LS é 22 LU 2 " + LA ie p L | 44 r s Ai FE 1.0 y LE L Es d. v dl 1 L 4 LA S LU } a A Le. RE —— —— 1 CE à CE SCENE E HARVARD UNIVERSITY. LEFPRARTY OF THE MUSEUM OF ane s ZOÔÛLOGY, RUE 7 GIFT OF THEODORE LYMAN OF THE Class of 1855. Tu Een ' Lu d k r t | re À pq AS ATH NAME PONS à + UE 4 5. DL We LS Ho ! MEL ble Te AR HISTOIRE NATURELLE. DES OISEAUX. Tome Premuer. De À PARIS, DE L'IMPRIMERIE ROYALE, M 'HOCCIEXXÉ rt: he ere LR Res y LT TABLE De ce qui eft contenu dans ce Malines. / À. LT a LP? LAN de Fe, SA PR page xl Difours fur La nature des Oran, Gé. tsianus ‘0 Des Oifeaux de proie..... 85. Les Arles... dE a NE 100 Le gran Aigle va Lu 107 L’Aiole commun....,.. + 120 D Le peur Aiole....…. He COR Dec Pyparoue: os .. “er 4888 Le Balbuzard..... LM Us 144 CR nues 157 Le Jean-le-blanc....,... 174 Oifeaux étrangers qui ont rap: port aux Aigles & Balbu- Zards 06e ele ce! ece Le Paule soda eee Le Percnoptère. AR NEA PA TIR ON à » obiel aie) b1 ei Le autour ou grand Vau- Lour Le RS NAMN Le Le Wautour à aigrettes. ... Le petit Vaurour........ Oùfeaux étrangers qui ont rap- port aux W'autours..... Er Candan "ts: LS ET 4 Le Milan & les Bufes..... ER MUIEL see 00e Ua | EDBontrée.. 5: LR L’'Oifeau Saint-Martin... ET pe ED CAR LS PRET LR Harpage sous Le Balai : RES. 366 Oifeaux étrangers qui ont rap- port au Milan , aux Bufes & Soubufes ...:.... 312 L'Enerviers : | nie 2 US RL Auiours nd eue 329 _ Oiféaux étrangers qui ont rap- port à l’Épervier & à l Au- MOUZOUT. d'une 4 dise 336 MO CGeraur. TS Nr #39 2 LONPAE E TT EC Reel PR APE RTE 345 ET MR ENS ES EEE? | 0 Par M. DE BUFFOoN. Fee ds a" na" ro 1h nie | n mit Rate) mens ne rm (HE AMOR TUE nf | J'RÉRES Y Xp er y 2 it € ÈS 4 J: ) r Ca Ÿ … \ - DU JO {7 é F9 \ À x - . [S UE ‘r , Bar À ? ) Fa As, AT { é " % à 1 mn fs « 4 0 s . ' 0 L T A [ \ ES : \ à « . 74 : LR . * » Ve \ A LJ L L + Le (4 ! > £ à = : y Le um ee it ISTOIRE NATURELLE DES OISEAUX, PLAN DE L'OUVRAGE, Nous N’ENTREPRENONS PAS de don- ner ici une Hifloire des Oifeaux auf complète, aufl détaillée que left celle des Animaux quadrupèdes; cette pre- _mière tâche, quoique longue & diff cile à remplir , n'étoit pas impof- fible , parce que le nombre des qua- drupèdes métant guère que de deux cents éfpècess, «pee PU era fe trouve dans nos contrées ou dans les Oifeaux, Tome I a 1] Plan de l’Ouvrage. climats voifins , il éroit poffible d’abord de donner l'hiftoire de ceux-ci d’après nos propres obfervations; que, dans le nombre des quadrupèdes étrangers, il y en a plufieurs de bien connus des Voyageurs d'après lefquels nous pou- vions écrire; qu'enfin nous devions efpérer. avec des foins & du temps, de nous les procurer prefque tous pour les examiner; & lon voit que nos.efpérances ont été remplies, puif qu’à l’exception d’un très-petit nombre d'animaux qui nous font arrivés de- puis, & que nous donnerons par fup- plément, nous avons fait lhiftoire & la defcription de tous les quadrupèdes. Cet ouvrage eft le fruit de près de vinst ans d'étude & de recherches; & quoique pendant ce même temps ñous n'ayons rien négligé pour nous inf truire fur les oifeaux, & pour nous en procurer toutes les. efpèces rares; que nous ayons même réufli de rendre Plan de l’Ouvrage. ir cette partie du Cabinet du Roi plus nombreufe & plus complète qu'aucune autre collection du même genre qui foit em Europe, nous devons cepen- dant convenir qu'il nous en manque encoré un aflez grand nombre: à la vérité la plupart des efpèces qui nous manquent, manquent également par- tout ailleurs; mais ce qui nous prouve que nous fomtnes encore bien loin d'être complets, quoique nous ayons raffemblé plüs de fpt où huit cents efpèces, c’eft que fouvent il nous ar- rivé de nouveaux oiféaux qui ne font décrits nulle part, & que, d’un autre côté, il y en a plufieurs qui ont été indiqués par no5 Ornithologiftes mo- dérnes , qui nous manquent encore; & que nous n’avons pu nous procurer, Il exifte peut-être quinze cents , peut: être deux mille efpèces d’oifeaux, pouvons-nous efpérer de les raffembler toutes? & cela n’eft encore que l’une | Cu tv Plan de l’Ouvrage. des moindres difficultés que l'on pourra lever avec le temps ; il y a plufieurs autres obftacles dont nous avons fur- monté quelques-uns , & dont les autres nous paroiïflent invincibles. Il faut qu'on mé permette d’entrer ici dans lé détail de toutes ces difficultés; cette expoñition eft d'autant plus né- ceffaire, que fans elle on ne concevroit pas les raifons du plan & de la forine de mon ouvrage. Les efpèces dans les oïifeaux, font non-{eulement en beaucoup plus grand nombre que dans les animaux qua- drupedes , mais elles font auffi fujettes à beaucoup plus de variétés; c’eft une fuite néceflaire de la loi des combi- naifons où le nombre des réfultats augmente en bien plus grande raï{on : que celui des élémens; c'eit aufli une règle que la Nature femble s'être pref- crite à mefure qu'elle fe multiplie , car les grands animaux, qui ne pro- Plan de l’Ouvrage. v duifent que rarement & en petit nom- bre, n’ont que peu d’efpèces voifines & point de variétés, tandis que les petits tiennent à un grand nombre d’autres familles, & font fuiets, dans chaque efpèce, à varier beaucoup ; & les oifeaux paroïffent varier encore bsaucoup plus que les petits animaux quadrupèdes; parce qu'en général les oifeaux font plus nombreux , plus petits & qu'ils produifent en plus grand nombre. Indépendamment de cette caufe générale , il y en a de particulièrés pour les variétés dans plufieurs efpèces d’oifeaux. Le mâle & la femelle, n’ont dans les quadru- pèdes, que des différences affez Ié- gères, elles font bien plus grandes & bien plus apparentes dans les oifeaux; fouvent la femelle eft fi différente du mâle par la grandeur & les cou- leurs, qu'on les croiroit chacun d’une efpèce diverfe : plufieurs de nos Na- a il] V} Plan de l’Ouvrage. turaliftes , même des plus habiles, s’y font mépris, & ont donné le mâle & la femelle d’une même efpèce, comme deux efpèces diftinétes & fé- parées ; aufli le premier trait de la defcription d’un oifeau doit être l'in dication de la reffemblance ou de la différence du mâle & de la femelle. Ainfñi, pour connoitre exa@tement tous les oifeaux, un feul individu de chaque efpèce, ne fuffit pas, il en faut deux, un mäle & une femelle; il en faudroit même trois ou quatre, car les jeunes oifeaux font encore très- différens des adultes & des vieux. Qu'on fe repréfente donc que, sil exifte deux mille efpèces d’oifeaux, il faudroit en raffembler huit mille individus pour les bien connoître ; & lon jugera facilement de limpoflibi- lité de faire une telle colledion qui augmenteroit encore de plus du dou- ble, fi l'on vouloit la rendre com- Plan de lPOuvrage. vij plète, en y ajoutant Îles variétés de chaque efpèce, dans quelques-unes , comme celle du coq ou du pigeon; fe font fi fort multipliées, qu'il et même difficile d'en faire lenticre -énumération. Le grand nombre des efpèces, le nombre encore plus grand dss variétés; les différences de forme, de grandeur, de couleur entre les males & les femelles , entre les jeunes, les adultes & les vieux; les diverfités qui réfultent de l'influence du climat & de la nour- riture, celles que produit la domefti- cité, la captivité , le tranfport , les migrations naturelles & forcées ; toutes les caufes, en un mot, de changement, d'altération, de dégénération, en fe réuniffant ici & fe multipliant, mul- tiplient les obftacles & les difficultés de lOrnithologie, à ne la confidérer même que du côté de la nomencla- ture, C’eit-à-dire, de la fimple con- a Ly vzij. Plan de l’Ouvrage. noiffance des objets; & combien ces dificultés n’augmentent-elles pas en- core, dès qu'il s’agit d’en donner la defcription & lhiftoire? Ces deux par- ties, bien plus effentielles que la nomen- clature, & que l’on ne doit jamais fépa- rer en Hiftoire Naturelle, {e trouvent ici très-difficiles à réunir, & chacune a de plus des difhicultés particulières que nous n'avons que trop fenties , par le defir que nous avions deles furmonter. L'une des principales eft de donner, par le difcours, une idée des couleurs, car malheureufement les différences les plus apparentes entre les oifeaux, portent fur les couleurs encore plus que fur les formes; dans les animaux quadrupèdes, un bon deflin rendu par une gravure noire, fufhit pour la con- noiffance diftincte de chacun, parce que les couleurs des quadrupèdes n'étant qu’en petit nombre & aflez uniformes, on peut aifément les dénommer & les Plan de l’'Ouvrage. zx indiquer par le difcours; mais cela féroit impoflible, ou du moins fuppoleroit une immenfité de paroles, & de paroles très-ennuyeufes tu la defcription des Pic AE dans les oifeaux; 1] n’y a pas même de termes en aucune langue pour en exprumer Les nuances, les teintes , les he &c les mélanges; & néanmoins les couleurs, font ici des ciraétères effentiels, & fouvent les {eus par lefquels on puifle reconnoïtre un oifeau & le diftinguer de tous les autres. J'ai donc pris le parti de faire non-feulement graver, mais peindre les oïfeaux à mefure que j'ai pu me les procurer vivans; & ces portraits d'oiféaux , reprélentés ayec leurs cou- leurs, les font connoitre mieux d’un feul coup-d'œil que ne pourrait Île faire une longue defcription auffi faf- tidieufe que difiicile, & toujours très- jimpariaite & très-obfcure. Plufcurs. perfonnes ont entrepris a y x Plan de lOuvrage. prefqu'en même temps, de faire graver & colorier des oïfeaux: en Angle- terre, on vient de donner , fous le utre de Zoologie Britannique, les ani- maux quadrupèdes & les oifeaux de la Grande-Bretagne, gravés & coloriés. M. Edwards avoit de même donné précédemment un grand nombre d’oi- feaux étrangérs ; ces deux ouvrages font ce que nous avons de mieux dans ce gènre de mauvaife peinture, que Yon appelle erlurminure. Et quoique ceux que j'ai fait publier depuis cinq ans, qui font déjà au nombre de près de cinq cents planches, foient de ce même genre de mauvaife peinture, je fuis bien certain qu’on ne les jugera pas inférieurs à ceux d'Angleterre , & qu'on les retrouvera fupérieurs à ceux que M. Frifch a fat publier en Allemagne *; nous pouvons même * Je ne parle roint ici des planches enlumé EF F P Plan de l'Ouvrage. x] affürer que la colle&tion de nos planches coloriées, lernportera fur toutes les autres par le nombre des efpèces, par là fidélité des deflins, qui tous ont été faits d’après nature, D la vérité du coloris, par la précifion des atti- tree Ce. Pad AR © ïées qu’on vient ce Fire à Florence fur une Ornithologie de M. Gerini: ces planches, qui font en très-grand nombre , ne m'ont pas paru faites d’après nature; elles préfentent, pour Îa plupart, des attitudes forcées, & ne femblent avoir été deffinées & peintes que d'après Îles defcriptions des Auteurs, Les couleurs, dèsdors, en font trés-mal diftribuées ; il y en a miêtite un grand nombre qui ont été copiées fur Les gravures Ge différens ouvrages, & qu’on reconnoîc avoir été calquées fur celles de M. Edwards , Briflon, &c.... On peut dire, en général, que cet ouvrage bien Join d’éclaircir FPHiftoire Naturelle des oïifeaux, fa rendroït bien plus confufe par le grand nombre d’erreurs de nom , & par la multiplication gratuite des efpèces, puique fouveñt on y trouve quatre où cinq variétés de Ja même efpèce , qui toutes font données pour-des olfeaux différens. e a Y] xt) Plan de l'Ouvrage. tudes; on verra que nous n’avons rien négligé pour que chaque portrait donnût l'idée nette & diftin@e de fon original , l’on reconnoïtra par-tout la facilité du talent de M. Martinet qui a defliné & gravé tous ces oifeaux, & les attentions éclairées de M. Dau- benton le jeune qui, feul, a conduit cette grande entrepriie; je dis grande, par le détail immenfe qu'elle entraine, & par les foins continuels qu’elle fup- pofe : plus de quatre-vingts artiftes & ouvriers ont été employés continuelle- ment depuis cinq ans, à cet ouvrage, quoique nous layons reftreint à un petit nombre d'exemplaires: & c’eft bien à regret que nous ne l'avons pas multiplié davantage. L’hiftoire natu- réelle des animaux quadrupèdes ayant été tirée à untrès-grand nombre en France , fans compter les éditions étrangères, c’eit avec une forte de cine que nous nous foxnmes réduits — Plan de Ouvrage. xij à un petit nombre d'exemplaires pour les planches coloriées de Fhiftoire des oifeaux ; mais tous les gens d'art fen- tiront bien limpoñibilité de faire peindre au même nombre des planches ou de les tirer en fimple gravure; & lorfque nous avons vu qu'il n’étoit pas poñlible de multiplier cette col- leétion de planches enluininées, autant qu'il eût été néceflaire pour en garnir tous les exemplaires imprimés, nous avons pris le parti de ne nous plus aftreindre au format des animaux qua- drupèdes, nous lPavons agrandi de quelques pouces dans la vue de donner à un plus grand nombre d’oifeaux leur grandeur réelle ; tous ceux dont les dimenfions n'excèdent pas celle du format des planches y font repréfentés de grandeur naturelle; les oifeaux plus grands ont été réduits fur une échelle ou module tracé au-deffus de la figure : ce module eft par-tout la douzième xiv Plan de l’'Ouvrage. partie de Ia longueur de loifeau, méfuré depuis le bout du bec jufqu’à l'extrémité de la queue; fi le module a trois pouces de longueur, loifeau aura trois pieds; sil n’eft que de deux pouces , l’oifeau fera de deux pieds de longueur; &, lorfquon voudra connoitre la grandeur des parties de Voifeau , il faudra prendre au compas celle du module entier ou d’une partie aliquote du module, & la porter en- fuite fur la partie de l’oifeau que l'on veut mefurer. Nous avons cru cette petite attention néceflaire pour don- ner, du premier coup-d’œil, une idée de la grandeur des objets réduits, & _pour qu'on puifle les comparer exac- tement avec ceux qui font repréfentés de grandeur naturelle, Nous aurons donc, au moyen de ces gravures enluminées, non-feule- ment la repréfentation exacte d'un très-grand nombre d’oiféaux, mais Plan de l'Ouvrage. xv encore les indications de leur grandeur & de leur grofleur réelle & relative; nous aurons, au moyen des couleurs, une defcription aux yeux plus parfaite & plus agréable qu'il ne feroit pofhble ds Ïa faire par le difcours, & nous renverrons fouvent dans tout le cours de cet ouvrage, à ces figures coloriées des qu'il s'agira de defcription, de variétés & de différences de grandeur , de couleurs, &c. Dans le vräi, les planches enluminées font faites pour cet Ouvrage, & l'ouvrage pour ces planches ; mais comme il n’eit pas poflible d'en multiplier affez les exem- plaires ; que leur nombre ne fuffit pas à beaucoup près à ceux qui fe font procuré les volumes précédens de l'Hiftoire Naturelle, nous avons penfé que ce plus grand nombre qui fait proprement le Public , nous fauroit gré de faire aufli graver d’autres planches noires qui pourront fe mul- xv] Plan de l'Ouvrape. tiplier autant qu’il féra néceffaire; & nous avons choïifi pour cela un ou deux oifeaux de chaque genre, afin de donner au moins une idée de leur forme & de leurs principales diffé- rences: j'ai fait faire, autant qu'il a été poflible, les deffeins de ces gravures d’après les oïfeaux vivans; ce ne font pas les mêmes que ceux des planches enfuminées, & je fuis perfuadé que te Public verra avec plaiñir, qu'on a mis autant de foin à ces dérnières qu'aux premières. Par ces moyens & ces attentions, nous avons furmonté les premicres “dificulrés de la defcription des oi- feaux; nous ne comptons pas donner abfolument tous ceux qui nous font connus, parce que le nombre de nos planches enluminées eût été trop confi- dérable; nous avons mème fupprimé à deffein la plupart des variétés’, fans cela ce Récueil déviendroit immente, Plan de l’Ouvrage. xvij Nous avons penfé qu'il falloit nous borner à fix ou pt cents planches, qui contiendront près de huit ou neuf cents efpèces d’oifeaux différens; ce n’eft pas avoir tout fait, mais c’eit déjà beaucoup: d’autres, dans d’autres tems pourront nous compléter , ou faire encore plus &c peut-être mieux. Après les difficultés que nous venons d’expofer fur la nomenclature & fur la defcription des oifeaux, il s’en pré- fente d’autres encore plus grandes fur leur hiftoire: nous avons donné celle de chaque efpèce d’animal quadrupède dans tout le détail que le fujet exige; il ne nous eft pas poflible de faire ici de même : çar quoiqu'on ait avant nous beaucoup plus écrit fur les oifeaux que fur les animaux quadrupedes, leur hiftoire n’en eft pas plus avancée. La plus grande partie des ouvrages de nos * Ornithologues , ne contiennent que des defcriptions, & fouvent f xvij Plan de l’Ouvrage. réduifent à une fimple nomenclature ; & dans le très-petit nombre de ceux qui ont joint quelques faits hifloriques a leur defcription , on ne trouve guère que des chofes communes, aïfées à obferver fur les oïfeaux de chañle & de baffe-cour. Nous ne connoiflons que très-imparfaitement les habitudes naturelles des autres oifeaux de notre pays , & point du tout celles des oifeaux étrangers : à force d'études & de comparaifons, nous avons au moins trouvé dans les animaux quadrupèdes des faits généraux & des points fixes, fur lefquels nous nous fommes fondés pour faire leur hiftoire particulière : la divifion des animaux naturels & _ propres à chaque continent, a fouvent été notre bouflole dans cette mer d’obfcurité, qui fembloit environner cette belle & première partie de l'Hiftoire Naturelle ; enfuite les cli- mats dans chaque continent que les Plan de l’Ouvrage. xix animaux quadrupèdes affectent de pré- férence ou de néceflité, & les lieux où ils paroiflent conftamment attachés nous ont fourni des moyens d’être mieux informés , & des renfeigneimens pour être plus inftruits : tout cela nous manque dans les oifeaux , ils voyagent avec tant de facilité de pro- ‘vinces en provinces, & fe tranfportent en fi peu de temps de climats en climats, qu’à l'exception de quelques efpèces d’oifeaux pefans ou feden- taires , il eft à croire que les autres peuvent pañler d’un continent à l’autre; de forte qu'il eft bien difficile, pour ne pas dire impoflble, de recon- noitre les oiféaux propres & naturels à chaque continent, & que la plupart doivent fe trouver également dans tous deux, au lieu qu’il n’exifte aucun quadrupède des parties méridionales d'un continent dans l’autre. Le qua: drupède eft forcé de fubir les loix xx Plan de l’Ouvrage. du climat fous lequel il eft né, Poifeau s'y fouftraitr & en devient indépendant par la faculté de pouvoir parcourir en peu de temps des efpaces très-grands, il n'obéit qu'a la faifon ; & cette faifon qui lui convient fe retrouvant _fucceflivement la même dans les dif- férens climats , il les parcourt auf fucceflivement ; en forte que, pour {avoir leur hiftoire entiere, il faudroit les fuivre par-tout , & commencer par s’aflurer des principales circonf- tances de leurs voyages ; connoitre les routes qu'ils pratiquent, les lieux de repos où ils gitent , leur féjour dans chaque climat, & les obierver dans tous ces endroits éloignés : ce n'eft donc qu'avec le temps, & je puis dire dans la fuite des fiècles, que lon pourra donner Fhiftoire des oifeaux auffi complètement que nous avons donné celle des animaux qua- drupèdes, Pour le prouver, prenons Plan de l'Ouvrage, xxj “un feul oïfeau, par exemple, lhi- rondelle , celle que tout le monde connoit, qui paroït au printemps ? difparoïît en automne , & fait fon nid avec de la terre contre les fenêtres ou dans les cheminées ; nous pourrons» en les obfervant, rendre un compte fidele & aflez exat de leurs mœurs, de leurs habitudes naturelles, & de tout ce qu’elles font pendant les cinq ou fix mois de leur féjour dans notre pays; mais on ignore tout ce qui leur arrive pendant leur abfence ; on ne fait ni où elles vont ni d’où elles vien nent ; il y a des témoignages pour &z contre au fujet de leurs migrations; les uns affurent qu’elles voyagent & fe tranfportent dans les pays chauds pour y pafiér le temps de notre hiver; Jes autres prétendent qu'elles fe jettent dans les marais, & qu’elles y de- meurent eéngourdies jufqu'au retour du printemps; & ces faits, quoique xxi] Plan de l’Ouvrage. direétement oppofés, paroiffent néan- moins également appuyés par des ob- fervations réitérées : comment tirer la vérité du fein de ces contradictions; comment la trouver au milieu de ces incertitudes ? j'ai fait ce que j'ai pu pour la démèler, & l’on jugera par les foins quil faudra fe donner & les recherches qu’il faudroit faire pour éclaircir ce {eul fait, combien il feroit difficile d’acquérir tous ceux dont on auroit befoin pour faire fhiftoire. complète d'un feul oifeau de pañage, & à plus forte raifon l’hiftoire générale des voyages de tous. : Comme j'ai trouvé que, dans les quadrupèdes, il y a des efpèces dont le fang fe refroidit & prend à peu près le degré de la température de: l'air, & que c’eft ce refroidiflement de leur fang qui’ caufe l'état de torpeur & d'engourdiflement où ils tombent & demeurent pendant lhiver; je n'ai Plan de l'Ouvrage. xxtij pas eu de peine à me perfuader qu'il devoit aufli fe trouver, parmi les oifeaux, quelques efpèces fujetres à ce même état d’engourdifflement caufé par le froid , il me paroifloit feule- ment que cela devoit être plus rare parmi les oifeaux, parce qu’en gé- nérak, le degré de la chaleur de leur corps eftun peu plus grandque celui du corps de l'homme & dés animaux qua- drupèdes; jai donc fait des recherches pour connoitre quelles peuvent être ces efpèces fujettes à l’engourdiffe- ment; & pour favoir fi l’hirondelle étoit du nombre, j'en ai fait enfermer. quelques-unes dans une glacière où je les ai tenues plus ou moins de temps, elles ne s’y font point engourdies, La plupart y font mortes, & aucune n’a repris de mouvement aux rayons du foleil : les autres- qui n’avoient fouffert le froid de la glaciere que pendant peu de temps, ont confervé leur mouve- « ES dés Plan de ? Ouvrage. ment & en font forties bien vivantes. J'ai cru devoir concluré de ces expé- riences , que cette efpèce d’hirondelle n'eft point fujette à l'étar de torpeur ou d'engourdiflement , que fuppofe néanmoins & très-néceffairement le fait de leur féjour au fond de l'eau pendant l’hiver : d’ailleurs m’étant in- formé auprès de quelques Voyageurs dignes de foi, je les ai trouvés d’accord fur le pafage des hirondelles au-delà de la Méditerranée; & M. Adanfon m'a pofitivement afluré que pendant le féjour affez long qu'ila fait au Sénégal, il avoit vu conftamment les hirondelles à longue queue, ceft-à-dire, nos hirondelles de cheminée dont il eit ici queftion , arriver au Sénégal dans la faifon même oùelles partent de France, & quitter les terres du Sénégal au printemps : on ne peut donc guère douter que cette efpèce d’hirondelle ne pañle en effet d'Europe en Afrique en Plan de v’Ouvrage. xxv en automne, & d'Afrique en Europe au printems: par conféquent, elle ne s’engourdit pas ni ne fe cache dans des trous, ni ne fe jette dans l’eau à approche de lhiver ; d'autant qu'il y a un autre fait, dont je me fuis afluré, qui vient à l'appui des précé- dens, & prouve encore que cette hi- rondelle n’eft point fujettre à lengour- diflement par le froid, & aw’elle en peut fupporter la rigueur jufqu'à un certain degré au-delà duquel elle périt; car fi Pon obferve ces oifeaux quelque temps avant leur départ, on les voit d'abord vers la fin de la belle faifon voler en famille, le père, la mère & les petits ; enfuite plufeurs familles fe réunir & former fucceflivement des troupes d'autant plus nombreufés que le temps du départ eft plus prochain; partir enfin prefque toutes enfemble en trois ou quatre jours à la fin Oiféaux, Tome I. ë xxv} Plan de l’Ouvrage. de, féptembre ou au commencement d'oétobre, mais il en refte quelques- unes, qui ne partent que huit jours, quinze jours, trois femaines après les autres; & quelques-unes encore qui ne partent point & meurent aux premiers grands froids: ces hirondelles qui retardent leur voyage, font celles dont les petits ne font pas encore affez forts pour les fuivre. Celles dont on a détruit plufeurs fois les nids après la ponte, & qui ont perdu du temps à les reconftruire & à pondre une feconde ou une troifième fois, demeurent par amour pour leurs petits, & aiment mieux fouffrir l’intempérie de la faifon que de les abandonner: ainfi, elles ne partent qu'après les autres , ne pouvant emmener plus tôt leurs petits, ou même elles reftent au pays pour y Mourir avec EUX, I] paroit donc bien démontré dan de L'UUVrASE, XXVI- par ces faits, que les hirondelles de cheminée pafñlent fucceflivement & alternativement de notre climat dans un climat plus chaud? dans celui-ci, pour y demeurer pendant l'été, & dans autre pour y pafñler l'hiver ; & que par conféquent elles ne s’'engourdifient pas. Mais, d'autre côté, que peut-on oppofer aux témoignages afez précis des gens qui ont vu des hirondelles s’attrouper & fe jetter dans les eaux à l'approche de hiver , qui non-feule- ment les ont vu s’y jetter, mais em ont vu-tirer de l’eau, & même de deflous la glace avec des filets? que répondre à ceux qui les ont vu dans cet état de torpeur , reprendre peu- à-peu le mouvement & la vie en les mettant dans un lieu chaud, & em les approchant du feu avec précaution? je ne trouve qu'un moyen de concilier ces faits; c’eft de dire que l’hirondelle NE xxyzj Plan de l'Ouvrage: qui s’engourdit n’eft pas la même que celle qui voyage, que ce font deux cfpèces différentes que lon n’a pas diftinguées faute de les avoir foigneu- fément comparées. Si les rats & les loirs étoient des animaux aufli fugitifs & aufMMi difficiles à obferver que les hirondelles, & que faute de les avoir regardés d’affez près, lon prit les foirs pour des rats, il fe trouveroit la même contradiction entre ceux qui aflureroient que les rats s’engourdif- fent & ceux qui foutiendroient qu’ils ne s'engourdiflent pas: cette erreur eft aflez naturelle, & doit être d'autant plus fréquente que les chofes font moins connues, plus éloignées, plus difficiles à oblerver. Je préfume donc qu'il y a en eflet une efpèce d'oifeau, voifine de celle de lhirondelle, & peut-être aufli refflemblante à l’hiron- delle que le loir left au rat, qui Plan de POuvrage. xxix s’engourdit en effet; & c’eft vraifem- blablement le petit martinet ou peut- être l’hirondelle de rivage. Il faudroit donc faire fur ces efpèces, pour re- connoiître fi leur fang fe refroidit ;, les mêmes expériences que j'ai faites fur lhirondelle de cheminée; ces re- cherches ne demandent, à la vérité, que des foins & du temps, mais malheureufement le temps eft de toutes les chofes celle qui nous ap- partiènt le moins & nous manque le plus : quelqu'un qui s’appliqueroit uniquement à obferver les oifeaux, & qui fe dévoueroit même à ne faire que lhiftoire d’un {éul genre, féroit forcé d'employer plufeurs années à cette efpèce de travail, dont le réfultat ne féroit encore qu'une très-petite partie de l’hiftoire générale des oifeaux ; car, pour ne pas perdre de vue l'exemple que nous venons de donner, | Br + { xxx Plan de Ouvrage: fuppofons qu'il foit bien ‘certain que lhirondelle voyageufe pañle d'Europe en Afrique; 8 pofons en même temps que nous ayons bien obfervé tout ce qu'elle fait pendant fon féjour dans notre chimat, que nous en ayons bien rédigé les faits, il nous manquera encore tous ceux qui fe pañent dans Je climat éloigné; nous ignorons fi ces oifeaux y nichent & pondent comme en Europe; nous ne favons pas sils arrivent en plus où moins grand nombre qu'ils en font partis; nous ne connoiflons pas quels font les in- fectes fur lefquels ils vivent dans cette terre étrangère; les autres circonftances de leur voyage , de leur repos en route, de leur féjour, font également ignorées, en forte que lPhiftoire natu- relle des oifeaux, donnée avec autant de détail que nous avons donnée Fhif. toire des animaux quadrupèdes, ne Plan de POuvrage. xxxj peut tre l'ouvrage d'un feul homme, ni même celui de plufieurs hommes dans le même temps , parce que non- feulement le nombre des chofes qu’on ignore eft bien plus grand que celui es chofes que l’on fait, mais encore parce que ces mêmes chofes qw'om ignore font prefque impoñflibles ou du moins très-difficiles à favoir; & que, d'ailleurs, comme la plupart font petites, inutiles ou de peu de confé« quence , les bons efprits ne peuvent manquer de les dédaigner, & cher- Chent à s'occuper d'objets plus grands ou plus utiles. C'elt par toutes ces confidérations que j'ai cru devoir me former un plan différent pour l'hiftoire des oifeaux dé celui que je me fuis propofé, & que J'ai tâché de remplir pour lhiftoire des quadrupèdes : au lieu de traiter les oiféaux un à un, c’eft-à-dire, par b iv xxxij Plan de l’Ouvrage: efpèces diftinétes & féparées , je les réunirai plufieurs enfemble fous un même genre, fans cependant les con- fondre & renoncer à les diftinguer lorfqu’elles pourront l'être; par ce moyen, j'ai beaucoup abrégé, & j'ai réduit à une aflez petite étendue cette hiftoire des oifeaux qui feroit devenue trop volumineufe, fi d’un côté j’eufle traité de chaque efpèce en particulier en me livrant aux difcuflions de la nomenclature, & que d'autre côté je n’eufle pas fupprimé, par le moyen des couleurs, la plus grande partie du long difcours qui eût été nécef- faire pour chaque defcription. Il n’y aura donc guère que les oïfeaux do- meftiques & quelques efpèces majeures, ou particulièrement remarquables , que je traiterai par articles féparés. Tous les autres oifeaux, fur-tout les efpèces woilines, & préfentés enfemble, comme Plan de l'Ouvrage. xxxz:7 Étant à-peu-près du même naturel & de la même famille; le nombre des affinités comme celui des variétés eft toujours d'autant plus grand que les efpèces font plus petites. Un moi- neau , une fauvette ont peut-être chacun vingt fois plus de parens que n'en ont lautruche ou le dindon; Jentends par le nombre de parens, le nombre des efpèces voilines & afez refflemblantes pour pouvoir être re- gardées comme des branches colla- térales d’une même tige, ou d’une tige fi voifine d’une autre , qu’on peut leur fuppofer une fouche com- mune, & préfumer que toutes font originairement 1iffues- de cette même fouche à laquelle elles tiennent encore par ce grand nombre de reflemblances communes entr'elles , & ces efpèces voifines ne Æ font probablement fé- parées les unes des autres que par les xxxiv Plan de l'Ouvrage. influences du climat, de l nourriture & par la fucceflion du remps qui amène toutes les combinaïfons pof- fibles, & met au jour tous les moyens de variété, de perfection, d’altération & de dégénération. Ce n’eft pas que nous prétendions que chacun de nos articles ne con- tiendra réellement & exclufivement que les efpèces qui ont en effet Le degré de parenté dont nous parlons, il faudroit ètre plus inftruits que nous ne le fommes, & que nous ne pou- vons l'être, fur les effets du mélange des efpèces & fur leur produit dans les oifeaux ; car, indépendamment des variétés naturelles & accidentelles qui, comme nous l'avons dit, font plus nombreufes, plus multipliées dans les oïfeaux que dans les qua- drupèdes , il y a encore une autre caufe qui concourt avec ces variétés Plan de POuvrage. xxxy pour augmenter, en apparence, la | quantité des efpèces. Les oifeaux font , en général, plus chauds & plus pro- lifiques que les animaux quadrupèdes, ils s’uniflent plus fréquemment, & lorfqu'ils manquent de femelles de leur efpèce, ils fe mélent plus vo- Jontiers que les quadrupèdes avec les efpèces voifines , & produifent ordi- nairement des métis féconds & non pas des mulets ftériles: on les voit par les exemples du chardonneret , du tarin & du ferin; lesgmétis qu'ils produifent peuvent, en suniffant, produire d’autres individus femblables à eux, & former par conféquent de nouvelles efpèces intermédiaires & plus ou moins reffemblantes à celles dont elles tirent leur origine. Or, tout ce que nous faifons par art peut {e faire, & s'eft fait mille & mille fois par la Nature; il eft donc fouvent xxxvj Plan de POuvrage: arrivé des mélanges fortuits & volon= taires entre les animaux, & fur-tout parmi les oifeaux, qui, fouvent faute de leur femelle, fe fervent du premier male qu’ils rencontrent ou du premier olfeau qui fe préfente : le befoin de s'unir eft chez eux d’une néceflité fi preffante, que la plupart font ma- lades & meurent lorfqu'on les em- pêche d'y fatisfaire. On voit fouvent dans les baffès-cours un coq fevré de poules, fe .fervir d’un autre coq, d’un chapog, dun dindon, dun canard; on voit dans les volières le ferin , le linot rouge ,& la linotre commune fe chercher pour s'unir: & qui fait tout ce qui fe pañle en amour au fond des bois? qui peut nombrer les jouiffances illégitimes entre gens d'efpèces différentes? qui pourra ja- mais féparer toutes les branches. ba- tardes des tiges légitimes, afligner le _ Plan de l’Ouvrage, xxxvij temps de leur première origine, dé- terminer en un mot tous les effets des puiffances de la Nature pour la multiplication, toutes fes reflources dans le befoin, tous les fupplémens qui en réfultent, & qu'ellè fait em- ployer pour augmenter le nombre des éfpèces en rempliflant les intervalles qui femblent les féparer. Notre ouvrage contiendra à peur près tout ce qu'on fait des oifeaux ; & néanmoins ce ne {era, comme l’on voit, qu'un fommaire, ou plutôt une efquifle de leur hiftoire ; feulement cette cfquifle féra la première qu'on ait faire en ce genre, car les ouvrages anciens 8 nouveaux, auxquels on a donné le titre d’Hifloire des Oiféaux , ne contiennent prefque rien d’hifto- rique ; toute 1imparfaite que fera notre hiftoire , elle pourra fervir à la pof- térité pour €n faire une plus complète xxxvuij Plan de lOuvrage. & meilleure ; je dis à la poñtérité, car je vois clairement qu’il fe pañlera bien des années avant que nous foyons aufli inftruits fur les oifsaux que nous le fommes aujourd'hui fur les qua- drupèdes. Le feul moyen d'avancer ‘lOrnithologie hiftorique feroit de faire l'hiftoire particulière des oiïfeaux de chaque pays; d'abord de ceux d’une feule province, enfuite de ceux d’une province voiline, puis de ceux d'une autre plus éloignée, réunir , après cela, ces hiftoires particulières pour compoñer celle de tous les oifeaux d'un même climat; faire l2 même chofe dans tous les pays & dans tous les différens.climats; comparer enfuite ces hiftoires particulières, les com- biner pour en tirer les faits & former un corps entier de toutes ces parties féparées. Or, qui ne voit que cet ouvrage ne peut être que le produit Plan de l'Ouvrag. xxxix du temps; quand y aura-t-l des Ob- fervateurs qui nous rendront compte de ce que font nos hirondelles au Sénégal & nos cailles en Barbari ? qui feront ceux qui nous informeront des mœurs des oifeaux de la Chine ou du Monomotapa ? & comme je lai déjà fait fentir , cela eft-il affez im- portant, aflez utile pour que bien des gens s’en inquiètent ou s'en occupent ? Ce que nous donnons ici fervira donc long-temps comme une bafe ou comme un point de ralliement abquel on pourra rapporter les faits nouveaux que le temps amènera, Si l'on con- tinue d'étudier & de cultiver l’'Hiftoire naturelle , les faits fe multiplieront , les connoiflances augmenteront ? notre efquifie hiftorique, dont nous n’avons pu tracer que les premiers traits fe: remplira peu-à-peu & prendra plus de corps; ceit tout ce que nous xxxx Plan de l'Ouvrage. pouvons attendre du produit de notre travail, & c'eft peut-être trop efperer encore & en mêème-temps trop nous étendre fur fon peu de valeur. HISTOIRE HISTOIRE NATURELLE. ‘DISCOURS SUR LANATURE DES OISEAUX. Oeaux , Tome E. À / Ut L as MU te AN 2) L = k CAGE KES rit vs p:: el vhoede # gs « N'y f J : - .… [a NE Là : LL x L L * | À . : - : : ; L " L TNT. : % - … + , - 4 s \ V « | (4 : + A 4 + e b : L | ? - b + | . 24 L : d 4 k “. LAN EE A A ED A ER OA D EN AA ON ES NAS DNS S Etre + FN AUTRE À UERE É êe LE _. 7 rie. rire Ro ha rie A gp fe RE BD ue Je ÉRBRRRRRRRNR FAT RAT UP A HISTOIRE NATURELLE. Discours fur la nature des Oifeaux. Lz mor Narure a dans notre langue & dans la plupart des autres idiomes anciens & modernes, deux acceptions très-différentes ; l'une fuppofe un fens actif & général ; lorfquon nomme la Nature purement & fimplement, on en fait une efpèce d'être idéal, auquel on a coutume de rapporter , comme caufe, tous les effets conftans, tous les phénomènes de l'Univers 3 l'autre ac- ception ne prélente qu'un fens paflif & particulier, en forte que lorfqu'on parle de la nature de l’homme, de celle des À à 4 Difcours animaïx, dé celle des oifeaux, ce mot fignifie; ou plutot indique & comprend dans fa figaification la quantité totale, la fomme des qualités dont la Nature, prife dans la première acception, a doué Fhomme, les animaux, les otfeaux, &c. Aïnf la nature aétive , en produifant les êtres , leur imprime un caractère particulier qui fait leur nature propre & pañlive, de laquelle dérive ce qu’on ap- pelle leur naturel, leur infliné & toutes leurs autres habitudes & facultés naturelles. Nous avons déjà traité de Ia nature de l’homme & de celle des antmaux quadrupèdes : la nature des oïfcaux de- mande des confdérations particulières ; & quoiqu'à certains épards elle nous foit moms connue que celle-des qua- drupèdes , nous tâcherons néanmoins d'en faïlir les principaux attributs , & de la préfenter fous fon véritable afpect, c'eft-à-dire , avec les traits caractériftiques & généraux qui la conftituent. Le fentiment ou plutot la faculté de fentir, linftinét qui n'eft que le réfultat de cette faculté, & le naturel qui n'eft que l'exercice habituel de l'inftinct guidé fur la nature des Oifeaux. $ & même produit par Île fentiment, ne font pas, à beaucoup près, les mêmes. dans les différens êtres; ces qualités inz térieures ii t de forganifation en énéral, en particulier de celle des {ens, & M {ont relatives , norfeule- ment à leur plus ou moins grand degré de perfection, maïs encore à l'ordre de fupériorité que met entre les fens ce degré de perfection ou d'imperfeétion. Dans l'homme où tout doit être juge- ment & ratfon, le fens du toucher eft plus parfait que dans l'annnal où dy à moins de jugement que de fentiment, & au contraire l'odorat eft plus parfait dans l'animal que dans l’homme, parce que le toucher eft le fens de la con- noïflance, & que lodorat ne peut être que celut du fentiment. Mais comme peu de gens diftinguent nettement les nuances qui féparent les idées & les fen- fations, la connoïflance & le fentiment, la raifon & linftinét, nous mettrons à part ce que nous appelons chez nous raifonnement , difcernement , jugement, & nous nous bornerons à comparer les À i | ARE Difcours difiérens produits du fimple fentiment .& à rechercher les caufes de la diverfité de linftinét qui, quoique varié à l'infini dans le nombre immenfe des efpèces d'animaux qui tous en font pourvus, paroît néanmoins être plus conftant, plus uniforme, plus régulier , moins capri- cieux, moins fujet à l'erreur que ne l'eft a raïfon dans la feule efpèce qui croit Aa pofléder. En.comparant les fens, qui font les premières purflances motrices de l'inftinct dans tous les animaux, nous trouverons d'abord que le fens de la vue eft plus “étendu, plus vif, plus net & plus diftinét dans les oïleaux en général que dans les quadrupèdes ; je dis en général, parce qu'il paroit y avoir des exceptions des oifeaux qui, comme les hiboux, votent moins qu'aucun des quadrupedes ; maïs c'eft un eflet particulier que nous exa- minerons à part, d'autant que fi ces offeaux voient mal pendant le jour, ils voient très-bien pendant la nuit, & que ce n'eft que par un excès de fenfbilité dans l'organe , qu'ils ceflent de vou à für la naturesdes Oifeaux. 3° une grande lumière ; cela même vient à l'appui de notre aflertion, car la per- fection d’un fens dépend. principalement du degré de fa {enfbilité ; & ce qui prouve qu'en effet l'œil eft plus parfait dans lotfeau , c'eft que la nature fa travaillé davantage. Il y a, comme lon fait, deux membranes de plus, l'une extérieure & l’autre intérieure, dans les yeux de tous les oïfeaux, qui ne fe trou- vent pas dans l'homme ; la première (a), ceft-à-dire , la plus extérieure de ces membranes, eft placée dans le grand angle de l'œil, ceft une feconde pau- pière plus tranfparente que la premiere, dont les mouvemens obéïifient également à la volonté, dont l'ufage eft de nétoyer & polir la cornée, & qui leur fert auffi à tempérer l'exces de la lumiere, & ménager par conféquent fa grande fen- dibiité de leurs yeux ; la feconde (b) eft \ (a) Nota. Cette paupière interne fe trouve dans plufieurs animaux quadrupèdes ; maïs, dans la plupart, elle n’eft pas mobile comme dansiesoifeaux. (Bb) Dans Îes yeux d’un coq Indien,le nerf optique, qui étoit fitué fort à côté, aprés avoir percé Ja fciérotique & Ja choroïde, A ne IV L4 8 Difcours fituée au fond de l'œil, & paroît être un épanouïflement du nerf optique, qui recevant plus immédiatement. les impreffions de la lumière, doit dès-lors être plus aïfément ébranié, plus fenfble qu'il ne Îeft dans les autres animaux, & ceft cette grande fenfhbilité qui rend la vue des oïfeaux bien plus parfaite & beaucoup plus étendue. Un épervier voit d'en haut, & de vingt fois plus Formoit un rond, de la circonférence duquel ïl partoit plufieurs filets noirs qui s’unifloient pour former une membrane que nous avons trouvée dans tous Les o!feaux. — Dans les yeux de l’autruche, le nerf optique ayant percé la fclérotique & la choroïde, fe dilatoit & formoit une efpèce d’en- tonnoir d’une fubfiance femblable à la fienne ; cet entonnoi n’eft pas ordinairementrond aux oifeaux, où nous avons prefque toujours trouvé l’extrémité du nerf optique aplatie & comprimée au dedans de œil : de cet entonnoir fortoit une membrane pliée , faifant comme une bourfe qui aboutifloit en pointe. Cette bourfe, qui étoit large de 1ix lignes par le bas, à la foitie du nerf optique, & qui alloit en pointe vers le haut, étoit noire, mais d’un autre noir que n’eft celui de la choroïde, qui paroît comme enduite d’une couleur détrempée ‘qui s’attache aux doigts; car e”étoit une membrane pénéuée de fa couleur, & dont la furface étoit folide. Mém. pour fervir à l'Hifloire des animaux, pages 175 & 303- für la nature des Oifeaux. 9 oïn uné alouette fur une motte de terre, qu'un homme ou un chien ne peuvent apercevoir. Un milan, qui s'élève à une hauteur fi grande que “nous le perdons de vue, voit de-R les petits lézards, les mulots, les orfeaux, & choïfit ceux fur lefquels 1l veut fon- dre, & cette plus grande éténdue dans le fens de la vue , eft accompagnée d’une netteté, d’une précifion tout auffi “grandes , parce que loragne étant en imême-temps très-louple & très-fenfible, œil & renfle ou s’aplatit, fe couvre où fe découvre, fe rétrécit ou s'élargit, & prend aïfément, promiptement & alter- nativement toutes les formes néceflaires pour agir & voir parfaitement à toutes les lumières & à toutes les diftances. D'ailleurs le fens de la vue étant Îe feul qui produife les idées du mouve- ment, le {eul par lequel on purfle com- parer «immédiatement les efpaces par- “courus , & les oïfeaux étant de tous les animaux les plus habiles, les plus propres au mouvement , ïl n'eft pas étonnant qu'ils aient en même-temps ‘le ‘fens qui le guide plus parfait & plus | À y 10 \, Difcours Æür ; ls peuvent parcourir dans un très petit temps , un grand efpace, 1l faut donc qu'ils en voient l'étendue & même es limites, Si la nature, en leur donnant 4 rapidité du vol, les eût rendus myopes, ces deux qualités euflent été contraires, Toïfeau n’auroit jamais ofé fe fervir de a légèreté, ni prendre un eflor rapide ; 1 n’auroit fait que voltiger lentement, dans la cramte des chocs & des réfif- tances imprévues. La feule vitefle avec laquelle on voit voler un oïfeau, peut indiquer la portée de fa vue, je ne dis pas la portée abfolue, mais relative; un oïffeau dont le vol eft très-vif, direct -& foutenu, voit certainement plus loin qu'un autre de même forme, qui néan- moins fe meut plus lentement & plus -obliquement ; & fi jamais la Nature a produit des oïfeaux à vue courte & à vol très-rapide, ces efpèces auront péri par cette contrariété de qualités , dont l'une non-feulement empèche l'exercice de l’autre, mais expofe l'individu à des sifques fans nombre, d'où lon: doit préfumer que les oïfeaux dont le vol cit le plus court & le plus lent, font für la nature des Oifeaux. xx Æeux':aufli dont la vue eft la moins éten= due ; comme lon voit, dans les quadru- pêèdes , ceux qu'on nomme Pareffleux (lunau & lai) qui ne fe meuvent que entement , avoir les yeux couverts & da vue bafle. L'idée du mouvement & toutes les autres idées qui laccompagnent ou qui en dérivent , telles que celles des vitefles relatives, de la grandeur des efpaces, de la proportion des hauteurs, des pro= fondeurs & des inégalités des furfaces, font donc plus nettes, & tiennent plus de place dans la tête de Toïfeau que dans celle du quadrupède ; & 1l femble que la Nature ait voulu nous indiquer cette vérité par la proportion qu'elle a mile entre la grandeur de l'œil & celle de la tête ; car, dans les orfeaux, les yeux {ont proportionneilement beaucoup plus grands {c) que dans l'homme & dans les animaux quadrupèdes ; ils font (c) Le globe de l’œil, dans une aigle femelle, savoit, dans la plus grande largeur, un pouce & ‘demi de diamètre ; celui du mâle avoit trois:lignes de moins: Mém. pour fervir. à l'Hifloire des animaux, partie II, page 257. Le globe de dé dePibis 2 Diftours plus grands, plus organifés, RO y à “deux membranes de plus, ils font done plus fenhbles ; & dès-lors ce fens de la vue plus éterdié, plus diftinét & plus vif dans l'oïleau que dans le quadrupède, doit influer en même proportion fur l'organe intérieur du fentiment, en forte que linf- -tinét des oïfeaux fera, par cette première caufe, modifié Kérerbinènt de celui des quadrupèdes. Une feconde caufe qui vient à l'appui de la première, & qui doit rendre lmf- tinét de loifeau. différent de celur du quadrupède, c'eft l'élément qu'il habite & ‘qu'il peut parcourir fans toucher à la terre. L'oïfeau connoît peut-être mieux que l’homme tous les degrés de la rélif- tance de l'arr, de fa température à difié- ‘rentes hauteurs, de fa pefanteur rela= tive, &c. Il prévoit plus que nous, ïl mdiqueroit mieux que nos baromètres “avoit fix lignes de diamètre... L’œil de Fa cigogne étoit quatre fois plus gros. Mémoires pour fervir à l’'Hifloire des ammaux, partie F1, page 484. — Le globe de l'œil , dans le cafoar, étoit tort, gros: à proportion de l cornée , dyant-un pouce & demi de diamètre , & la cornée n’syant que «rois Hsacse ‘ddem, partie 1, page 313. | far la nature des Oiféaur, 13 & nos thermomètres Îés variations, Îles ‘Changemens qui arrivent à cet élément mobile; mille & mille fois il a éprouvé fes forces contre celles du vent, & plus fouvent encore ïl sen eft: aidé pour voler plus vite & plus lom. L'argle en s'élevant au-deflus des nuages /d), peut “pafler tout-à-coup de lorage dans le calme, jouir d’un ciel ferem & d'une lumière pure, tandis que les autres ant- maux dans lombre font battus de Ha tempète ; 1] peut en vingt-quatre heures (d) Nota. On peut démontrer que l'aigle & Jes autres oifeaux FA, ra vol, s’élévent à une hauteur fupérieure à celle des nuages, en partant même du milieu d’une plaine , & fans fuppofer qu’ils gagnent les montagnes qui pourroientleur fervir d’échelons; car on les voit s'élever fi haut, qu’ils difparoifient à notre vue. Or, l'on fait qu’un chjet éclairé par Ja lumière du jour, ne difparoît à nos veux qu’à la _diftance de trois mille quatre cents trente-1x fois -fon diamètre, & que par conféquent, fi l’on fup- :pofe l’oileau placé perpendiculairement au Cetlus.de l’homme qui le regarce, & que le diamètie du vol ou l’enveroure de cet oifeau foit de cinq pieds, il ne peut difparuître qu'à la difiance de dix 1ept mille cent quatre-vingts pieds ou deux mille buit cents - foixante-trois toies, ce qui fait une hauteur bien plus grande que celle des nuages, fur-tout de ceux * qui produifent les or1ges, Pr 14 * Difcours Changer de climat, & planant aü-deflus ‘des différentes contrées, s’en former un tableau dont l'homme ne peut avoir d'idée. Nos plans à vue d’oifeau , qui font fi longs, fi difhciles à faire avec exactitude , ne nous donnent encore que des notions imparfaites de l'inégalité relative des furfaces qu'ils repréfentent : l'orfeau qui a la puiflance de fe placer dans les vrais points de vue & de les parcourir promptement & fucceflive- ment en tout fens, en voit plus, d'un coup-d'œil, que nous ne pouvons en eftimer, en juger par nos rafonnemens, même appuyés de toutes les combi- naïfons de notre art ; & le quadrupède borné, pour ainñ dire, à la motte de terre fur laquelle 1l eft né, ne connoît que fa vallée, fa montagne ou fa plaine; 4l n'a nulle idée de lenfemble des {ur- faces, nulle notton des grandes diftances , nul defir de les parcourir ; & c'eft par cette raïfon que les grands voyages & es migrations font aulli rares parmi les quadrupèdes , qu'elles font fréquentes dans les otïfeaux ; c'eft ce delir, fondé fur la connoïflance des lieux éloignés, für la nature des Oifeaux. x$ fur la ‘puiflance qu'ils fe fentent de sy rendre en peu de temps, fur la notion anticipée des -changemens de fatmof- phère, & de l'arrivée des faïlons, qui les détermine à partir enfemble & d'un commun accord : dès que les vivres ‘commencent à leur manquer, dès que le froid ou le chaud les incommodent , ils méditent leur retraite ; d’abord 1üls femblent fe raflembler de concert pour entraîner leurs petits, & leur commu- niquer ce même defr de changer de climat, que ceux-ci ne peuvent encore aVOIr acquis par aucune notion , aucune connoïflance , aucune expérience pré- cédente. Les pères & mères raflemblent deur famille pour la guider pendant la traverfée, & toutes les familles fe réu- niflent , non-feulement parce que tous les chefs font animés du même defr, mais parce qu'en augmentant les troupes, ils fe trouvent en force pour réfifter à leurs ennemis. Et ce defr de changer de climat, qui communément fe renouvelle deux fois par an , c'eft-à-dire en automne -& au printemps, eft une efpèce de beloia 16. Difcours fi preflant, qu'il f manifefte dans fes “oïlfeaux captifs, par Îles inquiétudes les plus vives. Nous donnerons à larticie de a caïlle, un détail d’obfervations à ce fujet, par lefquelles on verra que ce defir eft lune des affeétions les plus fortes de linftin& de l'oifeau ; qu'il n'y a rien quil ne tente dans ces deux ‘temps de l’année pour fe mettre en li- berté, & que fouvent il fe donne a mort par les efforts qu'il fait pour fortir de fa captivité ; au lieu que, dans tous es autres temps, 1l paroït la fupporter tranquillement , & même chérir {a prifon, s'il s'y trouve renfermé avec fa femelle dans la faifon des amours : lorfque celle de la migration approche, on voit les oïfeaux libres, non-feulement fe raflem- bler en famille, fe réunir en troupes, maïs encore s'exercer à faire de longs vols, de grandes tournées, avant que d'entreprendre leur plus grand voyage. Au refte, les circonftances de ces mi- grations varient dans les difitrentes ef- pèces ; tous les oïfeaux voyageurs ne fe réuniflent pas en troupes, 1l y en a ‘qui partent feuls, d'autres avec leurs fur la nature des Oifeaux. 17 femelles & leur famille, d'autres qui marchent par petits détachemens, &c. Maïs, avant d'entrer dans le détaïl que ce fujet exige (e), continuons nos re- cherches fur les caufes qui conftituent Tinftint , & modifient la nature des oïfeaux, * L'homme, fupérieur à tous les £tres organifés , a le fens du toucher , & peut-être celui du goût plus parfait qu'aucun des animaux, maïs 1! eft 1m- férieur à la plupart d'entreux par les trois autres fens ; & en ne comparant que Îles animaux entr'eux, il paroïît que la plupart des quadrupèdes ont lodorat plus vif, plus étendu que ne l'ont les oïfeaux ; car quoiqu'on de de l'odorat du corbeau, du vautour, &c. ïl eft fort ‘inférieur à celur du chien, du renard, &c. on peut d'abord en juger par la con- formation mème de l'organe ; 1ly a un grand nombre d'otfeaux qui n'ont point de narines, ceft-à-dire , point de conduits ouverts au-deflus du bec, en cours Îles faits qui ont rapport à la migration des oifeaux. 18 © Difcours, forte qu'ils ne peuvent recevoir les odeurs que par la faute intérieure qui eft dans la bouche ; & dans ceux qui ont des conduits ouverts au-deflus du bec (f ), & qui ont plus d'odorat que les autres, les nerfs oïfaétifs font néan- moins bien plus petits proportionnelle- ment , & moins nombreux , moins étendus que dans les quadrupèdes 5 auf lodorat ne produit dans l'oifeau que quelques effets aflez rares, aflez peu remarquables, au lieu que, dans le chien & dans plufeurs autres quadrupèdes, ce fens paroït être a fource & la caufe principale de leurs déterminations & de leurs mouvemens. Am, le toucher dans l'homme, l'odorat dans le quadrupède, & l'œil dans l'oifau, font les premiers (f) y a ordinairement à la partie fupérieure du bec, deux petites ouvertures, qui font les na- rines de l’oifeau ; quelquefois ces ouvertures exté- rieures cle l’oïfeau manquent tout-à-fait, en forte que, dans ce cas, les odeurs ne pénètrent jufqu’au fens de l’oderat, que par la fente intérieure qui.eft dans la bouche comme dans quelques palettes, les cormorans, l’onocrotal, — Dans le grand vautour , Jes nerfs olfactifs font très-petits à proportion. Hifi. de l Acad. des Sciences, tome I, page 430. e far la nature des Oifeaux, x9 fens, c’eft-à-dire, ceux qui font les. plus pefans, ceux qui donuent à ces difitrens tres les fenfations dominantes. = _ Après la vue, louie me paroït étre le fecond fens de l'orfeau, c'eft-à-dire, le fecond pour la perfection; l'ouie eft mon feulement plus parfaite que lo- dorat, le goût &le toucher dans l'otfeau, mais même plus parfaite que louie des quadrupèdes ;-on le voit par la facilité avec laquelle la plupart des orfeaux re- tiennent & répètent des fons & des fuites de fons, & même la parole ; on le voit par le plarüir qu'ils trouvent à chanter continuellement, à gazoutiler fans cefe, fur-tout lorfqu'ils font le plus heureux, ceft-à-dire, dans le temps de leurs amours ; ls ont les organes de l'oreille & de la voix plus fouples & plus puif- fans, ils s'en {ervent auffi beaucoup plus que les animaux quadrupèdes. La plu- part de ceux-ci font fort filencieux, & leur voix qu'ils ne font entendre que rarement , €ft prefque toujours défa- gréable & rude ; dans celle des oïfeaux, on trouve de la douceur, de l'agrément, de la mélodie ; il y a quelques efpèces 20 Difcours dont, à la vérité, la voix paroît infup- portable , fur-tout en la comparant à celle des autres, maïs ces efpèces font en aflez petit nombre, & ce font les plus gros offeaux que la Nature femble avoir traités comme Îles quadrupèdes, en ne leur donnant pour voix qu'un feul ou plufeurs cris qui paroïffent d'autant plus rauques, plus perçans & plus forts, qu'ils ont moins de pro- portion avec la grandeur de l'animal; un paon, qui na pas la centième partie du volume d'un bœuf, fe fait entendre de plus loin ; un roflignol peut remplit de fes fons tout autant d'efpices qu'une grande voix humaine ; cette prodigieufe étendue, cette force de leur voix dépend en entier de leur conformation , tandis que la continuité de leur chant ou de leur filence ne dépend que de leurs affeétions intérieures ; ce font deux chofes - qu'il faut confdérer à part. L'oifeau a d'abord les mufcles pec- toraux beaucoup plus charnus & plus forts que l'homme ou que tout autre animal, & c'eft par cette raïfon quil fait agir {es ailes avec beaucoup plus de rit A Ent > fn. Gt ent. sn bé. rec domome anitatite “int - x Jur la nature des Oifeaux. 21 vitefle & de force que l’homme ne peut remuer fes bras ; & en même temps que les puifances qui font mouvoir les aïles font plus grandes, le volume des aïles eft aufli plus étendu, & la mafle plus légère , relativement à Ia grandeur & au pords du corps de loifeau ; de petits os vides & minces, peu de chair, des tendons fermes & des plumes avec une étendue fouvent double, triple ou qua- druple de celle du diamètre du corps, forment laïle de l’oifeau qui n'a befoin que de [a réaction de l'air pour foulever le corps, & de légers mouvemens pour le foutenir élevé. La plus ou moins grande facilité du vol ; fes difiérens decrés de rapidité, fa direction même de bas en haut & de haut en bas, dé- pendent de la combinaïfon de tous les xéfultats de cette conformation. Les oïfeaux dont l'aile & la queue font plus longues & le corps plus petit, font ceux qui volent le plus vite & le plus long- temps ; ceux au contraire qui, comme l'outarde, le cafoar ou lautruche, ont les ailes & la queue courtes , avec un grand volume de corps, ne s'élèvent 22 Difcours qu'avec peine , ou même ne peuvent quitter la terre. La force des mufcles , Îa confor- mation des aïles , larrangement des plumes & Ia légèreté des os, font les caufes phyfques de l'effet du vol qui paroïît fatiguer fi peu la poitrme de Forfeau, que c’eft fouvent dans ce temps même du vol qu'il fait le plus retentir fa voix par des cris contimus ; c’eft que : dans lotfeau, le thorax avec toutes les parties qui en dépendent ou qu'il con- tient, eft plus fort ou plus étendu à lin- térieur & à l'extérieur qu'il ne left dans les autres animaux ; de mème que les mufckes pectoraux placés à l'extérieur font plus gros, la trachée-arteère eft plus grande & plus forte, elle fe termime ordinairement au-deflous en une large cavité qui multiplie le volume du fon. Les poumons plus grands, plus étendus que ceux des quadrupèdes , ont plu- fieurs appendices qui forment des po- ches, des efpèces de réfervoirs d'air qui rendent encore le corps de loifeau plus léger, en même-temps qu'ils fournifient aïfément & abondamment la fubftance fur la nature des Oifeaux. 23 aériénne qui fert d’aliment à la voix. On à vu dans Fhiftoire de louarime, qu'une aflez lépère différence, une ex- tenfion de plus dans les parties folrdes de l'organe, donne à ce quadrupède qui n'eft que d'une grandeur médrocre, une voix f1 facile & fi forte quil la fait retentir , prefque contmuellement, à plus d'une lieue de diftance, quoique les poumons foient conformés comme ceux des autres animaux quadrüpèdes ; à plus grande raïon, ce même eflet fe trouve dans l'oifeau où il y a un grand appareil dans les organes qui doivent produire les fons, & où toutes les parties de la poitrine paroïflent être formées pour concourir à la force & à la durée de la voix (g). | Ï me femble qu'on peut démontrer (g) Dans Ia plupart des oïfeaux de rivière, qui ont la voie très-forte, la trachée réfonne; c’eft que la olotte eft placée au bas de Ia trachée, & non pas au haut comme dans Fhomme. CoY. Acad. Part. Fr. tome 1, page 496. — I en eft de même dans le coq. Hifi. de l’ Acad. tome IT, page 7. — Dans Îes oifeaux , & fpécialement dans Îles canards & autres oïlfeaux de rivière , les organes de 24 Difcours par des faits combinés , que Îa voix des otfeaux eft non-feulement plus forte que celle des quadrupèdes, relativement au volume de leur corps , maïs même abfolument , & fans y faire entrer ce rapport de grandeur : communément les cris de nos quadrupèdes domeftiques ou fauvages ne fe font pas entendre au-delà d'un quart ou d’un tiers de lieue, & ce cri fe fait dans la partie de l'atmof- phère la plus denfe , c'eft-à-dire , la la voix confifient en un larinx interne, à l’endroit de la bifurcation de 1a trachée-artère ; en deux anches membraneufes, qui communiquent par le bas à l’origine des deux premières branches de la trachée ;en plufieurs membranes femilunaires, dif- pofées les unes au-deflus des autres, daus les prin- cipales branches du poumon charnu, & qui ne rempliffent que Îa moitié de leur cavité, laiffent à l’air un libre pafiage par l’autre demi-cavité; en d’autres membranes difpofées en différens fens, foit dans la partie moyenne, foit dans la partie infé: rieure de la trachée ; enfin en.une membrane plus ou moins folide, fituée prefque trañfverfale- ment entre les deux branches de Ja lunette, laquelle termine une cavité qui fe rencontre confiamment à la partie fupérieure & interne &e Ia poitriné. Mémoires de l’Académie des Sciences, année 1753, page 2994 plus für la nature des Oifeaux. 25 plus propre à propager le fon ; au lieu que la voix des oïfeaux qui nous parvient du haut des aïrs, fe fait dans un milieu plus rare, & où 1l faut une plus grande force pour produire le même effet. On fait , par des expériences faites'avec la ma- chine pneumatique, que le fon diminue à mefure que l'air devient plus rare ; & jai reconnu, par une obfervation que je crois nouvelle, combien la différence de cette raréfaétion influe en plem air. J'ai fouvent pafñlé des jours entiers dans les forêts où l'on eft obligé de s'appeler ‘de loim , & d'écouter avec attention, ” pour entendre le fon du cors & la voix des chiens ou des hommes ; j'at remar- qué que dans le temps de:la plus grande chaleur du jour , c'eft-à-dire, depuis dix heures jufqu'à quatre, on ne peut entendre que d'aflez près les mèmes voix, les mêmes {ons, que lon entend de loin le matin, le foir & fur-tout la nuit, dont le filence ne fait rien ct, parce qu'à l'exception des cris de quel- ques reptiles ou de quelques oïfeaux noéturnes, Il ny avoit pas le moindre bruit dans ces fortés ; j'ai de plus Oifeaux , Tome L | 26 Diftours oblervé qu'à toutes les heures du jour & de la nuit, on entendoit plus loin en hiver par la gelée, que par le plus beau temps.de toute autre faifon. Tout le monde peut s'aflurer de la vérité de cette obfervation , qui ne demande, pour être bien faite , que la fimple attention de choïfir les jours fereins & calmes, pour que Île vent ne puifie dé- ranger le rapport que nous venons d'in- diquer dans la propagation du fon ; ïl ma fouvent paru que je ne pouvois entendre à midi que de fix cents pas de diftance la même voix que j'entendois de douze ou quinze cents à fix heures du matin ou du foir, fans pouvoir at- tribuer cette grande différence à d'autre caufe qu'à la raréfaction de Farr plus grande à midi , & moindre Îe foir ou le matin ; & puifque ce degré de raréfac- tion fait une différence de plus de moitié fur la diftance à laquelle peut s'étendre le fon à la furface de la terre, ceft-à- dire, dans la partie la plus bafle & la plus denfe de latmofphère, qu'on juge de combien doit être la perte du fon dans Les parties fupérieures où l'air devient plus Jür la nature des Oiftaux. 37 rare à mefure qu'on s'élève , & dans une proportion bien plus grande que celle de Ia raréfadion caulée par la chaleur du jour ! Les oïfeaux dont nous entendons la voix d’en haut, & fouvent fans les apercevoir, font alors élevés à une hauteur égale à trois mille quatre cents trente-fix fois leur diamètre, pui que ce nelt qu'à cette diflance que l'œil humain cefle de voir les objets. Sup- polons donc que loifeau avec fes aïles étendues faffe un objet de quatre pieds de diamètre, ïl ne difparoîtra qu'à la hauteur de treize mille fept cents qua- rante-quatre pieds ou de plus de deux mile toifes ; & fi nous fuppofons une troupe de trois ou quatre cents gros otfeaux, tels que des cigognes, des oies, des canards, dont quelquefois nous en- tendons la voix avant de les apercevoir; lon ne pourra nier que la hauteur > laquelle 1ls s'élèvent ne foit encore plus grande, puifque la troupe, pour peu qu'elle foit ferrée, forme un objet dont le diamètre eft bien plus grand. Ain ; l'otfeau en fe faïlant entendre d’une lieue du haut des airs, & produifant des {ons s : 1} 28 Difcours dans ün milieu qui en diminue lintenfté & en raccourcit de plus de moitié la propagation, a par conféquent la voix quatre fois plus forte que l'homme ou le quadrupede , qui ne peut fe faire entendre à une demi-lieue fur la furface de la terre ; & cette’ eftimation eft peut-être plus foible que trop forte, car imdépen- damment de ce que nous venons d’expo- {er, 1l y a encore une confidération qui vient à l'appui de nos conclulons, c'eft que le fon rendu dans le milieu des airs, doit en fe propageant remplir une fphère dont l'orfeau eft le centre, tandis que le fon produit à la furface de la terre, ne remplit qu'une demirfphère, & que la partie du fon qui fe réfléchit contre la terre, aide & fert à la propa- gation de celui qui s'étend en haut & à coté; c'eft par cette raïfon qu’on dit que la voix monte, & que de deux perfonnes qui fe parlent du haut d’une tour en bas, celui qui eft au-deflus eft forcé de crier beaucoup plus haut que Vautre , s’il veut s'en faire également entendre, Et à l'épard de La douceur de la voix far la nature des Orfeaux. 29 & de l'agrément du chant. des oïfeaux, nous oblerverons que c’eft une ‘qualité en partie naturelle & en partie acquife ; la grande facilité qu'ils ont à retenir & “répéter les fons, fait que non-feulement, ils en empruntent les uns des autres, mais que fouvent ils copient les infle- xions, les tons de la voix humaine & de nos inftrumens. N'eft-1l pas fingulter que, dans tous les pays peuplés & poli- cés, la plupart des oïleaux atent la voix charmante & le chant mélodieux, tan- ‘dis que dans limmenfe étendue des dé- ferts de l'Afrique & de l'Amérique, où l'on n'a trouvé que des hommes fauvages, il nexifte aufli que des oïrfeaux criards, & qu'à peine on puille citer quelques efpèces dont la voix foit douce & le chant agréable ? doit-on attribuer cette diflérence à la feule influence du climat? L'excès du frord & du chaud produit, à la vérité, des qualités exceflives dans la nature des animaux, & {e marque fou- vent à l'extérieur par des caractères durs & par des couleurs fortes. Les quadrupèdes dont la robe eft variée & empreinte de | rés B ri 30 Difcours couleurs oppofées, femée de taches rondes; ou rayée de bandes longues, tels que les panthères, les léopards , les zèbres, les civettes , font tous des animaux des climats Îles plus chauds ; prefque tous les oïlfeaux de ces mêmes climats brillent à nos yeux , des plus vives couleurs, au lieu que, dans les pays tempérés, les teintes font plus foibles , plus nuancées, plus douces : fur trois cents efpèces d’orfeaux que nous pouvons compter dans notre climat, le paon, le coq, le loriot , le martin-pècheur, le chardonneret, font prefque les feuls que l'on puïfle citer pour la variété des couleurs, tandis que ! 4a Nature femble avoir épuilé fes pin- ceaux fur le plumage des otïleaux de 4 Amérique, de l'Afrique & de l'Inde. Ces quadrupèdes dont la robe eft fi belle, ces oïfeaux dont le plumage éclate des plus vives couleurs, ont en même temps la voix dure & fans inflextons, les fons rauques & difcordans, le cri défagréable & même effrayant ; on ne peut douter que l'influence du climat ne foit la caufe principale de ces effets, mais ne doit-on für la nature des Oifeaux. 3% pas y joindre, comme caufe fecondaire ; l'influence de l’homme ! Dans tous les animaux retenus en domefticité ou déteeus en captivité, les couleurs naturelles & primitives ne s’exaltent jamais, & parotflent ne varier que pour fe dégrader, fe nuan- cer & fe radoucir : on en a vu nombre d'exemples dans les quadrupèdes, 1l en eft de même dans les otfeaux domeftiques; les coqs & des pigeons ont encore plus varié pour les couleurs que les chiens ou les chevaux. L'influence de l'homme fur la Nature, s'étend bien au-delà de ce qu'on imagine ; 1! influe directement & prefque immédiatement fur le naturel , fur la grandeur & la couleur des ani- maux qu'il propage & qu'il s'eft foumis ; il influe médiatement & de plus loin fur tous les autres qui, quoique libres, habitent le même climat. L'homme a changé, pour fa plus grande utilité, dans chaque pays la furfice de la terre ; les animaux qui y font attachés, & qui font forcés d'y chercher leur fubfftance, qui vivent, en un mot, fous ce même climat & fur cette même terre dont homme a B 1v 32 Difcours changé fa nature, ont dû changer auffi & fe modifier ; ils ont pris par nécefité plulieurs habitudes qui paroïflent faire partie de leur nature ; ils en ont pris d'autres par crainte, qui ont altéré, dé- gradé leurs mœurs, ïls en ont pris par imitation ; enñn 1ls en ont reçu par l'é- ducation, à melure qu'ils en étoient plus ou moins fufceptibles ; le chien s'eft pro- digieufement perfeétionné par le com- merce de l’homme, fa férocité naturelle s'eft tempérée, & a cédé à la douceur de la reconnoïflance & de lattachement, dès qu'en lui donnant fa fublüfance, homme a fatisfait à fes beforus : dans cet animal, les appétits les plus véhé- mens dérivent de l'odorat & du goût, deux fens qu'on pourroit réunir en un {eul , qui produit les fenfations dominantes du chien & des autres animaux carnafliers, defquels 1l ne diffère que par un point de fenfñbilité que nous avons augmenté; une nature moins forte , moins fière , moins féroce que celle du tigre, du léopard ou du lion ; un naturel dès-lors plus. flexible , quoiqu'avec des appétits tout far la nature des Oifeaux. 33 aüffi véhémens, s’eft néanmoins modi- fé, ramolli par les impreflions douces. du commerce des hommes, dont l'in-- fluence n'eft pas auf grande fur les autres animaux, parce que les uns ont Une nature revèche, impénétrable aux affections douces ; que les autres {ont durs , infenfbles ou trop déflans otf trop timides ; que tous jaloux de leur liberté . fuient l’homme, & ne le voient que comme leur tyran ou leur deftruc- teur. L'homme à moins d’infuence {ur les olfeaux que fur les quadrupèdes, parce que leur nature eft plus éloignée, & qu'ils font moins fufe tibles des fenti- q P Mens d'attachement & d'obérifance ; les offéaux que nous appelons dornefliques, ne font que prifonniers , ïls ne nous rendent aucun fervice pendant leur vie, ils ne nous font utiles que par leur pro- pagation, c'eft-à-dire, par leur mort; ce font des victimes que nous mult'… plions fans peme, & que nous immo— Jons {ans regret & avec fruit. Comme leur inftinét diffère de celui des quadru- pèdes, & n'a nul rapport avec le nôtre, B y 34 Difcours noùûs ne pouvons leur rien infpirer directement, n1 même leur communiquer indirectement aucun fentiment relatif; nous ne pouvons influer que fur la ma- chine, & eux aufli ne peuvent nous rendre que machinalement ce qu'ils ont reçu de nous: Un oïfeau dont l'oreille æft aflez délicate , aflez précife pour faiïfir & retenir une fuite de fons & même de paroles, & dont la voix eft- aflez flexible pour les répéter diftinéte- ment, reçoit ces paroles fans les entendre, & les rend comme 1l les a reçues ; quoi- qu'il articule des mots, 1l ne parle pas; parce que cette articulation de mots n'é- mane pas du principe de la parole, & m'en eft qu'une imitation qui n'exprime zien de ce qui fe pañle à l'intérieur de d'animal, & ne reprélente aucune de fes affections. L'homme à donc modifié dans des oïfeaux quelques puiflances phyliques, quelques qualités extérieures, telles que celles de lorerile & de la voix, maïs äl a moins influé fur les qualités inté- rieures. On en inftruit quelques-uns à chafler & même à rapporter leur gibier; on en apprivoife quelques autres aflez PT für la nature dés Oifeaux. 3$ pour les rendre familiers ; à force d'ha- bitude, on les amène au point de s'atta- cher à leur prifon, de reconnoitre auffi la perfonne qui les foigne ; maïs tous ces fentimens font bien légers , bien peu profonds en comparaïfon de ceux que nous tranfmettons aux animaux qua- drupèdes, & que nous leur communi- quons avec plus de fuccès en moins de temps & en plus grande quantité. Quelle comparaïfon y a-t-il entre l'attachement d'un chien & la familiarité d'un ferin 2 entre l'intelligence d’un éléphant & celle de lautruche, qui néanmoins paroît être le plus grave, le plus réfléchi des oïfeaux, foit parce que lautruche eft en efñet l'éléphant des oïfeaux par la taille, & que le privilège de l'air fenfé eft, dans les animaux , attaché à la grandeur, foit qu'étant moins oïfeau qu'aucun autre, & ne pouvant quitter la terre , elle tienne en effet de la nature des quadru- pèdes ? | Maintenant, fi l'on confidère la voix des oïfeaux , indépendamment de lin- fluence de l'homme ; que fon fépare dans le perroquet, le ferin, le fanfonnet, ? B y 36 Difcours de merle, les fons qu'ils ont acquis, de ceux qui leur font naturels ; que fur- tout on obferve les oïfeaux libres &-fo- litatres, on reconnoîtra que non-feule- ment leur vorx fe modifie furvant leurs affections , mais même qu'elle s'étend, fe fortifie, s'altère , fe change, s’étemt ou fe renouvelle felon les circonftances & le temps : comme la voix eft de toutes leurs facultés l'une des plus faciles, & dont l'exercice leur coûte le moins, 1ls s'en fervent au point de paroitre en abufer, & ce ne font pas les femelles qui {comme on pourroit le croire) abufent le plus de cet organe ; elles font, dans les) otfeaux , bien plus filencieufes que les mâles ; elles jettent, comme eux, des cris de douleur ou de crainte ; elles ont des expreflions ou des murmures d'in- quiétude ou de follicitude , {ur-tout pour leurs .petits, imaïs le chant paroît être interdit à la-plupart d'entrelles, tandis que dans le mâle, c'eft l'une des qua- tés qui fait le plus de {enfation. Le chant eft le produit naturel d'une douce émotion, c'eft l'exprellion agréable d’un defir tendre qui n'eft qu'à demi-fatisfait ; far la nature des Oiféaux. 37 % ferin dans fa volière, le verdier dans les plaines, le loriot dans les bois, chantent également leurs amours à vorx éclatante, à laquelle la femelle ne répond que par quelques petits fons de pur confentement ; dans quelques efpèces , Ta femelle applaudit au chant du mâle par un femblable chant, mais toujours moins fort & moins plein: le roffignol ‘en arrivant avec les premiers jours du printemps, ne chante point encore, 1 garde le filence jufqu'à ce qu'il {oit ap- parie ; fon chant eft d’abord aflez court, incertain, peu fréquent, comme sil n'étoit pas encore für de fa conquête, & fa voix ne devient pleine , éclatante & foutenue jour & nuit, que quand ül voit déjà fa femelle chargée du fruit de fes amours, s'occuper d'avance des foins maternels ; il s'emprefle à les partager, 11 Varde à conftruire le nid, jamais 1l ne chante avec plus de force & de contr- nuté que quand ïl là voit travaillée des douleurs de la ponte, & ennuyée d'une longue & continueille mcubation ; non- feuiement 11 pourvoit à fa fubfftance pendant tout ce temps, mais 1l cherche Le 35 Difcours à le rendre plus court , en multipliant es carefles, en redoublant fes accens amoureux ; & ce qui prouve que le chant dépend en effet & en entier des amours, c'eft qu'il cefle avec elles : dès que Îa femelle couve, elle ne chante plus, & vers la fin de juin, le mâle fe tait aufli, ou ne fe fait entendre que par quelques fons rauques, femblables au croaflement d'un reptile, & fi difiérens des premiers, qu'on a de la peine à {e perfuader que ces fons viennent du roflignol, ni même d'un autre orfeau. Ce chant, qui cefle & fe renouvelle tous les ans, & qui ne dure que deux ou trois mois ; cette voix dont les beaux fons n’éclatent que dans la faifon de Vamour, qui s'altère enfuite & s'éteint comme a flamme de ce feu fatisfait, indique un rapport phyfque entre les organes de la génération & ceux de Ia Voix ; rapport qui paroît avoir une cor- refpondance plus précile, & des eflets encore plus étendus dans lorfeau. On fait que, dans l'homme, la voix ne devient pleine qu'après la puberté ; que, dans des quadrupèdes , elle {e renforce & : fur la nature des Oifeaux, 39 devient effrayante dans le femps durut: la réplétion des vaïfleaux fpermatiques ; la furabondance de 1a nourriture orga- nique, excitent une grande irritation dans les parties de la génération; celles de la gorge & de la voix paroïflent fe reflentir plus ou moins de cette chaleur trritante ; {a croiflance de la barbe, la force de fa voix, l’extenfon de la partie génitale dans le mâle , l'accroïflement des ma- melles , le développement des corps glanduleux dans la femelle, qui tous ar- rivent en mème temps, indiquent aflez la correfpondance des parties de la gé- nération, avec celles de la gorge & de la voix. Dans les ofeaux, les change- mens font encore plus grands ; non- feulement ces parties font irritées, al- térées ou changées par ces mèmes caufes., mais elles paroïilent mème fe détruire en entier pour fe renouveler : les tefticules , qui, dans l'homme & dans la plupart des quadrupèdes, font à -peu- près les mêmes en tout temps, fe fétriflent dans les otfeaux & {e trouvent, pour amfi dire. réduits à rien après la faïfon des amours, au retour de laquelle ils renaïlent ; AO Difcours prennent une vie végétative ; & grolf- fiflent au-delà de ce que femble permettre 1a proportion du corps : le chant qui cefle & renaït dans les mêmes temps, nous indique des altérations, relatives dans le gofer de l'oïfeau ; & 1l feroit bon d’oblerver s'il ne fe fait pas alors dans Iles organes de fa voix quelque production nouvelle , quelqu'extenfon confidérable , qui ne dure qu'autant que le gonflement des parties de la géné- ration. Au refte, l’homme paroit encore avoir influé fur ce fentiment d'amour le plus profond de la Nature, il femble au moins qiril en ait étendu la durée & multiplié les effets dans les animaux qua- drupèdes & dans les otfeaux qu'il retient en domefticité ; les otfeaux de bafle-cour & les quadrupèdes domeftiques , ne font pas bornés comme ceux qui font libres à une feule fatfon, à un ieul temps de rut; le coq , le pigeon , le canard, peuvent comme le cheval , le bélier & le chien, s'unir & produire prefqu'en toute fatfon , au lieu que les quadrupèdes & les oïfeaux fauvages, qui n'ont reçu que fur la nature des Oifeaux. 4x la feule influence de la Nature , font bornés à une ou deux faifons, & ne cherchent à s'unir que dans ces feuls temps de l'année. Nous venons d’expoler quelques - unes des principales qualités dont la Nature a doué les orfeaux, nous avons tâché de reconnoître les influences de l’homme fur leurs facultés, nous avons vu qu'ils lemportent fur lur & fur tous les animaux quadrupèdes, par létendue & la vivacité du fens de la vue, par la précilion , la fenfibïlité de celur de lo- retlle, par la faciiite & la force de la voix; & nous verrons bientot qu'ils lemportent encore de beaucoup par les puiflances de la génération, & par lap-. titude au mouvement qui paroït leur être plus naturel que le repos ; ïl y en a , comme les oïfeaux de paradis, les mouettes, les martin-pècheurs, &c. qui femblent Être toujours en mouvement, & ne fe repoler que par inftans; plufieurs fe jotgnent, fe choquent, femblent Purir dans Pair à ; tous farfiflent leur proie en volant fans fe détourner, fans s’ar- rèter ; au lieu que le quadrupède eft 42 Difcours forcé de prendre des points d'appui, des momens de repos pour fe joindre, & que l'inftant où 1 atteint fa proie eft la fin de fa courfe : l'oifeau peut donc fare dans l’état de mouvement plufeurs chofes qui, dans le quadrupède, exigent l'état de repos :il peut aufli faire beau- coùp plus en moins de temps, parce qu'il fe meut avec plus de vitefle, plus de continuité, plus de durée : toutes ces caufes réunies influent fur les habitudes naturelles de l’orfeau, & rendent encore fon inftmét différent de celui du qua- drupède. Pour donner quelque idée de la durée & de la continuité du mouvement des oïfeaux, & aufll de la proportion du temps & des efpaces qu'ils ont coutume de parcourir dans leurs voyages , nous comparerons leur vitefle , avec celle des quadrupèdes , dans leurs plus grandes courfes naturelles ou forcées; le cerf, le renne & l'élan peuvent faire quarante lieues en un jour ; le renne, attele à un traineau , en fait trente & peut foutenir ce même mouvement plufeurs jours de fuite : le chameau peut faire far la nature des Oifeaux. 43 trois cents lieues en huit jours ; Île cheval élevé pour la courfe & choïf parmi les plus légers «& les plus vigou- reux, pourra faire une lieue en fix ou fept minutes, mais bientôt fa viteile fe ralentit, & ïl feroit incapable de fournit une carrière un peu longue qu'il auroit entamée avec cette rapidité : nous avons cité l'exemple de la courfe d'un An- glois qui fit en onze heures trente- deux minutes, forxante-douze lieues en changeant vingt-une fois de cheval; amnfi, les merlleurs chevaux ne peuvent pas fatre quatre lieues dans une heure, ni pius de trente lieues dans un jour. Or la vitefle des oïfeaux eft bien plus grande, car, en moins de trois nunutes, on perd de vue un gros offeau , un milan qui s'éloigne, un aigle qui s'élève & qui préfente une étendue dont le diamètre eft de plus de quatre pieds; d'où l'on doit Imférer que l’oifeau parcourt plus de fept cents cinquante toiles par minute , & qu'il peut fe tranfporter à vingt lieues dans une heure : il pourra donc aïfément parcourir deux cents lieues tous les jours en dix heures de vol, ce Na 07 Dico qui füppofe plufieurs intervalles dans le - jour & la nuit entière de repos. Nos hirondelles & nos autres oïfeaux voya- geurs, peuvent donc {e rendre de notre chmat fous la Ligne en moms de fept ou huit jours M. Adanfon (A) a vu & tenu, à la côte du Sénégal, des hi- rondelles arrivées le 9 octobre, c’eft-à- dire huit ou neuf jours après leur départ d'Europe. Pietro della Valle dit, qu’en Perle (i), le pigeon meflager fait en un jour plus de chemin qu'un homme de pied ne peut en faire en fix. On “connoît lhiftoire du faucon de Henri IT, qui s'étant emporté après une cane— petière à Fontamebleau, fut pris le lendemain à Malte, & reconnu à lan- neau qu'il portoit ; celle du faucon des Canaries /4), envoyé au duc de Lerme,, qui revint d'Andaloule à l'ile de Té- nérifle en feize heures, ce qui fait un trajét de deux cents cinquante lieues, (h) Voyage au Sénégal, par M. Adanfon. (i) Voyage de Pietro della Valle, #1, p. 416. (k) Obfèrr. de Sir Edmund Scoty. Voy. Purchaf], page 785. ; für la nature des Oifeaux. 45 Hans Sloane ( /) aflure qu’à la Barbade, les mouettes vont fe promener en troupes à plus de deux cents milles de diftance, & qu’elles reviennent le même jour. Une promenade de plus de cent trente lieues, indique aflez la pollbilité d'un voyage de deux cents; & je crois qu'on peut conclure de la combinarfon de tous ces faits, qu'un offeau de haut vol peut parcourir, chaque jour, quatre ou cinq fois plus de chemin que le quadrupède le plus agile. | | | Tout contribue à cette facilité de mouvement dans lotfeau , d’abord Îes plumes dont la fubftance eft très-légère, la furface très-grande, & dont les tuyaux font creux ; enfuite l’arrangement (mm) “de ces mêmes plumes, la forme des ailes 5 1 {l) A voyage to the iflands..,. With the natural Hiflory by Sir Hans Sloane ; London , tome I, page 27. _((m) Voyez fur Ia firuéture & farrangement des plumes, les remarques & obfervations de M.'5 de l’Académie des Sciences, dans les Mémoires pour fervir à l’Hiftoire des animaux, partie II , à l'qr= ticle de l’Autruche, L 6 À Diftours convexe ep deflus & concave en deffous ; leur fermeté, leur grande étendue & la force des mufcles qui les font mouvoir; enfin la légèreté même du corps, dont les parties les plus maflives, telles que les os, font beaucoup plus légères que celles des quadrupèdes ; car les cavités dans les os des oïfeaux, font proportion- nellement beaucoup plus grandes que _dans les quadrupèdes, & les os plats qui nont pomt de cavités, font plus minces & ont moins de poids. € Le » fquelette {/7) de l’onocrotale, difent les >> Anatomiftes de l'Académie, eft extrés »»mement iéger, 1l ne peloit que vingt- trois onces, quoiqu'il foit très-grand. » Cette légèreté des os dimmue confidé- rablement le poids du corps de l'oifeaus & lon reconnoïîtra, en pefant à la ba- lance hydroftatique , le fquelette d'un quadrupède & celur d'un oïfeau , que le premier eft fpécifiquement bien plus pefant que l'autre. Un fecond eflet très-remarquable, (n) Mémoires pour fervir à l’Hiftoire des ani- maux, Partie 111, article du Pélican, : far la nature des Oifeaux. 47 & que lon doit rapporter à Îa nature des os, eft a durée de la vie des oïfeaux, qui en général eft plus longue & ne fi pas les mêmes règles, les mêmes proportions que dans les ani- maux quadrupedes. Nous avons vu que, dans l’homme & dans ces animaux, Là durée de a vie eft toujours proportion- nelle au temps employé à l'accroiffement du corps, & en même temps nous avons obfervé qu'en général, ïls ne {ont en Ctat d'engendrer que gt rs ont pris la plus grande partie de leur ac- crotflement., Dans les otfeaux , laccroi- fement eft plus prompt , & la repro- duétion plus précoce; un jeune. otfeau peut fe fervir de fes pieds en fortant de la coque, & de fes ailes peu de temps après; 1l peut marcher en natflant & voler un mois ou cinq femaines après {a naïffance; un coq eft en état d'en- gendrer à âne de quatre mois, & ne prend fon entier accroïflement qu’en un an; les oïfeaux plus petits le prennent en quatre ou cinq mois ; 1ls eroïflent donc plus vite & produtfent bien plus tot que les anumayx quadrupédes, & _43 | Diféours néanmoins 1ls vivent bien plus Tong- temps proportionnellement y Car, la durée totale de la vie étant dans l’homme & dans les quadrupèdes, fix ou fept fois plus grande que celle de leur entier accroïfiement, 1! s'enfuivroit que le coq ou le perroquet qui ne font qu'un an à croître, ne devroient vivre que fix ou fept ans, au lieu que jar vu grand nombre d'exemples bien difiérens ; ; des linottes prifonnières & néanmoins âgées de quatorze ou quinze ans, des coqs de vingt ans & des perroquets âgés de plus de trente ; je fuis même porté à: croire que leur vie pourroit s'étendre bien au-delà des termes que je viens d'indiquer (o), & je fuis perfuadé qu’en - (o) Un homme digne de foi m’a afluré qu’un perroquet âgé d'environ quarante ans, avoit pondu fans le concours d'aucun mâle, au moins de fon efpèce. — On a dit qu’un cygne avoit vécu trois cents ans ; une ole, quatre-vingts ; un onocrotale autant. L’aiole & le corbeau paflent pour vivre très- long-temps. Encyclopédie » à Particle Oifeau, — Aldrovande rapporte qu un pigeon avoit vécu vingt-deux ans, & qu’il n’avoit ceflé d’engendrer que : Jes fx dernières années de fa vie, — Willughby dit que les linottes vivent quatorze ans, & les char- donnerets vingt-trois, &c ne far la nature des Oifeaux. 49 ne peut attribuer cette longue durée de. la vie dans des êtres aufli délicats, &c que les moindres maladies font périr, qu'à la texture de leurs os dont la fubf tance moins folide , plus légère que celle des os des quadrupèdes, refte plus long-temps poreufe ; en forte que Fes ne {e durcit, ne fe remplit, ne s'obftrue pas auffi vite à beaucoup près que dans des quadrupedes ; cet endurciflement de Ta fubftance des os eft , comme nous l'avons dit, la caufe générale de la mort. naturelle : le terme en eft d'autant plus éloigné, que les os font moins folides, ceft par cette rarfon qu'il y a plus de, femmes que d'hommes qui arrivent à une vieillefie extrème ; c'eft par cette même raïfon que Îles oïfeaux vivent plus long-temps que les quadrupèdes, & les poiilons plus long-temps que les oïfeaux, parce que les os des poiflons font d’une. fubftance encore plus légère , & qui conferve fa ductilité plus Iong-temps que celle des os des orleaux. | . Si nous voulons maintenant comparer un peu plus en détail les oïfeaux avec les animaux quadrupèdes, nous y trous Oifcaux, Tome I, so. Difcours verons plufieurs rapports particuliers; qui nous rappelleront luniformité du plan général de la Nature: 1l y a dans les oïfeaux , comme dans les quadru- pèdes , des efpèces carnaflières , & d'autres auxquelles les fruits, les grains, les plantes fufhifent pour fe nourrir. La même caufe phyfque qui produit dans l'homme & dans les animaux la néceflité de vivre de chatr & d'alimens très-fub{- tanciels, fe retrouve dans les oïfeaux ; ceux qui font carnafliers n'ont qu'un eftomac & des inteftins moins étendus que ceux qui fe nourriflent de grains ou de fruits /p):le jabot dans ceux-ci, & qui manque ordinairement aux pre- miers, correfpond à la panfe des ani- maux ruminans ; ils peuvent vivre d’a- limens légers & maigres, parce qu'ils peuvent en prendre un grand volume en rempliflant leur jabot, & compenfer Éd _ (p) En général, aux oifeaux qui fe nourrifient de chair, les inteftins font courts, & ils n’ont que très peu de cæcum. Dans les oïfeaux granivores, les inteftins font beaucoup plus étendus, & ils forment de longs replis; il y a auffi fouvent plufieurs cæcum. Voyez les Mémoires pour fervir à l'Hifloire des animaux, aux articles des Oïfeaux, Jur la nature des Oifeaux. $x ainf la qualité par la quantité ; ils ont deux cæcum & un gcher qui eft un eftomac très-mufculeux , très-ferme , qui leur fert à triturer les parties dures des grains qu'ils avalent , au lieu que les orfeaux de proie ont les inteftins bien moins étendus, & n'ont ordinairement ni gélier, pt jdbot, nt double cœcum. Le naturel & les mœurs dépendent beaucoup des appétits, en comparant donc à cet égard les oïleaux aux qua- drupèdes, il me paroit que Faigle noble & généreux eft le lion, que le vautour , cruel, infatrable, eft le tigre ;le milan, la bule , le corbeau, qui ne cherchent ue les vidanges & les chaïrs corrompues, Ént les hyænes, les loups & les chacals ; les faucons, les éperviers, les autours & les autres cifeaux chafleurs, font les chiens , les renards, les onces & les Iynx ; les chouettes qui ne voient & ne chaflent que la nuit, feront les chats; les hérons, les cormorans qui vivent de poiflons, feront les caftors & les loutres; les pics feront les fourmillers, puïfqu'ils fe nourriflent de mème en tirant égale- ment a langue pour Îa charger de C i s2 Difcours fourmis. Les paons , les coqs, les din= dons , tous les oïfeaux à jabot repré- fentent les bœufs, les brebis, les chèvres & les autres animaux ruminans ; de ma- nière qu'en établiflant une échelle des appétits , & préfentant le tableau des différentes façons de vivre, on retrou- Ç | vera dans les oïfeaux, les mêmes rapports & les mêmes différences que nous avons obfervées dans les quadrupèdes, & même les nuances en feront peut-être plus varices ; par exemple , les oïfeaux pa- : roïffent avoir un fonds particulier de fub- fiftance , la Nature leur a livré, pour nourriture , tous les imfeétes que les quadrupèdes dédargnent : la chair, le potflon, les amphibies, les reptiles, les infeétes , les fruits, les grains, les fe- mences , les racines, les herbes , tout ce qui vit ou végète devient leur pâ- ture ; & nous verrons quils font aflez indifiérens fur le chorx, & que fouvent ils fuppléent à l'une des nourritures par une autre. Le fens du goût dans Ia plupart des orleaux eft prefque nul, ou du monis fort inférieur à celur des qua- drupèdes ; ceux-cr, dont le palais & la für la nature des Oifeaux. 53 langue , font à la vérité moins délicats que dans l'homme , ont cependant ces organes plus fenfbles & moins durs que les oïfeaux dont la langue eft prefque cartilagineufe ; car, de tous les oifeaux, Il ny a guère que ceux qui fe nour- riflent de chair, dont la langue foit molle & aflez femblable , pour la fubftance, à celle des quadrupèdes. Ces oifeaux auront donc le fens du goût meilleur que les autres, d'autant qu'ils paroïfient aufli avoir plus d'odorat, & que la finefle de lodorat fupplée à la groffiè- . reté du goût ; mais , comme l'odorat eft plus foible & le ta du goût plus obtus dans tous les oïfeaux que dans les quadrupèdes, ils ne peuvent guère juger des faveurs ;aufli voit-on que Îa plupart ne font qu'avaler, fans jamais favourer ; la maftication qui fait une grande partie de la jouiflance de ce fens, leur manque ; ils font, par toutes ces ratfons, {1 peu délicats fur les alt- mens, que quelquefois 1ls s'empoifonnent en voulant fe nourrir ( g ). . (q) Nota Le perf, le café , Îles amandes gméres, &c. font un poïfon pour es poules, les Ci $4 Diftours Céf donc fins icohhoïffince & fans réflexion, que quelques Naturaliftes /r) perroquets & plufeurs autres oïfeaux, qui néañ- moins Îles mangent avec autant d’avidité que Îles autres nourritures qu’on leur offre. (r) Nota. M. Frifch * dont l'ouvrage eft d’ai- leurs très-recommandable à beaucoup d’égards, divife tous les oïfeaux en douze clafles, dont la première comprend les petits oïfeaux à bec court & épais, ouvrant les graines en deux parties égales ; Ka feconde contient les petits oifeaux à bec menu, mangeant des mouches & des vers ; Ia troïfième, Les merles & les grives ; la quatrième, Les pics, coucouss huppes & perroquets ; la cinquième , les geais & Les pies ; la fixième, les corbeaux € corneilles ; la fep- tième, des oifèaux de proie diurnes; la huitième, les oifeaux de proie noë&urnes ; là neuvième , les poules domefliques & fauvages ; la dixième, Les pigeons do- mefliques € fauvages ; la onzième, les oies, canards € autres animaux nageans ; la douzième, les oifeaux qui aiment les eaux € les terreins aquatiques: On voit bien que lhabitude d’ouvrir les graines en deux parties évales ne doit pas faire un caractère, puifque dans cette même clafle il y a des olfeaux , comme les méfanges , qui ne Îles ouvrent pas en deux, maïs qui les percent & es déehirent ; que d’ailleurs tous les oïfeaux de cette première clafle, qui font fuppofés ne fe nourrir que de graines, mangent auffi des Infectes & des vers comme ceux de Ia * Hiftoire des Oifeaux , avec des planches coloriées , par M. Frifch ; en Allemand, deux volumes 5#-folie ; imprimés à Berlin en 1736, | L fur la nature des Oiféaux. 55 ont divifé les genres des oïféaux par leur manière de vivre ; cette idée eût été plus applicable aux quadrupèdes, parce que leur goût étant plus vif & plus fenfble , leurs appétits font plus décidés ; quoique lon puifle dire avec raifon des quadrupèdes comme des oïfeaux , que la plupart de ceux qui fe nourriflent de plantes ou d’autres alt- mens maïgres, pourroient auf manger de la char. Nous voyons les poules, les dindons & les autres oifeaux qu'on appelle granivores, rechercher les vers,” les infectes , les parcelles de viande, encore plus foïgneufement quils ne cherchent les graines ; on nourrit avec feconde ; il valoit donc mieux réunir ces deux clafles en une, comme l’a fait M. Linnæus * ; ou bien, M. Frifch, qui prend pour caractère de la première claffle cette manière de manger les graines, auroit dû faire en conféquence une clatïe particulière des mélanges & des autres oifeaux qui les perçent ou les déchirent, & en même temps il n’auroit dû faire qu’une feule clafle des poules & des pigeons qui les avalent également fans les percer ni les ouvrir en deux ; & néanmoins ïl fait des poules & des pigeons deux clafles féparées. # Linn, Syf nat. édit, X, rome I, page 85... IV. 56 Diftours de la chair hachée le roflignol qui re vit que d’infectes ; les chouettes, qui font naturellement thalère , INaïs qui ne peuvent attraper la nuit que des chauve- fouris, fe rabattent fur les papillons- phalènes qui volent aufli dans lobf- curité : le bec crochu n’eft pas, comme le difent les gens amoureux des caufes finales, un indice, un figne certain d'un appctit décidé pour Îa chair, ni uo inf trument fait exprès pour la déchirer, puifque les perroquets & plulieurs autres oïfeaux dont le bec eft crochu, femblent préférer les fruits & les graines à Ia chaïr : ceux qui font les plus voraces, es plus carnafliers, mangent du poiflon, des crapauds , des reptiles lorfque Ia chair Leur manque. Prelque tous les oïfeaux qui paroïent ne vivre que de graines, ont néanmoins été nourris dans le premier âge par leurs pères & mères avec des infetes. Ainl, rien neft plus gratuit & moins fondé que cette divition des Oiïleaux, tirée de leur manière de vivre, ou He la différence de leur nour-— riture, jamais on ne déterminera la na- ture d'un être par un feul caraétère ou î für la nature des Oifeaux, 57 bar une feule habitude naturelle ; 1l faut au moins en réunir plufeurs, car plus les caractères feront nombreux, & moins la méthode aura d’imperfection ; maïs, comme nous l'avons tant dit & répété, rien ne peut la rendre complète que lhiftoire & la defcription de chaque efpèce en particulier. Comme la maftication manque aux oïfeaux, que le bec ne repréfente qu'à certains égards la mächotre des quadru- pèdes ; que même ïl ne peut fuppléer que très-imparfaitement à loftice des dents {f), qu'ils font forcés d’avaler les graines entières ou à demi-concaflées, & qu'ils ne peuvent les broyer avec le bec, ils n'aurotent pu les diriger , ni par conféquent fe nourrir, fi leur ef- tomac eût été conformé comme celui des animaux qui ont des dents; les ot- {eaux granivores ont des géliers , c’eft- à-dire , des eftomacs d’une fubftance ([) Danses perroquets & dans beaucoup d’autres oifeaux, {a partie fupérieure du, bec eft mobie comme linférieure ; au lieu que dans les animaux quadrupèdes, il n’y a que la mâchoire inférieure qui foit mobile, Cv , LS Difcours aflez ferme & aflez folide pour broyef les alimens, à l'atde de quelques petits cailloux qu'ils avalent ; c’eft comme s'ils portoient & plaçorent à chaque fois des dents dans leur eflomac où laction du broyemient & de la trituration par le frottement /t) eft bien plus grande que dans les quadrupèdes, & même dans les Dessar (t) De tous les animaux , if n’y en a point dont Ha digeftion foit plus favorable au fyfième de la tri- turation, que celle des oïfeaux ; leur géfier a toute la force & la direction des fibres néceffaires, & les oïfeaux voraces qui ne fe donnent pas le loifir de féparer l'écorce dure des graines qu’ils prennent pour nourriture , avalent en même temps de petites pierres par le moyen defqueiles leur géfier, en fe contractant fortement, cale ces écorces ; c’eft-[à une vraie trituration, mais ce n’eft que celle qui dans les autres animaux appartient aux dents ; feu- lement elle eft tranfpofée dans ceux-ci & remife à leur eftomac, ce qui n’empêche pas fes liqueurs de difloudre les graines dépouillées de leur écorce par le broyement ou frottement des petites pierres : avant cet eftomac, il y a encore une efpèce de poche qui doit y verfer une pgrande quantité de luc blanchâtre, puifque même, après la mort de Panimal, on peut l’en exprimer en la preflant lé- gèrement. M. Helvetius ajoute qu’on trouve quel- quefois dans Pœfophage du cormoran, des poifions à demi-digérés. Hiflorre de l Académie des Sciences , @inée 1719, page 37. für la nature des Oifeaux. s9 animaux carnafliers qui n'ont point de gélier, mais un eftomac fouple & aflez femblable à celur des autres animaux; on a oblervé que ce feul frottement dans le géfier , avoit rayé profondément & ufé prefque aux trois quarts plufeurs pièces de monnoïe qu'on avoit fait ava- ler à une autruche {u). De la même manière que la Nature a donné aux quadrupèdes qui fréquen- tent les eaux, ou qui habitent les pays froids, une double fourrure & des poils plus ferrés , plus épais ; de même tous (u) On trouvera dans Peftomac d’une autruche jufqu’à foixante-dix doubles, la plupart confumés prefque des trois quarts, & rayés par le frottement mutuel & par celui des cailloux, & non pas par aucune diffolution , parce que quelques-uns de ces doubles qui étoient creux d’un côté & boffus de Fautre étoient tellement ufés & luifans du côté de la boffe, qu’il n’y paroifloit plus rien de Ja figure de la monnoie qui étoit demi-ufée & entière de Pautre côté que la cavité avoit défendu du frotte- ment ; 1 eft certain que cette cavité n’eût pas ga- ranti le côté où elle étoit de Pacion d’un efprit diffolvant. Mémoires pour fervir à l’Hifloire des ani- maux , tome Î, pages 139 € 140. — Une piftole d’or d’Efpagne avalée par un canard, avoit perdu feize grains de fon poids lorfqu’il Pa rendue, Collec, Acad. partie étrangère, tone F; page 105. U vj Fo 1 Difcours Les oifeaux aquatiques, &: ceux des terres du nord , font pourvus d’une grande quan- tité de plumes & d’un duvet très-fin, en forte qu'on peut jager par cette indice, de leur pays natal, & de l'élément au- quel 1ls donnent la préférence. Dans tous les climats, les oifeaux d’eau font à-peu- près également garnis de plumes, & 1ls ont prés de la queue des groiies glandes, des efpèces de réfervoirs d'une matière hurleule, dont ils fe fervent pour luftrer & vernir- leurs plumes; ce qui, joint à leur épaïfleur, les rend impénétrables à eau qui ne peut que gliler fur leur furface ; les orfcaux de terre manquent de ces glandes, ou les ont beaucoup plus petites, Les oïfeaux prefque nuds, tels que Yautruche, le cafoar, le dronte, ne fe trouvent que dans les pays chauds ; tous ceux des pays froids font bien fourrés & bien couverts ; les orfeaux du haut vol ont belom de toutes leurs plimes pour réfifter au froid de la moyenne région de l'ar. Lorfquon veut em- pêcher un aïgle de s'élever trop haut, & de fe perdre à nos yeux, 1l ne faut für la nature des Oiftaux. 61 que ur dégarnir le ventre, 1l devient dès—lors trop fenfible au froid pour s’é- lever à cette grande hauteur. Tous les oïffeaux en général , font fujets à la mue comme les quadru- pèdes ; la plus grande partie de leurs plumes tombent & fe renouvellent tous les ans, & même les eflets de ce chan- gement font bien plus fenfbles que dans les quadrupèdes ; la plupart des oreaux font foufrans & malades dans fa mue, quelques-uns en meurent , aucun ne produit dans ce temps ; la poule la mieux nourrie cefle alors de pondre, la nour- niture organique, qui auparavant étoit employée à la reproduction, fe trouve confommée, ablorbée & au-delà par la nutrition de ces plumes nouvelles, & cette même nourriture organique ne re- devient furabondante que quand elles ont pris leur entière croïflance. Com- munément, c'eft vers la fin de lété & en automne que les. orfeaux muent (x); (x ) Les oifeaux domeftiques, comme Îes poules, muent ordinairement en automne ; & c’eit avant Ja fin de l’été que les faifans & les perdrix entrent dans la muç : ceux qu’on garde eu parquet dam Ge un Difcohre les plumes renaïflent en même temps; la nourriture abondante qu'ils trouvent dans cette faïfon, eft en grande partie confomimée par la croïflance de ces plumes nouvelles, & ce n’eft que quand elles ont pris leur entier accroïflement, c’eft- à-dire , à l'arrivée du printemps, que la furabondance de la nourriture, aidée de la douceur de Ia faïlon, les porte à l'amour ;alorstoutes les plantes renaïfient, lés mmfeétes engourdis fe réveillent ou fortent de leur nymphe, la terre femble fourmiller de vie; cette chère nouvelle, qui ne paroïît préparée que pour eux, leur donne une nouvelle vigueur , un furcroit de vie, qui fe répand par La mour, & fe réalife par la reproduction. On crorroit qu'il eft aufli eflentiel à l'otfeau de voler, qu’au porfon de nager; les faifanderies, muent immédiatement après leur ponte faite. Dans la campagne, c’eft vers la fin de juillet que fes perdrix & les faifans fubiflent ce changement ; feulement les femelles qui ont des petitsentrent dans la mue quelques jours plus tard. Les canards fauvages muent auffi avant la fin de juillet, Ces remarques m'ont été données par M, le . Roy, Lieutengnt des Chaffès à Verfailles, far lanature des Oifeaux. 63 & au quadrupède de marcher ; cepen- dant il y a, dans tous ces genres, des exceptions à ce fait général ; & de même que dans les quadrupèdes 1l y en a; comme les rouflettes, les rougettes & les chauve-fouris , qui volent & ne marchent pas ; d’autres qui, comme Îles phoques, les morfes, & les lamantins. ne peuvent que nager, OU qui, COMME les caftors & les loutres, marchent plus difcilement qu'ils ne nagent; d'autres enfin qui, comme le parefieux, peuvent à peme fe traîner. De même, dans les otféaux, on trouve lautruche, Île cafuar , le dronte , le thouyou, &c. qui ne peuvent voler, & font réduits à marcher ; d'autres, comme les pingoins, les perroquets de mer , &c. volent & nagent ,; mais ne peuvent marcher ; d'autres qui, comme les oïfeaux de pa- radis, ne marchent nt ne nagent, & ne peuvent prendre de mouvement qu'en volant. Seulement, 1 paroît que l'élé- ment de l’eau appartient plus aux orfeaux qu'aux quadrupèdes ; car, à l’exception d'un petit nombre d'efpèces, tous les animaux terreftres fuient l'eau, & ne na 64 Difcours nagent que quand ils y font forcés pat la crainte ou par le befoïn de nourriture; au lieu que, dans les orfeaux, 11 y a une grande tribu d’efpèces qui ne {e plaïfent que fur l'eau, & femblent n’aller à terre que par néceflité & pour des befoins- particuliers, comme celui de dépolfer leurs œufs hors de fattemte des eaux, &c. & ce qui démontre que l'élément de leau appartient plus aux oïfeaux qu'aux animaux terreftres , c'eft qu'il n'y a que trois ou quatre quadrupèdes qui aient des membranes entre les doigts des pieds; au lieu qu'on peut compter plus de trois cents oïfeaux pourvus de ces membranes qui leur donnent la fa- cité de nager. D'ailleurs la légèreté de leurs plumes & de leurs os, la forme même de leur corps, contribuent pro- digieufement à cette plus grande facilité ; l’homme eft peut-être de tous les êtres celui qui fait le plus d'efforts en nageant, parce que la forme de fon corps eft ablolument oppolée à cette efpèce de mouvement ; dans Îles quadrupèdes , ceux qui ont plufeurs eflomacs ou de gros & longs inteflins nagent, comme Là für la nature des Oifeaux. 6$ plus légers , plus aifément que les autres, parce que .ces grandes cavités intérieures rendent leur corps fpécifiquement moins pefant ; les oïfeaux dont. les pieds font des efpèces de rames, dont la forme du corps eft oblongue , arrondie comme celle d’un navire, & dont le volume eft fi léger , qu'il n'enfonce qu'autant qu'il faut pour fe foutentr, font, par toutes ces caufes , prefqu'aufli propres à nager qu'à voler ; & même cette fa- culté de nager fe développe la prenuère, car on voit les petits canards s'exercer fur les eaux, long-temps avant que de prendre leur eflor dans les airs, Dans les quadrupèdes, fur-tout dans ceux qui ne peuvent rien fair avec leurs doigts, qui n'ont que des cornes aux pieds ou des ongles durs, le fens du toucher paroït être réuni avec celui _du goût dans fa gueule ; comme c’eft la feule partie qui foit divifée, &par laquelle 1ls puiflent fair les corps & en connoitre la forme , en appliquant à leur furface [a langue, le palais & les dents, cette partie eft le principal fiége de leur toucher, ainfi que de leur goût, 66 Difcours ÿ Dans les otfeaux, le toucher de cetté partie eft donc au moins aufli imparfait que dans les quadrupèdes , parce que leur langue & leur palais font moins fen- fibles ; maïs il paroît qu'ils lemportent fur ceux-ci par le toucher des doigts, & que le principal fiége de ce fens y rélide ; car, en général, 1ls fe fervent de leurs doigts beaucoup plus que les qua- drupèdes, foit pour fair {y }, foït pour palper les corps ; néanmoins l'intérieur des doigts étant dans les oïfeaux toujours revêtu d’une peau dure & calleufe , le tact ne peut en être délicat, & les fen- fations qu'il produit doivent être ailez peu diftinétes. Voicr donc l'ordre des fens, tels que 1 Nature paroïît lavoir établi pour les (y) Nota. Nous avons vu dans PHiftoire des animaux quadrupèdes, qu’il n’y en a pas un tiers. qui fe fervent de leurs pieds de devant pour porter à leur gueule, au lieu que la plupart des oïfeaux fe fervent d’une de fleurs pattes pour porter à leur bec , quoique éet acte doive leur coûter plus qu’aux quadrupèdes, puifque n’ayant que deux pieds ils font obligés de fe foutenir avec effort fur un feul pendant que l’autre agit ; au lieu que Île quadru- pède eft alors appuyé fur les trois autres pieds ou ‘aflis fur les parties poftérieures de fon corps. fur la nature des Oifeaux, 67 difiérens êtres que nous confidérons. Dans l'homme le toucher eft le premier, c'eft-à-dire, le plus parfait; le goût eft le fecond, la vue le troifième, louie - le quatrième, & Fodorat le dernier des fens, Dans le quadrupède , lodorat ef le premier, le goût le fecond, ou plutôt ces deux fens n'en font qu'un , la vue le troifième , loue le quatrième, & le toucher le dernier. Dans loifeau , a vue eft le premier, l'ouie eft le fecond,, le toucher eft le trotfième, le goût & l'o- ‘dorat les derniers. Les fenfations domi- nantes, dans chacun de ces êtres , furvront le même ordre; l’homme fera plus ému par les impreflions du toucher, de quadrupède par celle de lodorat, & loïrfeau par celles de la vue; la plus grande partie de leurs jugemens , de leurs déterminations, dépendront de ces fenfations dominantes ; celles des autres fens étant mois fortes & moins nom- breufes , feront fubordonnées aux pre- mières , & ninflueront quen fecond fur la nature de. l'être. L'homme fera auffi réfléchi que le fens du toucher paroït grave & profond : le quadrupède 63. Difcours aura des appétits plus véhémens que ceux de l'homme, & lorfeau des fenfations plus léoères & aufli étendues que left le fens de la vue. Mais il y a un fixième {ens qui; quoiqu'intermittent , femble , lorfqu'il agit, commander à tous les autres, & produire alors les fenfations dominantes, les mouvemens les plus violens, & Îles affeŒions les plus intimes; c’eft le fens de l'amour : rien n'égale la force de fes ‘impreflions dans les animaux quadru- pèdes, rien neft plus preflant que leurs befoins , rien de plus fougueux que leurs defrs ;' ils fe recherchent avec Tempreflement le plus vif, & s’uniffent avec une efpèce de fureur. Dans les oïfeaux 1 y a plus de tendrefle, plus d'attachement, plus de morale en amour, quoique le fonds phyfique en foit peut- être encore plus grand que dans les quadrupèdes ; à peine peut-on citer, dans ceux-ci, quelques exemples de chafteté conjugale, & encore moins du foin des pères pour leur progéniture; au lieu que, dans les oïfeaux, ce font les exemples contraires qui font rares, La ‘fur la nature des Oifeaux. 69 puifqu'à l'exception de ceux de nos bañle-cours & de quelques autres ef- pêces, tous paroïflent s'unir par un pacte conftant, &° qui dure au moins aufli long-temps que éducation de leurs petits. C'eft qu'indépendamment du belcin de s'unir, tout mariage fuppole une néceflité d’arrangement pour foi-même & pour ce qui doit cn rélulter ; les oïfeaux qui font forcés, pour dépofer leurs œufs , de conftruire un nid que la femelle commence par néceflité , & auquel le mâle amoureux travaille par complatfance , s'occupant enfemble de cet ouvrage, prennent de l'attachement l'un pour l’autre; les fois multipliés, les fecours mutuels , les inquiétudes communes , fortifient ce fentiment qui augmente encore & qui devient plus durable par une feconde néceflité, c’eft de ne pas laïfler refroidir les œufs, nt perdre le fruit de leurs amours pour lequel ts ont déjà pris tant de foins ; Ja femelle ne pouvant les quitter , 1e. mâle va chercher & lui apporte fa fubfftance ; quelquefois même ïl la 70 Difcours remplace , ou fe réunit avec elle, pour augmenter la chaleur du nid & partager les ennuïs de fa fituation; l'attachement qui vient de fuccéder à famour, fub- fifte dans toute fa force , pendant le temps de lincubation, & 11 paroit s'ac- croïtre encore & s'épanouir davantage à {a naïiflance des petits ; c'eft une autre jouiflance , maïs en même temps ce font de nouveaux. liens ; leur éducation eft un nouvel ouvrage auquel le père & lamère doivent travailler de concert. Les oiïfeaux nous repréfentent donc tout ce qui # pafle dans un ménage honnète ; de l'amour fuivt d’un attache- ment fans partage, & qui ne fe répand enfuite que fur la famille. Tout cela tient, comme l'on voit, à la néceflité de s'occuper enfemble de foins indif penfables & de travaux communs ; & ne voit-on pas aufli que cette néceflité de travail ne fe trouvant chez nous que dans la feconde clafle , les hommes de Ja première pouvant s'en difpenfer , F'in- différence & finfidélité n'ont pu man- quer de gagner les conditions élevées 2 Dans les animaux quadrupèdes , il fur la nature des Oifeaux. 71 ny a que de l'amour phyfque & point d'attachement, c’eft-à-dire nul fentiment durable entre le mâle & la femelle, parce que leur union ne fuppofe aucun arrangement précédent , & n'exige n1 travaux communs nt foins fubféquens ; dés-lors point de mariage. Le mâle dès qu'il a jouit, fe fépare de la femelle, foit pour pañler à d’autres, foit pour fe refaire ; ll mc ni mari ni père de f1- mille , car il méconnoïît & {à femme & fes enfans ; elle-même s'étant livrée à plufieurs, n'attend de foïns ni de fecours d'aucun, elle refte feule chargée du poids de fa progéniture & des peines de léducation ; elle n'a d’attachement que pour fes petits, & ce fentiment dure fouvent plus long-temps que dans loïfeau, comme ïl paroit dépendre du befoin que les petits ont de leur mère, qu'elle les nourrit de fa propre fubf- tance, & que fes fecours font plus long- temps néceflaires dans [a plupart des quadrupèdes qui croiflent plus Iente- ment que les orfeaux , l'attachement dure aufli plus long-temps; 1l y a même plu- fieurs efpèces d'animaux quadrupèdes , 72 Difcours où ce fentiment n’eft pas détrüit par de nouvelles amours , & où lon voit Îa mère conduire également, & foigner fes petits de deux ou trois portées. II y a aufli quelques efpèces de quadru- pèdes dans lefquelles la focièté du mâle & de a femelle, dure & fubffte pendant le temps de l'éducation des petits; on le voit dans les loups & les renards ; le chevreuil , fur-tout; peut être regardé comme le modèie de la fidélité con- jugale : il y a, au contraire , quelques efpèces d'otfeaux dont la pariade ne dure pas plus Ilong-temps que les befoïns de l'amour (a); mais ces exceptions n'empêchent pas qu'en général, la Na- ture n'ait donné plus de conftance en amour aux oïfeaux qu'aux quadrupèdes. Et ce qui prouve encore que ce mariage & ce moral d'amour , n'eft produit dans les oïfeaux que par la (x) Dès que fa perdrix rouge femelle couve, Je mâle Pabandonne & la jaiffe chargée feule de l'éducation des petits ; les mâles qui ont fervi leurs femelles ferafemblent en compagnies & ne pren- nent plus aucun intérêt à leur progéniture. Certe remarque m'a été donnée par M. le Roy , Lieu tenant des Chaffés de Sa Majeflé à Verfailles. néceflité fur la nature des Oifeaux. 73 | , héceflité d’un travail commun, c’eft que ceux qui ne font point de nid ne fe marient point, & fe mêlent indifférern- ment : on le voit par l'exemple familier de nos oïfeaux de bañfle-cour, Île. mâle paroît feulement avoir quelques atten- tions de plus pour fes femelles, que n'en ont les quadrupèdes ; parce qu'ici la far- lon des amours n'eft pas limitée, qu'il peut fe fervir plus long-temps de fa mème femelle, que le temps des pontes eft plus long, qu'elles font plus fréquentes, qu'enfin , comme- on enlève les œufs, les temps d'incubation font moins pref- fés, & que les femelles ne demandent à couver que quand leurs purflances pour la génération { trouvent amorties & prefque épuifes : ajoutez à toutes ces caufes, le peu de befoin que ces oïféaux domeftiques ont de conftrutre un nid pour fe mettre ensûreté & {e louftraire aux yeux, l'abondance dans laquelle 1ls vivent, la facilité de recevoir leur nour- riture ou de la trouver toujours au même lieu, toutes les autres commodités que lhomime leur fournit, qui difpenfent ces oïfeaux des travaux, des foims & Oifeaux , Tome I. D TA Difcours des inquiétudes que les autres reflentent & partagent en commun ; & vous retrou= verez chez eux , les premiers effets du luxe, & les maux de lopulence, liber- tinage & paref]e. Au refte, dans ces oïfeaux dont nous avons gâté les mœurs en les fervant, comme dans ceux qui les ont confervées, parce qu'ils font forcés de travailler en- femble & de fe fervir eux-mêmes, Île fonds de lamour phyfque (c'eft-à-dire létoffe, la fubftance qui produit cette fenfation, & en réalife les effets )eft bien plus grand que dans les animaux qua- drupèdes. Un coq fufht aïfément à douze ou quinze poules, & féconde, par un feul acte, tous les œufs que chacune peut produire en vingt jours; il pourroit donc, abfolument parlant, de- venir chaque jour père de trois cents enfans. Une bonne poule peut produire cent œufs dans une feule farfon , depuis le printemps jufqu'en automne. Quelle difiérence de cette grande multiplication au petit produit de nos quadrupèdes les plus féconds ! il femble que toute Ia nourriture qu'on fournit abondamment 1 für la nature des Oifeaux. 55 à ces oïfeaux, fe convertiflant en liqueur féminale , ne ferve qu'à leurs platüirs, & tourne toute entière au profit de la propagation ; ce font des efpèces de machines que nous montons, que nous arrangeons nous-mêmes pour la multi- plication ; nous en augmentons prodi- gieufement le nombre en les tenant en- femble, en les nourriflant largement & en les difpenfant de tout travail, de tous foins , de toute inquiétude pour les beloims de la vie ; car , le coq & Ia poule fauvages ne produifent dans l’état naturel quautant que nos perdrix & nos caïlles : & quoique de tous les oïffeaux , les gallicanés forent les plus féconds , leur produit fe réduit à dix- huit ou vingt œufs, & leurs amours à une feule farfon , lorfqu'ils font dans l'état de nature : à la vérité, 1l pourroit y avoir deux faïfons & deux pontes dans des climats plus heureux ; comne lon voit dans celui-ci , plufeurs efpèces d'oifeaux, pondre deux & même trois fois dans un été, mais aufli ie nombre des œufs eft moins grand dans toutes ces efpèces, & le temps de l'imcubation eft Di 76 Difcours plus court dans quelques-ünes. Ainfi; quoique les oifeaux foient en pruiffance bien plus prolifiques que les quadru- pèdes, ils ne le font pas beaucoup plus . par l'effet ; les pigeons, Îles tourterelles, &c. ne pondent que deux œufs ; Îles grands oïfeaux de proie n'en pondent que trois ou quatre ; la plupart des autres oifaux cinq ou fix; & 1l n'y a que les poules & les autres gallinacés, tels que le paon, le dindon, le faïfan, les per- drix & les caïlles qui produïfent en grand nombre. | La difette, les fois, les inquiétudes ; le travail forcé, diminuent dans tous les êtres les puïflances & les effets de la gé- nération. Nous Favons vu dans les ant- maux quadrupèdes, & on le voit encore lus évidemment dans les oïfeaux ; 1ls produifent d'autant plus qu'ils font mieux nourris, plus choyés , mieux fervis ; & f nous ne confidérons que ceux qui {ont livrés à eux-mêmes , & expolés à tous les inconvéniens qui accompagnent Ventière indépendance, nous trouverons | qu'étant continuellement travaillés de | befoins, d'inquiètudes &e de crainte, ils — fur la nature des Oifeaux. +7 nufent pas, à beaucoup près, autant qu'il fe pourroit, de toutes leurs puif- fances pour la génération , ils femblent même en ménager les effets, & les pro- portionner aux circonftances de leur fituation. Un oïfeau , après avoir conftruit fon nid & fait fa ponte, que je fuppole de cinq œufs , cefle de pondre , & ne soccupe que de leur confervation ; tout le refte de la farfon fera employé à l'in- cubation & à l'éducation des petits, & 1] n'y aura point d'autres pontes ; mais fi - par hafard on brife les œufs, on renverfe le nid, 1l en conftruit bientot un autre, & pond encore trois ou quatre œufs, & fi on détruit ce fecond ouvrage comine le premier , l'offeau travaillera de nouveau, & pondra encore deux ow trois œufs ; cette feconde & cette troi- fième ponte dépendent donc en quelque forte de la volonté de lorfeau : lorfque la première réuflit, & tant qu'elle fub« fifte, 1l ne fe livre pas aux émotions d'amour & aux affections intérieures qui peuvent donner à de nouveaux œufs la vie végctative néceflaire à leur accroif- {ement & à leur exclufon au dehors; Di 78 Difcours mais fi la mort a moïflonné fa famille naïflante ou prête à naître, il fe livre bientot à ces affections, & démontre par un nouveau produit que fes puifiances pour la génération n'étoient que fuf- pendues & point épuiées, & qu'il ne {e privoit des plaifirs qui la précèdent, que pour fatisfarre au devoir naturel du foin de fa famille. Le devoir l'emporte donc encore ici {ur la paflion, & fat- tachement fur l'amour ; loifeau paroït commander à ce dernier fentiment bien plus qu'au premier , auquel du moins il obéit toujours de préférence ; ce n'eft que par la force qu'il fe départ de l'at- tachement pour fes petits, & c'eft vo- lontarrement qu'il renonce aux plaïlirs de l'amour , quoique très en état d'en jouir. De Ta même manière que dans les oïfeaux, les mœurs font h 1e pures en fatisfaire font plus fimples que dans les quadrupèdes ; ils nont qu'une feule façon de s'accoupler (a), au lieu que (a) Genus avium omne eodem ille ac fimplici mare far la nature des Oifeaux. 79 nous avons vu, dans les quadrupèdes , des exemples de toutes les fituations {b); fealement il y a des efpèces, comme celle de la poule, où la femelle s'abaïle en pliant les jambes ; & d'autres, comme celle du moineau , où elle ne change rien à fa poltion ordinaire , & demeure droite {ur fes pieds (c). Dans tous, le temps de laccouplement eft tres-court , & plus court encore dans ceux qui fe tiennent debout que dans ceux qui Sabaxient. La forme extérieure ( d) & conjungitur , nempe ; fæminam mare fupergrediente. Ariftot. H:f anim. Hb. V , cap. Vi1L. (b) Nota. La femelle du chameau s’accroupit ; celle de l’éléphant fe renverfe fur le dos. Les hé- rilons s’accouplent face à face debout ou couchés; & les finges . toutes façons. (c) Coitus avibus duobus modis ; fæmina humi cons fidente ut in gallinà , aut flante ut in gruibus ; & que lta coeunf rem quamcelerrime peragunt nt paffères, Ariftot. H/f. anim. lib. V , cap. 11. (d) Nota, La plupart des oifeaux ont deux verges ou une verge fourchue, & c’eft par l’anus que fort cette double verge pour s’étendre au dehors. Dans quelques efpèces, cette partie eft d’une grandeur trés-remarquable, & dans d’autres elle eft à peine D 1. 80 Difcours la ftrufture intérieure des parties de la génération font fort difiérentes de celles des quadrupèdes ; & la grandeur , la pofition, le nombre, l'action & le mou- vement de ces parties varient même beaucoup dans les diverfes efpèces d’ot- {eaux (e). Aufli paroît-il quil y a in- tromiflion réelle dans les uns , & qu'il ne peut y avoir dans les autres qu'une forte compreflion ; où même un fimple attouchement ; maïs nous réfervons ces détails , ainfñi que plufeurs autres , pour l'hiftoire particulière de chaque genre d’oifeau. En raflemblant , fous un feul point de _Æenfible. La femelle n’a pas ; comme dans les quadrupèdes , Porifice de la vulve au-deflous de Yanus, elle le porte au-deflus ; elle n’a point de matrice comme les quadrupèdes, mais de fimples ovaires, &cC. (e) Voyez fur cela l’Hiftoire de l’Académie des Sciences, année 1715 , page 11.—Les Mémoires pour fervir à l’Hiftoire des animaux , partie I, vage 230 ; partie IT , pages 108 , 134 » 164 ; partie III , page 71.— La collection Académique, partie étrangère , tome 1W, pages 520, 522 ; 5253 6 tome V', page 489. fur la nature des Oifeaux. 81 vüe , les rdées & les faits que nous venons d'expofer , nous trouverons que Île fens intérieur , le /erforium de lorleau eft prin- cialement rempli d'images produites par le {ens de la vue ; que ces images font fuperficielles | mais très-étendues , & a plupart relatives au mouvement , aux diftances , aux efpaces ; que, voyant une province entière aufli atfément que nous voyons notre horizon, il porte dans fon cerveau une carte géographique des lieux qu'il a vus ; que a facilité qu'il a de les parcourir de nouveau , eft l’une des caufes déterminantes de fes fréquentes promenades & de fes migrations. Nous reconnoïtrons quétant très - fufceptible d'être ébranlé par le fens de l'ouiïe , les bruits foudains doivent le remuer vio- Ilemment , {ur donner de Îa crainte & le faire fuir , tandis qu'on peut le farre approcher par des fons doux , & le leurrer par des appeaux ; que les or ganes de la voix ,- étant très-forts & très-flexibles , Poïfeau ne peut manquer de sen fervir pour exprimer fes fenfa- tions , tranfmettre {es affections & fe faire HE D y Ps - + d2 Difcours entendre de très-lom ; qu'il peut aufli fe mieux exprimer que le quadrupéde , puilqu'il a plus de fignes, c'eft-à-dire , plus d'inflexions dans la voix ; que pouvant recevoir facilement & conferver Jong —temps les impreflions des fons , organe de ce fens fe monte comme un inftrument qu'il fe plait à faire réfonner; mais que ces fons communiqués , & qu'il répète mécaniquement, n'ont aucun rapport avec fes aflections intérieures ; que le fens du toucher ne lui donnant que des fenfations imparfauites , 11 n'a que des notions peu diflinétes de la forme des corps , quoiqu'il en voye très-clarrement Ia furface ; que c'eft par le fens de la vue & non par celur de Todorat , qu'il eft avertr de loin de 1a prélence des chofes qui peuvent lui fervir de nourriture ; qu'il a plus de befom que d’appétit, plus de voracité que de fenfualité ou de délicatefle de goût. Nous verrons que, pouvant aïfé— ment fe fouftraire à la main de l'homme, & fe mettre même hors de la portée de fa vue, les otfeaux ont dû conferver fur la nature des Oifeaux. 83 ën naturel lauvage & trop d'indépen- dance pour être ‘réduits en vrat domef- ticité ; qu'étant plus libres, plus éloignés que les quadrupèdes , Dhs: indépendans de l'empire de l’homme , ts font moins troublés dans le cours de leurs habitudes naturelles , que c'eft par cette raïfon qu'ils fe raïlemblent plus volontiers, & que la plupart ont un inftinét décidé pour la focièété; qu'étant forcés de s’oc- cuper en commun des foins de leur famille , & même de travariler d'avance à la conftruétion de leur nid , 1l pren- nent un fort attachement l'un pour l'autre , qui devient leur affection domi- nante , & fe répand enfuite {ur leurs petits: que ce fentiment doux tempère les paflions violentes , modère même celle de l'amour , & fait la chafteté , la pureté de leurs mœurs & {a douceur de leur naturel ; que quoique plus riches en fonds ‘d'amour quancun des ant- maux , ils dépenfent à proportion beau- coup moins , ne sexcèdent jamais , & favent fubordonner leurs plaïlirs à leurs devoirs ; qu'enfin cette claïie d'êtres D vj 84 Difcours, &c. légers que {a Nature paroït avoir pro= duits dans fa gaieté , peut néanmoins ‘être regardée comme un peuple férieux, honnête , dont on a eu raïfon de tirer des fables morales , & d'emprunter des exemples utiles. RSR LES SN LE | OISEAUX DE PROIE: O N POURROIT dire , abfolument par- lant, que prefque tous les oïfeaux vivent de proie, puifque prefque tous recher- chent & prennent les mfectes, les vers & les autres petits animaux vivans ; maïs je n’entends ici par oifeaux de proie, que ceux qui fe nourriflent de chair & font la guerre aux autres oïfeaux ; &, en les comparant aux quadrupèdes carnaf- fiers, je trouve qu'il y en a propor- tionnellement beaucoup moins. La tribu des lions, des tigres, des panthères ; onces , léopards , guépards , jaguars , couguars , ocelots , fervals |, margaïs ; chats fauvages ou domeftiques ; celle des chiens, des chacals, loups, renards; ifatis , celle des hyænes, civettes, zibets, genettes & foflanes ; les tribus plus nombreules encore des fouines , martes, putots, mouflettes , furets, vanlrs , her- mines, belettes, zibelines , mangouftes, 86 Hifloire Naturelle furilkates , gloutons , pékans , vifons, fouf liques ; & des farigues , marmolfes, cayopollins , tarfers , phalangers ; celle des rouflettes , rougettes, chauve-fouris, à laquelle on peut encore ajouter toute a famille des rats, qui trop foibles pour attaquer les autres fe dévorent eux- mêmes : tout cela forme un nombre bien plus confidérable que celur des aigles , des vautours, éperviers, faucons, gerfauts , milans , bufes , crefierelles , émérillons , ducs , hitboux , chouettes, pie-grièches & corbeaux, qui font les feuls oifeaux dont l'appétit pour la chair foit bien décidé ; & encore y en at-il plufieurs, tels que les milans , les bufes & les corbeaux , qui fe nourriflent plus volontiers de cadavres que d'animaux wivans ; en forte qu'il n'y a pas une quinzième partie du nombre total des oïfeaux qui foïent carnafliers , tandis que dans les quadrupedes 11 y en a plus du tiers. Les oïfeaux de proie étant moins puiflans , moins forts & beaucoup moins nombreux que les quadrupèdes carnaf- fiers , font aufll beaucoup moins de des Oifeaux de proie. 87 dégâts fur la terre ; maïs en revanche, comme fi la tyrannie ne perdoit jamais fes droits, il exifte une grande tribu d'oifeaux qui font une prodigieufe dé- prédation fur les eaux. Il n'y a guère parmi les quadrupèdes que les caftors , les loutres , les phoques & les morles qui vivent de poiflon ; au lieu qu'on peut compter un très- grand nombre d'oifeaux qui n’ont pas d'autre fubff- tance. Nous féparerons ici ces tirans de l'eau des tirans de l'air , & ne parlerons pas dans cet article de ces oïleaux qui ne font que pêcheurs & pifcivores ; 1ls font, pour la plupart, d’une forme très- différente , & d’une nature aflez éloignée des oïfeaux carnafliers ; ceux-ci faïfflent leur proie avec les ferres , 1ls ont tous le bec court & crochu , les doigts bren féparés & dénués de membranes , les jambes fortes & ordinatrement recou- vertes par les plumes des cuifles, les ongles grands & crochus, tandis que les autres prennent le poïfion avec le bec qu'ils ont droit & pointu , & qu'ils ont auff les doigts réunis par des membranes, 88 . Hifloire Naturelle es ongles.foibles & Îles jambes tournées en arriere. En ne comptant pour oïfeaux de proie que ceux que nous venons d'im- diquer , & féparant encore pour un inftant les oïfeaux de nuit des oïfeaux de jour , nous les préfenterons dans l'ordre qui nous a paru le plus naturel : nous commencerons par les aïgles , Îes vautours, les milans, les bufes ; nous continuerons par les éperviers , les ger- fauts , les faucons ; & nous finitrons pas les émérillons & les pie-grièches ; plu- fieurs de ces articles contiennent un aflez grand nombre d’efpèces & de races conftantes, produites par l'influence du climat ; & nous joindrons à chacun les oïfeaux étrangers qui ont rapport à ceux de notre climat, Par cette méthode, nous donnerons non-feulement tous les oïfeaux du pays , mais encore tous les oifeaux étrangers dont parlent les Au- teurs, & toutes les efpèces nouvelles que nos correfpondances nous ont pro- curées , & qui ne laïflent pas d'être en aflez grand nombre, des Oifeaux de proie, 839 Tous les oïfeaux de proie font re: marquables par une fingularité dont ïl eft difhcile de donner la raïfon ; c'eft que les mâles font d'environ un tiers moins grands & moins forts que les fe- melles , tandis que, dans les quadrupèdes & dans Îes autres oïfeaux , ce font, comme lon fait , les mâles qui ont le plus de grandeur & de force : à Îa vérité, dans les infectes & même dans les poiflons , Îes femelles font un peu plus grofles que les mâles , & lon en voit claïrement la rarfon ; c’eft la pro- digieufe quantité d'œufs quelles con tiennent qui renfle leur corps ; ce font les organes deftinés À cette immenfe pro- duétion qui en augmentent {e volume apparent ; mais cela ne peut en aucune façon s'appliquer aux oïfeaux , d'autant qu'il paroït par le fait que c'eft tout le contraire ; car , dans ceux qui produrfent des œufs en grand nombre, les femelles ne font pas plus grandes que les mâles ; les poules , les canes , les dindes, Îes poules-faifanes , les perdrix , les caïlles _ femelles, qui produifent dix-huit ow vingt œufs , font plus petites que leux 90 Hifloire Naturelle mâle, tandis que les femelles des aigles ; des vautours , des éperviers , des mrlans & des bufes , qui n'en produifent que trois ou quatre , font d'un tiers plus grofles que les mâles ; c'eft par cette raïon qu'on appélle rierceler le mâle de toutes les efpèces d'otfeaux de proie : ce mot eft un nom générique & non pas fpécifique , comme quelques Au- teurs l'ont écrit, & ce nom générique indique feulement que le mâle ou tier— celet eft d'un tiers environ plus petit que la femelle. Ces oïfeaux ont tous pour habitude naturelle & commune le gotüt de Îa chafle & l'appétit de la proie , le vol très - élevé , l'aile & la jambe fortes, la vue très-perçante , la tête groile , la langue charnue , l'effomac fimple & membraneux , les inteftins moins amples _& plus courts que les autres oïfeaux ; ils habitent de préférence les lieux foli- taires , les montagnes défertes , & font communément leur nid dans les trous des rochers ou fur les plus hauts ar- bres ; l'on en trouve plufeurs efpèces dans les deux continens , quelques-uns des Oifeaux de proie. 91 mème ne paroïflent pas avoir de climat fixe & bien déterminé ; enfin ils ont encore pour caractères généraux & com- muns le bec crochu , les quatre doigts à chaque pied, tous quatre bien féparés; mais on diftinguera toujours un aïgle d'un vautour par un caractère évident; l'aigle a la tête couverte de plumes, au heu que le vautour l'a nue & garnie d'un fimple duvet, & on les diftinguera tous deux des éperviers, bufes milans & fau- cons par un autre caractère qui n'eft pas difhcile à fair, c'eft que le bec de ces derniers otfeaux commence à fe courber dès fon infertion, tandis que le bec des aigles & des vautours commence par une partie droite, & ne prend de la cour- bure qu'à quelque diftance de fon origine. Les oïfeaux de proïe ne font pas aufli féconds que les autres oïfeaux ; la plu- part ne pondent quun petit nombre d'œufs, mais je trouve que M. Lin- næus a eu tort d'afhrmer qu'en général tous ces oïfeaux produiforent environ quatre œufs (a). Il y en a qui, comme (a) Linn. Syft. nat, édit. X, tome IT, page 81 92 Hifloire Naturelle le grand aigle & l'orfraie, ne donnent que deux œufs, & d'autres, comme Îa creflerelle & lémérillon, qui en font jufqu'à fept ; 1l en eft, à cet égard, des oïfeaux comme des quadrupèdes, le nombre de Îa multiplication par la génération, eft en raïon inverfe de leur grandeur ; les grands oiïfeaux produifent moins que les petits, & en raïfon de ce qu'ils font plus petits, ils produifent davantage. Cette loi me paroït généra- lement établie dans tous les ordres de la Nature vivante : cependant on pour- roït moppoler ici les exemples des pigeons qui, quoique petits, c'eft-à- dire , d'une grandeur médiocre , ne produifent que deux œufs, & des plus petits oïfeaux qui n'en produifent ordi- nairement que cinq ; mais 11 faut con- fidérer le produit abfolu d'une année, & ne pas oublier que le pigeon , qui ne pond que deux &c quelquefois trois œufs pour une feule couvée, fait fou- vent deux, trois & quatre pontes du printemps à lautomne ; & que, dans les petits oïfeaux , 1l y en a aufli plu- feurs qui pondent plulieurs fois pendant des Oifeaux de proie. 93% le temps de ces mêmes faïfons ; de ma- nière qu'à tout prendre & tout confi- dérer, il eft toujours vrat de dire que toutes chofes égales d'ailleurs, le nombre dans Île produit de Îa génération, eft proportionnel à Îa petitefle de l'animal dans les orfeaux comme dans les qua- drupèdes. Tous les ofeaux de proie ont plus de dureté dans le naturel & plus de fe- rocité que les autres orfeaux ; non-feu- leinent 1ls font les plus difhciles de tous à priver , mais ils ont encore prefque tous , plus où moins , l'habitude dé- naturée de chafler leurs petits hors du nid bien plus tot que les autres, & dans le temps qu'ils leur devrorent encore des foins & des fecours pour leur fubfftance. Cette cruauté, comme toutes les autres duretés naturelles, n'eft produite que par un fentiment encore plus dur, qui eft le befoin pour foi-même & Ia nécef- fité. Tous les animaux qui, par la con- formation de leur eftomac & de leurs inteftins , font forcés de fe nourrir de chair & de vivre de proie , quand même ils feroient nés doux , deviennent 94 Hifloire Naturelle bientôt offenfifs & meéchans par Île feul ufage de leurs armes, & prennent enfuite de la férocité dans l'habitude des com- bats ; comme ce neft qu'en détruifant les autres qu'ils peuvent fatisfaire à leurs befoins , & qu'ils ne peuvent les dé- truire qu'en leur farfant continuellement la guerre, 1ls portent une ame de colère qui tuflue fur toutes leurs actions, dé- truit tous les fentimens doux, & affoïblit même la tendrefie maternelle : trop preflé de fon propre beloin, l'otfeau de proie n'entend qu'impatiemment & fans pitié les cris de fes petits, d'autant plus affa- més qu'ils deviennent plus grands ; fi la chafle fe trouve difhcile , & que la proie vienne à manquer, 1l les expulfe, les frappe, & quelquefois les tue dans un accès de fureur caufée par la misère, Un autre effet de cette dureté natu- relle & acquife eft l'mfocrabilité : les oïfeaux de proie, aïnfi que les quadru- pèdes carnafliers, ne fe réunifient jamais les uns avec les autres , 1ls mènent, comme les voleurs , une vie errante & folitaire ; le befoin de amour, appa- remment le plus puiflant de tous, après des Oifeaux de proie. 95 telut de la néceflité de fubfüfter, réu- nit le mâle & la femelle ; & comme tous deux font en état de fe pourvoir, & qu'ils peuvent mème s'aider à la guerre qu'ils font aux autres animaux, ïls ne fe quittent guère, & ne fe féparent pas, même après la farlon des amours. On trouve prefque toujours une paire de ces oïfeaux dans le même lieu ; mais prelque ) jamais on ne les voit s'attrouper ni même fe réunir en famille, & ceux qui comme les aigles, {ont les plus grands, & ont, par cette raïlon, beloin de plus de fubfiftance » ne boufrent pas même que leurs petits, devenus leurs rivaux, viennent occuper les lieux vorfns de ceux u'ils habitent ; tandis que tous les oi- Pas & tous les quadrupèdes, qui n’ont befoin pour fe nourrir que des fruits de la terre, vivent en famille , cherchent la focrété de leurs femblables , & fe mettent en bandes & en troupes nombreufes, & n'ont d'autre querelle, d'autre caufe de guerre, que celles de l'amour ou de l'attachement pour leurs petits; car, dans prefque tous les animaux, même les plus doux, les mâles deviennent furieux dans 96 Hifloire Naturelle le rut, & Îles femelles prennent de Ja flrocité pour la défenfe de leurs pe- tits. | Avant d'entrer dans Îles Ets hifto- riques qui ont rapport à chaque efpèce d'otfeaux de proie, nous ne pouvons nous difpenfer de faire quelques remar- ques fur les méthodes qu'on a employées pour reconnoitre ces efpèces , & les diftinguer Îes unes des autres : les cou- leurs , leurs diftribution , leurs nuances , les taches, les bandes , es rates, Îes lignes , fervent de fondement dans ces méthodes à Îa diftinétion des efpèces ; & un Méthodifte ne croit avoir fait une bonne delcription que quand il a, d'a- près un plan donné & toujours uni- forme, fait l’énumération de toutes les couleurs du plumage & de toutes les taches, bandes ou autres variétés qui s'y trouvent ; lorfque ces variétés font grandes ou feulement aflez fnfbles pour être arfément remarquées, 1l en conclut, fans héfiter, que ce font des mdices cer- tains de fa difiérence des efpèces ; & en conféquence, on conftitue autant d'efpèces des Oifeaux de prôie. 97 d'efpèces d’oifeaux , qu'on remarque. de différence dans les couleurs : cependant rien n'eft plus fautif & plus incertain; nous pourrions fatre d'avance une longue énumération des doubles & triples em- plois d'elpèces faites par nos Nomencla- teurs, d'après cette méthode de la diffé- rence des couleurs. Mais 1 nous fufüra de faire fentir ici les raïfons fur lefquelles nous fondons cette critique , & de remon- ter en même temps à la fource qui pro- duit ces erreurs. Tous les oïfeaux en skobral Pic dans la première année de leur âge, & les couleurs de leur plumage ont pref- que toujours, après cette première MUuE , très-différentes de 108 Hifloire Naturelle Vaigle royal ou le roi des oifeaux ; c'eft en effet l'aigle d’efpèce franche & de race noble , appelé par cette raïfon: A'eros yrioros par Âriftote /b),& connu de nos Noimenclateurs fous le nom d'aigle doré (c) ; c'eft le plus grand de tous les aigles , la femelle a jufquà trois pieds & demi de longueur ‘depuis le bout du bec jufqu'à l'extrémité des pieds, & plus de huit pieds & demr de vol ou d'envergure; elle pèfe ferze {d) & même dix-huit livres (e) , le mâle eft plus petit (6) Sextum genus (aquilæ) gnefium , id eff , verum germanumque appellant. Unum hoc , ex omnt arium genere , effe vert incorruptique ortàs creditur. Cetera enim genera © aquilarum & accipitrum , & rinutarum etian apium promifcua. adulterinaque invicem procreant. Maxima aqguilarum omnium hec ef? , major etiam quam offifraga. Sed cæteras aquilas vel fefqui altera portione excedit. Colore efl rufa., confpeë&u rara. Aritot. Hif£. anëm.ib IX, cap. XXXII. (ce, Voyez la planche À de Ta Zoologie Britan- nique. L’aigle doré. Briflon, rome I, page 431. (d) Kleïn, Ordo avium, pag 40. (e) Nota: Voicice que m'a écrit un de mes amis (M. Hébert , Receveur généralà Dijon), qui a fait de très bonnes obfervations fur les oïfeaux .. qu’im’aeommuniquées , & que j’aurai quelquefois @ccalion de citer avec reconnoiflance, J’ai vu ,-dit ik du grand Aigle, 109 & ne pèle guère que douze livres. Tous deux ont le bec très-fort & aflez fem- blable à de la corne bleuître ; les ongles noirs & pointus dont le plus grand , qui eft celui de derrière , a quelquefois juf- qu'à cinq pouces de longueur ; les yeux font grands , maïs paroïfent enfoncés dans une cavité profonde que la partie fupérieure de l'orbite couvre comme un toit avancé ; l'iris de l'œil eft d’un beau jaune clair, & brille d’un feu très-vif, l'humeur vitrée eft de couleur de topaze; dans le pays de Bugey , de deux efpèces d’aigles: le premier fut pris au château de Dorlau , dans un filet à P’appât d’un pigeon vivant : il pefoit dix- buit fivres , il étoit de couleur fauve ( c’eftle grand aigle , le même qui eft repréfenté dans la Zoologie Britannique, planche À) ; il étoit très-fort & très- méchant , & bleffa cruellement au fein une femme qui avoit foin de la faifanderie: l’autre étoit prefque noir. J’ai encore vu l’une & l’autre efpèce de ces: aigles à Genève , où on les nourrifloit dans des cages féparées ; ils ont tous deux les jambes cou- vertes de plumes jufqu’à la naiïffance des doigts, & les plumes de leurs cuifles font ft longues &. ft touffues qu’on croiroit, en voyant cesoifeaux d’un: peu loin, qu’ils font pofés fur quelque petite émi- nence. On croit qu’ils font de pañlage en Bugey; ear on ne les y voitouère qu’au printemps &.enm automne, ; t10 Hifloire Naturelle le cryftallin qui eft fec & fokide ; a le brillant & l'éclat du diamant , lœfophage fe dilate en une large poche qui peut contenir une pinte de liqueur ; leftomac qui eft au-deflous n'eft pas , à beaucoup près , aufli grand que cette première poche; mais 1l eft à peu-pres également fouple & membraneux. Cet oïfeau eft gras , fur-tout en hiver, fa graïfle eft blanche , & fa chair , quoique dure & fibreufe , ne fent pas le fauvage comme celle des autres oïfeaux de proie ff). On trouve cette efpèce en Grèce (g), en France dans les montagnes du Bugey, en Allemagne dans Îes montagnes de Stièfie (A), dans les forêts de Dantzick (i) & dans les monts Carpatiens /4), dans les Pyrénées (2) & dans les montagnes d'Irlande (m). On le trouve aufli dans {f) Schwenckfeld , Au. fil pag. 216. (g) Ariftot. Hifl. anim. Lib. 1X , cap. XXX11. (h) Schwenckfeld, Avi. fil. pag. 214. (i) Klein, Ordo arium, pag. 40. (k) Rzaczynsky , Auët. Hifi. nat. Pol. pag. 360 & 361. (D Barrère , Ornithol. Claff. III, oem IV , fp.1, (im) Britifh Zoology , pag. 61. | du grand Aigle. 117 lAfñe mineure & en Perf, car les an- ciens Perfes avoïent , avant les Romains, pris l'aigle pour leur enfeigne de guerre ; & c'étoit ce grand aigle , cet aigle doré , aquila fulva qui étoit dédie à] upiter (7. On voit auïli par le témoignage des Voyageurs qu'on le trouve en Arabie {0}, en Mauritanie & dans pluñeurs autres provinces de l'Afrique & de lAlie juf- ques en Tartarie, maïs pot en Sibérie nt dans le refte du nord de FAfie. Il en eft à peu- près de même en Europe , car cette efpèce, qui eft par-tout aflez rare , l'efl moins dans nos contrées m£- ridionales que dans les provinces tem- pérées, & on ne la trouve plus dans celles de notre nord au-delà du 55.7 (n) Fulvam aquilam Jovis nuntiam. Cicero. de * Lepibus , Hb. IE— Grata Jovis fulve roflra videbis apis. Ovid. Ub. V. — Fulyufque tonantis armiger. Claudian. (0) Majores (aquilæ ) Arabico nomine Nefir vo- _ cantur. Aquilas docent Afri vulpibus & lupis infidiari quibufcum prelium ineunt >; verum edoëte aquile unguibus dorfum € caput roftro comprehenduntut dentibus mor dert nequeant. Caeterum fé animal dorfum volvat aquila nor defifit donec vel interimat vel oculos ill: efodiat Léon Air, partie II , page 767. t12 Hifloire Naturelle degré de latitude : aufli ne l'a-t-on pas retrouvé dans l'Amérique feptentrionale, quoïqu'on y trouve l'aigle commun. Le grand aïgle paroït donc être demeuré dans les pays tempérés & chauds de l'ancien continent comme tous les autres animaux auxquels Îe grand froïd eft con- traire, & qui, par cette raon,nont pu pañler dans le nouveau. L'aigle a plufñeurs convenances phy- fiques & morales avec le lion; la force, & par conféquent l'empire fur les autres olfeaux comme le lion fur les quadru- pèdes ; la magnanimité , ils dédaïgnent également les petits animaux & mépri- fent leurs infultes ; ce n'eft qu'après avoir été long-temps provoqué par les cris importuns de la corneille ou de la pie, que laïgle fe détermine à les punir de mort; daïlleurs 1l ne veut d'autre bien que celui qu'il conquiert , d'autre proie que celle qu'i prend lui-même ; la tem- pérance, il ne mange prefque jamais {on gibier en entier , & il laïfle comme le ion les débris & les reftes aux autres animaux. Quelqu'affamé qu'il foit , il ne fe jette jamais fur les cadayres. Il eft du grand Aigle, 113 encore folitatre comme le lion , habitant d'un défert dont il défend flentrée & Tufage de la chafle à tous les autres oïfeaux : car ïl eft peut-être plus rare de voir deux paires d’aigles dans la même portion de montagne , que deux familles de lions dans la même partie de forêt ; ils fe tiennent aflez loin les uns des autres pour que lefpaæ qu'ils fe font départt leur fournifle une ample fub- fiftance : ils ne comptent la valeur & l'étendue de leur royaume que par le produit de Îa chafle. L'aigle a de plus les yeux étincelans & à peu-près de Îa même couleur (p) que ceux du fon, les ongles de la même forme , fhaleme tout aufli forte , le cri également ef- frayant /g). Nés tous deux pour Île combat & la proie, ils font également Enr Gps he ee morpho A EC p) Oculi charopi. Charopus color qui dilutam habet viriditatem ïienco quodam fplendore intermicantem ; qualem in leonum oculis confpicimus. Calepin. Di&ion. (g) Nota. Nous avons comparé l'aigle au lion, & le vautour au tigre ; or, Fon fait que le ion afa tête & le cou couverts d’une belle crinière, & que le tigre les a , pour aïnfi dire, nus en comparaifon du lion ; il en eit de même du vautour; ïl a la tête & le cou dénués de plumes, tandis que lai- ole les a bien garnis & couverts de plumes. 114 Hifoire Naturelle ” ennemis de toute fociété , également fé- roces , également fiers & difhciles a ré- duire ; on ne peut les apprivoifer qu'en es prenant tout petits. Ce n’eft qu'avec beaucoup de patience & d'art qu'on peut drefler à la chafle un jeune aigle de cette efpèce ; 1l devient même dan- gereux pour fon maître dès qu'il a pris de la force & de l'âge. Nous voyons par le témoignage des Auteurs , qu'ancien- nement on s'en fervoit en Orient pour 11 chafle du vol , mais aujourd’hur on l'a banni de nos fauconnertes ; il eft trop lourd pour pouvoir , fans grande fatigue, le porter fur le poing ; jamais aflez privé, afiez doux , aflez für pour ne pas faire craindre fes caprices ou fes momens de colère à fon maître ; 1l a le bec & les ongles crochus & formidables ; fa figure répond à fon naturel : indépendamment de fes armes ,1l a le corps robufte & compaëte , les jambes & les aïles très- fortes , les os fermes ; la chaïr dure, les plumes rudes (r), l'attitude fière & droite, lcs mouvemens brufqués & le vol très- (1) On prétend que Îles plumes de l'aigle font fi rudes. que quand on les mêle avec des plumes . d’autres oïifeaux, elles les ufent parle frottement, du grand Aigle. trs rapide. C'eft de tous les oïfeaux celui qui s'élève le plus haut, & c'eft par cette raïfon que Îles Anciens ont appelé l'aigle, Tos/eau célefle, & qu'ils le regar- doïent dans les augures comme le mef- fager de Jupiter. I1 voit par excellence, mais 1| na que peu d'odorat en com- paraïfon du vautour, 1l ne chafle donc qu'à vue ; & lorfqu'il a faiñi fa proie, xl rabat fon vol comme pour en éprouver le poids, & 1a pole à terre avant de l'emporter. Quoiqu'il ait l'aile très-forte, comme il a peu de fouplefle dans les jambes, 1l a quelque peine à s'élever de terre , fur-tout lorfqu'il eft chargé; il emporte aïfément les otes, les grues; il enlève auffi les liévres & même les petits agneaux, les chevreaux ; & lorfqu'il at- taque les faons & les veaux, c’eft pour {e raflañer fur le lieu de leur fang & de leur chair, & en emporter enfuite les lambeaux dans fon aire ; c'eft ainf qu'on appelle fon nid, qui eft en effet tout plat & non pas creux comme celui de la plupart des autres oïfeaux ; 1l le place ordinairement entre deux rochers dans un leu fec & inacceflible. On 116 Hifloire Naturelle aflure que le même nid fert à Faigle pendant toute fa vie ; c’eft réellement un ouvrage aflez confidérable pour n'être fait qu'une fois, & aflez {olide pour durer long-temps ; 1l eft conftruit à-peu- près comme un plancher avec des petites perches ou bâtons de cinq ou fix pieds de longueur , appuyés par les deux bouts & traverfés par des branches fouples recouvertes de plufeurs lits de jones & de bruyères ; ce plancher ou ce nid eft lirge de plufñeurs preds & aflez ferme, non-feulement pour foutenir laigle, fa femelle & fes petits, mais pour fupporter encore le poids d’une grande quantité de vivres:1l n'eft point couvert par le haut, & neft abrité que par lavance- ment des parties fupérieures du rocher. La femelle dépole {es œufs dans le milieu de cette aire, elle nen pond que deux ou trois qu'elle couve, dit-on, pendant trente jours ; maïs, dans ces œufs, ïl s'en trouve fouvent d’inféconds, & 1ïl eft rare de trouver trois aiglons dans un nid / [), (f) Un ami m'a affuré avoir trouvé en Au- vergne un nid d’aigle, fufpendu entre deux rochers, du grand Aigle. 117 brdinatrement il n’y en a qu'un ou deux. On prétendmême que des qu'ils deviennent un peu grands, la mère tue le plus forble ou le plus vorace de fes petits ; la difette feule peut produire ce featiment dénaturé, les père & mère n'ayant pas aflez pour eux-mêmes cherchent à réduire leur fa- mille , & dès que les petits commencent à être aflez forts pour voler & fe pourvoir d'eux-mêmes, ls les chaffent au loin fans leur permettre de jamais revenir. Les aïglons n'ont pas les couleurs du plumage aufli fortes que quand ils font adultes ; ils {ont d'abord blancs, enfuite d'un jaune pâle, & deviennent enfin où il y avoit trois aïglons déjà forts. Ornith. de Sa- lerne, page 4. INota. M. Salerne ne rapporte ce fait que pour appuyer l’opinion qu’il a adoptée de M. Linnæus, que cet aigle produit quatre œufs; mais je ne trouve pas que M. Linnæus ait affirmé ce fait particulièrement, & ce n’eft qu’en général qu’il a dit que les oïfeaux de proie produifoient environ quatre œufs. Accipitres , nidus in altis, oya circiter quatuor. Linn. Syft. nät. édit. X, tome I, page 81. Il eft donc très-probable que cet aigle d'Auvergne, qui avoit produit trois aiglons, n’étoit pas de lefpèce du grand aïgle, mais de celle du petit aigle ou du balbuzard, dont la ponte eff en effet de trois ou quatre œufs, x18 Hifloire Naturelle d'un fauve aflez vif. La vieïllefle, ainf que les trop grandes diettes, les maladies & la trop longue captivité Iles font blanchir. On aflure qu'ils vivent plus d'un fiècle, & Ton prétend que c'eft moins encore de vieïllefle qu'ils meurent, que de limpoflibilité de prendre de la nourriture ; leur bec fe recourbant fi © fort avec l’âge, qu'il leur dévient inu- tile : cependant on a vu des aigles gardés dans les ménageries qu'ils aïguifent leur bec, & que laccroiffement n'en étoit pas fenfble pendant plufeurs années. On a aufli oblervé qu'on pouvoit les nourrir avec toute forte de chaïr, même avec celle des autres aïgles, & que, faute de chair, 1ls mangent très-bien du paiñ, des ferpens, des lézards, &c. Loriqu'ils ne font point apprivoifés, ils mordent cruellement les chats , les chiens , des hommes qui veulent les approcher. Ils jettent de temps en temps un cri aïgu, fonore, perçant & lamentable, &.d'un fon foutenu. L'aigle boit très-rarement & peut-être point du tout lorfqu'il eft en liberté, parce que le fang de {es victimes fufht à {a foif. Ses excrémens #4, T1E 2, ZE, LL, y 4 WI) UN D 7, W y # } NO WA f 1144 A Tr Du 4 4 L y 04 1} j D # 1 4, h {} W 4, WW, W, ; 4h, 4 A Y #4 j # Li? 1 V LU ! "A # M ÿf/ 4 LU # SNS NE NOR S Sn A ANT LS à NS SRSNENN LE, LLYILCS \A à N SAS W ALL LILIILIL LLIATS L111L (SAAIAS, N NS ND LE GRAND AIGLE. à, du grand Aigle. x19 font toujours mous & plus humides que ceux des autres oïfeaux, même de ceux qui boivent fréquemment. | _ C'eft à cette grande efpèce qu’on doit rapporter le .paflage de Léon l’Africain, que nous avons cité, & tous les autres témoïgnages des Voyageurs en Afrique _ &en Afe, quis'accordent à dire que cet oïfeau enlève nonfeulement les agneaux, les chevreaux, les jeunes gazelles, mais qu'il attaque aufli, lorfqu'il eft dreffé, les renards & les loups (+). | a El (1) L'Empereur (du Thibet}) a plufieurs aigles privées, qui font fi âpres & fi ardentes, qu’elles arrêtent & prennent les lèvres, chevreuils, daims & renards ; même il y ena d’aucunes de fi grande hardiefle & témérité, qu’elles ofent bien affultir & fe ruer impétueufement fur le loup , auquel elles font tant de vexation & de moleftation > qu'il peut être pris plus facilement. Marc Paul, Zy, 11, page 56. 120 Hifloire Naturelle F L'AIR COMMUN (a). L'ssricre de l'agle commun eft moins pure, & la race en paroït moins noble que celle du grand aïgle ; elle eft compolfée de deux variétés, l'aigle brun (à) # Voyez Les planches enluminées, n.° 409. (a) En Grec, A’eroçs, MenaraeTos ; en Efpas. gnol, Aquila conecida ; en Allemand, Adler, Aru, Aar ; en Suède, On; en Anglois, Eagle. (b) Voyez la planche enluminée de M. Ed- wards , tome I , planche 1. — L’aigle. Briflon, Ornith. tom. I, p. 419. — Aquila fulva feu chryfœtos caudà annulo albo cin&ä. Ray, Synopf. avi. pag. 6, n.° 2.— Chryfœtos caudà annulo albo cin&à. Wi- Zughby , Oruithol. pag. 28. Nota. Ces deux Auteurs Anglois ont donné mal-à-propos lPépithète de fulva ou de chryfætos à cet aigle qui eft brun-noirûtre, & non pas jaune ou doré. — Aigle à queue blanche. Voyage de la baie de Hudfon , tome I, page 45. — Aïgle à la queue blanche. Edwards , tome I, page 1. Nota. Ces deux Auteurs n’auroient pas dû indiquer cet aigle par le caractère de [a gueue blanche, _ | de l’ Aigle commun. x21 & l'aigle noir { c): Ariftote ne les a pas diftinguées nommément, & 1l paroît les avoir réunies fous le nom de Msaavaeros , aigle noir ou noïrâtre (d), & 1l a eu raïon de féparer cette efpèce de Ia précédente , parce qu'elle en difière ; 1.° par la grandeur , l'aigle commun, noï ou brun, étant toujours plus petit que le grand aigle ; 2.° par les couleurs qui font conftantes dans le grand aigle, parce que cela fait confufion avec le Pygargue, qui eft le véritable aigle à queue blanche, ayant en effet la queue entièrement blanche, au lieu que Paigle dont il s’agit ici ne Pa blanche qu’en partie, — Aïole. Mémoires pour fervir à l’Hifloire des ani- maux , tome 111, page 89. (c) Voyez Ia planche enluminée de Frifch, numéro zx1x. — L’aïigle noir. Briflon, tome I, page 434. — Voyez auffi la defcription de cet oïifeau dans Schwenckfeld , page 218. — Aigle noir. Belon, Hifloire des oifeaux , page 92. (d) Tertium genus (aquilæ) colore nigricans unde omen accepit, ut pulla & fulyia vocetur. Magnitudine minima (minor ) fed viribus omnium preflantiffima Cpræftantior) colit montes ac filvas & leporaria cognominatur. Una hec fœtus fuos alit atque educit : pernix, concinna ; polita , apta , intrepida , firenua, liberalis, non invida efl ; modella etiam nec petulans, quippè que non clangat neque lippiat aut murmuret. Arifiot. Hif. anim. Bb. IX, cap. XXX11. Oifeaux , Tome I, 122 Hifloire Naturelle & varient comme lon voit dans Faigle commun 3; 3. par la voix, le grand aigle pouflant fréquemment un cri Îa- mentable , au lieu que l'atsle commun, noir ou brun, ne crie que rarement; 4.” enfin par les habitudes naturelles, F'aigle commun nourrit tous fes petits dans fon nid, les élève & les conduit enfuite dans leur jeunefle ; au lieu que le grand aigle les chafie hors du nid, & les abandonne à eux-mêmes dès qu “ls font en état de voler. I me paroït qu'il eft arfe de prouver que l'aigle brun & l'aigle noir, que je réunis tous deux fous une même efpece, ne forment pas en eflet deux efpeces différentes ; 1l fufñt pour cela de les comparer enfemble, même par les ca- ractères donnés par nos Nomenclateurs ! dans la vue de les léparer ; ils font tous « deux à-peu- près de la même grandeur ; 4 ils font de la même couleur brune, feu- : lement plus ou moins foncée : tous deux ont peu de roux fur Îes parties fupérieures de la tête ou du cou, & du blanc à « lorigme des grandes plumes; les jambes ! & les pieds également couverts & garnis « de lAigle commun. 123 tous deux ont l'iris des yeux. de couleur de noïfette ; la peau qui couvre la bafe du bec d'un jaune vif, le bec, couleur de corne bleuâtre, les doigts jaunes & les ongles noirs ; en forte qu'ii n'y a de diverfité que dans les teintes & la diftribution de la couleur des plumes, ce qui ne fufht pas à beaucoup près our conftituer deux efpèces diverfes, {ur-tout lorfque 1e nombre des reflem- blances excède aufli évidemment. celui des différences : c'eft donc fans aucun fcrupule que j'ai réduit ces deux efpèces à une feule, que jar appelée l'aigle commun, parce quen effet c’eft de tous les aigles le moins rare. Ariftote, comme je viens de le dire, a fait la même ré- duétion fans l'indiquer ; mais il me paroît que fon traduéteur, Théodore Gaza, l'avoit fentr, car, 1 n'a pas traduit le mot Msaarvaeros pat aguilanigra mais par aquila nigricans , pulla fulvia, ce qui comprend les deux variétés de cette efpèce qui toutes deux font noïrâtres , mais dont une eft mêlée de plus de jaune que l'autre. Arifiote, dont j'admire fouvent t24 Hifloire Naturelle Fexaitude, donne les noms & les fur- noms des choles qu'il indique. Le fur- nom de cette efpèce d'oifeau , dit-il, eft A’erès Auoyœovos , aigle aux lièvres ; & en eflet, quoique Îles autres aigles prennent aufli des lièvres , celui-ci en prend plus qu'aucun autre; c'eft fa chafle habituelle, & la proie qu'il recherche de préférence : les Latins , avant Pline, ont appel cet aigle Valeria, quaft valens viribus ( e ),à caufe de fa force qui paroit être plus grande que celle des autres aigles relativement à leur grandeur. L'efpèce de l'aigle commun eft plus nombreufe & plus répandue que celle du grand aïgle ; celui-cr ne fe trouve que dans les pays chauds & tempérés de Fancien continent : l'aigle commun, au contraire, préfère les pays froids, & fe trouve également dans les deux continens. On le voit en France / f), en Savoie, (e) Melænaetes à-grecis diéèa, eademque Valeria. Plin. Hifi. nat. Ub. X, cap. 111. (f) Dans les montagnes de Bugey, du Dau- phiné & de FAuvergne ; voyez les notes ci-deffus. de lAigle commun. 125$ en Suiñle (g) , en Allemagne (A), en Pologne fi) & en Écofle (4) ; on le retrouve en Amérique à la baie de Hudion (2). san au ee ne ce man 2e à (g) Aquila alpina fasatilis. Gazoph. Rup. Befler. tab. Xv1. | (h) Aquila nigra melenaetes ; aquila pulla, fulvas valeria ; leporaria. ...Colit filvas & montes. ÆHieme apud nos (in Silefiä) maxime apparet. Schwenckfeld. Avi. fil. pag. 218 & 219. — Voyez auffi Kiein, Ordo. avi. pag. 42, | (i) Rzaczynsky , Au®. Hifi nat. Pol. pag 42 (k) Sibbald. Scor. illufir. part. 111, pag. 14. (l)Hyaen ce pays (c’eft-à-dire dansles terres voiïfines de la baie de Hudfon), plufieurs autres oïfeaux très-curieux quant à leurs forme & force: tel eft, entr’autres, l’aigle à queue blanche, quieft à-peu-près de la groffeur d’un coq d’inde ; fa cou- ronne eft aplatie, & il a le cou court, leftomac large, les cuifles fortes, & les ailes fort longues & larges à proportion du corps ; elles font noirâtres fur le derrière, mais plus claires aux côtés : l’ef- tomac eft marqué de blanc, les plumes des ailes font noires ; la queue étant fermée eft blanche en haut & en bas, à Pexception des pointes même des plumes qui font noires ou brunes : les cuifles font couvertes de plumes brunes noirâtres, par lef- quelles on voit en certains endroits un duvet blanc: les jambes font couvertes jufqu’aux pieds d’un duvet brun un peu rougeâtre ; chaque pied a quatre doists gros & forts, dont trois vont en avant & un en Fi 126 Hifloire Naturelle, &c. arrière ; ils font couverts d’écailles jaunes, & garnis d’onglesextrêémement forts & pointus qui font d’un beau noir luifant, Voyage de la baie de Hudfoñ, par Ellis , Pers , 1749 , in-12 , tome I, pages 54 € 55, avec ure bonne figure. Nota. On voit bien clairement, par cette defcription, que cet oïfeau eft J’aigle brun commun & non pas le pygargue, & que par corféquent lAuteur ne devoit pas l’ap- peler aigle: à queue. blanche : au refte, je trouve q ue prefque tousies Naturaliftes Angloïsfonttombés ans cette petite méprife, en prenant pour prin- cipal caractère de cetaigle, la blancheur dela queue. Ray & Willughby Pont appelé aguila fulva chrv- fetos caudâ annullo albo cin&tâ. Ray , Synopf. avt. pag. 6. Wilughby, Ornithol. pag. 28 ; & ils ont été fuivis par les Auteurs de la Zoologie Britan- nique, qui indiquent cet aigle par ce même ca- racière ( Ringtaïl Eagle ), tandis qu’il n’eft ni jaune, {fulvus), ni doré (chryfetos), & que le caractère de la queue blanche appartient au pygargue bien lus légitimement & plus anciennement, & dès _ e temps d’Ariftote. 127 | LE PPETIT AÏGLE (a): La rrorsième esrèce eft l'Atle tacheté, que j'appelle pecir aigle (b) , & dont Ariftote donne une notion exacte en difant (c), que c'eft un oïfeau plaintif dont le plumage eft tacheté, & qui eft (a) En Grec, Taayyos , Kaæyyos ,. Môpovos , en Latin, ÆAquila nævia ; en Allemand , Stein alder, Gaufe aar ; en Anglois, Roughfvoted Eagle. (b) Voyez les planches enluminées de Frifch, planche LXxXI. — L’aiole tacheté. Briflon, tome I, page 426. — Morphno Congener, Aldrovand. Avi. tom. 1 , pag. 214. — Nota. Cet Auteur , & après lui Jonfion, Willughby, Ray & Charleton ont donné à cet oïfeau la dénomination de Morphna Congener ; & me paroît que c’eft mal-à-propos, puifque ce même oïfeau eft le vrai Morphnos des Grecs. | F (c) Alterum genus ( aquilæ ) magnitudine fécundum € viribus; planga aut clanga nomine , faltus & con palles €ÿ lacus incolere folitum ; cognomine anataria & morphna à maculà pennæ quai neviam dixeris : cujus Homerus etiam memint in exitu Priami, Ariftot. Hfe, eHLN, lib, 1X > Cape XXXII è » F iv 128 Hifloire Naturelle plus petit & moïns fort que les autres aigles ; & en eflet, il n’a pas deux pieds & demi de longueur de corps, depuis le bout du bec jufqu'à l'extrémité des pieds , & fes aïles font encore plus courtes à proportion , car elles n'ont guère que quatre pieds d'envergure : on Va appelé aquila planga , aquila clanga, aïgle plaintif, aigle criard; & ces noms ont été bien appliqués , car il poufle continuellement des plaintes ou des cris famentables ; on la furnommé enataria , parce qu'il attaque les canards de préfe- rence ; & morphna , parce que fon plu- mage , qui eft d'un brun obfcur, eft marqueté fur les jambes & fous les aïles de pluñeurs taches blanches , & quil a aufli fur la gorge une grande zone blan- châtre : c'eit de tous les aigles celui qui s'apprivoile le plus aïfément (d) ; il eft {d) Ultra tres annos mihi familiaris , hec aquila clanga. Quoties venidm dederam , menfæ in plures horas infidebat mihi à feniftr@, obfervans motum manûs dextræ litteras perarantis : permulcens aliquando fuo capite mi- tram meam ft titillabam fub mento ; tintinnabat clarà voce : familiaris fuit aliis avibus in horto in fpecie lavis , non nifi recenti carni boyinæ affuefa&a. Klein, Ordo, api. pag. 41 & 42. du petit Aigle, 129 plus fotble , moins fier & moins cou- rageux que les autres ; c'eft celui que es Arabes ont appelé zzmiech (e) , pour le diftimguer du grand aïgle qu'ils ap- pelient zumach. La grue eft à plus forte proie , car 1 ne prend ordinairement que des canards, & d'autres moindres ot- feaux & des rats (f). L'efpèce, quoi- que peu nombreufs en chaque lieu, eft répandue par-tout, tant en Europe (g) qu'en Afe (h) , en Afrique où _(e) H y a deux efpèces .d’äigles , Pune eft ab- folument appelée zummach ; Vautre eft nommée zemiech. . ... L’aigle zummach prend le lièvre, Ie renard, Îa gazelle ; l’aigle zemiech prend la grue & oïfeaux plus moindres. Fauconnerie de Guillaume Tardif , Liv. Il, cap, 11. +: (f)-Mares ut gratum cibum devorare folet ; aviculas appellons celle-ci nonnette | parce qu’elle a le plumage de couleur de l’habit d’une carmelite . » avec fon fcapulaire blanc, Leur vue furpañe en clarté celle de l’homme. » Relation de la Nigritie, par Gaby. Paris , 1689. (n) Mémoires pour fervir à l’Hiftoire des ani- maux , partie IT, article de l’Aïgles du Balbuzard. 1$$ Naturaliftes, ne donnent au balbuzard que deux pieds de longueur de corps jufqu’au bout de la queue , & cinq pieds & demi de vol; cette grande différence pourroit faire croire que ce n'eft pas le balbuzard , mais un oïfeau plus grand que M." de l’Académie ont décrit : néanmoins , après avoir comparé leur defcription avec la notre, on ne peut guère en douter : car, de tous les offeaux de ce genre , le balbuzard eft le feul - qui puïlle être mis avec les aïgles ; le feul qui ait le bas des jambes & les pieds bleus , le bec tout noir , les jambes longues & les pieds petits à proportion du corps : je penfe donc , avec M." de l'Académie , que leur oïfeau eft le vrai haliætus d'Ariftote , c'eft - à - dire, notre balbuzard , & que c'étoit une des plus grandes femelles de cette efpèce qu'ils ont décrite &-difléquée. _ Les parties intérieures du balbuzard, different peu de celles des aigles, M.° de l'Académie n’ont remarqué de diffé- rences confidérables que dans le foie , qui eft bien plus petit dans le baïbuzard; dans les deux cœcum de la femelle qui G yj 4 156 Hifloire Naturelle ; &C. font aufli moins grands ; dans la poftion de la rate qui eft immédiatement adhé- rente au coté droit de leflomac dans l'aigle ; au lieu que, dans le balbuzard , elle étoit fituée fous le lobe droit du foie; dans Îa grandeur des reins, le bal- buzard les ayant à-peu-près comme les . autres oïfeaux , qui les ont ordinaire- ment fort grands à proportion des autres animaux , & l'aigle les ayant au con- traire plus petits. nn L; * PL, ZZ, pag 266 NS RSS N SSI SNS | \\ \ N NS N NN Ke SR (aqua ui K NS Ÿ RAA IIS > LE BALBUSARD. 157 L'ORFRAIE («e). Voyez planche 111 de ce volume. L'orrrAtr* Offifraga , a été appelé par nos Nomenclateurs le grand Aigle de mer (b). Il eft en effet à-peu-près aufli grand que le grand aigle ; 1l paroït même quil a le corps plus long à proportion ; mais ïl a les aïles plus courtes ; car l'orfrate a jufqu'à trois preds (a) En Grec , Dévne ; en Latin ; Ofifraga ; en Italien , Aquilaffro anguifla barbata ; en Allemand , Groffer hafen ahr ; en Silélie , Skaf? ; en Polonois , Orzel-Lomignat ; en Anglois , Ofprey; en vieux François, Orfraye , Offraie, Preneau , Bris-os Of- frague ; Orfraie. Les Anciens lui ont donné fe nom d’offifrague , parce qu’ils avoient remarqué que cet ofeau caffoit avec fon bec les os des ani- maux dont il fait fa proie. 2 # Ca Voyez les planches enluminées , n.°%S 112 € 415, (b) Le grand aïgle de mer. Briffon , rome 1, poge 437. — Orfraie ou offifrague. De/cription du cap de Bonne-efpérance , par Kolbe , iome III, page 140. 158 Hifhoire Naturelle & demi de longueur , depuis le bout du bec à l'extrémité des ongles, & en même temps il n'a guère que fept pieds de vol ou d'envergure ; tandis que Île grand aïgle , qui n’a communément que trois pieds deux ou trois pouces de longueur de corps, a huit & jufqu'à neuf pieds de vol. Cet oïfeau eft d'abord très-remarquable par fa grandeur, & il eft reconnoïflable , 1.°-par la couleur & la figure de fes ongles, qui font d'un noir brillant & forment un demi-cercle entier ; 2.° par les jambes qui font nues à la partie inférieure , & dont la peau eft couverte de petites écailles d'un jaune vif; 3.° par une barbe de plumes qui pend fous le menton: ce qui lui a fait donner le nom d’aigle barbu. L'orfrate fe tient volontiers près des bords de la mer , & aflez fouvent dans le milieu des terres à portée des lacs , des étangs & des rivières poiflonneufes ; 11 n'enlève que le plus gros poiflon , mais cela n'empêche pas qu'il ne prenne du gibier; & , comme il eft très-grand 6 tres-fort , il ravit & emporte arfément les oies & les lièyres ; & mème les agneaux & les de l’Orfraie. 19 chevreaux. Ariftote aflure que non- feulement lorfraie femelle foigne fes petits avec la plus grande affe&ion , mais que mème elle en prend pour les petits aïglons qui ont été chaffés par leurs père & mère, & qu'elle les nourrit comme gils lui appartenotent : je ne trouve pas que ce fait qui eft aflez fin- gulier , & qui a été répété par tous les Naturaliftes , ait été vérifié par aucun, & ce qui m'en feroit douter , c'eft que cet oïfeau ne pond que deux œufs, & nélève ordinairement qu'un petit ; & que, par conféquent , on doit préfumer qu'il fe trouveroit très-embarraflé , s'il avoit à foigner & nourrir une nombreute famille : cependant 11 n'y a guère de faits dans l'hrfioire des animaux d’Ariftote qui ne foient vrais, ou du moins qui n'aient un fondement de vérité ; j'en at vérifié moi-même plufeurs , qui me pa- rorflotent aufli fufpeéts que celui-cr, & ceft ce qui me porte à recommander à ceux qui fe trouveront à portée d’ob- ferver cet offeau , de ticher de s’aflurer du vrai ou du faux de ce fait. La preuve, fans aller chercher plus loin , qu'Ariftote 160 Hifioire Naturelle voyoit bien & difoit vrai prefqu’en tout , c'eft un autre fait qui d'abord M paroïit encore plus extraordinaire , & qui demandoit également à étre TE ‘M L'orfraie , dit-il , a la vue foible, les M yeux Iéfés & oblcurcis, par une elpèce # de nuage ( c ) : en conféquence , ïl paroït que c'eft là principale raïfon qui a dé- terminé Ariftote à féparer lorfraie des aigles , & à le mettre avec la chouette & les autres oïfeaux, qui ne voient pas pendant le jour : à juger de ce fait par les réfultats , on le croïroit non-feuie- ment fufpeét, mais faux ; car tous ceux qui ont obfervé les alures de l’orfrare, ont bien remarqué qu'il voyoit aflez pendant la nuit pour prendre du gibier & même du poifion , mais ïls ne fe font pas apperçus qu il eût la vue forble, ni qu'il vit mal pendant le jour : au contraire , 1 vife d’aflez lom le porflon fur lequel il veut fondre : il pourfuit vivement les oïféaux dont il veut faire fa proie ,) & quoiqu 1l vole moins vite 4 6e) Potux offi fraga oculis salé: ; nubecul& enim oculos habet lefos. Arifiot, Hifl. anim. Mib. IX , Cap. XXXIV. de P Orfraie. 161 que les aigles , ceft plutot parce qu'il a les arles plus courtes que les yeux plus foibles : cependant le refpeét qu'on doit à l'autorité du grand Philofophe, que je viens de citer , a engagé le célebre Aldrovande , à examiner fcrupuleufe- ment les yeux de l'orfraie ; & 1l a re- connu que l'ouverture de la pupille/ d ), qui d'ordimaire n'eft recouverte que par 1 cornée , l'étoit encore dans cet otfeau par une membrane extrêmement mince, & qui forme en effet l'apparence d'une petite taie fur le milieu de l'ouverture de la pupille ; 1l a de plus obfervé, que l'inconvénient de cette conformation pa- roît être compenfé par la tranfparence (d) Sed in oculo dignum obfervatione ef} quod veæ quæ homint in pupillà perforatur tenuifimam quandam membranulam pupille pretenfam habeat : atqui hoc efl quod philofophus dicere voluit.... fubtiliffimam illam membranam , nubeculam vocans. Iflec tamen ne prorfus vifionem præpediret , quod retro & ab lateribus nigro ut homint,, colore imbuta & fubflanti® paulo crafior fit; itaque partem que iridis ambitu clauditur, fubti- lifimam omnifque coloris expertem € exaëte pellucidam natura fabricata ef? ; hoc ipfum vifus detrimentum non mihil refarcire pote? fuperciliorum ant fuperne orbite oculorum partis prominentia quæ feu 1eflum ocules fupernè operit. Aldrov. Avi. tom, L , pag. 226 162 Hifloire Naturelle parfaite de Îa partie circulaire qui envi= ronne la pupille ; laquelle partie dans les autres oïfeaux, eft opaque & de couleur obfcure. Ainf , l'obfervation d’Ariftote eft bonne , en ce qu'il a très-bien remar- que que lorfraie avoit les yeux cou- verts d'un petit nuage ; maïs ïl ne s'enfuit pas néceflarrement qu'elle voie beaucoup moins que Îes autres , puifque la lumière peut pafler aïfément & abon- damment par le petit cercle ; parfaite- ment tranfparent , qui environne la pu- pille. II doit feulement réfulter de cette conformation , que cet oïfeau porte fur le milieu de tous les objets qu'il regarde, une tache ou un petit nuage obfcur, & qu'il voit mieux de côté que de face: cependant , comme je viens de le dire, on ne s'apperçoit pas par le réfultat de fes actions qu'il vote plus mal que les autres oïfeaux ; ïl eft vrai qu'il ne s’é- lève pas à beaucoup près à la hauteur de Faigle , quil na pas non plus le vol auili rapide ; qu'il ne vife nt ne pourfuit fa proie d’auffi loin : ainf, il eft probable qu'il n'a pas la vue aufli nette , ni aufli\ perçante que les aïgles ; … amer Satan ge + re x de l'Orfraie. 163 mais ileft für en même temps quil ne la pas comme les chouettes, offufquée pendant le jour , puifqu'il cherche & .ravit fa proie aufli-bien le jour que la nuit {e), & principalement Île matin & le foir ; d’ailleurs , en comparant cette conformation de l'œil de l'orfraie, avec celle des yeux de la chouette, où des autres oïfeaux de nuit, on verra qu'elle _n'eft pas la même, & que les réfultats doivent en être difiérens. Ces oïfeaux ne voient mal ou point du tout pendant le jour, que parce que leurs yeux font trop fenfbles , & qu'il ne leur faut qu'une très-petite quantité de lumiere pour bien voir : leur pupille. eft par- faitement ouverte, & n'a pas la meme brane ou petite taie qui fe trouve dans l'œil de lorfaie. La pupille dans tous les otfeaux de nuit, dans les chats & quelques autres quadrupèdes qui voient (e) J’ai été informé, par des témoins oculaires , que lorfraie prend du poiffon pendant la nuit, & qu’alors on entend de fort loin Île bruit qu ele fait en s’abaïffant fur les eaux. M. Salerne dit auf que quand lorfraie s’abat fur un étang pour faifir fa proie, elle fait un bruit qui paroît ternible fur-tout la nuit. Ornithol. pag, 6. 164 Hifloire Naturelle dans l'obfurité , eft ronde & d’un grand diamètre , lorfqu’elle ne reçoit l'impref- fion que d'une lumière foible comme celle du crépufcule ; elle devient au con- tratre perpendiculairement longue dans les chats, & refte ronde en fe rétréciflant concentriquement dans les oïfeaux de nuit, dès que l'œil eft frappé d'une forte lumière; cette contraétion prouve évidemment que ces animaux ne voient mal que parce qu'ils voient trop bien, puilqu'i ne leur faut qu'une très-petite quantité de lumière ; au lieu que les autres ont befoin de tout l'éclat du jour, & voient d'autant mieux qu'il y a plus de lumière : à plus forte raïon l'orfraie avec fa taie fur la pupille, auroit befoin de plus de lumière qu'aucun autre, s'il n'y avoit pas de compenfation à ce défaut ; maïs ce qui excufe entièrement ÂAriftote, d’avoir placé cet oïfeau avec les oïfeaux de nuit ; c'eft qu'en efket 1 pêche & chafle la nuit comme le jour; il voit plus mal que laigle à la grande lumière, 1l voit peut-être aufli plus mal que la chouette dans l’obfcurité ; mais il tire plus de parti, plus de produit TE" TI Li de l’Orfraie. 165$ que lun ou l'autre de cette conformation fingulière de fes yeux, qui n'appartient qu'à lui, & qui eft auffi difiérente de celle des yeux des oïfeaux de nuit, que des oïfeaux de jour. | Autant j'ai trouvé de vérité dans Ia plupart des faits rapportés par Ariftote, dans fon hiltorre des animaux ,' autant il ma paru d'erreurs de fait dans {on Traité de Mirabilibus ; fouvent même on y trouve énoncés des faits abfolu- | ment contraires à ceux qu'il rapporte dans fes autres ouvrages ; en forte que je fuis porté à croire que ce Traité de Mirabilibus , n'eft point de ce Philo- fophe , & quon ne le lui auroit pas. attribué, fi l'on fe füt donné la peine d'en comparer les opinions, & fur-tout les faits avec ceux de fon hiftoire des animaux. Pline, dont le fond de lou- vrage fur. lhiftorre Naturelle , eft en : entier tiré d'Ariftote, n’a donné tant de faits, équivoques ou faux , que parce qu'il les à indifféremment puilés dans. _ les différens Traités attribués à Ariftote, _ & qu'il a réuni les opinions des Auteurs fubféquens, la plupart fondées fur des 166 Hifloire Naturelle préjugés populaires : nous pouvons em donner un exemple fans fortir du fujet que nous traitons. L'on voit qu’'Arif- tote défigne & fpécifie parfaitement lef- pèce de l'halietus ou balbuzard ; dans fon hiftorre des animaux , puifqu'il en fait la cinquième efpèce de fes aigles, à laquelle 1l donne des caractères très- diftinctifs ; & l'on trouve en même temps dans le Traité de Mirabilibus, que l'ha- liatus n'eft d'aucune efpèce, ou plutôt ne fait pas une efpèce ; & Pline, am- plifiant cette opinion, dit non-feulement que les balbuzards (haliati) n'ont point d'efpèce, & qu'ils proviennent de mé- langes des aïgles de différentes efpèces; mails encore que ce qui nait des bal- buzards, ne font point de petits bal- buzards, maïs des orfraites, defquels or- fraies naïflent , dit-il, de petits vautours, defquels , ajoute-t-l encore , produifent des grands vautours qui n’ont plus la faculté d'engendrer ( f ). Que de faits (f) Haliati fuum genus non habent , fed ex diverfé aquilarum coïtu nafcuntur : id quidem , quod ex iis natum ef, in offifragis genus habet, à quibus vultures progene- rantur minores, € ex is magni qui OMHINÔ non gelieranite Plin. Hif. nac, Gb, X, cap. 111, de l’Orfraie, 167 incroyables font compris dans ce paf- fage ! que de chofes ablurdes & contre toute analogie ! car en étendant autant qu'il eft permis ou poflible, les limites des vartations de Îa Nature, & en don- nant, à ce paflage l'explication la moins défavorable , fuppofons , pour un inf tant, que les balbuzards ne forent en efet que des métis provenant de union de deux difiérentes efpèces d’aigles , ils feront féconds, comme le {ont les métis de quelques autres oïfeaux, & produi- ront entr'eux des feconds métis qui pourront remonter à l'efpèce de lorfrate fi le premier mélange à été de l'orfraïe, avec un autre aïgle ; jufque-là les loix de la Nature ne fe trouvent pas en- tièrement violées ; mais dire enfuite que de ces balbuzards devenus orfrates , 1 provient des petits vautours qui en pro- duifent de grands, efquels ne peuvent plus rien produire, c'eft ajouter trois faits ablolument incroyables, à deux qui font déjà difhciles à croire ; & quoiqu'il y ait dans Pline bien des chofes écrites légèrement, je ne puis me perfuader qu'il loit l'auteur de ces trois aflertions, 168 Hifloire Naturelle & j'aime mieux croire que Îa fin de ce paflage a été entièrement altérée. Quoi qu'il en foit, ïl eft tres-certain que fes orfraies n'ont jamais produit de petits vautours, n1 ces petits vautours bâtards d'autres grands vautours mulets qui ne produïlent plus rien. Chaque efpèce, chaque race de vautour engendre fon {emblable ; 1l en eft de même de chaque efpèce d'aigles, & encore de celle du balbuzard & de lorfraie ; & les efpèces intermédiaires, qui peuvent avoir été pro- duites par le mélange des aigles entr'eux, ont formé des races conftantes qui fe foutiennent & fe perpétuent comme les autres par la génération. Nous fommes particulièrement très-aflurés que le mâle balbuzard produit avec fa femelle des petits femblables à lur, & que fi les bal- buzards produifent des orfrates, ce ne peut-être par eux-mêmes, mais par leur mélange avec l'orfraie : il en feroit de union du balbuzard mâle avec l'orfraie femelle, comme de celle du bouc avec la. brebis ; il en réfulte un agneau; parce que la brebis domine dans la génération ; & 1l réfulteroit de l'autre mélange de l’Orfraie. 169 mélange une orfraie ; parce qu'en général ce font les femelles qui dominent, & que d'ordinaire les métis ou mulets féconds remontent à l’efpèce de la mère, & que même les vrais mulets, c'eft-à-dire les métis mféconds , reprélentent plus l'ef- pèce de la femelle que celle du mâle. Ce qui rend croyable cette poflibilité du mélange & du produit du baïbuzard & de lorfrate , c'eft la conformité des appéuits, du naturel & même de la figure de ces oïfeaux ; car, quorqu'ils diffèrent beaucoup par la grandeur, l'orfraie étant de près d'une moitié plus grofle que le balbuzard , 1ls fe reflemblent aflez par les proportions, ayant tous deux Îes aties & les jambes courtes , en compa- raïon de la longueur du corps, le bas des jambes & les pieds dénués de plumes : tous deux ont le vol moins élevé, moins rapide que les aigles : tous deux pêchent beaucoup plus qu'ils ne chafient, & ne fe tiennent que dans les leur oeide étangs & des eaux abondantes en poiflon : tous deux font aflez communs en France & dans les autres pays tempérés ; mais à la vérité Oifeaux , Tome I. H —… 170 Hifloire Naturelle lorfraie, comme plus grande, ne pond que deux œufs , & le balbuzard en produit quatre (g) ; celui-ci a la peau qui recouvre la bafe du bec & les pieds ordinairement bleus ; au leu que, dans l'orfraie, cette peau de la bafe du bec : & les écailles du bas des jambes & des : pieds, font ordinairement d’un jaune vif : & foncé. Il y a aufli quelque diverlté (g) L’aigle de mer, dite orfraie , fait fon nid - fur les plus hauts chênes, & un nid extrêmement large, où elle ne pond que deux œufs fort gros, tout ronds & très-pefans , d’un blanc fale. Il y a quelques années qu’on en trouva un dans le pare de Chambord : j’envoyai les deux œufs à M. de Réaumur ; mais on ne put détacher le nid. L’année dernière, on en dénicha un nid à Saïnt- Laurent-des-eaux, dans le bois de Briou, où iln°y avoit qu’un aiglon, que le maître de poñte du lieu a fait élever. On a tué à Bellegarde , dans [a forêt d'Orléans, une orfraie qui pendant la nuit péchoit tous Îles plus gros brochets d’un étang qui : appartenoit ci-devant à M. le duc d’Antin. Une autre a été tuée depuis peu à Seneley en Sologne, danse moment qu’elle emportoitune groffe carpe en plein jour. ...Le faucon de marais (balbuzard) # habite parmi les rofeaux , le long des eaux ; il # pond à chaque fois quatre œufs blancs, elliptiques ou ovalaires; 11 fe nourrit de poiflon. Ornithologie de Salgrne, pages 5 E 7. ne D 0 de POrfraie. 172 dans Ta diftribution des couleurs fu# le plumage ; mais toutes ces petites difié- rences nempèchent pas que ces ot- feaux ne fotent d’efpèces aflez voilines pour pouvoir fe mêler ; & des raïfons d'analogie me perfuadent que le mé- lange eft fécond, & que le balbuzard mâle produit avec lorfrare femelle des orfraïes ; maïs que la femelle balbuzard, avec l'orfrae mâle, produit des balbu- zards, & que ces bitards, foit orfraies, foit balbuzards, tenant prefque tout de: la nature de leurs mères, ne confervent que quelques caracteres de celle de leurs pères, par lefquels caractères 1ls diffèrent des orfraies ou balbuzards légitimes. Par exemple , on trouve quelquefois des balbuzards à pieds jaunes, & des orfrates à pieds bleus, quoique communément. le balbuzard les ait bleus, & lorfraie les ait jaunes. Cette variation de couleur peut provenir du mélange de ces deux efpèces : de même on trouve des bal- buzards , tel que celut qu'ont décrit M. de l'Académie , qui font beaucoup _ plus grands & plus gros que les autres, H ij x72 Hifloire Naturelle & en même temps on voit des orfraies beaucoup moins grandes que les autres, & dont la petitefle ne peut être attribuée ni au fexe nt à l’âge, & ne peut dès- lors provenir que du mélange d’une plus petite efpèce , c’eft-à-dire , du balbuzard avec lorfraie. Comme cet orfeau eft des plus grands, que par cette raïon 1l produit peu; qu'il ne pond que deux œufs une fois par an, & que fouvent 1l n'élève qu'un petit, l'efpèce n'en eft nombreufe nulle part, maïs elle. eft aflez répandue : on la trouve prefque par-tout en Europe, & ïl paroït même qu'elle eft commune aux deux continens, & que ces oïfeaux fréquentent les lacs de l'Amérique fep- tentrionale { À ). (h) Nota. Il me paroît que c’eft à VPorfraie qu’il faut rapporter le paflage fuivant : «Il y a » ençore quantité d’aigles qu’ils appellent en eur » langue fondaqua : elles font ordinairement leurs ss nids fur Îe bord des eaux ou de quelqu’autre 5» précipice, tout au-deflus des plus hauts arbres ss où rochers, de forte qu’elles font fort difficiles à » avoir : nous en dénichâmes néanmoins plufieurs + nids ; mais nous n’y trouvâmes pas plus d’un PL, pag.172. \ SSN NN NN NN SNS NEA * qi À: + U = | | | 1 jt \ | | ‘ | N x N D\ , ; LORFRAIE oz AIGLE DE MER. # à Te K En À » LA “ : Zn ‘4 b+y ee al fn Lt ( es Hors gs st 2 à dE pont À tas À tr Ê MU ‘ (l à ee de lOrfraie, 173 ou deux aïglons : j’en penfois nourrir quelques- « uhs lorfque nous étions fur le chemin des Hurons ce à Québec ; mais tant pour être trop lourds à 6e orter, qué pour ne pouvoir fournir au pozffon ce qu’il leur falloit, n’ayantautre chofe à leur donner, ce nous en fimes chaudière & nous Îles trouvames:s fort bons ; car ils étoient encore jeunes & tendres. # Voyage au pays des Hurons , par Sagar Théodats page 297. H à x74 Hifloire Naturelle Aura 1, LE JEAN-LE-BLANC (a): Voyez planche 1 de ce volume. J'Ar su cet oifeau vivant #, & je lai fait nourrir pendant quelque temps. II avoit été pris jeune au mois d'août 1768, & 1 paroïfloit , au mois de janvier 1769, avoir acquis toutes fes dimenfions : fa (a) Jean-le-blanc ou premier oïifeau Saïnt- Martin. Belon, Hif. Nat. des Oif., pag. 103, fig. page 104. —Le jean-le-blanc. Briflon, Ornithol. tome I, pag. 443. Quelques-uns ont nommé le jean- le-blanc, Chevalier blanche-queue, peut-être parce qu’il eft un peu haut monté fur fes jambes, Ornithol. de Salerne, page 24.-..:. Le mâle eft plus léger & plus blanc que a femelle, fur-tout au croupion; fa queue eft fort longue, & fes jambes font fines & d’un jaune agréable, Idem, ibidem, &c ..... Nota. Belon & quelques autres Naturaliftes après lui, ont cru que cet oifeau étoit le pygargue ; mais ils fe font trompés, comme on peut s’en aflurer, en comparant ce que nous avons dit du pygargue avec ce que nous difons du jean-le-blanc. # Voyez les planches enluminées, n.° 413. du Jean-le-Blanc. 137$ longueur depuis le bout du bec jufqu’à l'extrémité de la queue étoit de deux pieds , & jufqu'au bout des ongles d'un pied huit pouces; le bec , depuis le crochet jufqu'au com de louverture, avoit dix-f{ept lignes de longueur 4 la queue étoit longue de dix pouces; il avoit cinq pieds un pouce de vol ou d'envergure ; fes ailes, lorfqu'elles étoient pliées, rélendôtent üh peu au-delà de lextrénnté de la queue ; la tête, le deflus du cou , le dos & le croupion, étoient d'un brun-cendré. Toutes les plumes qui recouvrent ces parties étotent : néanmoins blanches à leur origine, mais brunes dans tout le refte de leur étendue ; en forte que le brun recouvroit Ie blanc, de manière qu'on ne l'appercevoit qu’en relevant les plumes : la gorge , la por trine , le ventre & les côtes étoient blancs, variés de taches longues, & de couleur d'un brun - roux; 1l y avoit des bandes tranfverfales plus brunes far la queue ; la membrane , qui couvre la bafe du bec, eft d'un ou fale ; c'eft-là que font placées Îes narines. L'iris des yeux eft d'un beau jaune-citron ou de couleur H :1y 176 Hifloire Naturelle de topaze d'orient;, les pieds étoïent couleur de charr livide , & terne dans fa jeunefle , & font. devenus jaunes, ainfi que la membrane du bec , en avançant en Âge. L'intervalle entre les écailles qui recouvrent la peau des jambes paroïflent rougeñtre ; en forte que l'ap- parence du tout , vu de.loim, fembloit être jaune , même dans le premier âge. Cet oïfeau peloit trois livres fept onces après avoir mangé, & trois livres quatre onces loriqu'il étoit à jeun. Le jean -le-blanc s'éloigne encore plus des aïgles que tous les précédens , & il na de rapport au pypargue que mi fes jambes dénuées de plumes, & par la blancheur de celles du croupion & de la queue ; mais 1l a le corps tout autrement proportionné , & beaucoup plus gros relativement à la grandeur que ne left celur de l'aigle ou du pygargue: ilna, comme je Far dit, que deux pieds de longueur » depuis Le bout du bec jufqu'à lextrémité des pieds , & cinq pieds d'envergure , maïs avec un dia- mètre de corps prefqu'aufli grand que celui de l'aigle commun , qni a plus de du Jean-le-Blanc. 177 deüx pieds & demi de longueur , & plus de fept pieds de vol. Par ces proportions , le jean-1e- blanc fe :rap- proche du balbuzard , qui a les aïles courtes à proportion du corps ,-mais ïl na pas , comme celui-ci , les pieds bleus ; il a aufli les jambes bien plus menues , & plus longues à proportion qu'aucun des aïgles : ainfi , quoiqu'il paroïfle tenir quelque chofe des aigles, du pygargue & du balbuzard , il n'eft pas moins d’une efpèce particulière, & très-difiérente des uns & des autres. II tient aufli de la bufe pour la difpofition des couleurs du plumage, & par un caractère qui m'a fouvent frappé ; c'eft que dans de certaines attitudes , & fur- tout , vu de face , il reflembloit à l'aigle, & que vu de côté & dans d'autres at- titudes , il reflembloit à la bufe. Cette même remarque a été faite par mon Deffinateur , & par quelques autres per- fonnes ; & il eft finguler que cette ambiguité de figure réponde à lam- biguité de fon naturel , qui tient en eflet de celui de l'aigle & de celur de la bufe; en forte quon doit à certains L | Es H Y 178 Hifloire Naturelle égards regarder le jean-le-blanc , comme formant la nuance intermédiaire entre ces deux genres d'orfeaux. Il m'a paru que cet oïfeau voyoit très-clatr pendant le jour, & ne craignoit pas la plus forte lumière , car 1l tournoit volontiers les yeux’ du coté du plus grand jour , & même vis - à- vis le folerl : 1 couroit aflez vite lorfqu’on leffrayoit C & s'aidoit de fes aïles en courant; quand on le gardoit dans la chambre, ï cher- choit à s'approcher du feu , maïs ce- pendant le froid ne ui étoit pas abfo- lument contraire , parce qu'on la fait coucher pendant plufeurs nuits à l'air, dans un temps de gelée , fans qu'il en ait paru incommodé. On Île nourrifloit avec de la viande crue & fargnante ; mais, en le farfant jetiner , 1l mangeoit aufli de la viande cuite : il déchiroit avec fon bec la char qu'on lui préfentoit, & 1l en ava'oit d'afiez gros Morceaux ; il ne buvoit jamais quand on étoit au- près de lui , nt même tant qu'il aper- cevoit quelqu'un ; maïs, en fe mettant dans un lieu couvert, on l'a vu botre & prendre pour cela plus de précaution du Jean-le-Blanc. 139 qu'un acte aufli fimple ne paroït en exiger. On lafloit à fa portée un vale rempli d'eau : 1 commençoit par re— garder de tous cotés fixement & long- temps , comme pour saflurer s'il étoit feul , enfuite 1 sapprochoit du vale & regardoït encore autour de lur ; enfin, après bien des héfitations , 1l plongeoït fon bec jufqu'aux yeux, & à plufeurs repriles dans l'eau. Il y a apparence que les autres oïfeaux de proie fe cachent de même pour boire. Cela vient vraï- femblablement de ce que ces oifeaux ne. peuvent prendre de liquide qu'en enfonçant leur tête jufqu'au - delà de l'ouverture du bec, & jufquaux yeux, ce qu'ils ne font jamais , tant qu'ils ont quelque raïfon de crainte : cependant le jean-le-blanc ne montroit de défiance que fur cela feul , car , pour tout le refte , il paroïfloit indifiérent & même afiez ftupide. Il n'étoit point méchant , & le laifloit toucher fans s'irriter ; 11 avoit mème une petite expreflion de conten- tement Cë.,.... Cô , loriquon lui donnoiït à manger ; maïs 1l n'a pas paru s'attacher à perfonne de préférence, Il V} x8© Hifloire Naturelle devient gras en automne , & prend en tout temps plus de chair & d'embon- point que la plupart des autres oïfeaux de proie ( b ). (b) Nota. Voïci la note que m’a donnée fur cet oïifeau l’homme que j’ai chargé du foin de mes volières. « Ayant préfenté au jean-le-blanc vw 1 différens alimens, comme dupain, du fromage, des raïfins, de la pomme, &c....... il n’a voulu manger d’aucun, quoiqu'il jeûnât depuis vingt - quatre heures : j’aï continué à le faire jeûner trois jours de plus, & au bout de ce temps, il a également refufé ces alimens ; en forte qu’on peut affurer qu’il ne mange rien de tout cela, quelque faim qu’il reffente : je Jui ai aufli pré- fenté des vers qu’il a confiammient refufés; car, lui en ayant mis un dans le bec , H Pa rejeté, quoiqu'il lPeût déjà avalé prefque à moitié : il fe jettoit avec avidité fur les mulots & Îles fouris que je luf donnoïis, ïl les avaloït fans leur donner un feul coup de bec ; je me fuis apperçu que, lorfqu’il en avoit avalé deux ou trois, ou feule- ment une grofle , il paroïfloit avoir un air plus inquiet, comme s’il eût reffenti quelque douleur; ilavoit alors fa tête moins libre & plus enfoncée qu’à l’ordinaire; il reftoit cinq ou fix minutes dans cet état, fanss’occuper d’autre chofe ; car il ne regardoit pas de tous côtés comme il fait ordinairement, & je crois même qu’on auroit pu Papprocher fans qu’il fe fût retourné , tant ïl étoit férieufement occupé de la digeftion des fouris qu’il venoit d’avaler : je lui aï préfenté des grenouilles & des petits poiflons ; il a toujours ‘du Jean-le-Blanc. 18% : Il eft très-commun en France , &;, comme le dit Belon , d ny a gucre de villageois qui ne le connoiflent , & ne le redoutent pour leurs poules. Ce font eux qui lui ont donné le nom de jean-le-blanc (c) , parce qu'il eft en refufé les poïflons & mangé les grenouilles par «e demi douzaines , & quelquefois davantage ; mais «e il ne les avale pas tout entières comme les fouris, «e il Les faifit. d’abord avec fes ongles & les dépèce ce avant de les manger : je l'ai fait jeûner pendant « trois jours , en ne lui donnant que du poiflon «< crud ; 11 Pa toujours refufé : j’ai obfervé qu’il 6 rendoit fes peaux des fouris en petites pelotes longues d'environ un pouce; & ,en les faifant »» tremper. dans Peau chaude, j’ai reconnu qu’il « n’y avoit que le poil & la peau de fa fouris , «s fans aucun os, & jai trouvé dans quelques-unes «e de ces pelotes des grains de fer fondu & quelques «e autres parcelles de charbon. » (c) Les habitans des villages connoïiffent un oïfeau de proie, à leur grand dommage, qu’ils nomment jean-le-blanc; car mange leur volaille plus hardiment que le milan. Belon, Hif nat, des Oiféaux, page 103. | i ..... Ce jean-le-blanc affaut les poules des villages & prend les oïfeaux & connins ; car aufi. eft-il hardi; il fait grande deftruction des perdrix & mange les petits oïfeaux; car ül vole à la dé- robée le Tong des haies & de l’orée des forêts 3: fomme qu’il n’y a païfan qui ne le connoifle, 1dent, ibidémé Sas o19168, 9h sjsolorita1O LA 182 Hifloire Naturelle effet remarquable par la blancheur du ventre, du-deflous des aïles, du croupion & de la queue. Il eft cependant vrai qu'il n'y a que le mâle qui porte évi- demment ces caractères ; car la femelle eft prefque toute grife , & na que du blanc fale fur les plumes du croupion; elle eft, comme dans les autres oïfeaux de proie , plus grande, plus profle & plus pefante que le mâle : elle fait fon nid prefqu'à terre, dans les terreins couverts de bruycres , de fougère , de genèt & de joncs ; quelquefois aufli fur des fapins & fur d’autres arbres élevés. Elle pond ordinairement trois œufs qui font d’un gris tirant fur lardoife ( d ) : le mâle pourvoit abondamment à fa fubüftance pendant tout le temps de lincubation , & même pendant le temps qu'elle forgne & élève.fes petits. IL fré- quente de. près les lieux habités, & fur- tout les hameaux & les fermes ; 11 farfñt & enleve les poules, les jeunes dimdons, les canards privés, &, lorfque la volaille lut manque , 1l prend des lapreaux , des. perdrix, des caïlles & d'autres moindres (d) Ornithologie de Salerne , pages 23 & 24 | du Jean-le-Blanc. 183 oifeaux : il ne dédaïgne pas même les mulots & les léfirds. Comme ces at- feaux & fur-tout la femelle , ont les arles courtes & le corps gros , leur vol eft pefant, & ils ne s'élèvent jamais à une grande hauteur : on les voit toujours voler bas {'e ), & faïlir leur proie plutôt à terre que dans l'air. Leur cri eft une efpèce de fifflement aigu qu'ils ne font entendre que rarement : ils ne chaflent guère que le matin & le foir , & ils fe repofent dans le milieu du jour. On pourroit croire qu'il y a variété dans cette efpèce , car Belon donne la defcription d’un fecond otfeau ce qui elt, dit-il {f), encore une autre efpèce ce d'oifeau faint-martin , femblablement 6e nommé blanche queue , de même ef «c pèce que le fufdit jean-le-blanc, & ce qui reflemble au milan royal, de fi ce (e) Quiconque le regarde voler ; advife en fui la femblance d’un héron en Pair ; car il bat des ailes & ne s’élève pas en amont comme plufieurs autres oïfeaux de proie, mais vole le plus fouvent bas contreterre, & principalement foir & matin, Beon, Hifi. nat. des Oifeaux , page 103. (f) Idem , ibidem, page 104. 184 Hifloire Naturelle 2» près, qu'on ny trouveroit aucüne > différence, fi ce n’étoit qu'il n’eft plus » petit & plus blanc deflous le ventre, > ayant les plumes qui touchent le crou- >» pion en la queue, tant deflus que de- > fous , de couleur blanche. 5» Ces ref- femblances auxquelles on doit en ajouter encore une plus eflentielle, qui eft d'a- voir les jambes longues , indiquent feule- ment que cette efpèce eft voifine de celle du jean-le-blanc ; mais , comme elle en diflère confidérablement par la grandeur & par d'autres caractères, on ne peut pas dire que ce foit une variété du jean-le- blanc; &, nous avons reconnu que c’eft le même oïfeau que nos Nomenclateurs ont appelé le Zanier cendré, duquel nous ferons mention dans la fuite fous le nom d'orfeau faint-martin ; parce quil ne reflemble en rien au lanier. Au refte , le jean - le - blanc, qui eft très-commun en France, eft néanmoins aflez rare par-tout ailleurs, purfqu'aucuns des Naturaliftes d'Italie , d'Angleterre, d'Allemagne & du Nord, nen ont fait mention que d'après Belon : & c'eft par cette raïfon que j'ai cru devoir m'étendre re” du Jean-le-Blanc. 185 fur les faits particuliers de l'hiftoire de cet oïfeau. Je dois aufli obferver que M. Salerne a fait une forte méprife {g ), en difant que cet oïfeau étoit le même que le ringtail ou queue blanche des Anglois , dont ils appellent le mâle Aer- harrow où henharrier , c'eft-à-dire, ravifc Jeur de poules : c'eft ce caraétère de la queue blanche , & cette habitude naturelle de prendre les poules, commun au ringtaïl (g) 5.° Jean-le-blanc, pygargus accipiter fubbuteo Turneri.; Raï, fynopf. en Anglois, the ringtail, c’eft-à-dire , queue blanche ; & 1e mâle henharrow ou henharrier ; c’eft-à-dire , rapiffeur de poules ; diffère des autres oïifeaux de ce genre par fon croupiôn blanc ,. d’où lui vient le nom de pygargus en Grec, & par un collier de pluies redreilées autour des oreilles , qui lui ceint la tête comme une couronne, M. Linnæus ne parle point de cet oïfeau ; apparemment qu’il ne fe trouve point en Suède ; 1 eft aflez commun dans ce pays-ci, & fur-tout en Sologne où if fait fon nid par terre . entre Îles bruyères à balais ; que l’on appelle vul- gairement des brémailles. Ornithol. de Salerne , page 23. Nota. Que fi M. Salerne eût feulement vu cet oïlfeau , i n’auroit pas dit qu’il avoit une couronne ou collier de plumes redreflées autour de fa tête ; car fe jean-le-blanc n’a point ce ca- ractère qui n’appartient qu’à l’oifeau que Turner a nommé fubbuteo, & que M, Brifion appelle faucon à collier, 186 Hifloire Naturelle & au jean-le-blanc , qui ont trompé M. Salerne , & lui ont fait croire que c'étoit le même oïfeau ; mais 1l auroit dû comparer les defcriptions des Auteurs précédens , & 1l auroit arfément reconnu que ce font des oïfeaux d'efpèces ditf- férentes : d'autres Naturaliftes ont pris Votfeau appelée par M. Edwards , Blue- hawk épervier ou faucon bleu pour le henharrier (h) , ou déchireur de pou- les, quoique ce fotent encore des ot- feaux d'efpèces difiérentes. Nous aïlons tâcher d'éclaircir ce point , qui eft un des plus obfcurs de l’'Hiftoire Naturelle des oïfeaux de protïe. On fait qu'on peut les divifer en deux ordres, dont le premier n'eft com- polé que des oïleaux guerriers , nobles & courageux , & tels que les aigles , les faucons , gerfauts , autours , fanters , éperviers , &c...... Et le fecond con- tient les oïfeaux lîches , ignobles & gourmands , tels que Îles vautours , les milans , les bules , &c...... Entre ces deux ordres fi difiérens par le naturel & les mœurs , 1l fe trouve , comme par-tout (h) Britifch Zoologie | pag. 67, D 2 ee a du Jean-le-Blanc. 187 ailleurs , quelques nuances intermédiaires, quelques efpèces qui tiennent aux deux ordres enfemble, & qui participent au naturel des ofeaux nobles & des oïleaux . ignobles ; ces efpèces intermédiaires font, 1.” celle du jean-le-blanc, dont nous venons de donner fhiftoire , & qur, comme nous l'avons dit, tient de l'aigle & de la bufe ; 2.° celle de lotfeau faint- martin, que M. Briflon & Frifch ont appelé le /anier cendré, & que M Ed- wards a nommé faucon bleu, maïs qui tient plus du jean-le-blanc & de la bute, que du faucon ou du lanier ; 3.° celle de la foubufe, dont les Anglois n’ont pas bien connu l'efpèce, ayant pris un autre oïfeau pour le mâle de la foubufe dont ïls ont appelé la femelle r/ngrail (queue annelée de blanc), & le pré- tendu mâle henharrier (déchireur de poules) ; ce font les mêmes oifeaux que M. Briflon a nommés faucons à collier, mais ls tiennent plus de la bufe que du faucon ou de Pargle. Ces trois ef- pèces, & fur-tout la dernière, ont donc été ou méconnues ou confondues , ou très-mal nommées ; car le jean-le-blanc 183 EHifloire Naturelle ne doit point entrer dans la lifte des aigles. L’oifeau faint-martin n'eft nt un faucon, comme Île dit M. Edwards , ni un lanier, comme le difent M." Frifch * & Briflon, puifquil eft d'un naturel difiérent & de mœurs oppofées. Il en eft de même de la foubufe , qui n'eft ni un aïgle nt un faucon , purfque fes habitudes font toutes difiérentes de celles des otfeaux de ces deux genres : on le reconnoîtra clairement par les faits énon- cés dans les articles où il fera queftion de ces deux oïfeaux. Maïs il me paroît qu'on doit joindre à l'efpèce du jean-le-blanc, qui nous eft bien connue, un oïfeau que nous ne connotïflons que par des indications d'Aldrovande (:), fous le nom de /a4- niarius , & de Schwenckfeld (Æ }, fous celui de milyus albus. Cet oïfeau, que M. Brifion a aufli appelé Zlanier , me paroît encore plus éloïgné du vrai lanier (i) Laniarius Aldrov. Avi. tom. I, page 380. Icones, pag. 381 & 382. | (k) Milvus albus, Schwenckfeld, Theritrop. Si pag. 304.— Le Lanier blanc, Briflon, Oruith. tom, F, pag. 367: PL;27. Pag.188 7 WY/, API h HAN 1%, THHI 11500 { H4H (N SANN) LE JEAN-LE-BLANC. LL. & } HA PNR PUS MATE A . [M PA ne Le a LT gi 4e cpl AA, TE és "ARE RCI 4 oh ù AN, % 3 s ” du Jean-le-Blanc. 189 que Voifeau faint-martin. Aldrovande décrit deux de ces oïfeaux , dont lun eft bien plus grand , & a deux pieds depuis le bout du bec jufqu'à celui de la queue, c'eft la même grandeur que celle du jean-le-blanc ; & fi l'on com- pare la defcription MAliréande . avec celle que nous avons donnée du Fe ls blanc, je fuis perfuadé qu'on y trouvera afiez de caractères pour préfumer que ce laniarius d'Aldroyande, pourroit bien être le jean-le-blanc, d'autant que cet Auteur, dont l'ornithologie eft bonne & très-complète, fur-tout pour les oïfeaux de nos climats, ne paroit pas avoir connu le jean-le-blanc par lui-même, puifqu'il na fait que l'indiquer d'après Belon (7), duquel ïl a emprunté jufqu'à la figure de cet oïfeau. (1) Pygargi fècundum genus. | Aldrov. Avi tom. 1, pag. 208. Med 190 Hifloire Naturelle GE DIT TL TERRE RE ERT EE E LEA OISE AUX ÉTRANGERS Qui ont rapport aux Aigles & Balbuzards, L. L'orsEau des grandes Indes * , dont M. Briflon à donné une defcription exacte (a), fous le nom d'aigle de Pon- dichéry. Nous obferverons feulement que par fa feule petitefle, on auroit du lex- clure du nombre des aïgles , purfqu'il eft de moitié moins grand que le plus petit des aigles : 1l reflemble au bal- buzard par la peau nue qui couvre la bafe du bec, qui eft d'une couleur bleuître, mais 1 na pas comme lui les pieds bleus, 1l les a jaunes comme le pygargue : fon bec cendré à fon ori- gine, & dun jaune pâle à fon bout, * Voyez les planches enluminées , n.° 416. { a) L’aigle de Pondichéry. Voyez planche XXXWV, Brifion, Ornith. tome I, page 450. des Oifeaux étrangers. 101 femble participer pour les couleurs du bec des aigles & des pygargues; & ces différences indiquent aflez que cet oïfeau eft d’une efpèce particulière : c'eft vrar- femblablement fotfeau de proie le plus remarquable de cette contrée des Indes, purfque les Malabares en ont fait une idole, & lui rendent un. culte /b) ; mais c'eft plutot par [a beauté de fon plu- mage que par fa grandeur ou fa force, qu'il a mérité cet honneur : on peut dire en efet que c'eft l'un des plus beaux oïfeaux du genre des oïfeaux de proie, RE D 7e 2 2 RE RE AE A + D ee À (b) L’aigle Malabare eft également beau & rare, fa tête, fon cou & toute fa poitrine, fon couverts de plumes très-blanches, plus longues que larges. dont la tige & la côte font d’un beau noir de jais; le refte du corps eft de couleur de marron luftré, moins foncé fous les ailes que deflus ; les fix pre- mières plumes de l'aile font noires au bout, Ja peau autour du bec eft bleuâtre, le bout du bec eft jaunes, tirant fur le vert; les pieds font jaunes, les ongles noirs; cet animal a le regard perçant, left de Ja groffleur d’un faucon : c’eft une efpèce de divinité adorée par les Malabares : on en trouve auffi dans le royaume de Vifapour & fur les terres du grand Mogol. Ornithol. de Salerne, pag. 8: 192 Hifloire Naturelle | pare L’orseAu de l'Amérique méridio- nale fc), que Marcgrave a décrit fous le nom urutaurana (ouroutaran) (d) que lui donnent les Indiens du Brefil, & que Fernandes a mdiqué par le nom y/quauthli (ee), qu'il porte au Mexique: ceft celui que nos voyageurs François ont appelé aigle d'Orénoque (f) : les (c) L’aigle hupé du Brefil. Brion, Ornithol. tome I, page 446. (d) Urutaurana (Braflienfibus) s € urutari-cu- quichu cariri. Marcorav. Hifi. nat. Braf. pag. 203. (e) Yfquauthli. Fernandès, Hiff. nat, nov. Hifp. Pas. 34 (f) 1 pañfe affez fouvent de la terre-ferme aux . îles Antilles, une forte de gros oïfeau, qui doit tenir le premier rang entre les oïfeaux de proiïe de PAmérique : les premiers habitans du Tabago Pont nommé l'aigle d’Orénoque, à caufe qu’il eft de Ia groffeur & de la figure d’un aigle, & qu’on tient que cet oïfeau, qui n’eft que pañager en cette île, fe voit communément en cette partie de l’Amé- rique méridionale, qui eft arrofée de la grande rivière d’Orénoque ; tout fon plumage eft d’un gris-clair marqueté de taches noires, hormis que les Anglois _ des Oiftaux étrangers. 193 Anglois ont adopté cette dénomina- _tion /g), & lappellent orenoko-eagle : il eft un peu plus petit que largle com- mun, & approche de Faigle tacheté ou petit aigle par la varièté de fon plumage, mais 1 a pour caraftères propres & fpé- cifiques, les extrémités des ailes & de la queue bordées d’un ’jaune blanchître, deux plumes noires, Îongues de plus de deux pouces, & deux autres plumes plus petites, toutes quatre placées fur le fommet de la tête, & qu'il peut baïffer ou relever à fa volonté ; les jambes TS extrémités de fes ailes & de fa queue font bordées de jaune : il a les yeux vifs & perçans ; les ailes fort longues, le vol rapide & prompt, vu Ja pe- fanteur de fon corps : il f& repaît d’autres oifeaux fur lefquels 1f fond avec furie, & , après les avoir atterrés, Il les déchire en pièces & les avale... il attaque les arras, les perroquets....on a re- marqué qu’il ne fe jette pas fur fon gibier tandis qu'il eft terre ouqu’ileft pofé fur quelque branche, mais qu’il attend qu’il ait pris l’effor pour le com- battre en Pair. Du Tertre, Hif. nat. des Antilles, page 159. Nota. Rochefort a copié ceci mot pour go dans la relation de lîle de Tabago, pages 30 ar (g) Voyez Browne, Hiff. nat. of Jamaïca, pag, 471. Oifeaux, Tome I, F 194 AHifloire Naturelle couvertes jufqu'aux pieds de plumes blanches & noires, pofées comme des écaïlles ; lis de l'œil d'un jaune vif, la peau qui couvre la bale du bec, & les pieds jaunes comme les aigles, mais le bec plus noir & les ongles moins noirs: ces différences font fufhfantes pour fé- parer cet oïfeau .des aigles, & de tous les autres dont nous avons fait mention dans les articles précédens ; maïs il me paroït quon doit rapporter à cette ef- pèce ; l'orfeau que Garcilaflo appelle aigle du Pérou (h),. qu'il dit ètre plus petit. que les aigles d'Hfpagne. Il en eft de même de loïfeau des. côtes occidentales de l'Afrique { : ), dont M. Edwards nous a donné une très- bonne figure enluminée, avec une ex- cellente defcription, fous le nom d'eagle- crowned , aigle hupé , qui me paroît étre de h mème efpèce, ou d'une efpèce très-voifine de celui-ci. Je crois devoir rapporter en entier la defcription de (h) Hiftoire naturelle des Incas, rome IT, page 274. (4) Laiole hupé d’Afrique. B1ifon, Ornithal, tome I, page 448. des Oifeaux etrangers. 195$ M. Edwards, pour mettre le Lecteur à portée d'en juger (£). (k) Cet oïfeau, dit M. Edwards, eft d'environ un tiers plus petit que des plus grands aigles qui fe voyent en Europe, & 11 paroît fort & hardi comme Îles autres aigles ; le bec avec la peau qui couvre Je haut du bec, & où les ouvertures des narines font placées, eft d’un brun obfcur , les coins de l’ouverture du bec font fendus affez avant jufque fous les veux, & font jaunâtres, Piris des veux eft d’une couleur d’orange rougeâtre ; le devant de la tête, le tour des veux & la gorge font couverts de plumes blanches, parfemées de petites taches noires ; le derrière du cou & de la tête, le dos & les aïles, font d’un brun foncé, tirant fur le noir, mais les bords extérieurs des plumes font d’un brun clair. Les pennes * font plus foncées que les autres plumes des aïles ; les côtés des ailes vers le haut, & les extrémités de quelques-unes des cou- vertures des ailes font blancs; la queue eft d’un gris foncé, croifée de barres noires, & le deffous en paroît être d’un gris de cendre obfcur & légers la poitrine eft d’un brun rougeâtre avec de grandes taches noires tranfverfales fur les côtés ; le ventre efi blanc, aufli-bien que le deflous dela queue qui eft marqueté de taches noires ; les cuifies & les jambes, jufqu’aux ongles, font couvertes de plumes blanches, joliment marquetées de taches rondes & noires ; les ongles font noirs & très-forts , les doigts font couverts d’écailles d’un jaune vif, il élève | fes plumes du deffus de fa tête en forme de crête ou # Pennes eft un terme de fauconnerie, pour exprimer les: grandes plumes des ailes des Oïfeaux de proie, ve Ir 196 Hifloire Naturelle La diftance entre l'Afrique & le Brefl, qui neft guère que de quatre cents lieues, n'eft pas aflez grande pour que des oïfeaux de haut vol ne putflent la parcourir ; & dés-lors il eft très- poflible que celui-ci fe trouve égale- ment aux cotes du Brefl, & fur les cotes occidentales de l'Afrique ; & :l fufht de comparer les caractères qui leur font particuliers , & par lefquels ils fe reflemblent, pour ètre perfuadé qu'ils font de la même efpèce ; car tous deux ont des plumes en forme d’ar grettes qu'ils redreffent à volonté, tous deux font à-peu-près de la même + mm 2e de. hupe, d’où ïl tire fon nom. J'ai defliné cet oïffeau vivant à Londres, en 1752 ; fon maître m'aflura qu’il venoit des côtes d’Afrique , & je le crois d'autant plus volontiers, que j’en aï vu deux autres de cette même efpèce exactement chez une autre perfonne, & qui venaient de la côte de Guinée ; Barbot a indiqué cet oïfeau fous le nom d’aigie couronné, dans fa defcription de la Guinée; il en donne une mauvaiïfe figure, dans laquelle ce- pendant on reconnoît Îes plumes relevées fur fa tête d’une manière très-peu différente de celle dont elles font reprefentées dans ma figure. Edwards, Glauares, part. 1, pag. 31 & 32, planche enuminée 224: . des Oifeaux étrangers, 197 grandeur ; ils ont auffi tous deux le plu- mage varié, & marqueté dans les mêmes endroits ; l'iris des yeux d’un orangé vif, le bec noirître ; les jambes jufqu'aux pieds, également couvertes de plumes, marquetées de noir & de blanc ; les doïots jaunes & les ongles bruns ou noirs, & 1! n’y a de difiérence que dans la diftribution & dans les teintes des couleurs du plumage, ce qui ne peut être mis en comparaïfon avec toutes les reflem- blances que nous venons d'indiquer ; ami, je crois être bien fondé à regarder cet oïfeau des côtes d'Afrique, comme étant de la mème efpèce que celui du Brefil; en forte que faigle hupé du Brefi, l'aigle d'Orénoque, l'aigle du Pérou, & l'aigle hupé de Guinée, ne font qu'une feule & même efpèce d’oifeau, qui ap- proche plus de notre aïgle tacheté ou petit aïgle d'Europe, que de tout autre, ti À À L'orseaAu du Brefl {Z),indiqué par EE © à (1) L’aigle du Brefil. Brion. Ornith. tome E, PAS 445: "rss I ti 198 Hifloire Naturelle Marcgrave fous le nom vrubitinga (m), qui vrafemblablement'eft d’une‘efpècedif- férente du précédent, puifquil porte un autre nom n le même pays ; & en effet, l en diffère, ”,par la : PHRDSET , étant de moïtie CRD pétit De par la couleur, celui-cr eft d'un brun norrître, au leu que l'autre eft d'un beau gris ; 3.° parce qu ‘Ana | point de plumes droites fur la tête ; 4° parce qu'il a le bas des jambes & des pieds nuds comme Île pypargue; au lieu que le précédent a ,comme Paigle, es jambes couvertes jufqu au talon. LV. } Lois Au que. nous ‘avons cru devoir appeler le petit aigle d'Amérique, qui n'a Cté indiqué par aucun -Natura- lite , & qui fe trouve: à Cayenne & dans les autres parties de l'Amérique méridionale. Il n'a guère que feize à dix-huit pouces de longueur ; & 1l eft ne Se Se (mm ) Urubitinga Bra lienfibus. Marcerav. Hifi. nat, Braf. pag: 21% ETES RU a ja ex les planches enluminées, n.° 417 des Oifeaux étrangers. 199 remarquable même au premier coup- d'œil, par une large plaque d'un rouge pourpré qu'il a fous la gorge & fous le cou: on pourroit croire, à caufe de fa petitefle, qu'il feroit du genre des éperviers ou des faucons ; maïs la formé de fon bec, qui eft droît à fon imfertion, & qui ne prend de la courbure, comme celur des aigles ; qu'à quelque diftancé de fon origine , nous a déterminés à le rapporter plutôt aux aïgles qu'aux éper- vièrs. Nous n'en donnerons pas una plus ample defcription , parce que la planche enluminée repréfente aflez fes autres caractères, V. x L'oiseau des Antilles appelé le pécheur , par le P.du Tertre {n),& qui eft très vrarfemblablement le même que celui qui nous eft indiqué par Catesby fous le nom de fishing hawk (o) ,épervier- (n) Hift. gén. des Antilles, par le P, du Tertre, tome II, page 253, | : (eo) Fishing-Hawk , Catesby » tome I, pag 2; planche 11, avec une figure coloriée. À | I tv 200 Hifloire Naturelle pécheur de la Caroline ; il eft, dit-il, de la grofleur d'un autour’, avec le corps plus alongé : fes ailes, lorfqu'elles font pliées , s'étendent un peu au-delà de l'extrémité de la queue. Il a plus de cinq pieds de vol ou d'envergure ; 1l a Tiris des yeux jaune ; la peau qui couvre la bafe du bec bleue , le bec noir , les pieds d’un bleu pâle, & les ongles noirs, & prefque tous aufli longs les uns que les autres: tout le deflus du corps, des aïles & de la queue eft d'un brun foncé ; tout le defious du corps, des ailes & de la queue eft blanc; les plumes dés jambes font blanches, courtes & appliquées de très-près fur la peau. € Le pècheur, dit le P. du Tertre, eft 1 tout femblable au mansfeni , hormis 3 qu'il a les plumes du ventre blanches, s> & celles du deflus de Ia tête noïres; > fes griffes font un peu plus petites. >> Ce pêcheur efl un vrar voleur de 2 mer, qui nen veut non plus aux > animaux de la terre qu'aux oïfeaux de 24leir , mais feulement aux poiflons qu'il épie de deflus une branche ou des Oifeaux étrangers. 201 ne pointe de roc ; &, les voyant à ce fleur d’eau , 1 fond promptement cs deflus , les enlevant avec fes griftes, cc & les va manger fur un rocher: quor- ce qu'il ne fafle pas la guerre aux oïffeaux, cc ils ne laïflent pas de le pourfuivre & &e de s'attrouper & de le bequeter juf- ce qu'à ce qu'il change de quartier. Les ce enfans des Sauvages les élèvent étant « petits , & s’en fervent à la pêche par « plaifir feulement, car ils nerapportent ce jamais leur pêche.» Cette mdication du P. du Tertre, n’eft nt aflez précife, ni aflez détaillée, pour qu'on puifle être afluré que l'orfeau dont 1l parle eft le mème que celur de Catesby , & nous ne le difons que comme une préfomp- tion : mais ce qu'il y a ici de bien plus certain ; c'eft que ce même oïfeau d’A- mérique, donné par Catesby , reflemble fi fort à notre balbuzard d'Europe, quon pourroit croire avec fondement , que c'eft abfolument le même , ou du moins une fimple variété dans lefpèce du balbuzard ; 1 eft de la même grof- feur, de fa même forme , à très - peu I v 202 Hifloire Naturelle près de la même couleur, & 1 45 comme lui, l'habitude de pêcher & de fe nourrir de poiflon. Tous ces carac- tères fe réunifient pour n’en faire qu'une feule & même efpèce avec celle du balbuzard. à | V I | > L'oiseau dés îles Antilles, appelé par nos Voyageurs mansfeni , & qu'ils ont regardé comme une efpèce de petit aigle ( nèfus ):le mansfeni, dit le P. du Tertre, eft un putflant offeau de prote, qui, en fa forme & en fon plumage, a tant de reflemblance avec l'aigle , que la feule petitefle peut Yen diftinguers car 1l neft guère plus gros qu'un fau- con ; mais il a les griffes deux fois plus grandes & plus fortes ; -quoiqu'il foit fi bien armé , 11 ne s'attaque jamais qu'aux ‘oïfeaux qui n'ont pont de dé fenfe |, comme aux grives’, allouettes de mer, & tout au plus aux ramiers & tourterelles , 1l vit auffi de ferpens & de petits lézards : 11 fe perche ordinaire ment fur les. arbres les plus: élevés : les des Oifeaux étrangers. 203 plumes font fi fortes & fi ferrées, que fi en le tirant on ne Îe prend à rebours, le plomb n'a point de prile pour pé- nètrer ; la chair en eft un peu plus noire, mais elle ne laïfle pas d’être ex- Cellente. Hifloire des Antilles , tome IT, page 252. I v} 204 Hifloire Naturelle LES VAUTOURS. L'ox 4 Downéaux Aïgles le premier rang parmi les offeaux de proie, non parce qu'ils font plus forts & plus grands que les vautours, mais parce qu'ils font pius généreux, c’eft-à-dire moins baf- fement cruels; leurs mœurs font plus fières, leurs démarches plus hardies, leur courage plus noble, ayant au moins autant de goût pour la guerre que d'ap- pétit pour la proie; les vautours au con- traire , n'ont que linfinét de la bafle gourmandife & de la voracité ; ïls ne combattent guère les vivans que quand ils ne peuvent s'aflouvir fur les morts. L'aigle attaque {es ennemis ou fes vic— times corps à corps; feul 1! les pourfuit, les combat , les fait; les vautours au contraire, pour peu qu'ils prévoient de réfiftance , fe réuntflent en troupes comme de lâches aflaflins , & {ont plutôt des voleurs que des guerriers , des o1- feaux de carnage que des oïfeaux de proie,car, dans ce genre, 1l n'y a qu'eux des Vautours. 210$ qui fe mettent en nombre & plufñeurs Contre un; il ny a qu'eux qui sa- charnent fur les cadavres au point de les déchiqueter jufqu'aux os; la cor- ruption , l'infection les attire au lieu de les repoufer : les éperviers , les faucons’ & jufqu'aux plus petits offeaux montrent plus de courage , car ils chaflent feuls, & prefque tous dédaignent Ia chair morte, & refulent celle qui eft cor- rompue : dans les offeaux comparés aux quadrupèdes, Île vautour femble réunir la force & la cruauté du tigre, avec la Bcheté & la gourmandife du chacal, qui fe met également en troupes pour dévorer les charognes & déterrer les ca- davres ; tandis que flaigle a, comme nous l'avons dit , le courage , la no- blefle, la magnaniuité & la munificence du lion. On doit donc d’:bord diftinguer les vautours des aigles par cette différence de naturel, & on les reconnoiïtra à Îa fimple infpeétion en ce qu'ils ont les yeux à fleur de tête, au lieu que les aigles les ont enfoncés dans lorbite ; la tète nue, le cou aufli prefque nu, QE: 206 Hifoir Naturelle couvert d'un fimple duvet ou mal garnf de quelques crins épars , tandis que l'aigle à toutes ces parties bien couvertes de plumes; à la forme des ongles , ceux des aigles étant prefque demi-circulaires , parce qu'ils fe tiennent rarement à terre, & ceux des vautours étant plus courts & moms courbés ; à l’efpèce de duvet fin qui tapifle l'intérieur de leurs aïles , & qui ne fe trouve pas dans les au- tres. oïfeaux de proie; à la partie du deflous de la gorge qui eft plutot garnie de poils que de plumes; à leur attitude plus penchée que celle de Faigle qui fe tient fièrement droit, & prefque per- pendiculatrement fur fes pieds ; au lieu que le vautour dont la fituation eft à demi - horizontale , femble marquer 1a baffle de fon caractère par la pofition imclinée de fon corps : on reconnoîïtra même les vautours de loin, en ce qu'ils font prefque les feuls entr de proie qui volent en nombre , c'eft-à-dire, plus de deux enfemble ; & aufli parce qu ils ont le vol pelant , & qu'ils ont mème beaucoup de peine à sélever de terre , €tant obligé de seflayer & de +? des Vautours. 207 S'efforcer à trois ou quatre repris, avant de pouvoir prendreleur plein eflor ( a }. LyA | | Nous avons compofé le genre des aigles de trots efpèces ; favoir , le grand aigle, l'aigle moyen ou commun, & le petit aigle : nous y avons ajouté les Otfeaux qui en approchent le plus, tels que le pygargue , le balbuzard ; l'orfraie, (a) Nota. M. Roy, & M. Sälerne, qui n’a fait prefque par tout que le copier mot pour mot, donnent encore pour différences caraétériftiques entre les vautours & Îes aigles , la forme du bec qui ne fe recourbe pas immédiatement à fa naif- fance. & fe maintient droit jufqu’à deux pouces de diftance de fon origine ; mais je dois obferver que ce caractère ‘h’eft pas bien indiqué; car le bec des aigles ne fe recourbe pas non plus dès fa naïflance, il fe maintient d’abord droit , & la feule différence eft que, dans le vautour, cette partie droite du béc'eft plus‘ longue que- dans Paigle; d’autres Naturaliftes donnent auffi comme diffé- rence caractériftique fa proéminence du jabot, plus grand dans Îles vautours que dans les aigles, mais ce caractère eft équivoque & n’appartient pas à toutes fes efpèces de vautours; le oriffon qui ef lune des principaless bien doin d’avoir le jabot proéminent , Pa fi rentré, en dedans, qu’il y à au-deffous de fon cou & à Ia place du jabot, un creux aflez grand pour, y mettre le poino. 208 Hifloire Naturelle , &c. le jean-le- blanc & les fix oïfeaux mien qui y ont rapport ; favoir ;, .° le bel oïfeau de Malabar ; 2.° orfeau du Brefl , de lOrénoque j 4 Pérou & de Guinée appelé par les Indiens du Brefl urutaurana ; 3° Toïfeau ap- pelé dans ce même pays, urubinga; 4. celur que nous avons appelé le perit aigle de l'Amérique ; 5.” l'orfeau pêcheur des Antilles; 6.” le mansfeni qui paroît être une efpèce de petit aigle , ce qui fait en tout treize efpèces dont l'une que nous avons appelée petit aigle de l'Amérique , n'a été indiquée par aucun Naturalifte. Nous allons fatre de même l'énumération & la réduétion des efpèces de vautours , & nous parlerons d'abord d'un orfeau qui a été mis au nombre des aigles par Ariftote, & après lui par la plupart des Auteurs, quoique ce foit réellement un vautour &:non pas un PRE DT 209 LE PERCNOPTÈRE (a). Fa 1 ADOPTÉ ce nom, tiré du Grec; pour diftinguer cet oïfeau * de tous les autres ; ce n'eft point du tout un aigle, & ce*n'eft certarnement qu'un vautour, ou fi l'on veut fuivre le fentiment des Anciens , il fera le dernier degré des nuances entre ces deux genres d’oifeaux, tenant d'mfiniment plus près aux vau- tours qu'aux aigles. Ariftote (b}), qui (a) Cet oïfeau s’appelle en Catalogne , Trencalos. —Le Vautour des Alpes. Briflon, Oruithologie , tome [I , pige 464. # Voyez les planches enluminées ; n.° 426. (8) INota. Ariftote en fait Ïa quatrième efpèce de fes aigles , fous le nom de flepavéæeposs & il Jui donne enfuite pour furnom Tæ4eros , Que Théo- dore Gaza a bien rendu par fubaquila ; mais d’autres Auteurs, & particulièrement Aldrovande ont penfé qu’on devoit lire Tuwéeroc, au lieu de Tæäeres, c’eft-à-dire , Wulturina aquila au lieu de fubaquila : ce qu’il y a de vrai, c’eft que l’une & l’autre de ces deux dénominations conviennent également à cet ojfeau. LD 219 Hifloire Naturelle Va placé parmi les aigles , avoue Iut- même quil eft plutot du genre des vautours , ayant, dit-il, tous les vices: de Yaigle , fans avor aucune de fes bonnes qualités ; fe larflant chafler & battre par les corbeaux , étant parefleux à la chafle, pefant au vol , toujours criant , lamentant , torfours: affamé & cherchant les cadavres : 1l a aufli les arles plus courtes & la queue plus Iongue que les aïgles ; la tête d'un bleu clair, le cou blanc & nu, c’eft-à-dire, couvert comme la tête d’un fimple duvet blanc, avec-un collier de petites plumes blan- ches & roides au- deflous du cou en forme de frarfe ; l'iris des yeux eft d’un jaune rougeître; le bec & la peau nue qui en recouvre la bafe font nos, extrémité crochue du bec eft blan- châtre ; le bas des jambes & les pieds font nus & de couleur plombée ; les ongles font notrs, moins dass & moins courbés que ceux des aigles : 1l eft de plus fort remarquable par une tache brune en forme de cœur qu'il porte fur là poitrme au- deflous de fà fraife, & cette tache brune paroït entourée ou du Percnoptère. 211 plutot férée d’une ligne étroite & blanche: en général, cet oïfeau eft d’une vilaine figure & mal proporttonnée; 1l eft même dégoütant par lécoulement continuel d'une humeur qui fort de. fes narines , & de deux autres trous qui fe trouvent dans fon bec par lefquels s'écoule la falive ; 11 a le jabot proëmiment, & lorfqu'il eft à terre, 1l tient toujours les ailes éten- dues fc): enfin 1l ne reflemble à l'aigle que par la grandeur, car 1l furpañle l'aigle commun, &.1l approche du grand aigle pour la groffleur du corps, mais 1l na pas la même étendue de vol. L'efpèce du. percnoptère paroït être plus rare que celles des autres vautours ; on la trouve néanmoins dans les Pyrénées , dans les Alpes, & dans les montagnes de la Grèce, mais toujours en aflez petit nombre. (c) Nota. Cette habitude de tenir les ailes ‘étendues appartient non-feulement à cette efpèce, mais encore à fa plupart des Vautours & à quelques autres ofeaux de proie. 212 Hifloire Naturelle LE GRIFEFO N. C'ssr le nom que M de l'Aca- démie des Sciences ont donné à cet oïfeau pour le diftinguer des autres vautours { a). D’autres Naturaliftes l'ont appelé le yautour rouge (b), le vautour jaune (c) , le yautour fauve (d); 8 comme aucune de ces dénominations n'eft uni- voque nt exacte, nous avons préfére le nom fimple de griflon. Cet oïileau eft encore plus grand que le percnoptère ; ïl a huit pieds de vol ou d'envergure; le corps plus gros & plus long que le D DT 7 CE ne I ne Le PDG Re ES ae ES ES SE Es (a) Mémoires pour fervir à l’Hiftoire des ani- maux , partie LIT, page 209 , avec une afJèz bonne figure. (6) Vultur ruber feu lateritii coloris, magnitudinis mediæ , interdum comparet in Pruffia. Rzaczynsky, Auë&. Hifl. nat. Pol. pag. 430. (c) Vultur fulvus nofter, Batico Bellonii congener. Willugbby. Ornith. pag. 36 ; & Ray, Synopf. avium , pag. 10, n° 7. (d) Le Vautour fauve. Briflon, Ornithol. tome I, page 462. LE" 7 du Griffon, 213 grand aigle, fur-tout en y comprenant les jambes qu'il a longues de plus d’un pied, & Île cou qui a fept pouces de longueur ; 1 a, comme Île percnoptère, au bas du cou un collier de plumes blanches ; fa tête eft couverte de pa- rerlles plumes qui font une petite argrette par-derrière, au bas de laquelle on voit à découvert les trous des oreïlles ; le cou eft prefque entièrement dénué de plumes ; 1l a les yeux à fleur de tête avec de grandes paupières, toutes deux également mobiles & garnies de cils, & iris d'un bel orangé : le bec long & crochu, notrâtre à fon extrémité aïnf qu'à fon origine, & bleuâtre dans {on milieu ; 1l eft encore remarquable par fon jabot rentré, c'eft-à-dire par un grand creux qui eft au haut de lef- tomac, & dont toute la cavité eft garnie de poils qui tendent de la circonfe- rence au centre. Ce creux eft la place du jabot qui n'eft nt proëminent nt pendant, comme celur du percnoptère; la peau du corps, qui paroït à nu fur le cou & autour des yeux, des oreilles, &c. eft d'un gris brun & bleuître ; les RERO RENE 214 Hifloire Naturelle plus grandes plumes de laïle ont jufqu’à deux pieds de longueur, & le tuyau plus d'un pouce de circonférence : les ongles font noirâtres, mais moins grands & moins courbés que ceux des aigles. Je crois , comme font dit M: de l'Académie des Sciences, que le grifton, eft en effet le grand vautour d'Arif- tote (e ) ; mais comme 1ïls ne donnent aucune raïfon de leur opinion à cet égard , & que d’abord 1l paroîtroit qu A- riftote ne farfant que deux efpèces ou lutot deux genres de vautours, le petit pius blanchitre que Îe grand qui varie pour la forme { f) ; 1l paroitroit, dis-je, que ce genre du grand vautour eft compofé de plus d'une efpèce, que l'on peut également y rapporter ; car; (e) Ife peut faire que Poifeau que nous dé- crivons, qui ef? le grand vautour d’Ariflote, eft vul- gairement appelé gr'ffon, parce que c’eft un oïfeau fort grand, &c. Migihes pour fervir à l’Hifloire des Lib) parlie II, page 59. (f) Vulturum duo genera funt_alterum parvum € albicantius, alterum. majus , ac multiformius. Arift, Hifl. anim, Bb. VIIT, cap, 3. du Gr: OIL, 215$ 1 ny a que le percnoptère dont ïl ait indiqué l efpèce en particulier &, comme il ne décrit aucun des autres grands vautours , on pourroit douter avec raïon, que le griffon fût le même que fon grand vautour ; le vautour com- mun, qui eft tout aufli grand & peut- être moins rare que le griffon, pourroit être également pris pour ce grand vau- tour, en forte quon doit penfer que M.5 de TAcadémie des Sciences , ont eu tort d'afhrmer, comme certaine, une chofe aufli équivoque & aufli dou- teufe, fans avoir mème indiqué la raïfon ou le fondement .de leur aflertion, qui ne peut fe trouver vraie que par hafard , & ne peut ètre prouvée que par des réflexrons & des comparailons qu'ils n'a- voient pas faites : j'at tâché d’y fuppléer, & voict les raïfons qui m'ont déterminé à croire que notre griffon eft en eflet le orand vautour des Anciens. Il me paroit que l'efpèce du griflon eft compofée de deux variétés ; la pre- mière qui a été appelée vautour fauve ( 2); Ds ner nas {g) Le Vautour fauve. Brion, rome 1, page 462, 216 Hifloire Naturelle & la feconde, vaurour doré par les Na- turaliftes / A). Les différences entre ces deux oïfeaux dont le premier eft fe grifion, ne font pas aflez grandes pour en faire deux efpèces diftimétes & fé- parées ; car tous deux font de la même grandeur, & en général à-peu-près de la même couleur ; tous deux ont la queue courte relativement aux aïles qui font très-longues ( z), & par ce caratère qui leur eft commun, 1ls diffèrent des autres vautours : ces reflemblances ont même frappé d'autres Naturaliftes avant mot {k), au point qu'ils ont appelé le vautour fauve, congener du vautour doré ; (h) Vultur aureus Alberti magnt, Gefheri, Rai, Willughbei , Kiem, Ord. avium. pag. 43 , n.° 1. — Vultur bæticus five caflaneus. Afdrovande, Avr. tom. 1, pag. 273. — Le Vautour doré. Briflon, Oruith. tome I, page 458. (1) Nota. M. Brifon donne à fon vautour doré une queue de deux pieds trois pouces de longueur. & trois pieds à Ja plus grande plume de laile, ce qui me feroit douter que ce foit le même oiïfeau que le vautour doré des autres Auteurs, qui a la queue courte en comparaifon des ailes. (£) Vultur fulvus betico congener. Ray , Synopf. avi. pag. 10. n.° 7; & Willughby, Orurhol, pag. 36. je fuits du 1170 : 207 je fuis même très-porté à croire que l'oïfeau indiqué par Belon, fous le nom de vautour noir, eft encore de la même efpèce que le grifon & le vautour doré; car ce vautour noir eft de la même gran- deur, & a le dos & les aïles de la même re que le vautour doré. Or, en réuntfant en une feule efpèce ces trois variètés , le griffon fera le moins rare des grands vautours, & celur par confc- dent qu ‘Ariftote aura principalement indiqué : & ce qui rend cette prélomp= tion encore plus vratfemblable, c'eft que, felon Belon, ce grand vautour noir fe trouve fréquemment en Égypte, en Âra- bie & dans les iles de lArchipel, & que dès-lors 1l doit être aflez commun en Grèce. Quor qu 1l en foit, il me femble qu'on peut réduire les grands vautours qui fe trouvent en Europe à quatre ef- pèces ; favoir, Île percnoptére , le grifton, le vautour proprement dit, dont nous parlerons dans Farticle fuivant, & le vautour hupé, qui diffèrent aflez les uns des autres pour faire des efpèces diftinétes & féparées. M" de TAcadémie des Sciences ; Oifeaux, Tome I. K 218 Hifloire Naturelle | qui ont difléqué deux griffons femelles’ ont tiès-bien obfervé que le beceft plus long à proportion qu'aux aigles & moins | recourbé ; qu'il n'eft noir qu'au commen! cement & à la pointé, le milieu étant d'un gris bleuatre ; que [la mandibule fupérieure du bec a en dedans comme une ranure de chaque côté ; que ces rainures retiennent Îles bords tranchans de la mandibule inférieure lorfque le bec eft fermé ; que, vers le bout du bec, il y a une petite éminence ronde aux cotés de laquelle font deux petits trous par où les canaux falivaires fe déchargent ; que dans la bafe du bec font les trous des narines, longs de fix lignes, fur deux de large, en allant du haut en bas, ce qui donne une grande amplitude aux parties extérieures de l'organe de l'odo- rat dans cet oïfeau ; que la langüe eft dure & cartilagineufe, fatfant par le bout comme un detmi-canal, & fes deux côtés étant relevés en haut ; ces côtés ayant un rebord encore plus dur que le refte de : là langue, qui fait comme une fcie com- pofée de pointes tournées vers le goliers que lœfophage fe dilate vers le bas, & LT du Griffon. 219 forme une grofle bofle qui prend un peu au-deflous du rétréciflement de l’œfo- phage ; que cette boffe n'eft difiérente du jabot des poules, qu'en ce qu'elle eft par- emée d'une grande quantité de varfieaux fort viñibles, à caufe que la membrane de cette poche eft fort blanche & fort tranfparente // ); que le géfier n'eft ni aufli dur nt auffi épais quil left dans les gallinacées, & que fa partie charnue n'eft pas rouge comme aux géliers des autres oïfeaux , maïs blanche comime font les autres ventricules ; que fes 1n- teftins & Les cecum font petits comme dans les autres orfeaux de proie ; qu'énfin l'ovaire eft,à l'ordinaire, & T'ovidnéfus un peu anfractueux comme celur des poules, & qu'il ne forme pas un*conduit (1) Nota. H paroîtroit, par te que difent ici MS de PAcadémie, que le griffon a le j2bot proéminent au dehors; cependant je me fuis afuré par mes yeux du contraire , if n’y a qu’un orand creux à la place du jabot, à l'extérieur ; mais cela n'empêche pas qu’à l'intérieur il ny ait une boffe & un grand élargiffement dans @ette partie de l'æ- fophage qui foulève la peau du creux & le rem- p'it loifque l'animal eft bien repe. : K 1 à 220 Hifloire Naturelle, &c. droit & égal, aimfi qu'il left dans plu= fieurs autres otfeaux (mm). Si nous comparons ces obfervations fur les parties intérieures des vautours, avec celles que les mêmes Anatomiites de l’Académie ont faites fur les aigles, : nous remarquerons aïfément que , quoique les vautours fe nourriflent de chair comme les aïgles , ils n'ont pas néanmoins la même conformation dans les parties qui fervent à la digeftion, & qu'ils font à cet égard beaucoup plus près des poules & des autres oïfeaux qui fe nourriflent de grain, puifqu'ils ont un jabot & un eftomac qu'on peut regarder comme un demi-gélier, par fon épaifleur à la par- tie du fond : en forte que les vautours paroiflent être conformés non-feulement pour ètre carnivores, mais granivores & k | même omnivores, . (m) Mémoires pour fervir à l’Hiftoire des ani- Maux, partie 111, article du Griffon. lo ds 221 _——. red * LE VFAUTOUR O U | ‘GRAND VAUTOUR (a). Voyez la planche y de ce volume. Le Vaurour fimplement dit ou lé grand Vautour, eft l'orfeau que Belon a improprement ‘appelé le grand vaurour cendré (b), & que la plupart des Natu- raliftes après lut, ont aufli nommé vau- aour cendré(c) , quoiqu'il foit beaucoup # Voyez les planches enluminées, n.° 425. (a) Vautour, en Arabe, Racham où Rocham's en Grec, Tü4 ; en Latin, Wultur ; en Efpagmnol, _ Buyetre;en Italien, Avoitorio ; en AHemand, Gyr ou Geir, ou Geier;en Polonois, Sep;en Anglois, Gair où Vuliure, — Le Vautour, Brifion, tome I, page 453- (b) Le grand Vautour cendré. Belon, Hif, nat, des Oiféaux, page 93 avec nne figure. | (c) Vultur cinereus. Aldrov. Avi. tom I, pag. 235 & 271. —Ray, Synopf. Avi. pag. 9, n°. 1. — Willughby, Ornithol. pag. 35, n°. 1. — Klein, _ Ord. avi. pag. 44, n.° 4. — Charleton, Ornomaer. pag. 64, n.9 2. — Rzaczynsky, Au&. Hifl nat, Pol. pag. 430 x li 222 Hifloire Naturelle, &c. plus noir que cendré;ïl eft plus gros &* plus grand que l'aigle commun, mais un peñ moindre que le grifon, duquel il n'eft pas difacile de le diftinguer ; 1.° par: le cou qu'il a couvert d'un duvet beau-. coup plus long & plus fourn:, & qui. eft de [a même couleur que celle des plumes du dos ; 2.° par une efpèce de cravate blanche qui part des deux côtés de la tête, s'étend en deux branches juf- qu'au bas du coû, & borde chaque côté un aflez large efpace d'une couleur noire, & au-deflous duquel il fe trouve un col- lier étroit & blanc ; 3.° par les pieds qui font dans le vautour couverts de plumes brunes, tandis que dans le griflon , les pieds font. jaunâtres ou blanchâtres, & enfin par les doigts qui {ont jaunes, tandis que ceux du griffon {ont bruns ou cendres. [24 (4 1) 1112 CY, / LVL LL LLLL AL LAS LD LL LE ZT. V7 pag. 222 KA, À DR = 11/4 / W // 1//// I 41 A4 / D) Hi Ti LA mi ZT, LE VAUTOUR aa hi * FE 4 +4 LS 4n 8 1 L tu ap 4 140 ns Ar et mind at sd 223 LE VAUTOUR A AIGRETTES (a). C: Vaurour, qui eft moins grand que les trois premiers , left cependant encore aflez pour être mis au nombre des grands vautours : nous ne pouvons én rien dire de mieux que ce qu'en a dit Gefner (b) , qui de tous les Natu- raliftes eft le feul qui ait vu plufeurs de ces oïfeaux. Le vautour , dit-il, que les Allemands appellent hafengeier ( vautour aux lieyres.), a 1é bec noir & crochu par le bout ; de vilains yeux, le corps rand & fort, les aïles larges, la queue fongue & drotte ; le plumage d'un roux nôirâtre , les pieds jaunes. Lorfqu'il eft en repos, à terre ou perché, ïl redrefle les plumes de la tète qui lui font alors fa) Le vautour hupé, Briffon, Ornitkol, tome I, page 460. (b} Gefner, #pi pas, n8a,. ty Huiv, . | 224 Hijioire Naturelle comme deux cornes , que l'on n'apper- | çoit plus quand ïül vole. Il a près de fix pieds de vol ou d'envergure ; 1 marche bien & fäft des pas de quinze pouces d'étendue : 5} pourfuit les oïfeaux de toute efpèce , &.ïl en fait fa proie; il chafle aufli les lèvres , les lapins, Îes jeunes renards & les petits faons , & n'e- pargne pas même le poiflon, 1l eft d'une telle férocité qu'on ne peut lappri- voter, non - feulement ïl pourfuit fa proie au vol en s'élançant du fommet d'un arbre ou de quelque rocher élevé, mais encore à la courfe; 1 vole avec grand bruit : il niche dans les forêts épaifles & délertes fur les arbres les plus élevés; 1l mange la chair , les entrailles des animaux vivans , & même les ca- davres : quoique très - vorace , Il peut fupporter l'abftinence pendant quatorze jours. On prit deux de ces oïleaux en Alfhice au mois de janvier 1513, &, Tannce fuivante, on en trouva d’autres dans un nid qui étoit conftruit fur un A x ? 1 . gros chêne très- élevé, à quelque dif- tance de la ville de Mifen. Fous les grands vautours, c'eft.à-dire; du Vautour à aigrettes. 225$ fe percnoptère , le griffon , le vautour proprement dit , & le vautour à aïgrettes, ne produifent qu'en petit nombre & une feule fois l'année. Ariftote dit qu'or- dinatrement 1ls ne pondent qu'un œuf ou deux {c) : ils font leurs nids dans des lieux fi hauts & d'un accès fi difh- cle, qu'il eft très-çare d'en trouver: ce nelt que dans les montagnes élevées & défertes que l'on doit les chercher { d ): (c) Rupibus inacceffis patit, neque locorum plu= rium incola avis hec efl, edit non plus quam unum out duo PER Arift, H:fé. anim. lib. IX, cap. II. (d) Nota. En général , les. vautours & les aigles qui habitent es îles & les autres terres voi- fines de la mer, ne bâtiflent pas leurs nids fur des arbres, mais contre des rochers efcarpés & dans les lieux Inacceffibles, de forte qu’on ne peut les voir que de la mer lorfqw’on eft fur un vaïfleau. Voyez les obfervations de Belon , depuis la vage 10 “&fqu'à 14.—Dapper dit la même chofe, & ajoute, que quand on veut prendre leurs petits ou leurs œufs , on attache une longue corde à un gros pieu, rofondément enfoncé & bien affermi en terre au Kaut de la montaone , & qu’un homme fe laïffe chiffer le Tong de la corde , en defcendant jufqu’au nid de Poifeau , dans une corbeille où if met les petits & les œufs , & qu’enfuite on le tire en haut avec fa prife. Voyez Deftription des tles dè ARTE par Dapper, page 460: K y 226 Hifloire Naturelle les vautours habitent ces lieux de pré: . férence pendant toute la belle faïlon , | & ce neft que quand les neiges & les glaces commencent à couvrir ces fommets de montagnes qu'on les voit defcendre dans les plaines, & voyager en hiver du coté des pays chauds ; car il paroït que les vautours craignent plus le froid que la plupart des aigles; 1ls font moins communs dans le nord; fl {embleroit mème qu'il ny en a point du tout en Suède , nt dans les pays au- delà , puifque M. Linnxus, dans lé- numération qu'il fait de tous les oïfeaux de la Suède (e) , ne fait aucune mention des vautours : cependant nous parlerons dans F'article fuivant, d'un vautour qu'en nous a envoyé de Norvège , mais cela n'empêche pas quils ne fotent plus nombreux dans les climats chauds. en Egypte/ f), en Arabie , dans les iles & (e) Linn. Fauna Suecica ; pag. 16, & feq. ufque ad pay, 24. | (f) Etant en Egwpte & ès plaines de PArabie déferte , avons obliervé que les vautours y font fréquens & grands. Belon, Hifé, nat. des Orfeaux, page 84. ù du Vautour à aigrettes. 227 de l'Archipel, & dans vi jeurs autres provinces de PAfrique & & de l'Afie : on y fait mème grand ufage de la peau des vautours , le cuir en eft prelque auf épais que celui d’un chevreau ; rl eft recouvert d'un duvet très-fin, très-lerré & tres-chaud , & lon en dis d'ex- cellentes fourrures ( g }. (g) Les payfans de Crète & Îles autres qui ha- bitent les montagnes de. divers pays , en Egypte & dans PArabie déferte , s’étudient de prendre les vautours en diverfes Manierés : ils les écorchent & vendent les peaux aux pelletiers. ... Leur peau eft quafi aufii épaifle que celle d’un chevreau... Les peiletiers favent tirer les plus groffes plumes de Ja peau des vautours , faïffant le duvet qui eit au-deffous , & ainfi la conroyent, faïifant pelices qui valent srand’fomme d’argent ; mais en France s’en fervent le plus à faire pièces à mettre fur Peño- mac. .... Qui feroit au Caire & iroit voir les mar- chandifes qui font expofées en vente , trouveroit des vêtemens de fine foie fourrés de peaux de vautours, tant de noirs que de blancs. {dem , ibidem, pag. 83 & 84. — LH y a une grande quantité de vautours ai l'île de Chypre : ; ces oïfeaux font de la groffeur d’un figne, fort femblable à aigle en ce que leurs aîles & leur. dos , font couvers de mêmes plumes ; leur cou eft plein de duvet, doux eomme la plus fine fourrure , & toute leur peau en eft fi couverte que les Infulaires Ja portent fur {a poitrine & devant leur eftomac pour aider àla v) 238 Hifloire Naturelle Au refte, 1l me paroît que le vautoûr noir que Belon dit être commun en Egypte , eft de 1 même elpèce que le vautour proprement dit, qu'il appelle vautour cendre, & qu'on ne doit pas les féparer comme Font fait quelques Na- turahites / A), putfque Belon lui-même ; qui eft le feul qui les ait indiqués, ne les fépare pas , & parle des cendrés & des noirs, comme faifant tous deux l'ef- pèce du grand vautour , ou vautour proprement dit ; en forte qu'il eft gi é bable qu'il en exifte en effet de noirs * &z d’autres qui font cendrés , mais que nous n'avons pas vus. I en eft du vau- digeftion: ces oifeaux ont une touffe de plumes au-deffous du cou ; leurs jambes font grofles & fortes. . ... Ils ne vivent que de charognes &. ils s’en rempliflent fi fort qu’ils en dévorent en une fois autant qu’il leur en faut pour quinze jours... Et Jorfqu’il font ainfi remplis ils:ne peuvent sé- lever de terre facilement; c’eft ators-qu’on ies tire & tue fort à l'aile, ils font même alors quelque: fois fi pefans qu’on les prend avec des chiens ow qu’on les tue à coups de pierres & de bâtons. Deféription de lAfchipel, par Dapper, page 50. (h) Le Vautour noir. Brion , tome T, past Led + % Voyez les planches enluminées, n° 425. : ee C du autour a'aigrettes, 229 {our noir comme de l'aigle nor qui tous deux font de l'efpece commune du vautour ou de l'aigle. Ariftote à eu rai- fon de dire que le genre du grand vau- tour toit multiforme, puifque ce genre eft en effet coran de trois efpèces du griffon, du grand vautour & du vautour à aigrette , fans y comprendre le percnoptère , qu'Âriftote avoit cru devoir féparer des vautours & aflocter aux afgles. Il n'en cft pas de même dw petit vautour dont nous allons parler, & qui ne me paroît faire qu'une jeule ef- pèce en Europe ; ainf, ce Philofophe a eu encore raifon de dire que le genre du grand vautour étoit plus multiforme , Left à dire, contenoit plus d’efpèces ue celur du petit vautour. 230 Hifloire Naturelle LE PETIT VAUTOUR («). EE: vous RESTE maintenant à parler des petits Vautours”*, qui me paroïfk ent dif- ferer des grands que nous venons d'in- diquer fous Îes noms de percropière , griffon , grand vautour ; & vautour à ai- grette , non-leulement par la gra andeur ; mais. encore par d'autres caractères par- ticuliers. Ariftote, comme je l'ar dit, n'en a fait qu'une efpece , & nos Nomencla- teurs en coinptent trois; favoir , le vautour brun , le vautour d ’Épypte & le vautour à tête blanche. Ce dernier qui eft un des plus petits { b), & dont nous (a) Nota. Cet. oïfeau eft nommé au bas de Ja planche, Vautour de Norvège , parce qu’il nous a été envoyé de Noïvège. * Voyez les planches enluminées, n.° 449. (b) Vultur leucocephalos. Schwenckfeld. Avi. Si pag. 375.—Le vautour à tête blanche. Briflon, Ornithol. tome I, page 466. du petit Vautour. 2 31 donnons ici la repréfentation , paroît être en eflet d'une efpèce différente des deux premiers , car il en difière en ce qu'il a le bas des jambes & les pieds nus, tandis que les deux autres Îles ont couverts de plumes. Ce vautour à tête blanche , eft vratfembliblement le petit vautour blanc des Anciens , qui trouve communément en Arabie , en Ésypte, en Grèce, en Allemagne & jufqu'en Norvège , d’où il nous a été envoyé : on peut remarquer qu'il a la tète - & le deflous du cou dégarnis de plumes & d’une couleur rougeître , & qu'il eft blanc prefqu'en entier, à lex- ception des grandes plumes des ailes qui font noires fc}: ces caractères font plus que fufhfans pour le faire recon- noître. Des autres efpèces de petits vautours indiqués par M. Briflon ; fous les noms de vautour brun & de yautour d'Egypte, il me paroît qu'il faut en retrancher ou (c) Cet oïfeau , dit M. Scwenckfeld, qui fe nomme en Silélie Grimmer, à la langue aflez large , l’efiomac épais & ridé, la vélicule du fief Srande. Schwenckield , Ai, il, pag. 376. 232 Hifloire Naturelle plutot ee le fecond , c'eft-à-dire; le vautour d'Egypte, qui par la def- cription que Belon feul en a donnée {4 n'eit point un vautour, mais un oïfeau d'un autre genre , & auquel 1l a cru devoir donner le nom de /acre Egypriens il ne nous refte donc plus que le vautour brun, au fujet duquel je remarqueral _feulement, que je ne vois pas les ra- {ons qui ont déterminé M. Briflon à rapporter cet orfeau à l'aquila heteropode de Gefner ; 1 me paroît au contraire , qu'au lieu de faire de cet aigle hétéro- pode un vautour, on devroit le fupprt- mer de la irfte ds oïeaux ; car fon exrftence n'eft nullement prouvée ; au- cun des Naturaliftes ne l'a vu ; Gef- ner (e), qui feul en a park, & que tous les autres n'ont fait que copier (f}:, (d) Sacre Egvyptien. Hierax en Grec ; Acci: piter Ægyptius , en Latin; Sacre d'Egypte, en François. Belon , Hifloire naturelle des Oifeaux , pages TI0 307 TTL. (e) Aquila Heteropode. Gefner , Avi. pag. 207. (f) Aquila Heteropos. Aldrov. Ari. tomel, page 232. — Heteropos. Gefher. Charleton, Exerc. pag. 71.— Falco capite nudo fufius. Linn. Syf4 nat. Edit. VE, gen. 36, fp, 2. | du petit Vautour, 233 n'en avoit eu qu'un deflin qu'il a fait graver , & dont 1} a raporté la figure au genre. des aigles ,. &. non pas à celui des vautours ; & la dénomination d'aigle hétéropode qu'il lur donne, eft priie du deffin dans lequel lune des jambes de cet oïfeau étot bleu, & autre d'un brun blanchître ; & 1 avoue quil na pu rien apprendre de certain fur cette efpèce , & qu'il n’en parle & ne lui donne ce nom d'aiple hétéropode , qu'en fuppofant la vérité de ce même deflin. Or un oïfeau deffiné par un homme inconnu, nommé d'après un deflin in- correct, & que la feule difiérence de la couleur des deux jambes doit faire regarder comme infidèle ; un oïfeau qui n'a jamais Été vu d'aucun de ceux qui en ont voulu parler, eft-1l un vautour ou un aïgle ? eft-1 même un oïfeau réellement extftant ? 1l me paroït donc que c'eft très- gratuitement que l'on a voulu y rapporter le vautour brun. Au refte, l'orfeau qui exifte réelle- ment, & qui ne doit point être rap- porté à l'aigle hétéropode qui n’exifte pas » Cft reprélenté dans les planches 234 Hifloire Naturelle enlummées, n° 427 ; & comme ïl nous a été envoyé d'Afrique aufli-bien que de Pile de Maïte { g ) , nous le renvoyons à l'article fuivant, où nous traiterons des oïfeaux étrangers qui ont rapport aux vautours. } ï (g) Le Vautour brun. Briffon, Otnithol, tom.l, page 455. | | à OISEAUX ÉTRANGERS Qui ont rapport aux VAUTOURS. I. L'o1isrAu envoyé d'Afrique & de l'ile de Malte, fous le nom de autour brun * , dont nous avons parlé dans l'ar- ticle précédent, qui eft une efpèce ou une variété particulière, dans le genre des vautours, & qui, ne fe trouvant point en Europe , doit être regardée # Voyez les planches enluminées , n,° 427, ° “ des Oifeaux étrangers, 238$ comme appartenante au climat de FA- frique, & {ur-tout aux terres voifines de la mer méditerranée. & L'oiseau appelé par Belon , le Jacre d'Egypte, & que le Docteur Shaw indique fous le nom ÆAckbobba ; cet oïfeau fe voit par troupes dans les terres ftériles & fablonneufes qui avoilinent les pyramides d'Egypte ; 1l fe tient prelque toujours à terre & fe repait comme les vautours de toute viande & de chair corrompue. € Il eft (dit Belon) oïfeau fordide & non gentil , & quiconquecc ferndra voir un otfeau, ayant la cor-ce pulence d'un milan, le bes entre lece corbeau & l'oïfeau de proie, crochues par le fin bout, & les jambes & pieds, ce & marcher comme le corbeau, aurace l'idée de cet oïfeau, qui eft fréquentes en Égypte, mais rare aïlleurs, quoi-ce qu'il y en aït quelques-uns en Syrie, ce & que j'en ate (ajoute-t-1l) vu quel-se qu'uns dans la Caramanie, » Au refte, cet oïfçau varie pour les couleurs ; c'eft, 236 Hifloire Naturelle à ce que croit Belon, l’hierax où acci- pirer Ægyptius d'Hérodote , qui, comme libis, étoit en vénération chez les an- ciens Égyptiens, parce que tous deux tuent & mangent les ferpens & autres bêtes Immondes qui infeétent l'Erypte/a). ec Auprès du care, dit le docteur Shaw, s»nous rencontrames plufieurs troupes s»d'achbobbas, qui, comme nos cor- s»beaux ; vivent de charogne...... ceft peut-être lépervier d'Égypte, 2 dont Strabon dit que, contre Îe na- ssturel de ces fortes d’otfeaux, ïl n’eft > pas fort fauvage, car l'achbobba eft un >> oïfeau qui ne fait point de mal, & que 22 les mahométans regardent comme facré; sc'eft pourquoi le Bacha donne tous les {a) Belon, Hifl. Nat. des Orfeaux, pages 110 € 111, avec figure, dans laquelle on peut remar- quer que le bec reffemble beaucoup plus à celui d’un aigle ou d’un‘épervier qu’à celui d’un vau- tour ; mais On doit préfumer que cette partie eft mal repréfentée dans la figure, puifque l’Auteur dix, dans fa defcription, que le bec eft entre celui du corbeau & celui d’un oifeau de proie, & crochu par l’extrémité, ce qui exprime aflez bien fa forme du bec d'un vautour. A à. * des Oifeaux étrangers. 237 jours deux bœufs pour Îles nourrir, ce quice paroiït être un refte de l’ancienne fu-c« perftition des Égyptiens » (4). C'eft de ce même oïfeau dont parle Pau! Lucas. «On rencontre encore en Égypte, dit-il , de ces éperviers à qui on rendoit , aimfi quà libis, un autrecc culte religieux ; c'eft un oïfeau dec proie de la grofleur d'un corbeau,ce dont Ia tète reflemble à celle d'acté vautour & les plumes à celle d'unc faucon ; les prêtres de ce pays re-ce préfentoient de grands myftères fousce: le fymbole de cet oïfeau ; ts le faï-ce foient graver fur leurs obélifques &ce fur les murailles de leurs temples pour ce repréfenter le foleil ; la vivacité de fesce yeux qu'il tourne béélatement vers cet ce aftre , la rapidité de fon vol, fa Ionguece vie, tout leur parut propre à marquerce la nature du foleïl, &c. » (cc). Au refte, cet oïfeau, qui; comme l'on voit, neft pas aflez décrits pourroit bien être le {b) Voyage de Shaw, D. M. tome II, pages 9 92: | {c) Voyage de Paul Lucas, rome IIT, page 2049 238 Hifloire Naturelle même que le galinache ou marthend, dont nous ferons mention, art. IV. : : 108 26) À L’oise AU {d) de l'Amérique méri- dionaie *, que les Europécns qui habitent les. Colonies, ont appelé Roï des Vau- tours (e), 8 qui eft en cflet le plus bel oïfeau de ce genre : c’eft d’après celui qui eft au cabinet du Roi , que M. Bril- fon en a donné uüne bogne & ample defcription. M. Edwards , qui a vu plufieurs de ces otfeaux à Londres, la auf très-bien décrit & defliné : nous * Voyez les planches enluminées, n.° 428. (4) Cofquauhtli, ut mexicani vocent ; five aura De Laët, Hiff INor. orbis , pag. 232. — Cofca-' quaubtit. Regina aurerum Hernandes. Hif. Mex. pag. 319.— Cofcaquauhtit. Fernandès, Hif£ rov. Hfp. pag. 20. — Regina aurarum. Euf. Nierem- bérg ; pag. 224. — Vautoursdes Indes. Albin, tome 1 , page 2, avec une figure coloriée, planche 17. (e) Roi des Vautours. Edwards , Hifl des O'féaux, tome I, page 2 , avec une bonne figure , bien eulüuminée, planche 11. — Le Roï des Vau- tourg. Brifion, Ornitéol. tome TI, page 470, avec une bonne ‘figure, planche xxxv1. des Oifeaux étrangers. 239 réunirons ici les remarques de ces deux auteurs & de ceux qui les ont précédés, avec celles que nous avons faites nous- mêmes fur la forme & a nature de cet oïffeau ; c'eft certainement un vau- tour, car ïl a la tête & le cou dénué de plumes, ce qui eft le caractère le plus drftinétif de ce genre ; maïs 1l n'eft pas des plus grands, n'ayant que deux pieds deux ou trois pouces de longueur de corps, depuis le bout du bec juiqu'à celur des pieds ou de la queue ; n'étant pas plus gros qu'un dindon femelle ; & n'ayant pas les arles à proportion fi grandes que Îes autres vautours, quoi- qu'elles s'étendent ; lorfquelles font + à: ; » à 7.1 PS plices, jufqu'à l'extrémité de la queue, qui n'a pas huit pouces de longueur ; le bec, qui eft aflez fort & épais, eft d’abord droit & direct & ne devient crochu qu'au bout ; dans quelques-uns il cft entièrement rouge, & dans d'autres l ne Veft qu'à Ton extrémité, & noir dans fon mtiieu ; la bafe du bec eft en- vironnée & couverte d'une peau de couleur prangée, large ; & s'élevant de chaque coté julqu'au haut de Ia tête, 249 Hifloire Naturelle & c'eft dans cette peau que font placées les narines, de forme oblongue , & entre lefquelles cette peau s'élève comme une crête dentelée & mobile , & qui tombe indifféremment d’un côté ou de l'autre , felon le mouvement de tête que fait l'otfeau ; les yeux font entourés. d'une peau rouge écarlate, & l'iris a la couleur & léclat des perles; la tête & le cou font dénués de plumes & couverts d’une peau de couleur de chair fur le haut de la tête, & dun rouge plus vif fur le derrière & plus terne fur le de- vant ; au-deflous du derrière de la tête s'élève une petite toufle de duvet noir, de laquelle fort & s'étend de chaque côté fous la gorge, une peau ridée, de couleur brunâitre, mêlée de bleu & de rouge dans fa partie poftérieure : cette peau 'eft rayée de petites lignes de duvet noir ; les joues ou cotés de la tête font couvertes d’un duvet noir, & entre le bec & les yeux, derrière les coins du bec il y a de chaque côté une tache d’un pourpre brun ; à la partie fapérieure du haut du cou il y à de cha- que côté une petite ligne longitudinale de des Oifeaux étrangers. 24 de duvet noir, & l’efpace contenu entre ces deux lignes eft d'un jaune terne; les côtés du haut du cou font d'une couleur rouge, qui fe change , en defcen- dant par nuances, en jaune ; au - deflous de la partie nue du cou eft une efpèce de collier ou de fraile, formée par des plumes douces aflez longues & d'un cendré foncé ; ce collier, qui entoure le cou entier & defcend fur la poitrine, eft aflez ample pour que l'oifeau puifie, en fe refierrant, y cacher fon cou & partie de fa tête, comme dans un ca- puchon, & ceft ce qui a fait donner à cet oïfeau le nom de moine (f) par quelques Naturaliftes ; les plumes de Ia poitrine, du ventre, des cuïles, des jambes, & celles du deflous de la queue: font blanches & teintes d'un peu d'’au- rore ; celles du croupion & du deflus de la queue varient, étant noires dans quelques individus & blanches dans (f) Vultur monachus Monck. Rex Wariwarum. Avem Moritzburgi vidi cujus figura in aviarie pie Bareithano. Calvitium quafi rafum habet. Collum nu- dum in vaginâ cutaneâ , plunus cinereis lanatis fim- _ priatä recondere potef. Klein, Ordo, Avi. pag. 46, _ Oifeaux , Tome I. L 243 Hifloire Naturelle d’autres ; les autres plumes de la qüeueh font toujours noires, aufli-bien que lesh grandes plumes des ailes, lefquelles fonts ordinarrement bordées de gris: la cou leur des pieds & des ongles n’eft pas law même dans tous ces oïfeaux , les unsw ont les pieds d'un blanc fale ou jaunitres &c les ongles norrâtres; d’autres ont les! pieds & les ongles rougeîtres , les ongles! font forts courts & peu crochus. | Cet otfeau eft de l'Amérique mérr-! dionale & non pas des Indes orientales, comme quelques auteurs l'ont écrit (g);! celui que nous avons au cabmet du Roï a été envoyé de Cayenne : Na-# varette en parlant de cet oïfeau, dit/{L)4 &ej'ar vu à Acapulco le rot des zopilotes{ sou vautours; Ceit un des plus beaux ofeaux quon puile voir , &c. » Let (g) Albin dit que celui qu’il a definé étoit venu des Indes orientales par un vaïffleau Hollandois ap= pelé Île Pallampank , partie III, page 2 , n.° 4.4 M. Edwards dit aufli que les gens qui montroiïent ces oïifeaux à la foire de Londres, afluroïent qu’ils venoient des Indes orientäles ; maïs que néanmoins il croit qu’ils font de P Amérique. (Ah) Voyez le Recueil des Voyages; par Purchaff, pase 753; d'A à loi { des Oifeaux étrangers. 243 fieur Perry , qui fait à Londres com- merce d'animaux étrangers , a afluré à M. Edwards, que cet oïfeau vient unt- quement” de l'Amérique : Hernandès, dans fon Hiffoire de la nouvelle Efpagne, le décrit de manière à ne pouvoir s'y méprendre : Fernandès , Nieremberg & de Laët (2) qui tous ont copié la men (i) I y a dans fa nouvelle Efpagne une in- croyable abondance & variété de beaux oïfeaux, entre lefqueis on eftime exceller le Co/quauhtli ou Aura, comme Îles Mexicains le nomment, de Ia grandeur d’une poule d'Égypte, quia les plumes noires par-tout le corps, excepté au cou & autour de la poitrine où elles font d’un noir rougiflant; les ailes font noires & mêlées de couleur cendrée, pourpre & fauve au refte ; les ongles font recourbés Le bec femblable au papagais, rouge au bout; les trous des narines ouverts ; les yeux noirs, les pru- nelles fauves , les paupières de couleur rouge, & le front d’un rouge de fang & rempli de plufeurs rides, lefquelles 11 fronce & ouvre à la façon des coqs d'inde, où il y a quelque peu de poil crépu comme celui des Nêgres ; la queue eft femblable à celle d’un aigle, noire deflus & cendrée deflous. . . 1! y a un autre oïfeau de même efpêce, que les Mexicains nomment Tzopilotl. De Laët, Hf. du nouveau monde, iv, V, chap. 1V, p.143 & 144. Nota. Ce iecond oïfeau, appelé Tropilotl par des Mexicains, eft un vautour; car celui qu’on appelle roi des Vautours à été auf nommé roi des Zopiloiles. L j 244 Hifloire Naturelle defcription de Hernandès, s'accordent. à dire, que cet orfeau eft commun dans. les terres du Mexique & de la nouvelle » Efpagne; &, comme dans le dépouille- 2 ment que j'ai fait des ouvra ges des : Voyageurs , je nar pas trouvé la Pl $ Iécère indication de cet oïfeau dans ceux | de l'Afrique & de l'Afie, je penfe qu'on « peut aflurer qu'il eft propre & parts. culier aux terres méridionales du nou- veau continent, & qu'il ne fe trouve pas dans l'ancien ; on pourroit m'ob- jecter , que puifque louroutaran où aigle du Brefl fe trouve de mon aveu, également en Afrique & en Amérique, je ne dois pas aflurer que le rot des vautours ne s'y trouve pas aufli ; la dif- tance entre les deux continens eft égale pour ces deux oifeaux, maïs probable- ment la puiflance du vol eft inégale (#), (k) Hernandès dfe néanmoins que cet oifeau s’élève fort haut, en tenant les ailes très-étendues, & que fon vol efi fi ferme qu’à rélifte aux plus # grands vents. On pourroit croire que Nieremberg M Pa appelé regina aurarum , parce qu’il furmonte la force du vent par celle de fon vol ; mais ce nom aura n’eft pas dérivé du Latin, il vient par çon= A 1 ITA NE 7, PIN MAN) WA NY, y Hi, / 1 AU TES 02 | | US He PT |; La a | | nee an Ut ten | | | Ji LE ROI DES VAUTOURS. DEN PEUT / d ve mn: ; 4. thé rit + REX Ave ré ND. GéAfpatAArs ‘1e LE y et RE PPT OUR CR SE LES ln té stet 4 Û alu ide of té NP, Œi | , Là : À a Led + Del ; ‘ ' € 1? ei wa E . « A \ 4 ‘ , ] À d » + F : d Li é ! à D ” 2 L” , LA n verte ù L 4 A à » "0 . , l'A des Oiféaux etrangers. 245$ & les aigles en général volent beaucoup mieux que les vautours ; quoi qu'il en foit , il paroît que celui-cr eft confiné dans les terres où ïl eft né, & qui s'é- tendent du Brefl à la nouvelle Éfpagne, car on ne le trouve plus dans les pays moins chauds, 1l craint Île frord; ain, ne pouvant traverfer la mer au vol entre . le Brefl & la Gumée , & ne pouvant pafler par les terres du nord, cette ef- pèce eft demeurce en propre au nou- veau monde & doit ètre ajoutée à la [fe de celles qui nappartiennent point à l'ancien continent. Au refte, ce bel otfeau n'eft nt propre, nt noble, ni généreux ; il n'attaque que les animaux les plus foibles, & ne fe nourrit que de rats , de lézards, de ferpens & même des excrémens des animaux & des hommes ; aufli a-t-11 une très-mauvaile odeur , & les Sau- vages mème ne peuvent manger de fa chair. traction d’ouroua qui eft le nom Indien d’un autre vautour dont nous parlerons dans Particle fuivant, L tj 246 Hifioire Naturelle LM L'orseaAu (1) appelé ouroua ou aura (m), par les Indiens de Cayenne, (1) Voyez les planches enluminées, n.° 187. Nota. ! £et oïifeau eft nommé au bas de la planche, Wau- tour du Brefil, parce qu’il nous a été envoyé de éeite contrée. ([m) Cet oïfeau a été nommé wruku (ouroubou) : ar les Indiens du Bref. Urubu Brafilienfibus 4 Dao Hifl. nat. Brafil. pag. 208. — Ouroua, par les Indiens de Cayenne. Meleagris Guianenfis sorguatus : duplict ingluvie foras propenderte, Ouroua. Barrère, Ornithol. pag. 76. Corvus calvus , terquatus Auplici inglavie foras prependente. Cormoran des A ma- zones. Barrère, Hif?. de la France Équinoxiale, page “129. — Aura ; pallinaça aut gallinaço aliis. Euf. Nie- remberg, page 224. — Zopiletl. five aura. Hernan- dès, page 331; Fernandès , page 37. — Zamuro, fur les côtes de lAmérique méridionale ; & Suyuntu au Pérou. Nieremberg , 1bid. pag. 224.— Galinache ou Marchand. Voyage de Defmarchaïs , tome Ill, page 329. — Marchand. Hifi. des Aveu- zuriers , par Oexmelin, tome II, page 13. — Les Anglois de Ia Jamaïque Font nommé Cavion Crow , & les Anglois d'Europe, Turkey Buzard. Bufe à figure de paon. Catesby, rome 1, page 6, avec une figure coloriée. Nota. Turkey Buyzard, en Anglois, ne fignifie pas Bufe à figure de paon en François; c’eft une faute du traducteur , Turkey Buzzard fignifie dindon bufe. ER ne > RENE des Oifeaux étrangers. 247 drubu ({ n )(ouroubou) par ceux du Bref, Zopilorl par ceux du Mexique , & auquel nos François de Saint - Domingue & nos voyageurs, ont donné le furnom de marchand : c'eft encore une efpèce quon doit rapporter au genre des vai= tours fe ), parce qu'il eft du même na- turel, & qu'il a, comme eux , le bec crochu , & la tête & le cou dénués de plumes; quoique, par d'autres caractères, il reflembie au dimdon / p) , ce qui lui a fait donner par les Kifpagnols & les Portugais, le nom de gullinaco ou gal- linaca : il n'eft guère que de la gran- deur d’un oïe fauvage ; il paroît avoir la tête petite , parce qu'elle n’eft cous verte, ainfi que le cou, que de la peau nue , & femée feulement de quelques (n) Nota. On a mis par méprife le nom d’urubu à la planche n.° 428 du roi des vautours; mais c’eft à l’oifeau dont il eft ici queftion que ce nom appartient, (0) Vultur pullus , capite implumi , cute crafta rugos@ , ultra aperturas nafüles laxatä. tefo. Browne. Hifl. nat of Jamaïc. pag. 471. — Le Vautour du Brefil. Briflon, Ornitñol. tome I, page 468. (p) Vüultur galline Africane facie, Sioane , Of Jamaïc. pag. 294, avec une figure, L 1v 248 Hifloire Naturelle poils noirs aflez rares ; cette peau eft raboteule & variée de bleu , de blanc _& de rougeître : Îles arles, lorfqu'elles font pliées , s'étendent au-delà de Ia queue , qui cependant eft elle - même aflez longue : le bec eft d'un blanc jaunâtre & neft crochu qu'à l'extrémité; la peau nue qui en recouvre la bafe s'étend prefqu'au milieu du bec, & elle eft d'un jaune rougeître ; l'iris de l'œil eft orangé, & les paupières font blan- ches ; les plumes de tout le corps font brunes ou notrâtres , avec un reflet de couleur changeante de vert & de pour- pre obicurs ; les pieds font d’une cou- leur livide , & les ongles font noirs : cet oïfeau a les narines encore plus lon- gues à proportion que les autres vau- tours ({ g ); il eft aufh plus lâche , plus file & plus vorace qu'aucun d'eux , fe eme hante (q) Nota. J'ai cru devoir donner une courte defcription de cet oïfeau, parce que j’ai trouvé que celles des autres Auteurs ne s’accordent pas parfaitement avec ce que j’ai vu ; cependant comme H n’y a que de léoères différences, il eft à pré- fumer que ce font des Le individuelles, & par conféquent leurs defcriptions peuvent étre auffi bonnes que la mienne, | des Oifeaux étrangers. 249 nourriflant plutot de chair morte & de vidanges , que de chair vivante; ïl a néanmoins le vol élevé & aflez rapide, pour pourfuivre une proie sil en avoit le courage , mais 1l n'attaque guère que les cadavres ; & s'il chafle quelquefois, ceft, en fe réunifiant en grandes troupes, pour tomber en grand nombre fur quel- que animal endormi ou blefie. Le marchand ef le même oïfeau que celui qu'a décrit Kolbe , fous le nom d'aigle du cap : il fe trouve donc éga- lement dans le continent de l'Afrique & eue celur de l'Amérique méridio- nale , $ comme on ne le voit pas fré- quenter les terres du nord , fl paroît qu'il a traverfé la mer entre le Brefil & la Guinée. Hans Sloane , qui a vu & obfervé pluñieurs de ces oïfeaux en Amérique, dit qu'ils volent comme les milans, qu'ils font toujours Ipaïgres. Il eft donc très-poflible qu'étant aufli légers de vol & de corps, ils aïent franchi l'intervalle de mer qui fépare les deux continens. Hernandès dit qu'ils ne {e nourrifent que de cadavres d’ant- maux & même d'éxcrémens : humains : L y 250 Hifloire Naturelle qu'ils fe raflemblent fous de grands arbres d'où ïls defcendent en troupes pour dévorer les charognes ; il ajoute que leur chaïr a une mauvaïfe odeur, plus forte que celle de la chatr de corbeau. Nieremberg dit aufli qu'ils volent tres- haut & en grandes troupes; qu'ils paflent Ta nuit fur des arbres ou des rochers très- élevés , d’où 1ls partent le matin pour venir autour des lieux habités; qu'ils ont la vue très-perçante, & qu'ils voient de baut & de très-loin les animaux morts qui peuvent leur fervir de pâture; qu'ils font très-filencieux , ne criant , nt ne chantant jamais, & qu'on ne les entend que par un murmure peu fréquent ; qu'ils font très-communs dans les terres de l'Amérique méridionale , & que leurs | petits font blancs dans le premier âge, & deviennent enfuite bruns ou noirîtres en grandiflant. Marcgrave, dans la def- cription qu'il donne de cet oïfeau, dit qu'il a les pieds blanchîtres , les yeux beaux, & , pour aïnl dire , couleur de rubis ; la langue en gouttière & en fcie fur es côtés. Ximenès aflure que ces offaux ne volent jamais qu'en grandes à Ê » des Oifeaux étrangers. 251 troüpes & toujours très-haut ; qu'ils tombent tous enfemble fur 12 même proie , qu'ils dévorent jufqu'aux os & fans aucun débat entr'eux, & qu'ils fe rempliflent au point de ne pouvoir re- prendre leur vol : ce font de ces mêmes otfeaux dont Acofta fait mention fous le nom de poullazes (r) ce qui font , dit- il, d'une admirable légèreté, ont acc vüe trés-perçante , & qui font fortce propres pour nétoyer les cités, d'au-ce tant qu'ils n'y laiflent aucunes cha-cc rognes nt chofes mortes ; ils pañflent ce la nuit fur les arbres ou fur les rochers, ce 8 au matin viennent aux cités ; fece mettent fur le fommet des plus hautsce édifices , d'où ils épient & attendentce eur prife ; leurs petits ont le plumage ce blanc ; qui change enfuite en noirce avec l'âge. » « Je. crois , dit Defmar- chais , que ces oïfeaux appelés gal-ce linaches par les Portugais, & marchandsce par les François de Saint-Domingue ,ce {ont une efpèce de coq- d'inde (f),6e (x) Hiftoire des Indes , par Jofeph Acofta, p.196, ({) Nota. Que quoique cet oïfeau SE au V) 252 Hifloire Naturelle qui au lieu de vivre de graines , de sofruits & dherbes comme les autres, ssfe font accoutumés à être nourris de corps morts & de charognes ; üs fur- savent les chafleurs , fur-tout ceux qui one vont à la chaffe que pour la peau »» des bêtes; ces gens abandonnent les chatrs , ils pourriroient fur les lieux ss & infecterotent l'atr fans le fécours de ‘ssces oïfeaux, qui ne voient pas plutot sun corps écorché , qu'ils s'appellent soles uns les autres, & fondent deflus s5comme des vautours, & en moins de s>rien en dévorent la chair & larflent les 5508 auffi nets que s'ils avoient été ra- clés avec un couteau. Les Efpagnols » des grandes îles & de la terre-ferme, s>auffHi-bien que les Portugais, habitans >des lieux où l’on fait des cuirs, ont sun foïn tout particulier de ces oïfeaux , à caufe du fervice qu'ils leur rendent, en dévorant les corps morts & em- »>pêchant ainfi qu'ils ne corrompent cog-d’inde par la tête , le cou & Ja grandeur du gorps , il n’eft pas de ce genre ; mais de celui du vautour dont. if a non-feulement le naturel & les mœurs, mais encore le bec crochu & les ferress des Oiftaux étrangers. 253 Tarr; ils condamnent à une amende lesce chafleurs qui tombent dans cette mé-cc prie ; cette protection a extrèmementce multiplié cette vilaine efpèce de cog-c d'inde , & on en trouve en bien des en-ce droits Le la Guiane , aufli- bien quece du Bref, de la nouvelle Efpagne &cc des grandes îles ; 1ls ont une odeurce de charogne que rien ne peut ôter 56e on a beau leur arracher le croupionce dès qu'on les a tués , leur oter les en-ce trariles , tous ces foins font inntrles;ce eur chair dure , coriace, filafleufe , ace contri@té une mauvaife odeur infup-ce portable. E] ce Ces oïfeaux ( dit Koïbe) {e nour- riflent d’animaux morts ; j'af moi-« même vu pluñeurs fois des fquelettes ce de vaches , de bœufs & d’'antimauxcs fauvages qu'ils avoient dévorés ; j'ap- «6 pelle ces reftes des fquelettes, & cecs neft pas fans fondement » puifquece ces oïfeaux féparent avec tant d'art lesce chars d'avec les os & la peau, quece ce qui refte eft un fquelette parfait ,c couvert encore de la peau ; fans qu Hi y ait rien de dérangé ; on ne fauroite 2$4 Hiftoire Naturelle s»même s'appercevoir que ce cadavre #eft vide que lorfquon en eft tout près : pour cela, voici comme ils sy s>prennent ; d'abord ts font une ou- s>verture au ventre de lanimal, d'où so1ls arrachent les entraïlles, qu'ils man- gent, & entrant dans le vide qu'ils 5 viennent de faire 1ls {parent les chaïrs; les Hollandoïs du Cap appellent ces »aïgles ffront-yogels ou féront-jagers (t) , »c'eft-à-dire , oifeaux de ftente , où qui ssvont à la chafle de la fiente ; ïl arrive »»fouvent qu'un bœuf qu'on laïfle re- tourner feul à fon étable , après l'avoir s20té de la charrue , fe couche fur Île 92chemin pour fe repoler ; fi ces aigles 3» l'appercoivent , elles tombent imman-. s»quablement fur lui & le dévorent; »lorfqu'elles veulent attaquer une vache »ou un bœuf, elles fe raflemblent & + viennent fondre deflus au nombre de cent & quelquefois même davantage: #elles ont l'œil fi excellent qu’elles (+) Cette efpèce d’aigle eft appelée rurkey buyzard, dindon bufe, par Catesby, Hifi. nat. Carol. Tab. vi; & par Hans Sloane, Hif, nat, Jamaic, Ec, Note de PEdiveur de Kolbe, des Oifeaux étrangers. 2545 découvrent leur proie à une extrèmece hauteur , & dans le temps qu'elles-ce mêmes échappent à a vue Ia plusce perçante , & aufli-tôt qu'elles vorent lece moment favorable eiles tombent per-ce pendiculairement fur l'animal qu'elles ce guettent ; ces aïgles font un peu plusce grofies que les oïes fauvages , leursce plumes font en partie noires, & ence partie d'un gris clair , maïs la partiece noire eft Ia plus grande; elles ont lecc bec gros, crochu & fort pointu; leursce {erres font grofles & aiguës ( x ).19 ee Cet orfeau ( dit Catesby ) pèle quatre livres & demie , il a {a tête & unece partie du cou rouge, chauve & charnuce comme celui d’un dindon, clarementce femés de poils noirs ; le bec de deuxce pouces & demi de long , moitié cou-& vert de chair, & dont le bout quice eft blanc eft crochu comme celur d'unce faucon ; mais ïl n’a point de crochetsce aux côtés de la mandibule fupérieure 66 les narines font très-grandes & très-ce ouvertes , placées en avant à unece (u) Defcription du cap de Bonne-efpérançe , par Kolbe, vome IIT, pages 158 © 159 256 Hifloire Naturelle > diftance extraordinaire des yeux ; Îes 2>plumes de tout Île corps ont un >» melange de pourpre foncé & de vert; fes jambes font courtes & de couleur de chair , fes doigts longs comme ceux des coqs domeftiques , & {es ongles , qui font noirs, ne font pas fi »>crochus que ceux des faucons : ils fe »nourriflent de charognes & volent fans >>cefle pour tâcher d'en découvrir; ils fe tiennent long -temps fur laïle & montent & defcendent d’un vol ail, fans qu'on puifie s'apercevoir du mou- s>vement de leurs aïles ; une charogne attire un grand nombre de ces oïfeaux , 21 & il y a du plaïlir à être prélent aux »»difputes qu'ils ont entr'eux en man- »geant (x /: un aïgle préfide fouvent sau feftin & les fait tenir à l'écart pendant qu'il fe repait ; ces oïrfeaux ont un odorat merveilleux ; 1 nya spas plutôt une charogne, quon les voit venir de toutes parts en tournant toujours , & defcendant peu - à - peu (x) Nota. Ce fait eft contraire à ce que difent Nieremberg , Marcgrave & Defmarchais, du fi- lence & de {a concorde de ces oifeuxen mangeant, des Oifeaux étrangers. 257 jufqu'à ce qu'ils tombent fur leurce proie ; on croit généralement qu'isce ne mangeénterien qui ait VIe , mMAIS je ‘6 fais quil y en a qui ont tué desc agneaux , & que les ferpens font leurce nourriture ordinaire. La coutume d£ce ces oïfeaux eft de fe jucher plulieursce enfemble fur des vieux pins & desce cyprès, où ls reftent le matin pen-ce dant plulieurs heures , les arles dé-ce ployées {/y) : ils ne craignent guèrece le danger & fe laïflent approcher dec prés, aan lorfqu'ils mangent. » Nous avons cru devoir rapporter at long tout ce que l'on fait d'hiftorique au fujet de cet otfeau , parce que c'eft {ouvent des pays étrangers , & fur-tout des déferts , qu'il faut tirer les mœurs de la Nature, nos animaux , & même nos oïfeaux , continuellement fupitifs devant nous , n'ont pu conferver leurs véritables habitudes naturelles , & c’eft dans celles de ce vautour des déferts de (y) Nota. Par cette habitude des ailes déployées, ï paroît encore que ces oifeaux font du genre des vautours, qui tous tiennent Îeurs ailes étendues lorfqu’ils font pofés, 253 Hifloire Naturelle l'Amérique , que nous devons voir ce que ferotent celles de nos vautours, s'ils nétoient pas fans cefle inquictés dans nos contrées , trop habitées pour les laïffer fe raflembler , fe multiplier & fe nourrir en fi grand nombre ; ce font à leurs mœurs primitives; par-tout ils font voraces, lâches , dégoûtans, odieux, & comme les Ioups , auffi nurhbles pendant leur vie , qu'inutiles après leur mort, V. LE CONDOR (4) SILAFACULTÉ de voler eft unattri: but eflentiel à l’otfeau , le Condor doit être (x) Le Condor. Cuntur, au Pérou & au Chili. Ouyrad-Ovaffou , (Ouyra-ouaflou) ; chez les peuples _du Maragnon, ce qui fignifie grand Ouara ou grand Aura , grand oïifeau de proie ; car deLery obferve que le mot Ouara, Ouyra, Aura ,; chez les Topi- namboux, eft un nom générique pour tous fes oifeaux de proie. — Cuntur, par Îles Péruviens; Condor , par les Efpagnols; Hifloire du nouveau Morde , par de Laët , page 330. — Ouyrad- Ouaffou , idem , page 553. — Oïfeau de proie nommé Condor. Journal des Voyages du P. Feuillée, ce RTE ee du Condor. 2 $9 regardé comme le plus grand de tous; Vautruche, le cafoar, le dronte, dont les ailes & Îles plumes ne font pas con- formées pour le vol, & qui, par cette raïon, ne peuvent quitter la terre, ne doivent pas lui être comparés ; ce {ont, pour aïinfi dire, des oïfeaux imparfaits, des efpèces d'animaux terreftres , bi- pèdes, qui font une nuance mitoyenne entre les oïléaux & les quadrupèdes dans un fens, tandis que les rouflettes, les rougettes & les chauve-fouris font une femblable nuance , mais en fens contraire, entre les quadrupèdes & les oïfeaux. Le condor pofsède même à un plus haut degré que l'aigle toutes,.les qualités , toutes les puiflances que la Nature a départies aux efpèces les plus parfaites de cette clafle d'êtres ; il a juf- qu'à dix-huit pieds de vol ou d'enver- gure, le corps, le bec & Îles ferres à proportion aufli grandes & aufli fortes; page 640. — Condor. Fréfier, Voyage de la mer du Sud , page 111.— La Condamine , Voyage de la rivière des amazones ; page 175. — Oïfeau d’une grandeur prodigieufe , appelé Contour ou Condur, Voyage de Definarchais, tome III, page 320. ) 260 Hifloire Naturelle > le courage égal à la force, &c. Nous ne pouvons MIEUX faire, pour donner une idée jufte de la forme és: des pro- portions de fon corps, que de rap- porter ce qu'en dit le P. Feurllée , le {eul de tous les Naturaliftes & Voyageurs qui en ait donné une defcriptton dé- taillée. ce Le condor eft un oïfeau de proie de la vallée d’Ylo au Pérou... J'en découvris un qui étoit perché fur un grand rocher ; je l'approchat »à portée de fufi & le tirai ; mais, comme mon fufil n'étoit chargé que sde gros plomb , le coup ne put en- > tièrement percer la plume de {on pa- s>xement ; je m'aperçus cependant à fon. » vol qu'il étoit blefié; car , s'étant icvé fort fourdement, 1l eut aflez de peine à arriver fur un autre grand rocher à cinq cents pas de 1à, {ur le bord de la mer, c'eft pourquor je chargear de s»nouveau mon full d'une bale & .perçaï > l'oifeau au-defious de la gorge ; je m'en > vis pour lors le maître & courus pour l'enlever , cependant 1l difputoit en- »>core avec la mort , &, s'étant mis fur 2lon dos,il fe défendoit contre moi ? du Conlor. 261 avec fes ferres toutes ouvertes ; ense forte que je ne favois de quel cotéce le farhr ; je crois même que s'il neûtce pas été bleffé à mort, j'aurois eu beau-«e coup de peine à en venir à bout ;c enfin je le traînai du haut du rocherce en bas, & avec le fecours d'un ma-ce telot je le portait dans ma tente pour le defliner & mettre le deflin en cou-ce leur. ce Les ailes du condor, que je me-ce furai fort exactement , avotent d’unece extrémité à l’autre onze pieds quatrece pouces, & les grandes plumes , quice étoient d'un beau notr luifant , avoientce deux pieds deux pouces de longueur ;ce la grolfeur de fon bec étoit propor-ce tionnée à celle de fon corps, la lon-ce gueur du bec étoit de trois poucesce & fept lignes, fa partie fupérieurece étoit pointue, crochue & blanche àce {on extrémité, & tout le refte étoitce noir ;un petit duvet court, de cou-ce leur minime, couvroit toute la tête dece cet oifeau ; fes yeux étotent noirs &ce entourés d’un cercle brun-rouge ; toutce fon parement, & le defloys du ventre ,cs #7 re >62 Hifloire Naturelle sjufqu'à l'extrémité de la queue, étoit dun brun-clair , fon manteau de Ia 3>mème couleur étoit un peu plus obf- s>cur ; les cuifles étoient couvertes juf- s>qu'au genou de plumes brunes , aïnf ssque celles du parement ; le fémur s>avoit dix pouces & une ligne de lon- asgueur, & le tibia cinq pouces & deux » lignes ; le pied étoit compolé de trois > ferres antérieures & d’une poftérieure ; celle-ci avoit un pouce & demi de longueur & une feule articulation; »cette ferre étoit terminée par un ongle spnoiïr & long de neuf lignes ; la ferre antérieure du milieu du pied, ou la s»prande ferre, avoit cinq pouces huit lignes & trois articulations, & l'ongle qui la terimimoit avoit un pouce neuf solignes & étoit noir comme font les autres ; la ferre intérieure avoit trois »»pouces deux lignes & deux articula- »otions, & étoit terminée par un ongle > de la même grandeur que celui de la »»prande ferre ; la ferre extérieure avoit trois pouces & quatre articulations, & >l'ongle étoit d'un pouce ; le tibia étoit sscouvert de petites écailles noires, les du Condor. 263 ferres étoient de même , mais les écaïlles ce en étotent plus grandes. ce Ces animaux gitent ordinairementce fur les montagnes , où ils trouvent dece quoi fe nourrir ; ils ne defcendent furce le rivage que dans a faifon des pluies; ce fenfibles au froid , ils y viennent cher-ce cher la chaleur. Au refte, quoiquece ces montagnes foient fituées fous lace Zone torride , le froid ne laïfle pasce de sy faire fentrr ; elles font prefquece toute l’année couvertes de neïges, maisce beaucoup plus en hiver où nous étionsce entrés depuis le 21 de ce mois. ce Le peu de nourriture que ces ant-ce maux trouvent fur le bord de la mer, ce excepté lorfque quelques tempêtes yce jettent quelques gros poiflons, les oblige ce à ny pas faire de longs féjours : ilsee y viennent ordinaïrement le foir, yce paflent toute la nuit & s'en retournentce le matin. 5 … Fréfier, dans fon voyage de la mer -du Sud, parle de cet oïfeau dans les termes fuivans : cenous tuames un jour un oïifeau de proie, appelé condorce qui avoit neuf pieds de vol & une 264 Hifloire Naturelle crête brune qui n’eft point déchi- »»quetée comme celle du coq 3 ïl a le s»devant du gofer rouge, fans plumes 2»comme le ceq-d'inde ; il eft ordinaire- aiment gros & fort à pouvoir empor- ter un agneau. Garcihflo dit qu'il s'en »eft trouvé au Pérou, qui avotent ferze pieds d'envergure. » En effst , fl paroïit que ces deux condors indiqués par Feurllée & par Fréfier, étotent des plus petits & des jeunes de lefpèce ; car tous les autres Voyageurs leur donnent plus de gran- deur («). Le Père d'Abbeville & de Lact, aflurent que le condor eft deux fois plus grand que l'argle, & qu'il eft d'une telle force, qu'il ravit & dévore 2 2 PR DL ee + 22 SR A I RAR ee ce a (a) Ad oram (inquit D. STRONG) maritimant Chilenfem non precul à moch& infulà alitem hanc (cuntur) offéendimus , clivo maritimo excelfo prope littus infiden- tem. Glande plumbeâ traje&te & occifæe fpatium & magnitudinem focit navales attoniti, mirabantur : quippe ab extremo ad extremum alarum extenfarum commen- furata tredecim pedes latitudine æquabat. Hifpani re+ gioms iflus incolæ interrogati affirmabant fe ab illis valide timere ne liberos Pos raperent € dilaniarent. Ray. Synopf. Avi. p. 11. une du Condor. 26$ une brebis entière , qu'il n'épargne pas même les cerfs, & qu'il renverfe aïe ment un homme (h). Il s'en eft vu ; difent Acofla ( c ) & Garcilaflo ( d }, qui ayant les arles étendues, avorent quinze & même feize pieds d'un bout de Faïle à l'autre ; tls ont le bec fi fort qu'ils percent la peau d'une vache , & deux de ces otfeaux en peuvent tuer & manger (b) Hifioire du nouveau Monde, par de Laët, page 553. (c) Les oïfeaux que les habitans du Pérou ap- pellent Condores, font d’une grandeur extrême & . d’une telle force, que non- feulement ils ouvrent & dépècent un mouton, mais aufli un veau tout entier. Hifl. des Indes, par Jof. Acofla, pag. 197. (d) Ceux qui ont mefuré la grandeur des con- turs, que Îles Efpagnols appellent Condors , ont _ trouvé feize pieds de la pointe d’une aile à Pau- tre.....ils ont le bec fi fort & fi dur qu’ils percent aifément le cuir des bœufs. Deux de ces otfeaux attaquent une vache ou un taureau , & en viennent à bout : ils ont même attaqué des jeunes garçons de dix ou douze ans, dont ïls ont fait leur proie. Leur plumage eft femblable à celui des pies ; ils ont une crête fur le front, différente de celle des coqs, en ce qu’elle n’eft point dentelée ; leur vol, au refte, eft effroyable , & quand ils fondent x terre ils étourdiflent par leur grand bruit. Hifloire des Incas, tome II, page 201. Oifeaux , Tome I. M 266 Hifloire Naturelle une, & même ïls ne s'abftiennent pas des hommes ; heureufement 1l y en a peu, car, s'ils étoient en grande quan-. tité, ils détrurrotent tout le bétail /’e ). Defmarchais dit que ces oïfeaux ont plus de dix-huit pieds de vol ou d’en- vergure, quils ont les ferres grofies, fortes & crochues, & que les Indiens de J Amérique aflurent qu'ils empoignent & emportent une biche ou une jeune vache, comme 1ïls ferorent un lapin; qu'ils font de la grofleur d’un mouton; que leur chaïr eft corrace & fent la charogne ; qu'ils ont la vue perçante, Je regard afluré & même cruel; qu'ils ne fréquentent guère les forêts, qu'il leur faut trop d'elpace pour remuer leurs randes ailes ; mais qu'on les trouve fur les bords de la mer & des rivières, dans les favanes ou prairies naturelles / f ). (e) Hifioire du nouveau Monde, par de Laët, page 330. ff) Voyage de Defmarchaïis , tome III, pages 321 & 322. — C’eft aufli au condor qu’il faut rapporter les pañlages fuivans. Nos matelots, dit G. Spilberg, prirent dans File de Louber, aux côtes du Pérou, deux oifeaux d’une grandeur ex- traordinaire qui avoient un bec, des ailes & des . y TS - V EL a ee ce. EE > nt is nait ECS du Condor. 267 M. Ray (g), & prefque tous les _Naturaliftes après lui (k), ont penié que le condor étoit du genre des vautours, à caufe de fa tète & de fon cou dénués de plumes : cependant on pourroit en douter encore , parce qu'il paroït que griffes comme en ont les aigles ; un cou comme celui d’une brebis & une tête comme celle d’un coq, fi bien que fleur figure étoit aufli extraordi- naire que leur grandeur. Recueil des Voyages de la Compagnie des Indes de Hollande , tome 1F, page 528. — Il y avoit, dit Ant. de Solis, dans la mé- nagerie de l’empereur du Mexique, des oifeaux d’une grandeur & d’une fierté fi extraordinaire, qu’ils paroifloient des monftres...d’une taille fur- prenante & d’une prodigieufe voracité , jufque-là, qu’on trouve un Auteur qui avance, qu’ün de ces oifeaux mangeoit un mouton à chaque repas. Hifi. de la Conquite du Mexique, tome I, page 5, (g) Hujus generis (vulturint ) eff videtur avis illa ingens Chilenfis contur di&a ; avis ifla ex def- » criptione rudi qualem extorquere potui, quin vultur fuerie, ex aurarum détarum genere minime dubito : à nautis ob caput calvum feu smplume pro galloparone per erro- rem initio habita ef}, ut € aura à primis nofire gen- tis (Anglicæ) Americe colenis. Ray, Synopf. Avis M pag. 11 & 12. (h) Vultur Gryps, Gryphus, Greif-Geïn, Klein, Ord, Avi. pag. 45. — Le condor , Briflon, Ornth, tome I, pag. 473. > | M ji 268 Hifloire Naturelle fon naturel tient plus de celui des aï- gles ; 1l eft, difent les Voyageurs, cou- rageux & très-fier ; il attaque feul un homme & tue arfément un enfant de dix ou douze ans ( i ) ; il arrète un trou- peau de moutons, & choilit à fon aïfe celut qu'il veut enlever ; il emporte les chevreuils, tue les biches & les vaches, & prend, aufli de gros poiflons : 1l vit donc, comme les aigles, du produit de fa chafle, il fe nourrit de protes vivantes & non pas de cadavres ; toutes ces (i) H eft fouvent arrivé qu’un feul de ces oi- feaux a tué & mangé des enfans de dix ou douze ans. Tranf. Phibf. n.° 208. Sloane. — Le fameux oifeau, appelé au Pérou Cuntur, & par corruption condor , que j'ai vu en plufieurs endroits des mon- tagnes de la province de Quito, fe trouve auff, fl ce qu’on m'a afluré eft vrai, dans les pays-bas des bords du Maragnon : j’en aï vu planer au- deffus d’un troupeau de moutons ; il y a appa- rence que la vue du berger les empêchoiït de rien entreprendre ; c’eft une opinion univerfellement répandue, que cet oïifeau enlève un chevreuil, & qu’il a quelquefois fait fa proie d’un enfant: on prétend que les Indiens lui préfentent pour appât une figure d’enfant d’une argile très vifqueufe, fur laquelle il fond d’un vol rapide, & qu’il y engage fes ferres, de manière qu’il ne Jui eft plus poffible de s’en dépêtrer. Voyage de la rivière des Amazones , par M. de la Condamine , page 172, du Condor. 269 habitudes font plus de laigle que dut vautour. Quor qu'il en foit, 1l me paroiît que cet oïfeau , qui eft encore peu connu , parce qu'il eft rare par-tout, n'eft cependant pas confiné aux feules terres méridionales de l'Amérique ; je fuis perfuadé qu'il fe trouve également en Afrique , en Afie & peut-être même en Europe. Garcilaflo à eu raïfon de dire que le condor du Pérou & du Chili (k) , eft le même otfeau que le ruch ou roc des Orientaux , fi fameux dans les contes Arabes, & dont Mare Paul a parlé ; & 1l a eu encore raïon de citer Marc Paul avec les contes Arabes, parce qu'il y a dans {à relation prefque autant d'exagération, € Il fe trouve (dit-il) dans l'ile de Mada-ce galcar, une merveïlleufe efpèce d’oi-ce feau qu'ils appellent roc , qui a lac refflemblance de laïgle, mais qui eftc fans comparatfon beaucoup plus grand... ce les plumes des aïles étant de fix totfes ce de longueur & le corps grand à propor-ce » tion ; il eft de telle force & puiflance ,ce (4) Hiftoire des Incas, some I, page 27. M iÿ 270 Hifloire Naturelle que feul & fans aucune aïde, il prend 2 & arrête un éléphant qu'il enlève en _wfair & laifle tomber à terre pour le tuer, & fe repaître enfuite de fa chair (/).52 Il n'eft pas néceflaire de faire fur cela des réflexions critiques , 1l fufht d'y op- pofer des faits plus vrais, tels que ceux qui viennent de précéder & ceux qui vont fuivre. Il me paroît que Foifeau, prefque gra comme une autruche, dont 1 eft parlé dans l'hiftotre des Na- vigations aux terres auftrales /m) , ou- vrage que M. le Préfident de Brofles a rédigé, avec autant de difcernement que de fom, doit être le même que (1) Defcription géographique, &c. par Mare Paul, 46. 111, chapitre 40. (in) Aux branches de arbre qui produit les fruits appelés Pains de Singe, étoient fufrendus des nids qui reflembloient à de grands paniers ovales, ouverts ar en bas & tiffus confufément de branches d’ar- hi affez groffes ; je n’eus pas la fatisfaction de voir les oïfeaux qui les avoient conftruits ; mais les babitans du voiiinage m’aflurérent qu’ils avoient aflez la figure de cette efpèce d’aigle qu’ils appellent Nrann. À juger de la grandeur de ces oifeaux par celle deleurs nids, elle ne devoit pas être beaucoup inférienre à celle de l’Autruche. Hifi. des Navigarions aux terres aufirales, tome 11, page 104. ; du Condor. ‘271 Jé condor des Américains & le roc des Orientaux ; de même 1l me paroït que l'otfeau de proie des environs de Tar- na{ar (n) , ville des Indes orientales, qui eft bien plus grand que l'aigle, & dont le bec fert à faire une poignée d'épée , eft encore le condor , ainfi que le vautour du Sénégal /o), qui ravit & enlève des enfans; que loifeau fauvage de Lapponie /p) , gros & grand (n) In regione circa Tarnafir urbem Indiæ com-- plura avium genera [unt, raptu prefertim vivenria , longè aquilis proceriora ; nam ex Jüperiore rolèri pärre enfrum capali fabricantur. Id roffri fulvum cerules colore diflin&um.... Aliti vero colos efl niger € ‘itèm pupureus intercurfantibus pernis nonnullis. Lud. Pa- tiitius apud Gefnerum, Avi. pag. 2e6. | (0) I y a au Sénégal des vautours auffi gros que des aigles, quidévorent les petitsenfans quand ils “en peuvent attraper à l'écart. Voyage de le Maire, ‘pag. 106. (p/ H fe trouve auffi dans la Lapponie Mofco- vite, un oïfeau fauvage de couleur d’un gris-de- erle, gros & grand comme un mouton, ayant a tête faite comme un chat, les yeux fort étin- celans & rouges; le bec comme un aigle, [es pieds & les griffes de même. Voyage des pays 4° trionaux , par la Martinière, page 76 avec une figure. — IH n’y a guère moins d’oifeaux que de bêtes à quatre pieds en Lapponie; les aigles s’y M iv 272 Hifloire Naturelle comme un mouton, dont parlent Re= n" & la Martinière | & dont Olaüs lagnus à fait graver le nid, pourroit bien encore être le même. Mais fans aller prendre nos comparaïfons f1 loin , à quelle autre efpèce peut-on rapporter le Zlaemmer geier des Allemands ? ce vautour des agneaux ou des moutons, Qui a été fouvent vu en Allemagne & en Suifle en différens temps , & qui eft beaucoup plus grand que l'aigle, ne Peut être que le condor. Gefer rap- Porte, d'après un auteur digne de foi (George Fabricius ) , les faits fuivans. Des payfans d'entre Mielen & Brila, villes d'Allemagne , perdant tous les jours quelques pièces de bétail qu'ils cherchoïent vainement dans les forêts, aperçurent un trèsgrand nid pofé fur trois chênes , conitruit de perches & de branches d'arbres , & fi étendu qu'un rencontrent en abondance; il s'en trouve d'une. roffeur fi prodigieufe qu’elles peuvent , comme je Fa déjà dit ailleurs, emporter des faons de rennes lorfqu’ils font jeunes, dans leurs nids qu’ils font au fommet des plus hauts arbres ; ce qui fait qu’il y a toujours quelqu'un pour les garder, Regnard, doyage de Lappome , page 181, hé. de du Condor. 273 €har pouvoit être à l'abri defflous ; ts trouvèrent dans ce nid trois jeunes oi- feaux déjà fi grands , que leurs aïles étendues avoïent fept aulnes d'enver- gure ; leurs jambes étoient plus grofies que celles d’un lion , leurs ongles aufli grands & aufli gros que les doigts d'un homme ; il y avoit dans ce nid pluñeurs 7 de veaux & de brebis (g). M. almont de Bomare & M. Salerne, ont penfé comme mot, que le /aemmer geier des Alpes, devoit être le condor du Pérou. I à, dit M. de Bomare, quatorze pieds de vol, & fait une guerre cruelle aux chèvres , aux brebis , aux chamois, aux lièvres & aux marmottes. M. Salerne, rapporte aufli un fait très- politif à ce fujet , & qui eft aflez im- portant pour le citer 1c1 tout au long. é En 1719, M. Déradin , beau-père : de M. du Lac, tua à fon château dece Mylourdin , paroïlle de Saint-Martince d'Abat , un oïfeau qui peloit dix-huitce Irvres , & qui avoit dix-huit pieds dece (4) Diéion. Hit. Nat. par M. Valmont de Bomare, article de PAiple, | + Y 274 Hifloire Naturelle vol; 1 voloit depuis quelques jours »autour d'un étang ; il fut percé de deux balles fous l'aile. Il avoit le 2»deflus du corps bigarré de noir, de morts & de blanc, & le defus du ventre rouge comme de l'écarlate , ») & fes plumes étoient frifées, on le »mangea tant au château de Mylourdin, .»qu'à Châteauneuf - fur- Loire ; 11 fut »trouvé dur, & fa chair fentoit un s»peu le marécage ; j'ai vu & examiné saune des motndres plumes de fes ailes; nelle eft plus grofie que la plus grolie » plume de cygne. Cct oïleau fingulier »»fembleroit être le contur ou con- dor( r); » en efket, l'attribut de gran- deur exceflive doit être regardé comme un caractère décihif , & quoique le laemmer geier des Alpes, difiere du condor du Pérou, par les couleurs du plumage ,; On ne peut sempécher de les rapporter à la même elpèce, du momsjuiqu'à ce que l'on, ait une def- cription plus exacte de l'un & de l'autre. [@) Ornithol, de Salerne , pes. ve. * - du Condor. 275 _Iparoît, par les indications des voya- geurs, que le condor du Pérou à le plumage comme une pie, c'eft-à-dire, méle L blanc & de noir ; & ce grand otfeau tué en. France, au château de Mylourdin , lui reflemble donc , non- feulement par la grandeur ; puiiqu'il avoit dix-huit pieds d'envergure, & qu'il peloit dix-huit livres, maïs encore par les couleurs, étant aufll mêlé de noir & de blanc; on peut donc croire avec toute apparence de raïlon , que cette efpèce principale , & première dans les oïfeaux, quoique très peu nombreufe , eft néanmoins répandue dans les deux continens , & que pou- vant fe nourrir de toute be de rote (f°), & nayant à craindre que es hommes , ces oïfeaux fuient les lieux habités , & ne fe. trouvent que dans (f) Les déferts de la province de Pachaca- mac, au Pérou, infpirent une fecrette horreur; on n’y entend le chant d’aucup oïfeau, & dans toutes ces montagnes je n’en vis qu'un, nommé condur , qui eft de la grofieur ou mouton , &c Y} 276. Hifloire Naturelle, &c. les grands déferts ou les hautes mon= tagnes. qui fe perche fur les montagnes les plus arides, & fe nourrit des vers qui naifflent dans ces fables. INouveau voyage autour du monde , par le Geuul. tome 1 ; page 129. 277 pe LE-MILAN | ET LES BUSES. Les Mirans & les Bules , oïfeaux ignobles , immondes & liches, doivent Er les vautours auxquels 1ls reflem- blent par le naturel & les mœurs: ceux-ci, malgré leur peu de généro- fité ; tiennent par leur grandeur & leur force , l'un des premiers rañgs parmi les otfeaux. Les milans & les bufes qui nont pas ce même avantage , & qui leur font inférieurs en grandeur, y fup- pléent & les furpaflent par le nombre ; par - tout 1ls font beaucoup plus com- muns , plus mcommodes que les vau- tours ; ils fréquentent plus fouvent & de plus près les lieux habités ; ïls font leur nid dans des endroits plus accef- &bles ; is reftent rarement dans les 278 Hifloire Naturelle déferts ; ils préfèrent les plaine & Îes collines fertiles aux montagnes ftériles : comme toute proie leur eft bonne , que toute nourriture leur convient, & que plus la terre produit de végétaux, plus elle eft en même temps peuplée d'infeétes , de reptiles , d'oileaux & de petits animaux ; ils établiffent ordinatre- ment leur domicile au pied des mons tagnes dans les terres les plus vivantes, les plus abondantes en gibier , en vo- laïlle, en poiflon; fans étre courageux ils ne font pas timides, 1ls ont Sn ie de ftupidité féroce, qui leur donne l'air de l'audace tranquille , & femble leur Gter la connoïfflance du danger : on les approche , on les tue bien plus aifément que les aigles ou les vautours; détenus en captivité , ïls font encore moins fufceptibles d'éducation : de tout temps on les a profcrits , rayés de la lfte des oïfeaux nobles , & rejetés de l'école de la Fauconnerie : de tout temps on.a comparé l'homme groffièrement impudent au milan, & la femme trifte- ment bête à la bulfe, Quoique ces oïfeaux fe reflemblent du Milan & des Bufes. 279 par le naturel, par la grandeur du corps (a), par la forme du bec, & par plufeurs autres attributs , le milan eft néanmoins aïfé à diftinguer, non- feulement des bufes, mais de tous les autres otfeaux de proie, par un feul ca- ractère facile à faïfir ; il a la queue four- chue , les plumes du milieu étant beau- coup plus courtes que les autres, laïfent Paroïitre un intervalle qui s'aperçoit de Jom , & lui a fait improprement donner le furnom d'aigle à queue four- chue : il a auf les aïles proportionnel: lement plus longues que les bufes, & le vol bien plus aïfé : aufh pañe-t-1l fa vie dans l'air ; il ne fe repofe prefque jamais , & parcourt chaque jour des ef- paces immenfes ; & ce grand mouve- ment n'eft point un exercice de chafle ni de pourfuite de proie, ni même de découverte, car il ne chafe pas; mais il femble que le vol foit {un état naturel, mm ne —. mm Ge + _— +. _………. cmt" … | (a) Milvus regalis magmitudine Et habiru burcoms conformis efl..... cura ill: fuut eocea humibura , buteonis ultrà poplres propeudentibus plumis fimuiter fenuguneis dilaus obteguntur. Schwenckteld, Ævà, du. pag. 303. 280 Hifloire Naturelle fa fituation favorite : lon ne peut s'em= pêcher d'admirer la manière dont fl lexécute , fes aïles longues & étroites paroïfflent immobiles ; c'eft la queue qui femble diriger toutes fes évolutions, & elle agit fans cefle; il s'élève fans effort , il s'abaïfle comme s'il glifloit fur un plan incliné ; il femble plutot nager que voler ; il précipite fa courfe il la ralentit , s'arrête & refte fufpendu, ou fixé à la même place pendant des heures entières fans qu'on puiile s'apper- cevoir d'aucun mouvement dans fes ailes. Il n'y a, dans notre climat, qu'une feule efpèce de milan / voyez planche v11 de ce volume ) , que nos François ont appelé smilan royal{b) , parce qu'il fervoit # Voyez les planches enluminées, n.° 422. (b) Milan Royal. en Grec, l'xis ,en Latin, Milvus; en Italien, Milo, INibbw, Poyana; en Æfpagnol, Milano ; en Allemand, Weike ou Weiher; en Hollandois Wowe ; en Anglois, Kite ou Glead, en Polonois , Kania ; en Suédois, Gladaj en vieux françois , Écouffe, Écouffe, Huau, Million. — Milan royal. Belon, Hif nat. des Oifeaux , pag. 129. — Milan royal, Albin, #oxie 1; Pase 4, rl coloriée, 22. The Kite, Milyus du Milan & des Bufes. 281 “aux plaïñirs des Princes qui lui farforent . donner la chafle, & livrer combat par le faucon ou lépervier ; on voit en efet, avec plaïfir, cet oïféeau lâche, quoique doué de toutes les facultés qui de- vrotent lur donner du courage , ne manquant ni d'armes , nt de force, ni de légèreté, refufer de combattre , & fuir devant l'épervier beaucoup plus petit que ur, touiours en tournoyant & s'élevant pour fe cacher dans lies nues , jufqu'à ce que celui-ci l'attergne, le rabatte à coup d'ailes, de ferres & de bec , & le ramène à terre moins bleflé que battu , & plus vaincu par la peur que par la force de fon ennemr. Regalis, Brit. Zoology, pl A 2, avec une figure coloriée. — Le Milan royal. Briffon , Ormthol, tome 1, page 414, planche 33. Nota. Les Grecs appeloient x le putois ; & il eft probable qu’ils ont donné au milan le même nom; parce que le milan attaque & tue les volailles, comme de putois. — Les Latins l’ont appelé Milyus, quafi mollis avis, oïfeau Tâche ; les noms Huau où Huo en vieux françois , & Wowe en Hollandoiïs, fem- blent être des dénominations empruntées de fon ri Au-0. — Glead en Anglois & Glada en Suédois, font tirés de ce qu’il paroît gliffler en volant, — Milion ef un mot corrompu de Milan, 282 Hifoire Naturelle Le milan , dont le corps entier ne péle guère que deux livres & demie, qui na que ferze ou dix-fept pouces de longueur , depuis le bout du bec jufqu'à l'extrémité des pieds, a néan— moins près de cinq pieds de vol où d'envergure : la peau nue qui couvre la bafe du bec eft jaune , aufli- bien que lrris des yeux & des pieds : le bec eft de couleur de corne & noirâtre vers 1 vue eft aufli perçante que {on vol eft rapide ; il fe tient fouvent à une fi grande hauteur , qu'il échappe à nos yeux, & ceft de-là qu'il vile & dé- couvre fa proie ou fa piture, & fe life tomber fur tout ce quil peut dévorer ou enlever fans réfhiflance : 1l n'attaque que les plus petits animaux & les oïfeaux les plus fotbles ; c'eft fur-tout aux jeunes pouflins qu'il en veut; maïs la feule colère de la mère - poule fuffit pour le repoufler & léloigner. es Les s»milans font des animaux tour -à - fait s>lches, m'écrit un de mes amis{c), (c) M. Hébert, que j’ai déjà cité comme ayant bien obfervé plulieurs faits relatiis à l’hifroire dr olfeaux. le bout, & les ongles font noïrs: fa du Milan © des Bufes. 283 je les aï vu pourfurvre à deux un orfeauce de prote pour lur dérober celle qu'ilce tenoit plutot que de fondre fur lur,ce & encore ne purent-ils y réullir : lesce corbeaux les infultent & les chafient ;6e ils font aufli voraces , aufli gourmandsce ge liches : je les at vu prendre, à hace uperficie de l'eau, des petits porflonsce morts & à demi-corrompus ; j'en alé vu emporter une longue couleuvrecc dans leurs ferres, d’autres fe pofer furcé des cadavres de chevaux & de bœufs:ce j'en at vu fondre fur des tripailles quecs des femmes lavoient le long d’un petitce ruifieau, & les enlever prefqu'à côtéce d'elles ; je m'avifat une fois de pré-« fenter à un jeune milan ,, que desc enfans nourrifloient dans Ja maïloncs que j'habitois, un aflez gros pigeon-«e neau : il l'avala tout entier avec lesce plumes. »» Cette elpèce de milan eft commune en France, fur-tout dans les provinces de Franche-comté, du Dauphiné , du Bugey, de l'Auvergne, & dans toutes les autres qui font voilines des mon- tagnes : ce ne font pas des otfeaux de 284 Hifloire Naturelle pañlage ; car ïls font leur nid dans Île pays, & l'établiflent dans des creux de rochers. Les Auteurs de la Zoologie Britannique (4), difent de même qu'ils nichent en Angleterre, & qu'ils y reftent pendant toute l'année : la femelle pond deux ou trois œufs qui, comme ceux de tous les oïfeaux carnafliers , font plus ronds que les œufs de poule; ceux du milan font blanchîtres, avec des taches d’un jaune fale. Quelques “Auteurs ont dit quil fafoit fon nid dans les forêts fur de vieux chênes ou de vieux fapins ; fans nier abfolument le fait, nous pouvons aflurer que c'eft dans des trous de rochers quon les trouve communément. { # L'efpèce paroît être répandue dans tout l’ancien continent , depuis la Suède juiqu'au Sénégal (e) ; maïs je ne fais fi (d) Some, have fuppofèd thefe 10 be birds of paffage Bui in england they certainly continue the whole year. Britifch Zoology , Species #1, the kite. (e) I paroît que le milan royal fe trouve dans Le nord, puifque M. Linnæus l’a compris dans fa lie des oifeaux de Suède, fous la dénomination du Milan € des Bufes. 28 $ elle fe trouve aufli dans le nouveau; car les relations d'Amérique n’en font aucune mention : 1 y a feulement un offeau qu'on dit être naturel au Pérou, & qu'on ne voit dans la Caroline qu'en été, qui reflemble au milan à quelques égards, & qui a, comme lui, la queue fourchue, M. Catesby en a donné la de falco cerà flavà , caudà forcipatä ; corpore ferru- gineo , capite albidiore. Faun. Suec. n.° 59 ; & l’on voit auffi par les témoignages des Voyageurs, qu’il fe trouve dans fes provinces les plus chaudes de PAfrique ; on rencontre encore ici( en Guinée) , dit Bofman , une efpèce d’oifeau de proie; ce font les milans: ils enlévent, outre les poulets dont ils tirent leur nom, tout ce qu’ils peuveñt dé- couvrir &_attraper , foit viande, foit poiflon, & cela avec tant de hardieffe, qu’ils arrachent aux femmes nègres les poiffons qu’elles portent vendre au marché, ou qu’elles crient dans les rues. Voyage de Guinée, page 278. Près du défert, au long du Sénégal, dit un autre Voyageur, on trouve un oifeau de proie de l’efpèce du milan, auquel les François ont donné le nom d'écouffe. ... toute nourriture convient à fa faim dévorante ; if. n'eft point épouvanté des armes à feu; la chair cuite ou erue le tente fi vivement, qu’il enlève aux matelots leurs morceaux dans le temps qu’ils les portent à eur bouche. Hifhoire générale des Voyages , par M, l'abbé Prevofl, tome III, pag 306, 286 Hifloire Naturelle defcription & la figure (f) , fous le nom d'épervier à queue d’hirondelle, & M. Briflon l'a appelé milan de la Ca- roline (g). Je ferois aflez porté à croire que c'eft une efpèce voiïline de celle de notre milan, & qui la remplace dans le nouveau continent. Mais 1l y a une autre efpèce encore plus voifine & qui fe trouve dans nos climats comme otïfeaux de paflage, que l'on 2 appelé le milan noir *. Ariftote diftingue cet oïfeau du précédent, qu'il appelle fimplement milan, & 1 donne à celur- ci. l'épithète de milan Étolien (4), parce que probablement il étoit de fon temps plus commun en (f) Hifi. nat. de Ja Caroline par Catesby, tome I, page 4, planche 1 , avec une boune figure coloriée. (g) Le milan de la Caroline. Briflon ; Ornithol. tome I, page 418. # Voyez Les planches enluminées, n.° 472. (h) Pariunt milui ova bina magn& ex parte, in- terdum tamen & terna, totidemque excludunt pulls; fèd qui Etolius nuncupatur , vel quaternos aliquandè excludit. Arift, Hif. anim, Hib. v1, cap. 6, ” du Milan & des Bufes. 287 Étolie qu'ailleurs: Belon [i) fait auffi | mention de ces deux milans ; maïs il fe trompe lorlqu'il dit que le premier, _ qui eift le milan royal , eft plus noir que le fecond, qu'il appelle néanmoins. milan noir ; ce n'eft peut-être qu'une faute d'impreflion ; car ïl eft certain e le milan royal eft moins noir que l'autre ; au refte , aucun des Natura- Jiftes anciens & modernes , n'a fait mention de la différence la plus appa- rente entre ces deux oïfeaux , & qui confifte , en ce que le milan royal à la queue fourchue , & que le milan noir l'a égale ou- prefque égale dans toute fa largeur , ce qui néanmoins n'empêche pas que ces deux oïfeaux ne foient d'efpèce très-vothine, puïfqu'à l'excéption de cette forme de la queue, “als fe reflemblent par tous les autres ca- ractères, car le milan notr , quoiqu'un peu plus petit & plus noir que le milan xoyal , a néanmoins les couleurs du plumage diftribuées de même, les aïles * proportionnellement auf étroites & auf | (i) Milan noir. Belon , Hifi, nat, des Oifèauxy 288 Hifloire Naturelle longues, le bec de la même forme;! les plumes aufli étroites & aufli alon- gées, & les habitudes naturelles entière- ment conformes à celles du milan royal, appellent ce milan 4zkenduf, que quoi- qu'il foit plus petit que le milan royal, il eft néanmoins plus fort & plus aigiles ! Schwenckfeld aflure au contraire qu'il: eft plus foible & encore plus lâche, & qu'il ne chañle que les mulots, les fau-. terelles & les petits otfeaux qui fortent de leurs nids, ; 1l ajoute que l'efpèce en eft très-commune en Allemagne; cela peut être, mais nous fommes cer- tains qu'en France & en Angleterre, elle eft beaucoup plus rare que celle du milan royal ; celui-ci eft un otfeau du pays, & qui y demeure toute l'année; l'autre au contraire eft un oïfau de page, qui quitte notre climat en au- tomne pour fe rendre dans des pays plus chauds : Belon à été témoin. oculaire de leur pafage d'Europe en. Égypte ; ils s'attroupent & pañent en files nombreules fur le ‘pont Euxin, en Aldrovande dit que les Hollandoïs LE MILAN, du Milan & des Bufés. 189 en automne, & repafñlent dans le même ordre au commencement d'Avril ; ils ref- tent pendant tout l'hiver en Egypte, & {ont {1 familiers , qu'ils viennent dans les villes & fe tiennent fur les fenêtres des maï{ons ; ils ont la vue & le vol fi fürs, qu'ils fatifient en l'air les morceaux de viande qu'on leur jette, Ogféaux , Tome L N :Hifloire Naturelle ’ | | 27° , | | LL À, BUSE (a ). Voyez Planche r111 de ce volume, La Buse * eft un oifeau aflez com- mun , aflez connu pour n'avoir pas be- foin d'une ample defcription ; elle n'a guère que quatre pieds & demi de vol, fur vingt ou vingt-un pouces de one gueur de corps ; {a queue n'a que huit pouces , & {es atles , lorfqu'elles font pelées, s'étendent un peu au-delà de fon (a) En Grec ,T#iyxxs , parce qu’on a eru fauf- fement que cet oifeau avoit trois tefticules; en Latin, Buteo;, en Jralien, Buyza; Bucciario; en Allemand, Ruf?-bhen, Buzant, Buze, Bushard ; en Anglois; rent Common - Buzzard , Puttock. — Buteo. Gefner, Avi. page 45.— Buteo fèu triorchis. Aldrov. Avi. tome 1, page 362.— Buteo vulgaris, Willughby, Ornithol. page 28. — Rufe ou Bufard , ou Cuffard. ‘Belon , Hifl. Nat. des Oifeaux , page 100, Buzard. Albin, tome 1, page 1, pl. 1, figure colo- riée. — La Bufe. Briflon , Oruith. tome [, page 406. — The Common Buzzard. Britifch Zoology, planche xL111, avec une figure coloriée. , # Voyez les Planches enluminées , n.° 419. ë _ de la Bufe. | 291 extrémité ; l'iris de fes yeux eft, d'un jaune pâle & prefque blanchître ; les pieds font jaunes , aufk-bien que la mem- brane qui couvre la bafe du bec, & les ongles {ont noirs. Cet otfeau demetire pendant toute l'an- née dans nos forêts, 1l paroît aflez ftu- pide, foit dans l'état de domefticité, foit dans celui de liberté; 1l eft aflez féden: taire & même parefleux ; 1l refte fou- vent pluleurs heures de fuite perché fur le même arbre , fon nid eft conftruit avec de petites branches , & garni en dedans de laine ou d’autres petits maté riaux légers & mollets ; la bufe pond deux ou trois œufs qui font blanchîtres, tachetés de jaune; elle élève & foigne {es petits plus long-tems que les autres oi- feaux de proie , qui prefque tous les chaflent du nid, avant qu'ils fotent en état de fe pourvoir atfément;, M. Ray (4) aflure même que le mâle de la bufe nour- rit & Îoïgne {es petits lorfqu'on a tué la mère. (8) Ray's Letters 53. Voyez auf Britifch Zoo+ logy. Species VIL, Ni) 292 Hifloire Naturelle, &c. Cet oifeau de rapine ne faïfit pas fa proie au vol, il refte fur un arbre, un buiflon ou une motte de terre , & de-là { jette fur tout le petit gibier qui pañle à fa portée; il prend les levraux & les jeunes lapins, aufli-bien que les perdrix & les caïlles; 1 dévafte Îles nids de la plupart des oifeaux; 1l fe nourrit aufli de grenouilles, de lézards, de ferpens, de fauterelles , &c. lorfque le gibier lui manque. Cette efpèce eft fujette à varier , au point que fi l'on compare cinq ou fix bules enfemble , on en trouve à peine deux bien femblables. Il y en a de pref. ue entièrement blanches , d'autres qui n'ont que la tête blanche , d'autres enfin qui font mélangées difléremment les unes des autres, de brun & de blanc : ces dif- férences dépendent principalement de l'âge & du fexe, car on les trouve toutes dans notre climat. & Tom Z PE VII, pag 292, M NUM on NL Fa ve {ll | ILE TOUL LA BUSEÆE. h éd s see (LR ds TR + 293 et nus Acad es is St L A BONDRÉE (a). Cônes LA Boxdrée * diffère peu de la Bufe , elle n'en a été diftimguée que par ceux qui les ont forgneufement comparées. Elles ont ; à la vérité, beaucoup plus de caraétères communs que de caraétères difiérens ; maïs ces diflérences extérieures , jointes à celles de quelques habitudes naturelles, fufh- fent pour conftituer deux efpèces, qui, quoique voïfines , font néanmoins dif- tinctes & féparées. La bondrée eft auili grofie que la bule , & pèfe environ (a) Goiran ou Bondrée. Belon, Hif. Nat. des Oifeaus, page 101, fig. page 102. — Buteo api vorus feu Vefpivorus. Willughby, Ornithol. pag 39, fig. tab. 3. — Bondrée, Albin, me I, page 3, g. coboriée, pl. 11. — Fako pedibus féminudis, flavis ; cerd nigr& ; capite cinereo | caudæ fafcià cinee reû , apice alño. Linn. Faun. Suec. n° 65. — Buteo apivorus. La Bondrée. Briffon , tome 1, pige 410. * Voyez les planches enluminées , n.° 420. N üij 294 Hifloire Narurelle de longueur , depuis le bout du bec jufqu'à celui de la queue, & dix-huit ouces jufqu'à celui dés pieds; fes aïles, lorfqu'elles font pliées, s'étendent au- delà des trois quarts de la queue; elle 4 quatre pieds deux pouces de vol ou d'envergure : fon bec eft un peu plus Jong que célui de la bufe; la peau nue qui en-couvre la bafe, eft jaune (4), paille & imégale ; les narines font lon- _gues & courbées ; lorfqu'elle ouvre lebec, cile montre une bouche très-large & de couleur jaune ; lrris des yeux eft d'un beau jaune ; les jambes & les pieds font de la même couleur , & les onglas qi 48 fon nés fort crochus, font forts & notrâtres : le fome met de la tête paroït large & aplati; 1l eft d'un gris cendré. On trouve un ample def- cription de cet oïfeau dans l'ouvrage de (h) Quelques Naturalifies ont dit que cette peau de la bafe du bec étoit noire; mais on peus préfumer que cette différence vient de l'âge uifque cette peau qui couvre la bafe du bec et Etanche dans { premier âge de ces oifeaux : elle peut pañler par le jaune, & devenir enfña brune & noire. de la Bondrée. 295 M. Brion & dans celui d’Albin: ce dernier auteur, après avoir décrit les parties exté- rieures de la bondrée, dit qu'elle à les boyaux plus courts que la bufe; & ïl ajoute qu'on a trouvé dans l'eftomac d'une bondrée, plufeurs chenilles vertes , com- me aufli plufeurs chenilles communes & autres infecktes, Ces oïfeaux, aïnf que les bufes, come pofent leur nid avec des bûchettes & le tapiilent de laïne à l'intérieur , fur laquelle ils dépolent leurs œufs, qui font d'une couleur cendrée & marquetée de petites taches brunes, Quelquefois ils occupent des nids étrangers, on en a trouvé dans un vieux nid de milan, Ils nourriffent leurs petits de chrylalides , & particuliè- sement de celles des guêpes. On a trouvé des têtes & des morceaux de guèpes dans un nid où il y avoit deux petites bon- drées : elles font , dans ce premier âge , couvertes d'un duvet blanc, tacheté de noir ; elles ont alors les pieds d'un jaune ile, & la peau qui eft fur la bafe du bec lanche. On à auili trouvé dans l’eftomac de ces oïfeaux qui eft fort large , des grenouilles & des lézards entiers. La N 1v 296 Hifloire Naturelle femelle eft dans cette efpèce , comme dans toutes celles des grands oïfeaux de proie, plus grofle que le mâle, & tous deux piettent & courent fans s'aider de leurs aïles, aufli vite que nos coqs de baffe-cour. Quoïque Belon dife qu'il n'y a petit berger, dans la Limagne d'Auvergne, qui ne fache connoître la bondrée, & la prendre par engin avec des grenouilles, quelquefois auffi aux gluaux, & fouvent au lacet, il eft cependant très-vrai qu'elle eft aujourd'hui beaucoup plus rare en France que Ja bufe commune, Dans plus de vingt bufes qu'on m'a apportées en diflérens temps, en Bourgogne , il ne s'eft pas trouvé une feule bondrée; & je ne fais de quelle province eft venue celle que nous avons au cabinet du Roï. M. Saierne dit que dans le pays d'Orléans, c'eft la bufe ordinaire qu'on appelle bon- drée ; mais cela n'empêche pas que ce ne foit deux oifeaux difiérens. La bondrée fe tient ordinairement fur les arbres en plaine , pour épier fa proie. Elle prend les mulots , les grenouilles , les lézards , les chenilles & les autres de la Bondree. 297 infeétes. Elle ne vole guère que d'arbre en arbre & de buïfons en buïffons , tou- jours bas & fans s'élever comme le milan, auquel du refte elle reflemble aflez par le naturel; mais dont on pourra toujours la diftinguer de lom & de près , tant par fon vol que par fa queue , qui n'eft pas fourchue comme celle du-mwilan. On tend des pièges à la bondrée, parce qu'en hiver elle eft tres-grafle, & aflez bonne à manger. 298 Hifloire Naturelle L'OISE AU SAINT-MARTIN. Les Narurazisres modernes ont donné à cet oïfeau (a) le nom de Faucon lanier ou Lanier cendré ; mais il nous paroît # Voyez Les planches enluminées, n.° 459. (a) Autre oifeau Saint-Martin. Belon, Hi/. Nat, des Oifeaux , page 104— Laniarius cinereus five falco cinereô albus. Frifch% planche Lxx1x , avec une figure coloriée. — The blue Hawk. Le Fau- con bleu. Edwards, Glanures, pl, ccxxyr , avec une figure coloriée. — Le Lanier cendré. Briflon, Oruirh. tome I, page 365. Nota. Belon n’héfite pas à dire"qu’il eft de la même efpèce que le jean-le-blanc , & en même- temps il convient qu’ibapproche beaucoup du milan : «il eft, dit-il, encore une autre efpèce de mjean-le-blanc ou oïifeau faint-martin, femblable- “ment nommé blanche queue, de même efpèce que mile fufdit; mais il reffemble beaucoup mieux à “la couleur d’un milan royal, n’étoit qu'il eft de- #moindre corpulence....-. Il reflemble au milan nroval de fi près, qu’on n'y trouveroit différence, »n'étoit qu'il eft plus petit & plus blanc fous de l’oifeau Saint-Martin. 299 être non-feulement d’une efpèce, mais d'un genre différent de ceux du faucon & du lanier. Il eft un peu plus gros qu'une corneille ordinaire, & 1l a pro- portionnellement le corps plus mince & plus dégagé; il a les jambes longues & menues, en quoi 1l diffère des fau- cons qui les ont robultes & courtes, & encore du lanter que Belon dit être plus court ermnpiété qu'aucun faucon, mais par ce caractère des longues jam- es, 1l reflemble au jean-le-blanc & à la foubufe; 1 n'a donc d'autre rapport au lanter que l'habitude de déchirer avec le bec tous les petits animaux qu'il fait , & quil navale pas entiers, comme les font les autres gros oïfeaux de proie: 1l faut, dit M. Edwards, le ranger dans le clafle des faucons à longues aïles; ce feroit, à mon avis, plutôt avec les bufes qu'avec les fau- cons, que cet oïfeau devroit être rangé ; le ventre, ayant les plumes qui touchent leu eroupion en la queue, tant deflus que defousss de couleur blanche ; aufli eft-ce de cela qu'ilre eft nommé queue blanche. » Hifi. Nat, des Oi feauxs J'g° 104. À N vi 300 Hifloire Naturelle ou plutôt il faut lui latfler fa place au- près de la foubufe, à laquelle 1 reflemble par ün grand nombre de caractères , & par les habitudes naturelles. | Au refte cet oïfeau fe trouve a1flez communément en France ; aufli-bien qu'en Allemagne & en Angleterre : ce- lut de notre planche enluminée a été tué er Bourgogne. M. Frifch a donné deux planches de ce même oïfeau, n.° 79 6 80 , qui ne difièrent pas aflez l’un de l'autre pour qu'on doive les regarder avec lur comme étant d'efpèce difiérente, car les variétés qu'il remarque entre ces deux oïfeaux font trop légères , pour ne les pas attribuer au fexe ou à l'âge. M. Ed- wards, qui a aufli donné la figure de cet oïfeau, dit que celur de fa planche en- luminée a été tué près de Londres, & il ajoute que quand on lapperçut, ïl voltigeoit autour du pied de quelques vieux arbres , dont 11 paroïfloit quelque- fois frapper le tronc avec le bec & les ferres, en continuant cependant à volti- ger, ce dont on ne put découvrir la raïfon qu'après l'avoir tué & ouvert ; car on lui trouva, dans fleflomac , une de oifeau Saint=Martin, 301 vingtaine de petits lézards, déchirés ou coupés en deux ou troïs morceaux. En comparant cet oïfeau avec ce que dit Belon, de fon fecond oïfeau faint- martin , on ne pourra douter que ce ne foit le mème, & indépendamment des rapports de grandeurs, de figure & de couleur , ces habitudes naturelles de vo- ler bas, & de chercher avec avidité & conftances les petits reptiles , appartien- nent moins aux faucons & aux autres oifeaux nobles, qu'à la bufe , à la harpaye & aux autres 2 de ce genre, dont les mœurs font plus ignobles , & appro- chent de celles des milans. Cet oïfeau bien décrit & très—bien repréfenté par M. Edwards(pl. 225), neft pas, comme le difent les Auteurs de la Zoologie Bri— tannique le Aenharrier , dont 1ls ont donné la figure. Ce font des oïfeaux dif- férens , dont le premier que nous ap- pellons , d'apres Belon, l’oifeau faint- martin, a, comme je l'at dit, été indi- qué par M. Frifch & Briflon, fous le nom de faucon-lanier & lanier cendrée; le fecond de ces oïfeaux qui eft le /b— buteo de Gefner, & que nous appellons 302 Hifloire Naturelle, &c. Joubufe , a été nommé aigle à queue blanche par Albin, & faucon à collier par M. Briflon. Au refte , les Fauconniers nomment cet otfeau fatnt-martin, /a har- paye épervier. Harpaye eft parmi eux un nom générique, qu'ils donnent non-feu- lement à l’orfeau faint-martin, mais en- core à la foubufe & au bufard-roux ou goufleau dont nous parlerons dans lafuite. 303 CLEFS LCL PALETTE PE GREEN EEE ES LA SOUBUSE (a). Voyez planche 1x de ce volume. L, Soususe * reemble à l'otfeau: faint-martin , par le naturel & les mœurs; tous deux volent bas pour fair des mu- lots & des reptiles; tous deux entrent dans les bafles - cours, fréquentent les colombiers pour prendre les jeunes pi- geons, les poulets; tous deux font o1- feaux ignobles, qui n'attaquent que les otbles , & dès-lors on ne doit les appel- (a) Subbuteo. Gefner, Avi, page 48. — Py: gargus accipiter. Willughby , Ornithologie , page 40. — Aigle à queue blanche. Albin, tome 11, page 37 planche p, avec une figure coloriée du mâle... ...., Perturbateur des poules. Albin, rome III, page 2, planche 111, avec une fisure coloriée de La femelle. — Les Anglois appellent le mâle, Henharrow ou Henharrier, c’eft-à-dire, Déchre de poules. —- Falco torquatus ; le Faucon à collier. Briflon , 9r- nithologie, tome I, page 345.— The Henharser ;: the male pl. À 6. Ringtail; the female, pl. A 73 Britifch Zoology....... * Voyez les planches enluminées , n.95 443 & 480. 304 Hifloire Naturelle ler ni-faucons ni laniers comme l'ont fait nos Nomenclateurs. Je voudrois donc re- trancher de la lifte des faucons, ce faucon à collier, & ne lui laïffer que le nom de oubufe , comme au lanier cendré, celur d'oifeau faint-martin. Le mâle , dans la foubufe , eft, comme dans les autres oïfeaux de proie, conli= dérablement plus petit que la femelle ; maïs l'on peut remarquer, en les com- puit, qu'il n'a pas comme elle de col- er, c'eft-à-dire, de petites plumes hé- riflées autour de cou : cette diflérencé qui paroîtroit être un caraétère fpécifi- que, nous portoit à croire que l'oïfeau repréfenté * n'étoit pas le mâle de la foubufe femelle, repréfentée * ; mais de très-habiles Fauconniers nous ont afuré ka chofe comme certaine, & en y regar- dant de près, nous avons en cflet trouvé les mêmes proportions entre la queue &c les ailes, là mème difiribution dans les couleurs, la même forme de cou, de tête & de bec, &c.......en forte que nous a et les planches enluminées, n.° 480. D Jhidem, n° 443. LA SOUBUSE. de la Soubufe. 305 f’avons pu rélfter à leur avis : ce fur cela nous rendoit plus difhciles, c'eft que prefque tous les Naturaliftes ont donné à la foubufe un mâle tout difié- rent, & qui eft celui que nous avoris appellé bi Jaint-martin ; & ce n'eft qu'après mille & mille comparaïfons , que nous avons Cru pouvoir nous déterminer avec fondement contre leur autorité. Nous obferverons que la foubufe fe trouve en France, aufl\-bien qu'en Angleterre; qu'elle a les jambes longues & menues comme l'otleau famnt-martin$ qu'elle pond trois ou quatre œufs rougeitres dans des nids qu'elle conftruit fur des buiflons épais; qu'enfin ces deux otfeaux, avec celui dont nous parlerons dans l'article futvant, fous le nom de harpaye , femblent former un petit genre à part plus voïlin de celui des milans & des bules, que de celui des faucons. 306 Hifloire Naturelle X* LA HARPAYE (a) H ARPAYE eft un ancien nom géné- rique que l’on donnoit aux otfeaux du genre des bufards ou bufards de marais, & à quel- ques autres efpèces voïlines, telles que la foubufe & loifeau faint-martin, qu'on appelloit br éperyier : nous avons rendu ce nom fpécifique ; en Fappliquant à l'efpèce dont 1l eft ici queftion , à la quelle les Fauconniers d'aujourd'hui don- nent le nom de Aarpaye-rouffeau : nos No- menclateurs l'ont nommé bu/ard-roux , & M. Frifch la appellé improprement yau- tour lanier moyen , comme 1l a de même & tout aufli improprement appellé le bu- : fard de marais, grand yautour lanier :nous avons préfére le nom fimple de harpaye, parce qu'il eft certain que cet otfeau n eft ni un vautour ntun bufard : 1l a les mêmes - habitudes naturelles que es deux otïfeaux * Voyez les planches euluminées, n.° 460. (a) Frifch, tome I, planche zxx rit, — Le bufard-roux. Briflon , tome I, page 404. de la Harpaye. 307 dont nous avons parlé dans les deux ar- ticles précédens :1l prendle poiïffon comme le jean-le-blanc, &le tire wivant hors de l'eau ; 1 paroit, dit M. Frifch, avoir la vue plus perçante que tous les autres or- feaux de rapine, ayant les fourcils plus avancés fur les yeux. Il fe trouveen France comme en Allemagne, & fréquente de préférence les lieux bas & les bords des fleuves & des étangs; & comme.pour le refte de fes habitudes naturelles, 1l ref> femble aux précédens , nous n’entrerons pas à {on fujet dans un plus grand détail, 308 Hifloire Naturelle ARE ES *X LE BUSARD (a) Voyez planche x de ce volume. O N APPELLÉ Comrnunément cet of feau, le Bufard de marais ; mais comme il n’exifte réellement dans notre climat qué cette feule efpèce de bufard, nous dur avons confervé ce nom fimple : oti Fappelloit autrefois fzux-perdrieux, & quelques Fauconniers le nomment aufli harpaÿe à tête blanche ; cet oifeau eft plus vorace & moins parefieux que la bulfe, & c'eft peut-être par cette feule rarfon * Voyez les planches enluminées , p.° 424. {a) En Grec, Kipws; en Latin, Circus. = Le faux-perdrieux. Belon, Hif. Nat. des Oifeaux , page 114. — Circus. Aldrov. An. tome [, page price Milvus æruyinofus. Atdrov. tome T, page 396.— Bufard de marais. Albin, tome 1, page 4; planche r11, avec une bonne figure coloriée. — Vaulrur fufcus, five Laniarius, Friich , pl LxxriI1, avec une bonne fioure coloriée. — Le Bufard de marais. Briflon, Ornith. tome 1, page 401. — The moor Buzxard. Britifch Zoology , pl. À 5 ; avec une figure coloriée. du Bufard, 309 qu'il paroît moins ftupide & plus mé- chant : il fait une cruelle guerre aux lapins , & 1l eft auf avide de poiflon que de gxbier ; au lieu d’habiter comme la bufe, les forêts en montagne, ül ne fe tient que dans les buiflons , les haies, les joncs, & à portée des étangs, des marais & des rivières porflonneulfes: 1l niche dans les terres bafles, & fait fon nid à peu de hauteur de terre, dans des buïflons, ou même fur des mottes couvertes d'herbes éparïiles : ïl pond trois œufs , quelquefois quatre; & quoiqu'il paroïfle produire en plus grand nombre que la bule, qu'il foit comme elle, oïfeau fédentaire & natu- rel en France, & qu'il y demeure toute Fannée, il eft néanmoins bien plus rare ou bien plus difhcile à trouver. On ne confondra pas Île bufard avec le milan noir, quoiqu'il lui reflemble à plufeurs égards, parce que Îe bufard a comme la bufe, la bondrée, &c... le cou gros & court ; au lieu que les milans l'ont beaucoup plus long , & on diftingue aïfément le bufard de L bale, 1° par les lieux qu'il babite; 310. Hifloire Naturelle 2° par le vol qu'il à plus rapide & plus ferme ; 3° parce qu'il ne fe perche pas fur de LE arbres , & que communément 1l fe tient à terre ou dans les buïllons ; 4.° on le recon- noît à la longueur de fes jambes qui, comme celles de Foïleau faint - martin _ & de la foubufe, font à proportion plus hautes & plus menues que celles des autres oïfeaux de rapine. Le bufard chafle de préférence les poules d'eau , les PES , les ca- nards & les autres oïfeaux d'eau ; ïl prend les potfons vivans & les enlève dans fes ferres : au défaut de gibier ou de poiflon , 1l fe nourrit de reptiles, de crapauds, de grenouilles & d'infectes aquatiques ; quoiqu'il foit plus petit que la bufe, 1! Jur faut une plus ample pi- ture, & c'eft vraifemblablement parce qu'il eft plus vif, & qu'il fe donne plus de mouvement, qu'il a plus d'ap- se ; 1 eft auf bien plus vaillant, elon aflure en avoir vu qu'on avoit élevés à chafler & prendre des lapins, . des perdrix & des caïlles : il vole plus pefamment que le milan ; & lorfqu'on - A a ———— où" ut ‘ CLR . ‘ LF BUSARD. > Le.) rhin *. ge: PCR US COPRA TR du Bufard, ÿut veut le faire chafler par des faucons, il. ne s'élève pas comme celui-ci, mais fuit horizontalement : un feul faucon ne fufht pas pour le prendre, il fau- roit s’en débarrafler & même l'abattre ; 1l defcend au duc comme Île mïlan, maïs il fe défend mieux, & ïl a plus de force & de courage ; en forte qu'au lieu d’un feul faucon, 1l en faut licher deux ou trois pour en venir à bout, Les hobreaux & les creflerelles le re- doutent, évitent fa rencontre, & même fuient lorfqu'il les approche, 312 Hifloire Naturelle RES E CEESREECSERE SES OISEAUX ÉTRANGERS Qui ont rapport au MILAN, aux Buses Ë SOUBUSES. J. L'orssau appelé par Catesby (a), l'Épervier à queue d'hirondelle ; & par M. Brifon, fe Milan de la Caroline. ee Cet oïfeau, dit Catesby , pèfe qua- »»torze onces : ïl a le bec noir & »»crochu; maïs 1! n’a point de crochets s>aux cotés de la mandibule fupérieure comme les autres éperviers : 1l a les yeux fort grands & mors , & liris rouge ; la tête, le cou, la poitrine & le ventre font blancs, le haut de l'atle # & le dos d’un pourpre foncé , nuaïs - ssplus brunitre vers le bas, avec une teinture de vert; les ailes font longues {a) Hifi. Nat. de la Caroline, tome 1, page 4» planche 1r , avec une bonne figure coloriée. | » à proportion des Oifeaux étrangers. 313 à proportion du corps, & ont quatrece pieds lorfqu'elles font : déployées :64 l1 queue eft d'un pourpre foncé ,ce mêlé de vert & très-fourchue ; la plusce longue plume des cotés ayant huitce pouces de long de plus que la plusce courte du milieu : ces oïfeaux volent ce long-temps , comme les hirondelles, ce & prennent en volant les efcarbots, ce les mouches & autres infeétes, fur lesce arbres & fur les butflons : on dit qu'ilsce font leur proie de lézards & de fer-cc ens , ce qui fait que quelques-unsce k ont appelés éperviers à ferpens. Jece crois , ajoute M. Catesby, que ce fontce des oïffeaux de pafage (en Carole’) ,ce n'en ayant jatnais vu aucuns pendantéé l'hiver, 1 n Nous remarquerons , au fujet de ce que dit ici cet Auteur, que l'oifeau dont 1l eft queftion n'eéft point ! un épervier, n'en ayanë ni là forme nt les mœurs ; 1l approche beaucoup, plus, par les deux caraétères, de l’efpèce du intlan, & fi on ne veut pas le regarder comme une varièté de l’efpèce du milan d'Europe , on. peut au moins aflurer _ Oifeaux , Tome LI. S jt $14 Hifloire Naturelle que c'eft le genre dont il approche le plus, & que fon efpèce eft mfiniment plus vorline de celle du milan que de celle de l'épervier. | PE L'oiseau appelé Caracara , par les Indiens du Brefil , & dont Marc- grave a donné la figure & une aflez courte indication {b), puilqu'il fe con- tente de dire que le caracara du Brefl, nommé gavion par les Portugais, eft une efpèce d'épervier ou de petit aïgle (nilus) de la grandeur d'un milan ; qu'il a la queue longue de neuf pouces, les aïles du quatorze, qui ne s'étendent pas lorfqu'elles {cnt pliées, jufqu'à l'ex- trémité de la quiue ; le plumage roux & taché de points blancs & jaunes; la queue variée de blanc & de brun; la tère comme celle d'un épervier ; le bec noir , crochu & médiocrement rand , les pieds jaunes , les ferres mblables à celles des éperviers, avec des ongles fémilunaires , longs , noirs & très-aigus, & les yeux dun beau _…— _— (b) Marcgrave, Hifi. nat. Brafil. pag. 211. des Oiféaux étrangers. 315 jaune ; 1l ajoute que cet oïleau eft le grand ennemi des poules, & qu'il varie dans fon efpèce, en ayant vu d’autres dont la poitrme & le ventre étoient blancs. DT E "oise AU des terres de la baie de Hudion , auquel M. Edwards a donné le nom de hufe cendrée (c), & qu'il dé- crit à-peu-près dans les termes fuivans. Cet otfeau eft de la grandeur d'un coq ou d'une poule de moyenne grofieur : il reflemble par la figure, & en partie ar les couleurs, à la bufe commune ; e bec & la peau qui en couvre la baie, font d'une couleur plombée bleuitre ; la tête & la partie fupérieure du cou, font couvertes de plumes blanches, ta- chetées de brun-foncé dans leur milieu : la poitrine eft blanche comme la tête, mais marquée de taches brunes plus grandes : le ventre & les côtés font couverts de plumes brunes, marquées (c) The ask coloured Buzard. Edwards, Hif, of Birds, rom. Il, pag. 53. pl, LIII, avec une figure loniée. bica co O à 316 Hifloire Naturelle de taches blanches, rondes ou ovales? les jambes font couvertes de plumes douces & blanches , irrégulièrement tachées de brun ; les couvertures du deflous de la queue font rayées tranf- verfalement de blanc & de noir: toutes les parties fupérieures du cou, du dos, des aïles & de la queue font couvertes de plumes d’un brun cendré plus foncé dans leur nulieu, & plus clair fur les bords ; les couvertures du deflous des ailes font d'un brun fombre avec des taches blanches ; les plumes de la queue font croïlées par-deflus de lignes étroites & de couleur obfcure , & par-deflus croïfées de lignes blanches ; les jambes & les pieds font d'une couleur cendrée bleuître ; les ongles font noirs, & les jambes font couvertes, jufqu'à la moitié de leur longueur, de plumes dune couleur obfcure : cet oïfeau , ajoute M. Edwards, qui fe trouve dans les terres de la baie de Hudion, fait prin- cipalement fa proie des gélinottes blan- ches. Après avoir comparé cet oïfaw, décrit par M. Edwards, avec les bules, foubufes, harpayes & buñrds, à nous i | | | | des Oiféaux étrangers. 317 ad paru différer de tous par la forme de fon corps & par fes jambes courtes ; 4l a le port de l'aigle & les jambes courtes comme Île faucon, & bleues comme le lanier ; 1 femble donc qu'il vaudroit Mieux le rapporter au genre du faucon ou à celui du lanier , qu'au genre de la bufe, Mais comme M. Edwards eft un des hommes du monde qui con- noît le mieux les oïfeaux, & quil a rapporté celui-ci aux bufes, nous avons cru devoir ne pas tenir à notre opinion & fuivre la fienne : c'eft par cette raïfon e nous plaçons ici cet oïfeau à la ite des bules. | O iÿ 318 .Hifloire Naturelle * L'ÉPERVIER (à). Voyez la planche xx de ce volume. uoique les Nomenclateurs aient compté plulieurs efpèces d'éperviers, nous croyons qu'on doit les réduire à # Voyez les planches enluminées, n.°% 466 , 467 & 412. (a) En Grec, Zeækiat ; en Grec moderne ; ÆEwrmps , en Latin, accip'ter fringillarius , quod frite gillas Ef minvres aves rapiat ; en Italien ,; Spar- piero ; en Allemand , Sperber où Sperwen ; en Polonois | Croguler ; en Suède , Spacsheck ; en Anglois, Spar-hawk où Sparkow haw ; en France, on appelle le mâle Emouches où Mouchet, — Ac- cipiter fringillarius. Geiner ; Avium , page 51. — Accipiler minor , idem, pag. 52.....: Nifus recentiorum, Cefner,. lcum Avum , pag. 7. Nifus à conatu, nf, quod arés multù Je majores rapere nitatur. — Épervier où Éparvier, Belon ,; Hip. nat. des Oifiaux | pagé v21,. Fringillarius accipiter vulgo nifus diélus. Alrov. Avi. tom. 1, pag 344. — Epervier. Albin, ton. 1, pag. 6, planche r, avec une figure coloriée de la femelle ; € 10me 11, page 7; plenche 1 ; AVEC une figure culoriée du mâle. Nifus fagirratus , five accipirer fringlarius. Frilch, planche xce, avec une figure coloriée de l'épervier hagard ou vieux..,..Nifus fagiriatus de l Épervier. 319 une feule. M. Briflon fait mention de quatre efpèces ou variétés; favoir, lV'É- ervier commun, l'Épervier tacheté , #4 petit Épervier & lÉpervier des Alouettes ; mais nous avons reconnu que cet épervier des alouettes , n'eft que la creflerelle femelle. Nous avons trouvé de même , que le petit épervier n'eft que le tiercelet ou mâle de lépervier commun ; en forte qu ne refte plus que l'épervier tacheté, qui n'eft qu'une variété accidentelle de l'élpèce com- mune de l'épervier. M. Klem / 4 ) eft le premier qui ait indiqué cette variètég il dit que cet orfeau lur fut envoyé du pays de Marienbourg ; 1l faut donc ré+ duire à l'efpece commune le petit éper- vier, aulli-bien que Fépervier tâcheté, & féparer de cette elpèce l'épervier ce alter idem , planche xc11, avec une figure coloriée de l’épervier-fors ou jeune, Nura. Ces deux plan- ches ne repréfentent pas deux oifeaux différens.... Nifus fèriatus , idem | planche xc , avec une figure coloriée du mâle. —L’Epervier. Brion , Ormthol. tome [, page 310. — The Sparrow-hawk. Britifih Zoo:ogy ; planche A 10, The male ; planche A 12, The female. (5) Klein, Ordo Avium , pag. 53. À DR à fi 320 Hifloire Naturelle des ; aloucttes qui n'eft que la femelle de la crefferelle. + On oblervera* , que le tiercelet-fors d'épervier , diffère du tiercelet-hagard , en ce que le fors a la poitrine & le ventre beaucoup plus blancs & avec beaucoup moins de mélange de roux que le tiercelct-hagard, qui à ces parties prefqu'entièrement roulles & traverfées de bandes brunes ; au lieu que l'autre n'a fur la poitrine que des taches ou des bandes beaucoup plus irrégulières. Le tiercelet d'épervier s'appelle mouchet r les Fauconniers, il elt d'autant plus Leu fur le dos, qu'il eft plus âgé ; & les bandes tranfverfales de la poitrine ne font bien régulières que quand il a pailé {a première ou fa feconde mue : 1l en eft de mème de la femelle, qui n'a de bandes régulières que lorfqu'elle a pañié {a feconde mue ; &, pour donner une idée plus détaillée de ces différences & de ces changemens dans la diftribu- tion des couleurs , nous remarquerons que fur le tiercelet-{ors ces si ve de # Voyez Les planches enlyminées, n.° 466 & 4067, L lbjdem, n.° 412. de P'Épervrer. 321 la poitrine & du ventre , font prefque toutes féparées les unes des autres , & qu'elles préfentent plutôt la figure d'un cœur ou d’un triangle émouflé , qu'une fuite continue & uniforme de couleur brune , telle qu'on la voit dans les bandes tranfverfales de la poitrme & du ventre du tiercelet-hagard d'épervier, c'eft-à-dire, du tiercelet qui a fubt fes deux premières mues : les mêmes chan- emens arrivent dans la femelle ; ces er tran{verfales brunes , telles qu'on les voit repréfentées dans la planche, ne font dans la première année que des | taches féparées ; & l'on verra dans l'ar- ticle de l'autour , que ce changement eft encore plus confdérable que dans l'épervier ; rien ne prouve mieux com- bien font fautives les indications que nos Nomenclateurs ont voulu tirer de a diftribution des couleurs , qw de «voir le même oïfeau porter là première année des taches ou des bandes longi… tudinales brunes, defcendant du haut en bas, & préfenter au contraire, dans la feconde année | des bandes tranfverfales de la même couleur ; ce 0 y 322 Hifloire Naturelle ch ent ; .qu très = M CIS die Fa l'autcur &: dans les éperviers , mais 1] fe trouve auf | plus ou moins dans pluleurs autres elpèces d'orfeaux ; d 2 que toutes les méthodes Dudées fur l'énonciation des difiérences de couleur & de Jatdife tribution des taches , fe trouvent ici en. ticrement démentics: L'épervier refie toute l'année dans notre pays; l'elpèce en eit allez nom- breule : Mr m'en à apporté plulieurs dans & plus mauvaile filon de l'hiver, qu'on avoit tué dans les bois ; ils font alors très-maigres, & ne pêlent que fix onces : le volume de leur corps eft à peu-près le même que celui du corps d'une pie ; a femelle: eft : beaucoup plus groike que le male s elle fait ion nid fur les arbres leswplus élevés des torétsx elle pond ordièaiement quatre ou cinq, œuf, que font taches d' jeune rougeâtre vers leurs bouts. Au relle éperviér, tait uulerque femelle; cit allez doede : on Ÿa Er aile ment ;L& Yon, et rt pi ns dhiaëe dés ppt & des € D . EPERVIFR 4 varie mé I0 1477 TE x à ht ES b # di dr Jovi pui RL ER im Et PE URL 1 CRVIUA 7 4 ».. +2 4 de l’Épervier. 1323 prend aufli des pigeons féparés de leur compagnie , & fait une prodigieufe deftruétion des pinçcons & des autres petits oifeaux qui fe mettent en troupes pendant hiver : 1 faut que Fefpèce de fépervier foit encore plus nom— breufe qu'elle ne le paroïît, car, indé- pendamment de ceux qui reftent toute l’année dans notre @limat, 1l paroît que, dans certaines fafons , il en pañle en grande quantité dans d’autres pays (c ), (c) Nota. Je crois devoir rapporter ici en entier un afñez long récit de Belon , qui prouve de paffage de ces oïfeaux , &indique en même temps la manière dont on les prend. « Nous étions, dit-il, à la bouche du Pont-Euxin, où commence» le détroit du Propontide; nous étions montés fur la plus haute montagne, nous trouvames un « Oïfeleur qui prenoit des éperviers de belle ma- « nière; & comme c’étoit vers la fin d'Avril, « lorfque tous oifeaux font empêchés à faire leurs we nids, il nous fembloit étrange voir tant de « milans &c d’éperviers de venir de-là par de devers 4e le côté dextre de la mer majeure : Poifeléur les «e prenoit avec grande indufirie ; & n’en failoit pas un ; il en prenoit plus d’une douzaine à chaque heure, il étoit caché derrière unbuïfflon, te au-devant duquel il avoit fait une aire unie & % carrée, qui ayoit deux pas en diamètre ,: dif. ‘s Éd © v) 7 324 Hifloire Naturelle & quen général lefpece fe trouve DB ep Pad tante environ de deux ou trois pas du Buiflon ; il y avoit fx bâtons fichés autour de Paire, qui étoient de la grofleur d’un pouce & de Ia hauteur d’un homme, trois de chaque côté , à la fummité defquels il y avoit en chacun une coche entaiilée du côté de la place, tenant un rets de til vert fort délié, qui étoitattaché aux coches des bâtons, tendus à a hauteur d’un homme ; &, au milieu de la place, il y avoit un piquet de fa hauteur d’une couédée , aufaîte duquel il y avoit une cordelette attachée, qui répondoit à l’homme caché derrière Îe buiflon; y avoit aufli plutieurs oïifeaux attachés à la corcelette, qui pañloient Îe grain dedans aire, lefquels lCïfeleur fafoit voler Iorfqu’il avoit advifé l’épervier de Ioin venant du côté de Ia mer ; & l’épervier ayant fi bonne vue, dès qu’il les voyoit d’une demi-lieue , lors\prenoit fon vol àaïes déployées, & venoit fi‘ roide- ment donner dans le filet, penfant prendre les petits oifeaux, qu’il demeuroit encré leans en- fevelis dedans ies rets; alors l’Oifeleur le pre- -noit & lui fichoit Îles ailes jufqu’au pli dedans un linge qui étoit là tout prêt expreflément coufu, duquel illui lioit fe bas des ailes avec les cuifles & la queue, & l'ayant, lafioit l’épervier contre terre qui ne peuvoit ne fe remuer ne fe débattre : Nul ne fauroit penfer de quelle part venoient tant d’éperviers, car étant arrêté deux heures, il en print plus de trente; teHement qu’en un jour un homme feul en prendroit bien près de l’Épervier, 325$ répandue dans l'ancien continent ( d), depuis la Suède (ee), jufquau cap de _Boune —efpérance ( f). d’une centaine. Les milans & les éperviers ve- «s noiïent à la file qu’on advifoit d’aufit Join que la «6 Vue fe pouvoit étendre. Belon, Hifi nat. des «s Oifeaux , page 121.» (d) Les éperviers font communs au Japon,’ de même que par-tout aïlleurs dans les Indes orientales, Kæmpfer, Hifl du Japon, tome T, page 133. (e) Linnæus , Fauna Suecica , n.° 68. (f) Kolbe, Deéftription du cap de Bonne-efpé- rance, tome III, pages 167 & 168, 326 Hijloire Naheile REA TH NO CCE D AU 1O Uk (a). Voyez planche x1r de ce volume. 4 s ipE AUTOUR * eftun be 2] oifeau, beaur- coup plus gra: nd que l'Épervier, auquel il reflemble néanmoins par les habitudes (a) En Grec, A’cpias.... Accipiter fleilaris ; en Latin moderne, Aflur; en Italien , ÆAflore; en Allemand , Habich, Groffèr- Habich; en Polonois , Jafirzgawielki ou Jaflrabe rolebiow ; en Anelois, Staf- hawk où Gofhawk, où Egret. Accipiter major fir- mico € recentioribus aflur. Gefner , Icon. Avi. pag. 7. ... Gefner, Avi. pag. 3... Accipiter palumbarius. Gefner, Avium. pag. 51. — Aldrov. tome 1, pag. 242 ... Alflerias Aldrov. tome 1, page 336. — Autour. Albin, tome [1, page &, planche Vir1, avec une fioure Éoloriéés Vces2l NE | five aflur. Albin. Frich pl. zxx11, avec une figure colo- riée. INota. Ce PAutour blond-fors.... Accipiier flellarius fire gutratus Milan. Frifch, 5 LXXIII. Nota. C’eft une variété de autour blond-fors..… Falco fagittatus. Frifch, planche LXXXI) Avec la figure coloriée de la femelle après fa première : mue. -... . Falco. Frifch, planche LXXXII, avec ia figure de la même femelle, mais plus vieille, — LPAutour. Briflon, tome [, page 317. # Voyez les pianches enluminées , n.95 461 & 418 Ÿ de l'A utOuT. 327 faturelles, & par un caraétére qui leur eft commun, & qui, dans Îles oïifeaux de proie, n'appartient qu'à eux & aux pie — grrèches , c’eft d'avoir les aïles courtes ; en forte que, quand elles font pliées, elles ne s'étendent pas à beau- “coup près à lextrenmté de 1 queue: il refiemble encore à l'épervier : > parce qu'il a, comme lui, la première p'ume de l'aile courte, arrondie par fon extré- mité , & la quatrième plume de laïle eit 1 plus longue de tontes.: Les Fauconniers diftinguent des otfeaux de chafie:, À en deux clafles ; fivoir , ceux de la fauconnerie proprement dite, & ceux qu'ils appellent de l'aurourferie , &, dans cette {econde clafle , ils com- prennent non-feulement lautour ; mais encore : l'épervier, les: harpayes, Îles bules, &c. L'autour, avant fa première mue, celt-à-dire , pendant la premiere année de fon âge, porte fur la poitrme & fur le ventre, des taches brunes perpendi- cuiarement longitudinales ; mais , lorf- qu'il a fubi. les deux premières mues, ces taches longitudinales diparoiilent 3 328 Hifloire Naturelle & il sen forme de tranfverfales, qui durent enfuite pour tout le refte de la vie; en forte qu'il eft très- facile de fe tromper fur la connotïflance de cet oï-, feau qui, dans deux âges diffiérens, eft marqué fi différemment; & c'efl ce que nous avons voulu prévenir & farre _ connoïtre, en le repréfentant dans fes deux âges : le premier le jeune autour » & le fecond lautour plus âgé *. | _ Aurefte, lautour à les jambes plus longues que les autres oïfeaux quon pourroit lut comparer & prendre pour fur ( 8 ), comme le gerfaut qui eft à tres- peu-près de fa grandeur : le mâle autour, eft comme la plupart des ot- feaux de proie , beaucoup plus petit que la femelle : tous deux font des oïfeaux de poing & non de leurre; 1ls ne volent pas aufli haut que. ceux qui * Woyez les planches enluminées , n.% 461 & 418. {b) Nota. M. Limnæus a pris le gerfaut pour Pautour, Gyr.; falco. Linn. ÆHifl. nat. edit. y1, gen. 36, fp. 10. Il eft néanmoins très-aifé de lés diftinouer, car ordinairement f’autour a Îles pieds d’un beau jaune , & Île gerfaut les a pâles & bleuâtres. | | de l’ Autour. 329 ont les aïles plus longues à proportion du corps; ils ont comme je l'ai dit, plufieurs habitudes communes avec Fc- pervier ; jamais 1ls ne tombent à-plomb fur leur proie; ils la prennent de côté. On à vu, par le récit de Belon, que nous avons cité , comment on peut prendre les éperviers : on peut prendre les autours de 1a même manière; on met un pigeon blanc pour qu'il foit vu de plus loin, entre quatre filets de neuf ou dix pieds de hauteur , & qui renferment autour du pigeon qui eft au centre, un efpace de neuf ou dix pieds de longueur fur autant de largeur; lautour arrive obliquement, & Ia ma- nière dont 1l s'empèêtre dans Îles filets, indiquent qu'ils ne fe précipitent point fur leur proie, mais qu'ils lattaquent de coté pour s'en faïñir : les entraves du filet ne lempêchent pas de dévorer le pigeon, & ïl ne fait de grands efforts pour s'en débarrafler, que quand 4 eft repu. L'autour fe trouve dans les mon- tagnes de Franche - comté, du Dau- phiné, du Bugey , & même dans leg 330 Hifloire Naturelle forêts de Îa province de Bourgogne & aux environs de Paris; mais il eft encore plus commun en Âliemagne qu'en France, & l'efpèce paroït s'être répandue dans les pays du Nord juf- qu'en Suède , & dans ceux de l'Orient & du midi, jufqu'en Perfe & en Bar- barie; ceux de Grèce font les meïlleurs de tous pour a fauconnerte , felon Belon ; «cils ont, dit-il, la tête grande, le cou gras & beaucoup de plumes; »>ceux d'Arménie , ajoute-t-1l, ont les yeux verts ; ceux de Perfe Îes sont clairs , concaves & enfoncés ; ceux d'Afrique, qui font les moins speftimés, ont les yeux noirs dans le premier âge, & rouges apres la pre- mière mue ; »» imals ce caractère n'eft pas particulier aux autours d'Afrique ; ceux de notre climat ont les yeux d'autant plus rouges qu'ils font plus âgés; 11 y a même dans les autours de France, une diflérence cu variété de plumage & de couleur qui à induit les Naturalifies en une efpèce d'erreur fc); - {c) Nüta. M. Briflon a donné fous le nom de gros bufard ( tome 1, page 308 ], cet autour blond, de l Autour. 331 on a appelé éufard , un autour * dont le plumage eft blond, & dont le na- turel plus lâche que celui de Pautour - brun, & moins fufceptible d’une bonne éducation, l'a fait regarder comme une efpèce de bufe ou bufard, & lur en a fait donner le nom : c’eft néanmoins très-certarnement un autour, mais que des Fauconniers rejettent de leur école, y a encore une variété aflez légère dans cet autour blond, qui conffte en ce qu'il s'en trouve dont les aïles font tachées de blanc, & ce caraétère lur a fait donner le nom de bufard varié; maïs cet oïfeau varié, aufli- bien que celut qui eft blond, font également des autours, & non pas des bufards. J'ai fait nourrir long-temps un mâle F: une femelle de » Aieipièce de l'autour CT 17 ne 4 dont il fait une efpèce mitoétie vus non-feufement différente de celle de l’autour ; mais encore de toutes les autres efpèces de bufards ; cependant eft très-certain que ce n’eft qu’une variété, même lécère dans Fefpèce de lautour, car il n’en diffère en rien que par la couleur du plumage. # Voyez les planches enluminées, n° 423 332 Hifloire Naturelle brun ; la femelle étoit au moins d'u tiers plus grofle que Île mâle ; il s'en falloit plus de fix pouces que les aïles, lorfqu'elles étotent pliées , ne s'éten- diflent jufqu'à l'extrémité de la queue: elle étoit plus grofle dès l’âge de quatre mOIS, qui ma paru être le terme de laccroïflement de ces oïfeaux, qu'un gros chapon. Dans le premier âge juf- què cinq ou fix femaines, ces oïfeaux font d'un gris-blanc ; ïls prennent en- fuite du brun fur tout 1e dos, le coù & les arles ; le ventre & Île deflous de la gorge changent moins, & font ordi- naïrement blancs ou blancs- jaunîtres, avec des taches longitudinales, brunes dans la première année, & des bandes tranfverfales , brunes dans Îes années fuivantes. Le bec eft d'un bleu file, & la membrane qui en couvre la bafe eft d'un bleu livide : les jambes font dénuées de plumes, & les doïgts des pieds , font d'un jaune foncé : les ongles font noïrâtres , & les plumes de la queue qui font brunes, font mar- quées par des raies tranfverfales fort nd VW CPU TRES PTT de l’ Autour, 333 larges , de couleur d’un gris-fale. Le mâle a fous la gorge, dans cette pre- mière année d'âge, les plumes mêlées d'une couleur roufsâtre, ce que n’a pas la femelle, à laquelle il reflemble par tout Îe refte, à l'exception de la grof- feur, qui, comme nous l'avons dit, eft de plus d'un tiers au-deflous. On 2 remarqué que quoique le mâle fût beaucoup plus petit que la femelle, Il étoit plus féroce & plus méchant : ils font tous deux aflëz difhciles à priver ; ils fe battorent fouvent , mais plus des grifles que du bec, dont ils ne fe fervent guère que pour dépecer les oïfeaux ou autres petits animaux; ou pour blefler ou mordre ceux qui les veulent faifir : ils commencent. par fe défendre de la grifie, fe renverfent fur le dos, en ouvrant le bec, & cherchent beaucoup plus à déchirer avec les ferres quà mordre avec le bec. Jamais on ne s'eft aperçu que ces oïfeaux , quoi- que feuls dans la même volière , aïent _ pris de laffe@ion lun pour l'autre ; ils y ont cependant pañlé la farfon entière “334 Hifloire Naturelle de l'été depuis Île commencement de mat jufqu'à la fin de novembre , où Ja femelle dans un acces de fureur, tua le mâle dans le filence de la nuit, à neuf ou dix heures du foir , tandis que tous les autres orfeaux étoient en- dormis : leur naturel eft fi fanguinaire, que quand on laifle un autour en l- berté avec plufieurs faucons , 1l Îles égorge tous Îles uns après Îles autres; cependant 1l femble manger de préfe- rence les fouris, les mulots & les petits oïfeaux : 1l fe jette avidement fur 1la chair fatgnante, & refufe aflez conftam- ment la viande cuite ; maïs en le farfant jetner ,; on peut le forcer de s'en nourrir : il plume Îes oïfeaux fort pro- prement, & enfuite les dépèce avant de les manger, au lieu qu'il avale les fouris tout entières. Ses excrémens font blanchitres & humides : 1 rejette fou- vent par le vomiflement les peaux roulées des fouris qu'il a avalées. Son cri eft fort rauque, & finit toujours par des fons aïgus, d'autant plus défa- gréables qu'il les répète plus fouvent; N to) n nl (AM ne MAMA { f = fi L'AUTOUR. 10 RUE PAPA +8 de Autour. 33 1 marque auffi une inquiétude conti- nuelle dès qu'on l'approche, & femble | s'effaroucher de tout ; en forte qu'on ne peut pañler auprès de la volière ou il eft détenu, fans Îe voir s'agiter vio- lemment, & l'entendre jeter plufi leurs cris répétés. 336 Hifloire Naturelle OISEAUX ÉTRANGERS Qui ont rapport à l’ÉPERVIER & à PAurour. L. L'orsrau qui nous a ëêté envoyé de Cayenne fous aucun nom, & que nous avons défigné fous Ia dénomi- nation d’Épervier à gros bec de Cayenne* , parce qu'en efet 1l a plus de rapport à l'épervier qu'à tout autre oïfeau de proie ; il eft feulement un peu plus gros , & d'une forme de corps un peu plus arrondie que lépervier ; ïl a aufli le bec plus-gros & plus long, les jambes un peu plus courtes ; le deflous de Ia gorge d'une couleur uniforme & vineufe ; au lieu que Fé- pervier a cette même partie blanche ou blanchâtre, mais du refte, ïl ref— femble aflez à Tépervier d'Europe, # Voyez Les planches enluminées ,; n.° 464. pour | | | | | | . des Oifeaux étrangers. 337 pour qu'on puïlle le regarder comme étant d'une efpèce voifine, & qui peut- être ne doit fon origine qu'à l'influence du climat. IL L'OrsEAU qui nous a été envoyé de Cayenne, fans nom, & auquel nous avons cru devoir donner celui de petit autour de Cayenne, parce quil a été jugé du genre de l'autour par de très- babtles fauconniers. J'avoue qu'il nous a paru avoir plus de rapport avec le Janier, tel qu'il a été décrit par Belon, qu'avec lautour ; car 1l a les jambes fort courtes & de couleur bleue , ce _ qui fait deux caraétères du lanter , maïs peut-être n'eft-1i réellement ni fanier ni autour. Il arrive tous les jours qu’en voulant rapporter des oïfeaux ou des animaux étrangers aux efpèces de notre climat, on leur donne des noms qui ne leur conviennent pas, & 1l eft très- poflible que cet orfeau de Cayenne* foit d'une efpèce particulière & différente de celle de lautour & du lanier. # Woyez les planches enluminées, n° 473. Oiféaux , Tome L P 338 Hifloire Naturelle, &c. 4 FFE L'orssau de la Caroline, donné par Catesby (a), fous le nom d’épervier des pigeons, qui a le corps plus mince que lépervier ordinaire, l'iris des yeux jaune , ainfi que la peau qui couvre la bafe du bec, les pieds de 11 même couleur ; le bec blanchître à fon ori- gine , & no vers fon crochet ; le deflus de la tête, du cou, du dos, du croupion , des aïles & de la queue, couvert de plumes blanches mêlées de quelques plumes brunes ; les jambes couvertes de longues plumes blanches, mêlées d'une légère teinte rouge , & varices de taches longitudinales brunes. Les plumes de la queue brunes comme celles des aïles, maïs rayées de quatre bandes tranfverfales blanches. (a) Pigeon hawk.- Hifi. nat. of. Carol. by Marc, Catesby , rome I, page 3, planche 111, avec une figure coloriée. HR 339 RC TS FT en un af De LR NRA" DE SR ENE *LEGERFAUT (a). Voyez planche x111 de ce volume. Le GERFAUT, tant par fa figure que par le naturel, doit être regardé comme le premier de tous les oïfeaux de la fauconnerie ; car il les furpañle de beau- coup en grandeur : il eft au moms de la taille de lautour ; mais il en diffère par des caractères généraux & conf- tans, qui diftinguent tous Îes oïfeaux propres à être éleves pour la faucon- * Voyez les planches enluminées, n.°s 210, 469 & 446. (a) En Italien, Zerifalco ou Girifalco ou Geri- falco; en Allemand, Gierfalck où Girfalck ou Mit- tel-falck ; en Polonoiïs , Bialezor ; en Mofcovie, Kretzel, où Kiozot ; en Anglois, Gyrfalcon, ou Gers falcon ; les Anglois appellent le mâle Jerkin. Nota.: Ce mot Gerfaut où Gyrfakco, fignifie Faucon- vautour, Gyr Où Gyer, fignifiant Vautour en Aîle- mand. — Gerfaut. Belon, Hifl. nat. des Oifeaux , page 94. — Gyrfalco. Aldrov. tome I, page 471. — Morphnos Belonii. Aldrov. Avi. tom. I, page 212.— Faucon d’Iflande, Hifi. d’Iflande, par Aim derfon, tome 1, page 80. — Le Gerfaut, planche XX, fig. 2. Brion, Ornith. tome I, page 370; & page 373, planche XXXL. Pi s40 Hifloire Naturelle nerie, de ceux auxquels on ne peñt pas donner la même .éducation.. Ces oïleaux de chafle noble font les ger- fauts , les faucons , les facres , les laniers, les hobreaux, les émerillons & les cref- ferelles : ils ont tous les aïles prefque auflil longues que la queue; la pre- mière plume de l'aile appelée le cerceau, prefqu'aufli Iongue que celle qui la fuit, le bout de cette plume en penne ou en forme de tranchant ou de lame de couteau , fur une longueur d'environ un pouce à fon extrémité; au lieu que dans Îles autours , les éperviers, Îles milans & les bufes, qui ne font pas oïfeaux aufli nobles ni propres aux mèmes exercices ; la queue eft plus longue que les aïles, & cette première plume de larle eft beaucoup plus courte & arrondie par fon extrémité; & ils différent encore en ce que la quatrième plume de farle eft dans ces derniers oïfeaux la plus longue, au lieu que c'eft la feconde dans les premiers. On peut ajouter que le gerfaut difière fpé- cifiquement de fautour par le bec & fes pieds qu'il a bleuâtres, & par fon. … du Gerfaut. 347 plümage qui eft brun fur toutes les pitties fupérieures du corps ; blanc taché de brun fur toutes les parties inférieures, avec là queue grife ; tra- verfée de lignes brunes *, Cet oïfeau fe trouvé aflez communément en Iflande, & 1l paroït qu'il y 4 variété dans l'ef- pèce ; car il nous a été envoyé de Norvèce, un gerfaut qui fe trouve également dans les pays les plus fep- tentrionaux ?, qui difière un peu de Vautre par les nuances & par la diftri- bution des couleurs, & qui eft plus eftimé des Fauconniers que celui d’If: lande, parce qu'ils lui trouvent plus de courage , plus d'activité, & plus de docilité ; & indépendamment de cette première variété, qui paroit variété de l'efpèce, 1l y en a une feconde qu'on pourroit attribuer au climat, fi tous n'é- torent pas également des pays froïds: cette feconde variété eft le gerfaut blanc®, qui diffère beaucoup des deux premiers, & nous préfumons que dans ceux de Ta Poye les planches enluminées > n.° 210. bJbidem, n° 462, Clbidem , n° 446, Pi 342 Hifroire Naturelle Norvège , aufli-bien que dans ceux d'Iflinde , il s'en trouve de blancs ; en forte qu'il eft probable que c'eft une feconde variété commune aux deux premières, & quil exifte en effet dans l'efpèce du gerfaut trois races conftantes & diftinétes, dont la premiere eft le gerfaut d'Iflande , la feconde le gerfaut de Norvège, & la troilième le gerfaut blanc ; car d’habiles Fauconniers nous ont afluré que ces derniers étotent blancs dès la première année, & confervoient leur blancheur dans les années futvantes; en forte quon ne peut attribuer cette couleur à la vieillefle de l'animal ou au climat plus froid, les bruns fe trouvant également dans le même climat. Ces oïfeaux font naturels aux pays froids du Nord, de l'Europe & de lAfe; 1ls habitent en Ruflie, en Norvège, en Iflande, en Tartarie, & ne fe trouvent point dans les climats chauds, ni même dans nos pays tempérés. C'ef , après Yaigle le plus puiflant, le plus vif, le plus courageux de tous les oïfeaux de proie; ce font aufli les plus chers & les plus eftimés de tous ceux de Ia _ du Gerfaut, 343 fauconnerie : on les tranfporte d'Iflande & de Ruflie en France (b), en Itake, & jufqu'en Perfe & en Turquie/{c); & ïl ne paroît pas que la chaleur plus grande de fes climats leur ôte rien de leur force & de leur vivacité; 1ls-atta- (b) Nous ne verrions point le gerfaut, s’il ne hous étoit apporté d’étrange pays ; on dit qu’il vient de Ruffie où il fait fon aire , & qu’il ne hante ne Italie ne France , & qu’il eft oïfeau pañager en Allemagne :...; C’eft un oïfeau bon à tous vols; car ïl ne refufe jamais rien, & il eft plus hardi que nul autre oïfeau de proie. Belon, Hifl. nat. des Oi‘eaux, pages 94 & 95. (c) Nota. C’eft au gerfaut qu’il faut rapporter le paffage fuivant : « il ne faut pas oublier de faire mention d’un oïifeau de proie qui vient de Mof-c covie, d’où on le tranfporte en Perfe, & quiss eft prefqu’aufft gros qu’un aigle ; ces oifeauxe font rares, & 11 n’y à que Îe Roi feul quic puifle en avoir. Comme c’eft la coutume en Perfe d’évaluer les préfens que lon fait au Roï ,cs fans en rien excepter , ces oïifeaux font mis à« cent tomans la pièce ,; qui font quinze centse écus; & s’il en meurt quelques-uns en chemin ,«s VAmbafadeur en apporte à Sa Majefté Ia têtes & les ailes, & on lui tient compte de l’oifeau 6 comme s’il étoit vivant : On dit que cet oifeauce fait fon nid dans la neige, qu’il perce jufqu’àce terre par la chaleur de fon corps , & quelquefoiscs jufqu’à une toife de hauteur, &c ....» Voyage de Chardin tome IT, page 31. Piv 344 Hifloire Naturelle, &c. quent les plus grands oïfeaux, & font atfément leur proie de la cigogne, du héron & de la grue; ils tuent les lièvres en fe laïflant tomber à plomb deflus: 11 femelle eft, comme dans les autres otfeaux de proie, beaucoup plus grande & plus forte que le mâle; on appelle celut-ci riercelet de gerfaut, qui ne fert dans la fauconnerie que pour voler le milan , le héron & les corneïlles, \ a À fee SS (es \ 11, TRE RL \ CPAS KI Lo C “il ruse CRC Cie Lo LE GERFAUT dE ONE UE DA 4 EE PT Ÿ + * AR SNS 70 À: FR ENT A Li 54. sert MAS 12 4 CA th LS US 2 HN AL q ‘à POP QT ds LE 4 FE et Lu re A) 7 L.- 17: 2" LL à . d \ L & L : ' CL ”r f NL 2 V2 54%) LAS = 4 VER Aer eh, CA W : L « var 0h À RENE LA 4 +4 qe RL NE "PRES hd 70 Le OT + | La 24 34$ LE LANIER (a). Cr orsrau qu'Aldrovande appelle Laniarius gallorum , & que Belon dit être naturel en France, & plus em- ployé par les Fauconniers qu'aucun autre, eft devenu firare que nous n'a- vons pu nous le procurer ; :l n'eft dans aucun de nos cabinets, ni dans les fuites d’oifeaux coloriés par M." Ed- wards, Frifch & les Auteurs de Îa (a) En Italien, Laniero, en Allemand ; Siyi mere où Schmeymer ; en Anglois & en François, : on appelle le mâle Lannerer. — Lanier. Belon, Hifi. nat. des Oifeaux ,; page 123. Nota. Lanier vient du latin /aniare | déchirer, parce que cet oïfeau déchire cruellement les poules & Îles au- tres animaux dont il fait fa proie. Lanneret eft le diminutif de lanier, & c’eft pour cela qu’on appelle le mâle Lannerer, qui eft confidérable- ment plus petit que Fa femelle. — Laniarius galle- rum ; Aldrov. Avi. tome II, pag. 488.— Petit Lanier. Albin, tome II, page 4, planche yr1, avec une figure coloriée.— Falco pedius roffroque cæruleis, macalis albis nigrifque longitudinalibus. Lin, Faun. Suec. n.° 61. Le Lanier. Briflon , Ornitho- logie, tome I, page 363. 346 Hifloire Naturelle Zoologie Britannique , Belon lui-même ; qui en fait une defcription aflez dé- taillée , n'en donne pas la figure :il en eft de même de Gefner, d’Aldro- vande & des autres Naturaliftes mo- dernes, M." Briflon & Salerne avouent ne lavoir jamais vu : la feule repréfen- tation qu'on en ait eft dans Albin, dont on fait que les planches font très-mal coloriées. Il paroît donc que le lanier, qui eft aujourd’hui fi rare en France, Va également & toujours été en Alle- magne , en Angleterre, en Suiïfle, en Italie , puifqu'aucun des Auteurs de ces difiérens pays n'en ont parlé que d’a- près Belon : cependant 1l fe retrouve en Suède ; puifque M. Linnzus le met dans la lifte des oïfeaux de ce pays, mais 1l nen donne qu'une gère def- cription , & point du tout lhiftoire : ne le connoïflant donc que par les in. dications de Belon, nous ne pouvons rien faire de plus que de les rapporter ici par extrait. »» Le lanter ou faucon- solanier , dit-il, fait ordinairement fon aire en France, fur les plus hauts aarbres des forêts ou dans les rochers du Lanier. 347 les plus élevés : comme ïl eft d’unce naturel plus doux & de mœurs plusce faciles que les faucons ordinaires, once s'en fert communément à tous propos. ce Il eft de plus petite corpulence quece le faucon-gentil , & de plus beauce plumage que le facre, fur-tout aprèsce la mue ; il eft auf plus court empréréce que nul des autres faucons. Les Fau-ce conniers choïlflent le lanier ayantce grofle tête, les pieds bleus & dorés ;ce le lanter vole tant pour rivière quece pour les champs ; 1l fupporte mieux lace nourriture de grofles viandes qu’aucunce autre faucon : on le reconnoït fansce pouvoir sy méprendre, car ïl a lece bec & les preds bleus ; les plumes dece devant mêlées de noir fur le blanc,ce avec des taches droites le- long desce plumes, & non pas traverfées commece au faucon...... quand 1 étend fescs aïles, & qu'on les regarde par-deflous, ce les taches paroïflent différentes dece celles des autres oïfeaux de proie ;ce car elles font femées & rondes commece petits deniers. Son cou eft court &ce allez gros ,; aufli-bien que fon bec :66 348 Hifloire Naturelle, &cc. »on appelle la femellé Zanier, elle ef s>plus grofle que le mâle qu'on nomme s>laneret : tous deux font aflez fem- blables par Îes couleurs du plumage; sil n'eft aucun oïfeau de proie qui stienhe plus conftamment fa perche, » & 1l trefle au. pays pendant toute l'année : on Tinftruit arfément à voler » & prendre la grue : la fafon où il sochafle le mieux eft après la mue, » depuis la mi-juillet jufqu'à 14 fin # d'octobre ; maïs, en hiver, ïl n’eft pas s> bon à l'exercice de k chafle.n LE SACRE (). J cro1s devoir féparer cet orfeau de la life des faucons , & le mettre à a fuite du lanter , quoique quelques-uns de nos Nomenclateurs (4), ne regardent le, facre :que comme une variété de l'efpèce du faucon, parce qu'en le confi- dérant comme une variété, elle appar- tiendroit bien plutôt à l'efpèce du lanier qu'à celle du faucon : en eflet, le ficre a, comme le lanier , le bec & les pieds bleus , tandis que les faucons ont les pieds jaunes. Ce caractère, qui paroiït {pécifique , pourroit même "faire Croire que le facre ne feroit réellement qu'une variété du lanier : mais il en diffère (a) Sacre ; la femelle ; Sacrer , le mâle... ... Belon, Hifi. nat des Orfeaux, page 108 , avec la figure, page 109. En fatin moderne , Fa/co-facer ; en Italien , Sacro, en Allemand , Sacker; en An- glois, Ho, Lt (b) Falco-facer. Le Sacre. Briflon ,. Ornithologies tome 1, page 337. Nota. Cet Auteur en fait la douzième variété de l’efpèce du faucon, 350 Hifloire Naturelle beaucoup par les couleurs, & conftam- ment par la grandeur ; il paroït que ce font deux efpèces diftinétes & voifnes, qu'on ne doit pas mêler avec celles des faucons : ce qu'il y a de fingulier ici, c'eft que Belon eft encore le feul qui nous ait donné des indications de cet oïfeau ; fans lur les Naturaliftes ne connoitroïent que peu ou point du tout le facre & le lanier : tous deux font devenus également rares, & c'eft ce qui doit faire préfumer encore qu'ils ont les mêmes habitudes naturelles, & que par conféquent 1ls font d'efpèces très-vor- fines, Mais Belon les ayant décrits, comme les ayant vus tous deux, & les donnant comme des oïfeaux réellement difiérens lun de Fautre, 1l eft jufte de s'en rapporter à lui, & de citer ce qu'il dit du facre, comme nous avons cité ce qu'il dit du lanier. « Le facre eft de 5 plus laïd pennage que nul des oïfeaux >> de fauconnerie ; car 1l eft de couleur scomme entre roux & enfumé , fem- sblable à un milan; 1l eft court, em- piété , ayant les jambes & les doigts bleus , reflemblant en ce quelque chofe du Sacre, 3si au fanter : 11 feroit quañi pareil auce faucon en grandeur, n’étoit qu'il eftcs _compañlé plus rond. I eft oïfean dece moult hardi Courage , comparé encs force au faucon pélerin: aufli eft oi- « {eau de pafage, & eft rare de trouverce homme qui {e puifle vanter d’avoirce oncq veu endroit où il fait fes petits: ce 1l y a quelques fauconniers qui fontce d'opinion qu'il vient de Tartarie &ce Ruffie, & de devers la mer majeure , ce & que fatfant fon chemin pour allerce vivre certaine partie de l’an vers lace partie du midi, eft pris au paflage ce par les Fauconniers qui les aguettent ce en diverfes îles de la mer Egée ,ce Rhodes, Chypre, &c. Et combien ce qu'on fafle de hauts vols avec le facre ce pour le milan, toutes fois on le peutce auf drefler pour le gibier & pour lace campagne à prendre oyes fauvages , cs oftardes olives, faifends » perdrix, lièvresce & à tout autre manière de gibier ....ce Le facret eft le mâle, & le facre ace femelle entre Iefquels il ny a d'autrece différence, Gnon du grand au petit.» En comparant cette delcription du 352 Hifloire Naturelle, &c. fcre , avec celle que‘le même Auteur a donné du lanier,, on fe perfuadera aifément , 1.° que ces deux oïfeaux font plus voïlins l’un de l’autre que d'aucune autre efpèce; 2.9 que tous deux font oïfeaux paflagers , quoique Belon dife que le lanier étoit de fon temps naturel en France, # eft prefque für qu’on ne y trouve plus aujourd’hui ; 3° que ces deux oïfeaux paroïflent différer eflen- tiellement des faucons, en ce qu'ils ont le corps plus arrondi, les jambes plus courtes , le bec & les pieds bleus, & c'eft à caufe de toutes ces différences que nous avons cru devoir les en fé- parer. Il y a plufeurs années que nous avons fait defliner à la ménagerie du Roi, un oïfeau de proie quon nous dit être le /acre, & que nous donnons ici (planche x 17 de ce volume) ; maïs la defcription qui en fut faite alors ayant été égarée, nous n'en pouvons rien die de plus. Fin du premier Volume. _LLAT. pag 852, WW) ] } / AA 4 4 1} = - LA AN T4 / => = AT) 11) 1 j)) ): -a FETE D, l)) / 7 J) 7 | T PLAN) f il À 1 (NI (L \l4 | (l / Æ SSSR NS SSS SS Fra r FE Ve CAE rs or 3 PAR à LES NC ARTE AU AL EX MR T "1 AMEN RENE Rt ÿ Va EME rares tre AT f « R « LES RTE Pos: re ae ji'apiea CNET RE ; pa AU \ ja APE SH, a 1 VE PDA ET ARTE A AVE al 17 8