ver-à-soie, et devient brillant comme de la soie, en acquérant une eer= taine ténacité ; mais » ce qui est bien plus étonnant encore , c’est alors que l’on jette ees petits corps dans quelque vase d’eau, en les y abandonnant pendant quelque tems; bientôt ils commencent à se tourmentier , à se mouvoir ; ils se fendent par derrière, et quelquelois aussi sur le devant, et dans l’ins- tant la matière blanche, qui est renfermée dans le milieu , en sort subitement, se rou- lant sur elle-même en spirale comme un serpent ou un ressort à boudin (1), sans que l’étui qu'il vient d'abandonner se ferme après son départ. | En examinant ce corps serpentin à la loupe , on voit distinctement des arlicula- tions ou anneaux dans toute sa longueur , qui rappellent en petit la forme d’un lom- bric ou ver de terre. Si on les laisse plus long-tems dans l’eau , ils se déforment, se dilatent et s'étendent. En dévidant les. con- tours et méandres du cordon spermatique , sa tunique est si fine qu'on voit distincte- ment ces petits corps au travers ; ils y sont entassés sans ordre et de différentes ma- .(r) Planche IV, fig. 4. 232 HISTOURE nières, et souvent on les y voit enlr'ouveriss ayant lancé leur ressort en spirale au milieu des autres , qui sont encore dans leur état de repos. Lorsqu'on les soumet au microscope pour exanuner de plus près leur structure ;, on voit que ces fibrilles sont transparentes dans leur partie postérieure (1), comme si elles y renfermoient une bulle d'air ; ensuite vient la substance blanche qui en occupe le tiers, et qu’on a vu s'en élancer ; parde- vant elles redeviennent diaphanes, donnent entrée au fil qui, après s’y être replié en deux ou trois tours , se projette en dehors pour s’accrocher et se lier aux autres corps qui l'entourent, en se durcissant à Fair comme le fait la soie. ee Il paroît que Needham , en faisant ces découvertes , ignoroit totalement celles de Swammerdam , antérieures de quelques années. Déjà Leeuwenhoeck , Huguens et Hartsoeker s’étoient illustrés par leurs ob- servations microscopiques , el par la décou- verte des animaux spermatiques ; mais om voit Needham douter de leur existence, dès qu’il eut rencontré les corps de la laite du calmar , et il ne semble plus vouloir recon- nn —————— (1) Planche IV, fig. 5. DES SECHES. 233 noître tous les animalcules infusoires cet spermatiques que comme des machines ana- logues à celles du calmar , parce que celles-ci ne lui avoient pas absolument paru douées de la vie animale. | Buffon répéla courageusement les expé- riences des observateurs hollandais ; il en créa mème de nouvelles et réunit toutes ses observations en forme de système. On le voit par-tout retrouver ces animalcules dans les infusions et dans les liqueurs séminales. On aime à le suivre dans un travail aussi curieux qu'intéressant, et au milieu d'observations microscopiques et minutieuses auxquelles on hésiteroit de croire que son grand génie ait pu se plier, si on ne le voyoit y soumettre les matières et les liqueurs qu’il a pu trouver sous sa main. Quant au calmar, il s’en rap- porte entiérement à Needham dont on ne peut coatester la perspicacité ; il se plaît même à publier la figure de ces corps, fibrilles ou étuis des vaisseaux spermatiques du calmar; fous y renvoyons nos lecteurs; et commé nous donnons le dessein de ceux du mâle de la sèche, ils pourront , en les confrontant, voir la différence qui existe entre eux. Buffon examina lui-même ces petites ma- chines, probablement desséchées et prépa- 25% HISTOIRE rées au microscope de Needham , et il recon= noît la véracité de sa description ; mais il ÿ remarque que ce savant a négligé l’observa- tion de petits globules qui nageoïent ou flot- toient au milieu de la liqueur la plus séreuse rénfermée dans l’intérieur de la fibrille. Ces globules, négligés par Needham, pourroïent bien être, comme l’a pensé l'illustre Buffon , p. 324, dans la note , les véritables animaux spermaliques de la laite du calmar : je les at vus en plein mouvement dans la liqueur vis- queuse qui rend les deux bouts de ces fibrilles perlucides, et dans la liqueur spermatique séreuse qui occupe la partie moyenne du cordon spermatique ; après que je les eus plongés dans l’eau tiède , ces fibrilles jettèrent leur ressort en spirale , et l’eau se remplit entièrement d'animalcules ; leur forme pré- sente une tête arrondie, et qui, susceptible de contraction, se dessine (1) quelquefois en trefle aigu ; leur queue est très-alongée elle ondoie quand l’animal nage; et comme il le fait dans toutes les directions, on ne peut pas se tromper en lassimilanut aux (1) Planche IV, fig. 6 On peut les rapporter au genre protée de Bruguière, Enc. pl. 1, fig. 2, parce que, comme cux , il change de figure. DÉS SECHES. 235 autres animaux spermatiques que nous ont fait connoître successivement tous les auteurs qui ont traité de cette matière. Le tems et les circonstances ne m'ont pas permis de pousser bien loin mes observations : un goth ou un vandale (1), nommé Mengaud , que je ren- conirai malheureusement à Boulogne-sur- mer , où il se disoit commissaire supérieur du souvernement, enfonçca militairement avec ses sbires, en mon absence, les portes de mon cabinet, brisa mes instrumens, jeta mes collections par la fenêtre, et culbuta toutes mes préparations, voulant trouver parmi mes papiers de quoi colorer un oubli total des lois et une insulte gratuite qu’il s’étoit permis à mon égard dans son ivresse. Plus heureux dans un autre moment, je pourrai réparer cette lacune ; car c’est la première fois , même parmi les sauvages et les barbares, que j'ai renconiré un ennemi de l'étude de lhistoire naturelle et de ceux qui la professent, ayant au contraire trouvé par-tout secours el pro- tection. Maïs, comme Needham ne s’étoit pas occu- pé des globules, que le corps qui s’échappe en spirale avoit principalement attiré son attention , Bonnet releva cette observation (1) Le mème qui a été en Suisse. 256 ETS TO RE en la prenant au point où venoit de la quitter Needham. Dans ses considérations sur les éorps organisés, page 19, il s’en sert pour attaquer le système des vers séminaux ; et, pour lui, cette découverte dans le calmar les rend au moins douteux, pour ne rien dire de plus. Je crois qu’il ne sera pas impossible de concilier tous ces sentimens, en observant, quand nous parlerons des œufs de la sèche, ét que nous verrons qu'ils sont liés entre eux par une espèce de queue en manière de grappe, encore peu solide à l'instant de la ponte, comme le témoigne aussi Rondelet(1), que la queue de cette grappe ne se consolide que par la réunion de petites fbrilles qui res- semblent à une mince chanterelle de violon, après que le mâle les a arrosés de sa liqueur . spermatique , et que c’est dans ce moment seul que les œufs se réunissent, pour tous ensemble ne former solidement qu’une seule et même grappe. | Les parties de la génération de la femelle (1) Cohœærent inter se omnia ad speciem racemÿ unicuidam hexui obducta ; nec facile alterum ab altero detrahi potest; mas enim humorem quendam emittit , cujus lentore sibi adhærescunt et augescunt. Rondelet, pags. 505 , de sepiarum ovis. DES SECHÉS. 237 différent de celles du mâle par un grand ovaire placé dans le fond du sac, justement au même endroit (1) que le testicule chez le mâle. Ces parties sont celles qui caractérisent principalement la différence du sexe : quel- ques autéurs, même très-anciens, ont écrit que le mâle étoit à l'extérieur plus noir que la femelle ; que son dos étoit aussi plus veiné de blanc; mais j'avoue que cette différence, si elle existe, est peu sensible. On voit per- cer, au travers de la membrane de lovaire, la forme arrondie des œufs, et il en contient de parfaits et d’imparfaits; car 1l paroiït que la sèche fait plusieurs pontes par an : ils sorlent de l'ovaire par un conduit éjacula- teur qui vient offrir son ouverture au milieu de l’abdomen, inais à droite de l'intestin rectum ; tandis qne nous avons vVü le caral éjaculateur du mâle s'ouvrir à gauche du imnéme Intestin, et la sèche doit jeter ces œufs in à un: auirement ils ne pourroient pas passer au travers du canal, ni du tuyau charnu extérieur qui sert de décharge com- mune à toutes les fonctions du corps. Leur ponte paroiît être laborieuse , car Île corps et sur-tout le ventre se compriment alors à {1) Planche IL 238 HISTOIRE plusieurs reprises. Quand la sèche les jette, ils sont blancs, pointillés de brun, de la grosseur de petits pois, et elle choisit, pour les dépo- ser, les lieux les plus fourrés d'herbes et d'algues marines qu’elle peut rencontrer. Le mâle , qui ne quitte jamais sa femelle, guette cet instant; et dès que la ponte est fime , il vient arroser ces œufs de sa liqueur sémi- nale ; elle les agglutine alors fortement en forme. de grappe : tous deux se réunissent pour jeter de concert leur liqueur noire dont. nous allons parler bientôt sûr le lieu où ils viennent de déposer leur progéniture. En lenveloppant ainsi d’un brouillard épais, ils en dérobent la vue aux animaux qui pour- roient la détruire, et ces œufs prennent eux- mêmes la teinte noire de la liqueur dont ils sont environnés. Une ponte s'élève quelque- fois à cent œufs; elle est un trésor que le mâle et la femelle couvent des yeux, sans jamais labandonner pendant les quinze jours qu'ils mettent à éclore. Ils se tiennent en sentinelle dans le voisinage, et en défendent courageu- sement l’abord : pendant ce tems les œufs grossissent et atteignent quelquefois la gros- seur d’une petite noisette ; parfaitement (1) (1) Planche IV, fig. 2. DES SECHES. 25q ronds dans leur partie REA ; ils $0n£ légèrement pointus à linférieure; la petite sèche s’y dévéloppe ét y vit à peu près comme le poulet dans l'œuf de la poule ; élle y croît en s’appropriant l’albumen où blanc qu’elle consümime entièrement , et qui finit pär dis= paroître : ce blanc, comme celui de l'œuf dés oiseaux , enveloppe un noyau , quoiqu'o n'ait pas encore reconnu lattache du cordon ombilical. Après ces quinze jours, les jeunes sèches fendent l’enveloppe ou coqué de leurs œufs ; elles en sortent parfaitement blanches, toutes formées, ét, dans linstant, elles se livrent à la recherche de leur proie : dés ce mornent les vieilles les abandonnént à ellés= mêmes, et vont se livrer ensemble à de nou= velles Amours ; car il est constant qué la sèche fait plusieurs pontes par an, commençant dès les premiers jours du printems, comme la fort bien observé Aristote, Lesarnciens comme les modérnés ont pur : ces arr le Ron « = raisin de _ ik | ) ; GE LES avec ce fruit de D vigrie. Bohadsch les observa sur le rivage de Naples et sus celui de la Hollande. À Naples ; dans Îé mois Res] (1) -Racéhüm marina , uva marind de mars, le fœtus n’étoit pas encore appa+ rent ; mais, au milieu de juin, il trouva de ces œufs , et déchirant leur membrane noire, il y vit de petites sèches déjà développées; et en Hollande, l’œuf est déjà vuide en août, On ne doit pas pour cela en inférer que lés œufs sont plus de quinze jours à éclore, jus- qu’à ce que de nouveaux faits viennent nous en assurer : la sèche paroît faire plusieurs pontes, et les anciens ont écrit unanime- ment que les œufs ne restoient à éclore que l’espace de quinze jours. Enfin tout à fait au fond du sac ou four- reau et par devant se trouve la vessie à l'encre; en voyant sa petitesse on est étonné de la quantité d'encre où de liqueur qu’eile peut fournir. Cetle poche ou vessie est faite en forme de poire; elle repose mollement sur les parties sexuelles ; placée parfaitement dans le milieu chez la femelle et un peu à droite dans le mâle, parce qt’elle est re- poussée de ce côté par la glande , à laquelle nous avons donné le nom de testicule : chez tous les deux elle se termine dans la partie supérieure en un petit canal qui va s'ouvrir vers lorifice de l'intestin: rectum. Au fond de cette vessie on voit une petile masse charnue , adhérente et glanduleuse, qui paroi A vi; ip sr TS. CORTE DES SECHES. 24% paroît y être placée pour la sécrétion de la liqueur noire ; jamais Swammerdam ne put en faire l'anatomie par la quantité et le flux de lencre qui en distilloit sans interruption, æt qui venoit tout noircir, quoiqu'il em- ployât quantité de seaux d’eau pour la laver: c’est pourquoi il recommande qu’en dissé- quant la sèche, on se donne bien garde d’at- taquer ou de couper cette vessie. C’est encore en chant cette encre et en obscurcissant les eaux, que la sèche se dérobe aux pour- suites de ses ennemis, qui, en croyant la saisir, n’embrassent qu'un nuage, et avant qu'ils laient traversé , la sèche a déjà pu fuir au loin : poursuivie de nouveau, elle recommence les mêmes manœuvres et par- vient ainsi très-souvent à s'échapper. L’encre de la sèche est indélébile, sur-tout quand elle est fraiche; et j'ai expérimenté que rien ne pouvoit l’effacer sur du linge que j'en avois marqué. Une sèche morte en donne beaucoup plus qu’une autre qu’on viendroit seulement de prendre ; et c’est en la ramas- sant pendant quelques jours, comme me l’a dit un navigateur danois qui avoit, en qua- lité de capitaine, fait plusieurs voyages à la Chine , que les chinois en forment leurs petits pains d’encre, jetant dans de l’eau de HMoll. ToMeE I. Q 242 FH IISITIOT RES riz {a liqueur concrète et agglomérée qu'ils trouvent alors dans la vessie à l'encre de la sèche, pour la ramollir, la fondre en pâte et en remplir les moules qu’ils chargent de des- seinset de caractères. Ces pains (1)sont peut- être plus recherchés en Europe aujour- d'hui qu’en Chine, et il est peu de dessina- teurs qui n’en fassent un continuel usage. Sion jette l’encre fraîche de ja sèche dansun verre, elle sy coagule et se dessèche, s’y refendant en petits fragmens par le retrait; ces frag- inens se redissolvent à l’eau et donnent une très-belle teinture noire. Les auteurs anciens nous ont laissé la preuve que les romains se servirent de l'encre de la sèche pour écrire sur du papyrus, du parchemin ou du velin, quand ils vouloient composer des ee (1) Seba, qui vivoit en Hollande et qui connoissoit une foule de navigateurs qui avoient faits le voyage de la Chine, nous l’assure de même. Je copie ici un passage de cet auteur qui le prouve : « De swart oostindische inkt wordt ons nit Japan en Sina medege- bracht, daar zy het uÿt desen blakfisch in menigte weeten te vergaederen en uit drogen, nevens einige andere bymengselen in formen zeer netjes met karak- ters van japansche en sineesche letteren en figuren uit gewerkt waer van einige verguldt, enandere versilvert syn, wordende hier felande gebragt voor de ekenaars eu andere Jiefhebbers ». ( Seba , tom. III, pag. 6.) DES SECHES. 248 d'une certaine longueur (1); mais, comme les chinois, ils ne connoissoient pas l’art de la réduire en pains solides. Pline cependant ne fait pas mention de cet usage; il prenoit cette encre pour le sang de l’animal (2); erreur moins condamnable que le conte populaire au'il s’est plu à consigner dans ses Annales sur la foi d’Anaxilaüs (3), et que copièrent depuis Albert le grand et Albert le petit, en disant que l'encre de la sèche avoit assez de vertu pour faire paroîre noirs, comme des nègres, tous ceux awon éclaireroit avec une lampe dans laquelle on auroit jeté de cette liqueur noire. Indépendamment des autres usages que nous avons décrits, aux- a (1) Jam liber , et bicolor positis membrana capillis, Inque manus charta , nodosaq, venit arundo. Tum querimur crassus calamo qudd pendeat humor, Nigra quod infusa vanescat sepia lÿmpha : Dilutus quærimur , geminat quod fistula guttas. PERS. satira Ii, Aut adsit si interpres tuus Ænigmatum qui cognitor Fuit meorum cum tibi Cadmi nigellas filias - Melouis albam paginam, Notasque furva sepia, Cnidiosque nodos prodidit. Auson. in epist, ÿ (2) Plin. lib. 9, chap. 29. (5) Plin. lib. 32, chap. 10, à la fin. > Q 2 EiA HISTOIRE quels la sèche se sert de sa liqueur noiré 3 comme nous l'avons vu; elle la répand encor clans l'eau, soit qu’elle veuille éviter la main du pêcheur, ou les atteintes d’attres ennemis qui lui donnent la chasse. | Il nous reste à parler d’un viscère inté- rieur dela sèche que les anciens ont nommé imutis ; ignorant, malgré toutes mes recher- ches, le rôle qu’il joue dans l’économie ant male de ce mollusque, je mai pas pu en décrire les fonctions et lusage : il est placé dans le haut du corps de la sèche vers le dos, sous lentonnoir , et presque transparent. . S'il étoit permis de hasarder une conjecture ; je dirois, avec Swammerdam, que ce corps remplace le foie; sa couleur tire sur le roux, et la moindre blessure que l’on fait à son tégument ou membrane extérieure, suffit pour le faire fondre et s’écouler; car sa substance est absolument défluente. Sous beaucoup de rapports, il m'a paru qu’elle correspondoit avec la vessie à l'encre, qu’on pourroit prendre pour le fiel de la sèche, si la saveur douce et presque veloutée de celte liqueur noire re s'y opposoit pas. Son goût est même très-agréable, et communé- ment on s’en servoit pour assaisonner la chair de cet animal; la couleur qu’elle doit DES SECHES. 245 imprimer à ce ragoût ne peut que rappeler celle du brouet noir des lacédémoniens. Le caractère le plus saïllant de la sèche ; celui qui constitue son genre en le séparant de ceux du calmar et des poulpes, est l'os crétacé qu’elle porte renfermé sous la peatt de son dos. Cet os prend vers le cou; il est aplati, de forme ovale alongée (1}),'el se prolonge jusqu’à l'extrémité du corps; il est intérieur, libre, et seulement renfermé ou contenu dans ses tégumens comme dans une gaine. On ne peut que s'étonner en voyant l’exact Swammerdam dire que des muscles viennent s'implanter dans cet os, et qu'on y retrouve des ramifications des vaisseaux sanguins (2). Ne voulant pas presqu’à chaque page établir des discussions oiseuses et inu- iles, jai souvent passé sous silence les .er- reurs que les anciens avoient publiées sur le mollusque dont nous faisons l'histoire, parce que ces erreurs ne tiroient plus à cou séquence depuis que les observateurs mo- (1) Planche IT, fig. 1 et 2. (2) Swamm. Bibl. nat. pag. 881. Æ7inc ossi museul sepiæ inseruntur. Jt 1bid. pag. 902. Îmo vel clarissime insuper observamus , vusa sanguifera in os istud pene= érare , ejusque per superficien semeé disiribuere. Q & 246 HISTOIRE dernes étoient venus mettre à peu près chaque chose à sa place; mais plus un homme est recommandable par sa science, plus ïl est célèbre, et plus il faut, en adoptant ce qu’il a bien vu, rectifier les faits par lesquels 1l pourroit nous induire perpétuellement en erreur. Nous devons respecter nos maîtres; mais je crois qu’une confiance aveugle fût cette source d'erreurs toujours copiées litté- ralement, et qui dégradent les ouvrages de presque tous les anciens naturalistes. L/ana- logie trompa encore ici Swammerdam;il crut que , comme les vertèbres dorsales, los de la sèche ne pouvoit exister sans l’insertion des muscles ou tendons; et c’est ainsi que , mar- chant d'erreurs en erreurs, Klein et les sec- tateurs de lintus-susception voulurent aussi donner des attaches nourricières aux coquilles des testacés : mais des observations irréfra- gables nous ont démontré que ces coquilles augmentoient et ajoutoient chaque jour à eur épaisseur, par des couches dues à un suc calcaire qui suinte continuellement des glandes excrétoires du corps des animaux qui les habitent. Il en est de même de l’os crétacé, calcaire et presque spathique de la sèche; son volume augmente successivement el en raison de l’âge de Yanimal , par des SU rz. 5 1 247. y D) LL, LL #y #4, y Jp, hf à OS DE SECHE . DES SE CH ES. 247 couches supérieures et inférieures très - dis- tinctes que viennent y déposer les tégumens : dans lequel il est renfermé. Ferme, dur et, inflexible , cet.os est parfaitement libre; c’est en: vain qu'on y recherche , même à l’aide du microscope, l'insertion de muscles ou de tendons, et les ramifications des vaisseaux sanguins (1). Cet os est extrêmement léger et spongieux ; 1l flotte dès l'instant que, tout. humide encore, on le retire du corps de la sèche : en examinant sa cellulosité et celte propriété de flotter, qu'il possède au plus haut dégré, ne seroit -1l pas probable qu'il servit pour aider la sèche à monter et à des- cendre dans les eaux de la mer, et que, par un mécanisme particulier à cet animal, il . puisse à volonté remplir, les loges nombreuses que renferme cet os spongieux, d'air pour {lotter et s'élever, ou en retirér ce même air pour se replonger au fond des abymes (1) Ce corps n’a point d’adhérence avec les chairs dans lesquelles il se trouve , pour ainsi dire, comme un corps étranger qui s’y seroit introduit : aucun vaisseau , aucun nerf visible ne le pénètre ,'et il ne donne attache à aucun tendon. (Cuvier, Leçons d’ana- tomie comp. tom. TI, pag. 120.) Recfermant vers le dos un os libre, crétacé et 2 1} spongieux, ( Lamarck, Syst. des an. sans vert. p. 59.) Q 4 248 HISTOIRE de l'Océan ; de la même manière quequelques' poissons enflent, dilatent et compriment la vessie remplie d’air qui leur permet de ven à fleur d’eau ou se plonger dans la vase, et: toucher le fond des rivières. Lorsque lon fend la peau du dos, on peut en retirer ceë os avec beaucoup de facilité ; le dessus ex est ondé, grenu et crispé ; les couches y sont plus épaisses que celles du côté du ventre ; elles y sont doublées d’une couche cornée qui, en ramenant à la substance de la plume ou glaive que nous trouverons chez les cal- mars, tapisse elle-même le dessus d’une autre couche très - mince, silriée en rame, d’une couleur rosacée, et dont la substance est calcaire ; ces trois couches débordent en aile celles de Pintérieur ; elles s'étendent d’une manière uniforme et continue sur toute leur surface, et une espèce de bouton mamelonné les surmonte à leur partie supérieure. Les couches intérieures se projettent différem- ment ; elles le font en voûtes. Par des coupes longitudinales. et en travers, on peut y ob- server les divers accroissemens de la sèche (1): (2) Planche HT, fig. 5 et 4. Mais le dessein ne peut que rendre très-imparfaitement la délicatesse de cette disposition. | ! DES SECHES. 29 enne lui accordant, avec touslesauteurs, que deux années de vie, il faut que ces accrois- semens soient fréquens et rapides; chacune de ces couches, en partant du même point, bombe en dos - d’âne sur celle qu’elle vient: recouvrir, et leur interstice est marqué par une foule innombrable de petits piliers creux qui en forment un véritable labyrinthe ; cha- cune d'elle déborde sur les côtés et sur le derrière celle qu’elle vient cacher; et c’est ainsi que l'os de la sèche, qui, au sortir de l'œuf, étoit à peine large comme la tête d’une épingle, s’'élargit et s’alonge successi- vement au point d'acquérir quelquefois un pied et demi de longueur. La dernière cloison ou couche offre toujours le poli le plus doux, il égale celui du papier des chinois lissé ; on peut voir la disposition de ces couches par la section de cet os; les petits piliers creux qui les séparent sont tous d’une ténacité ex- trême, et de même nature crétacée que les couches. J'ai compté plus de cent cinquante de ces cloisons dans une sèche qui n’excédoit pas un pied et demi : combien ne doit-il pas y en avoir davantage dans ces grandes sèches que cite Olearius , qui avoient trois pieds et demi de long, et qu'on avoit prises sur les 250 HISTOIRE bancs de sable de Schevelinge , et de celle: encore plus forte, pêchée près de Hambourg, que lepeuple regarda comme desmonstres(1). Swammerdam , en observant l’os de la sèche , a cru voir que les petits piliers qui supportent les cloisons , n’étoient pas exac- tement ronds , et qu'ils affectoient au con- traire des formes irrégulières , de facon que leurs parois, coulant les uns dans les autres, forment une continuité d’entrelacis et de méandres en labyrinthe; c’est ainsi qu'il les a dessinés planche xr1, fig. 8, du tome EE. Il prétend même, fig. 7, dans celte planche, que les piliers sont liés entre eux, dans leur longueur , par des attaches transversales. La grande habitude qu’il avoit acquise du mi- croscope par un long usage, a souvent fait : découvrir à ce savant célèbre ce tee reste caché à d’autres observateurs. Quand on sépare adroitement les feuillets qui terminent le bas de los de la sèche, on y découvre une pointe aiguë qui en fait la base, sur-tout dans les vieilles. Le savant hollandais est encore le premier qui en ait fait la découverte ; et c’est en calquant mes recherches sur les siennes, que j'ai retrouvé (1) Olcarius, Cabinet de Gottorf, pag. 44. DES SECHES. ob celte pointe dont je ne crois pas qu'aucun autre auteur ait fait mention ; et comme je n’ai trouvé cet os nulle part bien dessiné , comme on peut s’en convaincre en examinant même la figure de l'Encyclopédie, planche Lxxvr11, figure 7 ; je l'ai dessiné d’après nature , et on peut voir, planche TIT , figure 4, la pointe qui le termine intérieurement. Les grecs nommèrent cet os ostracon et cution (1); Aristote lui avoit douné le nom de se- pium (2); nous le nommons écume et biscuit de mer ; les allemands fischbein (3) ; les fla- mands et hollandais zeeschuym (4), et les añglais cutile-bone (5). On en voit flotter en quantité sur les côtes de la Hollande , où les pêcheurs les recueillent pour les jeter dans le commerce ; on les ramasse encore sur le sable de la plage aprés la tempête. Les orfèvres sur-tout en font une grande con- sommation pour mouler, dans la partie in- térieure , une multitude de petits ouvrages qu'ils nettoient et recherchent après à la me (1) Athénée et Dioscoride, lib. 2, chap. 23. (2) De partib. lib. 4 , cap. 5. (5) Gesner de Moil. pag. 186. (4) Scba, tom. IH ;et Swammerd. pag. 800, (5) Borlas, Nat. hist. of Coruwall. pag. 260. 252 HISTOIRE et au burin. Los de sèche , mis en poudre . sert à donner un beau poli à quelques mé- taux ; on le donne encore aux serins , ainsi qu'à d’autres pelils oiseaux qu'on retient dans des cages, et cela leur aïgwise le bec : mis en poudre impalpable , l'os de la sèche est aussi la base de presque toutes les poudres dont on se sert pour blanchir et nettoyer les dents ; et sous le nom de coraiË blanc, c'est peut-être la meilleure préparation que l’on connoisse pour cet usage. Les dames romaines composoient une espèce de fard avec l'os de la sèche qu’elles faisoient brüler, ce qui donnoit une espèce de chaux talqueuse; car la substance de cet os est plus spathique que purement calcaire , et on sait que le talc forme encore aujourd’hui la base du rouge qui colore les joues de quelques dames aux dépens de leur peau, qu'il sèche et rend écailleuse en la brûlant et en la noircissant. 1/ancienne médecine se servoit aussi de l'os: de la sèche dans les collyres et remèdes pour les veux ; elle en faisoit encore la base de quelques poudres absorbantes (1). | Dans les faits que nous venons de décrire ; nous avons vu la sèche douée de tous les … (1) Mathiole, in Diosc. lib. 2, ch. 20. DÉS SECHES. s55 organes du sentiment : nous avons vu com- ment le mâle et la femelle de ces mollusques carnivores tendoïient des pièges multipliés à leurs victimes, et comment ils savoient fuir les atteintes de leurs ennemis : nous avons vu le mâle attentif et constant ne jamais abandonner sa femelle , veiller le moment de sa ponte, et partager avec elle les soins de la paternité. Une fois choisie, il ne quitte plus la femelle qu’il s’est donnée ; époux prévenant et fidèle , la mort seule peut rompre des liens que l’union paroît embellir , et qu'il n’enfreindra pas pour un autre objet : point d’infidélités, point de courses clandestines , par-tout il accompagne sa femelle et veille sur son repos et sur ses. jours : pour la sauver , il expose les siens ; il sait affronter le danger le plus certain ; s'élancer contre lennenui et la défendre au péril de sa vie. Les anciens, pour qui les sèches étoient un mels savoureux , avoient des pêcheurs de qui la seule occupation étoit de faire la guerre à ces animaux ; plus que nous, ils purent observer les mœurs de la sèche, et les écrits de leurs plus célèbres observateurs attestent que, quand la femelle étoit saisie et percée par le trident du pêcheur, le Es 254 ‘HISTOIRE male intrépide , bravant tous les danger# et partageant le sort de sa compagne, voloit à son secours, et se perdoit ordinairement avec elle. Dans un danger imminent, sur- tout lorsque le mâle est blessé , la femelle, plus foible et plus timide , se tient sur les derrières , et fuit au loin lorsque le mâle est saisi sans retour. Il en est de même chez presque tous les animaux, et sur-tout parmi les quadrupèdes, où le mâle paroît toujours chargé de la défense commune, et où, dans quelques espèces généreuses, il fait. cons- lamment à sa femelle un rempart de son COrps. Quand on retire ces sèches de l’eau , le mâle comme la femelle font entendre un grognement qui innte celui du cochon ; c’est leur cri de mort ; ils expirent presque à l'instant. Les pêcheurs de l'antiquité tiroient parti de cet amour du mâle pour sa femelle et de la recherche que les jeunes mâles font d’une compagne ; ils attachoiïent avec une corde une sèche femelle dans un endroit où 1l y avoit quelques pieds d'eau, et ces mâles venoient se livrer à leurs coups, attirés par l’appât trompeur du plaisir ; d’autres fois ils plongeoiïent dans l’eau un miroir de métal enchâssé dans du bois, et trompés par leur DES SECHES. 255 propre image , les sèches accouroient encore se jeler dans les embüches qu'on venoit de leur dresser (1). Quand ceux qui s’adon- noient à cette pêche ne se tenoient pas dans le voisinage de leurs pièges pour percer les sèches à coups de trident, alors ils y pla- çoient des nasses , dans lesquelles une fois entrées, elles ne pouvoient que s’épuiser en de vains efforts contre les osiers qui leur permettoient d’entortiller leurs bras, sans pouvoir en retrouver l'issue. On voit même dans ce tems les pêcheurs préparer des four- rés et endroits rocaïlleux, remplis d'algues, pour offrir aux sèches un endroit propre à la ponte de leurs œufs, et pouvoir les atteindre et les saisir avec plus de facilité. Comme beaucoup d’autres mollusques , elles brillent dans les ténèbres et donnent uue lueur phosphorique ; dans certains cas cette lumière est même assez vive et elle paroit augmenter pendant quelque tems après la mort de l'animal , sur-tout si on l’ouvre , et qu'en mette à découvert ses par- üies intérieures. Les sèches, que l’opulence et le luxe ont bannies aujourd’hui de leurs tables pour les abandonner à celle de l’indigence, étoient, {1) Oppien, Halieu. Hb. 4. Li: 256 HISTOIRE comme les calmars et les poulpes, des metg très-recherchés par les anciens. On lit que dans le repas nuptial d’Iphicrates, qui épousa la fille de Cotys, roi de Thrace , on en servit cent sur la table royale ; probable- ment que ce fut là une grande magnificence, puisque les écrivains de ce tems l'ont jugée digne d’être consignée dans leurs écrits. Les grecs s’envoyoient des sèches en présent le cmquième jour de la naissance de leurs en- fans , avant de leur imposer un nom et en célébrant les amphidromies (1); et comme les goûts ont bien changé depuis, de là vient peut-être ce proverbe populaire si répandu, sur-tout chez le peuple de Paris, o7 m'a donné des sèches, pour dire, on ne m'a rien donné. Maïs les grecs au contraire en fai- soient le plus grand cas ; et d’après le témoignage de tous les auteurs qui en ont écrit , il paroît qu'il n’y avoit pas de bon repas sans sèche (2). On raconte comme un (x) Athen.Dipnos, lib. 4. (2) An piscis quis emptus est? an sepiola ? An squilla quæpiam lata ? an polypus ? An mugil nostis ? an orphus ? an squalus? an loligines ? | ARISTOPHAN. in thesmo. Polypodium, sepiolam , carabum , astacum , ostrea , chamas, Lepadas, solenas , musculos, pinnas, pectinas ex methymna. ArisrorHAN, in urbibus. trait DPS SÈCHES de trait de cinisme du fameux Diogènes, qu’il en dévora une toute crue (1); déjà pour boire dans sa main , il avoit jeté, comme un meu- ble inutile , sa jatte ; et en faisant ce repas, il est probable qu'il voulut essayer s’il se pas- seroit aussi bien du feu pour faire cuire ses alimens , et se mettre ainsi au dessus de la sujétion où le tenoient encore des besoins secondaires. | Les romains mangèrent aussi les sèches avec délices, et plus d’une fois leur apprêét occupa toute la sagacité des Apicius de cetie capitale du monde. Mais aujourd'hui, par- tout où ontrouve des sèches, elles sont aban- données au bas peuple , qui hui-même les dédaigne ; cependant quelques habitans des côtes de l’Adriatique en font, à de certaines époques, la base de leur nourriture. C’est ainsi que ceux de Slossella, dans le comté de Sébe- nico , que Fortis nous dépeint comme les plus lâches des homines (2), se nourrissent au printems presqu'entièrement de sèches, qu'ils prennent en jetant dans l’eau des fagots de branches d'arbres au milieu, et (1) Plutarque, Lib. an aqua igne melior. (2) Fortis, Voyage en Dalmatie , tom. Ï, pag. 224 de la traduction française. Moël., Tome I. R _ 268 » EH ET SYMOIRE. “ dans lesquels les sèches viennent se jeter pour pondre. on Elles sont très-communes dans toutes les poissonneries de l'Italie. En Hollande, en Flandre , en Normandie , en Angleterre, on ne les mange pas; et dans les pays où on le fait, on les bat fortement, et on les met se ramollir dans une lessive faite de chaux ei de cendres. On les sale cependant dans quelques endroits de la mer Adriatique , pour les envoyer à Gènes, à Venise et à Rome , où on les mange en carème. Le meilleur tems pour la pêche est en janvier, février et mars. La chair de la sèche est coriace et insipide naturellement ; ce n’est qu’à force de préparations, d’assaisonnement et d'épices, qu'on peut la rendre suppor- table. Bartholomé Scappus, qui écrivit en Italie quelques volumes dans le genre de celui de notre Cuisinier français, indique quelques manières de la préparer; il donne sur-tout l’essor à son génie, en décrivant la facon pour faire sa sauce avec l'encre de la sèche, ce qui, pour le dire, en passant, doit donner à ce ragoût une couleur dia- bolique. En France on les faisoit sécher autrefois ; mais 1l paroît qu'on a entièrement abandonné cette nourriture. Les œufs sont 3 DES SECHES. 25q diurétiques; ils s'appellent en Languedoc raisins de mer ; et l’ancienne médecine se servoit des extrémités des bras de la sèche comme aphrodisiaque. | Dans le grand nombre des pétrificatiohs que j'ai vues, je n'ai pas encore rencontré d'os de sèche ; ce mollusque est cependant ‘répandu dans presque toutes nos mers; je ne connois même aucune pétrification qui appartienne décidément à la sèche. Il est probable que, comme d’autres animaux, celui-ci n’existoit pas à une certaine époque. En parlant du calmar , nous examinerons uu corps pétrifié, qu'on a cru reconnoiître pour une partie du bec de ce mollusque. R 2 260 HISTOIRE À - EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE PRÉMIÉRE. Seche commune. | FreurE 1. Vue par devant. Fire. 2. Vue par le dos. PLANCHE DEUXIÈME. Sèche, femelle ouverte. C’est la sèche ordinaire. On y voit les mamelons du bord du fourreau et leurs . salières, l’entonnoir, le mulis, les branchies, lorifice et l'ouverture de l'intestin rectum, les glandes, ainsi que l'ovaire et la vessie à lencre qui est couchée par dessus au fond - du sac. PLANCHE TROISIÈME. 1/os dorsal de la Sèche. Fc. 1. Vu par dessus, Fi. 2. Vu par dessous, Fra. 3. Coupe longitudinale. En partant 17 2 gl A $ (Le ss: (CT # g Al ED, ft A À ÀÈ À D IC UNS 4 D ga RE Lu qu Mn \ 17] Ÿ | Ex Q mm x % aa Q tal 73 h 1] 4 RS) LPST] à RQ ET SPEPINNNERERUESEE Bee, œufs, machines e£ armaux Spermatiquer de la Seche ? DES SECHES. 261 de son sommet, on voit les accroissemens successifs. ; : Fc. 4. Coupe en travers ou par le milieu; elle offre l'épaisseur de la lame dorsale, et, comme dans la figure précédente ,: on y voit la disposition des lames posées en recouvre- ment les unes au dessus des autres, et la po- sition des petites colonnes capillaires , creuses et intermédiaires. PLANCHE QUATRIÈME. Bec,œuÿfs, machines el animaux spermatiques de la Sèche. Fic. 1. Bec de sèche, de. grandeur natu- turelle ; on y voit le bec supérieur et le bec inférieur. | | Fire. 2. Œufs de sèche; grappe d'œufs de grandeur naturelle, et à laquelle, sur nos côtes, on donne le nom de raisins de mer. Fic. 3. Machine ou fibrille spermatique de la sèche mâle, vue au microscope; elle est dans un état de repos et renferme le res- sort en spirale ; elle est aussi garnie de son fil. Fire. 4. Ressort en boudin ou spirale dé- gagé de son étui : 1l est entiérement anneïé. Fc. 5. Fibrilles ou machines spermatiques de grandeur naturelle; à leur sommet, elles h 3 s62 HISTOIRE sont enchevétrées les unes dans les autres par lentrelacement de leurs fils ; on voit à la base de déux le ressort qui s'échappe en ouvrant son étui; les autres sont fermés. : Fic. 6. Animaux spermatiques de la laite de la sèche mâle ; on y retrouve trois diffé- rentes métamorphoses qui font de ces ai- walcules de véritables protées ; ils se rangent dans le genre établi sous ce nom parBruguière dans l'Encyclopédie, septième livraison de l’aelminthologie , pas. 2, pl. 1, division du milieu. Ils ont sur-tout beaucoup d’analogie avec le protée tenace, proteus tenax, qui se trouve communément dans l’eau de rivière et dans celle de la mer. PTS PLANCHE CINQUIÈME. Œufs de Sèche et de Calmar. Fire. 1. Œufs 4 sèche. Ds ne sont pas disposés en grappes comme ceux de la sèche ordinaire; mais au contraire ils sont agelu- tinés sur une espèce de tige, autour de laquelle ils-se disposent en facon de tyrse. Ces œufs paroissent appartenir à.quelque espèce de sèche étrangère ; et Brugnière, en les copiant dans l'Encyclopédie , les a pris dans l'ouvrage de Seba, tom. IL, planche 3; } re 262 Z œufs de Seche ?. à 2. œufs de Calna, © DIES SECHES. 263 figures 7 et 8, où on en voit deux espèces différentes , mais très-rapprochées par leur disposition. Seba avoit dans son cabinet des produc- tions réunies des quatre parties, et il se contente d'indiquer ces œufs sous la déno- mination d'œufs de sèche , sans dire de quel pays ils viennent, ni de quelle main il les a reçus; mais, à coup sûr, ils ne sont pas ceux de la sèche ordinaire. Fic. 2. Œufs de calmar. Les longues fibres où filets sur lesquels sont encore dispersés ca et là des œufs parfaitement arrondis, les font reconnoître pour ceux d’un calmar, qui aurojient beaucoup souffert par la perte de presque tous les œufs qui formoient leur masse. Quant à la disposition des œufs du cal- mar , nous renvoyons nos lecteurs à la pi. X, vol. IT, et à lexplication que nous en donnons, où nous parlerons encore de ceux- ci; nous nous contenterons d'observer ici que nous avons copié ce dessein d’après celui qu'Ambrosinus inséra (1) dans son Supplé- ment à l'ouvrage d’Aldrovande , et qui fait (1) Ambrosinus, Parali p- in Aldrovando , pag. 98, edit. bonon. R 4 264 ‘FA TSTOTRE suite au volume qui traite des monstres ; il avoit lui-même copié ce dessein d’après celui original qui faisoit partie de la collec- tion du museum de Bologne , et il le donne, pagé 98, pour les œufs noirs de quelque poisson. En parlant des calmars, nous y retrouverons des rapprochemens avec un autre dessein de cette collection , et 1l seroit possible que ces œufs fussent ceux du cal- mar réticulé. | À | > DES SECHES. 265 LAISÈCHE TRUITTÉE (1). LS TL existe dans la belle et immense collec- tion des objets que renferment les galeries du museum d'histoire naturelle de Paris, une très-belle sèche, déjà indiquée par La- marck dans le. Mémoire qu'il publia sur les genres de la sèche, du calmar et du poulpe ; dans le Recueil des Mémoires de la société d'histoire naturelle de l'an sept (2). Cet homme savant et estimable, qui m'ho- nore de son amilié, s’est plu à me faciliter tous les moyens qui étoient à sa disposition, pour me permettre de dessiner dans ces galeries les individus qui y sont déposés : j'ai pu étudier ces objets de près, et il s’est acquis de nouveaux droits à ma reconnois- sance. | | Déjà Lamarck avoit reconnu des diffé- rences assez caractérisées pour distinguer (1) Planche VI’, où elle est représentée sur ses deux faces. 8 (2) B. eadem ? cotyle donibus brachiorum conicorum biserialibus , pag. 8. 266 HISTOIRE cette sèche d'avec la sèche commune; mais, ne voulant point se presser , on le voit hési- ter pour en faire une espèce particuhére ; et 1! préféra la joindre pour le moment avec celle qui précède , en consignant cependant ses doutes. Jai pu l’examiner au travers du bocal où elle est renférmée : en la dessinant, jai dû en saisir les formes, et je crois lux trouver des particularités assez caracléris- tiques pour la séparer de la sèche commune et en faire une seconde espèce. En compa- raut ces formes, on jugera si jai eu raison, et on verra, en confrontant la figure que je publie avec celle de la sèche ordinaire, que les bras de celle-ci sont plus courts ; ils sont carénés sur le dos ou triangulaires, au lieu que ceux de la sèche commune sont bombés et aplals ; ils sont aussi plus aigus ; ceux terminés en massue ne se prolongent point autant ; on les voit bien plus ramassés et bien plus courts, sur-tout si on remarque que le défaut de place m'a empêché de donner à ceux de la sèche commune autant d'extension qu'ils en ont réellement. La mas- sue des bras de la sèche truittée n’est pas non plus palmée comme celle de la première; elle est au contraire carénée , et offré une vive arête sur son dos. Comme Lamarck l’a très: DES SECH ES. 267 bien observé, les courts bras ne sont armés que de deux rangs de cupules ; ce caractère les rapproche des bras de quelques poulpes, qui nous présenteront cette même disposi- tion, et nous avons vu que ceux de la sèche étotent chargés de plusieurs rangs. La peau et même là chair débordent sur les' côtés ces deux rangs de ventouses , en y formant une espèce de glacis fortement dentelé presque en manière de scie, et la membrane qui entoure la bouche et que nous avons regardée comme les lèvres, s'élève en forme d’une coupe très -élégante , dont les bords, festonnés avec régularité, se découpent en demi - cercles, au centre desquels le bec paroît enseveli. Les yeux, loin d’être larges, brillans et rayonnans, sont au contraire peu apparens , fermés et presque oblitérés;carac- ière que nous retrouverons dans là sèche tuberculeuse où ils sont encore bien moins apparens. Quant au manteau, il n’est pas bordé dans celle-ci comme dans l’autre ; au lieu de prendre de côté et à la partie supérieure du fourreau ou sac, la bordure vient prendre sa naissance sous les yeux , à côté du cou et dans l'épaisseur du dos, pour s'épanouir en- suite largement en demi-ceintre sur les côtés 268 SDS TONRE du corps et en raser le bas, où elle n'offre que peu ou même point d’échancrure, sans aueune apparence de fente. le ventre est aussi moins large et bien plus alonsé, et le haut du sac se dessine en trois grandes échan- crures très-régulières, et telles qu’en les voït dans le dessein qui accompagne cette des- cription: En général, l’ensemble de celte sèche est bien plus svelte et plus alongé que celui de la sèche commune, qui, courte et ramassée sur elle -même, paroît bien plus Iourde et plus massive ; sa peau, au lieu d’une couleur plombée , offre une teinte rosacée; elle est aussi plus blanche, plutôt truittée que tigrée ou pointillée. : Les cupules des ventouses dont les bras sont armés , m'ont paru unies, et je crois que c’est aux calmars principalement qu’on peut donner ces anneaux à bords cartilagi- neux, dentelés et crochus , qui paroïssent encore ajouter un dégré de plus à la force avec laquelle ces amimaux saisissent leur proie : la sèche est un animal pacifique, quand on la compare avec les poulpes, autres terribles mollusques. Le corps de l'individu que nous décrivons & environ neuf pouces de long , et jusqu’au, bout des massues de ses longs bras, 1 peut. DES SECHES. 269 offrir le double de cette longueur ; les deux rangs de ses cupules , ses yeux petits et obli- térés, el la naissante des bords de son man- teau , qui viennent s’insérer à la manière de ceux des calmars , m'ont paru pouvoir au- toriser la distinction de cette espèce, que Lamarck ne voulut qu'indiquer ; du reste, il paroïît que son organisation intérieure se rapproche de celle de Îa sèche commune , si l’on en peut juger par la forme et par la position du canal excrétoire ; mais je ne puis lassurer, car j'ai dû me borner à la description de ses formes extérieures : cet individu est unique dans cette grande col- lection , eben conséquence il ne m’étoit pas permis de scruter ses viscères et ses parties intérieures, Je lavois déjà remarqué autrefois dans la belle collection du prince d'Orange à la Haye , el le respectable Vosmaër m'avoit dit qu’elle venoit des Indes orientales. Nos conquêtes et le sort des armes ont trans= porté ce magnifique cabinet au sein de notre capitale ; il s’est fondu dans les galeries du jardin des plantes, centre commun d'étude et d'observations pour toutes les nalions par leur ouverture publique et gratuite, et où, sous ce rapport, tous ces objeis sont rentrés Læ 870 HISTOIRE plus médiatement dans le domaine de là science , qui souvent en étoit privé, ou par le caprice ou par l’égoisme des gardiens et des conservateurs : mais , en consultant le catalogue du cabinet de la Haye ; on peut s'assurer que cette sèche vient du cap de Bonne- Espérance (1). | Toutes les recherches que j'ai faites pour découvrir dans les auteurs ce qu'ils auroient publiés sur la sèche à deux rangs de cupules, ne m'ont rien donné de satisfaisant. Le seul Rondelet, ce rénovateur de lhistoire natu- relle, qui, avec Belon, la fit revivre de dessous les décombres dont l’avoit recouvett la barbarie du moyen âge, a donné une figure de la sèche (1) où on ne voit que deux rangs de cupules aux bras; mais, en l’examinant, on voit que ce n’est pas celle que nous avons dans ce moment sous les yeux; et il est pos- sible que son dessinateur, quoique d’ailleurs fort exact, ait fait peu d’attention à ces parties qui, en général, ne s’attiroient pas les regards des observateurs à cette époque: On voit même dans le texte que c’est la (1) Numero 94, vol. XIT, F. manuscrit à la biblio- thèque du jardin des plantes. (2) Rondelet , Aquat. 1 , pag: 498 et 565. DES SECHES. 274 sèche commune quil a voulu représenter, et en conséquence celle de la mer Adria- tique; et quoique la figure qu'il en donne offre un manteau terminé à sa base et dans son rebord par un creux armé d’une pointe dans son milieu, tous les naturalistes qui ont écrit après lui parlent tous de la sèche commune, et ils la citent dans leur syno- nymie en renvoyant à sa figure. C’est ainsi que nous voyons le dessinateur de Gesner peindre, d’après nature, une sèche à Venise, et lui donner dix courts bras, tous frisés en papillote, au lieu de huit que lui offroit l'animal qu'il avoit sous les yeux. Gesner s’apercut de la méprise, et il en avertit son lecteur dans le titre de sa figure ; en général le naturaliste doit se méfier du peintre, sur- tout quand il ne sait pas l’histoire naturelle. Tout peintre s’est fail une manière factice de voir , et sa vision n’est plus celle des autres hommes ; il dispose ses sujets, leur donne une altitude pittoresque ; il recherche les effets et charge les ombres pour faire valoir les clairs; 1l sacrifie tout à ce qu'il appelle Veffet, et comme dans un tableau 1l noye les accessoires pour donner plus d’éclat et attirer la vue sur l’objet principal, ce peintre, fidèle aux principes de son art, ne s'occupe \ 272 HISTOIRE plus des extrémilés ni de détails devenus extrêmement minutieux, et jamais on ne pourra astreindre son génie à compter les tarses d’un insecte, ni les dents de la char- nière ou les plis de la columelle d’une co- quille ; objets secondaires à la vérité, mais dont un bon naturaliste doit joindre la con- noissance à celle des choses, aux vues phi- losophiques et aux grandes conceptions que vient lui inspirer l’ensemble des faits. | Il est probable que c’est à la sèche truittée qu'on peut rapporter les œufs que Bruguière fit graver dans l’Encyclopédie, pl. LxxViur, figure 8; leur tige commune et tronquée aux deux bouis n’est pas rameuse ni en grappe comme celle des œufs de la sèche ordinaire; ils sont au contraire grouppés autour d’un centre presque corné, qu'ils embrassent étroi- tement en s'entassant les uns contre les autres ; de moitié plus petits, leur nombre est aussi plus considérable, et 1l peut s'élever. à près de deux cenis, ce qui, malgré le si- lence des voyageurs, indique que cette sèche multiplie pour le moins sur les côtes de l'extrémité de Afrique , autant que la nôtre sur celles de l'Océan. Bruguière avoit copié ces œufs dans Seba ; nous les avons gravés planche V, fig. 1. EXPLICATION ot nn, mt nt DES SECHES. 273 EXPLICATION DE LA PLANCHE VI. SRE Sicne truittée , Vue par dessus et par dessous. On peut remarquer par derrière linser- tion très-singulière des bords de son man- teau ; insertion qu’on ne retrouve ni dans Ja sèche commune, ni dans celle tuberculée qui suit; cette forme particulière la rap- proche un peu des calmars à l'extérieur. Mob. Tone 1, 8 274 HISTOIRE + a — —— 2 — _ LA SÈCHE TUBERCULÉE (x) (2). Los voyages modernes et le goût pour l’histoire naturelle, plus répandu de nos jours qu'il ue l'étoit autrefois, nous. ont souvent procuré des objets inconnus aux anciens naturalistes : nous ne parlons pas ici des grecs ni des romains, car la découverte du nouveau Monde nous a donné une masse de connoissances dont l’abord même leur fut toujours caché ; mais : en ouvrant les livres des observateurs qui les ont suivis, on est souvent étonné du peu de faits qu’ils avoient recueillis sur certains individus. Si les con- noissances en ce genre se sont beaucoup (1) Sèche tuberculeuse. Sepia tuberculata. Sepia dorso capiteque tuberculatis , brachiis pedunculatis breviusculis, osso dorsali spatulato. Lamarck , Mém. de la soc. d’hist. nat. de Paris , an 7, pag os oi Li fis, 1:40. (2) nt knobelige sepia , van de Kaap. n° 112, vol. XII, F. Catal. du cab. de la Haye. Manusc. à la bibl. du jardin des plantes. Sepia tuberculosa. T. A. G. Bosc, Hist. nat. des vers, page 49, vol. I; Deterville, an 10. aie \ il Eee — = Eee EE TE == == PS === RSS = 7 PSN = CDS Niue LE [l Qu L DES SECHES. 75 étendues, on peut encore ranger, parmi les causes qui ont facilité l'étude, ces collec- tions et ces beaux cabinets que se formèrent à l’envi les princes, les corporations et quelques riches particuliers, qui se plurent à prodiguer leurs soins et leur or pour se procurer des jouissances aussi solides que pures ; ils surent stimuler la curiosité de quelques navigateurs, et l’appât du gain des autres pour faire arriver jusqu'a eux les terres, les animaux et les plantes des autres parties du monde ; des êtres encore inconnus sont venus, des mers et des jerres lointaines, embellir et augmenter nos collections d’his- toirenaturelle. C’estainsique, depuis Aristote jusqu'à nous, on ne voit, dans les auteurs qui ont écrit sur ce sujet, que l’histoire et la descripiion d’une seule espèce de sèche ; il étoit probable que ce mollusque n’existoit pas ainsi sohifaire, seul et isolé dans son es- pèce. La Nature ne brise pas ainsi ses moules tout à coup; elle nuance et repétril sa ma- tière, et ne marchant jamais par ressauts ni par bonds, elle ne la quitte qu'après l'avoir remaniée dans tous les sens et en avoir créé plusieurs êtres du même genre qui sen- châssent entre eux, et vont se lier avec les animaux des genres voisins. D’autres espèces S 2 296 HISTOIRE devoient enfin venir se ranger quelque jour à côté de la sèche; et en effet, Lamarck a publié le premier celle dont nous allons parler; elle existoit depuis quelques années dans le cabinet du prince d'Orange, et depuis elle a été transportée avec les autres objets qu’il renfermoit dans nos galeries, où il m'a été permis de la dessiner d’après nature, au travers du. bocal dans lequel elle est ren- fermée. La planche VII la représente aux deux tiers de sa grandeur naturelle. 11 en existe deux individus exactement de la même taille , et on peut en inférer qu’elle ne de-. vient guère plus grande. Parfaitement séparée des autres, cette sèche est très-remarquable par sa taille courte, trapue et ramassée ; ses bras se ressentent de cet ensemble général ; ils sont épais et courts, chargés sur leur partie plate de quatre rangs de cupules : ceux ter- minés en massue sont lisses et forts, égalant à peine dans leur longueur la moitié du corps; ils n’excèdent que de bien peu celle des huit autres bras ; leur massue est munie , comme ceux-ci, de plusieurs rangs de ventouses. La disposition de ces huit bras courts n’est pas régulièrement la même que dans ceux de la sèche ; chez elle ils couronnent circulaï- rement la tête sans laisser aucune distance DES SECHES. 277 entre leur racine; et ici, au lieu de ce cercle parfait, ils laissent une séparation entre les deux bras du dessous de la tête, de manière qu'on peut voir la bouche sans être obligé de les écarter. Le bec est placé au milieu d’une espèce d’entonnoir , formé par le tour circulaire des lèvres, bien plus épaisses que dans les autres espèces, et qui, au lieu de se fermer ou de se contracter en forme de bourse, sont disposées par étages et plissées en petits sillons perpendiculaires, qui pré- sentent une multitude de rugosités. Les yeux sont si peu apparens, qu’au premier abord la sèche tuberculeuse en paroît dépourvue ; ils sont placés sur le derrière de la tête, sans l'être latéralement, et la tête est aussi plus aplalie que dans les deux autres espèces : le corps n’est pas non plus aussi alongé:; il forme presque un disque, et la bordure du manteau peu saillante, quoique très -appa- rente, devient nulle vers le bas du corps. Le canal excréteur se montre sous la tête à sa place ordinaire; serré par le rebord supérieur du fourreau, il est très-lortement prononcé et paroît plus charnu; le ventre est lisse, mais sillonné en long par quelques lignes ou rides peu profondes, qui pourroient provenir de la liqueur spiritueuse dans la- 1579 278 HISTOIRE quelle elle est plongée. Des tubercules iné- gaux, très-nombreux, saillans, etse terminant en pointe mousse, recouvrent le dos, la tête et les huit bras courts de l’animal , larmant d’une espèce de cuirasse qui ne laisse à nud que les tiges des bras qui portent les massues. La peau n’est ni tigrée ni pointillée; elle n’a au contraire qu’une seule teinte qui se rap- proche de celle du gris de fer foncé. : L'os dorsal de cette petite sèche s’écarte beaucoup de celui que nous connoissons par sa forme en spatule repliée sur elle- mème, coudée en demi-arc recourbé en avant à sa partie antérieure , et en arrière dans celle postérieure. T'rès-mince d’abord, cet os s’épaissit graduellement en bombant sur le nuhieu , où il offre sa plus grande épaisseur, qui n'excède point celle du dos d'un couteau ordinaire. Cette description ne s'accorde pas avec celle de Lamarck ; 1l ne paroît pas avoir saisi la véritable posi- tion de l'os dans le corps de lanimal (1) ; car il n’est pas possible que sa partie anté- rieure, celle vers la tête, soit plus large et plus dilatée que celle du bas du corps , qui, au (1) Son os dorsal est épaissi et dilaté en spatule dans sa partie antérieure , retréci en pointe postérieure- ment. ( Lamarck , wb: sup.) DES SECHES. 27q contraire, n’a pu que prendre de laccrois- sement avec l'animal dans lequel il est renfermé par l’opposition des lames succes- sivement plus larges , que l’âge vient déposer les unes sur:.les autres. Quoi qu'il en soit, cette erreur , si c'en est une , est si peu conséquente qu'on ne l’auroit pas relevée, si Lamarck , cité à tant de titres comme auto- rité, n’étoit pas jusqu'à présent le seul et lé premier qui nous ait donné quelques détails sur la sèche tuberculée. Cet os est calcaire, brillant , talqueux et composé par la réunion d’une quarantaine de lames (2) festonées et disposées en recouvrement les unes sur les autres, de manière que les derniers laissent à découvert le pied de celles de formation antérieure ; il est relevé en carène dans son milieu ; mais cette forme en spatule et coudée dessineroit fort mal le dos arrondi de la sèche, si une forte membrane brune, presque corhée , ne venoit le recouvrir er le débordant dans sa partie supérieure ; elle est fendue dans le milieu sur toute sa lon- sueur, et au premier aspect elle rappelle les élytres ou ailes cornées des scarabés. (1) Collection de Lamarck, qui m’a pérmis de lé déssiner. Voyez planche VIF, fis. 5, 4; 5 ét 6. S 4 260 HISTOIRE de Nr 4 k A cire Cetie membrane cornée présente la mème substance que les glaives que nous allons retrouver dans le dos des calmars : elle est séparée de los de la sèche tuberculée, avec lequel elle ne paroît avoir aucune attache, au moins dans l’état de dessication ; elle le recouvre seulement pour le déborder en- suite dans le haut ; par cette forme elle sert de soutien intérieur à toute la peau du dos et en dessine le moule. Lamarck, suivi par Bosc. n’ont point assigné le lieu natal ou 9 j d'habitation de cette sèche ; en consultant le catalogue , en langue hollandaise, du cabinet du prince d'Orange , langue que j'ai apprise dès le berceau, j'y ai vu que ce mollusque est originaire du eap de Bonne- Espérance , et désigné dans cette langue du nord par ja même épithète caractéristique que lui donne le savant français. Comme le rédacteur de ce catalogue , il remarqua l’aspérité et les tubercules du dos de,cette sèche ; c’est le plus frappant de ses carac- tères extérieurs ; l’intérieur avoit été res- pecté , et il étoit réservé à Lamarck de déterminer, par l’inspection de l'os, à quel genre on pouvoit définitivement rapporter cetle espèce. Toutes les sèches se résolvent en eau lors- DES SECHES. 281. qu'on les livre aux influences de l'air, quand le soufle de la vie ne les anime plus ; cette eau noire et fétide s’exhale et s’évanouit elle- même , et de toute l’organisation de cet animal il ne reste plus que los calcaire, qui , abandonné sur la surface de la terre ou couché au fond des mers , ajoute quelques grains à la matière calcaire que nous re- trouvons par-tout sous nos pas. T'elle est la loi que subissent tous les êtres vivans ; ils _ne sont dans les mains de la Nature que des. instrumens .et des machines auxquels elle confie le soin de lui fabriquer une quan- tité plus ou moins forte de matière ou terre primitive , soit argileuse , soit calcaire ; les végétaux forment la première par leurs débris , et les animaux sont chargés de la, création de la seconde. L'homme lui- même, après une vie centenaire , ne fournit par ses os qu'à peine trois livres de cette matière ; tout le reste n’offre plus que des chairs, des muscles , des fluides qui s’'échap- pent en gaz , qui se convertissent en air , dont ils prennent la transparence et la flui- dité aérienne , et vont former loin de l’ossa- ture du corps de nouvelles combinaisons. Nous reviendrons peut-être un jour sux un sujet aussi important à la théorie de la terre, s63 : 4 H ESTF'OMRE à celle des êtres, et qui seul peut nous mener aux véritables résultats philosophiques. Les sèches, comme on vient de le voir; sont peu nombreuses dans leurs espèces , et toutés nos recherches n’ont pu aboutir à en caractériser plus de trois : nous avons dé même remarqué que ces mollusques ne se sont pas encore montrés dans les mers d'A- mérique , et que c’est seulement dans celles de l’ancien continent qu’on les a rencontrés. Le seul cabinet du prince d'Orange en ren- fermoit deux espèces qui étoient venues du cap de Bonne-Espérance, et je ne connois aucun auteur qui en ait fait mention; sans le secours du catalogue de ce superbe eabi- net, nous eussions encore ignoré le Heu de leur origine , et alors nous aurions toujours pu croire, avec Linnæus (1), que l'espèce de la sèche n’existoit que dans FES et la Méditerranée. DR * Cet illustre auteur n’en connut lui-même qu'une seule espèce ; les deux étrangères, qui nous viennent de la collection stadhou- dérienne , ÿ étoient restées ensevelies jusqu’æ ce que le sort des armes ait transporté celte riche collection au sein de la capitale de l’erm- 1 (x) Lin. Syst. nat. verm. moll. De sepéa officir. DES SECHES. 283 pire français. Lamarck, comme nous avons pu nous en convaincre, indique une de ces espèces, et il décrivit l’autre sous le nom de sèche tuberculée , nom que nous lui avons conservé. Nous retrouverons dans les mers d'Amérique des calmars et des poulpes qui, différens de ceux de l’ancien continent et de ses mers, paroissent appartenir à celles du nouveau monde : c’est ainsi que se présen- teront à nous le calmar des tropiques ou pé- lagien, celui du Brésil et ceux du Pérou ; c’est ainsi que nous verrons les poulpes com- inuns à toutes les mers y porter constam- ment le ravage et la dévastation , et d’autres encore qui, s’éloignant peu des côtes, sem blent tenir à leurs rivages et ne point s’en écarter. Le poulpe unguiculé du Pérou ne se montre plus sur d’autres plages; le poulpe musqué paroît se plaire plus particulièrement sur les côtes de l'Italie que dans tout autre endroit. Il est donc probable que, comme tous les autres êtres animés ont été départis par la Nature , les uns à des continens ou à des mers particulières, les autres à des climats ou à des espaces plus circonscrits et plus resserrés, il en aura été de même des mollusques coriacés; et que par conséquent 28/4 1HTS'T OR E quelques-unes de leurs espèces, concentrées dans une partie des mers du globe, ne se sont point encore répandues dans les autres mers. Nous disons dans les autres mers, parce que ; bien plus que les terres, elles forment un Yasie ensemble, une masse continue d’un fluide «presque homogene, et dont la tem- pérature , comme nous allons le voir, est presque par -tout égale, du moins à une certaine profondeur. Par terre , les animaux se trausportent péniblement; et si dans l’état sauvage et naturel ils sont livrés à eux- mêmes , quand rien ne s'oppose à leur mul- tiplication, ils étendent leurs races, gagnent de proche en proche, et dans leurs. progrès lents , mais yournaliers, ils finissent ordinai- rement par franchir les limites et les bornes primilives qui paroissoient leur avoir été départies. Cependant ces hornes devenoient quelquefois tellement rigoureuses qu'il ieur éloit impossible de les franchir ; et ce ne doit être qu’à des obstacles insurmontables que nous pouvons attribuer la différence qui existoit et qui existe encore entre les quadru- pèdes de l'Amérique, entre ses reptiles et ses. insectes, et les quadrupèdes, les reptiles et les insectes des autres parties du globe. Il n’en est pas tout à fait de même des DES SECHES. 285 boissons et des oiseaux ; ceux-ci connoissent peu de barrières , ou du moiïns ils savent en franchir quelques-unes ; tantôt on voit des nuées entières d'habitans de Fair voler en troupes serrées au dessus de la surface des mers , fuir la rigueur de la saison , et aller, par des courses immenses et presque in- croyables , chercher une température plus douce, et se créer ainsi, par des voyages périodiques et annuels , un printems perpé- tuel: ailleurs, ce sont des cétacés qui, comme les cachalots et les baleines, bravent les gou- fres d’un océan sans fond , et labourent ses eaux du nord au sud, et de lorient à l’oc- cident. Leur vaste corpulence lutte avec force et puissance contre les vagues amon- celées , et les distances ne paroissent rien pour eux ; l’œil peut à peine les suivre quand, dans leur marche accélérée; on les voit partir d’un point de l’horison , pour aller se perdre pour nous dans celui qui ki est opposé ; les flots se creusent , se courbent à leur ap- proche ; ils sont refoulés, restent suspendus, et Peffroyable tempête semble elle - même devoir plier sous le poids et la puissance des monstres de la mer. | Non seulement ces émigrations, ces courses longues et lointames sont communes aux 286 I EST ON R € cétacés, mais d’autres poissons s'y hvrent encore : nous ne parlerons pas ici de ces flots de harengs que chaque année voit s'é- Jancer de dessous les glaces du nord ; ni des voyages du maquereau , du saumon , des truites et d’une foule d’autres animaux qui : habitent les mers ; mais nous voulons nous borner à indiquer d’autres émigrations, qui me sont pas commandées par des circons- tances impérieuses et locales, comme le pa- roissent celles-ci ; et puisque dans les mers il n’est aucune barrière matérielle qui puisse arrêter un de ses habitans dans ses courses , on a pu voir mainie fois des poissons, et sur-Lout des poissons cartilagineux et voraces, abandonner la mer des côtes qui les avoient vu naître, et.se lancer dans le grand Océan à la suite de quelques bâtimens, qui leur assu- roient une proie pour laquelle ils avoient conçu un véhément appétit ; c’est ainsi que moi-même J'ai vu des pantoufiliers et des requins quitter les côtes de l'Afrique, suivre les vaisseaux, ne point s’en séparer , même au milieu des plus fortes tourmientes, tra- verser toute la haute mer , et arriver avee eux sur les côtes de l'Amérique, dont les habitans, effrayés à la vue de ces: terribles hôtes , et ayant appris à redouter leur rapa- DES SECHES. 87 cité , cherchoïent sur le champ (1) à se dé- barrasser de ces monstres dévorateurs. (1) Quand un vaisseau négrier arrivoit des côtes d'Afrique sur celles de l'Amérique , il étoit toujours suivi par un ou par plusieurs requins, qui! depuis le départ n’avoient plus quitté ce bâtiment , alléchés par le goût de la chair humaine , et déchirant chaque jour en lambeaux, pour les engloutir, les malheureux noirs qui, victimes de cet horrible commerce, mouroient à bord et étoient jetés à la mer. Aussitôt qu’un pareil vaisseau avoit mouillé l’ancre et qu’un requin s’étoit montré , l'alarme se répandoit dans la rade , on sonnoit le tocsin à bord des bâtimens, et tous les équipages descendus dans leurs canots , armés de harpons et de tridents , couroient sur ces animaux aussi dangercux que terribles ct féroces. Cette espèce de battue leur réussissoit quelquefois; mais aussi, dans d’autres cas, ils avoient attaqué le requin en vain , et celui-ci ense jouant sembloit braver leurs efforts. Ce dont tant d'honimes ne pouyoient quelquefois point venir à bout, je l’ai vu faire par un seul, et on m'a assuré que Je fait n’étoit pas irès-rare; cet exemple d’intrépidité me prouve de nouveau de quoi l’homme armé est capable, quand il réunit le sang froid du courage à tous les moyens que la force et la bravoure mettent toujours à sa disposition. Jai vu, à la rade Saint-Pierre Martinique , arriver un vaisseau négrier de la côte de Guinée ; à peine eut-il mouillé l’ancre qu’on cria : az requin, et dans l'instant tout fut en l'air. On parvint daus la journée à en juer deux; mais un troisième, de près de vingt pieds de long, n’avoit pu être atteint; 288 HISTOIRE. D’après ces faits, nous pourrions croiré que tous les poissons qui ne sont pas attachés et même au milieu de cette bagarre , il avoit renversé la pirogue d’un malheureux nègre , vendeur de fruit, et quoique bon nageur, cet infortuné n’avoit plus reparu. Le lendemain on veilloit à l’apparition du monstre , lorsqu'un curaçoyen se présenta sur le bord de la mer , entièrement nud et le couteau flamand à large lame pointue à la main ; dans ces mers sans reflux les vaisseaux sont ancrés à une portée de fusil ou une ‘encablure du rivage : ce curaçoyen, suivi et encouragé par plus de mille personnes qui l’entouroient , dédaigne de monter dans une pirogue ou chaloupe , prend son couteau entre les dents et entre courageusement dans l’eau en nageant droit vers la rade où l’épouvantable requin s’étoit montré la veille; ce que cet excellent et intrépide nageur avoit prévu, arriva, et il vit cnfin venir à lui ce terrible animal ; se voir , s'attaquer fut pour eux l’affaire du clin d'œil, et jaloux de mériter les applaudissemens de quelques équipages espagnols qui se trouvoient en rade, notre curaçoyen voulut développer son adresse dans toute son étendue; à coup sûr un taureador est un homme calme et intré- pide, maïs je crois que, loin de luicéder, notre habitant de Curaçao emporteroit la palme en pareil cas : on le vit donc aborder fièrement le requin et plonger par dessous à l’instant où celui-ci, voulant le trancher par le milieu du corps, venoit de se retourner pour le saisir; il répéta cette manœuvre pendant plus d’un quart d'heure , luttant de ruse et d’adresse avec ton ennemi, et couvert des applaudissemens des nom- aux DES SECHES. 28q aux localités sur lesquelles ils se trouvent, peuvent se lancer au loin ; et nous devons même être étonnés , quand nous ne rencon- trons pas dans toutes les mers, au moins dans des mers chaudes ou tempérées, à leur surface , tous les poissons , les cétacés et les mollusques , qui nagent librement comme eux , et qui, comme eux, se transportent librement par - tout où les conduisent leurs passions ou leurs besoins. J'ai voulu , étant en mer, faire quelques breux équipages qui, du haut de leurs vaisseaux, contemploient cette lutte qui paroissoit si inégale, avec une admiration mêlée de terreur : enfin, quand le nageur eut bien fatigué son féroce antagoniste, et que plus de cent fois peut-être il eut trompé ses efforts , on le vit plonger dans un instant critique sous son ennemi , reparoître de l’autre côté , s’élever à mi- corps hors de l’eau et éventrer d’un seul coup de cou- teau l’animal monstrueux de qui il venoit de raser les mâchoires épouvantables et meurtrières. Ce requin fut traîné à terre où je le vis; il étoit plus long que ne l’eussent été trois hommes couchés bout à bout, mais je ne pus le mesurer, parce que la populace s’en empara. Le curaçoyen fut porté en triomphe , et une récompense qu’il reçut des mains du commandant, m’aura pu qu’animer ce nouveau Thésée à la destruc: tion de monstres qui , par-tout où ils paroissent , ins- pirent toujours l’effroi et la plus grande terreur. Moll. Tone I. 1° 290 | HISTOIRE Ÿ expériences sur la température de ses éauix, prises à une certaine profondeur ; j’espérai , et je n’ai pas élé trompé dans mon attente, qu’à une profondeur de cent ou de cent cin- quante. pieds , l'eau de la mer, chaude à sa surface sous la ligue et les tropiques; glaciale au contraire quand on se rapproclie des poles, pourroit fort bien ne plus offrir qu’une tem- pérature moyenne et umforme ; semblable en cela à celle des mines et de l’intérieur de la terre , où, lorsqu'on est arrivé à quatre- vingis ou cent pieds, on n’éprouve plus de variation, le thermomètre y restant ,en Amé- rique comme en Europe , au midi comme au nord , constamment à dix dégrés au dessus de zéro. Me trouvant donc pris par un calme sous le tropique du cancer, la mer, unie comme la surface d’une glace, je crus l’ins- tant propice , et je résolus de me livrer aux recherches que je méditois ; en conséquence , je me créai un pelit appareil ; à terre j’eusse eu des instrumens plus commodes, mais en mer on manque de tout , et il faut savoir remplacer tout ce qu'on n’a point, au milieu méme de la pénurie des moyens qui restent alors à notre pouvoir. Je pris donc un de ces tourniquets avec lesquels les matelots tordent leur fil de bitord ou menu cordage ; Je lui donnai un montant DES SECHÉS. 201 le plus qu'il n’en avoit, et je Pétablis soli- * dement contre lé bord du vaisseau , du côté de l'ombre du midi : en y adaptant une manivelle , j’'éus une espèce de tambour ou de cylindre qui me permettoit de lâcher ou de remonter autant de corde que je le jugeai à propos. Cette machine fut garnie d’une lisne de sonde d’une soixantaine de brasses, ou de près de trois cénts pieds, qui portoit à son extrémité un plomb de sonde d’un poids raisonnable. Ce prenuer appareil ainsi dis- posé , je fis entrer dans des bouteilles ordi- naires de petits thermomètres de Réaumur , portatifset hermétiquement scellés dansleurs tubes de verre , et je fixai ces thermomètres, chacun debout dans le fond de leur bou- teille, par le moyen d’un talon de poix qui les maimtint parfaitement dans leur position perpendiculaire : je pouvois déjà plonger mes bouteilles ainsi disposées au sein de l’eau ; mais il me restoit à vaincre une difficulté ; je voulois être assuré , et je devois l'être , de pouvoir ramener à la superficie la: même eau que j'allois puiser à deux cents pieds de profondeur , et je devois d'autant plus le constater , que, sans ces précautions ,; OU MON expérience manquoit son but, ou son résultat eût pu m'être contesté. Après y avoir mü- 79 392 IH ES TONR E © rement réfléchi et avoir combiné plusieurs moyens , je Mm'arrêtois enfin à un d’une sim- plicité extrême. Il n’étoit question que de déboucher et de reboucher une bouteille au fond de la mer, et ce qui m’avoit paru extré- mement difficile, devint très- aisé, comme on va le voir. En coupant du plomb laminé, je me forgeai à coups de marteau des espèces de petites poires alongées qui, pesant un quart de livre, se glissoient par leur bout le plus gros dans le cou de la bouteille ; mais de façon cependant qu’elles ne pussent en au- çune manière alteindre lextrémité supé- rieure du cylindre du thermomètre ; j’armai ces petits boulons de plomb à leur pointe, d'un bon bouchon de cuir huilé, destiné à boucher ma bouteille quand elle se seroit remplie ; et formant une pâte avec de la gomme arabique dissoute et du sucre en poudre, j’enveloppai le gros bout du boulon, lenfonçant à demi dans le cou du flacon ; le bouchon de cuir gras fut, par ce moyen, soutenu en Flair , et ma pâte sucrée , en se desséchant , forma un dur mastic qui fermait exactement la bouteille. De cet appareil si simple et né de la circonstance , il deveit en résulter que , par le séjour de quelques heures qu'il allait faire dans l’eau, le sucre se DES SECHES. 295 fondroit ; et qu’en conséquence le plomb tom- beroit par son poids quand il ne seroit plus retenu , et que l’eau du sein dés mers entre- roit dans la bouteille avant que 1é bouchon gras et huilé pât entièrement la boucher. Tout étant ainsi disposé ; j'aitachai perpen- diculairement trois bouteilles au dessus du plomb de la ligne de sonde , en les y fixant de la manière la plus solide ; et de façon qu’elles ne pussent point prendre la position horisontale , je laissai filer le tout dans la mer à quarante brasses où deux cents pieds de profondeur, en y abandonnant mes bou= teilles pendant quatre heures : un thermo- mètre, pareil à ceux des bouteilles, que j’avois placé sur l'arrière du vaisseau , à l'ombre et sous la tente, marquoit , à quatre heures du soir , vingt - quatre dégrés et demi au dessus de zéro ; et dans cet instant je me plaçai en dehors du vaisseau ; les pieds sur les ceintres , et accroché par la mam aux chaînes des porte-haubans, pour saisir, AU sortir de la mer, la température des bou= teilles que j'allois faire remonter. La manivelle fut tournée avec prompti- tude , et bientôt je saisis la première bouteilles son thermomètre marquoit treize; celui de la seconde, seize, et celui de la troisième de 294 H° LS T'OM R ES marquoit dix-huit ; ce‘qui ne peut être attri bué qu’au court espace de tems que je mis à examiner la première , pendant lequel la chaleur de latmosphère avoit déjà pénétré au travers du verre pour aller échauffer l’eau qui y étoit contenue : mon grossier appareil m’avoit en tout le reste parfaitement servi, et mes bouteilles étoient très-bien fermées par le cuir gras, qui même forçoit dans le collet ; une seule n’étoit pas entièrement remplie. Nous plaçâmes deux de ces bou- teilles au frais ; et ce n’est que le lendemain vers midi que les thermomètres , qui y étoient renfermés , marquérent une température commune avec celui qui étoit exposé à l'air ambiant. Quant à la troisième bouteille de Ja veille; nous n’avions pu résister à goûter de cette eau arrachée à une si grande-pro- fondeur; nous la trouvânies presque potable, et telle qwon pourroït peut-être $’en con- tenter au besoin. Cependant, par un préjugé dont je ne connoïs pas l’origine , nos marins prétendoient qu’elle eût dû être entiérement douce et semblable à l’eau des rivières. Cette expérience fut répétée les jours suivans; car nous restâmes près de dix jours pris par ce calme ; et je puis assurer que toujours les ré- sultatsqu'on obtint furent assez constamment DL tn sd À à - DES SECHES. 295 les mêmes. Depuis cette époque j'ai encore pu faire jeter ainsi une bouteille , plus légè- rement fermée, dans les mers du Nord près du banc de Terre - Neuve; nous étions en hyver , et il faisoit un froid rigoureux ; quand la bouteille revint entre mes mains, Veau qu’elle renfermoit montroit encore quatre dégrés au dessus de zéro. Ces expé- riences, auxquelles je n’ai point pu donner autant de suite que je l’aurois voulu, n'ont prouvé cependant que les mers ont , comme les terres, à une certaine profondeur , une température constante et toujours intégrale- ment la même ; que par conséquent les pois- sons qui restent toujours entre deux eaux, y jouissent d’une température douce et égale, et que ces poissons peuvent quitter leurs mers pour se rendre dans les autres, sans changer de climat 'et sans éprouver les alternatives du chaud et du froid. C’est à cette cause ou du moins à une partie de ses influences, que nous pouvons attribuer l’arrivée en' Europe de mollusques et de quelques autres animaux que les vaisseaux y:ont amenés en revenant des plages: lointaines ; c’est ainsi que le taret naval (1),.ce fléau des digues de la Hollande (1) T'eredo navalis. Adanson, pl. xix, fig. 1. — Valisnieri , nat. 2, tab. 4. Enc. pl. cexvir, fig. 1 et 3. V4 296 HISTOIRE : et des vaisseaux dans nos ports, se irouvé aujourd’hui dans toutes les mers de la térre où il a été porté par la navigation. [l paroîït qu'ils manifestérent. leurs ravages : les Hol- landais, qui avoient reçu ces ennemis chézeux des mers des Antilles ou de Gorée, crurent être au point de voir la mer verir se rejeter de nouveau sur des terres qui leur avoient tant coûté à conquétir: Ces vers ont aussi envahi, depuis une cinquantaine d'années, les parcs à moules où bouchots des côtes du pays d’Aunis, après qu’un vaisseau, quiarri- voit d’un voyage de long cours, eut échoué sur ces vases ; ét par-toùul où se montrent ces mollusques ; ils se rendent bientôt redou- tables en se livrant aux pius grands ravages. Si donc des poissons suivent ainsi des vais- seaux d’une mer l’autre; si des mollusques s’'attachent de même à ces vaisseaux, car les tarets ne sont pas seuls dans ce càs , et il y en a uñe foule d’autres; nous pouvons croire que ces masses habitées ou flottantes éntrai- üent encore quelquefois avec elles du frai ou des œufs de poisson qui se collent ot s’at- tachent à leur carêne; et qu’ils transportent ainsi des germes fécondés qui vont éclore dans un autre hémisphère , le peupler d’ani= DES SECHES. $07 maux qui lui sont étrangers, et que la Nature, ou plutôt les lieux où leur espèce étoit arrivée à la vie, paroissoient avoir acquis pour qu’ils ne s'en écartassent jamais. Ce n’est pas seulement dans les mers où sur ses côtes que la navigation a multiplié, dans une partie du globe, ce qui dans l’ori- gine appartenoit à l’autre, mais les continens s’en sont encore ressentis. Nous connoissons combien les chiens , les sangliers et les tau- reaux ont multiplié en Amérique, au point que les prerniers y sont devenus sauvages, et en même tems un fléau destructeur ; mais, comme ces grands faits ont été décrits par d’excellens écrivains et de bons obser- vateurs, nous nous arrêterons à d’autres bien moins saillans , iiais tout aussi remar- quables. Le commerce avec nos colonies, et les vaisseaux qui, en s’y livrant, nous rap- portoient les denrées coloniales , out empoi- sonné une partie de la France d’un insecte fétide et puant, connu en français sous le nor de blaïte (1): et actuellement si mul- de Blatta orientalis. Tän. et Geoffroi, Hist. des insectes , tom. E, part. >, pag. 688. On pourroit cépendant soupéonner qu'il enexiste maintenant deux espèces naturalisées en Europe, cellé d'Amériqué m8 .HISTOIRE tiplié, sur-tout à Paris, que quelques épi: ciers ont été forcés de déserter leurs magasms: et de fuir dans un autre quartier, où ils auront emporté cette peste avec eux: quel- ques bätimens au jardin des plantes en sont remplis, et je les y ai vu sortir par toutes: les fentes de quelques caisses d'histoire natu-: relle, qui nous étoient arrivées des Antilles: : actuellement ces insectes paroissent-natura- Hsés; cependant le froid les y fait encore périr. de nos demeures se multiplier ainsi des races d'animaux apportés d’un autre monde, nous he pouvons plus nous refuser à croire aux ou le ravet dont nous venons de parler, et celle reconnue par Linnæus qui , d’après lui, originaire du Levant, fut apportée d’abord en Russie où elle s’ac- chmaia et pullula extraordinairement ; on la vit à Stockholm , en 1759; remarquons que c’est toujours par les capitales qu’elle se propage ; ensuite elle se répandit dans-toute l'Autriche, et Willemet nous apprit, en 1724, qu'elle éloit très-commune à Nancy; depuis, cette espèce s’est multipliée dans toute la France, mais elle n’est pas aussi grande, ni aussi forte que celle d'Amérique; et en l'examinant de près. i} seroit possible que les observateurs des.insectes y: rencontrassent quelques différences propres à les sépa+ rer et à les faire reconnoître. En voyant sous nos nains D au nil DES SECHES. 294 transmigrations que la navigation a dû appor- ter au milieu des mers ; et que sera-ce donc, si, au lieu d'envisager la surface unie de la quille d’un vaisseau , nous jetons nos re- gards sur ces carcasses de navires , et sur ces débris de naufrages , qui, flottant entre deux eaux , se couvrent de moules et de co- quillages , de mollusques nuds et de mol- lusques testacés , et qui , balottés par les vagues, jouets des flots et des courans , sont entraînés dans leur course rapide , passent les détroïts et les promontoires , et sont enfin lancés dans une mer qui leur eût été étran- gère, s’ils ne s'étoient pas attachés à un corps adventif et mobile. C’est ainsi qu’on ren- contre souvent sur les côtes des débris que la mer y rejette, et recouverts de corps marins très-extraordinaires ; elle jeta un jour dans la Manche, sur la côte de Calais , une espèce de rocher qui n’offroit aucun point d’ancienne adhérence , et qui ne ‘présentoit à l'extérieur qu’un amas épais de coquillages et de mollusques étrangers. Ce rocher resta quelque tems sur la grève , jusqu’à ce qu’un pècheur , plus malin ou plus curieux que les autres , prit enfin un jour une hache et une pioche , et fut attaquer cette masse qui x sembloit extraordinaire : il arriva enfin avec \ 5c0 HIS ITONRE de grands efforts au centre, et il y trouva une pipe ou futaille ; qu’en perçantilreconnut être encore plus qu'à demi-pleiüe d’un excel- lent vin ; très-liquoreux , et qui probable- ment fut dé son goût, car il en but beau- coup. | Quand les garde -côtes le virent revenir dimsi chanicelänt, d’un endroit où ordinaire- ment on ñe buvoit même pas de l’eau, ils suivirent sa piste, trouvèrent sa barique de Vin , quir’étoitautre chose que dé l’excellent vin dé Madère, qui rouloit dépuis plnsieurs années daris les eaux de la mer, à en juger par sa rocailleusé enveloppe: L’amirauté s’en empara comme bris apparténant à l’amiral de France ; je ne sais si ce nectar arriva jusqu’à M. de ‘Penthièvre ; mais ce que je sais bien, c’est qu'il n’y eut si bon bourgeois de Calais qui ne voulût au moins en avoir bu un verre : on dit même que beaucoup d’entre eux envièrent la fortune du pêcheur qui , comme premier explorateur ; avoit uñ instant pu jouir de son butin, et qui avoit paru en avoir tiré un si bon parti. On voit souvent en mer flotiter ainsi des bois et des débris de plus d’un naufrage; le minéralogiste les réclame même, alors que les cotrans les transportent dans quel- IP eee ét à CE ne “cu DES SECHES. 501 . ques anses, ou sur les bords des bancs de glaces des poles, pour en former avec le tems des îles, comme celle que le capitaine Phipps, aujourd’hui Lord Mulgrave , a ren- contrée dans ses voyages ; mais des obser- vations aussi importantes appartiennent à la iminéralogie, à la géologie (1) et à la théorie (1) On me reprochera peut-être l'usage que je fais quelquefois moi-même de mots grecs, qu’en général je réprouve ; mon excuse est dans l’usage qui paroît les avoir consacrés. On a va sous Marie de Médicis toute la cour parler italien en français, et quelques- unes de ces locutions sont restées ; on a vu les alle- mands et les reitres arriver à Paris, et une foule de leurs juremens s’introduire dans notre langue : je n’en veux pour témoins que les Mémoires du cardinal de Retz. Et sans parler du grec , n’avons-nous pas vu depuis peu une autre langue, encore plus rude et plus barbare inonder , toute la France, passer avec les français au delà des mers et des monts, et laisser encore maintenant des traces parmi nous, au point que la nouvelle édition du Dictionnaire de l'académie a consacré quelques feuilles pour sanction- ner une partie des mots qu’elle créa. Îl en est de même du langage grec hiéroslyfique, qui, à la vérité, n’est pas tout à fait aussi barbare que l’autre dans ses ac- tions, mais qui pourvoi l’être aussi à sa manière : et füi-il encore plas mauvais, il en resteroit toujours quelque chose. La maladie néologique paroïit être une inaledie périodique én France, et le pauvre diable 302 HIS TIONRE : de la terre. Nous ne voulons parler ici qué . de ces bois floitans, et, pour ainsi dire; épars, qu’on rencontre dans la haute mer, que j'y ai vus moi-même chargés dhuitres, de coquillages et d'animaux marins , au dessus desquels on voit voltiger des oiseaux de mer, qui s’y posent à cette grande dis- tance de toute terre, comme sur un point d'appui qui leur sert de retraite quand ils sont fatigués, et desquels'ils peuvent s'élan- cer, plonger dans l’eau et saisir leur proie. Jai rencontré de ces râts incrustés et re- vêtus, qui me paroissoient avoir plus dé six pieds de circonférence, flottans depuis très- long-tems dans les eaux; mais tous ces moyens de transportation sont -peu considérables encore à côté de ces bâtimens ou vaisseaux qui ont sombré tout entiers, et qui, en pé- rissant avec leurs équipages , sont restés flottans entre deux eaux , quelquefois assez près de leur surface pour qu’on puisse en- core apercevoir leurs quilles et leurs carênes d’écolier limousin qui vouloit écorcher le langage français , et que Rabelais fit saisir à la gorge par Pan- traguel, jusqu’à ce qu’il parlât enfin la langue de son pays , n’a point été, même du tems de ce cinique, mn coup de fouet assez violent pour arrêter une quantité de mots nouveaux qui se sont introduits malgré lui. En DES SECHES. 305 au lravers des eaux d’une mer verte el trans- parente. Il existe dans les Antilles, entre Antigues et Montferrat, un débouquement OU pas- sage célèbre par plus d’un funeste naufrage. Les marins les plus intrépides craignent de s’y engager la nuit; et lorsqu'ils y sont entrés, _ leur inquiétude ne leur permet plus de se livrer au repos, jusqu’à ce qu’ils se croient dans la haute mer et hors de tout danger. J'ai failli y périr, et sans un clair de lune propice, qui nous fit apercevoir les brisans, c'en étoit fait, nous eussions subi le même sort que ceux à qui ce détroit a déjà éts si funeste. On y voit souvent des carcasses de bâtimens flotter ainsi entre deux eaux, et nous en avions aperçu une dans la soirée qui manqua précéder notre désastre. Qu'on se représente actuellement celte vaste cage, vuidée par les eaux et se remplissant d’une foule d'êtres marins qu’elle entraîne et au’elle emporte avecelle , quand les courans la sais- sissent et la charient au loin. C’est alors une population entière. , composée de plusieurs races et dune infinité d'espèces qui s’en va . peupler, à l'abri de cette nouvelle arche , une autre région de la mer; et plus nous con- sidérons l’homogénéité des eaux, plus nous 304 HISTOIRE devons être étonnés qu'il existe un seul pois- son ou mollusque, libre et nageant, de ceux principalement qui se tiennent loin des côtes et à une certaine profondeur, qui ne soit commun à toules les mers qui baisnent les deux hémisphères. Nous ne pouvons donc plus nous dissi- muler qu’indépendamment des moyens na- turels et ordinaires que la Nature tient à sa disposition, qu’elle peut employer pour dis- séminer, étendre et envoyer au loin les races des animaux, il en existe encore actuelle- ment d’autres qui sont venus se joindre à ces moyens primitifs, par la réunion des hommes en peuplades et en corps de nation. Les arts qui sont une suite de cet état social, et les voyages lointains auxquels les hommes se sont livrés, ont apporté de grandes mo- difications au transport et à la colonisation des animaux. Le célèbre Buffon a suivi et développé la marche que tinrent les qua- drupèdes et les oiseaux, pour passer d’une terre et d’un continent à un autre; et cons- tamment nous voyons cet illustre auteur s’efforcer de nous mettre et de nous conduire sur les routes qui ont pu amener dans les deux continens les animaux qui leur étoient communs, En suivant ce guide aussi sûr que 4 \ fidèle , DES SECHES. 505 fidèle , On se plaît à reconnoître les traces qu'ils ont pu laisser de leurs passages, et de la manière dont ils les ont effectués. Ces recherches, aussi laborieuses qu’intéressantes et profondes, ont constamment occupé ses successeurs; c'est même dans ces extensions des races que puise souvent le naturaliste qui étudie la théorie de notre globe , et elles viennent à son secours pour l'aider dans la solution du problème qu'a fait naître la découverte des squeleltes d’une multitude d'animaux des élimats chauds, dans des terres mamtenant profondément glacées, où dans l’ordre actuel des choses ils ne pour- roient plus exister, et où , comme tout nous le prouve, ils ont été remplacés par d’autres animaux, dont la robuste constitution a été organisée de manière à pouvoir se défendre de l’âpreté dessaisons et des rigueurs du froid, et qui à cette ancienne époque habitoïent probablement un climat tout aussi rigoureux que celui qu'ils habitent actuellement ; climat qui, changeant avec les siècles et leurs révo- lutions, sera devenu chaud et brûlant. Non seulement toute terre, maïs chaque sol et chaque climat ont produit des êtres qui leur sont indigènes ; et en raison de leur multipli- gation, dés espèces ont dü se développer au. Moll. Tone I. V Soft. MISTIONRES loin en empiétant sur des districts d’abord voisins, ensuite bien plus éloignés , qui an- ciennement n’étoient pas les leurs : dès cet instant l’ordre primitif a été altéré, et des espèces étrangères sont allés se naturaliser sur des terres et sous les influences de climats qui n’étoient plus celles de leur berceau et de leur origine. Les seuls reptiles paroissoient être condamnés à rester attachés au sol qui les avoit vu naître; rampans sur la: terre; les serpens sembloient ne pouvoir jamais s’écarter des lieux où le sort les avoit placés ; ce que la Nature avoit refusé à ces reptiles, leur a été donné quelquefois par l’homme ; dans sa colère il employa la dent venimeuse du serpent , en l’intéressant dans sa ven- geance. C’est ainsi que les Caraïbes, chassés de leurs îles par les européens, empoison- nèrent quelques-unes des Antilles, par les - serpens venimeux qu'ils revinrent y jeter après les avoir enlevés pour cet effet à la terre-ferme; et dans quelques-unes de ces îles ils se sont tellément multipliés, qu'ils forceront enfin à les abandonner. Plus que toute autre, la Martinique a souffert de ce fléau ; la vengeance des Caraïbes s’y est dé- veloppée dans toute son étendue ; déjà l’in- térieur de l’ile est inhabité, et inhabitable; DES SÉCHES %oj bâr le nombre de ces serpens qui y pullulent d’une manière incroyable ; chaque jour ils empiètent sur les habitations qui forment encore un cordon ou ceinture autour des. œôtes , et s'étant emparés , par leur grand nombre, de quelques chemins , on n’oseroit déjà plus les traverser (1). Toutes les ten- (1) En 1785, j'avois loué , à Saint-Pierre de la Mar- tinique, un petit carré de terre placé presqu’an centre de Îa ville et au dessus de la calle du roi; à la vérité il étoit adossé contre le morne ou le rocher, et bordé de ce côté par un mur en terrasse de trente pieds de baut. Au milieu de ce morceau de terre, il y avoit une grosse touffe de bananiers , qui occupoit svuvent mes regards, parce que ces plantes m’offroient à toutes les époques tontes les gradaiions possibles de la végé- tation , à partir depuis la pousse de l’asperge jusqu’au développement de son fruit et de la maturité de son pesant régime. Un jour, et très-heureusement pour moi, un Vieux nègre Arada me suivit dans mon petit enclos ; il avoit une légère faveur à me demander, et je m'étois plu à le rendre heureux : il partoit content, lorsque se retournant avec vivacité : « Maître, me dit-il, je sens ici le serpent ». Comme tout le reste du jardin étoit à claire voie et offroit peu de broussailles, il alla d’abord examiner la touffe de bananiers et m'assura qu’à l’odeur elle devoïit receler des serpens : dans ce moment je sentis l’odeur du serpent comme lui; cette odeur est fade et nauséabonde ; elle laisse mae espèce d'impression rance et astringente dans la V a tatives ont été inutiles pour détail ON CON centrer ces reptiles, qui finiront enfin par a gorge , et depuis lors je l'ai toujours ressentie dès que je me trouvai dans le voisinage d'un serpent. J'ai même observé depuis en Europe, et principalement sur les côtes rocailleuses des montagnes exposées au midi , que la couleuvre, toute innocente qu’elle est, jette la même odeur rance et désagréable, ei je crois pouvoir reconnoître , à l’odorat, le repaire des cou- * leuvres et des serpens ; émanation qui d’ailleurs pro- vient de la manière dont ces reptiles digèrent. Nous tinmes conseil pendant un instant sur la découverte que venoit de faire le nègre, et il m’assura que seul, il alloit me débarrasser de ces hôtes redoutables; s’armant d’un bâton, il se mit à siffler avec force en jetant des pierres au travers des bananiers; son attaque réussit , nous vimes un serpent gros comme le poignet qui s’élança sur lui, mais mon brave Arada l’étendit : à terre d’un coup de bâton dont il lui cassa les reins, m’avertissant que dans cet état il étoit encore dange- xeux. Dans le cours de l’après-midi nous en fimes sortir. deux autres de ces bananiers où ils étoient venus se blottir en descendant le morne , et je dois à coup sûr la vie au pauvre esclave, que ma posilion ne me permit pas dans ce tems de mettre au dessus du besoin. Le plus long des trois reptiles avoit six pieds; les deux autres étoient moins forts. Pendant mon séjour dans la même île j’ai entendu parler de beaucoup de personnes, qui, blessées même dans le sein de la ville, par de pareils reptiles, en moururent : et j'ai vu dans un voyage que je voulus faire par terre de ! DES SECHES. 304 chasser les. hommes de cette île et par se l'approprier. Une tradition constante prouve que c’est à la vengeance des anciens insulaires qu’on doit attribuer cette calamité , et si des faits historiques ne venoient le constater, nous observerions que quelques îles seulement ont été infestées; que d’autres, qui ne furent habitées que plus tard, ne s’en ressentent pas du tout, et que la Guadeloupe, voisine de la Martinique, n’offre aucun reptile, ni même aucun autre animal venimeux ; preuve ma- nifeste que les Caraïbes n’y ont jeté aucun reptile, par une transportation aussi fatale que celle qui finira par faire déserter la Martinique, et peut-être même quelques autres îles. Les reptiles, les oiseaux et les quadrupèdes ont donc pu, par une infinité de moyens accessoires , être transportés loin de leur lieu natal, mais plus encore actuellement qu'aux époques voisines de leur époque première, les animaux des mers doivent changer, dans Saint-Pierre au Fort-Royal, où aujourd’hui on ne va plus que par mer, des milliers de serpens qui se tordoient sur les rochers les uns dans les autres, s’entortillant en forme de cables , et se couvrant d’une bave épaïsse et jaunissante. Malgré leur nombre, tous cependant fuyoient à mon approche. | Mo : ‘HISTOTRE beaucoup de circonstances 3 d habitation eË de lieu de séjour. Nous venons de prouver que la naviga- tion a dû nécessairement influer d’une ma- nière très-marquante dans ces changemens, et qu'il n’est, pour ainsi dire, aucun vais- seau qui , en arrivant des parages lointains , ne rapporte ou ne ramène avec lui, collés ou attachés à sa quille ou à ses bordages, ou traînant à sa suite , des poissons, des mollus- ques nuds et testacés ; ou enfin ; des œufs et du frai de quelques animaux marins. Dans certaines circonstances: ces œufs peuvent se conserver très - Sen tems sans sense (1), (Gi ) Des œufs de poissons et ceux de suce mol- lusques peuvent être arrêtés dans leur germination, même pendant un laps de tems très-considérable; on a vu le savant et ingénieux Réaumur retarder ainsi à volonté le développement des insectés, et augmenter ou diminuer à son gré leur existence dans Pétat de stupeur et d’engourdissement: Des œufs, de:poule ou d’autres œufs d'oiseaux , enduits de! graisse. Ou d’un vernis, sont des mois entiers à l’état d'œufs frais: et un des faite les plus remarquables de, toutes ces diverses suspensions de développement , est celui cité par Bonnet (*) , d'œufs de poissons qui s’étoient conservés au fond de certains étangs qu’on avoit mis à sec, pendant quelque tems, et qui se sont repeuplés (*) Cons. sur les corps ‘organ. tom. II, pag. 109 DES SECHES. 31» sans permettre à l'embryon qui y est ren- fermé d’en L sortir ; et dans l’ordre et la marche des mêmes espèces de poissons qui y avoient existé auparavant; repopulation due peut - être , dit cet auteur , aux œufs demeurés dans la vase et qui avoient pu s’y conserver sains et intacts. Un fait très-curieux au sujet de ces conservations et transports d'œufs de poissons ; est celui que je tiens de Faujas Saint-Fond, qui, dans le voyage qu’il fit en Ecosse et aux îles Hébrides , m'a dit y avoir visité un gentilhomme qui faisait valoir ses possessions et qui, lui montrant une petite rivière qui baignoit ses propriétés, l’assura que, quoiqu’elle lui produisit actuellement un revenu assez considérable! par la pêche des saumons qui y remontoient dans le tems du frai, elle ne lui avoit ‘pas toujours éLé aussi fructueuse, malgré que d’autres rivières du voisinage fussent remplies de ces pois- sons. Ce cultivateur, ayant cru remarquer que le sau- mon veuoit constamment frayer aux mêmes rivières où il étoit né , et que les saumoneaux qui en descen- doient , y rentroient, s’avisa, pour empoissonner celle qui couloit au pied ie ses terres, d'aller enlever dans les rivières voisines du frai de saumon : cette opéra- tion lui réussit parfaitement; lesœufs vinrent à éclore, les saumoneaux grandirent fort bien et furent se rendre à la mer; la saison suivante les vit revenir, et depuis ce. tems cette petite rivière est devenue toute aussi poissonneuse que celles du voisinage ; tandis que, pendant toutes les années antérienres , on n’ÿ avoit pas vu un seul saumon. Comme je ne doute pas de Ia véracité de ce fait, et que Faujas ne l’a pas publié V4 812 HISTOIRE ordinaire des choses , ces œufs, après avoig été pondus, ont toujours besoin d’un nombre de jours déterminé, et quelquefois même d’un éspace de tems assez CORRE aiuel Éblores? Qu'on suppose donc, comme at arrive tous les jours , qu’un vaisseau soil ancré sur les côtes. d'Afrique ou de l'Amérique ; dès lors quantité d'animaux de la mer et des plantes marines viennent s'attacher sur les parties de ce vaisseau qui baignent et sont submergées dans les eaux ; il est indubitable que , dans cet état de choses , le frai et les œufs de quelques poissons. et de certains mollusques doivent aussi s’y coller, puisqu'ils le font naturellement par-tout où se rencon- trent ces plantes et ces coquilles, et celles qui sont venues s'implanter sur le corps d’un navire, n’en doivent pas être plus exemptes. que celles qui se sont placées et qui. croissent sur le corps d’un rocher. Pendant le séjour que le vaisseau fait à cette côte , d’autres plantes viennent se mt dans son Voyage, lun des plus instructifs, des plus aimables et des plus savans que l’on connoisse , j'ai cru pouvoir le consigner ici, comme une preuve nouvelle du transport et du déplacement que peuvent supporter les œufs des poissons. DES SECHES. 313 joindre aux premières , qui en produisent d’autres à leur tour, et enfin, le fond du bâti- ment est incrusté par une espèce de forêt, qui: très-souvent retardé même sa marche lorsqu'il appareilie pour se remettre en mer: Ces fucus et ces coquillages ainsi entassés ; doivent receler quantité d'œufs que ce vais- seal emporte avec luiers d’autres parages, et qui pourront éclore successivement quand celte époque sera arrivée : et c’est ainsi que la mavigation échange, non seulement toutes les denrées et les productions des quatre parties du monde, mais encore les poissons, les mollusqueset les végétaux de leurs mers; ce m'est pas même toujours par l’intermède de ces corps inanimés que ces échanges s'opérent encore plus que sur la terre. Il existe dans les antres de la mer des animaux monstrueux, dont le vaste ensemble n'offre qu'une masse épaisse de graisse , d'inertie et d'insensibilité extérieure ; pareils à cet énorme reptile que Stedman a reconnu der- nièrement dans Ja Guiane , dont il donne une bonne figure dans son voyage, et qu'il a fait hisser à un arbre pour parvenir à le dépouiller de sa peau ; serpent qui rap- pelle celui dont le père Gumilla parle dans son: -Hüstaire de FOrénoque ; qui, gisank 519. . CH ISIN | sur le sol, y ressemble à un vieux tronc d'arbre abattu , couché par terre , et entié- rement recouvert d’une espèce d’écorce de boue, de vase et de mousses ; qui ont pris racine sur son cuir , devenu: pour ainsi dire insensible : animaux marins ; qu'on peut en- core comparer, pour celle imsensibihté cuta- née, à ces effroyables crocodiles auxquels Hérodote et Elien donnèrent quarante pieds de long ; longueur ‘presque incroyable, mais reconnue enfin par. les modernes ; puisque des relations nouvelles et dignes de foi nous disent qu'ilen existe à Madagascar qui attei- gnent à celle de ‘soixante: pieds, et dont la peau écailleuse: et endurcie; rivalise de du- reté avec celle:des plus grands quadrupèdes qui, comme le rhinocéros: en particulier ne s’'aperçoivent même plus des nombreux insectes que recèlent les plis de leur peau épaisse et couverte de fange. C’est ainsi que de nombreux animaux parasites s’attachent aussi dans les eaux sur les corps des monstres de la mer, des baleines et des cétacés, que nous avons vu s’élancer d’un pole à l’autre, dans leurs courses aussi rapides que fré- quentes ; courses qui paroissent devoir être attribuées à une autre cause qu’à celle qui auroit pour but de leur procurer leur nour- DES SECHES. 315 riture. Ces cétacés sont quelquefois recou- verts et toujours chargés de coquilles, de _glands et d’autres mollusques , les uns nuds, et les autres testacés (1). Dans l'enfance des peuples , ces cétacés règnoient en paix sur l'étendue de leurs montagnes et de leurs plaines liquides ; ils avoient pu s'approprier des parages, et rien ne les forcoit à s’en écarter ; les baleines et les cachalots restoient renfermés alors dans une certaine étendue de mer ; avant que le pêcheur européen ne fût allé les y relancer le harpon à la main , comme il le fait main- tenant en les poursuivant dans leur fuite ; au travers des plus vastesmers, et jusqu'aux extrémités du globe. Avant cette époque, ces énormes cétacés ne connoissoient que peu d’ennemis ; ils n’en reédoütoient aucun; et si quelquefois ils étoient: forcés de livrer des combats; de:se défendre contre lespa- don ou d’autres erinemis, jamais ils n’étoient obligés, quel que fut l'évènement de ce duel, de fuir ‘au: loin, de mettre derrière eux un immense espace de mer , à l'aspect et (1) Tels que le gland ou balanite , diadème; bala- nus diadema. Bosc, Histoire natur. des coquilles, tom. IT, pag. 190. — Lepas balænaris, Lin. Syst. nat, ginsi qu’une foule de lernées, etc. 310 HISTOIRE. devant une force toujours renaissante , tou jours irrésistible avec le tems , et telle enfin qu'est celle de FPhomme , quand il a mis en société ses moyens , sa puissance et ses vo— lontés. Aussi, chassés par-tout actuellement et dans tous les endroits où ils se sont mon- trés , les cachalots et les baleines n’ont plus trouvé un seul antre, dans les profondeurs de la mer, qui puisse maintenant leur offrir un inviolable asile : ni les glaces entassées et amoncelées des poles , ni les ardeurs brü- lantes de l’équateur , ne peuvent plus les mettre à l'abri des mortelles atteintes de la race humaine. Suivis et relancés au travers des abîimes, ces animaux transportent au loin , et déposent enfin dans des mers étran- geres tous les êtres parasites qui s’étoient successivement. attachés et implantés sur deurs vastes corps , collés , agglutinés et con- fondus très-souvent avec une couche épaisse de plantes, de rocailles et de quantité d'au- tres débris. 16v ° Nous ne nous arrêterons pas ici sur les toriues marines, cependant on en connoît de très - grandes; la tortue franche atteint quelquefois plus de huit pieds de longueur , Sur cinq de largeur, et indépendamment des mers où elle paroît se plaire le plus, on la DES SECHES. 31% rencontre aujourd'hui presque dans toutes ; ‘ce qui ne peut provenir que de la naviga- tion. En 1752, on avoit déjà pris dans le port de Dieppe une de ces tortues, qui pe- soit environ neuf cents livres ; une autre fut reprise en 1754, dans le pertuis d’Antioche, où on supposa qu'elle avoit resté pendant douze ans, croyant qu’elle y avoit été ap- portée par un vaisseau de Saint-Domingue qui, en 1742, éloit venu faire naufrage dans ce même pertuis ; et en 1784, on pêcha de très - grandes tortues à l'embouchure de la Loire : d’un autre côté, nous savons que la tortue franche entreprend de très - grands voyages, et qu’on la trouve quelquefois dans la haute mer, à plus de sept cents lieues de toute terre. - La carapace de ces tortues, encore plus insensible que la peau des cétacés , est très- souvent chargée aussi de mollusques , de plantes et d'animaux marins; et on a remar- qué que dans leurs voyages ces tortues étoient toujours accompagnées d’une foule de pois- sons voraces (1), qui semblent leur faire un (1) Ce rassemblement de poissons voraces, qui accompagnent les tortues dans leurs voyages, avoit déjà été remarqué et décrit par Dampier. 68 HISTONREN fidèle et constant cortège. Mais, en jetant nos regards sur la superficie des mers, nous allons y reconnoître une bien plus grande cause de transport et. de migrations que toutes celles que nous avons considérées jusqu'à présent ; et en effet il faut avoir vu, pour y croire, ces: immenses bancs d'herbes marines , presque: entièrement formés d’une seule espèce (1) ;: qui flottent vers la hauteur des tropiques entre les 10 et 25 dégrés de latitude nord ;, et du 520o° au 355° de longitude. Non seu- lement ces bancs d'herbes marines occupent un espace immense en étendue, mais léur profondeur dans là mer est très-considérable; leur tissu est quelquefois assez serré pour arrêter le sillage d’un vaisseau , et retarder sa course : on lit même que ces bancs d'herbes: marines effrayèrent les compagnons de Chris- tophe Colomb ; et que peu s’en fallut qu'ils m’eussent été la cause que ce vaillant et tenace capitaine n’eüt pas fait la découverte du nouveau monde ; ces amas dé plantes et d'herbes marines servent de retraite à une quantité innombrable d'êtres marins, dont (1) C’est le sargasse, raisin du tropique, on, acinaria de Donali. Agresto marino d’Imperato. Essai sur l’'hist. nat. de la mer Adriatique , traduction fran= çaise , pag. 33, pl. v, fig. 1. DES SŒCILEIS. 31 es uns vivent au milieu de cet inextlricable labyrinthe , et d’où les autres , une fois en- gagés, ne pouvant plus sortir , et sont forcés de s’abandonner au courant avec ces im- menses forêts d'herbes marines, au centre desquelles ils restent enfermés. Battue par les flots et par les tempêtes, déchirée par les courans et chariée par les vents, cette mer de sargasses ou herbes marines se dis- loque et se partage; une partie poussée par les vents alisés, va s’engoufrer et se perdre dans le solfe du Mexique , avec tous les ami- maux marins enlacés dans leur enchevêtre- ment : dans la saison contraire, d’autres énormes masses s’en détachent, traversent la mer du nord dans toute sa largeur, passent le détroit de Gibraltar , et viennent remplir de leurs rameaux toute la Méditer- ranée , sur les côtes de laquelle on retrouve ces mêmes herbes que la mer y rejette (1). Subissant encore les lois des courans im- _menses qui se jettent tantôt au sud, pour retourner ensuite vers le nord ; tantôt des plages entières de ces végétaux marins sont (1) Cette plante abonde dans les golfes de l’Istrie et de la Dalmatie. ( Donati, wbi supr. pag. 54.) IL paroît même qu'aujourd’hui elle y est indigène, ce qui pourroit provenir des semences qui y auroienf fructifié et que Les flots y avoient apportées, 520 HISTOIRE transportées vers le pole sud, én passant at travers du large détroit formé d’un côté par le cap du Brésil, et de l’autre par les terres de la haute Guinée , chemin par lequel elles vont aborder les glaces du 51° dégré sud ; et dans ce déchirement , une autre partie s’est rejetée vers le pole nord, où ces forêts ma- rines peuvent arriver jusqu'au 80° dégré. Dans leur marche , elles retiennent concen- tré dans leurs masses tout ce qui s’y trouve englobé ; et il est hors de doute que ces forêts flottantes n’entraînent avec elles une très- grande quantité de poissons et de mollusques des mers de l'Amérique, pour aller les dis- séminer dans ces autres mers. Combien d'œufs de toute espèce ces grands amas ne doivent-ils pas charier avec eux, emportés par les courans, par la dérive, et par le refoulement des marées ? - Une autre cause, mais qui tient de plus près à la théorie de la terre et que par con- séquent nous ne ferons qu'indiquer, peuple encore, par l’intermède des eaux, des parties du globe qui jusqu'alors n’avoient donné l'existence qu'à des quadrupèdes, à des oi= seaux ou à des reptiles ; je veux parler de ces irruptions subites qui, rompant leurs digues et leurs barrières , envahissent les | terres — DES SECHES. 524 terres, et forment des mers au milieu des continens. À la simple inspection du globe, nous ne pouvons nous déguiser que c’est par ces irruptions que les eaux ont formé les mers ou baies d'Hudson, le golfe de Baffin et celui du Mexique , la mer Vermeille, la mer du Kamitschatka ; celles de l’Archipel , des Philippines et des Molluques ; le golfe Persique et la mer Rouge; la Méditerranée et la mer Baltique, et peut-être même l’o- céan Glacial; grands amas d’eau qui tous sont incontestablement les preuves irréfragables de leur action toujours corrodante sur les continens. L'histoire héroïque nous a encore conservé des notions sur l’irruption de la Méditerranée et sur l’anéantissement de l’Atlantide ; et, au milieu de ces terribles catastrophes, nous ne viendrons pas ranger ces déchiremens secondaires qui, comme la Manche et les autres détroits, ne présentent plus que des envahissemens successifs et su- bordonnés aux premiers ; mais à l'instant de ces irruptions, les habitans des eaux durent venir s'emparer des nouveaux domaines qu’elles venoient de conquérir ; ils durent suivre leur impulsion et s’élendre au loin avec elles, à mesure qu’elles envahirent de nouvelles contrées et de nouvelles terres. Moll. Tone LI. X ne HISTOIRE EX PE DC\A TNT ON DE LA PLANCHE VIT /2 Fic. 1 et 2. Sèche tuberculée ; deux tiers de sa grandeur naturelle , vue par dessus et par dessous. Frc. 3. L/os dorsal pardevant ; il est des- siné en spatule et surmonté vers la pointe de la membrane cornée , qui le déborde par le haut ; il est caréné dans toute sa longueur. Fire. 4 Le même os, vu par dre # et dépouillé de la membrane ; il est creusé en gouttière dans son milieu. Fire. 5. La membrane cornée , de couleur brune, et fendue dans toute sa longueur. Fire. 6. Coupe par le milieu de los de la sèche tuberculée ; sa forme en S trace celle de Fos ; on y voit de petits piliers qui sou- tiennent les cloisons, disposées en recouvre- ment les unes au dessus des autres. æ DE L’AMBRE GRIS. 323 DE L'AMBRE GRIS () Nous placerons ici ces recherches sur lambre gris, parce qu’il n’est autre chose que _ l’excrément de certaines espèces de baleines qui se nourrissent de sèches, de cal- mars et de poulpes : nous aurions pu le reporter à la fin de l’histoire des poulpes; mais commé on ne rencontre dans l’ambre gris que des becs d’une certaine grandeur, et que ces becs n’excèdent jamais la gros- seur de ceux des sèches et de quelques cal- mars , c’est-à-dire, la largeur d’un pouce, nous pouvons en inférer que les becs qu’on trouve dans cette substance, qu’on a regar- dée comme gomme-résineuse , appartiennent Re et ir ee . (1) Les anciens ne l’ont point connu. En latin ; on le nomme ambra grisea ; en allemand, ambar; en bohémien , ambor ; en espagnol , «ambar ; enïitalien, ambra grisia et ambracane ; en arabe , en africain, en malais, ambra et ambar ; à Timor, ÿan taij; en hollandais, ambra de grys et graauwen amber. Sera- pion , Herb. cap. 196. — Zinga. Avicenne, lib. 2, cap. 63. — Aimendeli et sela christicum. X 2 324 HISTOIRE à ces animaux qui, excepté le calmar ré- ticulé du Chili, n’atteignent jamais à de grandes dimensions. D'ailleurs , l’histoire des poulpes nuds nous conduira à celle des poulpes testacés; et comme il paroît que ces espèces sont respectées par les baleines, vu qu'on ne rencontre pas dans l’ambre gris des débris des différens nautiles solides , pa- piracés ou argonautes, qui, durs et calcaires, se feroient d’abord apercevoir en feuillures fermes el minces comme les coquilles dont ils seroient les restes , on peut regarder ces. animaux comme ne servant pas d’aliment aux baleines, et parfaitement à l'abri d’être broyés dans le goufre qu'oïfre la gueule de ces cétacés. Les baleines vivent donc aussi de boue nuds ; elles avalent les plus petits; elles pa- roissent même pouvoir combattre avec avan- tage contre de beaucoup plus grands, puis- qu’on a trouvé dans la gueule de ces baleines des bras de poulpes qui avoient plus de trente pieds de long (1). Les bras de ces poulpes doivent tenir de (1) Swediaur. traduction de Vigarous; Journal de physique , 1784, partie IL, pag. 284, dans la note. Sonnini, Addition à l’article du succin et de l’ambre gris ,tom. V de cette édition , pag. 257. | DE L’'AMBRBRE GRIS. 3:25 la monstruosité de la taille de l’animal à qui ils ont appartenu : et dès lors si nous prouvons que l’ambre gris est l’excrément de quelques baleines, et que les becs de sèche, de calmar ou de petits poulpes qu’on y retrouve, n’excèdent jamais la grosseur du pouce, nous ne pourrons attribuer cet ambre qu'à des cétacés qui ne dévorent pas de bien grands mollusques, comme le sont ou le deviennent quelques espèces de poulpes, mais seulement des mollusques d’une taille moyenne à laquelle nous verrons s'arrêter les sèches, quelques poulpes et les calmars, un seul excepté. L'origine de l’ambre gris fut une énigme pour nos prédécesseurs ; bientôt nous revien- drons sur les différentes hypothèses aux- quelles cette substance a pu donner lieu ; mais nous observerons ici que Buffon, après avoir long-tems balancé s’il rangeroit ambre gris parmi les substances bitumineuses m1- nérales ou parmi les substances bitumineuses animales, à laissé la question indécise, pa- roissant cependant pencher vers cette der- nière opinion (1). Mon respectable ami Sonnini, à qui on doit Je plan de l'édition (1) Buffon , Hist. des minéraux , tom.1X , pag. 247 de cette édition. X 5 526 HISTOIRE actuelle, et une foule d’additions dignes de figurer à côté du texte de son modèle, adopta la première (1);1l regarda l’ambre gris comme produit par une distillation minérale, et il le rangea en conséquence parmi les pé- troles , les naphtes et les bitumes. Je dois avouer qu'il a appuyé son hypothèse par des raisonnemens très-spécieux : je vais me per- mettre de la combattre ; d’après son caractère franc et loyal , il ne m’en saura pas mauvais gré ; et si la raison est de mon côté, il sera le premier à souscrire à l’évidence. T/ambre gris est une substance molle et visqueuse, qui ne se trouve que dans la mer ou sur ses côtes; elle se durcit à lair et devient friable ; inodore dans son état de mol- lesse , elle acquiert de l’odeur en se séchant, et dans cet état elle a été pendant long-tems un aromate très-précieux. On trouve lambre gris en masses plus ou moins colorées, plus ou moins grandes, plus ou moins compactes, plus ou moins suaves et odorantes; il est toujours feuilleté , et ïl renferme des becs de sèches ou d’autres mol- lusques coriacés, principalement quand il est en grandes masses. (1) Sonnini , ibidem , pag. 248 et suiv. DE L’'AMBRE GRIS. 327 Sa couleur, d’abord cendrée, passe par toutes les nuances grises , et arrive jusqu’au noir ; plus il approche de cette couleur, plus il est cassant et dur : lorsqu'il est pur, on peut le mâcher sans qu'il diminue de volume ; il reçoit l'impression des ongles, et s'attache au tranchant d’un couteau avec lequel on Je ratisse; frotté avec la main, on peut le rendre lisse comme du savon ou de largile. En vieillissant son odeur devient plus agréa- ble, et par le frottement elle se développe davantage : il prend feu avec vivacité à la lumière d’une bougie , et jette une flamme vive jusqu'a ce qu’il soit consumé ; jeté sur un fer rouge, il se fond et s’enflamme de même sans laisser aucun résidu; sur des char- bons il fume et répand un parfum très- agréable, se liquéfiant en une huile noire et épaisse qui s’évapore sans laisser aucune trace; pur, il est très-lèger, et non seule- ment, quand il est sec, il surnage sur l’eau de mer, mais encore sur Peau douce. On n’a jamais trouvé l’ambre gris dans les terres, et nous n’en connoissons point de fossile, quoique la chose ne soit pas abso- lument impossible ; le témoignage de cet auteur, qui prétendit qu’on en avoit trouvé X 4 328 HISTOIRE en fouillant la terre en Russie (1), est pour le moins apocryphe. On en a trouvé dans les mers des quatre parties du monde ; mais sur-tout dans celles qui recèlent beaucoup de baleineset d’autres cétacés : nous ne don- nerons pas ici la nomenclature de tous les endroits où l’on trouve et où on a trouvé de ambre gris, ce seroiït répéter ce qu’en ont écrit Buffon et Sonnini, et nous y ren- voyons nos lecteurs. Mais, comme notre but est de prouver que cette substance odorante n’est autre chose que l’excrément de certains cétacés, nous allons réunir tout ce qui peut confirmer cette opinion, et nous pourrons terminer cet article par quelques faits qui paroissent avoir échappé à ces deux natura- listes sur les différentes altérations que peut essuyer naturellement ce parfum , aujour- d'hui négligé en Europe, et que nos pères rangeoient parmi les choses aussi précieuses que lor et les diamans. « La mer jette souvent de PE gris en grande quantité sur la côte des Arauques et dans l’archipel de Chiloë. Les indiens qui le nomment mayène, ce qui veut dire (1) Buffon , Hist. des minér. tom. IX de cette édition , pag. 254, dans la note. ET Je ET US SPC TEE nr à = DE L'AMBRE GRIS. 529 excrément de baleine , prétendent que cette substance , lorsqu'elle est fraîchement jelée, est noire, qu'elle devient ensuite brune, puis grise , après avoir été plus long-tems exposée au soleil. (Histoire naturelle du Chili, par Molina , traduction française , page 61.) » On a trouvé de l’ambre gris dans l’es- tomac et dans les intestins de quelques cé- tacés. (Buffon, Hist. des minéraux, tom. IX, page 242, de cette édition.) » Koœmpfer dit qu’on le tire principale- ment des intestins d’une baleine assez com- mune dans la mer du Japon , et nommée Jiaksiro ; il y est mêlé avec les excrémens de l’ammmal. (Buffon , au même endroit, dans la note.) » On regarde l’ambre gris comme d’ori- gime animale , comme les déjections d’une espèce de baleine. L'on a vu que cette opi- nion métoit pas nouvelle ; elle est même beaucoup plus ancienne que ne l'ont cru les auteurs qui en ont parlé, puisque les regis- tres de la société de Londres, pour l’année 1663 , contiennent une lettre écrite de Ban- tam, le 14 novembre 1662, dans laquelle les mêmes notions sont rapportées. (Voyez lAbrégé des Transactions philosophiques ; Histoire naturelle, tome VIIT, page 108; 330 HISTOIRE Paris, Buisson. — Sonnini , Addition à l’ar= ticle de l’ambre gris, Histoire des minéraux, tome IX de cette édition.) » Cependant il s’en faut bien que l’opi- nion déjà ancienne, que l’ambre gris est une matière animale produite dans le corps de certains cétacés , soit dénuée de vraisem- blance ; elle est appuyée sur des faits cer- tains ; mais les inductions qu’on en tire ne paroissent pas aussi certames. (Sonnini, au même endroit , page 250.) » Les naturalistes modernes ont adopté ces mductions ; ils ont cessé de regarder Fambre gris comme une substance minérale, et ils ne doutent plus que ce ne soit une matière animale qui n’a jamais été enfouie en terre, et que l’on recueille telle que les baleines la rendent. (Delamétherie, Sciagra- phie de Bergmann, tome IT, page 27. — Sonnimi, au même endroit , page 25.) » L’ambre gris est rangé parmi les choses les plus précieuses de ce monde, et toutes les nations le nomment ambre et ambar, comme le font aussi les malais ; excepté les habitans de Timor et ceux des îles du sud- est, qui le nomment très -improprement , vu son grand prix, JJan tayj, ce qui veut dire excrément de poisson. ( Rumphius, DE L’AMBRE GRIS. 331 cabinet d'Amboine, page 255 ; Amsterdam ; Roman de Jonge , 1741.) » Les auteurs sont très-partagés sur l’ori- gine de l’ambre gris ; mais l’opinion univer- selle et populaire de nos insulaires, la plus ancienne et la plus généralement adoptée , est, qu'il est le produit de la baleine; cepen- dant pas de toutes les espèces de baleines, mais d’une espèce particulière que les arabes nomment asel. (Rumphius , à la même page.) | » Charles de l’Ecluse écrit, dans ses Ob- servations sar le chapitre de l’ambre gris, qu’il rencontra à Francfort un bourguignon nommé Servais Marel , qui avoit vu beau- coup de pays, et qui les avoit parcourus en faisant le commerce de pierreries , de perles et de parfums. Ce voyageur lui avoit cer- tiñié que ambre gris n’étoit autre chose qu’un ainas indigeste qui se trouvoit quel- quefois dans l'estomac de la véritable ba- leine, au rang de laquelle il ne comptoit pas l’orca, le physeter et autres grands pois- sons munis de dents ; et il prétendoit que la véritable baleine , n'ayant point de dents, et dont le gosier étoit fort étroit, ne pou- voit avaler que des petits poissons, princi- palement des sèches et des polypes ; leur 552 P°I'HMIS TIOMRE digestion étant difficile , ils séjournent long- items dans son estomac, et y forment un amas glaireux qui s’y arrête ; lorsque cet amas, devenu trop considérable , gêne abso- Jlument la baleine , alors elle le rejette. Cette première expectoration est de l’ambre infé- rieur ; mais la matière qui a séjourné long- tems dans l'estomac , et qui y a acquis une parfaite coction , est de l’ambre parfait. Il est incertain , continuoit Servais Marel, si cette éjection a lieu toutes les années , ou plusieurs fois par an : mais il est très-sûr que, lorsque la baleine a vuidé son estomac , on n’y retrouve plus d’ambre gris quand on la prend ; et c’est ainsi qu’on rencontre quel- quefois dans cet ambre des becs de sèches, qu'on a pris pour des becs d'oiseaux. (Rum- phius, page 256.) » Jules Scaliger avoue que les livres des maures sont remplis de faits qui prouvent que l’ambre croît dans les baleines, et que même à F'ez et à Maroc , ce cétacé porte le nom d’ambar; mais 1l observe en même tems que de toutes les baleines qu'il a vu prendre dans la baie de Biscaye, et que de toutes celles dont il y à entendu parier, au- cune ne renfermoit de lPambre gris. (Rum- phius , page 256. — Julius Scaliger , Exercit. 104. ) mas. ob ue à no et nd Ur 7e NT DE L’'AMBRE GRIS. 333 _» Radja Salomon Speelman, autrefois roi d’Ade-Manduta , homme digne de foi, et témoin oculaire, assura à Rumphius en toute vérilé, que vers l’année 1664 , près Baloeron en son pays, il vint à la côte une baleine morte , qu'il nommoit ÿu-ambar , et qui pouvoit avoir environ quatre - vingts pieds de long ; sa tête en avoit cinq, et son museau étoit pointu ; cependant le front étoit rond. On voyoit s'élever au dessus de la tête une grande nageoiïre de la hauteur d’un homme, et qui se prolongeoit sur le dos à la longuerir de vingt-cinq pieds; cette nageoire étoit souple , et on pouvoit la jeter à gauche ou à droite, en la couchant le long de ce cétacé. : » En ouvrant cette baleine , on lui trouva le ventre, grand comme une chambre, pres- que entièrement farci d’ambre gris. Celui qui étoit en avant et du côté de la gueule étoit blanchâtre et aqueux; celui du milieu d’un jaune grisâtre, et celui qui se trouvoit en arrière, tout noir et gluant comme de la poix........ Les habitans de Timor n’en connoïssoient pas la valeur , et s’en servirent pour calfater et poisser leurs pirogues , jusqu'à ce que des macassacs vinrent les instruire , en raclant cette poix de leurs 534 HISTOIRE embarcations , et la leur achetant pour lem- porter dans leur pays. (Rumphius , Pages 256 et 257.) «Les habitans de Java croient que l'ambre gris est la déjection du grand oiseau geruda, qui habite sur l'arbre paes singi, arbre qui ne croit qu'au milieu de la grande mer du Sud. La baleine avale les excrémens de cet oiseau ; et ne pouvant digérer cet ambre , elle est forcée de le vomir à son tour. CH | phius, pag. 257.) «Je dois joindre ici les narralions que m'a faites le sieur Andreas Kleyer, dans le tems qu'il étoit gouverneur au Japon , et qu'il m'a communiquées dans plusieurs lettres sur un poisson d'ambre , ambar-visch , qu’on trouve au Japon. Sa première lettre est du 28 février 1695.» Le poisson , écrit-il, de qui provient l’ambre gris, est nommé en japonais hay-ang-kie ; 1l est d’une figure très-ressemblante à celle de la baleine de la plus petite taille , différent seulement de la baleine, connue sous le nom de noordt- Kkaaper , par les dents dont sa gueule est remplie , tandis que celle du noordt-kaaper n’en offre point. Deux de ces dents sont très- saillantes et se jettent en dehors comme dans le walrus ». Dans une autre lettre, qui avoit DE L’AMBRE GRIS. 555 précédé celle-ci, il m’avoit encore écrit qu’on trouvoit beaucoup d’ambre gris dans nombre d’endroits du Japon, et sur-tout aux îles Liqui, et qu'il provenoit d’un pois- son très-rapproché du noordt-kaaper, quant aux formes et à la taille ; excepté qu’on lui voyoit deux défenses très-blanches qui des- cendoient de sa mâchoire supérieure , et que sa queue n'étoit pas fendue. I] me fit tenir cette lettre par un japonais, qui lui-même s’étoit livré pendant long-tems à la pêche de la baleine, et qui m'assura qu’ils connois- soient, à de certaines marques, quand ces poissons renfermoiïent dans leur ventre une certaine quantité d’ambre gris ; et que, lors- qu'ils prenoient de ces poissons, ils étoient quelquefois obligés de les amener à terre, et de les ouvrir sous peine de la vie en présence de certains envoyés de leur seigneur, pour, les morceaux les plus considérables être enleves au profit de ce seigneur, qui alors abandonne les pièces tachées et l’ambre en- core fluide, ainsi que le corps de l'animal aux pêcheurs, qu’ils dépiècent pour en tirer de l’huile par la cuisson. (Rumphius, page 262.) | »Justus Klotius, après avoir rapporté dans les Transactions plulosophiques plusieurs 53 HISTOIRE hypothèses concernant l’origme de l’ambre gris , croit que cette substance n’est autre chose que lexcrément d’une espèce de ba- leine. (Rumphius, page 363.) » Monardus a écrit qu’on avoit retiré du corps d’une baleine cent livres pesant d’ambre gris. ( Miscellanea naturae curioso- rum, Rumphius, page 264.) »Audré Kleyer a publié la fisure de deux baleines, de la plus petite espèce , qu’on avoit: prises entre les îles du Japon , et dans le corps desquelles on trouva une grande quan- tité d’ambre gris; il est probable que c’est d’après cet auteur qu’on est parti pour croire que cet ambre provenoit du dépôt qui se formoit dans l'estomac de la baleine par une nourriture mal - digérée , et qu’en consé- quence elle étoit forcée de rejeter; et de là peut encore provenir l’opinion de quel- ques autres qui ont cru que c’étoit l’excré- ment ou la liqueur spermatique de ces ba- leines. ( Miscellanea naturae curiosorum ÿ seconde édition , vingt - unième observa- tion. Rumphius, page 264.) » Furetière rapporte dans son Dictionnaire que, d’après l’opinion de quelques auteurs, Pambre gris est lexcrément où la liqueur spermatique de la baleine ; et il dit de plus que À È \ À DE; L'AMBRE GRIS. 537 que Joseph Glubius, dans son Histoire de lJ’ambre gris, à écrit que ce précieux aromate provenoit des entrailles d’une espèce de ba- leine-nommée tromp ; attendu qu’elle porte une trompe sur la tête ayant la gueule garnie de dents de la grosseur. du poing, et d’un pied de longueur; ét que lambre gris, autre- ment nommé spermacé, se trouve aussi dans la tête de cette baleine. (Dictionnaire de Furetière, article ambre gris. Rhmphius, ) page 26h.) | :»:Furetière dit encore que certaines per- sonnes veulent qu'un poisson nommé azel, très-avide d'ambre;gris , le recherche conti- nuellement ; mais que , dès qu'il en a mangé , il meurt et vient flotier à la surface de l’eau, où les pêcheurs l’éventrent pour retirer de son corps l’'ambre qu'il avoit avalé. (Fure- tière et Rumphius, aux mêmes endroits.) «ue» Des marchands très-instruits, et qui ont voyagé dans les pays étrangers, assurent que Yambre gris n’est autre chose qu’une espèce -d’excrément quise forme avec le tems dans lestomac d’une véritable baleme. On sait que les baleines proprement dites n’ont point de dents , et c’est pour cette raison qu’elles. avalent les poissons tout entiers, et princi- palement ceux dont la chair est mollé:1k en Moll. Tome I. Y 5 : HISTOIRE résulte nécessairement une masse épaisse et indigeste , qui charge avec le tems l’estomac de ces baleines, de manière qu’elles sont for- cées de la rejeter, ou toutes les années , où ‘à de certaines époques ; et cette masse, ainsi formée et tenue long-tems dans l’estomac,, est ce qu'on appelle Fambre gris. (Rumphius : page 268.) & » Je dois avouer, dit Rumphius luiriéne " qui, tmalgré tout ce qu'il rapporte sur lori- gine de l’ambre gris, ne se rend pas encore à l'évidence; je dois avouer ; comme un ‘fait véritable , que de mon tems on a pris dans les parages des îles Canaries, que nous con- -noissons sous le nom. d’#es Foriunées | une baleine dans les entrailles de laquelle on a trouvé cent livrés pesant d’ambre gris. Mais, quoique après cette découverte on ait har- ponné ‘une multitüde de baleines avec leurs jeunes balainaux, à peine Y rencontra-t-on quelque peu. d’ambre. (Rumphius,p. 269.) » Ïl en est encore qui prétendent que Jambre gris provient d’un: certain fruit très- “odoriférant , qui croit sur le bord de larmer, et qui märit dans les moës d'avriliet de mai; ces fruits tombent alors dans la mer , et sont avalés par les baleines: (Rumphius, p.270.) » L’ambre noir (das swartz amber) qu'on DE L’AMBRE GRIS. 63 connoît sous le nom d’ambar de Noort, d’a- près une -corruplion de la dénomination française d’ambar de noir, est regardé com- munément comme lexcrément d’une ba- leine ; parce qu'ordinairement on le ren- contre dans le bas-ventre de ces animaux, oùuuiliest mêlé avec le véritable ambre gris. (Rumplhius, page 274 » chapitre 36, de l’'ambre noir.) ».Le.véritable ambre noir , celui iles rencontre avec ou sans ambre gris, est celui que rejettent les baleines , et qui flotte en très-9ros morceaux vers les parages des îles du sud-est, jusques vers les terres du sud et la nouvelle Guinée ; parages où l’on ren- contre une quantité de baleines. (Rumphius j PASE:274- ) ». J'ai rencontré de espèces de cet ambre ; d’après mon opinion, l’une est rejetée par la baleine avec ou sans ambre gris, et c’est pourquoi j'appelle et je regarde cet ambre noir comme l’habit et la chemise de l’ambre gris. Jamais l’ambre noir n’acquiert la dureté de ambre gris, et toujours il rend une odeur de marine, sur-tout si on le jette sur des charbons ardens : on en rencontre même qui rend alors une odeur exécrable; et je suis d'autant plus certain que cet Y 2 9 CLHI STORE IO ambre fétide vient de la baleine, qu’en 1677 on m'apporta une masse d’ambre gris, qui, au premier abord, paroissoit de très - bon ambre, mais entièrement revêtu d’une sub stance ou enveloppe grasse et poissante , ; qui cependant avec le tems prit une consistance plus ferme, étant de lambre noir qui ré- pand la véritable odeur d’ambre gris. Cette enveloppe noire, pleine de becs de sèche ; qui nécessairement doivent être venus ‘se joindre à cette masse dans le ventre de la baleine qui engloutit ces poissons mous pour sa nourriture, prouve peut-être que: la mu- cosité visqueuse de ces poissons sert: à :la multiplication ou à l'augmentation de cet ambre noir (1). Cette masse d’ambre gris flottoit à la surface de la mer en avant de Manippa, et elle étoit entourée d’une. mul- titude d'oiseaux et de poissons. Sn a ; page 276.) ss | AU -E » Les grandes masses de sperma cetiiqu’on trouve jelées par les flots à la côte, et exté- rieurement salies par le sable , renferment dans leur intérieur des becs de sèche , come 2 (1) En misschien de taye slimm van die vischen helpt wat tot de voorteclinge of vermeerderinge van den zwWaarten amber. DE L'AMBRE GRIS. 541 on le rencontre aussi dans l'ambre gris (Rumphius, page 278.) ». Une autre substance paroît encore vou- loir s'introduire au milieu des différentes espèces d’ambre gris ; nous la nommons /ard marin, et dans la langue malabare elle porte le nom de Jcan poenja monta. Cette substance est féide et poissante , et on ne peut douter qu’elle ne soit une déjection de la baleine; sa couleur , tirant sur le jaune, la rapproche de apparence du lard qui, trop vieux, s’est ranci; elle poisse les mains, et dans linté- rieur ces masses sont fibreuses et tellement enchevétrées, qu'il est difficile de les arra- cher en morceaux, de manière qu'il faut les trancher avec le couteau. L'odeur que répand ce lard marin, quand on le brûle, est fétide, désagréable et très - pénétrante ; sa couleur jaunâtre se chânge avec le tems en .uu gris noir. En 1640, la mer. en jeta un gros bloc sur la plage de Manippa ; elle resta au soleil, où elle commenca à se fondre, sans que personne y fit attention, jusqu'à ce qu’un chasseur passant auprès avec ses chiens, vit que ces animaux se mirent à en manger; ce chasseur alors l’enleva. Vers le même items on en rencontra un autre morceau à Nussatello, où, en répandaut!le bruit que Y +: 343 HISTOIRE c'étoit une espèce d’ambre, il fut vendu assez cher. On en transporta à Java, inais les javans se moquèérent de ces marchands d’ambre, en leur disant que c’étoit une chose de peu de valeur et l’excrément d’une ba- leine ; ils lachetèrent cependant à un prix raisonnable , parce qu’ils pouvoient s’en ser- vir utilement pour enduire Pouverture de leurs nasses et l'entrée de leurs pêcheries, cette subslance y ättirant le poisson par son odeur......... On peut croire que la substance fibreuse du lard marin doit son origine à la chair musculeuse et coriace des sèches, qui, trop dure à digérer, se conglo- mère ainsi pour former un résidu dans l’es- tomac de la baleine. (Rumphius, page 282, chapitre 38 ; /ardum marinum ; zeespek.) » Les autres disent que le poisson nommé azel, fort friand' d’ambre, le pourchasse incessamment avec grande avidité, et qu'il meurt après en avoir mangé. Les pêcheurs expérimentés, voyant ce poisson mort et flotter sur l’eau, lattirent avec cordes et crochets, puis lui fendent le ventre et en tirent l’ambre. Celui, comme ils disent, qu’on trouve le plus près de l’arête du dos; est le meilleur. (Commentaires de Mathiolé sur Dioscorides, liv. 1, chap. 20, à la fin.) DE L’AMBRE GRIS. 343 » Il y a de l’ambre de diverses couleurs, pour l'ordinaire grises et foncées ; souvent il contient des corps étrangers, des insectes, des plumes, dés arêtes de poisson, des pois- sons même, des becs d'oiseaux. [L/ambre qu'on tire des baleines appelées mokos et cachalots, est ordinairement brun ou noir; il a une odeur désagréable. Le moucheté est le plus précieux, sur -tout celui qui est moucheté de jaune ; celui qui ést moucheté de noir l’est moins. (Transactions philoso- phiques, n° 585, 387; et Bertrand, Diction- naire oryctolosique, au mot ambre gris.) «Si donc les habitans des îles Uciques , dit Thevet, sont imaladroits pour recueillir les perles qui se trouvent dans les huitres dont sont garnies leurs côtes, ils ne sont pas si mal advisez à recueillir l'ambre gris, duquel se trouve grande abondance en ces iles, que les mores ramassent et vendent fort chère- ment aux autres nations. Il y a diverses sortes d’ambre , sans parler du jaune, et dans ses genres 1l y en a de plusieurs espèces...... L'ambre gris donc , suivant l’opinion d’au- cuns , n’est autre chose que l’excrément de la baleine , lequel , étant vuidé par les con- dus de cette masse monstrueuse de poisson, peu de tems après vient à s'arrêter au rivage YŸ 4 { ‘54% << HASTOIRE de la mer, où il se purifie; de sorte que tant plus la mer est impétuense’, et son rivage agité de vagues, tant plus cet excrément ainsi flottant haut et bas, comme il est porté par la marée , est endurci et commé caillé ‘par l’ardeur du soleil , qui rabat sur les rives sabloneuses, ou sur les rochers et écueils, où cet amas est rejelé. Et encore que cette matière ainsi amoncelée ne soit sans attirer aussi à soi d’autres ordures , si est-ce que les mores qui la recueillent , savent bien discerner le bon d'avec le salé et mal odo- riférant. ». Quelques indiens m'ont assuré, d’autre part , que cétoit lexcrément d’un grand poisson, nommé he/merich , qui n’est pas aussi monstrueux que la baleine ; et que le bon- ambre se trouve aujourd’hui dans l’île Maidive et à celle de Dangedive, à trente lieues de Goa, où il y a aussi un gros poisson nommé azel, qui suit la baleine ét mange tout son sperme , ne s’en pouvant jamais rassasier , tellement que, venant à crever , la mer le jette au rivage , et les iusulaires le trouvent , le désentraillent et cherchent le lieu où est ce sperme. D'autres croient que Fambre gris est le sperme que perd le mäle de la baleine dans sa copu- DE L’AMBRE GRIS. 345 htion avec la femelle... ..» Thevet parle ensuite de Foiseau aschibobuch, et donne la figure de ce précieux volatile en décrivant sa forme et ses couleurs..... Mais un fait très - remarquable est l’histoire qu'il fait d’une autre bête à laquelle il donne la forme d’un quadrupède, et si nous la regardons comme un cétacé, jeté à la côte par les flots, nous allons retrouver les oiseaux de rivage crevant le ventre de cette baleine pour en manger l’ambre gris. Thevet dit donc «que le même oiseau recherche une autre bête que les gens du pays nomment a/dafarcard et algelouim , qui a une aposlume aui lui vient bien souvent sous le ventre , près le nombril , et laquelle , à ce que lui avoient dit les habitans de l'île, elle fait apostumer à force de gratter. Ce qui en sort donc est si plaisant à sentir, que toute autre odeur n’est rien auprès de celle-là. T/oïseau aschi- bobuch , ayant quelque simpathie naturelle avec celte bête, la vient accoster , et lui suce si bien et gentiment toute son apos- tume , qu'avant que la laisser , il ne lui de- meure rien; et c'est de là qu'il prend la plupartde sa nourriture.» ( Cosmographie de Thevet, vol. I, pag. 100 et 101.) En nous arrôtant aux descriptions et opi- 346 2'HAISTONRE nions de ces anciens voyageurs, nous n'avons pu rencontrer qüe des observations aussi va= gues qu'indéeises : celles qui nous restent maintenant à y joindre, en venant les ap- puyer,; seront bien plus décisives ; elles sont modérnes et garanties par tout ce qui peut assurer lexistence des faits. En 1781, Josué Coflin ; capitaine du navire baleinier /e lord Hawkesbury , de retour de la côte de Gui- née , où 1] s’étoit livré avec succès à la pêche de la baleine, rapporta de ce voyage trois cents soixante onces d’ambre gris , quil avoit recueilli presque en totalité dans le ventre d’un cachalot femelle. Ce fait excita la curiosité, et Josué Coffin fut invité à pa- roître dans la salle du conseil à Whitehall], en présence des lords du comité du com- merce et des plantations de la Grande-Bre- tagne. Il y répondit aux questions qui lui furent faites à ce sujet, et cette espèce d’in- terrogatoire juridique fut consigné dans les registres du conseil, et livré à limpression par la voie des Transactions philosophiques, 1701, partie première, sous le titre d’In- formations recueillies et communiquées à l@ société royale de Londres, par le comité du conseil préposé aux affaires du commerce et des plantations. DE L’AMBRE GRIS. 347 Le 12 janvier 1791, ce capitaine intérrogé, s’il avoit conncissance que quelques - unes des baleines , précédemment prises par des batimens de la Grande - Bretagne , se sont trouvé contenir de l’ambre gris ? A répondu : qu'il ne l’avoit jamais oui dire , mais que des navires américains en avoient quelquefois rencontré. | Interrogé : comment il avoit découvert celui qu'il avoit rapporté ? Répondu : qu’il en vit sortir de l’animal par le fondement , et qu'il en parut un morceau flottant sur la mer... Interrogé : dans quelle partie il avoit trouvé le reste? | Répondu : qu'il y en avoit encore dans le même conduit. Le reste s’est trouvé dans une poche située un peu plus bas et com- muniquant avec cet intestin. L'animal jui parut vieux , malade et maigre , et il croit que le cachalot ne se nourrit presque entié- rement que de guids , ou sèches à huit pieds. Il avoit souvent vu le cachalot rendre en mourant une grande quantité de ces pois- sons , quelquefois tout entiers, et d’autres fois en morceaux : et alors Josué Coffin, en pré- sentant aux lords du conseil quelques becs de sèche qu'il avoit retirés de son ambre gris 938 HISTOIRE et conservés , dit qu'il avoit trouvé de ces becs dans l’intérieur des masses de l’ambre gris , et d’autres attachés à sa surface ». (Journal de physique, janvier, 1792.) Depuis seize ans que ce marin étoit em- ployé à cette pêche, c’étoit la première fois qu'une baleine lui avoit offert un pareil phénomène ; mais on peut présumer qu'à partir de cette époque, ce capitaine et Lous les autres capitames baleiniers auront seru- puleusement examiné l’intérieur des ba- leines qu’ils auront harponnées. Nous avons fait précéder ces informations à l'extrait du Mémoire sur l’ambre gris que publia le doc- teur Swediaur, et qui fut traduit dans le Journ. de phys. en 1784, tome IT, page 278; et si nous avons interverti les dates, loutes Jes observations et tous les faits, rapportés : par ce docteur huit années auparavant, n’en acquerront que plus de poids et plus de force. Swediaur dit donc que «les gens, qui sont employés à la pèclie de la baleine, trouvent aussi quelquefois l'ambre gris dans l'abdomen de ces cétacés, mais toujours en masses de différentes formes et grandeurs, pesant depuis une denu -orice jusqu'à cent Evres. » Un pècheur d’Antigoa, ajoute Swediaur, DE TL’'AMBRE GRIS. 549 a trouvé, il y a quelques années, dans le ventre d’une baleine, à environ trente- deux lieues au sud-est des îles du Vent, une masse d’ambre gris du poids de cent trente livres. LEE £ :» Jai observé que tous les morceaux d'ambre gris, de grandeur considérable , étoient parsemés d’une grande quantité de taches noires, que j'ai jugé, d’après un examen minutieux et réfléchi, n'être autre chose que les becs de la sèche, principalement de cette espèce à laquelle Linnæus a donné Île nom de sepia octopodia; et ce qu’il y a de nueux , c’est que les morceaux trouvés à la surface des eaux de la mer, et ceux qu’on avoit tirés du ventre des‘baleines, m'ont constamment présenté le même phénomène. » Tout le monde sait aujourd’hui qu’on trouve l’ambre gris dans la mer:et sur ses côtes, ou dans le ventre des baleines. ::: ». On trouve quelquefois ambre gris dans le ventre de la baleine , mais de cette es- pèce seulement d’où on tire le sperma.cets, qu est, je crois, d’après la description qu’on m'en a faite, le physeter macrocephalus 4 Lainnæus. » Les pêcheurs ble la nouvelle Angleterre onnoissent depuis long-tems°ce fait, et en 359 CENT SE OILRNE sont tellement convaincus, que, lorsqu'on leur parle d’un parage où lon trouve l’ambre gris, ils en concluent tout de suite qu’il doit être fréquenté, par cette éspèce de baleine. » Les gens qui sont employés à la pêche de la baleine ne prennent que des physeter picroééphelus ,; et les examurent d’abord pour $ ’assurer s'ils contiennent de l’ambre gris; mais tous n'en contiennent pas, et ils le savent si bien que, toutes les fois qu'ayant harponné un de ces animaux, ils observent qu'il vomit non seulement tout ce qu'il a dans son estomac, mais qu’il rend encore daris le même instant tout ce qui est con- tenu dans-ses intestins; ils n’en font “plus la recherche , parce qu'ils sont sûrs de ne point trouver d’'ambre gris dans son ventre. El n’en est pas dé même lorsqu'ils découvrent une de ces-baleines qui leur présente des . signes d’engourdissement et de maladie ; ils la isitent avec soin , et sont rarement de de Jeurs espérances, parce que , dans cet état , Ja baleine rend‘rarement ses excrémens quand elle est harponnée ; les baleines mories qu'ils rencontrent flottantes sur la mer, leur en fournissent assez souvent. L'animal qui porte cette substance a, vers la région moyenne du bas-ventre, une protubérance, ou, selon DE L’'AMBRE GRIS. 55i leur expression, une espèce de sac, d’où on le tire par une incision ; et, outre l’engour- dissement dont nous venons de parler, on observe qu'il.est plus maigre que les autres; de manière qu’à en juger d’après l'union constante de ces deux circonstances, il sem- bleroit que cet amas d’ambre gris dans l’ab- domen de la baleine , est pour elle une source de maladies, et quelquefois même la cause de sa mort. Aussitôt donc que les pêcheurs ont harponné un de ces cétacés ainsi en- gourdi, malade et émacié, ou un autre qui n'ait pas rendu ses excrémens , ils incisent sur le champ la protubérance ; sil y eu a; dansde cas contraire , ils lui ouvrent le ventre depuis l’orifice dé l'anus, et continuent l’ou- vérture jusqu'à ce qu'ils rencontrent l’ambre gris. Cette substance se trouve toujours dans le canal. intestmal , à environ deux, mais plus ordinairement à six ou sept pieds de distance. de: l'anus ; tantôt en ‘une seule masse, et tantôt en plusieurs de différentes grosseurs, pesant depuis vingt jusqu’à trente Hvrés. La prélendue poche particulière qui Je contient, n’est certainement autre chose que Fintestin coœcum ; une preuve non équi- -voque de cela, c’est l’enduit qu’on rencontre sur ses parois, et dont l'odeur ne laisse aucun B52 € L ADI S'TOTLRIE doute sur: sa nature. L’ämbre gris, ainsi trouvé dans le canal intestinal, n’a pas le même dégré'de dureté’que celui qui flotte sur la mer, ou qui est jeté sur les côtes, mais il lacquiert bien vite à Fair. Dans Pinstant où on vient de le tirer de sa poche, il a à peu près la couleur et Podeur des excrémens liquides de l'animal ; mais exposé à l'air, il perd bientôt cette odeur désa-. gréable , se ‘couvre, comme le: chocolat, d’une poussière grisatre ; et après un certain tems, il manifeste cette odeur si AÉÉARRES ‘qu'on lui connoît. 5 .» Les marins avec lesquels j'ai conversé sur cette matière, m'ont avoué que s'ils avoient pas su par expérience que l’ambre gris ainsi trouvé acquéroit avec le temsiles qualités ci-dessus énoncées, ils n’auroïent pu, en aucune manière , le distimguer des excrémens endurcis. C’est d’après cette cer- titude que, toutes les fois qu’une baleine se voyant prise, Jes rend, is observent avec soin la surface de la mer. Si, parmi les matières liquides dont l’animal rend quelques barils , ils apercoivent des morceaux d’une substance plus compacte, ils les ramassent, les lavent ;, et attendent du. tems des éclair- cissemens sur leur nature: » Les DE L’AMBRE GRIS. 353 “» Les marins que j'ai consultés ont éons- tamment trouvé l’ambre gris dans les mâles et dans les femelles ; ils disent cependant que celui de ces dernières est en plus petites: masses , et même d’une qualité inférieures - » Kœmpfer (1) approche davantage de la. vérité , lorsqu'il dit que ambre gris est l’ex- crément de la baleine, et que les japonais l’appellent par cette raison £usura no fu, ou excrément de baleme. Mais son opinion ;: quoique fondée sur l’observation, n’a jamais: eu de crédit, ét a toujours passé pour um conté débité par les japonais ; au défaut d’ob- servations exactes. | f -: » Le bec de la sèche est une substance cornée, noire, qui par conséquent passe ; sans être digéré, de l'estomac dans les instes-, tins où elle se mêle avec les excrémens, et, est ensuite évacuée avec eux». (Recherches sur l’ambre gris, par Svvediaur, traduction, de Vigarous; Journal de physique, tom. Fe pag 278; be ne Déjà nous avons cité un passage de cet auteur, en parlant d’une note de Buffon. Kœmpfer est en général un auteur estimable , et celui qui traduiroit son livre sur le Japon, rendroit un vrai service aux sciences ‘et aux arts. Moll. Tome I. CL At VO MAR 554 HISTOIRE » À mon arrivée des Indes, en 1764, je fig voir à M. de Bomare , ainsi qu'à M. Sage, de l'académie royale des sciences, un bec de sèche que j’avois trouvé, avec les débris de. cette espèce de polype, dans le ventricule d’un requin que nos matelots avoient har- ponné, et je fis connoître dès lors la parfaite” ressemblance qu’il y avoit entre ce bec de: sèche et les prétendus becs d'oiseaux qu'on avoit cru voir dans l’ambre gris. Je fis pré- sent de ce bec de sèche à M. Sage, pour le rapprocher de la pièce d’ambre gris qui fait actuellement partie du cabinet de lécole royale des mines (1), et je consignai mon ob- servation dans une note sur la page 5o7 du premier volume du Catalogue de M. Davila, qui parut en 1767; elle y est are en ces térmes : : : » Nous rangeons ici ab gris, non comme un bézoard, mais à cause de son origine , qui est probablement due au règne: animal. Il est constant, par le rapport de plusieurs voyageurs instruits et bons natu- ralistes , tels que Koœmpfer, Anderson , etc., que lambre gris se trouve tout formé dans (1) Voyez Sage. Descript. du cab. de l’école royale des mines , pag. 94 , n° 1 ; Paris, 1784 , in-8. ’ DE L'AMBRT GRIS. 555 lés intestins de quelques cétacés. Nous avons eu plus d’une fois occasion de nous assurer nous-mêmes que les prétendus becs d'oiseaux que l’on y trouve presque toujours, et sou- vent même en grande quantité, ne sont qué des becs de sèches ou de polypes , animaux qui servent souvent de proie à ceux qui pro duisent de l’ambre gris. » Dans le morceau d’ambre gris de Pécole des mines, que j'ai cité plus haut , ce ne sont pas seulement des taches noires, mais, entre plusieurs autres assez apparens, un bec de sèche très-reconnoissable, et seulement un peu plus petit que celui que j'avois trouvé dans un requin ». ( Romeé de l'Isle, Journal de physique ; tom. IT, pag. 372, 1784.) | J'ai mieux aimé rapporter én original et dans les termes qu'employèrent leurs au= teurs, les observations qu'ils ont faites sur . origine de l’ambre gris; c’est, en réunissant en un seul bloc cette foule de faits, qu’on peut acquérir l’intime conviction que cét äromate , si rare , si cher et si précieux autre fois , et qui se vend eéntoré vingt - quatre francs lonce aujourd’hui à Londres, n’est autre chose que l’excrément d une espèce de baleine, l: he go coul 08 GR D'HI STOVRE _ Trompé par l’apparence et par son analyse chimique, qui paroïssoient le ranger parmi les bitumes, on avoit pu croire qu'il étoit un produit minéral comme l’asphalte et le _ pétrole; et les becs crochus qu’on y ren- controit en abondance , ne pouvoient point encore donner la solution de cette question ; à cette époque où l’histoire naturelle ; peu avancée, n’y voyoit que des becs d'oiseaux (1), au lieu d'y voir les becs de sèche ou d’autres mollusques coriacés qui y exisloient réelle- ment. Aujourd’hui qu'il n’est plus permis de les méconnoître, et qu’il est prouvé que Jambre gris en est toujours farci ; qu'il est prouvé que l’ambre gris se trouve dans cet état dans le corps des baleines , nous ne pou vons nous refuser à reconnoître son origine animale. Dans l’ancienne hypothèse , qui era : (1) Cette erreur se propagea pendant long-tems : en 1768 , Valmont de Bomare imprima dans son Diction= naire , qu'ayant élé requis en 1761, par un riche négociant de Marseille, de se transporier dans l’en- droit où on avoit fait venir cette pièce d’ambre, afin de l’examiner. Il fit faire une sonde de fer pour la percer de part en part. La première couche étoit d’un assez bon ambre, dit cet auteur, feuilleté et rempli de becs d'oiseaux, etc. “og DE L’AMBRE GRIS. 557 cetle substance comme un bitume , ces becs s'éloient déjà attiré les regards de quelques naturalistes; mais ayant remarqué que beau- coup d'animaux recherchent et avalent l’'am- bre gris avec une très-grande avidité; que les oiseaux de rivages guettent le moment où le flot vient le jeter à la côte, pour s’élancer dessus et le manger ; que même ils s'en em- parent déjà lorsqu’ils le voient flotter à fleur d’eau , ils crurent que ces becs qu’on y ren- controient pouvoient avoir appartenu aux mêmes oiseaux, d'autant que, lorsqu'ils ont avalé de l’ambre gris, leur fiente en conserve l'odeur , au point qu’on recueille ces excré- mens blanchâtres et crayeux qui recouvrent les rochers où ces oiseaux se posent , et que ces mêmes excrémens d'oiseaux, alors rem- plis de plumes, sont jetés à leur tour dans le commerce comme une espèce d’ambre, que quelques peuples préfèrent même à tout autre (1). (1) Témoins les habitans des Maldives qui, comme nous le verrons bientôt, préfèrent cet ambre rejeté par les oiseaux à toute autre espèce d’ambre, quoiqu'il ne tire son origine que de celui que ces mêmes oiseaux ont rencontré flottant sur la superficie de la mer, au moment où il venoit d’être rendu par une baleine. Z 5 358 : HISTOIRE Dans d’autres circonstances, les excrémens de cette baleine , plus durs et plus solides, au lieu de flotter au gré des eaux de la mer, gagnent le fond ; et , dans ce eas, n'étant pas exposés au contact de l'air, ils conservent une espèce de mollesse qui a dû naturellement induire en erreur , et contribuer encore à les faire regarder comme une substance mi- nérale , sur-tout quand on pouvoït les pêcher à quelques pieds de profondeur , et les arra- cher des creux et des anfractuosités des ro- chers , où le flot et les courans les avoient comme enchässés. | Les peuples eux-mêmes, qui trouvoient lambre gris sur leurs côtes, ne pouvaient ;, en recherchant sa de lui accorder une origine minérale : à l'examen , tout ce qui pouvoit aider à soutenir cette opinion s'éva- nouissoit , et on les voit presque tous se Evrer à d’autres conjectures sur la produc- tion de cette substance ; tantôt, comme dans Comme les quadrupèdes et les poissons, les oiseaux de mer et de rivage avalent l’ambre gris avec beaucoup d'avidité , ét dans ces cas leurs excrémens doivent se ressentir de l’odeur qu’exhale la substance dont ils se sont nourris. Re nn à te, sn ne“ - DE L’'AMBRE GRIS. 35q Lopès de Castagnetta (1), «le meilleur ambre ne se trouve que dans les îles Maldives, où on voit beaucoup de très-grands oiseaux nommés anacangrispasqui , Qui, ne se noUr- rissant que d'herbes chaudes et aromati- ques , couvrent les rochers des bords de la mer de leurs digestions, et y déposent en con- séquence le véritable ambre nommé pona ambar , ce qui veut dire ambre doré, quoi- qu'il soit blanc. Les excrémens de ces oiseaux s’'accumulant avec le tems , pendent en ‘grandes plaques des flancs de ces rochers, et rompant par leur propre poids, ou battus par le vent et la pluie , elles tombent enfin dans la mer, où elles flottent emportées par les marées jusqu’à ce que, parfaitement lavées et dépouillées de leur blancheur, elles soient enfin jetées sur les rivages , n'étant plus que de l’ambre gris, auquel on a donné le nom de coambar, ce qui signifie ambre d’eau , parce que , dit-il, dans les eaux il a beau- coup perdu de ses vertus , et ne peut être regardé que comme un ambre inférieur au premier. Enfin l’ambre le plus mauvais, la _ (1) Faits et gestes des portugais, dans les Indes. orientales , chap. 55. 2h 66 à: fERI STONE troisième espèce, est le mani-ambar ou l'am- bre de poisson, parce qu'il a été avalé par des baleines et par d’autres grands poissons qui, n’ayant point pu le digérer, ont été forcés de le rejeter. «Cet ambre, dit encore l’auteur que nous citons, a, par son séjour -dans l'estomac de ces poissons , perdu toute sa vertu. On voit que Castagnetta a fini par où il auroit dû commencer ; et que, trompé par le cas que font ces insulaires de lambre blanc et crayeux rejetté par ces oiseaux ; ainsi que par lapparence qui sembioït lur avoir prouvé que l’ambre étoit originaire- ment produit par ces oiseaux mêmes , sans ‘se livrer à d’autres recherches, et sans consi- ‘dérer que ces oiseaux pouvoient fort bien avoir avalé de l’ambre avant de le rendre, on le voit admettre le préjugé populaire sans autre examen. On ne peut qu’admi- æer ici la force des préjugés et des habitudes en voyant les habitans des Maldives reprou- ver l’ambre pur et natif, pour lui préférer celui qui a passé au travers du corps des oiseaux. L’ambre gris, noir , encore mou et fluide , n’a que peu ou point d’odeur ; dans cet état ils le rebutoient. Lorsque cet ambre a flotté , et qu'il s’est durci avec le tems, DE L'AMBRE GRIS. 536 alors son odeur suave se développe ; en vieil- Bssant même il en acquiert davantage ; mais comme jeté sur leurs côtes , il m’avoit pas encore acquis toute sa maturité , ces insu- laires le rejetoient, ou du moins ils le ran- geoient dans une classe inférieure. Chez d’au- tres peuples (1), qui avoient un peu mieux observé les choses et qui s'étoient aperçus que les poissons , les oiseaux et les quadru- ‘pèdes dévoroient l’ambre gris avec avidité ; cet ambre des oiseaux étoit mis au dernier rang et à sa véritable place. C’est ainsi que les habitans des côtes du golfe de Gascogne, où le flot jette souvent de lambre gris, savent fort bien distinguer celui qu’ils recueillent au bord de la mer, d’un autre ambre qu'ils trouvent quelquefois dans les bois; ils l’ap- pellent alors renardé, parce que celui-ci m'est autre chose que du véritable ambre, dévoré par les renards au bord de la mer, que ces animaux sentent de très-loin et dont ils sont très-friands. De retour dans les bois, (1) Comme chez les japonais et chez tous ceux qui, ayant remarqué que ambre n’étoit, dans son origine, autre chose que la déjection d’une espèce de baleine ; et qui , instruits par l'expérience , ne pouvoient même pas soupçonner qu'on eût pu l’attribuer à une autre cause, 352 ‘HISTOIRE leurs excrémens s’en ressentent, et cet ambre renardé a toujours été regardé comme d’une qualité très-inférieure (3). Si On ne connoissoit toutes les absurdités qui peuvent entrer dans l'esprit humain, on {1} Voyez Sonnini, Addit. à Fambre gris, tom. IX, pag. 26: de cet ouvrage ; et Donadei, Journal de phy- sique , mars , 1700. Ce dernier observateur est peut- être le premier (*) qui ait fait connoître que l’ambre gris se trouvoit aussi sur les côtes de France , et même ex assez yrande quantité après de fortes tempêtes ; qui sont irès-fréquentes dans le golfe de Gascogne, et où on voit souvent des cachalots. Fy en ai vu moi- même cinq qui se suivoient de compagnie et avan- çoient bien plus que notre vaisseau par de grands élan- cemens qu’ils se donnoient dans les eaux : mes com- pagnons regardèrent leur apparition et cette marche forcée comme le présage d’une tempête ; elle vint effectivement nous assaillir du mème côté vers lequel les cachalots avoient dirigé leur course. Cette tem- pète fut terrible et nous manquâmes périr , ayant été trois jours à sec el à la cape. (*) On rencontre déjà d’ancrennes observations qui prouvent que ce fait d'histoire naturelle n’étoit pas inconnu ; Rumphius, qui écrivoit em 1741, cite qu’il n’y avoit pas encore cent ans qu’on avoit rencontré sur le rivage, près de Bayonne, un morceau d’ambre de cent livres’ pesant. La mer en jeta aussi une masse de trente-cinq livres sur la côte voisine de Buch, et quelque tems après on en trouva une de onge livres et demie près de Marennes, | DE L’'AMBRE GRIS. 5363 se refuseroit à croire tout ce qu'ont pu ima- giner les hoinmes qui ont ignoré que l’ambre gris étoit produit par des baleines, les relever toutes, seroit s’enfoncer dans un dédale à ne plus en sortir; mais nous allons en citer une seule, que Rumphius, d’ailleurs très- judicieux, raconte avec une certaine com- plaisance , parce que, ne voulant pot ac- corder l’origine de ce parfum à des baleines, et ne sachant plus à quoi s’accrocher pour expliquer la production de lPambre gris, il cherche dans le merveilleux sil ne pourroit point y trouver quelque. endroit favorable pour se retrancher (1). « On trouve, dit-il, ‘dans la grande baïe de Coeloetsjoetsjoe une “substance dure qui flotte dans la mer, et que je crois provenir des fontaines de bitume ‘qui sont dans les montagnes , d’où découle “une rivière qui se rend dans cetle mer; ce- pendani les oiseaux et les requins attaquent ces masses flottantes, comme ils font le véri- table ambre ; il est même encore attaqué par d’autres poissons , et d’après cela, dit Ramphius, les habitans croient, ou du moins veulent le faire eroire aux autres, que c’est Gi) Ramphius, Amb. pag. 275 , à la fin. ‘364 HISTOIRE un excrément de la baleine; d’autres qui savent fort bien que c’est une production des montagnes, disent que , dans l'endroit où se trouvent ces fontaines de bitume, habite une énorme couleuvre nommée bokulawa où . bonkulawa, espèce congénère aux plus grands boas, qui chez les malais se nomme war petola, et que cette couleuvre vomit lambre lorsqu'elle vient boire à ces fontaines ; ambre que le cours de l’eau transporte à la mer. Mais tout cela n’est encore rien; quand la couleuvre bokulawa, en vieillissant, a acquis une taille prodigieuse et qu’elle est devenue plus grosse que l'arbre le plus fort, le poids de son corps ne lui permet plus de se mou- voir ; la voilà forcée à mener une vie séden- taire et à saisir tout au plus, pour sa nour- rilure, tout ce qui s'approche de trop près d'elle; enfin, ne faisant plus d'exercice etne se remuant plus, la poussière et la terre se collent sur sa peau , elle se charge de débris au point que des plantes et d’autres végétaux sy implantent et prennent racine, jusqu'à ce que la nature réveillée, avertit l'animal et lui dit que le tems de sa vie terrestre est expiré, que les années qu’il avoit à vivre sur la terre se sont écoulées, et notre cou- DE L’'AMBRE GRIS. 365 feuvre, sortant de ce sommeil léthargique ; quitte son repaire , se trace une route au travers des rochers et des bois qui plient et tombent sur son passage, et se jette eu ligne droite dans la mer , où maintenant elle va nager métamorphosée en une longue et mince baleine, munie de mâchoires et de dents, et conservant ses anciennes habitudes qui étoient de vomir et de dégorger l’ambre noir. : » Les habitans , continue Rumphius, de Pile de Binonco, voient souvent de ces poissons, et de ces couleuvres autour de leurs îles, et; On y trouve encore très - fréquemment le même ambre noir. Un certain macassar qui , moins menteur que les autres, disoit quel- quefois la vérité, m'a assuré d’avoir vu de ses yeux, que dans son pays el dans les en- virons de Turatte, il étoit descendu une pa- reilie couleuvre grosse comme un énorme tronc d'arbre et chargée de plantes et d’her-. bages, qui se rendoit à la mer avec un tel, bruit et en faisant tant de ravages, que tout. fuyoit à son approche; mais ce macassar ne, put point m’assurer si, rendue dans la mer, elle s’y étoit changée en poisson. Je crois, dit en finissant notre auteur, que dans ce poisson 666 CII STOMRE ils veulent reconnoître la baleine longue ëf armée de dents, que nous nommons pristis ; qui devient très-grande dans l'océan Indien. De mon tems, une baleine de cette espèce vint flotter morte sur la côte de Lacker, Pune des îles du sud-est ; elle avoit plus de: trente brasses ou cent cinquante pieds dé long ; elle étoit corsée sans être très-épaisse ; sa gueule étoit armée de dents d’inégale longueur , comme celles des mâchoires des. serpens, et les plus grandes avoient une palme de longueur, quatre doigts d'épaisseur ; elles étoient un peu crochues à leur extrémité supérieure, mais obtuses, très-massives, et d’une couleur jaunâtre; en dedans blanches comme livoire, quoique beaucoup plus dures que lui ». : Comme toute fable a une vérité pour: base , nous retrouvons ici , en dernière ana-— iyse, une baleine qui, conservant encore: ses premières habitudes, continue à rejeter. de Fambre gris. Il en est de même lorsqu'on veut qu'il soit produit par les oiseaux ; ceux- ci en donnent un de couleur blanche, mais Pambre gris, lambre noir sont encore une production des célacés : d’un autre côté , quand cet ambre a été attribué à une ori-! DE LV'AMBRE GRIS. 36 ginè minérale , ce sont encore des baleines qui ont avalé ce bitume pour le rendre en- suite, comme indigestible dans son intégrité; et lorsqu'on a voulu, avec Hubert Hugo et Aublet (1), le regarder comme une gomme (1) Hubert Hugo , envoyé de la compagnie hollan- daise des Indes orientales, et résident à l’île Maurice, écrivit le 14 décembre 1671, au gouverner générai Maatsuyker, que par des recherches très-exactes il avoit enfin trouvé que l’ambre gris n’étoit ni l’écume ou l’excrément de quelque baleine , ni une espèce de bitume ; mais au contraire le produit des racines d’un arbre , dont le nom lui étoit à la vérité inconnu ; que cet arbre même, reculé dans le pays, poussoit tou- jours ses racines du côté de la mer, recherchant sa chaleur pour se débarrasser de sa gomme épaisse qui file par le dessous de ses racines et dont il ne peut se défaire autrement. Si cet arbre, dit Hugo, ne peut se débarrasser ainsi de cette gomme, il faut qu’il périsse, car elle le brûle : et quoiqu'il reconnoisse que plus ces arbres sont avancés dans le pays, et plus la somme qu'ils produisent est grasse et puissante ; ce bon hol- landais propose cependant à son général d’en faire une plantation au bord de la mer et dans le même endroit,où le flot apporte l’ambre gris, où il ne pourra pas manquer d’être retrouvé par ceux qui seront com- mis à sa recherche, et par ce moyen, aussi sûr que facile, enrichir la compagnie. Le savant botaniste Aublet a cru aussi avoir trouvé 368 (HIS TOIRE végétale, et la production de certains arbreg et de certains végétaux , ce sont encore chez eux des baleines qui viennent avaler de celte gomme pour la rejeter. . Par-tout et dans toutes les hypothèses, ce sont toujours les baleines que nous ren- controns ; c’est toujours à ces cétacés qu’on reconnoît devoir attribuer l’ambre gris et Tambre noir, c’est-à-dire, le véritable ambre, ns dans la Guiane française de l’ambre gris produit par le cuma , arbre qui rend beaucoup de gomme assez 6do- rante et se plaît au bord des fleuves. Cette gomine tombe dans leurs eaux qui les entraînent dans la mer : et Aublet est parti de là pour croire qu ’élle $'ÿ conver-. | tissoit en ambre gris. Les mêmes apparences auront pu induire en erreur Hubert Hugo ; mais celui-ci ; beaucoup moins instruit qu'Aublet , a donné dans le merveilleux et a voulu que ces arbres poussassent | tonjours leurs racines vers la mer, cherchant même à | découvrir quelle ‘étoit la cause qui pouvoit lés y | forcer. (Voyéz Rumphius, pag. 267.) On peut encore | ranger ici ceux qui ont prétendu que l’ambre gris | n’étoit autre chose qu’un certain fruit odoriférant, qui croît au bord de la mer, et qui, müûrissant en avril où én mai, tombe dans l’eau et y est avalé par les baleines. (Rumphius, p.270.) Mais ici nous ayons en dernière analyse une baleine qui, avalant lé fruit, en fait de l’'ambre gris. _ tel DE V’AMBRE GRIS. 56q tel qu’il est dans son premier état, et avant d'avoir été incorporé par les oiseaux ou par les renards. D'ailleurs , les faits qui attri- buent la production de ce parfum aux ba- leimes, sont tous aussi concluans que positif, et 1l scroït bien difficile de pouvoir en dire autant de toutes les autres opinions ; la plus raisonnable de toutes ne se soutient plus elle- même après un müûr examen. Où sont les preuves que l’ambre gris est un bitume dû à une exsudation des rochers ou des terres au fond des mers ? et pourquoi, dans ce cas, ne Connoîtrions-nous rien d en dans la Nature ? | | Le fond des mers ñe rénfèrme et ne pop duit point d’autres bitumes que ceux qu’on rencontre à la surface de la terre , sur le penchant des montagnes ou dans le creux des vallées : car le fond des mers n’est autre chose que le prolongement et la continua- tion des couches apparentes de nos continens, elles n'y'sont point autrement composées , ét n’y offrent point d’autres matériaux ni. d’autres substances ; ces couches , comme celles que nous connoïssons et que nous avons habituellement sous les yeux, y sont ou coquillières ou granitiques , calcaires ou Moil, Tome I. A a 370 HISTOIRE argileuses , ardoisées ou charbonneuses et pyriteuses; enfin, ressemblantes entièrement à celles des terres voisines qui se montrent au dessus du niveau des eaux, qui s’y plon- gent pour en former le bassin, et qui, en constituant leur fond, se remontrent enfin au delà des mers, où elles se relèvent de nouveau en collines et en montagnes , qui laissent entre elles quelques plaines ou d’au- tres pays ouverts et plats. | Indépendamment des opinions sur l'os gine de lambre gris , que déjà nous avons passé en revue, il en est encore d’autres parmi lesquelles nous en rencontrerons quel- ques-unes assez singulières ; toutes les fois qu’un fait pique la curiosité des hommes, et lorsqu'ils ne peuvent découvrir son origine, ou qu'ils veulent la méconnoître , alors leur esprit inquiet doit se livrer à une foule de conjectures ; c’est ce qui est arrivé pour l'ambre gris. ta Scaliger (1) crut que cette substance crois- soit au fond :de la mer à la manière des fungus ou champignons , et que ces eham-, pignons , arrivés à leur point de maturité,, (4) Scaliger. Exerc. 104. DE LAMBRE GRIS. Si en étoient arrachés par les flots, et venoient flotter à la surface des eaux. Il avoit été conduit à cette opinion , parce qu'il avoit vu plusieurs masses arrondies d’ambre gris qui étoient recouvertes par une pellicule, et : dont l’intérieur offroit des couchés écaillées , comme on en rencontre quelquefois dans les vieux fungus; pour appuyér son senti ment, Scaliger remarque qu’on trouve sur les Pyrénées et dans le Rouergue des cham- pignons qui exhalent une excellénte odeur. Sérapion étoit du même avis , et, commé Scaliger, il'avoit cru que l'ambre gris ais soit au fond de fi mer , où suf des arbres, ou sur des rochers, ou sur des terres, comme nous voyons le champignon croître dans nos landes et dans nos bois; Jéan Fäbri (1), que Rumph appelle le Paracelse de son tems , écrivit que l’ambre gris est une subs- tance épaisse , grasse et limoneuse qui, pro- venant de l’eau ; croît , comnie le font les champignons , sur terre , sur les rochers du. fond des mers: Gette eau, filtre au travers des rochers qui retiennent sa substance 3 (1) Pierre Jean Fabri. Panchinitus , lib. 4 , cap. 49. | Aa 2 572 | ÆRI SE OLRE : onctueusé el grasse > qui donne naissance aux champignons sous-marins. ie 41 6 0 D'autres (1)-ont prétendu qu'il bxistois dans l’immensité des mers une îleentière- ment formée d’ambre gris ;;etne présentant qu’une masse, compacte de cette précieuse substance. Un ancien voyageur français (2) , dont je n’ai point pu recouvrer le voyage, pa roît avoir: élé. l'inventeur de cetterîle qui ;, si elle eütexisté , ne;seroit pas resté toujours in- connue. Les fables de Vigny:excitèrent la cu- pidité des hollandais: on vavoir qu’ils mirent de, grands soins pour découvrir cetie île parfumée ; et d’après la marche .ordinaire de la rapacité humaine , de sanglantés suer- res, sielle eüt existé , ne les én:auroient pas laissés pendant long-tems. les paisibles pos- sesseurs. Ce français écrivit donicque!, dans un certain parage ,.on trouve laimbre . gris dans une telle abondance, qu'on .pourroit en charger mille vaisseaux à la faits etque peer (x) Mis. nat. cur: 1650, cite Dujardin , qui fait ce jee dans'son histoire des dr ogues! Ce conte fat ré pélé par d’autres, mais Garcias Dujardin n’en étoit pas l’auteur. ci(2) Isaac Vigny, Rumph. amb. pag. 265. DE L’AMBRE GRIS. 373 lui-même en recueillit un morceau sur cette terre ; qu'il :vendit à son retour en Europe douze. cents livres sterlings (1), ou cent quarante-trois mille florins d'Hollande. À celte époque les hollandais, délivrés de la tyrannie de Philippe IL, victorieux et bbres , s’étoient livrés à la culture de leurs marais; leur territoire trop: circonscrit ne permettoit pas à chaque individu de la nation de s’adonner à la culture des terres , ni au ménage des champs ; quelques-uns furent forcés de tourner leur énergie vers d’autres vues ; ils se livrèrent au commerce ; la moitié de la nation devint commercçante et , avec la succession des tems, les hollandais furent les courtiers de la terre : le commerce de lumivers entier passoit par leurs mains, et l'or de toutes les nations venoit se jeter en Hollande. Non contens de’ pourvoir aux besoins réels des peuples, les hollandais CE éèrent et stimulérent des besoins factices ; : ils transporlérent chez les peuples européens les denrées. ét..les superfluités de ceux de l'Inde, et chez les indiens le luxe de lEu- rope. Ils nous apportèrent le thé, le café, (1) A peu. prè s trois cents mille re dent AA 374 ‘HISTOIRE le sucre , l’'ambre gris, le poivre, les épice- ries , les porcelaines , les parfums , une foule d’autres besoins et peut-être le tabac, quoi- qu’on prétende que nous le tenons des turcs ; ét ce peuple négociant donnoit non seule- ment de nouveaux véhicules à la sensualité éuropéenne , maïs alloit encore éveiller celle des peuples de: lOrient. Les mers étoient couvertes de leurs navigateurs, et les dan- gers, ni les tempêtes, rien enfin ne pouvoit arrèter un hollandais quand le gain se mon- troit à ses yeux au bout de sa course (1). Aussi la compagnie hollandaise des Indes orientales arma quelques Vaisseaux pour aller à la recherche de cette île d’ambre LA * (1) On connoît la réponse d’un armateur hollan- dais au prince Maurice, qui lui reprochoit qu’il avoit fourni des armes et des munitions de guerre :aux ennemis de son pays, en le menaçant de toute la rigueur des lois si Jamais il se permeltoit de récidiver en une pareille action, réprimé par tous les peuples et par tous les gouVernemens : monseignenr , répondit le négociant hollandais , j’irois en enfer, dussois-je y brûler mes voiles, si je savois pouvoir y faire quelqne bénéfice. Cette manière de penser est encore celle de ce peuple industrieux et marchand , si respectable d’ailleurs à tant d'égards, et souvent j'ai entendu citer cette réponse du capitaine hollandais. DE L’AMBRE GRIS. 375 guis , à peu près comme les portugais et les espagnols coururent à la découverte du pays d'Eldorado ; et ce ne fut qu'après avoir recherché cette île pas à pas avec des peines incroyables et toujours inutilement, que les hollandais furent enfin convaincus qu’elle W'existoit pas , et qu’ils renoncèrent à la découverte d’un pays qui devoit leur pro- duire tant d’or. Enfin des auteurs (1) ont écrit que l’'ambre gris éloit dù à des rayons de miel qué leur poids détachoit des rochers qui étoient dans le voisinage des mers ; rochers dans les ca- vités desquels des abeïlles venoient se loger, et que ces rayons agglomérés et collés les uns aux autres, devenus le jouet des flots, se convertissoient en véritable ambre gris. Le vent lui-même peut, à ce qu'ils pré- tendoient, détacher ces rayons de cire et de miel des rochers ; ét Monconys (2), dans ses Voyages, dit qu'on lui a raconté en Angleterre que l’ambre gris est la cire et le miel que les abeilles déposent contre les (1) Oprechte Koopman, of, algemeene verhande- linge , der droogeryen. chap. 26. Amst. (2) Voyage de Monçonys, pag. 74. À à 4 656 ‘HISTOIRE grands rochers qui sont dans la mer des Andes, d’où le soleil les fait tomber:en les fondant , et qu’alors ils deviennent de vé= ritable ambre dans les eaux de la mer ; à cette histoire, Monconys joint son propre témoignage : car il dit «qu'il a vu et trouvé dans un morceau d’ambre gris qu’on cassa, et qui m'étoit pas encore parvenu: à sa maturité , les deux rangs .d’alvéolés d’un rayon de müel »; pour confirmer de plus en plus son dire, il ajoute «que si on jette lambre gris dans de l'esprit de vin avec du tartre , 1l s’y dissout et se TORRES comme ‘üne esggce de mielwi5 5; 000) . De toutes ces : opinions ve , sl leur conflit , semblent vouloir lutter. les unes contre les autres, comme le font les vagues de la mer au milieu desquelles flotte ambre gris, on voit que la:seule qui mérite quelque discussion est celle qui attribue la production -de :cette substance au règne minéral ; elle fut adoptée en dernier lieu par Sonnimi, qui l’'envisagea comme un bitume où une espèce de poix minérale. La foule des observations, que nous avons réunies, prouve que l’ambre gris appartientau contraire au. genre animal. Nous dirons iei un mot d’une autre malière DE L’'AMBRE GRIS. 577 qui, sous le nom de szccin où d’ambre jaune, a été aussi rangée parmi les bitumes, parce qu'on le rencontroit aussi dans un état secon- daire , ordinairement fossile ou rejeté par la mer, et qu’on ne savoit à quoi attribuer son origine. Il est reconnu aujourd’hui que.le suc- cin est la gomme copal qui, en vieillissant, se durcit et acquiert tantôt de la transparence et tantôt de l’opacité , suivant les milieux où cette gomme a été enfouie où conservée. Martin (1) en a envoyé dernièrement de Cayenne en plaques , recueillies au pied dés arbres qui la produisent ; j'ai vu ces plaques au jardin des Plantes, et elles y ont élé reconnues pour du succin ; mais un fait qui ne laisse aucun doute à ce sujet est celui que Faujas de Saint- Fond me pérmet:de citer, et qui existe dans son cabinet, Comme les grecs , les chrétiens (2) ont fait de petites statues de la divinité du sucein ou gomme copal ; celles des grecs sont perdues pour nous, et notre dernière révolution, furieuse- ment iconoclaste, a brisé et culbuté une (1) Botaniste du jardin des plantes, à Cayenne. (2) Sonnini, Addition à Buffon, pag. 251, tom. IX de cet ouvrage. 378 HISTOIRE infinité d'objets de dévotion et de culte ; un fragment long de six pouces, -et qui offre le tronc d’une statue de vierge en ambre jaune, a été acquis par ce savant dans la boutique du fripier où le sort Pavoit jeté : en dehors , cette statue est d’une couleur jaune et offre le plus beau succin ; en dedans , la couleur est blanchätre , laiteuse et a conservé tous les caractères de la gomme copal : ne s’arrêtant point à ces seules appa- rences, Faujas en remit au chimiste Pelletier quelques écailles qu'il détacha séparément de l'intérieur et de la surface, et qu'il remit de même séparément à Pelletier pour en faire l'analyse. Pelletier reconnut que les écailles jaunes étoient du succin, et que les écailles blanches étoïent de la gomme copal ; et rien n’égala son étonnement lorsqu'on lui fit voir le fragment de la statue dont avoient été tirées ces écailles qu'il avoit reconnu -apparlenir à deux substances, jusqu'alors regardéestcomme différentes. Tous deux réjetés par la mer, lambre gris comme l’ambre jaune avoient excité les recherches des naturalistes ; le second se trouve souvent fossile, et cela doit être, parce qu’il a été enterré avec les bois qui l'ont DE L’'AMBRE GRIS. 579 produit ; mais jamais on n’a rencontré l’ambre gris dans la terre : excrément des baleines, flottant sur les eaux, et devenant la proie d’une multitude d'animaux , il ne peut point se rencontrer fossile ; et nous avons cru pouvoir nous livrer ici à des recherches sur son origine , parce qu'étant toujours rempli de becs de sèches, ou de calmar d’un petit volume et n’en renfermant point de grands, cette substance ne peut appartenir qu'aux espèces de baleines qui se nourrissent de ces animaux et non pas à celles qui arrachent les membres de très-grands poulpes ; comme nous en verrons la preuve. C’est ce que de meilleures et de nouvelles observations pour- ront venir confirmer. | Fin du premier F olume. - "TABLE De. ce qui est. contenu Eee. ce. premier: Volume. Vuzs générales: 1 #1 page. 5 Auteurs qui ont traité de l’histoire, générale des animaux, ou de PRES classes: en particulier. | | eat Lamarck et Cuvier ont les premiers arrété avec précision les deux: grandes divisions de tout le règne animal, en animaux. à vertèbres et en animaux sans vertébres 148 Mixine: glutineuse. 7. | 1x6 Caractères distinctifs des Miélluagné JE Division générale des Mollusques en dix classes, et plan de cet ouvrage. 23 Insectes crustacés -et arachnides , quoique animaux à sang blanc et sans vertébres, séparés des Mollusques et abandonnés à leurs historiens. : 25 Plan qu'on auroit pu suivre en écrivant l’histoire des Mollusques. 26 Eloge de Buffon et bonheur dont jouit le naturaliste. 36 Æuteurs qui ont écrit sur les ER « sans TABLE. 361 nériebrés et à sang blanc, ou qui ont publié quelques faits parieulier à &. ces Aimaux. 44 Chaux de Coguillag es et de Mad suréet ba Etude des Coguilles , amusante mais préli- \minaire, © | … 54 Paris entièrement bäti da pierres Voies et de débris ‘marins. oo 4 06 ee énormes et Ft ayant con- serve ses Chairs, trouvés en Sibérie, :. 5g édrne de Cube et moniAEres formées “d'ossémenssss se à S Ga L' homme arrivé.le dernier sur a terre.. 61 Poissons fossiles. 62 Montagnes calcaires et.Coquilles.en couches, « «retrouvées à deux mille cinq cenis foises d'élévation du niveau de la. mer... 63 Théorie de la terres 29 motiribnon 56 ns fi coguilliers : Ka Vexin, la PUS SA la — le SAONE le. Hamp- véonshire | lc. sims tin Sn Ko 34007 Déluges sue Où MOINS généraux , plus ou inoins partiels. A 478 Les eaux sont le no. a. de la Na- ÉUTE: ox 8 Av -77 Grotte de la Balme en Dauphiné et se . retour des eaux. Sue Bet 79 589 TABLE Rochers de France et = rod 680 Montagnes du Zaara. 81 Origine présumé du granit. 63 Génération multipliée. _8g Modes de générations. . 95 Génération spontanée, admise par toute la savanté antiquité. NS | 07 L'air est peut-être l’élément ini 102 Avant la cätastrophe qu le fit incliner sur son axe, le globe Jonisaoié d'un printems Pr | 107 Semences de plantes qui conservent le germe de la vie péndant dé très-longues années. | x 109 Aliération des espèces et des races. 110 Buffon pe la Ag ra 113 exe + la neo US ETS. A LE Génération innée de Bloch: Un 117 Les vers naissent avec les animaux. 129 F'ers vu dans des épidémies." 2NY8 2 Œufs des vers. Ô: | 134 Mollusques coriacés ; discours préliminaire. Sù 55 4x 158 143 Quels sont les Mollusques renfermés sous la dénomination de al sais coriacés. 454 Caractères généraux. 2152 TABLE. 383 Définitions des branchies ou organes respi- ratoires des Mollusques corlaceés. 155 Ennemis des Mollusques coriacés, 161 Les Mollusques coriacés sont nuds et testa- cés. 162 Histoire de la Sèche commune et sa syno- nymie, première espèce de son genre. 170 Figure de la Sèche, Planche I... ibid Caractère générique des Sèches. à _ 198 Comment elles sont distinguées des Calmars. | 176 Différence des Sèches d’avec les Calmars et - Les Poulpes. 177 Séparée par Jonsion, Gesner, 4 Idrovande ef Rondelet. 178 Confondus de nouveau par Linnœus.. ibid Ces genres sont réinstitués par: Bruguière dans Î “Encyclopédie. 179 La Sèche aime les rochers et fuit es sables et les eaux douces. 180 Elles sont désorées par les grands poissons plats et par les baleines. 101 Sonic et industrie des Séches pour pécher er mer. 183 Lieux où on les trouve. 185 La Sèche a plusieurs rangs de ventouses. 188 Leurs bras repoussent comme les paites des crustacés. 190 584 V ARTE Leur servent d'ancres dans la tempéte. 194 Description des, ventouses ou cupules. ibid Manière dont adhérent Les cuipules et comment le vuide se forme dans ces ventouses de la Séche. 99 Emanation magnétique ou , électrique’ présu- mée dans la Sèche, dans d’autres Mol- bd es et dans quelques autres animaux. 194 | Observations et expériences à ce sujet. ‘ibid Bec de la Sèche et sa structure. | 198 Conformation particulière de Po de la vue des Sèches. ‘205 Cogues ou sclérotiques Aes YEUX dé là Sèche enfilées en guise de perles. 307 Cause dé la couleur rouge et ardente des j Jeux de ces Mollusques. g * 208 Téte de ces Mollusques placée au centre de leur organisation. | M: : Tdées sur Le siège de l’ame; Saint- Augustin ‘cité à ce sujet. RE à 0 Disposition particulière des nerfs optiques des Mollusques coriacés. 219 Quel est chez eux et chez les poissons le mode présumé de l’ouïe. D CE Sens de l’odorat probablement répandu sur toute la surface de leur corps. 218 La TABLE. 385 La Sèche meurt par le simple contact de l'airet tombe en déliquescence. 220 Figure de la Séche commune, ouverte dans toute sa longueur. 221 Examen de ce que les anciens ont regardé comme les caractères de la différence des sexes et comme les organes de la généra- tion. 221 et 225 Branchies et organes respiratoires de la Sèche ; leurs ramifications. 225 Trois cœurs dans. ce Mollusque ; systéme de sa circulation. 226 Estomac ou ventricule, intestin rectum et con- duit iritestinæl. 29. Parties distinctives du mâle et vaisseaux sper- matiques. | 228 Fibrilles ou machines spermatiques. 229 Observations et discussions à ce sujet. ibid Animaux spermatiques de la Séche mâle. 234 Ovaire et caractère du sexe dans la femelle. 237 Ponte de la Sèche. 238 Œufs de Sèche. 239 Vessie à l'encre. 249 Encre de la Chine. 242 Os de la Sèche. 245 Figure de l’os de la Séche. Planche III. 247 Moll., Tome I. B b 386. AS B LIRE | Les anciens faisoient beaucoup de cas de la chair de ces MOSS) ; maniere de les * prendre. | 1 SANS On Les servoit dans les festins des rois. 257 Manière moderne de prendre les Sèches. ibid Onne connoft pas de A en qui ayent - appartenu à la Sëche. : "2659 Ace des DrAREReS 7 l'éstoire de la Seche commune. nn Île CGR _ Planche IF. Bec, œufs, machines et ani- maux spermatiques de la Sèche: 26x Planche F. Œufs de Sèche et de Calmar. 262 Histoire de la Sèche truittée. 265. Planche de la Sèche truifiée ue sur Ses deux - faces. 1bid Explication de la Planche PL.) NN 273 Histoire de la Sèche en et sà Syno= nymie. | NOT SRE; Planche de la Sèche tubereulée et de son os. ibid Frs, de ce Hole du con de Bonne- Espérance. +276 Description de l’os Jon » 278 Les Sèches se résolvent en eau. » 115981 Linnœus n'en connut qu'une seule espéce:, et il crut qu’on ne trouvoit ce Mollusque que - dans l'Océan et la Méditerranée. : ‘ 2682. TABLE. 387 ‘On retrouve des Calmars et des Poulpes dans toutes les mers, les Sèches seulement dans * celles de l’ancien continent. 583 Emigrations et changemens de mer de quel- ques poissons. 286 Histoire d'un Requin. 287 Quelques tentatives qui prouvent qu'à une certaine profondeur les eaux de la mer ont une température uniforme , constante et égale comme celle de l’intérieur des mines dans La terre. 290 Trruption du teredo navalis dans les digues de lu Ilvllurde ot dans les parcs à moules du pays d’Aunis. 206 Irruption des blaites en Europe. 297 Corps adventifs et flottans dans les eaux. 269 Reptiles que la Nature paroissoit avoir con- damnés à ne point quitter le sol qui les avoit vu naître, et transportés par les hom- mes. 306 Deésolent la Martinique et assurent la ven- geance des Caraïbes. ibid Faits relatifs à ces serpens. 507 Odeur et émanation qu'ils répandent. 308 Ts finiront par faire déserter les iles où 1ls ont été jetés. 50) Œufs de poissons, comme pour ceux des in- Bb 2 588 TABLE sectes, on peut les retarder dans leur déve _doppement. 210 Remarque particulière sur ceux du Saumon. ME 1. 1 Comment les navigateurs et les vaissaux | peuvent transporter, d’un parage à l'autre les animaux marins. | . 313 Reptiles et animaux monstrueux. ibid Supposition qui peut servir à expliquer les voyages et les passages des baleines d'un pole à un autre. : A. 315 Tortues des mers des pays chauds péchées sur les côtes de France. - Ton 917 Bancs d'herbes marines, méandres, où.se . perdent, et avec lesquels Sont chariés les habitans des mers. | 318 Route que tiennent ces productions végétales de la mer. | 319: Irruptions des eaux et morcellemens des con- tinens. 1020 Explication de la Planche VII, gx offre la figure de la Sèche tuberculée. M 1028 L’ Ambre gris et sa synonymie. 3923 Commencement et suite des preuves qui at- lesient que ce parfum si précieux nest autre chose que l’excrément des baleines ou des cachalots. : 328 ni des TABLE 580 Ambre noir. | 339 Sperma ceti. 340 Æord\marins "0 Vr 341 Questions faites au capitaine Josuë Coffin par les lords du conseil préposés aux affaires du commerce et des plantations de la Grande- Bretagne. 347 Extrait d’un Mémoire de A sur lÆm- bre gris. 348 Opinion de Romé de l’Isle. 554 Opinion singulière de Lopès de Castagnetta. Ambre £Tis du golfe dc Casvugrie el Ambre renarde. 562 Etrange histoire à laquelle a donné naissance l’incertitude où on etoit sur son origine. 363 Erreur très-singulière de Hubert Hugo et du botaniste Aublet à ce sujet. 567 Faits qui attribuent l’Ambre gris aux ba- eines, tous aussi concluans que positifs. | 369 Opinion de Scaliger sur la formation de l’Ambre gris. > 970 Ile prétendue entièrement formée d’ Ambre QTIs. 872 Dépenses et recherches faites par les hollan- dais pour cette découverte. 0 ST 3go TARER . | Opinion qui donnoit l’origine de Ambre gris aux abeilles. | 579 L'origine de l’Ambre gris attribuée au règne minéral, qui, quoique fausse, étoit la seule raisonnable , pleinement réfutée. 376 De Pl Ambre jaune ou succin. . 377 Curieuse observation à ce sujet. 578 Jin de la Table. BOUND » . mg EXD ramle n SA 7 , . nus A De us og cms mur à als Sens se à —. sas s r EL SD = —— < EVE Le Dm + Fsore Ne Ê : s « " Ë = Lin " — . -s L = pue ml » ee es “ é SL - ” Das BUT SET mar RAR sé Se un RAC S mn mn PS TR CITES og Sa TS SA “