Na N HISTOIRE NATURELLE MATIÈRES GÉNÉRALES. TOME VINGTIÈME. D sorte =? Ke pe NATURELLE Par BUFFON, DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, . MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL, L] MATIÈRES GÉNÉRALES. TOME VINGTIEME. RICHMOND COLLECTION. #, ; Sr s KR onal Musee? A TA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE DE P. DIDOT L’AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 3, 27 Firmin DIDOT, RUE DE THIONVILLE , N° 116. AN VII —:1799. HISTOIRE RAT URELLE DE L'HOMME. Lé DE LA NATURE DE L'HOMME. Qc ELQUÉ intérêt que nous ayons à noùs “connoître nous-mêmes , je ne sais si nous ne connoissons pas mieux tout ce qui n’est pas nous. Pourvus par la Nature d'organes uni- _quement destinés à notre conservation, nous ne les employons qu'à recevoir les impres- sions étrangères; nous ne cherchons qu'à nous répandre au dehors et à exister hors de nous : trop occupés à multiplier les fonc- “tions de nos sens.ét à augmenter l’étendue 1 L L'N J SANTA : FRA l } à LS h & . La | di 6 HISTOIRE NATURELLE extérieure de notre être, rarement faisons- nous usage de ce sens intérieur qui nous: réduit à nos vraies dimensions , et qui sépare de nous tout ce qui n’en est pas; c’est cepen- dant de ce sens qu'il faut-nons servir , ' si nous voulons nous connoiître ; c’est le seul par lequel nous puissions nous juger. Mais comment donner à ce sens sou activité et toute son étendue ? comment dégager notre ame , dans laquelle il réside, de toutes les illusions de notre esprit? Nous avons perdu l'habitude de l’employer ; elle est demeurée sans ekércice au milieu-du tumulte de nos sensations corporelles ; elle s’est desséchée par le feu de nos passions : le cœur, l'esprit, les sens, tout a travaillé contre elle. . Cependant, inaltérable dans sa substance, impassible par son essence, elle est toujours la même; sa lumière offusquée a perdu son éclat sans rien perdre de sa force : elle nous éclaire moins; mais elle nous guide aussi sûrement. Recueillons, pour nous conduire, ces rayons qui parviennent encore jusqu'à nous ; l'obscurité qui nous environne, dimi- nuera ; et si la route n’est pas également éclairée d’un bout à l’autre, au rioins aurous- ji DE L'HOMME. 7 nous un flambeau avec lequel nous AArGRET rons sans nous égarer. Le premier pas et le plus dHcile que nous ayons à faire pour parvenir à la connois- sance de nous-mêmes , est de reconnoître nettement la nature des deux substances qui nous composent. Dire simplement que l’une est inétendue , immatérielle, immortelle , et que l’autre est étendue, matérielle et mor- telle, se réduit à nier de l’une ce que nous assurons de l’autre ; quelle connoissance | pouvons-nous acquérir par cette voie de neé- gation ? Ces expressions privatives ne peuvent xeprésenter aucune idée réelle et positive. Mais dire que nous sommes certains de l’exis- tence de la première, et peu assurés de l’exis- tence de l’autre ; que la substance de l’une est simple, indivisible, et qu’elle n’a qu'une forme , puisqu'elle ne se manifeste que par une seule modification, qui est.la pensée; que l’autre est moins une substance qu'un sujet capable de recevoir des espèces de formes relatives à celles de nos sens, toutes aussi incertaines , toutes aussi variables que la nature même de ces organes, c’est établir quelque chose ; &’est attribuer à l'une et à 8 HISTOIRE NATURELLE « l’autre dés propriétés différentes ; c’est leur. donner des attributs positifs et suffisans pour parvenir au premier degré de connoissance de l’une et de l'autre, et commencer à les comparer. | Pour peu qu’on ait réfléchi sur l’origine de nos connoissances , il est aisé de s’appér- cevoir que nous re pouvons en acquérir que par la voie de la comparaison ; ce qui'est absolument incomparable, est entièrement incompréhensible : Dieu est le seul exemple que nous puissions donner ici ; il ne peut | être compris, parce qu'il ne peut être com- paré : mais tout ce qui est susceptible de comparaison , tout ce que nous pouvons appercevoir par des faces'différentes , tout ce que nous pouvons considérer relativement, peut toujours être du ressort dé nos connois- sances; plus nous aurons de sujets de com- paraison , de côtés différens , de points par- ticuliers sous lesquels nous pourrons envisa- ger notre objet, plus aussi nous aurons de moyens pour le connoitre, et de facilité à réunir les idées sur lesquelles nous devons Rnder notre jugement. L'existence de notre ame nous. est démon- DE L'HOMME. g trée, ou plutôt nous ne faisons qu'un, cette existence et nous ; être et penser sont pour nous la même chose : cette vérité est intime et plus qu'intuitive ; elle est indépendante de nos sens, de notre imagination, de notre mémoire, et de toutes nos autres facultés relatives. L'existence de notre corps et des autres objets extérieurs est douteuse pour quiconque raisonne sans préjugé : car celte étendue en longueur, largeur et profondeur, que nous appelons notre corps, et qui semble nous appartenir de si près, qu'est-elle autre chose, sinon un rapport:de nos sens ? les organes matériels de nos sens, que sont-ils eux-mêmes, sinon des conyenances ayec ce qui les affecte? et notre sens intérieur, notre ame, a-t-elle rien de semblable, rien qui lui soit commun avec la nature de ces or- ganes extérieurs ? la sensation excitée dans notre ame par la lumière ou par le son, res- semble-t-elle à cette matière ténue qui semble propager la lumière, ou bien à ce trémous- sement que le son produit dans l’air ? Ce sont nos yeux et nos oreilles qui ont avec ces matières toutes les convenances néces- aires , parce que ces organes sont en effet 10 HISTOIRE NAT de la même nature que cette matière elle- mème; mais la sensation que nous éprou- vons, n’a rien de commun, rien de sem— blable : cela seul ne suffiroit - il pas pour nous prouver que notre ame est en effet d’une nature différente de celle-de la matière ? ) Nous sommes donc certains que la sensa- tion intérieure est tout-à-fait différente de ce qui peut la causer , et nous voyons déja que s’il existe des choses hors de nous, elles sont en elles-mêmes tout-à-fait différentes de ce que nous les jugeons, puisque la sensation ne ressemble en aucune façon à ce qui peut la causer ; dès lors ne doit-on pas conclure que ce qui cause nos sensations, est NECeSsAI- rement et par sa nature toute autre chose que ce que nous croyons ? Cette étendue que nous appercevons par les yeux, cette impé- nétrabilité dont le toucher nous donne une idée, toutes ces qualités réunies qui cons- tituent la matière, pourroient bien ne pas exister, puisque notre sénsation intérieure, et ce qu’elle nous représente par l'étendue, l’impénétrabilité, etc., n’estnullement éten- du ni impénétrable, et n'a même rien de commun avec ces qualités. | | DE L'HOMME. 17 Si l’on fait attention que notre ame est souvent, pendant le sommeil et l’absence des objets , affectée de sensations, que ces sensations sont quelquefois fort différentes de celles qu’elle a éprouvées par la présence : de ces mêmes objets en faisant usage des | sens, ne viendra-t-on pas à penser que cette présence des objets n’est pas nécessaire à l'existence de ces sensations, et que par con- séquent notre ame et nous pouvons exister tout seuls et indépendamment de ces objets ? car, dans le sommeil et après la mort, notre corps existe; il a même tout le genre d’exis- - tence qu'il peut comporter; il est le même qu’il étoit auparavant : cependant l’ame ne s’apperçoit plus de l'existence du corps; il & cessé d’être pour nous. Or je demande si quel- que chose qui peut être, et ensuite n’être plus, si cette chose qui nous affecte d’une manière toute différente de ce qu’elle est ou. de ce qu’elle a été, peut être quelque chose | d'assez réel pour que nous ne puissions pas douter de son existence. Cependant nous pouvons croire qu'il y a quelque chose hors de nous; mais nous n’en sommes pas sûrs, au lieu que nous sommes 12 HISTOIRE NATURELLE 1 assurés de l'existence réelle de tout ce qui est. en nous. Celle de notreame estdonc certaine, et celle de notre corps paroît douteuse, dès : qu'on vient à penser que la matière pourroit bien n’ètre qu’un mode de notre ame , une de ses façons de voir ; notre ame voit de cette façon quand nous veillons ; elle voit d’une autre façon pendant le sommeil; elle verra d’une manière bien plus différente pa a après notre mort; et tout ce qui cause. jourd’hui ses sensations, la matière en géné- ral, pourroit bien ne pas plus exister pour elle alors que notre propre corps, qui ne sera plus rien pour nous. Mais admettons cette existence de la ma- tière, et, quoiqu'il soit impossible de la démontrer , prêtons - nous aux idées ordi- naires , et disons qu'elle existe, et qu’elle existe même comme nous la voyons; nous trouverons , en comparant noire ame avec cet objet matériel , des différences si grandes, des pppositions si marquées, que nous ne pourrons pas douter un instant qu'elle ne soit d’une nature totalement differente, et : d’un ordre infiniment supérieur. . Notre ame n’a qu'une forme tres- simple, L | . ; 4 _ : ERTtRe jé e- 4 Lipe LVL) L À ; | | . A Len er Let 4 j : À ; ( à + IA # # era 5 3 # End. Se à Ca + à « aie bn ed a to he Mg een sh rames ns 2 à s CE | ” » $ 1 2ABE 2 à Pr 1 LES NUE 13 der w1 7 TM Morenx re inv. HET ; J Fouquet Jeu. d y AUS: Lee aires 1m PER : 2 - tr Se AT Le 4 RCE An PE ut, 2 AR A L'5ex QE An he > a es FA ne NA. A ZOnt. 20. DE L'HOMME. 13 très-générale , trés-constante ; cette forme est la pensée. IL nous est impossible d’apperce- voir ñotre ame autrement que par la pensée: cette forme n’a rien de divisible, rien d’é- tendu, rien d'impénétrable, rien de matériel; donc le sujet de cette forme, notre ame, est indivisible et immatériel. Notre corps, au contraire, et tous les autres corps , ont plu- sieurs formes ; chacune de ces formes est composée, divisible, variable, destructible F et toutes sont relatives aux différens organes avec lesquels nous les appercevons : notre corps, et toute la matière, n’a donc rien de éonstant, rien de réel, rien de général par où nous puissions la saisir et nous assurer de la connoiïtre. Un aveugle n’a nulle idée de l’objet matériel qui nous représente les images des corps; un lépreux dont la peau seroit insensible, n’auroit aucune des idées que le toucher fait naître ; un sourd ne peut connoître les sons. Qu’on détruise successi- vement ces trois moyens de sensations dans l’homme qui eu est pourvu, l'ame n’en exis- tera pas moins; ses fonctions intérieuressub- sisteront , et la pensée se manifestera tou- jours au dedans de lui-même. Otez , au con- | 2 | 14 HISTOIRE NATURELLE ; traire, toutes ses qualités à la matière; ôtez- Lé lui ses couleurs , son étendue, sa solidité, et toutes les autres propriétés relatives à nos sens, vous l’anéantirez, Notre ame est doné impérissable , et la matière peut et doit perir. Il en est de même des autres facultés de notre ame comparées à celles de notre corps et aux propriétés les plus essentielles à toute matière. L'ame veut et commande; le corps obéit tout autant qu'il le peut. L’ame s’unit intimement à tel objet qu’il lui plait; la dis- tance, la grandeur, la figure, rien ne peut nuire à cette union lorsque l’ame la veut ; elle se fait, et se fait en un instant: le corps ne peut s’unir à rien; il est blessé de tout ce qui le touche de trop près ; il lui faut beau- coup de temps pour s'approcher d’un autre corps ; tout lui résiste, tout est obstacle ; £on mouvement cesse au moindre choc. La volonté n'est-elle donc qu’un mouvement corporel, et la contemplation un simple attouchement ? Comment cet attouichement pourroit-il se faire sur un objet éloigné, sur un sujet abstrait? Comment ce mouvement pourroit-il s’opérer en un instant indivisible? À:-t-on jamais conçu de mouvementsans qu'il DE L'HOMME. 15 y eût de espace et du temps ? La volonté, si c’est un mouvement, n’est donc pas un mouvement matériel; et si l’union de l'ame à son objet est un attouchement, un contact, cet attouchement ne se fait-il pas au loin ? ce contact n'est-il pas une pénétration ? qua- lités absolument opposées à celles de la ma- tière, et qui ne peuvent par conséquent appartenir qu’à un être immatériel. Mais je crains de m'être déja trop étendu sur un sujet que bien des gens regarderont peut-être comme étranger à notre objet : des considérations sur l’ame doivent-elles se trouver dans un livre d'histoire naturelle ? J'avoue que je serois peu touché de cette réflexion, si je me sentois assez de force pour traiter dignement des matières aussi élevées , et que je n'ai abrégé mes pensées que par la crainte, de ne pouvoir comprendre ce grand sujet dans toute son étendue. Pourquoi vou- loir retrancher de l’histoire naturelle de Y'homme, l’histoire de la partie la plus noble de son être? pourquoi l’avilir mal-à-propos, et vouloir nous forcer à ne Le voir que comme un animal, tandis qu’il est en effet d’une nature très-diférente, très-distinguée, et si 6 HISTOIRE NATURELLE supérieure à celle des bêtes, qu il faudroit être aussi peu éclairé qu’elles le sont pour pouvoir les confondre? IL est vrai que l’homme ressemble aux animaux par ce qu’il a de matériel, et qu’en voulant le comprendre dans l’enumération de tous les êtres naturels, on est forcé de le mettre dans la classe des animaux : mais, comme je l'ai déja fait sentir, la Nature n’a ni classes n1 genres ; elle ne comprend que des individus. Cés senres et ces classes sont l'ouvrage de notre esprit ; ce ne sont que des idées de convention : et lorsque nous met- tons l’homme dans l’une de ces classes, nous ne changeons pas la réalité de son être, nous _ne dérogeons point à sa noblesse, nous n’al- térons pas sa condition , enfin nous n’ôtons rien à la supériorité de la nature humaine sur celle des brutes; nous ne faisons que placer l’homme avec ce qui lui ressemble le plus, en donnant même à la partie maté rielle de son être le premier rang. En comparant l’homme avec l’animal, on trouvera dans l’un et dans l’autre un corps “À , une matière organisée, des sens, de la chair et du An8® du mouvement et une infinité VU DE L'HOMME. 17 de choses semblables : inais toutes ces res- semblances sont extérieures, et ne suffisent - pas pour-nous faire prononcer que la nature _ de l'homme est semblable à celle de l'animal. Pour juger de Ja nature de l’un et de Fautre j il faudroit connoître les qualités intérieures de l'animal aussi bien que nous connoissons les nôtres ; et comme il n’est pas possible que nous ‘aÿons jamais connoissance de ce qui se passe à l’intérieur de l'animal, comme nous ne saurons jamais de quel ordre, de quelle espèce peuvent être ses sensations rela- tivement à celles de l’homme, nous ne pou- ‘vons juber que par les effets, nous ne pou- vons que comparer lés résultats des opéra- tions faturelles de l’un et de Pautre. Voyons donc ces résultats, en commençant par avouer toutés Les ressemblances particu- lières, et én n’examinant que les différences, même les plus générales. On conviendra que Le plus stupide des hommes suffit pour con- duirele plus spirituel desanimaux, il le com- mande et Je fait servir à ses usages, et C’est moins par force et par adresse que par supé- riorité de nature, et parce qu’il a un projet râisonne , un ordre d'actions et une suite de 2 \ : 4 APR PARU QE À re À | Aa ART MERS \ Ù * "i À of Um LL ASS EE % % À EU à EX | 18 HISTOIRE NATURELLE moyens par lesquels il contraint l’animal à lui obéir; car nous ne voyons, pas,que les animaux qui sont plus forts et plus adroits, commandent aux autres et les fassent. servir à leur usage : les plus forts mangent les plus foibles; mais cette action ne suppose qu’un besoin, un appétit ; qualités fort différentes de celle qui peut produire une suited'actions dirigées vers le même but. Si. les animaux étoient doués de cette faculté, n’en verrions- nous.pas. quelques uns prendre. l'empire sur les autres, et les obliger à leur chercher la nourriture , à les veiller, à les garder, à les soulager lorsqu'ils sont malades @u bles- sés ? Or il n'y a parmi tous les animaux aucuñe marque de cette subordination, au+ cune apparence que quelqu'un d’entre eux connoisse ou sente la supériorité de sa nature sur celle des autres; par conséquent on‘doif penser qu’ils sont en effet. tous de même nature, eten même temps on doit conclure que celle de l’homme est non seuilement:fort au-dessus de celle de l'animal, mais spre est aussi tout-à-fait différente. L L'homme rend par un signe extérieur _€e qui se passe au dedans de Jui; il commu DE, L’'HOMME.. 1g nique sa pensée par la parole : ce signe est commun à toute l'espèce humaine ; l’homme sauvage parle comme l’homme police, et tous deux parlent naturellement, et parlent poux se faire entendre. Aucun des animaux na ce signe de la pensée :. ce n’est pas, comme on le croit communément, faute d'organes; la langue du singe a paru aux ana- tomistes aussi parfaite que celle de homme. . Le singe parleroit doncs’il pensoit ; sil’ordre. de ses pensées avoit quelque chose de com- mun avec les nôtres, il parleroit notre langue ; et en supposant qu’il n’eût que des pensées de singe, il parleroit aux autres singes : mais on ne les a jamais vus s’entre- tenir ou discourir ensemble. fls n’ont donc pas même un ordre, une suite. de pensées à leur façon, bien loin d'en avoir de sembla- bles aux nôtres; il ne se passe à leur inté- rieur rien de suivi, rien d'ordonné, puis- qu’ils n’expriment rien par.des signes. com- binés et arrangés ; ils n ont donc pas la pen- sée, même au plus petit degré. Il est si yrai que ce n’est pas faute d’ or ganes que les animaux ne parlent pas, qu’on en connoît de plusieurs espèces auxquels on f 2 / # 20 HISTOIRE NATURELLE awprend à prononcer des’ mots , et même ea. répéter des phrases assez Jongues; et peut- être y en‘auroit-il un grand nombred'autres. auxquels on pourroit, si l’on vouloit s’en. donner la peine, faire articuler quelques sons *: mais jamais on n'est parvenu à leur faire naître l’idée que ces mots expriment ; _ils semblent ne les répéter et même ne les articuler que comme un écho ou une mas chine artificielle les répéteroit ou les articu- leroit. Ce ne sont pas les puissances méca- niques ou les organes matériels, mais c’est la ‘puissance intellectuelle, c'est la pensée qui leur manque. C'est donc parce qu'une langue suppose une suite de pensées que les animaux n’en ont aucune ; car quand même on voudroit leur accorder quelque chose de semblable à nos premières appréhensions et à nôs sen- sations les plus grossières et les plus ma- chinales, il paroît certain qu’ils sont in- eapables de former cette association d'idées qui seule peut produire la réflexion , dans * M. Leibnitz fait mention d’un chien auquel on avoit appris à prononcer quelques mots allemands et francois % (DE L'HOMME. 21 laquelle cependant consiste l’essence de la pensée : c’est parce qu'ils ne peuvent joindre eusemble aucune idée, qu'ils ne pensent ni ne parlent ; c'est par la même raison qu’ils n’inventent et ne perfectionnent rien. S'ils étoient doués de la puissance de réfléchir , même au plus petit degré, ils seroient ca- pables de quelque espèce de progrès; ils ac- querroient plus d'industrie; les castors d’au- jourd'hui bâtiroient avec plus d’art et de solidité que ne bâtissoient les premiers cas- tors; l’abeille perfectionneroit encore tous les jours la cellule qu’elle habite : car si onu suppose que cette cellule est aussi parfaite qu'elle peut l'être, on donne à cet insecte plus d'esprit que nous n'en avous; on lux accordeuneintelligencesupérieure à la nôtre, par laquelle il appercevroit tout d’un coup le dernier point de perfection auquel il doit porter son ouvrage, tandis que nous-mêmes ne voyons jamais clairement ce point, et qu'il nous faut beaucoup de réflexion, de temps et d'habitude pour perfectionner le moindre de nos arts. D'où peut venir cette uniformité dans tous Les ouvrages des animaux? pourquoi chaque 2 HISTOIRE NATURELLE espèce ue fait-elle jamais que la même chose ; À de la même façon ? et pourquoi chaque indi- “ vidu nela fait-ilni mieux ni plus mal qu'un, autre individu ? Ÿ a-t-il de plus forte preuve À que leurs opérations ne sont que des résultats mécaniques et purement matériels? car s'ils. avoient la moindre étincelle de la lumière qui nous éclaire, on trouveroit au moins de la variété , si l’on ne voyoit pas de la perfec- tion dans leurs ouvrages ; chaque individu de la mème espèce feroit quelque chose d'un. peu différent de ce qu’auroit fait nn autre andividu : mais non, tous travaillent sur le même modèle ; l’ordre de leurs actions est tracé daus l’espèce entière, il n'appartient poiut à l'individu ; et si l’on vouloit attri- buer une ame aux animaux, on seroit obligé à n’en faire qu’une pour chaque espèce, à. laquelle chaque individu participeroit égale- ment. Cette ame seroit donc nécessairement divisible ; par conséquent elle seroit maté-. rielle et fort différente de la nôtre. Car pourquoi mettons-nous au contraire tant de diversité et de variété dans nos pro- ductions et dans nos ouvrages ? pourquoi l’i-, mitation servile nous coûte-t-elle plus qu'un . 6 DE L'HOMME. 23 nouveau dessin ? c’est parce que notre ame est à nous , qu’elle est indépendante de celle d'un autre, que nous n’avons rien de com— mun avec notre espèce que la matière de notre corps, et que ce n’est en effet que par les dernières de nos facultés que nous ressem- blons aux animaux. Si les sensations intérieures appartenoient à la matière et dépendoient des organes cor- porels, ne verrions-nous pas parmi les ani- maux de même espèce, comme parmi les hommes, des différences marquées dans leurs ouvragés? ceux qui seroient le mieux orga- nisés, ne feroient-ils pas leurs nids, leurs cellules ou leurs coques, d’une manière plus solide, plus élégante, plus commode? et si quelqu'un avoit plus de génie qu’un autre, pourroit-il ne le pas manifester de cette fa- con? Or tout cela n'arrive pas et n’est ja- mais arrivé; lé plus ou le moins de perfec- tion des organes corporels n’influe donc pas sur la nature des sensations intérieures : n’en doit-on pas conclure que les animaux n’ont point de sensations de cette espèce, et qu’elles ne peuvent appartenir à la matière, ni dé peudre pour leur nature des organes corpo- à da «AA LL dt de 24 HISTOIRE NATURELLE rels? Ne faut-il pas par conséquent qu’il ÿ. ait en nous une substance différente de lai ma tière, qui soit le sujet et la cause qui produit et reçoit ces sensations ? | Mais ces preuves de l’immatérialité de notre | same peuvent s'étendre encore plus loin. Nous avons dit que la Nature marche toujours et agit en tout par degrés imperceptibles et par nuances: cette vérité, qui d'ailleurs ne souffre aucuneexception, se dément ici tout-à-fait. IL y a une distance infinie entre les facultés de l'homme et celles du plus parfait animal ; preuve évidente que l’homme est d’une dif- férente nature, que seul il fait une classe à part, de laquelle il faut descendre en parcou- rant un espace infini, ayant que d'arriver à celle des animaux : car si l’homme étoit de l’ordre des animaux , 1l y auroit dans la Na- ture un certain nombre d'êtres moins par- faits que l'homme et plus parfaits que l’anie mal, par lesquels on descendroit insensible- ment et par nuances de l’homme au singe : mais cela n’est pas ; on passe tout d’un coup de l'être pensant à l'être matériel, de la puis- gance intellectuelle à la force mécanique, de l'ordre et du dessein au mouvement aveugle, 4e La réflexion à l'appétit, | f Ÿ [A “ X, é pr d y DE L'HOMME. 25 * En voilà plus qu’il n’en faut pournous dé- montrer l'excellence de notre nature , et la distance immense que la bonté du Créateur a mise entre l’homme et la bête. L'homme est un être raisonnable, l’animal est un être sans raison ; et comme il n’y a point de mi- lieu entre Le positif et le négatif, comme il n'ya pointd'êtres intermédiaires entre l'être raisonnable et l’être sans raison, il est évi- dent que l’homme est d’une nature entière- : ment différente de celle de l'animal, qu’il ne lui ressemble que par l'extérieur, et que le juger par cette ressemblance matérielle, c’est se laisser tromper par l'apparence, et fermer volontairement les yeux à la lumière qui doit nous la faire distinguer de la réalité. Après avoir considéré l’homme intérieur, et avoir démontré la spiritualité de son ame, nouspouvons maintenantexaminer l'homme extérieur , et faire l’histoire de son corps : mous en avons recherché l’origine dans les . chapitres précédens ; nous avons expliqué sa formation et son développement; nousavons amené l’homme jusqu’au moment de sa nais- sance : reprenons-le où nous l'avons laissé; parcourons les différens âges de sa vie, et FF N Le) 4 Gétou LVaY Ÿ EE REA LE 23 Tai ‘ À } i À + + ; “ KC : n n S ARE TE 4 TE: 0] * : À * £ x CA À Ps . . F Î "#4 ‘4 ". k Ÿ ù \ f # HUE hi 4 : Lr ñ b- : dat tie +4 6 Là i ï 4 Sd a, PE © > : - F à ' LI LÀ ” m * * * * ; PAT ? ; i ; ‘ D 2 DE L'HOMME. 27 DE L'ENFANCE S 1 quelque chose est capable denous donner une idée de notre foiblesse , c’est l’état où nous nous trouvons immédiatement après la naissance. Incapable de faire encore aucun usage de ses organes et de se servir de ses sens, l'enfant qui naît a besoin de secours | de toute espèce; c’est une image de misère et de douleur; il est dans ces premiers temps plus foible qu ’ancun des animaux ; sa vie incertaine et chancelante paroît Die finir à chaque instant ; il ne peut se soutenir ni se mouvoir; à peine a-t-il Ja force nécessaire pour exister et pour aunoncer par des gémis- semens les souffrances qu’iléprouve, comme si la Nature vouloit l’avertir qu’il est né pour souffrir, et qu'ilne vient prendre place dans l’espèce humaine que pour en partager les infirmités et les peines. Ne ARIsnas pas de jeter les yeux sux 28 HISTOIRE NATURELLE un état par lequel nous avons tous com mencé; voyons-nous au berceau’, passons même sur le dégoût que peut donner le de- tail des soins que cet état exige, et cherchons par quels degrés cette machine délicate, ce corps naissant et à peine vivant, vient à æprendre du mouvement, de la consistance et des forces. ; L'enfant qui naît passe d’un élément dans un autfe : au sortir de l’eau qui l’environ— noit de toutes parts dans le sein de sa mère, il se trouve exposé à Pair, et il éprouve dans l'instant les impressions de ce fluide actif; l'air agit sur les nerfs de l’odorat et sur les organes de la respiration; cette action pro- duit une secousse, une éspèce d’éternument qui soulève la capacité de la poitrine, et donne à l’air la liberté d'entrer dans les pou- mons ; 1l dilate leurs vésicules et les gonfle, il s’y échauffe et s’y raréfie jusqu’à un certain degré , après quoi le ressort des fibres dila- tées réagit sur ce fluide léger et le fait sortir des poumons. Nous n’entreprendrons pas d'expliquer ici les causes du mouvement alternatif et continuel de la respiration ; nous s" nous bornerons à parler des effets. Cette fonc+ * { DE L'HOMME. 2g tion est essentielle à l’homme et à plusieurs espèces d'animaux; c'est ce mouvement qui entretient la vie; s’il cesse, l'animal périt : aussi la respiration ayant uné fois commencé, elle ne finit qu'à la mort; et dès que le fœtus respire pour la première fois , il continue à respirer sans interruption. Cependant on peut croire avec quelque fondement que le trou ‘ovale ne se ferme pas tout-à-eoup au moment de la naissance, et que par consé- quent une partie du sang doit continuer à passer par cette ouverture : tout le sang ne doit donc pas entrer d’abord dans les pou- mons ; et peut-être pourroit-on priver de Yair l’enfant nouveau-né pendant un temps considérable, sans que cette privation lui causât la mort. Jefis, il y a environ dix ans, une expérience sur de petits chiens, qui semble prouver la possibilité de ce que je viens de dire. J’avois pris la précaution de mettre la mère, qui étoit une grosse chienne de l'espèce des plus grands levriers, dans un baquet rempli d'eau chaude ; et l'ayant at- tachée de façon que les parties de derrière trempoient dans l’eau, elle mit bas trois chiens dans cette éau, et ces petits animaux > me 30 . HISTOIRE NATURELLE se trouvèrent au sortir de leurs enveloppes … dans un liquide aussi chaud que celui d’où ils sortoient. On aida la mère dans J’accou- chement; on accommoda et; on lava! dans cette eau les petits chiens; ensuite on les fit, passer dans un. plus petit baquet rempli de lait chaud, sans leur donner le temps de res: _pirer. Je les fis mettre dans du lait au lieu de les laisser dans l’eau , afin qu’ils pussent prendre de la nourriture, s'ils en avoient besoin. On les retint dans le laitoüilsetoient plongés, et ils y demeurèrent pendant plus d’une demi-heure; après quoi les ayant re- tirés les uns après les autres, je les trouvai tous trois vivans : ils commencèrent à respi- rer el à rendre quelque humeur parlagsueule; je les laissai respirer pendant une demi- heure , et ensuite on les replongea dans le . lait, que l’on avoit fait réchauffer pendant ce temps; je les y laissai pendant une seconde demi-heure; et les ayant ensuite retirés , il y en avoit deux qui étoient vigoureux, et qui ne paroissoient pas avoir souffert de la pri- vation de l'air, mais le troisième me parois- soit être languissant ; je ne jugeai pas à pro pos de le replonger une seconde fois, je le DE L'HOMME. 3% fs porter à la mère:elleavoit d’abord fait ces trois chiens dans l’eau, et ensuite elle en avoit encore fait six autres. Ce petit chien qui étoit né dans l’eau, qui d’abord avoit passé plus d'une demi-heure dans le lait avant d’avoir respiré, et encore une autre demi-heure après avoir respiré, n’en étoit pas fort incommodé; car il fut bientôt rétabli sous la mère, et 1l vécut comme les autres. _ Des six qui éloient nés dans l'air, j'en fis _ jeter quatre, de sorte qu’il n’en restoit alors à la mère que deux de ces six, et celui qui éloit né dans l’eau. Je continuai ces épreuves sur, les deux autres qui.étoient dans le lait ; je les laissai respirer une seconde fois pen- dant une heure environ ; ensuite je les fis mettre de nouveau dans le lait chaud , où ils se trouvèrent plongés pour la troisième fois: je ne sais s’ils en-avalèrent ou non; ils res- tèrent dans ce liquide pendant une demi- heure; et lorsqu'on les en tira, ils parois- soient être presque aussi vigoureux qu'aupa- ravant. Cependant les:ayant fait porter à la mère; l’un des deux mourut le mème jour ; mais je ne pus savoir si c’étoit par accident, on pour avoir soufert dans le temps qu’il ». 33 HISTOIRE NATURELLE étoit plongé dans la liqueur et qu'il étoit privé de l'air : l’autre vécut aussi-bien que le premier, et ils prirent tous deux autant d’accroissement que ceux qui n’avoient pas subi cette épreuve. Je n’ai pas suivi ces ex: périences plus loin ; maïs j’en ai assez vu pour ètre persuadé que la respiration n'est pas aussi absolument nécessaire à l’animal nouveau-né qu'à l’adulte, et qu'il seroit peut-être possible , en s’y prenant avec pré caution, d'empêcher de cette façon le trou ovale de se fermer, et de faire, par ce moyen, d’excellens plongeurs , et des espèces d’ani- maux amphibies qui’ vivroient également dans l’air et dans l’eau. | L'air trouve ordinairement, en entrant pour la première fois dans les poumons de l'enfant, quelque obstacle causé par la li= queur qui $’est amassée dans là trachée- artère; cet obstacle est plus ou moins grand : à proportion de la viscosité de cette liqueur : “mais l’enfant , en naïssant, relève sa tête qui étoit penchée en avant sur sa poitrine, et par ce imouvément il alonge le canal de la tra- chée-artère ; l’air trouve place dans ce canal au moyen de cet agrandissement, 1l force là DEDHOMME. "33 liqueur dans l’intérieur du poumon s Æl en dilatant les bronches de ce viscère, il distri- bue sur leurs parois la mucosité qui s’op- posoit à son passage; le superflu de cette hu- midité est bientôt desséché par le renouvel- lement de l’air; ou si l’enfant en est incom- mode, il tousse, et enfin il s’en débarrasse par l'expectoration ; on la voit couler de sa bouche , car il n’a pas encore la force de cracher. j | | Comme nous ne nous souvenons de rien de ce qui hous arrive alors , nous ne pouvons guère juger du sentiment que produit l’im- pression de l'air sur l'enfant nouveau-né ; il paroît seulement que les gémissemens et les cris qui se font entendre dans le moment qu'il respire, sont des signes peu équivoques de la douleur que l’action de l’air lui fait ressentir. L'enfant est en effet, jusqu’au mo- ment de sa naissance, accoutuiné à la douce chakeur d'un liquide tranquille, et on peut croire que l’action d’un fluide dont la tem- pérature est inégale, ébranle trop violem- ment les fibres délicates de son corps ; il pa- roit être également sensible au chaud et au froid , il gémit en quelque situation qu’il se y h 7 54 HISTOIRE NATURELLE trouve, et la douleur paroît être sa première À :4 _et son uuique sensation. | | # La plupart des animaux ont encore les | yeux fermés pendant quelques jours. après leur naissance : l’enfant les ouvre aussitôt qu'ilest né, mais ils sont fixes et ternes; on « n’y voit pas ce brillant qu’ils auront dans la. suite, ni le mouvement qui accompagne la … vision. Cependant la lumière qui les frappe, . semble faire impression , puisque la pru- nelle , qui a déja jusqu’à une ligne et demie ou deux de diamètre, s’étrécit ou s’élargit à une lumière plus forte ou plus foible, en sorte qu’on pourroit croire qu'elle produit déja une espèce de sentiment; mais ce sen< timent est fort obtus : le nouveau-né ne dis- tingue rien ; Car ses yeux , même en prenant | du mouvement , ne s'arrêtent sur aucun objet ; l'organe est encore imparfait, la cor- née est rideée, et peut-être la rétine est-elle aussi trop molle pour recevoir les images des objets et donner la sensation de la vue dis- tincte. Il paroît en être de même des autres . sens , ils n’ont pas encore pris une certaine consistance nécessaire à leurs opérations ;: et lors même qu'ils sont arrivés à cetétat, ilse BE L'HOMME |! 355 passe encore beaucoup de temps avant que l'enfant puisse avoir des sensations justes et complètes. Les sens sont des espèces d’ins- trumens dont 1l faut apprendre à se servir. Celui de la vue, qui paroît être le plus noble et le plus âdmirable, est en mème temps le moins sûr et le plus illusoire ; ses sensations ne produiroient que des jugemens faux, s'ils n’étoient à tout instant rectifiés par le té- moignage du toucher. Celui-ci est le sens solide, c’est la pierre de touche et la mesure de tous les autres sens, c’est le seul qui soit absolument essentiel à l'animal, c’est celui qui est universel et qui est répandu dans toutes les parties de son corps : cependant ce sens même n’est pas encore parfait dans l'enfant au moment de sa naissance. Il donne, à la vérité, des signes de douleur par ses gé- Mmissemens et ses cris; mais 1l n’à encore aucune expression pour marquer le plaisir ; il ne commence à rire qu’au bout de quarante jours : c’est aussi le temps auquel il com- mence à pleurer, car auparavant les cris et les gémissemens ne sont point accompagnés de larmes. Il ne paroît donc aucun signe des passions sur le visage du nouveau-né, les 3 HISTOIRE NATURELLE © parties de la face n’ont pas même toute 1 4 t consistance et tout le ressort nécessaires à cette espèce d'expression des sentimens de. l'ame : toutes les autres parties du corps, en- * corefoibles et délicates, n’ont que des mouve- ; mens incertains etmal assurés; ilne peut pas se tenir debout ;ses jambes et ses cuissessont encore pliées par l'habitude qu'il a contrac- tée dans le sein de sa mère; il n’a pas la force d'étendre les bras ou de saisir quelque chose avec la main: sion l’'abandonnoit, ail resteroit couché sur le dos sans pouvoir se retourner. | En réfléchissant sur ce que nous venons de dire, il paroît que la douleur que l'enfant ressent dans les premiers lemps, et qu’il exprime par des gémissemens , n’est qu’une sensation corporelle, semblable à celle des animaux qui gémissent aussi dès qu'ils sont nés , et que les sensations de l’ame ne com- mencent à se manifester qu’au bout de qua- | rante jours; car le rire et les larmes sont des. produits de deux sensations intérieures, qui toutes deux dépendent de l’action de l’ame, La première est une émotion agréable qui ne peut maitre qu'à la vue ou par le souvenir | - © DE L'HOMME 37 d'un objet connn , aimé et desiré; l’autre est un ébranlement désagréable , mêlé d’at- tendrissement et d'un retour sur nous mêmes : toules deux sont des passions qui supposent des conuoissances, des comparat- sous et des reflexions; aussi le rire et les pleurs sont-ils des signes particuliers à l’es- pèce humaine pour exprimer le plaisir ou la douleur de l'ame, tandis que les cris, les mouvemens et les autres signes des douleurs et des plaisirs du corps, sont communs à homme et à la plupart des animaux. : Mais revenons aux ‘parties matérielles et aux affections du corps: La grandeur de l’en- fant né à terme est ordinairement de vingt- un pouces : il en naît cependant de beaucoup plus petits, et il y en à même qui n’ont que quatorze pouces , quoôiqu'ils aient atteint le terme de neuf mois ; quelques autres au con- traire ont plus de vingt-un pouces. La poi- trine des enfans de vingt-un pouces , mesu- rée sur la longueur du sternum , a près de ‘trois pouces, et seulement deux lorsque l’en. fant n’en a que quatorze. À neuf mois le fœtus pèse ordinairement douze livres, et quelquefois jusqu'à quatorze; la tète du vw Mat, gén. X X. 4 “ 33 HISTOIRE NATURELLE nouveau-né eët plus grosse à proportion que … le reste du corps, et cette disproportion, qui étoit encore beaucoup plus grande, dans le premier âge du fœtus, ne disparoît qu'après la première enfance. La peau de l'enfant qui naît, est fort fine : elle paroîtrougeätre, parce qu'elle est assez transparente pour laisser paroître une nuance foible de la couleur du sang ; on prétend mème que les enfans dont la peau est la plus rouge en naissant, sont ceux qui dans la suite auront la peau la plus belle et Ja plus blanche. ; La forme du corps et des membres de l’en- fant qui vient de naître, n’est pas bien expri- mée : toutes les parties sont trop arrondies ; elles paroissent même gouflées A e l’en- fant se porte bien et qu’il ne manque pas d’embonpoint. Au bout de trois jours il sur- vient ordinairement une jaunisse, et dans ce même temps il y a du lait dans les ma- melles de l’enfant , qu’on exprime avec les doigts ; la surabondance des sucs et le.gon- flement de toutes les parties du corps dimi- nuent ensuite peu à peu à mesure que l'enfant prend de l’accroissement. On voit palpiter, dans quelques enfans LA DE L'HOMME. 39 nouveau-nés le sommet de la tête à l’en- droit de la fontanelle , et dans tous on y peut sentir le battement des sinus où des artères du cerveau, si on y porte la main. IL se forme au-dessus de cette ouverture une es— pèce de croûte ou de gale, quelquefois fort épaisse, et qu'on est obligé de frotter avec des brosses pour la faire tomber à mesure qu'elle se sèche : 1l semble que cette POS tion qui se fait au-dessus de l ouverture du crâne, ait eh analogie avec celle des cornes des animaux ; qui tirent aussi leur origine d’une ouverture du crâne et de la substance du cerveau. Nous ferons voir dans la suite que toutes les extrémités des nerfs deviennent solides lorsqu'elles sout expo- sées à l'air, et que c’est cette substance ner- veuse qui produit les ongles , Les ergots , les cornes , etc. - La liqueur contenue dans l’amuios laisse sur l'enfant une humeur visqueuse blan- châtre , et quelquefois assez tenace pour qu’on soit obligé de la détremper avec quel- que liqueur douceafin de la pouvoir enlever. On a toujours dans ce pays-ci la sage précau- tion de ne laver-l’enfant qu'avec des liqueurs Re ; AL 40 HISTOIRÉ NATURELLE. tièdes : cependant des nations entières, celles: même qui habitent les climats froids, sont dans l'usage de plonger leurs enfans Re l'eau froide aussitôt qu ‘ils sont nés, sans qu’il leur en arrive aucun mal; on dit même, que les Lappones laissent leurs énfans dans la neige jusqu’à ce que le froid les ait saisis au poiut d'arrèter la respiration, et qu'alors \ } rs elles Les plongent dans un bain d’eau chaude; ; ils n’en sont pas mème quittes pour être la- vés avec si peu de ménagement au moment de leur naissance , on les lave encore de la même façon trois fois chaque jour pendant la première année de leur vie, et dans les sui-. vantes où les baigne trois fois chaque se- maine dans l'eau froide. Les peuples du Nord sont persuadés que les bains froids rendent les hommes plus forts et plus ro- bustes, et c'est par cette raison qu'ils les forcent de bonne heure à en contracter l’ha- bitude. Ce qu’il y a de vrai, c’est que nous ne connoissons pas assez jusqu'où peuvent s'étendre les limites de ce que notre corps est capable de souffrir, d'acquérir ou de perdre par l'habitude : par exemple, les In- diens de l’isthme de l'Amérique se plongent : Bees DE L'HOMME. 41 impunèment dans l’eau froide pour se ra- fraîchir lorsqu'ils sonten sueur ; léursfemmes les y jettent quand ils sont ivres, pour faire passer leur ivresse plus promptement ; les mères se baignent avec leurs enfans dans l'eau froide un instant après leur accouche- ment ; avec cet usage que nous regarderions comme fort dangereux, ces femnres périssent très-rarement par les suites dés couches, au lieu que, malgré tous nos soins, nous en voyons périr un grand nombre parmi nous. | Quelques instans après sa naissance, l’en- fant urine : c’est ordinairement lorsqu'il sent la chaleur du feu; quelquefois il rend en même temps le zzecorium ou les excré- mens qui se sont formes dans les intestins pendant le temps de son séjour dans la matrice. Cette évacuation ne se fait pas toujours aussi promptement; souvent elle est retardée : mais si elle n’arrivoit pas dans l’espace du premier jour, il seroit à craindre que l’enfant ne s’en trouvât incommodé, et qu'il ne ressentit des douleurs de colique ; dans ce cas, on tâche de faciliter cette éva- cuation par quelques moyens. Le z2econiur - | | : LL \ az HISTOIRE NATURELLE est de couleur noire : on connoit que l'en fant en est absolument débarrassé lorsque les excrémens qui succèdent, ont une autre couleur ; ils deviennent blanchâtres. Ce chan- gement arrive ordinairement le deuxième ou le troisième jour : alors leur odeur est beaucoup plus mauvaise que n'est celle du meconiurn ; Ce qui prouve que la bile et les sucs amers du corps commencent à s’y méler. Cette remarque paroît confirmer ce que nous avons dit ci-devant dans le chapitre du développement du fœtus, au sujet de la manière dont il se nourrit : nous avons in- sinué que ce devoit être par intus -suscep= tion, et qu'il ne prenoit aucune nourriture par la bouche; ceci semble prouver que l'estomac et les intestins ne font aucune fonction dans le fœtus, du moins aucune fonction semblable à celles qui s’opèrent dans la suite, lorsque la respiration a com- mence à donner du mouvement au dia- phragme et à toutes les parties intérieures sur lesquelles il peut agir, puisque ce n’est qu'alors que se fait la digestion et le mélange de la bile et du suc pancréatique avec la CES DE L'HOMME. 43 mourriture que l’estomac laisse passer aux intestins. Ainsi, quoique la sécrétion de la bile et du suc du pancréas se fasse dans le fœtus, ces liqueurs demeurent alors dans leurs réservoirs et ne passent poiut daus les intestins, parce qu'ils sont, aussi-bien que. l'estomac, sans mouveinent ettsans action, par rapport à la nourriture où aux excré- inens qu'ils peuvent contenir. On ne fait point téter l'enfant aussitôt qu'il est ne; on lui donne auparavant le temps de rendre la liqueur et les glaires qui ‘ sont daus son estomac, et le zzeconium qui est dans ses intestins : ces matières pour- roient faire aigrir le lait et produire un mauvais effet. Ainsi on commence par lui faire avaler un peu de vin sucré pour forti- fier son estomac et procurer les évacuations qui doivent le disposer à recevoir la nourri- ture et à la digérer : ce n’est que dix ou douze heures après la naissance qu'il doit téter pour la première fois. À peine l'enfant est-il sorti du sein de sa mère, à peine jouit-il de la liberté de mou voir et d'étendre ses meinbres, qu’on lui donne de nouveaux liens : on l’emmaillotte, 44 HISTOIRE NATURELLE on le couche la tête fixe et les jambes alon+ gées les bras pendans à côté du corps; il ést entouré de linges et de bandages de toute espèce qui ne ni permettent pas de changer de situatiow; heurenx si on ne la point serré au point de l'empêcher de respirer, et si on à eu la précaution de le coucher sur le côté, afin que les eaux qu'il doit rendre par la bouche puissent tomber d’ellessmèmes, car il n’auroit pas la liberté de tourner la tête sur le côté pour en faciliter l’écoule- ment! Les peuples qui se contentent de couvrir ou de vêtir leurs enfans sans les mettre au maillot, ne-font-ils pas mieux que nous? Les Siamois, les Japonois , les Indiens, les Nègres, les sauvages du Canada, ceux de la Vrais , du Bresil, et la plu- part des peuples de la partie méridionale de l'Amérique, couchent les enfans nuds sur des lits de coton suspendus, ou les mettent dans des espèces de berceaux couverts et garnis de pelleteries. Je crois que ces usages ne sont pas sujets à autant d'inconvéniens. que le nôtre : on ne peut pas éviter, en em- maillottant les enfans , de les gêner au point de leur faire ressentir de la douleur; les # HÉELIHOMME. TI. efforts qu'ils font pour se débarrasser, sont plus capables de corrompre l'assemblage de leur corps, que les mauvaises situations où ils pourroient se mettre eux-mêmes s'ils étoient en liberté. Les bandages du maïllot peuvent être comparés aux corps que l’on fait porter aux filles dans leur jeunesse : cette espèce de cuirassé, ce vêtement incom- mode, qu’on a imaginé pour soutenir la taille et l'empêcher de se déformer, cause cepen- dant plus d’incommodités et de difformités qu’il n’en prévient. Si le mouvement que les enfans veulent se donner dans le maillot peut leur être fu- neste, l’inaction dans laquelle cet état les retient, peut aussi leur être nuisible : le défaut d'exercice est capable de retarder l'accroissement des membres, et de dimi- nuer les forces du corps. Ainsi les enfans qui ont la liberté de mouvoir leurs membres à leur gré, doivent être plus forts que ceux qui sont emmaiilottés : c’étoit pour cette raison que les anciens Péruviens laissoient les bras libres aux enfans dans un maillot fort large; lorsqu'ils les en tiroient , ils les settoient en liberté dans un trou fait en _ 46 HISTOIRE NATURELLE . terre et garni de linges, dans lequel ils les 4 descendoient jusqu'à la moitié du corps? de cette façon ils avoient les bras libres, et ils pouvoient mouvoir leur tête et fléchir leur corps à leur gré, sans tomber et sans se blesser ; dès qu'ils pouvoient faire un pas, | on leur présentoit la mamelle d’un peu loin comme un appât pour les obliger à marcher. Les petits nègres sont quelquefois dans une situation bien plus fatigante pour téter : ils” embrassent l’une des hanches de la mère _ avec leurs genoux et leurs pieds, et ils la serrent si bien, qu'ils peuvent s’y soutenir sans le secours des bras de la mère : ils s’at- tachent à la mamelle avec leurs mains, et ils la sucent constamment sans se déranger et sans tomber, malgré les différens mou- vemens de la mère, qui, pendant ce temps, travaille à son ordinaire. Ces enfans com— mencent à marcher dès le second mois, ou plutôt à se trainer sur les genoux et sur les mains : cet exercice leur donne pour la suile la facilité de courir dans cette situa- tion presque aussi vite que s'ils étoient sur * leurs pieds. Les enfans nouveau-nés dorment beau— DE L'HOMME. .… 4 goup; mais leur sommeil est souvent inter- rompu : ils ont aussi besoin de prendre sou- vent de la nourriture ; on les fait téter pen- dant la journée, de deux heures en deux heures , et pendant la nuit, à chaque fois qu'ils se réveillent. [ls dorment pendant la plus grande partie du jour et de la nuit dans les premiers temps de leur vie; ils semblent inême n'être éveillés que par la douleur ou par la faim : aussi les plaintes et les cris succèdent presque toujours à leur sommeil. Comme ils. sont obligés de demeurer dans la même situation dans le berceau , et qu’ils sont Loujours contraints par les entraves du maillot, cette situation devient fatigante et douloureuse après un certain temps; ils sont mouillés et souvent refroidis par leurs excré= mens, dont l’âcreté offense la peau, qui est . fine et délicate, et par conséquent très-sen- sible. Dans cet état, les enfans ne font que des efforts impuissans ; ils n'ont, dans leur foiblesse , que l'expression des gémissemens pour demander du soulagement. Où doit avoir la plus grande attention à les secourir, ou plutôt il faut prévenir tous ces inconvé- fiens en changeant une partie de leurs vête hu t À 4 > MUR + M, ‘48 ‘HISTOIRE NATURELLE . mens au moins deux ow1trois fois par jour, et mème dans la nuit: ce soin est si nécesi saire, que les sauvages mêmes ysont atlen= tifs, quoique le linge manque aux sauvages, et qu'il ne leur soit pas possible de changer î aussi souvent de pelleterie que nous pouvons … changer de linge. Ils suppléent à ce défaut en inettant dans les endroits convenables | quelque matière assez commune pour qu'ils ne soient pas dans la nécessité de l’éparguer. Dans la partie septentrionale de l'Amérique, on met au fond des berceaux une bonne quantite de cette poudre que l’on tire du bois qui a été ronge des vers, et que l’on appelle comimunément vezmoulu ; les enfans sont couchés sur cette poudre, et recouverts de pelleteries. On prétend que cette sorte de lit est aussi douce et aussi molle que la plume: mais ce n’est pas pour flatter la déli- catesse des enfans que cet usage est introduit ; c'est seulement pour les tenir propres : en “effet, cette poudre pompe l'humidité, et après un certain temps on la rénouvelle. En Virginie, on attache les enfans nuds sur une planche garnie de coton, qui est percée pour l'écoulement des excrémens. Le froid de ce * DE L'HOMME. 49 pays devroit contrarier celte pratique, qui est presque générale en Orient, et sur-tout en Turquie. Au reste, cette précaution sup prime toute sorte de soins; c'est toujours le moyen le plus sûr de prévenir les effets de la négligence ordinaire des nourrices. Il n’y a que la tendresse maternelle qui soit capable de cette vigilance continuelle, de ces petites attentions si nécessaires ; peut-on l’espérer des nourrices mercenaires et grossières? . Les unes abandonnent leurs enfans pen- dant plusieurs heures sans avoir la moindre inquiétude sur leur état; d’autres sont assez cruelles pour n'être pas touchées de leurs gémissemens : alors ces petits infortunés entrent daus une sorte de désespoir ; ils font tous les efforts dont ils sont capables; ils poussent des cris qui durent autant que leurs forces ; enfin ces excès leur causent des ma— ladies, ou au moins les mettent dans un état de fatigue et d'abattement qui dérange leur tempérament, et qui peut mème: in- fluer sur leur caractère. IL est un usage. dont les nourrices nonchalantes et paresseuses abusent souvent : au lieu d'employer des anoyeus efiçaces pour soulager l'enfant, elles | à _ÿo HISTOIRE NATURELLE se contentent d’agiter lé berceau en le faisant balancer sur.les côtés ; ce mouvement lui donne une sorte de distraction qui appaise ses cris. En continuant lemêmemouvement ; on l’étourdit, et à la fin on l’endort; mais ce sommeil .forcé n’est qu’un palliatif qui re détruit pas la cause du mal présent : au con- traire , on pourroit causer un mal réel aux enfans en les berçant pendant üun trop long temps , on les feroit vomir ; peut-être aussi que cette agitation est capable de leur ébran= ler la tête et d'y causer du dérangement. Avant que de bercer les enfans , il faut être sûr qu’il ne leur manque rien, et'on ne doit jamais les agiter au point de les étour- dir; si on s’apperçoit qu’ils ne dorment pas assez , il suffit d’un mouvement lent et égal pour les assoupir. On ne doit donc les bercer que rarement; car si on les y accoutume, ils ne peuvent plus dormir autrement. Pour que leur santé soit bonne, il faut que leur sommeil soit naturel et long ; cependant s'ils dormoient trop, il seroit à craindre que leur tempérament n’en souffrit : dans ce cas, if faut les tirer du berceau et les éveiller par de petits inouvemens, leur faire entendre DE L'HOMME. 5x des sons doux et agréables , leur faire voir quelque chose de brillant. C’est à cet àge que l'on reçoit les premières impressions des sens : elles sont sans doute plus importantes que l’on ne croit pour le reste de la vie. Les yeux des enfans se portent toujours du côté le plus éclairé &e l'endroit qu'ils ha- bitent; et s’il nya que l’un de leurs yeux qui puisse s’y fixer, l’autre n'étant pas exercé, _n'acquerra pas autant de force. Pour prévenir cet inconvénient , il faut placer le berceau de façon qu’il soit éclairé par les pieds, soit que la lumière vienne d’une fenêtre ou d’un flambeau. Dans cette position, les deux yeux de l'enfant peuvent la recevoir en même temps, et acquérir par l’exercice une force égale. Si l’un des yeux prend plus de force que l'autre, l'enfant deviendra louche ; car nous ayons prouvé que l'inégalité de force ‘dans les yeux est da cause du regard louche * La nu ne doit donner à l’enfant que le lait de ses mamelles pour toute nourri- * Voyez les Mémoires de l'académie des sciences , année 174 ture, au moins pendant les deux premiers mois; il ne faudroit même lui faire prendre aucun autre aliment pendant le troisième et Je quatrième mois, sur-tout lorsque son tempérament est foible et délicat: Quelque robuste que puisse être un enfant, il pour- roit en arriver de grands inconvéniens, si on lui donnoit d'autre nourriture que lelaitde la nourrice avant la fin du premier mois. En Hollande, en Italie, en Turquie, et en général dans tout le Levant, on ne donne aux enfans que le lait des mamelles pendant un an entier; les sauvages du Canada les allaitent jusqu’à l’âge de quatre ou cing ans, et quelquefois jusqu’à six ou sept ans. Dans ce pays-ci, comme la plupart des nourrices n’ont pas assez de lait pour fournir à l’appetit de leurs enfans, elles cherchent à l’épargner, et pour cela elles leur donnent un aliment composé de farine et de lait, mème des les premiers jours de leur naissance. Cette nour- riture appaise la faim ; mais l'estomac et les intestins de ces enfans étant à peine ouverts et encore trop foibles pour digérer unalimentgrossieretvisqueux,ilssouffrent, | deviennent malades, et périssent quelquefois de cette espèce d’indigestion. * _ TR - DE L'HOMME. \ : 58 Le lait des animaux peut suppléer au dé- faut de celui des femmes; si les nourrices ‘en manquoient dans certains cas, ou s'il y avoit quelque chose à craindre pour elles de la part de l’enfant , on pourroit lui donner à téter le mamelon d’un animal, afin qu’il reçût le lait dans un degré de chaleur tou- jours égal et convenable, et sur-tout afin que sa propre salive se mélàt avec le lait pour en faciliter la digestion , comme cela se fait par le moyen de la succion , parce que les muscles qui sont alors en mouye- ment, font couler la salive en pressant les glandes et Les autres vaisseaux. Jai connu à la campagne quelques paysans qui n’ont pas eu d'autres nourrices que des brebis, et ces paysans étoient aussi vigoureux que les autres. Après deux ou trois mois, lorsque l’enfant a acquis des forces , on commencé à lui don- ner une nourriture un peu plus solide ; on fait cuire de la farine avec du lait : c’est une sorte de paiu qui dispose peu à peu son esto- mac à recevoir le pain ordinaire et les autres alimens dont il doit se nourrir dans la suite. Pour parvenir à l'usage des alimens solides, | 6 54 HISTOIRE NATURELLE on augmente peu à peu la consistance de | alimens liquides : ainsi, après avoir nourri 1 l'enfant avec de la farine délayée et. cuite dans du lait, on lui donne du pain trempé dans une liqueur convenable, Les enfans, dans la première année de leur âge, sont in- capables de broyer les alimens : les deuts leur manquent ; ils n’en ont encore que le germe enveloppé dans des gencivesisi molles, que leur foible résistance ne feroit aucun effet sur dés matières solides. On voit cer- tainesnourrices , sur-tout dans le bas peuple, qui mâchent des alimens pour les faire avaler ensuite à leurs enfans. Avant que deréfléchir sur cette pratique, écartons toute idée de dégoût, etsoyonspersuadés qu'à cet âge les en- fans. ne peuvent en avoir aucune impression; en effet, ils ne sont pas moins avides derece- voir leur nourriture de la bouche de la nour- rice que de ses mamelles : au contraire , il semble que la Nature ait iutroduit cet usage dans plusieurs pays fort éloignés les uns des autres ; il est en Italie, en Turquie, et dans presque toute l’Âsie ; on le retrouve en Amé- rique, dans les Antilles, au Canada, etc. Je le crois fort utile aux enfans, et très-con- = ” - % Es 7. SRE DE L'HOMME © 5 venable à leur état; c’est le seul moyen de \ fournir à leur estomac toute la salive qui est nécessaire pour la digestion des alimens solides, Si la nourrice mâche du pain, sa salive le détrempe et en fait une nourriture bien meilleure que s'il étoit détrempé avec toute autre liqueur ; cependant cette pre- caution ne peut être nécessaire que jusqu’à ce qu’ils puissent faire usage de leurs dents, broyer les alimens et les ed de leur propre salive. \ Les dents que l’on appellezzcisives sont au nombre de huit, quatre au devant dechaque mächoire : leurs germes sedéveloppent ordi- nairement les premiers; communément ce n'est pas plus tôt qu’à l’âge de sept mois, souventà celui de huit ou dix mois, etd’autrés fois à la fin de la première année. Ce dévelop- pement est quelquefois très- prématuré ; on voit assez souvent des enfans naître avec des dents assez grandes pour déchirer le sein de leur nourrice : on a aussi trouvé dés dents bien formées dans des fœtus long-temps avant le terme ordinaire dé la naissance. Le germe des dents est d’abord contenu dans l’alvéole, et recouvert par la gencive; 56 HISTOIRE NATURELLE en croissant , il pousse des racines au fond” de l’alvéole, et il s'étend du côté de la gen’ î cive : le corps de la dent presse peu à peu … contre cette membrane , et la distend au- point de la rompre et de la déchirer pour « passer au travers. Cette opération , quoique À naturelle, ne suit pas les lois ordinaires de la Nature, qui agit à tout instant dans le corps humain sans y causer la moindre dou- leur, et même sans, exciter aucune ‘sensa- tion ; iciilse fait un effort violent et doulou- reux qui est accompagné de pleurset de cris, et qui a quelquefois des suites fâcheuses : les enfans perdent d’abord leur gaieté et leur enjouement; on les voit tristes eb inquiets : alors leur gencive est rouge «et gomilée , et ensuite elle blanchit lorsque la pression est au point d’intercepter le cours du sang dans les vaisseaux; ils y portent le doigt à tout moment pour tâcher d’appaiser la déman- geaison qu'ils y ressentent. On leur facilite ce petit soulagement en mettant au bout de leur hochet un morceau d'ivoire ou de co— rail, ou de quelque autre corps dur et poli; ils le portent d'eux-mêmes à leux bouche , et ils le serrent entre les gencives à l'endroit DE L'HOMME, 57 douloureux : cet effort opposé à celui de la dent, relâche la gencive et calme la douleur. pour un instant; il contribue aussi à l’amin- cisseiment de la membrane de la gencive, qui, étant pressée des deux côtés à la fois, doit se rompre plus aisement; mais souvent cette rupture ne se fait qu'avec beaucoup de peine et de danger. La Nature s'oppose à elle-même ses propres forces ; lorsque les gencives sont plus fermes qu'à l'ordinaire par la solidité des fibres dont elles sont tis- sues , elles résistent plus long-temps à la pression de la dent : alors l'effort est si grand de part et d'autre, qu'il cause une inflammation accompagnée de tous ses symp- iômes; ce quiest, comme on le sait, capable de causer la mort. Pour prévenir ces acci- dens , on a recours à l'art; on coupe la gen- cive sur la dent : au moyen de cette petite cpération , la tension et l’inflammation de la gencive cessent, et la dent trouve un libre passage. -Les dents canines sont à côté des incisives au nombre de quatre; elles sortent ordinai- xement dans le neuvième ou le dixième mois. Sur la fin de là première ou dans le courant 58 HISTOIRE NATURELLE de la seconde année, on voit paroître seize au tres dents, quel l’on appelle molaires ou mâche-. À lières, quatre à côté de chacune des canines. Ces termes pour la sortie des dents varient: on prétend que celles de la mâchoire supe- rieure paroissent ordinairement plus tôt; ce. pendant il arrive aussi quelquefois qu elles | sortent plus tard que celles de la mâchoire inférieure. L Les dents incisives , les canines et les quatre premières mächelières tombent na- turellement dans la cinquième, la sixième 4 on la septième année; mais elles sont rem-— placées par d’autres qui paroissent daus la septième année, souvent plus tard ,.et quel- quefois elles ne sortent qu’à l’âge de puberté: la chûte de ces seize dents est causée par le développement d’un second germe placé au fond de l’alvéole, qui en croissant les pousse au dehors. Ce germe manque aux autres mâchelières : aussi ne tombent-elles que par accident, et leur perte n'est presque jamais réparée. Il y a encore quatre autres dents: qui sont placées à chacune des deux extrémités des mâchoires; ces dents manquent à plusieurs L. k | DE L'HOMME. 59 personnes: leurdéveloppementest'plus tardif que celui des autres dents; ilne se fait ordinai- rement qu’à l’ägede puberté, et quelquefois dans un âge #0 plus avancé. On les a nommées dents de sagesse ; elles paroissent successivement l’une après l’autre, ou deux en même temps, indifféremment en haut ou en bas; et le nombre des dents en général ne varie que parce que celui des dents de sagesse n’est pas toujours le même : de là vient la différence de vingt-huit à trente- deux dans le nombre total des dents. On croit avoir observé que les femmes en ont ordinairement moins que les hommes. , Quelques auteurs ont prétendu que les dents croissoient pendant tout le cours de la vie, et qu'elles augmenteroient en lon- gueur dans l’homme, comme dans certains animaux, à mesure qu'il avanceroit en âge, si le frottement des alfmens ne les usoit pas continuellement : mais cette opinion paroît être démentie par l'expérience; car les sens qui ne vivent que d’alimens liquides, n'ont pas les dents plus longues que ceux qui mangent des choses dures; et si quelque chose est capable d’user les dents, c’est leux Go : HISTOIRE NATURELLE frottement mutuel les unes. Ste les autres, plutôt que celui des alimens. D’ ailleurs on a pu se tromper au sujet deMl’accroissement * des dents de quelques animaux, en confon- dant les dents avec les défenses: par exemple, les défenses des sangliers croissent pendant toute la ALS de ces animaux ; il en est de même de celles de l'éléphant : mais il est fort douteux que leurs dents prennent au— cun accroissement lorsqu'elles sont une fois | arrivées à leur grandeur naturelle. Les dé— fenses ont beaucoup plus de rapport avec les cornes qu'avec les dents. Mais ce n’est pas ici le lieu d’examiner ces différences ; nous remarquerons seulement que les pre- mières dents ne sont pas d’une substance aussi solide que l’est celle des dents qui leur succèdent : ces premières dents n’ont aussi que fort peu de racine; elles ne sont pas in- fixées dans la mâchoire, et elles s’ébranlent très-aisément. | Bien des gens prétendent que les cheveux que l'enfant apporte en naissant, sont tou- jours bruns, mais que ces premiers cheveux tombent bientôt, et qu’ils sont remplacés … par d’autres de couleur différente, Je ne sais DE L'HOMME. 6% si cette remarque est vraie : presque tous les enfans out les cheveux blonds, et souvent presque blancs ; quelques uns les ont roux, et d’autres les ont noirs; mais tous ceux qui doivent être un jour blonds', :châtains ou bruns , ont les cheveux plus ou moins blonds dans le premier âge. Ceux qui doi- veut être blonds, ont ordinairement les yeux bleus ; les roux ont les yeux d’un jaune ardent, les bruns d’un jaune foible et brun : mais ces couleurs ne sont pas bien marquées dans les yeux des enfans qui viennent de naître, ils ont alors Mo tous les yeux bleus. Lorsqu'on laisse crier les enfans trop fort et trop long-temps, ces efforts Leur causent des descentes, qu’il faut avoir grand soin de rétablir promptement par un bandage : ils guérissent aisément par ce secours; mais si l'on négligeoit cette incomimodité, ils se- roient en danger de la garder toute leur vie. Les bornes que nous nous sommes prescrites ne permettent pas que nous parlions des maladies particulières aux enfans : je ne ferai sur cela qu’une remarque; c’est que les vers et les maladies vermineuses aux- | 6 7 62 HISTOIRE NATURELLE. ‘quelles ils sont sujets, ont une cause bien marquée dans la qualité de leurs alimens : le lait est uné espèce de chyle, une nourri ture dépurée, qui contient par conséquent plus de nourriture réelle, plus de cette ma tière organique et productive dontnousavons tant parlé, et qui, lorsqu'elle n’est pas di- gérée par l'estomac de l'enfant pour servir à sa nutrition et à l'accroissement de son corps, prend, par l'activité qui lui est essen- tielle, d’autres formes, et produit des êtres animés, des vers en si grande quantité, que l'enfant est souvent en danger d’en périr. En permettant aux enfans de boire de temps: en temps un peu de vin, on préviendroit peut-être une partie des mauvais effets que causent les vers : ear Les liqueurs fermentées: s'opposent à leur génération; elles contien- nent fort peu de parties organiques el uutri- tives , et Fe "est principalement par son action sur les solides , que le vin donne des forces ; il nourrit moins le corps qu'il ne le fortitié. Au reste, la plupart des enfans aiment le vin, ou du moins s ’accoutument fort aisément à en boire. Quelque délicat que l'on soit dans l'en DE L'HOMME. 63 fance, on est à cet âge moins sensible au froid que dans tous les autres temps de la vie : la chaleur intérieure est apparemment pius grande. On sait que le pouls des enfans est bien plus fréquent que celui des adultes : cela seul sufliroit pour faire penser que la chaleur intérieure est plus grande dans la mème proportion, et l’on ne peut guère douter que les petits animaux n'aient plus de chaleur que les grands par cette même raison ; car la fréquence du battement du cœur et des arteres est d'autant plus grande que l'animal est plus petit : cela s’observe dans les differentes espèces aussi-bien que dans la, même espece; le pouls d’un enfant ou d’un homme de petite stature est plus fréquent que celui d’une personne adulte où d’un homine de haute taille, le pouls d’un bœuf est plus lent que celui d’un homme, et celui d’un chien est plus fréquent; et les battemeus du cœur d'u: animal encore plus petit, comme d’un moineau, se succèdent si promptement, quà peine peut-on les compter. ” La vie de l'enfant est fort chaucelante jus- qu à l’âge de trois ans; mais dans les deux / \ 64 HISTOIRE NATURELLE . ou trois années suivantes, elle s'assure, ef “ l'enfant de six ou sept ans est plus assuré de vivre qu'on ne l’est à tout autre âge. En consultant les nouvelles tables qu’on a faites à Londres sur les degrés de la mortalité du genre humain dans les différens âges A: paroit que d'un certain nombre d’enfans nés en même temps, il en meurt plus d’un quart dans la première année, plus d’un tiers en deux ans, et au moins la moitié dans les trois premières années. Si ce calcul étoit juste, on pourroit donc parier, lors- qu'uu enfant vient au monde, qu’il ne vivra que trois ans : observation bien triste pour l'espèce humaine; car on croit vulgairement qu'un homme qui meurt à vingt-cinq ans, doit être plaint sur sa destinée et sur le peu de durée de sa vie, tandis que, suivant ces tables , la moitié du geure humain devroit périr avant l’âge de trois ans ; par consé- quent tous les hommes qui ont vécu plus de trois ans, loin de se plaindre de leur sort, devroient se regarder comme traités plus fa- vorablement que les autres par le Créateur. Mais cette mortalité des enfans n’est pas, à beaucoupyprés, aussi graude par-tout qu'elle DE L'HOMME. 65 l'est à Londres; car M. Dupré de Saint-Maur s'est assuré, par un grand nombre d’observa- tions faites en France, qu'il faut sept ou huit années pour que la moitié des enfans nes en même temps soit éteinte : on peut donc parier en ce pays qu'un enfant qui vient de naitre, vivra sept ou huit ans. Lorsque l’enfant a at- teint l’âge de cinq, six ou sépt ans, il paroït par ces mêmes observations que sa vie est plus assurée qu'à tout autre âge : car on peut parier pour quarante-deux ans de vie de plus, au lieu qu’à mesure que l'on vit au-delà de cinq, six ou sept ans, le nombre des années que l'on peut espérer de vivre , va toujours en diminuant ; de sorte qu'à douze ans on ne peut plus parier que pour trente-neuf ans, à vingt ans pour trente-trois ans et demi, à trente ans pour vingt-huit années de vie Ge plus, et ainsi de suite jusqu'à quatre- vingt-cinq ans, qu’on peut encore parier rai- sonnablement de vivre trois ans *. Il y à quelque chose d'assez remarquable dans l'accroissement du corps humain : le fœtus , dans le sein de la mère, croit tou * Voyez ci-après les tables de M. RUE de Saint-Maur, 6 66 HISTOIRE NATURELLE jours de plus en plus jusqu’au moment del naissance ; : l'enfant au contraire croît tou— jours de moins en moins jusqu'à l’âge de puberté, auquel il croit, pour ainsi dire, tout-à coup , et arrive en fort peu de temps à la hauteur qu'il doit avoir pour toujours. Je ue parle pas du premier temps après la conception, n1 de l'accroissement qui suc-+ cède immédiatement à la formation du. fœtus ; je prends le fœtus à un mois, lorsque toutes ses parties sont développées ; il a un pouce de hauteur alors ; à deux mois, deux pouces un quart; à trois mois, trois pouces et demi : à quatre mois, cinq pouces el plus; à cinq mois, six pouces et demi ou sept pouces ; à six mois , huit pouces et demi ou neuf pouces ; à sept mois, onze pouces.et plns ; à huit mois , quatorze pouces ; à neuf mois, dix-huit pouces. Toutes ces mesures varient beauconp dans les differens sujets, et ce n'est qu’en prenant les termes moyens que je les -ai déterminees : par exemple, il nait des enfans de vingt-deux pouces et de quatorze, j'aiprisdix-huit pouces pourletermemoyen. | Il en est de même des autres mesures. Mais quand il y auroit des variétés dans chaque \ .DE L'HOMME. 67 mesure particulière, cela seroit indifférent à ce que j'en veux conclure: le resultat sera toujours que le fœtus croit de plus en plus en longueur, taut qu'il est dans le sein de sa mère ; mais s’il a dix-huit pouces en nais- sant , ilne grandira , pendant les douze mois suivans , que de six ou sept pouces au plus, c’est-à-dire qu’à la fin de la première an- née ik aura vingt-quatre ou vingt - cinq pouces; à deux aus, il n’en aura que vingt- huit ou vingt-neuf ; à trois ans , trente ou trente-deux au plus, et ensuite ilne grandira guère que d’un pouce et demi ou deux pouces par an jusqu'à l’âge de puberté, Ainsi le fœtus croît plus en uu mois sur la fin de son séjour dans la matrice, que l'enfant ne “croît en un an jusqu'à cet âge de puberté où la Nature semble faire un effort pour achever de développer et de perfectionner son ouvrage, en le portant, pour ainsi dire, tout-à-coup au dernier degré de son accrois- sement. Tout le monde sait combien il est impor- tant pour la santé des enfans de choisir de bonnes nourrices ; 1l est absolument néces- saire qu’elles soient saines et qu’elles sg 4 C2 68 HISTOIRE A DR ri | portent bien: on n’a que trop d'exemples de: la communication réciproque de certaines maladies de la nourrice à l'enfant, et del’en: « faut à la nourrice ; il y a eu des villages en+ tiers dont tous les habitans ont été infectés du virus vénérien que quelques nourrices : malades avoient communiqué en donnant à d’autres femmes leurs enfans à allaiter. Si les mères nourrsisoient leurs enfans, àl y a apparence qu’ils en seroient plus forts et plus vigoureux : le lait de leur mère doit leur convenir mieux que le lait d'une autre femme ; car le fœtus se nourrit, dans la maz, trice, d'une liqueur laiteuse qui est fort semblable au lait qui se forme dans les ma- melles. L'enfant est donc déja , pour ainsi dire , accoutumé au lait de sa mère, au lieu que le lait d’une autre nourrice est une nourriture nouvelle pour lui, eb qui est. quelquefois assez différente de la première, y ht pour qu'il ne puisse pas s’y accoutumer : car | on voit des énfans qui ne peuvent s’accom- moder du lait de certaines femmes ; ils. maigrissent, ils deviennent languissaus et malades. Dès qu'on s’en apperçoit, il faut prendre une autre nourrice : si l’on n'a pas, DE L'HOMME. dr 00 cette atténtion , ils périssent en fort peu de temps. Je ne puis m'empêcher d'observer ici que l'usage où l’on est de rassembler un grand nombre d’enfans dans un mème lieu , comme dans les hôpitaux des grandes villes , est extrémement contraire au principal objet qu'on doit se proposer, qui est de les conser- ver; la plupart de ces enfans périsseut par une espèce de scorbut ou par d’autres mala— dies qui leur sont communes à tous, aux= quelles ils ne seroient pas sujets, s’ils étoient élevés séparément les uus des autres, ou du moins s'ils étoient distribués en plus petit nombre dans différentes habitations à la ville, et encore mieux à la campagne. Le même revenu suffiroit sans doute pour les entrete- mir, et on éviteroit la perte d’une infinité d'hommes, qui, cômme l'on sait, sont la vraie richesse d’un état. | Les enfans commencent à bégayer à douze ou quinze mois : la voyelle qu’ils articulent le plus aisément est l’a, parce qu’il ne faut pour cela qu’ouvrir les lèvres et pousser un son ; le suppose un petit mouvement de plus , la langue se relève en haut en même bu 7 HISTOIRE NATURELLE iemps que les lèvres s’ouvrent ; il en est de même de lé, la langue se relève encore plus, et s'approche des sg de la mâchoire supé- rieure ; l'o demande que la langue s’abaisse!, | et que les’ levres se serrent ; il faut qu’elles s'’alongent uu peu , et qu elles se serrent encore plus pour prononcer l’z. Les pre- mières consonnes que les enfans prononcen t, sont aussi celles qui demandent le moins de mouvement dans les organes : le b, l72 et le . psont les plus aisées à articuler ; il ne faut, pour le à et le p, que joindre les deux lèvres et les ouvrir avec-vitesse, et pour l’z les ouvrir d’abord et ensuite les joindre avec vitesse : l'articulation de toutes les autres cousonnes suppose des mouvemens plus com-" pliqués que ceux-ci, et il y a un mouvement de la langue dans lee, le d, leg, l’7, l’a, leg, l'r, l'setleé; il faut, pour articuler 1'f, un son continue plus long-temps que pour les autres consonnes. Ainsi de toutes les voyelles l’a est la plus aisée , et de toutes ‘Jes consonnes le b ,le p et l sont'aussi les! plus faciles à articuler : il n’est donc pas. étonnant que, les premiers mots que les en. fans PORC soient composes de cetlé ee DE L'HOMME. TE voyelle et de ces consonnes , et l’on doit cesser d’être surpris de ce que dans toutes les langues et chez tous les peuples les enfans comumenceut toujours par bégayer baba , mama, papa: ces mots ne sont, pour ainsi dire , que les sons les plus naturels à l’homme, parce qu'ils sont les plus aisés à articuler 5 les lettres qui les composent , où plutôt les caractères qui les representent, doivent exis- ter chez tous les peuples qui ont l'écriture où d’autres signes pour représenter Les sons. On doit seulement observer que les sons de quelques cousonnes étant à peu près sem blables , comine celui du / et du p, celui du cet de l’s, ou du # ou du g dans de certains cas , celui du d et duf, celui de l'fet de l’s consonne , celui du &'et de l’j consonne ou du g et du #/ celui de l’Z et de l’r, il doit y avoir beaucoup de langues où ces diffé rentes consonnes lie se tfouvent pas : mais ik y aura toujours un ou üunp,uncouuns, un € ou bien un # où un g daus d’autres cas, un d'ou un ?, une f ou un # consonne, un g ou ui 7 consonne, uñé / ou uner;etil ne péut suère y avoir moins de six ou sept con- sonnes dans le plus petit de tous les alpha- / LA »: : m2 HISTOIRE NATURELLE bets, parce que ces six ou sept sons ne sup A poseut pas des mouvemens bien compliqués, et qu'ils sont tous très- sensiblement différens eutre eux. Les enfans qui n’articulent pas | aisément l’7, y substituent l’/, au lieu du £ “ ils articulent le d , parce qu’en effet ces pre-. « mières lettres supposent dans les organes des { mouveinens plus difciles que les dernières; : et c’est de cette différence et du choix des | consounes plus ou moins difficiles à expri- mer, que vient la douceur ou [a dureté d’une » langue. Mais il est inutile de nous LEE \. sur ce sujet. à ( 3! Il y a des enfans qui à deux ans pro! noncent distinctement et répèlent tont ice qu'on leur dit; mais la plupart ne parlent qu'à deux ans et demi, et très - souvent beaucoup plus tard. On remarque que ceux qui commencent. à parler fort tard, ne parlent jamais aussi aisément que les autres ; ceux qui parlent de bonne heure ,: sont en état d'apprendre à lire avant trois ans ; j'en ai connu quelques uns qui avoient commencé à appreudre à lire à deux ans, qui lisoient à merveille à quatre ans. Au reste, on ne peut guère décider s’il est fort | < RE - DE L'HOMME. M. utile d’instruire les enfans de si bonne heure : on a tant d'exemples du peu de succès de ces éducations prématurées, on a vu tant de prodiges de quatre ans, de huit ans, de douze ans, de seize ans , qui n'ont été que des sots ou des hommes for communs à vingt-cinq ou à trente ans, qu’on seroit porté à croire que la meilleure de toutes les éducations est celle qui est la plus ordinaire, celle par laquelle on ne force pas la Nature, celle qui est la moins sévère, celle qui est la plus proportionnée ki je ne dis pas aux forces, mais à La foiblesse de l'enfant. Mat. gén. XX. 7 SANTE I À AREAS 74 HISTOIRE NATURELLE ‘ADDITION A L’'ARTICLEPRÉCÉDENT., . U M Enfans nouveau-nés auxquels on est obligé de couper le filet de la langue. . O N doit donner à téter aux enfans dix ou douze heures après leur naissance : mais il y - a quelques enfans qui ont le filet de la langue si court, que cette espèce de bride les em- pêche de téter, et l’on est obligé de couper ce filet ; ce qui est d'autant plus difficile qu’il est plus court, parce qu’on ne peut pas lever le bout de la langue pour bien voir ce que l’on coupe. Cependant, lorsque le filet est coupé, il faut donner à teter à l’enfant tout de suite après Fopéralion ; car 1l est arrivé Ty ’ DE L'HOMME. - 75 quelquefois que , faute de cette attention l'enfant avale sa langue à force de sucer le sang qui coule de la petite plaie qu on lui a faite. I E «Sur l'usage du maillot et pes “a Jam dit (ci-devant, page 45) que les bandages du maillot , ainsi que les corps qu'on fait porter aux enfans, et aux filles dans leur jeunesse, peuvent corrompre l'as- semblage du corps, et produire plus de dif- formites qu'ils n’en préviennent. On com- mence heureusement à revenir un peu de cet usage préjudiciable , et l’on ne sauroit trop répéter ce qui a été dit à ce sujet par les plus savans anatomistes. M. Winslow a ob- servé , dans plusieurs femmes et filles de condition , que les côtes inférieures se trou- voient plus basses, et que les portions cartila- >gineuses de ces côtes étoient plus courbées que dans les filles du bas peuple : il jugea que cette différence ne pouvoit venir que de l'usage habituel des corps ; qui sont d’ordi- 76 HISTOIRE NATURELLE maire extrêmement serrés par éèn-bas. IL explique et démontre , par de très-bonnes raisons , tous les inconvéniens qui en ré- sultent : la respiration , gènée par le serre- ment des côtes inférieures et par la voûte forcée du diaphragme, trouble la circulation, occasioune des palpitations , des vertiges , des maladies pulmonaires , etc. ; la compres- sion forcée de l’estomac, du foie et de la rate, peut aussi produire des accidens plus ou moins fâcheux par rapport aux nerfs, comme des foiblesses , des suffocations ,; des tremblemens , etc. Mais ces maux intérieurs ne sont née seuls que l’usage des corps occasionne : bien loin de redresser les tailles deéfectueuses , ils ne font qu'en augmenter les défauts, et toutes les personnes sensées devroient pros- crire , dans leurs familles, l'usage du maillot pour leurs enfans, et plus sévèrement en- core l’usage des corps pour leurs filles, sur- tout avant qu’elles aient atteint leur accrois- sement eu entier. DE L'HOMME. ITL Hu 77 Sur l'accroissement successif des enfans. 27: | Vorci la table de l’accroissement suc- cessif d’un jeune homme de la plus belle venue, né le 11 avril 1759, et qui avoit, pieds. pouces. lignes. Au moment de sa naissance. ... À six mois, c’est-à-dire, le xx 9 y | octobre suivant, il avoit. .... Ainsi son accroissement depuis, la naissance dans les premiers. six mois, a été de cinq pouces. A un an, Cest-à-dire, le xx éilam60 1 avoit, . :...... Ainsi son accroissement pendant ce second semestre , a été de trois pouces. À dix-huit mois, c'est-à-dire, ë - xx octobre 1760, il avoit... . Ainsi il avoit augmenté dans le troisième semestre de : trois pouces. : À deux ans, c’est-à-dire, de IE avr ETOE, al avoit... 01 I Ti 3 3 Er : S 5 78 : OIRE NATU RELLE pieds. pouces, lignes. Et par conséquent il a augmenté dans le quatrième semestre de trois pouces trois lignes. À deux ans et demi , c’est-à-dire, le 11 octobre 1761, ilavoit..… Ainsi il n’a augmenté dans ce cinquième semeslre que d'un pouce et une demi-ligne. À trois ans, c’est-à-dire, le xx avril 1762, il avoit... ..... Il avoit par conséquent augmenté dans ce sixième semestre de deux pouces deux lignes et demie. ) À trois ans et demi, ct’est-à- dire, le 17 octobre 1762, il nvOlteY eu D. spores selo: à Êt par conséquent il wavoit augmenté dans ce sepuèe semestre que de sept lignes. À quatre ans, c’est-à-dire, le FE : avril 763, 1l avoit..,...:.. Il avoit donc augmenté dans ce huitième semestre d’un pouce neuf lignes et demie. À quatre ans sept mois, Cest-à- [St] b 4 DE L'H OMME. 79 pieds. pouces. lignes. dire, le 11 novembre 1763, il | cu.) 2 ORNE di Et avoit augmenté dans ces sept DJ mois d’un pouce sept lignes. À cinq ans, c’est-à-dire, le #t AVE QUAI voit. LS SES: I] avoit donc augmenté dans ces He cinq mois de néuf lignés ét demie. À cnq aus sept mois, cest-à- dire, le TE novembre 1764, 1 A NEA QATAR Se Te Il avoit donc augmenté dans cés . | sept mois d'un pouce cinq lignes. À six ans, c’est-à-dire, le ir | avril 1765, il avoit... je AB At e . Il à augmenté dans ces cinq MOIS we de dix lignes et demie. | A six ans six mois dix-neuf jours, . c’est-à-dire, le 36 oëtobre 1765, | SL Un TRE ARR DEAN 10 + Et par conséquent 1l avoit grandi - | dans ces six mois ‘dix-neuf . jours d’un pouce dix lignes ct demie. Pa 80 HISTOIRE NATURELLE pieds. sir i lignes. | À sept ans, c’est-à. dire CRT N {] avril 1766, il avoit. os ARE RARES 9 ir 1] n'avoit par conséquent grandi Hl RTE dans ces cinq mois onze Jours «+ que de six lignes. De ; r À sept ans trois mois, c'est-à- AS dire, le 11 juillet 1766, il Fi AVOILS: à 25 0 ee OO 10 Ir Ans: dans ces trois mois il a | W iN f grandi d’un pouce. À sept ans et demi, c’est-à-dire, AUS le 1x octobre 1766, il avoit. 3 ED TPS 7 | Ainsi dans ces trois mois il a cp A et grandi de huit lignes. | À huit ans, c’est-à-dire , le 1x | arr 707 re cn 4 » > Et par conséquent il m'a grandi MAT dans ces six mois que de Dep, à NAS lignes. R DA À huit ans et demi, c’est-à= au dire, le 1x7 octobre 1767, 1l | avoit ne dépens cas Nc ie NON IC ESS Et par conséquent il avoit grandi dans ces six mois d’un pouce trois lignes et demie, Ya À neuf ans, Cest-à-diré, le zx EU avril 1768, il avoit,..,.,... 4 FU 7; DE L'HOMME. pieds. pouces, lignese Et par conséquent dans ces six mois il a grandi d’un pouce. À neuf ans sept mois douze jours, c’est-à-dire, le 23 no- :.vembre 1768, il avoit....... Et par conséquent il avoit aug- menté dans ces sept mois douze jours d’un pouce ‘deux lignes. À dix ans, c’est-à-dire, le 1r cavnil 7769, 1l avoit... Il avoit donc grandi dans ces quatre mois dix-huit jours de : huit lignes. À onze ans et demi, c’est-à- dire, le 11 octobre 1770, 1l nee, Je RER AC 1 Et par conséquent 1l a grandi dans dix-huit mois de deux pouces cinq lignes et demie. À douze ans, c’est-à-dire, le xx avril 775, 11 :av6i6. 5. 1, Et par conséquent il n’a grandi dans ces six mois que de six lignes, À douze ans huit mois, c’est-à- : 2 dire , le 11 décembre 1771, 1l AND AIS, 99 es E SI Ne) Ni 11: pu: 8 HISTOIRE NATURELLE pieds. pouces. lignes 1 Et par conséquent il a grandi dans. ces huit mois d’un pouce: six lignes. À treize ans, c’est-à-dire, le 1 avrdn rs, avoit... 4880 Ainsi dans ces quatre mois il a grandi de cinq lignes et demie. À treize ans et demi, . c’est-à- dire , le 17 octobre 1772, ül VOUS UE RENE Il avoit donc grandi dans ces six mois d’un pouce deux lignes et demie. Fe À quatorze ans, c’est-à-dire, le 11 avril 1773 , il avoit... Il avoit donc grandi dans ces Six mois d’un pouce sept lignes. À quatorze ans six mois dix jours, c’est-à-dire, le 2x. oc-. tobre 1773, 1l avoit... ÆEt par conséquent 1] a grandi dans ces six mois. dix jours de deux pouces quatre lignes. À quinze ans deux jours, c’est- à-dire , le 13 avril 1774, al. ROME Lin Lo ASS LS AR Il a donc grandi dans ces cinq # 9 4 : 0030 5 » D, 2 n) 4 à T ET 2z DE L'HOMME. mois dix-buit jours de deux pouces deux lignes, À quinze ans six mois huit jours, c’est-à-dire, le 19 octobre 1774, ae hes cie Il n’a donc grandi dans ces six mois six Jours que de onze hgnes À ‘seize ans trois mois huit Jours, c’est-à-dire, le #9 juillet 1775, DEN A ee ROMA 11 a donc grandi dans ces neuf mois d’un pouce cinq lignes et demie. À seize ans six mois six Jours, c’est-à-dire, le 17 octobre 1775, HS. ANNE ER Il à donc grandi dans ces deux mois vingt-huit jours de huit lignes et demie. À dix-sept ans deux jours, c’est- à-dire , le 13 avril 1776, il ie. I] n'avoit donc grandi dans ces six mois deux jours que de cinq lignes. À tix-sept ans up mois neuf 83 pieds. pouces, lignes. NE 01 O4 HISTOIRE NATURELLE ques Pos: Se ‘ jure, c'est-à-dire, le 20 mai k 1770. il avoit, là. 402 RSS 8. 5: I] avoit donc grandi dans un mois sept jours de trois ni trois quarts. “e | À dix-sept ans cinq mois ‘cinq jours, c’est-à-dire, le 16 sep- À tembre 1776, il avoué... 240 MPa 10È 11 avoit donc grandi dans ces | trois mois vingt-six jours de quatre lignes un quart. : À dix-sept ans sept mois et quatre jours, Cest-à-dire, le 11 no- vembre 1776, il avoit....... 9 9 3 Toujours mesuré pieds nuds et de la même manière, et il n’a par conséquent grandi dans ces deux derniers mois que d’une ligne et demie. Depuis ce temps, c'est-à-dire, depuis quatre mois et demi, la taille de ce grand jeune homme est, pour ainsi dire, station- maire, et M. son père a remarque que, pour peu qu'il ait voyagé, couru, dansé la veille du jour où l’on preud sa mesure, il est au- DE L'HOMME. 85 dessous des neuf pouces le lendemain matin : cette mesure se prend toujours avec la même toise, la même équerre, et par la même per- sonne. Le 30 janvier dernier, après avoir passé toute la nuit au bal, il avoit perdu dix-huit bonnes lignes; il n’avoit, dans ce moment, que cinq pieds sept pouces six lignes foibles., diminution bien considérable, que néanmoins Anar heures de repos ont rétablie. | Il paroïit , en comparant l'accroissement pendant les semestres d’été à celui des se mestres d'hiver, que, jusqu’à l’âge de cinq ans, la somme moyenne de l’accroissement pendant l'hiver est égale à la somme de l'accroissement pendant l'été. Mais, en comparant l'accroissement pen- dant les semestres d'été à l'accroissement des semestres d'hiver , depuis l’âge de cinq ans jusqu'à dix, on trouve une très-srande diffé- rence ; car la somme moyenne des accroisse- mens pendant l'été est de sept pouces une Hgne, tandis que la somme des accroissemens pendant l'hiver n'est que de quatre pouces une ligne et demie. Et lorsque l’on compare, dans les années , 8 86 HISTOIRE NATURELLE suivantes , l’accroissement pendant l'hiver à celui de l'été, la différence devient moins grande; mais il me semble néanmoins qu’on peut conclure de cette observation, que l’ac- croissement du corps est bien plus prompt en été qu'en hiver , et que la chaleur, qui agit généralement sur le développement de tous les êtres organisés, influë considérable- ment sur l’accroissement du corps humain. Il seroit à desirer que plusieurs personnes prissent la. peine de faire une {able pareille à celle-ci, sur l’accroissement de quelques uns de leurs enfäns. On en pourroit déduire des conséquences que je ne crois pas devoir hasarder d’après ce seul exemple : il m’a été fourni par M. Gueneau de Montbeillard, qui s’est donné le plaisir de prendre toutes ces mesures sur son fils. On a vu des exemples d’un accroïssément très-prompt dans quelques individus ; l’Æis- toire de l'académie fait mention d’un enfant des environs de Falaise en Normandie, qui, n'étant pas plus gros ni plus grand qu’un enfant ordinaire en naissant, avoit grandi ; e ° k LA » LD 2A d’un demi-pied chaque année, jusqu’à l’âge de quatre ans, où 1l étoit parvenu à trois DE L'HOMME. 87 pieds et demi de hauteur, et dans les trois années suivantes il avoit encore grandi de quatorze pouces quatre lignes, en sorte qu'il avoit, à l’âge de sept ans, quatre pieds huit pouces quatre lignes, étant sans souliers. Mais cet accroissement, si prompt dans le pre- mier âge de cet enfant, s’est ensuite ralenti ; car, dans les trois années suivantes , il n’a crû que de trois pouces deux lignés ; en sorte qu’à l'âge de dix ans il n’avoit que quatre pieds onze pouces six lignes , et dans les deux années. suivantes il n’a crû que d’un pouce de plus, en sorte qu'à douze ans 1} avoit en tout cinq pieds six lignes. Mais, comme ce grand enfant étoiten même temps d’une force extraordinaire, et qu'il avoit des signes de puberté dès l’âge de cinq à six ans, on pourrait présumer qu'ayant abusé des forces prématurées de son tempérament, son | accroissement s’étoit ralenti par cette cause. Un autre exemple d’un très-prompt ac- creissement est celui d'un enfant né en : Angleterre, et dont il est parle dans les Transactions philosophiques , n° 475, art. 2. Cet enfant, âgé de deux ans et dix mois, avoit trois pieds huit pouces et demi. 88 HISTOIRE NATURELLE. À trois ans un mois, c’est-à-dire, trois mois après, il avoit trois pieds onze pouces. IL pesoit alors quatre stones , c "est-à-dire £ cinquante-six livres. Le père et la mère étoient de taille com- mune, et l’enfant, quand il vint au monde, n’avoit rien d’extraordinaire: seulement les parties de la génération étoient d’une gran-— deur remarquable. À trois ans, la verge en repos avoit trois pouces de longueur et en action, quatre pouces trois dixièmes , et toutes les parties de la génération étoient accompagnées d’un poil épais et frisé. À cet âge de trois ans, il avoit la voix mâle , l'intelligence d’un enfant de cinq à six ans, et il battoit et terrassoit ceux de neuf ou dix ans. Il eût été à desirer qu’on eût suivi plus loin l’accroissement de cet enfant si précoce ; mais je n’ai rien trouvé de plus à ce sujet dans les Transactions philosophiques. Pline parle d’un enfant de deux ans qui avoit trois coudées , c’est-à-dire, quatre pieds et demi. Cet enfant marchoit lentement; il étoit encore sans raison , quoiqu'il füt déja pubère, avec une voix mâle et forte. Il mou- DE L'HOMME. 8g rut tout-à-coup, à l’âge de trois ans, par une contraction convulsive de tous ses imembres. Pline ajoute avoir vu lui-même un accroisse- ment à peu près pareil dans le fils de Cor- neille Tacite, chevalier romain, à l’excep- tion de la puberté qui lui manquoit ; et il semble que ces individus précoces fussent plus communs autrefois qu’ils ne le sont au- jourd’hui ; car Pline dit expressément que les Grecs les appeloient ecfrapelos , mais qu'ils n'ont point de nom dans la pe latine *. * Plin. lib. VII, cap. 16. L£ g HISTOIRE NATURELLE \ DE LA PUBERTÉ. = Les puberté accompagne l'adolescence et précède la jeunesse. Jusqu'alors la Nature ne paroit avoir travaillé que pour la conserva- tiou et l'accroissement de son ouvrage; elle ne fournit à l'enfant que ce qui lui est né- cessaire pour se nourrir et pour croître ; 1} vit, ou plutôt il végète d’une vie particulière, toujours foible, renfermée en lui-même , et qu'il ne peut communiquer : mais bientôt les principes de vie se multiplient; il a non seulement tout ce qu’il lui faut pour être, mais encore de quoi donner l'existence à d'autres. Cette surabondance de vie, source de la force et de la santé, ne pouvant plus être contenue au dedans , cherche à se re- pandre au dehors; elle s'annonce par plu- sieurs signes ; l’âge de la puberté est'le prin- temps de la Nature, la saison des plaisirs. Pourrons-nous écrire l’histoire de cet âge CPR EE Es Tt DE L'HOMME. | di avec assez de circonspection pour ne réveiller dans l'imagination que des idées philoso- phiques ? La puberté, les circonstances qui l'accompagnent, la circoncision ; la castra- tion, la virginité, l’impuissance , sont ce- pendant trop essentielles à l’histoire de l’homme pour que nous puissions supprimer les faits qui y ont rapport ; nous tâcherons seulement d'entrer dans ces détails avec cette sage retenue qui fait la décence du style, et de les présenter comme nous les avons vüs nous-mêmes , avéc cette indifférence philo- sophique qui détruit tout sentiment dans l'expression, et ne laisse aux mots que leur simple signification. La circoncision est un usage extrémement ancien et qui subsiste encore dans la plus grande partie de l'Asie. Chez les Hébreux, cette opération devoit se faire huit jours après la naissance de l'enfant ; en Turquie on ne la fait pas avant l’âge de sept ou huie ans, et même on attend souvent jusqu’à onze ou douze; en Perse, c’est à l’âge de cing ou six ans. On guérit la plaie en ÿ appli- quant des poudres caustiques ou astringentes, et particulièrement du papier brülé, qui est, 92 HISTOIRE NATURELLE : dit Chardin, le meilleur remède : : Al ajoute que la circoncision fait beaucoup de douleur aux personnes âgées, qu’elles sont obligées de garder la chambre pendant trois semaines ou un mois, et que quelquefois elles en meurent. | Aux iles Maldives, on circoncit les enfans à l’âge de sept ans, et on les baigne dans la mer pendant six ou sept heures avant l’opé- xation, pour rendre la peau plus tendre et plus molle. Les Israëélites se servoient d’un. couteau de pierre ; les Juifs conservent en- core aujourd'hui cet usage dans la plupart de leurs synagogues : mais les Mahométans se servent d'un couteau de fer ou d'un rasoir. Dans certaines maladies , on est cbligé de faire une opération pareille à la circonci- sion *. On croit que les Turcs et plusieurs autres peuples chez qui la circoncision est en usage , auroient naturellement le prépuce trop long si on n’avoit pas la précaution de le couper. La Boulaye dit qu’il a vu dans les déserts de Mésopotamie et d'Arabie, le long * Voyez l’AÆnaiomie de Dionis , dem. 4. DE L'HOMME. M. des rivières du Tigre et de l’Euphrate, quan- tité de petits garçons arabes qui avoient le prépuce si long, qu'il croit que sans le se- cours de la circoncision, ces peuples seroient inhabiles à la senération. La peau des paupières est aussi plus lon- gue chez les Orientaux que chez les autres peuples , et cette peau est, comme l’on sait, d’une substance semblable à celle du pré- puce ; mais quel rapport y a-t-1l entre l'accroissement de ces deux parties si éloi- gnées ? ne Une autre circoncision est celle des filles ; elle leur est ordonnée, comme aux garçons, en quelqués pays d'Arabie et de Perse, comme vers le golfe Persique et vers la mer Rouge : mais ces peuples ne circoncisent les filles que quand elles ont passé l’âge de la puberté, parce qu'il n’y a rien d’excédant avant ce temps-là. Dans d’autres climats, cet accrois- sement trop grand des nymphes est bien plus prompt, et il est si général chez de cer- tains peuples, comme ceux de la rivière de Benin, qu'ils sont dans l’usage de circon- cire toutes Les filles aussi-bien que les garçons huit ou quinze jours après leur naissance. 94 HISTOIRE NATURELLE Cette circoncision des filles est même très- ancienne en Afrique : Hérodote en parle comme d'une coutume des Ethiopiens. . La circoncision peùt donc être fondée sur la nécessité, et cet usage a du moins pour objet la proprete : mais l'infibulation et la castration ne peuvent avoir d'autre origine que la jalousie; ces opérations barbares, et ridicules ont été imaginces par des esprits noirs et fanatiques, qui , par une basse envie contre le genre humain, ont dicté des lois tristes et cruelles, où la privation fait la vertu , et la mutilation le mérite. L’infibulation pour les garçons se fait en tirant le prépuce en avant; on le perce et on le traverse par un gros fil que l’on y laisse jusqu à ce que les cicatrices des trous soient faites; alors on substitue au fil un anneau assez grand, qui doit rester en place ausst loug-temps qu’il plait à celui qui a ordonné l'opération , et quelquefois, toute la vie. Ceux qui, parmi les moines orientaux, font vœu de chasteté, portent un très-gros anneau pour se mettre dans l'impossibilité d’y man- quer. Nous parlerons, dans la suite, de l'infi- bulation des filles: on ne peut rien imaginer DE L'HOMME. © \ 09 de bizarre et de ridicule sur ce sujet que les hommes n'aient mis en pratique, ou par passion, ou par superstition. | Dans l’enfance, il n’y a quelquefois qu’un testicule dans le scrotum , et quelquefois point du tout. On ne doit cependant pas toujours juger que les jeunes gens qui sont dans l’un ou l’autre de ces cas, soient en effet privés de ce qui paroît leur manquer ; il arrive assez souvent que les testicules sont retenus dans l’abdomen, ou engagés dans les anneaux des muscles : mais souvent ils sur- montent avec le temps les obstacles qui les arrêtent , et ils descendent à leur place ordi- naire ; céla se fait naturellement à l’âge de huit ou dix ans, ou même à l’âge de pu- berté : ainsi où ne doit pas s'inquiéter pour les enfans qui n'ont point de testicules ou qui n’en ont qu'un. Les adultes sont rare- ment dans le cas d’avoir les testicules cachés : apparemment qu'à l’âge de puberté la Na- turerfait un effort pour les faire paroître au dehors ; c’est aussi quelquefois par l'effet d’une maladie ou d’un mouvement violent, tel qu’un saut ou une chüte, etc. Quand même les testicules ne se mänifestent pas, L LORRTR gb ù HISTOIRE NATURELLE on n’en est pas moins propre à la génération; ; l’on a même observé que ceux qui sont dans cet état, ont plus de vigueur que les autres. Il se trouve des hommes qui n’ont réelle- ment qu'un testicule : ce défaut ne nuit point à la génération ; l’on a remarqué que le testicule qui est seul, est alors beaucoup « plus gros qu'à l'ordinaire. Il y a aussi des hommes qui en ont trois : ils sont, dit-on, beaucoup plus vigoureux et plus forts de corps que les autres. On peut voir par l'exemple des animaux , combien ces parties contribuent à la force et au courage: quelle différence entre un bœuf et un taureau, un : belier et un mouton, un coq et un chapon! L'usage de la castration des hommes est fort ancien et généralement assez répandu : c’étoit la peine de l’adultère chez les Égyp- | tiens; il y avoit beaucoup d’eunuques chez les Romains ; aujourd'hui dans toule l’Asie et dans une partie de l’Afrique on se sert de ces hommes mutilés pour garder les femmes. w En Italie cette opération infame et cruelle n’a pour objet que la perfection d'un vain” talent. 'Les Hottentots coupent un testicule” dans l’idée que ce retrauchement les rend. À à | 1 ; DE L'HOMME. 97 plus légers à la course; dans d’autres pays les pauvres mutilent leurs enfans pour éteindre leur postérité, et afin que ces enfans ne se trouvent pas un jour dans la misère et dans J'affliction où ils se trouvent eux-mêmes lorsqu'ils n’ont pas de pain à leur donner. Il y a plusieurs espèces de castration : ceux qui n’ont en vue que la perfection de la voix, se contentent de couper les deux testicules ; mais ceux qui sont animés par la défiance qu'inspire la jalousie , ne croiroient pas leurs femmes en sûreté si elles étoient gar- dées par des eunuques de cette espèce ; ils ne veulent que ceux auxquels on a retran- ché toutes les parties extérieures de la géné- ration. | dr un L'amputation n’est pas le seul moyen dont on se soit servi; autrefois on empéchoit l’ac- _ croissement des testicules , et on les détrui- soit, pour ainsi dire , sans aucune incision ; l'on baignoit les enfans dans l’eau chaude et dans des décoctions de plantes, et alors on pressoit et on froissoit les testicules assez long-temps pour en détruire l’organisation ; d’autres étoient dans l'usage de les compri- mer avec un instrumpgnt : on prétend que 9 88 HISTOIRE NATURELLE cette sorte de castration ne fait courir aucuñ : risque pour la vie. | L’amputation des testicules n’est pas fort | dangereuse ; on la peut faire à tout âge, cependant on préfère le temps de l’enfance : mais l’amputation entière des parties exté= rieures de la génération est le plus souvent mortelle, si on la fait après l’âge de quinze ans; et en choisissant l’âge le plus favorable, qui est depuis sept ans jusqu’à dix, il y a toujours du danger. La difficulté qu'il y a de sauver ces sortes d’eunuques dans l'opé- ration , les rend bien plus chers que les autres:Tavernierdit queles premiers coûtent cinq ou six fois plus que les autres en Tur- quie et en Perse; Chardin observe que l’am- putation totale est toujours accompagnée de la plus vive douleur, qu’on Ia fait assez sûrement sur les jeunes enfans, mais qu’elle est très-dangereuse passé l’âge dequinzeans, qu’il en réchappe à peine uu quart, et qu’il faut six semaines pour guérir la plaie; Pietro della Valle dit au contraire que ceux à qui on fait cette opération en Perse pour puni- tion du viol et d’autres crimes du même genre, en guérissent fort heureusement, DE L'HOMME. - 99 quoiqu'avancés en âge , et qu’on n’applique que de la cendre sur la plaie. Nous ne savons pas si ceux qui subissoient autrefois la même peine en Égypte, comme le rapporte Diodore de Sicile, s’en tiroient aussi heureusement. Selon Thevenot, 1 périt toujours un grand nombre des Nègres que les Turcs soumettent à cette opération, quoiqu'ils prennent des enfans de huit ou dix ans. | Outre ces ennuques nègres, il y a d’autres eunuques à Constantinople, dans toute la Turquie, en Perse, etc. qui viennent, pour la plupart, du royaume de Golconde, de la presqu'ile en-decà du Gange, des royaumes" d’Assan, d'Aracan ; de Pésu et de Malabar où le teint est gris, du golfe de Bengale où ils sont de couleur olivâtre : il y en a de blancs de Géorgie et de Circassie, mais en petit nombre. Tavernier dit qu'étant au royaume de Golconde en 1657, on y fit jus- qu'à vingt-deux mille eunuques. Les noirs viennent d'Afrique, principalement d’Éthio- pie: ceux-ci sont d'autant plus recherchés et plus chers qu'ils sont plus horribles; on veut qu’ils aient le nez fort applati, le regard affreux , les lèvres fort srandes et fort grosses, . Qt CAE SRE RUE COOL Maen te h i K à nt e he: a : Lie 4 : RON © UE NY Li. 1 M 100 HISTOIRE NATURELLE et sur-tout lés dents noires et écartées les unes des autres. Ces peuples ont communé- ment les dents belles ; mais ce seroit un dé- faut pour un éunuque noir, qui doit être ui monstre hideux. Les eunuques auxquel$ on n’a ôté que les testicules , ne laissent pas de sentir de l’irri- tation dans ce qui leur reste, et d'en avoir le signe extérieur, même plus fréquemment que les autres hommes. Cette partie qui leur reste, n'a cependant pris qu'un très-petit accroissement; car elle demeure à peu près dans le même état où elle étoit avant l’opéra- tion : un eunuque fait à l’âge de sept ans, est, à cet égard, à vingt ans comme un en- fant de sept ans ; ceux au contraire qui n’ont subi l'opération que dans le temps de la pu- berté ou un peu plus tard, sont à peu près comme les autres hommes. Il y a des rapports singuliers, dont nous ignorous les causes, entre les parties de là gé- nération et celles de la gorge : les eunuques n’ont point de barbe ; leur voix, quoique forte et perçante , n’est jamais d’un ton grave; souvent les maladies secrètes se mon- irent à la gorge. La correspondance qu'ont DE L'HOMME, or certaines parties du corps humain avec d’autres fort éloignées et fort différentes, et qui est ici si marquée, pourroit s’observer bien plus généralement : mais on ne fait pas assez d'attention aux effets lorsqu'on ne soupçonne pas quelles en peuvent ètre les causes; c’est'sans doute par cette raison qu’on n’a jamais songé à examiner avec soin ces correspondances dans le corps humain, sur lesquelles cependant roule une grande partie du jeu de la machine animale. Il y a dans les femmes une grande correspondance entre la matrice, les mamelles et la tête ; combien n’en trouveroit-on pas d’autres si Les grands médecins tournoient leurs vues de ce côté-là? Il me paroît que cela seroit peut-être plus utile que la nomenclature de l’anatomie. Ne doit-on pas être bien persuadé que nous ne connoîtrons jamais les premiers principes de nos mouvemens ? Les vrais ressorts de notre organisation ne sont pas ces muscles, ces veines ; ces artères , ces nerfs que l’on dé- crit avec tant d’exactitude et de soin :; il réside y; ‘comme nous l’avons dit, des forces intérieures dans les corps organisés, qui ne suiveut point du tout les lois de la méca- ÿ - Etes Ads, PES De) D NOT ONE ILE | AUS HT fl REA RE xo2 HISTOIRE NATURELLE nique grossière que nous avons imaginée, et à laquelle nous voudrions tout réduire : aw lieu de chercher à connoitre ces forces par. leurs effets, on a tâché d’en écarter jusqu’à l’idée ; on a voulu les bannir de la philoso- phie: elles ont reparu cependant, et avec plus d'éclat que jamais, dans la gravitation, daus les affinités chimiques , dans les phé- nomènes de l'électricité, etc. Mais malgré leur évidence et leur universalité , comme elles agissent à l’intérieur , comme nous ne pouvons les atteindre que par le raisonne- ment, comme en un mot elles échappent à uos yeux, nous avons peine à les admettre, nous voulons toujours juger par l'extérieur, nous nous imaginons que cet extérieur est tout, il semble qu’il ne nous soit pas permis de pénétrer au-delà , et nous négligeons tout ce qui pourroit nous y conduire. | Les anciens , dont le génie étoit moins limité et la philosophie plus étendue ; s’é- tonnoient moins que nous des faits qu'ils ne - pouvoient expliquer; ils voyoient mueux la Nature telle qu’elle est; une sympathie; une correspondance singulière n’étoit pour eux qu'un phégomène, et c'est pouf nous un l'a DE L'HOMME. 103 paradoxe dès que nous ne pouvons le rap- porter à nos prétendues lois du mouvement; ils savoient que la Nature opère par des ‘moyens inconnus la plus grande partie de ses effets ; ils étoient bien persuadés que nous ne pouyons pas faire l’énumération de ces moyens et de ces ressources de la Nature, qu’il est par conséquent impossible à l'esprit humain de vouloir la limiter en la réduisant à uu certain nombre de principes d’action et de moyens d'opération ; il leur suffisoit au contraire d’avoir remarqué un certain nom- bre d'effets relatifs et du même ordre pour constituer une cause. Qu’avec les anciens on appelle sympathie cette correspondance singulière des diffé rentes parties du corps , ou qu'avec les mo- dernes on la considère comme un rapport inconnu dans l’action des nerfs , cette sym-— pathie ou ce rappoït existe dans toute l’éco— nomie animale; et l'on ne sauroit trop s’ap- pliquer à en observer les effets; si lon veuE perfectionner la théorie de la médecine. Mais ce n'est pas ici le lieu de m’étendre sur ce sujet important : j'observerai seulement que cette correspendance entre. la voix et les RU POINTE ne 104 HISTOIRE NATURELLE | parties de la génération se reconnoît non seu- lement dans les eunuques , mais aussi dans les autres hommes, et mème dans les femmes: la voix change dans les hommes à l’âge de puberté, et les femmes qui ont la voix forte, sont soupçonnées d’avoir plus de penchant à l'amour, etc. j Le premier signe de la’puberté est une espèce d’engourdissement aux aines, qui devient plus sensible lorsque l’on marche ow lorsque l’on plie Le corps en avant ; souvent cet engourdissement est accompagné de dou- leurs assez vives dans toutes les jointures des membres : ceci arrive presque toujours aux jeunes gens qui tiennent un peu du rachi- tisme ; tous ont éprouvé sisi serie. ou éprouvent en même temps ,'une sensation jusqu'alors inconnue dans les parties qui ca- ractérisent le sexe; il s y élève une quantité de petites proéminences d’une couleur blan- châtre; ces petits boutons sont les germes d’uñe nouvelle production , de cette espèce de cheveux qui doivent voiler ces parties; le son de la voix change , il devient rauque et inégal pendant un espace de ‘temps assez long , après lequel: il se trouve plus plein ; |. DE L'HOMME. 103 plus assuré, plus fort et plus grave qu’il n’étoit auparavant. Ce changement est très sensible dans lés garçons ; et s’il l’est moins dans les filles, c'est parce que le son de leur voix est naturellement plus aigu.’ Ces signes de puberté sont communs aux deux sexes, mais il ÿ en a de particuliers à chacun; l’éruption des menstrues, Paccrois- sement du sein, pour les femmes ; la barbe et l’émission de la liqueur séminale pour les hommes. Il est vrai que ces signes ne sont pas aussi constans les unis que les autres : la barbe, par exemple, ne paroît pas toujours précisément au temps de la puberté ; il y a même des nations entières où les hommes n'ont presque point de barbe, ét il n’y a au contraire aucun peuple chez qui la puberté des femmes ne soit marquée par l’accroisse- ment des mamelles. Dans toute l’espèce humaine les femmes arrivent à la puberté plus tôt que les mâles: mais chez les différens peuples , l’âge de pu- berte est différent et semble dépendre en partie de la température du climat et de la qualité des alimens. Dans les villes et chez les sens aisés les enfans accoutumés à _\ MEL VAE A RER LINNE «\' à 106 HISTOIRE NATURELLE | des nourritures succulentes et abondantes arrivent plus tôt à cet état: à la campagneet dans le pauvre peuple les enfans sont plus … tardifs, parce qu’ils sont mal et trop peu nourris ; il leur faut deux ou trois années de plus. Dans toutes lesparties méridionales de l'Europe et dans les villes la plupart des filles sont pubères à douze ans et: les garçons à quatorze ; mais dans les provinces du Nord et dans les campagnes à peine les filles le sont-elles à quatorze et les garçons à seize. Si l’on demande pourquoi les filles arrivent plus tôt à l’état de puberté que les garçons, et pourquoi dans tous les climats, froids où chauds ; les femmes peuvent engendrer de meilleure heure que les homimes, nous croyons pouvoir satisfaire à cette question en répondant que comme les hommes sont beaucoup plus grands et plus forts que les femmes , comme ils ont le corps plus solide, plus massif, Les os plus durs, les muscles plus fermes , la chair plus compacte, on doit présumer que Le temps nécessaire à l’ac- croissement de leur corps doit être plus long que le temps qui est nécessaire à l’ac- - croisgment de celui des femelles; et comme DE L'HOMME. to ce ne peut être qu'après cet accroissement pris en entier, ou-du moins en grande par- tie, que le superflu de la nourriture orga- nique commence à être renvoyé de toutes les parties du corps dans les parties de la sénération des deux sexes, il ärrive que dans les femmes la nourriture est renvoyée plus tôt que dans les hommes, parce que leur accroissement se fait en moins de temps, puisqu’en total il est moindre, et que les femmes sont réellement plus petites que les hommes, Dans les climats les plus cha de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique, la plupart dés filles sont pubères à dix et même à neuf ans; l'écoulement périodique, quoiq ue moins abondant dans ces pays chauds, paraît cepen= dant plus tôt que dans les pays froids : l’in- tervalle de cet écoulement est à peu près le même dans toutes les nations, et il y a sur cela plus de diversité d’individu à individu que de peuple à peuple; car, dans le même climat et dans la même nation, il y a des femmes qui tous les quinze jours sont su- jettes au retour de celte évacuation natu- relle, et d’autres qui ont jusqu’à cinq et six 108 HISTOIRE NATURELLE . semaines, de libres; mais ordinairement l'intervalle est d’un mois, à quelques jours près. | | La. quantité Fe l'évacuation paroit fes | pendre de la quantité des alimens et de celle de la transpiration insensible. Les femmes qui mangent plus que les autres et qui ne font point d’exercice ; ont des menstrues plus abondantes ; celles des climats chauds, où la transpiration est plus grande que dans | les pays froids, en ont moins. Hippocrate en avoit estimé la quantité à la mesure de deux hémines, ce qui fait neuf onces pour le poids. Il est surprenant que cette esti- mation qui a été faite en Grèce, ait été . trouvée trop forte en Angleterre, et qu’on ait prétendu la réduire à trois onces etau- dessous. Mais il faut avouer que les indices que l’on peut avoir sur ce fait, sont fort in- certains : ce qu'il y a de sûr, c’est que cette quantité varie beaucoup dans les différens sujets et dans les différentes circonstances ; on pourroit peut-être aller depuis une ou deux onces jusqu’à une livre et plus. La du- rée de l'écoulement est de trois, quatre ou . cinq jours dans la plupart des femmes, et | DE L'HOMME. 109 de six, sept et même huit dans quelques unes. La surabondance de la nourriture et du sang est la cause matérielle des mens- trués; les symptômes qui précèdent leur écoulement, sont autant d'indices certains de plénitude , comme la chaleur, la tension, le gouflement, et même la douleur que les femmes ressentent, non seulement dans les endroits mêmes où sont les réservoirs, et dans ceux qui les avotsinent, mais aussi dans les mamelles : elles sont sonflées, et l’abondance du sang y est marquée par la couleur de leur aréole, qui devient alors plus foncée ; les yeux sont chargés, et au-dessous de l’or- bite la peau prend une teinte de bleu ou de violet ; les joues se colorent, la tête est pe- sante et douloureuse, et: en général tout de corps est dans un état d’accablement causé par la surcharge du sang. C’est ordinairement à l’âge de puberté que le corps achève de prendre son accrois- sement en hauteur : les jeunes gens gran- dissent presque tout-à-coup de plusieurs pouces. Mais de toutes les parties du corps, celles où l'accroissement ést le plus prompt et le plus sensible, sont Îles parties de la Mat, gén, EX. 19 0, HISTOIRE NATURELLE génération dans l’un et l’autre sexe : mais cet accroissement n’est dans les mâles qu'un développement, une augmentation de vo-. lume, au lieu que, dans les femelles, 1l pro-. duit souvent un rétrécissement auquel ou, a donné differens noms lorsqu'on a parlé des signes de la virginité. FLO Les hommes, jaloux des primautés en tout. genre, ont toujours fait grand cas de tout ce qu'ils ont cru pouvoir posséder exclusive- ment et les premiers : C’est cette espèce de folie qui a fait un être réel de la virginité des filles. La virginité, qui est un être mo- ral, une vertu qui ne consiste que dans la pureté du cœur, est devenue un objet phy- sique dont tous les hommes se sont occu- pés : ils ont établi sur cela des opinions, des usages, des cérémonies, des supersti- tions , et même des jugemens ét des peines ; les abus les plus illicites, les coutumes les plus déshonnêtes, ont été autorisés; on a soumis à l'examen de matrones ignorantes, et exposé aux yeux de medecins prévenus, les parties les plus secrètes de là Nature, sans songer qu’une pareille indécence est | in attentat contre la virginité, qué c'est la { k ‘ . DE L'HOMME. ITE violer que de chercher à la reconnoître, que toute situation honteuse, tout état indécen£é dont une fille est obligée de rougir intérieu- rement , est une vraie défloration. Je:n’espère pas réussir à détruire les pré- juges ridicules qu'on s’est formés sur ce sujet; les choses qui font plaisir à croire, seront toujours crues, quelque vainés et quelque déraisonnables qu’elles puissent être : cepen-" dant, comme dans une histoire où rapporte non seulement la suite des événemens et les circonstances des faits, mais aussi l’origine des opinions et des erreurs dominantes, j'ai cru que dans l’histoire de l’homme je ne pourrois me dispenser de parler de l’idole favorite à laquelle il sacrifie, d'examiner quelles peuvent être les raisons de son culte, et de rechercher si la virginité est un être réel , ou si ce n’est qu’une divinité fabu- leuse. (0 | } Fallope, Vésale, Diemerbroeck, Riolan, Bartholin , Heister, Ruysch, et quelques au- tres anatomistes, prétendent que la mem brane de l’hymen ést une partie réellement existante, qui doit être inisé au nombre des parties de la génération des femmes, et ils L d s12 HISTOIRE NATURELLE. disent que cette membrane est charnuez; qu’elle est fort mince dans les enfans, plus épaisse dans les filles adultes; qu’elle est” située au-dessous de l’orifice de l’urètre ; qu'elle ferme en partie l'entrée du vagin ; que cette membrane est percée d’une ouver- ture ronde, quelquefois longue, etc.; que l’on pourroit à peine:y faire passer un pois dans l’enfance, et.une grosse féve dans l’âge de puberté. L’hymen, selon M. Winslow, est un repli membraneux plus ou moins circulaire , plus ou moins large, plus ou moins égal, quelquefois semi-lunaire, qui laisse une ouverture très-petite dans les unes, plus grande dans les autres, etc. Ambroise Paré, Du Laurens, Graaf, Pinæus, Dionis,, Mauriceau , Palfyn, et plusieurs autres ana- tomistes aussi fameux et tout au moins aussi accrédités que les premiers que nous avons cites, soutiennent au contraire que la mem- brane de l’hymen n'est qu'une chimère, que cette partie n'est paint naturelle aux filles, : et.ils s’étonnent de ce que les autres en out parlé comme d’une chose réelle et constante: ils leur opposeut une multitude d’expérien- ces par lesquelles ils se sont assurés que celte L 1 21 CL di T4 £ RAR à DE L'HOMME. | 113 - membrane n’existe pas ordinairement ; ils rapportent les observations qu’ils ont faites sur un grand nombre de filles de différens âges, qu’ils ont disséquées ; et dans lesquelles ils m'ont pu trouver cette membrane : ils avouent seulement qu’ils ont vu quelque- fois. ,, mais bien rarement, une membrane ‘qui unissoit des protubérances charnues, qu'ils ont appelées caroncules myrtiformes ; mais ils soutiennent que cette membrane étoit contre l’état naturel. Les anatomistes ne sont pas plus d'accord entre eux sur la qualité et le nombre de ces caroncules : sont- elles seulement des rugosités du vagin? sont- elles des parties distinctes et séparées? sont- elles des restes de la membrane de l’hymen ? le nombre en est-il constant? n’y en a-t-il qu'une seule ou plusieurs dans l’état de vir- ginité? Chacune de ces questions a été faite, et chacune a été résolue différemment. Cette contrariété d'opinions sur un fait qui dépend d’une simple inspection, prouve que les hommes ont voulu trouver dans la Nature ce qui n’étoit que dans leur imagt- nation, puisqu'il y a plusieurs anatomistes qui disent de bonne foi qu'ils n’ont jamais 19 | | _ trouvé d’hymen ni de caroncules hs Jes filles qu'ils ont disséquées,, mème avant A. ÿ , . . ë l'âge de puberté; puisque ceux qui sou- tiennent au contraire que cette membrane et ces caroncules existent; avouent en même temps que/ces parties ne sont pas toujours les mèmes ; qu’elles varient dé forme ,de grandeur et de consistance, dans les différens sujets; que souvent au lieu d'hymeu il n'y a qu’une caroncule; que d’autres fois il y en a deux ou plusieurs réunies par une men brane; que l’ouverture de cette membrane est de différente forme, etc. Quelles sont les conséquences qu’on doit tirer de toutes ces observations? qu’en peut-on conclure, sinon que les causes du prétendu rétrécis= sement de l'entrée du vagin ñe sont pas constantes , et que, lorsqu'elles existent, elles n’ont tout au plus qu'un effet passager qui est susceptible de différentes modifica- tions? L’anatomie laisse, comme l’on voit, une incertitude entière sur l'existence dé cette membrane de l’hymen et de ces caron- eules; elle nous permet dé rejeter cès signes de la virginité, non seulement comme in certains, mais même comme imaginaires: \ A " W: \ ee LE ÿ 1 — DE L'HOMME. |. t5. IL'en est de même d'un auûtre signe plus ordinaire, mais qui cependant est tout aussi équivoque; c’est le sang répandu. On a cru dans tous les temps que L'effusion du sang étoit une preuve réelle de la virginité; ce- pendant il est évident que ce prétendu signe estnul-dans toutes les circonstances où l’en- trée-du vagin a pu être relâchée ou dilatéé naturellement. Aussi toutes les files, quoi- que non déflorées, ne répandent pas du sans : d'autres qui le sont en effet, ne laissent pas d’en répandre : les unes én donnent abon- damment et plusieurs fois, d’autres très-peu et une seule fois, d’autres point du tout; cela dépend de l’âge, de la santé, de la con- formation, et d’un grand nombre d’autres circonstances : nous nous Contenterons d'en rapporter quelques unes eh même temps que nous tâcherons de démêler sur quoi peut être fondé tout ce qu'on raconté dés signes physiques de la virginité. ea es .-Il'arrive dans les parties ‘de l'ün ét de Vautre sexe ui changément considérable daus le temps de la puberté. Celles dé l’homme prennent un prompt accroissement, et ordi- nairement elles arrivent en moins d’un au 116 HISTOIRE NATURELLE ou deux à l’état où elles doivent rester pour toujours Celles de la femme croissent'aussi. dans le même temps de la puberté-srles nymphes sur-tout ; qui étoient auparavant : presque inseusibles, deviennent plusgrosses, plus apparentes , et même elles excèdent quelquefois les dimensionsordinaires; l'écou- lement périodique arrive en même témps; et toutes ces parties se trouvant gonflées par l'abondance du sang, et étant dans un; état d’accroissement , elles se tuméfiént, -elles:$e serrent mutuellement et elles s’atiachent les unes aux autres dans, tous les: points où elles se touchent immediatement : l’orifice du vagin se trouvé ainsi plus rétréci qu’il ne l’étoit, quoique le vagin lui-même:ait pris auséi de l’accroissement dans le même temps. La forme de ce rétrécissement doit, conmime l’on voit, être fort différente dans les différens sujets et dans les différens degrés de l’accroissement de ces parties ; aussi pa- roit-il par ce qu’en disent les anatomistes, qu'il y a quelquefois quatre protubérances ou caroncules , quelquefois trois ou deux; te que souvent il se trouve une espèce d’anneau circulaire ou semi-lunaire, ou bien un fron- { DE L'HOMME. 117 cement, une suite de petits plis : mais ce qui n'est pas dit par les anatomistes , c’est que, quelque forme que prenne ce rétrécis- sement, il n'arrive que dans le temps de la puberté. Les petites filles que j'ai eu occa- sion de voir disséquer, n’avoient rien de semblable ; et ayant recueilli des faits sur ce sujet, je puis avancer que quand elles ont commerce avec les hommes avant la puberté, il n’y a aucuve effusion de sang, pourvu qu'il n’y ait pas une disproportion trop grande ou des efforts trop brusques : au contraire , lorsqu'elles sont en pleine pu- berté et dans le temps de l'accroissement de ces parties, il y a très-souvent effusion de sang pour peu qu'on y touche, sur-tout si elles ont de l’embounpoint et si les règles -vont bien; car celles qui sont maigres ou qui ont des fleurs blanches, n’ont pas or- dinairement cette apparence de virginité. Et ce qui prouve évidemment que ce n’est en effet qu’une apparence trompeuse, c’est qu'elle se répète même plusieurs fois, et après des intervalles de temps assez con- sidérables : une interruption de quelque temps fait renaître cette prétendue vireis c u8 HISTOIRE NATURELLE nité; et il est certain qu’une jeune personne qui, dans les premières approches , aura ré- pandu beaucoup de sang, en répandra encore après une absence, quand même le premier commerce auroit duré pendant plusieurs mois, et qu'il auroit été aussi intime et aussi fréquent qu’on le peut supposer. Tant que le corps prend de l’accroissement, l’ef- fusion de sang peut se répéter, pourvu qu'il y ait une interruption de commerce assez longue pour donner le temps aux parties de se réunir et de reprendre leur premier état; et il est arrivé plus d’une fois que.des filles qui avoient eu plus d’une foiblesse, n'ont pas laissé de donner ensuite à leur mari cette preuve de leur virginité, sans autre artifice que celui d’avoir renoncé peñ- dant quelque temps à leur -commnerce:illé- gitime. Quoique nos mœurs aient rendu les femmes trop peu sincères sur cet article ,:ik s’en est trouvé plus d’une qui ont avoué les faits. que je viens de rapporter : il y en a dont la prétendue virgimté s’est renouvelée jusqu’à quatre et même cinq fois, dans Pes- pace de deux ou trois an$. Il faut cependant convenir que ce renouvellement n'a qu'un (4 . * DE L'HOMME. 119 temps; c’est ordinairement de quatorze à dix-sept, ou de quinze à dix-huit ans : dès que le corps a achevé de prendre son accrois- sement, les choses demeurent dans l’état où elles sont, et elles ne peuvent paroître diffé- rentes qu’en employant des secours étran- gers et des artifices dont nous nous dispen- serons de parlér. Ces filles dont la virginité se renouvelle, ne sont pas en aussi grand nombre que celles à qui la Nature a refusé cette espèce de fa- veur : pour peu qu'il y ait de dérangement dans la santé, que l’écoulement périodique se montre mal et difficilement, que les par- ties soient trop humides et que les fleurs blanches viennent à les relâcher, il ne se fait aucun rétrécissement , aucun fronce- nent. Ces parties prennent de l’accroisse- ment : mais étant continuellement humec- tées , elles n’acquiérent pas assez de fermeté pour se réunir; il ne se forme ni caroncules, ni anneau, ni plis ; l’on ne trouve que peu d'obstacles aux premières approches, et elles se font sans aucune effusion de sang. Rien n'est donc plus chimériaue que les préjugés des hommes à cet égard, et rien s20 HISTOIRE NATURELLE | de plus incertain que ces prétendus signes 1 de la virginité du corps. Une jeune personne aura commerce avec un homme avant lPâge de puberté, et pour la première fois; cepen- dant elle ne donnera aucune marque de cette virginité : ensuite la même personne, après quelque temps d'interruption , lors- qu'elle sera arrivée à la puberté, ne man- 4 quera guère, si elle se porte bien, d’avoir tous ces signes et de répandre du sang dans de nouvelles approches elle ñe deviendra. pucelle qu'après avoir perdu sa virginité; elle pourra même le devenir plusieurs fois de suite et aux mêmes conditions : une autre, au contraire, qui sera vierge en effet, ne sera pas pucelle, ou du moins n’en aura pas la moindre apparence. Les hommes devroient donc bien se tranquilliser sur tout cela, au lieu de se livrer, comme ils le font sou- vent, à des soupçons injustes ou à de fausses joies , selon a ‘ils s'imaginent avoir rencontré. Si l'on vouloit avoir un signe évident et. infaillible de virginité pour les filles, il fau- droit le chercher parmi ces nations sauvages et barbares, qui, n'ayant point de sentimens FA « DE L’HOMME. 125 de vertu et d'honneur à donner à leurs en- fans par une bonne éducation, s’assurent de la chasteté de leurs filles par un moyen que leur a suggéré la grossièreté de leurs mœurs. Les Éthiopiens et plusieurs autres peuples de l'Afrique , les habitans du Pégu et de l'Arabie pétrée, et quelques autres nations de l'Asie, aussitôt que leurs filles sont nées, rapprochent par une sorte de couture les parties que la Nature a séparées, et ne laissent libre que l’espace qui est nécessaire pour les écoulemens naturels : les chairs adhèrent peu à peu, à mesure que l’enfant prend son accroissement, de gorte que l’on est obligé de les séparer par une incision lorsque le temps du mariage est arrivé. On dit qu'ils emploient pour cette infibulation des femmes un fil d'amiante, parce que cette matière n’est pas sujette à la corruption. Il y a certains peuples qui passent seulement un anneau. Les femmes sont soumises, comme les filles, à cet usage outrageant pour la vertu; on les force de même à porter un anneau : la seule différence est que celui des filles ne peut s'ôter, et que celui des femmes a une espèce de serrure dont le mari seul a 11 +22 HISTOIRE : NATURELLE | la clef. Mais pourquoi citer des nations bar- bares, lorsque nous avons de pareils exem- ples aussi prés de nous? La délicatesse dont quelques uns de nos voisins se piquent sur la chasteté de leurs femmes, est-elle autre chose qu’une jalousie brutale et criminelle ? Quel contraste danis les goûts et dans les mœurs des différentes nations! quelle con trariété dans leur façon de penser! Après ce que nous venons de rapporter sur le cas que la plupart des hommes font de la virginité, sur les précautions qu'ils prennent, et sur les moyens honteux qu'ils se sont avisés d’em- ployer pour s’en assurer, imagineroit-on que d'autres peuples la méprisent, et qu’ils re- gardent comme un ouvrage servile la peine qu'il faut prendre pour : ôter? La superstition a porté certains peuples à céder les prémices des vierges aux prêtres de leurs idoles, ou à en faire une espèce de sacrifice à l’idole même. Les prêtres des royaumes de Cochin et de Calicut jouissent de ce droit; et chez les Canariens de Goa; les vierges sont prostituées, de gré ou de force, par leurs plus proches parens, à une idole de.fer : la superstition aveugle de ces peuples DE L'HOMME. : 123 [ leur fait commettre ces excès dans des vues de religion. Des vues purement humaines en ont engagé d’autres à livrer avec empresse- ment leurs filles à leurs chefs, à leurs mai- tres, à leurs seigneurs : les habitaps des îles Canaries, du royaume de Congo, prostituent leurs filles de cette façon sans qu’elles ei soient déshonorées. C’est à peu près la même chose en Turquie et en Perse, et dans plu- sieurs autres pays de l’Asie et de l'Afrique, où les plus grands seigneurs se trouvent trop ho- norés de recevoir de la main de leur maître les femmes dont il s’est dégoûté. Au royaume d’'Aracan et aux iles Philip pines, un homme se croiroit déshonoré s’il épousoit une fille qui n’eût pas été déflorée par un autre; et ce n’est qu'à prix d'argent que l’on peut engager quelqu'un à prévenir l'époux. Dans la province de. Thibet , les mères cherchent des étrangers et les prient instamment de mettre leurs filles en état de trouver des maris. Les Lappons préfèrent aussi les filles qui ont eu commerce avec des étrangers : 1ls pensent qu'elles ont plus de merite que les autres, puisqu'elles ont su plaire à des hommes qu’ils regardent comme 124 pas NATURELLE plus connoisseurs et meilleurs juges de a beauté qu’ils ne le sont eux-mêmes. À Ma- dagascar et dans quelques autres pays, les files Les plus libertines et les plus débauchées sont celles qui sont le plus tôt mariées. Nous pourrions donner plusieurs autres exemples _ de ce goût singulier, qui ne peut venir que de la grossièreté ou de la dépravation des mœurs. L'état naturel des LME après la pu- berte est celui du mariage ; un homme ne doit avoir qu'une femme, comme une femme ne doit avoir qu’un homme; cette loi est celle de la Nature, puisque le nombre des femelles est à peu près égal à celui des mâles: ce ne peut donc être qu’en s’éloignant du_ droit naturel ,et par la plus injuste de toutes les tyrannies , que les hommes ont établi des lois contraires. La raison , l'humanité ; la jee , réclament contre ces sérails odieux où l’on sacrifie à la passion brutale ou dé- daigneuse d’un seul homme la liberte et le cœur de plusieurs femmes dont chacune ‘pourroit faire le bouheur d’un autre homme. Ces tyrans du genre humain en sont-ils plus heureux ? environnés d'eunuques et de nanciero dr: À 488: femmes inutiles à eux-mêmes et aux autres hommes , ils sont assez punis, ils ne voient que les malheureux qu'ils ont faits. Le mariage , tel qu'il est établi chez nous et chez les autres peuples raisonnables et religieux , est donc l’état qui convient à l'homme, et dans lequel il doit faire usage des nouvelles facultés qu’il a acquises par la puberté, qui: lui deviendroient à charge, et même quelquefois funestes, s’il s’obstinoit à garder le célibat. Lé trop long séjour de la liqueur séminale dans ses réservoirs peut causer des maladies dans l’un ét dans l’auire sexe, ou du moins desirritations si violentes, que la raison et la religion seroient à peine suffisantes pour résister à ces passions impeé- tueuses ; elles rendroient l’homme semblable aux animaux , qui sont furieux et indom— tables lorsqu'ils ressentent ces impressions. L'effet extrême de cette irritation dans les femmes est la fureur utérine; c’est une espèce de manie qui leur trouble l’esprit et leur ôte toute pudeur ; les discours les plus lascifs, les actions les plus indécentes, accompagnent cette triste maladie et en décèlent l’origine. J'ai vu,et je l'ai vu comme un pliénomène, 11 “ UE n LE it 126 HISTOIRE NATURELLE. “1 une fille de douze ans , très-brune, d’un teint. vif et fort coloré, d’une petite taille, mais. déja formée , avec de la gorge et!de l’emibon- point, faire les actions les: plus: indécentes au seulaspect d’un homme ; rien n’étoit ca- pable de l’en empêcher, ni la présence de sa mêré, ni les remonftraices’, miles châtimens : elle ne perdoit cependant pas la raison ; et son ‘accès , qui ‘toit marqué au bpoint d'en être affreux, cessoit dans le’moment qu'elle demeuroit seule avec des femnies. Aristote prétend que c’est à cet âge que l'irritation est la plus grande, et qu’il faut sarder le plus. soigneusement les filles. Cela peut être vrai pour le climat où il vivoit ; maïs il paroié que dans les'pays plus froids le tempéraz ment des femines ne commence à prendre de l’ardeur:que beaucoup plus tard. = Lorsque la fureur utériñie’est à un certain degré, lé mariage ne la calme point : il y a des exemples de femines qui er sont mortes. Heureusement la force de'la Nature caüse rarement toute seule ces funestes passions , lors mème que le tempérament y ést disposé; il faut, pour qu’elles arrivent à cette extre- mité, le concours de plusieurs causes, dont ti À Le A L DE L'HOMME. 127 - la principale est une imagination allumée par le feu des conversations licentieuses et des images obscènes. Le tempérament opposé est infiniment plus commun parmi les femmes ; la plupart sont naturellement froides ou tout au moins fort tranquilles sur le physique de cette passion. Il y a aussi des hommes auxquels la chasteté ne coûte rien ; j'en ai connu qui jouissoient d’une bonne santé , et qui avoient atteint l’âge de vingt- cinq ‘et trente ans, sans que la Nature leur eût fait sentir des besoins assez pressans pour les déterminer à les satisfaire en au- cune facon. : Au reste , les excès sont plus à craindre que là continence. Le nombre des hommes immodérés est assez grand pour en donner des exemples : : les uns ont perdu la mémoire, les autres ont été privés de la vue, d’autres sont devenus chauves, d’autres ont péri d’é- puisement ; la saignée est, comme l’on sait, mortelle en pareil cas. Les personnes sages ne peuvent trop avertir les jeunes gens du tort irréparable qu’ils font à leur sante: combien n’y en a-t-il pas qui cessent d’être hommes, ou du moins qui cessent d’en 126 HISTOIRE NATURELLE. avoir les facultés ; avant l’âge de trente aus combien d’autres prennent à quinze et à dant” | huit ans les germes d’une maladie honteuse, et souvent incurable! Nous avons dit que c’étoit ordinairement à l’âge de puberté que le corps achevoit de prendre son accroissement. Îl arrive assez souvent dans la jeunesse que de longues ma- ladies font grandir beaucoup plus qu’on ne grandiroit si l’on étoit en sante : cela vient, à ce que je crois , de ce que les organes exté— rieurs de la génération étant sans action pen- dant tout le temps de la maladie , là nour- riture organiqué n’y arrive pas ,parce qu'au- cune irritation ne l’y détermine, et que ces organes étant dans un état de foiblesseet de langueur , ne font que peu ou point de sé- crétion de liqueur séminale ; dès lors -ces particules organiques restant dans la masse du sang , doivent continuer à développer les extrémités des os ,à peu près comme 1l arrive dans Les euntuques:aussi voit-on trés-souvent des jeunes gens ; après de longues maladies, être beaucoup plus grands , mais plus mal faits qu'ils n’étoient ; les uns deviennent contrefaits des jambes, d’autres deviennent - DE L'HOMME. : xr2 bossus, etc., parce que les extrémités encore ductiles de leurs os se sont développées plus qu'il ne falloit par le supertlu des molécules organiques , qui, dans un état de santé, n’au- roit été employé qu'à former la liqueur sé- minale. L'objet du mariage est d’avoir des enfans ; mais quelquefois cet objet ne se trouve pas rempli. Dans les différentes causes de la sté- rilité, il y en a de communes aux hommes et aux femmes ; mais comme elles sont plus apparentes dans les hommes, on Les leur at- . tribue pour l'ordinaire. La stérilité est causée dans l’un et dans l’autre sèxe , ou par un défaut de conformation , ou par un vice accidentel dans les organes. Les défauts de conformation les plus essentiels dans les hommes, arrivent aux testicules ou aux muscles érecteurs. La fausse direction du canal de l’urètre, qui quelquefois est dé- tourné à côté où mal percé, estaussi un dé- faut contraire à la génération ; mais il fau- droit que ce canal füt supprimé en entier pour la rendre impossible : l’adhérence du prépuce par le moyen du frein peut être corrigée , et d'ailleurs ce n’est pas un obs- 1 4 T30 tacle à Tao GERS des femmes À peuvent aussi être mal CANTAL EI : la ma. trice toujours fermée ou toujours ouverte seroit un défaut ésalement contraire à la gé- nération. Mais la cause de stérilité la plus ordinaire âux homines et aux femmes, c’esk l’altération de la liqueur séminale dans les testicules. On peut se souvenir de l’obser- vation de Vallisnieri que j'ai citéeci-devant, qui prouve que les liqueurs des testicules des femmes étant corrompues, elles demeurent stériles. Il en est de même de celles de l’homme: si la sécrétion par laquelle se forme Ja semence , est viciée, cette liqueur ne sera plus féconde ; et quoiqu'à l’extérieur tous les organes de part et d'autre paroissent bien disposés , ,; il n’y aura aucune produc- ion. | Dans les cas de stérilité, on a souvent em— ployé différens moyens pour reconnoître si le défaut venoit de l’homme ou dé la femime: l'inspection est le premier de ces moyens, et il suffit'en effet, si la stérilité est causée par un défaut extérieur de conformation ; mais si les organes défectueux-sont dans l'inté- rieur du corps , alors on ne recounoîit le dé- DE L'HOMME. 136 faut des organes que par la nullité des effets. 11 y a des hommes qui, à la première inspec- tion , paroissent être bien conformés , aux quels: cependant le vrai signe de la bonne conformation manque absolument : il y en a d’autres qui n’ont ce signe que si imparfai- ‘tement ou si rarement, que c’est moins un signe certain de la virilité qu’un indice équi- voque de lPimpuissance. Tout le monde sait que le mécanisme de ces parties est independant de là volonté; on ne commande point à ces organes ; l'ame ne peut Les régir: c’est du corps humain la par- tie la plus animale; elle agit en effet par une espèce d’instinct dont nous ignorons les vraies causes. Combien de jeunes gens élevées dans la pureté et vivant dans la plus parfaite innocence et dans l'ignorance totale des plai- sirs , ont ressenti les impressions les plus vives, sans pouvoir deviner quelle en étoit la cause et l’objet! combien de jeunes gens au contraire demeurent dans la plus froide: langueur malgré tous les efforts de leurs sens. ct de leur imagination, maloré la présence des objets, malgré tous Les secours de l’art de la débauche ! F NN ER (Eee 01 tr 132 HISTOIRE NATURELLE Cette partie de notre corps est donc moins à nous qu'aucune autre; elle agit ou elle lan- guit sans notre participation ; ses fonctions commencent et finissent dans de certains temps, à un certain âge : tout cela se fait sans nos ordres , et souvent contre notre consen— tement. Pourquoi donc l’homme ne traite-t-1l pas cette partie comme rebelle ,;ou du moins comme étrangère? pourquoi semble-t-il lui obéir ? est-ce parce qu'il ne peut lui commander ? | Sur quel fondement étoient donc appuyées ces lois si peu réfléchies dans le principe et si déshonnèêtes dans l’exécution ? Comment le congrès a-t-1l pu être ordonné par des hommes qui doivent se connoïitre eux-mêmes et savoir que rien ne dépend moins d’eux que l’action de ces organes, par des hommes qui ne pouvoient ignorer que toute émotion del’ame, etsur-toutlahonte,sontcontraires à cet état, et que la publicité et l'appareil seuls de cette épreuve étoient plus que suffi- sans pour qu’elle fût sans succés? Au reste, la stérilité vient plus souvent des femmes que des hommes lorsqu'il n’y a aucun défaut de conformation à l'extérieur ; Le DE L'HOMME, 133 car, indépendamment de l'effet des fleurs blanches, qui, quand elles sont continuelles, doivent causer ou du moins occasionner la stérilité, 1l me paroît qu'il y a une autre cause à laquelle on n’a pas fait attention. On a vu par mes expériences ( chap. VI) que les testicules des femelles donnent nais- sance à des espèces de tubérosités nâturelles que j ai appelées corps glanduleux : ces corps, qui croisseut peu à peu, et qui servent à fil- trer, à perfectionner et à contenir la liqueur séminale, sont dans un état de changement continuel ; ils commencent par grossir au- dessous de la membrane du testicule ; ensuite ils la percent, ils se sonflent; leur extrémité s'ouvre d'elle-même, elle laisse distiller la liqueur séminale pendant un certain temps ; après quoi ces corps glanduleux s’affaissent peu à peu, se dessèchent , se resserrent et s’oblitèrent enfin presque entièrement; ils ne laissent qu'une petite cicatrice rougeâtre à l’endroit où ils avoient pris naissance. Ces corps glanduleux ne sont pas sitôt évanouis qu’il en pousse d’autres, et même pendant l’affaissement des premiers il s’en forme de nouveaux, en sorte que les testicules des : 12 134 HISTOIRE Pa, femelles sont dans un état de travail conti nuel , ils éprouven£ des changemens et des altérations considérables. Pour peu qu il : an ait donc de dérangement dans cet organe ; soit par l’épaississement des liqueurs, soit par la foiblesse des vaisseaux, il ne pourra plus faire ses fonctions ; il m'y aura plus de sécrétion de liqueur séminale : ou bien cetie même liqueur sera altérée , viciée ;! # e ’ . [\ corrompue ; ce qui causera necessairemen E la stérilité. Il arrive quelquefois que la conception: devance les signes de la puberté : il y a beau- coup de femmes qui sont devenues mères avant que d’avoir eu la moindre marque de : l'écoulement naturel à leur sexe ; il y en a même quelques unes qui; sans être jamais sujettes à cet écoulement périodique, ne laissent pas d’engendrer : on peut en trouver des exemples dans nos climats.sans les cher- cher jusque dans le Bresil, où des nations entières se perpétuent, dit-on , sans qu’au- cune femme ait d'écoulement périodique. Ceci prouve encore bien clairement que le sang des menstrues n’est qu'une matière accessoire à la génération, qu’elle peut être REZ goi e SEA DE L'HOMME. 135 suppléée , que la matière essentielle et né- cessaire est la liqueur séminale de chaque individu. On sait aussi que la cessation des règles, qui arrive ordinairement à quarante ou cinquante ans, ne met pas toujours les femmes hors d'état de concevoir ; il y en a qui ont conçu à soixante et soixante-üix ans, et même dans un âge plus avancé. On regardera ; si l’on veut; ces exemples, quoi- qu’assez fréquens », comme des exceptions à _ la règle ; mais ces exceptions suffisent pour faire voir que la matière des menstrues n’est pas essentielle à la génération. n° Dans le cours ordinaire de la Nature, les femmes ne sont en état de concevoir qu’a- près la première éruption des régles, et la cessation de cet écoulement à un certain âge les rend stériles pour le reste de leur vie. L'âge auquel l'homme peut engendrer, n’a pas des termes aussi marqués : il faut que le corps soit parvenu à un certain point d’accroissément pour que la liqueur séminale soit produite; il faut peut-être un plus grand degré d’accroissement pour que l'élaboration de cette liqueur soit par- faite : cela arrive ordinairement entre donze 136 HISTOIRE NATURELLE cet dix-huit ans. Mais l'âge où l’homme cesse d’être en état d’engendrer , ne semble pas être déterminé par la Nature : à soixante ou soixante et dix ans , lorsque la vieillesse x commence à énerver le corps, la liqueur séminalé est moins abondante , et souvent elle n’est plus prolifique ; cependant on à plusieurs exemples de vieillards“ qui ont engendré jusqu’à quatre-vingts et quatre vingt-dix ans : les recueils d'observations : sont remplis de faits de cette espèce. Il ya aussi des exemples de jeunes garcons qui ont engendré à l’âge de neuf, dix et onze ans, et de petites filles qui ont conçu à sept, huit et neuf ans : mais ces faits sont extrèmement rares, et on peut les mettre au nombre des phénomènes singuliers. Le signe extérieur. de la virilité commence dans la première enfance : mais cela seul ne sufhñt pas ; il faut de plus la production de Ia liqueur séminale pour que Îla génération s’accomplisse ; et cette production ne se fai que quand le corps a pris là plus grande partie de son accroissement. La première émission est ordinairement accompagnée de quelque douleur, parce que:la liqueur n’est a X Li N \: LYS Y'A RTS INT) 4 er à PAS 0 A À EN f DEAR ST ART AAA, F VE AAA 17 L HAUN TE LNANRE MES CAES Ù A lei \ ‘0 14 à, ” DE L'HOMME... 137 pas encore bien fluide ; elle est d’ailleurs en très-petite quantité , et presque toujours inféconde dans le commencement de la puberté. Quelques auteurs ont indiqué Dane signes pour reconnoître si une femme a conçu : le prenrier est un saisissement ou uxre sorte d’ébranlement: qu’elle ressent , disent-ils , dans tout le corps au moment. de la con- ception , et qui même dure pendant quel- ques jours; le second est pris de l’orifice de la matrice , qu’ils assurent être entière. ment fermé après la conception : mais il me paroiît que ces signes sont au moins bien équivoques, s'ils ne sont pas imaginaires. Le saisissement qui arrive au moment de la conception , est indiqué. par Hippocrate dans ces termes : Ziguido,constaf harur rerum peritis , quod mnulier.,.ubi concepit, slatim inhorrescit ac dentibus: siridet , e£ arkiculum reliquumque corpus convulsio pre- . hendit..C'est donc une. sorte. de frisson que les femmes ressentent dans tout le corps au moment de la conception , selon Hippo- crate, et le frisson seroit assez fort pour faire. choquer les dents les unes coutre les ie EN { nl ï En tt à HN #4 po TR PAU Vi 1 1 Te Mu die on » \WL: L LA 4? : F nc À ; Ÿ Ÿ % A fu A 4! Kuss A4 138 HISTOIRE NATURELLE autres , comme dans la fièvre., Galien ex- plique ce symptôme par un mouvement de contraction ou de resserrement dans‘ila. matrice, et il ajoute que des femmies Ini ont dit qu'elles avoient eu cette sensation au moment où elles avoient conçu. D’autres auteurs l’expriment par un sentiment vague de froid qui parcourt tout le corps, «et ils emploient aussi le mot d’Lorror et d'Aorri- pilatio ; la plupart établissent ce fait, comme Galien , sur lé rapport.de plusieurs femmes, Ce symptôme seroit donc un effet de la contraction de la matrice, qui se resserrerort au moment de la conception , et qui fer- meroit par cé moyen son orifice ; comine Hippocrate l’a exprimé par ces mots: Qzæ zn utero gerunt, harum os uteri clausum est ; ou selon un autre traducteur , Qzæ- cumque suntgravidæ, illis os uteri connives, Cependant les sèntimens sont partagés sur les changemrens'qui arrivent à l’orifite in terne de la matrice après la conception : les. uns soutiennènt que les bords de Cét orifice se rapprochent de façon qu'il ne reste aucun espace vide entre eux , et c’est dans ce sens qu'ils interprétent Hippocrate :?-d’autres OA L4 C4 FL DE'L’'HOMME. t 139 prétendent: que ces bords ne sont exacte- ment rapprochés qu'après les deux premiers mois de la grossesse ; mais ils conviennent qu'immédiatementaprès la conception lori- fice est fermé par l'’adhérence d’une humeur glutineuse, et ils ajoutent que la matrice, qui , hors de la grossesse , pourroit recevoir par son orificeun corps de la grosseur d’un pois , n’a plus d'ouverture sensible après la conception ,etque celte différence est si marquée , qu'une sage-femme habile peut Ja reconnoitre; cela supposé, on pourroit donc constater l’état de la grossesse dans les premiers jours. Ceux qui sont opposés à ce sentiment ; disent que si l'orifice de la matrice éloit fermé après la conception , 1l seroit impossible qu’il y eût de la superféta- | tion. On peut répondre à cette objection, qu'il est très-possible que la liqueur sémi- nale pénètre à travers lés membranes de la matrice , que même la matrice peut s'ouvrir pour la superfétation dans de certaines cir- coustances , ét que d’ailleurs les superfé- tations arriven£ si rarement , qu'elles ne peuvent faire qu’une légère exception à la régle générale. D'autres auteurs ont ayancé FA à SA M re { F Hheil \ FAN se » : IN TRES VAE 149 HISTOIRE NATURELLE que Le changement qui arriveroit à l’orifice de la matrice , ne pourroit être marqué que dans les: femmes qui auroient déja mis des enfans au monde ,-et non pas dans celles qui auroient conçu pour la première. fois : 1l est à croire que dans celles-ci la différence sera moins sensible ; mais quelque grande qu'elle puisse être , en doit-on conclure que ce sigue est réel, constant'et.; certain ? ne faut-il pas du moins avouer qu'il n’est pas assez évident ? L'étude de l’anatomie et l'expérience ne donuént sur cé sujet que des connoissances généïales qui sont fautives dans un examen particulier de cette nature. IL en est de même du saisissement ou du Froid convulsif que certaines femmes ont dit àävoir ressenti au moment de la concep- tion : comme la plupart des femmes n’éprou- vent pas le même symptôme, que d'autres assurent au contraire avoir ressenti une ardeur brülante causée par la chaleur de la liqueur séminale du mâle ; et que le plus grand nombre avouent n'avoir rien senti de tout cela , on doit en conclure que. ces signes sont très-équivoques, et que lorsqu'ils arrivent, c’est peut-être moins un effet de "# RE ne fe DE L'HOMME. T4T la conception que d’autres causes qui parois- sent plus probables. J'ajouterai un fait qui prouve que l’orifice. de la matrice ne se ferme pas immédiate= ment après la conception , ou bien que s’il se ferme , la liqueur séminale du mâle entre dans la matrice en pénétrant à travers le tissu de ce viscère. Une femme de Charles- town dans la Caroline méridionale accou- cha en 1714 de deux jumeaux qui vinrent au monde tout de suite l’un après l’autre; il se trouva que l’un étoit un enfant nègre et l’autre un enfant blanc, ce qui surprit beaucoup les assistans. Ce témoignage évi- dent de l’infidélité de cette femme à l’égard _ de son mari , la força d’avouer qu’un nègre qui la servoit, étoit entré dans sa chambre un jour que son mari venoit de: la quitter et de la laisser dans son lit: et elle ajouta pour s’excuser, que ce nègre l'avoit menacée de la tuer, et qu’elle avoit été contrainte de le satisfaire. * Ce fait ne prouve-t-1l pas aussi que la conception de — * Voyez Éectures on muscular motion, by . A, Parsons ; London, 1745 ; page 79. } è 142 HISTOIRE NATURELLE deux où de plusieurs jumeaux ne se fait 4 pas toujours dans le même temps ? et ne paroît-il pas favoriser beaucoup mon opi- nion sur la pénétration de la liqueur sémi- nale au travers du tissu de la matrice ? La grossesse a encore un grand nombre de symptômes équivoques, auxquels on prétend communément la reconnoître dans les pre- miers mois ; savoir , une douleur légère dans la région de la matrice et dans les lombes , un engourdissement dans tout le. corps, et un assoupissement continuel , une mélancolie qui rend les femmes tristes et capricieuses , des douleurs de dents , le mal de tête, des vertiges qui offusquent la vue, Je rétrécissement des prunelles ,. les, yeux jaunes et injectés, les paupières affaissées , la pâleur et les taches du visage , le goût dépravé, le dégoût , les vomissemens , les crachemens, les symptômes hystériques , Les fleurs blanches, la cessation de l'écoulement périodique ou son changement, en hemor- ragie , la sécretion du lait dans les ma- melles , etc. Nous pourrions encore rap= : porter plusieurs autres symptômes qui ont été indiqués comme des signes de la gros- DE L'HOMME. 145 sesse, mais qui ne sont souvent que les effets de quelques maladies. Mais laissons aux médecins cet examen à faire ; nous nous écarterions trop de notre sujet si nous voulions considérer chacune de ces choses en particulier : pourrions-nous même le faire d’une manière avantageuse, puisqu'il n’y en a pas une qui ne demandât une longue suite d'observations bien faites ? Ïl en est ici comme d’une infinité d’autres sujets de physiologie et d'économie animale: à l'exception d’un petit nombre d'hommes rare$ * qui ont répandu de la lumière sur quelques points particuliers de ces sciences, la plupart des auteurs qui en ont écrit, les ont traitées d’une manière si vague , et les ont expliquées par des rapports si éloignés et par des hypothèses si fausses, qu’il au— roit mieux valu n’en rien dire du tout.ll n’y a aucune matière sur laquelle on ait plus raisonné , sur laquelle on ait rassemblé plus de faits et d'observations ; mais ces * Je mets de ce nembre l’auteur de l’_Znatomia d'Heister. De tous les ouvrages que j'ai lus sur la physiologie ; je n° eil al point trouvé qui im fait RENE mieux fait et plus d’? accord à avec la bonne physique. pa À sont ‘ordindirement si mal | tassés avec si peu de onnois n'est pas surprenant qu’ on n° aucune lumière, aucune 1e utilité” ANR | À \ Ÿ " Ë j LI PÈRE À n y y dE ARR Li À wc C4 à %: : : > à 1e À Ÿ à 8 L 12 Î # à pu 4 ! / el LA y À a ÿ A Ce * }: ja : [A st à %. re e . x “ = 4 ju ) + DRE | 1 L# CN 4e 7, Pis TUE À DE L'HOMME. “145 { A L'ARTICLE PRÉCÉDENT. D ANS l'histoire de la Nature entière, rien ne nous touche de plus près que l’histoire de l’homme; et dans cette histoire physique de l’homme, rien n’est plus agréable et plus piquant que le tableau fidèle à de ces prémiers momeus où l’homme se peut dire home. | L'âge de la première et de la seconde enfance d’abord ne nous présente qu’un état de mi- sère qui demande toute espèce de secours, et ensuite un état de foiblesse qu'il faut soutenir par des soins continuels. Tant pour l'esprit que pour le corps, l'enfant n'est rien, ou n’est que peu de chose, jusqu’à l'âge de puberté : mais cet âge est l’aurore de nos premiers beaux jours ; c’est le moment où toutes les facultés, tant corporelles qu’in- tellectuelles, commencent à entrer en plein À at. gén, XX. Us 6 HISTOIRE NATURELLE exercice, où les organes ayant acquis tout. leur développement, le sentiment s’épanouit comme une ‘belle fleur, qui me produire le fruit précieux de la raison. En ne considérant ici que le corps et les sens , : l'existence de l’homme ne mous paroitra complète que quand il peut la communi- quer ; jusqu'alors sa vie n’est, pour ainsi dire, qu'une végétation ; il n’a que ce qu’il faut pour être et pour croitre; toutes les puis— sances intérieures de son corps se réduisent à sa nutrition et à son développement ; Îles principes de vie, qui consistent dans les molécules organiques vivantes de Gil tire des alimens , ne sont employés qu'à maiatenir ia nutrition, et sont tous absorbés par l’ac- croissement du moule, qui s'étend dans toutes ses dimensions : mais lorsque cet accroisse- ment du corps est à peu près à son point, _ces mêmes molécules organiques vivantes , qui ne sont plus employées à l'extension da moule, forment une surabondance de vie qui doit se répandre au dehors pour se com wuniquer. Le vœu de la Nature n’est pas de, renfermer notre existence en nous-mêmes: par la même loi qu'elle à soumis tous les ‘ } MEN + 48: { 4 ‘à ee / _. DE L'HOMME. 147 êtres à la mort, elle les a consolés par la faculté de se reproduire ; elle veut donc que cette surabondance de matière vivante se répande et soit employée à de nouvelles vies; et quand on s’obstine à contrarier la Nature, il en arrive souvent de funestes effets, dont il est bon de donner quelques exemples. Extrait d’un Mémoire adressé à M. de Buffon par M.**X ,/ le premier octobre 1774. «JE naquis de parens jeunes et robustes ; je passai du sein de ma mère entre ses bras pour y être nourri de son lait; mes organes et mes membres se développèrent rapide- ment ; je n’éprouvai aucune des maladies de l'enfance. J’avois de la facilité pour ap- prendre , et beaucoup d’acquis pour mon âge. À peine avois-je onze ans, que la force et la maturité précoce de mon tempéra- ‘ment me firent sentir vivement les aiguil- lons d'une passion qui communément ne se déclare que plus tard. Sans doute je me serois livré dès-lors au plaisir qui m'’entrai- noit; mais, prémuni par les leçons de mes pareus , qui me destinoient à l'état ecciésias- PA EX LD Se AU RE ON TNA ‘SAN ARTE à A j di : HISTOIRE NATURE LL UN “tique, “envisageanlt ces plaisirs comme ‘des À Crimes, je me conlins rigoureusement, en avouant néanmoins à mon pêre que l'état ecclésiastique n’eloit point ma vocation : mais il fut sourd à mes représentaions , etil ortifia ses vues par le choix d’un directeur dont l'unique occupation étoit de former de jeunes ecclésiastiques : il me remit entre ses 1 “mains. Je ne lui Jaissai pas iouorer l'oppo- sition que je me sentois FO La continence ; il me persuada que je n’en auroïs que plus de mérite, et je fis de bonne foi le vœu den’y jamais manquer. Je m'efforçois de chasser les idées contraires, et d'étouffer mes desirs ; je ne wie permetlois aucun mouvement qui eût trait à l’iuclination de la Nature : je captivai mes reg gards, et ne les portai jamais sur une pérsonne du sexe ; j'inposai la même lot'à À mes autres sens. Cependant le besoin de la Nature se faisoit sentir si vivement, que je faisois des efforts incroyables pour y resisters | et de cette opposition, de ce combat intérieur, il en résultoit une stupeur, une espèce d’ago- nié, qui mé rendoit semblable à un auto mate , et m'Ôôtoit jusqu'à là faculté de pen- ser. La Nature, autrefois si riante à mes . { PU EL to ME: 1/9 yeux, ne m’offroit plus que des objets tristes et lngubres. Cette tristesse dans laquelle je VIVois , éteignie en moi le desir de m’ins- truire, et je parvins stupidement à lâge au- quel il fut question de se décider pour la prêtrise : cet état n’exigeant pas de moi une pratique de la continence plus parfaite que celle que j'avois déja observée, je me rendis au pied des autels avec cette pesanteur qui accompagnoit toutes mesactions. Après mon vœu, je me crus néanmoins lié plus étroite- ment à celui de chasteté, et à l’observance de ce vœu, auquel je n’avois ci-devant été obhgé que comme simple chrétien. Il y avoit une chose qui m’avoit fait toujours beaucoup de peine : l'atteution avec laquelle je veil- lois sur moi pendant le jour, empéchoit les images obscènes de faire sur mon IMa gi nation uue impression assez vive et assez longue pour émouvoir les organes de la gé- mération, au point de procurer l'évacuation de l'humeur séiminale : mais, pendant le sommeil, la Nature obténoit son soulage- ment; ce qui me paroissoit un désordre qui m'affligeoit vivement, parce que je craignois qu'il n’y eût de ma faute, en sorte que je. V e 15 ü 150 HISTOIRE NATURELLE | diminuai considérablement ma nourriture; ) je redoublai sur-tout mon, attention et ma vigilance sur moi-même, au point que, peu- dant le sommeil, la moindre disposition qui tendoit à ce désordre, m’éveilloit sur-le— champ, et je l’évitois en me levant en sur- saut. Il y avoit un mois que je vivois dans ce redoublement d'attention, et j'étois dans la trente-deuxième année de mon âge, lors que tout-à-coup cette continence forcée porta dans tous mes sens une sensibilité, ou plutôt: une irritation que je n avois jamais éprouvée. Étant allé dans une maison, je portai mes regards sur deux personnes du sexe, qui firent sur mes yeux, et de là dans mon imasgina-: tion, une si forte impression, qu’elles me pa- rurent vivement enluminées , et resplendis- santes d’un feu semblable à des étincelles élec- iriques : une troisième femme, qui étoit au- près des deux autres, ne me fit aucun effet , et jen dirai ci-après Ja raison; je la voyois telle qu'elle étoit, c'est-à-dire, sans apparence d’étincelles ni de feu. Je me retiräi brusque- ment, croyant que cette apparence étoit un prestige du démon. Dans le reste de la jour- ace, mes regards ayant rencontré quelques 4 + N ONE HOMME," k: L5@ L ) / } autres personnes du sexe, j'eus les mêmés illusions. Le lendemain, je vis dans la cam- pague des femmes qui me causèrent les mêmes impressions; el lorsque je fus arrivé à la ville, voulant me rafraichir à l'auberge, le vin, le pain et tous les autres objeis me paroissoient troubles , et même dans ure situation renversée. Le jour suivant, environ une demi-heure après le repas, je sentis tout- ä-coup dans tous mes membres une con traction et une teusion violentes, accompa- guées d’un mouvement affreux et convulsif, semblable à celui dont sont suivies les at- taques d’épilepsie les plus violentés. À cet état convulsif succéda le délire, La saiguée ne m’apporta aucun soulagement ; les bains froids ne me calmèrent que pour un instant; dès que la chaleur fut revenue, mon imagina- tion fut assaillie par une foule d'images obs- cènes que lui suggéroit Le besoin de la Na- ture. Cet état de délire convulsif dura plu- sieurs jours, et mon imagination toujours occupée de ces mêmes objets, auxquels se imélèrent des chimères de toute espèce, et # ï ) sa" sur-tout des fureurs guerrières, dans les- quelles je pris Les quatre colonnes de mon ” sol de ma chambre; j'avois le coup d'œil si 152 ISTOTR RE NATURELLE RUN lit, dont jene fis qu'un paquet, et en lançai une avec tant de force contre la porte de wa chambre, que je la fis sortir des sonds ; ; mes parent im’enchainèrent les mains et me. lièrent le corps. La vue de mes chaînes, qui nÉ— fe z RO RS ee ? SRE nie CE à TS en a étoient de fer, fit une impression si forte 1 sur mon imagination, que je restai plusde quinze jours sans pouvoir fixer mes repards sur aucune pièce de fer sans une extrême L horreur. Au bout de quinze jours, comme je paroissois plus tranquille, on me délivra W de mes chaînes, et j’eus ensuite un sommeil À assez calme, mais qui fut suivi d’un accès 4 de delire aussi violent que les précédens. Je N sortis de mon lit brusquement, et j'avois \ deja traverse les cours et le jardin , lorsque 4 des gens accourus vinrent me saisir; je me î 1: ,ssa1 ramener sans grande résistance. Mon 4 imagination eéloit, dans ce moment et les © = ni s\p° RAR À | 3 À jours suivans, si fort exallée, que je dessi- nois des plans et des compartimens sur le f juste et la main si assurée, que, sans aucun instruineut, je les traçois avec une justesse étonnante. Mes parens, ét d’autres gens simples, étonnés de me voir un talent que * he, DE L'HOMME. 153 je n’avois jamais cultivé, et d’ailleurs ayant vu beaucoup d’autres singularités dans le cours de ma maladie , s'imaginèrent qu'il Y avoit en tout cela du sortilége, et en consé- quence ils firent venir des charlatans de.toute espèce pour me guérir : mais je les reçus fort mal; car quoiqu'il y eût toujonrs chez moi de l’aliénation, mon esprit et mon carac- tère avoient déja pris une tournure différente de celle que m'avoit donnée ma triste éduca- tion. Je n’étois plus d'humeur à croire les fadaises dont j'avois été infatué; je tombai donc impétueusement sur ces guérisseurs de sorciers , et je les mis en fuite. J'eus en con- séquence plusieurs accès de fureur guerrière, dans lesquels j'imaginai être successivement. Achille, César et Henri IV. J'exprimois par amies paroles et par mes gestes leurs carac- tères, leur maintien et leurs principales opé- rations de guerre, au point que tous les gens qui m'environnoient, en étoient stupéfaits. Peu de temps après, je déclarai que je.vou- lois me marier :1l me sembloit voir devant moi des femmes de toutes les nations et de toutes les couleurs ; des blanches, des rouges, des jaunes, des vertes, des hasanées, etc., ORAN OR ANS 354 HISTOIRE : NATURELLE quoique je n’eusse jamais su qu il y eût des femmes d'autres couleurs que des blanches 1 et des noires : mais j'ai depuis reconnu, à | ce trait et à plusieurs autres , que par le geure de maladie que j'avois, mes esprits M exaltés au suprême degré, il se faisoit une secrète transmutation d'eux aux corps qui étoient dans la Nature, ou de ceux-ci à moi, qui sembloit me faire Dual cequelleavoit de secret; où peut-être que mon imagina- tion , dans son extrême activité, ne laissant aucune image à parcourir, devoit rencontrer tout ce qu’il y a dans la Nature, et c'est ce qui, je pense, aura fait attribuer aux fous le don de la divination. Quoi qu'il en soit, le besoin de la Nature pressant, et n'étant plus, comme auparavant, combaltu par mon opi- nion, je fus obligé d'opter entre toutes ces femmes : j'en choisis d'abord quelques unes qui répondoient au nombre des différentes nations que j'imaginois avoir vaincues dans mes accès de fureur guerrière; 11 me sem- bloit devoir épouser chacune de ces femmes selon les lois et les coutumes de sa nation. Il y en avoit une que je regardois comme la xeine de toutes les autres; c’étoit une jeune #r (4 | 24, { ; DE L'HOMME. 155 demoiselle que j'avois vue quatre jours avant le commencement de ma maladie : j'en étois daus ce moment éperdument amoureux 3” j exprimois mes desirs tout haut, de la ma- nière la plus vive et la plus énergique. Je n’avois cependant jamais lu aucun roman d'amour; de ma vie je n’avois fait aucune caresse nl méme donne un baiser à une femme. Je parlois néanmoins très-indécem— ment de mcn amour à tout le monde, sans songer à mon état de prêtre; j'étois fort sur- pris de ce que mes parens blämoient mes propos et condamnoient mon inclination. Un sommeil assez tranquille suivit cet état de crise amoureuse, pendant laquelle je n’avois senti que du plaisir; et après ce sommeil, revinrent le sens et la raison. Réfléchissant alors sur la cause de ma maladie, je vis clai- rement qu'elle avoit éié causée par la sura- bondance et la rétention forcée de l'humeur séminale ; et voici les reflexions que je fis sur le changement subit de mon caractère et de toutes nes pensées. 1°. Une bonne nature et un excellent tem- pérament, toujours contredits dans leurs in- clinaiions, et refusés à leurs besoins, durent 4 156 HISTOIRE NATUR: LLE s aigrir et Ê 'indisposer : d'où. il arriva que À imon caractère, naturellement porté à la ; joie et à la gaieté, se lourtia au ERas NE et à. da tristesse, qui couvrirent mon ame d'épaisses ténèbres, et, engourdissant toutes ses facultés d’un froid mortel, étoufferent les germes des talens que j'avois ‘senti pointer dans ma pre- mière jeunesse, dont j'ai dû depuis. retrouver les traces, mais, hélas! presque effacées faute ‘1 de At 2°. J’aurois eu bien plus tôt la ie EX \ différée à l’âge de trente-deux ans, si la Na- ture et-mon tempérament n'eussent eté sou— vent et comme périodiquement soulagés par l'évacuation de l'humeur séminale, procu-'. rée par l'illusion et les songes de la nuit: en effet , ces sortes d’évacuations ‘étoient toujours precédées d'une pesanteur de coeLe Let d'esprit, d’une tristesse et d’un abatté- ment qui m’inspiroient une espèce de fureur qui approchoit du désespoir d’ Origène ; ‘car j'avois été tente mille fois de me faire la même opération. d: 1 °, Ayant redoublé mes soins et ma vigi= 5 pour éviter l'unique soulagement que se procuroit furtivement la Nature, Phu= DE L'HOMME. 157. -meur séminale dut augmenter et s “échautfer, et, d’après cette abondance et effervescence, se porter aux yeux, qui sont le siège et les interprètes des passions, sur-tout de l’amour, comme on le voit dans les animaux, dont les yeux dans l'acte deviennent étincelans. L'humeur séminale dut produire le même effet dans les miens ; et les parties de feu dont elle éloit pleine, portant vivement contre la vitre de mes yeux, durent ÿ exCi- ter un mouvement violent et rapide , sem- blable à celui qu’excite la machine électri- que; d’où il dut résulter le mème effet, et les objets me paroitre enilammés, non pas tous indifféremment, mais ceux qui ayoient rapport avec mes dispositions particulières, ceux de qui émanoient certains corpuscules, qui, formant une continuité entre eux €Ë moi, nous meltoient dans une espèce de contact : d’où il arriva que des trois pre- mières ue que je vis toutes trois en- semble , il n'y en eut que deux qui firent sur mroi cette impression singulière; et c’est parce que la troisième étoit enceinte, qu'elle ne medonna point de desirs, et que je ne la vis que telle qu sh étoit. 14 158 HISTOIRE NATURELLE 4°. L’humeur devenant de jour en jour ! plus abondante’ , et ne trouvant point d'is- sue, par la résolution constante où j'étois _de garder la continence, porta tout d’un coup à la tête, et y causa le délire suivi de convulsions. LUE A On comprendra aisément que cette même humeur trop abondante, jointe à une excel- lente organisation, devoit exalter mon ima= giuation : toute ma vie n’avoit été qu'un effort vers la vertu de la chasteté; la passion de l’amour, qui, d'après mes dispositions naturelles, auroit dû se faire sentir la pre- mière, fut la dernière à me conquérir. Ce n’est pas qu’elle n’eût formé la première de violentes attaques contre mon ame : mais mon éfat, toujours présent à ma mémoire, faisoit que je la regardois avec horreur ; et ce ne fut que quand j’eus entièrement oublié mon état, et au bout des six mois que dura ma maladie, que je me livrai à cette passion, et que je ne repoussai pas les images qui pou- voient la satisfaire. | Au teste, je ne me flatte pas d’ avoir donné wne idée juste ni un détail exact de l’excès et de la muliiplicité des maux et des dou-- { J LUE | DE L'HOMME. … 159 ue qu’a soufferts en moi la Nature dans le cours de ma malheureuse jeunesse, ni même dans cette dernière crise : j'en ai rapporté fidèlement les traits principaux; et, aprés cette étonnante maladie, me considérant moi-même, je ne vis qu'un triste et infor- tuné mortel, honteux et confus de son état, mis entre le marteau et l’ enclume, en oppo- sition avec les devoirs de religion et la né- cessité de Nature; menacé de maladie s’il refusoit celle-ci, de honte et d’ignominie s’il abandounoit celle-là : affreuse alterna— tive! aussi fus-je tenté de maudire le jour qui m'avoit rendu la lumière; plus d'une fois je m'écriai avec. Jon Lux cur data Anisero ? ». f | Je termine ici l'extrait de ce Mémoire de M. ***, qui m'est venu voir de fort loin pour m'en certifier les faits : c’est un hémme bien fait, très-vigoureux de corps, et en même temps spirituel, honnète et très-reli- gieux; je ne puis donc douter de sa véracité. J'ai vu, sous mes yeux, l'exemple d’un autre ecclésiastique qui, désespéré’ de manquer trop souyent au devoir de son état, s’est fait “ r66 HI STOIRE NA TURELLE Jui-même l'opération d'Origène. La réten tion trop longue de la liqueur séminale peut Pont donc causer de grands maux d'esprit et de k corps, la démence et l’épilepsie ; : car la ma- ladie de M. *** n'étoit qu'un délire épilep-" tique qui a duré six mois. La plupart des animaux entrent en fureur dans le temps du rut, ou tombent en convulsion lorsqu'ils me peuvent satisfaire ce besoin de Nature: - Jes perroquets, les”’serins, les bouvreuils et plusieurs autres oiseaux, éprouvent tous Îles effets d'une véritable épilepsie lorsqu'ils son privés de leurs femelles. On a souvent remar- qué dans les serins , que C'est au moment qu'ils chantent le plus fort. Or, comme je J'ai dit *, le chant est dans les oiseaux l’ex- : pression vive du sentiment d'amour. Un serin séparé de sa femelle, qui la voit sans pouvoir l’approcher, ne cesse de chanter, et tombe enfin tout-à-coup, faute de jouissance, ou plutôt de l'émission de cette liqueur de vie dont la Nature ne veut pas qu’on ren- ferme la surabondance , et qu’au contraire | * Histoire naturelle des oiseaux , lome dt. Discours sur la nature des oiseaux. 21! DE L'HOMME: 16 ellé a destinée à se répandre au dehors et passer de COL PS en Corps. Mais ce n’est que dans la force de éae ‘et - pour les hommes vigoureux que celle eva cuätion est absolument nécessaire ; elle n’est mème salutaire qu'aux hommes qui savent se modérer : pour peu qu'on se trompe en prenant ses desirs pour des besoins, il ré— sulte plus de mal de la jouissance que.de la privation ; on a peut-être imille exemples de gens perdüs par les excès, pour un seul malade de continence. Dans le commun des hommes, dès que l’on a passé cinquante-cinq ou soixante ans, on peut garder en cons- cience et sans grand tourment cette liqueur, qui, quoiqu’aussi abondante, est bien moins provoquanteque dans la jeunesse; c’est même un banme pour l’âge avance. Nous finissonis à tous égards comme nous avons commencé. . L'on sait que dans l'enfance, et jusqu’à la pleine puberté, il y a de l’érection sans au— cune émission : la même chose &e trouve dans la vieillesse ; l'érection se fait encore sentir assez long-temps après que le besoin de l’évacuation a cessé, et rien ne fait pius de mal aux vieillards que de se laisser trom- 14, POINTES 6e HISTOIRE NATURELLE per par ce premier signe, qui ne devroit pas leur en imposer, car 1l n’est jamais aussi plein ni aussi parfait que dans la jeunesse; il ne dure que peu de minutes; il n’est point accompagné de ces aiguillons de la chair qui seuls nous font sentir le vrai besoin de nature dans la vigueur de l’âge. Ce n'est nt. le toucher, ni la vue, qu’on est le plus pressé de satisfaire ; c’est un sens différent, un sens intérieur et particulier, bien éloigné du siége des autres sens, par lequel la chairse sent vi- “vante, non seulement dans les parties de la généralion, mais dans toutes celles qui les avoisinent : dès que ce sentiment n'existe plus, la chair est morte au plaisir, et la con- tinence est plus salutaire que nuisible. DE L'HOMME. 163), Û | e PLAGE, NV IR IE. CS \ Description de l’homme. : L: corps achève de prendre son aCCTOiS—- sement en hauteur à l’âge de la puberte et. pendant les premières années qui succèdent à cet âge. Il y a des jeunes gens qui ne gran- dissent plus après la quatorzième ou la quin- zième année; d’autres croissent jusqu'à vingt- deux ou vingt-trois ans. Presque tous dans ce temps sont minces de corps , la taille est ‘’effilée, les cuisses et les jambes sont menues, toutes les parties musculeuses ne sont pas encore remplies comme elles le doivent être; mais peu à peu la chair augmente, les mus- cles se dessinent, les intervalles se remplis- sent , les membres se moulent et s’arron- dissent, et le corps est avant l’âge de trente ans, dans les hommes, à son point de per- fection pour les proportions de sa forme, +62 HISTOIRE NATURELLE 7e Les femmes PARA ordinairement beaucoup plus tôt à ce point de perfection ; ï elles arrivent d’abord plus tôt à l'âge: de / ‘4 \ 1e è . L { puberté : leur accroissement, qui, dans le total, est moindre que celui des hommes, se fait aussi en moins de temps; les muscles, les chairs et. toutes les autres parties qui <Ÿ composent leur corps, étant moins fortes, moins compactes , moins solides que cekes du corps de l'homme, il faut moins de temps pour qu'elles arrivent à leur déve- Zoppemeut entier, qui est le point de per- fection pour la forme : aussi le corps de la femme est ordinairement à vingt ans aussi parfaitement formé que celui de L'homme l’est à trente. Le corps d’un homme bien fait doit être quarré, les muscles doivent être durement, exprimés, le contour Le membres fortement ! dessiné, les traits du visage bien marqués. Dans la femme tout est plus arrondi ; les s ) À formes sont plus adoucies, les traits plus. fins. L'homme a la force et la majesté; les graces et la beauté sont l'apanage de l’autre sexe. Tout annonce dans tous deux les maitres 2 (DE L'HOMME. | 165 de la terre : tout marque dans l'homme : méêiné à l'extérieur, sa supériorité sur tous les êtres vivaus; il se soutient droit et élevé; son attitude est celle du commandement; sa tête regarde le ciel, et présente une face auguste sur laquelle est imprime le carac- tère de sa dignité; l’image de l’ame y est peinte par la physionomie ; l’excellence de sa nature perce à travers les organes maté riels, et anime d’un feu divin les traits de son visage; son port majesiueux , sa deé— ‘ marche ferme ét hardie, annoncent sa 110— blesse et son rang; il ne touche à la terre que par ses extrémités les plus éloignées ; il ne la voit que de loin, et semble la dé- daigner.Les bras ne lui sont pas donnés pour servir de piliers d'appui à la masse de son corps; sa main ne doit pas fouler la terre, et perdre par des frottemens réitérés la Buesse du toucher dont elle est le principal "organe : le bras et la main sont faits pour servir à des usages plus nobles, pour exé- cuter les ordres de la volonté, pour saisir les choses éloignées, pour écarter les obstacles, pour prévenir les rencontres et le choc de ce: qui pourroit nuire, pour embrasser et retenir nr 166 HISTOIRE NATURELLE ce qui peut plaire, pour : le mettre à portée des autres sens, Lorsque l’ame est tranquille ,; toutes les parties du visage sont dans un état de repos; leur proportion , leur union, leur ensemble, marquentencore assez la douce harmonie des pensées, et répondentau calme de l’intérieur : ‘mais lorsque l’ame est agitée, la face hu- maine devient un tableau vivant, où les passions sont rendues avec autant de délica- tesse que d’énergie, où chaque mouvement de l’ame est exprimé par un trait, chaque action par un caractère, dont l'impression vive et prompte devance la volonté, nous dé- cèle, et rend au dehors par des signes pathé- tiques les images de nos secrètes agitations. C’est sur-tout dans les yeux qu’elles se peignent et qu’on peut les reconnoïitre: l'œil appartient à l’ame plus qu'aucun autre or- gane ; 11 semble y toucher et participer à tous ses mouvemens ; il en exprime les passions les plus vives et Les émotions les plus tumul- tueuses, comme les mouvemens les plus doux et les sentimens les plus délicats; il les rend dans toute leur force, dans toute leur pureté, tels qu’ils viennent de naître ; il les DE L'HOMME. 67 transmet par des traits rapides qui portent dans une autre äme le feu, l’action , l’image de celle dont ils partent. L’æœil reçoit et réflé— chit en même temps la lumière de la pensée et la chaleur du sentiment ; c’est le sens de l'esprit et la langue de l'intelligence. Æ Les personnes qui ont la vue courte, ou qui sont louches , ont beaucoup moins de cette ame extérieure qui réside principale- _ ment dans les yeux ; ces défauts détruisent la physionomie et rendent désagréables ow difformes les plus beaux visages : comme l’on n'y peut reconnoitre que les passions fortes et qui mettent en jeu les autres parties , et comme l'expression de l'esprit et de la finesse du sentiment ne peut s'y montrér, ol juge ces personnes défavorablement lors qu'on ne les connoit pas ; et quand on les connoît, quelque spirituelles qu'elles puis sent être, on a encore de la peine à revenir du premier jugement qu’on a porté contre elles. Nous sommes si fort accoutumés à ne voir les choses que par l'extérieur, que nous ne pouvons plus reconnoitre combien cet exté- rieur influe sur nos jugemens, mème les plus graves et les plus réfléchis ;nous prenons lice / d’un PART etnons la prenons rs sa phys. 4 sionomie qui ne dit rien ; nous jugeons dès ÿ lors qu'il ne pense rien. Il n’y a pas jus | qu'aux habits et à la coiffure qui n’influent, sur notre jugement : un homme sense doit : regarder ses vêlemens comme faisant partie | de lui-même , puisqu'ils en font en effet par- tie aux yeux des autres, et qu'ils entrent pour quelque chose dans l’idée totale qu’ om. se forme de celui qui les porte. La vivacite ou la langueur du mouvement des yeux fait un des principaux caractères de la physionomie, et leur couleur contri- bue à rendre ce caractère plus marqué. Les différentes couleurs des yeux sont l'orangé fonce , le jaune, le verd, le bleu, le gris, et le gris mêle de blanc; la substance de l'iris est veloutée et disposée par filets et par flo- cons ; les filets sont dirigés vers le milieu de la prunelle comme des rayons qui tendent à un centre ; les flocons remplissent les in— tervalles qui sont entre les filets; et quelque- fois les uns et les autres sont disposées d’une manière si régulière, que le hasard a fait trouver dans lés yeux de quelques per sonnes des figures qui sembloient avoir été copiées, \ MN ' Æ7Y, ‘ / x . — » { 4 N DE L'HOMME. _ 169 sur des mette connus. Ces filets et ces flo— cons tiennent les uns aux autres par des ra- imifications très-fines ét très-déliées : aussi la couleur n’est pas si sensible dans ces rami- fications que dans le.corps dés filets et des flocons , qui paroissent toujours être d'une teinte plus foncée. Les couleurs les plus ordinaires dans les yeux sont l’orangé et le bleu, et le plus sou- \ Vent ces couleurs se trouvent dans le même &@il. Les yeux que l'on croit “ii noirs, ne sont que d’un at brun ou d'orangé: foncé : il ne faut , pour s’en assurer , que les regar- der de près ; car lorsqu'on les voit à quelque distance , ou qu'ils sont tournés à contre- jour , ils paroissent noirs, parce que la cou- - leur jaune brun tranche si fort sur le blanc £ e de l'œil, qu’on la juge noire par l'opposition du blanc. Les yeux qui sont d'un jaune moins brun, passent aussi pour des yeux noirs ; mais on ne les trouve pas si beaux que les autres, parce que cette couleur tran- che moins sur le blanc. Ily à aussi des yeux _ jaunes et jaune clair : ceux-ci ne paroissent pas noirs, parce que ces couleurs ne sont pas assez foncées pour disparoiître dans l’orbre. 15 170 HISTOIRE NATUT eL | “Ha On voit très-communément daus le mén 1 œil des nuances orangé de jaune, de gris et de bleu. Dés qu'il y a du bleu, quelque . léger qu'il soit, il devient la couleur domi mante ; celte couleur paroît par filets daus toute l'étendue de Piris, et l'orangé est par flocons autour et à quelque petite distance \ de la prunelle ; le bleu efface si fort cette couleur, que l'œil paroit tout bleu, et OR ne s’apperçoit du rRénSE de l'orange qu’en le regardant de près. Les plus beaux yeux sont ceux qui paroissent noirs ou bleus. La vivacité et le feu, qui font le principal carac- tère des yeux, éclatent davantage dans les couleurs foncées que dans les demi-teintes de couleur : les yeux noirs ont donc plus de force d'expression et plus de vivacité ; mais. il y a plus de douceur et peut-être plus de finesse dans les yeux bleus. Ou voit dans les premiers un feu qui brille uniformément, parce que le fond qui nous paroït de couleur uniforme, renvoie par-tout les mêmes re— Îlets ; mais on distingue des modifications dans la lumière qui anime les yeux bleus, M parce qu’il y a plusieurs teintes de couleurs * qui produisent des reflets diférens. * « 1, { DE L'HOMME. 19E Il ya des yeux qui se font remarquer sans avoir , pour ainsi dire, de couleur ; ils pa- roissent être composés différemment des autres : l'iris n’a que des nuances de bleu ou de gris si foibles , qu’elles sont presque blan- ches dans quelques endroits ; Les nuances d'orangé qui s’y rencontrent sont silégères, qu’on les distingue à peine du gris et du blanc, maïoré le contraste de ces couleurs ; le noir de la prunelle est alors trop marqué, parce que la’ couleur de l'iris n’est pas assez foncée ; on ne voit, pour ainsi dire, que la _pruneileisolée au milieu de l'œil. Ces yeux ne disent rien, et le regard en paroît fixeoueffaré. Il y a aussi des yeux dout la couleur de l'iris tire sur le verd : cette couleur est plus rare que le bleu, le gris, Le jaune, et le jaune brun. Il se trouve aussi des personrres dont les deux yeux ne sont pas de la même cou- leur : cette variété qui se trouve dans la . couleur des yeux, est particulière à l'espèce humaine, à celle du cheval, etc. Dans la plupart des autres espèces d'animaux, la couleur des yeux de tous les individusest la même : les yeux des bœufs sont bruns ; ceux des moutons sont couleur d’eau ; ceux des + É \ CIS STOIRE NATURELLE. ne sont eris , etc. Aristote. que fie if cette remarque, prétend que dans les hommes les yeux gris sont les meilleurs, que les blens sont les plus foibles, que ceux. qui sont. avancés hors de l'orbite ne voient pas d'aussi’ loin que ceux qui y sontenfoncées, que les yeux bruns ne voient pas si bien que les. autres dans l’obscurité. ù fi Quoique l’œil paroisse se mouvoir comme s’il étoit tiré de différens côtés, il n’a cepen- dant qu'un mouvement de rotation autour de sou centre, par lequel la prunelle paroit s'approcher ou s'éloigner des angles de l'œil, et s'élever ou s’abaisser. Les deux yeux'sont plus près l’un de l’autre dans l’homme que dans tous les autres animaux: cet iutervaile est même si considérable dans la plupart des espèces d'animaux, qu’il n’est pas possible qu'ils voient le même objet des deux yeux à la fois, à moins que cet objet ne soit à une grande distauce. Après les yeux , les parties du visage qui contribuent le plus à marquer la physiono- mie, sont les sourcils; comme ils sont d’une nature différente des autres parties,‘ ils sont plus apparens par ce contraste et frappent XR , PEN NE L'HOMME. 173 plus qu'aucun autre trait; les sourcils sont ‘une ombre dans le tableau, qui en relève les couleurs et les formes. Les cils des pau- pières font aussi leur effet : lorsqu'ils sont longs et garnis , les yeux en paroissent plus beaux et le regard plus doux. Il n’y a que l’homme et le singe qui aieut dés cils aux deux paupières, les autres animaux n’en ont point à la paupière inférieure ; et dans l'homme même il y en a beaucoup moins à la paupière inférieure qu'à la supérieure. Le poil des sourcils devient quelquefois si long dans la vieillesse , qu’on est obligé de ke cou- per. Les sourcils n’ont que deux mouvemens qui dépendent des muscles du front, l’un par lequel on les élève, et l’autre par lequel on les fronce et on les abaisse en les appro— chant l’un de l’autre. Les paupières servent ne les yeux et à empêcher la cornée de se dessécher : la paupière supérieure se relève et s’abaisse, l'inférieure n’a que peu de mouvement} e£ quoique le mouvement des paupières dépende de la volonté , cependant l’on n’est pas aitre de les tenir élevées lorsque le som imeil presse , ou lorsque les yeux sont fati- 274 0H HISTOIRE NATURELLE. oués. IL arrive aussi très-souvent à cette partie des mouvemens convulsifs jeu autres mouvemens involontaires , desquels on ne s'apperçoit en aucune façon ; dans les oiseaux et les quadrupèdes amphibies, la paupière inférieure est celle qui à du mouvement, et les poissons n’ont de one es ni en haut ni en bas. Le front est une des grandes parties de la face ; et l’une de celles qui contribuent le plus à la beaute de sa forme ; il faut qu'il soit d’une juste proportion, qu'il ne soit mi trop rond , ni trop plat , nt trop étroit , ni trop court, et qu'il soit régülièrement garnt de cheveux au-dessus et anx côtés. Tout le monde sait combien les cheveux font à la physionomie ; c’est un defaut que d'être chauve. L'usage de porter des cheveux étran- gers, qui est devenu si général, auroit dü se borner à cacher les têtes chauves ; car cette espèce de coiffure empruntée altère la vérite de la physionomie, et donne au visage un air différent de celui qu’il doit avoir naturellement : on jugeroit-beaucoup mieux les visages si chacun portoit ses cheveux et les laissojt flotter. librement. La partie la ' 4 ? y ; v4 | DE L'HOMME. : 7175 plus élevée de la tète est celle qui devient. chauve la première , aussi-bien que celle qui est au-dessus des tempes : il est rare que les cheveux qui accompagnent le bas des tempes tombent en entier , non pus que ceux de la partie inférieure du derrière de la tête. Au reste, il n’y a que les hommes qui deviennent chauves en avauçant en âge: les femmes conservent toujours leurs che- veux ; et quoiqu’ils deviennent blancs comme ceux des hommes lorsqu'elles approchent de Ja vieillesse , ils tombent beaucoup moins. Les enfans et les eunuques ne sont pas plus sujets à être chauves que les femmes : aussi les cheveux sont-ils plus grands et plus abondans dans Îa jeunesse qu'ils ne le sont à tout autre âge. Les plus longs cheveux tombent peu à peu ; à mesure qu'on avance en àge , ils diminuent et se dessèchent ; ils commencent à blanchir par la pointe ; dès qu'ils sont devenus blancs, ils sont moins forts et se cassent plus aisément. Ou a des exemples de jeunes gens dont les cheveux devenus blancs - par l'effet d’une grande maladie, ont ensuite repris leur couleur naturelle peu à peu lorsque leur sauté a LA 3 \ QU 4 176 HISTOIRE Rs été parfaitement rétablie. Aristote et Pline disent qu'aucun homme ne devient chauve | avant d’avoir fait usage des femmes , à … J'exception de ceux qui sont chauves dès leur naissance. Les anciens écrivains ont appelé les habitans de l'ile de Mycone, êles! chauses ; on prétend que c'étoitr un défaut naturel à ces insulaires ; et comme une malædie endémique avec laquelle ils venoient presque tous au monde * Le nez est la partie la plus avancée et le trait Le plus apparent du visage : mais comme il n'a que très-peu de mouvement, et qu'il n’en prend ordinairement que dans _Les plus fortes passions, il fait plus à la beauté qu'à la physionomie; et à moins qu'il ne soit fort disproportionné ou très- _difforme, on ne le remarque pas autant que les autres parties qui out du mouvement , comme la bouche ou les yeux. La forme du: nez et sa position plus avancée que celle de toutes les autres parties de Ia face, sont * Voyez la Description des iles de l Archipel, par Dapper, pdge 354. Voyez aussi le second vo- Jame de lédition de Pline par le P. Hardouia , page 541. | Late > 2 7 TER RENE. RE “ALP A j | | DE L’HOMME. 177 particulières à l’espèce humaine ; car la plupart des animaux ont es narines ou naseaux avec la cloison qui les sépare : mais dans aucun, le vez ne fait un trait élevé et avance: les singes mêmes n'ont, pour ainsi dire, que des marines ; ou du moins leur nez, qui est posé comme celui de l’homme, est si plat et si court, qu'on ne doit pas le regarder comme une partie semblable. C’est par cet organe que l’homme et la plupart des animaux respirent et sen— tent les odeurs. Les oiseaux n’ont point de narines ; ils ont seulement deux trous où deux conduits pour la respiration et l’odorat, au lieu que les animaux quadrupèdes ont des naseaux , ou des narines cartilagineuses comme les nôtres. | La bouche et les lèvres sont après les yeux les parties du visage qui ont le plus de mouvement et d'expression : les passions influent sur ces mouvemens ; la bouche en marque les différens caractères par les diffé- rentes formes qu’elle prend. L’organe de la voix anime encore cette partie, et la rend plus vivante que toutes les autres. La cou- leur vermeille des lèvres, la blancheur de \ fon SR 178 HISTOIRE NATURELLE Vémail des dents , tranchent'avec tant d'a vantage sur les autres couleurs du visage» u'elles paroissent en faire le point de vue principal : on fixe en effet les yeux sur la bouche d’un homme qui parle, et on les y arrête plus long-temps que sur toutes les autres parties; chaque mot, chaque arti- culation , chaque son, produisent des mou- vemens différens dans les lèvres. Quelque : variés et quelque rapides que soient ces mouvemens, on pourroit les distinguer tous les uns des auires : on a vu des sourds en connoître si parfaitement les différences «et les nuances successives , qu'ils entendoient parfaitement ce qu’on disoit en voyant comme on le disoit. La mâchoire inférieure est la seule qui ait du mouvement dans l’homme et dans tous les animaux , sans en excepter même | le crocodile , quoiqu’Aristote assuré en plu- sieurs endroits que la mâchoire supérieure de cet animal est la seule qui ait du mouve- ment, et que la mâchoire inférieure, à la quelle, dit-il, la langue du crocodile est attachée ,. soit absolument immobile. Jai voulu vérifier ce fait, et j’ai trouvéen exa+ ; N PORT ET Lr u LL PEAU , #7 M 4 A Ts Un wi Lo > { : J #77" / LÉ ? à ” Û ‘ " i \ / | | ARE HOMME. 779 minant le squelette d’un crocodile, que c’est au contraire la seule mächoire inférieure qui est mobile, et que la supérieure est, comme dans tous les autres animaux, jointe aux autres os de la tête, sans qu'il y ait aucune articulation qui puisse la rendre mobile. Dans le fœtus humain la mâchoire inférieure est, comme daus le singe , beau- coup plus avancée que la mächoire supe- rieure. Dans l'adulte il seroit également diforme qu'elle fût trop avancée ou trop reculée; elle doit être à peu près de niveau avec la mächoire supérieure. Dans les ins-— tans les plus vifs des passions ule mâchoire a souvent un mouvement involontaire , comme dans les mouvemens où l'ame n’est affectée de rien : la douleur, le plaisir, l’en- nui. font également bâiller; mais il est vrai qu’on bâille vivement , et que cette espèce à de convulsion est très-prompte dans la dou- leur et le plaisir, au lieu que le bâillement de l'ennui en porte le caractère par la len- teur avec laquelle il se fait. Lorsqu'on vient à penser tout-à-coup à quelque chose qu'on desire ardemiment ou qu'on regrette vivement , On ressent un tres- > j >saillément où un serrement inté mouvement du diaphragme poumons , ; les élève et occasion: 1e une inspi= … ration viveet prompte qui forme le soupir; 180 | HISTOIRE NATURELLE agit sur les et lorsque lame a refléchi sur la canse de son émotion, et qu'elle ne voit aucun moyen de remplir son desir ou de faire cesser ses rieur 3 $'ce. 1 regrets , les soupirs se répètent ; la tristesse, & qui est la douleur de l'ame , succède à ces premiers mouvemens ; et lorsque cette dou- leur de Fame est profonde et subite , elle fait couler les larmes, et l'air entre dans 1a poitrine par secousses : 1l se fait plusieurs inspirations réitérées par une espècé de. secousse involontaire ; chaque inspiration fast un bruit plus fort que celui du soupir : c'est ce qu’ on appelle sangloter ; les san- glots se succèdent plus rapidement que les . soupirs , et le son de la voix se fait entendre un peu dans le sanglot : les accens en sont encore plus marqués dans le gémissement ; c’est une espèce de sanglot continué, dont le son lent se fait entendre dans l’inspira- tion et dans l'expiration ; son expression consiste dans la continuation et la durée d'un ton plaintif formé par des sons inar- - 4 È L L DE L'HOMME. 18 ticulés : ces sons du -gémissément sont plus ou moins. longs , Suivant le degré de tris- tesse , d'affiction et d’abattement , qui les cause ; mais ils sont toujours répétés plu sieurs fois : le temps de Jinspiration est celui de l'intervalle de silence qui est entre les gémissemens , et ordindirement ces intervalles sont égaux pour la durée et pour la distance. Le cri plaintif est un pgémissememt exprimé avec force et à haute voix ; quelquefois. ce cri se spatient dans, toute son étendue sur le même ton , (c’est sur-tout lorsqu'il est fort élevé et très aigu ; quelquefois aussi ilftuit par un ton plus bas, c'est ordinairement Jon a ue la force du cri est modérée. Le ris est un sori entrecoupé subitement et à plusieurs reprises par une sorte de trémoussement qui est marqué à l'extérieur par le mouvemeut du ventre, qui s'élève et s’abaisse precipitamment ; quelquefois, pour faciliter ce mouvement , on penche la poitrine.et la tête en avant, la poitrine se resserre et reste immobile : les coins de la bouche :s’éloignent du côté des joues, qui se trouvent resserrées et gonflées ; l'air, à ? Mat, gin, X X 16. 182 HISTOIRE : NATURELLE chaque fois que le ventre s’abaisse, sort de I& bouche avec bruit, et l’on entend un éclat de la voix qui se répète plusieurs fois de suite, quelquefois sur le mème ton, d’au- tres fois sur des tons differens qui vont en diminuant à chaque répétition. Dans le ris immodéré et dans presque toutes les passions violentes les lèvres sont fort ouvertes : mais dans des mouvemens de l’ame plus doux et plus tranquilles les coins de la bouche s’eloignent sans qu’elle s'ouvre , les jones se sonflent , et dans quel- ques personnes 1l se forme sur chaque joue, à une petite distance des coins de la bouche, un léger enfoncement que l’on appelle /& fossetle ; c’est un agrément qui se joint aux graces dont le souris est ordinairement accompagué. Le souris est une marque de bienveillance, d'applaudissement et de satis- faction intérieure : c’est aussi une facon d'exprimer.le rhépris et la moquerie; mais dans ce souris malin on serre davantage les lèvres l’une contre l’autre , par un mouve- ment de la lèvre inférieure. Les joues sont des parties uniformes qui n'ont par elles-mêmes aucun mouvement, DE L'HOMME. 183 aucune expression , si ce west par la rou- geur on la päleur qui les couvre involon- iairement dans des passions différentes ; ces parties forment le contour de la face et l'union des traits; elles contribuent plus à _ la beauté du visage qu'à l'expression des passions. Il en est de même du menton, des oreilles et des tempes. | | On rougit dans la honte , la colère , l’or- gueil, la joie; on pälit dans la crainte, l'effroi et la tristesse. Cette altération de * a couleur du visage est absolument invo- lontaire , elle manifeste l’état de l’ame sans son consentement : c’est un effet du senti ment, sur lequel la volonté n’a aucun em- pire : elle peut commander à tout le reste, car un instant de réflexion suflit pour qu’on puisse arrêter les mouvemens musculaires du visage dans les passions , et même pour les changer ; mais il n’est pas possible d'em= pêchér le changement de couleur , parce qu’il dépend d’un mouvement du sang oceca- sionné par l’action du diaphragme, qui est le principal organe du sentiment intérieur. La tête en entier prend, dans les passons, des positions et des mouvemens différens : \ NÉE 4 FA AL » © 184 HISTOIRE NATURELLE Ti elle est-abaissée en avant dans: l'humilité PAR: la honte , la tristesse : penchée à côté däns la langueur, la pitié ; élevée dans l’ar- rogance , droite et fixe dans l’opiniatreté ; la tête fait un mouvement en arrière dans J'etonnement, et plusieurs mouvemens réi= teres de côte et d'autre dans le mépris, la À 4 moquerie , la colère et l'indignation. - Dans l’affiction , la joie , l'amour, la honte, la compassion , les yeux-se gonflent tout-äà-coup, une humeur surabondante les couvre et les obscurcit, il en coule des larmes. L’effusion des larmes est toujours accompagnée d’une tension des muscles du visage, qui fait ouvrir la bouche ; l'humeur qui se forme naturellement dans le nez, devient plus abondante ; les larmes s'y joignent par des conduits intérieurs , elles ne coulent pas uniformément, et elles sem- blent s'arrêter par intervalles. Dans la tristesse, les deux coins de la bouche s’abaissent , la lèvre inférieure re— monte, la paupière est abaissée à demi, la prunelle de l'œil est élevée et à moitié cachee par là paupière, les autres muscles de la face sont relächés , de sorte que l'in- _rS, AU E BUL HOMME: 165 tervalle qui est entre la bouche et Îles yeux est plus grand qu'à l'ordinaire , et par con- séquent le visage paroit 70h88 ( Foyez pi. NP fig "as } Daus la peur, la terreur, l’effroi et l’hor- reur, le front se ride, les sourcils s'élèvent, la paupière s’ouvre autant qu’il est possible ; elle surmonte la prunelle, et laisse paroïitre une partie du blanc de l’œil au-dessus de la prunelle, qui ést abaissée et un peu cachée par la paupière inférieure; la bouche est en même temps fort ouverte, les lèvres se re- tirent et laissent paroitre les dents en haut et en bas. ( 7’oyez pl. IT, fig. 2.) Dans le mépris et la dérision, la lèvre supérieure se relève d’un côté et laisse pa- roître les dents , tandis que de l’autre côté elle a un petit mouvement comme pour sou- rire; le nez se fronce du même côté que la _ lèvre s’est élevée, et le coin de la bouche re- cule; l'œil du même côté est presque ferme, tandis que l’autre est ouvert à l'ordinaire; mais les deux prunelles sont abaissées comme lorsqu'on regarde du haut «en bas. ( Voyez bLUME, he. 3.) Daus la jalousie, l'enyie, la malice, les UN ed #86 HISTOIRE NATURELLE sourcils descendent et se froncent, les pau pières s'élèvent et les prunelles s’'abaissent , la lèvre supérieure s'élève de chaque côte ,. tandis que les coins de la bouche s s'abaissent: un peu, etque le milieu de la lèvre inférieure se relève pour joindre le milieu de la lèvre. supérieure. ( 7’oyez pl. IE, Gg. 4) Dans le ris, les deux coins de la bouche. reculent et s'élèvent un peu, la partie supé-- rieure des joues se relève, les yeux se ferment plus ou moins, la lèvre supérieure s'élève, l’inferieure s’abaisse, la bouche s'ouvre et la peau du nez se fronce dans les ris immoderes. (Foyez pl. IE, fig. 5.) Les bras, les mains et tout le corps, entrent aussi dans l'expression des passions; les gestes, concourent avec les mouvemens du visage pour exprimer les différens mouvemens de l'ame. Dans la joie, par exemple, les yeux, la tête, les bras et tout le corps, sont agites par des mouvemens prompts et variés : dans la langueur et la tristesse, les yeux sont abaissés, la tête est penchée sur le côté, les bras sont pendans, et tout le corps est immobile : daus l'admiration, la surprise, étonnement, tout mouvementest suspendu, e DE L'HOMME 187: on reste. dans une même attitude. Cette première expression des passions est inde pendante de la volonté; mais il y a une autre sorte d'expression qui semble être produite par une réflexion de l'esprit et par le com- mandement de la volonté, qui fait agir les yeux, la tête, les bras et tout le corps : ces mouvemens paroissent être autant d’eforts que fait lame pour défendre le corps; ce sont au moins autant de signes secondaires qui répètent les passions, et qui pourroient seuls les exprimer. Par exemple, dans l’a- mour, dans le desir, dans l'espérance, on lève la tête et les yeux vers. le ciel, comme pour demander le bien que.l’on souhaite; on porte la tête et le corps en avant, comme pour avancer, en s’approchant, la possession de l’objet desiré; on étend les bras, on ouvre les mains, pour l’embrasser et le saisir : au contraire, dans Îla crainte , dans la haine, dans l'horreur, uous avançons les bras avec. précipitation, comme pour repousser ce qui fait l’objet de noire aversion, nous détour- nons les yeux et la tête, nous reculons pour V’évitér, nous fuyons pour nous en éloigner. Ces mouvemens sont .si prompts, qu'ils ae 588 HISTOIRE NATUR 1 paroissent involontaires : mais c est re del habitude qui nous trompe; car ces mou- vemens dépendent de la réflexion, et mar- quent seulement la perfection des: ressorts. du corps humain , par la promptitude avec. laquelle tous les membres ohéissent aux OT- dres de la volonté. Comme toutes les passions sont des mou- vemens de lame, la plupart relatifs aux impressions des sens, elles peuvent être exprimées par lés mouvemens du corps, € sur-tout par ceux du visage; on peut juger de ce qui se passe à l’intérieur par l’action exlérieure, et connoitre à l'inspection des changemens du visage la situation actuelle de l'ame : maïs’ comme l'ame n’a point de forme qui puisse être relative à aucune forme matérielle, on ne peut pas la juger par la figure du corps ou par la forme du visage Fa un corps mal fait peut renfermer une fort belle ame; et l'on ne doit pas juger du bon ou du mauvais naturel d’une personne par les traits de son visage, car ces traits n'ont aucun rapport avec la nature de l'ame, au— _cune analogie sur laquelle on puisse’ fonder des conjectures raisonnables. l DE L? HOMME. 189 Les anciens étoient cependant fort atta— chés à cette espèce de préjugé, et dans tous les temps il y a eu des hommes qui ont voulu faire une science divinatoire de leurs pré- tendues connoissances en physionomie; mais il est bien évident qu’elles ne peuvent s’é- tendre qu’à deviner les mouvemens de l’ame par ceux des yeux, du visage et du corps, et que la forme du nez, de la bouche et des autres traits, ne fait pas plus à la forme de - l'ame , au naturel de la personne, que la grandeur ou la grosseur des re fait à la peusée. Un homme en sera-t-il plus spirituel parce qu’il aura le nez bien fait? en sera-t-il moins sage parce qu'il aura les yeux petits et la bouche grande ? Il faut donc avouer que tout ce que nous ont dit les phy- sionomistes, est destitué de tout fondement, et que rien n’est plus chimérique que les in- ductions qu’ils ont voulu tirer de leurs pré- tendues observations métoposcopiques. Les parties de la tête qui font le moins à la physionomie et à l'air du visage, sont: les oreilles ; elles sont placées à côté et ca- chées par les cheveux. Cette partie, qui est si petite et si peu apparente dans l’homme, M | Îe go | HISTOIRE NATURELLE. 2 est fort remarquable dans la plupart des ani- - maux quadrupèdes ; elle fait beaucoup à Y'air de la tête de l'animal, elle indique même son état de vigueur ou d’abattement, elle a des mouvemens musculaires qui déno- tent le sentiment ef répondent à l’action in- térieure de l'animal. Les oreilles de l’homme n’ont ordinairement aucun mouvement vo-- lontaire ou involontaire, quoiqu'il ÿ ait des, muscles qui y aboutissent. Les plus petites. oreilles sont, à ce qu’on prétend, les plus jolies; mais les’ plus grandes et qui sont en même temps bien bordées, sont celles qus eutendent le mieux. Il y a des peuples qui. en agrandissent prodigieusement le lobe, en le perçant et en y mettant des morceaux de bois ou de métal, qu’ils remplacent suc-. cessivement par d’autres morceaux plus gross. ce qui fait, avec le temps, un trou énorme daus le lobe de l'oreille, qui croit toujours à proportion que le trou s’élargit. J'ai vu de, ces morceaux de bois qui avoient plus d'un pouce et demi de diamètre , qui venoient: des Tudiens de l'Amérique méridionale ; ils ressemblent à des dames de trictrac. On ne sait sur quoi peut être fondée cette coutume. DE L'HOMME. 19% singulière de s’agrandir si prodigieusement les oreilles : il est vrai qu’on ne sait guère mieux d’où peut venir l’usage presque gé— néral dans toutes les nations de percer les oreilles et quelquefois les narines , pour porter des boucles, des anneaux, etc., à moins que d'en attribuer l’origine aux peu— ples encore sauvages et nuds, qui ont cher- ché à porter de la manière la moins incom- mode les choses qui leur ont paru les plus précieuses, en les attachant à cette partie. La bizarrerie et la variété des usages pa- roissent encore plus dans la manière diffe- rente dont les hommes ont arrange les che- veux et la barbe : les uns , comme les Turcs, _ coupent leurs cheveux et laissent croître leur barbe ; d’autres , comme la plupart des Européens, portent leurs cheveux ou des cheveux empruntés, et rasent leur barbe; les sauvages se l’arrachent et conservent soisneusement leurs cheveux ; les Nèores se rasent la tête par figures, tantôt en étoiles, tantôt à la façon des religieux, el plus com- munément encore par bandes alternatives, en laissant autant de plein que de rasé, et ils font la même chose à leurs petits garçons; Le Set D CT 0 NICE Br 10 t ” & N (ee a] / ni # ; (M pa LTTE ‘M 1 LEVEL f) L 4 7 192 HI STOIRE NAT les Talapoins de Siam font: rase | les sourcils aux enfans dont on leur confie l'éducation. Chaque peuple a sur cela des usages différens : les uns font plus de cas de la barbe de la lèvre supérieure que de celle du menton; d’autres préfèrent celle des joues et celle du dessous du visage; les uns la frisent, les autres la portent lisse, Il n’y a pas bien long-temps que nous por-. tions les cheveux du derrière de la tête épars et flottans ; aujourd’hui nous les portons dans un sac. Nos habillemens sont ditfé-. rens de ceux de nos pères; la variété dans la manière de se vêtir est aussi grande que la diversité des nations; et ce qu’il y a de singulier, c'est que, de toutes les espèces de vêtemens, nous avons choisi l’une des plus incommodes, et que notre manière, quoique senéralement imitée par tous les peuples de l'Europe, est en même temps, de toutes les manières de se vêlir, celle qui demande le plus de temps, celle qui me paroit être le moins assortie à la Nature. RU Quoique les modes semblent n’avoir d'autre origine que le caprice et la fantaisie, les caprices adoptés et les fantaisies générales Ses. DEL’ HOMME. 103 méritent d’être SHAmunes : les hommes ont toujours fait et feront toujours cas de tout ce qui peut fixer les yeux des autres hommes, et leur donner en même temps des idées avantageuses de richesses, de puissance, de grandeur, etc. La valeur de ces pierres brillantes , qui de tout temps ont été regardées comme des ornemens précieux, n’est fondée que sur leur rareté et sur leur éclat éblouissant ; il en est de même de ces métaux éclatans, dont le poids nous paroïit si léger lorsqu'il est réparti sur tous les plis de nos vêtemens pour en faire la parure : ‘ces pierres, ces métaux, sont moins des ornemens pour nous que des signes pour les autres auxquels ils doivent nous remarquer et reconnoître nos richesses ; nous tâchons de leur en donner une plus grande idee en. agrandissant la surface de ces métaux, nous voulons fixer leurs yeux ou plutôt les éblouir : combien peu y en a-t-il en effet qui soient capables de séparer la personne de son vêtement, et de juger sans mélange l'homme et le métal! Tout ce qui est rare et brillant sera donc toujours de mode, tant que les hommes : 1 ee nou 194 HISTOIRE NAT tireront plus d'avantage de ToPDt que | de la vertu, tant que les moyens de paroître considérable seront si différens de ce qui mérite seul d’être considéré. L’éclat exté- \ rieur dépend beaucoup de la manière de se. vêtir; cette manière prend des formes diffé … rentes, selon les différens points de vue sous lesquels nous voulons être regardés : l’homme modeste, ow qui veut le paroître,. veut en même temps marquer cette vertu par. la simplicité de son habillement; l’homme glorieux ne néglige rien de ce qui pent étayer son orgueil ou flatter sa vanité, on le recon- noît à la richesse ou à la recherche de ses ajustemens. Un autre point de vue que les hommes ont assez généralement, est de rendre leur. corps plus grand, plus étendu : peu contens du petit espace dans lequel est circonscrié notre être, nous voulons tenir plus de place en ce monde que la Nature ne peut nous en donner; nous cherchons à agrandir notre figure par des chaussures élevées, par des vêtemens renflés. Quelqu’amples qu’ils puis- sent être, la vanité qu’ils couvrent n’est elle pas encore plus grande? Pourquoi la. \ d'A AGE © JA | | DE L'HOMME. 195 tête d’un docteur est-elle environnée d’une quantité énorme de cheveux empruntés, et que celle d'un homme du bel air en est si légèrement garnie? L'un veut qu'on juge de l'étendue de sa science par la capacité phy- sique de cette tête dont il grossit le volume apparent, et l’autre ne cherche à le diminuer que pour donner l’idée de la légéreté de son esprit. | Il y a des modes dont l’origine est plus raisonnable ; ce sont celles où l’on a eu pour but de cacher des défauts et de rendre la Nature moins désagréable. À prendre les hommes en général, il y a beaucoup plus, de figures défectueuses et de laids visages que de personnes belles et bien faites : les modes , qui ne sont que l’usage du plus grand nombre, usage auquel le reste se soumet, ont donc été introduites , établies par ce grand, nombre de personnes intéressées à xendre leurs défauts plus supportables. Les femmes ont coloré leur visage lorsque les roses de leur teint se sont flétries , et lors- qu’une pâleur naturelle les rendoit moins agréables que les autres : cet usage est pres que universellement répandu chez tous les RER de la terre ; celui de: se Aneilr 1e cheveux avec de la poudre, et de les enfler par la frisure, quoique beaucoup moins général et bien plus nouveau, paroît avoir été imaginé pour faire sortir davantage les il ne sait pas combien ilen perd par la mol- lesse, et combien il pourroit en acquérir par l'habitude d’un fort exercice. Il se trouve cependant quelquefois parmi nous des hommes d’une force extraordinaire à mais ce don de la Natüre, qui leur seroit precieux, s'ils étoient dans le cas de l’em— ployer pour leur défense ou pour des travañx utiles, est un très-petit avantage dans une sociéte policée, où l'esprit fait plus que le corps, et où le travail de la main ne peut être que celui des hommes du dernier ordre. Les femmes ne sont pas, à beaucoup près, aussi fortes que les hommes ; et le plus grand usage ou le plus graudsabus que l’homme ait fait de sa force, c’est d’avoir asservi et traité souvent d’une manière tyrannique cette moitié du genre humain, faite pour partager avec lui les plaisirs et les peines de la vie. Les sauvages obligent leurs femmes à travailler coutinuellement: ce sont elles qui pe , DE L'HOMME, 215 tultivent la terre, qui font l'ouvrage pénible, tandis que Le mari reste nonchalamment cou- ché dans son hamac, dont il ne sort que pour aller à la chasse ou à la pêche, ou poursetenir debout dans la même attitude pendant des heures entières ; car les sauvages ne savent ce que c’est que de se promener , et rien ne les étonne plus dans nos manières , que de nous voir aller en droite ligne et revenir ensuitesur nos pas plusieurs fois de suite ; ils n’imaginent pas qu'on puisse prendre cette peiné sans au cune- necessite, et se donner ainsi du mouve: ment qui n’aboutit à rien. Tous les honimes, tendenta la paresse; maisles sauvages des pays chauds sont les plus paressenx de tous les hoïmmes, et Les plus tyranniques à l'égard de leurs femmes par les services qu’ils en exigent avec une dureté vraiment sauvage. Chez les peuples policés , Les hommes, comme les plus forts , ont dicté des lois où les femmes sont toujours plus lésées à proportion de la grossièreté des mœurs, et ce n’est que. parmi les nations civilisées jusqu’à la politesse que les femmes ont obtenu cette égalité de condi- tion , qui cependant est si naturelle et si né- cessaire à Ja douceur de la société: aussi cette 4” “” e) Ver OU MILAN TES, <- 7 4, ! AN ” “216 HISTOIRE NATURELLE. . politesse dans les mœurs est-elle leur ouvrage; elles ont opposé à la force, des armes victo— rieuses , lorsque par leur modestie elles nous ont appris à reconnoître l'empire de la beauté, avantage naturel plus grand que celui de la force, mais qui suppose l’art de le faire va- loir: car les idées que les différens peuples ont de la beauté, sont si singulières et si op- posées, qu’il y a tout lieu de croire que les femmes ont plus gagné par l’art de se faire desirer, que par ce don même de la Nature, dont les hommes jugent si différemment; ils sont bien plus d'accord sur la valeur de ce qui est en effet l'objet de leurs desirs ; le prix de la chose augmente par la diffichlté d'en obtenir la possession. Les femmes ont eu de la beauté. dès qu’elles ont su se respecter assez pour se refuser à tous ceux qui ont voulu les attaquer par d’autres voies que par celles du sentiment, et du sentiment une fois né la politesse des mœurs a dû suivre. 4 Les anciens avoient des goûts de beauté différens des nôtres. Les petits fronts ; les sourcils joints ou presque point séparés, étoient des agrémens, dans le visage d'une tdi 5 4 NES V) DE L’HOMME. 217 femme : on fait encore aujourd’hui g£rand. cas, en Perse , de gros sourcils quise joignent. _ Dans quelques pays des Indes il faut, pour -être belle, avoir les dents noires et les cheveux blancs , et l’une des principales occupations des femmes aux iles Mariannes , est de se noircir les dents avec des herbes, et dese blanchir les cheveux à force de les laver avec certaines eaux préparées. À la Chine et au Japon c’est une beauté que d’avoir le visage large , les yeux petits et couverts, le nez camus et large, les pieds extrémement petits, le ventre fort gros, etc. Il y a des peuples parmi les Indiens de l'Amérique et de l'Asie qui applatissent la tête deleurs enfans en leur serrant le front et le derrière de la tête entre des planches, afin de rendre leur visage beaucoup plus large qu’il ne le seroit natu- rellement ; d'autres applatissent la tête et l’a- longent en la serrant par les côtés; d’autres V’applatissent par le sommet ; d’autres en- fin la rendent la plus ronde qu'ils peuvent. Chaque nation a des préjugés différens sur la beauté, chaque homme à même sur cela ses idées et son goût particulier ; ce goûtest appa- remmeñt relatif aux premières impressions Mat, gén, À X. 19 agréables qu’on a reçues de à ‘À jets dans le temps de l'enfance; et un | peut-être plus de l'habitude et du hasard que à de la disposition de nos organes. Nous ver | rons , lorsque nous traiterons du développe- : nent des sens, sur quoi peuvent être fondées les idées de beauté en général que les yeux peuvent nous donner. je + éd D fl | vhéien. + : ) * } |: DE L'HOMME. 218 MD DITAION A L'ARTICLE PRÉCEDENT. J | Lo f [ 7 7 Hommes d’une grosseur extraordinaire. Jr se trouve quelquefois des hommes d'une grosseur extraordinaire ; l'Angléterre nous en fournit plusieurs exemples. Dans un . voyage que le roi George II fit, en 1724, pour visiter quelques unes de ses provinces, on lui présenta un homme du comté de Lin- coln, qui pesoitcinq cent quatre-vingt-trois livres , poids de marc : la circonférence de son corps étoit de dix pieds anglois , et sa hauteur de six pieds quatre pouces ; il man- geoit dix-huit livres de bœuf par jour; il est mort avant l’âge de vingt-neuf ans, etila laissé sept enfans. | ’ SJ 000 Me ER LEE Far AE ragLNQN ARS qu à "4 Ad v LD PNR ET TN OO HISTOIRE NATURELLE, Dans l’année 1750, le 10 novembre, un Anglois nommé Édouard Brimht. marchand, mourut âgé de vingt-neuf ans, à Mader en Essex : il pesoit six cent neuf livres, poids : anglois ,» et cinq cent cinquante-sept livres, poids de Nuremberg; sa grosseur étoit si prodisieuse, que sépt personnes d’une taille médiocre pouvoient tenir ensemble dans son habit, et le boutonn'er. | Un exemple encore plus récent, est celux qui est rapporté dans la Gazette angloise, du 4 juin 1775, dont voici l’extrait : « M. Sponer est mort dans la province de Warwick. On le regardoit comme l'homme le plus gros d'Angleterre ; car, quatre ou cinq semaines avant sa mort, il pesoit quarante stones neuf livres, c’est-à-dire, 649 livres: il étoit âgé de cinquante-sept ans, et il n'avoit pas pu sé promener à pied depuis plusieurs années ; mais il prenoit l’air dans une char- xette aussi légère qu'il 'étoit pesant, attelee d'un bon cheval. Mésure après sa mort, sa { # largeur , d’une épaule à l’autre , étoit de : quatre pieds trois pouces. Il a été amené au cimetière dans sa charrette de promenade. LA DE L'HOMME. of On fit le cercueil beaucoup trop Jong , dessein de donner assez de place aux per- sonnes qui devoient porter le corps de la charrette à l’église, et de Jà à la fosse. Treize hommes portoient ce corps, six à chaque côté, et un à l'extrémité. La graisse de cet homme sauva sa vie il y a quelques années : il étoit à la foire d’Atherston , où s'étant que- rellé avec un Juif, celui-ci lui donna un coup de canif dans le ventre ; mais la lame étant courte, ne lui perça pas les boyaux , et même elle n’étoit pas assez longue pour passer au travers de la graisse.» On trouve encore, dans les Transactions philosophiques , n° 479, art. 2, un exemple de deux frères dont l’un pesoit trente-cinq stones , c'est-à-dire, quatre cent quatre- vinst-dix livrés , et l’autre, trente-quatre _stones, c’est-à-dire , quatre cent soixante- seize livres, à quatorze livres le stone. . ‘Nous n’avons pas d'exemple en France d’une srosseur aussi monstrueuse:je me suis informé des plus gros hommes, soit à Paris, soit en province, et jamais leur poids n’a été de plus de trois cent soixante, et tout 19 | 22 HISTOIRE NATURELLE au plus,. trois cent quatre-vingts livres ; ere core ces exemples sont-ils très-rares. Le poids | d'un homme de cinq pieds six pouces doit être de cent soixante à cent quatre-vingis - livres : il est deja gros, s’il pèse deux cents livres; trop gros, s’il en pèse deux ceng trente; et beaucoup trop épais, s’il pèse 4 deux cent cinquante et au-dessus. Le poids 5 d'un homme de six pieds de hauteur doit être de deux cent vingt livres : il sera déja gros ! relativement à à sa taille, s’il pèse deux cent soixante, trop gros à deux cent quaire= vingts, énorme à trois ceutset au-dessus. Et si l'on suit cette même proportion, un homme de six pieds et demi de hauteur peut peser deux cent quatre-vingt-dix livres, sans pa- roitre trop gros, et un géant de sept pieds de grandeur doit, pour être bien proportionné, peser au moins trois cent cinquante livres; un géant de sept pieds et demi, plus de quatre cent cinquante livres ; et enfin un géant de huit pieds doit peser cinq cent vingt ou cinq cent quarante livres, si la : grosseur de son corps et,de ses membres est dans les mèmes proportions que celles d'un homme bien fait. Le DE L'HOMME 223 = AT do A à GEANS. | Exemples de géans d'environ sept pieds de grandeur et au-dessus. LE géant qu’on a vu à Paris en 1745 , et qui avoit six pieds huit pouces huit lignes , .étoit né en Finlande, sur les confins de la Lapponie méridionale, dans un village peu éloigné de Torneo, à Le géant de Thoresby en Ainictenet haut . de sept pieds ciuq pouces anglois. Le géant, portier du di de Mineriiers en Allemagne » de oi pieds et demi du Rhin. hf Trois autres geans vus en Aacleterte, l’un de sept pieds six pouces, l'autre de sept pieds sept pouces , et le troisième de sept pieds hui ‘pouces. à | Le géant Cajanus en Finlande, de sept pieds huit pouces du Rhin, où huit pieds , mesure de Suède. Un paysan suédois, de même grandeur de huit pieds, mesure de Suède. NS * t: ns h " \ D h \ À RE U ÿ re 2 i dy #24 HISTOIRE NATURELLE "Ti Un parte du duc de Brunswick-Hanovre b de huit pieds six pouces d’ Amsterdam. k Le géant Gilli- ; de Trente dans le Tirol , de huit pieds deux Ci y mesure sué— doise. + ‘Un Suédois , _ garde du roi de Prusse P de huit pieds six pouces, mesure de Suède. Tous ces géans sont cités , avec d'aütres moins crade par M. Schreber, Hist, des guadrup. nés 1775, tomel; pages 35 et 36. Goliath , de Getk, aimait sex. cubito- rum et palmi.(l. Reg. ce. 17, v. 4.) En donnant à la coudée dix-huit pouces de hauteur, le géant Goliath avoit neuf ia quatre aid | de grandeur. | Solus quippe Og rex Basan restiterat de stirpe gigantum : monstratur lectus ejus fer- reus qui est in IRabbatk...novem cubitos habens longitudinis et quatuor latitudinis ad mensuram cubiti virilis mantüs. ( Deu- teron. cap. IT, v. 11.) | | - M. le Cat, dans un mémoire lu à l’aca- démie de Rouen, fait mention des géans cités dans l’Écriture sainte et par Îles au teurs profanes. IL dit avoir vu lui-même —… S à de * ; ’ DE L'HOMME. . 225 plusieurs géans de sept pieds, et quelques uns de huit ; entre autres le séant qui se faisoit voir à Rouen en 1735, qui avoit huit pieds quelques pouces. Il cite la fille géante vue par Goropius, qui avoit dix pieds de hauteur ; le corps d’Oreste, qui, selon les Grecs , avoit onze pieds et demi (Pline dit sept coudées , c’est-à-dire, dix pe et demi ). R Le oséant Gabara , presque Lorie bé e de Pline , qui avoit plus de dix pieds, aussi-bien que le squelette de Secorzdilla et de Pusio, conserves dans les jardins de Salluste. M. le Cat cite aussi d'Écossois Funnam , qui avoit onze pieds et demi. IL “ fait ensuite mention des tombeaux où l’om a trouvé’des os de géans de quinze, dix-huit, vingt, trente et trente-deux pieds de hau- teur : mais il paroit certain que ces grands ossemens ne sont pas des os humains, et qu'ils appartiennent à de grands animaux, tels que l'éléphant , la En , le cheval ; car il y a eu des temps où l’on enterroit les guérriers avec leur cheval , peut-être avec leur éléphant de guerre. y LAN - NAINS. u Exemples au sujet des nains. LE nommé Bebé du roi de Pologne ( Sta- nislas ) avoit trente-trois pouces de Paris , la taille droite et-bien proportionnee, jusqu'à l’âge de quinze ou seize ans qu’elle com mença à devenir contrefaite ; il marquoit peu de raison. Il mourut l’an 1764 , à l'âge de vingt-trois ans. At Un autre, qu’on a vu à Paris en 1760 : c'étoit un gentilhomme polonois , qui, à l'âge de vingt-deux ans , n’avoit que la hauteur de vingt-huit pouces de Paris , mais Île corps bien fait et l'esprit vif; il possédoit même plusieurs langues. IL avoit un frère aîné , qui n'avoit que trente- quatre pouces de hauteur. | Un autre à Bristol , qui x en 1751, à l’âge de quinze ans , n'avoit que trente-un pouces anglois : il étoit accablé de tous les accidens de la vieillesse ; et de dix-neuf à DE L'HOMME. 229 livres qu’il avoit pesé dans sa sepiième année , il n’en pesoit plus que treize. Un paysan de Frise, qui, en 1751, se fit voir pour de l'argent à Amsterdam : il n'avoit , à l’âge de vingt-six ans, que la hauteur de vingt-neuf pouces d'Amsterdam. Un nain de Norfolk , qui se fit voir dans la même année à Londres, avoit, à l'âge _de vingt-deux ans, treute-huit pouces an- glois , et pesoit vingt-sept livres et demie, ( Transactions philosophiques , n° 405.) On a défexemples de nains qui w’avoient que deux pieds, vingt-un et dix-huit pouces, et même d'un qui , à l’âge de trente-sept ans , n’avoit que seize pouces. Dans les Transactions philosophiques , ° 467 , art. 10 , il est parlé d’un nain âgé de vingt-deux ans , qui ue pesoit que trente-quatre livres étant tout habillé jet qui n’avoit que trente-huit pouces de hau- teur avec ses souliers et sa perruque. Marcum Maximum et Marcum Tullium , equites romanos, binûm cubitorum fuisse auctor est M. Varro, et ipsi vidimus in lo- culis asservatos. ( Plin. lib. VIL, cap. 16.) Dans tout ordre de productions, la Nature 8 HISTOIRE NATURELLE. nous offre les mêmes rapports en plus et en moius; les nains doivent avoiravec homme ordinaire, les mêmes proportions en dimi- nution, que les géans en augmentation. Un hotte de quatre pieds et demi de hauteur ne doit peser que quatre-vingt-dix ou quatre- vingt-quinze livres ; un homme de quatre pieds , soixante-cinq , ou tout au plus soixante-dix livres ; un nain de trois pieds | et demi , quarante-cinq livres ; un de trois pieds , vingt-huit ou trente livres , si leur corps et leurs membres sont bien propor- tionnés , ce qui est tout aussi rare en peli£ qu'en grand; car il arrive presque toujours que les géans sont trop minces, et les nains trop épais ; ils ont sur-tout la tête béau- coup trop grosse , les cuisses et les jambes trop courtes , au lieu que les géans ont cominunément la tête petite , les cuisses et les jambes trop longues. Le séant disséqué en Prusse avoit une vertèbre de plus que les autres hommes , et il y a quelque apparence que , dans les géans bien faits, le nombre des vertèbres est plus grand que dans les autres hommes. Il seroit à desirer qu’on fit la même recherche sur les nains, a DEL; HOMME. "4: 29. \! qui peut - ètre ont quelques vertèbres de moins. ( | En prenant cinq pieds pour la mesure commune de la taille des hommes } sept pieds pour celle des géans , et trois pieds pour celle des nains, on trouvera encore des géans plus grands et des nains plus petits. J'ai vu moi-même des géans de sept Mo et demi et de sept pieds huit pouces ; j'ai Vu des nains qui n’avoient que vingt-huit et trente pouces de haut : il paroît donc qu’on doit fixer les limites de la Nature actuelle , pour la grandeur du . corps humain, depuis deux pieds et demi jusqu’à huit pieds de hauteur ; et quoique cet intervalle soit bien considerable., et que Ja différence paroisse énorme , elle est cépen- dant encore plus grande dans quelques espèces d'animaux , tels que les chiens ; un enfant qui vient de naître , est plus grand relativement à un géant, qu'un bichon de Malte adulte ne l’est en comparaison du chien d'Albanie ou d'irlande. 20 230 HISTOIRE NATURELLE 1 “EN | ON F - . climats. ! Ex Europe, et dans la plupart des cli- mats tempérés de l’un et de l’autre conti- nent , le pain , la viande , le lait , les œufs, les légumes et les fruits, sont les alimens ordinaires de l’homme ; et le vin , le cidre et la bière sa boisson, car l'eau pure ne Nourriture de l’homme dans F2 diférens suffroit pas aux hommes de travail pour maintenir leurs forces. . Dans les climats plus chauds , le sagou, qui est la moelle d’un arbre, sert de pain, et les fruits des palmiers suppléent au défaut de tous les autres fruits; on mange aussi beaucoup de dattes en Égypte , en Mauri- | tanie , en Perse , et le sagou est d’ ur usage commun dans les Indes méridionales , à Sumatra , Malaca , etc. Les figues sont l'aliment le plus commun en Grèce , en Morée et dans les îles de l’'Archipel, comme les châtaignes dans quelques provinces de France et d'Italie. \ Dans la plus grande partie de l'Asie, en DE L'HOMME l1, ‘30 Perse , en Arabie, eu Égypte, et de là jus- R qu'à la Chine , le riz fait la principale | nourriture. Dans les parties les plus chaudes de l’'A- frique , le grand et le petit millet sont la nourriture des Nègres ; Le maïs, dans les contrées tempérées de l'Amérique ; Dans les iles de la: mer du in le Fruit | d’un arbre appelé l’arbre de pain ; _ À Californie, le fruit appele pitahaïa; La cassaye dans toute l'Æmérique méri- dionale , ainsi que les pommes de terre, les ignames et les patates; Dans les pays du Nord, la bistorte, sur-tout chez les Samoïèdes et les Jakutes ; La saraune, au Kamtschatka. En Islande et dans les pays encore plus voisins du Nord, on fait bouillir des mousses et du varech. Le Les Nègsres mangent volontiers de l’élé- phant et des chiens. | Les Tartares de l'Asie et les Patagons de l'Amérique vivent également de la chair de leurs chevaux. Tous les peuples voisins des mers du PER PE re nr PR D Mb nu Le ND IE : 232 HISTOIRE NATURELLE Nord mangent la chair des phoques ) “ed morses et des ours. Les Africains mangent aussi la chair des panthères et des lions. Dans tous les pays chauds de l’un et l'autre continent , on mange de ge toutes les espèces dé singes. Tous les habitans des côtes de la mer, soit dans les pays chauds , soit dans les climats froids , mangent plus de poisson que de chair ; les habitaus des iles Orcades , les Islandois , les Lappons, les Groeulandois, ne vivent, pour ainsi dire, que de poisson. Le lait sert de boisson à quantité de peuples ; les femmes tartares ne boivent que du lait de jument ; le petit lait, tiré : d: du lait de vache , est la boisson ordinaire en Islande. | Il seroit à desirer qu’on rassemblàät un plus grand nombre d'observations exactes sur la différence des nourritures de l’homme dans les climats divers , et qu’on püt faire la comparaison du régime ordinaire des diffé- rens peuples : il en résulteroit de nouvelles lumières sur la cause des maladies particu- lières, et, pour ainsi dire, indigèues dans chaque climat. es + PT \ dot AA , DE L'HOMME. | 23 DE LA VIEILLESSE ET DE LA MORT. \ Tour change dans la Nature ; tout s’al— tère , tout périt; le corps de l’homme n’est pas plutôt arrivé à son point de perfection qu'il commence à déchoir : le dépeérisse- ment est d'abord insensible ; 1l se passe même plusieurs années avant que nous nous appercevions d'un changement consi- dérable : cependant nous devrions sentir le poids de nos années mieux que les autres ne peuvent en comptér le nombre; et comme ils ne se trompent pas sur notre. âge en le jugeant par les changemens exté- rieurs , nous devrions nous tromper encore ‘ moins sur leffet intérieur qui les pro- duit, si nous nous observions mieux , Sk nous nous flattions moins, etsi, dans tout, les autres ne nous jugeoient pas toujours beaucoup mieux que nous ne nous juseons” x10 us-mêmes, 20 234 HISTOIRE NATURELLE . Lorsque le corps a acquis toute son éten- due en hauteur et en largeur par le dévelop- pement entier de toutes ses parties, il aug- ‘mente en épaisseur : le commencement de TS cette augmentation est le premier point de son dépérissement ; ; car cette extension n’est pas une continuation de développement ou d’accroissement intérieur de chaque net par lesquels le corps continueroit de prendre. plus d’étendue dans toutes ses parties orga- niques , et par CORRE plus de force et d'activité; mais c’est une simple addition de matière surabondante qui enfle le volume du corps et le charge d’un poids inutile. Cette matière est la graisse qui survient ordinaire- ment à trente-cinq ou quarante ans; et à mesure qu’elle augmente, le corps a moins dè légéreté et de liberté dans ses mouvemens; ses facultés pour la génération diminuent ; ses membres s’appesantissent; 1l n'acquiert de l'étendue qu'en perdant de la force «. ‘ plus robustes : et de même on peut croire que, dans l’un et l’autre sexe, les personnes qui n'ont achevé de prendre leur accroisse- ment que fort tard, sont celles qui doivent vivre le plus; car, dans ces deux cas, les os, les cartilages et toutes les fibres arriveront plus tard à ce degré de solidité qui doit pro- duire leur rouen, Cette cause de la mort naturelle est geéné- rale et commune à tous les animaux, et même aux végétaux. Un chêne ne périt que parce que les parties les plus anciennes du bois, qui sont au centre, deviennent si dures et si compactes, qu’elles ne peuvent plus re- cevoir de nourriture : l'humidité qu’elles contiennent, n'ayant plus de circulation et n'étant pas remplacée. par une séve nou- velle, fermente, se corrompt et altère pew à peu les fibres du bois; elles deviennent rouges , elles se désorganisent, enfin elies tombent en poussière, La durée totale de la vie peut se mesurer en quelque façon par celle du temps de l’ac- croissement : un arbre ou un animal qui prend en peu de temps tout son accroisse- ment, périt beaucoup plus tôt qu’un autre : DE L'HOMME: 249 » / cs RUE Le 14” di VA : 2. HISTOIRE NATÜRELLE auquel il faut plus de temps pour croître. Dans les animaux, comme dans les végé- taux, l'accroissement en hauteur est celui qui est achevé le premier. Un chêne cesse de grandir long-temps avant qu'il cesse de grossir. L'homme croit en hauteur jusqu’à seize ou dix-huit ans, et cependant le déve- loppement entier de toutes leS parties de: son corps en grosseur n'est achevé qu'à trente ans. Les chiens prennent en moins d’un an leur accroissement en longueur, et ce n’est que dans la seconde année qu'ils achèvent de prendre leur 2rosseur. L'homme qui est trente ans à croitre, vit quatre-vingt-: dix ou cent ans; le chien qui ne eroît que pendant deux ou trois ans, ne vit aussi que dix ou douze ans; il en est de même de la plu- part des autres animaux. Les poissons qui ne cessent de croître qu’au bout d’un très grand nombre d'années, vivent des siècles, et, comme nous l'avons déja insinue, cette longue durée de leur vie doit dépendre de la constitution particulière de leurs arêtes, qui ne prennent jamais autant de solidité que les os des animaux terrestres. Nous exa- minerons dans l'histoire particulière des A DE L'HOMME. 255 ‘animaux , s’il y a des exceptions à cette espèce de règle que suit la Nature dans la proportion de la duréé de la vie à celle de l'accroissement, et si en effet il est vrai que les corbeaux et les cerfs vivent, comme on le prétend, un si grand nombre d'années : ce qu'on peut dire en général, c’est que les grands animaux vivent plus long-temps que les petits, parce qu’ils sont plus de en à à croître. Les causes de notre destruction sont donc nécessaires, et la mort est inévitable ; il ne mous est pas plus possible d'en reculer le terme fatal que de changer les lois de Ja Nature. Les idées que quelques visionnaires on eues sur la possibilité de perpétuer la vie par des remèdes, auroient dû périr avec eux, si l’amour-propre n’augrentoit pas toujours la crédulité au point de se persuader cé qu’il y a même de plus impossible, et de douter de ce qu'il y a de plus vrai, de plus réel.et de plus constant. La panacée, quelle qu'en füt la composition, la tation du sang, et les autres «moyens qui ont été proposés pour rajeuhir ou immoftaliser le corps, sont au moins aussi chimériques que Ja fontaine de Jouvence est fabuleuse, 292 LE | Lorsque le corps est bien constitué, peut- être est-1l possible de Je faire durer quelques. années de plus en lé menagean£. Il se peut k que la modération dans les passions, la tem- pérance et la sobriété dans les plaisirs, con- _ tribuent à la durée de la vie; encore cela même paroit-il fort douteux : il est peut- être nécessaire que le corps fasse l'emploi de toutes ses forces, qu'il consomme tout ce qu’il peut consommer, qu'il s'exerce au— tant qu’il en est capable; que gagnera-t-on dès-lors par la diète et par la privation ? IL ya des hommes qui ont vécu au-delà du terme ordinaire; et, sans parler de ces deux. vieillards dont il est fait mention dans les Transactions philosophiques, dont l'un. a vécu cent soixante-cinq ans, et l’autre cent quarante - quatre ,* nous avons un grand nombre d'exemples d'hommes qui ont vécu cent dix et même cent vingt ans : cepen—|, dant ces hommes ne s'étoient pas plus mé- | nagés que d’ autres; au contraire, il paroi que la plupart “étoient des paysans accou— tumés aux plus grandes fatigues:, des chas- seurs, des geus de travail, des Homimes.en yn mot qui avoient employé toutes Les DE L'HOMME. 253 forces de leur corps, qui en avoient même abusé , s'il est possible d’en abuser autre- ment: que par l'oisivete et la à cor1- tinuelle. | D'ailleurs, si l’on fait réflexion que l’Eu- rôpéen. , le Nèsre , Le Chinois , l'Américain , l’homme policé , l’homme sauvage, le riche, le pauvre, l'habitant de la ville, celui de la campagne , si différens entre eux par tout le reste, se ressemblent à cet égard , et n’ont chacun que la même mesure, le même in— tervalle de temps à parcou rir ei la nais— sance à la mort; que la différence des races, des climats , dés nourritures , des commo- dités, n'en fait aucune à la durée de la vie ; que les hommes qui ne se nourrissent que de da crue ou de poisson sec, de sagou ou de , de cassaye ou de racines , vivent aussi “ae que ceux qui se nourrissent de pain ou de mets préparés; on reconnoitra encore plus clairement que la durée de la vie ne depend ni des habitudes, ni des mœurs , ni de la qualité des alimens; que rien ne peut changer les lois de la méca- nique qui règlent le nombre de nos années, et qu'on ne peut guère les altérer que par ” Mur, gén, XX. } Do Dh à, - , Te + M on Î 2ÿf HISTOIRE NATURELLE des excès de nourriture ou par de trop Fi grandes dièles. RE RYER S'il y a quelque différence tant iEañt: pet remarquable dans la durée de la vie, il semble qu’on doit l’attribuer à la qualité dé l'air: on a observé que dans les pays élevés il se trouve communément plus de vieillards que : dans les lieux bas; les montagnes d'Écosse, de Galles, d'Auverene, de Suisse, ont fourni plus d'exemples de vieillesses extrêmes que. les plaines de Hollande, de Flandre, d’Alle- magne et de Pologne. Mais à prendre le: genre humain en général, il n’y a, pour ainsi dire, aucune différence dans la durée de la vie; l’homme qui ne meurt point de mala- dies accidentelles, vit par-tout quatre-vingt- dix ou cent ans; nos ancêtres n’ont pas' vécu davantage , et depuis le siècle de David ‘cé terme n'a point du tout varie. Si l’on nous demande pourquoi la vie des premiers hommes étoit beaucoup plus longue, pour- quoi ils vivoient neuf cents , neuf! cent trente, et jusqu’à neuf cent soixante-neuf ans , nous pourrions peut-être en donnér'uné. raison en disant que les productions de’ la terre dont ils faisqient leur nourriture , DE L'HOMME. / :355 æetoient alors d’une nature différent) de ce qu'elles sont aujourd'hui ; la surface du globe devoit être , comme on l’a vu (tome Yes Théorie de la Terre), beaucoup moins solide et moins compacte dans les premiers temps âprès la création qu’elle ne l'est aujourd’hui, parce que la gravité n'agissant que depuis peu de temps, les matières terrestres n’a- voient pu acquérir en aussi peu d'années la consistance et la solidité qu'elles ont eues depuis ; les productions de la terre devoient être analogues à cet état ; la surface de la terre étant moins compacte , moins sèche , tout ce qu'elle produisoit devoit être plus ductile, plus souple, plus susceptible d’ex= tension ; 11 se pouvoit donc que l’accroisse- ment de toutes les productions de la Nature, et même celui du corps de l’homme , ne se fie pas en aussi peu de temps qu'ilse fait aujour- d’hui ; les os, les muscles, etc. conservotent. peut-être plus loug-temps leur ductilité.et leur mollesse, parceque toutes les nourritures étoient elles-mêmes plus molles et plus duc- tiles; dès lors toutes les parties du corps n’arri voient à leur développement entier qu après Un grand nombre d’ années ; la génération ne , AE FRSPUUE TN > 1 256 HISTOIRE NATURELLE | pouvoit s opérer par conséquent qu’ après cet\ 4 accroissement pris en entier ,,ou presque en À entier, c’est-à-dire, à cent vingt ou cent trente ans, et la durée de la vie étoit proportionnelle à celle du temps de l'accroissement ; comme elle l’est encore aujourd’hui : car en suppo= sant que l’âge de puberté des premiers - hommes , l’âge auquel ils commencoient à pouvoir engendrer , füt celui de cent trente ans, l’âge auquel on peut engendrer aujour- d’hui étant celui de quatorze ans, il se trou- vera quê le nombre des années de la vie des. premiers hommes et de ceux d'aujourd'hui sera dans [a même proportion , puisqu’en multipliant chacun de ces deux nombres par le même nombre, par exemple par sept ,-on verra que la vie des hommes d'aujourd'hui étant de quatre-vinot-dix-huit ans, celle des hommes d’alors devoit être de neuf cent dix ans; il se peut donc que la durée de la vie de l’homme ait diminué peu à peu à mesure que la surface de Ia terre a pris plus de solidité par l’action continuelle de la pe- santeur, et que les siècles qui se sont écoulés depuis la création jusqu’à celui de David , ayant suffi pour faire prendre aux matières JR , DE L'HOMME. … 297 terrestres toute la solidité qu’elles peuvent acquérir par la pression de la gravité, la sur- face de la terre soit depuis ce temps-là de- meurée dans le même état, qu’elle ait acquis dès lors toute la consistance qu’elle devoit avoir à jamais , et que tous lés termes de l'accroissement de ses productions aient été fixés aussi-bien que celui de la durée de la vie. Indépendamment des He acciden- telles qui peuvent arriver à tout âge, et qui dans la vieillesse deviennent plus dange- reuses et plus fréquentes, les vieillards sont encore sujets à des infirmités naturelles, qui ne viennent que du dépérissement et de l’af- ‘ faissement de toutes les parties de leur corps ; les puissances musculaires perdent leur équi- libre, la tête vacille , la main tremble , les jambes sont chancelantes ; la sensibilité des nerfs diminuant, les sens deviennent obtus, le toucher même s'émousse : mais ce qu’on doit regarder comme une très-grande infir- mité, c’est que les vieillards fort âgés sont ordinairement inhabiles à la génération. Cette impuissance peut avoir deux causes, toutes deux suflisantes pour Ja produire : 22 LA AA à à j A À STEP Ÿ ÿ f LA L 62 ‘ PL pe 28 HISTOIRE NATURELLE … l'uneest le défaut de tension dans les organes extérieurs, et l’autre l’altération de la liqueur séminale. Le défaut de tension peut aisément s'expliquer par la conformation et la texture de l’organe même: ce n’est, pour ainsi dire, qu'une membrane vide, ou du moins qui né contient à l’intérieur qu’un tissu cellulaire et spongieux; elle prête, s'étend, et reçoit dans ses cavités intérieures une grande quan- tité de sang qui produit une augmentation de volume apparent et un certain degré de tension. L'on conçoit bien que dans la jeu- nesse cette membrane a toute la souplesse requise pour pouvoir s'étendre et obéir aise- ment à l'impulsion du sang , et que pour peu qu'il soit porté vers cette partie avec quelque force, il dilate et développe aisée _ ment cette membrane molle et flexible: mais à mesure qu’on avance en âge, elle acquiert, comme toutes les autres parties du corps, plus de solidité ; elle perd de sa souplesse et de sa flexibilité; dès lors, en supposant même que l'impulsion du sang se fit avec la même force que dans la jeunesse, ce qui est une autre question que je n’examine point ici, cette impulsion ne seroit pas suffisante { Î VRIS DENDHOMME," nr on) pour dilater aussi aisément cette membrane devenue plus solide, et qui par conséquent résiste davantage à cette action du sang ; et lorsque cette membrane aura encore pris plus de solidité et de sécheresse, rien ne sera capable de déployer ses rides et de lui donner cet état de gonflement et de tension nécessaire à l’acte de la génération, | . À l'égard de l’altération de [a liqueur sé- minale , ou plutôt de son infécondité dans la vieillesse , on peut aisément concevoir que la liqueur séminale ne peut être prolifique que lorsqu'elle contient, sans exception , des molécules organiques renvoyées de toutes Les. parties du corps ; car, comme nous l'avons établi *, la production du plus petit être or- ganisé, semblable au grand , ne peut se faire que par la réunion de toutes ces molécules xenvoyées de toutes les parties du corps de l'individu : mais, dans les vieillards fort âgés, les parties qui, comme les os, les carbilages, etc. sont devenues trop solides, ne pouvant plus admettre de nourriture, he peuvent par conséquent s assimiler cette matière nutri- k Voyez le tome XVIIF, chapi itres 2, 3, etc t 260 HISTOIRE NATURELLE iive , ni la renvoyer après l'avoir. mobéléés et, rendue telle qu’elle doit être. Les os et les autres parties devenues trop solides ne peu- vent donc ni produire ni renvoyer des molé— cules organiques de leur espèce : cesmolécules manqueront par conséquent dans la liqueur séminale de ces vieillards , et ce défaut suffit pour la rendre inféconde , puisque nous avons prouvé que pour que la liqueur sémi- nale soit prolifique , il est nécessaire qu’elle contienne des molécules renvoyées de toutes les parties du corps, afin que toutes ces par— ties puissent en effet se réunir d’abord et se réaliser ensuite au moyen de leur dévelop= . pement. En suivant ce raisonnement qui me paroiE fondé, et en admettant la supposition que c'est en effet par l’absence des molecules or- ganiques qui ne peuvent ètre renvoyées de celles des parties qui sont devenues trop solides , que la liqueur séminale des hommes fort âgés cesse d’être prolifique, on doit pen- ser que ces molécules qui manquent, peuvent être quelquefois remplacées par celles de la femelle * si elle est jeune , et dans ce cas là * Voyez le tome XIX, chapitre ro. DE L'HOMME. 267 génération s’accomplira : C’est aussi ce qui arrive. Les vieillards décrépits engendrent , mais rarement; et lorsqu'ils engendrent, ils ont moins de part que les autres hommes à leurpropre production : de là vient aussi que de jeunes. personnes qu'on marie avec des vieillards décrépits , et dont la taille est deé- formée, produisent souvent des monstres, des enfans contrefaits, plus défectueux en- core que leur père. Mais ce n’est pas ici le lieu de nous étendre sur ce sujet. La plupart des gens âgés périssent par le scorbut, l’hydropisie, ou par d’autres ma- ladies qui semblent provenir du vice du sang, de l’altération de la lymphe , etc. Quelque influence que les liquides contenus dans le corps humain puissent avoir sur son économie , on peut penser que ces liqueurs m’étant que des parties passives et divisées ; elles ne font qu'obéir à l'impulsion des so- lides, qui sont les vraies parties organiques el actives , desquelles le mouvement, la qualité et mème la quantité des liquides doivent dé- pendre en entier. Dans la vieillesse le calibre des vaisseaux se resserre, le ressort des mus-. cles s’affoiblit, les filtres sécrétoires s’obs- \ ‘262 HISTOIRE NATURELLE truent; le sang, la lymphe et les autres hu- à meurs doivent par conséquent s’épaissir , s'altérer, s’extravaser, et produire les symp— tômes des différentes maladies qu’ où à cou. iume de rapporter aux vices des liqueurs ; comme à leur principe, tandis que la première. cause est en effet une altération dans les so— lides , produite par leur dépérissement natu- rel, ou par quelque lésion et quelque déran- gement accidentel. Il est vrai que quoique le mauvais état des liquides provienne d’un vice organique dans les solides, les effets qui résultent de cette altération des liqueurs , se manifestent par des symptômes prompts et menaçans , parce que les liqueurs étant en continuelle circulation et en grand mouve- ment,pour peu qu'elles deviennentstagnantes par le trop grand rétrécissement des vais- seaux, ou que par leur relâchement force elles se répandent en s’ouvrant de fausses routes , elles ne peuvent manquer de se corrompre et d'attaquer en même temps les parties Les plus foibles des solides, ce qui produit souvent des maux sans remède ; ou du moins elles communiquent à toutes les parties solides, qu'elles abreuvent , leur mauvaise qualité, æ $ DE L'HOMME. | \563 ‘ce qui doit en déranger le tissu et en changer la nature : ainsi les moyens de dépérisseæ ment se multiplient, le mal intérieur aug mente de plus en plus et amène à la pate l'instant de la destruction. Toutes les causes de dépérissement que nous venons d'indiquer , agissent conti- nuellement: sur notre être matériel'et le conduisent pet à peu à sa dissolution : la mort, ce changement d'état si marqué, si redouté, n’ést donc dans la Nature que la dernière nuance d’un état précédent; là succession nécessaire du dépérissement de notre corps amène ce degré, comme tous de autres qui ont précédé ; la vie commence ‘s’éteindre long-temps ‘avant qu'elle s’é- sait entièrernent , ‘ét dans le réel! il y a peut-être plus loin dé Ia caducité à la jeu= resse que de Ja décrépitude à la mort ; car on ne doit pas ici considérer la vie comme une chose absolue , mais comme une quantité susceptible d'augmentation et de diminution. Dans l’instaut de la forma- tion du fœtus, cetté vie corporellé n'est encore rien ou présque ‘rien ; peu à peu elle augmente, elle s'étend, elle acquiert de » ù LAN dns si je \ 2064 € HISTOIRE: NATURELLE la consistance à mesure que le corps croît, | se développe et se fortifie; dès qu’il com- mence à dépérir, la quantité de vie diminues enfin lorsqu'il se courbe , se dessèche et s’affaisse, elle décroit , elle se nn elle se réduit à rien : nous commençons de vivre par degrés, et nous finissons de mourir comme nous commençons de vivre. - Pourquoi donc craindre la mort, sil’on a assez bien vécu pour n’en pas craindre les suites ? pourquoi redouter cet instant, puisqu'il est préparé par une infinité d’au- tres instans du même ordre , puisque la mort est aussi naturelle que la vie, et que ? 3 e LS A » l’une et l’autre nous arrivent de la même façon sans que nous le sentions , sans que Te ; x « nous puissions nous en appercevoir ? Qu'on interroge les médecins et les ministres: de l’église , accoutumés à observer les actions des mourans et à recueillir leurs derniers sentimens ; ils conviendront qu'à l'excep- tion d’un très-pelit nombre de maladies aiguës , où l’agitation causée par des mou- vemens convulsifs semble indiquer les”’souf- frances du malade , dans toutes les autres on meurt tranquillement, doucement ef LE, DE L'HOMME. , 265 sans douleurs : et même ces terribles agonies effraient plus les spectatenrs qu’elles ne tourmentent le malade ; car combien n’en a-t-on pas vu qui, après avoir été à cette dernière extrémité , n’avoient aucun sou- venir de ce qui s'étoit passé, non plus que de ce qu'ils avoient senti ! ils avoient réel- lement cessé d’être pour ‘eux pendant ce temps , puisqu'ils sont obligés de rayer du nombre de leurs jours tous ceux qu’ils on£ passés dans cet état AND HE il ne leur reste aucune idée. La plupart des hommes meurent done sans le savoir ; et dans le petit nombre de ceux qui conservent de la connoissance jusqu’au dernier soupir , 1l ne s’en trouve peut-être pas un qui ne consèrve en même temps de l'espérance, et qui ne se flatte d’un retour vers la vie : la Nature a, pour le bonheur de l’homme, rendu ce sentiment plus fort que la raison. Un malade dont le mal.est incurable , qui peut juger son état par des exemples fréquens et familiers, qui en est averti par les moùvemens inquiets de sa famille , par les larmes de ses amis, par la contenance ou l’abandon des méde- X 23 @ N 4 % l ee Fa À ji ARR CO -266 HISTOIRE NATURELLE cins , n'en est pas plus convainew” qu'il touche à sa dernière heure ; l'intérêt est s& grand , qu’on ne s’en rapporte qu'à Soi; OIL n’en croit pas les jugemens des autres, o les regarde comme des alarmes peu fon. dées ; tant qu on se sent et qu on pense u on ne réfléchit, on ne raisonne qué pour soi, et tout est mort que ee st vie | encores né Li: Jetez les yeux sur un maladé qui vous aura dit cent fois qu’il se sent attaqué à mort, qu'il voit bien qu’il ne peut pas en revenir, qu'il est prèt à expirer ; éxaminez ce qui se passe sur son visäge lorsque ‘par zèle ou par indiscrétion quelqu'un vient à lui annoncer que sa fin est prochaine en effet -- vous le verrez changer comme celui d'um homme auquel on annonce une nouvelle imprévue. Ce malade ne croit dénc pas ce qu'il dit lui-même, tant il est vräi qu'il n’est nullement convaincu qu’il doit mou- rir ; il a seulement quelque doute , quelque | inquiétude sur son état : mais il" craint toujours beaucoup moins qu'il un’ espère ; et si lon ne réveilloit pas ses frayeurs par 6830! 6911| 6977 7036 | mA nm entrées dans leur 21e, 22e année, etc. sur 27 Nombre des das 6401| 6359] 6276] 62r2 6153f morts sur les trois paroisses de Paris et sur les douze villages Séparation des - Fi s Morts ayant la fin de leur 21e, 22e année, | etc. sur 23994 sépul- _tures. [Nombre des personnes entrées dans leur 2re, 22e année, etc. Eos 10675 10514 10380 10259 | 23994. d À Mat. gén, XX. LME Fe ; 29 290. HISTOIRE NATURELLE anne ‘ee ‘ ANNÉES DE LA VIDE. \ TS Morts. AU | LU dede. ÿ Re. ON D à CAMPAGNE. . 30 27 | 28 ER a9 Han Clémont....| 1301 10 24 | Ponon: ... EAt 13 20 Jouy. hide ue PO Leés!iou.....| 223 Vandeuvre ..f 672 Sami-Aoil ..f :994| 1 hurvis.... 262 {Saint-Amant.| 740| Montigny... 033 EEE SR À 131 © OUR D O M R\0 0 " bel OC Db'OER Où Ote DI Co Fa a © © = Co CL OO O CU OT O #4 O ON D EH HR ON bel CN Goussainyille.| 1615 I 10 Ivry: . 2247 14 13 | Total! 10805 7 à , J | ? £ re des 10805 (EUR . morts dans les ei 66 55 77 42 146 de la vie où is sont … décédés, ; pus «Pa la fin de TR { leur 26e, 27e année ) | . | etc. sur 10805 sépu! 2 6886 6941. 7o1È ci 72001 ar , tures,. ment k Nombre des personnes De année Me. "1 3985 ee 3864] 3787] 3745] 080$. OP IDE L'HOMME: FT 207. ANNÉES DE LA VIE. Saint-A nôre | S. Hippolyte. Saint-Nicolas. Tota 113189 Séparation des id morts dans les années À de la vie où ils met 74 A D | Morts avant la MARS oh de l leur 26e, 27e année, etc. sur 13189 me 7182 RU ie 7. : 76 7336] Nombre des personnes) Er ME trées dans 1 6 entrées dans leur 26e, À 5853 me pee va Ne7eanfée ,. etc. Sur — 7481 | 13189. a 0 des 23994 morts sur les trois pa- roisses de Paris et sur les douze villages. etc. sur 23994 sépul tures LEE Rs des personnes. entrées dans leur 26e : -27e année, etc. sur ten ee la fin de | eur 26e, 27e Se 14203) ‘14394 Le 25994: Hhcote 10060 9928] er h 9544 "1 e rares none ANNÉES DE LA. im. |, de AMPFAGNE. IClémont. 2. Brinon:. :...{ Dony .:.....1 Lestiouw. .:.:1 Vändeuvre ..! ï aint-A gil. FN is Thury. An Œyt- À mant. a ne Fifteneuve. . biens. VTY cs... 2 ji : Lt b O OUT R 0x0 EPP ER ER RE y I + CGR HW NO CR L'ON OI Oh EXO Cru 4 COR Sépara tion des 10605 + morts dans les années ! de la vie où ils sont dérédés. leur je, 32e année, | etc. sûr as | sépul- ( tures. b« Nombre des personnes | . entrées dans leur 31e, aa | 32e année, etc. sur (' 3599! 3957 | 10805. % PU AT\DE L'HOMMÉ 214 20 _— cr Se ANNÉES DE LA VIE. PAROISSES L de PARIS, 1 3i 32 33 34 35 Ph, à | a —— CET TE UGEE Saint-Aüdre.| 1728 6 10. 17 | 19 21 S. Hippoly te.| 2516 12 13 13:4:-170 Saint-Nicolas.| 8645! 25 | 57 | 41 | 54 | 82 Total! 131809) | : F Séparation des 13139 Morts dans les années e la vie où ils sont décédés. Morts avant la fa 4 ce. au 1319 sépule ( 7021] 7600! 671] 7753] 7672] tures. | OR US Ce Nombre des pefsonnes entrées dans leur 31e, 32e añnée Ê etc, sur 131 9 + 57° 5668! 55801 5518] 5436! - es morts sur les trois paroisses de Paris et . surles douze villages RASE on ER ER Morts avant la fin de. | \ leur 31e, 32e ahnée, se: etc. shr "23994 sépul- 14769 - tures. ? ee mana hvérantle oromaeeran btonrsam Nombre des personnes ‘entrées dans ler 31e, , 307 0245 0048 Éora B77o Séparation des a) 32e afinée , etc. sur Ds nd - Er FR RS DOM FORMANT RES 294 HISTOIRE NATURELLE ; PAROISSES FAT ANNÉES DE LA VIE. | ’ de Is Morts. a , | | CAMPAGNE.l 36 37 | 38 39 40 Clémont....| 1391| 12 | 18 | 5 3 | 41 Brinon.....,| 1141 8. Ô 5 6 37 Jouy 1 à. à 288! 6. 7 4 LE 207 “4 bestioh | 224| 4 4 IT OZ 4 Vandeuvre.. {| 672] ° 5 ) À (e) 41 ‘[Samt-Aoïl ..| 094! 9 41 5 z | 22 ITbury......} 262! _ o I 2 2 4 Sant-Amant.! 7481 41 5! 5 3 | _20 Montigny...f 833| 4 Le RE 8 Villeneuve...| 131} 5 O 5 O 7 | Goussainville.| 1615 6 5 2,7 | 14 Ivry... ... 2 2247] 121 134 2% 3 | 27 T'otall 10809 Séparation des :10$05 - ; morts dans les années de la vie où ils “ 77 l FE 76 *7 249 décédés. L Morts avant la fin de leur 36e, 37e Lt 7684 7755 . 7831 Fos Bxoä| etc. sur 1080$ sépul- tures. ER Nombre des pl \ entrées dans leur 36e, 3198 3121 3050 2974| 2947 | 37e année, etc, sur 10805. s paroisses) ‘| ANNÉES DE LA VIE. Morts. LS Saint-André, | 1728] 14 ÎS. Hippolyte.! 2516| 21 | 7 api HAS 0945!. 79 | 5 Total _____Totalir3189 PQ Pi Séparation des 131 des 13189) 1: | morts dans les années de la vie où ils sont décédés, en ennemi Morts avant la vi k. leur 36e, 37e année, etc. sur 13189 sépul tures. 7082 8063 sr (Sao! 8366 } : Nombre des person! des personnes entrées dans leur 36e, 37e année, SRE sur Say {5207 5126] 650) 4082 13189. - morts sur les trois paroisses de Paris et sur les douze villages. Séparation des 23994 £ FA 8]. 160! 67| 4041 Morts avant la fin de ; (74 leur 36e , 37e année Ps UP etc. Sur 23994 le 15818] 15978|16065 16469 tures. pd ne dl ee Nombre des personnes i. entrées dans leur ci 8515 83268 8176 6016 7029} 37e année, etc. sur ” 23994. À ge | SEA 56 HIS PAROÏSSES Morts. dée.la [ a 41 ÎCAMPAGNE. | .] 223 À Vandeuvre... | 672 JSamt-Agil...| 954 Tuer... 262 Sant-Amant.| 748 Montigny...| 833 Villeneuve... 137 [Goussainville.! 16151 x TA ES APEONS 22.47 NI © O WH HR H O O Oh ——_mmmm À nement mme nt ; Tai 10805 morts dans les années À. de la vie où ils sont décédés. {Morts avant la fin de leur 41e, 42e année À 9138 8220 8264 8316 8455 44:1 92 1230 Séparation des 10805 s 35 | 82 etc. sur 10805 sépul- tures. Nombre des personnes entrées dans 2} 2702 2667 2585 2541 2489 42e année, etc. sur 10805. "+ DE L'HOMME. 297 ÎPAROISSES ANNÉES DELA VIE. Morts, | gg de a PARIS. 41 | 42 | 43 | 44 À 45 Saint-André. | 17:8| 5 | S. Hippolyte. 2516 410 TG 4x4 9 | 33 Saint-Nicolas. 8945] 37 É Total 13189 Den dpt mn rene Séparation des 13189 | morts dans les nées 6 ide la vie où ils sont 4 dei À Morts avant la fn de avant la fin NF RONDE ‘leur 41e, 42e année, etc. sur 13189 sépul- tuTes, 8412 8522 8606 8670 Nombre des personnes entrées dans leur 4re, 42e année, etc, sur on à 482 3] 4777 4667 {109 4519 ES AR Séparation des 23994 morts sur les trois paroisses de Paris et sur les douze villages. Morts ayant la fin de leur 41e, 42e année, etc. Sur 23994 sépul- tures, Nombre des personnes entrées dans leur 41e, 42e année , etc. sur Pat ru see | etre | Ve) \ ; £ i © HS ea GRADE RCE TRUE EESTI Dana D ke Le) SR PASS, RES al L (ee) Can | td ON Co O I : Lu .!: « 4 Ov 0 00 PUR M NN AT ÆUVRRER AE - - LS mn ue RATS A au" JA “ % : ne” F 28 HISTOIRE NATURELLE IPAROISSES| Morts. ie fi . te NE [CAMPAGNE. 46 A7 48 49 50 . Clémont....! 1301 © Berre 6 31 tIBrinon.:., .. ï ns : 6 | 9 x nt - Jouy. las. 4 Dee | 223| -.3,, 0 4 | 14 Vaundeuvre...[ 672) 5 3 I GOT | Saint-Augil. 094 L 3 5 © # [Thury.. * 262%! oo Oo O O 3. Saiut-Aimant, 748| 3 4 6 Gi 283 ; Montigny .…. 833 6 1 6 L | xo Nilneuves S| 197 T 2 3 (o) 7 : Goussainville 1615| (e D 12 6 I 22 ANR 2247 | 10 AL Ta 6 | 24 | mp Lil Total 10805 Séparation des 10803 des 1080$ morts dans les années 3 de la vie où ils sont 49, De A na on ; A na nn Mont avant la fin de leur 46e, 47e année, 8506 A 8611 8633| 4 | etc. sur 10805 sépul- due RSR | À entrées dans leur 46e, 47e année etc. sur 1080$. 2350 2299 ons M all des re 2256 2194 272 Saint-André.| 1728| 27 ÎS. Hippolyte. 2516! 14 [Saint-Nicolas | 8945] 54 rh Total 15:89 de Séparation des 131 ER di morts dans les PE 89 de la vie où ils sont 96 72 | 104 décédés. Morts avant la fin 1 leur 46e, 47e année, etc. sur 13189 sépul- è 8927 | 6996 rl 9164) 9% tures, ee © FA TRS Nombre des gr vais dans] Fa A ba 8 4 4351| 4262] 4193 4097) 4025] 13189. morts sur les trois paroisses de Paris et sur les douze villages Séparation des ET ve Morts avant la fin de leur 46e, 47e année, etc. Sur 23994 sépul: tures. Nombre des. personne - entrées dans leur 46e, 47e année, etc. su 25994. | }, ee: pa _ 800 de la CAMPAGNE. Clémont :.….. {Brinon. : :. . à TOUT +, Ce à el Vandenvre.. Saiut-A gil.. < Thury.....; Salut- A mant, Monugny .…. Mileneuve. à Goussainville. Fry: décédés, . tures. 10805. PAROISS Es| 2247 | Total Séparation des DATE Mn: GA Es sond morts dans les années cl oo À CES de la vie où ils =“ 22, {. 26 38 | 44 nt Po avant là fin de) ; MENU de ORNE. een, eur sie, $2e année ; fn ot à ; etc. sur 10805 nl 8871 pr En FPT Lo D SL RE 1 Nombre des et entrées dans leur Ste, s2e année, etc, Sur DCS ve Teil Vo, ee AS RTEN Morts. ‘1391| (IEAI| 7 HÉ88t: 99,3 #74 4 ni ; 748 833 T31 16:15 O © D h O0 OU Qt OR ND RD #4 O WO NH O PACE + \O el COR RE ES — 1080 1080$ D, ù + Fu nor 1956 1934| el rie) rh DE L'HOMME: 36F Li lparoisses| ANNÉES DE LA VIE. j ae Morts id ; PAR LQ | Ga 52 | 53 54 55 Saint-André. | 1720 7 18 &.|l. 10 19 S. Hippolyte. | 25161 10 19 6 10 |: 25 paian-f acolas, | 8941 ‘40 | 59 49 | 46 | 125 Séparation sir 13: 189 morts dans les années : dela vie où ils sont | décédés. Morts avant la Er de leur $re, 52e année, | etc. sur 13189 sépul- Le — tures. E gs] Des es eonnc des personnes . entrées dans leur sie, ÿ2e atinée, etc. 131 sas Sépatidn des 23994 - morts sur Îles trois _paroisses de Paris et sur les douze _sur les douze villages. 7 Morts avant Ja RAR IR QU di de leur $ie, $2e année, etc. sur 23994 sépul- ALES ESS RO Nombre des personnes) personnes entrées dans leur fie, $2e année, etc. Sur 23934. 58r7| ha Efe 4 10256!1 96 | 63 | 63 | 169 us 9544! 9610! 9770 + 804 3708] nil 3570. 8408 18500 18619! 18890|. . rene) S7SÈ 2586 ÿ 5375| } 302 HIS T oI R E NATUI ÿ. ÿ r Le ur PAROISSES| : ANNÉES DE LA VIE | AÉNES More, $ ARRETE Camracne.|. 56 | 57 58 | 5g |-6o | Clémont |! 1801! 51 5 Fami: Rens Brigon.. .::..} 1141] : 6 1 012 4008 Oo | 24 Joûyr ss. .1 088! 4 L) 2 O0. 20 Lestion. ..:. "al a OH Le) 2 | 1 Vandeuvre...| 672] | 7 2 o | 35 Saint-Agil...| 054! 3 5 3 3 | 221 Æhueyi...Lh 202) :)Q I 3 SM VEN à Saint-Amant.| #748| 5 4 7 2 | 27 Montigny ...| 833 3 - 4 9 2 13. Villeneuve...| 131 3 I 2 Le 4 Goussainville.! 16151 10 | 10 10 3 17241 Eprys. 1... "22471 12 AS 3 | 40 Total! 10805 Kr | M Le WORES des 10805 \ RE décédés. JE t1 4 Morts avant ja fin de S: Le LS ae À ouyal 9226] 9:66) 9305! 0574) À tures. L. [Nombre des personnesy : entrées dans leur $6e ; 15r1ol 1500! s7e année, etc. ca 1685] 1631 1500. fe 19 de 1 10805. 4 | | | et rtrmiethenttntit te en JE 4 PAROISSES Morts, de Saini- André. 1728! TI S. Hippolyte.| 2516: Saint-Nicolas.| 8945, 96 7 Total|13189 13189) Shirt. Frame | 131 89) - morts dans les années de la vie où ils sont décédés. Morts avant la fin de leur 56e, $7e année, etc. sur 13189 sépul- tures. Nombre des personnes éntrées dans leur 56e, s7e- année, etc. sur 13189. A CU nur umo des 23994 morts sur les trois paroisses de Paris et sur les douze villages. DE sf 1821 nn te me mt Morts avant la fin de leur 56e ; 57e année, $ etc. sur 23994 sépul. ns 19198| Tu 19430 not tures, IPNombre des personnes entrées dans leur 56e, $7e année, etc. sur 4 23994. 50ÿ5 65) 4836 ess a IPAROISSES de La CAMPAGNE. “ ÆClémont....| 1391 2 6 5 2 | 5? Brinon......| 1141 ï 3 4 7 7 | Jouy.......| 588 ©! 5 a1À - 44138 Lesuou....il 293 O . O z ol 3: Vandeuvre...| : 672 o o PE E 5 | Saint-Aeil., | 954 3. 2 7 5 | 7 | ÎThury......| 202 O 3 2 2 ‘2 Saint-Amant. 748| o # 3 p 12 Montieny...| 833| 3 7 5 5 7 Villeneuve...| 137 + Oo Sn Dore L Goussainville.| 1615 6 9 7 6 13 Evry. ....... (rasé 3 12 | 12 TI 14 Total 10809 à | | à de la vie où ils sont 90 | 48 82 décédés. Moïts avant la fin Due chant Re MA dl. 2. leur 61e, 62e année etc. sur 1080$ sépul- RL LT RS D PC RTC RER 9 IDE AU ELA RES SERIE ME ET pente ne. $ #° D en 9696 9744 9826 | Nombre Nombre des personnes personnes entrées dans leur 61e, 62e année, etc, sur 1080$. À ns 1210] 1159| 1109} 1061 DE L'HOMME. 305 Saimt-André.! 17 S. Hippolyte.| 251 2 201 Saint-Nicolas. 094 Total {13189 | Séparation des 13139 | | morts dans les années de la vie où ils sont 60 120 décédés. Les à das forts avant la fin de | E | leur 61e, 62e année, fi Oo: PA etc. sur 13189 sépui. 10450 10576 | 10607 10800 10940 F tures. $ nb Le —— ; Nombre des personnes entrées dans leur 61e, 62e année, etc. sur H 0 EL 90 2709 1 261€ 25021 2909 13189. morts sur les trois paroisses de Paris et sur les douze villages Séparation reunion, des 239940) me Morts avant la fin de à - leur 61e, 62e année ; 20045 (20222 etc. sur 23994 sépul- ; tures. à | +. à F ms Nombre des personnes ; j entrées dans leur 61e, 1\ Qu) DOS ovacef 62e année, etc. sur 4030! 20% 37721 Lu] 24:90 23994. PE 5 Mat, gén, A Xe E 20 A et Hits : T ANNÉES DE LA VIE... j: ) Morts. de 11 -67 | 68 | 69 À.70 CAMPAGNE. 66 Wémont.t ..f M0! 729 3 4 T II Briuon......| II41 6 3 -0 e) 6- Joùy ii 560 2 L: Le ï. à Lestion. 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Séparation de NEO Dents (| RE eme-dmmmenmese Morts avant la fin de) leur 66e, 672 année, j - etc. sur 13189 sépul- ( TIOËT | 11187 1941 11413] 1661 tures. entrées dans leur 66e 672 année, etc. sur 13180, k SPA RP OS GP D AT SO [S) N EN \O D ba O ep») D O (®) (es) À ni CO EU (@e) bel EX | I ON Me ones hoc | des 15 & | Séparation FE 23994 morts sur Îcs trois pa- roisses de Paris et sur les douze NES Rme Nimes. D | Me. D des | ayañt la fin SR leur 66e, 67e année etc. sur "23994 sépul tures es 21124 le 353l a 21637 eee a . me Mombre des personnes eue personnes entrées dans leur 66a } 3228 ‘sa 2870 2641 2544 67e ännée, etc. sur 25994. | is Min A MAR EL 308: n PAROISSES un AA Morts. de la. > CAMPAGNE. Clémonty. :.} 1307) 1£x 3 I 3 122 Brinon......} rr41 2 T2 2 Or tiiée Jouy :: 035.8 : H6DF KO E 3 (e D À 1 ErÎ Léstion...,.+ 223 O 2 O (o _© Vandruvre .. 672] I 4 O (ee AE Samt-Agil...f 954 j 11 s) 00 AL Fhury...... 262 ,o 2 I © © Sajnt- A ibant. 740 3 10 2 1:12 10 Montigny... 8331 2 8. 3 3 g !{ Viileneuve...| 131 o 1 0. QE ae {roussamviile.| 16151 ., 8 22 12 12 16 MUR des. dE PAT 10 2T 4 | TE 1977 2 Total! 10805 | rite emma rntegn tante. Séparation des 10805 morts: dans les annees ne de la'vie où ils sont décédé: . etc. sur i080$-sépul tures, be Nombre des p=rsonnes ‘ entrées dans leur 71e, 72e année ,-etc. sur 10895. Morts avant la fin, de | leur 71e, 1e EE fun (O19 10295 103%) 10570 1046 635] 610) bro} a 420 DE L'HOMME. 309 PAROISSES | ANNÉES DE LA VIE. Morts. der. 'éiape.. “CRRRPA RE ulil «a nos" À | ae AE: M 73 74 7 Saint-André.| 1728] 9 25 14 | 19 | 20 S. Hippolyte.| 2516| 10 28 . | 9. 19 23 Saint-Nicolas.| 89451 64 | 118 53 | go | 127 1e sir ANSE LAMLAPR LES 7 des 13189 | morts dans les années : de la vie où ils sont 85 7 124 VAE décédés: {Morts avant la a de leur 7re, 72e année, etc. sur: 13189 sépul- tures. Nombre en 11744 is 11987|12117 19285 rer entrees dans leur 71e, nl 72e année , etc. sur ds 1449 1274 7 13189. DR DE NOTE SRI AE CAE RTE SENTIEE ET A Séparation des 23994 morts sur les trois paroisses de Paris et 108; 271| 109] 168) 258 sur les douze villages. | £ = Morts avant la fin de: É leur 71e , 72e année, etc. Sur 23094 sépul- tures, 21939 122210 (22310| 2 22487 | 22745 | | me &5| 1m04l 1675! 150 72e année, etc. SE 2155 704 79! ve | 23994. \ | É REPLI E RENE CONTE TER TETE, OP RE PEUT PERTE SENTE PR EI ATE MSRSRT ASRCTSCR IP 1, 2 LT ERIC SET TR) STE PANIER ER RME NUS TANT CURE MRET Nombre des personnes” ezitrées dans leur 1e, de LU 7 2160! L 2 L'URL OR PT ON Lot À L À js ÿt L À Lai PERTE L ” . Vue a l vou NY f i 3o HISTOIRE NATURELLE PAROISSES ._ | ANNÉES DE LA VIE. Morts. î np | de Ja En, | CAMPAGNE. 76 77 78 79 80 | Clémonts...| 139r| 7 I 2 2 TE DÉION UE LA A4 Mes O 3 O 3°} Jouy .…. A LP6 5re (e) © O Fan Tecstiok . Hi 224,7 0 o No à hi. UE Vandeuvre.… 672 (o ï O QE CI Saint-Agil .. 994 FA 4 ) 6 Fest. "20 : ‘0 ï e) e) 3 Saint-Amant.f 746] 2 4 4 2 17 Montigny...f 833/ 7 4 2 o, É: Villeneuve. .{ 131 O - ï I Et Goussainville.f 1615| 6 6 8 ï 17 Evry. AP 2247) az 21 14 9 19 conne RER me Total} 10805 Séparation des 10$90$ , morts dans les années , de la vie où ils sont 36 15 89 MAGSTES- he à: Qt lés. M Lone Mind avant la fin re leur 76e, 77elannée, etc. sur 1080$ sépul- | tures. 10488/|10521/ 1055 |10574 12663 LS | 779-anméey étc. Sur Nombre des personnes des personnes ntrées dans leur 76e, e ée Î 341 S 31 10805. DO L'HOMME. 3x PAROISSES F ANNÉES DE LA VIE. | | Morts. dis PARIS. 76 | 97 | 78 | 79 | 80 [Saint-André.| 1728| 16 | ‘To | 25 Ô 17 S. Hippolyte.| 2516] rt | 16 19 -6 18 Saint-Nicolas. | 8945| 63 boul 69 À: ‘30-4| T2# SEE LG | ——_—_— | Total ____ Toulfär8)) [Séparation des 13189 des nl). À er dans les années de la vie où ils sont décéllés: Mortstavant la fin dé fin D. | . 87 | :xo9 ES L 56 156 | etc. sur 13189 sépul- tures. leur 76e, 77e annee, 12371 ” 12567 it 12769 Nomb des prisonnesd | des personnes entrées dans leur 6e, 7e année, etc. sur 908 818 731| 622! 576! 13199. Î ï morts ,sur les trois paroisses de Paris et sur les douze ee | Séparation, ces 23994 | Fa A0! 1471 “O6}245) etc. sur 23994 Man ul. tures. Nombre des personnes) personnes entrées dans jeur 76e, 77e année, étc, sur 25994. ‘ Morts avant la fn de}. avant.la fr | leur 76e, 77e année, crue 22970| 23126 23167 so à . 1240 1135] 1015| 868| 807 Le sun à 5 { 3h HISTOIRE NATURELLE PAROISSES de la 4 CR. ai) lonme ans Sy 1-0 83 84 ( Clémont + | «307 o (e) O 3? Biindnf ..\ IT4TIO® E Mdouy Liu: Lt 5880 Ro (o) O Ô (e) Lestiou ..:.. 223| O O O O 1 Vandeuvre... 672! ‘o O O HO” O Saint- À 91]. . 994 o O (e Oo. O Thury ee 2621 Saint-Ainant.| 748 ï 3 7 3 | 4 ii Se E, 033 % 4 T E O Villeneuve. Tor O se" (e) O o Goussamville.F 1615 6 9 n) 7 2 Pers ed Al La 7 D: T'otai cts | Séparation des 1080$ f fer! morts dans les années : : de la vie où ils sont 16 30 TT w décédés. , PET \ hu {Morts avant la fin de} leur 81e, 82e année, ‘| etc. sur 10805 sépul, ( 10070] 10709 | 10720] 1074T 10753| tures. nbre des personnes ntrées dans leur 8re, l on a € Le] 82e année, etc. sur 142! 126 96 “1 4 | o805. lPAROISSES IDANNÉES DE LA VE. | de Morts. ut ER PARIS, 81 82 83 84 85 Samt-A ndré, ‘r728 4ll£ To 8 7 3 | 15. Hippolyte.| 2516 4 5 16 4 To |Samt-Nicolas. 80450 32110 47 37 .29 35 _____ Total 131891 OT A nes VS Séparation < parauon des LP morts dans les années -de la vie où ils sont 1 décédés. LS DE ee DA EE Mo: ‘ts avant la fin de leur 81e , 82e année, 12062 13010 etc. sur 13189 sépul- 12809 112665 22926 ? tures, M ER pe rune Nombre des personnes entrées dans leur 8re, 82: année , etc, su 13 189. 56 %|.:161:15:36/À 46 | 420 mms + ut 72| 97 5ol | br 56; 86 paroisses de Paris et: sur.lés douze villages. RE A D nt AS nes GG dm Go 13) Séparation des 23994 morts gqur les trois | r 12 * etc. Sur 23994 sépu tures, (747 23574 re | k | } i Nomire des per: onn entrées dans leur ie 82e année , etc. sur 23994. 2 262 506, 420) 340 207 CI Morts avant la fn dey leur 81e, 82e année , 17 Mans oc nr due à 314 HISTOIRE RATURELLE ‘IPAROISSES _ de Ja ÎCAMPAGNE. |Clémont.... Brno... Jouy . Lestiou . .. Vandeuvre….. Saint-A gil.. ù Lhury ein : Saiut- A mant. Montigny .. Villeneuve... Goussainville EVEV. Le LR O O td b © © HA L &# O O ++ OO0O | LES g:| "ee Total {10805 morts dans les années de la vie où ils sont Séparation des 1080, 1] des 10805 décédés, LÉRUrE, 0 Nes avant D En die avant la fin de leur 86e, 87e anné: etc. sur "1080$ sépul- D 20 ot CS LU : 10762] 10770] 10770 | 10764 me entrées dans leur 86e, 87e année, etc. sur 10805. 36{: 26} es Monde cles -personnes dt 0 des personnes se 1 DE L'HOMME. 319 . “ D 1 7 LI BAROISSES] : : | ANNÉES DE LA VIE: A : de Morts ÿ nie TE Dr A LAC détgnnns Men PARIS. 86 | 87 | 88 8a | 90 Saint-André.| 1728 F7. à 4 à) 2 4 S. Hippolyte.! 2516 AŸ 01 Pit Ne pobme ]Sani-Nicolas.| 89451 19 | 2o | 25 | 4 717% Toul[13189 | : Séparat: on des 13189 ï morts à ans les années de ja vie où ils Ml | 30 | 34 ô 23 décédés. Morts avant la fin de | leur 862, 87e année L4 etc. sur 13189 sépui- LE 19 13065 :3009 19107 13130 tures. EE EE 87e arinée, etc. sur Nombre des ions entrées dans leur 8 at : 17 13189. Mi 149] 1240 go 2 morts sur les trois paroisses de Paris et sur les douze villages. BPW ASS Lane (a) \O (SS) Séparation des rl CD) ee men mp = Morts avant la fin de leur 86e, 87e anné etc. sur 23994 pol (astos dd 23923 tures, Nombre a personnes entrées dans leur 86e, À 231 103 Le CA LDO! : ITO MAO 87e année, etc. sur 25994. He 2 PSN MOOD Ua À 316 HISTOIRE NATURELLE | À } Li | -[PAROISSES AE E | DE Lakes à dci PE: CAMPAGNE. Clémont....| 1307 Brinon..x...| T141 buy :}.55..] ©5060 Lestion 0002. 2% Vandeuvre...| 672 Saint-Agil...| 954 PFoUEVE .. 2" 262 Samt-Amant.| 748 Montigny. 033 Villeneuve...| 137 GCoussainville. Totali10805 Séparation. des _ 1080$ morts dans les années de la vie où ils sont décédés. Morts avant ivant la fin de) leur gie , g2e année, etc. sur 10305 sépul- PPS. CN TUE Nombre des personnes) To 10794 |10797|10797 10797 10800 [ entrées dans leur g1e, ae année y ttc. Sur IC80$. DE L'HOMME. 317 PAROISSES Morts, | ne ngernn rene de ANNÉES DE LA VIE. Saint-André.| 1728l o 2 ATOËS TL. O 1S. Hippolyte. 2516 2 2 D'HIQVE 2 1Saiut-Nicolas. | 8945 à) 9 “M OC" D Séparation des. 131 1 morts dans les années de la vie où ils me décédés, =. NI Morts avant Ja fin ‘| - és is Cd: 13137 13190 UE 13164 1371 | tures. + : ESC RER DÉTENTE SORA Nombre des La entrées dans leur gte, g2e année, etc. à; 13189 ; ; mn * v0 2 AD Séparation des Hess morts sur les 7 8 16 7 7 TO . paroisses de Paris et sur les douze villages a st} en Morts avant la fin a : leur gie, 92e année ES À : 1 etc. fur pd sépul- 23931 23947 23954 23967 23971 tures | entrées dans leur ge, 92e année, etc. sur 33094. 47}. 41l 33 PET ANSE EN pape A ment RS Nombre des personnes LA 7: T0 PR NT | f" Mis AE ht | ht 318 HISTOIRE NATURELLE PAROISSES| :. de la D CAMPAGNE. Clémont…... Brinon:.i.. : Foy de ho ILestiou ..... Vandeuvre... Saint-Aoil.. Thury re ï Saint- Amant. Montisnÿ... Villeneuve... Goussauville, Lvry... Total Séparation des 10806 morts dans les années de la vie où ils sont décédés. RERO OL MARNE TA 17205 NE PE: are ag ne Morts avant la fin ia leur 96e, 97e année etc. Lux 10865 tsépal 10801 108Qz 10B04| 10804 10805 tures, entrées dans leur y6e, g7e année, etc. sur 1080$. Nombre des personnes mars prete de 4]. 4 I TE GE JPAROISSES de PARIS. Saint-André, 1720 S: Hippolyte.| 2516 Saint-Nicolas.| 8945 Total ANNE ER OS tt mr on date gré eme en ee de la vie où ils sont DRM a La de Mob inoun deg 1. avant F4 fin de Séparation des 13189") morts dans les années leur 96e, 97e année etc. sur 13189 sépul- tures. MR Dons des personnes entrées dans leur 96e, 97e année,.etc. sur 13189. SÉVarAM OA nrdén AIME TT à peu AIR fe des Hal morts sur les trois paroisses de Paris à. sur les douze v: Npnientonsenilagess 25 ce Morts avant la fn dey il leur 96e , 97e année, è ete. Sur 23994 put tures, Nombre des personnes) des personnes entrées dans leur el g7e année, etc. Fe 23994. ÉORRRE ne 13107 | hs) I O 2 I I ea) (SA: ame T jar Mens 23986 [23987 |23992 GAY 320 HISTOIRE NATURELLE , On peuttirer plusieurs coïfhoissances utiles de cette table que M. Dupré a faite avec beaucoup de soin ; mais je me bornerai ici à ce qui regarde les degrés de probabilité de Ja durée de la vie. On peut observer que dans les colonnes qui réppndent à 10 , 20, 30, 40, 50, 60, 70, 8o ans, et aux autres nombres ronds, comme 25, 35, etc, il y a dans les paroisses de campagne beaucoup plus de morts que dans les colonnes précé= dentes ou suivantes ; cela vient de ce que les curés ne mettent pas sur leurs registres l'âge au juste, mais à peu près : la plupart des paysans ne savent pas leur âge à deux- ou trois années près; s'ils meurent à 58 ou 59 ans, on écrit 60 ans sur le registre mortuaire. Îl en est de même des autres termes en nombres ronds. Mais cette irrégu- larité peut aisément s’estimer par la loi de la suite des nombres, c’est-à-dire, par la maniere dont 1ls se succèdent dans la table: ainsi cela ne fait pas un grand inconvénient. Par la table des paroisses de la campagne, il paroît que la moitié de tous les enfans qui: naissent , meurent à peu près avant l’âge de quatre ans révolus ; par celle des paroisses de Paris il paroitau contraire qu'il faut seize HS VSDE L'HOMME: - : %z ans pour éteindre la moitié des enfans qui naissent en même temps : cette grande diffé- rence: vient de ce qu'on ne nourrit pas à Paris tous les enfans qui y naissent , même a beaucoup prés; on les envoie dans les campagnes, où il doit par conséquent mourir. plus de personnes en bas âge qu’à Paris. Mais en estimant les degrés de mortalité par les deux tables réunies , ce qui me paroît approcher beaucoup de la vérité, j'ai calculé les probabilités de la durée de la vie comme il suit : TABLE des probabilités de la durée de la vie. lier: DUREE AGE Pre MENLA VIE. DE LA VIE. ans. années, mois. ans. années, mois. ©. 8 o. F2; 38 9. T. 33 ai 415: 38 ki. 2 38 On" À T4: 37 Et, 3. 40: oO. 12: 30 9: 4. 4T O. 16. 36 O. 5x 47 6 17. 35 4. 6. 42. e) 10. 34 6. -- 42 Lu EE 34 O. 8. 4 GT 208 33 op 9. 40 nor D 2 IS 32 Ta TO. 40 DA 2520 32 e 11: | -39 Ga 290 À 37 10. :27 32 HISTOIRE NATURELLE DURÉE | DURÉE AGE. | AGE. | DE LA VIE. | | DE LA VIE. ans années. mois. À ans. | années. mois. ES FT SPA M A ‘900: 25 à 30 0. KE T0- RS - 1 26. 30 at For: 12 TO. ai 29 7. 98. 13 ty 20. 29 ©. ER TI Ô. 29. | 28 6. GDE TUE I. 30. 26 O. 6x. 10 6. 31. 27 6,402 10 Oo. Da: 26 TE. 63." 9 6. 19. 26 Sa 64. re) MON 44. 25 VE 65. (e) 6. 3). 25 Gs. EE 00: 8 hs 36. 24. CR Me le 7 6. 37. 23 10, T'ON NME O. 26.) ‘2% + US De G. 1. ee 29: 22 6. 1:70: 6 2: 49, "22 en Da À 5 de: 4T 27 6. | 72- Biiôns 4 42. 20 Ti .4 750 5 (PE 45 . 20 4. À 74: 4. 9: 44. |. 19 9: À 72. 4 6. 43. 19 D 76 4 Je 406. 16 OT & 77- PT Is 47 18 2,1 À 70. 3 IIe 40. 17 à EE 70 5» 9-+ 49e | 17 D 00: ei 7. 50. 16 74h OT 3 1: 5tze | 16. Oo. À 82. 8 D 52 19 6. | 85. 3 24 SE 19 Ov E O4 CURE de: D4 14 6. 092 ET Oo. “DE L'HOMME. .. 288 On voit par cette table qu'on peut espérer raisonnablement , c’est-à-dire, parier un contre un qu'un enfant qui vient de naître où qui a zéro d'âge, vivra huit ans ; qu’un enfant qui a déja vécu un an ou qui a un an d'âge, vivra encore trente-trois ans ; qu'un enfant de deux ans révolus vivra encore trente-huit ans ; qu'un homme de vingt ans révolus vivra encore trente-trois ans cinq mois; qu'un homme de trente ans vivra encore vingt-huit ans, et ainsi de tous les autres âves. | | Ou observera, 1°. que l’âge auquel on peut espérer une plus longue durée de vie, est Päge de sept ans, puisqu'on peut parier un contre un qu'un enfant de cet âge vivra encore 42 ans 3 mois: 2°. qu'à l’âge de 12 ans on a vécu le quart de sa vie, puisqu'on ne peut légitimement espérer que 58 ou 39 ans de plus, et de même qu’à l’âge de 28 ou 29 ans on a vécu la moitié de sa vie, puisqu'on n’a plus que 28 ans à vivre, et enfin qu'avant 50 ans on a vÉCUE les trois quarts de sa vie, puisqu'on n’a plus que 16 ou 17 ans à espérer. Mais ces vérités physiques, si mortiliautes en elles- à à 21e CARRE NEC AN TPE … àt SHOW ï és none AAC PES LAON NTNONENE pH NC". 324 HISTOIRE NATURELLE mêmes , peuvent se compenser par des cofsi- dérations morales : un homme doit regarder comme nulles les quinze premières années de sa vie; tout ce qui lui est arrivé, tout ce qui s’est passé dans ce long intervalle de temps, est effacé de sa mémoire, ou du moins a si peu de rapport avec les objets et les choses qui l’ont occupé depuis, qu'il ne s’y intéresse en aucune façon, ce n’est pas la même succession d'idées , ni , pour ainsi dire, la même vie: nous ne commen-— çons à vivre moralement que quand nous commençons à ordonner nos pensées, à les tourner vers un certain avenir, et à prendre une espèce de consistance , un état relatif à ce que nous devons être dans la suite. En considérant la durée de la vie sous ce point de vue qui est le plus réel, nous trouverons dans la table qu’à l’âge de 25 ans on n’a vécu que le quart de sa vie, qu’à l'âge de 38 ans on n’en a vécu que la moitié, et que ce n’est qu'à l’âge de 56 ans qu'on a vécu les trois quarts de sa vie. { \ + PDT -DE L'HOMME. 35 ADDITION A L'ARTICLE PRÉCÉDENT. J' ’AI cité, d’après we Transactions philoso= phiques , , deux vieillesses extraordinaires , l'une de cent soixante-cinq ans, et l’autre de cent quarante-quatre. On vient d'imprimer en danois la vie d'un Norvégien , Christian- Jacobsen Drachenberg, qui est mort en 1772, âgé de cent quarante-six ans: il étoit né le 18 novembre 1626 , et pendant presque toute sa vie 1l a servi et voyagé sur mer, ayant même subi l'esclavage en Barbarie pendant près de seize ans; il a fini par se marier à l’âge de cent onze ans. Un autre exemple est celui du vieillard de Turin, nommé Ærdré-Brisio de Bra , qui a vécu cent vingt-deux ans Sept mois-et vingt- cing jours, et qui auroit probablement véeu ‘plus long-temps ; caril a péri par accident, s'étant fait une forte contusion à la tête en encore aucune pr ses de re a nf c'étoit un A à de Qt à actif , et, qui a conti nué sou service jusqu’à cet âge. Un quatrième exemple est celui, du sieur de la Haye, qui a vécu cent vingt ans: il étoit né en France; il avoit fait par terre, et presque toujours à pied , le voyage des Indes, de la Chine, de la Perse et de l'Égypte. Cet homme n’avoit atteint la pu- berté qu’à l’âge de cinquante ans; il s’est marié à soixante-dix ans, et a laissé cinq enfans. + Q e . e. f EXEMPLES que j'ai pu recueillir de per- sonnes qui ont vécu cent dix ans et au-dela. Guillaume Lecomte , berger de. profes- sion , mort subitement le 17 janvier 1776, en Ja paroisse de Theuville-aux-Maillots , dans le pays de Caux , âgé de cent dix ans; il s'étoit marié en secondes noces à quatre- vingts ans. (Journal de politique .et de litté- rature, 15 mars 1776. article Paris.) Dans la nomenclature d’un professeur de Dantzick , nomme Æanovius, on cite un e “4 1DE L'HOMME. :: : 327 médecin impérial nommé Cramer, qui avoit vu à TFemeswar deux frères, l’un de cent dix aus, l’autre de cent douze ans, qui tous deux devinrent pères à cet âge. (Journal de politique et de littérature), 15 février 1775, p- 197-)0 La nommée Marie Cou | nor el vers le nouvel an:1776 , à Websborough en Irlande, a l’âge de cent douze ans. | _ Le. sieur Istwan-Horwaths, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis , ancien capitaine de hussards au service de France, mort à Sar-Albe en Lorraine, le 4 décembre 1775, âgé de. cent douze ans dix moisret vingt-six jours: 4} etoit né à Raab en Hongrie le 8 janvier 1663 , el avoit. passé en France en 1712, avec le régiment de Ber- chény:; il se retira du service en 1756.11 a joui , jusqu'à la fin de sa viè, de la santé Ja plus robuste, que l'usage peu.modéré des liqueurs fortes n'a pu alterer. .Les exercices du corps, et sur-tout la chasse, dont.1l se dé- lassoit par l'usäge des bains ; étoient pour lui des plaisirs vifs. Quelque. temps avant sa mort , 1l entreprit un voyage Miès-long, et le fit à cheval. Jbidern, 15 Mars 1776, ariicle Paris.) | LRO IR TON LA À » NT MR CEE 1 à s'AALH IA "an \ ? LS VEN) TR Fa , W.: “ À ‘ L< CL + d FATE é } 328 “HISTOIRE NATURELLE Rosine Jwiwarowska , morte 4 Minsk en Lithuanie, âgée de cent.treizé ans. (Journal de politique et de RENE Le " mai 1776y article Paris.) | 3) x w5 Le 26 novembre 1773, il est mort dés la paroisse de Frise, au village d'Oldeborn, une veuve nommée Fockjd Jéhannes ; ‘âgée de cent treize ans seize jours ; ‘elle à con- servé tous ses sens jusqu’à sa mort.(Jowrnal historique et politique , 30 décembre: 1773 , page 47: )° La 4 : La nommée Jenneken MaghBargh. veuve Faus, morte le 2 février 1776, à la maison de Charité de Zutphen , dans la province de Gueldres , à l’âge de cent treize ans et sept mois ; elle avoit toujours joui de la sante Îa plus ferme, et n’avoit perdu la vüe qu'un an avant sa mort. (Journal de politique ‘et de litlérature, 15 mars 1776 , article Paris.) Le nomme Patrik Meriton, vordonnier à Dublin, paroit encoré fort robuste ;'quoi- qu'il soit actuellement (en 1773 ) âge de cent quatorze ans : il a été marié onze fois , et la femme qu'al a présentement , a soixante- dix-huit an (Journal historique et politique,. 410 septembre 1773, article Londres.) DE L'HOMME. 329 * Marguerite Bonefaut est morte à Wear- Gifford, au comté de Devon, le 26 mars 1774, âgée de cent quatorze ans. (Journal hisio- rique et politique, 10 avril 1774, page 59.) M. Eastman, procureur, mort à Londres, le 11 janvier 1776, à l’âge de cent quinzeans. {Journal de politique et de liltérature, 15 mars 1776, article Paris.) - 2 Térence Gallabar , mort le 21 février 1776, dans la paroisse de Killymon , près de Dun- ganuon en frlande, âgé de cent seize ans et quelques mois. (Zbid. 5 mai 1776 ; article Paris.) : David Bian, mort au mois de mars 1776, à Tismerane, dans le comté de Clark en. Irlande , à l'age de cent dix-sept ans. (Ibidermn.) à À Villejack en Hongrie, un paysan nommé Marsk Jonas est mort le 20 janvier 1775, âge de cent dix-neuf aus, sans jamais avoir été malade. {l n’avoit été marié qu'une fois, et n'a perdu sa femme qu'il y a deux ans. (Jbidem , 15 février 1775, page 197.) | Éléonore Spicer est morte au mois de juil- let 1775, à Accomak , dans la Virginie, âgée de cent vingt-un ans. Cette es u'avoit 28- 330 HISTOIRE NATURELLE jamais bu aucune liqueur spiritueuse, et a conservé l’usage de ses sens jusqu'au dernier terme de sa vie. (Journal historique et poli- tique , 30 décembre 1773, page47.) Les deux vieillards cités dans les Transac- tions philosophiques, âgés, l'un de cent qua: raute-quatre ans, et l’autre de cent soixante- cinq ans. (page 252 de ce volume.) Hanovius, professeur de Dantzick, fait mention, dans sa nomenclature, d’un vieil lard mort à l’âge de cent quatre-vingt-quatre ans, et encore d'un vieillard trouvé en Vala- te qui, selon lui, étoit âge de cent quatre- vingt-dix ans. (Journal de politique et de lit. térature ; 15 février 1775 , page 197.) D'après des registres où l’on iuscrivoit la naissauce et la mort de tous les citoyens, du temps des Romains , il paroît que l'on trouva , dans la moitié seulement du pays compris entre les Apennins et le Pô, plu- sieurs vieillards d’un âge fort avancé : sa voir, à Parme, trois vieillards de cent vingt ans , et deux de ceut trente ; à Brixillum ÿ un de cent vingt-cinq; à Plaisance, un de ceut trente-un ; à Faventin, une femme de, cent trente-deux ; à Bologne, un honune de L DE L'HOMME. 331 cent cinquante ; à Rimini, un homme et une femme de cent trente-sept ; dans les collines autour de Plaisance, six personnes de cent dix ans , quatre de cent vingt, et uue de cent cinquante. Enfin dans la hui- tième partie de l'Italie seulement, d’aprèsun dénombrement authentique fait par les cen- seurs, on trouva cinquante-quatre hommes âges de cent ans, vingt-sept âoés de cent dix ans, deux de cent vingt-cinq, quatre de cent trente , autant de cent trente - cinq ou cent _trente-sept, et trois de cent quarante, sans compter celui de Bologne , àgé d'un siècle et demi. Pline observe que l’empereur Claude, alors récnaunt, fut curieux de constater ce dernier fait : on le vérifia avec le plus grand sorn ; et après la plus scrupuleuse recherche, on trouva qu'ilétoit exact. (Journal de poli- sique et de littérature, 15 février 1775, p.197.) Il y a dans les animaux , comme dans l’es- pèce huimaine, ‘quelques individus privilé- giés, dont la vie s’étend presque au double du terme ordinaire , et je puis citer l’exem- _ple d’un cheval qui a vécu plus de cinquante ans; la note m'en a été donnée par M. le duc | 332 HISTOIRE NATURELLE de la Rochefoucauld , qui non seulement s'intéresse au progrès des sciences , mais les cultive avec grand succès. | « ni. 1754, M. le duc de Saint-Simon étant à Frescati en Lorraine, vendit à son cousin , évêque de Metz ,/un cheval normand qu'il réformoit de son attelage, comme etant plus vieux que les autres, ce cheval ne mar- quant plus à la dent: M. de Saint-Simon assura son cousin qu'il n’avoit que dix ans, et c'est de celte assurance qu'on part: pour fixer la naissance du cheval à l’année 1724. Cet animal étoit bien proportionné et de belle taille, si ce n’est l'encolure qu’il avoit un peu trop épaisse. M. l'évêque de Metz (Saint-Simon) em-. ploya ce cheval jusqu’en 1760 à traîner une voiture dont son maitre-d’hôtel se servoit pour aller à Metz chercher les provisions de Ja table ; il faisoit tous les jours, au moins deux fois, et quelquefois quatre , le chemin de Frescati à Metz, qui est de 3600 toises. M. l’évêque de Metz étant mort en 1760, ce cheval fut employé jusqu’à l’arrivée de M. l’évèque actuel , en 1762, et sans aucun DE L'HOMME : 33 ménagement, à tous les travaux du jardin, et à conduire souvent un cabriolet du con- clerge. M. l’évêque actuel, à sou arrivée à Fres— cati, employa ce cheval au inême usage que son prédécesseur ; et comme on le faisoit fort souvent courir, on s’apperçut, en 1766, que son flanc commeuçoit à s’altérer, et dès lors M. l’évêque cessa de l’émployer à con duire la voiture de son maître-d’hôtel, eb ne le fit plus servir qu’à trainer une ratis- soire dans les allées du jardin. Il continua ce travail en 1772 , depuis la pointé du jour jusqu'a l'entrée de la nuit, ne le temps des repas des ouvriers. On s'apper- çut alors que ce travail Jui devenoit trop pénible , et on lui fit faire un petit tombe- reau, de moitié moins grand que les tom- bereaux- ordinaires, dans lequel il trainoit tous les jours du sable, de la terre. du -fu- mier, elc. M. l'évêque, qui ne vouloit pas qu'on laissät Cet animal sans rien faire, dans la crainte qu'il ne mourût bientôt, et vou Jant le conserver , recominanda que pour peu que le cheval parût fatigue, on le laissät reposer pendant vingt-quatre heures ; mais 28 ro 334 HISTOIRE NATURELLE on a été rarement dans ce cas: il a continué à bien manger , à se conserver gras et à se bien porter jusqu'à la fin de l’automne 1773, qu'il commiença à ne pouvoir presque plus broyer son avoine, et à la rendre presque entiere dans ses excrémens. Îl commença à maigrir ; M. l’évèque ordonna qu'on lui Fit concasser son avoiue, et le cheval parut re prendre de l’ernbonpoint pendant l'hiver : mails , au mois de février 1774, il avoit beaucoup de peine N à trainer son petit tom- bereau deux ou trois heures par jour, et maigrissoit à vue d'œil. Enfin le mardi de la semaine saiute , dans le moment où on ve- “noit de l’atteler , 11 se laissa tomber au pre- anier pas qu’il voulut faire ; on eut peine à le relever ; on le ramena à Fécurie, où il se coucha sans vouloir manger, se plaignit, enfla beaucoup, et mourut le vendredi sui- vant, répandant une iufection horrible. Ce cheval avoit toujours bien mangé son avoine et fort vite :1l n’avoit pas, à sa mort; les dents plus longues que ne les ont.ordi- sairement les chevaux à douze ou quinze ans ; les seules mardues de vieillesse qu’il donnoit , étoient les jointures et articula- ‘ DE L'HOMME. 335 tions des genoux, qu'il avoit un peu grosses; beaucoup de poils blancs et les salières fort enfoncées : il n'a jamais eu les jambes en- gorgées. » Voilà donc, dans l'espèce du cheval, l’exem- ple d’un individu qui a vécu cinquante ans, c'est-à-dire, le double du temps de la vie ordinaire de ces animaux. L’analogie con- firme en général ce que nous ne connoissions que pat quelques faits particuliers, c’est. qu'il doit se trouver dans toutes les espèces, et par conséquént dans l'espèce humaine comme dans celle du cheval, quelques indi- vidus dont la vie se prolonge au double de la vie ordinaire ; c’est-à-dire, à cent soixante ans au lieu de quatre-vinogis. Ces priviléses de la Nature sont, à la vérité, placés de loin en loin pour le temps, et à de grandes distances dans l’espace ; ce sont les gros lots dans la loterie universelle de la vie : néan- moins ils suffisent pour dônner aux vieillards même les plus âges , l'espérance d’un äge encore plus grand. Nous avons dit qu’une raison pour vivre est d'avoir vécu , et nous l'avons démontré "4 ï AE HAS Se CRE Qt STAR CRUE 11 N id r 336 HISTOIRE NATURELLE par l'échelle des probabilités de la durée de Ja vie. Cette probabilité est, à la verité, d'autant plus petité que l’âge est plus grand ; mais lorsqu'il est complet, c’est-à-dire, à quatre-vinots ans , cette même probabilité , qui décroit de moins en moins, devient, pour ainsi dire, stationnaire et fixe. Si l’on peut parier un contre un, qu’ux homme de uatre-vingts ans vivra trois ans de plus, ôn peut le parier de même pour un homme de quatre-vingt-trois , de quatre-vingt-six , et peut-être encore de même pour un homme de quatre-vingt-dix ans. Nous avons donc toujours , dans l’âge même le plus avance, l'espérance légitime de trois années de vie. Et trois années ne sont-elles pas une vie complète, ne suffisent-elles pas à tous les projets d’un homme sage ? Nous ne sommes donc jamais vieux si notre morale n’est pas trop jeune : le philosophe doit dès lors re— garder la vieillesse comme un préjugé, comme une idée contraire au. bonheur de l’homme , et qui ne trouble pas celui des animaux. Les chevaux de dix ans , qui voyoient travailler ce cheval de cinquante aus, ne le jugeoient pas plus près qu'eux de- " DE L'HOMME. 337 la mort. Ce n’est que par notrearithmétique que nous en juseons autrement. mais cette meme arithimetique, bien entendue, nous démontre que, dans notre grand âge , nous somines toujours à trois ans de distance de la mort , tant que nous nous portons bien; que vous autres jeunes gens vous eu êtes souvené bien plus près , pour peu que vous abustez des forces de votre âge; que d’ailleurs, et tout abus egal, c'est-à-dire, proportionnel, nous sommes aussi sûrs à quatre-vingts ans de vivre encore trois ans , que vous l'êtes à trente ans d'en vivre vingt-six. Chaque jour que je me Îève en bonne santé, n’ai-je pas la jouissance de ce jour aussi présente, aussi plénière que la vôtre ? Si je conforme mes meuvemens , mes appelits, mes desirs, aux seutes impulsions de la sage Nature, ne suis- je pas aussi sage et plus heureux que vous ? ne suis-je pas même plus sûr de mes projets, puisqu'elle me défend de les eteudre au-delà de trois ans ? et la vue du passé, qui cause les regrets des vieux fous , ne m’offre-t-elle pas au contraire des jouissances de méinoire, des tableaux agréables, des images précieuses qui valent bien vos objets de plaisir? car f hat *AINORITR | TM Lans dr | ! NAT dr :) AR. elles sont douces , ces images, elles sont pures , elles ne portent dans l'ame: qu'un souvenir aimable ; les inquiétudes, les cha- grins , toute la triste cohorte qui accom- pague vos jouissances de jeunesse, disparois- sent dans le tableau qui me lés représente ; les regrets doivent disparoitre de imême , ls ne sont que les derniers élans de cette folle vanité qui ne vierllit jamais. N'oublions pas un autre: avantage, ou du moins une forte compensation pour le bon- heur dans l’äge avancé ; c’est qu'il y a plus de gain au moral que de perte au physique : tout au moral est acq uis; et si quelque chose au physique est perdu, on en est pleinement dédommagé. Quelqu'un demandoit au phi- losophe Fontenelle, âgé de quatre-vingt quinze ans , quelles étoient les vingt années de sa vie qu'il regrettoit le plus; il répondit qu'il regrettoit peu de chose , que neéan— moins l'age où il avoit été le plus heureux étoit de cinquante-cinq à soixante-quinze ans. Il fit cet aveu de bonne foi, et il prouva son dire par des vérités sensibles et conso- lantes. À cinquante-cinq ans la fortune est établie, la réputation faile, la consideration \ TUTO AT TV À . +0 DE L'HOMME. 339 obtenue, l’état de la vie fixe , les prétentions évanouies ou remplies , les projets avortés oumüûris, la plupart des passions calinées ou du moius refroidies , la carriére à peu près remplie pour les travaux que chaque homme doit à la société, moins d’enfiemis ou plutôt moins d’envieux nuisibles, ‘parce que le contre-poidsdu meriteestconnu par la voix du public; tout concourt dans le moral à l'avantage de l’âge , jusqu'au temps où les iufirmaites et les autres matix physiques viennent à troubler la jouissance tranquiile et douce de ces biens acquis par la sagesse , qui seuls peuvent faire notre bonheur. + L'idée la plus triste, c’est-à-dire, la plus contraire au bonheur de l'homme , est la vue fixe de sa prochaine fin; cette idée fait le malheur de la plupart des vieillards, même de ceux qui se portent le mieux, et qui ne sont pas encore däns un âge fort avancé: je les prie de s’en rapporter à moi; ils ont encore à soixante-dix ans l'espérance lésitime de six aus deux mois,àäsoixante-quinze ans l’es- pérance tout aussi léoitime de quatre ans six mois de vie, enfin à quatre-vingts et méme à quatre-vingt-six ans celle de trois % Me co 340 HISTOIRE NATURELLE aunées de plus. I n’y a donc de fin pro. chaine que pour ces aimes foibles qui se. plaisent à la rapprocher : néanmoins le meilleur usage que l’homme puisse faire de la vigueur de son esprit , c’est d'agrandirles images de tout ce qui peut lui piaire en les rapprochant, el de diminuer au contraire en les eloignant, tous les objets désagréables, et sur-tout les idees qui peuvent faire son malheur , et souvent il suffit pour cela de voir les choses telles qu’elles sont en effet. La vie,ou, si l’on veut , la continuité de noire-exisience, ne nous appartient qu'au— tant que nous Ja sentons ; or ce sentiment de l'existence n'est-il pas détruit par le some meil? Chaque nuit, nous cessoñs d’être, et dès lors nous ne pouvons regarder la vie comme une suite non interrompue d’exis- tences senties ; ce n'est point une trame continue, c’est un fil divise par des nœuds ou plutôt par des coupures qui toutes appar- tiennent à la mort; chacune nous rappelle l’idée du dernier coup de ciseau , Chacune nous représente ce que c'est que de cesser d’être : pourquoi donc s'occuper de la Ion- gueur plus ou moins grande de cette chaîne DE L'HOMME. 34 qui se rompt chaque jour ? Pourquoi ne pas regarder et la vie et la mort pour ce qu’elles sont en effet ? Mais, comme il y a plus de cœurs pusillanimes que d’ames fortes, l’idée de la mort se trouve toujours exagérée , sa marche toujours précipitée , ses approches trop redoutées , et son aspect insoutenable : on ne pense pas que l’on anticipe malheu- reusement sur son existence toutes les fois que l’on s’affecte de la destruction de son corps ; car cesser d’être n’est rien , mais la crainte est la mort de l’ame. Je ne dirai pas avec le Stoïcien , Mors komini summum bonum Diis denegatum ; je ne la vois ni comme un grand bien ni comme un grand mal , et j'ai tâché de la représenter telle qu'elle est (tome IV, page 261 et suiv. de ce volume); j'y renvoie mes lecteurs, par Le desir que j'ai de contribuer à leur bonheur. Mat. gén. X Xe 29 / 342 HISTOIRE NATURELLE MOMIES*. Lrs momies dont il est ici question, sont des corps embaumés : on donne particuliè- rement ce nom à ceux qui ont été tires des tombeaux des anciens Égyptiens ; ; INais ON a étendu plusloin la signification de ce mot, en appelant aussi du nom de zzo7nie les ca- davres qui ont été desséchés dans les sables brûülans de l'Afrique et de l'Asie. À propre- ment parler, on ne devroit donner ce nom qu'aux corps embaumeés , -et peut-être fau- droit-il de plus qu'ils eussent été conservés dans cet état pendant un longs temps pour être ainsi noinmés ; Car je ne crois pas qu'on puisse dire que les corps qui ont été em- * Ce Mémoire est de Daubenton, l’illustre coo= pérateur de Buffon. Le sujet de ce Mémoire étant un complément nécessaire de l’histoire naturelle de l’homme, nous avons cru devoir Pimprimer à la suite de cette histoire. ( Note des éditeurs.) DE L'HOMME. 343 baumés en Europe dans le siècle présent , soient des momies : quand méme ils au-— roient été ainsi conservés depuis plusieurs: siècles par - tout ailleurs qu'en Éeypte, _ peut-être y auroit-il des gens qui hésite- roient à les reconnoître pour des momies , parce qu’on n’en a presque jamais eu qui ne soient venues de l'Egypte, et parce qu’on pourroit croire que la bonne comp:siiion des momies , c’est-à-dire, la meilleure façon d’embaumer les corps , n’auroit été bien connue que par les anciens Égyptiens. Il est vrai que cet usage a été général dans cette nation , tous les morts y étoient em— baumés ; et les Egyptiens savoient si bien faire les embaumemens , que l'on trouve dans leurs tombeaux des corps qui y ont eté conservés depuis plus de deux mille ans. Ces faits prouvent seulement que les momies de l'Écypte pouvoient être meilleures que celles des autres pays , soit pour leur durée, soit pour les propriétés que l’on voudroit Jeur attribuer ; mais au fond tous les corps embaumés depuis long-temps sont de vraies momies , quels que soient les pays où ils se trouvent , et quelle que soit la cémposi- tion de l'embaumement. 344 HISTOIRE NATURELLE “ IL étoit assez naturel , après la mort des: personnes que l’on chérissoit , où de celles qui avoient été célèbres ou fameuses, de chercher les moyens de conserverleurs tristes restes “+ une momie chez les Egyptiens ; ou des cendres dans une urne chez les Romains, . étoient un objet d'affection ou de respect ; chacun devoit même être flatte dans l’espé- xance qu'il resteroit après sa mort quelques parties de son propre corps, qui conserve- roient le souvenir de son existence , et qui entretiendroient en quelque façon :les sen timens qu'il auroit mérités des autres hommes. L’embaumement étoit le moyen le plus facile pour préserver les corps de la corruption : aussi cet usage est-1l Le plus ancien qui ait jamais été pratiqué dans les funérailles ; il a été reçu par la plupart des nations, et il est encore en usage aujour- d'hui pour les rois et pour les grands. 5 Les Épyptiens sont les premiers, que mous sachions , qui aient fait embaumer les corps des morts ; nous en avons des preuves authentiques dans les livres sacrés au cha- pitre L dela Genèse , où il est dit: « Joseph « voyant son père expiré. . . . il commanda DE L'HOMME. - 1 Sr taux medecins qu'il avoit à son service « d’embaumer le corps de son père , et « ils exécutèrent l’ordre qui leur avoit éte « donné ; ce qui dura quarante jours, parce « que c'étoit la coutume d'employer ce temps « pour embaumer les corps morts. » Le plus ancien des historiens profanes , Hérodote , est entré dans le détail de cette pratique ; cet auteur est si précis, que J'ai cru qu'il étoit plus à propos de rapporter en entier l’article dont il s’agit, que d’en faire l'extrait : voici la traduction que du Ryer en a faite * : « Ils (les Egyptiens) por- «tent embaumer le corps, il y a certains « hommes qui en font métier. alors on « embaume le corps le plus promptement « qu’il est possible. Premièrement on tire « la cervelle par les narines avec des ferre- « mens propres pour cela ; et à mesure qu’on « la fait sortir, on fait couler à la place des « parfums ; ensuite ils coupent le ventre « vers les flancs avec une pierre éthiopique « bien aiguisée , et en tirent les entrailles, « qu’ils nettoient et qu'ils lavent dans du # In-42, à Paris, 1660 , tome I, page 255 29. À ie AC PEER ef NT { 4 nt” | GA " 01 A s lé . 1 it A F 346 HISTOIRE NATURELLE « vin de palme. Quand ils ont fait cette « opération ; ils les font encore passer dans «une poudre aromatique , et ensuite ils les’ «emplissent de myrrhe pure | de casse et” « d'autres parfums, excepté d’encens , et les « remettent dans le corps, qu’ils recousent. « Après toutes ces façons ils salent le corps «avec du nitre, et le tiennent dans le lieu « où il'est salé durant l’espace de soixante «et dix jours, n'étant pas permis de l’y « tenir pluslong-temps.Lorsqueles soixante «et dix jours sont accomplis , et qu'on a « encore lavé le corps , ils lenveloppent «avec des bandes faites de fin lin , qu'ils « frottent par-dessus avec une gomme dont « les Égyptiens se servent ordinairement au «lieu de sel. Quand les parens ont repris * &le corps , ils font faire de bois creuse «comme la statue d’un homme, dans la- « quelle ils enferment le mort ; et Payant « enferme là-dedans , ils le mettent comme «un trésor dans un coffre qu'ils dressent « debout contre la muraille : voilà les cére- « mouies qu’on fait pour'les riches. Quant à « ceux qui se contentent de moins , et qui « ne veulent pas faire tant de dépenses , ils DE L'HOMME. 347 « les traitent de la sorte. Ils remplissent « une seringue d’une liqueur odoriféraute « qu’on tire du cèdre, qu’ils poussent par « le fondement dans le corps du mort sans « lui faire aucune incision , et sans en tirer « les entrailles , et Le tiennent dans le seF «autant de temps que j'ai dit des autres. &« Quand le temps est expiré , ils font sortir «du corps du mort la liqueur de cèdre «qu'ils y avoient mise ; et cette liqueur a « tant de vertu , qu’elle fait fondre Les intes- « Lins et les entraîne avec elle ; pour le nitre « il mange et consomme les chairs, et ne « laisse que la peau et les ossemens du « mort : alors celui qui l’a embaume, le «rend à ses parens et ne s’en met pas « davantage en peine. La troisième façon « dont on se sert pour embaumer les morts, «est celle qui regarde ceux de la moindre condition, de qui l’on se contente de purger. et de nettoyer le ventre par des lavemens, «et d’en faire sécher le corps dans du sel « durant le même temps de soixante et « dix jours , afin de le rendre ensuite à ses « parens. » Diodore de Sicile a aussi fait mention du € Ps € Le) Fe AO NME RE AUS Hd Y : VAS À LEA HE \ NA ; e À À 2t an 348 HISTOIRE NATURELLE procède que suivoient les Égyptiens pour embaumer les morts. Il y avoit, selon cet auteur, plusieurs officiers qui travailloient successivement à cette opération : le pre- mier, que l’on appeloit l'écrivain, marquoit sur le côté gauche du corps l'endroit où on devoit l'ouvrir; le coupeur faisoit l’incision, _et l’un de ceux qui devoient le saler, tiroit tous les viscères, excepté le cœur et les reins 3 un autre les lavoit avec du vin de palme et des liqueurs odoriferantes : ensuite on l’oi- gnoit pendant plus de trente jours avec de la gomme de cèdre, de la myrrhe, du cim- namome et d’autres parfums. Tous ces aromates conservoient le corps dans son en-. tier pendant très-long-temps et lui donnoient une odeur très-suave : il n’étoit défiguré en aucune manière par cette préparation, après laquelle on le rendoit aux parens, qui le gardoient daus un cercueil posé debout contre une muraille. La plupart des auteurs modernes qui ont voulu parler des embaumemens des anciens Egyptiens , ont seulement répété,ce qu'en a dit Hérodote; s'ils ajoutent quelques faits ou quelques circonstances de plus, ils ne DE L'HOMME, 349 peuvent les donner que pour des probabi- lités. Dumont dit qu’il y a bien de l’appa- rence qu'il entroit dans l’aloès du bitume ou asphalte, et du cinnamome dans les dro- gues que l’on mettoit à la place des entrailles des corps morts : il dit encore qu'après l’em- kaumement on enfermoit ces corps dans des cercueils faits de bois de sycomore, qui est. presque incorruptible. On trouve dans le Catalogue du cabinet de la société royale de Londres, que M. Grew remarqua dans une momie d'Égypte de ce cabinet , que la drogue dont on s’étoit servi pour l’embaumer, avoit pénétré jusqu'aux parlies les plus dures, comme les os; ce qui les avoit rendus si noirs, qu'ils sembloient avoir été brülés : cette observation lui fit croire que les Égyptiens avoient coutume d’embaumer les corps en les faisant cuire dans une chaudière pleine d'une espèce de baume liquide, jusqu’à ce que toutes les parties aqueuses du corps fussent exhalées, et que la substance hui- leuse et gommeuse du baume l’eût entière- ment pénétré. Grew propose à cette occasion une façon d’embaumer les corps en les fai- sant macérer et ensuite bouillir dans de J'huile de noix. | | 350 HISTOIRE NATURELLE Je crois qu’en effet il y auroit plusieurs moyens de préserver les cadavres de la pour- riture, et qu’ils ne seroient pas de difficile exécution, puisque différens peuples les ont employés avec succès. On en a eu un exemple chez les Guanches, anciens peuples de l'ile _ de Ténériffe : ceux qui furent épargnés par les Espagnols lorsqu'ils firent la conquête de cette île, leur apprirent que l'art d’em- . baumer les corps étoit connu des Guanches, et qu'il y avoit dans leur nation une tribu - de prêtres qui en faisoient un secret, et mème un mystère sacré. La plus grande partie de cette nation ayant été détruite par les Espagnols, on ne put avoir une entière connoissance de cet art; on a seulement su par tradition une partie du procédé. Après avoir tiré les entrailles, ils lavoient le corps plusieurs fois de suite avec une lessive d’e- corce de pin séchée au soleil pendant l'été, ou dans une étuve péndant l'hiver; ensuite on l’oignoit avec du beurre ou de la graisse d'ours que l’on avoit fait bouillir avec des herbes odoriférantes qui étoient des espèces de lavande, de sauge, etc. Après cette onc- tion, on laissoit sécher le corps, et on la ( DE L'HOMME. 351 réitéroitrautant de fois qu’il le falloit pour que le cadavre en fût entièrement pénétré. Lorsqu'il étoit devenu fort léger, c’étoit une preuve qu’il avoit été bien prépare : alors on l’enveloppoit dans des peaux de chèvres passées, on y laissoit même le poil lorsqu'on vouloit épargner la dépense. Purchas dit qu'il a vu deux de ces momies à Londres, et 1l cite le chevalier Scory pour en avoir vu plusieurs à Ténériffe, qui existoient depuis depuis plus de deux mille ans ; mais on n'a aucune preuve de cette antiquité. Si les Guanches ont été originaires d'Afrique, ils auroient pu avoir appris des Égyptiens l’art des embaumemens. | Le père Acosta et Garcilasso de la Vesa n’ont pas douté que les Péruviens n’eussent connu l’art de conserver les corps pendant très-long-temps : ces deux auteurs assurent avoir vu ceux de quelques Incas et de quel- ques Mamas, qui étoient parfaitement con- servés ; 1ls avoient tous leurs cheveux et leurs sourcils , mais on leur avoit mis des yeux d'or; ils étoient vêtus de leurs habits ordi- naires , et assis à la façon des Indiens , les bras croisés sur l'estomac. Garcilasso toucha 352 HISTOIRE NATURELLE un doigt de la main, qui lui parut aussi dut que die bois ; le corps entier n’étoit pas assez . pesant pour surcharger un homme foible qui auroit voulu le, porter! Acosta présume que tes corps avoient été embaumés avec un bitume dont les Indiens-connoissent la propriété. Garcilasso dit qu'il ne s’étoit pas apperçu en les voyant, qu'il y eût du bi- tume ; mais il avoue qu’il ne les avoit pas observés exactement , et il regrette de ne s’être pas informé des moyens que l’on avoit employés pour les conserver : il ajoute qu'étaut Péruvien, les gens de sa nation ne lui auroient pas caché le secret, comme aux Espagnols, au cas que cet art eût encore été connu au Pérou. Garcilasso ne sachant rien de certain sur les embaumemens des Péruviens, tâche d’en découvrir les moyens par quelques induc- tions ; il prétend que l'air est si sec et si froid à Cusco, que la chair s’y dessèche comme du bois sans se corrompre, et il croit que l’on faisoit dessécher Les corps dans la neige, avant que d’y appliquer le bitume dont parle le père Acosta : il ajoute que, du temps des Incas ; on exposoit à l'air les viandes qui DE L'HOMME, 353 Etoient destinées pour les provisions de guerre, et que lorsqu’ elles avoient perdu leur humidité, on pouvoit les garder sans les saler et sans aucune autre préparation. On dit qu’au pays de Spitzberg, qui est à 7get 80 degrés de latitude, et par conséquent dans un climat extrêmement froid, il n’ar- rive presque aucune altération apparente aux cadavres qui sont ensevelis depuis trente ans : rien ne se pourrit ni ne se corrompé dans ce pays; les bois qui ont été employés pour bâtir les huttes où on fait cuire les graisses de baleine, paroissent aussi frais que lorsqu'ils ont été coupés. | | Si le grand froid préserve les cadavres de la corruption , comme on peut le voir par les faits que je viens de citer, il n’est pas moins certain que la sécheresse qui est cau— sée par la grande chaleur, fait aussi le même effet. On sait que les hommes et les animaux qui sont enterrés dans les sables de l'Arabie, se dessèchent promptement, et se conservent pendant plusieurs siècles, comme s’ilsavoient été embaumés. Il est souvent arrivé que des caravaues entières ont péri dans les déserts &e l'Arabie , soit par les vents brülans qui 30 V'UCA "4 : 1 4 j! UE a 354 HISTOIRE NATURELLE! Sy élèvent et qui raréfient l'air au point que les hommes ni les animaux ne peuvent plus # respirer, soit par les sables que les vents impétueux soulèvent à une grande hauteur, et qu'ils déplacent à une grande distance : ces cadavres se conservent dans leur entier, et on les retrouve dans la suite par quelque effet du hasard. Plusieurs auteurs, tant an ciens que modernes, en ont fait mention. M. Shaw dit qu’on lui a assuré qu’il y avoié un grand nombre d'hommes, d’ânes et de chameaux, qui étoient conservés depuis un temps immémorial dans les sables brûlans de Saibah, qui est un lieu que cet auteur croit situé entre Rassem et l'Égypte. La corruption des cadavres n’étant.causée que par la fermentation des humeurs , tout ce qui est capable d'empêcher ou de retarder ANAL NON Ÿ cette fermentation, contribue à leur conserva- tion. Le froidet le chaud, quoique contraires, produisent le même effet à cet égard par le desséchement qu'ils causent, le froid en con- densant et en épaississant les humeurs du corps, et la chaleur en les raréfant et en accélérant leur évaporation avant qu’elles. pussent fermenter et agir sur des parties DE L'HOMME. 355 solides : mais il faut que ces deux extrêmes soient constamment les mêmes; car s’il ÿ avoit une vicissitude du chaud au froid, et de la sécheresse à l'humidité, comme il se fait d'ordinaire, la corruption arriveroit né- cessairerhent. Cependant il y a dans les cli- | Mats tempérés des causes naturelles qui peu- vent conserver les cadavres : telles sont les qualités de la terre dans laquelle on les en- ferme ; si elle est desséchante et astringente, elle s’imbibe de l'humidité du corps : c’est ainsi, à ce que je crois, que les cadavres se conservent aux Cordeliers de Toulouse : ils s’y déssèchent au point qu’on peut aisément les souléver d’une main. ’ Les gommes, les résines, les bitumes , etc. que l’on applique sur les cadavres, les dé. fendent de l'impression qu'ils recevroient dans les changemens de température ; et si de plus on déposoit dans les sables arides et brûülans un corps ainsi embaumé , on auroit deux puissans moyens réunis pour sa con- servatiôn. Il ne faut donc pas s'étonner de ce que Chardin nous rapporte du pays de. Corassan en Perse, qui est l’ancienne Bac- triane : il dit que les corps que l’on met dans 356 HISTOIRE NATURELLE les sables de ce pays, après avoir été embau= .més, s’y pétrifient, c'est-à-dire, y deviennent fort durs, tant ils sont desséchés , et s'y con servent pendant plusieurs siècies : on assure qu'il y en a qui y sont depuis deux mille ans. Les Égyptiens entouroient de bandelettes les cadavres embaumés, et les renfermoient dans des cercueils. Peut-être qu'avec toutes ces précautions ils ne se seroient pas conser- vés pendant tant de siècles, siles caveaux ou les puits dans lesquels on les enfermoit, n’a- voient pas été dans un sol de matière bolaire et crétacée, qui n’étoit pas susceptible d'hu- midité, et qui d’ailleurs étoit. recouvert de sable aride de plusieurs pieds d'épaisseur, Les sépulcres des anciens Égyptiens sub- sistent encore à présent : la plupart des voyageurs ont fait la description de ceux de l’ancienne Memphis, et y ont vu des momies ; ils sont à deux lieues des ruines de cette ville, à neuf lieues du grand Caire du côté du midi , et à trois quarts de lieue du village de Saccara ou Zaccara ; ils s'étendent jusqu'aux pyramides de Pharaon, qui en sont éloignées de deux lieues et demie. Ces sépulcres sonk : DE L'HOMME: 354 dans des campagnes. couvertes d'un sable Mmouvant, jaunâtre et très-fin ; le pays est aride etimontueux; les entrées des tombéaux sont remplies de sable: il y en:a plusieurs qui ont étésouvertes ;: mais il en reste encore de wachées ; il.est, question de les trouver dans des plaines à perte de vue. Les habitans de Saccära n’ônt pas d'autre ressource et-d’autré xommerce dans leurs déserts, que de cher- cher des momies dont ils font un commerce en les vendant aux étrangers qui se trouvent au grand Caire. Pietro della Valle voulant descendre dans'un tombeau qui n’eût pas encore été fouillé; se détermina à prendré des pionniers à Saccara , et à les accompagner pour les voir travailler én'sa présence dans les .endroits où Le sable n’avoit pasrété re— mué ; mais ibauroit peut-être perdu beau-— coup de temps dans cetté recherche: fâite au hasard , si un de ces ouvriers n’avoit trouvé d'avance ce qu'il cherchoit. VENDUE : Lorsqu'on a détourné le'sable, on rencontre une petite ouverture quarrée , profonde de dix-huit pieds , et faite de façon qu’on peut y descendre en mettant les pieds dans des trous qui se trouvent les uns vis-à-vis les 50 $ ï A ÿ | PR RAT - LUN 4 pu PTE LT à ‘ UT Hat 1110 2 re Pa 4 RU ' re Fa { NAT " N 858 HISTOIRE 'NATURELI "A autrés : cette’sorte d'entrée a fait donner à ces tombeaux le nom de puits; ils sont creuz sés dans une pierre blanche et'tendre , ‘qui estdans tout: ce pays sous quelquesipieds d’é- paisseur de: sable ; les'moins profonds ont quarante-deux pieds: Quand on°est descendu au fond,on y voit des ouvertures quarrées;'et des passages de dix ou quinzepieds;:qui cou- duisent dans des chambres: ‘de quinze sou vingt pieds en quarré. Tous ces'espaces sont sous des voûtes à peu près comme celles de nos citernes, parce qu'ils sont taillés dans:la carrière ; chacun des puits a plusieurs chams bres et plusieurs grottes qui communiquent les unes aux autres. Tous ces caveaux occu= pent l’espace d'environ trois lieues et demie sous terre;'ainsi ils alloient jusque sous la ville de Memphis : c’est'à: peu près comme les vides des: carrières’ qui ont''été fouillées aux environs de Paris ,:et mème sous plu- sieurs endroits de. la villes ! : : 6°} ‘Il y a des chambres dont les murs sont ornés par des. figures et des ‘hiéroglyphes ; dans d’autres, des momies sont renfermées dans des tombeaux creusés dans la pierre tout autour de la chambre, et tailles en DE L'HOMME. : 1. 369: forme:d'hommes dont les bras sont étendus. On trouve d’autres momies , et c’est ie plus grand nombre, dans des coffres de bois ou dans des toiles enduites de bitume. Ces coffres ou ces’ enveloppes sont chargés de plu- sieurs sortes d'ornemens :'‘il y a aussi des figures ; même celle du mort, et des sceaux de plomb sur lesquels on voit différentes em- preintes.Ïl y a de ces coffres qui sont sculptés en figure d'homme, mais on n’y reconnoît que la tête; le reste du corps est tout uni et eétinitté par un piédestal. D’autres figures ont les bras pendans : on reconnoiît à ces marques les momies des gens distin— gués ; elles sont posées sur dés pierres au— tour dé la chambre. [1 y en a d’autres aw miliéu, posées simplement sur le pavé , et moins ornées : il paroît que ce sont celles des gens d’une condition inférieure , ou des domestiques. Enfin dans d’autres chambres les momies sont posées PR dans le sable. On trouve des momies qui sont couchées sur le dos , la tète du côté du nord, les deux mains sur le ventre, Les bandes de toile de lin qui les enveloppent , ont plus de mille o du v \ t' #. %0 HISTOIRE NATURELLE aunes de longueur: ainsi,elles fontitfnctrè CE grand nombre. de circonvolutions autour du} corps , en’. commençant par la tête; ét en; finissant aux pieds; mais elles.ne passent, pas sur le visage: Lorsqu'ilest resté à. décou-, vert, 1l tombe en. poussière dès que.la mo, _ mie est à l'air; pour que la tète se conserve! en entier , il faut que le visage ait été cou-, vert d'une petite enveloppe de toile, quiiest, appliquée de façon que l’on peut reconnoître: la forme des yeux , du nez et de la; bouche. On a vu des momies qui avoient une lougue. barbe , des cheveux qui descendoïent jusqu’à moitié dela jambe, et des ongles fort grands ; quelquefois on a trouvé qu'ils étoient dorés, ou simplement peints de couleur oxangée. IE y a des momies qui ont sur l'estomac des bandes avec des figures hiéroglyphiques d'or, d'argent ou, de terre verte , .et, de.petites adoles de leurs dieux tutélaires , et.d'autres figures de jaspe ou d'autre matière dans la poitrine. On leur trouve aussi assez ordinai- Trement sous la langue une pièce d’or qui vaué environ deux pistoles : c'est pour avoir cette pièce que les Arabes gâtent toutes:les mouues qu'ils peuvent reucontrer. 4 TR . À à TU de dti à DE L'HOMME. 36 On reconnoit que la matière de l’embau - mement n’a pas été la même pour toutes les momies : il y en a qui sont noires et qui pa- roissent n'avoir été enduites que de sel, de poix et de, bitume ; d’autres ont été embau- mées de myrrhe et d’aloès; les linges de celles-ci sont plus beaux et plus propres. Fin du tome vingtième. TABÉE Des articles contenus dans ce volume, Hsbirete l'homme. » D: la nature de l’homme, page 5. De l'enfance, 27. Addition à Particle précédent, 74 De la puberté, go. 1 Addition à Particle précédent, 145. At, De l'âge viril, 163. Addition à l’article précédent, 219. De la vieillesse et de la mort, 233. Addition à Parucle précédent, 326. MomïeEs , 342. DE L'IMPRIMERIE DE PLASSAN. 18 > 8 ] (*} UE 3 9088 00769