t# CHIEN NULS HISTOIRE NATURELLE. MATIÈRES GÉNÉRALES. TOME SEIZIÈME. : à jo. cd à | d. © Él 1 D D'HISTOIRE L°" NATURELLE Par BUFFON, DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. MATIÈRES GÉNÉRALES. TOME SEIZIEME. | VAIC ._ £zFSUreT 27 ANhSON AN Inst PASS TN RICHMOND ‘ ® COLLECTION. | detional Muse: A PARIS, À LÀ LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE DE P. DIDOT L’AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N°3, xt Firmin DIDOT, RUE DE THroNviLLe , N° 116. AN VIL — 1799. MLISTOIRE NATURELLE DES MINÉRAUX. PIERRE VARIOLITE. Css pierres sont ainsi dénommées, parce qu’elles présentent à leur surface de petits tubercules assez semblables aux grains et pus-. tules de la petite vérole. On-trouve de ces pierres en grande quantité dans la Durance ; elles viennent des montagnes au-dessus de da vallée de Servières, à deux lieues de Brian- çon, d’où elles sont entraînées par les eaux en morceaux plus ou moins gros; elles se trouvent aussi en masses assez considérables s É - LS RP ones L L) ; C ‘ è 7 "4 à d “s : à CO 1 MP, à 6 HISTOIRE NATURELLE dans cette même vallée. M. le docteur Demeste dit que ces pierres variolites de la Durance sont des galets ou masses roulées d’un basalte grisâtre ou d’un verd brun, lequel est souvent entremêlé de quelques veines quartzeuses , et parseme de petites éminences formées par des globules verdâtres, qui sont aussi du basalte, mais beaucoup plus dur que la gangue grisâtre, puisque ces globules, moins usés que le reste, en roulant forment les éminences superficielles. qui ont-fait donner à cette pierre le nom de variolite. Ces petites _éminences, dont le centre offre d'ordinaire un point rouge , imitent en effet assez bien les pustules de la petite vérole. Nous devons observer ici que cet hbile chimiste suivoit la noimenclature des Alle- mands et des Suédois, qui donnoient alors le nom de basalte au schorl, par la seule ‘raison qu'ilétoit souvent configuré'en prisme comme le véritable basalte: mais les natura- listes ont rejeté cette dénomination équivo- que depuis qu’ilsontreconnu , avec M. Faujas de Saint-Fond , que le nom de éasalte ne devoit être donné spécifiquement et exclu- sivement qu'aux laves prismatiques, con- e : DES MINÉRAUX. 7 nues sous le nom de basaltes , tels que ceux dé Stolp en Misnie, d’Antrim en Irlande, et ceux du Vivarais, du Vélay , de J’Au- vergne , elc. | Pour éclaircir cette nomenclature, M. Fau- jas de Saint-Fond a observé que Wallerius, qui à nommé cette pierre /apis variolarurm ou variolites, lavoit mise au nombre des basaltes, sans spécifier si c’étoit un basalte volcanique, et que, sans autre examen, cette dénomination équivoque a été adoptée par Linnæus, par M. le baron de Born, et par plusieurs de nos naturalistes françois. M. Fau- jas de Saint-Fond a donc pensé qu’il falloit désiguer cette pierre par des caractères plus précis, et il l’a dénommée /apis variolites viridis verus , afin de la distinguer de plu- sieurs autres pierres couvertes également de taches et relevées de tubercules, et qui cepen- dant sont très-différentes de celle-ci. : Les Romains ont connu la véritable pierre variolite. « J’en ai vu une très-belle, dit «M. Faujas de Saint-Fond, entourée d’un « cercle d’or , qui fut trouvée en Dauphiné, « dans un tombeau antique, entre Suze et « Saint-Paul-Trois-Châteaux ; elle avoit été ’ \ 8 HISTOIRE NATURELEE « regardée probablement comme une espèce | “«d’amulette propre à garantir de la maladie «avec laquelle elle a une sorte de ressem— « blance. Quelques peuplades des Indes occi- « dentales, ayant la même croyance, portent «cette pierre suspendue à leur cou; ils la «nomment ga/72aiCou. » it. à Cette pierre est particulièrement connue en Europe sous le nom de variolite de la _ Durance , parce qu’elle est abondante dans cette rivière ; les torrens la detachent des hautes Alpes dauphinoises , dans une étroite et profonde vallée , entre Servières et Briançon. | La vraie variolite est d’un verd plus ou moins foncé; sa pâte est fine, dufe, et sus— ceptible de recevoir un beau poli, quoiqu'un peu gras, particulièrement sur les taches. Les plus gros boutons et protuberances de la variolite n’excèdent pas six à sept lignes de diamètre , et les plus petites ne sont que d'une demi-ligne.: vi L'on a reconnu dans la variolite quelques points et des linéamens de pyrite.et même d'argent natif, mais en très-petite quantité: L'analyse de cette pierre, faite avec beau- DES MINÉRAUX. y coup de soin par M. Faujas de Saint-Fond, tend à prouver qu’elle est composée de quartz, d'argille, de magnésie , de terre calcaire , et d’un peu de fer qui a produit sa couleur verte, et que les taches qui forment ces protubérances singulières sur les vario— lites roulées, sont dues à des ie de schorl plus durs que la pierre même qui les renferme. Cette pierre composée de tous ces élémens est beaucoup moins commune que les autres pierrés , puisqu'on ne l'a jusqu’à présent trouvée que dans quelques endroits de la vallée de Servières en Dauphiné, dans un _seul autre endroit en Suisse , et en dernier lieu dans Pile de Corse. Don Ulloa et M. Val- mont de Bomare disent qu’elle se trouve aussi en Amérique ; mais nous n’en avons reçu aucun échantillon par n0s bb air dans. “A TRIPOLÉ Lr tripoli est une terre brûlée par le feu des volcans, et cette terre est une argille très-fine, mêlée de particules de grès tout aussi fines; ce qui lui donne la propriété de mordre assez sur les métaux pour les polir. Cette terre est très-sèche , et se présente en masses plus ou moins compactes, mais tou- jours friables et s’égrenant aussi facilement que le grès le plus tendre. Sa couleur jaune ou rougeâtre , ou bruneet noirâtre, démontre qu'elle est teinte et peut-ètre mêlée de fer. Cette terre déja cuite par les feux souterrains, se recuit encore lorsqu'on lui fait subir l’ac- tion du feu; car elle y prend, comme toutes les autres argilles , plus de couleur et de dureté, s’émaillant de même à la surface, et se vitrifiant à un feu très-violent. Cette terre a tiré son nom de Tripoli en Barbarie, d’où elle nous étoit envoyée avant qu'on en eût découvert en Europe : mais il s'en est trouvé en Allemagne et en France. x HISTOIRÉ NATURELLE. n M. Gardeil nous a donné la description de la carrière de tripoli qui se trouve en Brc— tagne , à Poligny près de Rennes; mais cet observateur s’est trompé sur la nature de cette terre, qu’il a cru devoir attribuer à la décomposition des végétaux. D’autres obser- vateurs, et en particulier MM. Guettard, Fougeroux de Bondaroy et Faujas de Saint- Fond, ont relevé cette erreur, et ont démon- tré que les végétaux n’ont aucune part à la formation du tripoli. Ils ont observé avec -soin les carrières de tripoli à Menat en Au- versune. M. de Saint-Fond en a aussi reconnu des morceaux parmi les cailloux roulés par le Rhône, près de Montelimart, dont les plus gros sont des masses de basalte entrai- nées , comme les morceaux de tripoli, par le mouvement des eaux. Par cet exposé, et d’après Les faits observés par MM. Faujas de Saint-Fond et Fougeroux de Bondaroy , on ne peut guère douter que le tripoli ne doive son origine à la décom- position des pierres quartzeuses ou roches vitreuses , mêlées de fer , par l'action des ‘élémens humides qui les auront divisées, : sans Ôter à ces particules vitreuses leur entière durete. PIERRE PONCE. / NT. Daubenton à remarqué et reconnu le premier que les pierres ponces étoient com- posées de filets d’un verre presque parfait, et M. le chevalier de Dolomieu a fait de très-bonnes observations sur l’origine et la nature de cette production volcanique :ila observé dans ses voyages que l'ile de Lipari est l'immense magasin qui fournit les pierres ponces à toute l’Europe; que plusieurs mon- tagnes de cette île en sont entièrement com- posées. Il dit qu’on les trouve en morceaux isolés dans une poudre blanche , farineuse, et qui n’est elle-même qu'une ponce pulve- rulente. é La substance de ces pierres, sur-tout des plus léoères , est dans un état de fritte très- rapproché d’un verre parfait : leur tissu est fibreux, leur grain rude et sec ; elles pa- roissent luisantes et soyeuses, et elles sont beaucoup plus légères 1 les Javes poreuses ou cellulaires | ( X HISTOIRE NATURELLE. a” Cet illustre observateur distingue quatre espèces de ponces qui diffèrent entre elles par le grain plus ou moins serré, par la pesan- teur, par la contexture et par la disposition des pores. «Les pierres ponces, dit-il, paroissent «avoir coulé à la manière des laves, avoir «a formé, comme elles, de grands courans «que l’on retrouve, à différentes profon- « deurs, les uns au-dessus des autres, autour « du groupe des montagnes du centre de Li- wpari..... -. Les pierres ponces pesantes : « occupent la partie inférieure des courans «ou massifs, les pierres légères sont au- « dessus; et il en est de même des laves, dont « les plus poreuses et les plus légères occu— « pent toujours la partie supérieure. » Il observe que les îles de Lipari et de Vul- cano sont.les seuls volcans de l’Europe qui produisent en graude quantité des pierres ponces ; que l’'Etna n’en donne point, et le Vésuve très-peu ; qu’on n’en trouve pas dans les volcans éteints de la Sicile, de l'Italie, de la France, de l'Espagne et du Portugal : cependant M. Faujas de Saint-Fond en a re- éonnu de bien caractérisées en Auvergne, sur 2 NEO M AS FOUR, PNEUS ANA" NE PA | [LUE ON AND IOS AP AE (Fe f Aus 4 $ x4 HISTOIRE NATURELLE la montagne de Polognac, à trois lieues de Clermont, route de Rochefort, s | En examinant avec soin les différentes sortes de pierres ponces, M. le chevalier de Dolomieu a observé que les plus pesantes avoient le grain , les écailles luisantes , et l'apparence fissile du schiste micacé blan— châtre..... Il a trouvé dans quelques unes des restes de granit qui en présentoient en— core les trois parties constituantes, le quartz, le feld-spath et le mica. On sait d’ailleurs que le granit se fond en une espèce d’émail blanc et boursouflé. « J'ai vu, dit-il, ces « granits acquérir par degrés le tissu lâche «et fibreux et la consistance de la ponce: « je ne puis donc douter que la roche feuille- « tée graniteuse et micacée, et le granit lui- «même, ne soient les matières premières, « à l’altération desquelles on doit attribuer «la formation des pierres poncés ». Et il ajoute, avec raison , que la rareté des pierres ponces vient de ce qu’il y a très-peu de vol- cans qui soient situés dans les granits; qu'ils se trouvent presque toujours dans lesschistes et les ardoises, matières qui, travaillées par le feu et beaucoup moins dénaturées qu’on ee ; We DES MINÉRAUX. 25 * ne le suppose, servent de base aux laves fer- rugineuses noires et rouges que l'on ren- contre dans tous les volcans. M. de Dolomieu observe, 1°. que, pour qu'il y ait production de pierres ponces, il faut que le granit soit d'une nature très-fusible , c’est-à-dire, mêlé de beaucoup de feld-spath, et que le feu du volcan soit plus vif et plus actif qu'il ne l’est communément. On reconnoit, dit-il, que la fusion a toujours commencé par le feld- spath, et que le premier effet du feu sur le quartz a été de le sercer et de le rendre pres- que pulvérulent ; 2°. que cette production peut s’opérer dans les roches granitiques , qui renferment entre leurs bandes des roches feuilletées micacées noires et blanches, et des granits fissiles ou gzeis, dont la base est un feld-spath très-fusible, tel qu’il l’a observé dans les granits qui sont en face de Lipari, et qui s'étendent jusqu'à Melazzo. Au reste, Les pierres ponces les plus légères et de la meilleure qualité sont si abondantes à l’île de Lipari, que plusieurs navires vien nent chaque année en faire leur approvision- nement pour les transporter dans différentes parties de l'Eurcpe. ANSE ae DGA Lac cl: MA 16 HISTOIRE NATURELLE M. Faujas de Saint-Fond ayant examiné les différentes sortes de pierres ponces qui lui ont été données par M. le chevalier de Dolo-_ mieu, fait mention de plusieurs variétés de ces pierres, dont les unes sont compactes e£ | granitoïdes , et indiquent le premier passage du granit à la pierre ponce; d’autres qui, quoique compactes, sont composées de filets vitreux, et tiennent plus de la nature de la pierre ponce que du granit ; d’autres légères | blanches et poreuses, avec des stries soyeuses, et ce sont les pierres ponces parfaites qui se soutiennent et nagent sur l’eau ; leur grain est sec, fin et rude, et elles servent, dans les arts, à dégrossir, et même à polir plusieurs ouvrages. Tous les filets vitreux de ces pierres sont très-fragiles, et n’ont aucune forme ré-— gulière; il y eu a de cylindriques, de com- primés, de tortueux, de gros à la base, et capillaires à l'extrémité. On trouve assez sou- vent dans ces pierres des vides occasionnés par des soufflures ; et c’est dans ces cavités que l’on voit des filets déliés et: si fins qu’ils ressemblent à de la soie. D’autres enfin sont très-lésères , farineuses et friables ; celles-ci sont si tendres et ont si peu de consistance, DES MINÉRAUX. 17 qu'elles ne sont d'aucun usage dans les arts : cette sorte de ponce a été surcalcinée, et s’est réduite en poudre. On a donné mal-à-propos à cette poudre le nom de cendres, dont elle n’a que la couleur et les apparences extérieures. On la trouve en très-sgrande abondance à l’île de Lipari, à celle de Vulcano, et dans diffé- rens autres lieux. | M. Faujas de Saint-Fond présume , avec fondement, que, toutes les fois que le granit contiendra du feld-spath en grande quantité, l'action du feu pourra le convertir en pierre ponce, et qu'il en sera de même de toutes les pierres et terres où la matière quarizeuse se trouvera mêlée de feld-spath en assez grande quantité pour la rendre très-fusible. On: peut même croire que le basalte remanié par le feu formera de la pierre ponce noire ou noirâtre, et que les grès et schistes mêlés de matières calcaires qui les rendent fusibles, pourront aussi se convertir eu pierres ponces de diverses couleurs. _Prnsonxe n’a fait autant de recherches “ que M. Faujas de Saint-Fond sur les pouzzo- lanes. On ne connoissoit avant lui, ou du moins on ne faisoit: usage que de celles d'Ita- lie, et il a trouvé dans les anciens volcans du Vivarais des pouzzolanes de la même na- ture, et qui ont à peu près les mêmes qua- lités que celles de l'Italie : on doit même présumer qu'on en trouvera de semblables aux environs de la plupart des volcans agis- sans ou éteints; car ce n’est pas Seulement à à Pouzzoles, d'où lui vient son nom, qu'il y a de la pouzzolane, puisqu'il s’en trouve dans presque tous les terrains volcanises de Sicile, de Naples, et de la campagne de Rome. Ce produit des feux souterrains peut se trouver dans toutes les régions où les volcans agissent ou ontagi;caron connoît assez anciemnement les pouzzolanes de l'Amérique méridionale: celles de la Guadeloupe et de la Martiniqueont été reconnues en 1696. Mais c’est à M. Ozi, de HISTOIRE NATURELLE. :9 Clermont-Ferrand, et ensuite à MM. Guet- tard, Desmarets et Pasumot, qu’on doit la connoissance de celles qui se trouvent en Auvergne; et enfin à M. Faujas de Saint-Fond la découverte et l’usage de celles du Vélay et du Vivarais, découverte d'autant plus inte- ressante, que ces pouzzolanes du Vivarais pouvant être conduites par le Rhône jusqu'à la mer, pourront, sinon remplacer, du moins suppléer à celles que l’on tire d'Italie, pour toutes les constructions maritimes et autres qu'on veut défendre contre l’action des élé- mens humides. Les pouzzolanes ne sont cependant pas absolument les mêmes dans tous les lieux; elles varient ; tant pour la qualité que par la couleur : 1l s’en trouve de la rouge et de la grise en Vivarais, et celle-ci fait un mor- tier plus dur et plus durable que celui de la première. Toutes les pouzzolanes proviennent égale- ment de la première décomposition des laves et basaltes, qui, comme nous l’avons dit, se réduisent ultérieurement en terre argilleuse, ainsi que toutes les autres matières vitreuses, par la longue impression des élémens hu AL 0 NO ORDRE NS none t qu so HISTOIRE Are e mides ; mais , avant d'arriver à ce dernier degré de décomposition , les basaltes et les laves , qui toujours contiennent une assez grande quantité de fer pour être très-atti- rables à l’aimant, se brisent em poudre vi- treuse mêlée de particules ferrugineuses , et la pouzzolane n’est autre chose que cette poudre : elle est d’autant meilleure pour faire des cimens que le fer y est en plus grande quantité, et que les parties vitreuses sont plus éloignées de l’état arsilleux. | Ainsi la pouzzolane n’est qu’une espèce de verre ferrugineux réduit en poudre. IL est très-possible de composer une matière de même nature, en broyant et pulvérisant les crasses qui s’écoulent du foyer des affine- ries où l’on traite le fer. J’ai souvent employé ce ciment ferrugineux avec succès, etje:le crois équivalent à la meilleure pouzzolane: mais il est vrai qu’il seroit difficile de s'en procurer une quantité suffisante pour faire de grandes constructions. Les Hollandois . “composent une sorte de pouzzolane qu’ils nomment /7as, en broyant des laves de vol- can sous les pilons d’un bocard : la poudre. qui en provient est tamisée au moyen d'u { V4 ©! DES MINÉRAUX. 2e crible qui est mis en mouvement par l’élé- vation des pilons, et le fras tombe dans de grandes caisses pratiquées au-dessous de l’en- tablement des pilons ; ils s’en servent avec succès dans leurs constructions maritimes. GÉNÉSIE. DES MINÉRAUX. à; E crois devoir donner en récapitulation l'ordre successif de la génésie ou filiation des matières minérales ,afin de retracer en abrégé la marche de la Nature, et d’expli- quer les rapports généraux dont j'ai présenté le tableau et l’arrangement méthodique, que j'ai publié dans le volume précédent * , et d’après lequel on pourra dorénavant classer tous les produits de la Nature en ce genre, en les rapportant à leur véritable origine. Le globe terrestre ayant été liquéfié par le feu , les matières fixes de cette masse im— mense se sont toutes fondues et vitrifées, tandis que les substances volatiles se sont élevées en vapeurs autour de ce globe, à plus ou moins de hauteur , suivant le degré * Voyez le tome XIV de cette Hisicire, page 247 gt suiv, | | d = En j i HISTOIRE NATURELLE. 23 de leur pesanteur et de leur volatilité. Ces premières matières fixes qui ont su bi la vitri- fication, noussont représentées par les verres que j'ai nommés primitifs, parce que loutes les autres matières vitreuses sont réellement composées du mélange ou des détrimens de ces mêmes verres. Le quartz est le premier et le plus simole de ces verres denature; le jaspeest le second, et ne diffère du quartz qu’en ce qu'il est fortement imprégné de vapeurs métalliques qui l’ont rendu entièrement opaque , tandis que le quartzest à demi transparent: ils sont tous deux très-réfractaires au feu. Le troi- sième verre primitif est le feld-spath, et le quatrième est le schorl, qui tous deux sont fusibles. Enfin le cinquième est le mica, qui tient le milieu entre les deux verres réfrac- taires et les deux verres fusibles. Le mica provient de l’exfoliation des unsét des autres; il participe de leurs différentes qualités. On pourroit donc, en rigueur, réduire les cinq verres primitifs à trois, c’est-à-dire, au quartz, au feld-spath et au schorl, puisque le jaspe n’est qu'un quartz imprégné de vapeurs mé: talliques , et que les micas ne sont que des as t À - 24 HISTOIRE NATURELLE paillettes et des exfoliations des autres verres: mais nous n'avons pas jugé cette réduction nécessaire , parce qu'elle n’a rapport qu’à la première formation de ces verres, dont nous ignorons les différences primitives, c’est-à- dire, les causes qui les ont rendus plus ou moins fusibles ou réfractaires : cette diffé- rence nous indique seulement que la subs- tance du quartz et du jaspe est plus simple que celle du feld-spath et du schorl , parce que nous savons par expérience que les ma- tières les plus simples sont les plus difficiles à vitrifier, et qu’au contraire celles qui sont composées sont assez aisément fusibles. Les premiers mélanges de ces verres de nature se sont faits après la fusion et dans le temps de l’incandescence, par la continuité de l’action du feu; et les matières qui ont résulté de ces mélanges, nous sont repré sentées par les roches vitreuses de deux ou plusieurs substances , telles que les por- phyres, ophites et granits, à la formation desquelles l’eau n’a point eu de part. La chaleur excessive du globe vitriñiéayant diminué peu à peu par la-déperdition qui s’en est faite, jusqu'au temps où sa surface DES MINÉRAUX. 45 s’est trouvée assez attiédie pour recevoir les eaux et les autres substances volatiles, sans les rejeter en vapeurs, alors les matières métalliques, sublimées par la violence du _feu , et toutes les autres substances volatiles, ainsi que les eaux reléguées dans l’atmo- sphère, sont tombées successivement, et se sont établies à jamais sur la surface et dans les fentes ou cavités de ce globe. Le fer, qui de tous les métaux exige de plus grand degré de chaleur pour se fondre, s’est établi le premier, et s’est mêlé à la roche vitreuse, lorsqu'elle étoit encore en état de demi-fusion. Le cuivre , l'argent et l'or , auxquels un moindre degré de feu suffit pour se liquéfier, se sont établis ensuite sous leur forme métallique dans les fentes du quartz et des autres matières vitreuses déja consolidées ; l’étain et le plomb, ainsi que les demi-metaux et autres matières métal- liques , ne pouvant supporter un feu violent sans se calciner, ont pris par-tout la forme de chaux , et se sont ensuite convertis, par l’intermède de l’eau , en minérais pyriteux. A mesure que le globe s’attiédissoit, le chaos se débrouilloit, l'atmosphère s’épuroit; 3. 26 HISTOIRE NATUREBLE et après la chûte entière des matières subli- mées , métalliques ou terreuses, et des eaux jusqu'alors réduites en vapeurs, l’air est de- meuré pur, sous la forme d’un élément dis- tinctet séparé de la terre et de l’eau par sa légéreté. L'air a retenu ne ce temps et retient encore une certaine quantité de feu qui nous est représentée par cette matière à laquelle on donne aujourd'hui le nom d’air inflam- mable , et qui n’est que du feu fixé dans la substance de l'air. Cet air imprégné de feu, se mêlant avec l'eau , a formé l'acide aérien , dont l’action s’exerçant sur les matières vitreuses , a pro duit l’acide vitriolique, et ensuite les acides marin et nitreux , après la naissance des coquillages et des autres corps organisés ma- rins ou terrestres. Les eaux, élevées d’abord à plus de quinze cents toises au-dessus du niveau de nos mers actuelles:, couvroient le globe entier, à l'exception des plus hautes montagnes. Les à premiers végétaux et animaux terrestres ont | habité ces hauteurs , tandis que les coquil- lages, les madrépores, et les végétaux marins, se formoient au sein des eaux. LE] DES MINÉRAUX. 27 La multiplication des uns et des autres étoit aussi prompte que nombreuse, sur une terre et dans des eaux dont la grande chaleur smettoit en activité tous les principes de la Fécondation. | Il s’est produit dans ce temps des myriades de coquiilages qui ont absorbé dans leur substance coquilleuse une immense quantité d'eau, et dont les détrimens ont ensuite formé nos montagnes calcaires ; tandis qu’en même temps les arbres et autres végétaux qui couvroient les terres élevées, produi- soient la terre végétale par leur décompo- sition , et étoient ensuite entraînés avec les pyrites et autres matières combustibles ; par le mouvement des eaux, dans les cavités du globe, où elles servent d’aliment aux feux souterrains. Lui | À mesure que les eaux s’abaissoient , tant par l'absorption des substances coquilleuses que par l’affaissement des cavernes et des boursouflures des premières couches du globe, les végétaux s’étendoient par de grandes ac- crues sur toutes les terres que les eaux lais- soient à découvert par leur retraite ; et leurs débris accumulés combloient les premiers :8 HISTOIRE NATURELLE _ magasins des matières combustibles, ou en formoient de nouveaux dans les profondeurs &u globe , qui ne seront épuisés que quand le feu des volcans en aura consommé toutes les matières susceptibles de combustion. Les eaux, en tombant de l’atinosphère sur la surface du globe en incandescence, furent d’abord rejetées en vapeurs, et ne purent s’y établir que lorsqu'il fut attiédi ; elles firent dès ces premiers temps de fortes impressions sur les matières vitriliées qui composoient la masse entière du globe; elles produisirent des fentes et félures dans le quartz ; elles le divisèrent, ainsi que les autres matières vitreuses , en fragmens plus ou moins gros, en pailletles et en poudre, qui par leur agré- gation forméèrent ensuite Les grès, les talcs, les serpentines et autres matières dans les- quelles on reconnoît encore la substance des verres primitifs plus ou moins altérée. Ensuite, par une action plus longue , les élémens humides ont converti toutes ces _ poudres vitreuses en argilles et en glaises, qui ne différent des grès et des premiers débris des verres primitifs que par l’atténua- tion de ets parties constituantes, devenues 6 \ DES MINÉRAUX. 29 plus molles et plus ductiles par l’action cons tante de l’eau, qui a, pour ainsi dire, pourri ces poudres vitreuses, et les a réduites en terre. | * Enfin ces argilles formées par l’intermède et par la longue et constante impression des élémens humides, se sont ensuite peu à peu desséchées , et ayant pris plus de solidité par leur desséchement, elles ont perdu leur première forme d’argille avec leur mollesse, et elles ont formé les schistes et les ardoises, qui, quoique de même essence, diffèrent néanmoins des argilles par leur dureté, leur sécheresse et leur solidité. Ce sont-là les premiers et grands produits des détrimens et de la décomposition : par l'eau de toutes les matières vitreuses for- mées par le feu primitif; et ces grands pro- ‘duits ont précédé tousles produits secondaires qui sont de la même essence vitreuse, mais qu’on ne doit regarder quecomme des extraits ou stalactites de ces matières primordiales. L'eau a de même agi, et peut-être avec plus d'avantage, sur les substances calcaires, qui toutes proviennent du détriment et des - dépouilles des animaux à coauilles: elle est 5 … ji ane) V4 Pr PRE PEN TNA A ST NN EN Sa 32 HISTOIRE NATURELLE d'abord entrée en grande quantité dans la substance coquilleuse; comme on peut le démontrer par la grande quantité d’eau que _ lontire de cette substance coquilleuse et de toute matière calcaire, en leur faisant subir l’action du feu. L’eau , après avoir passé par le filtre des animaux à coquilles, et contribué à la formation de leur enveloppe pierreuse ,enest devenue partie constituante, : et s’est incorporée avec cette matière coquil- leuse au point d'y résider à jamais. Toute matière coquilleuse ou calcaire est réelle- ment composée de plus d’un quart d’eau , sans y comprendre l'air fixe qui s’est incar- céré dans leur substance en même nes que l’eau. Les eaux rassemblées dans les vastes bas- sins qui leur servoient de réceptacle , et cou- vrant dans les premiers temps toutes les parties du globe , à l'exception des montagnes élevées , ont dès lors éprouve le mouvement du flux et du retlux, et tous les autres mou- vemens qui les agitoient par les vents.et les orages ; et dès lors elles ont transporte, brisé et accumulé les dépouilles et débris des coquillages et de toutes les productions DES MINÉRAUX. 3t pierreuses des animaux marins, dont les enveloppes sont de la même nature que la substance des coquilles ; elles ont déposé tous ces détrimens plus ou moins brisés et réduits en poudre sur les argilles , les glaises et les schistes, par lits horizontaux, ou inclinés comme l’étoit le sol sur lequel ils tomboient en forme de sédiment. Ce sont ces mêmes sédimens des coquilles et autres substances de même nature réduites en poudre et en débris , qui ont formé les craies, les pierres calcaires , les marbres , et même les plâtres, lesquels ne diffèrent des autres matières cal- caires qu’en ce qu’ils ont été fortement im- prégnés de l'acide vitriolique contenu dans les argilles et les olaises. 1 Toutes ces grandes masses de matières cal- caires et argilleuses une fois établies et soli- difiées par le desséchement , après l’abaisse— ment ou la retraite des eaux , se sont trouvées exposées à l’action de l’air et à toutes les im- pressions de l’atmosphère et de l’acide aérien qu'il contient: ce premier acide a exercé son action sur toutes les substances vitreuses, cal- caires, métaliiques et limoneuses. Les eaux pluviales ont d’abord pénétré la 32 HISTOIRE NATURELLE _ surface des terrains découverts 1j elles omt coulé par les fentes perpendiculaires ou in- clinées , au bas desquelles les lits d’argille les ont reçues et retenues pour les laisser. ensuite paroître en forme de sources , de fon- taines , qui toutès doivent leur origine et leur entretien aux vapeurs aqueuses trans- portées par les vents de la surface des mers sur celle des continens terrestres. Ces eaux pluviales , et même leurs vapeurs humides, agissant sur la surface ou péné- trant la substance des matières vitreuses et calcaires , en ont détaché des particules pier- _reuses, dont elles se sont chargées et qui ont formé de nouveaux corps pierreux. Ces mo- lécules détachées par l'eau se sont réunies , et leur agrégation a produit des stalactites transparentes et opaques , selon que ces mêmes particules pierreuses éloient réduites à une plus ou moins grande ténuité, et qu'elles ont pu se rassembler de plus près par leur homogénéité. C’est ainsi que le quartz, pénétré et dissous par l’eau , a produit, par exsudation , les crystaux de roche blancs et les crystaux co- lorés , tels que les améthystes , crystaux DES MINÉRAU X. 33 topazes, chrysolites et aigues-marines, lors- qu'il s est trouvé des matières métalliques, et particulièrement du fer, dans le voisinage ou dans la route de l’eau chargée de ces mo- lécules quartzeuses. | C’est ainsi que le feld-spath seul, ou le feld-spath mêlé de quartz , a produit tous les crystaux chatoyans , tels que le saphir d’eau , la pierre de Labrador ou de Russie, les yeux de chat, l'œil de poisson, l’œil de loup , l’aventurine et l’opale, qui nous dé- montrent , par leur chatoiement et par leur fusibilite, qu'ils tirent leur origine et une partie de leur essence du feld-spath BA ou mélangé de quartz. C'est par les mêmes opérations de nature que le schorlseul , ou le schorl mêlé de quartz, a produit les émeraudes, les topazes-rubis- saphirs du Bresil, la topaze de Saxe , le bé- ryl, les péridots, les grenats, les hyacinthes et la tourmaline, qui uous démontrent, par leur pesanteur spécifique et par leur fusibi- jité, qu'ils ne tirent pas leur origine du quartz ni du feld-spath seuls, mais du schorl, ou du schorl méle de l’un ou de l’autre. Toutes ces stalactites vitreuses | formées 4 HISTOIRE NATURELLE ÿ par l’agrégation des particules. ‘homogènes de ces trois verres primitifs, sont transparentes ; leur substance est entièrement vitreuse, et néanmoins elle est disposée par couches al- ternatives de différente. densité, qui nous sont démontrées par là double réfraction que souffre la lumière en traversant ces pierres. Seulement il est à remarquer que dans toutes, comme dans le crystal de roche , il y a un sens où la lumière ne se partage pas, au lieu que dans les spaths et crystaux calcaires, tels _que celui d'Islande, la lumière se partage, dans quelque sens que ces matières trans- parentes lui soient présentées. Le quartz, le feld-spath et le schorl , seuls ou mêlés ensemble , ont produit d’autres sta- lactites moins pures et à demi transparentes, : toutes les fois que leurs particules ont été moins dissoutes , moins atténuées par l'eau, et qu’elles n’ônt pu se crystalliser par défaut d'homogénéité ou de ténuité. Ces stalactites _demi-transparentes sont les agates , corna- lines , sardoines , prases et onyx, qui toutes participent beaucoup plus de l'essence du quartz que de celle du feld-spath et du séhorl ; il y en a même plusieurs d’entre elles qu'on DES MINÉRAUX. 35 ne doit rapporter qu’à la décomposition du quartz seul , le feld-spath n’étant point entré dans celles qui n’ont aucun chatoiement , ef le schorl ne s'étant mêlé que dans celles dont la pesanteur spécifique est considérablement plus grande que celle du quartz ou du feld- spath. D'ailleurs celles de ces pierres qui sont très-réfractaires au feu, sont purement quart- zeuses ; car elles seroient fusibles si le feld= spath ou le schorl étoient entrés dans la com- position de leur substance. Le jaspe primitif, étant opaque par sa na- ture, n’a produit que des stalactites opaques qui nous sont représentées par tous les jaspes de seconde formation : les uns et les autres n'étant que des quartz ou des extraits du quartz imprégnés de vapeurs métalliques, sont également réfractaires au feu ; et d’ail- leurs leur pesanteur spécifique, qui n’est pas fort différente de celie des quartz, démontre qu'ils ne contiennent point deschorl, etleur poli sans chatoiement démontre aussi qu'il n’est point entré de feld-spath dans leur composition. | Enfin le mica, qui n’a été produit que par les poudres et les exfoliations des quatre A à “(REr [Cu CR 36 HISTOIRE NATURELLE : autres verres primitifs, à communément une transparence ou demi-transparence ,se- lon qu’il est plus ou moins atténué. Ce der- nier verre de nature a formé, de même que les premiers , par l’intermède de l’eau, des etalactites demi-transparentes , telles que les talcs, la craie de Briançon , les amiantes, et d’autres stalactites ou concrétions opaques, telles que les jades , sérpentines, pierres ollaires , pierres de lard, et qui toutes nous démontrent, par leur poli onctueux au tou- cher, par leur transparence graisseuse, aussi- bien que par l’endurcissement qu’elles pren- nent au feu, et leur résistance à s’y fondre, qu’elles ne tirent leur origine immédiate, ni du quartz, ni du feld-spath, ni du schorl , et qu'elles ne sont que des produits ou stalac- tites du mica plus où moins attenué par l'impression des élémens humides. Lorsque l’eau , chargée des molécules de ces verres primitifs , s’est trouvée en même temps impregnée ou plutôt mélangée de par- ties terreuses ou ferrugineuses, elle a de même formé, par stillation, les cailloux opaques, qui ne diffèrent des autres produits guarizeux que par leur entière opacité ; et … DES MINÉRAUX. 37 Jorsque ces cailloux ont été saisis ef réunis par un ciment pierreux , leur agrégation a formé des pierres auxquelles on a donné le nom de poudingues, qui sont les produits ultérieurs et les moins purs de toutes les matières vitreuses ; car le ciment qui lie les cailloux dont ils sont composés, est souvent impur et toujours moins dur que la subs- _ tance des cailloux. Les verres primitifs ont formé, dès les premiers temps, et par la seule action du feu , les porphyres et les granits; ce sont les premiers détrimens et les exfoliations en pe- tites lames et en grains plus ou moins gros du quartz, du jaspe,sdu feld-spath, du schorl et du mica. L'eau ne paroît avoir eu. aucune part à leur formation , et les masses immenses de granit qui se trouvent par mon- tagnes dans presque toutes les régions du globe, nous démontrent que l'agrégation de ces particules vitreuses s’est faite par le feu primitif ; elles nageoient à la surface du globe liquéfié en forme de scories , elles se sont dès lors réunies par la seule force de leur affinité. Le jaspe n’est entré que dans la composition des porphyres ; les quatre autres Mar, gén, XVI. | 4 Ex” % s D Rp a 38 HISTOIRE NATURELLE . verres primitifs sont entrés dans la coMpPosi= tion des granits. Les matières provenant de la décomposi= tion de ces verres primitifs et de leurs agré- gats par l'action etFintermède de l’eau , telles “que les grès , les argilles et les schistes, ont produit d’autres stalactites opaques, mèêlées de parties vitreuses et argilleuses , telles que les cos , les pierres à rasoir, qui ne diffèrent des cailloux qu’en ce que leurs parties cons- tituantes étoient pour la plupart converties en argille lorsqu'elles se sont réunies; mais le fond de leur essence est le même, et ces pierres tirent également leur origine de la décomposition des verres primitifs par l’in- termède de l’eau. La matière calcaire n’a été formée que postérieurement à la matière vitreuse; l’eau a eu la plus grande part à sa composition, et fait même partie de sa substance , qui, lorsqu'elle est réduite à l’homogénéité, de- vient transparente : aussi cette matière cal- caire produit des stalactites transparentes , telles que le crystal d'Islande et tous les spaths et gypses blancs ou colorés; et quand elle n’a été divisée par l’eau qu’en particules LUE 7 | DES MINÉRAUX.: 39 ” plus grossières, elle a forme les srandes masses des albâtres, des marbres de seconde forma- tion et.des plâtres , qui ne sont que des agré- gats opaques, des débris et détrimens des substances coquilleuses ou des premières pierres calcaires, dont les particules ou les grains, transportés par les eaux , se sont réunis et ont formé les plus anciens bancs des marbres et autres pierres calcaires. Et lorsque ce suc calcaire ou gypseux s’est mêlé avec le suc vitreux, leur mélange a produit des concrétions qui participent de la nature des deux, telles que les marnes, les grès impurs, qui se présentent en grandes imasses, et aussi les masses plus petites des Japis lazuli, des zéolites, des pierres à fusil, des pierres meulières, et de toutes Les autres dans lesquelles on peut reconnoître la mix- tion de la substance calcaire à la matière vi- treuse. Ces pierres mélangées de matières vitreuses et de substances calcaires sont en très-grand nombre, et on les distingue des pierres pure- ment vitreuses ou calcaires en leur faisant subir l’action des acides. Ils ne font d’abord aucune elervescence avec ces imalières, ek ee ee Ne 7 ur D" y Mi à Li Pi 40 HISTOIRE NATURELLE cependant elles se convertissent à la OPEN en une sorte de gelée. La terre végétale, limoneuse et bolaire , dont la substance est principalement compo- _ sée des détrimens des végétaux et des ani-. maux, et qui a retenu une portion du feu contenu dans tous les êtres organisés, a pro- duit des corps ignés et des stalactites phos- phorescentes , opaques et transparentes ; et c’est moins par l’intermède de l’eau que par l’action du feu contenu dans cette terre, qu'ont été produites les pyrites et autres sta- lactites ignées , qui se sont toutes formées séparément par la seule puissance du feu contenu dans le résidu des corps organisés. Ce feu s’est formé des sphères particulières, dans lesquelles la terre , l’air et l’eau ne soht entrés qu'en petite quantité; et ce même feu s'étant fixé avec les acides, a produit les py- rites , et avec les alcalis il a formé les dia-— mans et les pierres précieuses , qui toutes contiennent plus de feu que de tte autre matière. Et comme cette terre végétale et limoneuse est toujours mêlée de parties de fer, les py- riles en contiennent une grande quantité, à 1 ni 4 ( l « DES MINÉRAU X. 4t ‘ Æandis que les spaths pesans , quoique formés par cette même terre, et quoique très-denses , n’en contiennent point du tout. Ces spaths pesans sont tous phosphorescens , ét 1ls ont plusieurs autres rapports avec les pyrites et les pierres précieuses ; ils sont même plus pesans que Le rubis , qui ; de toutes ces pierres, est le plus dense. Ils conservent aussi plus long-temps la lumière , et pourroient bien être la matrice de ces brillans produits de la Nature. Ces spaths pesans sont Hombsenes dans toute leur substance; car ceux qui sont trans” parens, et ceux qu'on réduit à une petite épaisseur, ne donnent qu’une simple réfrac- tion , comme le diamant et les autres pierres précieuses , dont la substance est épalement homogène dans toutes ses parties. Les pyrites , formées en assez peu de temps, rendent aisément le feu qu’elles contiennent ; l'humidité seule suffit pour le faire exhaler : mais le diamant et les pierres précieuses, dont la dureté et la texture nous indiquent que leur formation exige un très-srand temps, conservent à jamais le feu qu’elles con-. tiennent , ou ne le rendent que par la com— bustion, 42 HISTOIRE NATURELLE Les principes salins, qu'on peut réduire à trois, savoir, l’acide, l’alcali et l'arsenic, produisent, par leur mélange avec les ma- tières terreuses ou métalliques, des concré- tions opaques ou transparentes, et forment toutes les substances salines et toutes les mi- néralisations métalliques. Les métaux et leurs minérais de première Formation, en subissant l’action de l'acide aérien. et des sels de la terre, produisent les mines secondaires, dont la plupart se pré- sentent en concrétions opaques, et quelques unes eu,stalactites transparentes. Le feu agit sur Les métaux comimé l’eau sur les sels à imais les crystaux métalliques produits par le moyen -du feu sont opaques , au lieu que les crystaux salins spnt diaphanes ou demi- transparens. Enfin toutes les matières vitreuses, cal- caires, sypseuses, limoneuses , animales ou. végelales, salines et métalliques, en subis sant la violente action du feu dans les vol- çans, prennent de nouvelles formes : les unes se subliment en soufre,et:en sel ammo- niac ; les autres s'exhalent en vapeurs et en cendres ; Les plus fixes forment les basaltes AR A ME CORRE EE ET RE EU , Au CA ARTS vi 4 NN à de, " LE "DES MINÉRAUX. 4 et les laves, dont les détrimens produisent les tripolis, les pouzzolanes ; et se changent en argille, comme toutes les autres matières vitreuses produites par le feu primitif. Cette récapitulation présènte en raccourci la génésie ou filiation des minéraux, c'est-à- dire , la marche de Ia Nature dans l’ordre successif dé ses productions dans le rèone minéral. Il sera donc facile de s’en représen- ter l’ensemble etdes détails, et de les arran= ser dorénavant d’une manière moins arbi- traire et moins confuse qu’on ne l’a fait jus- qu'à présent. 7 TRAITÉ DE L'AIMANT ET DE SES USAGES. ARTICLE PREMIER © Des forces de la Nature en général, et er particulier de l'électricité et du magnétisme, s IF n’y a dans la Nature qu’une seule force primitive; c'est l’atiraction réciproque entre toutes les parties de la matière. Cette force est une puissance émanée de la puissance _ divine , et seule elle a sufñ pour produire le mouvement et toutes les autres forces qui aninent l'univers ; car, comme son action f ‘HISTOIRE NATURELLE. 45 peut s'exercer en deux sens opposés, en vertu du ressort qui appartient à toute matière , et dont cette même puissance d’attraction est la cause, elle repousse autant qu’elle attire *. On doit donc admettre deux effets généraux, c’est-à-dire , l’attraction, et l'impulsion, qui n'est que la répulsion : la première, ésale- ment répartie et toujours subsistante dans la matière; et la seconde, variable, occasion- nelle, et dépendante de la première. Autant l'attraction maintient la cohérence et la du- reté des corps, autant l'impulsion tend à les désunir et à les séparer. Ainsi, toutes les fois’ que les corps ne sont pas brisés par le choc, et qu'ils sont seulement comprimés, l’atirac- tion , qui fait le lien de la cohérence, rélta- blit les parties dans leur première situation, eu agissant en sens contraire, par répulsion', avec autant de force que l'impulsion avoit aot en sens direct : c’estici, comme en tout, une réaction égale à l’action. On ne peut donc “pas rapporter à l’impulsior les effets de l’at- traction universelle ; mais c’est au contraire * Voyez ce que nous avons dit à ce sujet dans la Seconde lue de la Nature, tome IV de l’H5s- foire naturelle des quadrupèdes, page 44 et suive 467 |: : AT A M RUR cette attraction générale qui produit, comme ji premiére cause, tous les phénomènes de l’im- pulsion. En effet, doit-on ; jamais perdre de vue les bornes de la faculté que nous avons de com muniquer avec la Nature ? doit-on se per- suader que ce qui ne tombe pas sous nos sens, puisse se rapporter à ce que nous voyons ou palpons ? L'on ne connoit Les forces qui animent l’univers que par le mouvement et par ses effets ; ce mot même de /orces ne. signifie rien de matériel, et n'indique rien de ce qui peut affecter nos organes, qui cet pendant sont nos seuls moyens de communi- cation avec la Nature. Ne devons-nous pas renoncer dès lors à vouloir mettre aunombre des substances matérielles ces forces géné- rales de l’attraction et de l'impulsion primi- tive, en les transformant, pour aider notre imagination, en matières subtiles, en fluides élastiques , en substances réellement exis- tantes, et qui, comme la lumière , la cha- leur , le son et les odeurs, devroient affecter nos organes ? Car ces rapports avec nous sont les seuls attributs de la matière que nous puissions saisir, les seuls que l’on doive re. D E L’AIMANT. 47 garder comme des agens mécaniques : et ces agens eux-mêmes, ainsi que leurs effets, ne dé- pendent-ils pas plus ou moins, et toujours, de “la force primitive, dont l’origine et l’essence nous seront à jamais inconnues, parce que cette force en effet n’est pas une substance, mais une puissance qui anime la matière ? _ Tout ce ‘que nous pouvons concevoir de cette puissance primitive d'attraction, et de l'impulsion ou répulsion qu’elle produit , c'est que la matière n’a jamais existé sans mouvement: car l'attraction étant essentielle à tout atome matériel, cette force a néces- sairement produit du mouvement, toutes les fois que les parties de la matière se sont trou- vées séparées ou éloignées les unes des autres : elles ont dès lors été forcées de se mouvoir et de parcourir l’espace intermédiaire pour s’ap- procher et se reuuir. Le mouvement est donc aussi ancien que la matière, et l'impulsion ou répulsion est contemporaine de l’attrac- tion ; mais , agissant en sens contraire, elle tend à éloigner tout ce que l'attraction a rap- proche. Le choc, et toute violente attrition entre les corps, produit du feu en divisant et 48 + LT A FES repoussant les parties de la matière *:etc est de l'impulsion primitive que cet élément a! tiré son origine ; élément lequel seul est actif et sert de base et de ministre à toute force impulsive, générale et particulière , dont les effets sont toujours opposés et con- traires à ceux de l'attraction universelle. Le feu se manifeste dans toutes les parties de l'univers, soit par la lumière, soit par la chaleur ; il brille dans le soleil et dans les astres fixes ; 1l tient encore en incandescence les grosses planètes ; il échauffe plus ou moins : les autres planètes et les comètes ; 1l à aussi pénétré, fondu, enflammeé la matière de . notre globe, lequel ayant subi l’action de ce feu primitif, est encore chaud; et quoique cette chaleur s’évaporeetse dissipesans cesse, elle est néanmoins très-active, et subsiste en grande quantité, puisque la temperature de l’intérieur de la terre, à une médiocre pro- fondeur , est de plus de dix degrés. C’est de ce feu intérieur ou de cette chaleur propre du globe que provient le feu particu- lier de l’électricité. Nous avons déja dit dans * Voyez tome IV de cette Histoire, page 112 et suive DEVULYNEMEANT, - "4 motre Zntroduction à l’histoire des minéraux, et tout nous le persuade , que l'électricité tire son origine de cette chaleur intérieure du globe. Les émanations continuelles de cette chaleur intérieure s'élèvent perpendi- culairement à chaque point de la surface de la terre : elles sont bien plus abondantes à l'équateur que dans toutes les autres parties du globe; assez nombreuses dans les zones tempérées, elles deviennent nulles ou pres- que nulles aux résions polaires, qui sont cou- vertes par la glace ou resserrées par la gelée. Le fluide électrique, ainsi que les émana— tions qui le produisent, ne peuvent donc jamais être en équilibre autour du globe ; ces émanations doivent nécessairement partir de l'équateur où elles abondent, et se porter vers les poles où elles manquent. Ces courans électriques qui partent de l’é- quateur et des régions adjacentes, se com-— priment et se resserrent en se dirigeant à chaque pole terrestre, à peu près comme les méridiens se rapprochent les uns des autres: dés lors la chaleur obscure qui émane de la terre et forme ces courans électriques , peut devenir lumineuse en se condensant dans un DA Ne à l k FA es Les base er ba Je at si à -6o TRAITÉ A LORS (OR moindre espace , de la même raide quela chaleur obscure de nos fourneaux devient lumineuse lorsqu'on la condense en la tenant enfermée !; et c’est là la vraie cause de ces feux qu'on regardoit autrefois comme des incendies célestes, et qui ne sont néanmoins que des effets électriques auxquels on a donné le nom d’awrores polaires. Elles sont plus fréquentes dans les saisons de l’automne et de l'hiver, parce que c’est le temps où les émanations de la chaleur de la terre sont le plus complétement supprimées dans leszones froides , tandis qu’elles sont toujours presque également abondantes dans la zone torride; elles doivent donc se porter alors avec plus de rapidité de l’équateur aux poles, et deve- nirlumineuses par leur accumulation et leur resserrement dans un plus petit espace*. 1 Voyez le tome V de cetie Histoire, page 267, Expériences sur les éffets de la chaleur obscure. 2 M. le comte de la Cepède a publié, dans le Journal de physique de 1778, un mémoire dans lequel il suit les mêmes vues , relatives à l’électri= cité, que nous avons données dans notre Zntroduction à l’histoire des minéraux, et rapporte l’origine des aurorcs boréales à l’accumulation du feu électrique | DE L’AIMANT. br Mais ce.n’est pas seulement dans l’atmo- sphère et à la surface du globe que ce fluide électrique produit de grands effets; il agit également , et même avec beaucoup plus de force , à l’intérieur du globe, et sur - tout dans les cavités qui se trouvent en grand nombre au-dessous des couches extérieures de la terre ; il fait jaillir, dans tous ces espaces vides , des foudres plus ou moins puissantes : et en recherchant les diverses manières dont peuvent se former ces foudres souterraines, nous trouverons que les quartz, les jaspes, es feld-spaths , les schorls, les granits et autres matières vitreuses, sont électrisables “par frottement, comme nos verres factices , dont on se sert pour produire la force élec- rique et pour isoler les corps auxquels on veut la communiquer. Ces substances vitreuses doivent donc iso- qui part de l’équateur, et va se ramasser au-dessus des contrées polaires. En 1779, on a lu, dans une des séances publiques de l'académie des sciences, un mémoire de M. Francklin, dans lequel ce savant physicien attribue aussi la formation des aurores _boréales au fluide électrique qui se porte et sc con dense au-dessus des glaces des deux poles. 2 TRAPTE Lu ler les amas d’eau qui peuvent se trouver dans ces cavités, ainsi que les débris des corps : organisés , les terres humides , les matières calcaires , et Les divers filons métalliques. Ces amas d’eau , ces matières métalliques, cal- caires , végétales et humides, sont au con- traire les plus puissans conducteurs du fluide électrique. Lors donc qu’elles sont isolées par les matières vitreuses , elles peuvent être chargées d'un excès plus ou moins considé- rable de ce fluide, de même qu'en sont char- gées les nuées environnées d un air sec qui les isole. | Des courans d’eau produits par des pluies plus ou moins abondantes ou d'autres causes locales et accidentelles, peuvent faire com-— muniquer des matières conductrices , isolées et chargées de fluide électrique, avec d’autres substances de même nature, également iso- lées, mais dans lesquelles ce fluide n'aura pas été accumulé : alors ce fluide de feu doit s’élancer du premier amas d'eau vers le se- coud, et dès Lors il produit la foudxe souter- raine dans l’espace qu’il parcourt; les matières combustibles s’allument ; les explosions se multiplient ; elles soulèvent et ébranlent DE L’AIMANT. 83 des portions de terre d’une grande étendue, et des blocs de rocher en très-vrande masse et en bancs continus. Les vents souterrains, produits par ces grandes agitations, soufilent et s’élancent dès lors avec violence contre des substances conductrices de l’électricite, isolées par des matières vitreuses : ils peuvent \ donc aussi électriser ces substances de la même manière que nous électrisons , par le moyen de l'air fortement agité, des conduc- teurs isolés, humides ou métalliques. La foudre allumée par ces diverses causes, et mettant le feu aux matières combustibles renfermées dans le sein de la terre, peut produire des volcans et d’autres incendies durables. Les matières enflammées dans leurs foyers doivent, en échauffant les schistes et les autres matières vitreuses de seconde formation qui les contiennent et les isolent, augmenter l’affinité de ces dernières subs- tances avec le feu électrique; elles doivent alors leur communiquer une partie de celui qu'elles possèdent , et par conséquent de- venir électrisées en moins. Et c’est par cette raison que lorsque ces matières fondues, et rejetées par les volcans, coulent à la surface 5 B4 PR RAC NN de la terre, ou qu'elles s'élèvent en colonnes ardentes au-dessus des cratères, elles attirent le fluide électrique des divers corps qu’elles rencontrent, et même des nuages suspen-— dus au-dessus ; car l’on voit alors jaillir de tous côtes des foudres aériennes quis'élancent vers les matières enflammées, vomies par les volcans ; et comme les eaux de la mer parviennent aussi dans les foyers des vol- cans,et;que la flamme est, comme l’eau, con- ductrice de l'électricité * , elles commu- * Il y a environ vingt ans que le nommé Aubert, faiencier à la Tour d’Aigues, étant occupé à cuire une fournée de faïence, vit, avec le plus grand étonnement, le feu s’éteindre dans l'instant même, et passer d’un feu de cerise à l’obscurité totale. Le four étoit allumé depuis plus de vingt beures, et la vitnfication de l'émail des pièces étoit déja avancée, 11 fit tous ses efforts pour rallumer le feu, et achever sa cuite; mais inutilement. Il fut obligé de l’aban- donner. Je fus tout de suite averti de cet accident; je me transportai à sa fabrique, où je vis ce four, effecti- vement obscur, conservant encore toute sa chaleur. Il y avoit eu ce jour-là, vers lés trois heures après midi, un orage, duquel partit le coup de tonnerre NS « DE L’'AIMANT. 55 niquent une grande quantité de fluide élec- trique aux matières euflamimees et électri- sées en moins; ce qui produit de nouvelles \ qui avoit produit l'effet dont je viens de parler, L'on avoit vu du dehors la foudre : le faïencier avoit entendu uu coup qui n'avoit rien d'exlraor- dinaire, sans appercevoir l’éclur n1 la moindre clarté. Rien n'étoit dérangé dans la chambre du four , n1 au toit. Le coup de tonnerre étoit entré par là gueule de loup, faite pour laisser échapper la fumée , ‘et placée perpendiculatrement sur le four , avec une ouverture de Fe de: dix pieds quarrés. . } Curieux/de voir -ce qui s 'étoit passé Nat l’inté rieur du four, j'assistai à son ouverture deux jours après. Il ny avoit rien de cassé, ni même de dé- rangé; mais l'émail appliqué sur toutes les pièces étoit entièrement. enfumé , et tacheté par-tout de points blancs et jaunes , sans doute dus aux parties métalliques, qui n’avoient point eu le temps d’en- irer en fusion. * | T1 ést à croire que la foudré avoit passé à portée du feu, qui lavoit attirée et absorbée, sans qu’elle eût eu le temps ni le pouvoir d’éclater. Mais, pour connoître la force de cet effet, il est nécessaire d’être instruit de la forme des fours ONE 56 DR SE ut ju à 4 foudres, et cause d’autres secousses et des explosions qui bouleversent et entr'ouvrent À 1 / la surface de la terre, | en usage dans nos provinces, lesquels font une masse de feu bien plus considérable que ceux des autres pays, parce qu’étant obligé d’y cuire avec les fagots ou branches de pins ou de chênes verds, qui donnent un feu extrêmement ardent, on est forcé d’écarter le foyer du dépôt de la marchandise. La:flamme parcourt dans ces fours plus dé six toises de longueur. Ils sont partagés en troïs ‘pièces : le corps du four, relevé sur le terrain’, y est construit entre deux voûtes; le dessous est à moitié enterré, pour mieux conserver la chaleur, et 1l est précédé d’une voûte qui s’étend jusqu’à la porte par laquelle J'on jette les fagots au nombre de trois ou quatre à la fois. On a l’attention de laisser brüler ces fagots sans en fournir de nouveaux, Jusqu'à ce que la flamme, après avoir circulé dans tout le corps et s'être élevée plus d’un pied au sommet du four, soit absolument tombée. * Le four dans lequel tomba le tonnerre, est de huit pieds de largeur en quarré , sur environ dix pieds de hauteur. Le dessous du four a les mêmes dimen- sions; mais il est élevé seulement de six pieds. On l'emploie à cuire des biscuits et le massicot, pour DEN DE L’AIMANT. Em De plus, les substances vitreuses qui forment les parois des cavités des volcans, et qui ont reçu une quantité de fluide élec- trique proportionnée à la chaleur qui les a pénétrées, s’en trouvent surchargées à me- sure quelles se refroidissent ; elles lancent de nouvelles foudres contre les matières enflammées, et produisent de nouvelles se- cousses qui se propagent à des distances plus ou moins grandes, suivant la disposition des matières conductrices. Et comme le fluide électrique peut parcourir en un instant l’es- pace le plus vaste, en ébranlant tout ce qui se trouve sur son passage , c’est à cette cause que l’on doit rapporter les commotions et les tremblemens de terre qui se font sentir , le blanc de la fournée suivante. Quant à la gorge du four, elle est aussi de six pieds de haut, mais de largeur inégale , puisque le four n’a pas quatre pieds de largeur à son ouverture. Il est donc aisé de con- clure que la force qui put, en un seul instant, anéantir une pareille masse ignée, dut être d’une puissance étonnante. (Extrait d’une lettre de M. de da Tour d'_Aigues, president à mortier au parle. ment de Provence, écrite à M. Daubenton, garde du Cabinet du roi, de l'académie des sciences.) 58 SC OUR AS NON js presque dans le même instant, à de très- grandes distances ; car si l’on veut juger de la force prodigieuse des foudres qui pro- duisent les tremblemens de terre les plus étendus, que l’on compare l’espace immense et d'un très-orand nombre de lieues , que les substances conductrices occupent quelquefois dans le sein de la terre, avec Les petites di- mensions des nuages qui lancent la foudre des airs, dont la force suit cependant pour renverser les édifices les plus solides. On a vu le tonnerre renverser des blocs de rocher de plus de vingt-cinq toises cubes. Les conducteurs souterrains peuvent être au moins cinquante mille fois plus volumineux que les nuages orageux : si leur force étoit en proportion, la foudre qu'ils produisent pourroit donc renverser plus de douze cents mille toises cubes; et comme la chaleur in- térieure de la terre est beaucoup plus grande que celle de l'atmosphère à la hauteur des nuages, la foudre de ces conducteurs élec- iriques doit être augmentée dans cette pro-— portion , et dès lors on peut dire que cette force est assez puissante pour bouleverser et même projeter plusieurs millions de toises cubes. DE L’AIMANT. D Maintenant si nous considerons le grand nombre de volcans actuellement agissans, et le nombre infiniment plus grand des an- cieus volcans éteints , nous reconnoitrons qu'ils forment de larses bandes dans plu- sieurs directions qui s'étendent autour du globe, et occupent des espaces d’une très- longue étendue, dans lesquels la terre a été bouleversée , et s’est souvent affaissée au— dessous ou élevée au-dessus de son niveau. C’est sur-tout dans les régions de la zone tor- ride que se sont faits les plus grands chan- gemens. On peut suivre la ruine des conti- nens terreStres et leur abaissement sous les eaux, en parcourant les îles de la mer du Sud. On peut voir , au contraire, l’élévation des terres par l'inspection des montagnes de J’Amérique méridionale ; dont quelques unes sont encore des volcans agissans. On retrouve les mêmes volcans dans les îles de la mer Atlantique, dans celles de Océan indien, et jusque dans les régions polaires, comme en Islande , en Europe , et à la terre de Feu à l'extrémité de l'Amérique. La zone tem- pérée offre de mème dans les deux. hémi- sphères une infinite d'indices de volcans ‘ 6o TRAITÉ éteints;et l'onne peut sb ces énormes explosions auxquelles l'électricité souter=+ raine a la plus grande part, n'aient très- anciennement bouleversé les terres à la sur- face du globe, à une assez grande profon- deur , dans une étendue de plusieurs cen— taines de lieues en différens sens. M. Faujas de Saint-Fond , l’un de nos plus savans naturalistes , a entrepris de dou- ner la carte de tous les terrains volcanisés qui se voient à la surface du globe, et dont on peut suivre le cours sous les eaux de la mer , par l'inspection des îles , des écueils et autres fonds volcanisés. Cet infatisable et bon observateur a parcouru tous les terrains qui offrent en Europe des indices du feu vol- canique ; etil a extrait des voyageurs les reuseignemens sur cet objet, dans toutes les parties du monde : il a bien voulu me fournir des notes, en grand nombre, sur tous les volcans de l’Europe qu’il a lui-même observés ; j'ai cru devoir en présenter ici l'extrait, qui ne pourra que confirmer tout ce que nous avous dit sur les causes et les effets de ces feux souterrains. En prenant le volcan brülant du mont # LA ve APN A , « “ 1 Pr Hal ,, Ac à + AA )] ) 7. DE L'TA TM A NT. 6r Hécla en Islande pour point de départ, on peut suivre, sans interruption, une assez large zone entièrement volcanisée , où l’ob— servateur ne perd jamais de vue, un seul instaut , les laves de toute espèce. Après avoir parcouru cette île, qui n’est qu'un amas de volcans éteints , adossés contre la montagne principale , dont les flancs sont’ encore embrasés, supposons qu’il sembarque à la pointe de l’île qui porte le nom de ZLong- Nez. Il trouvera sur sa route Vesterhorn , . Portland et plusieurs autres îles volcaniques; il visitera celles de Stromo, remarquables par ses grandes chaussées de basalte, et en- suite les îles de Féroé, où les laves et les basaltes se trouvent mêles de zéolites., Depuis Féroé, il se portera sur les îles de Shetland, qui sont toutes volcanisées ; et de Ià aux îles Orcades , lesquelles paroissent s'être élevées en entier d’une mer de feu. Les Orcades sont comme adhérentes aux iles Hébrides. C’est dans cet archipel que se trouvent celles de Saint-Kilda , Skie, Jona, Lyri, ikenkil; la vaste et singulière caverne basaltique de Staffa , connue sous le nom de groite de Fin- gal; l'ile de Muil, qui n’est qu'un composé Q CRAN UN de basalte , pétri, pour ainsi dire , avec de | Ja zéolite. TR AE De l'ile de Mull, on peut aller en Écosse par celle de Kereyru, également volcanisée, et arriver à Don- Staffugé, ou à Dunkel , sur les laves et les basaltes, que l’on peut suivre sans interruption par le duché d’Iuverary, par celui de Perth, par Glascou, jusqu'à Édimbourg. Ici les volcans semblent avoir trouve des bornes qui les ont empêchés d’en- trer dans l'Angleterre proprement dite; mais ils se sont repliés sur eux-mêmes : on les suit sans interruption et sur une assez large zone qui setend depuis Dunbar, Cupers, Stirling, jusqu'au bord de la mer, vers Port- Patrick. L’Irlande est en face, et l’on trouve à une petite distance les écueils du canal Saint-George, qui sont aussi volcanisés ; l’on touche bientôt à cette immense colon- nade connue sous le nom de C/aussée des géans, et formant une ceinture de basalte prismatique , qui rend l’abord de l'Irlande presque inaccessible de ce côté. | En France , on peut reconnoître des vol- caus éteints en Bretagne, entre Royan et Jréguier , et les suivre dans une parte du x DE M'INIMEA NT. 63 Limousin , et en Auvergne , où se sont faits de très-srands mouvemens, et de fortes érup- tions de volcans actuellement éteints; car les montagnes , les pics , les collines de ba _salte et de lave y sont si rapprochés, si ac- cumulés, qu'ils offrent un systéme bizarre et disparate , très-différent de la disposition et de l’arrangement de toutes les autres mon- tagnes. Le Mout-d’Or et le Puy-de-Dôme peuvent être regardés comme autant de vol- cans principaux qui dominoient sur tous les autres. Les villes'de Clermont, de Riom, d'Issoire, ne sont bâties qu'avec des laves , et ne re- posent que sur des laves. Le cours de ces terrains volcanisés s'étend jusqu’au-delà de l'Allier, et on en voit des indices dans une partie du Bourbonnois , ct jusque dans la Bourgogne , auprès de Moncenis, où l’on a reconnu le pic conique de. Drevin , formé par un faisceau de basalte, qui s'élève en pointe à trois cents pieds de hauteur, et forme une grande borne qu’on peut regarder comme la limite du terrain volcanisé. Ces mêmes volcans d'Auvergne s'étendent, d’un côté, par Saint-Flour et Aurillac, jusqu’en 64 Rouergue, et de l’autre, dans le Vélay; e£ en remontant la Loire jusqu’à sa source, parmi les laves , nous arriverons au Mont- Mezin, qui est un grand volcan éteint, dont la base a plus de douze lieues de circonfé- rence, et dont la hauteur s'élève au-dessus de neuf cents toises. Le Vivarais est attenant au Vélay, et l’on y voit un très - grand uombre de cratères de volcans éteints , eË des chaussées de basaltes, que l’on peut suivre dans leur largeur jusqu'à Rochemaure, au bord du Rhône, en face de Montelimar : mais leur développement enlongueur s'étend par Cassan, Saint-Tibéri, jusqu'à Agde, où la montagne volcanique de Saint-Loup offre des escarpemens de lave d'une grande épaisseur et d’une hauteur très-considé- rable. 11 paroït qu'auprès d'Agde les laves s’en- foncent sous la mer; mais on ne tarde pas à les voir reparoître entre Marseille et Toulon, où l’on connoît le volcan d’Ollioule et celui des environs de Tourves. De grands dépôts calcaires ont recouvert postérieurement plu- sieurs de ces volcans : mais on en voit dont Les somimités paroissent sortir du milieu de DE L’AIMANT. , 65 ces antiques dépouilles de la mer ; ceux des environs de Fréjus et d'Antibes sont de ce moaibres tint. Ici les Alpes maritimes ont servi de bar- rière aux feux souterrains de la Provence , et les ont , pour ainsi dire, empêchés de se joindre à ceux de l'Italie, par la voie la plus courte; car derrière ces mêmes Alpes 1l se trouve des volcans qui , en ligne droite, ne sont éloignés que de trente lieues de ceux de Provence. | La zone incendiée a donc pris une autre route ; on peut même dire qu’elle a une double direction en partant d'Antibes. La première arrive , par une communication soumarine , en Sardaigne ; elle coupe le cap Carbonaira , traverse les montagnes de cette île, se replonge sous les eaux pour reparoître à Carthagène , et se joindre à la chaîne volcanisée du Portugal, jusqu’à Lis- bonne , pour traverser ensuite une partie de l'Espagne, où M. Bowles a reconnu plusieurs volcans éteints. Telle est la première ligne de jonction des volcans de France. La seconde se dirige également par la mer, et va joindre l'Italie entre Gênes et Florence. : | ? 66 TRAITÉE Onentre ici dans un des plus vastes domaines du feu : l'incendie a été presque universel dans toute l'Italie et la Sicile, où il existe encore deux volcans brülans , le Vésuve et l'Etua, des terrains embrasés; tels que la Solfatera , des îles incendiées , dont une, ceile de Stromboli , vomit sans relâche , et dans tous les temps, des laves, des pierres pouces, et jette des flammes qui éclairent la mer au loin. à Le Vésuve nous offre un foyer en activité, couronné et recouvert de toutes parts des produits les plus remarquables du feu, et jusqu'a des villes ensevelies à dix-huit cents pieds de profondeur, sous les matières pro jetées par le volcan. D’un côté, la mer nous montre les îles volcanisées d’Ischia, de Pro- cida, de Caprée, etc. , et de l’autre le conti- uent nous offre la pointe de Misène , Bayes, Pouzzoles , le Pausilipo , Portici, la côte de worento , le cap de Minerve. | Le la cAgnano, Castrani, le Monte-Nuovo, le Monte-Barbaro , la Solfatera, sont-autant de cratères qui ont vomi, pendant plusieurs siècles, des monceaux immenses de matières volcaniques. ee | DEN IMAN TT. ; 6 Mais une chose digne de remarque, c’est que les volcans des environs de Naples et de la terre de Labour , comme les autres vol- cans dont nous venons de parler, semblent toujours éviter les montagnes primitives, quartzeuses et granitiques , et c'est par cette raison qu'ils n’ont point pris leur direction par la Calabre pour aller gagner la Sicile. Les grands couraus de laves se sont frayé une route sous les eaux de la mer , et ar— rivent, du golfe de Naples , le long de la côte de Sorente, paroissant à decouvert sur le rivage , et formant des écueils de matières volcaniques, qu'on voit de distance en dis- tance, depuis le promontoire de Minerve jusqu'aux îles de Lipari. Les îles deBaziluzzo, les Cäbianca , les Canera x Panarias elles sont sur cette lisne, Viennent ensuite l’île des Salines, celles de Lipari, Volcanello et Volcano , autre volcan brülant où les feux souterrains fabriquent en grand de grosses masses de véritables pierres ponces. En Sicile, les monts Neptuniens, comme les Alpes en Provence , ont forcé les feux souterrains à suivre leurs contours, et à prendre leur di-- rection par le val Demona. Dans cette ile, ET 66 :. DUR NN ER | l'Etna élève fièrement sa tête au-dessus de tous les volcans de l’Europe; les éjections, qu'a produites ce foyer immense, coupent le val de Noto, et arrivent à l’extrémité de la Sicile par le cap Passaro. Les matières volcaniques disparoissent en- core ici sous les eaux de la mer : mais les écueils de basalte , qu'on voit de distance en distance , sont des signaux évidens qui tracent la route de l’embrasement : on peut arriver, sans s’en écarter, jusqu'à l'Archipel, où l’on trouve Santorini, et les autres vol- cans qu'un observateur célèbre a fait con— noître dans son 7’oyage pittoresque de la Grécé *: De l’Archipel , on peut suivre par la Dal- matie les volcans éteints, décrits par M. For- tis, jusqu’en Hongrie, où l’on trouve ceux qu'a fait connoitre M. de Born dans ses Lettres sur la minéralogie de ce royaume. De la Hongrie, la chaine volcanisée se pro- longe toujours , sans interruption, par l’Al- lemagne , et va joindre les volcans éteints d'Hanovre , décrits par Raspe : ceux-ci se * M. le comte de Choiseul-Goufer. DE LUATMANT. 69 dirigent sur Cassel, ville bâtie sur un vaste plateau de basalte. Les feux souterrains qui ont élevé toutes les collines volcaniques des environs de Cassel , ont porté leur direction par le grand cordon des hautes montagnes volcanisées de l’'Habichoual, qui vont joindre le Rhin par Andernach , où les Hollandois font leur approvisionnement de #7as * pour le convertir en pouzzolane. Les bords du Rhin , depuis Andernach jusqu'au vieux Brisack , forment la continuité de la zone volcanisée, qui traverse le Brisgau et se rap- proche par-là de la France, du côté de Stras- bours. D'après ce grand tableau des ravages du feu dans la partie du monde qui nous est la: mieux connue, pourroit-on se persuader ou même imaginer qu'il ait pu exister d’assez grands amas de matières combustibles pour avoir alimenté pendant des siècles de siècles des volcans multipliés en aussi grand nombre? Cela seul suffiroit pour nous indiquer que la plupart desvolcansactuellementeteints n’ont * Le 7ras est un vrai basalte compacte ou poreux, facile à broyer, et dont les Hollandoïs font de la pouzzolane, ; | one EE AN OMR PAAR LE TRAME En Ne À (ns ANA) NUE HONE L j "5 AMP NOR TETE Loge "TORRENT RS été produits que par les foudres de l’étectri- cité souterraine. Nous venons de voir en effet que les Pyrenees, les Alpes, l’'Apennin, les monts Néeptuntens en Sicile, le mont Granby en Angleterre, et les autres mon- tagnes primitives , quartzeuses et grani- tiques , ont arrêté le cours des feux souter- rains, commeetant , par leur nature vitreuse, imperméables au fluide électrique ; dont ils ne peuvent propager l'action nicommuniquer les foudres, et qu’au contraire tous les vol- cans produits par les feux ou les tonnerres souterrains ne se trouvent qu'aux environs de ces montagnes primitives, et n’ont exercé leur action que sur les schistes, les argilles , les substances calcaires et métalliques , et les autres matières de seconde formation et conductrices de l’électricite:; et comme l’eau est un des plus puissans conducteurs du fluide électrique, ces volcans ont agi avec d'autant plus de force, qu’ils se sont trouvés plus près de la mer, dont les eaux , en pénétrant dans leurs cavités, ont prodisieusement augmenté la masse des substances conductrices-et l’ac- tion de l'electricité. Mais jetons encore un coup d'œil sur les autres différences remar— | ob. . ee il + 4 La ‘ } k ; g bé DELTA EMA NT, DE quables qu’on peut observer dans la conti- nuité des terrains yolcanisés. L'une des premières choses qui s'offrent à nos considérations , c’est cette immense con- tinuité de basaltes et de laves, lesquels s’é- tendent tant à l’intérieur qu'à l'extérieur des terrains volcanisés. Ces basaltes et ces, laves contenant une très-srande quantité de matières ferrugineuses , doivent être TeEgar— dés comme autant de conducteurs de l'elec- tricité; cé sont, pour ainsi dire, des barres métalliques , c’est-à-dire, des conducteurs à plusieurs centaines de lieues du fluidé élec- trique , et qui peuvent le transmettre en un instant de l’une à l’autre deleu rs extrémités ; tant à l’intérieur de la terre qu’à sa surface. L'on doit donc rapporter. à cette cause les commotions et tremblemens de terre qui se font sentir presque en même temps à des distances très-éloignées. Une seconde considération très-impor- tante, c’est que tous les volcäns, et sur-tout ceux qui sont encore actuellement agissans, portent sur des cavités dont la capacité est au moins égale au volume de leurs projections. Le. Monte-Nuoyo, voisin du Vésuve, s’est rs . TOO NAN élevé presque subitement, c’est-à-dire, en deux ou trois jours , dans l’année 1558, à la hauteur de plus de mille pieds, sur une Cir- conférence de plus d’une lieue à la base ; et cette énorme masse sortie des entrailles de la terre, dans un terrain qui n'étoit qu’une plaine , a nécessairement laissé des cavités au moins égales à son volume : de même il y a toute raison de croire que l'Etna , dont la hauteur est de plus de dix-huit cents toises , et la circonférence à la base de près de cin- quante lieues , ne s’est élevé que par la force des foudres souterraines, et que ‘par consé- quent cette très-énorme masse de matière projetée porte sur plusieurs cavités, dont le vide est au moins égal au volume soulevé, On peut encore citer les îles de Santorin, qui, depuis l’année 237 avant notre ère, se sont abimeées es la mer , et élevées au-des- sus de la terre à plusieurs reprises, et dont les dernières catastrophes sont arrivées en 1707. «Tout l’espace, dit M. le comte de «Choiseul = Gouùflier , actuellement rempli « par la mer, et Contenu entre Santorin et « Thérésia , aujourd'hui Aspronyzi, faisoit -partie de la grande ile, aiusi que Thérésia POMRRE LYALMANT. "3 « elle-même. Un immense volcan s’est allu- « mé, et a dévoré toutes les parties intermé- _« diaires. Je retrouve dans toute la côte de ce « golfe , composée de rochers escarpés et « calcinés , les bords de ce même foyer, et, « si j'ose le dire, les parois internes du creu- « set où cette destruction s’est opérée; mais « ce qu’il faut sur-tout remarquer, c’est l’im- «mense profondeur de cet abime , dont on « n’a jamais pu réussir à trouver le fond. » Enfin nous dévons encore observer en gé- néral que le Vésuve, l'Etna et les autres vol- cans, tant agissans qu'éteints, sont entou- rés de collines volcaniques, projetées par les feux souterrains, et qui ont dû laisser à leur place des cavités égales à leur volume. Ces collines composées de laves et de matières fondues ou projetées sont connues en Italie sous le nom de Monticolli, et elles sont si multipliées dans le royaume de Naples, que leurs bases se touchent en beaucoup d’en— droits. Ainsi le nombre des cavités ou bour- souflures du globe, formées par Le feu primi- tif, a dû diminuer par les affaissemens suc= cessifs des cavernes , dont les eaux auront percé les voûtes, tandis que les feux souter- Mat, gén, XVI 7 \ F y! n! f \ fi uso AN Là ‘ 2 74 D RALTEÉ rains ont produit d’autres cavités, dont nous pouvons estimer la Capacité par le volume des matières projetées et par l'élévation des. montagnes volcaniques. Je serois même tenté de croire que les mon- tagnes volcaniques des Cordillières , telles que LE Lori ga , Cotopaxi, Pichincha, San- gai, etc., dont les feux sont actuellement agissans, et quis 'élèvent à plus de trois mille toises, onteté soulevées à cette enorme hau— teur par la force de ces feux, puisque l’'Etna nous offre un exemple d’un pareil soulève- ment jusqu'à la hauteur de dix-huit cents toises ; et dès lors ces montagnes volcaniques des Cordillières ne doivent point être regar- dées comme des boursouflures primitives du globe, puisqu'elles ne sont composées ni de quartz, ni de granit, ni d'autres matières vitreuses qui auroient arrête l'effet des foudres souterraines, de même qu'en Europe nous voyons les Alpes et les Pyrénées avoir arrêté et rompu tous les efforts de cette électricité. Il en doit être de mème des montagnes volca- niques du Mexique et des autres parties du monde où l’on trouve des volcans encore agissans. 2 ve de HU } # a , 4 ‘ | ? DE L’'AIMANT. À l'égard des volcans éteints, quoiqu'ils . aient tous les caractères des volcans actnel- lement brûlans, nous remarquerons que les uns, tels que le Puy-de-Dôme, qui a plus de huit cents toises d’élévation, le Cantal en Auvergne, qui en a près de mille, et le Mont- Mezin en Vivarais, dont la hauteur est à : peu près égale à celle du Cantal, doivent avoir des cavités au - dessous de leurs bases, et que d’autres se sont en partie ébonlés de- puis qu’ils ont cessé d'agir ; "cette différence se remarque par celle de la ‘forme de leurs bouches ou cratères. Le Mont-Mezin, le Can- tal, le collet d’Aisa, la coupe de Sausac, la Gravène de Montpesat, présentent tous des cratères d’une entière conservation , tandis. que d’autres n’offrent qu'une partie de leurs bouches en entonnoir qui subsiste encore, et dont le reste s’est affaissé dans des cavités souterraines. | Mais le principal et le plus grand résultat que nous puissions tirer de tous ces faits, c'est que l’action des foudres et des feux sou- terrains ayant été assez violente pour élever dans nos Zones tempérées des montasnes telles que l'Etna jusqu’à dix-huit cents 56 toises de hauteur, nous devons cesser d’être _étonnés de l'élévation des montagnes volea= niques des Cordillières jusqu’à trois mille toises. Deux fortes raisons me persuadent de la vérite de cette présomption. La première, c'est que le globe étant plus élevé sous lé quateur , a dû , dès les premiers temps de sa consolidation , former des boursouflures et des cavités beaucoup plus grandes dans les parties équatoriales que dans les autres zones, et que par conséquent les foudres souter- raines auront exercé leur action avec plus de liberté et de puissance dans cette région j dont nous voyons en effet que les affaisse- mens sous les eaux et les élévations au-dessus de la terre sont plus grandes que par-tout ailleurs, parce qu’indépendamment de l’é- iendue plus considérable des cavités, la cha- leur intérieure du globe et celle du soleil ont dû augmenter encore la puissance des fou— dres et des feux souterrains. La seconde raison, plus décisive encore que la première, c'est que ces voicans , dans les Cordillières, nous démontrent qu’elles ne sont pas de premiere formation, c'est-à-dire, | = entièrement composées de 1hatières yitreuses, + "} 1 Rd At à Li « 4 7 / D" à / At DE LIAÏNMANT. 77 .quartzeuses ou granitiques , puisque nous sommes assurés par la continuité des terrains volcaniques dans l’Europe entière, que jamais les foudres souterraines n'ont agi contre ces matières primitives , et qu’elles en ont par- tout suivi les contours sans les emtamtr, parce que ces matières vitreuses n'étant point conductrices de lélectricité , n’ont pu en subir ni propager l’action. Il est donc à pré- sumer que toutes les montagnes volcaniques, soit dans les Cordillières, soit dans les autres parties du monde, ne sont pas de première formation, mais out été projetées ou soule- vées par la force des foudres et des feux sou— terrains , tandis que les autres montagnes d: ns lesquelles , comme aux Alpes et aux Pyrénées, etc. l’on ne voit aucun indice de volcan, sont en effet les montagnes primi- tives, composées de matières vitreuses , qui se refusent à toute action de l'électricité. Nous ne pouvons donc pas douter que la force de l'électricité n’ait agi en toute liberté et n’ait fait de violentes explosions dans les cavités ou boursouflures occasionnées par l'action du feu primitif ; en sorte qu’on doit présumer, avec fondement, qu’il a existé des 4 Z € ARC SCENE ee "8 ANR volcans dès ces premiers temps, et que ces. volcans n’ont pas eu d'autre cause que l’ac- tion des foudres souterraines. Ces premiers et plus anciens volcans n’ont été, pour ainsi dire, que des‘ explosions momentanées, et dont le feu n’étant pas nourri par lesmatières combustibles, n’a pu se manifester par des effets durables ; ils se sont, pour ainsi dire, éteints après leur explosion, qui néanmoins a dû projeter toutes les matières quela foudre avoit frappées et déplacées. Mais lorsque dans la suite les eaux, les substances métalliques et autres matières volatiles sublimées par le feu et reléguées dans l'atmosphère , sont tombées et se sont établies sur le globe, ces substances , toutes conductrices de l’élec- tricité, ont pu s'accumuler dans les cavernes souterraines. Les’ vésétaux s'étant dès lors multipliés sur les hauteurs de la terre, et les coquillages s’étant en même temps pro- pagés, et ayant pullulé au point de former par leurs dépouilles de grands amas de ma- tières calcaires, toutes ces matières conduc- trices se sont de même rassemblées dans ces cavilés intérieures , et dès lors l’action des foudres électriques a dû produire des incen- " ‘ “ à DE. L'AITMANT. 7 dies durables, et d'autant plus violens que ces volcans se sont trouves plus voisins des mers, dont les eaux, par leur conflit avec le feu, ont encore augmenté la force et la durée des explosions; et c'est par cette rai- son que le pied de tous les volcans encore actuellement agissans se trouve voisin des mers , et qu'il n’en existe pas dans l’inté- rieur des continens terrestres. On doit donc distinguer deux sortes de volcans : les premiers, sans aliment, et uni- quement produits par la force de l'électricité souterraine ; les seconds, alimentés par les substances combustibles. Les premiers de tous les volcans n’ont été que des explosions momentanées dans le temps de la consolida- tion du globe. Ces explosions peuvent nous être représentées en petit par les étincelles que lance un boulet de fer rouoi à blanc, en se refroidissant. Elles sont devenues plus violentes et plus fréquentes par la chüûte des eaux , dont le conflit avec le feu a dû pro- duire de plus fortés secousses et des ébranle- mens plus étendus. Ces premiers et plus an- ciens volcans ont laissé des bouches ou cra- {eres , autour desquels se trouvent des laves 80 Le AS APAORUE PU et autres matières fondues par les foudres, de la même manière que la force électrique, mise en jeu par nos foibles instrumens, fond ou calcine toutes les matières sur lesquelles : elle est dirigée. Il y a donc toute apparence que, dans le nombre infini de volcans étêints qui se trouvent à la surface de la terre, la plupart doivent être rapportés aux premières époques des révolutions du globe après sa consolida- tion , pendaut lesquelles ils n’ont agi que par momens et par l'effet subit des foudres souterraines , dont la violence a soulevé les: montagnes et entr'ouvert les premières cou ches de la terre, avant que la Nature n’eût produit assez de végétaux , de pyrites et : d’autres substances combustibles pour servir d'aliment aux volcans durables, tels que ceux qui sont encore actuellement agissans. Ce sont aussi ces foudres électriques sou- terraines qui causent la plupart des tremble- mens de terre : je dis la plupart; car la chûte et L’affaissement: subit des cavernes inté- rieures du giobe produisent aussi des mouve- mens qui he se font sentir qu’à de petites dis- tances : ce sont plutôt des trépidations que de LA RAT AT MUR à } x j 4 DE L'AIMANT. 8r vrais tremblemens, dont les plus fréquens et les plus violens doivent se rapporter aux com- motions produites parles foudres électriques, puisque ces tremblemens se font souvent sen tir, presque au même moment, à plus de cent lieues de distance et dans tout l’espace intermédiaire ; c’est le coup électrique qui se propage subitement et aussi loin que s’é- tendent les corps qui peuvent lui servir de conducteurs. Les secousses occasionnées par ces tonnerres souterrains, sont quelquefois assez violentes pour bouleverser les terres en les élevant ou les abaissant, et changer en même temps la position des sources et la direction du cours des eaux. Lorsque cette force de l’électricité agit à la surface du globe, elle ne se manifeste pas uniquement par des foudres, par des com— ” motions et par les autres effets que nous ve- nons d'exposer ; elle paroit changer de na- ture, et produit de nouveaux phénomènes. En effet, elle se modifie pour donner nais- sance à une nouvelle force à laquelle on a donné lenom de magnétisme ; mais le magné- tisme, bien moins général que l'électricité, n'agit que sur les matières ferrugineuses, et 2 Mi Mi ait Ni 4 TD Be | TRAITÉ ne se montre que par les effets de Vihtané et du fer, lesquels seuls peuvent fléchir et attirer une portion du courant universel et €lectrique, qui se porte directement, et en sens contraire, de l'équateur aux deux poles. Telle est donc J’origine des diverses forces, tant générales que particulières , dont nous venons de parler. L’attraction, en agissant en sens contraire de sa direction, a produit l'impulsion dès l’origine de la matière: cette impulsion a fait naître l'élément du feu, qui a produit l'électricité; et nous allons voir que le magnétisme n’estqu’une modification par- ticulière de cette électricité générale, qui se fléchit dans son cours vers les matières ferru-. sineuses. | Nous ne connoissons toutes ces forces que | par leurs effets : les uns sont constans et généraux , les autres paroissent être variables et particuliers. La force d'attraction est uni- versellement répandue ; elle réside dans tout atome de matière, et s’étend dans le système entier de l'univers, tandis que celle qui pro- duit l'électricité agit à l’intérieur et s'étend. à la surface du globe terrestre, mais n’affecte pas tous Les corps de la même manière. Nean- CN SR LE Per L M 4 i Î DE DA IMIAN T.. : 9 moins cette force électrique est encore plus générale que la force magnétique, qui n’ap- partient à aucune autre substance qu’à l’ai- mant et au fer. | Ces deux forces particulières ont des pro- priétés communes avec celle de l'attraction universelle. Toutes trois agissent à plus ou moins de distance, et les effets du magné- tisme et de l'électricité sont toujours combi- nés avec l'effet général de l'attraction qui appartient à toute matière, et qui par con- séquent influe nécessairement sur l’action de ces deux forces, dont les effets, comparés entre eux, peuvent être semblables ou diffé- rens , variables ou constans, fugitifs ou per- manens, et souvent paroître opposés ou con- traires à l’action de la force universelle: car, quoique cette force d'attraction s'exerce sans cesse en tout et par-tout, elle est vaincue par celles de l'électricité et du magnétisme, toutes les fois que ces forces agissent avec assez d'énergie pour surmonter l'effet de l’attrac- tion, qui n'est jamais que proportionnel à la masse des corps. Les effets de l'électricité et du magnétisme sont produits par des forces impulsives par-_: 84 | ticulières , qu'on ne doit péru assimiler À - l'impulsion ou répulsion primitive : celle-ci s'exerce dans l’espace vide, et n’a d'autre cause que l'attraction qui force toute matière à se rapprocher pour se réunir; l'électricité et le magnétisme supposent, au contraire ; des impulsions particulières, causées par un fluide actif qui environne les corps élec- triques et magnétiques, et qui doit les affec- ter différemment , suivant leur différente nature. Mais quel est ou peut être l'agent ou lé moyen employé par la Nature pour détermi- ner et fléchir l'électricité du globe en magné- tisme vers Le fer, de préférence à toute autre masse minérale ou métallique ? Si les con- jectures, ou même de simples vues, sont permises sur un objet qui, par sa profondeur et son ancienneté contemporaine des pre- mières révolutions de la terre, semble devoir échapper à nos regards et même à l'œil de imagination, nous dirons que la matière ferrugineuse , plus difficile à fondre qu'’au- cune autre, s’est. établie sur le globe avant toute autre substance métallique, et que dés lors elle fut frappée la première , et avec le TR LS AT A NT. © 14 plus de force et de durée, par les flammes du feu primitif : elle dut donc en contracter la plus grande afMinité avec l'élément du feu ; afhinité qui se manifeste par la combustibi- lité du fer et par la prodigieuse quantité d'air inflammable ou feu fixe qu’il rend dans ses dissolutions ; et par conséquent, de toutes les - matières que l'électricité du globe peut affec- ter, le fer, comme ayant spécialement plus d'affinité avec ce fluide de feu et avec les forces dont il est l’ame, en ressent et marque mieux tous les mouvemens, tant de direc- tion que d'inflexion particulière, dont néan- moins les effets sont tous subordonnés à la grande action et à la direction senérale da _ fluide électrique de l’équateur vers les poles. Car il est certain que s’il n’y avoit point de fer sur la terre, il n’y auroit ni aimant ni magnélisme , et que la force électrique n’en -existeroit ni ne subsisteroit pas moins, avec sa direction constante et sénerale de l’équa- teur aux poles; et il est tout aussi certain que le cours de ce fluide se fait en deux sens oppo- sés , c'est-à-dire, de l'équateur aux deux poles terrestres, en se resserrant et s’inclinant comme les méridiens se resserrent et s’in- 8 86 | clinent sur le globe; et l’on voit seulement que la direction magnétique, quoique son— mise à cette grandeloi, reçoit.des inflexions dépendantes de la position des grandes masses de matières ferrugineuses , et de leur gise- ment dans les différens continens. En comparant les effets de l’action d’une petite masse d’aimant avec ceux que produit la masse entière du globe terrestre, il paroit que ce globe possède en grand toutes Les pro- priétés dont les aimans ne jouissent qu’en petit. Cependant la masse du globe entier n’est pas, comme les petites masses de l’ai- mant , composée de matières ferrugineuses; mais on peut dire que sa surface entière est mêlée d’une grande quantité de fer magné- tique, puisque toutes les mines primitives sont attirables à l’aimant, et que de même les basaltes , les laves et toutes les mines se- condaires revivifiées par le feu et par les coups de la foudre souterraine , sont également magnétiques. C'est cette continuité de matière ferrugineuse magnétique sur la surface de la terre qui a produit le magnétisme général du globe, dont les effets sont semblables à ceux du magnétisme particulier d’une pierre ONE US IME À N T. ‘87 daimant ; et c’est de l'électricité générale du globe que provient l'électricité particulière ou magnétisme de l’aimant. D'ailleurs la force magnétique n'ayant d'action que sur la matière ferrugineuse , ce seroit méconnoitre la simplicité des lois de la Nature que de la charger d’un petit procédé solitaire, et d’une force isolée qui ne s’exerceroit que sur le fer. Il me PE donc démontré que le magné- tisme , qu'on regardoit comme une force particulière et isolée, dépend de l'électricité, dont il n’est qu'une modification occasion- née par le rapport unique de son action avec . la nature du fer. Etmême, quoique le magnétisme n’appar- tienne qu à la matière ferrugineuse, on ne doit pas Le resarder comme une des proprié- tés essentielles de cette matière; car ce n’est qu’une simple qualité accidentelle que le fer acquiert ou qu’il perd, sans aucun change- ment et sans augmentation ni déperdition de sa substance. Toute matière ferrugineuse qui aura subi l’action du feu , prendra du magnétisme par le frottement , par la per- cussion, par tout choc, toute action violente de la part des autres corps : encore n’est-1l me TRANT RTE pas nécessaire d’avoir recours à une force extérieure pour donner au fer cette vertu magnétique; car ii la prendaussidelui-mème, sans être ni frappé, nimu, ni frotté : il la prend dans l’état du plus parfait repos, lors- qu'il reste constamment dans une certaine situation , exposé à l’action du magnétisme général ; car dès lors il devient aimant en _ assez peu de temps. Cette force magnétique _ peut donc agir sur le fer , sans . aidée d'aucune autre force motrice ; et, dans tous les cas, elle s’en saisit sans en étendre le vo- lume et sans en augmenter ni diminuer la masse. | nn Nous avons parlé de l’aimant, comme des autres matières ferrugineuses , dans notre Histoire des minéraux, à l’article du fer ; mais nous nous sommes réservé d'examiner de plus près ce minéral magnétique; qui, quoiqu'aussi brut qu'aucun autre , semble tenir à la nature active et sensible des êtres organisés : l'attraction , la répulsion de l'ai- mant , sa direction vers les poles du monde, son action sur les corps animes, et Ja faculté qu’il a de communiquer toutes ses propriétés sans en perdre aucune, sans que ses forces ARE DRIL'RLIMANT. 89 s'épuisent , et même sans qu’elles subissent Le, moindre afoiblissement ; toutes ces qualités, réunies ou séparées, paroissent être autant de vertus magiques, et sont au moins des attributs uniques, des singularités de nature d'autant plus étonnantes qu'elles semblent être sans exemple, et que, n'ayant été jus- qu'ici que mal connues et peu comparées , on a vainement tenté d’en deviner les causes. Les philosophes anciens , plus sages, quoi- que moins instruits que les modernes, n’ont pas eu la vaine prétention de vouloir expli- quer par des causes mécaniques tous les eliets de la Nature ; et lorsqu'ils ont dit que l'aimant avoit des affections d'amour et de haine , ils indiquoient seulement, par ces expressions, que la cause de ces affections de l'aimant devoit avoir quelque rapport avec la cause qui produit de semblables affec- tions dans les êtres sensibles : et peut-être se trompoient-ils moins que les physiciens récens , qui ont voulu rapporter les pheno- mènes magnétiques aux lois de notre méca- nique grossière; aussi tous leurs efforts, tous leurs raisonnemens , #ppuyés sur des suppo- sitions précaires, n’ont abouti qu’à démon- AR F4 ge FRATTIS irer l’erreur de leurs vues dans le principe ; et l’insufhsance de leurs moyens d’ explica- tion. Mais, pour mieux connoitre la nature du magnétisme et sa dépendance de l’électri= cité, comparons les principaux effets de ces deux forces, en présentant d’abord tous les faits semblables ou analogues, et sans dissi- muler ceux qui paroissent différens ou con- traires. LME L'action du magnétisme et celle de l’élec- tricité sont également variables, tantôt en plus, tantôt en moins, et leurs variations particulières dépendent en grande partie de l'etat de l'atmosphère. Les phénomènes élec-. triques que nous pouvons produire, aug-, mentent en effet ou diminuent de force, eË même sont quelquefois totalement suppri- més, suivant qu'il y a plus ou moins d'hu- midité dans l'air, que le fluide electrique s’est plus ou moins répandu dans l’atmo- sphère, et que les nuages orageux y sont plus ou moins accumulés. De même les barres de fer que l’on veut aimanter par la seule exposition aux impressions du magne- tisme général , acquièrent plus ou moins promptement la vertu magnétique, suivant PAT D'ASTEMIAN T) : 49e que le fluide électrique est plus ou moins abondant dans l'atmosphère; et les aiguilles _des boussoles éprouvent des variations, tant périodiques qu’irrégulières, qui ne paroissent dépendre que du plus ou du moins de force de l’electricité de l'air. L’aimant primordial n’est qu'une matière ferrugineuse, qui, ayant d’abord subi l’ac- tion du feu primitif, s’est ensuite aimantée par l’impression du maguétisme du globe; et, en général, la force magnétique n'agit que sur le fer ou sur les matières qui en con- tiennent : de même la force électrique ne se produit que dans certaines matières, telles que l’ambre, les résines, les verres et les autres substances qu’on appélle é/ectriques _ par elles-mêmes, quoiqu'elle puisse se com- muniquer à tous Les corps. " Les aimans ou fers aimantés s’attirent mutuellement dans un sens, et se repoussent réciproquement dans le sens opposé ; cette répulsion et cette attraction sont plus sen- sibles lorsqu'on approche l’un de l’autre leurs poles de même nom ou de différent nom. Les verres , les résines et les autres corps élec- triques par eux-mêmes, ont aussi, dans plu- * ga | CA RON PMU sieurs circonstances, des parties polaires; des portions électrisées en plus, et d’autres en moins, dans lesquelles l'attraction et la répulsion se manifestent par des effets cons— tans et bien distincts. FX di Les forces électrique et magnétique s’exer- cent également en sens opposé et en sens direct ; et leur réaction est égale à leuraction. On peut, en armant les aimans d’un fer qui les embrasse, diriger ou accumuler sur un ou plusieurs points la force magnétique ; on peut de même , par le moyen des verres et des résines, ainsi qu’en isolant les subs- tances conductrices de l'électricité , diriger et condenser la force électrique ; et ces deux forces éléctrique et magnétique peuvent être également dispersées, changées ou suppri- mées à volonté. La force de l’électricité et celle du magnétisme peuvent de même se communiquer aux matières que l’on ap- proche des corps. dans lesquels on a excité ces forces. ; Souvent, pendant l'orage , l'électricité des nuées a troublé la direction de l'aiguille de la boussole * ; et même l’action de la » . * Voyez la relation de Carteret daus le premier Foyage de Cook. ï 2 ” DRE ATX MA NT. 93 foudre aérienne a influé quelquefois sur le magnétisme au point de détruire et de chan- ger tout-àa-coup d’un pole à l’autre la di- rection de l’aimant. Une forte étincelle électrique , et l’action du tonnerre , paroissent également donner la vertu magnétique aux corps ferrugineux, et la vertu électrique aux substances que la Nature a rendues propres à recevoir immé- diatement l'électricité, telles que les verres et les résines. M. le chevalier de Rozières : capitaine au corps royal du génie, est par- venu à aimanter des barres d'acier, en tirant des étincelles par le bout opposé à celui qui recevoit l'électricité, sans employer les com- motions plus où moins fortes des grandes batteries électriques , et même sans en tirer des étincelles , et seulement en les électrisant pendant plusieurs heures de suite *. Des bâtons de sonfre ou de résine qu’on laisse tomber, à plusieurs reprises , sur un corps dur , acquièrent la veriu electrique, de même que les barres de fer qu'on laisse * Cette dernière manière n'a été trouvée que nou- vellement, par “M. le chevalier de Roôzières, qui nous en a fait part par sa lettre du 5o avril 1787. ga ; TRAITÉ tomber plusieurs fois de suite dub conne hauteur, prennent du magnétisme par l'effet de leurs chûtes réiterées. | On peut imprimer la vertu magnétique à une barre de fer , de telle sorte qu’elle pré- sente une suite de poles alternativement op- posés. On peut également électriser une lame ou un tube de verre, de manière qu'on y remarque une suite de poles alternativement opposes *. ; Lorsqu'une barre de fer s’aimante par sa seule proximité avec l’aimant , l’extrémité de cette barre qui en est la plus voisine , acquiert un pole opposé à celui que l’aimant lui présente. De même une barre de fer isolée peut recevoir deux électricités oppo- . sées par le voisinage d’un corps électrise ; le bout qui est le plus proche de ce corps, jouit, comme dans l’aimant, d’ure force opposée à celle dont il subit l’action. Les matières ferrugineuses réduites en * Voyez à ce sujet les expériences de M. Épinus, dans la dissertation que ce physicien a publiée à la tête de son ouvrage sur le magnétisme; et celles de M. le comte de la Cepède, dans son Essar sur l'électricité , tome prenner. 4ÿ } DRE AIMANT. 05 rouille, en ocre, et toutes les aisudiuéiots du fer par l’acide aérien ou par les autres acides , né peuvent recevoir la vertu magné- tique ; et de mème ces malières ferrugineuses ne peuvent , dans cet état de dissolution, 1 _ acquérir la vertu électrique. = Si l’on suspend une lame de verre garnie à ses deux bouts de petites plaques de métal, dont l’une sera électrisée en plus , l’autre en moins, et si cette lame ainsi préparée peut se mouvoir librement lorsqu'on en appro= chera un corps électrique qui jouit aussi des deux électricités, la lame de verre préseu- tera les mêmes phénomènes que l'aiguille aimantee présente auprès d’un aimant. Les fortes étincelles électriques revivifient les chaux de fer , et leur rendent la propriété d’être attirées par l’aimant. Les foudres sou- terraines et aériennes revivifient de même, à l'intérieur et à la surface de la terre , une prodigieuse quantité de matières ferrugi- neuses, réduites en chaux par les élémens humides. La plupart des schorls, et particulièrement la tourmaline , présentent des phénomènes électriques qui ont la plus grande analogie 6 TR à Ha 196 : TR A LÉ OT ON avet ceux de l’aimant. Lorsque ces matières \ ont été chauffées ou frottées, elles ont, pour … ainsi dire, des parties polaires, dont les unes sont électrisées en plus et les autres en moins, et qui attirent ou repoussent les corps électrises.. | ris Les aurores polaires, qui, comme nous l'avons dit , ne sont que des lumières élec— triques , influent , plus qu'aucune autre af- fection de l’atmosphère , sur les variations de l’aiguille aimantée. Les observations de MM. Van-Swinden et de Cassini ne per- mettent plus de douter de ce fait. Les personnes dont les nerfs sont délicats, et sur lesquelles l'électricité agit d’une ma= nière si marquée, reçoivent aussi du magné- tisme des impressions assez sensibles; car l'aimant peut , en certaines circonstances, suspendre etcalmer lesirritations nerveuses, et appaiser les douleurs aiguës. L'action de l'aimant , qui, dans ce cas, est calmante e£ même engourdissante , semble arrêter le cours et fixer pour un temps le mouvement trop rapide ou déréglé des torrens de ce fluide électrique qui, quand il est sans frein ou se trouve sans mesure dans Le corps animal, y C4 PT 1 CON \ "". te n "7 DE L’AIMANT. 97 en irrite les organes, et l’agite par des mou vemens convulsifs. « Il existe des animaux dans lesquels, inde- pendamment de l'électricité vitale qui appar- tient à tout être vivant, la Nature a établi un organe particulier d'électricité, et, pourainsi dire, un sens électrique et magnétique. La torpille !, l’anguille électrique de Surinam, le trembleur du Niger ?, semblent réunir et concéntrer dans une même faculté la force de l'électricité et celle du magnétisme. Ces poissons électriques et magnétiques eNgOUT= dissent lés corps! vivans qui les touchent; et suivant M. Schilling et quelques autres 1 Dans l’ancienne médecine, on s’est servi de la torpille pour engourdir'et calmer : Galien compare sa vertu à celle de Popium pour caliner et assoupir les douleurs. 2 Il est bon d'observer que les espèces de poissons électriques diffèrent trop les unes des autres pour qu’on puisse rapporter leurs phénomènes à la con fornnité de leur organisation On ne peut donc les attribuer qu'aux effets de l'électricité. Voyez un très-bon mémoire de M. Broussonet, de l’académie des sciences, sur le trembleur et les autres poissons électriques , dans le Journal de physique du mois d'août 1705. 1) 58 ji TRAITÉ. observateurs , ils perdent cette RE lorsqu'on les touche eux-mêmes avec l'ai- mant. Il leur ôte la faculté d’ eugourdir, et _on leur rend cette vertu en les touchant avec du fer, auquel se transporte le magnétisme qu’ils avoient reçu de laimant. Ces mêmes poissons électriques et magnétiques agissent sur l’aimant , et font varier l'aiguille de la boussole. Mais ce qui prouve évidemment la présence de l'électricité dans ces animaux , c'est qu'on voit paroître des étincélles élec= triques dans les intervalles que laissent les conducteurs métalliques avec lesquels on les touche. M. Walsh a fait cette expérience devant la sociéte royale de Londres, sur l’an- guille de Surinam , dont la force electrique paroît être plus grande que celle de la torpille, dans laquelle cette action est peut-être trop: foible pour produire des étincelles. Et ce qui démontre encore que la commotion produite par ces poissons n’est point un effet mé-— canique , comme l'ont pensé quelques phy- siciens , mais un phénomène électrique, c'est qu’elle se propage au travers des fluides, et se communique , par le moyen de l’eau, à plusieurs personnes à la fois. Le dust bé ONE DAT MA NT: 09 Or ces etincelles, et cette commotion plus ou moins violente que font éprouver ces poissons , sont vraiment des effets de l’élec- tricité, que l’on ne peut attribuer en aucune manière au simple magnétisme , puisqu'au- cun aimant , tant naturel qu'artificiel, n’a fait éprouver de secousses sensibles, mi pro= duit aucune étincelle. D’un autre côté, les commotions que donnent les torpilles, l’an- guille électrique de Surinam et le trembleur du Niger , étant très-fortes , lorsque ces pois- sons sont dans l’eau des mers ou des grands fleuves, on peut d'autant moins la considé- rer comme un phénomène purement eélec- trique, que les effets de l'électricité s’affoi- blissent avec l'humidité de l'air qui la dis- sipe , et ne peuvent jamais être excilés lors- qu’on mouilleles machines qui la produisent. /Les vases de verre électrisés , que l'on a ap- | pelés bouteilles de Leyde , et par le moyen desquels on reçoit les secousses les plusfortes, se déchargent et perdent leur vertu , dés le momeñt qu'ils sontentièrement plongés dans l'eau : cette eau, en faisant communiquer ensemble les deux surfaces intérieure et exté- xieure, rétablit l'équilibre, dont la rupture ir FANS HÉLELTS \ 157 véo dr ORSA EDEN A _est la seule cause du mouvement , et par LA ‘conséquent de la force du fluide électrique. Si l’on remarque donc des effets électriques dans les torpilles, l’on doit supposer, d’après les modifications de ces effets , que l’électri- cité n’y existe pas seule, et qu’elle y est réunie avec le magnétisme, de manière à y subir une combinaison qui augmente, dinu- nue ou altère sa puissance; et il paroît que ces deux forces électrique et magnétique, qui1, lorsqu'elles sont séparées l’une de l’autre, sont plus ou moinsactives, ou presque nulles, suivant l’état de l'atmosphère , le sont éga- lement lorsqu'elles sont combinées dans ces poissons ; mais peut-être aussi la diversité des saisons , ainsi que les différens états de ces animaux, influent — ils sur l’action de leurs forces électrique et magnétique. Plu- sieurs personnes ont en effet manié des tor- pilles sans en recevoir aucune secousse. M. lecomte de la Cepède étant à la Rochelle, en octobre 1777, voulut éprouver la vertu de quelques ‘torpilles que MM. de l’acadé- mie de la Rochelle avoient fait pêcher; elles étoient bien vivantes, et paroissoient très- wigoureuses : cependant, de quelque manière . \ \ i DE L’AIMANT. TÔT qu’on les touchât, soit immédiatement avec Ia main, soit avec des barreaux de fer ou d’autres matières , et sur quelque partie de leur corps qu’on portät l’attouchement, dans l’eau ou hors de l’eau, aucun des assistans à l'expérience ne ressentit la moindre com- motion. Il paroît donc que ces poissons ne sont pas électriques dans tous les temps, et que cette propriété, qui n’est pas constante, dépend des circonstances, et peut-être de la saison ou du temps auxquels ces animaux doivent répandre leurs œufs et leur frai ; et nous ne pouvons rieu dire de la cause de ces alternatives d'action et d’inactionu , faute d'observations assez suivies sur ces poissons singuliers. Cette combinaison des deux forces élec- trique et magnétique , que la Nature paroît avoir faite dans “ne êtres vivans, doit faire espérer que nous pourrons les réunir par l’art , et peut-être en tirer des secours efficaces dans certaines maladies, et parti- culièrement dans les affections nerveuses. Les deux forces électrique et magnétique ont en effet été employées séparément , avec succès , pour la guérison ou le soulasement 41e au 7 Le OOPUSE DRATTORETT PPT 1e { Û {hi D re : “N ER BTS pl pi LA ea ‘ Ne PACT ALT N MMÉRRCT HERNNES W:, « AA 102 TRAITÉ “fr de plusieurs maux douloureux. Quelques physiciens !, particulièrement M. Mauduit, de la société royale de médecine , out guéri des maladies par le moyen de l'électricité; et M. l'abbé Le Noble, qui s'occupe avec suc- cès , depuis long-temps, des effets du magné- tisme sur le corps humain, et qui est par- venu à construire des aimans artificiels beau- coup plus forts que tous ceux qui étoient déja counus , a employé très-heureusement l’ap- plication de ces mêmes aimans pour Le sou- lagement de plusieurs maux. Nous croyons devoir placer dans la note ci-après, un extrait du rapport fait par MM. les commissaires de la société royale de médecine, au sujet des iravaux utiles de ce physicien, qui les con- tinue avec zèle , et d’une manière d'autant plus louable, qu’il les consacre gratuitement au soulagement des malheureux ?. 1 On peut voir à ce sujet Poüvrage de' M. l'abbé Bertholon , intitulé : De lélectricité du corps humain. | 2 Dans un compte rendu à la société royale de médecine sur les effets de l’aimant, et au sujet des travaux de M. Le Noble, les commissaires .s’expri= ment en ces termes: AE En en k 4, é - ! NE AA D'MAUN TI. |: 5 Nousavons cru devoir y placer aussi quel- ques détails relatifs aux divers succès que M. l'abbé Le Noble a obtenus depuis la publi- « LS LES A À « Les affections nerveuses nous ont paru céder et se dissiper d’une manière constante pendant l'usage de l’aimant ; et au contraire, les affections humorales n’ont éprouvé aucun changement par la plus forte et la plus longue application de l'amant. Dans toutes les affections nerveuses, quelle que fût la nature des accidens dont elles étoient accompagnées, soit qu’elles consistassent en des affections purement douloureuses, soit qu’elles parussent plus particulièrement spasmo- diques et convulsives; quel que fût aussi leur siége et leur caractère, de quelque manière enfin que nous eussions employé l’aimant, soit en armure habituelle et constante, soit par la méthode des simples applications, toutes ces affections ont subi des changemens plus ou moins marqués, quoique presque toujours le soulagement m’ait guère été qu’une simple palliation de la maladie. Ces afféc- tions nous ont paru.céder et s’affoiblir d’une ma nière plus où moins marquée pendant le traite- meui, Plusieurs malades, que le soulagement dont ils jouissoïent depuis quelque temps, avoit engagés à quitter leurs garnitures, avant vu se renouvelez Yo4 AT (R AAUTOTUE ? f J , cation du rapport de MM. de la société royale, et qu'il nous a communiqués lui-même. Les premiers physiciens qui ont voulu 1 < ensuite leurs accidens, qu’une nouvelle applica- « uon de laimant a toujours suffi pour faire dispa- « roître, nous sommes restés convaincus que c’étoit « à l’usage des aimans qu’on devoit attribuer le sou- « lagement obtenu... ..., Nous nous sommes scru- « puleusement abstenus d'employer aucun autre « remède pendant le trailement. De tous les secoûrs « qu’on peut desirer de voir joindre à l'usage de « l’aimant, c’est de l’électricité sur-tout dont il « semble qu’on ait lieu de plus attendre......, Le « magnétisme intéresse le bien public; il nous paroît « devoir mériter toute l’atiention de la société. Qu’on « nous permette, à ce sujet , une réflexion. De tous « les objets sur lesquels l’enthousiasme peut s’exCI- « ter, et dont le charlatanisme peut, par cette raison, « abuser avec plus de confiance, le magnétisme « paroît être celui qui offre à l’avidité plus de faci- « lités et plus de ressources. L’histoire seule de cet « art sufliroit pour en convaincre , quand des essais « qui le multiplient sous nos yeux, n’auloriseroient « pas cetle présomption. C’est sur-tout sur- de « par@ils objets , devenus pour le public un sujet de « curiosité, qu’il est à desirer que les compagnies | DE L'AIMANT. ro rechercher les rapports analogues des forces magnétique et électrique, essayèrent de rap- porter l'électricité, qu’on venoit, en quelque # A A 2 & « « ñ A . f « « » — R À L) savantes portent toute leur attention, pour arra= cher à Perreur une confiance qu’elle nemanqueroit pas de gagner, si l’on ne dissipoit aux yeux des gens crédules les prestiges du charlatanisme, par des essais faits avec exactitude et imparüalité De pareils projets, pour être remplis d’une manière utile, ont besoin de l’appui du gouvernement ; mais où les secours peuvent-ils mieux être appli: qués qu'aux objets qui touchent aux progrès des sciences et au bien de l’humanité ? | « En desirant que le gouvernement autorise la société à annoncer, sous ses auspices, un tralte= ment gratuit et public pour le magnétisme, nous croyons encore ulile que la compagnie invite ceux de ses associés et correspondans à qui ces sortes d’essais peuvent être agréables , à concourir avec elle au succès de ses recherches. La société sait , par l’exemple de électricité, combien elle peut retirer d’avantages de cette réunioh de travaux. Le magnétisme offre encore plus de facilités pour répéter ou multiplier les essais que l’on jugeroit nécessaires. Mais, pour rendre ce concours de recherches plus fructueux , on sent qu'il est « SA A de UE TRAITÉ 0. à sorte, de découvrir, : au magnétisme, dont on connotssoit depuis long - temps les grands phénomènes *. Des physiciens récens ont, « nécessaire qu’il soit dirigé sur un plan uniforme. « Le rapport que nous soumettons ici à l’examen « de la compagnie, rempliroit cette vue, et nous lui « proposons de le faire imprimer et distribuer par « la voie de sa correspondance ordinaire. « La société, pour se livrer elle-même à ces tra- « vaux, devant s’atiacher un physicien exercé dans « la préparation des aimans, et versé dans tous les « genres de connoïssances relatives à leur adminis- « tration, nous pensons que le choix de la compagnie « doit tomber sur M. l’abbé Le Noble. Plusieurs « raisons nous paroissent devoir lui mériter la pré- « férence. On doit le regarder comme un des pre- « miers physiciens qui, depuis le renouvellement « des expériences de l’aimant, se soient occupés de « cet objet. En 1963, c’est-i-dire, deux ans à peu près avant M. Klarich, que l’on regarde comme le principal rénovateur de ces essais, et dont les * * Le P. Berault, Jésuite, auteur d’une disserta= tion couronnée par l’académie de Bordeaux, a soup- conné, le premier, que les forces maguétique et électrique pouvoient être identiques. HOMRIATMANT eo avec plus de fondement, attribué ce même magnétisme à l'électricité qu’ils connois- soient mieux : mais ni les uns ni les autres 8 À observations ont fait attribuer à l'Angleterre la gloire de cette découverte, les aimans de M. l'abbé Le Noble pour les dents paroïssent avoir été connus dans la capitale, et recherchés des physiciens. A ù mois de juin 1766 , dans le même temps que M. Darquier, qu’on regarde comme le premier qui ait répété en France les essais de M. Klarich dans les maux de dents, M. abbé Le Noble publia en ce genre plusieurs observations. Deux ans avant que le P. Hell, à Vienne, fit adopter générale= ment la méthode des armures magnétiques, il avoit annoncé plusieurs espèces de plaques airnan- tées, préparées pour être portées habituellement sur différentes parties du corps. Depuis ces difé- rentes époques, M. l’abbé Le Noble n’a cessé de s’occuper de l'usage de l’aimant dans plusieurs espèces d’affections nerveuses. Les résultats qu’il avoit obtenus de ces essais, sont consignés dans un mémoire qu'il lut, au mois de sepiembre 1:97, dans une des séances de Ja société. Enfin, vour compléter l’histoire de ses travaux, on doit y j oin= dre les différens essais auxquels ont donné lieu nos propres observations, et dont nous reconnoissons 15 TRAITÉE à n'ont fait assez d'attention aux différences Nr PR PARUS FOR AN LS 4 ÿ4, AE fi \l ne: LT, UN UN NE AI qu : Eye à # k FM s 6 . { \ de l’action de ces deux forces , dont nous venons d’exposer'les relations analogues, et « « ” qu'il doit, s’il en résulie quelque utilité, partager avec nous le mérite. À ce sujet, nous devons rendre compte à la compagnie, du zèle avec lequel M. l'abbé Le Noble s’est porté à nous seconder dansnos recherches. Quoique la durée de ces essais, et sa résidence ordinaire en province, aient exigé de lui de fréquens voyages et de longs séjours à Paris, quoique la multiplicité des malades qui ont eu recours à l’aimant, le peu d’aisance du plus grand nombre, la durée du long traitement, pendant lequel les armures ont dû être souvent renouvelées, aient été autant de charges, d'in commodités et de sujets de dépense pour M. Pabbé Le Noble, nous devons annoncer qu'il n’a épargné ni soins, ni peines, ni sacrifices, pour concoumrs, autant qu’il étoit en lui, au succès de nos épreuves et au soulagement des malheureux. M. abbé Le Noble se monire encore animé des mêmes dispo sitions, et prêt à les mettre en œuvre, si les cir- constances répondotent à ses desirse Mais, attaché par la nature de ses devoirs à la place qu’il rem- plit en province , il ne pourroit concourir d’une wanitre uule aux expériences que nous propo= DE L'AL'M:AN T. 109 qui néanmoins diffèrent par plusieurs rap- ports, et notamment par les directions par- ticulières que ces forces suivent, ou qu’elles « sons, s’il n’étoit fixé à Paris. C’est au gouverne= « ment seul qu'il appartient de lever cet obstacle, « et nous pensons que la compagnie doit renouveler « en sa faveur les mêmes instances qu’elle à déja « faites en 1978, pour lui obtenir une résidence « fixe dans la capitale. « Des raisons particulières et personnelles à M. « Le Noble nous paroissent devoir lui mériter cette « faveur du gouvernement. C’est sur-tout en em- « ployant de forts aimans, portés au plus haut degré « de force, et préparés de manière à former une « machine semblable à celle de électricité, qu’on « doit attendre de nouveaux avantages du magné= « tisme. M. l'abbé Le Noble possède en ce genre des « procédés très-supérieurs à tous ceux qui nous ont été connus , et employés jusqu'ici par les phy- « siciens. Nous apportons en preuve de ce que nous « avanCons 101, un certificat de l’académie royale des « sciences, à laquelle M. abbé Le Noble a présenté « des aimans capables de soutenir des poids de plus « de deux cents lives, et qui lui ont mérité les «éloges et approbation de cetie compagnie. C’est = avec des aimans de ce genre qu’on a lieu de se Me Lu. SV. 10 DATA EE PUR R PENSE NOR VE 10 DR LS de dE | prennerit d'elles-mèmes : car la direction du magnétisme se combine avec le gisement des continens , et se détermine par la posi- « flatter d'obtenir du magnétisme des effets extraor- « dinaires et inconnus. » M. l'abbé Le Noble nous a communiqué les détails suivaus, relatifs aux diverses applications qu'il a faites de l’aimant dans les maladies, depuis la pu- blication du rapport de la société royale de mé- decine. En 1586, le 24 mai, à cinq heures du soir, une plaque d’aimant envoyée par M. l'abbé Le Noble fat appliquée sur l'estomac à une malade âgée de cinquanté-un ans, et qui, depuis l’âge de vingt- deux, éprouvoit de temps en temps des attaques de nerfs plus ou moins fréquentes, qui étoient venues à la suite d'une suppression, et étoient accompa- gnées de convulsions tres-fortes ,‘et d’autres symp- tômes effrayans. Ces attaques avoient disparu quel- quefois pres d’un an; elles avoient été aussi Sus= peudues par différens remèdes. Pendant les divers intervalles qui avoient séparé le temps où les attaques toïent plus où moins fréquemtes, la personne qui lés avoit éprouvées avoil joui d’une bonne santé ; mais depuis quinze mois elle étoit retombée dans , |. (iLX … RIT ANNE DU "DE LA l MA NT. TIC tion particulière des mines de fer et d’ai- mant , des chaînes de laves ; de basaltes, et de toutes les matières ferrugineuses qui ont son premier état. Sur la fin même, les accidens arrivoient plus de dix ou douze fois par Jour, et quelquefois duroient plusieurs minutes. Depuis dix= huit mois les évacuations périodiques étoient dé- rangées, et n’ayoient lieu qué de deux mois en deux mois. L'effet de l’aimant fut très-prompt : la malade n'eut plus de convulsions, quoique dans la matinée et dans l’après-dinée elle en eût éprouvé plus de vingt fois. Le 16 juin, les convulsions n’étoient point encore revenues; la malade se portoit mieux; elle sentoit ses forces et son appétit angmenter de jour en jour ;-elle dormoit un peu mieux pendant la nuit, et s occupoit continuellement, pendant le jour, des travaux pémibles de la campagne, sans en être in- commodée; elle sentoit cependant toujours un petit traillement dans l'intérieur du front. Elle rendoit quelquefois des vents comme auparavant; sa respi- ration éloit un peu gente lorsqu'ils s’échappoient, mais n’avoit jamais été suspendue depuis l’applica- tion de l’aimant, ainsi que cela arrivoit très-souvent auparavant, Ces faits ont été ailestés par le curé du lieu, FAI F Len hs PAR NON RS ai | 112 SSP tot R'A FPT subi l’action du feu; et c’est par cette raison que la force magnétique a autant de diffé- rentes directions qu'il y a de poles magné- et il est à croire que le bien-être s’est soutenu, puisque la malade n’a point demandé de nouveaux secours. Une dame qui souffroit beaucoup des nerfs, pres- que dans tout le.corps, et dont la santé étoit si dé- rangée qu’elle n’osoit point tenter les remèdes inté- rieurs, s’est trouvée soulagée par'le moyen d’un collier d’aimant, et l’application d’un aimant sur le -creux de l'estomac, ainsi qu’elle l’a écrit elle-même à M. l’abhé Le Noble. Une malade souffroit, depuis six mois, des maux de nerfs qui lui donnoïent des maux de gorge et d'estomac, au point que très-souvent l’œsophage se fermoit presque entièrement, et la metioit dans une impossibilité presque ahsolue d’avaler même les liquides pendant à peu près la moitié de la journée : nue fièvre épidémique s’étoit jointe aux accidens nerveux. On lui appliqua un collier et une cemture d’aimant, suivant la méthode de M. l’abbé Le Noble. Huit ou dix heures après, la malade se trouva ‘ comme guérie , et se porta passablement bien pen« D - D'ETL" AT DTA NT. tri tiques sur le globe , au lieu que la direction de l'électricité ne varie point, et se porte constamment de l’équateur aux deux poles dant trois mois, au bout desquels le médecin qui lavoit traitée certifia à M. l’abbé Le Noble la ma-. ladie et la guérison. Ce même médecin pensoit que les nerfs de cette dame ayoient élé agacés par une humeur. Une jeune demoiselle ayant eu , pendant plus de trois ans, des attaques d’épilepsie qui avoient com- mencé à l’époque où les évacuations ont lieu, et ayant fait inutilement plusieurs remèdes conseillés par un membre de la société royale de médecine, eut recours aux aimans de M. l’abbé Le Noble, d’après l’avis du même médecin : les attaques ces= strent bientôt, et, dix mois après leur cessation, sa mère écrivit au médecin qui lui avoit conseillé les aimans de M. l'abbé Le Noble, pour luiannoncer la guérison de sa fille. ‘ Une dame souffroit, depuis plus de huit ans, des maux de nerfs qui avoient été souvent accompagnés d’accidens graves et fâcheux, de lassitudes , d’in- somnies, de douleurs vives, de convulsions, d’éva- noulssemens , et sur-tout d’un accablement général "i 10 x14 TREATTS terrestres. Les glaces, qui recouvrent les régions polaires des deux hémisphèrestdu globe , doivent déterminer puissamment le | , et d’une grande tristesse. Les aimans de M. l’abbé Le Noble l’ont guérie, etelle l’a attesté elle-même, un mois ou environ après, à M. l’abbé Le Noble. Sa guérison s’éloit toujours soutenue. Une dame qui étoit malade d’une épilepsie sur- venue à la suite d’une frayeur qu’elle avoit eue dans un temps critique, a certifié que, depuis quatre ans qu’elle porte des aimans de M. Le Noble, elle a toujours été soulagée ; que si divers événemens lui ont donné quelquelois des crises, elles ont été pas- sagères, et bien moins violentes que celles qu’elle avoit éprouvées, et qu’elle jouit habituellement d’un bien-être très-marqué. , \ Trois femmes et un homme ont été guéris, par Japplication de l’aimant, de maux de nerfs, accom- pagnés de convulsions fortes, etc. Trois ans se sont écoulés depuis la guérison d'une de ces femmes, et elle se porte encore très-bien. M. Picot, médecin de la maison du roi de Sar= daigne, a certifié à M. l’abhé Le Noble qu’il s’étoit DE L’AIM ANT. xtb fluide électrique vers ces régions polaires, où il manque, et vers lesquelles 1l doit se por- ter, pour obéir aux lois générales de l’équi- servi de ses aimans avec le plus grand succès pour procurer à une femme très-délicate et d’une très- grande sensibilité des évacuations périodiques, dé- rangées ou supprimées, en partie, depuis plus de deux ans. Le même médecin atteste avoir été guéri Jui-mème d’une migraine qui avoit résisté, pen- dant plus de huit ans, à tous les secours de Part. 11 demande en conséquence à M. Le Noble qu’il Établisse un dépôt de ses aimans dans R ville de Turin. Depuis plus de dix-huit mois une dame ne pou- voit prendre la plus léoère nourriture, sans que son estomac fût extrêmement fatigué. Elle ressentoit des douleurs presque continuelles, tantôt dans le côté droit , tantôt entre les deux épaules, et souvent dans la poitrine ; elle éprouvoit tous les soirs, sur la fin de sa digestion, un étouffement subit, une tension générale, une inquiétude qui la forcoit à cesser toute occupation, à marcher, à aller à Pair quelque froid qu’il fît, et à relâcher tous les cordons de son babit. Quinze jours après avoir employé les aimans , de M. l'abbé Le Noble, elle fut entièrement guérie ; î a\ © Le libre des fluides, an sida quela glace n’influe pas sur le magnétisme, qui ne reçoit d’in- et aucune douleur ni aucun accident n’étoient revenus six semaiues après qu’elle eut commencé à les por ter, ainsi qu’elle l’attesta elle- même à M. l'abbé Le Noble. } Î Une dame a certifié elle-même qu’elle avoit souf- fert, pendant six jours, des douleurs très-vives, occasionnées par un rhumatisme au bras gauthe, dont elle avoit entièrement perdu usage ; qu’elle avoit employé sans succès les remèdes ordinaires ; qu’elle avoit eu recours aux plaques aimantées de M. l'abbé Le Noble, et que quatre jours après elle avoit été entièrement suérle. Uu homme très-digne de foi a aussi certifié à M. l'abbé Le Noble qu’il avoit été guéri, par Pappli- cation de ses aimans, d’un rhumatisme très-doulou- reux, dont il souffroit depuis plusieurs années, et dont de siége étoit au bas de l'épine du dos. Près d’an an après, cet homme portoit toujours sur le bas du dos la plaque aimantée ; les douleurs avoient disparu, et il ne sentoit plus que quelquefois nn peu d’engourdissement lorsqu'il avoit été séden- ire pendant trop long-temps : mais il dissipoit cet | ip ni De "L? ATNA NT. 117 flexions que par son rapport particulier avec les masses de l’aimant et du fer. engourdissement en faisant quelques pas dans sa chambre. Un homme malade d’une paralysie incomplète, souffrant dans toutes les parties du corps, et ayant tenté inutilement tous les remèdes connus, fut adressé, dans le mois de septembre 1585, à M. l'abbé Le Noble, par un membre de la société de médecine ; on lui appliqua les aimans, et au mois de janvier 1786 il s’est très-bien porté. | Une dame qui souffroit, depuis vingt ans, des douleurs rhumatismales qui l'empéchoient de dor- mir et de marcher, étoit presque entièrement guérie au mois: de février 1787. Le nommé Boissel, garcon menuisier, âgé de cinquante ans, a eu recours à M. l'abbé Le Noble, le. 9 novembre 1986. Il y avoit dix mois qu’il éprouvoit de grandes douleurs dans les deux bras : : le gauche étoit très-enflé et Miamné, 1] lui étoit impossible de l’étendre, èt la douleur se commu- niquoit à la poitrine, à l’estomac et aux côtés, et mème jusqu'aux jambes, dont il ne pouvoit faire \ \ [% » 1 7 r18 TRAITÉ : De plus ,iln’y a des rapports semblables et bien marqués qu'entre les aimans et les | Â usage qu’à l'aide d’une béquille; on étoit obligé de le porter dans son lit, où il ressentoit ‘encore les mêmes douleurs. [l avoit été trois mois à Hôtel- Dieu , et 1l y en avoit deux qu’il en étoit sorti sans y avoir, éprouvé le plus léger soulagement. Mais après l’application des aimans de M. l'abbé Le Noble, le y novembre, les mouvemens dans les jambes, ainsi que dans les bras, sont devenus libres ; le 19 dudit mois il se promenoit dans sa chambre ; et voyant la facilité avec laquelle il marchoit, il crut qu'il pourroit sortir sans aucun risque. En effet, il a été ce jour-là à quelque distance de son domicile, et, le lendemain 20, il est venu de la rue ueuve Saint-Martin, où 1l demeure, à la rue Saint-Thomas du Louvre. Les douleurs étoient én- core vives dans les jambes, quoique les mouvemens fussent libres; mais elles se sont dissipées par degrés, et ont cessé le 15 février. Il s’est établi sous les aimans, à la cheville des pieds et sous les jar= retières, des esp'ces de petits cautères qui rendoient une humeur épaissêet gluante. Les jambes, qui étoient considérablement enflées, sont maintenant, au mois de mars 1789, dans l’état naturel; 1l marche tres-bien, et jouit d’une bonne sante. 4 DE L’AIMANT. Trg corps électriqnes par eux-mêmes, et l’on ne connoît point de substances sur lesquelles le magnétisme produise des effets pareils à ceux que l'électricité produit sur les subs- tances qui ne peuÿent être électrisées que par communication. D'ailleurs le magne- tisme ne se communique pas de la même manière que l'électricité dans beaucoup de circonstances, puisque la communication du magnétisme ne diminue pas la force des aimans , tandis que la communication de l'électricité détruit la vertu des corps qui la produisent. On peut donc dire que tous les effets ma- gnétiques ont leurs atalogues dans les phé- nomènes de l'électricité : mais on doit con- vénir, en même temps , que tous lés phé- momènes électriques n’ont pas de même tous leurs analogues dans les effets magné- tiques. Ainsi nous ne pouvons plus douter que la force particulière du magnétisme - ne dépende de la force générale de l’eélectri= cité , et que tous les effets de l’aimant ne soient des modifications de cette force élec- trique *. Et ne pouvons-nous pas considérer # Notre opinion est confirmée par les preuves 320 : 3 | l’aimant comme un corps perpétuellement électrique, quoiqu'il ne possède l’électricité que d’une manière particulière; à laquelle on a donné le nom de magnétisme ? La nature des matières ferrugineuses, par son aff uité avec la substance du feu , est assez puis- saute pour fléchir la direction du coursr de l'électricité générale, et même pour en ralentir le mouvement , en le deétermi- nant vers la surface de l’aimant. La lenteur de l’action magnétique , en comparaison de la violente rapidité des chocs électriques, nous représente en effet un fluide qui,-toué actif qu’il est, semble néanmoins être ralenti, suspendu, et, pour afhsi dire, assoupi dans son cours. Ainsi, je le répète, les principaux effets du répandues dans une dissertation de M. Épinus , lue à l’académie de Saint-Pétersbourg : ce physicien y a fait voir que les effets de l’électricité et du magné- tisme non seulement ont du rapport dans quelques points, mais qu'ils sont encore semblables dans un très-grand nombre de circonstances des plus essen- üelles; en sorte, dit-il, qu'il n'est presque pas à douter que la Nature n’emploie à peu près les mêmes moyens pour produire l’une et l’autre force. "À j CN RE à DEHIL'AIT MA NT. 121 magnétisme se rapprochent, par une ana- logie marquée, de ceux de l'électricité, et le grand rapport de la direction générale et commune des forcesélectrique et magnétique, de l'équateur aux deux poles, les réunit en- core de plus près , et semble mème les iden- tifier *. 20 Si la vertu magnétique étoit une force résidante dans le fer ou dans l’aimant , et qui leur fût inhérente et propre, on ne pourroit la trouver ou la prendre que dans l’aimant même, ou dans le fer actuelle- ment aimanté ; et il ne seroit pas possible de l’exciter ou de la produire par un autre . * M. le comte de Tressan a pensé comme nous, que le magnétisme n’étoit qu’une modification de Pélectricité. Voyez son ouvrage, qui à pour titre , Essai sur le fluide électrique , considéré comme agent universel; maïs notre théorie n’en diffère pas moins de son opinion. L’hypothèse de ce phy- sicien est ingénieuse , suppose beaucoup de connois- sances et de recherches ; il présente des expériences intéressantes, de bonnes vues, et des vérités impor. tantes : mais cependant on ne peut admettre sa théorie. Elle consiste principalement à expliquer le PCR “nn _ mécanisme de l’univers, el 1ous les effets de l’art / LA 122 TRAITÉ moyen : mais la percussion, le frottement ; et même la seule exposition aux impressions de l’atmosphère , suffisent pour donner au fer cette vertu magnétique; preuve évidente qu’elle dépend d'une force extérieure qui s'applique, ou plutôt flotte à sa surface, et se renouvelle sans cesse. En considérant les phénomènes de la direc- tion de l’aimant, on voit que les forces qui produisent et maintiennent cette direction, se portent généralement de l’équateur aux poles terrestres , avec des variations dont les unes ne sont qu'alternatives d'un jour à l'autre , et s’opèrent par des oscillations mo- traction ,; par le moyen du fluide électrique. Mais Paction impulsive d aucun fluide ne peut exister que par le moyen de l’élasticité, et l’élasticité n est elle- même qu'un effet de Paitraction, ainsi que nous Pavons ci-devant démontré. On ne fera donc que reculer la question, au lieu de la résoudre, toutes les fois qu'on voudra expliquer lattraction par l'impulsion, dont les phénomenes sont tous dépen« dans de la gravitation universelle. On peut consulter, à ce sujet, Particle intitulé de l_Aitraction, du premier volume de la Physique générale el parti culière de M. le comte de la Cepède. F1 ‘ / DE L’AIMANT. 123 mentanées et passagères, produites par les variations de l’état de l'air, soit par la cha- leur ou le froid, soit par les vents, les orages, les aurores boréales; les autres sont des va- riations en déclinaison et en inclinaison, dont Les causes, quoiqu’égaleihent acciden- telles, sont plus constantes, et dont les effets ne s’opèrent qu'en beaucoup plus de temps; et tous ces effets sont subordonnés à la cause générale , qui détermine là direction de la force électrique de l'équateur vers les poles. En examinant attentivement les inflexions que la direction générale de l’électricite et du magnétisme éprouve de toutes ces causes par- ticulières, on reconnoiît , d’après les obser- _vations récentes et anciennes, que les grandes variations du magnétisme ont une marche progressive du nord à l’est ou à l’ouest, dans certaines périodes de temps, et que la force magnétique a, dans sa direction, différens points de tendance ou de determination, que l’on doit resarder commeautant de poles magnétiques vers lesquels , selon le plus ou moins de proximité , se fléchit la direction de la force générale , qui tend de l’équateur aux deux poles du globe. Gi OTRAITÉ Li Ce mouvement en déclinaison nes ‘opère que lentement ; et cette déclinaison parois- sant être assez constante pendant quelques années , on peut regarder les observations faites depuis douze à quinze ans, comme autant de déterminations assez Justes de la position des lieux où elles ont été faites. On doit réunir aux phénomènes de la dé- clinaison de l’aimant, ceux de son incli- maison ; ils nous démontrent que la force magnétique prend , à mesure que l’on ap- proche des poles, une tendance de plus en plus approchante de la perpendiculaire à à la surface du globe; et cette inclinaison , quoi- qu'un peu tasdifiée par la proximité des poles magnétiques, qui détermine la decli- naison , nous paroitra cependant beaucoup moins irrégulière dans sa marche progressive vers les poles terrestres, et plus constante que la déclinaison dans les mêmes lieux, en différens temps. | Pour se former une idée nette de cette in- clinaison de l’aimant, il faut se représenter la figure de la terre, renflée sous l'équateur et abaissée sous les poles; ce qui fait une courbure, dont les degrés ne sont point tous ARRET! | D COLA MMA NT es ésaux , comme ceux d’une sphère parfaite. Il faut en même temps concevoir que le mou- vement qui tend de l'équateur aux poles, doit Suivre cette courbure , et que par con- séquent sa direction n’est pas simplement horizontale, mais toujours inclinée de plus en plus , en partant de l’équateur PORT arri- ver aux poles. k Cette inclinaison de l’aimant, ou de l’ai- guille aimantée, démontre donc évidem- ment que la force qui produit cemouvement, suit la courbure de la surface du globe , de l'équateur dont elle part, jusqu'aux polés où elle arrive ; si l’inclinaison de l'aiguille n'étoit pas dérangée par l’action des poles magnétiques, elle seroit donc toujours très petite ou nulle dans les régions voisines de l'équateur, et très - grande ou complète, c’est-à-dire, de 90 degrés, dans les partLes polaires. En recherchant quel peut être le nombre des poles magnétiques actuellement exis— tans sur le globe , nous trouverons qu’il doit y en avoir deux dans chaque hémi- sphère; et de fait, les observations des navi- gateurs prouvent qu’il y a sur la surface du 11 2 Jo. WA UT SANS À Fat } ! “ \ \ (154 126 D CHU On hs globe trois espaces plus ou moins étendus, trois bandes plus ou moins larges, dans lesquelles l'aiguille aimantée se dirige vers Je nord, sans décliner d’aucun côté. Or une bande sans déclinaison ne peut exister que dans deux circonstances : la première; lorsque cette bande suit la direction du pole magnétique au pole terrestre; la seconde, lorsque cette bande se trouve à une distance” de deux ou de plusieurs poles magnétiques, telle que les forces de ces poles se compensent et se détruisent mutuellement : car, dans ces deux cas, le courant magnétique ne peut que suivre le courant général du fluide élec- trique et se diriger vers le pole terrestre ; et l'aiguille aimantée ne déclinera dés lors d'aucun côté. D'après cette considération, on pourra voir aisément, en jetant les yeux sur un globe terrestre, qu'un pole magné- tique ne peut produire dans un hémisphère que deux bandes sans déclinaison, séparées l'une de l'autre par la moitié de la circon— férence du globe. S'il y a deux poles magné- tiques, l’on pourra observer quatre bandes sans déclinaison , chaque pole pouvant en produire deux par son action particulière : ne F=. DE L\ATMANT. 127 mais alors ces quatre bandes ne seront pas placées sur la même ligne que les poles ma- gnétiques et le pole de la terre ; elles seront aux endroits où les puissances des deux poles magnétiques Seront combinées avec leurs distances, de manière à se détruire. Ainsi une et deux bandes sans déclinaison ne sup- posent qu’un seul pole magnétique ; trois et quatre bandes sans déclinaison en supposent deux ; et s’il se trouvoit sur le globe cinq ou six bandes sans déclinaison, elles indique- roient trois poles magnétiques dans chaque hémisphère. Mais, jusqu’à ce jour, l’on n’a reconnu que trois bandes sans declinaison, lesquelles s'étendent toutes trois dans les deux hémisphères : nous sommes par conse- quent fondés à n’admettre aujourd’hui que deux poles magnétiques dans l'hémisphère boréal , et deux autres dans l'hémisphère aus- tral ; et si l’on connoissoit exactement la position et le nombre de ces poles magné- tiques , on pourroit bientôt parvenir à se guider sur les mers sans erreur. On a tort de dire que les hommes donnent trop à la vaine curiosité; c’est aux besoins, à la nécessité , que les sciences et les aris ES 220. doivent leur naissance et leurs progrès. Pour< quoi trouvons-nous les observations magné- tiques si multipliées sur les mers , et en si petit nombre sur les continens ? C'est que ces observations ne sont pas nécessaires pour voyager sur terre, mais que les navisateurs ne peuvent s’en passer. Néanmoins il seroit très-utile de les multiplier sur terre ; ce qui d’ailleurs seroit plus facile que sur mer. Sans ce travail , auquel on doit inviter les physi- ciens de tous pays , on ne pourra jamais for- mer une théorie complète sur les grandes variations de l’aiguille aimantée, ni par conséquent établir une pratique certaine et précise sur l’usage que les marins peuvent faire de leurs différentes boussoles. Les effets du magnétisme se manifestent ou du moins peuvent se reconnoiître dans toutes les parties du globe, et par-tout où l’on veut les exciter ou les produire. Ta force électrique, toujours présente , semble n’at- tendre pour agir et pour produire la vertu \ magnétique , que d’y être déterminée par la combinaison des moyens de l’art, ou par les combinaisons plus grandes de la Nature ; et malgré ses variations , le maguélisme est DE L'AIMANT. 129 encore assujetti à la loi générale qui porte et dirige la marche du fluide électrique vers les poles de la terre. | Si les forces magnétique et électrique étoient simples , comme celle de la gravi- tation , elles ne produiroient aucun mou- vement composé ; la direction en seroit tou- jours droite, sans déclinaison ni inclinaison, et tous les effets en seroient aussi constans M qu'ils sont variables. L’attraction , la répulsion de l’aimant, son mouvement tant en déclinaison qu’en inclinaison , démontrent donc que l'effet de cette force magnétique est un mouvement composé, une impulsion différemment diri- gée ; et cette force magnétique agissant , tantôt en plus, tantôt en moins, comme la force électrique , et se dirigeant de même de l'équateur aux deux poles, pouvons - nous douter que le magnétisme ne soit une modi- fication , une affection particulière de l’élec- tricité , sans laquelle il n’existeroit pas ? Les effets de cette force magnétique, étant moins généraux que ceux de l'électricité, peuvent montrer plus aisément Ia direction de cette force électrique. Cette direction vers # 6 Vol Le 23e HERATRE ‘ À KT RETE les poles nous est démontrée en effet par celle de l’aiguille aimantée, qui s'incline de plus en plus, et en sens contraire, vers les poles terrestres. Et ce qui prouve encore que le magnétisme n’est qu’un effet de cette force électrique , qui s'étend de l'équateur aux poles , c’est que des barres de fer ou d’acier placées dans la direction de ce grand courant acquièrent avec le temps une vertu magné:- tique plus ou moins sensible, qu’elles n’ob- tiennent qu'avec peine, et qu’elles ne re- çoivent même en aucune manière, lors- qu'elles sont situées dans un plan trop éloigné de la direction, tant en déclinaison qu’en inclinaison, du grand courant élec- trique. Ce courant général , qui part de l’é- quateur pour se rendre aux poles, est sou- vent troublé par des courans particuliers, dépendans de causes locales et accidentelles. Lorsque, par exemple, le fluide électrique a été accumulé. par diverses circonstances dans certaines portions de l’intérieur du globe, il se porte avec plus ou moins de vio- lence, de ces parties où il abonde, vers les endroits où il manque. IL produit ainsi des foudres souterraines, des commotions plus ee a+ JE / DE D'ATMANT 13€ ou moins fortes, des tremblemens de terre plus ou moins étendus. Il se forme alors, non seulement dans l’intérieur , mais même à la surface des terrains remués par ces se— cousses , un courant électrique qui suit la même direction que la commotion souter- raine, et cette force accidentelle se mani- feste par la vertu magnétique que reçoivent, des barres de fer ou d'acier placées dans le même sens que ce courant passager et local. L'action de cette force particulière peut être non seulement égale, mais même supérieure à celle de l'électricité générale, qui va de l'équateur aux poles. Si l’on place en effet des barres de fer , les unes dans le sens du cou— rant général de l'équateur aux poles , et les autres dans la direction du courant particu- lier , dépendant de l'accumulation du fluide électrique dans l’intérieur du globe, et qui produit le tremblement de terre, ce dernier courant, dont l'effet est cependant instan- tané et ne doit suère durer plus lous-temps que les foudres souterraines qui le produisent, donne la vertu magnétique aux barres qui se trouvent dans sa direction, quelque angle qu’elles fassentavec le méridien magnétique, 21932 TRAITÉ | tandis que des barres entièrement sem blables, et situées depuis un très-long temps dans le sens de ce méridien , ne présentent aucun-signe de la plus foible aimautation *. Ce dernier fait, qui est important, démontre le rapport immédiat du magnétisme et de l'électricité, et prouve en même temps que le fluide électrique est non seulement la cause de la plupart des tremblemensde terre, mais qu'il produit aussi l’aimantation de toutes les matières ferrusineuses sur les- quelles il exerce sou action. Se Rassemblant donc tous les rapports entre les phénomènes, toutes les convenances. entre les principaux effets du magnétisme et de l'électricité, il me semble qu'on ne peut pas se refuser à croire qu’ils sont pro- duits par une seule et même cause, et je suis persuadé que si on réfléchit sur la théorie que je viens d'exposer, on en reconnoitra clairement l'identité. Simplifier les causes, et généraliser les effets, doit être le but du physicien ; et c'est aussi tout ce que peut le * Ces faits ont été mis hors de doute par des expériences qui ont éLé faites par M. de Rozières, gapltaine au corps royal du gême, # e Gi Î DE L’AIMANT. 133 génie aidé de l'expérience et guidé par les observations. | Or nous sommes aujourd’hui bien ais) rés que le globe terrestre a une chaleur qui lui est propre, et qui s’exhale incessamment par des émanations perpendiculaires à sa surface ; nous savons que ces émanations sont constantes, très-abondantes dans les régions voisines de l’équateur , et presque nulles dans les climats froids. Ne doivent- elles pas dès lors se porter de l'équateur aux deux poles par des courans opposés ? et comme l'hémisphère australest plus refroidi que le boréal, qu’il présente à sa surface une plus grande étendue de plages glacées , et qu'il est exposé pendant quelques jours de moins à l’action du soleil *.,, les émana- tions de la chaleur qui forment les courans électriques et magnétiques, doivent s’y por- ter en plus grande quantité que dans l’he- misphère boréal. Les poles magnétiq ues bo- réaux du globe sont dès lors moins puissans que les poles magnétiques austraux. C’est l'opposé de ce qu’on observe dans lesaimans, * Voyez les Époques de la Nature. 12 ti tant naturels qu'artificiels, dont le pole boréal est plus fort que le pole austral , ainsi que nous le prouverons dans les articles suivaus : et comme c’est un effet constant du magnétisme, que les poles semblables se repoussent , et que les poles différens s’at- tirent, 1l n’est point surprenant que, dans quelque hémisphère qu'on transporte l’ai- guille aimantée, son pole nord sedirige vers le pole boréal du globe, dont il diffère par la quantité de sa force, quoiqu'il porte le mème nom, et qu'également son pole sud se tourne toujours vers le pole austral de la terre , dont la force diffère aussi, par sa quantité, de celle du pole austral de l’ai- guille aimantée. L'on verra douc aisément comment, par une suite de l'inégalité des deux courans électriques , l'aiguille aiman- : tee qui marque les declinaisons, se tourne toujours vers le pole nord du globe, dans quelque hémisphère qu'elle soit placée , tan- dis qu'au contraire l’aiguille qui marque l’inclinaison de l’aimant ; s'incline vers le nord dans l'hémisphère boréal ;, et vers le pole sud dans l'hémisphère austral, pour obéir à la force générale, qui va de l’équa- DE L’AIMANT. 135 teur aux deux poles terrestres en suivant la courbure du globe, de même que les par-. ticules de limaille de fer répandues sur. un aimant s’inclinent vers l’un ou l’autre des deux poles de cet aimant, suivant qu’elles en sont plus voisines , ou que l’un des poles a plus de supériorité sur l’autre. Ces phéuo- mènes , dont l'explication a toujours paru difficile, sont de nouvelles preuves de notre théorie , et montrent sa liaison avec les grands faits de l’histoire du globe. Voilà donc les deux phénomènes de la direction aux poles, et de l’inclinaison à l'horizon , ramenés à une cause simple, dont les effets seroient toujours les mêmes si tous les êtres organisés et toutes les ma- tières brutes recevoient également les in- fluences de cette force : mais, dans les êtres vivans , la quantité de l'électricité qu'ils possèdent , ou qu'ils peuvent recevoir, est relative à leur organisation; et il s’en trouve qui, comme la torpille, non seulement la reçoivent, mais semblent l’attirer , au point de former une sphère particulière d’électri- cité, combinée. avec la vertu magnétique; comme aussi, dans les matières brutes, le AN Fat CRÉES Eu IPN RENE = S } * VA NET ENT LR f 4 Aer DE que * #36: MEOMANERN fer se fait une sphère particulière d’électri= cité, à laquelle on a donné le nom de magné- tisme ; et enfin, s’il existoit des corps aussi électriques que la torpille, et en assez grande quantité pour former de grandes masses , aussi considérables que celles des mines de fer en différens endroits: du globe, n'est-il pas plus que probable que le cours de l’élec- tricité générale se fléchiroit vers ces masses électriques, comme elle se fléchit vers les grandes masses ferrugineuses qui sont à la surface du globe , et qu’elles produiroient les inflexions de cette force électrique ou magnétique en la déterminant à se porter vers ces sphères particulières d'attraction comme vers autant de poles électriques plus ou moins éloignés des poles terrestres, selon le gisement des continens et la situation de ces masses électriques ? | Et comme la situation des poles magné- tiques peut changer, et change réellement, tant par les travaux de l’homme, lesquels peuvent enfouir ou découvrir les matières ferrugineuses, que par les grands mouve- mens de la Nature dans les tremblemens de terre et dans la production des basaltes et D'OL UANT MAN T. : ‘F3 des laves, qui tous sont magnétiques, on ne doit pas être si fort émerveillé du mou- vement de l'aiguille aimantée vers l’ouest , ou vers l’est; car sa direction doit varier et changer , selon qu’il se forme de nouvelles chaînes de basaltes et de laves, et qu'il se de- couvre de nouvelles mines, dont l’action fa- vorise ou contrarie celle des mines plus an ciennes. Par exemple , la cn sie de V aiguille à Paris étoit, en 1580 , de onze degrés à l'est. Le pole magnétique, c’est-à-dire, les masses ferrugineuses et magnétiques qui le formoient, étoient donc situées dans le nord de l'Europe, et peut-être en Sibérie : mais. comme depuis cette année 1580 l’on a com- mencé à défricher quelques terrains dans. l'Amérique septentrionale, et qu’on a dé- couvert et travaillé des mines de fer en Ca- nada , et dans plusieurs autres parties de cette région de l'Amérique , l'aiguille s’est peu à peu portée vers l’ouest, par l’attrac- tion de ces mines nouvelles, plus puissante que celle des anciennes; et ce mouvement progressif de l’aiguille pourroit devenir ré- trograde, s’il se découvroit dans le nord de 12 be LAVER à à ; | ee na SU: TRAITÉ l'Europe et de l'Asie d’autres grandes masses: ferrugineuses qui, par leur exposition à l'air et leur aimantation, deviendroient bientôt des poles magnétiques aussi et peut - être plus puissans que celui qui détermine au- jourd'hui la déclinaison de l'aiguille vers le nord de l'Amérique , et dont l’existence est prouvee par les observations. Parmi ces causes , toutes accidentelles , qui doivent faire changer la direction de V'aimant , l’on doit compter comme l'une des plus puissantes, l’éruption des: volcans, et les torrens de laves et de basaltes, dont. la substance est toujours mêlée de beaucoup de fer. Ces laves et ces basaltes occupent sou- vent de très-grandes étendues à la surface de la terre, et doivent par conséquent influer sur la direction de l’aimant ; en sorte qu'un volcan qui, par ses éjections, produit sou- vent de longues chaines de collines compo- sées de laves et de basaltes, forme, pour ainsi dire, de nouvellés mines de fer, dont l’action doit seconder ou contrarier l'effet des autres mines sur la directioh de l’aimant. Nous pouvons même assurer que ces ba- saltes peuvent foriner non seulement: de - de 71} LL DE L’AIMANTT. 139 nouvelles mines de fer, mais aussi de véri- tables masses d'aimant; car leurs colonnes ont souvent des poles bien décidés d’attrac- tion et de répulsion. Par exemple, les co- lonnades de basalte des bords de la Volane, près de Val en Vivarais , ainsi que celles de la montagne de Chenavari , près de KRoche- maure , qui ont plus de douze pieds de hau- teur, présentent plusieurs colonnes douées de cette vertu maguétique , laquelle peut leur avoir été communiquée par les foudres électriques ou par le maguétisme général dt globe *, | i Il en est de même des tremblemens de terre , et des bouleversemens que produisent leurs mouvemens subits et désastreux : ce sont les foudres de l'électricité souterraine, dont les coups frappent et soulèvent par se- cousses de grandes portions de terre, et dés lors/toute la matière ferrugineuse qui se trouve dans cette: grande étendue , devient maguétique par l’action de cette foudre élec- trique; ce qui produit encore de nouvelles mines attirables à l’aimant , dans les lieux * Note communiquée par M. Faujas de Saint- Fond. s4o COTRAITÉ où il n'existoit aupatamalt} que du fer-ent rouille, en ocré, et qui, dans cet état, n’étoit point magnétique. Les grands incendies des forêts tait aussi une quantité considérable de matière ferrugineuse et magnétique. La plus grande “partie des terres du nouveau monde étoient non seulement couvertes , mais encore en- combrées de bois morts ou vivans, auxquels on a mis le feu pour donner du jour et rendre la terre susceptible de culture. Et c'est sur-tout dans l'Amérique septentrionale que l'on a brülé et que l’on brûle encore ces immenses forêts dans une vaste étendue; et cette cause particulière peut avoir influé sur la déclinaison vers l’ouest, de l’'aimant en Europe. On ne doit donc regarder la déclinaison. de l’aimant que comme un effet purement _accidentel, et lé magnétisme comme un produit particulier de l'électricité du globe. Nous allons exposer en détail tous les faits qui ont rapport aux phénomènes de l’aimant, et l'on verra qu'aucun ne démentira la yé«< rité de cette assertion. | # D DEL'AIMANT. t4r AUTICEB II. De la nature et de la formation de l’aimant. L'ismaxr n’est qu'un minéral ferrugi- neux qui a subi l’action du feu , et ensuite a reçu, par l'électricité générale du globe terrestre , son magnétisme particulier. L’ai- mant primordial est une mine de fer en roche vitréuse, qui ne diffère des autres minués de fer produites par le feu primitif, qu'en ce qu'elleattire puissamment lesautres matières ferrugineuses , qui ont de même subi l’action du feu. Ces mines de l’äimant primordial sont moins fusibles que lesautres mines primitives de fer ; elles approchent de la nature du régule de ce métal, et c’est par cette raison qu’elles sont plus difficiles à fondre. L’aimant primordial a donc souf- fert une plus violente ou plus longue impres- sion du feu primitif que les autres mines de fer ; et ila en même temps acquis la vertu 742 | TRAITÉ Ai _ magnétique par l’action de la force qui, : dés le commencement, a produit l’électricité du globe. Cet aimant de première formation a com- muniqué sa vertu aux matières ferrugineuses | qui l’environnoient; il a même forme de nou- veaux aimans par le melange de ses débris avec d’autres matières ; et ces aimans de se- conde formation ne sont aussi que des mi- néraux ferrugineux, provenant des détri- mens du fer en état métallique, et qui sont devenus magnétiques par la seule exposilion à l'action de l’électricite générale. Et comme le fer qui demeure long-temps dans la même situation , acquiert toutes les proprietés du véritable aimant , on peut dire que l’aimant et le fer ne sont au fond que la même subs- tance, qui peut également prendre du magné- tisme à l’exclusion de toutes les autres ma- tières minérales, puisque cette même pro- priété magnétique ne se trouve dans aucun autre métal, ni dans aucune autre matière vitreuse ou calcaire. L’aimant de première Yormation est une fonte ou régule de fer, mêle d’une matière vitreuse, pareïlle à celle des autres mines primordiales de fer : mais, >, ÿ Y + L4 … \ \ _ 1 L DE L'AIMANT. 143 dans les aimans de seconde formation , il s’en trouve dont la matière pierreuse est calcaire ou mélangée d’autres substances hé- térogènes. Ces aimans secondaires varient plus que les premiers, par la couleur, la pesanteur , et par la quantité de force magné- tique. Mais cette matière vitreuse ou calcaire des différentes pierres d’aimant n’est nullement susceptible de magnétisme, et ce n’est qu'aux parties ferrugineuses contenues dans ces pierres qu'on doit attribuer cette propriété; et dans toute pierre d'aimant, vitreuse ou calcaire, la force magnétique est d'autant plus grande que la pierre contient plus de par- ties ferrugineuses sous le même volume , en sorte que les meilleurs aimans sont ceux qui sont les plus pesans. C’est par cette raison qu on peut donner au fer, et mieux encore à l'acier, comme plus pesant que le fer, une force magnétique encore plus grande que celle de la pierre d’aimant, parce que l'acier ne contient que peu ou point de particules . térreuses , et qu'il est presque uniquement composé de parties ferrugineuses réunies en. semble sous le plus petit volume, c'est-à- dire, d'aussi près qu'il est possible. 244 TRAITÉE 10m 1 Ce qui démontre l’affinité générale entre le magnéiisme et toutes les mines de fer qui ont subi l’action du feu primitif, c’est que toutes ces mines sont attirables à l’aimant, que réciproquement elles attirent , au lieu que les mines de fer en-rouille, en ocre et en grains, formées postérieurement par l’in- termède de l’eau, ont perdu cette propriété maonétique , et ne la reprennent qu'après avoir subi de nouveau l’action du feu. Il en est de même de tous nos fers et de nos aciers; c'est parce qu'ils ont, comme les mines pri- mitives, subi l’action d’un feu violent, qu'ils sont attirables à l’aimant. Ils ont donc, comme les mines primordiales de fer, un magnétisme passif que l’on peut rendre actif, soit par le contact de l’aimant , soit par la simple exposition à l'impression de l’électri- cité générale. Pour bien entendre comment s’est opéree Ja formation des premiers aimans, il suffit de considérer que toute matière ferrugineuse qui a subi l’action du feu , et qui demeure quelque temps exposée à l'air dans la même situation, acquiert le magnétisme et devient un véritable aimant : ainsi, dès les:premiers ? DE L’AIMANT. r45 temps de l'établissement des mines primor- diales de fer, toutes les parties extérieures de ces masses, qui étoient exposées à l'air et qui sont demeurées dans la même situation auront reçu la vertu magnétique par la cause générale qui produit le magnétisme du globe, tandis que toutes les parties de ces mêmes mines qui n’étoient pas exposées à l’action de l'atmosphère , n'ont point acquis cette vertu magnétique ; il s’est donc formé dès lors, et il peut encore se former des aimans sur les sommets et les faces découvertes des mines de fer, et dans toutes les parties de ces mines qui sont exposées à l’action de l'atmosphère. * | Ainsi les mines d’aimant ne sont que des mines de fer qui se sont aimantées par l’ac— tion de l'électricité générale ; elles ne sont pas , à beaucoup près, en aussi grandes masses que celles de fer, parce qu’il n’y a que les parties découvertes de ces mines qui aient pu recevoir la vertu magnétique :.les mines d’aimant ne doivent donc se trouver et ne se trouvent en effet que dans les parties les plus extérieures de ces mines primordiales de fer, et jamais à de grandes profondeurs , Mat, gén, XVI 15 246. Ed A | : Fe à moins que ces mines n’aient été excavées ; ou qu’elles ne soient voisines de quelques cavernes , dans lesquelles les influences de l'atmosphère auroient pu produire le même effet que sur les sommets ou sur les faces dé-’ couvertes de ces mines primitives. Maintenant on ne peut douter que le magnétisme général du globe ne forme deux courans, dont l’un se porte de l'équateur au nord , et l’autre, en sens contraire, de l’équa- teur au sud : la direction de ces courans est sujette à variation, tant pour les lieux que pour le temps; et ces variations proviennent des inflexions du courant de la force magné- tique, qui suit le gisement des matières fer rugineuses, et qui change à mesure qu’elles se découvrent à l'air ou qu’elles s’enfouissent par l’affaissement des cavernes, par l'effet des volcans, des tremblemens de terre, ou de quelque autre cause qui change leur expo- sition : elles acquièrent donc ou perdent la vertu magnétique par ce changement de po= sition , et dès lors la direction de cette force doit varier, et tendre vers ces mines ferru— gineuses nouvellement découvertes, en s'é- loignant de celles qui se sont enfoncées. à DEPD'AlMANT. 147. Les variations dans la direction de l’ai- Mmant démontrent que les poles magnétiques ne sont pas les mêmes que Les poles du globe, quoiqu’en général la direction de la force qui produit le magnétisme, tende de l'équateur aux deux poles terrestres. Les matières fer- rugineuses qui seules peuvent recevoir du courant de cette force les propriétés de l’ai- mant , forment des poles particuliers selon le gisement local et la quantité plus ou moins grande des mines d'aimant et de fer. L'aimant primordial n’a pas acquis au même instant son attraction et sa direction ; car le fer reçoit d’abord la force attractive, et ne prend des poles qu’en plus ou moins de temps , suivant sa position et selon la pro- portion de ses dimensions. Il paroît donc que, dès le temps de l'établissement et de la formation des premières mines de fer par le feu primitif, les parties exposées à l’action de l’atmosphère ont reçu d’abord la force attractive, et ont pris ensuite des poles fixes, et acquis la puissance de se diriger vers les parties polaires du globe. Ces premiers ai- mans ont certainement conservé ces forces attractives et directives, quoiqu’elles agissent 248 A sans cesse au dehors, ce qui sembleroit de voir les épuiser ; mais, au contraire, elles se communiquent de l’aimant au fer, sans souf- frir aucune perte ni diminution. : Plusieurs physiciens qui ont traité de la nature de l’aimant, se sont persuadés qu’il circuloit dans l’aimant une matière qui en sortoit incessamment après y être entrée : et en avoir pénétré la substance. Le célèbre géomètre Euler, et plusieurs autres *, vou- lant expliquer mécaniquement les phéno- mènes magnétiques, ont adopté l’hypothèse de Descartes, qui suppose dans la substance de l’aimant des conduits et des pores si étroits, qu'ils ne sont perméables qu’à cette matière * Je voudrois excepter de ce nombre Daniel Ber- noulli, homme d’un esprit excellent. « Je me sens, æ dit-1l, de la ré pugnance à croire que la Nature « ait formé cette matière cannelée, et ces conduits « magnétiques qui ont été 1maginés par quelques « physiciens, uniquement pour nous donner le spec- « tacle des différens jeux de l’aimant ». Néanmoins ce grand mathématicien rapporte, comme les autres, à des causes mécaniques les effets de l’aimant : ses hypothèses sont seulement plus générales et moins mulupliées. cp \ = DE L’AIMANT. 14ÿ magnétique, selon eux, plus subtile que toule autre matière subtile ; et, selon eux encore, ces pores de l’aimant et du fer sont garnis de petites soupapes, de filets ou de poils mobiles, qui tantôt obéissent et tan- tôt s'opposent au courant de cette matière. si subtile. Ils se sont efforcés de faire cadrer les phénomènes du magnétisme avec ces sup- positions peu naturelles et plus que précaires, sans faire attention que leur opinion n’est fondée que sur la fausse idée qu’il est pos- sible d'expliquer mécaniquement tous les effets des forces de la Nature. Euler a même cru pouvoir démontrer la cause de l’attrac- tion universelle, par l’action du même fluide, qui , selon lui, produitle magnétisme. Cette prétention, quoique vaine et mal conçue , n’a pas laissé de prévaloir dans l'esprit de quelques physiciens ; et cependant, si l’on considère sans préjugé la Nature et ses effets, et si l’on réfléchit-sur les forces d’attraction et d'impulsion qui l’animent, onreconnoîtra que leurs causes ne peuvent ni s'expliquer hi même se concevoir par cette mécanique matérielle qui n’admet que ce qui tombe sous nos sens , et rejette, eu quelque sorte, 15 M M Ni ce qui n’est apperçu que par l'esprit ; et de fait, l’action de la pesanteur ou de l'attraction peut-elle se rapporter à des effets mécaniques et sexpliquer par des causes secondaires , puisque cette attraction est une force géneé- rale, une propriété primitive, et un altribut essentiel de toute matière? Ne suffit-il pas de savoir que toute matière s’attire, et que . cette force s’exerce non seulement dans toutes les parties de la masse du globe ter- restre, mais s'étend même depuis le soleil jusqu'aux corps les plus éloignés dans notre. univers, pour être convaincu que la cause: de cette attraction ne peut nous être connue, puisque son effet étant universel , et s’exer- çant généralement dans toute matière, cette cause ne nous offre aucune différence, aucun point de comparaison, ni par conséquent aucun indice de connoissance, aucun moyen d'explication ? En se souvenant donc que nous ne pouvons rien juger que par compa- raison, nous verrons clairement qu’il est non seulement vain, mais absurde, de vou- loir rechercher et expliquer la cause d’un effet général et commun à toute matière, tel que l'attraction universelle, et-qu'on doit PUDE LT AITMANT. xl se borner à regarder cet effet général comme une vraie cause à laquelle on doit rapporter les autres forces , en comparant leurs diffé rens effets ; et si nous comparons l’attraction magnétique à l'attraction universelle, nous verrons qu'elles différent très - essentielle-. ment. L’aimant est, comme toute autre ma- tière , sujet aux lois de l’attraction générale, et en même temps il semble posséder une force attractive particulière , et qui ne s'exerce que sur le fer ou sur un autre ai- mant : or nous avons démontré que ceîle force , qui nous paroît attractive , n’est dans le réel qu’une force impulsive, dont la cause et les effets sont tous différens de ceux de l'attraction universelle. 14 Dans le système adopté par la plupart des physitiens , on suppose un grand tourbillon de matière magnétique circulant autour du globeterrestre, et de petits tourbillonsde cette même matière, qui non seulement circule d’un pole à l’autre de chaque aimant, mais entre dans leur substance , et en sort pour y rentrer. Dans la physique de Descartes, tout étoit tourbillon , tout s’expliquoit par des mouyemens circulaires et des impulsions “ LE AO PETER PERTE « i ‘ M Le { CRT ET Jr Wet” *é * $ x52 : RCE MAT PEN tourbillonnantes : mais ces tourbillons , qui remplissoient l'univers, ont disparu: il ne reste que ceux de la matière magnétique dans la tête de ces physiciens. Cependant l'existence de ces tourbillons magnétiques est aussi peu fondée que celle des tourbillons planétaires ; et on peut démontrer , par plu- sieurs faits, que la force magnétique ne se meut pas en tourbillon autour du globe ter-. restre, non plus qu’autour de l’aimant. La vertu maguélique , que l’aimantpos- sède éminemment, peut de mêmeappartenir au fer, puisque l’aimant la lui communique par le simple contact , et que même le fer l’acquiert sans ce secours, lorsqu'il est exposé aux impressions de l’atmosphère : le fer de vient alors un véritable aimant , s’il reste Jlong-temps dans la même situation; de plus, il s’aimante assez fortement par la percus- sion , par le frottement de la lime , ou seu- lement en lepliant et repliant plusieurs fois : mais ces derniers moyens ne donnent au fer qu'un magnétisme passager , etce métal ne conserve la vertu magnétique que quand il l'a empruutée de l’aimant , ou bien acquise par une exposition à l’action de l'électricité Pa TR (OT TURN | PROS TMANT. 2:53 _ générale pendant un temps assez long pour prendre des poles fixes dans une direction déterminée. | Lorsque le fer , tenu long-temps dans la même situation, acquiert de lui-même la vertu magnétique, qu’illa conserve , et qu’il peut même la communiquer à d’autres fers, comme le fait l’aimant, doit-on se refuser à croire que, dans les mines primitives, les parties qui se sont trouvées exposées à ces mêmes impressions de l’atmosphère, ne soient pas celles qui ont acquis la vertu magnétique, et que par conséquent toutes les pierres d’aimant, qui ne forment que de petits blocs en comparaison des montagnes et des autres masses des mines primordiales de fer , étoient aussi les seules parties expo- sées à cette actionvextérieure qui leur a donné les propriétés magnétiques ? Rien ne s'oppose à cette vue, ou plutôt à ce fait ; car la pierre d’aimant est certainement une matière ferrugineuse, moins fusible, à la vérité, que la plupart des autres mines de fer ; et cette dernière propriété indique seu— lement qu’il a fallu peut-être le concours de deux circonsiances pour la production de ceg is do RAI DE aimans primitifs dont la premibre. a été la situation et l'exposition constante à l’impres- sion du magnétisme général ; et la seconde, une qualité différente dans la matière ferru-. gineuse qui compose la substance de l’aimant: car la mine d’aumant, n’est plus difficile à fondre que les autres mines de fer en roche, que par cette différence de qualité. L’aimant primordial approche, comme nous l’ayons dit, de la nature du régule de fer, qui est bien moins fusible que sa mine. Ainsi cet aimant primitif est une mine de fer qui, ayant subi une plus forte action du feu que les autres mines , est devenue moins fu- sible; et en effet, les mines d'aimant ne se trouvent pas, comme les autres mines de fer, par grandes masses continues, mais par petits blocs placés à la surface de ces mêmes mines, où le feu primitif, animé par l'air, étoit plus actif que dans leur in- térieur. e | Ces blocs d’aimant sont plus ou moins arok, et communément séparés les uns des autres ; chacun a sa sphère particulière d'attraction et ses poles; et puisque le fer peut acquérir de lui-même toutes ces propriétés dans les | - DE L’'ATMANT. 155 mêmes circonstances, ne doit-on pas en con- clure que, dans les mines primordiales de fer, les parties qui étoient exposées au feu plus vif que l'air excitoit à la surface du globe en incandescence , auront subi une plus violente action de ce feu , et se seront en même temps divisées, fendues, séparées, et qu’elles auront acquis d’elles-mêmes cette puissance magnétique, qui ne diminue ni ne s’épuise, et demeure toujours la même, parce qu’elle dépend d’une cause extérieure, toujours subsistante et toujours agissante ? La formation des premiers aimans me pa roit donc bien démontrée ; mais la cause première du magnétisme, en général , n’en étoit pas mieux connue. Pour deviner ou même soupçonner quelles peuvent être la cause ou les causes d’un effet particulier de la Nature, tel que le magnétisme , il falloit auparavant considérer les phénomènes , en exposant tous les faits acquis par l’expérience et l’observation. Il falloit les comparer entre eux , et avec d’autres faits analogues, afin de pouvoir tirer du résultat de ces comparaisons les lumières qui devoient nous guider dans la recherche des causes inconnues et cachées 256 CTRAITÉ. Cr c'est la seule route que l'on doive prie 1 et suivre, puisque ce n’est que sur des faits bien avérés , bien entendus, qu’on peut . établir des raisonnemens solides; et plus ces faits seront multipliés, plus il deviendra - possible d’en tirer des inductions plausibles, et de les réunir pour en faire la base d’ une théorie bien fondée, telle que nous paroit être celle que j'ai présentée dans : premier chapitre de ce traité. - Mais comme les faits particuliers qu'il nous reste à exposer , sont aussi nombreux que singuliers, qu’ils paroissent quelquefois op- posés ou contraires, nous commencerons par les phénomènes qui ont rapport à l’at- traction ou àla répulsion de l’aimant , et ensuite nous exposerons ceux qui nous in- diquent sa direction avec ses variations , tant en déclinaison qu'en inclinaison. Cha- cune de ces grandes propriétés de l’aimant doit être considérée en particulier, et d’au- tant plus attentivement, qu’elles paroissent moins dépendantes les unes des autres, et qu’en ne les jugeant que par les apparences, leurs effets sembleroient provenir de causes différentes. FA ; ; < DEL’ AIMANT. OÙ x Au reste, si nous recherchons le temps où l’aimant et ses propriétés ont commencé d’être connus, ainsi que les lieux où ce mi- néral se trouvoit anciennement , nous ver- rons, par le témoignage de Théophraste, que l’aimant étoit rare chez les Grecs, qui ne lui connoissoient d'autre propriété que celle d'attirer le fer : mais du temps de Pline, c’est à-dire trois siècles après, l’'aimant étoit de- venu plus commun; et aujourd'hui il s’en trouve plusieurs mines dans les terres voi- sines de la Grèce , ainsi qu’en Italie, et par- ‘ ticulièrement à l'ile d'Elbe. On doit donc présumer que la plupart des mines de ces contrées ont acquis, depuis le temps de Théophraste , leur vertu magnétique , à me- sure qu’elles ont été découvertes, soit par des effets de Nature , soit par le travail des hommes ou par le feu des volcans. On trouve de mème des mines d’aimant dans presque toutes [es parties du monde, et sur-tout dans les pays du Nord, où ily a beaucoup plus de mines primordiales de fer que dans les autres régions de la terre. Nous ayons donné ci- Pere la description des 14 158 mines aimantées de Sibérie” x, et l'où sait que . Vaimant est si commun en Suède et en Nor- vége, qu’on en fait un commerce assez con= sidérable. ro ; Les voyageurs nous assurent qu’en Asie Ve y a de bons aimans au Bengale, à Siam, à la Chine, et aux îles Philippines; ils font aussi mention de ceux de l’Afrique et de l'Amé— rique. : * Voyez, tome VIII de cette Histoire, MN 8) et suive P. DE L’AIMANT. 259 ART I C L'R TI EE v De l'attraction et de la répulsion de l'aimant. "3 L E mouvement du magnétisme semble être compose de deux forces, l’une attractive et l'autre directive. Un aimant, de quelque figure qu’il soit , attire le fer de tous côtés et dans tous les points de sa surface; et plus les pierres d’aimant sont grosses, moins elles | ont de force attractive , relativement à leur volume : elles en ont d'autant plus qu’elles sont plus pesantes, et toutes ont beaucoup moins de puissance d'attraction quand elles sont nues, que quand elles sont armées de fer ou d'acier. La force directive , au con- traire , se marque mieux , et avec plus d’é- nergie , sur les aimans nuds, que sur ceux qui sont armes. Quelques savans physiciens, et entre autres, Taylor et Musschenbroeck, ont essayé de 4 \ x 60 OTRAITÉ. déterminer par des expériences l'énaie de la sphère d'attraction de l’aimant, et lin- tensité de cette action à différentes distances; ils ont observé qu'avec de bons aimans, cette force attractive étoit sensible jusqu’à treize ou quatorze pieds de distance ; et sans doute, elle s’étend encore plus loin. Ils ont aussi reconnu que rien ne pouvoit inter— cepter l’action de cette force, en sorte qu'un aimant renfermé dans une boîle agit tou-. jours à la même distance. Ces faits suffisent pour ‘qu’on puisse concevoir qu’en plaçant et cachant des aimans et du fer en différens endroits, même assez éloignés, on peut pro- duire des effets qui paroissent merveilleux , à parce qu'ils s’opèrent à quelque distance, sans action apparente d’aucuné matière in- termediaire, ni d'aucun mouvement com- muniqué. Les anciens n’ont connu que cette pre- mière propriété de l’aimant ; ilssavoient que le fer , de quelque côté qu’on le présente, est toujours attiré par l'aimant ; ils n’iguo- xoient pas que deux aimans présentés l’un à l’autre s’attirent ou se repoussent. Les physiciens modernes ont démontré que cette APE LT A I'M ANT. _ 166 attraction et cette répulsion entre deux at- mans sont égales , et que la plus forte at-: traction se fait lorsqu'on présente directe- ment les poles de différens noms, c’est-à-dire, le pole austral d’un aimant au pole boréal d'un autre aimant; et que de même la ré- pulsion est la plus forte, quand on présente l'un à l’autre les poles de mêmenom. Ensuite ils ont cherche la loi de cette attraction et de cette répulsion ; ils ont reconnu qu’au lieu d’être, comme la loi de l’attraction univer- selle , en raison inverse du quarré de la dis- tance, cette attraction et cette répulsion magnétiques ne décroissent pas même autant que la distance augmente ; imais lorsqu'ils ont voulu graduer l’échelle de cette loi , ils y ont trouvé tant d'inconstance et de si grandes variations, qu'ils n’ont pu déter- miner aucun rapport fixe, aucune propor- tion suivie, entre les degrés de puissance de cette force attractive, et les effets qu’elle produit à différentes distances ; tout ce qu’ils ont pu conclure d’un nombre infini d’expé- riences, c’est que la force attractive de l’ai- mant décroit proportionnellement plus dans les srandes que dans les petites distances. - nt 14 154 ue TRADER AL a Nous venons de dire que les âimans ne sout pas tous d’égale force, à beaucoup près; que plus Les pierres d’aimant sont grosses , moins elles ont de force attractive relative ment à leur volume, et qu’elles en ont d’au- tant plus qu’elles sont plus pesantes, à volume égal : mais nous devons ajouter que les aimans les plus puissans ne sont pas toujours les plus généreux,en sorte que quelquefois cesaimans plus puissans ne communiquent pas au fer autant de leur vertu attractive que des ai— mans plus foibles et moins riches , mais en même temps moins avares de leur propriété. La sphère d'activité des aimans foïbles est : moins étendue que celle des aimans forts; et, commenous l'avons dit, la forceattractive des uns et des autres décroît beaucoup plus dansles grandes que dans les petites distances: mais, dans le point de contact | cette force, dont l’action est très-inégale à toutes les dis- tances dans les différens aimans, produit alors un effet moins inégal dans l’aimant foible et dans l’aimant fort , de sorte qu'il faut employer des poids moins inégaux pour séparer les aimans fotts et les aimans foibles, lorsqu'ils sont unis au fer ou à l’aimant par un contact immédiat. { | DE L'AIMANT, «6% Le fer attire l’aimant autant qu'il en est attiré : tous deux, lorsqu'ils sont en liberte, font la moitié du chemin, pour s'approcher ou se joindre. L'action et la réaction sout. ici parfaitement égales ; mais un aimant at- tire le fer, de quelque côté qu'on le présente, au lieu qu'’iln’attire un autre aimant que dans unsens,et qu’il le repousse danslesens opposé. La limaille de fer est attirée plus puissam- ment par l’aimant que la poudre même de la pierre d’aimant , parce qu’il y a plus de parties ferrugineuses dans le fer forgé que dans cette pierre, qui néanmoins agit de plus loin sur le fer aimanté qu’elle ne peut agir sur du fer non aimanté; car le fer n’a par lui-mème aucune force attractive : deux blocs de ce métal , mis l’un auprès de l'autre , ne s’attirent pas plus que, deux masses de toute autre matière ; mais, dès que l’un ou l’autre , ou tous deux, ont reçu la vertu magnétique , ils produisent les mêmes effets , et présentent les mêmes phé- nomènes que la pierre d’aimant , qui n’est en effetqu'une masse ferrugineuse , aimantée par la cause générale du magnétisme. Le fer ne prend aucune augmentation de poids par 64 T'AADIS limprégnation de la vertu magnétique; a plus grosse masse de fer ne pèse pas un grain de plus, quelque fortement qu’elle soit ai- mantée : le fer ne reçoit donc aucune ma. tière réelle par cettecommunication , puisque toute matière est pesante, sans même en excepter celle du feu *. Cependant le feu vio-. lent agit sur l’aimant et sur le fer aimanté ; il diminue beaucoup , ou plutôt il suspend leur force magnétique lorsqu'ils sont échauf- fés jusqu’à l’incandescence , et ils ne re- prennent cette vertu qu'à mesure qu'ils se refroidissent. Une chaleur égale à celle du plomb fondu ne suffit pas pour produire cet effet : et d’ailleurs le feu , quelque vio- lent qu’il soit , laisse toujours à l’'aimant et au fer aimanté quelque portion de leurs forces ; car , dans l’état de la plus grande incandescence , ils donnent encore des signes sensibles , quoique foibles, de leur magné- tisme. M. Épinus a même éprouvé que des aimans naturels portés à l’état d’incandes- cence, refroidis ensuite ,et placés entre deux grandes barres d'acier fortement aimantées, * Voyez, tome VI de cette Histoire, l’article de la pesanteur du feu. | SAN DE L’AIMANT. 165 #cquéroient un magnétisme plus fort; et, par la comparaison de ses expériences , il paroît que plus un aimant est vigoureux par sa nature, mieux il reçoit et conserve ce surcroit de force. : : L'action du feu ne fait donc que diminuer ou suspendre la vertu magnétique, et con- court même quelquefois à l’augmenter : ce- pendant la percussion , qui produit toujours de la chaleur lorsqu'elle est réitérée, semble détruire cette force en entier; car , si l’on frappe fortement , et par plusieurs coups successifs , une lame de fer aimantée , elle perdra sa vertu magnétique, tandis qu’en frappant de même une semblable lame non aimantée, celle-ci acquerra, par cette per- cussion , d'autant plus de force magnétique que les coups seront plusdorts et plus réité- res : mais il faut remarquer que la percussion, ainsi que l’action du feu , qui semble détruire la vertu magnétique, ne font que la changer ou la chasser, pour en substituer une autre, puisqu'elles suffisent pour aimanter le fer qui ne l'est pas; elles ôtent donc au fer ai- manté la force communiquée par l’aimant, et en même temps y portent et lui substi« + _ 166. ‘PARAIT TÉ tuent une nouvelle forcé in edties , qui devient très-sensible lorsque la percussion est continuée ; le fer perd la première, et acquiert la seconde, qui est souvent plus foible et moins durable : ‘il arrive ici le même effet à peu près que quand on passe sur un aimant foible du fer aimanté par un aimant fort, ce fer perd la grande force ma- gnétique qui lui avoit été communiquée par l'aimant fort, et il acquiert en même temps la petite force que peut lui donner l'aimant foible. Si l’on met dans un vase de la limaille de fer , et qu’on la comprime assez pour en faire une masse compacte , à laquelle on donnera la vertu magnétique en l’appliquant ou la frottant contre l’aimant , elle la recevra comme toute auére matière ferrupineuse ; mais cette même limaille de fer comprimeée, qui a reçu la vertu magnétique, perdra cette vértu dès qu’elle ne fera plus masse , et qu'elle sera réduite au même état pulvé- rulent où elle étoit avant d'avoir été com-— primée. Il suffit donc de changer la situation respective des parties constituantes de la masse pour faire évanouir la vertu magué-= DE L’AIMANT.. ré tique ; chacune des particules de limaïlle doit être considerée comme une petite aiguille aimantée, qui dès lors a sa direction et ses poles. En changeant donc la situation res- pectivedes particules, leurs forces attractives et directives seront changées et détruites les unes par les autres. Ceci doit s'appliquer à l'effet de la percussion, qui, produisant un changement de situation dans les parties du fer aimanté , fait évanouir sa force magné-— tique. Cela nous démontre aussi la cause d’un phénomène qui a paru singulier , et assez difhcile à à expliquer. Si l’on met une pierre d’aimant au- doué d'une quantité de limaille de fer que l’on agitera sur un carton, cette limaille s’arran- gera, en formant plusieurs courbes séparées les unes des autres , et qui laissent deux vides aux endroits qui correspondent aux poles de la pierre; on croiroit que ces vides sont occa- sionnés par uneÿrépulsion qui ne se fait que dans ces deux endroits , tandis que l’attrac- tion s'exerce sur la limaille dans tous les autres points : mais lorsqu'on présente l’ai— mant sur la limaille de fer sans la secouer, ce sont, au contraire, les poles de la pierre - 7 TRAITÉ qui toujours s’en chargent le plus. Ces due | effets opposés sembleroient, au premier coup d'œil, indiquer ‘que la force magnétique est tantôt très-active et tantôt äbsolument inac- tive aux poles de l’aimant : cependant il est très-certain , et même nécessaire » que ces deux effets, qui semblent être contraires, pro- viennent de la même cause: etcomme rien ne trouble l'effet de cette cause dans l’un des cas et qu’elle est troublée dans l’autre par les se- cousses qu’on donne à la limaille, on doit en inférer que la différence ne dépend que du mouvement donné à chaque particule de La limaille. | En général, ces particules étant autant de petites aiguilles , qui ont reçu de l’aimant les forces attractive et directive presque ei même temps et dans le même sens, elles doivent perdre ces forces et changer de direc- tion, dès que , par le mouvement qu'on leur imprime , leur situation est changée. La limaille sera par conséquent attirée et s’a- moncellera lorsque les poles austraux de ces petites aiguilles seront disposés dans le sens du pole boréal de l’aimant, et cette même dimaille formera des vides lorsque les poles DE L’AIMANT. : 169 * boréaux des particules seront dans le sens du pole boréal de l’aimant , parce que, dans tout aimant , ou fer aimanté , les poles de différens noms s’attirent , et ceux du même uom se repoussent.….. Il peut arriver cependant quelquefois , lorsqu'on présente un aimant vigoureux à un aimant foible , que les poles de mème nom s’attirent au lieu de se repousser : mais ils ont cessé d'être semblables lorsqu'ils tendent l’un vers l’autre ; l’airmant fort dé- trüit par sa puissance la vertu magnétique de laimant foible , et lui en communique une nouvelle , qui one ses poles. On peut. expliquer par cette même raison plusieurs phénomènes añalogues à cet effet, et parti- . culièrement celui que M. Épinus a observé le premier, et que nous citons, par extrait, dans la note ci-dessous *. * Que l’on tienne verticalement un aimant au< dessus d’une table sur laquelle on aura placé une petite aiguille d'acier à une certaine distance du point au-dessus duquel aimant sera suspendu , Paiguille tendra vers aimant, et son extrémité la “plus voisine de l’aimant s’élevera au-dessus de Ja surface de Ja table : si l’on frappe légèrement la table par-dessous, Paiguille se soulevera en entier; 19 LA + ñ: x7o | TRAURÉ) fait qui démontre également que la rési- dence fixe ainsi que la direction décidée de la force magnétique ne dépendent, dans le fer et l’aimant, que de la situation constante de leurs parties dans le sens où elles ont reçu et lorsqu'elle sera retombée ; elle se trouvera plus près du point correspondant au-dessous de laimant ; son extrémité s'élevant davantage, formera, avec la table, un angle moins aigu, et, à force de petits coups réitérés, elle parviendra précisément au-des= sous de l’aimant et se tiendra perpendiculaire. Si, au contraire, on place l’aimant au-dessous de la table, ce sera l’extrémité de l'aiguille la plus éloi- gnée de l’aimant qui s’élevera ; l'aiguille, mise en mouvement par de légères secousses, se trouvera toujours, apris être retombée, à une plus grande distance du point correspondant au-dessus de l'ai mant; son extrémité s’élevera moins au-dessus de la table, et formera un angle plus aigu. L’aiguille acquiert la vertu magnéuque par la proximné de Jaimant. L’extrémité de Paiguille opposée à cet aimant prend un pole contraire au pole de l'aimant dont elle est voisiue ; elle doit donc être attirée pen- ? LA EN 4 72 7 We C2 dant que lautre extrémité sera repoussée. Aïnsi l'aiguille prendra successivement une position où - ù LR | j 5 æ M Nous devons :ajouter à ces faits un n autré # ] DPROET ATMA ON TS NS rer cette force : Le fer n’acquiert de lui-même la vertu magnétique, et l'aimant nela commu- nique au fer, que dans une seule et même direction ; car si l’on aimante un fil de fer selon sa longueur, et qu’ensuite on le plie de manière qu’il forme des angles et crochets, lune de ses extrémités sera le plus près, et l’autre le plus loin possible de laimant; elle doit donc tendre à se diriger parallèlement à une ligne droite que l’on pourroit tirer de son centre de gravité à l’aimant. Lorsque l'aiguille s'élève pour obéir à la petite secousse , la tendance que nous venons de re= connoître lui donne, pendant qu’elle est en l'air, une nouvelle position relativement à l’aimant ; et s’il est suspendu au-dessus de la table, cetie nouvelle position est telle, que l’aiguille en retombant se trouve plus près du point correspondant au-dessous ‘ de l’aimant: si, au contraire, l’aimant est au-dessous de la table , la neuvelle position donnée à l’aiguille, pendant qu’elle est encore en l’air , fait nécessaire- ment qu'après être tombée elle se trouve plus éloignée du point au-dessous duquel l'amant a été placé. Il est inutile de dire que si l’on remplace la petite aiguille par de la limaille de fer, l’on voit les mêmes effets produits dans toules les particules qui composent la limaille. | voa TRAITÉ. il perd dès lors sa force magnétique ; (parce que la direction n’est pas la mème, et que la situation des parties a été changée dans les plis qui forment ces crochets; les poles des diverses parties du fer se trouvent alors si- tués, les uns relativement aux autres, de ma- nière à diminuer ou détruire mutuellement leur vertu, au lieu de la conserver ou de l’accroître : et non seulement la force ma- gnétique se perd'dans cès parties angulaires, mais même elle ne subsiste plus, dans les autres parties du fil de fer qui n’ont point été pliées ; car le déplacement des poles et le changement de direction occasionnés par les | plis suffisent pour faire perdre cette force au fil de fer dans toute son étendue. | Mais si l’on passe un fil de fer par la filière, dans le même sens qu’il a été aimante, 1l conservera sa vertu magnétique , quoique les parties constituantes aient changé de po- sition en s’éloignant les unes des autres, et que toutes aient concouru, plus ou moins, à l'alongement de ce fil de fer par leur L | cement ; preuve évidente que la force ma- gnétique subsiste eu s’évanouit, selon que la direction se conserve la même, lorsque. le FAR D'EL AIMANT... 23 déplacement se fait dans le Même sens , ou que cette direction devient différente lorsque le déplacement se fait dans un sens opposé. _ On peut considérer un morceau de fer ou d’aciér comme une masse de limaille, dont les particules sont seulement plus rappro- chées et réunies de plus près que dans le bloc : de limaille comprimée : aussi faut-il un vio- lent mouvement, tel que celui d’uneflexion forcée , ou d’une forte percussion, pour de- truire la force magnétique dans le fer ou l'acier par le changement de la situation respective de leurs parties; au lieu qu’en donnant un coup assez léger sur la masse de la limaille comprimée, on fait évanouir à _ l'instant la force magnétique , parce que ce coup suffit pour changer la situation respec— tive de toutes les particules de la limaille. Si l'on ne passe qu’une seule fois une lame de fer ou d’acier sur l’aimant , elle ne recoit que très-peu de force magnétique par ce premier frottement ; mais , en le réitérant quinze ou vingt fois, toujours dans le même sens, le fer ou l'acier prendront presque toute la force magnétique qu'ils peuvent comporter , et on ne leur en donneroit pas us 1n4 TR AITÉ À ion À davantage en continuant plus long-temps les mêmes frottemens : mais si, après avoir ai= manté une pièce de fer ou d'acier dans un sens, on la passe sur l’aimant dans le sens opposé , elle perd la plus grande partie de la vertu qu'elle avoit acquise , et peut même la perdre tout-à-fait, en réitérant les frottemens dans ce sens contraire. Ce sont ces pheno- mènes qui ont fait imaginer à quelques phy- siciens que la force magnétique rend mobiles les particules dont le fer est composé. Au reste , si l’'on’ne fait que poser le fer ou l'acier sur l’aimant , sans les presser l’un contre l'autre, ou les appliquer fortement , en les passant dans le même sens , ils ne reçoivent qu peu de vertu magnétique ; et ce ne sera qu’en les tenant réunis plusieurs heures de suile, qu'ils en acquerront davantage, et cependant toujours moins qu’en les frottant dans le même sens, lentement et fortement, un grand nombre de fois sur l’aimant. Le feu , la percussion et la flexion, sus- pendent ou détruisent également la: force magnétique, parce que ces trois causes chan- gent également la situation respective des parties conslituantes du fer et de l’aimant. DEL” AIMANT. 175 Ce n’est même que par ce seul changement de la situation respective de leurs parties que le feu peutagir sur la force magnétique ; car on s’est assuré que cette force passe de l’ai- mant au fer, à travers la flamme, sans dimi- nution ni changement de direction : ainsi ce uest pas sur la force même que se porte l'action du feu , mais sur les parties inté— srantes de l’aimant ou du fer, dont le feu change la position; et lorsque, par le refroi- dissement , cette position des parties se rétablit telle qu’elle étoit avant l’incan- descence, la force magnétique reparoît, et devient quelquefois plus puissante qu’elle ne l’étoit auparavant. | | Un aimant artificiel et homogène , tel qu'un barreau d'acier fortement aimanté, exerce sa force attractive dans tous les points de sa surface, mais fort inégalement : car si Jon projette de la limaille de fer sur cet aimant , il n'y aura presque aucun point de sa superficie qui ne retienne quelques parti- cules de cette limaille , sur-tout si elle est réduite en poudre très-fine ; les poles et Les angles de ce barreau seront les parties qui s’en thargeront le plus, et les faces n’en +76 TR ATTENMN retiendront qu’une bien moindre quantité. La position des particules de limaille sera aussi fort différente; on les verra perperdi- culaires sur les parties polaires de l’aimant, et elles seront inclinées plus ou moins vers ces mêmes poles, dans toutes les autres par- ties de sa surface. - É Rien n'arrête la vertu EAN à un aimant placé dans l'air ou dans le vide, plongé dans l’eau, dans l’huile, dans le mer- cure , ou dans tout autre fluide, agit tou— jours également ; renfermé dans une boite de bois , de pierre, de plomb, de cuivre , ou de tout autre métal , à l'exception du fer, son action est encore la mème ; l’interposi- tion des corps les plus solides ne lui porte aucune atteinte, et ne fait pas obstacle à la transmission de sa force; elle n’est affoiblie que par le fer interposé, qui, acquérant par cette position la vertu magnétique , peut augmenter, contre-balancer ou détruire celle qui existoit déja, suivant que les directions deces deux forces particulières coïncident ou divergent. Mais , quoique les corps interposés ne diminuent pas l'étendue de la sphère active DE L’AIMANT. ry de l’aimant sur Le fer , ils ne laissent pas de diminuer beaucoup l'intensité de la force attractive, lorsqu'ils empêchent leur contact. Si l’on interpose entre le fer qu'on veut unir à l’aimant, un corps aussi mince que l’on voudra , seulement une feuille de papier, Vaimant ne pourra soutenir qu'une très- petite masse de fer, en comparaison de celle qu’il auroit soutenue si le fer lui avoit été immédiatement appliqué : cette différence d'effet provient de ce que l'intensité de la force est, sans comparaison, beaucoup plus grande au point de contact, el qu'en mettant obstacle à l’union immédiate du fer avec V'aimant par un corps intermédiaire, on lui ôte la plus grande partie de sa force , en ne lui laissant que celle qu'il exerceroit au- delà de son point de contact. Mais cet effet, qui. est si sensible à ce point, devient nul, ou du moins insensible à toute autre distance: car les corps interposés à un pied, à un pouce, et même à une ligne de l’aimant, ne paroissent faire aucun obstacle à l’exercice de son attraction. Le fer réduit en rouille cesse d’être atti— xable à l'aimant ; la rouille est une dissolu- o LR v R AITÉ tion du fer par l’humidite de L air, OU, pour mieux dire, par l’action de l’acide aérien ; qui , comme nous l'avons die, à produit : tous les autres acides : aussi agissent-ils tous sur le fer, et à peu près de la mème manière; car tous le dissolvent, lui ôtent la propriété d'être attiré par l’aimant : mais il reprend cette même propriété lorsqu’on fait exhaler ces acides par le moyen du feu. Cette propriété n'est donc pas détruite en entier dans la rouille , et dans les autres dissolutions du fer, puisqu'elle sc rétablit dès que le dissol- vant eu est sépare. L'action du feu produit dans le fer un effet tout contraire à celui de l'impression des aride ou de l'humidité de l'air ; le feu le rend d’autant plus attirable à l’aimant qu'il a été plus violemment chauffé. Ce sablon ferrugineux dont nous avons parlé, et qui est toujours mêlé avec la platine, est plus attirable à l’aimant que la limaille de fer, parce qu’il a subi une plus forte action du feu , et la limaille de fer chauffée jusqu’au blanc devient aussi plus attirable qu’elle ne J’étoit auparavant; on peut même dire qu'elle devient tout-à-fait magnétique en DE L’AIMANT. 179 certaines circonstances, puisque les petites écailles de fer qui se séparent de la loupe en incandescence frappée par le marteau , pré- sentent les mêmes phénomènes que l’aimant: elles s’attirent, se repoussent et se dirigent comme le font les aiguilles aimantées. On obtient le mème effet en faisant sublimer le fer par le moyen du feu*; et les volcans donnent par sublimation des matières ferru- gineuses qui ont du magnétisme et des poles, comme les fers sublimés et chauffés. On augmente prodigieusement la force at- tractive de l’aimant, en la réunissant avec la force directive , au moyen d’une armure de fer ou d'acier; car cette armure fait conver- ger les directions , en sorte qu'il ne reste à l’'aimant armé qu’une portion des forces di- rectives qu'il avoit étant nud, et que ce même aimant nud ; qui, par ses parties po— laires , ne pouvoit soutenir qu’un certain poids de fer, en soutiendra dix, quinze ou vingt fois davantace, s’il est bien armé; et plus le poids qu’il soutiendra étant nud, * Expériences faites par MM. de PArbre et Quimquet, et communiquées à M. le comte de Buffon en 1766. ago | OO sera petit, plus l’au gmentation du al qu’ il pourra porter étant armé, sera grande, Les forces directives de l’aimant se réunissent donc avec sa force attractive; et toutes se portant sur l’armure , y produisent une in tensité de force bien plus grande, sans que l’aimant en soit plus épuisé. Cela seul prou- “veroit que la force magnétique ne réside pas dans lPaimant, mais qu’elle est déterminée vers le fer et l’aimant par une cause exté- rieure , dont l’effet peut augmenter ou dimi- nuer , selon que les matières ferrugineuses lui sont présentées d’une manière plus ou moins avantageuse: la force attractive n’aug- mente ici que par sa réunion avec la force directive, et l’armure ne fait que réunir ces deux forces sans leur donner plus d’exten- sion ; Car , quoique l'attraction , dans l’ai- iaut armé, agisse beaucoup plus puissam- ment sur le fer, qu’elle retient plus forte- ment , elle ne s’étend pas plus loin que celle de l’aimant nud. | Cette plus forte attraction produite par la réunion des forces attractive et directive de V’aimant , paroît s’exercer en raison des sur= faces : par exemple, si la surface plane du | (DE L'ATMANT. 19e pied de l’armure contre laquelle on applique le fer, est de 36 lignes quarrées, la force d’at- traction sera quatre fois plus grande que sur “unesurface de 9 lignes quarrées ; autre preuve que la cause de l'attraction magnétique est extérieure, et ne pénèlre pas la masse de l’aimant, puisqu'elle n agit qu’en raison des surfaces , au lieu que celle de l'attraction universelle , agissant toujours en raison des masses , est une force qui réside dans toute iwatière. D'ailleurs toute force dont les direc- tions sont différentes , et qui ne tend pas di- . rectement du centre à la circonférence, ne peut pas être regardée comme une force in- térieure, proportionnelle à la masse, et n’est en effet qu'une action extérieure qui ne peut se mesurer que par sa proportion avec la surface *. Les deux poles d’un aimant se nuisant réciproquement par leur action contraire, lorsqu'ils sont trop voisins l’un de l’autre, la position de l’armure-et la figure de l’aimant * M. Daniel Bernoulli a trouvé, par plusieurs expériences, que la force attractive des aimans arti- ficiels de figure cubique croissoit comme Ja surface ) “et non pas comme a masse de ces aimans. Mat, gén, XVI. 16 M) al YEN EaT FN RSA Gb & 4. I6: 4 ! | SAN 82 | | UTMANTEN doivent également influer sur sa force, et c'est par cette raison que des aimans foibles { À gagnent quelquefois davantage à être armés que des aimans plus forts. Cette action con- traire de deux poles trop rapprochés sert à expliquer pourquoi deux barres aimantées qui se touchent, n’attirent pas un morceau de fer avec autant de force que lorsqu'elles sont à une certaine distance l’une de l’autre. Les pieds de l’armure doivent être placés sur les poles de la pierre pour réunir le plus de force : ces poles ne sont pas des points mathématiques , ils ont une certaine éten- due , et l’on reconnoit aisément les parties polaires d’un aimant , en ce qu’elles re- tiennent le fer avec,une grande énergie , et l’attirent avec plus de puissance’ que toutes les autres parties de la surface de ce même aimant ne peuvent le retenir ou l’attirer. Les meilleurs aimans sont ceux dont les poles sont les plus décidés, c’est-à- dire , ceux dans lesquels cette inégalité de force est la plus grande. Les plus mauvais aimans sont ceux dont les poles sont les plus indécis, c’est-à-dire , ceux qui ont plusieurs : poles et qui attirent le fer,à peu prés/égale- DE L’AIMANT. 183 ment dans tous les points de leur surface ; ef le défaut de ces aimans vient de ce qu’ils sont composés de plusieurs pièces mal situées, re- lativement les unes aux autres ; car, en les divisant en ei parties , chacun de ces fragmens n'aura que deux poles bien décidés et ai actifs. | À Nous avons dit que si l’on aïmante un fif de fer en le frottant longitudinalement dans le même sens, il perdra la vertu magnétique en le pliant en crochet , ou le courbant et le contournant en anneau , et cela parce que la force magnétique ne s'étant déterminée vers ce fil de fer que par un frottement dans le sens longitudinal , elle cesse de se diriger vers ce même fer, dès que ce sens est changé ou interrompu ; et lorsqu'il devient aide de ment opposé, cette force produit nécessaire- ment un effet contraire au premier ; elle repousse au lieu d'attirer , et se dirige vers l'autre pole. La répulsion dans l’aimant n’est donc que l'effet d’une attraction en sens contraire, et qu'on oppose à elle-même ; toutes deux ne partent pas du corps de l’aimant , mais pro- viennent et sont des effets d’une force exté- 184 TRAITÉ jh) rieure, qui agit sur l'aimant en deux sens opposés; et dans tout aimant, comme dans le globe terrestre ; la force magnétique forme deux courans en sens contraire , qui partent tous deux de l'équateur en se dirigeant aux deux poles. | Mais on doit observer qu’il y a une inéga= lité de force entre les deux courans magué- tiques du globe ,.dont l'hémisphère boréal offrant à sa surface beaucoup plus de terre que d’eau, et étant par conséquent moins froid que l'hémisphère austral , ne doit pas déterminer ce courant avec autant de puis— sance , en sorte que ce courant magnétique boréal à moins d'intensité de force que le courant de l'hémisphère austral, dans lequel la quantité des eaux et des glaces étant beau- coup plus grande que dans le boréal, la con- densation des émanations terrestres prove- nant des régions de l’équateur doit être aussi plus rapide et plus grande ; cette même iné- salité se reconnoît dans les aimans. M. de Bruno a fait à ce sujet quelques expériences, dont nous citons la plus décisive dans la pote ci-dessous *, Descartes avoit dit aupara- * Je posa un grand barreau magnétique sur DE L'AÏUMANT . 186 vant que le côté de l’aimant qui tend vers le nord, peut soutenir plus de fer dans nos rc— gions septentrionales que le côté opposé, et ce fait a été confirmé par Rohault, et aujour- d'hui par les expériences de M. de Bruno. Le pole boréal est donc le plus fort dans les almaus , tandis que c’est au contraire le pole le plus foible sur le globe terrestre; et c’est précisément ce qui détermine les poles bo- réaux des aimans à se porter vers le nord, comme vers un pole dont la quantité de force est différente de celle qu’ils ont reçue. Lorsqu'on présente deux aimans l’un à l’autre , et que l’on oppose les poles de même nom , il est nécessaire qu'ils se repoussent, parce que la force magnétique , qui se porte de l'équateur du premier aimant à son pole, agit dans une direction contraire et diamé- une table de marbre blanc ; je placai une aiguille amantée en équilibre sur son pivot, au point qui séparoit le grand barreau en deux parties égales. Le pole austral s’inclina vers le pole boréal du grand barreau. J’approchai insensiblement cette aiguille vers le pole austral du grand barreau, jusqu’à ce qu'enfin je m’apperçus que la petite aiguille étoit ans une situation parfaitement horizontale. “16 186 T'RIAT PEN tralement ‘opposée à la force magnétique , qui se porte en sens contraire dans le second aimant. Ces deux forces sont de même na— ture , leur quantité est égale, et par consé- quent ces deux forces égales et opposées doivent produire une répulsion , tandis qu'elles n’offrent qu’une attraction , si les deux aimans sont présentés l’un à l’autre par les poles de différens noms, puisqu’alors les deux forces magnétiques , au lieu d'être égales, diffèrent par leur nature et par leurs quantités. Ceci seul suffiroit pour démontrer que la force magnétique ne circule pas en tourbillon autour de l’aimant , mais se porte seulement de son équateur à ses poles en deux sens opposés. Cette répulsion, auto l’un contre l’autre les poles de même nom , sert à rendre raisou d'un phénomène qui d’abord a surpris les yeux de quelques physiciens. Si l’on soutient deux aiguilles aimantées l’une au-dessus de l’autre , et si on leur commu- nique Le plus léger mouvement , elles ne se fixent point dans la direction du méridien magnétique ; mais elles s’en éloignent égale- ment des deux côtés, l’une à droite et l’autre à Le DE L'AIMANT. 197 gauche dela ligne deleur direction naturelle. Or cet ecartement provient de l’action ré- pulsive de leurs poles semblables ; et ce qui le prouve , c'est qu'à mesure qu'on fait des- cendre l'aiguille supérieure pour l’appro- cher de l’inférieure, l’angle de leur écar- tement devient plus grand, tandis qu’au contraire 1l devient plus petit à mesure qu’on fait remonter cette même aiguille supérieure au-dessus de l’inférieure ; et lorsque les ai- guilles sont assez éloignées l’une de l’autre pour n'être plus soumises à leur influence mutuelle , elles reprennent alors leur vraie direction, et n’obéissent plus qu’à la force du magnétisme général. Cet effet, dont la cause est assez évidente , n’a pas laissé d’in- duire en erreur ceux qui l’ont observé les premiers ; ils ont imaginé qu’on pourroit , par ce moyen, construire des boussoles dont l’une des aiguilles indiqueroit le pole terrestre, tandis que l’autre se dirigeroit vers le pole magnétique , en sorte que la pre- mière marqueroit le vrai nord, et la seconde la déclinaison de l’aimant ; mais le peu de fondement de cette prétention est suffisam- ment démontré par l'angle que forment les À LAN > ma UM ASE COAL 2 Ke LAN + { a UNE « \ Wé | 188 TRAIT EE | deux aiguilles , et qui augmente ou diminue par l'influence mutuelle de leurs poles, En les rapprochant ou les éloignant l’un de l’autre. « On déterminera plus puissamment , plus promptement, cette force extérieure du ma- gnétisme général vers le fer , en le ténant dans la direction du méridien magnétique. de chaque lieu , et l’on a observé qu’en met- tant dans cette situation des verges de fer, les unes en incandescence et les autres froides, les premières reçoivent la vertu magnétique bien plus tôt et en bien plus grande mesure* que les dernières. Ce fait ajoute encore aux preuves que j'ai données de la formation des. mines d’aimant par le feu primitif. | IL faut une certaine proportion dans les dimensions du fer, pour qu'il puisse s’ai— manter promptement de lui-même, et par * Nous devons cependant observer que le fer prend, à la vérité, plus de force magnétique dans l’état d’incandescence, mais qu’il ne la conserve pas en méme quantité après son refroidissement. Un fer, tant qu’il est rouge, attire l’aiguille-aimantée plus fortement et la fait mouvoir de plus loin que: quand il est refroidi. DE L’AIMANT. 189 la seule action du magnétisme général; ce- pendant tous les fers étant posés dans une situation perpendiculaire à l'horizon, pren- dront dans nos climats quelque portion de vertu magnétique. M. le chevalier de Lama- non ayant examiné les fers employés dans tous les vaisseaux qu’il a vus dans le port de Brest en 1785, a trouvé que tous ceux qui étoient placés verticalement , avoient acquis la vertu magnétique. IL faut seulement un assez long temps pour que cet effet se ma- nifeste dans les fers qui sont gros et courts, moins de temps pour ceux qui sont épais et longs, et beaucoup moins pour ceux qui sont longs et menus. Ces derniers s’aimautent en quelques minutes , et il faut des mois et des années pour les autres. De quelque ma- nière mème que le fer ait reçu la vertu ma- gnétique, il paroît que jusqu’à un certain point , et toutes choses égales , la force qu’il acquiert est en raison de sa longueur; les barreaux de fer qui sont aux fenêtres des anciens édifices, ont souvent acquis , avec etemps ,une assez grande force magnétique, pour pouvoir, comme de véritables aimans, aitirer et repousser d’une manière sensible #90 TRAIT Ë | V’aiguille aimantée à plusieurs pieds de dis- tance. a: MU: Mais cette communication du magnétisme au fer s'opère très - inégalement suivant les différens climats; on s’est assuré, par l’ob- servation, que, dans toutes les contrées des zones tempérées et froides , le fer tenu verti- calement acquiert plus promptement et en plus grande mesure la vertu magnétique que dans les régions qui sont-sous la zone torride, dans lesquelles même il ne prend souvent que peu ou point de vertu magneé- tique dans cette position verticale. Nous avons dit que les aimans ont propor- tionnellement d'autant plus de force qu'ils sonten plus petit volume.Une pierre d’aimant dont le volume excède vingt-sept ou trente pouces cubiques , peut à peine porter un poids égal à celui de sa masse, tandis que, dans les petites pierres d’aimant d’un ou deux pouces cubiques , il s’en trouve qui portent vingt, trente et même cinquante fois leur poids. Mais, pour faire des compa- raisons exactes, il faut que le fer soit de la même qualité, et que les dimensions et la figure de chaque morceau soient semblables . ] V DE L’AITMANT. 19€ et égales; car un aimant qui soutiendroit un cube de fer du poids d’unelivre,ne pourra soutenir un fil de fer long d’un pied , quine peseroit pas un gros; et si les masses à sou- tenirnesont pas entièrement de fer, quoique de même forme, si, par exemple, on applique à l’aimant deux masses d’égal poids et de figure semblable, dont l’une seroit entière— ment de fer , et dont l’autre ne seroit de fer que\dans la.partie supérieure , et de cuivre ou d’autre matière dans la. partie inférieure, cette masse composée de deux matières ne sera pas attirée ni soutenue avec la même force que la masse de fer continu , et elle tiendra d'autant moins à l’aimant que la portion de fer sera plus petite, et que celle de l’autre matière sera plus grande. Lorsqu'on divise un gros aimant en plu- sieurs parties, chaque fragment, quelque petit qu'il soit, aura toujours des poles. La vertu magnétique augmentera au lieu de di- minuer par cette division ; ces fragmens , pris séparément, porteront beaucoup plus de poids que quand ils étoient réunis en un seul bloc. Cependant les gros aimans, même les plus foibles , répandent en proportion En 0 0 ITRAITÉ leur force à de plus grandes aide que les petits aimans les plus forts ; et si l’on joint ensemble plusieurs petits aimans pour n’en faire qu'une masse , la vertu de cette masse s'étendra beaucoup pr loin que celle d’au- cun des morceaux dont ce bloc est composé. Dans tous les cas, cette force agit de plus loin sur un autreaimant , ou sur Le fer aimanté, que sur le fer qui ne l’est pas. On peut reconnoitre assez précisément les effets de l'attraction de l’aimant sur le fer , et sur le fer aimanté, par le moyen des bous- soles, dout l’aiguille nous offre aussi, par son mouvement , les autres phénomènes du ma- gnétisme général. La direction de l'aiguille vers les parties polaires du globe terrestre, sa déclinaison et son inclinaison dans les différens lieux du globe, sont les effets de ce magnétisme dont nous avons tiré le grand moyen de parcourir les mers et les terres inconnues, sans autre guide que cette aiguille, qui seule peut nous conduire lorsque l’as- pect du ciel nous manque, et que tous les astres sont voilés par les nuages, les brouil- lards et les brumes. Ces aiguilles une fois hien aimantées sont { DE L'ALMANT. ‘. x93 de véritables aimans ; elles nous en présentent. tous les phénomènes, et même les démontrent. d’une manière plus précise qu’ on ne pour—- roit les reconnoitre dans les almans mêmes, car l’aimant et le fer bien.aimanté produisent les mêmes effets ; et lorsqu'une petite barre d'acier a été aimanteée au point de prendre toute la vertu magnétique dont elle est susceptible , c’est dès lors un aimant qui, comme le véritable aimant , peut commu- niquer sa force, sans en rien perdre, à tous les fers et à tous les aciers qu'on lui pré- sentera. Mais ni l’aimant naturel, ni ces aimans artificiels , ne communiquent pas d’abord autant de force qu'ils en ont; une lame de fer ou d’acier passée sur l’aimant en reçoit une certaine mesure de vertu magnétique à qu'on estime par le poids que cette lame peut soutenir ; si l’on passe une seconde lame sur la première, cette seconde lame ne recevra de même qu'une partie de la force de la pre- mière, et ne pourra soutenir qu un moindre poids ; une troisième lame passée sur la se— coude ne prendra de même qu’une portion de la force de cette seconde lame; et enfin 7 LME RIDE ! | * ANR d $ 94 1 44 PR SAME dans une quatrième lame passée sur la troi- sième , la vertu communiquée sera presque insensible ou même nulle. A Chacune de ces lames conserve néânmoins toute la vertu qu’elle a reçue , sans perte ni diminution, quoiqu’elles paroissent en faire largesse en la communiquant; car l’aimant ou le fer aimauté ne font aucune dépense réelle de cette force : elle ne leur appartient donc pas en propre, et ne fait pas partie de leur substance ; ils ne font que la détermi- ner plus ou moins vers ie fer qui ue l’a pas encore reçue. Ainsi, je le répète, cette force ne réside pas en quantité réelle et matérielle dans l’ai- mant , puisqu'elle passe sans diminution de J'aimant au fer et du fer au fer, qu’elle se multiplie au lieu de s’évanouir , et qu’elle augmente au lieu de diminuer par cette communication; car chaque lame de fer en acquiert sans que les autres en perdent, et la force reste évidemment la même dans cha- cune, après mille et mille communications. Cette force est donc extérieure , et de plus elle est, pour ainsi dire, infinie relativement . aux pelites masses de l’aimant et du fer; / DE L’AIMANT. 195. qui ne font que la déterminer vers leur propre substance : élle existe à part , et n’en existeroit pas moins , quand il n’y auroit point de fer ni d'aimant dans le monde ; mais il est vrai qu’elle ne produiroit pas les mêmes effets, qui tous dépendent du rapport particulier que la matière ferrugi- neuse se trouve avoir avec l’action de cette ” force. AR TN TOC EME nl * Divers procédés pour produire et compléter l’aimantation du fer. Prvsreurs circonstances concourent à rendre plus ou moins complète la commu- nication de la force magnétique de l’aimant au fer. Premièrement, tous les aimans ne A , \ donnent pas au. même fer une égale force attractive : les plus forts lui communiquent ordinairement plus de vertu que les aimans plus foibles. Secondement, la qualité du fer influe beaucoup sur la quantité de vertu ma- gnétique qu’il peut recevoir du même aimant; plus le fer est pur, et plus il peut s’aiman- ter fortement : l'acier , qui est le fer le plus épuré, reçoit plus de force magnétique , et la conserve plus long-temps que le fer ordi- maire. Troisièmement , il faut une certaine \ ” FT DB EUR TMOAN TT. l'ro7 proportion dans les dimensions du fer ou de l'acier que l’on veut aimaunter , pour qu'ils reçoivent la plus grande force magnétique qu'ils peuvent comporter. La longueur, la largeur et l'épaisseur de ces fers ou aciers, ont leurs proportions et leurs limites : ces dimensions respectives ne doivent être ni trop grandes ni trop petites, et ce n’est qu’a- près une infinité de tätonnemens qu’on a pu déterminer à peu près leurs proportions re latives , dans les masses de fer ou d'acier que l’on veut aimanter au plus haut degré. Lorsqu'on présente à un aimant puissant du fer doux et du fer dur, les deux fers acquièrent la vertu magnétique , et en re- çgoivent autant qu'ils peuvent en comporter; et le fer dur qui en comporte le plus, peut en recevoir davantage : mais si l'aimant n’est pas assez puissant pour communiquer aux deux fers toute la force qu’ils peuvent rece— voir, on trouvera que le fer tendre, qui reçoit avec plus de facilité la vertu magné- tique , aura, dans le même temps, acquis plus de force que Le fer dur. [l peut aussi arri- ver que l’action de l’aimant sur les fers soit telle, que Je fer tendre sera pleinement im 17 GENE 0 j! "ie AU " 1/00 198 TR ANT TEEN prégné, tandis que le fer dur n’aura pas été exposé à cette action pendant assez de temps pour recevoir.toute la force magnétique qu’il peut comporter, de sorte que tous deux peuvent présenter , dans ces deux cas, des forces magnétiques égales ; ce qui explique les contradictions des artistes sur la qualité du fer qu’on doit préférer pour faire des aimans artificiels. Une verge de fer longue.et menue, rou- gie au feu , et ensuite plongée pérpendicu- lairement dans l’eau , acquiert en un mo= ment la vertu magnétique. L’on pourroit donc aimanter promptement des aiguilles de boussole sans aimant : il suffiroit , après les avoir fabriquées , de les faire rougir au feu , et de les tremper ensuite dans l’eau froide *. Mais ce qui paroit singulier , quoique natu- rel, c’est-à-dire, dépendant des mêmes causes, c’est que le fer en incandescence, comme l’on voit, s’aimante très-promptement , en le * Nous devons cependant observer que ces ai- guilles ne sont pas aussi actives ni aussi précises que : celles qu'on a aimantées, en les passant vingt ou trente fois dans le même sens sur le pole d’un aamaut bien armé, { 4 TRS f DE L'AIMANT. 19 plongeant verticalement dans l’eau pour le refroidir, au lieu que le fer aimanté perd sa . vertu magnétique par le feu, etne la reprend pas étant de même plongé dans l’eau :et c'est parce qu’il conserve un peu de cette vertu , que le feu ne lui enlève pas toute entière ; car cette portion qu’il conserve de son ancien magnétisme, l’empêche d'en recevoir un nouveau. | | On peut faire avec l’acier des aimans arti- ficiels aussi puissans, aussi durables que les meilleurs aimans naturels; on a nième ob servé qu'un aimant bien armé donne à l’acier plus de vertu magnétique qu’il n’en a lui- mème. Ces aimans artificiels demandent seu- lement quelques attentions dans la fabrica- tion, et de justes proportions dans leurs dimensions. Plusieurs physiciens , et quel- ques artistes habiles, ont, dans ces derniers temps, si bien réussi, tant en France * qu’en Angleterre, qu'on pourroit, au moyen d’un 3 * M. Le Noble, chanoine de Saint-Louis du Louvre, s’est sur-tout distingué dans cet-art; 1l & composé des aimans aruficiels de plusieurs lames d'acier réumies ; 1l a trouvé le moyen de les aimanter plus fortement, et de leur donner les feures et les : _quable qu’il est simple, exciter dans le fer la $ Ÿ ? Fr | ÿ à LUE EN ; NNCEEE En do. "NT RNA EN de ces aimans artificiels, se passer à l'avenir, 3 des aimans de nature. - Ily a plus; on peut, sans aimant mi fer aimanté ,et par un procédé aussi remar— vertu magnétique à un très-haut degré. Ce procédé consiste à poser sur la surface polie d’une forte pièce de fer, telle qu'une enclume, des barreaux d'acier , et à les frotter ensuite un grand nombre de fois , en-4les retournant sur leurs différentes faces, toujours dans le même sens , au moyen d'une grosse barre de fer tenue verticalement, et dont l'extrémité. inférieure , pour le plus grand effet, doit ètre aciérée et polie. Les barreaux d'acier se trouvent, après ces frottemens , fortement aimantés, sans que l’enclume ni la barre, qui semblent leur communiquer la vertu magnétique, la possèdent ou la prennent sen- siblement elles - memes; et rien ne semble plus propre: à démontrer l’affñinité réelle et le rapport intime du fer avec la force magné- dimensions convenables pour produireles plus grands effets; et, comparaison faite des aimans de M. Le Noble avec ceux d'Angleterre, ils m'ont paru au moins égañx, et même supérieurs. ( Pad” pi t A 17 DLL A LMANT.… 20r tique, lors même qu’elle ne s’y manifeste pas sensiblement , et qu’elle n’y est pas for- mellement établie, puisque, ne la possédant pas, il la communique en déterminant son cours , et ne lui servant que de conducteur. MM. Mitchel et Canton , au lieu de seservir d’une seule barre de fer pour produire des aimans artificiels, ont employé avec suc- cès deux barres déja magnétiques; leur mé- thode a été appelée z7é44ode du double con- act, à cause du double moyen qu'ils ont pré- féré. Elle a été perfectionnée par M. Épinus, quia cherché et trouvé la manière la plus avantageuse de placer les forces dans les aimans artificiels ,afin que celles quiattirent et celles qui repoussent , se servent le plus eise nuisent le moins possible. Voici son procédé , qui est l’un des meilleurs auxquels on puisse avoir recours pour cet effet; et nous pensons qu'on doit le préférer pour ai- manter les aiguilles des boussoles. M. Épinus suppose que l’on veuille augmenter jusqu’au degré de saturation la vertu de quatre barres déja douées de quelque magnétisme : il en met deux horizontalement, parallèlement , ét à une certaine distance l'une de l’autre, AT AO CRUE ii dt de T } { 202 TRAI T a : entre deux parallélipipèdes de fer ; il place sur une de ces barres horizontales les deux autres barres qui lui restent; il les incline, l'une à droite , l’autre à gauche, de manière qu'elles forment un angle de quinze à vingt degrés avec la barre horizontale, et queleurs extrémites inférieures ne soient séparées que par un espace de quelques lignes ; 1l Les con- duit ensuite d’un bout de la barre à l’autre, alternativement dans les deux sens, eten les tenant toujours à la même distance l’une de l’autre. Après que la première barre hori- zontale a été ainsi frottée sur ses deux sur- faces , il répète l’opération sur la seconde barre ; 1l remplace alors la première paire de barres pâr la seconde, qu’il place de même entre les deux parallélipipèdes, et qu’il frotte de la même manière que nous venons de le dire avec la première paire; il recommence ensuite l'opération sur cette première paire , et il continue de frotter alternativement une paire sur l’autre, jusqu'à ce que les barres me puissent plus acquérir du magnétisme. M. Épinus emploie le même procédé avec trois barres , ou avec un plus grand nombre: mais, selon lui, la manière la plus courte ef, ADENLS AIMANT. 203 la plus sûre est d’aimanter quatre barres, On peut coucher entièrement les aimans sur la barre que l’on frotte , au lieu de leur faire former un angle de quinze ou vingt degrés, si la barre est assez courte pour que ses extrémités ne se trouvent pas trop voi- sines des poles extérieurs des aimans , qui jouissent de forces opposées à celles de ces extrémités. Lorsque la barre à aimanterest très-longue, il peut se faire que l’ingénieux procédé de M. Épinus ; ainsi que celui de M. Canton, produise une suite de poles alternativement contraires , sur-tout si le fer est inou , et par conséquent susceptible de recevoir plus promptemeut le magnétisme. M. Épinus s’est servi du procédé du double contact de deux manières : 1°. avec quatre barres d’un fer médiocrement dur , longues de deux pieds, larges d’un pouce et demi, épaisses d’un demi-pouce , et douze lames d’acier de six ponces de long, de quatre lignes de large, et d’une demi-ligne d’épais. Les quatre premières étoient d’un acier mon ; quatre autres avoient la dureté de.lacier ordinaire avec lequel on fait les ressorts ; et OR. Ki s 0 DA à à ATEN à À # } + LA ai + m4 © PT AM TE OR les quatre autres barres étoient d’un acier dur jusqu'au plus haut degré de fragilité. Il a tenu verticalement une des grandes barres , et l’a frappée fortement, environ deux cents fois, à l’aide d'un gros marteau. Elle a acquis, par cette percussion, une vertu “magnétique assez forte pour soutenir un petit clou de fer : l'extrémité inférieure a reçu la vertu du pole boréal ; et l'extrémité supérieure, la vertu du pole austral. Il a aimanté de méme les autres trois grandes barres. Il a ensuite placé l’une des petites lames d'acier mou sur une table entre deux des grandes barres , comme dans le procédé du double contact , et l’a frottée, suivant le même procédé , avec Les deux autres grandes barres ; il l’a ainsi magnétisée. Il l’a succes sivement remplacée par les trois autres lames d'acier mou , et a porté la force magnétique de ces quatre lames au degré de saturation. Il a placé, après cela , deux des lames qui avoient la dureté des ressorts, entre deux parallélipipèdes de fer mou, les a frottées avec deux faisceaux forinés des quatre grandes barres , a fait la même opération sur les deux autres, a remplacé les quatre grandes LA $ HPLC NILMANT. 205 barres par les quatre petites lames d'acier mou , et a porté ainsi jusqu’à la saturation la force magnétique des quatre lames ayant la dureté des ressorts : il a termine son pro- cédé par répéter la même opération; et pour aimanter jusqu'à saturation les lames qui présentoient le plus de dureté, il les a substi- tuées à celles qui n’avoient que la dureté du ressort , et il a mis celles-ci à la place des grandes barres. La seconde manière que M. Epinus a em- ployée, ne diffère de la première qu’en ce qu'il a fait faire les quatre grandes barres d’un fer très-mou , et qu'il a mis la petite lame molle à aimanter , ainsi que les deux grandes barres placées à son extrémité, dans la direction de l’inclinaison de l'aiguille ai- mantée. Il a ensuite frotté la petite lame d'acier avec les deux autres grandes barres, en les tenant parallèlement à la petite lame, ou en ne leur faisant former qu'un angle très-aigu. Si l’on approche d’un aimant une longue ‘barre de fer , la portion la plus voisine de l'aimant acquiert à cette extrémité, comme nous l'avons dit, un pole opposé à celui 18 206 TRAITÉ qu’elle touche; une seconde portion de cette même barre offre un pole contraire à celui de la portion contigue à l’aimant ; uné troi- sième présente le même pole que là pre- mière ; une quatrième, que la seconde ; et ainsi de suite. Les poles alternativement Op— posés de ces quatre parties de la barre sont d’autant plus foibles qu'ils s’éloignent da- vantase de l’aimant; et leur nombre, toutes choses égales, est proportionné à la longueur de la barre. Si on applique le pole d’un aimant sur le milieu d’une lame, elle acquiert dans ce point un pole contraire; et dans les deux extrémités deux poles semblables à celui qui la touche. Si le fer est épais, la surface opposée à l’aimant acquiert aussi un pole semblable à celui qui est appliqué contre le fer ;et si la barre est üun peu lougue, les deux extrémités présentent la suite des poles alternativément contraires, et are nous ve- nons de parler. La facilité avec laquelle le fer reçoit la vertu magnétique par le contact ou le voisi- nage d’un aimant, l'attraction mutuelle des poles opposés, et la répulsion des poles sem DE L’AIMANT. 2o7 blables , sont confirmées par les phénomènes suivans. Lorsque l’on donne à un morceau de fer la forme d'une fourche, et qu’on se lique une des branches à un aimant, Au devient masnétique, et son extrémite pue peut soutenir une petite masse de fer : mais si on approche de la seconde branche de la fourche un aimant dont le pole soit opposé à celui du premier aimant, le morceau de fer soumis à deux forces qui tendent à se détruire , rece- vant deux vertus contraires, ou, pour mieux dire, n’en recevant plus aucune, perd son magnétisme, et laisse échapper le poids qu’il soutenoit. : Si l’on suspend un petit fil de fer mou, long de quelques pouces , et qu'on approche un aimant de son extrémite inferieure, en présentant aussi à cette extrémité un mor- ceau de fer, ce morceau acquerra une vertu opposée à celle du pole voisin de l’aimant; il repoussera l’extrémité inférieure du fil de fer qui aura obtenu une force semblable à celle qu’il possédera , et attirera l'extrémité supérieure qui.jouira d’une vertu contraire, Lorsqu'on suspend un poids à une lame Laits è UE AO NAS. AN PP HENTE PT SET LE Qi à NRA OP TRACE SPAS AS À EN NN NY * D AA PT . 208 | TRAITÉ Sem. d'acier mince , aimantée et horizontale , e£ que l'on place au-dessus de cette lame une seconde lame aimantée, de même force, d’égale grandeur, couchée sur la première, la recouvrant en entier , et présentant un pole opposé au pole qui soutient le poids, ce poids n’est plus retenu. Si la lame supérieure jouit d’une plus grande force que l’inférieure, le poids tombera ayant qu’elle ne touche la seconde lame : mais en continuant de l’ap- procher, elle agira par son excès de force sur les nouveaux poids qu’on lui présentera, et les soutiendra , malgré l’action contraire de la lame inférieure. Lorsqu'on suspend un poids à un aimant, et que l’on approche un second aimant au- dessus de ce poids, la force du premier aimant est augmentée dans le cas où les poles con- traires sont opposées, et se trouve diminuée quand les poles semblables sont les plus voi- sins. Les mêmes effets arriveront, et le poids sera également soumis à deux forces agis- sant dans la même direction , si l’on rem- place le second aimant par un morceau de fer auquel Ia proximité du premier aimant sommuniquera une vertu maguétique Oppa= DE L’AIMANT. 209 see à celle du pole le plus voisin. Ceci avoitété observé précédemiment par M. de Réaumur, qui a reconnu qu'un aimant enlevoit une masse de fer placée surune enclune de fer, avec plus de facilité que Lorsqu’elle étoit pla- cée sur une autre matière. Les faits que nous venons de rapporter, nous démontrent pourquoi un aimant ac— quiert une nouvelle vertu en soutenant du fer qu’il aimante par son voisinage, et pour- quoi, si on lui enlève des poids qu’on étoit parvenu à lui faire porter en le chargeant graduellement , il refuse de les soutenir lorsqu'on les lui rend tous à la fois. L'expérience nous apprend, dit M. Épinus, que le fer exposé à un froid très-âpre de- vient beaucoup plus dur et plus cassant : ainsi, lorsqu'on aimante une barre de fer, le degré de la force qu’elle acquiert, dépend, selon lui, en grande partie du degré de froid auquel elle est exposée , en sorte que la même barre aimantée de la mème ma— nière n'acquiert pas dans l'été la même vertu que dans l'hiver, sur-tout pendant un froid très-rigoureux. Néanmoins ce savant ‘physicien convient qu'il faudroit confirmer . 18 \ 210 TRAIT ce fait par des expériences exactes et réité- rées. Au reste , on peut assurer qu’en géné- ral la grande chaleur et le grand froid dimi- _nuent la vertu magnétique des aimans et des fers aimantés , en modifiant leur état, et en les rendant par-là plus ou moins suscep- tibles de l’action de l'électricité générale ! On peut voir, dans l’Essas sur le fluide électrique de feu M. le comte de Tressan, une expérience du docteur Knight , que j'ai cru devoir rapporter ici, parce qu’elle est relative à l’aimantation du fer, et d'ailleurs parce qu'elle peut servir à rendre raison de plusieurs autres expériences surprenantes en apparence , et-dont la cause a été pendant long-temps cachée aux physiciens ?.' Au 1: M. de Rozières, que nous avons déja cité, l’a prouvé par plusieurs expériences. 2 L'expérience, dit M. de Tressan, la plus sin= guhère à faire sur les aimans artificiels du docteur: Knight , est celle dont il m’envoya les détails de Londres en 1748 , avec l'appareil nécessaire pour la répéter. Non seulement M. Knight avoit déja trouvé alors le secret de donner un magnétisme puissant à des barres de quinze. pouces de longueur , faites d’un acier parfaitement dur ,.telles que celles qui sont. &, DE L,ATMANT arr reste, elle s'explique trés-aisément par la aujourd’hui connues ; mais 1l avoit inveñté une com- position, dont il s’est réservé le secret, avec laquelle il forme de petites pierres d’une matière noire (en apparence pierreuse et métallique). Celles qu'il m’a envoyées ont un pouce de long, huit lignes de large, et deux bonnes lignes d'épaisseur : il y a joint plusieurs petites balles de la même composition ; les petites balles que j’ai ont, l’une cinq, l’autre quatre, et les autres trois lignes de diamètre. Il nomme ces pelites sphères Zerrella. Je fus moins surpris de trouver un fort magné- tisme dans les petits quarrés longs, que je ne le fus de le trouver égal dans les petites zerrella, dont les poles sont bien décidés et hien fixes, ces pelites sphères s’attirant et se repoussant vivement, selon les pis qu’elles se présentent. Je préparai donc (selon l’instruction que j’avois recue de M. Knight) une glace bien polie et posée bien horizontalement ; je disposai en rond cinq de ces terrella, et je plaçai au milieu un de ces aimans factices de la même matière, lequel je pouvois tour- uer facilement sur son cenire ; je vis sur-le-champ toutes les zerrella s’agiter et se retourner pour pré- senter à l’aimant factice la polarité correspondante à la sienne : les plus légères furent plusieurs fois alhrées jusqu’au conlact, et ce ne fut qu'avec peine fa CT LS Are A IT É Ÿ Fu répulsion des poles semblables , et l’attrac— tion des poles de différent nom... | | \ que je parvins à les placer à la distance proportion+ nelle, en raison composée de leurs sphères d’acti- vité respective. Alors, en tournant doucement l’ai- mant factice sur son centre, J'eus:la satisfaction de voir toutes ces £errella tourner sur elles-mêmes, par une rotation correspondante à celle de cet aimant; et cette rotation étoit pareille à celle qu’éprouve une roue de rencontre lorsqu'elle est mue par une autre roue à dents; de sorte que lorsque je retournois mon aimant de la droite à la gauche, la rotation des er- rella étoit de la gauche à la droite; et l'inverse arri= voit toujours lorsque Je tournois mon aimant de l’autre sens. | 4 L. DE L’AIMANTS 13 Li RAR TI C LE: V. De la direction de l’aimant, et de sa déclinaison. Appis avoir considéréles effets de la force attractive de l’aimant , considérons les phé= nomènes de ses forces directives. Un aimant, ou, ce qui revient au même, une aiguille ai- mantée, se dirige toujours vers les poles du globe, soit directement , soit obliquement, en deéclinant à l’est ou à l’ouest, selon les temps et les lieux ; car ce n’est que pendant un assez petit intervalle de temps, comme de quelques années , que dans un même lieu la direction del’aimant paroît être constante; etentout tempsil n’y a que quelques endroits sur la terre où l'aiguille se dirige droit aux poles du globe, tandis que par-tout ailleurs elle décline de plus ou moins de degrés à l’est ou à l’ouest , suivant les différentes positions de ces mêmes lieux. | 1: is TRAITÉ. Les grandes ou petites aiguilles aimantées sur un aimant fort ou foible, contre les poles ou contre les autres parties de la surface de ces aimans, prennent toutes la même direc- tion en marquant'également la même décli- naison dans chaque lieu particulier. Les François sont, de l’aveu même des étrangers, les premiers en Europe qui aient fait usage de cette connoissance de la direc- tion de l’aimant pour se conduire dans leurs navigations *. Dès le commencement du dou- zième siècle, ils naviguoient sur la Méditer- * Par le témoignage des auteurs chinois, dont MM. le Roux et de Guignes ont fait l'extrait, 1l paroît certain que la propriété qu'a le fer aimanté de se diriger vers les poles, a été très-anciennement connue des Chinois. La forme de ces premières boussoles étoit une figure d’homme qui tournoit sur un pivot, et dont le bras droit montroit toujours le xnidi. Le temps de cette invention, suivant certaines chroniques de la Chine, est de 1115 ans avant l'ère chrétienne, et 2700 selon d’autres. Voyez Extrait des annales de la Chine, par MM. le Roux et de Guignes, Muis, malgré l’ancienneté de cette dé- couverte, 1l ne paroît pas que les Chinois en aient . Jamais tiré l’avantage de faire de longs voyages. + 3 DD AIMANT. 215 ranée, guidés par l'aiguille aimantée, qu’ils appeloient /a marinefte ; et il est à présumer que, dans ce temps, lg direction de l’ai- mant étoit constante, car cette aiguille n'au- roit pu guider des navigateurs qui ne connois- soient pas ses variations; et cen’est que dans les siècles suivans qu'on a observé sa décli- naison dans les différens lieux de la terre, et même aujourd'hui l’art nécessaire à la pré- cisiou de ces observations n’est pas encore à sa perfection. La marinette n’étoit qu’une boussole imparfaite , et notre compas de mer, qui est la boussole perfectionnée , n’est pas encore un guide aussi fidèle qu’il seroit à desirer : nous ne pouvons même guère espérer de le rendre plus sûr, malgre les ob- servations très-multipliées des navigateurs dans toutes les parties du monde , parce que la déclinaison de l’aimant change selon les lieux et les temps. Il faut donc chercher à reconnoître ces changemens de direction en différens temps, pendant un aussi grand nombre d'années que les observations peuvent nous l’indiquer, et ensuite les comparer aux changemens de cette declinaison dans un même temps en différens lieux. CR (0e Ne LE En EC Le à: ie us SQL ART c LE ii 216 TRAITE .. En recueillant le petit nombre d’observa- tions faites à Paris dans les seizième et dix- septième siècles, il paroît qu’en l’année 1580 l'aiguille aimantée déclinoit de onze degrés trente minutes vers l’est, qu’en 1618 elle déclinoit de huit degrés, et qu’en l’année 1663 elle se dirigeoit droit au pole. L’aiguille ais mantée s’est donc successivement approchée du pole de onze degrés trente minutes pen- dant cette suite de quatre-vingt-trois ans: mais elle n’est demeurée qu’un an ou deux stationnaire dans cette direction où la dé- clinaison' est nulle ; après quoi l'aiguille s’est de plus en plus éloignée de la direction au pole*, toujours en déclinant vers l’ouest : * Dans l’année 1670, la déclinaison étoit de I degré 30 minutes vers l’ouest, et laignille a conti- aué de décliner dans les années suivantes, toujours vers l’ouest; en 1680, elle déclinoit de 2 des. 40 min. ; en 1681, de 2 deg. 30 min.; en 1683, de 3 deg. 5o min.; en 1684, de 4 deg. ro min. ; en 1685, de 4 deg. 10 min.; en 1666, de 4 deg. 30 min.; en 1692, de 5 deg. o min.; en 1693, de 6 deg. 20 min, ; en 1695, de 6 deg. 48 min.; en 1696, de deg. 8 min.; en 1698, de 7 dég. 40 min.; en 1699, de 8 deg, ro min. ; en 1700, de 8 deg. 12 min.; em. or , ÿ RL A DOME NOT Bi de sorte qu'en 1785, le 30 mai , la déclinai- son étoit à Paris de vingt-deux degrés. De même on peut voir, par les observations : faites à Londres, qu'avant l’année 1657 l’ai- ouille déclinoit à l’est, et qu'après cette xgor, de 8 deg. 25 min.; en 1702, de 8 deg. 48 min.; en x703, de 9 deg. 6 min.; en 1704, de g des. 20 min.; en r70b, de 2 deg. 35 min. ; en 1706, de v deg. 48 min.; en 707, de ro deg. 10 min. ; em 1708, de 10 deg. 15 min.; en 1709, de 1r deg. 15 min.; en r714, de rr deg. 30 min. ; en 1717, de 12 deg. 20 min. ; en 1719, de r2 deg. 30 min. ; en 1720, 1721 1722, 1723 et 1724, de 13 deg; en 1725, de 13 deg. 15 min; en 1727 et 1728, de r4 degrés. (Musschenbroeck, Dissertatio de magnete; page 152.) En 1729, de r4 deg. ro min.; en 1730, de 14 deg. 25 min. ; en 173c, de r4 deg. 45 min.; en 1932 et 1733, de 15 deg. 15 min.; en 1734 et 1740, de 15 deg. 45 min.; en 1744, 1745, 1746 , 1747 et 1749, de 16 deg. 30 min. (Æncyclopédie, article aiguille aimantée.) En 1955, de 17 deg. 30 min. ; en 1756, de 17 deg. 45 min. ; en 1959 et r558, de 18 des.; en 1759, de 18 deg. 10 min. ; en r560, de 18 deg. 20 min. ; en 1765, de 18 deg. 55 min. 2a sec, ; en 1767; de 19 deg. 16 min. ; en 1768, de 1 deg. 25 minutes. (Connoissance des temps, années 1769, 1770, 1771, et 1772.) Mat, gén, XVI, 19 8 TRAITÉ année 1657, où sa direction tendoit droit aw pole , elle a décliné successivement vers l'ouest *. L La déclinaison s’est dat trouvée nulle à Londres ; six ans plus tôt qu’à Paris; et Londres est plus occidental que Paris de deux degrés vingt-cinq minutes. Le méridien ma- guétique coïncidoit avec le méridien de Londres en 1657, et avec le méridien de Paris en 1663. Il a donc subi, pendant ce temps, un changement d'occident en orient, * L’aiguille aimantée n’avoit aucune déclinaison à Vienne en Autriche dans l’année 1638 ; elle n’en avoit de même aucune en 1600 au cap des Aiguilles en Afrique; et, avant ces époques, la déclinaison étoit vers l’est dans tous les lieux de l’Europe et de l'Afrique. — Ceci semble prouver que la marche de Ja ligne sans déclinaison ne se fait pas par un mou- vement régulier, qui rameneroil successivement la déclinaison de l’est à l’ouest; car Vienne étant à quatorze degrés deux minutes irente secondes à l'est de Paris, cette ligne sans déclinaison auroit dû arriver à Paris plus tôt qu'à Londres, qui est à l’ouest de Paris ; et l’on voit que c’est tout le contraire, puisqu'elle est arrivée six ans plus tôt à Londres qu’à Paris. DE L’AIMANT. 2 par un mouvement de denx degrés vingt- cinq minutes, en six ans, et l’on pourroit croire que ce mouvement seroit relatif à l'intervalle des méridiens terrestres, si d’au-— tres observations ne s’opposoient pas à cette supposition. Le méridien magnétique de la ligne sans déclinaison passoit par Vienne en Autriche , dès l’année 1638 : cette ligne auroit donc dû arriver à Paris plus tôt qu'à Londres; et cependant c’est à Londres qu’elle est arrivée six ans plus tôt qu’à Paris. Cela nous démontre que le mouvement de cette ligne n’est point du tout relatif aux inter- valles des méridiens terrestres. _ Il ne me paroît donc pas possible de dé- terminer la marche de ce mouvement de déclinaison , parce que sa progression est plus qu'irrégulière , et n’est point du tout proportionnelle au temps, non plus qu’a l'espace: elle est tantôt plus prompte, tantôt plus lente, et quelquefois nulle, l'aiguille demeurant stationnaire , et même devenant rétrograde pendant quelques années , et re- prenant ensuite un mouvement de décli= naison dans le même sens progressif. M. Cas: sini, l'un de nos plus savans astronomes, a été 220 T R A ITÉ | informé qu’à Quebec la déclinaison n’a varié que de trente minutes pendant trente-sept ‘ans consécutifs : c'est peut-être le seul exem- ple d’une station aussi longue. Mais on a observé plusieurs stations moins lougues en différens lieux : par exemple, à Paris, l’ai- guille a marqué la même déclinaison pendant cinq années, depuis 1720 jusqu'en 1724,etau- jourd’hui ce mouvement progressif est fort ralenti; car, pendant seize années, la décli- naison n’a augmenté que de deux degrés, ce qui ne fait que sept minutes et demie par an , puisqu'en 1769 la déclinaison étoit de vingt degrés, et qu’en 1785 elle s’est trouvée de vingt-deux *. Je ne crois donc pas que l'on puisse, par des observations ultérieures . et même très-multipliées , déterminer quel- que chose de précis sur le mouvement pro- gressif ou rétrograde de l’aiguille aimantée , parce que ce mouvement n’est point l'effet d’une cause constante, ou d’une loi de la Nature, mais dépend de circonstances acci- * Ce fait est confirmé par les observations de M. Cotte, qui prouvent que la déclinaison moyenne de l'aiguille aimantée, en 1786 , n’a été à Laon que de 21 degrés 31 minutes. DE EH AIMANT. 22€ dentelles, particulières à certains lieux , et variables selon les temps. Je crois pouvoir assurer , comme je l’ai dit, que le defriche- ment des terres , et la découverte ou l’enfouis- sement des mines de fer, soit par les trem- blemens de terre, les effets des foudres sou- terraines et de l’éruption des volcans, soit par l'incendie des forêts, et même par le travail des hommes, doivent changer la posi- tion des poles magnétiques sur le globe, et flé- chir en même temps ladirection del’aimnant. En 1785, la déclinaison de l'aiguille ai- mantee étoit de vingt-deux degrés; en 1784, elle n'a éte que de vingt-un degrés vingt-une minutes; en 1783, de vingt-un degrés onze minutes; en 1782, de vingt-un degrés trente six minutes. | Et en consultant les observations qui ont été faites par l’un de nos plus habiles phy- siciens, M, Cotte, nous voyons qu’en prenant le terme moyen entre les résultats des ob- servations faites à Montmorency, près Paris, tous les jours de l’année , le matin, à midi et le soir, c’est-à-dire, le terme moyen de 1095 observations , la déclinaison en l’année 1781 a été de vingt degrés seize minutes 222 fauve. T R°A 'PUEN | cinquante-huit secondes; et les différences entre les observations ont été si petites, que M. Cotte accru pouvoir les regarder comme nulles. En :780, cette même déclinaison moyenne a été de dix-neuf degrés cinquante-cinq mi- nutes vingt-sept secondes ; en 1779, de dix- neuf degrés quarante-une minutes huit se- condes; en 1778, de dix-neuf degrés trente- deux minutes cinquante-cinq secondes; en 1777, de dix-neuf degrés trente-cinq minutes cinquante-cinq secondes ; en 1776, de dix- neuf degrés trente-trois minutes trente-une secondes ; en 1775, de dix-neuf desrés qua- rante-une minutes quarante-une secondes *. * En 1780, la déclinaison moyenne, prise d’après 6022 observations, a été de ro degrés 55 minutes 27 sec. Mais les variations de cette déclinaison ont été bien plus considérables qu’en 1781 : car la plus grande déclinaison s’est trouvée de 20 degrés 15 _ minutes le 29 Juillet; et la moindre, de 18 degrés 40 minutes le même jour. La différence a donc été de r degré 35 minutes; et cette variation, qui s’est faite le même jour, c’est-à-dire, en douze ou quinze | heures, est plus considérable que le progrès de la déclinaison pendant quinze ans, puisqu’en 1764 là ME UC A LIMVAN TT, bas Ces observations sont les plus exactes qui aient jamais éte faites; celles des années pré- cédentes , quoique bonnes, n’offrent pas le _ même degré d’exactitude; et à mesure qu’on déclinaison étoit de r8 degrés 55 minutes 20 se- condes, c'est-à-dire , de 15 minutes 20 secondes plus grande que celle du 29 juillet, à l’heure qu’elle s’est trouvée de 18 degrés 40 minutes... fn 1779; la déclinaison moyenne, pendant l’année, a été de 19 degrés 4r minutes 8 secondes. La plus grande dé- clinaison s'est trouvée de 20 degrés le 6 décembre, à la suite d’une aurore boréale, et la plus petite, de x9 deg. 15 min. en Janvier et février ; la différence a donc été de 45 minutes. L’observateur remarque que l’augmentation moyenne a augmenté de 8 à 9 minutes depuis l’année précédente , et que la varia- tion diurne s’est soutenue avec beaucoup de régula- rifé, excepté dans certains jours où elle a été trou- blée, le plus souvent à l’approche ou à la suite d’une aurore boréale. Au reste, ajoule-t-l, aiguille ai- mantée tend à se rapprocher du nord chaque jour, depuis trois ou quatre heures du soir jusqu’à cinq ou six heures du matin, et elle tend à s’en éloigner depuis cinq ou six heures du matin'jusqu’à trois ou quatre heures du soir..... En 1578 , la déclinaison moyenne , pendani l’année, a été de r9 degrés 32 lus 224. NCA NTTE AN remonte dans le passé, les observations de- viennent plus rares et moins précises, parce qu'elles n’ont été faites qu’une fois ou deux par mois , et mème par année. | wunutes 55 secondes. À plus grande déclinaison a été de 20 degrés le 29 juin; on avoit observé une aurore boréale la veille à onze heures du soir; la plus petite déclinaison a été de 18 degrés 54 minutes le 26 janvier : aivsi la différence a été de r degré 6 minutes. En r777, la déclinaison moyenne, pen- dant l’année, a été de 19 degrés 35 minutes. La plus grande déclinaison s’est trouvée de r9 degrés 58 minutes le r9 juin, et la plus petite de 18 degrés 45 minutes au mois de décembre : ainsi la diffé- rence a été de v degré 13 minutes. .... En 1776, la déclinaison moyenne, pendant l’année , a été de r9 degrés 33 minutes 3r sec. La plus grande déclinai- son s’est trouvée de 20 degrés en mars, avril et mai; Ja plus petite déclinaison en janvier et février, de 19 degrés : ainsi la différence a été de r degré... En 1975, la déclinaison moyenne, pendant l’année, a été de r9 degrés 4r minutes 4r secondes; la plus grande déclinaison s’est trouvée de 20 degrés 10 minutes le r5 avril, et la plus petite de r9 degrés le 15 décembre : ainsi la différence a été de £ degré 10 minutes. PO DE LYATMANT. 225 Comparant donc cesobservationsentreelles, on voit que, pendant les onze années depuis 2775 jusqu’en 1785, l'augmentation de la dé- clinaison vers l’ouest n’a été que de deux degrés dix-huit minutes dix-neuf secondes ; ce qui n'excède pas de beaucoup la variation de l’ aiguille dans un seul jour , qui quelque- fois est de plus d’un degré et demi. On ne peut donc pas en conclure affirmativement que la progression actuelle de l'aiguille vers Vouest soit considérable. Il se pourroit , au contraire , que l'aiguille füt presque station- naire depuis quelques années, d'autant qu’en 1774 la déclinaison moyenne a été de dix- neuf degrés cinquante-cinq minutes trente- cinq secondes; en 1773, de vingt degrés une/ minute quinze secondes; en 1772, de dix- neuf degrés cinquante-cinq minutes vingt- cinq secondes; et celteaugmentation dela dé- clinaison vers l’ouest a été encore plus petite dans les années précédentes, puisqu’en 1771 cette déclinaison a été de dix-neuf degrés cinquantie-cinq minutes , comme en 1772 ; qu'en 1770 elle a été de dix-neuf degres cin- quante-cinq minutes ; et en 1769 , de vingt degrés. ET A AU a 226 7 TS RCA EME PO Le mouvement en déclinaison vers-l’ouest paroît donc s'être très-ralenti depuis près de vingt ans. Cela semble indiquer que ce mou- vement pourra, dans quelque temps, devenir rétrograde, ou du moins que sa progression ne s'étendra qu’à quelques degrés de plus ; car je ne pense pas qu'on puisse supposer ici une révolution entière, c’est-à-dire, de trois cent soixante degrés dans le même sens. Il n'y a aucun bidentanés à cette supposition, quoli- que plusieurs physiciens l’aient admise, et que même ils en aient calculé la durée d’a- près les observations qu'ils avoient pu re- cueillir; et si nous voulions supposer et cal- culer de même, d’après les observations rap- portées ci-dessus, nous trouverions que la durée de cette révolution seroit de 1996 ans A AUX APE NOM TN MOT et quelques mois, puisqu'en 122 années, c'est-à-dire, depuis 1663 à 1785, la progres- sion a été de vingt-deux degrés : mais ne seroit-il pas nécessaire de supposer encore que le mouvement de cette progression fût assez uniforme , pour faire dans l'avenir à peu près autant de chemin que dans le passé? ce qui est plus qu’incertain, et même peu vraisemblable par plusieurs raisons, D'EMETATMENT. 227 toutes mieux fondées que ces fausses suppo- sitions. Car si nous remontons au-delà de l’année 1663 , et que nous: prenios pour premier terme de la progression de ce mouvement l'année 1580, dans laquelle la déclinaison étoit de onze degrés trente minutes vers l’est, le progrès de ce mouvement en deux cent cinq ans ( c’est-à-dire, depuis 1280 jusqu’à l’année 1785 comprise) a été en totalité de trente-trois degrés trente minutes; ce qui don- neroit environ 2201 ans pour la révolution totale de trois cent soixante degrés. Mais ce mouvement n’est pas, à beaucoup près, uni- forme , puisque depuis 1580 jusqu’en 1663, _c’est-à-dire,en quatre-vingt-trois ans, l'aiguille a parcouru onze degrés trente minutes par son mouvement de l’est au uord, tandis que dans les cinquante-deux années suivantes , c'est-à-dire, depuis 1663 jusqu'en 1715, elle a parcouru du nord à l’ouest un espace égal de onze degrés trente minutes, et que dans les cinquante années suivantes, c'est-à-dire, depuis 1715 jusqu’en 1765, le progrès de cette déclinaison n’a été que d'environ sept degrés et demi; car, dans cetteannée 1765, l'aiguille L LAr: d'u 7 Val a 4 A] Ni Y. % 4 fs FN CRAN \ “ } UE UE 238. TR ARE aimantée déclinoit à Paris de dix-huit degrés cinquante-cinq minutes vingt secondes ; ef nous voyons que depuis cette année 1765 jusqu’en 1785, c’est-à-dire en vingt ans, la déclinaison n’a augmenté que de deux degrés; différence si petite, en comparaison des pré- cédentes, qu'on peut présumer avec fonde- ment que le mouvement total de cette décli- naison à l’ouest est borné, quant à présent, aunarcde vingt-deux ou vingt-trois degrés *. La supposition que le mouvement suit la même marche de l’est au nord que du nord à l’ouest, n’est nullement appuyée par les faits; car si l’on consulte les observations faites à Paris depuis l’année 1610 jusqu’en 1665, c’est- à-dire, dans les cinquante-trois ans qui ont précédé l’année où la déclinaison'étoit nulle, l'aiguille n’a parcouru que huit degrés de * Dans le Supplément aux Voyages de Thé venot, publié en 168r, page 30, il est dit que la déclinaison de l’aiguille aimantée avoit été observée de cinq degrés vers l’est en 126ÿ. Si l’on connoïssoit le lieu où cette observation a été faite, elle pourroit démontrer que la déclinaison est quelquefois rétro grade, el par conséquent que son mouvement ne produit pas une révolution entière- » MEUTC AIMANT. |S6 Pest au nord, tandis que dans un espace de temps presque égal, c’est-à-dire , dans les cinquante-neuf années suivantes, depuis 1663 jusqu’en 1712, elle a parcouru treize degrés vers l’ouest. On ne peut donc pas supposer que le mouvement de la déclinaison suive la même marche en s'approchant qu’en s’éloignant du nord, puisque ces observa- tions démontrent le contraire. | , Tout cela prouve seulement que ce mou- vement ne suit aucune règle , et qu'il n’est pas l’effet d’une eause constante. Il paroît donc certain que cette variation ne dépend que de causes accidentelles ou locales, et spécialement de la découverte ou de l’enfouis- sement des mines et grandes masses ferru- gineuses, et de leur aimantation plus ou moins prompte et plus ou moins étendue, selon qu’elles sont plus ou moins découvertes __etexposées à l’action du magnétisme général. Ces changemens , comme nous l’avons dit, peuvent être produits par les tremblemens de terre, l’éruption des volcans, ou les coups des foudres souterraines, l’incendie des forêts, et même par le travail des hommes sur les mines de fer. [l doit dès lors se former de 20 RE BTYUDEUUNE 1, FINIS ERRP RL GRR, A dl * AT ÿ* 7 NM + f ÿ Ÿ TA 230 TRAITÉE. nouveaux poles magnétiques, plus foibles ow plus puissans que les anciens, dont on peut aussi supposer l’anéantissement par les mêmes causes. Ce mouvement ne peut donc pas être considéré comme un grand balan- cement qui se feroit par des oscillations ré— gulières , mais comme un mouvement qui s’opère par secousses plus ou moins sensibles, selon le changement plus ou moins prompt des poles magnétiques ; changement qui ne peut provenir que de la découverte et de l’aimantation des mines ferrugineuses, les- quelles seules peuvent former des poles. Si nous considérons les mouvemens parti- culiers de l’aiguille aimantée , nous verrons qu'elle est presque continuellement agitée par de petites vibrations, dont l’étendue est au moius aussi variable que la durée. M. Gra- ham en Angleterre, et M. Cotte à Paris, ont donné, dans leurs tables d'observations, toutes les alternatives, toutes les vicissitudes. de ce mouvement de trépidation , chaque mois, chaque jour et chaque heure. Mais nous devons remarquer que les résultats de ces observations doivent être modifiés. Ces physiciens ne se sont servis que de boussoles, \ DEUD' A TM AN T: 23t dans lesquelles l'aiguille portoit surun pivot, dont le frottement influoit plus que toute autre cause sur la variation; car M. Coulomb, capitaine au corps royal du génie, de l’aca- démie des sciences, ayant imaginé une sus- pension dans laquelle l'aiguille est sans frottement, M. le comte de Cassini, de l’aca- démie des sciences, et arrière-petit-fils du grand astronome Cassini, a reconnu , par une suite d'expériences, que cette variation diurne ne s’étendoit tout au plus qu’à quinze ou seize minutes, et souvent beaucoup moins, tandis qu'avec les boussoles à pivot, cette variation diurne est quelquefois de plus d'un degré et demi : mais comme jusqu'à présent les navigateurs ne se sont servis que de bous- soles à pivot, on ne peut compter qu’à un degré et demi, et mème à deux degrés près, sur la certitude de leurs observations. En consultant les observations faites par les voyageurs récens, on voit qu'il y a plu- sieurs points sur le globe où la déclinaison est actuellement nulle ou moindre d’un de- gré, soit à l’est, soit à l’ouest, lant dans . l'hémisphère boréal que dans l'hémisphère austral ; et la suite de ces points où la. Me Lol! 232 TRAITÉ déclinaison est nulle ou presque nulle, forme des lignes et même des bandes qui se prolongent dans les deux hémisphères. Ces mêmes observations nous indiquent aussi que les endroits où la déclinaison est la plus grande dans l’un et l’autre hémisphère, se trouvent aux plus hautes latitudes, et beau- : coup plus près des poles que de l’équateur. Les causes qui font varier la déclinaison, et la transportent, pour ainsi dire, avec le temps , de l’est à l’euest, on de l’ouest à l’est du méridien terrestre , ne dépendent donc que de circonstances accidentelles et locales, sur lesquelles néanmoins nous pouvons asseoir un jugement en rapprochaut les dif- férens faits ci-devant indiqués. Nous avons dit qu’en l’année 1580 l’ai- guille déclinoit à Paris de ouze degrés trente minutes vers l’est : or nous remarquerons que c’est depuis cette année 1580 que la dé- clinaison paroît avoir commencé de quitter cette direction vers l’est, pour se porter suc- cessivement vers le nord et ensuite vers l’ouest ; car, en l’année 1610, l'aiguille, ainsi que nous l'avons déja remarqué, ne géclinoit plus que de huit degrés vers l'est , F1 0 AR DE L'AIMANT. 293, ën 1640 elle ne déclinoit plus que de trois degrés, et en 1663 elle se dirigeoit droit au pole. Enfin, depuis cette époque, elle n’a pas cessé de se porter vers l’ouest. J’obser- verai donc que la période de ce progrès dans l’ouest, auquel il faut joindre encore là pé- riode du retour ou du rappel de la décli- naison de l’est au nord, puisque ce mouve- ment s’est opéré dans le même sens; j obser- verai, dis-je, que ces périodes de temps sem- blent correspondre à l’époque du défriche- ment et de la dénudation de la terre dans l'Amérique septentrionale, et aux progrès de-l’établissement des colonies dans cette partie du dôuveau monde. En effet, l’ouver- ture du sein de cette nouvelle terre par la culture , les incendies des forêts dans de vastes étendues, et l'exploitation des mines. de fer par les Européens dans ce continent , dont les habitans sauvages n’avoient jamais connu ni recherché ce métal, n’ont-elles pas dû produire un nouveau pole magnétique, et déterminer vers cette partie occidentale du globe la direction de l’aimant, qui préce- demment n’éprouvoit pas cette attraction, et, au Heu d’obéir à deux forces, étoit uni- 20 L 234 TRAITÉE | quement déterminée par le courantélectrique qui va de l'équateur aux poles de la terre ? J'ai remarqué ci-devant que la déclinaison s’est trouvée constante à Quebec, durant une période de, trente-sept ans; ce qui semble prouver l’action constante d’un nouveau pole magnétique dans les régions septentrio- nales de l'Amérique. Enfin le ralentissement actuel du progrès de la déclinaison dans l'ouest, offre encore un rapport suivi avec l’état de cette terre du nouveau monde, où le principal progrès de la dénudation du sol, et de l’exploitation des mines de fer , paroit actuellement ètre à peu près aussi complet que dans les régions septentrioffäles de lan- cien continent. On peut donc assurer que cette déclinai- son de l’aimant , dans les divers lieux, et selon les différens temps , ne dépend que du gisement des grandes masses ferrugineuses dans chaque région, et de l’aimantation plus ou moins prompte de ces mêmes masses par des causes accidentelles ou des circonstances locales, telles que le travail de l’homme, l’incendie des forêts, l’éruption des volcans, et même les coups que frappe l'électricité PARRUET AT AT'AUN Te 235 souterraine sur de grands espaces, causes qui peuvent tontes donner également le ma- gnétisme aux matières ferrugineuses ; et ce qüi en complète les preuves, c’est qu'après les tremblemens de terre , on a vu souvent l'aisuille aimantée soumise à de grandes irrésularités dans ses variations. Au reste, quelqu'irrégulière que soit la variation de l'aiguille aimantée dans sa di- rection ,1lme paroit néanmoins que l’on peut en fixer les limites, et même placer entre elles un grand nombre de points intermcé— diaires , qui, comme ces limites mêmes, seront constans et presque fixes pour un cer- tain nombre d'années, parce que le progrès de ce mouvement de déclinaison ne se fai- sant actuellement que très-lentement, on peut le regarder comme constant pour le prochain avenir d’un petit nombre d'années ; et c’est pour arriver à cette détermination, ou du moins pour en approcher autant qu'il est possible , que j'ai réuni toutes fes observations que j'ai pu recueillir dans les voyages et navigations faits depuis vingt ans, et dont je placerai d'avance les principaux résultats dans l’article suivant. 236 AR TA CDR _ De l’inclinaison de l’aimant. Li direction de l’aimant, ou de l'aiguille aimantée, n’est pas l'effet d’un mouvement simple, mais d'un mouvement composé qui suit la courbure du globe de l'équateur aux poles. Si l’on pose un aimant sur du mer- cure, dans une situation horizontale , et sous le méridien magnétique du lieu, 1l s’inclinera de manière que le pole austral de cet aimant s’élevera au-dessus, et que le pole boréal s’abaissera au-dessous de la ligne horizontale dans notre hémisphère boréal, et le contraire arrive dans l'hémisphère aus- tral. Cet effet est encore plus aisé à mesurer, au moyen d'une aiguille aimantée , placée dans un plan vertical : la boussole horizon-— tale indique la direction avec ses déclinai- sons , et la boussole verticale démontre DE L'AIMANT. 237 Vl'inclinaison de l'aiguille. Cette inclinaison change souvent plus que la déclinaison, sut- vant les lieux ;. mais elle est plus constante pour les temps; et l’on a même observé que 1a différence de hauteur, comme du sommet d'une montagne à sa vallée, ne change rien à cette inclinaison. M. le chevalier de La- manon m'écrit qu'étant sur le Pic de T'e- nériffe, à 1900 toises au-dessus du niveau de la mer, il avoit observe que l’inclinaison de l'aiguille étoit la même qu’à Sainte-Croix ; ce qui semble prouver que les émanations du globe qui produisent l'électricité et le ma- gnétisme , s'élèvent à unetrès-grande hauteur dans les climats chauds. Au reste, l’incli- naison et la déclinaison sont sujettes à des trépidations presque continuelles de jour en jour, d'heure en heure , et, pour ainsi dire, de moment en moment. Les aiguilles des boussoles verticales doi ei être faites et placées de manière que leur centre de gravité coïncide avec leur centre de mouvement, au lieu que, dans les bous- soles horizontales, le centre du mouvement de l’aiguille est un peu plus élevé que son centre de gravite. 238 ME Nb Lorsqu'on commence à Mettre en mouve- ment cette aiguille placée verticalement, elle se meut par des oscillations qu’on a voulu comparer à celles du pendule de Ja gravita- tion : mais les effets qu’ils présentent sont très-différens; car la direction de cette ai- guille, dans son inclinaison, varie selon les différens lieux, au lieu que celle du pendule est constante dans tous les lieux de la terre, puisqu'elle est toujours perpendiculaire à à la surface du globe. | Nous avons dit que les particules de la li- maille de fer sont autant de petites aiguilles qui prennent des poles par le contact de l’ai- mant: ces aiguilles se dressent perpendicu-— lairement sur les deux poles de l’aimant ; mais la position de ces particules aimantées devient d'autant plus oblique qu’elles sont plus éloignées de ces mêmes poles, et jus— qu'à l'équateur de l’aimant, où il ne leur reste qu'une attraction sans inclinaison. Cet équateur est le point de partage entre les deux dérections et inclinaisons en sens con— traire; et nous devons observer que cette ligne de séparation des deux courans magné- tiques ue se trouve pas précisément à la LL Fr L DE L'ATMANT. 239 mème distance des deux poles dans les ai- mans non plus que dans le globe terrestre, et qu’elleest toujours à une moindre distance du pole le plus foible. Les particules de li- maille s’attachent horizontalement sur cette partie de l’équateur des aimans , et leur incli- naison ne se manifeste bien sensiblemen tqu’à quelque distance de cette partie équatoriale; la limaille commence alors à s’incliner sen- siblement vers l’un et l’autre pole en-deçà et au-delà de cet équateur; son inclinaison vers le pole austral est donc à contre-sens de la première, qui tend au pole boréal de l’ai- mant, etcette limaille se dresse de même per- pendiculairement sur le pole austral comme sur le pole boreal. Ces phénomènes sont constans dans tous les aimans ou fers. ai- mantés ; et comme le globe terrestre possède en grand.les mêmes puissances que l’aimant nous présente en pelit, l’aiguille doit être perpendiculaire par une inclinaison de 90 degrés sur les poles magnétiques du globe : ainsi les lieux où l’inclinaison de l’aisuille sera de quatre-vingt-dix degrés, seront en effet les vrais poles magnétiques sur la terre. Nous n'avons rien négligé pour nous pro- 240 UD RAM M curer toutes les observations qui ont élé faites jusqu'ici sur la déclinaison et l’incli- naison de l'aiguille aimantée !. Nous croyons que personne ayant nous n'en avoit re cueilli un aussi grand nombre; nous les avons comparées avec soin, et nous avons reconnu que c’est aux environs de l'équateur que l’inclinaison est presque toujours nulle; que l’équateur magnétique est au-dessus de l'équateur terrestre dans la partie de la mer des Ihdes située vèrs le quatre-vingt-dix- septième degré de longitude ?, et qu’il paroît, au contraire, au-dessous de la ligne dans la portion de la mer Pacifique qui correspond au cent quatre-vingt-dix-septième degré: on peut donc conjecturer que le pole magne- tique est éloigné vers l’est du pole de la terre, 1 De tous nos voyageurs, M. Eckberg et M. Le Gentil , savant astronome de l'académie des sciences, sont ceux qui ont donné le plus d'attention à l’incli= uaison de l’aimant dans les régions qu'ils ont par= courues. | 2 Nous devons remarquer que, dans les articles de la déclinaison et de l’inclinaison de l’ainant, nous avons toujours compté les longitudes à l’est du méridien de Paris. DE L’AIMANT. 247 relativement aux mers des [Indes et Pacifique, et par conséquent il doit être situé dans les terres les plus septentrionales de |’ Amérique, -ainsi que nous l'avons déja dit. Dans la mer Atlantique, l’espace où mea guille a été observée sans déclinaison *, se prolonge jusqu'au cinquante-huitième degré de latitude australe ; et à l'égard de son éten- due vers le nord , on le peut suivre jusqu'au trente-cinquième degré, ou environ , de latitude, ce qui lui donneroit en tout quatre- vingit-treize degrés de longueur, si l’on avoit fait jusqu’à présent assez d'observations pour que nous fussions assurés au il n’est interrompu par aucun endroit où l'aiguille décline de plus de deux degrés vers l’est ou vers l'ouest. Cet espace, ou cette bande sans déclinaison, peut sur-tout être interrom- pue dans le voisinage des continens et des îles : car on ne peut douter que la proximité * Je dois observer ici que j'ai regardé comme nulles toutes les déclinaisons qui ne s’étendoient - pas à deux degrés au-dessus de zéro, parce que les variations diurnes, et sur-tout les accidens des au= rores boréales et des tempêtes, font souvent chan ger la direction de l’aiguille de plus de deux degrése 21 242 TRAITÉ spi des terres n’influe beaucoup sur la directiow de l'aiguille. Cette déviation dépend des masses ferrugineuses qui peuvent se trouver à la surface de ces terres, et qui, agissant sur le magnétisme général, comme autant de poles magnétiques particuliers , doivent fléchir son cours, et en changer plus ou moins la direction : et si le voisinage de certaines côtes a paru, au contraire, repous- ser l'aiguille aimantée, la nouvelle direction de l'aiguille n’a point été, dans ces cas par- ticuliers , l'effet d’une répulsion qui n’a été qu'apparente; mais elle a été produite par le magnétisme général, ou par l'attraction particulière de quelques autres terres plus ou moins éloignées , et dont l’action aura cessé d’être troublée dans le voisinage de cer- taines côtes dépourvues de mines de fer ou d’aimant. Lors donc qu'à l'approche des terres l’aiguille aimantée éprouve constam- ment des changemens très-imarqués dans sa déclinaison, on peut en conclure l'existence ou le défaut de mines de fer ou d’aimant dans ces mêmes terres, suivant qu'elles at- tirent ou repoussent l'aiguille aimantée. _ En général, les bandes sans déclinaison DE L'AEIMANT. 243 se trouvent toujours plus près des côtes orien- tales des grands continens que des côtes oc- cidentales : celle qui a été observée dans la mer Atlantique est, dans tous ses points, beaucoup plus voisine des côtes orientales de l'Amérique que des côtes occidentales de l'Afrique et de l'Europe; et celle- qui tra- verse la mer de l'Inde et la grande mer Pa- cifique , est placée à une assez petite distance à l’est des côtes de l'Asie. La bande sans déclinaison de la mer des Indes ,. et qui se prolonge dans la mer Paci- fique boréale , paroît s’étendre depuis environ le cinquante-neuvième degré de latitude sud jusqu'au quarantième degré de latitude nord! IL est important d'observer que sous la latitude boréale de dix-neuf degrés , ainsi que sous la latitudeaustrale decinquante-trois degrés, la bande sans déclinaison de la mer Atlantique, et celle de la mer des Indes , sont éloignées l’une de l’autre d'environ cent cinquante-sept degrés , c’est-à-dire, de près de la moitié de la circonférence du globe. Il est également remarquable qu'à partir de quelques degrés de l’équateur, on n’a ob- servé, dans la mer Pacifique boréale, aucune 244 RCA EUR RER déclinaison vers l’ouest qu’on ne puisse rapporter aux variations instantanées et irrégulières de l'aiguille : ceci joint à toutes les directions des.déclinaisons, tant de la mer Atlantique que de la mer des Indes, confirme l'existence d’un pole magnétique très-puissant dans le nord des ‘terres, de FAmérique; et ce qui confirme encore cette vérité, c'est que la plus grande déclinaison orientale dans la mer Pacifique boréale a été observée par le capitaine Cook, de trente- six degrés dix-neuf minutes aux environs de soixante-dix degrés de latitude nord, et du cent quatre-vingt-quinzième de longitude, c'est-à-dire, à deux degrés, ou à peu près, au nord des terres de l’Amérique les plus voisines de l'Asie. D’un autre côte, M. le chevalier de Langle a trouvé une déclinai- son vers l’ouest de quarante-cinq degrés, dans un point de la mer Atlantique situé très-près des côtes orientales et boreéales de l'Amérique. C’est donc dans ces terres sep- tentrionales du nouveau continent que toutes les directions des déclinaisons se réunissent et coïncident au pole magnétique, dont l’exis- tence nous paroit démontrée par tous les phénomènes, » DPUETE EM ENT. 245 La déclinaison n’éprouve que de petites vicissitudes dans les basses latitudes, sur- tout dans la grande mer de l'Inde, où l’on n’observe jamais qu’un petit nombre de de- srés de déclinaison dans le voisinage de l’e- quateur, tandis que, dans les plus hautes latitudes de l'hémisphère austral, il paroiït que la déclinaison de l’aiguille varie beau-— coup de l’est à l’ouest, ou de l’ouest à l’est 4 dans un très-petit espace. La ligne sans déclinaison qui passe entre Malaca , Bornéo, le détroit de la Sonde, s replie vers l’est, et son inflexion Ab être produite par les terres de la nouvelle Hollande. Il y a dans la mer Pacifique une troi- sième bande sans déclinaison , qui paroiït s'étendre depuis le septième degré de latitude nord jusqu’au cinquante-cinquième degré de latitude sud. Cette bande traverse l'équateur vers le deux cent trente-deuxième degré de longitude : mais, à vingt-quatre degrés de latitude australe , elle paroït fléchir vers les côtes occidentales de l'Amérique méridio- nale; ce qui paroît être l’effet des masses ferrugineuses que l’on doit trouver dans ces 21 246 CTRAITÉ ps contrées si souvent. brülées par les feux des volcans, et agitées par les coups de la foudre souterraine. 4 La déclinaison la plus considérable qui ait été trouvée dans l'hémisphère austral, est celle de quarante-trois degrés six minutes, observée par Cook en février 1773, sous le soixantième degré de latitude, et le quatre- vingt-douzième degré trente-cinq minutes de longitude, loin de toute terre connue; et la plus forte déclinaison qu’on ait trouvée dans l'hémisphère boréal , et, en même temps , la plus grande de toutes celles qui ont été remarquées dans les derniers temps, est celle de quarante-cinq degrés, dont nous avons déja parlé, et qui a été observée par M. le chevalier de Langle vers le soixante- deuxième degré de latitude ,. et le deux cent quatre-vingt-dix-sept ou deux cent quatre- vingt-dix-huitième de longitude , entre le Groenland et la terre de Labrador ; elles sont toutes les deux vers l’ouest, et toutes les deux ont eu lieu dans des endroits éloignés de l'équateur d'environ soixante degrés. Jels sont les principaux faits, tant pour ! 1 DE L’AIMANT, 247 _Jadéclinaison que pour l’inclinaison , qu'offre ce qu’on a reconnu de l’état actuel des forces magnétiques, qui s'étendent de l'équateur aux poles; et si nous voulons tirer quelques résultats du petit nombre d'observations plus anciennes, nous trouverons que , depuis 1700, l’inclinaison de l’aiguille aimantée a varié en différens endroits: mais tout ce que J’on peut conclure de ces observations, qui sont en trop petit nombre, c’est queles chan- gemens de la déclinaison et de l’inclinaison ont été inégaux et irréguliers dans les divers points des deux hémisphères.. Et, pour ne considérer d’abord que les variations de la déclinaison, la plus grande irrégularité des changemens qu’elle a éprou- vés sur les différens points du globe, suffit pour empêcher d'admettre l'hypothèse de Halley, qui supposoit dans l’intérieur de la terre un grand noyau magnétique doué d’une sorte de mouvement de rotation, in- dépendant de celui du globe, et qui, par sa déclinaison, produiroit celle des aimans placés à la surface de la terre. M. Épinus ; W\ qui d’abord paroissoit tenté d'adopter l’opi- union de flalley, a vu lui-même qu'elle ne Î 245 TRAITTÉ- pourroit pas s’accorder avec l’irrégularitédes | changemens de la déclinaison magnétique : au lieu du mouvement régulier d'une sorte . de grand aimant imaginé par Halley , il a proposé d'admettre des changemens irrégu- liers et locaux dans le noyau de la terre. Mais , indépendamment de l'impossibilité d’assigner les causes de ces changemens in- térieurs , ils ne pourroient agir sur la dé- clinaison des aiguilles qu’autant que les por- tions du noyau gagneroient ou perdroient la vertu magnétique; et nous avons vu que les masses ferrugineuses ne pouvoient s’ai- manter naturellement que très-près de la surface du globe, et par les influences de l'atmosphère. | Depuis 1580 , la déclinaison de l'aiguille à varié, dans les divers endroits de la surface du globe, d'une manière très-inégale : elle s’est portée vers l’est avec des vitesses très- différentes, non seulement selon les temps, mais encore selon les lieux ; et ceci est d’au- tant plus important à observer , que ses mouvemens ont toujours été très-irréguliers, et que nous ne faisons ici aucune attention aux petites causes locales qui ont pu Ja … DE L’'ATMANT. 249 déranger. Ces causes , dont les effets ne sont pas constans, mais passagers, peuvent être de même nature que les causes plus générales du changement de déclinaison ; mais elles hagissent qu’en certains endroits, où elles doivent détourner cette même declinaison d'un grand nombre de degrés, jusqu'à la faire aller en diminuant, lorsqu'elle de- vroit s’accroître, et peuvent même tout-à- coup la faire changer de l’est à l’ouest, ou de l’ouest à l’est. Par exemple, dans l’année 1618 , la déclinaison étoit orientale de quinze degrés dans l'ile de Candice, tandis qu’elle étoit nulle à Malté et dans le détroit de Gibraltar , et qu’elle étoit de six degrés vers l’ouest à Palerme et à Alexandrie; ce que V'on ne peut attribuer qu’à des causes parti- culières, et à ces effets passagers que nous venons d'indiquer. La bande sans déclinaison qui se trouve actuellement dans la mer Atlantique, gl— soit auparavant dans notre continent: en 1594, elle passoit à Narva en Finlande : elle étoit en même temps bien plus avancée du côté de l’est dans les régions plus voi- sines de l'équateur, et, par conséquent, àl +0 ' UNDER O7 nr 0 4 S A4: 7 a ti | 25o T'RIA LITE ON ‘1 y a près de deux cents ans qu’elle étoit in | clinée du côté de l’ouest, relativement à l'équateur terrestre , puisqu'elle n’a passé qu’en 1600 à Constantinople, qui est à peu. près sous le même méridien que Narva. Cette bande sans déclinaison est parvenue, en s’avançant vers l’ouest, jusqu'au deux. cent quatre-vingt-deuxième degré de longi- tude , et à la latitude de trente-cing degrés, où elle se trouve actuellement. En 1616, la déclinaison fut trouvée de cinquante-sept degrés à soixante-dix-huit degrés de latitude boréale , et deux cent. quatre-vingts de longitude. C'est la plus: grande déclinaison qu’on ait observée ; elle étoit vers l'ouest, ainsi que les deux fortes déclinaisons dont nous devons la connois-. sance à M. le chevalier de Langle et au capitaine Cook; elle a eu également lieu sous une très-haute latitude , et elle a éte reconnue dans un endroit peu éloigné de celui où M. de Langle a trouve la déclinai- son de quarante-cinq degrés, la plus: grande de toutes celles qui ont été observées dans les derniers temps. Néanmoins , dans la mème année 1616, la bande sans declinai- ém D'E L'AIMANT. 25r son qui traversoit l’Europe , et qui s’avan- goit toujours vers l'Occident , n’étoit pas encore parvenue au vingt-unième degré de longitude ; et dans des points situés à l’ouest de cette bande, comme, par exemple, à Paris, à Rome, etc. , l'aiguille déclinoit vers l’est; et cela provient de ce que les ré- gions septentrionales de l’Amériquen’avoien£ . pas encore éprouve toutes les révolutions qu£ y ont établi le pole magnétique que l’on doit y supposer à present. Quoi qu'ilensoit, nous ne pouvons pas douter qu'il n’y ait actuellement un pole magnétique dans cette région du nord de - l'Amérique , puisque la déclinaison vers Touest est plus grande en Angleterre qu’en France, plus grande en France qu’en Alle- magne, ei toujours moindre à mesure qu'on s éloigne de l'Amérique , ens avançant vers l'Orient. Dans l'hémisphère austral, l'aiguille d’in< clinaison , au rapport du voyageur Noël, se tenoit perpendiculaire au trente-cinquième ou trente-sixième degré de latitude, et cette perpendicularité de l'aiguille se soutenoit dans une longue étendue, sous différentes 252 | TRAITÉ Jongitudes, AERNI la mer de la nouvelle L: Hollande jusqu’à sept ou huit cents milles 1 du cap de Bonne-Espérance *. Cette obser- | vation s'accorde avec le fait rapporté par Abel Tasman , dans son voyage, en 1642 : ce voyageur dit avoir observé que Vaiguille de ses boussoles horizontales ne se dirigeoit plus vers aucun point fixe , dans la partie de la mer voisine , à l’occident, de la terre de Diémen; et cela doit arriver en effet lors- qu'on se trouve sur un pole magnétique. En comptant donc sur cette observation du voya- geur Noël, on est en droit d'en. conclure qu’un des poles magnétiques de l’hémisphère austral étoit situé, dans ce temps, sous la latitude de trente-cinq ou trente-six degrés, * Le capitaine Cook dit que l’inclimaison de : l'aiguille fut de 64 degrés 36 minutes les trois dif- férentes fois qu’il relâcha à la nouvelle Zélande, dans une baie située par 4 degrés 5 minutes 56 secondes de latitude , et r72 degrés o minute 7 secondes de longitude. I] me paroît que l’on peut compter sur cette observation de Cook, avec d’au- tant plus de raison qu’elle a été répétée, comme Von voit par son récit, jusqu’à trois fois différentes dans le même lieu, en différentes années, + DE L’AIMANT. 2653 et que quoiqu'il y eût une assez grande éten- due en longitude où l'aiguille n'avoit poin de direction constante , on doit supposer sur cette ligne un espace qui servoit de centre à ce pole, etdans lequel ,comme sur les parties polaires de la pierre d’aimant, la force ma-— suétique étoit la plus concentrée; et ce centre étoit probablement l'endroit où Tas- man: a vu que l'aiguille de ses boussoles horizontales ne pouvoit se fixer. Le pole magnétique qui se trouve dans le nord del’Amérique, n’est pas le seul qui soit dans notre hémisphère ; le savant et ingénieux Halley en comptoit quatre sur le globe entier, et en plaçoit deux dans l'hémisphère boréal, et deux dans l’hémi- sphère austral. Nous croyons devoir en compter également deux dans chaque hémi- sphère , ainsi que nous l’avons déja dit, puisqu'on y a reconnu trois lignes ou bandes sur. lesquelles l'aiguille se dirige droit au pole terrestre , sans aucune déviation. : De la même manière que les poles d’un _ aimant ne sont pas des points mathéma- tiques, et qu'ils occupent quelques lignes d’étendue superficielle, les poles magné- Mat, gên, AVI. 22 254 TRAI nel Ad | tiques du globe terrestre sé apésbai assez grand espace ; et en comptant sur le globe quatre poles magnétiques ; il doit se trouver un certain nombre de régions dans les-: quelles l'inclinaïson de l'aiguille sera très- grande, et de plus de quatre-vingts degrés. QAR le olobe terrestre ait en grand les mêmes propriétés que l’aimant nôus offre enpetit, ces propriétés ne se preseritent päs aussi éyidemrient ni par des éffets “aussi constans et aussi réguliers sur le elobe que sur la pierre d’aimant. Cette AT entre les effets du magnétisme général du globe, et du maguétisme particulier de l’aimant, peut provenir de plus d’une cause. Premiè- rement, dela figure sphéroïde de la ‘terre : on à éprouvé, en aimantant de petits globes -de fer, qu’il est difficile de leur donner des poles bien déterminés ; et c’est probablement en raison de sa sphéricité, que les poles ma- gunétiques ne POLE pas aussi distincts sur le globe terrestre qu ‘ils le sont sur dés aimans non sphériques. Secondement, la position de ces poles magnétiques, qui sont plus ow moius voisins des vrais poles de la terre, et plus ou moins éloigués de l'équateur, doit ? DB DTSITMIANN FT. 7 | 255 influer puissamment sur la déclinaison dans chaque lieu particulier, suivant sa situation plus ou moins distante de ces mêmes poles magnétiques, dont la position n’est point encore assez déterminée. | Le magnétisme du globe , dont les effets viennent de nous paroitre si variés, et même si singuliers, n’est donc pas le produit d’une force particulière , mais une modification d’une force plus générale, qui est celle de l'électricité, dont la cause doit être attribuée aux émanations de la chaleur propre du globe, lesquelles partant de l'équateur et des régions adjacentes, se portent, en se courbant et se plongeant sur les regions po- laires où elles tombent, dans des directions d'autant plusapprochantes de la perpendicu- laire, que la chaleur est moindre, et queces émanations se trouvent , dans les régions froides, plus complétement éteintes ou suppri- mées. Or cette augmentation d’inclinaison, à (mesure que l’on s’avance vers les poles de la terre, représente parfaitement l’incidence de plus en plusapprochantedela perpendiculaire des rayons ou faisceaux d’un fluide animé par Les émanations de la chaleur du globe, \ AU UTENX 17e nu M “ 256 a TRAITÉ lesquelles, par les lois de l’ équilibre, get, se porter en convergeant et s’abaissant de l'équateur vers les deux poles. | La force PARIS des poles magné- tiques , dans l’ action qu’ils exercent sur l’in- clinaison, est assez d'accord avec la force générale qui détermine cette inclinaison vers les poles terrestres, puisque l’une et l’autre de ces forces agissent presque également dans une direction qui tend plus ou moins à la perpendiculaire. Dans la déclinaison, au contraire , l’action des poles magnétiques se croise, et forme un angle avec la direction générale et commune de tout le système du magnétisme vers les poles de la terre. Les élémens de l'inclinaison sont donc plus simples que ceux de la déclinaison, puisque celle-ci résulte de la combinaison de deux forces agissantes dans deux directions diffé rentes , tandis que l’inclinaison dtpendpriu- cipalement d’une cause simple, dans une direction inclinée et relative à la courbure du globe. C’est par cette raison que l’incli- naison paroît être et est en effet plus régu- lière , plus suivie et plus constante que la déclinaison dans toutes les parties de la terre. f 2 \ A h Le DE L’AIMANT. 267 On peut donc espérer, comme je l'ai dit, qu’en multipliant les observations sur l’in- clinaison, et déterminant par ce moyen la position des lieux, soit sur terre, soit sur mer, l’art de la navigation tirera du recueil de ces observations autant et plus d'utilité que de tous les moyens astronomiques ou mécaniques employés, jusqu’à ce jour, à la recherche des longitudes. 22 ag A Mt h 50 PRONONCÉ A L’ACADÉMIE FRANCOISE, PAR M DE BUFFON, [ Le jour de sa réception. £ M. de Buffon ayant été élu, par MM. de l’aça- démie françoise, à la place de feu M. l’archevêque de Sens, y vint prendre séance le samedi 25 août 1953, et prononca le discours qui suit: Msssreurs. Vous m'avez comblé d'honneur en m’ap- pelant à vous; mais la gloire n’est un bien qu'autant qu'on en est digne, et je ne me pa Re k DU MIS OOURE 259 persuade pas que quelques essais écrits sans art et sans autre ornement que celui de la Nature, soient des titres suffisans pour oser prendre place parmi les maitres de l'art, . parmi les hommes éminens qui representent 1c1 la splendeur littéraire de la France, et dont les noms célébrés aujourd’hui par la voix des nations, retentiront encore avec éclat dans la bouche de nos derniers neveux. Vous avez eu, Messieurs, d’autres motifs en jetant les yeux sur moi; vous avez voulu donner à l'illustre compagnie * à laquelle jai l'honneur d’appartenir depuis long- . temps, une nouvelle marque de considéra- tion : ma reconnoissance, quoique partagée, n'en sera pas moins vive. Mais comment satisfaire au devoir qu’elle m’impose en ce jour ? Je n'ai, Messieurs, à vous offrir que _ votre propre bien : ce sont quelques fidees sur le style que j'ai puisées dans vos ou- vrages; C'est en vous lisant, c'est en vous admirant qu'elles ont été conçues; c’est en les soumettant à vos lumières qu’elles se produiront avec quelque succès. * L’académie royale des sciences. M. de BüuFon y a été recu en 1733, dans la classe de mécanique. % ae ma F 260 “À E SCO RTE Il s'est trouvé dans tous les temps des À hommes qui ont su commander aux autres “par la puissance de la parole. Ce n’est néan- moins que dans les siècles éclairés que l'on a bien écrit et bien parlé. La véritable élo- » quence suppose l'exercice du génie et la cul- : ture de l'esprit. Elle est bien différente de cette facilité naturelle de parler qui n’est. qu'un talent, une qualité accordée à tous ceux dont les passions sont fortes, les or- ganes souples et l'imagination prompte. Ces hommes sentent vivement, s’affectent de même ; le marquent fortement au dehors ; et, par une impression purement méca- nique, 1ls transmettent aux autres leur en- thousiasme et leurs affections. C’est le corps qui parle au corps; tous les mouvemens, tous les signes, concourent et servent égale- ment. Que faut-il pour émouvoir la multitude et l’entrainer ? que faut-il pour ébranler la plupart même des autres hommes et les persuader ? un ton véhément et pathétique, des gestes expressifs et fréquens , des paroles rapides et sonnantes. Mais pour le petit nombre de ceux dont la tête est ferme, le gout délicat, et le sens exquis , et qui. ‘DE M. DE BUFFON. 26€ comme vous, Messieurs, comptent pour peu le ton , les gestes et le vain son des mots, il faut des choses, des pensées , des raisons ; il faut savoir les présenter, les nuancer , les ordonner: ilne suffit pas de frapper l’oreille et d'occuper les yeux; il faut agir sur l’ame, et toucher le cœur en parlant à l’esprit. Le style n’est que l’ordre et le mouvement qu'on met dans ses pensées. Si on les en- chaine étroitement , si on les serre, le style devient ferme , nerveux et concis ; si on les laisse se succéder lentement , et ne se joindre qu'à la faveur des mots , quelqu'élésans qu’ils soient , le style’ sera diffus, lâche et traînant. | Mais , avant de chercher l’ordre dans le- quel on présentera ses pensées, il faut s’en étrefaitun'autre plus général etplusfixe, où ne doivent entrer que les premières vues et les principales idées: c'est en marquant leur place sur ce premier plan, qu'un sujet sera circonscrit, et que l’on en comnoitra l’éten- due ; c’est en se rappelant sans cesse ces premiers linéamens , qu’on déterminera les justes intervalles qui séparent les idées prin- cipales , et qu'il naïîtra des idées accessoires nés CRIS COTRRMNUN et moyennes, qui serviront à les remplir, Par la force du génie, on se représentera L toutes les idées genérales et particulièressous leur véritable point de vue; par une grande À finesse de discernement , on distinguera les pensées stériles des idées fécondes; par la sagacité que donne la grande habitude d’é- crire, on sentira d'avance quel sera le produit de toutes ces opérations de l'esprit. Pourpeu que le sujet soit vaste ou compliqué, il est bien rare qu'on puisse l’embrasser d’un coup d'œil , ou le pénétrer en entier d’un seul et premier effort de génie ; et il est rare encore ” qu'après bien des réflexions on en saisisse tous les rapports. On ue peut donc trop s'en occuper ; c’est même le seul moyen d'affer- mir, d'étendre et d'élever ses pensées : plus on leur donnera de substance et de force par la méditation, plus il sera facile ensuite de les réaliser par l'expression. Ce plan n’est pas encore le style, mais il en est la base ; il Le soutient , il le dirige, ïl règleson mouvement et le soumet à des lois: sans cela, le meilleur écrivain s’égare; sa plume marche sañs guide, et jette à l’aven- ‘ture des traits irréguliers et des figures dis- CA MALE ) APE #4 DE M. DE BUFFON. 263 cordantes. Quelque brillantes que soient les couleurs qu’il emploie, quelques beautés’ qu'il sème dans les détails, commel’ensemble choquera, ou ne se fera pas assez sentir , l'ouvrage ne sera point construit; et, en admirant l'esprit de l’auteur, on pourra soupconner qu'il manque de génie. C’est par. cette raison que ceux qui écrivent comme ils parlent , quoiqu'ils parlent très-bien , écrivent mal ; que ceux qui s’abandonnent au premier feu de leur imagination, prennent un ton qu'ils ne peuvent soutenir; que ceux qui craignent de perdre des pensées isolées ; fugitives’, et qui écrivent en différens temps des-morceaux detachés , ne les réunissent jaimais sans transitions forcées ; qu'en un mot il y a tant d'ouvrages faits de pièces de rapport, et si peu qui soient fondus d’un seul jet. . Cependant tout sujet est un; et quelque vaste qu’il soit, il peut être renfermé dans un seul discours. Les interruptions, les repos, les sections, ne devroient être d'usage que quand on traite des sujets différens , ou lors- qu'ayant à parler de choses grandes , épi= neuses et disparates , la marche du génie se 264 DISCOURS. trouve interrompue par la te des obstacles , et contrainte par la nécessité des circonstances * : autrement le grand nombre 1 de divisions , loin de rendre un ouvrage plus solide, en détruit l’ assemblage; Jelivre paroit plus clairaux yeux, maisle dessein del’auteur demeure obscur; il ne peut faire impression” sur l’esprit du lecteur ; il ne peut mème se“ faire sentir que par la continuité du fil, par . la dépendance harmonique des idées, parun: développement successif, une gradation sou tenue, un mouvement uniforme que toute interruption détruit ou fait languir. 1 Pourquoi les ouvrages de la Nature sont ils si parfaits? c’estque chaqueouvrage estun tout, et qu’elle travaille sur un plan éternel dont elle ne s’écarte jamais ; elle prépare en: silence les germes de ses productions; elle ébauche , par un acte unique, la forme pri mitive de tout être vivant ; elle la développe, elle la perfectionne par un mouvement con tinu et dans un temps prescrit. L'ouvrage * Dans ce que j’ai dit ici, j’avois en vue le livre de l'Esprit des Lois; ouvrage excellent pour le fond , et auquel on n’a pu faire d’autre reproche que celui des sections trop fréquentes. A DE M. DE BUFFON. 265 * étonne; mais c’est l'empreinte divine dont il porte les traits, qui doit nous frapper. L’ess prit humain ne peut rien créer; il ne pro- duira qu'après avoir été fécondé par l’expé- rience et la méditation ; ses connoissances sont les germes de ses productions : mais s’il imite la Nature dans sa marche et dans son travail, s’il s'élève par la contemplation aux vérités les plus sublimes , s’il les réunit, s’il les enchaîne, s’il en forme un tout, un sys- tème par la reflexion, 11 établira sur des fondemens inébranlables des monumens im- mortels. C’est faute de plan , c’est pour n’avoir pas assez refléchi sur son objet, qu'un homme d'esprit se trouve embarrassé, et ne sait par où commencer à écrire. Il apperçoit à la fois un grand nombre d'idées; et comme il ne _ les a ni comparées ni subordonnées, rien ne le détermine à préférer les unes aux autres; il demeure donc dans la perplexité : mais lorsqu'il se sera fait un plan, lorsqu'une fois il aura rassemblé et mis en ordre toutes les pensées essentielles à son sujet, il s’apper- cevra aisément de l'instant auquel il doit prendre la plume ; 1l sentira le point de 28 266 DISC OU HS" maturité de la production de l'esprit, il sera. pressé de la faire éclore, il n'aura même que du plaisir à écrire : les idées se succé- * deront aisément, et le style sera naturelet facile ;: la chaleur naîtra de ce plaisir, se répandra par-tout et donnera de Ja vie à chaque expression ; tout s’animera de plus en plus, le ton s’élevera , les objets pren- dront de la couleur ; et le ni Se JOI= ! gnant à la lumière, l augmentera la portera plus loin, la fera passer de ce que l’on dit à ce qu'on va dire, et le style tasse inté- ressant et lumineux. Rien ne s'oppose plus à la chaleur que le desir de mettre par-tout des traits saillans ; rien n'est plus contraire à la lumière , que doit faire un corps et se répandre unifor- mément dans un écrit, que ces étincelles qu'on ne tire que par ‘force en choquant les mots les uns contre les autres, et qui ne nous éblouissent pendant quelques 'instans- que pour nous laisser ensuite dans les té= nèbres. Ce sont des pensées qui ne brillent que par l'opposition ; l’on ne présente qu’un côté de l’objet ; on met dans l'ombre toutes les autres faces ; et ordinairement ce côté Y É , Û DE M. DE BUFFON. 67 qu'on choisit est une pointe, un angle sur _ lequel on fait jouer l'esprit avec d'autant plus de facilité qu’on l’éloigne davantage des grandes faces sous lesquelles le bon sens a coutume de considérer les choses. Rien n’est encore plus opposé à la véri- table éloquence que l’emploi de ces pensées fines, et la recherche de ces idées léoères , déliées, sans consistance, et qui, comime la feuille du métal battu, ne prennent de l’éclat qu’en perdant de ld solidité. Aussi plus on mettra de cet esprit mince et brillant dans un écrit, moins il aura de nerf, de lumière, de chaleur et de style, à moins que cet esprit ne soit lui-même le fond du sujet, et que l'écrivain n'ait pas eu d'autre objet que la plaisanterie : alors lart de dire de petites choses devient peut-être plus difhcile que l’art d’en dire de grandes. | Rien n'est plus oppose au beau naturel que la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires où communes d’une manière singulière ou pompeuse; rien ne dégrade plus l’écrivain. Loin de l’admirer, on le plaint d'avoir passé tant de temps à faire de nouvelles combinaisons de syllabes, / 268 | D I S C 0 URS. pour ne dire que ce que tout le monde dit. % Ce défaut est celui des esprits cultivés , mais | stériles : ils ont des mots en abondance ; “point d'idées; ils travaillent donc sur les mots, et s'imaginent avoir combiné des idées | parce qu'ils ont arrangé des phrases, et avoir épuré le langage quand ils l'ont corrompu | en détournant les acceptions. Ces écrivains n'ont point de style, ou, si l’on veut, ils n’en ont que l’ombre. Le style doit graver des pensées; ils ne savent que tracer des pa-. roles. Pour bien écrire, il faut donc posséder pleinement son sujet, il faut y réfléchir assez pour voir clairement l’ordre de ses pensées, et en former une suite, une chaîne conti- nue, dont chaque point représente une idée; et lorsqu'on aura pris la plume, il faudra la conduire successivement sur ce premier trait, sans lui permettre de s’ en écarter, sans l'appuyer trop inégalement, sans Iùi donner d'autre mouvement que celui qui sera déter- miné par l’espace qu’elle doit parcourir. C’esten cela que consiste la sévérité du style; c’est aussi ce qui en fera l’unité et ce qui en - réglera la rapidité, et cela seul aussi suffira DE M. DE BUFFON. 269 : pour le rendre précis et simple, égal etclair, vif et suivi. À cette première règle dictée par le génie si l’on joint dela délicatesse et du goût, du scrupule sur le choix des expres- sions , de l'attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux, le style aura de la noblesse. Si l’on y joint encore de la défiance pour son premier mouvement, du mépris pour tout ce qui n’est que bril- lant, et une répugnance constante pour l’é- quivoque et la plaisanterie, le style aura de la gravité, il aura même de la majesté. Enfin, si l’on écrit comme l’on pense, si l'on est convaincu de ce que l’on veut persuader ,. cette bonne foi avec soi-même, qui fait la bienséance pour les autres, et la vérité du style, lui fera produire tout son effet, pourvu que cette persuasion intérieure ne se marque pas par un enthousiasme trop fort, et qu’il y ait par-tout plus de candeur que de con- fiance , plus de raison que de chaleur. C'est ainsi , Messieurs, qu’il me sembloit en vous lisant, que vous me parliez, que vous m'instruisiez. Mon ame, qui recueilloit avec avidité ces oracles de la sagesse, vouloit prendre l'essor et s'élever jusqu'à vous: yains 25 2m DISCOURS efforts! Les règles, disiez-vous encore, ne peuvent suppléer au génie; sil manque si elles seront inutiles. Bien écrire , c’est tout | à la fois bien penser, bien sentir et bien rendre ; c’est avoir en mème temps de l’es- prit, de l’ameet du goût. Le style suppose la réunion et l’exercice de toutes les facultes intellectuelles : les idées seules forment le fond du style ; l'harmonie des paroles n’en est que l'accessoire, et ne depend que de la sensibilité des organés. Il suffit d’avoir un peu d’oreille pour éviter les dissonances, et de l’avoir exercée, perfectionnée par la lec- ture des poëêtes et des orateurs, pour que mécaniquement on soit porté à limitation. de la cadence poétique et des tours oratoires. Or jamais l’imitation n’a rien créé : aussi cette harmonie des mots ne fait ni le fond ni le ton du style, et se trouve souvent dans des écrits vides d'idées. Le ton n’est que la convenance du style à la nature du sujet; il ne doit jamais être forcé; il naîtra naturellement du fond même. de la chose, et dépendra beaucoup du point. de généralité auquel on aura porte ses pen- sées. Si l’on s'est élevé aux idées les plus F Fa “ DE M. DE BUFFON. 27 générales, et si l’objet en lui-même est grand, le ton paroitra s'élever à la mème hauteur ; et si, en le soutenant à cette élévation , le génie fournit assez pour donner à chaque objet une forte lumière, si l’on peut ajouter la beauté du coloris à l'énergie du dessin, si l'on peut , en un mot, représenter chaque idée par une image vive et bien terminée, et former de chaque suite d’idées un tableau harmonieux et mouvant, le ton sera non seulement éleve, mais sublime. | Ici, Messieurs, l'application feroit plus que la règle ; les exemples instruiroient mieux que les préceptes : mais comme il ne m'est pas permis de citer les morceaux su- blimes qui m'ont si souvent transporté en lisant vos ouvrages, je suis contraint de me borner à des réflexions. Les ouvrages bien écrits seront les seuls qui passeront à la pos- térite. La quantité des connoissances, la sin- gularité des faits, la nouveauté même des découvertes, ne sont pas de sûrs garans de l'immortalite : si les ouvrases qui les con- à 2 © ; f tiennent ne roulent que sur de petits objets, s'ils sont écrits sans goût, sans noblesse et sans génie, ils périront , parce que les con- (PENTIER 272 DISCOURS. À moissances , les faits et les découvertes s’en- w lèvent aisément, se transportent, et gagnent même à être mis en œuvre par des mains plus habiles. Ces choses sonthors de l’homme, \ le style est l'homme même. Le style ne peut . donc ni s’enlever, ni se transporter , ni s’al- térer : s’il est élevé, noble, sublime, l’auteur sera “nr ment admiré dans tous les temps ; car il n'y a que la vérité qui soit durable et même éternelle. Or un beau ‘style n’est tel en effet que par le nombre infini des vérités qu'il présente. Toutes les beautés intellec- tuelles qui s’y trouvent , tous les rapports dont il est composé, sont autant de vérités aussi utiles et peut-être plus précieuses pour l'esprit humain que celles qui peuvent faire le fond du sujet. Le sublime ne peut se trouver que dans les grands sujets. La poésie, l’histoire et la philosophie ont toutes le même objet, etuu très-crand objet, l'Homme et la Nature. La philosophie décrit et dépeint la Nature; la poésie la peint et l’embellit; elle peint aussi les hommes, elle les agrandit , elle les exa- gère ; elle crée les héros et les dieux : l’his— toire ne peint que l'homme , et le peint tel DE M. DE BUFFON. 293 qu'il est; ainsi le ton de l'historien ne de- viendra sublime que quand il fera le por- trait des plus grands hommes, quand ilexpo- sera les plus grandes actions, les plus grands mouvemens, les plus grandes révolutions, et par-tout ailleurs il suffira qu’il soit majes- tueux et grave. Le ton du philosophe pourra devenir sublime toutes les fois qu’il parlerä des lois de la Nature, des êtres en général, de l’espace , de la matière, du mouvement et du temps , de l'ame, de l'esprit humain, _des sentimens, des passions : dans le reste , ü sufhra qu’il soit noble et élevé. Mais le ton de l’orateur et du poête, dès que le sujet est grand, doit toujours être sublime, parce -qu'ils sont les maitres de joindre à la gran- deur de leur sujet autant de couleur, autant de mouvement , autant d'illusion qu’il leur plaît, et que, devant toujours peindre et toujours agrandir les objets, ils doivent aussi par-tout employer toute la forceet Aéploÿer toute l'étendue de leur génie. A En CT ODISOONNTNR ADRESSE A MM. de l'académie françoise. QUE degrands Léo ts Messie, frappent ici mes yeux ! et quel style et quel ton fau- _droit-il employer pour les peindre et les re- présenter dignement? L’élite des hommes est assemblée; la Sagesse est à leur tête. La Gloire, assise au milieu d'eux, répand ses rayons sur chacun, et les couvre tous d’un éclat toujours le mème et toujours renaissant. Des traits d’une lumière plus vive encore partent de sa couronne immortelle, et vont sereunir sur le front auguste du plus puissant et du meilleur des rois *. Je le vois, ce héros, ce prince adorable , ce maitre si cher. Quelle noblesse dans tous ses traits! quelle majesté dans toute sa personne! que d’ame et de dou- ceur naturelle dans ses regards! il les tourne . vers vous , Messieurs, et vous brillez d’un nouveau feu; une ardeur plus vive vous em- brase: j'entends déja vos divins accens et Les * Louis XV, le Bien-aimé, f y 1# DE M DE BUFFON. 275 accords de vos voix; vous les réunissez pour célébrer ses vertus, pour chanterses victoires, pour applaudir à notre bonheur ; vous les réunissez pour faire éclater votre zèle, expri- mer votre amour, et transmettre à la posté- rité des sentimens dignes de ce grand prince et de ses descendans. Quels concerts! ils pé- nètrent mon cœur ; ils seront immortels comme le nom de Lours. Dans le lointain , quelle autre scène de grands objets! le génie de la France qui parle à Richelieu, et lui dicte à la fois l’art d’é- clairer les hommes et de faire régner les rois; la Justice et la Science qui conduisent Sé= guier, et l’élèvent de concert à la première place de leurs tribunaux ; la Victoire qui s'avance à grands pas, et précède le char triomphal de nos rois, où Louis le Grand, assis sur des trophées , d’une main donne la paix aux nations vaincues, et de l’autre ras- semble dans ce palais les Muses dispersées. Et près de moi, Messieurs, quel autre objet intéressant ! la Religion en pleurs, qui vient emprunter l'organe de l’éloquence pour exprimer sa douleur , et semble m’'accuser . de suspendre trop long-temps vos regrets sur re une perte que : avec elle rar x # { $ . > : / a) 0 ll 1 à ALORS. EAU NU . ‘ LA n'* “1 \#! “ 1 k ? A BAM NU UR f 4 = / ui 0 ‘ ; , LE A1 FR et à» ; x; KT TT" 3 1 1 fs : DE M. DE BUFFON. 277 PROJET D’UNE RÉPONSE A M. DE COETLOSQUET, ANCIEN ÉVÈQUE DE LIMOGES, Lors de sa réception à l’académie françoise*. Moxsieur, l | En vous témoignant la satisfaction que mous avons à vous recevoir , je ne ferai pas l’'énumération de tous les droits que vousaviéz à nos vœux. Il est un petit nombre d'hommes * Cette réponse devoit être prononcée en 1760, le jour de la réception de M. l’évêque de Limoges à l’académie françoise ; mais comme ce prélat se retira pour laisser passer deux hommes de lettres qui aspl- rolent en même temps à l’académie, cette réponse p’a été ni prononcée ni imprimée. 24 f 1296: . D'TSOIM URS RADAR E que les éloges font rougir, que la louä 1-5 que les éloges fon js gi à q 0 2 déconcerte, que la vérité même blesse, lors- qu'elle est trop flatteuse. Cette noble délica- tesse, qui fait la bienséance dw caractère , suppose la perfection de {outes les qualités intérieures. Une ame belle et sans tache, qui veut se conserver dans toute sa pureté ’ cherche moins à paroître qu’ à se couvrir du voile de la modestie ; jalouse de ses beautés qu’elle compte par le nombre de ses vertus, elle ne permet pas que le souffle impur des passions étrangères en ternisse le lustre ; imbue de très-bonne heure des principes de la religion , elle en conserve avec le mème soin les impressions sacrées : mais comme ces caractères divins sont gravés en traits de flamme , leur éclat perce ét colore de som feu le voile qui nous les déroboit; alors if brille à tous les yeux ét sans les offenser. Bien différent de l'éclat de la gloire, qui toujours nous frappe par éclairs, et souvent nous aveugle, celui de la vertu n’est qu’une lumière bienfaisaute qui nous guide, qui nous éclaire, et dont les nous vivi= fient. Accoutumée à jouir en silence du bonheur Fe % ce LS DE M. DE BUFFON. :27 mttache à l'exercice de la sagesse, occupée sans relâche à recueillir la rosée céleste de la grace divine, qui seule nourrit la piété, cette ame vertueuse et modeste se suffit à elle- même : contente de son intérieur , elle à peine à se répandre au dehors ; elle ne s’é- panche que vers Dieu. La douceur et la paix, l'amour de ses devoirs, la remplissent, l’oc- cupent toute entière; la charité seule a droit de l’émouvoir : mais alors son zèle, quoi- qu’ardent , est encore modeste; il ne s’an- nonce que par l'exemple; il porte l’em- preinte du sentiment tendre qui le fit naïtre; cest la mème vertu seulement devenue plus active. - FLE Me Tendre picté! vertu sublime! vous méritez tous nos respects, vous élevez l’homme au- dessus de son être, vous l’approchez du Créa- teur, vous en faites sur la terre un habitant des cieux. Divine modestie! vous méritez tout notre amour ; vous faites seule la gloire _ du sage, vous faites aussi la décence du saint état des ministres de l’autel: vous n’êtes point un sentiment acquis par le commerce des hommes ; vous êtes un don du ciel, une grace qu'il accorce en secret à quelques ames ee” tn 6 Mt US UE Va } a V Lx À - 280 D US CONTE privilégiées, pour rendre la vertu plus aïe À mable; vous rendriez même, s’il étoit pos- sible, le vice moins choquant. Mais jamais vous n'avez habité dans un cœur corrompu ; la honte ya pris votre place: elle prend aussi vos traits lorsqu'elle veut sortir de ces replis obscurs où le crime l’a fait naître; elle couvre de votre voile sa confusion, sa bassesse. Sous : ce lâche déguisement elle ose donc paroître : mais elle soutient mal la lumière du jour, elle a l'œil trouble et le regard louche; elle marche à pas obliques dans des routes sou- terraines où le soupçon la suit; et lorsqu'elle croit échapper à tous les yeux , un rayon de la vérité luit, il perce le nuage, l’illusion se Fr dissipe , le prestige s’évanouit , le scandale seul reste, et l’on voit à nud toutes les diffor- mités du vice grimaçant la vertu. | Mais détournons les yeux, n’achevons pas le portrait hideux de la noire hypocrisie; ne disons pas que quand elle a perdu le masque de-la honte , elle arbore le panache de l’or- gueil , et qu'alors elle s'appelle impudence. Ces monstres odieux sont indignes de faire jci contraste dans le tableau des vertus; ils gouilleroient nos pinceaux. Que la modestie, DE M. DE BUFFON. 28t la piété , la modération, la sagesse, soient mes seuls objets et mes seuls modèles. Je les vois, ces nobles filles du ciel, sourire à ma prière; je les vois, chargées de tous leurs dons, s’avancer à ma voix, pour les réunir ici sur la même personne : et c’est de vous, Mon- sieur, que je vais emprunter encore des traits vivans qui les caractérisent. Au peu d’empressement que vous avez marqué pour les dignités, à la contrainte . qu’il a fallu vous faire pour vous amener à la cour, à l’espèce de retraite dans laquelle vous continuez d'y vivre, au refus absolu que vous fites de l’archevèché de Tours qui vous étoit offert, aux délais même que vous avez mis à satisfaire les vœux de l’académie, qui pourroit méconnoitre cette modestie pure que j'ai tâché de peindre? L'amour des peuples de votre diocèse, la tendresse pater- nelle qu’on vous connoît pour eux, les marques publiques qu’ils donnèrent de leur joie lorsque vous refusätes de les quitter, et parûtes plus flatté de leur attachement que de l’éclat d’un siége plus élevé, les regrets universels qu’ils ne cessent de faire encore entendre , ne sont-ils pas les effets Les plus | 14, 94 de | DISC OMS évidens de la sagesse, de la modération, dû gèle charitable, et ne supposent-ils pas le talent rare de se concilier les hommes en les conduisant? talent qui ne peut s’acquérir que par une connoissance parfaite du cœur humain, et qui cependant paroît vous être naturel, puisqu'il s’est annonce dès les pre- miers temps, lorsque, formé sous les yeux - de M. le cardinal de la Rochefoucauld , vous eûtes sa confiance et celle de tout son dio- cèse; talent peut-être le plus nécessaire de tous pour Le succès de l'éducation des princes; car ce n’est en effet qu’en se conciliant leur cœur que l’on peut le former. : Vous êtes maintenant à portée, Monsieur, de le faire valoir, ce talent précieux ; il peut devenir entre vos mains l'instrument du bonheur des hommes ; nos jeunes princessont destinés à être quelque jour leurs maîtres ou leurs modèles, ils font déja l’amour de la mation; leur auguste père vous honore de toute sa confiance; sa tendresse, d'autant plus active, d'autant plus éclairée qu’elle est plus vive et plus vraie ,«ne s’est point méprise : que faut-il de plus pour faire applaudir à son discernement , et pour justifier son «À Mise LG ie DE M DE BUFFON. 283 choix ? Il vous a préposé, Monsieur, à cette éducation si chère, certain que ses augustes enfans vous aimeroient , puisque vous êtes universellement aime.... Universellement aime : à ce seul mot que je ne crains point de répéter, vous sentez, Monsieur, combien je pourrois étendre, élever mes éloges; mais _ je vous ai promis d'avance toute la discrétion que peut exiger la délicatesse de votre mo- destie. Je ne puis néanmoins vous quitter encore, ni passer sous silence un fait qui seul prouveroit tous les autres, et dont le simple récit a pénétré mon cœur; c'est ce triste et dernier devoir que, malgré .la dou- leur qui déchiroit votre ame, vous rendites avec tant d’empressement et de courage à la memoire de M. le cardinal de la Rochefou- cauid. Il vous avoit donnéles premières leçons ‘ de la sagesse ; il avoit vu germer et croître vos vertus par l'exemple des siennes ; ilétoit, Si jose m exprimer ainsi, le père de votre ame : et vous, Monsieur, vous aviez pour lui plus que l'amour d’un fils, une constance d’attachement qui ne fut jamais altérée, une xeconnoissance si profonde , qu’au lieu de diminuer avec le temps, elle a paru toujours LS 284 DT S CONS NU s’augmenter pendant la vie de votre illustre | ami, et que, plus vive encore après soñ dé- cès, ne pouvant plus la contenir, vous la Îites éclater en allant mêler vos larmes à celles de tout son diocèse, et prononcer son éloge funèbre , pour arracher au moins quel- que chose à la mort en ressuscitant ses vertus: Vous venez aussi, Monsieur, de jeter des fleurs immortelles sur le tombeau du prélat auquel vous succédez. Quand on aime autant Ja vertu , on sait la reconnoître par-tout, et la louer sous toutes les faces qu’elle peut pré- senter. Unissons nos regrets à vos éloges... Le reste dece discours manque, les circons- tances ayant change. M. l’ancien évèque de Limoges auroit même voulu qu’il fût suppri- mé en entier. J’ai fait ce que j'ai pu pour le satisfaire ; mais l'ouvrage étant trop avancé, et les feuilles tirées jusqu’à la page 16, je n'ai pu supprimer cette partie du discours, et je la laisse comme un hommage rendu à la piété, à la vertu et à la vérité. © \ DE M. DE BUFFON. 285 RÉPONSE. A M WATELET, Le jour de sa réception à l'académie fran- çoise, le samedi 19 Janvier 1701. \ Monsieur, Si jamais il y eut dans une compagnie nn i cœur, géné incère, c’est celui deuil de cœur, général et since | de ce jour. M. de Mirabaud, auquel vous suc- cédez , Monsieur, n’avoit ici que des amis, quelque digne qu’il fût d'y avoir des rivaux. Souffrez donc que le sentiment qui nous afflige paroisse le premier , et que les motifs de nos regrets précèdent les raisons qui peuvent nous consoler. M. de Mirabaud, voire con- frère et votre ami, Messieurs, a tenu, pen- dant près de vingt ans, la plume sous vos . corps; ir en étoit le prinelsut Srame ; __. tout entier du service et de la sr dé l'acal démie, il lui avoit consacré et ses jours € ses veilles ; il étoit, dans votre cercle, le centre auquél se réunissoient.Vos lumières qui ne perdoient rien de leur éclat en pas. sant par sa plume. Connoissant, par un sil long usage, toute l'utilité de sa place pour les progrès de vos travaux académiques, il. n'a voulu la quitter ;-cette place qu’il rem plissoit si bien, qu'après vous avoir désigné, Messieurs, celui d’entre vous que vous avez ious jugé convenir le mieux*, etquijointen: effet à tous Les talens de l’esprit cette droiture délicate qui va jusqu’au scrupule dès qu'il s'agit de remplir ses devoirs. M. de Mirabaud a joui lui-même de ce bien qu’il nous a fait; _il a eu la satisfaction , pendant ses dernières années , de voir les premiers fruits de cet heureux choix. Le grand âge n’avoit point affaissé l'esprit ; il n’avoit altéré ni ses sens ni ses facultés intérieures : les tristes impres- sions du temps ne s’étoient marquées que * M. Duclos a succédé à M. de Mirabaud dans Ja place de secrélaire de l’académie françoise. = Rd DE M DE BUFFON. 287 par le desséchement du corps. À quatre-. vingt-six ans , M. de Mirabaud avoit encore le feu de la jeunesse et la'séve de l’âge mûr: une gaieté vive et douce, une sérénité d’ame, une amenité de mœurs qui faisoient dispa= roître la vieillesse, où né la làissoient voir qu'avec cette espèce d’atténdrissément qui suppose bien plus que du respect. Libre de passions , et sans autres liens que ceux de J'amitié, il étoit plus à'ses amis qu’à lui= même : 1l a passé sa vie dans une société dont il faisoit les délices; société douce, quois qu'intime que la mortsele a pu dissoudre Ses ouvrages portent l'empreinte de son caractère : plus un homnie est honnête, et plus ses écrits lui ressemblent. M. dé Mira baud joignoit toujours le sentiment à l’es- prit, et nous aimons à le lire comme nous dimions à l'entendre; mais il avoit si peu d’atiacheñent pour ses productions, il crai- _gnoit si fort et le bruit et l'éclat, qu'il a sacrifié celles qui pouvoient le plus contri- buer à sa gloire. Nulle prétention, malgré sou mérite éminent; nul empréssement à faire valoir; nul penchänt à parler de soi; _ hul desir, ni apparent ni caché, de se méttre 288 | DISCOURS. au-dessus des autres : ses propres als n'éi toient à ses yeux que des droits qu'il avoit AGASE pour être plus modeste, etilparoissoit | n'avoir cultivé son esprit que pour élever son ame et perfectionner ses vertus. | Vous, Monsieur , qui jugez si bien de la vérité des peintures, auriez-vous saisi tous Les traits qui vous sont communs ayec votre prédécesseur dans l’esquisse que je viens. de tracer ? Si l’art que vous ayez chanté pouvoit s'étendre jusqu'à peindre les ames ,-nous verrions d’un, coup d'œil ces ressemblances heureuses que je ne puis qu'indiquer ; elles consistent également et dans ces qualités du eœur si précieuses à la société , et dans.ces talens de l'esprit qui vous ont mérité nos suffrages. Toute grande qu'est notre perte, vous pouvez donc, Monsieur , plus que la réparer : vous venez d'enrichir les arts et notre langue d’un ouvrage qui suppose, avec la perfection du goût, tant de connoissances différentes , que vous seul peut-être en pos- sédez les rapports et l'ensemble; vous seul, et le premier, avez osé tenter de repré- senter par des sons harmonieux les effets des couleurs ; vous avez essayé de faire poux cd 1 D = ah | S | DE M DE BUFFON. 2:89 la peinture ce qu'Horace fit pour la poésie, ü monumént plus durable que le bronze. Rien ne garantira des outrages du temps ces tableaux précieux des Raphaël, des Titien, des Corrége; nos arrière-neveux regretle- ront ces chefs-d’œuvre comme nous regret- tons nous-mêmes ceux des Zeuxis et des Apelles. Si vos leçons savantes sont d’un si grand prix pour nos jeunes artistes, que ne vous devront pas dans les siècles futurs l’art lui-même ; et ceux qui le cultiveront ? Au feu de vos lumières , ils pourront réchauffer leur génie; 1ls retrouveront au moins dans la fécondité de vos principes et dans la sagesse de vos préceptes, une partie dessecoursqu'ils auroient tirés de ces modèles sublimes qui ne sübsisteront plus que par la renommée. Le] Mt. gÊn XŸ Le 2 do "ODTSCO TRS TM x x =vŸ | à Sn rie Pa 4 L ° 0 / y SJ F4 A M. DE LA CONDAMINE,, . | “I ÿ Æe jour de sa réception à l'académie fran çoise, le lundi 21 janvier 7624 4.0 CCR RERSCRSCIER Moxsisus ” Du génie pour les sciences, du goût pour la littérature, du talent pour écrire, de l’ar- deur pour entreprendre, du courage pour exécuter , de la constance pour achever, de l’amitié pour vos rivaux, du Zèle pour vos amis, de l'enthousiasme pour l'humanité ; | voilà ce que vous connoit un ancien ami, un confrère de trente ans, qui se félicite aujourd’hui de le devenir pour la seconde fois % » * J’étois depuis très-long temps confrère de M. de Ja Condamime à lacadémie des sciences. . FA DE M. DE BUFFON. 296 Avoir parcouru l’un etl’autreéhémisphére, traversé les continens et les mers, surmonté les sommets sourcilleux de ces montagnes embrasées , où des glaces éternelles bravent également et les feux souterrains et les ar— deurs du midi ; s’être livré à la pente préci- pitée de ces calaractes écumantes, dont les eaux suspendues semblent moins rouler sur la terre que descendre des nues; avoir péne- ire dans ces vastes déserts, dans ces solitudes immenses, où l'on trouve à peine quelques vestiges de l’homme , où la Nature ; accou- tumée au plus profond silence, dut être €tonnée de s'entendre interroger pour la pre- mière fois; avoir plus fait, en un mot, par le seul motif de la gloire des letires que : Von ne fit jamais par la soif de l'or : voiià ce que connoîit de vous l'Europe, et ce que dira la postérité. Mais n’anticipons ni sur les espaces nisur les temps; vous savez que le siècle où l’on vit est sourd, que la voix du compatriote est foible : laissons donc à nos neveux le soin de xépéter ce que dit de vous Pétranger, et bor- nez aujourd'hui votre gloire à selle d’être 25SiS parmi NOUS. L ARE AE ES ; MA "à 292 DISCOURS ï La mort met cent ans de distanceentre um jour et l’autre : louons de concert le prélat auquel vous succédez *; sa mémoire est digne de nos éloges , Sa personne digne de nos regrets. Avec de grands talens pour les. négociations , il avoit la volonté de-bien ser- vir l'Etat ; volonté dominante dans M. de Vauréal, et qui, dans tant d’autres, west que subordonnée à l'intérêt personnel. Il _joignoit à une grande connoissance du monde le dédain de l'intrigue; au desir de la gloire, l'amour de la paix, qu’il a maintenue dans son diocèse, même dans les temps les plus orageux. Nous lui connoissions cette élo- quence naturelle, cette force de discours, cette heureuse confiance , qui souvent sont nécessaires pour ébranler , pour émouvoir , et en même temps cette facilité à revenir sur soi-même, cette espèce de bonne foi siséante, qui persuade encore mieux, et qui seule achève de convaincre. Il laissoit paroître ses talens et cachoit ses vertus ; son zèle chari- table s’étendoit en secret à tous les indigens : riche par son patrimoine, et plus encore par * M. de la Condamine succéda, à l’académie francoise, à M. de Vauréal, évèque de Rennes, DE M. DE BUFFON. 2091 les graces du roi, dont nous ne pouvons trop admirer la bonté bienfaisante , M. de Vauréal sans cesse faisoit du bien, et le faisoit en grand ; il donnoit sans mesure, il donnoit en silence ; il servoit ardemment, il servoit sans retour personnel ; et jamais ni les be- soins du faste, si pressans à la cour, ni la crainte si fondée de faire des ingrats, n’ont balancé dans cette ame généreuse le senti ment plus noble d'aider aux malheureux. % 294 DISC UR s La RÉPONSE A M. LE CHEVALIER DE CHATELUX , | " (6 Le jour de sa réception à l'académie fran- çoise, le jeudi 27 avril 1775. FE NS TDR +: \ A Ç On ne peut qu'accueillir avec empresse- ment quelqu'un qui se présente avec autant de grace; le pas que vous avez fait en arrière sur le seuil de ce temple, vous a fait cou- xonner avant d'entrer au sanctuaire *; vous. veniez à nous , et votre modestie nous a mis * M. le chevalier de Chatelux, qui étoit desiré par l’académie , et qui en conséquence s’étoit pré- senté, se retira pour engager M. de Mialesherbes à passer avant lui. DE M. DE BUFFON. 295 dans le cas d'aller tous au. devant : arrivez en triomphe, et ne craignez pas que j'afflige cette vertu qui vous est chère ; je vais mème la satisfaire en blàämant à vos yeux ce qui seul peut la faire rougir. | La louange publique, signe éclatant du mérite, est une monnoie plus précieuse que l'or , mais qui perd son prix el même de- vient vile, lorsqu'on la convertit en effets de commerce. Subissant autant de déchet par le change , que le metal, signe de noire richesse, acquiert de valeur par la circulation , -la louange réciproque, nécessairementexagéree, n'offre-t-elle pas un commerce suspect entre particuliers , et peu digne d'une compagnie dans laquelle il doitsuffire d’être admis pour être assez loué ? Pourquoi les voûtes de ce lycée ne forment-elles jamais que des échos multipliés d’éloges .reteutissans ? pourquoi ces murs, qui devroient être sacrés ,. ne peu- vent-ils nous rendre le ton modeste et la parole de.ila vérité ? Une coucheantique d’en- cens brûlé revêt leurs paroiset lesrendsourds à cette parole divine qui ne frappe que l’ame. S'il faut étonner l’ouïe , s’il faut les éclats de la trompette pour se faire entendre, je nele 206 DISCOURS | puis; et ma voix, dût- elle se perdre sans effet, ne blessera pas au moins cette vérité sainte que rien n’afflige plus, après la ca- Jomnie, que la fausse louange. | Comme un bouquet de fleurs assorties , dont chacune brille de ses couleurs et porte son parfum , l’éloge doit présenter les vertus, les talens, les travaux de l’homme celebre. Qu'on passe sous silence les vices, les défauts, les erreurs , c’est retrancher du bouquet les feuilles desséchées , les herbes épineuses, et - celles dont l’odeur seroit désagréable. Dans l’histoire , ce silence mutile la vérité ; ilne l’offense pas dans l'éloge. Mais la vérité ne permet ni les jusgemens de mauvaise foi, ni les fausses adulations ; elle se révolte contre ces mensonges colorés auxquels on fait por- ter son masque: bientôt elle fait justice de toutes ces réputations éphémères fondées sur le commerce et l’abus de la louange ; portant d’une main l'éponge de l’oubli, et de l’autre le burin de la gloire, elle efface sous nos yeux les caractères du prestige, et grave pour la postérité les seuls traits qu’elle doit consa- crer. Elle. sait que l'éloge doit non seulement né Lu DE M DE BUFFON. 297 touronner le mérite, mais le faire germer; par ces nobles motifs, elle a cédé partie de son domaine : le panégyriste doit se.taire sur le mal moral, exalter le bien, présenter les vertus dans leur plus grand éclat ( mais les talens dans leur vrai jour), et les travaux accompagnés , comme les vertus, de ces rayons de gloire dont la chaleur vivifiante fait naître le desir. d’imiter les unes , et le courage pour épaler les autres ; toutefois en mesurant les forces de notre foihle nature, qui s’effraieroit à la vue d'une vertu gigan- tesque , et prend pour un fantôme tout mo- dèle trop grand ou trop parfait. = L’éloge d'un souverain sera suffisamment grand , quoique simple, si l’on peut pro- noncer, comme une vérité reconnue : Notre roi veut le bien et desire d’étre aimé; la toute-puissance , contpagne de sa volonté, ne se déploie que pour augmenterle bonheur de ses peuples ; dans l’âge de la dissipation ; il s'occupe avec assiduité ; son application aux affaires annonce l’ordre et la règle; l’at- tention sérieuse de l'esprit, qualité si rare dans la jeunesse, semble être un don de nais- sance qu’il a reçu de son auguste pôre : ef la 29 1(DES GORE | justesse de son discernement-n’est-elle pas démontrée par les faits ? I a choisi. pour {| coopérateur le plus ancien, le plus vertueux et le plus.éclairé de ses hommes d'état*,. grand ministre éprouvé, par les revers, doné l'ame pure et ferme ne s’est pas plus afais- sée sous la dissrace qu'enflée par la faveur. Mon cœur palpite au nom du créateur de mes.ouvrages, et ne se calme que par le sen- timent du repos le plus doux; cest que, comblé de gloire, il est au-dessus de mes éloges. Ici j' invoque encore la vérité : loin de me démentir, elle approuvera tout ce que Je viens de prononcer ; ellepourroit même m'en dicter davantage. | | Mais, dira-t-on , l’éloge en général ayant. la vérité pour base, et chaque louange por- tant son caractère propre, le faisceau réuni de ces traits glorieux ne sera pas encore un trophée ; on doit l’orner de franges, le serrer d’une chaîne de brillaus : car il ne sufhit pas qu'on ne puisse le délier ou le rompre; il faut de plus le faire accueillir, admirer, applaudir , et que l’acclamation publique, M. le comte de Maurepas. DE M. DE BUFFON. 299 . étouffant le murmure de ces hommes dédai- gneux ou jaloux, confirme ou justifie la voix de l’orateur. Or l’on manque ce but, si l'on présente la vérité sans parure et trop nue. Je l'avoue : : mais ne vaut-il pas mieux sacrifier ce petit bién frivole au grand et $olide honneur de transmettre à la postérité les portraits ressemblans de nos contempo- rains ? Elle les jugera par leurs œuvres, et Pourroit démentir nos éloges. Malgré cette rigueur que je m’ impose ici, je me trouve fort à mon aise avec vous, Mon- sieur : actions brillantes , travaux utiles, ouvrages savans, tout se présente à la fois; ét comme une tendre amitiém'attache à vous de tous les temps, je parlerai de votre per— sonne avant d'exposer vos talens. Vous fütes le premier d'entre nous qui ait eu le courage de braver le préjugé contre l’inoculation; seul, sans conseil, à la fleur de l’âge, mais décidé par maturité de raison, vous fites sur vous- même l'épreuve qu’on redoutoit éncore : grand exemple, parce qu’il fut le premier, parce qu'il à été suivi par des exemples plus grands encore, lesquels ont rassuré tous les eœurs des François sux la vie de leurs princes Boo 7 CD: E SCOR 0 adorés. Je fus aussi le premier témoin de votre heureux succès : avec quelle satisfaction je vous. vis arriver de la campagne, portant les impressions récentes qui ne me parurent, que des stigmates de courage ! Souvenez-vous” de cet instant ; l’hilarité peinte sur votre visage en couleurs plus,vives que celles du mal, vous me dites : Je suis sauvé, et mon exemple en sauvera bien d’autres. | Ce dernier mot peint votre ame; je n’en connois aucune qui ait un zèle plus ardent pour le bonheur de l'humanité. Vous teniez la lampe sacrée de ce nobleenthousiasme lors- que vous conçûtes le projet de votre ouvrage sur la félicité publique.: Ouvrage de votre cœur : avec quelle affection n’y présentez- vous pas le tableau successif des malheurs du genre humain ! avec quelle joie vous sai+ sissez les courts intervalles de son bonheur, ou plutôt de sa tranquillité !'Ouvrage de votre esprit : que de vues saines! que d’idées ap— profondies! que de combinaisons aussi déli- cates que difficiles ! J’ose le dire , si votre livre pèche, c’est par trop de mérite; lim mense érudition que vous y avez déployée, couvre d’une forte draperie les objets princi= DE M DE BUFFON 3ot: paux. Cependaut cette grande érudition , qui seule sufliroit pour vous donner des titres auprès de toutes les académies , vous étoit nécessaire comme preuve de vos recherches ; vous avez puisé vos connoissances aux sources mêmes du savoir, et, suivant pas à pas les auteurs contemporains , vous avez présenté la condition des hommes et l’état des nations sous leur vrai point de vue, mais avec cette exactitude scrupuleuse et ces pièces justifica- tives qui rebutent tout lecteur léger, et sup- posent dans les autres une forte attention. Lorsqu'il vous plaira donc donner une nou- velle culture à votre riche fonds, vous pour- rez arracher ces épines qui couvrent une. partie de vos plus beaux terrains, et vous n’offrirez plus qu’une vaste terre émaillée de fleurs et chargée de fruits que tout homme de goût s’empressera de cueillir. Je vais vous citer à vous-même pourexemple. Quelle lecture plus instructive pour les amateurs des arts, que celle de votre Essai sur l’union de la poésie et de la musique! C’est encore au bonheur public que cet ou- vrage est consacre ; il-donne le moyen d’aug- menter les plaisirs purs de l'esprit par Le 26 302 DAT'S'C OU RTS chatouillement innocent de. l'oreille. Une idée mère et neuve s’y développe avec grace dans toute son étendue : il doit y'avoir du style en musique; chaque air doit être fondé sur un motif, sur une idée principale, rela- tive à quelque objet sensible; et union de ia musique à la poésie ne peut être parfaite qu'autant qüé le poète et'le musicien con viendront d'avance de représenter la même idée , l'un par des mots, et l’autre par des sons. C'est avec touté confiance que je ren- voie les gens de goût à là démonstration de cette vérité, et aux charmans exemples que vous en avez donnés. rt Quelle ‘autre lecture plus aa té AE que celle des éloges dé ces illustres guérriérs, vos amis, vos émules , et que, par modestie, vous ap- pelez vos maîtres? Destiné par votre nais= sance à la profession des armes , comptant dans vos ancêtres de grands militaires, des hommes d'étatplus grandsencore, parce qu'ils étoient en même temps très-grands hommes de lettres, vous avez été poussé, par leur exemple , dans les deux carrières, et vous vous êtes annoncé d’abord avec distinction dans celle de ka guerre : mais votre cœur de ue) DE M. DE BUFFON. 303 paix, votre esprit de patriotisme et votre amour pour l'humanité, vous prenoient tous les momens que le devoir vous laissoit ; et, pour ne pas trop s'éloigner de ce devoir sacré d'état, vos premiers travaux littéraires ont été des éloges militaires. Je ne citerai que celui de M. le baron de Closen , et je demande si ce est pas une espèce de modèle en ce genre. Û _ Etle discours que nous venons d'entendre n'est-il pas un nouveau fleuron que l’on doit ajouter à vos anciens blasons ? La maitdu goût va le placer ; puisque c'est son ouvrage, elle le mettra sans doute au-dessus de vos autres couronnes. à Je vous quitte à regret, Monsieur; mais vous succédez à un digne académicien qui mé- rite aussi des éloges, et d'autant plus qu’il les recherchoit moins. Sa mémoire, honorée par tous les gens de bien , nous est chère en par- ticulier , par son respect constant pour cette compagnie. M. de Châteaubrun , homme juste et doux, pieux, mais tolerant, sen- toit, sayvoit que l'empire des lettres ne peut s’accroitre et même se soutenir que par la liberté ; 1l approuvoit donc tout assez volons by ‘CHISCOTRENS tiers, et ne blâämoit rien qu'avec discrétion. | Jamais il n’a rien fait que dans la vue du bien , jamais rien dit qu’à bonne intention. Mais il faudroit faire ici l'énumération de toutes les vertus morales et chrétiennes pour présenter en détail celles de M. de Château- brun. Il avoit les premières par caractère, et. les autres par le plus grand exemple de ce siècle en ce genre, l’exemple du prince aïeul de son auguste élève. Guidé dans cette édu- cation par l’un de nos plus respectables con- frères , et soutenu par son ancien et constant dévouement à cette grande maison , il a eu la satisfaction de jouir, pendant quatre généra=. tions et plus de soixante ans, de la confiance et de toute l'estime de ces illustres protec- teurs. Cultivant les belles-lettresautant par devoir que par goût, 1l a donné plusieurs pièces de théätre ; /es Troyennes et Philociète ont fait. verser assez de larmes pour justifier l'éloge que nous faisons de ses talens. Sa vertu tiroit parti de tout; elle perce à travers les noires perfidies et les superstitions que présente chaque scène ; ses offrandes n’en sont pas gnoins pures, ses victimes moins innocentes, s D cu | V | DE M. DE BUFFON. 805: et même ses portraits n'en sont que plus touchans. J'ai admiré sa piété profonde par le transport qu'il en fait aux ministres des faux dieux : Thestor, grand - prêtre des Troyens, peint par M. de Chäâteaubrun, semble être environné'de cette lumière sur- naturelle qui le rendroit digne de desservir les autels du vrai Dieu. Et telle est en effet la force d’une ame vivement affectée de ce sen- timent divin, qu'elle le porte au loin et le répand sur tous les objets qui l'environnent. Si M. de Châteaubrun a supprimé , comme on l'assure, quelques pièces très-dignes de voir le jour, c'est sans doute parce qu’il ne leur a pas trouvé une assez forte teinture de ce sentiment auquel il vouloit subordonner tous les autres. Dans cet instant, Messieurs, je voudrois moi-même y conformer le mien ; je sens néanmoins que ce seroit faire la vie d'un saint plutôt que l’éloge d'un académi- cien. Il est mort à quatre-vingt-treize ans. Je viens de perdre mon père précisément au même âge : il étoit, comme M. de Chäâteau- brun, plein de vertus et d'années. Les regrets permettent la parole; mais la douleur est muette. 28 306 DISCOURS ( nt RÉPONSE A M. LE MARÉCHAL DUC DE DURAS, Ze jour de sa réception à l’académie fran- coise, le 15 7naï 1775. Monsieur, Aux lois que je me suis prescrites sur l’é- loge dans le Discours précédent, il faut ajou- ter un précepte également nécessaire : c’est que les convenances doivent y être senties , et jamais violées; le sentiment qui les annonce doit régner par-tout, et vous venez, Mon- sieur, de nous en donner l'exemple. Mais ce tact attentif de l'esprit qui fait sentir les nuances des fines bienséances, est-il uw talent ordinaire qu’on puisse communiquer ? ou Ÿ DE M. DE BUFFON. os plutôt n'est-il pas le dernier résultat des idées, l'extrait des sentimens d'une ame exercée sur des objets que le talent ne peut saisir ? La Nature donne la force du genie, la trempe du. caractère et le moule du cœur; l'éducation ne fait que modifier le tout : mais le soût délicat, le tact fin d’où nait ce sentiment exquis, ne peuvent s’acquérir que par un grand usage du monde dans. les pre- miers rangs de la société. L'usage des livres, la solitude ,; la contemplation des œuvres de Ja Nature, l'indifférence sur le mouvement du tourbillon deshommes, sont au contraire les seuls élémens de la vie du philosophe. Ici, l'homme de cour a donc le plus grand avantage sur l’homme de lettres; il louera mieux et plus convenablement son prince et les grands, parce qu'il les connoît mieux, parce que mille fois il a senti, saisi ces rap ports fugitifs que je ne fais qu’entrevoir. : Dans cette compagnie, nécessairement com- posée de l'élite des hommes en tout genré, chacun devroit être jugé et loué parsespairs : notre formule en ordonne autrement ; nous sommes presque foujours au-dessus ou au- dessous de ceux que nous ayons à célébrer. 308 DISCOURS : Néanmoins il faut éfre de niveau pour se bien connoître ; il faudroit avoir les mêmes - talens pour se juger sans méprise. Par exem- ple, j'iguore le grand art des négociations PL et vous le possédez ; vous l'avez exercé, Monsieur, avec tout succès, je puis le dire: mais 1l m'est impossible de vous louer par le détail des choses qui vous flatteroient le plus; je sais seulement , avec le public, que vous avez maintenu pendant plusieurs années , dans des temps difficiles , l'intimité de l’u— nion entre les deux plus grandes puissances: de l’Europe; je sais que, devant nous repré- senter auprès d’une nation fière, vous y avez porté cette dignilé qui se fait respecter ;, et cette aménité qu'on aime d’aulant plus qu'elle se dégrade moins. Fidèle aux intérêts de votre souverain, zélé pour sa gloire, ja- loux de l'honneur de la France, sans préten- tion sur celui de l'Espagne, sans mépris des usages étrangers , connoissant également les différens objets de la gloire des deux peuples; vous en avez augmente l'éclat en les réunis- sant. | Représenter dignement ‘sa nation sans choquer l’orgueil de l’autre; maintenir ses U DE M. DE BUFFON. 309 intérêts par la simple équité; porter en tout justice , bonne foi, discrétion ; gagner la confiance par de si beaux moyens; l’établir sur des titres plus grands encore, sur l’exer- cice des vertus, me paroît un champ d’hon- neur si vaste, qu’en vous en ôtant une par- tie pour la donner à votre noble compagne d'ambassade , vous n’en serez ni jaloux n1 moins riche. Quelle part n’a-t-elle pas eue à tous vos actes de bienfaisance! votremémoire et la sienne seront à jamais consacrées dans les fastes de l'humanité par le seul trait que je vais rapporter. . Ra La stérilité, suivie de la disette, avoit amene le fléau de la famine jusque dans la ville de Madrid; le peuple mourant levoit les mains au ciel pour avoir du pain; les secours du gouvernement, trop foibles ou trop lents, ne diminuoient que d’un degré cet excès de misère : Vos cœurs compatissans vous la firent partager ; des sommes consi- dérables, même pour votre fortune, furent employées par vos ordres à acheter des grains au plus haut prix, pour les distribuer aux pauvres. Les soulager en tout temps, en tout pays, c’est professer l'amour de l'humanité, CAO ROUES "A UN CU SA ADN Pi 1 3ro DBLSEOURSAN c'est exercer la première et la plus haute de toutes les vertus. Vous en eûtes la seule ré— compense qui soit digne d'elle : le soulage- ment du peuple fut assez senti pour qu’au Prado sa morue tristesse à l'aspect de tous les autres objets, se changeät tout-à-coup en signes de joie et en cris d'alégresse à la vue de ses bienfaiteurs; plusieurs fois , tous deux applaudis et suivis par des acclamations de réconnoissance , vous avez joui de ce bien, plus grand que tous les autres biens , de ce bonheur divin que les cœurs vertueux sont seuls en état de sentir. | | Vous l'avez rapporté parmi nous, Mon- sieur, ce cœur plein d’uue noble bonté. Je pourrois appeler en témoignage une province entière qui ne démentiroit pas mes éloges; mais je ne puis les terminer sans parler de votre amour pour les lettres, et de votre prévenance pour ceux qui les cultivent. C’est donc avec un sentiment unanime que nous applaudissons à nos propres suffrages ; en nous nommant un confrère, nous acquérons un ami : soyons toujours, comme nous le sommes aujourd'hui, assez heureux dans nos choix pour n'en faire aucun qui n'il- lustre les lettres. 2 DE M. DE BUFFON. 3rr ‘Les lettres ! chers et dignés objets de ma passion la plus coustante,' qué j'ai de plaisir à vous voir honorées ! que je me féliciterois si ma voix pouvoit y contribuer ! Mais c'est à vous, Messieurs ,quimaintenez leur gloire, à en augmenter les honneurs : je vais seule- ment tâcher de seconder vos vues en propo— sant aujourd'hui ce qui depuis PTE temps fait l'objet de nos vœux. Leslettres, dans leur état actuel ; ont plus besoin de concorde que dé protection ; elles ne peuvent être dégradees: que: par leurs propres disseusions. L'empire de l'opinion n’est-ildione pas assez vasté pour que chacun puisse:y habiter en repos? Pourquoi se fairé la guerre ? Eh! Messieurs ; nous demandons la tolérance: accordons-la donc ; exerçons-la pour en: donner l’exemple: Ne nous identi- fions pas avec nos ouvrages ; disons qu’ils ont passé par nous, mais qu'ils ne sont pas nous; séparons-en notre existence morale : fermons l'oreille aux abéiemens de la criè tique; au lieu de défendre:ce que nous avons fait, recueillons nos forces pour faire mieux ; ne nous célebrons jamais entre nous que par l'approbation ; ne nous blâmons que par le dre DISCOURS. silence ; ne faisons ni tourbe ni MERE et que chacun, poursuivant la route que lui fraye son génie, puisse recueillir sans trouble le fruit de son travail : les lettres prendront alors un nouvel essor, et ceux qui les cul= tivent, un plus haut degré de considérations 1ls seront généralement révérés par leursver- tus, autant qu’admirés par leurs talens. Qu'un militaire du haut rang, un prélat en dignité, un magistrat en vénération*, célèbrent avec pompeles lettres et les hommes dont les ouxrages marquent le plus dans la littérature ; qu'un ministre affable et bien intentionné les accueille avec distinction, rien n’est plus convenable; je dirois, rien de plus honorable pour eux-mêmes, parce que rien n’est plus patriotique : que les grands honorent le mérite en public, qu’ils exposent nos talens au grand jour, c'est les étendre et les multiplier : mais qu’entre eux les gens de lettres se suffoquent d’encens ou s’inondent de fiel, rien de moins honnête, rien de plus. - préjudiciable en tout temps, en tout lieu. * M.de Malesherbes, à sa réception à l’acadé- mie, venoit de faire un très-beau disçours à lhon- meur des gens de lettres, DE M. DE BUFFON. 313 Rappelons- nous l'exemple de nos premiers maîtres; ils ont eu l’ambition insensee de vouloir faire secte : la jalousie des chefs, l'enthousiasme des disciples, l’opiniâtreté des sectaires, ont semé la discorde et produit tous les maux qu’elle entraîne à sa suite; ces sectes sont tombées comme elles étoient nées, victimes de la même passion qui les avoit enfantées , et rien n’a survécu; l'exil de la sagesse, le retour de l’isnorance, ont été les seuls et tristes fruits de ces chocs de vanité, qui, même par leurs succès, n’a boutissent qu'au mépris. * Le digne académicien auquel vous succé- dez, Monsieur, peut nous servir de modèle et d'exemple par son respect constant pour la réputation de ses confrères, par sa liaison intime avec ses rivaux : M. de Belloi étoit un homme de paix, amant de la vertu, zélé pour sa patrie, enthousiaste de cet amour national qui nous attache à nos rois. Ilest le premier qui l'ait présentésur la scène, et qui, sans le secours de la fiction , ait intéressé Ia nation pour elle-même par la seule force de la vérité de l’histoire. Jusqu'à lui presque toutes nos pièces de théâtre sont dans le * 27 x LI e \/ V dé 4 À EM DU PTE Pr à 314 D'TIS?C ORNE AOF 0 costume antique, où les dieux méchans, leur# ministres fourbes , leurs oracles menteurs et des rois cruels, jouent les principaux rôles ; les perfidies, les superstitions etlesatrocités ; . remplissent chaque scène: Qu’éetoient les hommes soumis alors à-de pareils tyrans? Comment, depuis Homère, tous les poëtes se sont-ils servilement accordés à copier le tableau de ce siècle barbare ? Pourquoi nous exposer les vices grossiers de ces pewplades encore à demi sauvages, dont inême les ver- tus pourroient produire le crime? Pourquoi nous présenter des scélérats pour des héros! et nous peindre éternellement de petits op— presseurs d’une ou deux bourgades ‘comme de grands monarques ? Ici l'éloisnementigros: sit donc les objets plus que dans la naturel he les diminue. J'admire cet art illusoire qui im’a souvent arraché des larmes pour desvic= times fabuleuses ou coupables ; mais cét art ñe seroit-il pas plus vrai, plus utile, et bientôt plus grand, $i nos homines de génie l'appliquoient ,. comme M. de Belloi, ‘aux grands personnages de notre nation ? : Le siége de Calais et le siése de Troie! quelle comparaison? diront les gens éprisde du DE M. DÉ BUFFON. 315 hos poètes tragiques : les plus beaux esprits, chacun dans leur siècle, n’ont-1ils pas rap- porte leurs principaux talens à cetteancienne et brillante époque à jamais mémorable ? Que pouvons-nous mettre à côté de Virgile et de nos maîtres modernes, qui tous ont puisé à cette source commune? Tous ont fouillé les ruines et recueilli les débris de ce siége fameux pour y trouver les exemples des vertus suerrières, et en tirer les modèles des princes et des héros : les noms de ces héros ont été répétés, célébrés tant de fois ; qu’ils sont plus connus que ceux des srands hommes de notre propre siècle. Cependant ceux-ci sont ou seront consacrés par l’histoire, et les autres ne sont fameux que par la fiction. Je le répète, quels étoient ces princes ? que pouvoient être ces prétendus héros ? qu’étoient mème ces peuples grecs ou troyens ? quelles idées avoient-ils de la gloire des armes , idées qui néanmoins sont mai- heureusement les premières développées dans tout peuple sauvage ? Ils n’ayoient pas même la notion de l'honneur ; et s’ils connoissoient quelques vertus , c'étoient des vertus féroces qui excitent plus d'horreur que d'admira- 816 DISCOURS tion. Cruels par superstition autant que par instinct, rebelles par caprice ou soumis sans raison , atroces dans les vengeances , glorieux par le crime, les plus noirs attentats don- noient la plus haute célébrité. On transfor- moit en héros un être farouche, sans ame, sans esprit, Sans autre éducation que celle d’un lutteur ou d’un coureur. Nous refuse- Yions aujourd'hui le nom d'hommes à ces espèces de monstres dont on faisoit des dieux. Mais que peut indiquer cette imitation, ce concours successif des poètes à toujours pre- senter l’héroïsme sous les traits de l'espèce humaine encore informe? que prouve cette présence éternelle des acteurs d'Homère sur notre scene , sinon la puissance immortelle d’un premier génie sur Les idées de tous les hommes ? Quelque sublimes que soient les ouvrages de ce père des poètes, ils lui font, moins d'honneur que les productions de ses descendans , qui n’en sont que les gloses brillantes ou de beaux commentaires. Nous ne voulons rien ôter à leur gloire; mais, après trente siècles des mêmes illusions, ne doit-on pas au moins en changer Les objets? Les temps sont enfin arrivés; uu d'entre DE M. DE BUFFON. 31 vous, Messieurs, a osé le premier créer un poème pour sa nation, et ce second génie influera sur trente autres siècles : j’oserois le _ prédire; si les hommes, au lieu de se dégra- der, vont en se perfectionnant ; si le fol amour de la fable cesse enfin de l'emporter sur la tendre véneration que l’homme sage doit à la vérité, tant que l’empire des lis subsistera , la Æenriade seranotre 1liade:car, à talent égal, quelle comparaison, dirai-je à mon tour, entre le bon grand Henri et le petit Ulysse ou le fier Agamemnon, entre nos potentats et ces rois de village, dont toutes les forces réunies feroient à peine un détachement denos armées? Quelle différence dans l'art même ! n'est-il pas plus aisé de monter l'i imagination des hommes que d’éle- ver leur raison , de leur montrer des manne- quins gigantesques de héros fabuleux que de leur présenter les portraits ressemblans de vrais hommes vraiment grands ? Enfin quel doit être le but des représenta— tions théâtrales , quel pent en être l’objet utile , si ce n’est d'échauffer le cœur ét de frapper l’ame entière de la nation par les grands exemples et par Les beaux modèles qui ds 57 | Le rh do RES DrSEOURS ‘ l'ontillustrée? Les étrangersont, avant nous, senti cette vérité. Le Tasse, Milton, le Ca- moens, se sont écartés de la route battue; ils ont su mêler habilement l’intéret de la relis gion dominante à l'intérêt national, ou bien à un intérêt encore plus universel. Presque tous les dramatiques-anglois ont puisé leurs sujets dans l’histoire de leur pays : aussi là plupart de leurs pièces de‘théâtre sont-elles appropriées aux mœurs angloises ; elles ne présentent que le zèle pour la liberté, que l'amour de l'indépendance, que le conflit des prérogatives. En France, le zèle pour la pa- trie, et sur-tout l’amour de notre roi, joue- ront à jamais les rôles principaux; et, quoi- que ce sentiment n'ait pas besoin d’être con- firmé dans des cœurs françois, rien ne peut les remuer plus délicieusement que de mettre ce sentiment en action, et de l’exposer aû grand jour, en le faisant paroître sur là scène avec toute sa noblesse et toute son éner- sie. C’est ce qu’a fait M. de Belloi; c’est ce. que ous avons tous senti avec transport à la . représentation du Siége de Calais : jamaïs applaudissemens n’ont été plus universels ni plus multipliés..... Mais, Monsieur, l’on si 6 sé DE M. DE BUFFON. 31 äignoroit, jusqu’à ce jour , la grande part qui vous revient de ces applaudissemens. M. de Belloi a dit à ses amis qu’il vous devoit le choix de son sujet, qu'il ne s’y étoit arrêté que par vos conseils. Il parloit souvent de cette Gbligation : avons nous pu mieux ac— quitter sa dette qu’en vous priant, Monsieur, de prendre ici sa place? + Fin du tome seisième, VS un LA Le AE LÉ AE AR ei + WA ‘ff { \ a 1e é SAN DA sale p \ \ W. ni & c : ; à À 4 Y TA LES Des articles contenus dans ce volume. #.. Histoire naturelle des minéraux: Pierre variolite, page 5 = : Tripoli, 10. fs Pierre ponce, r2. Pouzzolane, 18 Génésie des minéraux, 22. T'raité de l’aimant et de ses usagesi Article premier. Des forces de la Nature en géné- ral, een particulier de l’électricité et du magné- tisme , 44. | Article II. De la nature et de la formation de J’aimant, r4r. | Article IIT. De l'attraction et de la répulsion de l’aimant, 159. Article IV. Divers procédés pour’produire etcom- pléter l’aimantation du fer, 196. Article V. De la direction de l’aimant, et de sa déclinaison, 213. Article VI. De l'iuclinaison de l’aimant, 236. PACB EE... |. 32r Discours. Discours prononcé à l'académie françoise, par M: de Buffon le Jour de sa réception, 200: Projet d’une réponse à M. de Coetlosquet, dc Répouse à M. Watelet, 285. Réponse à M. de la Condamime, 290. Réponse à M. le chevalier de Chatelux, 294. Réponse à M. le maréchal duc de Duras, 306 DE L'IMPRIMERIE DE PLASSAN.. jet 3 9088 00769 6