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IISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE HS POISSONS; UVRAGE faisant suite à l'Histoire naturelle, générale et particulière, composée par Lscrrrc DE Burron, et mise dans un nouvel ordre par C. S. Sonnini, avec des Notes et des Additions. PAR CG STSONNENI, TEMBRE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES ET LITTÉRAIRES. PE ME SE CON D: Au PA RTS, DE L'IMPRIMERIE DE F. DUFART, nd À N xl 1 PACA LI 7 \ sg ER 14 £ CRE N À À or, rs j Fr # # » # ° # a e À #7: €) À pur 4 ï # M2 # | OR AE F: 4 i ; # k à ' ù 4 \ < ñ NET PO ar Et : j » event ; =" 4, % LA Fe L > à} à + LC] EE { {f + LR è L7 à 1 D j : 2 n & i ‘ ESEg * [Qa è é RTE FA i va >; tre LR Là ! ‘ 17 C Meur FIL 5 LR Pas | 20 WU La D D 2 ee Be Ê 4 U L ee) PÉC RE 102 DT ATENS" & gr Y £ " 3 “ SHPMANUe MAÉMITODe Autre gta Le saut ' d ry sé + pr Wie * # # ; 4% 1% & de ï LS 1 i ï A: ra Li ; 4 : ; ïñ M £? > # 2 st.s é 4 + + F à \ SR NE. à sr, * ls £ D, a 1 Fr J p? î Î v. f # A FM f . f , ny l È ! HA ê + . # 1 arr » Far 7402 L FE Tres à DRE Ci ne: Nr ; 4 110 ARE gg * LE | d* #2 r Er AE KA CRE” dé t : PF Je GRR PARCS CE RUE ANt2 CNE "Er T4 EH TS TOI IR E NATURELLE DOS FO ES SOD'NS Des effets de l'art de l Homme sur la nuture des Poissons. PAR LACÉPÉ DE. C'ssr un beau spectacle que celui de l’in- telligence humaine, disposant des forces de la Nature, les divisant, les réunissant , les combinant, les dirigeant à son gré, et, par l'usage habile que l’expérience et l’observa- ton lui en ont appris, modifiant les subs- tances, transformant les êtres, et rivalisant, pour ainsi dire , avec la puissance créatrice. L'amour propre, l'intérêt, le sentiment et la raison applaudissent sur-tout à ce noble spectacle , lorsqu'il nous montre le génie de l’homme exerçant son empire, non seule- ment sur la matière brute qui ue lui résiste que par sa masse, ou ne lui oppose que ce pouvoir des affinités qu'il lui suffit de con- À 5 6 EFFETS:DE L'ART noître pour le maîtriser, mais encore sur la matière organisée el vive, sur les corps ani- més, sur les êtres sensibles, sur les propriétés des espèces, sur ces attributs intérieurs, ces facultés secrettes, ces qualités profondes qu’il domine, sans même parvenir à dévoiler eur essence. De quelques êtres organisés et vivans que l'on veuille dessiner l’image , on voit presque toujours sur quelques-uns de leurs traits l'empreinte de Part de l'homme. Sans doute l’histoire de son industrie n’est pas celle de la Nature: mais comment ne pas en écrire quelques pages, lorsque le récit de ses procédés nous montre jusqu’à quel point la Nature peut être contrainte à agir sur elle- même, et que celle puissance admirable de l’homme s'applique à des objets d’une haute importance pour le bonheur public ei pour la félicité privée ? Parmi ces objets si dignes de l’atiention de l’économe privé et de l’économe publie, comptons avec les sages de l’antiquité, ou, pour mieux dire, avec ceux de tous les siècles qui ont le plus réuni lamour de l'humanité à la connoissance des productions de la Nature, la possession des poissons les plus analogues aux besoins de l’homme. SUR LES POISSONS. 7 Deux grands moyens peuvent procurer ees poissons que l'on a toujours recherchés, mais auxquels, dans certains siècles et dans certaines contrées, on a attaché un si grand prix. Le premier de ces moyens, résultat remar- quable du perfectionnement de la naviga- tion, multiphant chaque jour le nombre des marins audacieux , et accroissant les progrès de l’admirable industrie sans laquelle il n’au- roit pas existé, obtiendra toujours les plus grands encouragemens des chefs des na- tions éclairées : il consiste dans ces grandes pêches auxquelles des hommes entreprenans et expérimentés vont se livrer sur des mers lointaines et orageuses. Mais l'usage de ce moyen, limité par les vents, les courans et les frimals, et troublé fréquemment par les innombrables acci- dens de l'atmosphère et des mers, exige sans cesse une association constante, prévoyante et puissante, une réunion difficile d’instru- mens variés, une sorte d'alliance entre un grand nombre d'hommes que lon ne peut rencontrer que très-rarement et rapprocher qu'avec peine. Il ne donne à nos ateliers qu'une partie des produits que l'on pour- À 4 8 EFFETS DE L'ART roit retirer des animaux poursuivis dans ces pêches éloignées et fameuses, et ne procure pour la nourriture de l’homme que des pré- parations peu subsiantielles, peu agréables, ou peu salubres. Le second moyen convient à tous les terms, à tous les lieux, à tous les hommes. Il ne de- mande que peu de précautions , que peu d’ef- forts, que peu d’instans et peu de dépenses. Il ne commande aucune absence du séjour que l’on affectionne, aucune interruption de ses habitudes, aucune suspension de ses affaires ; il se montre avec l'apparence d’un amusement varié, d’une distraction agréable, d’un jeu plutôt que d’un travail; et cette ap- parence n’est pas trompeuse. I] doit plaire à tous les âges ; il ne peut être étranger à aucune condition. Il se compose des soins par lesquels on parvient aisément à transporter, dans les eaux que l’on veut rendre fertiles, les pois- sons que nos goûts ou nos besoins réclament, à les y acclimater , à les y conserver , à les y multiplier, à les y améliorer. Nous traiterons des grandes pêches dans un discours particulier. | Occupons-nous dans celui-ci de cet en- semble de soins qui nous rappelle ceux que les Xénophon, les Oppien, les Varron, les | SUR LES POISSONS. 9 Ovide, les Columelle, les Ausone se plai- soient à proposer aux deux peuples les pius illustres de l'antiquité, que la sagesse de leurs préceptes, le charme de leur éloquence, la beauté de leur poésie et l'autorité de leur rencmmée inspiroient avec tant de facilite aux grecs et aux romains, et qui étoient en très-grand honneur chez ces vainqueurs de l'Asie et de l'Europe, que la gloire avoit cou- ronnés de tant de lauriers. L'homme d'état doit les encourager comme une seconde agriculture : l’homme des champs doit les adopter comme une nouvelle source de richesses et de plaisirs. En rendant en effet les eaux plus produc- tives que ia terre, en répandant les semences d’une abondante et utile récolte dans tous les lacs, dans les rivières, dans les ruisseaux, dans tous les endroits que la plus foible source arrose, où qui conservent sur leur surface le produit des rostes et des pluies, ces soins que nous allons tâcher d'indiquer n’augmente- ront-ils pas beaucoup cette surface ferile et nourricière du globe, de laquelle nous lirons nos véritables trésors? et l'accroissement que nous devrons à ces procédés simples et peu nombreux, ne sera-t-il pas d'autant plus con- sidérable, que ces eaux dans lesquelles on 10 “ÉFFETSY DE L'ART portera, entreliendra et multipliera le mou- vement et la vie, offriront une profondeur bien plus grande que la couche sèche fecon- dée par la charrue , et à laquelle nous confions les graines des végétaux précieux ? Et dans ses momens de loisir, lorsque l'ami de la Nature et des champs portera ses espé- rances, ses souvenirs, ses douces rêverles, sa mélancolie même, sur les rives des lacs, des ruisseaux ou des fontaines, et que, molle- ment étendu sur une herbe fleurie, à l'ombre d'arbres élevés et toufius, 1l goütera cette sorte d’extase, cette quiétude touchante, cette volupté du repos, cet abandon de loute idée irop forte, cette absence de toute affection trop vive, dont le charme est si grand pour une ame sensible, n’éprouvera-t-1l pas une jouissance d’auiant plus douce qu'il aura sous ses yeux, au lieu d’une onde stérile , déserte, inanimée, des eaux viviliées, pour ainsi dire, et embellies par la légèreté des formes, la vivacité des couleurs, la variété des jeux, la rapidité des évolutions ? Voyons donc comment on peut transpor- ter, acclimater, multiplier et perfectionner les poissons; ou, ce qui est la même chose, imontrons comment l’art modifie leur nature. Tâchons d'éclairer la route élevée du SURTES POISSONS »1 physiologiste par les lumières de lexpé- rience , et de diriger l'expérience par les vues du physiologiste. Disons d’abord comment on transporte les poissons d’une eau dans une autre. De toutes les saisons, la plus favorable au transport de ces animaux est l’hyver, à moins que le froid ne soit très-rigoureux. Le prin- tems et l’automne le sont beaucoup moins que la saison des frimats; mais il faut toujours les préférer à l'été. La chaleur auroit bientôt fait périr des individus accoutumés à une température assez douce; et d’ailleurs ils ne résisteroient pas à l'influence funeste des orages qui règnent si fréquemunent pendant l'été. C’est en effet un beau sujet d'observation pour le physicien que l’action de l'électricité de latmosphère sur les habitans des eaux, action à laquelle ils sont soumis non seule- ment lorsqu'on les force à changer de séjour , mais encore lorsqu'ils vivent indépendans dans de larges fleuves, ou dans des lacs im- menses , dont la profondeur ne peut les dé- rober à la puissance de ce feu électrique. Il ne faut exposer aux dangers du trans- port que des poissons assez forts pour résister à la fatigue, à la contrainte, et aux autres 12 EFFETS DE L'ART inconvéniens de leur voyage. À un an, ces animaux seroient encore trop jeunes ; l’âge le plus convenable pour les faire passer d’une eau dans une autre, est celui de trois ou quatre ans. On ne remplira pas entièrement d’eau les tonneaux dans lesquels on les renfermera. Sans cette précaution, les poissons , montant avec rapidité veis la surface de l’eau, biles- seroient leur tête contre la partie supérieure du vaisseau dans lequel ils seront placés. Ces tonneaux devront d'ailleurs présenter un assez grand espace. Bloch, qui a écrit des observations très-utiles sur l’art d'élever les animaux dont nous nous occupons, demande qu'un tonneau destiné à transporter des poissous du poids de cinquante kilogrammes (cent livres, ou à peu près) contienne trois cent vingt litres ou pintes d’eau. Il est même nécessaire que vers la fin du priulems , où au commencement de lau- tomne, c’est-à-dire, lorsque la chaleur est vive au moins pendant plusieurs heures du jour , cette quantité d’eau soit plus grande, et souvent double ; et quelle que soit la tem- pérature de Pair, il faut qu'il y ait toujours une communication libre entre l'atmosphère el l’intérieur du tonneau, soit pour procurer SUR LES POISSONS. :3 aux poissons, suivant l'opinion de quelques physiciens , l’a qui peut leur être néces- saire, soit pour laisser échapper les miasmes mal-faisans et les gaz funestes qui se forment en abondance dans tous les endroits où les habitans des eaux sont réunis en très-grand nombre, même lorsque la chaleur n’est pas très-forte, et leur donnent la mort souvent dans un espace de tems extrêmement court; Mais comme ces soupiraux si nécessaires aux poissons que l’on fait voyager pourroient , s'ils étoient faits sans attention, laisser à Jeau des mouvemens trop libres et trop violens qui la feroient jaillir, pousseroient les poissons les uns contre les autres, les froisseroient et les blesseroïient mortellement, il sera bon de suivre à cet égard les conseils de Bloch, qui recommande de prévenir la trop grande agitation de l’eau par une cou- ronne de paille ou de petites planches minces introduites dans le tonneau , ou en adaptant à l’orifice qu’on laisse ouvert un tuyau un peu long, terminé en pointe et percé vers le haut de plusieurs trous qui établissent une communication suffisante entre l'air extc- rieur et l’intérieur du vaisseau (1). (1) Introduction à l'Histoire naturelle des poissons, par Bloch, 14 EFFETS DE L'ART Toutes les fois que la distance le permettra, on emploira aussi des bêtes de somme tran- quilles, ou même des porteurs attentifs , plutôt que des voitures exposées à des cahots rudes et à des secousses brusques et fré- quentes. On prendra encore d’autres précautions; suivant les circonstances dans lesquelles on se trouvera, et les espèces dont on voudra porter des individus vivans à un assez grand éloignement de leur premier séjour. Si l’on veut, par exemple, conserver en vie, malgré un long trajet, des truites, des loches, ou d’autres poissons qui périssent facilement, et qui se plaisent au milieu d’une eau courante , on change scuvent celle du tonneau dans lequel on les renferme, et on ne cesse de communiquer à celle dans la- quelle on les tient plongés un mouvement doux, mais sensible, qui subsiste lors même que la voiture qui les porte s'arrête , et qui, bien inférieur à une agitation dangereuse, représente les courans naturels des rivières ou des ruisseaux. Pour peu que l’on craigne les effets de la chaleur , on voyagera la nuit ; et l’on évitera avec le plus grand soin, en maniant les pois- SUR LES POISSONS. 15 sons, de les presser , de les froisser , de les heurter. On ne les laissera hors de l’eau que pen- - dant le tems le plus court possible, sur-tout lorsqu'un soleil sans nuages pourroit , en desséchant promptement leurs organes , et particulièrement leurs branchies, les faire périr très-promptement. Cependant, lorsque le tems sera froid, on pourra transporter des anguilles , des carpes, des brèmes, et d’autres poissons qui vivent assez long-tems hors de Peau, sans employer ni tonneau ni voiture, en les enveloppant dans de la neige et dans des feuilles grandes, épaisses et fraîches, telles que celles du chou ou de la laitue. Un moyen presque semblable a réussi sur des brèmes que l’on a portées vivantes à plus de dix myriamètres (vingt lieues). On les avoit entourées de neige, et on avoit mis dans leur bouche un morceau de pain trempé dans de l’eau de vie. C’est avec des précautions analogues que ; dès le seizième siècle, on a répandu dans plusieurs contrées de l'Europe des espèces précieuses de poissons dont on y étoit privé. C’est en les employant, qu’il paroît que Maschal a introduit la carpe en Angleterre, en 1914; que Pierre Oxe la donnée au 16 EFFETS DE L'ART Danemarck en 1550; qu'à une époque plus rapprochée on a naturalisé l’acipensère strelet en Suède, ainsi qu’en Poméranie, et qu'on a peuplé de cyprins dorés de la Chine les eaux non seulement de France, maïs encore d'Angleterre, de Hollande et d'Allemagne. Mais il est un procédé par le moyen duquel on parvient à son but avec bien plus de sûreté, de facilité et d'économie, quoique beaucoup plus lentement. Ï} consiste à bh'ansporler le poisson, non pas développé et parvenu à une taille plus ou moius grande, mais encore dans l'état d’embryon et renfermé dans son œuf. Pour réussir plus aisément ,. on prend les herbes ou les pierres sur lesquelles les femelles ont déposé leurs œufs, et les mâles leur laite , et on les porte dans un vase plein d’eau , jusqu’au lac, à l'étang, à la rivière, ou au bassin que l’on desire de peupler. On apprend facilement à distinguer les œufs fécondés d'avec ceux qui n’ont pas élé arrosés de la liqueur prolifique du mâle, et que l’on doit rejeter : les premiers paroissent toujours plus jaunes, plus clairs, plus diaphanes. On re- marque cette différence dès le premier jour de leur fécondation, si l’on se sert d’une loupe ; et dès le troisième ou le quatrième jour SUR LES POISSONS. 17 jour on n'a plus besoin de cet instrument pour voir que ceux qui n’ont pas été fécondés par le mâle deviennent à chaque instant plus troubles, plus opaques, plus ternes : ils perdent tout leur éclat, s’altèrent, se décom- posent; et dans cet état de demi-putréfac- tion , ils ont été comparés à de petits grains de grêle qui commencent à se fondre (1). . Pour pouvoir employer ce transport des œufs fécondés, d’une eau dans une autre, il faudra s'attacher à connoître dans chaque pays le véritable tems de la ponte de chaque espèce, et du passage des mâles au dessus des œufs; et comme dans presque toutes les espèces de poissons on compte trois ou quatre époques du frai, les jeunes individus pondant leurs œuïs plus tard que les femelles plus avancées en âge , et celles-ci plus tard que d’autres femelles plus âgées encore; que ces époques sont ordinairement séparées par un intervalle de neuf ou dix jours, et que d’ail- leurs il s'écoule toujours au moins près de neuf jours entre l'instant de la fécondation et celui où le fœtus brise sa coque et vient à la lumière, on pourra chaque année, pen- (1) Bloch, Introduction à l'Histoire naturelle des poissons. Poiss. Tome II. B 18 EFFETS DE L'ART dant un mois ou environ, chercher avec suecès des œufs fécondés de l'espèce qu'on voudra introduire dans une eau qui ne l'aura pas encore nourrie. Si le trajet est long, on change souvent Peau du vase dans lequel les œufs sont transportés. Celle précaution a paru neces- saire, inéme dans les premiers jours de la ponte, où l'embryon contenu dans l'œuf ne peut être supposé respirer en aucune manière, puisque, dans ces premiers jours, non seulement le petit animal est renfermé dans ses enveloppes et dans la membrane qui entoure l'œuf, mais encore montre au microscope le cours de son sang, dirigé de manière à circuler sans passer par des bran- chies qui ne sont ni développées mi visibles. Elle ne sert donc, dans ce premier tems, qu'à préserver les œufs et les embryons de Paction des gaz où imiasmes qui se produi- roient dans une eau que lon ne renouvel- leroit pas, et qui, pénétrant au travers de la membrane de Flœuf, agiroient d’une manière funeste sur les nerfs ou sur d’autres organés encore extrémement délicats des jeunes poissons. La nécessité de ce change- ment d'eau est donc une nouvelle preuve de ce que nous avons dit dans ce discours, SUR LES POISSONS. « et dans celui que nous avons publié sur la nature des poissons, au sujet du besoin que lon a, pour conserver ces animaux en vie, d'entretenir une communication trés- libre entre l’atimosphère et le fluide dans lequel ils sont plongés. Où favorise le développement de l'œuf et la sortie du fœtus, en les plaçant après le transport dans un endroit éclairé par le soleil. On les hâte même par cette attention; et Bloch nous apprend, dans Introduction que nous avons déjà cilée, qu'ayant fait quatre paquets d'herbes chargées d’œufs de la même espèce, ayant exposé le premier au soleil du midi, le second au soleil levant, le troisième au couchant, et ayant fait mettre le quatrième à labri du soleil, les œufs du prenner paquet furent ouverts par le fœtus deux jours avant ceux du quatrième, et les œufs du second et du troisième un jour plutôt que ceux du quatrième paquet, que la chaleur du soleil n’avoit pas pénétrés. Cependant les eaux dans lesquelles vivent les poissons peuvent être salées ou douces, troubles où limpides, chaudes ou froides, tranquilles où agitées par des courans plus . ou moins rapides. Elles doivent toujours présenter ces qualités combinées quatre à B 2 20 EFFETS DE L'ART quatre, la même eau devant être nécessai- rement courante ou tranquille, froide ou chaude, claire ou limoneuse, douce ou salée. Mais ces huit modifications réunies quatre à quatre peuvent produire seize combinai- sous : l’eau qui nourrit les poissons peut donc offrir seize manières d’être très-diffé- rentes l’une de l’autre, et très-faciles à dis- tinguer. Nous en trouverions un nombre immense si nous voulions faire attention à toutes les nuances que chacune de ces mo- difications peut montrer, et à toutes les combinaisons qui peuvent résulter du mé- lange de tous ces dégrés. Néanmoins ne tenons compte que de seize caractères bien distincts qui peuvent appartenir à l’eau; et voyons l'influence de la nature des diffé- rentes eaux sur la conservation des poissons que l’on veut acclimater. Il est évident que, si l’on jette les yeux au hasard sur une des seize combinaisons que nous venons d'indiquer , on ne la verra pas séparée des quinze autres par un égal nombre de différences. Que lon dépose donc les poissons que l’on viendra de transporter , dans les eaux les plus analogues à celles dans lesquelles ils auront vécu; et lorsqu'on sera embarrassé SUR LES POISSONS. 2x pour trouver de ces eaux adaptées aux in- dividus que l’on voudra conserver, que lon préfère de les placer dans les lacs, où ils jouiront à leur volonté des eaux courantes qui s’y jeltent ou en sortent, et des eaux paisibles qui y séjournent, où ils rencon- treront des touffes de végétaux aquatiques et des rochers nus, des fonds de sable et des terrains vaseux , où ils jouiront d’une température douce en s’enfonçant dans les endroits les plus profonds, et où ils pourront se réchauffer aux rayons du soleil, en s'élevant vers la surface. Que l’on choisisse néanmoins les lacs dont les rives sont unies, plutôt que ceux dont les rivages sont très-hauts; et si l’on est obligé de se servir de ces lacs à bords très- exhaussés, et où par conséquent les œufs déposés sur des fonds trop éloignés de lat- mosphère ne peuvent pas recevoir l’heureuse influence de la lumière et de la chaleur, qu'on supplée aux côtes basses et aux pentes douces, en faisant construire, dans ces lacs et auprès de leurs bords, des espèces de parcs ou de viviers en bois, qui présenteront des plans inclinés très-voisins de la surface de l’eau, et que l’on garnira, dans la saison convenable, de branches et de rameaux sur B à 22 EFFETS DE L'ART lesquels les femelles puissent frotier leur ventre et se débarrasser de leurs œufs. Aura-t-on à sa disposition des eaux ther- males assez abondantes pour remplir de vasies réservoirs, et Y couler constamment en si grand volume, que dans toules les saisons la chaleur y soit très-sensible? On en profitera pour acclimater des especes étrangères, utiles par la bonté de leur chair, ou agréables aux yeux par la vivacité de leurs couleurs, la beauté de leurs formes et Vagilité de leurs mouvemens, et qui n'au- ront vécu jusqu'à ce moment que dans les contrées renfermées dans la zone torride ou très-voisines des tropiques. Lorsque les poissons ne sont pas délicats, ils peuvent néanmoins supporter très-facile- ment le passage d’une eau à une eau très- différente de la première. On l’a remarqué particulièrement sur l’anguille ; et M. De Septfontaines, observateur irès-éciairé, que nous avons eu le plaisir de citer très-souvent dans nos ouvrages, nous a écrit dans le tems qu'il avoit fait transporter des anguilles d’une eau bourbeuse dans le vivier le plus limpide, d'une eau froide dans ure eau tempérée, d’une eau tempérée dans une eau froide, d'un vivier très-limpide dans SUR LES POISSONS. 23 une eau limoneuse, etc.; qu'il avoit fait supporter ces transmigrations à plus de trois cents individus ; qu'il les y avoit soumis dans différentes saisons; qu'il n’en étoit pas mort la vingtième partie; et que ceux qui avoient péri n’avoient succombé qu'à la fatigue et à la gène que leur avoit fait éprouver un séjour très-long dans des vais- seaux très-étroits. | On pourroit croiré , au premier coup d'œil, qu’une des habitudes les plus diffi- ciles à donner aux poissons seroit celle de vivre dans l’eau douce après avoir vécu dans l’eau salée, ou celle de n'être entourés que d’eau salée après avoir été continuelle- ment plongés dans l’eau douce. Cependant on ne conservera pas long- tems celle opinion , si Jon considère qu'à la vérité l’eau salée , comime pius pesante, soulient davantage le poisson qui nage , et dès-lors lui donne, tout égal d’ailleurs , plus d’agilité et de vitesse dans ses mouvemens, mais que, lorsqu'elle se décompose dans les branchies pour entretenir par son oxygène la circulation du sang, ou seulenient dans le canal intestinal pour servir, par son By- drogène , à la nourriture de Panimal , Le sel dont elle est imprégnée n’alière ut l’un B 4 em, 24 ÉFFETS DE L'ART ni l'autre produit de cette décomposition: L'oxygène et Fhydrogène retirés de l'eau salée, ou obtenus par le moyen de l'eau douce, offrent les mêmes propriétés, pro- duisent les mêmes effets. Si le poisson est plus pèné dans ses mouvemens au nulieu d’un lac d’eau douce que dans le sein de l'Océan, iltire de l’eau de la mer et de celle du lac la même nourriture ; et il peut, au milieu de ‘l'eau douce, n'être privé que de cette sorte de modification qu'impriment la substance saline et peut-être une matière particulière bitumineuse ou de toute autre nalure, con- tenues dans l’eau de l'Océan, et qui l’en- vironnant sans cesse, lorsqu'il vit dans la la mer, peuvent traverser ses tégumens, pénétrer sa masse et s'ilentifier avec ses organes. De plus, un très-grand nombre de pois- sons ne passent-ils pas la moitié de l’année dans l'Océan, et l’autre moitié dans les rivières ainsi que dans les fleuves ? et ces poissons voyageurs ne paroissent-ils pas avoir absolument la même organisation que ceux qui, plus sédentaires , n’abandonnent dans aucune saison les rivières ou la mer ? Quant à là température , les eaux, au moins les eaux profondes , présentent pres- SUR LES POISSONS. 55 que la même, dans quelque contrée qu’on les examine. D'ailleurs les animaux s’accou- tument beaucoup plus aisément qu'on ne le croit , à des températures très-différentes de celle à laquelle la Nature les avoit sou- mus. Ils s'y habituent même lorsque , vivant dans une très-srande indépendance , ils pourroient trouver, dans des contrées plus chaudes ou plus froides que leur nouveau séjour , une sûreté aussi grande , un espace aussi libre , une habitation aussi adaptée à leur organisation , une nourriture aussi abondante. Nous en avons un exemple frappant dans l'espèce du cheval. Lors de la découverte de l'Amérique méridionale, plusieurs individus de cette espèce, amenés dans cette partie du nouveau continent, furent abandonnés, ou s’échappérent dans des contrées inhabitées voisines du rivage sur lequel on les voit débarquer : ils sy multiphérent ; et de leur posiérité sont des- cendues des troupes très-nombreuses de chevaux sauvages , qui se sont répandus à des distances très-considérables de la mer, se sont très-éloignés de la ligne équinoxiale, sont parvenus très-près de l'extrémité aus- trale de l'Amérique , y occupent de vastes déserts, n’y ont perdu aucun de leurs altri- 26 EFFETS DE L'ART buts, ont été plutôt améliorés qu’altérés par leur nouvelle manière de vivre, y sont exposés à un froid assez rigoureux pour qu'ils soient souvent obligés de chercher leur nourriture sous la neige, qu’ils écar- tent avec leurs pieds; et néanmoins on ne peut guère disconvenir que le cheval ne soit originaire du climat brûlant de l'Arabie. Il n'y a que les animaux nés dans les environs des cercles polaires, qui ont, dés leurs premières années , supporté le poids des hyvers les plus rigoureux, et dont la Nature , modifiée par les frimats, non seu- lement dans eux, maïs encore dans plusieurs des générations qui les ont précédés , est devenue , pour ainsi dire, analogue à tous les effets d’un froid extrème , qui ne pa- roissent pas pouvoir résister à une tempé- rature très-différente de celle à laquelle ils ont toujours été exposés. Il semble que la raréfaction , produite dans les solides et dans les liquides, par une grande élévation dans Ja température , est pour les animaux un changement bien plus dangereux que lac- croissement de ton, d’irritabilité et de force, que les solides peuvent recevoir de l’aug- mentalion du froid; et voilà pourquoi on n'a pas encore pu parvenir à faire vivre SUR LES POISSONS. 27 pendant long-tems, dans le climat tempéré de la France , les rennes qu’on y avoit amenés des contrées boréales de l'Europe. On doit donc, tout égal d’ailleurs, essayer de transporter les poissons du midi dans les lacs ou les rivières du nord, plutôt que ceux des contrées septentrionales dans les eaux du midi. Lors même que les rivières ou les lacs dans lesquels on aura transporté les poissons méridionaux , seront situés de ima- hière à avoir leur surface glacée pendant une partie plus ou moins longue de l’année, ces animaux pourront y vivre. Ils se tien- dront dans le fond de leurs habitations pendant que l’hyver régnera ; et si dans celte retraite profonde ils manquent d’une communication suffisante avec l'air de Pat- mosphère , ou si la gelée, pénétrant trop avant, leur fait subir son influence, descend jusqu’à eux et les saisit, ils tomberont dans cette torpeur plus ou moins prolongée, qui conservera leur existence en en ralentissant les principaux ressorts (1). Combien d'indi- vidus et même combien d'espèces cet en- gourdissement remarquable ne préserve-t-il pas de la destruction, en concentrant la vie (1) Voyez l’article dun scombre maquereau. 26 EFFETS DE L'ART dans l’intérieur de l'animal, en l’éloignant de la surface où elle seroit trop fortement atta- quée, en la renfermant, pour ainsi dire, dans une enveloppe qui ne conserve de la vitalité que ce qu'il faut pour ne pas éprouver de grandes décomposilions, et en la rédui- sant en quelque sorte à une circulation si lente et si limitée , qu’elle peut être indé- pendante des objets extérieurs (1)! S'il ne répare pas, comme le sommeil journalier , des organes usés par la fatigue , il maintient ces organes ; s’il ne donne pas de nouvelles forces, il garantit de l’anéantissement ; s’il ne ranime pas le souffle de la vie, il brise les traits de la mort. Quelles que soient la cause , la force ou la durée du sommeil , il est donc toujours un grand bienfait de la Nature ; et pendant qu'il charme les ennuis de l'être pensant et sensible , non seulement 1] guérit ou suspend les douleurs, mais il prévient et écarle les maux de lanimal, qui, réduit à un instinct borné , n'existe que dans le présent, ne rappelle aucun souvenir, et ne conçoit aucun espoir. (1) Voyez le Discours sur la nature des quadru- pèdes ovipares, dans mon Histoire naturelle de ces animaux. SUR LES POISSONS. 29 La qualité et l'abondance de la nourriture, ces grandes causes des migrations volontaires de tous les animaux qui quittent leur pays, sont aussi les objets auxquels on doit faire le plus d'attention , lorsqu'on cherche à con- server des animaux en vie dans un autre séjour que leur pays natal, et par conséquent lorsqu'on veut acclimaier des espèces de poissons. L’aliment auquel le poisson que l’on vient de dépayser est le plus habitué, est celui qu'il faudra lui procurer : 1l retrouvera sa patrie par-tout où 1l aura sa nourriture fa- mulière. Par le moyen d'herbes, de feuilles, d’amas de végétaux, de fumiers de toutes sortes, on donnera un aliment très-conve- nable aux espèces quise nourrissent de débris de corps organisés; on cherchera, on rassem- blera des larves et des vers pour celles qui les préfèrent ; et lorsqu'on aura transporté des brochets ou d’autres poissons voraces, il faudra mettre dans les eaux qui les auront reçus ceux dont ils aiment à faire leur proie, qui se plaisent dans les mêmes habiiations que ces animaux carnassiers , OU qui sont peu recherchés par les pêcheurs, comme des éperlans , des cyprins goujons, des cyprins gibèles , des cyprins bordelières , etc. 30 EFFETS DE L'ART On trouvera, en parcourant les différens articles de cette Histoire, un grand nombre d'espèces remarquables par leur beauté, par leur grandeur et par le goût exquis de leur chair , qui manquent aux eaux douces de nolre patrie, et qu ’on pourroit aisément ac- climater en France avec les précautions où par les moyens que nous venons d indiquer , ou en employant des procédés analogues à ceux que nous venons de décrire, et qu ’on préféreroit d’après la longueur du trajet, la nature du voyage, le climat que les poissons auroient quitté , la saison que l'on auroit été obligé de choisir, et plusieurs autres curcons- tances. De ce nombre seroient, par exemple, le centropome sandat de la Prusse, lholo- centre post des contrées septentrionales de VAllemagne ; et on ne devroit même pas être effrayé par la grandeur de la distance, sur-tout lorsque le transport pourroit avoir Beu par mer, ou par des rivières, ou des canaux. On peut en effet, lorsqu'on navigue sur l'Océan, sur des canaux ousur des fleuves, attacher à l'arrière du bâtiment une sorte de vaisseau, OU, pour mieux dire, de grande caisse , que l’on rend assez pesante pour qu’elle soit presque entièrement plongée dans l'eau , et dont les parois sont percées de ma- SUR LES POISSONS. 5: nière que les poissons qui y sont renfermés reçoivent tout le fluide qui leur est néces- saire , et communiquent avec l’atinosphère de la manière la plus avantageuse, sans pou- voir s'échapper et sans avoir rien à craindre de la dent des squales ou des auires animaux aquatiques et féroces. Nous indiquons donc à la suite du post et du sandat, et entre plusieurs autres que les bornes de ce discours ne nous permettent pas de rappeler ici, los- phronème goramy , dejà apporté de la Chine à l'Ile de France, le bodian aya des lacs du Brésil , et l’holocentre 5020 des grandes Indes, de l'Afrique et des Antilles. Quand on n'aura pas une eau courante à donner à ces poissons arrivés d'une terre étrangère, et principalement lorsque ces nou- veaux hôtes auront vécu, jusqu’à leur nu- gration, dans des fleuves ou des rivières, on compensera le resouvellement perpetuel du fluide environnant que le courant procure, par une grande etendue donnée à lhabita- tion. Ici, comme dans plusieurs autres phe- nomènes, un grand voluine en repos tiendra lieu d'un petit volume en mouvement; et dans un espace de tems déterminé, l'animal jouira de la même quantité de molécules de 32 EFFETS DE L'ART fluide, différentes de celles dont il aura déjà recu linfluence. Sans cette précaution, les poissons que lon voudroit acclimater éprouveroient les mêmes accidens que ceux de nos contrées que lon enlève aux petites rivières, et particuhière- menti à la partie de ces rivières la plus voisine de la source, et qu’on veut conserver dans des vaisseaux ou même dans des bassins très- étroits. On est obligé de renouveler très- souvent l’eau qui les entoure; sans cela, les diverses émanations de leur corps, et l'effet nécessaire du rapprochement d’une grande quantilé de substance animale, vicient l’eau, la corrompent par la production de gaz que l’on voits’élever en petites bulles, et la rendent si funeste pour eux, qu'ils périssent s'ils ne viennent pas à la surface de l’eau chercher le voisinage de l'atmosphère , et respirer , pour ainsi dire, des couches de fluide plus pures. Ces faits sont conformes à de belles expé- riences faites par mon confrère Silvestre fils, el à celles qui furent dans le tems commu- niquées à Buffon , par une note que ce grand naturaliste me remit quelques années après, et qui avoilent été tentées sur des gades lotes, des SERILES POISSONS. 35 des cottes chabots, des cyprins goujons, et d’autres cyprins, tels que des gardons, des vérons et des vaudoises. Les poissons que l’on veut acclimater sont plus exposés que les anciens habitans des eaux dans lesquelles on les a placés, non seulement aux altérations dont nous venons de parler, mais encore à toutes les maladies auxquelies leurs diverses tribus sont sujettes. Ces maladies assaillent ces tribus aqua- tiques, même lorsque les individus sont encore renfermés dans l'œuf. On a observé que des embryons de saumon, de truite et de beaucoup d'autres espèces, périssoient lorsque des substances grasses , onclueuses, et celles que lon désigne par le nom de saletes et d’ordures , s’atiachoïent à l’enve- loppe qui les contenoit, et qu’une eau cou- rante ne nettoyoit pas promplement cette membrane. On suppléera facilement à cette eau cou- rante par une attention soutenue, et divers petits moyens que les circonsiances suggé- reront. Lorsque les poissons sont vieux , ils éprouvent souvent une altération particu- lière qui se manifeste à la surface de l'animal; les canaux destinés à entretenir ou renou- Poiss, Tome 11. C 94 EFFETS DE L’ART veler les écailles s’obstruent ou se déforment ; les organes qui filirent la substance nour- ricière et réparatrice de ces lames s’oblilèrent ou se dérangent ; les écailles changent dans leurs dimensions; ia matière qui les compose n'a plus les mêmes propriétés ; elles ne sont plus ni aussi luisantes, ni aussi transparentes, ni aussi colorées ; elles sont clair-semées sur la peau de Fanimal vieilli : elles se détachent avec facilité ; elles ne sont pas remplacées par de nouvelles lames, ou elles cèdent la place, en tombant, à des excroissances dif- formes produites par une matière écailleuse de mauvaise qualité , mélangée avec des élé- mens hétérogènes, et mal élaborée dans des parties sans force, et dans des tuyaux qui ont perdu leur première figure. Cette alté- ralion est sans remède ; il n’y a rien à op- poser aux effets nécessaires d’un âge très- avancé. Si dans les poissons , comme dans les autres animaux, l’art peut reculer l’époque de la décomposition des fluides, de l’affoi- blissement des solides, de la diminution de Ja vitalité , 1l ne peut pas détruire linfluence de ces grands changemens lorsqu'ils ont été opérés. S'il peut retarder la rapidité du cours de la vie, il ne peut pas la faire remonter vers sa source. NE SUR LES POISSONS. 55 Mais les maux irréparables de la vieillesse ne sont pas à craindre pour les poissons que lon cherche à acclimater : dans la plupart des espèces de ces animaux, ils ne se font sentir qu'après des siècles, et l'éducation des individus que l’on transporte d’un pays dans un autre est terminée long-tems avant la fin de ces nombreuses années. Leurs habitudes sont d'autant plus modifiées, leur nature est d'autant plus changée avant qu’ils approchent du terme de leur existence, qu’on a com- mencé d'agir sur eux pendant qu'ils étoient encore très-Jeunes. C’est d’autres maladies que celles de la décrépitude qu’il faut chercher à préserver ou à guérir les poissons que l’on élève. Et maintenant nous agrandissons le sujet de nos pensées ; et tout ce que nous allons dire doit s'appliquer non seulement aux poissons que l’on veut acclimater dans telle ou telle con- trée, mais encore à Lous ceux que la Nature fait naître sans le secours de l'art, Ces maladies, quirendent les poissons lan- guissans et les conduisent à la mort, pro- viennent quelquefois de la mauvaise qualité des plantes aquatiques ou des autres végé- taux qui croissent près des bords des fleuves ou des lacs, et dont les feuilles, les fleurs C 2 586 ÆEFFETS DE L'ART ou les fruits sont saisis par lanimal qui sé dresse, pour ainsi dire , sur la rive, ou tom- bent dans l’eau, y flottent, et vont ensuite former au fond du lac ou de la rivière un sédiment de débris de corps organisés. Ces plantes peuvent être, dans certaines saisons de l’année, viciées au point de ne fournir qu’une substance mal-saine , non seulement aux poissons qui en mangent, mais encore à ceux qui dévorent les petits animaux dont elles ont composé la nourriture. On prévient ou on arrête les suites funestes de la décomposition de ces végétaux , en dé- truisant ces plantes auprès des rives de Fhabitation des poissons, et en les rempla- gant par des herbes ou des fruits choisis que l’on jette dans l’eau peuplée de ces animaux. La plus terrible des maladies des poissons est celle qu'il faut rapporter aux miasmes produits dans le fluide qui les environne. C'est à ces miasmes qu'il faut attribuer la mortalité qui régna parmi ces animaux dans les grands et nombreux étangs des en- virons de Bourg, lors de l'hyver rigoureux de la fin de 1788 et du commencement de. 1789, et dont l’estimable Varenne de Fenille donna une notice très-bien faite dans SUR LES POISSONS. 33 le Journal de physique de novembre 1789; Dés le 26 novembre 1768 , suivant ce très- bon observateur , la surface des étangs fut profondément gelée; la glace ne fondit que vers la fin de janvier. Dans le moment du dégel , les rives des étangs furent couvertes d’une quantité prodigieuse de cadavres de poissons, rejelés par les eaux. Parmi ces animaux morts, on compta beaucoup plus de carpes que de perches , de brochets et de tanches, Les étangs blancs, c’est-à-dire, ceux dont les eaux reposoient sur un sol dur , ferme et argileux , n’offrirent qu’un petit nombre de signes de cette mortalité; ceux qu’on avoit récemment réparés et net- toyés montrèrent aussi sur leurs bords très- peu de victimes : mais presque tous les pois- sons renfermés dans des étangs vaseux , encombrés de joncs ou de roseaux, et sur- chargés de débris de végétaux , périrent pendant la gelée. Ce qui prouve évidem- ment que la mort de ces derniers animaux n’a pas été l’effet du défaut de Pair de lat- mosphère , comme le penseroiïient plusieurs physiciens, et qu’elle ne doit être rapportée qu'à la production de gaz déléières qui n’ont pas pu s'échapper au travers de la croûte de glace, c’est que la gelée a été aussi forte C5 58 EFFETS DE L'ART à la superficie des étangs blancs et des étangs nouvellement nettoyés, qu’à celle des étangs vaseux. L'air de l'atmosphère n’a pas pu pénéirer plus aisément dans les premiers que dans les derniers; et cependant les poissons de ces étangs blancs ou récemment réparés ont vécu , parce que le fond de leur séjour , n'étant pas couvert de substances végétales, n’a pas pu produire les gaz fu- nestes qui se sont développés dans les étangs vaseux. Ht ce qui achève, d’un autre côté, de prouver l'opinion que nous exposons à ce sujet , et qui est importante pour la phy- sique des poissons, c’est que des oiseaux de proie, des loups, des chiens et des cochons mangérent les restes des animaux rejetés après le dégel sur les rivages des étangs remplis de joncs, sans éprouver les incon- véniens auxquels ils auroïient été exposés s’ils s’étoient nourris d'animaux morts d’une maladie véritablement pestilentielle. Ce sont encore ces gaz mal-faisans que nous devons regarder comme la véritable origine d’une maladie épizootique qui fit de grands ravages, en 1757, dans les en- virons de la forêt de Crécy. M. de Chaigne- brun , qui a donné dans le tems un irès-bon J'railé sur ceile épizootie, rapporte qu’elle SUR LES POISSONS % se manifesta sur tous les animaux ; qu’elle atteignit les chiens, les poules, et s’étendit jusqu'aux poissons de plusieurs étangs. Il nomme cette maladie fièvre épidémique con- lagieuse ; inflammatoire , putride et gangre- neuse, Un médecin d’un excellent esprit, dont les connoissances sont très-variées, et qui sera bientôt célèbre par des ouvrages importans , Chavassieu-Daudebert lui donne, dans sa Nosologie comparée , le nom de charbon symptomatique. Je pense que cette épizootie ne seroit pas parvenue jusqu'aux poissons , si elle w’avoit pas tiré son origine de gaz délétères. Je crois, avec Aristoie , que les poissons revêtus d’écaiiles, se nour- rissant presque toujours de substances lavées par de grands volumes d’eau , respirant par un organe particulier , se servant , pour cet acte de la respiration, de l'oxygène de l’eau bien plus fréquemment que de celui de air , et toujours environnés du fluide le plus propre à arrêter la plupart des conta- gions, ne peuvent pas recevoir de maladie pestilentielle des animaux qui vivent dans Vatmosphère. Mais les poissons des environs de Crécy n’ont pas été à l'abri de l’épizcotie au dessous des couches d’eau qui les recou- yroient , parce qu’en même tems que les | C 4 40 EFFETS DE L'ART marais voisins de là forét exhaloient les Miasmes qui donnoient la mort aux chieus , aux poules, et à d’autres espèces terrestres , le fond des étangs produisoit des gaz aussi funestes que ces miasmes. Il n'y a pas eu de communication de maladie ; mais deux causes analogues , agissant en même tems, l’une sous l’eau, et l’autre dans Fatmos- phère, ont produit des effets semblables. On peut prévenir presque toutes ces mor- talités que causent des gaz destructeurs, en ne laissant pas dans ie fond des étangs ou des rivières des tas de corps organisés qui puissent, en se décomposant , produire des émanalions pesulentielles, en les entrainant par de l’eau courante que lon introduit dans ces étangs, et par de l’eau très-puré et très-ramide que lon conduit dans ces rivières pour en renouveler le fluide , de la même manière que l’on renouvele celui des temples, des salles de spectacle et d’autres grauds édifices par les courans d’air que l’on y dirige, etenfin en brisant, pendant Fhyver, les glaces qui se forment sur la surface des élangs et des rivières , et qui retiendroient les gaz pernicieux dans fhabitation des poissons. Il paroït que, lorsque la chaleur est très- SUR LES POISSONS. srande , elle agit sur les poissons indépén- damment des fermentations, des décom- posilions et des exhalaisons qu'elle peut faire naître. Elle influe directement sur ces animaux , sur-tout lorsqu'ils sont ren- fermés dans des réservoirs qui ne contien- nent qu'un petit volume d’eau. Elle parvient alors jusqu’au fond du réservoir, qu’elle pénètre , ainsi que les parois ; et réfléchie ensuite par ce fond et ces parois très- échaufiées , elle attaque de toutes parts les poissons qui se trouvent dès-lors placés comme dans un foyer, et elle leur nuit au point de leur donner des maladies graves. C’est ainsi qu'on a vu des anguilles muses pendant lété dans des bassins trop peu étendus , gagner une maladie qu’elles se communiquoient , et qui se manifestoit par des taches blanches. On dit qu'on les a guéries par le moyen du sel et de la plante nommée stratioides aloides. Mais, quoi qu'il en soit, il vaut mieux empêcher cette maladie de naître, en préservant les poissons de l’excès de la chaleur , en pra- tiquant dans leur habitation des endroits profonds où ils puissent trouver un abri contre les feux de l’astre du jour, en plan- tant sur une partie du rivage des arbres 42 EFFETS DE L'ART touffus qui leur donnent une ombre salu- taire. Et comme il est très-rare que tous les extrêmes ne soient pas nuisibles, parce qu'ils sont le plus éloignés possible de la combinaison Ja plus commune et par con- séquent la plus naturelle des forces et des résistances ; pendant que les eaux trop échauffées ou trop impures donnent la mort à leurs habitans, celles qui sont trop froides et trop vives les font aussi périr, ou du moins Îles soumettent à diverses incom- modités , et particulièrement les rendent aveugles. Nous trouvons à ce sujet, dans les Mémoires de l'académie des sciences , pour 1748, des observations curieuses du général Montalembert, faites sur des bro- cheis ; et le comte d’Achard en adressa d'analogues à Buffon, en 1779, dans une lettre, dont mon illustre ami m’a remis dans le tems un extrait. « Dans une terre que j'ai en Normandie, dit le comte d’'Achard : il existe une fontaine abondante dans les plus grandes sécheresses. Je suis parvenu , au moyen de canaux de terre cuile, à amener l’eau de cette source dans trois bassins que j'ai dans mon parterre. Ces bas- sins sont murés et pavés à chaux et à sable ; SUR LES POISSONS. 3 mais on n’y a mis l’eau qu'après qu'ils ont été parfaitement secs. Après les avoir bien nettoyés et fait écouler la première eau, on y à laissé séjourner celle qui y esi venue depuis , et qui coule continueliement. Dans les deux premiers bassins, j'ai mis des carpes de la plus grande beauté, avec des tanches ; dans le troisième, des poissons de la Chine ( des cyprins dorés ) : tout cela existe depuis trois ans. Aujourd'hui les carpes , précieuses par leur beauté et leur grandeur vraiment prodigieuse , sont attaquées d’une maladie cruelle et dont eiles meurent journeilement. Elles se couvrent peu à peu d’un limon sur tout le corps, et sur-tout sur les yeux, où il y a en sus une espèce de taie blanche qui se forme peu à peu, comme le liimon, jusqu’à l’épaisseur de deux ou trois lignes. Elles perdent d’abord un oeil, puis autre, et ensuite crèvent..... Les tanches et les poissons chinois ne sont pas attaqués de cette maladie. Est-elle particulière aux carpes ? quel en est le remède ? d’où cela peut-il venir? de la vivacité de l’eau, etc. Cette dernière conjecture nous paroît très- fondée ; et ce que nous venons de dire devra faire trouver aisément le moyen de 44 BFFETS DE'LFART: garantir ces poissons de cette cécité que Îa mort suit souvent. Ces poissons sont aussi quelquefois me- nacés de périr, parce qu’un de leurs organes les plus essentiels est attaqué. Les branchies par lesquelles ils respirent, et que com- posent des membranes si délicates et des Vaisseaux sanguins si nombreux et si déliés , peuvent être déchirées par des insectes où des vers aquatiques qui s’y attachent, ES dont ils ne peuvent pas se débarrasser. Peut: être, après avoir bien reconnu l'espèce de ces Vers ou de ces insectes, parviendra-t-on à trouver un moyen d'en émpêcher la mulz tiplication dans les étangs, et dans plusieurs auires habitations des poissons que lon voudra préserver de ce fléau. Les poissons étant presque tous revêtus d'écailles dures et placées en partie les unes au dessus des autres, ou couverts d’une peau épaisse et visqueue, ne sont sensibles que dans une irès-petite étendue de leur surface. Mais, lorsque quelque insecte ou quelque ver s’acharne contre la portion de celle surface qui n’est pas défendue, et qu'il sy place et s’y accroche de manière que le poisson ne peut, en se frottant contre SUR LES POISSONS. 45 des végétaux, des pierres, du sable ou de la vase, l’écraser ou le détacher et le faire tomber, la grandeur, la force, lagilité , les dents du poisson ne sont plus qu’un secours mutile. En vain il s'agite, se secoue, se Conlourne , va, revient, s'échappe, s'enfuit avec la rapidité de l'éclair; il porte toujours avec lui l'ennemi attaché à ses organes; tous es eflorts sont impuissans: et le ver ou insecte est pour Jui au milieu des flots ce que la mouche du désert est, dans les sables brülans de l'Afrique, non seulement pour la timide gazelle, mais encore pour le tigre anguimaire et pour le fier lion, qu’elle perce, ourmente et poursuit de son dard acéré, malgré leurs bonds violens, leurs mou- vemens impétueux et leur rugissement errible. Mais ce n’est pas assez pour l'intelligence humaine de conserver ce que la Nature >roduit : que, rivale de cette puissance ad- mirable, elle ajoute à la fécondité ordinair les espèces ; qu’elle multiplie les ouvrages le la Nature. On a remarqué que, dans presque toutes es espèces de poissons, le nombre des mâles toit plus grand et même quelquefois double le celui des femelles; et comme cependant &6 EFFETS DE L'ART un seul mâle peut féconder des millions! d'œufs , et par conséquent le produit de la! ponte de plusieurs femelles, 11 est évident. que lon favorisera beaucoup la multiplica-| tion des individus, si on a le soin, lorsqu'on péchera , de ne garder que les mâles, et de: rendre à l’eau les femelles. On distingueral facilement, dans plusieurs espèces, les fe-| melles des mâles, sans risquer de les blesser ou de nuire à la reproduction, et sans chercher, par exemple, dans le tems voisin du frai, à faire sortir de leur corps quelques œufs plus où moins avancés. fin effet, dans ces espèces, les femelles sont plus grandes que les mâles; et d’ailleurs elles offrent dans les proportions de leurs parties, dans la disposition de leurs couleurs, ou dans la nuance de leurs teintes, des signes distinc- tifs qu’il faudra tâcher de bien connoître, et que nous ne négligerons jamais d’indi- quer en écrivant lhistoire de ces espèces particulières. Lorsqu'on ne voudra pas rendre à leur séjour natal toutes les femelles que l’on pêchera, on préférera de conserver pour la reproduction les plus longues et les plus grosses, comme pondant une plus grande quantité d'œufs. SUR LES POISSONS. y De plus, et si des circonstances impé- rieuses ne s’y opposent pas, que l’on entoure les étangs et les viviers de claies ou de filets, qui, dans le tems du frai, retiennent les herbes où les branches chargées d'œufs, et les empêchent d’être entraînées hors de ces réservoirs par Îles débordemens fréquens à l'époque de la ponte. Que l’on éloigne, autant qu’on le pourra, les friganes et les autres insectes aquatiques voraces qui détruisent les œufs et les pois- sons qui viennent d'éclore. Que lon construise quelquefois dans les viviers différentes enceintes, l’une pour les œufs, et les autres pour les jeunes poissons, que l’on séparera en plusieurs bandes, for- mées d’après la diversité de leurs âges, et renfermées chacune dans un réservoir par- ticulier. I} est des viviers et des étangs dans les- quels des poissons très-recherchés, et, par exemple, des truites, vivroient très-bien, et parviendroient à une grosseur considé- rable : mais le fond de ces étangs étant très- vaseux, c’est en vain que les femelles le frottent avec leur ventre avant d’y déposer leurs œufs; la vase reparoît bientôt, salit 48 EFFETS DE L'ART les œufs, les altère, les corrompt, et les fœtus péfissent avant d’éclore. Cet inconvénient a fait imaginer une ma- nière de faire venir à la lumière ces pois- sons, el particulièrement les saumons et les truites, qui d’ailleurs ne servira pas peu, dans beaucoup de circonstances, à multi plier les individus des espèces les plus utiles ou les plus agréables. M. de Marolle, capi- taine dans le régiment de la Marine, tempé- rant les austérités des camps par le charme de l'étude des sciences utles à l’humanmiié, écrivit la description de ce procédé à Ha- meln en Allemagne , pendant la guerre de sept ans. Il rédigea cette description sur les Mémoires de M. J. L. Jacobi, lieutenant des milices du comté de Lippe - Detmold, et l’envoya à Buflon, qui me la remit lors- qu'il voulut bien nrengager à continuer l'Histoire naturelle. On construit une grande caisse à laquelle on donne ordinairement douze pieds de lon- sueur, un pied et demi de largeur, et un demi-pied environ de hauteur. À un bout de cette longue caisse on pra- tique un trou carré, que l’on ferme avec un treillis de fer dont les fils sont éloignés les SUR LES POISSONS. 49 les uns des autres d'environ quatre ou cinq lignes. On ménage un trou à peu près semblable dans la planche du bout opposé, et vers le fond de la caisse. Et enfin on en perce un troisième dans le couvercle de la caisse, et on le garnit, ainsi que le second, d’un treillis pareil à celui du premier. Ces trous servent à soumettre les fœtus ou les jeunes poissons à l'influence des rayons du soleil, et à les préserver de gros insectes et des campagnols aquatiques, qui mange- roient et les œufs et les poissons éclos. Un petit tuyau fait entrer l'eau d’un ruis- seau ou d’une source par le premier treillis; et cette eau courante s'échappe par la seconde ouverture. On couvre tout le fond de la caisse d’un gravier bien lavé de la hauteur de huit à douze lignes, et on étend sur ce gravier de petits cailloux bien serrés, de dimensions semblables à celles d’une noisette , et parmi lesquels on place d’autres cailloux de la gros- seur d’une noix. À l’époque du frai de l’espèce dont on veut multiplier les individus, on se procure Poiss, Tone IL D bo EFFETS DE L'ART un mâle et une femelle de cette espèce, eË par exemple, de celle du saumon. Oùf prend un vase bien net, dans lequel on met deux ou trois pintes d’eau bien claire. On tient le saumon femelle dans une situa- tion verticale, et la tête en haut au dessus du vase. Si les œufs sont déja bien déve- loppés, où bien mürs, ils coulent d'eux- mêmes, sinon on facilite leur chüûte en frot- tant le ventre de la femelle doucement de haut en bas, et avec la paume de la main. Dans plusieurs espèces de poissons on peut voir un organe parliculier que nous avons remarqué avec soin, qui n’a été observé que par un pelit nombre de naturalistes, dont très-peu de zoologues ont connu le véritable usage , et que le savant Bloch a nommé 20m- bril. Cet organe est une sorte d’appendice d’une forme alongée et un peu conique, et dont la place la plus ordinaire est auprès et au delà de l'anus. Cette appendice creuse et percée par les deux bouts, communique avec les réservoirs de la laite dans les mâles, et les ovaires dans les femelles. Ce petit tuyau est le conduit par lequel les œufs sortent et la liqueur séminale s'échappe: nous le nommons en conséquence appendice génitale. L'urine du poisson sort aussi par SUR LES POISSONS. 5: cette appendice, ce qui donne à cet organe une analogie de plus avec les parties sexuelles et extérieures des mammifères. Il ne peut pas servir à distinguer les sexes, puisqu'il appar- lent au mâle aussi bien qu’à la feinelle : mais sa présence ou son absence , et ensuite ses proportions et sa figure particulière peuvent être employées avec beaucoup d'avantage pour établir une ligne de démar- caiion exacte et constante entre des espèces voisines, ainsi que nous le montrerons dans la suiie de l’histoire que nous écrivons. C’est par cette appendice génitale que, dans la méthode de reproduction, en queique sorte artificielle, que nous décrivons, les femelles, qui sont pourvues de cet organe extérieur, laissent couler leurs œufs. Lorsque les œufs sont tombés dans l’eau, on prend le mâle, on le tient verticalement au dessus de ses œufs ; et pour peu que cela soit nécessaire , on aide par un léger frotte- ment l’épanthement de la liqueur proli- fique, dont on peut arrêter l'écoulement au moment où l’eau est devenue blanchätre par son mélange avec cette liqueur sper- matique. ( Il est des espèces de poissons, et notam- ment de cyprins, comme le nase, le roe- D 2 ÿà “EFFETS DE L'ART thens, dans lesquelles on peut choisir avec facilité un mâle pour la fécondation des œufs que l’on a obtenus. Dans ces espèces, les mâles, sur-tout lorsqu'ils sont Jeunes, présentent des taches, de petites protubé- rances, ou d’autres signes extérieurs qui annoncent qu'ils sont déjà surchargés d’une laite abondante. On met dans la grande caisse les œufs fécondés; on les y distribue de manière qu'ils soient toujours couverts par l’eau courante; on empèche que le mouvement de cette eau ne soit trop rapide, afin qu'il ne puisse pas entrainer les œufs. On écarte soigneusement avec des plumes, ou par tout autre moyen, les saletés qui pourroient s’introduire dans la caisse ; et au bout d'un tems, qui varie suivant les espèces, la température de l’eau et la chaleur de l’aimosphère, on voit éc lore les poissons que l’on desiroit. Au reste, la sorte de fécondation artifi- cielle opérée avec succès par M. Jacobi peut avoir lieu sans la présence de la femelle : il suffit de rainasser les œufs qu’elle dépose dans son séjour naturel; il seroit même pos- sible de connoitre , à l'instant où on les re- cueilleroit , s'ils auroient été déjà fécondés par le male, ou s'ils n'auroient pas reçu sa. SUR LES POISSONS 653 liqueur prolifique. M. Jacobi assure en effet que, lorsqu'on observe avec un bon micros- cope desœufs dé poissonsarrosés de la liqueur séminale du mâle ,.on peut apercevoir très- distinctement dans ces œufs une petite ouver- ture qui ne paroissoil presque pas, ou. étoit presque insensible avaut Ja fécondation, et dont il rapporte l'extension à l'introduction dans l’œuf d’une, portion du fluide de la late. | .. Quoi qu'il en soit, on peut aussi en suivant le procédé de M. Jacobt., se-passer.de la pré- sence du mâle. On peut n’employer la liqueur prolifique que quelque tems apsès sa sortie du corps de lanimal, pourvu qu’un froid excessif ou une ‘chaleur violente ne des- séchent pas promptement ce fluide vivifant; et même la mort du mâle, pourvu qu'elie soit récente, n'empêche pas de se servir de sa laite pour. la. fécondation des œufs. On a écrit. que, les digues par le moyen desquelles on, retient Îles eaux des petles rivières. diminuoient la multiplication des poissons dans.les, contrées arrosées par ces eaux ; cela.n’est vrai cependant que pour Îles poissons qui ont besoin , à certaines époques, de remonter dans les eaux courantes jusqu'à une distance très-grande des lacs ou de la D 5 5, “EFFETS DE L'ART mer , et qui ne peuvent pas, comme les saumons, s’élancer facilement à de grandes hauteurs , et franchir lobstacle que les digues opposent à leur voyage périodique. Les chaussées transversales doivent au contraire être très-favorables à la multiplication des poissons sédentaires, qui se plaisent dans des eaux peu agilées. Au dessus de chaque digue, la rivière forme naturellement une sorte de vivier ou de réservoir , dont l’eau tranquille, quoique suflisamment renouvelée , pourra donner à un grand nombre d'individus d’es- péces très-utiles le volume de fluide , Pabri, l'aliment et la température les plus conve- nables. | Quelle est en effet la pièce d’eau que l’art ne puisse pas féconder et vivier ? On a vu quelquefois des poissons remar- quables par leur grosseur vivre dans de pe- tites mares. M. De Septfontaines s’est assuré qu'une grande anguille avoit passé ün tems assez long sans perdre non seulement la vie, mais même une partie de sa graisse, dans une fosse qui ne contenoit pas une moitié de mètre (environ deux pieds) cube d’eau; et_il ‘est. des contrées où des cyprins , eë parliculièrement des carassins, réussissent assez bien dans de petits amas d’eau dor- SUR ' LES POISSONS. :655 manie pour y donner une nourriture abon- dante aux habitans de la campagne. On a bien senti les avantages de cette grande multiplication des poissons utiles dans presque tous les pays où le progrès des lumières a mis l’économie publique en honneur, et où les gouvernemens, profitant avec soin de tous les secours des sciences perfeclionnées, ont cherché à faire fleurir toutes les branches de l’industrie humaine. C’est principalement dans quelques états du nord de l’Europe, et notamment en Prusse et en Suède, qu'on s’est altaché à augmenter le nombre des individus dans ces espèces précieuses ; et comme un gouvernement paternel ne néglige rien de ce qui peut accroître la subsistance du peuple dont le bonheur lui est confié, et que les soins en apparence les plus nunutieux prennent un grand caractère dès le moment où ils sont dirigés vers l'utilité publique, on a porté en Suède attention pour laccroissement du nombre des poissons jusqu’à ne pas sonner les cloches pendant le tems du frai des cyprins brèmes , qui y sont très-recherchés , parce qu'on avoit cru s’apercevoir que ces ani- maux, effrayés par le son de ces cloches, ne se Jivroient pas d’une manière convenable D 56 EFFETS DE L'ART aux opérations nécessaires à la reproduction de leur espèce. Aussi y a-t-on souvent re- cueilli de grands fruits de cette vigilance étendue aux plus petits détails; et, par exemple, en 1749, a-t-on pris d’un seul coup de filet, dans un lac voisin de Nord- kiæping, cinquante mille brèmes qui pe- soient plus de neuf mille Kilogrammes ( dix- huit mille livres ). Et comment w’auroit-on pas cherché, dans presque tous les tems et dans presque tous les pays civilisés, à multiplier des ani-- maux si nécessaires aux jouissances du riche et aux besoins du pauvre, qu'il seroit plus aisé à l’homme de se passer de la classe entière des oiseaux et d’une grande partie de celle des maminifères, que de la classe des poissons ? En effet, 1l n’est pour ainsi dire aucune espèce de ces habitans des eaux douces ou salées, dont la chair ne soit une nourriture saine et très-souvent copieuse, Délicate et savoureuse lorsqu'elle est fraîche, cette chair, recherchée avec tant de raison, devient, lorsqu'elle est tranformée en garum, un assaisonnement piquant; fait les délices des tables somptueuses, même trés-loin du rivage où le poisson a été pêché, SUR LES POISSONS. 57 quand elle a été marinée; peut être trans- portée à de plus grandes distances , si on a eu. le soin de l’imbiber d’une grande quan- tité de sel; se conserve pendant un tems très-long après qu’elle a été séchée, et, amsi préparée , est la nourriture d’un très-grand nombre d'hommes peu forturés qui ne sou- tiennent leur existence que par cet aliment abondant et très-peu. cher. Les œufs de ces mêmes habitans des eaux servent à faire ce caviar qui convient au goût de tant de nations; et les nageoires des espèces que l’on croirait les moins propres à satisfaire un goût délicat sont regardées à la Chine et dans d’autres contrées de l'Asie comme un mets des plus exquis (1). Sur plusieurs rivages peu fertiles, on ne peut completter la nourriture de plusieurs animaux utiles , et par exemple celle des chiens du Kamtschatka ; que la. nécessité force d’atteler à des traîneaux, ou des vaches de Norvège, destinées à fournir une grande quantité de lait, que par le moyen des ver- tébres et des arêtes de plusieurs espèces de poissons. (1) Relation de l’ambassade de lord Macartney à ja Chine. 58 PP PEDS DECRART Avec les écailles des animaux dont nous nous occupons, on donne le brillant de la yacre au ciment destiné à couvrir les murs des palais les plus magnifiques, et on revêt des boules légères de verre de l'éclat argentin des perles les plus belles de l'Orient. La peau des grandes espèces se métamor- phose dans les ateliers en fortes lanières, en couvertures solides et presque imperméables à l'humidité, en garnitures agréables de bi- joux donnés au luxe par le goût (1). Les vessies natatoires et toutes les mem- branes des poissons peuvent être converties, dans toutes les contrées , en cette colle pré- cieuse sans laquelle les arts cesseroient de produire le plus grand nombre de leurs ouvrages les plus délicats. L'huile qu'on retire de ces animaux assouplit, améliore et conserve dans presque toutes les manufactures les substances les plus nécessaires aux produits qu’elles doivent fournir ; et dans ces contrées boréales où règnent de si longues nuits, entretenant seule la lampe du pauvré, prolongeant son travail au delà de ces tristes jours qui fuient avec (1) Voyez les articles de /a raie sephen , du squale requin , du squale roussette , des acipensères , elc. | | | | SUR LES POISSONS. 59 tant de rapidité, et lui donnant tout le tems que peuvent exiger les soins nécessaires à sa subsistance et à celle de sa famille : elle tempère pour lui lhorreur de ces climats ténébreux et gelés, et laffranchit, lui et ceux qui lui sont chers, des horreurs plus grandes encore d’une extrême misère. Que lon ne soit donc pas étonné que Belon , partageant l'opinion de plusieurs auteurs recommandables, tant anciens que modernes, ait écrit que la Propontide étoit plus utile par ses poissons, que des champs fertiles et de gras pâturages d'une égale étendue ne pourroient l’être par leurs four- rages et par leurs moissons. Et douteroit-on maintenant de l'influence prodigieuse d’une immense multiplication des poissons sur la population des empires ? On doit voir avec facilité comment cette merveilleuse multiplication soutient, par exemple sur le territoire de la Chine, lin- nombrable quantité d’habitans qui y sont, pour ainsi dire, enlassés. EE si des lems présens, on remonte aux tems anciens, on peut résoudre un grand problème historique ; on explique comment l'antique Egypte nour- rissoit la grande population sans laquelle les admirables et immenses monumens qui ont Go EFFETS DE L'ART résisté au ravage de tant de siècles, et sub- sistent encore sur celle terre célèbre’, n’au- roient pas pu être élevés, et sans laquelle. Sésostris n’auroit conquis ni les bords de J'Euphrate, du Tigre, de lIndus et du Gange, ni les rives du Pont-Fuxin, ui les monts de la Thrace. Nous connoissons l'étendue de l'Egypte : lorsque ses pyramides ont été construites, lorsque ses armées ont soumis une grande partie de l'Asie, elle étoit bornée , presqu’autant qu'à présent, par les déserts stériles qui la circonscrivent à lorient et à l’occident ; et néanmoins nous apprenons de Diodore que dix-sept cents égyptiens étoient nés le même jour que Sésostris : on doit donc admettre en. Egypte, à l’époque de la naissance de ce conquérant fameux, au moins trente-quatre millions d’habitans. Mais quel grand nombre de poissons ne ren- fermoient pas alors et le fleuve et les canaux et les lacs d’une contrée où lart de multi- plier ces animaux étoit un des principaux objets de Ja soilicitude du gouvernement et des soins de chaque famiile ? Il.est aisé de calculer que le seul lac de Myris où Moeris pouvoit nourrir plus de dix-huit cent mille millions de poissons de plus d'un demi-mètre {un pied et demi.) de longueur. SUR LES POISSONS. 61 Cependant, que l'homme ne se contente pas de transporter à son gré, d’acclimater , de conserver, de multiplier les poissons qu’il préfère ; que Part prétende à de nouveaux succès; qu'il se livre à de nouveaux efforts; qu'il tente de remporter sur la Nature des victoires plus brillantes encore ; qu’il per- fectionne son ouvrage; qu’il améliore les individus qu'il se sera soumis. On sait depuis long-tems que des poissons de la même espèce ne donnent pas dans toutes les eaux une chair également déli- cate. Plusieurs observalions prouvent que, par exemple, dans les mêmes rivières, leur chair est très-saine et très-bonne au dessus des viiles ou des torrens fangeux , et au contraire insalubre et très-mauvaise au dessous de ces torrens vaseux et des amas d’immondices , souvent inséparables des villes populeuses. Ces faits ont été remar- qués par plusieurs auteurs, notamment par Rondelet. Qu'on profite de ces résultats ; qu'on recherche les qualilés de l’eau les plus propres à donner un goût agréable ou des propriétés salutaires aux différentes espèces de poissons que l’on sera parvenu a multiplier ou à conserver. Qu'on n'oublie pas qu'il est des moyens 62 EFFETS DE L'ART faciles et bien peu dispendieux d’engraisser promptement plusieurs poissons , et particu- lièrement plusieurs cyprins. On augmente en très - peu de tems leur graisse, en leur donnant souvent du pain de chenevis, ou des fèves et des pois bouillis, ou du fumier, et notamment de celui de brebis. D'ailleurs une nourriture convenable et abondante développe les poissons avec rapidité, fait jouir beaucoup plus tôt du fruit des soins que l’on à pris de ces animaux , et leur donne la faculté de pondre et de féconder une irès- grande quantité d'œufs pendant uu irès-grand nombre d'années. On a observé, dans tous les tems, que le repos et un aliment très-copieux engrais- soient beaucoup les animaux. On s’est servi de ce moyen pour quelques poissons; et on la employé d'une manière remarquable pour les carpes : on les a susnoendues hors de l’eau, de manière à leur interdire le plus foible mouvement de nageoires, et elles ont élé enveloppées dans de la mousse épaisse qu'on a fréquemment arrosée. Par ce pro- cédé , ces cyprins ont été non seulement réduits à un repos absolu, mais plongés perpéluellement dans une sorte d'humidité ou de fluide aqueux qui, parvenant très- SUR LES POISSONS. 63 divisé à leur surface, a été facilement pompé, absorbé, décomposé, combiné dans l'intérieur de lanimal , assimilé à sa subs- tance , et métamorphosé par conséquent en nourriture très-abondante. Aussi ces carpes maintenues en l'air, mais retenues au milieu d’une mousse humectée presque continuel- lement , ont-elles bientôt acquis une graisse copieuse , et de plus un goût très-agréable. Dès le tems de Willughby, et même de celui de Gesner , on savoit que l’on pouvoit ouvrir le ventre à certains poissons , et sur- tout au brochet et à quelques autres ésoces, sans qu'ils en périssent, et même sans qu’ils en parussent long-tems incommodés. Il sufht de séparer les muscles avec dextérité, de rapprocher les chairs et les tégumens avec adresse , et de les récoudre avec pré- caution, pour qu'ils puissent plus facilement se réunir. Cette facilité a donné l’idée d’em- ployer , pour engraiser ces poissons, le même moyen dont on se sert pour donner un très- grand surcroît de graisse aux bœufs , aux moutons, aux chapons , aux poulardes, etc. On a essayé , avec beaucoup de succès, d'enlever aux femelles leurs ovaires , et aux mâles leurs laites. La soustraction de ces organes , faite avec habileté et avec beau- 64 EFFETS DE L'ART coup d'attention, n’a dérangé que pendant un tems très-court la santé des poissons qui l'ont éprouvée ; et toute la partie de leur substance qui se portoit vers leurs laites ou vers leurs ovaires, et qui y donnoit nais- sance ou à des centaines de milliers d'œufs, ou à une quantité très-considérable de liqueur fécondante, ne trouvant plus d’or- gane particulier pour lélaborer ni mème pour la recevoir , a reflué vers les autres portions du corps, s’est jetée principalement dans le tissu cellulaire, et y a produit une graisse non seulement d’un goût exquis, mais encore d’un volume extraordinaire. Mais que l’on ait sur-tout recours, pour Vamélioration des poissons, à ce moyen dont on a retiré de si grands avantages pour accroître les bonnes qualités et les belles formes de tant d’autres animaux utiles, et qui produit des phénomènes physiologiques dignes de toute Fattention du naturaliste : c'est le croisement des races que nous re- commandons. On sait que c’est par ce croi- sement que l’on est parvenu à perfectionner le belier, le bœuf, l'âne et le cheval. Les espèces de poisson, et principalement celles qui vivent très-près de nous, qui préfèrent à la haute mer les rivages de l'Océan, les fleuves, SUR LES POISSONS. 65 fleuves , les rivières el les lacs, et qui, par la nature de leur séjour, sont plus soumises à l'influence de la nourriture , du climat, de la saison, ou de la qualité des eaux, présentent des races très-distinctes , et sé- parées l’une de l’autre par leur grandeur, leur force, leurs propriétés ou la nature de leurs organes. Qu'on les croise, c’est-à-dire, qu'on féconde les œufs de l’une avec la laite d’une autre. Les individus qui proviennent du mélange de deux races, non seulement valent mieux que la race la moins bonne des deux qui ont concouru à les former , mais encore sont préférables à la meillure de ces deux races qui se sont réunies. C'est un fait très- remarquable , très-constaté , et dont on n’a donné jusqu’à présent aucune explication véritablement satisfaisante, parce qu'on ne Pavoit pas considéré dans la classe des pois- sons, dont l'acte de la génération est beau- coup plus soumis à l'examen dans quelques- unes de ses circonstances, que celui des mammifères et des oiseaux qui avoient été les objets de l’étude et de la recherche des zoologues. | Rapprochons donc ce qu’on peut dire de ce curieux phénomène. Poiss. Tome II. E 66 EFFETS DE L'ART Premièrement, une race qui se réunit à une seconde éprouve , relativement à l'in- fluence qu’elle tend à exercer, une sorte de résistance que produisent les disparités et les disconvenances de ces deux races : celte ré- sistance est cependant vaincue, parce qu'elle est très-limitée. Et l’on ne peut plus ignorer en physiologie, qu'il n’en est pas des corps organisés et vivans comme de la matière brule et des substances mortes. Un obstacle tend les ressorts du corps organisé, de ma- nière que son énergie vitale en est aug- mentée, au point que, lorsque cet obstacle est écarté, non seulement la puissance du corps vivant est égale à ce qu’elle étoit avant la résistance, mais même qu’elle est supé- rieure à la force dont il jouissoit. Les dis- convenances de deux races qui se rappro- chent font donc naître un accroissement de vitalité, d'action et de développement dans le produit de leur réunion. Secondement , dans un mâle et une fe- melle d’une race , il n’y a que certaines portions analogues les unes aux auires qui agissent directement ou indirectement pour la reproduction de l’espèce. Lorsqu'une nouvelle race s'en. approche, elle met en mcuvement d’autres portions qui, à cause SUR LES POISSONS. 6 dé leur repos antérieur, doivent produire de plus grands effets que les premières. Troisiéèmement, les deux races mêlées l’une avec l’autre ont enire elles des rap- ports desquels résulte un grand développe- ment dans les fruits de leur union , parce que ce développement ne doit pas êlre considéré comme la somme de l'addition des qualités de l’une et de l’autre des deux races, mais comme le produit d’une mul- tiplication , et, ce qui est la même chose, comme l'effet d’une sorte d’intussusception et de combinaison intime , au lieu d’une simple juxtaposition et d’une jonction su- perficielle. C’est un fait semblable à celui qu’obser- _ vent les chimistes , lorsque, par une suite d'une pénétration plus ou moins graude , le poids de deux substances qu'ils ont com- binées l’une avec l’autre est plus grand que la somme des poids de ces deux subs- lances avant leur combinaison. Le résuliat du croisement de deux races n’est cependant pas nécessairement, et dans toutes. les circonstances, le perfectionnement des espèces : il peut arriver et il arrive quelquefois que ce croisement les détériore au lieu de les améliorer. En effet, et indé- E 2 68 EFFETS DE TANT © pendamment. d'autre raison , chacun des deux: individus qui: se rapprochent dans Vacterde la génération peut ‘être regardé eomme ‘imprimant là forme à l'être qui provient de leur union , où comme four- nissant la matière qui doit être façonnée, ou comme influant à Ja fois sur le fond et sur: la forme: mais nous ne pouvons avoir aucune raison de supposer qu'après la réu- nion de deux races! il y ait nécessanement , entre la matière qui doit servir au déve- loppement et'lé moule dans lequel elle doit être figurée ,-plus:de convenance ‘qu’il n’y en avoit avant cette même réunion, dans les individus de chacune de ces deux races considérées séparément. ci Al y a donc dans l'éloignement des races l'une de l’autre , c’est-à-dire , dans le ombre des différences quiiles séparent, une limite en decà et au delà de laquelie le croisement est. par lui-même plus nuisible qu'avan- tageux. ELLE DÉRRES | L'expérience: seule peut fairé connoître æelte : limite :"’mais on sera toujours sûr d'éviter tous les iñconvéniens qui peuvent résulter du croisement considéré en lui- même, si dans cette opération on n’emploie jamais que les meilleures: races , et si, par SUR LES POISSONS. 69 exemple, en mélant les races des poissons, on ne cesse de rechercher celles qui offrent le plus de propriétés utiles, soit pour obtenir les œufs que l’on voudra féconder , soit pour se procurer la liqueur active par le moyen cd laquelle on desirera de vivifier ces œufs. Voilà à quoi se réduit ce que nous pou- vons dire du croisement des races, après avoir réum dans notre pensée les vérités déjà publiées sur cette partie de la physio- logie, les avoir dégagées de tout appareil scientifique , les avoir débarrassées de toute idée étrangère , les avoir comparées, et y avoir ajouté le résultat de quelques ré- flexions et de quelques observations nou- velles. Considérons maintenant de plus haut ce que peut l’homme pour l’amélioration des poissons. "Fâchons de voir dans toute son élendue l'influence qu'il peut exercer sur ces animaux par l'emploi des quatre grands moyens dont on s’est servi, toutes les fois qu'il a voulu modifier la Nature vivante. Ces quatre moyens si puissans sont, la nourriture abondante et convenable qu'il a donnée, l'abri qu'il a procuré, la cou- irainte qu'il a imposée, le choix qu’il a fait E 5 ss EFFETS DE L'ART des mâles et des femelles pour la propa- gation de l'espèce. En réunissant ou en employant séparé- ment ces quatre instrumens de son pouvoir , Yhomine a modifié les poissons d’une ma- nière bien plus profonde qu’on ne le croiroit au prentier coup d'œil. En rapprochant un grand nombre de germes , il a resserré dans un espace assez étroit les œufs de ces ani- maux, pour que plusieurs de ces œufs ne se soient collés l’an à l’autre, comprimés, pénétrés , entièrement réunis , et, pour ainsi dire , identifiés ; et de cette introduction d'un œuf dans un autre, si je puis parler ainsi, il est résulté une confusion si grande de deux fœtus, que lon a vu éclore des pois- sons monstrueux , dont les uns avoient deux têtes et deux avant-corps , pendant que d'autres présentoient deux têtes, deux corps et deux queues liés ensemble par le ventre ou par un côté qui appartenoit aux deux corps , et attachés même quelquefois par cet organe commun, de manière à repré- senter une croix. Mais laissons ces écaris que la Nature, contrainte d’obéir à l’art de Fhomme, peut présenter, comme lorsqu'indépendante de eet art elle n’est soumise qu'aux hasards des SUR LES POISSONS accidens : les produits de cette sorte d’ac- couplement extraordinaire ne constituetit aucune amélioration ni de l'espèce, ni ième de l'individu ; ils ne se perpétüeñit pas par la génération ; ils n’ont en générai qu’uné courte existence : ils sont étrarigers à notre sujet. Examinons des effets bieñ différens de ces phénomènes, et par leur durée , et par leur essence. Voici tous les attributs des poissons que là domesticité a déja pü chañger : Les couleurs : elles ont été variées et dans leurs nuances et dans leur distribution. Les écailles : elles ont acquis ou perdu de leur épaisseur et de ieur opacité ; leur figure a été altérée, leur surface étendue où ré- trécie, leur adhésion à la peau affoiblie ou fortifiée, leur nombre diminué ou augmenté. Les dimensions générales : elles ont élé agrandies où rapetissées. Les proportions des principales parties de Ja tête, du corps ou de la quete : elles ont montré de nouveaux rapports. La nageoire dorsale : elle a disparu. La nageoire de la queue : elle a offert une nouvelle formé , et de plus elle à été ou doublée ou triplée, comme on a pu le voir, LE 4 7 EFFETS DE L'ART par exemple, en examinant les modifications que le cyprin doré a subies dans les bassins d'Europe , et sur-tout dans ceux de la Chine, où il est élevé avec soin depuis un grand nombre de siècles. L'art a donc déjà remanié, pour ainsi dire, non seulement les tégumens des poissons , et même un des plus puissans instruinens de leur natation, mais encore presque tous leurs organes, puisqu'il en a changé Îes propor- tions ainsi que l'étendue. C’est par ces grandes modifications qu'il a produit des variétés remarquables. À me- sure que l'influence a été forte, que lim- pression a élé vive, qu'elle a pénétré plus avant, le changement a été plus profond, et par conséquent plus durable. La nouvelle maniecre d’être, produite par l’empire de l'homme, a été assez intérieure, assez em- preinte dans tous les organes qui concourent à la génération , assez liée avec toutes les forces qui contribuent à cet acte, pour qu’elle ait été transmise, au moins en grande parte, aux individus provenus de mâles et de fe- melles déjà modifiés. Les variétés sont de- venues des races plus ou moins durables ; et lorsque, par la constance des soins de l’homme , elles auront acquis tous les ca- SUR LES POISSONS. 5 ractères de la stabilité, c’est-à-dire, lorsque toutes les parties de l’animal qui, par une suite de leur dépendance mutuelle, peuvent agir les unes sur les autres, auront reçu une modification proportionnelle, et que par conséquent 1l n’existera plus de cause inté- rieure qui tende à ramener les variétés vers leur état primitif, ces mêmes variétés, au moins si elles sont séparées par d’assez grandes différences de la souche dont elles auront été détachées, constitueront de véritables espèces permanentes et distinctes. C’est alors que l’homme aura réellement exercé une puissance rivale de celle de la Nature , et qu'il aura conquis l’usage d’un mode nouveau et bien important d'améliorer les poissons. Mais il peut déjà avoir recours à ce mode d’une manière qui marquera moins la puis- sance de son art, mais qui sera bien plus courte et bien plus facile. Qu'il fasse pour les espèces ce que nous avons dit qu'il devoit faire pour les races ; qu'il mêle une espèce avec une autre; qu'il emploie la laite de l’une à féconder les œufs de lautre. Il ne craindra dans ses tentatives aucun des obstacles que l’on a dû vaincre, toutes les fois qu’on a voulu tenter l’accou- À EFFETS DE L'ART plement d’un mâle ou d’une femelle avec une femelle ou un mâle d’une espèce étran- gère , et que l’on a choisi les objets de ses essais parmi les mammifères ou parmi les oiseaux. On dispose avec tant de facilité de la laite et des œufs ! En renouvelant ses efforts, non seulement on obtiendra des mulets, mais des mulets féconds, et qui transmettront leurs qualités aux générations qui leur devront le jour. On aura des espèces métives , mais durables, distinctes et existantes par elles-mêmes. On sait que la carpe produit facilement des métis avec la gibèle ou avec d’autres cyprins. Qu'on suive cette indication. Pour éprouver moins de difficultés, qu’on cherche d’abord à réunir deux espèces qui fraient dans le même tems, ou dont les époques du frai arrivent de manière que le commencement de lune de ces deux époques se rencontre avec la fin de l’autre. Si l’on ne peut pas se procurer facilement de la liqüeur séminale de l’une des deux espèces, et l'obtenir avant qu'elle n’ait perdu, en se désséchant ou en s’altérant, sa qualité vivifiante , qu’on place des œufs de la seconde à une profondeur convenable, et à une ex- position faverable, dans les eaux fréquentées SUR LES POISSONS. 75 par les mâles de la première. Qu’on les y arrange de manière que leur odeur attire facilement ces mâles, et que leur position les invite, pour ainsi dire, à les arroser de leur fluide fécondant. Dans quelques circons- tances , on pourroit les y contraindre en quelque sorte en détruisant autour de leur habiiation ordinaire, et à une distance assez grande, les œufs de leurs propres femelles. Dans d’autres circonstances, on pourroit essayer de les faire arriver en grand nombre au dessus de ces œufs élrangers que lon voudroit les voir vivilier, en mélant à ces œufs une substance composée , factice et odorante, que plusieurs tentatives feroient découvrir, et qui, agissant sur leur odorat comme les œufs de leur espèce, les déter- mineroit aussi efficacement que ces derniers à se débarrasser de leur laite et à la répandre abondamment, Voudra -t-on se livrer à des essais plus hasardeux, et réunir deux espèces de pois- sons dont les époques du frai sont séparécs par un intervalle de quelques jours ? Que Von garde des œufs de lespèce qui fraie le plus tôt ; que l’on se souvienne que lon peut les préserver du dégré de décomposition qui s’opposeroit à leur fécondation , et qu'on les 76 EFFETS DE L'ART | répande , avec les précautions nécessaires, à | la portée des mâles de la seconde espèce, | lorsque ces derniers sont arrivés au terme de la maturité. Au reste, les soins multipliés que l'on est obligé de se donner pour faire réussir ces unions que l’on pourroitnommer artificielles, expliquent pourquoi des réunions analogues sont très - peu fréquentes dans la Nature, et par conséquent pourquoi celte Nature, quelque puissante qu’elle soit, ne produit cependant que très-rarement des espèces nouvelles par le mélange des espèces an- ciennes, Cependant, depuis que l’on observe avec plus d'attention les poissons, on re- marque dans plusieurs genres de cesanimaux des individus qui, présentant des caractères de deux espèces différentes et plus ou moins voisines, paroissent appartenir à une race intermédiaire que l’on devra regarder comme une espèce mélive et distincte, lorsqu'on laura vue se maintenir pendant un tems très-long avec toutes ses propriétés particu- lières, et du moins avec ses attributs essen- tiels. Nous avons commencé de recueillir des faits curieux au sujet de ces espèces , pour ainsi dire, imi-parties, dans les lettres de plusieurs de nos savans correspondans , et SUR LES POISSONS. 77 notamment de M. Noël de Rouen. Ce dernier naturaliste pense par exemple que les nom- breuses espèces de 1aies qui se rencontrent sur les rives françaises de la Manche , lors du tems de la fécondaiion des œufs doivent, en se mêlant ensemble, avoir donné ou donner le jour à des espèces ou races nou- velles. Cette opinion de M. Noël rappelle celle des anciens au sujet des monstres de l'Afrique. Ils croyoient que les grands mam- mifères de cette partie du monde, qui ha- bitent les environs des déserts , et que la chaleur et la soif dévorantes contraignent de se rassembler fréquemment en troupes très- nombreuses autour des amas d’eau qui ré- sistent aux rayons ardens du soleil dans ces régions voisines des tropiques, doivent sou- vent s’accoupler les uns avec les autres, et que de leur union résultent des mulets fé- conds ou inféconds , qui, par le mélange extraordinaire de diverses formes remar- quables et de différens attributs singuliers, méritent ce nom imposant de monstres africains. Cependant ne cessons pas de noüs occuper de ces poissons mulets que l’art peut pro- duire ou que la Nature fait naître chaque jour par l’union de la carpe avec la gibele, 78 EFFETS DE L'ART ou par celle de plusieurs autres espèces ; sans faire une réflexion importante relati- | vement à la génération des animaux dont | nous écrivons l’histoire, et même à celle : de presque tous les animaux. Des auteurs d’une grande aulorité ont écrit que, dans la reproduction des pois- sons, la femelle exerçoit une si grande influence, que le fœtus étoit entièrement formé dans l'œuf avant l'émission de la laite du mâle, et que la liqueur séminale dont l'œuf étoit arrosé, inbibé et pénétré, ne devoit être considérée que comme une sorte de stimulus propre à donner le mouvement et la vie à l’embryon préexistant. Cette opinion a élé étendue et généralisée au point de devenir une théorie sur la géné- ration des animaux, et même sur celle de l'homme. Mais l'existence des métis ne dé- truit-t-elle pas cette hypothèse? ne doit-on pas voir que, si la liqueur fécondante du mâle n’étoit qu’un fluide excitateur, n’in- fluoit en rien sur la forme du fœlus, ne donnoit aucune partie à l'embryon, les œufs de la même femelle, de quelque laite qu’ils fussent arrosés, feroient toujours naître des individus semblabies? Le stimulus pourroit être. plus ou moins aciil; embryon seroit SUR LES POISSONS. plus fort ou plus foible; le fœtus écloroit plus tôt ou plus tard ; l'animal jouiroit d’une vitalité plus ou moins grande; mais ses formes seroient toujours les mêmes; le nombre de ses organes ne varieroit pas; les dimensions pourroient être grandies ou diminuées; mais les proportions, les attri- buts, les signes distinctifs ne montreroient aucun changement, aucune modification ; aucun individu ne présenteroit en même tems et des traits du mâle et des traits de la femelle ; il ne pourroit , dans aucune cir- constance, exister un véritable mélis. Quoi qu'il en soit, les espèces que l’homme produira , soit par l'influence qu'il exercera sur les individus soumis à son empire, soit par les alliances qu'il établira entre des espèces voisines Ou éloignées, seront un grand moyen de comparaison pour juger de celles que la Nature a pu ou pourra faire naître dans le cours des siècles. Les modifications que l'homme imprime ser- viront à déterminer celles que la Nature impose. La connoissance que l’on aura du point où aura commencé le développement des premières, et de celui où 1l sera arrêté, dévoilera l’origine et l'étendue des secondes. Les espèces artificielles seront la mesure de 80 EFFETS DE L'ART espèces naturelles. On sait, par exemple; | que le cyprin doré de la Chine perd dans la | domesticité, non seulement des traits de son espèce par l’altération de la forme de sa nageoire caudale, mais encore des signes : distinctifs du groupe principal ou du genre auquel il appartient, puisque la nageoire du dos lui est Ôôtée par l’art, el même des carac- tères de la grande famille ou de l'ordre dans lequel il doit être compris, puisque la main de l’homme le prive de ses nageoires infe- rieures dont la position ou l'absence indiquent les ordres des poissons. A la vérité, l’action de l’homme n’a pas encore pénétré assez avant dans l’intérieur de ce cyprin doré, pour y changer ces pro- portions générales de l’estomac, des intestins, du foie, des reins, des ovaires, etc., qui constituent véritablement la diversité des ordres, pendant que l'absence ou la position des nageoires inférieures n’est qu’un signe extérieur qui, par ses relations avec la forme et les dimensions des organes internes, an- nonce ces ordres sans en produire la diver- sité. Mais que sont quelques milliers d’annéés, pendant lesquels les chinois ont manié pour ainsi dire, leur cyprin doré, lorsqu'on les SUR LES POISSONS. 8x Îles compare au tems dont la Nature dispose ? C’est cette lenteur dans le travail, c’est cette série infinie d'actions successives, c’est cette accumulation perpétuelle d'efforts dirigés dans le même sens, c’est cette constance et dans l’intensité et dans la tendance de la force , c’est cet emploi de tous les instans dans une durée non interrompue de milliers de siècies, qui, survivant à tous les obstacles qu'elle n’a pu ni dissoudre ni écarter, est le véritable principe de Îa puissance irrésistible de la Nature. En ce sens, la Nature est le tems qui règne sans contrainte sur la matière qu'elle façonne et sur lespace dans lequel elle distribue les ouvrages de ses mains immorteiles. Ce sera donc toujours bien au delà de la limite du pouvoir de l’homme qu'il faudra placer celle de la force victorieuse qui appar- tent à la Nature. Mais les jugemens que nous porterons de cette force d’après l’éten- due de l’art, n’en seront que plus fondés ; nous n’aurons que plus de raison de dire que les espèces artificielles , excellentes mesures des espèces naturelles produites dans la suite des âges, sont aussi le mètre d’après lequel mous pourrons évaluer avec précision le Poiss. TOMETEE EF 82 EFFETS DE L'ART nombre des espèces perdues, le nombre de celles qui ont disparu avec les siècles. Deux grandes manières de considérer lunivers animé sont dignes de toute l'at- tention du véritable naturaliste. D'un côté on peut voir, dans les tems très-anciens, tous les animaux n’existant encore que dans quelques espèces primilives, qui, par des moyens analogues à ceux que l'art de l'homme peut employer, ont pro- duit, par la force de la Nature, des espèces secondaires, lesquelles par elles-mêmes, ou par leur union avec les primitives, ont fait naître des espèces tertiaires, etc. Chaque dégré de cet accroissement successif offrant un plus grand nombre d'objets que le dégré précédent, les a montrés séparés les uns des autres par des intervailes plus petits, el dis- tingués par des caractères moins sensibles; et c’est ainsi que les produits animés de la création sont parvenus à cette multitude innombrable et à cette adimirable variété qui étonnent et enchantent l’observateur. D'un autre côté on peut supposer que; dans les premiers âges, toutes les manières d'être ont été employées par la Nature, qu’elle a réalisé toutes les formes, déve- loppé tous les organes, mis en jeu toutes SUR LES POISSONS. 83 les facultés, donné le jour à tous les êtres vivans que l’imaginalion la plus bizarre peut concevoir; que dans ce nombre infini d'espèces, celles qui n’avoient reçu que des moyens imparfaits de pourvoir à leur nour- riture, à leur conservation, à leur repro- duction, sont tombées successivement dans le néant; et que tout s’est réduit enfin à ces espèces majeures, à ces êtres mieux partagés , qui figurent encore sur le globe. Quelque opinion qu'il faille préférer sur le point du départ de la Nature créatrice, sur cette multiplication croissante, ou sur cette réduction graduelle, l’état actuel des choses ne nous permet pas de ne pas con- sidérer la nature vivante comme se balan- çant entre les deux grandes limites que lui opposeroient à une extrémité un pelib nombre d'espèces primitives, et à l’autre extrémité linfinité de toutes les espèces que Jon peut imaginer. Elle tend continuelle- ment vers l’une ou vers l’autre de ces deux liniles, sans pouvoir maintenant en appro- cher, parce qu’elle obéit à des causes qui agissent en sens contraire les unes des autres, et qui, tour à tour victorieuses et vaincues, ne cèdent, lors de quelques époques, qu F 2 8% EFFETS DE L'ART pour reparoître ensuite avec leur premiére supériorité. Quel spectacle que celui de ces alterna- tives ! quelle étude que celle de ces phéno- mènes! quelle recherche que celle de ces causes ! quelle histoire que celle de ces époques ! Et pour les bien décrire, ou plutôt pour les connoître dans toute leur étendue, il faut les contempier sous les différens points de vue que donnent trois suppositions , parmi lesquelles le naturaliste doit choisir, lorsqu'il examine état passé, présent et futur du globe sur lequel s'opère ce balan-. cement merveilleux. La température de la terre est-elle cons- tante, comme on l’a cru pendant long-tems, u la chaleur dont elle est pénétrée va-t- elle en croissant, ainsi que quelques phy- siciens l’ont pensé ? ou cette chaleur dé- croît-elle chaque jour, comme l'ont écrit de grands naturalistes et de grands géomètres, les Leibnitz, les Buflon, les Laplace ? Présentons la question sous un aspect plus direct. La Nature vivante est-elle toujours animée par la même température ? ou la chaleur, ce grand principe de son énergie, SUR LES POISSONS. #85 diminue-t-elle ou s’accroïit-elle à mesure que les siècles augmentent ? Quels sujets sublimes pour la méditation du géologue et du zooiogiste! quelle immen- sité d'objets! quelle noble fierté l’homme devra ressentir, lorsqu’après les avoir con- templés, son génie iles verra sans nuage, les peindra sans erreur , et, mettant chaque événement à sa place, fera la part des tems écoulés et des tems qui s'avancent ! 86 DENOMINATIONS Re DES DÉNOMINATIONS Par lesquelles les Naturalistes distinguent les diverses parties des Poissons. Ex lisant les ouvrages qui traitent de histoire naturelle des poissons, et particu- lièrement ceux qui, par trop de concision, deviennent quelquefois obscurs, l’on est sou- vent embarrassé pour trouver la vraie signi- fication des termes caractéristiques, mais de pure convention entre les naturalistes. Les livres systématiques sur-tout abondent en expressions qui ne sont point usités dans le langage ordinaire, et aucun dictionnaire ne les explique de la manière dont les savans les entendent. Il na donc paru utile de donner ici un court Vocabulaire du langage ichthyologique, tel que le parlent la plupart des auteurs modernes, et par là de mettre à portée de comprendre leurs ouvrages ; ce qui seroit impossible sans cette espèce de clef de mots récemment inventés, et assurément trop multipliés. À chacun de ces mots, dont la plus grande partie n’est point reçue en DISTINCTIVES 8 français, je joindrai le mot correspondant en latin de nomenclature ; ce qui donnera la facilité d'entendre aussi les livres latins qui traitent de l’histoire naturelle des poissons, et de connoître les dénominations par les- quelles ils désignent les formes variées des diverses parties dans les différentes espèces. EE COR. POS 5 copase Le corps des poissons, considéré à l’exté- rieur, est : 1. OVÉ, ovatum , quand il approche de la forme d’un œuf, c’est-à-dire, lorsqu'il a plus de longueur que de largeur, et que lun des bouts est plus pointu que l'autre. 2. ARPRONDI OU ROND, orbiculatum, lors- qu'étant aplati, 1l a autant de diamètre en hauteur qu’en longueur. 3. OBLoNG , oblongum, s'il est plus long que large, n’ayant cependant pas, comme love, l’une de ses extrémités plus pointue que l’autre. 4. LANCÉOLÉ, lanceolatum , ici la lon- gueur surpasse sensiblement la hauteur, et une des extrémités est alongée en pointe. 5. OvÉ-LANCÉOLÉ , ovato-lanceolatum, lorsque la forme tient de celle de loveée et de la /ancéolée. F4 ! 88 DENOMINATIONS 6. LINÉAIRE-LANCÉOLÉ, linecri-lanceo= latum , quand la forme alongée ou lancéolée offre la figure d’une ligne. 7. ATTÉNUÉ, attenuatum, quand il pa- roît déprimé par la maigreur. 8. ExsirorMEe, ensiforme, ou en forme d'épée, c’est-à-dire, lorsque le milieu est un peu enflé, tandis que le dos et le ventre se terminent en carène tranchante, de ma- uière à ayoir quelque ressemblance avec une lame d'épée. 9. DÉPRIMÉ, plagioplateurn vel depres- sum, quand la largeur surpasse la hauteur. La différence qui se trouve entre déprimé et comprimé, c'est que le premier est l'effet de la pression verticale , tandis que le second est celui de la pression latérale. 10. COMPRIMÉ, catetoplateum vel com- pressum , lorsque ia hauteur surpasse la lar- geur. (Voyez ci-dessus le mot déprime.) 11. ANcCEPSs, en français et en latin; cette dénomination est la même, dans notre langue, que ensiforme où à deux tranchans, et nous n'avons d'autre moyen de l’exprimer en français que de dire : en forme d'épée. 12. EN COUTEAU, cultratum, quand la partie supérieure du dos est large et aplalie; DOS TION CPE TUVIE:S: 89 tandis que la partie inférieure du corps est comme lranchante. 15. EN CARÈNE ou CARÉNÉ, carinatum, quand la partie supérieure du dos est ar- rondie, tandis que linférieure du corps est tranchante, c’est-à-dire, en quille de vais- seau. 14. À TRIANGLES OU TRIGONE, {ISONUM, lorsqu'il se trouve trois saillies ou élévations sur toule la longueur du corps. 15. À QUATRE ANGLES, {ctragonum, quand sur toute la longueur du corps il se trouve quatre saillies. 16. À PLUSIEURS ANGLES, polygonum, quand sur la mêmie longüeur du corps il se rencontre plus de quatre saïllies. 17. EN FORME DE COIN ou CUNÉIFORME, cuneatum aut cuneiforme , quand le corps va en diminuant d'épaisseur , de la tête à la queue , et que cette dernière partie se ter- mine en une espèce de lame mince , comme un coin, dont on fait usage pour fendre le bois. 18. CYLINDRIQUE, cylindricum, c’est-à- dire , également rond daus toute sa longueur. . 19. ROND EN LONGUEUR, feres,, Cesl-à-dire, lorsque le corps étant rond, gd DENOMINATIONS Ya en diminuant insensiblement vers son exirémité. 20. EN FORME DE FUSEAU OU FUSIFORME, fusiforme, plus long que large, et ses deux extrémilés se terminant en pointe. 21. CONIQUE, conicum, arrondi dans toute sa longueur , se terminant en pointe, en diminuant insensiblement de la tête à la queue. 22. VENTRU, sentricosum , quand la partie inférieure est renflée. 23. Bossu, gibbum , quand la partie supé- rieure du dos est relevée et saillante , en forme de bosse. 24. ALÉPIDOTE OU NU, alepidotum aut nudum, c’est-a-dire, sans écailles. 25. EcAILLEUX , squamosum , recouverte d’écailles. 26. MACROLÉPIDOTE , macrolepidotum , couverte de grandes écailles. 27. ÉCAILLEUX-OCCULTE, occullé squa- mosum , lorsque de petites écailles sont en- veloppées par une pellicule. 28. Lis5E ou por, glabrum , lorsque les _écailles ou la peau ne sont ni rudes n1 raboteüses. | 29. GrissANT, lubricum ; lorsqu’enduit DISTINCTIVES. g1 d’une liqueur visqueuse , le corps glisse dans la main , sans qu'on puisse l’y retenir en le serrant. 30. HÉRISSÉ où MURIQUÉ DE POINTES, muricatum, quand la peau est toute armée d'espèces d'épines ou de piquans. 51. CATAPHRACTE, cataphractum , cui- rassé, armé de toutes pièces ; quand la peau est très-dure ou couvertes d’écailles , très- serrées et unies entre elles, de sorte qu’elles ne paroissent former qu’une seule pièce. 32. CUIRASSÉ, loricatum , ou revêtu d’une enveloppe osseuse. 33. ARTICULÉ, articulatum , ou composé d’anneaux qui s’emboitent les uns dans les auires. 34. EPiNeux , aculeatum , quoiqu’en latin cette dénomination diffère de celle de #u- ricalum , nous ne pouvons néanmoins la rendre en français que par hérissé de pi- quans où d’épines. 35. DracANTHE, diacanthum, qui a deux aiguillons ou épines. 36.'TRIACANTHE, ériacanthum , qui a trois aiguillons ou épines. 37. TETRACANTHE , tetracanthum , qui a quatre aiguillons ou épines. 99 DENOMINATIONS 38. POLY ACANTHE, polycanthum , qui a plusieurs épines ou aiguillons. 59. Pori, poux, leve, c’est-à-dire, à surface lisse , et qui n’est point rude au toucher. 40. JASPE Où MARBRÉ, variegalum , VariC de plusieurs couleurs. Li. DE peux coureurs, bicolor , qui a deux couleurs distinctes et séparées. 42. PIQUETÉ, pictum , marqué de très- pelits points. 45. RAY, lineatum , marqué d’une mul- ütude de petites lignes de couleur différente de celle du fond. Alu MAILLE OU ÉMAILLÉ, reticulalum seu cancellatum , on emploie celte dénomina- tion lorsque les lignes où raies se croisent de manière à former des espèces de mailles ou un réseau. 45. PoxXcTUÉ , punctatum , la différence entre ponctué et piqueté, c'est que la pre- micre expression indique de gros points, de couleur différente de celle du fond, au lieu que par la seconde on entend des points presque imperceptibles. 46. CERCLÉ OU CEINTURÉ, fascialum , LE ND SFTUNIC TI NES. (| Lex couvert de bandelettes transversales, longi- tudinales ou obliques. 47. RUBAXNÉ, vititatum , lorsque les ban- delettes s'étendent horisontalement de la tôte à la queue. 48. BRILLANT , rütens, dont la surface paroît luisante comme si elle étoit vernie. 49. TACHÉ, maculalum, couvert de grandes taches. 5o. ŒiLzLé, ocellatum , marqué de taches circulaires en forme d’anneaux. 51. ARGENTÉ, argenteum , de couleur d'argent bruni. 52. Doré, aureum , de couleur d’or. 53. MALACOPTÉRYGIEN, mnalacop- terygium, lorsque toutes ses nageoires sont formées par des rayons, sans aiguillon. 54. ACANTOPTÉRYGIEN , aCandopleriglum ; quand chacune des nageoires , ou seulement quelqu'une d’entre elles est soutenue dans ioute sa longueur , ou dans quelque partie par des aiguillons. 55. MoNOPTÉRYGIEN, mi-pinne Qui monopterygium , à une seule nageoire sur le dos. 56. DiPTÉRYGIEN, dipterygium auË Lipinne, qui a deux nageoires dorsales.. 4 DENOMINATIONS 57. TRIPTÉRYGIEN, ériplerygium vel tripinne, qui a trois nageoires sur le dos. 58. TETRAPTÉRYGIEN , fetraplerygium vel guadripinne , à quatre nageoires dorsales. 59. PENTAPTÉRYGIEN , pentapterygium aut guinguepinne , pourvu de cinq nageoires dorsales. 60. HEXAPTÉRYGIEN, hextapterygium sive sexpinne : qui présente six nageoires sur le dos. DES NA/CrE OTIR:ES. Les nageoires, pinnæ , que l’on pourroit nommer les membres des poissons, sont parfaites ou imparfaites , ou adipeuses. Les nageoires parfaites, perfectæ , sont composées d'osselets mobiles contenus dans une membrane, tantôt transparente et tantôt parsemée de taches, de points ou de lignes qui la rendent opaque ; cetie membrane est toujours la continuité de la peau du corps de l'animal. Les nageoires imparfaites, mancæ , sont composées de rayons mobiles ou séparés les uns des autres, ou étroitement unis, sans aucune membrane qui les lie entre eux. DES DEINOTIVE'S.) is Les nageoires adipeuses , ou fausses na- geoires, spuriæ , semblent n'être formées que par un prolongement de la peau, et sont dépourvues de rayons. On divise les nageoires parfaites en simples et en composées. Les nageoires simples, simplices, ont tous leurs osselets du même genre, ou tous rayons, ou tous aiguillons. Les nageoires composées, composilæ, ont leurs premiers osselets en aiguillons, et les _suivans en rayons. Les nageoires prennent des dénominations différentes, suivant les différentes parties du corps auxquelles elles sont attachées. On appelle nageoires dorsales celles qui sont placées sur le dos; peclorales, celles de la poitrine placées sous l'ouverture des ouïes de chaque côté : on les nommeaussi nageoires latérales ; ventrales, celles du ventre; anale, ou de l'anus, celle qui est près de l'orilice de l'anus ; caudale, caudalis , celle qui ter- mine la queue ; enfin, branchiales, bran- chiales, les nageoires placées près de l’oper- cule des ouies. Indépendamment de ces dénomisations , que les nageoires prennent à raison de leur position, on les distingue encore par d'autres 9% DENOMINATIONS épithètes qui se tirent ou de leur figure, où de leur place, ou de la subsiance dont elles sont composées, ou enfin de leur nombre. La nageoire dorsale considérée : 1° Sous le rapport de conformation se nomme égale; œæqualis , quand tous les osselets dont elle est composée sont de la même longueur , et qu’elle est par conséquent coupée parallèle- ment à sa base. ” Déclinée ou décroissante, declinata sive decrescens, quand le premier rayon du côté de la tête est plus long, et que les autres vont en décroissant du côté de la queue. Interrompue , 2nterrupta, lorsque les pre- miers et les derniers osselets sont plus longs que ceux du milieu. Triangulaire , triangularis, quand les rayons du milieu sont plus longs que ceux des côtés, et que ceux-c1 vont en décroissant vers chacune des extrémités. Trapezoïde , trapezoides, lorsque la na- geoire prend la forme d’un trapèze. Rhomboïde,ou rhomboïdale, ro mboïdea, quand la forme de la nageoire est celle d’un rhombe. 2°, Relativement à la piace qu’elle occupe, on la nomme longitudinaie, longitudinals, + FA) DISTINCTIVES. 9 si elle s'étend sur toute la longueur du dos, de la tête à la queue. Demi-longitudinale, ou raccourcie, semni- longitudinalis , quand elle n’occupe qu’une moitié de la longueur du dos. Occipitale, occipitalis , quand elle com- mence à l’insertion du corps avec la tête, ou sur la nuque, sans devenir longitudinale. Scapulaire , scapularis, quand elle est placée entre la nuque et le milieu du dos. En équilibre, æguilibris, quand le milieu de la nageoire se trouve précisément au milieu du dos, sur le point de l'équilibre. Deux à deux, trois à trois, binnæ vel ternæ distinctæ. Unies, connatæ. Contiguës , contiguæ. 3°. La nageoire dorsale, considérée sous le rapport de sa substance , est appelée pi- quante, aculeata, quand les osselets qui la composent sont durs et terminés en pointe aiguë. Molle, pliante, rayonnée, mollis, mutica seu radiata, lorsque ses osselets sont foibles, très-flexibles et sans aucun aiguillon. Ecailleuse, sguamosa, quand elle est recouverte d’écailles. Ramentacée, ou raclée, ramentacea : on Poiss. Tome IL. G 98 DENOMINATIONS dit qu’une nageoire est ramentacée, ou ce qui est synonyme, qu’elle est raclée, lorsque l'extrémité de ses osselets porte de petites et légères appendices qui paroissent être une portion de la membrane qui les recouvre, comme si on les avoit raclées. Couverte de soiïes, ou ssyeuses, setigera, quand des soies ou des poils sont implantés dans la membrane de la nageoire. 4°. Les nageoires dorsales, considérées par leur nombre, sont : Solitaire , soditaria, lorsque le dos n’en porte qu’une seule. Géminée, ou binnée, binæ, lorsqu'il y en a deux. T'ernées, {ernæ , quand :l y en a trois. Nulles, rullæ, quand le dos est absolu- ment dépourvu de nageoires. NAGEOIRES PECTORALES. Les nageoires pectorales différent entre elles pour la figure, la grandeur, les pro- portions, la position , la direction et le aombre. 1°. D’après leur figure, on les nomme : Rondes, ou circulaires, rofundæ, quand DISTINCTIVES. gû efles sont arrondies à leur extrémité, c’est- à-dire, quand les osselets qui les composent sont disposés en demi-cercle. En pointe, acuminatæ , ce qui s'entend de l'angle postérieur. En forme de faulx , falcaitæ, quand ces nageoires sont recourbées comme une lame de faulx. En forme de soc de charrue, vomeriformes, ce qui représente l’angle imparfait que forme cet instrument avec son manche. Unies, jointes ensemble , connatæ, lors- qu'étant rapprochées, elles semblent ne faire qu'une seule nageoire. 2°, Quant à la grandeur, on les nomme: Médiocres, ou proportionnelles, mediocres sive proportionales , lorsqu'elles sont égales en longueur à la quatrième partie du corps. Très-petites, minimæ, quand elles n’ont que très-peu d’étendue en proportion du corps. Très - grandes, maximæ , lorsqu'étant étroites elles paroissent grandes à proportion du corps. 3°. Relativement aux dimensions, elles sont : Longues, /ongæ , quand elles ont la lon- gueur de la moitié du corps. G 2 100 DENOMINATIONS Très - longues, Zongissinæ, quand elles . sont extrêmement alongées. Plus larges que longues, /atiores quam longæ , quand la hauteur excède la lon- gueur. Etroites, angustæ , lorsqu'elles ont peu d'épaisseur. 4°. Relativement à la situalion, on les nomme : Hautes, supremæ , quand elles occupent la partie la plus haute près des ouïes. Moyennes, mediæ, lorsqu'elles sont situées vers le nulieu du corps. Inférieures, ou basses, ënfimæ , lorqu’elles sont presque placées au thorax. 5°. Relativement à leur direction, on les appelle : Obliques , adscendentes, quand elles sont dirigées obliquement,. Droites, reclæ, quand elles se trouvent dans une direction perpendiculaire. Horisontales, horisontales, quand elles sont inclinées d’un côté dans une situation horisontale. Pendantes, dependentes, c’est lorsqu'elles penuent d’un côté ou de l’autre. DISTINCTIVES. 101 6°. Relativement au nombre, on dit qu'elles sont : Nulles, nullæ , quand il ne sen trouve point. Seule, ou solitaire , solitariæ , quand il n’y en a qu’une, Doubles, binnæ, vel duplices, lorsqu'il s'en trouve deux. NAGEOIRES VENTRALES. On distingue les nageoires ventrales d’après leur figure, leur structure , leur proportion, leur nombre, ou d'après leur situation, ce qui leur a fait donner différentes dénomi- nations. 1°. D'aprèsleur figure , on dit qu’elles sont : Obliquement tronquées, oblique truncatæ, lorsqu'elles paroïssent avoir été coupées dans une direction oblique. En trapézoïde , trapezoïdæ , quand elles présentent la forme d’un trapèze. Eu pointe, pointues, acuminalæ , quand leur angle postérieur se termine en pointe. 20, D'après leur structure, on dit qu'elles sont : Sans membrane, didactyles ou tridactyles, mancæ , didactylæ vel tridactylæ, quand , G 3 102 DENOMINATIONS dépourvues de membranes, elles sont bifur- quées ou trifurquées. Nombreuses en rayons, mulliradiatæ , lorsqu'elles en contiennent un grand nombre. Mousses, muticæ, lorsqu'elles sont dé- pourvues daiguillons. Composées, compositæ , lorsque , dans le nombre des osselets qui les composent , les uns sont mous el les autres épineux , c'est- à-dire, lorsque les premiers osselets sont des aiguiilons, et les suivans des rayons. 3°. D’après leur proportion entre elles, ou dit qu'elles sont : Proportionnelles, proportionales, lorsque leur grandeur est en proportion avec celle du corps. Très - longues , longissimæ , quand leur longueur est presque égale à celle du corps. Très-petiles, minimæ , lorsque , propor- tionnellement à la longueur du corps, elles sont trés-courtes. 4°. D'après leur nombre , on dit qu’elles sont : Nulles, rullæ, si le poisson est dépourvu de nageoires ventrales ; et c’est de là que quelques espèces ont reçu la dénominalion de poissons apodes , apodes. Doubles, duæ , lorsqu'il y en a deux. DISTINCTIVES. 103 5°, Enfin d’après la situation des nageoires ventrales , les espèces de poissons ont été distinguées par des dénominations particu- lières. On nomme les jugulaires , jugulares , les poissons qui ont les nageoires du ventre placées à la gorge, près du cou, c’est-à-dire, avant l'ouverture des ouïes, ou tout au plus au dessous, ou avant les nageoires pecto- rales , ou au moins à leur à-plomb ; alors les nageoires elles-mêmes se nomment aussi Jugulaires. Thorachiques ou pectoraux, thoracicæ , s'ils ont les nageoires du ventre placées au thorax, c'est-à-dire, peu après l'ouverture des ouïes , peu après l’à-plomb des nageoires pectorales. Les nageoires du ventre prennent aussi, dans cette position, le nom de éhora- chiques. Abdominaux, abdominales , les espèces dont les nageoires ventrales sont attachées à l'abdomen, ou plus près de l’anus que de la poitrine ; et ces nageoires prennent aussi l'épithète d’abdominales : les mêmes na- geoires ventrales se disent : Entourant ou enveloppant l'anus, arum abientes | lorsqu'elles bordent l'anus en entier, G 4 104 DENOMINATIONS Unies, coalitæ : elles ne paroissent faire qu'une seule et même nageoire , parce qu’elles sont jointes l’une avec l’autre par une membrane. Voisines où rapprochées, vicinæ , quand elles sont proches l’une de l'autre ; et, dans ce cas , elles sont situées toutes deux presque sur la carène du ventre. Eloignées, remotæ , quand elles occupent la partie inférieure de chaque côté du ventre, fort loin l’une de l’autre. NAGEOIRE ANALE. On donne à la nageoire anale ou de l'anus différentes dénominations , tirées de la figure, du nombre, ou de sa situation. 1°, Relativement à la figure, on la nomme : Egale ou coupée obliquement , æqualis, sive oblique truncata , quand tous ses rayons sont égaux en longueur, et que par con- séquent elle est coupée parallèlement à sa base. Déclinée ou décroissante , declinatu sive decrescens , lorsque le premier rayon est le plus long, et que les aulres diminuent gra- duellement de longueur. 2°. Relativement au nombre, on la nomme: DISTINCTIVES. 105 Seule , solitaire , solitaria, lorsqu'elle est seule et d’une seule pièce. Double, gemina, quand elle est divisée en deux, ou plutôt qu’il y a deux nageoires distinctes, 5°. Relativement à sa situation , on l’appelle: , Longitudinale , longitudinalis , quand efle va de l'anus à la nageoire de la queue. Moyenne , media, quand , prenant sa naissance à quelque distance de l’anus, elle n’atteint pas l'extrémité de la queue, et se trouve également éloignée de ces deux parties. Eloignée , remota , quand, prenant son origine à quelque distance de l'anus, elle s'étend jusqu’à la nageoire de la queue. Séparée , distincta , lorsque s'étendant très-près de la nageoire de la queue, elle en est néanmoins séparée. Unie, coalita , lorsqu'elle est adhérente à la nageoire de la queue. NAGEOIRE DE LA QUEUE. Cette nageoire, que l’on regarde vulgaire- ment comme la queue même du poisson, varie dans les différentes espèces à raison de sa figure, de sa grandeur, de sa con- nexion et de sa situation. 106 DENOMINATIONS 1°. Par rapport à sa figure , on l'appelle : Egale ou tronquée , ægualis sive truncata , lorsqu'elle est coupée carrément. | En flèche ou en lance, cuspidata sive lan-\ ceolata, lorsque les rayons du milieu sont plus longs que les latéraux. | Emarginée ou échancrée |, emarginata , | quand quelques osselets du milieu sont 1 peu plus courts que les latéraux. Partagée, partita , lorsqu'elle est divisée en parties égales. Lobée , Zobata , quand elle est divisée en parties le Découpée , laciniata , quand ae paroît divisée ou déchiquetée par lambeaux. En croissant, /unata, quand elle a la forme d’un croissant. Partagée en deux, bifurquée, bifurca, lorsqu'elle se divise en deux. En ciseaux, forcipata , lorsqu'elle diverge en se divisant à son extrémité. 2°. Par rapport à sa grandeur , on l’appelle : Médiocre ou proportionnelle , mediocris sive proportionata, lorsque sa longueur n’ex- cède pas la quatrième partie du corps. Grande , magna, quand elle dépasse les proportions ci-dessus. DISTINCTIVES. üor Petite, minuta , lorsqu'elle est bien moins longue que la quatrième partie du corps. 5°. Par rapport aux dimensions, elle est: Plus large que longue, latior, quam longa, lorsqu'elle a proportionnellement plus de hauteur que de longueur; et Plus longue que large, longior quam lata, quand c’est le contraire. 4°. Par rapport à sa connexion ou à son adhérence , elle s'appelle : Distincte, distincta, quand elle ne tient ni à la nageoire du dos, ni à celle de l'anus. Contigué, annexa, quand une membrane lunit, par une de ses extrémilés , à la na- seoire du dos, et par l’autre extrémilé à celle de la queue. bo, Par rapport à sa situation , on la nomme : Perpendiculaire , perpendicularis , lorsque cette nageoire est dans une situalion ver- cale. Transversale ou horisontale , éransversalis sive horisontalis , lorsqu'elle a une situation parallèle à l'horison. RAYONS DES NAGEOIRES. Les rayons des nageoires, ossicula pir- zarum , sont de petits osselels qui soutiennent les nageoires des poissons. 108 DENOMINATIONS 1°. Considérés relativement à leur naiure : Les uns sont d’une substance osseuse €! dure , qui leur a fait donner le nom d'ail guillons , aculei ; les autres, composés d’un sSubsiance moins dure, sont flexibles, et oi | les nomme rayons mous, radii molles: il 1 a des aiguillons qui sont lisses, inlegrt ; eh d'autres qui sont dentés, serrati. | 2°. Qriant à la figure , Il y en a de simples, sémplices: de fendus | fissi; de doubles, gernunt, qui n'ont qu'une base commune; d’autres sont bilides, brfiui ; c’est-à-dire, se partageant en deux vers la moitié de leur longueur; d’autres enfin se par- tagent en un plus grand nombre de parties, et on les nomme multifides, multifid. 3°. Quant à la siluation , Il y en a de clair-semés, rari, pressés les uns contre les autres, arcti, de séparés les uns des autres, separati, et de collés ensemble; c’est de cette espèce d'osselets qu'est formée la nageoire adipeuse. 4°. Quant aux dimensions, Il y en a d'égaux, æquales, d’autres qui sont inégaux, iræquales. 1 y en a qui vont en augmentant de grandeur, depuis le pre- muer jusqu’au dernier , croissant , crescentes ; DESTINCTIVES* 109 et d’autres qui vont en diminuant, décrois- sauts, decrescentes. L'A TÊTE, caput. Cette partie des poissons peut être consi- dérée sous les rapports de sa figure, de ses broportions, de ses Légumens, et enfin de es appendices. 1°. La figure, Comprimée , catetoplateum , si elle est iplatie par les côtés. Déprimée, plagioplateum , si elle est plus large que haute. Aiguë, acutum, si sa partie antérieure se lermine en pointe. Obiuse, obtusum , si le museau paroît comme tronqué en avant. Muflée , bucculentum , si elle a la forme d'un mufle de veau. l'étragone, tetragonum , si elle a une forme quadrangulaire ou carrée. En coin, cuneiforme , si étant aplatie, elle diminue insensiblement en grosseur, Presque carrée, sSubquadratum, si elle est presque carrée en avant. En pente, declive, si de son sommet elle s'incline insensiblement vers le bout du museau, 1100 DENOMINATIONS En carène, carinatum, si le chanfrein es creusé en goutlière. | Convexe, convexum , si le dessus du cran est bombé. | 2°, Les proportions, Plus larges que le corps, Zatius trunco si le corps est sensiblement moins larg qu'elle. Abplatie, humilius trunco, si elle a moin d'épaisseur horisontale que le corps. Proportionnée , pone trunco æquale , si s largeur et son épaisseur égalent celles du corps. T'erminée par un bec, rostratum. Alongée, elongatum, si elle se prolonge en pointe, sans cependant se terminer en bec, Etroile, anguslatum , si elle paroït comme resserrée par les côtés. Médiocre, mediocre, si elle est en pro- portion avec la troisième partie du corps. 3°. Les tégumens, Ecailleuse, squamosum , si elle est recou- verte d'écailles. Alepidote, alepidotum, si la peau qui la couvre est nue et sans écailles. Cataphracte, cataphractum, si elle est hérissée de pointes et d’aspérités. DIS TINCTIVES: 112 Cuairassée, loricatum, si son revêtement est d’une seule pièce et osseux. Lisse, glabrum, si la peau qui la couvre est unie et polie. Papilleuse, papillosum, si cette peau est parsemée de petits mamelons. __Poreuse, porulosum, si cette peau est criblée de petits trous. Rude, scabrum , si la peau est comme chagrinée. Tuberculée, tuberculatum, si elle paroît toute couverte de callosités. Piquante, aculeatum, si sa surface est hérissée d’épines. 4°. Les appendices, Barbue, ou cirrheuse, harbatum sive cir- rhosum, si l'extrémité du museau est garnie de barbillons ou cirrhes. Sans appendices, 2mberbe, avec des pin- nules, pinnulis, sive tentaculis ornatum , munie d'appendices sétacées et mobiles au gré du poisson, placées près des yeux ; c’est par cette position que les pinnules différent des cirrhes où barbillons. Huppée, cristatum, ayant une élevation en forme de crête. En bouclier, clypeatum, a elle paroît ‘armée d’un bouclier, | 113 DENOMINATIONS Rameuse, ramentosum, si elle paroît gar- nie d'espèces de ramifications. Epineuse, spinosum, si elle est armée d’un grand nombre de pointes aiguës. OUVERTURE DE LA BOUCHE, 71CIus. | | L'ouverture de la bouche n’est pas située de.même dans tous les poissons; sa figure, ainsi que ses proportions, varient dans les différentes espèces. 1°, Par sa situation , elle est Supérieure, superus , lorsqu'elle est placée sur la partie la plus élevée de la tête. Verticale, verticalis, quand, du sommet de la tête , elle retombe perpendiculairement. inférieure , inferus , quand elle est placée en dessous de la tête. Transversale, transversus, quand elle est coupée en ligne droite et parallèlement à la partie antérieure du corps. Oblique, obliquus, quand elle s'incline d’un côté, par rapport à la situation per- pendiculaire du corps. Montante, adscendens, lorsque, du bout du museau, elle remonte vers le sommet de la tête. Terminale ; | UD LSTENCTIVES: 113 | 'érminale , terminalis : quand elle est | située à l'extrémité du museau. | . 2°, Par la figure, on dit qu’elle est: ” Arquée, arcuatus, quand, d’un angle à l'autre, elle décrit une ligne courbe. Lainéaire ou droite, inearis vel rectus, quand , d’un angie à l’autre, elle forme une ligne droite. Circulaire ou sphérique, cércularis, lorsque son ouverture représente un cercle. T'abulée, tubulosus, quand son ouverture étroite et ronde se prolonge en forme de tube. Orbiculaire , orbicularis , quand Fouver- ture s’alonge en s’arrondissant comme une boule. Ovale, ovalis, quand, en se dilatant, l'ou- verture forme un ovale. | Parabolique , parabolicus , quand elle s'ouvre en parabole. 3°. Par ses proportions, elle est: Médiocre, mediocris, quand elie est en proporlion avec le corps. Lrès-grande, maximus vel ingens, quand sa grandeur est disproportionnée avec celle du corps. Petite, étroite, angustus, quand elle est Poiss. Tone IL. [el 114 DENOMINATIONS d’une petitesse sensible relativement au corps. | Egale à la tête, latitudini capitis æqualis ; quand son ouvertuie égale la largeur de la tête. MusEAU, rostrum. On entend par le museau des poissons la partie du devant de la tête, comprise depuis les he le front jusqu'à lextré- mité des màchoires ; 1l varie dans sa figure comme dans ses proportions. Quant à sa fisure, on le nomme : Déprimé , plagioplateum , quand il a moins de hauteur que de largeur. Comprimé, cateloplateum, quand il a plus de hauteur que de largeur. Sémi-conique , serniconicum , lorsqu'il a la forme d’un cône tronqué. Cylindrique, cylindricum ; lorsqu'il est à peu près aussi haut que large. Tubulé, tubulosum , quand, aussi haut” que large, il s’alonge en tube. A trois angles, triguetrum, quand, sur sa surface , il y a trois élévalions. A quatre angles, tetraquetrum , lorsque , sur sa surface, il se trouve quatre élévations. DIISTINCTIVES. 115 Triangulaire , ériangulare , lorsqu'il a une forme triangulaire. Ensiforme , anceps, quand le milieu étant un peu renflé , les deux côtés se terminent en angles aigus, de manière à lui donner quelque ressemblance avec la lame d’une épée. Obtus, obfusum, quand l'extrémité paroît comme tronquée. Pointu , acutum , lorsque cette même ex- trémité se termine en pointe. Effilé , cuspidatum , lorsque l’extrémité est très-alongée. Courbé en bas, inflexum, quand lextré- mité se reploie en bas. Relevé en haut, reflexum, lorsque l’ex- trémité se relève vers le sommet de la tête. F'endu en deux, bifidum , lorsque cette même extrémité est divisée en deux parties, 2°, Quant à ses proportions, on le nomme: Long, longum , court, breve, propor- tionné , proportionale ; ces lrois différentes dénominations sont relatives à la grandeur du corps. LES DENTS. Les dents des poissons s’appelient : H 2 110 DENOMINATIONS .a1°, Relativement à leur figure: Granuleuses, granulosi, si, à raison de leur petitesse, elles sont amoncelées conime de petits grains. Linéaires, acerosi vel lineares, si elles sont petites et minces. Aiguës , acuti, si elles sont piquantes. En alène, subulati, si elles sont un peu courbées et très-argués. Compriinées, compressi, si elles sont pressées les unes contre les autres. Obtuses , obtusi , si leur extrémité est arrondie. Arrondies, rotundati , si elles ont une forme à peu près sphérique. je Hémisphériques, semiglobosi, si elles ne sont arrondies que dans leur moitié. À deux tranchans, ancipites , si elles coupent des deux côlés,. _Plates, plani , si elies sont aplaties sur les côtes. ! En scie, serrati, si elles sont armées de dentelures sur les côtés. ; En demi-flèche, semisagittati, si leur extrémité est armée d’un crochet latéral. Coniques, conici, si, avec une base large, elles se terminent en pointe. 4 DISTINCTIVES. 117 Echancrées, emarginati, si’elles sont un peu fendues à leur extrémité. Seinblables , similes, si leur forme et leur graudeur sont les mêmes. Dissemblables, dissimiles, si aucune d’elles n'a ni la même forme, ni la mème grandeur. 29, Relativement à leur proportion, on les nomme : Egales, æœquales , si elles sont toutes de la même hauteur. | Inégales , iræquales , si elles sont de lon- gueur différente. J'rés-petites, mini, propor tionnellement à. la capacité de la mächoire. Médiocres, mediocres, proportion gardée avec la capacité de la mâchoire. | 5°. Relativement à leur direction, on les nomnie : Droites, erecti, si elles ne penchent pas plus d’an côté que de Fautre. Obliques , obliqui, si elles s’inclinent d'un CÔLE. Parallèles, paralleli, si on observe-entre elles la même direction ou disposition. Divergentes, divergentes, si, parallèles entre elles par la base, elles s'écartent Fure de l’autre par le sommet. H'5 dd 118 DENOMINATIONS Inclinées en dehors, exserti, si elles s’in- clinent en dehors par leur sommet. Inclinées en arrière, retroflexi, si, avec leurs bases parallèles, leurs sommeis se penchent en arrière. Inclinées en dedans, éntroversi , quand, avec des bases parallèles , elles s’inclinent en dedans par les sommets. 4°. Relativement à leur nombre , on dit qu'elles sont : Nulles , nulli, si la bouche est dépourvue de dents. Rangées , ordinati, si elles sont disposées sur un ou plusieurs rangs. Confuses, confusi, si elles sont placées sans ordre. Pntassées, conferti, si elles forment un groupe serre. Eparses, sparsi, si elles sont disséminées dans la bouche. 5°. Relativement à leur mouvement, on dit qu'elles sont : Mobiles, mobiles, si elles remuent et va- cillent dans les mâchoires. Immobiles , iämmobiles, si elles sont for- tement implantées dans la mâchoire. 6°. Relativement à leur situation, on les nomme : DES TINCTIVES. 119 Incisives, incisorii, celles qui sont au de- vant de la mâchoire. Molaires, molares, celles qui sont placées le plus en arrière de chaque côté des mâ- choires. | Canines, camini, celles qui sont entre les incivises et les molaires. | Palatines, palatini, celles qui sont im- plantées dans le palais. Labiées, Zabiati, celles qui bordent les lèvres. ‘Les mMaAcnoiïrEes, "mandibulæ. Les deux mächoires de la bouche des poissons différent entre elles, soit à raison de leur proportion, de leur figure, de leur situation, soit par rapport à leurs appendices, d’où on les nomme : | 1°. Par rapport à leur proportion : Egales, æguales , quand elles sont de la même grandeur. Inégales, inœquales , quand une des deux est plus avancée que Pauire. Médiocres, mediocres, quand leur gran- deur paroît proportionnée avec celle du corps. Très-grandes, maximæ, proportion gardée à la grosseur du corps. H 4 120 DENOMINATIONS Très-petiles, 77inimæ , relativement à la grosseur du corps. 2°, Par rapport à leur figure : Déprimées, piagioplateæ, quand elles ont plus de largeur que de hauteur. Aiguës , acutæ , quand leur partie anté- rieure est terminée en pointe. En alène, subulatæ , quand, d’une base arrondie , l'extrémité se prolonge en une pointe aigue. nues porrect®æ , Re , Sans être 1 aiguës, ni pointues, elles s'étendent en avant. En carêne, carinalæ, quand elles sont élevées en carène, soit en dedans, soit en dehors. Avec des lèvres, Zabiatæ , lorsqw’elles ont une ou plusieurs lèvres. Nues, zudæ sive labiis destitutæ , quand elles ne sont point recouvertes par les lèvres. Pliées en arc étroii, angustè arculæ, quand, dans ieur courbure, elles décrivent une sorte d’ellipse. Pliées en arc ouvert, late arcuate, quand Jeur courbure approche de la forme d’un segment de cercle. Plhiées en angle, angulalin arcuatær, quand leur courbure est en angie curVi- ligne. 5 “ocone ul DTISTINCTEVES: 121 .‘ Anguleuses, angulatæ , quand leur forme est angulaire. Sans dents, edentatcæ. Ou avec des dents, dentatcæ. Ou avec de’ petites dents, denticulatæ. Diversement deniées , varié dentatæ , quand les dents sont de différentes formes. 3°. Par rapport à leur situation : Supérieures, stpremæ , si elles sont placées dans le haut de la tête. Inférieures , irfimæ , si elles occupent le bas de la tête. Moyennes, mediæ , si elles se trouvent à peu près vers le milieu de la tête. Terminales, terminales, si elles sont pla- cées à l’extrémité du museau. * Inclinées, z2cumbentes, si elles sont pen- ones Emboîtées, vaginales , si l’une est recou- verte par l’autre, soit eu tout, soit en partie. 4°. Par rapport à leurs appendices : Garnies de barbillons, cirrhosæ, soit que ces barbilions se trouvent à la mâchoire supérieure ou à l’inférieure,, soit que l'une et l’autre en soient munies. Voiices, fornicaitæ , si elles sont recou- vertes par une membrane attachée intérieu- 153 DENOMINATIONS rement à leur bord antérieur par une de ses extrémités, tandis que l’autre bord, coupé iransversalement , pend sur la gorge. LES NARINES, 720res. Files sont placées sur le devant du museau, et presque toujours en avant des yeux ; elles diffèrent entre elles : 1°. Par leur situation, et elles sont Antérieures, anteriores , quand elles sont placées à l’extrémité antérieure des mà- choires et loin des yeux. Moyennes, medicæ, quand elles sont pla- cées entre les yeux et l’extrémilé des mà- _choires. Postérieures, postrenæ, quand elles sont situées à la partie supérieure du museau, au dessous et proche des. yeux. 1 Marginales, marginales, lorsqu'elles oc- cupent presque le bord de la mâchoire. Supérieures , supremæ, quand elles sont placées sur le sommet de la tête, et qu’eiles touchent presque les yeux. Obliques, obliquæ , lorsqu'il y en a une plus avancée ou plus reculée que l'autre. Droites, rectæ , quand elles sont placées toutes deux sur la même ligne. DISTINCTIVES. 125 Voisines, conliguæ Vel vicinæ , quand leurs ouvertures sont trèes-rapprochées l’une de l’autre. | - Eloignées , distantes , lorsque les ouver- tures sont distantes l’une de l'autre. 29, Par leur figure, elles sont : Rondes, rotundæ, quand leur orifice anté- rieur est arrondi. Ovales, ovales , quand leurs ouvertures sont ovales. Oblongues, oblongæ, lorsque leurs ouver- tures sont un peu alongées. Tubulées ou tubuleuses, t4bulosæ, quand leur bord, s’élevant un peu, forme une espèce de tuyau. Cachées par les lèvres, obtectæ , lors- que la lèvre supérieure sur - tout les re- couvre. Découvertes, apertæ , lorsque rien ne les cache. | 5°. Par leur nombre, elles sont : Solitaires , ou simples, sotariæ, lorsqu'il n'y a qu'une ouverture de chaque côté. Doubles, geminæ , quand il y a deux ouvertures de chaque côté. Nulles, nullæ, quand il n’y a point d’ou- vertures. 124 DENOMINATIONS 4°. Par leur proportion, elles sont : Inégales, inæquales , quand une des ouver- tures est plus grande que l'autre. Petites, parvæ sive exiguæ , quand les ouvertures sont petites. Impercepiibles, irconspicuæ, quand à peine on aperçoit leurs couvertures. Les vYEuUx. Les yeux des poissons, toujours au nombre de ue , sont appelés , . Par rapport à leur figure : , Pianes , plani vel Herbes , quand leur globe n'excède pas, par sa convexité, la surface de la’ tête. ; Protubérans, protuberantes, quand la con- vexité du globe excède la surface de la tête. ” Un peu convexes, demissè convexi, quand ils ne sont ni trop convexes, ni trop aplatis. Globuleux, globosi, quand ils sont bien arrondis. Ovales , ovales, lorsqu'ils ont plus de dia- mètre en longueur qu’en hauteur. Oblongs, oblongi, quand ils sont un peu alonges du côté des ouïes. . Par rapport à leur situation : Latéraux, laterales, quand ils sont placés sur le côté de la tête. | DISTINCTIVES. 125 Elevés, supremi, quand ils sont placés très-haut sur le côté de la tête, Verticaux, verticales, lorsqu'ils sont situés sur le somimet même de la tête. Intermédiaires, medu, lorsque leur situa- tion est mitoyenne entre le soinmet de la tête et le bout du museau. ; Accouplés, binnati vel unilateres, quand ils sont placés tous deux du même côté. Voisins, vicini, quand ils sont très-rap- prochés l’un de Fautre. Eloignés, inter se remoti, lorsque placés sur les côtés de la tête, il se trouve entre eux une grande distance. 8°. Par rapport à leur proportion : Grands, magni, proportionnellement au volume de la tête. Médiocres, proportionales sive mediocres, quand leur grosseur est en proportion avec celle du corps. Très-petits, minimi, quand ils sont sen- siblement petits, eu égard au volume du corps." 4°. Par rapport à leurs tégumens: Nus, nudi, lorsqu'ils ne sont pas pourvus d’une membrane clignotante. A demi-couverts, semitecti, quand ke 126 DENOMINATIONS membrane clignotante étant échancrée, n’en couvre qu'une partie. Couverts, tecti velamento, quand tout le globe de l'œil est recouvert par la mem- brane clignotante. Les yeux sont composés extérieurement de deux parties principales, qui sont la pupille, pupilla; et iris, ris, qui varie en couleurs. On nomme la pupille: Orbiculaire, ou sphérique, orbicularis, quand elle a un diamètre égal dans tous ses points. | Ovale, ovalis, quand le diamètre en lon- sueur excède celui de la hauteur. Ovée, ovata, quand non seulement elle a plus de HU en longueur que la hau- teur, mais quand l’une de extrémilés est plus effilée que l’autre, c’est-à-dire , quand elle a la forme d’un œuf. Ambple , ampla, quand elle a une grande capacité. Resserrée, angusta, quand son volume n'est pas considérable. Anguleuse, angulata, quand de chaque côté elle se termine en angie. L'iris prend aussi différentes dénomina- tions, suivant la différence de ses couleurs. DISTINCTIVES. 127 On dit qu’elle est: Dorée, ou couleur d’or, aurea, quand elle est d’un jaune doré. Argentée, argentea, quand sa couleur est d’un blanc argenté. Olivâtre, olivacea, lorsque sa couleur est d'un verd approchant de l’olive. Fauve, fusca, quand sa couleur approche du rouge brun. Pointillée, punctata, quand elle est par- semée de petits points. Nébuleuse, nebulosa, quand elle paroît ombragée de nuages. EUAUN U O UE), ruCha. Les poissons n’ont point de cou; leur tête se termine à la nuque, après laquelle com- mence immédiatement, et sans interrup- tion, le tronc qui comprend toutes les par- ties situées entre la tête et l'extrémité de là queue. La nuque est la partie antérieure du tronc la plus charnue, qui s'étend depuis la première ou la seconde vertébre jusques sur le sommet de la tête, du moins dans quelques poissons. On la dit: | En carène, cerinata, quand elle offre une saillie qui se termine en angle aigu. 128 DÉENOMINATIONS Convexe, convexa , lorsqu'elle est bom- bée en dessus. Sillonnée , sulcata, quand sa surface est par sillons. Plane, plana, quand sa surface est lisse. Relevée, adscendens , quand elle fait saillie par dessus le crâne. Courbee, arcuata , quand elle en forme un arc. LE pos, dorsum. Le dos est la partie supérieure du corps qui s'étend depuis la nuque jusqu’à la queue. Le dos prend différentes dénominations à raison de sa figure, de ses proportions et du nombre des nageoires dont il est pourvu. 1°. À raison de sa figure, il est: Droit , rectum, quand il ne forme aucune inflexion. Arqué, arcuatum, quand il est fait en croissant. ; Bossu, gibbosum, quand il est relevé en bosse. Aplati, planum, quand il est affaissé. Convexe , convexum, quand il est bombé en dessus. Caréné , carinatum , quand Ja saillie est amincie DISTINCTIVES: i2q amincie et comme tranchante , ou plulôt qu'il est fait en quille de vaisseau. Canaliculé, canaliculatum, quand sa sur- face supérieure est creusée en gouttière. 2°. À raison de ses proportions, il est : Plus ou moins gros que l'abdomen, cras- sius vel tenuius abdomine, quand il est plus ou moins large que le ventre. Plus ou moins arqué que labdomen, majus vel minus arcuatum abdomine. 3°. À raison du nombre de ses nageoires, il est : Monoptérygien , monoplerygium seu uni- pinne, quand il ne porte qu'une seule na- geolre. Diptérygien , dipterygium vel bipinne, quand il a deux nageoires. T'riptérygien , triplerygium sive tripinne , quand il a trois nageoires. Aptérygien, apterygium sive apinne, lors- qu'il est dépourvu de nageoires. LEs cÔTÉS, latera. Les côtés s'étendent depuis l'ouverture des _ouïes jusqu'à l'anus; ils sont : Plats, plana, quand on n’y aperçoit n1 sallies , ni enfoncemens. Poiss. Tome IL. I 130 DENOMINATIONS Convexes, convexa, lorsqu'ils sont bombés de chaque côté. À demi-convexes, demissé convexa sive subconvexa aut convexiuscula , quand leur convexilé est moins saillante. Anguleux , angulata, lorsqu'ils forment deux angles opposés par leur base. Carénés, carinata, lorsqu'ils tinitent par leur forme la quille d'un vaisseau. Armés d’aiguillons, aculeata, quand, sur leurs surfaces , 1l se trouve des piquans. Tuberculeux , éuberculata , lorsqu'il se trouve des tubercules sur leurs surfaces. Dentelés, serrata, quand les écailles qui les recouvrent sont disposées en forme de dents de scie. | LA GORGE, gula. La gorge est située entre les ouvertures des ouïes ; on lui donne les dénominations suivantes : Ventrue, ventricosa, quand elle est plus grosse que la têle ou que le corps. Convexe, convexa, quand elle est bombée de chaque côté, et qu’elle excède la largeur du tronc et de la tête. En carêne, carinata, quand elle offre une saillie triangulaire à son extrémité. DISTINCTIVES. 155 Plane , plana, quand elle est au même niveau que la tête et le commencement du tronc. LA POITRINE ET LE VENTRE. La poitrine, pectus, que l’on nomme aussi thorax , prend son origine à la base des mâchoires, et s’étend jusqu'à l’insertion des pageoires pectorales. Le ventre, venter, est celte cavité qui règne depuis la poitrine ou le thorax, jus- qu'à l’origine de la queue ou de l'anus. On nomme abdomen, abdomen, la partie exté- rieure du ventre qui prend différentes déno- minations , suivant sa figure. Caréné, carinatum , lorsqu'il est aminci en tranchant par le bas. Plat, planum, quand il n'offre ni enfon- cement, ni saillie. Proéminent , proeminens, quand il fait saillie de chaque côté. Arqué, arcualum , quand il forme deux alCS OPposés. Enflé, tumidum, lorsqu'il paroît bour- soufflé. Dentelé, serratum, quand son bord infé- rieur est dentelé comme la lame d’une scie. 1 2 132 DENOMINATIONS EAN US. L'anus , anus , est situé entre l'extrémité du ventre et l'origine de la queue ; il s'appelle : Eloigné , remotus, quand il est plus prés de la queue que de la tête. Gulaire, gularis, quand il est sous la gorge et près de l’ouverture des ouïes. Pectoral , pectoralis, quand il est sous les’ ouïes , près de la poitrine. Au milieu du corps, mnedius , lorsqu'il occupe le milieu entre les ouïes et l'extrémité de la queue. Latéral, lateralis, quand son orifice est placé sur l’un des côtés. LA QUEUE, cauda. C’est la partie postérieure du corps qui est charnue ; elle prend son origine à l'anus, et termine le tronc. Elle est plus ou moins grosse , plus ou moins longue, et son exiré- mité affecte une forme différente dans les diverses espèces de poissons. C’est d’après ces différentes formes qu’elle prend des noms différens. On la nomme : 1°. Relativement à sa grosseur : Cylindrique , ou ronde en long, £eres DESTINCTIVES. 133 sive subcylindrica , quand elle ne présente ni angles , ni saillies, ni cavité. . Comprimée, catetoplatea sive compressa, quand ses côtés sont aplalis. Déprimée, plagioplatea sive depressa , quand elle a plus de largeur que de hauteur. _ En carêne, carinala , quand sa partie inférieure offie la forme de la quille d’un Vaisseau. Anguleuse , angulosa, quand elle forme un angle. Tétragone, tetragona, quand elle présente une figure à quatre angles. Hérissée d’aiguillons, muricala, quand sur sa surface il se trouve un grand nombre d'aiguillons. 20, Relativement à sa longueur : Longue , longa, lorsaue sa longueur ex- cède celle de la moitié du tronc. Médiocre , mediocris, quand sa longueur est égale à celle de la moitié du tronc. Courte, brevis, quand elle est bien plus courte que la moitié de la longueur du tronc. 30. Relativement à sa forme : Pointue, acuta, quand de sa base à l’extré- mité elle diminue insensiblement en pointe. 1 5 154 DENOMINATIONS En alêne , subulata, lorsqu’arrondie à sa base elle se termine en pointe aiguë. Tronquée, truncata , quand dans sa lon- | gueur elle paroît tranchée net. Ronde, rotunda, quand elle est parfaite- ment arrondie. Spatulée , spatulata , quand elle est aplatie à son extrémité comme une spatule. Aptérygienne, apterygia , quand elle est dépourvue de nageoire. Diptérygienne , dipterygia, quand sa na- geoire se partage en deux jusqu’à son extré- mité. LEs ÉCAILLES, squamcæ. L Les écailles sont des lames aplaties, de substance cornée et à demi-transparente, dont le corps des poissons est recouvert en tout ou en partie; elles sont arrangées les unes sur les autres, comme les ardoises des toits, et ne sont pas adhérentes entre elles, du moins dans la plupart des poissons; car il y a quelques espèces de ces animaux dont les écailles très-serrées et unies semblent ne former qu’une seule pièce. On a donné à cette espèce de revêtement osseux le nom de cuirasse , lorica. D’autres sont couverts de ces mêmes écailles osseuses, mais distinctes , - DISTINCTIVES. 135 et cependant se tenant collées les unes aux autres : c’est ce qu'on appelle armure , cata- phrasta. Il y a des écailles très-minces, et qui, en tout ou en partie, sont d’un brillant doré ou argenté ; d’autres sont tellement épaisses que leur dureté approche de celle des os. 1°. À raison de leurs formes , on les nomine : Arrondies, subrotundæ, quand leur ex- trémité décrit un demi-cercle. Ovales , ovales, quand leur extrémité décrit une portion de cercle plus longue que large. Oblongue, oblongæ , quand la portion de cercle que leur extrémité décrit est encore plus alongée que la précédente. Hémisphériques, semiorbiculatæ, quand elles ont la forme d’une boule coupée par le milieu. Anguleuses, angulatæ , quand leur extré- mité est taillée en angle aigu. Carrées, subquadratæ , quand cette même extrémité est coupée carrément. Crénelées , crenatæ , quand elles ont des échancrures à leur extrémité. Dentées, dentalæ , quand elles ont de petites dents. l 4 156 DENOMINATIONS Hérissées de pointes, aculeatæ , quand leur surface est garnie de pointes aiguës. Ciliées, ciliatæ, quand elles sont recou- vertes de pointes fines et semblables à de la soie. 2°. À raison de leur superficie, on les nomme : Glabres, glabræ , quand elles sont lisses et sans piquans. Rudes , asperæ , lorsque leur surface est raboteuse. Striées en rond , cércinnato-striatæ , quand elles sont rayées de pelits sillons circulaires. Rayonnées, radiatæ , quand leur surface est sillonnée de rayons divergens. Inégales, z1æquabiles, lorsque leur sur- face est inégale. Tuberculeuses, tuberculatæ , quand elles sont parsemées de pelits tubercules. Ponctuées, punctatæ, quand leur surface est parsemée de pelits points. 9°. À raison de leur disposition , on les noinme : Imbriquées ou tuilées, zmbricatæ , lors- qu'elles sont disposées en recouvrement les unes sur les aulres, comme les tuiles d’un toit. DISTINCTIVES. 137 Obliquement imbriquées, obliquè imbri- catæ , lorsque, disposées par rangées dis- tnctes , elies sont en recouvremeni les unes sur les autres dans chaque rangée seulement. Conliguës , contiguæ, quand elles sont placées à côté l’une de l’autre sans être en recouvrement l’une sur lautre. Rares, remolæ vel rare , quand elles sont un peu écartées les unes des autres. Très-petites, mininæ , quaud elles sont si petites qu’on peut à peine les distinguer a la vue. Cachées, occultæ , quand elles sont recou- vertes par l’épiderme. 4°. À raison de leurs dimensions, on les nomme : - Grandes, magnæ ; petites, parvæ ; très- petites, minimæ ; imperceplibles , six cons- picuæ , relativement à la grosseur du corps. 5°. À raison de leur connexion, on les homme : Tombantes, deciduæ , lorsqu'elles se dé- tachent facilement de la peau. Fixes , fixæ , quand elles se séparent diffi- cilement da corps. 133 DENOMINATIONS LIGNE LATÉRALE; dinea lateralis On donne le nom de latérale à cette ligne qui s'étend sur les côtés des poissons, et fait la séparation entre le dos et le ventre ; elle s'étend depuis les ouïes jusqu’à la nageoire de la queue. Elle est formée par une série continue de points el quelquefois de petits tubercules, qui sont les orifices d’une mul- titude de vaisseaux excréteurs qui y abou- üssent, et d’où suinte une humeur visqueuse propre à entretenir la souplesse de Îa peau du poisson, et le défendre contre le froid et la compression de l’eau. 1°. Par rapport à la situation, la ligne latérale est : Très-élevée, suprema, si elle se rapproche beaucoup du dos. Moyenne , media, si elle est à peu près au nulieu des côtés du corps. Basse , infima, si elle se rapproche plus du ventre que du dos. 20, Par rapport à sa figure, elle est: Ponctuée , punctata , si elle est formée de points. Linéaire , lineata , si elle est formée par de petites lignes interrompues. DISTINCTIVES. 159 Anmnulaire , annulata , si elle est composée d’une suite de petits anneaux ovales. Dentée, dentata, si elle est marquée par une série de petites dents. 9°. Par rapport à sa direction, elle est: Droite , recia , si elle s'étend de la tête à la queue sans aucune inflexion. Courbe, curva, si, dans sa direction , elle s'incline ou vers le ventre ou vers le dos. Flexueuse où mixte, flexuosa, si, dans l’espace qu’elle parcourt, elle est en parte droite et en partie courbe. Interrompue, interrupta, si elle se partage en deux ou en plusieurs parties qui ont des directions différentes. Descendante, descendens , si de la nuque elle descend à la queue en ligne oblique. Oblitérée ou effacée , obliterata , si elle est apparente. 4°. Par rapport à sa superficie, elle est : Lisse, glabra , si elle ne présente ni éléva- tions , n1 aspérités. Epineuse , spinosa , si sa direction est marquée par des épines. Imbriquée , émbricata , si elle est formée par une espèce particulière d’écailles placées en recouvrement les unes sur les auires. nca 140 DENOMINATIONS Imprimée en creux, émpressa, si elle est en sillon un peu enfoncé. Imprimée en relief, eminens, si elle est en ligne saillante. Poreuse , porosa, si elle est formée par une série de petits trous placés les uns à la suile des autres. Cuirassée , loricata , si le reste du corps étant lisse , elle est seule armée de pointes, d'os ou de tubercules. os LIGNES INTERSTITIALES ; lneæ interstitiales. Ce sont des raies transversales, ou lon- gitudinales, que l’on remarque sur la peau nue de quelques espèces de poissons aux endroits où les muscles se joignent. MATIÈRE VISQUEUSE; nuCusS exlernus. | Cette matière gluante et visqueuse , dont le corps de la plupart des poissons est enduit et qui les rend glissans dans la nian, ne suinte pas seulement des pores de la tête et du corps , ni des orilices des vaisseaux de la ligne latérale ; mais il paroît aw’elle est produite par des glandes excrétoires DISTINCTIVES. 141 répandues sur toute Ja surface du corps, et qui la poussent à l’extérieur par des pores particuliers : on doit regarder cette sécrétion comme une espèce de tranpiralion que la Nature a destinée, soit à empêcher les écailles de se coller les unes contre les au- tres , ou de trop se dessécher , soit à s’op- poser à l'entrée de l’eau , par les pores, dans l’intérieur des poissons ; soit enfin à les rendre plus souples et plus susceptibles d'exécuter leurs divers mouvemens dans l’eau. OUVERTURE DES BRANCHIES; foramina branchiarum , apertura Pran- chialis. | 1°. La différence dans la situation des ouvertures des branchies, ou ouvertures branchiales, leur a fait donner les épithètes suivantes : Gulaire , gularis , si l'ouverture est au dessous de la gorge. Latérale , lateralis, si elle est sur les côtés. Cervicale, cervicalis , si elle se rapproche du derrière de la tête. Occipitale, occipitalis , si elle est située vers la nuque. 142 DENOMINATIONS 2°. Sa forme l’a fait appeler : Arquée , arcuata, si elle a la forme d’un croissant. En tube, t4bulosa, si elle est formée en tuyau. Tortueuse, repanda, si elle fait plusieurs sinuosités. Ovée, ovata , si elle a la forme d’un œuf. Droite , recta , si elle ne s'incline d'aucun côté. Tinéaire , linearis , si elle se montre comme une ligne étroite. Oblique , obliqua, si elle s'incline un peu de côte. | 5°, Ses dimensions l’ont fait nommer : Médiocre , mediocris , si elle est en pro- portion avec le volume du corps. Grande , très-ample , magna et amplis- sima , si elle est disproportionnée par son ampleur, relativement à la tête. 4°. Ses tégumens lui font donner les dé- nominations suivantes : _ Operculée , operculata, si elle est recou- verte en entier par les opercules. Sénui-operculée, seminudata, si elle n’est recouverte qu'à moijiié par l’opercule. 1 | DISTINCTIVES. 145 Découverte , nue, intecta vel nuda, si l’opercule est bäillante. Ouverte, aperta, si elle est dépourvue d’opercule. AIGUILLONS ET TUBERCULES RUDES, qui s'élèvent sur la peau des poissons; aculei et tubercula aspera. Outre les aiguillons , ou rayons osseux, durs et piquans des nageoires, il y en a d’autres qui sont des tubercules osseux, implantés dans la peau du corps de quel- ques espèces de poissons. Ils sont différens des pointes dont la tête de quelques autres espèces est hérissée , el qui ne sont que des apophyses saillantes des os de la tête. APPENDICES, additamenta. Les barbillons ou les cirrhes sont des appendices des mâchoires dont il a déjà été question précédemment. Les pinnules, pinnulæ , sont de petits rebords ou proéminences externes , res- semblant en quelque sorle aux pelites na- geoires adipeuses en aux barbillons , et qui sont placées tantôt près des yeux , tanlôt prés des narines, et d’autres fois sur la 144 DENOMINATIONS queue de quelques espèces de poissons, Files ne diffèrent des cirrhes ou des bar- bilions que par la place qu’eiles occupent. Il y en a de sélacées, d’aplaties, de den- telées et de triangulaires. La crète, crista, est une petite pinnule placée sur le sommet de la tête. Les tentacules , tentacula, sont de longs cartilages sétacés , longs et mobiles, qui sont implantés sur le museau ou sur le front dé certains poissons. Les raclures, ramenta , sont de petiles appendices fibreuses et moiles, qui se trou- vent à l’extrémité et au bord postérieur des osselets, comme si la membrane dont ils sont recouverts avoit été raclée. Les épines, spinæ , prolongemiens très- aigus, nus et immobiles de l'os de la tête et du front dans queiques espèces de pois- sons. | Les aiguillons , aculei, sont, comme les épines, des corps durs, osseux et pointus; mais ils en diffèrent en ce qu'ils sont i:0- biles à droite ou à gauche , en avant ou en arrière, par des muscles particuiiers , tandis que les épines sont fixes et e sont susceptibles d'aucun mouvement. il ne faut pas confondre ces aiguillons avec ceux des nageoires. DISTINCTIVES. 145 nageoires. ( Voyez ci-devant l'article des nageoires.) Les doicts, digiti, osselets flexibles , sé- tacés, séparcs et libres, placés, dans quel- ques poissons , entre les nageoires pectorales el les ventrales. Le bouclier, clypeus vel scutum , est une espèce de disque ovale, plat, dur et rude au toucher ; il couvre la tête et la poitrine de quelaues poissons. La suture, sutura, ligne rude ou à pointes, qui s'élève sur le dos et l'abdomen de quelques poissons. Parties intérieures des Poissons. LA LANGUE, lngua. Tous les poissons ont une langue; ils en ont, du moins, la base ou la racine. Elle n'est point d’un usage aussi indispensable- ment nécessaire aux poissons qu'aux qua- drupèdes et aux cétacés ; car les premiers l'ont ou imparfaite ou cartilagineuse , et presque toujours immobile. La langue des poissons varie par sa figure, sa substance , sa surface et par les mouve- mens dont elle est susceptible. 1°. Par sa figure, on la nomme : Poiss. Tone II. K. 146 DENOMINATIONS Aiguë , acuta, lorsque son extrémité se termine en pointe. En alène, subulata, lorsqu'elle est ar- rondie à sa base, et qu’elle se termine en pointe longue comme lalène des cordon- niers. Obtuse, obtusa , lorsque son extrémité est tronquée et comme coupée. Éniüére , értegra, quand elle n’a aucune espèce d’échancrure. * Echancrée , emarginata, quand son ex- trémuté est fendue en deux parties. Frangée, ciliala , quand ses côlés sont déchiquetés en frange. Carénée, carinala , quand il se trouve une saillie soit en dessus, soit en dessous. Convexe, convexa , quand son plan su- périeur est arrondi, et que linférieur est aplati. Plane , plana , quand ses deux plans sont aplatis. 2°, Par sa substance , on la nomme : Charnue , carnosa , quand elle est toute dé chair. Cartilagineuse , cartilaginea , quand elle est d’une substance plys dure, épaisse et Didsse , Crussa, DISTINCTIVES. 147 3°. Par sa surface , on la nonime : Lisse , glabra , quand sa surface n’a ni denis, ni aspérités, ni papilles. Papillonnée ou mamelonnée, papillosa, quand elle est couverte de papilles ou de petites éminences. molles et rondes. Rude , scabra , quand sa surface est comme du chagrin. Dentelée ou denticulée , denticulata ; quand sa surface est couverte de très-petites dents égales. Dentée , dentata , quand sa surface est armée de dents différentes entre elles, soit par leur forme , soit par leurs proportions. 4°. Par ses mouvemens, on la nomme: Libre, mobile, so/uta, quand rien ne l'empêche d'exécuter ses mouvemens. Ailachée, immobile, annexa , immobilis, quand des ligamens l’empêchent d'exécuter ses mouvemens. Engainée, vaginata, quand elle est recou- verte d’une membrane qui forme une voûte dans les mâchoires de quelques poissons. Les BRANCHIES , OU LES OUIES , brarchiæ: Ce sont les organes par lesquels les pois- sons respirent, et elles sont situées entre la tête et le tronc. K. 2 148 DENOMINATIONS Les branchies varient soit à raison de leur situation , soit par rapport à leur figure. 1°. Par rapport à leur situation, on les appelle : Première, prima, seconde, secunda, troi- sième, terlia, quatrième ou dernière , guartæ vel ultima , suivant qu’elles sont plus près ou plus éloignées de l’opercule. Voisines, vicinæ, quand toutes aboutissent à leur ouverture. Reculées ou enfoncées, retroactæ, quand elles sont plus près de la bouche que de leur ouverture. Operculées , ou couvertes , operculatæ , quand elles sont entièrement recouvertes par les opercules. Cachées , occultæ , quand l’opercüle, étant collé au tronc, ne peut s'ouvrir. Nues, denudatæ , quand elles n’ont point d'opercules. Latérales, laterales, quand elles sont pla- cées sur les côtés, et c’est la position la plus commune. Occipitales, occipitales, lorsqu'elles sont placées sur le cou ou sur la nuque. 2°, Par rapport à leur figure, on les appelle. DISTINCTIVES Semblables, similes, quand elles sont con- formées l’une comme l’autre. Dissemblables, dissimiles , quand leur con- formation est différente. Inégales , inæqguales, lorsque l’une est grande et l’autre petite. Courbées, arcuatæ, quand elles sont cour- bées en arc. Compliquées, complicatæ, quand les deux bras d’un arc un peu courbé se rapprochent, sous un angle trés-aigu, de la bouche fermée. En crochet, uncinatæ , quand le bras infé- rieur presque droit est deux ou trois fois plus long que le supérieur courbé. Monophyles, monophyllæ, diphyles, di- phyllæ , quand elles sont garnies d’un ou de deux rangs d’osselets. Tuberculées, infra tuberculatæ, quand la partie arquée de losselet est chargée en dessous de tubercules. Armées de pointes, aculeatæ, quand la partie concave de l’osselet est hérissée de piquans. Dentées, serratæ , quand la partie concave de l’osselet esL dentée comme une scie. Glabres ou unies, glabræ, quand la partie _concave de l’osselet est lisse et sans aucune aspérilé, K 95 150 DENOMINATIONS Pectinées, pectiniformes , quand la partie convexe de l’osselet est garnie de barbes, semblables aux dents d’un peigne: En crible, cribriformes, quand elles sont percées d’une multitude de petits trous, comme un crible. L'EeVc'E ÙU R+ cor. Le cœur des poissons est placé presque sur le sternum , au dessous des branchies; il est souvent renfermé dans un péricarpe, en partie libre, et en partie adhérent. Le cœur et son péricarpe sont placés dans une grande cavité ; le cœur dont les parois sont ridées présente une multitude de petites cellules; dans sa partie supérieure il se trouve un orifice qui répond à l'aorte, et sur le côté, il s’en trouve un autre qui communique à l’oreilletie ; sa situation est longitudinale , comme dans les quadrupèdes. Sa forme n’est point conslante ; il est aplati, com- pressum , dans plusieurs espèces de poissons ; triangulaire ou pyramidal, prismaticum vel pyramidale ; dans d’autres, il est rétréci en devant, ante arctius ; dans quelques espèces enfin, tronqué obliquement en arrière, poné oblique truncatum. DISTINCTIVES. 151 L'ORFEILLETTE DU CŒUR., auricula cordis. Le cœur des poissons n’a qu’une seule oreillette, mais qui est très-grande; c’est um sac musculeux très- mince, de la même couleur que le cœur, et qui est situé au côté gauche de ce viscère. À son insertion avec le cœur, elle est percée de deux trous, l'un supérieur, et l’autre inférieur. Par le premier, elle communique avec le trou latéral gauche du cœur, et par le second, avec le sinus veineux. L’AORTE, aorte. Suivant les observations de Gouan, qui de tous les ichthyologistes a examiné avec le plus de soin les parties intérieures des poissons, l’aorte est attachée à la pointe du cœur , et représente un petit cône; inlérieu- rement elle est garnie de pelites colonnes ou cordes; ensuite elle se rétrécit, et donne: 1°. De chaque côté un tronc latéral fort court, qui se divise d’abord en deux vais- seaux latéraux, dont J'inférieur ou poslé- rieur décrit une courbe de devant en arrière, et va se loger dans la branchie postérieure ; et le second, s’eloignant du premier par um K 4 152 DENOMINATIONS angle oblique, va en droite ligne dans Îa troisième où pénultième branchie ; 2°, Le tronc de l’aorte se divise ensuite d'une mamere ps régulière ; les rameaux qui vont à la seconde et ceux qui vont à la prennière branchie étant accouplés et éloignés les uns des autres , logés chacun dans un sillon , creusé sur la convexité de l’arcade des ouies, et formant, par leur union vers la base du crâne et avant la poitrine, un tronc presque semblable à celui dont ils ürent leur origine. L’aorte descend ensuite jusqu'à extrémité du corps; elle est appli- quée contre les vertèbres, et adossée à la veine cave. Le sang que l'artère a porté dans le ventre et dans les parties inférieures est repris par des rameaux veineux, qui, à leur tour, se réunissent et forment un seul tronc veineux ou veine cave (1). LE DIAPHRAGME, diaphragma. Le diaphragme consiste dans une mem- brane blanche assez forte, en partie charnue et en partie tendineuse ; elle est attachée par sa partie supérieure, vers la nuque ét aux (1) Histoire des poissons, par Antoine Gouan, page 92. DISTINCTIVES. 155 premières vertèbres ; elle traverse oblique- ment la poitrine et la sépare de l'abdomen, comme elle sépare le cœur des autres vis- cères ; elle est percée par l’œsophage. et c’est elle qui forme la face postérieure de la ca- vité de la poitrine. Cette membrane est très- apparente dans les grandes espèces de pois- sons. VISCÈRES DE L'ABDOMEN ET L'@SOPHAGE, viscera abdominis et gula. Les poissons ont les mêmes viscères que les quadrupèdes, mais ils sont souvent moins nombreux. L'œsophage est ce canal étroit qui est situé depuis le fond de la bouche jusqu'au ven- tricule. Il ne se distingue du ventricule que parce qu'il est plus étroit, d’une couleur différente , et lisse sur sa surface interne. LE VENTRICULE OU L'ESTOMAC, ventriculus. Le ventricule ou lestomac des poissons est un sac membraneux qui n’a presque aucune chaleur. Sa situation est le plus sou- vent longitudinale, et il n’est pas semblable dans tous les poissons. Dans les uns il est plus grand ou plus épais que dans les autres. El est dans ceux-ci ové ou cylindrique, el 154 DENOMINATIONS dans ceux-là il est sphérique ou partagé en deux lobes; mais dans tous il n’y a qu'un seul veniricule. LES PETITS INSTESTINS OU APPENDICES DU PYLORE , appendices seu intestinæ cæca pylori. Dans la plus grande partie des poissons; le pylore est garni de plusieurs appendices creuses, semblables à de petits intestins cœcuin , él qui paroissent concourir à la digestion. Ces mêmes appendices différent entr’eux soit pour le nombre, pour la figure el pour la longueur. 1°. Par le nombre, ils sont nuls quand ils n'existent point, comme dans la plupart des poissons carlilagineux ; ou il n’y en a qu’un, ou deux fort courts, ou rois, quatre, cinq, six et sept grands, où de huit à douze, ou de dix-sept à dix-huit, ou vingt et au delà, ou trente et aü delà, ou soixante et au delà, ou environ quatre-vingts, ou cent et au delà, ou enfin une quantité presque innombrable. 2°. Par Ja forme, ces petits intestins ou appendices sont longs et étroits, ou tès- courts et larges. / 9 . Par leurs proportions, ils sont on beau- coup plus étroiis que l'intestin, cornime dans DIS TINCTIVES. 155 le plus grand nombre des poissons , ouils ont a peu près la même capacité que l'intestin. L’INTESTIN RECTUM, énéeslinum inferius seu reclum. Le paquet intestinal des poissons est placé en long. Le rectum est situé sous la vessie urinaire. Sa tunique intérieure est quelque- fois garnie de valvules où soupapes, et plissée en volute. Il est 1° par sa forme, ou droit ou simple, lorsqu'il va en ligne droite du ventricule à l’anus; ou à uue seule circonvolution à sa partie supérieure , ou faisant plusieurs sinuosités ou circonvolu- tions ; 2° par ses dimensions , comparées au volume du corps, il a moins de longueur que le corps, ou il a environ la même lon- sueur , ou il est beaucoup plus long. LE FOIE, hepar. La couleur du foie des poissons est ordi- nairement jaunâtre; il est presque toujours fort grand en comparaison du corps, et placé du côté gauche de l'abdomen, rarement du côté droit, ou sur le devant du ventre, dont il remplit presque toute la capacité ; mais toujours il est sous les intestins et sous 156 DENOMINATIONS l'estomac. Ce viscère est quelquefois simple ou formé par un seul lobe; d’autres fois il est partagé en deux, trois lobes, et même davantage ; il est tantôt beaucoup plus court que l'abdomen, tantôt il a presque la mêmes longueur. h LA VÉSICULE DU FIEL, vesica fellis. Il n’est aucune espèce de poissons dans laquelle on ne trouve une vésicule du fiel : celle vésicule, qui est située sous le côté droit du foie, communique avec l’estomac et avec les intestins par deux conduits, dont l’un se nomme cystique, et l’autre coledoque. Sa forme est ovée ou oblongue. Elle est tanlôt enveloppée dans le foie, tantôt elle y est fixée en dessous ; tantôt enfin elle en est séparée par un col alongé. LA RATE, den. Beaucoup plus petite que le foie, et d’une couleur plus foncée ; la rate est presque toujours au côté gauche de l'abdomen. Elle est ordinairement d’une seule pièce, et ra- rement partagée en plusieurs lobes, qui n'adhèrent les uns aux autres que par des ligamens assez foibles. Sa forme est oblongue et aplatie. È DVSTINCTIVES à LE PANCRÉAS, pancreas. Plusieurs espèces de poissons cartilagineux ont uu pancréas; mais il est douteux qu’il y en ait dans les autres. Dans un grand nombre de poissons les appendices du pylore tiennent lieu du pancréas. LES OVAIRES, ovaria. Tous les poissons ont des ovaires, de même que des œufs, qui diffèrent par le nombre, par la situation, par la figure et par la conformation. 1°. Par le nombre, les ovaires sont doubles où il y en a deux. Ou il n’y a qu’un ovaire simple. 2°, Par la situation, l'ovaire occupe toute la longueur ou seulement la partie supé- rieure de l’abdomen. 3°. Par la figure, lovaire est oblong et comprimé de chaque côté. Il est oblong et cylindrique. Il est arrondi. LA VESSIE URINAIRE, esica urinaria. Il n’y a pas un seul poisson qui n'ait une vessie urinaire. Cette vessie, placée sur l'intestin rectum, est ordinairement de forme ovale. 158 DENOMINATIONS LE PÉRITOINE; peritonæœum. x Le périloine est une membrane fine qui entoure l'abdomen des poissons; elle est de différentes couleurs; mais le plus souventh elle est d’un brillant argenté fort agréable. JE ne pousserai pas plus loin cette no- menclature des parties internes des poissons, parce que ces parties ne portent pas, daris la classe des animaux dont je m'occupe, d’autres noms que dans la classe des qua- drupèdes et des oiseaux. Il en est de même du squelette des poissons, dont les os n’ont point de dénominations particulières. D’ail- leurs ces longs détails anatomiques ne font point partie du plan de cel onvrage, et y deviendroient un hors-d'œuvre, dès qu'ils y prendroient trop d'espace. Cependant, comme les poissons respirent d’une toute autre manière que les quadrupèdes et les oiseaux, et que le sang circule chez eux par un mécanisme différent, il ne sera pas inutile d'expliquer ce mécanisme avec quelque étendue. Ce que je dirai à ce sujet intéressant est extrait du Mémoire sur la circulation du sang des poissons qui ont des DISTINCTIVES. 15q ouïes, par un de nos plus célébres anato- mistes, M. Duverney (1). M. Duverney choisit, pour ses observa- tions, la carpe, poisson que l’on trouve plus cominodement , et sur lequel on peut avec facilité suivre et vérifier les remarques de l'anatomisle. Le cœur de tous les poissons n’a, comme 1l a été dit, qu’une cavité et par conséquent qu'une oreillette à l'embouchure du vaisseau qui y rapporte le sang. Celle du cœur de la carpe est appliquée au côté gauche. La chair du cœur est fort épaisse, par rapport à son volume, et ses fibres sont très-compactes : aussi a-t-1il besoin d’une forte action pour la circulation. On sait que les ouïes servent de poumons aux poissons. Leur charpente est composée de quatre côtes de chaque côtés , qui se meuvent tant sur elies-mêmes en s'ouvrant et se resserrant, qu'à l’égard de leurs deux appuis supérieur et inférieur, en s’écartant de l’un et de l’autre , et en s’en rapprochant. Le côté convexe de chaque côte (2) est (1) Ce Mémoire est inséré dans l'Histoire de l’aca- démie des sciences , année 1701. (2) Duverney appelle les côtes des ouïes les ares, arcus branchiarum. 160 DENOMINATIONS chargé sur ses deux bords de deux espèces de feuillets; chacun desquels est composé | d’un rang de lames étroites, rangées et ser- | rées l’une contre l’autre, qui forment comme autant de barbes ou franges semblables à celles d’une plume à écrire; et ce sont ces franges que l’on peut appeler proprement le poumon des poissons. Il résulte de cette conformation, que la poitrine est dans la bouche aussi bien que le poumon; que les côtes portent le pou- mon, et que l’animal respire l’eau. Les ex- trémités de ces côtes, qui regardent la gorge, sont jointes ensemble par plusieurs petits os qui forment une espèce de sternum (1); en sorte néanmoins que les côtes ont un jeu beaucoup plus libre sur ce sternum, et peuvent s’écarter l’une de l’autre beaucoup plus facilement que celles de l’homme , et que ce sternum peut être soulevé et abaisse. Les autres extrémités, qui regardent la base du crâne , sont aussi jointes par quelques osselets, qui s’articulent avec cette même base, et qui peuvent s’en éloigner ou s'en approcher. (1) C’est un prolongement de l’os hyoïde. Chaque DISTFTINCTIVES.. 16: Chaque côte (1) est composée de deux pièces, jointes par un cartilage souple, qui est dans chacune de ces parties ce que sont les charnières dans les ouvrages des artisans. . La première pièce est courbée en are, et sa longueur est environ la sixième portion du cercle dont elle feroit partie; la seconde décrit à peu près une S romaine majuscule. La partie convexe , de chaque côté, est creusée en gouttière ; et c’est le long de ces souttières que coulent les vaisseaux dont il sera parlé ci-après. | Chacune des lames, dont les feuillets sont composés , a la figure du fer d’une faulx, et à sa naissance elle a comme un pied ou talon, qui ne pose que par son extrémité sur le bord de la côte. Chacun de ces feuillets est composé de cent trente - cinq lames; ainsi, les seize contiennent huit mille six cent quarante surfaces , que je compte ici parce que les deux surfaces de chaque lame sont re- vêtues, dans toute leur étendue, d une membrane très- fine, sur laquelle se font les ramifications presque innombrables des vais- seaux capillaires de ces sortes de poumons. (1) Il faut toujours entendre l'arc des ouïes. Poiss. ToME Il. L 46e DENOMINATIONS Il y a quarante-six muscles qui sont em- ployés aux mouvemens de ces côtes ; il y en: a huit qui en dilatent l'intervalle , et seize | qui le resserrent ; six qui élargissent le centre | de chaque côte ; douze qui le rétrécissent etw qui en même tems abaissent le sternum, et. quatre qui le soulèvent. Les ouïes ont une large ouverture sur la- quelle est posé un couvercle (1), composé de plusieurs pièces d'assemblage , qui a le mêmé usage que le panneau d’un soufflet ; et chaque couvercle est formé avec un tel artifice, qu'en s'écartant l’un de l’autre, ils se voûtent en dehors pour augmenter la capacité de la bouche ; tandis qu’une de leurs pièces, qui joue sur une espèce de genou, tient fermées les ouvertures des ouïes , et ne les ouvre que ‘pour donner passage à l’eau que l'animal a respiré ; ce qui se fait dans le tems que le couvercle s’abat et se resserre. Il y a deux muscles qui servent à soulever le couvercle , et trois qui servent à l’abattre et à le resserrer. On vient de dire que l'assemblage qui compose la charpente des couvercles les r) C’est ce que l’on appelle opercules , opercul& q PI P > 0perci branchiarum. EPS FINCTIVES. 163 rend capables de se voûter en dehors. On ajoutera deux autres circonstances. La pre- mière est que la partie de ce couvercle, qui aide à former le dessous de la gorge, est pliée en éventail sur de petites lames d'os, pour servir, en se déployant, à la dilatation de la gorge dans l'inspiration de l'eau (1). La seconde, que chaque couvercle est revêtu par dehors et par dedans d’une peau qui lui est fort adhérente. Ces deux peaux, s’unissant ensemble, se prolongent au delà de la circonférence du couvercle d'environ deux à trois lignes, et vont toujours en diminuant d'épaisseur. Ce prolongement-est beaucoup plus ample sous la gorge que vers le haui de la tête; il est extrêmement souple pour s'appliquer plus exactement à l’ouver- ture sur laquelle il porte, et pour la tenir fermée au premier moment de la dilata- tion de la bouche pour la respiration. Voilà pour ce qui regarde la struciure des ouïes: passons à présent à la distribu- tion de leurs vaisseaux. L’artère qui sort du cœur se dilate de telle manière qu'elle en couvre toute sa base : (r) C’est la membrane branchiostège , membrana branchiostesa. L 2 Fe 164 DENOMINATIONS ensuite se rétrécissant peu à peu, elle forme une espèce de cône. A l'endroit où elle est ainsi dilatée, elle est garnie en dedans de plusieurs colonnes charnues, qu'on peut considérer comme autant de muscles, qui font de cet endroit de l’aorte comme un second cœur, ou du moins comme un second ventricule, lequel, joignant sa compression à celle du cœur , double la force nécessaire à la distribution du sang pour la circulation. Cette artère, montant par l'intervalle que les ouïes laissent entre elles, jette vis à vis de chaque paire de côtes, de chaque côté, une grosse branche qui est couchée dans la gouttière, creusée sur la surface extérieure de chaque côté, et qui s'étend le long de cette gouttière d’une extrémité à l’autre du feuillet (1). Voilà tout le cours de l’aorte dans ce genre d'animaux (2); l'aorte, qui dans les autres animaux porte le sang du centre à la circonférence de tout le corps, ne parcourt de chemin dans ceux- (1) C’est l’arière branchiale, arteria branchialis. (2) Duverney veut dire dans celte classe d’ani- maux. Au tems où cet anatomiste écrivoit l’on n’avoit pas poussé l’art des divisions , des subdivisions , des coupures , des souscoupures etc. , au point où il est parvenu de nos jours. DISTINCTIVES. 165 ci que depuis le cœur jusqu’à l'extrémité des ouïes, où elle finit. Cette branche fournit autant de rameaux qu'il y a de lames sur l’un et sur l'autre bord de la côte. La grosse branche se ter- mine à l'extrémité de la côte, ainsi qu'il a été dit , et les rameaux finissent à l’extré- mité des lames, auxquelles chacun d’eux se distribue (1). Pour peu que l’on soit ins- truit de la circulation et des vaisseaux qui y servent, on sera en peine de savoir par quels autres vaisseaux on a trouvé un expé- dient pour animer et nourrir tout le corps, depuis le bout d’en bas des ouïes jusqu'à Vextrémité de la queue. Cet expédient paroîtra clairement, dès qu'on aura con- duit le sang jusqu’à l'extrémité des outes. Chaque rameau d’artère monte le long du bord intérieur de chaque lame des deux feuillets posés sur Chaque côté, c’est-à-dire , lé long des deux tranchans des lames qui se regardent: ces deux rameaux s’abouchent au milieu de leur longueur ; et continuant leur route parviennent, comme j'ai dit, à la pointe de chaque lame; là, chaque PT ne ne ce (x) Ce sont les petites artères des lames, arfertæ laminarum. É3 166 DENOMINATIONS rameau de l’extrémité de lartère trouve l'embouchure d’une veine (1), et ces deux embouchures, appliquées l’une à l’autre immédiatement, ne faisant qu'un même canal, malgré la diflérente consistance des deux vaisseaux, la veine s'abat sur le tranchant extérieur de chaque lame, et parvenue au bas de la lame, elle verse son sang dans un gros vaisseau veineux, couché près de la branche d'artère , dans toute l’étendue de la gouitière de la côte (2). Mais ce n’est pas seulement par cet abou- chement immédiat des deux extrémités de l'artère et de la veine, que lartère se décharge dans la veine, c’est encore par toule sa route. Voici comment le rameau d’artère, dressé sur le tranchant de chaque lame , jette dans toute sa route sur le plat de chaque lame, de part et d'autre, une multitude infinie de vaisseaux, qui, partant deux à deux de ce rameau, l’un d’un côté, l’autre de l'autre, chacun de son côté va droit à la veine qui descend sur le tranchant opposé de la lame, et sy abouche par un contact immédiat. (1) Les petites veines des lames, senulæ laminaruwm. (2) La veine branchiale ,,vena branch tabs. DEISTINCTIVES. 167 C'est ainsi que le sang passe, dans ce genre d'animaux, des artères de leur poumon, dans leurs veines, d’un bout à l’autre; les artères y sont de vraies artères, et par leurs corps, et par leur fonction de porter le sang. Les, veines: y sont de vraies veines, par leur fonction de recevoir le sang des artères, eb par la délicatesse extrème de leur consistance. Il n’y a jusques là rien qui ne soil dans l’économie ordinaire; mais ce qu'il y a de singulier , est prenuèrement l'abouchement: immédiat des. artères avec les veines, qui se trouve à la .vérité dans les, poumons, d’autres animaux , sur-tout dans ceux des grenouilles. et. des.itortues , mais qui n'est pas si manifeste que dans les ouïes des poissons. 2° La .régularité de la distribution , qui, rend cet. abouchement plus visible dans ce genre, d'animaux, car toutes les branches d’artères, montant le long des lames dressées sur. les côtes, sont aussi droites et aussi également distantes l’une de l’autre /que les lames : les rameaux transversaux capillaires, qui partent de ces br anches à angles droits, sont également distans l’un de l’autre, de sorte que JE direc- tion et les intervalles de ces vaisseaux, tant montans que. transversaux , élant aussi | L 4 168 DENOMINATIONS réguliers que s'ils avoient été dressés à la règle, et espacés au compas, on les suit à l'œil et au microscope. On voit donc que les artères transversales finissent immédia- tement au corps de la veine descendante, et chacune de ces veines descendantes ayant reçu le sang des artères capillaires trans- versales, de part et d'autre de la lame, s’'abouche à-plomb avec le tronc de la veine couchée dans la gouttière. 11 faut avouer que cette distribution est fort singulière : ce qui suit l’est encore da- vantage. On est en peine, comme j'ai dit, de la distribution du sang pour la nourri- ture et la vie des autres parties du corps de ces animaux. Nous avons conduit le sang du cœur, par les artères du poumon, dans les veines du poumon. Le cœur ne jette point d’autres artères que celle du poumon. Que deviendront les autres parties, le cerveau, les organes des sens, et tout le reste du corps? Ce qui suit le fera voir. Ces troncs de veines (1) pleins de sang arlériel, sortant de chaque côté par leur extrémité qui regarde la base du crâne, prennent là consistance et lépaisseur d’ar- (1) Des veines branchiales, venæ branchialess DISTINCTIVES. 169 tères, et viennent se réunir deux à deux de chaque côté. Celle de la première côte fournit avant sa réunion des branches qui distribuent le sang aux organes des sens , au cerveau et aux parlies voisines, et fait par ce moyen les fonctions qui appartiennent à l'aorte as- cendanie dans les animaux à quatre pieds. Ensuite elle se rejoint à celle de la seconde côte ; et ces deux ensemble ne font plus qu'un tronc, lequel coulant le long de la base du crâne recoit encore dé chaque côté une autre branche formée par la réunion des veines des troisième et quatrième paires de côtes, et toutes ensemble (1) ne font plus qu'un tronc. | / Après cela, ce tronc, dont toutes les racines étoient veines dans le poumon, de- vénantartère (2) par sa tunique et son office, coïitinue son cours le long des vertébres; ét distribuant le sang artériel à toutes les autres parties, fait la fonction d’aorte descendante ; et le sang artériel est distribué par ce moyen également à toutes les parties pour les nourrir et les animer, et il rencontre par-lout des SD ENST ISERE JB) De PS (1) Ce sont les racines de l'aorte descendante , radices aorlæ descendentis, | ‘© (2) C’est l'aorte descendante , aorta descendens. 79 DENOMINATIONS, racines de veines qui reprennent le résidu et le reportent par plusieurs troncs formés, de Punion de ‘toutes ces racines au réservoir cominun qui doit le rendre au cœur: c’est ainsi que s'achève la circulation dans ces animaux. | Voilà comment.les veines du poumon de ce genre de poisson deviennent artères pour animer et nourrir la tête et. le reste du corps. Mais ce qui augmente la singularité, est que ces mêmes veines des poumons, sortant de la gouttière des côtes parleur extrénuté qui regarde la gorge, conservent la tunique et la fonction. de veines, en rapportant dans le réservoir de tout le sang veinal une por- tion du sang artériel qu’elles ont reçue des artères du.poumon (1). Comme le mouvement des mâchoires contribue aussi à la respiration des poissons, il ne sera pas hors de propos de faire re- marquer.que lasupérieure est mobile ; qu’elle est composée de. plusieurs pièces qui sont naturellement. engagées les unes. dans les autres, de.telle manière qu’elles peuvent, en se déployant, dilater et alonger la mà- choire supérieure. "x L] (1) IL s’agit de la veine déférente, veng deférens. DISTINCTIVES. 171 Toutes les pièces qui servent à la respi- ration de la carpe montent à un nombre si surprenant , qu'on ne sera pas fâché d'en voir ici le dénombrement. Les pièces osseuses sont au nombre de quatre mille trois cent quatre-vingt-six. Il y a soixante-neuf muscles. Les artères des ouïes, outre leurs huit branches principales, jettent quatre mille trois cent vingt rameaux, et chaque rameau jette de chaque lame une infinité d’artères capillaires transversales, dont le compte ne sera pas difficile, et passera de beaucoup tous ces nombres ensemble. 11 y a autant de nerfs que d’artères. Les ramifications des premiers suivent exacte- ment celles des autres. | Les veines, ainsi que les arlères, outre leurs huit branches principales, jettent quatre mille trois cent vingt rameaux, qui sont de simples tuyaux, et qui, à la différence des rameaux des artères, ne jettent point de vaisseaux capillaires transversaux. Voilà une légère idée de la structure des ouïes de la carpe. Il s’agit à présent d’exa- miner les usages de ces parties. Le sang, qui est rapporté de toutes les parties du corps des poissons, entre du réser- igÿ DENOMINATIONS voir où se dégorgent toutes les veines dans loreillette , et de là dans le cœur, qui, par fa contraction, le pousse dans l’aorte et dans toutes les ramifications qu’elle jette sur les lames des ouïes; et comme à sa naissance elle est garnie de plusieurs colonnes charnues fort épaisses, qui se resserrent immédiate- ment après, elle seconde et fortifie par sa compression l’action du cœur , qui est de pousser avec beaucoup de force le sang dans les rameaux capillaires transversaux , situés de part et d'autre sur toutes les lames des ouies. On a fait observer que cette artère (à) et ses branches (2) ne parcouroiïent de chemin que depuis le cœur jusqu’à l’extrémité des ouïes où elles finissent. Ainsi ce coup de piston redoublé doit suffire pour pousser le Sang avec impétuosité dans ce nombre infini d’artérioles si droites et si régulières, où le sang ne trouve d'autre obstacle que le simple contact, et non le choc et les réflexions , comme dans les autres animaux , où les artères se ramiñent en mille maniéres , sur- tout dans leurs dernières subdivisions. (1) L’aorte descendante. (2) Les artères branchales. DISTINCTIVES. 195 Voilà pour ce qui concerne le passage du sang dans le poumon. Voici comment s’en fait la préparation (1). Je suppose que les particules d'air qui sont dans l’eau , comme l’eau est dans une éponge, peuvent s’en dégager en plusieurs manières. Premièrement par la chaleur , ainsi qu’on le voit dans l’eau qui bout sur le feu ; 2° par l’affoiblissement du ressort de Fair , qui presse l’eau où ces particules d’air sont en- gagées, comme on le voit dans la machine du vuide; 5° par le froissement et l’extrême division de l’eau, sur - tout quand elle a quelque dégré de chaleur. On ne peut pas douter qu’il n’y ait hbeau- coup d'air dans tout le corps des poissons, et que cet air ne leur soit fort nécessaire. La machine du vuide fait voir lun et l'autre. On a mis une tanche fort vive dans un vaisseau plein d’eau, qu’on a placé sous le récipient; et après avoir donné cinq ou six coups de piston , on a remarqué que cette tanche étoit toute couverte d’une infinité de petites bulles d'air qui sortoient d’entre les écailles , et que tout le corps paroissoit perlé. De SERRE ne pi sn ee à (1). C'est-à-dire , la respiration. 174 DENOMINATIONS Il en sortoit aussi un très-grand nombre par les ouïes, beaucoup plus grosses que celles de la surface du corps; enfin, il en sortoit par la bouche , maïs en moindre quantité. En recommençant à pomper tout de nou- veau deux ou trois fois de suite, ce qui fut fait à plusieurs reprises, on remarquoit que le poisson s’agitoit et se tourmentoit extraor- dinairement , et qu'il respiroit plus fréquem- ment. Aprèsavoir passé un gros quart d'heure dans cet état, il tomba en langueur,, tout le corps et même les ouïes n'ayant plus aucun mouvement sensible. Pour lors ayant tiré le vaisseau de dessous le récipient, on jeta le poisson dans de l’eau ordinaire , où il com- merniça à respirer el à nager, mais foiblement, et il fut long-tems à revenir à son état naturel. “il La même expérience a été répétée sur une carpe. On l’a mise dans la même ma- chine, et ayant pompé lair trois ou quatre fois , comme on l’avoit fait à la tanche, le poisson commença d’abord à s ’agiter”: toute la surface du corps devint perlée. Il sortit par la bouche et par les ouïes une infinité de bulles d'air fort grosses , et là région de la vessie d'air s’enfla beaucoup. Quoique cette carpe füt plus grosse que la tanche, le batte- DISTINCTIVES. 195 ment des ouïes cessa plus tôt. Lorsqu'on recommencoit à pomper, les ouies recom- mençoient aussi à baltre, mais très-peu de tems et fort foiblement ; enfin elle demeura sans aucun mouvement, ét la région de la vessie devint si gonflée et si tendre, que la laite sortoit en s’eflilant par l'anus. Cela dura environ trois quarts d'heure, au bout des- quels elle mourut , étant devenue fort plate. L'ayant ouverte, on trouva la vessie crevée. ei On a aussi expérimenté qu’un poisson mis dans de l’eau purgée d'air n’y peut vivre long-te ms. Outre ces expériences, qu'on peut faire dans la machine du vuide, en voici d’autres qui prouvent aussi que Flair qui est mélé dans l’eau a la principale part à la respiration des poissons. Si vous enfermez des poissons dans un vaisseau de verre plein d’eau, ils y vivent quelque tems, pourvu que l’eau soit renou- velée ; mais si vous couvrez le vaisseau et le bouchez en sorte que lair n’y puisse point entrer, les poissons seront étouffés : cela prouve bien que l’eau ne sert à leur res- piration qu'autant qu’elle a la liberté de s'imprégner d'air. 176 DENOMINATIONS Mettez plusieurs poissons dans un vaisseau qui ne soit pas entièrement rempli d’eau; si vous le fermez, ces poissons, qui auparavant nageoient en pleine liberté et s’égayoient, s’agiteront et se presseront à qui prendra le dessus pour respirer la portion de l’eau qui est la plus voisine de l'air. On remarque aussi que , lorsque la surface des étangs est gelée , les poissons qui sont dedans meurent plus ou mois vile, suivant que l'étang a plus ou moins d’étendue et de profondeur; et on observe que, quand on casse la glace en quelque endroit, les pois- sons s’y présentent avec empressement pour respirer celle eau imprégnée d’un nouvel air. Ces expériences prouvent manifestement la nécessité de l'air pour la respiralion des poissons. Voyons maintenant ce qui se passe dans le tems de cette respiration. | La bouche s'ouvre, les lèvres s’'avancent : par là la concavité de la bouche est alongée; la gorge s’enfle ; les couvercles des ouïes, qui ont le même mouvement que les pan- neaux d’un soufflet, s’'écartant l’un de l’autre, se voûlent en dehors par leur milieu seule- ment ; tandis qu'une de leurs pièces, qui joue sur une espèce de genou, tient fermées les ouvertures des ouïes, en se soulevant toutefois DISTINCTIVES à toutefois un peu, Sans permettre cependant à l'eau d'entrer, parce que la pelite peau qui borde chaque couvercle ferme exaclement Vouverture des ouïes. Tout cela augmente et élargit en tous sens la capacité de la bouche, et détermine l’eau à entrer dans sa cavité, de même que l'air entre par la bouche et les narines , dans la trachée-artère et les poumons, par la dila- tation de la poitrine ; dans ce même tems les côtes des ouïes s'ouvrent en s’écartant les unes des autres ; leur ceintre est élargi; le sternum est écarté, en s'éloignant du palais ; ainsi tout conspire à faire entrer l’eau en plus grande quantilé dans la bouche. C’est ainsi que se fait l'inspiration des poissons, Pnsuite Ja bouche se ferme: les lèvres, au- paravant alongées , se raccourcissent, sur- tout la supérieure, qui se plie en éventail. La lèvre inférieure se colle à la supérieure par le moyen d’une petite peau en forme de croissant , qui s’abat comme un rideau de haut en bas, et qui empêche l’eau de sortir. Le couvercle s’aplatit sur la baie de l’ouver- ture des ouïes. Dans le même tems , les côtes se serrent les unes contre les autres, leur centre se rétrécit, et le sternum s’abat sur le palais. Poiss. Tome II. M 178 DENOMINATIONS Tout cela contribue à comprimer l’eau qui est entrée par la bouche. Elle se présente ‘alors pour sortir par tous les intervalles des côtes et par ceux de leurs lames, et elle y passe comme par autant de filières, et par ce mouvement la bordure membraneuse des couvercles est relevée, et l’eau pressée s'échappe par cette ouverture. C’est ainsi que se fait l'expiration dans les poissons. On voit donc par là que l’eau entre par la bouche, et qu’elle sort par les ouïes par une espèce de circulation entrant toujours par la bouche, et sortant toujours par les ouïes, tout le con- traire de ce qui arrive dans les animaux à quatre pieds, dans lesquels Fair entre et sort alternativement par ia nième ouverture de la trachée-artère. ; Voilà tout ce qui concerne les mouve- mens de la respiration des poissons. Suivons à présent la route du sang dans les ouïes, et voyons quelle préparation il y reçoit. Le sang qui sort du cœur de la carpe se répand de telle manière sur toutes les lames dont les ouïes sont composées, qu’une très- petite quantité de sang se présente à l'eau sous une très-grande superficie, afin que par ce moyen chacune de ses parties puisse plus! facilement et en moins de tems être pénétrée: DISTINCTIVES. 179 par ces petites parties d'air qui se dégagent de l’eau par l’extrème division qu’elle souffre entre ces lames. C'est pour cela qu'il a fallu non seulement que chaque feuillet en eût un si grand nombre, mais aussi que toutes leurs surfaces fussent couvertes de rameaux capillaires transversaux de l'aorte. On observe en quelque manière la même mécanique dans les poumons des autres animaux ; car ils sont formés d’un nombre prodigieux de petites vésicules membra- neuses qui tiennent lieu de lames, et ils sont tapissés d’une infinité de petits vaisseaux ; ce qui fait que le sang se répand de telle manière dans la substance des poumons, qu'il se présente aussi à l'air souvent une très-grande superficie. Mais le nombre de ces vaisseaux, dans les vésicules du poumon, n’approche point du nombre de ceux des lames. Aussi est-il plus diflicile de tirer l’air de l’eau, que de respirer l'air pur tel qu’il entre dans les poumons vésiculaires. Si l’on fait attention au froissement et à la division extraordinaires que souffrent les parties d’eau dans le tems de l'expiration ;, on sera porté à croire que c’est alors que Pair entre dans les vaisseaux capillaires des outes. M 2 180 DENOMINATIONS il est donc probable que la même chose se passe dans les poumons des autres animaux ; car comme il faut à l’air quelque force pour s’insinuer dans les vaisseaux, 1l ne paroît pas qu'il y puisse entrer dans le tems de l'ins- piration, c’est-à-dire, lorsqu'il entre natu- rellement dans les poumons. Au contraire, lorsqu'il est repoussé par lexpiration, 1l cherche à s'échapper de toutes parts; et, forçaut tous les obstacles qu'il rencontre, il passe au travers des membranes fines et déliées qui composent les vaisseaux, tandis que la plus grande partie de cet air ressort par la trachée-artère. La difficulté avec laquelle ces petites parties d'air passent par les pores de ces vaisseaux comprime leur ressort, d’où 1l s'ensuit que, lorsqu'elles y sont entrées, ce ressort doit se débander avec impéluosité contre les particules du sang qui sont alors abaitues, agitées , et broyées avec violence, ce qui fait qu'elles s’entrechoquent en tous sens, et c’est par là qu'elles acquièrent un nouveau mouvement de liquidité et de chaleur. Si cela est vrai dans les animaux qui respirent lair, cela doit être encore plus vrai dans les animaux qui respirent l’eau, DÉS ENC PINS: 181 parce qu'ici l'air est tout autrement com- primé que ne l'est l'air libre que les premiers respirent ; de sorte que le grand écart de ces particules d'air si comprimé doit suppléer en quelque manière à la moindre quantité d'air qui entre dans les vaisseaux des ouïes. . Quand on considère que le sang des veines des ouïes est d’un rouge plus vermeil que celui de l’aorte, on juge aisément qu'il s’y est chargé de quelques particules d'air. On remarque dans les autres animaux la même différence entre le sang de l'artère du pou- mon, qui est toujours d’un rouge obscur , et celui de la veine du poumon, qui est toujours d'un rouge fort éclatant. Le sang ainsi imprégné des particules d'air , et par là devenu vraiment artériel, entre dans les veines des ouïes ; et ces veines, sortant de [a gouttière des côtes par l’extré- mité qui regarde la base du crâne, prennent la consistance d’artères, et distribuent ce sang à toutes les parties. Il est ensuite repris par les veines qui le portent au cœur (1). I ne faut pas oublier que Partère qui sort du cœur a un battement, au lieu que les vaisseaux qui font la fonction d’aorte (1) C’est la circulation du sang. 182 DENOMINATIONS n’en ont point, au moins qui soit sensible : premièrement parce qu'ils n’ont point de communication immédiate avec le cœur; secondement parce que ce sang passe d’un petit tuyau dans un grand. Mais il faut aussi considérer que les poussées du sang ne sont nullement nécessaires à la nutrition des par- üies, pour laquelle il suffit que le sang coule d’un cours paisible ; de même qu'il n’est pas nécessaire qu'il coule autrement pour sa dis- tribution et sa circulation, sur-tout dans les animaux où elle est beaucoup plus lente, et qui par là transpirent peu, et peuvent vivre long-tems sans aucune nourriture. Il est aisé de juger, par tout ce qu’on vient de dire, que la situation et la con- formation des poumons, et leur commerce avec le cœur sont bien différens dans les différentes espèces d'animaux, ce qui n’avoit pas été inconnu à M. Malpighi. Dans le fœtus il y a des conduits par- ticuliers qui ont une communication si prochaine avec les ventricules du cœur et la tête des vaisseaux du poumon, qu’ils font passer presque tous les sucs notxrriciers de la mère immédiatement dans l'aorte , qui les distribue à tout le reste du corps; au lieu qu'après la naissance tout le sang des LS o DISTINCTEVES. 189 veines entre dans le ventricule droit , lequel le pousse immédiatement dans les poumons, d'où, après que par un long circuit il s’est imprégné des particules d'air, il passe dans Je ventricule gauche, qui le répand ensuite par l'aorte dans toutes les parties. Dans les tortues , les grenouilles et les autres animaux qui leur sont analogues, un tiers du sang passe par le poumon à chaque circulation , et 1} y reçoit toutes les prépa- rations nécessaires aux fonctions de la vie. Ce sang, qui revient du poumon, se mêle ensuite avec celui des veines dans la cavité du cœur, où ce dernier, étant imprégné des parties actives de fair, dont le premier s’étoit chargé dans le poumon, est ensuite distribué par l'aorte à tout le corps. Dans les poissons, tout le sang qui sort du cœur passe par le poumon, où, s'étant aussi imprégné des parties actives de lair, il va ensuite se distribuer à tout le corps, et jusques {à cette circulation est conforme à celle de l’homme. Cependant les poissons n'ont qu'un seul ventricule ; mais cette cir- culation si singulière vient de ce que l'aorte fait la fonction de l'artère du poumon, et que les veines du poumon, devenues artères, font la fonction de Faorte. TM = (Vi 4 184 DENOMINATIONS Dans les insectes, les trachées qui leur servent de poumon sont répandues dans toutes les parties où elles se ramifient à la maniere des bronches dans les poumons vésiculaires ; de sorle qu’au lieu que dans les autres animaux lair emprunté des branches est distribué dans toutes les parties par les artères, ici il est immédiatement distribué dans les sucs qui sont actuellement dans chaque partie. la raison d’une distribution si surpre- nante vient de la nature des liqueurs con- tenues dans les tuyaux de ces animaux, lesquelles, pour être extrêmement gluantes et visqueuses , et par conséquent très-propres à se lier entre elles et à se coller à la super- ficie de leurs vaisseaux , ont dû être im- prégnées, dans tout leur cours, des parties aclives de lair, qui facilitassent leur circu- lation , et les rendissent propres à la nour- riture. On voit, par cette énumération, que les fonctions des poumons n’ont pas toujours une étroite liaison avec celles du cœur, et que chacune de ces parties a des usages fort difiérens par rapport au sang. Le cœur n’est que pour le nee qu'on nomme circulation. Le poumon la DISTINCTIVES. 189 favorise par l'introduction des particules d'air , et encore par l’impulsion de l'eau dans les animaux dont äl s’agit. Mais sa principale fonction est d’imprégner le sang d'air et de le rendre par là capable de porter par-tout l’aliment , la vie et la chaleur. C’est pour cetle raison qu'on vient de montrer, 1° que dans tous les animaux, hors les in- sectes, le sang ne passe jamais du cœur dans l'aorte: qu'il n'ait passé par les poumons , même dans le fœtus, de la manière dont mous l'avons expliqué ; 2° que dans la plupart il faut quil y passe nécessairement tout «entier comme dans l'homme, les animaux a quatre pieds, les oiseaux et les poissons; 5° ou qu'il y passe en partie, comme dans és tortues, les grenouilles , etc; et il est nécessaire qu'au moins le tiers du sang passe bar les poumons de ces animaux, pour “être .vivilié autant que le demandent leurs fonctions. | { Enfin on a montré que, si dans les in- sectes il ny a point de poumons par où le sang puisse passer, c’est que l'air se mêle nécessairement dans toutes leurs parties avec Jes sucs nourriciers; de sorte que, par cette mécanique, chaque partie se tient lieu de poumon à elle-même. 166 EXPLICATION E XP L ICATEON Des Planches I, IT et III de ce volume. PODAMN C H P°'7E L: Jigure 1 représente un rameau d’une plante aquatique, chargée de globules par- faitement ronds, qui y adhérent par la matière gluante dont ils sont imprégnés; ce sont des œufs de poissons, fécondés ; et la Jigure 2 montre de ces mêmes œufs qui ne sont pas fécondés. Il est toujours facile de s'assurer si les œuis des poissons ont été fécondés; car dans ce cas, ils paroiïssent toujours plus clairs, plus transparens et plus jaunes. Avec une loupe: on les reconnoît distinctement pen- dant les quatre à cinq premiers jours qui suivent celui auquel ils ont été déposés par les femelles ; ensuite, comme les mêmes signes deviennent chaque jour plus sensibles, 1ls peuvent êlre saisis même à la vue simple. Les œufs qui ne sont pas fécondés de- viennent successivement pius troubles, plus M LTardau SJ ve du y 3808 ‘ v > DES PLANCIES. 187 épais et plus opaques; ils perdent tout leur éclat , et, suivant l’expression de Bloch, ils ressemblent bientôt à un petit grain de grêle qui commence à fondre. La distinction entre les œufs de poissons, fécondés ou non fécondés, est une des plus importantes en économie. Flle facilite les moyens de peupler, sans frais et sans em- barras, les étangs, les pièces d’eau, les ruisseaux et même les rivières ; 1l suffit de prendre, dans les eaux poissonneuses, des plantes chargées d'œufs fécondés et de les mettre dans les eaux où l’on veut multiplier les poissons, et où ils éclosent bientôt par milliers, si l’on choisit celles qui con- viennent le mieux par leur nature, leur exposition , leur température et le fond sur lequel elles coulent ou reposent. Les anciens connoissoient mieux que nous ces détails, auxquels labondance générale et la pros- périté publique ne sont point, étrangères; ils avoien: même poussé leurs remarques à cet égard, jusqu’à connoître les mers les plus favorables à la reproduction des pois- sons ; et Aristole a consigné dans son His- toire des animaux, comme un fait constaté, que les poissons croissent plus promptement 188 . EXPLICATION qu'ailleurs dans la mer du Pont, à cause de la bonne qualité de ses eaux (1). À Ja figure 5 est un œuf de poisson vu au microscope; a montre le jaune, et b le blanc. Entre l’un et l’autre est un espace clair, en forme de croissant. Le jaune, que le blanc environne ordinairement, est rond, mais il n’occupe pas le milieu de l'œuf, comme dans les œufs des oiseaux, et il est toujours placé vers un côté. L'on n’aper- çoit aucune différence dans la situation et Ja forme de ces parties, soit que les œufs aient été fécondés où non par la liqueur spermatique du mâle; seulement la temte du jaune des œufs non fécondés est moins foncée. Du reste, il est impossible de dé- couvrir à l’extérieur de l'œuf aucun indice de fécondation. Les grecs de lantiquité avoient donné aux œufs des poissons l’épithète de psathyra, que les interprètes latins ont traduit par facilè comminubilia, c’est-à-dire, foibles, ou qui se brisent aisément. Leur'enveloppe est en effet d’une substance moyenne entre la coque des œufs d'oiseaux et la mem- (1) Taw: 6 ; Chop. 7. DES PLANCIIES. 2:89 brane, et cela est nécessaire, pour que l'humeur fécondante puisse pénétrer à l’in- térieur. Voici la manière dont le poisson se déve- loppe dans l’œuf: le second jour, l’espace en forme de croissant, qui est entre le blanc et le jaune, devient un peu trouble; l’on y remarque de tems en tems un point qui se meut. Une masse plus épaisse se montre au même endroit, le troisième jour; elle est libre d’un côté, de l'autre elle s'attache fortement au jaune ( figures 5 et 7 ). À lune des extrémités de la partie qui touche au jaune, on aperçoit le contour du cœur, dont le mouvement s’'augmente alors; la masse elle-même, ou l’embryon, se remue de tems en tems du côté qui est libre, c’est- à-dire, de la queue ; le quatrième jour, ces mouvemens auginentent, aussi bien que les baltemens de l'artère; on voit, au cinquième jour , dans certaines positions que le poisson prend quelquefois par ses mouvemens répétés; on voit, dis-je, la cir- culation des humeurs ; on distingue , au sixième jour, l'épine du dos et les côtes qui y sont attachées; le septième, on découvre dans lœuf, à la vue simple, deux points noirs, qui sont les yeux (figures 6 et 7). 100 EXPLICATION La forme du poisson se montre alors toute entière, et les vertèbres et les côtes sont si distinctes, qu’on peut les compter sans beaucoup de peine, à l’aide d’une loupe ordinaire. Quoique le jaune de l'œuf dimi- nue à mesure que l'embryon augmente de volume, celui-ci n’a pas néanmoins assez de place pour se tenir en ligne droite, et il fait une courbure avec sa queue (figure 7). L'on voit, à la /igure 4, un œuf dans lequel le mouvement du poisson se fait remarquer le quatrième jour. À la figure 5, est un œuf vu au micros- cope , et dans lequel on aperçoit déjà lépine du dos. La figure 6 représente l'œuf, qui, au septième jour, laisse voir les yeux du poisson. L’œuf de la figure 7 est le même que celui de la figure 6, mais vu au microscope. Les mouvemens du poisson deviennent si vifs au septième jour, que, lorsqu'il se tourne en tous sens, le jaune tourne en même tems; ces mouvemens augmentent visiblement jusqu’à la naissance du poisson, laquelle a lieu entre le septième et le neu- vièmue jour, selon que la chaleur du soleil * PAT PL nn DUR AT Ne te 2 : > RE PRE #7, 9, Pe vve del, MH TJardiet J’ DES: PLANCHES. : 191 pénètre plus ou moins dans l'eau qui contient les œufs. Les coups et les frottemens presque continuels de la queue du poisson contre l'enveloppe de l'œuf, la rendent si mince qu’elle se crève; alors le poisson sort de l'œuf, la queue la première ; voyez la fig. 8, où le poisson est représenté la queue hors de l'œuf; il redouble ses mouvemens et ses efforts, afin de détacher sa tête et de se mettre en liberté. Bientôt après, on le voit courir avec beaucoup de vivacité dans le nouvel élément qui devient sa demeure habituelle. PLANCHE! IL" ET TEE C’est un spectacle fort agréable de voir se jouer au milieu des eaux les petits poissons nouveaux nés, dont le corps est extrêmement petit et délicat; voyez pl. IF, Jigure 1, a. Dans les huit premières heures, 1l acquiert la grosseur marquée en bd; mais ensuite son accroissement devient si lent, qu'au bout de trois semaines ïl n’est pas plus gros qu’en c, même figure. Nota, que c'est une brême de grandeur naturelle que cette figure représente. Outre les deux points noirs qui se font 192 EXPLICATION remarquer le neuvième jour, on en dé= couvre un troisième à l’aide du microscope; lorsque le poisson est couché sur le ventre; c’est l’estomac avec la nourriture qu'il con- tent ; voyez la figure 2, en a. Dès le premier jour de Ja naissance, on reconnoît les nageoires pectorales; mais les autres nageoires sont invisibles, aussi bien. que les intestins. Ce n’est que le troisième jour qu'on aperçoit la nageoire de la queue, qui est encore droite; fig. 2, b. La nageoire du dos paroît le cinquième jour; celles du ventre et l’anale s'aperçoivent au micros- cope le huitième jour. C’est à peu près à la même époque que le microscope fait découvrir, sur le corps du poisson , de pelits points noirs, figure 5 de la planche IL, 8 D; & est la marque de les- tomac. De ces petits points noirs les uns sont ronds, et les autres alongés en angles comme des étoiles irrégulières. (Voyez la figure 2 de la planche LIT, a, b, ce.) Ce sont les pre- miers contouis des écailles dont le poisson doit être couvert. Ceux de la iête, a, sont les plus petits; ceux du dos, b, les plus grands, et ceux des côtés, c, d’une grandeur moyenne entre les premiers et Îles seconds. On DES PLANCHES. 395 On remarque aussi à la queue une échan- crure en forme de croissant ; fig. 3, c. Près de la tête on aperçoit le cœur, qui Consiste en un sac mince et membraneux. Voyez la fig. 4, a, de la planche IT, et la fig. 1 de la pl. HE, a; il verse le sang dans une artére en forme de poche, fig. 4, a, planche IL, et fig. 1, planche Ii1, 6. De que cette artère a reçu le sang, elle se res- serre pour le faire passer dans l'aorte, Ji. T4 planche LEE, c. Pendant que l'artère se com prime, la veine cave porte de nouveau sang au Cœur qui étoit sans action , fêg. 1, pl. HE, Î} et ensuite le cœur le fait jaillir dans les veines , qui pour lors sont aussi sans action. Les ouïes n'étant pas encore visibles dans es très-jeunes poissons, on suit les artères jui montent immédiatement à la tête , re- viennent derrière l’œil, et descendent ensuite e long de l’épine du dos, figure 1,c. Une tre descend le long du ventre jusqu’à la jueue, fig. 1, dd: elle commence près de a tête et tire son origine de l'aorte. De Ja remière sort encore à chaque vertèbre t à angle droit une artère qui prend sa brection le long de l'aorte, fig1, ff. Le ang, Qui passe dans ces artères extrémement Poiss. Tome II. N 194 EXPLICATION, etc: délicates , se rassemble en partie dans la veine cave ascendante , figure 1, g, et en partie dans la descendante , 4. Ces deux veines se touchent et forment un angle obius en £, derrière la vésicule aérienne , et con- duisent de nouveau le sang vers le cœur. La vésicule aérienne est fort grosse dans les poissons nouveaux - nés, Æ, figure 1, planche I, tandis que leur tête est petite ; celte conformation tient l’animal en équi- libre, quand il est dans une situation droite. Des œufs de truite formés sont représentés à la figure 5 de la planche IT. La figure 5 de la pianche JT est un mor- ceau d’ovaire de saumon, dont les œufs sont enfermés par couches dans des mem- branes particulières et arrangées les unes sur les autres en forme de plis. On voit à la figure 4 une petite masse! de six œufs de perche, unis ensemble , for- mant une figure à six côtés, ainsi qu’on! l’observe distinctement au microscope. A la figure 5 sont des œufs de perche, attachés en forme de filer. Enfin la figure 6, planche TT, montre les animaux spermaiiques de la carpe. GBSERVATIONS Sur les Ecailles de plusieurs espèces de Poissons qu'on croit communément dépourvus de ces parties. | Par BROUSSONET , nE L’ACADÉMIE DES SCIENCES: Nous ne connoissons qu'un très - petit nombre de poissons privés entièrement d’écaiiles; peut-êtremèême ces parties sub- sistent-elles dans tous, et n’ont-elles échappé jusqu’à présent aux recherches des ichthyo- logistes que faute d'observations plus exactes; le but de ce Mémoire est de donner la des- cription de quelques-unes de ces parties sur des espèces où l’on avoit assuré qu’elles ne se trouvoient point. La position des écailles varie suivant les différentes manières de vivre et la forme de chaque espèce de poissons ; dans quel- ques-uns elles sont entièrement à découvert; dans d’autres elles sont en partie recouvertes par la peau, quelquefois elles sont cachées au dessons de l’épiderme. Leur insertion présente aussi des différences relatives à la diversité des espèces ; il en est où les écailles N 2 190 - OBSLRVATTONS sont très-unies à la peau et paroissent n’en être qu'un prolongement ; quelquefois elles sont légèrement attachées au corps par des Vaisseaux très-déliés qui partent du miheu, ou des bords de chaque écaille, dont la forme varie aussi suivant les espèces ; on en voit de cylindriques, de rondes, de carrées , d’unies, de crénelées, etc., coime aussi d’osseuses et de flexibles. Les poissons, dont les écailles sont à dé- couvert et seulement relenues par des vais- seaux, appartiennent à la classe de ceux qui nagent dans de grands fonds, qui ne s’approchent jamais du rivage , et qui par conséquent sont moins exposés à perdre ces parties , que le moindre :choc contre les rochers où les plantes marines pourroient détacher. Plusieurs espèces de clupés, d’ar- geniines, etc., peuvent être rangées dans cette classe. L'usage des écailles paroît se borner dans cenx-ci à rendre la surface de leurs corps unie et lisse, pour fendre l’eau avec plus de facilité : ce qui esL d'autant plus probable que ces poissons font des voyages de long cours, et que la confor- . ation des autres organes concourt aussi à augmenter la promptitude de leurs mou- _Yéinens. SUR LES ECAILLES. 197 À mesure que les poissons sont destinés à s'approcher un peu plus du rivage, leurs écailles sont recouvertes en partie par la peau ; leur épaisseur devient aussi plus con- sidérable , et leur adhérence est plus forte que dans les espèces dont nous venons de parler. Ceite conformation leur est d'autant plus nécessaire qu’elle préserve ces animaux des impressions trop brusques qu’ils renver- roient élant exposés à se heurter sur les rochers au milieu desquels ils nagent conti- nuellement. La forme de leurs écailles varie suivant leur genre de vie; quelquefois elles sont très-grandes , comme on peut le voir dans plusieurs espèces de perches , de labres et sur-tout de scares, aux ont les écailles plus grosses, proportionnellement à leur corps. J’en ai vu qui avoient appartenu à un poisson de ce genre pris dans les mers des Indes : elles avoient près de trois pouces de diamètre. Les poissons dont les écailles sont en partie recouvertes par la peau, sont destinés à vivre dans la vase et près du rivage ; plus ces parties sont pelites, plus la membrane qui les fixe est épaisse; ce qu’on peul observer, en comparant un brochet avec une tanche: je me bornerai pour cet objet à renvoyer N 5 198 OBSERVATIONS à l'ouvrage de Baster , qui à donné la figure d’un très-grand nombre de ces écaiiles. Je vais décrire ces organes sur quelques espèces où on ne les a pas observés. La flamme se trouve dans la Méditer- ranée ; c'est un poisson fort eflilé , sa queue se termine en pointe. Les premiers ichthyo- logistes la connoissoient sous le nom de tænia , comme s'ils eussent voulu la com- parer à un ruban : Linnæus l’a désignée sous la dénomination générique de cépola, en y ajoutant le nom spécifique de fænia; sa couleur de feu et la manière dont elle nage en serpentant lui ont fait donner, dans notre langue , le nom de flamme ; presqu’aucun auteur n’a donné une bonne description de ce poisson. Je n’en connois point qui ait parlé de ses écailles; M. Gouan, dans le caractère qu’il assigne au genre du cépola d’après l'espèce dont nous parlons, dit qu’il n’y a point d'écailles; il est cependant facile de voir ces parties , qui sont retenues sur le corps de l’animal par une enveloppe très- fine et très- déliée. Elles sont rangées de manière qu'elles forment des lignes obliques qui se croisent en façon d'échiquier. La trace qu’elles laissent sur la peau en tom- bant est presque carrée ; quoiqu’elles soient SUR LES ECAILLES. 199 assez petites, on les voit cependant à l’œ:l nu très-distinctement; au microscope, elles paroissent ovales, plus obtuses à l’une des extrémités qu’à l’autre; vers le bout le plus large on voit partir du centre des rayons divergens assez distans les uns des autres ; ils sont formés par une série de petites écailles , se recouvrant les unes Îles autres en manière de tuiles. De l’autre côté de l'écaille on voit des arcs de différentes grandeurs , également éloignés les uns des autres , et décrivant une courbe semblable à celle du bord de ce même côté; ces arcs sont aussi formés par de petiles écailles; les écailles principales forment un renflement dans leur milieu ; elles tiennent au corps au moyen de plusieurs vaisseaux très-déliés, qui s'insèrent au dessous dans leur partie concave. On n’en trouve point sur la tête. Loin de gèner les mouvemens de ce poisson , elles servent au contraire à les faciliter ; aussi est-il très-agile, et nage-t-il fort vite au milieu des plantes marines où il vit ordi- nairement. Jai reconnu des écailles petites rangées , comme dans cette espèce, en quinconce ; sur deux poissons appartenans à un genre que Gronovius a décrit sous le nom de mas- N 4 200 OBSERVATIONS tacembelus : j en ai décrit un dans le museunt Britannicum , où 1l a été apporté par Russell, qui l’a fait connoître le premier dans son Voyage d'Alep ; l’autre, qui n’a été décrit par aucun auieur , et dont les écailles sont un peu plus petites que celles de lespèce précédente, m'a été communiqué par M. le chevalier Banks, qui l’a apporié de la mer du Sud. Plusieurs auteurs ont prétendu que la remora navoit point d'écalles; Linnæus et M. Gouan ont donné ce caractère à ce poisson. Je ne relèverai point ici cette omission qui est démontrée d’une manière d'autant plus frappante que ces parties sont très-apparentes dans l’espèce dont il s’agit. L’ammodyte se trouve assez communé- ment sur les côtes de l'Océan, en Hollande, en Angleterre; on le trouve aussi en Amé- rique , à Terre-Neuve, etc. Nous remar- querons en passant que presque tous les auteurs qui ont donné une figure de ce poisson , ont copié celle qu’en avoit publiée le prennier Salviani ; ils l'ont représenté avec deux nageoires sur le dos, quoiqu'il n’en ait réellement qu'une. Son museau est très- effilé , sa chair est ferme; il s'enfouit presque toujours dans le sable : on le déterre en LI SUR LES ECAILLES. °o1 Hollande avec une herse faite exprès, traînée par des bœulfs ; comme il est des- tiné à vivre sous le sable , et presque tou- jours hors de son élément, ses écaiiles ont dû avoir une conformation particulière. Aussi sont-elles très-petites, et ont-elles échappé à lexamen de tous les ichthyoio- gistes, de Willughby lui-même, si recom- mandable par son exactitude, et qui cepen- dant dit expressément que ce poisson est privé d’écailles ; elles sont presque semblables à celles que je viens de décrire sur la flamme ; seulement les lignes obliques qu’elles for- ment sont distinctes entre elles. Fabricius, dans sa Fauna Groenlandica, pag. 141, parle de ces lignes, mais il ne dit pas qu'elles soient formées par des écailles ; 11 observe seulement que la peau est unie et marquée de stries obliques qui entourent le corps ; je crois qu'Artedi est le seul auteur qui en ail fait mention, sans cependant en donner la description : je ne sais pourquoi long-tems après Artedi, M. Gouan indique la privation des écailles comme un caractère du genre de l’ammodyte qui ne consisie que dans celte seule espèce. Nous venons de parler des écailles de quelques espèces de poissons deslinés à vivre 202 OBSERVATIONS souvent dans la vase : elles sont très - petites et se recouvrent en partie les unes les autres. Nous allons passer à d’autres espèces destinées au même genre de vie, mais obligées d'exécuter beaucoup plus de mou- vemens d’ondulation, dont le corps est long et dans lesquelles les écailles ont dû être séparées par de petits intervalles, pour que les mouvemens du corps ne fussent point génés; on les trouve sur les anguilliformes : Je vais les décrire d’abord sur languille , parce que c’est le poisson de cette classe le plus commun, et que ces écailles ont d'ailleurs été déja connues de plusieurs auteurs. Le corps, la tête, et même les yeux de l’anguille sont recouverts d’une peau d’un üssu serré , blanchâtre et parsemée d’une infinité de petits points noirâtres, qui, vus à la loupe, présentent un grand nombre de mouchetures; elle est recouverte d’un épiderme très-fin, noirâtre. On trouve entre ces deux enveloppes de petites poches oblongues, quelquefois rondes, ordinaire- ment d’une ou même deux lignes de long, et formées par une adhérence de l’épiderme à la peau tout autour de ses vésicules, qui sont en parlie remplies d’une humeur qui SUR LES ECAILLES. »vo3 jubréfie toute la surface du corps au moyen d'une grande quantité de petits tuyaux. Les écailles sont logées dans les petites poches dont je viens de parler, une dans chaque poche qu’elle remplit exactement : la con- vexité en est tournée en dehors : elles sont fixées au corps par plusieurs vaisseaux qui s’'insèrent à la partie concave. Leuwenhoeck en a donné une bonne descriplion et une bonne figure. Roberg, dans la description qu'il a publiée de l’anguille, en a fait men- tion , et a copié la figure de Leuvwenhoeck. On peut en voir aussi une très-bonne figure dans les Opuscula successiva de Baster. Au microscope, ces parties paroissent formées de plusieurs rayons divergens, composés eux-mêmes d’une rangée de petites écailles posées les unes sur les autres en maniêre de tuiles. Les écailles principales d’ailleurs sont répandues sur tout le corps sans se toucher; on les voit très - bien à l’oœil nu , et mieux encore sur une peau sèche : c’est le moyen qu’Artedi a indiqué pour les distinguer fa- cilement. Un des avantages les plus précieux, sans doute, de l’étude de l’histoire naturelle est de nous éclairer sur les erreurs les plus géné- so, OBSERVATIONS ralement accréditées, et qu'il est toujours si important de détruire, sur-tout lorsqu'elles intéressent la diététiqite. Ainsi les juifs d’au- jourd’hui, qui habitent souvent des pays où l’anguille est très-commune, mais qu'ils crojent comprise dans la défense faite par la loi de manger des poissons sans écailles, ne _ s’abstiendroient point d’un aliment si fin, s'ils culivoient l’histoire naturelle avec au- tant d'ardeur qu'ils mettent d’aveuglement dans un précepte qui n'étoit réellement pas compris dans le sens de la loi. On peut dire la même chose des Romains, à qui, suivant Pline, une loi de Numa défendoit de sacri- fier des poissons sans écailles. Un basard heureux procure souvent au peuple des découvertes dont les observateurs ne se doutent pas, même plusieurs siècles après qu'elles sont regardées ailleurs comme des choses triviales. C’est ce qui est arrivé aux paysans de plusieurs pays du Nord, qui, long-tems avant Leuvwrenhoeck, con- noissolent les écailles de l’anguille, qu'ils ramassolent avec soin pour les mêler avec le blanc destiné à blanchir les murs de leurs maisons, qui acquéroient par là un brillant très-agréable , particulièrement lorsqu'elles SUR LES ECAILLES. 205 &toient éclairées par le soleil : ne pourroit-on pas appeler ceci blanc à l’écaille, comme on dit blanc en bourre ? Plusieurs auteurs ont cependant écrit qu'on ne trouvoit point d’écailles sur lan- guille. Rondelet et quelques autres ichthyo- logistes l’ont assuré, et parmi les modernes M. Gouan a indiqué la privation des écailles comme un caraclère propre aux genres de murène auxquels ce poisson apparlient. Cet auteur dit cependant , dans un autre endroit du même ouvrage, que les écailles des poissons sont quelquefois séparées les unes des auires, el il cite pour exemple Fanguille. Hasselquist a décrit ces écailles dans son Voyage ; mais 1l les prenoit pour des parties bien différentes. Les écailles ne sont pas les seules parties que les auteurs aient méconnues dans ce poisson. Les organes de la génération leur ont été inconnus, et sa reproduction a été regardée comme mystérieuse. Parmi le grand nombre d'auteurs qui ont donné la descrip- tion anatomique de languille, Valisnieri est le seul qui ait donné une bonne figure avec une description des organes des deux sexes, qui sont situés hors du péritoime et disposés en grappe comme dans les lamproies, 206 OBSERVATIONS Il est rare qu'on prenne une anguille œuvée ; il paroit que les œufs prennent un accroisse- ment très - prompt dans ces animaux , et qu'ils se cachent daus la vase au moment où ils doivent les jeter. Plusieurs espèces de murènes des mers des Indes ont des écailles de la même forme de celles de l'anguille : ces poissons appar- tiennent au même genre. Le loup marin a des ecailles rondes plus grandes que celles de languille, et pareillement recouvertes par l’epiderme. Tous les auteurs qui ont parlé de cette espèce , Willughby même et Gronovius, qui en ont donné les meilleures descriphons, ont assuré qu'elle n’avoit point d'écaii & Un poisson du genre des blennies, qui a beaucoup de rapports avec le loup marin, et qui est connu sous le nom de siviparus, à cause de la manière dont ses petits sortent tout formés de son corps, est couvert d’écailles de la même forme; elles sont seulement un peu plus petites que dans les espèces précé- dentes, relativement à sa grosseur. Ce poisson remonte les rivières. Je lai vu assez souvent dans les marchés de Paris et de Londres : son squelette est verd. Cet exemple n’est poiut unique ; on retrouve la même singu- - SUR LES ECAILLES. 2o7 jarité. dans deux autres espèces de poissons, savoir, l'aiguille (esox belone), et une autre variété du brochet, qu’on pêche quelquefois aux environs de Malesherbes. La donzelle, dont j'ai publié l'histoire dans les Transactions philosophiques, année 1781, a des écailles du même genre; mais, comme la peau qui les retient sur le corps est très- mince, elles tombent aisément, et pour lors le poisson paroît si différent de ce qu’il étoit auparavant, que quelques auteurs qui l’ont vu figuré dans les deux états en ont fait deux espèces distinctes. Je n’entrerai point dans un plus long détail sur ces parties, en ayant déjà donné la description et la figure dans les Transactions philosophiques. Les écailles que nous venons d'examiner sont cachées sous l’épiderme; elles sont éloignées les unes des autres, et les poissons qui en sont pourvus sont privés de nageoires ventrales, ou du moins ces parties sont très- petites dans quelques-uns, et incapables de les soutenir. Toutes les espèces de cet ordre ont le corps alongé pour être en état d’exe- cuter des mouvemens d’ondulation, et de se soutenir ainsi à une certaine hauteur ; elles ne s’éloignent jamais des bords; elles y vivent presque toujours dans la vase. Les ouver- 208 OBSERVATIONS tures de leurs ouïes sont petites, et la peau qui sert d’enveloppe à toute la tête devient trans- parente sur les yeux. Si les ouvertures de leurs ouïes avoient élé grandes, si leurs écailles étoient contigués et à découvert, le limon seroit entré avec l’eau dans les organes de la respiration , et se seroit insinué sur les écailles. Parmi les poissons qui ont des écailles presque tout à fait cachées, 1} nous reste à examiner deux espèces particulières ; l’une est un scombre décrit par Browne dans l'Histoire naturelle de la Jamaïque; son corps est lisse, argenté et eflilé ; la peau est d’un üssu serré et ferme : elle a presque la con- sistance du cuir; toute la surface du corps est marquée de Hynessallantes interrompues, dirigées de la tête à la queue, et quise touchent par les côtés. Ces lignes sont formées par des écailles alongées, très —- étroites, pointues, fixées sur la peau, et recouvertes d’un épi- derme argenté ; leur longueur est ordinai- rement de trois où quatre lignes : elles sont retenues sur le corps par un petit vaisseau qui s'insère à extrémité la plus voisine de la téte, et en même tems la plus effilée : il est difficile de les détacher. Elles procurent à la peau ce dégré de fermeté qu’on y trouve. On SUR LAS ECAILLES. 209 On pêche ce poisson dans les mers d’'Aimé- rique. L'autre espèce est figurée par Marc grave, sous le nom de guebum. Elle constitue un nouveau genre très- voisin de celui de scomber. J'ai cru devoir lui laisser en français le nom de voilier, sous lequel on le trouve assez mal figuré dans louvrage de Renard. Sur un individu de plus de sept pieds de long, dont M. le chevalier Banks a bien voulu me laisser prendre la description dans sa collection, les écailles étoient de huit ou neuf lignes de long, lancéolées, aplaties, fixées dans la peau, et preque tout à fait recouvertes par l'épiderime ; elles étoient moins rapprochées que celles de l'espèce de scombre que je viens de décrire. Un vais- seau, qui s'inséroit à leur base , les retenoit sur le corps. Marcgrave avoit vu ces parties; mais il les avoit prises pour des arêtes, et avoit dit que ce poisson n’avoit point d’écailles. Il paroît que ces sortes d’écaiiles procurent à la peau un très-grand dégré de fermeté, en même tems quelles facilitent les mou- vemens des poissons qui en sont couverts, en rendant plus lisse la surface de leur corps. Les deux espèces sur lesquelles je les ai observées nagent très-vîte; le voilier sur- tout, qui est armé, comme l’espadon, d’un Poiss. Tome IL. 0 210 OBSERVATIONS long bec dur, nage avec une telle rapidité qu'il perce souvent plusieurs pouces du bois des vaisseaux contre lesquels 1l se porte; c’est ce qu’on peut voir dans les Ephémérides des curieux de la Nature, dans les ''ransac- tions philosophiques, et dans les Mémoires de l'académie de Stockholm. On le trouve au Brésil et dans les mers des grandes Indes. Les écailles osseuses , alongées, que nous venons de décrire , ont une certaine ana- logie avec celles qui recouvrent le corps des chiens de- mer ; mais celles-ci sont entière- ment à découvert. Elles sont rangées régu- lièrement en quinconces, et fixées très-for- tement à la peau. Celles de l'anguille dont Baster a donné la figure sont très-petites ; mais vues au microscope, elles paroissent aplaties, étranglées à leur base, et presque en forme de fer de lance. On voit sur leur surface deux ou trois lignes longitudinales et saillantes. On peut observer, sans le se- cours d’aucuns instrumens qui grossissent les objets, des écailles de la même structure et sur une nouvelle espèce de chien de mer que j'ai décrite dans les Mémoires de l’aca- démie, année 1780, sous le nom d’écailleux. Quelques poissons de ce genre ont les écailles aplaties , lisses, presque rondes et très-rap- SUR LES ECAILLES, ou: prochées. La peau de ceux-ci sert à couvrir les ouvrages qu'on nomme en galluchat ; celle des autres fournit le chagrin pour le commerce. Toutes ces écailles sont fixées solidement sur la peau. Cette adhérence étoit nécessaire pour qu'elles ne puissent point se détacher dans les mouvemens compliqués que ces poissons sont obligés d'exécuter ; elles leur fournissent d’ailleurs une sorte de défense contre les plus petits poissons, en rendant leur peau ferme et rude au toucher. Les poissons bourses ({etraodon ) ont des écailles très-fines et semblables à des épin- gles ; leur pointe s'éloigne du corps. Cette direction devenoit indispensable dans ces poissons, qui enflent à volonté leur corps et le réduisent tout de suite à un petit volume. Plusieurs espèces ont des écailles osseuses très-dures et très-liées entre elles : les loricarias et les poissons coffres sont dans ce cas; d’autres enfin , tels que lessingnathus et les baptisters, ont des écailles cartilagi- neuses un peu flexibles, larges et fixées d’une manière invariable sur une peau épaisse. Les écailles paroissent être communes à toutes les espèces de poissons, et leur usage principal semble être de fournir à ces ani- O 2 413 OBSERVATIONS, etc. maux une arme défensive en procurant & leur peau, continuellement ramollie par Félément qui l’environne , un plus grand dégré de fermeté. Les poissons sont encore pourvus de tübercules osseux, d'épines , d'appendices charnues , et même d’espèces de poils : ce dernier cas est à la vérité très- rare ; on ne l’observe que sur un très-petit nombre d'espèces, et notamment sur un poisson du genre des saumons, désigné par M. Duhamel, sous le nom de capelan d'4me- rique. La manière dont les écailles se forment, celle dont elles prennent leur accroissement, l'usage dont elles peuvent être pour décou- vrir l’âge des poissons, sont autant d'objets que je me propose d'examiner dans un autre Mémoire ; il me suffit dans celui-ci d’avoir faut voir ces parties sur plusieurs espèces où elles n’avoient point été observées aupa- ravan£. | # CE SE SENIRERE"* | PRÉCIS De la Législation sur la Péche (1). Ex vain la terre est-elle enrichie et parée des dons multipliés de la sage et bienfaisanté Nature, si l’égoïsmeimprévoyant de homme tend sans cesse à tarir la source de tant de bienfaits par des jouissances irréfléchies et dévastatrices. C’est pour éviter ce malheur que , dans toutes les sociétés policées, le lé- gislateur a toujours dirigé son attention sur les abus qu’entraîne le calcul trop souvent érroné de lintérét particuliér ; et S'il est vrai de dire que la meilleure législation est celle qui, en éclairant le citoyen, sait diriger cet intérêt particulier vers le bien général, 11 faudra convenir que la nôtre faisse très- peu de chose à desirer sur Îles moyens d'arrêter la main indiscrette et rapace qui, plongeant sans cesse dans l’élément des ani- | (1) Je dois cet article à un de mes amis , homme de beaucoup d'esprit et très-versé dans la connoissance des lois; il à bien voulu le composer pour le placer à la tête de mon ouvrage. O 3 214 LEGISLATION maux paisibles dont nous allons tracer lhis- toire naturelle, parviendroit bientôt à en faire disparoître les espèces les plus nom- breuses et les plus utiles, si elles n’étoient protégées par de bons réglemens. Ces régle- mens existent , et nous avons pensé qu'avant de parcourir les détails intéressans de lhis- toire des poissons , nos lecteurs verroient avec plaisir quelles sont les précautions prises jusqu'à présent pour prévenir l'entière des- truction de ceux qui, habitant nos fleuves, nos rivières, nos lacs etnosétangs, y croissen! et y multiplient, pour nous fournir des ali- ments sains dont l'abondance devient chaque jour plus desirable. La pèche est à la vérité une des manières d'acquérir, et le premier des arts que la Nature enseigna aux hommes pour fournir à leur nourriture. Dans l’état de société, elle fut permise par le droit des gens; mais dans le droit civil elle dut être considérée comme un accessoire adhérent à la seule propriété des étangs et des viviers, et elle ne fut plus permise que dans la mer, les fleuves et les rivières dont l'usage étoit public. Elle est restée libre en pleine mer et sur les grèves; mais dans les mers qui baignent SUR LA PEÈCHE. 215 les côtes de France, elle fut assujettie à des règles qui déterminent l'espèce de filets dont on doit se servir pour ménager les différentes espèces qui les fréquentent plus constam- ment ; et si l'autorité conservatrice des droits de tous dut veiller à ce que les intérêts par- ticuliers ne s’entrenuisissent pas au préju- dice de la société, dans la vaste étendue où 1l seroit difficile de détruire des espèces entières qui y trouvent tant de facilité d'échapper aux pièges, à plus forte raison dut-on prendre des précautions contre les abus de la pêche dans les eaux limitées des fleuves et des rivières navigables, dont la propriété étant de droit de public füt le partage de celui qui avoit la puissance sou- veraine. Ïl n’y permit la pêche que sous des réserves et avec des limitations qui avoient pour objet la conservation de diffé- rentes espèces de poissons qui se tiennent plus ordinairement dans les grandes eaux ; mais ce n’étoit pas assez faire pour lintérét public ; et comme dans les petites rivières, les lacs et les étangs, les particuliers qui en étoient devenus propriétaires, par restriction du droit public et à titre quelconque, pou- voient abuser de cette sorte de propriété , au préjudice de la société, en pêchant sans O 4 216 LEGISLATION iesure et sans les précautions nécessaires pour protéger le premier âge des poissons et leur mulliplication , ce fut sans douie ce qui détermina Louis XIV à réunir, dans son Ordonnance de 166, les dispositions des anciens réglemens sur la pêche dans les fleuves, rivières , élangs et autres retenues d'eau, et à ajouter sur cette malière de nouvelles dispositions plus claires, plus po- sitives et plus conservairices. C’est ainsi que lorsqu'une commune étoit, en tout ou en partie, propriétaire d’une rivière, étang, etc. l'article 17 de cette Ordonnance a ordonné que Ja pêche en scroit affermée, et que par l'article suivant il est défendu à tous ha- bitans ; autres que les adjudicataires , d’y pêcher, même à la ligne ou à la main. L'article 5 et les:suivans du titre 31 de la mème loi défendent de pêcher à autre heure que depuis le lever jusqu’au coucher du soleil; dans les tems de frar avec des filets et harnois de pêche à prendre les poissons. du premier àâgc; de chasser le poisson de: ses retraites en ly bourrant; de jeter le filet dans les noues où les débordemens des ri- vières ont pu porter du poisson et du fra. l'article 12 ordonne de rejeter à l’eau les truites, carpes, barbeaux, brèmes et muniers SR LA: PECHE. s19 qui ont moins de six pouces de long entre l'œil et la queue. Le suivant veut que les harnois des pêcheurs soient scellés en plomb. Les deux suivans défendent de jeter dans les rivières ni chaux , ni noix vomique, ni coque du levant, ni autre drogue propre à endormir où à tuer le poisson, et aux ma- riniers et bateliers d’avoir dans leurs ba- teaux aucun ustensile de pêche; et enfin le 19° défend d'aller sur les mares, étangs et fossés lorsqu'ils sont glacés, pour en rompre la glace, y faire des trous et y porter des flambeaux , brandons et autres feux. La contravention à chacune de ces différentes dispositions entraîne contre les contrevenans des peines pécuniaires plus où moins fortes, et même des punitions plus ou moins graves. Il est inutile sans doute d'entrer dans le détail des motifs de toutes ces prohibitions; le lecteur intelligent aperçoit aussitôt qu’elles n’ont d'autre objet que de protéger le frai et le premier âge du poisson, et de mettre un frein à la rapacité de ces pêcheurs de profession. Ce réglement, qui portoit aussi sur l'ade ministration des forêts, quoique souvent éludé par les pêcheurs sans litre et sans permission , avoit cependant assez bien 218 LEGISLATION conservé la pêche des rivières, des lacs et des étangs; miais la permission de détruire celte dernière espèce d’amas d'eau, et la Ücence effrénée qu’une certaine classe de mauvais ciloyens prenoit ou feignoit de prendre pour la liberté, en aïttachant à Fabolition des privilèges un sens que ne présente pas la loi qui les supprime, ont considérablement diminué le moyen fécond de subsistance que produisoit Ia pêche. Pendant la crise révolutionnaire, on sy est divré, ainsi qu’à la chasse , sans frein , sans mesure , el sans aucun respect pour les propriétés ; en sorte que les rivières et les ruisseaux poissonneux ont élé en proie à un tel brigandage , qu’on a pu craindre la destruction en France de plusieurs espèces de poissons et de gibiers. Mais enfin le calme ayant succédé à l'orage politique, la puissance publique a senti la nécessité de mettre un terme à la déprédation la plus déplorable, et un Arrêté du Directoire exécutif du 28 mes- sidor an 6, en rappelant toutes les dispositions: que nous venons d'extraire de l’'Ordonnance de 1669, en a ordonné lexécution, en sup- primant cependant les peines affliciives et infamantes qu'elles prononcent contre les coupables de certains délits qui y sont SUR LA PECHE 19 prévus. Le titre 5 d’une loi du 14 floréal an 10 a ajouté, aux dispositions de l’Arrêté du Directoire du 28 messidor an 6, la dé- fense de pêcher dans les fleuves et rivières navigables sans une permission , si l’on n’est pas adjudicataire de la ferme de la pêche. Cette défense et tous les textes de ce titre 5 rétablissent le principe consacré par Part. 41 du litre 27 de lOrdonnance de 1669 , suivant lequel les fleuves et les rivières navigables étant une propriété publique, exercice de ce droit de propriété n'appartient qu’au souvernement en qui réside l’exercice du pouvoir souverain. Il eüt été à désirer qu’en ajoutant à lArrêté du 28 messidor an 6, la loi que nous venons de citer eût con- tenu quelques textes préservatifs, tels, par exemple, que ceux qu’on trouve dans un réglement sur les eaux et forêts donné er 2707 par lavant-dernier duc de la maison de Lorraine. Ce réglement fait défense, entre autres précautions , de barrer les rivières pour y faire de grandes pêches, d'y faire rouïr le chanvre, d’abreuver et faire païtre les bestiaux dans les élangs pendant les mois de mai et de septembre. Les cir- constances, la suppression des droits féodaux, les grands changemens dans les propriétés 290 LEGISLATION et le nouveau point de vue sous lequel elles doivent être considérées relativement aw droit de pêche, suggéreront, avec le tems, dans cette partie de l'administration publique; des idées d'améliorations qu'on doit attendre: de la sagesse du gouvernernent. | Maintenant que nous venons de donner à nos lecteurs un extrait de notre législation sur la pêche dans les fleuves, les rivières ; les étangs et dans toutes les espèces de re- tenues d'eau, il n’est pas hors de propos de dire quelque chose de nos lois sur la pêche maritime. | Par l’article 1° du titre 5 de FOrdonnance du mois d'août 1681, la pêche en mer éloit Hbre pour tous les français, et il étoit permis de la faire tant en pleine mer que sur les grèves ; mais, pour empêcher l'abus qu’on pouvoit faire de cette permission , soit er se servant de filets à maille trop serrée, qui détruisoil trop de poissons du prenuier âge et même le frai, le législateur avoit voulu que les rets et les filets appelés so//es, dont les pêcheurs devoient se servir, eüssent au moins cinq pouces en carré. Celie précau- tion ne parut pas suffisante, et un cri uni- versel s'étant élevé contre l'usage abusif de la drège ou drague , espèce de filet traînant SLR LA PECHE. 291 qui étoit permis alors, mais qui, en dé- truisant le frai, portoit un grand préjudice à la pêche maritime , par une déclaration du 18 avril 1726, il fut défendu de se servir de la drège ou drague et de tout autre filet trainant le long des côtes et aux embou- chures des rivières, excepté pour la pêche de l’huître. Cette loi contient plusieurs dis- positions très-irritantes contre la pêche du frai, avec quelque filet ou ustensile de pêche, et sous quelque prétexte que ce soit; une autre déclaration du 24 décembre de la même année 1726 , ajoute à la première nombre de dispositions pour en assurer l'entière exécution. Par une autre déclara- tion du 18 mars 1727, le législateur a réglé les dimensions de différens filets employés à la pêche maritime , et la manière de les tendre. Il faut voir cette loi, divisée en 11 titres, et contenant 69 articles, pour con- noître quels pouvoient être les abus de la pêche maritime, et quelles précautions le législateur avoit prises pour les empêcher. Une autre loi du 18 décembre 1728 a réglé en 18 articles tout ce qui concerne la pêche des moules. L’ordonnance du mois d'août 1781 , porte aussi d’excellens réglemens pour la pêche du hareng et de la morue ; 222 LEGISLATION mais , comme ils renferment trop de détails ei que de mème que les différentes décla- rations que nous venons de citer , ils con- tiennent beaucoup d'articles dont l’objet est de prévenir les difficultés entre les pêcheurs, et de les empêcher de se nuire entre eux et à la navigation , nous renvoyons nos lecteurs à ces différentes lois et à l'arrêt du conseil du 3 mars 1754. Ils y prendront une haute idée de la sagesse du gouvernement qui les a faites, et ils feront avec nous des vœux pour qu'ils soient renouvelés, et que la stricte exécution en soit ordonnée par la puissance publique, qui, äprès avoir donné la paix sur mer comme sur terre, veut faire cesser tous les genres d'abus, toutes les sortes d’anarchies. Ces vœux, qui sont ceux de tous les bons citoyens , sont d'autant plus ardens que le dessèchement de beaucoup d'étangs , en vertu de la loi du 14 frimaire an 2,a considérablement diminué en France la ressource que fournit le poisson pour la nourriture de toutes les classes de la société. Dans certains cantons de la France, lagri- culture a pu gagner quelque chose à la conversion des étangs en prairie ou en pleine culture ; mais il est peut-être plus certain qu'en général on n'y a rien gagné SUR LA PECHE 223 ét pour le revenu, tandis qu’on y a bien cer- tainement perdu sous le rapport des sub- sistances et du commerce. Si la table des riches n’est pas moins bien couverte de poissons aujourd'hui qu'autrefois, la classe nombreuse des citoyens qui ne sont qu'aisés souffre de la cherté du poisson devenu bien moins abondant par l'effet du desséchement des étangs et des abus de la pêche. Cette considération est sans doute assez impor- tante pour que le gouvernement ne dédaigne pas de s’en occuper, et l’on doit attendre de la sagesse de ses vues sur toutes les parties de l'administration publique , qu’il examinera ; avec une nouvelle attention , la question de savoir si les dispositions de la loi du 14 fri- maire an 2 mont pas fait plus de mal que de bien : en attendant on peut compter sans doute qu’il veillera plus que jamais on ne l'a fait, à ce que tous les réglemens anciens sur la pêche, compatibles avec l’ordre actuel des choses , soient observés rigoureusement , puisque c’est le plus sûr moyen d'empêcher le brigandage qui a dévasté les rivières, et de ramener par la suite l'abondae d’une des subsistances les plus saines. L 224 TROISIEME VUE TROISIÈME VUE DE “L'AUUN ACTUUUREE: PAR LAC:ÉPEÉIDE Qur la Nature est belle! que son spec- tacle est magnifique! que sa puissance est admirable! Dans sa fécondité sans bornes, elle a semé les mondes dans l’espace (1). Dans sa Pope sublime, elle ne leur a imposé qu'une loi (2). Les rapports et par conséquent les des- ünées de tout ce qui existe, découlent de cette force unique et irrésistible que le tems ne peut altérer, et qui, décroissant par la distance , mais s’accroissant avec les masses, en pénètre toutes les profondeurs, en régit tous les élémens. Les corps immenses et innombrables qui circulent dans les cieux, les matières brutes qui composent la planète que nous habitons, les fluides qui larrosent, Féchauffent , l’environnent ou léclairent , (1) Première vue de la Nature, par Buffon. (2) Seconde vue de la Nature, par Buffon. les DELA NATIIRE, cef les substances organisées qui la revêtent, les êtres vivans et sensibles qui la peuplent ne moutrent aucune forme, aucune qualité, aucune modification, aucun attribut, aucun mouvement qui ne dérive de ce grand acte du pouvoir souverain et créateur. L'étude de la Nature n’est que l'étude des lois secondaires qui émanent de la grande loi fondamentale. Les animaux, par leurs organes, par leurs sens, par leur mobilité, par leurs affections, par la succession de leurs déve- Jloppemens offrent, bien plus que tous les autres produits de la création, les diverses applications de cette loi suprème , les diffé- rens résultats de ce principe 1mmuable. Parmi ces êtres animés, deux classes très-nombreuses, dont la première a recu les aïrs pour son domaine, et dont les eaux sont le partage de la seconde, peuvent, par les contrastes apparens de leurs habitudes et par les analogies secrettes qui lient leurs mouvemens, nous dévoiler peut-être plus que toutes les autres quelques faces de cet ensemble de relations merveilleuses et néces- saires qui dérivent de la première des lois dictées par la Nature. L'une de ces classes, celle des poissons, est d’ailleurs mantenant Pois. Tous EL P 226 TROISIEME VUE le sujet principal de nos recherches. Com- parons donc lune à l’autre; plaçons leurs principaux traits dans un même tableau, et qu’elles soient l’objet d’une troisième vue de cette Nature dont la contemplation a tant de charmes et fait naitre de si utles vérilés. Dans toutes les classes d'animaux il est une habitude principale qui influe sur toutes les autres, les produit, les modifie, ou les régit de manière que chacun des actes par- ticuliers de l'espèce présente l'empreinte de cet attribut général et prédominant qui dis- tingue la classe. La manière de se mouvoir est le plus souvent cette habitude domina- trice à laquelle les autres sont liées et sou- mises. Nous le voyons évidemment dans la classe des oiseaux et dans celle des poissons, que nous allons comparer lune à lautre, pour mieux juger de leurs propriétés, et sur-tout pour mieux connoître les facultés distinctives des habitans des rivières et des mers. Le vol influe sur toutes les actions des oiseaux ; la nalalion modifie toutes celles des poissons. Par ces deux attributs, les uns et les autres paroissent séparer leurs habitudes de celles des quadrupèdes et des DE LA NATURÉ. 227 autres animaux qui vivent sur la surface sèche du globe, autant que les premiers s'éloignent de l'empire des animaux ter- restres en s’élevant au plus haut des airs j et les seconds en s’enfonçant dans les pro- fondeurs de l'Océan. On diroit du moins que, par le vol et la natation, les oiseaux et les poissons laissent, pour ainsi dire, entre leurs actions une telle distance , qu'on ne pourroit en donner une idée qu'en la comparant à celle qui sépare le fond des mers des plus hautes régions de atmosphère ; et cependant, malgré cette grande dissemblance apparente, les habi- tudes les plus générales et les plus remar- -quables des poissons et des oiseaux montrent des rapports les plus frappans. La natation et le vol ne sont, pour ainsi dire, que le même acte exécuté dans des fluides diffé- rens. Les instrumens qui les produisent, les organes qui les favorisent, les mouve- ‘mens qui les font naître les accélèrent, les retardent ou les dirigent, les obstacies qui es diminuent, les détournent ou les sus- pendent, sont semblables ou analogues; et après ce rapport si rémarquable, nous ne ‘serons pas étonnés de toules les analogies IQ 3 P*5 226 TROISIEME VUE secondaires que nous trouverons entre les moœurs des oiseaux et celles des poissons. En effet, l'aile de l'oiseau et la nageoire du poisson diffèrent l’une de lautre bien moins qu'on ne le croiroit au premier coup d'œil; et voila pourquoi, depuis les anciens naturalistes grecs jusqu'a nous, le nom d’aile a été si souvent donné à cette nageoire. L'une et l’autre présentent une surface assez grande relativement au volume du corps; et que lanimal peut, selon ses besoins, accroître ou diminuer, en l’étendant avec force , ou en la resserrant en plusieurs plis. La nageoire, comme l'aile, se prête à ces différens déploiemens, ou à ces diverses contractions, parce. qu'elle est composée , comme l'aile, d’une substance membra- meuse, molle et souple; et lorsqu'elle a reçu la dimension qui convient momenta- nément à l'animal, elle présente, comme l'aile, une surface qui résiste, elle agit avec précision , _ elle frappe avec force, parce que, de même que linstrument du vol, elle est soutenue. par, de petits cylindres réguliers ou irréguliers, solides, durs, presque inflexibles; et si elle n’est pas fortifiée par des plumes, elle est quelque- fois consolidée par des écailles dont nous DE LA NATURE. 229 avons moñtré que la substance éloit la même que celle des plumes de Foiseau. La pesanteur spécifique des oiseaux est irès-rapprochée de celle de l'air; celle des poissons est encore moins éloignée de la pesanteur de l’eau, et sur-tout de cellé de l’eau salée que contiennent les bassins des mers. Les premiers ont reçu üne organisation très-propre à rendre un grand volume ‘très- léger : leurs poumons sont très-étendus ; dè grands sacs aériens sont placés dans ieur intérieur ; leurs os sont creusés et percés de rnanière à recevoir facilement dans leurs cavités les fluides de Fatmosphère. Les seconds ont presque tous une vessie par- ticulière qui, en se gonflant à leur volonté, peut augmenter leur’ volume, et bien loin d'accroître en même tems leur masse, la diminue en se remplissant de fluides ou de gaz d’une légèreté très-remarquable. La queue des oiseaux leur sert de sou- vernail, et leurs ailes sont de véritables rames. Les nageoires du dos et de Panñus peuvent êlre aussi comparées à une puissance qui gouvetne el dirige, pendant que la queue proprement dite, prolongée par la nageoñ'e caudale, frappe l'eau comme une rame, el T7 R:3 230 TROISIEME VUE communiquant à l’ensemble de lanimalk l'impulsion qu’elle reçoit, lui imprime le mouvement et la vitesse. | Les oiseaux précipilent ou retardent les battemens de leurs ailes ; mais, lorsqu'ils leur laissent toute l’étendue qu’elles peuvent pré- sentier, et qu’ils veulent s'en servir pour chan- ger de place , ils ne leur font jamais éprou- ver deux mouvemens égaux de suite; ils les relèvent avec une vitesse bien moindre que celleavec laquelle ils les abaissent;1ls donnent alternativement un coup très - fort et une impulsion très - foible , afin que, lorsqu'ils montent, par exemple , les couches supe- rieures de l'atmosphère, frappées moins vi- vement que les inférieures, opposent moins de résistance que ces dernières, et que l’ani- mal soit repoussé de, bas en haut. Plusieurs nageoires des poissons donnent aussi très-souvent des coups alternativement égaux et inégaux ; el si la queue frappe avec la même rapidité à droite et à gauche c’est parce que les résistances égales des couches latérales, contre lesquelles l'animal agit obli- iquement , le poussent dans une diagonale, qui est la véritable direction qu'il desire de recevoir. : On pourroit dire que les oiseaux nagent DE LA NATURE. 231 dans l'air , et que les poissons volent dans l’eau. L'atmosphère est la mer des premiers : la mer est l’atmosphère des seconds. Mais les poissons jouissent bien plus de leur domaine que les oiseaux. Ceux de ces derniers dont le vol est le plus hardi, les aigles et les fré- gates, ne s'élèvent que rarement dans les hautes régions aériennes ; ils ne parviennent jamais jusqu'aux dernières linuies de ces régions éthérées, où un fluide trop rare ne pourroit pas suflire à leur respiration, et où une température trop froide leur donneroit bientôt lengourdissement et la mort. Le besoin de la nourriture , du repos et d’un asyle les ramène sans cesse vers [a terre. Les poissons parcourent perpétuellement et traversent dans tous les sens l’immensité de l’Océan, dont le fluide , presque égale- ment dense et également échautlé à toutes les hauteurs , ne leur oppose d’obstacle n1 par sa rareté, mi par sa température. Ils en pénétrent tous les abîimes; ils en sillonnent toute la surface : et trouvant leur nourriture dans une grande partie de l’espace qui sé- pare les profondeurs des mers, des couches aériennes qui reposent sur les eaux, si la nécessité de suspendre tous leurs eflorts et P 4 Ed 232 TROISIEME VUE de se livrer à un calme parfait les entraîné jusqu’au fond des vallées soumarines, leurs rapports avec la lumière les ramènent fré- quemment vers les eaux supérieures , qu'un soleil bienfaisant inonde de ses rayons. Les vents réguliers favorisent, retardent, arrêtent ou dirigent vers de nouveaux points les voyages des oiseaux : les courans réguliers des eaux accélèrent, diminuent, suspendent ou détournent les courses si variées et si souvent renouvelées des habitans des mers. Les oiseaux que leur vol puissant a fait nomimer grands voiliers, et qu'il faudroit plutôt nommer grands rameurs, résistent seuls aux grands mouvemens de Fatmos- phère, bravent les orages, et surmontent les autans déchaînés : les poissons que leurs nageoires, leur grande quete, leurs muscles vigoureux doivent faire appeler nageurs ou rameurs par éxcellence , luttent seuls contre les flots soulevés, opposent leur force à celle des tempêtes, et poursuivent leur route au- dacieuse au travers de ces tourmentes hor- ribles qui bouleversent, pour ainsi dire, la masse elilière des eaux: Les oiseaux foibles ou mal armés tremblent devant le bec redoutablé‘ouù la serre cruelle des tyrañs de Fair : les poissons dénués DE LA NATURE. 238 d'armes, ou de grandeur, ou de puissance, fuient devant les dents sanglantes des squales et des autres animaux de leur classe qui infesient les rivières où les mers. Auprès de la surface de'la terre, au dessus de laquelle s'élève son domaine aérien, l'oiseau recoit souvent la mort des armes du chasseur, ou la trouve dans les pièges que tout son instinct ñe peut parvenir à éviter. | Au plus haut de son empire aquatique , le poisson périt retenu par un hamecon trompeur, ou enveloppé dans les filets que le pêcheur à tendus. Le besoin de trouver l'aliment le plus convenable , ou le desir d'échapper à la poursuite d’un ennemi dangereux , déter- minent les voyages irréguliers des oiseaux: La nécessité de se dérober à la vue où à Vodorat des féroces géans des mers, ou celle d’appaiser une faim plus cruelle encore, produisent les mouvemens irréguliers des poissons. ; Lorsque la saison rigoureuse commence de régner dans les zones tempérées, et par- iiculièrement dans les portions de ces zones les moins éloignées du cercle polaire, les oiseaux recommencent leurs voyages ré- 234 TROISIÈME VUE gubers et périodiques. Is ne peuvent plus rester sur une terre que le froid envahit , où la surface des eaux se durcit en croûte glacée, où les insectes meurent ou se cachent, où les champs sont dénués de moissons et les arbres de fruits : ils partent ; ils vont chercher vers les tropiques un séjour plus doux et plus heureux. Ils suivent la direc- ücu des méridiens ; ils parcourent par con- séqueut la longueur des grands continens. Ils se réunissent en troupes nombreuses; et mâles, femelles, jeunes ou vieux, tous ras- semblés sans distinction ni de sexe ni d'âge, désertent l'empire des frimas pour aller vers celui du soleil, jusqu’au moment où la cha- leur, revenue dans leur patrie, les y ra- mène dans le même ordre et par la même route. La diversité des saisons re paroît pas produire dans la température dés différentes parbes de l'Océan des changemens assez grands pour obliger les poissons à se livrer chaque année à des migrations régulières ; mais le besoin de se reproduire ; qu’ils ne salisfont qu'auprès des rivages, les contraint, toutes les fois que le printems est de retour, à quitter la haute mer pour s'approcher des côtes. [ls ne nagent pas alors dans le sens DE LA NATURE. 235 des méridiens; mais, par une suite de la position des continens au nulieu du grand Océan, ils tâchent de suivre presque tou- jours une des parallëles du globe pour par- venir plus facilement et plus promptement a la terre dont les bords doivent recevoir ou leurs œufs ou leur laite. Les femeiles ar- rivent les premières, comme plus pressées de déposer un fardeau plus pesant; les mâles accourent ensuite. Is suivent le plus souvent ces mêmes parallèles, lorsqu'ils remontent les uns et les autres dans les fleuves et dans les grandes rivières, ou lorsqu'ils s’aban- donnent à leurs courans pour regagner le séjour des tempêtes, parce que, à l’excep- tion du Mississipi , de quelques rivières de la terre ferme d'Amérique, du Rhône, du Nif, du. Borysthène , du Don, du Volga, du Sinde, de l’Ava, de la rivière de Cam- boge, etc., les fleuves coulent d'orient en occident, ou. d’occident en orient. : Les oiseaux sont d'autant plus nombreux qu'ils fréquentent des continens plus vastes: les poissons sont d'autant plus multipliés qu'ils habitent auprès dé rivages plusétendus. 1! n’est donc pas surprenant que de même qu'il y a plus d'oiseaux dans l'hémisphere boréal que dans laustral, à cause de la plus 236 TROISIEME.VUE grande quantité de terre que présente I première de ces deux moitiés du globe, il y ait aussi beaucoup plus de poissons dans cet hémisphère du Nord, parce que si les habitans de l'Océan ont un séjour plus vaste dans lhémisphère austral, dont les mers très -élendues, et les continens ou les îles très-peu nombreux, il y a peu de rivagés où ils puissent aller déposer la laite ou les œufs destinés à leur multiplication. L'espace n'y manque pas aux individus, mais les côtes y manquent aux espécés: | Si l’on admet, avec plusieurs naturalistes, qu'à une époque plus où moins recülée les eaux de la mer, plus élevées que de nos jours, cquvroient une partie-des continens actuels, de manière à les diviser dans une très - grande quantité d'îles, sans diminuer cependant beaucoup la totalité de leur sur- face, il faudra supposer, d’après les obser= vations que nous venons de présenter , que lors de cetie séparation des continens en plusieurs parties isolées par ‘les eaux de l'Océan, il yavoit beaucoup moins d'oiseaux qu’à présent, ainsi qu’on peut s’en convaincre avec facilité, et que néanmoins il y avoit beaucoup plus :de poissons qu'aujourd'hui, parce que ioutes les divisions opérées par DE LA NATURE. 257 la mer dans les terres augmentoient néces- sairement le nombre des rivages propres à recevoir les germes de leur reproduction. Mais remontons plus avant dans le cours du tems. Croyous pour un moment, avec plusieurs géologues, que, dans les premiers âges de notre planète, le globe a été entière- ment recouvert par les eaux de l'Océan. Alors les oiseaux n’existoient pas encore. À lors aucune partie de la surface de notre planète ne présentoit de l’eau douce séparée de l’eau salée : tout étoit Océan. Mais cet Océan étoit désert; mais cette mer universelle n'étoit encore que l'empire de la mort, ou plutôt du néant. Comment les germes des poissons, qui ne peuvent éclore qu'auprès des côtes, se seroient — ils en effet développés dans un Océan sans rivages ? _ Bientôt les sommets des plus hautes mon- ‘tagnes dominèrent au dessus des eaux, et quelques côtes parurent : elles furent en- tourées de bas fonds : les poissons naquirent. Ils se multiplièrent. Mais leur nombre, li- anité par des rivages très-circonscrits, étoit bien éloigné de celui auquel ïls sont par- venus, à mesure que les siècles se sont 238 TROISIEME VUE succédés, et que les contours des continens ou des îles sont devenus plus grands. À celte époque cependant, les poissons que la Nature a relégués dans des mers particulières , les pélagiens , les littoraux , ceux que nous voyons chaque année re- monter dans les fleuves, ceux qui ne quittent jamais l’eau douce des lacs ou des rivières, les grandes espèces qui se nourrissent de proie, les pelits ou les foibles qui se con- tentent des débris de corps organisés qu’ils irouvent dans la fange, vivoient, pour ainsi due, mélés et confondus dans cet Océan encore presque sans bornes, qui baignoit uniquement quelques chaines de pics élevés. Où il n’y avoit pas de diversité d'habitation, il ne pouvoit pas y avoir de différence de séjour. Où il n’y avoit pas de limites vért- tablement déterminées, il ne pouvoit pas y avoir d'espèce reléguée, ni d'espace interdit. Lors donc qu’une catastrophe terrible donnoit la mort à une grande quantité de ces animaux, ceux que nous appelons au- jourd’hui marins, et ceux que nous nommons Jluviatiles , périssoient ensemble , et gisoient entassés sans distinction sur le même fond de FOcéan. Seroit-ce à cette époque de submersion ELA NATURE. 25q presque universelle , qu’il faudroit rapporter les bouleversemens sous lesquels ont suc- combé les poissons que Fon découvre de tems en tems, enfouis à des profondeurs plus ou moins considérables , recouverts par des couches de diverse nature, pressés quelquefois sous des débris volcaniques (1), et qui forment ces amas remarquables, ces réunions extraordinaires , où les chétodons el d’autres espèces des mers équinoxiales des deux Indes ont laissé leurs empreintes ou leurs dépouilles au milieu de celles des habitans des mers tempérées et du voisinage du cercle polaire, et où les restes et les traits des fluviatiles paroissent confondus avec ceux des pélagiens ? Si l’on devoit admettre cette idée, on pourroit assurer que depuis le moment où les hautes montagnes et les pics élevés étoient les seules porlions de la surface sèche du globe qui ne fussent pas inondées, plusieurs mn, (1) On doit distinguer , dans les éruptions volca- niques , celles qu’il faudroit rapporter à des époques très-reculées, où la face de la terre pouvoit être très-différente de celle qu’elle a aujourd’hui, et celles qui n’ont eu lieu que beaucoup plus récemment , et Jorsque le globe avoit déjà reçu presque en entier sa configuration actuelle. 540 TROISIÈME VUE espèces dont on trouve l’image ou les parties solides dans ces agrégations de poissons de mer. el de poissons d’eau douce, n'ont été modifiées dans aucun de leurs organes es- senliels, ni même allérés dans aucune de leurs formes les plus délicates ; et ce seroit un fait bien important pour le véritable naturaliste (1). A cette époque les cétacés , les laman- tins, les dugons et les morses out pu par- tager avec les poissons empire de l'Océan. À mesure que les eaux de la mer, en se retirant, ont laissé à découvert de plus grandes portions des conlinens et des îles, que de nouveaux rivages ont paru, et que des grèves plus doucement inclinées les ont environnées , les phoques, les tortues ma- rines, les crocodiles se sont multipliés sur ces bords favorables à leur reproduction , à leurs besoins , à leurs habitudes. Alors les premiers oiseaux ont pu animer l'atmosphère. Ils ont trouvé sur la terre déjà abandonnée par les eaux lasyle nécessaire à leur repos, à leur accouplement , à leur nidification , à leurs pontes, à leur incuba- tion, à l'éducation de leurs petits ; et ces (1) Voyez notre Discours sur la durée des espèces. premuers Di) LA NATURE. 2/1 premiers oiseaux ont dû être ceux que nous avons nonimés oiseaux d’eau et latirèmes (1), qui , pourvus d'ailes puissantes, de larges pieds palmés, d'armes assez fortes pour saisir les poissons, el d'organes propres à les assi- miler à leur substance , ne se nourrissent que des habitans des mers, peuvent voler trés- long-tems au dessus de la surface de l'Océan, se précipiter avec rapidité sur leur proie, l'enlever au plus haut des airs, nager à d'immenses distances de la rive, lutter avec ‘constance contre les vents déchaîinés , et braver les vagues soulevées. Alors les alba- tros, les frégates, les pélicans, les cormo- rans, les mauves ont commencé d'exercer sur les poissons leur empire redoutable. Leur apparition a pu être bientôt suivie de celle des oiseaux de rivage, parce que , sur les côtes abandonnées par les eaux de la mer, il a pu se former aisément des marais , des amas d'eaux stagnantes, des savannes à demi-noyées. Cependant les vapeurs se condensoient contre les montagnes élevées, reltomboient (1) Daus le Tableau méthodique des oiseanx que j'ai publié , et d’après lequel j’ai fait arranger la belle collection d'oiseaux du museum d'histoire naturelle. Poiss. Tome II. Q * 2 TROISIÈME VUE L en pluies , se précipitoient en torrens , se répandoient en ruisseaux, couloient en ri- vières , et parvenoient jusqu'à la mer. Dès ce moment la séparation des poissons pela- siens, des littoraux , de ceux qui remontent dans les fleuves, de ceux qui vivent cons- tamment dans l'eau douce des lacs et des rivières, a pu se faire, et les distribuer en quatre grandes tribus très-analogues à celles que l’on connoît maintenant. Les ours marins, les tapirs , les cochons, les hippopotames, les rhinocéros , les élé- phans, et les autres quadrupèdes qui aiment les rivages , qui recherchent les eaux, qui ont besoin de se vautrer dans la fange , ou de se baigner dans l’onde, se sont répandus à cette époque vers tous les rivages , et leur apparilion a dû précéder celle des autres mammifères et des oiseaux qui, craignant beaucoup l'humidité , redoutant les flots de la mer ainsi que les courans des rivières, desirant la sécheresse, liés par tous les rap- ports de lorganisation avec une chaleur très-vive, ne se nourrissent d’ailleurs nt de poissons, ni de mollusques, ni de vers, ni d'aucun animal qui vive dans l'Océan, ou se plaise dans les rivières, ou pullule dans les marais. Elle est donc antérieure à lar- DE LA NATURE. 245 rivée de l’homme, qui n’a pris le sceptre de la terre que lorsque son domaine, déjà paré de toutes les productions de la puis- sance. créatrice , a été digne de lui. Lors donc qu’on écartera l’idée de toutes les causes générales ou particulières qui ont pu bouleverser la surface de la terre depuis labaissement de la mer au dessous des pre- miers pics , on reconnoitra que les fragmens et les empreintes le plus anciennement et le plus profondément enfouis sous les couches terrestres ou soumarines, sont ceux des poissons , des cétacés, des lamantins, des dugons et des morses ; ensuite viennent ceux de ces morses, de ces dugons , de ces la- mantins, de ces célacés, de ces poissons et des phoques, des tortues de mer , des crocodiles, des oiseaux palmipèdes et des oiseaux latirèmes; on placera au troisième rang ceux de tous les animaux que nous venons de nommer , et des oiseaux de ri- vase; on mettra au quatrième ceux de ces mêmes animaux, des oiseaux de rivage , des ours marins, des tapirs, des cochons, des hippopotames, des rhinocéros, des élé- phans ; et enfin on pourroit trouver les images ou les débris de tous les animaux ; Q 2 24 TROISIEME VUE et de l’homme qui les a domptés par son intelligence. | Cependant si, au lieu d'admettre Fhypo- thèse d’après laquelle nous venons de rai- sonner , l’on préfère de croire que la mer a parcouru successivement les diflérentes parties du globe, laissant les unes à décou- vert, pendant qu’elle envahissoit les autres, il faudra nécessairement avoir recours à une catastrophe presque générale, qui, agissant sur des points de la surface de notre pla- nète diamétralement opposés, entraînant hors de leurs habitations ordinaires les pois- sons pélagiens , les Htioraux, les fluviatiles , les cétacés , les lamantins , les phoques, les ours marins, les hippopotames, les élé- phans et plusieurs autres animaux terres- tres, les arrachant à toutes les parties du slobe , les réunissant , les mêlant, les con- fondant, les soumeltant au même sort, les a entassés dans les mêmes cavités, recou- verts des mêmes débris, écrasés sous les mêmes masses, et immolés du même coup. Au reste , c’est au naturaliste entièrement consacré à l'étude de la théorie de la terre, qu’il appartient principalement de rechercher les causes auxquelles on devra rapporter les résultats que nous venons d'indiquer. DE LA NATURE 245 Les zoologistes lui présentent les faits qu'ils ont pu recueillir dans l'observation des or- ganes des animaux, et des habitudes qui en découlent ; ils lui exposent les conséquences que l’on doit tirer de ces forces, de ces mœurs, de ces analogies, de la nature des habitations, des gisemeus des débris, de la séparation ou du imélange des espèces, de l’altération ou de la conservation de leurs traits principaux, du changement ou de la constance de leur manière de vivre , de la température du climat qu’elles préfèrent aujourd'hui, de la chaleur des eaux hors desquelles on ne les trouve plus. Nous tâchons de découvrir les inscriptions et les médailles relatives aux différens âges de notre planète; c’est aux géologues à écrire l’histoire de ses révolutions. Q 5 246 SUR LA STRUCTURE OBSERVATIONS Sur la structure du cœur des Poissons, PAR DUVERNEY, DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS. Cxs observations ont été faites sur une carpe. Le cœur de ce poisson est situé sous les mâchoires qui sont au dessous des ouies, au fond du gosier, et que jappellerai mé- choires internes pour les distinguer de celles qui sont au dessus, et qui forment l'entrée de la bouche. La cavité où le cœur se trouve renfermé est revêtue d’une membrane fort polie, qui tient lieu de péricarde dans plu- sieurs autres poissons, Inais qui ne peut pas être ainsi nommée dans celui-ci, puisque le cœur est encore enfermé dans un sac formé d’une pellicule très-mince , qui est proprement son péricarde. Le bas de cette même cavité est fermé par une membrane qui sépare le cœur d'avec DIU: C'E UR. 247 tous les autres viscères, et qui est une con- tinuation de la précédente. On voit sous le cœur un réservoir formé par le concours de plusieurs veines; trois desquelles sortent du foie, et servent seu- lement à rapporter le sang de la veine-porte et d’une partie des ovaires. De ces trois, il y en a deux qui s’ouvrent de chaque côté dans le bas de ce réservoir, et la troisième s y décharge aussi par une embouchure très- large (1). Deux autres veines (2) remontent à chaque côté de l’épine, en accompagnant l'aorte, et s'unissent à chaque côté du ré- servoir avec les veines qui sortent des deux côtés du foie; ainsi ces deux vaisseaux n’ont de chaque côté, en cet endroit, qu’une même embouchure. Le tronc de la veine qui rapporte le sang des ouïes est couché au dessus de l'aorte ; il descend au côté droit du cœur; il est collé aux parois de la ca- vilé où le cœur est renfermé ; et faisant un contour , il vient s'ouvrir au côté du réser- voir (3). (1) Ce sont les veines hépatiques ; venæ hepaticæ. (2) La veine cave inférieure qui est double; venæ cava inferior duplex. (3) C’est la veine déférente ; vera deferens: Q 4 548 SUR TA STRUCTURE Ce réservoir (1) s'ouvre en dessus vers le milieu de la partie inférieure de Poreillette. À son embouchure il a deux valvules en forme de paupières, comme celles qui sont à l'embouchure de la veine cave inférieure des oiseaux. Ce cœur n’a qu’une oreillette, mais d’ane grande capacilé : elle est appliquée au côté gauche ; et dans sa partie supérieure, en senfonçant, elle forme de chaque côté une avalice où corne, dont la gauche est plus grande que la droite. Son embouchure est dans la partie supérieure du côté gauche du cœur. Il y a deux valvules à l'embouchure de loreilletie dans le cœur, l'une dessus et autre dessous, attachées par tout le demi- cercle qu'elles forment, et onvertes du côté de la pointe du cœur ; ce qui fait que le sang, qui reflue par la contraction du cœur, les sou- lève et les joint l’une à l’autre, comme dans la grenouille. Le cœur esi de figure demi-circulaire, et aplali à peu près comme une châtaigne de mer. Il est posé de champ par rapport à la tête, en sorte que les deux côtés plats RS a + V8 opt Na PR EE SN (1) Receptaculum. DU CŒUR. 249 regardent les ouïes ; il s'emboîte par la base avec l'aorte par une espèce de ginglyme, ces deux parlies ayant des éminences et des cavités qui se reçoivent mutuellement. fes parois de ce cœur sont fort épaisses, à proportion de son voiume, et ses fibres d'une tissure fort compacte. Pour bien entendre la distribution des vaisseaux dans ce poisson, il faut avoir quelque notion de la structure des ouïes : c’est pourquoi nous dirons que les ouïies, qui, comime on sait, servent de poumons aux poissons, Sont pour alusi dire partagées en deux lobes, dont chacun est composé & quatre feuillets posés presque de champ lun près de l’autre suivant leur contour, et sou- tenus par quatre arcs osseux. Nous nomme- ronis premier arc celui de chaque.côté qui est le plus proche du cœur (1). La partie convexe de ces arcs est creuse en forme de gouttière, le long de laqueile | NEA [Pa coulent les vaisseaux, dont il sera parie ci- après. Les feuillets soutenus par ces arcs occupent: tout. Fespace qui est entre les mâchoires externes et les internes : 1is sont (1) Ce premier arc est appelé par d’autres auteurs le dernier ou le quatrième. 250 SUR LA STRUCTURE composés d'un double rang de lames osseuses ou barbes. Chacune de ces lames est faite en forme de petile faux, et à sa naissance, a comme un pied ou talon, qui est plus épais que le reste, et creux par dessous en forme de gouttière : ce pied, étant debout, ne pose que par son extrémité sur le bord de l'arc, auquel il n’est attaché que par le moyen de la membrane fort épaisse qui enveloppe l'arc. Le côté convexe de cette lame est garni, jusqu’à la pointe , de filets qui vont en diminuant de longueur, à me- sure qu'ils s’approchent de cette pointe ; et le côté concave en a de beaucoup plus courts, et n’en est garni qu'environ jusques vers le milieu. Ces filets sont liés entre eux, de chaque côté, par une membrane osseuse très-fine , qui les assemble par le milieu presque dans toute leur longueur ; mais, comme les ex- trémités ne sont pas jointes , elles repré- sentent les dents d’une scie. On à dit que chaque feuillet est composé d’un double rang de. lames ; il faut ajouter que le concave de chacune de ces lames s'applique sur le convexe de celle qui lui est opposée , et qu’elles sont toutes liées ensemble par une membrane, qui prend DOUCE LE: 251 2 depuis leur naissance jusqu’au milieu de leur hauteur, où, devenant plus épaisse, elle forme une manière de cordon, au dessus duquel elle est attachée aux lames par les bouts d'autant de petits croissans qu'il y a d'espaces entre elles. Le reste de la lame est libre, et finit en une pointe très-fine et trés-souple. L’empâtement de ces lames sur les bords de l'arc se faisant par l’extrémité de leur talon , comme il a été dit, il reste dans leur milieu un petit vuide en forme de canal triangulaire , qui règne tout le long de Farc, et sert à loger les vaisseaux. Ces lames sont revêtues d’une membrane très-fine , et ne servent qu'à soutenir les ramificalions de tous les vaisseaux des ouïes. Ces vaisseaux, qui coulent dans la gouttière de chaque arc, sont une artère , une veine et un nerf. Avant que de parler de la distribution des artères, on remarquera que la partie de l'aorte qui naît du cœur, et qui a deux valvules sizgmoïdes comme celle de la tor- tue, n'est pas d'un grand volume, à pro- portion de celui qu'elle a un peu au dessus ; car d’abord elle s’évase , en sorte qu’elle couvre toute la base du cœur : puis se rë- 552. SUR BA STRUCTURE trécissant peu à peu, elle forme une espèce de cône, de la pointe duquel sort le vaisseau qui est la continuation de l'aorte. Le dedans de sa partie dilatée est remplie de plusieurs colonnes charnues , qui vont toujours én diminuant jusqu'au sommet, et elles ont entre leurs bases des interstices , qui forment des cavilés où est reçu Île sang qui reflue , ce qui fortifie l’action des valvules dont on vient de parler , et produit le même effet que les valvules qui se voient dans la partie muscu- leuse de l’aorte de ia raie et de la grenouille, Le canal, qui sort de ia pointe du cône de l'aorte, coule entre les deux lobes des ouies (1). Vis-à-vis de la première paire d'arcs de ces lobes, il jette de chaque côté une grosse branche , qui se subdivise encore en deux autres, dont la première coule de chaque côté dans la gouttière de cette pre- mière paire d’arcs, et la seconde dans la goutlière de la seconde paire (2). Ce même tronc, dans son cours, se parlage encore en deux branches, dont chacune va de son -(i) I paroît que les parties que Duverney appelle les lobes des ouies, sont les quatre ouïes de chaque côté. (2) Les artères branchiales ; arteriæ branchiales. DU ::C E U:R. 253 côlé à la troisième paire, et plus avant encore, en deux autres, qui vont à la der- nière paire de ces arcs. Chaque artère, en coulant le long de la baie de chaque feuillet, jetie autant de paires de branches qu’il y a de paires de lames (1), et se perd entièrement à l’ex- trémité du feuillet, en sorte que l’aorte et ses branches ne parcourent de chemin que dep:is le cœur jusqu’à l'extrémité des ouïes où elles finissent. Sur le bord de chaque lame il y a une veine, et chaque veine vient se décharger dans un tronc (2) qui coule dans la gout- tière de chaque arc, et dont les différentes ranufications se voient clairement dans les figures. Ces veines, sortant de l'extrémité de chaque arc, qui regarde la base du crâne, prennent la consistance d’artères, et viennent se réunir deux à deux de chaque côté; celle, par exemple, qui sort du quairième arc, après avoir fourni des rameaux qui distri- buent le sang aux organes des sens, au cerveau et à toutes les autres parties de la re (1) Ce sont les pelites artères des lames des branchies; arteriæ laminarum. (2) La veine branchiale ; vena branchialis, 254 SUR LA STRUCTURE tête, vient se Joindre avec celle du troisième arc; ainsi elles ne font plus qu’une branche; cette branche, après avoir fait environ deux lignes de chemin, s’unit à celle du côté opposé, et les deux ne forment plus qu’un tronc , lequel, coulant sous la base du crâne, reçoit aussi peu de tems après de chaque coté une autre branche, formée par la réunion des veines de la seconde et de la première paire d’arcs (1). Ce tronc cont:nue son conrs le long des vertèbres, et distri- buarnt le sang à toutes les autres parties, fait Ja fonction d’aorte descendante. Ces mêmes veines, par leur autre extrémité qui regarde Ja naissance des arcs, viennent se décharger dans un tronc qui va s’insérer dans le réser- voir (2). La conformité qui se trouve dans la struc- ture du cœur de ces animaux, a obligé de les décrire en même tems. Mais, avant que d’en expliquer les usages, 1] ne sera pas inutile d’avertir, 1° que par le terme de réservoir, on n’entend autre chose qu'un tronc de veines, formé par le con- (1) Les racines de l'aorte ascendante ; aortæ as- cendentis radices. (2) La veine déférente ; vena deferens. DUC EUR: 255 cours de plusieurs autres, et qui tient lieu de veines caves supérieure et inférieure, dans la tortue et dans la carpe; et dans la srenouille, ce n’est autre chose que le tronc de la veine cave inférieure qui reçoit les deux axillaires; car bien que le réservoir ou tronc soit garni de fibres charnus, on ne prétend pas dire qu'il ne soit pas du genre des veines, puisque celles qui s’'em- bouchent dans les oreillettes et dans Îles cavités du cœur des autres animaux, sont aussi revêtues en cet endroit de semblables fibres ; 2° que la raison qui a obligé d'entrer dans le détail de la distribution des artères de la grenouille et des poissons, est qu'il a fallu faire voir que l'aorte descendante est toujours composée de deux troncs, et quel- quefois d’un plus grand nombre, comme dans les poissons. 256 RESPERATION OBSERVATIONS Pour servir à l'histoire de la respiration des Poissons, PAR :BRIO-US:S ON ET La respiration est une de ces fonctions essentielles, un moyen d'existence dont la Nature a doué tous les êtres vivans; on en relrouve des traces jusques dans les plantes ; mais, quoique son but, dans cette fonction importante , soit par-tout le même , les moyens qu'elle a mis en œuvre pour je remplir sont variés à l'infini. Parmi les différens ordres d’animaux il en est qui ne recoivent que de Pair dans les organes de la respiration , d’autres qui n’y font passer que de leau; et cette con- sidération offre les caracières d’une division très-sensible dans le règne animal. La différence des organes de la circulation est toujours en raison de celle qu’on observe dans ceux de la respiration ; l’une et lautre de ces fonctions subissent en quelque sorte, dans les différentes classes d'animaux , une dégénéraiicn DES POISSONS. 557 dégénéralion graduelle ; ainsi les poumons, dans les oiseaux, sont très - étendus : ils communiquent à plusieurs cavités parti- culières, et lair pénètre dans l’intérieur des os. Le cœur est divisé en deux ventri- cules, munis chacun d’une oreillette, et leur sang est plus chaud que celii des quadru- pèdes et des cétacés. Ceux-ci ont les pou- mons moms étendus ; ces parties ne se portent pas au delà du thorax ; leur cœur, comme dans les premiers, est divisé en deux ventricules et deux oreillettes, mais leur sang est moins chaud ; il l’est cependant beaucoup plus que celui des reptiles et des quadrupèdes ovipares, dont les poumons sont membraneux , formés par des espèces de vessies, et garnis de fibres musculaires ; il n’y circule qu’une pelite portion du sang, le reste passe immédiatement d’un ventri- cule à l’autre. Les insectes présentent ensuite des différences plus sensibles ; leur cœur est membraneux , à peine susceplible de mou- vement ; ils ont, au lieu de poumons, des Vaisseaux particuliers répandus dans difié- rentes parties du corps ; leur sang, si on peut donner ce nom à la liqueur qui paroït en tenir lieu, na point acquis de dégré de Poiss. Tome II. R 258 ARESPIR ATION couleur et de chaleur qui caractérise ce fluide dans les aütres animaux. Ici le rap- prochement devient sensible avec les mol- lusques , les coquillages aquatiques et les crabes qui respirent de l’eau comme les poissons. Les physiciens modernes ont donné l’ex- plication des phénomènes de la respiration ; ils ont fait voir, d’une maniere très-Jlumi- neuse , comment l'air vital répandu dans l'atmosphère se change en air fixe, en le combinant avec le principe phlogistique ou la base de l'air fourni par le sang. I! paroît que la respiration s’exécute d’une manière analogue dans tous les animaux qui respirent de l’eau et particulièrement dans les poissons; mais, avant d'entrer dans aucun détail, j'établirai les dégrés de ressemblance qu'ont entre eux les organes qui, dans les animaux de ces deux ordres , concourent également au même but. Les organes de la respiralion, dans tous les animaux qui ne respirent que de l'air, sont placés à l’intérieur : on re sauroit les apercevoir sans déchirer les parties qui les environnent : les organes analogues à ceux- ci, dans les animaux qui ne respirent que de l’eau , sont au contraire presque à dé- DES POISSONS. 25 couvert ; on peut les voir sans détruire. aucune partie. Cette différence est sur-tout remarquable dans quelques quadrupèdes ovipares , dont les organes de la respiration sont placés extérieurement dans le premier période de leur vie, où ils demeurent sous l’eau , et qui, destinés à vivre dans l’ür, acquièrent des poumons situés à l’intérieur. Une autre différence , qui dépend de la précédente , est que plus la respiration est parfaite dans les différentes classes d’ani- maux, plus ies organes en sont cachés. Dans les oiseaux, en qui la respiration s'exécute de la manière la plus parfaite , l’air est porté dans les cavités de la plupart des os, et bien plus à l’intérieur par conséquent que dans les quadrupèdes dont les poumons sont plus cachés que ceux des reptiles et des quadrupèdes ovipares, qui n’ont point de diaphragme , ou qui n’en ont qu'un très- mince. Les insectes enfin , dans lesquels cette fonction dégénère encore, respirent par un grand nombre d'ouvertures. Plusieurs caractères nous moutrent que , parmi les animaux qui vivent dans l'eau, les poissons respirent d’une manière plus parfaite que les mollusques et les coquillages R 2 260 RESPIRATION aqualiques ; aussi les organes des premiers: sont-ils plus cachés que ceux de ces derniers qui les ont le plus souvent à l'extérieur et entièrement à découvert : c’est dans ces animaux que paroit s'évanouir totalement cette fonction ; et pour s’y reconnoître, il faut être guidé par l’analogie. Les poissons présentent , relativement à la conformation des organes de la respiration, deux grandes divisions, dont lune comprend les cartilagineux , et l’autre les épineux. Les ouies des premiers sont soûtenues sur un arc cartilagineux : elles sont plus multipliées que dans les épineux , où ces parties sont supportées par des osselets recourbés , dont le nombre est rarement au dessous de quatre, et n'excède jamais ce nombre. Le cœur, dans les poissons épineux, est renfermé dans un péricarde , qui forme une poche membraneuse attachée postérieure- meut au diaphragme. Daus quelques espèces, et particulièrement dans le loup maria , j'ai observé de petites fibres très - déliées , qui unissent le cœur au péricarde. Les poissons carlilagineux n'ont point, à proprement parier, de péricarde , du moins la mem- brane qui paroïît en tenir lieu n'est point libre ; elle revêt l'intérieur de la poitrine, DES! POTSSOINS. sc et elle est adhérente aux muscles qui l’en- tourent. L'usage du péricarde dans l’homme et dans les quadrupèdes est, suivant les anatomistes, d'empêcher que le cœur ne s'attache aux poumons , et qu’il ne soit com- primé quand ceux -ci sont remplis d'air, ou qu'il ne souffre lorsque les poumons sont affectés ; il éloit nécessaire que cet organe füt membraneux , d’un tissu serré et capable de soutenir les viscères qu'il renferme. Dans les poissons au contraire, qui n’ont point ces accidens à craindre, le cœur, dans ceux dont la poitrine est étroite et formée de parties assez dures, est renfermé dans un péricarde simple, mince et presque trans- parent ; dans ceux au contraire dont ia cavité thorachique est plus considérable , où ce viscère ne sauroit être gêné par aucune partie , la Nature, qui a toujours travaillé sur le plan le plus économique, n’a point distingué le péricarde de la plèvre; une seule membrane , qui tapisse l'intérieur de la poitrine , remplit les fonctions de l'un et de l’autre. La forme du cœur offre de plus grandes variétés dans les différentes espèces de pois- sons que dans celle des animaux à sang chaud. M. Vicq-d’Azyr a fait voir les plus R 3 262 RESPIRATION remarquables de ces variélés, dans les Mé- moires où il a tracé le plan d’une anatomie complette des poissons. En 2énéral le cœur ; dans les espèces de cette classe , est, propor- tionnellement à leur corps, plus petit que celui des autres animaux. Dans les oiseaux, par exemple, cet organe est huit ou neuf fois plus gros qu'il ne l’est dans ies poissons d'un égal volume. On sait que le cœur d’un: homme pêèse ordinairement 10 onces, si le poids total de son corps est de cent cinquante livres. Haller a trouvé que, dans une carpe du poids de 4920 grains, le cœur ne pesoit que 9 grains. Le poids du cœur de lhomme est donc deux cent quarante-sept fois plus petit que le poids du corps, tandis que celui de la carpe l’est cinq cent qua- rante-six fois. Ce calcul , qui vient à l’appui de notre assertion, lui auroit été encore plus favorable si l'expérience avoit eu lieu sur une carpe moins peiite ; le cœur, dans tous les animaux, étant toujours plus gros proportionnellement au corps, lorsqu'ils sont jeunes. Dans une carpe du poids de 10572 grains, Jai trouvé que le cœur pesoit 13 grains : elle étoit , comme on le voit, deux fois plus grosse que celle que Haller avoit pesée; aussi le poids du cœur étoit-il contenu huit DIS: POISSONS. 265 cent soixante-douze fois dans celui de son corps. Dans plusieurs petits poissons de la Seine, dont l’un pesoit 66 grains, l’autre 154, et le troisième 205, j'ai vu que le poids du cœur étoit renfermé cent trente-deux fois dans le premier, cent cinquante-quatre dans le second , et cent quatre-vingt-quatre dans le troisième ; le cœur , dans le premier, pesoit 1 grain ; dans le second, un demi- grain, et 1 grain —— dans le troisième; ce qui prouve évidemment que, plus les poissons sont petits, plus leur cœur est gros propor- tionnellement à leur volume. La férocité des animaux terrestres suit la même gradation que ie volume du cœur. Cette loi se retrouve dans les poissons. Les cartilagineux , parmi lesquels on compte les chiens de mer, les requins, les raies, etc. qui surpassent par leur voracité les autres poissons, ont aussi le cœur bien plus volu- mineux ; ce qui est très - remarquable dans la baudroye , où cette voracilé est si ma- nifestée par la grandeur de la gueule et le nombre de ses dents, et dont ie cœur est très-gros en proportion du corps. Plu- sieurs observations m'ont confirmé dans celte opinion. Jai pris un brochet que tout le monde sait être le mieux armé et le plus \ R 4 264 RESPIRATION vorace des poissons de rivière, comme aussi un des plus agiles ; je me suis procuré une tanche dont la gueule est toujours très- petite, privée de dents, et qui se tient presque toujours dans la vase. Le poids de ces deux individus s’est trouvé par hasard le même ; il se portoit pour chacun à 5252 grains ; mais le cœur du brochet pesoit 6 grains, tandis que celui de la tanche n’en pesoit que 4; ainsi, dans le plus vorace de ces deux poissons, le poids du cœur étoit contenu huit cent soixante-douze fois dans le poids total de son corps, et il s’y trouvoit mille trois cent huit fois dans celui de la tanche. J'ai observé que, dans les poissons dont les ouïes étoient les plus grandes, le cœur étoit aussi le plus gros, toujours proportionnelle- ment à la grosseur du corps; je n\en suis assuré plus particulièrement sur le hareng. J'en ai pesé un qui m'a donné 1992 grains pour poids total ; son cœur étoit de 3 grains, qui équivaloient à la six cent soixante- quatrième partie de son corps. Un merlan, dont les ouïes sont beaucoup moins éten- dües et présentent une ouverture assez pe- tite, m'a fourni un résutiat bien différent; soil Corps Pesoil 2004 grains , et sun cœur 4) DES: POISSONS à pesoit seulement 1 grain =; ce viscère n’éloit donc que la douze cent deuxième partie de son corps, et étoit conséquemment presque moitié plus petit que celui du hareng. Les poissons qui se tiennent dans la vase, qui font peu de mouvemens, dont la chair est plus molle, plus remplie de gluten, ont le cœur très-petit. Celui d’une limande , dont le corps entier pesoit 2844 grains, n’en pesoit que 2; ce qui fait voir que le poids de ce viscère étoit contenu quatorze cent vingi- deux fois dans celui de son corps. Non seu- lement cet organe est plus petit dans les poissons de cette classe que dans les autres, mais il est encore moins irritable. La quan- tité du sang est aussi moindre dans ceux-c1. J'ai séparé, en même tems, du corps d’une anguille et de celui d’un brochet, le cœur qui, dans le premier , a donné peu de signes d'irritabilité lorsque je l'ai piqué ; celui du brochet en a donné beaucoup et long-tems après que son corps ne manifestoit plus aucun signe de vie; ce qui a eu lieu en sens contraire dans l’anguille , qui remuoit encore avec assez de force, quoique son cœur, que jirritois avec la pointe du scalpel , ne donnât plus la moindre marque d’irritabilité. La situation du cœur dans les poissons . 266 RESPIRATION n’est pas la même que dans l’homme. Ce viscère occupe dans les prenuers le milieu de leur poitrine. Comme son usage se borne ici à transmettre le sang aux ouïes, et que ce fluide y est porté par une seule artère, une position, au moyen de laquelle il est également éloigné des ouïes de chaque côté, est sans doute la plus avantageuse. Les oreillettes, dans l’homme, sont situées à la partie supérieure du cœur : dans les poissons , l'oreillette est placée en sens con- traire ; la base du cœur touche Île dia- phragme, et la pointe est tournée vers la tête. Cette différence dépend sans doute de celle qu'on observe dans le trajet que suit le sang, dont la plus grande partie, dans les poissons , est rapportée au cœur des parlies postérieures du corps, tandis que dans l’homme une portion considérable est renvoyée au cœur des parties supérieures. L’oreillette est située un peu sur la gauche; le sang lui est fourni par un sinus particulier, forme par la réunion de plusieurs veines. Ce sinus est beaucoup plus volumineux que l'oreillette ; la communication entre ces deux cavités est fermée en partie par des valvules. Quelques auteurs ont regardé ce sinus comme une seconde oreillelte ; il en a du moins DÉS POISSONS 26. l'apparence. Duverney , qui le premier a disséqué ces parties avec soin, a détaillé l'usage de ce sinus veineux qu’on retrouve dans les reptiles et les quadrupèdes ovipäres. Le sang est poussé de cette cavité dans l'oreillette par la contraction dü diaphragme, que j'ai toujours vu garni de fibres muscu- Jaires dans un très-grand nombre d’espèces. Il adhère, comme daus l’homme, au péri- carde ; son usage est cependant ici bien diffé- rent. Les anatonustes ont cru, dans le pre- imier cas, devoir attribuer cette adhésion à la pression continuelle du cœur sur le dia- phragme , et que la situalion droite de Jhomme rend nécessaire. Leur sentiment étoit confirmé par lPobservation contraire , qui avoit été faite sur les quadrupèdes, où cette adhérence n’a presque pas lieu, parce que, disent ces auteurs, le corps des qua- drupèdes est dans une situation horisontale ; mais l’adhérence du péricarde au diaphragme a lieu sur les poissons , ce qui démonire l'insuffisance de cette explication. Les anatomistes ont comparé avec raison la seûle oreillette et le seul ventricule qui constituent le cœur des poissons à l’oreilleite droite et au ventricule droit dans l’homme. Comme ceux-ci, ils sont destinés à recevoir 268 RESPIRATION le sang des veines caves; ils ont cependant tous donné le nom d’aorte ou d’aorte ascen- dante à la seule artère destinée à porter le sang du cœur aux ouïes, qui font l'office de poumons dans ces animaux. Le nom d'artére pulmonaire étoit le seul qui dût être donné à ce vaisseau. La structure de ces organes est entièrement analogue à celle des mêmes parties considérées dans l’homme. Le ven- iricule du cœur des poissons est comme le ventricule droit dans l’homme , formé par des parois épaisses relativement à son volume, et sa cavité ne s'étend pas tout à fait jusqu’à la pointe du cœur. L’oreillette droite, dans l'homme , est, comme celle du cœur des poissons, volumineuse relativement à la grosseur de ce viscère , et le sang qu'elle contient est également noirâtre. L’artère, au sortir du ventricule, ne se recourbe pas comme l'aorte dans l'homme ; sa direction est droite, et c’est une ressemblance qu’elie a avec l'artère pulmonaire de plus qu'avec l'aorte. Je crois donc, d’après sa structure et son usage, pouvoir donner à ce vaisseau Je nom d’artère branchiale, du mot latin branchiæ (ouïes), bien persuadé que celui d’aorte ne sauroit lui convenir. On voit, à la base de l'artère branchiale , DES POISSONS. 269 ün renflement conique avec un étrangle- nient à la partie inférieure, Ce renflement est fortifié ntérieurement par des fibres lon- gitudinales qui, en rapprochant par leur contraction l’artère de la base du cœur , doivent accélérer le mouvement du sang, Quelques auteurs ont comparé cette cavité à l'oreillette gauche dans l’homme; d’autres se sont contentés de lui donner le nom d'oreillette artérielle. Cœsalpin la même prise pour un troisième ventricule. Je me dispenserai de décrire le trajet de l'artère branchiale sur les ouïes : Needham et Duverney n’ont rien laissé à desirer sur cet objet. Je me bornerai à rappeler que cette artére est la seule dans les poissons dont le battement soit sensible ; ce qui prouve bien que le cœur est la principale cause de la pulsation des artères, et qu’elle ne sauroit avoir lieu que dans les vaisseaux où le cours du sang est dirigé d’un petit vers un plus grand diamètre. La structure des ouïes est telle que les Vaisseaux sanguins qui les parcourent font, comme dans les poumons des quadrupèdes, un très-iong trajet dans un très-petit espace ; mais elle offre des différences très-remar- quables dans diverses espèces de poissons. ” 4, 250 RESPIRATION Le genre de vie auquel la Nature a destiné ces animaux est la principale cause de ces variétés , qui ont plus rarement lieu dans les organes des divers quadrupèdes ou des oiseaux. Ne seroit-on pas en droit d’en con- clure que, plus une fonction est parfaite dans une classe quelconque , moins les organes qui lexécutent présentent de différences dans les diverses espèces qui la constituent ? Les poissons qui se tiennent ordinairement dans la vase et dans les endroits où l’eau est rarement renouvelée, telles que les an- guilles , ont les ouïes soutenues sur des arcs osseux courts; la cavité de leurs ouïes est fort grande, et elles peuvent conserver plus long-tems que les autres espèces l’eau dans leurs organes. On pourroit en quelque sorte les comparer aux reptiles et aux quadru- pèdes ovipares qui ont des poumons cel- luleux garnis de fibres, et tels que ces animaux paroissent y tenir en réserve une certaine quantité d'air pour s’en servir au besoin. Dans les espèces, au contraire, qui fréquentent la haute mer, qui nagent tou- jours dans de grands fonds, et qui sont destinées à exécuter, pendant de longues émigrations, des mouvemens très- rapides, les ouies sont posées sur des osselets très- DES POISSONS. 2m “s grands, et leurs feuillets sont très-alongés. Plusieurs sont pourvus d’un organe parti- culier destiné, comme les ouïes, à la res- piration. Cette partie, qui n’a été décrite par aucun auteur, peut être regardée comme une peliteoute, et elle a rapport en quelque sorte à un lobule de poumons. Elle est distincte des ouïes, et située dans leur ca- vité de chaque côté vers la base des oper- cules , et immédiatement après l'élévation que forment les orbites. Le plus souvent elle décrit un arc. 5a longueur varie suivant les différentes espèces : j'en ai vu de plus d'un pouce de long dans plusieurs espèces de spares et de perches de grandeur mé- diocre ; elle est, ainsi que les ouïes, com- posée de lames rangées en file, mais qui vont en décroissant vers les deux extré- mités. Ces lames ne sont point, comme dans les ouïes, placées deux à deux, mais simples; leur nombre varie suivant les différentes espèces de poissons. Dans la linande, par exemple, j'en ai compté jusqu'à vingt et une; elles ne sont jamais fixées sur un arc osseux ; elles forment à leur base une espèce de bourrelet, et la membrane qui tapisse l'intérieur de la cavité les recouvre en par- tie. Les trois branches internes de chaque 279 RESPIRATION côté de l'artère branchiale se distribuent aux trois ouïes internes sans fournir aucun ra- meau considérable. La quatrième, qui est la plus externe, donne naissance, vers son extrémité, à un rameau qui , rétrogradant d’abord un peu, va joindre sur le côté opposé aux ouïes la petite ouïe que je viens de décrire ; elle est sur-tout très-apparente dans les poissons dont Artedi a formé une classe parliculière sous la dénomination d’acan- thoptérygiens, et qu’il a caractérisée par la présence de quelques rayôns épineux aux nageoires. J’en ai fait mention, sous le nom de pseudobranchia, dans les descriptions d’une espèce de sole, de chétodon et de clupéa, que J'ai données dans la première décade de mon histoire générale des poissons. Le canal par lequel les quadrupèdes et tous les animaux à sang chaud transmettent Pair dans les poumons, est le même dans tous; ce qui ne s’observe pas dans les pois- sons qui reçoivent leau dans les organes analogues par différentes ouvertures. Quel- ques-uns, tels que les lamproies, ont sur Je haut de la tête une seule ouverture, par laquelle l’eau est conduite aux ouïes. Cette structure éloit nécessaire à ces poissons, gui, se fixant au moyen de la succion, | aux D'ES POISSONS 293 aux pierres, ou contre les gros poissons, ne pourroient point en meme lems rece- voir l’eau par la gueule. D'autres, comme les raies, ont à chaque côté de la tête une ouverture qui sert de passage à l’eau. Le plus grand nombre des poissons recoit cependant l’eau par la gueule, et elle sort par les ouïes. Pour s’en convaincre il suffit d'examiner avec quelque attention l’eau qu'ils respirent ; elle entraîne avec elle, dans la gueule, les petits corps qui sur- nagent dans ce fluide, tandis qu'ils sont repoussés aux ouvertures des ouïes. Dans les cartilagineux, les organes de la respiration, comme nous l'avons déjà dit, sont beaucoup plus étendus que dans les autres poissons; la plupart rejettent aussi l’eau par plusieurs ouvertures ; qui sont au nombre de sept, daus toutes les espèces de lamproies, et dans un chien de mer, que j'ai décrit sous le nom de bluet dans les Mémoires de l’académie de 1780. Un autre poisson du même genre, dont jai parlé sous la dénomination de griset dans le même Mémoire, en a six; toutes les raies et la plupart des chiens de mer en ont cinq; quelques-uns n’en out que quatre; le quatrième est alors divisé intérieurement Poiss. Tous II. 5 274 RESPIRATION en deux parties. Les chimeræ , les esturgeons et la feuille n’en ont qu'une seule, formant quelquefois plusieurs divisions. "Fous les autres poissons ne sont pourvus que d’une seule ouverture; mais sa forme varie sui- vant l'économie animale de chaque espèce. Ceux qui sont destinés à vivre dans des eaux peu profondes, qui ne s'éloignent jamais du rivage, et qui sont quelquefois ensevelis dans le sable, tels que l’ammo- dyte, plusieurs espèces de silures, et la plupart des anguilliformes, ont cette ouver- ture petite, formant une espèce de canal, environné de membranes épaisses. Les pois- sons coffres vivent très-près du bord de la mer, qui, en se retirant, les laisse souvent dans des lieux où il y a une très-petite quantité d'eau que le soleil fait bientôt évaporer ; ils ont aussi les ouvertures de la gueule et des ouïes très-petites; leur corps est de plus recouvert d’une écaille dure et d'une seule pièce. Les poissons bourses, les vieilles de mer, qui, en s’enflant, restent presque toujours à la surface de l’eau, ont ces mêmes ouvertures très -étroites. Les poissons qui sont forcés d'exécuter de grands mouvemens, ont les ouïes les plus étendues; leur gueule et lPouverture des * D'ES POISSONS. 25 ouies sont très-larges; ils recoivent une grande quantité d’eau, et la renouvellent plus souvent que les autres; ils meurent presqu'aussitôt qu'ils sont hors de l’eau, tandis que les carpes, les anguilles, etc., qui ont ces ouvertures plus petites, vivent assez long-tems dans l'air. On pourroit en quelque sorte comparer les premiers aux oiseaux de haut vol, dont la plupart des os sont pénétrés par l'air: le hareng, les aloses, le brochet, etc., doivent être com- pris dans la première division. Dans les animaux qui respirent de l’air ; il n’y a qu'une seule ouverture par où cet élément est recu el est rejeté dans les poissons ; comme nous venons de l’obser- ver, l’eau entre par une ouverture el sort par une issue différente. Le mécanisme , au moyen duquel cette opération s'exécute, est aussi bien différent de celui qui sert à la fonction analogue à celle-ci dans les qua- drupèdes ; les opercules servent de parois à la cavité qui renferme les ouïes, et font l'office des côtes ; leur mouvement est sem- blable à celui de ces parties dans l’homme et les quadrupèdes. Quand le poisson veut prendre de l’eau, la mâchoire inférieure s’abaisse, et les deux os qui la composent S 2 276 RES PIRATION | étant joints antérieurement par des liga- mens, elle est en même tems dilatée. Les os de la mâchoire supérieure sont portés par leur extrémité postérieure en en bas; et comme ils se trouvent articulés avec les os latéraux de la tête, qui forment la base des opercules, ils font exécuter à ceux-ci un mouvement de bascule qui porte leur angle antérieur un peu en dedans et en en bas, tandis que la mâchoire inférieure les porte en dehors et en en haut. Par ces mouve- mens combinés, chaque fois que le poisson ouvre la gueule, les opercules s’écartent par leur bord du corps de l'animal, et laissent échapper l’eau qui éloit contenue dans la cavité des ouïes ; leur mouvement ést exac- | tement le même que celui des côtes dans la respiration. Dans le même instant où l’ani- mal ferme la gueule, le bord des opercules est ramené sur le corps; la membrane des ouïes qui le borde en ferme exactement les ouvertures, et l’eau qui étoit entrée dans les cavités lors de la dilatation de toutes les par- ties, est, pour ainsi dire, pressée contre les feuillets des ouïes qui se sont rapprochées au même moment; et c’est alors que la fonction de la respiration est entièrement remplie : les poissons ne la parachèvent DES POISSONS. 297 donc que dans l'expiration. N’est-on pas en droit de conclure avec Duverney, guidé par l’analogie, que les animaux qui res- pirent de l’air ne donnent point le prin- cipe phlogistique de leur sang à cet élément dans le moment de l'inspiration, mais seu- lement lorsque le Lhorax s’affaisse, que les poumons tendent à chasser l'élément qu'ils contiennent, et que toutes les parties, en se rapprochant, forcent l'air à s'unir plus intimement avec les fluides qu'elles cha- rient. Les poissons ont des inspirations plus fréquentes que les animaux qui vivent dans Pair, parce que le principe qui doit être extrait de l’eau par leurs organes est répandu bien moins abondamment dans ce dernier fluide que dans l'air, el qu'il est plus difficile de le séparer de l’un que de l'autre. L'usage de la membrane des ouïes paroît se borner à former exactement l’ouver- ture des ouïes, et à augmenter dans cer- taines espèces leur cavité; cette membrane manque dans un grand nombre de poissons, comme Je l’ai déja observé : les ouvertures des ouïes sont alors très-étroites. Dans quelques-uns où cette ouverture S 9 278 RESPIRATION se trouve très-petite, la membrane des ouïes n’est soutenue que par un seul rayon, qu’on pourroit même regarder comme une lame des opercules. Les espèces du genre des mormyres en fournissent un exemple ; quelques autres ont l'ouverture des ouïes très-étroites, mais formant une espèce de canal, comme on le voit dans les poissons du genre des murènes et des callyonimus ; dans ces espèces, la membrane ne paroit pas distincte des opercules, et les osselets qui la soutiennent peuvent être aisément comparés aux côtes dans l’homme et les quadrupèdes. Dans les poissons enfin, dont l'ouverture des ouïes est très-considérable , il étoit nécessaire que la membrane fût affermie par un grand nombre d’osselets, et c’est aussi ce qu'on observe dans toutes Îles espèces de brochets, de saumons, et sur l’'élop, qui a trente-quatre osselets de chaque côté. | Lorsque le sang a passé au travers des ouies, il entre dans des vaisseaux dont le diamètre va en augmentant, dont les parois sont moins épaisses que celles de Partère branchiale , qui ont, en un mot, tous les caracières des veines, et qui doivent en tout être comparés aux veines pulmonaires DES POISSONS. 279 dans l’homme et les quadrupèdes; elles ne portent cependant pas le sang à un ventri- cule, mais elles forment par leur réunion un gros Vaisseau qui a toutes les qualités des artères. Ce vaisseau a été connu des anatomistes sous le nom d’aorte descen- dante ; je crois devoir seulement lui donner celui d’aorte, ayant déja fait voir que les poissons n’avoient point d’aorte ascendante. Le sang est distribué dans tout le corps par l'aorte ; le cours de ce fluide n’est point retardé, comme dans l’homme, par un grand nombre de plis où d’angles, formés par les vaisseaux sanguins, et qui sont déterminés par la conformation des vis- cères et des extrémités : il n’a donc pas besoin d’être poussé dans les artères des poissons avec autant de force que dans celles de l’homme. Il est aisé, d’après cette considération, de rendre raison de la direc- tion que suivent les veines pulmonaires; quant aux artères, elles décrivent une ligne droite, et le sang y circule avec moins de rapidité que dans les vaisseaux des animaux à sang chaud. Leuvrenhceck a observé que le sang d’une anguille ne parcouroit à peu près que l’espace de cinq pouces dans une minute; et je me suis S A 280 RESPIRATION assuré par un grand nombre d'expériences faites sur des poissons du genre des carpes, que leur cœur batloit, dans le même espace de tems, trente-cinq fois, quelquefois trente-six, et même lrente-huit, rarement quarante. | Il est très-probable que le sang, en passant à travers les ouïes, s’y dépouille, comme dans les quadrupèdes à travers les poumons, du principe phlogistique dont 1l est sur- charge; mais je laisse aux chimistes à nous éclairer sur la manière dont l'air déphlogis- tiqué uni à l'eau, et qui en est peut-être une partie constituante, absorbe ce principe: je me bornerai à rapprocher quelques obser- vations qui peuvent éclaircir la théorie des phénomènes de la respiration. Les poissons ont, proporlionnellement à leur volame, moins de sang que les qua- drupèdes ; ce qui s'accorde parfaitement avec la mauicre imparfaite dont le méca- nisme de la respiration s'exécute dans les premiers; plusieurs anguilles ont à peine fourni quelques onces de sang, suivant Menglunus; et lon trouve, dans les Com- mentarlt boronienses, qu'on n’en a retiré qu'une seule once de cent de ces poissons. La quantité de sang dans les ammaux DES POISSONS. si est toujours en raison de la perfection de leur respiration; cette observation peut être faite non seulement sur les grandes classes, mais encore sur les espèces des poissons qui offrent, relativement aux organes de la respiration, bien plus de variélés que les animaux qui vivent dans Flair. Ainsi les cartilagineux, qui ont ces organes les plus étendus, ont aussi plus de sang qu'aucun autre poisson; de même le brochet, dont les organes de la respiration sont plus com- plets, pour ainsi dire, que ceux de la carpe, a plus de sang que celle-ci, qui, respirant d’une manière plus parfaite que languille, a aussi plus de sang que cette dernière. Les poissons ne peuvent supporter dans l'eau un dégré de chaleur égal à celui que les quadrupèdes supportent dans l'air; la différence est même à cet égard très-con- sidérable, puisque ceux-ci ne paroissent souffrir en aucune manière dans une atimos- phère dont la chaleur, transmise à l'eau, feroit infailliblement périr les poissons qu'on y plongeroit. L'homme est susceptible aussi de sup- porter sans inconvénient une chaleur tres- considérable. Plusieurs savans anglais, placés pendant 282 RESPIRATION quelque tems dans une atmosphère où le thermomètre se soutenoit au 100° dégré, ne pouvoient pas dans le même moment tenir leurs mains dans de l’eau dont la cha- leur n’étoit qu'au 57° dégré, et qui auroit suffi sans doute pour détruire l’organisation des poissons. Il existe cependant quelques observations sur des poissons trouvés vivans dans des eaux assez chaudes. Les anciens avoient remarqué cette singularité; Elien parle d’un lac de Lybie dont l’eau est tres- chaude, et où l’on trouve des poissons qui meurent si on les transporte dans une eau moins chaude. On trouve des observations semblables dans Saint-Augustin et Cardanus. Shaw, dans son Voyage en Barbarie , parle de quelques sources thermales, dans les- quelles 1l avoit trouvé plusieurs poissons du genre des perches. Tout récemment Des- fontaines, de l’académne des sciences, a fait la mème observation aux environs de Cafra. Le thermomètre de Réaumur qu'il y a plongé est monté au 30° dégré : je ne doute point que l'observation d’Elien n'ait eu lieu dans ces mêmes sources. On trouve, dans l'Histoire des eaux minérales de Lucas, des observations sur des carpes vivantes, trouvées dans une eau thermale dont la LES POISSONS 26 chaleur égaloit celle du sang de lhonime. Valisnieri dit aussi avoir vu des poissons vivans dans des eaux thermales; Couringius fait mention du même phénomène. Ander- son rapporte un fait semblable dont il a été témoin en Islande. Je ne citerai pas sur cet objet un plus grand nombre d’autorités , parce que presque aucun de ces auteurs n’a déterminé exactement le dégré de chaleur des eaux dont ils font mention. Parmi toutes les observations rapportées sur ce phéno- mène, celle qu'a faite Sonnerat est assuré- ment la plus surprenante, puisqu'il dit avoir trouvé à Manille des poissons dans une eau qui faisoit monter le thermomètre de Réaumur jusqu'au 69° dégré. Mes expé- riences n’ont fourni de bien moindres résui- tats. Musschembroeck avoit déjà écrit que les poissons périssoient au 111° dégré du thermomètre de Farenheit; il a vu même une perche très-vigoureuse mourir en trois minutes, dans une eau au 96° dégré; ül ajoute que ces animaux vivoient très-bien au 72. [l est très-difficile de déterminer positivement les divers dégrés de chaleur que chaque espèce peut supporter ; ils dif- fèreut non seulement suivant la saison, mais 28% RESPIRATION encore suivant la forme des organes de Ja resplr'ation. Le 20 juin 178%, j'ai mis deux épinoches dans un grand vase plein d'eau, dont la température étoit de 14 dégrés; je lai fait chauffer graduellement , et au bout de deux heures et demie, le thermomètre est monté au 26° dégré; ces poissons se sont alors beaucoup agités; ils étoient sur le point de mourir , lorsque je les ai relirés pour les jeter dans de l’eau fraîche , où ils sont reve- nus à la vie au bout de quelques minutes. Le 10 novembre 1784, J'ai mis dans un Vaisseau contenant une voie d’eau, une carpe, des abletles, des goujons et quelques poissons de Ja famille des perches : l’eau avoit été prise dans la Seine ; le thermo- mètre y marquoit 5 dégrés; le fond du vaisseau éloit recouvert de sable. À midi 25 minutes, le thermomètre étoit à 6 dégrés et demi; à 50 minutes, à 8 dégrés, etc. Je joins ici la table de mon expérience qui a duré jusqu'à quatre heures 45 minutes ; jai eu soin de marquer le dégré de chaleur de cinq en cinq minutes; j'ai versé de tems en tems de l’eau fraîche en petite quantité. Au 12° dégré, les plus petits poissons ont com- DES POTSSON S. 285 mencé à monter à la surface de l’eau: ils s’agitoient déjà beaucoup et donnoient des signes de mal-aise : l’eau de la Seine est cependant bien plus chaude dans l'été. Au 21° dégré, les plus petits (les ablettes) ont perdu leur équilibre et étoient déjà presque morts; au 22°, les perches surnageoient sans mouveinent et le corps renversé; les gou- Jons, qui étoient un peu plus gros, n’ont paru manifestement souffrir qu’au 23° dé- gré; cependant la carpe ne s’agitoit encore presque point; sa respiration étoit seulement plus fréquente. Au 28° dégré où j'ai tenu l’eau pendant quinze minutes, la carpe a commencé à donner des signes de mal-aise et a perdu l’équihbre ; elle a ensuite paru morte ou du moins asphixiée ; l’ayant retirée pour la meltre dans de l’eau fraîche, elle m'est revenue qu'au bout d’un assez long espace de tems : j'ai employé quatre heures et demie à amener l’eau au 28° dégré. Je suis bien persuadé qu'avec certaines pré- cautions on parviendroit à faire vivre des poissons dans une eau échauffée au delà de 28 dégrés; mais je doute qu’ils vécussént si elle l’étoit seulement jusqu'au 40°. Je me propose de suivre ces expériences et de les varier de différentes manières. 286 R'ESPEPTENTION En supposant que les poissons, ainsi que J'ai lieu de le présumer après les expé- riences dont je viens de rendre compte, ne puissent pas supporter une eau échauffée au delà de 30 dégrés, en se rappelant en même tems qu’il leur est impossible de vivre dans une eau dont la température seroit quelques dégrés au dessous de zéro , il s’en- suivroit que ces animaux ne pourroient se soutenir que dans une échelle tout au plus de 50 dégrés , échelle qui, comparée avec celles que peuvent parcourir les animaux à sang chaud, paroîlra sans doute très- courte ; elle sera cependant toujours en raison de la chaleur vitale, qui dans les poissons est même au dessous de celle des reptiles et des quadru pèdes ovipares. Martine a observé sur plusieurs poissons d’eau salée, que la chaleur du sang n’excédoit pas de plus d’un dégré celle de l’eau où ils étoient plongés. La même expérience, répétée sur une truite et sur d’autres poissons de rivière, lui a donné le même résultat. M. Jean Hunter a vu le thermomètre de Fahz, in- troduit dans l'estomac d’une carpe, monter de 65 dégrés et demi, terme de tempéra- ture de l’eau, au 69° dégré, c’est-à-dire, 3 dégrés et demi de plus ; mais il faut DHSIPOISSONS. 87 observer que le poisson étoit alors hors de l'eau , circonstance bien essentielle et qui doit influer beaucoup sur le résultat de l'expérience. ; J'ai plongé dans le corps de plusieurs pelits poissons de la Seine , que je tenois dans l’eau pendant l’expérience , un ther- momètre qui n'est jamais monté plus de trois quarts de dégré au dessus de la tem- péraitwme de l’eau ; laugmentation n’étoit mème quelquefois que d’un demi - dégré, particulièrement dans ceux qui étoient malades. Une anguille assez grosse, mais foible , n’a fait monter la liqueur que de trois quarts de dégré. Les carpes ont donné cons- tamment un dégré d’excédent de chaleur, quelques - unes un dégré et demi : en gé- néral la chaleur des poissons est très- peu considérable, et je crois qu'on peut révoquer en doute l’observation d'Olassen, qui pré- tend avoir remarqué une chaleur sensible dans le sang d’une espèce de chien de mer ( le glauque ). Les poissons font une grande déperdition de chaleur animale ; l’eau leur en soutire continuellement une grande quantité; la porüon de ce fluide, qui les environne immédiatement, est aussi plus chaude que :88 RESPIRATION pau--tout ailleurs. On a observé qu'une carpe, plongée dans un mélange qui se geloit très- proimptement , conservoit autour d'elle une certaine quautilé d'eau fluide, quoique le reste du liquide füt totalement gelé. On ne sauroit rapporter qu’à la respiration le développement de la chaleur des poissons. Les phénomènes d’après lesquels MM. La- voisier et De la Place ont expliqué la pro- duction de la chaleur dans les animaux qui vivent dans l'air, s’observent aussi dans les poissons, mais ils sont bien moins sensibles : les différences de la chaleur entre les ani- maux qui respirent de l'air et ceux qui respirent de l’eau, sont sur-tout remar- quables , en comparant les poissons avec les célacés, qui ont d’ailleurs tant de rapports avec ces animaux, que tous les naturalistes, avant M. Brisson, les avoient rangés dans la même classe. Les uns et les autres habi- tent le même élément ; cependant ceux qui ont des ouïes et respirent de l'eau, mont qu'un dégré ou un dégré et demi de chaleur de plus que leau ; lies cétacés au contraire qui respirent de l'air, ont le sang aussi chaud que celui de l’homme. J’ai plongé le ther- momètre dans le corps d'un marsouin , à travers une blessure qu’il venoit de recevoir 4 a DES'POISSONS 98e à côté du cou, et qui réndoil beaucoup de sang ; 1l étoit déjà mort; cependant le ther- momètre monta jusqu’au 26° dégré et demi, et se soulint au 26° degré lorsque je le plaçai dans les parties de la génération. La tem- pérature de l’atmosplhère étoit ce jour-là de 14 dégrés, et celle de l’eau de la mer près du bord de 13 et demi. Les poissons n’éprouvent point dans l’eau d'aussi grandes variations de froid ou de chaleur que les quadrupèdes dans Pair. La température de l’eau, à une certaine pro- fondeur, paroît être presque toujours la même; ce qui est prouvé, quant à celle de la mer, par les expériences du comte de Marsigh, et plus récemment de M. de Saussure. Celle des rivières, quand la surface est gelée, est dans le milieu quelques dégrés au dessus de zéro. Dans les grandes chaleurs, la température de l’eau est toujours au dessous de celle de Fair. Cependant il paroît que ces animaux sont plus affectés par un grand dégré de chaleur que de froid. Les poissons sont cependant affectés par les variations de l'atmosphère : on sait que, dès que le tems est à la pluie, ils remontent à la surface. Ce fait n’avoit point échappé Poiss. Tome IL A à 290 RESPIRATION à Bacon; il le citoit comme une preuve de la grande influence de l'air sur les animaux qui vivent dans l’eau. Ne seroit-il pas plus simple d'attribuer ce phénomène au tems qui détermine alors la chüte des insectes que les poissons viennent prendre à la sur- face de l’eau? ce qui est d'autant plus vrai- semblable, que c’est presque la nourriture de tous les poissons de rivière. C’est aux grandes variations de l’atmos- phère qu’on doit attribuer l’émigration de cette quantité prodigieuse de harengs que le froid force chaque année à chercher des mers plus tempérées que celles du pôle ; mais nous n'avons malheureusement encore presque aucune observation sur ces voyages périodiques. Les poissons destinés à ne jamais s'éloigner des bords, sentent aussi le refroi- dissement de lair ; et pour s’en garantir, ils s’enfouissent dans la vase, où la plupart d’entre eux resient dans un état d’engour- dissement , semblable à celui qu'éprouvent pendant lhyver les ours, les loirs, les mar- mottes , etc. Les anciens ont parlé de ce sommeil périodique ; les modernes n’ont point fait d'observations relalives à ce phé- nomène , qui mérile cependant une attention particulière. 1l est aisé de reconnoitre les DES POISSONS. 291 poissons de cet ordre, à leur corps qui est alongé , à l'absence des nageoires ventrales, et aux mouvemens d'ondulation qu’ils sont obligés d’exécuier pour se soutenir dans l’eau. Je ne regarde pas comme un engourdis- sement proprement dit , celui que plusieurs auteurs ont prétendu avoir observé sur des poissons entièrement gelés et rappelés en- suite à la vie. Peut-être se sont-ils fondés sur ce qui arrive quelquefois à plusieurs parties des animaux à sang chaud, lesquelles reprennent vie après avoir été gelées; mais il faut observer que leur sang est bien plus chaud, et qu’il est poussé avec plus de force dans ceux-ci que dans les poissons. Quoi qu’il en soit, M. J. Hunter, qui a tenté la même expérience sur ces derniers, ne l’a jamais vu réussir ; les poissons dont il a fait geler la queue n’ont jamais pu recouvrer l’usage de cette partie. L'eau affecte d’un plus grand nombre de manières les organes de la respi- ration des poissons , que l'air n’agit sur ceux des animaux à sang chaud. Plusieurs indi- vidus, après avoir respiré pendant quelque tems dans une certaine quantité d’eau, la dénaturent au point qu'elle n’est plus propre à la respiration , comme les animaux à sang "a 293 REÉSPIRATION chaud dénaturent l'air lorsqu'ils sont ras= semblés dans le même endroit. L'eau tient en dissolution un plus grand nombre de subslances que l'air ; et parmi ces substances 1l s'en trouve beaucoup qui deviennent nuisibles aux poissons ; leur vertu délétère agit le plus souvent, dans ces animaux, sur les organes de la respiralion ; ce qui a plus rarement lieu dans les animaux qui vivent dans l'air. La Nature a cependant doué les poissons d’une force assez grande pour ré- sister à quelques-uns des changemens que l'eau peut éprouver; ils passent, par exemple, librement des eaux salées dans les eaux douces , ou de celles-ci dans les eaux salées. On sait combien est grand le nombre des saumons, des aloses, des lamproies, etc., qui abandonnent chaque année la mer pour remoriter les rivières ; les carpes au contraire quittent souvent les rivières pour gagner les eaux de la mer. Si l’on fait attention à la différence qu'il doit y avoir pour um poisson, de respirer de l’eau douce ou de l’eau salée, on aura une idée de la force dont nous avons dit qu'ils étoient doués pour résister aux changemens que leau peut éprouver ; force qui, dans cette cir- constance , est au dessus de celle qu'on DES POISSONS. 293 observe dans les autres animaux qui ne supporteroient pas un changement aussi grand et aussi subit dans l'air. Ceci peut servir à rendre raison de l’organisation moins parfaite que présentent les parties destinées à la respiration des poissons, struc- ture qui les met à labri de la trop grande influence que les dégénérations multipliées de ce fluide auroient sur leurs organes. Les poissons que j'ai mis dans de l’eau distillée y ont vécu; ils ont, à la vérité, donné d’abord des signes de mal-aise ; mais, après avoir nagé quelque tems, ils n’ont plus paru souffrir. Ils avoient probablement déterminé , par leur mouvement, l’eau à s'unir à la portion d’air nécessaire à la res- piralion. Cependant un petit poisson en- fermé dans un flacon bouché, qui contenoit une pinte d’eau distillée, y a vécu plus de trente heures. Le sirop de violette, versé en petile quantité sur de l’eau distillée où étoient des poissons vivans, n’a donné d’abord aucun signe de changement de couleur, 1l a seulement un peu verdi dans la suite, ce qui peut être attribué à la partie alkalescente de la mucosité dont le corps des poissous est enduit , et qui se mêle toujours à l’eau : ils y ont très-bien vécu. Une goutte 1 3 294 RESPIRATION d'acide arsénical jetée dans une assez grande quantité d’eau , où j'avois mis un poisson vigoureux , a sufli pour le faire mourir dans le moment. Sa gueule étoit fermée, et les opercules des ouïes ramenés sur le corps. Un autre poisson a vécu six minutes dans du suc de citron; les ouvertures des ouïes étoient fermées quand il est mort. L'eau, légèrement acidulée au moyen de Fair fixe, a fait mourir dans quelques minutes un poisson vigoureux ; sa gueule et l'ouverture de ses ouïes étoient très-béantes ; ceux que J'ai plongés dans de l’eau de chaux, ont, au bout de quelques minutes, rejeté par les ouvertures des ouïes une sanie assez abondante; ils ont donné quelques signes de vie après cette évacualion, et sont morts bientôt après. On sait que la chaux est employée à prendre les poissons dans les étangs, et les anguilles dans les ruisseaux où il y a peu d’eau, et où il suffit de jeter quelques pierres de chaux pour les faire mourir. Les pêcheurs emploient plusieurs autres moyens analogues pour prendre, s’il est permis de s'exprimer ainsi, les poissons par la respuaiion. Dans les Indes on emploie à cel usage le suc de plusieurs plantes. Dans uos provinces méridionales on se sert, pour Tr ee en = DES POISSONS. %95 le même objet , du suc d’une espèce de thytimale ( euphorbia characias, L.) qui croît abondamment dans les lieux insultes ; on en coupe les tiges en plusieurs morceaux, qu'il suffit de jeter sur l’eau pour faire mourir un grand nombre de poissons. On sait que ce suc laiteux peut être répandu sur une grande surface. T4 39% OBSERVATIONS OBSERVATIONS SUR LE 08: LÉ TAN: S: Après avoir donné et rassemblé toutes les observations les plus propres à fuire connoître la nature des poissons, et avant d’entrer dans les détails relatifs à chaque espèce, je vais les considérer un moment sous un de leurs nombreux rapports avec Féconomie publique; c’est-à-dire, examiner leur réunion dans les amas d’eau connus sous le nom d’étangs. Très - multipliés en Allemagne et dans plusieurs autres contrées du nord de lEu- rope, les étangs ont presque tous disparu , de nos jours même, du sol de la France, quoiqu'ils y fussent en assez grand nombre. À l’époque où chacun se crut appelé à la réforme des abus, qui , pour le malheur des sociétés humaines, sont inséparables des grandes administrations , les étangs furent présentés comme une source de contagion, comme un obstacle aux progrès de l’agri- culture, comme un principe de destruction SUR LES ETANGS. 297 pour les plantes semées dans leur voisinage, Ce fut en 1791 que des écrits furent répan- dus et des discours prononcés pour provo- quer leur anéantissement. Les hommes sages qui savent que le bien même devient un mal quaud il est introduit par de grandes et trop brusques innovations, et sans les pré- parations et les ménagemens que la pru- dence exige; ces hommes, dis-je, sélevèrent contre une proscription trop générale. On repoussa leurs réclamations par les reproches d'intérêt particulier, d’égoisme , etc. Ces cla- meurs, qui commençoient déjà à entrainer des suites funesles, étouffèrent toute 6bser- valion, en même terms qu’elles furent un signal de la destruction de la plupart des élangs. Mon dessein n’est pas d'entrer dans l'examen des avantages et des inconvéniens qu'ils présentent ; et quelque importante que soit cette discussion pour l’économie pu- blique , ce n’est pas ici le lieu de s’y livrer; je m'arrêterai seulement à un petit nombre d'observations propres à léclairer. De tous les étangs, ceux qui étoient ma- récageux pouvoient seuls être attaqués avec raison , relativement à la salubrité de Fair; mais presque tous les étangs de celte nalure étoient situés loin des habitations, el per- 298 OBSERVATIONS sonne n'’étoit tenté de s'établir sur leurs bords: De vastes marais, proprement dits, subsistent encore sans utilité sur plusieurs points de la France, remplissent l'atmosphère de leurs exhalaisons pernicieuses, et répandent sur les générations qui se succèdent dans leur voisinage une pâleur et une bouflissure ha- bituelles, les épidémies, et tous les symp- tômes d’une mort anticipée. Le dessèchement de ces espaces fangeux , de ces fondrières pestilentielles , réservoirs intarissables de maux, paroissoit devoir précéder celui des étangs qui rachetoient quelques inconvé- niens par des avantages certains. Ces avantages étoient plus sensibles encore à l'égard des étangs non marécageux , et aucune qualité nuisible ne venoit les ba- lancer; car il est inutile de réfuter l’objection que l’on a faite contre les possesseurs d’étangs, de ravir à la culture des terrains précieux ; comme si les ressources alimentaires pour les hommes devoient se borner aux plantes céréales ; comme si les poissons que lon reliroit des étangs ne mulliplioient pas au contraire ces ressources, en les rendant plus agréables par leur diversité ; comme si cette sorte d'agriculture vivante ne donnoit pas d'aussi grands produits que la culture végé- SUR LES ETANGS. 29ù tale; comme si nous manquions de terres à cultiver ; comme si enfin une exploitation bien dirigée sur un terrain borné n’étoit pas plus profitable que celle qui s’égare, pour ainsi dire, sans discernement et sans moyens sur une grande étendue. Un autre service incontestable que les d’élangs rendoient à l’agriculture, étoit de fournir aux irrigations des terres qui les en- tourent , d'y entretenir une humidité fécon- dante , de leur préparer un engrais par le limon qui sy amasse, les débris des vé- gétaux qui y croissent et les restes de leur pêche. L’atmosphère, retenue par les forêts dont la plupart des étangs étoit environnée , et qui pour la plupart aussi sont tombés sur un fonds desséché, l’atmosphère se char- geoit d'humidité, s’épaississoit en nuages qui versoient dans le canton des pluies plus rap- prochées et moins souvent desirées qu’elles ne le sont à présent. .. Une foule d'oiseaux aquatiques peuploient les bords des étangs, sillonnoient la surface de leurs eaux, et, en s’y réunissant pour y trouver une pâture abondante , sembloient s'empresser d'offrir à l’homme le double avantage de la chasse et de la pêche. 300 OBSERVATIONS Il est facile de sentir combien l’on peüf étendre ce tableau rapide des biens que pré- sentoient les étangs qui, par leur nature et leur situation, ne portoient pas les caractères de la mal-faisance. Peut-être un jour m’occu- perai-je d’un travail qui offre de l’intérét sous plusieurs points de vue ; mais l’on trou- vera dans cet ouvrage, que je me suis engagé a rendre d’une utilité générale, la meilleure manière de former les étangs, de les em- poissonner , de les conserver, de les pêé- cher, etc. Cependant, ces deux premiers volumes étant plus particulièrement con- sacrés aux généralités de l'histoire naturelle des poissons, je n’y parlerai que des effets du froid sur: ces animaux renfermés dans les étangs , et du moyen de le: préserver de la mortalité que certains hyvers y occasionnent. Ce que je dirai à ce sujet sera extrait d’un fort bon Mémoire composé en 1789, par Varenne de Fenille, membre de l’ancienne société d'agriculture de Paris, et écrivain célèbre en agriculture et en économie rurale. Varenne de Fenille a fait ses observations en Bresse, sa patrie. La superficie des étangs de cette contrée a été gelée en entier le 36 novembre 1788, et c’est seulement à la fin de janvier que la glace a été entièrement SUR LES ETANGS. 3oi fondue. Elle a eu communément depuis seize à dix-sept pouces d'épaisseur, à raison de ce que sur une première couche de glace d'environ cinq à six pouces sont survenus de la neige, puis du verglas, puis de la neige encore, puis un faux dégel, et enfin une gelée, telle que les thermomètres, après s'être soutenus pendant quelque tems entre quinze à dix-sept dégrés, sont descendus à Bourg à vingt dégrés et deimi la nuit du 5 au 6 janvier; enfin la dernière couche de glace a été couverte d’environ seize BARCES de neige. Le dégel a commencé assez doucement le 15 janvier; ses effets ont d’abord été peu sensibles; mais un vent violent, accompagné de pluie, s'étant élevé le 18 dans la partie du sud , les glaces se sont fondues brusque- ment, et les rives des étangs ont élé cou- vertes d’une prodigieuse quantité de poissons poussés par le vent et par les flots. La mortalité paroissoit s’augmenter de jour en jour, et causoit de vives alarmes, parce que, indépendamment de la perte qui avoit été fort considérable, on avoit encore à craindre que le poisson se corrom- pant, l'air n’en fût infecté. Le bailliage de Bourg a rendu une Ordon- 3502 OBSERVATIONS nance , à la date du 20 janvier , pour faire enterrer le poisson mort; elle a été exécutée avec assez d’exactitude en plusieurs endroits; mais des nuées de corbeaux, affamés depuis Jong-tems, les loups, les renards et les chiens ont dévoré la majeure partie de ces cadavres. D'un autre côté, plusieurs fermiers, en particulier ceux des Blanchères, appartenant à M. de Bellevey , y ont conduit leurs trou- peaux de cochons. Pendant huit jours, ces animaux y ont trouvé une nourriture abon- dante, sans qu'on se soit aperçu qu'elle ait produit aucun mauvais effet sur eux. On a d'abord attribué la mortalité du poisson uniquement à l'intensité du froid et à sa longue durée. Il est vrai que quelques poissons égarés, engourdis, surpris et privés de la clarté du jour sous une voûte épaisse de glace et de neige, ont pu se trouver encroûlés dans la glace ; mais ce n’a jamais été le plus grand nombre; et l’on verra par la suite que la rigueur du froid n’y a con- tribué qu’en laissant à une cause plus im- médiate la faculté de déployer toute son énergie. D'autres personnes, qui ne se sont aper- çues de la mortalité qu'à l’époque du dégel, ont pensé que le changement subit de tem- SUR LES ETANGS. 303 pérature avoit pu loccasionner. Il semble que ce soit le sentiment de M. Cretté, cor- respondant de la société d'agriculture , au Bourget. Dans une lettre, qu'il a écrite à celie société pour la consulter sur ce désastre, il expose qu’il possède au Bourget un étang d'environ six arpens, profond de quinze ou dix-huit pouces à son entrée, et d'environ quatre pieds à sa bonde; que le fond en est gras et bourbeux; que néanmoins les eaux en sont claires , parce qu’elles sont rafraîchies par des sources et un ruisseau. « La glace, dit-il, avoit quatorze à quinze pouces d'épaisseur ; elle a commencé à fondre à la queue de l'étang; le poisson s’y est porté en abondance pour respirer. Un cent ou deux de carpes très-vives, que j'y ai observées, ont disparu aussitôt qu’elles n’ont apercu ». Le lendemain y étant retourné, M. Cretté n'en a pas trouvé une seule au même en- droit; mais, en parcourant les bords de son. étang, 1l en a vu successivement trente ou quarante mortes sous la glace; on l’a cassée : les carpes étoient parfaitement saines et fraîches, et les ouvriers qui en ont mangé n’en ont pas été incommodés. Le lendemain, le nombre des carpes mortes a augmenté ; M. Cretté en a fait retirer un cent, ou 304 OBSERVATIONS environ, de dessous ja glace, et soixante ou quatre-vingts anguilles qui avoient essuyé le même sort. Cette mortalité a continué pen- dant quatre ou cinq jours de suite sur les carpes et les anguilles seulement ; il n’a péri qu’un seul brochet, et pas une seule perche ni un poisson blanc. Jusqu'à ce que M. Cretté ait achevé la pêche de son étang, on peut douter qu’au cune des cent ou deux cenls carpes très- vives qu'il a vues aient été au nombre de celles qu'il a fait retirer de dessous la glace, et la pèche entière est le seul moyen de décider en pleine connoiïssance, si l’époque de la mortalité a précédé ou suivi celle du dégel. D'ailleurs, l'opinion que M. Cretté semble adopter diffère absolument de celle des autres propriétaires et fermiers d’étangs. Quel est donc le principe destructeur qui, à l’aide de la gelée, a été la cause immé- diate de la mortalité ? Avant de répondre, il convient de rendre un compte exact des circonstances qui Font accompagnée; la comparaison d’un grand nombre de faits, leur rapprochement , et quelques expériences particulières permet- tront d’asseoir une théorie sur cet objet, et d'indiquer un préservatif, En SUR LES ETANGS. 509 En Bresse, les étangs sont situés ou sur un terrain d'argile blanche ; Ou sur une couche de terre végétale ou limoneuse, sous laquelle se rencontre un banc, soit d'argile, soit de marne argileuse, sans quoi l’eau se perdroit par infiltration ; Ou sur un terrain fangeux, bourbeux et anciennement marécageux. On concevra aisément qu'entre ces trois classes principales, il doit se trouver beau- coup de sous-divisions qui y participent plus ou moins. : 11 croit très-peu d'herbe dans les étangs situés sur l'argile : on les appelle étangs blancs. + Le Jabourage la détruit en partie sur les étangs de la seconde classe, lorsque ceux-ci sont mis en culture à la troisième année. 11 n’est même pas douteux que l'herbe ne se détruisit presque entièrement si on laissoit les étangs en assec pendant deux années de suite. | | Les joncs, les roseaux, et une espèce de gramen auquel on donne le nom de brouille (1), couvrent quelquefois en entier (1) Ce gramen a été reconnu pour le fes/uca flui- tans , panicul& ramosa erect&., spiculis subsessilibus Poiss. Tome II. V; 306 OBSERVATIONS les étangs de la troisième classe, à moins que lextrême profondeur de l’eau n’em- pêche ces végétaux de croître près de la chaussée. Voici maintenant les observations dont le rapport est unanime de la part des per- sonnes interrogées sur la morialité dont il est question. 1°. On ne s'est point apercu que propor- tionnellement il y ait eu plus ou moins de perte dans les grands que dans ceux d’une médiocre étendue. 20, Plusieurs étangs, n'ayant que trois à quatre pieds de profondeur, ont été entière- ment préservés, tandis que la perte a été totale dans des étangs de huit à dix pieds d'eau près de la bonde, et réciproquement. Ainsi le plus ou le moins de profondeur n’a été qu'une circonstance indifférente. 3°. La perte a porté sur les gros poissons comme sur les petits indistinctement. 4°. En général, il paroît que la carpe est teretibus muticis de Linnæœus. La brouille est un mot ancien et technique dans le pays; les vieux titres portent : le droit de champéage , nézage et brouillage en faveur des propriétaires d’une pie, ou portion d’assec dans les étangs, SUR LES ETANGS. 5o7 l'espèce qui a le plus souffert. Les brochets, les perches, et sur-tout les tanches ont mieux résisté. Cependant la perte a été générale dans quelques étangs de la Char- treuse de Montmerle, ainsi que dans quelques étangs de la Dombes. | 5°, La précaution de faire des trous dans la glace pour donner de lair au. poisson a été inutile (1). | ; .6°. Les ÉtAREE situés sur.un sol dur et ferme , qu'on nomme étangs blancs, n’ont ue dort. ou fort peu. ‘7°. Le poisson a presqu’entièr ement péri dans les étangs vaseux, chargés de brouilles, Jèches et roseaux. 8°. Les élangs nouvellement ue et réparés, et ceux dont le bief et la pêcherie étoient bien nettoyés, ontincomparablement moins souffert que les autres. (1) Cette proposition me semble trop générale ; J'ai peine à me persuader que la RESgap tion füt inutile, lorsque par un froid modéré la glace n’a que deux à trois pouces d’épaisseur ; mais Je conçois qu'avec un froid de 15 à 18 dègrés, ces soupiraux ont dû se refermer très-promptement , et qu’alors, loin d’être utiles, ils ont été nuisibles, en ce qu’ils ont favorisé la maraude. Aussitôt que l’on fait une ouverture à le glace , le poisson y afllue ; on l’y prend aisément. «V2 Bo . OBSERVATIONS 5h. On nomme pêcherie une enceinte asséz profonde , placée en avant de la chaussée, où le poisson se retire dans les tems de la pêche, à mesure que l’eau de l'étang s'écoule par la bonde. Le bief principal, ou le fossé dirigé depuis la queue de l'étang jusqu’à la bonde, y aboutit. La pêcherie doit être proportionnée à l’étendue de‘Fétang. On verra ci-après que, dans quelques étangs où il n’y avoit plus d’eau que dans la pêcherie, le poisson s’est parfaitement coñservé (1791 .(r) Le propriétaire où fermier -d’étang doit avoir grand soin de tenir la pêcherie et le bief en, bon état, malgré qu’ils eussent sept à huit pieds de profondeur auprès de la chaussée. Plusieurs étangs ont perdu leur poisson , parce qu'ils avoient une pécherie et un bicf pleins de bouc..... Les étangs chargés d'herbes ont plus souffert que ceux d’un terrain blanc, à moins que les premiers n’aient eu un bon bief, et une pècherie curée nouvellement. "Il est intéressant de faire aux étangs de vastes et bonnes pêcheries et de larges biefs, et de les entre- tenir bien curés. On sait par une expérience de tous les Lems, que si les étangs bourbeux sont mal entre tenus , s’il survient de fortes gelées et beanconp de neige, les poissons sont en danger de périr. Quelque peu d’eau qû’il y ait dans un étang , si [a pêcherie et le grand bief sont nouvellement curés, es poissons S'y retirent, se tr ouvent sur un terr rain ferme, et sé garantissent d’être étouffés, Aussi dit-on CRE lement, pécherie neuve fait sûreté d’étans, SUR LES ETANGS. 509 9°. L'opinion générale est que la mortalité a. précédé le dégel (1). | . Il ne sera pas hors de propos de joindre à ces faits généraux le récit de quelques faits particuliers qui les confirment. Puisquil s’agil ici d’un objet qui tend à établir une théorie sur l’administration des étangs pen- dant les hyvers rigoureux, les plus petites observations ne doivent pas être négligées, quand même leur longue énumération et leur ressemblance deviendroient un peu fatisantes. M. de Montrevel avoit fait construire nouvellement dans son parc de Chales une fort belle pièce d’eau, alimentée par un ruisseau limpide qui sy jetie après avoir (r) Les poissons étoient morts à l’époque du dégel, qui n’a point contribné à leur perte; quelques - uns viennent sur l’eau, d’autres demeurent sur la boue, ce qui dépend du tems depuis lequel ils sont noyés. Des observateurs, peu familiarisés avec de pareils accidens , ont pu croire en visitant leurs étangs, où ils n’ont trouvé dans les premiers jours du dégel qu’une médiocre quantité de poissons morts sur Îles ‘rives, que ceux qu’ils y ont vus depuis en bien*plus grand nombre étoient morts à la suite du dégel , mais cela n’est pas exact. Tout le poisson a péri dans les glaces , ou a été étouffé dans les fonds vaseux. No S10 OBSERVATIONS serpenté dans son parc. La pièce d’eau est empoissonnée et n’a guère que cinq pieds de profondeur : on ne souffre pas qu'il y croisse ni Joncs, ni herbes. Le ruisseau à tari pendant la gelée : il n’a pas péri un seul poisson. A la vérité on a cassé la glace de tems en tems. M. de Jalamondes a fait construire à la Sardières, près de Bourg, un réservoir d’en- viron vingt mille pieds carrés en superficie , sur cinq pieds de profondeur, et dans un fond argileux. TL’eau de ce réservoir n’est entretenue que par légoût des terres voi- sines : 1l a conservé tout son poisson. M. Gauthier de la Chapelle est proprié- taire de cinq étangs près de la petite ville de Lent en Dombes; lun des cinq étoit nouvellement réparé, et au moment d’être pêché. Lorsque la gelée est survenue , il s'est hâté de faire fermer la bonde; elle n’avoit pu lêtre assez exactement pour em- pêcher qu'il ne s’écoulât un peu d’eau. Le poisson s’est retiré dans la pêcherie, et s'y est entièrement conservé. Il en a péri une immense quantité dans les quatre autres ‘étangs, qui sont profonds et situés dans un fond vaseux. M. de Bellevey avoit déposé une quantité SUR LES ETANGS. 511 très - considérable de fort beaux poissons dans un réservoir près de son château de Bellevey ; il n’y croît point d'herbes, mais le fond en est très-vaseux; les carpes et les brochets y ont été suffoqués; il n’a conservé que les tanches. Le même accident est arrivé dans un réservoir situé au milieu d’un pré, sur un fond où il ne croît point d'herbes, mais qui contient beaucoup de vase. Don Armely, prieur de la Chartreuse de Montmerle , et syndic général du clergé de Bresse, consulté par Varennes de Fenille, lui répondit en ces termes : MonNSIEUR, « Je n’ai pu répondre plus tôt à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 23 février, ayant eu besoin de consulter le frère préposé au soin de nos étangs, et qui n’est arrivé à la maison que le samedi soir. ...... Voici ce que j'ai pu recueillir sur la mortalité des poissons, et ce qui s’est passé dans nos étangs en cette année désas- treuse. « Sur un nombre d’étangs, nous n’en avons proprement que trois qui soient un peu considérables, et ce n’est que dans ces trois V 4 312 OBSERVATIONS seuls que le poisson n’a" pas péri : il a péri dans tous les autres. » Qu'on n’attribue point la conservation du poisson à la profondeur des étangs, le frère dont j'ai parlé avoit fait écouler un de ces trois étangs, que nous nommons pesay , un peu avant les grandes gelées, ne se doutant pas de ce qui devoit arriver; il ne restoit que trois pieds d’eau, et cepen- dant le poisson n’y a pas péri; tandis que, dans un autre appelé les dombiers, qui a neuf pieds de profondeur , il ne s’en y est pas conservé un seul. » Si l'introduction de Fair dans les étangs glacés pouvoit seul conserver le poisson, nous n'en aurions perdu aucun, ayant eu le soin de rompre la glace en plusieurs en- droits de chacun de nos étangs; mais puis- qu'il n’a pas laissé que de périr, même dans les étangs de peu d’étendue , malgré celte précaution, c’est une preuve que ce procédé ne suffit pas pour le garantir malgré son utilité apparente. » Jusques-là voilà des faits, maintenant Voici des conjectures : J'ai hésité si je vous les communiquerois, attendu que c’est le résuliat des observations de ce bon frère, el qu’elles offrent quelque chose de singulier. SUR LES ETANGS, 335 » 11 prétend queC’est la brouille, plante fort commune dans les étangs, qui a donné la mort au poisson. Selon lui, là où cette herbe a demeuré sous la glace, elle n’a ‘pu exhaler sa qualité maligne et sulphureuse, elle a tué le poisson; il à remarqué que, dans les trois étangs où le poisson s’est conservé, dans l’un on avoit arraché l'herbe avant d'y mettre l’eau, dans les deux autres l’eau se trouvant assez basse, puisqu'il n’y en avoit que trois pieds, la brouille est demeurée au dessus de la glace, et n’a pu infecter le poisson. » À l'appui de sa conjecture, il cite un phénomène assez singulier; il m'a rapporté qu'un jour de cet hyver où il geloit bien fort, ayant été à l'étang dont j'ai parlé plus haut, appelé /es dombiers, qui a neuf pieds de profondeur, il s’apercut qu'il y avoit vers le milieu de cet étang une ouverture d'environ cinq pieds de circonférence où il s'étoit fait un dégel ; il examina la chose de plus près, parce que la glace portoit jusqu’à la circonférence de ce trou. Aucun vestige de pied d'homme ne se trouvoit imprimé sur la neige qui couvroit l'étang dans ce moment, ce qui écartoit l’idée que ce trou fût l'ouvrage de quelqu’un ; en rapprochant 514 OBSERVATIONS donc ses idées, il ne douta point que ce ne füt l'effet de la matière sulphureuse de la brouille, dont le fond de cet étang est couvert, qui auroit fondu la glace dans cet endroit, et s’étoil fait par là un passage. » La malignité de la brouille m'a été confirmée par les gens du pays. Le bétail qui en mange en cerlains tems, et sans doule en certaine quantité ( car il en est avide), en meurt. Elle devient plus haute que celle que je vous envoie pour Îa reconnoilre; ses feuilles flottent sur la surface des eaux... » Je suis, etc, signé AÂARMELY, prieur. » J’ouvre ma lettre à Seillons (autre Chartreuse près de Bourg) pour y ajouter que ce que je regardois comme un système hasardé et une idée de notre frère, est pour- tant l'opinion commune. Ici et dans la Dombes on attribue la mortalité du poisson à la brouille ». Le bon frère a rapporté les choses à son prieur comme il les a vues ; mais a-t-1l bien vu? Vraisemblablement la neige tombée pendant la nuit précédente avoit effacé la trace des maraudeurs ; un trou de cinq pieds étoit tout ce qu'il leur en falloit pour prendre ; avec un piège ou à la main, des SUR LES ETANGS. 315 poissons qui, vivant depuis long-tems dans une obscurité profonde, accourent dès qu’ils voient la lumière, et viennent respirer un air frais. La même cause auroit produit le même phénomène dans d’autres étangs aussi brouilleux que les dombiers, et néanmoins le frère charireux est le seul qui s’en soit aperçu. Si le trou avoit été l'effet d’une chaleur souterraine, la glace auroit eu peu d'épaisseur sur les bords, et cependant 1l en a approché ; la glace portoit jusqu’à l’ori- fice, etc. etc. D'ailleurs ce gramen n’a par Jui - même aucune qualité mal - faisante ; mais, sans être vénéneux ni sulphureux, comme le dit le frère chartreux, il peut vicier l’air et l’eau, ainsi que nous le ver- rons dans la suite. Le trèfle donne la mort au bétail lorsqu'il en mange en trop grande quantité, et il en est également avide ; on ne doit point ce- pendant en conclure que le trèfle porte un caractère de malignité. La brouille a aug- menté la mortalité; cela n’est pas douteux, mais c’est en concourant, ainsi que la gélée ; à l’action d’une cause plus immédiate, dont l’une et l’autre ont favorisé le développe- ment. Du rapprochement et de la comparaison 316 OBSERVATIONS de ces faits, on peut tirer, ce semble, les conclusions suivantes. II y a eu des étangs où, sous un volume d’eau peu profond, le poisson s’est entière- ment conservé ; donc ce n’est pas la gelée qui, dans d’autres étangs, l’a fait périr. Le poisson vit et prospère pendant l'été dans des élangs où la brouille croît en abondance ; donc la brouille n’a, par elle- mème, aucune qualité vénéneuse. Pendant cet hyver, la perte a été totale dans des réservoirs sans brouille, mais va- seux ; donc, indépendamment de la brouille, il y a eu une cause de mortalité. Quelle est-elle? et la réunion de tant de faits ne conduit-elle pas naturellement à conclure que c’est uniquement à la qualité de Fair que le poisson a été forcé de respirer, qu'il faut attribuer cette épidémie ? On sait que les ouïes remplissent, à l’égard des poissons, les mêmes fonctions que les poumons à l'égard des animaux terrestres. Les poissons aspirent l’eau par la bouche, l’expirent par les ouïes. Ce viscère est com- posé de parties innombrables, mais néan- moins distinctes. C’est dans le tems de lex- piration et au moyen du froissement et de la division extraordinaires que souffrent les SUR LES ETANGS. 317 varlies de l’eau, que l'air, qui y est mélangé, e détache pour entrer dans les vaisseaux apillaires des ouïes, et aider à la circu- ation du sang (1). Le poisson a donc besoin que l'air, dont eau est imprégnée, soit d’un dégré de urelé comparable à celui que respirent les mimaux terrestres : mais dans les étangs raseux, marécageux eë brouilleux, et sous ine croûte de glace de quinze pouces d’é- Jaisseur, qui à duré plus de six semaines, ‘air, partie constituante de l’eau, et qui y st en quelque sorte dissous, n’a-t-1l pas là se corrompre à la longue, causer enfin ine sorte d'asphixie au poisson, non pas à a vérité aussi prompte que celle que l’on arvient à lui donner par artifice , mais apable de le rendre malade et de le faire dérir ? a On avoit déjà reconnu depuis long-tems qu'il s'exhale continuellement du fond des narais un air fétide et corrompu, qui n’en- endre que trop souvent des épidémies mor- (1) Voyez dans ce volumele Mémoire de Duverney ur la circulation du sang des poissons qui ont des uies , et sur leur respiration ; et le Mémoire sur le espiration des poissons , par Broussonei,. 3138 OBSERVATIONS telles. A la vérité ces émanations sont plus nombreuses quand la chaleur en favorise l'extraction et le déveioppement , et voilà pourquoi les pays marécageux sont plus mal -sains pendant l'été. Mais il en sort dans tous les tems, et il suffit de remuer le fond des marais pendant lhyver pour sen convaincre, par la quantité de bulles d'air qui s'élèvent et viennent crever sur la surface. Les magnifiques expériences faites de nos jours sur l'air et sur les substances aériformes nous ont appris la nature de celui qui s'é- chappe des marais : on lui a donné indiffé- remment le nom de gaz inflammable mofé- tisé, et d'air inflammable des marais; on y a aussi reconnu la présence de l’air crayeux ou air fixe (1). Ce gaz de marais est produit (1) Voyez les Elémens d'histoire naturelle et de chimie , par Fourcroy, pag. 40 du Discours prélimi- naire , et l’Essai analytique sur différentes espèces d’air, par Delametherie , pag. 758. La présence des l'air fixe , dans le gaz des marais, paroît encore indi- L quée par ces vapeurs blanches, plus épaisses que lew brouillard , qui ne s’élèvent qu’à un ou deux pieds” sur la surface des marais à la fin d’un beau jour d'été, et qui ressemblent à la fumée des corps enflammés qu’on éteint en les plongeant dans l’air fixe d’une” SUR LES ETANGS. 5319 par les matières végétales et les substances animales qui pourrissent dans l’eau; il se dégage des marais, des étangs, des égoûts, des latrines. T1 paroît qu'il est composé de trois substances aériformes mélangées à diffé- rentes doses : savoir, l’air fixe, la mofète et l'air inflammable ; quoi qu’il en soit, et sans entrer dans une dissertation sur la théorie des airs, qui n’est point de ce sujet, il suffit de savoir que ni l'air inflammable, ni la mofète, ni l'air fixe ne sont pas respi- rables, et que le poisson a besoin de respirer. Maintenant, sion rapproche les circons- tances dans lesquelles le poisson a péri dans les étangs, de ceiles où il a été conservé, on reconnoîtra que la mortalité a été d’au- tant plus grande, qu'il a dü se rencontrer cuve en fermentation. Si cette vapeur s'élève un peu , on sent qu’elle picotte les yeux; c’est alors que l’odeur des marais est plus fétide et plus dangereuse à respirer ; à peine au contraire la sent-on pendant la chaleur du jour , sans doute parce que pendant le jour les plantes des marais aspirent de l’air fixe , expirent de l'air pur, et que le contraire arrive pendant la nuit; ct tout porte à croire que cette propriété des végétaux, en général , est plus prononcée dans les plantes aquatiques que dans celles qui croissent sur ma terrain sec. 320 OBSERVATIONS plus de matière propre à produire du gaz inflammable, mofétisé, et de l'air fixe. La vase n’est que le résidu de la stercora- tion et de la transpiration abondante des poissons, du suc des terres qui s’égouttent dans les étangs, et de cette innombrable quantité d’'insecles qui naissent, croissent , multiplient et périssent dans les eaux sta=. gnantes. Plus il y a eu de vase rassemblée, plus la fermentation a été excitée, plus il a dû se former de gaz inflammable mêlé de mo- fète. A l'égard de lair fixe, comme leau en est avide, elle s’en est emparée ; mais on verra bientôt à quel point l’eau impré- gnée d'air fixe est mortelle au poisson. La brouille à augmenté la corruption! Cette plante, ne se trouvant plus en contact avec l’air extérieur, est tombée en pourri- ture , et la pourriture a produit un gaz qui n'étoit plus respirable. Cette substance aéri- forme s’est élevée au dessus de l’eau , d’où elle n’a pu se dégager soùs une croûte glacée de quinze à seize pouces d'épaisseur. Le poisson n’a donc plus eu que de l'air en partie méphitique. à respirer ;4l a com- # mencé par souifrir, puis il a été malade, enfin il à péri. Suivant toute apparence sa | mort SUR LES ETANGS. 321: mort a été d'autant plus prompte, et l’épi- démie d'autant plus générale , que les causes de mortalité ont été plus abondantes et plus actives. On n’a pu faire à cet égard d’obser- valions , tant que la gelée a duré; mais il est certain que les poissons, avant de périr, ont été très-languissans : ils avoient perdu leurs forces , et la qualité de l'air qu’ils venoient chercher à la surface de l’eau, a: augmenté leur engourdissement au point qu'on en a trouvé dont les nageoires dor- sales étoient collées contre la glace, quoique le corps flottat dans l’eau (1). (1) C’est ainsi que Varenne de Fenille a perdu ses dorades de la Chine. Depuis plusieurs années il avoit coutume de les transporter avant l’hyver des bassins de son jardin dans un canal. Il avoit fait placer un tonneau à une des extrémités de ce canal, où, jusqu’à cette année (1788), il n’avoit point gelé, parce qu’il s’y trouve quelques sources. Le tonneau a été percé en divers endroits avec une tarière au dessous du niveau de l’eau. C’est là que les poissons rouges étoient renfermés. Le fond du canal est très-vaseux. La superficie en a gelé entièrement; mais, à l’endroit dont on parle, l’épaisseur de la glace n’avoit guère que deux à trois pouces. Le jardinier avoit cassé la glace à différentes fois, et l’avoit jetée hors du tonneau; maïs, ayant cons- Poiss. Tome Il. X. 923 OBSERVATIONS Après avoir remonté des effets à la cause pour la connoître, la vérité de cette décou- verte ne seroit ni contestable ni douteuse, si de cette cause on obtenoit les mêmes effets, c’est-à-dire, si l’on parvenoit à donner artificiellement au poisson la même maladie qu'il avoit éprouvée naturellement par le concours des circonstances dont la rigueur de l’hyver l’avoit rendu victime. PREMIÈRE EXPÉRIENCE. Le 6 mars, à onze heures et demie du matin, on a placé sur l’appareil paneumato- chimique uue cloche de verre remplie d’eau, jamment aperçu les dorades au fond de l’eau et bien portantes en apparence, il avoit depuis négligé cette précaution. Au dégel, on en a trouvé dix à douze collées contre la glace par l’épine dorsale ; toutes les autres éloient mortes et couchées sur leur côté au fond du tonneau. Ce petit fait a été accompagné d’une circonstance remarquable. Le jardinier a assuré que toutes les fois qu’il avoit cassé la glace, 11 en étoit sorti de l’air comme d’un souflet. La même remarque avoit été faite par plusieurs de ceux qui avoient percé la glace de leurs étangs. Ce fait, bien avéré, prouveroit invinciblement la formation récente d’un nouvel air, produit par une fermentation inté- Yieure. SUR LES ETANGS. 5:25 dans laquelle étoient deux tanches d'environ sept pouces de longueur et fort vives ; en- suite l’on a réduit l’eau qu’elle contenoit à environ moilié, en y introduisant de Pair inflammable produit par la limaille de fer et lacide vitriolique ; les deux tanches se sont d'abord fort agitées , leur respiration étoit précipitée , elles remontoient du fond du vase à la superficie de l’eau , et redes- cendoient avec précipitation. À ces grands mouvemens , qui ont duré environ une heure , ont succédé des instans de repos, puis de nouvelles agitations , mais de plus courle durée que les premières. Ces deux animaux se sont affoiblis de plus en plus, leur agonie a été très-longue. Plusieurs fois on les a crus morts , même dans la journée du six; cependant ils respiroient encore, mais le mouvement de leurs lèvres se ralen- üssoit de plus en plus ; l’orifice de la bouche ne faisoit que s’entr'ouvrir , ainsi que la conque de leurs ouïes. L'une des deux tanches a paru décidément morte le 7 à neuf heures du soir, et la seconde étoit au dernier dégré d’affoiblissement à minuit. EXPÉRIENCE IL À 11 heures et 5o minutes, au moyen du X 2 524 OBSERVATIONS ième appareil, et sous un autre récipient; Von a introduit deux brochets d'environ huit pouces de longueur , et l’on y a fait passer pareillement de Fair inflammable. Les brochets sont entrés sur le champ dans une grande agitation ; ils élançoient leur tête hors de l’eau, et la replongeoient bien vite. Le mouvement de leurs ouïes et des opercules qui les couvrent étoit visible, mais | ils se sont bientôl affoiblis ; l’un d'eux, ren- versé sur le ventre, respiroit encore à trois heures , l’autre est mort une demi - heure après. Au surplus, il est assez difficile de saisir l'instant où un poisson expire ; quel- quefois on le croit mort qu’il n’en est rien; un moment après on ie voit donner encore quelques signes de vie.'Fous les brochets que l'on a asphixiés avoient la bouche ouverte après leur mort. ÉXPÉRIENCE IIL L'on a fait de l'air mofétique, en laissant éteindre une chandelle sous un bocal dont lorifice baignoit dans l’eau (1). A l’aide de l'appareil pneumato - chimique , lon a fait Be (1) On sait que la flamme , après avoir brûlé la plus grande partie de l’air pur que contient l'air que + SUR LES ETANGS. 35 passer cette mofète sous une cloche, ensuite l'on y a introduit à peu près une quantité égale d'air inflammable. Ces deux substances acriformes, mélangées de la sorte, occupoient environ la moitié de la cloche. Deux bro- chets ont été introduits dans l’eau qui rem- plissoit l’autre moitié. L'on a remarqué les mêmes convulsions , les mêmes affoiblisse- mens que dans l'expérience précédente, mais les deux brochets ont vécu environ une heure de moins. FX PÉRIENCE. LV. Ton a produit de l'air fixe par la disso- lution de la craie dans l'esprit de vitriol affoibli. Après en avoir saturé l'eau de ‘quatre grands flacons, cette eau a été versée dans une cloche de verre; on a placé la cloche sous l’appareil pheumato-chimique , et l’on y a introduit une nouvelle dose d'air fixe. C'est dans celte eau ainsi préparée qu'on a fait enirer un brochet d'environ ncuf pouces de longueur. nous respirons, s’éleint ; que l’eau monte dans Îe bocal à mesure que l'air pur se consume, et que le résidu n’est plus que de l'air irrespirable qu'on a nomme #moféle. X 3 856 OBSERVATIONS Rien n’approche des convulsions où ce bain a jeté ce pauvre animal; tantôt ïl s'élancoit hors de l’eau avec fureur, tantôt il lui prenoit des tremblemens , quelquefois il ouvroit la bouche, qu'il avoit énormé- ment grande , comme s’il eût voulu engloutir une proie, et la refermoit plus vivement encore. Son corps se replioit en demi-cercle, et changeoit bien vite de situation. L'on ne ‘s'est pas aperçu qu'il ait ouvert la bouche pour respirer, et qu'il ait ‘entrouvert les oules; on n’apercevoit qu'un peu de mou- vement sous la gorge. Cependant il a vécu plus d’une heure ; mais la violence de ses mouvemens éloit déjà fort ralentie aprés le premier quart-d'heure ; la bouche est restée béante après la mort: il est singulièrement remarquable quedleau imprégnée d'air fixe, qui est devenu un remède pour les hommes, -soit le fluide:le plus délétère de tous pour les poissons. EX PER 1e NN CE NV. Le même jour à midi, sous un récipient rempli d'eau de:rivière et d'air commun, à peu près également, l'on a enfermé deux -tanches et un brochet. Le récipient portoit neuf pouces de diamètre, et dix pouces SUR LES ETANGS. %27 environ de hauteur. Le brochet vivoit en- core le 12 mars au soir, mais paroissoit languissant : il est mort pendant la nuit. Les deux tanches ont vécu, l’une neuf jours, l’autre dix. Ces trois animaux n’ont paru commencer à souffrir qu’un jour avant leur mort. L'eau du récipient est devenue terne dès le premier jour, et fort trouble par la suite. Le à mars, l’on a placé deux carpes, et de la même manitre, sous une cloche de jardin d’un assez petit volume. Elles sont mortes toutes deux le 15, Fune le matin, Fautre le soir. Leur eau s'est également troublée assez promptement, et avoit pris une odeur de poisson très-forte. Fox e SiRur E N° eE ;V L Le mardi 9 mars, à 10 heures 55 minutes du matin, l’on a renfermé, sous un récipient plein d’eau, deux carpes de celles qu'on appelle empoissonnage de deux ans : lon y a introduit de l’air inflammable. Les carpes ont paru d’abord fort agitées, ensuite plus tranquilles ; elles étoient an fond du vase, respirant, mais languissantes, à 4 heures du soir; elles paroissoient à peu près dans Île mème état à minuit. Le lendemain, à 8 X 4 528 OBSERVATIONS heures du matin, l’une des deux étoit déci- dément morle et couchée sur le côté, au dessus de l’eau ; autre, également couchée, donnoit encore quelques signes de vie à midi : morie à 2 heures. FX PE BL EE NCE: V LT À 11 heures 10 minutes, l’on a placé deux carpes, semblables à celles de la sixième expérience, sous de l'air inflammable mo- fétisé. Grandes convulsions et agitations dans les premiers instans; quantité d’écailles qui, détachées du corps de ces animaux, flot- toient dans l’eau au gré de leurs mouvemens. À une heure, l’une des carpes nageoit sur la surface de l’eau, et sur le côté ; autre étoit languissante au fond du bocal. La première est morte à 5 heures; la seconde étoit au fond du vase très-languissante-el respirant à peine; même état à minuit. On la trouvée morte le lendemain à 8 heures, et au dessus de la surface de l'eau. ÉCROP'E R LE NC VohE LL À 11 heures 28 minutes, on.a mis une petite carpe sous de l’air mofetisé, mais sans addition d'air inflammable. Mouvemens con- vulsifs d’abord : languissanie à une heure, SUR LES'ETANGS. :329 cherchant à respirer au fond du bocal:, la tête basse et le corps élevé, quelquefois sur le côté, mais pas long-tems; même état à 4 Heures, à minuit, à :8 heures du lende- main, à 5 heures après midi; languissante pendant la journée du 11, morte daus la nuit du 11 au 12 : elle a vécu plus de deux jours et demi. | ER PRUDENCE EUX, A 11 heures et demie, lon a placé une carpe sou$ un récipient rempli d'eau de rivière ; ensuile on‘y à introduit une assez médiocre quantité d'air fixe. La carpe à d'abord paru assez tranquiile ; mais, à me- sure que l’eau absorboit l'air fixe, eile est entrée en convulsions ; grands mouvemens à 11 heures 48 heures, à une heure sur le côlé, entre deux eaux, respirant à peine; morte à 2 heures, couchée sur le côté, €k le corps plié en arc au dessus de l'eau, et même le ventre touchoit le bocal; car Pair fixe avoit été presque entièrement absorbé. ÉLxXCP ÉUR LIEN CAN Xe : A :nidi, lon a répété la quatrième ex- périence sous un grand récipient, sur un brochet, une carpé.et une tanche renfermés ensemble. Mêmes mouvemens convulsii, 990 OBSERVATIONS mêmes tremblemens subits, mais plus pro- noncés sur le brochet; celui-ci paroissoit mort à midi 20 minutes; à une heure l’on aperçut encore quelques mouvemens. La carpe étoit très-languissante, et entr’ouvroit les lèvres, ainsi que les ouïes, de tems en tems, et foiblement. Elle étoit morte à 3 heures, et la tanche à 8 heures du soir. On pourroit multiplier ces expériences et les varier à l'infini; on pourroit, par exemple, faire respirer de l'air déphlogisti- qué, ou air pur, au poisson, et voir de combien, toutes. choses égales d’ailleurs, sa vie en seroit prolongée; mais les connois- sances qui en résuliercent, ayant un rap- port plus immédiat à l'histoire naturelle du poisson qu'à l’objet qui nous occupe, il a paru suffisant qu'on pûüt conclure de ces expériences : 1°. Que c’est le défaut d'air respirable qui a élé la vraie et la seule cause de la mor- talité du poisson pendant l'hyver de 1788 à ne °, Que de tous les airs, c’est lair fixe vi lui donne le plus promptement la mort; . Que Fair inflammable seul et lair are mofétisé lui ont été à peu Pre également funestes; SUR LES 'EPAENCS. . ‘5 4°. Que Pair mof=lisé seulement est moins délétère; sans doute parce que la flamme, avant de $éleindre, ne consume qu’une portion de l'air vital par excelience ou air pur, qui n'entre que pour un peu plus du quart dans l'air que nous respirons, et que l'eau dans laquelle nageoit le poisson, étant elle-même imprégnée d’une grande quan- tilé d’air vital, le poisson a dü le consoiminer avant de périr; 5°, Que la tanche est l'espèce de poisson qui a le plus long-teis résisté, quelque part que ce füt ; 6°. Que les poissons de la cinquième ex- périence n’ont pas même pu résister à la mofète qu'ils ont produite en respirant, con- sommant et dénaturant Pair pur renfermé avec eux dans l'espace où ils nageotent': espace à la vérité fort petit, puisqu'il n’équi- vaut qu'au liers d’un pied cube environ. On sai que des animaux terresties , qu'on tiendroit. enfermés long-tems däns, un lieu où l’air ne se renouvelleroit pas, périroient également (1). (1) Broussonet a fait mourir en quelques minutes un poisson Vigoureux dans de l’eau légèrement aci- dulée , au moyen de Pair fixe. 553 :OBSERVATIONS Comme l’eau s’est beaucoup troublée, et que les déjections des poissons ont élé abon- dantes, cette circonstance à pu augmenter Ja corruption de l’eau : néanmoins ils ont beaucoup plus vécu que les poissons des autres expériences : et cela devoit être. En mème terms l’on remarquera que, s’il a fallu cinq jours au moins robuste de ces animaux pour vicier l'air, au point de le rendre irres- pirable dans l’espace qu'il occupoit, ce seroit seulement au bout de soixante jours que 108,900 poissons, d’un semblable volume, parviendroient à vicier au même point l’eau .d’un étang d’un arpent d’étendue, et de trois pieds de profondeur (1). (1) Ce caleul est, simple, Un arpent de 48,400 pieds _earrés sur 3 pieds de hauteur, contient 455,600 tiers de pied cube. Multiplicz ce nombre par 5, qui est celui des poissons, vous aurez 1,306,800 ; multipliez ‘ce dernier nombre par 5, qui est le nombre de jours que le plus foible des poissons a vécu, vous aurez 6,554,000 ; divisez 6,534,600 par Go, le quotient sera $ comme ilest dit ci-dessus , 108,900. SUR LES ETANCS. 535 PRÉSERVATIFS contre la mortalité du Poisson dans les étangs pendant Les grands h VVErs. Ces préservatifs s’'indiquent, pour ainsi dire, d'eux-mêmes, avec d'autant plus de ustesse qu'ils tirent leurs principes des ex- septions particulières au désastre commun dont la cause a été l’objet des recherches. Les précautions à prendre exigent plus de joins que de dépenses. Si l’'élang est naturellement vaseux, don- 1ez au bief huit à dix pieds de largeur, et ipprofondissez-le jusqu’à ce que vous trou- viez le terrain ferme; donnez au moins ‘angle de quärante-cinq dégrés aux pentes riveraines, afin que la terre des bords ne retombe point dans le bief, et établissez près de la chaussée une vaste et large pécherie, proportionnée à la grandeur de l'étang ; nlevez-en soigneusement toute la vase ; formez-en des tas sur les bords; laissez-les égouter. Lorsque le sol de l’étang sera assez sec pour permettre le transport de sette vase, vuidez-en l'étang, rassemblez-la en un monceau, laissez -la fermenter et reposer pendant un an, sans y toucher ; 554 OBSERVATIONS remuez-la ensuite une couple de fois, pour qu’elle se façonne à la gelée et au soleil. Au bout de dix-huit mois ou deux ans, répandez-la sur les guérets. C’est l’un des plus puissans engrais et des plus durables qui existent, sur-tout pour les terres sablon- neuses ; on en a l’expérience. Si l’on se presse de répandre cette vase avant qu’elle ait fermenté, on irouvera qu'elle refroidit” le terrain ; il faut lui donner le tems nécessaire pour que les parties graisseuses qu’elie con- tient en abondance soient changées en mo- lécules savonneuses. On hèiera sa jouissance en y faisant éteindre de la chaux, lit sur Hit, environ une partie de chaux sur huit à dix parties de vase. Ce mélange portera la fertilité par-tout où il sera répandu, même en assez petite quantié. Si l'étang est brouilieux, laissez - le au moins deux ans de suite en culture; le poisson en prolitera mieux, et ce gramen se détruira insensiplement, puisque, pour croitre, 1l demande d'être baigné d'eau. Comment veut-on qu'il se détruise par une: seule année d’assec? On auroit beau l’arra-. cher, 1lse muitipheroit par les graines, et; la graine est encore adhérente à l'épi au. tems de la pêche. SUR LES ETANGS. 5355 Si, malgré les précautions qu’on auroit prises, ou faute de les avoir prises, un élang étoit couvert de brouille, et qu’il survint une violente gelée, levez la bonde et laissez couler l’eau jusqu'à ce qu’elle ne baigne plus la brouille, qui pour lordinaire se trouve en plus grande quantité à la queue de l’étang; le poisson se retirera dans le bief et dans la pêcherie, que je suppose avoir été bien curés, et d’où il ne s’élèvera ni air inflammabie ni mofête. D'ailleurs l’eau ne peut s’écouler sans qu'il n'entre sous la glace un égale volume d'air, qui empêchera que le poisson ne vicie la portion d’eau dans laquelle il se sera retiré. On ne doit pas craindre que étang manque d'eau par la suite. Il est fort rare qu’une gelée de longue durée se passe sans neige, ni ae le dégel se passe sans pluie. De plus, ordinairement une crue d’eau suit le dégel. Les faits généraux qui viennent d’être tracés, et dont la description mérite plus d'étendue qu'on ne leur en à donné, ont été conh:més par de nouvelles observations fort importantes. À f’exception des étangs dont le bief et la pècherie avoient été nouvellement et 356 OBSERVATIONS soisneusement curés , jusqu'à ce qu’on eùt alteint l'argile, et de ceux qu’on a pêchés. pendant la gelée, en suivant un procédé: qui sera décrit, tous les étangs brouilleux de Villars ont éié presque entièrement dévas- tés : dans plusieurs il ne s’est pas trouvé un seul poisson, sans que le plus ou le moins de profondeur ait à cet égard pro- duit aucune différence. Mais il n’en est pas. de même des étangs seulement vaseux, et qu'on met rarement en culture; la perte a été totale dans ceux qui avoient peu d’eau ; les plus profonds ont le moins souffert. On confond quelquefois les étangs situés sur une argile bianche avec les étangs va- seux qui ne sont pas chargés de brouille ; et lorsqu'ils sont inondés, quelques per- sonnes leur donnent également le nom d’étangs blancs. Cependant il est essentiel de les distinguer, Les premiers n’ont essuyé aucun échec cet hyver. Un propriétaire a fait pêcher devant lui deux réservoirs , d’en- viron quinze coupées ou trois arpens, situés sur argile blanche et très-peu profonds; ïl y avoit entreposé douze mulliers d’empois- sonnage qui s’y sont parfaitement conservés, et il en a perdu plus de vingt milliers dans , de SUR LÉS ETANGS.. 53 de petits étangs beaucoup plus profonds, inais vaseux sans brouille. Plus les étangs ont été chargés à la fois et de brouille et de vase, plus la mortalité a été hâtive. Elle a commencé en certains étangs avant la fin de décembre ; dans plu- sieurs elle étoit complette dès le premier janvier ; dans quelques autres elle a com- mencé au moment du dégel, et elle a con- tinué, même après que toutes les neiges ef les glaces ont été fondues, Ce fait est incon- testable; mais il étoit facile de reconnoître l’époque de la mort par le plus ou le moins de fraicheur des ouïes, et de juger de la perte qu’on alloit encore essuyer par létat maladif de quantité de poissons qu’on voyoit, après le dégel, nager languissamment et renversés sur la surface de l’eau. L'épaisseur de la glace n’a pas été à beau- coup près uniforme dans le même étang. Quelquefois près de la bonde, contre Îa chaussée, ou au dessus de la pêcherie, il s’en est trouÿé qui n’avoit guère que trois pouces d'épaisseur (1). (1) L’extrème différence dans l'épaisseur de la glace d’un même étang donne quelques déorés de probabilité à l'observation du frère Chartreux de Montmerle. IL Poiss. Tome Il. Y 508 OBSERVATIONS La précaulion de faire des ouvertures à la glace a été non seulement inutile au poisson, mais elle a failli devenir funeste au propriélaire dont il est question. Ayant voulu briser lui-même Ja glace d’un de ces étangs, il sortit du soupirail une mofête si subite, si infecte, si pénétrante, qu’elle le fit presque tomber à la renverse. L'étang étoit extrèmement brouilleux; mais il assure que, dans le'‘tems où 1l fit cette ouverture, il n’y avoit encore aucun poisson mort; ou du moins que l’exhalaison ne pouvoit être : attribuée à la putréfaction d'aucun d'eux; puisqu’au moment du dégel il n’en trouva point qui füt encore gâté. 11 répéta la même opération le lendemain sur un autre étang, en évitant de s’exposer d'aussi près à Fexhalaison. H la sentit encore, mais avec moins de force; et cependant le. poisson s'étoit conservé dans cet étang, qui est certain que le poisson se rassemble pendant l’hyver dans les parties les plus profondes de létang; mais, quoique réuni, il doit communiquer peu de sa chaleur propre à la masse de l’eau qui lPenvironne. L'on a peine à croire que cette chaleur soit assez forte pour produire un effet aussi marqué, à moins qu’elle ne soit encore aidée par l'exposition favorable de la chaussée, et par quelque source intérieure. SUR LES ETANCGS. 5359 fut pôché peu de jours après. Enfin plu- sieurs de ses pêcheurs l’ont assuré qu’ils avoient éprouvé les mêmes vapeurs suffo- cantes en cassant la glace. Voici, sur un fait à peu près semblable, ce que M. Marmet, aubergiste au Guillet, entre Bourg et Neuville-les-Dames, a écrit à Varennes de Fenille : & Quand J'ai fait faire les premiers trous à mon étang, je ne me suis aperçu d’au-— cune mauvaise odeur , et ne connus aucun danger pour mon poisson. La glace avoit dans ce tems-là onze à douze pouces d’épais- seur. Quelques jours après il tomba de la neige ; ensuite il survint un petit dégel qui fit fondre en parlie cette neige ; ensuite une forte gelée qui forma une seconde glace, qui fut couverte par une seconde neige. Quelques jours après je fis rouvrir les mêmes trous : il en sortit comime une fumée d’eau chaude, qui avoit une odeur marécageuse, mais qui n'incommode pas plus que celle qu’on respire quelquefois près d’un marais. Ce fut dans ce moment que je nraperçus que mon poisson étoit malade, seulement les carpes : je ne vis ni brochets ni tanches. Je ne me suis point aperçu qu’il soit sorti de l'air en faisant les trous ». L 4 340 OBSERVATIONS A Villars, dans les étangs vaseux, quelle qu’en ait été la profondeur , on a trouvé constamment les ouïes du poisson mort pleines de boue , quoiqu'il fût encore frais, puisque après les avoir lavées elles étoient rouges. Les étangs maléficiés paroissoient, même avant la putréfaction du poisson, d’un noir sombre, quoique le fond ne füt pas bour- beux , ni l’eau troublée. D’autres étangs présentoient en quelques parties une cou- leur rougeâtre et dégoûtante. Mais ces cou- leurs accidentelles pouvoient provenir du reflet causé par l’affaissement de la brouille, ou avoir élé produites par la neige fondue, après avoir long-tems séjourné sur des feuifles d'aune ou de chêne. Le propriétaire précédemment cité ne croit pas que la précaution de laisser couler l’eau des étangs brouilieux , jusqu'à ce que l'herbe cesse d'en être baignée, soit un pré- servalif suflisant contre la mortalité. On Fa essayé celte année, dit-il, dansquelques étangs de Villars : l'expérience n’a réussi qu'impar- faitement. En effet, il entre peu d’air par la bonde , car à mesure que l’eau fuit la glace s'aflaisse ; et perd son ancien niveau pour suivre celui du terrain; de sorte que l’eau, SUR LES ETANGS. 341 quoique ue couvrant plus létang qu’en par- le, n’en demeure pas moins imprégnée comme auparavant des premières émana- üons de la brouille ; il est persuadé que l’eau reste constamment en contact avec la glace, et fonde son opinion sur ce que , dès qu’on fait une ouverture, l’eau s'élève et dégorge par le soupirail. Mais il semble qu’elle dé- gorgeroit également, quand même il se seroit introduit de l’air entre la glace et l’eau, si cet air s’y trouve comprimé. Le même propriétaire présume aussi que les étangs qu’on aura empoissonnés , immé- diatement après la grande gelée, sans en avoir renouvelé l’eau, ne donneront qu’une chétive pêche. Ce n’est pas, dit-il, que l’eau ait été corrompue par la putréfaction de l'ancien poisson, au point d’influer sensi- blement sur le nouveau, et de nuire à son accroissement. Mais il a été reconnu que la brouille, affaissée par la glace, forme au fond des élangs un enduit épais et assez compacte pour empêcher que le poisson ne s’y insinue, et puisse aller chercher sa nour- riture ou éravaille, comme s'expriment les pêcheurs. On en cite un exemple, arrivé en 17606, où lhyver, quoique moins rigoureux, ff D'UN 542 OBSERVATIONS périr beaucoup de poisson. Celui d’un étang de Villars, extrémement brouilleux, ayant été totalement détruit, le propriétaire lem- poissonna de nouveau, sans avoir pris la précaution de faire écouler l’eau. Dans l’in- tervalle de l’empoissonnement à la pêche, l'eau se renouvela plusieurs fois, parce qu'un courant presque continuel traverse cet étang à volonté. Néanmoins la pêche fut nulle, le poisson se trouva maigre et petit, et l’on reconnut que la brouille, affaissée dès l’année précédente, tapissoit encore le fond de l'étang. La méthode de pêcher un étang sous la glace n’est pas fort ancienne dans le canton de Villars. Le procédé en est très-simple: le voici. 11 faut se rappeler que la pêcherie, qu'ailleurs on nomme a poële, est une fosse ayant la forme d’un carré long, dont l'un des deux côtés étroits, parallèle à Ja chaussée , est placé à fort peu de distance de Ja bonde. On donne à la pécherie une étendue proportionnée à celle de l'étang. Supposons-la de irente pieds de largeur sur soixante de longueur, et de deux pieds et demi à trois pieds de profondeur. Telle est la dimension ordinaire de la pêcherie SUR LES ETANGS. 345 d'un élang de quinze cents d’empoisson- nement. On a déjà dit que le bief principal abou- üissoit au milieu de la pêcherie; mais c’est à tort qu'on ne lui a supposé que dix pieds de largeur. A Villars, où il paroit qu'on a porté l’aménagement des étangs à sa perfec- ion , on n'hésite pas de lui donner quinze pieds de largeur, quelquefois davantage. Plusieurs autres biefs ou fossés, qui coupent létang dans les parlies les plus basses, viennent aboutir au bief principal, et facilitent au poisson répandu sur toule la surface de l'étang un passage pour se rendre dans la pêcherie à mesure que l’eau leur manque. La pêcherie doit être plus pro- fonde au moins d’un pied et demi que ia partie du bief principal qui y aboutit. Lorsqu'on veut pêcher pendant la gelée, on baisse le pilon; à mesure que leau s'écoule, la glace s’affaisse ; et lorsque leau est assez diminuée pour ne plus inonder que la pêcherie, on baisse le pilon. Des ouvriers, armés de haches et d’autres instrumens de fer, cassent Ja glace du bief à l'endroit où il aboutit à la pêcherte; et on y place un barrage afin d'empêcher le poisson de remonter. Y 4 544 OBSERVATIONS L'on rompt ensuite la glace de l’un des côtés longs de la pêcherie, sur la largeur de sept à huit'‘pieds. L'on a soin d'en enle- ver tous les glacons. Le poisson, intimidé par cette manœuvre, se retire sous la por- tion de glace qui resle encore, et sur laquelle on a l'attention de ne pas faire de bruit. L'on déploie le filet de pèche sur la partie de la pècherie nettoyée de glaçons, et on l'approche, le plus qu’il est possible, de la pare dont la glace est entière. Cela fait, on coupe avec la hache tout le surplus du tour de la pêcherie, sur à peu près un pied de largeur. La glace, ainsi détachée des bords, reste à flot; on enlève soisneusement ces nouveaux glaçons. Deux pêcheurs font passer les deux extrémités du filet sous les deux extrémités de la grande glace flottante ; et tandis que le filet, garni de liège à sa partie supérieure, passe sous la glace, d'autres pêcheurs la poussent en avant, et Jui font prendre ka place de celle qu’on avoit enlevée dans la première opération : insensiblement le liège “du filet parvient à se trouver à flot, débar- rassé de toutes les glaces, et chargé de tout le poisson de l'étang. On le prend alors aussi SUR LES ETANGS. 345 éommodément, et même avec plus de faci- lité que dans les tems ordinaires, parce qu'il est fort engourdi. Il arrive assez rare- ment qu'il en échappe un seul, et que le second coup de filet que l’on donne ne soit pas inutile. Pour bien faire cette opération, il faut que la glace soit épaisse, et qu’elle ne puisse se rompre lorsque le filet passe par dessous. Ainsi, quelque forte que soit la gelée, si l'étang a une bonne pêcherie, il peut être pêché. Il arrive quelquefois que la parlie du bief qui aboutit'à la péclierie est aussi pro- fonde que la pécherie elle-même. Alors l'opération est plus longue; mais elle est également possible, à moins qu'il ne fallüt remonter trop avant, et que la pècherie füt mal nettoyée. Dans le premier cas, on manœuvre sur le bief à peu près comme sur la pêcherie. On commence par casser transversalement et par nettoyer la glace dans la partie du bief où se commence lopéralion. On barre avec un filet. À mesure que les glaçons se brisent, on les fait flotter et passer par dessus le filet, qu'on avance insensible- ment jusqu'à la pêcherie. La manœuvre 348 OBSERVATIONS est ensuite la même que celle que l’on a décrite. Quand la gelée est très-forte, aussitôt que le poisson prend lair, il est saisi par le froid , 1l devient roide, et paroït mort. Mais il reprend le mouvement dès qu’on le plonge dans l’eau; et même on a remarqué que le transport pendant la gelée le fatigue beau- coup moins que lorsqu'on le voiture par un tems un peu chaud. Les nouveaux faits qui viennent d’être rapportés achèvent de prouver, et d’une manière invincible , l’existence du gaz in- flammable , mélé de mofète, reconnu pour être l’une des causes principales de la mor- talité du poisson en 1789. Quoique la brouille ait dû produire de l'air fixe pendant la longue absence de la lumière, et que cet air soit le plus délétère de tous pour le poisson qui le respire ; cepen- dant , comme l’eau s’en empare, et qu’il est plus pesant que l'air atmosphérique, il y a toute apparence que le propriétaire, dont. on a rapporté les essais, n’avoit respiré que de lair inflammable mofétisé, lorsqu'il a failli d'être renversé. Ce gaz a été seulement produit par le bouleversement que le poisson a excité SUR LES ETANCS. 347 dans la vase, et en partie par sa respira- tion; car il n'y a pas d'apparence que la fermentation putride y ait eu aucune part, puisqu'avant le dégel il n’y avoit pas de corruption. La présence de lair fixe n’est pas aussi rigoureusement démontrée que celle de Ja mofète. Cependant on ne peut guère se refuser à l’y reconnoître, si l’on fait atten- lion que les étangs brouilleux ont été pré- cisément ceux où la mortalité a paru plus prompte, plus active et presque universelle. Le procédé de pêcher sous la glace offre, comme on voil, un moyen de plus de prèé- server de la mortalité les étangs mal-sains, puisqu'il ne s’agit que de transporter le poisson dans un étang blanc, et de l'y tenir jusqu'à ce que l’intempérie de la saison soit passée. Certainement il vaut beaucoup mieux supporter les frais d’une double pêche que de risquer de tout perdre. 348 METHODES METHODRDES De préparer les différentes espèces de Poissons pour les cabinets d'histoire naturelle. Ox ne doit pas s'attendre à réussir , comme pour les quadrupèdes et les oiseaux, à orne nos collections des dépouilles de poissons bril- lantes de la fraicheur, de la vivacité et de Péclat de leurs couleurs; leur forme et une en: veloppe presque toujours d’une teinte livide année sont lout ce que nous avons à espérel de leur conservation, et ils ne présentent plus cette apparence de vie qui paroît animer en- core quelques autres animaux. Les couleur: et les reflets, dont ils brillent dans l'élément qui leur est propre, s’effacent dès qu’ils ent sortent ; et pour que le pinceau püt les sais et les rendre, il faudroit qu'il ne s’exercât que sur les poissons retenus dans le fluide même au milieu duquel ils vivent ; l'instant où on les en tire est déjà un commencement de décoloration, et elle augmente sensible- ment en un court espace de tems. La mort DE PREPARATION. 349 de ces animaux achève souvent de les dé- pouiller de toute leur parure , et il n’en existe plus de trace lorsque leur peau est desséchée. Ji est donc inutile de chercher à retenir, sur la dépouille, des poissons des teintes si fugitives , et qui ont besoin pour exister :t de la vie de l’animal et de l’humide dont Js ne peuvent se passer. On peut y suppléer en peignant, sur le poisson préparé, les souleurs qu’on lui connoît dans l’eau ; mais quel que soit l’art du coloriste , l’image sera oujours foible et sèche si on la compare au pinceau inimitable de la Nature. Tout ce qu'il m'a paru possible d'obtenir de moins mauvais en ce genre, je l’ai vu, il y a plus de vingt ans, chez un médecin de Cette, le docteur Boriès, qui s’occupoit de l’his- loire naturelle et de la préparation des poissons ; les échantillons que je trouvai chez lui avoient encore, sinon léclat, du moins une partie des couleurs de la nature vivante. Rien d’aussi beau en ce genre ne s'est offert nulle part à mes recherches. M. Boriès faisoit un secret des moyens qu'il employoit pour la conservation de ses pois- sons. [l me promit néanmoins de le com- muniquer à Buffon, à qui je fis part de ce 350 METHODES que j'avois vu; mais comme il attachoit une haute valeur à sa méthode , il paroît que les arrangemens qu'il proposa ne convinrent pas , et que son secret fut enseveli avec lui. Lorsque, dans le cours d’un voyage on veut rassembler et envoyer les poissons de contrées lointaines, 1l faut se souvenir que ces animaux ont, plus que les quadrupèdes et les oiseaux , la fibre lâche , le sang fluide, les humeurs et toute la substance aqueuse, et qu'ils se corrompent plus aisément que ies autres &nimaux ; ainsi, quelle que soit la liqueur dans laquelle on les trempe , il est nécessaire de la changer jusqu’à ce qu’elle ne se trouble plus. On envoie les poissons tout entiers , ou Jon se contente d'en prendre la dépouille. Dans le premier cas on les plonge dans quelque liqueur spiritueuse, de l'esprit de vin, de l’eau de vie, du tafa, etc.; et, comme je viens de le dire, on ne ferme le vaisseau qui les contient que quand la liqueur re- nouvelée plusieurs fois , suivant la grandeur: des animaux, ne perd plus rien ni de la lim- pidilé ni de l’odeur qui lui sont propres x alors le corps des poissons s’est dépouillé des parties flegmatiques et Iymphatiques ,! qui pouvoient tendre à la corruption ; et DE PREPARATION. 34 Von peut alors sceller le vase pour en faire l'envoi. La liqueur chargée des parties des pois- sons , disposées à se corrompre , n’est pas perdue; en Ja distillant de nouveau , elle reprend toute sa limpidité et toute sa force. Si la situalion du voyageur ne lui permet pas d’user de la précaution de changer plu- sieurs fois la liqueur spiritueuse dans la- quelle il aura mis des poissons , il se bornera à observer que la masse des poissons plongés dans le liquide n’occupe qu’un quart envi- ron du vaisseau qui les contient, et que le réste soit rempli par la liqueur. Au moyen de celte aitention, quoique la liqueur se trouble et qu’elle commence à exhaler une odeur qui lui est étrangère, la putréfaction, quoique commencée, w’aura pas lieu. L’on augmentera ou l’on diminuera la proportion entre la masse des poissons et la quanlité de la liqueur conservatrice, suivant son plus ou moins de force. Il est encore d’autres attentions de détails pour l'envoi des poissons et des autres ani- maux dans des bocaux ou des barils ; je les laisserai prescrire par un naturaliste qui toute sa vie s’est occupé de faire venir des animaux des pays les plus éloignés pour en 352 METHODES former une belle collection. Voici ce que Mauduyt recommande à ce sujet : « L'esprit de vin et l’eau de vie sont des huiles subtiles , pures , éthérées. Elles brülent sans répandre de fumée , et ne Jaissent de résidu après l’inflammation qu’un phlegme limpide , tenu purement aqueux. Le tafia et l’eau de vie de grain sont moins subtils ; ils répandent de la fumée en brülant, et laissent après linflammation un résidu gras, jaunâtre ou noirci par l’action du feu. » La subtilité, la pureté, la limpidité de esprit de vin et de l’eau de vie les rendent les liqueurs les plus propres à la conservation des animaux. Le tafia et l’eau de vie de grain laissent sur les corps qu'ils ont baignés un vernis gras qui est le dépôt de la substance onctueuse qu'ils contiennent. Ce défaut est sur-tout celui du tafña ; on pourroit l’en corriger et le rendre plus propre à l’objet dont je traite, en mêlant à la quantité de tafia qu'on destineroit à conserver des ani- maux, avant de les distiller, une certaine quantité d’alkali , ou simplement des cendres. On pourroit , si l’on ne vouloit pas recom- mencer la disullation , faire bouillir seule- ment le tafia après y avoir mêlé des cendres; il se formeroit une écume qu’on rejetteroit ou DE PREPARATION. 303 on laisseroit reposer la liqueur , et on la verseroit par inclinaison dans le vase où l’on oudroit la conserver. L’aikali sempareroit le la plus grande partie de la substance grasse , et le tafia seroit meilleur pour l’usage que nous nous proposons. » Un autre défant du taña et de l’eau de vie de grain, c’est d’être excessivement des- sicalifs. Les corps des animaux, qui y sont demeurés plongés pendant quelque tems, perdent beaucoup de leur substance. Ces liqueurs extraient les graisses , la lymphe, le sang et tous les fluides ; elles réduisent les chars , les cartilages, les membranes à l’état de simples faisceaux de fibres sans suc. Cette action des liqueurs est cause que les animaux, au bout d’un tems d'immersion, ont perdu peut-être plus du tiers de leur volume. Leur peau est aussi corrodée, et leurs membres sont décharnés ; la substance de leur bec est usée , et celle même des plumes ou des poils se trouve altérée. La peau est en même tems si usée, qu’on doit la traiter avec beau- coup de précaution pour ne pas ia déchirer ; il faut et de l’art et de la patience pour dé- pouiller l'animal, et remplir ensuite sa peau sans l’endommasger. Si le but est d'observer les viscères , on les trouve rétrécis , racornis, Poiss. Tome Il. Z 35% METHODES sans souplesse , sans flexibilité. On en dis- tingue à la vérité la masse, mais on a bien de la peine à en développer le tissu ; il est très-difficile de séparer les menibranes, de découvrir les canaux fins et déliés, dont la recherche est l’objet le plus important. Il est cependant un moyen de remédier à l’intempérie dessicative du lafia et de l’eau de vie de grain; c’est de les aïffoiblir en y mélant un quart ou un tiers de leur masse d’eau douce distillée, ou au r#oins d’eau irès-claire. La liqueur devient en total moins limpide; elle prend un oeil laiteux, mais le tout est sans inconvénient. Celui qu’on doit craindre, c’est de diminuer la vertu con- servairice des liqueurs. Voici comment on peut remédier à tous les obstacles qui se présentent. Lorsqu'on veut envoyer des animaux dans le tañia ou dans l’eau de vie de grain, il faut auparavant laisser dégorger ces animaux dans les mêmes liqueurs, les changer jusqu’à ce qu’elles ne se troublent plus, et alors mettre les animaux dans des barriques remplies de talia ou d’eau de vie de grain, affoiblis d’un tiers d’eau. Les ani- maux ayant élé dépouillés dans les premières immersions des parties putrides, le taña ou l’eau de vie de grain, quoiqu’afloiblis, con- DE PRÉPARATION. 355 serveront les animaux aussi long-tems qu’on le voudra , et ils n'auront plus assez de force pour les dessécher outre mesure. . » Je résume et je dis : il faut employer par préférence l'esprit de vin et l’eau de vie; on peut se servir du tafia et de l’eau de vie de grain , mais il ne faut les employer qu’en les affoiblissant par le mélange d’un tiers d’eau ; il ne faut faire ce mélange qu’en trailant la dernière liqueur où lon plonge les animaux, et il faut auparavant les avoir fait dégorger dans le tafia ou l’eau de vie de grain pur. » Il me reste à parler des précautions qu’on doit prendre en plongeant les animaux dans les liqueurs conservatrices, ou de la manière de les arranger dans les barriques. Si Fon n'a que lanatomie en vue , les précautions dont j'ai parlé sont suffisantes ; mais, si l’on se propose d'envoyer des animaux qu'on puisse un jour remonter , il faut se donner d’autres peines , et apporter des aitentions que je n’ai pas encore fait connoitre. Les animaux plongés au hasard dans la liqueur y flotteront ; ils y seront poussés de côté et d'autre ; ils s’agiteront les uns contre les autres dans le tems que le vaisseau où les barriques seront chargées sera battu , L'ou- 2 2 356 NE TE" O0 D E S menté , élevé, précipité par les flots. Les poils, les plumes, les écailles s’hérisseront , se désuniront, s’useront, seront arrachés, ou prendront de faux plis, et des positions à contre-sens, que l’art le plus ingénieux ne pourra leur faire perdre par la suite. Il ne faut donc pas se contenter de plonger les animaux dans la liqueur , les y abandonner au hasard de ce qu'ils pourront devenir ; mais on doit placer, en travers des barriques défoncées par un bout et posées sur l’autre, des traverses de bois assujettiesavec des clous qui passent à travers le bois de la barrique, pour gagner des traverses ; il faut envelopper chaque animal dans une toile qui le serre, en prenant garde de chiffonner sa robe, soit qu’on couse la toile ou qu’on l’assujettisse par un fil qu'on tortille aulour , et qu’on noue aux deux bouts. Ensuite on passe au bout de la toile, où répond la tête de l'animal, un fil ou une corde suivant le poids , et on attache ce fil ou cette corde à une des tra- verses. Par ce moyen, quelle que soit l’agi- tation de la barrique , les animaux flottent toujours au milieu du fluide qui amortit les coups ; les linges empêchent que les poils ou les plumes ne se dérangent, ne soient ni froissés , m1 usés et arrachés. Il faut, autant DE PREPARATION. 557 qu'on le peut, que les bariques soient assez longues pour que les animaux y aient toute leur étendue. On remet ensuite le fond de la barrique , après l'avoir bien remplie ; car c’est encore une attention qu'il faut avoir de la remplir autant qu'il est possible. On prend ensuite les précautions nécessaires pour que les matelots, espèce de gens à qui la misère et la grossièreté rendent tout propre, et dépouillent de toute espèce de délicatesse , ne percent pas les barriques et ne boivent pas la liqueur qu’elles contien- nent. On y parvient en mettant la barrique dans un tonneau plus grand , ou en len- tourant de beaucoup de paille, et lenve- loppant d’une toile soudronnée. Maigre ces précautions , il arrive quelquefois que les imatelols percent les barriques, et trouvent le moyen d’en boire la liqueur. Cela seul devroit empêcher lusage que quelques-uns recommandent, de mêler des poisons aux liqueurs dans lesquelles on envoie des ani- maux, quand même ces conseils ne seroient pas d’ailleurs pernicieux et inuliies. » Jusqu'ici je ne me suis occupé que des moyens propres à conserver les animaux qu'on veut envoyer de pays éloignés, qui Z 358 METHODES ont un long trajet à parcourir, et beaucoup de teins à passer dans les barriques avant de parvenir à leur destination. Si au contraire on ne veut que faire passer des animanx d’une province à une autre; s'ils doivent arriver à leur destination dans l’espace de quinze jours, ou même d'un mois, il est inutile de les plonger dans les liqueurs con- servatrices spiritueuses. Si c’esten hyver, ou depuis le mois de novembre jusqu'au mois d'avril , 1l n’y aura aucune précaution à prendre , sur-tout si le Lems est sec et froid ; mais si c’est en été, où qu’en hyver le tems soit humide, les animaux pourront encore sup- porter un délai de quinze jours et plus sans se corrompre, ei sans qu'on ait recours aux liqueurs spiritueuses, en usant du moyen suivant. Il consiste à employer des plantes aromatiques desséchées et réduites en poudre grossière ; telles que le laurier franc, la sauge, les fleurs de lavande, le thym, le basihic, le pouliot, et des plantes amères; telles que labsynthe, la rhue, la tanaisie, l’aurone , les santolines, etc. JI n’est pas nécessaire de réunir toutes ces plantes ; deux ou trois, une seule même, si elle est très - aromatique , suffit. On fait sécher ces plantes à ombre; on les réduit en grosse poussière, et on les DE PREPARATION. 359 conserve pour le besoin dans des boîtes bien fermées, où elles ne perdent rien de leur principe aromatique , ou amer et volalil. On fait un lit de ces poudres au fond de la boîte où l’on veut envoyer un animal; on le couche sur ce lit; on le recouvre en- suite de la même poudre, qu’il ne faut pas épargner. On a soin d'en introduire entre le corps et les cuisses, le corps et les ailes des oiseaux , et d'observer que l’animal entier en soit tout à fait couvert. Ces poudres re- tardent la putréfaction; elles empécheroient même totalement si les animaux n’avoient que peu de volume, et ils se dessécheroient sans se corrompre. On peut, en usant de ce moyen , envoyer des animaux de cent et deux cents lieues par les messageries et les voitures ordinaires, comme je m'en suis assuré par des expériences réitérées. » Si l’on est au fort de l'été, ou que les animaux que l’on veut envoyer soient fort grands, ou de nature à se corrompre où à se dessécher promptement, tels que sont les poissons, les reptiles, tous les oiseaux qui se nourrissent de vers ou d'insectes, alors il est indispensable d’avoir recours aux liqueurs conservaltrices. Cependant il en est une dont je n’ai pas encore parlé, parce que je ne suis Z & 560 MÉTHODES pas assuré qu’elle soit efficace pour uu long espace de tems, qui peut suffire pour con- server les animaux qu'on y plonge un mois et plus, et qui n’est pas dispendieuse comme l'esprit de vin et l’eau de vie, les seules li- queurs dont on soit à portée de faire usage dans nos climats. Celle dont je parle n’est que de l’eau ordinaire saturée d’alun. Ce sel lui communique une qualité stiptique , anti-putride et acide, qui résiste puissamment à la fermentation. J'ai conservé dans de l'eau ainsi saturée d'alun, pendant cinq et six se- maines, des animaux que je n’avois pas le tems de disséquer au moment où je les avois reçus, et pour lesquels je ne voulois pas faire la dépense de les plonger dans l'esprit de vin où dans l’eau de vie : ils s’y sont parfaitement conservés. Je n’ai eu d’auire aliention que de renouveler l’eau une ou deux fois, quand j'ai vu qu’elle coemmençoit a trop se charger du sang qu’elle avoit dissous, enfin à se iroubler. Je crois donc qu’en plon- geañt , dans de l’eau aluminée, des animaux qu'on voudroit faire passèr d’une province à une auire, en ies gardant cinq à six Jours et les changeant d’eau deux fois dans cet espace de Lems, les enfermant ensuite dans une barrique pleine d’une pareille eau, 1ls DEÉVPREPARATION. 364 arriveroient en bon état au bout de trois semaines, et même dun mois de route, » Il faudroit déterminer la quantité d’alun par rapport au volume d’eau : c’est ce que j'avoue que je n'ai pas fait; mais, dans les essais que j'ai tentés, l’eau étoit saturée d'alun au point qu'il commençoit à cristal- liser sur les bords du vase au bout de 20 à 24 heures ; ce qui prouve que l’eau que j'employois étoit saturée autant qu’elle peut l'être à froid. Je crois que cet essai mériteroit d'etre suivi, que ce seroit peut-être un moyen de plus pour conserver les animaux et dimi- nuer beaucoup la dépense. Je ne me suis pas aperçu, dans les essais que j'ai faits, qu'il en résullÂt aucun mauvais effet. » Si l’on vouloit épargner la dépense dans l'usage que je propose de l’alun , on pourroit ne pas perdre celui qui auroit été dissous dans les premières eaux où on auroit plongé les animaux. Il n’y auroit qu'à faire éva- porer l’eau; opération qu’on accéléreroit en la mettant sur le feu ; on trouveroit l’alun cristallisé au fond et autour du vase. Mais il faudroit, dans cette expérience, se servir de terrines de grès ou de-terre, et non pas de vaisseaux de cuivre. J’exhorte les per- sonnes qui en auront le loisir à déterminer 362 NE T'HO DES les propriétés de l’eau saturée d’aiïun, et à nous apprendre si ce moyen ne seroit pas très-bon pour conserver les animaux, les rendre pendant long-tems incorruptibles, et les envoyer de très-loin à fort peu de frais. » On pourroit encore essayer les proprietés de l’eau saturée de vitriol, de nitre et de sel commun ou sel marin. Il y a quelques per- sonnes qui sont dans l'habitude de conserver les animaux desséchés en les vuidant , en soulevant la peau en différens endroits du corps, et en introduisant à la place des viscères , et entre la chair et la peau, de j'alun, du vitriol et de la chaux en poudre. Cette méthode ne vaut rien, parce qu’on ne parvient, en l’employant, qu’à avoir des animaux deformés, maigres , décharnés ; mais elle indique combien lalun et le vitriol ont de force pour résister à la putridité. » Je ne me suis encore occupé que des moyens d'envoyer les animaux dans les H- queurs conservatrices. Les personnes dont l'anatomie est le but me pardonneront le tems que J'ai employé; mais celles qui n’ont en vue que de recevoir des animaux propres à être montés, à orner une collection, et à faire spectacle, le regarderont comme perdu. En effet, les animaux qu’on envoie dans la DE PREPARATION. 363 iqueur, quelque soin qu’on ait pris, perdent oujours quelque chose de leur beauté; et 1 l’on veut que ceux qu’on ramasse soient Lussi propres à être remontés qu’ils peuvent ‘être, il faut n’en envoyer que les peaux (1) ». Un bon et peut-être le meilleur, comme e plus simple des moyens de conserver les Joissons, pour les avoir bien entiers, est Venlever par leur bouche tous les viscères + le plus de chair qu’il sera possible sans ntamer la peau; ensuite on remplit de sable es poissons ainsi vuidés, afin d'en conserver arfaitement la forme; on les fait sécher fans cet état, puis on passe en dehors et an dedans une couche de vernis blanc pour les préserver des attaques des insectes. Cette opération est longue à la vérité, mais elle est facile et son résultat est satisfaisant. Mauduyt a proposé des procédés plus longs, dont je me contenterai de présenter l'extrait. On soulève une des valvules os- seuses et mobiies qui couvrent les ouïes; on arrache et enlève ces ouïes, et lorsqu'on s’est fail jour, on détache avec la lame d’un scalpel la peau d'avec les chairs, en tra- vaillant en dessous de la peau; lon passe mo (1) Journal de physique , décembre 1773. 304 NE T'EROD:E S ensuite du côté de autre ouïe, et l’on opère de la même manière; alors avec de forts ciseaux ou avec un couteau on sépare l'épine dorsale à sa jonction avec la tête. Si l’on à séparé circulairement la peau des chairs, si la bouche du poisson est très-large, en refoulant la tête en dedans, poussant le corps en dehors et détachant la peau à me- sure que le corps sort par la bouche, on parvient à doubler toute la peau, à la re- plier sur elle-même et à faire sortir tout le corps par la bouche, sans avoir fait au- cune ouverture. Mais, si la bouche est trop étroite pour que le corps puisse y passer, on coupe la peau en travers au dessous des ouies, après avoir détaché les chairs qui sont près de la tête, et séparé l’épine dor- sale; on rejette alors la tête sur le dos, et Jon fait sortir tout le corps par l’ouverture transversale pratiquée au dessous des ouïes, en repliant la peau sur elle-même en ar- rière, poussant le corps, le tirant en avant et en détachant, soit avec la lame, soit avec le dos du scalpel, la peau d'avec les chairs. Cette opération, convenable pour les poissons de forme oblongue et à peu près cylindrique, ne peut avoir lieu pour les poissons plats, dont l'ouverture de la bouche, | DE PREPARATION. 365 ai celle que lon feroit en coupant la peau ‘ransversalement au dessous des ouïes, ne eroit assez ample pour donner passage au zorps. 11 y a beaucoup de difficultés à écor- cher ces poissons sans fendre la peau; on y parvient néanmoins avec de ladresse et de \a patience ; 1l faut soulever une des ouïes, nlever par le moyen de pinces ou déta- cher avéc le scalpel les premiers objets qui e présentent, séparer avec des ciseaux la olonne épinière à sa jonction avec la tête, ntroduire d’un côté, puis de lautre, en retournant le poisson, entre la peau et les chairs, un morceau de bois aplati, tran- chant et arrondi en forme de spatule par son extrémité, et le pousser jusqu'à l’origine le la queue. Lorsqu'on a opéré de celte manière sur les deux côtés, la peau est par-tout séparée d'avec le corps; alors on soupe en dedans avec des ciseaux, aussi loin qu’on le peut, de l’un et l'autre côté, les nageoires qui les bordent, et dont les franges sont en dehors et l'insertion en dedans; puis avec des pinces ou un crochet on arrache les chairs; on brise l’épine dorsale et les arêtes à mesure que l’on avance dans l'opération. Quand les parties, qui répondoient à la lon- ueur de ce qui a été coupé de droite et de 300 METHODES sauche, sont enlevées, on passe la main par le vuide que laissent les parties Ôtées; on continue de couper à droite et à gauche, avec des ciseaux, l’origine des nageoires ; on brise l’épine et les arêtes, et on parvient ainsi jusqu'à la queue. Les poissons étant écorchés, si l’on a fait une incision aux ouies, on rapproche et on recoud la peau le plus promptement possible ; on entoure ensuite les membranes des ouïes avec un ruban qui ies lienne fermées. On suspend les poissons par le moyen de cro- chets obtus, en sorte que leur bouche reste ouverte autant qu’elle peut l’être. Alors on tire la peau, en pinçant et pesant sur la queue; on l’étend avec l’autre main en glis- sant dans le sens des écailles; puis on verse, par la bouche ouverte, du sable bien fin, d'un grain égal et sec, qui par son poids distend la peau, s'introduit et se répand éga- lement par-ltout. Quand la peau est remplie de sable jusqu'à la bouche, on en ferme l'ouverture et l’assuiettit avec un ruban ou des bandelettes de ioile; on passe cette dé- pouille ainsi remplie sur une table; on étend ses nageoires; on les fixe et on les contient avec des crochets de fil de fer; enfin on expose la peau à Fair, mais à labri d’un DE PREPARATION: 367 soleil trop ardent ; elle se dessèche bientôt. Lorsque la peau est parfaitement sèche >, on léfait les bandelettes qui tenoient la bouche ermée, on l’ouvre de force et on fait écou- er le sable; la peau se soutient d'elle-même + elle offre à la fois un corps volumineux t Lrès-lèger; il ne reste plus qu’à l’animer ar une couche de vernis dessicatif, qui sert E à sa conservalion et à lui rendre une oible portion du lustre qui brilloit sur l’ani- nal vivant. Enfin on pose les yeux d'émail, le forme et de couleur convenables , et on es assujeltit dans les orbites avec un peu le mastic. Si l’on ne veut conserver les poissons que ar la moitié seulement, on les pose le dos ur une table garnie d’un linge; on fend vec des ciseaux la lèvre supérieure à peu rès dans son milieu ; puis avec un scalpel . dos, ou, selon le besoin, avec un instru- nent tranchant pius fort, on fend Ja tête :u deux et l’on continue d'inciser la peau nn Jong jusqu’à l’origine de la queue, en Jassant au bas et à coté de la nageoire du los. L'on sépare ensuite la peau avec le calpel ou un morceau de bois aplati ; l’on oupe avec des ciseaux la racine de la na- eoire du dos, et lorsqu'on est parvenu à 368 METHODES la nageoire de la queue, on rompt la co- lonue vertébrale; rien n'empêche plus alors de rejeter la peau du côté où l’on est placé; on la sépare d’avec celle de l’autre côté par une incision longitudinale , et lon aura un côté de la peau du poisson, à laquelle tien- dront une moilié de la tête, la queue, la nageoire du dos et l’une des deux ventrales. La moitié de la peau d’un poisson , pré- parée de cette manière, on l’étend sur une table, de facon que l’intérieur soit en des- sus ; et après lavoir remplie de coton ou d’étoupes, on la retourne, en prenant garde qu'il n'échappe que le moins possible de ces malières. On fixe la peau et les nageoires avec de fortes épingles ou des pointes enfoncées dans la iable de distance en distance. Si l’on commence par assujettir le côté de la queue, ce qui est le plus facile, on intro- duit à mesure du coton ou des étoupes entre la table et la peau, par-tout où il en est besoin. On laisse sécher la peau; on retire les pointes qui la contenoient; on la vernit en dehors et en dedans; on la place sur le fond d’une armoire ou d’un cadre, et l’on aura la représentation d’un poisson, qui tiendra le moins de place qu’il est possible, et DE; PRÉPARATION. %6) el dont la peau, étant vernie des deux côtés, sera moins exposée que de toute autre ma- nière aux ravages des insecles. L'opération pour conserver par moitié les poissons plats est la mème que pour les poissons de forme cylindrique. Mais, si l’on veut voir les deux côtés d’un poisson plat, lesquels ont des couleurs différentes, il faut préparer deux poissons de la même espèce et de la même grandeur, afin d’avoir chaque moitié avec ses nageoires. Cependant, comme lune des faces de la plupart de ces poissons est blanche, on pourroit se contenter de celle qui est colorée. Gronovius a décrit une méthode très- simple de préparer les poissons, en ne con- servant que la moitié de leur peau. 1] faut pour cet effet une paire de ciseaux à pointe aiguë, de petites planches de bois de tilleul ou des assiettes de bois, une aiguille très-fine , des bandes de parchemin aussi larges que les poissons , et des camions ou petites épingles. Prenez le poisson par votre main gauche, de sorte que son ventre soit vers le creux de votre main, et sa tête vers votre poi- trine : faites ensuite avec l’aiguille une petite ouverture derrière la tête, introduisez-y la Poiss. Tone IL. Aa 370 METHODES pointe des ciseaux, el coupez doucement de là jusqu’à la queue. Si vous voulez con- server le côté droit, al faut conduire les ciseaux du côté gauche de la nageoire. Cela étant fait , pointez vos ciseaux plus profon- dément, et divisez la chair jusqu’à lépine du dos ; ensuite tournez le poisson le venire en haut, et procédez de même en coupant avec les ciseaux à travers la tête et les mà- choires. Eulevez la cervelle et les ouïes ; le poisson: alors se sépare aisément; les intes- ins paroissent et on les enlève sans peine. Il faut ensuite emporter l’épine du dos, laver le poisson, le frotter avec un linge jusqu'à ce qu'il soit sec, et le placer sur une planche, de manière que la peau cou- verte de ses écailles soit au dessus, et tenir toutes les nageoires et la queue étendues avec des épingles. Il faut l’exposer après cela au soleil en été, ou au feu en hyver, jus- qu'à ce que la peau soit tout à fait sèche et dure ; ensuite 1l faut le tourner, et exposer de mème la chair au soleil ou au feu jusqu’à ce qu’elle soit sèche aussi. On peut alors séparer la peau de la chair avec très- peu de peine, et l'ayant mise entre deux papiers, il faut l’aplaiir à la presse; mais, comme la pression fait toujours sortir une espèce de DE PREPARATPION. foi matière glutineuse entre les écailles et la peau, il faut mettre sous le poisson un mor- ceau de parchemin qu’on sépare aisément des écailles, au lieu que le papier sy attaché toujours. Il est nécessaire, par la même rai- son, de renouveler le parchemin au bout d’une heure ou deux. Par ce inoyen, dans l’espace de vingt-quatre heures, le poisson est préparé (1). Les opérations, décrites par Mauduyt, ne laissent pas d'exiger uné main adroite et exercée. En voici une autre plus facile et plus commode , particulièrément pour dé- pouiller les poissons plais, qui sont, comme l'on sait, fort nombreux dans cette classe d'animaux. Nicolas, professeur de chimie, a publié ce procédé dans un petit ouvrage intitulé : Âféthode de préparer et conserver les animaux de ioutes les classes, pour les cabinets d'histoire naturelle ; Paris, chez Buisson , rue Hautefeuille, an 9. «On fait d’abord une incisioh longitudi- nale, avec des ciseaux, sous le ventre du poisson , depuis l’anus jusqu’à sa mandibule inférieure ; et puis, pour commencer à dé- (1) Transactions philosophiques de la société de Londres , année 1742, n° 463. A a 2 372 METHOBES pouiller le poisson, on saisit d’abord la peau avec de pelites pinces à l’origine de l’inci- sion, et on la détache peu à peu des chairs avec la lame du scalpel, et ensuite avec son manche aplati; ce que l’on continue de faire sur toute la longueur de lincision lon- gitudinale, et ce jusqu’à ce que Fon soit parvenu à mettre à découvert un des côtés de l'animal. » On le retourne ensuite de l’autre côté, et on procède de la même manière à l’enlè- vement de la peau de cette partie ; après quoi on coupe, avec. des ciseaux, l’épine dorsale à son insertion avec la tête, ainsi que. toutes les parties charnues qui y sont adhérentes. | _ » La tête étant dégagée, on la laisse tom- ber le long du corps, et on achève de détacher la peau du dos jusqu'à l’anus ; arrivé en cet endroit , on pose le poisson sur une table, el on fait pénétrer entre la peau qui recouvre la queue et les chairs, le manche du scaipel, pour la détacher complettement. Cela fait, on pousse la queue de dehors en dedans pour la retourner en totalité, ce à quoi On par vient à laide d’un sealpel et en refoulant continuellement la peau, mais avec peu d'efforts, jusqu'à ce qu’elle soit descendue DE PREPARATION. 33 vers les dernières arêtes, qui ont une forme d'éventail. On coupe avec des ciseaux les arêtes et les chairs, tout près de l'extrémité de la queue; ce qui sépare entièrement le corps de sa peau, et on arrache ensuite les ouies et les yeux, et on nettoie proprement la tête. » La peau étant ainsi dégagée du corps charnu , il faut la mettre en macération pendant quelques jours dans la liqueur tannante ; on l'en retire ensuite pour lui rendre sa forme naiurelle; ce à quoi on parvient de la manière suivante : On étend celle peau sur une table ; et après avoir bien arrangé la tête dans sa position, on remplit un des côtés de la peau , de terre argileuse molle, mêlée à beaucoup de sable fin ; on Jui fait prendre, en la pétrissant avec les doigts, la forme du corps de l’animal ; on recouvre ensuite cette espèce de manne- quin de l’autre partie de la peau; on rap- proche les bords des incisions les uns des autres , le plus près possible ; et après avoir assujetti le tout avec de petites bandes de linge , on le laisse sécher. La peau prend de la consistance par la dessicaiion , et con- serve parfaitement sa forme : mais l’animal en cet état m'est point à l'abri des insectes Na 3 374 METHODES rongeurs; il faut encore à leur égard prendre d’autres précautions. On relire d’abord avec de petites pinces, par l'incision longitudinale, en soulevant un peu la peau, toute la terre argileuse renfermée dans le corps ; ce qu'il est facile de faire en rompant cetie terre en petits fragmens, avec la lame d’un couteau. » Cela fait, on enduit tout l’intérieur de la peau et de la tête, au moyen d’un petit pinceau, de pommade savonneuse cam- phrée ; et après avoir entièrement rempli le corps de fiiasse hachée, on recoud pro- prement et à points serrés l’incision longi- tudinale , pour que la couture soit le moins visible possible ; après quoi on pose les yeux artificiels dans les orbites, et on les y fixe avec un peu de cire molle, et on passe ensuite, sur toute la surface de la peau, une couche de veruis blanc, fait avec quatre onces de térébenthine claire, trois onces de sandaraque, une once de mastic en larmes, huit onces d’essence ou huile de térében- thine, et quaire onces d’alcohol, ou esprit de vin à 30 ou 52 dégrés ; le tout mis en digestion dans une bouteille au bain marie, c’est-à-dire , dans de l’eau bouillante ; mais li Vaut encore mieux n’employer qu'une dissolution de gomme arabique. DE PREPARATION. 358 » On peut, si lon veut, se dispenser de faire un noyau de terre glaise pour donner la forme aux poissons. Les peaux, en sor- tant du bain de macération, étant bien enduiles de pommade savonneuse , peuvent être rembourrées de suite; mais il est à. craindre qu’elles ne contractent quelques rides en se desséchant. : » Pour conserver aux peaux des poissons leur couleur naturelle, ou au moins éviter qu’elles ne se noircissent trop par la dessi- cation , il faut les faire tremiper quelque tems dans une liqueur chargée d'acide mu- ratique oxygéné , en sortant de la macé- ration dans la liqueur tannante ; cette ma- nipulation blanchit singulièrement bien les peaux et leur rend, pour ainsi dire , leur fraicheur naturelle. » La liqueur propre à blanchir les peaux des poissons se prépare en faisant distiller de lacide muriatique ordinaire sur de Voxyde de manganèse , dans une cornue de verre, ayant un tube recourbé, luté à son bec. On place la cornue dans un bain de sable; et après avoir fait plonger l'extrémité recourbée du tube de verre dans une cer- taine quantité d’eau, on allume le fourneau , et on procède ensuite à la distillation. Huit À a 4 36 METHODES, etc. onces d'acide et quatre onces d'oxyde de manganèse du commerce, suflisent pour oxygéner environ vingt pintes d’eau ». Enfin, si l'on veut préparer les squelettes des poissons, il est une méthode fort simple que l’on doit à Daubenton; elle est consignée dans un Mémoire que cet illustre natura- liste lut à l'Institut de Paris en 1797. Ce procédé consiste à faire cuire le poisson dans de l’eau , jusqu’au point de pouvoir en dé- tacher les chairs à l’aide du scalpel. Lors- qu'elles sont enlevées, on fait avec un poinçon , à mesure que l'on découvre une jointure, un petit trou pour y passer un fil de laiton ou d'argent, et l’y nouer. Cette opération n’est pas difficile, et ne demande nulle connoissance d'anatomie. Des fernmes même pourroient s'occuper de ce travail, qui n'exige que de la patience et de Îa dextériié: Il n’a rien de répugnant ; c’est, dit Daubenton, comme si l’on dépécçoit un poisson dans un repas, pour en servir aux convives. FD EE SMALL VDS, De leur fabrique, de leur entretien, et de leurs différentes espèces. Lins filets qu'on emploie dans nos mers sont faits généralement avec de bon fil retors du meilleur brin de chanvre ou de lin. Cependant on fait en Provence quelques gros filets avec de l’auffe (1), et les groen- Jlandais avec des barbes de baleine (2) ou des nerfs de daim. Lionel Waffer dit aussi que les indiens de listhme de l'Amérique pêchent avec de grands filets d’écorce de mahot, etc. Quelques pêcheurs établis dans les viilages sèment un champ en chenevis; ils font la récolte du chanvre ; ils le rouissent, Île teillent, le sérancent eux-mêmes, et se dispensent par - là d'en acheter. Mais ces travaux s'associent difficilement avec les occupations continuelles de la pêche, et ils (1) Stipa tenacissima , Lan. (2) Cette sorte de filets vaut mieux que ceux de chanvre. 9781: SUR LES PRE E TS sont absolument impralicables pour Îles pê- cheurs qui habitent les villes. Aussi les pêcheurs fort occupés de leur métierachètent au marché la filature toute préparée ; et quand ils ont une nombreuse famille, les femmes et les filles s'occupent à la filer. Mais, comme la fabrique des filets exige beaucoup de main-d'œuvre, et qu’on peut, pour un écu de fil, faire une étendue de filets qui coùteroit douze livres, les pêcheurs, pour peu que leur famiile soit nombreuse, travaillent eux-mêmes leurs filets. Les filles et les femmes retordent le fil, et même aident aux hommes à lacer ou mailler les filets , étant au moins aussi habiles qu'eux à celle sorte de travail. Ceux quin'ont point de fanulle sont obligés d'acheter leurs filets, et c’est pour eux une dépense considérable. Ceux r5ême qui la supportent ne sont pas dispensés de savoir mailler, ne fui-ce que pour rétablir les filets qui ont souffert quelque dommage, car ils serolent épuisés en frais, s'ils étoient per- pétuellement obligés de payer ces sortes de rhabillages , que les pêcheurs qui savent mailler font, ainsi que leurs femmes, dans les intervalles de tems qui ne sont pas propres à la pêche. DE: PECHE: 379 Quoique les chanvres du Nord bien choisis passent pour faire des cordes plus fortes que la plupart de ceux de France, les pêcheurs prélérent ces derniers (1), parce que nos chanvres sont durs et ligneux. Cette qualité, qui est un défaut pour des cordes, fait qu’en général ils pourrissent moins promptement que les chanvres doux du Nord, qui font des cordes plus fortes. Idée générale des diverses espèces de filets. Les pêcheurs ne font point les cordages qui leur sont nécessaires; ils les achètent des cordiers, qui les leur vendent au poids. La filasse et le fil s’achètent au marché, à la livre, et à diflérens prix, suivant la finesse et la qualité de l’un et de Pautre. I} y a des pêcheurs âgés ou infirmes qui s’oc- cupent avec leur famille à faire des filets qu'ils vendent à l’aune, et dont le prix varie suivant la nature du fil, la grandeur des mailles et la chüte du filet. Par exemple, les saines pour le hareng sont les plus chères, non seulement à cause de leur hauteur, mais encore parce que les mailles sont fort (1) En Aïlemagne les pêcheurs préfèrent les ishanvres du Rhin. 550 SUR LES FILETS serrées, et en grand nombre (1); ce qui fait qu’un habile laceur ne peut en faire par jour que huit où neuf aunes ; au contraire, un bon ouvrier peut faire douze à quinze aunes de manels qui servent pour la pêche du maquereau , dont cependant les pièces ont quarante-deux à quarante-quatre mailles de chüûte. Les rets dont nous venons de parler , et plusieurs dont il sera question dans la suite, sont de simples nappes (2), mais qui diffèrent assez considérablement entre elles. Les unes, ayant les mailles fort pelites, retiennent le poisson à peu près comme le feroit une toile claire; d’autres, qui sont destinées à prendre spécialement une espèce de poisson, doivent avoir leurs maïlles tellement proportionnées à la grosseur ordinaire de cette espèce de poisson, que la tête, qui est plus menue que le corps, entre dans les mailles pendant que le corps n’y peut passer; alors le poisson, qui a engagé sa tête dans une maille, ne (1) On les fait, pour la plupart , de soie grossière de Perse , parce qu’ils sont plus forts et qu’ils peuvent durer trois ans. (2) En allemand wande , parois, parce qu’on les étend devant les poissons qui marchent par troupe. Bi IP E CU 381 peut la franchir, à cause de la grosseur de son corps, el 1l ne lui est pas possible de se dégager en rentrant, parce que les fils du rets s'engagent dans ses ouïes. Si les mailles de ces filets sont trop petites, les poissons rebroussent chemin avant d’avoir engagé leur iête jusqu’au delà des ouïes; et si elles étoient trop larges, les poissons les franchiroient et_passeroient au travers. H y a des filets plus composés, qu’on noinme frémails où tramaux, parce qu'ils sont formés de trois nappes ou rets posés les uns sur les autres, ce qui forme trois mailles qui se recouvrent, Les deux rets qui renferment le troisième sont formés de gros fils très-forts, les mailles en sont grandes ; on les appelle volontiers fhamaux ou aumés. Les mailles des hamaux, de la drège, par exemple, ont de grandeur neuf pouces en carré. Comme les hamaux qu'on emploie en mer n’ont souvent que quatre mailles de chüte, un bon laceur en peut faire cent cinquante aunes par jour. Les rets qui sont entre les deux hamaux se nomment /a nappe, ou la toile, ou encore la, flue. Hs sont faits avec du fil trés-délié, ce qui n’est sujet à aucun inconvénient, parce que la flue est soutenue par les fils 282 SUR LES FILETS des hamaux, qui, comme je Kai dit, sont très-forts. Les pièces de flue ont les mailles beancoup plus serrées que les hamaux, puisqu’au lieu de quatre mailles de chüte elles en ont qua- rante-deux; et pour cette raison , le meilleur ouvrier n'en peut faire que douze à quinze aunes par jour. Îlest vrai que la flue doit avoir un peu plus détendue que les hamaux pour qu'elle soit toujours floitante entre deux. On en apercevra Ja raison, si l’on fait atiention que quand on se sert de ce filet les poissons ne s'y maillent point comme quand on emploie les manets ; ceux qui donuent dans la flue lui font faire une bourse entre les grandes mailles des hamaux : en se débaittant, ils tombent dans cette bourse, ils s'enveloppent du filet, et ne peuvent s'échapper. L'avantage de ce filet est qu’il s'y prend des poissons de grosseur fort dif- férente, et qu'ils sont également arrêtés, de quelque côlé qu'ils donnent dans le filet. Outre les deux espèces de filets dont je viens de parler, qui sont en nappe, il y en a qui forment un sac conique. On leur donne sur les rivières plusieurs noms, entre autres celui de verveux. Ceux qui servent à la mer s'appellent sacs ou caches , queues, D'E : P ECHIEF, 385 manches , etc. Je donne pour exemple un verveux : ces filets, à la forme près, sont maillés comme les saines. De la fabrication des filets. Quoiqu’on fasse certains filets avec des fils très-fins, on n'y emploie presque jamais des fils simples. Pour que ces filets se soutiennent et qu'iis durent , ils doivent être faits avec du fil retors. Il faut donc que les fileuses achètent de bonne filasse, bien fine , bien épurée, de chenevotte, qui soit forte, bien müre , et point trop rouie ; elles doivent la filer de différente grosseur, suivant lespèce de filet qu'on se propose de faire. Que la filasse soit filée au fuseau ou au rouet, il n'importe , pourvu que le fil soit bien uni et suffisamment tors, sans l'être trop; car un filet trop tors n’a presque pas de force. Ce sont aussi les femmes qui retordent et doublent le fil qui doit être employé pour le corps du filet. Mais les pêcheurs ont besoin de lignes, ou petites cordes de huit pouces, ou d’un pied de longueur au plus, pour les- quelles le fil doit être retors en quatre. Ces petites ficelles, que sur plusieurs côtes les pêcheurs nomment ainards, leur servent à aitacher la tête du filet sur une corde qui 384 SUR LES FILETS forme une bordure, ou, en termes de ma- rine, une ralngue. Les saines et les manels en ont sur-tout besoin. Ce sout ordinairement Îles hommes qui font ces ainards avec une espèce de rouet formé par une roue qui est fixée solidement et horisontalement dans un mur par un fort étrier de fer. Une petite manivelle sert à faire tourner cetle roue, dont la circonfe- rence est enveloppée de deux cordes : cha- cune fait tourner une molette. On attache au crochet de chaque molette un fil retors; et les deux fils s'unissent à un crochet qui tient au plomb. A mesure qu'on tord les fils, ils se roulent l’un sur l’autre , et le plomb monte proporlionnellement. Il n’est pas hors de propos de faire re- marquer qu'il y a une grande différence entre les fils simplement doublés et reicrs par les femmes et ceux qui sont cominis. par l’homme. Les femmes roulent lun sur l’autre les deux fils, qu’elles ont soin de tenir mouillés, les deux pelottes étant dans un vase rempli d'eau. Ces deux fils, venant à se dessécher dans cette position, restent un peu adhérens entre eux, quoiqu'il n’y ait point de force expresse qui les engage à se rouler lun sur l’autre. Il DE P'ECHIE, 389 J1 n'en est pas de même des fils que commet l’homme. Comme il imprime un tortillement à chaque fi}, ils font effort pour se détorüre; en conséquence ils se roulent lun sur l'autre, et il faut une force plus considérable pour désunir ces fils commis, que ceux qui ont éié simplement retors. Les rouets des cordiers, et ceux qu’em- ploient les ouvriers qui font des cordonnets de soie, fournissent des moyens bien plus expédiifs de commettre ensemble plusieurs üils, que la petite machine dont il est ques- tion, et qui est d'un usage assez commun dans plusieurs ports. Les pêcheurs ont encore besoin de ganse fine, qu’on nomme sur la cêle de Normandie #warreltée ; pour Joindre ensemble plusieurs pièces de rets qui doivent former par leur réunion une pièce compleite de saine ou de manet ; mais ils n’ont pas coutume de les faire : 1ls les achètent des cordiers. Il faut que ceux qui veulent faire des filets soient pourvus de fils retors de différentes grosseurs, ainsi que de plusieurs sortes de lignes ou ficelles : il leur faut de plus quelques outils. Poiss. TomE II, : Bb 386 SUR LES FILETS De la meilleure manière de constater la grandeur des mailles. Les filets ne doivent pas avoir tous une même grandeur de maille. On à jugé qu’il étoit important à la conservation du poisson qui peuple la mer de fixer l'ouverture des mailles que devoit avoir chaque espèce de filet. TI] n’est pas aisé de mesurer exactement en pouces et lignes l'ouverture des mailles ; aussi les pêcheurs re suivent-ils pas cette méthode. Ceux des ports du Ponant comptent combien il y a de nœuds au pied ou à la brasse , et ceux de la Méditerranée disent qu'il y a tant d'ourdres au pan ou à la brasse, ce qui revient au même. La différence con- siste dans Ja diversité des mesures et des expressions. Dans les ports de l'Océan, le pied est de douze pouces, et la brasse est de cinq pieds. Dans les ports de la Médi- terranée, le pan est de neuf pouces , et la brasse de sept pans et demi. Ainsi, par exemple , un filet de huit ourdres au pan est celui dont huit nœuds font la longueur d'un pan ou de neuf pouces. | Cette façon de mesurer la grandeur des mailles par le nombre des nœuds ou ourdres est commode , mais elle n’est pas sûre; car, DE: : À E'CHITE. 587 eu supposant que ja grandeur soit telle qu’on l'exige au sortir des mains de l’ouvrier, elle change considérablement lorsque le filet a servi, ou même quand il sort de Ja teinture ou du tan : les filsse détordent, ils se crispent , ils augmentent de grosseur, ce qui diminue considérablement l'ouverture des mailles. Cette réflexion a fait proposer d'établir 4 grandeur des mailles sur le diamètre des moules qui servent à les travailler. L'Ordonnance de 1681 a fixé la grandeur des mailles pour toutes les espèces de filets, et a ordonné qu’il seroit déposé , au greffe des amirautés, des échantillons de toutes les espèces pour avoir sous les yeux un objet de comparaison. Mais cette Ordonnance mettroit les juges en droit de faire brûler tous les filets ; car, en supposant qu'un filet neuf auroit été conforme à l'Ordonnance , il ne se seroit plus trouvé tel après avoir servi, pour les raisons qui ont été rapportées plus haut. Quelques-uns ont cru qu'il eût élé mieux de fixer les dimensions des moules, et d’en conserver aux greffes des amirautés, non seulement des modèles exacts, mais de plus des étalons, qui seroient des trous percés dans des plaques de cuivre, au moyen des- quels on connoîlroit exactement et facilement Bb 2 368 SUR LES FILETS si les moules qu'emploient les maitleurs sont conformes à l’'Ordonnance ; mais ce moyen ne methoit en état d'exercer la: police quié chez lésr ouvriers mailieurs, puisque les mailles changent d’étendue par le service: Ce n'est pas tout; la diminution des mailles devient encore plus ou moins considérable, suivant la grosseur du fi qu’on a employé pour les faire; d'où l’on peüt conclure que, quelque.précauntion qu'on prenne pour fixer les dimensions des moules. les pècheurs mal! intentionneés ‘auront un moyen d'éluder la loi ; car, si l’on veut mesurer les mailles d’un filet qui aura servi, les pêcheurs crieront avec raison à l'injustice , assurant que leurs filet neuf étoit conforme à lOrdonnance ;° et si l’on fixe la grandeur des mailles par la grosseur: des moules; 1is' parviendront ‘à rendre en peu de tems les mailies plus ser-w rées, en ‘employant du fl un peu plus’ sros.h D'or il'suit que, si on prenoït le partr de fixer la Srandéur des mailles par les moules, il faudroit en même tems spécifier de quel fil'on se serviroit; ce qui n’est pas aisé à vérifier ,- d'autant qu'il y a des fils qui sek sonflent plus à Feau que d’autres: | On s'est donc beaucoup attaché dans les. différens régiemens qu’on a faits, relative-# DE: P E CFE; à 389 ment aux pêches, à fixer la grandeur des mailles des diverses espèces de filets. Mais, entre tous ces inconvéniens, lon n’a pas fait peut - Ctre attention que, quand on traine le filet obliquement au courant, ou sur le sable, les fils se rapprochent , les mailles s'alongent , et elles diminuent telle- ment, que celles sur-tout des chaussées se ferment presque entièrement. fn ce cas, l'exacte dimension des mailles ne seroit utile que pour les filets qui seroient bien tendus; et qu'on opposeroit perperdiculairement au courant; et ces circonstances sont, assez rares. Des différens petits instrumens qui servent à lacer où à mailler les filets. Les filets sont d’un tissu trop lèche pour que les fils puissent se maintenir dans la situation réciproque qu'ils doivent avoir par leur seul entrelacement ; 1l a été né- cessaire d'arrêter les fils les uns aux autres, en faisant des nœuds dans tous les endroits où ils se croisent; et il faut qué toutes les mailles d’un filet soient d'une grandeur de- terminée. Voici les oulils qui sont nécessaires pour ce travail. | Des ciseaux de moyenne & crandeur. Oxrdi- Bb 3 559 SUR LES FILETS nairement les pêcheurs les prennent ronds par l'extrémité des lames , afin de pouvoir les porter dans leurs poches sans étui, et sans courir risque de se blesser. Des aiguilles de différentes grandeurs, Quelques - unes sont longues de treize à quatorze pouces. Celles de neuf pouces de long sur deux lignes d'épaisseur servent pour lacer. Celles de six à sept servent pour ré- parer ou ramender les filets fins, et aussi pour travailler les filets qu’on fait avec du fil très-délié. On fait ordinairement les unes et les autres d’un bois léger, tels que le cou- drier, le fusain , le saule, le peuplier. Elles se terminent en pointe par un bout, où elles forment un angle aigu : il faut que sa pointe soit mousse , et que toutes les parties de l'aiguille soient arrondies, pour qu'il n’y ait point d'arêtes qui endommagent le fil. Ces aiguilles sont évidées à jour dans une longueur de deux pouces et demi ou trois pouces, suivant la grandeur des aiguilles ; et l’on ménage, au milieu de cette partie évidée, une baguette qui ne s'étend pas jusqu'au haut. Beaucoup de pêcheurs la nomment languette (1). Quelquefois on la forme avec une broche de fer. (1) Les pêcheurs allemands la nomment aussi zunge; DE P EC'HE 591 … L'extrémité de l’aiguille , opposée à la pointe, est fourchue ou entaillée d'environ un quart de pouce : celte parlie s'appelle la coche ou le talon. On charge , emplit, ou couvre les aiguilles avec du fil: tous ces termes sont synonymes. Pour cela on prend un peloton, ou, en terme de laceur , un lisseau de fil: on met un bout du fil sur aiguille ; on pose le pouce dessus ; et, tenant le reste du fil avec la main droite, on le passe par dessus la pointe de la lan- guette , pour lui faire faire deux tours au pied de la langueite ; puis on conduit le fil dans la coche, on le remonte sur la partie an- térieure de laiguille, on le fait passer autour de la languette, de là dans l’entaille du talon, et on le remonte le long de la face postérieure de laiguille : ce que l’on continue jusqu’à ce que l'aiguille soit entièrement chargée. Pour faire passer aisément le fil autour de la languette , on appuie avec le pouce elle est faite du même morceau de bois que le reste de l'instrument. Le meilleur bois est le fusain; en allemand, spi{{baum ; en latin, evonymus. La coche ou le talon de l’aiguille s'appelle en allemand die gabel. Charger l’aiguille c’est, en terme de pêcheurs allemands, die nadel aufflædnen. Le lisseau s’appelle knaul, | Bb 4 592 SUR LES FILETS sur cette languette, afin qu’elle déborde l'aiguille par derrière ; ensuite on appuie avec le doigt index sur la même aiguille, pour Ja faire sortir du côté de la face anté- rieure (1):et de cette facon, lorsqu'on en a contracté l'habitude , on charge l'aiguille très-promplement et avec facilité. Quelques-uns trouvent plus commode de tourner l’aiguille dans la main gauche, plutôt que de remonter le fil, tantôl par devant, et tantôt par derrière l'aiguille (2). 11 y a une autre sorte daiguiile qui sert ordinairement pour rhabiller (3). On intro- duit le fil entre les serres, et ces aiguilles servent comme les autres, qui cependant sont préférables, parce que lextrémilé est moins sujette à s’accrocher dans les fils que les serres de celle-ci. | Un morceau de bois qui dore à chacun de ces bouts un crochet: on le nomme ralet. (1) Dans bien des provinces du nord, les pêcheurs se servent du pouce pour appuyer sur l’aiguille et la faire sortir du côté de la face antérieure. (2) C’est la méthode des allemands. .. (5) En allemand , ausbiissen, Les aiguilles à rhabiller, en allemand , ausbüss-nadeln, ne sont que des mor- ceaux de bois, larges comme la main , avec une fente dans le milieu pour y passer le fil DÉ PECHF 343 Juelques mailleurs s'en servent pour tenir e filet tendu; pour cela, on passe un des rochets dans une maille; et l’autre, ou lans quelqu'’autre maille de filet, ou dans luelque crochet où corde qui se trouve à jortée de celui qui travaille. Afin que les mailles soient d’une gran- eur umforme, on les travaille sur un mor- eau de bois rond ou plat, qu’on appelle roule (1). Pour faire des mailles qui ont peu d’ou- ‘erture, on se sert de moules cylindriques, u d’une petite règle de bois. Si les mailles ont grandes, comme celles des hamaux, par xemple , les moules cylindriques seroient rop gros pour être tenus entre les doigts: ‘est pourquoi on les fait avec une petite anche, qui a aux bouts un ou deux petits alons pour empêcher le fil de couler sur le Jout de ces moules: car le fil qui doit faire a maille enveloppe le moule, suivant la ongueur. Ces sortes de moules ne doivent voir que trois à quatre lignes d'épaisseur, + être faits d’un bois fort léger, parce qu'il faut les tenir entre le pouce elle doigt index le la main gauche. | | | 2 ——_—_—_—_——_————_—————.———]—————_———— rm * (1) En allemand, sérickestock ou strickeholz. 5 SUR LES FILETS Les moules Îes plus grands, sur les côtes de Normandie et de Picardie, sout destiné à faire les hamaux de la drège; ils ont neu» pouces de longueur, non compris les talonst 1 y en a de beaucoup plus grands. Len moules pour les soles ont sept pouces de longueur totale , et six pouces un quart, san: comprendre les talons. Si l’on a une idée dé ces moules et de leur usage, on concevre que le pourtour du moule donne l'ouverture de la maille de ces sortes de filets, qui es! égale à deux fois la longueur du moule. Le moule cylindrique qui sert pour faire les mailles de la flue de la drège, a sept ox huit lignes de diamètre; celui pour le: mailles des manets hors la Manche, doni le fil est plus gros que dans la Manche, 8 douze lignes de diamètre. Celui qui seri pour les manets dans la Manche, a onze lignes de diamètre. Celui qui fixe les mailles pour la drège de la vive, qui est permise en Normandie pendant le carème, et dont le tissu est très-délié, a huit lignes deux tiers de diamètre. Celui qui sert à faire les mailles pour la pêche du hareng à Yar- mouth, et dont le fil est plus gros que pour la pêche dans la Manche, a huit lignes un lers de diamètre. Celui qui sert pour faire DE CP FC: 399 es filets destinés à la même pêche auprès les côtes, a huit lignes de diamètre; et celui qui sert pour faire de petites saines très- égères, dont les mailles sont fort petites, t qu'on nomme warnelles en Normandie, la que sept lignes ou sept lignes et demie le diamètre. Les bouteux sont du nombre des rels les lus serrés. Leurs mailles sont faites sur un noule de trois lignes de diamètre, plus u moins; car les bouteux n’ont pas exacte- nent leurs mailles d’une même grandeur. La circonférence des mailles d’un filet st le tour de son moule, dont le quart lonne la grandeur d’un des côtés de la maille. Pour rendre la chose plus sensible, upposons que la maille d’une saine doive tre d’un pouce en carré, c’est-à-dire, que hacun des quatre fils, qui en forment le contour, a un pouce de longueur, d’un nœud à un antre. Le moule ayant seize lignes de diamètre, sa circonférence est de quarante-huit lignes, dont le quart est douze, qui est, suivant la supposition, la longueur que doit avoir chacun des côtés de la maille de la saine: bien entendu qu'il ne s’agit pas ici d’une précision géomélrique. Pour se dispenser d'employer de gros 896 SUR LES FILETS moules qui sont difficiles à manier , et ce= pendant ne pas laisser de faire de grandes mailles, on fait quelquefois deux tours dei fil sur le moule pour chaque maille. } Explication de guelques Lermes qu emploient les mailleurs. Quand un filet est tendu verticalement, le bord d’en haut se nomme la féte (1), ét le bas s'appelle le pied. Souvent la tête du filet est bordée d’une corde, garnie de mor? ceaux de liège, qu'on nomme flottes (2); et le pied est etloant bordé d’une autre corde, garnie de bagues de plomb: c’est cè qu'on nomme a plombée (3). La levurè d’un filet est le premier rang de mailles où de demi-maiiles par lesquelles on le com: mence (4); ainsi, quand on dit, lever un (1) La plupart de ces termes d’art sont inconnus en Allemagne. Les pêcheurs disent, die obere und die untere leine, oder reif, en parlant des bords snpés rieurs et inférieurs de leurs filets. Le bord d’en haut! s'appelle quelquefois das haupt , et par corruption » Laæt. | . (2) En allemand, fæssen. (5) En allemand , bleyreif. Cette corde est de cris qui dure plus long- tems que le chanvre. 1 (4) En allemand , anfangs-maschen. DE: PECINIEL y ilet, c’est le commencer ou former la levure; t quand on dit, poursuivre un filet, c'est ontinuer à former les mailles. On nomme accrues (1) des boucles qu'on ait servir de mailles, pour augmenter lé- endue d'un filet. Comme cet article est mportant, nous en donnerons un détail articulier. . Les mailles doubles se font en mettant ur l'aiguille deux fils au heu d'un; ce qu ournit le moyen de détacher un filet d’un tre, comme quand on veut faire un goulet lans un verveux; on verra dans la suite, jue celie pratique a de grands avantages. Enlarmer un filet, c’est le border d’une spèce de lisière, formée de grandes mailles qu'on fait avec de la ficelle. II y a de ces isières qui ont assez de largeur, et qui sont faites de mailles une fois plus grandes que celles du filet : elles ne servent que pour for- bifier le filet. D’autres lisières sont étroites, et formées de trés-grandes mailles; elles servent à recevoir une corde, qui, y'étant passée, lient lieu come d'une tringle-de (1) En allemand, fliescende maschen , où en terme d'art , einhænge-maschen. 398 SUR LES FILETS rideau; et en ce cas les mailles servent d’anneaux. En Provence, on appelle chappe une espèce de galon, dont les mailles sont d’un fl plus fort que celui de ce filet, et ont quinze ligues en carré. Border un filet (1), c’est l’entourer d’une corde qu’on aitache au filet, de trois en trois pouces, avec des révolutions d’un bon fil retors. Cette corde , qu’on peut appeler, en terme de marine, une ralingue, sert à for- tifier le filet. Ceux qu'on traîne en ont sur- tout besoin. Coudre un filet, c’est joindre plusieurs filets ensemble pour en faire un grand. Monter un filet, c’est le garnir des cordes et apparaux qui le mettent en état de servir. On nomme corde en aussière celle qui est formée de plusieurs faisceaux de fils commus les uns avec les autres ; et corde cablée ou en grelin , celle qui est formée de plusieurs aussières commises ensemble. On appelle goulet (2) l'embouchure, en forme d’entonnoir, des filets en verveux, (3) En allemand , einfassen. (2) En allemand , eiënkehle, DE PECHE. 399 quelle fait que le poisson y entire aisément, . ne peut presque Jamais en sortir. De la differente forme des mailles. On fait deux sortes de mailles ; les unes mt carrées , et les autres en losange (1 ). “and les filets à mailles carrées sont tendus, us Îes fils qui forment les mailles sont pa- lièles entre eux, et encore parallèles à la te du filet; de sorte que toutes représentent mme un damier. On peut faire les hamaux es tramaux en mailles carrées : il y a cepen- ant des hamaux en losange. À légard des filets qui sont à mailles en sange , lorsque les filets sont tendus, les ls , quoique parailèles entre eux, forment es lignes obliques, eu égard à la tête du let ; de sorte que les angles aigus des inailles ont haut et bas. Les mailles des flues, des sanets, des saines, et de la plupart des filets ont en losange. Ces deux sortes de filets se travaillent bien ifféremiment ; mais, avant d'en parler, il aut expliquer les différentes façons de aire les nœuds. Re Er ES SN NÉ | (1) En allemand , spiegelliche, 4oo SUR LES BILLETS De la manière dont se font les différens nœuds _qui joignent les fils les uns avec les autres. Il y a deux facons d'exécuter les nœuds June se nomme dessus le pouce ; elle ser principalement pour les grandes mailles def hamaux , ainsi que pour les rhabillages ; el dans certaines circonstances ce nœud esl fort commode. L'autre sorte de nœud se nomme sou le petit doigt. Ce nœud est d'usage pou toules les espèces de filets : 1l a l’avantage d'être expédiuif, fort assuré de former de: mailles bien régulières. Comme il faut varier la grandeur de mailles suivant l'espèce de filet qu’on se propose de faire, 1l est nécessaire de choï- sir un moyen proportionné à la grandeur qu'on veut donner aux mailles, et avoir une aiguille chargée d’un fil plus ou moins gros, suivant l'espèce de filet qu'on se propose de travailler. Ces préparatifs sont nécessaires, de quelqu'espèce de nœud qu’on veuille faire usage. À ÎManière de faire le nœud sur le pouce. !? Pour faire le nœud sur le pouce, il faut passer dans un ciou à erochet un bout de ficelle, DE PECHE. 401 celle, qu'on noue pour en former une anse. On passe dans cette anse le fil avec lequel on veut faire le filet; on forme avec ce fil.un nœud simple , qu’on ne serre pas jusqu'auprès de la corde, mais on l’arrête à une distance proportionnée à la grandeur qu'on veut donner aux demi- mailles > par lesquelles doit commencer le filet. Voici une des manières dont peut être fait le nœud simple : en supposant que ces füs rapprochés forment l’anse, on pose le inoule sous l'angle qui est formé par la réumon de ces deux fils : on serre le bout du fil qu'on a passé dans l’anse entre le doigt index et le moule; on entoure le moule par sa révolution, puis on le passe autour de la branche pour le conduire par dessus elle et par dessous l'autre fil; tirant ensuite je bout, le nœud simple est fait ; mais il n’est pas capable d'arrêter la maille: il faut , comme disent les laceurs, l’assurer par un second nœud : et voici comme l’on fait celui qu’on nomme sur le pouce. On saisit le nœud simple entre le pouce et l'index de la main gauche; on prend de la main droite le reste du fil ou l'aiguille qui en est chargée, et on le jette par dessus Poiss. Tome IL. Cc 42 SUR LES FILETS le pouce de la main gauche, lui faisant décrire une révolution qui passe par dessus J’anse de corde ; on le ramène ensuite à lexirémité du pouce de la main gauche; puis on passe l'aiguille par dessous les deux branches de la demi-maille , et on l’introduit dans lanse ; de sorte que la partie du fil qui forme cette anse se trouve sous l'aiguille. Alors, tenant toujours le nœud bien ferme entre le pouce et le doigt index de la main gauche , ainsi que la portion du fil qui y répond , et ftisant en sorte que l’anse et les deux branches de la demi- maille soient tendues , on finit le nœud en tirant l'aiguille vers soi. Pour que le nœud soit bien arrêté , il faut aue ce nœud, dit sur Le pouce , s'arrête sur le nœud simpie ; car, s’il se formoit au dessous , comme cela arrive quand on ne serre pas fortement le nœud simple avec le pouce, le rœud ne seroit pas arrêté et ne vaudroit rien. | Souvent ies laceurs font les demi-mailles qui forment la tête du filet, comme on vient de l'expliquer , sans se servir de“ moule ; et l'habitude qu'ils ont contractéek par un long usage, fait qu'ils leur donnent une grandeur assez Sn me. Mais le mieux! est de les faire sur un moule ; et on ne D'E PE CEE. 4o3 labandonne pas en assurant ce nœud simple par le nœud sur le pouce. {Waniere de faire le nœud sous le petit doigt. Après ce qui a été dit, on conçoit que le nœud sur le pouce prend en partie cette dénomination de la grande révolution qui enveloppe le pouce. Pour détailler l’art de faire le nœud sous le petit doigt, supposons qu'il y ait des demi-mailles de faites. On tient le moule entre le pouce et le doigt index , de sorte qu'un des bouts du moule s'appuie contre le pli que le pouce fait en s’articulant avec la main, et que l’autre bout du moule excède un peu le doigt index. Que le moule soil rond, ou qu'il soit aplati, sa longueur doit être placée fort près des nœuds des demi-mailles, où des mailles qu’on à formées en premier lieu. Supposant le moule saisi, comme nous venons de le dire, on passe d’abord le fil par dessus le moule; on le rabat sous l’ex- trémilé du pouce ; ensuite ayant détaché le quatrième doigt des autres doigts, en le portant un peu en avant, on descend le fil pour le passer par dessous et derrière le quatrième doigt; et continuant la révolution Cc 2 404 SUR: ES FILETS du fil, on le remonte derrière le moule; entre le moule et lindex; puis on le rabaë | sur le moule pour l’engager entre le moule: et le pouce : après quoi l'on fait décrire à ce fil une ligne circulaire, passant par dessus l'ause de corde ou les demi-mailles ; ensuite on descend le fil derrière tous les doigts pour le passer derrière et sous le petit doigt. Quand le fil a parcouru cette circonvo- lution , on en tre le bout, et conduisant le nœud tout près du moule par le petit doigt, sans discontinuer de tirer le bout du fil, on dégage enfin le petit doigt; on serre fortement le nœud sur le bord supérieur du moule , et l'opération est ainsi achevée. Pour rendre ceci encore pius clair, nous distinguons en trois opéralions ce qui regarde le nœud sous le petit doigt. À la première on passe le fil entre le moule et l'extrémité du pouce ; et pour le tourner autour du quatrième doigt, on lui fait faire uue révolution : après l'avoir conduit der- riére le moule, on le rabat sous le pouce, qui doit le tenir ferme ; de là on le mène entre le pouce et le moule ; ensuite on lui fait décrire, par dessus l’anse de corde ou les demi-mailies, une grande révolution; puis il descend derrière le moule et tous les doigts. BE LP, ECM. 405 pour embrasser le petit doigt, laissant le quatrième doigt engagé dans lanse ; mais quand le fil est arrivé sous le petit doigt, la première opéralion es! finie. _ Pour la seconde : supposant le fil passé sous le petit doigt, on le remonte par dessous e fil pour le passer sur l’autre branche du même fil, puis derrière l'index, et au travers le la demi-maille qui se rencontre directe- nent prés la pointe de l'aiguille. On concoit que laiguille est nécessaire pour faire passer e fil par la route indiquée. Pour Ja troisième et dernière opération, ous les doigts ayant été promptement dé- Hess de lanse , aussitôt que l’aiguille a sorti out à fait hors de la demi-maille , et le pouce ne servant plus qu’à contenir É moule et à beser dessus pour bien tendre toute la partie upérieure, le petit doigt, qui demeure seul ntouré du fil, s'élève avec lui peu à peu usqu'au moule , et ne se dégage de ce fil que quand on est prés de serrer le nœud ; dors, si l’on üre fortement le bout du fil, su’on doit toujours supposer tenir l'aiguille, e nœud est fini. Il est bon de remarquer qu’on dégage tous es doigts des révolutions du fil, excepté le elit doigt. À Fégard du pouce et de Fiüdex, GC 3 406 - SUR LES FILETS ils ne servent plus qu'à tenir le moule en élat, et à tendre la denui-maille, condition nécessaire pour que le nœud se forme bien. 11 faut encore observer que, pour donner la liberté de passer laiguille dans les révo- lutions du fil, on tient lance fort longue , et elle ne joint le dessous du pelit doigt que quand l'aiguille est entièrement passée. Manière de travailler les filets. Il ne suffit pas de savoir faire les nœuds; cette connoiïssance seroit inutile , si l’on isnoroit comment on forme les mailles. Nous! avons dit qu'il y en a de deux sortes ; celles qui forment des losanges, et celles qui sont! carrées. Nous allons expliquer séparément la manière de les faire. Manière de travailler les filets dont les mailles sont en losange. l ÿ tête du fiet. À cet égard la pratique desk mailleurs n’est pas uniforme. | | DE PECHE. 407 par un nœud simple le fil dont ils doivent faire le filet; puis plaçant le moule sous le mœud qui est au bas de l’anse, ils font la maille ; ils retirent le moule de cette maille, le posent dessous et fout la maille, dont les branches sont d’inégale longueur, ainsi ‘que toutes les autres, jusqu’au bout de la levure; ils tirent ensuite le moule de la maille pour le placer dessous et faire l’autre maille. Ils font de même ei successivement. les autres mailles. Comme le mailleur doit tirer fortement sur les mailles qu’il a faites, elles sont fermées, et les fiis sont rapprochés tout prés les uns des autres. On ne fait usage- de cette levure qu’en ouvrant les mailles et y passant une ficelle; mais, comme da levure qu'on vient de faire se raccourcit à peu prés de moitié, lorsqu'on ouvre Îles mailles, ïl faut la faire une fois plus longue que ne doit être la tête du filet. Si cette tête doit avoir quatre pieds de longueur , il faut que la longueur de la levure soit de huit pieds. Il y a des mailleurs qui commencent leurs filets par certaines anses qu’ils nomment des pigeons. Ceite levure a, dans quelques cir- constances, des avantages sur les autres. Ces pigeons sont de grandes anses arrélées par un nœud sur le pouce; on doit avoir Cc4 408 SUR LES FILETS l'attention d’écarter les nœuds de la valeur d'une den - maille, parce que les demi- mailles qu’on fera dans la suite s’attacheront au milieu des espaces. On ne se sert point de moules pour faire les pigeons, non plus que les demi-mailles ; pour les tenir d’une longueur pareille, et que les intervalles soient égaux entre eux, on passe les doigts de la main gauche entre les pigeons, et appuyant dessus, on fait en sorte que tous les nœuds soient à une même hauteur. Les demi-mailles étant faites, on continue à travailler le filet sur un moule, comme nous l'avons expliqué plus haut. D'autres mailleurs font d’abord une anse de corde qui est formée de trois branches, dont deux servent à arrêter cette anse dans un crochet; et c’est sur la troisième branche qu'ils font les deimi-mailles en assez grand nombre pour y garnir toute la longueur de la tête du filet. Ainsi, supposant que la tête du filet doive avoir deux pieds, et que les mailles aient un pouce d'ouverture, il fau- dra mettre dans l’anse de corde vingt-quatre demi-mailles. C’est ainsi que les mailleurs ont coutume de travailler. Mais, pour rendre plus sen- sible cette opération, nous supposons qu’on | | DE PECHE. 409 rme toutes les demi-mailles qui doivent Lire la levure sur une corde qui est tendue ar une règle de bois qu'on suspend en quilibre par les cordes à un crochet, afin e pouvoir aisément tourner le filet à toutes rs rangées. Ayant fait la fausse maille dans laquelle asse une cheville, et qui sert à arreter les emi- mailles qu’on fera dans la suite sur pute la longueur de la corde, on garnit ces emi- mailles. Ces demi-mailles, qui sont faites sur un noule, paroissent arrondies par en bas; nais, quand on fera les mailles du premier hng qui s’attachent au milieu des demi- hailles, ces demi-mailles, qui étoient arron- lies , seront devenues triangulaires , ainsi que rues les suivantes. De même ies mailles qui at arrondies par en bas deviendront an- uleuses, et formeront des losanges quand n aura fait le second rang de mailles. Li est lair qu’en continuant de travailler les autres anss de mailles, comme nous venons de expliquer, on fera toute l’étendue du filet n mailles iosangces. Mais il est bon de faire remarquer qu’on ait toujours les filets de maille de gauche à rt roite. Ainsi, quand une rangée est fait 419 S 'URPDES PEL ETS dans toute la largeur du filet, on doit re- tourner pour revenir sur ses pas, et faire la seconde rangée, toujours de gauche à droite, et les suivantes de mème jusqu’à ce que le filet soit achevé. Pour exécuter le travail que nous venons d'exposer d’une façon générale, il faut, quand on a fait la levure ou le premier rang de demi-mailles dans toute l'étendue que doit avoir la tête du filet, retourner le filet, de sorte que ce qui étoit du côté de la main droite se trouve du côté de la gauche, pour faire le premier rang de mailles; cominen- çant ce rang par le bout, qui alors est du côté de la main gauche, et le finissant par le bout qui, lorsque le filet est retourné, se trouve du côté de la main droite. Quand cette rangée sera finie, on retournera le filet pour commencer la troisième rangée par le bout, qui alors sera du côté de la main gauche, et le finir par le bout qui répondra! à la main droite. Quand cette rangée sera! finie, on retournera encore le filet pour? cominencer la troisième rangée. Nous ne poursuivrons pas ME lobe le filet ; ce que nous venons de dire ferai comprendre où sont les aitaches des diffé-t renies mailles ; comment les mailles, qui sont î DE PECHE. &1E nrrondies au sortir du moule, deviennent losanges ; et comment, à cause des attaches, LE} y a au bord du filet des mailles lorigues , et des demi-mailles qui forment une espèce “de bordure. | La plupart des laceurs arrêtent la pre- imière fausse maille par un nœud sur le pouce , et ils font toutes les autres avec le nœud sous le petit doigt. Cela ne doit point faire une règle générale; chacun est maitre d'employer un nœud ou un autre. Comment on bride un filet & mailles en losange , pour qu’il ne puisse s'alonger aux dépens de sa largeur. Un inconvénient des fileis à mailles en losange , est qu’ils changent beaucoup de forme , suivant qu'on les tire dans un sens ou dans un autre. Si on les Lire dans une certaine direction , les mailles s’étendront beaucoup ; elles deviendront si étroites, que les fils se Loucheront presque, et les mailles perdront presque toute leur ouverture ; ce seroit , en beaucoup de circonstances , un inconvénient considérable. On pourroit le prévenir et fire en sorte que les mailles conservassent leur forme h12 SUR LES FILETS régulière , en passant une corde dans toutes les mailles , et les assujettisant sur cette corde avec un bon fil retors : c’est ce qu’on appelle border un filet. Mais les mailleurs produisent le même effet d’une façon plus expéditive , et qui leur coûte moins : pour cela, quand on a fait le dernier rang de mailles, on pose sous les dernières mailles un moule qui doit être beaucoup plus menu que celui qui a servi à faire les mailles. On fait au miliea du bas de la première maille une petile maille qui ne sert qu’à assujetüir le moule , ensuite on passe le fil par devant le moule , et opérant à l'ordinaire pour mailler sous le petit doigt, on se trouve obligé de faire une révolution alongée, afin de gagner le milieu de la maille où l’on fait un second nœud ; puis, sans changer la position du moule, et y conservant les nouvelles mailles, on fait les révolutions ek les nœuds. Quand on a ôté le moule, il doit rester un fil qui assujettit les demi- mailles dans louverture qu’elles doivent avoir. Si l’on employoit un moule trop gros, ou si, en faisant les nœuds, on tenoit les mailles trop ouvertes, les fils, au lieu de former une ligne droite d’un nœud à | DE: P ECHEÉ: us autre , feroient une courbe en dehors : ce sroit un défaut ; les mailles ne seroiïent pas lien assujetties. Si le moule étoit trop menu, u qu'en travaillant on tire les mailles trop hrés les unes des autres, les bords du filet Lroient froncés , et le filet feroit bourse. Lorsqu'on aura ainsi formé des mailles tout lu pourtour du filet, il ne pourra plus 'hanger de forme. | | Wantière de joindre ensemble deux Jelets au | moyen des mailles dont il vient détre question. ] Il est évident que, si l’on met l’un sur ‘autre deux filets de même grandeur et qui “ent des maiïiles pareilles, on pourra, en uivant ce qui vient d'être dit, réunir très- -xactement ces deux filets, pourvu que lon -omprenne dans chaque nœud deux fils, un le chaque filet. | Ce que c’est gu’enlarmer un filet. L'ona dit plus haut qu’enlarmer un filet (1) est le border de grandes et fortes mailles faites avec de la ficelle, ou au moins avec "2 (1) En allemand, ein netz saumen. 414 SUR LES FILETS un fil retors beaucoup plus fort que celui qui forme le filet, et d’empêclier qu'il ne rompe quand on le lraine. Quelquefois , mais cela arrive rarement, on passe une corde dans les mailles de len- larmure; et cette corde tendue faisant l’office d’une tringle de rideau , pendant que les mailles servent d’anneaux, on peut plier le filet sur lui-même, comme l’on fait d’un r1- deau ; en ce cas, il paroît préférable de garnif les bords du filet avec des anneaux de métal ce qu’on appelle des bouclettes ; maïs il est bien rare qu'on fasse usage de filets ainsi monies. Pour enlarmer un filet, il faut avoir du fil retors ou de la ficelle, deux , trois ou quatre fois grosse comme le fil qui a servi à faire le filet . On en charge une grosse aiguille. Si la ficelle est assez fine, on peut s'en servir pour faire deux rangs de mailles au bord du filet, la passant dans toutes les mailles inférieures, et lassujettissant dans chacune par un nœud. Mais communément la ficelle qui sert pour enlarmer est grosse, et on fait les mailles fort grandes. Pour cela, on ne preud dans la ficelle les mailles que de deux en deux; assez souvent mênie on passe deux mailles. DE : PE CHE. 415 On forme des anses ou œillets aux angles lu filet qui servent à attacher les cordes our je tendre ou Île traîner. Pour faire commodément les mailles de ‘enlarmure, ainsi que les brides, on passe lans les mailles du bord opposé à celui où ‘on va travailler une corde qu’on attache . deux crochets, ou dont on réunit les ouis par un nœud, pour faire une anse u’on passe dans un crochet. Quand lenlar- aure est faite, on retire cette corde. Des accrues. Les mailleurs font, en plusieurs circons- ances , des boucles, fausses mailles, ou nailles volantes, qu'ils nomment accrues , jarce qu'elles leur servent à augmenter ‘étendue de leur filet dans un sens ou dans nm autre, à volonté (1). Nous croyons levoir expliquer ici la facon de les faire, jarce que les accrues sout absolument néces- aires pour faire les filets à mailles carrées jue nous avons promis de décrire. Nous choisissons, pour expliquer comment Se RS TS | (1) Leterme des pêcheurs allemands,cest zugehinen, + les mailles ainsi ajoutées s'appellent eënhænge- naschen. 416 SUR LES FILETS on fait des accrues, un filet à mailles car. rees, parce que la démonstration en ser: plus sensible ; cependant on jette des accrue aux filets à mailles en losange, comme : ceux à mailles carrées. Quand on a fait la levure et le premie rang de mailles, si l’on veut faire une accru après avoir fait le nœud qui assure une maille on connue de mailler, mais en passan encore le fil dans une autre maille pou former à l'angle de cetie maille un secont nœud. Lorsqu'on aura bien serré le nœut ct reuré le moule, on aura lanse qu’ot nomme une accrue. Dans le Lenis qu’on fera la file de mailles les mailles se termineroient sil n'y avoi point d'accrue; mais attendu que l’on passere le fil dans laccrue comme dans une maille et qu'on fera le nœud, la rangée des maille: sera prolongée. On peut concevoir comment, au moyen des accrues, on peut élargir un filet tant qu'on veut, car on peut former plusieurs accrues dans une file de mailles, et augmenter le nombre des mailles proportionnellement à celui des accrues. Li y a une autre facon de faire des accrues , au moyen de laquelle on augmente le nombre des | DE PECHE. 417 | des mailles, et par conséquent la largeur du | filet à la rangée même où Fon forme Paccrue. Pour cela, on fait à l'ordinaire les mailles . et lon porte le fil qui part d’une maille jus- | qu'au nœud d’une maille du rang plus haut; on n'y fait point de nœud : on passe seule- ment le fil dans une des jambes de la maille ; | on le descend, et l’on fait un nœud sur le pouce. Les autres mailles se font à l’ordi- naire : on voit que la file des mailles est augmentée d’une maille, ainsi que tous les rangs qui suivront. Comment on diminue la largeur du filet (1). Il est bien plus aisé de diminuer la largeur des filets que de l’augmenter , puisque le rétrécissement se fait en comprenant deux mailles dans un même nœud. Alors les fils des mailles seront doubles, ce qui n’est sujet à aucun inconvénient; mais le nombre des mailles de la file où lon aura réuni deux mailles sera diminué d’un. Ilest clair qu'on parviendra aussi à diminuer peu à peu la largeur d’un filet sans faire de difformité RU PEER RAA à à de Da lea (1) En allemand, abnehmen. Pois 'FomEe LI, D d 418 SUR LES FILETS sensible; car on peut réunir des mailles au milieu des rangées commie sur les bords. Facon de travailler les filets à mailles carrées. Quoiqu'on fasse beaucoup plus de filets à mailles en losanges qu’à mailles carrées, il y a des ouvriers accoutumés à travailler les mailles carrées, qui prétendent que ces filets coûtent moins et qu'ils sont plus aisés à travailler. Ces filets ne se commencent pas comme ceux à mailles en losanges : on ne fait point une levure qui ait toute la largeur du filet. On commence les filets à mailles carrées par un angle. Ainsi, ayant une aiguille chargée de fil, et un moule proportionné à la grandeur que doivent avoir les mailles, on tourne une ou deux fois le fil autour du moule; on noue ensemble les deux bouts; et ayant retiré le moule, on a une anse de fil qui servira, si l'on veut, à faire la première maille, et qu'on passera dans le clou à crochet; ensuite on posera le moule sous cette maille pour en faire une autre, qui sera la première | maille du rang ; et sans l’ôter du moule, on . DE PECHE. 419 fera une accrue , comme on l’a expliqné plus haut. Cetie accrue endra lieu d’une seconde maillé au second rang. | On tire le moule de ces deux mailles, et on retourne le filet pour faire le troisième rang. On pose le moule sous l’accrue, et on orme une maille qui a deux branches fort inégales, attendu que, partant du nœud qui ‘est au dessus de l’accrue, et ayant enveloppé le moule, le fil remonte et forme la branche courte qui va s’aitacher par un nœud au dessous de l’accrue. Sans changer la position du moule, on procède à une autre maille, qui va s'ailacher au bas de la maille du second rang; et le moule restant toujours dans la même position, on fait ensuite une accrue. Ayant retiré le moule de ces mailles, on retourne le filet; et pour former les mailles du quatrième ranz, on pose le moule sous l'accrue. On y fait une maille à branches mégales; plus, une seconde, une troisième, el une accrue. On continue de faire les mailles dans le même ordre, terminant toutes les rangées par une accrue sur la droite, ce qui aug- mente d’une maille la largeur du filet. Quand on est parvenu à la moitié de la largeur D d 2 426 SURÈLES FILETS que le filet doit avoir, au lieu d’augmen- ter la largeur du filet, 1! faut la diminuer; ce qu'on fait en comprenant, à la fin de chaque rangée , deux mailles dans un même nœud. Lorsqu'on aura fait en rétrécissant autant de rangées qu’on en avoit fait en élargissant, le filet sera réduit à une maille, qui sera à un angle opposé à celui de la première maiile par laquelle on avoit commencé le filet, et qui est accrochée dans le clou. Jusqu'à présent cette pièce de filet, qui doit être carrée, a une forme losange ; et les mailles qui doivent êlre carrées ont aussi cette même forme. Mais quand on le tendra par ses angles, de sorte qu’un des côtés soit horisontal, la pièce entière et les mailles auront la forme carrée qu’on desire. Pour rendre plus précises et plus claires les idées générales que nous venons de pré- senter, 1l faut suivre pied à pied Ja facon de travailler ces sortes de filets. On commence par entourer le moule d’une ou deux révolutions du fil dont on veut faire le filet ; et ayant arrêté ce fil par un nœud, on a une anse ou une maille qu'on passe dans un clou à crochet. On pose le moule sous ceite maille; on passe! le fil sur le moule et dans la maille pour. DE PE CH E. 421 faire une autre maille; on passe encore le fil dans la première maille pour faire à la droite une accrue. On dégage le moule de ces deux mailles, qui forment le second rang , et l’on fait une autre rangée quand on aura retourné le filet. Pour faire le troisième rang des mailles on retourne le filet ; alors l’accrue, qui étoit . du côté droit, se trouve du côté gauche : on pose le moule sous cette accrue, et avec Je fil, qui part du bas de la première maille, on fait une autre maille qui s'attache au bas de l’accrue. Les branches de cetie maille sont inégales, puisqu'elle part du dessus de J’accrue, et qu’elle va s'attacher au dessous de cette même accrue. Tenant le moule dans la même position , on fait une autre maille , qui part du dessous de laccrue, et va s'attacher au dessous de la seconde maille ; enfin on fait l’accrue. Le troisième rang de mailles étant fini, on tire le moule des mailles, et l’on passe au quatrième rang. Enfin, jusqu’à ce qu’on soit arrivé à la partie du filet la plus large, on commence toutes les rangées par une maille longue, et on _ les termine par une accrue. Quand on est parvenu au plus large , c'est Did 3 he, SUR ERS FILETS tout le contraire ; car, pour achever la por- tion inférieure du filet, 1l faut le rétrécir : ainsi, au lieu de faire des accrues au bout de toutes les rangées de mailles, on com- prend les deux dernières mailles du rang supérieur dans un même nœud. Par ce moyen, la longueur de chaque rangée est diminuée d’une maille ; et enfin le filet est terminé par une maille, comme il avoit été commencé. Comment on fait un filet à mailles carrées ; qui soit plus long que large. On est souvent dans le cas de faire à mailles carrées des filets qui ont beaucoup plus de longueur que de largeur. Pour y parvenir, on prend d’abord avec une ficelle la mesure de la longueur et de la largeur au'on se propose de donner au hameau qu'on va travailler. il faut commencer par former la pre- miére maille , et continuer à former les maiiles comme on la dit , jetant une accrue du côté de la droite à toutes les rangées : on continuera à jeter des accrues à toutes les rangées du côté de la droite; mais aussi à toutes ces mênies rangées on rassemblera DEPECHE 423 dans un même noœud deux mailles du côté de la gauche, c’est-à-dire, qu’au bout de ch:que rangée de mailles on jettera une accrue, et à l’autre bout on réunira deux mailles dans un même nœud. Oa continuera ainsi jusqu’à ce qu'il faille terminer le filet en pointe; alors on ne jettera plus d’accrue , mais on continuera à prendre à toutes les rangées deux mailles dans un même nœud, jusqu'à ce que le filet soit réduit à n'avoir plus qu'une maille, et cette maille se terminera comme elle a été com- mencée. Quand ce filet sera tendu , il sera carré long, et ses mailles carrées. Manière de faire un trémail, tramail (à), ou filet contre-maillé. Nous avons déjà dit quelque chose des filets contre-maillés, qu'on appelle frémails ou tramails, et souvent, parmi les pêcheurs, tramaux. Il nous reste à exposer la manière de les faire. Ceite espèce de filet est formée de trois rets posés les uns devant les autres. Les deux rets extérieurs, qui sont à grandes mailles, (1) En allemand , dreymaschistes garn. D d 4 44 SUR LES FILETS se nomment les aumées ou hamaux ; et celui qui est renfermé entre deux s'appelle la nappe , la toise ou la flue. On fait souvent les aumées en mailles carrées ; cependant on peut sans beaucoup d'inconvéniens les faire en mailles à losanges, et quantité de mailleurs suivent cet usage. Comme 1] faut que ces aumées soient fortes, on y emploie de la ficelle faite de quatre fils forts et bien travaillés. On doit choisir de la ficelle plus grosse pour les grands filets que pour les petits; mais il est toujours important qu’elle soit faite de bon fil bien fort. Les mailles des aumées sont toujours grandes, et on en voit qui ont depuis six pouces en carré jusqu'à presque un pied. I faut qu’elles soient assez grandes pour que les poissons, qu’on se propose de prendre, puissent passer à travers; car ce ne sont point les aumées qui doivent les arrêter, mais la flue, qui doit prèter à l’action du poisson , et faire une bourse dans laquelle le poisson se trouve embarrassé. Les aumées servent à soutenir la flue : et elles se font mieux quand leurs mailles sont moins ou- vertes , que lorsqu'elles ont beaucoup d’ou- verture: La toile ou la flue se fait toujours en | | | | | DEPECHE 425 nailles à losanges, qui ont depuis un pouce \usqu’à deux pouces et demi d'ouverture, avec du fil retors en deux, qu’on choisit lus ou moins fin, suivant l'espèce de pêche qu on se propose de faire. |. Ce rets doit avoir deux fois ou deux fois >: demie l'étendue des aumées , afin qu'il soit toujours flottant entre elles, et qu'il juisse aisément faire les bourses où le pois- on s'engage. Nous ne dirons rien sur la façon de naïller ces deux sortes de rets, parce que jous n’aurions rien à ajouter à ce que nous avons dit plus haut. Mais, supposant ces trois ets maillés, il faut expliquer comment on doit les monter pour faire le filet qu'on 1omme {ramail. On s'établit dans une grande place bien amie et nette de feuilles, de brins de bois, de pierre et de grandes herbes ; on étend une des aumées, et on l’atiache bien ten- due par les quatre coins, au moyen de piquets qu'on passe dans les boucles des angles ; ensuite on passe dans le dernier rang de mailles de la flue, en suivant tout son pourtour, une ficelle bien travailiée et qui n'ait point de nœuds. On attache cette ficelle , ainsi que les 426 SUR LES FILETS angles de la flue, aux mêmes piquets où Von a attaché précédemment Faumée; les ficelles doivent être bien tendues; mais la flue ne l’est pas beaucoup, étant plus grande que l’aumée. Ainsi, en conduisant la corde de la tlue avec les bords de l’aumée dans les mains, pour que cette corde et le bord se suivent exactement, on attache la corde aux mêmes piquets qu'on a passés dans les anses qui sont au coin de l’aumée. Comme la flue est beaucoup plus éten- due en tous sens que l’aumée, il faut lui fire faire des plis sur sa corde, de façon cependant qu'ils soient répartis le plus régu- liérement qu'il est possible, afin qu’elle fronce et fasse poche assez uniformément dans toute l'étendue du filet. Tout étant ainsi disposé, on met par dessus la flue la seconde aumée ,; et on la tend comme la première par les boules des angles qu’on passe dans les mêmes piquets. Les trois rets étant aimsi placés bien régu- lièrement les uns sur les autres, pour em- pêcher qu'ils ne se dérangent, on forme quelques révolutions d'un fil retors, qui comprend les bords des deux aumées et la corde de la flue, et on fait un nœud à chaque endroit où l’on rencontre les mailles DE PECH E. Lo des aumées ; il faut encore, environ de trois en trois pieds, dans toute l'étendue du filet auprès des angles des aumées, lier les deux aumées l'une avec l’autre par un fil retors, afin de maintenir la flue en état, et empé- cher que, quand on tendra verticalement le tramail , la flue ne se porte toute d’un côté: alors le tramail est en état de servir : il ne s'agit plus que de le fortifier , en le bordant avec une corde grosse comme le doigt, ainsi que nous l'avons expliqué ci-dessus. Cepen- dant il est encore fréquemment nécessaire de garnir de flottes de liège le tramail , et de le plomber ; ce que nous détaillerons dans la suite, Comment on fuit les filets ronds, soit cy lin- drigues, soit coniques. Il s’agit ici des filets qui, étant tendus, ont une forme arrondie sur leur longueur ; dans les uns, cette forme répond à celle du corps d’un bluteau ou dune barrique ; nous les nommons cylindriques. Ceux que nous appelons conigues, ont plus de dia- mèêire par un bout que par l’autre: de ce genre est le, verveux, et la suite de celte section offrira plusieurs espèces de l’un et l'autre genre de filets ronds. 8 SUR LÉS FILETS . On se rappellera qu’en faisant un filet en nappe, 1l faut à chaque rangée de mailles retourner le filet, pour former une autre rangée en revenant sur ses pas. Pour faire un filet rond, il faut joindre les mailles par une maille intermédiaire, qui doit former le premier ou second rang. Il est évident que cela ne pourroit pas s’exécuter, si on avoit fait la levure sur une corde tendue: mais Ja réunion devient possible quand on a fait la levure en paquet dans une anse de corde ; c’est aussi ce que font les mailleurs. Il est évident que les filets cylindriques peuvent être commencés indifféremment par un boût ou par un autre, puisque les deux bouts sont semblables. | On est maître aussi de commencer les filets coniques par le bout qu’on veut; car, si lon commence par le bout étroit, on élargit le filet au moyen des accrues: et si l'on commence par le bout le plus large, on rélrécit le filet en joignant deux mailles dans un même nœud. Ordinairement on com- mence par le bout étroit, et l’on jette des accrues. | DE PECHE. 429 “ Manière de travailler un Jilet rond qui ait ‘ une ou plusieurs entrées semblables à celle \ d’un verveux, et que quelques-uns nomment des goulets. | Je prends pour exemple un verveux qui n dans son intérieur une entrée ou goulet. 11 faut commencer le filet en rond, et e poursuivre de même jusqu'à ce qu’on soit barvenu à l’endroit où l’on veut commencer le goulet ; alors, comme il faut faire deux lets distincts, un pour le corps du filet, l’autre pour le goulet; ou plutôt comme il faut à l’endroit où doit commencer le goulet détacher un filet dans l'intérieur de celui qui forme le corps du verveux, cela se fait aisément el d’une façon très-ingénieuse, au moyen des mailles doubles ; on travaille donc le filet tout en rond et en mailles simples, jusqu'à ce qu’on soit parvenu à l'endroit où doit commencer l’ouverture du goulet ; alors on charge une aiguille avec deux fils qu'on prend sur deux pelotons, et l’on fait avec cette aiguille un rang des mailles qui se trouvent doubles, Lorsque cette rangée sera faite, on cou- pera les deux fils, et on recommencera à 450 SUR LES FILETS travailler avec une aiguille chargée d’un fil simple ; mais à chaque maille il faudra avoir lailention de ne prendre qu’un des deux fils de la maille double, c’est-à-dire, qu'il faudra à chaque maille double ne prendre qu'un fil pour former le corps du filet, et réserver l’autre pour la tête du goulet qu’on! fera ensuite, ) Si l’on veut ménager dans l’intérieur dur filet plusieurs goulets les uns au dessus des autres, comme cela se pratique quelquefois js il se faire autant de rangées de mailles doubles qu'il y aura de goulets (1). 11 y a des mailleurs qui travaillent diffé- remment les verveux ; ils les commencent par la pointe du goulet, où ils font des pigeons qui serviront à attacher cette pointe au bout du verveux, au moyen de plusieurs lignes déliées. Quand ils ont fait les pigeons el ia levure, ils augmentent continuellément ME Ut SSP EUR | 1e 0'téne tAEE A (1) Dans le nord on ménage deux goulets, dont le second a des mailles plus étroites, afin que si le poisson échappe aux premières mailles, il soit arrêté par les secondes. M. Schreiber assure qu’en 1760 un pêcheur saxon prit deux loutres dans un filet de cette forme; elles étoient mortes avant qu’on les tirât de V'ean ; ce qui prouve que‘ces animaux ne peuvent pas vivre long-tems au fond de l’eau. DE PECHE. 431 : diamètre du filet en jetant des accrues, : ils donnent à la partie qui doit faire le ulet la forme d'un entonnoir, qui doit e s'étendre que jusqu’au bord du goulet ; faut que le reste aille un peu en rétré- ssant pour faire le corps du filet. Quand a a poursuivi ce travail jusqu’à la longueur u corps du verveux, on en replie en de- ans une parle, ce qui forme le goulet; et autre partie fait le corps du verveux qu’on ‘rme par une pointe, et on forme une anse e corde, laquelle tient tendues des lignes ssez fines qui communiquent avec la pointe. Jans l'endroit du pli, on passe entre les iailles une baguette menue et pliante, dont n fait un cerceau qu’on nomme trouelle (1); Ile sert à tenir le verveux ouvert. Quelque- bis on en met une petite dans le goulet, til y en a d’autres en différens endroits e la longueur du verveux. Comme les endroits où sont les trouelles atisuent plus que le reste du filet, on y ait deux rangs de mailles doubles, entre esquelles on passe les baguettes qui doivent ormer les trouelles. (1 En allemand, bregel. On les fait AU blanche ju noire. 432 SURTLESVRELETS Voilà le verveux fini; cependant, pour! engager le poisson à entrer dans le goulet, on fait en grandes mailles, au devant de sont embouchure, un évasement qu’on nomme la coiffe, et que l’on soutient par une por: tion de cercle que les pêcheurs appellent l'archet. Les deux bouts sont tenus écartés! pour faire une ouverture convenable par une corde tendue , laquelle est lacée dans les mailles du bord d'en bas de la coiffe, depuis le bord du verveux jusqu’à l’archet. Raccommodage des filets. Bien des gens qui savent faire des filets ignorent la manière de les raccommode: ; cependant il est plus important aux pêcheurs de raccommoder, (1), radouber ou ramender par eux - mêmes leurs filets que de savoir en faire de neufs, puisque l'entretien des (1) En allemand , aufbüssen. L’art de raccom-= moder un filet est le chef - d’œuvre qu’on exige dans quelques provinces d'Allemagne de ceux qui veulent: devenir maîtres pêcheurs. On coupe les mailles d’uib filet neuf, dans un espace à peu près de la grandeui de la main, et on le remet au candidat, qui doit. rétablir le tout de manière que l’on n’aperçoive pas l'endroit où il y a eu du dommage. filets! DE PECHE. 433 filets en prolonge la durée de plus de moitié, Un filet qui a quelques mailles rompues aura bientôt un grand trou, si on ne le raccom- mode pas au plulôt. Pour expliquer le plus clairement pos- sible comment on doit raccommoder un filet, nous supposerons qu’il a un irou au milieu des mailles ; il faut commencer , comme disent les rhabilleurs, par couper le filet, c’est-à-dire, qu'il faut augmenter le trou, non seulement en coupant ou re- tranchant tout ce qui est endommagé, mais de plus en entamant sur ce qui ne l’est pas; de façon que toute la circonférence du trou soit terminée par des angles de mailles, à la pointe desquels on ménage le nœud qui retient la maille du vieux filet. On y con- serve tant soit peu des branches qui en sor- toient pour former une autre maille. Il est évident que cet endroit ne peut être bien rétabli sans que les mailles qu’on formera ressemblent, le plus parfaitement qu'il sera possible, à celles qui ont été dé- chirées ou coupées. Supposons que l’on commence à droite, on arrête d’abord le fil au dessus du nœud de l’une des mailles qu’on a coupées; en- Lx Porss.s TonrE:El. E e | 454 SUR EESEIRETS suite on fait une maille, puis une seconde, puis une lroisième. À tous les angles 1l y a pour lors deux nœuds, dont l’un est celui qui formoit la maille du vieux filet; et par dessus est celui qu’on a fait pour la nouvelle maille ; cela doit être de même à tous les angles de celles qui aboutissent à la circonférence du trou. 11 n’en sera pas ainsi pour les mailles auw’on formera au milieu; celles-ci n'auront qu'un nœud, comme les mailles ordinaires de tous les filets. Toutes les mailles qu'on vient de faire sont rondes; mais, après ce qui vient d’être dit, on doit concevoir que, quand on aura fait au dessous un autre rang de mailles, ces premières deviendront anguleuses. On gagne le niveau du second rang de mailles; pour cela on faii une simple jambe; ensuite revenant sur ses pas, ou de la gauche à la droite, parce qu’on ne peut pas retourner le filet, on fait une maille, une seconde, une troisième , enfin une autre jambe, comme on en a fait une à gauche. Si le trou avoit beaucoup de largeur , on feroit un troisième rang de mailles de droite à gauche, puis une jambe, un quatrième rang de mailles de la gauche à la droite, DE PECH_E. 435 et amsi toujours alternativement jusqu’à ce que toute l'étendue du trou fût remplie de mailles. Dans l’un et l’autre cas, il s’agit de fermer ensuite le trou par en bas, et y Joindre les nouvelles mailles qu’on vient de faire avec celles du vieux filet. Pour ceia on fait une jambe en descendant, puis une autre en montant, qui s'attache au milieu d’une ancienne maille, et on continue à joindre les nouvelles mailles aux anciennes par des jambes semblables. Le trou qui éloit au filet se trouve ainsi fermé par des mailles régulières. Il est sensible que, s’il ne manquoit à un filet qu’un brin qui fût rompu, on le réta- bliroit en remplaçant le fil par une jambe: s'il y avoit deux fils rompus, on rétabhroit ce pelit accident en faisant une jambe, puis une autre. Ces exemples suffisent pour faire apercevoir qu'il n’est pas toujours nécessaire de couper le filet et d'augmenter le trou, coinme on l’a dit plus haut. Quelques mail- leurs, qui trouvent de la difficulté à bien couper d'abord le filet, commencent par former des mailles ; et à mesure qu'ils sentent avoir besoin d’un nœud pour former les autres mailles , ils coupent du filet ce qui es embarrasse. Ee 2 436 SUR LES FILETS Comme on ne se sert point de moule pour rhabiller, on fait tous les nœuds sur le pouce; et afin que les mailles soient d’une égale grandeur , on passe deux doigts de la main gauche dans les mailles qui sont faites, et le doigt du milieu dans celle qu'on fait actuellement , appuyant avec les doigts dans l'intérieur des mailles. Celle qu'on fait de- vient de la grandeur des autres quand les trois doigts forment une ligne droite et hori- sontale ; et, pour peu qu'on soit habitué à ce travail, toutes les mailles sont régulières. Voilà en gros la marche qu'on doit suivre pour rhabiller les filets. Nous avons dit qu’il falloit commencer par arrêter le fil. Quelques-uns y font un nœud simple , et ensuite celui qui forme la maille ; mais d’autres passent l’extrémité de la ficelle ou du fil entre les deux branches par dessus le nœud du vieux filet. On saisit entre le pouce et l'index les deux branches et le nœud ; puis on fait avec le fil un nœud sur le pouce, comme nous l’avons expliqué. Comme on n’emplioie point de moule pour régler l'ouverture des mailles , on passe les deux derniers doigts de la main gauche dans les anciennes mailles , et le doigt du milieu dans l’anse ; on l’appuie suffisamment pour DE PECHE. 437 donner à la maille une ouverture conve- mable. Alors, sans déplacer le doigt du milieu , on pince avec le pouce et l'index de la même main le nœud du vieux filet et l'extrémité des branches ; on fait le nœud sur le pouce; et afin qu'il se place immé- diatement au dessus du nœud du vieux let, il faut toujours tenir bien ferme le nœud et l'extrémité des deux branches jusqu'à ce que le nœud soit tout à fait serré. Cominent on garnit de lest et de flottes Les bords des filets. Ton a expliqué précédemment comment on borde et on enlarme les filels; mais dans quantité d'occasions il faut faire en sorte que les filets se tiennent verticalement dans l’eau. ‘On produit cet effet en attachant des corps légers au bord du filet qu'on veut fixer en haut, et des corps pesans au bord qui doit être en bas. Les corps, plus légers que le volume d’eau qu’ils déplacent, tirant le filet vers la surface de l’eau, tandis que les corps pesans ou le lest les tirent vers le fond, on se procure deux forces contraires qui agissent pour maintenir le plan du filet dans une posilion verticale. Ee 3 458 SUR LES FILETS Comment on garnit de corps légers ou de flottes le bord du filet qui doit tendre vers la surfage de l’eau. Quand les filets sont imbibés d’eau, ils tombent en paquet au fond; pour qu'ils se tiennent dans l’eau verticalement , 1l faut garnir ie bord qui doit tendre vers la sur- face de l’eau, avec des corps spécifiquement plus légers que le fluide : c’est ce qu'on appelle des flottes (1). Quand il s’agit de soutenir des filets très- pesans , on se sert de barils exactement fermés pour que l'eau n'y puisse entrer. Quelquefois des raisons d’économie engagent les pêcheurs à former leurs flottes avec de petits faisceaux de roseaux bien secs; mais, communément on les emploie pour former des bouées ou des signaux. Assez souvent les pècheurs forment leurs flottes avec de petites planches de bois fort légers et très-secs , du sapin, du tremble, du tilleul, etc. Mais le mieux est de former les flottes avec du liège. Cette substance a l’avantage d’être beaucoup plus légère que le volume d'eau qu’elle déplace, sur-tout quand Île (1) En allemand, fæssen. DE ‘PECEHIE 439 liège est de bonne qualité, souple sous les doigts , et qu’il n’a point de grands pores, comme sont les mauvais lièges durs et ligneux (1). Un autre avantage du liège est de se pénétrer bien plus difficilement d’eau que toutes sortes d'espèces de bois, ce qui fait qu'il conserve très-long-iems sa légèreté étant submergé. Ces propriétés font qu’on Pemploie préférablement à toute aulre ma- tière , pour former ce qu'on nomme les flottes. On suit différentes méthodes pour atta- cher les corps légers à la corde qui borde le haut du ‘filet. Quelquefois on perce les pelites planches ou les tables de liège, et réunissant les deux bouts de la petite corde qui traverse le liège , on la lie à la corde du filet ; ou bien, ayant taillé les lièges en rond ou en carré , on les perce d’un trou dans lequel l’on fait passer la corde, et on assu- jettit ces flottes entre deux nœuds. Mais le mieux est d’embrasser la corde par deux morceaux de liège , qui, étant (1) Le liège est fort bon sans doute , mais il est cher presque par -tout. En Allemagne on a trouvé que V’écorce des vieux peupliers fait précisément le même effet , et elle ne coûte rien. Ee \ 440 SUR LES FILETS réunis par un enlacement de bitord, forment comme des boutons en olive. De quelque façon qu’on attache les flottes à la corde qui borde le haut du filet, il convient de proportionner le volume et le nombre des flottes à l'étendue et à la pesanteur du filet ; car il faut beaucoup plus de flottes pour soutenir un grand filet à mailles serrées et fait de ficelle , que celui qui seroit fait d’un fil fort délié, dont les mailles seroient grandes et qui auroit peu de chüte. Comment on garnit de lest le bord inférieur d'un filet. Il est évident que, si l’on ne chargeoit pas de quelques corps pesans le bas d’un filet dont le haut seroit garni de flottes, les flottes l’entraineroient vers la surface de l'eau , et la moindre agitation du fluide empècheroit qu'il ne se tint dans une posi- tion verticale (1). 11 faut donc, pour que le filet soit bien tendu, en lester le bas, ou le charger de quelques poids qui tendent à er 2 — (1) On charge aussi les filets pour empêcher que les grands poissons ne les soulèvent pour s'échapper. Les poissons d’étangs ,qui ont été souvent dans ce cas, savent faire cette manœuvre , et elle leur réussit lorsque le filet n’est pas assez chargé pour pénétrer dans l’eau. » | | DE PECHE. 441 l’entraîner vers le fond de l’eau. On forme quelquefois ce lest (1) avec des cailloux qu'on amarre, comme nous l’avons sufhi- samiment expliqué dans la première section, en parlant des cordes ; mais communément le lest qu'on met au bas des filets se fait avec du plomb; c’est ce qu’on appelle la plombée. Les pêcheurs suivènt différentes méthodes pour former cette plombée. Pour de petits filets légers, des balles de plomb, percées comme des grains de chapelet, sont suffisantes; mais pour de grands filets, qu'il faut beaucoup charger de lest, on a un moule formé de deux pierres qui s’ajustent exactement l’une sur l’autre; chacune de ces pierres est creusée d’une gouttière , eb étant jointes l’une à l’autre, elles forment un cylindre, dans l’axe duquel on place une broche de fer qui est un peu plus grosse d’un bout que de l’autre, pour qu’on puisse la retirer plus aisément du cylindre de plomb qu'on aura fondu. On coule du plomb fondu dans ce moule ainsi ajusté, et quand on a | | | | | (1) Le mot technique en allemand , c’est das cesenke. Les pêcheurs des provinces septentrionales l'Allemagne ne se servent jamais de cailloux , que l’on a beaucoup de peine à attacher solidement ; mais ils ont des anneaux de fer, qui sont plus durables. 448 SUR LES FILETS retiré la broche de fer , on a un petit tuyau! En enfilant une corde dans ces tuyaux, on forme la plombée. Plus communément on a de petiles plaques de plomb qu’on creuse en gouttière dans le milieu, pour y lôger la: corde sur laquelle on roule le plomb à petits coups de marteau; et pour assujettir encore mieux les plaques de plomb, on rabat les languettes sur la corde. Enfin on peut se contenter d'envelopper la corde avec une bande de plomb , et l’assujettir à petits coups de marteau, comme on fait un ferret au bout d’un lacet. Quelque méthode qu’on suive pour atta- cher le plomb à la corde, il faut propor- tionner le poids du lest à la grandeur du filet et à l’usage qu’on en veut faire. Quelquefois, par exemple, il convient que le filet se tienne entre deux eaux (1) ; alors il ne faut que peu de lest, et seulement ce qui convient pour tenir le filet tendu. Si l’on mettoit trop de lest, il entraineroit le filet au fond de l’eau, ou bien il faudroit augmenter beaucoup la flottée ; au coniraire, si l’on veut que le filet se porte au fond de l’eau, il faut fortifier la plombée , et ne mettre de flottes que ce qu’il en faut pour soutenir verticalement le filet. (1) Dans les eaux courantes, il doit «ller au fond. DE PE CH EF. 443 Du tannage et de la conservation des filets. Il est probable que le tan n’agit pas sur es filamens des végétaux comme sur les ibres de toutes les espèces qui composent a peau des animaux. Cependant c’est une chose reconnue que les cordes, les filets et les toiles qui sont exposés à l’eau durent olus long-tems quand ils ont été tannés aue zeux qui n’ont pas reçu cette préparation. Si l'expérience journalière des pêcheurs ne les en avoit pas persuadés, ils s'épargneroient une opéralion qui leur est pénible, et qui leur occasionne une dépense considérable ; mais, pour qu’elle produise le bon effet qu'on en attend, il faut la faire avec des soins et des attentions qui sont indispensa- blement nécessaires, et que l’on va détailler dans cet article. Le tan est fait avec des écorces de jeunes branches d'arbres desséchées et réduites en poudre. La bruyère, erica (1); le fustet, cotinus coriaria (2); les sunmacs, rhus, de plusieurs espèces; l’aune, a/nus (3); le noyer, (1) En allemand, herde. (2) En allemand , geberstrauch, (3) En allemand, die erle. ff SURILES FIRETS nux ; le saule, salix (1), sont employés à cet usage; mais aucune écorce n’est autant estimée que celle du jeune chène., Pour faire le meilleur tan, on enlève, durant la saison de la sève, vers la fin d'avril ou au com- mencement de mai, l'écorce claire et vive’ des jeunes chênes qui sont vigoureux; car les écorces brunes, gercées et chargées de lichen ne fournissent qu'un tan de médiocre qualité (2). Quand ces arbres sont en pleine sève, et que leur écorce se détache aisément du bois, on fait avec une serpe , au bas du tronc, et immédiatement sous les branches, une en- taille circulaire qui coupe l’écorce, et qui sélend jusqu’au bois. On joint ensuite les deux entailles par une autre coupe longi- tudinale qui s'étend depuis l’entaille du haut jusqu'à celle du bas; et en introduisant entre Pécorce et le bois un coin fait de quelque bois dur ou d’un gros os, on enlève toute l'écorce, qui, à mesure qu’elle se détache, se roule sur elle-même , et ressemble assez (1) En allemand, die weide. (2) Les naturalistes reconnoissent pour lichen les plantes parasites qui subsistent aux dépens de l’écorce, et qu’ou nomme vulgairement mousses ‘etc. DE: P E CITE, 445 à des bâtons de cotterets. On abat sur le champ les arbres écorcés pour en faire cette espèce de hois qu'on nomme pefard; et quand les écorces se sont desséchées à un certain point, on en forme des bottes qu’on peut conserver long-tems à couvert de la pluie, sans crainte que le tan perde de sa qualité. Pour disposer ces écorces à être employées en tan , 1l faut les réduire en poudre assez fine. Quelques pêcheurs, qui tannent eux- mêmes leurs filets, se contentent de battre ces écorces avec des fléaux ; mais ils n’en tirent qu'un parti médiocre : ils perdent ainsi beaucoup de poussière fine qui s’éva- pore, et le reste est pulvérisé trop grossière- ment. Le nueux est de les porter à des moulins. 11 y en a de deux sortes : les uns sont de grosses meules verticales, comme celles dont on se sert pour faire le cidre et pour broyer les graines et amandes qui fournissent de l'huile. Après avoir rompu grossièrement les écorces sur une pièce de bois qui forme comme un tranchant, on les met sous la meule, qu’on fait tourner, et qui écrase assez bien l'écorce sans qu’il s’évapore beaucoup de poussière. L’autre moulin, qui est le meilleur, quoi- 446 SUR LES ÆILETS qu'il cause un peu plus d'évaporation , est formé d'un nombre de pilons qui retombent dans une grande auge , où l’on met les écorces grossiérement rompues. Quand les écorces ont été assez bien pulvérisées , on les passe par une espèce de crible qui est fait aveg du fil d’archal, et qu’on établit sur un grand cuvier. Ce qui passe par le crible est mis daus des tonnes , et vendu aux tanneurs; ce qui est resié sur le crible repasse au mouiin. Le tan des autres écorces, dont nous avons parlé, imprime aux filets une couleur quelquefois plus salisfaisante que celle du tan de chêne. Ces tans produisent en général un bon effet, mais jamais aussi avantageux que le tan du jeune chêne; au moins est-ce le sentiment des pêcheurs. Cependant il con- viendroit peut-être d'en faire des épreuves avec soin; car j'ai vu des cuirs qui parois- soient assez bien préparés, quoiqu’on eût substitué de la bruyère réduite en poudre au lan de chène. I/on a dit qu'il y a des pêcheurs qui tannent eux-mêmes leurs filets ; mais, comm e aucuns n’ont de chaudières assez grandes pour cette opération , ils en louent pour. deux fois vingt-quatre heures, ou plus de | DE PECMHE. 447 rems , de ceux qui ont des tanneries en règle, dont nous allons parler. Les tanneries sont ordinairement voûtées t établies au rez-de-chaussée, où sont mon- \ées trois grandes chaudières sur des massifs Le maçonnerie qui excèdent la hauteur des “baudières, de même que le soni celles des rasseurs. Les fourneaux sont sous les chau- lières , et ils s’allument par des bouches qui épondent à un caveau construit derrière + plus bas que les chaudières. Les tanneurs mt des chaudières de différentes grandeurs Jour se servir des unes ou des autres, sui- ant la quantité de filets qu’ils ont à pré- Jar'er. Pour faire une bonne tannée, on met rdinairement deux parties et demie d’eau ur une de tan, où cinq parties d’eau sur leux de tan; c’est-à-dire, deux barils et Jeimi d’eau sur un de tan; et les barils de an se mesurent comble. Ainsi, dans une “haudière qui tient trente barils d’eau, on met douze barils de lan. Quand on a jeté l’eau et le tan dans la chaudière, on allame le feu du fourneau qui est dessous. Comme il fant beaucoup l'eau, on la tire avec une pompe, et on la conduit dans les chaudières par des dalles an gouttières. 4438 SUR LES FILETS Les chaudières sont ordinairement cinq à six heures, depuis que le feu est allumé, sans commencer à bouillir, quoique l’on ait soin de les couvrir avec des planches pour augmenter la chaleur. Quand le bouillon commence à se former, le tan se gonfle et s'élève avec tant de force, qu'un seul bouillon pourroit en faire perdre un ou deux barils, qui contiennent chacun environ cent trente pintes , mesure de Paris. Pour prévenir cet accident, les tanneurs tirent, avec des espèces de cuillers, une partie de la liqueur, qu'ils mettent dans des tonnes, et ils souliennent le bouillon pen- dant quatorze, seize ou dix-huit heures. À mesure que la tannée diminue, ils remettent dans la chaudière celle qu'ils ont déposée dans les tonnes. Après que leau a bien tiré la substance du tan, et que le tanneur juge que sa tan- née est bien faite, il retire avec un lanet tout le tan qui est dans la chaudière. L’ou- vrier qui est occupé à ce travail met ce tan. dans une manne. Quand eile est pleine, il. la transporte sur la tonne , pour ne pas! perdre la liqueur, qui est la partie précieuse. Pendant ceite opération , Fon continue tou- jours le feu sous ja chaudière, afin d’entre 4 tenir DE PECHE 449 tenir la tannée bouillante, jusqu’à ce qu’on y plonge les filets : ce qu’on juge nécessaire pour qu'ils se pénètrent bien de cette tannée. On place dans le fond les filets neufs, et les autres par dessus, jusqu’à enfaîter les filets les uns sur les autres. Mais le tanneur a soin de former, sur le devant de la chau- dière , une cloison de planches, pour pou- Voir puiser continuellement de la tannée, qu'il verse sur les filets; ce qu'il continue jusqu'à ce que toute la tannée soit con- sommée. On tanne différemment les cordages. Quand la tannée a bouilli quelques heures, on mel avec une gaffe les pièces de cordages roulées dans la chaudière, où on les tient une couple d'heures dans la tannée bouil- lante. On les tire ensuite avec la gaffe pour en mettre d’autres à leur place ; ce que l’on continue jusqu’à ce que la tannée soit épui- sée. On passe aussi les cordages dans le gou- dron ; et cela peut se faire de différentes manières : mais ceci étant du ressort du cordier, nous nous dispenserons d'entrer dans d’autres détails. | On peut faire bouillir dans de nouvelle eau le tan qu’on a retiré de la chaudière, Poiss. Tome IL. PE 450 SUR''LES FILETS et qu'on a mis égoutter dans des mannes sur des futailles. Cette seconde tannée peut servir à donner une petite impression de tan aux filets et aux cordages neufs qu’on se propose de lanner, ce qu’on nomme débouil- Zir. On se sert encore de cette foible tannée pour redonner une impression de tan aux filets précédemment tannés, et qui ont blanchis par le service. Enfin ces foibles tannées, qu’on fortifie quelquefois avec du tan neuf, servent à tanner de la toile pour les voiles. On étend et l’on fait sécher les filets, les cordes et les toiles qui ont été tannés. Il est important de les garantir de la pluie, jus- qu'à ce qu'ils soient secs, et encore plus de la gelée, qui les endommageroit beaucoup. Mais heureusement on peut les conserver long -tems en tas, lorsqu'ils sont imbibés de tan, sans craindre qu'ils s’'échauftent et qu'ils se corrompent. On assure même que des filets bien tannés ont resté des tems con- dérables , comme six mois, au fond de la mer, sans avoir été beaucoup endommagés. Les instrumens dont se servent les tan- neurs, sont des cuves de cuivre, des barils pour contenir le tan en poudre, lesquels doivent contenir environ cent vingt-huit ou | | | VA nt mm D FE: :P E.C'H:E. 451 cent trente pintes , mesure de Paris ; des | 22 - tonnes, qu'ils nomment gonnes , pour y mettre l’eau qu’on retire des chaudières ; les manues (1) pour égoutter le tan qu’on tire des chaudières ; de lanets qui sont des filets de ficelle montés sur un cercle de fer, où est soudée une douille qui reçoit un manche de bois; un pucheux ou puiseux (2), qui tient cinq à six pintes d’eau; une gaffe ou crochet, pour mettre dans la chaudière les pièces de cordages, et pour les en reti- r ; des fourgons de différentes formes, pour altiser le feu ou pour changer la situalion des filets dans la chaudière : ils sont de fer, avec des manches de bois reçus dans de douilles. Les pêcheurs portent leurs filets à la tannerie , et ils aident aux tanneurs à les étendre pour les faire sécher; les uns les portent à dos sur le sable; d’autres les chargent sur des brouettes , et on les étend sur le sable, ou bien on les tend sur des perches. Les catalans, pêcheurs de sardines, (1) Espèce de corbeilles. (2) Sorte de grande cuiller de bois fortement cerclée de gros cercles , et emmanchée au bout d’un bâton assez long, et d’une grosseur proportionnée. F'f 2 452 SUR LES FILETS achètent leurs filets de la couleur du fil, qui est de lin; et ils les teignent d’une couleur tannée ou rougeâtre, en les faisant bouillir dans de grandes chaudières, avec de Fécorce de pin sauvage ( pinus maritima altera , Math. ) On nue se sert point de l'écorce da pin cultivé (pinus sativa. C. B. P.) On réduit donc en poudre lécorce de pin sauvage : sur une partie d’écorce on met six parties d'eau, qu'on fut bouillir jusqu’à la réduc- tion de moitié; ensuite on Ôôte le marc, et on verse la décoction dans une tonne. Quand elle est refroidie, au point de pou- voir y tenir la main, on met les filets dans cette teinture , en les faisant entrer par un bout, et les tirant par l’autre, comme font les teinturiers : on les arrange tout de suite en rond, dans une futaille qui est percée de quelques trous ; au bout de quinze jours, ils sont encore chauds; et quoiqu’on les y laisse long-tems, ils n’y souffrent aucune altération ; de sorte que quelquefois on ne les en retire que lorsqu'on veut s'en servir; | alors on les lave dans de l’eau douce, et on les fait sécher à l’air ou au soleil. On passe tous les mois des sardinales dans celte tein- ture ; et coime la couleur devient à chaque fois de plus en plus brune, à la fin ces filels DE PECHE. 453 semblent teints en noir; moyennant ces altentions, 1ls durent plusieurs années. Si l’on vouloit teindre les filets en couleur d’eau, on pourroit suivre le procédé que nous avons indiqué dans la première sec- tion pour teindre les lignes; mais on n’en fait point usage pour les filets. Dans les pays où l’on ne peut pas se pro- curer du tan de chêne, on prend de l'écorce verte et fraiche, de racine de noyer; on la coupe par morceaux, qui peuvent avoir un pouce en carré; on les met dans une cuve, et sur deux boisseaux de cette écorce, on verse deux seaux d’eau, qu’on fait bouillir pendant une heure; on retire ensuite lé- corce, on mel les filets au fond de Ja cuve, et on les recouvre avec l’écorce qu’on avait tirée de la cuve : les ayant laissé tremper pendant vingt-quatre heures dans cette teinture , on les en retire, on les tord, et on les étend pour les laisser sécher. Comme les filets sont un objet considé- rable de dépense, les pêcheurs prennent une singulière attention à les conserver ; pour cela ils les lavent autant qu'ils peuvent dans de l’eau douce, toutes les fois qu'ils reviennent de la mer; ensuite ils les étendent ou sur la grève, ou sur des perches, pour 454 SUR LES FILETS, etc. les faire sécher ; et avant de s’en servir, 1ls les visitent pour rétablir les trous qui pour- roient s’y trouver : article très-important, puisque, comme nous avons déjà eu occa- sion de le dire, quelques mailles rompues deviennent bientôt un grand trou, si on néglise de les rétablir; enfin, quand on s'aperçoit qu'un filet perd sa teinture, on le repasse dans la tannée; avec de pareilles attentions, les pécheurs font quelquefois durer très-long tems leurs filets (1). {1) On ne connoît point en Saxe ni dans le Nord V’usage de tanner les filets. Cette méthode, qui paroît avoir des avantages, mérile l’attention de ceux qui s'appliquent à avancer le progrès des arts. Fin du second volume. a NN TT LE > r D 4 — TABEE Des matières contenues dans ce second Volume. D ES effets de l'art de l'Homme sur la nature es Poissons, par Lacépède, pag. 5 Des dénominations par lesquelles les Natu- ralistes distinguent les diverses parties des Poissons, 66 Explication des planches I, II et III de ce volume, 180 Observations sur les écailles de plusieurs es- pêces de poissons qu’on croit communément dépourvus de ces parties, par Broussonet À de l'académie des sciences, 199 Précis de la législation sur la péche, 915 Troisième vue de la Nature, par Lacépède, 22/4, Observations sur la structure du cœur des Poissons, par Duverney , de l’Académie des sciences de Paris, 226 Observalions pour servir à l'histoire de la res- piration des Poissons, par Broussonef ; 26 Observations sur les étangs, 290 456 TA EEE: Préservatif contre la mortalité du Poisson dans les étangs pendant les grands hyvers, 333 Méthodes de préparer les différentes espèces de Poissons pour les cabinets d'histoire naturelle , 548 Des filets, de leur fabrique, de leur entre- tien, et de leurs différentes espèces, 377 Fin de la Table. { nt FA A PACA Rue N AURA AE A TOM A non Yi 1 f] / wi! 1448 x | NA PAR | Eu { ON x AE EE AVES dut A M ‘ 1} A : ( LA ; ts Ke l'E 2 1 Va tit h AP ; Na Lo) L s a — Z Q F- æ) = ao | [l | | |