ve fui | k 1 } 44 1 } NL AE EEE a NE vs EN + HISTOIRE NATURELLE OIS ÆAU X. … TOME TROISIÈME. HISTOIRE 924 Par BUFFON, ire DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, | MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. OISEAUX. TOME TROISIEMEF. 28207 LED RE AE ue fr Apsonian instif ES dE nés: 18 RICHMOND COLI TRES Nat; “lienal Aus Ce P À LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYFE Mon oi DE e P. DIDOT L’AÎNÉ, GALERIES Du LOUVRE, N° 3, ET Firmin DIDOT, rue DE THIONVILLE, N° 116. AN VII — 1799. ñ cie ’ ( ” V7 al A À < EF D © e Le os PL) tn, RE D. . D? 34 EME Sen ls 6 "8 c = = # d ge BISTOIRE MAC T'U'R TLLE PO TS ARRETE Voyez la planche 1 de ce volume. CRE Er EDR te L, première chose que l’on doit se proposer lorsqu'on no d'éclaircir lhistoire d'un animal, c’est de faire une critique sé- vère de sa nomenclature, de démêler exacte- ment les différens noms qui lui ont été don- nés dans toutes les langues et dans tous les temps, et de distinguer, autant qu'il est possible, les espèces dillérentes auxquelles les 1 Voyez les. planches enluminées, n° 245, le male. | f 2 En latin, avis tarda; en italien, starda: cn allemand, trappa; en anglois, bustard. Oiseaux. LIT: A \ va, Lx 2 HISTOIRE NATURELLE mêmes noms ont été appliqués; c’est le seul moyen de tirer parti dès connoissancestdes anciens, et de les lier utilement aux décou- vertes des modernes, et par conséquent le seul moyen de faire de véritables progrès en histoire naturelle. En effet, comment, je ne dis pas un seul homme, mais une génération entière, mais plusieurs générations de suite, pourroient-elles faire complétement l’his- toire d’un seul animal ? Presque tous les ani- maux craignent l’homme et le fuient; le ‘caractère de supériorité que la main du Très- Haut a gravé sur son front, leur inspire plus de frayeur que de respect; ils ne soutiennent point ses regards, ils se défient de ses em- büûches ; ils redoutent ses armes; ceux même qui pourroient se défendre par la force, ou. résister par leur masse, se retirent dans des déserts que nous ne daignons pas leur dispu- ter, ou se retranchent dans des forêts impé- nétrables : les petits, sûrs de nous échapper par leur petitesse, et rendus plus hardis par leur foiblesse même, vivent chez nous mal- gré nous, se nourrissent à nos dépens , quel= quefois même de notre propre substance, sans nous être mieux conqus; et parmi le ve j …. DE L’'OUTARDE. 3 grand nombre de classes intermédiaires , ren- fermées entre ces deux classes extrêmes, les uns se creusent des retraites souterraines , les autres s’enfoncent dans la profondeur des eaux, d’autres se perdent dans le vague des airs, et tous disparoissent devant le tyran de la nature. Comment donc pourrions-nous, dans un court espace de temps, voir tous les animaux dans toutes les situations où il faut _ les avoir vus pour connoître à fond leur na- turel , leurs mœurs , leur instinct, en un mot les principaux faits de leur histoire ? On a beau rassembler à grands frais des suites nombreuses de ces animaux, conserver avec soin leur dépouille extérieure, y joindre leurs squelettes artistement montés, donner à cha- que individu son attitude propre et son air naturel: tout cela ne représente que la nature morte , inanimée, superficielle : et si quelque souverain avoit conçu l’idée vraiment grande de concourir à l’avancement de cette belle partie de la science , en formant de vastes ménageries, et réunissant sous les yeux des observateurs un grand nombre d'espèces vi- vantes, on y prendroit encore des idées im parfaites de la nature : la plupart des ani- Vi ‘0 ni Ft HISTOIRE NATURELLE ‘ maux, intimidés par la présence de l'homme, ù importunés par ses observations, tourmentés d'ailleurs par l'inquiétude inséparable de la captivité, ne montreroient que des mœurs altérées, contraintes, et peu dignes des regards d'un philosophe, pour qui la nature libre, indépendante, et, si l’on veut, sauvage, est la seule belle nature. Il faut donc, pour connoître les animaux avec quelque exactitude , les observer dans l'état sauvage, les suivre jusque dans les retraites qu’ils se sont choisies eux-mêmes, jusque dans ces antres profonds et sur ces rochers escarpés où ils vivent en pleine li- berté : 1l faut même, en les étudiant, faire en sorte de n’en être point apperçu; car ici l'œil de l’observateur, s’il n’est en quelque façon invisible , agit sur le sujet observé, et l’altére réellement : mais comme il est fort peu d'animaux, sur-tout parmi ceux qui. sont ailés, qu'il soit facile d'étudier ainsi, et que les occasions de les voir agir d'après leur naturel véritable, et montrer leurs mœurs franches et pures de toute contrainte, ne se présentent que de loin en loin, il s'ensuit qu’il faut des siècles et beaucoup de hasards LA DE L’'OUTARDE. R 5 heureux pour amasser tous les faits néces- saires, une grande attention pour rapporter chaque observation à son véritable objet , et conséquemment pour éviter la confusion des moms, qui de toutenécessité entraîneroit celle des choses ; sans ces précautions, l'ignorance la plus absolue seroit préférable à une pré- tendue science, qui ne seroit au fond qu’un tissu d’incertitudes et d'erreurs. L’outarde nous en offre un exemple frappant. Les Grecs lui avoient donné le nom d’ofis ; Aris- tote en parle en trois endroits sous ce nom, et tout ce qu'il en dit convient exactement à notre outarde : mais les Latins, trompés ap- paremment par la ressemblance des mots, l'ont confondue avec l’ofus, qui est un oi- seau de nuit. Pline ayant dit, avec raison, que l'oiseau appelé ofis par les Grecs se nommoit avis tarda en Espagne, ce qui con- vient à l’outarde, ajoute que la chair en est mauvaise, ce qui convient à l'ofus, selon Aristote et la vérité, mais nullement à l'ou- tarde ;.et cette méprise est d'autant plus facile à supposer, que Pline, dans le chapitre sui- vant, confond évidemment l’ofis avec l’ofus, c'est-à-dire, l’outarde avec le hibou. 1 J Ts OP NN SNS SEE dé i 71 f % 6 HISTOIRE NATURELLE Alexandre Myndien, dans Athénée, tombe aussi dans la mème erreur, en attribuant à lotus ou à l’otis, qu’il prend pour un seul et même oiseau, d’avoir les pieds de lièvre, c'està-dire, velus: ce qui est vrai de l’ofus, hibou qui, comme la plupart des oiseaux de nuit, a les jambes et les pieds velus, ou‘plu- tôt couverts jusque sur les ongles de plumes efilées , et non de l’ofis, qui est notre ou- tarde, et qui a non seulement le pied, mais encore la partie inférieure de la jambe im-— médiatement au-dessus du târse, sans plumes. Sigismond Galenius ayant trouvé dans Hésychius le nom de pages, dont lapplica- tion w’étoit point déterminée , l’appropria de son bon plaisir à l’outarde ; et depuis, MM. Moehring et Brisson l’ont appliqué au dronte, sans rendre compte des raisons qui les y ont engagés. Les Juifs modernes ont détourné arbitrai- rement l’ancienne acception du mot hébreu anapha, qui signifioit une espèce de milan, et par lequel ils désignent aujourd’hui l’ou- tarde. sk SA - M. Brisson, après avoir donné le mot wrés comme le nom grec de l’outarde, selon Bélon. Û | DE L'OUTARDE. ? donne ensuite le mot &rid'a pour son nom grec, selon Aldrovande, ne prenant pas garde que œ@rid'a est l'accusatif de wris, et par consé- quent un seul et méme nom; C'est comme s'il eût dit que les uns ut rs tarda, et les autres /ardam. Schwenckfeld prétend que le fesrix dont parle Aristote, et qui étoit l’owrax des Athé- niens, est aussi notre outarde ; cependant le peu que dit Aristote du zetrix ne convient point à l’outarde : le fetrix miche parmi les plantes basses, et l’outarde parmi les bles, les orges, etc. que probablement Aristote n’a poiut voulu désigner par l'expression géné- rique de plantes basses. En second lieu, voici comment s'explique ce grand philosophe : « Les oiseaux qui volent peu , comme les « perdrix et les cailles, ne font point de nids, .« mais pondent à terre sur de petits tas de « feuilles qu’elles ont àämoncelées; l’alouette «et Le fetrix font aussi de même». Pour peu qu'on fasse d’attention à ce passage, on voit qu ’ilest d’abord question des oiseaux pesans et qui volent peu; qu’Aristote parle ensuite de l’alouette et du Zefrix, qui nichent à terre comme ces oiseaux qui volent peu, quoiqu'ap- 4 l Lt GE ELU 8 HISTOIRE NATURELLE Si paremment ils soient moins pesans, puis+ que l’alouette est du nombre, et que si Aris— tote.eût voulu parler de notre outardé sous le nom de £errix , il l’eût rangée sans doute, comme oiseau pesant, avec les perdrix.et les cailles, et non avec les alouettes, qui, par leur vol eleve, omt merite, selon Schwenck- feld lui-même, le nom de cé/ipètes. Longolius et'@esner pensent l’un et l’autre que le fefrax du poète Nemesianus n'est autre chose que l’outarde, et il faut avouer : qu'il en a à peu près la grosseur et le plu- mage. Mais ces rapports ne sont pas suff- sans pour emporter l'identité de l’espèce, et d'autant moins suffisans, qu’en comparant ce que dit Nemesianus de son Zefrax avec ce que nous savons de notre outarde, j'y trouve deux differences marquées : la première, c’est que le fetrax paroit familier par stupidité, et qu'il va se précipiter dans les piéges qu’il a vu qu’on dressoit contre lui; au lieu que V’outarde ne soutient pas l’aspect de l’homme, et qu’elle s'enfuit fort vite, du plus! loin qu’elle l’apperçoit : en second lieu, leifetrax faisoit son nid au pied du mont Apennin ; au lieu qu'Aldrovande, qui étoit Italien, nous DE L'OUTARDE. 7 assure positivement qu’on ne voit d’outardes en Îtalie, que celles qui y ont été apportées par quelque coup de vent. Il est vrai que Willughby soupçonne qu’elles ne sont point rares dans ces contrées, et cela, sur ce qu’en passant par Modène, il en vit une au mar- ché : mais 1l me semble que cette outarde unique , apperçue au marché d’une ville comme Modène , s’accorde encore mieux avec le dire d'Aldrovande qu'avec la conjecture de Willughby. | M. Perrault impute à Aristote d’avoir avance que l’ofis en Scythie, ne couve point ses œufs comme les autres oiseaux, mais qu'elle les enveloppe dans une peau de lièvre ou de renard, et les cache au pied d’un arbre au haut duquel elle se perche : cependant Aristote n’attribue rien de tout cela à l’ou— tarde, mais à un certain oiseau de Scythie, probablement un oiseau de proie, puisqu'il savoit ecorcher les lièvres et les renards, et qui seulement étoit de la grosseur d’une ou- tarde, ainsi que Pline et Gaza le traduisent ; d’ailleurs , pour peu qu’Aristote connüt l’ou- tarde, il ne pouvoit ignorer qu’elle ne se perche point. ro HISTOIRE NATURELLE Le nom composé de /rapp-gansz, que Jet Allemands ontappliqué à cet oiseau , a donné lieu à d’autres erreurs ; trappen si ignifie mar- cher, et l’usage a attaché à ses dérivés üne idée accessoire de lenteur, de même qu’au gradatim des Latins et à l’andante des Ita liens; et en cela le mot #rapp peut très-bien être appliqué à l'outarde, qui, lorsqu'elle n'est point poursuivie, marche lentement et pesamment : il lui conviendroitencore, quand cette idée accessoire de lenteur n’y seroit point attachée, parce qu’en caractérisant un oiseau par l’habitude de marcher, c’est dire assez qu'il vole peu. À l'égard du mot gansz, il est susceptible d'équivoque : ici il doit peut-être s’écriré comme je l’ai écrit avec un z final; et de cette manière il signifie beaucoup, et an- nonce un superlatif; au lieu que lorsqu'on l'écrit par un s (gans), il signiñe re oie. Quelques auteurs l'ayant pris dans ce dernier sens, l’ont traduit en latin par anser trappus; et cette erreur de nom influant sur la chose, on n'a pas manqué de dire que l’outarde étoit un oiseau aquatique, qui se plaisoit dans Îes imarécages ; et Aldrovande lui-même, qui DE L’'OUTARDE. LL avoit été averti de cette équivoque de noms par un médecin hollandois, et qui penchoit à prendre le mot gansz dans le même sens que moi, fait cependant dire à Belon, en le traduisant en latin, que l’outarde aime les marécages, quoique Belon dise précisément le contraire ; et cette erreur en produisant une autre, on a donné le nom d’ovfarde à un oiseau véritablement aquatique, à une espèce d’oie noire et blanche que l’on trouve en Canada et dans plusieurs endroits de l'Amérique septentrionale. C’est sans doute par une suite de cette méprise, qu’on envoya d'Écosse à Gesner la figure d’un oiseau pal- mipède , sous le nom de gysiarde, qui est le nom que l’on donne dans ce pays à l’outarde véritable, et que Gesner fait dériver de sarde, lent, tardif, et de gwss et goose, qui, en hollandois et en anglois, signifie zre oie. Voilà donc l’outarde, qui est un oiseau tout- à-fait terrestre, travestie en un oiseau aqua- tique, avec lequel elle n’a cependant presque rien de commun: et cette bizarre métamor- _phosea été produiteévidemment par une équi- voque de mots. Ceux qui ont voulu justifier eu excuser le nom d’anser trappus où {rapp= \ PERS £ À 1 r2 HISTOIRE NATURELLE gans, ont été réduits à dire, les uns que les … outardes voloient par troupes commelesoies, | les autres qu’elles étoient de la même gros= seur ; comme si la grosseur, ou l'habitude de voler par troupes, pouvoient seules carac- tériser une espèce : à ce compte, les vautoufs et les coqs de bruyère pourroïent être rangés avec l’oie. Mais c’est trop insister sur une absurdité : je me hâte de terminer cette liste d'erreurs et cette critique peut-être un peu longue, mais que j'ai crue nécessaire. Belon a prétendu que le fetrao alter de. Pline étoit l’outarde: mais c’est sans fonde— ment, puisque Pline parle au même endroit de l’avis tarda. Il est vrai que Belon, défen- dant son erreur par une autre, avance que l'avis tarda des Espagnols et l’ofis des Grecs désignent le duc : mais il faudroit prouver auparavant, 1°. que l’outarde se tient sur les hautes montagnes, comme Pline l'assuré du tetrao alter (gignunt eos Alpes); ce qui est contraire à ce qui a été dit de cet oiseau par tous les naturalistes, excepté M. Barrère* à: s dr * M. Barrère reconnoît deux outardes d'Europe, mais il est le seul qui les donne pour des oiseaux | DE L'OUTARDE. 13 »°. que le duc, et non l’outarde, a été en effet connu en Espagne sous le nom d'avis tarda, et en Grèce sous celui d’ofis ; assertion insoutenable, et combattue par le témoignage de presque tous les écrivains. Ce qui peut avoir trompé Belon, c’est que Pline donne son second fefrao comme un des plus gros oiseaux après l’autruche ; ce qui, suivant Belon, ne peut convenir qu’à l’outarde : mais nous verrons dans la suite que le grand zeéras ou coq de bruyère, surpasse quelquefois l’ou- tarde en grosseur; et si Pline ajoute que la chair de cette avis tarda est un mauvais manger, ce qui convient beaucoup mieux à l’ofus hibou ou moyen duc, qu'à l’otis ou- tarde , Belon auroit pu soupçonner que ce naturaliste confond ici l’ofis avec l’otus , comme je l'ai remarque plus haut, et qu’il attribue à une seule ‘espèce Les propriétés de deux espèces très-différentes, désignées dans ses recueils par des noms presque semblables; mais il n’auroit pas dû conclure que l'avis farda est en effet un duc. des Pyrénées; et l’on sait que cet auteur, né en Roussillon, rapportoit aux montagnes des Pyrénées tous les auunaux des provinces adjacentes. | dl 14 HISTOIRE NATURELLE Le même Belon penchoit à croire que son ædicnemus étoit un ostardeau : et en effet, cet oiseau n’a que trois doigts, et tous anté- rieurs comme l’outarde ; mais il a le bec très- différent , le tarse plus gros, le cou plus court, et il paroît avoir plus de rapport avec le pluvier qu'avec l’outarde : c’est ce que nous examinerons de plus près dans la suite. Enfin il faut être averti que quelques au- teurs, trompés apparemment par la ressem-— blance des mots , ont confondu le nom de starda, qui, en italien, signifie ze outarde, avec le nom de sfarna, qui, dans la même langue , Signifie perdrix. : Il résulte de toutes ces discussions, que l’otis des Grecs, et non l’ofus, est notre ou- tarde; que le nom de fapos lui a été appliqué au hasard, comme il l’a été ensuite au dronte; : que celui d’azapha que lui donnent les Juifs” modernes, appartenoit autrefois au milan :; que c’est l’avis tarda de Pline, ou plutôt des Espagnols au temps de Pline, ainsi appelée à cause de sa lenteur, et non , comme le veut | Niphus, parce qu’elle n’auroit été connue à Rome que fort tard; qu’elle n’est ni le / DE L’OUTARDPF. 15 tetrix d'Aristote, ni le £efrax du poète Neme- sianus, ni cet oiseau de Scythie dont parle Aristote dans son frstoire des animaux , ni le fetrao alter de Pline, ni un oiseau aqua- tique; et enfin que c’est la s/arda, et non la starna des Italiens. Pour sentir combien cette discussion pré- liminaire étoit importante , il ne faut que se présenter la bizarre et ridicule idée que se feroit de l’outarde un commençant qui auroit recueilli, sans choix et avec une con- fiance aveugle, tout ce qui a été attribué par les auteurs à cet oiseau, ou plutôt aux diffe- rens noms par lesquels il l’auroit trouvé dé- signé dans leurs ouvrages : 1l seroit obligé d’en faire à la fois un oiseau de jour et de nuit, un oiseau de montagne et de vallée, un oiseau d'Europe et d'Amérique, un oi- seau aquatique et terrestre, un oiseau gra- mivore et carnassier, un oiseau irès-gros et très-petit; en un mot, un monstre, et même un monstre impossible : ou, s’il vouloit op- ter entre ces attributs contradictoires, ce ne pourroit être qu'en rectifiant la nomencla- ture, comme nous avons fait, par la compa- raison de ce que l’on sait de cet oiseau, avec 16 HISTOIRE NATURELLE ce qu'ont dit de: naturalistes qui nous ont précédés. _ Mais c’est assez nous arrêter sur le nom, 1l est temps de nous occuper de la chose. Gesner s’est félicité d’avoir fait le premier la remarque que l’outarde pouvoit se rap- porter au genre des gallinacés, et il est vrai qu'elle en a le bec et la pesanteur; mais elle en diffère par sa grosseur, par ses pieds à trois doigts, par la forme de la queue , par la nudité du bas de la jambe , par la grande ouverture des oreilles, par les barbes de plumes qui lui tombent sous le menton, au lieu de ces membranes charnues qu'ont les gallinacés, sans parler des différences intérieures. Aldrovande n’est pas plus heureux dans ses conjectures, lorsqu'il prend pour une ou- tarde cet aigle frugivore dont parle Élien *, à cause de sa grandeur, comme si le seul attribut de la grandeur suflisoit pour faire * De nat. animal. lib. IX, cap. 10. Cet aigle, selon Élien, s’'appeloit aigle de J upiler, et étoit encore plus frugivore que l’outarde , qui mange des vers de terre; au lieu que laigle dont il s'agit ne mange aucun animal. DE L'OUTARDE. 7 maitre l'idée d’un aigle : il me paroît bien plus vraisemblable qu'Élien vouloit parler du grand vautour , qui est un oiseau de proie comme l'aigle, et même plus puissant que l'aigle commun, et qui devient frugivore dans les cas de. nécessité. J’ai ouvert um de ces oiseaux, qui avoit été démonté par un , coup de fusil, et qui avoit passé plusieurs jours daiis des champs semés de blé : je ne lui trouvai dans les intestins qu’une bouillie verte, qui étoit évidemment de l'herbe à demi digérée. On retrouveroit bien plutôt les caractères de l’outarde dans le fetrax d'Athénée, plus grand que les plus gros coqs (et l’on sait qu'il y en a de très-gros en Asie), n'ayant que trois doigts aux pieds, des barbes qui Jui tombent de chaque côté du bec, le plu- mage émaillé, la voix grave, et dont la chair a le goût de celle de l’autruche , avec qui l'outarde a tant d’autres rapports : mais ce tetrax ne peut être l’outarde, puisque c'est un oiseau dont, selon Athénée , il n’est fait aucune mention dans les livres d’Aristote; au lieu que ce philosophe parle de l’outarde en plusieurs endroits. 2 18 HISTOIRE NATURELLE On pourroit encore soupçouner avéc M. Perrault, que ces perdrix des Indes dont parle Strabon, qui ne sont pas moins grosses que des oies, sont des espèces d'outardes Le mâle diffère de la femelle par les couleurs du plumage qu’ila autrement distribuées et plus vives; par ces barbes de plumes qui Iut tombent des deux côtés sur le cou, dont il est surprenant que M. Perrault n'ait point parlé, et dont mal-à-propos Albin a orné la figure de la femelle; par sa grosseur presque double de celle de la femelle, ce qui est uné des plus grandes disproportions qui aient été observées en aucune autre espèce, dela taillé de la femelle à celle du mâle. Belon et quelques autres qui ne connoissent ni le casoar, mile touyou, ni le dronte, ni peut-être le griffon ou grand vautour, régar- doient l’outarde comme un oiseau de la se- conde grandeur, et le plus gros après Pau- : truche : cependant le pélican, qui ne leur étoit pas inconnu, est beaucoup plus grand, selon M. Perrault; mais il peut se faire que Belon ait vu une grosse outarde et un petit pélican, et, dans ce cas, tout son tort sera, comme celui de bien d’autres, d’avoir assuré IDE L'OUTARDE. 1Y de l'espèce ce qui n’étoit vrai que de l’in- dividu. 7 M. Edwards reproche à Willughby de s'être trompé grossièrement, et d’avoir induit en erreur Albin, qui l’a copié, en disant que l'outarde avoit soixante pouces anglois de longueur, du bout du bec au bout de la queue. En effet, celles que j'ai mesurées n'avoient guère plus de trois pieds, ainsi que celle de M. Brisson ; et la plus grande qui ait été mesurée par M. Edwards , avoit trois pieds et demi dans ce sens, et trois pieds neuf pouces et demi du bout du béc au bout des ongles. Les auteurs de la Zoologie britannique la fixent à près de quatre pieds anglois; ce qui revient à un peu moins de trois pieds neuf pouces de Francé. L’eétendue du vol varie de plus de moitié en différens sujets : elle a été trouvée de sept pieds quatre pouces par M. Edwards, de neuf pieds par les auteurs de la Zoologie britannique, et de quatre pieds de France par M. Perrault, qui assure n'avoir jamais observé que des mâles, toujours plus gros que les femelles. |; Le poids de cet oiseau varie aussi considé tablement : les uns l'ont trouvé de dix livres, 20 HISTOIRE NATURELLE % et d’autres de vingt-sept, et même de tréntés Mais, outre ces vériétés dans le poids et la: grandeur, on en a aussi remarqué dans les proportions ; tous les individus de cette es- pèce ne paroissent pas avoir été formes sur le mème modèle. M. Perrault en a observé. dont le cou étoit plus long, et d’autres dont le cou étoit plus court, proportionnellement aux jambes; d’autres dont le bec étoit plus pointu, et d’autres dont les oreilles étoient recouvertes par des plumes plus longues : tous avoient le cou et les jambes beaucoup plus longs que ceux que Gesner et Aldro- vande ont examinés. Dans les sujets décrits par M. Edwards, il y avoit de chaque côté du cou deux places nues, de couleur vio- lette, et qui paroissoient garnies de plumes lorsque le cou étoit fort étendu; ce qui n’a point été indiqué par les autres chservateurs, Enfin M. Klein a remarqué que les outardesde Pologne ne ressembloient pas exactement à celles de France et d'Angleterre; et en «effet on trouve, en comparant les descriptions, quelques différences de couleurs dans le plu- mage, le bec, etc. En général, l’outarde se distingue de l'au- & à . — gt 19 ° dé LS DE L'OUTARDE. DE truche, du touyou, du casoar et du dronte, par ses ailes, qui, quoique peu proportion- nées au poids de son corps, peuvent cepen- dant l’élever et la soutenir quelque temps en l'air, au lieu que celles des quatre autres oiseaux que j’ai nommés, sont absolument inutiles pour le vol: elle se distingue de pres- que tous les autres par sa grosseur, ses pieds à trois doists isolés et sans membranes, son bec de dindon , son duvet couleur de rose, et la nudité du bas de la jambe; non point par chacun de ces caractères, mais par la réunion de tous. L’aile est composée de vingt-six pennes, selon M. Brisson , et de trente-deux ou trente- trois, suivant M. Edwards, qui peut-être compte celles de l’aile bâtarde. La seule chose que j'aie à faire remarquer dans ces pennes, et dont on ne peut guère prendre une idée en regardant la figure, c’est qu'aux troisième, quatrième, cinquième et sixième plumes de chaque aile, les barbes extérieures deviennent tout-à-coup plus courtes, et ces pennes con- séquemment plus étroites à l'endroit où elles sortent de dessous leurs couvertures. Les pennes de la queue sont au nombre d& 22 HISTOIRE NATURELLE vingt, et les deux du milieu sont différentes de toutes les autres. ar M. Perrault impute à Belon comme une erreur d'avoir dit que le dessus des ailes de l’outarde étoit blanc, contre ce qu’avoient observé MM. de l'académie, et contre ce qui se voit dans les oiseaux qui ont communé- ment plus de blanc sous le ventre et dans toute la partie inférieure du corps, et plus de brun et d’autres couleurs sur le dos et les ailes : mais il me semble que sur cela Belon peut être aisément justifié; car il a dit exactement, comme MM. de l'académie, que l’outarde étoit blanche par-dessous le ventre et dessous les ailes : et lorsqu'il a avancé que le dessus des aïles étoit blanc, id a sans doute entendu parler des pennes de l’aile qui approchent du corps, et qui se trouvent en effet au- dessus de l'aile, celle-ci étant supposée pliée _ et l'oiseau debout : or, dans ce sens, ce qu’il a dit se trouve vrai et conforme à la descrip- tion de M. Edwards, où la To sixième penne de l'aile et suivantes, jusqu’à la tren- tième, sont parfaitement blanches. M. Perrault a fait une observation plus _ juste: c’est que quelques plumes de l’outarde DE L'OUTARDE. 23 ont du duvet, non seulement à leur base, mais encore à leur extrémité; en sorte que la partie moyenne de la plume, qui est com- posée de barbes fermes et accrochées les unes aux autres, se trouve entre deux parties où il n’y a que du duvet : mais ce qui est très- remarquable, c'est que le duvet de la base de toutes les plumes, à l’exception des pennes du bout de l’aile, est d’un rouge vif, appro- chant du couleur de rose; ce qui est un ca- ractère commun à la grande et à la petite outarde : le bout du tuyau est aussi de la même couleur. | Le pied, ou plutôt le tarse, et la partie inférieure de la jambe qui s'articule avec Le tarse, sont revêtus d’écailles très-petites : celles des doigts sont en tables longues et étroites; elles sont toutes de couleur grise, et recouvertes d’une petite peau qui s’enlève comine la dépouille d’un serpent. Les ongles sont courts et convexes par- dessous comme par-dessus, ainsi que ceux de l'aigle que Belon appelle Za/iætos; en sorte qu'en les coupant perpendiculairement à leur axe, la coupe en seroit à peu prés circulaire. ET üy FT 24 HISTOIRE NATURELLE + M. Salerne s’est trompé en imprimant que’ l’outarde avoit au contraire les ongles caves en dessous. Sous les pieds, on voit en arrière un tu bercule calleux qui tient lieu de talon. La poitrine est grosse et ronde. La gran- deur de l'ouverture de l’oreille est apparem- ment sujette à varier, car Belon a trouvé cette ouverture plus grande dans l’outarde que dans aucun autre oiseau terrestre; et MM. de l'académie n’y ont rien vu d’extraor- dinaire. Ces ouvertures sont cachées sous les plumes : on apperçoit dans leur intérieur deux conduits, dont l’un se dirige au bec et l’autre au cerveau. Dans le palais et la partie inférieure du bec, ilya, sous la membrane qui revêt ces parties , plusieurs corps glanduleux qui s’ou- vrent dans la cavité du bec par plusieurs tuyaux fort visibles. | La langue est charnue en dehors; elle a au dedans un noyau cartilagineux, qui s'attache à l’os hyoïde, comme dans la plupart des oiseaux ; ses côtés sont hérissés de pointes d’une substance moyenne entre la membrane et le cartilage : cette langue est dure et poin: MIMDE TT OUTARDE. 25 tue par le bout; mais elle n’est pas fourchue, comme l’a dit M. Linnæus , trompé sans doute par une faute de ponctuation qui se trouve dans Aldrovande , et qui a été copiée par quelques autres *. Sous la langue se présente l’orifice d’une espèce de poche tenant environ sept pintes angloises, et que le dacteur Douglass, qui l’a découverte le premier, regarde comme un réservoir que l’outarde remplit d’eau pour s'en servir au besoin, lorsqu'elle se trouve au milieu des plaines vastes et arides où elle se tient par préférence : ce singulier réser- voir est propre au mâle , et je soupçonne qu’il a donné lieu à une méprise d’Aristote. Ce grand naturaliste avance que l’æsophage de l’outarde est large dans toute sa lon- tueur; cependant lés modernes, et notam- ment MM. de l'académie, ont observé qu’il * Lingua serrâta, utrimque acuta; au lieu de Hingua serrata utrimgue, acuta. Cette phrase n’est qu'une traduction de celle-ci de Belon, sa langue est dentelée de chaque côté, pointue et dure par le Bout; d’où l’on voit que l'ufrëmgque doitse rappor te à serrata, €k NON au mot acute SN Un 25 HISTOIRE NATURELLE s’élargissoit seulement en approchant du gé+ sier. Ces deux assertions, qui paroissent con- tradictoires, peuvent néanmoins se concilier, en supposant qu'Aristote, ou Les observateurs chargés de recueillir les faits dont 1l compo— soit son Æistoire des animaux, ont pris pour l’æœsophage cette poche ou réservoir, qui est en effet fort ample et fort large dans toute son étendue. Le véritable æsophage, à l'endroit où il s’épaissit, est garni de glandes régulièrement arrangées : le gésier, qui vient ensuite (car iln'y a point de jabot), est long d'environ quatre pouces, large de trois; il a la dureté de celui des poules communes; et cette du- reté ne vient point, comme dans les poules, de l'épaisseur de la partie charnue, qui est fort mince ici, mais de la membrane interne, laquelle est très-dure, très-épaisse, et de plus godronnée, plissée et replissée en différens sens, ce qui grossit beaucoup le volume du gésier. Cette membrane interne paroît n’être point continue, mais seulement contiguë et jointe bout à bout à la membrane interne de l'æsophage; d’ailleurs celle-ci est blanche, Ur ;/ DE L'OUTARDE. 27 au lieu que celle du gésier est d’un jaune doré. ; La longueur des intestins est d'environ quatre pieds, non compris les cœcum : la tunique interne de l’z/eon est plissée selon sa longueur, et elle a quelques rides transver- sales à son extrémité. Les deux cœcum sortent de l'intestin à environ sept pouces de l’anus, se dirigeant d'arrière en avant. Suivant Gesner, ils sont inésaux selon toutes leurs dimensions, et c'est le plus étroit qui est le plus long dans la raison de cinq à six. M. Perrault dit seule- ment que le droit, qui a un pied plus ou moins, est ordinairement un peu plus long que le gauche. À un pouce à peu près de l’anus, l'intestin se rétrécit; puis se dilatant , forme une poche capable de contenir un œuf, et dans laquelle s’insèrent les uretères et le canal déférent : cette poche intestinale, appelée bourse de Fabrice, a aussi son cœcum long de deux pouces, large de trois lignes; et le trou qui communique de l’un à l’autre est surmonté d’un repli de la membrane interne, lequel peut servir de valvule, 3 HISTOIRE NATURELLE Il résulte de ces observations, que l’ou- tarde, bien loin d’avoir plusieurs estomacs et de longs intestins, comme les ruminans, a au contraire le tube intestinal fort court et d'une petite capacité, et qu'il n’a qu’un seul ventricule ; en sorte que l’opinion de ceux qui prétendent que cet oiseau rumine, seroit réfutée par cela seul : mais il ne faut pas non plus se persuader avec Albert, que l’ou- tarde soit carnassière, qu’elle se nourrisse de cadavres, que même elle fasse la guerre au petit gibier , et qu’elle ne mange de l'herbe et du grain que dans le cas de grande disette ; il faut encore moins conclure de ces suppo- sitions qu’elle a le bec et les ongles crochus; toutes erreurs accumulées par Albert d’a- près un passage d’Aristote mal entendu*, admises par Gesner avec quelques modifica- 4 * Aldrovande prétend que l’idée de faire de l’ou- tarde un oiseau de proie, a pu venir à À Ibert de ce passage d’Aristote, Avis Scythica quædam..…….… que j'ai discuté plus haut. Voyez Aldrovande, Ornitholog. tome IT, page 90. Ce qu'il y a de certain, c’est que ce n'est pas d’après l'inspection de l'animal qu’ Albert s’est formé cette idée. | 4 Ar SERIE. TT, LT Vo { +4 vUi 1€ J { DE L'OUTARDE. 29 tions , mais rejetées par tous les autres naturalistes. L’outarde est un oiseau sranivore : elle vit d'herbes, de grains et de toutes sortes de se- imences ; de feuilles de choux, de dents de lion , de navets, de zzysotis ou oreille de souris, de vesce , d’ache, de daucus ,; et même de foin, et de ces gros vers de terre que , pendant l'été, l’on voit fourmiller sur les dunes tous les matins, avant le lever du soleil : dans Le fort de l'hiver et par les temps de neige, elle mange l'écorce des arbres; en tout temps elle avale de petites pierres, même des pièces: de métal, comme l’autruche, et quelquefois en plus grande quantité. MM. de l'académie ayant ouvert leventricule de l’une des six outardes qu’ils avoient observées, le trouvèrent rempli en partie de pierres , dont quelques unes étoient de la grosseur d’une noix, et-en partie de doubles ,;au nombre de quatre-vingt-dix, tous usés et polis dans les endroits exposés au frottement, mais sans aucune apparence d’érosion. Wallughby a trouvé dans l’estomac de ces oiseaux , au temps de la moisson, trois ou quatre grains d'orge, avec une grande quan é] 3o HISTOIRE NATURELLE tité de graine de ciguëé; ce qui indique un appétit de préférence pour cette graine, et par conséquent le meilleur appât pour lat- tirer dans les piéges. Le foie est très-grand ; la vesicule du fiel, le pancréas, le nombre des canaux pancréa- tiques , leur insertion , ainsi que celle des conduits hépatiques et cystiques, sont sujets à quelques variations dans les différens sujets. Les testicules ont la forme d’une petite amande blanche , d’une substance assez ferme ; le canal déférent va s’inserer à la partie inférieure de la poche du rectum, comme je l’ai dit plus haut, et l’on trouve au bord supérieur de l’anus une petite ap- pendice qui tient lieu de verge. M. Perrault ajoute à ces observations ana- tomiques la remarque suivante : c’est qu'entre tant de sujets qu'avoient disséques MM. de l'académie , il ne s’étoit pas rencontré une seule femelle. Mais nous avons dit, à l’article de l’autruche, ce que nous pensions de cette remarque. | Dans la saison des amours, le mâle va piaffant autour de la femelle, et fait une es- pèce de roue avec sa queue. IDE L'OUTARDE.® 3 Les œufs ne sont que de la grosseur de ceux d'une oie; ils sont d’un brun olivâtre pâle, marqués de petites taches plus foncées, en quoi leur couleur a une analogie évidente avec celle du plumage. Cet oiseau ne construit point de nid; mais il creuse seulement un trou en terre, et y dépose ses deux œufs, qu’il couve pendant trente jours, comme font tous les gros o1- seaux , selon Aristote. Lorsque cette mère inquiète se défie des chasseurs, et qu’elle craint qu’on n’en veuille à ses œufs, elle Les prend sous ses ailes (on ne dit pas comment) et les transporte en lieu sûr. Elle s'établit ordinairement dans les blés qui approchent de la maturité, pour y faire sa ponte, sui- vant en cela linstinct commun à tous les animaux, de mettre leurs petits à portée de trouver en naissant une nourriture conve- nable. M. Klein prétend qu’elle préfère les avoines comme plus basses; en sorte qu'étant posée sur ses œufs , sa tête domine sur la cam- pagne, et qu’elle puisse avoir l’œil sur ce qui se passe autour d'elle : mais ce fait, avancé par M. Klein, ne s’accorde ni avec le senti- ment général des naturalistes, ni avec le 32 HISTOIRE NATURELLE naturel de l’outarde, qui, sauvage et défiante comme elle l’est, doit chercher sa: sûreté plutôt en se cachant dans les grands blés qu'en se tenant à portée de voir les chas- seur de loin, au risque d’en être elle-même apperçue. Elle quitte quelquefois ses œufs pour aller chercher sa nourriture ; mais si, pendant ces courtes absences, quelqu'un les touche ou les frappe seulement de son haleine, on prétend qu'elle s’en apperçoit à son retour, et qu’elle les abandonne. L’outarde, quoique fort grosse , est un ani- mal très-craintif, et qui paroît n’avoir ni le sentiment de sa propre force, ni l'instinct de l’employer. Elles s’assemblent quelquefois par troupes de cinquante ou soixante, et ne sont pas plus rassurées par leur nombre que par leur force et leur grandeur; la moindre apparence de danger, ou plutôt la moindre nouveauté les effraie, et elles ne pourvoient … guêre à leur conservation que par la fuite. Elles craignent sur-tout les chiens; et cela doit être, puisqu'on se sert communément des chiens pour leur donner la chasse : mais elles doivent craindre auss: Le renard , la ft DE L’OUTARDE. 33 fouine, et tout autre animal, si petit qu’il soit, qui sera assez hardi pour les attaquer ; à plus forte raison les animaux féroces, et même les oiseaux de proie, contre lesquels elles oseroient bien moins se défendre : leur pusillanimité est telle, que pour peu qu’on les blesse, elles meurent plutôt de la peur que de leurs blessures. M. Klein prétend néanmoins qu'elles se mettent quelquefois en colère, et qu'alors on voit s’enfler une peau lâche qu’elles ont sous le cou. Si l’on en croit les anciens, l’outarde n’a pas moins d'amitié pour le cheval qu’elle a d’antipathie pour le chien; dès qu’elle apperçoit celui-là, elle, qui craint tout, vole à sa rencontre, et se met presque sous ses pieds. En supposant bien constatée cette singulière sympathie entre des animaux si différens, on pourroit, ce me semble , en rendre raison en disant _ que l’outarde trouve dans la fiente du che- val des grains qui ne sont qu’à demi digé- rés, et lui sont une ressource dans la disette. Lorsqu'elle est chassée, elle court fort vite, en battant des ailes, et va quelquefois plu- sieurs milles de suite et sans s'arrêter; mais comme elle ne prend son vol que difficile 34 HISTOIRE NATURELLE 1 ment et lorsqu'elle est aidée, ou, si l’on veut, | portée par un vent favorable, et que d’ail- leurs elle ne se perche ni ne peut se percher sur les arbres, soit à cause de sa pesanteur, soit faute de doigt postérieur dont elle puissé saisir la branche et s’y soutenir, on peut eroire, sur le témoignage des anciens et des modernes, que les lévriers et les chiens cou- xans la peuvent forcer.. On la chasse aussi avec l'oiseau de proie, ou enfin on lui tend des filets, et on l’attire où l’on veut en fai- sant paroître un cheval à propos, ou seule- ment en s’affublant de la peau d’un de ces animaux. Il n’est point de piége, si grossier qu'il soit, qui ne doive réussir, s’il est vrai, comme le dit Élien, que, dans le royaume de Pont, les renards viennent à bout de les atti- rer à eux en se couchant contre terre, et re— levant leur queue, à laquelle ils donnent, autant qu'ils peuvent , l'apparence et Îles mouvemens du cou d’un oiseau; les outardes, qui prennent, dit-on, cet objet pour un oi- seau de leur espèce , .s’approchent sans de- fiance , et deviennent la proie de l’animal rusé : mais cela suppose bien de la subtilité dans le renard, bien de la stupidité dans l'ou- NA DE L’'OUTARDE. 33 tarde, et peut-être encore plus de crédulité dans l'écrivain. J'ai dit que ces oiseaux ons quelquefois par troupes de cinquante ou soixante : cela arrive sur-tout en automne dans les plaines . de la Grande-Bretagne; ils se répandent alors dans les, terres semées de #urneps, et y font de très-grands dégâts. En France, on les voit passer régulièrement au printemps et em automne, mais par plus petites troupes, et elles ne se posent guère que sur les liéux les plus élevés. On a observé leur passage en Bourgogne, en Champagne et en Lorraine. L'outarde se trouve dans la Libye, aux en- virons d'Alexandrie , selon Plutarque!; dans la Syrie; dans la Grèce; en Espagne; en France, dans les plaines du Poitou et de la Champagne pouilleuse; dans les contrées ou- vertes de l’est et du sud de la Grande-Bretagne, depuis la province de Dorset jusqu’è à celle de Mercie et de la Lothiane en Écosse; dans les Pays-Bas; en Allemagne”; en Ukraine et en 1 Si toutefois on n'a pas confondu l’osss avec lotus, xomime on a fall si souvent, 2 Frisch l'appelle Ja plus grosse de toutes Les poules 3 HISTOIRE NATURELLE | : Pologne, où, selon Rzaczynski, elle passe é quelquefois l'hiver au milieu des neiges. Les | auteurs de la Zoologie britannique assurent que ces oiseaux ne s’éloignent guère du pays qui les a‘vu naître, et que leurs plus grandes excursions ne vont ‘pas au-delà de vingt à trente milles : mais Aldrovande prétend que sur la fin del’automneils arrivent par troupes en Hollande, et se tiennent par préférence 4lans les campagnes éloignées des villes et des lieux habités. M. Linnæus dit qu'ils passent en Hollande et en Angleterre. Aristote parle aussi de leur migration; mais c’est un point qui demande à être éclairci par des observa- tions plus exactes. : Aldrovande reproche à Gesner d’être tombé dans quelque contradiction à cet égard, sur ce qu’il dit que l’outarde s’en va avec les cailles , ayant dit plus haut qu’elle ne quit- toit point la Suisse, où elle est rare, et qu'on. y en prenoiît quelquefois l'hiver : mais cela. peutse concilier, ce me semble, en admettant sauvages naturelles à P'Allemagne ; cela ne prouve. pas que l’outarde soit une poule, mais bien qu "elle se trouve en Allemagne. sil DE L'OUTARDE 3 la migration des outardes, et la resserrant dans des limites, comme les auteurs de la Zoologie britannique ; d’ailleurs celles qui se trouvent en Suisse sont des outardes éga- rées, dépaysées , en petit nombre, et dont les mœurs ne peuvent représenter celles de l'espèce. Ne pourroit-on pas dire aussi que l’on n’a point de preuves que celles qu’on prend quelquefois à Zurich pendant l’hi- ver, soient les mêmes qui y ont passé l'été précédent ? Ce qui paroît de plus certain, c'est que l’outarde ne se trouve que rarement dans les contrées montagneuses ou bien peuplées, comme la Suisse, le Tyrol, l'Italie, plusieurs provinces d'Espagne, de France, d'Angleterre et d'Allemagne, et que lorsqu'elle s’y ren- contre, c'est presque toujours en hiver * : mais quoiqu’elle puisse subsister dans lek pays froids, et qu'elle soit, selon quelques auteurs, un oiseau de passage, il ne paroît | pas néanmoins qu'elle ait jamais passé en * Je me souviens d'en avoir vu deux, à deux différentes fois, dans une partie dela Bourgogne fertile en Blé, et cependant montagneuse; mais c’a toujours été en hiver et par un temps de neige. Oiseaux, ALT. & 4 LE ÿ M PT TE RON NOPONE 33 HISTOIRE NATURELLE E Amérique par le Nord; car bien que les rela- . tions des voyageurs soient remplies d'ou— tardes trouvées dans ce nouveau continent, il est aisé de reconnoitre que Ces prétendues outardes sont des oiseaux aquatiques, comine je l’ai déja remarqué plus haut, et absolu- ment différens de la véritable outarde dont il est ici question. M. Barrère parle bien d'une outarde cendrée d'Amérique, dans son Essai d’ornithologie (page 35), qu’il dit avoir observée. Mais, 1°. il ne Po pas l'avoir vue en Amérique, puisqu'il h’en fait aucune mention dans sa france éguinoxiale. 2°. Il est le seul, avec M. Klein, qui parle d’une outarde américaine : or celle de M. Klein, qui est le zzacucagua de Marcgrave , n'a point les caractères propres à ce génre, puis- quelle a quatre doigts à chaque pied, et le kas de la jambe garui de plumes jusqu’à son articulation avec le tarse; qu'elle est sans queue, et qu'elle n’a guère d'autre rapport avec l’outarde que d’être un oiseau pesant qui ne se perche ni ne vole presque point. À l'égard de M. Barrère, son autorité n’est pas d’un assez grand poids en histoire natu- relle, pour que sou témoignage doive préva- DE L'OUTARDE. 39 loir contre celui de tous les autres. 3°, Enfin son outarde cendrée d'Amérique a bien Pair d’être la femelle de l’outarde d'Afrique, la- quelle est en effet toute couleur de cendre, . selon M. Linnæus. On me demandera peut-être pourquoi un oiseau qui, quoique pesant, a cependant des ailes, et qui s’en sert quelquefois, n’est point passé en Amérique par le Nord, comme ont fait plusieurs quadrupèdes : je répondrai que l'outarde n’y est point passée, parce que, quoiqu’elle vole en effet, ce n’est guère que lorsqu'elle est poursuivie; parce qu’elle ne vole jamais bien loin, et que d’ailleurs elle évite sur-tout les eaux, selon la remarque de Belon, d'où il suit qu’elle n’a pas dû se ha- sarder à franchir de grandes étendues de mer : je dis de grandes étendues; car quoique celles qui séparent les deux continens du côté du Nord, soient bien moindres que celles qui les séparent entre les tropiques, elles sont néanmoins considérables, par rapport à l’es- pace que l’outarde peut parcourir d’un seul vol. On peut donc regarder l’outarde comme un oiseau propre et naturel à l’ancien conti- L) L'OE af1 2" Pis: 94, EPA ORNE "14 ë ; LA nn 4 HISTOIRE NATURELLE. nent, et qui dans ce continent ne paroît : point attaché à un climat particulier, puis- qu'il peut vivre en Libye, sur les côtes de la mer Baltique, et dans tous les pays intermé- diaires. C’est un très-bon gibier : la chair des jeunes, un peu gardée, est sur-tout excel- lente ; et si quelques écrivains ont dit le con- traire, c’est pour avoir confondu l’ofis avec l’'otus, comme je l’ai remarque plus haut. Je ne sais pourquoi Hippocrate linterdisoit aux personnes qui tomboient du mal caduc. Pline reconnoît dans la graisse d’ontarde la vertu de soulager les maux de mamelles qui surviennent aux nouvelles accouchées. On se sert des pennes de cet oiseau, comme on fait de celles d’oie et de cygne, pour écrire; et les pêcheurs les recherchent pour Îles attacher à leurs hameçons, parce qu’ils croient que les petites taches noires dont elles sont émaillées, paroissent autant de petites mouches aux poissons qu'elles attirent par cette fausse apparence. ‘ f # LA PETITE OUTARDE, VULGAIREMENT : LA CANEPETIÈRE:. Cor oiseau ne diffère de l'outarde que parce qu'il est beaucoup plus petit, et par quelques variétés dans le plumage. Il a aussi cela de commun avec l’outarde, qu’on lui * Voyez les planches enluminées , n° 25, le mâle ; et n° 10, la femelle. 2 En italien, fasanella. _ «Quant à létymologie (dit M. Salerne, Hisz. «nat. des oiseaux, page 155 ), on le nomme ( cet «oïseau) cancpelière Où canépetrace, 1°. parce « qu’il ressemble en quelque chose à un canard sau- « vage, et qu'il vole comme lui ; 20. parce qu’il se « plaît parmi les pierres. Il y en a qui pensent que «ce nom lu vient de ce qu'il pétrit son aire ou «son repaire; d’autres disent que c’est parce qu’il «pète : mais je préfère la première étymologie, . « d'autant plus que les Orléanois appellent le petit 4 42 HISTOIRE NATURELLE | a donné le nom de cane et de canard, M qu’il n'ait pas plus d’affinité qu’elle avec les oiseaux aquatiques, et qu’on ne le voié ja- mais autour des eaux. Belon prétend qu'on l’a ainsi nommé parce qu’il se tapit contre 4 terre comme font les canes dans l’eau; et M. Salerne, parce qu’il ressemble en quelque chose à un canard sauvage, et qu'il vole comme lui : mais l'incertitude et le peu d'accord de ces conjectures étymologiques font voir qu'un rapport aussi vague ; et sur- tout un rapport unique, n’est point une raison suffisante pour appliquer à un oiseau «moineau de muraille, dit friquet, un pétrac ou ce pélrat. » | \ Cette étymologie de canepetière; parce que cet oiseau pète, dit-on, ne paroît uniquement fondée quesur l'analogie du mot : car aucun maturaliste m'a rien dit de pareil dans l’histoire de cet OISEAU ; notamment Belon, qui a été copié par ce tous des autres. \ D'ailleurs je remarque que le proyer, dont le R même M, Salerne parle aux pages 291 Et 292, est appelé peteur, quoiqu ‘il ne soit point dit dans son histoire qu’il prier mais bien qu'il se plaît dans les prés, les sainfoins et les luzernes. Or la canepetière est aussi appelée anas pratensis. DE LA PETITE OUTARDE. 43 je nom d’un autre oiseau; car si un lecteur {. qui trouve ce nom ne saisit point le rapport _ qu'ona voulu indiquer, il prendra nécessai- rement une fausse idée : or il y a beaucoup à parier que ce rapport étant unique, ne sera saisi que très-rarement. La dénomination de perite outarde, que j'ai préférée, n’est point sujette à cet incon-— vénient ; car l'oiseau dont il s’agit ayant tous les principaux caractères de l’outarde, à l'exception de la grandeur, le nom com- posé de petite outarde. lui convient dans presque toute la plénitude de sa significa- tion, et ne peut guère produire d'erreurs. Belon a soupçonné que cet oiseau étoit le tetrax d’Athénée, se fondant sur un passage de cet auteur où il Le compare pour la gran- deur au spermologus, que Belon prend pour un freux, espèce de grosse corneille : mais Aldrovande assure au contraire que Le sper- mologus est une espèce de moineau, et que par conséquent le ée/rax auquel Athénée Le compare pour la grandeur, ne sauroit être la petite outarde; aussi Willughby prétend-il que cel oiseau n’a point été nomme par les anciens. / 44 / Le même Aldrovande nous dit que les ste cheurs de Rome ont donné, sans qu’on sache pourquoi, le nom de se//a à un oiseau qu'il | avoit pris d’abord pour la petite outarde, mais qu'ensuite il a jugé différent en y re- gardant de plus près. Cependant, malgré un aveu aussi formel, Ray, et d’après lui M. Sa- lerne, disent que la canepetière et le séella avis d'Aldrovande paroissent être de la même espèce : et M. Brisson place sans difficulté le stella d’Aldrovande parmi les synonymes de la petite outarde; il semble même imputer à Charleton et à Willughby d’avoir pense de même , quoique ces deux auteurs aient été fort attentifs à ne point confondre ces deux sortes d'oiseaux, que, selon toute apparence, ils n’avoient point vus *. * Charleton en fait deux espèces différentes, dont l'une, qui est la neuvième de ses vhytivores, est là FRNAREUEEE, et l’autre, qui est la dixième espèce du mème genre, est l'avis stella : sur celle-ci il ren- voie à Jonston , et il ne parle de l’autre que d’après Belon. À l'égard de Willughby,'1l ne donne nulle part le nom de stella à la canepetière (voyez son Ornithologie, page 129) ; ni le nom de canepetière à l'avis stella ( voyez la figure qui est au bas de la planche XX XII, et qui paroît copiée d’après celle K mt > DE LA PETITE OUTARDE. 45 : D'un autre côté, M. Barrère, brouillant la petite outarde avec le râle, lui a imposé le nom d’ortygometra melina, et lui donne un quatrième doigt à chaque pied; tant il est vrai que la multiplicité des méthodes ne fait que donner lieu à de nouvelles erreurs, sans rien ajouter aux connoissances réelles. Cet oiseau est une véritable outarde, comme j'ai dit, mais construite sur une plus petite échelle ; d’où M. Klein a pris occasion de l’ap- peler oufarde naine *. Sa longueur, prise du bout du bec au bout des ongles, est de dix- huit pouces, c’est-à-dire, plus d’une fois moindre que la même dimension prise dans la grande outarde : cette seule mesure donne toutes les autres ; et il n’en faut pas conclure avec M. Ray, que la petite outarde soit à la grande comme un est à deux, mais comme un est à huit, puisque les volumes des corps semblables sont entre eux comme les cubes de l'avis stella dAldrovande ; voyez aussi la table, au mot Szella ). | * L'arda nana, an otis uit videtur, seu 1arda aquatica. ( Ordo avium, page 18, n° rr.) Voilà encore la petite outarde transformée expressément eu oiseau aquatique. 46 HISTOIRE NATURELLE de celles de leurs dimensions simples qui se correspondent. Sa grosseur est à peu près celle d’un faisan : elle a, comme la grande outarde, trois doigts seulement à chaque … pied, le bas de la jambe sans plumes, le bec des gallinacés, et un duvet couleur de rose sous toutes les plumes du corps; mais elle a deux pennes de moins à la queue, une penne de plus à chaque aile, dont les dernières pennes vont, l’aile étant pliée, presque aussi loin que les premières, par lesquelles on en- tend les plus éloignées du corps. Outre cela, le mâle n'a point ces barbes de plumes qu'a le mâle de la grande espèce ; et M. Klein ajoute que son plumage est moins beau que celui de la femelle, contre ce qui se voit le plus souvent dans les oiseaux. Mais, à ces différences près, qui sont assez légères, on retrouve dans la petite espèce tous les attri- buts extérieurs de la grande, et mème pres- que toutes les qualités intérieures, le même naturel, les mêmes mœurs, les mêmes ha- bitudes ; il semble que la petite soit éclose d’un œuf de la grande, dont le germe auroit eu une moindre force de développement. Le mâle se distingue de la femelle par un — DE LA PETITE OUTARDE. 47 double collier blanc, et par quelques autres Variétés dans les couleurs; mais celles de la partie supérieure du corps sont presque les mêmes dans les deux sexes, et sont beau- coup moins sujettes à varier dans les diffé- -rens individus, ainsi que Belon l’avoit re- marque. Selon M. Salerne, ces oiseaux ont un cri particulier d'amour, qui commence au mois _ de mai : ce cri est brout ou prout; ils le re- pètentsur-tout la nuit, et on l’entend de fort Join :alors Les mâles se battent entre eux avec acharnement, et tâchent de se rendre maïtres chacun d’un certain district; un seul suffit à plusieurs femelles, et la place du rendez-vous d'amour est battuecommeé l'aire d’une grange. La femelle pond, au mois de juin, trois, quatre et jusqu’à cinq œufs fort beaux, d’un verd luisant : lorsque ses petits sont éclos, elle les mène comme la poule mène les siens. Îls ne commencent à voler que vers le milieu du mois d'août; et quand ils entendent du bruit, ils se tapissent contre terre, et se laisseroient plutôt écraser que de remuer de la place *. *M. Salerne n'indique point les sources où il a ptusé 48 HISTOIRE NATURELLE On prend les mâles au piése, en les atti- _rant avec une femelle empaillée dont on imite le cri; on les chasse aussi avec l'oiseau de proie : mais en général ces oiseaux sont fort difficiles à à approcher, étant toujours aux aguets sur quelque hauteur dans les avoines, mais jamais, dit-on, dans les seigles et les blés. Lorsque, sur la fin de la belle saison, 1ls se disposent à quitter le pays pour passer. dans un autre, on les voit se rassembler par troupes; et pour lors il n’y a plus de diffé- rence entre les jeunes et les vieux. Ils se nourrissent, suivant Belon, comme ceux de la grande espèce, c’est-à-dire, d'herbes et de graines, et, outre cela, de fourmis, de scarabées et de petites mouches : mais, selon M. Salerne, les insectes sont leur nourriture ious ces fails : ; ils ressemblent beaucoup à ce qu’on dit du coq de bruyère, qui s’appelle setrir (voyez _Hist. nat. des oiseaux , page 136); et comme on a donné le nom de £etrax à la petite outarde, on pourroit craindre qu'il n’y eût ici quelque méprise fondée sur une équivoque de nom, d'autant plus que M. Salerne est le seul naturaliste qui entre dans d'aussi yrands détails sur la génération de la petite eutarde , sans citer ses garans. | ‘DE LA PETITE OUTARDE. 49 principale; seulement ils mangent quelque- fois , au printemps, les feuilles les plus tendres du laiteron. La petite outarde est moins répandue que la grande, et paroît confinée dans une zone beaucoup plus étroite. M. Linnæus dit qu’elle se trouve en Europe, et particuliérement en France : cela est un peu vague ; car il y a des pays très-considérables en Europe et même de grandes provinces en France où elle est inconnue. On peut mettre les climats de la Suède et de la Pologne au nombre de ceux. où elle ne se plait point : car M. Linnæus lui-même n’en fait aucune mention dans sa Fauna Suecica, ni leP.Rzaczynski dans son Histoire naturelle de Pologne; et M. Klein n’en a vu qu’une seule à Dantzick, laquelle venoit de la ménagerie du margrave de Bareith. | IL faut qu’elle ne soit pas non plus bien commune en Allemagne, puisque Frisch, qui s’attache à décrire et représenter les oi- _ seaux de cette région, et qui parle assez au Jong de la grande outarde, ne dit pas un mot de celle-ci, et que Schwenckfeld ne la nomme seulement pas. 5 So HISTOIRE NATURELLE Gesner se contente de donner son nom dans la liste des oiseaux qu’il n’ayoit jamais vus; et il est bien prouvé qu’en effet il n’a- voit jamais vu celui-ci, puisqu il lui suppose des pieds velus comme à l’attagas; ce qui donne lieu de croire qu'il est au moins fort rare en Suisse. YA Les auteurs de la Zoologie TR à qui se sont voués à ne décrire aucun animal qui ne fût breton ou du moins d’origine bre- X tonne , auroient cru manquer à leur vœu s'ils eussent décrit une petite outarde qui avoit été cependant tuée dans la province de Cornouailles, mais qu’ils ont regardée comme un oiseau égaré, et tout-à-fait étranger à la Grande-Bretagne : elle l’est en effet à un tel point, qu'un individu de cette espèce ayant _été présenté à la société royale, aucun des membres qui étoient présens ce jour-là ne le reconnut, et qu'on fut obligé de députer à M. Edwards pour savoir ce que c'étoit. D'un autre côté, Belon nous assure que, de son temps , les ambassadeurs de Venise, de Ferrare et du Pape, à qui il en montra une , ne la reconnurent pas mieux , ni per- sonne de leur suile , et que quelques uns la PORTE or e DE LA PETITE OUTARDE. 5 prirent pour une faisane : d'où il conclut avec raison qu’elle doit être fort rare en Italie ; et cela est vraisemblable , quoique M. Ray, passant par Modène , en ait vu une au mar- ché. Voila donc la Pologne , la Suède, la Grande-Bretagne , l'Allemagne, la Suisse et l'Italie, à excepter du nombre des pays de l'Europe où se trouve la petite outarde ; et ce qui pourroit faire croire que ces exceptions sont encore très-limitées ,et que la France est le seul climat propre, le seul pays naturel de cet oiseau, c'est que les naturalistes françois sont ceux qui paroissent le connoître mieux, et presque les seuls qui en parlent d’après leurs propres observations, et que tous les autres, excepté M. Klein , qui n’en avoit vu qu'un, n’en parlent que d’après Belon. Mais il ne faut pas même croire que sa petite outardesoit également commune dans tous les cantons de la France ; je connois de -très-grandes provinces de ce royaume où elle ne se voil point. M. Salerne dit qu’on la trouve assez com- _munément dans la Beauce ( où cependant elle n’est que passagère) , qu'on la voit arri- ver vers le milieu d'avril , et s’en aller aux AVES) | SAME Mas. 5 HISTOIRE NATURELLE DER ‘approches de l'hiver: il ajoute qu "elle seplait dans les terres maigres et pierreuses ; raison pourquoionl’appellecanepétrace ,etses petits pétraceaux. On la voit aussi dans le Berri, où elle est connue sous le nom de carepétrofte. Enfin elle doit être commune dans le Maine et la Normandie, puisque Belon, jugeant de toutes les autres provinces de France par celle-ci qu’il connoissoitmieux, avance qu’iz n’y à paysan dans ce de ends qui ne la sache nommer. La petite outarde est naturellement rusée et soupçonneuse , au point que cela a passé en proverbe , et que l’on dit des personnes qui montrent ce caractère, qu'ils font de la canepelière. . < Lorsque ces oiseaux soupçonnent quelque danger , ils partent et font un vol de deux ou trois cents pas très-roide et fort prés de terre : puis , lorsqu'ils sont posés, 1ls cou- rent si vite, qu’à peine un homme les pour- roit atteindre. La chair de la petite outarde est noire et d’un goût exquis : M. Klein nous assure que les œufs de la femelle qu’il a eue, étoient très- bons à manger , et 1l ajoute que la chair de RE cs DE LA PETITE OUTARDE. 53 eette femelle étoit meilleure que celle de la femelle du petit coq de bruyère; ce dont il pouvoit juger par comparaison. Quant à l’organisation intérieure, elle est à peu prés la même , suivant Belon , que dans le commun des granivores. ea ps OISEAUX ÉTRANGERS. QUI ONT RAPPORT AUX OUTARDES. … LE LOHONG , ou L'OUTARDE.. HUPPÉE D’ARABIE. Lorsrau que les Arabes appellent /o4ong, et que M. Edwards a dessiné et décrit Le pre- mier , est à peu près de la grosseur de notre 5 à chaque pied, dirigés de même , seulement un peu plus courts, les pieds, Le béc et le cou plus longs , et paroît en géneral nel sur des proportions plus légères. | Le plumage de la partie supérieure du corps est plus brun , et semblable à celui dela bécasse, c’est-à-dire, fauve, rayé de brun foncé, : avec des taches blanches en forme de croissant sur les ailes ; le dessous du corps est blanc, crande outarde ; il a, comme elle, trois doigts == Pas re TN che RTS ee SE #1 HISTOIRE NATURELLE. 55 ainsi que le contour de la partie supérieure de l'aile; le sommet de la tête, la gorge, et le devant du cou , ont des raies transversales d’un brun obscur sur un fond cendré; Le bas de la jambe, le bec et les pieds sont d’un brun clair et jaunâtre ; la queue est tombante comme celle de la perdrix, et traversée par une bande.noire ; les grandes pennes de l'aile et la huppe sont de cette même couleur. Cette huppe est un trait fort remarquable dans l’outarde d'Arabie ; elle est pointue, dirigée en arrière, et fort inclinée à l'horizon ; de sa base elle jette en avant deux lignes noires , dont l’une, plus longue , passe sur V’œil et lui forme une espèce de sourcil ; Vautre, beaucoup plus courte , se dirige comme pour embrasser l'œil par-dessous, mais n'arrive point jusqu’à Poœil , lequel est noir et placé au milieu d’un espace blanc. En. regardant cette huppe de profil et d'un peu loin , on croiroit voir des oreilles un peu couchées et qui se portent en arrière; et comme l’outarde d'Arabie a été sans doute plus connue des Grecs que la nôtre, il est vraisemblable qu'ils l'ont nommée os à cause de ces espèces d'oreilles, de même qu'ils e } 56 HISTOIRE NATURELLE ‘ont nommé le duc ofus ou ofos à cause de deux aigrettes semblables qui le nt as 5 des chouettes. Un individu de cette espèce , qui venoit de Moka dans l'Arabie heureuse , à vécu. plusieurs années à Londres dans les volières de M. Hans Sloane; et M. Edwards, qui nous en a donne la figure coloriée, ne nous a con- servé aucun détail sur ses mœurs , ses habi- tudes , ni même sur sa façon de se nourrir* : mais du moins iln’auroit pas dû la confondre avec les gallinacés, dont elle diffère par des traits si frappans , ainsi que je l’ai fait voir. à l’article de l’outarde. en I I. L'OUTARDE D'AFRIQUE. C’EsrT celle dont M. Linnæus faitsa qua= trième espèce : elle diffère de l’outarde d'A- | * Les Arabes lui donnent le nom de /oAong, se- lon M. Edwards; nom qui ne se trouve point dans le texte anglois relatif à la planche XIT, mais dans la traducuon françoise, laquelle est avouée de Fan” eur. : LS À : } : x Es, en se a DES OISEAUX ÉTRANGERS. 5 rabie par les couleurs du plumage; le noir y domine , mais Le dos est cendré et les oreilles blanches. | Le mâle a le bec et les pieds jaunes , lé sommet de la tête cendré, et Le bord extérieur des ailes blanc; mais la femelle est par-tout de couleur cendrée , à l'exception du ventre et des cuisses , qui sont noirs comme dans l’outarde des Indes. Cet oiseau se trouve en Ethiopie , selon M. Linnæus; et il y a grande apparence que celui dont le voyageur le Maire parle sous le nom d'autruche volante du Sénégal, n’est pas un oiseau différent : car, quoique ce voyageur en dise peu de chose, ce peu s’ac- corde en partie et ne disconvient en rien avec la description ci-dessus ; selon lui , Le plumage est gris et noir, sa chair délicieuse, et sa grosseur à peu près de celle du cygne. Mais cette conjecture tire une nouvelle force du témoignage de M. Adanson : cet habile naturaliste ar tué au Sénéoal , et par con- séquent examiné de près, une de ces autru- ches volantes , nous assure qu’elle ressemble à bien des égards à notre outarde d'Europe , mais qu'elle en diffère par la couleur du ' . HP CMEUT RE L' Cr Eat 58 HISTOIRE NATURELLE et) x plumage , qui est généralement d’un gris cendré, par son cou, qui est beaucoup plus long , et par une espèce de huppe quelle a derrière la tête. Cette huppe est sans doute ce que M. Lin- næus appelle es oreilles, et cette couleur gris cendré est précisément celle de la fémelle; et comme ce sont-là les principaux traits par lesquels l’outarde d'Afrique de M. Linnæus et l’autruche volante du Sénégal diffèrent denotreoutarde d'Europe, on peuten induire, ce me semble , que ces deux oiseaux se rés- semblent beaucoup : et par la même raison on peut encore étendre à tous deux ce qui a été observé sur chacun en particulier; par exemple , qu'ils ont à peu près la grosseur de notre outarde et le cou plus long. Cette longueur du cou dont parle M. Adanson ,,est un trait de ressemblance avee l’outarde d’A- rabie, qui habite à peu près le même climat; et l’on ne peut tirer aucune conséquence contraire du silence de M. Linnæus, puis- qu'il n'indique pas une seule dimension de son outarde d'Afrique. À l'égard de la gros= seur , le Maire fait celle de l’autruche volante égale à celle du cygne, et M. Adanson à celle DES OISEAUX ÉTRANGERS. 59 de l’outarde d'Europe, puisqu’ayant dit qu'elle lui ressembloit à bien des égards, et ayant indiqué Les principales différences , il n'en établit aucune à cet égard ; et comme d’ailleurs l'ÉthiopieoulAbyssinie, qui est le _ paysdel'outarded’Afrique, et le Sénégal , qui est celui de l’autruche volante, quoique fort éloignés en longitude, sont néanmoins du même climat , je vois beaucoup de probabi- lité à dire que ces deux oiseaux appartiennent à une seule et même espêce. TILL LE CHURGE, ou L’'OUTARDE MOYENNE DES INDES. CETTE outarde est non seulement plus petite que celle d'Europe , d'Afrique et d’A- rabie; mais elle est encore plus menue à pro- portion, et plus hautmontée qu'aucune autre outarde : elle a vingt pouces de haut depuis le plan de position jusqu'au sommet de la tête. Son cou paroît plus court, relative- ment à la longueur de ses pieds : du reste elle a tous les caractères de l’outarde; trois doigts CC 60 HISTOIRE NATURELLE seulement à chaque pied, et ces doigts isolés ; ; le bas de la jambe sans plumes ; le bec un | peu courbé, mais plus alongé ; et je ne vois point par quelles raisons M. Brisson l a ren- voyée au genre des pluviers. , Le caractère distinctif par lequel les plu- viers diffèrent des outardes , consiste , selon. lui , dans la forme du bec, que celles-ci ont en cône courbé, et ceux-là droit et renflé par le bout. Or l’outarde des Indes dont il s’agit ici, a le bec plutôt courbé que droit, et nel’a point renflé par le bout comme les pluviers ; du moins c’est ainsi que l’a représenté M. Edwards dans une figure que M. Brison avoue comme exacte : je puis même ajouter qu'elle a le bec plus courbé et moins renflé par le bout que l’outarde d'Arabie de M. Edwards, dont la figure a paru aussi très-exacte à M. Brisson , et qu’il a rangée sans difficulté |. parmi les outardes. | D'ailleurs il ne faut que jeter les yeux sur la figure de l’outarde des Indes , et la comparer avec celle des pluviers , pour reconnoître qu’elle en diffère beaucoup par le port total et par lesproportions, ayant le cou pluslong, Les ailes plus courtes et la formedu corps plus DES OISEAUX ÉTRANGERS. 6x développée : ajoutez à cela qu’elle est quatre fois plus grosse que le plus grospluvier, lequel n’a que séize pouces de long , du bout du becau bout des ongles ,au lieu qu’elleena vingt-six |. Le noir , le fauve, le blanc et le gris, sont les principales couleurs du plumage, comme dans l’outarde d'Europe : mais elles sont dis- tribuées différemment ; le noir surlesommet de la tête , le cou, les cuisses et tout Le dessous du corps ; le fauve plus clair sur les côtés de la tête etautour des yeux , plus brun et mêlé avec du noir sur le dos , la queue , la partie des ailes la plus proche du dos, et au haut de la poitrine, où il forme comme une large ceinture sur un fond noir ; le blanc sur les couvertures des ailes les plus éloignées du dos , le blanc mêlé de noir sur leur partie moyenne ; le gris plus foncé sur les pau- pières . l'extrémité des plus longues pennes de l'aile? , de quelques unes des moyennes et 1 Cela ne contredit pas ce que J'ai dit ci-dessus, qu'elle avoit vingt pouces de haut depuis le plan de position jusqu” au sommet de la tête, parce qu’en mesurant ainsi la hauteur, on ne tient compte ni de la longueur du bec, ni de celle des doigts. 4 Comme à quelques outardes d'Europe. @ re d 6: HISTOIRE NATURELLE .des plus courtes, et sur quelques unes de leurs couvertures; enfin le gris plus clair et presque blanchâtre sur le bec et les pieds. Cet oiseau est originaire de Bengale, où on l’appelle churge , et où il a été dessiné d’après nature ; il est à CERTES que le climat de Béngate est à peu près le même que celui d'Arabie, d'Abyssinie et du Sénégal, où setrouvent les deux outardes précédentes : on peut appeler celle-ci ozutarde moyenne, parce qu’elle tient le milieu pour la grosseur entre les grandes et Les petites espèces. | I V. LE HOUBARA, ou PETITE OUTARDE | HUPPÉE D'AFRIQUE. Nous avons vu que , parmi les grandes outardes, il y en avoit de huppées, et d’autres qui ne l’étoient point , et nous allons retrou- ver la même différence entre les petites ou- tardes ; car la nôtre n’a point de huppe, ni mème de ces barbes de plumes qu’on voit à. la grandeoutarde d'Europe, tandis que celles- ci ont non seulement des huppes, mais Lot DES OISEAUX ÉTRANGERS. 63. encore des fraises : et il est à remarquer que cest en Afrique que se trouvent toutes les huppées, soit de la grande, soit de la petite espece. Celle que les Barbaresques appellent zou baara est en effet huppée et fraisée. M. Shaw, qui en donne da figure, dit positivement qu'elle a la forme et le plumage de l’outarde, mais qu'elle est beaucoup plus petite, n’ayant guère que la grosseur d’un chapon; et, par cette raison seule , ce voyageur, d’ailleurs habile, mais qui sans doute ne connoissoit pas notre petite outarde de France, blâäme Golius d’a- voir traduit le mot #oubaary par outarde. Elle vit, comme la nôtre, de substances végétales et d'insectes , et elle se tient le plus communeément sur les confins du désert. Quoique M. Shaw ne lui donne point de huppe dans sa description, il lui en donne une dans la figure qui y est relative, et cette huppe paroît renversée en arrière et comme tombante ; sa fraise est formée par de longues plumes qui naissent du cou, et qui se re- lèvent un peu et se renflent, commeilarrive à notre coq domestique lorsqu'il est en colère. C'est, dit M. Shaw, une chose curieuse 1 r 64 HISTOIRE NATURELLE de voir, quand elle se sent menacée par un oiseau de proie, de voir, dis-je, par combien d’allées et de venues, de tours et de détours, de marches et de contre-marches, en un mot par combien de ruses et de souplesses elle _ cherche à échapper à son ennemi. Ce savant voyageur ajoute qu’on regarde comme un excellent remède contre le mal des yeux, et que par cette raison l’on paye quelquefois très-cher , son fiel et une certaine matière qui se trouve dans son estomac. V. LE RHAAD, AUTRE PETITE OUTARDE HUPPÉE D'AFRIQUE. LE rhaad est distingué de notre petite outarde de France par sa UpRE et du Zou- baara d'Afrique en ce qu'il n’a pas comme lui le cou orné d’une fraise ; du reste, il est de la même grosseur que celui-ci : il a la tête noire , la huppe d’un bleu foncé; le dessus du corps et des ailes , jaune, tacheté de brun ; la queue d’une couleur plus claire, rayée trausversalement de noir; le ventre blanc et le bec fort, ainsi que les jambes. UP AU NET A NIENERS W2 ep / | RU LCR OR UN RTE y à 1 118 4 | hé + 40 DES OISEAUX ÉTRANGERS. 65 Le petit rhaad ne diffère du grand que par sa petitesse (n’étant pas plus gros qu'un pou- let ordinaire), par quelques variétés dans le plumage, et parce qu’il est sans huppe; mais avec tout cela il seroit possible qu’il füt de la même espèce que le grand, et qu'il n'en différât que par le sexe. Je fonde cette conjec- ture, 1°. sur ce qu'habitant le même climat, il n’a point d'autre nom ; 2°. sur ce que dans presque toutes les espèces d'oiseaux , excepté les carnassiers, le mâle paroit avoir une plus grande puissance de développement qui se marque au dehors par la hauteur de la taille, par la force des muscles , par l’excès de cer- taines parties , telles que les membranes charnues , les éperons, etc. par les huppes, les aigrettes et les fraises, qui sont, pour ainsi dire, une surabondance d'organisation, et même par la vivacité des couleurs du plu- mage. | : | . Quoi qu’il en soit , on a donné au grand et au petit rhaad le nom de saf:saf. Rhaad signifie le fonnerre en langage africain, et exprime le bruit que font tous ces oiseaux en s’élevant de terre ; et saf-saf, celui qu’ils font avec leurs ailes lorsqu'ils sont en plein vol. LE OA Voyez la planche 2 de ce volume. Cr oiseau, quoique domestique, quoiqué le plus commun de tous, n’est peut-être pas encore assez connû : excepté le petit nombre de personnes qui font une étude particulière des productions de la nature , il en est peu qui n'aient quelque chose à apprendre sur les détails de sa forme extérieure , sur la structure de ses parties internes, sur ses ha- bitudes naturelles ou acquises, sur les diffé rences qu’entraînent celles du sexe, du cli- mat, des alimens ; enfin sur les variétés des races diverses qui se sont séparées plus tôt où plus tard de la souche primitive. Mais si le coq est frop pos connu fa a 1 Voyez les JREHL ES SAÉE u° r. 2 En latin, gallus ; en espagnol et en italien, gallo; en bd » C0ÿ, gai, geau ; en allemand, han; en ù anglois, cack; en vieux francois »84l; LOZe + 7 À Momm À. Pl, lag 66, NT = NN \) AY PES TS DER HISTOIRE NATURELLE. 67 “plupart des hommes, il n’est pas moins em- barrassant pour un naturaliste à méthode, qui ne croit connoître un objet que lorsqu'il a cru lui trouver une place dans ses classes et dans ses genres : car, si, prenant les carac- tères généraux de ses divisions méthodiques dans le nombre des doigts , il le met au rang des oiseaux qui en ont quatre, que fera-t-1l de la poule à cinq doigts , quiestcertainement une poule ,' et mème fort ancienne, puis- qu'elle remonte jusqu’au temps de Columelle, qui en parle comme d’une race de distinc- tion ? que sil fait du coq une classe à part, caractérisée par la forme singulière de sa queue, où placera-t-1l le coq sans croupion, et par conséquent sans queue, et qui n’en est pas moins :un coq ? que s’il admet pour ca- ractère de cette espèce d'avoir les jambes gar- nies de plumes jusqu’au talon, me sera-t-il pasembarrassé du coq pattu, quia des plumes jusqu'à l’origine des doigts, et du coq du Japon, qui en a jusqu'aux ongles? enfin, s’il veut ranger les gallinacés à la classe des gra nivores, et que, dans le nombre et la struc- ture de leurs estomacs et de leurs intestins, il croie voir clairement qu’ils sont en effet 68 HISTOIRE NATURELLE destinés à se nourrir de graines et d’autres matières végétales, comment s “expliquera- de t-il à lui-même cet appétit de préférencequ’il montre constamment pour les vers de terre, et même pour toute chair hachée; cuite ou crue, à moins qu'il ne se persuade que la mature ayant fait la poule granivore par ses longs intestins et son double estomac, l'a faite aussi vermivore, et même carnivore par son bec un tant soit peu crochu ? ou plutôt ne conviendra-t-il pas, s'il est de bonne foi, que les conjectures que l’on se permet ainsi sur les intentions de la nature, et les efforts que l’on tente pour renfermer l’inépuisable variété desesouvrages dans les limites étroites ‘d’une méthode particulière, ne paroissent être faits que pour donner essor aux idées vagues et aux petites spéculations d’un esprit qui ne peut en concevoir de grandes , et qui s'éloigne d'autant plus de la vraie marche de la nature et de la connoissance réelle de ses productions? Ainsi, sans prétendre assujet- tir la nombreuse famille des oiseaux à une méthode rigoureuse, ni la renfermer toute entière dans cette espèce de filet scientifique, dont, malgré toutes nos précautions, il s'en DU COQ. 69 échapperoit toujours quelques uns ,: nous nous contenterons de rapprocher ceux qui nous paroîtront avoir plus de rapport entre eux, et nous tâcherons de les faire connoître par les traits les plus caractérisés de leur con- formation intérieure , et surtout par les . principaux faits de leur histoire. Le coq.est un oiseau pesant, dont la dé- marche est grave et lente, et qui, ayant les ailes fort courtes, ne vole que rarement, et quelquefois avec des cris qui expriment l’ef- fort. Il chante indifféremment la nuit et le jour, mais non pas régulièrement à certaines heures ; et son chant est fort différent de celui de sa femelle, quoiqu'il y ait aussi quelques femelles qui ont le même cri du coq, c’est- à-diré, qui font le même effort du gosier avec ‘un moindre effet; car leur voix n’est pas si forte , et ce cri n’est pas si bien articule. Il gratte la terre pour chercher sa nourriture; il avale autant de petits cailloux que de grains , et n'en digère que mieux : il boit en prenant de l'eau dans son bec et levant la tète à chaque fois pour l’avaler. Il dort le plus souvent un pied en l’air *, eten cachant * Par une suite de cette attitude ‘habituelle, la 7s HISTOIRE NATURELLE | sa tête sous l’aile du même côté. Son Corps, dans sa situation naturelle, se soutient à pem près parallèle au plan de position, le bec de même; le cou s’élève verticalement : le front est orné d’une crête rouge et charnue, et le dessous du bec d’une double membrane de même couleur et de même nature ; ce n'est cependant ni.de la chair ni des membranes, mais une substance parliculière et qui ne ressemble à aucune autre. | Dans les deux sexes, les narines sont pla- cées de part et d'autre du bec supérieur, et les oreilles de chaque côte de La tête, avec une peau blanche au-dessous de chaque oreille; les pieds ont ordinairement quatre doigts, quelquefois cinq , mais toujours trois ‘en avant , et le reste en arrière. Les plumes sortent deux à deux de chaque tuyau; carac- tère assez singulier, qui n’a été saisi que par très-peu de naturalistes. La queue est à peu près droite, et néanmoins capable de s’incli- ner du côté du cou et du côté opposé ; cette queue ; dans les races des gallinacés qui en cuisse qui porte ordinairement le corps est la plus charnue , et nos gourmands savent bien la distinguer de l’autre dans les chapons et les poulardes. Lao DU COQ. nt ont une, est composée de quatorze grandes plumes, quise partagenten deux plans égaux, inclinés l’un à l’autre, et qui se rencontrent par leur bord supérieur sous un angle plus ou moins aïgu : mais ce qui distingue lemäle, c'est que les deux plumes du milieu de la queue sont beaucoup plus longues que les autres, et se recourbent en arc ; qué les plumes du cou et du croupion sont longues et étroites, et que leurs pieds sont armés d’éperons. Il est vrai qu’il se trouve aussi des: poules qui ont des éperons ; mais cela est rare, et les poules ainsi éperonnées ont beau- coup d’autres rapports avec le mâle : leur crête se relève , ainsi que leur queue; elles imitent le chant du coq , et cherchent à l’i- miter en choses plus essentielles : mais on auroit tort de les regarder pour cela comme hermaphrodites, puisqu’étant incapables des véritables fonctions du mâle, et n’ayant que du dégoût pour celles qui leur conviendroient mieux , ce sont, à vrai dire, des individus viciés , indécis , privés de l’usage du sexe, et même des attributs essentiels de l’espèce , puisqu'ils ne peuvent en perpétuer aucune. . Un bon coq est celui qui a du feu dans les Lu AV LU à * do à 7: , : . re nt CA a #6 72. HISTOIRE NATURELLE yeux, de la fierté dans la démarche, de la liberté dans ses mouyemens, et toutes les proportions qui annoncent la force. Un coq ainsi fait n’imprimeroit pas la terreur à un lion , comme on l’a dit et écrit tant de fois; mais il inspirera de l’amour à un grand nombre de poules. Si on veut le ménager, on ne lui en laissera que douze ou quinze. Columelle vouloit qu'on ne lui en donnât pas plus de cinq; mais quand il en auroit cinquante chaque jour, on prétend qu'il ne manqueroit à aucune. À la vérité, personne ne peut assurer que toutes ses approches soient réelles, efficaces, et capables de fécon- - der les œufs de sa femelle. Ses desirs ne sont pas moins impétueux que ses besoins parois- sent être fréquens. Le matin, lorsqu'on lui ouvre la,porte du poulailler où il a été ren-— fermé pendant la nuit, le premier usage qu’il fait de sa liberté est de se joindre à ses poules: il semble que chez lui le besoin de manger ne soit que le second; et lorsqu'il a été privé des poules pendant du temps , il s'adresse à la première femelle qui se présente , füt-elle d'une espèce fort éloignée, et même il s’en. fait une du premier mâle qu’il trouve en son, ES FE Hé l | DU COQ. 73 chemin. Le premier fait est cité par Aristote, et le second est attesté par l’observation de M. Edwards !, et par une loi dont parle Plu- tarque, laquelle condamnoit au feu tout coq convaincu de cet excès de nature. Les poules doivent être assorties au coq, si l’on veut une race pure; mais si l’on x cherche à varier et même à perfectionner T'espèce, il faut croiser les races. Cette obser« vationi n’avoit point échappé aux anciens : Columelle dit positivement que les meilleurs poulets sont ceux qui proviennent du mé lange d’un coq de race étrangère avec les 1 poules communes ; et nous voyons dans Athénée que l’on avoit encore enchéri sur ) cette idée, en donnant un coq-faisan aux poules ordinaires ?. Dans tous les cas, on doit choisir celles * Ayant renfermé trois ou quatre jeunes coqs dans un lieu où ils ne pouvoient avoir de communi- cation avec aucune poule, bientôt ils déposèrent leux animosité précédente; et au lieu de se battre, cha- cun tâchoit de cocher son camarade, quoiqu’aucun ne parût bien aise d’être coché. Voyez préface des Glanures, tome IT. ? Longolius indique la facon de faire réussir Oiseaux, TIT. | 7 54. HISTOIRE NATURELLE À ae qui ont l’œil éveillé, la crête flottante et rouge, et qui n’ont point d’éperons : les pro- portions de leur corps sont en général plus légères que celles du mâle ; cependanLelles ‘ont les plumes plus larges et les jambes plus * basses. Les bonnes fermières donnent la pré- férence aux poules noires, comme étant plus fécondes que les blanches, et pouvant échap- per plus facilement à la vue perçante de l’oi- seau de proie qui plane sur les basses-cours. : Le coq a beaucoup de soin et même d’in- quiétude et de souci pour-ses poules : il ne les perd guère de vue; il les conduit , les défend , les menace, va chercher celles qui s’écartent, les ramène, et ne se livre au plaisir de manger que lorsqu'il les voit toutes manger autour de lui. À juger par les dif- férentes inflexions de sa voix et par les dif- férentes expressions de sa mine, on ne peut ouère douter qu'il ne leur parle différens cette union du coq-faisan avec les poules communes (Gesner, De avibus, page 445) ; et l’on m'a assuré que ces poules se mêlent aussi avec le coq- pintade , * lorsqu’on les a élevés de jeunesse ensemble, mais que les mulets qui proviennent de ce mélange sont peu féconds, | DU COQ. 75 langages. Quand il les perd , il donne des signes de regrets. Quoiqu'aussi jaloux qu’a- moureux , il n’en maltraite aucune ; sa ja- lousie ne l’irrite que contre ses concurrens : s’il se présente un autre coq, sans lui donner le temps de rien entreprendre, 1l accourt l'œil en feu, les plumes hérissées , se jette sur son rival, et lui livre un combat opi- ‘niâtre, jusqu'à ce que l’un ou l’autre suc- - combe, ou que le nouveau venu lui cède le champ de bataille. Le desir de jouir, toujours trop violent, le porte non seulement à écar- ter tout rival, mais même tout obstacle in-— nocent : il bat et tue quelquefois lespoussins, pour jouir plus à sou aise de la imère. Mais ce seul desir est-il la cause de sa fureur ja- louse ? Au milieu d’un sérail nombreux , et avec toutes les ressources qu'il sait se faire, comment pourroit-il craindre le besoin ou la disette ? Quelque véhémens que soient ses appétits, il semble craindre encore plus le partage qu'ilne desire la jouissance ; etcomme il peut beaucoup , sa jalousie est au moins plus excusable et mieux sentie que celle des autres sultans : d’ailleurs il a comme éux une poule favorite qu'il cherche de préfé- 96 HISTOIRE Re AUS souvent qu’il va vers les autres. Et ce qui paroïît prouver que sa saloÿsil ne laisse pas d’être une passion réfléchie \ quoi- qu’elle ne porte pas contre l’objet de ses amours, c'èst que plusieurs coqs dans une basse-cour ne cessent de se battre , au lieu qu'ils ne battent jamais les chapons, à moins que ceux-ci ne prennent l'habitude de suivre quelque poule. Les hommes, qui tirent parti de tout pour leur amusement, ont bien su mettre en œuvre cette antipathie invincible que la nature a établie entre un coq et un coq; ils ont cul- tivé cette haine innée, avec tant d'art, que les combats de deux oiseaux de basse-cour sont devenus des spectacles dignes d’intéresser la curiosité des peuples, même des penples polis, ét en même temps des moyens de développer ou entretenir dans les ames cette précieuse fe- rocité,quiest, dit-on, le serme del’héroïsme. On a vu , on voit encore tous les jours, dans - plus d’une contrée, des hommes de tous états CU ER . l iQ "oi x + 1 VE rence , et à laquelle il revient presque aussi accourir en foule à ces srotesques tournois, se diviser en deux partis, chacun de.ces partis s'échaufler pour son combattant, joindre la r L' DU COQ. 79 fureur des gageures les plus outrées à l’inté- rêt d’un si beau spectacle, et le dernier coup de bec de l'oiseau vainqueur renverser la for- tune de plusieurs familles. C’étoit autrefois la folie des Rhodiens , des Tangriens, de ceux de Pergame; c’est aujourd'hui celle des Chinois, des habitans des Philippines, de Java , de l’isthme de l'Amérique et de quel- ques autres nations des deux continens. Au reste, les coqs ne sont pas les seuls _ oiseaux donton ait ainsi abusé : les Athéniens, qui avoient un jour dans l’année * consacré à ces combats de coqs, employoient aussi les cailles au même usage, et les Chinois * Thémistocle allant combattre les Perses, et voyant que ses soldats montroient peu d’ardeur, leur fit remarquer l’acharnement avec lequel des cogs se * battoïent : « Voyez, leur dit-1l, le courage indom- « table de ces animaux ; cependant ils n'ont d'autre « motif que le desir de vaincre: et vous , qui combat- «tez pour vos foyers, pour les tombeaux de: vos « pères, pour la liberté... » Ce peu de mots ranima le courage de l’armée, et Thémisiocle remporta la victoire : ce fut en mémoire de cet événement que les À théniens instituèrent une espèce de fête qui se cé- … Jébroit par des combats de coqs. -8 HISTOIRE NATURELLE élèvent encore aujourd'hui pour le combat certains petits oiseaux ressemblans à des cailles ou à des linottes; et par-tout la ma- nière dont ces oiseaux se battentest différente, ’ e. r C2 0] | 4 ’ Les 4 selon Les diverses écoles où ils ont étéformés , et selon la diversité des armes offensives ou défensives dont on les affuble : mais ce qu'il y a de remarquable, c’est que les coqs de Rhodes , qui étoient plus grands, plus forts que les autres, et beaucoup plus ardens au combat , l’étoient au contraire beaucoup moins pour leurs femelles ; il’ne leur falloit que trois poules au lieu de quinze ou vingt, soit que leur feu se fût éteint dans la solitude forcée où ils avoient coutume de vivre, soit que leur colère, trop souvent excitée, eût. étouffé en eux des passions plus douces, et quicependant étoient, dans l’origine, le prin- _cipe de leur courage et la source de leurs dis- positions guerrières. Les mâles de cette race étoient donc moins mâles que les autres, et les femelles, qui souvent nesont que ce qu’on les fait, étoient moins fécondes et plus pa- resseuses , soit à couver leurs œufs, soit à mener leurs poussins : tant l’art avoit bien réussi à dépraver la nature! tant l’exercice DU COQ. 79 _ des (ldus de la guerre est opposé à ceux de. la propagation! Les poules n’ont pas besoin du coq pour produire des œufs ; il en naît sans cesse de la grappe commune de l’ovaire , lesquels, in- dépendamment de toute communication avec le mâle, peuvent y grossir , et, en grossissant , acquièrent leur maturité, se détachent de leur calice et de leur pédicule, parcourent l'oviductus dans toute sa longueur , chemin faisant s’assimilent, par une force qui leur est propre, la Iymphe dont la cavité de cet oviductus est remplie, en composent leur blanc, leurs membranes, leurs coquilles, et ne restent dans ce viscère que jusqu'a ce que ces fibres élastiques et sensibles etant gènées , irritées par la présence de ces corps devenus désormais des corpsétrangers,entrent en contraction, et les poussent au dehors, le gros bout le premier, selon Aristote. Ces œufs sont tout ce que peut faire la nature prolifique de la femelle seule et aban- donnée à elle-même : elle produit bien un corps organisé capable d’une sorte de vie, mais non un animal vivant semblable à sa mère , et capable Iui-même de produire N 8o HISTOIRE NATURELLE | d’autres animaux semblables à lui; il faut. pour cela le concours du coq et le melange intime des liqueurs séminales des deux sexes : mais lorsqu'une fois ce mélange a eu lieu, les effets en sont durables. Harvey a observé que l’œuf d’une poule séparée du coq depuis vingt jours n’étoit pas moins fécond que ceux. qu’elle avoit pondus peu après l’accouple- ment; mais l'embryon qu’il contenoit n’etoit pas plus avancé pour cela , et il ne falloit pas le tenir sous la poule moins de temps qu'aucun autre pour le faire éclore : preuve certaine que la chaleur seule ne suffit pas pour opérer ou avancer le développement du poulet, mais qu’il faut encore que l’œuf soit formé, ou bien qu’il se trouve en lieu où il puisse transpirer, pour que l'embryon qu'il renferme soit susceptible d’incubation ; autrement tous les œufs qui resteroient dans | l'oviductus vingt-un jours après avoir été. fécondés , ne manqueroient pas d'y éclore, puisqu'ils auroient le temps et la chaleur nécessaires pour cela, et les poules seroient « tantôt ovipares et Lantôt vivipares *. ‘ * Je ne vois que le docteur Michel Lyzeruts qui M UC 00: 8 Le poids moyen d’un œuf de poule ordi- naire est d'environ une once six gros. Si on ouvre un de ces œufs avec précaution, on trouvera d’abord sous la coque une mem- brane commune qui en tapisse toute la ca— vité; ensuite le blanc externe, qui a la forme de cette cavité ; puis le blanc interne, qui est plus arrondi que le précédent; et enfin au centre de ce blanc le jaune, qui est sphé- rique : ces différentes parties sont contenues chacune dans sa membrane propre; et toutes ces membranes sont attachées ensemble à l'endroit de ses chalazæ ou cordons, qui forment comme les deux poles du jaune. La petite vésicule lenticulaire, appelée cica- tricule, se trouve à peu près sur son équa- teur, et fixée solidement à sa surface *. ait parlé d’une poule vivipare ; mais les exemples en seroient plus fréquens, s’il ne falloit que de la chaleur à un œuf fécondé pour éclore. * Bellini, trompé par ses expériences , ou plutôt par les conséquences qu’il en avoit tirées, croyoit, et avor’ fait croire à Heauconp de monde, que, dans les œufs frais durcis à l’eau bouillante, la cicatri- cule quittoit la surface du jaune pour se retirer au centre ; mais que dans les œufs couvés, durcis de MEL NC NS SENTE 8 HISTOIRE NATURELLE À l'égard de sa forme extérieure, elle est trop connue pour qu'il soit besoin de la de- crire ; mais elle est assez souyent altérée par des accidens dont 1l est facile, ce me semble, de rendre raison, d’après l’histoire de l’œuf même et de sa formation. " Il n’est pas rare de trouver deux jaunes : dans une seule coque; cela arrive lorsque deux œufs épalement mürs se détachent en même temps de l’ovaire, parcourent en- semble l'oviductus, et, formant leur blanc sans se séparer, se trouvent réunis sous la mème enveloppe. | , Si, par quelque accident facile à supposer, un œuf détaché depuis quelque temps de l'ovaire se trouve arrèté dans son accrois- même, la cicatricule restoit constamment attachée à la surlace. Les savans de Turin, en répétant et variant les mêmes expériences, se sont assurés que, dans tous les œufs couvés ou non couvés, la cicatri- cule restoit toujours adhérente à la surface du jaune durci, er que le corps blanc que Bellini avoit vu au centre , el qu’il avoit pris pour la cicatricule , n’étoit rien moins que cela, et ne paroissoit en effet au centre du jaune que lorsqu'il n’étoit m1 trop ni trop peu cuit. ; D'U: COQ... ü3 sement, et qu’étant formé autant qu’il peut l'être, il se rencontre dans la sphère d’acti- vité d’un autre œuf qui aura toute sa force, celui-ci l’entrainera avec lui, et ce sera un œuf dans un œuf. | On comprendra de même comment on y trouve quelquefois une épingle ou tout autre corps étranger qui aura pu pénétrer jusque dans l’osiductus. Il y a des poules qui donnent des œufs hardés ou sans coque, soit pat le defaut de la matière propre dont se forme la coque; soit parce qu’ils sont chassés de l’osiductus avant leur entière maturité : aussi n’en voit- on jamais éclore de poulet; et cela arrive, dit-on, aux poules qui sont trop grasses. Des causes directement contraires produisent les œufs à coque trop épaisse, et mème des œufs à double coque : on en a vu qui avoient conservé le pédicule par lequel ils étoient attachés à l'ovaire, d’autres qui étoient con- tournées en manière de croissant, d’autres qui avoient la forme d’une poiré ; d’autres enfin qui portoient sur leur coquille l'em- preinte d'un soleil, d’une comète, d’une éclipse, ou de tel autre objet dont on avoit * su | AE ES CNE à 843. HISTOIRE NATURELLE ds L l'imagination frappée ; on en a/mêmeWwu quelques uns de lumineux. Cequ’il y avoit de réel dans ces premiers phénomènes, c’est- à-dire, les altérations de la forme de l’œuf, : ou les empreintes à sa surface, ne doit sat tribuer qu'aux différentes compressions qu’il avoit éprouvées dans le temps que sa coque | étoit encore assez souple pour céder à l'effort, et néanmoins assez ferme pour en conserver l'impression. Il ne seroit pas tout-à-fait si. facile de rendre raison des œufs lumineux. : Un docteur allemand en a observé de tels, . qui étoient actuellement, sous une poule | blanche, fécondée, ajoute-t-il, par un coq très-ardent : on ne peut honnètement nier \ la possibilité du fait; mais comme il est. unique, il est prudent de répéter l’observa-. tion avant de l'expliquer. A l’ésard de ces prétendus œufs de coq qui sont sans jaune , et contiennent , à ce. que croit le peuple, un serpent, ce n’est autres ï chose, dans la vérité, que le premier pro % duit d’une poule trop jeune, ou le dernier # effort d’une poule épuisée par sa fécondité même ; ou enfin ce ne sont que des œufs ml parfaits dont le jaumeraura été crevé dans. Es DU COQ. 05. Yoviductus de la poule, soit par quelque acci- dent, soit par un vice de conformation, mais qui auront toujours conservé leurs cordons ou chalazæ, que les amis du merveilleux n'auront pas manqué de prendre pour un serpent ; c'est ce que M. de la Peyronie a mis hors de doute par la dissection d’une poule qui pondoit de ces œufs : mais ni M. de la Peyronie, ni Thomas Bartholin, qui ont disséqué de prétendus cogs ovipares , ne leur ‘ont trouvé d'œufs ni d’ovaires , ni aucune partie équivalente. Les poules pondent indifféremment pen- dant toute l’année, excepté pendant la mue, qui dure ordinairement six semaines ou deux mois sur la fin de l’automne et au commen- cement de l'hiver : cette mue n’est autre chose que la chûte des vieilles plumes, qui se détachent comme les vieilles feuilles des arbres et comme les vieux bois des cerfs, étant poussées par les nouvelles; les cogs y sont sujets comme les poules. Mais ce qu’il y a de remarquable, c'est que les nouvelles plumes prennent quelquefois une couleur différente de celle des anciennes. Un de nos observaleuts a faitcette remarque sur une | 8 | 86 HISTOIRE NATURELLE poule et sur un coq, et tout le monde la peut faire sur plusieurs autres espèces d'oiseaux, et particulièrement sur les bengalis, dont le plumage varie presque à chaque mue; et en - général presque tous les oiseaux ont leurs premières plumes, en naissant, d’une cou— leur différente de celle dont elles doivent revenir dans la suite. La fécondité ordinaire des poules consiste à pondre presque tous les jours. On dit qu’il y en a en Samogitie, à Malaca et ailleurs, qui pondent deux fois par jour. Aristote parle de certaines poules d’Illyrie qui pondoient jusqu’à trois fois; et il y a apparence que ce sont les mêmes que ces petites poules adriènes ou adriatiques dont 1l parle dans un autre endroit, et qui étoient renomimées pour leur fécondité : quelques uns ajoutent qu’il y a telle manière de nourrir les poules com-— munes , qui leur donne cette fécondité ex= traordinaire ; la chaleur y contribue beau— coup. On peut faire pondre les poules en hiver, en les tenant dans une écurie où il y à toujours du fumier chaud sur lequel elles puissent séjourner. Dès qu'un œuf est pondu, il commence à DU COQ. | 87 transpirer, et perd chaque jour quelques grains de sou poids par l’évaporation des par- ties Les plus volatiles de ses sucs : à mesure que cette évaporation se fait, ou bien il s’épaissit, se durcit et se dessèche, ou bien äl contracte un mauvais goût, et il se gâte enfin totalement, au point qu’il devient inca- pable de rien produire. L'art de lui conserver long-temps toutes ses qualités se réduit à mettre obstacle à cette transpiration * par _ une couche de matière grasse quelconque, ‘dont on enduit exactement sa coque peu de momens après qu'il a été pondu : avec cette seule précaution on gardera pendant plu- sieurs mois et mème pendant des années des Ûl * Le Journal économique du mois de mars r7bb fait mention de trois œufs, bons à manger , trouvés en Italie dans l'épaisseur d’un œur covs'ruit il y avoit trois cents ans : ce fait est d’autant plus diff- cile à croire, qu’un enduit de mortier ne seroit pas sufGsant pour conserver un œuf, et que les murs les plus é épais étant sujets a À évaporation dans tous les points de leur épaisseur, puisque les mortiers de l’intérieur se sèchent à la longue, ils ne peuvent empêcher la transpiration des œufs cachés dans leur Épalsseur, ni par conséquent les conserver, 2 HISTOIRE NATURELLE œufs bons à manger, susceptibles d'incuba= tion, et qui auront, en un mot, toutes les propriétés des œufs frais: Les habitans de Tonquin les conservent dans une espèce de pâte faite avec de la cendre tamisée et de la saumure ; d’autres Indiens dans l'huile. x Le vernis peut aussi servir à conserver les œufs que l’on veut manger; mais la graisse n’est pas moins bonne pour cet usage, ef vaut mieux pour conserver les œufs que l’on veut faire couver, parce qu'elle s’enlève plus facilement que le vernis, et qu’il faut net- toyer de tout enduit les œufs dont on veut que l’incubation réussisse ; car tout ce qui nuit à la transpiration nuit aussi au succès de l'incubation. J'ai dit que le concours du coq étoit ne- cessaire pour la fécondation des œufs, et c’èst un fait acquis par une longue et constante expérience ; mais les détails de cet acte & essentiel dans l’histoire des animaux sont trop peu connus. On sait, à la vérité, que la verge du mâle est double, et n’est autre chose que les deux mamelons par lesquels se terminent les vaisseaux spermatiques à l'endroit de leur insertion dans le cloaque: & «# © PS de { À DU: COQ. 8) on sait que la vulve de la femelle est pla- cée au-dessus de l’anus, et non au-dessous comme dans les quadrupèdes : on sait que le coq s'approche de la poule par une espèce de pas oblique, accéléré, baissant les ailes comme un coq d'Inde qui fait la roue , éta- lant même sa queue à demi, etaccompagnant son action d’un certain murmure expressif, d’un mouvement de trépidation, et de tous les signes du desir pressant : on sait qu’il s’élance sur la poule, qui le reçoit en pliant les jambes , se mettant ventre à terre, et écartant les deux plans de longues plumes dont sa queue. est composée : on sait que le mâle saisit avec son bec la crête ou les plumes du sommet de la tête de la femelle, soit par manière de caresse, soit pour garder l'équi- libre ; qu’il ramène la partie postériéure de son corps où est sa double verge, et l’applique vivement sur la partie postérieure du corps de la poule où est l’orifice correspondant ; que cet accouplement dure d'autant moins qu’il est plus souvent répété, et que Le coq semble s’applaudir après par un battement d'ailes et Ca par une espèce de chant de joie ou de victoire: . on sait que le coq a des testicules; que sa 8 Es FX TNT Xp _ 99 HISTOIRE NATURELLE liqueur séminale réside, comme celle dés quadrupèdes, dans des vaisseaux sperma- tiques : on sait, par mes observations , que celle de la poule réside dans la cicatricule de chaque œuf, comme celle des femelles quadrupèdes dans le corps glanduleux des testicules : mais on ignore si la double verge du coq, ou seulement l'une des deux, pé- nêtre dans l’orifice de la femelle, et même s’il y a intromission réelle, ou une compres- sion forte, ou un simple contact ; on ne sait pas encore quelle doit être précisément la condition d’un œuf pour qu'il puisse être fécondé, ni jusqu’à quelle distance l’action du mâle peut s'étendre; en un mot, malgre le nombre infini d'expériences et d’observa: tions que l’on a faites sur ce sujet, on ignore encore quelques unes des principales circons- tances de la fécondation. Son premier effet connu est la dilatation de la cicatricule et la formation du poulet dans sa cavité : car c’est la cicatricule qui contient Le véritable germe, et elle se trouve dans les œufs fecondés ou non, même dans ces prétendus œufs de cog* dont j'ai parlé * M. de la Peyronie a observé dans un de ces 4: DU COQ. gt plus haut; mais elle est plus petite dans les œufs inféconds. Malpighi l'ayant exa- minée dans des œufs féconds nouvellement pondus et avant qu’ils eussent été couvés, vit au cetitre de la cicatricule une bulle nageant dans une liqueur, et reconnut au milieu de cette bulle l'embryon du poulet bien formé; au lieu que la cicatricule des œufs inféconds et produits par la poule seule, sans commu nication avec le mâle, ne [ui présenta qu’un petit globule informe, muni d’appendices remplies d’un suc épais, quoique transpa- rent, et environné de plusieurs cercles con- centriques. On n’y apperçoit aucune ébauche 4 d'animal ; l’organisation intime et complète d’une matière informe n’est que l'effet ins- A | | æufs une tache ronde, jaune, d'une ligne de dia- mètre, sans épaisseur, située sur la membrane qu'on trouve sur la coque : on peut croire que cette tache , qui devroit être blanche, n’étoit jaune 1c1 que parce que le jaune de l’œufs’étoit épanché de toutes parts, comme on l’a reconnu par la dissection de la poule; et sielle étoit située sur la membrane qu'on trouve sous la coque, c’est qu'après l’épanchement du jaune, la membrane qui contenoit ce jaune étoit restée adhérente à celle de la coque. | } N | À è RSA | CRE ! 92 HISTOIRE NATURELLE antané du mélange des deux liqueurs sémi- nales : mais s’il ne faut qu’un moment à la nature pour donner la forme première à cette glaire transparente, et pour la pénétrer du principe de vie dans tous ses points, il lui faut beaucoup de temps et de secours pour perfectionner cette première ébauche. Ce sont principalement les mères qu’elle semble avoir chargées du soin de ce développement, en leur inspirant le desir ou le besoin de cou- ver : dans la plupart des poules, ce desir se fait sentir aussi vivement, se marque au de- bors pat des signes aussi énergiques que celui de l’accouplement , auquel il succède dans l'ordre de la nature, sans même qu’il soit excité par la présence d'aucun œuf. Une poule qui vient de pondre éprouve une sorte de transport que partagent les autres poules qui n’en sont que témoins, et qu'elles expriment toutes par des cris de joie répétés *, soit que la cessation subite des douleurs de l’accou- chement soit toujours accompagnée d'une £ :* Nous n'avons point dans notre langue de termes propres pour exprimer les différens cris de la poule, du coq, des poulets : : les Latins, qui se RE «le leur pauvreté , étoient nee plus riches que h STRESS | | DU COQ. ‘9 joie vive, soit que cetté mère prévoie dès lors tous les plaisirs que ce premier plaisir lui prépare. Quoi qu’il en soit, lorsqu'elle aura .pondu vingt-cinq ou trente œufs, elle se met- tra tout de bon à les couver; si on les lui ôte à mesure, elle pondra peut-être deux ou trois fois davantage, et s’épuisera par sa fécondité même : mais enfin il viendra un temps où, par la force de l'instinct, elle demandera à couver par un gloussement particulier, et par des mouvemens et des attitudes non équi- voques; si elle n’a pas ses propres œufs, elle couvera ceux d'une autre poule, et, à défaut de ceux-là, ceux d’une femelle d’une autre espèce, et même des œufs de pierre ou de craie : elle couvera encore après que tout lui aura été enlevé, et elle se consumera en regrets et en vains mouvemens *. Si ses nous, et avoient des expressions pour rendre toutes . ces différences. Voyez Gesuer, De avibus, page 431. Gallus cucurit; pulli pipiunt; gallina can- turit, gracillat, pipat, singultit; gloctunt eæ quæ volunt incubare; d’où vient le mot francois 2/ousser, le seul que nous ayons dans ce genre. * On vient à bout d’éteindre le besoin de couver, 9+ HISTOIRE NATURELLE recherches sont heureuses, et qu’elle trouve | des œufs vrais ou feints dans un lieu retiré et ” convenable, elle se pose aussitôt dessus, les environne de ses ailes, les échauffe de sa cha- | leur, les remue doucement les uns après les autres, comme pour en jouir plus en détail, et leur communiquer à tous un égal degré de chaleur ; elle se livre tellement à cette occu- pation, qu’elle en oubliele boire et le manger: on diroit qu'elle comprend toute l’impor- tance de la fonction qu’elle exerce ; aucun soin n’est omis, aucune précaution n’est ou- bliée pour achever l'existence de ces petits êtres commencés, et pour écarter les dangers qui les environnent *. Ce qu’il y a de plus digne de remarque, c'est que la situation d’un couveuse, quelqu’insipide qu’elle nous paroisse, est peut-être moins une situation. d'ennui qu'un état de jouissance continuelle, d'autant plus délicieuse qu’elle est plus re- | e ) en trempant souvent dans l’eau froide les parties postérieures de la poale. | * Il n'ya pas jusqu’ au bruit qui ne leur soit con- traire : on a remarqué qu’ une couvée enti ‘re de pou- lets éclos dans la pounee d’un serrurier fut attaquée de vertiges. \ | : DU COQ. | yù eueillie : tant la nature semble avoir mis- d'attraits à tout ce qui a rapport à la mul- tiplication des êtres ! L'effet de l’incubation se borne au déve- loppement de l'embryon du poulet, qui, comme nous l'avons déja dit, existe tout formé dans la cicatricule de l’œuf fécondé. Voici à peu près l’ordre dans lequel se fait Le développement, ou plutôt comme il se pré- sente à l'observateur ; et comme j'ai déja donné dans un assez grand détail tous les "faits qui ont rapport au développement du poulet dans l'œuf, je me contenterai d'en rappeler ici les circonstances essentielles. Dès que l'œuf a été couvé pendant cinq ou six heures, on voit déja distinctement la tête du poulet jointe à l’épine du dos, nageant dans la liqueur dont la bulle qui est au-centre de la cicatricule est remplie ; sur la fin du premier jour, la tête s’est déja recourbée en grossissant. Dès le second jour, on voit les premières ébauches des vertèbres, qui sont comme de petits globules disposés des deux côtés du milieu de l’épine : on voit aussi paroitre le commencement des ailes et les vaisseaux M y HISTOIRE NATURELLE ombilicaux, remarquables par leur couleur ÿ obscure; le cou et la poitrine se débrouillent, la tête grossit toujours; on y apperçoit les premiers linéamens des yeux, et trois vési- cules entourées, ainsi que l’épine, de mem branes transparentes : la vie du fœtus devient plus manifeste; déja l’on voit son cœur battre et son sang circuler, | Le troisième jour , tout est plus distinct, | parce que tout a grossi. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est le cœur qui pend hors de la poitrine et bat trois fois de suite, une fois en recevant par l’oreillette le sang con- tenu dans les veines, urfe seconde fois en le. ‘renvoyant aux artères , et la troisième fois en Le poussant dans Les vaisseaux ombilicaux ; etcemouvementcontinueencore vingt-quatre heures après que l’embryon a été séparé du blanc de son œuf. On apperçoit aussi des | veines et des artères sur les vésicules du cer- veau; les rudimens de la moelle de l’épine commencent à s'étendre le long des vertèbres: enfin on voit tout le corps du fœtus comme enveloppé d’une partie de la liqueur envi- ronnante, qui à pris plus de consistauce que le reste. DU COQ. 97 Les yeux sont déja fort avancés le qua- trième jour ; on y reconnoit fort bien la pru- nelle, le crystallin , l humeur vitrée: on voit, outre cela, dans la tête cinq vésicules rem-— plies d'humeur , lesquelles se rapprochant et se recouvrant peu à peu les jours suivans ;, formeront enfin le cerveau enveloppé de toutes ses membranes ; les ailes croissent, les cuisses commencent à paroître et le corps à prendre de la chair. Les progrès du cinquième jour consistent, outre ce qui vient d’être dit, en ce que tout le corps se recouvre d’une chair onctueuse; que le cœur est retenu au dedans par une membrane fort mince, qui s'étend sur la ca- pacité de la poitrine, et que l’on voit les vaisseaux ombilicaux sortir de l’abdomen*. Le sixième jour, la moelle de l’épine s'étant divisée en deux parties, continue de s’avan- cer Le long du tronc; le foie, qui étoit blan- châtre auparavant, est devenu de couleur obscure; le cœur bat dans ses deux ventri- * Les vaisseaux qui se répandent dans le jaune de l'œuf, et qui par conséquent se trouvent hors de Jabdomen du poulet, rentrent peu à peu dans cette cavité | selon la remarque de Stenon. l 9 de AE à HAT à 98 HISTOIRE PP UE cules ; le corps du poulet est recouvert de Fr 4 peau, et sur cette peau l’on voit déja poindre les plumes. | Le bec est facile à distinguer le septième jour; le cerveau , les ailes, les cuisses et Les pieds ont acquis leur figure parfaite; les deux ventricules du cœur paroïssent comme | deux bulles contiguës et réunies par leur. partie supérieure avec le corps des oreil- lettes : on remarque deux mouvemens suc. cessifs dans les ventricules aussi-bien que dans les oreillettes; ce sont comme deux cœurs séparés. | Le poumon paroît à la fin du neuvième jour, et sa couleur est blanchätre. Le dixième . jour, les muscles des ailes achèvent de se former, les plumes continuent de sortir; et. ce n’est que le onzième jour qu'on voit des artères qui auparavant étoient éloignées du” cœur, Sy attacher, et que cet organe sen trouve parfaitement conformé et réuni en deux ventricules. Le reste n’est qu'un développement plus. grand des parties, qui se fait jusqu’à ce que le poulet casse sa coquille après avoir pipé;# ce qui tr ordinairement le vingtrunième, à ( ‘4 E x! Un 4 3 | D * wi y UM : DU CO Q. 99 jour, quelquefois le dix-huitième, d’autres fois le vingt-septième. Toute cette suite de phénomènes , qui forme un spectacle si intéressant pour un observateur, est l’effet de l’incubation opérée par une poule, et l’industrie humaiue n’a pas trouvé qu’il fût au-dessous d'elle d'en imiter les procédés : d’abord de simples villa- peo1s d'Égypte, et ensuite des physiciens de nos jours, sont venus à bout de faire éclore des œufs aussi-bien que la meilleure cou- veuse, et d’en faire éclore un très-grand nombre à la fois ; tout le secret consiste à tenir ces œufs dans une température qui ré- ponde à peu près au degré de chaleur de la poule , €t à les sarantir de toute humidité et de toute exhalaison nuisible, telle que celle du charbon, de la braise, même de celle des œufs gâtes. En remplissant ces deux condi- tions essentielles , et en y joignant l’atten- tion de retourner souvent les œufs, et de faire circuler dans le four ou l’étuve les cor- beilles qui les contiendront, en sorte que non seulement chaque œuf, mais chaque partie du même œuf, participe à peu près également à la chaleur requise, On TÉUSSITA r00 HISTOIRE: (NATURELLE | toujours à faire éclore des milliers de-pous 4 lets. ï! 8 Toute chaleur est bonne pour cela celle : de la mère poule n’a pas plus de privilége que celle de tout autre animal, sans en ex- cepter l’'homme*, ni celle du feu solaire où terrestre, n1 celle d’une couche de tan ou de fumier : le point essentiel est de savoir s’en rendre maitre, c’est-à-dire, d’être toujours en état de l’augmenter ou de la diminuer à son gré. Or-il sera toujours possible , au moyen de bons thermomètres distribués avec intelligence dans l’intérieur du four ou de l’étuve, de savoir le degré de chaleur de ses différentes régions; de la conserver en étou-" pant les ouvertures et fermant tous les re- oistres du couvercle; de l’augmenter, soit * On sait que Livie, étant grosse, imagina de cou- ver et faire éclore un œuf dans son sein, voulant augurer du sexe de son enfant par le sexe du pous- sin qui viendroit ; ce poussin fut mâle, el son enfant aussi. Les augures nc manquerent pas de se pré- valoir du fait pour montrer aux plus incrédules la vérité de leur art : mais ce qui reste le mieux-prouvé, cest que la chaleur humaine est suffisante pour l'incubation des œufs. À N# ë s mr DU COQ. 10L avec des cendres chaudes si c’est un four, soit en ajoutant du bois dans le poële si c’est une étuve à poéle, soit en faisant des ré- chauds si c’est une couche; et enfin de la diminuer en ouvrant les registres pour don- ner accès à l’air extérieur, ou bien enr intro- duisant dans le four un ou plusieurs corps froids, etc. Au reste, quelqu’attention que l'on donne à la conduite d’un four d’incubation , il n’est guère possible d'y entretenir constamment et sans interruption le 32° degré, qui est celui de la poule ; heureusement ce terme n’est point indivisible, et l’on a vu la chaleur va- rier du 38° au 24° degré, sans qu'il en resul- tât d’inconvénient pour la couvée : mais il faut remarquer qu'ici l’excès est beaucoup plus à craindre que le défaut, et que quel- ques heures du 38° et même du 36° degré feroient plus de mal que quelques jours du 24°; et la preuve que cette quantité de moindre chaleur peut encore être diminuée sans inconvénient, c’est qu'ayant trouvé, dans une prairie qu’on fauchoit, Le nid d’une perdrix, et ayant gardé et tenu à l'ombre les œufs pendant trente-six heures qu’on ne put. 9 ) più Cal { \ 103 HISTOIRE NATURELLE trouver de poule pour les couver, als éclorent A néanmoins tous au bout de trois jours, ex cepté ceux qui avoient été ouverts pour voir où en étoient les perdreaux : à la vérité, ils. étoient très-avancés ; et sans doute il faut un \ degré de chaleur plus fort dans les commen- * cemens de l’incubation que sur la fin de ce « même temps, où la chaleur du petit oiseau suffit presque seule à son developpement. À l'égard de son humidité, comme elle est fort contraire au succès de l’incubation , il 1 faut avoir des moyens sûrs pour reconnoître si elle a pénétré dans le four, pour la dissi- per lorsqu'elle y a penétré, et pour empêcher qu'ilu’en vienne de nouvelle. 51 L’'hygromètre Le plus simple et le plus ap- « proprié pour juger de l'humidité de l'air de ces sortes de fours, c'est un œuf froid qu'on y « introduit, et qu'on y tient pendant quelque temps , lorsque le juste degré de chaleur y est établi : si, au bout d’un demi-quart d'heure au plus, cet œuf se couvre d’un nuage léser, M semblable à celui que l'haleine produit sur une glace polie, ou bien à celui qui se forme V’été sur la surface extérieure d’un verre où l'on verse des liqueurs à la glace, c'est une + RER 14 ) DU COQ. 103 preuve que l'air du four est trop humide, et il l’est d'autant plus que ce nuage est plus loug-temps à se dissiper; ce qui arrive prin- cipalement dans les fours à tan et à fumier que l’on a voulu renfermer en un lieu clos. Le meilleur remède à cet inconvénient est de renouveler l'air de ces endroits fermés, en y établissant plusieurs courans par le moyen des fenêtres opposées, et, à défaut de fenêtres, en y plaçant et agitant un venti- lateur proportionné à l’espace. Quelquefois la seule transpiration du grand nombre d'œufs produit dans le four mème une hu- midité trop grande; et, dans ce cas, il faut tous les deux ou trois jours retirer, pour quelques instans , les corbeilles d'œufs hors du four, et l’éventer simplement avec un chapeau qu'on y agitera en différens sens. Mais ce n'est pas assez de dissiper l’humi- dité qui s’est accumulée dans les fours ; il faut encore, autant qu’il est possible, lui interdire tout accès par dehors, en revêtant leurs parois extérieures de plomb laminé ou de bon ciment, ou de plâtre ou de gou- _ dron bien cuit, ou du moins en leur donnant plusieurs couches à l'huile, qu'on laissera APS r04 HISTOIRE NATURELLE jte 1% bien séclrer, et eu collant sur leurs parois + intérieures des bandes de vessies ou de fort papier gris. | C’est à ce peu de pratiques aisées que : se réduit tout l’art de l’incubation artificielle, et il faut y assujettir la structure et les di mensions des fours ou étuves, le nombre, Ja forme et la distribution des corbeilles , et . toutes les petites manœuvres que la circons- tance prescrit, que le moment inspire, et qui nous ont été détaillées avec une immen- sité de paroles , et que nous réduirons ici dans quelques lignes , sans cependant rien omettre. 1 Le four le plus simple est un tonneau revêtu par dedans de papier collé, bouché par le haut d’un couvercle qui l’emboite, lequel est percé dans son milieu d’une grande ouverture fermant à coulisse pour regarder dans le four, et de plusieurs autres petites autour de celle-là, servant de registre pour le ménagement de la chaleur, et fermant aussi à coulisse : on noie ce tonneau plus qu'aux trois quarts de sa hauteur dans du fumier chaud; on place dans son intérieur, w les unes au-dessns des autres et à de justes k DU COQ: | 105 intervalles, deux ou trois corbeilles à claire- voie, dans chacune desquelles on arrange deux couches d'œufs, en observant que la couche supérieure soit moins fournie que _ l’inférieure, afin que l’on puisse avoir l’œif sur celle-ci : on ménage , si l’on veut, une ouverture dans le centre de chaque corbeille, et dans l'espèce de petit puits formé par la rencontre de ces ouvertures qui répondent toutes à l’axe du tonneau ; on y-suspend un thermomètre bien gradué ; on en placed’autres en différens points de la circonférence ; on entretient par-tout la chaleur au degré re- quis, etona des poulets. _ On peut aussi, en économisant la chaleur, et tirant parti de celle qu’ordinairement on laisse perdre, employer à l’incubation artifi- cielle celle des fours de pâtissiers et de bou- langers, celle des forges et des verreries, celle même d’un poële ou d’une plaque de cheminée , en se souvenant toujours que le succès de la couvée est attaché principale- ment à une juste distribution de la chaleur let à l'exclusion de toute humidité. Lorsque les fournées sont considérables et qu'elles vont bien, elles produisent des mil- | di. | OR "4 1 F7 te2 f*, +4 106 : HISTOIRE NATURELLE | É: liers de poulets à la fois ; et cette abondance Î inême ne seroit pas sans inconvénient dané üun climat comme lenôtre, sil’onn’eüttrouvé . moyen de se passer de poule pour élever les poulets, comme on savoit s’en passer pour les faire éclore ; et ces moyens se réduisent à une imitation plus ou moins parfaite des procédés de la poule , lorsque ses poussins sont éclos. On juge bien que cette mère qui a montré tant d’ardeur pour couver, qui a couvé avec tant d’assiduité, qui a soigné avec tant d'in- térèét des embryons qui n’existoient point. encore pour elle, ne se refroidit pas lorsque ses poussins sont éclos; son attachement, fortifié par la vue de ces petits êtres qui lui. | doivent la naissance, s’accroit encore tous. les jours par les nouveaux soins qu’exige leur | foiblesse : sans cesse occupée d'eux, elle ne cherche de la nourriture que pour eux; si. elle n’en trouve point, elle gratte la terre | avec ses ongles pour lui arracher les alimens qu’elle recèle dans son sein, et elle s’en prive én leur faveur : elle les rappelle lorsqu’ 1 s'égarent , les met sous ses ailes à l'abri des intempéries, et les couve une seconde fois ; 1 Æ DU COQ. 107 ellese livre à ces tendres soius avec tant d’ar- deur et de souci, que sa constitution en est sensiblement altérée, et qu'il est facile de distinguer de toute autre poule une mère qui mène ses petits, soit à ses plumes hérissées et à ses ailes traïnantes, soit au son enroué de sa voix et à ses differentes inflexions toutes expressives et ayant toutes une forte em preinte de sollicitude et d'affection mater- nelle. Mais si elle s’oublie elle-même pour con- server ses petits , elle s'expose à tout pour les défendre: paroit-il un épervier dans l'air, cette mêre si foible , si timide, et qui, eu toute autre circonstance, chercheroit son sa- lut dans la fuite, devient intrépide par ten- dresse ; elle s’elance au devant de la serre redoutable , et, par ses cris redoublés, ses _ battemens d'ailes et son audace, elle en im pose souvent à l'oiseau carnassier, qui, re- buté d’une résistance imprévue, s'éloigne et va chercher une proie plus facile. Elle paroît avoir toutes les qualités du bon cœur ; mais ce qui ne fait pas autant d'honneur au surplus de son instinct, c'est que si par hasard on lui a donné à couver des œufs de cane ou de Se RE ME ne 108 HISTOIRE (NATURELLE D tout autre oiseau de rivière, son hr n’est pas moindre pour ces étrangers qu "elle le seroit pour ses propres poussins : elle ne , voit pas qu’elle n’est que leur nourrice ou - leur bonne, et non pas leur mère; et lors- qu'ils vont, guidés par la nature, s’ébattre 3 4 ou se plonger dans la rivière voisine, c’est. un spectacle singulier de voir la surprise, | les inquiétudes, les transes de cette pauvre nourrice, qui se croit encore mère , et qui, À pressée du desir de les suivre au milieu des : eaux , mais retenue par une répugnance in . ‘ vincible pour cet élément, s’agite, incertaine : sur le rivage, tremble'et se désole, voyant : toute sa couvéè dans un péril évident, sans oser lui donner de secours. Il seroit impossible de suppléer à tous les soins de la poule pour élever ses petits, si ces soins supposoient nécessairement un de- gré d'attention et d'affection égal à celui de la mère elle-même : il suffit, pour réussir, de remarquer les principales circonstances de la conduite de la poule et ses procédés à l'égard de ses petits, et de les imiter autant qu’il est possible. Par exemple, ayant ob- servé que le principal but des soins de la 4 TT LI …. L'UU Tr “ À DU COQ. 109 amère est de conduire ses poussins dans des lieux où ils puissent trouver à se nourrir, et de les garantir du froid et de toutes les injures de l'air, on a imaginé le moyen de leur procurer tout cela avec encore plus d’a- vantage que la mère ne peut le faire. S'ils naissent en hiver, on les tient pendant un mois ou six semaines dans une étuve échauf- fée au même degré que les fours d’incuba- tion; seulement on les en tire cinq ou six fois par jour pour leur donner à manger au grand air, et sur-tout au soleil; la chaleur de Ll’étuve favorise leur développement, l'air extérieur les fortifie, et ils prospèrent : de la mie de pain, des jaunes d'œufs, de la soupe, du millet, sont leur première nourriture. Si c’est en été, on ne les tient dans l’etuve que trois ou quatre jours, et dans tous les temps on ne les tire de l’étuve que pour les faire passer dans la poussinière; c’est une espèce de cage quarrée, fermée par-devant d'un grillage en fil de fer ow d’un simple filet, et par-dessus d’un couvercle à char- nière : c'est dans cette cage que les poussins trouvent à manger. Mais lorsqu'ils ont mangé et couru suffisamment, il leur faut Oiseaux, AIT. à 10 | cé AE 4 " RU M LES HE HISTOIRE N ATOS SU a A un abri où ils puissent se réchauffer'et se re- ; poser ; et c’est pour cela. que les poulets qui sont menés par une mère, ont coutume. de se rassembler alors sous ses ailes. M. de Réaumur a imaginé pour ce même usage une 7zère artificielle ; c’est une boîte doublée de: peau de mouton; dont la base test quarréé et le dessus incliné comme le dessus d'un pupitre : il place cette boîte à l'un des bouts de sa poussinière, de manière que les poulets : A. puissent y entrer de plain pied et en faire 16: tour au moins de trois côtés , et il V’échauffe par - dessous au moyen d’une chaufferette qu’on reuouvelle selon le besoin ; lincli- maison du couvercle de cette espèce de pu- pitre offre des hauteurs différentes pour les poulets de différentes tailles : mais comme ils ont coutume, sur-tout lorsqu'ils ont froid, de se presser et même de s’entasser en mon- tant les uns sur les autres, et que dans cette : foule les petits et les foibles courent risque d’être étouffés, on tient cette boîte ou zzére artificielle ouverte par les deux bouts, où plutôt on ne la ferme aux deux bouts que par un rideau que le plus petit poulet puisse soulever facilement, afin qu’il ait toujours la ART ETS Se Le le TÉRS : , 1 ur? L. # { DU) DIU € Q Q: Tr facilité de sortir lorsqu'il se sent trop pressé; après quoi il peut, eu faisant le tour, revenir par l’autre bout et choisir une place moins dangereuse. M. de Réaumur tâche encore de prévenir ce même inconvénient par une autre précaution , c’est de tenir le couvercle de la mère artificielle incliné assez bas pour que les poulets ne puissent pas monter les uns sur les autres; et à mesure que les poulets croissent, 1l élève le couvercle, en ajoutant sur le côté de la boite des hausses propor- tionnées. Il renchérit encore sur tout cela, en divisant ses plus grandes poussinières en deux par une cloison transversale, afin de pouvoir séparer les poulets de différentes grandeurs : il les fait mettre aussi sur des roulettes pour la facilité du transport; car il faut absolument les rentrer dans la chambre toutes les nuits, et même pendant le jour lorsque le temps est rude; et il faut que cette chambre soit échauffée en temps d’hi- ver : mais, au reste, il est bon, dans les temps qui ne sont ni froids ni pluvieux, d'exposer les poussinières au srand air et au soleil, avec la seule précaution de lés garantir du. vent; on peut même en tenir les portes me ft T12 HISTOIRE NATURELLE. ouvertes; les poulets apprendront Son à:4 sortir pour aller gratter le fumier ou bé queter l’hérbe tendre, et à rentrer pour prendre leur repas ou s’échauffer sous la mère artificielle. Si Von ne veut pas courir le risque de les laisser ainsi vaguer en li- berté, on ajoute au bout de la poussinière une cage à poulets ordinaire, qui, commu-. niquant avec la première , leur fournira un. plus prand espace pour s’ébattre , et une pro- _menade close où ils seront en sûreté. Mais plus on les tient en captivité, plus il faut être exact à leur fournir une nourri- ture qui leur convienne. Outre le millet, les | jaunes d'œufs, la soupe et la mie de pain, les jeunes poulets aiment aussi la navette, le chenevis et autres menus grains de ce. genre ; ; les pois, les féves, les lentilles , le xiz , l'orge et l’avoine mondés, le turquis « écrasé et le blé noir. Il convient, et c’est même une économie, de faire crever dans À l'eau bouillante la plupart de ces graines . avant de les leur donner; cette économie va à un cinquième sur le froment, à deux cin-… quièmes sur l'orge, à une moitié sur le tur- quis, à rien sur l’avoine et le blé noir : 4 A DU COQ. 113 y auroit de la perte à faire crever le seigle; mais c’est de toutes ces graines celle que les poulets aiment le moins. Enfin on peut leur donner, à mesure qu’ils deviennent grands, de tout ce que nous mangeons nous-mêmes, excepté les amandes amères et les grains de café * : toute viande hachée, cuite ou crue, leur est bonne, sur-tout les vers de terre; c’est le mets dont ces oiseaux, qu’on croit si peu carnassiers , paroissent être le plus friands; et peut-être ne leur manque-t-il, comme à bien d'autres, qu'un bec crochu et des serres pour être de véritables oiseaux de proie. Cependant il faut avouer qu’ils ne diffèrent pas moins des oiseaux de proie par la façon de digérer et par la structure de l'estomac, que par le bec et par les ongles : l’estomac de * Deux poulets ayant été nourris, l’un avec du café des îles rôti, l’autre avec le même café non rôti, ils devinrent ious deux étiques, et moururent, l’un le huitième jour et l’autre le dixième, après avoir consommé chacun trois onces de Café : lé pieds et les jambes étoient fort enflés, et la vésicule du fiel se trouva aussi grosse que cette d une poule d'Inde. 10 N 7e LM je 14 HISTOIRE NATURELLE ceux-ci est membraneux , et leur digestion ë s'opère par Le moyen d’un dissolvant qui varie dansles différentes espèces, mais dont l’action est bien constatée; au lieu que les gallinacés peuvent être regardés comme ayant trois estomacs : savoir , 1°. le jabot, qui est une espèce de poche membraneuse , où les grains sont d’abord macérés et commencent à se ramollir : 2°. la partie la plus évasée du canal. intermédiaire entre le jabotet le gésier, et laÿ plus voisine de celui-ci : elle est tapissée d’ d’une quantité de petites glandes qui fournissent un suc dont les alimens peuventaussi se pénétrer à leur passage: 3°.enfin le gésier , qui fournit ‘un suc manifestement acide, puisque de l’eau dans laquelle on a broyé sa membrane in- terne , devient une bonne présure pour faire cailler les crêmes ; c’est ce troisième estomac qui achève , par l’action puissante de ses muscles, la digestion, qui n'avoit été que pré- parée dans les deux premiers. La force de ses muscles est plus grande qu'on ne le croiroit: en moins de quatre heures elle réduit en poudre impalpableune boule d’un verre assez épais pour porter un poids d'environ quatre livres ; en quarante-buit heures elle divise “ DU COQ. 115 longitudinalement , en deux espèces de gout- .tières, plusieurs tubes de verre de quatre lignes de diamètre et d’uneligne d'épaisseur, dont au bout de ce temps toutes les parties aiguës et tranchantes se trouvent émoussées et le poli détruit , sur-tout celui de la partie convexe ; elle est aussi capable d’applatir des tubes de fer-blanc, et de broyer jusqu’à dix-sept noisettes dans l’espace de vinçgt-quatreheures, et cela par des compressions multipliées, par une altèrnative de frottement dont il est dif- ficile de voir la mécanique. M. de Réaumur ayant fait nombre de tentatives pour la dé- couvrir, n'a apperçu qu’une seule fois des _ mouvemens un peu sensibles ans cette par- tie; il vit dans un chapon dont il avoit mis le gésier à découvert , des portions de ce viscère se contracter, s’applatir et se relever ensuite ; 11 observa des espèces de cordons charnus qui se formoient à sa surface, ou plutôt qui paroissoient sy former , parce qu'il se faisoit entre-deux des enfoncemens qui les séparoient , et tous ces mouvemens _sembloient se propager comme par ondes et très-lentement. Ce qui prouve que dans les gallinacés La 116. HISTOIRE NATURELLE digestion se fait principalement par J'action à des muscles du gésier , et non par celle d’un dissolvant quelconque , c’est que si l’on fait avaler à l’un de ces oiseaux un petit tube de plomb ouvert par les deux bouts, mais assez épais pour w’être point applati par l'effort du gésier , et dans lequel on aura introduit un grain d'orge , le tube de plomb aura perdu : sensiblement de son poids dans l’espace de deux jours, et le grain d’orge qu’il renferme, fûüt-il cuit et même mondé, se retrouvera au . bout de deux jours un peu renflé, mais aussi peu altéré que si on l’eüt laissé pendant le même temps dans tout autre endroit égale- ment humide au lieu que ce même grain, et d’autres beaucoup plus durs, qui neseroient pas garantis par un tube, seroient digérés en | beaucoup moins de temps. | | Une chose qui peut aider encore à l’action U du gésier , c’est que les oiseaux en tiennent | la cavité remplie, autant qu’il est possible, et par-là méttent en jeu les quatre muscles È dont il est composé ; à défaut de grains, ils À le lestent avec de l’herbe et même avec de petits cailloux , lesquels, par leur dureté et ‘ leurs inésalités, sont des instrumens propres 4 DU COQ. 117 à broyer les grains avec lesquels ils sont con- tinuellement froissés : je dis par leurs inéga- lités ; car, lorsqu'ils sont polis , ils passent fort vite, il n'y a que les raboteux qui restent : ils abondent d'autant plus dans le gésier qu'il s’y trouve moins d’alimens; et ils y séjournent beaucoup plus de temps qu'aucune autre matière digestible ou non digestible. UE Et l’on ne sera point surpris que la mem- brane intérieure de cet estomac soit assez forte pour résister à la réaction de tant de corps durs sur lesquels elle agit sans relâche , si lou fait attention que cette membrane est en effet fort épaisse et d’une substance ana- Jlogue à “celle de la corne: d’ailleurs ne sait-on pas que les morceaux de bois et les cuirs dont on se sert pour frotteravec une poudre extré- mement dure les corps auxquels on veut donner le poli, résistent fort long-temps ? On peut encore supposer que cette membrane dure se répare de la même manière que la peau calleuse des mains de ceux qui travail- lent à des ouvrages de force. | Au reste, quoique les petites pierres puis- sent contribuer à la digestion , il n’est pas tiÿ HIST OIRE NATURELLE | gs | bien avéré que les oiseaux granivores aient une intention bien décidée en les avalant. Redi ayant renferme deux chapons avec de l’eau et de ces petites pierres pour toute nourriture, ils burent beaucoup d'eau et moururent l’un au bout de viugt jours, l’autre au bout de vingt-quatre, et tous deux sans avoir avalé une seule pierre. M. Redi en trouva bien quelques unes dañs leur gésier; _ mais c’étoit de celles qu'ils ayoient avalées précédemment. Les organes servant à la respiration consis tent en un poumon semblable à celui des animaux terrestres, et dix cellules aériennes» dont il y en a huit dans la poitrine , qui communiquent immédiatement avec le pou- mon, et deux plus grandes dans le bas ventre, quicommuniquent avec les huit précédentes : lorsque dans l'inspiration le thorax est dilaté, V'air entre par le larynx dans le poumon, passe du poumon dans les huit cellules aériennes supérieures ; qui attirent aussi, en se dilatant , celui des deux cellules du bas ventre , et celles-ci s’affaissent à proportion; lorsqu’au contraire le poumon et les cellules supérieures, s’afflaissant dans l'expiration , DU COQ. 119 pressent l’air contenu dans leur cavité, cet air sort en partie par le larynx, et repasse en partie des huit cellules de la poitrine dans les deux cellules du bas ventre , lesquelles se dilatent alors par une mécanique assez ana logue à celle d’un soufflet à deux ames. Mais ce n’est point ici le lieu de développer tous les ressorts de cette mécanique ; il suffira de remarquer que dans les oiseaux qui ne volent point , comme Fautruche, le casoar , et dans ceux qui volent pesamment , tels que les gallinacés , la quatrième cellule de chaque côté est plus petite. Toutes ces différences d'organisation en entraînent nécessairement beaucoup d’autres, sans parler des anches membraneuses obser- vées dans quelques oiseaux. M. Duverney a fait voir sur un coq vivant que la voix, dans ces oiseaux, ne se formoit pas vers le larynx, comme dans les quadrupèdes, mais au bas de la trachee-artère , vers la bifurcation, où M. Perrault a vu un larynx interne. Outre cela, M. Hérissant a observé, dans les princi- pales bronches du poumon , des membranes semi -lunaires posées transversalement les unes au-dessus des autres, de façon qu'elles FES PT NON (vo HISTOIRE de (& n’occupent que la moitié de la cavité de ces. bronches, laissant à l’air un libre cours par l'autre demi-cavite ; et 1l a jugé avec raison que ces membranes devoient concourir à la formation de la voix des oiseaux, mais moins essentiellement encore que la membrane de l'os de la tunette, laquelletermineune cavité assez considérable qui se trouve au-dessus de la partie supérieure et interne de la poitrine, ‘4 et qui a aussi quelque communication avec. les cellules aériennes supérieures. Cet anato- miste dit s’être assuré , par des expériences réitérées , que lorsque cette membrane est percée, la voix se perd aussi, et que, pour la faire entendre de nouveau , il faut bou- cherexactementl’ouverture dela membrane, et empêcher que l’air ne puisse sortir. .. D’après de si grandes différences observées dans l’appareil des organes de la voix, ne _paroîtra=t-il pas singulier que les oiseaux , avec leur langue cartilagineuse et leurs lèvres : de corne, aient plus de facilité à imiter nos chants et même notre parole , que ceux d’en- tre les quadrupèdes qui ressemblent le plus à l'homme ? tant il est difficile de juger de. l'usage des parties par leur simple structure; 2. Mo : k { » DU COQ. 12€ et tant ilest vrai que la modification de la voix et des sons dépend presque en entier de la sensibilité de l’ouïe! Le tube intestinal est fort long dans les gallinacés , et surpasse environ cinq fois la longueur de l’animal , prisé de l'extrémité du bec jusqu’à l’anus : on y trouve deux cœcum d'environ six pouces , qui prennent naissance à l’endroit où le colon se joint à l’iléon ; le rectum S'élargit à son extrémité et forme ‘un réceptacle commun, qu’on a appelée c/oaque, où se rendent séparément les excrémens solides et liquides , et d’où ils sortent à la fois sans être néanmoins entièrement mélés. Les parties caractéristiques des sexes s’y trou- ventaussi; savoir , dans les poules la vulve ou l’orifice de l’oviductus; et dans les coqs les deux verges, c'est-à-dire , les mamelons des deux vaisseaux spermatiques : la vulve est placée, comme nous l'avons dit plus haut, au-dessus de l'anus , et par conséquent tout au rebours de ce qu’elle est dans les qua- drupèdes. On savoit, dès le temps d’Aristote, que tout oiseau mâle avoit des testicules, et qu'ils étoient cachés daps l'intérieur du corps; on 11 122 HISTOIRE NATURELLE 4 attribuoit même à cette. situation la véhés 1 mence de l'appétit du mâle pour la femelle, \ qui a, disoit-on, moins d’ardeur, parce que l'ovaire est plus près du diaphragme, et par conséquent plus à portée d’être rafraîchi par l'air de la respiration : au reste, les testicules ne sont pas tellement propres au mâle, que ! l'on n’eñ trouve aussi dans la femelle de quelques espèces d'oiseaux, comme dans la canepetière et peut-être l’outarde. Quelque- fois les mâles n’en ont qu'un, mais le plus souvent ils en ont deux; et il s’en faut beau- coup que la grosseur de ces espèces de glandes soit proportionnée à celle de l'oiseau : l'aigle les a comme des pois, et un poulet de quatre mois les a déja comme des olives. En général leur grosseur varie, non seulement d’une es- pèce à l’autre, mais encore dans la même espèce, et n’est jamais plus remarquable que dans le temps des amours. Au reste, quelque peu considérable qu’en soit le volume, ils jouent un grand rôle dans l’économie ani- male, et cela se voit clairement par.les chan- gemens qui arrivent à la suite de leur extir- pation. Cette opération se fait communément : aux poulets qui ont trois ou quatre mois “à | { D U',,C O'Q: 129 celui qui la subit prend désormais plus de chair; et sa chair, qui devient plus succu- lente et plus délicate, donne aux chimistes des produits différens que ceux qu’elle eût donnés avant la castration * : il n’est presque plus sujet à la mue, de mème que le cerf qui est dans le même cas ne quitte plus son bois : il n’a plus le méme chant; sa voix de- vient enrouée, et il ne la fait entendre que rarement : traité durement par les coqs, avec dédain par les poules, privé de tous les appé- tits qui ont rapport à la reproduction, il est non seulement exclu de la société de ses semblables , 1l est encore, pour ainsi dire, séparé de son espèce ; c’est un être isolé, hors d'œuvre, dont toutes les facultés se replient sur lui-même et n’ont pour but que sa conservation individuelle; manger, dor- mir et s’engraisser, voilà désormais ses prin- cipales fonctions et tout ce qu’on peut lui * L’extrait tiré de la chair du poulet dégraissé est un peu moins du quatorzième du poids total; au lieu qu'il en fait un dixième dans le poulet, et un peu plus du septième dans le coq : de plus, l'ex- trait de la chair du coq est très-sec , au heu que celle du chapon est difficile à sécher. ! 124 HISTOIRE NATURELLE demander. Cependant, avec un peu ré dustrie, on peut tirer parti de sa foiblesse même, et de sa docilité qui en est la suite, en lui donnant des habitudes utiles, celle, par exemple , de conduire et d’élever les jeunes poulets : il ne faut pour cela que le tenir pendant quelques jours dans une prison obscure, ne l’en tirant qu’à des heures réglées pour lui donner à manger, et l’accou- tumant peu à peu à la vue et à la compagnie de quelques poulets un peu forts; il prendra ‘ NE X d "1 bientôt ces poulets en amitié, et les conduira avec autant d'affection et d’assiduité que le feroit leur mère; il en conduira même plus que la mére, parce qu’il en peut réchauffer sous ses ailes un plus grand nombre à [la fois. La mère poule, debarrassée de ce soin, se remettra plutôt à pondre ; et de cette ma- nière les chapons, quoique voués à la stéri- lité, contribueront encore indirectement à la conservation et à la multiplication de leur espèce. Un si grand changement Ds les mœurs du chapon, produit par une cause si petite et si peu suffisante en apparence, est un fait d’antant plus remarquable, qu'il est con- DU COQ. 123 firmé par un trèsigrand nombre d'expériences que les hommes ont tentées sur d’autres es- pêces, et qu’ils ont osé étendre jusque sur leurs semblables. On a fait sur les poulets un essai beaucoup moins cruel, et qui n’est peut-être pas moins intéressant pour la physique : c’est, après leur avoir emporté la crête *, comme on fait ordinairement , d'y substituer un de leurs éperons naissans , qui ne sont encore que de petits boutons; ces éperons, ainsi entés, prennent peu à peu racine dans les chairs, en tirent de la nourriture, et croissent sou- vent plus qu’ils n’eussent fait dans le lieu de leur origine : on en a vu qui avoient deux pouces et demi de longueur, et plus de trois lignes et demie de diamètre à la base; quel- quefois en croissant ils se recourbent comme les cornes de belier:; d’autres fois #ls se ren- versent comme celles des boucs. * La raison qui semble avoir déterminé à couper la crête aux poulets qu’on fait devenir chapons, c’est qu'après cette opéralion, qui ne l'empêche pas de croître, elle cesse de se tenir droite , elle devient pendante comme celle des poules ; et si on la lais- soit, elle les incommoderoit en leur couvrant un ol: 11 126 HISTOIRE NATURELLE C’est une espèce de greffe animale, dontle | succès a dû paroiître fort douteux la première fois qu’on l’a tentée, et dont 1l estsurprenant qu’on n'ait tiré, depuis qu’elle a réussi, au- cune connoissance pratique. En général, les expériences destructives sont plus cultivées, suivies plus vivement que celles qui tendent à la conservation, parce que l’homme aime mieux jouir et consommer que faire du bien et s’instruire. Les poulets ne naissent point avec cette crête et ces membranes rougeâtres qui les distinguent des autres oiseaux; ce n’est qu'un mois après leur naissance que ces parties commencent à se développer. À deux mois, les jeunes mâles chantent déja comme les coqs, et se battent les uns contre les autres; ils sentent qu’ils doivent se haïr, quoique le fondement de leur haine n’existe pas encore: ce n’est guêre qu’à cinq ou six mois qu'ils. commencent à rechercher les poules, et que celles-ci commencent à pondre. Dans les deux sexes, le terme de l'accroissement com- plet est à un an ou quinze mois. Les jeunes poules bondent plus, à ce qu’on dit; mais les vieilles couvent mieux. Ce temps néces- DU COQ. DAT saire à leur accroissement indiqueroit que la durée de leur vie naturelle ne Gevroit être que de sept ou huit ans, si dans les oiseaux cette durée suivoit la mème proportion que dans les animaux quadrupèdes; mais nous avons vu qu'elle est beaucoup plus longue: un coq peut vivre jusqu'à vingt ans dans l'état de domesticité, et peut-être trente dans celui de liberté. Malheureusement pour eux, mous n'avons nul intérêt de les laisser vivre long-temps : les poulets et les chapons qui A sont destinés à paroître sur nos tables, ne _ passent jamais l’année, et la plupartne vivent qu'une saison. Les coqs et les poules qu’on emploie à la multiplication de l'espèce sont épuisés assez promptement, et nous ne don- nons le temps à aucun de parcourir la pé- riode entière de celui qui leur a été assigné par la nature; en sorte que ce n’est que par des hasards singuliers que l’on a vu des coqs mourir de vieillesse. Les poules peuvent subsister par-tout avee la protection de l’homme; aussi sont-elles répandues dans tout le monde habite. Les gens aisés en élèvent en Islande, où elles pondent comme ailleurs; et les pays chauds NE TAPER ORNE Me: NY 128 HISTOIRE NATURELLE TRS en, sont pleins. Mais la Perse est le climat ; primitif des coqs, selon le docteur Thomas s| Hyde * : ces oiseaux y sont en abondance et _en grande considération, sur-tout parmi cer- tains dervis qui les regardent comime des horloges vivantes ; et l’on sait qu’une horloge est lame de toute communauté de dervis. Dampier dit qu’il a vu et tué, dans les îles de Poulo-Condor, des coqs sauvages qui ne surpassoient pas nos corneilles en grosseur, et dont le chant, assez semblable à celui des coqs de nos basses - cours, étoit seulement plus aigu. Il ajoute ailleurs qu'il y en a dans l’île Timor et à Sant-lago, l’une des îles du cap Verd. Gemelli Carreri rapporte quil en avoit apperçu dans les îles Philippines; et Merolla prétend qu’il y a des poules sauvages au royaume de Congo, qui sont plus belles et de meilleur goût que les poules domes- tiques , mais que les te estiment peu ces sortes d'oiseaux. | De leur climat naturel, quel qu’il soit, * Remarquez cependant que l’art d’engraisser les ehapons a été porté d'Europe en.Perse par des mar- chands arméniens. DU COQ. 129 _ tes oiseaux se sont répandus facilement dans le vieux continent, depuis la Chine jusqu’au Cap Verd, et depuis l'Océan méridional jus- qu'aux mers du Nord. Ces migrations sont fort anciennes , et remontent au-delà de toute tradition historique ; mais leur établissement dans le nouveau monde paroît être beaucoup plus recent. L’historien des Incas assure qu'il n’y en avoit point au Pérou avant la con- quêle, et même que les poules ont été plus de trente ans sans pouvoir s’accoutumer à couver dans la vallée de Cusco. Coréal dit positivement que les poules ont été apportées au Bresil par les Espagnols, et que les Bra- siliens les connoissoient si peu, qu’ils n’en mangeoient d'aucune sorte, et qu’ils regar- doient leurs œufs comme une espèce de poison. Les habitans de l’île de Saint-Domingue n’en avoient point non plus, selon le témoignage du P. Charlevoix ; et Oviedo donne comme un fait avéré qu'elles ont été transportées d'Europe en Amérique. Il est vrai qu'Acosta avance tout le contraire ; 1l soutient que les . poules existoient au Pérou avant l’arrivée des Espagnols : il en donne pour preuve qu’elles s'appellent, dans la langue du pays, 130 HISTOIRE NATURELLE gualpa, et leurs œufs porto; et de l'anciens neté du mot il croit pouvoir conclure celle L de la chose, comme s’il n étoit pas fortsimple de penser que des sauvages , voyant pour la première fois un oiseau étranger, auront songé d’abord à le nommer, soit d’après sa ressemblance avec quelque oiseau de leur À pays, soit d'après quelque autre analogie. Mais ce qui doit, ce me semble, faire pré- férer absolument la premièreopinion, C'est qu'elle est conforme à la loi du climat: cette loi, quoiqu’elle ne puisse avoir lieu en géné- ral à l'égard des oiseaux, sur-tout à l'égard de ceux qui ont l'aile forte, et à qui toutes les contrées sont ouvertes , est néanmoins suivie nécessairement par.Ceux qui, ComImMeE la poule, étant pesans et ennemis de l’eau, ne peuvent ni traverser les airs comime les oiseaux qui ont le vol élevé, ni passer les mers ou même les grands fleuves comme les gradrupèdes qui savent nager, et sont par conséquent exclus pour jamais de tout pays séparé du leur par de grands amas d’eau À moins que l’homme, qui va par-tout, s’avise de les transporter avec lui. Ainsi le eoq est encore un animal qui appartient em LA | DU COQ. 131 propre à l'ancien continent, et qu'il faut ajouter à la liste que j'ai donnée de tous les animaux qui n’existoient pas dans le nou- veau monde lorsqu'on en a fait la décou- verte. À mesure que les poules se sont éloignées de leur pays natal, qu’elles se sont accoutu- mées à un autre climat, à d’autres alimens, elles ont dü éprouver quelque altération dans leur forme , ou plutôt dans celles de leurs parties qui en étoient le plus susceptibles : et de là sans doute ces variétés qui consti- tuent les différentes races dont je vais parler; variétés qui se pérpétuent constammentdans chaque climat, soit par l’action continuée des mêmes causes qui les ont produites d’a- bord , soit par l’attention que l’on a d’assor- tir les individus destinés à la propagation. Il seroit bon de dresser pour le coq , comme je l'ai fait pour le chien, une espèce d’arbre généalogique de toutes ses races, dans lequel on verroit la souche primitive et ses diffé- rentes branches, qui représenteroient les divers ordres d’altérations et de changemens relatifs à ses diffétens états; mais il faudroit avoir pour cela des mémoires plus exacts, à 1332 HISTOIRE NATURELLE 4 plus détaillés , que ceux que l’on trouve dans | la plupart des relations. Ainsi jeme contene terai de donner ici mon opinion sur la poule de uotre climat, et de rechercher son ori= gine après avoir fait le dénombrement des races étrangères qui ont été décrites par les. naturalistes, ou seulement indiquées'par les a | | | o EL . Le cog commun, ï coq de notre ea mel °, Le cog huppé”. Il ne diffère du. coq. commun que par une touffe de plumes qui s'élève sur sa tête; et il a ordinairement la crête plus petite, vraisemblablement parce que la nourriture, au lieu d’être portée toute à la crête, est en partie employée à l’acerois- sement des plumes. Quelques voyageurs as- surent que toutes les poules du Mexique sont huppées. Ces poules, comme toutes lesautres de l'Amérique, y ont été transportées par les hommes , et viennent origsinairement de. l’ancien continent. Au reste, la race des poules huppées est celle que les curieux ont. * Voyez les planches euluminées > A0 re 3 Jbid. n° 40. | L'4 DU COQ. 133 Je plus cultivée; et, comme il arrive à toutes les choses qu’on regarde de très-près, 1ls y ont remarqué un grand nombre de diffé- rences, sur-tout dans les couleurs du plu- mage, d’après lesquelles ils ont formé une multitude de races diverses, qu'ils estiment d'autant plus que leurs couleurs sont plus belles on plus rarés ; telles que les dorées et les argentées ; la blanche à huppe noire, et la noire à hupbe blanche; les agates et les -chamois, les ardoisées ou périnettes, celles à écailles de poisson et les herminées ; la poule veuve , qui a de petites larmes blanches se- mées sur un fond rembruni; la poule cou- leur de feu ; la poule pierrée, dont le plu- mage fond blanc.est marqueté de noir ou de chamois, ou d’ardoise ou de doré, etc. : mais je doute fort que ces différences soient assez constantes et.assez profondes pour constituer des espèces vraiment différentes, comme le prétendent quelques curieux, qui assurent que plusieurs des races ci-dessus ne propagent point ensemble. 89. Le coq sauvage de l'Asie. C'est sans doute celui qui approche le plus de la souche originaire des coqs de ce climat ; car, n'ayant 19 … "# 4. HIER (8 Fu Co 134 STORES jamais été gêné par l'homme ; ni a me : choix de sa nourriture, ni dans sa manière à de vivre, qu'est-ce qui auroit pu altérer en lui la pureté de la premiére empreinte”? EL n'est ni des plus grands ni des plus petits de l'espèce; mais sa taille‘est moyenne entre les différentes races. IL se trouve, comme nous l'avons dit ci-devant, en plusieurs contrées de l'Asie, en Afrique, et dans les îles du cap © Verd. Nous n’en avons pas de description assez exacte pour pouvoir lecomparer à notre coq. Je dois recommander ici aux voyageurs qui se trouveront à portée de voir ces coqs et poules sauvages, de tâcher de savoir si elles font des nids, et comment ‘elles les font: M. Lottinger, médecin à Sarrebourg, qüia fait de nombreuses et très-bonnes observa- tions sur les oiseaux , m'a assuré que nos poules, lorsqu'elles sont en pleine liberté, } font des nids, et qu’elles y mettent autaht de soin que les perdrix. | 4, L'acoho ou cog de Madagascär.iLes poules de cette espèce sont -très-petites ; et cependant leurs œufs sont encore plus pétits à proportion , puisqu'elles en peuvent couver jusqu'à trente à la fois. : sé, (1911 L 2 dé nn Te , CE PS è DU! € QQR2L : : 135 5°, Poule naine de Java, de la grosseur d'un pigeon. Il y a quelque apparence que la petite poule angloise pourroit bien être de la même race que, cette poule de Java, dont parlent les voyageurs ; car cette poule an- gloise est encore plus petite que notre poule naine de France, n'étant en effet pas plus grosse qu'un pigeon de moyenne grosseur, On pourroit peut-être encore ajouter à cette’ race la petite poule du Pégu, que les voya- geurs disent n'être pas plus grosse qu’une tourterelle, et avoir les pieds rogneux, mais le plumage très-beau. 6°. Poule de l’isthme de Darien , plus petite que la poule commune. Elle a un cercle de plumes autour des jambes, une queue fort épaisse qu’elle porte droite, et le bout des ailes noir; elle chante avant le di LAN . Poules de onore (ans AE de ce nn. aux Philippines par les Espa- gnols : elles ont les pieds si courts, que leurs ailes trainent à terre. Cette race ressemble beaucoup à celle de la poule naine de France, ou peut-être à cette poule naine qu'on nour- rit en Bretagne à cause de sa fécondité, et 136 HISTOIRE N ATURELLE Re: qui marche toujours en sautant. Au reste, ces poules sont de la grosseur des poules ordinaires , et ne sont naines que par les jambes, qu’elles ont très-courtes. 8°. Le cog de Bantam a beaucoup de rap- port avec le coq pattu de France : il a de même les pieds couverts de plumes, mais seulement en dehors; celles des jambes sont très-longues , et lui forment des espèces de bottes, qui descendent beaucoup plus bas que le talon : il est courageux, et se bat hardi- ment contre des coqs beaucoup plus forts que lui; il a l'iris des yeux rouge. On m'a assuré que la plupart des races pattues n’ont point de huppe. Il y a une grosse race de poules. pattues qui vient d'Angleterre, et une plus petite, que l’on appelle le cog nain d’Angle- terre, qui est bien doré et à crête double. Il y a encore une race naine, qui ne sur- passe pas le pigeon commun en grosseur, et dont le plumage est tantôt blanc, tantôt blanc et doré. On comprend aussi dans les poules pattues la poule de Siam, qui est blanche, et plus petite que nos poules com— munes. | 9°. Les Hollandois parlent d'il autre ne Î DUC 0" Q7 Me: 0 1 espèce de coqs propre à l’ile de Java, où on ne les élève guère que pour la joute; ils l’ap— pellent demi-poule d'Inde. Selon Willughby, il porte sa queue à peu près comme le din- don. C’est sans doute à cette race que l’on doit rapporter celle de ces poules singulières de Java dont parle Mandeslo, lesquelles tiennent de la poule ordinaire et de la poule d'Inde , et qui se battent entre elles à ou trance, comme les coqs. Le sieur Fournier n'a assuré que cette espèce a élé vivante à Paris * : elle n’a, selon lui, ni crête ni cra- vate; la tête est unie comme celle du fai- san. Cette poule est très-haute sur ses jambes ; sa queue est longue et pointue, les plumes étant d’inégale longueur ; et en général la couleur des plumes est rembrunie comme celle des plumes du vautour. 10°. Le cog d’Angletérre ne surpasse pas le coq nain en grosseur; mais 1l est beau— coup plus.haut monté que notre coq com- mun, et c'est la principale chose qui l’en * M. Fournier est un curieux, qui a élevé pen- dant plusieurs années pour lui-même, pour $. A.S. M. le comte de Clermont, et pénr plusieurs sei- gueurs, des poules et'des pigeons de toute espèce, 12 133 , HISTOIRE NATURELLE M distingue. On peut donc rapporter. à cette | race le xolo, espèce de coq des Philippines ; k: qui a de très-longues jambes. Pau reste, le coq d'Angleterre est supérieur à celui de France pour le combat : il a plutôt-une ai- grette qu'une huppe; son cou et son bec sont plus dégagés, et il a au-dessus des narines deux tubercules de chair, rouges comme sa crête. 11°. Le coq de Turquie n’est remarquable que par son beau plumage. | 2°. Le coq de Hambourg, appelé aussi culotte de velours, parce qu’il a les cuisses et le ventre d’un noir velouté. Sa démarche est grave et majestueuse, som bec très-pointu ; l'iris de ses yeux jaune, et ses yeux même sont entourés d'un cercle de plumes brunes, d'où part une touffe de plumes noires qui couvrent les oreilles ; il.a des plumés à peu près semblables derrière la crête et au-dessous des barbes , et des taches noires, rondes et larges sur la poitrine : les jambes et les pieds sont de couleur de plomb, excepté la plane | des re qui est jaunâtre. be cog frisé, dont les plumes se ren- versent en dehors : on en trouve à Jaya, au LAN : y DU COQ. #4 139 | Y _ Japon et dans toute l'Asie méridionale. Sans doute que ce coq appartient plus particulié- rement aux pays chauds; car les poussins de cette race sont extrémement sensibles au froid, et n’y résistent guère dans notreclimat, _ Le sieur Fournier m'a assuré que leur plu- mage prend toutes sortes de couleurs , et qu'on en voit de blancs, de noirs, d’argentés, . de dorés, d'ardoisés, etc. 14°. La poule à duvet du Japon *. Ses plumes sont blanches, et les barbes des plumes sont détachées et ressemblent assez à du poil; ses pieds ont des plumes en dehors: jusqu’à l’ongle du doigt extérieur. Cette race se trouve au Japon , à la Chine, et dans quel- ques autres contrées de l'Asie. Pour la pro- pager dans toute sa pureté, il-faut que le père et la mère soient tous deux à duvet. 15°. Le cog nègre a la crête, les barbes, l’épiderme et le périoste absolument noirs; ses plumes le sont aussi le plus souvent, mais quelquefois elles sont blanches. On en trouve aux Philippines, à Java , à Delhi, à _ Sant-lago, l’une des îles du cap Verd. Becman :7* Voyez les planches enluminées , n° 98. r40 HISTOIRE NATURELLE prétend que la plupart des oiseaux de cette dernière île ont les os aussi noirs que du ; jais, et la peau de la couleur de celle des Nègres. Si ce fait est vrai, on ne peut guère attri- buer cette teinture noire qu'aux alimens que les oiseaux trouvent dans cette île. On. connoit les effets de la garance , des caille lait, des graterons, etc.; et l’on sait qu’en Angleterre on rend blanche la chair des veaux en les nourrissant de farineux et autres ali- mens doux, mélés avec une certaine terre ou craie que l’on trouve dans la province de Bedford. Il seroit donc curieux d'observer à Sant-lago, parmi les différentes substances dont les oiseaux s’y nourrissent , quelle est celle qui teint leur périoste en noir. Au reste, cette poule nègre est connueen France ; et pourroit s’y propager; mais, comme la chair, lorsqu'elle est cuite, est noire et dégoûtante, il est probable qu’on ne cher- chera pas à multiplier cette race : lorsqu'elle se mêle avec les autres, il en résulte des métis de différentes couleurs, mais qui con- servent ordinairement la crête et les cra- vates ou barbes noires, et qui ont même la membrane qui forme l’oreillon , teinte de bleu noirâtre à l'extérieur. ’ 7 DUC O'CNEE 141 16°: Le cog sans croupion, ou cog de Perse de quelques auteurs. La plupart des poulets et des coqs de Virginie n’out point de crou- pion, et cependant ils sont certainement de race angloise. Les habitans de cette colonie assurent que lorsqu'on y transporte de ces oiseaux, ils perdent bientôt leur croupion. Si cela est ainsi, il faudroit les appeler cogs de Virginie, et non de Perse, d'autant plus que les anciens ne les ont point connus, et que les naturalistes n'ont commencé à en parler qu'après la découvérte de l'Amérique. Nous avons dit que les chiens d'Europe à oreilles pendantes perdent leur voix et prennent des oreilles droites lorsqu'on les transporte dans le climat du tropique : cette singulière altération, produite par l'influence du climat, n’est cependant pas aussi grande que la perte du croupion et de la queue dans l'espèce du coq. Mais ce qui nous paroît être une bien plus grande singularité, c’est que dans le chien, comme dans le coq, qui de tous les animaux de deux ordres très-diffé— rens, sont le plus domestiques, c’est-à-dire, le plus dénaturés par l’homme, il se trouve également une race de chiens sans queue ; 142 HISTOIRE NATURELLE comme une race de coqgs.sans croupions@n me montra ,il RAC plusieurs années, un de ces chiens né,sans queue ; je crus alors que ce n’étoit qu'un.individu vicié, un monstre, et c’est pour cela que je n’en fis aucüne men- tion dans l’histoire du chien : ee n'est que depuis ce temps que j'ai revu ces chiens sans | queue, et que je mesuis assuré qu'ils forment une race constante et particulière, comme celle des cogs sans croupion. Cette race de coqs a le bec et les pieds bleus, une crête simple ou double, et point de huppe; le plumage est de toutes couleurs ; et.le sieur Fournier m'a assuré que lorsqu'elle se mêle avec la race ordinaire, il en provient des métis qui n’ont qu'un demi-croupion, et six plumes à la queue, au lieu de douze : cela ie être, mais Le de la peine à le croire. . La poule à cinq doigts est, comme nous avons dit, une forte di hide à la méthode dont les principaux caractères se prennent du nombre des doigts : celle-ci en a cinq à chaque pied , trois en avant, et deux en arrière; et il y a même quelques individus dans cette race qui ont six doigts. 18°. Les poules de Sansevare. Ce sont D'U COR F0" 143 célles qui donment ces œufs qui se vendent en Perse trois où quätre écüs la pièce, et que les: Persans s'amusent à ‘choquer les uns contre les autres par manière dé jeu. Dans le même pays, il y a des coqs beaucoup plus beaux et plus grands , et di coûtent aie à trois cents livres. | »129% Le coq de Caux où ‘de’ pénE: son attribut distinctif est la grosseur; il-a sou- vent'la crête double en forme de couronne, et une espèceide huppe qui est plus marquée dans les poules; leur voix est beaucoup plus forte, plus grave‘et plus rauque , et leur poids va jusqu'à Huit à dix livres. On peut rapporter à cette belle race tes grands coqs de Rhodes, de Perse, du‘Pégu , ces grosses poules de Bahia, qui ne commencent à se couvrir de'plumes que lorsqu'elles ontatteint la moitié de leur grosséur : on sait que les poussins de Caux prennent leurs plumes ct tard que les poussins ordinaires. | Au reste ; il faut remarquer qu'un grand nombre d'oiseaux dont parlent les voyageurs sous:le nom de cogs ou de poules , Sont de toute autre ‘espèce : ‘telles sont''les ‘poules patourdes où palourdes qui se trouvent au J * ON RE STEP à #1 + MEN AM 144 HISTOIRE NATURELLE Graud-Banc, et sont très-friandes dé foie de morue; le coq.et la poule noire-de Moscovie, qui soit coqs et poules de bruyère; l@poule rouge du Pérou , qui a beaucoup de rapport avec les faisans; cette grosse poule à'huppe de la nouvelle Guinée , dont le plumage est bleu céleste , qui a le bec de: pigeon ;1les pieds de poule-:commune ; quitmiche sûres arbres, et:qui-est probablement :le/faisän de Banda; la poule-de Damiète | qui a le bécret les pieds rouges, une petite,:marque sur la iête de la même couleur, et le plumage d’un bleu violet, ce qui pourroit serapporter à la grande poule d’eau; la poule du Delta, dont Thévenot vanté les belles couleurs , mais qui diffère des galliñacés non seulemenitpar la forme du.bec et de la queue, mäis encore par les habitudes nâturelles, puisqu'elle se plaît dans les marécages;; la poule de Pharaon, qué le même Thévenot dit ne le point céder à da gélinotte; les poulés de Corée, qui ont uné queue de trois pieds de longueur , etc 11° Dans ce grand nombre de races différentes que nous présente l'espèce du coq, comment pourrons-nous, déméler quelle «en: est:la souche primitive? tant de circonstances ont DU COQ. 145 influé sur ces variétés! tant de hasards ont concouru pour les produire! Les soins et même Îles caprices de l’homme les ont si fort multipliés, qu'il paroît bien difficile de re- monter à leur première origine, et de recon- moître dans nos basses-cours la poule de la mature, ni même la poule de notre climat. Les cogs sauvages qui se trouvent dans les pays chauds de l'Asie pourront être regardés comme la tige primordiale de tous les coqs de ces contrées : mais comme il n'existe dans nos pays tempérés aucun oiseau sauvage qui ressemble parfaitement à nos poules domes- tiques , on ne sait à laquelle des races ou des variétés on doit donner la primauté; car, en supposant que le faisan, le coq de bruyère ou la gelinotte, qui sont les seuls oiseaux sauvages de ce pays qu’on puisse rapprocher de nos poules par la comparaison, en soient les races primitives, et en supposant encore que ces oiseaux peuvent produire avec nos poules des métis féconds, ce qui n’est pas bien avéré, ils seront alors de la même es- “pêce : mais les races se seront très-ancienne- ment séparées et toujours maintenues par elles-mêmes, sans chercher à se réunir avec Oiseaux, AIT. rat ti 13 146 HISTOIRE NA TURELLE les races domestiques dont elles diffèrent par des caractères constans, tels que le défaut de crêtes, de membranes pendantes dans les deux sexes, et d’éperons dans les mâles; et par conséquent ces races sauvages ne sont représentées par aucune de nos races domes= tiques, qui, quoique très-variées et très— différentes entre elles à beaucoup d’égards, ont toutes néanmoins ces crêtes, ces mem=— branes et ces éperons qui manquent aux fai: saus , à la gélinotte et au coq de bruyère: d'où l'on doit conclure qu'il faut regarder le faisan, le coq de bruyère et la gélinotte comme des espèces voisines et néanmoins différentes de celle de la poule, jusqu’à ce qu'on se soit bien assuré, par des expériences réitérées, que ces oiseaux sauvages peuvent produire avec nos poules domestiques, non seulement des mulets stériles, mais es métis féconds; car c’est à cet effet qu’est attachée l’idée de l'identité d'espèce. Les races singu- JLières, telles que la poule naine, la poule frisée, la poule nègre, la poule sans crou- pion, viennent toutes originairement des pays étrangers; et quoiqu’elles se mêlent et produisent avec nos poules communes, elles es NE | DU COQ. 147 ne sont ni de la même race, ni du même climat. En séparant donc notre poule com mune de toutes Les espèces sauvages qui peu- vent se mêler avec elle, telles que la géli- notte, le coq de bruyère, le faisan, etc.; en la séparant aussi de toutes les poules étran- gères avec lesquelles elle se mêle et produit des individus feconds , nous diminuerons de beaucoup le nombre de ses variétés, et nous n’y trouverons plus que des différences assez légères : les unes pour la grandeur du corps; les poules de Caux sont presque dou- bles, pour la grosseur, de nos poules ordi- naires : les autres pour la hauteur des jambes ; le coq d'Angleterre, quoique parfaitement ressemblant à celui de France, a les jambes et les pieds bien plus longs : d’autres pour la longueur des plumes ; comme le coq huppé, qui-ne diffère du coq commun que par la hauteur des plumes du sommet de la tête : d’autres par le nombre des doigts, telles que les poules et coqs à cinq doigts; d’autres enfin par la beauté et la singularité des couleurs, comme la pôule de Turquie et celle de Ham bourg. Or, de ces six variétés auxquelles nous _ pouvons réduire la race de nos poules com à RE | A 148 HISTOIRE NATURELLE Mare munes , trois appartiennent , comme l'on voit, à l'influence du climat de Hambourg, :. de la Turquie et de l'Angleterre, et peut- être encore la quatrième et la cinquième; car la poule de Caux vient vraisemblable- ment d'Italie, puisqu’on l'appelle aussi poule de Padoue; et la poule à cinq doigts étoit connue en Jtalie dès le temps de Columelle : ainsi il ne nous restera que le coq commun et le coq huppé qu'on doive regarder comme les races naturelles de notre pays; mais, dans ces deux races, les poules et les coqs sont également de toutes couleurs. Le caractère constant de la huppe paroît indiquer une espèce perfectionnée, c’est-à-dire, plus soignée et mieux nourrie; et par conséquent la race commune du coq et de la poule sans huppe doit être la vraie tige de nos poules : et si l’on veut chercher dans cette race commune quelle est la couleur qu’on peut attribuer à la race primitive, 1l paroiît que c’est la poule blanche; car, en supposant les poules origt- w nairement blanches, elles auront varié du " blanc au noir, et pris successivement toutes w les couleurs intermédiaires. Un rapport très- | éloigné, et que personne n’a saisi, vient D U CO Q. | | 14% directement à l’appui de cette supposition , et semble indiquer que la poule blanche est eu _ effet la première de son espèce, et que c’est d’elle que toutes les autres races sont issues : ce rapport consiste dans la ressemblance qui se trouve assez généralement entre la couleur des œufs ek celle du plumage. Les œufs du corbeau sont d’un verd brun taché de noir; ceux de la crécerelle sont rouges; ceux du casoar sont d’un verd noir; ceux de la cor- neille noire sont d’un brun plus obscur en- core que ceux du corbeau; ceux du pic-varié sont de même variés et tachetés ; la pie- grièche grise a ses œufs tachés de gris, et la pie-grièche rouge les a tachés de rouge; le crapaud -volant les a marbrés de taches bleuâtres et brunes , sur un fond nuageux blanchâtre ; l'œuf du moineau est cendré, tout couvert de taches brunes-marron,surun fond gris; ceux du merle sont d’un bleu noi- râtre; ceux de la poule de bruyère sont blan- châtres, marquetés de jaune; ceux des pein- tades sont marqués, comme leurs plumes, de taches blanches et rondes, etc. : en sorte qu'il paroît y avoir un rapport assez constant 15 à qu A «! | MU db ne #: 350 HISTOIRE NATURELLE pa entré 1" couléut di plumage des oiseaux à: la couleur de leurs œufs ; seulement on voit. que les teintes en sont beaucoup plus foibles sur les œufs, et que le blanc dominé dans plusieurs, parce que dans lé plumage de plusieurs oiseaux il y a aussi plus de blanc que de toute autre couleur, sur-tout dans les femellés, dont les couleurs sont-toujours moins fortes que celles du mäle. Or nos poules blanches, noires , grises, fauves et de couleurs méêlées, produisent toutes des œufs parfaitement blancs : donc, si toutes ces poules étoient demeurées dans leur état de nature, elles seroient blanches, ou du moins auroient dans leur plumage beaucoup plus de blanc qué de toute autre couleur ; les in- fluences de la domesticité, se ont changé la couleur de leurs plumes, n’ont pas assez pénétré pour altérer celle de leurs œufs : ce changement de. la couleur des plumes n’est qu’un effet superficiel et accidentel, qui né se trouve que dans les pigeons , les poules et les autres oiseaux de nos basses-cours; car tous ceux qui sont libres et dans l’état de nature conservent leurs couleurs sans 11 A Rs de hu Dr / di DU COQ. Bt altération et sans autres variétés que celles de l’âge, du sexe ou du climat, qui sont toujours plus brusques, moins nuancées, plus aiëées à reconnoître, et beaucoup moins nombreuses que celles de la domesticité. Voyez la planche 5 de ce volume. / | S: le coq ordinaire est l'oiseau le plus utile de la basse-cour , le dindon domestique est le plus remarquable, soit par la grandeur de sa taille, soit par la forme de sa tête, soit par certaines habitudes naturelles qui ne lui sont communes qu'avec un petit nombre d'autres espèces. Sa tête, qui est fort petite * Voyez les planches enluminées, n° 97, le mâle. 2 Comme cet oiseau nest connu que depuis la découverte de l'Amérique ,1l n’a de nom ni en grec ni en latin. Les Espagnols lui donnèrent le nom de pavon de las Indias, c’est-à-dire, paon des Indes DRE TEES et ce nom ne lui étoit pas mal appli- qué d abord , paye qu'l étend sa/queue comme le paon, et qu'il n’y avoit point de paons en Amérique. Les Catalans l’ont nommé indiot, gall-d'Indi; les Italiens, gallo-d India; les À IMemands, indianisch han ; les Polonois, ëndiyk ; les Suédois, kalkon ; Jes Anslois, {urkey. PL Lay102, ee DR: HISTOIRE NATURELLE. 1:53 à proportion du corps, manque de la parure ordinaire aux oiseaux ; car elle est presque entièrement denuée de plumes, et seulement recouverte , ainsi qu'une partie du cou , d’une . peau bleuâtre , chargée de mamelons rouges dans la partie antérieure du cou, et de ma- melons blanchätres sur la partie postérieure de la tête, avec quelques petits poils noirs . clair-semés entre les mamelons, et de petites, plumes plus rares au haut du cou, et qui deviennent plus fréquentes dans la partie inférieure, chose qui n’avoit pas été remar-. quée par les naturalistes. De Ia base du bec descend sur le cou jusqu’à environ le tiers de sa longueur, une espèce de barbillon charnu, _ rougeet flottant, qui paroîtsimpleaux yeux, . quoiqu'il soit en effet composé d’une double membrane, ainsi qu’il est facile de s’en assu- rer en le touchant. Sur la base du bec supé- rieur, s'élève une caroncule charnue , de forme conique, et sillonnée par des rides transversales assez profondes ; cêtte caron-— cule n'a guère plus d'un pouce de hauteur dans son état de contraction ou de repos , c'est-à-dire , lorsque le dindon ne voyant autour de lui que les objets auxquels il est Le. Lie : 12 4 en Pt UP fo NL PT PLAIT L PAU BE MPE Te NE 1 MITA D 154 HISTOIRE NATURELLE accoutumé, et n’éprouvant aucune agitation intérieure , se promène tranquillement en prenantsa pâture : maissi quelque objet étran- ger se présente inopinément , sur — tout dans la saison des amours, cet oiseau, qui n’a rien dans son port ordinaire que d’humble et de simple, se rengorge tout-à-coup avec fierté; sa tête et son cou se gonflent; la caroncule conique se déploie, s’alonge, et descend deux ou trois pouces plus bas que le bec, qu'elle recouvre entièrement ; toutes ces parties charnues se colorent d’un rouge plus vif; en même temps les plumes du cou et du dos se hérissent , et la queue se relève en éventail, tandis que les ailes s’abaissent en se déployant jusqu’à trainer par terre. Dans cetteattitude, tantôt il va piaffant autour de sa femelle, accompagnant son action d’un bruit sourd que produit l'air de la poitrine s’échappant par le bec, et qui est suivi d'un long bour- donnement; tantôt il quitte sa femmecomme pour menacer ceux qui viennent le troubler. Dans ces deux cas, sa démarche est grave , et ? 14 \ A e s'accélère seulement dans le moment où il fait entendre ce bruit sourd dont j'ai parlé : de temps en temps il interrompt cette ma- æ he | DU DINDON.. 155 nœuvyre pour jeter un autre cri plus perçant, que tout le monde connoit, et qu’on peut lui faire répéter tant que l’on veut, soit en sif- flant, soit en lui faisant entendre des sons aigus quelconques. Îl recommence ensuite à faire la roue, qui, suivant qu’elle s'adresse à sa femelle ou aux objets qui lui font om brage, exprime tantôt son amour, et tantôt sa colère; et ces espèces d'accès seront beau- coup plus violens si on paroît devant lui avec un habit rouge : c’est alors qu’il s’irrite et devient furieux; il s’élance, il attaque à coups de bec, et fait tous ses efforts pour éloigner un objet dont la présence semble lui être insupportable. Il est remarquable et très-singulier que cette caroncule conique qui s’alonge et se relâche lorsque l’animal est agité d’une pas- sion vive , se relâche de mème après sa mort. Il y a des dindons blancs , d’autres variés de noir et de blanc, d’autres de blanc etd’un jaune roussâtre, et d’autres d’un gris uni- forme , qui sont les plus rares de tous; mais le plus grand nombre à le plumage tirant sur le noir, avec un peu de blanc à l’extrémite des plumes. Celles qui couvrent le dos et le , ‘ se des ailes sont quarrées par! vdégputs ne { parmi celles du croupion, et même de la * poitrine, il y en a quelques unes de couleurs changeantes , et qui ont différens reflets , se- lon les différentes incidences de la lumière : et plus ils vieillissent , plus leurs couleurs « | paroissent être changeantes et avoir des reflets différens. Bien des gens croient que lesdindons blancs sont les plus robustes ; et c'est par « cette raison que, dans quelques provinces , ‘on les élève de préférence :on en voit de nom- _breux troupeaux dans le Pertois en Cham- pagne. Les naturalistes ont compté vingt - huit, | peunes ou grandes plumes à chaque aile, et dix-huit à la queue. Mais un caractère bien ‘plus frappant, et qui empêchera à jamais de. f\ confondre cette espèce avec aucune autre espèce actuellement connue, c’est un bouquet, ï de crins durs et noirs, long de cinq à six pouces , lequel, dans nos climats tempérés ,u sort de la partie inférieure du cou au dindou. mâle adulte dans la seconde année, quel-w quefois même dès la fin de la première; et, avant que ce bouquet paroisse, l'endroit d’où il doit sortir est marqué par un tuberculen SR Ed. ‘DU DINDON. 157 charnu. M. Linnæus dit que ces crins ne com- mencent à paroître qu’à la troisième année dans les dindons qu’on élève en Suède. Si ce fait est bien avéré, il s’ensuivroit que cette + espèce de production se feroit d'autant plus tard que la température du pays est plus rigoureuse ; et à la vérité, l’un des princi- paux effets du froid est de ralentir toutes ‘sortes de développemens. C’est cette touffe de crins qui a valu au dindon le titre de barbu (pectore barbato) ; expression impropre à tous égards, puisque ce n’est pas de la poitrine, mais de la partie inférieure du cou, que ces crins prennent naissance, et que d’ailleurs ce n’est pas assez d’avoir des crins ou des poils pour avoir une barbe, il faut encore qu'ils soient autour du menton ou de ce qui en tient lieu, comme dans le vautour barbu d'Edwards, planche CVI. On se feroit une fausse idée de la queue du coq d'Inde, si l’on s’imaginoit que toutes les plumes dont elle est formée, fussent sus- ceptibles de se relever en éventail. À propre- ment parler, le dindon a deux queues, l’une supérieure et l’autre inférieure : la première æst composée de dix-huit grandes plumes | 14 188 HISTOIRE NATURELLE implantées autour du croupion , et que Paë.\ nimal relève lorsqu'il piaffe; la seconde où | l’inférieure consiste en d’autres plumes moins grande et reste toujours dans la situation horizôntale. C’est encore un attribut propre au mâle d’avoir un éperon à chaque pied : ces éperons sont plus ou moins longs; mais ils sont toujours beaucoup plus courts et plus mous que dans le coq ordinaire. La poule d'Inde diffère du coq, non seule- ment en ce qu’elle n’a pas d’éperons aux pieds, ni de bouquet de crins dans la partie inférieure du cou; en ce que la caroncule conique du bec supérieur est plus courte et incapable de s’alonger; que cette caroncule, le barbillon de dessous le bec, et la chair glanduleuse qui recouvre la tête, sont d’un rouge plus pâle : mais elle en diffère encore par les attributs propres au sexe le plus foible dans la plupart des espècés ; elle est. plus petite; elle a moins de caractère dans la physionomie, moins de ressort à l'inté- rieur, moins d'action au dehors; son cri n’est qu'un accent plaintif; elle n’a de mou- vement que pour chercher sa nourriture où pour fuir le danger; enfin la faculté de faire » } . DU DINDON. 159 la roue lui a été refusée : ce n’est pas qu’elle n'ait la queue double comme le mâle; mais elle manque apparemment des muscles rele- veurs, propres à redresser les plus grandes plumes dont la queue supérieure est com-— posée, Dans le tiers comme dans la femelle, les orifices des narines sont dans le bec supé- rieur, et ceux des oreilles sont en arrière des yeux, fort couverts et comme ombragés par une multitude de petites plumes décomposées qui ont différentes directions. On comprend bien que le meilleur mâle sera celui qui aura plus de force, plus de vivacité, plus d'énergie dans toute son ac- tion : on pourra lui donner cinq ou six poules d'Inde. S'il y a plusieurs mâles, ils se bat- tront, mais non pas avec l’acharnement des coqs ordinaires : ceux-ci ayant plus d’ardeur pour leurs femelles, sont aussi plus animés contre leurs rivaux ; et là guerre qu’ils se font entre eux est ordinairement un combat à outrance : on en à vu même attaquer des coqs d'Inde deux fois plus gros qu'eux, et les mettre à mort. Les sujets de guerre ne man- quent pas entre les coqs des deux espèces, si, 160 HISTOIRE NAT URELLE comme le dit Sperling, le coq d'Inde, sil À de ses femelles, s'adresse aux poules ordi M maires, et que ces poules d'Inde, dans Yab— sence de leur mâle, s’offrent au coq ordinaire, | et le soilicitent même assez vivement.. La guerre que les.coqs d'Inde se font entre eux est beaucoup moins violente : le vaincu ne cède pas toujours le champ de bataille; quelquefois même il est préféré par les fe— melles. On a remarqué qu’un dindon blanc ayant été battu par un dindon noir, presque tous les dindonneaux de la couvée furent blancs. L’accouplement des dindons se fait à peu près de la même manière que celui des coqs, mais il dure plus long-temps; et c’est peut- être par cette raison qu'il faut moins de fe. melles au mâle, et qu’il s’use beaucoup plus vite. J'ai dit plus haut, sur la foi de Sperling, qu’il se méloit quelquefois avec les poules ordinaires ; le même auteur prétend que quand il est privé de ses femelles, il s’ac- couple aussi non seulement avec la femelle du paon (ce qui peut être ); maïs encore avec les canes (ce qui me paroit moins vrai» semblable ). Mneere À l DU DINDON. 16 - La poule d’Inde n’est pas aussi féconde que la poule ordinaire ; il faut lui donner de temps en temps du chenevis, de l’avoine, du sarrasin, pour l’exciter à pondre ;'et avec cela , elle ne fait guère qu’une seule ponte par an, d'environ quinze œufs ; lorsqu'elle en fait deux, ce qui est très-rare, elle com— mence la première sur la fin de l'hiver, et la seconde dans le mois d'août : ces œufs sont blancs avec quelques petites taches d’un jaune rougeatre; et du reste, ils sont organisés à peu près comme ceux de la poule ordinaire. La poule d'Inde couve aussi les œufs de toutes sortes d’oiseaux:: on juge qu’elle demande à couver , lorsqu’après avoir fait sa ponte, elle reste dans le nid. Pour que ce nid lui plaise, il faut qu’il soit en lieu sec, à une bonne exposition, selon la saison, et point trop en vué; car son instinct la porte ordinairement à se cacher avec grand soin lorsqu'elle couve. Ce sont les poules de l’année précédente qui d'ordinaire sont les meilleures couveuses; elles se dévouent à cette occupation avec tant d'ardeur et d’assiduité, qu'elles mourroient d'inanition sur leurs œufs , si l’on n’avoit le soin de les lever une fois tous les jours pour 14 162 HISTOIRE NATURELLE leur donner à boire et à manger. Cette pas- sion de couver est si forte et si. durable. qu’elles font quelquefois deux couvées de dans ce cas, il faut les soutenir par une meilleure nourriture. Le mâle a un instinct bien contraire : car s’il apperçoit. sa femelle. couvant, il casse ses œufs, qu'il voit appa- remment comme un obstacle à ses plaisirs ; et c’est peut-être la raison pourquoi la fe- melle se cache alors avec tant de soin}: * Le temps venu où ces œufs doiventéclore, les dindonneaux percent avec leur bec la.co- quille de l’œuf qui les renferme : mais cette coquille est quelquefois si dure, ou les din- donneaux si foibles, qu’ils périroient si on ne les aïdoït à la briser ; ce que néanmoins 1l ne faut faire qu'avec beaucoup de circônspec= tion, et en suivant, autant qu'il est possible, les procédés de la nature. Ils périroient en« core bientôt, pour peu que, dans ces com- mencemens, on les maniât avec rudesse , qu’on leur laissât endurer la faim, ou qu'on les exposät aux intempéries de l’air : le froid, la pluie, et même la rosée les morfond ; le, grand soleil les tue presque subitement 5 FE LR t pe LRFRE DU DINDON. 163 quelquefois même ils sont écrasés sous les pieds de leur mère. Voilà bien des dangers pour un animal si délicat ; et c’est pour cette raison, et à cause de la moindre fécondité des poules d'Inde èn Europe , que cette espèce est beaucoup moins nombreuse que celle des poules ordinaires. Dans les premiers temps, il faut tenir les jeunes dindons daris un lieu chaud et sec, où l’on aura étendu une litière de fumier long bien battue; et lorsque dans la suite on vou- dra les faire sortir en plein air, ce ne sera que par degrés et en choisissant les plus beaux jours. | L'instinct des jeunes dindonneaux est d’ai- mer mieux prendre leur nourriture dans la main que de toute autre manière : on juge qu'ils ont besoin d’en prendre lorsqu'on les entend piauler, et cela leur arrive fréquem- ment; il faut leur donner à à manger quatre ou cinq fois! par jour. Leur premier aliment sera du vin et de l’eau qu’on leur soufflera dans le bec; on y mèêlera ensuite un peu de mie de pain : vers le quatrième jour, on leur donnera les œufs oâtés de la couvée, cuits et hachés d’abord avec de la mie de pain, et | in RUE 164 HISTOIRE NATURELLE YA ensuite avec des orties: ces œufs gâtés, soit. } de dindes, soit de poules, seront pour eux, une nourriture trés-salutaire : au bout de dix. à douze jours on supprime les œufs, et ox méle les orties hachées avec du millet, ou. avec la farine de turquis, d'orge, de froment ou de blé sarrasin, ou bien, pour épargner le grain, sans faire tort aux dindonneaux , avec le lait caillé, la bardane , un peu de camomille puante , de graine d’ortie et du son : dans la suite on pourra se contenter de leur donner toute sorte de fruits pourris, coupés par. morceaux, et sur-tout des fruits de ronces ou de müûriers blancs, etc: Lors- qu'on leur verra un air languissant, on leur . mettra le bec dans du vin pour leur en faire boire un peu, et on leür fera avaler aussi un grain de poivre : quelquefois ils paroissent engourdis et sans mouvement, lorsqu'ils ont été surpris par une pluie froide; et ils mour- _xroient certainement , si on n’avoit le soin de les envelopper de linges chauds, et de leur souffler à plusieurs reprises un air chaud par le bec. Il ne faut pas manquer de Les visiter dé, temps en temps, et de leur percer les petites: vessies qui leur viennent sous la langue et DU DINDON. 165 autour du croupion, et de leur donner de l’eau de rouille ; on conseille même de leur laver la tête avec cette eau, pour prévenir certaines maladies auxquelles 1ls sont sujets * : mais, dans ce cas, il faut donc les essuyer et les sécher bien exactement ; car on sait combien toute humidité est contraire aux dindons du premier Hood ile 4 La mère les mène avec la même Ne que la poule mene ses poussins; elle les ré- _ chauffe sous ses ailes avec la même affection, elle les défend avec le même courage. Il semble que sa tendresse pour ses petits rende sa vue plus perçante; elle découvre l'oiseau de proie d’une distance prodigieuse, et lors- qu'il est encore invisible à tous les autres yeux : dès qu’elle l’a apperçu, elle jette un cri d'effroi qui répand la consternation dans toute la couvée; chaque dindonneau se réfu- gie dans les buissons ou se tapit dans l'herbe, et la mère les y retient en répétant le même cri d’effroi autant de temps que l’ennemi est à portée : mais le voit-elle prendre son vol NN ” * La figere et les ourles, selon la Maison ruse tique, tome [, page 117. LUN HISTOIRE NATURELLE d’un autre côté, elle les en avertit Ensuite Ÿ par un autre cri bien différent du premier, Ÿ et sr est pour tous le signal de sortir du ï lieu où ils se sont cachés, et de se raser autour d'elle. PAIE | * Lorsque les jeunes dindons viennent d’é- 4 clore, ils ont la tête garnie d’une espèce de duvet, et ’ont encore ni chair glanduieuse ni barbillons ; ce n’est qu’à six semaines ou deux mois que ces parties se développent, et, comme on le dit vulgairement, que les din- dons commencent à pousser le rouge. Le temps de ce développement est un temps cri- tique pour eux, comme celui de la dentition pour les enfans; et c’est alors sur-tout qu'il faut mêler du vin à leur nourriture pour les fortifier : quelque temps avant de pousser le rouge, ils commencent déja à se percher. Il est rare que l’on soumette les dindon- neaux à la castration comme les poulets : ils engraissent fort bien sans cela, et leur chair … n'en est pas moins bonne; nouvelle preuve qu'ils sont d’un tempérament moins chaud que les coqs ordinaires. Lorsqu'ils sont devenus forts, ils quittent leur mère, ou plutôt ils en sont abandonnés, DU DINDON. 167 parce qu’elle cherche à faire une seconde ponte ou une seconde couvée. Plus les din- donneaux étoient foibles et délicats dans le f premier âge, plus 1ls deviennent, avec le temps, robustes et capables de soutenir toutes les injures du temps : ils aiment à se percher en plein air, et passent ainsi les nuits les plus froides de l'hiver, tantôt se soutenant sur un seul pied, et retirant l’autre dans les plumes de leur ventre comme pour le ré- chauffer; tantôt, au contraire, s'accroupis- sant sur leur bâton et s’y tenant en équi- libre : ils sé mettent la tête sous l’aile pour dormir, et, pendant leur sommeil, ils ont le mouvement de la respiration sensible et très-marqué. ! | La meilleure façon de conduire les din- dons devenus forts, c’est de les mener paitre par la campagne, dans les lieux où abon- dent les orties et autres plantes de leur goût, dans les vergers lorsque les fruits com- mencent à tomber, etc. ; mais il faut éviter soigneusement les pâturages où croissent les plantes qui leur sont contraires, telles que la grande dioitale à fleurs rouges : celte plante est un véritable poison pour les din- r68 HISTOIRE NATURELLE ‘à dons; ceux qui en ont mangé éprouvent ue ? sorte di ivresse, des vertiges, des convulsions; À et, lorsque la dose a été un peu forte, ils finissent par mourir étiques. On ne peut | donc apporter trop de soin à détruire cette . plante nuisible dans les lieux où l’on élève * des dindons. | On doit aussi avoir attention, sur-tout dans les commencemens , de ne les faire : sortir le matin qu'après que le soleil à commencé de sécher la rosée, de les faire rentrer avant la chûüte du serein, et de les mettre à l'abri pendant la plus grande cha- leur des jours d’ete. Tous les soirs, lorsqu'ils réviennent, on leur donne de la pâtée, du : grain ou quelque autre nourriture, excepté seulement au temps des moissons , où ils trouvent suffisamment à manger par la cam- pagne. Comme ils sont fort craintifs, ils se laissent aisément conduire ; il ne faut que l'ombre d’une baguette pour en mener dés troupeaux même très-considérables, et sou- vent ils prendront la fuite devant un animal | ‘beaucoup plus petit et plus foible qu'eux: cependant il est des occasions où ils mon- ‘trent du courage, sur-tout lorsqu'il s'agit DU DINDON. 16) de se défendre contre les fouines et autres ennemies de la volaille ? on'en a vu même quelquefois entourer en troupe un lièvre au gite et chercher à le tuer à coups de bec. Ils ont différens tons, différentes inflexions de voix, selon l’âge, le sexe, et suivant les passions qu'ils veulent exprimer ; leur dé- marche est lente et leur vol pesant : ils boivent, mangent, avalent de petits cail- loux, et digèrent à peu près comme les coqs ; et, comme eux, ils ont un double estomac, c’est-à-dire, un jabot et un gésier : mais comme ils sont plus gros, les muscles de leur gésier ont aussi plus de force. _ La longueur du tube intestinal est à peu près quadruple de la longueur de l'animal, prise depuis la pointe du bec jusqu’à l’extré- mité du croupion. [ls ont deux cœcum, di- rigés l’un et l’autre d’arrière en avant, et qui, pris ensemble, font plus du quart de tout le conduit intestinal : ils prennent naissance assez près de l'extrémité de ce conduit ; et les excrémens contents dans leur cavité ne diffèrent guère de ceux que renferme la cavité du co/on et du rectum: es excrémens ne séjournent point dans le 18 ro HISTOIRE NATURELLE M cloaque. commun comme l'urine, et ce sé- diment blanc qui se trouve plus ou moins | abondamment par-tout où passe l’urine, et ils ont assez de consistance pour se mouler en sortant par l'anus. | Les parties de la génération se présentent dans les dindons à peu près comme dans les autres gallinacés : mais, à l'égard de l’usage qu'ils eu font, ils paroissent avoir beaucoup imoins de puissance réelle, les mâles étant moins ardens pour leurs femelles, moins prompts dans l'acte de la fécondation,: et leurs approches étant beaucoup plus rares ; et d'autre côté les femelles pondent plus tard et bien plus rarement, du moins dans nos climats. Comime les yeux des oiseaux sont, dans quelques parties, organisés différemment de ceux de l’homme et des animaux quadru- pèdes, je crois devoir indiquer ici ces prin- cipales differences. Outre les deux paupières supérieure et inférieure, les dindons, ainsi que la plupart des autres oiseaux , en ont encore une troisième, nommée paupière in= terne, membrana nichitans, qui se retire et se plisse en forme de croissant dans Je grand T'-HT EN VEE DU DINDON. 19 coin de l'œil, et dont les cillemens fréquens et rapides s’exéculent par une mécanique musculaire curieuse: la paupière supérieure est presque entièrement immobile; mais l’in- férieure est capable de fermer l’œil en s’éle- vant vérs la supérieure, ce qui n’arrive guère que lorsque l’animal dort ou lorsqu'il ne vit plus : ces deux paupières ont chacune un point lacrymal, et n’ont pas de rebords car- tilagineux ; la cornée transparente est envi- ronnée d’un cercle osseux composé de quinze pièces plus ou moins, posées l’une sur l’autre en recouvrement, comme les tuiles ou les ardoises d’un couvert; le crystallin est plus dur que celui de l’homme, mais moins dur que celui des quadrupèdes et des poissons, et sa plus grande courbure est en arrière : enfin il sort du nerf optique, entre la rétine et la choroïde, üne membrane noire de figure rhomboïde et composée de fibres parallèles, laquelle traverse l'humeur vitrée , et va s’at- tacher quelquefois immédiatement par son angle antérieur, quelquefois par un filet qui part de cet angle, à la capsule du crystallin. C’est à cette membrane subtile et transpa- rente que MM. les anatomistes de l'académie 7 HISTOIRE NATURELLE des sciences ont donné le nom de bourse, quoiqu'elle n’en ait guère la figure dans le dindon , non plus que dans la poule, l’oie, le canard, le pigeon, etc: Son usage est, selon M. Petit, d’absorber les rayons de lu- mière qui partent des objets qui sont à côté ” de la tête et qui entrent directement dans les yeux : mais, quoi qu'il en soit de cette idée, il est certain que l'organe de la vue est plus composé dans les oiseaux que dans les qua- drupèdes ; et comme nous ayons prouvé ail- leurs que les oiseaux l’emportoient par ce sens sur les autres animaux , et que nous avons même eu occasion de remarquer plus . haut combien la poule d'Inde avoit la vue | perçante, on ne peut guère se refuser à cette | coujecture si naturelle, que la supériorité de l’organe de la vue dans les oiseaux est due à la différence de la structure de leurs yeux et à l’artifice particulier de leur orga- nisation ; conjecture très-vraisemblable , mais de laquelle néanmoins la valeur pré- y ,» A T7 Ô , } 4 cise ne pourra être déterminée que par. l'étude approfondie de l'anatomie comparée « et de la mécanique animale. Si l’on compare les témoignages des voya- | | DU DINDON. 173 geurs, on ne peut s'empêcher de reconnoître que les dindons sont originaires d'Amérique et des îles adjacentes, et qu'avant la décou- verte de ce nouveau continent ils n’existoient point dans l’ancien. Le P. du Tertre remarque qu'ils sont dans les Antilles comme dans leur pays naturel, et que, pourvu qu’on en ait uu peu de soin, ils couvent trois à quatre fois Fannée : or c'est une règle générale pour tous Les ani- maux, qu'ils multiplient plus dans le climat qui leur est propre que par-tout ailleurs ; ils y deviennent aussi plus grands et plus forts, et c’est précisément :ce que l’on ob- serve dans les dindons d'Amérique. On en trouve une multitude prodigieuse chez les Illinois, disent les missionnaires Jésuites ; ils y vont par troupes de cent, quelquefois même de deux cents : ils sont beaucoup plus gros que ceux que l’on voit en France, et pêsent jusqu’à trente-six livres ; Josselin dit jusqu’à soixante livres. Ils ne se trouvent pas en moindre quantité dans le Canada (où , selon le P. Théodat, Récollet, les sau- vages les appeloient ordettoutaques), dans le Mexique , dans la Nouvelle-Angleterre, dans 15 / - PAIE 1 PAPER jou PE + DE 174 HISTOIRE NATURELLE. cette vaste contrée qu'arrose le Mississipi ÿl et chez les Brasiliens, où ils sont connus sous le nom de azignan-oussou. Le docteur Hans Sloane en a vu à la Jamaïque. Ilest à remarquer que dans presque tous ces pays les dindons sont dans l’état de sauvages, et qu’ils y fourmillent. par-tout, à quelque distance néanmoins des babitations, comme s'ils ne cédorent le terrain que pied à pied aux colons européens. Mais si la plupart des voyageurs et témoins oculaires s'accordent à regarder cet oiseau . comme naturel , appartenant en propre au continent de l’'Amerique, sur-tout de l'Amé- rique septentrionale, ils ne s'accordent pas moins à déposer qu’il ne s’en trouve point ou que très-peu dans toute l'Asie. , Gemelli Carreri nous apprend que non seulement il n’y en a point aux Philippines, mais que ceux même que les Espagnols y avoient apportés de la Nouvelle - Espagne “n’avoient pu y prospérer. Le P. du Halde assure qu’on ne trouve à [a Chine que ceux qui y ont êté transportés d’ailleurs : il est vrai que, dans le meme endroit, ce Jésuite suppose qu'ils sont fort X / , L] LL LC] communs dans les Indes orientales; mais il LA LL. DÜ DINDON: : 155 paroît que cen’est en effet qu'une supposition fondée sur des ouï-dire, au lieu qu’il étoit témoin oculaire de ce qu’il dit de la Chine. Le P. de Bourzes, autre Jésuite, raconte qu'il n’y en a point dans le royaume de Maduré , situé en la presqu’ile en deçà du Gange; d’où il:conclut , avec raison , que ce sont apparemment les Indes occidentales qui ont donné leur nom à'cet oiseau. Dampier n’en a point vu non plus à Mindanao. Chardin et Tavernieri qui ont parcouru l’Asiey disent positivement qu'il n’y a point de dindons dans tout'ce vaste pays : selou le dernier de ces voyageurs, ce sont les Arméniens qui les ont portés en Perse ; où ils ont mal'réussi; comme te sont les Hollandois qui les: ont portés à Batavia , où ils ont beaucoup: mieux prospéré. Enfin Bosman et: quelquestautres voya- geurs nous disent que si l’on voit des din- dons au pays de Congo, à la côte d'Or, au Sénégal et autres lieux de l'Afrique, ce n’est que dans les comptoirs et chez les étrangers, les naturels du pays en faisant peu d'usage. Selon les mêmes voyageurs, il est visible que ces dindons sont provenus de ceux que les r6 HISTOIRE NATURELLE Portugais.et antres Européens avoient appor= tés dans, les commencemens avec la volaille ordinaire. tn Je ne dissimulerai pas off ro Chile 4 Gesner, Belon et Ray, ont prétendu que les dindons étoient originaires d'Afrique ou des . Indes orientales; et quoique leur sentiment soit peu suivi aujourd'hut , je crois devoir à de si grands noms de ne point le vies sans quelque discussion, Aldrovande a voulu prouver fort au long que les dindons étoient les véritables meéléa- grides des anciens , autrémeñt les poules d'Afrique ou de Numidie, dont le plumage est couvert de taches rondes en forme de gouttes (ga/linæ Numidicæ guttatæ); mais il est évident, et tout, lé monde convient aujourd’hui que ces poules africaines ne sonE autre, chose que nos peintades, qui, en effet, nous viennent d'Afrique, et sont très-diffé- rentes des dindons. Ainsi il seroit inutile de discuter plus en détail cette opinion d’Aldro- vande, qui porte avec elle sa réfutation, et que néanmoins M. Linnæus semble avoir voulu perpétuer ou renouveler en appliquant * au dindon le nom de #e/eagris. + / . à DU DINDON. 177 Ray, qui fait venir les dindons d'Afrique ou des Indes orientales, semble s’étre laissé trompér par les noms : celui d'oiseau de Numidie, qu’il adopte, suppose une origine africaine; et ceux de /urkey et d'oiseau de Calicut, une: origine asiatique : mais un nom n'est pas toujours une preuve, sur— tout un nom populaire appliqué par des gens peu instruits, et même un nom scien- tüifique appliqué par des savans, qui ne sont pas toujours exempts de préjugés. D’ailieurs Ray lui-même avoue, d’après Hans Sloane, que ces oiseaux se plaisent beaucoup dans les pays chauds de l'Amérique , et qu'ils y multiplient prodigieusement. À l'égard de Gesner, il dit, à la vérité, que la plupart des anciens , et entre autres Aristote et Pline, n’ont pas connu les din- dons; mais il prétend qu’Élien les a eus en vue dans le passage suivant : 22 India galli- nacei nascuntur maximi; non rubrant ha- bent cristam, ut nostri, sed ita variam et floridam veluti coronam floribus contextam ; caudæ pennas non inflexas habent, neque revolutas in orbern , sed latas; quas cûm non erigunt, ul pavones trahunt : eorum penn®œ RUE TER 78 HISTOIRE NATURELLE ce smaragdi colorem ferdnt. «Les Indes pro « duisent de très-gros coqs dont la crête n est « point rouge, comme celle des nôtres, mais « de couleurs variées, comme seroit une cou- . «ronne de fleurs ; leur queue n’a pas non « plus de plumes recourbées en arc; lorsqu'ils « ne la relèvent pas, ils la portent comme « des paons (c’est-à-dire horizontalement );. « leurs pennes sont de la couleur de l’éme- « raude». Mais je ne vois pas que ce passage soit applicable aux dindons. 1°. La grosseur de ces coqs ne prouve point que ce soient des dindons ; car on sait qu’il y a en effet dans l'Asie, et notamment en Perse et au Péou, de véritables cogs qui sont très-sros. 2°. Cette crête de couleurs variées suffroit seule pour exclure les dindons, qui n’euren£ jamais de crête; car il s’agit 1c1 non d'une aigrette de plumes, mais d’une crête véri- table, analooue à celle du coq, quoique de couleur différente. * 3°. Le port de la queue, semblable à celui du paon, ne prouve rien non plus, parce qu'Élien dit positivement que l'oiseau dont - il s’agit porte sa queue comme le paon , /ors- qu'il ne la relève point; et s'il V'eût relevée ) DU DINDON. 17) comme le paon en faisant la roue, Éliey n’auroit pu oublier de faire mention d’un caractère aussi singulier, et d’un trait de res- semblance si marqué avec le paon, auquel ik le compare dans ce momeut mème. 4°, Enfin les pennes couleur d’émeraude ne sont rien moins que sufhisantes pour déter- miner ici l'espèce des dindons, bien que quelques unes de leurs plumes aient des re- flets smaragdins; car on sait que le plumage de plusieurs autres oiseaux a la même cou- leur et les mêmes reflets. Belon ne me paroît pas mieux fondé que Gesner à retrouver les dindons dans les ou- vrages des anciens. Columelle avoit dit dans son livre DE RE RUSTICA : Africana est meleagridi similis, nisi quod rutilam galeam etcristamn Ccapite gerit, quœæ utraqgueïin nelea- gride sunt cœrulea. «La poule d'Afrique res- « semble à la méléagride, excepté qu’elle a « la crête et le casque rouge (zwtila), au lieu « que ces mêmes parties sont bleues dans la « méléagride ». Belon a pris cette poule afri- caine pour la peintade , et la méléagride pour : le dindon : mais ilest évident, par le passage même, que Columelle parle ici de deux = # 2 #63 £A A 160 HISTOIRE NATURELLE variétés de la même espèce, puisque les deux + oiseaux dont ils agit se ressemblent de tous. points, excepté par la couleur, laquelle est en effet sujette à varier dans la même espèce, et notamment dans celle de la peintade, où. les mâles ont les appendices membraneuses qui leur pendent aux deux côtés des joues, de couleur bleue ; tandis que les femelles ont. ces mêmes appendices de couleur rouge. D'ailleurs, comment supposer que Colu- melle, ayant à désigner deux espèces aussi différentes que celles de la peintade et du din- don , se füt contenté de les distinguer par “une variété aussi superficielle que celle de la couleur d’une petite partie, du lieu d’em= ployer des caractères tranchés qui lui sau- toient aux yeux? d C’est donc mal-à-propos que Belon a cru pouvoir s'appuyer de l’autorité de Columelle, pour donner ‘aux dindons une origine afri-# caine; et ce n’est pas avec plus de succès qu'il a cherché à se prévaloir du passage sui= vant de Ptolémée, pour leur donner une ori= | gine asiatique : Triglyphon regia in quan gall gallinacei barbati esse dicuntur. Cette, Triglyphe est en effet située dans la hd ne iles dis uv : DU DINDON. 186 au-delà du Genge; meis on n’a aucune rai-- son de croire que ces coqs barbus soient des dindons : car, 1°. il n’y a pas jusqu’à l’exis- tence de ces cogs qui ne soit incertaine, puisqu'elle n’est alléguée que sur la foi d’un on dit (dicuntur) : 2°. onu ne peut donner aux dindons lé nom de cogs barbus, comme je l'ai dit plus haut, ce mot de barbe ap- pliqué à un oiseau ne pouvant signifier qu’une touffe de plumes ou de poils places sous le bec, et non ce bouquet de crins durs que les dindons ont au bas du cou : 3°. Ptolémée étoit astronome et géographe, mais point du tout naturaliste; et il est visible qu’il cher- choit à jeter quelque intérêt dans ses tables géographiques, en y mêlant, sans beaucoup de critique, les singularites de chaque pays; dans la même page où il fait mention de ces coqs barbus, il parle des trois îles des Satyres, dont les habitans avoient des queues, et de certaines îles Manicles, au nombre de dix, situées à peu près dans le même climat, où V’aimant abonde au point que l’on n'ose y employer le fer dans la construction des na- vires , de peur qu'ils ne soient attirés et rete- aus par la force magnétique: mais ces queues Oiseaux, IT. 16 182 HISTOIRE NATURÈÊLLE humaines, quoiqu’attestées par des voya= geurs et par les missionnaires Jésuites, selom Gemelli Carreri, sont au moins fort dou= teuses; ces montagnes d’aimant, ou plutôt leurs effets sur la ferrure des vaisseaux, ne le sont pas moins; et l'on ne peut guère comp- ter sur des faits qui se trouvent mêlés avec de pareilles incertitudes : 4°. enfin Ptolémée , à l'endroit cité, parle positivement des cogs ordinaires (galli gallinacei), qui ne peuvent être confondus avec les coqs d'Inde, ni pour la forme extérieure, n1 pour le plumage, ni pour le chant, ni pour les habitudes natu- relles, ni pour la couleur des œufs, ni pour le temps de l’incubation, etc. Il est vrai que Scaliger tout en avouant que la méléagride d'Athénée, ou plutôt de Clytus, cité par Athénée , étoit un oiseau d’Étolie, aimant les lieux aquatiques, peu attaché à sa cou- vée, et dont la chair sentoit le marécage ;. tous caractères qui ne conviennent point au dindon , qui ne se trouve point en Étolie, fuit les lieux aquatiques, à le plus grand attachement pour ses petits, et la chair de bon goût, il n'en prétend pas moins que la méléagride est un dinden : mais les anato- DU DINDON. 183 mistes de l'académie des sciences, qui d’abord étoient du même avis lorsqu'ils firent la des- cription du coq indien, ayant examiné les choses de plus près, ont reconnu et prouvé ailleurs que la peintade étoit la vraie méléa- gride des anciens ; en sorte qu'il doit demeu- rer pour constant qu'Athénée ou Clytus , Élien, Columelle et Ptolémée, n’ont pas plus parlé des dindons qu’Aristote et Pline, eë que ces oiseaux ont été inconnus aux anciens. Nous ne voyons pas même qu’il en soit fait mention dans aucun ouvrage moderne, écrit avant la découverte de l'Amérique. Une tra- dition populaire fixe dans le seizième siècle, sous François Ier, l’époque de leur première apparition en France; car c’est dans ce temps que vivoit l'amiral Chabot. Les auteurs de læ Zoologie britannique avancent, comme un fait notoire, qu’ils ont été apportés en An- gleterre sous le règne de Henri VIIT, contem- porain de François Ier, ce qui s'accorde très- bien avec notre sentiment; car l'Amérique ayant été découverte par Christophe Colomb, sur la fin du quinzième siècle , et les rois François Ier et Henri VIIT étant montés sur le trône au commencement du seizième siècle, de * Min 55 TT ; x FN LA ROUTES | PA à 184 HISTOIRE NATURELLE | Al est tout naturel que ces oiseaux apportés de d'Amérique aient été introduits comme nou- veautés, soit en France, soit en Angleterre, sous le règne de ces princes; et cela est con- firmé par le témoignage précis de J. Sperling, qui écrivoit avant 1660, et qui assure expres- sément qu’ils avoient été transportés des nou- velles Indes en Europe plus d’un siècle aupa- ravant. | Tout concourt donc à prouver que l'Amé- rique est le pays natal des dindons ; et comme ces sortes d'oiseaux sont pesans, qu'ils n’ont pas le vol élevé et qu’ils ne nagent point, ils n’ont pu en aucune manière traverser l’es- pace qui sépare les deux continens, pour aborder en Afrique, en Europe ou en Asie : ils se trouvent donc dans le cas des quadru- pèdes, qui, n'ayant pu , sans le secours de l’homme, passer d’un continent à l’autre, appartiennent exclusivement à l’un des deux; et cette considération donne une nouvelle force au témoignage de tant de voyageurs, qui assurènt n'avoir jamais vu de dindons sauvages, soit en Âsie, soit en Afrique, eë n’y en avoir vu de domestiques que ceux qui y avoient été apportés d’ailleurs. DU DINDO N. 103 Cette détermination du pays naturel des dindons influe beaucoup sur la solution d’une autre question , qui, au premier coup d'œil , ne semble pas y avoir rapport. J., Sper- ling, dans sa Zoologia physica, page 369, prétend que le dindon est un monstre (1l auroit dû dire un mulet), provenant du mélange de deux espèces, celles du paon et du coq ordinaire : mais s’il est bien prouvé, comme je le crois, que les dindons soient d’origine américaine , il n’est pas possible qu'ils aient été produits par le mélange de deux espèces asiatiques, telles que le coq et le paon ; et ce qui achève de démontrer qu’en effet cela n’est pas, c’est que, dans toute l'Asie, on ne trouve point de dindons sau- vages, tandis qu’ils fourmillent en Amérique. Mais , dira-t-on , que signiñe donc ce nom de ga/lo-pavus (coq-paon), si anciennement appliqué au dindon? Rien de plus simple: le dindon étoit un oiseau étranger , qui n’a- voit point de nom dans nos langues euro- péennes; et comme on lui a trouvé des rap- ports assez marqués avec le coq et le paon, on a voulu indiquer ces rapports par le nom composé de gallo-parus, d'après lequel Ci 16 186 HISTOIRE NATURELLE Sperling et quelques autres auront cru que le dindon étoit réellement le produit du mélange de l pee du paon avec celle du coq, tandis qu'il n’y avoit que les noms de méêlés ; tant il est dangereux de conclure du mot à la chose! tant 1l est important de ne point appliquer aux animaux de ces noms composés qui sont presque toujours susceptibles d’équivoque! M. Edwards parle d’un autre mulet qu’il dit être le mélange de l’espèce du dindon avec celle du faisan : l'individu sur lequel il a fait sa description , avoit été tué d’un coup de fusil dans les bois voisins de Hanford, dans la province de Dorset, où il fut apperçu au mois d'octobre 1759, avec deux ou trois autres oiseaux de la même espèce. IL étoit en effet d'une grosseur moyenne entre le faisan et le dindon, ayant trente-deux pouces de vol ; une petite aigrette de plumes noires assez longues s’élevoit sur la base du bec supérieur ; la tête n’étoit point nue comme celle du dindon , mais couverte de petites plumes fort courtes ; les yeux étoient entou- rés d’un cercle de peau rouge, mais moins large que dans le faisan. On ne dit point si cet oiseau relevoit les grandes plumes de la RS RE DU DINDON. 187 queue pour faire la roue; il paroit seulement, par la figure, qu’il la portoit ordinairement comme la porte le dindon lorsqu'il est tran— quille. Au reste, il est à remarquer qu’il n'avoit la queue composée que de seize plumes , comme celle du coq de bruyère, tandis que celle des dindons et des faisans ex a dix-huit : d’ailleurs chaque plume du corps étoit double sur une même racine; l’une ferme et plus grande, l’autre petite et du- vetée; caractère qui ne convient ni au faisan, ni au dindon, mais bien au coq de bruyère. et au coq commun. Si cependant l'oiseau dont 1l s’agit tiroit son origine du mélange du faisan avec le dindon, il semble qu'on auroit dû retrouver en lui comme dans les autres mulets , premièrement, les caractères communs aux deux espèces primitives; en second lien , des qualités moyennes entre leurs qualités opposées; ce qui n'a poiné lieu ici, puisque le prétendu mulet de M. Edwards avoit des caractères qui man- quoient absolument aux deux espèces primi- tives (les plumes doubles), et qu'il manquoiït d'autres caractères qui se trouyoient dans ces deux espèces (les dix-huit plumes de la Ter D SONT" sde 188 HISTOIRE NATURELLE queue ); et si l’on vouloit absolument une espèce metive, il y auroit plus de fondement à croire qu'elle dérive du mélange du coq de bruyère et du dindon, qui, comme je l’ai 2 remarque, n'a que seize pennes à la queue, et qui à les plumes doubles comme notre prétendu mulet. Les dindons sauvages ne diffèrent des do- mestiques qu'en ce qu’ils sont beaucoup plus gros et plus noirs; du reste ils ont les mêmes mœurs, les mêmes habitudes naturelles, la même Stupidité : ils se perchent dans les bois sur les branches sèches ; et lorsqu'on en fait tomber quelqu'un d’un coup d'arme à feu , les autres restent toujours perchés, et pas un seul ne s’envole. Selon Fernandès, \ Jeur chair, quoique bonne, est plus dure et moins agréable que celle des dindons do- mestiques, mais ils sont deux fois plus gros: Aucxolotl est le nom mexicain du mâle, et cihuatotolin le nom de la femelle. Albin nous apprend qu'un grand nombre de seigneurs anglois se plaisent à élever des dindons sau- vages , et que ces oiseaux réussissent assez bien par-tout où il y a de pélits bois, des parcs ou autres enclos, » ù DU DINDON. 189 Le dindon huppé n’est qu'une variété du _ dindon commun, semblable à celle du coq huppé dans l’espèce du coq ordinaire; la huppe est quelquefois noire et d’autres fois blanche, telle que celle du dindon décrit par Albin : il étoit de la grosseur des dindons ordinaires ; il avoit les pieds couleur de chair, la partie supérieure du corps d’un brun fonce; la poitrine, le ventre , les cuisses et la queue blanches , ainsi que les plumes qui formoient son aigrette : du reste il res sembloit exactement à nos dindons communs, et par la chair spongieuse et glanduleuse qui recouvroit la tête et la partie supérieure du cou, et par le bouquet de crins durs naissant (en apparence) de la poitrine, et par les épe- rons courts qu’il avoit à chaque pied, et par son antipathie singulière pour le rouge, etc, 17% sde sd j NT M LA PEINTADE mr V pére la planche 4 de ce volume. EE RAT TIRE * Tr ne faut pas confondre la peiniade avec. le pintado, comme a fait M. Ray, du moins _ avec le pintado dont parle Dambpier, lequel est un oiseau de mer, de la grosseur d’un canard, ayant les ailes fort longues, et qui rase la surface de l’eau en volant; tous ca-— ractères fort étrangers à la peintade, qui est un oiseau terrestre, à ailes courtes, et dont le vol est fort pesant. ! Celle-ci a été connue et très-bien désignée | par les anciens. Aristote n’en parle qu'une seule fois dans tous ses ouvrages sur les ani- maux; il la nomme 7r7é/éagride, et dit que ses œufs sont marquetés de petites taches. Varron en fait mention sous le nom de 1 Voyez les planches enluminées, n° ro8. 2 En laun, meleagris; en italien, gallina di Nue midia; en allemand, perl huhu; en n auglois, Pine. tado, où guinea-hen. | ! Lr à fa if # run FAN (et | i ’ #. st HISTOIRE NATURELLE. :19r poule d'Afrique: c'est, selon lui, un oiseau de grande taille, à plumage varié, dont le dos est rond, et qui étoit fort rare à Rome. Pline dit les mêmes choses que Varron, et semble n'avoir fait que le copier; à moins qu'on ne veuille attribuer Ja ressemblance des descriptions à l'identité de l’objet décrit : il répète aussi ce qu'Aristote avoit dit de la couleur des œufs; et il ajoute que les pein- tades de Numidie etoient les plus estimées, d’où l’on a donné à l’espèce le nom de poule numidique par excellence. | Columelle en reconnoissoit de deux sortes qui se ressembloient en tout point, excepté que l’une avoit les barbillons bleus, et que J'autre les avoit rouges; et cette différence avoit paru assez considérable aux anciens pour constituer deux espèces ou races dési- _ gnées par deux noms distincts : ils appe- | loient éléagride la poule aux barbillons rouges , et poule africaine celle aux barbil- lous bleus, n'ayant pas observé ces oiseaux d'assez près pour s’appercevoir que la pre- mière étoit la femelle, et la seconde le mâle d’une seule et même espèce, comme l'ont xemarqué MM. de l'académie. +92 HISTOIRE NATURELLE de _ Quoi qu’il en soit, il paroit que la pein= /tade, élevée autrefois à Rome avec tant de soin , s’étoit perdue en Europe, puisqu'on n’en retrouve plus aucune trace chez les écrivains du moyen âge, et qu’on n’a re- commencé à en parler que depuis que les Européens ont fréquenté les côtes occiden- tales de l'Afrique, en aîlant aux Indes par le cap de Bonne-Espérance : non seulement ils l’ont répandue en Europe, mais ils l'ont | encore transportée en Amérique ; et cet oi- seau ayant éprouvé diverses altérations dans ses qualités extérieures par les influences des divers climats, il ne faut pas s'étonner si les modernes, soit naturalistes, soit voya-. geurs, en ont encore plus multiplié les races que les anciens. Frisch distingue, comme Colinbliet la peintade a barbillons rouges de celle à bar- | billons bleus; mais il reconnoit entre elles ! plusieurs autres diflérences : selon lui, cette « dernière, qui ne se trouve guère qu’en Italie, m'est point bonne à manger; elle est plus 4 petite; ellese dent voloutibré din endroits … marécageux , et prend peu de soin de ses petits. Ces deux derniers traits se retrouvent DE LA PEINTADE. 193 dans la méléagride de Clytus de Milet : « On « les tient, dit-il, dans un lieu aquatique; «et elles montrent si peu d’attachement « pour leurs petits, que les prètres commis « à leur garde sont obligés de prendre soin « de la couvée ». Mais il ajoute que leux grosseur est celle d’une poule de belle race. Il paroit aussi, par un passage de Pline, que ce naturaliste. regardoit la meéléagride comme un oiseau aquatique : celle à barbil- lons rouges est au contraire, selon M.Frisch, plus grosse qu’un faisan , se plait dans les lieux secs, élève soigneusement ses petits, etc. Dampier assure que dans Pile de May, l’une de celles du cap Verd, il y a des pein- tades dont la chair est extraordinairement blanche , d’autres dont la chair est noire, et que toutes l’ont tendre et délicate : le P. Labat en dit autant. Cette différence, si elle est vraie, me paroît d'autant plus con- sidérable , qu’elle ne pourroit être attribuée au changement de climat, puisque dans cette île qui avoisine l’Afrique, les pein- tades sont comme dans leur pays natal; à moins qu'on ne veuille dire que les mêmes causes particulières qui teiguent en noir la / 17 194 HISTOIRE NATURELLE peau et le périoste de la plupart des oiseaux des îles de Sant-lago, voisines de l'ile de Ma ÿ, noircissent aussi dans cette dernière la chair ‘ des peintades. Le P. Charlevoix prétend qu il y en a une espèce à Saint-Domingue plus petite que l'espèce ordinaire; mais ce sont apparem- ment ces peintades marronnes, provenant de celles qui y furent transportées par les Castillans peu après la conquête de l’île : cette race étant devenue sauvage, et s’étant comme naturalisée dans le pays, aura éprou- vé l'influence natureliede ce climat, laquelle tend à affoiblir, amoindrir, détériorer les espèces, comme je l'ai fait voir ailleurs; et ce qui est digne de remarque, c’est que cette race originaire de Guinée, et qui transportée en Amerique y avoit subi l’état de domesti« cité, n'a pu dans la suite être ramenée à cet état, et que les colons de Saint-Domingue ont été obligés d’en faire venir de moins fa- rouches d'Afrique pour les éleveret les mul- tiplier dans les basses-cours. Est-ce pour avoir vécu dans un pays plus désert, plus agreste, et dont les habitans étoient sauvages, que ces peintades marronnes sont devenues plus DE LA PEINTADE. 15 sauvages elles-mêmes? ou ne seroit-ce pas aussi pour avoir été effarouchées par les chasseurs européens, et sur-tout par les Fran- çois, qui en ont détruit un grand nombre, selou le P. Margat Jésuite ? Marcgrave en a vu de huppées qui veuoien£ de Sierra-Leona, qui avoient autour du cou une espèce de collier membraneux, d’un cendré bleuâtre ; et c’est encore ici une de ces variétés que j'appelle primitives, et qui méritent d'autant plus d'attention, qu'eiles sont antérieures à tout changement de climat. Le Jésuite Margat, qui n’admet point de différence spécifique entre la poule africaine et la méléagride des anciens, dit qu’il y en a de deux couleurs à Saint-Domingue, les unes ayant des taches noires et blanches disposées par compartimens en forme de - rhomboïdes , et les autres étant d'un gris plus cendrée : il ajoute qu’elles ont toutes du blanc sous le ventre, au-dessous et aux extrémités des ailes. Enfin M. Brisson regarde comme une va- riété constante la blancheur du plumage de Ja poitrine, observée sur les peintades de la } { . ( 196 HISTOIRE NATURELLE Jamaïque, et en a fait une race distincte :. caractérisée par cet attribut, qui, comme nous venons de le voir, n'appartient pas moins aux peintades de Saint-Domingue qu'à celles de la Jamaïque. Mais , indépendamment des dissembee) qui ont paru suffisantes aux naturalistes pour admettre plusieurs races de peintades, j'en trouve beaucoup d’autres, en comparant les descriptions et les figures publiées par diffé- rens auteurs, lesquelles indiquent assez peu. de fermeté, soit dans le moule interieur de cet oiseau, soit dans l'empreinte de sa forme extérieure, et une très-srande disposition à recevoir les influences du dehôrs. La peintade de Frisch et de quelques autres a le casque et les pieds blanchâtres; le front, le tour des yeux, les côtés de la tête et du. cou, dans sa partie supérieure , blancs, mar- quetés de gris cendrée : celle de Frisch a de plus, sous la gorge, une tache rouge en forme de croissant, plus bas un collier noir fort large, les soies ou filets de l’occiput en petit nombre, et pas une seule penne blanche aux ailes; ce qui fait autant de variétés par lesquelles les peintades de ces auteurs dif- férent de la nôtre. | DE LA PEINTADE, 197 _ Celle de Marcgrave avoit de plus le bec jaune; celle de M. Brisson l’avoit rouge à la base, et de couleur de corne vers le bout. MM. de l'académie ont trouvé à quelques unes une petite huppe à la base du bec, composée de douze ou quinze soies ou filets roides , longs de quatre lignes, laquelle ne, se retrouve que dans celles de Sierra-Leona, dont j'ai parlé plus haut. Le docteur Cai dit que la femelle a la tête toute noire, et que c'est la seule différence qui la distingue du mâle. Aldrovande prétend , au contraire, que la tête de la femelle a les mêmes couleurs que celles au mâle, mais que sén casque est seulement moins élevé et plus obtus. Roberts assure qu’elle n’a pas même de casque ; Dampier et Labat, qu'on ne lui voit point ces barbillons rouges et ces caroncules de mème couleur qui, dans le mâle, bordent l’ouverture des narines *. à M. Barrère dit que tout cela est plus pâle * [l est probable que la crête courte et d’un rouge tres-vif dont parle te P. Charlevoix, n’est autre chose que ces caroncules. L7. D" 198 HISTOIRE NATURELLE © que dans le mäle, et que les soies de l'oc— ciput sont plus rares, et tels apparemment qu'ils paroissent dans la planche CXXVI de À Frisch. | Enfin MM. de l'académie ont trouvé, dans - quelques individus, ces soies ou filets de l’occiput élevés d’un pouce, en sorte qu'ils formoient comme une petite huppe derrière la tête. Il seroit difficile de démêler parmi toutes ces variétés celles qui sont assez profondes, et pour ainsi dire fixes, pour constituer des races distinctes ; et comme on ne peut dou- ter qu’elles ne soient toutes fort récentes, il seroit peut-être plus raisonnable de les regarder comme des effets qui s’opèrent en core journellement par la domesticité, par le changement de climat, par la nature des alimens, etc. et de ne les employer dans la description que pour assigner les limites des variations auxquelles sont sujettes certaines qualités de la peintade, et pour remonter autant qu'il est possible aux causes qui les ont produites, jusqu’à ce que ces variétés ayant subi l'épreuve du temps, et ayant pris la consistance dont elles sont susceptibles , DE LA PEINTADE. 199 puissent servir de caractères à des races réellement distinctes. La peintade a un trait marqué de ressem— blance avec le dindon ; c’est de n’avoir point de plumes à la tète n1 à la partie supérieure du cou; et cela a donne lieu à plusieurs orni- thologistes, tels que Belon, Gesner, Aldro- vande et Klein, de prendre le dindon pour la meéléagride des anciens : mais outre les différences nombreuses et tranchées qui se trouvent soit entre ces deux espèces, soit entre ce que l’on voit dans le dindon et ce que les anciens ont dit de la meéléagride * , * La méléagride étoit de la grosseur d’une poule _ de bonne race, avoit sur la têle un tubercule cal- Jeux; le plumage marqueté de taches blanches, semblables à des lentilles, mais plus grandes ; deux barbillons adhérens au bec supérieur , la queue pen- dante, le dos rond, des membranes entre les doists , point d’éperons aux pieds; aimoit les marécages, n'avoit point d’attachement pour ses petits : tous caractères qu'on chercheroit vainement daus le din- don , lequel en a d’ailleurs deux très-frappans , qui ne se retrouvent point dans la description de la mé- léagmde ; ce bouquet de crins durs qui lui sort au bas du cou, et sa manière d’étaler sa queue et de faire la roue autour de sa femelle. | 200. HISTOIRE NATURELLE il suffit, pour mettre en évidence la fausseté … de cette conjecture, de se rappeler les preuves par lesquelles j'ai établi, à l’article du din- don , que cet oiseau est propre et particulier à l'Amérique, qu’il vole pesamment, ne nage point du tout, et que par conséquent iln'a pu franchir la vaste étendue de mer qui sé- pare l’Amérique de notre continent; d’où 1l suit qu'avant la découverte de l'Amérique, il étoit entièrement inconnu dans notre con-— tinent , et que les anciens n’ont pu en parler sous le nom de z7é/éagride. Il paroît que c’est aussi par erreur que le nom de #zor-hkaan s’est glissé dans la liste des noms de la peintade, donnée par M. Bris- son, citant Kolbe. Je ne nie pas que la figure par laquelle le {zor-Laan a été désigné dans le voyage de Kolbe, n'ait été faite d’après celle de la poule africaine de Marcgrave, comme le dit M. Brisson : mais il avouera aussi qu’il est difficile de reconnoître dans. un oiseau propre au cap de Bonne-Espérance, la peintade qui est répandue dans toute l'Afrique, mais moins au cap que par-tout ailleurs ; et qu'il est encore plus difficile d'adapter à celle-ci ce bec court et noir, cette PROS MEURT 4 DE DA! PEINTNDE. ! or eouronne de plumes, ce rouge mêlé dans les couleurs des ailes et du corps, et cette ponte . de deux œufs seulement que Kolbe attribue à son #zor-haan. Le plumage de la peintade, sans avoir des couleurs riches et éclatantes, est cependant très-distingué : c’est un fond gris bleuâtre plus ou moins foncé, sur lequel sont semées assez régulièrement des taches blanches plus ou moins rondes, représentant assez bien des perles; d’où quelques modernes ont donné à cet oiseau le nom de poules perlées, et les anciens ceux de varia et de gutfata : tel étoit, du moins le plumage de la peintade dans son climat natal; mais depuis qu'elle a été trans- portée dans d’autres résions , elle a pris plus de blanc, témoin les peintades à poitrine blanche de la Jamaïque et de Saint-Domingue, et ces peintades parfaitement blanches dont parle M. Edwards ; en sorte que la blancheur de la poitrine, dont M. Brisson a fait lecarac- ière d’une variété, n’est qu’une altération commencée de la couleur naturelle, ou plu- tôt n'est que le passage de cette couleur à la blancheur parfaite. Les plumes de la partie moyenne du cou 202 HISTOIRE NATURELLE sont fort courtes à l'endroit qui joint sa pare : tie supérieure, où il n’y en a point du tout, puisqu'elles vont toujours croissant de lon— gueur jusqu’à la pointe, où elles ont près de trois pouces. Ces plumes sont duvetées depuis leur ra= cine jusqu’à environ la moitié de leur lon- gueur ; et cette partie duvetée est recouverte par l'extrémité des plumes du rang précé- dent , laquelle est composée de barhes fermes et accrochées les unes aux autres, | La peintade a les ailes courtes et la queue pendante, comme Ja perdrix; ce qui, joint : à la disposition de ses plumes, la faitparoïître bossue (genus gibberum, Pline) : mais cette bosse n’est qu’une fausse apparence, etil n’en reste plus aucun vestige lorsque l'oiseau est plume. Sa grosseur est à peu près celle de la poule commune; mais elle a la forme de la per- drix , d’où lui est venu le nom de perdrix de Terre-Neuve; seulement elle a les pieds plus élevés et le cou plus long et plus menu dans Le haut. Les barbillons, qui prennent naissance du bec supérieur, n'ont point de forme cons- DE LA PEINTADE. 203 tante, étant ovales dans les unes, ét quarrés ou triangulaires dans les autres : ils sont rouges dans la femelle, et bleuâtres dans le mâle; et c’est, selon MM. de l’académie et M. Brisson , la seule chose qui distingue les deux sexes : mais d’autres auteurs ont assigné, comme nous l'avons vu ci-dessus, d’autres différences tirées des couleurs du plumage, des barbillons, du tubercule cal- leux de la tête, des caroncules, des narines, de la grosseur du corps, des soies ou filets de l’occiput, etc., soit que ces variétés dépendent eu effet de la différence du sexe, soit que, par un vice de logique trop commun, on les ait regardées comme propres au sexe de l'individu où elles se trouvoient acciden- tellement et par des causes toutes diffe- rentes. En arrière des barbillons, on voit, sur les côtés de la tête, la très-petite ouverture des oreilles, qui, dans la plupart des oiseaux, est ombragée par des plumes, et se trouve ici à découvert. Mais ce qui est propré à la peintade , c'est ce tubercule calleux , cette espèce de casque qui s'élève sur sa tête, et que Belon compare assez mal-à-propos au mn] 204 HISTOIRE NATURELLE tubercule, ou plutôt à la corne de la girafe ; il est semblable, par sa forme, à la contre- épreuve du bonnet ducal du doge de Venise, ou, si l’on veut, à ce bonnet mis sens de- vant derrière! : sa couleur varie, dans les dif- férens sujets, du blanc au rougeâtre, en pas- sant par le jaune et le brun?; sa substance intérieure est comme celle d’une chair en- durcie et calleuse ; ce noyau est recouvert d’une peau sèche et ridée, qui s’étend sur l’oc- er ciput et sur Les côtés de la tête, mais qui est échancreée à l'endroit des yeux. Les physi- ciens à causes finales n’ont pas manqué de dire que cette callosité étoit un casque vé- ritable, une arme défensive donnée aux pein- tades pour les munir contre leurs atteintes réciproques, attendu que ce sont des oiseaux 1 C’est à cause de ce tubercule que M. Linnæus a nommé la peintade, tant0t gallus vertice corneo (Syst. nat. edit. VI), tantôt phasianus vertice cal- Zoso (edit. X). 2 Ilest blanchâtre dans la planche CXXVI de Frisch ; couleur de cire, suivant Belon, page 247; brun, selon Marcgrave; fauve-brun, selon M. Per: rault ; rougeâtre dans notre planche. DE LA PEINTADE, 205 querelleurs , qui ont le bec très-fort et le crâne très-foible. Les yeux sont grands et couverts, la pau- pière supérieure a de longs poils noirs rele- vés en haut, et le crystallin est plus convexe en dedans qu’en dehors. M. Perrault assure que le bec est semblable à celui de la poule; le Jésuite Margat le fait trois fois plus gros, très-dur et très-pointu ; les ongles sont aussi plus aigus, selon le P. Labat : mais tous s'accordent, anciens et modernes, à dire que les pieds n’ont point d'éperons. Une différence considérable qui se trouve entre la poule commune et la peintade, c’est que le tube intestinal est beaucoup plus fort à proportion dans cette dernière, n'ayant que trois pieds, selon MM. de l’académie, sans compter les cœcurn, qui ont chacun six pouces, vont en s’eélargissant depuis leur ori- gine, et reçoivent des vaisseaux du mésentère comme les autres intestins : le plus gros de tous est le duodenumm, qui a plus de huit lignes de diamètre. Le gésier est comme celui de la poule; on y trouve aussi beaucoup de petits graviers, quelquefois même rien autre 18 566 HISTOIRE NATURELLE V0 chose, apparemment lorsque l'animal étant mort de langueur , a passé les derniers temps de sa vie sans manger : la membrane interne du gésier est très-ridée, peu adhérente à la” tunique nerveuse, et d’une substance ana- logue à celle de la corne. Le jabot , lorsqu'il eët soufflé , est de la orosseur d'une balle de paume ; le canal in- termédiaire entre le jabot et le gésier est d'une substance plus dure et plus blanche que la partie du conduit intestinal qui pré- cède le jabot, et ne présente pas, à beaucoup près, un si grand nombre de vaisseaux ap- parens. : L'æsophage descend le long du cou, à droite de la trachée-artère; sans doute parce que le cou qui, comme je l'ai dit, est fort long, se pliant plus souvent en avant que sur les côtés, l’œsophäge, pressé par la tra chée-artère, dont les anneaux sont entière- ment osseux ici comme dans la plupart des oiseaux, a été poussé du côté où il y avoit le moins de résistance. Ces oiseaux sont sujets à avoir dans le foie, et même dans la rate, des concrétions squir- reuses : on en à Vu qui n’avoient poiut de À Rs - til DE LA PEINTADE. 207 vésicule du fiel ; mais, dans ce cas , le rameau hépatique étoit fort gros : on en a vu d’au- tres qui n’avoient qu'un seul testicule. En général , il paroît que les parties internes ne sont pas moins susceptibles de variétés que les parties extérieures et superlicielles. Le cœur est plus pointu qu’il ne l’est com muueément dans les oiseaux ; les poumons sont à l'ordinaire : mais on a remarqué dans quelques sujets, qu’en soufflant dans la tra- chée-artère pour mettre en mouvement les poumons et les cellules à air; on a remar- qué, dis-je, que le péricarde, qui paroissoit plus lâche qu’à l'ordinaire, se gonfloit comme les poumons, J'ajouterai encore une observation anato- mique, qui peut avoir quelque rapport avec l'habitude de crier, et à la force de la voix de la peintade, c'est que la trachée-artère reçoit dans la cavité du thorax deux petits cordons musculeux lonss d’un pouce, larges de deux tiers de ligne, lesquels s’y implantent de chaque côté. La peiutade est en effet un oiseau très- criard ; et ce n’est pas sans raison que Browne Va appelée gallus clamosus : son cri est aigte 208 HISTOIRE NATURELLE et perçant; et à la longue il devient tellement incommode , que, quoique la chair de la peintade soit un excellent manger et bien supérieur à la volaille ordinaire, la plupart des colons d'Amérique ont renoncé à en éle- ver : les Grecs avoient un mot particulier pour exprimer ce cri*. lien dit que la me- léagride prononce à peu près son nom; le docteur Cai, que son cri approche de celui de la perdrix, sans être néanmoins aussi écla- y e L] « % L] tant; Belon, qu’il est quasi comme celui des petits poussins nouvellement éclos : mais il assure positivement qu’il est dissemblable de celui des’ poules communes ; et je ne sais pourquoi Aldrovande et M. Salerne lui font dire le contraire. C’est un oiseau vif, inquiet et turbulent, qui n'aime point à se tenir en place, et qui sait se rendre maître dans la basse-cour : il se fait craindre des dindons même; et quoique beaucoup plus petit, il leur en impose par sa pétulance. « La peintade, dit le P. Margat, a « plutôt fait dix tours et donné vingt coups « de bec que ces gros oiseaux n’ont peusé # Kayxagew, selon Pollux, - } 4 { DE LA PEINTADE. 20ÿ « X' se mettre en défense». Ces poules de Nu- midie semblent avoir la même façon de com- battre que l’historien Salluste attribue aux cavaliers numides. « Leur charge, dit-il, est « brusque et irrégulière; trouvent-ils de la « résistance, ils tournent le dos, et un‘ins- « tant après ils sont sur l'ennemi ». On pour- roit à cet exemple en joindre beaucoup d’au- tres qui attestent l'influence du climat sur le naturel des animaux , ainsi que sur le génie national des habitans. L’éléphant joint à beaucoup de force et d'industrie une dis- position à l'esclavage; le chameau est labo- rieux, patient et sobre; le dogue ne démord point. Élien raconte que, dans une çertaine ile, la méléagride est respectée des oiseaux de proie; mais je crois que, dans tous les pays du monde, les oiseaux de proie attaqueront par préférence toute autre volaille qui aura le bec moins fort, point de casque sur la tête, et qui ne saura pas si bien se défendre. La peintade est du nombre des oiseaux pulvérateurs, qui cherchent dans la pous- sière où ils se vautrent, un remède contre l’incommodité des insectes ; elle gratte aussi Ni1e 0 HISTOIRE NATURELLE la terre comme nos poules communes, et va par troupes très-nombreuses : on en voit à l’île de May des volées de deux ou trois cents ; les insulaires les chassent au chien courant, sans autres armes que des bâtons. Comme elles" ont les ailes fort courtes, elles volent pesamment; mais elles courent très-vite, et, : selon Belon, en tenant la tête élevee comme la girafe : elles se perchent la nuit pour dor- mir, et quelquefois la journée, sur les murs de clôture , sur les haies , et même sur les toits des maisons et sur les arbres. Elles sont soigneuses , dit encore Belon , en pourchas- sant leur vivre*; et en effet, elles doivent consommer beaucoup, et avoir plus de be- soins que les poules domestiques, vu le peu de longueur de leurs intestins. Il paroît, par le témoignage des anciens * M. de Séve a observé en jetant du pain à des peintades, que lorsqu'une ‘d’entre elles prenoiït un morceau de pain plus gros qu'elle ne pouvoit l'ava- ler tout de suite, elle l’eniportoit en fuyant les paons et les autres volailles qui ne vouloient pas la quitter; et que, pour s’en débarrasser, elle cachoit le mor- ceau de pam dans du fumier ou dans de la terre où elle venoit le chercher et le manger quelque temps après. | ALAIN DE LA PEINTADE. arr et des modernes, et par les demi-membranes qui unissent les doigts des pieds, que la pein- tade est un oiseau demi-aquatique : aussi celles de Guinee qui out recouvré leur lLi- berté à Saint-Domingue, ne suivaut plus que l'impulsion du naturel, cherchent de préférence les lieux aquatiques et maréca- - CUMNNER Si on les élève de jeunesse, elles s’appri- voisent très bien. Brue raconte qu’étant sur la côte du Sénégal , il reçut en present d’une princesse du pays, deux peintades, l’une mâle et l’autre femelle, toutes deux si fami- lières , qu'elles venoient manger sur son assiette; et qu'ayant la liberté de voler au rivage, elles se rendoient régulièrement sur la barque au son de la cloche qui annonçoit le diner et le souper. Mooredit qu’elles sontaussi farouches que le sont les faisans en Angle- terre : mais je doute qu'on ait vu des faisans aussi privés que les deux peintades de Brue ; et ce qui prouve que les peintades ne sont pas fort farouches, c’est qu’elles reçoivent la nourriture qu'on leur présente au moment même où elles viennent d’être prises. Tout bien considéré, ilme semble que leur uaturel A Ur 7 212 HISTOIRE NATURELLE. approche beaucoup plus de celui de la perdrix À que de celui du faisan. La poule peintade pond et couve à peu. près comme la poule commune; mais il pa- roit que sa fécondité n’est pas la même en différens climats , ou du moins qu’elle est: beaucoup plus grande dans l’état de domes- ticité où elle regorge de nourriture, que dans l’état de sauvage, où, étant nourrie moins largement, elle abonde moins en molecules NEA superflues. On m'a assuré qu’elle est sauvage à l'ile de France, et qu’elle y pond huit, dix et douze œufs à terre dans les bois; au lieu que celles qui sont domestiques à Saint-Domingue, et qui cherchent aussi le plus épais des haies et des broussailles pour y déposer leurs œufs, en pondent jusqu’à cent et cent cinquante, pourvu qu'il en reste toujours quelqu'un dans le nid. Ces œufs sont plus petits, à proportion, que ceux de la poule ordinaire, et ils ont aussi la coquille beaucoup plus dure : mais il y a une différence remarquable entre ceux de la peintade domestique et ceüx de la peintade sauvage ; ceux-ci out de petites 4 DELA PEINTADE. 213 taches rondes comme celles du plumage, et qui mavoient point échappé à Aristote, au lieu que ceux de la peintade domestique sont d’abord d’un rouge assez vif, qui devient en- suite plus sombre, et enfin couleur de rose sèche , en se refroidissant. Si ce fait est vrai, comme me l’a assuré M. Fournier, qui en a beaucoup élevé, il faudroit en conclure que les influences de la domesticité sont ici assez profondes pour altérer non seulement les couleurs du plumage, comme nous l'avons vu ci-dessus, mais encore celle de la ma-— tière dont se forme la coquille des œufs; et comme-cela n'arrive pas dans les autres es- pèces, c'est encore une raison de plus pour resarder la nature de la peintade comme moins fixe et plus sujette à varier que celle des autres oiseaux. La peintade a-t-elle soin ou non de sa cou— vée? c’est un problème qui n’est pas encore résolu : Belon dit oui, sans restriction : Frisch est-aussi pour l’affirmative à l’égard de la grande espèce, qui aime les lieux secs, et 1l assure que le contraire est vrai de la petite espèce, qui se plaît dans les marécages : quais Le plus grand nombre des témoiguages 14 HISTOIRE NATURELLE. lui attribue de l'indifférence sur cet article: ; et le Jésuite Margat nous apprend qu'à Saint- Domingue on ne lui permet pas de couver elle-même ses œufs, par la raison qu’elle ne s’y attache point et qu’elle abandonne sou- vent ses petits : on préfère, dit:1l, de les faire couver par des poules d‘Inde ou par des … poules communes. Je ne trouve rien sur la durée de l’incu- bation; mais, à juger par la grosseur de l’oi- seau , et par ce que l'on sait des espèces aux— quelles il a le plus de rapport, on peut la supposer de trois semaines, plus ou moins, selon la chaleur, 'de la saison ou du climat, l’assiduite de la couveuse, etc. Au commencement, les jeunes peintadeaux _w’ont encore ni barbillons, ni sans doute de. casque; ils ressemblent alors, par le plu- mage, par la couleur des pieds et du bec, à des perdreaux rouges: et il n’est pas aisé de distinguer les jeunes mâles des vieilles fe- melles; car c’est dans toutes les espèces que la maturité des femelles ressemble à Feu fance des males. Les peintadeaux sont fort délicats et très. difficiles à élever dans nos pays septentriol s j l | 7 fui DE LA PEIÏINTADE. 215 aux, comme étant originaires des climats brûlans de l'Afrique : ils se nourrissent , ainsi que les vieux , à Saint-Domingue, avec du millet; selon le P. Margat, dans l'ile de _ May, avec des cigales et des vers qu’ils trou- vent eux=mêmes en grattant la terre avec leurs ongles ; et selon Frisch, ils vivent de toutes sortes de graines et d'insectes: Le coq peintade produit aussi avec la poule domestique; mais c'est une espèce de oéné- ration artificielle qui demande des precau- tions : la principale est de les élever ensemblé de jeunesse; et les oiseaux métis qui résultent de ce melange, forment une race hätarde, imparfaite, désavouée, pour ainsi dire, de la nature, et qui, ne pondant guère que des œufs clairs, n'a pu jusqu'ici se perpétuer régulièrement. Les peintadeaux de basse-cour sont d’un fort bon goût, et nullement inférieurs aux perdreaux ; mais les sauvages ou marrons de Saint-Domingue sont un mets exquis et au- . dessus du faisan. Les œufs de peintade sont aussi fort bons à manger. Nous avons vu que cet oiseau étoit d'ori= VER do D ré : À Lt”) k 216 HISTOIRE NATURELLE sine africaine, et de là tous les noms qui ini. ont été donnés de poule africaine, numidique, étrangère; de poule de Barbarie, de Tunis, de Mauritanie, de Libye, de Guinée (d’où s’est formé le nom de gzinette), d Égypte, de Pharaon, et même de Jérusalem. Quelques Mahométans s'étant avisés de les annoncer sous le nom de poules de Jérusalem, les ven-. direntaux Chrétiens tout ce qu’ils youlurent; mais ceux-ci s'étant apperçus de la fraude, les revendirent à profit à de bons Musulmans, sous le nom de poules de la Mecque. On en trouve à l’île de France et à l’ile de Bourbon, où elles ont été transplantées assez récemment, et où elles se sont fort bien mul- tipliées ; elles sont connues à Madagascar. e. sous le nom d’acanques, et au Congo sous celui de qwetèles ; elles sont fort communes. Tr . , \ A 3 X . À dans la Guinée, à la côte d'Or, où il ne. s’en nourrit de privees que dans le canton. d'Acra, à Sierra-Leona, au Sénégal, dans l'ile de Gorée, dans celle du cap Verd, en Barbarie, en Égypte, en Arabie et en Syrie : on ne dit point s’il y en a dans les îles Ca- naries , ni dans celle de Madère. Le Gentil rapporte qu’il a vu à Java des poules pein-. «LL hu $ | "DE LA PEINTADE 2rv tades ; mais on ignore si elles étoient domes- tiques ou sauvages : je croirois plus volon-— tiers qu’elles étoient domestiques, et qu’elles avojent été transportées d'Afrique en Asie, de mème qu’on en a transporté en Amérique et en Europe. Mais, comme ces oiseaux étoient accoutumés à un climat très-chaud, -ils n’ont pu s’habituer dans les pays glacés qui bordent la mer Baltique ; aussi n’en est-il pas question dans la Fauna Suecica de M. Linnæus. M. Klein paroit n'en parler que sur le rapport d'autrui ; et nous voyons même qu'au commencement du siècle, ils étoient encore fort rares en Angleterre. Varron nous apprend que de son temps les poules africaines ( c’est ainsi qu'il appelle _ les peintades) se vendoient fort cher à Rome à cause de leur rareté ; elles étoient beau- ‘coup plus communes en Grèce du temps de Pausanias, puisque cet auteur dit positive- ment que la méléasride étoit, avec l’oie commune, l’offrande ordinaire des personnes peu aisées dans les mystères solennels d’Isis. Malgré cela, on ne doit point se persuader que les peintades fussent naturelles à la Grèce, puisque, selon Athénée, les Étoliens _ Oiseaux, LIT. 19 218 HISTOIRE NATURELLE. at ou passoient pour être les premiers ‘des à qu eussent eu u de ces ciseaux NE # l : pa’ migration lite ds les co El ts que ces 1 oiseaux venoient se livrer tous les ans en. Béotie, sur le tombeau de Méléagre , et qui ne sont pas moins cités par les naturalistes que par les mythologistes : c'est de là que leur est venu le nom de 7z2éléagrides*, comme celui de peintades leur a été donné moins à cause de la beauté que de lagréable distri- bution des couleurs dont leur plumage est peint. * La fable dit que les sœurs de Méléagre, déses=, pérées de la mort de leur frère, furent changées € à ces olseaux qui porlent encore leurs larmes semées ‘à sur leur plumage. | E TETRAS ou LE GRAND COQ DE BRUYERE| |) NA Ji | } Joouguete$ DUT OT R ASS OU LE GRAND COQ DE BRUYÈRE 2. Voyez la planche 5 de ce volume. / S1 l’on ne jugeoit des choses que par les _moms, on pourroit prendre cet oiseau ou pour un coq sauvage, ou pour un faisan ; car on lui donne en plusieurs pays, et sutr- tout en Italie, le nom de cog rie (gallo vu ie selvatico), tandis qu’ ça d’autres 1 Voyezles planches enluminées, nos 73 et T4. 2 En latin, fetrao (magnus); en latin moderne, urogallus; en italien, gallo cedrone; en allemand, or-han,auer-han; eu anglois, mountain-cock;dans quelques provinces de France, cog de Limoges, cog de bois, faisan bruyant. a La plauche de Frisch est bien coloriée , ét celles d’Albin le sont fort mal. 3 Albin décrit le mâle et la femelle sous le nom de cog et de poule noire des montagnes de Mosco- #16; plusieurs auteurs ‘app ellent ga/lus silpestris, \ 220 HISTOIRE NATURELLE RL pays on lui donne celui de faisan bruyant et de faisan sauvage; cependant ik diffère du faisan par sa queue, qui est une fois plus courte à proportion et d’une toute autre forme , par le nombre des grandes ee pb 2e 27 plumes qui la composent, par l’étendue de. son vol relativement à ses autres dimen- sions, par ses pieds pattus et dénués d’épe- rons, etc. D'ailleurs, quoique ces deux es- pèces d’oiseaux se plaisent également dans les bois, on ne les rencontre presque jamais dans les mêmes lieux, parce que le faisan, qui craint le froid , se tient dans les bois en. plaines, au lieu que le coq de bruyère cherche le froid et habite les bois qui couronnent le sommet des hautes montagnes , d’où lui sont venus les noms de cog de montagne et de cog de bois. Ceux qui, à l’exemple de Gênes et de quelques autres , voudroient le regarder comme un coq sauvage, pourrolent, à la vérité, se fonder sur quelques analogies; car w il y a en effet plusieurs traits de ressem- blance avec le coq ordinaire, soit dans la forme totale du corps, soit dans la configu- ration particulière du bec, soit par cette DU TETRAS. 227 pau rouge plus où moins saillante dont les yeux sont surmontés, soit par la singularité de ses plumes, qui sont presque toutes doubles , et sortent deux à deux de chaque tuyau, ce qui, suivant Belon, est propre au coq de nos basses-cours. Enfin ces oiseaux ont aussi des habitudes communes : dans les deux es- péces, il faut plusieurs femelles au mâle : les femelles ne font point de nid; elles couvent leurs œufs avec beaucoup d’assiduité, eë montrent une grande affection pour leurs petits quand ils sont éclos. Mais si l’on fait attention que le coq de bruyère n’a point de membranes sous le bec, et point d’éperons aux pieds ; que ses pieds sont couverts de plumes, et ses doigts bordés d’une espèce de dentelure; qu’il a dans la queue deux pennes de plus que le coq; que cette queue ne se di- vise point en deux plans comme celle du coq, mais qu’il la relève en éventail comme le dindon ; que la grandeur totale de cet oi- seau est quadruple de celle des coqs ordi- naires; quil se plait dans les pays froids, tandis que les coqs prospérent beaucoup mieux dans les pays tempérés; qu’il n’y a. point d'exemple avéré du mélange de ces j 19 22 HISTOIRE NATURELLE deux espèces; que leurs œufs ne sont pas de la même couleur; enfin, si l’on se souvient des preuves par lesquelles je crois avoir éta- bli que l’espèce du coq est originaire des contrées tempérées de l'Asie, où les voya- geurs n'ont presque jamais vu de cogs de bruyère , on ne pourra guère se persuader que ceux-ci soient de la souche de ceux-là, et l’on reviendra bientôt d’une erreur occa- sionnée, comme tant d'autres, par une fausse dénomination. : à Pour moi, afin d'éviter toute équivoque, je donnerai, dans cet article, au coq de bruyère, le nom de zetras, formé de celui de £etrao, qui me paroît être son plus ancien nom latin , et qu’il conserve encore aujour- d’hui dans la Sclavonie, où il s'appelle zefrez. On pourroit aussi lui donner celui de cedron, tiré de cedrone, nom sous lequel il est connu en plusieurs contrées d'Italie. Les Grisons l’appellent séo/zo, du mot allemand sz0/z, qui signifie quelque chose de superbe ou d’imposant , et qui est applicable au coq de bruyère, à cause de sa grandeur et de s& beauté: par la même raison, les habitans des Pyrénées lui donnent le nom de paon sau- RE A à DIU TE'TR AS: 223 sage. Celui d’urogallus , sous lequel il est souvent désigné par les modernes qui ont écrit en latin, vient de wr, our, urus, qui veutdire sauvage, et dont s’est formé en alle- mand lemotauer-hahn ou ourh-hahn, lequel, selon Frisch, désigne un oiseau qui se tient dans les lieux peu fréquentés 4 difhcile accès : il signifie aussi un oiseau de marais* et c’est de là que lui est venu le nom rief- han, coq de marais, qu'on lui donne dans la Souabe, et même en Écosse. Aristote ne dit que deux mots d’un oiseau qu’il appelle fefrix, et que les Athéniens ap- peloient owrax : cet oiseau ,'dit-il, ne niche point sur les arbres ni sur la terre, mais parmi les plantes basses et rampantes. T'esrix,. guam Athenienses vocant ëpæyx, nec arbort nec terræ nidum suum commitlit, sed frutici. Sur quoi il est à propos de remarquer que l'expression grecque n'a pas été fidèlement rendue en latin par Gaza : car, 1°. Aristote ne parle point ici d'arbrisseau { frutici ), mais seulement de plantes basses; ce qui *._Aue désigne, selon Frisch, une grande place k le) 9 9 le) humide et basse. 224 HISTOIRE NATURELLE ressemble plus au gramen et à la mousse qu'& des arbrisseaux : 2°. Aristote ne dit point que le éetrix fasse de nid sur ces plantes basses, il dit seulement qu’il y niche; ce qui peut paroître la mème chose à un littérateur, mais non à un naturaliste, vu qu'un oiseau peut nicher, c'est-à-dire , pondre et couver ses œufs sans faire de nid; et c’est précisé- ment le cas du Zefrix , selon Aristote lui- mème, qui dit, quelques lignes plus haut, que l’alouette et le fefrix ne déposent point leurs œufs dans des nids, mais qu'ils pondent sur la terre, ainsi que tous les oiseaux pe- sans, et qu’ils cachent leurs œufs dans l’herbe drue. :: Or ce qu’a dit Aristote du zefrix dans ces deux passages, ainsi rectifiés l’un par l’autre, présente plusieurs indications qui convien- nent à notre {efras, dont la femelle ne fait point de nid, mais dépose ses œufs sur la mousse, et les couvre de feuilles avec grand soin lorsqu'elle est obligée de les quitter. D'ailleurs Le nom latin de fetrao, par lequel Pline désigne le coq de bruyère, a un rap- port évident'avec le nom grec fefrix, sans compter l’'analogie qui se trouve entre le nom D'U TIET KR AS: 225 athénien owrax et le nom composé owrh- hahn, que les Allemands appliquentau même oiseau, änalogie qui probablement n’est qu’un effet du hasard. Mais ce qui pourroit jeter quelques doutes sur l'identité du fe/rix d’'Aristote avec le tetrao de Pline, c’est que ce dernier, parlant de son fetrao avec quelque détail, ne cite point ce qu'Aristote avoit dit du fetrix; ce que vraisemblablement il n’eût pas manqué de faire, selon sa coutume, s’il eût regardé son fefrao comme étant le même oiseau que le £etrix d'Aristote; à moins qu’on ne veuille dire qu'Aristote ayant parlé fort superficiel- lement du fefrix , Pline n’a pas dü faire grande attention au peu qu'il en avoit dit. À l’égard du ous tetrax dont parle Athé- née (liv. IX), cen’est certainement pas notre tetras, puisqu'il a des espèces de barbillons charnus et semblables à ceux du coq, les- quels prennent naissance auprès des oreilles et descendent au-dessous du bec; caractère absolument étranger au tetras, et qui désigne bien plutôt la méleagride ou poule de Nu- midie, qui est notre peintade. Le petit fetrax, dont parle le mémeauteur, 226 HISTOIRE NATURELLE n'est, selon lui, qu’un très-petit oiseau, et, par sa petitesse même, exclu de toute com- paraison avec notre /efras , qui est un oiseau de la première grandeur. : À l'égard du fetrax du poète Nemesianus, qui insiste sur sa stupidité, Gesner le regarde comme une espèce d’outarde : mais je lux trouve encore un trait caractérisé de ressem- blance avec la méléagride; ce sont les cou- leurs de son plumage, dont le fond est gris cendré, semé de taches en forme de gouttes : c'est bien là le plumage de la peintade, ap- pelée par quelques uns ga/lina guttata. Mais , quoi qu’il en soit de toutes ces con- jectures, il est hors de doute que les deux espèces de etrao de Pline sont de vrais tetras ou coqs de bruyère *. Le beau noir lustre de leur plumage, leurs sourcils couleur de feu qui représentent des espèces de flammes dont leurs yeux sont surmontés, leur séjour dans les pays froids et sur les hautes montagnes, la délicatesse de leur chair, sont autant de propriétés qui se rencontrent dans le grand * Le Zetrao des hautes montagnes de Crète, vu par Belon , ressemble fort à celui de Pline. DU TETRAS. 227 et le petit tetras, et quine se trouvent réunies dans aucun autre oiseau : nous appercevons même, dans la description de Pline, les traces d’une singularité qui n’a été connue que par très-peu de modernes : Moriuntur contuma- cid, dit cet auteur, spiriu revocato; ce qui se rapporte à une observation remarquable que Frisch a insérée dans l’histoire de cet oiseau. Ce naturaliste n’ayant point trouvé de langue dans le bec d’un coq de bruyère mort, et lui ayant ouvert le gosier, y re- trouva la langue, qui s’y étoit retirée avec toutes ses dépendances ; et il faut que cela arrive le plus ordinairement, puisque c’est une opinion commune parmi les chasseurs, que les coqs de bruyère n’ont point de lan- gue: peut-être en est-il de même de cet aigle noir dont Pline fait mention, et de cet oiseau du Bresil dont parle Scaliger, lequel passoit aussi pour n'avoir point de langue, sans doute sur le rapport de quelques voyageurs crédules , ou de chasseurs peu attentifs, qui ne voient presque jamais les animaux que morts ou mourans, et sur-tout parce qu'au- cun observateur ne leur avoit regardé dans le gosier. pe À 4 24 rh IN ni PA © té + TS \} À Ü AFS Nr Fi 4 FR A 228 HISTOIRE NATURELLE À 4 d'ha L'autre espèce de tesrao dont Pline parle au même endroit, est beaucoup plus grande, puisqu'elle surpasse l’outarde, et même le _Vautour, dont elle a le plumage, et qu'elle ne le cède qu’à l’autruche; du reste, c’est un oiseau si pesant, qu'il se laisse quelquefois prendre à la main *. Belon prétend que cette espèce de £etrao n’est point connue des mo- dernes, qui, selon lui, n’ont jamais vu de tetras ou coqs de bruyère plus grands ni même aussi grands que l’outarde. D'ailleurs on pourroit douter que l’oiseau désigne dans ce passage de Pline par les noms d'ofis et d'avis tarda, fût notre outarde, dont la chair est d’un fort bon goût, au lieu que l'avis tarda de Pline étoit un mauvais manger (damnatas in cibis): mais on ne doit pas con- clure pour cela avec Belon , que le orand tetras n’est autre chose que l'avis tarda, puisque Pline , dans ce même passage , nomme le Zetras et l'avis tarda, et qu'il les compare comme des oiseaux d'espèces diffe- rentes. * Cela est vrai à la lettre du peut tetras, comme on le verra dans l’article suivant. oo DU TETRAS. 229 Pour moi, après avoir tout bien pesé, j'aimerois mieux dire, 1°. que le premier tetrao dont parle Pline, est le tetras de la petite espèce, à qui tout ce qu’il dit en cet endroit est encore plus applicable qu’au grand. 2°. Que son grand fefrao est notre grand tetras , et qu'il n’en exagère pas la grosseur en disant qu’il surpasse l’outarde : car j'ai pesé moi-même une grande outarde qui avoit trois pieds trois pouces de l’extrémité du bec à celle des ongles, six pieds et demi de vol, et qui s’est trouvée du poids de douze livres ; or l’on sait et l’on verra bientôt que parmi les tetras de la grande espèce, il y en a qui pésent davantage. Le tetras ou grand coq de bruyère a près _ de quatre pieds de vol; son poids est com- _munément de douze à quinze livres : Aldro- vande dit qu’il en avoit vu un qui pesoit vingt-trois livres; mais ce sont des livres de Bologne, qui sont seulement de dix onces, en sorte que les vingt-trois ne font pas quinze livres de seize onces. Le coq noir des montagnes de Moscovie, décrit par Albin, et qui n’est autre chose qu’un tetras de la 20 ve” L de 7 LA on € 23o HISTOIRE NATURELLE grande espèce, pesoit dix livres sans plumes et tout vidé; et le même auteur dit que les : lieures de Norvége, qui sont de vrais tetras, sont de la grandeur d’une outarde. Cet oiseau gratte la terre comme tous les frugivores ; 1l a le bec fort et tranchant *, la langue pointue, et dans le palais un enfon- cement proportionnéau volume de la langue: les pieds sont aussi très-forts et garnis de plumes par-devant; le jabot est excessive ment grand, mais du reste fait, ainsi que le gésier , à peu près comme dans le coq domes- tique. La peau du gésier est veloutée à l’en- droit de l’adhérence des muscles. | . Le tetras vit de feuilles ou de sommités de sapin, de genevrier, de cèdre, de saule, de pu *_ Je ne sais ce que veut dire Longolius, en avan- caut que cet oiseau a des vestiges de barbillons. Voyez Gesner, page 487. Y auroit-il parmi les grands tetras, une race ou une espèce qui auroit des barbillons , comme cela a lieu à l'égard des petits tetras? ou bien Longolius ne veut-1il parler que d’uve certaine disposition de plumes représentant imparfaitement des barbillons , comme il a fait à l’article de la gélinotte ? Voyez Gesner, De avibus, page 229- AA ; DU TETRAS. 23t bouleau, de peuplier blanc, de coudrier, de myrtille, de ronces, de chardons, de pommes de pin, des feuilles et des fleurs du blé sar- rasin , de la gesse, du mille-feuille, du pis- senlit, du trèfle, de la vesce et de l’orobe, principalement lorsque ces plantes sont en- core tendres; car lorsque les graines com- mencent à se former, il ne touche plus aux fleurs, et il se contente des feuilles : il mange . aussi, sur-tout la première année, des mûres sauvages, de la faine , des œufs de fourmis, etc. On a remarqué, au contraire, que plusieurs autres plantes ne convenoient point à cet oiseau , entre autres la livêche, l’éclaire, l'hiéble, l’extramoine , le muguet, le fro- ment, l’ortie, etc. On a observé dans le gésier des tetras quel’on _ a ouverts, de petits cailloux semblables à ceux que l’on voit dans le gésier de la volaille ordi- naire ; preuve certaine qu'ils ne se contentent point des feuilles et des fleurs qu'ils prennent sur les arbres, mais qu'ils vivent encore des grains qu'ils trouvent en grattant la terre. Lorsqu'ils mangent trop de baies de genièvre, leur chair, qui est excellente, contracte un mauvais goût; et, suivant la remarque de 23: HISTOIRE NATURELLE | Pline, elle ne conserve pas long-temps s4 bonne qualité dans les cages et les volières où l’on veut quelquefois les nourrir par curiosité. La femelle ne diffère du mâle que par la taille et par le plumage, étant plus petite et moins noire : au reste, elle l'emporte sur le mâle par l’agréable variété des couleurs, ce qui n’est point l'ordinaire dans les oi- seaux, ni mème dans les autres animaux , comme nous l'avons remarqué en faisant l'histoire des quadrupèdes ; et selon Willugh- by, c’est faute d’avoir connu cette exception, que Gesner a fait de la femelle une autre espèce de tetras sous le nom de s7ygallus major *, formé de l'allemand grugel-hahn; de même qu’il a fait aussi une espèce de la femelle du petit tetras, à laquelle il a donné le nom de grygallus minor? : cependant 4 5 Gesner trouve que le nom de grand francolin des Alpes conviendroit assez au grygallus major, vu qu'il ne diffère du francolin que par sa taille, étant trois fois plus gros. 2 En effet, Gesner dit positivement que, parmi tous les animaux, il n’est pas une seule espèce où, les mâles ne J'emportent sur la femelle par la beauté. l DÜ TÉTRAS. | 233 Gésner prétend n'avoir établi ses espèces qu'après avoir observé avec grand soin tous les individus, excepté le g7ygallus minor, et s'être assuré qu’ils avoient des différences bien caractérisées. D’uu autre côté Schwenck- feld, qui étoit à portée des montagnes, et qui avoit examiné souvent et avec beaucoup d’at- tention le grysgallus, assure que c’est la fe- melle du tetras. Mais il faut avouer que dans cette espèce, et peut-ètre dans beaucoup d’autres, les couleurs du plumage sont su- - jettes à de grandes variétés, selon le sexe, l’âge, le climat et les diverses autres circons- tances. Celui que nous avons fait dessiner _ est un peu huppé. M. Brisson ne parle point de huppe dans sa description; et des deux figures données par Aldrovande, l’une est huppée, et l’autre ne l’est point. Quelques uns prétendent que le tetras, lorsqu'il est des couleurs ; à quoi Aldrovande oppose, avec beau- coup de raison , l'exemple des oiseaux de proie, et sur-tout des éperviers et des faucons , parmi lesquels les femelles non seulement ont le plumage plus beau que les wâles, mais encore surpassent ceux-C1 en force et en grosseur, comme 1l a été remarqué ci- dessus dans l’Instoire de ces oiseaux. 20 234 HISTOIRE NATURELLE jeune, a beaucoup de blanc dans son plu= mage , et que ce blanc se perd à mesure, qu’il vieillit, au point que c’est un moyen de connoître l'âge de l’oiseau ; ilsemblemème que le nombre des pennes de la queue ne soit pas toujours égal, car Linnæus le fixe à dix- huit dans sa Fauna Suecica, et M. Brisson à seize dans son Ornithologie; et ce qu'il y a - de plus singulier, Schwenckfeld, qui avoit vu et examiné beaucoup de ces oiseaux, prétend que soit dans la grande, soit dans la petite espèce, les femelles ont dix-huit pennes à la queue, et les mâles douze seule- ment : d’où il suit que toute méthode qui prendra pour caractères spécifiques des dif- férences aussi variables que le sont les cou- leurs des plumes et même leur nombre, sera sujette au grand inconvénient de multiplier les espèces, je veux dire les espèces nomi- nales, ou plutôt les nouvelles phrases; de surcharger la mémoire des commençans, de leur donner de fausses idées des choses, et par conséquent de rendre l’etude de la nature plus difficile. Il n’est pas vrai, comme l’a dit Encelius, que lé tetras mâle étant perché sur un arbre DEN ET KA D; 295 jette sa semence par le bec; que ses femelles, qu'il appelle à grands cris, viennent la re- cueillir, l’avaler, la rejeter ensuite, et que _ leurs œufs soient ainsi fécondés : il n’est pas plus vrai que de la partie de cette semence qui n'est point recueillie par les poules, il se forme des serpens, des pierres précieuses, des espèces de perles : il est humiliant pour l’es- prit humain qu'il se présente de pareilles erreurs à réfuter. Le tetras s’accouple comme les autres oiseaux; et ce qu’il y a de plus singulier, c'est qu'Encelius lui-même, qui raconte cette étrange fécondation par le bec, n’ignoroit pas que le coq couvroit ensuite ses poules, et que celles qu’il n'avoit point cou- vertes pondoient des œufs inféconds : il savoit cela, et n’en persista pas moins dans son opinion; il disoit, pour la défendre, que cet accouplement n’étoit qu'un jeu , un badinage, qui mettoit bien le sceau à la fécondation, mais qui ne l’opéroit point, vu qu’elle étoit l'effet immédiat de la déglutition de la se- mence..….. En vérité, c’est s'arrêter trop long- temps sur de telles absurdités. Les tetras mâles commencent à entrer en chaleur dans les premiers jours de février; 14 s, SOU | | P . 536 HISTOIRE NATURELLE À cette chaleur est dans toute sa force vers ES derniers jours de mars , et continue jusqu’à la pousse des feuilles. Chaque coq, pendant sa chaleur, se tient dans un certain canton d’où il ne s'éloigne pas; on le voit alors soir et matin se promenant sur le tronc d'un gros pin ou d’un autre arbre, ayant la queue étalée en rond, les ailes traînantes, le cou porté en avant, la tête enflée, sans doute par le redressement de ses plumes, et pre- nant toutes sortes de postures extraordi- naires, tant 1l est tourmenté par le besoin de répandre ses molécules organiques super- flues. IL a un cri particulier pour appeler ses femelles , qui lüi répondent et accourent sous l'arbre où il se tient , et d’où il descend bien- tot pour les cocher et les féconder ; c’est pro- bablement à cause de ce cri singulier, qui est très-fortet se fait entendre de loin , qu'on lui a donné le nom de faisan bruyant. Ce cri commence par une espèce d’explosion suivie d’une voix aigre et perçante, semblable au bruit d’une faux qu’on aiguise : cette voix cesse et recommence alternativement ; ef aprèsavoir ainsi continué à plusieurs reprises pendant une heure environ, elle finit par une explosion semblable à la première. DU TETRAS. 237 Le tetras, qui, dans tout autre temps, est fort difficile à approcher, se laisse surprendre ‘trés-aisément lorsqu'il est en amour, et sur- tout tandis qu’il fait entendre son cri de rap- pel ; il est alors si étourdi du bruit qu’il fait lui-même , ou, si l’on veut, tellement enivré, que ni la vue d’un homme, ni même les coups de fusil, ne le déterminent à prendre sa volée ; il semble qu'il ne voie ni n’entende, et qu’il soit dans une espèce d’extase *; c’est pour cela que l’on dit communément et que l’on a même écrit que le tetras est alors sourd et aveugle : cependant il ne l’est guère que comme le sont en pareille circonstance presque tous les animaux, sans en excepter l’homme; tous éprouvent plus ou moins cette extase d’imour, mais apparemment qu'elle est plus marquée dans le tetras; car en Al- lemagne on donne le nom d’aver-hahn aux amoureux qui paroissent avoir oublié tout autre soin pour s’occuper uniquement de l'objet de leur passion, et même à toute * In tantum aucta, ut in terra quogue immobilrs prehendatur. Ce que Pline attribue ici à la grosseur du tetras, n’est peut-être qu’un effet de sa chaleur et de l’espèce d'ivresse qui l'accompagne. [s 238 HISTOIRE NATURELLE personne qui montreune insensibilité stupide ; pour ses plus grands intérêts: * On juge bien que c’est cette saison où les tetras sont en amour, que l’on choisit pour leur donner la chasse ou pour leur tendre des piéges. Je donnerai, en parlant de la petile espèce à queue fourchue, quelques détails sur cette chasse, sur-tout ceux qui sont les plus propres à faire connoitre les mœurs et le naturel de ces oiseaux : je me borneraï à dire ici que l’on fait très-bien, même pour favoriser la multiplication de Fespèce, de détruire les vieux coqs, parce qu'ils ne souffrent point d’autres coqs sur leurs plaisirs, et cela dans une étendue de terrain assez considérable; en sorte que ne pouvant suffire à toutes les poules de leur district, plusieurs d’entre elles sont privées de mâles et ne produisent que des œufs infé- conds. Quelques oiseleurs prétendent qu'avant de s’accoupler, ces animaux se préparent une place bien nette et bien unie, et je ne doute _ pas qu’en effet on n'ait vu des places; mais je doute fort que les tetras aient eu la pré voyance de les préparer : il est bien plus DU VE DR AS NT). 2% simple de penser que ces places sont les en- droits du rendez-vous habituel du coq avec ses poules, lesquels endroits doivent être, au bout d’un mois ou deux de fréquentation journalière , certainement plus battus que le reste du terrain. La femelle du tetras pond ordinairement cinq ou six œufs au moins, et huit ou neuf au plus : Schwenckfeld prétend que la pre- mière ponte est de huit, et les suivantes de douze, quatorze et jusqu'à seize !. Ces œufs sont blancs, marquetés de jaune, et, selon le même Schwenckfeld, plus gros que ceux des poules ordinaires : elle Les dépose sur la mousse en un lieu sec, où elle les couve seule et sans être aidée par le mâle ?; lorsqu'elle est obligée de les quitter pour aller cher- cher sa nourriture, elle les cache sous les feuilles avec grand soin; et quoiqu'’elle soit 1 Cette gradation est conforme à l'observation d'Aristote: Êx primo coitu aves ova edunt pau- ciora ( Hist.-anim. 6. F7, cap. 14). I] me paroît seulement que le nombre des œufs est trop grand. 2 Je crois avoir lu quelque part, qu’elle couvoit endant environ yingt-huit } jours ; ce qui est assez probable, vu la grosseur de l'oiseau. 240 HISTOIRE NATURELLE d’un naturel très-sauvage, si on l'approche tandis qu'elle est sur ses œufs, elle reste et ne . les abandonne que très-diffitilement, l'amour | de la couvée l’emportänt en cette occasion - sur la crainte du danger. Dès que les petits sont éclos, ils se mettent à courir avec beaucoup de légéreté; ils courent même avant qu'ils soient tout-à-fait éclos, puisqu'on en voit qui vont et viennent ayañt : encore une partie de leur coquille adhérente à leur corps : la mère les conduit avec beau- coup de sollicitude et d'affection ; elle les promène dans les bois, où ils se nourrissent d'œufs de fourmis, de mûres sauvages, etc. La famille demeure unie tout le reste de l’année et jusqu’à ce que la saison de l'amour, leur donnant de nouveaux besoins et de nou- veaux intérêts, les disperse, et sur-tout les mâles, qui aiment à vivre séparément ; car, comme nous l’avons vu, ils ne se souffrent pas les uns les autres, et ils ne vivent guère | avec leurs femelles que lorsque le besoin lés leur rend nécessaires. Les tetras, comme je l’ai dit, se plaisent sur les hautes montagnes : mais cela n’est vrai que pour les clumats tempérés; car dans DU TETRAS. 24% les pays très-froids, comme à la baie de Hud- son, ils préfèrent la plaine et les lieux bas, où ils trouvent apparemment la même tem- pérature que sur nos plus hautes montagnes. Il y en a dans les Alpes, dans les Pyrénées, sur les montagnes d'Auvergne, de Savoie, de Suisse, de Westphalie, de Souabe, de Moscovie, d'Écosse, sur celles de Grèce et d'Italie, en Norvége, et même au nord de l'Amérique; on croit que la race s’en est _ perdue en Irlande, où elle existoit autrefois. On dit que les oiseaux de proie en dé- truisent beaucoup, soit qu’ils choisissent pour les attaquer le temps où l'ivresse de l'amour les rend si faciles à surprendre, soit que, trouvant leur chair de meilleur goût, is leur donnent la chasse par préférence. 21 _LE PETIT TETRAS, | O U COQ DE BRUYÈRE A QUEUE FOURCHUE *. ( Voyez la planche 6 de ce volume. Vorcr encoreun coq et un faisan qui n’est ni coq ni faisan; on l’a appelé petit coq sauvage, cog de bruyère, coq de bouleau, etc. faisan noir, faisan de montagne; on lui a : même donné le nom de perdrix, de gélinofte: mais dans le vrai, c’est le petit tetras, c’est le premier Zetrao de Pline, c’est le fetrao ou l’urogallus minorde la plupart des modernes. Quelques naturalistes, tels que Rzaczynski, l'ont pris pour letetrax du poète Nemesianus: mais c’est sans doute faute d’avoir remarqué * Voyez les planches enluminées, n° r72, lemâle, et n° 173, la femelle. 7 Zom 8. | PL. 6 ,Zag 242. 2 dy HÉEL nte tes 1 # f HISTOIRE NATURELLE. 243 que la grosseur de ce fetrax est, selon Neme- sianus même, égale à celle de l’oie et de la grue ; au lieu que, selon Gesner, Schwenck- feld, Aldrovande, et quelques autres obser- vateurs qui ont vu par eux-mêmes, le petit tetras n'est guère plus gros qu'un coq ordi- naire, mais seulement d’une forme un peu plus alongée, et quesa femelle, selon M. Ray, n’est pas tout-à-fait aussi grosse que notre poule commune. Turner, en parlant de sa poule moresque, ainsi appelée, dit-il, non pas à cause de son plumage, qui ressemble à celui dela perdrix, mais à cause de la couleur du mâle, qui est noir, lui donne une crête rouge et charnue , et deux espèces de barbillons de même subs- tance et de même couleur ; en quoi Willughby prétend qu’il se trompe : mais cela est d’au- tant plus difficile à croire, que Turner parle : d’un oiseau de son pays (apud nos est), et qu'il s’agit d’un caractère trop frappant pour que l’on puisse s’y méprendre. Or, en supposant que Turner ne s’est point trompé en effet sur cette crête et sur ces barbillons, et, d'autre part, considérant qu’il ne dit point que sa poule moresque ait la queue fourchue, 244 HISTOIRE NATURELLE. je serois porté à la regarder comme une autre espèce , ou, si l’on veut, comme une autre xace de petit tetras, semblable à la première par la grosseur, par le différent plumage du male et de la femelle, par les mœurs, le naturel , Le goût des mêmes nourritures, etc. mais qui s’en distingue par ses barbillons charnus et par sa queue non fourchue : et ce qui me confirme dans cette idée, c’est que je trouve dans Gesner un oiseau sous le nom de gallus silvestris , lequel a aussi des barbillons et la queue non fourchue, du reste fort res- semblant au petit tetras ; en sorte qu’on peut et qu'on doit, ce me semble, le regarder comme un individu de la même espèce que la poule moresque de Turner, d'autant plus que, dans cette espèce, le mâle porte en Écosse (d’où l’on avoit e nvoyé à Gesner la figure de l'oiseau ) le nom de cog noir, et la femelle celui de poule grise; ce qui indique précisément la différence de plumage qui, _ dans les espèces de tetras, se trouve entre les deux sexes. . Le petit Pn dont il s’agit ici n’est petit , que parce qu’on le CORRREE avec le grand setras : il pèse trois à quatre livres, et il est DU PETIT TETRAS. 245 encore, après celui-là, le plus grand de tous les oiseaux qu’on appelle cogs de bois. Il a beaucoup de choses communes avec le grand tetras, sourcils rouges, pieds pattus et sans éperons, doigts dentelés, tache blanche à l'aile, etc.: mais il en diffère par deux caractères très-apparens ; il est beaucoup moins gros, et il a la queue fourchue , non seulement parce que les pennes ou grandes plumes du milieu sont plus courtes que les extérieures , mais ericore parce que celles-ci se recourbent en dehors ; de plus le mâle de cette petite espèce a plus a noir , etun noir plus décidé que le mâle de la grande espèce, et il a de plus grands sourcils : j’appelle ainsi cette peau rouge et glanduleuse qu’il a au-des- sus des yeux ; Far la grandeur de ces sour- cils est sujette à quelques variations dans les mêmes individus en différens temps, comme nous le verrons plus bas. La femelle est une fois plus petite que le anale ; elle a la queue moins fourchue; et les couleurs de son plumage sont si différentes , que Gesner s’est cru en droit d’en former une espèce séparée, qu'il a désignée par le nom de grygallus minor, comme je l’ai remarqué 2t Lip. | 246 HISTOIRE NATURELLE ci-dessus dans l’histoire du. grand tetras. Au | reste, cette différence de piurbape entre les deux sexes ne se décide qu’au bout d’ un cer- tain temps : les jeunes mäles sont d'abord de la couleur de leur mère, et conseryent cette couleur jusqu'à la première automne; sur la fin de cette saison et pendant l'hiver, ils prennent des nuances de plus en plus fon- cées, jusqu'à ce qu'ils soient d’un noir bleuä- tre, et ils retiennent cette dernière couleur toute leur vie, sans autre changement que ceux que je vais indiquer : 1°. ils prennent : plus de bleu à mesure qu'ils avancent en âge; 2°. à trois ans, et non plus tôt, ils prennent une tache blanche sous le bec; 3°. lorsqu'ils sont très-vieux , il paroît une autre tache d’uu noir varié sous la queue, où auparavant les plumes étcient toutes blanches. Charleton et quelques autres ajoutent qu'il y a d'autant -moins de taches blanches à la queue que l’oi- seau est plus vieux ; en sorte que le nombre plus ou moins grand de ces taches est un in- dice pour reconnoître son âge. Les naturalistes qui ont comptéassez una- nimement vingt-six pennes dans l'aile du petit tetras , ne s'accordent point entre eux | / DU PETIT TÉTRAS. 247 sur le nombre des pennes de la queue, et l'on retrouve ici à peu près les mêmes varia- tions dont j'ai parlé au sujet du grand tetras. Schwenckfeld, qui donne dix-huit peunes à la femelle, n’en accorde que douze au mâle; Willughby, Albin , M. Brisson, en assignent seize aux mâles comme aux femelles. Les deux mâles que nous conservons au Cabinet du roi en ont tous deux dix-huit; savoir, sept grandes de chaque côté, et quatre dans le milieu, beaucoup plus courtes. Ces diffé- rences viendroient-elles de ce que le nombre de ces grandes plumes est sujet à varier réel- lement, ou de ce que ceux qui les ont comp- tées ont négligé de s'assurer auparavant s’il n'en manquoit aucuue dans les sujets soumis a leur observation ? Au reste , le tetras a les ailes courtes, et par conséquent le vol pesant, et on ne le voit jamais s'élever bien haut ni ‘aller bien loin. | | Les mâles et les femelles ont l’ouverture des oreilles fort grande, les doigts unis par une membrane jusqu’à la première articu— lation et bordés de dentelures *, la chaix * Unguis medu digiti ex parte interiore in 243 HISTOIRE NATURELLE blanche et de facile digestion ; la langue molle , un peu hérissée de petites pointes, et. non divisée ; sous la langue une substance glanduleuse ; dans le palais une cavité qui répond exactement aux dimensions de la langue, le jabot très-grand , Le tube intesti- nal long de cinquante-un pouces, et les appendices ou cæcum de vingt-quatre. Ces appendices sont sillonnées de six stries ou cannelures. La différence quise trouve entre les femelles et les mâles ne se borne pas à la superficie; elle pénètre jusqu’à l’organisation intérieure. Le docteur Waygand a observé que l’os du sternum dans les mâles, étant regardé à la lumière, paroissoit semé d’un nombre pro- digieux de petites ramifications de couleur rouge, lesquelles se croisant et recroisant en aciem tenualus : expression un peu louclie de Wil- lughby; car si cela signifie que l’ongle du doigt du milieu est tranchant du côté intérieur, nous avons vérifié sur l’oiseau même,"que le côté extérieur et le côté intérieur de cet le sont également tran- chans, et de plus cet ongle ne diffère que très-peu et même point du tout des autres par ce caractère tranchant; ainsi cette observation de Willughby nous paroit mal fondée, DU PETIT TETRAS. 249 mille manières et dans toutes sortes de direc- tions, formoient un réseau très-curieux et très-singulier ; au lieu que, dans les femelies, le même os n’a que peu ou point de ces rami- fications : il est aussi plus pen et d'une cou- leur blanchâtre. Cet oiseau vole le plus souvent en troupe, et se perche sur les arbres à peu près comme le faisan. Il mue en été, et il se cache alors dans des lieux fourrés ou dans des endroits marécageux. Il se nourrit principalement de feuilleset de boutons de bouleau, et de baies de bruyère, d’où lui est venu son nom fran- çois cog de bruyère, et son nom allemand birke-han , qui signifie cog de bouleau. Il vit aussi de chatons de coudrier, de blé et d’autres graines; l'automne 1l se rabat sur les glands, les mûres de ronces, les boutons d’aune , les pommes de pin, Les baies de myrtille ( vis Idæa), de fusain ou bonnet de prêtre : enfin l'hiver il se réfugie dans les grands bois, où il est réduit aux baies de genièvre, ou à chercher sous la neige celle de l’oxycoccuzm oucanneberge, appelé vulgairement coussinet de marais; quelquefois même il ne mange rien du tout pendant les deux ou trois mois 250 HISTOIRE NATURELLE du plus grand hiver ; car on prétend qu'em Norvége 1l passe cette saison rigoureuse sous la neige, engourdi, sans mouvement, et. sans prendre aucune nourriture }, comme font , dans nos pays plus tempérés , les chau- ve-souris, les loirs, les lérots, les muscar- dins, les hérissons et les marmottes, et (si le fait est vrai) sans doute à peu près pour les mêmes causes ?. On trouve de ces oiseaux au nord de l'An- gleterre et de l'Écosse, dans les parties mon— tueuses; en Norvése et dans les provinces septentrionales de la Suède ; aux environs de Cologne; dans les Alpes suisses ; dans le Bugey , où ils s'appellent grianois, selon 1 Les auteurs de la Zoolopie britannique avoient remarqué que les perdrix blanches qui passent l'hiver dans la neige, avoient les pieds muieux garnis de plumes que les deux espèces de tetras qui savent se mettre à l’abri dans les forêts épaisses : mais si les tetras passent aussi l’hiver sous la neige, que devient cette belle cause finale , ou plutôt que deviennent tous les raisonnemens de ce genre lorsquw” on les examine avec les yeux de la oh losophie. ? 2 Voyez le iome II des Quadrupèdes, page 309, où j'indique la vraie cause de l’engourdissement DUNPETIT TETNWAS. 25r M. Hébert ; en Podolie, en Lithuanie, en Samogitie, et sur-tout en Volhinie et dans l'Ukraine, qui comprend les palatinats de Kiovieet de Braslaw , où un noble Polonois en prit un jour cent trente paires d’un seul coup de filet, dit Rzaczynski, près du village de Kusmince. Nous verrons plus bas la manière _ dont la chasse du tetras se fait en Courlande. Ces oiseaux ne s’accoutument pas facilement a un autre climat, n1 à l’état de domesticité ; presque tous ceux que M. le maréchal deSaxe _ avoit fait venir de Suède dans sa ménagerie de Chambor, y sont morts de langueur et sans se perpétuer. de ces animaux. Celui du tetras pendant l'hiver me rappelle ce que l’on trouve dans le livre De mirabi- libus , attribué à Aristote, au sujet de certains oiseaux du royaume de Pont, qui étoient en hiver dans un tel état de torpeur, qu’on pouvoit les plu- mer, les dresser, et même les mettre à la broche sans qu'ils le sentissent, et qu’on ne pouvoit les réveiller qu’en les faisant rôtuir ; en retranchant de ce fait ce qu’on y a ajouté de ridicule pour le rendre merveilleux , 1l se réduit à un engourdissement sem- blable à celui des tetras et des marmottes , qui sus- pend toutes les fonctions des sens externes ,el ne cesse que par l’action de la chaleur. 252 HISTOIRE NATURELLE Le tetras entre en amour dans le temps où les saules commencent à pousser , c’est-à— dire, sur la fin de l'hiver, ce que les chas- seurs savent bien reconnoitre à la liquidité de ses excrémens: c’est alors qu’on voit chaque jour les mâles se rassembler dés le matin, au nombre de cent ou plus, dans quelque lieu élevé , tranquille, environné de marais, cou- vert de bruyère, etc. qu'ils ont choisi poux le lieu de leur rendez-vous habituel. Là ils s’attaquent, ils s’entre-battent avec fureur, jusqu'à ce que les plus foiblesaient été mis en fuite ; après quoi les vainqueurs se promènent sur un tronc d'arbre, ou sur l’endroit le plus élevé du terrain, l'œil en feu, les sourcils gonflés, les plumes hérissées, la queue éta- lée en éventail , faisant la roue , battant des ailes , bondissant assez fréquemment, et rap- pelant les femelles par un cri qui s’entend d’un demi-mille. Son cri naturel, par lequel il semble articuler le mot allemand raz, monte de tierce dans cette circonstance, et il y joint un autre cri particulier, une espèce de roulement de gosier très-éclatant. Les fe melles qui sont à portée répondent à la voix des mâles par un cri qui leur est propre: elles | nu" l DU PETIT TETRAS, : 2:53 se rassemblent autour d'eux, et revienneñt très-exactement les jours suivans au même rendez- vous. Selon le docteur Waigand , chaque coq a deux ou trois poules auxquelles il est plus spécialement affectionné. Lorsque les femelles sont fécondées , elles vont chacune de leur côté faire leur ponte dans des taillis épais et un peu élevés. Elles porident par terre, et sans se donner beau- coup de peine pour la construction d’un nid, comme font tous Les oiseaux pesans. Elles pondent six ou sept œufs, selon les uns; de douze à seize, selon les autres; et de douze à vingt, selon quelques autres : les œufs sont moins gros que ceux des poules domes- tiques, et un peu plus longuets. M. Lin- næusassure que ces poules de bruyère perdent leur fumet dans le temps de l'incubation. Schwenckfeld semble insinuer que le temps de leur ponte est dérangé depuis que ces oi- seaux ont été tourmentes par les chasseurs et effrayés par les coups de fusil; et il attri- bue aux mêmes causes la perte qu’a faite l’AI- lemagne de plusieurs autres belles espèces. d'oiseaux. Dès que les petits ont douze ou quinze Oiseaux, AII. À 22 | 254 HISTOIRE NATURELLE * jours, ils commencent déja à battre des ailes et à s’essayer à voltiger ; mais ce n’est qu'au bout de cinq ou six semaines qu'ils sont en état de prendre leur essor et d'aller se percher sur les arbres avec leurs mères : c’est alors. qu'on les attire avec un appeau *, soit pour les prendre au filet, soit pour les tuerä coups de fusil ; la mère, prenant le son contrefait de cet appeau pour le piaulement de quel- qu'un de ses petits qui s est égaré, accourt et le rappelle par un cri particulier qu’elle ré- pête souvent, comme font en pareil cas nos poules domestiques , et elle amène à sa suite le reste de la couvée, qu’elle livre ainsi à la merci des chasseurs. ; Quand les jeunes tetras sont un peu plus grands, et qu'ils commencent à prendre du noir dans leur plumage, ils ne se laissent pas amorcer si aisément de cette manière: mais alors, jusqu’à ce qu'ils aient pris la moitie de leur accroissement, on les chasse avec l’oiseau de proie. Le vrai temps de cette ._* Cet appeau se fait avec un des os de l'aile de lautour, qu’on remplit en partie de cire, en ména- geant des ouvertures propres à rendre le son de- mandé. & . DU PETIT TETRAS. 255 chasse est l’arrière-saison, lorsque Les arbres ont quitté leurs feuilles ; dans ce temps, les vieux mâles choisissent un certain endroit où ils se rendent tous les matins, au lever du soleil, en rappelant par un certain cri (sur- tout quand il doit geler ou faire beau temps) tous les autres oiseaux de leur espèce, jeunes et vieux, mâles et femelles. Lorsqu'ils sont rassemblés, ils volent en troupes sur les bou- leaux , ou bien, s’il n’y a point de neige sur la terre, ils se répandent dans les champs qui ont porté l'été précédent du seigle, de l’a- voine ou d’autres grains de ce genre; et c’est alors que les oiseaux de proie dressés pour cela ont beau jeu. ! On a en Courlande, en Livonie et en Li- thuanie, une autre manière de faire cette chasse : on se sert d’un tetras empaillé, ou bien on fait un tetras artificiel avec de l’étoffe de couleur convenable, bourrée de foin ou d’étoupe, ce qui s'appelle dans le pays une : balvane ; on attache cette balyane au bout d’un bâton , et l’on fixe ce bâton sur un bou- leau , à portée du lieu que ces oiseaux ont choisi pour leur rendez-vous d'amour ; car c’est Le mois d'avril, c’est-à-dire, le temps où 256 “HISTOIRE NATURELLE ils sont en amour , que l’on prend pour faire cette chasse. Dès qu’ils apperçoivent la bal- vane , ils se rassemblent autour d'elle, s’at- taquent et se défendent d’abord comme par jeu ; mais bientôt ils s’animent et s’entre- battent réellement, et avec tant de fureur, qu'ils ne voient ni n’entendent plus rien, et que le chasseur, qui est caché près de là dans . sa hutte, peut aisément tes prendre, même sans coup férir. Ceux qu'il a pris ainsi, il les apprivoise dans l’espace de cinq ou siX JOUIS , au point de venir manger dans la main *. L’an- née suivante, au printemps, on se sert de ces animaux apprivoisés, au lieu de balvanes, pour atlirerles tetras sauvages qui viennent les attaquer , ‘et se battent avec eux avec tant d'acharnement, qu’ils ne s’éloignent point pour un coup de fusil. Ils reviennent tous les jours de très-grand matin au lieu du ren- dez-vous; ils y restent jusqu'au lever du * Le naturel des petits ietras diffère beaucoup en ce point de celuisdes grands tetras, qui, loin de s’apprivoiser lorsqu'ils sont pris, refusent même de prendre de la nourriture, et s’étouffent quelque- fois en avalant leur langue, comme on. l’a vu dans Jeur histoire. DU PETIT TETRAS 257 soleil, après quoiilss’envolent et se dispersent dans les bois et les bruyères pour chercher leur nourriture. Sur les trois heures après midiils reviennentau même lieu, et y restent jusqu'au soir assez tard. Ils se rassemblent ainsi tous les jours , sur-tout lorsqu'il fait beau, tant que dure la saison de l'amour, c’est-à-dire, environ trois ou quatre semaines ; mais lorsqu'il fait mauvais temps, ils sont un peu plus retirés. Les jeunes tetras ont aussi leur assemblée particulière et leur rendez-vous séparé, où ils se rassemblent par troupes de quarante ou cinquante, et où ils s’exercent à peu près comme les vieux; seulement ils ont la voix plus grêle, plus enrouée, et le son en est plus coupé : ils paroissent aussi sauter avec moins de liberté. Le temps de leur assemblée ne dure guère que huit jours , après quoi ils vont rejoindre les vieux. Lorsque la saison de l'amour est passée , comme ils s’assemblent moins régulièrement, il faut une nouvelle industrie pour les diri- ger du côté de la hutte du tireur de ces bal- vanes. Plusieurs chasseurs à cheval forment une enceinte plus ou moins étendue, dont UE : (4 k " Le TM d "1 à 258 HISTOIRE NATURELLE celte hutte est le centre; et en se rapprochant insensiblement, et faisant claquer leur fouet à propos, ils font lever les tetras, et les poussent d'arbre en arbre du côté du tireur, . qu’ils avertissent par des coups de voix s'ils sont loin, ou par un coup de sifflet s’ils sont plus près : mais on conçoit bien que cette chasse ne peut réussir qu'’autant que le tireur a disposé toutes choses, d’après la connois- sance des mœurs et des, habitudes de ces oiseaux. Les tetras, en volant: d’un arbretsur un autre, choisissent, d’un coup d'œilprompt et sûr, les branches assez fortes pour les-por- ter, sans même en excepter les branches ver- ticales, qu’ils font plier par le poids de leur Corps, et raménent en se posant dessus à une situation à peu près horizontale, en sorte qu'ils peuvent trés-bien s’y soutenir, quelque mobiles qu’elles soient : lorsqu'ils sont posés, leur süreté estleur premier soin; ils regardent de tous côtés, prètant l'oreille, alongeant le cou pour reconnoitre s’il n’y a point d'enne- mis; et lorsqu'ils se croient bien à l'abri des oiseaux de proieet des chasseurs, ils se mettent à manger les boutons des arbres : d’après cela un tireur intelligent a soin de placer ses bal- #2 1e Ce DU: PETIT TETRAS. 259 vanes sur des rameaux flexibles, auxquels il attache un cordon qu'il tire de temps, en temps, pour, faire imiter aux balvanes les mouvemens et les oscillatious du tetras sur sa branche. | De plus, il a appris par l'expérience que lorsqu'il. fait un vent violent, on peut diriger la tête de ces balvanes contre le vent; mais que, par un temps calme, on doit les mettre lesunes vis-à-vis des autres. Lorsque les tetras, poussés par les chasseurs de la manière que j'ai dit, viennent droit à la hutte du tireur, celui-ci peut juger par une observation facile, s'ils s'y poseront ou non à portée de lui : si leur vol est inégal, s'ils s’'approchent et s’é- loïisuent alternativement en battant desailes, il peut compter que, sinon toute la troupe, au moins quelques uns, s’abattront près de lui; si au contraire, en prenant leur essor non loin de sa huite, ils partent d’un vol rapide et soutenu, il peut conclure qu'ils iront en.avant sans s'arrêter. Lorsque les tetras se sont posés à portée du tireur, il en est averti par leurs cris réitérés jusqu’à trois fois où même davantage : alors il se gardera bien de les tirer trop brusque- eh ik VAE 260 HISTOIRE NATURELLE ME ment; au contraire, 1l se tiendra immobile : et sans’ faire le moindre bruit dans sa hutte, pour leur donner le temps de faire toutes leurs observations et la reconnoissance du terrain ; après quoi, lorsqu'ils se ‘seront éta- blis sur leurs branches et qu’ils commence- ront à manger, il lés tirera et les choisira à: son aise. Mais, quelque nombreuse que soit la troupe , fût-elle de cinquante, et même de cent, on ne peut guère espérer d'en tuer plus d’un ou deux d’un seul coup; car ces oiseaux se séparent en se perchant ,; et chacun choisit ordinairement son arbre pour se po— ser. Les arbres isolés sont plus avantageux qu’une forêt pleine; et cette chasse est beau- coup plus facile lorsqu'ils se perchent que lorsqu'ils se tiennent à terre: cependant, quand il n’y a point de neige, on établit quelquefois les balvanes et la hutte dans les champs qui ont porté la même année de l'avoine , du seigle, du blé sarrasin, ou on couvre la huitte de paille, et on fait d'assez bonnes chasses, pourvu toutefois queletemps soit au beau; car le mauvais temps disperse ces oiseaux , Les oblige à se cacher et en rend la chasse impossible : mais le premier beau DU PETIT TETRAS. 26t jour qui succède, la rend d’autant plus facile, et un tireur bien posté les rassemble aisé— ment avec les seuls appeaux , et sans qu'il soit besoin de chasseurs pour les pousser du côlé de la hutte. On prétend que, lorsque ces oiseaux volent -en troupes, 1ls ont à leur tête un vieux coq qui les mène en chef expérimenté, et qui leur fait éviter tous les piéges des chasseurs ; en sorte qu'il est fort difhicile, dans ce cas, de Les pousser vers la balvane, et que l’on n’a d autres ressources que de détourner quelques traîneurs. L'heure de cette chasse est chaque jour depuis le soleil levant ; jusqu'à dix heures; et l'après midi, depuis une heure jusqu’à quatre: mais en automne, lorsque Le temps est calme et couvert, la chasse dure toute la journée ‘sans interruption , parce que, dans ce cas, les tetras ne changent guère de lieu. On peut les chasser de cette manièré , C'est-à-dire, en les poussant d'arbre en arbre, jusqu'aux envi- rons du solstice d'hiver: mais, après ce temps, ils deviennent plus sauvages, plus défians et plus rusés; ils changent même leur demeure _accoutumée, à moins qu'ils n’y soient retenus 262 HISTOIRE, NATURELLE par la rigueur du froid ou par l'abondance des neiges. # On pre avoir remarqué que lorsque les tetras se posent sur la cime des arbres ét sur leurs nouvelles pousses, c’est signe de beau . temps; mais que lorsqu'on les voit se rabattre sur les branches inférieures et s’y tapir, c’est. un signe de mauvais temps : je ne ferois pas. mention de ces remarques des chasseurs , si elles ne s’accordoient avec le naturel de ces oiseaux, qui, selon ce que nous avons vu ci-dessus , paroissent fort susceptibles des influences du beau et du mauvais temps, et dont la grande sensibilité à cet égard pour- roit être supposée, sans blesser la vraisem-— blance, au degré nécessaire pour leur faire pressentir la température du lendemain. Dans les temps de grande pluie, ils se retirent dans les forêts les plus touffues pour y chercher un abri; et comme ils sont alors fort pesans et qu’ils volent difficilement, or peut les chasser avec des chiens courans, qui les forcent souvent et les prennent même à la course *. * Cette pesanteurvdes tetras a été remarquée par Pline ; il est vrai qu'il CT alla dns d j 1 Mo ? | ne DU PETIT TETRAS. 263 À fl | Dans d'autres pays on prend les tetras au be. selon Aldrovande; on les-prend aussi u filet, comme nous l'avons vu ci-dessus : aais ilseroit curieux de savoir quelles étoient Æ forme, l’é tendue et la disposition de ce let , sous lequel le noble Polonoïs dont TA Rzaczynski, en prit un jour deux cent cante à la fois. ” L espèce, et je ne doute pas qu’elle ne lui convienne aussi- -bien qu ’à la peute. LE PETIT TETRAS A QUEUË PLEINE, etc. J'ar exposé, à l’article précédent, les rai- sons que j'avois de faire de ce petit tetras une espèce, ou plutôt une race séparée. Ges- ner en parle sous le nom de cog de bois (gallus silvestris), comme d’un oiseau qui a des barbillons rouges, et une queue pleine et non fourchue ; il ajoute que le mâle s'appelle coq noir en Écosse, et la femelle poule grise (gray Len). Ilest vrai que cet auteur, pré- venu de l’idée que le mâle et la femelle ne devoient pas différer, à un certain point, par la couleur des plumes, traduit ici le grey Len par gallina fusca, poule rembrunie, afin de rapprocher de son mieux la couleur des plu- mages; et qu’ensuite il se prévaut de sa ver- sion infidèle pour établir que cette espèce est toute autre que celle de la poule moresque de Turner, par la raison que le plumage de: cette poule moresque dilière tellement de \ HISTOIRE NATURELLE, 265 œælui du mâle, qu’une personne peu,au fait pourroit s’y méprendre, et regarder ce mâle et cette femelle comme appartenant à deux espèces différentes. En effet, le mâle est presque tout noir, et la femelle de la même couleur à peu près que la perdrix grise: mais au fond c’est un nouveau trait de conformité qui rend plus complète la ressemblance de cette espèce avec celle du coq noir d'Écosse; ‘car Gesner prétend en effet que ces deux es- -pèces se ressemblent dans tout le reste. Pour moi, la seule différence que j’y trouve, c’est que le coq noir d'Écosse a de petites taches rouges sur la poitrine, les ailes et les cuisses : mais nous avons vu, dans l’histoire du petit tetras à queue, fourchüe , que dans les six premiers mois les jeunes mâles qui doivent devenir tout noirs dans la suite, ont le plu- mage de leur mère, c’est-à-dire, de la fe- melle; et il pourroit se faire que les petites taches rouges dont parle Gesner, ne fussent qu'un reste de cette première livrée, avant qu'elle se fût changée entièrement en un noir pur et sans mélange. Je ne sais pourquoi M. Brisson confond cette race ou variété, copune il l'appelle, 29 266% HISTOIRE NATURELLE 7 avec le tetrao pointillé de bithé dé M. Lin- iæus , puisqu’un des caractères de ce /etrao, nommé en suédois rachlehane, est d’avoir Ja queue fourchue , et que d’ailleurs M. Lin- mæus ue lui attribue point de barbillons , tandis que le tetras dont il s’agit ici a la queue pleine , selon la figure donnée par Gesner, et que, selon sa description , il a des barbillons rouges à côté du bec. à Je ne vois pas non plus pourquoi M. Bris- son, confondant ces deux races en une seule, n’en fait qu'une variété du petit tetras à queue fourchue , puisqu'indépendamment des deux différences que je viens d'indiquer, M. Linnæus dit positivement que son tetras pointillé de blanc est plus rare et plus sau- vage, et qu'il à un cri tout autre; ce qui suppose, ce me semble, des différences plus caractérisées, plus profondes, que celles qui d'ordinaire constituent une simple variété. ‘Il me paroîtroit plus raisonnable de sépa- rer ces deux races ou espèces de petits tetras, dont l’une, caractérisée par la queue pleine et les barbillons rouges , comprend le coq noir d'Écosse et la poule moresque de Tur— ner; et l’autre, ayant pour attributs ses petitès DU PETIT TETRAS. 267 taches blanches sur la poitrine , et son cri différent, seroit formée du racklehane des Suédois. Ainsi l’on doit compter , ce me semble, quatre espèces différentes dans le genre des tetras ou,coqs de bruyère : 1°. le grand tetras, ou grand coq de bruyère ; 2°. le petit tetras, ou coq de bruyère à queue fourchue; 3°. le rack lan ou racklehane de Suède, indiqué par M. Linnæus; 4°. la poule moresque de Tur- ner, OU Coq noir d'Écosse, avec des barbillons charnus des deux côtés du bec et la queue pleine. Et ces quatre espèces sont toutes origi- maires el naturelles aux climats du Nord : et habitent également dans les forêts de pins et de bouleaux; lil n'y a que la troisième , c’est-à-dire, le racklehane de Suède, qu’on pourroit regarder comme une variété du petit tetras, si M. Linnæus n’assuroit pas qu’il jette un cri tout différent. LE PETIT TETRAS A PLUMAGE VARIABLE. Lors grands tetras sont communs en Lap- ponie, sur-tout lorsque la disette des fruits dont ils se nourrissent, ou bien l’excessive multiplication de l'espèce, les oblige de quit- ter les forêts de la Suède et de la Scandinavie, pour se réfugier vers le Nord. Cependant on n'a jamais dit qu'on eût vu dans ces çlitnats glacés de grands tetras blancs : les couleurs de leur plumage sont, par leur fixité et leur consistance , à l'épreuve de la rigueur du froid. Il en est de même des petits tetras noirs , qui sont aussi communs en Courlaude et dans le nord de la Pologne que les grands le sont en Lapponie; mais le docteur Wai- gand, le Jésuite Rzaczynski et M. Klein , assurent qu'il y a en Courlande une autre espèce de petit tetras, qu'ils appellent tetras blanc, quoiqu'il ne soit blanc qu’en hiver, et dont le plumage devient tous les ans en | VOL HISTOIRE NATURELLE. 26 été d’un brun rougeâtre, selon le docteur Waigand , et d'un gris bleuâtre , selon Rzaczynski. Ces variations ont lieu pour les mâles comme pour les femelles ; en sorte que, dans tous les temps, Les individus des deux sexes ont exactement les mêmes cou- leurs, Ils ne se perchent point sur les arbres comme les autres tetras , et ils se plaisent sur-tout dans les taillis épais et les bruyères, “où ils ont coutume de choisir chaque année un certain espace de terrain, où ils s’assem— blent ordinairement, s'ils ont été dispersés par les chasseurs, ou par l'oiseau de proie, ou par un orage; c'est là qu'ils se réunissent bientôt après, en se rappelant les uns les autres. Si on leur donne la chasse, il faut, la première fois qu’on les fait partir, re- marquer soigneusement la remise : car ce sera à coup sûr le lieu de leur rendez-vous de l’année, et ils ne partiront pas si facile- ment une seconde fois, sur-tout s'ils apper- çoivent les chasseurs; au contraire, ils se ta- piront contre terre, et se cacheront de leur mieux : mais c’est alors qu’il est facile de Les tirer. On voit qu'ils diffèrent des tetras noirs led 25 270 HISTOIRE NATURELLE. non seulement par la couleur et pär l uni formité de plumage du mâle et de la femelles, mais encore par leurs habitudes, puisqu'ils | ne se perchent point; ils différent aussi des lagopèdes, vulgairement perdrix blanches, en ce qu'ils se tiennent non sur les hautes montagnes, mais dans les bois et les bruyères: d’ailleurs on ne dit point qu’ils aient les pieds velus jusque sous les doigts, comme les lagopèdes ; et j'avoue que je les aurois rangés plus volontiers parmi les francolins ou attagas que parmi les tetras, sijen’avois cru devoir soumettre mes conjectures à l'au— torité de trois écrivains instruits, et paciant = pl = d’un oiseau de leur pa. ‘3 LA GÉLINOTTE { Voyez la planche 7 de ce volume. Nous avons vu ci-dessus que dans toutes les espèces de tetras, la femelle différoit du mâle par les couleurs du plumage, au point que plusieurs naturalistes n'ont pu croire qu'ils fussent oiseaux de même espèce. Schwenckfeld , et d’après lui Rzaczynski, est tombé dans un défaut tout opposé, en confondant dans une seule et même espèce la gélinotte ou poule des coudriers, et le francolin ; ce qu il n’a pu faire que par une 1 forcée et mal entendue , vu les nombreuses différences qui se trouvent entre ces deux. espèces. Frisch est FOHeRe dans une 1 Voyez les planches enluminées n° °474 , le mâle; -8t 475 , la femelle. Fuel: { #Enlain, gallina corylorum , rallria siloatica; et de même en vieux francois, gélinofte des bois; en allemand, hasel-huhn; hasel-henne; en anglois, À haz zel-hen. TON PT IMAN LT kr + { LI 4 e dé | Con : 4 "FOARUES à + 41 ' de NT 27 HISTOIRE NATURELLE k de t4 je " méprise de même senre, en ne faisant qu'ux seul oiseau de l’affagen et de l’asel-huhn, qui est la poule des coudriers ou gélinotte, et en ne donnant, sous cette double dénomi- nation, que l’histoire de la gélinotte, tirée presque mot à mot de Gesner; erreur dont 27) } il auroit dû, ce me semble, être préservé. par une autre qui lui avoit fait confondre, d’après Charleton, le petit tetras avec la géli- notte , laquelle n’est autre que cette même poule des coudriers. À l'égard du francolin, x nous: verrons à son article à quelle autre espèce 1l pourroit se rapporter beaucoup plus naturellement. | Tout ce que dit Varron de la poule rus- tique ou sauvage, convient très-bien à la géliuotte; et Belon ne doute pas que ce ne soit la même espèce. C’étoit, selon Varron , un oiseau d’une très-crande rareté à Rome, qu’on ne pouvoit élever que dans des cages, tant il étoit difficile à apprivoiser, et quine _ pondoit presque jamais dans l’état de capti- vité; et c’est ce que Belon et Schwenckfeld disent de la gélinotte : le premier donne ex deux mots une idée fort juste de cet oiseau, et plus complète qu’on ne pourroit faits par En DE LA GÉLINOTTE 233 la description la plus détaillée. « Qui se € feindra, dit-il, voir quelque espèce de per- « drix métive entre la rouge et la grise, et «tenir je ne sais quoi des plumes du fai- « san , aura la perspective de la gélinotte de « bois. » | Le mâle se distingue de la femelle par une tache noire très-marquée qu'il a sous la gorge, et par ses flammes ou sourcils, qui sont d'un rouge beaucoup plus vif. La gros- seur de ces oiseaux est celle d’une bartavelle : ils ont environ vingt-un pouces d'envergure, les ailes courtes , et par conséquent le vol pesant, et ce n’est qu'avec beaucoup d'effort _et de bruit qu’ils prennent leur volée ; en récompense ils courent très-vite. IL y a dans chaque aile vingt-quatre pennes presque toutes égales, et seize à La queue. Schwenck- feld dit quinze; mais c’est une erreur d’au- tant plus grossière, qu’il n’est peut-être pas un seul oiseau qui ait le nombre des pennes de la queue impair. Celle de la gélinotte est traversée vers son extrémité par une large bande noirâtre, interrompue seulement par les deux pennes du milieu. Je n’insiste sur cette circonstance que parce que, selon la 1 274 HISTOIRE NATURELLE remarque de Willughby , dans la plupart des oiseaux, ces deux mêmes pennes du milieu n’observent point l'éloignement des pennes latérales , et sortent un peu plus haut ou un peu plus bas; en sorte qu'ici la différente couleur de ces pennes sembleroit dépendre de la différence de leur position. Les géli- nottes ont, comme les tetras, les sourcils rouges , les doigts bordés de petites dente- lures , mais plus courtes ; l’ongle du doigt du milieu, tranchant, et les pieds garnis de plumes par-devant, mais seulement jusqu’au milieu du tarse ; le ventricule ou gésier Mus- culeux; le tube intestinal long de trente et quelques pouces ; les appendices ou cæcum de treize à quatorze , et sillonnées par des . cannelures. Leur chair est blanche lorsqu'elle est cuite, mais cependant plus au dedans qu'au dehors; et ceux qui l’ont examinée de plus près, prétendent y avoir reconnu quatre “couleurs différentes, comme on a trouvé trois goûts différeus dans celle des outardes et des tetras. Quoi qu’il en soit, celle des gélinottes est exquise ; et c’est de là que lui vient, dit-on, son nom latin borasa, et son om hongrois {schasarmadar, qui veut dire DE LA GÉLINOTTE. 275 oiseau de César; comme si un bon morceau devoit être réservé exclusivement pour l’em- pereur. C’est en effet un morceau fort estimé ; et Gesner remarque que c’est le seul qu’on se permettoit de faire reparoître deux fois sur la table des princes. Dans le royaume de Bohème, on en mange beaucoup au temps de Paques, comme on mange de l'agneau en France, et l’on s’en euvoie en présent les uns aux autres. Leur nourriture, soit en été, soit en hiver, est à peu près la même que celle des tetras. On trouve en été dans leur ventricule des baies de sorbier, de myrtille et de bruyère, des müres de ronces, des graines de sureau des Alpes, des siliques de sa/farella, des chatons de bouleau et de coudrier, etc.; et en hiver des baies de genièvre, des boutons de bouleau, des sommités de bruyère, de sapin, de genevrier, et de quelques autres plantes toujours vertes. On nourrit aussi les gelinottes qu'on tient captives dans les vo- lières, avec du blé, de l'orge, d’autres grains. Mais elles ont encore cela de commun avec Île tetras, qu'elles ne survivent pas long- temps à la perte de leur liberté, soit qu’on ( > ” : À L 16 Re K 4 226 HISTOIRE NATURELLE les renferme dans des prisons trop étroites ‘et peu convenables, soit que leur naturel sauvage, ou plutôt généreux, ne puisse s’ac- coutumer à aucune sorte de prison. _ : La chasse s’en fait en deux temps de l’an- née, au printemps et en automne; mais elle réussit sur-tout dans cette dernière saison. Les oiseleurs, et même les chasseurs, les attirent avec des appeaux qui imitent leur cri, et ils ne manquent pas d'amener des chevaux avec eux, parce que c’est une opi= ion commune que les gélinottes aiment beaucoup ces sortes d'animaux. Autre re- marque de chasseurs : si l’on prend d’abord un mâle, la femelle, qui le cherche cons- tamment, revient plusieurs fois, amenant. d’autres mâles à sa suite; au lieu que si c’est Ja femelle qui est prise la première, le mâle s'attache tout de suite à une autre femelle et ne reparoît plus. Ce qu’il y a de plus cer- ain, c’est que si on surprend un de ‘ces oi- seaux mâle ou femelle, et qu’on le fasse. lever, c’est toujours avec grand bruit quil part; et son instinct le porte à se jeter’dans un sapin touffu, où 1l reste immobile, avec uue patience singulière , pendant tout le ) DE LA GÉLINOTTE. 27 temps que le chasseur le guette. Ordinaire- ment ces oiseaux ne se posent qu’au centre de l’arbre, c’est-à-dire, dans l’endroit où les branches sortent du tronc. fe Comme on a beaucoup parlé de la géli- notte, on a aussi débité beaucoup de fables à son sujet; et Les plus absurdes sont celles qui ont rapport à la façon dont elle se perpétue. Encelius et quelques autres ont avancé que ces oiseaux + pmloiens par le bec; que les coqs eux-mêmes pondoient, lorsqu’ ils, étoient vieux, des œufs qui, étant couvés par des crapauds, produisoient des basilics sauvages ; de même que les œufs de nos coqs de basse-cour, couvés aussi par des crapauds, produisent , selon les mêmes auteurs, des basilics domestiques : et de peur qu'on ne doutât de ces basilics , Encelius en décrit un qu’il avoit vu; mais heureusement il ne dis pas qu'il l’'eût vu sortir d'un œuf de pgéli- notte, ni qu’il eût vu un mâle de cette es- pèce pondre cet œuf; et l’on sait à quoi s’en tenir sur ces prétendus œufs de coq. Mais comme les contes les plus ridicules sont sou- vent fondés sur une vérité mal vue ou mal rendue, il pourroit se faire que des igne- 24 1 ALLIE € a YONNE 278 HISTOIRE NATURELLE rans, toujours amis du merveilleux , ayant vu les gélinottes en amour faire de leur bec le même usage qu’en font d’autres oiseaux en pareil cas, et préluder au véritable accou- plement par des baisers de tourterelles, aient cru. de bonne foi les avoir vues s’accoupler par le bec. Il y a, dans l’histoire naturelle, , beaucoup de faits de ce genre qui paroissent ridiculement absurdes, et qui cependant ren- ferment une vérité cachée : il ne faut, pour la dégager, que savoir distinguer ce que l'homme a vu de ce qu’il a cru. Selon l'opinion des chasseurs, les gélinottes entrent en amour et se couplent dès le mois d'octobre et de novembre; et 1l est vrai que dans ce temps l’on ne tue que des mâles qu'on appelle avec une espèce de sifflet qui imite le cri très-aigu de la femelle : les mâles ar- rivent à l'appeau en agitaut les ailes d’une façon fort bruyante, et on les tire dès qu’ils se sont posés. Les gélinottes femelles, en leur qualité d'oiseaux pesans, font leur nid à terre, et le cachent d'ordinaire sous des coudriers ow sous la grande fougère de montagne : elles pondeut ordinairement douze ou quinzeœufs, DE LA GELINOTTE,. 279 et mème jusqu’à vingt, un peu plus gros que des œufs de pigeon; elles les couvent pen- P ; dant trois semaines , et n’amènent guère à bien que sept ou huit petits, qui courent dès qu'ils sont éclos , comme font la plu- part des oiseaux brachyptères où à ailes courtes *. Dès que ces petits sont élevés, et qu’ils se 2 trouvent en état de voler, les père et mère les éloignent du canton qu'ils se sont appro- prié; et ces petits s’assortissant par paires, vont chercher chacun de leur côté un asyle où ils puissent former leur établissement , pondre, couver et élever aussi des petits, qu'ils traiteront ensuite de la même ma- uière. . * M.de Bomare, qui d’ailleurs extrait et copie si fidèlement, dit que les gélinoties ne font que deux ’ q ë q petits, l’un mâle , et l’autre femelle. Voyezle Dic- tonnatre d'histoire naturelle, à l’article GéZinotte. Rien nest moins vral, n1 même moins vraisem- 9 blable : cette erreur ne peut venir que de celle des P | nomenclateurs peu instrults, qui ont confondu la gélinotte avec l'oiseau œnas d’Arisiote ( »inago de Gaza ), quoique ce soient des espèces très-éloignées, l’œnas étant du genre des pigeons, et ne pondant : en effet que deux œufs. AE ITS M'ADARIEA LE ae, 280 HISTOIRE NATURELLE. \ . Les gélinottes se plaisent dans les forêts, où elles trouvent une nourriture convenable et leur sûreté contre les oiseaux de proie, qu’elles redoutent extrémement , et dont elles se garantissent en se perchant sur les basses branches. Quelques uns ont dit qu elles préféroient les forêts en montagnes; mais elles habitent aussi les forêts en plaines, puisqu'on en voit beaucoup aux environs de Nuremberg : elles abondent aussi dans les bois qui sont au pied des Alpes, de l’Apen- nin et de la montagne des Géans en Silésie, en Pologne, etc. Autrefois elles étoient en si grande quantité, selon Varron , dans une petite ile de la mer Ligustique, au- jourd’hui le golfe de Gènes , qu’on l’'appe- loit, pour cette raison, l’{/e aux gélinoties. MA MPLINOTTÉ D’ÉCOSSE. 4 S 1 cet oiseau est le même que le ga/lus pa- dustris de Gesner, comme le croit M. Brisson, _on peut assurer que la figure qu’en donne Gesner n'est rien moins qu'exacte, puisqu'on n’y voit point de plumes sur les pieds, ef .. qu'on y voit au contraire des barbillons rouges sous le bec : mais aussi ne seroit-il pas plus naturel de soupçonner que cette figure est celle d’un autre oiseau? Quoi qu’il en soit, ce gallus palustris où cog de marais est un excellent manger; et tout ce qu’on sait de son histoire, c’est qu’il se plaît dans les lieux marécageux , comme son nom de ‘ cog de marais le fait assez entendre. Les auteurs de la Zoologie britannique préten- dent que la gélinotte d'Écosse de M. Brisson n’est autre que le pfarmigan dans son habit d'été, et que son plumage devient presque tout blanc en hiver : mais il faut donc qu'il ; : | 94 à CS | | #% + SNA ù 282 HISTOIRE NATURELLE perde aussi en été les plumes qui lui couvrent les doigts; car M. Brisson dit positivement qu'elle n’a de plumes que jusqu’à l’origine des doigts, et le parmmigan de la Zoologie britannique en a jusqu'aux ongles: d’ailleurs ces deux animaux, tels qu’ils sont repré- sentés dans la Zoologie et dans M. Brisson, me se ressemblent ni par le port, ni par la physionomie, ni par la conformation totale. Quoi qu'il en soit, la gélinotte d'Écosse de M. Brisson est un peu plus grosse que la nôtre, et a la queue plus courte : elle tient dé la gélinotte des Pyrénées par la longueur de ses ailes, par ses pieds garnis antérieure- ment de plumes jusqu'à l’origine des doigts, par la longueur du doigt du milieu , relati- vement aux deux latéraux, et par la briéveté du doigt de derrière ; elle en diffère en ce que ses doigts sont sans dentelures, et sa queue sans ces deux plumes longues et étroites qui sont le caractère le plus frap- pant de la gélinotte des Pyrénées. Je ne dis rien des couleurs du plumage; les figures les représenteront plus exactement aux yeux que ma description ne pourroit les peindre à l'esprit : d’ailleurs rien de plus incertain \ , , "DE LA GELINOTTE 283 ici pour caractériser les espèces que les cou- leurs du plumage, puisque ces couleurs va- rient considérablement d’une saison à l’autre dans le mème individu. L'E C'A NO | VULGAIREMENT | LA GÉLINOTTE DES PYRÈÉNEES 2. Voyez la planche 8 de ce volume. Quvoraur les noms ne soient pas les “choses, cependant il arrive si souvent, et sur-tout en histoire naturelle, qu'une erreur nominale entraîne une erreur réelle, qu'on ne peut, ce me semble, apporter trop d’exac- titude ‘ appliquer toujours à chaque objet les noms qui lui ont été imposés ; et c’est par cette raison que nous nous sommes fait une loi de rectifier, autant qu’il seroit en nous, la discordance ou le mauvais emploi des noms. | ne, 1 Voyez les planches enluminées , n° rob, le mâle ; et n° 106, la femelle. 2 En Espagne, ganga; en Turquie, cata. Tom 3. | | PL 8, Lag 284. RME L'PauqutS. HISTOIRE NATURELLE. 285 M. Brisson, qui regarde la perdrix de Damas ou de Syrie de Belon comme étant de la même espèce que sa gélinotte des Pyré- nées, range parmi les noms donnés en diffé- _ rentes langues à cette espèce, le nom grec avporépdiE , et cite Belon, en quoi il se trompe doublement : car, 1°. Belon nous apprend lui-même qué l’oiseau qu'il à nommé pezdrix de Damas est une espèce différente de celle que les auteurs ont appelée syroperdix, la- quelle a le plumage noir et le bec rouge; 2°, en écrivant ce nom sy7operdix en carac- tères grecs, M. Brisson paroit vouloir lui donner une origine grecque, et cependant. Belon dit expressément que c’est un nom latin : enfin il est difficile de comprendre les raisons qui ont porté M. Brisson à re-. garder l’ænas d’Aristote comme étant de la même espèce que la gélinotte des Pyrénées ; car Aristote met son æras, qui est le s22ago de Gaza, au nombre des pigeons, des tour- terelles, des ramiers (en quoi il a été suivi par tous les Arabes); et il assure positive- ment qu'elle ne pond, comme ces oiseaux, que deux œufs à la fois. Or nous avons vu ci-dessus que les gélinottes pondoient un 286 HISTOIRE NATURELLE à beaucoup plus grand nombre d'œufs : par conséquent l’œæras d’Aristote ne peut être re- gardé comme une gélinotte des Pyrénées ; ou, si l’on veut absolument qu’il en soit une, il faudra convenir que la gélinotte des Pyrénées n’est point une gélinotte. Rondelet avoit prétendu qu'il y avoit er- reur dans le mot grec civas, et qu’il falloit lire iras, dont la racine signifie fibre, filet, et cela parce que cet oiseau a, dit-il, la chair, ou plutôt la peau si fibreuse et si dure, que pour la pouvoir manger, il faut l’écorcher. Mais s’il étoit véritablement de la même es- ‘pêce que la gélinotte des Pyrénées, en adop- tant la correction de Rondelet, on pourroit donner au mot iras une explication plus heureuse et plus analogue au génie de la langue grecque, qui peint tout ce qu’elle exprime , en lui faisant désigner les deux filets ou plumes étroites que les gélinottes des Pyrénées ont à la queue, et qui font son attribut caractéristique ; mais malheureuse- ment Aristote ne ditpas un mot de ces filets, qui ne lui auroient pas échappé, et Belon n’en parle pas non plus dans la description. qu'il fait de sa perdrix de Damas : d'ailleurs Je nom d'oinas où vinago convient d'autant mieux à cet oiseau, que, selon la remarque d'Aristote, il arrivoit tous les ans en Grèce au commencement de l’automne, qui est le temps de la maturité des raisins, comme font en Bourgogne certaines grives, que par cette raison on appelle dans le pays des virelles. | Il suit de ce que je viens de dire, que le syroperdix de Belon et l'æzas d'Aristote ne sont point des gangas ou gélinottes des Pyré- nées, non plus que l’a/chata , l’'alfuachat, la filacotona, qui paroissent être autant de noms arabes de l’æAas, et qui certainement désignent un oiseau du genre des pigeons. _ Au contraire, l'oiseau de Syrie que M. Ed- wards appelle petit coq debruyère, ayant deux filets à la queue, et que les Turcs nomment cata, estexactement le même que la gélinotie des Pyrenées. Cet auteur dit que M. Shaw l'appelle Æitfaviak, et qu'il ne lui donne que trois doigts a chaque pied; mais il excuse cette erreur, en ajoutant que le doigt posté- rieur avoit pu échapper à M. Shaw, à cause des plumes qui couvrent les jambes : cepen- dant il venoit de dire plus haut dans, sa \ 288. HISTOIRE NATURELLE description, eton voit par sa figure, que c’est le devant des jambes seulement qui est cou- vert de plumes blanches, semblables à du poil; or il est difficile de comprendre com- ment le doigt de derrière auroit pu se perdre dans ces plumes de devant : il étoit plus na- turel de dire qu’il s’étoit dérobé à M. Shaw par sa petitesse; car il n’a pas en effet plus de deux lignes de longueur. Les deux doigts latéraux sont aussi fort courts, relativement au doigt du milieu , et tous sont bordés de petites dentelures comme dans le tetras. Le ganga ou la gélinotte des Pyrénées paroît avoir un naturel tout différent de celui de la vraie gélinotte : car, 1°. il a les ailes beaucoup plus longues relativement à ses, autres dimensions ; il doit donc avoir le vol ou rapide ou léger, et conséquemment avoir d’autres habitudes, d’autres mœurs qu'un oiseau pesant, car l’on sait combien les mœurs et le naturel d’un animal dépen- dent de ses facultés : 2°. nous voyons par les observations du docteur Roussel, citées dans la description de M. Edwards, que cet oi- seau, qui vole par troupes, se tient la plus grande partie de l’année dans les déserts de DU GANG A. 2.69 ja Syrie, et ne se rapproche de la ville d'Alep que dans les mois de mai et de juin, et lors- qu’il est contraint par la soif de chercher les lieux où il y a de l’eau : or nous avons vu dans l’histoire de la gélinotte que c’est un oiseau fort peureux, et qui ne se croit er sûreté contre la serre de l’autour que lors- qu’il est dans les bois les plus épais; autre différence qui n’est peut-être qu’une suite de la première, et qui, jointe à plusieurs autres différences de détail faciles à saisir pax la comparaison des figures et des des+ criptions, pourroit faire douter avec fon- dement si l’on a eu raison de rapporter à un même genre des natures aussi diverses. Le ganga, que les Catalans appellent aussi perdrix de Garrira, est à peu près de la grosseur d’une perdrix grise : elle a le tour des yeux noir, et point de flammes aux sourcils rouges au-dessus des yeux; le bec presque droit, l'ouverture des narines à la base du bec supérieur et joignant les plumes du front , le devant des pieds couvert de plumes jusqu’à l’origine des doigts, les ailes assez longues ; la tige des grandes plumes des ailes, noire; les deux pennes du rwilieun Oiseaux, LIL. \ 25 290 HISTOIRE NATURELLE de la queue une fois plus longues que les autres, et fort étroites dans la partie excé- dante : les peunes latérales vont toujours en s’accourcissant de part et d'autre jusqu’à la dernière. Il est à remarquer que‘de tous ces | traits qui caractérisent cette prétendue géli- notte des Pyrénées, 1l n’y en a peut-être pas un seul qui convienne exactement à la geli- motte proprement dite. La femelle est de la même grosseur que le mâle; mais elle en diffère par son plumage, dont les couleurs sont moins belles, et par les filets de sa queue, qui sont moins longs. Il paroit que le mâle a une taché noire sous la gorge, et que la femelle, au lieu de cette tache , a trois bandes de la même couleur qui lui embrassent le cou en forme de collier. Je n’entre pas dans le détail des couleurs du plumage, la figure enluminée les pré- sente avec exactitude ; elles se rapportent assez avec celles de l'oiseau connu à Mont- pellier sous le nom d'angel, et dont Jean Culmann avoit communique la description à Gesner: mais les deux longues plumes de la queue ne paroissent point dans cette des- / l. se } Te TPE RMS EX DU GA N)G: A 20€ cription, non plus que dans la figure que Roudelet avoit envoyée à Gesner, de HISTOIRE NATURELLE. 295 ou attagen (car ils emploient indifféremment ces deux noms). Alexandre Myndien nous ap- prend, dans Athénée, qu’il étoit un peu plus gros qu'une perdrix, et que son plumage, dont Le fond tiroitau rougeâtre , étoit émaillé de plusieurs couleurs. Aristophane avoit dit à peu près la même chose; mais Aristote, selon son excellente coutume de faire con- noître un objet ignoré par sa comparaison avec des objets communs, compare le plu- inage de l’attagen avec celui de la bécasse (swiaoraË). Alexandre Myndien ajoute qu’il a les ailes courtes et le vol pesant; et Théo- phraste observe qu'il a la propriété qu'ont tous les oiseaux pesans, tels que la perdrix, le coq, le faisan , etc. de naître avec des plumes, et d’être en état de courir au moment qu'il vient d’éclore : de plus, en sa même qualité d'oiseau pesant, il est encore pulvé- tateur et frugivore * , vivant de baies et de grains qu'il trouve, tantôt sur les plantes * Les anciens ont appelé pulveratrices, les oi- seaux qui ont l'instinct de gratter la terre, d’élever la poussière avec leurs ailes, et, en se poudrant, pour ainsi dire, avec cette poussière , de se délivrer de la piquure des insectes qui les tourmentent, de 296 HISTOIRE NATURELLE mêmes , tantôt en grattant la terre avec ses ongles ; et comme il court plus qu'il ne vole, on s’est avise de le chasser au chien courant, et on y a réussi *. Pline , Élien , et quelques autres, disen£ que ces oiseaux perdent la voix en perdant la liberté , et que la même roideur de naturel qui les rend muets dans l’état de captivité, les rend aussi très-difficiles à apprivoiser. Varron donne cependant la manière de les élever, qui est à peu près la mème que celle dont où élevoit les paons, les faisans, les poules de Numidie, les perdrix, ete. Pline assure que cet oiseau, qui avoit été fort rare, étoit devenu plus commun de som temps; qu’on en trouvoit en Espagne, dans la Gaule etsur les Alpes; mais que ceux d’Io- nie étoient les plus estimés. Il dit ailleurs qu'il n’y en avoit point dans l'ile de Crète. Aristophane parle de ceux qui se trouvoient aux environs de Mégare dans l’Achaïe. Clé- même que les oiseaux aquatiques s’en délivrent en arrosant leurs plumes avec de Peau. | * Oppien, in Ireuticis: Cet auteur ajoute qu'ils aiment les cerfs, et qu ls ont : aucontraire de l’anti« | pathie pour les coqs. \ DE L'ATTAGAS. 297 ment d'Alexandrie nous apprend que ceux d'Égypte étoient ceux dont les gourmands faisoient le plus de cas. [Il y en avoit aussi en Phrygie, selon Aulu-Gelle, qui dis que c’est un oiseau asiatique. Apicius donne la ma- nière d’apprêter le francolin , qu'il joint à la perdrix ; et saint Jérôme en parle dans ses {ettres comme d’un morceau fort recherché !, Maintenant, pour juger si l’affagen des anciens est notre attagas ou francolin , il ne s'agit que de faire l’histoire de cet oiseau d’après les mémoires des modernes , et de comparer. | _ Je remarque d’abord que le nom d’afagen, tantôt bien conservé, tantôt corrompu ?, est le nom le plus généralement en usage parmi les auteurs modernes qui ont écrit en latin pour désigner cet oiseau. IL est vrai que quel- ques ornithologistes , tels que Sibbald, Ray, 1 Atiagenem eructas et comesto ansere gloria- ris, disoit saint Jérôme à un hypocrite qui faisoit gloire de vivre simplement, et qui se rassasioit en secret de bons morceaux. 2 Attago, actago , atago, atchemioi, atacuiet, tagenarios, taginari, 0ces corruplæ ab ajtagene., quæ leguntur apud Silvaticum. 298 HISTOIRE NATURELLE Willughby, Klein, ont voulu le retrouver dans la /agopus ‘aliera de Pline; mais outre que Pline n’en a parlé qu’en passant, et n’en a dit que deux mots, d’après lesquels il seroit fort difficile de déterminer précisément l’es- pèce qu’il avoit en vue, comment peut-on supposer que ce grand naturaliste, qui ve- noit de traiter assez au long de l’arfagen dans ce mème chapitre, en parle quelques lignes plus bas sous un autre nom, sans en avertir ? Cette seule réflexion démontre, ce me semble, que l’affagen de Pline et sa /a- gopus altera. sont deux oiseaux différens; et nous verrons plus bas quels ils sont. Gesner avoit oui dire qu'à Bologne il s’ap- peloit vulgairement franguello; mais Aldro- vande , qui étoit de Bologne , nous assure que ce nom de franguello (kinguello, selon Olina } étoit celui qu’on y donnoit au pin- son , et qui dérive assez clairement de son nom latin /ringilla. Olina ajoute qu’en Ita- lie, son francolin, que nous avons dit être différent du nôtre, se nommoit communé- ment franguellina, mot corrompu de fran- colino, et auquel on avoit donné une termi- naison féminine pour le distinguer du /71#- guella. DE L’ATTAGAS. 299 Je ne sais pourquoi Albin, qui a copié la description que Willughby a donnée du lagopus alitera Plinii, a changé le nom de l'oiseau décrit par Willughby en celui de cog de marais , si ce n’est parce que Tournefort a dit du francolin de Samos , qu’il fréquentoit les marais; mais il est facile de voir , en com. parant les figures et les descriptions, que ce francolin de Samos est tout-à-fait différent de l'oiseau qu’il a plu à Albin, ou à son tra- ducteur , d'appeler cog de marais, comme il avoit déja donné le nom de francolin au petit tetras à queue fourchue. L’attagas se nomme chez les Arabes, duraz ou alduragi, et chez les Anglois, red game, à cause du rouge qu'il a, soit à ses sourcils, soit dans: son plumage : on lui a encore donne le nom de perdix asclepica. Cet oiseau est plus gros que la bartavelle, et pèse environ dix-neuf onces; ses yeux sont surmontés par deux sourcils rouges fort grands, lesquels sont formés d’une mem— brane charnue, arrondie et découpée par le dessus, et qui s’élève plus haut que le som- met de la tête; les ouvertures des narines sont revêtues de petites plumes, qui font un \ 4 PURE =. : : ‘à P | Ù | So HISTOIRE NATURELLE : effet assez agréable ; leur plumage est mêlé de roux, de noir et de blanc : mais la femellé a moins de roux et plus dé blanc que le mâle; la membrane de ses sourcils est moins sail- Notre lante et beaucoup moins découpée, d’un rouge moins vif; et en général les couleurs de son plumage sont plus foibles ; de plus, elle est dénuée de ces plumes noires pointil- lées de blanc qui forment au mâle une huppe sur la tête, et sous le bec une espèce de barbe. | Le mâle et la femelle ont la queue à peu près comme la perdrix, mais un peu plus Jongue; elle est composée de seize pennes, et les deux du milieu sont variées des mêmes couleurs que celles du dos, tandis que toutes les latérales sont noires : les ailes sont fort courtes ; elles ont chacune vingt-quatre pennes; et c'est la troisième, à compter du bout de l’aile, qui est la plus longue de toutes. Les pieds sont revêtus de plumes jusqu'aux doigts, selon M. Brisson; et jus- qu'aux ongles, selon Willughby : ces ongles sont noirâtres, ainsi que le bec; les doigts gris-bruns, et bordés d’une bande membra- : neuse €troite et dentelée. Belon assure avoir W , % DE L’ATTAGAS, 30t vu dans le mème temps à Venise des franco- lins ( c’est ainsi qu’il nomme nos af/agas), dont le plumage étoit tel qu’il vient d’être dit, et d’autres qui étoient tout blancs, et que les Italiens appeloient du même nom de /rancolins : ceux-ci ressembloient exac- tement aux premiers, à l'exception de la couleur ; et, d’un autre côté, ils avoient _ tant de rapport avec la perdrix blanche de Savoie, que Belon les regarde comme appar- tenant à l’espèce que Pline a désignée sous le nom de /agopus altera. Selon cette opi- hion, qui me paroît fondée, l’arfagen de Pline seroit notre affagas à plumage varié; et la seconde espèce de /agopus seroit notre attagas blanc, qui diffère de l’autre attagas par la blancheur de son plumage, et de la première espèce de lagopus, appelée vulgai- rement perdrir blanche, soit par sa gran- deux, soit par ses pieds qui ne sont pas velus en dessous. Tous ces oiseaux, selon Belon, vivent de grains et d'insectes. La Zoologie britannique ajoute les sommités de bruyère et les baies des plantes qui croissent sur les montagnes. L'attagas est en ellet un oiseau de mon 26 ‘302 HISTOIRE NATURELLE | tagne; Willughby assure qu’il descend rare- | ment dans tes plaines et même sur le pen- | chant des coteaux, et qu’il ne se plaît que sur les sommets Les plus élevés : on le trouve sur les Pyrénées , les Alpes, les montagnes d'Auvergne, de Dauphiné, de Suisse, du pays de Foix, d'Espagne, d'Angleterre , de. Sicile, du pays de Vicence, dans la Lappo- nie; enfin sur l’Olympe en Phrygie, où les Grecs modernes l’appellent en langue vul- saire faginari, mot évidemment formé de raypuovos que l’on trouve dans Suidas; et qui vient lui-même d’affagen ou attagas, lequel est le nom primitif. Quoique cet oiseau soit d’un naturel très- sauvage, on a trouvé dans l’ile de Chypre, comme autrefois à Rome, le secret de le nourrir dans des volières , si toutefois l’oi- seau dont parle Alexander Benedictus est notre attagas : ce qui m'en feroit douter, c’est que le tnolis représenté planche CCXLVI d'Edwards , et qui venoit certainement de l’île de Chypre, a beaucoup moins de rapport au nôtre qu'à celui d'Olina, et que nous sa- vous d’ailleurs que celui-ci pouvoit 5 ‘élever et se nourrir dans Îes volières. DE L’ATTAGAS. 303 Ces attagas domestiques peuvent être plus gros que les sauvages : mais ceux-ci sont toujours préférés pour le bon goût de leur chair; on les met au-dessus de la perdrix. À Rome, un francolino s'appelle par excel- lence un morceau de cardinal. Au reste, c’est une viande qui se corrompt très-prompte- ment, et qu'il est difficile d'envoyer au loin : aussi les chasseurs ne manquent-ils pas, dès qu'ils les ont tués, de les vider, et de leur remplir Le ventre de bruyère verte. Pline dit dla même chose du Zagopus; et il faut avouer que tous ces oiseaux ont a 0 4 de rapport les uns avec les autres. Les attagas se recherchent et s’accouplent. au printemps : la femelle pond sur la terre _ comme tous les oiseaux pesans; sa ponte est de huit ou dix œufs, aigus par l’un des bouts, longs de dix-huit ou vingt lignes, pointillés de rouge—brun , excepté en une ou deux places aux environs du petit bout. Le temps de l’incubation est d’une vingtaine de jours: la couvée reste attachée à la mère et la suit tout l'été ; l'hiver, les petits ayant pris la plus grande partie de leur accroissement, se forment en troupes de quarante ou cinquante, Le '# 34 HISTOIRE NATURELLE et deviennent singulièrement sauvages : tant | qu'ils sont jeunes, ils sont fort sujets à avoit | les intestins farcis de vers ou lombrics ; quel= quefois on les voit voltiger ayant de ces sortes , de vers qui leur pendent de l’anus de la lon-- gueur d’un pied *. Présentement si l’on compare ce que les modernes ont dit de notre affagas avec ce que les anciens en avoient remarqué, on s’appercevra que les premiers ont été plus exacts à tout dire ; mais en même temps on reconnoîitra que lé principaux caractères avoient été très-bien indiqués par les au- ciens; et l’on conclura de la conformité de ces caractères, que l’affagen des/anciens et notre wffagas sont un seul et même oiseau. Au reste, quelque peine que j'aie prise pour démêler les propriétés qui ont été attri- buées pèle-mêle aux différentes espèces d’oi- seaux auxquelles on a donné Le nom de fran- colin, et pour ne donner à notre attagas que celles qui lui convenoient réellement , je dois avouer que je ne suis pas sûr d’avoir * Ne seroit-ce pas la verge de ces oiseaux qu'on auroit prise pour un ver, comme j'ai vu des poulets Sy méprendre à l'égard de la verge des canards ? ‘ DE L’'ATTAGAS. Job toujours également réussi à débrouiller ce chaos : et mon incertitude à cet égard ne vient que de la licence que se sont donnée plusieurs naturalistes, d'appliquer un même nom à des espèces différentes, et plusieurs noms à la Lt , “i licence tout-à-fait déraisonnable, et contre laquelle on ne peut trop s'élever, puisqu'elle ne tend qu’à obs- curcir les matières et à préparer des tortures infinies à quiconque voudra lier ses propres connoissances et celles de son siècle ayec les découvertes des siècles précédens. 26 L'ATTAGAS BLANC Car oiseau se trouve sufles montagnes de Suisse et sur celles qui sont autour de Vi- cence ; je n'ai rien à ajouter à ce que j en ai dit dans l’histoire de l’attagas ordinaire,sinon. que l'oiseau dont Gesner a fait la seconde espèce de /agopus, me semble être un de:ces attagas blancs, quoique dans son plumage le blanc ne soit pur que sur le ventre et sur les ailes, et qu’il soit mêlé plus ou moins de brun et de noir sur le reste du corps: mais nous avons vu ci-dessus que, parmi les atlagas, les mâles avoient moins de blanc que les femelles ; de plus, on sait que la couleur des jeunes oiseaux, et sur-tout des oiseaux de ce genre, ne prend guère sa con- sistance qu'après la première année : et comme d'ailleurs tout le reste de la descrip- tion de Gesner semble fait pour caractériser un attagas; sourcils rouges ; nuds, arrondis et saillans ; pieds velus jusqu'aux ongles, mais non par-dessous; bec court et noir; HISTOIRE NATURELLE, So queue courte aussi ; habitation sur les mon- tagues de Suisse, etc. je pense que l'oiseau décrit par Gesner étoit un attagas blanc, et que c'étoit un mâle encore jeune qui n’a- voit pas pris tout son accroissement, d’au- tant qu'il ne pesoit que quatorze onces au lieu de dix-neuf, qui est le poids des attagas ordinaires. J'en dis autant, et pour les mêmes raisons, de la troisième espèce de /agopus de Gesner , qui paroit être le même oiseau que celui dont le Jésuite Rzaczynski parle sous le nom polonois de parowa. Ils ont tous deux une partie des ailes et le ventre blancs, le dos et le reste du corps de couleur variée; tous deux ont les pieds velus , le vol pesant, la chair excellente, et sont de la grosseur d’une jeune poule. Rzaczynski en reconnoît deux espèces : l’une plus petite, que j'ai ici en vue ; l’autre plus grosse, et qui pourroit bien être une espèce de gélinotte. Cetauteur ajoute qu'on trouve de ces oiseaux parfaitement blancs dans le palatinat de Novogorod. Je ne range pas ces oiseaux parmi les lagopèdes, comme a fait M. Brisson de la seconde et de Ja troisième espèce de /agopus de Gesner, 308 HISTOIRE NATURELLE parce qu’ils ne sont pas en effet lagopèdes, c’est-à-dire qu'ils n’ont point les pieds velus par-dessous, et que ce caractère est d'autant plus décisif qu’il est plus anciennement reconnu, et que par conséquent il Pers avoir plus de consistance. 2L. 9. lag 309 \ LE LACOPEDE. - IAE Dauquet«S- + À r LE LAGOPÉDE *. _ Voyez la planche 9 de ce volume. Csr oiseau est celui auquel on a donné le nom de perdrix blanche, mais très-impro- prement, puisque ce n’est point une perdrix, et qu'il n’est blanc que pendant l’hiver, et à cause du grand froid auquel il est exposé pendant cette saison sur les hautes mon- tagnes des pays du Nord, où il se tient ordi- nairement. ÂÀristote, qui ne connoissoit point le lasopède , savoit que les perdrix, les cailles, les hirondelles, les moineaux, les corbeaux, et mème les lièvres, les cerfs _etles ours, éprouvent, dans les mêmes cir- constances, le même changement de couleur. _Scaliger y ajoute les aigles, les vautours, les éperviers , les milans, les tourterelles , les renards ; et il seroit facile d’alonger cette liste du nom de plusieurs oiseaux et quadru- .. * Voyez les planches enluminées , n° 129, avec son plumage d'hiver ; et n° 494, avec son plumage Là RS d'été ; LA VE So HISTOIRE NATUREL LE, roit produire de semblables effets : d'où il | suit que la couleur blanche est ici un attri- but variable, et qui ne doit pas être employe comme un caractère distinctif de l’espèce dont il s’agit; d'autant moins que plusieurs espèces du même genre, telles que celles du petit tetras blanc, selon le docteur Waigand et Rzaczynski, et de l’attagas blanc, selon Belon , sont sujettes aux mêmes variations dans la couleur de leur plumage : et 1l est étonnant que Frisch ait ignoré que son fran- colin blanc de montagne, qui est notre lago- pêde, y fût aussi sujet, ou que l’ayant su, il n’en ait point parlé; il dit seulement qu'on Jui avoit rapporté qu’on ne voyoit point en été des francolins blancs, et, plus bas, il ajoute qu’on en avoit quelquefois tiré (sans doute en été) qui avoient les ailes et le dos bruns, mais qu’il n’en avoit jamais vu: c’étoit bien le lieu de dire que ces oiseaux n’étoient blancs que l'hiver, etc. J'ai ditqu’Aristote ne connoissoit pas notre lagopède; et quoique ce soit un fait négatif, j en ai la preuve positive dans ce passage de son {Histoire des animaux, où il assure que A El f: h he 144 pèdes sur lesquels Le froid produit ou pour- Ê ‘DU LAGOPÈDE. KIT le lièvre est le seul animal qui ait du poil sous les pieds. Certainement, s’il eût connu. un oiseau qui eût eu aussi du poil sous les pieds , il n’auroit pas manqué d’en faire mention dans cet endroit, où il s’occupoit en général , selon sa manière, de la compa- raison des parties correspondantes dans les ‘animaux, et par conséquent des plumes des oiseaux , ainsi que des poils des quadrupèdes. Le nom de /agopède, que je donne à cet oiseau, n’est rien moins qu'un nouveau nom; c'est, au contraire, celui que Pline et les anciens lui ont donné, qu’on a mal-à-propos appliqué à quelques oiseaux de nuit, lesquels ont le dessus , et non le dessous des pieds, garni de plumes*, mais qui doit être con servé exclusivement à l’espèce dont il s’agit ici, avec d'autant plus de raison, qu’il ex- prime un attribut unique parmi les oiseaux, qui est d’avoir, comme le lièvre, le dessous des pieds velu. * S: meus auritä gaudet lagopode Flaccus. (Martial. Lib. VII, epigr. 86.) Il est visible que le poète entend parler du duc dans ce passage ; mais le duc n’a pas le pied velu par-dessous. \ mL LAS pat». fi | j 3r2 HISTOIRE NATURELLE À Pline ajoute à ce caractère distinctif du lagopus ou lagopède , sa grosseur , qui est celle d’un pigeon ; sa couleur, qui est blan— che; la qualité de sa chair, qui est excel- lente ; son séjour de préférence, qui est le sommet des Alpes; enfin sa nature, qui est d’être très-sauvage, et peu susceptible d’être ‘ apprivoisé : il finit par dire que sa Chair se corrompt fort promptement. L’exactitude laborieuse des modernes a complété cette description à l'antique, qui ne présente que les masses principales : le : premier trait qu'ils ont ajouté au tableau, et qui n’eüt point échappé à Pline s’il eût vu l'oiseau par lui-même, c’est cette peau glanduleuse qui lui forme au-dessus des yeux des espèces de sourcils rouges , mais d’um rouge plus vif dans le mâle que dans la fe- melle; celle-ci est aussi plus petite, et n’a point sur la tête les deux traits noirs qui, dans le mâle , vont de la base du bec aux yeux, et même au-delà des yeux, en se diri- geant vers les oreilles : à cela près, le mâle et la femelle se ressemblent dans tout le reste, quant à la forme extérieure; et tout ce que jen dirai dans la suite sera commun à l'un et à l’autre. DU LAGOPÈDE. 313 La blancheur des lagopèdes n’est pas uni- verselle, et sans aucun mélange dans le temps même où ils sont le plus blancs, c’est-à-dire, au milieu de l'hiver : la principale exception est dans les pennes de la queue, dont la plu- part sont noires avec un peu de blanc à la pointe; mais 1l paroît par les descriptions, que ce ne sont pas constamment les mêmes pennes qui sont de cette couleur. Linnæus, dans sa Fauna Suecica, dit que ce sont les penues du milieu qui sont noires; et dans son Systema naturæ , il dit, avec M. Brisson. et Willughby, que ces mêmes pennes sont blanches, et les latérales noires : tous ces naturalistes n’y ont pas regardé d’assez près. Dans le sujet que nous avons fait dessiner , et dans d’autres que nous avons examinés, nous avons trouvé la queue composée de deux rangs de plumes l’un sur l'autre; celui de dessus blanc en entier , et celui de dessous noir, ayant chacun quatorze plumes*. Klein parle d’un oiseau de cette espèce qu’il avoit * Ou ne peut compter exactement le nombre de ces plumes, qu'en déplumant, comme nous l'avon, fait, le dessus et le dessous du croupion de 6es FP 27 Lo HISTOIRE NATURELLE reçu de Prusse le 20 janv ier 1747, et qui étbit 1 entièrement blanc, excepté le bec, la partie | inférieure de la queue et la tige de six pennes . de l’aile. Le pasteur lappon Samuel Rheen ; qu’il cite, assure que sa poule de neige, qui est notre lagopède , n’avoit pas une seule plume noire, excepté la femelle, qui en avoit une de cette couleur à chaque aile; et la per- drix blanche dont parle Gesner, étoit en effet toute blanche, excepté autour des oreilles, où elle avoit quelques marques noires : les couvertures de la queue, qui sont blanches et s'étendent par toute sa longueur, et recou— vrent les plumes noires, ont donné lieu à la plupart de ces méprises. M. Brisson compte dix-huit pennes dans la queue, tandis que Willughby et la plupart des autres ornitho- logistes n’en comptent que seize, et qu'ilnu' y en a réellement que quatorze. Il semble que le plumage de cet oiseau, tout variable qu'il est, est sujet à moins de variétés que l’on n’en trouve dans les descriptions des natu= oiseaux ; et C’est ainsi que nous nous sommes assurés qu’il y en a quatorze blanches en dessus et TURTONTE ñoires en dessous, DU LAGOPÈDE. 38 ralistes *. Les ailes sn vingt-quatre pennes , dont la troisième, à compter de la plus exté- rieure, est la plus longue ; et ces trois pennes, ainsi que les trois suivantes de chaque côté . ont la tige noire lors même qu’elles sont * Il n’est pas étonnant que les auteurs diffèrent du blanc au noir sur la couleur des plumes latérales de la queue de cet oiseau ; car, en déployant et éten- dant cette queue avec la main, on est absolument le maîlre de terminer les côtés par des plumes noires ou par des plumes blanches, parce qu’on peut les étendre et les placer également de côté. M. Dauben- ton le jeune a très-bien remarqué qu’il y auroitencore une autre manière de se décider 1c1 sur la contra- diction des auteurs, et de reconnoître évidemment que la queue n’est composée que de quatorze plumes toules noires, à L'exgeption de la plus extérieure qui est bordée de blanc près de son origine, et de la pointe qui est blanche dans toutes, parce que les tuyaux de ces quatorze plumes noires sont plus gros du double que les tuyaux des quatorze plumes blanches, etqu'ils sont moins avancés, ne recouvrant pas même en entier les tuyaux des plumes noires ; en sorte qu’on peut croire que ces plumes Dnchee ne servent que de couvertures, quoique les quatre du milieu soient aussi grandes que les noires, les- quelles sont à très-peu près toutes : également longues. 316 HISTOIRE NATUR BLLE 1 blanches *. Le duvet qui. environne les. pieds ù et les doigts jusqu'aux ongles, est fort doux À et fort épais; et l’on n’a pas manqué de dire que c’étoient des espèces de gants fourrés | que la nature avoit accordés à ces oiseaux, pour les garantir des grands froids auxquels ils sont exposés. Leurs ongles sont fort longs, même celui du petit doigt de derrière : celux du doigt du milieu est creusé par-dessous , selon sa longueur, et les bords en sont tran- chans ; ce qui lui donne de la facilité pour se creuser des trous dans la neige. Le lagopède est au moins de la grosseur d’un pigeon privé, selon WiHughby; il a quatorze à quinze pouces de long, vingt-un ) à vingt-deux pouces de vol, et pèse quatorze onces ; le nôtre est un peu moins gros : mais M. Linnæus a remarqué qu'il y en avoit de différentes grandeurs , et que le plus petit : de tous étoit celui des Alpes. Il est vrai qu’il ajoute, au même endroit, que cet oiseau se trouve dans les forèts des provinces du Nord, et sur-tout de la Lapponie; ce qui me feroit douter que ce fût la même espèce que notre * Voyez les planches enluminées, n° 129. D LAGOPÈDE. H7 | Jagofède des Alpes , qui a des habitudes toutes différentes , puisqu'il ne se plaît que sules plus hautes montagnes ; à moins qu’on ne veuille dire que la température qui règne sur la cime de nos Alpes, est à peu près la même que celle des vallées et des forêts de _ Lapponie. Mais ce qui achève de me persua- der qu'il y a ici confusion d’espèces, c’est le peu d'accord des écrivains sur le cri du lagopède. Belon dit qu'il chante comme la perdrix ; Gesner , que sa voix a quelque chose de celle du cerf : Linnæus compare son ramage à un caquet babillard et à un rire moqueur. Enfin Willughby parle des plumes des pieds comme d’un duvet doux (plumudlis mollibus ); et Frisch les compare à des soies de cochon. Or, comment rap- porter à la même espèce, des oiseaux qui diffèrent par la grandeur, par les habitudes naturelles , par la voix, par la qualité de leurs plumes; je pourrois encore ajouter par leurs couleurs , car nous avons vu que celle des pennes de la queue n’est rien moins que constante? Mais ici les couleurs du plumage sont si variables dans le même individu, quil ne seroit pas raisonnable d’en faire [à | 27 38 HISTOIRE NATUR caractère de l’espète : je me crois sida fondé à séparer Le lagopède des Alpes, des Pyrénées et autres montagnes semblables , d'avec les oiseaux de même genre qui se trouvent dans les forêts, et mème dans les plaines des pays septentrionaux, et qui paroissent être plutôt des tetras, des gélinottes ou des attagas;'et en cela je ne fais que me rapprocher de l'opinion de Pline, qui parle de son /ago- pus comme d'un oiseau propre aux Alpes. Nous avons vu ci-dessus.que le blanc étoit sa livrée d'hiver; celle d’été consiste en des taches brunes, semées sans ordre sur un fond blanc : on peut dire néanmoins qu’il n’y a point d'été pour lui, et qu'il est dé- terminé, par sa singulière organisation, à ue se plaire que dans une température gla- ciale; car, à mesure que la neige fond sur le penchant des montagnes, 1l monte, et va chercher sur les sommets les plus élevés celle qui ne fond jamais; non seulement 1E s’en approche, mais il s’y creuse des trous, des espèces de clapiers, où 1l se met à l'abri des rayons du soleil, qui paroissent l’offus- quer ou l’incommoder. Il seroit curieux d’ob- server de près cet oiseau, d'étudier sa con- 4 PU REA TE: AG O!P È DE; 319 formation intérieure , la structure de ses or- ganes, de démêler pourquoi le froid lui est si nécessaire, pourquoi il évite le soleil avec tant de soin , tandis que presque tous les êtres animés le desirent, le cherchent, le saluent comme le père de la nature, et re- çoivent avec délices les douces influences de sa chaleur féconde et bienfaisante : seroit-ce par les mêmes causes qui obligent les oiseaux de nuit à fuir la lumière? ou les lagopèdes serolent-ils les chacrelas de la famille des oiseaux ? Quoi qu'il en soit, on comprend bien qu'un oiseau de cette nature est difficile à apprivoiser ; et Pline le dit expressément, comme nous l'avons vu : cependant Redi parle de deux lagopèdes, qu’il nomme pey-- drix blanches des Pyrénées, et qu’on avoit nourries dans la volière du jardin de Boboli, appartenant au grand duc. | * Les lagopèdes volent par troupes, et ne volent jamais bien haut, car ce sont des oiseaux pesans : lorsqu'ils voient un homme, ils restent immobiles sur la neige pour n'être point apperçus; mais ils sont souvent trahis par leur blancheur, qui a plus d'éclat que %o HISTOIRE NATURELLE la neige mème. Au reste, soit stupidité, soit inexpérience , ils se familiarisent assez aisément avec l’homme : souvent pour les prendre il ne faut que leur présenter du pain , ou même faire tourner un chapeau devant eux, et saisir le moment où ils s’oc- cupent de ce nouvel objet pour leur passer un lacet dans le cou, ou pour les tuer par derrière à coups de perche ; on dit même qu'ils n’oseront jamais franchir une rangée de pierres alignées grues comme pour faire la première assise d’une mu raille, et qu’ils iront constamment tout le long de cette humble barrière, jusqu'aux piéges que les chasseurs leur ont préparés. Ils vivent des chatons des feuilles et des jeunes pousses de pin, de bouleau, debruyère, de myrtille, et d'autres plantes qui croissent ordinairement sur les montagnes ; et c'est sans doute à la qualité de leur uourriture qu’on doit imputer cette légère amertume qu’on reproche à leur chair , laquelle est d’ail- leurs un bon manger : on la regarde comme viande noire, et c’est un gibier très-commun, tant sur le mont Cenis que dans toutes les villes et villages à portée des montagnes de DU LAGOPÈDE. 3x Savoie. J’en ai mangé, et je lui trouve beau- coup de ressemblance pour le goût avec la chair du lièvre. Les femelles pondent et couvent leurs os à terre, ou plutôt sur les rochers; c’est tout ce qu’on sait de leur façon de se multiplier : il faudroit avoir des ailes pour étudier à fond les mœurs et les habitudes des oiseaux, et sur—tout de ceux qui ne veulent point se plier au joug de la domesticité, et qui ne se plaisent que dans des lieux ainhabitables. Le lagopède a un très-gros jabot, un gésier musculeux, où l’on trouve de petites pierres mélées avec les alimens ; les intestins longs de trente-six à trente-sept pouces; de gros cœcum cannelés et fort longs, mais de lon-— gueur inégaie , Selon Redi, et qui sont sou- vent pleins de très-petits vers : les tuniques de l’intestin grêle présentent un réseau très- cürieux, formé par une multitude de petits _ Vaisseaux, ou plutôt de petites rides dispo sées avec ordre et symmétrie. On a remarqué qu'il avoit le cœur un peu plus petit et la rate beaucoup plus petite que l’attagas, et que le canal cystique et le conduit hépatique alloient se rendre dans les intestins séparé- 32 HISTOIRE NATURELLE. ment , et mème à une assez grande distance l’un de l’autre. Je ne puis finir cet article sans remarquer, avec Aldrovande, que parmi les noms divers qui ont été donnés au lagopède, Gesner place celui d’zrblan comme un mot italien en usage dans la Lombardie, mais que ce mot est tout-à-fait étranger et à la Lombardie et “à toute oreille italienne. F pourroit bien en être de même de rLoncas et de Lerbey, autres noms que, selon le même Gesner, les Gri- sons, qui parlent italien, donnent aux la- gopèdes. Dans la partie de la Savoie qué avoisine le Valais, on les nomme a/benne ; et ce mot, différemment altéré par difiérens patois, moitié suisses, moitié grisons, aura pu produire quelques uns de ceux dont je viens de parler. :, ner enmemenntioneseneneneeenee near nement PP AL CG O'P ED 'E UMR LA BAIE D’'HUDSON. 1 PE s auteurs de la Zoologie britannique font à M. Brisson un juste reproche de ce qu'il joint dans une même liste le ptarmi- gan avec la perdrix blanche de M. Edwards, plauche LXXIT, comme ne faisant qu'un seul et mème oiseau , tandis que ce sont en effet deux espèces différentes ; car la perdrix blanche de M. Edwards est plus de deux fois plus grosse que le ptarmigan, et les couleurs de leur plumage d’été sont aussi fort diffé rentes, celle-là ayant de larges taches de blanc et d’orangé foncé , et le ptarmigan ayant des mouchetures d’un brun obscur sur un brun clair. Du reste, ces mêmes auteurs avouent que la livrée d'hiver de ces oiseaux est la même, c’est-à-dire, presque entière- ment blanche. M. Edwards dit que les pennes latérales de la queue sont noires, mêmie en hiver , avec du blanc au bout ; et cependant il ajoute plus bas, qu’un de ces oiseaux qui \ 324 HISTOIRE NATURELLE avoit été tué en hiver, et apporté de la baie d'Hudson par M. Light, étoit parfaitement blanc; ce qui prouve de plus en plus com- bien, dans cette espèce, les couleurs du plu- mage sont variables. La perdrix blanche dont il s’agit ici est de grosseur moyenne entre la perdrix et le fai- san , et elle auroit assez la forme de la per- drix sielle n’avoit pas la queueun peulongue. Le sujet représenté dans la planche LXXII d'Edwards, est un coq, tel qu'il est au prin- \ à! temps lorsqu'il commence à prendre sa li- vrée d’été, et lorsqu'éprouvant les influences de cette saison d'amour , il a ses sourcils membraneux plus rouges et plus saillans, plus élevés, tels en un met que ceux de l’attagas ; il a en outre de petites plumes blanches autour des yeux, et d’autres à la base du bec, lesquelles recouvrent les orifices des uarines : les deux pennes du milieu sont variées comme celles du cou; les deux sui- vantes sont blanches, et toutes les autres noirâtres, avec du blanc à la pointe, en été comme en hiver. La livrée d'été ne s’étend que sur la partie supérieure du corps; le ventre reste toujours LL s 0 DU LAGOPÈDE. 325 blanc : les pieds et les doigts sont entière- ment couverts de plumes, ou plutôt de poils blancs ; les ongles sont moins courbés qu'ils "ne le sont ordinairement dans les oiseaux *, Cette perdrix blanche se tient toute l’année à la baie d'Hudson ; elle y passe les nuits dans des trous qu’elle sait se creuser sous la neige, dont la consistance en ces contrées est comme celle d’un sable très-fin. Le matin, elle prend son essor, et s’élève droit en haut en secouant la neige de dessus ses ailes. Elle mange le matin et le soir , et ne paroît pas craindre le soleil comme notre lagopède des Alpes, puis- qu’elle se tient tous les jours exposée à l’ac- tion de ses rayons, dans le temps de la jour- née où ils ont le plus de force. M. Edwards a reçu ce même oiseau de Norvége, qui me pa- roit faire la nuance entre le lagopède, dont il a les pieds, et l’attagas, dont il a les grands sourcils rouges. * Nous avons vu deux oiseaux envoyés de Sibérie, sous le nom de Zlagopèdes, qui sont vraisemblable ment de la même espèce que le lagopède de la baie d'Hudson, et qui ont en effet les ongles si plats, : qu’ils ressembloient plutôt à des ongles de singe qu’à . des griffes d'oiseaux. | 7 Oiseaux, IT: | | 28 OISEAUX ÉTRANGERS 54 QUI ONT RAPPORT AUX COQS DE. BRUYÈRE, AUX GÉLINOTTES, AUX ATTAGAS, etc. L. LA GÉLINOTTE DU CANADA *. 4 Tr me paroit que M. Brisson a faiturf double emploi en donnant la gélinotte de Canada qu'il a vue, pour une espèce différente de la gélinotte de la baie d'Hudson , qu’à la vérité il n’avoit pas vue: mais il suffisoit de com- parer la gélinotte de Canada, en nature, ayec les planches enluminées d'Edwards de la gé- linotte de la baie d'Hudson, pour reconnoître que c’étoit le même oiseau; et nos lecteurs le verront aisément en comparant les planches enluminées , n°5 131 et 132, avec celles de * Voyezles planches enluminées ; n° 13r , lemâle; et n° 132, la femelle. * HISTOIRE NATURELLE. %:7 M. Edwards, nos 118 et 71. Voilà donc une espèce nominale de moins, et l’on doit attri- buer à la gélinotte de Canada tout ce que MM. Ellis et Edwards disent de la gélinotte de la baie d'Hudson. Elle abonde toute l’année dans les terres voisines de la baie d'Hudson : elle y habite par préférence les plaines et les lieux bas; au lieu que, sousunautre ciel, la même espèce, dit M. Ellis, ne se trouve que dans des terres fort élevées, et même au sommet des mon- tagnes. En Canada, elle porte le nom de perdrix. i Le mâle est plus petit que la gélinotte or- dinaire; il a les sourcils rouges, les narines couvertes de petites plumes noires , les ailes courtes, les pieds velus jusqu’au bas du tarse, les doigts et les ongles gris, le bec noir. Eu général], il est d’une couleur fort rembrunie, et qui n’est égayée que par quelques taches’ blanches autour des yeux, sur les flancs, et ‘en quelques autres endroits. La femelle est plus petite que le mâle, et elle’ a les couleurs de son plumage moins sombres et plus variées ; elle lui D tn dans tout le reste. _ L'un et l’autre mangent des. pignons &. pin, des baies de genevrier, etc. On les trouve dans le nord de l'Amérique en très- grande quantité, et on en fait des provi= sions aux approches de l'hiver : la gelée les saisit et les conserve ; et, à mesure qu’om en veut manger, on les fait dégeler dans = l'eau froide. LE LE COQ DE BRUYÈRE A FRAISE *, ou LA GROSSE GÉLINOTTE DE CANADA. JE soupçonne encore ici un double em- ploi, et je suis bien tenté de croire que cette grosse gélinotte de Canada, que M. Brisson donne comme une espèce nouvelle et diffé rente de sa gélinotte huppée de Pensylyanie, est néanmoins la même, c’est-à-dire, la même aussi que celle du coq de bruyère à fraise de M. Edwards. Il est vrai qu’en com- parant cet oiseau en nature ou même notre planche enluminée, n° 104, avec celle de M. Edwards, n° 248, il paroîtra au premier * Voyez les planches enluminées, n° r04. a AN RES Met t DES OISEAUX ÉTRANGERS. 325 coup d'œil des différences très-considérables entre ces deux oiseaux : mais si l’on fait attention aux ressemblances , et en même temps aux différentes vues des dessinateurs, dont l’un, M. Edwards *, a voulu représenter les plumes au-dessus des ailes et de la tête, relevées comme si l'oiseau étoit non seule- ment vivant, mais en action d'amour, et dont l’autre, M. Martinet, n’a dessiné cet oiseau que mort et sans plumes érigées ou redressées ; la disconvenance des dessins se réduira à peu de chose, ou plutôt s’évanouira tout-à-fait par une présomption bien fon dée, c’est que notre oiseau est la femelle de _ celui d'Edwards : d’ailleurs cet habile natu- xaliste dit positivement qu’il ne fait que sup- poser la huppe à son oiseau, parce qu’àyané Les plumes du sommet de la tête plus longues . que les autres, il présume qu'il peut les re- dresser à sa volonté, comme celles qui sont au-dessus de ses ailes; et du reste, la gran- deur, la figure, les mœurs et le climat étant ici les mêmes, je pense être fondé à pré- sumer que la grosse gélinotte du Canada, la * Voyez les planches enluminées , n° 427. au | Lg Le 330 HISTOIRE NATURELLE sélinotte huppée de Pensylvanie de M. Bris- | son, ét le coq de PATPE à fraise de M. Ed- wards, ne font qu'une seule et même espèce, à laquelle on doit encore rapporter le coq de. bois d'Amérique, décrit et représenté par Catesby. Elle est un peu plus grosse que la géli- motte ordinaire , et lui ressemble par ses ailes courtes, et.en ce que les plumes qui couvrent ses pieds ne descendent pas jus- qu'aux doigts : mais elle n’a ni sourcils rouges, ni cercles de cette couleur autour des yeux. Ce qui la caractérise, ce sont deux touffes de plumes plus longues que les autres et recourbées en bas, qu’elle a au haut de la poitrine, une de chaque côté : les plumes de ces touffes sont d’un beau noir, ayant sur leurs bords des reflets brillans qui jouent entre la couleur d’or et le verd ; l’oiseau peut relever quand il veut ces espèces de fausses . ailes, qui, lorsqu'elles sont pliées, tombent de part et d'autre sur la partie supérieure des ailes véritables. Le bec, les doigts, les ongles, sont d’un brun rougeûtre. Cet oiseau, selon M. Edwards, est fort commun dans le Maryland et la Pensylvawie, DES OISEAUX ÉTRANGERS. fr où on lui donne le nom de faisan : cependant il a, par son naturel et ses habitudes, beau- coup plus d’affinité avec Le tetras ou coq de bruyère; il tient le milieu, pour la grosseur, entre le faisan et la perdrix. Ses pieds sont garnis de plumes, et ses doigts dentelés sur les bords comme ceux des tetras; son bec est semblable à celui du coq ordinaire; l’ouver- ture des narines est recouverte par de petites plumes qui naissent de la base du bec, et se dirigent en avant; tout le dessus du corps, compris la tête, la queue et les ailes, est émaillé de différentes couleurs brunes, plus ou moins claires, d’orangé et de noir ; la gorge est d'un orangé brillant, quoiqu’un peu foncé; l’estomac, le ventre et les cuisses ont des taches noires en forme de croissant, distribuées avec régularité sur un fond blanc: il a sur la tête et autour du cou de longues plumes dont 1l peut, en les redressant à son gré, se former une huppe et une sorte de fraise; ce qu’il fait, principalement lorsqu'il est en amour : il relève en même temps les plumes de sa queue en faisant la roue, gon- flant son jabot, trainant les ailes, et accom- pagnant son action d’un bruit sourd et d'un f 8°? » ” Dee LAINE | \ Le F25r4 ns 332 HISTOIRE NATURELLE … bourdonnement semblable à celui du coq. d'Inde; et il a de plus, pour rappeler ses fe- melles, un battement d'ailes trés-singulier, et assez fort pour se faire entendre à un demi- mille de distance par un temps calme. Il se plait à cet exercice au printemps et en au- tomne, qui sont le temps de sa chaleur, et il le répète tous les jours à des heures réglées; savoir, à neuf heures du matin ét sur les quatre heures du soir, mais toujours étant posé sur un tronc sec. Lorsqu'il commence, il met d’abord un intervalle d'environ deux secondes entre chaque battement ; puis accé- lérant la vitesse par degrés, les coups se suc- cèdent à la fin avec tant de rapidité, qu’ils ne fout plus qu'un petit bruit continu, sèm- blable à celui d’un tambour, d’autres disent d’un tonnerre éloigné. Ce bruit dure environ une minute, et recommence par lés mêines gradations après sept ou huit minutes de repos : tout ce bruit n’est qu’une invitation d'amour que le mâle adresse à ses femelles, que celles-ci entendent de loin, et qui de vient l’annonce d’une génération nouvelle, mais qui ne devient aussi que trop souyent un signal de destruction ; car les chasseurs, _ DES OISEAUX ÉTRANGERS. 333 avertis par ce bruit, qui n’est point pour eux , s’approchent de l’oiseau sans en être apperçus, et saisissent le moment de cette espèce de convulsion pour le tirer à coup sûr : je dis sans en être apperçus ; car dès que cet oiseau voit un homme, il s'arrête aussitôt, füt-il dans la plus grande violence de son mouvement, et il s'envole à trois ou quatre cents pas : ce sont bien 1à les habi- tudes de nos tetras d'Europe et leurs mœurs, quoiqu'un peu outrees. . La nourriture ordinaire de ceux de Pensyl- vanie, sont les grains, les fruits, les raisins, et sur-tout les baies de lierre; ce qui est remarquable, parce que ces baies sont un. poison pour plusieurs animaüx. _ Ils ne couvent que deux fois l’année, appa- remment au printemps et en automne, qui sont les deux saisons où le mâle bat des ailes : . ils font leurs nids à terre avec des feuilles, ouà côté d’un tronc sec couché par terre, ou au pied d’un arbre debout, ce qui dénote un oiseau pesant : ils pondent de douze à seize œufs , et les couvent environ trois semaines, La mère a fort à cœur la conservation de ses petits; elle s'expose à tout pour les X 4 ” F% Der d LITE 334 HISTOIRE NATURELLE défendre, et cherche à attirer sur elle-même | les dangers qui les menacent;ses petits, de leur côté, saventse cacher très-finement-dans les. feuilles : mais tout cela n'empêche pas . que les oiseaux de proien’en détruisent beau- coup. La couvée forme une compagnie qui ne se divise qu’au printemps de l’année sui- vante. | Ces oiseaux sont fort sauvages, et rien ne peut les apprivoiser : si on en fait couver par des poules ordinaires, ils s’échapperont et s’enfuiront dans les bois presque aussitôt qu'ils seront éclos. | Leur chair est blanche et très- bonne à manger: seroit-ce par cette raison que les oiseaux de proie leur donnent la chasse avec tant d’acharnement ? Nous avons eu deja ce soupçon à l’occasion des tetras d'Europe: s’il étoit confirmé par un nombre suffisant d’'ob- servations ,-il s’ensuivroit non seulement que la voracité n'exclut pas toujours un appétit de préférence , mais que loiseau de proie est à peu près de même goût que l’homme , et ce seroit une analogie de pin entre les deux aapeco DES OISEAUX ÉTRANGERS. 335 I L L'orsEeau d'Amérique qu'on peut appeler gélinotte à longue queue, dessiné et décrit par M. Edwards sous le nom de Leatk cock ou grous, coq de bruyère de la baie d'Hudson, et qui me paroît être plus voisin des géli- notte: que des cogs de bruyère, ou des fai- sans Cont on lui a aussi donné le nom : cette gélinotte à longue queue, représentée dans la planche CXVII de M. Edwards, est une femelle ; elle a la grosseur, la couleur et la longue queue du faisan : le plumage du mäle est plus rembruni, plus Tustré, et il a des reflets à l'endroit du cou: ce mâle se tient aussi très-droit, et il a la démarche fière, . différence qui se retrouve constamment entre le mâle et la femelle dans toutes les espèces qui appartiennent à ce genre d'oiseau. M. Ed- wards n’a pas osé donner des sourcils rouges à cette femelle, parce qu’il n’a vu que l’oi- seau empaillé, sur lequel ce caractère n’étoit point assez apparent ; les pieds étoient pattus, les doigts dentelés sur les bords, le doigt pos térieur fort court. nottes Le not a de fa isan. En effet, à leur lougue queue, la nuance entre les géli- nottes et les faisans:; les d eux pennes du mi- lieu de cette queue excèdent d'environ deux pouces Les deux suivantes de part et d'autre, À etainsi de suite. Ces oiseaux se trouvent aussi en Virginie, dans les bois et les lieux inha- bités. | | | AR Et + de Fin du forme troisième... F Li - ‘A # { ex © At ; ' >= À Y PR > A n , # : Au. ta ÿ nd Ÿ “ l'A B L'E Des articles contenus dans ce volume, L'ourarDe, page 1." La petite outarde, vulgairement la canepetière , 4. Oiseaux étrangers qui ont rapport aux outardes , 54, Le lohong, ou l’outarde huppée d'Arabie , z0d. L’outarde d'Afrique, 56. : Le churge , ou l’outarde moyenne des Indes, 59. Le houbara, ou petite outarde huppée d'Afrique, … 62. Le rhaad, autre petite outarde huppée d'Afrique, 64 Le coq, 66. Le dindon, 152. La peiniade, 190. Le tetras, ou le gran@ coq de bruyère, 210. Le petit tetras , ou coq de bruÿ ère à diese fourchue , 242. Le petit tetras à queue pleine, etc, 264. Le petit tetras à plumage variable , 268. La gélnotte, 271. ÿ La gélinotte d'Écosse, 28re er attagas, 204. Æ attagas Hide: 306. Le tte Se ER ne La Fous du canada, ibid. ie VER Le coq de br un à rt où % grosse gélinoue de. | Crmad, © 2 à cs °