. 08 à À à nn TE dE D 4 D D 0 4 À Te Tr ré ee a R Re Meet PM lEn Ag ann en ne D ae nn 4 Pme Te an ne Gene ete da md vire Let ere bntese pes Pa be air es ose ee prete eyes et A PR a qe D À 6 TT 2 à D « De ete promet 4e etre pme an eee ee AE 0 ge 08 6 en nr de ee 0 62 qu Pi du pd ge 0 A eme MT 2 2 4 es 20006 gl ne nt Un M qe Des DATE ae AA ad 0 ge nn gs age An den Me one AB NET D M D de 9 do og D qe 2 OA D de OR PATRON 2m me Ba en GOT ae Mod Ge De Me og n GA A ASE Er qe A a RS et La eau À En LE EE pe nce Ame me Pl \ Lh mit M n re ACTE PUR l É pa L | ‘ L LP RL AN HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. STRASBOURG, IMPRIM. DE V.® BERGER-LEVRAULT. USSR Division of Fishes, Dh “ U, $, National Museum :’! HISTOIRE il} | NATURELLE DES POISSONS, PAR M. LE B.° CUVIER, Pair de France, Grand-Officier de la Légion d'honneur, Conseiller d’État et au Conseil royal de Instruction publique, l’un des quarante de l’Académie française, Associé libre de l’Académie des Belles-Lettres, Secrétaire per- pétuel de celle des Sciences, Membre des Sociétés et Académies royales de Londres, de Berlin, de Pétersbourg, de Stockholm, de Turin, de Gœttingue, des Pays-Bas, de Munich, de Modène, etc.; ET PAR M. A. VALENCIENNES, Membre de l’Académie royale des sciences de l'Institut, Professeur de Zoologie au Muséum d'Histoire naturelle, Membre de l'Académie royale des sciences de Berlin, de la Société zoologique de Londres, de la Société impériale des naturalistes de Moscou, etc. tt ————— TOME VINGTIÈME. À PARIS. Chez P. BERTRAND, énrreur, LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE, rue Saint-André-des-arcs, n.° 65. STRASBOURG, chez V.® Levraurr, rue des Juifs, n.° 95, 1847. THSONEZ finnno 1! — #1) P >L ARN CSS à AVERTISSEMENT. LRQ Après avoir, dans le volume précédent, exposé l’histoire des familles que j'ai cru de- » voir retirer de celle que M. Cuvier avait éta- blie dans le Règne animal sous le nom de Clupes, je présente dans celui-ci l’histoire des Clupées réduites aux seuls genres des poissons de ce groupe qui ont le ventre caréné. Leur bouche est bordée dans le milieu par de très- petits intermaxillaires, et sur les côtés par des maxillaires complexes plus ou moins libres, mais qui ne sont pas assez longs pour dépasser les : branches de la mâchoire inférieure quand elle est abaissée. Dans tous les genres variés qui com- posent cette subdivision, la mâchoire inférieure est plus longue que la supérieure, et la sym- physe la dépasse comme une grosse tubérosité. Tous ces poissons se ressemblent tellement entre eux qu'ils ne forment en quelque sorte, qu'un grand genre naturel. En étudiant les détails de leur organisation, j'ai eu le bon- heur de saisir un caractere dont lapplication avait échappé à mes prédécesseurs. Elle rendra V] AVERTISSEMENT. facile létude et la distinction d'espèces nom- breuses qui étaient toutes confondues où mé- connues. La nature semble avoir épuisé ici toutes les combinaisons possibles pour implan- ter les dents de ces poissons sur les différents os de leur bouche ou de la base du crâne. * Les eaux douces et salées de l'Europe nour- rissent des espèces de ces genres variés, auprès desquels viennent se placer facilement les nom- breux poissons exotiques, depuis le Hareng jus- qu'à PAlose. On trouvera dans le volume suivant l’histoire des espèces assez semblables à PAnchois, et J'espère convaincre le lecteur que celles-ci pré- sentent des différences qui auraient pu m'au- toriser à en faire une petite famille séparée. Je nai pas cependant osé le faire, parce que cette division ne m’a pas paru absolument nécessaire. L'étude des Clupées et des genres qui les avoisinent est une des plus instructives pour concevoir l'extension que lon doit donner aux principes des familles naturelles. Aucune autre ne montre plus clairement le système de la nature, par suite duquel elle prend à une fa- mille quelques-uns de ses caractères pour les AVERTISSEMENT. vi} combiner et les fondre dans ceux d’une autre, de manière à modifier souvent le caractère essentiel, à laltérer ou à leffacer dans cer- taines espèces qui font rentrer dans le groupe principal toutes celles qui sembleraient s’en écar- ter. On tire aussi de l'étude de ces poissons un autre enseignement et dun plus haut intérêt, car on arrive, en suivant les variétés si nom- breuses du hareng commun , à fixer ses idées sur la valeur de cette grande abstraction de notre esprit que les naturalistes nomment espèce. C'est de toutes celles que nous pouvons facile- ment observer, l'espèce représentée par le plus grand nombre d'individus vivant en société par troupes innombrables, cachés dans des retrai- tes habituellement impénétrables à l’homme, n’en sortant qu'a des époques fixes et déter- minées par suite d’un besoin physique et im- périeux , et non par le seul acte de la volonté de l'animal, qui ne met en jeu aucune faculté instinctive. Ces conditions vitales sont en de- hors de toutes celles que nous attribuons à la domesticité chez un grand nombre d’autres animaux, et par conséquent à l'abri de toute action de l’homme. Il n’en est pas moins évi- vii] AVERTISSEMENT. dent que nous voyons reproduire dans espèce plusieurs modifications que nous attribuons dans les autres animaux placés par la nature auprès de nous, à linfluence de la domesticité. Outre limportance que ces réflexions donnent à lespèce du hareng, il en est une autre d’un intérêt peut-être moins philosophique, mais non moins grand, à cause de l'utilité incon- testable du hareng. Tout le monde à répété, avec raison, que ce poisson est une source inépuisable de richesse et la meilleure école pour former des hommes de mer. Le lecteur me pardonnera sans aucun doute de m'être longuement étendu sur l’organisation, les habitudes et la pêche de ce poisson. Le legs que J'ai reçu de M. Cuvier m’a donné la faculté de puiser dans les documents inédits que Noël de la Morinière avait préparés pour écrire une histoire naturelle et commerciale de cette clu- pée. J’en ai profité en tâchant d'éviter des dé- tails trop minutieux qui auraient donné à mon ouvrage un caractère de prolixité tout à fait fâcheuse dans un livre de la nature de celui que Je publie. On trouvera aussi dans ce volume beaucoup AVERTISSEMENT. IX de détails sur lAlose, dont je ne reconnais qu'une seule espèce en Europe; sur la Sardine, qui a en ichthyologie les principaux caractères de PAlose, mais dont les habitudes sont bien différentes. Je n’entrerai pas ici dans plus de détails sur les observations consignées dans ce volume. Pendant que j'étais occupé de la rédaction de ce travail, les collections ichthyologiques du Muséum ont fait de grandes et nombreuses acquisitions. M. le chevalier Robert Schom- burgk, si connu par ses beaux travaux géogra- phiques et par son voyage dans lintérieur de la Guiane, a donné au Muséum une collection presque complète des nombreuses et belles es- pèces qu'il a recueillies dans les eaux douces de cette contrée et principalement dans PEsse- quibo. Les recherches de ce voyageur viennent ajouter à ce que l’ichthyologie des eaux douces de PAmérique équinoxiale devait à Spix et à Martius, et antérieurement au savant et illustre Alexandre de Humboldt. De nouvelles investigations viennent d’éten- dre encore nos connaissances sur cette belle partie du globe. X AVERTISSEMENT. Un voyageur infatigable, qui joint au plus grand courage une ardeur scientifique non moins active, M. le comte de Castelnau, est de retour de l'expédition la plus grande et la plus périlleuse qu'un voyageur français ait en- core vue couronnée de succès. Avec laide d’un Jeune naturaliste né dans le Muséum d'histoire naturelle, M. Émile Deville, le chef de cette audacieuse expédition a réuni de superbes collections d'histoire naturelle où l’ichthyologie tient une grande place. Nous pouvons les exa- miner à loisir maintenant qu’elles sont étalées et rangées dans le Jardin du Roi. Les naturalistes doivent être pénétrés de reconnaissance pour des hommes qui ont eu le courage de rapporter tant de trésors scientifiques, lorsqu'il fallait leur faire passer les chutes de l'Yucale, ou les maintenir sur les flots que roule PAmazone. Le Pirarucu (Vastres Cuvieri) dont j'ai parlé dans le tome précédent, et sur lequel j'aurai à revenir dans une des additions du prochain volume, est une des grandes et belles espèces de ce voyage. Un autre genre, dont nous ignorions la patrie, le Vandellia bicirrhosum, a été recueilli dans le haut Amazone. Les produits sont d’ailleurs si AVERTISSEMENT. x] nombreux qu'il ne faut pas en citer davantage; car des citations trop restreintes sembleraient dimmuer limportance des collections à cause du nombre des espèces que nous serions obligé de paraître laisser dans loubli. Nul doute, d'ailleurs, que le Gouvernement éclairé qui a rendu depuis la paix tant de services aux sciences naturelles, fera profiter le monde sa- vant de ce beau voyage, en en ordonnant une grande et magnifique publication. Au Jardin du Roi, 1.” septembre 1847. TABLE DU VINGTIÈME VOLUME. LIVRE VINGT ET UNIÈME. Pages. Planch. De la famille des CLUPÉOÏDES . . . . . . .. 1 CHAPITRE PREMIER. Du genre Hanexc (Clupea, Cuvier). . . . . . 28 à 5g1 Le Hareng commun (Clupea harengus, Linné) 30!592 593 DeikDecke: du: Harege 0 ee ee 154 Le Hareng de Leach (Clupea Leachit, Yarrell) 243 Le Hareng de la mer Noire (CZ. pontica, Eichw.) 244 Le Hareng de New-York (Clupea elongata, Les.) 247 Le Hareng de Pallas (Clupea Pallasü, nob.). . 253 La Clupée linéolée (Clupea lincolata, Pallas) . 256 Le Hareng verdâtre (CZ. wirescens, Dekay) . . 257 Le Hareng nain (C!. parvula, Mitchill) . . . . 258 Le Hareng pygmée (CL. minima, Peck.) . . . . 259 CHAPITRE IL. Des SarpineLes (Sardinella) . . . . . . . .. 261 La Sardinelle auriculée (Sardinella aurita, nob.) 263 594 La Sardinelle granuleuse (Sard. granigera, nob.) 267 La Sardinelle anchovie (Sard. anchovia , nob.) . 269 La Sardinelle à ventre édenté (Surd. leiogaster, PUR DURE A EE codec CO 2 et NL RO LEVÉ 270 XIV TABLE. La Sardinelle linéolée (Sard. lineolata, nob.) . La Sardinelle à tête longue (Sard. longiceps, RCE) RENOM Le AL MANS TERERRSR La Sardinelle de Nieuhoff (Sard. Neohow, nob.) CHAPITRE III. Du genre Harencuze (Harengula) . . . . .. La Harengule blanquette (Hareng. latulus, nob.) La Harengule esprot (Hareng. spraitus , nob.) . La Harengule clupéole (Xareng. clupeola, nob.) La Harengule tachetée (Wareng. maculosa, nob.) La Harengule à épaulettes (Æareng. humeralis, DONS UE PODEN RTE ER RE La Harengule raccourcie (Æareng. abbreviata, FR) RP EN ER A LÉRUAIET CE Len R ee EU La Harengule ponctuée (Hareng. punctata, nob.) La Harengule biponctuée (Wareng. bipunctata ; nob.; Clupea bipunctata, Ehrenb.) . . . . . La Harengule d'Arabie (Hareng. arabica, nob. ; Cluparabica,, Fhréhbhe}.40 "tea La Harengule de Forster (Hareng. Forsteri, n.) CHAPITRE IV. Du’senre PEcLONE (Pellone) EN, La Pellone de d'Orbigny (Pellona Orbignyana, LE) A CAPES PAS CE NCIS EP) TEE La Pellone de Castelnau (P. Castelnæana , nob.) La Pellone d'Iserte (Pell. Iserti; Cl. africana, Bloch} #2: "NT SRNRERCRUn TENUE AE La Pellone mélastome ( Pell. melastoma, nob.). Pages. Planch. 272 273 ae 277 280 595 285 289 292 293 296 293 298 298 299 300 302 306 307 308 TABLE. XV Pages. Planch, La Pellone de Leschenault (Pe/l. Leschenaulti, Robe) SR TL Pa de 311 La Pellone Ditchoee (Pell. Düchoa, nob.). . . 313 La Pellone ditchelée (Pell. düchela, nob.) . . 314 La Pellone de Gray (Pell. Grayana, nob.) . . 315 La Pellone de Dussumier ( Pell. Dussumieri, n.) 316 596 La Pellone vimbelle ( Pell. vimbella, nob.) . . 317 La Pellone rasoir (Pell. novacula, nob.). . . . 319 La Pellone aux petites ventrales ( Pell. micropus, MP US een ae Tele haie due 320 La Pellone filigère (Pell. filigera , noh.). . . . 322 La Pellone moti (Pell. motius, nob.) . . . . . 323 La Pellone champil (Pell. champil, nob.). . . 324 La Pellone soborni (Pell. soborni, nob.) . . . 325 CHAPITRE V. Du genre Prisricasrre (Pristigaster, Cuv.). . 326 Le Pristigastre tartoore ( Pristig. tartoor, nob.). 328 Le Pristigastre de Cuvier (Pristig. cayanus, QU UT Don MON CASA AE QUE 334 597 Le Pristigastre de Martius (Pristig. Marti, Ag.) 337 Le Pristigastre paille en queue ( Prist. phaeton, DO Pa ne rre DAMON), 338 CHAPITRE VL Du genre Rocënie (Rogenia) . . . . . . . .. 340 La Rogénie blanche (Rogenia alba, nob.). . . 341 598 CHAPITRE VIL. Du genre Cruréonie (Clupeonia) . . . . . .. 345 La Clupéonie de Jussieu (Clup. Jussieui, nob.). 346 599 XV] TABLE. La Clupéonie fasciée (Clup. fasciata, nob.) . . La Clupéonie de Commerson (Cup. Commersoni, DUDA ee Me Ve 10) ee NPA ed lie Vuiner die ve La Clupéonie à bandes (Cup. wittata, nob.) . La Clupéonie de Bloch (Clup. Blochü, nob.). . CHAPITRE VIII. Du genre Spratelle (Spratella) . . . . . . .. La Spratelle naine (Sprat. pumila, nob.). . . . La Spratelle frangée (Sprat. fimbriata, nob.) . CHAPITRE IX. Du genre Kowaz (Kowala). . . .:.:. : Le Kowal albelle (Æowala albellu, nob.). . . Le Kowal cuirassé (Æowala thoracata, nob.) . CHAPITRE X. Du genre Mecerre (Meleita) . . . . . . . . . La Melette commune (Meletta vulgaris, nob.) La Melette de la Méditerranée ( Weletta mediter- T'ARER NO). )e ST CNRS EME MR EREREREN La Melette du Sénégal (Mel. Senegalensis , nob.) La Melette d'automne ( Meletta matowacca ; Clu- pea maiowacca, Miich.) : . . . . . La Melette veinée (Meletta venosa, nob.). . . La Melette de Lesueur (Weletta Suœrü, nob.). La Melette à museau obtus (Meletta obtusiros- En S ORAN MESRINE HR SRNPAREE ee La Melette de la Nouvelle-Hollande (Meletta Novæ Hollande nob}} een PRE La Melette venimeuse ( Meletta venenosa , nob.) La Melette lile ( Weletta lle, nob.) . . . . . . Pages. Planch. 349 350 352 353 356 357 359 362 362 363 366 366 369 370 BTE 374 375 37.0 376 377 378 600 601 602 603 TABLE. CHAPITRE XI. Pages. Dusenre Arose (Aus). ur, 389 L'Alose commune (4lausa vulgaris, nob.). . . 391 L'Alose Éba (4lausa Eba, nob.). . . . . .. 417 L'Alose à dorsale noire (_{lausa dorsalis, nob.) 418 L'Alose tyran (Ælausa tyrannus, Dekay) . . . 419 L'Alose savoureuse ( Ælausa præstabilis, Dek.) 421 L'Alose grêle (4lausa teres, nob.) . . . . .. 423 L'Alose Menhaden (Ælausa Menhaden, nob.) . 424 L'Alose shadine ({lausa shadina, nob.). . . . 426 L'Alose dorée (4lausa aurea, Spix) . . . .. 427 L'Alose striée (Ælausa striata, nob.) . . . .. 429 L'Alose mouchetée ( Ælausa maculata, nob.). . 430 L'Alose bleue (Zlausa cœrulea, nob.). . . . . 432 L'Alose Palasah (Ælausa Palasah, nob.) . . . 432 L'Alose Toli (Ælausa Toli, nob.) .. . . . .. 435 L'Alose de Reeves (41. Reeves, Richardson) . 437 L'Alose aux petites écailles (47. microlepis, nob.) 439 L'Alose chapra (Æ4lausa chapra, noba Ne hMAO L'Alose verte et blanche (Ælausa argyrochloris, NO) 4 ep. Ann ES UMR Et die 440 L'Alose à caudale noire (Ælausa melanura, nob.) 441 L'Alose scombrine ( Ælausa scombrina, nob.) . 442 L'Alose aux points noirs (Ælausa melanosticta, Permet Schl)asAde ci ie. 444 De la Sardine (_4lausa Pilchardus , nob.). . . 445 ADDITIONS au volume XX. Le Clupanodon motius, Buch. . . . . . . .. 461 PERCapedJuesensis TENTE MERE 462 20. b XVI Planch. 604 605 XVII] TABLE. Pages. Planch. Le Clupea acuata, Jenn. . . +... +... .. 463 Le Clupea sagax, Jenn. . . - . . . . . . . . 463 Le Clupea Isengleena, Rich. . . . . . . . .. 464 Le Clupea nymphæa, Rich... . . . . . . . .. 465 Le Clupea cœruleo-vittata, Rich. . . . . . . . 465 Le Clupea flos-maris, Rich. . . . . . . . .. 466 Le Clupea gracilis, Temm. et Schl. . . . . . . 466 SUPPLÉMENT au chap. VI du liv. XX, tom. XIX, p. 316. Du genre DussumiériE, et en particulier de la Dussumiérie à museau aigu (Dussumieria CETTE 0) 8 pa end ne 167 606 “se C——— HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. LIVRE VINGT ET UNIÈME. DE LA FAMILLE DES CLUPÉOIDES. CETTE famille, lune des plus utiles à l’homme par les immenses provisions d'aliments qu'elle vient, avec une admirable régularité, offrir, tous les ans, à son courage et à son industrie, est aussi l'une des plus remarquables pour Les naturalistes, par la variété de ses espèces, et par les singularités de leur organisation. L’in- stinct irrésistible qui porte la plupart des clu- pées à sortir de leurs retraites à des époques fixes, rend leurs apparitions tellement régu- ières, qu'on les a considérées comme des migrations analogues à celles de certaines es- pèces d'oiseaux. Les poissons de cette famille ont le corps gé- néralement allongé et très-comprimé. Le ventre l'est surtout; aussi on lui donne l’épithète de tranchant. Il la mérite d'autant mieux quil porte, à une ou deux exceptions près, une 20. 1 3 LIVRE XXI. série de chevrons cornés, dont l'arête, pro- longée en pointe, fait de la carène une véri- table scie dentelée. Toutes les clupées sont couvertes d'écailles assez grandes, mais qui tombent facilement. Leurs nageoires n'ont jamais de rayons épineux; celles du ventre ‘sont à peu près sous le milieu du corps; la dorsale, de médiocre longueur, est toujours unique. Indépendamment de ces caractères, tirés de la conformation générale, les clupes en ont deux plus précis dans la structure de leur mâchoire supérieure. Le premier, qui leur est commun avec les espèces de la famille des Saumons, consiste en ce que leurs intermaxil- laires ne faisant pas le bord entier de la mä- choire, n'en occupent que le milieu, et en ce que les maxillaires, au lieu d'être reportés en arrière, en forment les côtés. Le second est pris de la structure du maxillaire. Get os, simple dans le très-grand nombre des pois- sons, est composé dans ceux-ci de trois pièces qui se voient, même à l'extérieur, et que l'on peut aisément détacher par la cuisson ou par la macération. Tel est l'ensemble des carac- tères extérieurs des poissons que je com- prends aujourd'hui dans les Clupéoïdes. Cette. famille, ainsi caractérisée, me paraît mieux circonscrite que celle établie sous ce même CLUPÉOÏDES. 5 nom par M. Cuvier dans le Règne animal. C'est pour arriver à cette précision que, dans le livre précédent, j'ai retiré des Clupéoïdes de mon illustre maître plusieurs petites fa- milles, composées de poissons qui n’ont point lg ventre dentelé, et dont les maxillaires sont simples. ; Les espèces que je réunis ici ont toutes les ouiïes très-ouvertes, la membrane branchios- tège soutenue par des rayons, dont le nombre “n'est pas très-considérable. Les arceaux des branchies sont armés de dentelures très-lon- oues et semblables à des dents de peigne, di- rigées en avant. À l'intérieur, les arêtes sont Mesdidés, très-nombreuses, ef pénètrent dans la chair en divers sens, ce qui tient à ce que les vertèbres et les côtes ont deux rangs d’apo- physes transverses, naissant horizontalement, les unes de la base de l'apophyse épineuse supé- rieure , les autres dela côte près de son articu- lation.Toutes ces apophyses, ainsi que les côtes, sont longues et souvent fines comme des che- veux. Le canal digestif est assez simple, car il se compose généralement d’un estomac conique, pourvu d'une branche montante, souvent charnue, et d’un intestin qui ne fait que deux replis. La première portion du canal intestinal est toujours garnie d’un nombre plus où moins CA LIVRE XXI. considérable de cœcums allongés. Le foie et la rate sont petits. Tous ces viscères occu- pent, en général, peu d'espace sous le repli . du péritoine qui les enveloppe, parce que le reste de cette partie de la cavité abdominale est rempli par les organes de la reproduction, qui prennent un développement considérable à l'époque du frai. Ce grand nombre de ger- mes explique comment cette famille peut ré- sister à la destruction incessante que l'homme en fait. Les sacs ovariens sont toujours com- plétement fermés, d’où il résulte que les œufs, au moment de leur éclosion, ne tombent pas dans la cavité péritonéale, ainsi que nous l'a- vons vu dans les Érythrins, ou que nous en retrouverons l'exemple dans les éspèces de la famille des Saumons et de celle des Anguilles. La vessie aérienne est toujours très-grande. Elle communique avec le canal digestif par un conduit pneumatique très-grêle, qui semble n'être souvent que la continuation de l'es- ‘tomac, parce qu'il s'abouche à la pointe même du cône de ce viscère. Il vient aussi s'ouvrir dans quelques espèces sur fa face dorsale de l'estomac ou de l'œsophage. Nous avons vu rarement cette vessie se bi- furquer en arrière, et les deux longues cornes coniques pénétrer dans l'épaisseur des muscles CLUPÉOÏDES. b. coccygiens le long des interépineux de l’anale. Dans toutes les espèces, l'extrémité anté- rieure de la vessie est toujours simple, et le plus souvent pointue. Elle s'arrête sous le corps des premières vertèbres, qui n’ont au- près d'elle aucun osselet comparable à ceux de Weber. Deux petits ligaments vont atta- cher cette vessie à la base du crâne. Ils sont constamment pleins. Ce sont eux que quel- ques anatomistes ont pris pour des tubes de communication entre la vessie aérienne et l'oreille interne. Jamais cet organe ne com- munique avec l'intérieur du crâne. J'ai em- ployé tous les moyens anatomiques, ou fait toutes les expériences qui pouvaient m'assurer de l’occlusion complète de la vessie, et par conséquent, de l’absence de toute communi- cation entre elle et la boîte cérébrale. Les poissons de cette famille, aujourd'hui si nombreuse, ont été pour la plupart incon- nus aux ichthyologistes qui m'ont précédé. Je ne crains pas aussi de dire que les espèces dont ils ont parlé ont été fort mal caractéri- sées dans leurs ouvrages, et que la synonymie y est presque entièrement fautive. Nous ren- voyons aux chapitres spéciaux, où nous trai- tons de chaque espèce en particulier, l'examen de ce que les auteurs, depuis le seizième siècle 6 LIVRE XXI. jusqu’à Willughby, ont dit de ces poissons. Mais lon ne peut voir sans surprise comment Ar- tedi et ses successeurs ont traité leur genre . Clupea, et Yon est étonné de la confusion ou de l'ignorance qui existent chez ces auteurs systématiques. Ainsi Artedi caractérise ses Clu- pées par les huit rayons de la membrane branchiostège; ce qui n'est pas vrai pour sa seconde espèce, le Sprat, qui n’en a que six; par le ventre tranchant et dentelé, ce qui n’est pas plus exact pour sa quatrième espèce, l'Anchois ; et par la position de la dorsale un peu plus rapprochée du museau que les ven- trales : on sait aussi que ce dernier caractère est bien vague. De plus, il confond la sardine avec le hareng, de sorte qu'il méconnaïît une espèce d’une grande importance dont Belon lui donnait l'indication sous le nom français de Célerin. Il rapporte, dans sa synonymie, au hareng du Nord, quil connaît très-bien, ce que Îles auteurs riverains de la Méditerra- née ont dit d'une clupée de cette mer, qui n'est ni la sardine ni le hareng, parce que ce grand ichthyologiste ignorait que ce derniér poisson n'existe pas dans la Méditerrranée. Cependant Artedi, avec son exactitude ordi- naire, avait eu soin d'indiquer dans le hareng la présence des dents sur la langue ou sur le #p CLUPÉOÏDES. ÿ': palais. Il avait par là mis sur la voie de trou- ver les caractères précis de ces espèces. Je m'étonne que M. Cuvier n'y ait pas fait plus d'attention; il aurait évité par là les erreurs qu'il a laissé échapper dans son ouvrage. Linné, dès sa dixième édition, ajoute quel- ques mots à la diagnose générique d’Artedi; il remarque que les maxillaires supérieurs sont dentelés, mais il reproduit le nombre des huit rayons branchiostèges, ce qui ne l'empêche pas d'inscrire parmi ses espèces des poissons, qui en ont cinq, sept, et même dix. Il indique dix espèces dans son genre; mais parmi elles son Clupea sternicla est de la famille des Saumons; son CZ. tropica est très-probable- ment quelque espèce de scombéroïde voisine des sérioles. Il ne fait d'autres changements à la douzième édition que d'ajouter une espèce. Gmelin a conservé le genre de Linné en y introduisant trois poissons nouveaux, dont l'un, le CZ. haumela est un scombéroïde dü genre Trichiure; Yautre, le CI. dorab, pris dans Forskal, est le genre Chirocentre; etenfin, ce qui est sr extraordinaire, il ajoute, sous le nom de CZ. willosa le Salmo groenlandicus de Müller, qui est effectivement de la famille des Saumons. Bloch, qui a donné l'indication d'un certain 8 LIVRE XXI. nombre d'espèces nouvelles, n'a pas mieux caractérisé que ses prédécesseurs son genre Clupea. Car deses deux caractères, le premier, la fossette du vertex, est vague et sans valeur zoologique ; le second, l'abdomen ‘caréné et dentelé. en scie, n’est pas représenté dans un grand nombre d'espèces à ventre arrondi et sans dentelures que Bloch a inscrites dans le genre. D'ailleurs, un autre reproche plus grave qu'on peut lui faire, c’est de n'avoir pas fait connaître les espèces communes de nos côtes; ainsi il a mal représenté le hareng, l’alose, l'an- chois, le sprat; la figure de son CZ Pilchardus est très-mauvaise; il y a oublié les stries de lopercule, seul trait caractéristique de cette espèce, et il n’a pas su reconnaître en elle la sardine d'Europe qu'il confond avec le sprat. Enfin il cite dans sa liste des clupées le genre Chirocentre emprunté à Forskal, et un cyprin qu'il a d'ailleurs si mal représenté, que je me suis demandé, même en l'inscrivant avec doute parmi nos ables', sil n'avait pas eu raison, dans son Système posthume, de le rapporter aux Clupées. En effet, le ventre paraît un peu dentelé, et la position des ventrales, par rap- port à la dorsale, pourrait faire soupconner 1. Hist. nat. des poiss., t. XVII, p. 342. CLUPÉOÏDES. 9 que Bloch possédait une espèce de Pellone; mais l'anale serait beaucoup trop courte, et les ventrales beaucoup plus grandes qu'aucune des espèces de ce genre dont elle n’a pas ab- solument la physionomie. M. de Lacépède, qui a fait paraître son travail sur les Clupées très-peu après celui de Bloch, et qui en a profité, a commencé à faire quelques réformes utiles dans le genre de Linné. En effet, il a retiré des clupées pour en faire un genre , sous le nom de WMys- tus, le Clupea mystus d'Osbeck. Il n’en a pas malheureusement saisi le caractère essentiel, sans quoi il aurait su y réunir d'autres pois- sons qu'il laissait parmi le premier genre. D'un autre côté, il a formé, sous le nom de Clupa- nodon, un genre qui devait comprendre les espèces caractérisées par l'absence de dents aux mächoires. Rien ne prouve mieux que ce travail, combien sont faibles en histoire na- turelle les travaux exécutés avec les livres seuls, à côté de ceux faits sur la nature. Notre cèlèbre ichthyologiste n'inscrit pas dans ce nouveau genre, Clupanodon, l'alose qui manque de dents, souvent aux mâchoires, et toujours à tous les os de l'intérieur de la bouche. Il place également parmi ses clupées la sar- dine, dont il emprunte à Bloch le nom latin 10 LIVRE XXI. et. fautif, et qui, comme l'alose, manque de dents à tous les os de la bouche, et il ins- crit parmi ses clupanodons le Pilchard, qui n’est autre que la sardine. Son Clupanodon africain est une Pellone, qui a les maächoires dentées; son Clupanodon chinois, est un com- posé de deux espèces différentes, appartenant à deux groupes tout à fait distincts; car nous démontrerons que l'une d'elles, prise dans Nieuhof, est une spratelle et l'autre une clu- péonie très-voisine du Clupanodon Jussieu, espèce qui n'est pas non plus établie sans quelques erreurs. Enfin, les deux premiers Clupanodons de Lacépède (CL. thrissa et CL nasica) appartiennent à un genre distinct, celui des Chatoessus. Il résulte donc de ces observations que le genre Clupanodon de La- cépède ne peut pas être conservé. D'ailleurs, le genre Clupée de cet auteur contient des espèces qui se rapportent à plusieurs genres et même à des familles distinctes, et quiontétéreproduites plusieurs fois et sous plusieurs noms dans cet ouvrage d'ichthyologie. Ainsi, nous avons dé- montré que le Clupea fasciata est un Equula, senre de la famille des Zées ou des Scombres. Le Clupea macrocephala est du genre Ælbula et le même quel 4/bula Plumiert, et sans répéter les doubles emplois qu'il a empruntés à ses CLUPÉOÏDES. A1 prédécesseurs, l'on verra que les trois espèces de Clupea alosa, CI. fallax et CI rufa ne : sont que nominales, et qu'elles appartiennent toutes à notre alose commune. M. Cuvier, qui a éclairci, par la sagacité de sa critique et la rectitude de son juge- ment, plusieurs des erreurs que je viens de signaler, a commencé à débrouiller le genre Clupea, en le subdivisant en plusieurs autres ou en rapprochant ceux que M. de Lacé- pède avait fondés, mais quil avait dispersés dans son ouvrage contrairement à toutes les affinités naturelles. Ainsi, le genre des Anchois (Engraulis) et celui des Pristigastres, sont heureusement établis dès la première édi- tion du Règne animal. M. Cuvier y ajouté, dans la seconde, les Chatoessus, qui sont en effet plus voisins des harenges que les Mégalopes avec lesquels on les confondait; puis il réunit à côté de ces genres et dans une famille assez na- turelle ses Thrysses ou les Mystus de Lacépède, les Odonthognates et les Notoptères de ce der- nier natüralibtes Mais malgré ces heureuses mo- difications apportées à un genre, si mal étudié jusqu'à présent, la composition que M. Cuvier fait de son genre Hareng ou Clupeas et le caractère qu'il assigne à celui de ses Aloses (Alosa, Cuv.), n'est pas exact, parce que les . 142 LIVRE XXI. espèces y sont associées sans que les détails de leur organisation aient été étudiés et appré- ‘ciés à leur juste valeur. Ainsi, lon voit qu'il a méconnu le harenguet, l’esprot, le melet, en les confondant tous sous le Clupea sprattus de Bloch. Il a de même réuni à tort la Blan- quette avec le White-bait des Anglais. S'il na pas commis la faute de comprendre la Sardine sous ces dénominations, il l'a séparée à tort du Célan de nos côtes, qui ne diffère pas du Pilchard des Anglais. J'ai déjà témoigné plus haut mon étonne- ment de ce que M. Cuvier, si habile à saisir les caractères de la dentition, et qui a rendu tant de services à l'ichthyologie, en donnant au système dentaire une haute valeur dans la diagnose de ses genres, n'ait pas tenu compte de la dentition des clupées, bien que quel- ques naturalistes, comme anciennement Artedi, et récemment M. Dekay, aient déjà indiqué par quelques mots les variations extraordi- naires que nous trouvons dans l'implantation des dents de ces diverses clupées. Cet oubli a fait que M. Cuvier a donné pour caractère de son genre ÂAlose la petite échancrure de la mâchoire supérieure, caractère qui se retrouve dans les Clupea clupeola et Clupea humeraks, que M. Cuvier n'osait pas, avec raison, séparer de ses harengs. CLUPÉOIDES. | 13 Tel était l’état de l'ichthyologie pour le senre Clupea, lorsque j'ai essayé d'étudier après ces célèbres naturalistes, les nombreuses espèces de ce genre dont quelques-unes pullu- lent sur les côtes, sont assez nettement dis- tinguées par les pêcheurs riverains ; mais le sont mal par les ichthyologistes de cabinet. J'ai eu le bonheur dans les fréquentes explora- tions que j'ai faites sur les bords de la Manche et des mers du Nord de m'aider des conseils pratiques que la pêche pouvait me fournir pour reconnaître d'abord à la première vue les petites espèces de Clupées qui portent des noms diffé- rents dans les diverses localités. Ainsi lon ne connaît point à Cayeux ni au Crotoiles noms de Blanquette, de Menuise, de Haranguet qui sont au contraire en usage de l'autre côté de la Manche sur les côtes du Calvados. Les Blanches de la baïe de la Somme sont les Ha- ranguets de Caen, et ne sont que de jeunes harengs ; aussi ne les voit-on paraître en trou- pes innombrables qu'à l# belle saison. Il est évident que c'est le produit de la ponte des harengs qui sont venus frayer sur la côte pen- dant l'hiver précédent. Je me suis assuré de la justesse de ces déterminations en examinant les dents et le squelette des harengs adultes et de ces jeunes individus. En faisant ces re- 14 LIVRE XXI cherches, j'ai examiné la dentition des espèces étrangères réunies dans l'immense collection que j'ai le bonheur d'avoir à ma disposition , et j'ai vu ces variations se reproduire avec con: stance sur un assez grand nombre de Clupées quiavaienten même temps des différences dans la position des nageoires et dans la physiono- mie générale. Comme ces observations s’appli- quaient à des espèces qui avaiént entre elles de l'affinité, il m'a été facile de former des groupes ou de nouveaux genres qui ontpresque tous, pour chef de file, une de nos espèces côtières. Cette étude de la dentition, dont l'importance n'avait point échappé à Artedi, dans son étude du hareng, conduit à des déterminations aussi sûres que faciles de tous ces nombreux poissons, et sert à distinguer nos Clupées européennes. C'est ainsi que le JV hate-bait a des dents sur tous les os de l'intérieur de la bouche, c'est-à-dire sur les palatins, les ptérygoïdiens, le vomer et la langue; que la Haærénguette, type de notre genre Harengule, n’en a point sur le vomer, mails ses autres OS en sont garnis; que nos Clupées proprement dites, comprenant le hareng et quelques espèces voisines en ont une bande longitudinale sur le vomer, ‘une autre sur la langue, et quelques petites et CLUPÉOIÏDES. 45 difficiles à voir sur le devant des palatins, les autres os sont lisses. Nos Sardinelles dif- fèrent des Harengs parce qu'elles n'ont point de dents sur les mâchoires ni sur le vomer, mais qu'elles en ont sur les palatins, les pté- rygoïdiens et sur la langue. Ce genre a pour type ce poisson de la Méditerranée que les uns ont nommé le Hareng, et les autres ont pris tout aussi arbitrairement pour la Sardine ou le Pilchard. « Certaines espèces étrangères viennent offrir des combinaisons nouvelles qui se rappro- chent de ces différents genres. Aïnsi la posi- tion des ventrales et la longueur de lanale caractérisent les Pellones; l'absence des ven- trales, les Pristigastres. Les Clupéonies sont des espèces étrangères qui n'ont de dents sur aucune autre pièce que sur la langue et les ptérygoïdiens. Chez nos Spratelles, c'est, la combinaison de dents sur la langue et les palatins seulement. Dans les Kovales, nous voyons les dents disparaître sur la langue en même temps que sur les mächoires, sur le vomer, sur les palatins, de sorte que les pté- rygoidiens restent seuls armés de dents. Les Melettes, nom’ de genre que nous emprun-. tons à des petites espèces de nos côtes de Bretagne et de Provence, ont pour caractère 46 LIVRE XXL la présence de dents sur la langue seulement. Nous retrouvons cette combinaison sur des poissons de l'Amérique septentrionale et de la Nouvelle-Hollande presque aussi grands que nos Aloses. Celles-ci constituent un genre distinct, qüe nous caractérisons tout autre- ment que ne l'a fait M. Cuvier; nous faisons reposer leur caractère sur l'absence de dents à toutes les pièces de l'intérieur de la bouche. Il n’y en a pas plus sur la langue que sur le palais. Les dents des mächoires sont petites, caduques, et le plus grand nombre des aloses en manquent même sur ces O8. Après avoir ainsi caractérisé les espèces qui étaient toutes plus ou moins confondues dans le genre Clupea de Cuvier, et qui ont générale- ment la mâchoire inférieure plus allongée que la supérieure, nous avons à placer ces genres bien tranchés que M. Cuvier a établis sous des noms bien connus et adoptés en ichthyolo- gie. Ils forment cependant un second groupe qui peut être caractérisé par la saillie du museau au-devant de la mâchoire supérieure. Cette saillie, due au prolongement de l'ethmoïde, fait que les intermaxillaires ne sont plus pla- cés en travers sur le devant de la bouche comme dans les vrais harengs, mais qu'ils sont couchés sur les côtés. C'est le caractère le plus CLUPÉOÏDES. 17 apparent des Anchois, qui présentent dans tout ce groupe des Clupéoïdes une excep- tion fort remarquable. Le ventre de quelques espèces n'est point dentelé; il est cepen- dant impossible quand on place à côté l'une de l'autre, comme nous pouvons le faire, un aussi grand nombre d'espèces, de séparer les Anchoiïs sans dentelures de ceux qui ont le ventre caréné et dentelé. M. Cuvier a caractérisé sous le nom de Thrisse les Mystus de Lacépède, en ajoutant au caractère de la réunion de lanale à la caudale celui qui est fourni par le prolongement des maxillaires. J'ai adopté pour certaines espèces de l'Inde, dont les rayons de la pectorale se prolongent en longs filaments, la coupe générique établie par M. Gray sous le nom de Coïlia Les Odonthognates sont des Mystus sans ventra- les; ils reproduisent dans ce groupe ce que les Pristigastres ont représenté chez les Clu- pées à mâchoire inférieure saillante au - de- vant de la supérieure. Les Notoptères vien- nent aussi se rapprocher de ces genres par leur longue anale réunie à une très-petite cau- dale, mais ils s'en distinguent par la forme de leur bouche et’ par la grosseur de leur museau. Outre les caractères des Clupées que nous retrouvons dans la bouche et dans le 20. 2 18 LIVRE XXI. ventre dentelé des Chatoessus, nous avons pour les distinguer le prolongement en long filet du dernier rayon de la dorsale. Tel est l'exposé des différents genres dont nous allons écrire successivement l’histoire. Ils composent une famille que nous considérons comme des plus naturelles en ichthyologie. Le nom de Clupea, sous lequel les pre- mières espèces ont été réunies par Artedi, n'a, dans les anciens, comme la plupart des autres noms de poissons, qu'une signification indéterminée et même variable. Aucun passage de ces auteurs ne le fait concorder précisément avec les poissons qui portent aujourd'hui ce nom. Pline: dit que le Clupea est un très-peut poisson qui tue l'Attilus, c’est-à-dire lEs- turgeon du PÔ, en mordant une veine de sa gorge, ce qui se rapporte très-probablement à lAmmocet ou Lamprillon (Petromyzon bran- chialis, Linn.) On pourrait croire aussi que c'est une autre espèce de petite Lamproie, le Sucet (Petromyzon Planeri). Callisthène, au contraire, cité dans le Traité des fleuves du Pseudo - Plutarque*, prétend, au treizième livre des Galatiques, que le Clupea, ainsi ap- pelé par les gens du pays, est un grand poisson 4. PI, Liv. IX, ch. 15. 2. De fluvis, p. 130 et 131 , tom. X, éd. Reiske. CLUPÉOÏDES. 19 de la Saône. Il est blanc, quand la lune croît, et il devient noir dans son décours. Lorsqu'il est arrivé à toute sà grandeur, il se décom- pose lui-même par l'action de ses arêtes. C'est un récit fabuleux dont cependant le fondement pourrait se trouver en partie dans cette mul- titude d’arêtes qui remplissent la chair de l'Alose; et parce qu'après avoir frayé, les Aloses Haut si faibles quelles se laissent en- trainer, couchées sur le côté, au fil de l’eau. Plusieurs même périssent par suite de l'épui- sement causé par le frai. Cet auteur ajoute qu'on trouve dans sa tête une pierre sembla- ble à un grain de sel, excellente contre les fièvres quartes, si on l'applique, lors du déclin de la lune, aux parties gauches du corps. Massarius à imaginé le premier que le Clupea devait être l’Alose; mais il ne donne, ainsi que Paul Jove, qui l’a suivi, d'autre motif à ce sen- timent que la ressemblance assez éloignée du nom de Clupea avec celui de Chieppa que l'Alose porte à Naples, en Toscane et à Venise. On a voulu aussi rapporter au Clupea un vers d'Ennius cité par Apulée dans sa première apologie’ Omnibus, ut? Clupea, præstat mustela marina. 1. Tom. Il, p. 484, éd. Oudend. 2. On lit aussi et et Clupeæ. 20 LIVRE XXI. Mais il est évident par l'ensemble du passage dont lobjet est d'indiquer dans quel lieu chaque poisson est le meilleur, quil s'agit ici d’une ville et non pas d’un poisson, ainsi que l’a très-bien remarqué le père Hardouin. Les noms de Zhrissa, de Trichis ‘et de Trichias, ainsi que ceux de Membras et de Sardina ou Sardinia et de Chalcis, paraissent aussi, d'après l'ensemble des passages où il en est fait mention, ne pouvoir appartenir qu'à des poissons de cette famille. Un scholiaste d’Aristophane en:attribue déjà l'origine aux arêtes fines et en forme de cheveu (Se) qui remplissent leur chair. Aristote * présente le Membras, le Trichis et le Zrichias, comme différents âges d’un même poissôn : «de l'Apua de Phalère, dital, (et Apua est pour lui tout petit poisson qui vient de naître) viennent les Membrades, des Membrades les Trichides, et des Trichides le Trichias. Une autre sorte d’Apua du port. d'Athènes donne les Æncrasicholus.” Aristophane mentionne dans un endroit? le Tnichis, comme excitant la toux quand on en mangeait trop. Dans un autre il parle d’en 1. Hist. anim., NL, 15. 2. Dans les Harangueuses, v. 56. 3. Dans les Chevaliers , v. 662. CLUPÉOIDES. 21 donner cent pour une obole; dans un troisième passage * il le cite comme un objet d'approvi- sionnement pour les flottes; dans un qua- trième, conservé par Athénée?, il fait dire à un de ses acteurs : Malheureux que je sus de m'être plongé dans la saumure des Tri- chides. Toutes ces indications prouvent que c'était un poisson très-commun, et que l'on en faisait des salaisons. On peut donc sup- poser que c'était la Sardine, l’'Anchois ou la Melette; mais plus probablement les deux premières, dont les salaisons sont plus impor- tantes, et peut-être même ne devrait-on pas citer TERRE à cet endroit, puisqu'il est assez probable que les Grecs le désignaient par le nom d'Encrasicholus où d'Engraulis. Le Chalcis appartenait aussi à ces poissons voyageurs et vivant en troupes, dont on faisait des. salaisons. Aristote * le nomme expressé- ment parmi les poissons voyageurs, et même Callimaque, cité par Athénée, dit que les habitants de Calcédoine donnaient le nom de Chalcis à la Trichide. Il faut cependant remarquer qu'Aristote parle dans un autre endroit (iv. VI, chap. 14) d'un Chalcis flu- Î. Les Acharnes, v. 51. 2. Olgades, cons. par Athénée, liv. VI. 8. Hist. anim., iv. V, ch. 9. 29 LIVRE XXI. viatile, très- probablement différent du pre- mier, puisqu'il lui attribue un autre nombre de ponte par an. Athénée' range aussi le Chalcis parmi les poissons qui ont beaucoup d'arêtes, et Pœnetes, cité par Athénée, prétend quil était le même que le Sardinia; mais cette assertion est au moins trop générale; car Co- lumelle : les distingue; il veut que l'on donne au poisson dans les viviers tabentes haleculas et salibus excæsam Chalcidem putremque Sardiniam. Peut-être même toutes ces varia- tions de nomenclature doivent-elles s'expli- quer par la différence des lieux d’où venaient les Sardines et autres petites Clupées que lon conservait. On peut croire aussi queïa diffé- rence des préparations qu'elles recevaient les faisaient changer de nom, comme nous nom- mons aujourd'hui le même poisson Cabeliau, Morue et Stock-fisch, selon qu'il est frais, salé ou séché. | Dans aucun cas on ne peut appliquer un seul de ces noms au Hareng, comme l'a voulu faire Belon, puisque le poisson n'existe pas dans la Méditerranée. . Le scoliaste d'Aristophane à cru que le Thrissa pouvait être le même que la Trichide ; 1. Liv. VII, p. 328. 2. De re rust., liv. VIL, ch. 47. CLUPÉOÏDES. 93 mais cette assertion n'est pas exacte. Aristote parle du Thrissa et du Trichis comme de poissons distincts, et Athénée” disant que le Thrissa, le Trichis et le Chalcis se ressem- blent, indique bien qu'ils n'étaient pas les mêmes. Gaza a traduit le Thrissa d'Aristote par Alosa, et Gilius nous assure que c'est le nom que l’Alose porte chez les Grecs mo- dernes. En effet, si l'on excepte un passage d’un ouvrage perdu d’Aristote, cité par Athé- née, et où il aurait dit que le Thrissa, l'En- crasicholus, le Membras, le Trichis ne chan- gent point de lieu, les autres passages des an- ciens sur le T’hrissa n'ont rien qui empêche de croire que ce nom se rapporte à l'Alose. Le texte d'Aristote me paraît même avoir été altéré; car il serait très-singulier que cet émi- nent naturaliste eùüt nié le changement de lieux de la part de poissons qui sont tous essentiellement voyageurs. Oppien a rangé positivement le Thrissa avec le Chalcis, et VAbramis parmi les poissons qui voyagent en troupe. Dans un autre endroit d'un ou- vrage également perdu, dont Athénée*? rap- porte une citation, Aristote disait que le 1. Liv. VIL, p. 328. 2. Liv. VII, p. 828. 24 LIVRE XXL T'hrissa est nommé Orchestride, parce qu'il aime la danse et le chant; or, Élien’ assure que les habitants des bords du lac Marotis attirent les T’hrissa au son des instruments, et quils viennent, comme en dansant, se prendre dans les filets. Ce qu'il y a de remar- quable, c'est que Vincent de Beauvais et Albert le Grand racontent précisément la même chose des Aloses de la Belgique et de la Basse- Allemagne. Albert dit en avoir été témoin oculaire. Ces traditions populaires n'ont pas même été oubliées par Lafontaine. Dorion, cité par Athénée*, mettait le Thrissa dans les poissons fluviatiles. AthénéeŸ compte aussi le Thrissa parmi ceux du Nil. Strabon* con- firme cette assertion, car il prétend, d’après Aristobule, que le @eisox, le Muge et le Dau- phin sont les seuls poissons de mer que la crainte du crocodile n'empêche pas de re- monter le Nil. Or, l'Alose habite la mer, remonte dans les fleuves et se trouve effecti- vement dans le Nil M. Geoffroy Saint-Hilaire en à rapporté des individus qui sont en- core déposés dans le Cabinet du Roi. Enfin, 4: ÉL., Ki. "VE, 16h-"39: 2. Liv. VIT, p. 328. 3. Liv: VII, p. 312, 4, Liy. XV, p. 107. CLUPÉOÏDES. 2h Athénée place le Thrissa, d'après Hicesius, avec le Chalcis, l'Hircus et l'Aïguille parmi les poissons dont la chair est sèche, peu grasse et remplie d'arêtes; toutes choses qui con- viennent assez bien à l’'Alose. Mais Aristote dit dans un autre endroit que le Thrissa ne se trouve point dans l'Europe, non plus que tous les poissons qui ont le plus d'arêtes. Le nom d’Alose, Ælausa, se montre pour la première fois dans le poëme de la Moselle d'Ausone : Stridentesque focis opsonia plebis alausas ; mais il est assez singulier qu'il n’en fasse qu'un mets du petit peuple. Il n'y a pas de doute sur les noms anciens de l’'Anchois. On l'appelait également Æncra- sicholus, Engraulis, Lycostomus et Eriti- mus. Élien, livre VITE, chapitre 18, témoigne de la synonymie de ces trois premiers noms, en même temps qu'il décrit assez bien le pois- son et ses habitudes pour le faire reconnaître. C'est celui de Avxoorouos que les Grecs mo- dernes lui ont conservé; il vient sans doute de la grande ouverture de sa gueule. Celui d'ÉyYemofxorcs, qui signifie le fie dans la tête, 4. Liv. IX, ch. 87. 2. Aus., Mos., v. 121. 26 LIVRE XXI. tient sans doute à ce que, pour préparer l'An- chois, on lui arrache la tète en même temps que le foie et les intestins. ÉyyeævAls en est pro- bablement une contraction. Æritimus n'était qu'un autre nom de l'Anchoïs, LPÉCRERIEES usité à Chalcédoine, selon Glass Il resterait à parler de 4pua ou Aphya; et de l'Æalec ou alex. Nous avonsdéjà vu qu'on nommait Æpua le nouveau frai de toute es- pèce de poisson, comme-en Normandie on appelle Montée le frai de l'Anguille, sur les côtes de Provence et d'Italie, Nonnato le frai des Athérines, des Muges; comme l’on appelle dans la Tamise le Æhuite-bait, cette petite espèce de Clupée, que l'on estime surtout lors- qu'elle n’a qu'un pouce à un pouce et demi de longueur. On voit même par les passages FR cités plus haut, que l'on em- ployait comme synonymes de Pre tous ces petits Æpua. _ Quant aux noms de alex et de Hale- cula, ils désignent, en latin, tous les petits poissons que l’on salait. C'était encore une sorte de liqueur ou de garum corrompu. Le nom d'Æalecula s appli- Œuait aussi à un petit poisson peu estimé que lon conservait dans le sel, et que Columelle 1. Athénée, liv. VIX, p. 329. CLUPÉOÏDES. 7 conseille de donner au bétail qui a quelque dégoût pour les aliments. En rapprochant les différents passages que Rondelet où Gesner ont extrait d'Ovide, de Martial et autres sur Halex et Halecula, on voit quils n'enten- daient point appliquer ces noms à une espèce particulière de poisson. Le nom de //areng ou de Harengus n'é- tant certainement nigrec ni latin, il est évident qu'on ne doit pas en parler dans cette dis- cussion sur les dénominations anciennes des Clupées. J'ai rapproché ici toutes ces citations qui se rapportent à la synonymie ancienne de nos Clupées, sur laquelle on ne peut avoir que des présomptions. Elle reste, dans ce cas, comme pour toutes les autres synonymies grecques ou latines des poissons, toujours in- certaine, parce que ces pères de l'histoire na- turelle n'ont jamais cité que les habitudes des animaux. Îls en rapportaient souvent les traits essentiels mêlés ou altérés par les croyances populaires ou par cet amour du merveilleux que les hommes qui ne sont pas physiciens ou naturalistes exacts, mélent presque tou- jours à leurs RO Rte 28 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. CHAPITRE PREMIER. Du genre Harexe (Clupea, Cuvier). Je commence l'histoire des Clupéoïdes par celle du genre qui comprend le hareng, parce que c'est de tous les poissons de cette famille celui qui est le plus connu et le plus utile à l'homme. Les caractères de ce genre reposent, d'après Les principes que j'ai établis plus haut, sur la dentition de ces Clupées. Je ne classe dans ce genre que les espèces qui ont de petites dents sur les intermaxillaires, des crénelures si fines aux maxillaires qu'elles sont plus sensibles au tact que visibles à l'œil nu. [l y à aussi de petites dents sur le pour- tour de la symphyse de la mâchoire inférieure qui dépasse la supérieure. Des dents plus fortes et plus faciles à voir existent sur le vomer et y sont implantées sur une bande longitudinale. Üne autre bande semblable et correspondant à celle-là hérisse la langue. Il n’y a que deux ou trois petites dents sur le bord externe des palatins; elles tombent même si facile- ment, que sans des observations attentives et répétées, on pourrait croire que ces os. sont lisses comme les ptérygoïdiens. Le corps des espèces du genre Hareng est allongé, le dos est arrondi, les flancs sont épais et le CHAP. I. HABENGS. 39 ventre est plus ou moins comprimé ou tran- chant, selon que lon observe un individu pêché pendant qu'il est plein ou après qu'il a frayé. La dorsale est petite, attachée sur le milieu de la longueur du corps; les ventrales répondent à cette nageoire; les pectorales sont petites; l'anale est très-basse. Le canal intes- tinal ne fait que deux replis; il a de nom- breux cœcums. L’estomac est un sac conique. La vessie aérienne est grande, pointue aux deux extrémités; elle communique par un canal long et très - étroit avec la pointe de l'estomac. Je ne connais encore qu'un petit nombre d'espèces de ce genre, qui ont été jusqu'à moi confondues sous le nom de Clupea harengus. Il faut d'ailleurs remarquer que sous cette dé- nomination linnéenne, Artedi et ses succes- seurs avaient compris plusieurs autres poissons qui sont pour moi de genres différents. Je conserve à ce genre le nom de Clupea que M. Cuvier a pris d’Artédi, en restreignant la signification que cet ichthyologiste et Linné lui attribuaient. Cette expression générique recoit aujourd'hui dans notre ouvrage une ac- ception nouvelle et différente de celle que ces trois grands naturalistes lui assignaient. Mais, comme M. Cuvier entendait l'appliquer plus 30 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. spécialement au hareng, je crois devoir conser- ver ce qui a été la première pensée de l'auteur du Règne animal. Je suis en cette circonstance la règle que je n'ai pas encore manqué d'ob- server pour mon illustre maître, ou pour les savants naturalistes dont j'ai cru nécessaire de modifier les travaux. Du HARENG COMMUN. (Clupea harengus , Linné). Le hareng d'Europe est une espèce des plus célèbres à cause de sa fécondité, des services qu'il rend à l'industrie, et je dirai même à cause des récits merveilleux que lon ajoute à son histoire. IL est familier à tous les peu- ples qui habitent sur les bords de l'Océan jusqu’auprès du pôle arctique, et qui se bivrent à sa pêche avec un courage aussi audacieux qu'infatigable. Le commerce le répand, con- servé par les préparations que l'homme sait lui faire subir, dans presque toutes les parties du monde. Par son inépuisable fécondité le hareng est une de ces productions naturelles dont l'emploi, comme le dit M. de Lacépède, décide de la destinée des empires. La graine du caféier, la feuille du thé, les épices de la zone torride, le ver qui file la soie, ont moins influé sur les richesses des nations que CHAP. I. HARENGS. 31 le hareng de l'Océan septentrional. Le luxe ou le caprice demandent les premiers, le be- soin réclame le second. La pêche de ce poisson fait partir chaque année des côtes de France, de Hollande, d'Angleterre, des flottes nom- breuses pour aller chercher dans le sein d’une mer orageuse la moisson abondante et assurée que ses légions innombrables présentent à la courageuse activité de ces peuples. Les grands politiques, les plus habiles économistes ont vu dans la pêché du hareng la plus importante des expéditions maritimes, ils l'ont surnommée la grande pêche. Elle FE des hommes ro- ee. des marins intrépides, des navigateurs expérimentés. L'industrie qui sempare des produits de ces pêches, sait en faire l’objet d’un commerce, source de richesses inépuisa- bles. Mais avant d'examiner ce que ces grandes entreprises peuvent procurer de bien-être à l'homme, il est naturel de commencer par décrire scientifiquement un poisson que tout le monde connaît, mais que bien peu ont étudié. Les diverses proportions du hareng varient selon les individus que l’on examine, suivant les saisons. En les prenant d’abord sur des harengs pleins, on trouve qu'un mâle a la ligne du profil supérieur très- peu convexe; celle du ventre est au contraire tout à 3 D LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. fait concave; la hauteur fait le cinquième de la longueur totale; j'ai, à côté de lui, une femelle, également pleine, dont la hauteur est cinq fois et un tiers dans cette même longueur totale. Le dos est épais et ar- rondi; la plus grande épaisseur est deux fois et demie dans la hauteur. J'ai observé cependant parmi tous ces harengs, que l’on apporte aux marchés, des indi- vidus dont le corps paraît beaucoup plus allongé, parce que la courbure du ventré est moins pronon- cée; ils sont cependant pleins : la laite sort sous la plus faible pression. La hauteur est contenue six fois dans la longueur totale. Ces harengs allongés sont ceux que les marchands appellent communément les harengs de Calais; ces changements de propor- uon sont peut-être dus à ce que les premiers n’ont pas encore commencé à frayer, tandis que les au- tres, plus septentrionaux, auraient déja lâché une partie de leur frai. La longueur de la tête est contenue cinq fois et un tiers dans la longueur totale des individus qui ont le corps trapu, et je ne la trouve que cinq fois dans la longueur de ceux qui ont le corps plus étroit et plus allongé. Toutefois en rapprochant un nombre considérable d'exemplaires, et en les examinant avec soin pour voir si l’on pourrait trouver quelques dif- férences assez constantes pour la considérer comme un caractère spécifique, on ne tarde pas à se con- vaincre que ces légères différences ne sont qu'indi- viduelles. L'œil est assez grand, un peu ovale : son plus grand diamètre serait plutôt oblique et perché en CHAP. I. HARENGS. 35 avant que vertical. Le cercle de l'orbite n’entame pas la ligne du profil, quoique Poil soit tout à fait sur le haut de la joue. Une double paupière adipeuse est étendue sur la cornée; l’antérieure recouvre le premier sous-orbitaire que lon ne voit que par transparence ; la seconde va toucher l’angle supé- rieur du préopercule. L’orbite est cerné en des- sous sur quatre sous-orbitaires, et en dessus par un sourcilher; mais Comme ces os minces ne se voient bien que par la dissection, nous y revien- drons en décrivant le squelette. | Le préopercule est mince comme une écaille; son angle est arrondi; son limbe, large, est sillonné par de petits filets anastomosés, formant des rivulations qui ne gagnent point les sous-orbitaires. Cet os couvre la plus grande partie de la joue; il ne laisse voir qu'une très-petite portion de linteropercule, qui est mince, étroit et arrondi près du sous-oper- cule; celui-ci est irrégulièrement triangulaire; son angle postérieur est aigu ; le bout de réunion avec lopercule fait une sinuosité très-ouverte. L’opercule est irrégulièrement quadrilatère; son angle supérieur est arrondi; sa surface est lisse et sans aucunes stries ; c'est ce qui sert à le faire distinguer, par les mar- chands, de la sardine adulte, qu'ils amènent à Paris sous le nom de arenos de Berck. Nous revien- drons sur ce caractère en décrivant celte espèce de Clupéoide. Il «n'y a pas de bord membraneux à lopercule. L'ouverture de la bouche est assez large ; elle est surlout agrandie par la mobilité et la protraction 20. 3 34 * LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. \ du maxillaire; cet os est complexe dans le hareng, car il est formé de trois pièces : la plus grande ou le maxillaire principal a toute sa portion, ou, si lon aime mieux, tout son corps dilaté en une pe- tite lame mince qui donne en avant une apophyse styloïde étroite et courbée pour aller rejoindre, par une tête un peu élargie, l'ethmoide, et s’articuler ainsi au crâne, Cette tête a en même temps deux facettes, l’une postérieure pour les palauns, l'autre supérieure pour s'unir aux .intermaxillaires. Les deux autres pièces supplémentaires sont placées en arrière de celui-ci; l’antérieure est longue et étroite, à peu près d'égale largeur partout, et s’ar- ticule à l’endroit de la flexion de la portion articu- laire du maxillaire principal. La troisième s'articule avec cette seconde pièce par un stylet grêle; elle se dilate ensuite en arrière en une petite palette ovoide qui ne dépasse pas l’extrémité du maxillaire prin- cipal. Ces trois os ont un canal osseux qui les tra- verse dans toute leur longueur. L'intermaxillaire est extrêmement petit, sans branche montante, à peu près triangulaire. La mâchoire inférieure a*des branches minces et très-élevées. L’articuläire se dé- tache facilement des pièces antérieures: on peut dire de sa forme qu’elle est plus triangulaire, tandis que celle du reste de la branche serait plutôt trapézoi- dale. On trouve une lèvre inférieure, épaisse et dila- tée, mais il n’y en a point à la mâchoire supérieure. La narine du hareng est une assez grande cavité, en partie recouverte par la membrane adipeuse qui forme la paupière; elle se prolonge presque autour CHAP. I HARENGS. 35 de la demi-circonférence antérieure de l'orbite, de sorte que, par l'insufflation, on voit toute la région antérieure se soulever. Il y a, comme dans tôus les poissons, deux ouvertures à la narine, mais telle- ment rapprochées l’une de l’autre qu’elles ne sont séparées que par une petite bride, ce qui rend l’anté- rieure très-difhcile à apercevoir. L'ouverture posté- rieure est Ovale, assez grande, Un très-petit os nasal est mobile au-dessus de ces deux ouvertures, que l'on trouve le long de l'extrémité du sourcilier. En faisant remuer cet os, qui est assez mobile, oh dé- couvre plus aisément les deux orifices de la narine. En soulevant la peau, épaisse, quoique transparente, on pénètre dans cette assez grande cavité au fond de laquelle on voit la petite rosette formée par les plis de la membrane pituitaire. Une portion assez longue du nerf de la première paire et plusieurs autres filets nerveux passent sous cette espèce de pau- pière. Cette anatomie, facile à faire, est très-jolie. Les dents des mâchoires sont d’une extrème pe- ütesse. Celles de l’intermaxillaire et de l'extrémité de la mâchoire inférieure méritent presque seules ce nom. On peut reconnaitre leur forme crochue; il y en a dix à douze-sur un seul rang, c’est-à-dire, cinq ou six de chaque côté. Les dents du maxillaire sont tellement petites qu’elles ne sont en quelque sorte que de très-fines aspérités. Celles du vomer, quoique très-petites, sont plus fortes; on les voit sur deux rangées à l'extrémité antérieure : elles for- ment là un peut groupe longitudinal, puis 1l existe à l'extrémité de chaque palatin quatre ou cinq pe- 56 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. tites dents crochues disposées les unes derrière les autres, et formant avec celles du vomer les trois peuts groupes des denis palatines. La langue est courte, obtuse, assez libre; elle est couverte d’une membrane épaisse, chargée de points pigmentaires. Sur le corps de l'os lingual il existe une petite plaque ovale, allongée, portant cinq à six rangées longitudinales de petites dents crochues plus fortes que celles des os déjà nommés. Je ne trouve pas de dents pharyngiennes. Les ouïes sont largement ouvertes; la membrane branchiostèce, ne dépasse point les rayons qui la soutiennent. Nous en comptons huit de chaque côté; les cinq externes sont grêles, les trois autres: sont larges et aplatis. d Le dessus du crane est étroit et 1l dévient même pointu entre les narines. La peau qui le recouvre est criblée de nombreux pores muqueux. [Fopercule s'étend en grande partie jusque sur l’ossature de l’é- paule qui est composée d’os gréles et étrdits. Comme ils sont cachés dans l'épaisseur des muscles, nous n’en parlerons qu’en décrivant le squelette. Les. nageoires sont petites La pectorale, étroite et pointue, est attachée vers-le bas près de la carène du ventre. La dorsale est sur le milieu de la lon- gueur du dos. La ventrale lui correspond parfai- tement. L'anale est basse et égale. La caudale est fourchue. B. 8; D. 18; À. 16; C. 23; P. 17; V. 9. Les écailles sont minces, en quelque sorte mem- braneuses : elles se détachent avec une telle facilité CHAP. I. HARENCGS. 37 qu'il est très-rare de trouver un hareng qui ne les ait pas perdues presque entièrement : elles sont de grandeur médiocre. J'ai observé que le nombre des rangées varie entre cinquante-trois et cinquante-neuf. Toute la portion libre est couverte de stries concen- triques si fines qu'on ne peut les apercevoir qu'à un assez fort grossissement. Ces stries semblent s’éva- nouir sur la portion radicale, sur laquelle on compte quinze ou seize rayons à l'éventail : ils sont extrè- mement fins et le plus souvent ils sanastomosent enire ‘eux. : J'ai dit que le dos du hareng était arrondi; son ventre est caréné, et la saillie de la courbure pa- raitra plus ou moins forte selon que l’on observera un poisson plein ou vide. La carène est soutenue par un ceftain nombre d’écailles phées en chevron, dont le sommet élargi forme le corps et l'axe de la carène. Les côtés dé cette ogive, prolongés en épines longues, grèles et très-pointues, embrassent le ventre. L’axe de la carène se prolonge en arrière en pointe imbriquée sur la pièce suivante; c’est ainsi que se trouve formé le tranchant du ventre des harëngs. La carène est étendue depuis la ceinture humérale jusqu'à l'anus. Les seize premières pièces sont petites et ce n’est guère qu'a la neuvième que lon commence à voir sailhr les pointes latérales ; ces petites épines grandissent jusqu'a la seizième qui répond à l'extrémité du rayon le plus court de la: pectorale : au delà et jusqu'aux ventrales toutes ces pièces sont grandes et de la forme que j'ai d’a- bord indiquée; puis en arrière de la venirale elles 38 ‘LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. diminuent de nouveau pour devenir presque rudi- mentaires auprès de l'anus. J'ai compté le nombre de ces pièces sur’ beaucoup d'individus, et j'en ai trouvé constamment quarante-deux. Un seul, venu de Brest, n’en avait que quarante, et un autre pris sur les côtes de Picardie en avait quarante-trois. Il me parait que les jeunes individus en ont moins que les adultes, car je Les ai comptées sur un grand nombre d'exemplaires de petite taille pêchés à Caen, à Cayeux, à La Rochelle, et je n’en ai trouvé que trente-Cinq. La ligne latérale est difficile à voir et à suivre à cause de la caducité des écailles, cependant on par- vient à s'assurer de sa présence et de sa direction sur des individus bien conservés : elle est fine comme un irait tracé par le milieu du corps, depuis le mastoidien jusqu’au milieu de la caudale. : La couleur du hareng vivant est un vert glauque sur le dos, glacé d'argent, les flancs et le ventre brillant de cet éclat métallique le plus vif; mais dès qu'il est mort le hareng change de couleur et son dos prend cette teinte bleue, qui est celle que lui attribueront toutes les personnes qui ne l’ônt pas vu sauter dans les filets du pêcheur. L'étude des viscères du hareng est aussi simple que les organes le sont eux-mêmes : Les branchies sont remarquables par la longueur des peignes qui forment les ratelures et qui sont disposés du côté de la bouche. Le cœur est peut, trièdre, son oreillette est fort grande et presque membraneuse,. CHAP. I. HARENGS. 39 Le pharynx s'ouvre par un assez large entonnoir qui donne dans un court œsophage et de là dans un estomac conique et pointu; à peu près au tiers | de sa longueur naït de la face inférieure la branche montante qui va presque toucher au diaphragme : elle se replie, et à cet endroit un changement d’é- passeur très-notable marque le pylore et le com- mencement du duodénum : cet intestuin est entouré de vingt appendices éœcales formant deux rangées de chaque côté du canal; les antérieures sont de moitié plus courtes que les dernières. L'intestin, re- tenu par un repli mésentérique d’une finesse extrême et qui est attaché dans le milieu de la gouttière de. labdomen, marche droit jusqu’à l'anus sans faire aucun repli: ses parois sont très-minces et sa ve- louté forme un nombre considérable de rides com- parables à des valvules conniventes, mais qui ne forment pas une lame en spirale continue comme: celle de l'intestin des Chirocentres ou de l’œsophage des Chanos. Le foie est petit, presque entièrement situé à la droite de l'œsophage; il est mince, triangulaire et terminé en pointe assez aiguë. Sous la branche mon- tante, la parte antérieure du foie s’épaissit un peu, et se porte vers le côté gauche; c’est sur cette por- uon que l’on trouve la vésicule du fiel assez grosse par rapport au volume du foie : elle est globulaire et presque adhérente sur l'intestin au delà du py- lore : le canal cholédoque est court. La rate est ob- longue, attachée sur l'intestin à l'endroit où il atteint l'extrémité des plus longues appendices pyloriques. 40 | LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. Les deux laitances, à l’époque où Je décris le ha- reng, remplissent presque toute la cavité abdominale: elles sont plus épaisses du côté du dos que vers le ventre : elles paraissent subdivisées en plusieurs petits lobules : elles se rendent chacune dans un conduit unique, qui longe la face supérieure du rectum et qui vient déboucher au delà de cet intestüin dans un peut conduit qui'a l'apparence d'une papille, mais qui ne peut être considéré comme une verge sem- blable à celle de plusieurs autres espèces de poissons. Les sacs ovariques sont de leur côté remplis d’une immense quantité d'œufs très-peu adhérents à toute : la face ventrale de ce sac; les deux ovaires débou- chent presque en mème temps et par un canal ex- cessivement court, au delà du rectum, dans une sorte de cloaque. En écartant les organes digesufs et génitaux, on trouve dans le haut de la cavité abdominale, à sa place ordinaire, une très-longue vessie aérienne étroite, pointue aux deux extrémités. La pointe de devant est longue et forme une sorte de véritable col tubuleux adhérent à la colonne ver- tébrale et terminé en un petit bouton arrondi; vers les deux tiers de la face inférieure de la vessie on voit. naître le canal pneumatique qui communique avec l'extrémité de la pointe de l'estomac dont il semble être la prolongation. Si lon insuffle l'intestin par le rectum, en ayant soin de fermer l'œsophage, on gonfle très-aisément la vessie et on peut la dilater beaucoup. Comme celle de tous les poissons, elle est formée d’une membrane propre excessivement mince et d’une seconde tunique extérieure fibreuse * CHAP. IL. HARENGS. 41 el argentée. Son extrémité antérieure remonte jus- qu’à la première vertèbre et touche au basilaire; elle est retenue dans sa posiuon non -seulement par le reph du péritoine ou par le ussu cellulaire qui l’en- toure, mais 1l y a encore de chaque côté de la base du crâne un petit ligament filiforme attaché d’une part à la membrane propre de la vessie et inséré par son autre extrémité sur le mastoidien. Je crois du moins que c’est bien à cet os qu'il prend son attache. Je me suis assuré par des sections répétées et par examen microscopique que cette bride est pleme et sa composition élémentaire est très - semblable à celle des ussus carulagineux. On disungue au moyen d’un fort grossissement de nombreux cysto- blastes. qui m'ont rappelé tout à fait ceux que l’on voit quand on. étudie la composiuon élémentaire des carulages. J’insiste avec beaucoup de soin sur la nature de cette bride, parce que presque tous les anatomistes sé sont trompés sur ce ligament, et qu'ils l'ont considéré comme un petit canal creux servant à établir une communication entre la vessie aérienne et l'intérieur de l'oreille. Je me suis assuré par tous les moyens anatomiques qui peuvent être employés, que cette communication n'existe pas plus dans le Hareng que dans la Sardine ou dans l'Alose. Aucune injecuon n'a pu passer de la vessie dans la boite cérébrale. J'ai ouvert.le crâne d’un hareng, et le sac de l’oreille d’un côté, et j'ai enlevé entièrement celui de l'autre côté. J’ai rempli d’air la vessie en l’in- jectant par l’estomac. Pas une bulle d'air ne s’est échappée de l’organe, après que la préparation a été 4 / 42 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. plongée plusieurs jours dans l'alcool. Il ne peut donc rester de doute à cet égard; ces brides ne sont pas des tubes creux. En enlevant la vessie aérienne on trouve comme à l'ordinaire entre elle et la colonne vertébrale, les reins qui s'étendent depuis les grands sinus veineux de la tête jusque vers les quatre cinquièmes de dla cavité abdominale, et ils paraissent réunis en un seul lobe dans la plus grande partie de leur longueur; de l'extrémité sortent deux uretères, qui donnent dans une vessie urinaire cylindrique étroite, à parois très-grêles, derrière l'ouverture des organes de la génération. Les recherches que j'ai faites sur les organes de la circulation du hareng me prouvent que l'aorte, engagée dans l’étui que lui offre la colonne verté- brale, est d’un diamètre assez considérable par rap- port au volume du corps. Je lui vois donner la grande artère de l’estomac à peu près au septième de la longueur de la cavité abdominale, et, ce qui . est remarquable, c’est que ce vaisseau traverse le * grand sinus veineux rénal dès sa naissance, que, par conséquent, cette artère est baignée dès son Ôrigine par le*sang veineux. La branche qui longe . l'estomac et qui fournit à ce viscère est assez grosse ; elle donne un second rameau également considé- rable qui se perd dans le repli mésentérique des cœcums. Une autre remarque non moins impor- tante doit être faite à l'égard de l'artère des organes de la génération ou de la spermatique. Je la vois sorur comme une artère primitive de l'aorte même CHAP. I. HARENGS. 43 à peu près vers le milieu de la longueur de lab- domen. Dans la plupart des autres poissons que j'ai injectés, ce vaisseau sortait le plus souvent de la branche intestinale. Quant aux veines, on les voit, comme dans tous les poissons qui vivent à de grandes profondeurs, être en général fort grosses et se dilater: en des sinus qui sont surtout volumineux le long de la partie antérieure du rein à peu près pendant le premier uers de la longueur de cet organe, car en arrière je ne trouve plus à la grande ,veine-cave qu'un diamètre fort ordinaire. Le cœur, placé comme à l'ordinaire dans les poissons, est peut et trièdre; son oreillette est grande, très-mince et reçoit direc- tement les ouvertures des deux grands sinus de la tête. Deux valvules assez larges sont à chacun de leur orifice. Le squelette du hareng paraît composé d’un beau- coup plus grand nombre de pièces que celui de beaucoup d’autres poissons, à cause de la quantité considérable d'arêtes interposée entre les faisceaux musculaires. Il n’est pas impossible de ramener sa description, en ce qui touche les parties principales, à celles que nous avons faites du squelette des autres poissons en suivant la même méthode. Nous allons commencer par décrire le crâne; nous parlerons ensuite des os de la face. Il est étroit, pointu en avant et ayant la forme irrégulière d’une pyramide à trois faces. Les deux frontaux principaux en cou- vrent toute la face supérieure ; ils sont relevés en carène au-devant des yeux et un peu concaves en arrière de lorbite. L’ethmoïde dépasse les frontaux 44 LIVRE XXL CLUPÉOIDES. | | et commence à former cette salle que nous voyons plus sensible dans les anchois et dans les espèces VOI- sines de ce dernier genre, parce que les côtés de cet os sont cachés dans le hareng par les intermaxillaires. Les pariétaux sont excessivement étroits et l’interpa- : riétal se trouve tout à fait rejeté et reculé sur la face occipitale du crâne. Il n’y a pas de crête interparié- tale. Les deux occipitaux latéraux sont assez larges ; ils portent tout à fait sur les côtés de la tête les deux mastoïdiens qui sont repliés sur eux-mêmes et font avec les occipitaux latéraux et la grande aile sphénoïdale une fossette analogue à la grande fosse que nous avons indiquée dans la carpe et qui se retrouve dans tous les autres Cyprins. Mais il y a de plus sous le bord externe du frontal un trou ovale fermé dans l'état frais par les membranes adi- . peuses de la tête. Ce trou communique directement dans l’intérieur du crâne. A la vérité, nous ne:trou- vons plus dans le hareng les grands trous ovales pratiqués à travers les occipitaux latéraux des Cy- prinoïdes. Le basilaire du‘hareng est oblong; sa face inférieure est relevée par deux petites crêtes osseuses qui se continuent avec deux lamelles semblables du sphénoïde et forment, à la face inférieure du crâne, une sorte de goutuère ou de canal presque entière- ment fermé. De chaque côté nous voyons la grande alle du sphénoïde s'étendre pour couvrir presque toute la paroi inférieure du crâne; elle est renflée en son milieu en une bulle osseuse assez saillante, complétement creuse, et qui n’a aucune cCoMmmunI- cauon avec l’intérieur de la cavité du crâne. J'insiste CHAP. I. HARENGS. 45 sur cette circonstance, parce qu'il me paraît que quelques anatomistes l’ont désignée comme l’oreille interne du poisson. Derrière cette saillie arrondie on voit un peut trou qui donne passage aux nerfs de la huitième paire, et c’est au-dessus et au delà que l’on voit s'attacher la lame imférieure du mastoïdien qui porte tout l'appareil de l'oreille interne comme c’est Vordinaire dans les poissons. C’est en arrière du trou de la huitième paire et au bas de la petite crête du basi- laire que l’on voit l'insertion du ligament de la vessie, En décrivant les parties extérieures du poisson a nous avons déjà fait connaitre la plupart des os de la face. Nous ajouterons que Île temporal et la caisse du tympan complètent au-devant du préopgreule la grande arcade ptérygo-palatine. Le jugal est étroit et triangulaire ; la caisse, un peu courbée en dedans, donne une apophyse lamellaire qui va rejoindre le corps du sphénoïde. La colonne vertébrale se compose de cinquante- cinq vertèbres, dont les trente-trois premières por- tent des côtes. De ces vertèbres abdominales les vingt-deux premières ont leurs apophyses trans- verses, écartées et distantes l’une de l’autre. Les dix qui suivent ont ces apophyses réunies par une bride osseuse, transverse, qui forme sous la colonne ver- tébrale le commencement de ce conduit annulaire, continué sous les apophyses épineuses et inférieures des vertèbres caudales et qui logent l'aorte. Comme les parois de ce vaisseau, quoique très-minces, sont assez fortement adhérentes à ces petites brides os- seuses, j'en ai profité pour injecter facilement le 46 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. système ar tériel des harengs, en faisant passer l’injec- uon par le conduit des dernières vertèbres caudales. Les côtes sont grêles; les deux pers vertè- bres n’en portent pas, de sorte que je n'en compte que trénte et une paires. Elles sont très-fines, et chacune d’elles s'articule par son extrémité infé- rieure aux apophyses styloides des os en V, que nous avons déjà fait connaître en décrivant les parues extérieures du poisson. L’extrémité supérieure de la côte porte une longue apophyse horizontale qui commence cette série des arêtes du hareng. Cette apophyse, articulée sur les vertèbres, devient un os distinct et séparé le long des muscles de la queue, chacune d'elles donne du de son milieu une pe- tite apophyse inférieure qui s'enfonce dans l’'inter- valle des muscles et donne attache à plusieurs de leurs faisceaux. L'on voit à la base des apophyses épineuses supé- rieures des premières vertèbres, de longues aiguilles, semblables à celles que nous venons d'observer le long” des côtes; elles sont toutes parallèles entre elles, dirigées un peu obliquement vers le dos du poisson, et des arêtes, semblables à celles que nous avons indiquées dans les muscles inférieurs de la queue, suivent en remontant vers le dos de cet organe. Enfin, le long de chaque côté de la queue nous trouvons une suite de petites arêtes courtes disposées longitudinalement. On peut donc retrouver facilement la disposition de ce nombre si considé- rable des arêtes du hareng, qui se compose de trente paires de côtes avec la série de leurs trente apo- CHAP. I. HARENGS. 47 physes horizontales, ayant au-dessus d’elles un même nombre d’arêtes attachées à la base des apo- physes épineuses supérieures; puis, de deux séries, l’une supérieure, l’autre inférieure, defflgente-deux paires d’apophyses interposées entre les faisceaux des muscles sacro-coccygiens, ce qui constitue donc autour de la colonne vertébrale, une double série d’arêtes comprenant au moins deux cent cinquante- six pièces. À ce nombre il faut ajouter vingt-quatre interépineux supérieurs, dont treize seulement se rapportent à la dorsale, et dix-huit interépineux inférieurs pour soutenir les rayons de l’anale. Je viens de donner avec détail la descrip- tion, aussi complète que j'ai pu la faire, d'un poisson qui vient par millions dans l'intérieur de nos villes, et qui, à l’état frais, est servi sur presque toutes les tables. Nos marchés de Paris sapprovisionnent de harengs péchés dans la Manche et expédiés principalement des ports de Dieppe et de Calais. Chacun de ces ports réunit les pêches des bassins de l'Océan qui les environnent. Il faut bien que ces bas- sins aient chacun des variétés particulières de harengs; car les marchands savent très-bien distinguer par l'aspect, la provenance de ces poissons. Il n’est pas difficile de reconnaitre, avec un peu d'habitude, le hareng de Calais, qui a le corps allongé, un peu aplati ou com- primé sur les côtés et de le distinguer d'u hareng 48 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏIDES. de Dieppe, qui est plus arrondi et plus trapu. Je Res ces différences de formes exté- rieures dépendent de l’époque variable du frai du ci Nous verrons plus bas que quelques naturalistes croient à deux espèces de harengs. Les plus grands exemplaires que nous rece- vons sur nos marchés, n’ont guère que dix pouces à dix pouces et demi de longueur; mais nous voyons le hareng atteindre à des dimen- sions beaucoup plus considérables dans Îles mers du Nord. Nous en avons recu du Musée de Berghem de treize pouces et demi de lon- gueur. J'ai examiné avec le plus grand soin ces grands individus, et je n'ai pu y décou- vrir la moindre différence spécifique. Une remarque qui est importante, € c'est que dans ces mers septentrionales, jusque dans la mer Blanche, tous les individus ont une gros- seur invariable, toujours supérieure à: celles de nos harengs de la Manche, dont les petites dimensions sont également constantes. N'est- ce pas une des preuves négatives les plus évi- dentes à opposer au système migratorial des harengs? Peut-on concilier dans cette hypo- thèse la grosseur invariable des premiers avec la petitesse constante des seconds, et admettre en même temps que nos bassins de la mer du Nord où de la Manche se remplissent d'indi- CHAP. I. HARENGS. 49 vidus venant en légions innombrables des ré- glons polaires ? I] faut nécessairement admettre la Ridenre de ces poissons sur des fonds différents où la diversité de la grandeur et de la grosseur con- stitue autant de variétés ou de races qui se perpétuent par voie de génération. On attri- buera sans doute ces différences de taille à l'influence climatérique, explication très-vague, quoiqu’elle semble satisfaire d’abord l'esprit, qui se contente souvent d'une réponse peu solide, si elle ne répugne pas à la raison. Mais que l’on sonde les difficultés du problème, on voit notre ignorance: d'un phénomène aussi extraordinaire déguisée par l'incertitude de ce gramd mot. Comment concevoir, en-effet, que par la seule influence du climat, la nourriture assimilée dans la nutrition intime par telle plante, lui fasse prendre un développement considérable dans une région, et rester petite ou rabougrie dans telle autre, où cependant elle végète, elle développe ses organes de reproduction et où elle remplit, comme l'autre, les mêmes phases de conditions vitales, sans atteindre jamais à la même grandeur ? Nous voyons ordinairement les individus d’un ani- mal devenir souvent de plus en plus petits, à mesure qu'ils s'avancent de nos climats plus 20. De b0 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. chauds vers les régions polaires. Dans l'espèce des Harengs, c'est un phénomène inverse. Le poisson est de grand auprès du cercle polaire. que dans nos mers qui baignent nos côtes plus tempérées. Ün phénomène semblable a lieu chez les fucacées dans le règne végétal, les lami- naires décroissent en avançant 1 pôle vers nos côtes où la température est plus douce. Il sem- ble que la nature se prépare à faire disparaître ces espèces en sapprochant encore des régions plus méridionales. Ces phénomènes tiennent aux lois inconnues de la fixité et de la distri- bution des espèces sur la surface de la terre. Dans ces expériences que la nature nous montre toutes faites, nous trouvons la preuve que l'homme peut quelquefois, par son industrie, transporter momentanément certaines espèces, mais qu'il ne peut les établir indéfiniment dans les localités où la nature ne les a pas créées. J'ai porté mon attention sur ces nombreux petits poissons dont la longueur varie depuis trois pouces jusqu'à six et qui se vendent sur nos marchés de Dieppe, de Caen, d'Abbeville, de Calais, sous les noms de Harenguettes et de Blanches. Quoique les réunions de ces petites clupées soient formées de plusieurs espèces confondues ou mal déterminées même par les pécheurs, jai reconnu parmi elles, en exa- CHAP. I. HARENGS. 51 minant leurs dents, les jeunes de l'espèce du hareng commun. Les petits poissons que M. Baillon nous a envoyés, sous le nom de Blanches, de la baie de la Somme, et qui y pullulent pendant les mois de juin et de juillet, ont la dentition et le nombre des vertèbres du hareng adulte. On ne peut donc se refuser à les Fit comme de jeunes harengs. J'ai retrouvé les mêmes caractères sur les petits harenguets, envoyés aussi pendant l'été de Caen par M. Lamouroux ; ils établissent que ceux-ci ne sont nt que les jeunes du hareng. M. Eudes Deslongchamps, professeur à la fa- culté des sciences’ de cette ville, a eu aussi: l'obligeance de m'envoyer récemment et à ma prière une quantité considérable de ces petits. harenguets. Dans ce grand nombre de poissons, je n'ai trouvé qu'une seule petite Melette, tous les autres étaient de l'espèce du hareng. Ce savant professeur a été aidé dans ces nouvelles recherches par M. le docteur Fourneaux. Je me fais un devoir de donner à ces amis des sciences le témoignage de ma gratitude. Je suis obligé d’insistèr sur ces déterminations, parce que je trouve dans les notes que M. Baillon me transmettait, en menvoyant les Blanches du Crotoi, que les pêcheurs de la côte les regardaient comme d'une espèce distincte. 52 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. Elles entrent dans la baie au commencement du printemps, et elles y restent pendant tout l'été. Les pêcheurs ne prennent*pas ce fretin : habitude fort heureuse; car, sil en était autre- ment, on verrait diminuer très-promptement et d'une manière sensible les bancs du’ hareng adulte. Comme ces Blanches sont très-abon- dantes dans la baie, elles servent presque exclusivement de ‘nourriture au sterna mi- nuta, qui niche en très-grande quantité à la pointe du Hourdel. On voit, à cette époque des nichées; ces petites hirondelles de mer senvoler avec une petite clupée dans le bec pour la porter à leurs petits. Ces Blanches ou. ces Harenguets ne sont donc pas une espèce particulière, mais le frai de l'année précédente qui est resté sur la côte jusquà ce qu'il ait atteint une taille assez considérable pour s’en- foncer dans les profondeurs de l'Océan, d’où les individus ne sortiront peut-être que lors- qu'ils auront atteint leur entier développement et qu'ils seront en état de se reproduire. Le Hareng n'existe que dans l'Océan sep- tentrional; il commence à defÿenir très- rare dans le golfe de Gascogne; je vois cependant que M. d'Orbigny l'a trouvé à La Rochelle. Mais parmi les nombreux poissons que le Mu- séum a recu de ce zélé correspondant, il ne CHAP. 1. HARENGS. b3 s'est trouvé qu'un seul individu. L'espèce est donc rare à cet endroit. On pourrait établir que sa limite est vers l'embouchure de la Loire; au delà il n'y a plus que des individus égarés. Il est certain que l'espèce n'existe pas non plus dans la Méditerranée. Il y a dans la mer Noire une espèce particulière dont on fait un grand commerce à Odessa*#Cette observation est 1m- portante, car elle explique comment Salviani n'a pas parlé du Hareng. Belon qui a voyagé, comme on le sait, dans le Levant, à fait connaître un plus grand nombre de poissons de la Méditer- ranée que de la Manche. Quoique né en Nor- mandie, il a fort mal connu le Hareng, et il a ap- pliqué le nom de ce poisson à la Sardine, dont il a donné une assez bonne figure. Il dit que l'affinité du Hareng et de la Sardine est si grande que l'on peut à peine les distinguer par le dessin. Il est d’ailleurs facile de voir, en lisant son ar- ticle, qu'il n’a parlé du Hareng que de souvenir, et qu'il l'a constamment confondu avec la Sar- dire, en n'établissant d'autre différence entre ces deux espèces que celle de la grandeur. Rondelet' a donné du Hareng une figure qui est beaucoup moins bonne que la plupart des autres de son ouvrage. Ce qu'il y a d'im- 1, Rond., De pisc. fluv., p. 222. 54 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. portant dans son texte, c'est qu'il \ établit . déjà d’une manière positive que l'espèce du. Hareng habite seulement dans l'Océan, et que ceux-là se trompent qui croient avoir vu des harengs dans la Méditerranée. Ces observa- teurs prennent, dit-il, pour ces derniers pois- sons, d'autres espèces, désignées sous le nom de Trattæ parvæ. Celles-ci ressemblent tellement aux harengs et aux sardines qu'on peut les con- fondre facilement. Il m'est impossible de savoir ce que cet ichthyologiste, si remarquable pour son temps, appelle ainsi. Gesner' copie, comme à son ordinaire, Rondelet et Belon ; mais dans son corollaire il ajoute qu'on se trompe, en prenant le Sprat des Anglais pour un jeune hareng, et, le Pil- chard pour l’âge moyen; puis il essaie de dis- tinguer, mais sans le caractériser, un très-petit poisson de la mer du Nord, qu'il appelle Halec, et un autre que l’on pêche’ quand les harengs ont quitté le canal et quil nomme //arenga. Il dit aussi que les petits poissons, nommés à Marseille arengades, sont de petites aloses. Enfin, il ajoute à son texte une figure originale du Hareng, meilleure que celle de Rondelet et de Belon, On ne peut vraiment pas citer, 1. Gessn., de aquai., p. 408. CHAP. [. HARENGS. 5h pour les faire entrer parmi les synonymes d’une zoologie critique, les figures d’Aldrovande,eton peut aussi négliger Schôneveld * et Schwenck- feld°. Mais il faut donner une attention plus spéciale au petit traité publié à Lubeck, en 1654, par Neucrantz*, où l'on trouve des ob- servations importantes sur les mœurs et les ap- paritions des harengs dans la mer du Nord. Nous en reparlerons plusieurs fois, en écrivant l'histoire de la pêche de ce curieux poisson. Nous arrivons maintenant, en suivant l'ordre chronologique des auteurs, à Willughby“. Il donne une description détaillée du Hareng et indique les différentes variétés que les pêcheurs ou les commercants distinguent, selon les di- verses préparations qu'ils fontsubir à ce poisson. Après avoir mentionné les auteurs généraux qui ont écrit sur Le Hareng , nous arrivons à Du- hamel qui, dans son Traité des pêches, a con- sacré la troisième section tout entière à l'his- toire des poissons de cette famille. Il a pris l'Alose pour type principal de ce groupe, à cause de la grandeur du poisson, et il a con- sacré tout le chapitre III au Hareng en paru- 1. Schôn., p. 87. 2. Schw., p. 451. 3. P. Neucrantz, De harengo, exercitatio medica. 4. Will., p. 219. 56 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. culier. Après avoir donné des considérations générales sur le Hareng et sur les prétendus voyages de ces poissons, qu'il décrit. d’après Anderson, il fait connaître par une descrip- tion très-longue le Zareng plein, le Hareng gai, et il passe ensuite à ce qui faisait l'objet spécial de son ouvrage, à tout ce qui peut avoir rapport à la pêche du hareng, aux .Sa- laisons que l’on en fait ou à la manière de le saurir, et il renvoie dans un dernier chapitre la description d’un nombre assez considé- rable de petits poissons que ses nombreux. correspondants et la haute protection qu'il recevait du gouvernement d'alors, lui faisaient parvenir en nature, ou par des dessins que lui envoyaient les différents commissaires de l'amirauté. Il faut bien avouer quil a fort mal employé tous ses matériaux; car il laisse dans les plus grandes entisdtes sur tous les poissons qu'il a représentés aux planches XVI et XVII de cette section. Nous tâcherons. cependant d'y revenir aux articles spéciaux de chacune de ces petites espèces; et quant au Hareng en particulier, les deux figures qu'il a données sur la planche IV de cette même section, celle n° 1 d’un Hareng plein, et l'autre, n° 2, d’un Hareng gai ou vide, sont loin d'avoir l'exactitude qu'un zoologiste CHAP. I. HARENGS. 57 peut désirer, quoiqu'elles soient cependant plus reconnaissables qu'aucune des figures pu- bliées avant lui. Il résulte de ces observations que, si Duhamel a rendu service au commerce par les documents qu'il a pu donner dans son ouvrage, il na véritablement avancé en au- cune facon l’histoire naturelle du Hareng et dés espèces voisines. - Un peu avant Duhamel, James Solas Dodd, chirurgien de Londres, SEE un Essai de l'histoire naturelle du Hareng. Il n'était point naturaliste, et manquait en même temps d’une critique assez sévère pour suppléer par cette qualité à ce que l'absence de ses connaissances en histoire naturelle laissait à désirer. S'il eut rempli convenablement le plan qu'il s'était tracé, son petit traité spécial sur le Hareng eût été certainement fort utile; mais il s'est mal- heureusement plus étendu sur les propriétés médicales que sur ce qui avait rapport à l'his- toire naturelle de ce poisson, et l'on conçoit facilement d’après cela combien nous avons peu à tirer de cet ouvrage. Pennant, dans sa Zoologie britannique, a naturellement parlé du hareng; il en donne une description très-courte; il le croit un ha- bitant de nos mers septentrionales, qui émigre Jusque sur les côtes de l'Amérique, et s'avance » + 58 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. jusques vers la Caroline du sud; il croyait aussi qu'on le trouvait dans les mers du Kamtschatka ou du Japon. Adoptant les idées d'Anderson, il fait de même voyager le hareng par bandes réoulières, qui manœuvreraient en quelque sorte en ordre de bataille. Il a donc très-peu ajouté à l’histoire naturelle de ce poisson. Nous voilà arrivés à la grande Ichthyologie de Bloch, où l’article sur le Hareng tient une place importante. Il est le premier qui ait opposé quelque doute au récit merveilleux et ingénieux des migrations du hareng, et la raison qu'il én donne est déjà très-forte. Après avoir présenté quelques considérations sur les préparations, la pêche et les produits qu'elle fournit, après avoir montré que les cargaisons de Berghem emportent tous les ans près de cinq cents millions de harengs, que les Hollan- dais en détruisent trois cents millions, et après avoir ainsi suivi cette destruction vraiment prodigieuse chez les différents peuples de l'Europe, il-parle aussi de la préparation de ces animaux; et il termine son article par quelques documents sur le commerce du hareng, sur celui de l'huile que les Suédois tirent de ce poisson; mais, quant à l’histoire naturelle du hareng proprement dite et à celle des petites espèces voisines, il a vraiment très-peu avancé CHAP. I. HARENGS. 59 cette question ; car la description de l'animal nest pas à beaucoup près assez détaillée, et la figure qu'il a donnée du poisson n’est pas non plus exempte de tout reproche. C'est d'après Bloch et Duhamel que M. de Lacépède a composé son article du Hareng. Il a, comme à son ordinaire, adopté sans cri- tique ce que ses prédécesseurs en avaient dit, et, ce qui est remarquable, c'est que Noël de la Morinière qui correspondait avec lui et qui lui a donné des notes sur plusieurs es- pèces voisines de ces clupées, ne paraît pas Jui avoir communiqué celles qu'il avait réunies sur le hareng. ‘Je crois en trouver la raison dans le projet que cet auteur de l'histoire des pêches avait formé, mais qu'il n’a pointexécuté, de donner une histoire naturelle des harengs. Si de ces auteurs généraux nous passons à ceux qui ont écrit des faunes spéciales de diffé- rents pays, nous voyons le hareng cité dans tous les ouvrages qui traitent des contrées septentrionales. Ainsi, Linné le nomme dans le Fauna suecica', mais en copiant trop exac- tement la synonymie d’Artédi. Müller l'indique dans le Faura- danica’; Fabricius linserit AMPEAU, n°915. DiPr:495 m0 491: 60 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. dans sa Faune du Grœænland ; mais il remarque que ce poisson doit être compté parmi les plus rares de ce pays. On lui a dit cepen- dant que les harengs étaient plus communs sur les côtes australes, et Eggede' confirme, sous ce rapport, l'opinion de Fabricius, Je trouve toutefois le hareng indiqué dans le Fauna grœnlandica de M. Reinhardt, page 33, n° 31. Low*° l'indique aussi dans sa Faune des Orcades; Faber” en parle dans celle de l'Islande, et avant lui, Olavius“ et Mobr° n’ont pas négligé de signaler cette es- pèce dans leur ouvrage sur cette contrée. Il en est de même de Olafsen, Leem, Pontop- pidan, Strôm. Tous ces auteurs ont donné des documents précieux, qui ont, cependant, plus rapport à la pêche qu’à la véritable histoire naturelle du poisson. Faber a d’ailleurs manqué de justesse dans sa synomymie, en ajoutant Brunnich à la liste des Ichthyologistes qui ont - parlé du hareng. Ekstrôm a donné aussi une dissertation fort étendue sur ce poisson dans son Histoire naturelle des pêcheries du Môrk. - Egg. , Descript. du Grœnl., p. 69. . Low, Faun. Orcad., p. 226. . Fab., Faun. island., p. 182, n.° 2. + Olav., Island. Reise, p. 82, n.° 1. 9. Mohr, .p. 82, n.° 141. Æ ©) 19 LR CHAP. I. HARENGS. G1 Il y indique les différents noms et les divers états du hareng sur les côtes de Norwége. Nous trouvons aussi ce poisson cité par pres- que tous les naturalistes anglais; ainsi il faut ajouter à Pennantlesnoms de Turton', Couch’, Fleming *, Jennyns‘, Yarrell”; j'avoue à regret que je ne suis pas aussi content de la figure que ce savant ichthyologiste a donnée du hareng que de celle des autres espèces représentées dans cet élégant ouvrage. Il a dessiné l'ouver- ture de louïe avec une échancrure si pro- fonde au devant de la pectorale, et'il a fait les écailles si grandes, que s’il n'avait pas publié le Pilchard avec les stries caractéristiques de son opercule, j'aurais pris volontiers la figure sur laquelle je fais ces observations pour celle de cette espèce plutôt que pour la représenta- uon du hareng. C’est en profitant des nombreux renseigne- ments que ces auteurs mont fournis, et en mettant à profit les notes que j'ai trouvées dans: les manuscrits de Noël de la Morinière, où ce laborieux: antiquaire avait malheureusement Turt., Brit. Faun., p. 106, n.° 110. Couch, Poiss. de Corn. linn. soctet. transact., 86. . Flem., Brit. ann., p. 182. . Jenn., Brit. verteb., p. 434, n.° 116. . Yar., Brit. fish., p. 110. on # 09 19 = Ce 62 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. inscrit un grand nombre d'erreurs à rectifier, que j'ai essayé de composer l'histoire naturelle de ce poisson. | | Presque tous les naturalistes et les voyageurs s'accordent à dire que le hareng se trouve éga- lement sur les côtes d'Amérique comme sur celles d'Europe. Plusieurs ont même rap- porté, d'après Anderson, que les légions in- nombrables de ces poissons sortant des mers* du Nord, se séparaient en deux grandes co- hortes lorsqu'elles étaient arrivées à la hau- teur de l'Islande, et que l'une d’elles allait remplir les vastes baies de l'Amérique sep- tentrionale. S'il en était ainsi, il s'ensuivrait que le hareng apparaïtrait sur les côtes amé- ricaines à peu près à la même époque que ce poisson vient se montrer sur les côtes d'Europe; or, c'est à la fin de maïs ou en avril que la baie de Chesapeake est remplie de harengs, tandis que c’est pendant l'hiver qu'ils apparaissent sur les côtes d'Europe. Mais, d’ailleurs, ce qui tranche d’une manière bien plus évidente la question, c'est que nous donnerons dans un des articles suivants là description du hareng de ces contrées, et l'on verra quil est d’une espèce certainement distincte. | On prétend que le hareng meurt aussitôt * CHAP. I. HARENGS. 63 qu'il est sorti de l'eau; qu'on essaierait en vain de le rappeler à la vie en le tirant du filet et en le rejetant à la mer. Cette assertion a obtenu un tel crédit qu'elle a donné lieu à plusieurs proverbes : 4s dead as a herring, disent les Anglais. M. de Lacépède a même essayé d'ex- pliquer, par de très-longues considérations physiologiques, fondées sur la grandeur de l'ouverture branchiale du hareng, la cause de _ cette mort prétendue si prompte. Lie fait est que cette assertion est tout à fait exagérée. On trouve déjà plusieurs remarques dans quelques auteurs qui ont écrit sur le hareng, qui la combattent victorieusement. Neucrantz' a vu un hareng vivre encore plus d’une heure après qu'il eüt été mis sans précaution et avec d’au- tres poissons de son espèce sur une voiture qui venait de parcourir un mille d'Allemagne. Sagard”, missionnaire en Canada, observe qu'il a vu des harengs sauter sur le tillac lorsqu'on ramenait les filets, et cela pendant assez long- temps avant de mourir. Noël de la Morinière dit qu'il a vu des harengs vivre deux à trois heures hors de l’eau, qu'il en a tenu dans ses mains et qu'il les y a vus vivre pendant plus 1. Neucr., Exercit. med. de harengo, p. 21. 2. Sag., Hist. du Canada, IL, p. 155. 64 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. d'une demi-heure. J'ai vu également, à Dieppe, apporter des harengs pris dans des parcs assez éloignés de la ville; ils sautaient dans les pa- niers, quoiqu'il y eût eu plusieurs heures que les poissons étaient tirés de l'eau. Il faut, d'ailleurs, faire attention que cette assertion n’est répandue que d’après les rapports des pêcheurs au grand filet. Or, ils retirent les poissons étranglés dans les mailles,’ où ils se sont encolletés, de sorte que, dans ces cir- ‘ constances, les poissons meurent sous l'eau, pas un seul n’en sort vivant. Îl est certain que la vie des harengs, quoique moins tenace que celle d'un grand nombre d’autres poissons, peut se prolonger plus qu'on ne Îe croit com- munément. Ils résistent beaucoup plus que l'Alose, qui meurt presque immédiatement dans. le filet. Noël a fait, d’ailleurs, quelques expériences qui montrent que la tenacité vitale du hareng permet quelques mutilations, aux- quelles il ne succombe pas plus vite que les autres poissons si on tient les individus dans l'eau. Il leur a coupé les nageoires; il leur a ouvert l'abdomen, et il a vu les epercules battre pendant vingt-neuf minutes. On sait aussi que le hareng peut rester emprisonné sous la glace: c'est même un moyen de pêche dans certaines baies de la Norwége. CHAP. L HARENGS. | 65 Presque ‘tous des pêcheurs s'accordent à dire que le hareng jette un petit: cri avant de mourir. Anderson a fait la même remarque en Écosse. Les: Anglais appellent squeack, ce bruit qui est une onomatopée assez exacte du son que le hareng produit. Noël de la Morinière assure l'avoir entendu. Je: n'ai pas eu occasion d'être témoin de ce fait; mais il ne m'étonne pas, parce que jai souvent entendu le bruit que rendent les Barbeaux, (Cyprinus barbus), et il me paraît tout à fait comparable à ce que a viens de rapporter du hareng. : Cette clupée ne parait pas remonter régu- hèrement dans les rivières d'Europe comme le font les aloses. Si quelques auteurs admettent que-le hareng entre dans les rivières du nord de l'Asie ou du nord de l'Amérique, c'est qu'ils confondent des espèces étrangères, même au genre du hareng, avec le poisson dont nous parlons. Cependant on trouve quelques ob- servations qui semblent établir que quelque- fois des radeaux de harengs s’avancent assez loin dans nos fleuves. Ainsi, Bock a conservé le souvenir qu'en 1733 des harengs entrèrent 1. Bock, Versuch. ES Nat. und Hand. des Herings, p. 48 et 49. . p= 20 D 66 : LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. L dans lOder jusqu'à une distance de trente lieues de l'embouchure au-dessus du fleuve. Depuis 1752 jusqu'en 1760 on vit afluer une telle quantité de harengs dans la rivière qui passe sous les murs de Gothembourg, quon les péchait avec des filets à la main dans les canaux de la ville. Noël de la Morinière rap- porte que cette clupée remonte dans les ri- vières d'Écosse ou d'Angleterre, que les harengs ont été vus dans le Tay, aussi haut que Bal- merinockprès Cupar; ou dansle Clyde, jusqu'à Broomlane près de Glasgow; et Bewerel dit qu'au mois d'octobre de. 1695 des bandes si nombreuses de harengs fourmillaient dans la Tamise qu'on les prenait à plusieurs milles au- dessus de Londres avec des seaux. Noël a aussi appris d’un pêcheur éclairé d'Écosse, Duncan de Rothsay, qu'on ne pêchait jamais plus de harengs dans le Loch Broom qu'à l'endroit où les eaux douces se mélaient aux eaux salées. En Hollande, les pêcheurs de Mark, de Hoorn, reconnaissent tous que, dans la saison du frai, la rivière de Vollenhoven, en Over - Yssel, est abondamment pourvue de barengs. Ils ont plusieurs fois observé qu'à la fin de l'automne ils péchent plus de harengs dans le Zwart-baart ou Canal noir, à son embouchure dans le Zuydersée, quegur aucun. CHAP. I. HARENCS. 67 fonds de pêche de cette mer. Ils en concluent que les harengs sont attirés par les eaux douces et qu'ils sy rassemblent en plus grandes troupes que partout ailleurs. Nous trouvons aussi des exemples de harengs. remontant dans la Seine, aidés sans doute par les eaux de la Barre, près Quillebeuf; mais il paraît quils nentrent jamais dans la rivière qu'après avoir frayé. Il faut cependant faire bien attention que l'on a donné quelquefois le nom de hareng à des poissons brillants et arsentés de genres tout à fait différents, et que les auteurs, trompés par la similitude du nom, ont dit, d’après cela, que l’on était même parvenu à acclimater des harengs dans des pièces d’eau intérieures. Ainsi, le Fresh water Herring du Loch Lomond, sur la côte occi- dentale d'Écosse, est une espèce de Salmone du genre Corégone. | Une opinion généralement répandue parmi les pêcheurs est que le hareng vit seulement d'eau, et même d’eau pure. Cette opinion est fondée sur ce que l'estomac et les intestins de’ ce poisson ne contiennent presque tou- jours qu'une matière grisâtre, fluide ou seule- ment visqueuse. D'autres auteurs prétendent que cest seulement pendant le temps du frai que les harengs prennent quelque nourriture, 68 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. parce qu'on trouve quelquefois dans l'estomac de très-petits poissons. Noël dit qu’on surnom- me, en Écosse, ces harengs #oolfish. Gepen- dant, déjà Pennant ', qui remarque que Pesto- mac de ce poisson ne contient aucun indice de nourriture, avoue que, lorsque cette clupée a faim, elle se jette avec avidité sur la mouche qu'on lui présente et qu'on pourrait en prendre plusieurs milliers à l'hamecon. Pontoppidan * dit que sur les côtes de la Laponie orientale on prend quelquefois le hareng avec des lignes comme le Gade dorsch. Les pêcheurs ‘de Vlaardingen assurèrent à Noël de la Mo- rinière qu'ils en prennent souvent près des îles Shetland, à des haims amorcés avec'de petits morceaux de “hareng. Neucrantz® qui fit à Liubeck, vers le milieu du dix-septième siècle, une suite d'expériences pour reconnaître la nourriture du hareng; vérifia que l'estomac contenait souvent plusieurs douzaines de petits crabes, à moitié digérés et souvent aussi des œufs de différente nature et de diverses gros- seurs. Fabricius* assure aussi que le hareng vit de petits crabes qu'il prend souvent à la - Penn., Tour in Scoil., V, p. 374, et Br. zool., 4. HI, p. 839. . Pontoppidan’s Finmarske mag., p. 220. . Neucr., de Harengo, p. 28. 4. G. GC. Fabr. ; Reise nach Norwegen, p. 286. , ©Q92 192 = CHAP. I. HARENGS. 69 surface de la’mer dans les temps calmes et, chauds. Othon Fabricius’ a observé que les harengs rongeaient les fonds vaseux ou argi- leux, et quoiqu'il n'ait jamais trouvé d'animaux : dans.leur estomac, il en conclut que les ha- : rengs se nourrissent de petits vers. On pour- rait citer encore d'autres observations tirées de Leuvwenhæck, d’'Alstrômer, sur la nourri- ture du hareng, où lon voit quil dévore POruscus marinus. C’est ainsi qu'on peut ex- pliquer comment les intestins sont souvent remplis d'une matière rouge, coloration qui est due au changement de couleur du test de ces crustacés par suite de l'effet de la di- gestion. M. le docteur Robert Knox a bien voulu m'envoyer les petits crustacés que les pêcheurs écossais connaissent très-bien, et dont les harengs font leur principale hourri- ture. La petite collection que je dois à l'obli- geante amitié de cet habile naturaliste, se composait de plusieurs espèces de genres dif- férents. Les plus communs sont des Cyclops, le Cycl. furcatus de M. Baird, et le Cyc£. Stro- nici du même auteur; petits entomostracés dont mon confrère et ami M. Milne Edwards a fait le genre Cyclopsine. Avec eux on pou- 4. Oùh. Fabr., Faun. Grœn£., p. 182. 70 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. vait observer des petits Gammrarus, mais trop jeunes pour les bien déterminer. Je suis heu- reux de remercier M. R. Knox de son extrême obligeance. J'ai de mon côté même observé, dans l'estomac des harengs, du frai de poisson, à peine gros comme des épingles, et je crois avoir reconnu parmi ces petits animaux du frai de son espèce. Les citations que j'ai prises dans les divers auteurs que je viens de rap- porter et celles que j'ai pu faire, donnent donc la preuve que le hareng se nourrit à la manière de tous les autres poissons, en dévo- ‘ rant les divers animaux qui sont à sa portée. Elles réfutent ces erreurs populaires, cepen- dant fort accréditées, et tendant à établir que le hareng ne se nourrit que de la vase dont ses intestins sont remplis. Les’ nombreuses observations que lon a faites sur le hareng démontrent aussi que ce poisson est sujet à plusieurs maladies. Une des plus singulières que je vais signaler ici et sur laquelle il y à certainement de nombreuses recherches à faire pour l'expliquer, est ce qui arrive souvent à la vessie natatoire du hareng. Lorsque le poisson a été battu par les mau- vais temps, qu'il a été fatigué, la vessie aérienne se remplit d’eau et'elle se dilate beaucoup. Les pêcheurs les nomment Æ/arengs à la bourse L 71 ou Harengs aboutifs. On rencontre fréquem- mment ces harengs à la bourse, dans les eaux de Boulogne, de Dieppe et même à l'embou- chure de la Seine. Peut-on admettre, comme une explication suflisante, que l'eau, intro- duite en trop grande abondance dans l’esto- mac, finirait par entrer dans la vessie aérienne en forcant le canal pneumatique? On rencontre aussi des harengs qui sont surchargés d’une quantité considérable de graisse d'un jaune roussatre, extrémement huileuse, qui donne à la chair un goût désa- gréable, nauséabond}et que lon dit malfai- sante‘. Souvent aussi le hareng contracte sur les fonds de vase une maladie contraire : le ventre se comprime; une matière visqueuse et fétide remplit les intestins; la chair devient sèche et coriace. Ces harengs se gâtent promp- tement, il parait que c'est surtout après avoir frayé qu'on les voit tomber en cet état. Les individus ont le corps tellement amoindri que les pêcheurs qui veulent prendre ces der- niers bancs de harengs, se servent souvent de filets dont les mailles sont plus petites que d'ordinaire. Strôm, Fabricius, Müller, pré- tendent aussi qu'une espèce d'annélide pâle, - CHAP. I. HARENGS. 1. Anderson, Account of the Hebridge , p: 359. T2 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. à lignes longitudinales rousses, se multiplie quelquefois en si grande quantité que la mer en devient toute rouge; elle donne des qua- lités malfaisantes au hareng qui les mange; aussi existe-t-il un règlement qui prescrit de laisser au moins deux jours dans le filet tout hareng aatig. Fabricius dit la même chose pour ceux qui ont mangé ce petit crabe dé- signé par lui sous le nom d’Astacus haren- gorum.On trouve aussi très-souverit des filaires dans les épiploons du hareng; c'est le Frlaria capsularia de Rudolphi, qui y a aussi ren- contré un Æscaride ew le Distoma ochrea- tum. Les auteurs citent ces parasites comme une des maladies du hareng. Les recherches nombreuses que j'ai faites sur les Helminthes mont donné la conviction que ces animaux sont associés. par la nature aux espèces sur lesquelles ils vivent, sans que leur présence soit un indice de maladie. Enfin, je citerai une monstruosité assez commune dans le hareng, ainsi que dans beaucoup d’autres poissons, et qui consiste dans l'hermaphroditisme. M. Yarrell a com- muniqué, il ny a pas longtemps, une obser- vation de ce genre à la société zoologique de. Londres. Je trouve dans mes notes, que j'ai observé deux cas de ce genre, l'un à Bou- CHAP. I. HARENGS. 73 logne, en 1827, et l'autre, un peu plus tard, sur un hareng pris au marché de Paris. L'incroyable fécondité du hareng a toujours fait l'étonnement du naturaliste. La constante énergie de cette puissance reproductrice dans cette espèce de Clupée donnerait des résul- tats si considérables en chiffres que le calcul en effraierait véritablement l'imagination. Si . pendant vingt ans consécutifs-on poivait réunir la progéniture d’un seul hareng et la rassembler en masse, quel espace immense n'occuperait-elle pas dans l'Océan! Mais la nature conserve heureusement la balance des forces respectives. La destruction de tous les jours égale en somme la fécondité de toute une année. Cest pour cette raison que les philosophes considèrent les mammifères, les oiseaux et les poissons carnassiers non comme des ennemis destinés à détruire, mais comme des êtres bienfaisants et nécessaires à la con- tinuelle harmonie des productions de la na- ture. Sans le concours de l'avidité des pois- -sons, la mer serait bientôt surchargée de ses productions, embarrassée de ses propres ri- chesses, et au lieu de procurer l'abondance * aux nations, elle en deviendrait bientôt le plus terrible fléau. Bonnet, Buffon, Lacépède ont tracé de si. magnifiques tableaux de toutes ces 74 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. images quil serait maintenant présomptueux de vouloir y revenir après ces grands maîtres. Au moment où le hareng se sent pressé du besoin de frayer, il sort de sa retraite, ainsi que le font tous les autres poissons, s'avance près des rivages, où les femelles lâchent leurs œufs que les mâles viennent féconder. Plu- sieurs pêcheurs de la Baltique assurent que lors du frai- on ne prend d'abord que des harengs mâles et ensuite des femelles dans la pêche du printemps. La pêche d'automne sur les côtes de la Bothnie septentrionale a donné lieu à cette remarque singulière qu'on ne pêche jamais que des mâles et peu de femelles. Ces remarques métonnent d'autant plus qu'elles sont contraires à ce que l’on observe des autres espèces. de poissons dont les femelles com- mencent presque toujours le frai On pour- ‘rait d’ailleurs opposer à ces remarques celles d'autrés observateurs qui ont consigné, en parlant de la pêche du hareng dans le golfe de Finlande, que suivant les années on prend tantôt plus de mâles, tantôt plus de femelles. Les œufs tombent-ils constamment au fond de l'eau dès qu'ils sont pondus et fécondés, ou restent-ils quelquefois entre deux eaux.et : près de la surface, c’est une question encore indécise. Je trouve dans les notes de Noël-de . CHAP. L HARENGS. 75 ‘la Morinière qu'un pêcheur se trouvant dans la mer du Nord, vit pendant un été la surface de l'eau couvertes, sur une grande étendue, d'œufs de poissons qu'il crut être ceux du hareng. Le patron de la buyse eut l'attention de serrer le vent et de se détourner de la routé dans la crainte de froisser et de détruire sans utilité ces myriades d'œufs qui semblaient nager dans une liqueur blanchâtre. Pennant, dans son voyage en Écosse déjà cité, rapporte également un phénomène à peu près sem- blable et qui mérite quelque attention. Pen- dant les mois de juillet et d'août, à la distance de quatre à cinq lieues des côtes de Scarbo- rough, les pêcheurs lui ont dit que l’eau de la mer paraissait contenir une espèce de liqueur gélatineuse et grasse au milieu de laquelle flottent les œufs du hareng sur une épaisseur de deux à trois brasses. Ce qui a donné lieu à cette observation, continue Pennant, c'est quil s'en attache des portions aux cordes et aux câbles des ancres mises à la mer avant de commencer la pêche. Les pêcheurs anglais supposent que cette enveloppe gélatineuse sert à protéger et à nourrir le poisson nouvellement éclos. D'autres observations viennent encore corroborer celle-ci. Il n'est pas rare de trou- . ver, dit-on, sur les rivages de la Baltique, de 76 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. grandes lisières d'œufs de harengs poussés par ' les tempêtes et bientôt détruites par le froid. . On voit quelquefois aussi les pilotis des jetées ou des digues couverts d'œufs de harengs, et quelquefois sur une épaisseur d’un pouce et demi à deux pouces. D'autres observations cependant tendent à démontrer que les œufs tombent au fond de la mer dès qu'ils sont fécondés, qu'ils s'attachent'aux plantes ou aux corps sous-marins et s y ramassent en pelotons. Cest l'opinion des pêcheurs de Dieppe, de Cayeux, de Boulogne et de Calais. IL arrive quelquefois à ces pêcheurs de recueillir des quantités considérables de frais dans la partie inférieure de leurs filets; elle y est souvent si abondante que le fond des barques en est couvert à une épaisseur telle qu'ils les re- jettent à la mer avec des pelles. D’autres en retirent des masses avec la drague, d’autres ont souvent trouvé des œufs de harengs logés dans le tai des huîtres vides. Ces pé- cheurs comparent le nombre des œufs qu'ils croient être déposés chaque année dans les eaux voisines de Dieppe, à celui des. brins d'herbes qui couvriraient une vaste prairie. On peut d’ailleurs se rendre compte des diffé- rences que semblent présenter ces diverses observations rapportées plus haut, en réflé- CHAP. I. HARENGS. 77 chissant au nombre immense d'individus com- posant un radeau de harengs, se pressant tous à côté les uns des autres, quelquefois sur une épaisseur de deux à trois pieds, et voulant tous approcher de la côte pour y déposer leur frai. Il est très - probable qu'une grande partie du banc sera surprise par le besoin de frayer avant d'avoir atteint le sable de la côte, et les | œufs lâchés dans le trajet resteront à flotter entre deux eaux. Mais on sait d’ailleurs que le hareng s'approche de terre à la distance d’un demi-mille : qu'on voit les femelles se frotter en quelqué sorte contre les pierres, agiter l'eau vivement et la troubler; elles perdent souvent par la vivacité de leurs mouvements une partie de leurs écailles. On remarque ensuite, très-souvent vers le lever du soleil, que l'eau devient presque toute blanche par la quantité de laiteuse que les mâles laissent . échapper. Cette blancheur s'étend quelquefois jusqu'à plusieurs milles en mer. Dès que le hareng a pondu, il essaie de gagner la haute mer; aussi, quand on en revoit près du rivage, ce n’est jamais qu'en petites troupes. Bloch croit, d’après des notes qu'il avait reçues d'ün pêcheur très-expérimenté de la côte de Poméranie, que le hareng ne liche pas son frai d'une ééble fois, mais qu'il 78 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. y aurait toujours un intervalle de quelques semaines entre une ponte et la suivante, et que le hareng ne s'éloigne de la côte qu'après avoir entièrement épuisé ses ovaires ou ses laitances. Mais Noël de la Morinière affirme au contraire très-positivement que le hareng ne fraie qu'une seule fois dans la Manche. Il ne dit pas cependant comment il s'en est assuré. La mucosité huileuse dont je viens de parler s'observe aussi dans la Manche. Les pêcheurs francais lui donnent le nom de graissin; ils disent aussi quand ils l'aper- -coivent que la mer est poulleuse, et la plu- part d’entre eux croient que le graissin est le meilleur indice qu'on puisse avoir de la présence du — Mais 1l est certain que cette indication n'est pas toujours exacte. Les pêcheurs de Katwyck pensent que cest un signe certain de l'abondance du chien de mer et particulièrement de l'aiguillat Sat: lus acanthias) qui dévore les harengs,.c . qui répand sur l’eau ‘cette matière grasse et blanchätre. Ce graissin répand une odeur nauséabonde, qui est quelquefois assez sem- blable à celle des odeurs spermatiques. Les femelles du hareng sont beaucoup plus nom- breuses que les mâles, dans la proportion de sept contre trois. Hatiiés a donné, dans les \ CHAP. I. HARENGS. 19 Transactions philosophiques’, des tables de la fécondité du hareng en ayant eu soin de prendre le poids de la femelle, celui de la rogue et le nombre d'œufs quelle contenait. Il a vu le nombre d'œufs varier de 21,000 à 36,000. Mais Bloch en porte le nombre à 68,000. IL est facile d'expliquer ces variations quand on réfléchit à la différence de grosseur entre les poissons: du Nord et ceux de nos mers. On ne sait pas au juste combien de temps les œufs sont à éclore. Les pêcheurs de Boulogne disent que trente ou quarante jours après le solstice d'hiver on tire quelque- fois ayec la drague des huîtres sans mollus- ques, qui renferment entre leurs coquilles une quantité considérable de petits harengs, qu'ils comparent à des fourmis à cause du point noir dont leur bec est marqué. On confond quelquefois le frai du hareng avec les jeunes Sprats. Nous avons.déjà dit qu'on les appelle aussi blanches ou. blanchailles. Tous les pêcheurs sont d'accord sur ce fait que les petits de hareng ne se montrent à la surface qu'après que le gros s'est retiré. En résumant tous les. faits précédemment recueillis, on peut conclure que les harengs * 1. Phil. transact., vol. LVII, p. 291. ‘ S0 LIVRE, XXI. CLUPÉOIDES. fraient sur les fonds de mer qui se présentent à eux sans affectionner de place. La ponté a lieu tantôt sur les fonds de sable, tantôt sur des lits de roche nue, tantôt sur de prairies sous-marines, quelquefois à la jonction des courants ou à l'embouchure des rivières, et enfin aussi au milieu de la mer quand les eaux sont tranquilles. On peut croire aussi que les harengs demeurent quatre ou, cinq mois sur la côte, que ceux nés en été habi- tent le rivage jusqu'aux approches de l'hiver, qu'ils peuvent alors avoir atteint cinq à six pouces de longueur, que ceux nés en automne dans les mers de Suède, de Danemarck, de Hollande, d'Angleterre ou de France, y sé- journent pendant l'hiver en se tenant à une profondeur un peu plus considérable. Gest là ce qui explique comment il y a certains radeaux de harengs composés de gros et de poissons de moyenne taille mélés ensemble. Il paraît que le hareng fraie de bonne heure, car on prétend que na trouve déjà des ovaires très-développés dans des femelles de trois à quatre pouces de longueur. Mais on peut se demander ici si les observations sont,exactes. Je ne m'étonnerais pas que l’on eût confondu les petites espèces de nos clupées, dont nous donnerons bientôt les caractères distinctifs, CHAP. I. HARENCGS. 81 avec les jeunes harengs. Pour mon compte, je puis affirmer n’avoir jamais vu d’ovaire dé- veloppé dans les petites blanches de nos côtes de Picardie, dans lesquelles j'ai reconnu les jeunes du hareng. Il en est de même des ha- renguets de Caen. | Lorsque les harengs sont devenus assez grands pour quitter la côte, ils senfoncent dans les abîmes de l'Océan où ils restent pen- dant un certain temps à une profondeur qui’ leur est convenable. Ils y vivent en troupes; car ceux qui pensent que les harengs ne se rassemblent'en radeaux que pour frayer, sont évidemment dans l'erreur : on les trouve réunis longtemps avant l'époque du frai, ou après cette saison. L'expérience des pêcheurs de la Manche démontre que les radeaux de harengs n'y sont jamais plus nombreux qu'après le frai. On a fait plusieurs remarques curieuses sur l'effet causé par le bruit sur les harengs; on croit avoir observé que le bruit du tonnerre cause dans les bancs les plus vives agitations; souvent même le poisson effrayé se retire des golfes et disparait brusquement de la côte. On attire, en général, le hareng par des feux que l’on fait briller la nuit; aussi chaque bateau de pêche hollandais ou Fete met-il presque toujours des fanaux, que l’on dit être destinés à attirer DO à 6 s2 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. le poisson. Cependant on peut remarquer qu'il faut descendre les filets plus bas pendant le jour que pendant la nuit, d'où l’on pourrait con- clure que le hareng fuit une lumière trop vive. Tous les pêcheurs de Hollande ont également remarqué, qu'à l'approche du soir, le hareng s'élève du fond de la mer, et qu'à la pointe du jour il en regagne les profondeurs. Ceux du Vlaardingen ont profité de cette observa- tion; car ils disent que, moins la saison est avancée, plus il faut aller au fond pour y trouver le hareng : c'est surtout dans les courtes nuits d'été et sur les fonds des iles de Shetland qu'il faut agir ainsi. Cependant on ne doit pas donner trop d'extension à ces pré- cepies. Les pécheurs de Boulogne ont observé qu'en hiver ils ne prennent que fort peu de harengs pendant la nuit, qu'ils sont obligés d'attendre le matin pour mettre leurs filets à la mer. L'expérience paraît avoir appris à ces hommes, que le hareng qui a frayé, se tient obstinément dans les couches les plus pro- fondes de l'eau; que la fraîcheur de la nuit semble engourdir le poisson. Ils sont alors forcés d'attendre le lever du soleil pour que l'action de la lumière revivifie le hareng, le fasse sagiter et qu'il vienne presque de lui-même soffrir aux filets des pêcheurs à CHAP. I. HARENGS. 83 peu de distance de la surface de Peau. Il est certain que, dans les eaux du golfe de Bothnie, le hareng glacial se pêche indifféremment le soir ou le matin, la nuit et le jour. Cependant nos pêcheurs de Boulogne, de Dunkerque , d'Ostende disent qu'un froid subit et rigou- reux fait tout à coup disparaître le hareng. On croit même avoir remarqué dans la Bal- tique, que le hareng craint tellement les chan- gements de température que, si le vent vient à soufler un peu frais, il cherche de suite à sabriter sous le rivage. Cest aussi une opinion recue auprès de Marstrand en Suède, que le poisson est souvent si affaibli par le froid qu'aucun bruit, de quelque naturé qu'il soit, ne peut parvenir à l'effrayer; mais il faut très- probablement tenir compte de l'action du frai. D'ailleurs, je me borne à ce peu de citations sur ce que les auteurs ont rapporté comme des habitudes du hareng. Je pense qu'il faut réduire ce que Fon a pris plaisir à supposer dans l'espèce entière à quelques faits isolés, à quelques qualités pas- sagères, combinées avec les circonstances lo- cales ou autres causes fortuites, et. j'étendrai en général cette remarque à presque tout ce qu'on a écrit sur les mœurs des poissons. Quant à la pêche du hareng, tous nos pé- S4 LIVRE XXI CLUPÉOÏDES. cheurs de Boulogne, de Dieppe, de Fécamp, de Saint-Valery, s'accordent à dire que c'est au lever et au coucher de la lune, combiné avec l'heure de la molle eau, que le hareng noue, c’est-à-dire, se prend plus volontiers dans les filets. Il existe même à Boulogne un proverbe, conçu en ces termes : 4 lune levant, hareng brognant. M arrive souvent dans ces circonstances quune demi-heure suffit quel- quelois pour pêcher une cargaison entière de ces poissons. Tous ces pêcheurs croient aussi, qu'au décours de la lune et avec gros vent, le hareng se tient plus près de la surface de ee En pleine lune et par un temps calme il nage et stationne plus bas. D'après les observations rapportées par Pen- nant, On a la preuve que le hareng.gagne les profondeurs de la mer. On a souvent pêché le hareng sur un fond de trente brasses dans le Loch Broom, et quelquefois aussi par cin- quante brasses. Anderson remarque aussi que les morues ou les lingues que lon prend par deux cents brasses de profondeur, ont sou- vent l'estomac rempli de harengs. Mais Neu- crantz pense que le hareng ne descend dans ces grandes profondeurs que pour éviter la violence du vent ou se soustraire à l'impres- sion d'un froid vif et subit. C'est aussi l'opi- CHAP. I. HARENGS. 85 nion des pêcheurs de la Manche. Ils disent que tant que dure une tempête, le hareng s'entasse dans le fond de la mer; les matelots disent alors que les harengs ont le bec dans le sable. D'autres pêcheurs assurent que le hareng lève plus tôt ou plus tard, suivant la direction du vent. D’autres pensent que le poisson se tient au fond de la mer pour fuir les gros poissons, et surtout les squales, qui infestent la Manche. De vieux pêcheurs aflir- ment que les harengs s'entassent alors par lits si compactes que le filet glisse dessus..Il pa- raît, d’après d’autres observations, que le ha- reng se tient dans des gîtes abrités par des battures, et ils croient tous que si leurs filets pouvaient descendre jusqu'à ces fonds, ils y prendraient du hareng en abondance; mais il faudrait faire descendre les nappes à une pro- fondeur de cent cinquante brasses au moins, tandis que leurs filets n’excèdent pas vingt brasses de chute. Ce n’est pas d’ailleurs “a tion du froid qui fait descendre le hareng au fond de l'eau, il sy tient dans toutes les sai- sons indifféremment; on a des observations faites à ce sujet dans la baie de Caradel, en Écosse, où l'on a vu par de beaux jours d'été, l'air étant très-calme, des lits de harengs qui avaient le bec dans le sable. Fabricius rap- 86 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. porte des faits semblables observés au Grœn- land. Il arrive aussi quelquefois que le hareng semble se fixer à la surface de l’eau avec une obstination égale à celle qu'il montre quand il se tient au fond de la mer. Cette clupée s'élève tellement que le lobe supérieur de la caudale, la nageoire dorsale et par conséquent la carène du dos sortent véritablement hors de l'eau. Pennant' dit que dans les nuits calmes où la lune brille sur l'horizon, ces radeaux offrent à l'œil étonné le plus magnifique spec- tacle. Ils s'avancent en colonnes de cinq à six milles de longueur sur trois à quatre de largeur; que ces bancs, divisés, reflètent les couleurs irisées les plus vives, à tel point que la mer semble contenir un champ de pierres précieuses. L'eau paraît alors tout en feu, et lesscintillations phosphoriques que produisent tant de poissons en .mouvement sont expri- mées chez tous les peuples du Nord, par les noms d'éclairs du hareng (Herrings-blick), Sld-Blc où Sild-skiær. Il est évident quil faut compter pour beaucoup, dans la produc- tion de ce beau phénomène, la phosphores- cence de la mer, qui est augmentée tout aussi 1. Penn., Brit. zool. , IL, p. 327, art. Zool., L, 28 et 29. — Tour in Scotland, 1, p. 374. CHAP. I. HARENGS. 87 bien par le mouvement du hareng près de sa surface, qu'elle l'est par le sillage du navire. Anderson ajoute, que dans les nuits calmes, où les harengs semblent prendre plaisir à se tenir près de la surface de l'eau, ils sortent souvent leur tête comme pour humer l'air. Ce mouvement occasionne un bruit pareil à celui que ferait la pluie en tombant par larges gouttes. Cette habitude du hareng n'a pas plus échappé aux pêcheurs de la Prusse et de la Poméranie qu’à ceux de la Manche. Les An- glais l'appellent le jeu des harengs, the play of herrings; les Hollandais disent dans le même sens de haaring maalt. La mer est alors très-souvent couverte de petites bulles. Ce jeu, qui a lieu surtout dans les belles soirées d'automne, est toujours un mauvais augure pour la pêche de la nuit; les pêcheurs sont obli- gés de relever leurs filets Le plus haut possible, mais souvent même ils ne peuvent atteindre le poisson. D'autres observateurs assurent que le hareng saute quelquefois en entier hors de l'eau : cette habitude a été si bien obser- vée par lés pêcheurs de Fécamp, qu'ils disent une volée de harengs. Anderson rapporte un autre fait sur le hareng, qui est admis sans difficulté par tous les pêcheurs d'Écosse ou d'Angleterre. A certaines époques, dit-on, 88 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. dans les baies où fourmillent les harengs sur les côtes d'Écosse, on entend subitement un bruit qui ressemble à celui d'un coup de pistolet. On suppose que ce bruit est formé par le hareng : en même temps il passe pour être le signe infaillible que le poisson va quitter la côte. En effet, lorsqu'on a entendu ce bruit, qui se rend par cette phrase : the herring have craked, il n'en reste pas un seul le lendemain. Quel que soit le degré de confiance que mérite cette déclaration des pécheurs, il n’est pas douteux, ajoute Ander- son, que les harengs se retirent souvent d’une baie en fort peu de temps, sans laisser la moindre trace du séjour qu'ils y ont fait. Je retrouve, dans les notes de Noël de la Morinière, qu'il a fait des recherches sur cette opinion pendant son séjour en Écosse. Il as- sure que les différents pêcheurs consultés lui ont tous confirmé que les harengs produisaient ce bruit dans les Loch. Broom, Urn, Slapan, Brackadale. Un des pêcheurs écossais lui a même affirmé quétant à bord d’une buyse de pêche, les poissons s’élevèrent, au moment de l'explosion, par un effort si violent, quil en retomba sur le pont, de quoi en remplir sept à huit barils. Ce bruit a-t-il quelque rapport avec celui dont nous avons déjà parlé CHAP. I. HARENGS. 89 sous le nom de squeack, ou avec ceux que produisent d'autres poissons, et sur lesquels nous avons appelé l'attention de nos lecteurs dans le cours de cet ouvrage? Nous rappelle- rons entre autres ce que nous avons dit des Pogonias, appelés par les pêcheurs de New- York drums ou tambours, et les extraits que nous avons donnés des observations de John White et de M. de Humboldt. Le hareng éprouve quelquefois le besoin de se déplacer; ses gouts sont erratiques; leur répétition non interrompue prouve la con- stance de ses habitudes; le besoin de dépla- cement, fait que Le hareng s'engage dans toutes les voies où il peut avancer. Cela rappelle l'anecdote rapportée par l’auteur de l'Histoire des Provinces-Unies. ° «Sous le règne de Guillaume IT, roi des Romains et comte de Hollande, Enckhuysen et Staveren n'étaient séparées que par un courant d’eau qui se formait à la marée mon- tante, et l'espace aujourd'hui baigné par le Zuydersée était une vaste prairie couverte de gras pâturages. Un gentilhomme frison avait ses terres dans ce canton. Ün jour quil se À. Hist. nat. des Poiss., t. V, p. 196 et suiv. 2. Hist. des Provinces-Unies, 1, p. 25. 90 LIVRÉ XXI. CLUPÉOÏDES. promenait dans une de ses prairies, il apercut un hareng dans un fossé dont l'eau n'avait aucune communication apparente avec. la mer. Il jugea qu’elle se faisait sous terre, concluant de là que le terrain sur lequel il marchait était miné par la mer et quil ne pouvait subsister longtemps, il se hâta de vendre ses biens. La prévoyance lui servit utilement. Le terrain fut abîmé peu de temps après, etles vaisseaux jettentaujourd'hui l'ancre dans cet endroit où s'est formé une bonne rade. ” … Il paraît, au surplus, que le climat ou la nature des eaux influe d'une manière remar- quable sur les habitudes erratiques ou séden- taires du hareng. Les pêcheurs de Boulogne pensent que le hareng de la Manche est ori- ginaire du Pas-de-Calais. Ils ont remarqué que souvent, et sans aucune variation de vent ou de mer, les poissons se montrent tout à COUP, quoiqu'on n’en ait vu aucun la veille. Les Boulonnais attribuent cette apparition à un effet de la volonté spontanée des harengs. Les pêcheurs ont l'habitude de comparer ces apparitions subites à ce qui se passe’ dans . un champ de blé, dont les grains lèvent en une seule nuit. Ils regardent ce mouve- ment d'ascension dans les bancs du hareng CHAP. I. HARENGS. 91 comme une des allures les plus familières à l'espèce; mais ils ne peuvent en assigner la cause. La présence du hareng se reconnaît à plusieurs signes : 1.” quand les mouettes ou les autres palmipèdes de haute-mer planent à la surface de l’eau et qu'ils s'y plongent fré- quemment ; 2.” quand on voit flotter beaucoup écailles autour des barques; 3.” quand on remarque, suivant Dodd, que la surface de l'eau est ridée par un vent doux qui soufile de terre; enfin, quand l'eau semble couverte de graissin. Les pêcheurs tirent encore d’autres inductions favorables à leurs travaux de di- verses circonstances qui me paraissent de sim- ples préjugés. Aïnsi, les pêcheurs de Dieppe considèrent les harengs volants, c’est-à-dire, ceux quisautent hors de l’eau, comme les avant- coureurs d'un lit de poissons. L'événement semble quelquefois justifier cette opinion. Il y a encore beaucoup d’autres préjugés que je ne répéterai pas, mais ce qui parait certain c’est que le meilleur de tous ces indices est celui qu'on obtient du vol ou des allures des oiseaux de mer. Aussi, sur toutes les côtes et dans toutes les baies du nord de l'Europe, leur vol, leur cri sont observés et étudiés avec la plus grande attention. L'habitude et la né- cessité de faire ces remarques continuelles 92 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. exercent la vue des pêcheurs, de sorte qu'ils connaissent et prédisent le plus souvent avec une singulière précision la prochaine appari- tion des radeaux. On croit encore avoir re- marqué que cette clupée aime à nager contre la direction du vent et des courants. Cepen- dant aussi, d'autres pêcheurs assurent qu'elle reste peu de temps dans la même place, qu'elle avance, puis, soudain, qu’elle rétrograde. On croit être certain que, si la troupe est contra- riée par des courants trop forts, ce qui est assez fréquent dans la Baltique, la troupe louvoie huit, douze et même vingt fois de suite, et qu elle avance ainsi insensiblement. Si le cou- rant change de direction, la troupe ‘change aussi la sienne; c'est ce qui explique comment il est si rare que, dans la Baltique, on pêche deux nuits de suite dans une même position. Pennant' a observé qu'en Écosse le hareng plein nage plus volontiers dans les grandes eaux, et le hareng gai plus près des.côtes. Townley? rapporte le même fait autour de l'île de Man, et je trouve dans les notes de Noël de la Moniua que la même remarque a été faite dans la Manche. Mais ne peut-on L Penn. , Tour in Scotl., I, p. 241. 2. Townley’ s Journ. of He is£. of Man, p. 94. CHAP. IL HARENGS. 93 pas donner pour explication toute naturelle de cette observation, que les harengs des grandes eaux cherchent à s'approcher de la côte pour y frayer, d’où il suit que les radeaux formés près des côtes ne sont plus alors formés que de harengs vides. J'ai dit plus haut qu'à l'approche d’une tempête, les harengs quittaient la côte et ga- gnaient la pleine mer. Le baron d’Altstrômer assure qu'ils se réfugient dans les golfes de la côte de Suède, voisins de Gothembourg. On a remarqué qu à Marstrand les harengs se por- tent vers la côte avec une telle impétuosité qu'ils semblent entrouvrir l'eau, et qu'il n’est pas sans exemple que plusieurs de ces poissons se soient jetés vivants dans les barques les plus voisines du mouvement spontané du lit. Ceci ‘ se rapproche beaucoup du phénomène cité plus haut en parlant du Araked. Ces mouve- ments brusques et rapides font souvent courir de grands dangers aux harengs, et ils expli- quent comment ils peuvent s'amonceler quel- quefois dans une baie au point de s'étouffer. Anderson’ dit qu'en 1768 un radeau occupa tout le Loch Urn en Écosse. Tout le Loch était plein, depuis son entrée assez étroite 4. And., Account of the pres. of the Hebrid., p. 160. 94 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. jusqu'au fond sur une longueur de deux milles. Les bords de la mer fourmillaient des mêmes poissons qui couvraient la lisière du rivage voisin sur un espace de quatre milles de longueur et sur huit à neuf pouces d’épais- seur. Le fond de la mer en paraissait aussi pourvu que les petites flaques d'eau. Cette baie, longue de douze milles et large de cinq à trois, regorgeait de ces clupées. Il faut sup- poser que les harengs les plus forts et les plus vigoureux poussèrent les plus faibles vers la. côte, et qu'ils formèrent un cordon si épais que d’autres poissons, tels que des carrelets (Pleuronectes platessa), des flets (Pleuronec- tes flesses) furent entraînés avec eux, et vinrent aussi périr sur le rivage. On rencontre aussi ces bouillons ou lits de harengs nageant avec rapi- dité en colonnes espacées et distribuées comme le seraient des pièces de drap étendues sur un champ. On a vu dans la Manche, à cinq lieues nord-ouest de la pointe de lAïlly près Dieppe, sur le fond de pêche que les matelots nom- ment la Cavée, avec dix-huit brasses d’eau environ, un lit de harengs formés en colonnes droites et régulières comme seraient des fossés parallèles tracés dans un champ. Ce lit occu- pait une étendue de plus d’un quart de lieue en carré et faisait rapidement route à l'Ouest. LA CHAP. I. HARENGS. 95 Ces poissons étaient si près de la surface de l'eau qu'on distinguait aisément à l’œil les plus gros d'avec les plus petits. Quand ils filent ainsi rapidement à fleur d'eau, les matelots peuvent frapper sur le bordage de leur barque sur des tonneaux vides, sur des planches, pro- duire enfin quelque bruit que ce soit, sans éffrayer le poisson; on le voit continuer sa route sans se déranger. S'ils s'engagent dans les filets de quelques pêcheurs, ils les soulè- vent avec tant de force qu'ils leur font perdre leur plan de chute et quils paraissent les étendre comme des nappes à la surface de Jeau. Quand le hareng est ainsi formé en co- lonnes serrées, il occupe quelquefois dans la mer un espace très-peu considérable. Il serait facile de citer un assez grand nombre de cir- constances de pêche où les harengs se pre- naient sur un point du fond en telle quantité qu'elle surpassait tout calcul, tandis qu'un peu plus loin et sur le même fond, trente à quarante barques ou bateaux de pêche n’en prenaient pas un seul. Je trouve dans les notes de Noël de la Morinière qu’en 1796, durant la pêche d'automne, six semaines après léqui- noxe, les bateaux de Saint-Valery, de Dieppe, du Tréport, de Fécamp étaient sur le même fond de pêche à l’ouest de ce dernier port 96 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. au nombre de quarante-cinq, grands et petits. Un seul pécha cent cinquante mille harengs, quoique les autres, assez voisins de lui, n'en prirent pas un seul. La même remarque a été faite tant de fois par les pêcheurs de la Manche qu'il est inutile de multiplier les citations. Quand les eaux sont claires, le hareng file plus vite que sil nage dans les eaux troubles. Sur les côtes comprises entre l'embouchure de la Somme et celle de la Seine, les harengs sui- vent volontiers la lisière des terres, et s’en tiennent à une distance qui varie de trois à six lieues. On les trouve sur les bancs de la Somme, sur les bassures de Cayeux, sur les fonds de Tourmont, de Berneval, de l'Aïlly, etc. On a fait la même remarque sur les côtes d'Angleterre, opposées à celles de France. | Les allures du hareng, lorsqu'il entre dans les baies d'Irlande, sont aussi incertaines quirrégulières. Quelques radeaux n'y restent qu'un jour ou deux; d’autres fois les baies en sont pleines pendant plus de quarante jours. Les signes de leur présence sont souvent très- équivoques, de sorte que la pêche du hareng, qui paraîtrait au premier coup d'œil plus sûre dans les lacs que dans la haute mer, y est tout aussi incertaine. Pontoppidan et Abild- CHAP. I. HARENGS. 97 gaard ont épuisé le chapitre des conjectures pour expliquer les causes des irrégularités des apparitions du hareng, si remarquables et si importantes dans son économie: naturelle. Entre toutes sortes d'hypothèses qui ont été imaginées, On a été jusquà penser que des feux souterrains se manifestant inopinément, avaient pu provoquer la disparition du pois- son. Tantôt on l'a attribuée à des maladies épidémiques qui exercent sous les eaux ur ravage égal à celui qu'elles font sur la terre. Citerai-je même Bernardin de Saint-Pierre’, qui prétend que la disparition des harengs de certains parages, où ils s'étaient montrés auparavant, est la suite de quelque bataille sur mer? L'auteur d’une description générale de la Norwége et des îles voisines attribue. l'éloignement du hareng et leur fuite de la côte Bohus, en Suède, vers l'an 1587, à l'appa- rition d’un hareng extraordinaire qui fut re- gardé comme un signe de la punition divine. Les historiens de ce temps ont conservé la date précise de la capture de deux harengs singuliers qui donnèrent lieu à un événement lié à l'histoire de ce poisson. Le 21 novembre 1587, sous le règne de Frédéric IT, on pêcha 4. Études de la nature , L, p. 361. î 20. A6 ÿ. 98 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. dans la mer de Norwége deux harengs, sur lesquels étaient imprimés profondément des caractères gothiques. Ces poissons furent portés à Copenhague, et sept jours après leur cap- ture ils furent présentés au roi. Ce monarque superstitieux, effrayé à la vue de ce prodige, pâlit et crut que ces signes devaient prédire un événement, tel que l'annonce de sa mort ou celle de la reine. Les savants furent con- sultés, et ils traduisirent ainsi les prétendues inscriptions gravées sur les poissons : fous ne pêcherez pas de harengs, dans la suite, ausst bien que les autres nation. Le roi ne voulut pas s'en tenir à l'explication ‘des savants: de Copenhague; il eut recours à ceux de Ros- .tock; mais ce fut en vain qu'on leur proposa ce problème, ainsi qu'aux antiquaires de plu- sieurs autres universités d'Allemagne, Ün ma- thématicien français qui se trouvait alors à Copenhague, publia un gros livre pour expli- quer cette énigme. Îl prétendit que ces signes n'étaient que des lettres initiales, des sigles de plusieurs mots; mais son explication n'offrit rien de satisfaisant. Un autre débita à cette occasion des rêveries plus äbsurdes, en an- nonçant une subversion totale de l'Europe. Ün Suisse, Eglin, professeur de théologie à Zurich, publia, en 1622, un autre ouvrage sur CHAP. I. HABENGS. on, 99 un hareng extraordinaire, portant, dit-il, les mêmes ‘empreintes que le hareng de Copen- hague; il avait été pêché le 21 mai 15096 sur les côtes de Poméranie. Il s’est servi de ces prétendus caractères pour expliquer divers passages de l'Apocalypse. On sait que ces signes sont dus tout à fait au hasard et formés par l'entre- croisement de vaisseaux diversement colorés, ou par une agglomération fortuite de points pigmentaires. Les montagnards écossais ont d’autres su- perstitions touchant la disparition subite des harengs. En parlant de Skye, ils disent que, si une femme passe l'eau pour se rendre de l'autre côté de l'ile, il n'en faut pas davantage pour faire disparaître le hareng. Fries observe, dans son Mémoire sur la pêche du Nordland, que toutes les fois que lon laisse dans les baies des amas de hareng que l'on n’a pu saler et qui tombent bientôt en putréfacuon, les radeaux de ces poissons, chassés sans doute par la mau- vaise odeur, sont souvent plusieurs années sans revenir à la même place; mais Leuvenhæck seul me paraît dire la véritable cause des chan- gements de place des harengs; c'est qu'à me- sure que les poissons grandissent, le besoin d'une nourriture plus abondante les force à chercher des fonds où il y aît plus d'aliments. 100 , LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. Ces disparitions du hareng sont tantôt pas- sagères , tantôt elles durent plusieurs ‘années. Knox' dit que, depuis 1783 jusqu'en 1790, le Loch Broom, en Écosse, a éprouvé la cala- mité d’être privé de harengs. Ce poisson qui se montre à Donnegal, en Irlande, dès l'équi- noxe- d'automne, n’y fit son apparition, en 1784, que plusieurs jours après le solstice d'hiver. La pêche du hareng d'automne manqua to- talement en Nordland en 1776. Bloch * disait à cette occasion, qu'on n’a pu encore décou- vrir la cause pour laquelle le hareng s'est porté plus au nord que de coutume pendant une dizaine d'années. Il ajoute qu'on ne peut pré- tendre que c'est l'absence de nourriture sur les côtes méridionales de la Suède, à cause de la quantité que lui en fournissent les fonderies pour extraire l'huile des harengs dans ce pays. Pennant a fait des remarques semblables sur les côtes d'Écosse. Ainsi, certaines baies que l'on regardait de son temps comme de grands rendez-vous des harengs, avaient été désertes autrefois, et ils ny étaient guères revenus que depuis environ quarante ans. Il 1. View of the brit. emp., p. 220. 2. Bloch, Schrift. naturf. Fr., NV, p. 358. CHAP+I. HARENGS. 4101 ajoute que tous les Lochs de la lisière des côtes d'Écosse ou des îles, sont tour à tour fréquen- tés par les harengs. Celle qui en regorge pen- dant une saison, est exposée à n'en pas Voir un seul l’année suivante, bien que tous les Lochs voisins en soient abondamment pourvus. Pen- dant plusieurs années le hareng a abandonné le Loch Tongue, et il n y a reparu qu'en 17977; il a déserté sur là même côte le Loch Garron; depuis 1782 il n’y a plus reparu. L'ile de Man, si rénommée par ses pêches, n’a pas été à l'abri de craindre une pareille privation. Lacheverell observe, qu'au commencement du seizième siècle l'ile de Man n'eut point de pêche du hareng. Les côtes de l’ouest de l'Angleterre ont offert le même tableau. Pennant affirme que les harengs quittèrent autrefois les passages de PRES et se por- tèrent de préférence sur les fonds des comtés de Flint et de Cærnarvon, qu'ils ont abandonnés après quelques années pour reprendre leur an- cienne station. On sait aussi que, dans l'hiver de 1740, les harengs s'éloignèrent des côtes du. Sutherland et n’y revinrent quen 1756. L'Irlande, qui voit terrir le hareng pendant les trois mois d'automne, fut privée de ce poisson en 1784. On croit avoir remarqué en Irlande que, quand la pêche est mauvaise sur la côte de 402 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. cette île, elle est bonne sur celle d'Écosse et al- ternativement. On croitaussiavoir observédans le comté de Mago, dans l’ouest de l'Irlande, qu'on péchait plus de harengs près de Killeris, quand la pêche est mauvaise dans le nord- ouest. Les économistes allemands ont fait les mêmes remarques sur les harengs de la Bal- tique ou sur ceux de la mer du Nord. On les _a vus abandonner pendant plusieurs années l'embouchure du Texel. Le petit hareng de la Baltique a déserté la station de Kello en étre gothie. Un des faits les plus remarquables de l'histoire du Hareng, et que l'on trouve con- _troversé entre beaucoup d'écrivains de cette époque, est la disparition subite des harengs qui abandonnèrent, dit-on, et tout d’un coup, en 1313, les rivages de la Prises Il ést pro- bable cependant qu'il y a exagération dans cette assertion. Bock prétend qu'il faut en- tendre, par les expressions des historiens de cette époque, que l'importation en Prusse des harengs pêchés dans la Baltique ou dans la mer du Nord, eut une interruption momentanée à.cause des guerres maritimes de Canut, roi de Danemarck, et du brigandage des :pirates 1. Bock ; Versuch einer wirthschaftl. Naturg., XV, p. 625. CHAP. I. HARENGS. 103 quien fut la conséquence. Toutefois il ne se re- fuse pas à croire que les harengs désertèrent en partie à cette époque des parages dela Baltique. Voici ce quil dit à cet égard : « Vers l'épo- que dont nous parlons, les harengs s'étaient multipliés dans la Baltique à un tel point qu'ils furent probablement forcés de cher- cher une mer plus vaste pour sy étendre davantage. Une bande ou troupe de harengs indique toujours à celle qui la suit Le chemin quelle doit‘ tenir. Il arriva qu'une grande . partie de ces poissons franchit le Sund et fut rejoindre les radeaux de son espèce stationnés dans la mer du Nord. Si depuis on n'a pas vu se répéter le même événement, cest qu'au- jourd'hui on pêche dans la Baltique plus de harengs qu'autrefois. Les habitants des côtes savent maintenant saler et saurir ces poissons. Ceux-ci ne peuvent donc plus sy multiplier en assez grand nombre pour que de nouvelles migrations volontaires, fortuites ou nécessaires, se renouvellent comme en 1313.” Noël de la Morinière pense que quelques années de pêche heureuse sur les côtes de Scanie furent les causes de stérilité dont furent frappées les mers de Prusse. Fischer‘ cependant invoque 4: ice Gesch. des deutschl. Handels, TX, p- 407. 104 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. le témoignage d'autres écrivains allemands qu'il croit très-dignes de foi et il affirme que les _harengs n’ont jamais émigré: de la Baltique dans la mer du Nord, parce que les harengs se sont montrés constamment et en même temps dans l'une et l'autre de ces mers. IL paraît cependant, d'après Anderson, que la pêche diminua sensiblement depuis le qua- torzième siècle dans la Baltique, parce que alors tous les armements de la basse Allemagne . se firent par la Norwége ou la Scanie. Cepen- dant il observe que l'on pêchait encore du hareng à Falsterbo sur la Baltique et le long des côtes de Poméranie et de Livonie. Wiman, dans sa description de la navigation de la Baltique, cite Falsterbo comme étant encore en 1573 le siége et l'étape d'une pèche con- sidérable du hareng. D’autres titres établissent qu'en 1388 Les pêcheurs de Custrin' prenaient du hareng sur les côtes mêmes de la Prusse. On trouve dans la Chronique de Dantzig’, qu'en 1529, au nouvel an, il vint de Héla à Dantzig cinquante traineaux chargés de ha- rengs, que le même événement se répéta plus 1. Sprengels Armerkungen im Umfange und Wachsthume der Érdhunde , p. 83 et 84. £ 2. Curickens hist. Besch. der Stadt Dantzig, n.° 87e. , CHAP. I. HARENGS. 405 tard; or personne ne croira que ce hareng vint de la mer du Nord. Dans cette saison où la Baltique est glacée, on n'aurait pu l'appor- ter par mer à Héla pour le transporter ensuite par traîneaux à Dantzig. Linné a divisé le hareng en grandes et en petites espèces, la première habitant là mer Germanique, la seconde le golfe de Bothnie. Nous avons déjà nous-même parlé, non pas de différentes espèces, mais de différentes races de hareng. Ceci élève déjà des doutes sur l'exactitude du. système migratorial que d’ailleurs nous allons bientôt combattre. L’immortel auteur du Fauna suecica re- gardait les bassins peu profonds de la Baltique | où la proximité des côtes et le ‘nombre des baies offrent un abri sûr aux poissons, comme les réservoirs naturels de la. petite espèce. Il pensait que les profondeurs qui séparent les bancs des mers Britannique et Germanique nourrissaient la grande espèce. Il s'agit bien moins de la distinction du hareng de la grande ou de la petite taille, que d'examiner main- tenant jusqu'à quel de on peut établir que les harengs naissent sur les fonds où on les pêche, ou que de savoir si les harengs sont pris sur des fonds éloignés de leurs eaux na- tales. Les documents que Noël de la Mori- 106 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. nière a recueillis sur les lieux des pêcheurs écossais ou norwégiens, l'ont convaincu que le hareng est beaucoup plus stationnaire qu'on ne le croit, et que les divers bancs de harengs sont très-distincts et très-faciles à reconnaitre. Cest une opinion admise par tous ces pé- cheurs que chaque espace d’eau contient des harengs de grande ou de petite taille qui en sont indigènes et presque toujours faciles à distinguer de ceux qui habitent les eaux voisines. C’est là ce qui a donné naissance aux diverses dénominations qui dans les différentes langues où on les emploie rendent toujours la même idée. On appelle en danois lé hareng indigène landstaaende sild, c'est-à-dire hareng qui vit près’ de la terre; les Suédois disent landstände sill et les Allemands /andstehenden Hæring, ce qui signifie absolument la même chose. Les Anglais l'appellent native ou home- bred herring, c'est-à-dire hareng né dans le pays. Les Francais lui donnent le nom de hareng foncier, quelquefois aussi le nom de hareng franc, c'est-à-dire d'origine française. La signification du nom dé hareng halbourg n'a pas d'autre valeur, c'est halex burgensis, hareng bourgeois ou le hareng du pays, du lieu. On applique cependant plus communé- ment ce dernier nom au hareng pris dans la ‘e CHAP. I. HARENGS. 107 Manche pendant l'été. Ces différentes déno- minations consacrent toutes l'indigénéité des poissons. Mais il est aussi très-certain, d'après l'opinion des pécheurs les plus instruits , qu'à certaines époques, mais point fixes, les Pris fréquentés par les harengs stationnaires sont visités par des poissons de la même espèce nés dans d’autres ‘eaux, qui viennent frayer : avec ceux-ci, si ces radeaux sont composés de poissons préparés à la reproduction de l'espèce. Il n'y a rien de régulier à cet égard., Ge sont les harengs qu'en Islande, en Norwége, en Danemarck, on désigne par le nom de Fhaef- sild, hareng de la mer, les mêmes que les Suédois iliene haevs-sill. Ts donnent aussi le nom de haevs-stromming au hareng de la petite espèce, qui habite de Sufdene les grandes eaux de la Baltique et qu'on distingue facilement de celui qui réside plus particu- lièrement dans les eaux des golfes. C'est le même poisson que les Allemands appellent See-Haæring, les Anglais foreign-fish et les Français hareng du Nord. En comparant ces diverses dénominations on voit donc que les pêcheurs distinguent des harengs que l'on pourrait appeler indigènes, stationnaires, fon- clers, côtiers, etc., de ceux qui à certaines époques abandonnent leurs eaux natales et D! 4108 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. se portent sur d'autres fonds et quon nom- merait harengs étrangers, pélagiens, voyageurs, etc. Mais nous ne voyops pas dans ces déno- minations des distinctions spécifiques établies sur la taille des harengs. Cependant, on verra plus loin que les savants anglais, et entre autres le docteur Leach et M. Yarell, pensent qu'il existe deux espèces de harengs sur les côtes d'Angleterre. Nous allons essayer de prouver que cette inévalité de dimensions est indépendante de l'âge des poissons, mais que ces variétés dé- pendent de la nature des fonds. Les pêcheurs hollandais reconnaissent qu'il y a autour des îles de Shetland une tribu de harengs facile à distinguer de celle qu'ils prennent en haute mer. La chair de ces harengs est si grasse qu'elle fut proscrite par les états de Hollande et de West-Frise, comme d'un poisson de qualité très-inférieure à celle du hareng pris à soixante milles de distance des Shetland ou des Orcades. Ces harengs, stationnaires de ces iles, sont de grande taille et se montrent en été. La Norwége possède également des ha- rengs indigènes de taille variable suivant les saisons, et que l'on peut distinguer facilement de ceux qui viennent de la haute mer, tant par la forme extérieure du hareng que par la ‘CHAP. I. HARENCGS. 109 saveur de la chair. Les harengs stationnaires, dit Barch', peuvent devenir très-gras, mais leur chair n’acquiert jamais la délicatesse de celle des mêmes poissons qui viennent de la haute mer. Pontoppidan, Falch et Molberg observent qu'il n'y a presque point de mois de l'année où les côtes et les baies de la Norwége ne soient visitées. par différents ra- deaux de harengs, qui portent le nom de la saison où l’on en fait la péche, en empruntant quelquefois un surnom de quelque circons- tance particulière. Cest ainsi qu'on appelle hareng esturgeon ou hareng baleine, ceux de ces poissons que l'on suppose poursuivis par les esturgeons ou par les grands cétacés. On croit que ce hareng d'été vient de la haute mer. Les radeaux de cette clupée, dont la pêche se fait pendant toute l’année sur les côtes de la Suède, voisines de Gothembourg, se composent également de poissons station- naires dans les petites eaux de la Scanie. On peut appliquer les mêmes remarques au ha- reng de la Baltique, et de ses grands golfes de Bothnie ou de Finlande. | Les pêcheurs allemands distinguent, sous le nom de Strômming, la peute espèce de la 1. Con. schwed. Akad. der Wissensch., 32, p. 164. 410 LIVRE XXI.. CLUPÉOÏDES. grande, en y ajoutant souvent une seconde dénomination, prise de la saison dans laquelle on en fait la pêche, ou empruntée du nom des filets qui servent à les pêcher. Le Zuyder- sée .et les canaux qui séparent les îles de la Zélande jusqu'à l'embouchure de l'Escaut occi- dental, possèdent une espèce indigène de pe- tits harengs, connue en Hollande sous le nom de pan- haring ou hareng chaudron, ainsi nommé, parce quil doit être mangé frais et “ne saurait être salé. Cependant en comparant mes notes à celles de Noël. de la Morinière, jai lieu de soupconner, comme lui, qu'il s'agit ici du Pilchard ou de la grande Sardine. Mais dans le nord et dans l'ouest de l'Écosse, Anderson a recueilli et rapproché un grand nombre de preuves pour établir la distinction de deux espèces ou selon moi de deux races, et que l’une d'elles fréquente pendant toute Vannée et dans toutes les saisons les fonds des Hébrides. On peut ly pêcher en tout temps, pourvu que lon fasse descendre les filets à une profondeur convenable. Ils éta- blissent tous:aussi que les harengs du Loch Broom sont préférables en général à tous ceux des Lochs situés plus au Sud. Noël de la Morinière regarde aussi comme harengs sta- tionnaires ou fonciers, ceux que l’on prend au CHAP. 1. HARENGS. 1411 nord d'Inverness, ‘ceux de l'embouchure du Forth, ceux de Carlisle, qui sont en général fort inférieurs à ceux des Hébrides et de l'ile du Man. Cest probablement l'espèce dont parle Pennant, dans son Voyage en Écosse. Knox observa donc avec raison qu'il ne voyait pas'trop pourquoi la pêche ne commençait tous les ans, aux îles de Shetland, qu’au sols- tice d'été, puisque les pêcheurs hollandais ou belges s'y rendent longtemps auparavant pour prendre cette clupée, qui leur sert d'amorce pour la pêche de la morue. L'Irlande a aussi, de même que l'Écosse, ses harengs stationnaires ; il est facile d’en recueillir un nombre de preuves considérables. On les dis- tingue des autres par leur taille et par une sorte de physionomie particulière, et il parai- trait même que lon pourrait, dans les diffé- rentes baies du nord de cette île, distinguer plusieurs races particulières : ainsi, à Dunfa- naghie, au fond de Sheephaven, il y a une pêche d'été qui produit des harengs de très- bonne qualité et si gros, quil n’en faut guère que quatre cents pour remplir un baril. Dans la baie de Dongal, au nord-ouest, sur les bancs où se trouvent de espèces de gades, on voit pendant toute l'année une grande abondance de harengs. En général, les 412 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. pêcheurs sont assurés de trouver sur toutes les côtes une quantité suffisante de harengs qu'ils emploient pendant toute l’année pour amorcer leurs lignes. Si l'on ne s'occupe pas d’en faire une pêche régulière, cest qu'il y en a d'autres plus productives; cest que le hareng donnerait alors des bénéfices très-mi- nimes, parce que sa chair n’est pas alors d'aussi bonne qualité. On est:si persuadé en Irlande que le hareng habite pendant toute l'année la mer qui entoure l'ile, quon a publié comme une mesure utile à la prospérité des pêches, celle de la permettre et de la laisser libre * sans restriction, en la distinguant par quatre dénominations empruntées de la succession des saisons. Une pareille mesure destructive de tout système politique de pêche bien concu n’en avait pas moins été adoptée par le parle- ment d'Irlande en 1790. On trouve aussi dans Pennant ou dans Anderson, des preuves que des radeaux de harengs vivent sansinterruption et pendant toute l'année sur les côtes d'Écosse . ou d'Angleterre. Les pêcheurs de Scarborough trouvent toujours des harengs dans leurs-filets, et quand on visite Londres dans les premiers jours du printemps, on est à portée de voir que les marchés de cette ville sont abondam- ment pourvus de ce poisson, mais il y est CHAP. I. HARENGS. 4113 souvent mêlé avec le Pilchard. On peut dis- tinguer deux variétés de harengs qui semblent composer la race sédentaire sur la lisière des côtes d'Angleterre opposées à la France; l'une procure une pêche du printemps, composée d'individus en général plus petits que ceux de la pêche d'hiver. Les barques de Dieppe, qui allaient prendre les raies dans les eaux de Torbay, y voyaient, au milieu de l'été, les Anglais occupés à pêcher sur le rivage, du hareng avec leurs sennes, à une époque où aucun de ces poissons, présumés venir du Nord, ne s'est encore montré dans le Pas-de- Calais. Ce qui était d'ailleurs plus familier aux pêcheurs de Dieppe, c’est l'usage d’aller acheter, dans le cours du printemps, du ha- reng à Hastings, à la Rye, à Shoreham, pour en faire des amorces dont les autres poissons sont très-friands. Noël de la Morinière a compté, sur la rade de Hastings, jusqu’à cin- quante à soixante barques de pêche, dont chacune avait trois ou quatre milliers de ha- rengs pris dans la nuit précédente. En lisant ce que Duhamel! dit des harengs‘halbourss, on conclut bien vite à l'existence de harengs sédentaires dans la Manche, sur nos côtes de 1. Duh., Traité des pêches, 2.° part., p. 338, 339. FRE 8 114 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. France. On trouve aussi, dans le Magasin en- cyclopédique, ün mémoire fort curieux de Noël de la Morinière sur cette même ques- tion. Les pécheurs de Boulogne distinguent même, dans les lits de la pêche d'hiver, des harengs à bec noir, qu'ils séparent de ceux de la pêche précédente. Les matelots de Brigh- ton disent aussi que sur les côtes de Sussex il y a des’espèces différentes de hareng. C'est d’après la connaissance du séjour con- stant des harengs dans la Manche que se trou- vaient établis les droits des archevêques de Rouen, alors seigneurs temporels de Dieppe. Ces droits étaient percus sur les harengs pêchés dans tous les mois de l’année indifféremment. L'auteur du traité des pêches hollandaises du hareng, quoique partisan du système migra- torial, est obligé de convenir que ce poisson se trouve sur les côtes de France jusqu'au milieu de l'été. Noël de la Morinière dit qu'on : lui a toujours envoyé du hareng pris, mais en petit nombre à la vérité, dans les parcs de Belleville, de Varangeville, chaque semaine du printenips ou de l'été jusqu’à la fin du mois d'août. Une autre preuve du séjour sédentaire du hareng dans la Manche se tire du nom du hareng Marsel ou Avrilet ; ce sont les expres- sions populaires que lon donne aux harengs CHAP. I. HARENGS. 415 du printemps. Vers la fin du siècle dernier, les spéculations des pêcheurs s'étaient tour- nées vers ce poisson printannier. Ceux d'Yport y étaient entrés pour la plus grande part. Cette pêche fut prohibée; ensuite elle a été laissée libre; elle se continuait jusqu'au milieu de l'été: En 17956, les côtes de France, baignées par la Manche, furent couvertes de tant de radeaux de ces harengs marsais que les pêcheurs s'en firent une occupation sérieuse. L'abondance fut la même pendant plusieurs années; elle diminua vers 1780. Des lits plus nrlsréine firent une nouvelle apparition en 1707. Parmi ces harengs fonciers les uns étaient pleins, les autres vides. Des pêcheurs de Saint- Valery ont souvent pris dans le printemps, au heurt de Fécamp, le hareng foncier, généralement plein d'œufs ou de laite. Cest donc une tra- dition recue par les pêcheurs des deux côtés. de la Manche qu'une race de -harengs y reste sédentaire. On peut d'ailleurs remarquer que si les pêcheurs, depuis le Texel jusqu'à Blan- kenberghe, ne prennent que peu de harengs pendant l'été, c’est qu'ils s'échappent trop ai- sément des mailles trop ouvertesde leurs filets, tendus contre les soles, les plies ou les bar- bus. Les pêcheurs qui se rendent aussi sur le Doggersbank pour la pêche du Cabliau ou 416 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. Morue fraîche, sont convaincus que le ha- reng y réside comme poisson sédentaire. Dans tel mois de l'année que ce soit, en hiver comme en été, l'estomac de ce gade est presque tou- jours plein de harengs, et c’est une des meil- leures amorces qu'on puisse employer pour prendre la morue. Les Hollandais croient ce- pendant avoir observé qu'ils prennent pen- dant l'été beaucoup plus de harengs sur la lisière occidentale du Doggersbank que sur le côté oriental, d'où ils concluent que les ha- rengs ne viennent point du Nord, mais qu'ils sont originaires des fonds sur lesquels on les pêche. L'arrivée subite ou l'apparition inat- tendue des immenses colonnes des harengs n'a point été inconnue des anciens habitants du Nord. Plusieurs anecdotes, confirmées par une saga du temps, nous apprennent que, dans une année de disette, une des baies d'Helgoland ayant fourni une incroyable quantité de poissons, on attribua cette pêche extraordinaire aux enchantements d’une femme du pays. D'autres historiens rapportent que ces grandes réunions de harengs frappaient déjà les esprits d'étonnement et d’admiration. Le poids des poissons péchés était si consi- dérable qu'il déchirait les filets des pêcheurs. Leurs colonnes étaient si épaisses qu'une CHAP. I. HARENGS. 417 pidué: , plantée au milieu, sy tenait debout. Lorgdrager, en parlant de la Laponie, rapporte ces faits, et l’on voit dans les Annales d'Olaüs de Roschild, qu'en 1295, on péchait tant de harengs dans le Sund qu’on en avait la charge entière d'un chariot pour une poignée de de- niers, pro ora denariorum. Mie dit quà l'embouchure de la Vistule, en 1709, on fit une pèche de ha- rengs vraiment extraordinaire par l'incroyable affluence de ces poissons. Vers la fin de l'été de 1781, près de Buskoe, sur la côte voi- sine de Gothembourg, il parut une si grande quantité de harengs qu'ils semblaient former une montagne vivante, Sagitant au milieu de l'eau. Les bancs étaient si serrés quon pou- vait prendre le poisson à la main. Anderson dit que la pêche du hareng est quelquefois d’une si prodigieuse abondance en Écosse qu'on ne saurait s'en faire d'idée. En 1784 * on prit, dans l’espace de quarante à cinquante jours, tant de harengs dans le Loch Ürn que le produit de la vente s'éleva à cinquante-six mille livres sterlings. Plus loin, cet observa- teur ajoute, qu'en 1773, le hareng vint occuper 1. Olaüs mâgnus, Hist. nat. septentr., lv. XX, ch. 18. 2. Hist, nat. de Pol., p. 165. 118 LIVRE XXL CLUPÉOÏDES. le Loch Torridon en tel nombre qu'eriviron deux cent cinquante buises de pêche, qui avaient chacune deux ou trois barques et qui pouvaient porter douze à vingt barils de ha- renss, eurent leur chargement complet en une seule nuit. Plusieurs furent obligés de couper leurs taves ou cordages qui soutiennent le filet dans un plan vertical, de laisser à la mer une partie de leur tessure, afin de pouvoir tirer l'autre à terre pour la débarrasser plus aisé- ment du poisson dont elle était pleine. Gette abondance de harengs se soutint pendant deux mois consécutifs environ. Ün an ou deux après, des colonnes entrèrent dans le Loch Carron en si prodigieuse quantité qu'An- derson affirme qu'ils remplirent ce Loch, long de trois milles, large d’un mille, et dont la pro- fondeur varie depuis quatre jusqu'à soixante brasses. Anderson affirme qu'il était indifférent aux pêcheurs de jeter leurs filets en telle ou telle place; quelle que füt la profondeur de l'eau, on était toujours sûr d’avoir un char- gement complet. Les harengs restèrent dans ce Loch trente à quarante jours, après quoi ils disparurent tout d'un coup. On rapporte que, le 5 septembre 1974, il y avait tant de harengs à Auld-haiks, sur la côte de Fif, que quelques barques en prirent cinquante mille CHAP. I. HARENGS. 419 daus un seul filet. On ne savait quel parti en tirer, et on en offrit dix mille pour une bou- teille de genièvre. Sur la côte occidentale de ile Skye, les harengs se présentèrent une fois dans le Karoglôch en troupes si nombreuses que, soit de jour, soit de nuit, toute heure était bonne pour mettre à la mer le filet, et que, pour peu qu'il trempât dans l'eau, il était déjà rempli de harengs. On peut lire dans l'ouvrage d’Anderson d’autres preuves d'appa- ritions de harengs, presque aussi nombreuses sur les diverses côtes de l'Écosse, et des exem- ples non moins nombreux et attestés par des témoins oculaires, ont été observés en Nor- wége, sur toutes les côtes de la Hollande, de la Zélande, et l’on trouve aussi des faits semblables rapportés par tous nos pêcheurs de Dunkerque, Calais, Dieppe et Boulogne. Un pêcheur de Dieppe naviguant à quatre lieues au large nord-nord-ouest de ce port, rencontra un bouillon de harengs si prodi- gieux quil prit dans la même nuit vingt-huit last ou deux cent quatre-vingt mille poissons, .et il estima en avoir rejeté à la mer une quan- tité presque égale. Ün pêcheur de Fécamp se trouvant entre la pointe de la Hève, en Antifer, captura tant de harengs dans une nuit quil fut obligé de couper une partie de 120 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. ses filets pour éviter de perdre la tessure en- tière; ce quil sauva contenait trente last de harengs. Il estimait à plus de huit cent mille le nombre des harengs qui s'étaient em- maillis dans ses filets. Il n’est aucun pêcheur de ces ports à qui l'on Lit entendu raconter plusieurs fois que les grands bateaux ou cor- vettes de pêche n'avaient dû leur salut qu'au prompt abandon de leurs filets, dont les équi- pages coupaient les cables au moment où le poids du hareng devenait si considérable que tout équilibre était détruit. Cela rappelle tout à fait les dangers de sombrer courus par les pé- cheurs baleiniers qui sont quelquefois obligés de casser avec promptitude les fortes amarres en fer qui attachent la baleine le long du bordage, lorsque celle-ci vient, suivant leur expression, à couler. On a vu quelquefois dans l'espace de mer compris entre Niewport et Dunkerque d'une part, et Yarmouth de l'autre, des bancs si nombreux, si épais, si difficiles à rompre que les pêcheurs flamands les com- paraient aux dunes qui bordent la mer. Il arrive quelquefois à Boulogne que: les barques sortent et rentrent trois fois dans un même jour avec un chargement considé- rable à chaque aller et venir. Dans toutes ces réunions extraordinaires par leur nombre, les CHAP, I. HARENGS. : 121 harengs se présentent en différents états de grandeur, de grosseur, de maigreur ou de graisse. Ces circonstances de leur apparition changent sur toutes les côtes, indépendam- ment des saisons, et sans qu'il y ait de règles certaines à cet égard. Une opinion communé- ment très-répandue est, que les radeaux qui pa- raissent et s'élèvent les premiers à la surface de l'eau, sont composés de poissons plus petits, mais souvent plus gras que ceux des colonnes qui les suivent. Leuwenhæck, qui a discuté la probabilité de l'âge des hate) a observé que les premiers qu'on péchait sur les côtes de Hollande pendant le mois de juin, con- trairement au règlement degpêche, étaient toujours beaucoup plus petits que ceux qu'on prenait ensuite dans la vraie saison. Des ob- servations semblables ont été faites par Knox en Écosse, en Irlande, dans la Baltique. Les informations que Noël de la Morinière a fait prendre à ce sujet dans la Manche, à Saint- Brieux, à Grandville, à Dieppe, à Fécamp, ont toutes établi que les gros harengs succèdent à des radeaux composés de plus petits poissons. Les pêcheurs disent, quau commencement de la pêche il se bécate des lits de petits’ harengs qui se dégagent aisément des mailles destinées à prendre les gros; ce qui fait qu'on 122 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. ne les rapporte point. Cependant Anderson dit qu'il n’est pas toujours vrai que le hareng de la première pêche soit plus petit que celui de la seconde. [Len cite des exemples contraires dans les différents Lochs d'Écosse, et on a observé le même fait auprès de l'île de Man. Aussi cet auteur rapporte-t-il, que les barques de pêche bien équipées ont trois sortes de filets dont les mailles sont plus ou moins grandes. Mais il est à remarquer que cet usage, qui s'est con- servé en Écosse et même en France pour les harengs d’arrière-saison, est abandonné depuis longtemps par les Hollandais; ce qui explique pourquoi leurs harengs sont toujours plus gros et d’égale grandeur. Bloch établit que le ha- reng des mers occidentales de Suède a d'autant moins de grosseur ou d'embonpoint, quil se montre plus tard. Lorsque, dit-il, le poisson se monire sur les côtes de Suède dès le mois d'août , il ne le cède en rien au hareng de Hollande ; mais à mesure que le temps de la pêche se passe, on prend chaque semaine des harengs plus petits et plus maigres; d’où il suit, que le hareng pêché du premier au quatorzième jour de son apparition, est regardé comme le meilleur, et conséquemment acheté à un plus haut prix. Cependant le baron d’Alstrômer contredit cette assertion de Bloch. Il est vrai CHAP. IL. HARENGS. 123 que le hareng de prime se vend toujours trop cher pour être converti en huile; mais il n’en faut pas conclure que les radeaux de seconde et de troisième apparition soient pour cela dé- pourvus de la graisse qui les fait rechercher pour cette industrie. Ce savant économiste cite plusieurs captures de harengs faites dans le mois de février dont on obtint de l'huile. Pontoppidan établit à peu près les mêmes faits pour le hareng des côtes de Norwége, de sorte qu'en rapprochant ses observations ‘de celles que nous fournissent les Hollandais et les Flamands qui fréquentent les eaux de Shetland, ou les pêcheurs écossais, dont An- derson cite les témoignages, on voit que tous ces écrivains ne sont pas d'accord sur l'époque de la saison où le hareng est le plus gras. Les pêcheurs de la Manche ont remarqué la même variation dans la composition des radeaux de première ou de seconde apparition. C'est donc bien à tort que Knox prétend que les harengs qui traversent la Manche sont si fatigués et si appauvris, qu'ils ne sont plus propres à être salés et à entrer dans la circulation commer- ciale. Îl est tout aussi difficile d'établir époque précise du frai du hareng. Zorgdragers* a vu 1. Zorgdr., alie und neue grœnl. Fisch., , 91. 1424 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. du frai de hareng au delà du cercle arctique vers la fin de l'hiver. On dit que dans la Bal- tique les harengs fraient dès la fonte des glaces, c'est-à-dire, depuis le commencement du printemps jusqu'en automne. Mais, quelque- fois aussi on a vu dans cette mer du frai de hareng pendant l'hiver; ce qui établit encore que tous les poissons d'un même radeau ne fraient pas à la fois, cest que les pêcheurs déclarent tous qu'ils prennent le hareng.en trôis états différents : une sorte composée de harengs pleins, une seconde de harengs gais, et une troisième de harengs déjà disposés à redevenir pleins. Ceux qui font les diverses préparations du poisson pêché, reconnaissent également ces différents états du hareng. En Hollande, on ne fait aucun choix du hareng pendant les dix premiers jours de la pêche, et tout ce qui est pris est envoyé, sans distinc- ion, depuis Hambourg jusqu'a Amsterdam, pour y être consommé comme harengs de prime. Après ces premiers envois, on a très- grand soin de faire le triage du poisson pris chaque nuit; cette opération, aussitôt quil est caqué, et avant de lui faire subir la prépara- tion du sel, c’est alors que l'on distingue ce qu'on appelle le petit hareng (Maatges ha- ring), celui qui n’a encore ni œufs ni laitances; CHAP. I. HARENGS. 125 il est gras et d’un gout très-fin; mais il ne se conserve pas longtemps. Une seconde sorte est le hareng plein (volle haring), et une troi- sième, le hareng vide (y/n haring). Des observations répétées prouvent que les harengs fraient autour des îles Hébrides, sur les côtes orientales ou occidentäles d'Écosse, dans toutes les baies de l'Irlande et autour de île de:Man. Noël de la Morinière a recueilli des observations, établissant la reproduction du hareng sur les côtes du pays de Galles. La Norwége, la Suède, le Danemarck, la basse Allemagne recoivent aussi chaque année sur leurs côtes le frai de ce poisson. Schænfeld croit que le hareng dépose ses œufs à lembou- chure de l'Elbe, parce qu'on trouve de jeunes harengs dans les eaux de ce fleuve. Tous les pêcheurs hollandais sont témoins du frai du hareng sur le Doggerbank; ceux du Zuyder- sée et toute la Nord- Hollande conviennent que vingt jours environ avant l'équinoxe du printemps le hareng se rassemble pour frayer, qu'il met un mois à lâcher tout son frai, et qu'il choisit toujours de préférence les fonds sur lesquels il se trouve peu d'eau. Les pé- cheurs de la Manche croient que le hareng lâche ses œufs ou sa laitance à parur de la passure de Dyck, à l'ouverture de cette mer 126 LIVRE XXE CLUPÉOÏDES. jusqu'au cap la Hève. Lorsquà Boulogne on commence à prendre du hareng déjà gai, on regarde ces poissons comme la tête d'un lit nombreux de harengs pleins qui ne tardent pas à se montrer. L'expérience répétée a éta- bli avec raison cette opinion. Des radeaux de poisson vide'sont donc remplacés par des lits de poisson plein, et il faut aussi remarquer que les poissons vides, pris vers la fin de la saison, sont presque toujours plus grands que n'étaient les harengs pleins du commen- cement de la pêche. Il faut donc conclure de tout cela que les harengs n'ont pas, depuis le pôle Nord jusque dans nos mers, une époque fixe pour frayer, et qu'ilsse multiplient dans toutes les mers où ils se trouvent. Ce que j'ai rapporté plus haut sur la quan- tité d'œufs que les pêcheurs tirent quelque- fois dans leurs filets, démontre aussi la vérité de la reproduction du hareng dans ces diffé- rentes mers. À Maintenant que: je viens de parler de la reproduction du hareng et de sa prodigieuse fécondité, il est bon de dire quelques mots sur les ennemis que la nature lui a donnés. IL faut d’abord citer tous les grands cétacés; ils les poursuivent, le long des côtes, avec beaucoup d’acharnement. Ces circonstances CHAP. I. HARENGS. - 497 n'avaient point échappé aux pêcheurs les plus anciens, car dans l'ancien langage des pêcheurs islandais, une espèce de baleine est surnom- mée fiskreki, c'est-à-dire chasseresse de pois- sons. .Pontoppidan, Strôm, disent que ces baleines se trouvent dans les golfes de la La- ponie tant quelles sont certaines d'y trouver du hareng. Knox cite des faits semblables sur les côtes d'Écosse. L'un de ces cétacés ou le Nordkaper, a recu sur les côtes d'Islande le nom de erring-Balein. Les harengs, pour échapper à la poursuite de ces grands mam- mifères, se jettent sur la côte, cherchent un asile dans les anses ou dans les bras d’eau où les baleines n'osent s'engager, circonstances qui rendent la pêche du hareng plus facile et plus prompte. Aussi est-il défendu de tuer ces gigantesques animaux sur la côte de Nor- wége. pendant la pêche du hareng. On sait aussi que la poursuite devient funeste aux cétacés qui viennent plus souvent échouer pendant la saison du hareng que pendant les autres mois de l'année. Les pêcheurs regardent en général l'apparition des baleines comme un présage heureux et sans équivoque d'une bonne pêche de hareng. Après ces grands cétacés il faut aussi ranger les phoques qui font aux clupées une guerre fort active; puis, 128 LIVRE XXI CLUPÉOÏDES. enfin, il faudrait citer une foule de poissons, tels que tous les squales, les esturgeons, les gades, les saumons, la chimère arctique, qui. a recu, dans certains parages, le nom de roi des harengs. Les squales entre autres, comme l'Aiguillat (Sq. acanthias), LÉ isroles (:Sq. mustelus) et la Roussette (.Sq. catulus), se réunissent en troupes considérables sur cer- tains fonds que le hareng affectionne aussi, et quelquefois ils y sont en si grande quan- tité, que certains pêcheurs ont abandonné des stations pour éviter de voir leurs filets dé- chirés par ces incommodes cartilagineux. Les matelots de Dieppe disent qu'ils ont cessé de trouver du hareng sur la bassure du Larron qui était, après + Caillebarde, un des meil- leurs hide de la Manche, depuis que Le pois- son y a été détruit par dé chiens de mer. Les pêcheurs de Dieppe ou de Boulogne croient avoir remarqué des apparitions iné- gales et successives de ces bandes de squales. Ils disent que ces cartilagineux font princi- palement la chasse aux harengs pendant le jour; qu'ils se disputent leur proie jusque sous la barque; que le plus souvent ils coupent le poisson en deux avant de lavaler. La quan- üté considérable d'huile qui en découle ‘vient s'étendre à la surface de l'eau et forme, sui- L CHAP. I. HARENGS. 129 vant quelques observateurs, ce qu'on appelle le graissin. [Il arrive quelquefois aux pêcheurs de retirer des pièces entières de filets qui ne contiennent plus que des harengs coupés par le milieu du corps. Après les squales, les es- turgeons, dans les eaux salées du nord, con- somment une telle quantité de harengs, que leur chair et leur graisse en contractent telle- ment le goüt, qu'on les appelle S:/d-Stoere (esturgeon-hareng). Les oïseaux de mer font aussi une chasse active aux harengs; tous ces palmipèdes pêchent nuit et jour, soit pour leur propre nourriture, soit pour celle de leurs petits. L'avidité de ces oiseaux est si grande qu'ils viennent se jeter sur les barques des pêcheurs et leur prendre en quelque sorte le poisson dans les mains; cest un des spec- tacles les plus animés et les plus curieux dont on puisse être témoin. Il à inspiré à l'un de nos plus habiles peintres de marine le sujet et la composition d'un grand et beau tableau où cette scène a été représentée avec beau- coup de vérité. Les manœuvres de tous ces oiseaux sont un sujet continuel d’observa- tions pour les pêcheurs qui croient en tirer de bonnes indications pour la pêche de la nuit suivante. Îl est d’ailleurs inutile de ré- péter ici ce qui a déjà été dit tant de fois, 20. 9 . .. 130 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. c’est que l'homme, par son industrie, est le plus habile et par conséquent le plus terrible ennemi de ce-poisson. Les chiffres que nous donnerons en traitant de la pêche de cette clupée, semblent vraiment dépasser tout ce que l'imagination peut atteindre. Tout ce que nous venons de rapporter des habitudes du hareng nous conduit maintenant à examiner l'opinion , si fortement accré- ditée, des voyagés périodiques et réguliers que les harengs sembleraient faire tous les ans en bancs serrés d'une étendue presque incalculable, frayant en route et arrivant presque exténués à l'entrée de la Manche vers le milieu de l'hiver. Les naturalistes les plus célèbres ont répété le tracé de ces voyages réguliers, On fait venir le hareng du nord. A certaines époques de’ l'année, une colonne immense quitte les golfes abrités par les glaces du cercle arctique. Elle savance en traversant l'Océan et en dirigeant sa marche vers des contrées plus tempérées. Cette colonne d’émi- grants se forme en deux divisions dont l'une se porte à l’ouest et l'autre vers le sud. Dans cette hypothèse les harengs de la colonne occidentale sont destinés à peupler les rivages de la côte d'Amérique; la seconde division viendrait peupler les mers d'Europe. Les au- CHAP. I. HARENGS. . 431 _teurs de ce système n'ont.pas fait attention à la distinction spécifique entre le harengeuropéen et celui d'Amérique. Ils ont d’ailleurs oublié de faire une troisième part pour les harengs des mers de l'Asie, à moins qu'on n'admette que ceux-ci ne viennent d'une colonne partie di- rectement du cercle polaire. Si nous revenons suivre la division qui s'est dirigée vers le sud, on dit qu'elle arrive aux attérages de l'Islande peu de jours avant l'équinoxe du printemps. Le rétrécissement de la mer entre la côte septen- trionale du Grœnland et le cap Nord force cette division à se resserrer; arrivée en Islande, des troupes assez nombreuses se portent sur les côtes du Grœnland, mais la masse de la colonne poursuivie par les cétacés ou harcelée par les oiseaux de mer, pousse ses phalanges en tirant toujours vers le sud, après avoir peuplé les différentes baies de l'Islande. Par- venue dans les grandes eaux de l'Océan sep- tentrional, la colonne étend alors ses flancs à droite et à gauche et se subdivise; aussi il n y a point d'espace de mer quelle ne traverse aisément ni de détroit quelle ne puisse franchir. Arrivées sur les îles de Shetland, les nom- breuses subdivisions de cette grande colonne auraient chacune une destination particulière. Ce que l’on appelle l'aile gauche, range la côte 132 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. de Norwége depuis la Laponie jusqu’à l'ouver- ture du Cattegat. L'aile droite se dirige vers les Hébridées et le nord de lIrlande. Le corps du centre reste composé de harengs destinés à peupler la mer du Nord, en suivant les côtes orientales des Iles britanniques, et en se portant de là dans la Manche. L’aile gauche ou la norwégienne, remplirait successivement tous les golfes qu’elle rencontre sur son pas- sage, depuis le cap Nord en Laponie jusqu’à Tromsôe. Cette aile est présumée se former en deux troupes principales : l’une d'elles suivrait les côtes de la Suède, gagnerait le détroit du Sund et le franchirait pour aller se perdre dans la Baltique; l’autre traverserait brusquement le Cattegat et se porterait au nord du Jutland; elle se subdiviserait encore en deux colonnes. La première longerait pen- dant quelque temps la côte à l'est, s’'égarerait dans les Belts et les canaux des îles voisines, allant probablement rejoindre la troupe qui a longé la côte de Suède. La seconde descen- drait à l'occident du Jutland, côtoierait le Sleswich, le Holstein, une partie de la basse Allemagne et la Frise, et viendrait se jeter par le Texel dans le Luydersée, après en avoir visité les différents rivages. Le corps principal de cette armée, sorti ae mers polaires, étant CHAP. I. HARENGS. 133 arrivé aux iles de Shetland vers l’équinoxe du printemps, se diviserait en deux troupes. L'une d'elles nagerait directement aux Orcades, et de là en Écosse où elle remplirait les baies ou les anses de la côte orientale, en rangeant Ba- ckaness, Aberdeen; quittant les côtes élevées de Berwich pour se diriger vers le sud, elle re- paraitrait ensuite à la hauteur de Scaborough. Dans cette hypothèse, des détachements assez nombreux se donnent rendez-vous sur le Dog- sersbank; une partie gagne la mer de Hol- lande, pour sincorporer probablement avec ceux qui ont fait originairement partie de l'aile gauche, mais le plus grand nombre se réunissent sur-les côtes d'Yarmouth, passent à l'embouchure de la Tamise, et se portent de là dans la Manche, dont ils parcourent les deux côtes après avoir rallié quelques corps détachés des.colonnes qui ont visité les mers de Hollande ou de Zélande, après s'être mon- trés dans les eaux de Douvrés, d'Hastings, de Shoram et dans celles de Boulogne, de Dieppe et de Fécamp, les bandes entières gagnent l'ouest de la Manche et disparaissent. La deuxième des troupes qui s'est formée aux îles de Shetland, s'est dirigée vers les Hé- brides, tandis que la première se rendait aux Orcades. Ces bandes se subdivisent dans les 134 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. nombreux canaux qui séparent les îles de l'ouest, visitent les atterrages d'Anglesey, de “le de Man,. de la baie de Cardigan, de la Saverne, d’où elles se portent, en longeant les côtes de Cornouailles, dans les eaux de la Manche. Enfin, l'aile droite se partage, comme en Écosse, lorsqu'elle est arrivée au nord de l'Irlande. Une partie descend le canal d'Irlande, remplit toutes les baies jusqu’à Wa- terford, tandis que l’autre, contournant l'Ir- lande à l’ouest par Donégal et Galloway, vient aussi se perdre dans les eaux de la Manche ou de l'Océan, pour se reporter vers le nord, d’où elle recommencera une seconde fois ses voyages périodiques. Telles sont les opinions des partisans du système migratorial du hareng. Le mois qui suit le solstice d'hiver est l'époque du terme qu'ils assignent aux courses étonnantes de ce poisson. Pour ajouter encore un caractère plus imposant, des pêcheurs leur ont donné une précision singulière; on a avancé qu'aux Shet- lands on connait le jour fixe de l'arrivée du grand banc, et que ce jour ne varie jamais; on a été jusquà fixer le nombre de jours que les colonnes passent dans telle ou telle baie. La même opinion existe en Hollande et sur les côtes de France. Ainsi nos pécheurs de CHAP. I. HARENCGS. 135 Boulogne sont d'opinion que cette clupée vient en radeau sur la bassure de Dyck près Calais, vingt-quatre jours après l’équinoxe d'automne, et sur celle de la Caillebarde cin- quante jours avant le solstice d'hiver, ce qui est à une quinzaine de jours près la même époque. Sans croire à une régularité aussi in- variable dans les apparitions des bancs, il ne faut pas cependant les confondre avec le tracé dès migrations des harengs, quoique plusieurs auteurs aient voulu lier ensemble ces deux événements. Pour appuyer ces systèmes si accrédités, les auteurs ont donné des raisons très-diverses; les uns trouvent la cause de ces voyages périodiques dans les vues bien- faisantes de la Providence, les autres dans la fusion des glaces du Er CM dans l'excès de la fécondité de l'espèce et par suite dans la mul- tiplication d'individus qui causeraient une rareté de subsistance assez grande pour forcer le poisson à émigrer. Enfin la crainte et les poursuites des grands animaux de la classe des mammifères ou des poissons ont fait ima- giner aussi la nécessité du déplacement du ae a D’autres auteurs ont cru au besoin de frayer dans des eaux moins froides ou de chercher une température plus douce pour le développement des petits. Il suffit de se 136 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. rappeler tout ce que nous avons dit plus haut, pour réfuter ce qui a rapport au frai ou à la nourriture du hareng, puisquedes témoignages positifs nous apprennent qu'ils frayent depuis les mers septentrionales jusque dans la Manche. Quelques autres auteurs Ont cru que les harengs ne se dirigeaient pas aussi directement du nord au sud, que nous venons de l'éta- blir. Ainsi les uns les ont fait voyager sans relâche autour des Iles britanniques, d’autres ont tracé au contraire leur route de l'ouest au nord. Il me parait que ces différentes opinions ont pris naissance à la suite de l'ap- parition des différents radeaux de harengs. Quelques auteurs, tels que Gilpin, ont fait exécuter et accomplir les voyages des harengs à travers l'Atlantique d'Amérique en Europe. Il n'est pas aisé de découvrir quel. a été le premier auteur du récit des voyages merveil- leux du hareng. Mais cette histoire, qui paraît d'abord assez plausible lorsqu'on la compare aux migrations périodiques et si merveilleuses des oiseaux, qui a été si souvent répétée que presque toutes les nations européennes ont cru devoir l'admettre comme un fait constant et authentique, mérite cependant que nous nous arrêtions encore un peu sur ce sujet, parce qu'on n'a pas hésité de rédiger sur ces. CHAP. IL HARENGS. ‘ 137 données, aussi vagues qu'incertaines,,des po- lices de pêche, que l'on a fait passer en force de loi. Anderson, l'un des observateurs les plus éclairés des mœurs et des habitudes du hareng, est opposé au système migratorial ; il remarque, en effet, que la pêche du hareng sur les côtes d’Argik en Écosse, commence vers le solstice d'été, lorsqu'on n'a encore vu aucun hareng dans le canal-qui sépare l'ile Longue de l'Écosse. On retrouve la même circonstance dans île de Man , lorsqu'aucun radeau de harengs né sest montré dans les pièces d’eau que ces poissons auraient nécessairement visitées s'ils venaient du nord. Si de l’ouest de l'Écosse nous passons avec Anderson à l'est de cette ile, des observations semblables se reprodui- sent avec les mêmes faits. Rarement, dit-il, les harengs se montrent sur la côte d’Aberdeen avant le solstice d'été; alors toutes les baies de la côte sont tellement empoissonnées de harengs quavec les moindres filets on en fait d'immenses provisions. Or, à cette même époque, c'est-à-dire, au solstice d'été, la pêche commence à Exmouth, à plus de deux cents milles au sud d’Aberdeen , dans le temps même où le hareng serait à peine arrivé aux îles de Shetland d’après le système général des mi- 138 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. grations., Anderson remarque ensuite que, si la marche du hareng suiväit du nord au sud, aucune partie de l'Écosse ne devrait offrir une pêche aussi abondante que la côte septentrionale de Caithness, parce que les terres doivent y opposer une grande résis- tance, et que dans l'hypothèse du voyage, les harengs devraient s’enfoncer dans les baies ou les creeks de ce grand golfe. Il est cependant d'expérience que la pêche n’est jamais aussi avantageuse dans l’ouest que dans le nord de l'Écosse; que la pêche de l'été est en quelque sorte nulle à Caithness; quelle n'y présente quelque intérêt qu'en automne ou en hiver, époque de l'année où, d’après le système de route attribué aux harengs, il ne’ devrait plus s'y trouver un seul de ces poissons. Anderson a fait encore et avec autant d’exactitude la même remarque sur les côtes du Firth de Murray. S'il est vrai, continue cet historien, que les harengs descendent du nord, lorsquils se montrent, soit en été, soit en automne, sur les côtes occidentales d'Écosse, ces poissons doivent, en continuant de se porter toujours au sud, trouver les côtes septentrionales de lrlande, qui semblent leur fermer le passage. Us devraient par suite de cette circonstance être forcés à y faire un plus long séjour; ce qui f CHAP. I. HARENGS. ; 139 rendrait la pêche d'hiver plus sûre et plus avan- tageuse que sur les côtes d'Écosse. Or, voici ce qu'on a observé et ce que rapporte l'auteur dont nous extrayons tous ces passages. Bien qu'en général les harengs se montrent souvent en grande quantité sur les côtes d'Écosse pen- dant la saison d'été, alors qu'il y en a fort peu dans les mers d'Irlande; bien aussi qu'en hiver les côtes d'Irlande possèdent peut-être plus de harengs que les côtes d'Écosse, cependant l'opinion que la pêche d'hiver l'emporte en produit sur celle d'été, éprouve beaucoup d'exceptions. Ainsi, par exemple, avant 1782, la pêche d'hiver a manqué rarement sur les côtes d'Écosse, et elle a été presque toujours nulle sur celles d'Irlande. En 1782, les pêches été et d'hiver furent mauvaises en Écosse; mais la dernière fut très-abondante en Irlande. Cette circonstance éveilla l'attention des pé- cheurs écossais. En 1783, la pêche d'été fut bonne en Écosse ; celle d'hiver très-médiocre; tandis qu'en Irlande toutes les baies fourmil- laient de poisson. D'après l'exemple de ces deux années, la spéculation fit tracer aux Écossais un nouveau plan de pêche; mais l'attente des pêcheurs fut entièrement décue; car, en 1794, les bancs de harengs se mon- trèrent dans les baïes d'Irlande avant le sols- 140 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. tice d'été, et dans le cours de l'hiver suivant on n’en vit pas un seul dans les baies d'Irlande. Cette même année la pêche d'été avait été bonne sur les côtes d'Écosse ; mais la meilleure eut lieu en automne dans la partie septentrio- male des Hébrides; nouvelle contradiction avec le système général des migrations, car la meilleure saison de pêche devrait être l'été sur les côtes d'Écosse, et l'hiver sur les côtes d'Irlande. Les bancs de harengs que l’on sup- pose arrêtés dans leur course du nord au sud, en voyageant, soit par les îles Shet- land, soit par les côtes septentrionales de l'Écosse et de l'Irlande, ne commenceraient point par se montrer en été dans les eaux profondes de la mer du Nord pour venir en- suite, vers la fin de la saison, dans les baies écossaises. Si la marche du hareng était aussi régulière qu'on le présume, les pêcheurs ne seraient point incertains pour le trouver. Noël de la Morinière rapporte plusieurs faits qui lui ont été communiqués par des pêcheurs flamands ou hollandais, et qui sont tout à fait contraires à la marche attribuée aux harengs. Ün pêcheur de Bruges lui a assuré qu'après avoir pêché le grand hareng ? à la hauteur de Shetland, il lui était arrivé d’être trente ou "quarante jours sans revoir un seul de ces CHAP. I. HARENGS. 4/41 poissons, quoiquil naviguât dans les eaux qu'on suppose traversées par ces poissons. Une corvette de Nieuport a mis trente-sept fois les filets à la mer sur les fonds de Shetland pour prendre une demi-tonne de harengs; elle était arrivée de fort bonne heure. Des corvettes flamandes qui étaient restées plus au sud, complétèrent leur chargement en trois jets de filets ou en trois nuits. D’autres corvettes de Nieuport avaient fait une bonne pêche à la hauteur de Caithness; tandis que les buyses hollandaises n'avaient pas trouvé dans le même temps le quart de leur cargaison aux Shetland. Noël a vu un pêcheur d'Ostende qui retour- nait souvent sur les fonds d'Yarmouth aux approches du solstice d'hiver quand il ne trouvait plus de poisson depuis Boulogne jus- qu'à l'entrée de la Manche. La majorité des pécheurs de cette mer est aussi d'opinion que le hareng leur arrive du nord; mais, malgré tout ce quils disent de la régularité de ces apparitions sur les bassures de Dyck, de la Caillebarde, du Larron, etc., leur conduite prouve qu'ils n'ont aucune ur tre po- sitive de la marche de ce poisson, et qu'ils. sont constamment à sa recherche. S'il fallait ajouter foi à leurs dires, le hareng se trouve- rait dans les eaux voisines de Dunkerque peu 142 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. de jours après l’'équinoxe d'automne; wingt- quatre jours après sur la bassure de Dyck; puis, après quinze jours, ils arriveraient sur la Caillebarde. On peut déjà observer qu'ils ne sont pas d'accord entre eux sur la route suivie par le poisson pour s’y rendre. Les uns prétendent quil y arrive par le vent d'ouest ou nord-ouest. Ils croient avoir remarqué que par les vents d'est ou de sud-est ils passaient plus près de Boulogne. D'autres prétendent que le poisson ne vient point de Dyck, mais d’autres fonds ou de la bassure des grands Ridains; qu'il se rend dans les eaux Wissant, et de là dans celles de Boulogne. On doit conclure de tout ceci que les pêcheurs de la côte de Calais ‘ont l'opinion que le hareng vient du nord. On devrait conséquemment sattendre que leurs procédés de pêche et le système qui les régit coïnciderait avec cette opinion. Cependant il arrive souvent aux pé- cheurs de mettre d'abord leurs filets à la mer dans les eaux voisines de Wissant, et de re- monter ensuite plus au nord jusque sur le Dyck; ils suivent donc pour pêcher une route du sud au nord. L'observation de la conduite des pêcheurs de Fécamp prouve leur même incertitude sur la marche du hareng et sur la! progression du nord au sud. Noël de la Mo- CHAP. I. HARENGS. 143 rinière a vu une réunion de trente bateaux de pêche en travers sur les Dales; ils sy ren- daient régulièrement à chaque marée, quoique la pêche fût très-médiocre. Deux de ces ba- teaux, cependant, $e détachèrent et vinrent stationner à l’ouest entre Antifer et La Hève; ils y firent une très-abondante pêche, et ils prirent à eux seuls plus de harengs gais que tous les autres bateaux réunis ensemble. A la marée suivante, les pêcheurs, à l'exception de quatre à cinq, mirent le cap à l'ouest. La pêche y fut très-mauvaise, tandis que les autres bateaux qui étaient retournés à la sta- tion de Dale firent la même nuit une excel- ‘lente capture. Les harengs étaientremarquables par leur grandeur, et il faut noter quil y en avait plus de la moitié de pleins. Le lende- main, une partie de ceux qui s'étaient portés : à l’ouest revinrent à l'est de Fécamp, et ils ny prirent pas un seul hareng. Ceux qui, au contraire, persistèrent à rester sur les fonds voisins de la Hève, en péchèrent cette même nuit une immense quantité. On pourrait citer un grand nombre d'exemples semblables ; mais cela est tout à fait inutile pour établir jusqu'à quel degré les pêcheurs restent dans l'incer- titude, malgré l'apparence contraire qu'ils aiment à sedonner. 4144 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. D'autres fois les pêcheurs expliquent leur désappointement, en attribuant les déviations de la route tenue par les harengs à la poursuite des chiens de mer ou autres poissons voraces. Noël rapporte à ce sujet, qu'étant à Étretat les pécheurs pensaient que les chiens de mer, donnant la chasse aux harengs et les obligeant de ranger la côte, ils devaient jeter leurs filets à la mer aussi près que possible, au risque de s'y échouer. Il arriva, contre leur opinion, que ceux des bateaux qui se trouvaient le plus au large, firent une meilleure pêche. Presque tous les pécheurs de la Manche s'accordent à dire, que le côté des filets qui regarde le nord-ouest, est presque toujours plus rempli que la face opposée. Mais dans l'hypothèse du système migratoriäl, les harengs, venant du nord, et suivant la courbure de la côte depuis Bou- logne jusquà Dieppe, devraient s'emmailler plutôt sur le rhumb du sud-est que sur celui du nord-ouest. Le moindre coup d'œil jeté sur la carte, suffit pour convaincre de cette vérité ; par conséquent, sil est vrai, comme le disent les pécheurs, que le rhumb du nord soit constamment le meilleur, il faut en con- clure que les harengs viennent de l’ouest. En général, on peut dire que l'examen des faits et la pratique sont toujours opposés à leur CHAP. I. HARENCGS. 145 théorie. Les pêcheurs de Saint-Brieux disent aussi que le hareng vient du nord; dès l'équi- noxe d'automne, ils tendent des filets dor- mants le long dela côte, et les individus que l'on y prend, sont de plus en plus gros pendant l'espace de deux mois. Ces harengs viennent donc de l’ouest ; car ils devraient, au con- traire, être plus petits à la fin de la saison qu'ils ne le sont au commencement, s'ils fai- saient partie de radeaux entrant dans la Manche par le Pas-de-Calais. Les pêcheurs de Grandville, et surtout ceux d’Yport, recon- naissent quen été le hareng périt sur leurs côtes en venant de l’ouest, tout en restant fidèle à lopinion générale que le hareng voyage du nord au sud. Si nous nous trans- portons dela Manche dans la mer du Nord, nous retrouvons les mêmes dires et les mêmes faits pour établir les mêmes erreurs. Les pé- cheurs de Vlaardingen, sans cesser de croire que le hareng vient de la mer Glaciale, con- viennent quil en arrive aussi de l'ouest ; mais, dans ce cas, ils disent que les poissons se sont trompés de route. Il faut aussi faire attention dans cette réfu- tation du système migratorial des harengs, que ses partisans ont tous entendu que le poisson arriverait de la mer qui s'étend au delà du 20. 10 146 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. cercle arctique. Or, les remarques faites sur les côtes du Groenland, de l'Islande ou de la Laponie établissent positivement que cette espèce de clupée n’est pas aussi féconde dans ces latitudes qu’on serait porté à le croire dans le système opposé. Nous avons déjà fait observer que Othon Fabricius dit formellement que le hareng est un des poissons les moins communs dans les _eaux du Groenland. L'Islande, qui vient après, fournit un grand nombre de preuves contraires au système migratorial. S'il était vrai, en effet, que les harengs descendissent tous les ans des mers les plus voisines du pôle, les golfes de l'Islande, ouverts au nord, devraient four- miller de harengs quand se fait l'émigration. Or, c’est ce qu'on n’a jamais vu. Olafsen dit même qu'il n’est guère vraisemblable que les harengs viennent du nord; car, dans les dis- tricts septentrionaux de cette île on ne trouve que fort peu de harengs. Ce témoignage est encore appuyé par celui d'Olavius, qui affirme que de mémoire d'homme on n’en a pris qu'une seule fois en quantité remarquable dans l’an- née 1773, mais que communément ces pois- sons ne sy montrent qu’en petite quantité, et que leur abondance dans les mers d'Islande est bien au-dessous de-ce qu’on croit commu- f CHAP. I.- HARENGS. * 447 nément. Ce récit s'accorde avec celui d'Égedde; cet auteur observe qu'il se passe souvent plu- sieurs années sans quil se voie de harengs en Islande; il s'accorde aussi avec celui de Stephensen, qui n'y a vu ces poissons qu’en automne, sil en excepte quelques radeaux assez nombreux qui se montrèrent en été à Eyafxord. Cest peut-être un de ces radeaux semblables dont Mohr a entendu parler, lors- quil a dit qu'en août on prenait quelquefois des harengs plus gras que ceux de Flandre. Si nous examinons maintenant ce qui se passe en Laponie, nous trouvons la même contradiction entre les faits et le système des migrations du hareng. S'il était vrai que le hareng descendit du pôle, et qu'après avoir doublé le cap Nord, il cotoyât les côtes de la Norwége, les baies les plus septentrionales de ces contrées seraient invariablementavisitées les premières à mesure que l'été s’avancerait. Or Knudleen’ et Pontoppidan* qui connais- sent si bien ces contrées horéales s'expriment en ces termes : le hareng vient quelquefois en Laponie pendant l'hiver; il y procure alors une bonne pêche. Pour ce qui regarde : la 1. Knudl., Besk. over finnm. Lapp., 321. 2. Pont., finrm. Mag., 389. 148 ‘ LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. péche du hareng en Nordlande, Fruus' rap- porte qu'elle est plus abondante une année que l'autre et souvent bornée à tel district exclusivement. La pêche s'est faite pendant longtemps à Drontheim sans interruption el elle était très-considérable; mais on a vu le poisson disparaître de ces baies pendant plu- sieurs saisons, ce qui a forcé d'aller chercher le hareng fort loin vers le nord. Ce nest: même que depuis quelques saisons de pêche que le hareng s’est ainsi montré dans les par- ties septentrionales de la Norwége et de la Laponie. On a vu aussi que nous avons insisté sur les différences de races ou de variétés qu'on remarque dans les formes extérieures du hareng; les variations dont nous avons cité des preuves nombreuses et qu'on observe sur presque toutes les côtes, depuis les mers septentgionales de Norwéce jusque dans la Manche, me semblent une des réfutations les’ plus positives du système migratorial des ha- rengs. Comment se ferait-il, par exemple, si le hareng venait de la mer glaciale, que la petite espèce de la Baltique traversât le Cat- tegat pour entrer exclusivement dans cette mer, tandis que la grande espèce resterait sur 1. Fruus, Of handling om fisch. in Nortland , 191. CHAP.J. HARENGS. 149 les côtes de Suède qui regardent le Cattegat ? Les harengs qu'on pêche dans le Zuydersée présentent les mêmes faits. Que conclure de tout ce que nous venons de dire? C'est que le hareng vit par légions innombrables dans toutes les eaux où on le pêche, qu'il se tient dans une profondeur dé- terminée, considérable, et qu’il sait échapper pendant longtemps aux moyens de poursuite des pêcheurs, mais que lorsque vient le moment du frai, le même besoin de placer convenable- ment le produit de sa génération le force à quitter ses retraites de la même manière que cela a lieu pour les sardines qui font; à la ma- nière des harengs, des apparitions nombreuses sur les côtes, où elles remplacent le hareng qui n y existe pas. C'est par un instinct sembla- ble que les aloses ou les saumons sortent aussi de leurs retraites sous-marines pour remonter dans les eaux douces qui viennent verser leurs eaux dans l'Océan. Un acte qui doit satisfaire au même besoin, mais qui est tout à fait in- verse, est celui dont les anguilles nous ren- dent témoin; un certain nombre d’entre elles quitte les eaux douces pour se rendre à la mer. Les harengs se déplacent pour apparaître près des côtes et y déposer leur frai. Les mouvements que nous observons dans ces 150 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. grands bancs ne sont que des déplacements accidentels, fortuits, qui tiennent à des causes qui n’ont pas encore bien été observées. Mais comme les bancs sont considérables, qu'ils frappent l'imagination de l'homme par leur masse, les hommés peu instruits qui bravent avec courage les dangers incessants de la pêche de ces poissons, ont cherché à donner une explication poétique comme celles qu'en- fante toujours l'imagination de ces hommès vivant isolés au milieu de ces grandes scènes de l'Océan. On y a ajouté peu à peu, et l'écha- faudage du système entier a fini par sy éta- blir. Il faut bien remarquer cependant qu'il se passe là plusieurs phénomènes dont nous ne nous rendons pas encore bien compte. Les harengs fraient sur les côtes, les petits sy développent; au mois de mars on trouve devant les rochers du Calvados des légions de petits harengs, longs de trois à quatre pouces, qui bientôt disparaitront de la côte pour faire place aux harengs adultes qui se présenteront en bancs serrés pour peupler ces plages de nouveau frai. Le hareng grandit-il assez vite pour atteindre à la fin de l’année la taille que nous lui connaissons et être en état de revenir multiplier son espèce? ou bien passe-t-il une ou plusieurs années au CHAP. I. HARENGS. 151 fond des goufres de l'Océan jusqu'à ce qu'il soit en état de reparaître sur les plages? Si jappliquais à ces clupées Les observations que nous faisons sur les aloses, je serais assez tenté de croire à cette dernière supposition. En effet, nous voyons les aloses qui sont nées dans nos fleuves à une distance très-considé- _rable de leur embouchure, car elle dépasse presque toujours cent lieues, redescendre vers la mer lorsquelles ont atteint une grandeur de deux à trois pouces; mais à l’époque de la montée on ne prend jamais que des aloses adultes qui ont de quinze à dix-huit pouces de longueur, qui sont par conséquent cinq à six fois plus longues que celles qui redescen- dent à la fin de la saison. D’un autre côté, lon prend à la mer assez fréquemment des aloses de toutes tailles, qui n’ont encore ce- pendant ni œufs ni laitances, et que pour cette raison on appelle pucelles. Cette espèce de poisson nous fournit donc la preuve que pendant un certain temps ces individus ha- bitent un milieu tout différent de celui quils sont obligés de prendre au moment du frai. Il me parait raisonnable d'admettre le même ordre de choses pour le hareng. Cela tient d’ailleurs aux grands phénomènes de la distri- bution climatérique des espèces à la surface 152: LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. de notre globe. De même que nous voyons les plantes occuper des bauteurs déterminées sur les montagnes, ce que M. de Humboldt a désigné dans ses savants ouvrages par ces expressions de région des pins, région des chênes; de même qu'il a démontré que là où finissent les chênes commence la végétation des rhododendrons, de même les observa- tions nombreuses que j'ai rapprochées, soit sur les poissons, soit sur tous les autres ani- maux marins, mont convaincu de la justesse de ces dénominations d'animaux côtiers ou d'animaux de grand fond. Je suis convaincu que si des observations étaient dirigées dans le but d’éclaircir ces questions, on trouverait que certaines espèces pélagiques vivent habi- tuellement à des profondeurs déterminées, qu’elles ne quittent que pour des besoins dé- terminés. Les Gades sont parmi les poissons ceux qui descendent aux profondeurs les plus considérables, puisqu'on les tire des fonds les plus bas où les lignes peuvent atteindre, qu'au-dessus de cette région des morues existe celle des harengs; puis viendraient les espèces côtières de l'Océan, et vivraient enfin au-des- sus d'elles nos poissons d’eau douce, dont toutes les espèces ne peuvent pas atteindre la même hauteur dans les lacs de nos mon- CHAP. I. HARENGS. 153 tagnes. Les truites sont en Europe nos pois- sons alpins. Nous ne voyons aucune espèce de ce genre dans les grands lacs de la Cor- dillère des Andes, ou sur les cimes de l’'Hi- malaya. J'ai déjà remarqué que dans les An- des, les Cyprinoïdes apodes peuplént le grand lac de Titicaca; les Siluroïdes s'élèvent aussi haut et vivent avec ceux-ci sur les hauts pla- teaux de Cusco. Les poissons que M. de Hügel a rapportés du lac de Cachemire sont extré- mement voisins de nos Barbeaux; on y trouve aussi quelques petites Loches. La présence des poissons de ce genre-m'étonne d'autant plus qu’il résulte d'expériences que j'ai faites pour savoir comment les poissons de nos eaux douces peuvent supporter différentes pressions barométriques, que nos Barbeaux ne peuvent supporter la diminution d'une faible partie du poids de l'atmosphère, tandis que le Goujon (Cyprinus gobio) peut vivre dans une masse d'eau au-dessus de laquelle on a fait presque complétement le vide. Les phénomènes sont très-divers suivant les diffé- rentes espèces, aussi ne dois-je pas m'étendre sur ce sujet curieux dans cet ouvrage. Em LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. DE LA PÉCHE DU HARENG. Après avoir fait connaître le hareng par une description détaillée, après avoir com- paré ce que les différents nan ES ont dit de ce poisson, après avoir rapporté et discuté ce que l’on sait de ses habitudes, j'ai cru de- voir terminer cet abrégé de l'histoire naturelle d'une espèce aussi importante, en donnant un tableau concis du produit de la pêche de cette clupée chez les différents peuples. Noël de la Morinière a publié dans le seul volume l'Histoire naturelle des pêches qui ait paru un historique de la pêche du hareng dans le moyen âge. Il s'arrête vers 1400. L'ouvrage de M. Noël de la Morinière est rare et peu répandu. Le lecteur trouvera de l'intérêt à la reproduction, par extraits étendus, de ce que ce savant historien a laissé. Jai d'autant moins hésité à reproduire ces essais, qu'ayant recu de M. Cuvier les notes de Noël de la Morinière, j'ai pu composer la suite de l’his- toire de cette pêche jusqu'au commencement du siècle. Je n'ai pas voulu dépasser cette époque, parce qu'il aurait fallu pour ces der- CHAP. I. HARENGS. 155 nières années se décider à présenter des ta- bleaux statistiques, qui ne sont pas de nature à paraître dans l'ouvrage que j'écris. J'ai voulu, en donnant cette sorte d'avertissement préli- mipaire, rendre à la mémoire de Noël de la Morinière lhommage et le tribut qui lui ap- partiennent. Les premiers documents que l’on trouve sur la pêche du hareng en France remontent à l'an 1030". La charte de fondation de lab- baye Sainte - Catherine près Rouen, établit qu'il y avait dans la vallée de Dieppe cinq salines et cinq habitations, ou, selon l'ex- pression du temps, cinq masures, dont la redevance annuelle était de cinq milliers de harengs. On trouve une seconde preuve, pres- que aussi ancienne de la pêche de ce poisson, dans le titre que Robert, duc de Normandie, accorda en 1088, pour permettre un jour de foire à l'abbaye de la Sainte-Trinité de Fé- camp, tant que durera la pêche du hareng. Danssle siècle suivant, les avantages de cette pêche ne se bornent NIPE à une simple consom- mation faite sur les lieux. Le commerce du poisson, et notamment celui du hareng salé, commence à prendre de l'extension. Dès l'an 1. Noël de la Morinière, p. 320 et suiv. 156 LIVRE XXI CLUPÉOÏDES. 11/41, une compagnie des plus riches bourgeois de Paris avait acquis la place de Grève dans cette ville, et la société avait pris le titre de Confrérie des marchands de l’eau. Cette société fit ‘bientôt une nouvelle association, qui avait pour but le commerce sur toute l'étendue de la rivière. Parmi les droits qu'ils établirent sur le port destiné à la décharge des marchandises de Paris, se trouve celui d'un cent de harengs pris sur chaque bateau dont la cargaison consistait en salines. À cette époque, Paris et les villes voisines tiraient de la Normandie, par la Seine, des épiceries, du sel, du poisson salé, etc. On lit dans un di- plôme de Louis VIT, donné en 1179 à la ville d'Étampes, la défense d'acheter aucune denrée dans cette ville pour ly revendre ensuite, excepté le hareng et le maquereau salés. Le commerce du hareng devient bientôt plus pro- tégé par les ordonnances de Philippe-Auguste. Dieppe avec ses salines, Fécamp par sa pêche, Rouen par sa position sur la Seine, faisaient la plus grande paitie du commerce de ce poisson. En 1181, le roi défend de faire mon- ter par la Seine aucun bateau depuis Mantes jusqu'à Paris, s'il n’était affilié à la société des {. Laurière, Ordonn. des rois de France, XI, 211, 212. CHAP. L HARENCGS. 457 marchands de cette ville. En 1187, Philippe confirme, parlettres-patentes, un accord passé entre cette société et Gathon de Poissy, pour le péage de Maisons sur Seine. Là furent réglés les droits que paieraient à l'avenir les bateaux chargés de hareng, de sel et de vin montant la Seine, pour se rendre à Paris. Un acte de 1190 fait mention de la pêche du hareng au Tréport, dans la concession de droït obtenu par l'abbaye de la ville d'Eu, d'acheter tous les ans vingt mille harengs frais ou salés exemptés de tout droit. Un autre acte établit aussi que la pêche du poisson avait déjà lieu à Calais. On y lit que Simon IT, abbé de Saint-Bertin, revenait de Rome muni de plusieurs bulles favorables qu'il avait reçues d'Alexandre TT; une entre autres, accordait à son abbaye la dîme de la pêche des harengs sur toute la côte maritime du Calaisis. L’exécution y occasionna une ré- volte : tous les pêcheurs s'étaient unis pour en refuser le paiement. Quoique ce droit fût confirmé par le comte de Flandre et par Phi- lippe- -Auguste, et que la dime füt demandée par le seigneur du territoire, elle fut constam- ment refusée. On raconte même qu un vieux _matelot donna seul son adhésion à payer cette 1. Ordonn. des rois de France, XII, 287. 158 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. dime à son curé, en lui observant que cet impôt dévait être levé dans champ; que celui où il moissonnait et où il faisait sa récolte était la mer, et qu'il aurait soin d'y laisser le dixième de sa pêche. Les annales de Calais prouvent que les querelles à l'occasion de cette dime ont duré entre l'abbaye et les Calaisiens jusqu'à ce que ‘évêque Lambert Il y eût mis fin par une transaction qui termina leur différend. Dans le cours du douzième siècle, plusieurs donations de harengs, faites à des maisons religieuses, portent à croire que la pêche de ce poisson se pratiquait entre la Seine et l'Orne, parce que ces donations sacquittaient à Pont- Audemer; il est également certain qu'il y avait dans le même temps une pêche de hareng au- près des îles de Jersey et de Guernesey, puisque Henri I relate dans les priviléges de la ville de Pontorson, les droits à percevoir sur les harengs frais ou és qui passaient de là en Normandie. Le poisson de cette pêche est désigné dans les ordonnances postérieures sous le nom de hareng de Garnisy. On a aussi de fortes pré- somptions pour croire que la pêche du hareng avait lieu sur les côtes de la Bretagne, entre la Vilaine et la Loire. Il est très-probable que le nom du village appelé en bas-breton Pen- haring, ce qui signifie tête de hareng, dérive CHAP. I. HARENGS. 159 nécessairement de quelque circonstance re- marquable de la pêche de ce poisson. Quant à celle qui se pratiquait au midi de la Loire, elle est établie par différents actes. IL en est question dans les coutumes de la mer, au- trement dites loi d'Oléron, publiées par Éléo- nore de Guienne quand Louis le Jeune l’eût répudiée à son retour de la Palestine. La date de ce règlement est de 1152. Quelques au- teurs lui en donnent une plus récente; mais il est facile de démontrer que la date de 1266 est celle d’une seconde publication. Je ferai cependant remarquer qu'il s'agit plus probablement ici des très-grandes sardines ou des pilchards que lon confond souvent avec le hareng quand elles atteignent leur plus grande taille. Philippe-Auguste ayant réuni à la couronne la Normandie et la Picardie, le commerce des villes maritimes de ces côtes avec Paris saccrut insensiblement, et Paris fournit en- suite aux principales villes du royaume presque toute leur provision de poisson de mer. On établit un nouveau port de décharge pour les marchandises qui remontaient la Seine. Pour subvenir aux frais de cet établissement, Philippe-Auguste octroya de nouveaux droits à la société des marchands de l'eau, et entre 160 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. autres la levée de quatre sous sur chaque cargaison de harengs. Louis IX accorda une très-grande protection au commerce des pois- sons de mer à la faveur des ordonnances de 1250, 1254 et 1258. La seconde surtout fut un des plus grands encouragements que recut la pêche du hareng; elle établit ordre et la police de la vente à observer à Paris. Il y est fait mention pour la première fois de voitu- riers de poisson de mer; les harengs y sont distingués en frais, en secs et en salés. Les obstacles qu'il fallut surmonter pour vivifier ce commerce entravé par la prétention des seigneurs, sur le territoire desquels il fallait pas- ser, prouvent avec combien de zèle Louis IX s'occupa de l'améliorer. Aussi il n’y a pas eu de roi de France qui ait rendu plus d'ordon- nances ou fait plus de règlements en faveur du commerce des harengs. | Un grand nombre d’aumônes faites à des monastères de cette époque se payait en ha- rengs, et Louis IX, lui-même, fit distribuer, à une certaine occasion, aux pauvres de Paris, 60,000 harengs. Les règlements publiés par les successeurs de S. Louis améliorèrent en- core le commerce dont nous parlons. Dans l'ordonnance de 1320, les harengs y sont dis- Ungués en poissons saurs, blancs et frais, et CHAP. EL. HARENGS. 161 ils doivent être vendus de plusieurs manières : 1. en meze, messe où maise, sorte de mesure qui devait contenir 1020 harengs saurs ou 816 harengs blancs (celle d'Irlande n’en con- tenait alors que 500); 2” en tresonel ou tressoumel, mesure dont j'ignore la capacité; 3. en pignon, équivalant à un millier de harengs; 4.” en caque, tonel ou quecce (caisse). IL paraît d'après cette ordonnance et celle de 1350 que lon saurissait le hareng à Paris même. On distinguait aussi les harengs indi- gènes ou étrangers par un nombre assez consi- dérable de noms qui prouvent, par conséquent, que ce poisson était déjà Pobjet de lattention générale. Ainsi, lon disait les harengs de Garnisy, de Safjore, Saffaire, de Serne, d'Escone, de Frainclais où Franches, etc. Noël de la Morinière a essayé de donner l'étymologie de ces différents noms", mais elle me parait fort incertaine. Il est aussi question des harengs de Flandre. L'ordonnance de 1320 fait encore mention de harengs poudrés, et Noël de la Mofinière pense qu'il faut entendre par cette expression le hareng salé en wrac ou en grenier. Le commerce et la consommation qui se faisaient à Paris de tous 1. Noël, Hist. des péch. : p. 332. 20. il 162 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. ces différents harengs, acquirent une grande importance au commencement du douzième siècle. La ville de Caen partagea ces avantages. Dans un acte de 1326 on voit que Caen re- cevait de l'étranger les harengs que l’on appelait les milliers, et qui y étaient apportés en caques ou en rondelles, et quil en venait dans la saison quatre à cinq cents last et plus, qui se distribuaient non-seulement dans la ville, mais encore dans les pays du Maine, d'Alençon et d'Anjou. L’importation et l'exportation du hareng devenaient un objet de commerce important. Les villes du nord envoyaient à Dieppe et à Rouen le hareng salé de leur pêche, qui était ensuite réexporté dans le Levant. Les Dieppois ont été presque seuls, pendant longtemps, en possession de ce com- merce. Ils obtinrent de Charles V la permission de prendre du gouverneur de Calais des sauf- conduits pour la pêche, en se soumettant à ne la faire qu'entre la Seine et la Somme jusqu’à Noël seulement. Ils payèrent pour cette permission une imposition qui fut réduite à un franc d’or pour les bateaux qui voulurent fournir un homme d'armes. Les pêcheurs de Calais ne payaient aucuns droits seigneuriaux; mais chaque bateau armé dans cette ville pour la pêche payait à la commune un droit de CHAP. I. HARENGS. 163 cinq sols parisis par an. Le produit du droit fut évalué, en 1347, à huit livres parisis, d'où il faut conclure qu'on équipait alors à Calais trente-deux bateaux pour la pêche du hareng. D'ailleurs, les bateaux qu'on employait à cette pêche dans les différents ports de la Manche, variaient pour la grandeur et étaient distin- gués par des noms particuliers. Les plus grands paraissent avoir été les drogueurs, très-pro- bablement parce qu'ils étaient destinés au commerce de drogueries que les Dieppois faisaient dans les échelles du Levant. Ils étaient du port de cent tonneaux; venaient ensuite les barges (barques ou bateaux), sorte de bâtiments plus petits employés à la pêche de Yarmouth, et à celle du hareng le long de la Manche, sur les côtes de Picardie ou de Normandie. Plusieurs abus s'étant établis dans le commerce de la vente du hareng salé, Dieppe, pour se conserver tous les avantages du produit de la pêche, puisque ses bateaux en couraient tous les risques, obtint que nul bourgeois de Rouen ne püt acheter du hareng frais pour l'y faire saler à son compte, sous . peine de confiscation. Pour obvier aussi à toutes les falsifications où au mélange du hareng vieux avec les poissons nouveaux, on établit, à Paris, des jurés vendeurs publics 164 LIVRE XXI CLUPÉOIDES. de poisson de mer. Les ordonnances de 1350 et 1359 en portent: le nombre à seize. On en établit aussi dans les grandes villes du royaumc. La ville de Rouen en avait six. Le marchand forain était libre de vendre lui- même son hareng le jour du vendredi, Le droit de vente appartenait aux vendeurs publics pour tous les autres jours. Il était assez con- sidérable, puisqu'en 1369 il était de douze deniers par livre. Mais ces règlements, faits en vue de prévenir ou de réprimer les abus sur la vente ou sur l'achat du hareng salé, furent préjudiciables à la prospérité des pêches. Les guerres de cette époque entre la France et l'Angleterre firent éprouver plusieurs vicissi- tudes à la pêche du hareng, et les obstacles qu'on y apporta tour à tour nuisant au com- merce des deux pays, furent tantôt augmen- tés, tantôt levés tout à fait. Aïnsi, la liberté de la pêche fut stipulée en 1385, et plus tard encore, en 1403. Le sauf-conduit de pêche accordé à cette époque présente des disposi- tions bienveillantes qu'il est bon de rappeler. Si, dans le traité, les fonds de station de pêche furent restreints, il fut défendu aux pêcheurs des deux nations de s'écarter au delà de la rivière de Seine et du Hâvre de Hau- tonne, du côté des Francais. Cette défense CHAP. L. HARENGS. 165 étant commune aux deux nations ne pouvait être considérée comme vexatoire; mais en même temps quil est dit dans ce sauf-conduit que si, par la violence ou la contrariété des vents, ou pour éviter la poursuite de quelque pirate, les pêcheurs francais se voient forcés d'entrer dans un des ports de la côte de France occupés par les Anglais, ils y trouveraient bon accueil, sûreté, et sy fourniraient de vivres et de tous les autres objets dont ils auraient besoin. Henri IV sentait la nécessité de se concilier la bienveillance des Français et sur- tout de se rendre favorables les provinces maritimes, dont il convoitait la possession. Dans ce traité il nest pas fait mention de la clôture de la pêche comme dans celui de 1333. En effet, la clôture a souvent varié, puisque tantôt elle a été fixée autour de Noël et tantôt au mois de février vers la Chandeleur. Il faut faire attention que je ne parle ici que de la pêche de la Manche, car elle commencait autrefois à la mi-août et finissait en novembre sur les côtes de la Saintonge et de FAunis. La fixation de la clôture de la pêche à toujours été l'objet de nombreuses réclamations à cette époque, comme nous les avons vues reproduites de nos jours, et les pêcheurs de ce temps donnaient absolument 166 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. les mêmes raisons que de notre temps. Une des plus fortes alléguées par les Dieppois et les Pol- letais, c'est que le hareng marsais produit un des meilleurs appâts pour la pêche des autres poissons et qu'ils en prennent quatre fois davantage avec du hareng frais que lorsqu'ils usent du poisson salé. Je rappelle ces raisons parce qu'elles prouvent d'une manière évi- dente le séjour et la vie sédentaire du ha- reng dans la Manche. Arrivés au commencement du quinzième siècle; nous en sommes à cette époque mal- heureuse où les Anglais appelés en France par les partis qui la déchiraient, en occupèrent presque tout le Nord; la pêche et le commerce des harengs passèrent donc pour un temps entre leurs mains. La France, gouvernée alors par un roi faible et livré tout entier à ses plai- sirs, était sur le point de devenir une conquête anglaise. Orléans était assiégée, et l'on peut rap- peler ici que c'est à l'occasion de ce siége que se livra en 1429 le combat connu dans l’his- toire sous le nom de journée des harengs, et dans lequel le duc de Bourbon fut défait en voulant s'emparer d'un convoi composé en grande partie de ces poissons salés destinés comme provision de carême pour l'armée an- glaise qui faisait le siége d'Orléans. On ne peut CHAP. LL. HARENGS. 167 citer rien de très-intéressant dans le cours des années de ce siècle et même du suivant. Les lois rendues à cette époque ont pour objet de dispenser de plusieurs droits onéreux ou d'en régler l’acquittement. Les guerres fréquentes qui armèrent lune contre l'autre, la France et l'Angleterre, ren- dirent notre pêche lointaine fort difficile; aussi nous voyons vers le milieu du dix-sep- tième siècle, les Dieppois abandonner les grands droggers qu'ils y employaient et équi- per des bateaux plus petits pour pêcher sur les fonds de la Manche, et surtout sur ceux de Yarmouth. Au rapport d'Asseline, auteur de la Chronique de Dieppe, cette ville comp- tait en 1649 cent cinquante bateaux qui firent une pêche fort avantageuse. La France étant alors en guerre avec l'Espagne, les cor- saires flamands poursuivirent nos pêcheurs sur toute la mer du Nord. Pour les mettre à l'abri de leurs attaques, on eut l'idée d’em- barquer des soldats et d’armer les bateaux de petits canons; mais ces précautions s'étant trouvées insuffisantes, le Gouvernement arma deux frégates qui donnèrent bientôt la chasse à tous ces corsaires. Toutefois Dieppe aban- donna les expéditions de pêche à la hauteur des Shetland. Les marins de ce port essayèrent 168 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. de la reprendre en 1771, mais ils l'abandon- nèrent à cause du mauvais succès quelle eut. Nous arrivons ainsi successivement à l'épo- que où Louis XIV régla, dans le temps de la prospérité de son règne, toutes les parties de l'administration du royaume et en particulier ce qui traite de la pêche, dans la grande or- donnance de 1668. Les diverses faveurs accor- dées dans les années précédentes fureni retirées selon la nécessité des temps et modifiées jus- que dans les ordonnances de 1696 et ensuite dans le dix-huitième siècle. Alors. la pêche active et régularisée par les progrès de notre industrie moderne est restée telle qu'elle est décrite dans le Traité de Duhamel. Si je me suis étendu sur tous ces nom- breux documents que j'ai trouvés réunis dans les notes de Noël de la Morinière, cest que jai pensé que c'étaient les meilleures preuves à donner contre plusieurs opinions adoptées comme vraies par presque tout le monde et dont flexactitude n'est nullement fondée. Ainsi, comme je viens de le rappeler, ces nombreux règlements combattent très-forte- ment le système migratorial des harengs. On attribue généralement à Guillaume de Beukelings, né à Biervliet, l'art de la salaison du hareng. Ce pêcheur hollandais mourut'en CHAP. I. HARENGS. 169 1449, et déjà deux siècles auparavant les arrêts de nos rois réglaient le commerce ou la vente du hareng salé à Paris. L'examen de l'histoire des pêches dans les autres mers de l'Europe viendra éclaircir aussi plusieurs points de l'histoire naturelle ou économique du hareng. La pêche flamande ne peut prendre place dans une histoire des pêches, et particulière- ment dans celle du hareng, que, parce.qu'elle est, en quelque sorte, le berceau des pêches hollandaises. Sans cette considération, le petit nombre de bateaux et d'hommes qu'elle em- ployait, ainsi que le peu d'importance de ses ports, justifieraient en quelque sorte l'oubli dans lequel on laisserait toutes les côtes de la Belgique. Chacun sait que la Flandre ne com- prenait originairement que le territoire de Bruges. Les premiers seigneurs de ce pays avafent le titre de forestiers, et le premier d'entre eux qui recut le utre de comte fut Baudoin, qui enleva la fille de Charles le Chauve, et l'épousa. Il obtint cependant de son beau-père le pardon de loffense qu'il lui avait faite. Charles lui accorda tout le pays de Flandre à titre de comté, et il y joignit en- core les territoires de Gand, de Courtrai, de Tournay, d'Arras et les pays circonvoisins, 170 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. fort dévastés alors par les bandes d'aventuriers que l'on a confondus sous le nom de Nor- -mands. Bruges devint florissante par l'entre- pôt qu'en firent les villes anséatiques; elle devint la capitale des Flandres. L'Écluse, qui était nommée, avant 1335, Læmmens-Wliet, était peu fréquentée. Ostende n'était encore qu’un village en 814; elle n’était habitée que par des pêcheurs de harengs, ainsi que Nieu- port; Dunkerque n'était aussi qu'un hameau habité par des pêcheurs; Gravelines ne com- mença à exister que vers 1160 sous Thierry, comte de Flandre, et elle n’acquit de l'im- portance qu'au commencement du douzième siècle. On concoit que la pêche du hareng commença dans toutes ces villes. La charte, accordée aux habitants de Nieuport par Phi- lippe d'Alsace atteste, qu’en 1163, cette ville envoyait des barques ou des buyses à la pêche du hareng. Ces priviléges furent Aug- mentés ou confirmés par ses successeurs. La pêche de Nieuport prospéra tellement, qu'on y fonda et qu'on y bâtit avec le produit de la seule dime levée sur la pêche du hareng, les hôpitaux, les églises, etc. Nieuport devint le chef-lieu des pêches de la Flandre, le marché principal du poisson : il fut pour ces con- trées ce qu'était Yarmouth pour l'Angleterre, CHAP. I. HARENCGS. 171 ou Dieppe pour la France. Mais la triste né- cessité dans laquelle s’est vue la Flandre d’être presque toujours le théâtre des guerres que se sont faites les grandes puissances qui l’en- tourent, a été cause de grands préjudices qu'a éprouvés la pêche du hareng. La ville de Nieuport, malgré les priviléges nombreux quelle reçut jusque sous Philippe, archiduc et comte de Flandre, perdit une grande partie de son importance vers le milieu du quinzième siècle. Un décret rendu à Bruxelles en 1509, fit défense d'acheter en mer du hareng frais , ou autre poisson, et permit en même temps aux pêcheurs de la côte de Flandre d'apporter le hareng de leur pêche à Dunkerque, à Gra- velines , et indifféremment à tous les autres ports. Cette liberté augmenta beaucoup le nombre des bateaux de pêche armés le long des côtes de Flandre. Dunkerque n'en comp- tait pas moins de cinq cents. Chaque buyse de pêche avait un filet au nombre de ceux qu'elle mettait à la mer appelé le filet saint, parce que tous les poissons qui sy prenaient étaient vendus au profit de l'église paroissiale. Ce filet saint, à qui la dévotion de quelques pêcheurs avait sans doute donné l'origine, et qui n’était d'abord qu'un acte volontaire, fut bientôt un acte obligatoire. Non-seulement les 172 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. comtes de Flandre autorisèrent cet usage, mais on finit par en faire une loi à chaque pêcheur. On faisait saurir la plus grande partie du ha- reng apporté à Dunkerque. Ce poisson jouis- sait d’une si grande réputation, que les caques exportées sous la marque de Dunkerque, ne payaient aucun droit à l'entrée des villes de Flandre. En 1550, le produit de la pêche an- nuelle de Dunkerque était évalué à quatre cent mille ducats. Cette prospérité dura jus- qu'à la rupture entre la France et l'Empire, .et malgré tous les avantages que l’empereur accorda aux différentes villes d'Ostende, de Nieuport, de Bruges, la plupart des bateaux devinrent, par suite d’une longue inaction, hors de service; les fonds étaient épuisés, con- séquence nécessaire de cent années de mau- vaise fortune, on ne put les remettre en état de tenir la mer. Plusieurs compagnies essayèrent de se former; sous l'inspiration de teurs élans patriotiques et avec la protection du gouver- nement, qui alla jusqu'à exempter de toute imposition les sels qu'emploiraient les compa- gnies de commerce d'Ostende et de Nieuport. Les Hollandais et les Anglais, songeant de suite à leurs intérêts, voulurent empêcher les Fla- mands de venir pêcher dans leurs mers: ils n’é- pargnérent point leurs richesses pour étouffer CHAP. L. HARENGS. 473 les compagnies flamandes dès leur naissance. Elles ne purent, en effet, soutenir la concur- rence avec la pêche hollandaise, .et vers 1732, la compagnie de Nieuport fut obligée de céder à l'ascendant de la politique étrangère ; les bateaux de pêche furent vendus, partie aux Dunkerquois, partie aux Hollandais ; les meil- leurs marins et pêcheurs suivirent leurs ba- teaux, et abandonnèrent ainsi Ostende et Nieuport. La guerre de la succession acheva de ruiner, sous ce rapport, les provinces belgiques maritimes ; et si, après la paix d'Aix- la - Chapelle, industrie flamande fit quelques tentatives pour relever la pêche du hareng à Nieuport et à Ostende, si de nouveaux règle- ments furent successivement accordés en fa- veur de ces villes jusqu'en 1770, cette branche d'industrie ne fit que très-peu de progrès. Cet exemple est un avertissement sévère donné aux puissances qui, après avoir laissé dépérir leurs établissements de pêche, sentent la néces- sité de Les relever. Les hommes de mer qui y sont propres, ne se forment que lentement et par un exercice continuel. L'émigration des pêcheurs qui avaient quitté les Flandres lors de la dissolution de la com- pagnie en 1727 se fit toujours sentir sur les côtes flamandes. Cependant la guerre qui 474 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. s'éleva entre la France et l'Angleterre et dans laquelle la Hollande prit part, favorisa de nouveau la pêche flamande. Ostende et Nieu- port fournirent à leur tour des poissons salés aux puissances belligérantes; ils introduisirent leurs poissons dans les ports d'Angleterre et de France. En 1782 et en 1783, l'empereur rendit plusieurs ordonnances favorables à la pêche; ril alla même, pour encourager les pêches nationales des Pays-Bas, jusqu'à permettre la vente du poisson par toute sorte de gens choisis par les patrons des barques sans être obligés de se faire recevoir dans la corpora- tion des pêcheurs, et il comprit le hareng salé dans la classe des marchandises étran- gères qui payeraient à l'avenir 60 pour cent dans les États héréditaires d'Autriche. Mais dans le cours de ces années la paix s'était faite entre la France et l'Angleterre; ces puis- sances, ainsi que la Hollande, s'empressèrent de rétablir leurs pêches, de prohiber l'impor- tation de tous harengs étrangers, et ces me- sures détruisirent bientôt toutes les espérances des Flamands. Les bienveillantes dispositions de Joseph IT n'en purent conjurer les effets; le commerce qui s'était fait pendant la guerre disparut et laissa en se retirant un vide im- mense dans la navigation. Îl faut aussi ajouter CHAP, I, HARENGS. 475 que les pêches nationales des côtes maritimes furent aussi entravées par la jalousie des pro- vinces du Brabant. Les villes d'Anvers; de Bruxelles et de Malines réclamaient en faveur de leurs fumeries, qu’elles disaient absolument perdues par les faveurs accordées aux pro- vinces de Flandre. Les plaintes de ces villes déterminèrent le gouvernement à permettre l'entrée du hareng étranger. Il faut avouer que ces fumeries étaient considérables, car on en comptait soixante-sept en 1787, qui pouvaient saurir cinquante leths de harengs à la fois, ou six cent mille poissons. Peu d'années après, lincorporation de la Belgique, à la suite des campagnes de 1793, vint arrêter de nouveau l'activité de la pèche sur les côtes maritimes et cet état de choses a duré jusquà la paix de 1814; depuis ce temps la pêche ÿ a repris quelque faveur, mais l'activité du commerce anglais a nui à cette prospérité, puisque l'An- oleterre fournit maintenant presque tout le hareng salé ou sauri que consomme le centre de l'Europe. Nous avons suivi l’histoire de la pêche du hareng des côtes de France sur celles de Bel- gique ; examinons maintenant ce que fut cette industrie en Hollande. Il faut d’abord se rap- peler que dans les premiers temps, tout ce qui 476 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. compose la Frise oceidentale ou la Nord- Hollande était au pouvoir des Frisons occi- dentaux. Thierry, premier comte de Frise, donna sept comtes à la Hollande. La Zélande appartint tour à tour à des comtes de Frise ou de Flandre, et au dixième siècle la Zélande dépendait de la Flandre impériale. Les plus savants économistes hollandais ont regardé avec raison la pêche du hareng comme la première source des richesses de leur pays. Anderson estime que les premières pêches réglées de la Hollande ne remontent point au delà de 1164. On saccorde à regarder la Brille comme le plus ancien port où lon ait fait une pêche régulière du hareng. Cest donc un fait digne d'attention que dans ces pre- miers temps la pêche ne se fit point sur les côtes de la Hollande proprement dite, mais sur celles de la Zélande qui appartenait encore aux comtes de Flandre, et qui ne fut unie à la Hollande que sous Florent L°, comte de Frise, par le traité conclu, en 1256, entre Marguerite de Flandre et lui. Zierik-sée pros- péra presque en même temps que le port de la Bnille, et les richesses de cés deux villes de- vinrent un objet d'émulation pour d'autres villes de la Hollande et de la Zélande, de sorte que la pêche du hareng, qui s'était faite LA CHAP. I. HARENCGS. | 177 d'abord à l'embouchure de la Meuse et des côtes voisines, devint trop resserrée sur ses propres rivages et elle s’étendit bientôt dans des mers plus éloignées. Le succès des pêches avantageuses faites sur les côtes d'Écosse, de Scanie, de Danemarck et de Norwége, jus- tifia ces entreprises hardies. Les matelots hollandais ou zélandais vinrent pêcher, en 120), à la hauteur de Yarmouth. Des docu- ments, que Noël de la Morinière regarde comme authentiques, réfutent les assertions de Pontus Heutérus, de Delft, affirmant que les Hollandais ne sadonnèrent à la pêche des harengs qu’en 1492. On trouverait encore d’autres preuves de l'ancienneté de la pêche du hareng, dans les diplômes de concession accordés par Éric VIE, roi de Danemarck et par ses successeurs aux villes de Deventer, de Harderwyck, de Staveren et d'Amsterdam. Outre le hareng qui provenait de la pêche hollandaise proprement dite, il en était en- core importé de l'étranger, surtout des villes anséatiques. Le comte Guillaume accorda plusieurs priviléges aux pêcheurs nationaux ou étrangers par des diplômes de 1342 et de 1344. Par celui-ci il institua un marché franc pour la vente des harengs à Brouwers- haven. Amsterdam ayant obtenu un terrain 20. 12 | * 178 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. considérable en Scanie, entra avec plusieurs autres villes de la Hollande dans la ligue an- séatique, et elle acquit un grand degré de puissance à la faveur des priviléges que lui donna Albert, duc de Bavière et comte de Hollande. On voit donc que dans cette période de quatre siècles la pêche hollandaise du hareng a dû son accroissement aux encouragements des souverains du pays et surtout à l'associa- tion que la plupart des villes maritimes de Hol- lande contractèrent avec les villes anséatiques. Ces alliances eurent pour résultat une extension considérable du commerce. En même temps la rivalité des puissances du nord contre Ham- bourg et Lubeck, engagea les rois de Suède et de Danemarck à favoriser les Hollandais, afin de diminuer le pouvoir de la ligue anséatique. Les faveurs accordées par ces rois aux pêcheurs et aux marchands hollandais furent le seul prétexte des guerres qui éclatèrent'alors. Il est certain qu'aussitôt qu'Amsterdam eût obtenu un établissement en Scanie, elle y fonda un comptoir dont le principal objet était la pêche du hareng : elle y établit un consul, afin de protéger les achats considérables que ses com- merçants faisaient sur les côtes d'Écosse et de la Grande-Bretagne; car le produit de leur pêche CHAP. I. HARENGS. 179 n'aurait pu suflire au commerce étranger. Nous verrons qu'Édouard [IL s'opposa à ces ventes en astreignant tousiles pêcheurs anglais à venir vendre leur poisson à Yarmouth. La loi rendue par ce souverain produisit un effet tout con- traire; elle servit à l'accroissement des pêches hollandaïses. À peine fut-elle promulguée, que les villes maritimes mirent en mer un plus grand nombre de barques, et les Hollandais firent alors pour eux une pêche.que leurs voi- sins refusaient de partager. Ce besoin de pêcher dans les grandes eaux amena des changements dans la construction des bâtiments de pêche. H en introduisit aussi dans les dimensions des filets pour pouvoir atteindre le fond de l'eau, loin de la côte, afin d’éluder la défense qui leur était faite de pêcher sur les bancs peu pro- fonds, mais voisins, des côtes orientales d'É- cosse. On prétend que les premiers grands filets furent faits à Hooïn en 1416. C'est aussi vers le même temps que Beukel, de Bier vliet, trouva la méthode de paquer les harengs, c'est- à-dire de les arranger par lits dans é ton- neaux, au lieu de les expédier en wracs. La supériorité de cette préparation sur toutes celles dont on faisait usage alors, fit tomber dans une sorte de discrédit tous les harengs 180 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. des pêches étrangères. Insensiblement les Hol- landais se rapprochèrent des côtes orientales d'Angleterre, établissant leurs flotilles de péches sur les atterrages et sur les fonds de Yarmouth, où l’on sait qu'il existe lun des plus riches et des plus réguliers bancs de ha- rengs. Les Anglais élevèrent des plaintes, et c’est alors que fut fait le traité, connu sous le nom d'intercussus, entre le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne, alors souverain des Pays-Bas. Il est dit dans ce traité, conclu en 1404, que les pêcheurs des deux nations pourront pêcher librement partout. IL est peut-être la véritable cause de la gloire mari- time que s'acquirent les Hollandais dans les deux siècles suivants. Par une conséquence naturelle le commerce écossais passa entre les mains des Hollandais. Les plus habiles pé- cheurs ou appréteurs de poisson vinrent s'éta- blir à Enckhuysen, et en y portant leur in- . dustrie, ces Écossais accrurent la prospérité de leurs rivaux. Dans le quatorzième et dans le quinzième siècle, six à sept cents buyses faisaient ordinairement trois voyages et rap- portaient un total de quarante mille last de harengs, ce qui donnait pour produit 1,470,000 florins d'or. Quoique les Hollan- dais fréquentassent par suite des nouveaux CHAP. I. HARENGS. 181 traités les fonds de Yarmouth, leur prudence les empêcha de négliger la pêche sur les côtes de Norwége. Ils entretinrent ou firent renou- veler tous les priviléges qu'ils avaient obtenus pour la Scanie. Leur présence continuelle dans ces mers leur permit de profiter des fautes que Jacques IT, roi d'Écosse, avait faites en défen- dant de die du Pere aux Hollandais et aux villes anséatiques, site l'espérance que les autres nations seraient obligées de s'approvi- sionner directement par le produit des pêches écossaises. Les Hollandais profitèrent de ces entraves pour étendre leur commerce, mais en l’étendant il fallait aussi le protéger. En 1547, la seule ville d'Enckhuysen arma huit vaisseaux pour escorter ou surveiller ses ‘barques. Le commerce y devint si florissant, qu'en 1553 elle avait en mer vingt bätiments de guerre, dont les frais d'armement furent prélevés sur le produit de la pêche; ils devaient surveiller les cent quarante buyses qu'elle en- voyait à la poursuite du hareng. En même temps quelles protégeaient leurs pêcheurs, les autorités de la ville les soumirent à un ser- ment, par lequel ces marins sengageaient de satisfaire scrupuleusement : à toutes les ordon- nances ou à toutes les formalités prescrites pour le barillage et le pacage du hareng. C'est 182 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. avec cette prudente activité que le commerce des Hollandais devint en quelque sorte le pre- mier et le plus florissant de tous les peuples riverains de la mer du Nord. Walter-Raleigh estime qu'en 1606 ils exportèrent pour les pays du Nord seulement pour i,357,000 livres sterling de harengs. Un traité fut conclu entré les Hollandais et les Hambourgeois, afin de veiller avec le plus grand soin à l'observance de toutes les instructions ou lois de pêche, pour conserver au poisson la réputation dont il jouissait. A cette époque les Hollandais four- nissaient de harengs salés les quatre parties du monde : ils en envoyaient dans tous les royaumes d'Europe; ils en expédiaient des cargaisons entières pour Smyrne et Constan- tinople; ils approvisionnaient les contrées du Midi par les échelles du Levant et les ports de la Grèce et d'Alexandrie. Venise surtout en consommait une immense quantité. Enfin les Hollandais faisaient traverser l'Atlantique au hareng et le portaient jusqu'au Brésil. Nous voici arrivé au temps des grandes dis- cussions qui s'élevèrent entre l'Angleterre et la Hollande pour la liberté de la pêche sur les côtes de la Grande-Bretagne. Les Anglais voulant exiger un droit de pêche dans Îles eaux voisines de leurs côtes, alléguaient que CHAP. I. HARENGS. 183 le traité de 1494, conclu avec un prince de la maison d'Autriche, ne pouvait plus pro- téger les Hollandais qui avaient renoncé à la domination de ce prince. Les Hollandais opposaient, de leur côté, l'habitude consacrée par le temps de venir pêcher sur les rivages d'Angleterre, et soute- naient'en même temps que la mer est au pre- mer occupant. La guerre éclata bientôt, et la Hollande, tantôt unie à la France, tantôt séparée d'elle, fut, comme cette puissance, soumise à toutes les vicissitudes, dont il est inutile de retracer l'histoire en détail : cela rentre dans l'exposition des phases historiques des trois puissances alliées ou rivales. Je viens de suivre, dans le cours de cet ex- posé, l'état de la pêche ancienne, sur les côtes de notre pays, et sur celles des provinces ma- ritimes de la Belgique et de la Hollande. Avant d'entrer dans la mer du Nord et de conduire les pêcheurs jusque sous les glaces du pôle, il est maintenant naturel de parler de la pêche anglaise. Si l’on en croit les plus anciens documents, on peut faire remonter les premières dates certaines de la pêche anglaise du hareng au. commencement du huitième siècle. Bede' rap- 4. Hist..eccl., iv. IV, ch. 14. 184 * LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. porte à Wilfred, évêque d'York, en 678, l'art de pêcher dans la mer; mais il est dans l'erreur. Le plus ancien règlement où le hareng soit nommé est la à d'administration des re- venus et des offices des monastères d'Evesham donnée en 709. Plusieurs chartes du onzième et du douzième siècle signalent des donations de dimes de harengs à différents monastères de la Grande-Bretagne; elles prouvent combien à cette époque reculée la pêche du hareng y était déjà considérable. Si l'on consulte la charte de fondation du monastère de Berking, on peut en conclure que les Anglais salaient et saurissaient déjà le hareng. Ce règlement porte qu'un baril doit contenir mille harengs, et le tonneau six cents; il règle ce que chaque religieuse doit en recevoir pendant l'Avent, pendant le Carême et les autres jours d’ab- stinence; enfin, on connaissait alors le Æ/er- ring-Silver, expression qui semble exprimer le paiement d’une rente d’une certaine quan-- tité de harengs pour les provisions des maisons religieuses. : Au temps de la conquête, on voit qu’un assez grand nombre de fiefs maritimes soutenait déjà Ja pêche du hareng; et qu'il y avait de nom- breuses salines sur les côtes de Norfolk, de Suf- folk, de Sussex. I y en avait plus de cinquante à CHAP. I. HARENGS. 19 île de Wight. Dès 1030, Edouard le Confes- seur donne à l'abbaye de Fécamp des salines situées à Chester. Yarmouth était déjà, sous Guillaume le Conquérant, un port considé- rable de pêche, et Knox' établit que les anciens titres de cette époque constatent que le banc de Yarmouth servait de rendez-vous aux pé- cheurs des différentes parties de l'Angleterre, de la France et de la Basse - Allemagne qui venaient tous les ans faire la pêche du hareng. Cette multitude de pêcheurs de différents pays fit sentir bientôt le besoin de maintenir l'ordre et de faire respecter les droits et les propriétés de chacun. On fixa l'ouverture de la pêche à la Saint-Michel, NA clôture à la Saint-Martin. Le bourg de Yarmouth qui com- menca par n'être qu'une réunion de cabanes construites par les pêcheurs du pays, fut gou- verné par un magistrat, nommé par Henri 1.” en 1128. Sa redevance féodale qui lui assurait ses droits de franchise fut fixée à dix mille harengs. Dunwich, aujourd'hui presque dé- truite par la mer, payait à la couronne une redevance annuelle de vingt-quatre mille ha- rengs. La remise ne lui en fut faite qu'en 1195 par Jean-sans-terre. Voilà à peu près les” 1. Knox, Vriew*of the Brit. emp. 186 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. seuls renseignements que nous ayons sur la pêche d'Angleterre proprement dite jusqu'au douzième siècle. i On est beaucoup moins instruit sur lhis- toire des premiers temps de la pêche en Écosse et en Irlande. L’Irlande, conquise par Edgard, ne fut entièrement soumise qu'en 1169 sous Henri Il; mais elle est restée en quelque sorte sans commerce, sans naviga- tion, sans pécherie étendue jusqu'au règne de Charles* IT. Il fallait cependant quil sy fit au douzième siècle quelque pêche de harengs, puisque Jean-sans-terre confirmant dans une charte de 1202 les donations faites à l’abbaye de Connal, coppte parmi les redevances huit mesures de cinq cents harengs chacune.’ On peut faire-remonter la pêche écossaise beaucoup plus haut. Boèce’ parle d'Inver- lochy comme d’une ville très considérable, où les rois d'Écosse faisaient leur résidence longtemps avant l'invasion des Pictes, et où les Espagnols et les Français venaient acheter du hareng et du saumon. Anderson prétend que, vers l'an 836, sous le règne d'Alfred, le commerce du poisson salé avait déjà une grande extension. Cet auteur établit 1. Boethius, Scot. regn. descript., 4. CHAP. I. HARENGS. 187 aussi que les marchands chrétiens du douzième siècle avaient des liaisons commerciales avec les Orcades, et que le poisson salé en formait un des principaux objetsall y avait d’ailleurs, à cette époque, d’autres salines en Écosse. Une bülle du pape Luc ITT, relate la donation d'une saline faite au. monastère d'Holmecostram. An- derson cite encore des chartes de Malcolm IV, de Guillaume, d'Alexandre IT, où il est parlé de donations de salines. Ont pourrait citer encore plusieurs autres statuts, depuis 1148 jusqu'à 1284, dont les sages dispositions annoncent combien la pêche du hareng paraissait im- portante aux Écossais, puisqu'ils prenaient tant de précautions et de soins pour en assurer Ja réputation. Nous voyons donc la pêche du hareng protégée, et de plus en plus floris- sante en Angleterre et en Écosse dans le quatorzième siècle. Dans ce laps de temps, plusieurs conventions pour la police de la pêche furent conclues entre les rois d’Angle- terre et de Danemarck, pour renouveler tie sieurs priviléges déjà fort anciens. Vers le commencement du même siècle, plusieurs pactes furent aussi passés avec les comtes de Flandre et de Hollande. Les Anglais exi- gèrent toujours qu'on sadressat à eux pour obtenir la permission de pêcher sur les côtes 188 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. de leur île. Ils ne laccordèrent souvent même que pour un an et sous la clause que les ba- teaux de pêche n’excéderaient jamais trente tonneaux de port, seus peine de confiscation. Souvent les rois d'Angleterre donnèrent, par amitié pour les comtes de Flandre, des escortes aux buyses flamandes, en réciprocité de celles dont les bâtiments RÉ avaient quelquefois besoin. Les guerres continuelles de l’Angle- terre avec la France entraïnaient alors de nom- breux armements maritimes. Pour montrer combien la pêche était importante et consi- dérée sur les côtes de Suffolk ou de Norfolk, Anderson rapporte que, lors du grand arme- ment de Richard IF, en 1586, ce roi exempta du service tous les pêcheurs de. harengs de Blackeney, de Cley et de toute cette côte. Ce même roi adressa une proclamation au bailli de Sainte-Hilda de Whitby, pour lui enjoindre de veiller à ce que les étrangers ne vinssent pas une seconde fois enlever, au grand préju- dice des habitants, le hareng qui, en 1394, s'était montré en prodigieuse quantité sur les côtes orientales de a Grande-Bretagne, lors- que la pêche avait manqué sur presque tous les autres points de l'Europe. L’Angleterre péchait aussi sur les côtes de LE Outre le commerce qui résultait de CHAP. I. HARENGS. | 189 la pêche du hareng, on sait aussi que ce poisson salé entrait autrefois au nombre des provisions de campagne et de guerre. Ainsi, Édouard HI, roi d'Angleterre, demanda entre autres mu- nitions de bouche pour les soldats de l'armée que sa flotte allait transporter en Gascogne, une contribution de quarante last de harengs. Les guerres que s'étaient faites Édouard HI et Charles V, roi dé France; celles de Richard IE contre les Ecossais, avaient porté quelque préjudice à la pêche du hareng. Si Henri IV lui donna quelques encouragements par les trèves de 1403 et 1404 avec les Français, et par celle de 1406 avec les Flamands, le règne guerrier de Henri V détruisit un peu les bons effets que ces trèvespacifiques avaient produits. Mais, dès le commencement de ce siècle, le pavillon de la Grande-Bretagne parcourait les côtes de la Baltique, pour y étendre le commerce de PAngleterre, et surtout pour supplanter les villes anséatiques dans quel- ques-unes des places qu'elles fréquentaient. D'ailleurs, dans ces mers, ils n'étaient plus inquiétés par les courses des Français. Les pêcheurs anglais s’éloignant de la Manche, se rendaient sur les côtes de Norwége et de Danemarck, où ils avaient moins de danger à courir. Éric de Poméranie était alors sur le 190 : LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. trône; il se plaignit au roi d'Angleterre du nombre excessif de bâtiments anglais qui cou- vraient les mers de ses États. Henri V écouta sa représentation, car il fit défense aux Anglais d'y pêcher à l'avenir. La proclamation de 1415 qui fut faite à cette occasion est précieuse dans le tableau des pêches de la Grande-Bretagne, car elle relate le nom de quatorze ports, aux baillis desquels elle fut adressée; ce qui prouve . l'extension que les pêches avaient déjà prise dans les villes maritimes de l'Angleterre. A cette même époque une aussi grande ac- tivité se développait en Écosse. Les actes du parlement font foi que les législateurs soccupaient avec énergie d'étendre leurs pêches nationales, en obligeant les bourgs royaux d'équiper des barques ou des flûtes de pêche pour en établir une générale autour du royaume. Un droit de quatre deniers écos- sais fut prélevé par une loi du parlement d'Écosse sur chaque baril de mille harengs sauris dans le pays. Malheureusement plu- sieurs fautes politiques détruisirent en peu de temps l'heureuse extension que prenait ce commerce en 1429. Les villes anséatiques et celles de la Hollande achetaient tous les ans une quantité incroyable de harengs. sur les côtes d'Écosse. Jacques rendit une ordon- CHAP. I. HARENGS. A9 nance qui défendit de vendre le‘poisson en mer. Îl voulut astreindre les pêcheurs à en fournir les bourgs royaux avant que les étran- gers pussent s'en approvisionner. Anderson reconnaît l'inutilité de ces ordonnances, et démontre que cette jalousie des Écossais ne fut préjudiciable qu'a eux-mêmes. Les Hol- landaïs achetaient tout le hareng frais et salé, qu'ils venaient chercher avec de gros bâti- ments. Les villes de la côte d'Écosse sen- richissaient en vendant immédiatement le produit de leurs pêches. L'ordonnance, en changeant cet ordre de choses, n'eut d'autre effet que de ralentir l'ardeur pour la pêche. Le gouvernement essaya bien d'y remédier ; car on voit quil exigea par des actes de 1493 que les barques de pêche fussent au moins de vingt tonneaux. Tout bateau fournissait à la couronne une certaine quantité de poisson qui formait une partie de son revenu. Une portion de ce droit fut prise à ferme par la famille d’Argyll. Elle exerçail à ce titre une juridiction qui s'éten- dait depuis le Firth de Pentland jusqu'au Mull de Galloway, et comprenait ce qu'on appelle la pêche des Hébrides'. A cette époque les 1. Knox, View of the Brit. emp., 214. 192 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. pêcheurs anglais trouvant plus d'économie à acheter des Hollandais la plus grande partie de leur poisson, faisaient une pêche fort courte et ne mettaient en. mer quun bien petit nombre de barques. Les ordonnances d'Édouard IV en 1482 et de Henri VII en 1496, furent rendues pour régler le barillage du hareng, mais il est probable que les trou- bles intérieurs qui désolèrent alors la Grande- Bretagne, suspendirent l'exécution des projets qu'avaient fait naître les besoins de l'économie maritime. Il est certain qu’à cette époque la pêche anglaise était peu active, et cepen- dant il s'écoule de longs intervalles entre les actes publics émanés du gouvernement. Henri VIIL est obligé de promulguer un acte du parlement en 1542, où il est formellement énoncé que les Anglais avaient contracté la mauvaise habitude de se mettre en mer sans filet, et d'aller directement acheter du poisson frais à bord des bâtiments flamands ou fran- cais. Mais à partir de cette époque jusqu’en 1555, les règlements se succédèrent pour re- médier aux abus qui se passaient, surtout à Yarmouth. Les moyens ne paraissant pas en- core assez coercitifs, la religion fut appelée à l'aide de la politique, ainsi que le prouvent les statuts d'Édouard VI, qui se plaint de ce CHAP. I. HARENGS. 193 qu'on violait labstinence de a chair, et qui ajoutait qu'en prescrivant de faire maigre les jours ordonnés par l'Église, il se ferait une plus grande consommation de poisson, ce qui donnerait plus d'activité à la pêche. Cette pensée fut si bien celle des rois d'Angleterre, qu'Élisabeth s'avisa d'établir un carême poli- tique. Le but ostensible était la conservation des bestiaux; mais le véritable était d’aug- menter le nombre dés hommes de mer, afin de s'assurer une marine. D'ailleurs les écrivains anglais se plaignent qu'à cette époque la pêche était presque tout entière entre les mains des étrangers. Les Hollandais, à la faveur d'anciens traités, venaient toujours dérober aux côtes d'Angle- terre la meilleure partie du poisson, tandis que les Espagnols, en vertu de quelques con- cessions obtenues de la reine Marie par Phi- lippe IF, épuisaient les côtes septentrionales de l'Irlande et les environs de Jersey et de Guernesey. Les divers règlements prohibiufs, publiés dans le cours des deux siècles précédents, n'avaient pas eu le succès que les souverains de l'Écosse s'en étaient promis. Jacques V fit, dans les Hébrides et le long des côtes mon- tueuses de l’ouest, un voyage qui prépara les 20. 13 194 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. mesures employées par son successeur. Camp-: beltown, Inverloch et Hornoway dans l'ile de Léwis, furent désignés comme trois points de réunion ou de centre offerts à l'industrie de ces contrées. Des priviléges leur furent accordés, et pour obtenir avec plus de certi- tude des résultats avantageux, on résolut d'en- voyer dans le dernier endroit: une colonie tirée des cantons de l'Écosse où la péche était le plus en vigueur; mais ces établissements ne réussirent pas. On conçoit que l’état politique de l'Angleterre et de l'Écosse à cette époque, donnait aux gouvernants des préoccupations d'un ordre tout différent. Il n'a pas encore: été question dans cette esquisse des îles voi- sines de l'Écosse, c'est-à-dire, des Shetland et des Orcades au nord, et des Hébrides à louest. Les rois de Danemarck, à qui ces iles avaient longtemps appartenu, disputaient sou- vent aux Ecossais le droit de pêche; il ne leur fut concédé que par Christiern L°”, en faveur du mariage de sa fille Marguerite avec Jacques IIL en 1468. Quant aux Hébrides, on les considérait à peine comme une dépendance de l'Écosse, puisqu'en 1602 Jacques L”, roi d'Écosse ; les abandonnait à celui qui pourrait en faire la conquête. Ce prince, néanmoins, dans les années qui suivirent, fit plusieurs CHAP. I. HARENGS. 195 tentatives pour y encourager la pêche du hareng, et introduire dans ce pays le seul commerce qui semble devoir sy faire. N'étant encore que roi d'Écosse, Jacques avait obligé les Hollandais de ne s'approcher de la côte quà la distance de huit milles, afin, dit le statut, que les filets ne vinssent point barrer la route que le poisson était censé tenir. Monté sur le trône d'Angleterre, il interdit aux étran- gers la pêche dans la mer des trois royaumes; il établit des commissaires à Londres et à Édimbourg, afin de n’accorder aux étrangers la liberté de pêche qu'à la condition de payer ‘annuellement un certain droit. Ce règlement était principalement contraire aux Hollandais, quoique , d'après Rymer, il ait été sud comme une juste représaille exercée contre les Danois, qui inquiétaient les pécheurs an- glais lorsqu'ils les rencontraient en mer. Les Hollandais dissimulèrent le chagrin que leur causaient de pareils règlements; ils firent sem- blant de s'y soumettre de bonne grâce, afin de ne pas interrompre des négociations bien plus importantes, et dont le résultat fut deux traités d'alliance. En 1612, le parlement d'É- cosse publia un acte concernant le paquage et l'exportation du hareng, avec défense d'en: faire aucun envoi à l'étranger avant le vingt- 196 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. neuf septembre, sous peine de confiscation du poisson et des bâtiments. Charles [°° crut avoir trouvé des moyens plus efficaces que ses prédécesseurs pour étendre les pêches natio- nales d'Angleterre. 11 forma des compagnies qui devaient Soccuper exclusivement de la pêche. Pour encourager ces établissements, il ordonna, en 1633, que l’on observat plus strictement les lois relatives au carême; il défendit l'importation da poisson pêché par les étrangers, et enfin il convint avec les compagnies d'acheter quelques munitions na- vales et le poissoh nécessaire à l'entretien des équipages de la marine royale. En 1636 il réitéra aux Hollandais la défense ‘de pêcher dans Les mers de la Grande-Bretagne, et tandis que les publicistes des deux nations, Selden et Grotius, disputaiént dans leurs écrits sur la souveraineté des mers, Charles arma une flotte puissante avec laquelle l'amiral comte de Northumberland surprit les Hollandais sur les côtes d'Angleterre, en coula plusieurs à fond, et força les autres à venir dans les ports de la Grande-Bretagne signer le consentement de payer à l'avenir une somme de 30,000 florins pour la jouissance du droit de pêche. Cette convention fut ratifiée par les Provinces- Unies. Maïs peu de temps après, les établisse- CHAP. I. HARENCGS. ‘ 197 € ments de la compagnie anglaise se réduisirent à rien par le désavantage de la concurrence qu'éprouvèrent, dans les villes maritimes du nord de l'Allemagne , les harengs d'Angleterre contre ceux de Hollande. Plusieurs vices in- hérents aux statuts de la compagnie contri- Puèrent aussi à leur décadence. Le roi ordonna, en 1639, d'examiner de quelle somme les capi- taux étaient diminués, et de chercher les moyens de relever une compagnie sur une base plus solide. Cest ce qu'on crut avoir trouvé en 1641, en formant une association qui obtint une exemption du droit sur le sel et les objets d'équipement de pêche employés pour son exploitation. Simon Smith', agent de la pêche royale, a conservé un document du temps où se trouvent indiquées les propor- tions nécessaires à donner aux buyses de pé- che, la nature et le prix de leur équipement, leur entretien et celui de leurs matelots. Il y a aussi de bonnes observations sur la manière de pêcher en pleine mer, et sur le commerce de l'Europe. Charles [°° se déclara protecteur de cette-nouvelle compagnie, et les person- nages de la plus haute distinction s’empres- sèrent de sy faire incorporer. On fit payer 1. Smith, Acount of the herring fish., A641. 498 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. aux Hollandais le droit de pêche sur les côtes des Orcades, mais toutes les espérances des intéressés furent bientôt anéanties par ‘suite des guerres civiles qui désolèrent l'Angleterre et qui finirent par la mort de Charles [.° Les Hollandais profitèrent habilement des troubles intérieurs de l'Angleterre jusqu'à la mort de Charles [.° Ils molestèrent non-seu- lement les pêcheurs anglais, mais ils payèrent avec inexactitude le tribut annuel auquel ils avaient consenti pour jouir de la permission de pêche. Les armateurs d'Yarmouth, de Blach- ney, de Southwald, demandèrent des convois pour leurs pêcheurs ; non-seulement il leur fut accordé des bâtiments de guerre, mais Cromwel, excité par bien d’autres motifs, dé- clara la guerre aux Hollandais. Blacke , un des plus grands hommes de mer de l'Añgleterre, attaqua, le 24 juillet 1652, les barques hollan- daises qui se rendaient à la station de pêche sous une escorte de douze bâtiments de guerre; il s'en empara ainsi que de deux cents voiles du convoi, ce qui faisait à peu près le tiers de da flottille. Ceux qui lui payèrent le dixième de leur cargaison furent renvoyés; mais il coula bas ceux qui refusèrent. L'action avait eu lieu à la hauteur des Orcades; Blacke revenait le long de la côte oridatalé: d'Écosse ramenant CHAP. I. HARENGS. 199 avec Jui ses prises en triomphe, lorsqu'il ren- contra une escadre hollandaise commandée par Tromp, bien résolu à lui disputer le pas- sage. Une horrible tempête s’éleva, sépara les flottes ennemies, forçant les Anglais à gagner les Dunes et les Hollandais Le Texel. C'est dans le cours de cette guerre que plu- sieurs familles hollandaises furent expulsées de Stornoway, à cause des pécheries qu'elles avaient établies dans l'ile de Léwis. Leur exemple cependant produisit un bon effet sur les habitants, qui ont plus amélioré leurs pé- cheries et étendu leur commerce que tout le reste des montagnards ; mais la conduite du protecteur paralysa bientôt toute l'énergie des habitants et rendit inutiles les efforts d’une compagnie nouvelle formée à Londres en 1654, et qui était composée de tout ce que cette ville avait de plus distingué. Cromwel avait fait détruire l'ancien fort de Stornoway ; mais il en éleva un nouveau, croyant ainsi contenir les habitants qu'il savait affectionner la famille des Stuart. Des troubles en furent la consé- quence ; la garnison fut égorgée; les désordres qui suivirent ne permirent pas à la compa- gnie de faire de Stornoway la principale place de leur établissement de pêche, ainsi qu'ils l'avaient projeté, et tous les plans que la com- 200 . LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. pagnie avaient CONÇUS, s'évanouirent presque aussitôt. Après la mort de Cromwel, Charles IE, le duc d'York, lord Clarendon, et, plusieurs personnages de la première noblesse d'Angle- terre formèrent, en 1661, un conseil de pêche dont le roi se déclara protecteur. : | Un bill confirma toutes les lettres-patentes données sur la pêche ; il fut en quelque sorte provoqué par le corps des poissonniers de Londres, qui avaient demandé qu'on remit en vigueur les anciennes lois favorables aux pêcheurs, parce que ceux-ci étaient en fait la principale force de la marine. Deux ans après fut rendu un acte concernant la marque et le paquage du hareng. Aux personnes qui com- posaient le conseil de pêche on adjoignit plusieurs négociants ou armateurs qui con- stituèrent une corporation politique sous le nom de compagnie royale de la pêche d’Angle- terre. | Pour encourager cette association, les par- lements rendirent plusieurs bills tendant à lui accorder des priviléges très-amples ;: la com- pagnie obtint la permission d'établir une loterie et de faire recueillir une contribution volon- taire dans toutes les paroisses. On obligea tous ceux qui tenaient auberge, hôtel garni, ta- verne, etc., de prendre un ou deux barils de CHAP. I. HARENGS. 201 harengs pour leur consommation, à raison de 30 schellings par baril. La compaguie fut autorisée à percevoir 2 schellings 6 deniers par baril de poisson im- porté des pays étrangers en Angleterre. Enfin, par un acte de 1669, on annexa à la couronne les iles Orcades, et on y attira une seconde fois quelques familles hollan- daises. Les harengs salés par cette compagnie obtinrent bientôt une juste réputation et ils trouvèrent dans les différents marchés de la Grande-Bretagne et de l'Europe un débouché satisfaisant. En 1671, le roi, accompagné du duc d'York fit un voyage à Yarmouth ; la com- pagnie lui présenta par reconnaissance quatre harengs d'or ciselés et enchaïnés pour faire allusion aux richesses que produisait la pêche de ce poisson. Mais tous les avantages qu'on s'était promis eurent encore le même sort pour cette compagnie que pour les précé- dentes. Charles IT se trouva dans la nécessité de retirer la perception des droits quil lui avait accordés; les intéressés en concurent des inquiétudes et il s'ensuivit bientôt la disso- lution totale de la compagnie. De nouvelles tentatives eurent lieu en 1673. Aux priviléges dont avaient joui toutes les compagnies . précédentes, on lui accorda, la 202 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. concession d'une gratification de vingt livres sterling pour chaque buyse ou drogger de pêche équipée et mise dehors pour le ha- reng. La somme était prise sur les droits de douane perçus à Londres. Le fond principal de cette compagnie fut d'abord de dix à douze mille livres sterling. Ce petit capital fut bientôt épuisé par achats de bâtiments et de filets. On avait fait bâtir en Hollande sept barques de pêche qui devaient être montées par des Hollandais. Comme à cette époque la France était en guerre avec les Provinces-Unies, six de ces barques furent prises tout équipées, et quoique le patriotisme ‘anglais eüt fait une seconde souscription de soixante mille livres sterling, la mort du roi et l’état politique du royaume amenèrent bientôt la décadence des affaires de la compagnie qui fut forcée d’aban- donner l’entreprise et de se dissoudre. Sous le dernier règne et jusquà la mort de Charles IT, la pêche du hareng sur les côtes d'Écosse avait été principalement exploitée par les habitants de Glasgow, d'Air et de Dumbarton. A la dissolution de la compagnie en 1682, les magistrats et le conseil de Glas- sow achetèrent les bâtiments construits pour la pêche du hareng dans la baie de Greenock. Glasgow continua par cette acquisition la ; CHAP. I. HARENGS. 203 pêche du Clyde avec zèle, persévérance et succès. Des barques, construites exprès, por- taient quatre hommes et trente-quatre pièces de filets, longs de six brasses et larges d’une brasse et demie. On en équipa jusqu’à neuf cents, et comme elles n'étaient point soumises aux gênes des douanes, elles faisaient trois voyages par saison, depuis le 25 juillet jus- qu’au 25 décembre de chaque année. Glasgow put remplir aisément les demandes de la basse Allemagne, de la Suède et de la France; elle fut la seulé ville d'Écosse à qui l'élévation ou la chute des compagnies privilégiées pour la pêche ait causé le moins de préjudice. Une nouvelle association se forma à Londres sous Jacques IT. Les fonds furent portés depuis la révolution de 1688 de trente mille livres ster- ling à trois cent mille. On donna la plus grande publicité aux différents actes qui concernaient la compagnie, en faisant afficher dans les places de Londres et de Westminster les lettres-pa- tentes ou les statuts qui concernaient la com- pagnie. Mais les guerres qui suivirent, et sans doute aussi l'extrême partialité que Guillaume témoignait aux Hollandais, entraînèrent la ruine de ce nouvel établissement. L'union définitive de l'Écosse et de l'Angleterre eut aussi des conséquences funestes au succès des 204 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. pêches du premier de ces royaumes. L'Écosse ‘soumise aux mêmes droits d'importation ou d'exportation que l'Angleterre, se vit fermer la plupart des marchés de l'Europe et surtout ceux de France. Les comtés maritimes de Fife et de Lothian, couverts autrefois de villes populeuses, à peine relevés des maux que Cromwel leur avait fait subir, virent s'anéantir par degrés les restes de ces nom- breuses familles d'hommes de mer qui avaient acquis tant de réputation dans la pêche ou dans le commerce du hareng. Sous la reine Anne, la compagnie précédemment dissoute essaya de se réunir de nouveau; le parlement voulait donner des encouragements à la pêche indigène au moment où venait de se fogmer la grande compagnie de pêche de la mer du Sud. pi | Ün bill permit à cette compagnie de dis- traire, avec l'agrément de la reine, vingt schel- lings par cent livres sterling de son capital, et d'en former un fonds employé à la pêche côtière. Un autre acte du parlement soumit à de nouvelles impositions le hareng salé exporté par les Écossais. Le successeur de la reine Anne, George [.”, suivit les principes d’éco- nomie politique de cette princesse; il encou- ragea surtout les pêches d'Écosse en leur ac- CHAP. I. HARENGS. 205 cordant des primes. Un bill supprima la taxe à lever .sur le sel destiné à saler les harengs blancs, en la transportant sur les harengs salés. Ün autre bill confirma toutes les lois relatives à la pêche, et régla la pércéption des. taxes à élever sur le sel. Au nombre des encouragements particuliers que recut l'Écosse, Anderson, dans ses ou- vrages sur le commerce, cite que les biens con- fisqués sur les rebelles en 1715, furent mis à la disposition de commissaires nommés pour amé- liorer ces différentes branches d'utilité générale. Le grand mouvement que les fonds publics recurent, en 1720, des actions de la com- pagnie de la mer du Sud, réagit sur celle de la pêche britannique du hareng. Les fonds qu'on destina à l'exécution de ces vastes des- seins, la qualité des actionnaires qui s'y enga- gèrent par leurs souscriptions et la grandeur de projets qui n'allait pas à moins que ruiner le commerce de toutes les autres nations, fi- rent croire qu'elle s'établissait sur des fonde- ments plus solides que tant d’autres qui pa- raissaient s'élever en même temps; mais il ne faut voir dans tout cela que le résultat d’une jalousie contre la compagnie de la pêche fran- caise des Indes, dont le crédit devenait très- florissant. Les fonds de la nouvelle compagnie, 206 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. fixés à 300,000 livres sterling, eurent pour premiers souscripteurs cent tinquante mem- bres de la chambre des communes. On s'a- dressa au Roi pour obtenir des lettres-patentes et en recevoir une charte d'établissement, dont l'expédition parut d'autant plus facile, que l’entreprise avait été agréée par les com- munes assemblées en comité. La requête fut rédigée en treize articles très-détaillés; la compagnie se proposait aussi de faire la pêche de la baleine au Grœnland, et d'épargner par là plus de deux cent mille livres sterling qu'elle payait par an aux Hollandais pour l'huile et les finons de ces cétacés. Les Anglais acqui- rent de Hambourg le droit d'y vendre aux mêmes Conditions que les Hollandais, le ha- reng et toute sorte de poissons secs et salés. Cette compagnie, cependant, tomba comme tant d'autres, peu d'années après soû établis- sement. Cependant, sans être rebutée par l'exemple des compagnies précédentes, une autre compagnie se forma, en 1749, sous le nom de Society of the free British Fishery. Les dix-sept articles de sa constitution paru- rent devoir parer aux inconvénients qui avaient fait échouer les compagnies précédentes. On y régla surtout la quantité de sel que devait VB à bord les bâtiments de pêche; elle fut CHAP. I. HARENGS. 207 fixée à douze boisseaux pour chaque leth de poisson que pourrait contenir le bâtiment. Il devait y avoir une certaine quantité de filets, cent pièces au moins, propres à la pêche du hareng, pour un bâtiment.au-dessus du port de soixante-dix tonneaux, etc. Aussitôt que les Hollandais eurent connaissance de la so- ciété de pêche anglaise, ils défendirent à tout matelot-pêcheur de prendre du service en Angleterre. Ils essayèrent d'étendre ces dé- fenses aux matelots danois de naissance, em- ployés chez eux depuis longtemps dans Îles pêches, et possédant l'art d'apprèter, de saler ou de paquer le hareng. Les flibots de la com- pagnie de Londres firent leur essai aux îles Shetland. Les succès de la pèche surpassèrent l'attente qu'on en avait conçue. Le prince de Galles accepta , en 1750, le titre de chef de la compagnie des pêcheurs. Dans une assem- bléestenue le 18 novembre de cette année, il fut résolu que les capitaux seraient portés à cinq cent mille livres sterling. La pêche faite sur les côtes d'Argyll encouragea tellement la compagnie, que plus de 5oo flibots furent employés dans la baie de Harloch. D'un autre côté, la pêche dans l'Océan germanique fut she: aux Shetland, et les flibots la con- tinuèrent sur la côte d'Yarmouth et vinfent 208 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. désarmer dans la Tamise. En 17952 ce nombre des barques fut considérablement augmenté, tellement que la compagnie chercha d'engager à son service les enfants trouvés des hôpitaux d'Angleterre; elle. devait les occuper l'été à pêcher, et l'hiver à travailler aux filets. Mais cette même année, la vingt-sixième du-règne de George IT, on fut been d'interpréter les _statuls précédents et d'y apporter Là changements. D'un autre côté, la compagnie fit de nou- velles demandes pour changer le lieu des sta- tions ou de réunion, pour avoir des filets de cinq brasses de chute, cette largeur s'accordant mieux avec la os des eaux sur Îles fonds d'Yarmouth. Les filets de sept brasses ne conviennent que pour la pêche sur les fonds des Shetland. Toutes ces demandes leur furent accordées. En 1753, la compagnie prit à son service quatre cents hommes des îles d'Orck- ney; elle avait alors en mer près de mille fhbots, qui s'étaient rendus principalement dans le golfe du Clyde. A l'époque de l'augmentation des fonds de la compagnie, les lords-régents, à qui on avait présenté la liste des personnes qui devaient en être les chefs, en exclurent, par une par- tidlité fort condamnable, un grand nombre CHAP. I. HARENGS. 209 ‘d'Écossais. L'aigreur que ceux-ci en concurent augmenta encore quandils virent cetteaffluence si considérable des flibots anglais sur les côtes d'Écosse. Les pêcheurs écossais eurent la dis- ‘grâce de voir que les gratifications sur les- . quelles ils avaient compté leur étaient refusées, tandis que les pêcheurs anglais étaient payés sans retard. L’Écosse éprouva encore un autre préjudice, quand la gratification fut réduite à trente schellings par tonneau : aussi les registres des douanes montrent-ils que, de 1765 à 1772, le nombre des bateaux diminua de trente-trois à neuf. On gêna encore les pêcheurs pour re- cevoir leur gratification diminuée en les for- cant de se rendre à Edimbourg, malgré un éloignement souvent de deux cent cinquante milles. Il résulta de là que les différentes com- pagnies écossaises abandonnèrent leurs entre- prises. Les bourgs royaux de ce pays se plaï- gnirent des entraves qu'éprouvait chez eux la pêche du hareng depuis les derniers: règle- ments. Ils remontrèrent que les nouvelles mé- thodes prescrites par les lois dernièrement promulguées rendaient la pêche plus difficile, souvent même impraticable dans quelques endroits. Ils prièrent donc que les lois fussent corrigées, afin de rendre les pêches écossaises plus avantageuses. SON 14 l 210 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. ÆEn Angleterre, au contraire, les succès de la pêche du Clyde échaufferent tellement le zèle des intéressés qu'ils voulaient établir une nouvelle compagnie de pêche à Southwold. Cependant, la compagnie de Londres n'em- ploya pas, en 1754, autant de flibots que, dans l'année précédente. Les difficultés qui s'élevèrent entre les Français et les Anglais, et qui changèrent la face politique des intérêts de ces deux nations, ne furent pas étrangères à cette diminution. On augmenta cependant de l'espace de trois ans la prime de trois pour cent sur les capitaux employés. par la com- pagnie de pêche. Plusieurs autres priviléges furent aussi accordés dans ce même acte du parlement. En 1756, la compagnie obtint une graufication de cinquante schellings par ton- neau de harengs importés, payables cepen- dant après un prélèvement de six deniers par mois en faveur de l'hôpital de Greenwich. Il fut, par cet acte, apporté de nouvelles mo- difications aux statuts accordés ên 1749. Il fut permis à la société et aux personnes em- ployées dans la pêche du hareng d’avoir tels filets qu’elles voudraient, sans être obligé de se conformer aux dimensions prescrites dans les statuts antérieurs. On put se servir pour encaquer les harengs de tels barils que la so- CHAP, EL HARENGS+ 311 société britannique voudrait admettre d'em- ployer à son usage. Enfin, on concéda un espace de cent verges sur ls grève, pour y faire sécher des filets. Malgré tous ces encou- ragements, lentreprise de cette société n’a pas eu, à beaucoup près, les bons effets quon.sen était promis. La guerre entre la France et l'Angleterre vint détrüire ses espé- rances; elle n'aurait d'ailleurs pu subsister longtemps de ses propres forces, les dépenses considérables dans lesquelles l'avaient entraîné ses immenses armements, absorbaient tous ses profits. On voit d'ailleurs, par les jour- naux du temps, que beaucoup de personnes commençaient à désapprouver cette obstina- uon à établir des compagnies en quelque sorte éphémères. Il faut cependant l'avouer, tant que la gratification accordée par le gou- vernement fut bien payée, les spéculations de la compagnie de la pêche maritime furent couronnées de succès. On vit s’accroître avec unerapidité étonnante le nombre des barques, la grandeur des filets et des autres équipements de pêche, ainsi que celui d'hommes vigoureux, également propres à pêcher et à préparer le poisson, comme à s'exposer aux dangers de la mer dans toutes les saisons. L'indigent em- brassait avec empressement une profession dont 212 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. les gratifications nationales augmentaient'les bénéfices. Mais cet état de prospérité changea vers 1766. Le projet des Anglais de s’attribuer exclu- sivement la pêche du hareng, a été très- justement critiqué, et la meilleure preuve de la justesse de ces critiques se trouve dans la com- paraison du nombre total des buyses armées dans les principaux ports de l'Écosse occiden- tale, comparé entre les années 1776 et 1 183. De deux cent quatre- vingt-quator ze barques, nom- bre équipé dans la première époque, on n'en compte plus dans la seconde que cent quatre. En présentant successivement le tableau des différentes sociétés de pêche, nous n'avons encore rien dit de Frlande. Cest que ce malheureux pays ne parut sur la scène qu'en 1750. À cette époque, un nombre considé- rable de nobles, d'évêques, formèrent une association sous le titre.de Société de Dublin, : pour l'encouragement de l’agriculture et des arts utiles. Mais les pécheries ne furent aidées que les dernières, et les primes furent si faibles que les pêches de ce royaume furent à cette époque très-peu encouragées. L'île de Man est cependant un célèbre rendez-vous de grands bancs, car elle exporta en une seule année du siècle dernier jusqu’à 20,000 barils de harengs. CHAP. I. HARENGS. h 913 On peut conclure de cet exposé des pêches d'Angleterre, que cette industrie y a été de tout temps l'objet des encouragements et de la sollicitude de tous les gouvernements, et qu'à mesure qu'un gouvernement plus régulier et plus libéral est venu diriger les affaires du pays, des sommes de plus en plus considéra- bles ont été constamment mises en action pour favoriser cette ressource plus importante par le nombre d'hommes de mer qu'elle fournit à l'Angleterre, que par la régularité des bé- néfices que la pêche a pu produire. Nous avons dit au commencement du cha- pitre précédent, que nous avancerions le long des côtes de la mer Germanique, après avoir examiné l'état des pêches anciennes d'Angle- terre. FT | | On sait que c'est vers 1241 que se forma la confédération de plusieurs villes de com- merce dans la basse Allemagne sous le nom de ligue anséatique. Lubeck, Hambourg et Brême furent les premières qui s'unirent en- semble, et la prospérité de leur commerce, le degré de puissance où elles parvinrent en peu de temps, l'influence qu’elles eurent du- rant trois siècles dans les affaires du Nord, attirèrent bientôt un grand nombre d'autres villes dans leur alliance. Lubeck, en 1180, M4 . LIVRE XXL CLUPÉOÏBES. jouissait presque seule des avantages de la pêche du hareng autour de l'île de Rugen. Le commerce de harengs salés que Lubeck trans- portait dans toute l'Allemagne pour y satis- faire aux besoins des nombreux monastères; celui du sel, non moins considérable, et l'éta- blissement de ses comptoirs en Scanie, assu- rèrent en peu de temps la richesse et la puis- sance de cette ville. Hambourg, bâtie par Charlemagne ‘pour arrêter les courses des Danois, n'était alors guère moins considé- rable que Lubeck; elle obtint d'abord de Canut VI, roi de Danemarck, puis plus tard d'Éric VE, de grands priviléges pour pécher et commercer en Scanie. Elle fut autorisée à y: . construire des baraques, des magasins destinés à servir aux pêcheurs tant que durerait la foire des harengs (Æäringsmesse). Plus tard, d’au- tres villes sollicitèrent et obtinrent la même faveur, de sorte que dans le quatorzième siècle presque toutes les villes de la basse Allemagne possédaient un petit terrain en Scanie. Brême s'établit vers le même temps ‘sur les côtes de Norwége pour la pêche du hareng, et l'on voit, par des chartes octroyées par Éric EL et par Haquin, que les autres pêcheurs de la basse Allemagne qui se rendaient sur les CÔLES de Norwége, y étaient moins favorablement CHAP. I. HARENGS. 215 accueillis que ceux de Brême. Pendant ce temps, la fortune sembla toujours favorable aux villes anséatiques. A la suite des guerres heureuses qu’elles soutinrent contre les rois des provinces septentrionales, elles finirent par s'approprier toute la pêche de Scanie dont elles voulaient exclure les Hollandais. Mais comme il n'arrive que trop souvent, la ligue anséatique si formidable, trouva sa perte dans sa victoire. Les négociants, trop occupés à faire la guerre, oublièrent la pêche et le commerce. Plusieurs villes se séparèrent elles- mêmes de la ligue et consommèrent en partie sa dissolution. Ce qui nous intéresse seule- ment relativement à l'ancienneté de la pêche, cest que Willebrand parle de la défense d’a- cheter le hareng avant qu'il soit sorti de l'eau. Ses expressions paraissent indiquer le hareng de la Baltique; on peut donc conclure qu'au commencement. du quinzième siècle les pé- cheurs de la Hanse, exclus de la Scanie par Éric, sétaient vus due d'aller pêcher sur des fonds plus éloignés dans la Baltique. La pêche danoise remonte avec œertitude au milieu du dixième siècle. On trouve, dans les Annales du temps, qu'en 960 une grande fa- mine s'étant fait sentir en Norwége, de nom- breux radeaux de harengs apparurent sur la 9216 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. côte et suppléèrent aux besoins du peuple. On voit aussi que vers le même temps la pêche du hareng avait lieu dans la saison du printemps. Un de ces aventuriers du Nord, qui firent des établissements dans le Grœn- land et dans l'Islande, Évind, se transporta dans une baie de cette ile où venaient frayer des bancs de harengs dont il fit une pêche très-abondante. Mais nous ne trouvons plus de documents certains sur l'importance de la pêche en Scanie que dans le treizième siècle. De Helmold, lun des continuateurs de la Chronique slavonne, ne craint pas de vanter la richesse que la pêche procurait aux Danois, en disant qu'habillés autrefois comme dé sim- ples matelots, les Danois aujourdhui sont vêtus. d’écarlate et de pourpre, car ils regor- gent de richesses, produits de leur pêche annuelle, de sorte que les marchands de toutes les nations viennent leur apporter leur or, leur argent et leurs denrées les plus précieusés pour acheter en retour le hareng que la Providence divine donne si libéralement aux Danois. Éric VIfcommenca son règne par soutenir une guerre sanglante à laquelle la pêche du hareng donna lieu. Ayant inquiété, en 1242, les pêcheurs de Lubeck et retenu prisonniers quelques-uns des leurs, la cité résolut d'en CHAP. I. HARENGS. 917 tirer vengeance, avec le secours de quelques autres villes maritimes. Leurs troupes vinrent attaquer Copenhague, l'emportèrent d'assaut, rasèrent la forteresse et ne se rembarquèrent qu'après avoir chargé leurs vaisseaux des nombreuses richesses qu'ils purent enlever. L'Islande, comme on le sait, fut réunie au Da- nemarck dans le treizième siècle. Il est ques- tion du hareng dans une des odes mytholo- giques de l'Edda, et l’on peut remarquer que dans les noms de plusieurs des montagnes de ce pays, le mot si/d (hareng), entre dans leur composition. Il est d’ailleurs naturel que la pêche d’un poisson aussi abondant et aussi commun dans les mers du nord, ait excité dans tous les temps l'industrie des popula- tions. Aussi lon peut lire dans les Mémoires de l'Académie des inscriptions", tout ce que la pêche de ce poisson offrait de surprenant et de merveilleux à Philippe de Mézières, qui en rendait compte à Charles VI, roi de France. Sous Waldemar IV, en 1368, de nouvelles défenses faites aux Danois dans le but d'inter- dire toute relation commerciale avec les villes de la confédération, excitèrent l'irritation des villes de la ligue anséatique. De Tirritation 1. Tome XVI, p. 225. 218 LIVRE X:°, CLUPÉOÏDES. on passa aux menaces, et dans une assemblée générale tenue à Lubeck, on arrêta d'aller en force pêcher et saler le hareng en Scanie, malgré Les défenses du roi de Danemarck. Les villes ne s'arrétèrent pas à cette seule décision; elles firent alliance avec le roi de Suède en y joignant les ducs de Holstein et du Meck- _lembourg. On assura à ces derniers une partie du Danemarck, et on promit au roi Albert de Suède les trois provinces danoïses limi- trophes de son royaume, c'est-à-dire, la Scanie, le Halland et le Blecking. Les villes devaient jouir, en retour, de la frañchise et de priviléges particuliers dans les ports des deux royaumes. On leur assurait que le last de harengs ne paierait que vingt deniers de Scanie pour tout droit; que le hareng qui passerait par le Sund n'en paierait aucun; que le bâtiment acquitterait seulement un droit d’onze schellings. Après ces conventions, les hostilités commencèrent en 1369, et le succès de la guerre se déclara tellement en faveur des villes anséatiques, qu'elles prirent au Danemarck les villes de Copenhague, d'Helsingær, Falsterbo, etc. L'année sui- vante, un iraité de paix fut conclu à Stral- sund. Waldemar mourut en 1375. Il avait marié sa fille Marguerite à Haquin , roi de . CHAP. 1. HARENGS. 29 Norwége, en 1363; Olaüs, leur fils, fut pro- clamé son successeur. Il réunit ainsi les deux couronnes de Norwége et de Danemarck avec les îles dépendantes à cette époque du prémier de ces royaumes, c'est-à-dire de lIs- lande, des Orcades, des iles Feroë et même des Hébrides et de l'ile de Man. Cet événe- ment, qui pouvait changer toute la face po- litique de l'Europe septentrionale, détruire l'influence et même le pouvoir des villes an- séatiques, fut amené en grande partie par la prudence de Marguerite. Olaüs, possesseur de la Norwége et du Danemarck, passa en Scanie, en 1385, avec Marguerite, sa mère. Il confirma, dans cette tournée, les droits que les pêcheurs et les marchands avaient de ba- raquer, pour la pêche du hareng, sur les côtes de Scanie, où ils possédaient aussi des mai- sons religieuses, car le couvent d'Ebbleholt fut confirmé par le roi Olaüs. Ce jeune prince mourut deux ans après; sa mère, Marguerite, lui succéda. Sous son règne, le Danemarck commença à se reposer; le calme dont jouirent à cette époque les peuples du Nord ne fut interrompu que par la guerre des pirates qui infestaient la Baltique et le Cattegat, et que ‘les villes de la: ligue anséatique terminèrent avec leurs propres forces. Nous ne vovons dans 290 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. les siècles suivants d'autre acte remarquable concernant la pêche du hareng, qu'un règle- ment fort détaillé relativement à la prépara- tion du poisson, dont les sages dispositions ne produisirent cependant rien de très-impor- tant Aussi les choses restèrent dans un état stationnaire jusque vers l'an 1750, où, selon Pontoppidan, le gouvernement apporta une attention toute particulière à la restauration des pêches du Danemarck et de Norwége. Le zèle des Suédois avait donné à cette industrie une telle extension, que ce peuple, qui tirait du Danemarck des milliers de barils de ha- rengs, était à cette époque en état d'en vendre. plus que les Danois. Pour arrêter par la con- currence le préjudice auquel les Danois étaient exposés, le gouvernement projeta d'établir une pèche réglée sur les côtes d'Islande. Un règle- ment publié en 1953, fut suivi de plusieurs autres ordonnances pour fixer la distance des lieux où le hareng pourrait être pêché, pour faire connaître diverses instructions commer- ciales et économiques, afin d'assurer un débit plus avantageux aux harengs islandais sur les marchés étrangers. À cette époque les Islan- dais n'avaient pas encore de filets | propres à la pêche du hareng. D'ailleurs le manque d'hommes et la rareté du sel furent aussi des CHAP. I. HARENCS. 291 obstacles à la réussite des efforts qui furent tentés pour y établir une compagnie. Le ré- gime de celle que lon essaya d'y instituer ne put être de longue durée, et lorsque, en 1776, le privilége exclusif, de vente du pois- son fut aboli à Copenhague, une ordonnance supprima la compagnie islandaise, en attri- buant à la couronne le produit de l'exploita- tion du commerce de la pêche en Islandé; mais les avantages que le ministère s’en était promis ont, jusqu'à présent, mal répondu à ses espérances, et les .causes que j'ai indiquées plus haut sopposeront presque toujours à l'établissement d’une pêche réglée sur cette ile septentrionale. Il faut y ajouter le manque de station convenablement disposée sur le rivage des golfes pour y débarquer le hareng et lui faire subir les préparations nécessaires à l'exportation. D'autres causes physiques se- ront aussi des obstacles au développement de la pêche dans ce pays. Moos observe que les brouillards y sont si fréquents et si intenses qu'ils empêchent les pêcheurs islandais de s'éloigner de‘la côte, quoiqu'il puisse y avoir beaucoup de profit à le faire, vu l’extrême abondance des cabeliaux et des harengs dans le Rôdeljord près d’Agero. Nous n'avons pas parlé du Jutland où, le 222 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. hareng ne se montrant que sur une partie de la côte, la pêche était d'un faible produit. Cependant les villes de Aalbourg et de Nibe de- vinrent si riches et si florissantes par la pêche, que pendant près d’un siècle on les regarda comme des plus importantes du royaume. La pêche d'Aalbourg paraît s'être soutenue assez longtemps; car en 1650 cette ville était encore un port d'armement considérable. Des pêches de moindre importance avaient lieu autour des îles de Seelande, de Fionie, mais aucune d'elles ne remplaca jamais celle de Scanie. Cest seulement en 1767 que fut créée la compagnie d'Altona; elle ne répondit pas. d’abord aux espérances que la cour de Dane- marck en avait concues, quoique la situation de cette ville sur l'Elbe parût très-favorable à un établissement de ce genre. Vers 1975, la compagnie reçut une nouvelle organisation, et en 1782 elle mettait déjà. en mer près de trente barques d’un assez fort tonnage, qui allaient pêcher aux îles Shetland. | La Suède n'a pas toujours figuré entre les nations maritimes de l’Europe qui se sont adonnées à la pêche du hareng avec un avan- tage aussi marqué que celui de la fin du siècle dernier. On fixe à peu près au commencement du treizième siècle les premières pêches réglées CHAP. IL. HARENGS. 293 qui se firent en Scanie, mais nous avons déjà vu que d'autres, plus anciennes, se faisaient dans la Baltique, auprès de l'ile de Rugen; ainsi Olaüs, roi de Danemarck, menaca d’exclure de la péché du Sund certaines villes de Scanie, et celles-ci comprenant le préjudice qu is éprouveraient d'une pareille exclusion, lui donnèrent la satisfaction qu'il PR TE On avait aussi, à cette époque, trouvé l’art de conserver et de saler le hareng. Anderson remarque qu'à des époques régu- lières, la plupart des peuples de l'Eur ope sas- semblaient au même endroit pour y pêcher ce poisson, et l'art de le saler était en usage depuis longtemps, puisqu'il y avait sur les côtes de Rugen des foires et des marchés pour le sel employé à préparer le hareng à bord des bâtiments, afin quil fut plus facilement transporté dans les pays plus éloignés. Quant à ce qui concerne les règlements de pêche proprement dits sur les côtes de la Nor- wése, du Danemarck ou de la Suède, on peut dire que la plupart des phases de cette pêche jusque dans ces derniers temps, se con- fondent avec ce que nous avons établi dans Vapercu des pêches danoïses ou norwégiennes, parce que le règlement adepté dans les trois royaumes, et promulgué par Éric et Margue- 294 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. rite, contient un article dans lequel ces .sou- verains , promettant paix et sécurité à tout pêcheur ou commercant qui se rendra en Scanie, quoique le prince dont il est sujet ou la ville dont il est citoyen soient en guerre entre eux; que ceux, dit-il, qui désirent faire la guerre, aïllent combattre sur leur propre territoire, mais la bonne harmonie doit régner dans les trois royaumes entre tous ceux qui viennent pour pêcher. Les dispositions de ce règlement sont extrêmement sévères, puisqu'il y avait peine de mort pour tout marchand qui mettrait en baril des harengs de mauvaise qualité. | Il faut d’ailleurs remarquer qu’à Es du milieu du quinzième siècle, l'abondance du hareng sur les côtes de si diminua d’une manière sensible, pour ne plus reparaître que vers le milieu du seizième. Aussi les bâtiments des villes anséatiques se rendirent à Helgoland dans l'espoir d'y faire une meilleure pêche qu'en Scanie. C'est alors que les Norwégiens se livrèrent avec une nouvelle ardeur à ce genre d'industrie, que la pêche, encouragée par de grands profits, s'établit sur beaucoup de points depuis Berghen jusquà Stavanger, et plus encore depuis Swinesund jusqu'à l’embou- chure de la Gotha, et elle fut si considérable CHAP. I. HARENGS. 225 que plusieurs milliers de barques arrivèrent les années suivantes, tant du Danemarck que du Holstein. Une foule de familles se fixa dans la ville de Bohus; elles y formèrent des établissements, y construisirent des maisons ou des magasins si spacieux pour la prépara- tion du hareng, qu'on pouvait suspendre et faire sècher à a fois dans quelques-uns jus- qu'à cent quarante tonnes de poissons. Avec les secours que ces établissements assurèrent, on vit se rendre tous les ans sur ces côtes un nombre considérable de bâtiments expé- diés des ports du Danemarck, de la basse Allemagne, de la Frise, de la Hollande, de l'Angleterre, de l'Écosse et de la France pour y acheter le poisson. La pêche était si abon- dante que chaque batiment s'en procurait aisément une cargaison complète. Elle ne se faisait plus par les étrangers, et cet état de prospérité dura jusqu'en 1588. Mais les ha- rengs finirent, dit-on, par s'éloigner de cette côte. Les étrangers nes'y rendirent plus comme auparavant. Il s’ensüivit la ruine des établis- sements dont la share peut être fixée au com- mencement du 17.° siècle. Nous avons dit que l'histoire de la pêche suédoise se trouve comprise dans celle de la pêche en Danemarck jusquà la révolution, 20. 15 296 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. “qui porta Gustave IL. sur le trône. Lorsque, par suite des événements politiques, la ville de Bohus fut cédée à la Suède, le gouver- nement de ce royaume fit quelques tenta- tives pour y relever la pêche du hareng dont le souvenir n'était pas encore perdu. Le port de Gothembourg s'ouvrit alors. L'avantage de sa situation n'avait pas échappé à Gustave- Adolphe, qui créa la compagnie royale des pêcheurs de Gothembourg , et qui rendit plu- sieurs ordonnances pour soustraire le royaume au monopole de Lubeck. Pour la première fois on arma des barques de pêche à Halm- stad et à Marstrand. En 1651 la reine Christine accorda de nou- veaux priviléges, et en 1658 Charles-Gustave conclut avec Cromwel un traité dans lequel il fut stipulé que les Suédois pourraient libre- mentbpêcher sur toutes les côtes de la Grande- Bretagne aux mêmes conditions que les Hol- landais. Cinq ans après fut établi à Gothem- bourg le collése de commerce, chargé de la direction de la pêche du hareng sur la côte du Bohusland, et en 1666 il fut rendu un règlement qui accordait plusieurs franchises aux poissons salés de cette pêche. Charles XI confirma ou étendit ces dispositions, de sorte que la pêche du hareng obtint en Suède, sous CHAP. I. HARENGS. Dar ses auspices, quelque succès. La salaison du hareng n’était pas.encore assez parfaite pour que les Suédois pussent rivaliser avec les Hol- landais. Cependant quelques exportations commençaient à se faire. On concoit que ces avantages , loin de s'accroiître, durent échap- per aux Suédois sous le règne de Charles XIT. Les événements de son règne portèrent un coup funeste à la pêche de son pays, dont elle ne se releva que vers le milieu du siècle sui- vant. L'amélioration de cette industrie fut discutée dans la diète générale tenue à Stock- hoïlm en 1746. Le prince royal venait de se déclarer protecteur de la:pêche. Ce qui se- conda surtout le patriotisme zélé d'un grand nombre d'habitants, fut l'apparition soudaine d'une énorme quantité de harengs dans toutes les baies du Bohusland. On se crut reporté au temps des grandes et mémorables pêches de Scanie; mais les habitants furent pris au dépourvu. On manquait de barques, de filets, de tonneaux et de sel. Il se trouvait par hasard, dans un port de Bohusland, quelques matelots hollandais, pé- cheurs de profession : on les consulta; on paya généreusement leurs services et on parvint à les fixer en Suède. L'année suivante, la cour de Stockholm proposa des primes pour les 298 © LIVRE XXI CLUPÉOÏDES. pêcheurs qui se pourvoiraient de filets, pour ceux qui donneraïent aux harengs la meilleure préparation, enfin pour ceux qui l'exporte- raient à l'étranger. Les pêcheurs établis sur la côte de Suède eurent la concession de diffé- rents priviléges. Le commerce du hareng fut déclaré libre. Au moyen de ces encourage- ments, le produit de la pêche de 1759, faite à Gothembourg et sur les côtes du Bohus- land, s’éleva à près de deux cent mille tonnes de harengs. La Suède put se suflire à elle- même et s'affranchir du tribut qu'elle payait aux étrangers. Les premiers succès firent per- fectionner les, procédés de la salaison du poisson. En 1763 on rendit le paquage plus par- fait, en imitant la méthode hollandaise. Comme toutes les idées libérales du gou- vernement se dirigeaient vers cette nouvelle source de richesses, les Ordres du royaume cherchèrent, en 1765, à remettre en activité les diverses sortes de pêche. On rétablit celle de la morue ou du maquereau, et on donna aux diverses parties de leur administration l'ensemble qui devait en garantir la durée. Dans le même temps les Suédois se livrèrent à la fabrication de huile du hareng, dont ils ont été longtemps les seuls commerçants. CHAP. L HARENGS. : 3299 Alstræmer assure qu'en 17950, Bauer fut le premier Suédois qui prépara l'huile de ha- reng pour son usage particulier. Le baron Cahman redoubla de soins et de sacrifices pour assurer à la Suède une industrie que lon croyait alors nouvelle, quoique l’art d'ex- traire du hareng une huile animale fut connu et pratiqué dans le 14.° siècle. On n'employa d'abord que les branchies et les intestins du poisson. L'huile qu'on en obtint trouvant un débouché avantageux sur les marchés de la Baltique, les Suédois se déterminèrent, en 1765, à brüler ,ou à cuire le poisson entier. Quant au commerce du hareng, il s'accrut de plus en plus, et lorsque les primes cessè- rent d'être payées en 1765, chacun fit la pêche et le commerce sans être assujetti à aucune autre formalité que celle de l'inspecteur du jaugeage et de la marque des tonneaux. Le hareng de la pêche de Gothembourg était si bien préparé qu'il le cédait'peu aux poissons de pêche hollandaise, et il était vendu à si bon marché, que celui des villes de la basse Allemagne, à l'exception d'Embden, n'en pou- vait soutenir la concurrence. Gothembourg, devenu le premier entrepôt du Nord, appro- visionna de harengs une partie de la: Russie et de la Pologne. Ses bâtiments firent voile 230 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. pour Madère, pour les Antilles, pour la Mé- diterranée, etc. L'Trlande, à laquelle ne s'éten- dait point la prohibition du poisson de pêche étrangère portée par les lois anglaises, offrit à la Suède un débouché si vaste, qu'elle recut, en 1776, cinquante mille sept cents tonnes de harengs. Pour expliquer un commerce de poissons aussi considérable, il faut savoir que ces clupées étaient repaquées dans des tonnes de jauge irlandaise, inférieures à celles de: Suède, et réexportées pour les îles d'Amérique comme poisson de pêche d'Irlande. Le commerce d'huile de hareng n'était pas moins florissant en 1784. Les Suédois calcu- laient que, depuis 1760, il avait été fabriqué au moins deux cent cinquante mille barils d'huile , et que l'État en avait retiré plus de cent tonnes d'or ou quinze millions de francs. Brême, Lubeck, Hambourg, Amsterdam, le Havre, Bilbao, Santander en recevaient des chargements. La part, destinée pour la Bal- tique, fut toujours la moins considérable. Avant 1776, il n’y avait en Suède qu'un petit nombre de brüleries de harengs établies sur les rochers qui bordent la côte, depuis Go- thembourg jusqu'à Stramstadt. En 1783 on en comptait plus de deux cents. La facilité de débarquer le poisson dans les CHAP. I. HARENGS. 231 bräleries , celle de jeter à la mer le résidu ou marc qui reste au fond des chaudières, sont des raisons toutes naturelles pour concevoir la prospérité de ces établissements. Leur nom- bre se serait encore accru, si trois années de pêche peu favorable n'étaient venues exciter les alarmes ou peut-être la jalousie de ceux qui n'avaient point d'intérêt dans les brûleries. Ils prétendirent que le marc de hareng, pro- duit parles cuites et jeté dans la mer, empoison- nait le fond des baies et en éloignait le poisson. Des mémoires sur le Trangrum (c’est ainsi qu’on appelle ce marc) furent successivement publiés pour et contre. Comme il n'arrive que trop souvent, cette opinion, peu réfléchie et mal fondée, prévalut. Le gouvernement, partageant les craintes exagérées répandues dans le pu- blic, défendit de jeter à la mer le marc de hareng. Il ordonna de le faire transporter dans les campagnes et de l'enfouir dans la terre. Il n y a point de doute que ce résidu de matières animales ne soit un excellent engrais; mais comme le transport exigeait beaucoup de frais, l'ordonnance du gouvernement équivalut à une prohibition, et les brüleries, construites sur les rochers, furent forcées de suspendre leurs’ travaux. Elles furent, après cette époque, transportées dans l'intérieur des terres, au 932 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. préjudice de la fabrication. La mauvaise pré- paration de l'huile dans un grand nombre de petites brûleries, força le gouvernement à éta- blir une inspection sur ce produit, afin de conserver à l'huile de hareng de provenance suédoise, la réputation qu'elle s'était acquise sur les différents marchés de l'Europe; mais ces faibles gènes inquiétèrent le génie com- mercial; elles portèrent un coup funeste à ce genre d'industrie. | La pêche et le commerce du hareng par- vinrent en Suède à leur plus haut degré de splendeur, de 1770 à 1760. Il n'y à point de doute que la guerre dans laquelle s'étaient en- gagées les quatre grandes puissances, la France, l'Angleterre, l'Espagne et la Hollande, ne fa- vorisät beaucoup les Suédois. Le parlement d'Irlande prohibä, en 1981, lintroducüon du hareng de Suède. Gothembourg et les autres ports perdirent un de leur principaux marchés. ‘Cependant ces causes politiques furent très- faibles à côté des causes naturelles. Le poisson, poursuivi et tourmenté, gêné dans sa repro- duction, finit par abandonner les baies qu'il semblait affectionner. Dans les dix dernières années du dix-huitième siècle, le hareng ne se montra plus en bancs aussi nombreux, les apparitions en devinrent successivement plus CHAP. I. HARENGS. 9233 tardives et très-irrégulières. Le moment était venu où la pêche allait s'anéantir sur les côtes du Bohusland, comme il était arrivé au sei- zième siècle sur celles de Scanie. Elle fut si médiocre, en 1799, qu'elle ne put suffire à la consommation locale de la Suède et que l'ex- portation du poisson fut prohibée. En 1800, l'Écosse fournit du hareng salé à la contrée, qui en expédiait vingt ans auparavant, non- seulement dans toute l'Europe, mais encore dans les îles d'Amérique. Après avoir exposé précédemment l'histoire succincte de la pêche du hareng dans les diffé- rentes contrées de l'Europe septentrionale, disons quelques mots du mode de procéder à la pêche du hareng. Duhamel est entré dans des détails tellement circonstanciés sur cette importante industrie et sur les différents ba- teaux, filets ou autres ustensiles de pêche, quil est à peu près inutile aujourd'hui de donner de plus longs détails. Je crois devoir renvoyer à cet ouvrage le lecteur qui voudrait con- naître tous.les détails minutieux de lart de la pêche. Les peuples qui exploitent la Manche, atta- chent une si grande importance aux avantages de la pêche du hareng, qu'ils la nomment géné- ralement la grande pêche, pendant que elle 234 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. de la baleine n’a reçu pendant longtemps que le nom de petite pêche. On y emploie géné- ralement tous les petits batiments qui sont d'usage pendant toute l'année sur la côte. Cependant à mesure qu'ils avancent au large, les pêcheurs choisissent des bâtiments d'un tonnage plus grand, afin de pouvoir tenir la mer plus longtemps. Quand ils doivent passer la moitié du canal, ils se servent de gondoles ou de grands droggers. Les bateaux, suivant leur tonnage, portent jusqu'à seize et même vingt-cinq hommes d'équipage. Les filets sont des espèces de manets, que lon nomme dans plusieurs endroits de la Manche, varnettes ou marsaiques : ils sont faits de plusieurs pièces, cousues les unes au bout des autres pour former ce qu'on nomme la tessure. Ce filet est fait d’un fil assez fort, afin qu'il soit assez pesant, quand il est mouillé, pour descendre perpendicu- lairement dans l'eau. Comme le hareng se maille d'autant mieux que le filet est tendu moins raide, on.ne met pas de lest à son pied. Chaque pièce de filet a de quinze à dix-huit brasses de largeur, et la tessure entière à un nombre de brasses plus ou moins grand, selon l'état de la mer. Les pêcheurs ne craignent de lui donner cent quatre- vingis à deux cents brasses quand la mer est belle; mais ils la CHAP. I. HARENGS. 235 réduisent à soixante-dix ou quatre-vingts si elle devient grosse et mauvaise. La corde qui passe sur le bord du filet s'appelle, pro- bablement par corruption, fincelle, et sert à maintenir la nappe sur la surface de l'eau, au moyen de ses liéges, de ses bassouins et dé ses barils. Quand le bateau est rendu sur le lieu de la pêche, il met en panne, puis on le démâte. Le patron s'occupe alors de jeter à la mer la tessure avec toutes ses garnitutes. Elle est rétenue au navire par une corde nommée kalin, dont la longueur varie suivant l'état de la mer, mais en rapport inverse de la longueur de la nappe du filet. Si la mer est douce, le halin n’a guère que soixante brasses de longueur; il devient de plus en plus long à mesure que la mer est plus dure; si elle est très-forte, le halin a jusqu'à deux cents brasses. Quand les filets sont jetés à la mer on laisse dériver. Pendant la nuit, soit pour éviter les abordages, ou, se- lon le dire des pêcheurs, pour attirer le poisson, chaque bateau de pêche porte un fanal , quelquefois même deux. Sur Le banc d'Yarmouth, rendez-vous de plusieurs mil- liers de barques de pêche, ces fanaux don- nent à la mer un aspect vivant et animé. Quand le maître juge que le filet est sufli- 256 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. samment plein, on le retire, soit" à bras, soit en le virant au cabestan; chaque homme a sa place et son service bien déterminé; il faut remonter le filet bien étendu, détacher les différentes pièces de flottage et les repla- cer de suite dans la soute, de manière à ne pas encombrer le pont; d’autres hommes sont occupés à démailler le hareng; d'autres lèvent ou roulent et plient le filet. Si le bateau est petit et peu éloigné de la côte, le maître s’y rend immédiatement pour y vendre son pois- son. Ce hareng est estimé à cause de sa frai- cheur, et acheté sous le nom de poisson de nuit. Si le patron veut continuer la pêche sans rentrer, il renvoie son poisson par de petites barques, qui font ce qu'on appelle le batelage. Si le bâtiment est convenablement monté et: approvisionné de sel pour tenir la mer. pendant quelque temps, on fait alors subir plusieurs préparations au hareng sur le navire. La première consiste ; dans certains cas, à en- lever les ouïes et tous les viscères abdominaux au poisson; cest ce qu'on appelle caquer les barengs : on les met ensuite dans une siumure légère; c'est ce qu'on appelle les braïller : ou bien on les dépose par lits dans le sel, c'est- à-dire qu'on les sale en grenier. Cette der- nière opération fait perdre souvent beaucoup . CHAP. I. HARENGS. ° 237 de harengs, parce qu'ils sécrasent par leur poids. Souvent aussi ils se gâtent lorsqu'il y en a un trop grand nombre. Il en est de mème de la salure en vrac, quand elle est faite avec trop de précipitation. On appelle harengs salés en vrac ceux qui, après avoir été braillés, sont arrangés premièrement dans des tonnes ou de grands barils que l’on emplit comble: mais sans fouler les poissons; on les laisse s'affaisser sur eux-mêmes, et cest alors que les tonneliers y mettent le fond. Quand le saleur juge que les harengs ont pris tout le sel qui leur est convenable, il les tire des tonnes en vrac faites à la mer ou dans les ports, et on leur fait subir. une préparation qui précède celle de les paquer. Elle consiste à renverser le pois- son dans une,cuve, à le laver dans une nou- velle saumure; quand il est bien nettoyé, on le tire pour le laisser ésoutter dans des cor- beilles à claire-voie. Alors les ouvrières qui leur ont fait subir la première opération, prennent les poissons un à un pour les ar- ranger, Ou, suivant l'expression, pour les pa- quer dans des barils de différentes jauges, en ayant soin de les presser le plus qu'elles peu- vent et en placant toujours le ventre en haut. On emploie, en général, dans les ports un assez grand nombre de femmes ou d'enfants 258 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. pour les manipulations de cette industrie, qui mérite, sous ce rapport, de fixer aussi l'atten- tion des économistes, puisqu'elle donne de l'ouvrage à une plus gande partie de la po- pulation. Les harengs ainsi préparés prennent le nom de harengs pecs. On dit que cette dénomi- nation vient de pecken, empaqueter ; de même que caquer viendrait de cacken, qui veut dire couper, parce que, avant de soumettre les pois- sons aux différentes préparations de la saumure, on les vide et on leur ôte les ouïes. Ces ha- rengs salés et paqués, ayant été préalablement vidés, on a donné le nom de caque au baril dans lequel on les renferme, et de là est venue l'expression de harengs à la caque. Le soin quil faut apporter à la quantité de sel blanc que l’on méle au sel ordinaire, le choix des individus qui, selon leur état de conservation, portent des noms différents chez les divers saleurs, fait qu'on est obligé de trier les harengs, ce qui a donné lieu à désigner dans le commerce une qualité parti- culière sous le nom de Hareng de triage. Les Hollandais ont de tout temps été ré- nommés par l'exactitude consciencieuse avec laquelle ils exécutent les diverses opérations nécessaires pour avoir de beaux harengs salés. CHAP: IL. HARENGS. 239 C'est la réputation qu'ils ont justement acquise, qui avait en quelque sorte fait établir, que l'art de saler les harengs et de les paquer, était l'invention d'un pêcheur de Biervliet, Guil- laume’ Beukels, mort en 1440. Noël de la Morinière a traité la questfon de priorité de cette invention dans un mémoire ex pro- fesso, publié dans le Magasin encyclopédique. Il y établit, en s'appuyant sur les documents historiques dont.nous avons rapporté un très- grand nombre dans l'Histoire des pêches des différents pays, que, plus de deux cents ans avant ce pêcheur, le commerce du hareng salé et paqué était déjà florissant et était protégé ou réglé par des chartes ou des ordonnances royales, soit en France, soit en Angleterre. On fait subir aux barengs une autre prépa- ration qui donne lieu à un commerce fort im- portant, je veux parler des Harengs saurs. Les meilleurs harengs de cette espèce sont ceux de la Manche, et l’on préfère même ceux des côtes de France, parce qu'en général, dans les bonnes saurisseries, on les fume avec du bois de hêtre bien sec. Cependant on n’a pas tou- jours le soin de les dessécher assez entière- ment; dans ce cas, ils ne se conservent pas aussi longtemps; on ne peut pas surtout les transporter avec la même facilité; mais il faut 240 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. avouer, que ceux qui ont été plus fortement fumés, deviennent plus noirs, et que par con- séquent ils ont un coup d'œil moins avanta- geux pour la vente. Pour saurir le hareng, on ne le caque point, mais on le braille. Quand il a pris un peu de’sel, on l'embroche dans des baguettes appelées aznettes, et on le suspend dans des espèces de tuyaux de cheminée dans lesquels on le tient plus ou moins longtemps à une chaleur douce et à une fumée très- épaisse. La description de ces étuves et des nombreux ustensiles qu'emploie un saurisseur, nous jetterait également dans des détails qu'il me paraît inutile de donner ici. L'espèce du hareng que l’on fait saurir, est celle que les pêcheurs appellent des harengs de trois nuits, ' c'est-à-dire des harengs un peu moins frais que ceux que l’on prépare en blanc. Il faut cepen- dant remarquer, que les harengs de première nuit que l’on saurit, sont de beaucoup meil- leurs que les autres. Des ordonnances nt fait varier la quantité de sel nécessaire pour un last de harengs à saurir. En général, on met trois mesures de sel pour 10,000 à 12,000 harengs; mais il faut saler plus ou moins longtemps le poisson, selon que la destination pour laquelle on le prépare est plus ou moins éloignée. Avant de placer les harengs dans l’étuve, on les lave ; CHAP. I. HARENGS. DA quelques personnes se servent de l'eau douce, d'autres d'une saumure légère qui n'a pas été employée pour d'autres préparations. Quand les harengs sont bien lavés et ésouttés, on les suspend sans qu'ils se touchent dans l’étuve; puis on allume ce qu'on appelle le premier feu, quil faut continuer jour et nuit sans in- terruption pendant environ quinze jours. Au bout de’ce temps, on cesse le feu, et on laisse reposer la roussable pour que les harengs se ressuient et rendent leur huile : les poissons deviennent phosphorescents, ainsi que Îles gouttes d'huile qui tombent de lanimal. Il y a de ces étuves contenaht jusqu'à six cent mille à sept cent mille harengs; ils y restent de trois à cinq semaines pour être desséchés complétement. On‘fait encore subir d’autres, préparations aux barengs, quon nomme alors bouffis ou craquelots. L'opération qui leur donne ces qualités, consiste à les placer dans l'étuve avant de les laisser égoutter et à les fumer de suite. L'eau qu'ils contiennent, paraît les gonfler. Ces harengs ne peuvent être consommés que sur les lieux, parce qu'ils se conservent moins bien que les autres. Je termine ici cet essai d’une histoire natu- relle du Hareng. Après avoir donné une des- 20. 16 242 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. cription plus détaillée que mes prédécesseurs ne l'avaient fait, après avoir essayé de caracté- riser cette espèce de Clupée de manière à la distinguer de ses congénères, je suis entré dans de nombreux détails sur les habitudes de ces poissons; sur leur différentes apparitions, afin d'établir que les récits des voyages pério- _diques décrits dans plusieurs ouvrages d'his- toire naturelle, ne sont fondés que sur des observations inexactes. J'ai essayé également de prouver que, sil n’y a qu'une seule espèce de hareng, les natu- ralistes doivent reconnaitre en elle des races nombreuses, mais constantes et particulières pour chaque bassin qu'elles habitent. J'ai pen- sé, que le meilleur moyen d'établir ces proposi- üons, était de présenter l’histoire de la pêche du hareng dans les différents pays de l'Europe septentrionale, où l'abondance de ce poisson a donné lieu à des pêches importantes. Ne voulant pas entrer dans des détails de statis- tique, qui seraient devenus par trop étrangers à mon sujet, et tout à fait en dehors d’un article composé pour l'Histoire naturelle, je me süis constamment arrêté dans ces recher- ches au commencement de ce siècle. CHAP. I. HARENGS. 243 Le Harenc De Lac. (Clupea Leachi, Yarell.) Ce n'est pas sans quelque hésitation que je place à la suite du hareng commun l'espèce que M. Yarell a établie dans le Journal zoo- logique sous le nom de Clupea Leachi. Cet habile ichthyologiste a eu la complaisance de m'envoyer le dessin original, qui a été consi- dérablement réduit pour être gravé dans son Histoire des poissons d'Angleterre. J'avoue, qu'en examinant ce dessin, je ne trouve au- cune différence dans les formes extérieures entre cette espèce et le hareng commun. La description que M. Yarell y ajoute, n'offre d'autre différence appréciable que dans le nombre des vertèbres. Cette espèce n’en aurait que cinquante- quatre, tandis que nous en avons compté cinquante-six dans le hareng commun. M. Yarrell croit que la dorsale est un peu plus reculée sur le tronc, et que les écailles sont plus petites. Ces différences me paraissent très-légères ; cependant, comme les pêcheurs des côtes d'Angleterre en parlent comme d'une espèce particulière, je n'ai pas osé réunir ce Clupea Leachit à notre hareng commun. Je crois ce- pendant qu’on le fera. 244 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. M. Yarell dit que ce hareng est plein à la fin de janvier, qu'il ne dépose son frai que vers le milieu de février. Cet habile natura- liste a dédié cette espèce au savant docteur Leach, parce qu'il connaissait les recherches faites par ce zoologiste surles côtes d'Angleterre. pour établir une seconde espèce de hareng. Il paraîtrait aussi qu'il y aurait quelque dif- férence dans le goût de la chair de cette va- riété et quelle serait beaucoup plus douce. Mais, je le répète, je ne maintiens ici cette espèce que pour engager les zoologistes an- glais à faire de nouvelles recherches à ce sujet. Quant à moi, je le regarde comme une variété du précédent. Il ne serait pas impossible que ce ne fut le Stromming de la Baltique. Le HarENG DE LA MER Noïre. (Clupea pontica, Fichw.) Bien que le hareng du Nord ne se tienne pas dans la Méditerranée, et que je n'aie ob- servé aucune espèce de ce genre dans cette mer, jen retrouve une, dans la mer Noire, qui a tous les caractères génériques du hareng, et qui lui ressemble même par les formes. Mais elle s'en distingue ,: parce que ses dents palatines sont beaucoup plus prononcées. Je vois aussi les dents du vomer di- CHAP. I. HARENGS. 245 verger, ce qui les fait paraitre plus grandes que celles du hareng du Nord. Il y a même aussi une différence sensible entre la grosseur des dents du maxillaire. Les nombres sont : D.'113 A:21, etc. Cependant MM. Nordmann et Eichwald les ont comptés différemment ; ils disent : D. 15; A. 20, etc. La tête me paraît un peu plus longue. La mà- choire inférieure est certainement beaucoup moins avancée. La couleur est d’un bleu verdâtre sur le dos, argentée sur le reste du corps. L'exemplaire qui a servi à la description de M. Nordmann est long de huit pouces et demi. J'ai un second exemplaire, que je crois une simple variété de cette espèce, qui n'a que sept pouces; il diffère de celui que je viens de décrire, parce que ses dents sont un peu plus fines. Je ne serais pas étonné que, si l'on cherchait sur les lieux les individus de cette variété, un naturaliste ne trouvât de très- bonnes raisons pour les considérer comme d'une espèce distincte, quoique très-voisines Vune de l'autre. Ce poisson est, à n’en pas douter, le C/upea pontica de M. Eichwald ': c'est aussi l'espèce 1. Fauna caspio-caucasia, p. 162, 1. XXXIF, fig. 2. 346 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. décrite sous le même nom par M. Nordmann.* Nous conservons dans le Musée l'individu ui a servi à sa figure. Cet.auteur a cru retrou- ver dans elle le clupea piltschardus de Pallas. Je n’y vois d'autre raison que l'identité d'habita- tion; car la description de cet illustre voyageur est très-vague, sans caractères. D'ailleurs, il est pour moi hors de doute, que le poisson qui était sous les yeux de Pallhe n'était pas le Pil- chard des Anglais. Je dois à M. Hommaire de Hell des renseignements curieux sur le com- merce et la pêche de ce clupéoïde de la mer Noire. Il dit, que les harengs péchés à l'embou- chure du Danube, et particulièrement sur les côtes de la Crimée, sont remarquables par leur beauté, et qu'ils ne le cèdent point à ceux de Hollande. Il faut attribuer le peu de réputation dont ils jouissent, à la méthode très-défec- tueuse suivie pour leur préparation. Il assure que les harengs de Kamiche-Bouroun sont grands et gras, puisque l’on en trouve du poids d'une livre et demie. Leur pêche se fait, comme à Théodosie, vers le 15 octobre et continue jusqu'à la mi-mars. Le reste de l’année ils se présentent fort peu à Kamiche-Bouroun: c'est un port situé en dedans d’une pointe de sable 1: Nordm., Faun. pontica; Poiss. , ; pe 520: pl:265 6902. \ CHAP. I. HARENGS. 247 de deux verstes d'étendue ; son entrée est fort étroite; on y trouve dix pieds d'eau sur un fond de sable. La quantité de harengs, péchée annuellement sur cette côte, est évaluée à “deux millions. On les vend souvent à raison de huit roubles le millier. Le prix ordinaire du poisson frais, varie sui- vant Ja qualité et suivant l'abondance de la pêche, de huit à trente roubles; quand il est salé, il vaut de douze à quarante roubles. On en prend souvent plus de quatre-vingt mille dans une seule nuit. À Théodosie , les femmes les placent par lits dans les paniers, les salent sans les nettoyer : Les poissons y restent jus- qu'à l’arrivée des acheteurs de l'intérieur de la Russie. On concoit que cette méthode fasse prendre souvent un mauvais goût au poisson, et quil n'acquiert pas par conséquent une grande réputation. Le HARENG DE NEW-YonK. (Clupea elongata, Lesueur.) Nous avons recu de New-York des exem- plaires d'une espèce de hareng extrêmement voisine de celle qui habite les mers d'Europe, mais que nous avons distinguée depuis plus de vingt-cinq ans dans la collection du Mu- { 248 LIVRE XXI. CLUPÉOÏIDES. séum. Nous avons le plaisir de voir que notre opinion sur celte espèce a été adoptée par les naturalistes qui se sont occupés de lé- L] , LA L2 tude des poissons d'Amérique. La forme et les proportions du corps sont sem- blables ; ainsi la hauteur est comprise six fois dans la longueur totale. La longueur de la tête fait un peu plus que le cinquième de celle du corps entier. La dorsale est placée sur le nilieu du corps; la ven- trale répond au sixième rayon de la nageoire du dos. L’anale est basse; la caudale est fourchue et les nombres des rayons de ces nageoires ne diffèrent point de ceux des nageoires de nos harengs. Nous comptons aussi, le long des flancs, la même quan- uté d’écailles. Cependant, malgré les ressemblances, nous signalerons comme différence caractéristique, l'absence de veinules sur le sous-orbitaire et sur le limbe du préopercule. L’ellipse des carènes des fron- taux est moins allongée; la crête qui forme la carène antérieure, élevée dans le milieu de cette ellipse, est plus relevée. Les dents sont plus fines; celles de la langue sont plus nombreuses. Les écailles de la carène dentelée du ventre sont sensiblement dif- férentes, l’écusson central étant plus large et les épines latérales plus courtes. La couleur ardoisée- bleuâtre du dos descend moins bas sur les flancs, et elle est séparée d’une manière nette et tranchée de l’argenté des flancs ou du ventre. La caudale est d'un gris plus noirûtre. La longueur de nos individus est de sept pouces et demi. ù » CHAP. IL. HARENGS. 949 Nous avons étudié avec le plus grand soin ces harengs de l'Amérique septentrionale, parce qu'il était nécessaire de déterminer si l'espèce américaine était la même que celle d'Europe. IL fallait résoudre cette question, non-seulement à cause de son importance dans l'étude de la distribution géographique des animaux, mais aussi pour apprécier à leur juste valeur les différentes assertions énoncées sur les voyages des bandes nom- breuses de ces clupées. Les premiers navi- gateurs qui virent les harengs sur les côtes d'Amérique, les confondirent avec celui de nos côtes européennes. On conçoit que cette erreur était très-possible, car on ne peut dis- tinguer les deux espèces-que par une com- paraison immédiate et qu'à la suite d'un exa- men minutieux. Les observateurs partant de l'identité spécifique des harengs des deux continents, établirent que leurs légions innom- brables, sorties des fonds dgs mers glacées du pôle, avançaient jusque vers l'Islande, et qu'arrivées à la hauteur de cette île, elles se séparaient en deux cohortes, dont l’une se dirigeait vers les mers du nord de l'Europe, tandis que l'autre se portait sur les côtes de l'Amérique septentrionale. Une fois que la distinction spécifique est bien établie , 1l de- 250 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. vient tout à fait inutile de discuter ce ‘roman. Mitchill' a confondu l'espèce dont nous traitons dans cet article avec le hareng d'Eu- rope, SOUS le nom de Clupea harengus. fl la dé- signe même par le nom anglais de Herring of commerce. C'est M. Lesueur qui, le premier, a donné un nom à cette espèce. Il la décrite dans le Journal des sciences de Philadelphie, et, comme il la comparait aux espèces yoisines qu'il observait sur les marchés d'Amérique, et qui ont le corps beaucoup plus large, il lui a donné un nom assez impropre que nous conserverons cependant, afin d'éviter du néo- logisme : c'est le, Clupea elongata de cet au- teur”. Ce zélé zoologiste a observé ce poisson, en octobre 1816, sur la côte de Marblehead et de Sandy-Bay; il n’a donné aucun détail sur ses mœurs ni sur ses habitudes. Les pé- cheurs lui donnaient le. nom anglais du ha- reng. On le prenait à la seine. À peu près à la même époque Miichill mentionnait ce poisson dans ses premiers essais sur ir lichthyo- logie d'Amérique. | M. Storer a reconnu cette même espèce 1. Mitch., Amer. Month. Magaz., vol. Il, p. 323. 2. Losueur Journ. of the acad. of nat. sc. of Phil. , vol. F, part. 2, 1818, p. 234. CHAP. IL. HARENGS. 251 et la comptée parmi ses poissons du Massa- chusets, sous la dénomination imposée par M. Lesueur. Il observe que ce hareng est connu sur les marchés de cet État, sous le nom de English Herring. Il à remarqué que dans certaines saisons ce poisson est pris en grand nombre. Il donne même des tables relevées au bureau de l'inspection générale de la vente du poisson. Elles prouvent que lon fait un commerce assez considérable de cette espèce. Ces tableaux rapprochés, mon- trent des variations, dans la quantité de me- sures exportées, extrêmement considérables et variables chaque année ) puisque l'année 1833 n'a fourni que trente-six de ces mesures, tandis qu'en 1835 le nombre s'est élevé à neuf cent soixante-trois. La rareté de l'espèce dans ces années a été attribuée par les ma- telots à l'habitude de les pêcher la nuit aux flambeaux, ce qui disperse les bancs et fait fuir le poisson effrayé. Je trouvé aussi l'espèce actuelle, indiquée sous le même nom, dans la bons de New- York par M. Dekay, qui, pour en établir les caractères avec plus de précision, a eu soin de rapporter en note la diagnose du hareng com- mun d'Europe, et même aussi celle de l'espèce quil croit pouvoir appeler le Pilchard. C'est 252 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. ici le cas de faire remarquer que ce zoologiste À aussi apprécié la véritable diagnose du genre Clupea, tel que nous le concevons; car il a très-bien vu que la langue et le vomer sont armés de dents, organes qui manquent aux espèces du genre Alausa. Nous aurons un peu plus loin à présenter quelques observations sur la composition de ce genre, dans lequel il a certainement réuni une espèce qui a la langue dentée; il en fait lui-même une des diagnoses de ce poisson. Ce manque de criti- que me laisse quelque doute sur les espèces citées par M. Dekay à la suite de son Clupea elongata. Je me demande sil ne serait pas possible qu'il eût confondu les espèces qui ont des dents vomériennes et palatines comme nos harengs, avec celles dont nous parlerons dans les chapitres suivants, et qui n'ont pas de dents sur le vomer. Comme je nai pas examiné ces poissons, je préfère les indiquer à la fin de ce chapitre comme espèces, dont la place reste encore incertaine, en attendant que mon célèbre et savant ami, M. Agassiz, qui a connu, avant de quitter l'Europe, mes travaux sur les clupées, lève toutes ces incertitudes. | Il me paraît très-probable que M. de la Pylaye a observé à Terre-Neuve notre Clupea elongata , autant du moins que j'en puisse juger CHAP. I. HARENGS. .: 289 par un dessin fait à Saint-Pierre de Mique- lon, et qu'il a bien voulu nous donner. Le HARENG DE PALLAS. (Clupea Pallasii, nob.) J'ai décrit et dessiné dans le, Musée de Berlin un hareng qui faisait partie des collec- tions que M. Rudolphi a données à ce magni- fique établissement. Il provenait, comme tous les autres individus objets de ce présent, des collections de Pallas. Il me parait d’une espèce différente de celle, du hareng. Le corps est en effet beaucoup plus court; a tête est plus petite. Je n’ai vu aucune strie sur les opercules. La dentelure de la carêne du ventre n’est pas très- prononcée. La couleur du poisson, conservé en peau, est presque entièrement effacée; mais, d'après Pallas, elle serait un peu différente du hareng commun ; car il l'indique brun-foncé sur le dos, se dégradant sur les côtés, et en un bleuâtre cendré. Les pectorales auraient eu le bord brun; la dorsale était noirûtre; l’anale et les ventrales blanches, et la caudale brune. L'individu est long de huit pouces. IL vient nr 1 LH 0) du Kamtchatka. J'ai tout lieu de croire que Pallas’ l'a confondu, dans son Fauna rossica, avec le hareng commun. 4. Faun. ross. astat., t, NI, p. 209. » 254 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. | En lisant avec attention la description que cet illustre zoologiste a faite de ce hareng, je vois qu'il avait observé les aspérités de la lan- gue, quil mentionne également les dents vo- mériennes disposées en série linéaire : in me- dio palati linea denticulata. Mais il paraîtrait que ce hafeng du Kamtchatka naurait pas de dents sur le chevron du vomer; il me semble que l’on doit expliquer ainsi, ce que Pallas dit d’un tubercule osseux entièrement lisse sur le milieu du palais. Comme il trouve d'ailleurs neuf rayons à la membrane bran- chiostège, je trouve que ces caractères des formes extérieures concordent bien avec les légères différences que j'ai observées sur le poisson desséché. Cet illustre zoologiste dit qu'on prend les harengs,-au Kamtchatka, à deux époques, une première au commen- cement du printemps, savoir : mars et avril, et la seconde fois au commencement de juil- let et pendant tout ce mois. S'il n’a pas con- fondu plusieurs espèces de petites clupées les unes avec les autres, ce qu'il rapporte des habitudes de ce hareng est fort curieux et prouve que jai raison de croire à la distinc- tion spécifique que j'établis ici. Malheureu- sement je n'avais pas encore à l'époque où. jai fait ces premiers essais, observé avec au- CHAP. IL. HARENGS. 25%. tant d'attention que je le fais maintenant, les caractères importants tirés ‘de la dentition. On peut conclure d’un passage de Pallas, dont la rédaction est, à la vérité, un peu obscure, et ne s'expliquerait parfaitement que par des suppositions de fautes typographiques, que les harengs du Kamichatka, sortis des profondes retraitessous-marines pour frayer dans les golfes ou les enfoncements du rivage, entrent aussi dans des lacs d'eau douce, où l'hiver et les tempêtes qui accompagnent cette saison, les forcent quelquefois de séjourner. Le frai de ces essaims sy développe promptement. Les Kamtchatkadales profitent de l'instinct qui fait rechercher aux harengs les ouvertures de ces lagunes pour se rendre à la mer. Ils ouvrent eux - mêmes la glace, de manière à établir des fileis en forme de sacs où ils peuvent prendre jusqu'à deux mille ou trois mille in- dividus que les femmes préparent. Il observe aussi que les harengs ont disparu du fleuve du Kamtchatka, où on les prenait en très-grande abondance, depuis que des éruptions volca- niques et des tremblements de terre sont ve- nus les effrayer. Telles sont les observations curieuses que Pallas a faites sur les mœurs de ce poisson. 256 LIVRE-XXI. CLUPÉOIDES. . CLUPÉE LINÉOLÉE. L1 (Clupea lineolata , Pallas.) Il me paraît que Pallas avait une seconde espèce de hareng confondue avec les précé- dentes. J'ai trouvé un exemplaire de cette espèce dans les collections du Musée de Ber- lin, où M. Lichtenstein m'a permis de le dé: crire et de le mesurer. Le poisson me paraît avoir le dos beaucoup plus convexe, de sorte que le corps me paraît plus élevé, plus trapu, et la queue plus haute que dans le ha- reng commun. Je trouve que la hauteur est tenue quatre fois et un quart dans la longueur totale. La tête est petite et pointue; la ligne du profil, est con- cave; les dentelures du ventre sont beaucoup plus fortes que dans lPespèce précenente Les nombres des rayons sont : D. 18; A. 16; C. 19; P. 16; V. 10. Ils se rapportent, comme on voit, assez bien à ceux du hareng; mais je n'ai pas malheureusement examiné les dents du palais ; j'ai seulement noté que celles des mâchoires sont fines et aiguës. Le dos du poisson est brun, et il y a cinq raies longitudinales brunes sur la moitié supérieure du tronc. Les deux premières raies sont peu marquées. Le poisson est long de huit pouces et demi. T LR , r’ r , ’ Je l'ai trouvé desséché et préparé de la même manière que l'individu précédent; il m'a paru CHAP. I. HARENGS. 257 d'une espèce tout à fait distincte. Je ne vois pas que Pallas en ait fait mention dans son F'auna rossica. W ne serait pas impossible que l'individu décrit dans cet article fût de l’es- pèce du Clupea pontica. Je lui trouve cepen- dant la tête un peu trop courte. Si l’exacti- tude de cette supposition se vérifie, alors on devra rayer le Clupea lineolata. LE HARENG VERDATRE. (Clupea virescens, Dekay.) M. Dekay' ayant distingué le genre Alose de celui des harengs ou des clupées propre- ment dites, parce que les espèces de ce der- nier genre ont des dents sur la langue et le vomer, je crois devoir placer à la suite de nos harengs son Clupea virescens, puisque cet auteur l’a rangé avec les suivantes dans son genre Clupea. Ce hareng est un poisson à corps très-comprimé, à abdomen tranchant et très- fortement dentelé. M. Dekay lui compte dix-neuf épines avant les ven- trales, et douze au delà. La dorsale est quadrangulaire, élevée en avant; l’anale longue et basse; cependant les premiers rayons sont un peu allongés. La caudale 1. Dekay, New-York Faun. fish., p. 252, pl. 13, fig. 31. F4 ZOO j 258 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. est profondément fourchue et ses lobes très-pointus. Les nombres sont ainsi notés par M. Dekay : B. 7; D. 16; A. 17; C. 19%; P. 16; V. 9. La couleur est verte sur le dos, argentée sur les côtés. Le sommet du museau est brun foncé. Une tache verticale noire se montre derrière l'ouverture de la branchie. La dorsale et la caudale sont bordées de brun; l’anale est pointillée de noir; les autres nageoires sont blanches, lavées de jaune. M. Dekay a vu prendre ce poisson en oc- tobre avec la senne dans la baie de New- York. On l'y appelle Greenback ou Fall- Herring. L'auteur pense qu'on doit retrouver dans cette espèce le Clupea halec de Mit- chill. M. Storer a admis cette espèce dans son Synopsis des poissons du nord de l'Amérique. Il croit, d'après M. Linsley, qu'on la retrouve aussi sur les côtes du Connecticut. Le HARENG NAIN. (Clupea parvula, Mitchill.) M. Dekay' et M. Storer° ont admis, tous les deux, le Clupea parvula de Mitchill.? 1. Dekay, New-York Faun., p. 258. 2. Storer, Synops. of the fish. of North- America, p. 205 ; n.° 4. 3. Mitch., Fish. of New-York, p. 452. CHAP. I. HARENGS. 259 C'est un petit poisson presque demi-transparent, à queue fourchue, à ventre dentelé, dont la cou- leur est grisätre sur la tête et sur les opercules, glacée de vert ou de bleu sur le dos et sur côtés. Le fond de la couleur du tronc est un brun foncé des- sus, passant par une gradation régulière au blanc argenté des côtés et du ventre. D. 145 À. 18: C: 21; P. 14; V. 9. Cette courte description est copiée de Mit- chill. M. Dekay ajoute que le poisson est sans bandes ou sans taches. Il lui paraît très-voisin de celui dont M. Storer a parlé sous le nom de Brit. Le HARENG PYGMÉE. (Clupea minima, Peck.) Cest le nom spécifique que M. Peck, dans son Histoire du New-Hampshire, a donné au poisson que M. Storer’ appelle The Brit. Ce poisson, noir sur le dos, d’un vert foncé sur la parue supérieure des flancs, a le ventre argenté avec des reflets rosés et dorés. Les jeunes ont la dorsale bordée d’un fin liseré noir, et au-dessus de la ligne latérale des points foncés. Cette ligne nait de la partie supérieure de l'angle de l’opercule. Le diamètre de l’œil égale le sixième de la longueur 1. Storer, Fish. of Mass., p. 113. — Synopsis of the fishes of North-America , p. 205, n.° 7. 260 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. de la tête. Celle-ci est Le quart de celle du corps. Les opercules sont grands, argentés. La mâchoire infé- rieure dépasse la supérieure. D: 10:7A42;C. 18; P:15:M%: Je ne crois pas que ces nombres aient été compté avec exactitude. C'est une espèce qui se montre sur les côtes du Massachusets, quelquefois en nombre considérable. Elle sert de nourriture à la plu- part des autres espèces. Je vois que M. Dekay' a admis cette espèce dans sa Faune de New-York, parce quil dit qu'il est probable qu'on la trouvera sur cette cÔLe. Je ne parle pas ici du Clupea vittata ni du Clupea cœrulea de Mitchill et des autres naturalistes américains, parce que ce sont des Anchois. 1. Dekay, Loc. cit, p. 253. 9 © = CHAP. II. SARDINELLES. CHAPITRE IL Des Sardinelles. Les auteurs qui se sont occupés avant moi des poissons de la Méditerranée, n'ayant pas tenu compte des excellents caractères que j'ai tirés de la dentition, n'ont laissé que des des- criptions incomplètes , qui rendent presque impossible la détermination des espèces dé- crites dans leurs ouvrages. Le groupe que je présente ici sous le nom de Sardinelles, et qu'il est facile de caractériser, se compose de deux espèces de la Méditerranée et de plusieurs autres des mers étrangères. Il me paraît très- difficile de ne pas admettre que Brunnich, Risso et leurs successeurs, aient eu sous les yeux la première ou la seconde espèce de mes Sardinelles. Je crois, par exemple, que Brun- nich en examinait des exemplaires quand il a décrit son Clupea harengus. Mais comment concevoir la citation de Salviani à la suite de la phrase caractéristique de l'Ichthyologie de Marseille. En effet, la figure de Salviani' se rapporte évidemment à l’Alose : la forme du corps, la tache noire qui existe sur le haut de 1. Pag. 108, n.° 28. ” 262 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. la ceinture humérale, ne laissent aucun doute à ce sujet. Brunnich dit de son Clupea ha- rengus, qu'il est sans tache, et qu'une ligne jaune est tracée le long des flancs, depuis lopercule jusqu'à la caudale. Cette bandelette jaune, que l'on retrouve dans plusieurs autres espèces de Clupes, semble rapporter le Clupea harengus de Brunnich au Clupea phalerica de Risso, au Clupea allecia de Rafinesque, que M. le prince de Canino croit être le même que le CZ argyrochlora de M. Cocco. Un caractère de coloration semblable rap- procherait encore des espèces précédentes le CL auro-vittata de Swainson, considéré par le prince de Canino comme identique au CZ chrysotænia de M. Cocco. Mais tous ces carac- tères ne portant pas sur un organe essentiel, celui des dents, nous restons encore dans une complète ignorance des vraies diagnoses de ces clupéoïdes, indiqués plutôt que décrites par ces divers auteurs. Le genre Sardinelle se compose de poissons, qui ressemblent tellement à la sardine par la forme extérieure, qu'il faut, pour l'en distin- guer, faire attention aux caractères tirés de lopercule, et plus encore à ceux des dents. En effet, nos sardinelles manquent de ces or- ganes aux mâchoires et au vomer, ce qui les CHAP. IL SARDINELLES. 263 distingue complétement des harengs ou du genre Clupée et du genre Harengule. Elles en ont sur les palatins, sur Les ptérygoïdiens et sur la langue, ce qui empêche qu'on puisse les confondre avec les genres dont nous par- lerons plus tard. Ainsi caractérisées, les espèces de ce genre sont faciles à classer. La SARDINELLE AURICULÉE. (Sardinella aurita, nob.) L'espèce que je prends pour type de ce genre et qui parait assez commune dans la Méditerranée, ressemble à la sardine par la forme arrondie de son corps et par l'échan- crure que sa membrane branchiostège fait avec l'interopercule, mais la dentition est tel- lement différente qu'il est impossible de con- fondre l'espèce que je vais décrire dans cet article avec celle que je lui compare. Notre poisson a le corps allongé et le dos beau- coup plus épais que celui du hareng. L’épaisseur du tronc fait la moiué de la hauteur, laquelle est comprise cinq fois et quelque chose dans la lon- oueur totale. La longueur de la tête est un peu plus courte que le tronc n’est élevé. La mâchoire infé- rieure étant un peu plus longue que la supérieure, ne fait pas au-devant de celle-ci une saillie menton- nière, comparable à celle du hareng. La mâchoire 264 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. supérieure porte dans le milieu une petite échan- crure, sorte de vestige de celle beaucoup plus pro- fonde, que M. Cuvier avait prise pour caractériser les aloses. Les intermaxillaires sont petits et couchés le long du maxillaire. Celui-ci est assez semblable, pour la forme et pour la position, au maxillaire du hareng, et il est, comme lui, composé de trois pièces. Je ne vois aucune dent aux intermaxillaires et à la mâchoire inférieure, et l’on n’aperçoit que quatre ou cinq petites scabrosités près de l'extrémité libre du maxillaire : elles sont si fines que c’est à peine si elles méritent le nom de dents. Il n’y en a pas non plus sur le vomer ni sur son chevron, mais une petite plaque de dents en räpe très -fines et très-serrées couvre l'extrémité antérieure du pa- lan et le bord interne du ptérygoïdien. Une plaque de dents semblables existe sur la langue. L’œil, un peu ovale, est placé plus haut sur la joue que dans le hareng; le bord de l’orbite touche à la ligne du profil, mais ne l’échancre pas. Il est éloigné du bout du museau d’une fois son diamètre, lequel est compris trois fois et demie dans la longueur de la tête. La paupière adipeuse est grande et large; le sous-orbitaire est étroit, très-petit et presque entiè- rement perdu sous les écailles qui couvrent la joue. Le préopercule a le bord tout à fait arrondi, et le limbe, très-large, n’a que quelques fines veinules seulement visibles à la loupe. L’opercule est deux fois plus haut que large; son bord postérieur est échancré; la plaque qu'il forme au-devant de l’ossa- ture de l'épaule est agrandie et prolongée par un CHAP. 11. SARDINELLES. 265 petit sous-opercule dont l'angle externe est tout à fait jarrondi. L’interopercule, presque entièrement caché sous le limbe du préopercule, ne se montre que par un bord étroit et arqué comme l'os qui le recouvre. La membrane branchiostège est soutenue par six rayons; son bord va se rejoindre au sous- opercule, en remontant carrément au-devant de la pectorale, et formant ainsi, au bas du bord libre de la fente de l’ouie, cette espèce d’échancrure que l’on retrouve dans les sardines. La ceinture humé- rale est étroite et presque entièrement cachée par le bord operculaire. La pectorale est pointue, assez longue, et quand elle est développée, sa surface triangulaire a assez d’étendue; elle vient se replier le long du corps dans une rainure qui lui est fournie par cinq ou six écailles pectorales au-dessus, et par trois ou quatre en dessous. La dorsale a ses pre- miers rayons hauts et pointus, et elle est insérée beaucoup plus en avant que celle du hareng; car elle répond, à peu de chose près, au tiers du corps. La ventrale est petite et répond au dixième rayon de la dorsale. L'anale est extrêmement basse. La caudale est fourchue. B. 6; D. 20; A. 15; C. 21; P. 16; V. 9. Les écailles sont grandes, minces, lisses, à peine striées. Nous en comptons cinquante-deux rangées entre l’ouie et la caudale. Celles qui forment la ca- rène du ventre, ont leur disque moyen pointu en avant, et semblent au contraire obtus du côté pos- térieur, qui donne cependant la petite épine formant la dentelure en scie du ventre. Les épines latérales 266 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. sont longues et fortes. La couleur me parait assez semblable à celle du hareng et aussi brillante. Le dos, qui est bleu, tirant sur l’ardoisé, tranche assez nettement avec l’argenté des flancs et du ventre. La tête est aussi brillante que les côtés; tous nos exem- plaires portent une petite tache noire sur le haut de l’opercule. La splanchnologie de notre sardinelle ressemble, par la disposition générale des viscères, à celle de notre hareng. La différence la plus Fe ee con- siste dans un nombre beaucoup plus considérable d’appendices cœcales; il y en a ici une telle quan- tité qu'il devient inutile de passer son temps à les compter. Le foie est aussi beaucoup plus petit; d’ail- leurs nous retrouvons un assez long œsophage se continuant dans un estomac conique dont l'extrémité ‘communique avec la vessie natatoire par un canal pneumatique très-grêle. La branche montante naît vers le milieu de la distance prise entre le pharynx et l'extrémité de l’estomac; elle se porte jusque sous le diaphragme ; elle remonte alors vers la région vertébrale de la cavité viscérale, après avoir fourni les appendices piloriques qui entourent la branche montante. Cette portion de l'intestin descend à droite de l’estomac. Arrivée à l’origine de la branche montante, l'intestin se recourbe, remonte dans le côté gauche jusque sous le diaphragme, puis il se replie pour se rendre droit et le long de la ligne moyenne jusqu'a l'anus sans changer de diamètre. De grosses laitances embrassaient toute cette masse viscérale, La vessie aérienne, longue et argentée, se CHAP. II. SARDINELLES. 267 rétrécit antérieurement et se termine près de la seconde vertèbre; ses ligaments suspenseurs sont longs et grêles. Nous avons recu de Messine un assez grand nombre d'individus de cette espèce. Les plus grands ont onze pouces de longueur : ils ont été donnés au Cabinet du Roi par M. Bibron. Nous voyons cette espèce savancer jusque dans le golfe de Morée. Les naturalistes de l'expédition scientifique de Grèce y ont pris un exemplaire. Cette espèce doit être abondante dans le canal de Messine, si jen juge par les nom- breux individus que M. Bibron, cité plus haut, en a rapportés. Il me parait probable qu’on la pêche avec la sardine et que le com- merce la distribue après lui avoir fait subir les mêmes préparations quà ce poisson. La SARDINELLE GRANULEUSE. (Sardinella granigera, nob.) La Méditerranée nourrit une seconde es- pèce de sardinelle facile à distinguer de la précédente par ses formes larges et trapues. La hauteur du tronc contient trois fois son épais- seur, et elle est comprise cinq fois dans la longueur totale. La tête est un peu plus courte que le corps 268 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. n’est élevé : elle est plus triangulaire et moins pointue que celle de notre première espèce. Les dents sont tout à fait semblables. L’échancrure de la membrane branchiostège est plus profonde. La pectorale est un peu plus courte; la dorsale est un peu moins pointue de l'avant, et son bord est plus profondément échan- cré. La caudale est profondément fourchue; lanale est basse et longue comme celle de l'espèce précé- dente. D. 18; A. 21. Les écailles sont plus larges et moins nombreuses que celles de l'espèce précédente : elles portent des stries visibles à l'œil nu, et sur le bord membraneux des granulations qui donnent un caractère tout par- uculier à cette espèce. C’est d’après ce caractère que nous en tirons le nom spécifique. La teinte du dos est un gris-bleuâtre peu foncé; Les flancs et le ventre, ainsi que la tête, brillent d’un bel éclat argenté. Il n’y a point de tache au bord de lopercule. La dor- sale, d'un gris pâle, a une petite tache noire sur la base des premiers rayons. La caudale est rembrunie ; les autres nageoires sont transparentes. Nous ne possédons qu'un seul individu de cette espèce : il est long de six pouces et demi; il a été rapporté Hnte par M. Le- Re ingénieur civil, connu par ses recher- ches géologiques en Éoie et dont nous regretterons toujours la mort prématurée. CHAP. II. SARDINELLES. 269 La SARDINELLE ANCHOVIE. (Sardinella anchovia , nob.) Nous retrouvons sur les côtes du Brésil un nouvel exemple des grandes aflinités existant entre les espèces de la Méditerranée et celles nourries sur les côtes méridionales de l’'Atlan- tique. Il faut, sans contredit, un examen at- tentif pour ne pas confondre le poisson dont nous allons parler, et notre grande sardinelle du canal de Messine. L'espèce d'Amérique a les mêmes proportions, la même forme de tête, les mêmes dents, la tache noire sur le haut de l’opercule; cependant sa région sous- orbitaire est veinée, ce qu'on n’observe pas dans la premiere espèce. Les écailles sont plus striées ; celles qui forment la carène dentelée du ventre sont sensiblement différentes ; l’épine est beaucoup plus longue; le disque est beaucoup plus étroit; les épines latérales sont beaucoup plus gréles. La pec- torale est aussi plus courte. D. 16; A. 16. Les couleurs sont semblables à celles des autres espèces. Ce poisson, originaire de la baie de Rio- Janeiro, en a été rapporté d’abord par M. De- lalande, puis par M. Gay, et enfin il a été retrouvé par M. d'Orbigny. 970 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. Nos plus grands individus sont longs de sept pouces et demi. Cette espèce se retrouve aussi à la Maru- nique. M. Plée nous en a envoyé un individu, en nous apprenant que les colons de la Mar- tinique lui ont transporté le nom d'anchoïs, bien que les deux poissons soient compléte- ment différents. La SARDINELLE A VENTRE ÉDENTÉ. (Sardinella leiogaster, nob.) Nous trouvons aussi des sardinelles dans les mers de l'Inde. L'espèce que j'ai sous les yeux a la tête aussi allongée, mais le corps plus arrondi et plus trapu. Les écailles paraissent facilement ca- duques ; celles qui couvrent la carène du ventre ont une forme caractéristique très-remarquable. Nous en avons compté trente-deux depuis la gorge jus- qu'à l'anus. Une d’elles, retirée du corps et exami- née avec som, nous montre que la pièce moyenne de ce chevron est grêle et prolongée en pointe par devant; qu’en arrière elle se dilate en une petite palette squamiforme, imbriquée sur la pointe du chevron suivant. Cette palette n’a pas d’épine, ce qui rend la carène du ventre écailleuse comme dans les clupées, mais qui lui ôte les dentelures. C’est de ce caractère que j'ai appelé l'espèce S. /erogaster. La CHAP. II. SARDINELLES. 271 dorsale est pointue de l'avant; la pectorale est courte, et les lobes étroits et pointus ; l’anale est très - basse. D. 17; À. 45. La couleur est bleue sur le dos, blanche et argen- tée en dessous. Le bleu du dos tranche par une ligne droite avec le blanc du ventre; le long de cette ligne on voit se détacher, sur le bleu, une série de gros points noirs. La longueur du plus grand individu est d'environ neuf pouces : il a été rapporté de Océan indien par MM. Hombron et Jacqui- not, chirurgiens de l'expédition au pôle sud, commandée par M. Dumont-d'Urville. Nous en possédons d’autres exemplaires, dus aux recherches de M. le professeur Regnault pen- dant la campagne de la corvette la Chevrette; ils viennent de la rade de Trinquemalé, à Ceylan. Cette espèce se trouve aussi à Java. Kuhl et Van Hasselt en ont envoyé de cette île un dessin colorié, sous le nom d'Ælops java- nicus. L'examen de ce poisson ne me laisse aucun doute sur ma détermination. Cette peinture représente l'animal brillant de belles couleurs, bleu d'indigo mêlé de vert sur le dos; des raies jaunes, bleues et lilas alternent sur les flancs. Les joues sont irisées de jaune et de bleu, les nageoires, pâles, ont quelques teintes jaunâtres. 272 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. + La SARDINELLE LINÉOLÉE. (Sardinella lineolata , nob.) Nous avons recu des mêmes mers une autre petite sardinelle qui ressemble, par la forme comprimée du corps, la largeur de la tête et par le brillant de ses couleurs, aux petites espèces de nos côtes de Normandie, confon- dues sous le nom de Blanches ou de Blan- chailles. La hauteur est quatre fois et deux uers dans la longueur totale. La tête est assez large, mais la nuque de cette espèce n’a pas les stries que nous observons sur la partie postérieure des frontaux de presque toutes nos autres sardinelles. Les rayons postérieurs de la dorsale sont assez élevés ; les écailles qui couvrent le chevron du ventre ont leur parte antérieure très-pointue et la posté- rieure très-courte, armée d’une petite épine acérée, dépassant très-peu la profonde échancrure du bord antérieur ; les épines latérales sont gréles, fines comme des aiguilles, mais peu longues. D. 18; A. 17. La couleur bleuâtre du dos se fond dans l’argenté du dessous du corps. À l'endroit de la réunion des teintes on voit deux ou trois lignes plombées, tra- cées longitudinalement. Nous ne possédons que de petits individus de cette espèce : ils sont longs de quatre pouces CHAP. II. SARDINELLES. 275 et originaires de la rade de Trinquemalé de Ceylan, d’où M. Regnault 1 a apportés au Cabinet du Roi. Nous avons trouvé, dans les collections faites par MM. Lesson et Garnot, à bord de la corvette la Coquille, commandée par M. le capitaine Duperrey, un individu un peu plus long que ceux de Ceylan, et qui‘ne nous à offert d'autre différence que d'avoir l'œil un peu plus petit. Comme il ressemble parfaite- ment au précédent par tous les autres points, je n'ai pas osé, sur cette différence légère, le considérer comme une espèce distincte. Il fallait cependant signaler cette variété. L'individu est long de près de cinq pouces : il vient de l'ile Bourou. La SARDINELLE A TÈTE LONGUE. (Sardinella longiceps, nob.) Cette espèce a la tête longue et grosse; le corps étroit et atténué vers la queue; la InneRaux de la tête fait le tiers de celle du corps, en n’y comprenant pas la caudale, dont les lobes mesurent, à peu de chose près, L sixième de la longueur totale. Le museau est un peu relevé et parait renflé sur les côtés. La carène du ventre est couverte d’écailles donnant en arrière une pointe tr EP et acérée qui ne paraît pas sortir 20. 18 274 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. d’une entaille du bord. La dorsale a ses derniers rayons.très-bas. s DA 10 "A: 10: Nous ne possédons de cette espèce que des individus décolorés et en mauvais état: ils sont longs de six pouces. Ils faisaient partie des collections réunies par M. Bellanger sur la côte de Pondichéry. La SARDINELLE DE NIEUHOFF. (Sardinella Neohowiü, nob.) Nous trouvons aussi sur cette côte une -sardinelle très-voisine de la précédente, mais qui s'en distingue, ) parce qu’elle a la tête plus courte; car elle est com- prise quatre fois dans la longueur totale. Cette briè- veté de la tête, observée sur des individus bien conservés, donne à cette espèce une physionomie différente facile à apprécier. Le corps parait aussi proportionnellement plus trapu ; la queue paraît un peu plus haute; ce sont cependant les mêmes formes, soit de la nageoire, soit des écailles; les nombres des rayons ne sont pas différents. Cette espèce a été prise à Cananor par M. Dussumier. Les notes recueillies par ce voya- geur sur le poisson frais, nous apprennent que : le dos est vert à reflets dorés, glacés d'argent; que les flancs et le ventre sont argentés; que CHAP. II. SARDINELLES. | 275 la tête du poisson, verte, est ornée d’une tache d’un beau jaune doré sur le haut de l'opercule. La dorsale est vert d’eau; la caudale verdâtre; les autres nageoires sont blanches et transparentes. Nos exemplaires ont six pouces de long, et M. Dussumier dit qu'on n’en voit pas de he grands. Le nom de l'espèce en Malabar est Mathi. Elle est très-abondante et très-bonne à manger; on la pêche en si grande quantité que l'on s’en sert pour fumer les cocotiers. Cette observation de M. Dussumier a eu pournous une grande importance ; car elle nous a servi à reconnaitre le Meer-bleyer (la brème de mer), figuré par Nieuhoff”, qui a été re- produit par Willughby?. Le naturaliste hollan- dais nous apprend que cette espèce s'approche en grandes troupes de la côte malabare, comme le font chez nous les harengs. Il dit que son goût est agréable, sans ressembler cependant à la clupée de nos côtes. Les Malabares l’'em- ploient à fumer les’ champs où ils cultivent le riz. En examinant avec soin la figure de Nieu- hoff, on peut y reconnaître notre espèce. Ce à Nieuh., Ind. 11, p. 268, fig. 5. Will. ; Ichth. app., p. 2,1. L°, fig. 2. 276 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. qui étonnéra toujours les naturalistes, qui ne sont pas, comme nous, accoutumés à la gravité des erreurs commises par Bloch, ce sera de voir cet ichthyologiste rapprocher cette figure de celle qu'il a donnée de son Clupea sinensis; d'où il résulte, quà l'exception de la figure, tout ce que Bloch dit du poisson désigné sous ce nom, compose une espèce imaginaire, COm- prenant des poissons tout à fait différents. CHAP. III. HARENGULES. ATT CHAPITRE IIL. Du genre HARENGULE ( Harengula). Je sépare des harengs et des sardinelles un troisième groupe de poissons de la famille des Clupées, représenté dans nos mers par deux espèces, et dans les mers étrangères par un plus grand nombre. Les espèces indigènes ont recu des pêcheurs une dénomination fixe; et les navigateurs ont appliqué aux exotiques les noms de Sardine ou d'Anchois, quoiqu'elles n'aient quune ressemblance vague avec les poissons de nos côtes ainsi dénommés. Les clupées auxquelles je réserve le nom générique de Harengule, ont des dents sur les machoires , sur la langue, sur les palatins et sur les ptérygoïdiens. Elles diffèrent donc par ce dernier caractère des Sardinelles, et, comme ces dernières, elles se distinguent des harengs par l'absence de dents vomériennes. Le genre, ainsi caractérisé, a pour type un de ces petits poissons désignés sur nos côtes de la Manche sous le nom de Blanquette , et une autre espèce qui remonte jusque dans l'Océan sep- tentrional. Les Danois appellent celle-ci Breit- Eng ou Sprette-sild, et les Anglais la nom- ment Sprat ou Sprot. Je ferai remarquer que 278 LIVRE XXI CLUPÉOÏDES. l'on a confondu, sous le nom de Blanquette, une foule de petites espèces, que les pêcheurs de nos côtes de la Manche savent cependant, comme l'expérience me l’a appris, distinguer les unes des autres, quoiqu'ils leur donnent indifféremment les noms que jai cités plus haut, et quils les étendent même aux jeunes harengs qu'on vend avec eux sur nos ports: c’est ce qui explique la difficulté d'appliquer à ces espèces des noms de pays précis, et plus encore de les reconnaître dans les descriptions fort incomplètes que les auteurs nous en ont laissées. J'ai revu avec soin les exemplaires que M. Cuvier a cru devoir réunir dans un même article sous le nom d'Esprot, de Harenguet, de Melette. Or, je puis certifier que sa Me- lette n’a de dents que sur la langue, et que ses Harenguets ne sont que de jeunes ha- rengs : jen ai vu la dentition. La Blanquette et le White-Bait ont aussi une dentition tout à fait différente. La première a les mêmes dents que l'Esprot ou le Sprat. Elles seront les deux espèces indigènes du genre Harengule.. Duhamel avait recu de ses correspondants un assez grand nombre de ces petits poissons; mais les figures, comme les descriptions qu'il en donne, sont extrêmement difficiles à dé- CHAP. IL. HARENGULES. * 279: terminer. Son Fresin de hareng’ et son Ha- reng halbourg ne me paraissent que de jeunes harenss; et je suis tenté d'en dire autant de la Harenguette, pl XVI, fig. o. Je ne vois encore qu'un'très-jeune hareng dans sa Blanche bâtarde”; je ne crois pas même que l’on puisse distinguer du hareng l'Eprault de Granville. Ce qu'il nomme le Sprat, pl XVE, fig. 11, a l'anale trop courte et trop haute pourserappor- ter à l'un des poissons que nous avons examinés sur la nature. Il n’est certainement pas de la même espèce que l'Esprot de la planche X VIF, fig. 4. Celui-ci me parait absolument le même que le poisson figuré sur la même planche au numéro: 6, sous le nom de Franche Blanche. Tous deux ont la dorsale un peu plus reculée que nos harengs ordinaires. Si l’on rapporte ces deux figures à notre Sprat, on sera forcé de reconnaître tout le vague de leur exécution. Pour en finir avec Duhamel, je.dirai de suite que la Menise de Granville me paraît notre Harengula latulus; le Hertault de Granville, planche X VIT, fig. 11, doit être une mauvaise figure de la SHdine: et jy rapporte la grosse SA pl. ML be 4, et même lArache, ——_————_—_—_— 1. IL partie, S. 111, pl. 16, fig. 1. DPI 'RoST. 280 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. planche X:VI, fig. 7. On pourrait les désigner sous le nom de Célan ou Célerin, qui ne sont autres, selon moi, que des grandes sar- dines. Le poisson figuré sur la même planche, au numéro D, sous le nom de petite Sardine, doit être une représentation fort inexacte de la Sardine ordinaire. Quant au poisson figuré pl XVI, n°8, sous le nom de Prêtre de Saint- Malo, il est certain que ce n’est pas un hareng. Il suffit de faire attention à l'insertion de la pectorale, à la position de la dorsale et de J'anale, pour reconnaître la vérité de ce que j'avance. Il est probable que le dessinateur avait sous les yeux une Athérine dont il a oublié la première dorsale : ce serait peut-être notre Atherina presbyter. Mais si même les deux dorsales avaient été représentées, la figure n’en serait pas moins mauvaise et Sans auCUN CaraC- tère zoologique. La Melette, pl. XVI, fig. 6, est une petite Clupée qui appartient peut-être à l’espèce dési- gnée par Duhamel, mais cela est très-incertain. La HARENGULE BLANQUETTE. (Harengula latulus , nob.) On pêche dans l'Océan septentrional et en grande abondance sur nos côtes de Picardie CHAP. III. HARENGULES. 281 et de haute ou de basse Normandie, un petit poisson que nos pêcheurs de Caen distinguent du frétin du hareng et des petites espèces voi- sines, sous le nom de Blanquette. En l'étu- diant avec soin, on voit qu'on peut le prendre pour le type d'un genre qui ramène à lui une seconde espèce de nos côtes et un assez grand nombre d’autres étrangères. + Nous allons commencer la description de cette série par celle de ce petit poisson de notre pays. En le comparant au hareng, on le reconnait à ce qu'il a le corps plus trapu et plus comprimé, plus haut vers la région pectorale; le ventre plus tranchant ; la dorsale plus avancée et l’anale un peu plus reculée et plus rapprochée de la caudale. La hauteur du tronc est égale à la longueur de, la tête, et est comprise quatre fois et quelque chose dans la longueur totale. La ligne du profil du dos est un peu convexe; celle du ventre l'est beaucoup plus. L’œil est assez grand : son diamètre surpasse le tiers de la longueur de la tête. Les sous-orbitaires sont minces, très-étroits; le préopercule et très-grand : son limbe couvre presque tout le bas de la joue; l'angle est arrondi. L’opercule a une assez profonde échancrure vers le haut et vis-à-vis du scapulaire. Le sous-opercule est peut et étroit; l’interopercule est presque entièrement caché sous le limbe de la première pièce de l'appareil operculaire. La mem- brane branchiostège se joint aux opercules en for- 282 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. mant une assez large et haute échancrure, dans le sinus de laquelle on voit l'insertion de la pectorale. Les ouïes sont largement fendues comme dans toutes les clupées. La Lie est petite; les deux inter- maxiMaires se réunissent en formant une petite échancrure : ils sont garnis de petites dents; on en retrouve de semblables à la mâchoire inférieure qui a des branches hautes et courtes, et qui dépasse un peu la supérieure. Les maxillaires qui l’embrassent de chaque côté sont larges et à peine dentelés. Le vomer n’a aucune dent : on en voit de petites sur les palatins et les ptérygoïdiens; il y en a aussi sur la langue. L'absence de dents au vomer est un carac- ière facile à apercevoir, et qui sert à disunguer cette clupée de nos harengs. La dorsale répond, à très- peu de chose près, au premier tiers du corps : elle est basse et longue ; la ventrale répond à son neuvième rayon; la pectorale est étroite; lanale est très-basse ; la caudale est un peu fourchue. B. 6; D. 17; A. 19; C. 27; P. 14; V. 8. Les écailles sont assez fermes et adhérentes; il y en à quarante-trois rangées entre l’ouie et la cau- dale. Une d’elles, examinée à la loupe, se présente sous la forme d’un peut écusson ovale avec deux ou trois stries sur la surface radicale. Les dentelures de la carène du ventre sont beau- coup plus fortes et plus marquées que dans le ha- reng ; chaque écaille à une pointe postérieure libre assez aiguë; l’antérieure est cachée par lécaille pré- cédente : elle est plus longue et plus fine; celles qui forment les côtés du chevron sont Etes mals CHAP. III. HARENGULES. 283 courtes : nous en comptons trente. La couleur est un blanc d'argent très-brillant, à peine teinté de verdâtre sur le dos. Les nageoires sont blanches et sans aucune teinte. La splanchnologie de la blanquette ressemble, dans ce qu’elle a de général, à celle du hareng, mais les différences que nous observons dans Îles formes des viscères concourent à donner plus de force aux caractères génériques et spécifiques que nous venons de signaler dans la description des parues extérieures. Nous voyons le canal digestif commencer par un œsophage stomacal extrêmement large et occupant toute la partie supérieure et anté- rieure de la cavité abdominale; il se retrécit en un sac conique très-étroit, et à l'endroit où l’on voit ce rétrécissement de l'œsophage on voit naitre sous lui la branche montante qui est elle-même assez ‘ grosse, et qui contribue, en occupant la parte inférieure de la cavité abdominale, à rendre plus sensible l’étranglement et le rétrécissement de l’es- tomac. Le pylore est entouré de très-nombreuses appendices cœcales plus longues et plus grosses à droite qu'a gauche. L'intesuin fait deux replis rap- prochés l'un de l'autre dans l’hypocondre gauche, et à parür de l'extrémité antérieure de la branche montante, 1l descend en dessous d’elle pour se rendre droit à l'anus. Le foie se compose presque unique- ment d’un lobe étroit trièdre, placé sur l'anse de l’'œsophage et de la branche montante. La rate est petite et du côté droit. Les laitances sont courtes et étaient rejetées au delà de l'estomac, probablement 284 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. parce qu’elles n'étaient pas très-pleines. La vessie aérienne a ses parois très-minces, transparentes ; elle occupe le fond de la cavité abdominale, et elle n'avance au-dessus de l’œsophage que par une pointe plus étroite et plus grèle que celle du hareng; elle communique avec l'estomac par un canal très-court ‘et récurrent, qui descend pour s’insérer sur l’extré- mité de l'estomac. Son péritoine brille du plus bel éclat d'argent. Après la description détaillée que nous avons donnée de l’ostéologie du hareng, nous n'avons pas à nous étendre sur celle de ces petites blan- quettes; mais nous signalerons un caractère diffé- rentiel important : la colonne vertébrale n’est com- posée que de quarante-quatre vertèbres. La longueur de nos individus est de trois pouces et demi à quatre pouces. J'ai souvent vu les paniers des pêcheurs remplis de ces Blanquettes. Elles sautent pendant plusieurs heures après qu'on les a portées au marché. Rien n'égale l'éclat et la vivacité des couleurs de ces petits poissons. On ne les transporte jamais sur nos marchés de Paris, probable- ment à cause de leur petitesse. Leur abon- dance suppléerait cependant au défaut de leur taille, et le goût de leur chair, quoique un peu sèche, les ferait certainement aussi re- chercher. Notre Blanquette à été confondue avec l'es- CHAP. IT. HARENGULES. 285 pèce suivante et avec plusieurs autres, quoi- que Schüneveld : en eût laissé une courte des- cription assez reconnaissable, et qu'il lui ait plus particulièrement PARTANE la dénomina- tion de Breitling, qui est certainement aussi donnée par les Allemands aux autres espèces voisines. Parmi les nombreuses figures que Duhamel à donné de nos petites espèces de hareng, il me semble qu'on doit lui rapporter la Menuise de Granville*. D'ailleurs je ne vois pas que les auteurs plus récents aient fait mention de cette espèce, et ce n’est qu'avec la plus grande réserve que j'oserais y rapporter le Braitling de Klein. * La HARENGULE ESPROT. " (Harengula sprattus, nob.) Depuis que nous avons employé les carac- -tères de la dentition, nous pouvons nous re- trouver dans ces nombreux petits poissons qui vivent tous pêle-mêle dans nos mers et sont: pêchés avec les frétins du hareng. Nous venons de décrire, dans l'article précédent, l'une de ces espèces; nous allons passer à la 1. Schônev., p. 41. 2. Dub. , Pêches, 2.° partie, S. 8, pl. 17, fig. 3. 3. Miss. 5, t. 19, fig. 5. t 286 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. seconde du genre, et qui est connue jusque sur les côtes de l'Océan boréal : c'est, comme nous venons de l'établir, l'Esprot de la Manche, le Sprat des Anglais. Nous Pouees reconnaître cette espèce et la distinguer, soit des jeunes harengs, soit des autres petits poissons avec lesquels elle vit, en ajoutant aux caractères excellents fournis par la dentition ceux du nombre des vertèbres. L'Esprot est un de ces petits poissons qui restent toujours dans de faibles dimensions ; il a la même dentition que la Blanquette, il en diffère par ses proportions et par ses qua- rante-huit vertèbres. L’esprot a le corps allongé; sa hauteur, égale à la longueur de la tête, est du cinquième de la lon- gueus totale, La tête, plus longue et plus pointue que celle de la blanquette, est aussi beaucoup plus étroite. Je ne vois aucune veine ni aucune strie sur l'opercule n1 sur les autres pièces de la joue. L'œil mesure à peu près le uers de la longueur de la tête. La ventrale répond au premier rayon de la dorsale. L’anale est petite et basse. La caudale est fourchue. La membrane branchiostège est soutenue par sept rayons. La fente de l’ouïe est large, arrondie et sans échancrure. B. 7; D. 18; A. 28; P. 19; V. 7; C. 25. Les écailles sont très-petites, caduques; le ventre est tranchant, assez fortement dentelé. Il y a trente- CHAP. IIT. HARENGULES. 287 trois chevrons épineux pour former sa carène. Le dos est d’un bleu verdätre, argenté; le reste du corps est blanc et brillant. Nos exemplaires n'ont que trois pouces de long. | Nous voyons ce poisson, assez commun dans les mers du Nord et sur les côtes d’An- gleterre, se disperser, dans la Manche et sa-. vancer sur nos côtes occidentales de France jusqu'à la Rochelle. | | Le premier auteur systématique qui ait donné une description reconnaissable de lEsprot, est Artedi. Il le comparait au hareng, et il a su le distinguer par un de ses caractères les plus certains, celui de ses quarante-huit vertèbres, tandis que le hareng en a cinquante- six. L'Esprot est la quatrième espèce de Clu- pea dans sa synonymie. ! C'est d’après cette description que Linné, d'abord dans le F'auna suecica*, puis dans le Systema naturæ jusqu à la douzième édition, a établi son Clupea spratus, espèce que Pen- nant a su conserver, mais que Bloch a de suite falsifiée en y ajoutant une synonymie entiè- rement fautive, et dans laquelle il a réuni LUE RS SRE te Pa Cr ART (UNI EE 1. Art, Syr., p.17, n°4, et Sp.,p.33,n°2 2. Faun. suec., n.° 816. 288 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. les espèces les plus disparates et de pays les plus éloignés. On voit, en effet, que Bloch confond ensemble le Pret Le Sprat, qui au moins sont du même genre, et la Sardine de France, qui, étant privée de dents, est d'un autre. Je suis d’ailleurs convaincu que les différences signalées dans sa description pour servir à distinguer le sprat des jeunes harengs, sont copiées d'Artedi. Quant à la figure 2 de la planche 31 de cette grande [ch- thyologie, on ne peut aussi la citer qu'avec beaucoup de doute, car elle est très-mauvaise, et elle ne remplit pas les lacunes que le texte a laissées. Il faut cependant remarquer que Bloch a . faitpeindre le long des flancs une ligne jaunätre. Or, nous avons vu des sprats dans la baie du Hävre au mois d'avril, qui ont à cette épo- que, le long des flancs, une e bandelette d'une belle ou d'or. M. Laurillard a fait les mêmes observations, et il a eu la bonté de me donner un dessin sur lequel cette ligne est parfaitement repré- sentée. Toutefois je remarquerai que jai vu des sprats à Dieppe et à Boulogne pendant les mois d'août et de septembre, et aucun individu n'avait de ligne dorée. Il paraitrait donc qu’elle peut s’effacer comme tant d’autres CHAP. III. HARENGULES. 289 colorations passagères que l'on peut observer sur différentes espèces de poissons. ! La HARENGULE CLUPÉOLE. (Harengula chabeola : nob.) 5 ne. Nous avons recu de la Martinique plusieurs espèces de harengules que les colons y con- fondent sous le nom de Sardines des Antilles. L'une d'elles a la tte courte, égale à la hauteur du corps et au quart de la longueur totale, c’est- à-dire que les proportions de ses parties sont les mêmes que dans la blanquette‘de nos côtes; mais l'espèce étrangère a le profil du dos plus droit, le museau plus gros et plus obtus; Péchancrure de la mâchoire supérieure plus profonde; l’opercule est plus étroit, plus haut; les dents sont très-fines. La « dorsale a les derniers rayons très-courts, ce qui la rend triangulaire. La ventrale répond au septième rayon; la pectorale atteint presque à la ventrale; le dernier rayon de l'anale est un peu plus long que les autres. D. 18; À. 18; C. 27; P. 18; V. 8. Les écailles sont assez solides, striées, un peu plus hautes que dans l'espèce précédente, tout en ayant la même forme. Il y en a quarante-deux rangées entre l’ouie et la caudale. Les dentelures du ventre sont moins saillantes que celles de la harengule de nos côtes; cependant les épines ne sont pas moins aiguës, et les écailles ne sont pas moins fortes; nous 20. 19 290 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. en comptons trente-troïis. La couleur du poisson, conservé dans lPeau-de-vie, est bleu d’acier sur le dos, avec quelque disposition à des rayures longi- tudinales, et argentée sur le ventre. Un dessin fait à la Guadeloupe par M. l'Herminier apprend que le poisson frais a le dos vert, avec des taches orangées : près de l'opercule. é | J'ai aussi examiné la splanchnologie de ce pois- son : elle ressemble à celle dela blanqueite de nos côtes, seulement l’œsophage est proportionnellement ! moins long et moins gros. Le sac stomacal, long et conique, n’est pas séparé" de sa branche montante ou de l'æsophage par un étranglement. Les cœcums me paraissent un peu plus nombreux. La vessie aérienne ressemble à celle de la blanquette, et son canal pneumatique se rend de même sur la pointe de l'estomac. Le péritoine est noir. Ce poisson est un de ceux des Antilles qui ressemblent le plus à la figure que nous trou- vons dans Duhamel”, sous le nom de petit Cailleu | La description quil en a donnée avait été envoyée de la Guadeloupe par M. Barboteau à l’Académie des sciences, avec plusieurs au- tres mémoires scientifiques. Ce naturaliste avait très-bien reconnu que le poisson appar- tenait aux Clupées, telles que Linné les carac- térisait dans la dixième édition du Systema 4 Dab., Tr. des pêches, sect. IE, pl. 31, fig. 2, p. 546. CHAP. IIT. HARENGULES. 291 naturæ, et il proposait alors de le nommer, par opposition au grand Mégalope, 4/osa brevissima seu Sardina Charybæorum exilis Cailleu dicta. Ce-petit poisson..est, dit-il, fort recherché et estimé dans les Antilles. Sa chair blanche et délicate rappelle le goût de la sar- dine de France. Le temps le plus propre à la pêche est de- puis juin jusqu'à la fin .de novembre. Il sap- proche alors de la côte pour entrer dans les torrents, les ravines ou les rifières qui se jettent à la mer; il dépose ses œufs au mi- lieu du varech, des algues maritimes, où les petits trouvent, dès qu'ils sont éclos, une nourriture abondante. Adulte, il se tient le long des côtes; il s'en éloigne au moment des tempêtes; 1l se réunit en grandes troupes sur les fonds de sable ou de gravier, mais il évite les côtes rocheuses. Ce Cailleu d Antilles est une vraie manne pour les habitants; aussitôt quil en paraît un lit, les nègres bordent par centaines le rivage et se livrent à la pêche de ce poisson avec l'épervier. [ls en conservent pour eux et leur famille, et ils vendent le reste avec avantage. Je crois aussi retrouver une représentation de ce Cailleu dans un dessin que M. de Poey a fait à la Havane; il l'appelle Sardna de 292 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. España. Les couleurs quil donne à son pois- son sont celles que nous avons déjà indiquées; il dit qu'il ne devient pas plus grand que la Sardine d'Europe, qu'on le mange, et qu'on s'en sert aussi pour amorcer les lignes. La HARENGULE TACHETÉE. (Harengula maculosa , mob.) Une seconde espèce de la Martinique est très-voisine de la précédente, car ses propor- tions sont les mêmes , ainsi que les nombres des rayons des nageoires. Le museau est cependant ‘un peu plus aigu et a écailles sont sensiblement plus striées. Nous trou- vons sur la plupart d’entre elles huit à neuf stries, tandis que les écailles de lauire espèce n’en ont que deux à trois. Nous ne lui avons Los aussi que vingt-sept épines sous l'abdomen; la pointe postérieure est beaucoup plus courte et plus obtuse; les côtés du chevron sont grêles et très-pointus. Nos exemplaires ont six pouces de long : nous les avons recus par les soins de MM. Plée, Achard et Garnot., Le premier de ces natu- ralistes nous en a envoyé un dessin fait sur le poisson frais, qui nous apprend que le fond de la couleur du dos est bleuâtre et tacheté de gros points noirâtres ou de traits obli- CHAP. II. HARENGULES. : 293 ques, irréguliers, qui se perdent dans de grosses taches nuageuses. D’autres taches irrégulières, d’un gris jaunâtre, couvrent les flancs. Les nageoires sont bleuitres. M. Plée dit que ce poisson n’est pas com- mun sur les côtes de la Martinique. La HARENGULE A ÉPAULEITE. (Harengula humeralis, nob.) . Les mers d'Amérique ont une espèce de ha- rengule distincte de la précédente, parce que le corps est beaucoup plus haut et plus comprimé. La hauteur est plus grande, parce que la courbure du ventre est beaucoup plus sensible; mesurée à l’aplomb de la dorsale, on trouve cette hauteur contenue à peine trois fois dans la longueur du corps en n’y comprenant pas la caudale. Celle-ci est petite et fourchue. Les dents, quoique peutes, sont assez sensibles; le museau est court; les pièces de la joue sont striées ou veinées. DT" A 28 La couleur est bleu d'acier sur le dos, argentée sur le reste du corps; les flancs sont rayés longi- tudinalement; sur le haut de l'épaule et derrière l'œil il y a une qache assez sensible sur les individus conservés dans l'alcool. Nous pouvons juger des couleurs du poisson frais par un assez beau dessin que M. l'Herminier nous a envoyé de la Guade- - loupe. Cette sardine dorée a le dos bleu verdätre, 294 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. rayé de deux traits longitudinaux noiràtres. Une bande dorée sépare le bleu du dos de l'argenté bril- lant du ventre. La tache, très-brillante du haut de’ l’opercule, est orangée et dorée. Le dessus de la tête est vert; le bout de Ja mâchoire inférieure est noirà- tre; les nageoires sont grises. Dans le ue humeralis, Yœsophage et la branche montante sont plus gros et plus longs, et le sac stomacal plus court que dans le 77. clupeola. Les appendices cœcales sont beaucoup plus lon-2 gues et plus nombreuses. La vessie aérienne ainsi . que son canal pneumatique ressemblent à ceux des espèces précédentes. Nous avons recu cette espèce en grande abondance de la côte de Amérique du Sud, depuis Rio-Janeiro jusque dans les Antilles. Ainsi M. Delalande l'a rapportée du Brésil, M. fabadie de Bahia; M. L'herminier nous l'a envoyée de la Guadeloupe: Nous en avons des individus de Saint- Domingue qui paraissent un peu plus allongés et un peu plus argentés; cependant nous les croyons de la même espèce. Nous avons re- trouvé cette variété parmi des poissons venus de Surinam. | C'est, sans contredit, l'espèce représentée dans Duhamel! sous le nom de Sardine des Antilles. 1. Duh., Traité dés pêches, $. 111, pl. 31, fig. 4, p. 548. CHAP. III. HARENGULES. 295 La description qui y est jointe confirme cette détermination. Il la tenait, comme celle du Cailleu, de M. le conseiller Barboteau, qui observe que le poisson à la chair blatiéhe, mais moins agréable que celle du Cuilleu (Harengula clupeola), et que souvent elle est sujette à incommoder ou même à empoi- sonner les personnes qui en mangent lors-: que le poisson $est nourri pendant quelque temps de cette espèce de brülant ou de galères, zoophytes que les zoologistes nom- ment Physale. M. L'herminier fait la même remarque, en disant quelle est venimeuse dans tous les temps et qu’elle peut faire périr en quelques minutes. Ce médecin assure avoir employé avec succès, contre ses effets, l'hydrosulfure de potasse d'ammoniaque. C'est d'après les documents fournis par Duhamel que M. Cuvier a désigné cette espèce dans une note du Règne animal, sous le nom de Clupea humeralis. | M. Ricord a envoyé ce même poisson de Saint-Domingue avec une note indiquant qu'il y est très-estimé, ce qui ferait croire que‘le changement de nourriture enlève à la chair ses qualités malfaisantes. L'espèce d’ail- leurs a été connue beaucoup plus ancienne- ment, car il en existe une bonne figure dans 296 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. les manuscrits du P. Plumier. Elle y est dé- signée par cette phrase : Sardina americana ex auro et are CREER variegata. Il ne paraît pas que ce dessin fasse partie dé la collection conservée dans la bibliothèque royale de Berlin, car Bloch n'en fait aucune mention. R S * La HARENGULE RACCOURCIE. (Harengula abbreviata , nob.) Nous voyons les espèces de ce genre s'a- vancer jusque vers les terres australes. L'espèce que jai sous les yeux a le corps assez large et trapu. Sa hauteur est com- prise cinq fois et quelque chose dans la longueur totale; la tête est un peu plus courte que la hauteur du tronc. Les dentelures du ventre sOnt assez fortes. La dorsale est pointue de l'avant ; les ventrales cor- respondent au cinquième rayon; les pectorales sont : pointues ; la caudale est profondément fourchue. D..19,-A.:17; etc: La couleur est bleuâtre ou plombée sur le dos; le reste est argenté. La dorsale a du noir à l’extré- mité des premiers rayons ; la caudale est grise, Ce poisson, long de huit pouces, a été en- voyé de la Nouvelle-Hollande par M. J. Ver- SEaUux. CHAP. III. HARENGULES. | 297 La HARENGULE PONCTUÉE. (Harengula punctata, nob.) Nous trouvons aussi dans les mers de l'Inde une harengule dont les ventrales répondent à peu près au milieu de la dorsale, et qui, par ses formes, rappelle tout à fait les blanquettes de nos côtes. La hauteur du corps, un peu plus courte que la tête, est comprise cinq fois dans la longueur totale. Quand la ‘bouche est fermée, le museau paraît pointu. Les dents sont extrêmement fines; les den- telures du ventre sont très-peu saillantes; les pointes du chevron sont très-courtes. Les écailles n’ont que trois ou quatre stries. D. 18; A. 16. La couleur, bleu-verdâtre du dos, est semée de points plus foncés, qui deviennent si petits sar le museau et sur les sous-orbitaires, que la tête parait couverte d’un sablé très-fin. Le reste du corps est argenté et brillant. On remarque, le long des flancs, une série linéaire et unique de points noirs. La dor- sale a le bord très-fiblement coloré. Ces petits poissons ne paraissent pas dé- passer quatre pouces. L'espèce a été trouvée dans la mer Rouge par M. Botta. Elle a été aussi observée à Mas- sawah par M. Ehrenberg, qui m'a communiqué 298 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. le dessin pris sur les lieux. 11 nous apprend. que les pêcheurs arabes de ce port l’appellent Ænab. La HARENGULE BIPONCTUÉE. (Harengula bipunctata; Cl. bipunctata , Ehrenb.) Le même savant a rapproché de l'espèce pré- cédente un poisson qui en paraît très-voisin par sa forme générale, par la position de la ven- trale sous la dorsale, par la brièveté de l’anale. D. 16; A. 17; C. 18; P. 15; V. 7. La couleur argentée du corps devenait glauque sur le dos. On remarque deux taches jaunes sur le bord de l’opercule. . Tels sont les renseignements fournis par M. Ehrenberg. Comme je n'ai pas examiné les dents de ce’ poisson, ce nest qu'avec doute que je le place à la suite de nos harengules. Il a*été pêché à Massawah. * La HARENGULE D'ARABIE.. (Harengula arabica; Clupea arabica, Ehrenb.) Je conserve encore plus de doute sur la place à donner à la seconde espèce, que M. Ehrenberg a rapprochée des deux précédentes, sous le nom de Clupea arabica. C'est un joli petit poisson à corps trapu, à mu- seau pointu, dont le dos est bleu, l'abdomen ar- CHAP. III. HARENGULES. 299 genté; ces deux couleurs séparées par uné bande- lette longitudinale orangée et dorée; les nageoires sont verdâtres. D. 163 À. 47; C. 183 P. 15; V. 7. Il vient de Mohila. » La HArENGULE DE Forster. (Harengula Forsteri, nob.) J'ai trouvé dans la collection des dessins-de Forster, conservée alors dans la bibliothèque de Banks et aujourd'hui dans la bibliothèque du Musée britannique, la figure d’uñe clupée que je crois pouvoir rapprocher de nos. ha- rengules ; | à. cause de la position des ventrales sous la dorsale ; de la brièveté de l'anale, et parce que le corps est court et large; cependant il faudra voir la dentition pour s'assurer de cette détermination. Les écailles sont représentées finement ciliées; la couleur est grise argentée. Forster avait pris ce poisson à San-Jago du cap Vert, et l'espèce était nommée Clupea fimbriata. Je n'en trouve pas la description dans l'ouvrage publié par M: Lichtenstein n1 dans les manuscrits de Solander. Bloch n'a pas eu connaissance de ce poisson. 300 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. CHAPITRE LV. Du genre Pezroxe (Pellona ),. La disposition des dents observée chez nos harengules, se retrouve aussi sur plusieurs espèces étrangères qui, d'ailleurs, se distin- guent des Blanquettes de nos côtes par quel- ques traits caractéristiques faciles à saisir. On trouve les principaux dans la forme compri-* mée du corps, dans les ventrales insérées en avant de la dorsale et dans la longueur de l'anale. Ce dernier caractère donne une phy- sionomie toute particulière à ce poisson, el il semble reproduire dans le groupe des clu- pées ce que la nature nous a déjà montré dans les Brêmes parmi les Cyprins. Le ventre est tout aussi fortement dentelé que celui des Pristigastres. Ceux-ci ont la même forme, mais ils sont complétement apodes. Le plus grand nombre de nos Pellones est originaire de la mer des Indes; j j'ai cependant emprunté le nom générique de ce groupe à lune des espèces de l'Amérique. * : Les Pellones offrent aussi des caractères anatomiques qui les distinguent des autres clupéoïides. Leur vessie aérienne communique CHAP. IV. PELLONES. 301 avec l'œsophage par un petit conduit pneu- matique qui nest plus inséré à l'extrémité de l'estomac. Les espèces paraissent devenir aussi grandes que nos aloses avec lesquelles on les confondrait, si au lieu de faire attention au caractère de la dentition on sen tenait à la simple diagnose indiquée dans le Règne ani- mal, pour distinguer des harengs ces grandes clupées de nos rivières. La plupart de nos Pellones ont, de même que quelques Ha- rengules, une,échancrure à la mächoire supé- rieure. | Les auteurs qui se sont occupés avant nous de l'histoire des poissons, ont confondu ces espèces dans le grand genre des Clupées. Ainsi il ny a pas de doute que Bloch n’en ait figuré une de l'Atlantique, sous le nom de Clupea africana. Russell en a donné trois espèces, et il y a tout lieu de croire que Linné en avait mentionné une sous le nom de Clupea sima, espèce oubliée dans l'édition de Gmelin, et tombée dans le même oubli par les au- teurs qui nont travaillé l'ichthyologie que d'après cet ouvrage. M. Gray me paraît aussi en avoir récemment indiqué quelques petites espèces. Je dois faire remarquer que les ichthyolo- gistes n'ayant jusqu à présent'pas tenu compte" 302 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. . des caractères de la dentition de ces pois- sons, mes rapprochements pourraient bien se trouver quelquefois inexacts lorsqu'on vien- dra à examiner sous ce rapport les originaux de toutes ces figures. La PELLONE DE D'ORBIGNY. (Pellona Orbignyana, nob.) Je commence la description des espèces de ce genre, par celle que nous devons aux re- cherches de M. d'Orbigny. Je me fais un plaisir de lui dédier un poisson aussi curieux, en en publiant la description qu'on va lire. J'ai fait’ figurer ce poisson dans l'Ichthyo- logie du voyage de M. d'Orbigny, sous le nom de Pristigastre aux nageoires jaunes, parce que je ne savais pas alors qu'il fallait séparer ces espèces du genre suivant, caractérisé par l'absence des ventrales. Le corps de ce poisson est remarquable par sa grande compression. Il est évident que sil n'avait point de ventrale, on pourrait le confondre avec le genre des Pristigastres. D’un autre côté, nous lui trouvons quelque affinité avec nos Sardinelles par Li “1. Valenc. ex d'Orbigny, Voyage dans l’'Amér. mér. : Pois- "sons, pl. X, fig. 2 CHAP. IV. PELLONES. 303 la disposition des dents palatines. Le profil de la ligne supérieure est une courbegrès- peu convexe, on pourrait même dire presaue droite, depuis la bouche jusqu’à la caudale. Celui de la ligne infé- rieure du ventre est au contraire fortement courbé depuis la bouche jusqu’à l'extrémité de l’anale. La plus grande hauteur du tronc n’est comprise que quatre fois et demie dans la longueur totale. L’é- paisseur est contenue le même nombre de fois dans la hauteur. La tête est un peu moïns longue; la . mâchoire inférieure dépasse de beaucoup la supé- rieure et forme une sorte de grosse saillie menton- nière, L’œil est rond, de moyenne grandeur; son diamètre est tout à fait au-dessous de la ligne du front, quoique l’organe soit placé sur le haut de la joue; il n’est point recouvert par une paupière adipeuse. Le sous-orbitaire est même un peu caver- neux, et le second couvre une partie de la joue, car il va presque toucher au préopercule. Celui-ci a une limbe très-large, et son angle est parfaitement arrondi. L’opercule est assez large, irrégulièrement trapézoïdal ; linteropercule est long*et étroit, et a vers le milieu un angle obtus. Le sous-opercule suit à peu près la même direction que le précédent : 1l est mince et étroit. La bouche n’est pas très-lar- gement fendue; la mâchoire supérieure porte une échancrure assez profonde dans le milieu. Les deux intermaxillaires sont garnis d’une “petite bande de dents pointues et en carde; elles sont plus petites et à peine visibles à la mâchoire inférieure. Le bord du maxillaire n’a que quelques âpretés. Nous voyons 504 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. aux palatins, aux ptérygoïdiens ec sur la langue, des: dents en râpe excessivement fines, dont la présence est plus facile à réconnaître par le tact qu’à la vue. Il n’y en a aucune sur le vomer. Cette dentition est donc célle des Sardinelles, modifiée par la pré- sence des dents nombreuses et visibles de l’inter- maxillaire. Les ouïes sont largement féndues ; la membrane branchiostège, échancrée vers le bas, à six rayons, dont les dermiers sont larges et com- primés. La dorsale s'élève sur le milieu de la dis- tance mesurée entre lextrémité de la mâchoire supérieure et le commencement de la caudale; elle est courte, pointue de l'avant. La pectorale est assez | large, son premier rayon est fort arqué; son extré- mité atteint à l'insertion de la ventrale, pete na- geoire insérée tout à fait au-devant de la dorsale. L'anale est longue et basse, son bord est échancré; elle semble coupée en lame de faux à cause du développement des premiers rayons du lobe anté- rieur sous le ventre. Des chevrons épineux et dentelés, composés de deux lamelles cornées, uiangulaires , larges, assez hautes, réunies sous un Fe très-aigu, embrassent les parois inférieures de ACC Y en a trente-deux sous le ventre, depuis la gorge jusqu’à l'anus; nous comptons soixante rangées d’é- cailles le me des flancs, entre l’ouie et la caudale.. La couleur est un bleu très-pàle ou plombé sur le dos; le reste me paraît briller d’un vif éclat ar- genté. La caudale, d’un jaune ürant au verdûtre, a le bord de son croissant liseré de noirâtre. La dorsale est d’un jaune plus doré. Les autres nageoires sont incolores. * Li CHAP. IV. PELLONES. 305 . La caudale est fourchue sans être profondément entaillée; ses lobes sont épais. 8:26; D.17»A:405 C. 21; P. 155 VE Les écailles sont assez épaisses, de grandeur moyenne, peu cadüuques. Une d'elles, examinée isolément, se montre réguhèrement elliptique, à sur- face irès-lisse; une simple strie semble séparer la portion radicale du bord libre. Les écailles du ventre sont très-remarquables dans ce poisson par leur force et par les pointes acérées qui les terminent, et qui semblent fure de la carène du ventre une arme redoutable. Le corps de chacune d’elles est formé d’une corne comprimée, dure, prolongée en arrière en une épine très-acérée. La forme du corps devait nous faire prévoir quelle, serait celle de la cavité abdominale. Elle est haute, mais très-étroite. Nous y avons trouvé un œsophage assez long, continué en un estomac pyriforme assez large et complétement fermé à son extrémité posté- rieure et pointue; car le canal pneumatique qui va s'ouvrir de l'estomac dans la vessie, prend son origine dans ce poisson sur la parte antérieure de l’œso- phage. Ce canal est court et monte obliquement vers la vessie. La branche montante est assez courte, tubulaire; le pylore et le commencement de l’intes- un sont entourés de nombreux appendices cœcales, : disposés à droite et à gauche de l'estomac. Le canal intestinal fait deux petits replis et se rend droit à Vañus. La vessie suit la courbure en S très- ouverte de l’œsophage et de l'estomac; elle se rétrécit en 20. ; 20 306 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. \ avant sans être cependant aussi pointue que celle de nos harengs; ses parois sont argentées. La longueur du plus grand individu est de dix pouces et demi. L'espèce a été rapportée de Buénos-Ayres par M. d'Orbigny : ce voya- geur l'y a rencontrée, depuis le mois de sep- tembre jusquau mois de février. Il nous apprend que ce poisson y est connu sous le nom de Pellona; mais que les Espagnols lui donnent aussi le nom de Sardine. Il vit par bandes, se prend au filet. Les pêcheurs du pays assurent que l'espèce remonte de la haute mer dans la Plata : ses habitudes seraient donc analogues : à celles de nos Aloses. Le poisson ‘paraît estimé dans le pays, quoique M. d'Or- bigny en ait trouvé la chair un peu sèche. La PELLONE DE CASTELNAU. (Pellona Castelnæana, nob.) Une seconde espèce américaine de Pellone vient d'être rapportée par M. de Castelnau. Voisine de celle de M. d'Orbigny, elle en diffère par une paupière adipeuse beaucoup plus épaisse, un sous-orbitaire beaucoup plus large, per une tête plus convexe et plus arrondie; elle a de nombreuses veinules ranifiées sur le préopercule et sur le haut CHAP. IV. PELLONES. 307 de l’opercule. Les dents sont beaucoup plus fortes que celles de l'espèce précédente. L'on voit très- bien sur le palais les trois groupes de dents pala- unes, ptérygoidiennes et celles de la langue. Il n'y en à point sur le vomer. Les pectorales sont insé- rées plus bas; le premier rayon est plus large ; l’écaille de son aisselle est beaucoup plus longue. L’anale est coupée en faux et les rayons antérieurs sont un peu plus hauts. Les lobes de la caudale sont plus larges et plus arrondis. B. 6; D. 19: À 36 — 38. La couleur était verdatre sur le dos, argentée sous le ventre. La dorsale a des teintes verdâtres; la caudale, entièrement couverte décailles, a le lobe inférieur marqué d’une large tache noire. Les autres nagevires SOnt Jauñatres. Nous possédons deux exemplaires de ce poisson, dont l'un a dix-sept pouces. Ils viennent des bouches de Amazone. La PELLONE D'ISERTE. (Pellona serti, nob.; Clupea africana , Bloch.) L'Ichthyologie de Bloch contient la des- cription d'une seconde espèce vivant dans l'Atlantique ; elle a même quelque aflinité avec l'espèce que.nous venons de décrire d'après nature ; ; cependant, si le dessin de Bloch est ‘exact, Fi ne la représente pas. Je lui trouve le profil du dos plus convexe; celui 308 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. du ventre l’est beaucoup moins. La plus grande hauteur, mesurée au pied du premier rayon de la dorsale, serait le üers de la longueur du corps, en n'y comprenant pas la caudale. Cette nageoire, égale ‘à la longueur de la tête, fait le cinquième de la longueur totale. Les ventrales sont excessivement petites et infsérées un peu en avant de la dorsale. La pointe de la pectorale pourrait les dépasser. L’anale est extrêmement longue. Voici les nombres donnés - par Bloch. D. 18; A. 45; C. 926; P. 16; V. 6. Cette espèce fut prise sur la côte de Guinée, près du comptoir danois d'Acara, par le doc- teur Îsert. Elle s'était approchée du rivage en si grande quantité au mois de juin et de juillet, qu'elle se vendait à un très-vil prix. La PELLONE MÉLASTOME. (Pellona melastoma , nob.) Üne autre espèce ressemble par ses formes générales à celle que nous venons de décrire ; « mais elle s'en distingue par l'insertion de ses ventrales, par leur brièveté et par l'absence de dents aux mächoires. Elle a le profil supérieur à peu près droit; celui du ventre a sa plus grande saillie RÉ de la dorsale; il remonte plus rapidement vers la queue qu'il ne descend de l'extrémité du museau. L’anale est donc attachée sur une ligne droite très-oblique. \ CHAP. IV. PELLONES. 309 La hauteur est trois fois et deux uers dans la lon- gueur totale. L'épaisseur n’est guère que le quart de cette hauteur. La tête est comprise quatre fois et demie dans la longueur du corps. La mâchoire inférieure fait une assez forte saillie au - devant de la supérieure; celle-ci a de très-courts intermaxil- laires attachés tout à fait en travers, n'ayant que de très-petites dents ej n'étant séparés l’un de.J’autre que par une échancrure très-peu profonde. Les maxillaires sont grands, larges et, presque sans dents; je crois que l’on peut en dire autant de la mâchoire inférieure; car on n’y découvre que quel- ques scabrosités très-fines, plus sensibles au tact que faciles à apercevoir, même à la loupe, Les dents palatines, ptérygoidiennes et linguales sont en velours fin, elles sont très- faciles à observer, L’œil est assez grand; son diamètre fait plus que le tiers de la longueur de la tête. Les pièces de l’oper- cule n’ont que de fines stries. La pectorale me pa- raît assez pointue; son premier rayon est large; elle a dans son aisselle une très-longue écaille. La ven- trale est très-petite, son insertion répond à la base des premiers rayons de la dorsale. Cette nageoire est courte et triangulaire. L’anale est basse et étendue sous tout le bord inférieur de la queue comme la nageoire de nos Brèmes, avec lesquels notre pois- son aurait une ressemblance extérieure assez mar- quée, à cause de sa forme comprimée. La caudale est fourchue et les lobes sont assez pointues. DATA 28: C)21: P. A7: VS. . Les écailles sont lisses, sans stries et assez grandes; 310 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. celles qui forment la he du ventre sont en chevron assez ouvert; les côtés sont formés de lames: triangulaires assez larges ; l'épine antérieure est pres- que aussi aiguë que la postérieure , qui est courte, mais forte et acérée : on en compte vingt-huit. Nous ne pouvons rien, dire des couleurs de ce poisson, qui avait les parties inférieures argentées, et très- probablement le dos verdätge ou bleuâtre. Quoique notre individu, long de neuf pouces, ne soit pas très-bien conservé, j'aï ce- pendant pu m’assurer que son estomac forme un sac oblong et arrondi à l'extrémité; que lœsophage est beaucoup plus étroit que la branche montante, et qu'il donne, de-sa partie supérieure, le canal de communication avec la longue vessie aérienne, comme cela a lieu dans l'espèce précédente. Les appendices cœ- cales sont longues et très-nombreuses ; le reste des viscères ressemble à ceux des espèces voi- sines. Ce poisson a été rapporté de la rade de Pondichéry par M. Belenger. Il nous paraît que cest le Clupea melastoma de Bloch; car c'est le seul dont on puisse dire dentibus me- diis nullis. Bloch avait recu son poisson du même endroit que nous. Le missionnaire John, en l'envoyant de la côte de Coroman- del, apprenait que les habitants l'appelaient Cattuwai. ” CHAP. IV. PELLONES. 311 La PELLONE DE LESCHENAULT. (Pellona Leschenaulti, nob.) Nous avons une autre Pellone indienne, dont la hauteur est un peu moins de quatre fois dans la longueur totale, mais qui a d’ail- leurs la même forme que l'espèce précédente. Elle en est cependant distincte, parce qu’elle a les dents très-visibles aux intermaxil- laires et à la mâchoire inférieure, on peut même dire qu’elles sont grosses si on les compare celles des autres espèces. Le sous-orbitaire et l’opercule sont striés et veinés. La pectorale est assez large et arrondie vers l'extrémité; la pointe dépasse l'inser- üon des ventrales, qui répondent à huit ou neuf rangées d’écailles au-devant de la dorsale. Les ven- trales sont petites; la nageoire du dos est haute de l'avant et a le bord coupé en croissant. L’anale est basse et longue; la caudale est fourchue. D'215 A; A7 CA SPA LTS VS. Les écailles sont lisses, minces, sans stries, de grandeur médiocre; il y en a soixante-dix rangées environ entre l’ouie et la caudale. Quoique je n’aie qu'un exemplaire desséché et décoloré, on peut juger que les couleurs devaient être brillantes; car on aperçoit par reflet les traces de dix à douze lignes longitudinales un peu plus obscures que le fond qui devait’ être argenté. Les lignes grisâtres étaient d’ailleurs relevées par de nombreux points 312 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. nacrés, qui ne se confondent pas avec l'éclat d'argent que l’on voit sur le reste du corps. Les écailles du ventre ont les côtés du chevron assez larges et assez hauts; les épines sont grosses. L'exemplaire desséché qui a servi à ma des- cription est long de vingt pouces : il a été pris à Pondichéry et rapporté par M. Leschenault. Je crois que nous pouvons rapporter à ce poisson le Yangarloo de Russell, parce que cet auteur compte quarante-trois rayons à l'anale : il dit de son Yangarloo”', que la tête change en vert doré et en bleu; que le reste du corps est coloré comme notre hareng; les nageoires ont une teinte jaunâtre ; la dorsale et la pectorale sont finement pointillées de noirâtre. Il en porte la longueur à onze pouces. Cest encore à cette espèce quil faut rap- porter le Clupea melastoma de MM. Tem- minck et Schlegel*, puisque M. Burger a vu les dents de la mâchoire supérieure. Cest le Hiransiwo des Japonais. Cette espèce est très- estimée : on la pêche pendant l'automne dans la baie de Simabara. 1. Russell, Corom. fish, IL, p. 13, pl. 191. 2. Temm. et Schl., Faun. jap. Pise., pag. 287, pl. 108, fig. 1. L CHAP, IV. PELLONES. 313 La PELLONE Dircuore. (Pellona Ditchoa, nob.) Je trouve dans Russell la représentation d’une petite Pellone qui a le profil du SE assez droit; la courbure du ventre très-prononcée, aussi la hauteur n'est-elle que trois fois et un tiers dans la longueur totale. Les venirales sont petites et insérées au-devant de la dorsale. La pointe de la pectôrale atteint au delà de leur insertion. L’anale est longue et basse. Voici les nombres comptés par Russell : D. 17; A. 87; C. 18; P. 18; V. 7. Les écailles présentent, d’après le dessin, un carac- tère qui servira à faire reconnaître l'espèce lorsqu'on l'aura vérifiée de nouveau sur la nature; elles ont toutes le bord largement fesionné par une sorte d’échancrure médiane. F2 Russell’ n'a que très-peu ajouté dans sa courte description à ce’ que la figure peut nous apprendre. Il donne aux individus de cette espèce une longueur de sept pouces an- glais. Son nom, à Vizigapatam, est Ditchoee. La couleur est un vert changeant en bleu sur le dos et sur la nuque, avec des reflets plus ou moins dorés; les côtés et le ventre sont nacrés. 1. Russell, Corom. fish., t. I, Pau, pl 192: 314 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. La PELLONE DITCHELÉE. (Pellona ditchela, nob.) Nous trouvons encore dans les Poissons de Coromandel la figure d’un clupéoïde voisin des précédents, et par conséquent du genre des .Pellones. Cette espèce a le corps beaucoup plus étroit; le ventre moins arqué que les précédentes, car la hau- teur est comprise quatre fois et demie dans la lon- gueur totale. La tête a la même proportion; la a inférieure dépasse la supérieure, mais le menton paraît un peu moins saillant. Les écailles sont de grandeur médiocre. Les ventrales ne sont pas si avancées au-devant de la dorsale que dans les ‘autres espèces ; cependant comme je vois la pointe de la pectorale dépasser l'insertion des ventrales, je crois que la différence indiquée plus haut tient à ce que la dorsale est plus rapprochée de la tête. D. 15; A. 40; C. 20; P. 45; V. 7. Telssont les nombres indiqués par Russell’. La couleur du dessus de la tête et du tronc est un vert changeant. Le ventre est nacré; tout le corps est argenté. La longueur de l'individu est de six pouces. Russell la entendu nommer Ditchelee. 1. Russell, Corom. fish., , p. 72, pl. 188. CHAP. IV. PELLONES. 315 La PELLONE DE GraAY. (Pellona Grayana , nob.) M. Gray a représenté, dans les Illustrations de la zoologie de l'Inde, par le major général Hardwicke, une Pellone qui tient de toutes celles que nous venons de désigner, et qui, cependant, doit en être différente. Elle a le corps elliptique, mais très-allongé. La hauteur est à peu près le quart de la longueur 1o- tale. La tête est courte, étroite; elle fait le cinquième de la longueur du corps. La mâchoire inférieure est haute, tronquée au-devant de la supérieure. Les maxillaires sont courts et larges. L’œil n’est pas très- grand. Les trois premiers rayons de la dorsale et le premier de la pectorale sont larges; les ventrales, insérées très en avant de la dorsale, sont au tiers de la longueur totale; elles sont excessivement pe- utes. L’anale est très-longue. D. 15; A. 50, etc. Ce poisson, plombé sur le dos, a les flancs jauni- tres et le ventre argenté; les nageoires jaunes tirant sur orangé ; le bord interne des lobes de la caudale est liseré de bleu. Les dentelures de la carène du ventre sont fortes et constituent une véritable scie. M. Gray a désigné cette espèce sous le nom de Clupea affinis. Elle est représentée ? à la planche 06 du IL volume. 316 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. La PEiLowe DE Dussumier. (Pellona Dussumieri , nob.) M. Dussumier nous a rapporté une espie particulière de Pellone qui ressemble aux pré- cédentes par la forme générale, mais qui a les dents maxillaires couchées presque horizonta- lement derrière los sur lequel elles sont implantées. La mâchoire inférieure fait une très-forte saillie au- devant de la supérieure; celle-ci n’a pas d’échan- crure dans le milieu. L’œil est très-grand : son diamètre est au moins le iers de la longueur de la tête. Celle-ci égale les sept huitièmes de la hauteur du tronc, laquelle est comprise quatre fois dans la longueur totale. L’opercule a quelques stries et le préopercule a des veines. La dorsale est haute de l'avant : ses derniers rayons sont très-bas, son bord est fortement échancré; elle est entièrement écail- leuse et le pied des rayures est enfoncé dans une rainure formée par deux rangées d’écailles plus éle- vées que celles du dos. La pectorale a aussi une longue écaille dans son aisselle : son premier rayon est fort, elle a l'extrémité arrondie, La ventrale, peute, est insérée tout près de la pointe de la na- geoire de la poitrine et en avant de la dorsale. Je ne vois point d’écailles dans son aisselle. L'anale est basse et très-longue. Les nombres des rayons “de cette nageoire paraissent varier entre quarante- quatre et cinquante- quatre. [on sait que l’on voit souvent de ces variations dans les nombres des CHAP. IV. PELLONES.- 317 rayons des nageoires lorsqu'elles sont fort étendues. La caudale est fourchue. \ D. 18; A9 44— 4854; C. 21; P. 16; V. 6. Les écailles sont assez grandes, lisses : celles de la carène du ventre sont semblables à celles des précédentes espèces. Suivant M. Dussumier, qui a vu ces poissons frais, le corps brille d’un bel éclat d'argent, le dos étant fauve, à reflets verdâtres. Les nageoires sont bordées de noirûtre. C'est un poisson abondant sur la côte de Malabar, et que le zélé naturaliste à qui nous le devons, a retrouvé aussi sur celle de Coro- mandel. | Le plus grand de nos individus a un pied de long; mais M#Dussumier dit qu'ils attei- gnent à une taille plus considérable. On sert ce poisson sur les tables de l'Inde. M. Roux s'est aussi procuré ce poisson à Bombay. La PELLONE VIMBELLE. : ( Pellona vimbella , nob.) Une autre Pellone, voisine des précédentes espèces, peut être comparée par la forme gé- nérale de son corps et par la longueur de son anale, au Cyprinus vimba; cest de là que jai tiré le nom de cette espèce. La ligne du profil supérieur est un peu plus courbe que dans l'espèce précédente ; celle de la 318 | LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. partie inférieure de la queue, le long de laquelle est attachée l’anale, est également un peu arquée, de sorte que la forme générale du corps est un ovale allongé, un peu plus régulier que celui de nos autres Pellones. La plus grande hauteur, un peu supérieure à la longueur de la tête, est comprise quatre fois et demie dans la longueur totale. Les dents sont très-petites, couchées le long de la mâchoire; le diamètre de l'œil est du quart de la longueur de la tête. L’échancrure de la mâchoire supérieure est petite. La dorsale, sur la moitié du tronc, est assez reculée pour que l'anus et les pre- miers rayons de l’anale répondent à ses rayons. mitoyens. Les pectorales ont leur premier rayon très-fort, aplau'; une longue écaille dans leur aisselle; lextré- mité doit toucher à l’insertioffides la celles- ci sont excessivement petites. D. 18; A. 51, etc. Les écailles sont de moyenne grandeur; il y à trente-cinq chevrons épineux sous la carêne du ventre. La couleur est un bleu violacé sur le dos, tout le reste du corps étant argenté, Les nageoires me paraissent avoir été un peu jaunâtres. Le seul exemplaire de cette ‘espèce remar- quable, déposé dans les collections du Mu- séum, provient des recherches faites par M. Eydoux pendant l'expédition de la corvette la Bonite. Ce naturaliste l'a pris à Macao. Cest de toutes nos espèces celle qui, par CHAP. IV. PELLONES. 319 le nombre des rayons de l'anale et la petitesse des ventrales, répond le mieux à la descrip- tion du Clupea sima de la douzième édition. Cependant je ne crois pas que l'on puisse dire des nageoires ventrales qu’elles sont à peine visibles, selon l'expression de Linné: ventrales adeo parvæ ut vix conspicuæ. I fait venirson espèce des eaux de l'Asie sans autre indication plus précise. La PELLONE RrASorr. (Pellona noyacula , nob.) Voici une autre espèce des mers de l'Inde, tout aussi bien comparable au cyprin nommé le Rasoir (Cypr. cultratus), que nous avons comparé la précédente à la Vimbe. La ligne du profil supérieur est légèrement si- nueuse, mais cependant à peu près horizontale. La ligne du ventre est au contraire fort arquée, sur- tout sous la région thoracique, de sorte que la plus grande hauteur du tronc se mesure à la nuque; elle est égale à la longueur de la tête et au cinquième de celle du corps. Les dents sont excessivement petites et comme perdues dans l'épaisseur des gencives. La grande courbure de la ceinture humérale à redressé tout le bord inférieur de la fente de louïe, reporté en avant de l’interopercule, de sorte que la mâchoire inférieure se redresse presque verticalement quand 4 9 à 20 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. la bouche est fermée. Cette disposition rend le mu- seau court et contribue aussi à la brièveté de la tête. L'œil est de grandeur médiocre. Les différentes pièces de la joue sont lisses et très-brillantes. La nuque est un peu convexe, puis vient une sinuosité con- cave et le dos se redresse un peu sous la dorsale, nageoire petite et reculée sur la seconde moitié du dos. Les premiers rayons de l’anale lui correspon- dent. Cette nageoire est moins étendue que celle des précédentes espèces. La pectorale est longue et pointue; son extrémité dépasse de beaucoup l'inser- tion des ventrales, qui sont au tiers de la longueur totale : elles sont très-pétites. D. 17; A. 42; C. 21; P. 45; V. 8. Les écailles sont minces, sans stries et de gran- deur médiocre. Il y a trente-quatre épines à la ca- rène du ventre. La couleur est un argenté très-beau avec un peu de bleu sur le haut du dos. L’exemplaire du Cabinet du Roiï est long de six pouces. Cette curieuse espèce a été prise Rangoon par M. Regnault, alors chirurgien sur la corvette la Chevrette. La PELLONE AUX PETITES VENTRALES. (Pellona micropus , nob.) : Cette espèce a le corps beaucoup plus court que celui de toutes les précédentes. Sa hauteur est trois fois et un quart dans la lon- gueur totale. La courbure du dos, plus soutenue e CHAP. IV. PELLONES. 391 au-devant de la dorsale qu’au delà de cette nageoire, est sensible depuis le bout du dos jusqu'à la cau- dale ; celle du ventre est beaucoup plus considé- rable, c’est presque une portion de cercle dont le rayon serait à peine double de la hauteur du tronc. La tête est courte, sa longueur est comprise quaire fois dans celle du corps entier. La mâchoire infé- rieure fait une petite saillie au-devant de la supé- rieure. Les dents sont d’une extrème finesse. L’œil est assez grand, son diamètre surpasse le tiers de la longueur de la ; joue. La dorsale, haute et pointue, commence à la moitié de la longueur. L’anale est basse ; elle naît en arrière de l’aplomb de la dorsale. Les ventrales sont tellement petites que sans un examen attentif on pourrait facilement négliger de signaler leur présence; elles répondent à l’extrémité Fr: la pectorale et très-peu au-devant de la dorsale. La nageoire thoracique est pointue; sa base est cou- verte de deux ou trois larges écailles remarquables ; elle en a encore une. plus aiguë dans son aisselle. Là caudale est fourchue; le lobe inférieur est un peu plus long que le supérieur. D:2175 À. 42; C. 21; P. 14; V. 8. Les écailles sont assez petites et serrées. Nous en comptons quarante-sept rangées sur le côté. Il n'y a que vingt-sept épines le long de la carène du ventre; On peut expliquer ce petit nombre par la brièveté du corps de ce, poisson. Le dos me paraît avoir été roussätre ou fauve, le reste du corps argenté. La dorsale et la caudale sont sablées de noirâtre; les autres nageoires me paraissent transparentes. 20. 22 322 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. M. Dussumier n’a rapporté qu'un seul exem-w plaire de cette espèce, long de trois pouces et demi;.il a pris ce curieux petit poisson sur ja côte de Coromandel. Nous en trouvons un second exemplaire parmi les collections faites au Bengale: par M. Belenger, et qui nous confirme les caractères spécifiques que nous avons.reconnus sur l'autre individu. La PELLONE FILIGÈRE. (Pellona filigera , nob.) s Nous avons encore à parler d'une petite Pellone dont les rayons des nageoires et sur- tout ceux de la caudale se prolongent en fila- ments ; d’ailleurs l'espèce est voisine de la pré- cédente. Elle a le museau pointu, le chanfrein un peu con- cave, la courbure du dos‘devient convexe à parur de la nuque, et elle l’est plus que dans notre P. mi- cropus , tandis que celle du ventre l’est beaucoup moins, d’où il résulte que le corps est proporuon- nellement plus allongé. Aussi la hauteur n’est-eMe ici que le quaït de la longueur totale. La caudale, avec ses filaments, conserve la forme fourchue des autres espèces de ce genre. L'anale a plus d’étendue sous la queue que celle de l’espèce précédente. Les RÉ Le ventrales sont plus avancées et un peu moins petitesæ D. 21; À. 52, etc. La couleur parait avoir été roussätre sur le dos Æ CHAP. IV. PELLONES. 323 et argentée le long des flancs. Les filaments de la DL paraissent avoir été noirâtres. La longueur de l'individu est de trois pouces et demi à quatre pouces. Cette espèce vient, comme la précédente, de la côte de Coromandel. M. Dussumier l’a aussi trouvée à Bombay. La PELLONE Mori. (Pellona motius , nob.) M Dussumier nous a rapporté une très-petite Pellone à ventrales excessivement exigués, dont la bauteur mesure le quart de la longueur totale. Le ventre est très-fortement dentelé; lé nageoires pectorales ne paraissent pas dépasser la tete La queue est très-étroite. D. 17; À. 50, etc. Je ne possède qu'un trè ès-petit exemplaire de cette espèce, long de trois pouces, Qui a été trouvé à l'embouchure du Gange. Il me paraît avoir beaucoup d'aflinité avec le petit poisson figuré par M. Gray” sous le nom de Clupea motius. Je ne sais pas sil le croit iden- tique au Clupanodon motius de M. Buchanan; je ne le pense pas. 4. Grayl, [ust. of ind. zool. by maj. gen. Hardwicke, 1. W, pl. 91, fig. 3 et 4. 4 324 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. | Il colore le dos en vert; les flancs sont rayés de , blanc; le reste du corps est bleuâtre, à reflets argen- tés; les RAGE OISE sont jaunes. Je trouve, dans le poisson que ] ai sous les yeux, un reste de ces bandes blanches des flancs, c’est ce qui décide ma déter- mination; car je dois faire remarquer que lanale de la figure me paraît un peu plus courte que celle de notre individu. La PELLONE CHAMPIL. (Pellona champil, nob.) Je trouve dans le même ouvrage, et sur la même planche, la figure d’un autre petit pois- son, qui ressemble par la coupe ovale de son corps à nptre P. micropus ; js mais il me paraît avoir la bouche encore moins fendue et la mâchoire inférieure égale à la supérieure. L'anale est beaucoup plus courte que celle des espèces pré- cédentes. Je compte les nombres suivants sur la figure. D. 15; À. 17. Le dos est vert, passant par du hlas au blanc argenté du ventre. Une petite tache noire se dessine sur le fond lilas des flancs, au-dessus de la pointe de la pectorale, qui est également noire. Les ven- trales sont blanches, les autres nageoires jaunes. La figure représente un poisson de six cen- timètres. L'espèce y est indiquée sous s le nom de Clupea champil.' 1. Gray, [ust. of ind. zool. by maj. gen. Hardwicke, vol. , pl. 91, n.% 5 et 6. CHAP. IV. PELLONES. 325 La, PELLONE SOBORNI. ( Pellona soborni, nob.) Est-ce auprès des Pellones qu'il faut placer un petit poisson que je trouve encore figuré dans les Illustrations de la zoologie indienne, sous le nom de Corica soborni ? * Il à le corps étroit et allongé; les ventrales insé- rées au-devant de la dorsale; la pectorale pointue; lanale paraît assez étendue; le centre est garni de grandes plaques qui rappellent assez bien les che- vrons de nos Pellones. Le corps parait comme trans- parent, et sur le fond jaunâtre des côtés se dessine une bandelette rougeâtre. Il y a une tache noire sur la tête entre les yeux. Les nageoires sont grises. Ce petit poisson n'a pas deux pouces de longueur. M. Richardson parle dans son mémoire sur les poissons des mers de Chine d'un Zlsha abnormis de M. Gray, qui doit être très-voi- sin de notre Petlona Grayana. Comme ces auteurs n'ont pas donné de diagnose géné- rique de leur genre [LisH4, je n'ai pas cru devoir adopter ce nom, afin d'éviter toute confusion. m 4. Gray, [lust. of ind. zool. by maj. gen. Hardwicke, vol. WF, DIR UUUE T els. 326 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. CHAPITRE V. Du genre PRisTIGASTRE (Pristigaster, Cv.). Ce genre, établi par M. Cuvier, est facile à reconnaître dans la famille des Clupéoïdes par l'absence des ventrales. Cest le seul caractère qui les distingue des Pellones; car les Pristi- gastres ont, comme elles, le corps très-com- primé, le ventre tranchant, fortement dentelé; l’anale longue et étendue sous toute la queue; la dorsale petite; les pectorales pointues, ser- rées contre le corps. Leur raÿon supérieur est très-fort, quoique composé d’articulations visibles. Ils ont aussi une dentition tout à fait semblable, c’est-à-dire, de petites dents maxil- laires Es apes sur les différents os de la bouche, des dents en velours sur les palatins, les ptérygoïdiens, la langue, et un vomer lisse, sans dents. Leur splanchnologie est cependant un peu différente, surtout en ce qui concerne la vessie natatoire. Cet organe est grand et fourchu dans une espèce, et les cornes se prolongent de chaque côté des interépineux de anale entre les muscles coccygiens. La seconde es- pèce à cet organe simple et ovale. Toutes CHAP. V. PRISTIGASTRES. 327 deux ont un œsophage asséz large, un esto- mac ovoiïde, de nombreuses appendices cœ- cales auprès du pylore et un intestin court, ne faisant que deux replis. Les Pristigastres sont le troisième exemple de malacoptérygiens abdominaux sans nageoires ventrales, c'est-à-dire, des poissons apodes tels que Linné les entendait; car les Érémophiles sont, comme je crois l'avoir prouvé, des silu- roïdes apodes. Les Orestias, que j'ai fait con- naître dans le volume précédent, sont des cyprinoïdes apodes. Les Pristigastres et les Odongnathes dont l'histoire suivra bientôt, sont nos. clupéoïdes apodes. IL est assez cu- rieux de remarquer que les deux premiers genres, si extraordinaires, ont été découverts dans les eaux douces des hauts plateaux des Andes, entre 4000 et ooo mètres au-dessus du niveau de l'Océan, tandis que nos deux genreside Clupéoïdes sont des poissons marins des côtes équatoriales de l'Amérique, baignées par l'Atlantique, ou des mers les plus chaudes de l'Inde. Nous ne connaissons jusqu'a présent que quatre espèces de Pristigastres; l'une que l’on trouve depuis la côte de Malabar jusqu'à l'ex- trémité de Coromandel, les autres sont amé- ricaines. L'une vient de Cayenne, les deux 328 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. autres ont été trouvées à l'embouchure de M lAmazone, et lune d'elles est une récente | découverte due aux courageux efforts de M. de Castelnau et de son compagnon de: voyage M. E. Deville. | ï Le PRISTIGASTRE TARTOORE. (Pristigaster tartoor, nob.) Cette espèce indienne, qui me paraît très- abondante sur la côte de Coromandel et sur celle de Malabar, à cause du grand nombre d'individus que nous avons recu de ces deux endroits, se distingue éminemment de l'espèce ke américaine que nous décrirons plus loin. Nous lui conservons le nom sous lequel Russell en a donné une figure fort reconnaissable. Le Tartoore a le corps allongé. La hauteur est comprise un peu moins de quatre fois dans la lon- sueur totale. L’épaisseur n’est que le quart de la hauteur. La tête est courte, car elle est contenue cinq fois et demie dans la longueur totale, et comme sa hauteur ne fait que les trois quarts de sa lon- sueur, à cause de la grande saillie de la carène tho- racique qui s’avance beaucoup au delà de linsertion des peciorales, on conçoit comment la tête parait si peute. L’œil est assez grand, son diamètre mesure, a peu de chose près, le üers de la longueur de la ‘tête ; le cercle de l'orbite est au - dessous de la ligne CHAP. V. PRISTIGASTRES. 329 du profil; cependant l'œil est sur le haut de la joue. Le dessus du crâne est concave, et son creux est augmenté par la saillie de la nuque et par la con- vexité du dos. Le sous-orbitaire est oblong et re- couvre le bord postérieur du maxillaire quand la bouche est fermée. Le préopercule est assez large, c’est lui qui couvre presque toute la joue; son angle et le bord inférieur sont arrondis. L’opercule est triangu- laire; l'extrémité libre ‘est arrondie. Le sous-opercule parait presque linéaire, tant il est étroit. L’inter- opercule, un peu plus large que celui-ci, est arqué. La bouche n’est pas très-grande comme dans toutes ces clupées. Les intermaxillaires sont placés en tra- vers, et la mâchoire inférieure, faisant saillie au- devant de la supérieure, a les branches fort élevées de chaque côté de la bouche. La langue est libre et obtuse; les dents maxillaires sont très- petites, couchées obliquement vers le fond de la bouche ; elles sont plus sensibles au toucher qu'a la vue; puis nous en observons un groupe sur les pala- uns, les ptérygoïdiens et la langue; mais il n’y en a pas sur le vomer ni sur son chevron. C'est donc la dentition des Pellones ou des Harengules. Les ouies sont très-largement fendues et la direcuon de la fente est tout à fat oblique. On y observe une irès-petite membrane branchiostège soutenue par six rayons, les deux premiers sont petits et srèles; 1l faut les rechercher avec soin, car je vois qu'ils ont échappé à l'observation; les quatre autres sont larges et aplaus; le dernier a son extrémité prolongée, ce qui lui donne la forme d’une peute 330 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. LS EE palette. J'insiste sur cetie description minutieuse, et “4 j'ai compté ces rayons sur plusieurs individus pour bien m'assurer de leur nombre; car je vois que dans le Règne animal on ne leur a compté que quatre rayons branchiostèges. La dorsale est très-petite, très- basse et reculée sur la fin du second tiers de la longueur du dos. L’anale est au contraire étendue sous toute la longueur de la queue, de sorte que sa longueur mesure les déux cinquièmes de celle du corps. Les pectorales sont longues et pointues, leur premier rayon est large et aplau, elles sont composées d’articulations irès-visibles, et sont atta- chées de manière à s'appliquer exactement contre le corps. Il n’y a point de ventrales. B. 6; D. 17; C. 25; A. 57; P. 15; V. 0. Les écailles sont ovales, très-minces, sans stries ; elles sont assez grandes. On n’en compte guère que cinquante rangées entre l’ouie et la caudale. La ligne latérale commence comme à l'ordinaire sur le haut du surscapulaire, et elle remonte sur le haut du dos où elle se dessine par une suite de petits arbuscules ; on la voit s’effacer peu après la dorsale. On remarque le long des flancs, à peu près par le milieu de la hauteur de la queue, un trait linéaire excessivement fin, mais bien visible, à parür de la caudale jusque un peu au-devant de la dorsale; puis ce trait semble s'effacer et ne plus se montrer que comme une pe- te carène tracée par le tiers de la hauteur de la poitrine, et qui se perd sur la région surscapulaire. Je ne crois pas qu'il faille considérer ce petit trait comme une seconde ligne latérale, ainsi que la fait CHAP. V. PRISTIGASTRES. 331 Russell. Il est évident pour moi que la ligne laté- rale est unique et tracée sur le haut du dos. Le ventre est si comprimé que l’on peut, sans exagé- ration, lui donner lépithète de tranchant. À parur de la gorge, son profil descend par une courbure qui devient beaucoup plus grande à mesure qu’elle va dépasser la pectorale, de sorte qu’il fait une grande saillie au-devant de la poitrine. Nous comptons trente-deux épines le long de cette carène; elles sont formées par une suite de chevrons dont les côtés sont étroits, carénés dans le milieu, et dont le sommet est une lame cornée tout à fait tranchante, terminée par une épingle coupante comme la pointe d’une lancette. Les observateurs qui ont vu ce pois- soû frais, vantent tous le brillant argenté, à reflet nacré, de tout son corps; quelques teintes grises se prononcent le long du dos. Les nageoires sont jaunes ou quelquefois elles paraissent blanches, légè- rement teintées de jaune pâle aux extrémités. La splanchnologie du Pristigastre offre aussi plu- sieurs particularités non moins curieuses que les parties extérieures. La forme très-comprimée du ventre a rendu la cavité abdominale très-étroite, ce qui est cause que le foie est très-mince, que les cœcums, longs et grêles, sont réunis en deux fais- ceaux collés sur la branche montante. Ces appen- dices pyloriques sont beaycoup plus nombreuses à gauche qu'à droite. L'œsophage est large et il se prolonge en un estomac arrondi qui atteint environ à la moitié de la longueur de la cavité abdominale. Dans l'individu que j'ai ouvert, sa muqueuse était 332 LIVRE XXI- yCLUPÉOÏDES. noirâtre, tandis que celle de l'estomac était jaunûtre. La branche montante est à peu près aussi longue et aussi large que l’œsophage; les parois m’ont paru peu charnues. L’ovaire embrasse dans une très-courte bifurcation l'extrémité de l'estomac; car au delà de ce viscère l'ovaire m’a paru ne plus former qu’une seule masse. Les œufs sont d’une petitesse extrême, beaucoup plus fins que de la graine de pavot. Au-dessus de ces viscères on voit une longue vessie natatoire cylindrique, tellement appliquée sur les côtes, quil est aisé de compter les impressions de ces os sur la paroi fibreuse et argentée de la vessie; elle se rétrécit en avant et devient même pointue pour laisser de la place à la portion renfiée de l’'œsophage. Cetie vessie qui, dans cet état, Serait déja grande . pour une clupée, se trouve beaucoup augmentée par son prolongement en deux longues cornes coni- ques, faisant saillie de chaque côté des interépineux de l’anale; elle se termine en une pointe excessive- ment fine à peu près vers le milieu de la longueur de l’anale. Le canal de communication entre la vessie et le canal digesuif est long et assez gros; il part du bas de lœsophage et va s’insérer sous la face inférieure de la vessie, un peu au delà de la pointe de l'estomac. Les anatomistes retrouvent là un nouvel exemple de cette conformation que nous avons vu répéter plusieurs fois, dans les Scombres et quelques autres familles. Parmi les nombreux exemplaires de cette espèce, nous n'en avons pas un qui dépasse huit pouces ; mais M. Dussumier en a vu sur CHAP. V. PRISTIGASTRES: 333 la côte de Malabar qui avaient dix pouces de long : on y mange ce poisson. M. Leschenault est le premier naturaliste qui nous ait envoyé cette espèce dans ses grandes collections de 1818. Il a entendu nommer cette espèce Talery par les pêcheurs tamoules. On le pêche abondamment pendant toutes Les saisons dans la rade de Pondichéry: il est très- bon à manger et parvient # neuf pouces de longueur. Russell ne donne aucune particula- rité sur les mœurs ou sur les usages de ce cu- rieux poisson. … Nous retrouvons aussi cette espèce, figurée par M. Gray dans les [llustrations de la zoo- logie indienne, par le major-général Hard- wicke, mais soit fndqes tance de l'observateur, soit que l'individu ait été mutilé, la dorsale n'a pas été vue, et ce poisson est devenu alors le type d’un nouveau genre, nommé Æ4pte- rygia Hamiltoni. Le dos est peint en bleu, tout le reste du corps est jaunâtre. Je ne crois pas qu'il soit possible de douter de la déter- miuation que je donne. La forme du corps, la saillie de la poitrine dentelée, la petitesse de la tête, Tinsertion de la pectorale, la lar- geur du premier rayon, la longueur de l'anale, l'absence des ventrales, jusqu à la tache noire fisurée déjà par Russell, montrent une telle 334 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. ressemblance entre le Pristigastre et l’4pte- rygia de Gray, quil me paraît impossible d'admettre que la nature ait supprimé entiè- rement une nageoire dorsale sans avoir fait le plus léger changement à toutes les autres BAGRES que je.viens nine PRISTIGASTRE DE CUVIER. (Pristigaster cayanus , Cuv.) J'ai commencé la description des espèces du genre Pristigastre par celle de l'Inde, puis- qu'elle a été connue des naturalistes quinze ans avant que M. Cuvier n'ait publié la figure de l'individu envoyé de Cayenne par Leblond, et qui est encore conservé dans le Cabinet du Roi. La description que je vais donner est faite d’après le même exemplaire. Ce Pristigastre se disuingue de celui de l’Inde par des formes si nettes et si tranchées, que c’est à peine si l'on peut comparer les deux poissons. En effet, l’espèce dont il s’agit dans cet article a le profil du dos très-peu courbé; celui du ventre fait, au contraire, une telle saillie depuis la gorge jusqu’à anus, que le poisson a l'air d’avoir un fanon sus- pendu au-devant de la région thoracique. La plus grande hauteur de cette partie du corps est moitié de la distance mesurée depuis le bout du museau jusqu’à la fourche de la caudale. La hauteur de la tête, prise à laplomb de la nuque, est moiué de la CHAP. V. PRISTIGASTRES. 335 hauteur totale mesurée au même endroit. La lon- gueur de la tête est à peine plus forte que la hau- teur, et du cinquième de la longueur totale. La tête ressemblé d’ailleurs par les.proportions de l'œil, par la grandeur de la bouche, par la saillie de la mà- choire inférieure, par les dents maxillaires palatines, ptérigoidiennes et linguales. Nous nous sommes assuré, en la comptant à plusieurs reprises, que la membrane branchiôstège est soutenue par six rayons. Quoique la ligne du dos soit un peu sou- tenue au-dessus du chanfrein et qu’elle monte droit jusqu’à la dorsale, elle n’est pas à beaucoup près aussi relèvée que celle du Pristigastre indien, elle offre aussi un caractère remarquable qui n'existe pas dans l'autre espèce. Les interépineux dorsaux font une petite saillie au-dessus des muscles, tra- versent la peau ét sortent par deux peutes pointes qui rendent cette partie du corps dentelée, comme nous en avons eu des exemples dans la famille des Stromatées, et en particulier dans l'espèce du Rhom- bus crenulatus. La dorsale est avancée sur le dos : elle est à peu près deux fois aussi haute que longue. L’anale est étendue sous toute la queue; la caudale est fourchue; les pectorales pointues ; il n’y a pas de ventrales. B. 6; D. 15;' C. 25; À. 52; V. 0; P. 11. Les écailles sont de moyenne grandeur, très-fine- ment striées, très-minces et se détachent très-faci- lement. Je n'ai pas pu voir dans cette espèce la ligne latérale dorsale qui est si facile à voir dans l’espèce indienne; mais ce que je puis affirmer, c’est que 336 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. notre individu n'a pas une ligne latérale tracée comme elle est indiquée dans la figure du Règne animal. J’observe bien sur la seconde moitié du corps, une ligne très-fine comme je lai vue sur l'espèce précédente ; mais, comme dans celle-ci, je la vois s’évanouir avant d'atteindre à la pectorale. Les épines du ventre, excessivement comprimées, sont-plus grosses vers la fin que sur le commen- cement de la carène. J'en compte trente-deux. Un de ces chevrons a les côtés étroits et excessivement grèles; ils sont un peu plus longs que le uers de la hauteur du tronc; l’épine est très-forte, poin- tue, et plus saillante que dans l'autre Pristigastre. Là couleur ‘est un argenté très-brillant, avec des teintes grises ou roussâtres sur le dos. Ce que j'ai cherché à voir des viscères sur notre exemplaire un peu desséché, m'a fait voir une vessie ,Datatoire à parois très-minces et argentées. J'ai trouvé un estomac ovoide et renflé, arrondi à son extré- mité postérieure. L’œsophage est assez gros et court; la branche montante m'a paru petite et avoir de . nombreux cœcums. La longueur est de quatre pouces et demi: il a été figuré dès la première édition du Règne animal, planche X, fig. 3. Cette même planche a été reproduite dans la seconde édi- on, planche XI. QI ex NT CHAP. V. PRISTIGASTRES. Le Prisricasrre DE MarTius. (Pristigaster Marti, Agassiz.) Nous venons de recevoir au Cabinet du Roi, parmi les riches et. belles collections rapportées du Brésil par M. de Castelnau, trois pristigastres pêchés à l'embouchure de VAmazone. Deux sont parfaitement sembla- bles entre eux ; ils se distinguent du précédent par un ventre plus saillant, par une anale plus courte. La caudale me paraît avoir les lobes moins pointus, et je ne crois pas que les rayons supé- rieurs se prolongent en longs filaments. B. 6; D. 15; A. 46 ou 47; V. 0; P. 41. La couleur, rembrunie sur le dos, est argentée sur tout le reste du corps. I J'ai vérifié le nombre des rayons de la membrane branchiostège, et je suis persuadé que l'exemplaire de Munich doit avoir six rayons comme les nôtres, mais le premier, qui est très-pelit, est souvent fort difficile à voir. Je pense donc que cest à tort que M. Agassiz n'en a donné que cinq. Mais un caractère qu'il a parfaitement saisi, porte sur la petitesse des épines de la carène du dos; elles sont à peine sensibles dans l'espèce que 20. ; 22 338 + LIVRE XXL CLUPÉOIÏDES. nous décrivons. Aussi, je ne doute pas que je n'aie ici le poisson décrit et figuré dans l'Histoire des poissons du Brésil. Le plus orand des deux individus a quatre pouces et quelque chose. | Le PRISTIGASTRE PAILLE EN QUEUE. (Pristigaster phaeton, nob.) M. de Castelnau a rapporté un troisième Pristigastre pris dans l'Amazone avec les deux. précédents. Il en diffère parce qu'il a le ventre moins saillant, d’où il résulte que le corps est plus allongé. La hauteur est con- tenue deux fois et un uers dans la longueur totale, en n’y comprenant pas les filets de la caudale, tandis que dans l'espèce précédente elle surpasse sensible- ment la moitié de la longueur du corps. L’anale: est beaucoup plus allongée : elle ressemble sous ce rapport au Pristigastre de M. Cuvier, qui a cin- quante-deux rayons. D. 15; A. 51, etc. La caudale, qui est fourchue, a ses lobes plus étroits et plus pointus que ceux de l'espèce précédente. Les trois rayons externes du lobe supérieur sont pro- longés en filaments plus longs que le lobe. Les épines de la carène du dos sont fortes. La couleur 1. Agassiz, Pisc. Bras., p. 55, pl. XXI a. | ; CHAP. V. PRISTIGASTRES. 889 ressemble à celle des précédents; c’est un verdâtre sur le dos; tout le reste du corps brille d’un bel éclat d'argent poli. - . La longueur du poisson est de quatre pouces et demi, sans compter les filets, et de six pouces au moins en mesurant depuis le bout du museau jusqu'à leur extrémité. On ne peut nier que ces trois espèces ne soient extrêmement voisines l'une de l'autre. Je ne crois pas cependant que des études faites sur les lieux conduisent les naturalistes à les confondre. 3540 . LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. CHAPITRE VE Du genre RocénEe (Rogenia ). Le poisson, si abondant à l'embouchure de la Tamise, connu et estimé de tous les ha- bitants de Londres sous le nom de White- Bait, est non-seulement d’une espèce distincte du hareng, mais il appartient à une coupe gé- nérique différente, dont nous retrouvons plu- sieurs espèces dans les mers étrangères. La forme ressemble assez à celle du hareng pour qu'il soit facile de concevoir, comment les hommes, qui ne regardent pas avec une extrême attention, ont pu le croire des jeunes du hareng commun. Je m'étonne davantage comment d’autres personnes, et même des na- turalistes, aient pu le considérer comme une jeune alose; car la forme est totalement dif- férente.. | Nous reviendrons à la fin de cet arücle sur ces questions, lorsque nous parlerons des ex- cellentes discussions publiées par M. VYarell pour éclaircir l'histoire naturelle de ce poisson. Il constitue un genre distinct caractérisé par. la présence de dents sur le vomer, sur les pa- latins , sur les ptéryg soïdiens et sur la langue. C'est la clupée qui perte le plus grand nombre de dents, malgré sa petite taille. CHAP. VI. ROGÉNIES. 341 … Le nom de #hite-Bait, sous lequel on le crie dans les marthés de Londres, n'a suggéré l'idée de former, pour désigner ce genre, un nom assez euphonique emprunté à là langue allemande. J'ai latinisé le nom de Rogen, qui signifie le frai ‘qu les œufs des poissons, en disant Rogenia. | Nous ne connaissons'encore qu'une espèce de ce genre que nous appelons | La ROGÉNIE BLANCHE. (Rogenia alba, nob.) Le corps est allongé ; la courbure du ventre est un peu plus forte que celle du dôs ; la hauteur du tronc égale la longueur de la tête, et la cinquième de celle du corps entier. L’œil me paraît, propor- ionnellement, moins grand que celui d’un jeune hareng de même grandeur ; le diamètre est un peu supérieur au quart de la longueur de la tête. La mà- choire inférieure dépasse un peu la'supérieure; mais la saillie qu’elle fait au-devant d'elle, n’est peut-être ‘ pas aussi forte que dans le hareng. Je vois des denis sur la langue, sur le vomer, sur les palatins et les ptérygoidiens, et on en sent plutôt qu’on n’en voit sur les deux mâchoires. Notre poisson a donc des dents sur un plus grand nombre de pièces osseuses que. n’en a‘le hareng. Ces’ caractères, moins fugaces que ceux que l’on peut ürer de quelques diffé- rences des formes extérieures, établissent une dis- 342 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. uünction scientifique entre le hareng et le Whuite-Bait. Comme les aloses n’ont aucune#dent sur ces pièces, cette distinction est encore plus facile à reconnaitre. Le préopercule couvre presque toute la joue; son Jimbe est très- hrge; l'angle en est légèrement ar- ondi. Je ne vois point ï stries ni de veinules sur sa ‘surface. L'opercule est peut, assez semblable à celui du hareng ; mais le sous-opercule me paraît moins étroit : l'interopercule l'est, au contraire, da- vantage. La membrane branchiostège vient s'insérer sur le bord de l’ouie, de manière à pat e une échan- crure assez profonde, qui rappelle celle de la sardine, et qui devient un caractère distincüf entre nôtre pois- son et le hareng. L’attache de la pectorale se fait aussi plus en avant, et touche presque au bord du sous- opercule : cette nageoïre est plus reculée que dans le hareng. Les ventrales répondent à peu près au mi- lieu de la dorsale ; l'anale n’est pas très-longue ; la caudale est fourchue ; les ouïes sont très-largement fendues. B. 8; D. 17; A. 16; P. 17; V. 9; C. 27; Vert. 56. Les écailles sont petites, excessivement minces, par conséquent très-molles ; elles sont un peu plus longues que hautes; la poruüon verticale est plus grande que la partie libre; il n’y a point de siries, ou du moins elles sont d’une extrème ténuité. Nous en comptons plus de cinquante rangées le long du corps. Je n’en vois pas de particulières à laisselle de la pectorale; mais il y en a une courte auprès de la ventrale. La carène du ventre à quarante et une épmes. Tout ce poisson brille du plus bel éclat ar- CHAP. VI. ROGÉNIES. 343 genté, le dos est d’un gris verdâtre, Quand le poisson est frais, il prend dans l'alcool une teinte roussâtre, qui fait toujours disunguer ce White-Bait des jeunes harengs dont le dos devient bleu. Il n’y a jamais de taches sur les côtés de ce poisson. Le Muséum a d’abord recu des #7 hite-Bait par les soins de M. le docteur Leach. Derniè- rement, M. Milne Edwards et R. Owen ont bien voulu n'en rapporter de Londres, et j'ai pu m'assurer, par l'examen des nombreux exem- plaires, achetés pêle-mêle sous le nom de White-Bait, qu'il y a quelquefois avec ce pois- soh du frai d'une autre petite clupée. M. Eudes Delongchamps nous 4 mis à même de faire une semblable observation sur le frai des ha- rengs qui entrent dans lembouchure de l'Orne. M. Varell a fait connaître complétement le poisson qui est le sujet de cet article : d’abord dans un mémoire: inséré dans le Journal z00- logique, ensuite dans son Histoire des poissons d'Angleterre ?. Il a bien reconnu que Pennant avait eu raison de mentionner cette espèce dans la Zoologie britannique”, et il a fait re- marquer avec raison, que Donovan‘ s'était 1. Zool. Journ., vol. IV, p. 137 et 465, pl. 10. 2. Brit. fish., t. I, p. 126. 3. Brit. Zool., 1. UE, p. 165. 4, Donovan, Brit. fish., pl. 98. 344 © LIVRE XXL CLUPÉOÏDES. trompé en le donnant comme une jeune alose. Pour établir les différences distinctives, M. Ya- rell s'est principalement appuyé sur é diver- sité de la coloration. Celles que nous tirons de la dentition sont bien plus positives. Les habitudes de la Rogénie blanche, sont tout à fait différentes de cellés.de toutes les autres clupées qui fréquentent les côtes de la Grande-Bretagne, et qui entrent dans les fleuves de ce royaume. | D’avril à septembre on peut prendre ce poisson en abondance à la hauteur de Wool- wich ou de Blackwall. Pendant les trois pre- miers mois, on rencontre dans les bancs des Rogenia alba quelques jeunes sprats. L'espèce dont nous traitons ici, apparaît dans la Tamise sous une consistance presque albumineuse. M. Yarell dit quil n’y a que la Tamise et le Hamble, dont les eaux se versent dans celles de Southampton, qui aient des White-Bait; ei pendant l'hiver, les pêcheurs qui poursuivent le sprat, prennent fréquem- ment des White-bait sur les côtes du Kent et d'Essex. Ce poisson ne me paraît pas dépasser six : pouces. CHAP. VII. CLUPÉONIES. 343 CHAPITRE VIL Du genre CLüPéonE (Clupeonia). La direction .que nous venons de donner à nos études sur la famille des Clupées, nous montre la nécessité de former encore un nou- veau genre de poissons que nous allons réunir. dans ce chapitre. Il se composera des espèces qui portent des dents sur la langue et sur les ptérygoïdiens seulement: les palatins, le vomer et les mächoires n’en ont aucunes. Toutes ces espèces ressemblent tellement à nos sardines par leur facies général, que les naturalistes les plus célèbres, ainsi que les habitants de nos colonies de l'Inde, les désignent sous ce nom : elles sont originaires de la mer des Indes. Commerson avait observé l'une des espèces à l'Ile-de-France : presque dans la même année, Solander en décrivait une autre à Otaiti. Mais les matériaux de ces natura- listes-voyageurs ont été, ou laissés dans l'oubli, ou confondus avec d’autres documents dans ce que les auteurs systématiques appelaient alors du nom de Clupea. Nous avons discuté leur emploi à chacun des articles suivants, en essayant de débrouiller les synonymies plus ou‘moins confuses de ces espèces. | 346 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. La CLUPÉONIE DE JUSSIEU. * (Clupeonia Jussieui, nob.) Commerson avait observé, en 1770, dans les mers de l'Ile-de-France, de Bourbon et de Madagascar la première espèce de ce genre. Îl en a laissé dans ses manuscrits une descrip- tion détaillée et faite avec le soin que l'on re- connaît à tous ses travaux. Le texte-a servi à M: de Lacépède' pour établir son espèce Clupanodon Jussieu. Le voyageur auquel ce naturaliste empruntait sa diagnose, désigne ce poisson par le nom de grande Sardine de l’Ile- de-France. +. Dans la Faune de Bourbon, n.° 124, cette: même dénomination est inscrite sur un dessin fait à la mine de plomb et long de neuf pouces, et dont la grande exactitude. est facilement appréciable quand on le compare à la nature. En même temps que M. de Lacépède éta- blissait sur le Zalex seu Harengus immacu- latus maxilla inferiore longiore, etc., son Clupanodon Jussieu, il en donnait la figure comme une variété du Clupea sinensis de Linné ou de Bloch. M. Cuvier a commencé à rectifier cette confusion dans la note du Règne 1. Lacép., t. V, p.471 et 474, pl. 14, fig. 2. CHAP. VII. CLUPÉONIES. 347 animal, vol. IT, page 318; mais malheureuse- ment en termes trop concis pour quil soit fa- _cile de bien saisir cette rectification quand on n'a pas les matériaux originaux à sa disposition. C'est ce que j'ai pu faire facilement, parce que jai trouvé dans les riches ATH UE du Mu- séum des exemplaires dans lesquels il est fa- cile de reconnaître cette grande Sardine de l'Ile-de-France, décrite et dessinée par Com- merson. Ce poisson ressemble, en effet, par sa forme tra- pue, par- son dos ar ee à nos sardines; mais il a des caractères distincuüfs très - marqués. Depeue est deux fois et un üers dans la hauteur du corps, qui est contenue quatre fois et demie dans la longueur ‘totale. La tête est courte, elle y est près de six fois. Les yeux sont de grandeur médiocre; le front, au- devant d’eux, porte deux petites carènes divergentes, a pa ur des intermaxillaires. La bouche est petite ; il n’y a point de dents sur les mâchoires; l’inférieure dépasse de très-peu la supérieure. Le vomer et les palatins sont lisses et sans dents; mais nous en avons observé un petit groupe sur les ptérygoidiens et une bandeletite longitudinale sur la langue. Les ouïes sont très-largement fendues ; 1l n’y a que six rayons à la membrane branchiostège. Le préopercule est arrondi; 1l ne cache point dranibneenle. qui est aussi La L'opercule a sa surface couverte de suries rayonnantes, fines et nombreuses. Ce caractère est remarquable, parce qu'il rappelle celui qui est si 348 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. caractéristique dans la sardine , sans qu'il lui soit cependant semblable. La dorsale est située à peu près. au tiers du corps, son bord est échancré, ses rayons . Sont très-minces; la ventrale répond à peu près à son milieu. L’anale est très-basse; la caudale est fourchue; la pectorale est petite, pointue et attachée sous l'angle . de l'appareil operculaire. B. 6; D. 20; À. 20; C. 27; P. 16; V. 8. Les écailles sont de moyenne grandeur, fortement striées dans leur partie radicale, lisses sur le devant: on en compte quarante- cinq rangées. Le ventre est tranchant, sans être très- comprimé ; ; les pièces du _chevron sont étroites, longues et pointues ; la partie moyenne a une longue pointe en avant et une épine courte mais forte, dont la série constitue là dente- lure du ventre. La couleur est bleuâtre en dessus ; tout le reste du corps est argenté. Sur le poisson, conservé dans l’eau-de-vie, on voit des taches dis- posées en lignes longitudinales. La ‘dorsale et la . caudale sont verdâtres ; l'extrémité des fourches est rembrunie : les autres nageoires sont incolores. La splanchnologie de ce poisson ressemble à celle de nos harengs : l'estomac est étroit et conique, son extrémité, pointue, communique par un canal re- courbé avec la vessie natatoire, qui est grande, et ‘qui occupe toute la parue supérieure de la cavité abdominale sans se prolonger pour en sortir. Les appendices cœcales sont irès-nombreuses ; l'intestin * ne fait que deux replis; les ovaires étaient très-gonflés et remplis d’une très - grande quantité d’ Fac d une excessive petitesse. CHAP. VII. CLUPÉONIES. 349 Notre individu est long de sept pouces. Il a été rapporté de l'Ile-de-France par M. Dus- sumier. Ce naturaliste a consigné dans ses notes que les habitants l'appellent Sardine, et il a observé que cette espèce se montre sur les côtes par bandes assez considérables, et qu'elle paraît avoir les mêmes habitudes que la nôtre; mais il dit que ce poisson, gras et huileux, est loin de valoir la sardine des mers d'Europe. La CLUPÉONIE FASCIÉE. (Clupeonia fasciata, nob.) Nous avons recu des mers voisines une se- conde clupéonie distincte de la précédente, quoiquelle en soit assez voisine pour qu'on puisse les confondre sans un examen attentif. Celle-ci a le dos moins arrondi, le corps plus al- longé, parce qu'il est plus étroit ; car la hauteur est un peu plus de cinq fois dans la longueur totale. La tête est aussi plus longue; le museau est plus gros et plus obtus; lœil est plus grand. Il n’y à qu’une seule carène médiane sur le devant des fron- taux. L'opercule n'a point de stries sur toute sa surface. Les nageoires diffèrent peu de celles de la précédente ; l’'anale cependant paraît un peu plus courte ; elle a, en effet, deux rayons de moins. D. 20; À: 8, etc. * / 3b0 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. Les scrilles me paraissent plus rondes, la couleur bleue du dos est séparée du brillant argenté des flancs par une bandelette longitudinale noirâtre ; quelques autres bandes s’aperçoivent par reflet le long des flancs. . Nous n'avons qu'un individu de cette es- pèce : il est long de six pouces, et a été trouvé dans la rade Es Saint-Denis de Bourbon Ba | M. Leschenault. CLUPÉONIE DE COMMERSON. (Clupeonia Commersoni , mob.) Une troisième espèce de ce genre a les mêmes formes que les précédentes Son corps est assez arrondi, sans être aussi épais que: celui de la grande sardine de Ile-de-France. La tête est petite et courte; la dorsale est plus triangulaire ; la pectorale courte et pointue ; lanale basse et longue ; la caudale fourchue. D. 13; A. 19, etc. Les écailles sont petites, rondes et tombent très- facilement. La couleur est un bleu d'acier, pale sur ‘le dos ; les flancs et le ventre sont argentés ; les na- geoires sont blanches; les deux pointes de la caudale sont colorées en noir très-foncé et qui tranche net- tement avec le reste de la couleur. + Nous possédons trois exemplaires parfaite- ment semblables de cette jolie espèce : ils. CHAP. VII. CLUPÉONIES. 351 viennent de la rade de Bombay et faisaient partie des collections formées par M. Polydore Roux. Cest, à n'en pas douter, l'espèce dont Commerson a laissé un dessin, si facile à re- connaître à l'exactitude du trait et aux deux taches noires de la caudale. Ce dessin a été gravé par M. de Lacépède' sous le nom de variété du Clupanodon Jussieu. Nous avons déjà expliqué à Particle de cette espèce la transposition du dessin représentant notre première clupéonie, à une espèce toute différente établie d'après Linné. La seconde transposition que M. de Lacépède fait ici est li conséquence de la première. Je n’ai trouvé dans les manuscrits de Commerson aucun texte qui $e rapporte à ce dessin ; mais l'espèce avait été certainement vue par Solander; car j'en lis une description reconnaissable dans ses ma- nuscrits sous le nom de Clupea otaitensis. :Parlant de la caudale, voici les expressions de ce grand naturaliste : Pinna caudeæ bifurca, apicibus loborum nigris. On l'a apporté sur le vaisseau de Cook sous le nom de Ænicoha. M. Cuvier, qui avait essayé de débrouiller la confusion de Lacépède, avait proposé le nom ‘de Clupea melanura*. J'aurais conservé cette A. Lac., t Vs pl. 11, fig. 8. 2. Règne animal, t. IE, p. 318, note n.° 2. 352 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. dénomination, si lillustre auteur du Règne animal avait fait ses citations avec exactitude et avait distingué d’une manière plus nette l'es- pèce dont il s’agit de notre Clupeonia Jussieur. La ŒOLUPÉONIE A BANDES. (Clupeonia vittata , nob.) Nous avons encore à ajouter une espèce qui avoisine les précédentes , non-seulement par ses formes, mais par la disposition de ses cou- leurs. na . Elle est distincte surtout par sa dorsale plus haute ; le museau est aussi un peu plus pointu; l’anale est très-basse. D. 15; A. 20, etc. Le dessus du corps est d’un joli bleu verdâtre azuré, au-dessous une bandelette verte sépare la couleur du dos de l’argenté nacré du ventre et des flancs. L’ex- trémité du museau est jaunâtre; la dorsale a les mêmes teintes ; l'anale et la ventrale sont un peu rembrunies ; la caudale est brune, avec une tache noire foncée à l'extrémité de chaque lobe. Cette tache se trouve séparée du brun de la base de la caudale par une bandelette verticale blanchitre. Ce petit poisson, long d'environ cinq pouces, vient de l'ile Vanikoro. Il a été rapporté par MM. Quoy et Gaimard lors du premier séjour qu'y fit M. Dumont d’Urville CHAP. VII. CLUPÉONIES. 353 La Cruréowie DE BLocx. (Clupeonia Blochü, nob.) Bloch a représenté, dans sa grande Ichthyo- logie, à la planche 405, un poisson qui appar- tient probablement à notre genre Clupéonie, autant du moins que la distribution des cou- leurs peut faire croire à cette aflinité; car nous n'avons pas vu le poisson. Il le représente beaucoup plus large que n’est die corps de nos autres Clupéonies, puisque la hauteur . fait à peu de chose près le tiers de la longueur to- tale. Le ventre a de fortes dentelures, semblables à celles de nos Pellones ; mais la brièveté de l’anale et la position des ventrales la font distinguer de ce genre. Ce poisson aurait. le dos rembruni, les flancs rayés de dix à douze lignes longitudinales ; jaunes et le ventre argenté. La dorsale, jaune, a une large bordure noire et une tache triangulaire de la même couleur, peut-être un peu moins foncée, au pied des sept premiers rayons de cette nageoire. La. cau- dale a la base jaune; toute la moitié externe est noire. Les PES un peu plus pâles que la dorsale ou la caudale, n’ont aucune tache. Les ventrales et l’a- nale sont jaunes très-päles. Telles sont les couleurs dont Bloch a enlu- miné son poisson. Il l'avait reçu de Tranquebar par Îles soins de John, sous le nom tamoul de Poyken ou 20. 23 5h4 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. de Namalay. Ge missionnaire lui écrivait que ce poisson atteint la longueur de dix pouces; qu'il vivait dans la mer et entrait dans Îles rIVIÈTES ; qu'il frayait au mois de mars et d'a- vril; qu'on le péchait en tout temps, mais que ceux que lon prenait en mal : , juin et juillet étaient meilleurs que les de pris dans les autres mois de l’année. Voilà, ce me sem- ble, tout ce que l’on peut rapporter, dans l'ar- ticle de Bloch, à Pespèce qu'il a figurée. Cet ichthyologiste a pensé, mais je ne sais en vérité sur quel fondement, quil pourrait reconnaître dans ce poisson le Clupea sinensis de Linné, qui paraît pour la première fois dans la dixième édition, et qui a été repro- duit sans changement jusque dans la trei- zième, et avec un caractère tellement vague, qu'il me paraît tout à fait impossible aujour- d'hui de déterminer l'espèce linéenne , à moins que l’on ne retrouve l'original de Linné. Bloch, en rapportant sôn poisson au Clu- pea sinensis, à ajouté à sa description une synonymie complétement fausse, car le Æa- rengus minor indicus de Willughby* est un poisson tout à.fait différent et dont nous avons déjà parlé à l'article de la Sardinelle de Nieu- 1. Will, Ichthyol., append., p. 2, t. I, fig. 2. CHAP. VII. CLUPÉONIES. 3h55 hof (S. Neuhowii), de sorte que tout ce que Bloch dit des habitudes de ce poisson et qu'il a tiré de l'auteur hollandais que nous venons de citer, devait naturellement s'appliquer à une espèce toute différente. Ce que je ne sais pas découvrir, c'est la source où Bloch a puisé l'assertion que son espèce Clupea sinensis se trouvait à la fois sur les côtes de l'Asie et de l'Amérique. © M. de Lacépède, qui n'a pas pris la peine de rechercher ces erreurs de Bloch; a fait dans cette circonstance, comme il ne lui est arrivé que trop souvent; il‘ lès a reproduites dans un langage d'autant plus trompeur, qu'il l'a embelli de toutes les harmonies de son style, en insérant cette espèce dans son genre des Clupanodon. Il résulte de cette discussion que le Clupea sinensis de Linné doit être rayé de nos catalogues ichthyologiques, que le Clup. sinensis, figuré sous ce nom par Bloch, est une espèce différente de celle de Linné; que le Clupanodon sinensis de Lacépède doit être aussi rayé de nos catalogues ichthyolo- giques, puisqu'il repose d'une part sur tout l'échafaudage. si fautif de Bloch, et que la figure donnée sous le nom de variété du Clupanodon chinois, appartient à une tout autre espèce. 356 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. CHAPITRE VIIL Du genre SprATELLE (Spratella ). Nous avons vu que tous les os de linté- rieur de la bouche du White-Bait sont hé- rissés de petites dents. Le vomer est devenu lisse dans les Harengules, les Pellones et les Pristigastres. Les différences notables dans la position des nageoires et dans l'anatomie de ces trois genres, ont assis leur caractère. Dans les Clupéonies, les ptérygoïdiens et la langue portent seuls quelques dents. Les poissons que nous réunissons sous le nom de Spra- telle , nous offrent une nouvelle combinaison qui semble servir de lien à celles observées précédemment et que nous venons de rap- peler, et à celles des‘genres dont nous ferons l'histoire dans les chapitres suivants. Nos Spra- telles n'ont de dents à l'intérieur de la bouche que sur les palatins et sur la langue. Nous en avons trouvé une petite espèce parmi le nom- breux petit frétin de clupées pullulant sur nos côtes de Calvados; la seconde vient des mers de l'Inde. CHAP. VII. SPRATELLES. 357 ù * La SPRATELLE NAINE. (Spratella pumila , nob.) La petite Spratelle de nos côtes de Nor- mandie a la forme de nos harengs ou de nos Sprats ; elle est cependant un peu plus allongée ; ; car la lon- gueur totale contient presque six fois la hauteur. La tête, un peu plus longue que cette dernière me- sure, est triangulaire, a le museau pointu, et n’est comprise que quatre fois dans la longueur du corps, la caudale exceptée, et, avec cette nageoire elle y est quatre fois et deux uers. La mâchoire supérieure est, comme à lordinaire, un peu plus courte que l'inférieure : il a des dents sur la langue et sur les palauns seulement ; les autres os sont lisses. Je ne Vois ni stries ni veinules sur lopercule, ni sur les autres os de la : joue. La dorsale est reculée sur la seconde moitié du corps; les ventrales répondent à son premier rayon ; l’anale ‘est basse. B. 6; D. 16; À. 18; C. 25; P. 14; V. 7. Les écailles devaient être fort petites. L’exemplaire que j'ai eu sous les yeux les a toutes perdues. Les pièces de la carène du ventre sont tranchantes et leur pointe est très-aiguëé; mais les côtés du che- vron sont beaucoup plus courts que ceux des autres espèces voisines : nous en comptons trente - trois. La couleur est un bleu plombé , foncé au-devant de la dorsale, plus pale et plus fondu sur la queue; 358 | LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. les flancs, le ventre et les joues brillent du plus bel éclat d'argent mât. Je vois sur la dorsale et la cau- dale un fin sablé noirâtre qui rend ses nageoires un peu grises ; les autres sont blanches ou jaune pâle. J'ai vu un petit nombre d'exemplaires de ce joli petit poisson bien nettement caracté- risé : il est long de trois pouces et demi. On la pêché sur les côtes du Calvados, non loin de Caen. Il ne serait .pas impossible que Du- hamel ait représenté cette espèce sous le nom de Harenguette de Caen. Ce qui est certain, c'est que la Harenguette de Duhamel n’est pas de la même espèce que ces Harenguettes qui nous sont venues en très-grande quantité de ce même lieu, et que nous avpns reconnues, par l'examen de la dentition, être ceftaine- ment de jeunes harengs. Les Blanquettes du même lieu, et que l’on pêche avec ce petit fretin, est notre Æarengula latulus. C'est, comme nous l'avons dit, très- probablement la menuise de EN de sorte que je ne vois dans Duhamel: que sa Harenguette qui puisse être rapportée à notre poisson. 1. Duhamel . Dre S. 411, » pl. 16, fig. 9 CHAP. VII. SPRATELLES. 359 La SPRATELLE FRANGÉE. (Spratella fimbriaia , nob.) La seconde espèce de ce genre paraît, d’a- près les notes que nous à communiquées M. . Dussumier, être une de ces clupées abondantes sur la côte malabare, qui y rend les mêmes services que la sardine en Europe. Ce poisson, de forme élégante et régulière, a le ventre un peu plus arqué que le dos; le corps vu de profil, se présente comme une ellipse allongée, dont la plus grande hauteur se mesure à la racine du pre- mier rayon de la dorsale ; elle est contenue quatre fois et trois quarts dans la longueur totale ; l’épais- seur n’est que le tiers de la hauteur. La tête est courte, un peu plus petite que le cinquième de la longueur du corps entier. L’œil est sur le haut de la ioue, de grandeur moyenne, et recouvert par une paupière adipeuse très-marquée. La bouche est pe- ute; la mâchoire supérieure est un peu plus courte que l'inférieure : il n’y a.pas d’échancrure entre ies deux intermaxillaires. Les dents sont d’une pettesse excessive, c’est à peine si on en sent à la mâchoire inférieure ; il y en a de petites sur les palatins et sur . une petite bande longitudinale dans le milieu de la langue. Le préopercule est grand ; son bord posté- rieur est droit et vertical; il descend jusqu’à l’inser- üon de la pectorale. Lopercule et le sous-opercule forment ensemble une grande plaque rectangulaire, dont l'angle touche presque à l'aisselle de la pectorale. 360 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. On ne voit que queues veinules sur la surface de ces os; mais il n’y a point de véritables stries. La membrane branchiostège est tronquée en arrière et fortement entaillée. La dorsale est courte, ses der- niers rayons Sont un peu prolongés, ce qui rend le bord libre, tout à fait concave. Les écailles forment une ranure dans laquelle se trouvent cachés presque en entier les derniers rayons. L’anale est très-basse ; la caudale est fourchue; les ventrales et les pectorales petites : elles ont dans leur aisselle des écailles rele- vées, qui forment aussi une petite carène sous la- quelle elles peuvent s'appliquer. B. 6; D. 20; A. 20,:1C:25 PGA SE Les écailles sont serrées et fortement imbriquées ; la portion radicale est de beaucoup plus grande que la portion libre ; sa surface a quatre ou cinq fortes stries verticales ; le bord libre et frangé ; le milieu fait une sullie He et également frangée. La cou- leur est verdâtre sur le die avec quelques reflets dorés ; les flancs, le ventre et les opercules sont ar- gentés à reflets 1risés et nacrés. La carène du ventre se compose de pièces assez larges, très - fortement imbriquées, et ne donnant en arrière qu’une pointe courte, peu saillante, de sorte que la dentelure du ventre est plus sensible au tact qu’ellg n’est facile à apercevoir. Le Nos individus ont tous six pouces de Fe gueur : ils viennent de la côte de Malabar, d'où ils ont été rapportés par M. Dussumier. Nous trouvons dans les notes de ce voya- . CHAP. VIII. SPRATELLES. 361 geur que ce poisson, désigné sous le nom de Sardine, est fort bon; son goût est à peu près le même que celui de la sardine du golfe de Gascogne; l'espèce indienne est cependant moins grasse. De passage sur la côte malabare pendant la mousson du N. E., elle y est très- ‘abondante et sert à alimenter les pauvres In- diens; ils en obtiennent pour la valeur d'un sou, une quantité suflisante pour nourrir toute leur famille, en y mêlant du riz. On prétend que ce poisson contribue beaucoup à faire naître les maladies cutanées qui tour- mentent les habitants pauvres et malheureux de cette côte. L’abondance de cette sardine pourrait offrir. des ressources pour la mauvaise saison, si les Indiens savaient la préparer de manière à’ la conserver comme nous le faisons en Europe; mais ils ne savent pas la préparer parce que le corps est trop gras pour être séché, et qu'ils n'ont pas les moyens de le priver de son huile. Il est à remarquer que ce poisson, qui ar- rive périodiquement et régulièrement sur la côte, a manqué deux saisons de suite vers 1822 et.1823. C'est ce que nous observons sur nos côtes pour les harengs et nos sardines. 362 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. CHAPITRE IX. Du genre Kovaz (Kowala). Voici encote une nouvelle combinaison dans la disposition des dents des clupéoïdes. Il y en a dans ces espèces de petites dents sur Les mâchoires et sur les ptérygoïdiens seulement. Je n'en ai pas vu sur la langue, sur le vomer ni sur les palatins. Du reste, pour l'ensemble des formes, pour la carène du ventre, et à peu de chose près, pour les couleurs, ces petits pois- sons ressemblent à tous les précédents. On n’en possède que deux espèces dans la collec- tion du Jardin des plantes. Il me paraît hors de doute que l'une de ces deux espèces est le poisson figuré par Russell sous le nom de Kowal. J'ai étui cette expression pour en faire la dénomination de ce pets groupe. Le KOVAL ALBELLE. (Æowala albella, nob.) Ce petit poisson a le corps elliptique, le dos épais et un peu arrondi, le ventre comprimé et tranchant; la hauteur est trois fois et demie dans la lon gueur tubes la tête est courte, du cinquième de cette même longueur; les ventrales CHAP. IX. KOVALS. _ 563 répondent au milieu de la dorsale; celle-ci est tra- pézoïidale, l’anale est basse, la caudale fourchue. B. 6; D. 19; À. 23, etc. Les écailles carénées du ventre sont petites, et les côtés du chevron sont étroits, de manière à ne former qu’une très-faible cuirasse à la manière de celle de nos blanquettes. La couleur est un argenté très-bril- lant avec des teintes bleuâtres, rembrunies sur le dos. Sous certains reflets on aperçoit quelques lignes longitudinales grises. Nous avons deux exemplaires de cette es- pèce : ils sont longs de trois pouces et demi. L'un d'eux a été rapporté de Pondichéry par M. Leschenault; l’autre, pris dans la même rade, faisait partie des collections de M. Reynaud. - Nous trouvons dans les notes manuscrites du premier de ces voyageurs un nom malabare assez semblable à celui que Russell a indiqué pour son espèce. En effet, M. Leschenault a écrit Kapalé. Ce poisson ne parvient pas, sui- vant lui, à plus de cinq pouces de longueur. Il dit qu'on le pêche abondamment dans la rade de Pondichéry et dans les étangs salés du voi- sinage : il est bon à manger. | Le KOVAL CUIRASSÉ. (Kowala thoracata , n0b.) Nous trouvons dans les collections rappor- tées par M. Bélanger des exemplaires malheu- 364 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. reusement mal conservés d’une espèce de koval, bien différente cependant de celle que nous venons de décrire. Elle s’en distingue par la force des pièces de la carène du ventre; non-seulement les dentelures sont formées par de fortes épines de la pièce moyenne, mais les côtés du chevron sont hauts et larges de manière à les toucher, comme dans les Pellones. La ressemblance est si grande que, ne faisant pas atten- üon d’abord à la brièveté de lanale et à la position des ventrales, j'avais placé ce poisson comme une espèce de pellone. D'ailleurs, ce poisson a la tête courte, comprise cinq fois dans. la longueur totale. La hauteur du tronc fait le quart de cette même mesure. La dorsale est petite et triangulaire ; l'anale est basse. D. 17; A. 22, etc. Je ne puis rien dire, avec quelque degré d’exacti- tude, des couleurs de cette espèce; cependant il me paraît qu'une large bandelette argentée était étendue depuis l’ouie jusqu’à la caudale, et se dessinait sur la portion colorée du dos et des flancs. Le ventre seul a conservé un éclat argenté, que l’on retrouve aussi sur les côtés de la tête. Il vient, comme le précédent, de la rade de Pondichéry. Nos exemplaires sont longs de quatre pouces. C'est le poisson qui me parait se rapprocher le plus de celui que Russell a indiqué sous le CHAP. IX. KOVAES. * 1885 mom de Xowal ou de Kowarloo". Il a remar- qué, comme nous, que le palais, la langue et les nageoires sont lisses et sans dents; il compte, _à la vérité, le nombre des nageoires un peu différemment, quoiqu'ils soient très-rappro- chés. Il indique la couleur, changeant en vert et en bleu, sur le dos comme sur les côtés; la dorsale et la caudale sont bordées de noir. La plus grande taille de ce poisson est de cinq pouces et demi. Quand il est frais, sa dé- licatesse égale celle du hareng d’ Hacad si elle ne lui est pas supérieure. IL paraît sur la côte de Vizagapatam, au mois de mars, mais c'est dans l'été qu'il y est le plis abondant. On le prépare à la manière de nos sardines. Les pêcheurs de Madras le nomment Xanwalr. PR Cest très-probablement le Clupea Kowal de la Faune japonaise de MM. Temminck.et Schlegel?, quoiqu'ils ne donnent que dix-neuf rayons à l'anale. Ce poisson a pour nom japo- nais Zunasi. On le mange, salé et séché, dans tout l'empire de Japon. 2 nn ee à de à de 1. Russel, Corom. fish, pe 10m 86, pl. 86. 2. ét et Schl., Faun. jap. ms page 235, pl. 107, fig. 1. 366 . LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. CHAPITRE X. Du genre Mererre (Meletta ). Après toutes les combinaisons de dents implantées sur les diverses pièces de la bouche d'une clupée, il nous restait encore à épuiser celle-ci. La nature nous la montre sur plu- sieurs espèces. La dentition est-réduite à une bandelette d’aspérités sur la langue seulement. Nous arrivons donc peu à peu à l'absence complète de dents que les aloses présentent comme caractère. Nous trouvons des espèces de ces petits poissons sur nos côtes de l'Océan ou de la. Méditerranée, et une grande et belle espèce, que l'on confondrait facilement avec les alo- ses, vit dans les eaux douces de l'Amérique septentrionale. La MELETTE COMMUNE. (Meletta vulgaris, nob.) Nous trouvons aussi parmi nos petites clu- pées une espèce qui a le corps allongé; car la hauteur du tronc est comprise cinq fois et un tiers dans la longueur to- tale. Portée sur la tête, cette hauteur atteint jusqu’au CHAP. X. MELETTES. 367. bord du préopercule seulement : la tête est par con- séquent longue; elle mesure un peu moins du Hurt de la longueur totale. L’œil est assez grand..Il n’y a aucune strie sur l'opercule ni sur les autres pièces de la joue. La mâchoire inférieure dépasse un peu la supérieure. Nous ne voyons de dents que sur l'extrémité de-la langue. Nous avons examiné avec le plus grand soin les différents os du palais; il nous a été impossible de découvrir une seule dent sur le vomer, les palatins ou les ptér ygoïidiens. Les na- geoires sont placées à peu près comme dans les harengs; cependant, quand on oùvre la ventrale, on voit qu’elle est insérée un peu au-devant de la dor- sale : l'anale est très- basse. IL faut remarquer avec soin que, dans ces melettes, le bord de la fente de. l’ouie est parfaitement régulier ; que la membrane branchiostège ne fqt pas au-dessous cette saillie qui forme cette espèce de troncature ou de grande en- taille, si caractérisée dans la sardine et un grand nombre d’autres clupées, et dans laquelle s’insère en quelque sorte la pectorale. Le bord de l'opercule seul a vers le haut une fable sinuosité rentrante. B. 1; D. 18; À. 20;,C. 25: P. 14; V. 7. Les écailles sont excessivement minces, et n’ont . d’autres stries que celles de l'accroissement; comme dans toutes les autres clupées, elles tombent très- facilement. La couleur, devenue bleue sur le dos après la mort, reste d’un argenté irès- brillant sur tout le reste du corps. Les nageoires sont un peu jaunâtres. L’exitrémité du museau est noire, et me parait plus fortement colorée que dans beaucoup 368$ ‘LIVRE XXI. CLUPÉOIÏIDES. = d'autres petites clupées. La carène du ventre est très- aiguë; elle a trente et un chevrons assez pointus. Je crois avoir indiqué, autant qu'on peut le fure par des paroles, les principaux traits caractéristiques de ces melettes, qui se distinguent presque unique- ment de toutes les autres clupées par la denution. Nous avons compté les vertèbres; 1l y, en a quarante- sept. Ce nombre est très-différent de celui des jeunes harengs, qui est de cinquante-six, de nos blan- quettes qui en ont quarante-quatre ; mais il se rap- proche de celui du sprat qui en a quarante-huit ; mais les sprats ont des dents sur les palatins. Nos plus grands individus n'ont que trois pouces et demi. Ces petites melettes me paraissent très-fré- quemment tourmentées par une espèce de Lernée qui s'attache à leurs yeux, sur le dos ou indifféremment sur d'autres parties du COTps. Élles nous sont venues en grand nombre de La Rochelle par les soins de M. d'Orbigny. Nous avons été assez heureux pour retrouver * ce poisson parmi de jeunes harengs que MM. les docteurs Eudes Deslongchamps ét Four- neaux nous ont envoyés de Caen. M. Cuvier les a confondus avec le harenguet ou avec le sprat. En examinant avec soin les planches de Quhamel, nous croyons reconnaîtré notre CHAP. X. MELETTES. 369 espèce dans la figure qu'il a donnée sous le nom de Melette. La MELEITTE DE LA MÉDITERRANÉE. (Meleita mediterranea , nob.) Nous avons recu de la Méditerranée, sous le même nom de Melette, un petit poisson que l'on confondrait aisément avec le précé- dent, et à plus forte raison avec les autres’ petits clupéoïdes dont nous avons précédem- ment parlé, si lon ne faisait attention au ca- ractère que nous tiron$s de sa dentition. Celle-ci, en effet, n’a de dents que’ sur la langue : voilà ce qui en fait üne melette. Elle se disingue de : la meletie vulgaire, parce que ses dents sont im- plantées sur une ligne lopgitudinale aussi longue que le corps de l'os lingual, tandis que dans les nom- breux individus de melette vulgaire, nous n’avons trouvé de dents qu'à l'extrémité de là langue. Ce peut poisson nous paraît d’ailleurs avoir le corps plus trapu, le dos plus arrondi, la tête un peu plus allongée. La membrane branchiostèse fait, avec le sous-opercule, cette échancrure si fréquente dans ‘les sardines et plusieurs autres clupéoïdes; mais ces, légères différences ne nous auraient pas paru assez grandes pour en faire des caractères spécifiques, si 1. Duhamel, Pêches, 2.° partie, $. 8, pl. 16, fig. 6. ‘ 20. | 2/4 370 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. nous n’en avions trouvé de plus importants dans la dentiion. B. 7; D. 18; A. 18; C. 25; P. 14; V. 9. Les couleurs de ce petit poisson ressemblent. à celles de tous ses congénères ; mais les écailles sont plus fortement striées, elles ont surtout trois fortes stries verticales, dont on ne voit aucune trace dans la melette commune. Le Cabinet du Roi en possède des individus qui ont été envoyés de Toulon par M. Banon, et de Marseille par M. Roux. La MELETTE DU SÉNÉGAL. (Meletta Senegalensis, nob.) Cette petite espèce du Sénégal est très- distincte des deux précédentes par sa forme élargie. 1 ve La hauteur est un peu moins de quatre fois dans la longueur totale. La tête est grosse et haute; les dents linguales sont très-petites et vers le fond du gosier; la dorsale est assez haute et assez large; les rayons des nageoires sont un peu différentes. B. 7; D. 18; À. 22; C. 95; P. 163 V. 8. Le dos est bleu ; le ventre est argenté ; les nageoires sont brunes; le bord de la dorsale et l’extrémité de la caudale sont mème un peu noirâtres, Ces poissons n’ont que trois pouces : ils nous ont été envoyés du Sénégal par M. le CHAP. X. MELETTES. 371 contre-amiral Jubelin, qui a été gouverneur de cette colonie. 161) ARE La MELETTE D'AUTOMNE. (Meletta malo wWacca ; Clupea matowacca, Mitch.) Le Matowacca, que les Américains des États-Unis appellent aussi Jareng d'automne ou Hareng-alose, a effectivement une forme allongée, qui tient un peu de celle du hareng, en même temps qu'elle rappelle un peu celle de l'alose. Les taches qu'elle porte sur les flancs ajoutent encore à la ressemblance qu’elle a avec ce dernier poisson. | Le corps est en général allongé, à profils du dos et du ventre à peu près également convexes. Je trouve dans un individu que la hauteur est comprise quatre fois et demie dans la longueur totale, tandis que dans un autre elle n’y est que quatre fois et un tiers, Ces légères différences, plus visibles à l'œil que grandes au compas,. dépendent très -probablement de l’état de plénitude du poisson. La tête est courte, un peu plus longue que le cinquième de la longueur totale, Comme dans la plupart de nos autres clupées, la mâchoire inférieure dépasse la supérieure; celle-ci a une assez forte échancrure; l'œil est recouvert par des paupières adipeuses assez épaisses, et ces mem- branes muqueuses s'étendent sur presque toute la joue : si on les enlève pour mettre les os à nu, on _trouve un préopercule très- grand, arrondi en des- 372 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. - . sous et vers son angle, cachant presque en entier l'interopercule, un opereule à à surface profondément strié et un sous-opercule rhomboïdal. Nous ne trou- .vons de dents que sur la langue; elles sont disposées sur une bande étroite, longitudinale, et aussi faciles à voir que sensibles au toucher. La pectorale est uiangulaire, pointue ; la ventrale, petite, répond au septième rayon de la dorsale : celle- ci est de mé- diocre grandeur, irrégulièr ement trapézoïdale, trois : _ fois plus haute de l avant que de l’arrière. La caudale est fourchue et couverte en grande partie de petites écailles. | D. 18 (Dekay n’a dit que 1); A. 20; C. 29; P. 16; V. 9. Celles du corps sont minces, très-largement imbri- quées ; aussi sont-elles assez persistantes. Les pièces de la carène abdominale sont au nombre de trente- six ; les côtés du chevron sont grêles et élevés ; l’épine est courte. La couleur est un vert foncé sur la parue dorsale, passant au jaune sur le haut des flancs et se fondant dans l’irisé bleuâtre des flancs, qui sont fortement argentés. Des séries de points noirs for- ment une douzaine de petites lignes longitudinales, dont les traces se conservent très-bien sur le pois- son gardé pendant longtemps dans l'alcool. Lorsque les écailles sont tombées, on aperçoit une série de cinq à six taches bleuâtres foncées sur, le haut des flancs : la tache de l'épaule est plus grande et plus grosse. La dorsale et la caudale sont dan brun oli- vâtre plus ou moins foncé. L'individu que j'ai ouvert était un mâle dont les laitances étaient presque entièrement vides. L'examen CHAP. X. MELETTES, 573 du canal digesuf n’a fait voir que l’œsophage est large et court , que l'estomac est un sac conique, obtus à son extrémité. Ce viscère atteint près des trois quarts de la cavité abdominale ; sa branche montante est aussi courte que l’œsophage et remonte jusque sôus le diaphragme. L’intesun a ses paroïs minces et ne fait guère que deux replis ; le duodénum est garni de chaque côté de très-nombreuses appendices cœ- cales disposées sur deux rangs, mais en nombres inégaux ; 1l n’y en a guère que dix ou douze du côté gauche, tandis qu’à droite il y en a trente-six au moins. Ces cœcums sont grêles et longs. La commu- nication de l'estomac avec la vessie aérienné se fait par un canal étroit qui remonte obliquement de l'estomac vers la vessie, en naissant tout près de la pointe, mais en n'étant pas, comme dans notre alose ou comme dans le hareng, dans la direcuon de l'estomac, et n’ayant pas l'air par conséquent d’en former le prolongement. La vessie elle -mème est très-grande, presque cylindrique, terminée en pointe seulement aux deux extrémités. L’estomac était rem- pli de peuis poissons, parmi lesquels nous avons facilement reconnu du frai de muge. L'exemplaire qui a servi à cette descrip- tion, est long d’un pied : il a été pris à l'em- bouchure de la rivière d'Hudson; il a été donné au Cabinet du Roi pär M. le comte de Castelnau. : | L'espèce me paraît occuper une grande étendue aux États-Unis, puisque M. le doc- 374 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. teur Dekay la décrite parmi ses poissons de New-York, et que nous en avons recu des exemplaires de Charleston, de la Caroline du sud, par M. le docteur Holbrook. La MELETTE VEINÉE. (Meletta venosa, nob.) Nous avons recu des mers de l'Amérique septentrionale une autre melette dont le corps est plus trapu, la tête plus large et plus courte que celle du matowacca. . La hauteur du tronc est un peu plus longue que la tête, et est comprise quatre fois et un quart dans : la longueur totale. L'œil est tout à fait sur le haut de la joue : il est assez grand. Je ne vois pas de: stries sur les opercules; mais une espèce de peau adipeuse qui les recouvre, en s’avançant jusque sur le globe de l'œil, est traversée par de nombreux vais- seaux muqueux dessinant sur la joue des veines très- . rapprochées. Il n’y a de dents que sur la langue, Les nombres sont : B. 1; D. 11; À. 18; C. 25; P. 163 V. 9. Ce poisson parait avoir quelques rayures longi- tudinales perdues dans la teinte rembrunie du dos ; les flancs sont argentés; la dorsale et la caudale sont brunâtres ; l’anale est plus pâle; les nageoires paires sont jaunâtres. ” Nos exemplaires ont cinq pouces et demi CHAP. X. MELETTES. 375 de long : ils ont été envoyés de New-York par M. Milbert. “ « La MELETTE DE LESUEUR. (Meletta Sucrii, nob.) *: Le naturaliste, auquel nous dédions cette espèce, nous a envoyé deux individus qu'il avait pris dans le Wabash, l'un des grands affluents du Mississipi : elle ressemble, par sa forme trapue, par son dos arrondi, à notre petite melette de Toulon. . La hauteur du tronc est Dar à celle de la tête, et elle est comprisé quatre fois et demie dans la longueur totale. Les dents sont sur le devant de la langue. ” D: A. 21 C 0 MT SV La couleur est roussâtre sur le dos, argentée sur le reste du Corps : les nageoires paraissent jaunûtres. Nos individus ont trois pouces et quelques lignes de longueur. La MELETTE 4 MUSEAU OBTUS. ir obtusir OStriS ; nob.) Nous trouvons aussi des melettes ue les mers de l'Inde. Celle que nous ferons con- naitre en premier 876. LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. est remarquable par la grosseur de la tête, dont le front est convexe et-dont le museau est gros et obtus. La mâchoire inférieure dépasse très - peu la supé- rieure. L'œil est en partie caché sous une adipeuse épaisse qui couvre presque toute la joue : : cette mem- brane n’a presque pas de veinules ; mais sa surface est recouverte d’un nombre ESS de petites granulatüons très-fines, qui pourtant s’aperçoivent bien à l'œil nu. Il y a une échancrure sur le haut de. lopercule; la membrane branchiostège est coupée : carrément sous linteropercule; la pectorale est in- sérée sous la tête de manière à toucher au sous-oper- cule; la ventrale répond au milieu de la dorsale; l’anale est très-basse. D. 17; A. 18 , etc. Les écailles sont grandes et fortes, assez adhé- rentes; elles ont trois ou quatre stries verticales sur la racine. La couleur, verdàtre sur le dos, est ar- gentée sur le reste du corps. Ce poisson est très-abondant aux SÉHUIRE : | M. Dussumier nous en a rapporté de nombreux exemplaires qui ne dépassent pas six pouges : on y nomme l'espèce Sardine. La Mezerre DE LA NouvEeLLE-HOLLANDE. (Meletta Novæ Hollandiæ , nob.) Nous retrouvons de ces melettes jusque sur les côtes de la Nouvelle-Hollande. Cette espèce me parait avoir le corps plus allongé CHAP. X. MELETTES. : 377 que. celles décrites précédemment ; elle ressemble davantage à la melette vulgaire; elle a, comme celle-ci, la fente de l’ouie courbe et régulière, sans que la membrane branchiostège soit coupée carrément sous la gorge. D. 18; A. 19; C. 25: P. 16; V. 1. Les écailles sont caduques et n’ont pas de stries. La couleur est d’un gris bleuâtre sur le dos, argentée 5 sur les flancs et le reste du cor ps.* L'espèce à été rapportée du port Jackson par MM. Quoy et Gaimard, ‘de l'expédition commandée par M. Eat La MELETTE VENIMEUSE. (Meletta venenosa, nob.) Cette espèce a le: corps trapu; les flancs assez arrondis. La hauteur, à peine supérieure à la lon- gueur de la tête, est contenue quatre fois et un. quart dans la longueur totale. La dorsale a le bord un peu concave. L’anale est courte et basse. Le museau est gros, obtus. La mâchoire inférieure un peu relevée; la mâchoire supérieure est large. «D. 18; À. 18; P. 8; V. 15. Les écailles sont petites : on en compte, quarante- quatre entre l’ouie et la caudale. La couleur est un bleu verdâtre sur le dos, avec quelques traces de lignes longitudinales plus ou moins effacées. Lés flancs sont argentés. Le bout du museau est noir; il y a aussi une petite tache noire à l'extrémité supé- 378 LIVRE XXI: CLUPÉOÏDES. rieure des premiers rayons ‘de la dorsale. La caudale est jaunâtre; les autres nageoires sont incolor es. Nos plus grands. individus sont longs de cinq pouces. Ils ont été rapportés des Séchelles par M. Dussumier, qui nous apprend par les notes recueillie$ sur les lieux, que cette espèce a la chair venimeuse : les personnes qui en man- gent sont prises de vomissements, qui attei- gnent quelquefois une telle gravité, que l’on a vu des personnes y succomber. Il faut avoir bien soin de distinguer ce poisson d’une autre espèce que l'on pêche en très-grande ‘abon- dance dans la même rade, qui y est aussi estimée , et y rend les mêmes services que nos sardines. Cette espèce me paraît d’ailleurs répandue dans la mer des Indes; car M. Le- guillon, chirurgien à bord de la corvette la Lélée, en a rapporté un assez grand nombre d'exemplaires qu'il a pris pendant la campagne de l'amiral Dumont d'Urville. La MELEITE LILE. (Meletta lile, nob.) L] Cette espèce est remarquable “par son venire tranchant, dont le profil est très- concave, tandis que celui du dos est presque droit. CHAP. X. MELETTES. 379 La plus grande hauteur se mesure un peu en avant de la dorsale, et elle est comprise trois fois et deux tiers dans la longueur totale. L'épaisseur n’est pas tout à fait le quart de la hauteur. La tête est petite, sa longueur est comprise cinq fois et demie dans celle du corps entier. La bouche est petite; la mà- choire inférieure dépasse de très-peu la supérieure. . Je ne sens pas de dents sur la mâchoire supérieure, mais.je crois qu'il y en a de très-petites sur l'in- férieure. La langue en a aussi une bandelette longi- tudinale, Les ventrales sont petites et insérées sous l’aplomb du premier rayon de la dorsale. Cette na- geoire est quelque peu écailleuse, et je fais la même remarque sur la caudale, qui est fourchue. Nous n'avons compté que cinq rayons à la membrane branchiostège. + D25 DLL SARA CN ASP NAS VAT Il y a quarante rangées d’écailles le long des flancs : elles tiennent beaucoup plus fortement que dans la plupart des autres clupées. Dans l'alcool, le poisson parait rouX avec une bandelette argentée le long des flancs. Les opercules et la carêne du ventre ont ce même brillant métallique. La caudale est bordée de noir; mais M. Dussumier, qui l’a vu frais, nous dit que la plus grande partie du corps est d’un blanc transparent; que la ligne latérale est opaque et marquée par une bandelette argentée à reflets de nacre rosé. Ces reflets sont dus à la bor- dure rose des écailles de cette partie du corps, mais on n'aperçoit rien de semblable sur le dos. Toutes les nageoires sont blanches, transparentes, à Rep uon de. La caudale. 380 LIVRE XXL CLUPÉOIDES. La taille varie de quatre à cinq pouces. Ce poisson est très-commun sur toute la côte malabare, où les pêcheurs l'appellent Cooba. M. Dussumier dit‘ qu'on mange ce poisson sur la côte, préparé en friture, de la même manière que nous apprétons nos gou- jons. L'espèce se trouve aussi sur la côte de Coromandel. Cest. de Pondichéry que nous avons recu ‘les premiers exemplaires par les soins de M. Leschenault. Le nom que porte ce poisson en langue tamoule est Matti-lile. Le CAILLEU TASSART. (Meletta thrissa, nob.) Nous allons décrire maintenant un de ces poissons qui prouvent combien l'examen su- perficiel d’un caractère artificiel peut causer d'erreurs en histoire naturelle. Quiconque examinera cette espèce, verra dans la forme générale du corps, dans célle de la tête, des mâchoires, une espèce voisine des Aoes ait l'examen devient plus minutieux, on retrouve la dentition des Melettes, avec lesquels ce ‘poisson a effectivement les plus grands rap- ports. Son caractère spécifique sera tiré du prolongement du dernier rayon de la dorsale. Que lon sen tienne seulement à ce signe CHAP. X. MELETTES. 381 extérieur, on réunira dans le même genre cette espèce de Melette à dorsale filamen- teuse avec d’autres poissons de la mer des Indes à ethmoïde proéminent, à mâchoire sans dents, et qui n’ont de commun ayec ce poisson que le prolongement sétacé du der- nier rayon de la dorsale. Si lon groupait ces poissons entre eux dans un même genre, il fau- drait y réunir aussi, pour être conséquent avec soi-même, les Mégalopes, qui sont cependant si edité quon na pas hésité à les séparer. L'étude de cette espèce est donc importante en ichthyologie; elle est une des preuves qui. fixent la philosophie de la science. Avant de discuter sa nombreuse syno- nymie, nous allons faire connaître les carac- tères de cette espèce abondante dans les mers d'Amé érique. Elle a le corps en ovale assez régulier. La hauteur, mesurée sous la dorsale, est le quart de la longueur totale. La tête est courte : elle est comprise cinq fois et un tiers dans cette même longueur. La mà- . choiïre supérieure est échancrée dans le milieu sans dents; l’inférieure dépasse un peu la supérieure, et elle est de même sans dents. Il n’y en a pas non plus au palais, mais la langue en porte quelques petites sur une rangée longitudinale; quoique pe- utes, leur présence est incontestable. La dorsale est insérée un peu en avant du milieu de la longueur LI 382 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. totale : ses premiers rayons sont six à sept fois plus hauts que’ les derniers, ce qui la rend pointue de l'avant; mais le dernier s’allonge en un long fila- ment, qui rappelle tout à fait ce que nous avons observé déjà dans le genre Mégalope et ce que nous retrouverons dans les Chatoessus. Ce rayon, dans quelques individus, atteint quelquefois tout près de la caudale, et il m’a pas tout à fait le tiers, mais les deux septièmes de la longueur totale du corps. L’anale est basse et peu étendue; la caudale est profondément fourchue; les nageoires paires sont petites. B. 6; D. 19; À. 23; GC. 25; P. 16; V. 8. La couleur de nos individus est verdâtre sur le dos, argentéé sur les flancs. Les nageoires dorsale et caudale sont vertes comme le dos; les autres nageoires Sont plus pâles. Une tache plus ou moins marquée, mais cependant facile à retrouver sur tous nos individus, existe sur l'épaule, et on trouve quelquefois des exemplaires qui ont une série de taches le long des flancs, de sorte que nous retrou- verions dans cette -espèce, relativement aux taches, des variations analogues à celles que nous avons ob- servées dans nos Aloses et dans d’autres Clupéoides. Nous avons recu de bons exemplaires de cette espèce, de New-York, par les soins de M. Milbert. M. Ricord l'a envoyée de Saint- Domiigue, M. Lherminier de la Guadeloupe, MM. Plée et Achard de la Martinique, et CHAP. X. MELETTES. 383 enfin nous la voyons s'avancer jusqu'au Bré- sil, d'où M. Delalande en a rapporté. Nous savons aussi, par un dessin de M. Poëéy, que l'espèce se trouve à la Havane où on l'appelle Machuelo: Cest, dit-il, l'espèce de la sardine la plus estimée, très-abondante principalement dans les forts. Sa chair est bonne et solide, étant peu mêlée d’arêtes. M. Lherminier l'appelle le Cazlleu-Tassart de la Guadeloupe; il dit que cette espèce. est bonne, mais un peu suspecte, parce qu’elle vit dans LS ports. La dénomination de M. Lherminier nous met sur la voie de recon- naître dans ce poisson celui que Duhamel’ a figuré sous ce même nom de Cailleu-Tas- sart, et qu'il avait recu de la même colonie par les soins de son correspondant, M. le conseiller de Barbotteau. Il est juste de dire cependant, que la figure faite par les soins du magistrat qui employait ses loisirs à l'étude de l'histoire naturelle, est fort exacte et par- faitement reconnaissable. Mais l'espècé avait été signalée aux naturalistes longtemps avant, d'abord par Brown dans l'Histoire de la Ja- maïque *, et peut-être aussi par Osbeckÿ; « 4. Duhamel, Traité des péches, $. 111, pl. 31, fig. 3 2. Brown, Nat. hist. of. Jamaic., p. 443. 3. Osbeck, Rase, p. 336. 384 . LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. mais il ne me parait pas probable que ce soit le Clupea thrissa des Aménités acadé- miques'. Il me semble hors de doute que l'auteur de ces descriptions n'aurait pas man- qué de signaler le prolongement du dernier rayon de la dorsale. Il y a d’ailleursfune autre présomption dé- duite de ce que tous les animaux décrits dans la thèse de Odhel viennent de la mer des Indes. Il résulte de ces observations, qu'on peut supposer que Linné a composé, dans la dixième édition, un C lupea thrissa, avec plu- sieurs espèces appartenant à des genres:diffé- rents, et cela devient hors de doute pour la di édition, où Linné y associe une espèce de la Caroline, qui lui était envoyée par Garden, et qui a trente-quatre rayons à l'anale. Bloch a aussi un Clupea thrissa, quil représente en copiant un dessin du P. Plumier. Il représente assez exactement notre espèce, appelée alex festucosus. Mais l'inscription, copiée par Bloch, semblerait prouver que cet observateur ou quelques habitants de la Martinique le confondaient avec le Mégalope sous le nom vulgaire de Savalle. D'ailleurs, la synonymie de Bloch est li même que 1. Amœn. acad., t. IN, p- 251, n.° 80. CHAP. XI. ALOSES. - 401 dans des détails minutieux pour le fure connaitre. Je dirai seulement que les frontaux sont beaucoup plus larges et plus écartés lun de Pautre en avant. Aussi la surface du crâne, derrière l’ethmoïde, est-elle beaucoup plus grande. Les tubérosités de Pethmoïde sont aussi plus écartées:, les frontaux postérieurs sont plus larges et plus PAT sur les côtés du crâne. Les grands trous sous-pariétaux et sus-mas- toïdiens sont beaucoup plus ouverts, mais la région occipitale est tout aussi QE crea fermée que dans le hareng. Les prolongements styliformes des mastoidiens Sont longs et pointus. On voit d’une manière beaucoup plus prononcée dans l’alose que dans le hareng, les deux grandes apophyses lamel- laires dans lesquelles se prolonge en arrière le sphé- noide, qui embrasse lé basilaire. De chaque côté de cet occipital inférieur on observe le canal pro- fond qui donne attache au ligament de la vessie, et il est facile de se convaincre sur l'examen de ces . pièces qu'il n’y a au fond de ce sillon aucune com- munication avec l'intérieur du crâne, et par consé- quent avec l'oreille. La colonne épinière est composée de cinquante- six vertèbres, dont les seize premières n'ont point d'apophyses réunies en V à la face inférieure. Les dix-huit premières apophyses épineuses sont dou- bles, parce qu'elles sont formées de deux stylets accolés ; chacun d’eux donne sur le côté une longue arête qui remonte entre les muscles vers la région dorsale. Les vertèbres qui suivent sont une apo- physe épineuse simple, dont la base ouverte en 20. 26 402 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. chevron forme, avec le corps de la vertèbre, le canal médullaire. Je compte au-dessous seize côtes pourvues chacune d’une arête horizontale qui naît au-dessous des arêtes de l’apophyse épineuse et au- dessous de ces côtes il y en a seize autres accolées aux premières, et qui, en se réunissant aux bran- ches des écailles en chevron du ventre, complètent l’arceau qui forme la cavité abdominale du poisson. Ces côtes sont suivies d’une double rangée , l’une supérieure, l'autre inférieure, d’arêtes pliées en che- vrons, et d’une autre double rangée d’arêtes bifides, au nombre de dix-huit chacune; c’est là ce qui explique le nombre considérable d’arêtes qui exis- tent chez l’'Alose. Ce à quoi il faut encore ajouter les nombreuses arêtes perdues longitudinalement dans les muscles derrière le crâne, et qui tendent à se réunir avec les interépineux de la dorsale, D’au- tres arêtes simples existent de chaque côté de la queue. Enfin, l’on trouve encore une suite de pièces en chevron le long de la ligne latérale. La description que je viens de donner a été faite d'après un individu complétement adulte. Mais il faut remarquer que les aloses, quand elles sont jeunes, n'ont pas encore perdu les dents de la mâchoire supérieure; qu'elles ont en outre une tache noire, placée un peu en arrière du scapulaire, et qui est quelquefois suivie de dix à douze autres, diminuant de grandeur à mesure qu’elles s'approchent de la caudale. Ces taches sont plus où moins mar- CHAP. XI. ALOSES. 403 quées, et le nombre en varie tellement que lon ne rencontre jamais plusieurs individus qui les présentent semblables par le nombre ou l'intensité du ton. Cest aux aloses pourvues de dents, et aux flancs plus ou moins tachetés que tous les naturalistes qui m'ont précédé, et sans en excepter mes plus illustres maîtres, ont assigné le nom de Feinte. J'ai suivi les différentes variations que pré- sente l'espèce de l'alose, telle que je létablis sur une comparaison de plus de cent individus rassemblés des divers points de l'Europe, et, comme je n'ai trouvé entre eux que des varia- tions resserrées dans des limites assez étroites, qui ne s'éloignaient pas plus les unes des autres que les variations des nombreuses races du hareng, je me crois parfaitement autorisé à con- clure, qu'il n’y a en Europe, et même autour de la Méditerranée, qu'une seule espèce, l'Alose commune. J'ai trouvé quelles boucliers épineux de la carène du ventre varient entre quarante- deux et trentè-sept, le nombre ordinaire me paraissant être trente-neuf. Les rayons de l'anale sont ordinairement au nombre de vingt; mais il y a des individus chez lesquels j'en ai compté vingt et un, sur d'autres vingt-deux, et enfin, un m'en a offert vingt-quatre. Les nombres de la dorsale me paraissent plus con- 464 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. stants, et le plus ordinaire est de dix-sept,. mais quelques. individus en ont jusqu'à dix- neuf. J'ai répété sur presque toutes ces variétés des anatomies, afin, surtout de m'assurer des caractères spécifiques qui pourraient établir une séparation entre l'alose sans dents ou l'alose vraie de Cuvier, et la feinte ou l'alose à maxillaires dentés. J'ai fait ces anatomies sur les nombreux individus que j'ai observés dans presque tous nos ports de la Manche ou de l'Océan septentrional. Cette étude de la splanchnologie ou du squelette :a confirmé de plus en plus l'identité et l'unité spécifique de. lalose d'Europe. | Outre les nombreux échantillons qui abon- dent aux marchés de Paris, et qui viennent ordinairement de la Seine ou de la Loire, jai eu soin d'examiner des aloses de différents âges à Dieppe, au Hävre, à Abbeville, au Crotoi et à Cayeux,. où j'en ai vu pêcher en. mer avec les Célans. Je lai aussi vu à Caen, à Cherbourg. M. Garnot en a envoyé de Brest, et M." Magin a eu la complaisance d'en rap- porter pour nous de Bordeaux. Jen ai des in- dividus qui n’ont que trois pouces, et quisont le produit du frai de ce poisson dans la Seine. J'en ai pêché quelques-uns entre l'ile Saint- Denis et Argenteuil; d’autres ont été pris à CHAP. XI. ALOSES. 405 Quillebœuf : je les dois à l'extrême obligeance de M. Pouchet, qui les avait reçus des pécheurs de Quillebœuf, sous le nom d'OFxllets : jen ai examiné plusieurs centaines d'individus. L'exa- men d'un aussi grand nombre m'a fait aisément reconnaître le facies de l'espèce. Je n'ai pas eu à ma disposition un moindre nombre d'exem- plaires péchés dans la Méditerranée ou sur son littoral. Ainsi, M. Delalande nous l'a rapportée des Martigues et de Marseille; M. le baron LRU de Chartrouse nous l’a envoyée d'Arles; M. Savigny l'a prise à Nice; M. Hollard dans le golfe de Gênes; MM. nu Boroméo et Mayor l'ont envoyée du lac Majeur pour le Cabinet du Roi. Le premier de ces naturalistes, accompagnant M. Ricketts, l'a fait pêcher pour M. Cuvier dans le lac de Como. Feu notre confrère, M. Bosc, nous en a donné de nom- brewgéchantillons cu lac Garda. Nous avons déjà eu occasion de citer les exemplaires que M. Geoffroy Saint-Hilaire a rapportés du Nil, et depuis lui, MM. Ehrenberg et Pariset nous en ont donné d’autres exemplaires pris à Alexan- drie d'Égypte. M. Virlet, l'un des naturalistes de l'expédition de Morée , se l'est procurée dans les eaux du Bosphore, et M. Guichenot, un des membres de l'expédition scientifique d'Algérie, en a rapporté plusieurs exemplaires #° . 406 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. pris dans la rade d'Alger. Mais nous avions eu, longtemps avant cette expédition, la preuve que cette espèce abonde sur la côte septen- trionale d'Afrique, au nord de l'Atlas, par les grands et beaux exemplaires que M. Maré- chaux, consul de France à Tunis, avait en- voyés du lac Biserte pour le Cabinet du Roi. Cette longue énumération prouve avec quel soin nous avons réunis ces nombreux exem- plaires. Parmi eux, je signalerai, pour nous fixer sur les caractères de l'espèce, un individu que j'ai pris dans la Seine au mois de juillet après le frai; il est considérablement amaigri. Sa hauteur est sensiblement diminuée, et il offre plus de différence avec une alose pleine, que les harengs pleins et vides n’en ont entre eux. Pendant que je faisais ces recherches sur ces poissons de nos environs, j'ai eu aussi#acca- sion de pêcher, vers la fin d'août et dans la première quinzaine de septembre, des petites aloses, longues de deux à trois pouces, qui se prennent dans les filets tendus à la descente. Elles ont le corps argenté avec cinq à six taches noires le long des flancs ; ce sont les petits, nés du frai de l'année, qui descen- dent le fleuve pour retourner à la mer. Les hommes, livrés depuis longtemps à art de la . LE” LA CHAP. XI. ALOSES. 407 pêche, et par conséquent fort expérimentés, me faisaient remarquer qu'ils ne prenaient jamais ces petites aloses au commencement du printemps, lorsque les grosses montent en rivière, et que ces petits individus n’entraient jamais aussi dans les filets tendus à la montée. , Les naturalistes qui nous ont envoyé les nombreux exemplaires cités plus haut, nous ont appris que les très-grandes aloses sur les bords du lac Majeur, portent la dénomina- tion de* Coppa; les individus de moyenne taille sont les Ægone, et les petits ont été envoyés par M. Boroméo sous le nom de Sar- dine ou Sardella, qui est aussi fort usité par les pêcheurs du lac de Garda, dont les pois- sons sont très-vantés. Je vois que sur le lac de Como, les petites comme les moyennes ont le nom d'Agone., | Le grand nombre d'exemplaires que j'ai ainsi réunis et que j'ai pu tous comparer entre-eux, montre que notre ÂAlose est la même que l'Agone des Italiens. Il est tout aussi facile de démontrer, par la réunion et la compa- raison des individus des côtes septentrionales, que l'Alose et la Feinte ne sont qu'un seul et même poisson. L'espèce de la Clupée feinte a été établie par M. de Lacépède d'après des notes trans- 408 © LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. | mises par M. Noël de la Morinière, je les ai retrouvées dans les papiers que cet excellent homme m'a légués. Noël se trompait sur l'ori- gine et sur la nature de ces Feintes, parce quil croyait que le nom de ces poissons venait de l'extrême ressemblance qu'ils ont avec l'alose, et de la facilité qu'on a de les con- fondre entre eux. Il écrivait à M. de Lacépède que l’on disait alose feinte, alosa falsa, alosa Jicta. Mais telle n’est pas l'origine de cette dénomination. On la trouve dans Albert le Grand, qui établit une distinction entre l’alose et la feinte, en racontant comment le int des Flamands, c'est-à-dire la Feinte des Fran- cais se prend au son des clochettes. Il dit que ce poisson ressemble beaucoup à PAlose, mais qu'il est beaucoup plus rempli d’arêtes. Vin- cent de Beauvais a écrit Venth. Il est bien clair que c'est 1à la véritable étymologie du mot Feinte, dénomination qui est encore en usage aux environs de Dieppe et sur les côtes de Picardie. On ne peut conclure à une dif- férence spécifique de lassertion d'Albert. le Grand ou de Vincent de Beauvais; car le squelette, étudié avec soin, ne montre pas les différences indiquées par ces auteurs. Les taches ne peuvent pas servir à distinguer les deux espèces; car elles existent sur tous les CHAP. XI. ALOSES. 409 individus : elles sont plus ou moins appa- rentes, selon que le poisson a conservé plus ou moins bien ses écailles. La présence de ces taches avait frappé les auteurs de la renais- sance. Or, Belon, qui essaie de distinguer l'Alose ou le Cieppa des [italiens de son 4gone, qui serait la Feinte, refuse à celle-ci des dents. Il dit positivement: Oris rictum habent gran- diusculum sine dentibus. Salviani dit aussi de son Agone qu'elle manque de dents : Os eden- tatum. Rondelet n'aurait pas manqué de dis- tinguer les deux espèces, si elles existaient. A partir de Willughby, il faudraitadmettre qu'au- cun auteur n'aurait Connu ni observé l'alose; car Duhamel, Bloch, Klein, Linné ne btlonts que de la Feinte, c'est-à-dire d’une alose à flancs tachetés. En relisant même les notes de Noël de la Morinière, d après lesquelles M. de La- cépède a établi son Clupea fallax, dénomina- tion que M. Cuvier n'a pas voulu adopter et qu'il a changée en celle de Clupea finta, il est facile de voir que Noël lui transmettait des vbhservations que lui donnaient les pêcheurs sur l’âge des aloses ou sur les saisons, d’où dé- pend le gout de la chair des poissons. C'est d’après des documents puisés à une même source que M. de Lacépède a établi aussi: sa Clupée Rousse (Clupea rufa). C'est 410 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. une variété que Noël appelle aussi une alose d'été, que l'on prend quelquefois en abon- dance aux environs de Villequier, dans le lac de Tot, depuis la pointe du Hode jusqu'aux Aisiers. Il dit que ce poisson n'offre jamais ni œufs ni laitance en telle saison qu'il soit pêché. On lui donne le nom de Rousse, parce qu'elle a la chair moins blanche que l'alose. Après avoir raconté que cette Rousse est une alose, la sédentaire dans les eaux de l'embouchure de Seine, il ajoute que les pêcheurs de Villequier disent que ce sont des aloses qui se remettent du frai. Il donne encore quelques autres dé- tails sur l'excellence de la chair; mais ‘ils sont souvent contradictoires. Ce qui me fait ajouter peu de foi à ces renseignements, c’est que je me suis adressé à M. Pouchet, professeur d’his- toire naturelle à Rouen, en le priant de faire des recherches au sujet de cette variété, et que le nom de Rousse est aujourd’hui tout à fait inconnu dans la basse Seine. Tous ces motifs, joints à l'examen des ma- tériaux que jai signalés plus haut, me font donc croire qu'il n'y a en Europe qu'une seule espèce d’alose. Elle est rare dans les contrées septentrionales; car Linné ne la compte pas dans le Fauna suecica. M. Reinhardt ne la cite pas dans l'Ichthyologie du Grœnland, ni CHAP. XI. ALOSES. AM Friedrich Faber dans celle de l'Islande; et les auteurs des Faûnes septentrionales qui en font mention, disent tous quelle est rare dans la Baltique ou sur les côtes occidentales de la Suède ou du Danemarck. M. Retzius* l'a citée sous le nom de Clupea alosa, et M. Nilsson * sous le nom de Clupea finta pris dans Cuvier. Ces deux auteurs s'accordent à lui donner, comme nom suédois, Stak-s1ll. Je trouve dans Müller ? les noms de Bris- bng, Sildinger, Sardeller. Notre poisson est beaucoup plus commun en Angleterre. Depuis Pennant, tous les au- teurs en parlent, et tous s'accordent sur une dénomination anglaise uniforme, celle de Shad. Toutefois ils en reconnaissent deux va- riétés, l'une, la vraie alose, et une seconde, la Twaite, qui resterait toujours plus petite que lalose et ne la dépasserait jamais. Ils dis- ünguent celle-ci, à cause d’un plus grand nombre de taches rondes sur les côtés : c'est la variété que Donovan * figure sous le nom de Sad; c'est aussi celle qu'ont indiquée Tur- ton, Couch, Flemming. M. Yarell a adopté la 1. Retzius, Fauna suec., p. 853, n.° 105. 2. Nilss., Ichth. Scand. Prodr., p. 22, n.° 1. 3. Muller, Zoo. dan. prodr., p. 150, n.° 428, 4 Donovan, Brit. fish., pl. 51. 412 LIVRE XXI. CLUPÉOÏIDES. division établie dans le Règne animal; il dis- tingue le Twaite shad du Allice shad, et il est en cela suivi par M. Jenyns; mais les deux descriptions détaillées que l'auteur de lélégante Histoire des poissons d'Angleterre nous a données, me confirme dans l'opinion sur l’existence d’une seule espèce d'alose. Notre poisson remonte la Meuse à la même époque que nous le voyons entrer dans la Seine. Il en est de même dans les autres grands fleuves de France : lalose remonte dans la. Loire un peu plus tôt que dans la Seine; elle s'avance de la Loire dans la Mayenne, la Sarthe et auires affluents, et les détails que l'on trouve consignés dans la Flore de Maine- et-Loire par M. Millet! sont tout à fait con- formes à nos propres observations. Si M. Savigny ne nous avait pas rapporté l'alose de Nice et de Turin, il me serait fort difficile de dire ce que M. Risso ? a voulu dé- crire sous le nom de Clupea alosa, wès-ré- pandue dans toute Ptalie. Je ne vois pas que les ichthyologistes ita- liens de notre temps aient éclairé ce que les auteurs de la renaissance avaient laissé d’in- —— 1. Millet, Faune de Maine-et-Loire , t. IL, p- 707. 2. Risso, Ichth. de Nice, 2.° édit., p. 458. CHAP. XI. ALOSES, 413 certain sur ce poisson. Je regrette même de dire que mon célèbre ami, le: prince Charles Bonaparte’, a, dans son dernier catalogue ichthyologique, fait quelques confusions qui tendraient à embrouiller beaucoup cette syno- nymie. En effet, après avoir établi un alosa communis et un alosa finta d'après les er- rements de M. Yarell, il inscrit un a/osa pon- tica d'après M. Eichwald. Or, le clupea pontica de cet auteur n'est point du‘genre des Aloses. Gest, comme on la vu plus haut, une espèce particulière de hareng. Le zoologiste russe a donné notre alose sur la même planche sous le nom de Clupea caspia*. Il me paraît impossible de conserver le moindre doute, d’après la figure, quoique la description, qui est certainement très-négligée, laisse dans quelques incertitudes. Que lon compare, en effet, la peinture à la description, et je me demande comment l'on peut dire de. ce poisson qu'il a les deux mâchoires égales (maxilla utraque æqualis), que la tête est très-grande (caput maximum ). Ces inexactitudes me donnent le droit de douter encore de ce que l'auteut dit des dents. , 1. Ch. Bonap., Catal. des poissons d'Europe, p. 84, n.° 279, 280 et 281. 2. Eichw., Foun. cass. caucas., p. 161, t. XXXIT, fig. 1. . A14 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. Si cependant l'observation est exacte, le pois- son ‘indiqué par M. Eichwald, offrirait une nouvelle combinaison assez importante pour demander à l'auteur d’en donner une nouvelle description; jusque-là, je crois fermement que la figure ne représente qu'une alose commune, et de cette variété que les naturalistes appel- lent la feinte. Pallas a aussi décrit une alose dans son Clupea pilischardus, parce qu'il dit que le bord des deux mâchoires est armé de dents très-petites, inégales, recourbées, à peine visibles à la mâchoire supérieure, et qu'il ajoute que le palais a trois tubercules osseux. Si son poisson avait eu des dents, au palais, nul doute qu'un auteur aussi exact ne les eût vues et mentionnées. Si je conclus de la description de Pallas que le palais était lisse, ce quil dit des dents des mâchoires, doit empêcher de regarder son poisson comme un pilchard ou, ce qui est le même, comme une sardine. L'induction me porte donc à conclure que le célèbre auteur de la Zoogra- phie russe observait une jeune alose. Toute- fois, je conserve encore des doutes sur cr rapprochement. Il n'y en a pas sür l'alose du: Volga’, qui ressemble, dit-il, à l'alose ordi- 1)! Paltas Rev UE! 087 CHAP. XI ALOSES. A5 naire , cxoepié que celle-là naurait pas de tache noire. Tous les auteurs dont je viens de rapporter les différents passages relativement aux aloses ou aux feintes, se fondent aussi, pour distin- guer les deux espèces, sur la différence de goût.qui peut exister entre les deux poissons. Je ferai observer, que ces différences sont tout à fait individuelles, que les aloses qui paraissent les premières, sont les plus grandes, les plus grasées , les mieux nourries , et que c’est pour cela qu’elles sont meilleures. Je trouve d'ailleurs dans les notes de Noël de la Morinière, que'les pêcheurs de La basse Seine distinguent plusieurs variétés de feintes. Ces variétés se rapportent à leur taille ou au temps de leur apparition : les feintes les plus grandes sont plus estimées et plus délicates que les feintes bretonnes, qui sont les plus petites et qui n'ont pas encore frayé. Il faut d’ailleurs remarquer, que les aloses prises en mer où dans l'eau saumâtre, sont beaucoup moins bonnes que:les aloses prises à la re- monte en rivière. L’alose, comme le saumon, passe des eaux salées dans les eaux douces pour y frayer; la force de natation des ‘clupéoïdes est bien in- férieure à celle deces malacoptérygiens; lalose 4h06" r LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. ne franchit pas les cascades, elle cède même volontiers à limpétuosité des crues d'eau. Un grand nombre de pêcheurs croient que les pen meurent dans l'eau douce après y avoir frayé. Quelques observations que jai faites dans la Seine me feraient aisément ad- mettre cette assertion ; cependant je ne Léten- drais pas à tous les individus. J'ai souvent rencontré, à la fin de juin, des aloses amai- ories et exténuées, qui, n'ayant plus la force de nager, se laissaient emporter par le courant, couchées sur le dos; mais elles n'étaient pas mortes. , Autrefois on salait beaucoup l'alose ; main- tenant ce poisson est consomme frais sur les lieux. Cela tient, au moins pour la Seine; à ce que l'on prend dans ce fleuve beaucoup moins d’aloses qu'autrefois. Elles ont disparu, dit-on, depuis qué l'on a laissé établir sur Les COUTS dedi un irop grand nombre de lavages de laine de mouton imprégné du suit L'alose est tourmentée par un assez grand nombre de vers intestinaux, et entre autres par le Filaria piscium; on y trouve encore des Ascarides, un Échinorhynque, des Dis- tomes et un Botryocéphale. Rudolphi nous a donné l'indication de ces vers que j'ai observés pour la plupart. * CHAP, X. MELETTES. | 585 celle de Linné, avec toutes ses erreurs. C’est également ce qu'a fait Broussonet, qui a donné quelques années avant Bloch une bonne figure du poisson et une description remarquable pour l'exactitude de ses détails. Cette figure a été copiée par Bonnaterre dans l'Encyclo- pédie. On a reproduit cette copie dans le Dictionnaire des sciences naturelles, en l'alté- rant un peu, sous le nom de Megalope Cailleu- Tassart. Le Clupea thrissa est donc plus déterminé par les figures de ces deux ou- vrages que par la dénomination de Linné. D'ailleurs les synonymies erronnées qui ont été réunies sous ce Clupea thrissa, expliquent comment on transporte, dans les livres, un poisson propre aux côtes américaines, dans les mers de Chine et du Japon, erreur qui est répétée dans l'histoire naturelle des pois- sons de Lacépède. M. Cuvier avait d'abord eu l'idée de faire du Clupea thrissa une espèce du genre Mé- galope. C'est ce qui a déterminé M. Agassiz * à publier sous le nom de Mesalops thrissoides le poisson appelé par Spix Clupanodon thris- soides; car M. Cuüvier dans sa correspondance avec M. Martius en parlait sous la dénomina- 1. Agassiz, Pisces brasil., p. 45, fig. 22. 20. D 386 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. * tion de Megalops tenuifilis, parce quil l'op- posait au véritable Mégalope dont le filet dorsal est beaucoup plus gros. C'est sur l'impulsion de cette première di- rection, que M. Lesueur', qui a observé ces différents poissons abondant aux États-Unis, les a décrits sous le nom de Megalops oglina et de M. notata. Cette seconde espèce nomi- nale a été établie sur quelques notes prises en passant à la Guadeloupe, et sur lesquelles il w'avait pas indiqué le nombre des rayons. M. Lesueur à cette époque n'avait aucune idée du genre Chatoessus, puisqu'il réunit au Cailleu-Tassart une espèce de l'autre genre qu'il a dédié à M. de Lacépède sous le nom de Megalops Cepediana. Une étude trop rapide et préparatoire de notre grande Ichthyologie, fit comprendre à M. Cuvier que l'on devait distinguer des Mé- galopes ces espèces à bouche petite et sans dents, où le dernier rayon de la dorsale se prolonge en filament, et cest ce qui lui fit établir dans la seconde édition le genre des Gailleu-Tassart, qui a été adopté par presque tous les naturalistes. Or, tel qu'il est composé aujourd'hui, le genre des Chatoessus, fondé 1. Lesueur, Journ. des sc. nat., p. 359 et 361. CHAP. X. MELETTES. 387 principalement sur un caractère artificiel, comprend des espèces disparates et assez éloignées les unes des autres. M. Cuvier a saisi quelques traits caractéristiques de cer- taines espèces, mais les zoologistes reconnai- tront qu'il n'en a point exprimé les caractères et quil na pas bien déterminé la synonymie des espèces indiquées dans sa note. Ce travail a servi de guide aux naturalistes américains, qui ont accepté sans aucune critique le genre proposé par M. Cuvier. Ainsi lon voit pa- zaître dans le Synopsis des poissons de l'Amé- rique de M. Storer, un Chatoessus oglina, un Chatoessus notatus de Lesueur, associés aux espèces du genre Chatoessus tel que nous l'entendons. C'est aussi d'après la même pen- sée que M. Dekay, dans sa Faune de New. York, a établi notre espèce sous le nom de Chatoessus signifer, quil croit, mais à tort, différent du Megalops oglina 5e Lesueur. . Toute cette ha de synonymie dis- paraît, lorsque l'étude des dents établit que le Cailleu-Tassart est un poisson voisin des Aloses, et qu'il appartient au genre du Cu- pea Mattowacca des Américains. . Nous avons dit plus haut que M. Poey in- diquait ce poisson comme recherché à la Havane. M. Plée apprend que c’est le poisson 388 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. connu à la Martinique sous le nom de Hareng, et que sa chair est assez bonne. Mais M. Ricord. et M. Lherminier disent qu'à la Guadeloupe et à Saint-Domingue cette espèce est quel- quefois suspecte à'cause de sa fréquence dans le port, et qu'on préfère en général les espèces de haute mer. D CHAP. XI. ALOSES. 389 CHAPITRE XL. Du genre A1oS (_Zlausa),. Après toutes les coupes génériques dont jai exposé les caractères tirés de la dentition, j'ar- rive aux espèces de clupéoïdes qui n 2 plus de dents sur aucune des pièces osseuses du palais ou de la langue, qui n’en ont plus même que de petites et caduques sur les mâchoires, et qui constituent, dans ma manière de voir, le genre des Aloses. Je justifie donc ici ce que jai dit au commencement de cette famille, que cette coupe générique est naturelle, né- cessaire à établir parmi les clupées. Son carac- tère ne doit point porter sur l'échancrure de la mâchoire supérieure, parce que d’autres espèces à palais hérissé de dents ont, comme elles, le haut de la bouche échancré. Je ne suis pas Le premier qui ait assigné aux Aloses le caractère que je viens d'exprimer. Je le trouve dans la grande Ichthyologie de New- York, publiée par M. Dekay. Il n'y aurait aucun reproche à faire à ce savant ichthyolo- giste, sil n'avait pas décrit dans un genre si nettement caractérisé des espèces qui, de son propre aveu, ont la langue hérissée de petites dents. 390 | LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. Le caractère assigné aux Aloses Les séparet nettement des autres clupées à ventre tran- chant et dentelé en scie. Elles ressemblent d'ailleurs, par tout le reste de leur organi- sation à nos harengs. Elles ont un estomac assez grand, pointu, donnant naissance à une branche montante à parois charnues. Il y a de nombreux cœcums au pylore. L'in- testin ne fait que deux replis. Üne grande vessie natatoire simple, pointue aux deux ex- trémités , renflée dans sa partie moyenne, communique avec l'estomac par un‘ canal pneumatique ouvert à l’extrémité conique de ce viscère. L’extrémité antérieure de la vessie ne dépasse pas la troisième vertèbre; elle ne s’a- vance en aucune facon sous le crâne au delà du basilaire, pour attéindre le vomer, ainsi que l'a exprimé ou figuré M. Breschet, dans -son Histoire de l'oreille des poissons. Elle ne se bifurque pas en deux canaux gréles. Ce que cet,anatomiste a nommé frompes cysti- ques, sont deux ligaments qui viennent sin- sérer des occipitaux latéraux à la membrane externe ou fibreuse de la vessie. Je ne m'étendrai pas plus longtemps, dans cet article, à réfuter les nombreuses erreurs dont fourmille la description de l'appareil au- ditif de lalose dans le Mémoire de M. Breschet, CHAP. XI. ALOSES. 391 et encore moins à démontrer l'incertitude de ces théories qui tendent à faire considérer la vessie natatoire comme un appareil de respira- tion. J'ai répété pour l'alose les expériences ou les recherches anatomiques que j'ai faites sur le hareng ; elles m'ont toutes conduit au même résultat, c'est-à-dire qu'il n’y a aucune commu- nication médiate ou immédiate entre l'oreille et la vessie natatoire des poissons : ce sont deux organes placés dans des cavités complé- tement différentes et tout à fait séparées. Nous trouvons des espèces du genre Alose dans l’ancien comme dans le nouveau monde. Deux espèces de ce genre sont fort impor- tantes en Europe, parce qu'elles y sont fort répandues et que l’une d'elles, la Sardine, donne lieu à un commerce et à des salaisons considérables. L'ALOSE COMMUNE. (Alausa vulgaris , nob.) En commencant l’histoire des Clupées, nous avons fait remarquer que le nom d’Æ/ausa paraît pour la première fois dans le poëme d’Ausone, sur la Moselle : il est évidemment létymologie du nom actuel de l'Alose. Il s'ap- plique à une grande espèce de clupéoïde 392 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. répandue dans toute l'Europe sous différents noms qui ont donné l'idée aux naturalistes de supposer l'existence de plusieurs espèces distinctes. Cette opinion a été partagée par les naturalistes” les plus illustres; cependant j'espère démontrer quil ny a qu'une seule alose commune dans toute l'Europe. Voici d'abord la description détaillée du poisson : Le corps de l’alose est en ellipse très-allongée vers la queue. Le dos, en avant de la dorsale, est com- primé et terminé en arête mousse. En arrière de cette nageoire 1l est plus large et arrondi. Le ventre est comprimé, tranchant et dentelé en scie, depuis la gorge jusqu'à l'anus. En arrière de l’anale il y a trente-sept dents ou pointes dirigées vers l'anus, et qui deviennent saillantes au-dessus des écailles, de- puis les ventrales jusqu'à l'anus. La queue est arrondie. La hauteur du corps, en avant de la dorsale, est plus de quatre fois dans la longueur totale, et l’épaisseur est huit fois et demie dans la longueur. La tête est triangulaire, son museau obtus. Sa longueur est cinq fois et demie dans celle du corps. Les intermaxillaires sont très-petits, et laissent entre eux une échancrure. qui monte vers le crâne : ils n’ont aucunes dents. Les “maxillaires sont grands, larges, aplatis et composés = HIT ME pie + de trois ‘pièces : l'antérieure est la plus grande; elle est arrondie postérieurement ; en baut elle est en croissant pour recevoir ântérieurement l’intermaxil- laire, et postérieurement elle s'appuie sur le sous- orbitaire. LE CHAP. XI. ALOSES. 393 La seconde pièce est étroite, longitudinale , et n'occupe qu'à peu près les deux tiers supérieurs de la pièce antérieure. Quand la bouche est fermée, le bord postérieur de cette pièce est caché sous le sous- orbitaire: La troisième pièce est située au- 1-dessous de la se- conde à la base postériéure de la première. Elle est large, à bord antérieur festonné, glissant sur le bord postérieur de la première pièce. Elle se termine en bas en une pointe arrondie qui ne dé- passe pas lx base de la première. Son bord posté- rieur est droit, et 1] se prolonge en une longue apo- physe, qui est aussi presque entièrement cachée sous le sous-orbitaire quand la bouche est fermée. Il n'y a pas de lèvre supérieure ; l'inférieure est assez ÉpHiSe ; large, et couchée le long des branches de la mà- choire inférieure : elles sont aussi dépourvues de dents ; elles ne dépassent pas l’œil, et leur longueur fait un peu plus de la moitié de celle de la tête. Elles sont très-hautes, surtout à la partie postérieure ; leur hauteur fait près de la moitié de leur longueur. La bouche n’est point protracule par en haut; mais les branches inférieures des maxillaires peuvent s’éloi- gner beaucoup des sous-orbitaires, ce qui permet ‘à la mâchoire inférieure de s’abaisser beaucoup et d'augmenter l'ouverture de la bouche. L'œil est éloigné du bout du museau de près du quart de la longueur de la tête ; il est rond et assez grand; son diamètre est cinq fois et demie dans la longueur de la tête; 1l est recouvert par une paupière qui s'ouvre sur lui: par une fente ellipuque verucale et 394 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. . terminée en pointe à ses deux extrémités. Cette pau- pière, en forme de bourse, est transparente, s'attache en avant sur le bord postérieur du sous-orbitaire, en haut sur le crâne, et en arrière sur l’angle su- périeur du préopercule. | Au-dessus de l’œil,. un peu en avant, est un os étroit, allongé, un peu en croissant. C’est près de son bord antérieur que s'ouvrent les deux trous de la narine : ils sont très-rapprochés; l’antérieur, en fente transverse, appliqué sur le bord antérieur du second, qui est plus grand, toujours ouvert et rond : la membrane, qui les sépare, est un peu re- levée en crête. Le sous-orbitaire est composé de plusieurs pièces ; l’antérieure est un os allongé qui s'appuie antérieu- rement sur la partie montante du maxillaire; en ar- … rière, il atteint presque le bord postérieur de l'orbite. Ses deux bords sont lisses, minces, et sa surface est. couverte de petites veines blanches un peu ramifiées el anastomosées; un peu en arrière en est une autre, très-grande, qui occupe presque toute la joue. Son bord supérieur est arqué, suivant le contour de l'orbite; l’antérieur est courbé en sens contraire, et reçoit dans son cintre le bord postérieur et arrondi” . du maxillaire quand la bouche est fermée ; le postée rieur est creux; sa concavité regarde le museau ; il est festonné par le bas; toute sa surface est couverte de grandes veines oil presque parallèles, qui croissent du bord de one et se portent vertica- lement vers.le bas; le cercle de l'orbite est en outre entouré de quatre pièces irréguhères, oblongues. CHAP. XI. ALOSES. 395 et caverneuses, dont les postérieures sont les plus larges. Le préopercule est assez grand; son: bord postérieur et son angle sont arrondis; le bord est si mince, qu'il a l'air d’être membraneux; il est cou- vert de veinules à peine sensibles, et tout le bas est percé d’un grand nombre de petits, pores dis- posés irrégüulièrement, qui s'étendent aussi sur la partie non recouverte des branches de la mâchoire inférieure, L’opercule est grand , il monte au-dessus de loœil ; tout son bord postérieur est lisse, mince et arrondi; sa surface est striée en rayons par des sillons profonds qui partent de l'angle antérieur et supérieur comme centre. Le sousopercule lui est très- étroitement uni, et a l'air d’en être la continuation. L’interopercule et étroit et suit le contour du préo-. percule, et il s’élargit un peu à son angle postérieur, qui est arrondi. Les ouies sont très-fendues ; leur membrane, courte et soutenue par huît rayons, dont les deux derniers sont élargis à leur bord postérieur, de ma- . mière à faire l'espèce de talon qui détermine l’échan- crure que l’on voit en avant de la pectorale. Toutes les écailles qui revêtent l’os de l'épaule, sont mar- quées de veines nombreuses ei fréquemment anasto- mosées entre elles. La longueur de la distance du bout du museau à la dorsale, n’est pas deux fois et dernie dans la lon- gueur totale. L’étendue de la dorsale égale l'épaisseur du corps ; la hauteur de cette nageoire est un peu moins que les deux uers de sa longueur; elle a dix-huit rayons, 396 | LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. dont les trois premiers sont simples ; c'est le qua- trième qui est le plus long. Le long de sa base on voit une rangée d’écailles carrées et relevées, de manière à former avec celles du côté opposé une sgoutuère dans laquelle la dorsale s’abaisse, sans s’y cacher tout entière, L’anus est éloigné du bout dû museau de deux fois et demie la hauteur du corps. Immédiatement en arrière commence l’anale, nageoiïre basse, allongée, qui a vingt-quatre rayons, dont les trois premiers sont simples : le premier de ceux-là est excessive- ment court. La longueur de cette nageoire est égale à la moitié de la hauteur du corps; la base est, comme celle de la dorsale, garnie d’écailles de forme presque Re SA carrée, formant une gouttière dans laquelle lanale $abaisse sans S'y cacher entièrement. La distance entre la fin de l’anale et le bout de la queue est, d’environ.les quatre cinquièmes de la longueur de lanale. L’épaisseur dé la queue entre lanale et la caudale fait le milieu de sa hauteur au même endroit. Elle échancre la caudale par une ligne circulaire. Cette nageoire est profondément fourchue; on y compte vingt rayons, et cinq ou six au-dessus et au-dessous qui n’atteignent pas l'extrémité des deux latéraux qui sont simples : les autres sont très-divisés. Sur la base des rayons branchus on voit pendant le üers infé- rieur de leur longueur des écailles petites et trans- parentes. Les rayons mitoyens de la fourche portent une grande lame, en forme de palette, étendue sur toute la longueur du rayon qui est sous elle; en dedans de ces deux lames il y a deux autres moitiés moins longues et wiangulaires. CHAP. XI, ALOSES. * 397 1 F l Le La pectorale est petite ; elle est attachée près de la carène du ventre, vis-à-vis l’échancrure faite par Jes pièces operculaires et les derniers rayons bran- chiaux. Elle est pointue; on lui compte seize rayons, dont le premier est simple. Près de son aïs- selle il y'a cinq à six écailles allongées, relevées en arête, de manière à faire un peut creux dans lequel peut se placer la nageoire; au-dessous d’elle, les écailles sont un peu plus grandes. Les ventrales sont attachées au-dessous du com- mencement de la dorsale, au milieu de l’espace entre la base des pectorales et la naissance de anale; elles sont petites, arrondies et soutenues par neuf rayons , dont le premier est simple. Il y a dans leurs aisselles deux écailles imbriquées, longues, pointues ; l'infé- rieure étant la plus longue, et atteignant aux trois quarts de: la longueur de la nageoïre. En dessous d'elles, une seconde écaille de même forme, . mais plus courte, est libre comme les précédentes. I y a plus de quatge-vingts écailles depuis l'épaule jusqu'à la caudale, et vingt-quatre dans la hauteur. Elles sont presque carrées; leur bord radical est lisse et mince. Elles se recouvrent donc près des deux tiers de leur surface qui est striée par des lignes concentriques assez marquées. Leur bord libre est un péu festonné, finement dentelé, et leur surface est striée en rayonnant du centre à son bord. C'est en dessous de l’écaille qu’est la mauère co- lorante qui lui donne de si beaux reflets. Sous le ventre nous comptons trente-trois pièces dans Île chevron : la première n’a point d'apophyse mon- s. 98 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. L tante; ses-épines commencent à paraitre sur la se- | conde, et elles vont, en augmentant de longueurs jusqu'aux chevrons des ventrales; elles ds insensiblement, à parür de ces nageoires jusqu au * près de l'anus; la dernière pièce a encore des épiness assez marquées. | Le dos est vert-olive pâle à reflets 1 irisés et dorés; les côtés de la poitrine sont de la même Meinte, mais plus pâle; la gorge, le ventre et les côtés, depuis! la dorsale ] jusqu'à l'anale, ont une teinte verdâtre. d’aigue - marine à reflets nacrés, dorés et argentés | les plus vifs. Le dessus du crâne est vert-olive bru-* nâtre, sans pores ni écailles. Cette teinte s'éclaircits sur les opercules, qui prennent des reflets dorés.s L'angle inférieur de l’opercule et du préopercule a une teinte verte à reflets argentés et nacrés. 4 Les opercules et les écailles des flancs sont a ment ponctués de noir, et sur le haut de los de, l'épaule en arrière de l'angle arrondi et supérieur des opercules, 1l existe une grande tache irrégulière de vert-olive foncé. La dorsale, la caudale etla pec- torale sont d’un gris noïrâtre ; l’anale est grise, fine- ment poinullée de noir ; la url est blanche. 4 À l’ouverture du corps, on trouve les deux laitances® qui enveloppent le foie et une parue des intestins , de manière à ne laisser voir que les innombrables appendices cœcales qui étaient couvertes d’un grand. nombre d’ascarides. Le lobe gauche du foie est plus large que de droit. Il n’atteint qu'à peine le tiers de Fabdomen. Son bord droit, aminci, est très- découpé dans le et He... ts SES CHAP. XI. ALOSES. 399 haut, et adhérent aux innombrables appendices cœ- cales; vers le bas il se divise en deux lobes irrégu- liers. Ces appendices sont plus courtes et moins nombreuses dans la femelle. Le lobe droit est aussi long, mais beaucoup plus étroit. Il est subdivisé en. deux autres lobules, dont le supérieur, in peu plus _ large, entoure presque les appendices en rejoignant le lobe gauche. Le lobule inférieur a deux pointes inégales. C’est entre eux et sous l'intestin, qu'est placée la vésicule du fiel, qui est grande et pleine d’une bile verte irès-foncée: Le canal cholédoque se replie un peu, descend pour s'ouvrir dans l'in- testin au-dessous dutrepli du pylore, au-dessus des appendices cœcales. L’œsophage descend jusqu’au quart dé la longueur de l’abd@men ; il souvre dans l'estomac, qui en est le cul-de-sac, et qui descend jusqu'aux deux tiers de la, longueur de l'abdo- men. Près du cardia naît le pylore, presque aussi long que l’'œsophage. Il est très-épais, musculeux et garni en dedans d’un velouté scabre , qui s’en détache aisément, comme celle du gésier d’une poule. L’œsophage'et l'estomac sont un peu plus minces que le pylore, quoique assez épais encore. Ils sont garnis de six à sept plis longitudinaux très- gros. Après le pylore, lintesun se replie et va droit à l'anus. Son épaisseur est très-pelite : il n’a aucun renflement. On voit d’abord en dedans s'ouvrir les nombreuses appendices cœcales, et puis toute sa surface est garnie d’une prodigieuse quantité de petites lames transversales, comme des valvules qui s’écartent de plus en plus à mesure que l’on s’ap- 400 | LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. proche de l'anus, en même temps qu’elles sont plus élevées. | La rate est longue, étroite, située entre la base inférieure droite de l'estomac et l’intesun; elle a quelques lobules très-petits auprès de la pointe de l'estoma@ La couleur est rouge foncé. Les rems sont attachés tout le long de l’épine; leur consistance est très-molle. Ils sont séparés. des autres viscères par un repli assez fort du péritoine. La vessie natatoire est simple, grande , Lpomite à ses deux extrémités ; ses parois sont, mincés, d’une couleur sanguine pâle. Le canal aérien naît aux deux üers de sa longueur. Il est très-gros et court. Il s'ouvre au fond de l’'es- tomac, contre salpointe même, par un trou rond très- grand, de plus d’une ligne et demie de dia- mètre. Ce canal se renfle un peu à son entrée dans l'estomac. La pointe antérieure s’arrête à la troisième vertèbre; elle est retenue au crâne par deux ligamens grêles et filiformes. . Les laitances occupent, comme nous l'avons dit, toute la longueur de l'abdomen. Elles sont épaisses à la région qui regarde le dos, et comprimées, tranchantes vers le ventre. Elles sont, chacune, divi- sées en plusieurs lobes d’inégale grandeur et de formes différentes. Elles sont de couleur de chair un peu vive, et sur leur surface on voit ramper une multitude de petits vaisseaux très-fins, et le plus souvent ramifiés en étoile. Le squelette de l Alose ressemble tellement à celui du hareng, que nous n’avohs pas besoin d'entrer CHAP. XI. ALOSES. 417 L'ALosE Ep. (Alausàa Eba , nob.) Nous avons recu de Gorée. par les soins de M. Rang une alose à corps allongé, large de l'avant, rétréci seulement en arrière. | La hauteur est quatre fois et un tiers dans la longueur totale; la tête, beaucoup plus courte, y est comprise cinq fois et un quart. Je ne sens au- cune espèce de dents. L’opercule est haut et étroit; le sous-opercule est à peu près du quart de la hau- teur de l’opercule. Le dessus de la tête est plat; les ouïes sont largement fendues; les rayons branchios- ièges sont grands : l’externe est très-large; la mem- : brane branchiale est tronquée en arrière. La dorsale est insérée sur le devant, à peu près au commen- cement du second tiers du corps; son bord est échancré. L’anale est très-basse et reculée : ces deux nageoires peuvent se cacher dans une raïnure for- mée par des écailles un peu larges. La caudale est très-profondément fourchue : elle a de larges écailles en palette à son extrémité, comme nous en avons vu sur la queue de l’Alose et des Chanos, avec lesquels ce poisson a d'ailleurs une certaine ressemblance gé- nérale.. La pectorale est très-pointue; les ventrales sont petites. D. 18; À. 19; C. 29; P. 15; V. 8. Les écailles sont grandes, beaucoup plus hautes que larges. Leur portion radicale a quatre ou cinq 20. AN ANS | LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. stries verticales, tandis que la partie nue en a de nombreuses longitudinales. Je compte quarante-six rangées d’écailles entre louie et la caudale. La couleur paraît verte sur le dos, argentée sous le ventre; la pectorale offre une grande tache noirâtre à l'intérieur et argentée en dessous. La caudale est grise. Nous possédons plusieurs exemplaires de cette espèce, qui atteint près d'un pied de long. Outre les individus bien conservés que. M. Rang a déposés dans le Cabinet du Roi, j'en trouve un exemplaire parfaitement recon- naissable, malgré son mauvais état de conser- vation, dans les peaux desséchées qu'Adanson a rapportées du Sénégal. Cet académicien avait écrit sur ses notes, que les Oualoffs désignent ce poisson par le nom d’Æba; je le lui ai con- servé pour dénomination spécifique. L'ALOSE À DORSALE NOIRE. (Alausa dorsalis , nob.) Le même officier de marine avait rapporté de la côte d'Afrique une seconde espèce, qui a le corps plus court; le tronc plus haut; la tête plus longue et plus large entre les yeux que la précédente. Sa hauteur est trois fois et deux tiers dans la longueur totale. La tête est presque aussi longue que le corps est haut. L'opercule est large, CHAP. XI ALOSES. 419 mais beaucoup moins élevé que dans l'espèce pré- cédente; et au contraire, le sous- opercule est’ plus grand et plus pointu vers le haut. La courbure du ventre est très-fortement prononcée. La dorsale commence sur le milieu du tronc; l’anale est lon- gue, mais beaucoup moins basse. La pectorale est pointue et coupée en lame de faux; la caudale est profondément fourchue. ” s ET D. 17; À. 21; C. 2; P. 12; V. 8. Les écailles sont semblables à celles de l'espèce précédente pour la distribution des stries et pour leur hauteur proportionnelle. J’en compte quarante- huit rangées entre l’ouie et la caudale, et comme le tronc est beaucoup plus court, ce nombre d’é- cailles démontre que les écailles de cette espèce pa- raissent plus petites. Le dos est verdätre; les flancs et le ventre sont argentés. La dorsale a la pointe noire ; la caudale est grise ; les autres nageoires sont - tout à fait incolores. L’ALOSE TYRAN. (Alausa tyrannus , Dekay.) Si nous passons des côtes africaines de lAt- lantique aux rives de l'Amérique septentrio- nale , nous trouvons ce pays aussi riche en aloses qu'en autres clupéoïdes.* Une espèce qui atteint au moins la taille de notre alose, est celle que M. Dekay a décrite et figurée sous le nom d’Ælausa tyrannus. TE 420 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. : La hauteur est comprise trois fois, dans la dis- tance du bout du museau au centre de la fourche de la caudale. La tête est petite : elle est comprise cinq fois et deux üers dans la longueur totale. Le maxillaire a des carènes longitudinales très-mar- quées, et pourrait donner presque le même nom aux stries rayonnantes de l’opercule. La dorsale est basse et trongée presque au milieu du corps; l'anale est longue'et très-peu élevée; la caudale est fourchue; les autres nageoires sont obtuses. D. 173 A. 19; C. 233 P. 15: V. 9. Les écailles sont presqué carrées, mais la por- tion radicale est de beaucoup la plus grande partie : elle porte dix ou douze stries verticales et pliées au centre un peu en chevron. Le bord de lécaille est cilié. J'en compte cinquante-sept rangées entre l’ouie et la caudale. La couleur est verdàitre ou bleuâtre sur le dos, un peu jaune sur les flancs et argentée sous le ventre. Une tache noirâtre assez marquée existe au haut de l'épaule, et il y a huit ou dix rangées longitudinales de points noirâtres sur la . parüe rembrunie du corps. Nous avons recu de nombreux exemplaires de cette espèce par les soins de MM. Lesueur et Milbert; parmi eux il y en a qui ont près de deux pieds de long. Le premier de ces na- turalistes nous les envoyait sous le nom de Summer -herring. Je retrouve: cette dénomi- nation dans Mitchill pour son Clupea æsti- valis, qu'il a caractérisé par une rangée de sept LI (| : CHAP. XI. ALOSES. ‘ART à huit taches noires le long de la ligne laté- rale', ce qui me fait croire que cette espèce ne diffère pas plus du clupea vernalis ou du Sprins-herring des Américains, que la Feinte ne diffère de notre alose : c'est encore lAle- wive des États-Unis. Cette espèce est aussi décrite sous ce nom dans les excellents mé- moires ou dans les beaux ouvrages de MM. Latrobe, Mitchill, Storer et Dekay. Elle doit être extrêmement abondante à la côte de Mas- sachusets de mars à mai, pwsque le docteur Storer dit qu'on en a rempli cinq mille barils dans l'année 1836. M. Dekay observe, qu'à New-York, le poisson n'apparait que dans le mois d'avril; mais qu'il n’y vient pas en nom- bre assez considérable pour être l'objet d’une pêche spéciale. . L'ALOSE SAVOUREUSE. (Alausa præstabilis, Dekay.) Tous les auteurs américains s'accordent à distinguer, sous le nom d’Alose proprement dite (Common Shad où American Shad), une espèce dont les formes me paraissent extrèémement voisines de celles de la! précé- dente, tellement que si je ne respectais l'au- torité de naturalistes éminents établis sur les 4992 -_ LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. lieux, jinclinerais à croire qu'il s'agit encore ici de la même espèce, examinée seulement dans une saison où les couleurs du poisson seraient un peu différentes. Il paraîtrait cependant que l'anale aurait un ou deux rayons de plus; car MM. Storer et Dekay en portent le nombre à vingt. D. 18; À. 20, etc. Je ferai remarquer que nous avons compté dix- neuf rayons à l’anale de l'espèce précédente, tandis que les naturalisjes américains n’en comptent que dix-huit. Ce poisson a été cou Fée avec lAlose d'Europe par Schæpff*.et Mitchill?; mais elle. est certainement d'une espèce Fe. de On la trouve répandue dans ‘toute l'Amérique, depuis les états du Maine jusque, dans la Ca- roline du sud où dans la Virginie. M. Dekay en a donné une bonne figure et une très-longue description, dont les traits principaux sont aussi rapportés dans l'histoire des poissons du Massachusets‘ et dans le Synopsis” des poissons de l'Amérique septentrionale par - Schœpf, Naturf., vol. 8, p. 180. - Mitchill, Fisk. of New-Vorck, vol. 1, p. 449. + Dekay, Faune de New-York, p. 257, pl. 15, fig. 41. - Storer, Fish. of Massach., p. 116. 5. Ejusd., Syn. of fish. of North. Am. , p. 206, n.° 1. Æ 9 19 = CHAP, ‘XI. ALOSES. 423 M. Storer, et dans lequel cet auteur lui donne le nom d'Alausa sapidissima, qu'il a pris d'un catalogue non imprimé de M. Wilson. Cest aussi une espèce très-abondante sur toute la côte septentrionale des États-Unis. Le marché de Boston en est considérablement fourni. On estime qu'à Watertown , sur la rivière Charles, : on en a pris par an jusqu à six mille. Mais ce poisson ne: parait pas régulièrement; il est tantôt très-commun et tantôt très-rare. L’ALOSE GRÈLE. (Alausa teres, Dekay.) M. Lesueur nous a envoyé de Philadelphie une autre Alose qui me. pers une espèce distincte. | Elle a le corps beaucoup plus allongé, plus étroit; la tête plus petite et le museau plus pointu. La longueur de la tête est cinq fois et demie dans la longueur totale. La hauteur du tronc surpasse d’un sixième la longueur de la tête. Les maxillaires sont peu striés; l’opercule a quelques stries rayon- nantes, mais elles sont moins prononcées. Le sous- opercule est-très -étroit. , D. 19; À. 19, etc. Le dos a quelques rayures longitudinales. La dorsale, la caudale et les pectorales.sont rembru- nies, ainsi que la pointe de l’anale; les ventrales paraissent blanches. 424 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. L'individu est long de quatorze pouces. M. Lesueur la envoyé, comme le Spring- herring, du marché de Philadelphie. Mais il est certain que ce poisson n'est pas de l'espèce de l Alausa tyrannus où de l'Alausa præsta- bilis. Il me paraît au contraire se rapporter assez bien à Ælausa teres figuré par M. Dekay.' L'ALosE MENHADEN. » HE x Menhaden , nob.) Cette Clupée, très-abondante aux États- Unis, l'un des produits considérables des vastes pp de cette contrée, est éminemment re- marquable par la grosseur de sa tête et par la hauteur de la région pectorale du tronc; elle égale trois fois et demie la hauteur de la queue. La longueur de la tête surpasse en quelque peu cette hauteur, et elle est comprise trois fois dans la distance entre le bout du museau et la naissance de la caudale. Ces pro- portions montrent que le corps est extrêmement trapu. La mâchoire supérieure ne dépasse pas linfé- rieure. L’œil est recouvert d’une double paupière adipeuse très-épaisse. L’opercule a de fines stries et de jolies veinules très-agréablement ramifiées. De fines stries rayonnantes couvrent l’opercule : il y en | 1. Dekay, p. 262, pl. 40, fig. 128. CHAP. XI. ALOSES. 495 a aussi vers le bas du préopercule. Le sous-oper- cule et l’interopercule sont très-grands. La ceinture ._ humérale est étroite. La dorsale est sur le milieu de la: longueur du tronc. Les nombres des rayons de ces nageoires ne diffèrent pas de ceux des autres .espèces. As D! 19 AMC 707; P: 493 VIT Les écailles sont finement et longuement ciliées. Leur portion libre est petite; la partie radicale a des stries verticales et parallèles au bord. De chaque côté du dos on remarque deux rangées d’écailles beaucoup plus profondément ciliées, et qui, en s’enchevêtrant sur la ligne moyenne, forment une sin- gulière goutuère le long de cette ligne. Des écailles membraneuses font une gouttière assez profonde, dans laquelle s'engage la dorsale. Une tache d’un bleu foncé existe sur le haut de l'épaule, et se conserve parfaitement sur les individus gardés depuis long- ‘temps dans l'alcool. Le dos est verdâtre; tout le reste du poisson brille d’un vif éclat argenté. Nous avons recu de nombreux individus de cette espèce. Les plus grands n’ont que: treize à quatorze pouces. MM. Milbert et Le- sueur les ont envoyés en abondance des mar- chés de New-York et de Philadelphie. M. Bosc avait rapporté l'espèce de la Caroline, et ré- cemment M. Holbroock m'en a envoyé d’au- tres exemplaires des marchés de Charlestown. Enfin, M. le comte de Castelnau en a envoyé de lémbouchure de l'Hudson. _ 426 ._ LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. L'espèce a paru pour la première fois dans le mémoire de M. Mnchill” sous le nom que nous lui conservons. Nous la retrouvons dans les ouvrages de MM. Storer et Dekay. Celui-ci en a donné une belle figure, et le premier de ces auteurs a fait connaître le nombre consi- dérable de barils que l'on exporte chaque année : ils’est monté à quinze cents dans une seule année. Comme c’est un poisson très- huileux, on s'en sert plutôt comme engrais ou comme amorce, surtout pour les grands Flétans ( Dotnet a hippoglossus). C'est sous ce rapport qu'il devient l'objet d’un com- merce considérable. Au nom de Menhaden, qui est une de ses dénominations vulgaires, il faut ajouter celle de Panhagen et de. Moss- bonkes ou de Bonyfish, etc. L'ALOSE SHADINE. (Alausa shadir, Mitch.) Mitchill a décrit, sous le nom de Clupea shadina, une espèce qui me paraît se distin- guer très-peu de la précédente. J'avoue que, si je ne l'avais pas trouvée distinguée par : MM. Storer et Dekay, je n'aurais pas accepté 1. Mitchill, Fish. of New-York, vol. 1, p. 458. e° CHAP, XI. ALOSES. 4927 cette espèce ; car, quoiquen dise M. Dekay, son dessin la fait beaucoup plus ressemibler au Menhaden qu'à son Ælausa præstabilis. Les pfoportions qu'il donne confirment aussi cette ressemblance, puisque la tête ne mesure que le üers’ de la longueur totale, et que sa longueur égale la hauteur du tronc. D. 18; A. 21, etc. Les couleurs me paraissent plus vertes et la tache scapulaire un peu plus petite que celle de l'espèce précédente. Ce poisson a été pris dans le havre de New- York au mois de novembre, et a été apporté. à M. Dekay comme une variété curieuse du Menhaden; mais y il a trouvé quelque diffé- rence. L’ALOSE DORÉE. (Alausa aurea ; Spix.) On pêche sur les côtes du Brésil une espèce excessivement voisine de ce Clupea Menha- den, et quoiqu'il lui ressemble beaucoup, il nest pas difficile de retrouver, avec un peu d'attention, des caractères distinctifs qui doi- vent séparer ces deux poissons. Celle dont je vais parler a le corps plus régulièrement elliptique; la tête beau- coup plus courte; car elle est comprise quatre fois 498 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. et demie dans la longueur totale, tandis que l'autre n'y est que trois fois et quelque chose, L'opercule plus peut; l'angle supérieur du sous-opercule est plus aigu; le or du préopercule est plus arrondi: la École est plus courte et plus hs ge; l’anale est plus longue; aussi lui trouvons-nous un rayon de plus, ainsi qu'à la dorsale. Les écailles sont im- briquées de manière à paraître plus grandes. « La couleur, verdàtre sur le dos, est dorée sur le reste du corps. La tache noire de l'épaule est plus large. L'individu n'a que treize pouces. Cest bien certainement l'espèce qui a été décrite et figu- rée par Spix' sous le nom de Clupanodon aureus. Nous ne doutons pas aussi que ce ne soit le Clupea fimbriata, dont M. Jenyns a donné une bonne figure dans l'Ichthyologie du voyage du Beagle®°. Toute la description s'accorde par- faitement, et s'il ne parle pas de la tâche dans le grand exemplaire qu'il a décrit, M. Darwin n'avait pas manqué de l'indiquer sur un plus petit exemplaire. Cet habile ichthyologiste a parfaitement saisi les affinités de son poisson avec celui figuré par M." Bowdich, et dont elle a donné une courte notice sous le même nom. On s'étonnera d'autant moins de retrou- Clupanodon aureus, Spix, Pise. Brasil, t. XXI, p. 52 et 53. - Jen. , Ichth. fish. of Beagle, p. 135, pl. 25. | 3. Bowdich, Excurs. to Africa, p. 934, fig. 44. th CHAP. XI. ALOSES, 429 ver cette espèce américaine aux iles du Cap- Vert, que ce nest pas le premier exemple Mepèces américaines observées et décrites dans cet archipel. Ù Nous en avons recu de petits individus par les soins de M. Menétrier. La tache humérale est très-marquée sur ces jeunes poissons : à en juger par son dessin, le dos aurait une teinte plus ou moins violacée, l'anale et la caudale seraient d'un beau jaune doré. Il nous a donné pour nom portugais de ce poisson le mot de Savega. M. d'Orbigny a pris aussi cette espèce à Montevideo. # L’ALOSE STRIÉE. (Alausa striata , nob.) . Nous avons encore une autre espèce d'alose originaire de la Guadeloupe, et que l’on con- fondrait fort aisément avec quelques-unes de nos espèces de harengules, si l’on ne faisait attention au caractère de la dentition. Elle ressemble aussi, à certains égards, à notre Alose d'Afrique, Alausa Eba. La courbure du ventre est régulière et assez grande. La plus grande “hauteur se mesure sous la dorsale, et est le quart de la longueur totale. La tête mesure environ les trois quarts de la hauteur. L’opercule est haut et étroit. La pectorale est assez pointue. Je ne vois pas 430 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. de noir à la pointe de la dorsale; cependant l'espèce tient évidemment de notre 4lausa Eba par la forme de la tête, et de notre A/lausa dorsalis par celle des pectorales. Les écailles présentent un caractère fort remarquable; elles ont chacune une grande strie verticale qui semble, au premier abord, faire croire que les écailles du poisson seraient imbri- quées en sens inverse que de coutume : c’est là ce * qui m'a fait donner le nom spécifique de ce poisson. Il me paraît avoir le dos rayé et une tache noire près de la caudale. Les deux exemplaires que nous avons reçus de la Guadeloupe y ont été préparés par M. Ricord : le plus long a neuf pouces ; mais nous voyons l'espèce s’avancer" vers le sud jusqu'à Bahia; car nous en avons recu de beaux exem- plaires parmi les collections que le Musée de Genève a cédées au Cabinet du Roi et qui provenaient de Bahia. C'est peut-être le Clupea arcuata de M. Jenyns. L’'ALOSE MOUCHETÉE. (Alausa maculata , nob.) Nous trouvons aussi des poissons de ce genre, et encore très-voisins de notre Menha- den, sur la côte orientale d'Amérique. J'en ai sous les yeux un exemplaire provenant des collections faites à Valparaiso du Chili par M. d'Orbigny. CHAP. XI. ALOSES. 431 C’est un beau poisson qui a le corps assez allongé, dont la hauteur du tronc, un peu supérieure à la longueur de la tête, est comprise quatre fois dans celle du corps. Je ne vois pas de veinules sur l’oper- cule; c’est tout au plus si l’on peut dire que cet os est strié. Le ventre est fortement dentelé. L'anale n'est pas très-longue. D, 16% A."117 ‘La couleur, bleu foncé sur le dos et argentée sous le ventre, est relevée «par de grandes et grosses taches bleues, éparses sur l’argenté du flanc et sur la ligne de fusion entre le bleu du dos et le blanc du ventre. La dorsale a du bleu; les autres nageoires sont incolores. M. Gay a eu la bienveillance de me com- muniquer un très-joli dessin colôrié qui re- présente le dos bleu- verdâtre, couvert de taches vertes, urant plus ou moins au jaunâtre. Cette partie du corps reflète d’ailleurs des teintes dorées. Les taches qui couvrent les flancs argentés du poisson, sont vertes. Je puis extraire des notes que M. Gay m'a communi- quées, que ce poisson est de haute mer; qu'il n’approche de la côte que dans les gros temps: les pêcheurs l'appellent Wachuelo. Ces aloses vivent en troupes, sautent assez souvent hors : de l'eau; on en voit quelquefois jusqu’à quinze ou vingt Sélevant ainsi en Flair. Quand les Machuelos entrent dans la baie, on peut en 432 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. remplir des canots entiers. À cause du grand nombre d’arêtes dont la chair est farcie, on ne les mange que frits. | ÎL’ALOSE BLEUE. (Alausa cœrulea , nob.) M. d'Orbigny nous a rapporté une autre es- pèce d’alose assez semblable à la précédente; mais qui me parait s’en disuinguer par une forme beaucoup plus trapue; car la hauteur n’est que le tiers de la longueur totale. La courbure inférieure du tronc ‘est très-concave. Je puis juger des couleurs de ce poisson par un très-joli dessin que je dois à la complaisance de . M. Gay : le dos est bleu ; le ventre est blanc; toutes ses nageoires sont rembrunies. Nos individus ont six à sept pouces. L'ALO$E PALASAN. (Alausa Palasah , nob.) Nous voici arrivés maintenant à parler des + Aloses de l'Inde, et nous commencerons nos descriptions par une espèce qui paraît devenir aussi grande que celle d'Europe. J'en ai deux exemplaires sous les yeux, | qui ont l’ovale du corps tout à fait régulière et dont . la plus grande hauteur est comprise trois fois et un CHAP, XI. ALOSES. 433 peu plus d’un quart dans la longueur totale. Les flancs sont bombés ; ce qui donne assez d'épaisseur au corps. La tête n’a guère qu’un sixième de moins que la hauteur du tronc; elle n’est comprise que - quatre fois et un uers dans la longueur totale. Le museau est un peu pointu; la mâchoire supérieure fortement échancrée; l'œil est couvert d’une adi- peuse très-épaisse. Je ne sens aucune sorte de dents. - La pectorale est pointue; la dorsale est coupée car- rément; la caudale est écailleuse et très- profondé- ment fourchue. D. 17; A. 19; C. 21; P. 16; V. 8: ” Les écailles sont serrées, fortement imbriquées ; elles paraissent petites. J'en compte quarante-sept entre l’ouie et la caudale. * : - M. Dussumier, qui a vu ce poisson frais, le décrit comme ayant le dos verdâtre, et tout le reste du corps argenté. Il en. a rapporté deux beaux individus, longs de seize pouces, et-pris tous deux dans le Gange, où cette es- pèce est très-abondante en août; elle remonte le fleuve jusqu'à Chandernagor, et peut-être beaucoup plus haut. M. Dussumier observe que sa chair, quoique huileuse, est agréable au goût, sans valoir cependant l’alose de France. C'est, à n’en pas douter, le poisson figuré par Russell! sous le nom de Palasah. Nous avons 1. Russell, p. 17, pl. 198. DO 28 434 . UVRE XXI. CLUPÉOÏDES. d'ailleurs la preuve que ce poisson habite au- tour de la presqu’ile de l'Inde ; jusque sur la côte malabare ; car M. Dussumier l’a pris à Bombay, et M. Pen. à Pondichéry: Il est très-probable que le Clupanodon chisha de Buchanan' appartient à cette es- pèce. Je n'aurais même aucun doute à le considérer comme complétement identique, si l'auteur ne donnait vingt rayons à la dor- sale et vingt et un à l’anale : c'est le poisson que les Anglais du Bengale nomment Sable- fish, ei que Russell regarde comme son Pa- lasah. Buchanan avoue lui-même laffinité qui existe entre les deux poissons. Il nous ap- prend que l'ilisha fr équente la baie du Bengale et les grands lacs saumiâtres du Gange; qu'il remonte le fleuve pour frayer ; qu'il La vu à la hauteur de Agra ou de Kampur, mais qu'à cet endroit, il devient très-rare. La couleur est verte, glacée de pourpre et de doré. Les jeunes portent quatre ou cinq taches noires qui disparaissent avec lâge. Il a donc re- présenté le poisson avec la livrée du jeune âge. a —— 1. Gang. fish., pl. 19, fig. 80. CHAP. XI. ALOSES. 435 L’ALose Tout. (Alausa Toli, nob.) Nous avons recu des mêmes côtes de l'Inde, mais plus haut vers le Nord, une seconde espèce d'Alose, qui ne manque pas d’avoir une certaine affinité avec celle-ci. Elle s’en Jistinene cependant pa des écailles plus grandes ; car je n’en compte qu’une quarantaine entre l’ouie et la caudale. La tête est comprise cinq fois et un tiers dans la longueur totale. La hauteur du tronc n’y est guère que quatre fois. L’anale du corps est beaucoup moins régulière que celle de l'espèce précédente ; aussi parait-il beaucoup plus atténué vers la queue. La dorsale est au tiers du corps; l’anale est plus courte, car elle a quelques rayons de moins ; la caudale a ses lobes plus pointus; ils sont tout autant écailleux. Nos grands exemplaires ont été envoyés par M. Leschenault, qui nous a appris dans ses notes que les pêcheurs de la côte du Co- romandel l’appellent à Pondichéry, dans leur langue tamoule, Oulan-mine (poisson oulah). Il dit que le poisson, quand il est gras, est un des plus estimés à Pondichéry. C'est dans le mois d'avril qu'il est le meilleur. Avant ce voyageur, Sonnerat en avait aussi rapporté 436 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. . des peaux desséchées prises au même endroit. M. Dussumier l’a décrite dans ses notes sous le nom de 70%, commeayant des teintes vertes sur le dos changeant en bleu à reflet nacré. Le ventre est d’une belle couleur argentée; une tache olive existe sur le haut de l’oper- cule. La peau tout adipeuse qui couvre la tête, depuis la nuque jusqu'au devant de l'œil, est transparente et comme gélatineuse. La dor- sale, blanche, a le milieu jaune et son bord noir. La caudale, argentée, est également bor- dée de noir. Les pectorales et les ventrales sont d'un blanc transparent. Ce naturaliste observe que cette Alose arrive à Bombay au mois de novembre et que sa chair est fort bonne. Enfin nous avons d’autres exemplaires de. cette espèce, qui faisaient partie des col- lections de M. Roux. Nos plus grands indivi- dus ont vingt-deux pouces. Nous en avons recu des mêmes lieux, et en nombre assez consi- dérable, de diverses tailles. Ils diminuent gra- duellement de grandeur jusqu'à n'avoir plus que quatre pouces et demi à ‘cinq pouces. Lés documents que je trouve dans les cata- ‘logues de M. Dussumier me confirment dans l'opinion que m'a suggéré l'examen de ces différents individus, Je les regarde comme étant des jeunes de ces grandes aloses que CHAP. XI. ALOSES. 437 je viens de décrire. Ils ont tous une tache noi- râtre au haut de l'épaule, et il me semble en voir sur un individu quelques traces fugitives d'un plus grand nombre le long du flanc. Cest là ce qui me fait croire qu'il faut aussi rapporter à cette espèce le Keelee de Russell, pl 195. La position avancée de la dorsale, les raies longitudinales du dos me ÉD Fret de plus en ur dans l'idée de ce rapprochement, et ce serait d’ailleurs, si ma supposition est exacte, un changement de coloration qui rap- pellerait tout à fait ceux que nous observons sur notre Alose qui perd, quand elle est adulte, les taches de sa jeunesse. Je crois devoir rapporter à cette espèce un très-beau dessin envoyé de Java par Kuhl et Van Hasselt, et dont M. Temminck a eu l’obli- geance de me laisser prendre le calque. Ces naturalistes avaient l'intention de l'appeler Clupea macroura. L’'ALOSE DE REEVES. (Alausa Reevesi, Richardson.) M. Richardson a dédié à M. Reeves une es- pèce qui a la plus grande ressemblance avec notre Palasah , mais il trouve que. la pectorale est plus courte, que les écailles sont 438 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. plus rudes; et il observe aussi quelque différence dans le nombre des rayons. L’oœil est placé plus bas, et le maxillaire, qui est court comme la tête, a une forme ovale, régulière, et s'arrête sous le bord postérieur de l'orbite. Les joues sont un peu vei- nées; il n’y a point de dents. On compte trente écailles dans la longueur, vingt-neuf dentelures sous le ventre, dont treize sont au-devant de la ventrale. D. 175 À AT55C 298, P. 155 M6: La couleur du dos est mélée de vert et de gris- noirâtre, disposés par lignes, correspondant au nombre de rangées des écailles. Les côtés et le ventre sont argentés avec des lignes de points gris-perlés. Le museau et la nuque sont gris, avec des teintes de carmin. Le reste de la tête est irisé par des reflets lilas. La pectorale est jaunâtre, glacée de gris- si dé Les autres nageoires sont brunes. La longueur du poisson sec, rapporté des mers de Chine au British Muséum, est de quinze pouces anglais. Ces-auteurs disent que les noms chinois de cette alose sont San Le ou Sam let. Je crois trouver cette espèce dans un poisson sec que nous avons recu de Macao par les soins du consul de France en cette ville, M. Gernært. j CHAP. XI. ALOSES. 439 L'ALOSE AUX PETITES ÉCAILLES. (Alausa microlepis, nob.) Parmi les poissons que M. Duvaucel nous a envoyés du Bengale, nous avons trouvé une espèce d’Alose dont les formes rappellent assez bien celles des précédentes. La hauteur est comprise trois fois et deux tiers dans la longueur totale. La tête ne mesure que les trois quarts de cette hauteur. La dorsale est sur le milieu de la longueur du tronc. Les nageoires paires sont pointues; l'anale est basse; la caudale est pro- fondément fourchue. , D. 15; À. 28; C. 19; P, 12; V. 7. Les écailles sont remarquablement petites. Nous en comptons plus de cent rangées entre l’ouie et la caudale. La couleur parait celle de toutes nos Aloses. Je ne vois point de tache au haut de l'épaule; mais ik y a un peu de noirâtre sur le bord membraneux de l’opercule, Nous en avons deux individus dont le plus grand a six pouces et demi de long. Je retrouve cette espèce figurée par Gray sous le nom de Clupea indica. I] la repré- sente avec le dos vert, le ventre argenté, les nageoires jaunes, la caudale bordée de noir. 1. Gray, [lust. of Ind. zool., by maj. gen. Hardwicke, pl. 91, fig. 1, vol. 41. 440 LIVRE XXL CLUPÉOIDES. L'ALOSE CHAPRA. (Alausa chapra , nob.) Je crois qu'il faudra placer près de cette espèce le poisson que M. Gray a désigné sous le nom de Clupea chapra. Il porte une bande longitudinale rose sur le fond bleu du dos. Les flancs sont jaunâtres. La caudale, bleue, est bordée de noirâtre. Les autres nageoires sont jaunâtres. La tache du haut de l'épaule est noire. L'ALOSE VERTE ET BLANCHE. (Alausa argyrochloris, nob.) M. Dussumier nous a encore rapporté une autre Alose qui se distingue des précédentes par son museau plus pointu, et qui n'a aucune es- pèce de tache ‘sur le Corps, mais qui conserve sur Ja base des premiers rayons de la dorsale un petit point noirâtre. j D. 17; A. 19, etc. M. Dussumier décrit les couleurs comme vertes ur le dos «et sur les nageoires dorsale et caudale. Tout le reste du corps est argenté. Outre le petit individu long de six pouces, que nous venons de décrire, nous en trouvons encore deux autres absolument semblables et que MM. Quoy et Gaymard ont rapportés CHAP, XI. ALOSES. 441 de l'Ile-de-Frange. Nous croyons bien ne pas ï 717 - nous tromper en les considérant comme d’une espèce distincte. L’AwsE À CAUDALE NOIRE. (Ælausa melanura , nob.) Nous avons maintenant à parler d'une es- » \ 9 pèce d'Alose dont les couleurs rappellent nos Clupéonies: L’exameu attentif que nous avons fait de dix-huit individus pris dans différentes localités, nous a prouvé que nous avons bien sous les yeux une Alose particulière, .car nous nous sommes assuré qu'aucun.d'eux na de dents. Cette espèce a d’ailleurs le museau assez pointu ; la tête petite; le profil supérieur rectiligne; l'infé- rieur assez concave; la dorsale au milieu du tronc; lanale très-basse; la caudale profondément fourchue ; les nageoires paires, pointues. D. 16; A. 18; C. 21;°P. 14; V. 8.. Les écailles sont minces, assez grandes; il n’y en a que trente-cinq rangées le long des flancs.'Le dos a des rayures longitudinales sur un fond bleu assez : foncé. Le ventre est blanc. Les nageoires sont in- colores ; la caudale seule a, à chaque extrémité de ses lobes, une tache noire assez foncée. Cette espèce est répandue dans toute la mer es Indes. Nous en avons des exemplaires 442 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. venus de la Nouvelle-Guinéæ, d'Amboine, de Vanikoro; et le plus long de nos exem- plaires, qui a six pouces, est originaire de Bourbon. »” L/ALOSE SCOMBRINE. (Alausa scombrina , nob.) Il me reste à parler d’un poisson voisin de la Sardine, dont M. Dussumier a rapporté un aSsez grand nombre d'exemplaires, pris à Ca- nanor, de la côte malabare. Quand on examine ce poisson, on est frappé de la longueur et de la grosseur de sa tête; elle fait moitié de la longueur du tronc, où elle est . comprise trois fois et demie dans la longueur totale. Les pièces de l’opercule sont assez larges. L'inter- valle entre les yeux est plat, élargi et sillonné. Le corps est arrondi. D. 15; À. 14; C. 21; P. 45; V. 9. Ce poisson, verdâtre en dessus, a tout le reste du corps argenté. Les écailles sont de grandeur moyenne. J'en compte cinquante rangées le long ‘ du flanc. M. Dussumier observe en outre que ce poisson est très-abondant aux Séchelles, qu'il y reste pendant toute l’année. Sa chair est toujours très-bonne. Il atteint huit pouces de CHAP. XI. ALOSES. 4A3 longueur. Les habitants le désignent à Mahé sous le nom de Maquereau, et en effet la forme du corps de ce poisson, surtout celle des mâchoires et de l'ouverture de la bouche ont bien une ressemblance éloignée avec notre Maquereau. Je ferai observer que sous le nom de Sardine à museau aigu, M. Dussu- mier ma désigné dans ses notes un poisson très-abondant à Mahé dont on lui avait dit, à l'un de ses premiers voyages, que la chair était vénéneuse ; mais il a reconnu depuis que cette re était fausse. Ce poisson, dont le corps et la tête ont une ressemblance assez marquée avec nos Clupées, m'avait toujours fort embarrassé, parce que je croyais devoir le ranger parmi nos Sardines, bien quil n'eût pas le ventre caréné et tranchant. Mais en rédigeant cet article, jai de nouveau étu- dié avec plus de soin cette espèce, et ayant vu que le nombre de la membrane branchio- stège est de dix-sept au moins, cette Sardine des Séchelles deviéndra le type d’un genre particulier dont nous traiterons dans un cha- pitre supplémentaire, qui fixera la placé de ce poisson auprès de nos Élops. 444 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. L'ALOSE AUX POINTS NOIRS. " (Alausa melanosticta, nob.) Nous avons enfin parmi nos Cole une _ Alose qui nous conduit insensiblement à la Sardine. Elle lui ressemble par les stries de son opercule, mais leur finesse distinguera ce poisson de celui de nos côtes euro- péennes. D’alleurs la forme arrondie du corps, la disposition des mâchoires, l'absence de dents, rap- pellent tout à fait notre sardine. La dorsale est un peu plus pointue. | e B. 5; D. 18; À. 18; P. 16; V. 8. Les couleurs sont un peu différentes de celles de la sardine. Il y a entre le bleu du dos et le brillant argenté des flancs sept à huit points noirs, disposés sur une ligne longitudinale. Les nageoires paraissent un peu jaunâtres. Les chevrons: de la carène sont peuts et échancrés en avant, au lieu. d'offrir une pointe de chaque côté. Nous comptons quarante- huit rangées d’écailles le long des flancs. L Cette jolie espèce, longue de cinq pouces, a été rapportée de la baie des îles par MM. Lésson et Garnot, loïsque la corvette, sous les ordres de M. le capitaine Duperrey, vint mouiller à la Nouvelle-Zélande. Les natu- rels lui donnent le nom de Moéo. CHAP. XI. ALOSES. 4143 Je trouve une représentation fort exacte de notre poisson dans la Faune japonaise. C'est le. Clupea melanosticta de MM. Tem- minck et Schlegel’. On le prend en automne sur les côtes du Japon en si grand nombre qu'on le jette sur les terres comme engrais. Son nom japonais est Maïwausi. De la SARDINE. (Alausa Pilchardus, nob.) Le-poisson si célèbre que nous allons dé- crire dans cet article a été longtemps mé- connu, parce quil fut introduit dans nos catalogues ichthyologiques sans qu’on en eût fixé les caractères spécifiques. En effet, Artedi confondit, dans la synonymie de l’'Alose, quel- ques-unes des citations du Pilchard, qui de- vaient être rapportées à la Sardine, ne faisant du premier de ces poissons qu'une variété de la plus grande de nos clupées européennes. Linné, qui admit dans le Systema naturæ le Clupea'spratus, d'après Artedi, lequel est une petite harengule de notre Océan septentrional, confondit sous ce même nom, dans le Musée \ L' Temm. et Schl., Faun. jap. Pisc., pag. 287, pl. 107, fig. 3. 446 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. du prince Adolphe-Fréderic, un poisson de la Méditerranée qui est très- probablement notre Sardine. Il n’en apercçut ni n’en indiqua ‘les traits caractéristiques. D'un autre côté, ce qui contribua encore à empêcher l'établisse- ment de lespèce de la Sardine,, c'est que les auteurs ne reconnurent pas son identité avec notre Célan ou notre Célérin, que les natura- listes s'accordent, avec raison, à considérer comme le Pilchard de Willughby et des An- glais. On doit sétonner cependant que cette’ identité n'ait pas été plus généralement ad- mise, car on la trouve déjà établie dans cette phrase de Belon*: «il est tout arrêté que nos «Célérins sont ceux que les autres nations et *«, | NE 7" \ au chap. YX du livre XX, tome XI, p. 316. Du genre DUSSUMIÉRIE, et en particulier de la DussumMiÉRIE À MUSEAU AIGU (Dussumieria acuta, nob.) Lorsque j'ai fait l'an dernier le travail pré- paratoire qui m'a conduit à la classification des Clupées que j'ai présentée dans ce volume, et à séparer de la famille des Clupéoïdes de Cuvier Les divers genres dont il a été succes” vement question dans la description des fa- milles précédentes, je n'avais pas examiné le poisson qui va faire le sujet de ce supplé- ment, parce qu'il se trouvait confondu avec nos Sardines sous la dénomination de Sar- dine à tête pointue de la côte malabare. On lui donne en effet à Bombay le nom de Sardine. La ressemblance extérieure que ce poisson a avec les espèces de ce genre semble justifier cette dénomination. J'avoue que jai été pendant quelque temps assez embarrassé, parce que je croyais que cette espèce venait 4GS SUPPLÉMENT AU TOME XIX. faire une fâcheuse exception, à cause de son _ ventre lisse et sans dentelures, à notre série des Clupées à ventre dentelé. Mais en l'examinant avec attention, je n'ai pas tardé à reconnaître que ses caractères zoologiques sont très-diffé- rents de ceux de nos Sardines et quelle a été confondue très-improprement avec les espèces de ce genre sous cette dénomination vulgaire. Ce poisson a en effet des dents aux mâchoires, aux palatins, aux ptérygoïdiens et sur la langue. Le vomer est lisse. Les dents palatines et ptérygoidiennes forment deux plaques oblon- gues en râpe fine, qui rappellent tout à fait ce que nous avons observé dans les Élops. D'un autre côté, le nombre des rayons de la ‘membrane branchiostège rapproche aussi notre poisson des Élops. On ne peut cependant placer ce genre dans cette famille, parce que la Dussumiérie n'a point entre les mâchoires cet os sublingual caractéristique des Élops. et des Amia. Il faut aussi remarquer que les Butyrins, malgré leur mâchoire lisse, portent des dents au palais et ont douze rayons à la membrane branchiostège. Ces rapprochements aident à assigner la place que doit tenir le poisson qui fait le sujet de cet article. C'est entre les Butyrins et les Élops qu'il viendra se placer. CHAP. VI. BUTYRINS. 469 Je ne connais encore qu'une espèce de ce genre. | Ce poisson a le corps oblong, assez épais. La hauteur, un peu plus courte que la tête, est cinq fois et demie dans la longueur totale; la tête n'y étant pas comprise cinq fois. L'œil est recouvert d’une paupière adipeuse très-épaisse; il est assez grand, car son diamètre mesure le tiers de la lon- gueur de la tête. La mâchoire inférieure dépasse à peine la supérieure : elles sont finement dentelées toutes deux et nous avons déjà dit que les palauns, les ptérigoidiens et la langue sont aussi couverts de petites dents en râpe très-fine. Le vomer est lisse; on observe cependant sur plusieurs individus quel- ques äpretés sur la longueur de los quand on a enlevé la muqueuse du palais. Je fais cette observa- tion pour que l’on ne se trompe pas sur la diagnose du genre. Les ouïes sont très-fendues. La membrane branchiostège est étroite et laisse apercevoir facile- ment les quinze rayons qui la soutiennent. La dor- sale est au milieu du corps. L’anale est courte et petite. Les ventrales correspondent au milieu de la dorsale ; elles sont petites, triangulaires et ont entre elles une écaille assez large qui dépasse les rayons. La pectorale a aussi une longue écaille dans son aisselle. La caudale est si profondément fourchue que les deux lobes ont l'air d’être séparés. B. 15; D. 19; A. 14: C. 933 P. 14; V. 8. Les écailles sont peutes, tombent facilement; elles ont le bord libre cilié. La couleur est bleue sur le 470 SUPPLÉMENT AU TOME XIX. dos, argentée sur tout le reste du corps. Les na- geoires sont incolores, la caudale seule a beaucoup de noirâtre. J'ai examiné les viscères de ce poisson et j'y trouve un œsophage assez long, recevant auprès du cardia le conduit pneumatique. L’estomac est un sac ob- long, étroit, donnant vers le haut une petite bran- che montante à parois charnues. Le pylore est très- étroit, et il est entouré de nombreux cœcums. La vessie aérienne est pelite : son canal naît au milieu de sa longueur. Tel est le poisson dont M. Dussumier nous a rapporté un nombre considérable d'exem- plaires. Il les a pris presque tous à la côte malabare, où ce poisson excellent à manger et très-sain y arrive par bandes innombrables à la moisson d'été, mais pêle-mêle avec l'es- ‘pèce de Melette décrite dans ce volume, page 377, sous le nom de Melette venimeuse, parce que la chair de ce poisson est quelque- fois si dangereuse que son ingestion peut causer la mort. L'espèce a été aussi retrouvée par ce voyageur à la côte de Coromandel. Elle y avait été observée auparavant par M. Leschenault et plus anciennement par Son- nerat. Le premier de ces deux naturalistes l'avait indiquée dans ses catalogues sous le nom de Modé- Kinté; mais jai cru devoir dédier le genre à M. Dussumier, non-seule- CHAP. VI. BUTYRINS. 471 ment pour lui donner un nouveau témoi- gnage de la gratitude que nous ont* inspirée les sacrifices qu'il s'est imposés pour servir avec tant de zèle l'ichthyologie, mais encore parce que cest lui qui a indiqué dans ses notes tout le parti que l'on pourrait tirer d’une espèce qui rendrait dans l'Inde des services tout à fait comparables à ceux que nous tirons de nos Sardines européennes. Je crois devoir rapporter à ce poisson le Clupea micropus de MM. Temminck et Schle- gel’. Leur description est tout à fait conforme; mais ils nindiquent que huit rayons à l'anale. Ce serait, dans ce cas, une seconde espèce du genre. Son nom japonais est Ætrumeiwasi. Je profiterai des nouvelles remarques que je viens de faire sur les Butyrins et sur les Élops, pour dire que je n'ai distingué les Mégalopes des Élops qu'à cause du prolonge- ment du dernier rayon de la dorsale en un long filet. Je trouvais ce genre établi par . M. de Lacépède, adopté par M. Cuvier, j'ai cru devoir suivre l'exemple de maîtres aussi illustres. Cependant le Cailleu-Tassart nous a montré un prolongement semblable dans 1. Temm. et Schl., Faun. jap. Pisc., pag. 286, pl. 107, fig. 2. 472 SUPPLÉMENT AU TOME XIX. une de nos espèces de Melettes; les autres ont une“dorsale sans aucun filet. On verra les mêmes changements se reproduire dans les espèces de Chatoessus; aussi, aujourd'hui je n'hésite plus à dire que le genre Mégalope ne doit être considéré que comme une simple division des Élops, et que ce nom fixé par Linné doit être seul conservé. FIN DU TOME VINGTIÈME. AVIS AU RELIEUR POUR PLACER LES PLANCHES DU TOME XX. Planches. 591. Clupea harengus . . . .. vis-à-vis de la page 30 592. Splanchnologie du Clupea harengus. . . . .. 38 593. Squelette du Clupea harengus. . . . . . . .. 46 DID SAT OLA CUT: 20e | 21 Pen aa dede ee et 264 595. Harengula latulus . . . . . . . . . . . . .. 280 Ho 6 Pellond DASSUMIEr Le UM Ne à ae el ie lee le 316 597. Pristigaster cayanus. …. . . . . . . . . .. 334 P9D- Rogentalalba NME TEL 342 589. Clupeonia Jussieui . . . . . . . . . . . . .. 36 600. Spratella pumila . . : ... . .. . . . . . .. 354 601. Spratella fimbriata. . . . . . . . . . . . .. 358 DOS Momo alhelle.$" AMENER ONE Ar 360 HOME ei tarvnl ais A SENS LS ar 364 Does SA) GUN GTS EAN NAN anne dela à 392 Bo Alausalpiléhar dus CAP ER UE OUTRE 4i6 DOUTE SHIRIOPEL ACHAT NS RENE TO TNENT, 468 Se AREA in ce É G W7777/// 24 di) 2YINOPIUUE R : F Las PA) LES : ; < : TA. : LC 7/ 24 1 | | | 207 NAONIUVH 22007) "UNUULOD DNAUVH AT CLS SPLANCHNOLOGIE du Harenoe commun. = \ de Lignioille del. 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