RATE va DNA PES. HISTOIRE NATURELLE OISEAUX. TOME QUATORZIÈMEÉ OU SDS ,4 HISTOIRE 27°? NAT URELLE PanBUFFON 107 DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. OTS E A U X, TOME QUATORZIEME. V,14 | F son tan TRS TN RICHMOND ’ COLLECTION. U/ %{lona Museu ” à À LA LIBRATRIE STÉRÉOTYPE DE P. DIDOT L’AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 3, at Firmin DIDOT, RUE DE THIONVILLE, N° 116. AN VII. — 1799. dé Ml: mes eh a ; air RES . a + 0 al T CN ET LU Zom 14, sa À aug ut S. / ss” = L: Li Lé L La AU . UR EE ii “2 Las a = A a SANS “i à HISTOIRE NATURELLE LA » LÉ SE AE O 82704 O ÙU ? LES OISEAUX RHINOCÉROS. pq N ous venons de voir que les toucans ; si singuliers par leur énorme bec, appar- tiennent tous au continent de l'Amérique méridionale : voici d’autres oiseaux de l'Afrique et des grandes Indes, dont le bec aussi prodigieux pour les dimen- sions que celui des toucans , est encore plus extraordinaire par la forme, ou, pour mieux dire, plus excessivement monstrueux , Comme pour nous démon- 1 F4 LE CI À ÿ À ir gi te à CN 2 &;, w. ( “HISTOIRE NATURI E .. trer que la vicille Nature de l'ancien con- tinent, toujours supérieure à la Nature moderne du nouveau monde dans toutes: ses productions , se montre aussi plus grande, même dans ses erreurs, et plus. puissante Jusque dans ses écarts. En considérant le développement ex- traordinaire, la surcharge inutile, l’ex- croissance superflue , Quoique naturelle, Pont le bec de ces oiseaux est non ane ment grossi, mais déformé , on ne peut _ s'empêcher d’y reconnoître les attributs mal assortis _ de ces espèces disparates , dont les plus monstrueuses naquirent et périrent presque en même temps par la disconvenance et les oppositions de leur conformation. Ce n’est pas la seule ni la première fois que l'examen attentif de la Nature nous ait offert cette vue, même dans le genre des oiseaux : ceux auxquels on a donné les noms de bec croisé, bec en ciseau, sont des exemples de cette struc- ture incomplète et contraire à tout usage, laquelle leur ôte presque le moyen de vivre et celui de se défendre contre les espèces même plus petites et moins fortes, DES CALAOS. AR mais plus Beureuses et plus puissantes , Li parce qu’elles sont douées d'organes plus assortis. Nous avons de semblables exem- ples dans les animaux quadrupèdes : les unaux, les aïs, les fourmiliers , les pan- solins , etc., dénués ou misérables par la forme du corps et la disproportion de leurs membres, traînent à peine une existence pénible , toujours contrariée par les défauts ou les excès de leur orga- nisation; la durée de ces espèces impar- faites et débiles n’est protégée que par. la solitude, et ne s’est maintenue et ne se maintiendra que dans les lieux déserts, où l’homme et les animaux puissans ne fréquenteront pas * | Si nous examinons en particulier le bec des calaos ; nous reconnoîtrons que loin d’être fort à proportion de sa grandeur, ou utile en raison de sa structure, il est au contraire très-foible et très-mal con- ‘ formé ; nous verrons qu'il nuit plus qu'il | ne sert à l’oiseau qui le porte, et qu'il n'y a‘peut-être pas d'exemple dans la * Voÿez sur ce sujet l’article de Punats et de Taï, tome VI, page 61. # ‘ Vu AN 1% bien h ANT EE : a HISTOIRE NATURELLE Nature, d'une arme d'aussi grand appa- reil et dns peu d’effet. Ce béc n’a point d prise : sa pointe, comme dans un long evicer très-éloigné du point d'appui, ne peut serrer que mollément. Sa substance est si tendre, qu’elle se fèle à la tranche “par le plus léger frottement : ce sont ces fèlures irrégulières et accidentelles- que . les naturalistes ont prises pour une den- telure naturelle et régulière. Elles pro- duisent un effet remarquable:dans le bec du calao rhinocéros, c’est que les deux mandibules ne se touchent que par la pointe; le reste demeure ouvert et béant, comme si elles n’eussent: pas été fes | ‘l'une pour l’autre : leur intervalle est usé, rompu de manière que par la substance et par la forme de cette partie, il semble qu'elle n'ait pas été faite pour servir constamment , mais plutôt pour se dé- truire d’abord et sans retour par l’usage ‘ même auquel elle paroissoït destinée. Nous avons adopté, d'après nos no- menclateurs, le nom de ca/ao, pour dé- signer le genre entier de ces oiseaux, quoique les Iudiens n'aient donné ce “ . : n à € Û ss 7 , *{ à di É al ; " ' di Ê ; DORÉ TIREOR C'A EMA IONSS IE à _ mom qu’à une ou deux espèces. Plusieurs naturalistes les ont appelés rhinocéros, à cause de l'espèce de corne qui surmonte leur bec ; maïs presque tous n’ont vu que vu "1 À * les becs de ces oiseaux extraordinaires. _ Nous-mêmes ne connoissons pas ceux | dont nous avons fait représenter les becs *; et avant d'entamer les descrip- tions de ces différens! oiseaux d’après le témoignage des voyageurs et d’après nos propres observations, il nous à paru nécessaire de les ranger relativement à leur caractère le plus frappant, qui est la orme singulière de leur bec. On verra qu'ici, comme en tout , et dans ses er- reuïs , ainsi que dans ses vues droites, la Nature passe par des gradations nuan- cées , et que de dix je es ÈS dont ce ne est cumpuosé ,-il n’y en a peut-être qu'une à laquelle on doive appliquer la dénomination d’oiseau-rhinocéros, toutes les autres ne nous présentant que des degrés et des nuances plus ou moins voi- sines de cette forme de bec, l’une des plus * Voyez les planches enluminées , n°5 033 et 034, ca" { DSL vs à LÉ ro HISTOIRE NATURELLE étranges de la Nature, puisqu'elle est évi- _ demment l’une des plus contraires aux fins qu’on lui suppose. . Ces dix espèces sont, 1°. le calao rhino- céros ; dont le bec est représenté, planche enluminée , n° 934; 2°. Le colals:3 à casque rond, dont le bo _ est représenté dans la HS née cnlmmiuée, , nf 353 | 3°. Le calao “) Philippines à casque concave ; 4, Le calao d’Abissinie, que nous avons fait représenter, planche enlumi- she n° 779 ; | | - Le calao d'Afrique, auquel nous donnons le nom de brac ; . Le calao de Malabar , que nous avons vu vivant, et que nous avons fait représenter, planche euluminée, n° 873; . Le calao des Moluques, que nous avons fait représenter d’après un individu empaillé , planche enluminée , n° 285; 8°. Le calao de l’île Panay, ‘dont nous: avons fait représenter le.mâle et la fe- melle d’après des individus empaillés , planches enluminées , n°5 780 et 781; (2 | : DES C'A ANS. 7 +4 9°. Le calao de Manille, que nous avons fait représenter d’après un individu em- paillé, planche enluminée, n° 891; 10°. Enfin le tock ou calao à bec rouge du Sénégal , représenté d’après un indi- vidu empaillé, planche enluminée, n° 260. En considérant ces dix espèces dans l'ordre inverse, c’est-à-dire, en remon- tant du tock, qui est la dernière, à la précédente , c’est-à-dire , au calao de Ma- nille et jusqu’au rhinocéros, qui est la. première, on reconnoîtra tous les degrés par où la Nature passe pour arriver à cette monstrueuse conformation de bec. Le tock a un large bec en forme de faux, comme les autres ; mais ce bec est simple ét sans éminence : le calao de Manille a déja une éminence apparente sur le baut du bec; cette éminence est plus marquée dans le calao, de l’île Panay ; elle est très-remarquable dans le calao des Mo- luques , encore plus considérable dans le calao d’Abissinie , énorme enfin dans le calao des Philippines et du Malabar, et _ tout-à-fait monstrucuse daus le calao 12. HISTOIRE NATURELLE rhinocéros. Mais si ces oiseaux ont Fa si grandes différences par la forme du bee, ils ont une ressemblance générale dans la conformation des pieds , qui consiste, em ce que les doigts latéraux sont très- longs et presque égaux à celui du milieu: ÿ-S CR L L x . 4 . #5 St DES CALAOS a LE. T'OCK' x Première espèce. . Van, Cr oiseau a un fort gros bec; mais ce bec est simple et sans excroissance : ce- pendant il est en forme de faux, comme celui des autres calaos, qui Lau sur- monté d’une corne ou d un casque plus ou moins étendu et plus ou moins relevé: D'ailleurs le tock ressemble aux calaos par la plupart des habitudes naturelles ; et se trouve, comme eux, dans les cli- mats les plus chauds de l’ancien conti- nent. Les nègres du Sénégal lui ont donné le nom de £ock, et nous ayons cru devoir le lui conserver. L'oiseau Jeune diffère beaucoup de l'adulte, car il a le bec noir et le plumage gris cendré , au lieu qu’a- vec l’âge le bec devient rouge et le plu- mage noirâtre sur le dessus du corps, les | * Voyez Jes planches enluminées, n°5 260 et 890: 2. Russe he" L Dee, « ais | : 34 HISTOIRE NATURELLE ailes et la queue, et blanchâtre tout au- tour de la tête, du cou, et sur toutes les parties inférieures du corps. On assure aussi que les pieds de l'oiseau jeune sont noirs , et qu'ils deviennent rougeâtres, ainsi que le bec, avec l’âge. Il n’est donc pas étonnant que M. Brisson en ait fait deux espèces: la première de ses phrases indicatives nous paroît répondre au tock ” adulte, et la seconde au tock jeune. Cet oiseau a trois doigts en avant et un seul en arrière; celui du milieu est étroi- tement uni au doigt extérieur jusqu’à la troisième articulation |, et beaucoup moins étroitement au doigt intérieur jus qu’à la première articulation seulement. il a le bec très-gros, courbé en bas, et légèrement dentelé sur ses bords. L'individu que nous décrivons ici, avoit vingt pouces de longueur: la quel avoit six pouces dix lignes; le bec, trois pouces cinq lignes sur douze lignes et demie d'épaisseur à la base; la substance cornée de ce bec est légère et mince, en. sorte qu’il ne peut offenser violemment ; les'pieds ont dix-huit lignes de hauteur. : … M vr TEE : ; à dt | ._ DES CABAOS. 15 Ces oiseaux, qu’on trouve assez com- munément au Sénégal, sont très-niais lorsqu'ils sont jeunes ; on les approche et on les prend sans qu'ils s’enfuient; on peut les tirer aussi sans qu'ils s’épou- vantent, ni même sans qu'ils bougent : mais lorsqu'ils sont adultes, l’âge leur ‘donne de l'expérience , au point de chan- ger entièrement leur premier naturel; ils deviennent alors très-sauvages ; ils fuient et se. perchent sur la cime des arbres , tandis que les Jeunes restent tous sur les branches, les plus basses et sur les buissons, où ils demeurent sans mou- vement, la tête enfoncée daus les épaules, de manière qu’on n’en voit, pour ainsi dire, que le bec : ainsi les jeunes ne volent presque pas , au lieu que les vieux prennent souvent un vol élevé et assez rapide. On voit beaucoup de ces oiseaux Jeunes dans les mois d'août et de sep- tembre ; on peut les prendre à la main, et dès le premier moment ils semblent être aussi privés que si on les avoit élevés dans la maison : mais cela vient de leur stu- pidité , car il faut leur porter la nourri- La A: “4 "EL JP UOTE TTC YU l'AC AT dé A A L dit à, = L di x6 HISTOIRE NATURELLE ture au bec; ils ne la cherchent ni ne la ramassent lorsqu’on la leur jette , ce qui fait présumer que les pères et mères sont obligés de les nourrir pendant un très- long temps. Dans leur état de liberté, ces oiseaux vivent de fruits sauvages , et en domesticité ils mangent du pain et ava- lent tout ce qu’on veut leur mettre dans le bec. Au reste, le tock est fort différent du ‘#toucan : cependant il paroît qu’un de : nos savans naturalistes les a pris l’un pour l’autre. M. Adanson dit dans son Voyage au Sénégal, qu'il a tué deux tou- cans dans cette contrée ; or il est certain qu'il n'y a de toucans en Afrique, que ceux qu'on peut y avoir transportés d’A- mérique , et c’est ce qui me fait présumer que ce sont des tocks, èt non pas des tou gans, dont M. Adanson a voulu parler. # DES CALAOS L ) à - LE CALAO DE MANILLE *. & Seconde espèce. Csrre espèce n'étoit pas connue, et nous a été envoyée pour le Cabinet du roi par M. Poivre, auquel nous devons - beaucoup d’autres connoissances et grand _ nombre de choses curieuses. Cet oiseau n’est guère plus gros que le tock; il a vingt pouces de longueur. Son bec est long de deux pouces et demi, moins courbé que celui du tock , point dentelé, mais assez tranchant par les bords et plus pointu ; ce bec est surmonté d’un léger feston proéminent , adhérant à la man- dibule supérieure, et ne formant qu’un simple renflement. La tête et le cou sont d'un blanc lavé de jaunâtre avec des ondes brunes ; on remarque une plaque * Voyez les planches enluminées, n° 807. 2 Ld a RU LE QU ns à à 18 HISTOIRE NATURELLE noire à chaque côté de la tête sur les . oreilles. Le dessus du corps est d’ün brun moirâtre avec quelques franges blanchä- tres , filées légèrement dans les pennes de l'aile ; le dessous du corps est d’un blane sale. Les pennes de la queue sont de la même couleur que celles des ailes ; seule- ment elles sont coupées transversalement dans leur milieu par une bande rousse de - deux doigts de largeur. Nous ne savons xien des habitudes particulières de cet oiseau. DES OR DAIOS: 7 à - î sie LE CALAO DE L'ILE PANAY*. \ Troisième espèce. | Crr oiseau nous a été apporté par M. Sonnéerat , correspondant du Cabinet : voici la description qu’il en donne dans son Joyage à la nouvelle Guinée. I l'ap- pelle calao à bec ciselé : maïs ce caractère ne le distingue pas de quelques autres calaos qui ont également lé bec ciselé. « Le mâle et la femelle sont de même grosseur , et à peu près de la taille du gros corbeau d'Europe , un peu moins corsés et plus alongés. Leur bec est très- long , courbé en arc ou représentant le fer d’une faux , dentelé le long de ses bords en dessus et en dessous, terminé par une pointe aiguë et déprimée sur * Voyez les planches enluminées, n° 760, le mâle, et n° 787, la femelle. s HISTOIRE NATURELLE 140 les côtés ; il est sillonné de haut en bas ; ; ou en travers dans les deux tiers de sa longueur : la partie convexe des sillons est brune, et les ciselures ou enfoncemens sont sait d’orpin ; le reste du bec vers sa pointe est lisse et brun. A la racine du bec , en dessus, s'élève une excroissance de même substance que le bec , applatie sur les côtés, tranchante en dessus , cou- pée en angle droit en devant ; cette _excroissance s'étend le long du bec jusque vers sa moitié où elle finit , et elle est de moitié aussi haute dans toute sa longuéur quele bec estlarge. L’œil estentouré d’une membrane brune , dénuée de plumés; la paupière soutient un cercle de poils ow . erins durs, courts.et roides, qui forment de véritables cils ; l'iris est blanchâtre. Le mâle a la tête, le-cou , le dos et les ailes d’un noir verdâtre , changeant en bleuâtre suivant les aspects : la femelle a la tête et le eou blancs , excepté une large tache triangulaire qui s'étend de la base du bec en dessous et derrière l'œil jusqu’au milieu du cou en travers sur les côtés ; cette tache ést d’un verd noir, ÿ L Hs. DES CALAOS. ar changeant.comme le cou et le dos du mâle. La femelle a le dos et les ailes de la même couleur que le mâle. Le haut de la poitrine, dans les individus des deux sexes, est d’un rouge brun clair ; le ventre , les cuisses et le croupion sont également d’un rouge brun foncé. Ils ont aussi tous deux dix plumes à la queue , dont les deux tiers supérieurs sont d’un jaune roussâtre , et le tiers infé- rieur est une bande transversale noire. Les pieds sont de couleur plombée, et sont composés de quatre doigts, dont undirigé en arrière et trois dirigés en devant; celui du milieu est uni au doigt extérieur jusqu’à la troisième articulation , et au ” doigt intérieur jusqu’à la première seule- ment *. » * Voyagé à la nouvelle Guinée, page 123. MR bee de ri + 22 HISTOIRE NATURELLE du { '… , ‘4° Dub a 04 LE CALAO DES MOLUQUES “ | Quatrième espèce. O+ a mal appliqué le nom d’a/catraz à cetoiseau. Clusius est l'auteur de cette méprise : il n’a pas bien interprété le | passage d'Oviedo : : car le nom espagnol d’alcatraz, selon Fernandès, Hernandès et Nicremberg , appartient au pélican du Mexique, et par conséquent ne peut être appliqué à un oiseau des Moluques. Cetté première méprise a produit une seconde erreur , que nos nomenclateurs ont éten- due sur tout le genre des calaos , en les regardant comme des oiseaux d’eau, et les nommant Zydrocorax , et leur suppo- sant l'habitude de se tenir au bord des eaux ; Ce qui néanmoins est démenti par tous les observateurs qui ont vu ces * Voyez les planches enluginées, n° 283. 1 : +7 L ur = à DES CALAOS. 23 oiseaux dans leur pays natal : Bontius , : Camel , et qui plus est, l'oiseau lui-même par la forme et la structure de ses pieds ct de son bec, démontrent que les calaos me sent ni corbeaux , ni corbeaux d’eau. On doit donc regarder cette dénomination générique d’Aydrocorax comme mal con- eue, et le nom particulier d’a/catraz comme mal appliqué au calao- des Molu- ques , puisque c’est le nom du pélican du Mexique. dre Le calao des Moluques a deux pieds quatre pouces de longueur ; la queue a huit pouces : mais les pieds n’ont que deux pouces deux lignes ; ce caractère des pieds très-courts appartient non seu- lement à celui-ci, mais encore à tous les autres calaos, qui marchent aussi mal qu'il est possible. Son bec a cinq pouces de longueur sur deux pouces et demi d'épaisseur à son origine ; il est d’un cendré noirâtre , et est surmonté d’une excroissance dont la substance est assez solide et semblable à de la corne : cette excroissance est applatie en devant , et s'étend en s’arrondissant jusque par-des- 74 Fa né k és 24 HISTOIRE NATURELLE METTRE sus la tête. IL a de grands yeux noirs j ‘mais le regard désagréable ; ; les côtés del tête, les ailes et la gorge sont noirs, et cette partie de la gorge est entourée d’une bande blanche; les pennes de la queue sont d’un gris blanchâtre ; tout le reste. du plumage est varié de brun , de gris, de noirâtre et de fauve; les pieds sont d’un gris brun, et le bec est noirâtre.. Ces oiseaux , dit Bontius , ne vivent è point de chair , mais de fruits, et prin= cipalement de noix muscade, dout ils font * une grande déprédation ; et cette nour- _ æiture donne à leur chair, qui est tendre et délicate , un fumet té qui 14 rend très-agréable au goût. HMS © À L LE CALAO DE MALABAR. Cinquième espèce, Czr oiseau a été apporté de Pondi= chery : il a vécu à Paris pendant tout l'été 1777 , dans le jardin de l'hôtel de madame la marquise de Pons , qui a eu la bonté de me l'offrir, et à laquelle je me fais un devoir de témoigner ici ma respectueuse sensibilité. Ce calao étoit de la grandeur d’un corbeau, ou, si l’on veut, une fois plus grand que la corneille commune ; il avoit deux pieds et demi de longueur | depuis la pointe du bec à l'extrémité de la queue, qui lui étoit tombée pendant la traversée, et dont les plumes commencoient à croître de nou veau , et n’avoient pas pris , à beaucoup près , toutes leurs dimensions : ainsi l’on peut présumer que la longueur entière de cet oiseau est d'environ trois pieds. 3 LA LU un ; } ) } 26 HISTOIRE NATURELLE Son bec, long de huit pouces, étoit large de deux , arqué de quinze lignes sur la corde de sa longueur. Un second bec, s'il peut s'appeler ainsi , surmontoit le premier en manière de corne immédia- tement appliquée et couchée suivant la courbure du vrai bec : cette corne s’éten- doit depuis la base jusqu'à deux pouces # la pointe du bec : elle s'élevoit de eux pouces trois lignes, de manière qu’en les mesurant par le milieu, le bec et sa corne forment une hauteur de quatre pouces. L’un et l’autre, près de la tête, ont quinze lignes d'épaisseur transver- sale : la corne a six pouces de longueur, ct son extrémité nous a paru accourcie et fêlée par accident , en sorte qu'on peut la supposer d'environ un demi-pouce plus longue ; en total, cette corne a la: forme d’un véritable bec tronqué et fermé à la pointe, où néanmoius le dessin de la séparation est marqué par un trait en rainure très-simple ; tracé vers le milieu et suivaut toute la courbure de ce faux bec, qui ne tient point au crâne, mais dont la tranche en arrière ou-sa coupé { ‘ 1 | a Pet 3 Ÿ DE $S CALAOS, 27 “qui s'élève sur la tête , est encore plus, extraordinaire ; c’est une espèce d’occiput charnu, dénué de plumes, revêtu d’une peau vive, par laquelle passe le suc nour- ricier de ce membre parasite. Le vrai bec, terminé en pointe mousse, est assez dite ; 5 Sa substance est cornée, presque osseuse , étendue en lames, dont on apperçoit lé couches et les ondes. Le faux bec, beaucoup plus mince et fléchissant même sous les doigts, n’est point solide et plein ; autrement l'oiseau seroit accablé de son poids : mais il est d’une substance légère et remplie à l’in- térieur de cellules séparées par des cloi- sons fort minces |, qu'Edwards compare à des rayons de miel. Wormius dit que ce faux bec est d’une substance semblable à celle du têt des écrevisses. Le faux bec est noir depuis la pointe jusqu’à trois pouces en arrière, et l’on voit une ligne du même noir à son ori- _gine, ainsi qu'à la racine du vrai bec; tout le reste est d’un blanc jaunûâtre : ee sont précisément les mêmes couleurs que lui donne Wormius, en ajoutant ET (28 HISTOIRE NATURELLE que l’intérieur ‘au bec et du palais est noir. me | Une peau blanche et plissée cakes ses deux côtés, comme une mentonnière, la racine du vrai bec par-dessous , et va s implanter, vers les angles du bec , dans la pêau noire qui environne les ERA de longs cils, arqués en arrière , garnissent : la paupière; l’œil ést d’un brun rouge, il . s'anime et prend beaucoup de feu. lors- que l'oiseau s'agite. La tête , qui paroît ‘petite en proportion du bec énorme qu’elle porte , est assez semblable , pour la forme, à celle du geai. En général, la figure, l'allure et toute la tournure de ce calaqg nous ont paru un composé de traits. et de mouvemens du geai, du corbeau et de la pie ; ces ressemblances ont égale- ment frappé les yeux de la plupart des observateurs , qui ont donné à cet oiseau les noms de corbeau indien, corbeau cornu , pie cornue d’Éthiopie, etc. Celui-ci avoit les plumes de la tête et du cou noires, avec la faculté de les hérisser; ce qu il fait souvent, comme.le, | geai: delles du dos et des ailes aobié noires DES CALAOS. 29. aussi , et toutes ont un foible reflet de Halet. et de verd. On apperçoit aussi sur quelques plumes.des couvertures. des ailes une bordure brune irégulièrement tra- cée ; les plumes, se surmontant légère- ah paraissent être gonflées comme celles "+ geai. L’estomac et le ventre sont d’un blanc sale. Entre les grandes pennes de l'aile qui sont noires, les seules exté- rieures sont blanches à la pointe. La queue, qui commencoit à recroître , étoit composée de six plumes blanches, noires à la racine, et quatre qui haben de leur tuyau toutes noires. Les pieds sont noirs , épais et fort couverts de larges PARTS les ongles longs, sans être aigus, « paroissent propres à saisir et à serrer. Cet oiseau sautoit des deux pieds à la fois, en avant et de côté, comme le geai et la pie, sañs marcher. Dans son atti- tude de repos ,:il avoit la tête portée en arrière, et reculée entre les épaules : dans l'émotion de la surprise ou de l’inquié- tude , il se haussoit , se grandissoit et sembloit prendre quelque air de fierté; cependant sa mine en général est basse 9 X -» L + 30 HISTOIRE NATURELLE et stupide, ses mouvemens sont brusques.… et désagréables , et les traits qu’il tient de la pie et du Sora lui donnent un air ignoblie, que so on naturel n e dément pas. Quoique dans les calao8 il y'ait des espèces qui paroissent frugizores, et que mous ayons vu celui-ci manger dés lai- tues qu'il froissoit auparavant dans son bec, il avaloit de la chair crue ; äl pre- noit des rats, et il dévora même un petit oiseau qu'on lui jeta vivant. Il répétoit souvent un cri sourd, oÿck, oùck. Ceson . _ bref et sec n’est qu'un éoup de gosier “14 js enroué. Il faisoit aussi de temps en temps | entendre une autre voix moins rauque et plus foible, tout-à-fait pareille au gloussement æ la poule- -d'Inde qui con- duit ses petits. Nous lavons vu s'étendre, ouvrir ses ailes au soleil, et trembloter lorsqu'il survenoit un nuage ou un petit coup de vent. 11 n’a pas vécu plus de trois mois à Paris, et il est mort avant la fin de l'été. Notre climat est donc trop froid ‘or sa nature. | "Au reste, nous ne pouvons nous dis- se, DES CALAOS.. 3£ penser de remarquer que M. Brisson s’est trompé en rapportant * à son calao des Philippines la figure d du bec de la plan- che CCLXXXI _des Glanures d’Edwards ; _car cette figure représente le bec de notre calao de Malabar, qui est surmonté d’une _excroissance simple , et non pas d’un ças- ue concave et à double corne, comme l'est celui du calao des Philippines, * Supplément, page 136. FLE ue Af { Li : FRS LE ai 0 | | 32 HISTOIRE NATUREEL # LE BRAC, TR È 4 ; O U CALAO. D'AFRIQUE. L4 Sixième espèce. Nous conserverons à ce calx0 10 0 de brac, que lui a donné le P. Labat, d'autant que ce voyageur est le seul qui l’ait vu et observé. Il est très-grand ; sa tête seule et le bec ont ensemble dix: huit pouces de longueur. Ce bec est en partie Jaune et en partie rouge; les deux mandibules sont bordées de noir. On voit à la partie supérieure du bec une excrois- sance de substance cornée d’une grosseur considérable et de la même couleur : la partie antérieure de cette excroissance se prolonge en avant en forme de corne, presque droite et qui ne se recourbe päs *à DES CALAOS. 334 en haut ; la partie postérieure de cette excroissance eSt au contraire arrondie et couvre la partie supérieure de la tête : les narines sont placées au-dessous de l’excroissance , assez près de l’origine du bec , et le plumage de ce calao est entiè- xrement noir. 34 HISTOIRE NATUREBLE APN LE CALAO D’ABISSINIE *. Septième espèce. Ce calao paroît être un des plus grands de son genre ; cependant, si l’on en juge par la longueur tt la-grosseur des becs, le calao rhinocéros est encore plus grand. La forme du calao d’Abissinie paroît être modelée sur celle du corbeau, et seule- meht plus grande et plus épaisse ; ; il à trois pieds deux pouces de longueur to- _ tale ; il est tout noir , excepté les grandes : _penunes de l’aile qui sont blanches , les moyennes et une partie des couvertures qui paroissent d’un brun tanné foncé. Le . bec est légèrement et également arqué dans toute sa longueur, applati et com- primé par les côtés; les deux mandibules sont creusées intérieurement en gout- tière , et finissent en pointe mousse. Ce F * Voyez les planches enlummées, n° 770. # DES CALAOS: 3$ bec a neuf pouces de long, et il ést sur= monté, à sa base et Jusqu’auprès du front, d’une proéminence en demi- disque de deux pouces et demi de diamètre, et de quinze lignes de large à sa base sur les yeux : cette excroissance est de même substance que le bec , mais plus mince, et cède lorsqu'on la presse avec les doigts. La hauteur du bec, prise verticalement , et jointe à celle de sa corne , est de trois pouces huit lignes. Les pieds ont cinq pouces et demi de hauteur :legrand doigt, y compris l’ongle, a vingt-huit lignes ; les trois doigts antérieurs sont presque égaux ; le postérieur est aussi très-long , il a deux pouces : tous sont épais , cou- verts , comme les jambes, d’écailles noi- râtres , et garnis d'ongles forts , sans être ni crochus ni.aigus. Sur chaque côté de la mandibule supérieute du bec, près de l'origine, est une plaque rougeâtre ; de longs cils garnissent les paupières; une peau nue, d’un brun violet, entoure les yeux ,.et couvre la gorge et une partie du devart du cou. 36. HISTOIRE NATURE - LE CALAO DES PHILIPPINES. Huitième espèce. Le Cr oiseau, selon M. Brisson, est de la grosseur d’un dindon femelle ; mais sa tête est proportionnellement bien plus. grosse, et cela paroît nécessaire pour porter un bec de neuf pouces de longueur sur deux poüces huit lignes d'épaisseur | et qui porte lui-même au-dessus de la mandibüle supérieure une excroissance cornée , de six pouces de long sur trois pouces de largeur. Cette excroïissance est un peu concave dans sa partiesupérieure, et ses deux ängles antérieurs sont prolon- gés en avant en forme de double corne ; elle s'étend en s'arrondissant sur la partie supérieure de la tête. Les narines sont placées vers l’origine du bec , au-dessous de cette excroissance; et tout le. bec, ainsi que sa proéminence , est de couleux You seûtre. #0 13 À ru REA : Mes CALAOS. 3 . Ce calao a la tête, la gorge, le cou, le dessus du corps et les couvertures supé- rieures des ailes et de la queue , noirs ; tout le dessous du corps est blanc; les pennes des ailes sont noires et marquées d’une tache blanche ; toutes les pennes de la queue sont entièrement noires, à l'exception de deux extérieures qui sont blanches ; les pieds sont verdâtres. George Camel a décrit, avec d’autres oiseaux des Philippines, une espèce de. calao qui paroît assez voisine de celle-ci, mais qui cependant n’est pas absolu- ment la même. Sa description a été com- muniquée à la société royale par Le doc- teur Petiver, et ensuite imprimée dans les Transactions philosophiques, n° 285, article IIL. On y voit que cet oiseau, nom- mé calao ou cagao par les Indiens, ne fréquente point les eaux, mais se tient sur les hauteurs et même sur les montagnes, vivant de fruits de baliti, qui est une espèce de figuier sauvage, ainsi que d’a- mandes, de pistaches, etc., qu'il avale tout entières. as «Il a, dit l’auteur, le ventre noir; Oiseaux, XIV, , | & NOR PS RRQ" Li 7h 38 HISTOIRE NATUREL. le croupion et le dos d’un cendré brun ; le cou et la tête roux; la tête petite et noire autour des yeux; les cils noirs et Jongs ; les yeux bleus ; le bec long de six à sept pouces, un peu courbé en bas, dentelé, diaphane et de couleur de ci- nabre , large d’un demi-pouce dans le milieu , élevé à l’origine de plus de deux pouces, et recouvert en dessus d’une espèce de casque long de six pouces et . large de près de deux. La langue est très- petite pour un aussi grand bec, n’ayant pas un pouce de long. Sa voix ressemble à un grognement , et plus au mugisse- _ ment d’un veau qu’au cri d’un oiseau. Les jambes avec les cuissessontjaunâtres, et longues de six à sept pouces; les pieds ont trois doigts en devant et un seul en arrière, écailleux , rougeâtres , et armés d'ongles noirs, solides et crochus ; la queue estcomposéede huit grandes pennes blanches, longues de quinze à dix-huit pouces ; les pennes des ailes sont Jaunes. Les Gentils révèrent cet oiseau, et ra content des fables de ses combats avec la grue, qu'ils nomment #ipul ou tikel =. { » ébé d PE TT, à Ld \ ve: Sal OMC PE OP AT EN DES CALAOS. 39 ils disent que c'est après ce combat que les grues ont été forcées de demeurer dans les térres humides , et que les calaos n’ont pas voulu les souffrir dans leurs mon- tagnes. » | Cette espèce de description me paroît prouver assez clairement que les calaos ne sont pas des oiseaux d’eau ou de ri- vage ; et comme les couleurs et quelques autres caractères sont différens des cou- leurs du calao des Philippines, décrit par M. Brisson , nous croyons qu’on doit au moins référer celui-ci comme une va- ricté de l’autre. - LE CALAO A CASQUE ROND *. Neuvième espèce. Novs n'avons de cet oiseau que le bec, et ce bec est pareil à celui qu'Edwards a donné ; et si nous jugeons de la gran- e A deur de l'oiseau par la grosseur de la tête . qui reste attachée à ce bec, ce calao doit F4 être l’un des plus grands et des plus forts de son genre. Le bec a six pouces de lon- gueur, des angles à la pointe ; il est pres- que droit, c’est-à-dire, sans courbure; il est aussi sans dentelures. Du milieu de la mandibule supérieure s'élève et s'étend jusque sur Pocciput, une loupe en forme de casque , haute de deux gouces , pres- que ronde , mais un peu comprimée par: les côtés. Cette éminence , en y joignant le bec, forme une hauteur verticale de * Voyez les planches enluminées , n° 933, « Cr Dune moi d'A SE D RS LÉ de à Loi PARA AU, CO PO Ce ROIS dt: SE AT) ABLE Ed rite ht RAS RE dd A 1% dr & DES CALAOS. ‘ quatre pouces sur huit de circonférence. Les couleurs flétries et brunies dans ce bec qui est au Cabinet, n'’offrent plus ce vermillon dont Edwards a peint le casque du bec qu'il représente. M. Brisson paroît s'ètre trompé lorsqu'il rapporte le bec marqué c, planche CCLXXXI d'Edwards, à son premier calao, page 568, dont le casque est au contraire applati, Aldrovande a donné une figure très- reconnoissable du bec de ce calao à casque rond , sous le nom de serzenda, oiseau des Indes, dont l’histoire, dit-il , est encore presque ioute fabuleuse. Ce bec, placé au cabinet du grand duc de Toscane , avoit été apporté de Damas... Le casque de ce bec étoit de forme ovale; il étoit blanc sur le devant , et rouge en arrière. Le bec , long d’un palme, étoit pointu et creusé en canal. En comparant cette des- cription à la figure, on reconnoît que ee bec est celui du calao à casque rond. 4 HISTOIRE NATURELLE LE CALAO RHINOCÉROS *. Dixième espèce. ; Qurroues auteurs ont confondu cet oiseau des Indes méridionales avec le 1/a- gopan de Pline, qui est le casoar con- nu des Grecs et des Romains , et qui se trouve en Barbarie et au Levant, à une très -grande distance des contrées où l’on: trouve celui-ci. L'oiseau rhinocéros, vu par Bontius dans l'ile de Java, est beaucoup plus grand que le corbeau d'Europe ; il le dit très-puant et très-laid, et voici la des- _cription qu'il en donne : k \ « Son plumage est tout noir , et son bec fort étrange ; car sur la partie supérieure * Voyez les planches enluminées, n° 934 DES CALAOS. 43 de ce bec s'élève une excroissance de subs- tance cornée, qui s'étend en avant et se recourbe ensuite vers lé haut en forme de corne, qui est prodigieuse par son volume, car elle a huit pouces de lon- gueur sur quatre de largeur à sa base. Cette corne est variée de rouge et de jaune , et comine divisée en deux par- ties par une ligne noire qui s'étend sur chacun de ses côtés , suivant sa longueur. Les ouvertures des narines sont situées au-dessous de cette excroissance , près de l’origine du bec. On le trouve à Sumatra, aux Philippines, et dans les autres parties : des climats chauds des Indes. » Bontius rapporte quelques faits au sujet de ces oiseaux : il dit qu'ils vivent de chair et de charogne; qu'ils suivent ordi- nairement les chasseurs de sangliers , de vaches sauvages, etc., pour manger la chair et les intestins de ces animaux, que ces chasseurs éventrent et coupent par quartiers pour emporter plus aisément ce gros gibier, et très-promptement; car s’ils le laissoient quelque temps sur la | 4 HISTOIRE NATURELLE place , les calaos ne manqueroient pas de venir tout dévorer. Cependant cet oi- seau ne chasse que les rats et les souris * et c’est par cette raison que les Indiens en élèvent quelques uns. Bontius dit qu’a- vant de manger une souris, le calao * l’applatit en la serrant dans son becpour # l’'amollir, et qu’il l’avale toute entière » en la jetant en l'air et la faisant retomber dans son large gosier : c’est, au reste, la seule façon de manger que lui permettent la structure de son bec et la petitesse de sa lângue, qui est cachée au fond du bee et presque dans la gorge. Telle est la mauière de vivre à laquelle l’a réduit la Nature en lui donnant un bec assez fort pour la proie , mais trop foible pour le combat , très-incommode pour l’usage, et dont tout l’appareil n’est qu’une exubérance difforme et-un poids inutile. Cet excès et ces défauts extérieurs | semblent influer sur les facultés inté- rieures de l’animal : ce calao est triste et sauvage ; il a l'aspect rude , l'attitude _pesante et comme fatiguée. Au reste, Bontius n’a donné qu’une figure peu 5. k d + , k z \ RE / N ‘DES CALAOS. 45 exacte de la tête et du bec; et ce bec représenté par Bontius est fort petit en comparaison de celui qui estau Cabinet* : mais comme il est de la même forme, ils appartiennent certainement tous deux à la même espèce d'oiseau. - * Voyez la planche enluminée. : LÉ MARTIN- PÊCHEUR, O U | L’'ALCYON#*. L nom de #2artin-pécheur vient de mar- tinet-pécheur, qui étoit l’ancienne déno- mination françoise de cet oiseau , dont le vol ressemble à celui de l'hirondelle-mar- tinet , lorsqu'elle file près de terre ou sur les eaux. Son nom ancien , a/cyon, étoit. bien plus noble, et on auroit dû le lui conserver ; car il n’y eut pas de nom plus l * Voyez les planches enluminées, n° 77. En latin, alcedo, alcyon (_Alcedo dicebatur ab antiquis pro halcyone. FESTUS. Tantêt on écrivoit alcyon sans aspiration, et d’autres fois avec l’as- piraion, älcyon) ; en laün moderne, ispida ; en italien, wccello pescatore , piombino , picupiolo , aoccello del paradiso , uccello della Madonna , pescatore del re; en “espagnol, arvela; en alle- mand, eiss-vogel, et suivant Schwenckfeld, swas+. ser heunlein et see schwalme; en icglale, king tiré NET V'N à JDaugut SP HISTOIRE NATURELLE. 47 célèbre chez les Grecs :ils appeloïent a/cyo- niens les jours de calme vers le solstice, où l’air et la mer sont tranquilles , Jours précieux aux navigateurs, durant les- quels les routes de la mer sont aussi sûres que celles de la terre; ces mêmes jours étoient aussi le temps donné à l’alcyon pour élever ses petits. L’imagination, toujours prête à enluminer de merveil- leux les beautés simples de la Nature, acheva d’altérer cette image en plaçant le nid de lalcyon sur la mer applanie : c’étoit Éole qui enchaïînoit les vents en faveur de ses petits-enfans; Æ/cyone, sa fille, plaintive et solitaire, sembioit en- core redemander aux flots son infortuné Céyx , que Neptune avoit fait périr, etc. fisher. Dans nos provinces, on lui donnees noms de péche-véron, merle d'eau, merle d’aigue, merlet bleu, et merlet-pécheret ; ailleurs, mais mal-à-propos, pivert bleu, pivert d’eau, tarta- rieu , par contraction de son chant; sur la Loire, vire-vent, dans l'idée que cet oïseau tourne au yent comme une girouetlte ; drapier el garde-bou- fique , parce qu’on croit qu’il préserve des teignes les éofics de lainc; en Provence ,\ Bleuet. "ti Lt - nn HD A Ed Le Le en CA 2 ’ . * Le AE , : » l bei ee CA 48 HISTOIRE NATURELLE Cette histoire mythologique de l'oiseau alcyon n’est, comme toute autre fable, que l’emblème de son histoire naturelle . et l’on peut s'étonner qu'Aldrovande ter- : mine sa longue discussion sur l’alcyon par conclure que cet oiseau n’est plus connu. La seule description d’Aristote pouvoit le lui faire reconnoître et lui _ démontrer que c’est le même oiseau que notre martin-pêcheur. « L'alcyon , dit ce « philosophe, n’est pas beaucoup plus « grand qu'un moineau ; son plumage « est peint de bleu, de verd , et relevé de « pourpre. Ces brillantes couleurs sont « unies et fondues dans leurs.reflets sur « tout le corps et sur les ailes et le cou. « Son bec jaunâtre* est long et pointu. » Il est également caractérisé par la com- paraison des habitudes naturelles. L’al- cyon étoit solitaire et triste; ce qui cou- vient au martin-pécheur, que l’on voit toujours seul, et dont le temps de la * J'ai tradpit le mot unéyawpoy, jaunâtre , d’a- près Sealiger , el non pas verdâtre , comme lavoit rendu Gaza; et 1l y a toute raison de croire que c’est la véritable interprétation, » n ‘nu '"s à 1 Fèl a bits 1 7 + Re TA "Qu NE 7 7 i DU MARTIN-PÈCHEUR. 49 pariade est fort court. Aristote, en faisant l'alcyon habitant des rivages de la mer, dit aussi qu'il remonte les rivières fort haut, et qu'il se tient sur leurs bords : or on ne peut douter que le martin-péclieur des rivières n'aime également à se tenir sur les rivages de la mer, où il trouve toutes les commodités nécessaires à son genre de vie, et nous en sommes assurés par des témoins oculaires. Cependant Klein le nie; mais il n’a parlé que de la mer Baltique, et il a très-mal connu le martin - pêcheur , comme nous aurons occasion de le remarquer. Au reste, lal- cyon ‘étoit peu commun en Grèce et en Italie : Chéréphon, dans Lucien, admire son chant comme tout nouveau pour lui. Aristote et Pline disent que les appa- ritions de laleyon étoient rares, fugi- tives, et qu’on le voyoit voler d’un trait rapide alentour des navires, puis rentrer dans son petit antre du rivage : tout cela convient parfaitementau martin-pêcheur, qui n’est nulle part bien conimun, et qui se montre rarement. On recounoît ésalement notre martin- 5 ns dd di nt, 50 HISTOIRE NATURELLE pêcheur dans la manière de pêcher de l’alcyon , que Lycophron appelle Ze plon- geur, et qui, dit Oppien, se jerte et se plonge dans la mer en tombant. C’est de cette habitude de tomber à plomb dans l'eau que les Italiens ont nommé cet oi- seau piombino ( petit plomb). Ainsi tous les caractères extérieurs et toutes les habi- tudes naturelles de notre martin-pêcheur conviennent à l’alcyon décrit par Aris- tote. Les pics faisoient flotter le nid de l’alcyon sur la mer : les naturalistes ont reconnu qu'il ne fait point de nid, et qu'il dépose ses œufs dans des trous Vs zontaux de la rive des fleuves ou du ri- vage de la mer. uk temps des amours de l’alcyon , et les jours alcyoniens placés près du solstice, sont le seul point qui ne se rapporte pas exactement à ce que nous connoissons du martin-pêcheur , quoiqu’on le voie s'apparier de très-bonne heure et avant l’'équinoxe : mais , indépendamment de ce que la fable péit avoir a;outé à l’his- toire des alcyons pour lebballié il est possible que , sous un climat plus cuil 4 } V ISDU MARTIN-PÉCHEUR Se les amours des martin - pêcheurs com- mencent éncore plutôt; d’ailleurs il y avoit différentes opinions sur la saison des jours alcyoniens. Aristote dit que, dans les mers de Grèce, ces jours alcyo- niens n’étoient pas toujours voisins de ceux du solstice, mais que cela étoit plus constant pour la mer de Sicile. Les an- ciens ne convenoient pas non plus du nombre de ces Jours, et Columelle les place aux kalendes de mars, temps au- quel notre martin-pêcheur commence à faire son nid. a AT Aristote ne parle distinctement que d’une seule espèce d’alcyon, et ce n'est que sur un passage équivoque et vrai- . semblablement corrompu, et où, sui- vant la correction de Gesner , il s’agit de deux espèces d’hirondelles , que les naturalistes en ont fait deux d’alcyons ; une petite qui a de la voix, et une grande qui est muette : sur quoi Belon, pour trouver ces deux espèces , a fait de la rousserole son alcyon vocal, en même temps qu'il nomme a/cyon muet le martin- pêcheur, quoiqu'il ne soit rien moins que muet, Æ * plus grande obscurité. Klein, qui le re- -%: HISTOIRE NATURELLE - Ces discussions critiques nous ont pai nécessaires, dans un sujet que la plu-. ” part des naturalistes ont laissé dans la : marque, en augmente encore Ja confu- 2 4 D 0] , LÉ. V4 er | * sion, en attribuant au martin-pécheur 4 deux doigts en avant et deux en arrière; 4 il s'appuie de l’autorité de Schwenckfeld, \ qui est tombé dans la mêine erreur, et … d'une figure fautive de Bélon , que néan- moins ce naturaliste a corrigée lui-même, en décrivant très-bien la forme du pied de cet oiseau, qui est singulière’: des trois # doigts antérieurs, l'extérieur est étroite- … ment uni à celui du milieu jusqu'à la troisième articulation , de manière à pa- w roûre ne faire qu’un seul doigt ce qui î forme en-dessous une plante de pied large et applatie: le doigt intérieur ést très- court et plus que celui de derrière; les » pieds sont aussi très-courts; la tête est grosse; le bec long , épais à sa base, et filé droit en pointe, laquelle est générale- M ment courte dans les espèces dece genre. C'est le plus bel oiseau de nos climats, _et il n'y en a aucun en Europe qu'on |: Du MARTIN-PÈCHEUR. 53 puisse comparer au martin-pêcheur pour | la netteté, la richesse et l'éclat des cou- “re elles onitrles: nuances de l’arc-en- x , le brillant de lémail, le lustre de %: a tout le milieu du ‘abs , avec Île . dessus de la queue , est d’un bleu clair je et brillant, qui, aux raÿons du soleil , a le jeu du saphir et l'œil de la turquoise ; le verd se méle sur les aïles au bleu, et Ja plupart: des plumes y sont testées et ponctuées par une teinte d’aigue-ma- rine ; la tête et le dessus du cou, sont |pointillés. de même de taches plus claires -sur un fond d’azur. Gesner compare le Jaune rouge ardent qui colore la poi- trine , au rouge enflammé d’un charbon. Fo ssible que le martin-pêcheur se soit | échappé de ces climats où le soleil verse ‘avec les flots d’une lumière plus pure _ tous les trésors des plus riches couleurs *. Et en effet, si l'espèce de notre martin- pêcheur n'appartient pas précisément aux climats de l’orient et du midi, le genre entier de ces beaux oiseaux en est * Le martin- pêcheur porte le nom d’ eroore e dans l langue des îles de la Société. “ | .". à LÉ 54 HISTOIRE NATURELLE originaire ; Car, pour une seule"es = que nous avons en Europe, l'Afrique e l'Asie nous en. offrent plus. de vingt, et nous en connoissons éncore huit autres espèces dans les climats chauds de l’Amé- rique. Celle de l'Europe est même répan- . due en Asie et en Afrique ; plusieurs martin-pêcheurs envoyés de la Chine et d'Égypte se sont trouvés les mêmes que le nôtre, et Belon dit l'avoir reconnu dans la Grèce et la Thrace. Cet oiseau, quoiqu'originaire de A 1 mats plus ol s’est habitué à la tem- ‘ pérature et même au froid du nôtre ; om le voit en hiver, le long des ruisseaux, plonger sous la glace, et. en sortir: en rapportant sa proie : c’est par cette raison . que les Allemands l'ont appelé eisz-vogel, oiseau de la glaces et Belon se trompe en disant qu'il ne fait que passer dans nos contrées, puisqu'il y reste dans le temps de la gelée. , Son vol est rapide et filé ; il suit ordi- nairement les contours des ruisseaux en rasant la surface de l’eau. Il crie en volant 4t, Ki, ki, ki, d’une voix percante et qui L] ns Soi RENE (ae, D : dés À LATE OT EE EP LME TRE | ET PET Oui se ss MM? DAT PA PU AE Pa. sé DU MARTIN-PÉCHEUR. 55 fait retentir les rivages ; il a , dans le printemps , un autre chant, qu'on ne laisse pas d’entendre malgré le murmure des flots et le bruit des cascades *. Il est très-sauvage et part de loin; il se tient sur une branche avancée au-dessus de l'eau pour pêcher ;-il y reste immobile, et épie souyent deux heures entières le moment du passage d'un petit poisson ; il fond sur cette proie en se laissant tomber dans l’eau', où il reste plusieurs secondes; il en sort avec le poisson au bec, qu'il porte ensuite sur la terre, contre laquelle il le bat pour le tuer, avant de l’avaler. Au défaut de branches avancées sur l'eau , le martin-pêcheur se pose sur quel- que pierre voisine du rivage , ou même sur le gravier ; mais au moment qu'il -appercoit un petit poisson, il fait un bond de douze ou quinze pieds, et se laisse * Le nom d’éspida , suivant l’auteur De natura rerum , dans Gesner, est formé du cri de l'oiseau. Apparemment du premier on a voulu imiter le second dans ke nom de fartarieu, que l’on donne aussi au martin-pêcheur, NORME { 4e Yu à OO SU CE à 5 és à { | 56 HISTOIRE NATURELLE tomber à plomb de cette hauteur. Sou= vent aussi on le voit s'arrêter dans son vol rapide, demeurer immobile et se soute- nir au même lieu pendant plusieurs se- condes; c’est son manége d'hiver, lors- ? à 4 } À queles eaux troubles ou les glaces épaisses le forcent de quitter les rivières, et le … réduisent aux petits ruisseaux d’eauwvive: à chaque pause , il reste comme suspendu à la hauteur de quinze ou vingt pieds; et lorsqu'il veut changer de place , il se rabaïsse et ne vole pas à plus d’un pied de hauteur sur l’eau; il se relève ensuite et s'arrête de nouveau. Cet exercice réi- téré et presque continuel démontre que cet oiseau plonge pour de bien petits ob- Jets, poissons ou insectes, et souvent en vain; car il parcourt a cette manière des Héros de chemin. de Il niche au bord des rivières et des ruis- seaux , dans des trous creusés par les rats d’eau ou par les écrevisses, qu'il appro- fondit lui-méme, et dont il maçonne et rétrécit LAN Unes : on y trouve de pe- tites arêtes de poisson, des écailles sur de la poussière, sans forme de nid; et DU MARTIN-PÉCHEUR. 57 e’est sur cette poussière que nous avons vu ses œufs déposés, sans remarquer ces petites pelotes dont Belon dit qu'il pétrit son nid, et sans trouver à ce nid la figure que lui donne Aristote , en le comparant, pour ka forme , à une cucurbite , et pour la matière et la texture, à ces barils de mer ou pelotes de flatioié entrelacés, qui se coupent difficilement, mais qui desséchées deviennent friables. IF en est de même des Zalcyonium de Pline, dont ik fait quatre espèces , et que Huclédés uns ont donnés pour des nids d’alcyon, mais qui ne sont autre chose que différentes pelotes de mér ou des holothuries qui n'ont aucun rapport avec des nids d’oi- seau : et quant à ces nids fameux du Tunquin ét de Ia Cochinchine que l’on mange avec délices, et que l’on a aussi. nommés nids d’alcyon, nous avons dé- montré qu'ils sont l’ouvrage de l’hiron- delle salangane. : Les martin -pêcheurs commentent à fréquenter leur trou dès le mois de mars : on voit dans ce temps le mâle poursuivre vivement la femelle. Lesanciens croyoient M | W Lé 4 ue +. es TU NO QT UT EP en 58 HISTOIRE NATURELLE les alcyons bien ardens, puisqu'ils ont dit que le mâle meurt dans l’accouple* ment ; et Aristote prétend qu'il entre en amour dès l’âge de quatre mois. Au reste, l'espèce de notre martin- pêcheur n’est pas nombreuse , quoique ces oiseaux produisent six , sept et Jus- qu’à neuf petits , selon Gesner : mais le: genre de vie auquel ils sont assujettis les fait souvent périr, et ce n’est pas tou- jours impunément qu'ils bravent la ri- gueur de nos hivers ; on en trouve de morts sur la glace. Olina donne la ma- nière de les prendre, à la pointe du jour ou à la nuit tombante, avec un trébu-, chet tendu au bord si l’eau ; il ajoute qu'ils vivent quatre ou cinq ans. On $ait seulement qu’on peut les nourrir pendairt quelque temps dans les chambres où l’on place des bassins d’eau remplis de petits poissons. M. Daubenton, de l'académie des sciences, en a nourri quelques uns pendant plusieurs mois, en leur donnant tous les Jours de potits poissons frais : c'est la seule nourriture qui leur con- vienne ; car de quatre maïrtin-pêcheurs DU MARTIN-PÉCHEUR. fg qu'on m apporta le 21 août 1778 », et qui étoient aussi grands que père et mère, quoique pris dans le nid, qui étoit un trou sur le bord de la rivière, deux refusèrent constamment Îles mouches , les fourmis, les vers de terre, la pâtée, Île fromage , et périrent d’inanition au bout de deux jours ; les deux autres, qui man- gèrent un peu de fromage et quelques vers de terre , ne vécurent que six Jours. Au reste, Gesner observe que le martin- pêcheur ne peut se priver , et qu'il de- mere toujours également sauvage. Sa chair a une odeur de faux muse, et n’est pas bonne à manger ; sa graisse est rou- geâtre ; il a le ventricule spacieux et large comme les oiseaux de proie; et comme eux il rend par le bec les restes indigestes de ce qu'il a avalé, écailles et arêtes rou- lées en petites boules. Ce viscère est placé fort bas ; l’œsophage est par conséquent très-long: La langue est courte , de cou- leur rouge ou jaune , comme le dedans et le fond du bec * * On m’apporta, dit M. de Montbeillard, le ” €0 HISTOIRE NATURELLE + , VER D add du dl Il est singulier qu’un oiseau qui vole. avec tant de vitesse ct de continuité, n ait. juillet 1771, cinq petits martiv-pêchenrs (Gilyen avoit sept dans le nid sur le bord d’un ruisseau) ; ils maugèrent des vers de terre qu’on leur présenta, ? Dans ces jeunes martin-pêcheurs, le doigt extérieur M étoit tellement uni à celui du milieu jusqu’à la der mière articulation, qu'il en résultoit l'apparence d’un doigt fourchu Part que celle de deux doigts | distincts ; le tarse étoit fort court ; la tête étoit. rayée AT de noir et de “ie verdâtre ; il y avoit deux taches de feu, l’une sur les yeux « en avant, l’autre plus longue sous les yeux, et qui, se prolongeant en arrière, devient blanche ; au bas du cou, près du dos, le bleu devient plus domi- nant, et une bande ondoyante de bleu, mêlée d’un peu de noir, parcourt la longueur du corps, el s’étend jusqu’à l'extrémité des couvertures de Ja queue où le bleu devient plus vif; les douze penñces de Ja queue Ctoient d’un bleu rembrumi ; les vingt- deux pennes des ailes étoient chacune moitié ei el moitié bleu rembruni , selon leur longueur; leurs couvertures brunes pointillées de bleu; la gorge blanchätre ; la poitrine rousse, ombrée de bruns. le ventre blanchâtre ; le dessous de la queue d’un roux presque aurore; le bec avoit dix-sept ligues ; la langue éicit très-courte, large et pointue; le veutricule fort ample. (Observation communiquee par M, de Monibeillard.) Lu sm ÉRR N | 7 haie 24 L'uu A 1 PA PRE EN UE TRUE 2 à Gr. 21, CAPE, ANS, POS de x « «+ € “ + DU MARTIN-PÉCHEUR. ét pas les ailes amples : elles sont au cou- traire fort petites à proportion de sa gros- seur, d’où l’on peut juger de la force des muscles qui les meuvent;car iln'y a peut- être point d'oiseau qui ait les mouve- mens aussi prompts et le vol aussi rapide: il part commé un trait d’arbalète; s’il laisse tomber un poisson de la branche où 1l s’est perché, souvent il reprend sa proie avant qu’elle ait touché terre. Comme il ne se pose guère que sur des branches sèches , on a dit qu'il faisoit sé- cher le bois sur lequel il s'arrête. On donne à cet oiseau desséché la pro- priété de conserver les draps et autres étoffes de laine , et d’éloigner les teignes, Les marchands le suspendent à cet effet dans leurs magasins *. Son odeur de faux musC pourroit peut-être écarter ces in- sectes , mais pas plus que toute autre odeur pénétrante. Comme son corps se dessèche aisément , on a dit que sa chair * D'où lui vient le vieux nom d’artre ou atre que lui donne encore Belon, et qui siguibe teigne = comme par antiphrase , oiseau teigne, et ceux de drapier et de garde-boutique. 6 62 HISTOIRE NATURELLE. n'étoit jamais attaquée de corruption; et ces vertus, quoiqu'imaginaires , le cèdent encore aux merveilles qu’en ont racontées quelques auteurs en recucillant les idées superstitieuses des anciens sur l’alcyon : il a , disent-ils, la propriété de repousser la foire j ile de faire augmenter un trésor enfoui, et » quétque mort , de renou- veler son Dlutiige à chaque saison de mue. Il communique , dit Kirannides, à qui le porte avec soi, la grace et la beauté; il donne la paix à la maison, le calme en ner, attire les poissons et rend la pêche æbondante sur toutes les eaux. Ces fables flattent la crédulité : mais malheureusc- ment ce ne sont que des fables * * Ce qu’il y a de singulier, c’est qu'on les re- trouve jusque chez les Tartares et dans la Sibérie. LES MARTIN-PÉCHEURS ETRANGERS. Couwr le nombre des espèces étran- gères est ici très-considérable , et que toutesse trouvent daus les climats chauds, on doit regarder celle de notre martin- pêcheur comme échappée de cette grande famille, puisqu'elle est seule, et mème sans variété, dans nos contrées. Pour mettre de l’ordre dans l’énumération de cette multitude d’espèces étrangères, nous séparerons d’abord tous les maxtin- pécheurs de l’ancien continent, de ceux de l'Amérique, et ensuite nous indique- rons les uns et les autres par ordre de grandeur , en commençant par ceux qui sont plus grands que notre martin-pc- cheur d'Europe, et continuant par ceux qui lui sont égaux en sé ds ou qui. sont plus petits. | 64 HISTOIRE NATURELLE - : GRANDS MARTIN-PÉCHEURS DE L'ANCIEN CONTINENT. LE PLUS GRAND MARTIN-PÉCHEUR *. * Fremnière espèce. Crr oiseau , le plus grand de son genre, se trouve à la nouvelle Guinée ; il est long de seize pouces , et gros comme un choucas. Tout son plumage, excepté la queue , paroît lavé de bistre , bruni sur le dos et sur l'aile, plus clair et légè- rement traversé de petites ondes noirâtres sur tout le devant du corps et autour du * Voyez les planches enluminées, n° 663, sous la dénomination de grand martin-pécheur de le nouvelle Guinée. A DES OISEAUX ÉTRANGERS. 65 cou , sur un fond plus blanc; les plumes . du sommet de la tête sont, ainsi qu'un large trait sous l’œit, du bistre brun du dos ; la queue, d’un fauve roux traversé d'ondes noires, est blanche à l'extrémité; - le demi-bec inférieur est orangé , le supé- rieur noir et légèrement fléchi à la pointe, trait par lequel cet oiseau paroît sortir et s'éloigner un peu du genre des martin- pêcheurs , auquel d’ailleurs 1l appartient par tous les autres caractères. ‘ 66 HISTOIRE NATURELLE LL # 2 # LE MARTIN-PÊCHEUR BLEU ET ROUX #*. Seconde espèce. lca un peu plus de neuf pouces de longueur, et son bec, qui est rouge, en a deux et demi. Toute la tête, le cou et le dessous du corps sont d’un beau roux brun ; la queue , le dos et la moitié des . ailes sont d’un bleu changeant, selon les aspects , en bleu de ciel et en bleu d’ai- gue-marine ; la pointe des ailes et les épaules sont noires. Cette espèce.se trouve à Madagascar; on la voit aussi en Afrique, sur la rivière de Gambie, selon Edwards. Un martin-pêcheur de la côte de Mala- bar, donné dans nos planches enluminées, | * Voyez les planches enluminées, n° 232, sous Ja dénomination de grand martin-pêcheur de Ma- dagascar. e cl 108 lotte le PPT, QUAD EUR US LS GS D RE A du dns din PE ui 2 DES OISEAUX ÉTRANGERS 67 n° 894, et qui est la quatorzième espèce de M. Brisson, ressemble en tout à celui- ci, excepté que sa gorge est blanche; dif- férence qui peut bien n'être que celle de deux individus mâle et femelle dans la même espèce : au moyen de quoi celle-ci se trouveroit, suivant la parallèle de l’é- quateur, dans toute l'étendue du conti- nent ; elle s’y trouveroit même sur une très-grande largeur , si, comme il nous paroît, le martin-pêcheur de Smyrne, d'Albin , dont M. Brisson fait sa treizième espèce, est encore le même oiseau que celui-ci. PE 63 HISTOIRE NATURELLE LE MARTIN-PÊCHEUR. CRABIER *. Troisième espèce. Cr martin-pècheur nous est venu du Sénégal sous le nom de crabier. Il y a ap- parence qu'il se trouve également aux îles du cap Verd, et que c’est à lui que se rapporte la notice suivante, donnée par M. Forster dans le second Voyage du capitaine Cook. « L'oiseau le plus remar- « quable que nous vimes aux îles du cap « Verd, est une espèce de martin-pêcheur, « qui se nourrit de gros crabes de terre «rouges et bleus, dont sont remplis les « trous de ce sol sec et brülé ». Ce martin- pêcheur a la queue et tout le dos d’un. bleu d’aigue-marine : ce bleu peint en= “ Voyez les planches enluminées, n° 334. Fm | LA DES OISEAUX ÉTRANGERS. Gg core le bord extérieur des pennes grandes et moyennes de l’aile: mais leurs pointes sant noires, et une large plaque de cette couleur couvre toute la partie la plus voisine du corps, et marque sur l'aile comme le dessin d’une seconde aile: tout le dessous du corps est fauve clair; un trait noir s'étend derrière l'œil; le bec et les pieds sont couleur de rouille foncée. La longueur de cet oiseau est d’un pied. AR dt | 4 Citer PE LA | br \ de di ne ji à no HISTOIRE NATURELLE LE MARTIN- PÊCHEUR A GROS BEC *. Quatrième espèce. Lx bec des martin-p@h eurs est généra- lement grand et fort : celui-ci l’a plus épais encore, et plus fort à proportion qu'aucun autre. L'oiseau entier a qua- torze pouces ; le bec seul en a plus de trois, et onze lignes d'épaisseur à sa base. La tête est coiffée de gris clair; le dos est verd d’eau ; les ailes sont d’un bleu d’ai- | gue-marine ; la queue est du même verd que le dos, cle est doublée de gris; tout _ le dessous du corps est d'un fauve terne et foible ; le gros bec de ce martin-pêcheur est d’un rouge de cire d'Espagne. * Voyez les planches enluminées, n° 590, sous | la dénomination de martin-pécheur du cap de Bonne-Ésvérance. Li: DES OISEAUX ÉTRAX GERS, 7 \ LE MARTIN-PÊCHEUR PIE *. Cinquième espèce. Ls blanc et le noir mêlés et coupés dans tout le plumage de cet oiseau sont repré- sentés par le nom que nous lui donnons de 1artin-pécheur pie. Le dos est à fond noir nué de blanc ; 1l y a une zone noire sur la poitrine ; tout le devant du cou jusque sous le bec est blanc; les pennes de l’aile, noires du côté extérieur , sont en dedans tranchées de blanc et de noir, frangées de blanc; le haut de la tête et la huppe sont noires; le bec et les pieds le sont aussi, La longueur totale dé l'oiseau est de près de huit pouces. Ce martin-pêcheur est venu du cap dé Bonne-Espérance : en lui comparant un * Voyez les planches enluminées, n° 716, sous la dénominauon de mnartin-pécheur huppé du cap de Bonne-Espérance. (46 a, fa HISTOIRE NATURELLE autre envoyé du Sénégal, et donné n° 62 des planches enluminées , nous n’ayons pu nous empêcher de les regarder comme- étant de la même espèce, les différences que pourroient offrir les deux figures ne se trouvant point telles entre les deux oiseaux eux-mêmes. Par exemple, le noir dans la planche 62 n’est pas assez fort ni assez psofond ; les plumes de la tête , qui sont représentées couchées, ne sont pas moins susceptibles de se rehnèd er huppe: la différence la plus notable, maïs qui n’est rien moins que spécifique, est . que celui du Sénégal a dans son plumage plus de blanc, et celui du cap un peu plus de noir. M. Edwards a donné un de ces: oiseaux qui venoit de Perse; mais sa figure est assez défectueuse, et la distri- bution des couleurs n’y est nullement rendue. Il déclare que cet oiseau avoit été envoyé dans lPesprit-de-vin , et re marque lui-même combien les couleurs sont affoiblies et brouillées dans les Oi-. seaux qui Ont séjourné dans cette hHiqueur. Mais il n’y a nulle apparence que le mar- tin pêcheur blanc et noir de la Jamaïque,’ À 4 k + \ 1 da À 4 DES OISEAUX ÉTRANGERS: À dqu'’indique Sloane, et dont il donne une figure , sur la vérité de laquelle on ne peut guère compter, soit de la même éspèce que celui du Sénégal où du cap de Bonne-Espérance, quoique M. Brisson ne fasse aucune difficulté de les mettre * ensemble : un oiseau de vol court et rasant les rivages ne peut avoir fourni la tra- versée du vaste Océan atlantique; et ia Nature, si variée dans ses ouvrages, ne paroît avoir répété aucune de ses formes dans l'autre continent , mais les avoir faites sur des modèles tout neufs quand elle n’a pu le peupler du fonds de ses an- ciennes productions. C’est apparemment aussi une espèce indigène et entièrement propre aux terres où elle s’est trouvée , que celle des martin-pêcheurs qu’on a vus dans ces îles perdues au milieu des mers du Sud, et reconnues par les der- niers navigateurs. M. Forster, dans le se- cond voyage autour du monde du capi- taine Cook, les a trouvés à Taïti, à Hua- heine , à Uliétéa , îles éloignées de quinze cents lieues de tous les continens. Ces martiu-pêcheurs sont d’un verd soimbre Oiseaux. XIV. j, “hi: das ri D * 4 ur) f x , L ut. ds ( 4 HISTOIRE NATURELLE avétte collier de la même couleur sur un cou blanc. Il paroît que quelques uns.de : ces insulaires les regardent avec supersti- tion; et l’on diroit qu’on s’est rencontré | d'un bout du monde à l’autre pour ima- giner aux oiseaux de la famille des al- cyons quelques propriétés merveilleuses. | | DES OISEAUX ÉTRANGERS. 75 % } LE MARTIN-PÉCHEUR HUPPÉ *. Sixième espèce. C: martin-pécheur a seize pouces de longueur ; il est un des plus grands. Son plumage est richement émaillé, quoiqu'il n'ait pas de couleurs éclatantes : il est tout parsemé de gouttes blanches, Jetées par lignes transversales sur un fond gris noi- râtre, du dos à la queue; la gorge est blanche avec des traits noirâtres sur les côtés ; la poitrine est émaillée de ces deux mêmes couleurs et de roux ; le ventre est blanc ; les flancs et les couvertures du dessous de la queue sont de couieur rousse. L’échelle a été omise dans la planche enluminée de cet oiseau, et il faut se le figurer d’un tiers plus gros et plus grand qu'il n’y est représenté. - M. Sonnerat donne une espèce de mar- * Voyez les planches enluminées, n° 679. * HISTOIRE NATURELLE tin- pêcheur de la nouvelle Guinée, page AA qui a beaucoup de rapport avec ce- lui-ci par la taille et une partie des cow- leurs. Nous ne prononcerons pas cepen- ! dant sur l'identité de leurs espèces , et nous ne ferons qu'indiquer cette dernière, la figure qui est jointe à sa notice ne nous paroissant pas assez distincte. | DES OISEAUX ÉTRANGERS. 57. LE MARTIN-PÉÊCHEUR A COIFFE NOIRE *. Septième espèce. Cr martin-pêcheur est un des plus beaux : du bleu violet moelleux et satiné eouvre le dos, la queue et la moitié des ailes ; leurs pointes et les épaules sont noires ; le ventre est roux clair; un plas- tron blanc marque la poitrine et la gorge, et fait le tour du cou près du dos ; la tête porte une ample coiffe noire; un grand bec rouge brillant achève de relever les belles couleurs dont cet oiseau est paré. Il a dix pouces de longueur ; il se trouve à la Chine ; et nous regardons comme une espèce très-voisine de celle-ci, ou comme uue simple variété , le grand martin.pe- cheur de l’île de Luçon, donné par M.Son- nerat dans son 7’oyage à la nouvelle Gui- suce, page 65. wir = * Voyez les planches enluminées, n° 673, sous le nom de martin-pécheur de la Chine. z 78 HISTOIRE NATURELLE LE MARTIN-PÊCHEUR * A 'T'ÉMMNE VAE TEE . Huilième espèce. UÙ xs calotte verte, garnie alentour d’uw bord noir, couvre la tête de ce martin- pêcheur; son dos est du même verd, qui se fond sur les ailes et la queue en bleu d’aigue-marine; le cou, la gorge et tout le devant du cou sont blancs; le bec, les pieds et le dessous de la queue sont noi- râtres. IL a neuf pouces de longueur. Cet oiseau , dont l'espèce paroît nouvelle, est donné, dans la planche enluminée, comme étant du cap de Bonne-Espérance : mais nous en trouvons une notice dans les papiers de M. Commerson, qui l'a vu et décrit dans l’île de Bouro, voisine d’ Am boine, et l’une des Moluques. | 1 4 * Voyez les planches enluminées, n° 763. 1, DES OISEAUX ÉTRANGERS. LE MARTIN-PÉÊÉCHEUR A TÊTE ET COU COULEUR DE PAILLE*. Neuvième espèce. Cr martin-pêcheur , dont l’espèce est nouvelle , a les ailes et la queue d’un bleu turquin foncé ; les grandes pennes des premières sont brunes , frangées de bleu ; le dos bleu d’aigue-marine ; le cou, le devant et le dessous du corps blancs, teints de Jaune paille ou ventre de biche ; de petits pinceaux noirs sont tracés sur le fond blanc du sommet de la tête; le bec est rouge, et a près de trois pouces de longueur. La grandeur totale de l'oiseau est d’un pied. C’est à une espèce sem- blable , quoiqu'un peu plus petite, que paroît se rapporter la notice d’un martin- * Voyez les planches enluminées, n°757, sous . _ le nom de martin-pécheur de Java, " &o HISTOIRE NATURELEE pêcheur de Célèbes, donnée par les voya- | geurs, mais apparemment un peu em- bellie par leur imagination. « Cet oiseau , « disent-ils , se nourrit d’un petit poisson «qu'il va guetter sur la rivière. Il voltige «en tournoyant à fleur d’eau , jusqu’à ce « que le poisson, qui est fort léger , saute. < en l’air, et semble prendre le dessus pour. « fondre sur son ennemi : mais l'oiseau a « toujours l'adresse de le prévenir; il l’en- « lève deson becetl’emporte dansson nid, « où il s’en nourrit un jour ou deux. pen- J : FU « dant lesquels son unique occupation est « de chanter... Il n’a guère que la gros- «seur d’une alouette. Son bec est rouge; « le plumage de sa tête et celui de son dos «sont tout-à-fait verds; celui du ventre «tire sur le jaune; et sa queue est du « plus beau bleu du monde... Cet ot- « seau merveilleux se noinme ze7-rou- « joulon *, » * Histoire générale des voyages, tome X,, | page 459. ; , # & k + * " : dE ee DES OISEAUX ÈTRANGERS 8 LE MARTIN-PÉCHEUR A COLLIER BLANC, Dixième espèce. M. Sonnerat nous a fait connoître cette espèce de martin-pêcheur *. Il est un peu moins grand qu'un merle. Sa tête, son dos, ses aïles et sa queue, sont d’un bleu nuancé de verd ; tout le dessous du corps est blanc, et une bandelette blanche passe autour du cou. Il a trouvé cette espèce aux Philippines; et nous avons lieu de croire qu'elle se voit aussi à la Chine. L'oiseau que M. Brisson n'indique que d’après un dessin, sous le nom de #artin- pécheur à collier des Indes, et qu’il dit être beaucoup plus gros que notre martiu- pêcheur d'Europe , pourroit bien être une variété dans cette dixième espèce. # Voyage à la nouvelle Guinée, page 67: LE & 82 HISTOIRE NATURELLE À LES MARTIN-PÉCHEURS" DE MOYENNE GRANDEUR DE L'ANCIEN CONTINENT, . LE BABOUCAR D. Première espèce rnoyenne. Lir nom du martin-pêcheur au Sénégal}, en langue Jalofe , est baboucard. Les es- pèces en sont multipliées sur le grand fleuve de cette contrée , et toutes sont peintes des couleurs les plus variées et les plus vives. Nous appliquons le nom générique de baboucard à celui dont M. Brisson a fait sa septième espèce, et qui a tant de ressemblance avec le martim- - pêcheur d'Europe, qu’on peut croire que Jcurs espèces sont très-voisines ; ou peut- " DES OISEAUX ÉTRANGERS. 83 être n’en fontqu'une, puisque nous ayons déja remarqué que cet oiseau, comme un étranger égaré dans nos climats , est réellement originaire des climats plus chauds , auxquels son genre entier ap- partient. &4 HISTOIRE NATURELLE LE MARTIN-PÉCHEUR vert | 1 BLEU ET NOIR DU SÉNÉGAL* Seconde espèce moyenne. Cr LUI-CI paroît un peu plus gros que notre martin-pêcheur, quoique sa lon- gueur ne soit guère que de sept pouces. La queue , le dos, les pennes moyennes de l’aile, sont d’un bleu foncé; le reste de l’aile , couvertures et grandes pennes, est noir ; le dessous du corps est fauve roux Jusque vers la gorge, qui est blan-. che, ombrée de bleuâtre ; cette teinte un peu plus forte couvre le dessus de la tête et du cou; le bec est roux, et les pieds sont rougeâtres. * Voyez les planches enluminées, n° 356. à F ( DES OISEAUX ÉTRANGERS. 6% LE MARTIN-PÉCHEUR A TÊTE GRISE"*. Troisième espèce moyenne. pu Cr martin - pêcheur est entre la grande taille et la moyenne ; il est à peu près de la grosseur de la petite grive , et sa lon- gueur est de huit pouces et demi. Il a la tête et le cou enveloppés de gris brun, plus clair et blanchissant sur la gorge et le devant du cou ; le dessous du corps est blanc ; tout le manteau est bleu d’aigue- marine, à l'exception d’une grande bande noire étendue sur lescouvertures de laile, et une autre quise marque sur les grandes pennes. La mandibule supérieure du bec est rouge ; l’inférieure est noire. * Voyez les planches enluminées, n° 594, sous la dénomination de martin-pécheur à tête grise du Sénégal. | OÙ nn! ' ri 66 HISTOIRE N ATURELLE LE MARTIN-PÉCHEUR A FRONT JAUNE. _ Quatrième espèce moyenne. Ars a donné cet oiseau. Ilest , dit-il, de la grandeur du martin-pêcheur d’An- gleterre. Si l'on peut se confier davan- tage aux descriptions de cet auteur qu’à ses peintures , cette espèce se distingue des autres par le beau jaune qui teint tout le dessous du corps et le front; une tache noire part du bec et entoure les yeux ; derrière la tête est une bande de bleu sombre, et ensuite un trait de blanc; la gorge est blanche aussi; le dos bleu foncé ; le croupion et la queue sont d’un rouge terne ; les ailes d’un gris-de-fer obs- eur. DES OISEAUX ÉTRANGERS. 83 LE MARTIN-PÉCHEUR ‘A LONGS BRINS *. Cinquième espèce moyenne. C ETTE espèce est très-remarquable dans son genre par un caractère qui n’appar- tient qu'à elle : les deux plumes du mi- lieu de la queue se prolongent et s’effilent en deux longs brins , qui n’ont qu'une tige nue sur trois pouces de longueur , et reprennent à l'extrémité une petite barbe de plume. Du bleu turquin moel- leux et foncé, du brun noir et velouté, couvrent et coupent par quatre grandes | taches le manteau : le noir occupe le haut du dos et la pointe des ailes ; le gros bleu leur milieu , le dessus du cou et la tête : tout le dessous du corps et la queue = * Voyez les planches enluminées, n° 116, sous la dénomination de martin-pécheur de T'ernate. 88 HISTOIRE NATURELLE sont d’un blanc foiblement teint d’un rouge léger ; le bec et les pieds sont oran- gés ; sur chacune des deux plumes du mi- | lieu de la queue est une tache bleue, et les longs brins sont de cette même és leur. Seba nomme cet oiseau, à cause de * sa beauté , zymphe de Ternate; il ajoute que les plumes de la queue sent, dans le mâle , d’un tiers plus longues que dans la femelle. ET ES DÉS OISEAUX ÉTRANGERS y PETITS MARTIN-PÉCHEURS © DE'L’'ANCIEN CONTINENT. MARTIN-PÉCHEUR A TÉTE BLEUE *. Première petite espèce. 1P y a des martin - pêcheurs aussi petits que le roitelet, ou , pour les comparer à un petit genre plus voisin d'eux et qui n’en diffère que par le bec applati , aussi petits que des todiers. Celui qui est donné dans la planche enluminée , n° 356, sans numéro de figure et comme venant du Sénégal, est de ce nombre : 1l n’a guère * Voyez les planches enluminées, n° 356, petite figure, sous la dénomination de petit martin-pé- cheur du Sénégal. Des] ÿs HISTOIRE NATURELLE M que quatre pouces de longueur. Il est d’un beau roux sur tout le corps , en des- sous et jusque sous l'œil; la gorge [est blanche ; le dos est d’un beat bleu d’ou- tremer ; l’aile est du même bleu, à l’ex- ception des grandes pennes, qui sont noi- râtres ; le sommet de la tête est d’un bleu vif, chargé de petites ondes d’un bleu plus clair et verdoyant. Son bec, très-long à proportion de son petit corps, a treize lignes. Cet oiseau nous a été envoyé de Madagascar. - DES OISEAUX ÉTRANGERS. àx LE MARTIN-PÉCHEUR ROUX *. Seconde petite espèce. Cr petit martin - pêcheur, qui n’a pas cinq pouces de longueur , a tout le des- sus du corps, du bec à la queue, d’un roux vif et éclatant, excepté que les grandes pennes de l'aile sont noires , et les moyennes seulement frangées de ce même rouge sur un fond noirâtre ; tout le dessous du corps est d’un blanc teint de roux ; le bec et les pieds sont rouges. M. Commerson l’a vu et décrit à Mada- gasCar. * Voyez les planches enluminées , n° 778, fig. ï. RSS SET EEE D EEE) 1 e HISTOIRE NATURELLE LE MARTIN-PÊCHEUR POURPRÉ* Troisième petite espèce. Ts est de la même grandeur que le pré- cédent. C’est de tous ces oiseaux le plus Joli , et peut-être le plus riche encouleurs: un beau roux aurore, nué de pourpre mêlé de bleu, lui couvre la tête, le croupion et la queue ; tout le dessous du corps est d’un roux doré sur fond blanc; le manteau est enrichi de bleu d'azur dans du noir velouté ; une tache " pourpre clair prend à l’angle de l'œil, se termine en arrière par un trait du se le plus vif; la gorge est blanche, et le bec rouge. Ce en petit oiseau , nommé dans la planche 72artin-pécheur de Pondi- chery, nous est venu de cette contrée, * Voyez les planches enluininées, n° 778 ; fig. 2 DES OISEAUX ÉTRANGERS. 03 LE MARBTIN.-PÊCHEUR A BEC BLANC. Quatrième petite espèce. S 551 ; d’après lequel on donne ce petit martin-pêcheur, dit qu’il a le bec blanc, le cou et la tête rouge bai, teint de pour- pre; les flancs de même; les pennes de l'aile cendrées ; leurs couvertures et les plumes du dos d’un très-beau bleu ; la poi- trine et le ventre jaune clair. Sa longueur est d'environ quatre pouces et demi. Du reste, quand Seba dit que les oiseaux de la famille des alcyons se nourrissent d’a- beilles, 1l les confond avec les guëpiers, et Klein relève à ce propos une erreur capitale de Linnæus , qui est d’avoir pris l'ispida pour le mérops, ou le martin - pé- cheur pour le guêpier , ce dernier habi- tant les terres sauvages et voisines des bois , et non les rives des eaux , oüilne | TT 94 HISTOIRE NATURELLE "4 trouveroit pas d’abeilles. Mais le même Klein ne voit pas également bien quand il dit que cet alcyon de Seba lui paroît semblable à notre martin-pecheur, puis- que , outre la différence de grandeur, les couleurs de la tête et du bec sont totale- ment différentes, M. Vosmaër a donné deux petits mar- tin-pêcheurs , qu'il rapporte à cet alcyon de Seba, mais en assurant qu’i/s n’a- voient que trois doigts, deux en avant et un en arrière. Ce fait avoit besoin d’être constaté , et l’a été par un bon observa- teur, comme nous le verrons ci-après. .* DES OISEAUX ÉTRANGERS. 05 LE MARTIN-PÊÉCHEUR DE BENGALE. Cinquième petite espèce. ÆEowarps donne dans une même planche deux petits martin -pêcheurs qui paroissent d'espèces très-Voisines , ou peut-être mâle ou femelle de la même, quoique M. Brisson en fasse deux espèces séparées : ils ne sont pas plus grands que des todiers. L’un a le manteau bleu de ciel, et l’autre bleu d’aigue-marine. Les pennes des ailes et de la queue du pre- inier sont gris brun; dans ie second, ces mêmes plumes sont du même verd que le dos : le dessous du corps de tous deux est fauve orangé. Klein, en faisant men- tion de cette espèce, dit qu’ellé convient avec celle d'Europe par ces couleurs. Il cût pu observer-qu’elle en diffère beau- coup par la grandeur : mais, toujours 9 HISTOIRE NATURELLE | préoccupé de sa fausse idée des doigts deux et deux dans le genre des martin- pêcheurs, il se plaint qu'Edwards ne se soit pas là-dessus plus clairement expli- qué, quoique les figures d'Edwards soient “très-bien et très-nettes sur cette partie, comme elles ont coutume de l'être sur tout le reste. , DES OISEAUX ÉTRANGERS: 99 LE MARTIN-PÉCHEUR A TROIS DOIGTS. Sivième petite espèce. Ox a déja trouvé dans le genre des pics une singularité de cette nature pour le nombre des doigts : elle est moins sur- prenante dans la famille des martin-pé- cheurs, où le petit doigt intérieur, déja si raccourci et presque inutile, a pu être plus aisément omis par la Nature. C’est M. Sonnerat qui nous a fait connoître ce petit martin-pêcheur à trois doigts, le- quel d’ailleurs est un des plus brillans de ce genre, si beau et si riche en couleurs : il a tout le dessus de la tête et du dos couleur de lilas foncé; les plumes des ailes sont d’un bleu d’indigo sombre, mais relevé d’un limbe d’un bleu vif et éclatant , qui entoure chaque plume ; tout le dessous du corps est blanc; le bee g 1” nd Edit 4 à 08 HISTOIRE NATURELLE et les pieds sont rougeâtres. M. Sonnerat a trouvé cet oiseau à l’île de Luçon. M. Vosmaër dit simplement que les siens veuoient des Indes orientales. Nous regarderons cette espèce, la pré- cédente de Seba , et celle de notre martin- pécheur pourpré, comme trois espèces voi- sines, et qui pourroient peut-être se ré- duire à deux ou à une seule, s’il étoit plus facile d'apprécier les différences arbi traires des descriptions, ou si l’on pou- voit les rectifier sur les objets mêmes. Du reste, M. Vosmaër donne sous le nom d’alcyons deux autres oiseaux qui ne sont pas des martin-pêcheurs : le premier , qu'il appelle a/cyon d'Amérique à longue queue, outre qu'il a la queue plus longue à proportion qu'aucun oiseau de cette famille, a un bec courbé, caractère ex- elus du genre des martin-pècheurs; le second, au bec effilé, longuet, qua- drangulaire et aux doigts pliés deux et deux, n’est pas un imartin-pécheur, mais un jacamar. DES OISEAUX ÉTRANGERS. og | _— LE VINTSI* Septième petite espèce. _. T sx est le nom que les habitans des Philippines donnent à ce petit mar- tin-pêcheur, que ceux d’Amboine appel- lent, selon Seba, /ohorkey et ito. Il a le dessus des ailes et la queue d’un bleu de ciel; la tête chargée de petites plumes longues , joliment tiquetées de points noirs et verdâtres, et relevées en huppe; la gorge est blanche; au côté du cou est une tache roux fauve; tout le dessous du corps est de cette couleur, et l’oiseau en- tier n’a pas tout-à-fait cinq pouces de longueur. L'espèce ou de M. Brisson nous paroît très-voisine de celle-ci, si même * Voyez les planches euluminées, n° 756, fig. 7, sous le nom de petit martin pécheur huppé des Philippines. AUS à à, 00 HISTOIRE NATURELLE ce n'en est pas une répétition; le peu de différence qui s’y remarque n'indique du moins qu’une variété. On ne peut s'assurer à quelle espèce se rapporte le petit oiseau des Philippines que Camel appelle sa/aczac, et qui paroît être un martin-pêcheurz mais qu'il ne fait que nommer, sans aucune description , dans sa notice des oiseaux des Philippines , in- sérée dans les Transactions philosophiques: M. Brisson décrit encore une espèce de petit martin-pêcheur sur un dessin qui lui a été apporté des Indes ; mais comme mous n’avons pas vu l'oiseau, non plus que ce naturaliste, nous ne pouvons rien ajouter à la notice qu’il en a donnée. nf" ” : DES OISEAUX ÉTRANGERS. ÿ 101 LES MARTIN-PÉCHEURS DU NOUVEAU CONTINENT. GRANDES ESPÉCES. LE TAPARAR A, Première grande espèce. ÿ APARARA est le nom générique du martin-pêcheur en langue garipane : nous l’appliquons à cette espèce, l’une de celles que l’on trouve à Cayenne; elle est de la grandeur de l’étourneau. Le dessus de la tête , le dos et les épaules sont d’un beau bleu; le croupion est bleu d’aigue- marine; tout le dessous du corps est blanc ; les pennes de l’aile sont bleues en dehors, noires en dedans et en dessous ; eclles de la queue de mêmé, excepté que 9 ” 102 ŒISTOIRE NATURELLE: les deux du milieu sont toutes bleues : au-dessous de l’occiput est une bande transversale noire. La grande quantité d’eau qui baigne les terres de la Guiane, est favorable à la multiplication des mar- tin-pécheurs : aussi leurs espèces y sont nombreuses. Ces oiseaux indiquent les rivières poissonneuses ; On en rencontre très - fréquemment sur leuxs bords. Il y a quantité de grands martin-pêcheurs, nous dit M. de la Borde, sur la rivière Ouassa ; mais ils ne s’attroupent jamais, et vont toujours un à un. Ils nichent, dans ces contrées comme en Europe , dans des trous creusés dans la coupe perperdicu- laire des rivages ; il y a toujours plusieurs _de ces trous voisins les uns des autres, quoique chacun de leurs hôtes n’en vive pas moins solitairement. M. de la Borde a vu de leurs petits en septembre : appa- remment qu’ils font dans ce climat plus d’une nichée. Le cri de ces oiseaux est eQTAC, CArac. DES OISEAUX ÉTRANGERS. ro3 : ae: de à de Dr ét tn Seconde grande espèce. N ous formons ce nom par contraction de celui d’achalalactli, ou michalalacili, que cet oiseau porte au Mexique, suivant Fernandès. C’est une des plus grandes espèces de martin-pécheurs ; sa longueur est de près de seize pouces : mais il n’a pas les couleurs aussi brillantes que les autres. Le gris bleuâtre domine tout le dessus du corps ; cette couleur est variée, sur les ailes, de franges blanches en fes- tons à la pointe des pennes , desquelles les plus grandes sont noirâtres et coupées en dedans de larges dentelures blanches; celles de la queue sont largement rayées de blanc; le dessous du corps est d’un * Voyez les planches enluminées, n° 284, sous la dénommation de martin-pécheur huppé du Merique, 104 HISTOIRE NATURELLE roux marron , qui s'éclaircit en remon- tant sur la poitrine, où il est écaillé ow maillé dans du gris. La gorge est blanche; et ce blanc s'étendant sur les côtés du cou , en fait le tour entier : c’est par ce ‘caractère que Nieremberg l’a nommé o:- seau à collier. Toute la tête et la nuque sont du même gris bleuâtre que le dos. Cet oiseau est voyageur; il arrive en cer- tains temps de l’année dans les provinces septentrionales du Mexique, où il vient apparemment des contrées plus chaudes, car on le voit aux Antilles : il nous a été envoyé de la Martinique. M. Adanson dit qu'il se trouve aussi, quoiqu’assez rarement, au Sénégal, dans les lieux voisins de lem- bouchure du Niger. Mais la difficulté d’i- maginer qu'un oiseau de la Martinique se trouve en même temps au Sénégal , le frappe lui-même, et lui fait chercher des différences entre l’ackalalactli de Fernan- dès et de Niecremberg et ce martin-pê- cheur d'Afrique : de ces différences, ïl en résulteroit que l'oiseau donné par M. Brisson et dans nos planches enlumi- nées , seroit non Le véritable achalalactli DES OISEAUX ÉTRANGERS. 105 du Mexique , mais celui du Sénégal; et nous ne doutons pas, en effet, qu’à cette distance de climats, des oiseaux inca- pables d’une longue traversée ne soient d'espèces différentes. 106 . HISTOIRE NATUREDLE VER L EMA GU-A C'AITEA Troisième grande espèce. Nous avons vu que l'espèce du martin- pêcheur de l'Europe se trouve en Asie, et paroît occuper toute l'étendue de Dé cien continent : en VOiCi un qui se trouve d’une extrémité à l’autre dans le nouveau, depuis la baie d'Hudson au Bresil. Marc- grave l’a décrit sous le nom bresilien de Jaguacati-guacu, et de papapeixe que lui donnent les Portugais. Catesby l'a vu à la Caroline, où il dit que cet oiseau fait sa proie de lézards ainsi que de poissons. Edwards l’a recu de la baie d'Hudson ,où il paroît dans le printemps et l'été. M.Bris- _son l'a donné trois fois d’après ces trois * Voyez les planches enluminées, n° 593, sous le nom de martin-pécheur huppé de Saint-Do- mingue; et n° 715, sous celui de martin-pécheur huppé de la Louisiane. DES OISEAUX ÉTRANGERS. rof auteurs, sans les comparer , puisque la ressemblance est frappante ,.et qu’'Ed- wards la remarque lui-meéine. Nous avons reçu ce martin-pêcheur de Saint-Do- mingue et de la Louisiane ; et il est gravé sous le nom de ces deux pays dans les planches enluminées :on n’y voit que quelques petites différences, qui nous ont encore paru moindres dans la compa- raison des deux oiseaux en nature. Par exemple , le bec, dans la planche 503, devroit être noir , et les flancs, comme dans l’autre , marqués de roux: le petit frangé blanc du milieu de l’aile devroit s'y trouver aussi. Ces particularités sont minutieuses en elles-mémes; mais elles deviennent importantes pour ne pas mul- tiplier les espèces sur des différences sup- posées. Les seules différences réelles que la comparaison des deux individus nous ait offertes, sont dans l’écharpe de la gorge, qui est un peu.festonnée de roux dans ce inartin-pécheur venu de Saint-Domingue, et simplement grise dans l’autre; et dans la queue , qui dans le premier est un peu plus tiquetée et régulièrement semée de 108 HISTOIRE NATURELLE gouttes sur toutes ses pennes , au, lieu que les gouttes sont moins visibles dans celles du second , et ne paroïssent bien que quand l'oiseau s’épanouit. Du reste, tout le dessus du corps est également d’un beau gris de fer ou d’ardoise ; les plumes de la tête , relevées en huppe , sont de la même couleur ; le tour du cou est blanc ainsi que la gorge; il y a du roux sur la poitrine et sur les flancs; les pennes de l'aile sont noires , marquées de blanc. à la poitrine , et coupées dans leur milieu d’un petit frangé blanc , qui n’est que le bord de. grandes échancrures blanches que portent les barbes intérieures , et qui paroissent quand l'aile se déploie. Marc- grave désigne la grandeur de ces oiseaux en les comparant à la litorne ( z#agnitudo ut turdelæ ). Klein , qui ne connoissoit pas les grands martin-pêcheurs de la nou- velle Guinée, prend celui-ci pour la plus grande espèce de ce genre. LA DES OISEAUX ÉTRANGERS. xo9 LE MATUITUTH. Quatrième espèce. Ed M ircerAve décrit encore ce martin: pêcheur du Bresil , et lui donne ses véri- tables caractères : le cou et les pieds courts; le bec droit et fort : sa partie supérieure est d’un rouge de vermillon; elle avance sur l'inférieure, et se courbe un peu à sa pointe; particularité observée déja dans le grand martin-pécheur de la nouvelle Guinée. Celui-ci est de la taille de l'é- tourneau. Toutes les plumes de la tête , du dessus du cou, du dos, des ailes et de la queue, sont fauves ou brunes, tachetées de blanc jaunâtre, comme dans l’éperviers. la gorge est jaune ; la poitrine et le ventre sont blancs, pointillés de brun. Marcgrave ne dit rien de particulier de ses habitudes naturelles. | On trouve dans Fernandès et dans Nie- remberg quelques oiseaux auxquels on a Ciseaux, XIV. - 10 io HISTOIRE NATURELLE donné mal-à-propos le nom de z7artin-pé=. cheurs, €t qui n’appartiennent point à ce genre : ces oiseaux sont, 1°. le Zoactli, dont les jambes ont un pied de long, et qui par conséquent n’est point un martin pêcheur ; 2°. l’axoguen, qui a le cou et les pieds également longs; 3°. l’acacahoac-: ili, ou l'oiseau aquatique à voix rauque de Nieremberg , qui étend et replie un long cou , et qui paroît être une espèce de cigogne ou de jabiru, assez appro- chante du Loacton, que M. Brisson ap- pelle £éron huppé du Mexique. Nous en di- rons autant du folcomoctli et du Losxo- canauhtli de Fernandès , qui se rapporte- roient davantage à ce genre, mais qui paroiïssent avoir quelques babitudes con- traires à celles des martin-pêcheurs, quoi- _ que les Espagnols les appellent, comme les précédens, nartinetes pescadors. Mais Fernandès remarque qu’ils ont donné ce nom à des oiseaux d’espèces très-diffé- rentes, par la seule raison qu'ils les voient également vivre de La Sd LE à des poissons. | | | sant Ja 7. OUR UE CP FU UT DES OISEAUX ÉTRANGERS. z1r LES MARTINPÉCHEURS DE MOYENNE GRANDEUR 4 DU NOUVEAU CONTINENT. LE MARTIN-PÉCHEUR VERD ET ROUX *. Prernière espèce moyenne. C E martin pêcheur se trouve à Cayenne. Il a tout le dessous du corps d’un roux foncé et doré, excepté une zone ondée de blanc et de noir sur la poitrine , qui distingue le mâle; un petit trait de roux va des narines aux yeux; tout le dessus du corps est d’un verd sombre, piqueté * Voyez les planches enluminées , n° 592, fig. x, le mûle ; et fig. 2, la femelle. 12 HISTOIRE NATURELLE de quelques petites taches blanchâtres |; rares et clair-semées ; le bec est noir, et long de deux pouces; la queue en a deux et demi de longueur, ce qui alonge cet oiseau , et lui donne huit pouces en tout : cependant il n’est pas plus gros de corps que notre martin-pécheur. 27 s AT DES OISEAUX ÉTRANGERS. 113 k { _ : : + LE MARTIN-PÉCHEUR VERD ET BLANC#*. Seconde espèce moyenne. Carre espèce setrouve encore à Cayenne. Elle est moins grande que la précédente ; n'ayant que sept pouces , et néanmoins la queue est encore assez longue. Tout le dessus du corps est lustré de hat sur fond noirâtre , coupé seulement par un fer-à- cheval blanc , qui, prenant sous l'œil, descend sur le derrière du cou , et par quelques traits blancs jetés dans l'aile ; le ventre et l'estomac sont blancs et va- riés de quelques taches de la couleur du dos; la poitrine et le devant du cou sont d’un beau roux dans le mâle: ce caractère le distingue ; car la femelle représentée n° 2 de la même planche a la gorge blanche. * Voyez les planches enluminées , n° 59r, fig. # et 2. 10 4 HISTOIRE NATURELLE LE GIP-GIP. Troisième espèce moyenne. C'rsr cet oiseau sans nom dans Marc- grave, qu'il eût pu nommer gip-vip, puis- qu'il dit que c’est son cri. Il est de la gran- __ deur de l’alouette, et de la figure du ma- tuitui, qui est la quatrième grande espèce des martin-pêcheurs d'Amérique. Son bec: est droit et noir ; tout le dessus de la tête, du cou, les ailes et la queue, sont rou- geûtres, ou plutôt d’un rouge baï ombré, mêlé de blanc ; la gorge et le dessous du corps sont blancs, et l’on voit un trait brun qui passe du bec à l’œil, Son Cri gip-gip ressemble au cri du Edit de la poule-d’Inde. : DES OÏSEAUX ÉTRANGERS. x15 PETITS MARTIN-PÉCHEURS DU NOUVEAU CONTINENT. LE MARTIN-PÉCHEUR VERD ET ORANGÉ*. Ie n’y a en Amérique qu’une seule es- pèce de martin-pêcheur qu’on puisse ap- peler petite, et c’est celle de l’oiseau que nous indiquons ici, qui n’a pas cinq pouces de longueur. Il a tout le dessous du corps d’un orangé brillant , à l’ex- ception d’une tache blanche à la gorge, une autre à l’estomac, et une zone verd foncé au bas du cou dans le mâle. La femelle n’a pas ce caractère. Tous deux ont un demi-collier orangé derrière le * Voyez les planches enluminées, n° 756, fig. 2; et 6g. 3, sa femelle. y . | PURE ONE : 16 HISTOIRE NATURELLE: cou ; la tête et tout le manteau sont chargés d'un gris verd , et les ailes tache- tées de petites gouttes roussâtres vers l’é- paule et aux grandes pennes, qui sont brunes. Edwards, qui a donné la figure de ce martin-pêcheur, dit qu'il n’a pu. découvrir de quel pays on l’avoit appor- té; mais nous l'avons reçu de Cayenne. A F PUR MIE OC AMARS —_ Novs conserverons à ces oiseaux le nom de jacamars, tiré par contraction de leur nom bresilien jacamaciri. Ce genre ne s'éloigne de celui du martin-pècheur qu'en ce que les jacamars ont les doigts disposés deux en devant et deux en ar- rière , au lieu que les martin -pecheurs ont trois doigts en devant et un seul en arrière ; mais d’ailleurs les Jacamars leur ressemblent par la forme du corps et par celle du bec. Ils sont aussi de la méme grosseur que les espèces moyennes dans les martin-pécheurs ; et c’est probable- ment par cette raison que quelques au- teurs ont mis ensemble ces deux genres d'oiseaux. D’autres ont placé les Jacamars avec les pics, auxquels ils ressemblent en eflet par cette disposition de deux doigts en devant et de deux en arrière, Le bec est aussi d’une forme assez sem- blable , mais dans les Jacamars il est beaucoup plus long et plus délié; et ils &£: x18 HISTOIRE NATURELLE diffèrent encore des pics, en ce qu'ils n’ont pas la langue plus longue que le bec. La forme des plumes de la queue est aussi différente ; car elles ne sont ni roides _ ni cunéiformes. Il suit de ces comparai- sons , que les jacamars forment un genre à part, peut-être aussi voisin des pics que des martin-pêcheurs , et ce petit genre n’est composé que de deux espèces, toutes. deux naturelles aux climats chauds de l'Amérique. Zom Z4. LL 3 Lug 219: LE JACAMAR. ; JPaquet rade DES JACAMARS. 19 — = , 4 : | = PE _— LE JACAMAR PROPREMENT DIT *. Prernière espèce. ERQRREERRSE - ua longueur totale de cet oiseau est de six pouces et demi , et il est à peu près de LA grosseur d’une alouette. Le bec est ong d’un pouce cinq lignes; la queue n’a que deux pouces, et néanmoins elle dé- passe d’un pouce les ailes Jorsqu’ elles sont pliées; les pennes de la queue sont bien régulièrement étagées. Les pieds sont très-courts et de couleur jaunâtre ; le bec est noir , et les yeux sont d’un beau bleu foncé ; la gorge est blanche, et le ventre est roux; tout le reste dt? plumage est d’un verd doré très-éclatant, avec des reflets couleur de cuivre rouge. _ Dans quelques individus , la gorge est rousse aussi-bien que le ventre; dans. d’autres , la gorge n’est qu’un peu jau- * Voyez les planches euluminées, n° 235. Ré 120 HISTOIRE NATURELLE nâtre. La couleur du dessus du corps est aussi plus ou moins brillante dans diffé-" rens individus ; ce qu’on peut attribuer | à des variétés de sexe ou d’âge. On trouve cet oiseau à la Guiane comme au Bresil. 11 se tient dans les forêts, oùil préfère les endroits plus humides , parce que se nourrissant d'insectes, il y en. trouve en plus grande ni que dans les terrains plus secs. Il ne fréquente pas les endroits découverts et ne vole point en * troupe ; mais il reste constamment dans les bois les plus solitaires et les plus som- bres. Son vol, quoiqu’assez rapide, est très-court. Il se perche sur les branches à une moyenne hauteur , et \4 demeure À sans changer de place, pendant toute la nuit et pendant la plus grande partie de la Journée. Il est toujours seul et presque toujours en repos ; néanmoins il y a or- dinairement plusieurs de ces oiseaux dans le même canton de bois, et on les en- tend se rappeler par un petit ramage court et assez agréable. Pison dit qu'on les mange au Bresil, quoique leur chair soit assez dure. D dos ” DES JACAMARS. 125. : LE JACAMAR A LONGUE QUEUE*. Seconde espèce. Cr oiseau est un peu plus grand que le précédent |, duquel il diffère par la queue, qui a douze pennes, tandis que celle de l’autre n’en a que dix : d’ailleurs les deux pennes du milieu sont bien plus longues; elles excèdent les autres de deux pouces trois lignes ,; et ont en totalité six pouces de longueur. Ce Jacamar res- semble par la forme du corps , par celle du bec, et par la disposition des doigts, au premier ; néanmoins Edwards lui a placé trois doigts en avant et un seul en arrière, et c’est apparemment én consé- quence de cette méprise qu’il en a fait un martin-pécheur. Il diffère aussi de notre premier jacamar par la teinte et par la * Voyez les planches enluminées , n° 275. 11 #: 2 i 1 122 HISTOIRE NATURELLE: distribution des couleurs , qui n’ont rien, - de commun que le blanc sur la gorge ; tout le reste du plumage est d’un verd sombre et foncé, dans lequel on distingue seulement anelitres DT, orangés et V10- lets. « Nous ne connoïissons pas la femelle , dans l’espèce précédente : mais dans celle ci elle diffère du mâle par les deux grandes pennes de la queue, qu’elle a beaucoup . moins longues; et d’ailleurs l’on n’ap- percoit pas sur son plumage les reflets orangés et violets qu’on voit sur celui du mâle. Ces jacamars à longue queue se nour< rissent d'insectes comme les autres : mais c’est peut-être leur seule habitude com- mune ; Car ceux-ci fréquentent quelque- fois les lieux découverts. Ils volent au loin et se perchent Jusque sur la cime des arbres. Ils vont aussi par paires, et ne pa- roissent pas être aussi solitaires ni aussi sédentaires que les autres. Ils n’ont pas le même ramage , mais un Cri Ou siflement doux qu'on n'entend que de près, et qu'ils ue répètent pas souvent. À AE, RER TER RTL Y LÉ TRS = LE TODIER. LES TODIERS. Mrssisurs Sloane et Browne sont Îles premiers qui aient parlé de l’un de ces oiseaux , et ils lui ont donné le nom latin todus , que nos naturalistes francois ont traduit par celui de todier. Ils ne font mention que d’une seule espèce qu'ils ont trouvée à la Jamaïque ; mais nous en connoissons deux ou trois autres , et toutes appartiennent aux climats chauds de l'Amérique. Le caractère distinctif de ce genre est d’avoir , comme les martin- pêcheurs et les manakins, le doigt du mi- heu étroitement uni et comme collé au doigt extérieur Jusqu'à la troisième arti- culation, et uni de même au doigt inté- rieur , mais seulement jusqu’à la première articulation. Si l’on ne consultoit que ce caractère , les todiers seroient donc du genre des martin-pêcheurs ou de celui des manakins : mais ils diffèrent de ces deux genres, et même de tous les autres oiseaux , par la forme du bec, qui, dans 124 HISTOIRE NATURELLE les todiers, est long, droit, obtus à son extrémité, et applati en Aésstès comme çn dessous ; ce qui les a fait nommer pé- tites palettes ou petiles spatules par. les créoles de la Guiane. Cette singulière conformation du bec suffit pour qu’on doive faire un genre DORA de ces oiseaux. ÉBUT.O DIE RS. 1 #5 LE TODIER DE L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE *. Première espèce. Cr todier n’est pas plus gros qu’un roi- telet, et n’a tout au plus que quatre pouces de longueur. Nous ne copierons pas ici les longues descriptions qu’en ont données MM. Browne , Sloane et Brisson , “parce qu'il sera toujours très-aisé de re- connoître cet oiseau, lorsqu'on saura qu'avec un bec si singulier , le mâle est entièrement d’un bleu foible et léger sur le dessus du corps, et blanc sous le ventre, avec la gorge et les flancs couleur de rose, et que la femelle n’est pas bleue comme le mâle, mais d’un beau verd sur le dos, et que le reste de son plu- mage est semblable à celui du mâle, * Voyez les planches enluminées, n° 585, fig. ? et 2, sous la dénomination de 1odier de Saint- Domingue. 11 ‘hi u "os TT ER N T PR ET PA PPPRPRRRN T RRNT | * : , à : " EN * ' L En 4 L 326 HISTOIRE NATURELLE 4 c'est-à-dire, blanc et couleur de rose aux mêmes endroits. Le bec de l’un et de l’autre est rougeûtre, mais d’un rouge plus clair en dessous et plus brun en des- sus. Les pieds sont gris , et les ongles sont longs et crochus. Cet oiseau se nourrit d'insectes et de petits vers ; il habite dans des lieux humides et solitaires. Les deux individus qui sont représentés dans la 2 planche enluminée , n° 585, fig. 1 et », nous ont été envoyés de éaiat - Domaine par M. Chervain , sous le nom de perro- quets de terre; mais il ne nous a transmis que la description de la femelle. Il ob- serve que le mâle a , dans le temps de ses amours, un petit ramage assez agréable, que la fonde fait son nid dans la tétie sèche , et préférablement encore dans le tuf tendre : il dit que ces oiseaux choi- sissent à cet effet les ravines et les petites crevasses de la terre. On les voit aussi nicher assez souvent dans les galeries basses des habitations , et toujours dans la terre : ils la creusent avec le bec et les pattes ; ils y forment un trou rond, évasé dans le fond, où ils placent des pailles 0 is PPT de DES TODIERS. 127 souples , de la mousse sèche , du coton et des plumes , qu’ils disposent avec art. La _ femelle pond quatre ou cinq œufs de cou- leur grise, et tachetés de Jaune foncé. Ils attrapent avec beaucoup d’adresse les mouches et autres petits insectes vo- lans. Ils sont très -difficiles à élever ; ce- pendant on y.réussiroit peut-être si on les prenoit jeunes , et si on les faisoit nourrir par le père et la mère, en les tenant dans une cage jusqu’à ce qu'ils fussent en état de manger seuls. Ils sont très-attachés à leurs petits ; ils en pour- suivent le ravisseur , et ne l’abandonnent pas tant qu'ils les entendent crier. Nous venons de voir que MM. Sloane et Browne ont reconnu cet oiseau à la Jamaïque ; mais il se trouve aussi à la Martinique , d’où M. de Chanvalon l’avoit envoyé à M. de Réaumur. Il paroît donc que cette espèce appartient aux îles et aux terres les plus chaudes de l'Amérique septentrionale : mais nous n’avons aucün indice qu'elle se trouve également dans les climats de l’Amérique méridionale ; du moins Maregraye n'en fait aucune mention, 1! x28 HISTOIRE NATURELLE LÉ TTCTEMN: O U \ TODIER DE L’AMÉRIQUE MERIDIONALE *. Seconde espèce. | Lrs naturels de Cayenne ont appelé cet oiseau zic-fic, par imitation de son cri. Il est aussi petit que le précédent ; il lui ressemble parfaitement par le bec et par la conformation des doigts : il n’en diffère que par les couleurs, le tic-tic étant d’une couleur cendrée, mêlée d’un bleu foncé sur le dessus du corps , au lieu que l’autre est, sur les mêmes parties, d’un bleu céleste léger. Cette différence dans la nuance des couleurs n’indiqueroit qu’une * Voyez les planches enluminées, n° 585, fig, 3, sous la dénomination de todier de Cayenne. - DES TODIERS. 129 variété, et non pas une espèce séparée ; mais le tic-tic a tout le dessous du corps jaune , et n’a point de couleur de rose à la gorge ni sur les flancs : d’ailleurs, comme il paroît être d’un autre climat, nous avons Jugé qu'il étoit aussi d’une autre espèce. Il diffère encore du todier de l'Amérique septentrionale, en ce que l'extrémité des deux pennes latérales de la queue est blanche, sur une longueur de cinq à six lignes : néanmoins ce carac- tère est particulier au mâle; car les pennes latérales de la queue de la femelle sont de couleur uniforme, et d’un gris cendré, semblable à la couleur du dessus du corps. La femelle diffère encore du mâle, en ce que toutes ses couleurs sont moins vives et moins foncées. Cet oiseau vit d'insectes comme le pré- cédent. Il habite de préférence les lieux découverts; on ne le trouve guère dans les grands bois, mais souvent dans les balliers sur les buissons. PTE 330 HISTOIRE NATURELÉE NN LE TODIER BLEU A VENTRE ORANGÉ *. | Troisième espèce. ER ren Nov s avous fait dessiner ce todier sur un individu bien conservé dans le cabi- net de M. Aubry, curé de Saint-Louis. Il a trois pouces six lignes de longueur. Le dessus de la tête, du cou, et tout le dos, sont d’un beau bleu foncé ; la queue et la pointe des couvertures des ailes sont de cette même couleur ; tout le dessous du corps, ainsi que les côtés de la tête et .. ducou, sont d’un bel orangé, le dessous de la gorge est blanchâtre; il y a près des * Voyez les planches enluminées, n° 763, fig. x, sous la dénomination de todier de Juida. Nous observerons que le nouveau continent est le seul où se trouvent les todiers, et que l’on s’est mépris lors- qu'on a dit à M. le curé de Saint-Louis que celui- ei venoit de Juida en Afrique. 7" dé DES TODIERS. 131 yeux de petits pinceaux d’un pourpre violet. Cette description suffit pour dis- tinguer ce todier des autres de son genre. Il'y a un quatrième oiseau que M. Bris- son a indiqué, d’après Aldrovande, sous le nom dt rodier varié, et dont nous rap- porterons ici la description , telle que ces deux auteurs l’ont donnée. Il est de la grandeur du roitelet : il a la tête, la gorge et le cou, d’un bleu noirâtre; Îles ailes vertes; les pennes de laqueue noires, bordées de verd ; et le reste du plumage, varié de bleu , de noir et de verd. Mais comme M. Brisson ne parle pas de Îa forme du bec, et qu'Aldrovande , qui est le seul qui ait vu cet oiseau, n’en fait aucune mention, nous ne pouvons déci- der s’il A res en effet au genre. du todier. à DE à 1 ” 2 À en bis nd 6 LA LES OISEAUX AQUATIQUES. Le s oiseaux d’eau sont les seuls qui. réunissent à la jouissance de l'air et de Ja terre la possession de la mer ; de nombreuses espèces, toutes très-multi- pliées , en peuplent les rivages et lés plaines ; ils voguent sur les flots avec au- tant d’aisance et plus de sécurité qu'ils ne volent dans leur élément naturel ; par- tout ils y trouvent une subsistance PT dante , une proie qui ne peut les fuir ; et pour la saisir, les uns fendent les ondes et. s’y plongent, d’autres ne font que les effleurer en rasant leur surface par un vol rapide ou mesuré sur la distance et la quantité des victimes. Tous s’établissent sur cet élément mobile , comme dans um domicile fixe ; ils s’y rassemblent en grande société , et vivent tranquillement au mi- lieu des orages; ils semblent même se jouer avec les VREU lutter contre les tif ' À ” HISTOIRE NATURELLE, 2153 vents, et s'exposer aux tempêtes, sans les redouter ni subir de naufrage. Ils ne quittent qu'avec peine ce domi- cile de choix , et seulement dans le temps que le soin de leur progéniture , en les attachant au rivage , ne leur permet plus de fréquenter la mer que par instans; car, dès que leurs petits sont éclos , ils les conduisent à ce séjour chéri, que ceux-ci chériront bientôt eux-mêmes, comme plus convenable à leur nature que celui de la terre. En effet , ils peuvent y rester autant qu'il leur plaît , sans être pénétrés de l'humidité et sans rien perdre de leur agilité , puisque leur corps, mol- lement porté, se repose même en na- geant, et reprend bientôt les forces épui- sées par le vol. La longue obscurité des nuits, ou la continuité des tourmentes , sont les seules contrariétés qu'ils éprou- vent, et qui les obligent à quitter la mer par intervalles. Ils servent alors d’avant- coureurs ou plutôt de signaux aux voya- geurs , en leur annonçant que les terres sont prochaines. Néanmoins cet indice est souvent incertain ; plusieurs de ces 12 / 4 134 HISTOIRE NATURELLE oiseaux se portent en mer quelquefois si loin , que M. Cook conseille de ne point regarder leur apparition comme une in-_ dication certaine du voisinage de la terre: : et tout ce que l’on peut conclüre de l’ob- servation des navigateurs , c’est que la plupart de ces oiscaux ne retournent pas chaque nuit au rivage, et que quand il leur faut , pour le trajet ‘ou le retour, quelques points de repos, ils les trouvent: sur les écueils, ou même les prennent sur les eaux de la mer La forme du corps'et des membres de ces oiseaux indique assez qu'ils sont na- vigateurs-nés: et habitans naturels de l’é- Jément liquide : leur corps est arqué et bombé comme la carène d’un vaisseau, et c’est peut-être sur cette figure que l'homme a tracé celle de ses premiers na- vires ; leur cou, relevé sur une poitrine saillaute, en représente assez bien la proue ; leur queue courte et toute ras- semblée en un seul faisceau sert de gou- vernail ; leurs ‘pieds larges et palmés font l’ofice de véritables rames ; le duvet épais et lustré d'huile qui revêt tout ke 2 | did à + et ns dati) jetés Là À j di 4 DES QISEAUX AQUATIQUES. 135 corps, est un goudron naturel qui le rend impénétrable à l'humidité , en même temps qu’il le fait flotter plus légèrement à la surface des eaux. Et ccci n’est encore . qu'un appercu des facultés que la Nature a données à ces oiseaux pour la naviga- tion ; leurs habitudes naturelles sal con- re à ces facultés ; leurs mœurs y sont assorties : ils ne se plaisent nulle part autant que sur l eau ; ils semblent craindre de se poser à dé : la moindre aspérité du sol blesse leurs pieds, ramollis par l'habitude de ne presser qu’une surface humide : enfin l’eau est pour eux un lieu de repos et de plaisirs, où tous leurs mouvemens s’exécutent avec facilité, où toutes leurs fonctions se font avec ai- sance , où leurs différentes évolutions se tracent avec grace. Voyez ces cygnes na- ger avec mollesse ou cingler sur l’onde avec majesté ; ils s’y jouent, s’ébattent, y plongent et reparoissent avec les mou- vemens agréables, les douces ondula- tious et la tendre énergie qui annoncent et expriment les sentimens sur lesquels tout amour est fondé : aussi le cygne est-il 136 HISTOIRE NATURELLE l'emblème de la grace, premier trait qui nous frappe, même avant ceux né la beauté. La vie de l'oiseau aquatique est donc plus paisible et moins pénible que celle de la plupart des autres oiseaux ; il em- ploie beaucoup moins de forces pour na- ger que les autres n’en dépensent pour voler. L'élément qu’il habite lui offre à chaque instant sa subsistance : il la rencontre plus qu’il ne la cherche, et souvent le mouvement de l’onde l’a- mène à sa portée ; 1! la prend sans fatigue, comme il l’a trouvée sans peine nitravail, et cette vie plus douce lui donne en. même temps des mœurs plus innocentes et des habitudes pacifiques. Chaque es- pèce se rassemble par le sentiment d’un amour mutuel ; nul des oiseaux n’at- ‘taque son semblable , nul ne fait sa vic- time d'aucun autre oiseau ; et dans cette grande et tranquille notice on ne voit point le plus fort inquiéter " plus foible : bien différent de ces tyrans de l’air et de la terre qui ne parcourent leur empire que pour le dévaster ; et qui, toujours en DES OISEAUX AQUATIQUES. 137 guerre avec leurs semblables, ne cher- chent qu'à les détruire , le peuple aïilé des eaux, par-tout en paix avec Fui- même , ne s’est jamais souillé du sang de son espèce; respectant même le genre entier des oiseaux, il se contente d’une chère moins noble, et n’emploie sa force et ses armes que contre le genre abject des reptiles et le genre muet des poissons. Néanmoins la plupart de ces oiseaux ont, avec une grande véhémence d’appétit, les moyens d'y satisfaire; plusieurs es- pèces, comme celles du harle, du cravan, du tadorne , etc. ont les bords intérieurs du bec armés de dentelures assez tran- chantes pour que la proie saisie ne puisse s'échapper; presque tous sont plus voraces que les oiseaux terrestres; etil fautavouer qu'il y en a quelques uns, tels que les canards, les mouettes, etc. dont le goût est si peu délicat, qu'ils dévorent avec avidité la chair morte et les entrailles de tous les animaux. , Nous devons diviser en deux grandes familles la nombreuse tribu des oiseaux aquatiques ; car , à côté de ceux qui sont 12 ” ! 138 HISTOIRE NATURELLE : navigateurs et à pieds palmés, la Nature a placé les oiseaux de rivage et à pieds divisés, qui, quoique différens pour les Formes, ont néanmoins plusieurs rapports et quelques habitudes communes avec les premiers : ils sont taillés sur un autre modèle ; leur corps grêle et de figure élancée , leurs pieds dénués de mem-- branes, ne leur permettent ni de plon- ger ni 4e se soutenir sur l’eau; ils ne peuvent qu’en suivre les rives : montés sur de très-longues jambes, avec un cou tout aussi long, ils n’entrent que dans les eaux basses, où ils peuvent marcher ; ils cherchent dans la vase la pâture qui leur convient ; ils sont, pour ainsi dire arnphibies , attachés aux limites de la terre et de l’eau , comme pour en faire le commerce vivant, ou plutôt pour former en ce geure les degrés et les nuances des’ différentes habités qui résultent de la diversité des formes dans toute nature O1 Fans éb:. Le Ainsi, dans l'immense population des habitaus de l'air ,1l y a trois états ou plutôt ‘trois patries, trois séjours différens : aux La LA sisi adit tite en mn NT à sil On aie Nan ue li ié » r. “ DES OISEAUX AQUATIQUES. 13% uns la Nature a donné la terre pour do- micile; elle a envoyé les autres cingler sur les eaux, en même temps qu’elle a placé des espèces intermédiaires aux con- fins de ces deux élémens , afin que la viè, produite en tous lieux, et variée sous toutes les formes bises © nelaissât rien à ajouter à la richesse de la création , ni rien à desirer à notre admiration sur les merveilles de l'existence. ” Nous avons eu souvent occasion de remarquer qu'aucune espèce des quadru- pèdes du midi de Fun des continens ne s’est trouvée dans l’autre, et que la plu- part des oiseaux , malgré le privilége des ailes, n’ont pu s'affranchir de cette loi commune : mais cette loi ne subsiste plus ici ; autant nous avons eu d'exemples et donné des preuves qu'aucune des espèces qui n’avoient pu passer par le Nord, ne se trouvoit commune aux deux continens , autant nous allons voir d'oiseaux aqua- tiques se trouver également dans les deux, et même dans les îles les plus éloignées de toute terre habitée. : j L'Amérique méridionale , séparée par l L ati \ 140 HISTOIRE NATURELLE de vastes mers des terres de l'Afrique et de l’Asie, inaccessible par cette rai- son à tous les animaux quadrupèdes de ce continent , l’étoit aussi pour le plus grand nombre des espèces d'oiseaux qui n’ont jamais pu fournir ce trajet immense d’un seul vol et sans points de repos. Les espèces des oiseaux terrestres et celles des quadrupèdes de cette partie de l’A- mérique se sont trouvées également in- connues : mais ces grandes mers qui font une barrière insurmontable de sépara- tion pour les animaux et les oiseaux de terre, ont été franchies et traversées au vol et à la nage par les oiseaux d’eau ; ils se sont transportés dans les terres les plus lointaines ; ils ont eu le même avantage que les peuples navigateurs qui se sont établis par-tout ; car on a trouvé dans l'Amérique méridionale, non seulement les oiseaux indigènes et propres à cette terre, mais encore la plus grande partie des espèces d'oiseaux aquatiques des ré- gions correspondantes dans l’ancien con- tinent*. * Voyez ci-après les histoires du phénicopiére ; DES OISEAUX AQUATIQUES. 147 Et ce privilége d’avoir passé d’un monde à l’autre, dans les contrées du Midi, semble même s'être étendu jusqu'aux oiseaux de rivage : non que les eaux ._ aient pu leur fouïnir une route, puis- qu'ils ne s’y engagent pas et n’en habitent que les bords; mais parce qu’en suivant les rivages et allant de proche en proche, ils sont parvenus jusqu'aux extrémités de tous les continens. Et ce qui a dû faciliter ces longs voyages, c’est que le voisinage de l’eau rend les climats plus égaux ; l’air de la mer, toujours frais, même dans les chaleurs , et tempéré pen- dant les froids, établit pour les habitans des rivages une égalité de température qui les empêche de sentir la trop forte impression des vicissitudes du ciel, et leur compose , pour ainsi dire, un cli- mat praticable sous toutes les latitudes $ en choisissant les saisous : aussi plusieurs espèces qui voyagent en été dans les terres du nord de notre continent, et qui com- muniquent par-là aux terres septentrio- du pélican, de la Jrégate , de losseau du tro- pique, elc, etc. / : 142 HISTOIRE NATURELLE males de l'Amérique, paroïssent être par- venues de proche en proche, en suivant Les rivages, jusqu’à l'extrémité de ce nou- veau continent ; car l’on reconnoît dans les régions australes de l'Amérique plu- sieurs espèces d'oiseaux de rivage qui se trouvent également dans les contrées bo- réales des deux continens *. La plupart de ces oiseaux aquatiques paroissent être demi-nocturnes : les hé- xons rôdent la nuit ; la bécasse ne com- mence à voler que le soir; le butor crie encore après la chûte du Jour; on entend - les grues se réclamer du haut des airs, dans le silence et l'obscurité des nuits , et les mouettes se promener dans le même temps ; les volées d’oies et de canards sauvages qui tombent sur nos rivières , y séjpournent plus la nuit que le jour. Ces habitudes tiennent à plusieurs circons- tances relatives à leur subsistance et à leur sécurité : les vers sortent de terre à la fraîcheur ; les poissons sont en mou- vement pendant la nuit, dont l'obscurité * Voyez ci-après l’histoire des pluviers , des hérons, des spatules , etc. etc, + DES OISEAUX AQUATIQUES. 143 dérobe ces oiseaux à l'œil de l’homme ct de leurs ennèmis. Néanmoins l'oiseau pê- cheur ne paroît pas se défier assez de ceux même qu'il attaque : ce n'est pas toujours impunément qu'il fait sa proie des poissons ; quelquefois le poisson le saisit et l’avale. Nous avons trouvé um martin-pêcheur dans le ventre d’une an- guille; le brochet gobe assez souvent les oiseaux qui plongent ou frisent en volant la surface de l’eau, et même ceux qui viennent seulement au bord pouf boire et se baigner; et, dans les mers froides , les baleines et les cachalots ouvrent le souffre de leur énorme bouche, non seu- lement pour engloutir les colonnes de harengs et d’autres poissons , mais aussi les oiseaux qui sont à leur poursuite, tels que les albatrosses , les ‘pinguins , les macreuses, etc. dont on trouve les sque- lettes ou les cadavres encore récens dans le large estomac de ces grands cétacées. Ainsi la Nature, en accordant de grandes prérogatives aux oIseaux aquatiques, les a soumis à quelques inconvéniens ; elle icur a même refusé l’un de ses plus nobles 1 r " TT a 144 HISTOIRE NATURELLE attributs : aucun d'eux n’a de ramage ‘et ce qu'oii a dit du chant du cygne west qu’une chanson de la fable; car rien n’est plus réel que la différence frappante qui se trouve entre la voix des oiseaux deterre et celle des oiseaux d’eau. Ceux-ci l’ont forte et grande, rude et bruyante, propre à se faire entendre de très- loin, et à re- tentir sur la vaste étendue des plages de la mer : cette voix, toute composée de tons rauques , de cris et de clameurs, n’a rien de ces accens flexibles et moelleux, ni de cette douce mélodie dont nos oi- seaux champêtres animent nos bocages en célébrant le printemps et l'amour, comme si l'élément redoutable où règnent les tempêtes, eût à jamais écarté ceschar- mans oiseaux, dont le chant paisible ne se fait entendre qu'aux beaux jours et dans les nuits tranquilles, et que la mer n'eût laissé à ces habitans ailés que les sons grossiers et sauvages qui percent à travers le bruit des orages, et par lesquels ils se réclament dansle tumulte des vents _et le fracas des vagues. .. Pureste, la quantité des oiseaux d’eau, so vil DES OISEAUX AQUATIQUES. 145 en y comprenant ceux de rivage, et les comptant par le nombre des individus , est peut-être aussi grande que celle des oiseaux de terre. Si ceux-ci ont pour s’é- tendre les monts et les plaines, les champs et les forêts, les autres, bordant les rives des eaux, ou se portant au loin sur leurs flots , ont pour habitation un second élément aussi vaste, aussi libre que Pair même ; et si nous considérons la multi- plication par le fonds des subsistances, ce fonds nous paroîtra aussi abondant et plus assuré peut-être que celui des oi- seaux terrestres, dont une partie de la nourriture dépend de l'influence des sai- sons, et une autre très -grande partie du produit des travaux de l’homme. Comme l'abondance est la base de toute société , les oiseaux aquatiques paroiïssent plus ha- bituellement en troupes que les oiseaux de terre, et, dans plusieurs familles, ces troupes sont très-nombreuses ou plutôt innombrables : par exemple, il est peu d'espèces terrestres, au moins d’égale gran- deur , plus multipliées dans l’état de ra- ture que le paroissent être celles des oies. Oiseaux, XIV. 13 146 HISTOIRE NATURELLE et des canards ; et en général il y a d'au- tant plus de réunion parmi les animaux, qu'ils sont plus éloignés de nous. Mais les oiseaux terrestres sont aussi d'autant plus nombreux en espèces et en individus, que les climats sont plus chauds : les oiseaux d’eau semblent , au contraire, chercher les climats froids ;car les voyageurs nous apprennent que sur les côtes glaciales du septentrion , les goélans , les pinguins , les macreuses , se trouvent à milliers et en aussi grande. quantité que les albatrosses , les mans chots, les pétrels, sur les îles glacées des régions antarctiques. Cependant la fécondité des oiseaux de terre paroît surpasser celle des oiseaux d’eau : aucune espèce en effet parmi ces dernières ne produit autant que celles de nos oiseaux gallinacés, en les comparant à grosseur égale. A la vérité , cette fé- condité des oiseaux granivores pourroit s'être accrue par l'augmentation des sub- sistances que l’homme leur procure en cultivant la terre : néanmoins dans les espèces aquatiques qu'il a su réduire en DES CISEAUX AQUATIQUES. 147 domesticité , la fécondité n’a pas fait les mêmes progrès que dans les espèces ter- restres ; le canard et l’oie domestiques ne poundent pas autant d'œufs que la ‘poule ; éloigués de leur élément et privés de leur liberté , ces oiseaux perdent sans doute plus que nos soins ne peuvent leur donner ou leur rendre. Aussi ces espèces aquatiques sont plutôt captives que domestiques; ellesconservent les germes de leur première liberté , qui se manifestent par une indépendance que les espèces terrestres paroissent avoir tota- lement perdue ; ils dépérissent dès qu'on les tient renfermés ; il leur faut l’espace libre des champs et la fraîcheur des eaux où ils puissent jouir d’une partie de leur franchise naturelle ; et ce qui prouve qu’ils n’y renoncent pas , c’est qu'ils se rejoignent volontiers à leurs frères sau- vages , et s’enfuiroient avec eux, si l’on n’avoit pas soin de leur rogner les ailes *. * Quoiqu'il y ait des exemples de canards et d'oies privés qui s’enfuient avec les sauvages, il est à présumer qu'ils s’en trouvent mal, et qu’étant les moins nombreux, ils sont bientôt punis de leur 148 HISTOIRE NATURELLE Le cygne , ornement des eaux de nos Superbes jardins , a plus l’air.d’y voyager en pilote et de s’y promener en maître, que d’y être attaché comme esclave. Le peu de gêne que les oiseaux aqua- tiques éprouvent en captivité , fait qu’ils n'en portent que de légères empreintes; leurs espèces ne s s'y modifient pas autant que celles des oiseaux terrestres ; elles y subissent moins de variétés pour les cou- leurs et les formes ; elles perdent moins de leurs traits naturels et de leur type originaire : on peut le reconnoître par la comparaison de l’espèce du canard , qui n’admet dans nos basses-cours que peu infidélité ; car l’antipathie entre les oiseaux sauvages et domestique subsiste dans ces espèces comme dans toutes les autres; et nous sommes informés, par un témoin digne de foi *, qu'ayant mis dans uu vivier de jeunes canards sauvages, pris au nid dans un marais, avec d’autres canards privés, et à peu près du même âge, ils attaquèrent les sauvages, et vinrent à bout de les tuer en moins de deux ou trols jours. * Le sieur Trécourt, que j'ai tes cité dans quelques endroits, DES OISEAUX AQUATIQUES. r49 de variétés, tandis que celle de la poule nous offre une multitude de races nou- velles et factices , qui semblent effacer et confondre la race primitive. D'ailleurs les oiseaux aquatiques étant placés loin de la terre, ne nous connoissent que peu. Il semble qu’en les établissant sur les mers , la Nature les ait soustraits à l’em- pire de l’homme, qui , plus foible qu’eux sur cet élément , n’en est souvent que le Jouet ou la victime. Les mers les plus abondantes en pois- sons attirent et fixent, pour ainsi dire, sur leurs bords, des peuplades innombra- bles de ces oiseaux pêcheurs : on en voit une multitude infinie autour des îles Sambales, et sur la côte de l’isthme de Panama , particulièrement du côté du nord ; il n’y en a pas moins à l’occident sur la côte méridionale, et peu sur la côte septentrionale. Wafer en donne pour raison , que la baie de Panama n’est pas aussi poissonneuse à beaucoup près que celle des Sambales. Les grands fleuves de l'Amérique septentrionale sont tous cou- verts d'oiseaux d’eau, Les habitans de ja - 15 2150 HISTOIRE NATURELLE | nouvelle Orléans , qui en faisoient la chasse sur le Mississipi , avoient établi une petite branche de commerce de leur graisse ou de l'huile qu'ils en tiroient. Plusieurs îles ont recu les noms d’Z/es aux oiseaux , parce qu'ils en étoient les seuls habitans lorsqu'on en fit la décou- verte , et que leur nombre étoit prodi- sieux. L'île d’Ases entre autres , à cin- quante lieues sous le vent de la Domi- nique, estsi couverte d'oiseaux de mer, qu'on n’en voit nulle part en aussi grande quantité : on y trouve des pluviers , des chevaliers |, diverses sortes de poules d’eau , des phénicoptères ou flamans, des pélicaus , des mouettes , des frégates, des foux, etc. Labat, qui nous donne ces faits, remarque que la côte est extrè- mement poissonneuse, et que ses hauts- fonds sont toujours couverts d’une im- mense quantité de coquillages. Les œufs de poissons qui flottent souvent par grands bancs à la surface de la mer, _ n’attirent pas moins d'oiseaux à leur suite. Il y a aussi certains endroits des côtes et des îles dont le sol entier , Jusqu'à DES OISEAUX AQUATIQUES. xor une assez grande profondeur, n’est com- posé que de la fiente des oiseaux aqua- tiques : telle est, vers la côte du Pérou, l'île d’'Zquique, dont les Espagnols tirent ce fumier et le transportent pour servir d'engrais aux terres du continent. Les rochers du Groenland sont couverts, aux sommets , d’une espèce de tourbe formée de cette même matière et du débris des nids de ces oiseaux. Ils sont aussi nom- breux sur les îles de la Norvége, d’Is- lande et de Feroé, où leurs œufs font une grande partie de la subsistance des habitans, qui vont les chercher dans les précipices et sur les rochers les plus inaccessibles. Telles sont encore ces îles Burra inhabitées et presqueinabordables, vers les côtes d'Écosse, où les habitans de la petite île Æirfa viennent enlever des œufs à milliers et tuer des oiseaux. Enfin ils couvrent la mer du Groenland , au point que la langue groenlandoise a un mot pour exprimer la manière de les chasser en troupeaux vers la côte dans de petites baies où ils se laissent ren- fermer et prendre à milliers, ÿ 382 cho NATURELLE o C iseaux sont encore les habitarrs que la Nature a envoyés aux points isolés ét perdus dans l'immense Océan, où elle n’a pu faire parvenir les autres espèces dont elle a peuplé la surface de la terre. Les navigateurs ont trouvé les oiseaux en possession des îles désertes et de ces fragmens du globe qui sembloient se dérober à l'établissement de la Nature vivante. Ils se sont répandus du Nord jusqu'au Midi , et nulle part ils ne sont plus nombreux que sous les zones froides, parce que dans ces régions où la terre dénuée , morte et ensevelie sous d’éter- mnels frimas , refuse ses flancs glacés à toute fécondité , la mer est encore ani- mée, vivante, et même très-peuplée. Aussi les voyageurs et les naturalistes ont-ils observé que dans les régions du Nord il y a peu d'oiseaux de terre en comparaison de la quantité des oiseaux d'eau : pour les premiers , il faut des végétaux, des graines, des fruits, dont la Nature engourdie produit à peine dans ces climats quelques espèces foibles et yares; les derniers ne demandent à La PT PORTE, p'' "M 4 DES OISEAUX AQUATIQUES. 153 terre qu'un lieu de refuge , une retraite dans les tempêtes, une station pour les nuits , un berceau pour leur progéni- ture ; encore la glace qui, dans ces cli- mats froids , le dispute à la terre , leur offre-t-elle presque également tout ce qui est nécessaire pour des besoins si simples. MM. Cook et Forster ont vu , dans leurs navigations aux mers australes, plusieurs de ces oiseaux se poser , voyager et dor- mir sur des glaces flottantes comme sur la terre ferme ; quelques uns même y nichent avec succès. Que pourroit en effet leur offrir de plus un sol toujours gelé , et qui n’est ni plus solide ni moins froid que ces montagnes de glace ?. Ce dernier fait démontre que les oi-’ seaux d’eau sont les derniers et les plus reculés des habitans du globe, dont ils polaires : ils s’avancent jusque dans les terres où l’ours blanc ne paroît plus, et sur les mers que les phoques , les morses et les autres amphibies ont abandonnées ; ils y séjournent avec plaisir pendant toute la saison des très-longs Jours de ei L AU, Ü ° L > ù 1] \ % connoissent mieux que nous les régions ne L. Lits. Jo Lo. 154 HISTOIRE NATURELLE, ces climats , et ne les quittent qu’après l’'équinoxe de l’automne , lorsque la nuit anticipant à grands pas sur la lumière du jour , bientôt l’anéantit et répand un voile continu de ténèbres , qui fait fuir ces oiseaux vers les contrées qui Jouis- sent de quelques heures de jour; ils nous arrivent ainsi pendant l'hiver , et retournent à leurs glaces, en suivant la marche du soleil avant l’équinoxe du printemps ' Ki NUS |= LA CIGOGNE,. LS Fauquet À. f PAR EPEOUCNE * si L Ok vient de voir qu'entre les oiseaux terrestres qui peuplent les campagnes, et les oiseaux navigateurs à pieds palmés, qui reposent sur les eaux , on trouve la grande tribu des vies de rivage, | le pied sans membranes, rie pou- vant avoir un appui sur les eaux, doit éhcore porter sur la terre, et dont le long bec enté sur un long cou s étend n avant pour chercher la pâture sous vs élément liquide. Dans les nombreuses 1° june familles de ce peupleamphibie des rivages de la mer et des fleuves, celle de la ie rogne, plus connue, blés célébrée qu'au ‘une autre, se présente la première. Elle t composée de deux espèces, qui ne iHèrent que par la couleur ; car du reste } * Voy ez les planches enluminées, n° 866. En latin, ciconia; en allemand et en angl0ls » orck ; en italien, cig0gna ; zigogna , et le peut, Cicognino; eu espagnol, c'ouenna; en vieux fran gois, CIgONgNE OÙ CILOITNES à 156 HISTOIRE NATURELLE il semble que, sous la même forme et d’après le même dessin , la Nature ait produit deux fois le même oiseau , lun blanc et l’autre noir. Cette différence tout le reste étant semblable , pourroit être comptée pour rien s'il n’y avoit pas entre ces deux mêmes oiseaux , diffé- % rence d’instinct et diversité de mœurs. - La cigognenoire chercheles lieux déserts, se perche dans les bois, fréquente les marécages écartés, et niche dans l’épais- seur des forêts. La cigogne blanche choi- sit au contraire nos habitations pour domicile ; elle s'établit sur les tours, sur les cheminées et les combles des édifices : amie de l'homme , elle en par- tage le séjour et même le domaine; elle pêche dans nos rivières , chasse Jusque dans nos Jardins , se place au milieu des villes, sans s’effrayer de leur tumulte *, et rod -tout hôte respecté et bien venu, elle paye par des services le tribut qu elle * Témoin ce nid de cigogne’ posé sur le temple. de la Concorde au Capitole, dont parle Juvénal (sat. T, v. 116), et qu’on voit figuré sur des mé, dulles d’Adrien, Es = DE LA CIGOGNE. 197 doit à la société; plus civilisée , elle est aussi plus féconde , plus nombreuse, et plus généralement répandue que la cigogne noire , qui paroît confinée dans certains pays , et toujours dans les lieux solitaires. mr Cette cigogne blanche , moins grande que la grue , l’est plus que le héron : sa. longueur , de la pointe du bec à l’extré= mité de la queue , est de trois pieds et demi, et jusqu’à celle des ongles, de qua- tre pieds ; le bec, de la pointe aux angles, a près de sept pouces ; le pied enahuit, la partie nue des Jambes cinq ; et l’en- vergure de ses ailes est de plus de six pieds. Il est aisé de se la peindre : le corps est d’un blanc éclatant , et les ailes sont noires, caractères dont les Grecs ont formé son nom * ; les pieds et le bec sont rouges , et son long cou est arqué: voilà ses traits principaux ; mais en la regar- dant de plus près, on appercoit sur les ailes des reflets violets et quelques teintes brunes. On compte trente pennes en * Ilehoy &pyoy, “ % * 158 HISTOIRE NATURELLE développant l'aile ; elles forment une double échancrure , les plus près du corps étant presque aussi longues que Les exté- rieures , et les égalant lorsque l’aile est pliée : dans cet état, les ailes couvrent la queue; et lorsqu'elles sont ouvertes ou étendues pour le vol, les plus grandes pennes offrent une disposition singulière : les huit ou neuf premières se séparent les unes des autres , et paroissent divergentes et détachées, de manière qu'il reste entre chacune un vide ; ce qui ne se voit dans aucun autre oiseau. Les plumes du bas du cou sont blanches , un peu longues et pendantes , et par-là les cigognes se rapprochent des hérons ; mais leur cou est plus court et plus épais. Le tour des yeux est nud et couvert d’une peau ridée d’un noir rougeâtre ; les pieds sont revêtus d’écailles en tables hexagones | d'autant plus larges qu’elles sont placées plus haut; il y a des rudimens de membranes entre le grand doigt et le doigt intérieur jusqu’à la première articulation, etqui, s'étendant plus avant sur le doigt extérieur, semblent former la nuauce par laquelle la Nature 1 | - DE LA CIGOGNE. 159 passe des oiseaux à pieds divisés aux oiseaux à pieds réunis et palmés ; les ongles sont mousses, larges, plats, et assez approchans de la forme des ongles de l’homme. . La cigogne a le vol puissant et soutenu, comme tous les oiseaux qui ont des ailes très-amples et la queue courte ; elle porte en volant la tête roide en avant, et les pattes étendues en arrière comme pour lui servir de gouvernail ; elle s'élève fort haut , et fait de très-longs voyages, même dans les saisons orageuses. On voit les cigognes arriver en Allemagne vers le 8 ou le 10 de mai; elles devancent ce temps dans nos provinces. Gesner dit qu’elles précèdent les hirondelles et qu’elles vien- nent en Suisse dans le mois d'avril, et quelquefois plus tôt; elles arrivent en Alsace au mois de mars , et même dès la fin de février. Leur retour est par-tout d'un agréable augure , et leur appari- tion annonce le printemps : aussi elles semblent n’arriver que pour se livrer aux tendres émotions que cette saison inspire. Aldrovande peint avec chaleur les signes 160 HISTOIRE NATURELLE | de joie et d'amour , les empressemens et les caresses du mâle et de la femelle arri- vés sur leur nid après un long voyage: car les cigognes reviennent constamment aux mêmes lieux; et si leur nid est dé- truit , elles le reconstruisent de nouveau avec des brins de bois et d'herbes de marais , qu'elles entassent en grande quantité : c’est ordinairement sur les combles élevés | sur les créreaux des tours , et quelquefois sur de grands arbres , au bord des eaux ou à la pointe d’un rocher escarpé , qu’elles le posent, En France, du temps de Belon, on plaçoit des roues au haut des toits pour engager ces oiseaux à y faire leur nid ; cet usage subsiste encore en Allemagne et en Alsace, et l'on dispose en Hollande pour cela des caisses quarrées aux faîtes des édifices ?. 1 C’est en ce sens qu'il faut entendre ce que dit Varron, qu’elle niche à la campagne, in 1ecto. ut hirundines , in agro ut ciconia , puisqu'il observe ailleurs lui-même, au sujet de l’arrivée de la ci- gogne en Italie, qu’elle s'établit de préférence sur les édifices. 8 Lady Montague, dans ses lettres, n° 32, dit DE LA CIGOGNE. xx Dans l'attitude du repos, la cigogne se tient sur un pied, le cou replié, la tête en arrière et couchée sur l'épaule ; elle guette les mouvemens de quelques rep- tiles, qu’elle fixe d’un œil perçant : les grenouilles, les lézards , les couleuvres et les petits poissons, sont la proie qu’elle va cherchant dans les marais, ou sur les bords des eaux, ou dans les vallées hu- mides. Elle marche, comme la grue, en jetant le pied en avant par grands pas mesurés ; lorsqu'elle s’irrite ou s'inquiète, et même quand l’amour l’agite, elle fait claqueter son bec d’un bruit sec et réitéré , que les anciens avoient rendu par des mots 1mi- tatifs, crepitat, glotterat, et que Pétroue exprime fort bien en l’appelant un bruit qu'à Constantinople les cigognes nichent par terre dans les rues. Si elle ne s’est pas trompée sur l’es- pèce de ces oïseaux , il faut que la sauve-garde dont jouit la cigogne en Turquie, l’ait singulièrement enhardie; car, dans nos contrées, les points de position qu'elle préfère sont toujours les plus inac- cessibles, qui dominent tout ce qui environne, et ne permetteut pas de voir dans son nid. 4 162 HISTOIRE NATURELLE de crotales *: ellerenverse alors la tête , de manière que la mandibule extérieure se trouve en haut, et que le bec est couché presque parallèlementsur le dos. C’est dans cette situation que les deux mandibules battent vivement l’une contre l’autre ; mais, à mesure qu’elle redresse le cou , le claquement seralentit, et finit lorsqu’il a repris sa position naturelle. Au reste, ce bruit est le seul que la cigogne fasse entendre, et c’est apparemment de ce qu’elle paroît muette que les anciens avoient pensé qu'elle n’avoit point de langue. 11 est vrai que cette langue est courte et cachée à l'entrée du gosier, comme dans toutes les espèces d'oiseaux à long bec, qui ont aussi une manière particulière d’avaler en jetantles alimens, par un certain tour de bec, jusque dans da gorge. Aristote fait une autre remarque au sujet de ces oiseaux à cou et bec très- longs ; c’est qu’ils rendent tous une fente plus liquide que celle des autres oiseaux. La cigogne ne pond pas au - delà de * Crotalistria, épithète donnée déja dans Pu- @lius Syrus à la cigogne. rs DE L'A CIGOGNE.’ +6 quatre œufs, etsouvent pas plus de deux, d’un blanc sale et jaunâtre, un peu moins gros, mais plus alongés que ceux de l’oie; le mâle les couve dans le temps que la femelle va chercher sa pâture. Les œufs éclosent au bout d’un mois ; le père et la mère redoublent alors d’activité pour por- ter la nourriture à leurs petits, qui la recoivent en se dressant et rendant une espèce de sifflement *. Au reste , le père et la mère ne s’éloignent jamais du nid tous deux ensemble ; et tandis que l’un est à la chasse, on voit l’autre se tenir aux environs, debout sur une jambe, et l’œil toujours à ses petits. Dans le pre- mier âge, ils sont couverts d'un duvet brun ; n’ayant pas encore assez de forces pour se soutenir sur leurs jambes minces et grèles , ils se traînent dans le nid sur leurs genoux. Lorsque leurs ailes com- * Élien a dit que la cigogne vomit à ses petits leur nourriture; ce qu'il ne faut point entendre d’alimeus déja en partie digérés, mais de la proie récente qu'elle dégorge de l’œsophage, et peut même rendre de son estomac, dont l’ouverture est assez large pour en permettre la sortie. * 164 HISTOIRE NATURELLE mencent à croître , ils s’exercent à vole: ter au-dessus du nid : mais il arrive sou- vent que, dans cet exercice, quelques uns tombent et ne peuvent plus se relever. Ensuite, lorsqu'ils commencent à se ha- sarder dans les airs, la mère les conduit et les exerce par de petits vols circulaires autour du nid où elle les ramène ; enfin les Jeunes cigognes déja fortes prennent leur essor avec les plus âgées dans les derniers jours d'août , saison de leur dé- part. Les Grecs avoient marqué leur ren- dez-vous dans une plaine d'Asie, nommée la plage aux serpens, où elles se rassem- bloient comme elles se rassemblent en- core dans quelques endroits du Levant, et même dans nos provinces d'Europe, comme dans le Brandeboursg et ailleurs. Lorsqu’elles sont assemblées pour le départ , on les entena claqueter fréquem- ment , et il se fait alors un grand mouve- ment dans la troupe ; toutes semblent se chercher, se reconnoître et se donner l’a- vis du débart général, dont le signal, dans nos contrées, ot le vent du nord. Elles s'élèvent toutes ensemble , et dans ! “ DE LA CIGOGNE. 65 quelques instans se perdent au haut des airs. Klein raconte qu'appelé pour voir ce spectacle, 1l le manqua d’un moment, et que tout étoit déja disparu. En effet, ce départ est d'autant plus difficile à ob- server , qu'il se fait en silence *, et sou- vent dans la nuit. On prétend avoir re- marqué que , dans leur passage, avant de tenter le trajet de la Méditerranée, les cigognes s’abattent en grand nombre aux environs d'Aix en Provence. Au reste , ïl paroît que ce départ se fait plus tard dans les pays chauds, puisque Pline dit qu’a- prés le départ de la cigogne, il n’est plus Zemps de semer. Quoique les anciens eussent marqué les migrations des cigognes, ils ignoroient quels lieux elles alloient habiter : mais quelques voyageurs modernes nous ont fourni sur cela de bonnes observations ; ils ont vu en automne les plaines de l'É- gypte toutes couvertes de ces oiseaux. * Belon dit qu’il n’est point remarqué, parce qu’elles volent sans bruit et sans jeter de criss au contraire des grues et des oïles sauvages, qui grient beaucoup en volant. DU x66 HISTOIRE NATURELLE «Il est tout arrêté, dit Belon, que les « cigognes se tiennent l'hiver aux pays « d'Égypte et d'Afrique ; car nous avons « témoings d’en avoir vu les plaines d’É- « gypte blanchir , tant il y en avoit dès « les mois de septembre et octobre, parce « qu'étant là durant et après l’inouda- «tion , n’ont faute de pâture , mais trou- « vant là l’été intolérable pour sa violente « chaleur , viennent en nos régions, qui « lors leur sont tempérées, et s’en retour- «nent en hiver pour éviter la froidure « trop excessive : en ce contraires aux « grues ; car les grues et oies nous viennent « voir en hiver, lorsque les cigognes en « sont absentes ! ». Cette différence très- remarquable provient de celle des régions où séjournent ces oiseaux : les grues et les oïes arrivent du Nord, dont elles fuient les grands hivers ; les cigognes artent du Midi, pour en éviter les ar- deurs 2. 1 Histoire naturelle des oiseaux, page 2orx. 2 Plusieurs auteurs ont prétendu que les ci- gognes ne s'éloiguent point l’hiver, et le passoïent gachées dans des cavernes, on même plongées au ES » DE LA CIGOGNE. r67 Belon dit aussi les avoir vues hiverner alentour du mont Æmanus, vers An- tioche, et passer, sur la fin d’août, vers Abydus, en troupes de trois ou quatre mille, venant de la Russie et de la Tar- tarie : elles traversent l'Hellespont; puis, se divisant à la hauteur de Ténédos , elles partent en pelotons , et vont toutes vers le midi. Le docteur Shaw a vu, du pied du fond des lacs. C’étoit l’opinion commune du temps d'Albert le Grand. Klein fait la relation de deux eigognes tirées de l’eau dans des étangs près d’'El- binsg. Gervais de ;Tilbury parle d’autres cigognes qu’on trouva pelotonnées dans un lac vers Arles; Mérula, dans Aldrovande, de celles que des pê- cheurs tirèrent du lac de Côme ; et Fulgose, d’autres qui furent pêchées près de Metz. Martin Schoockius, qui a écrit sur la cigogne un opuscule imprimé à Groningue en 1648, appuie ces Lémoi-, enages ; mais l’histoire des migrations de la cigogne est trop bien connue, pour n'attribuer qu’à des accidens les faits dont nous venons de faire men- tion, si pourtant on peut les regarder comme cer- tains. Voyez ceite question et l'examen de tout ce qu’on a dit sur les oïseaux que l’on prétend passer l'hiver dans l’eau, plus amplement discuté à Par= tücle de Phrrondelle. mont Carmel , le passage | de l'Égypte en Asie, vers le milieu d'avril 1722. «Notre vaisseau, dit ce voyageur x « étant à l’ancre sous le mont Carmel, « Je vis trois vols de cigognes , dont cha- «< cun fut plus de trois heures à passer, e « s’'étendoit plus d’un demi-mille en lar- « geur ». Maillet dit avoir vu les cigognes descendre, sur la fin d’avril, de la haute Égypte, et s'arrêter sur les terres du Del- ta, que l’inondation du Nil leur fait bien- tôt abandonner *. Ces oiseaux, qui passent ainsi de cli- mats en climats, ne connoissent point les rigueurs de l’hiver ; leur année est composée de deux étés, et 1ls goûtent aussi deux fois les DÉLAI de la saison * Quelques corneilles se mélent par fois aux c1- gognes dans leur passage; ce qui a donné lieu à Popinion qu’on trouve dans sait Basile et dans Isidore, que les corneilles servent de guide dans le voyage, et d’escorie aux cigognes. Les anciens ont aussi beaucoup parlé des combats de la cigogne contre les corbeaux, les geais et d'autres espèces d'oiseaux : lorsque leurs troupes repassent de la. Libye et de l'Égypte, elles se rencontrent vers la “Lycie et le fleuve du Xanthe. DE LA CIGOGNE. 169 des amours L c’est une particularité très- intéressante de leur histoire, et Belon l’assure positivement de la cigogne, qui, dit-il, fait ses “tie pour la seconde fois en oote. On prétend qu’on ne voit pas de ci- gognes en Angleterre, à moins qu’elles n'y arrivent par quelque tempête. Albin remarque, comme chose singulière , deux cigognes qu'il vit à Edger en Midlesex ; Willughby dit que celle dont il donne la figure, lui avoit été envoyée de la côte de Norfolk, où elle étoit tombée par hasard. Il n’en paroît pas non plus en Écosse , si l’on en juge par le silence de Sibbald. Cependant la cigogne se porte assez avant dans les contrées du nord de l’Europe ; elle se trouve en Suède, suivant Linnæus, et sur-tout en Scanie, en Danemarck, en Sibérie, en Mangasea sur le Jenisca, et jusque chez les Jakutes. On voit aussi des cigognes en très-grand nombre dans la Hongrie, la Pologne et la Lithaanie ; on les rencontre en Turquie , en Perse où Bruyn a remarqué leur nid, figuré sur les ruines de Persépolis ; et même, 19 CUT OU ro 590 HISTOIRE NATURELLE si l’on en croit cet auteur ) la cigogne se trouve dans toute l'Asie , à l'exception des pays déserts, qu ‘elle semble éviter, et des terrains aride, elle ne peut vivre. Aldrovande assure qu'il ne se trouve point de cigognes dans le territoire de Bologne; elles sont même rares dans toute l'Italie, où Willughby, pendant un sé- jour de vingt-huit ans, n'en a vu qu’une fois , et où Aldrovande avoue n’en avoir jamais vu. Cependant il paroît, par les té- moignages de Pline et de Varron, qu'elles y étoient communes autrefois , et l’on ne peut guère douter que, dans leur voyage d'Allemagne en Afrique , ou dans leur retour, elles ne passent sur les terres de l'Italie et sur les îles de la Méditerranée. Kæmpfer dit que la cigogne demeure toute l’année au Japon. Ce seroit le seul pays où elle seroit stationnaire ; dans tous les autres, comme dans nos con- trées , elle arrive et repart quelques mois après. La Lorraine et l'Alsace sont Les pro- vinces de France où les cigognes passent en plus grande quantité; elles y font DE DATE GOGNE 76 même leurs nids, et il est peu de villes ou de bourgs dans la basse Alsace où l’on ne yoie quelques nids de cigogne sur les clo- chers. A re La cigogne est d’un naturel assez doux ; elle n’est ni défiante ni sauvage, et peut se priver aisément et s’accoutumer à res- ter dans nos jardins, qu’elle purge d’in- sectes et de reptiles. Il semble qu’elle ait l’idée de la propreté ; car elle cherche les endroits écartés pour rendre ses excré- mens. Elle a presque toujours l'air triste et la contenance morne : cependant elle ne laisse pas de se livrer à une certaine gaieté , quand elle y est excitée par l'exemple; car elle se prête au badinage des enfans, en sautant et jouant avec eux. En domesticité elle vit long-temps, et supporte la rigueur de nos hivers. L'on attribue à cet oiseau des vertus morales , dont l’image est toujours res+ pectable ; la tempérance, la fidélité con- jugale, la piété filiale et paternelle *. Il est xrai que la cigogne nourrit très-long+ # D'où vient que Pétrone l’appelle pietaticultrix. &S _. 172 HISTOIRE NATURELLE temps ses petits, et ne les quitte pas qu’elle ne leur voie assez de force pour se dé- fendre et se pourvoir d'eux-mêmes ; que quand ils commencent à voleter hors du nid et à s’essayer dans les airs, elle les porte sur ses ailes ; qu’elle les défend dans les dangers , et qu’on l’a vue, ne pouvant les sauver, préférer de périr avec eux plutôt que de les abandonner *. On l’a de même vue donner des marques d’attache- ment et même de reconnoissance pour les lieux et pour les hôtes qui l’ont reçue : on assure l’avoir entendue claqueter en pas- sant devant les portes, comme pour aver- tir de son retour, et faire en partant un semblable signe d'adieu. Mais ces qualités morales ne sont rien en comparaison de l'affection que marquent et des tendres soins que donnent ces oiseaux à leurs parens trop foibles ou trop vieux. On a souvent vu des cigognes Jeunes et vigou- * Voyez dans Hadrien Junius l’histoire , fa- meuse en Hollande , de la cigogne de Delft, qui, dans l'incendie de cette ville, après s'être inutile- ment efforcée d’enlever ses petits, se iaissa bruler avec EUX» DE LA CIGOGNE. #73 reuses apporter delanourriture à d’autres, qui , se tenant sur le bord du nid, pa- roissoient languissantes et aoiblies , soit par quelque accident passager , soit que réellement la cigogne , comme l’ont dit les anciens , ait le touchant instinct de soulager la vieillesse, et que la Nature, en plaçant Jusque dans des cœurs bruts ces pieux sentimens auxquels les cœurs humains ne sont que trop souvent infi- dèles, ait voulu nous en donner l'exemple. La loi de nourrir ses parens fut faite en leur honneur , et nommée de leur nom chez les Grecs. Aristophane en fait une ironie amère contre l’homme. Élien assure que les. qualités morales de la cigogne étoient la première cause du respect et du culte des Égyptiens pour elle * ; et c’est peut-être un reste de cette * Alexandre de Myndes, dans Élien, dit que les cigognes cassées de vieillesse se rendent à cer- taines Îles de l'Océan, et là, en récompense de leur piété, sont changées en hommes. Dans les au gures, l'apparition de la cigogne signifioit union et concorde; son départ dans une calamité étoit du plus funeste présage. Paul Diacre dit qu'Atula 15 374 HISTOIRE NATURELLE ancienne opinion qui fait aujourd’hui le: préjugé du peuple, qui est persuadé.qu'elle apporte le bonheur à la maison où elle vient s'établir. Chez les anciens ce fut un crimede don. ner la mort à la cigogne, ennemie des espèces nuisibles. En Thessalie, il y eut peine de mort pour le meurtre d’un de ces oiseaux : tant ils étoient précieux à ce pays, qu'ils purgeoient des serpens. Dans le Levant, on conserve encore une partie de ce respect pour la cigogne. On ne la mangeoit pas chez les Romains : un homme qui, par un luxe bizarre, s’en fit servir une , en fut puni par les railleries s’attacha à la prise d'Aquilée, dont il alloit lever le siége, ayant vu des cigognes s’enfuir de la ville, emmenant leurs petits. Dans les hiéroglyphes, elle signifioit piété eL.bienfaisance , vertus que son nom exprime dans une des plus anciennes langues (chasida , en hébreu, pra, benefica, suivant Bo- chart; chazir, pius, beneficus) , et dont on Ia voit souvent l’emblême , comme sur ces deux belles médailles de L. Antomus, données dans Fulvius= Ursinus, et sur deux autres de Q. Metellus , sure nommé le Pieux au rapport de Patercule, DE LA CIGOGNE. 175 du peuple. Au reste, la chair n'en est pas assez bonne pour être recherchée, et cet oiseau , né notre ami et presque notre domestique , n’est pas fait pour être notre victime. 176 HISTOIRE NATURELLE LA CIGOGNE NOIRE *. Qù OIQUE, dans toutes les langues, cet oiseau soit désigné par la dénomination de cigogne noire, cependant c’est plutôt par opposition au blanc éclatant de la cigogne blanche que pour la vraie teinte de son plumage, qui est généralement d’un brun meélé de belles couleurs chan- geantes , mais qui de loin paroît noir. Elle a le dos, le croupion, les épaules et les couvertures des ailes, de ce brun changeant en violet et en verd doré; la poitrine, le ventre, les cuisses , en plumes blanches, ainsi que les couvertures du dessous de la queue, qui est composée de douze plumes d’un brun à reflets violets et verds. L’aile est formée de trente pennes d’un brun changeant avec reflets, où le verd , dans les dix premières, est plus * Voyez les planches enluminées, n° 399, sous le nom de c'gogne brune. DE LA CIGOGNE.) 1% fort , et le violet dans les viugt autres; les plumes de l’origine du cou sont d’un brun lustré de violet, lavées de grisâtre à la pointe ; la gorge et le cou sont cou- verts de petites plumes brunes, termi- nées par un point blanchâtre; ce carac- tère cependant manque à plusieurs indi- vidus : le haut de la tête est d’un brun mêlé d’un lustre de violet et de verd do- ré; une peau très-rouge entoure l'œil ; le bec est rouge aussi, et la partie nue des jambes, les pieds et les ongles , sont de cette même couleur, en quoi néanmoins il paroît y avoir de la variété, quelques naturalistes, comme Willughby, faisant le bec verdâtre , ainsi que les pieds. La taille est de très-peu au - dessous de celle de la cigogne blanche ; l’envergure des ailes est de cinq pieds six pouces. Sauvage et solitaire, la cigogne noire fuit les habitations, et ne fréquente que les marais écartés. Elle niche dans l’épais- seur des bois , sur de vieux arbres, par- ticulièrement sur les plus hauts sapins. Elle est commune dans les Alpes de Suisse : on la voit au bord des lacs , guettant sa 178 HISTOIRE NATURELLE proie, volant sur les eaux , et quelque- fois s’y plongeant rapidement pour saisir un poisson. Cependant elle ne se borne pas à pêcher pour vivre; elle va recueil- lant les insectes dans les herbages et les prés des montagnes; on lui trouve dans . les intestins des débris de scarabées et de sauterelles ; et lorsque Pline a dit qu’on avoit vu l’ibis dans les Alpes , il a pris la cigogue noire pour cet oiseau d'Égypte. On la trouve en Pologne, en Prusse et en Lithuanie, en Silésie , et dans plu- sieurs autres endroits de l'Allemagne ; elle s’avance Jusqu'en Suède, par-tout cher- chant les lieux marécageux et déserts. Quelque sauvage qu’elle paroisse, on la captive, et même on la prive jusqu’à un certain point. Klein assure en avoir nourri une pendaut quelques années dans un jardin. Nous ne sommes. pas assurés par témoins qu’elle voyage comme la cigogne blanche, et nous ignorons si les temps de ses migrations sont les mèmes : cependant 1l y a tout lieu de le croire; car elle ne pourroit trouver sa nourriture pendant l'hiver, même dans nos contrées. DE LA CIGOGNE. 150 L'espèce en est moins nombreuse et moins répandue que celle de la cigogne blanche ; elle ne s'établit guère dans les mêmes lieux , mais semble la remplacer dans les pays qu’elle a négligé d’habiter. En remarquant que la cigogne noire est très-fréquente en Suisse, Wormius ajoute qu'elle est tout-à-fait rare en Hollande , où l’on sait que les cigognes blanches sont en très-grand nombre. Cependant la cigogne noire est moins rare en ltalie que la blanche , et on la voit assez souvent, au rapport de Wilfughby, avec d’autres oiseaux de rivage, dans les marchés de Rome , quoique sa chair soit de mauvais suc, d’un fort goût de poisson, et d’un fumet sauvage. OISEAUX ÉTRANGERS c' + ’ QUI ONT RAPPORT A LA CIGOGNE: - j … e. LE MAGUARTI. pe TE | Ls maguari est un grand oiseau des climats chauds de l'Amérique, dont Marc- grave a parlé le premier. Il est de la taille de la cigogne , et, comme elle , il cla- quette du bec, qu'il a droit et pointu, verdâtre à la racine, bleuâtre à la pointe, et long de neuf pouces ; tout le corps, la tête, le cou et la queue , sont en plu- mes blanches un peu longues , et pen- dantes au bas du cou ; les pennes et les grandes couvertures de l'aile sont d’un noir lustré de verd, et , quand elle est pliée, les pennes les plus proches du corps égalent les extérieures, ce qui est ordi- naire dans tous les oiseaux de rivage; le tour des yeux du maguari est dénué de (l én est d' un bianc argenté : la pai rtie nue r k , 4 ‘+ DES OISEAUX ÉTRANGERS. 181 pl umes , et couvert d’ une peau d’un rouge vil; sa gorge est de même garnie. d’une peau qui peut s’enfler et forme en une poche ; l'œil est petit et- “brillant , Piris de la jambe et les pieds Sont rouges ; les ongles, de même couleur , sont larges et plats. Nous ignorons si cet oiseau voyage comme la cigogne, dont il paroît être le représentant dans le nouveau monde ; la loi du climat paroît l'en dispenser , et inème tous les autres oiseaux de ces contrées , où des saisons toujours égales, et la terre sans cesse féconde , les retien- nent sans besoin et sans aucun desir de < > . e changer de climat. Nous ignorons de ième les autres habitudes naturelles de cet oiseau , et presque tous les faits qui ont rapport à l'histoire naturelle des vastes régions du nouveau monde ; mais doit- on s’en plaindre ou même s’en étonner, quand on sait que l'Europe n’envoya pen- dant si long-temps dans ces nouveaux climats, que des yeux fermés aux beautés de la Natute , et dés cœurs encore moins ouverts aux sentimens qu'elle inspire? Oiseaux, XIV. 107 au Ni : add | " A UN ses 192 HISTOIRE NATURELLE. | | | # BE COURICACA® Ce oiseau , naturel à la Guiane , au Bresil et à quelques contrées de l’Amé- rique septentrionale où il voyage, est aussi grand que la cigogne ; maïsil a le corps plus mince, plus élancé, et il n’at- teint à la hauteur de la cigogne que par la longueur de son cou et de ses Jambes, qui sont plus grandes à proportion: il en diffère aussi par le bec, qui est droit sur les trois quarts de sa longueur, mais courbé à la pointe , très-fort , très-épais , sans rainures , uni dans sa rondeur, et allant en se grossissant près de la tête, où il a six à sept pouces de tour sur près de huit de longueur ; ce gros et long bec est de substance très-dure et tranchant par les bords. L’occiput et le haut du cou sont couverts de petites | plumes * Voyez les planches enluminées, n°, 666. DES OISEAUX ÉTRANGERS. 183 brunes , rudes quoiqu'effilées : les pennes de l’aile et de la queue sont noires , avec quelques reflets bleuâtres et rougeätres : tout le reste du plumage est blanc. Le front est chauve y CE n’est couvert, comme. le tour des yeux , que d’une peau d'un bleu obscur. La gorge, tout aussi dénuée de plumes , est revêtue d’une peau susceptible de s’enfler et de s'étendre ; ce qui a fait donner à cet oiseau , par Catesby , le nom de pélican des bois (wood-pelican ) : dénomination mal appli- quée ; car la petite poche du couricaca est peu différeute de celle de la cigogne, qui peut également dilater la peau de sa gorge ; au lieu que le pélican porte un grand sac sous le bec, et que d’ailleurs il a les pieds palmés. M. Brisson se trompe en rapportant le couricaca au genre des courlis |, auxquels il n’a nul rapport, nulle relation. Pison paroît Ctre la cause de cette erreur, par la comparaison qu'il fait de cet oiseau avec le courlis des Indes de Clusius, qui est le courlis rouge; et cette méprise est d'autant mois par- donnable , que , dans ‘la ligne précé- Lt ÿ L e AN, N° 679 CU JON > V: \ DALGEL né , Œ 184 HISTOIRE NATURELLE. dente, Pison l’égale au cygne en gran- deur : il se méprend moins en lui trou- vant du rapport dans le bec avec le bec de l’ibis, qui est en effet différent du bec des courïlis. Quoi qu'il en soit, ce grand oiseau est . fréquent , selon Marcgrave, sur la rivière - _de Séregippe ou de Saint-François : 1 nous _a été envoyé de la Guiane , et 'c'’est Île ‘même que Barrère désigne sous les noms de grue à bec courbé et de grand cours américain ; dénomination à laquelle au- roient pu se tromper ceux qui ont fait de cet oiseau un courlis M. Brisson , par une autre méprise, à rapportée au Jabiru. Au reste , Catesby nous apprend qu il arrive tous les ans de nombreuses volées de couricacas à la Caroline vers la fin de l'été, temps auquel les grandes pluies tombent dans ce pays ; ils fréquentent les savanes noyées par ces pluies ; ils se posent en grand nombre sur les plus hauts cypres * ; ils s’y tiennent dans une atti- * Sorte d'arbres de l'Amérique septentrionale , différens de nos cyprès. y Nails que L DES OISEAUX ÉTRANGERS, | +85 tude fort droite; et pour supporter leur, ec pesant , ils le reposent sur leur cot Freplié : : ils s’en retournent avant le mois de novembre. Catesby ajoute qu'ils sont oiseaux stupides , qui ne s’'épouvantent. point, et qu'on les tire à son aise ; que leur chair est très-bonne à mamger, quoi- . » . Ë 4 qu'ils ne se nourrissent que de poissons et d'animaux aquatiques. À Er 186 HISTOIRE NATURELLE w Ex multipliant les reptiles sur les plages | uyécs de l’Amazone et de l’Orénoque 5 : la Nature semble avoir produit en même temps les oiseaux destructeurs de ces espèces nuisibles; elle paroît même avoir proportionné leur force à celle des énor- mes serpens qu'elle leur donnoit à com- battre, et eur taille à la profondeur da Lou sur lequel elle les ag ! _errer. L'un de ces oiseaux est le jabiru ‘beaucoup plus grand que la Se ‘ supérieur en hauteur à la grue , avec un corps du double d'épaisseur, et le premier des oiseaux de rivage, si on donne la primauté à la se et à Ja force. dé ès : Le bec du jabiru est une arme puise. | sante ; il a treize pouces de longueur sur 7 3 Voyez les planches enluminées, n° 617. [ PL 6. Pag166: LE JABIRU. JS auquel. P _ ‘DES OISEAUX ÉTRANGERS trois de largeur à la base ; il est aigu, tranchant | applati par les côtés, en manière de hache et implanté dans une large tête portée sur un cou épais et nerveux : ce bec, formé d’une corne dure , est légèrement courbé en arc vers le haut, caractère dont on trouve une première trace dans le bec de la cigogne noire. La tête et les deux tiers du cou du Jabiru sont couverts d’une peau noire et nue, chargée à l'occiput de quelques poils gris; la peau du bas du cou, sur quatre à cinq pouces de haut , est d’un rouge vif, et forme un large et beau collier à cet oiseau , dont le plumage est entièrement blanc ; le bec est noir ; les jambes sont robustes |, couvertes de grandes écailles noires comme le bec ct dénuées de plumes , sur cinq pouces de hauteur ; le pied en a treize ; le ligament membraneux paroît aux doigts, et s’en- gage de plus d’un pouce et demi du doigt extérieur à celui du milieu. Willughby dit que le jabiru égale au moins le eygne en grosseur ; ce qui est vrai, en se figurant néanmoins le corps ul A : à 187 du cygne moins épais ct plus alongé, et celui du jabiru monté sur de très-hautes échasses. 11 ajoute que son cou est aussi gros que le bras d’un homme ; ce qui est encore exact. Du reste , il dit que la pass du bas du cou est blanbes) et non roug ce qui peut venir de la Éiféreee du out | au vivant , la couleur rouge ayaut été suppléée et indiquée par une peinture dans l'individu qui est au Cabinet du roi. La queue est large, et ne s'étend pas au-delà des ailes pliées. L’oiseau en pied a au moins quatre pieds et demi de hau- teur verticale ; ce qui, en développe- ment , vu la longueur du bec, feroit près de six pieds : c’est le plus grand oiseau de la Guiane. Jonston et Willughby n'ont fait que copier Marcgrave au sujet du jabiru ; ils ont aussi copié ses figures, avec les défauts qui s’y trouvent ; et il y a dans Marcgrave même une conhioie , ou plutôt une méprise d'éditeur , que nos nomenclateurs , loin de contiite n’ont fait qu’augmenter , et que nous aîlons tâcher d’éclaircir. 76 HISTOIRE NATURELLE cd Met. tag) Que LPS ES OISEAUX ETRANGERS. 189 « Le jabiru des Brasiliens, que les Hoi- « landois ont nommé zegro, dit Marcgrave, « a le corps plus gros que celui du cygne, « et de méme longueur; le cou est gros « comme le bras d’un homme, la tête « grande à proportion ; l'œil noir; le bec « noir, droit, long de douze pouces, large « de deux etdemi, tranchant par les bords; « la partie supérieure est un peu soulevée « et plus forte que l’inférieure ; tout le bec « est légèrement courbé vers le haut. » Sans aller plus loin, et à ces caractères £rappans et uniques, on ne peut mécon- noître le Jabiru de la Guiane , c’est-à- dire, le grand jabiru que nous venons de décrire sur l'oiseau même ; cependant on voit avec surprise, dans Marcgrave, au-dessous de ce corps épais qu'il vient de représenter , et de ce bec singulier arqué en haut , un bec fortement arqué en bas, un corps efhlé et sans épaisseur, en un mot un oiseau , à la grosseur du cou près, totalement différent de celui qu'il vient de décrire: maïs, en jetant les yeux sur l’autre page, on apperçoïit sous son Jabiru des Pétivares où nhandu- RES + SN AURLET DOUX 199 HISTOIRE NATURELLE apoa des Tupinambes , qu’il dit de la taille de la cigogne, avec le bec arqué en bas, un grand oiseau au port droit, au corps épais , au bec arqué en haut, et qu’on reconnoît parfaitement pour être le grand jabiru , le véritable objet de sa description précédente , à la grosseur du cou près , qui n’est pas exprimée dans la figure ; il faut donc reconnoîtreci une double erreur , l’une de gravure et l’autre de transposition , qui a fait prêter au nhandu-apoa le cou épais du Jabiru , et qui a placé ce dernier sous la description . du nhandu-apoa , tandis que la figure de celui-ci se voit sous la description du jabiru. : | Tout ce qu’ajoute Marcgrave , sert à éclaircir cette méprise, et à prouver ce que nous venons d'avancer : il donne au _jabiru brasilien de fortes jambes noires, écailleuses , hautes de deux pieds ; tout le corps couvert de plumes blanches; le cou nud, revêtu d’une peau noire aux deux tiers depuis la tête, et formant au-dessous un cercle qu'il dit blanc, mais que nous croyons rouge dans l'animal vivant: voilà ra hd rl - DES OISEAUX ÉTRANGERS. rot : en tout et dans tous ses traits notre grand jabiru de la Guiane. Au reste, Pison ne s’est point trompé comme Maregrave : il conne la véritable figure du grand jabiru sous son vrai nom de jabiru guacu ; et il dit qu’on le rencontre aux bords des lacs et des rivières dans les lieux écartés ; que sa chair, quoiqu’ordinairement très- sèche , n’est point mauvaise. Cet oiseau engraisse dans la saison des pluies ; et “c'est alors que les Indiens le mangent le plus volontiers ; ils le tuent aisément à coups de fusil , et mème à coups de fiè- ches. Du reste, Pison trouve aux pennes des ailes un reflet de rouge que nous p'ayons pu remarquer dans l'oiseau qui nous a été envoyé de Cayenne , mais qui peut bien se trouver dans les jabirus au Bresil. FUN 46 NT EL . j ., 132 HISTOIRE NATURELLE LE NANDAPOA | Cxr oiseau , beaucoup plus petit que le jabiru , a néanmoins été nommé grand jabiru (jabiru guacu) dans quel- ques contrées où le vrai Jabiru n'étoit . apparemment pas encore connu ; Inais sou vrai nom brasilien est zandapoa. Il ressemble au jabiru en ce qu'il a de même Ja tête et le haut du cou dénués de piumes et recouverts seulement d’une peau écailleuse ; mais il en diffère par le bec, qui est arçqué en bas, et qui n’a que sept pouces de longueur. Cet oiseau est à peu près de la taille de la cigogue ; Je sommet de sa tête est couvert d’un bourrelet osseux d’un blanc grisâtre : les yeux sont noirs ; les oreilles sont larges et très-ouvertes ; le cou est long de dix pouces , les jambes le sont de huit, les picds de six , ils sont de couleur cen- -drée ; les pennes de l’aile et de la queue, ; DES OISEAUX ÉTRANGERS. 103 qui ne passe pas l’aile pliée, sont noires, avec un reflet d’un beau rouge dans celles de l’aile; le reste du plumage est blanc ; les plumes du bas du cou sont un peu longues et pendantes. La chair de cet oiseau est de bon goût, et se mange après avoir été dépouillée de sa peau. Il est encore clair que cette seconde des- cription de Maregrave convient à sa pre- mière figure, autant que la seconde con- vient à la description du Jabiru du Bresil, ou de notre graud jabiru de la Guiañe, qui est certainement le même oiseau. Telle est la confusion qui peut naître, en his- toire naturelle , d’une légère méprise, et qui ne fait qu’aller en croissant , quand, satisfaits de se copier les uns les ES sans discussion , sans étude de la Nature les nomenclateurs ne multiplienties ps res auw’au détriment de la science. 17 j' La CRU 4 D: tous les oiseaux voyageurs, c’est la grue qui entreprend et exécute les courses les plus lointaines et les plus hardies. ‘Originaire du Nord, elle visite les régions tempérées ,; et s'avance dans celles du Midi. On la voit en Suède, en Écosse ,aux îles Orcades ; dans la Podolie, la Volhinie, Ja Lithuanie, et dans toute l'Europe sep- tentrionale. En automne , elle vient s’abattre sur nos plaines marécageuses et nos terres ensemencées ; puis elle se bâte de passer dans des climats plus méri- dionaux , d’où revenant avec le prin- temps, on la revoit s’enfoncer de nouveau dans le Nord , et parcourir ainsi un cercle de voyages avec le cercle des saisons. Frappés de ces continuelles migrations, D A AE iné Voyez les planches enluminées , n° 769. En latin, grus ; en italien , gru , grua ; en es- > 8 > , 1 pagnol, gruila , gruz ; en allemand, krane, kra- nich; en anolois, crane. LA. GEUE: | ? Lquét m2 WY ! k ï, “vb f< 4 tn 1 HISTOIRE NATURELLE. 195 les anciens l’appeloient également l'oiseau de Libye et l'oiseau de Scythie, la voyant tour-à-tour arriver de l’une et de l’autre de ces extrémités du monde alors connu. Hérodote, aussi-bien qu’Aristote , place en Scythie l'été des grues. C'est en effet. de ces régions que partoient celles qui s’arrétoient dans la Grèce. La Thessalie est appelée, dans Platon , le péturage des grues ; elles s’y abattoient en troupes, et couvroient aussi les îles Cyclades : pour marquer la saison de leur passage , leur voix , dit Hésiode , anrzonce du haut des airs au laboureur le temps d'ouvrir la terre. L'Inde et l'Éthiopie étoient des régions désignées pour leur route au Midi. Strabon dit que les Indiéns mangent les œuis des grues ; Hérodote , que les Egyptiens couvrent de leurs peaux des boucliers ; et c’est aux sources du Nil que les anciens les envoyoient combattre des Pygmées , sorte de petits hommes | dit Aristote , montés sur de pelits chevaux, ef qui habitent des cavernes. Pline arme ces petits hommes de flèches ; il les fait porter par des beliers, et descendre au. ZA LU | A UE A RS ES ‘0 EE 1 = AL, « dé CUNEPTE. 196 HISTOIRE NATURELLE printemps des montagnes de l’Iude ,. où ‘ils habitent sous un ciel pur, pour venir vers la, mer orientale soutenir , trois mois durant , la guerre contre les grues, briser leurs œufs , enlever leurs petits, sans quot, dit-il, i/s ne pourroient résister aux troupes toujours plus nombreuses de ces oiseaux , qui même finirent par les acca- bler , à ce que pense Pline lui-même, puisque parcourant des villes maintenant _ désertes ou ruinées, et que d’anciens peu- ples habitèrent , il compte celle de Gé- rania , où vivoil autrefois la race des. Pygmeées , qu’on croit en avoir élé chassés par les grues, Ces fables anciennes * sont absurdes , dira-t-on , et J'en conviens : mais, acccu- tumés à trouver dans ces fables des vérités - cachées , et des faits qu’on n’a pu mieux connoître, nous devons être sobres à porter ce jugement trop facile à la vanité, et trop naturel à l'ignorance; nous aimons mieux croire que. quelques particularités * Elles précèdent le temps d’Homèré, qui com- pare (Tliade, liv. ITT) les Troyens aux grues com- battant à grand bruit les Pygmées. DE LA GRUE. 197 singulières dans l’histoire de ces oiseaux donnèrent lieu à une opinion si répandue dans une antiquité, qu'après avoir si sou- vent taxée de mensonges , nos nouvelles découvertes nous ont forcés de reconnoî- tre instruite avant nous. On sait que ics singes, qui vont en grandes troupes dans la plupart des régions de l’Afrique et de l'Inde , font une guerre continuelle aux oiseaux; ils cherchent à surprendre leur nichée , et ne cessent de leur dresser des embüches. Les grues, à leur arrivée, trouvent ces ennemis , peut-être rassem- blés en grand nombre pour attaquer cette nouvelle et riche proie avec plus d’avan- tage ; les grues , assez sûres de leurs pro- pres forces , exercées méme entre elles aux combats , et naturellement assez dispo- sées à la lute , comme il paroît par les attitudes où elles se Jouent , les mouve- mens qu'elles affectent , et à l’ordre des batailles par celui même de leur vol et de leurs départs , se défendent vivement: mais les singes, acharnés à enlever les œufs et leurs petits, reviennent sans cesse ct en troupes au combat; et comme, par 17 | 508 HISTOIRE NATURELLE leurs stratagèmes , leurs mines et leurs postures , ils semblent imiter les actions humaines , ils parurent étre une troupe de petits homnies à des gens peu instruits, ou qui n’appercurent que de loim, ou qui , emportés par l'amour de l’extraor- dinaire , préferèrent de mettre ce mér- veilleux dans leurs relations*. Voilà l’ori- gine et l’histoire de ces fables. Les grues portent leur vol très-haut , et se mettent en ordre pour voyager; D] elles forment un triangle à peu près iso- * Ce west pas la première fois que des troupes de singes furent prises pour des hordes de peuplades sauvages, sains compter le combat des Carthaginois contre les orang-outangs sur une côte de l'Afrique, et les peaux de trois femelles, pendues dans le temple de Junon à Carthage, comme des peaux de femmes sauvages. Alexandre, pénétrant dans les Indes, alloit tomber dans cette erreur, et en- voyer sa phalange contre une armée de pongos, si le roi Taxile ne l’eût détrompé, en lui faisant re- “marquer que cette multitude qu'on voyoit suivre cs bauteurs, étoient des animaux paisibles, aturés par le spectacle, mais, à la vérité, infiniment inoins igsensés, moins salguinaires que les dépré= dateurs de l'Asie. PU CID ENAN GC MUE) D eèle, comme pour fendre l'air plus aisé- ment. Quand le vent se renforce ét me- nace de les rompre, elles se resserrent en cercle; ce qu’elles font aussi quand l’aigie, les attaque, Leur passage se fait Le plus souvent dans la nuit; mais leur voix éclatante avertit de ieur marche. Dans ce vol de nuit, le chef fait entendre frc- quemment une voix de réclame pour avertir de la route qu'il tient ; elle est répétée par la troupe, où chacun répond comme pour faire connoître qu elle suit et garde sa ligne. Le vol de la grue est toujours soutenu, quoique marqué par diverses inflexions : ses vols différens ont été observés comme des présages des changemens du ciel et de la température; sagacité que l’on peut bien accorder à un oiseau qui, par la hauteur où il s'élève dans la région de l'air, est en état d’en découvrir ou sentir de plus loin que nous les mouvemens et les aitérations. Les cris des grues dans le Jour indiquent la pluie; les clameurs plus bruyantes et comme tumultueuses annoncent a tempéte : si le matin ou MEN Co + ANA SL dis à so HISTOIRE NATURELLE le soir on les voit s'élever et voler paisi+ blement en troupe, c’est un indice de sérénité ; au contraire, si elles pressentent l'orage , elles baissent leur vol, et s'a- battent sur terre. La grue a, comme tous les grands oiseaux, excepté ceux de proie ÿ quelque peine à nan son essor ; elle court quelques pas, ouvre les ailes, s’é- lève peu d’abord, jusqu’à ce qu’étendant son vol , elle déploie une aile puissante et rapide. À terre, les grues rassemblées éta- blissent une garde pendant la nuit, et la circonspection de ces oiseaux a été consacrée dans les hiéroglyphes, comme le symbole de la vigilance. La troupe dort la tête cachée sous l’aile , mais le chef veille la tête haute; et si quelque objet le frappe, il en avertit par un cri. C’est pour le départ, dit Pline, qu elles choi- sissent ce chef. Mais sans imaginer un pouvoir recu ou donné , comme dans les sociétés humaines, on ne peut refuser à ces animaux l'intelligence sociale de se rassembler , de suivre celui qui appelle, qui précède, qui dirige pour faire le RÉ DA GR TE 20f départ, le voyage, le retour, dans tout cet ordre qu’un admirable instinct leur fait suivre : aussi Aristote place-t-1l la grue à la tête des oiseaux qui s’attroupent et se plaisent rassemblés. , | , Les premiers froids de l’automne aver- tissent les grues de la révolution de la saison; elles partent alors pour changer de ciel. Celles du Danube et de l’Alle- magne passent sur l'Italie. Dans nos pro- vinces de France, elles paroissent aux mois de septembre et d'octobre , et jusqu’en novembre, lorsque le temps de l’arrière- automne est doux : mais la plupart ne font que passer rapidement , et ne s’ar- rêtent point ; elles reviennent au premier printemps en mars et avril. Quelques unes s’égarent ou hâtent leur retour; car Redi en a vu le 20 de février aux environs de : Pise. Il paroît qu’elles passoient jadis tout. l'été en Angleterre , puisque du temps de Ray, c’est-à-dire, au commencement de ce siècle, on les trouvoit par grandes troupes dans les terrains marécageux des provinces de Lincoln et de Cambridge: mais aujourd'hui les auteurs de la Zoo/a- 2 HISTOIRE NATURELLE gie britannique disent que ces oiseaux ne fréquentent que fort peu l’île de la Grande-Bretagne, où cependant l'on se souvient de les avoir vus nicher; telle- ment qu’il y avoit une amende pronon- cée contre qui briseroit leurs œufs, et qu'on voyoit communément , suivant, Turner, de petits gruaux dans les mar- chés. Leur chair est en effet une viande délicate, dont les Romains faiscient grand cas. Mais je ne sais si ce fait avancé par les auteurs de la Zoologie britannique n’est pas suspect; car on ne voit pas quelle est la cause qui a pu éloigner les grues de l'Angleterre : ils auroient au moins du l'indiquer, et nous apprendre si l’on a desséché les marais des contrées de Cam- bridge et de Lincoln; car ce n’est point une diminution dans l'espèce, puisque les grues paroïssent toujours aussi nome breuses en Suède, où Linnæus dit qu'on les voit par-tout dans les campagnes hu- mides. C’est en effet dans les terres du Nord , autour des marais, que la plu- part vont poser leurs nids. D’autre côté, Strabon assure que les grues ne nichent | DE LA GRUE. 203: que dans les régions de l'Inde; ce qui _prouveroit, comme nous l’avons vu de la cigogne , qu’elles font deux nichées, et dans les deux climats opposés. Les grues ne pondent que deux œufs : les petits sont à peine élevés qu’arrive le temps du départ ; let leurs prémières forces sont employées à suivre et accom- pagner leurs pères et mères dans leurs voyages. - On prend la grue au lacet , à la passée; l’on en fait aussi le vol à l'aigle et au fau- con. Dans certains cantons de la Pologne, les grues sont si nombreuses , que les paysans sont obligés de se bâtir des huttes au milieu de leurs champs de blé-sarrasin pour les en écarter. En Perse, où elles sont aussi très-communes , la chasse en est réservée aux plaisirs du prince. ll en est de même au Japon, où ce privilége, joint à des raisons superstitieuses , fait que le peuple a pour les grues le plus grand respect. On en a vu de privées, et qui, nourries dans l’état domestique, ont recu quelque éducation; et comme leur instinct les porte naturellement à se Jouer 24 HISTOIRE NATURELLE par divers sauts, puis à marcher avec une affectation de gravité, on peut les dresser à des postures et à des danses. | Nous avons dit que les oiseaux ayant le tissu des os moins serré que les animaux quadrupèdes , vivoient à proportion plus long-temps. La grue nous en fournit un exemple : plusieurs auteurs ont fait nren- tion de sa longue vie. La grue du philo- sophe Leonicus Thomæus dans Paul Jove est fameuse ; il l’a nourrie pendant qua- rante ans, et l’on dit qu'ils moururent eusemble. | Quoique la grue soit granivore , comme la conformation de son ventricule paroît l'indiquer, et qu’elle n’arrive ordinaire- meut sur les terres qu'après qu’elles sont ensemencées , pour y chercher les grains que la herse n’a pas couverts, elle préfère néanmoins les insectes, les vers, les petits reptiles ; et c’est par cette raison qu'elle fréquente les terres marécageuses dont elle tire la plus grande partie de sa sub- sistance. | | La membrane qui, dans la cigogne, engage les trois doigts, n’en lie que deux \ RP OR 20 PT en EC TOR 4 À 1 \ D£' LA GRUE. 205 dans la grue, celui du milieu avec l’exté- rieur. La trachée-artère est d’une confor- mation très-remarquable ; ear, perçant le sternum , elle y entre profondément, forme plusieurs nœuds , et en ressort par la même ouverture pour aller aux pou- imons. C’est aux circonvolutions de cet organe et au ressentiment qui sy fait, qu'on doit attribuer la voix forte de cet oiseau. Son ventricule est musculeux ; il y a double cœcum, et c’est en quoi la grue diffère à l’intérieur des hérons, qui n'ont qu’un cœcum , comme elle en est à l'extérieur très-distinguée par sa gran- deur , par le bec plus court, la taille plus ‘fournie ,'et par toute l'habitude du corps et la couleur du plumage. Ses ailes sont très-srandes , garnies de forts muscles, ‘et ont vingt-quatre pennes, Le port de la grue est droit, et sa figure est élancée. Tout le champ de son plu- mage est d'un beau cendré clair, ondé, excepté les pointes des ailes et la coiffure de la tête; les grandes pennes de l’aile sont noires; les plus près du corps s'étendent, quand l’aile est pliée, au-delà de la queue; 15 206 HISTOIRE NATURELLE ‘les moyennes et grandes couvertures sont d’un cendré assez clair du côté exté- rieur , et noires au côté intérieur aussi- bien qu’à la pointe; de dessous ces der- nières et les plus près du corps, sortent et se relèvent de larges plumes à filets, qui se troussent en panache , retombent avec grace , et, par leur flexibilité, leur position, leur tissu , ressemblent à ces mêmes plumes dans l’autruche. Le bec, depuis sa pointe jusqu'aux angles, a quatre pouces ; il est droit, pointu, com- primé par les côtés; sa couleur est d’un noir verdâtre blanchissant à la pointe : la langue , large et courte , est dure et cor-. née à son extrémité. Le devant des yeux, le front et le crâne , sont couverts d’une pcau chargée de poils noirs assez rares pour la laisser voir comme à nud. Cette peau est rouge dans l’animal vivant; dif- férence que Belon établit entre le mâle et la femelle , dans laquelle cette peau # n’est pas rouge. Une portion de plumes d’un cendré très-foncé couvre le derrière de la tête, et s'étend un peu sur le cou. - Les tempes sont blanches ; et ce blanc se D UN CG RUES EI 2 portant sur le haut du cou, descend à trois ou quatre pouces. Les joues, depuis le bec et au-dessous des yeux, ainsi que la gorge et une partie du devant du cou, sont d’un cendré noirûtre. Il se trouve par fois des grues blanches : Longolius et d’autres disent en avoir vu. Ce ne sont que des variétés dans l'espèce, qui admet aussi des différences très-con- sidérables pour la grandeur. M. Brisson ne donue que trois pieds un pouce à sa grue , mesurée de la pointe du bec à celle de la queue, et trois pieüs neuf pouces, prise du bout des ongles : il n’a donc dé- crit qu’une très-petite grue. Willughby compte cinq pieds anglois , ce qui fait à peu près quatre pieds huit pouces de lon- sueur, et il dit qu’elle pèse jusqu’à dix livres , sur quoi les ornithologistes sont d'accord avec lui. Au Cabinet du roi, un individu , pris à la vérité entre les plus grands , a quatre pieds deux pouces de hauteur verticale en attitude; ce qui fe- roit un développement , ou le corps éten- du de l'extrémité du bec à celle des doigts. de plus de cinq pieds ; la partie nue des \ 208 HISTOIRE NATURELLE jambes a quatre pouces ; les pieds sont noirs, et ont dix pouces et demi. Fe ses grandes puissances pour le vol et son instinct voyageur, il n’est pas étonnant que la grue se montre dans toutes les contrées et se transporte dans tous les climats; cependant nous doutons que, du côté du Midi, elle passe le tro- pique. En effet, toutes les régions où les anciens les envoient hiverner , la Libye, le haut du Nil, l’Inde des bords du Gange, sont en-decà de cette limite, qui étoit aussi celle de l’ancienne géographie du côté du Midi ; et ce qui nous le fait croire, outre l’énormité du voyage, c’est que, dans la Nature, rien ne passe aux ex- trêmes : c’est un degré modéré de tempé- rature que les grues habitantes du sep- tentrion viennent chercher l'hiver dans le Midi, et non le brülant été de la zone torride, Les marais et les terres humides où elles vivent, et qui Îles attirent, ne se trouvent point au milieu des terres avilhs et des sables ardens; ou si des peuplades de ces oiseaux, parvenues de proche en proche en suivant les chaînes des mon- PP DE LS CRUE. 209 tagnes où la température est moins ar- dente, sont allées habiter le fond du Mi- di , isolées dès-lors et perdues dans ces régions , séquestrées de la grande masse de lespèce, elles n’entrent plus dans le système de ses migrations, et ne sont cer- tainement pas du nombre de celles que nous voyons voyager vers le Nord : telles sont en particulier ces grues que Kolbe dit se trouver en grand nombre au cap de Bonne-Espérance , et les mêmes exacte- ment que celles d'Europe ; fait que nous aurions pu ne pas regarder comme bien certain sur le témoignage seul de ce voya- geur, si d’autres n’avoient aussi trouvé des grues à des latitudes méridionales presque aussi avancées’, comme à la nou- velle Hollande et aux Philippines , où il paroît qu'on en distingue deux espèces. La grue des Indes orientales, telle que les modernes l’ont observée, ne paroît pas spécifiquement différente de celle d'Europe : elle est plus petite, le bec un peu plus long ; la peau du sommet de la tête rouge et rude, s'étendant jusque sur le bec; du reste entièrement semblable à 1; HISTOIRE NATURELLE la nôtre, et du même plumage gris ceri- dré. C'est la description qu'en fait Wil- lughby, qui l’avoit vue vivante dans le parc de Saint-Jaines. M. Edwards décrit uue aütre grue envoyée aussi des Indes. C'étoit, à ce qu'il dit, un grand et superbe oiseau, plus fort que notre grue , et dont la hauteur, le cou tendu, étoit de près de six pieds (anglois | On le nourrissoit d'orge et d’autres grains. Il prenoit sa nourriture avec la pointe du bec, et d’un coup de tete fort vif en arrière 1l la Jetoit au. fond de son gosier. Une peau rouge et nue, chargée de quelques poils noirs, couvroit la tête et le haut du cou ; tout le plumage, d’un cendré noirâtre , étoit seulement un peu clair sur le cou; la jambe et les pieds étoient rougeâtres. On ne voit pas, à tous ces traits, de diffé- rence spécifique bien caractérisée, et rien qui ne puisse être limpression et le sceau des climats : cependant M. Edwards veut que sa grande grue des Indes soit un tout autre oiseau que celle de Willughby; et ce qui le lui persuade, c’est sur-tout, dit- 1], la grande différence de taille : en quoi \ #0) +, . dy DU A GR UE D Si. nous pourrions être de son avis, Si nous n'avions déja remarqué qu'on observe entre les grues d'Europe des variétés de grandeurs très-considérables. Au reste, cette grue est apparemment celle des terres de l'Est et de l’Asie à la hauteur du Japon, qui, dans ses voyages, passe aux Indes pour chercher un hiver tem- péré , et descend de mème à la Chime, où l’on voit un grand nombre de ces oi- seaux. \ C’est à la méme espèce que nous paroît encore devoir se rapporter cette grue du Japon vue à Rome, dont Aldrovande donne la description et la figure. « Avec « toute la taille de notre grue, elle avoit, « dit-il, le haut de la tête d’un rouge vif, « semé de taches noires. La couleur de tout « son plumage tiroit au blanc ». Kæmpfer parle aussi d’une grue blanche au Japon; mais comme il ne la distingue en aucune chose de la grise, dont il fait mention au même endroit, il yatoute Apparsuss que ce n’est que la variété qu’on a OBSCNVÉS en Europe. | LA GRUE A COLLIER *. Lors grue nous paroïît différer trop de l'espèce commune pour que nous puis- sions l’en rapprocher par les mêmes ana- logies que les variétés précédentes. Outre qu'elle est d’une taille beaucoup au-des- sous de celle de la grue ordinaire , avec la tête proportionnellement plus grosse, et le bec plus grand et plus fort, elle a le _ haut du cou orné d’un beau collier rouge, soutenu d’un large tour de cou blanc, et toute la tête nue, d’un gris rougeñtre uni, et sans ces traits de blanc et de noir qui coiffent la tête de notre grue; de plus, celle-ci a la touffe ou le panache de la queue du même gris bleuâtre que le corps. Cette grue a été dessinée vivante chez madame de Bandeville, à qui elle avoit été envoyée des grandes Indes. * Voyez les planches enlumirées , n° 865, RU ES DU NOUVEAU CONTINENT. L LA GRUE BLANCHE *. lz ya toute apparence que la grue a passé d’un continent à l’autre, puisqu'elle fréquente de préférence les contrées sep- tentrionales de l'Europe et de l'Asie, et que le Nord est la grande route qu'ont tenue les espèces communes aux deux mondes; et en effet on trouve en Amérique une grue blanche , et une ou deux sortes de grues grises ou brunes : mais la grue blanche, qui dans notre continent n’est qu’une variété accidentelle, paroît avoir formé dans l’autre une race constante, établie sur des caractères assez marqués. * Voyez les planches enluminées, n° 889: 214 HISTOIRE NATURELLE et assez distincts, pour la regarder comme très - anciennement séparée de l'espèce commune , modifiée depuis long - temps. par l'influence du climat. Elle est de la hauteur de nos plus grandes grues , mais avec des proportions plus fortes et plus épaisses, le bec plus long, la tète plus grosse , le cou et les jambes moins greles. Tout son plumage est blanc, hors les . grandes .pennes des ailes, qui sont noires, et la tête, qui est brune; la couronne du sommet est calléuse et couverte de poils noirs clair-semés et fins , sous lesquels la peau rougeâtre paroît à nud ; une péau semblable couvre les joues ; la touffe des ‘ pennes flottantes du croupion est couchée et tombante; le bec est sillonné en-des- sus, et dentelé par les bords vers le bout; il est brun et long d’énviron six pouces. Catesby a fait la description de cette grue sur une peau entière que lui donna un Indien , qui lui dit que ces oiseaux fré- quentoient en grand nombre le bas des rivières proche de la mer, au commente- ment du printemps, et qu’ils retournoient dans les montagnes en été. « Ce fait, dit L _ DES GRUES. 215 « Catesby , m'a été confirmé depuis par « un blanc, qui m'a assuré que ces oi- « seaux font un grand bruit par leurs « cris, et qu’on les voit aux savanes de « l'embouchure de l'Aratamaha et d’autres «rivières proche Saint - Augustin, dans la « Floride, et aussi dans la Caroline ; mais « qu'il n’en a jamais vu plus avant vers « le nord. » | | _ Cependant il est très-certain qu’elles s’é- lèvent à de plus hautes latitudes. Ce sont ces mêmes grues blanches qu'on trouve en Virginie, en Canada, jusqüù’à la baie d'Hudson ; car la grue blanche de cette contrée, que donne M. Edwards , est, comme 1l le remarque, exactement la mème que celle de Catesby. Z - » \ \ 216 HISTOIRE NATURELLE LA GRUE BRUNE. Epwanrps décrit cette grue sous la dé- nomination de grue brune et grise. Elle est d’un tiers moins grosse que la précédente, qui est blanche ; elle a les grandes pennes : des ailes noires ; leurs couvertures et les scapulaires , jusque sur le cou, sont d’un brun rouillé, ainsi que les araatiés pee flottantes couchées près du corps; le reste du Plume re est cendré; la peau rouge de la tête n° en couvre que le front et le som- met. Ces différences et celles de la taille, qui, dans ce genre d'oiseaux , varie beau- coup, ne sont peut-être pas Sufhisantes pour séparer cette espèce de celle de notre grue : ce sont tout au moins deux espèces voisines, d'autant plus que Les rapports de climats et de mœurs rapprochent ces grues d'Amérique de nos grues d'Europe ; car elles ont l'habitude commune de passer dans le nord de leur continent, et Jusque DES CRUES. 219 dans les terres de la baie d'Hudson, où elles nichent, et d’où elles repartent à l'approche de l'hiver , en prenant, à ce qu'il paroît, leur route par les terres des Illinois et des Hurons, en se portant de là jusqu’au Mexique, et peut-être beaucoup plus loin. Ces grues d'Amérique ont donc le même instinct que celles d'Europe ; elles voyagent de même du nord au midi, et c’est apparemment ce que désignoit l’Indien à M. Catesby , par la fuite de ces oiseaux de la mer aux montagnes, Oiseaux, XIV: ba Le de FN di ve 4 Gold à oil : OISEAUX ÉTRANGERS QUI ONT RAPPORT A LA GRUE. | LA DEMOISELLE DE NUMIDIE*. Sous un moindre module, la demoiselle de Numidie a toutes les proportions et la taille de la grue ; c'est son port et c’est aussi le même vêtement ; la même distribution de couleurs sur le plumage, le gris en est seulement plus pur et plus perlé; deux touffes blanches de plumes effilées et chevelues , tombant de chaque côté de la tête de l’oiseau , lui forment une espèce de coiffure ; des plumes lon- gues , douces et soyeuses , du plus beau noir , sont couchées sur le sommet de la tête ; de semblables plumes descendent sur le devant du cou , et pendent avec grace au-dessous ; entre les pennes noires des ailes , percent des toulffes flexibles, * Voyez les planches enluminées, n° 247. Zom 14. | LE Lhg 218. HISTOIRE NATURELLE. 219 alongées et pendantes. On a donné à ce bel oiseau le nom de dernoiselle, à cause de son élégance dans sa parure et des gestes nimes qu'on lui voit affecter : cette demoiselle-oiseau s'incline en effet par plusieurs révérences ; elle se donne bon air en marchant avec une sorte d’ostentation , et souvent elle saute et bondit par gaieté, comme si elle vouloit danser. Ce penchant, dont nous avons déja remarqué quelque chose dans la grue, se montre si évidemment ici, que, depuis plus de deux mille ans , les auteurs qui ont parlé de cet oiseau de Numidie , l'ont toujours indiqué ou reconnu par cette imitation singulière des gestes imimes. Aristote l’appelle l’acteur ou le comédien ; Pline , le danseur et le baladin ; et Plutarque fait mention de ses jeux et de son adresse. Il paroît même que cet instinct scénique s'étend jusqu’à l’imita- tion des actions du moment. Xénophon, dans Athénée, en paroît persuadé, lors- qu'il rapporte la manière de prendre ces oiseaux : «Les chasseurs , dit-il , se + AM (A, à to D ad 2 HISTOIRE NATURELLE « frottent les yeux en leur présence avec « de l'eau qu'ils ont mis dans des’ vases ; «< ensuite ils les remplissent de glu et s’é- « loignent : l'oiseau vient s’en frotter les « yeux et les pattes à l'exemple des chas- « seurs ». Aussi Athénée , dans cet endroit, l'appelle-t-il Ze copiste de l’homme; et si cet oiseau a pris de ce modèle quelque foible talent , 1l paroît aussi avoir pris ses défauts ; car il a de la vanité, il aime à s’étaler, 1l cherche à se donner en spectacle , et se met en jeu dès qu’on le regarde ; il semble préférer le plaisir de se montrer à celui même de manger , et suivre quand an le quitte, comme pour solliciter encore un coup d'œil. t« Ce sont les remarques de MM. de l’aca- démie des sciences sur la demoiselle de Numidie; il y en avoit plusieurs à la ménagerie de Versailles. Ils comparent leur marche , leurs postures et leurs gestes , aux danses des Bohémiens ; et Aristote lui-même semble avoir voulu l’exprimer ainsi, et peindre leur manière de sauter et de bondir ensemble, lorsqu'il dit qu’on les prend quand elles dansent l’une vis-@-vis de l’autre. FN DURE NP ISEAUX ÉTRANGERS. 22: Quoique cet oiscau fût fameux chez les anciens, il en étoit néanmoins peu connu , et n’avoit été vu que fort rare- ment en Grèce et en Italie ; confiné dans son climat , il n’avoit, pour ainsi dire, qu'une célébrité fabuleuse. Pline, en un endroit , après l'avoir nommé /e panto- mime , le place , dans un autre passage, avec les animaux imaginaires, les sirènes, les grions , les pégases. Les modernes ne l’ont connu que tard ; ils l’ont con- fondu avec le scops et lotus des Grecs, et l’asio des Latins ; le tout fondé sur les mines que le hibou ( ofus ) fait de la tête, et sur la fausse analogie de ses deux oreilles avec la coiffure en filets longs et déliés , qui, de chaque côté, garnit et pare la tête de ce bel oiseau. Les six demoiselles que l’on eut quelque temps à la ménagerie, venoientde Numidie. Nous ne trouvons rien de plus dans les naturalistes sur la terre natale de cet oiseau et sur les contrées qu’il habite. Les voyageurs l’ont trouvé en Guinée , et ül paroît naturel aux régions de l'Afrique xoisines du tropique. Il ne seroit pas —d Le D. Vi. 222 HISTOIRE NATURELLE néanmoins impossible de l'habituer à notre climat, de le naturaliser dans nos basses-cours |, et même d’y en établir la race. Les demoiselles de Numidie , de la ménagerie du roi, y ont produit, et la dernière morte , après avoir vécu environ. vingt-quatre ans , étoit une de celles qu'on y avoit vues naître. MM. de l’académie donnent des détails très-circonstanciés sur les parties inté- rieures de ces six oiseaux qu'ils disséquè- rent : la trachée-artère , d’une substance dure et comme osseuse , étoit engagée par une double circonvolution dans une profonde cannelure creusée dans le haut du sternum ; au bas de la trachée , on remarquoit un nœud osseux , ayaut la forme d’un larynx séparé en deux à l’in- térieur par une languette , comme on le trouve dans l’oie et dans quelques autres oiseaux ; le cerveau et lé cervelet ensem- ble ne pesoient qu’une drachme et demie; la langue étoit charnue en dessus , et car- tilagineuse en dessous; le gésier étoit sem- blable à celui d’une poule , et, comme dans tous les granivores , on y trouvoit des gravyicrs. es é , JE PR Ÿ ( d y 2 = … mm”; 4 salEn 4 dodo rc < dr: Se EN HAE: AI 4 DES OISEAUX ÉTRANGERS. 223 En &" Jets à "4 s v- CS 1 PRÉC ù Soi: nu he :# ps fs + | € pe LARS.E AUUR:O Y À Lu: L'orsrav royal doit son nom à l'espèce de couronne qu’un bouquet de plumes , ou plutôt de soies épanouies, lui forme sur la tête. Il a de plus le port noble, la figure remarquable, et la taille haute de quatre pieds lorsqu'il se redresse. De belles plumes d’un noir plombé avec reflets bleuâtres, pendent le long de son cou , s’'étalent sur les épaules et Le dos ; les premières pennes de l’aile sont noires, les autres d’un roux brun , et leurs cou- vertures rabattues en efhilés coupent et relèvent de deux grandes plaques blan- ches le fond sombre de son manteau ; un large or cillon d’une peau membraneuse, d’un beau blanc sur la tempe, d’un if incarnat sur la joue , lui enveloppe la (face, et descend jusque sous le bec ; une * Voyez les planches enluminées, n° 265. 224 HI STORE AT toque de mg à ir 7 t du velours, lu relève le le fron aigrette est une houppe épaisse fort épa- nouie, et composée de brins touffus de couleur isabelle, applatis et filés en spi- rale ; chaque brin , dans sa longueur, est hérissé de très-petits filets à pointe noire, et terminé par un petit pinceau de même couleur ; l'iris de l’œil est d’un blanc pur; le bec est noir, ainsi que les pieds et les jambes, qui sont encore plus hautes que celles de la grue , avec laquelle notre oiseau a beaucoup de rapports dans la conformation : mais il en diffère par de grands caractères , 1l s’en éloigne aussi par son origine ; il est des climats chauds, et les grues viennent des pays froids ; de plumage de celles-ci est sombre, et l'oiseau royal est paré de la livrée du Midi, de cette zone ardente où tout est plus bril- lant, mais aussi plus bizarre , où les for- mes ont souvent pris leur développement aux dépens des proportions, où, quoique tout soit plus animé , tout est inoins pracieux que dans les zones tempérées. L'Afrique, et particulièrement les teyres (AS 11. 242 Lun \' ut AQU hs t LEA 7 UX + de la Cie réa côte. d'Or, de juida , de Fida, du cap Verd, sont fi dico qu'il habite. Les voyageurs rapportent qu'on en voit fréquemment sur les grandes rivières. Ces oiseaux y pêchent de petits poissons, et vont aussi dans les terres pâ- turer les herbes et recueillir des graines. Ils courent très-vîte, en étendant leurs ailes et s’aidant du vent; autrement leur démarche est lente, et, pour ainsi dire, à pas comptés. Cet oiseau royal est doux et paisible; il n’a pas d'armes pour offenser, et n’a même ni défense ni sauve-garde que dans la hauteur de sa taille, la rapidité de sa course, et la vitesse de son vol, qui est. élevé, puissant et soutenu. Il craint moins l’homme que ses autres ennemis ; ïül semble même s'approcher de nous avec confiance , avec plaisir. On assure qu’au cap Verd ces oiseaux sont à demi do- mestiques , et qu’ils viennent manger du grain dans les basses-cours avec les pein- tades et les autres volailles. Ils se perchent en plein air pour dormir, à la manière des paons, dont on a dit qu'ils imitoient CE A | Le de ©: La Me " ni Li à 226 HISTOIRE NATERE le cri; ce qui, Joint à à l’analogie dé pa- nache sur la tête, leur a fait donner le nom de paons marins par quelques natu- ralistes : d’autres les ont appelés paons à queue courte; d'autres ont écrit que cet oiseau est le mème que la grue baléarique des anciens : ce qui n’est nullement prou- vé; car Pline, le seul des anciens qui ait parlé de la grue baléarique , ne la carac- térise pas de manière à pouvoir recon- noître distinctement notre oiseau royal. « Le pic, dit-il, et la grue baléarique, « portent également une aigrette ». Or rien ne se ressemble moins que la petite huppe du pic et la couronne de l'oiseau royal , qui d’ailleurs présente d’autres traits remarquables , par lesquels Pline pouvoit le désigner. Si cependant il étoit vrai que jadis cet oiseau eût été apporté à Rome ces îles Baléares, où on ne le trouve plus aujourd’hui, ce fait paroîtroit indiquer que, dans les oiseaux, comme dans les quadrupèdes, ceux qui habi- toient jadis des contrées plus septentrio- nales du globe alors moins froid , se trou vent à présent retirés dans les terres du Midi. DES OISEAUX ÉTRANGERS. 227 Nous avons reçu cet oiseau de Guinée, et nous l'avons conservé et nourri quel- que temps dans un jardin. Il y becquetoit les herbes , mais particulièrement le cœur des laitues et des chicorées. Le fond de sa nourriture , de celle du moins qui peut ici lui convenir le mieux, est du riz, ou sec , ou légèrement bouilli , et ce qu'on appelle crevé dans l’eau, ou au moins lavé et bien choisi; car il rebute celui qui n’est pas de bonne qualité, ou qui reste souillé de sa poussière. Néanmoins il pa- roît que les insectes , et particulièrement les vers de terre , entrent aussi dans sa nourriture; car nous l'avons vu becqueter dans la terre fraîchement labourée, y ramasser des vers, et preudre d’autres petits insectes sur les feuilles. Il aime à se baigner , et l’on doit lui ménager un petit bassin ou un baquet qui n'ait pas trop de profondeur , et dont Peau soit de temps en temps renouvelée. Pour régal, on peut lui jeter dans son bassin quelques petits poissons vivans : il les mange avec plaisir, et refuse ceux qui sont morts. Son cri ressemble beaucoup à la voix de xd D à + | ÿ Le HISTOIRE NATURELLE la ir c’est un son retentissant(c/angor), assez semblable aux accens rauques d’une trompette ou d’un cor. Il fait entendre ce cri par reprises brèves et réitérées , quand il a besoin de nourriture , et le soir lorsqu'il cherche à se gîter *. C'est aussi l'expression de l’inquiétüde et de l'ennui ; car il s'ennuie dès qu’on le laisse seul trop long-temps : il aime qu’on lui rende visite ; et lorsqu’après l’avoir con- sidéré , on se promène indifféremment sans prendre garde à lui , il suit les per- sonnes ou marche à côté d'elles , et fait ainsi plusieurs tours de promenade; et si quelque chose l’amuse et qu’il reste en arrière , il se hâte de rejoindre la com- pagnie. Dans l'attitude du repos , il se tient sur un pied; son grand cou est alors replié comme un serpentin, et son. corps affaissé et comme tremblant sur ses hautes jambes , porte dans une direction presque horizontale : mais quand quelque * Cet oïseau a encore une autre sorte de voix, comme un grognement ou gloussement intérieur, cloque , clogque , semblable à celui d’une poule” couveuse, mais plus rude. " L 4 on CNE DES OISEAUX ÉTRANGERS. 22% chose lui cause de létonnement où de l'inquiétude, il alonuge le cou , élève sa têe , prend un air fier, comme s'il vou- loit en effet en imposer par son maintien; tout son corps paroît alors dans une si tuation à peu près verticale; il s’avance gravement et à pas mesurés , et c’est dans ces momens qu'il est beau, et que son air , Joint à sa couronne, lui mérite vrai- ment le nom d'oiseau royal. Ses longues jambes, qui lui servent fort bien en mon- tant, lui nuisent pour descendre; il dé- ploie alors ses ailes pour s’élancer : mais nous avons été obligés d’en tenir une courte , en lui coupant de temps en temps les plumes , dans la crainte qu’il ne prit son essor, comme il paroît souvent tenté de le faire. Au reste, 1l a passé cet hiver (1778) à Paris, sans paroître se ressentir des rigueurs d’un climat si différent du sien : il avoit choisi lui-même l’abri d’une chambre à feu pour y demeurer pendant la nuit; il ne manquoit pas tous les soirs, à l'heure de la retraite, de se rendre de- vant la porte de cette chambre , et de trompetter pour se la faire ouvrir. 20 230 HISTOIRE NATURELLE. Les premiers oiseaux de cette espèce ont été apportés en Europe dès le quin- zième siècle par les Portugais, lorsqu'ils firent la découverte de la côte d'Afrique. Aldrovande loue leur beauté; mais Belon ne paroît pas les avoir connus, et il se méprend lorsqu'il dit que la grue baléa- rique des anciens est le bihoreau. Quel- ques auteurs les ont appelés grues du Ja= pon ; ce qui semble indiquer qu'ils se trouvent dans cette île, et que l’espèce s’est étendue sur toute la zone par la lar- seur de l'Afrique et de l'Asie. Au reste, le fameux oiseau royal ou fum-Loam des Chinois, sur lequel ils ont fait des contes mer out , recueillis par le crédule Kircher, n’est qu’un être de raison, tout aussi fabuleux que le dragon qu'ils peiguent avec lui sur leurs étoffes et pOr= eelaines. LE CARIAMA. N ous ayons vu quela Nature, marchant d’un pas égal, nuance tous ses ouvrages; que leur ensemble est lié par une suite de rapports constans et de gradations suc- cessives : elle a donc rempli par des tran- sitions les intervalles où nous pensons lui fixer des divisions et des coupures , et placé des productions intermédiaires aux points de repos que la seule fatigue de notre esprit dans la contemplation de ses œuvres nous a forcés de supposer. Aussi trouvons-nous dans les formes, même les plus éloignées , des relations qui les rap- prochent ; en sorte que rien n’est vide, tout se touche, tout se tient dans la Na- ture , et qu'il n’y a que nos méthodes et nos systèmes qui soient incohérens , lors- que nous prétendons lui marquer des sec- tions ou des limités qu’elle ne connoît pas. C’est par cette raison. que les êtres les plus isolés dans nos méthodes sont 7 , LES . de 5. . ‘à t à. FER re 232 HISTOIRE NATURELLE souvent, dans la réalité, ceux qui tiennent à d’autres par de plus grands rapports : telles sont les espèces du cariama , du secrétaire et du kamichi , qui, dans tous méthode d’ornithologie , ne peuvent for- mer qu'un groupe à part, tandis que, dans le système de la Nature, ces espèces sont plus apparentées qu'aucune autre avec différentes familles dont elles sem- blent constituer les degrés d'affimté. Les deux premiers ont des caractères qui les rapprochent des oiseaux de proie; le der- nier tient au contraire aux gallinacés ; et tous trois appartiennent encore de plus près au grand genre des oiseaux de rivage dont ils ont le naturel et les mœurs. Le cariama est un bel oiseau, qui fré- quente les marécages et s’y nourrit comme le héron, qu'il surpasse en grandeur. Avec de longs pieds , et le bas de la jambe nud comme les oiseaux de rivage, il a un bec court et crochu comme les oiseaux de proie. Il porte la tête haute sur un cou élevé. On voit sur la racine du bec , qui est jau- nâtre , une plume en forme d’aigrette, DU CARI AM A. 233 Tout son plumage, assez semblable à celui du faucon, est gris ondé de brun; ses yeux sont brillans et couleur d’or , et les paupières sont garnies de longs cils noirs. Les pieds sont jJaunâtres , et des doigts, qui sont tous réunis vers l’origine par une portion de membrane, celui du milieu est de beaucoup plus long que les deux latéraux, dont l’intérieur est le plus court ; les ongles sont courts et arrondis; le petit doigt postérieur est placé si haut, qu'il ne peut appuyer à terre , et le talon est épais et rond comme celui de l’au- truche. La voix de cet oiseau ressemble à celle de la poule-d’Inde; elle est forte , et avertit de loin les chasseurs, qui le re- cherchent, car sa chair est tendre et déli- cate ; et, s’il en faut croire Pison, la plupart des oiseaux qui fréquentent les rivages dans ces régions chaudes de l’A- mérique, ne sont pas inférieurs , pour la bonté de la chair, aux oiseaux de mon- tagne. Il dit aussi qu’on a commencé de rendre le cariama domestique , et par ce rapport de mœurs , ainsi que par ceux de sa conformation , le cariama, qui ne se 20 NE 234 HISTOIRE NATURELLE. trouve qu’en Amérique , semble être le représentant du secrétaire, qui est un grand oiseau de l’ancien continent , dont nous allons donner la description dans l'article suivant. LD : L'AT. 3 41 L'art er MURS t : f, PUIS 4: * NP LR * rs ot 4 Fr ce ES Zomm 14 . avi J Fugue J , u E l PLESECRÉTAIRE.. O U Ê AL'EËMES S À G E RS Csr oiseau, considérable par sa gran- deur, autant que remarquable par sa ligure , est non seulement d’une espèce nouvelle, mais d’un genré isolé et singu- lier , au point d'éluder et même de con- fondre tout arrangement de méthodes et de nomenclature. En même temps que ses longs pieds désignent un oiseau derivage, son bec crochu indiqueroit un oiseau de proie ; il a, pour ainsi dire, une tête d’aigle sur un corps de cigogne ou de grue. À quelle classe peut donc appar- tenir un être dans lequel se réunissent des caractères aussi opposés ? Autre preuve que la Nature, libre au milieu des limites que nous pensons lui prescrire , est plus * Voyez les planches enluminées, n° 727. À dt 236 HISTOIRE NATURELLE riche que nos idées et plus vaste que: nos | systèmes. ". Le secrétaire a la hauteur d'une crible grue , et la grosseur du coq-d’Inde. couleurs sur la tête , le cou, le dos, ce à _ les couvertures des sie sotit d'un gris un peu plus brun que Lab de la grue ; elles deviennent plus claires sur le devant du corps; il a du noir aux pennes des ailes et de la queue , et du noir ondé de gris sur les jambes. Un paquet de longues plumes, ou plutôt de plumes roides et noires , pend derrière son cou : la plu- part de ses plumes ont Jusqu'à six pouces de longueur ; il y en a de plus courtes, et quelques unes sont grises ; toutes sont assez étroites vers la base , et plus large- ment barbées vers la pointe ; elles sont implantées au haut du cou. L’individu que nous décrivons à trois pieds six pouces de hauteur; le tarse seul a près d’un pied. La jambe, un peu au-dessus du genou, est dégarnie de plumes : les doigts sont gros et courts , armés d'ongles crochus; celui du milieu est presque une fois aussi long que les latéraux, qui lui ES > DU SECRÉTAIRE 237 sont unis par une membr ane jusque vers la moitié de leur longueur, et le doigt postérieur est très-fort. Ces caractères n’ont point été saisis par le dessinateur de la planche enluminée. Le cou est gros et épais, la tête grosse, le bec fort et fendu ; jusqu’au-delà des yeux : la partie supérieure du bec est également et forte- ment arquée à peu près comme dans l'aigle ; elle est pointue et tranchante. Les yeux sont placés dans un espace de peau nue de couleur orangée , qui se prolonge au-delà de l’angle extérieur de l'œil , et prend son origine à la racine du bec. Il y a de plus un caractère unique, et qui ajoute beaucoup à tous ceux qui _ font de cet oiseau un composé de natures éloignées : c’est un vrai sourcil formé d’un seul rang de cils noirs de six à dix lignes de longueur *, trait singulier et qui, joint à la touffe de plumes au haut du cou , à sa tête d'oiseau de proie, à * Ce sourcil a quinze ou seize lignes de longueur? les cils sont rangés très-près les uns des autres, élargis par la base, et creusés en gouttières, con« save en dessous, convexe en dessus, 238 HISTOIRE NATURELLE ses pieds d'oiseau de rivage, achève d'en | faire un être mixte, extraordinaire, et dont le modèle n’étoit pas connu. Il y a autant de mélange dans les ha- _bitudes que de disparité dans.la confor- mation. Avec les armes des oiseaux Car= nassiers, celui-ci n’a rien de leur férocité: al ne se sert de son bec ni pour offenser ni pour se défendre ; il met sa sûreté dans la fuite , il évite l'approche , il élude l’at- taque, et souvent, pour échapper à la poursuite d’un ennemi, même foible, on lui voit faire des sauts de huit ou neuf pieds de hauteur. Doux et gai, il devient aisément familier ; on a même commencé à le rendre domestique au cap de Bonne- Espérance : on le voit assez communé- ment dans les habitations de cette colo- nie , et on le trouve dans l’intérieur des terres , à quelques lieues de distance des rivages. On prend les jeunes dans le nid pour les élever en domesticité, tant pour l'agrément que pour l'utilité ; car ils font la chasse aux rats, aux léxe aux cra- pauds et aux FA A M. le vicomte de Querhoent nous & DU SECRÉTAIRE. 236 communiqué les observations suivantes, au sujet de cet oiseau. « Lorsque le secrétaire, dit cet habile « observateur, rencontre ou découvre un « serpent , il l'attaque d’abord à coups « d'ailes pour le fatiguer; il le saisit en- « suite par la queue, l’enlève à une grande « hauteur en l'air, et le laisse retomber; « ce qu'il répète Jusqu'à ce que le serpent « soit mort. li accélère sa course en éten- « dant les ailes , et on le voit souvent « traverser ainsi les campagnes, courant. « et volant tout ensemble. Il niche dans « les buissons , à quelques pieds de terre, . «et pond deux œufs blancs avec des « taches rousses. Lorsqu'on l’inquiète, il « fait entendre un croassement sourd. IL «n’est ni dangereux ni méchant; son < naturel est doux. J’en ai vu deux vivre « paisiblement dans une basse-cour, au « milieu de la volaille; on les nourrissoit « de viande, et ils étoient avides d’intés- « tins et de boyaux, qu'ils assujettissoient sous leurs pieds en les mangeant, comme «ils eussent fait un serpent. Tous les « soirs ils se couchoient l’un auprès de À PAU ti 240) HISTOIRE NATURELLE * « l’autre, chacun la tête tournée du côté « de la queue de son camar » Au reste , cet oiseau d’Afr ique paroît s’accommoder assez bien du climat de l’Europe ; on le voit dans quelques ména- geries d'Angleterre et de Hollande. M. Vos- maër , qui l’a nourri dans celle du prince d'Orange , a fait quelques remarques sur sa manière de vivre. « Il déchire et avale _« goulument la viande qu’on lui Jette, et & ne refuse pas le poisson. Pour se reposer « et dormir, 1l se couche le ventre et la « poitrine à terre. Un cri qu'il fait en- « tendre rarement , a du rapport avee « celui de l'aigle. Son exercice le plus or- « dinaire est de marcher à grands pas de « côté et d'autre et long-temps , sans se « ralentir ni s'arrêter ; ce qui apparem- « ment lui a fait donner le nom de wessa- « ger »; comme il doit sans doute celui de secrétaire à ce paquet de plumes qu'il porte au haut du cou, quoique M. Vosmaër veuille dériver ce ee nier nom de celui de sagittaire, qu'il lui applique d’après un jeu auquel on le voit s’'égayer souvent, qui est de prendre du bec ou du pied une . DU SECRÉTAIRE. 247 paille ou quelque autre brin, et de le lancer en l’air à plusieurs reprises; « car « il semblé, dit M. Vosinaër, être d’un « naturel gai, paisible et même timide, « Quandon l'approche lorsqu'il court cà et « 1à avec un maintien vraiment superbe, « 1l fait un craquement continuel, cac, « crac; mais, revenu de la frayeur qu’on « lui causoit en le poursuivant, il se mon- « tre familier et même curieux. Tandis « que le dessinateur étoit occupé à le peindre , continue M. Vosmaër, l’oiseau vint tout près de lui regarder sur le « papier, dans l'attitude de l'attention, « le cou tendu, et redressant les plumes « de sa tête, comme s’il admiroit sa figure. « Souvent il vient les ailes élevées et la « tête en avant, pour-voir curieusement « ce qu'on fait; c’est ainsi qu'il s’approcha « deux ou trois fois de moi , lorsque J’étois « assis à côté d'ane table dans sa loge « pour le décrire. Dans ces momens, ou « lorsqu'il recueille avidement quelques « morceaux , et généralement lorsqu'il «est ému de curiosité -ou de desir, il « redresse fort haut les longues plumes À À 21 Li 4 be dis be 45 HISTOIRE NATURELLE " « du derrière de sa tête, qui d’ordinairé « tombent, mélées au hasard, sur le haut « du cou. On a remarqué qu'il muoit « dans les mois de juin et de février ; et « M. Vosmaër dit que quelque attention « qu'on ait apportée à l’observer, on ne l’a « jamais vu boire : néanmoins ses excré- «mens sont liquides et blancs comme « ceux du héron. Pour manger à son aise, « il s’accroupit sur ses talons, et, couché « à moitié, il avale ainsi sa nourriture. Sa plus grande force paroît être dans « le pied. Si on lui présente un poulet « vivant , il le frappe d’un violent coup « de patte, et l’abat du second. C’est « encore ainsi qu'il tue les rats ; il les « guette assidument devant leurs trous. « En tout il préfère les animaux vivans « à ceux qui sont morts, et la chair au « Poisson. » | 1 n’y a pas long-temps que cet oiseau singulier est connu, même au Cap, puis- que Kolbe, ni les autres relateurs de cette contrée, n’en ont pas fait mention. M. Sonnerat l’a trouvé aux Philippines, après l'avoir vu au cap de Bonne-Espérance. À “. Fe } ÿ DU SECRÉTAIRE. 243 Nous remarquons entre sa notice et les précédentes , quelques différences dont il semble qu'il faut tenir compte. Par exemple , M. Sonnerat peint les plumes de la huppe comme naissantes sur le cou à intervalles inégaux , et les plus lougues placées te plus bas: nous n’y trouvons ni cet ordre ni cette proportion dans l’indi- vidu que nous avons sous les yeux ; car ces plumes sont implantées en paquet et sans ordre. Il ajoute qu’elles sont fléchies dans leur milieu du côté du corps, et que les barbes en sont frisées. M. Vosmaër les représente de mème, et nous les voyons lisses dans celui que nous venons de dé- crire. Ces différences sont-elles dans les objets ou dans les descriptions ? Il en pa- roît une plus considérable dans la cou- leur du plumage. M. Vosmaër dit qu'il est d'un gris plombé bleuâtre ; nous levoyons gris tirant au brun. Il dit le bec bleuâtre ; nous le voyons noir en dessus, blanc en dessous. L'individu que nous décrivons, et qui est conservé dansle cabinet de M. le docteur Mauduit, n’a pas non plus deux plumes excédantes à la queue ; seulement 1 … - h.hE de { LA 244 HISTOIRE NATURELLE, elles dépassent de cinq pouces l’aile Mais un autre de ces oiseaux, sur lequel a été dessinée la planche enluminée, porte ces deux longues plumes, telles quite ont décrites MM. Vosmaëér et Sonnerat. Il nous paroît que c’est le caractère du mâle. Au reste, ce dernier naturaliste ne s'exprime pas bien en attribuant au secrétaire un bec de gallinacé : c’est réellement un bec d'oiseau de proie ; et d’ailleurs M. Sonne- rat te lui-même que cet oiseau dE " carnivore * En Doha à ses mœurs sociales et fa- milières , et à la facilité de l’élever er domesticité, on est porté à croire qu'il seroit avantageux de le multiplier, par- ticulièrement dans nos. colonies, où ik pourroit servir à la destruction des rep- tüles nuisibles et des rats. # Joyage à la nouvelle Guinée , page 88, Zom.. 14, Pl 2. Lug 249 , LEVR A NMTCMI Cx n’est point en se promenant dans nos campagnes cultivées, ni même en par- courant toutes les terres du domaine de l'homme, que l’on peut connoître les grands effets des variétés de la Nature : c’est en se transportant des sables brülans _ de ha torride aux glacières des poles , c’est en descendant du sommet des montagnes au fond des mers, © est en comparant les déserts avec les déserts, que nous la ju- gerons mieux et l’admirerons davantage. En effet, sous le point de vue de ses su- blimes contrastes et de ses majestueuses oppositions, elle paroît plus grande en se montrant telle qu’elle est. Nous avons ci- devant * peint les déserts arides de l’Ara- bie pétrée, ces solitudes nues où l’homme 1 Voÿez les planches enluminées, n° 451. Kamichi ou kamouki, par les naturels de la Guiane ; anhima, par ceux du Bresil; cahwitahu, à la rivière des À mazones, d’un nom imité de son cri, 2 Voyez le tome V de l'Histoire naturelle des quadrupèdes , article du chameau , page 7. 21 246 HISTOIRE NATURELLE n'a Jamais respiré sous l’ombrage, où la terre sans verdure n’offre aucune subsis- tance aux animaux , aux oiseaux , aux insectes , où tout paroît mort, parce que rien ne peut naître, et que l’élément né- cessaire au développement des germes de tout être vivant ou végétant, loin d’ar- roser la terre par des ruisseaux d’eau vive, ou de la pénétrer par des pluies fécondes , ne peut même l’humecter d'une simple rosée. Opposons ce tableau de sécheresse absolue dans une terre trop ancienne, à celui des vastes plaines de fange des sa- vanes noyées du nouveau continent ; nous y verrons par excès ce que l’autre n'offroit que par défaut: des fleuves d’une largeur immense , tels que l'Amazome , la Plata, l’'Orénoque, roulant à grands flots leurs vagues écumantes, et se débordant en toute liberté, semblent menacer Ia terre d’un envahissement, et faireseffort pour l’occuper toute entière. Des eaux stagnantes et répandues près et loin de leur cours , couvrent le limon vaseux qu’elles ont déposé: et ces vastes maré- cages, exhalant leurs vapeurs en brouii- - DU KAMMCHI. 247 lards fétides , communiqueroient à l'air l'infection de la terre, si bientôt elles ne retomboient en pluies précipitées par les orages, ou dispersées par les vents ; et ces plages, alternativement sèches et noyées, où la terre et l’eau semblent se disputer des possessions illimitées, et ces brous- sailles de mangles jetées sur les confins indécis de ces deux élémens ne sont peu- plées que d'animaux immondes qui pul- lulent dans ces repaires, cloaque de la Nature, où tout retrace l’image des déjec- tions monstrueuses de l’antique limon. Les énormes serpens tracent de larges sil- Jons sur cette terre bourbeuse ; les croco- diles, les crapauds, les lézards , et mille autres reptiles à larges pattes, en pé- trissent la fange ; des millions d'insectes, enflés par la chaleur humide, en soulèvent la vase; et tout ce peuple impur rampant sur le limon ou bourdonnant dans l’air qui l’obscurcit encore , toute cette ver- mine dont fourmille la terre, attire de nombreuses cohortes d’oiscauxravisseurs, dont les cris confus, multipliés, et mé- lés aux croassemens des reptiles , en trou OUR TR 1 ed FA 248 HISTOI RE NATURELLE blant le silence de ces affreux dés semblent ajouter la crainte à ll pour en écarter l'homme et en interdire l'entrée aux autres êtres sensibles ; terres d’ailleurs impraticables, encore informes, et qui ne serviroient qu’à lui rappeler li- dée de ces temps voisins du premier chaos, où les élémens n’étoient pas séparés, où la terre et l’eau ne faisoient qu’une masse commune , et où les espèces vivantes n’a- voient pas encore trouvé leur place dans les différens districts de la Nature. de _ Au milieu de ces sons discordans d’oi- seaux criards et de reptiles croassans, s'é- lève par intervalles une grande voix qui leur en impose à tous , et dont les eaux retentissent au loin : c’est la voix du kamichi , grand oiseau noir très-remar- quable sa la force de son cri et par celle de ses armes ; il porte sur chaque aile deux puissans éperons , et sur la tête une corne pointue * de trois ou quatre dE * Les sauvages de la Guiane l'ont nommé £a- michi; ceux du Bresil appelent anhima, et sur | la rivière des Amazones, cahuitahu, par 1m al Ÿ Fe DU KAMICHI. 249 pouces de longueur sur deux ou trois lignes « de diamètre à sa base; cette corne implantée sur le haut du rh s'élève droit et finit en une pointe aiguë un peu courbée en avant , et vers sa base elle est revêtue d’un fourreau semblable au tuyau d’une plume. Nous parlerons des éperons ou ergots que portent aux épau- les certains oiseaux , tels que les jacanas, plusieurs espèces de pluviers, de van- neaux, etc. Mais le kamichi est, de tous, le mieux armé; car, indépendamment de sa corne à la tête , il a sur chaque aileron deux éperons qui sont dirigés en avant lorsque l'aile est pliée : ces éperons sont des apophyses de l'os du métacarpe, et sortent de la partie antérieure des deux extrémités de cet os. L’éperon supérieur est le plus grand; il est triangulaire, long de deux pouces, large de neuflignes à sa base, un peu courbé en finissant en pointe ; = il est aussi revêtu d’un étui de même substance que eelui qui onit, Ja tion de son grand eri, que Marcgrave rend plus précisément par »yhou, »yhou , et qu’il dit avoir quelque chose de terrible. NL nil L0 Le + 250 HISTOIRE NATURELLE base de la corne. L'apophyse inférieure du métacarpe, qui fait le second cpgor ‘ n’a que quatre lignes de longueur et autant de largeur à sa base , et il est recouvert d’un fourreau comme l’autre. Avec cet appareil d'armes très-offen- sives, et qui le rendroient formidable au combat , le kamichi n’attaque point les autres oiseaux, etne fait la guerre qu'aux reptiles : il a même les mœurs douces et le naturel profondément sensible, car le mâle et la femelle se tiennent toujours ensemble ; fidèles jusqu’à la mort, l’a- mour qui les unit, semble survivre à la perte que l’un ou l’autre fait de sa moitié; celui qui reste , erre sans cesse en gémissant , et se consume près des lieux où il a perdu ce qu'il aime. Ces affections touchantes forment dans cet oiseau, avec sa vie de proie , le même contraste en qualités morales que celui qui se trouve dans sa structure physique : il vit de proie , et cependant son bec est celui d’un oiseau granivore; il a des épe- xons et une corne, et néanmoins sa tête ressemble à celle d'un gallinacé ; il à F DU KAMICHI. 255 Îles jambes courtes , mais les ailes et la queue fort longues. La partie supérieure du bec s'avance sur l’inférieure , et se recourbe un peu à sa pointe ; la tête est garnie de petites plumes duvetées, rele- vées, et comme demi-bouclées , mélées de noir et de blanc : ce même plumage frisé couvre le haut du cou ; le bas est revêtu de plumes plus larges , plus four- unies, noires au bord, et grises en-dedans: tout le manteau est noir-brun , avec des reflets verdâtres, ct quelquefois mélé dé taches blanches ; les épaules sont mar- quées de roux , et cette couleur s’étend sur le bord des ailes, quisont très-amples; elles atteignent presque au bout de Ia queue , qui a neuf pouces de longueur. Le bec , long de deux pouces , est large de huit lignes et épais de dix à sa base. Le pied Joint à une petite partie nue de la jabe, est haut de sept pouces et demi ; il est couvert d’une peau rude et noire , dont les écailles sont forte- ment exprimées sur les doigts , qui sont très-longs ; celui du milieu, l’ongle com- pris, a cinq pouces: ces ongles sont demi« OS M" 10 252, HISTOIRE NATUREVULE EL “4 crochus , et creusés par-dessous en gout tière ; le postérieur est d’une forme par- _ticulière , étant effilé, presque droit et très-long , comme celui de l’alouette. La grandeur totale de l'oiseau est de trois pieds. Nous n’avons pas pu vérifñer ce que dit Marcgrave de la différence con- ‘sidérable de grandeur qu’il indique entre Le mâle et la femelle ; plusieurs de ces oiseaux que nous avons vus, nous ont paru à peu près de la grosseur et de la taille de la poule-d’Inde. _…. Willughby remarque , avec raison, que l’espèce du kamichi est seule dans son genre. Sa forme est en effet com- . posée de parties disparates , et la Nature lui a donné des attributs extraordinaires ; Ja corne sur la tête suffit seule pour en faire une espèce isolée , et même un phénomène dans le genre entier des oiseaux : c’est donc sans aucun fonde- ment que Barrère en a fait un aigle, puisqu'il n’en a ni la tête, ni le bec, ni les pieds. Pison dit avec raison que le kainichi est un oiseau demi-aquatique ; il ajoute qu'il construit son nid en forme 1) MN TRE ET DU KAMICHI.. 253 dé four au pied d’un arbre, qu’il marche 4” le cou droit , la tête haute , et qu'il hante les forêts. Cependant plusieurs voyageurs nous ont assuré qu'on le M trouve encore plus souvent dans les savaues. Ciseaux, XIVe 92 bad oh : LE HÉRON COMMUN*.. Première espèce moyenne. À: E bonheur n’est pas également départi à tous les êtres sensibles : celui de l’homme vient de la douceur de son ame, et du bon emploi de ses qualités morales; le bien-être des animaux ñe dépend, aw contraire, que des facultés physiques, et de l’exercice de leurs forces corporelles. Mais si la Nature s’indigue du partage injuste que la société fait du bonheur parmi les hommes, elle-même, dans sa : * Voyez les planches enluminées, no 289, et n°755, où le vieux mâle est représenté sous le nom de héron huppé. En laun, ardea , ardeola (le nom d’ardeola , quoique diminutif, nil souvent simplement /e héron dans les rotiené auteurs, comme Aldro- vaude le remarque); en alien, airone, sgarza ; en espagnol el en portugais , garza ; en tend: reiger; en suisse, rergel ; en anglois, AÆeron, common leron, . ; L ! } LE HERON. LPaugué. “4 HISTOIRE NATURELLE. 255 . marche rapide, paroît avoir négligé cer- taius animaux, qui, par imperfection d'organes, sont condamnés à endurer la souffrance, et destinés à éprouver la pé- nurie : enfaus disgraciés, nés dans le dé- nuement pour vivre Hiie la privation, leurs jours pénibles se consument dans les inquiétudes d’un besoin toujours re- naissant ; soufiri: et patienter sont sou- vent leurs seules ressources; et cette peine intérieure trace sa triste empreinte jus- que sur leur figure , st ne,ieur laisse aucune des graces dont la Nature anime tous les êtres heureux. Le héron nous présente l’image de cette vie de souf- france , d’anxiété , d’indigence : n’ayant que l’embuscade pour tout moyen d’in- dustrie , il passe des heures, des jours entiers à la même place, RE au “point de laisser douter si c’est un être a 1imé. Lorsqu’ on l'obserye ävec une lu- rette (car il se laisse rarement ARPLOEr c.ér),u paroît coinme endormi ; POsé, sur un? pierre, le corps presque: Par etsur. un seul pied, le cou reylié le long dela poitrine et du ventre, la tête et le bec "Er d 1 Es L'AR Pr LL LL Mn: , V [a " »* 2566 HISTOIRE NATURELLE couchés entre les épaules, qui se haussent et excèdent de beaucoup la poitrine; et s'il change d’attitude , c'est pour en prendre une encore plus contrainte en se mettant en mouvement :il entre dans l’eau jusqu'au-dessus du genou , la tête entre les jambes, pour guetter au passage une grenouille, un poisson. Mais réduit à attendre que sa proie vienne s'offrir à lui, et n'ayant qu'un instant pour la sai- sir , il doit subir de longs jeûnes, et quel- quefois périr d'inanition ; car il n’a pas l'instinct , lorsque l’eau est couverte de glace , d'aller chercher à vivre dans des climats plus tempérés ; et c’est mal-à- propos que quelques naturalistes l'ont rangé parmi les oiseaux de passage qui reviennent au printemps dans les lieux qu'ils ont quittés l'hiver, puisque nous voyons ici des hérons dans toutes les sai- sons, et même pendant les froids les plus rigoureux et les plus longs : forcés alors de quitter les marais et les rivières ge- lées , ils se tiennent sur les ruisseaux et _ près Pass sources chaudes ; et c'est dans ce temps qu'ils sont le plus en mou M 4 VE dé d DES HÉRONS. 257 vement , et où ils font d'assez grandes traversées pour changer de station , mais toujours dans la même contrée. Ils semblent donc se multiplier à mesure que le froid augmente, et ils paroïssent sup- porter également et la faim et le froid; ils ne résistent et ne durent qu’à force de patience et de sobriété : mais ces froides vertus sont ordinairement 2 du dégoût de la vie. Ÿ Lorsqu on prend un héron, on peut le garder quinze Jours sans Jui voir chercher ni prendre aucune nour- riture; il rejette même celle qu’on tente de lui faire avaler : sa mélancolie natu- relle, augmentée sans doute par la cap- tivité, l'emporte sur l’instinct de sa con- servation , sentiment que la Nature im- prime le premier dans le cœur de tous les êtres animés ; l’apathique héron semble se consumer sans languir; il périt sans se plaindre et sans apparence de regret *. L’insensibilité, l'abandon de soi-même, et quelques autres qualités tout aussi * Expérience faite par M. Hébert, aux belles ebservations de qui nous devons les principaux faits de l’histoire naturelle du héron. sp # Mi n "AE Le. vi À è L LR d hé FN 258 HISTOIRE NATURELLE négatives , le caractériSentimieux queses fish boy yès : triste et solitaire, hors le temps des nichées, il ne paroît con- noître aucun plaisir, nimême les moyens d'éviter la peine, Dans les plus mauvais temps, il.se tient isolé ; découvert, posé sur un pieu ou sur une pierre, au bord d’un ruisseau , Sur une butte, au milieu d’une prairie inondée : dons que les autres oiseaux cherchent l'abri des feuil- lages, que, dans les mêmes lieux, le râle se met à couvert dans l'épaisseur des herbes, et le butor au milieu desroseaux, motre héron ‘misérable reste exposé N toutes les injures de Pair et à la plus grande risueur des frimas. M. Héert nous a informés qu'il en avoit pris un qui toit à demi gelé et tout couvert de ver- glas, Il nous a de même assuré avoir trouvé souvent sur la meige ou la vase L'inapr cssion des pieds de ces oiseaux, et n'avoir Jamais suivi leurs traces DIU de douze.ou quinge pass preuve du peu de suite qu'ils mettent à leur quête, et de : leur inaction même dans le temps. du besoin. Leurs longues] ambes ne sont que (QE » + L 1 LEE :* DES HÉRONS. 259 des échasses inutiles à la coursec:ils se: tiennent debout et en repos absolu pen- dant la plus grande partie du jour ; et ce repos, leur tient lieu de sommeil, car ils prennent quelque Év0l pendant LA nuit ! : on les entend alors crier en l'air à toute heure et dans toutes les Saisons ; leur voix est un son unique ; sec el aigre , qu'on pourroit compañïer K”, 7 de l’oie, s’il n’é- toit plus bref et un peu plaintif?;ce crise répète de moment à moment, et se pro- Jonge sur un ton plus perc de et tiès- désagréable, lorsque l'oiseau ressent de la douleur. | Le héron ajoute encore aux malheurs de sa chétive vie le mal de la crainte et de la défiance; il paroît s'inquiéter et s’alarmer de tout ; il fuit l'homme de très- loin: souvent assailli par l'aigle et le fau con , il n’élude leur attaque qu’en s’éle- 1 Les anciens l’avoient observé : Eustathe, sur Je dixième livre de l’J/iade, dit que Je Léron péche la out. | 2 Kader, pare étoit le mot dont se ser= voient les, Grecs, dès le temps d'Homère, pour ex= primer le cri du héron. Voyez Iliad, [iys Ze = + “ "77? 26o HISTOIRE NATURELLE vant au haut des airs et s’efforçcant de gaguer le dessus; on le voit se perdre avec eux dans la régibn des nuages !. C'étoit assez que la Nature eût rendu ces ennemis trop redoutables pour le malheureux hé- ron ?, sans y ajouter l’art d’aigrir leur instinct et d’aiguiser leur antipathie. Mais la chasse du héron étoit autrefois parmi nous le vol le plus brillant de la fau- connerie ; il faisoit le divertissement des princes, qui se réservoient, comme gibier d'honneur , la mauvaise chair de cet oi- seau , qualifiée siande royale, et servie comme un mets de parade dans les ban- quets. * On prétend que, pour dernière défense, 11 passe la tête sous son aile, et présénite son bec pointu à l'oiseau ravisseur, qui, fondant avec im pétuosité , s’y perce lui-même. 2? Les anciens lui en donnoïent d’autres, foibles en apparence , mais pauriins redoutables en ce qu’ils l’attaquoient dans ce qu’il avoit de plus cher, : lPalouette, qui lui rompoit ses œufs ; le pic as , pipra), qui lui tuoit ses petits. Il n’avoit contre tous ces ennemis que Hp amitié de la cor- poillee he. d DES HÉRONS. 267 C'est sans doute cette distinction atta- chée au héron qui fit imaginer de rassem- bler ces oiseaux, et de tâcher deles fixer dans des massifs de grands bois près des eaux, ou même dans des tours, en leux offrant des aires commodes où ils venoient nicher. On tiroit quelque produit de ces héronnières par la vente des petits hé- ronneaux que l’on savoit engraisser. Belon parle avec une sorte d'enthousiasme des héronnières que Francois Ier avoit fait éle- ver à Fontainebleau, et du grand effet de l’art qui avoit soumis à l'empire de l'homme des oiseaux aussi sauvages. Mais cet art étoit fondé sur leur naturel même : les hérons se plaisent à nicher rassem- blés ; ils se réunissent pour cela plusieurs dans un même canton de forêt *, souvent sur un même arbre. On peut croire que * Il n’est point de pays où on ne connoisse de ces bois que les hérons affectionnent, où ils se ras- semblent, et qui sont des héronnières naturelles. C’est non seulement sur les grands chênes, mais aussi dans les boïs de sapins, qu'ils se réunissent, comme Schwenckfeld le remarque de certaines forêts de Silésie, ; | ee PP : -} Eu trs 4 PPS PORN VUE ER EN NP PO AN TT p v : ” 262 HISTOIRE NATURELLE c’est la crainte qui Îes rassemble , et qu'ils ne se réunissent que pour repousser de coucert,. ou du moins étonner par leur nombre, le milan et le vautour. C’est au plus haut des grands &rbres que les. hé- rons posent leurs nids, souvent auprès de ceux des corneilles; ce qui a pu donner licu à l’idée des anciens sur l'amitié éta- blie entre ces deux espèces , si peu faites pour aller ensemble. Les nids du héron sont vastes, composés de büchettes, de beaucoup d'herbe sèche, de Joncs et de plumes. Les œufs sont d’un bleu verdâtre, pâle et uniforme , de même grosseur à peu près que ceux de la cigogne, mais un peu plus alongés et presque également pointus par les deux bouts. La ponte, à ce qu’ou nous assure, est de quatre ou cinq œufs ; ce qui devroit rendre l’espèce plus nombreuse qu'elle ne paroît l'être par- tout. Il périt doncun grand nombre de ces oiseaux dans les hivers : peut-être aussi aqu'’étant mélancoliques et peu nourris, ils perdent de bonne beure la puissance d’engendrer, some | Les anciens, frappés apparemment s LA d'hltié oil DESHÉRONS. 263 de l'idée de la vie souffrante du héron, croyoient qu’il éprouvoit de la douleur , même dans l’accouplement; que le rnêle” » daus ces instans , répandoit du sang par les yeux, et jetoit des cris d'angoisse. Pline paroît avoir puisé dans Aristote cette fausse opinion , dont Théophraste se montre également prévenu : mais on la réfutoit déja du temps d'Albert, qui assure avoir a fois été témoin de l’accouplement des hérons , et n'avoir vu que les caresses de l’amour et les crises du plaisir. Le mâle pose d'abord ün pied sur le dos de la femelle , comme pour la presser doucement de cédé tits portant les deux pieds en avant , il s’abaisse sur elle , et se soutient dans cette attitude par de petits battemens d’aïles. Lorsqu'elle vient à couver, le mâle va à la pêche, et lui fait part de ses captures; et l’on voit souvent des poissons tomber de leurs nids. Du reste, il ne paroît pas que les hé- rons se nourrissent de serpens ni d’autres réptiles ; et l’on ne sait sur quoi pouvoit être fondée la défense de les tuer en An- gicterre. die …: 264 HISTOIRE NATURELLE Nousavons vu quele héron adulte refusé de manger etse laisse mourir en domesti- cité; mais , pys jeune , il s'apprivoise , se nourrit et s’engraisse. Nous en avons fait porter du nid à la basse-cour; ils y ont vécu d’entrailles de poissons et dé viande crue, et se sont habitués avec la volaille: ils sont même susceptibles , non pas d’é- ducation , mais de quelques mouvemens communiqués ; On en à Vu qui avoient appris à tordre le cou de différentes ma- nières, à l’entortiller autour du bras de leur Les : mais dès qu’on cessoit de les agacer , ils retomboient dans leur tris- tesse naturelle, et démeuroient immo- biles. Au reste, les Jeunes hérons sont, dans le premier âge, assez long -temps vouverts d’un poil follet épais, principa- lement sur la tête et le cou. Lehéron prend beaucoup de grenouilles ; É : il les avale tout entières. On le recon- noît à ses excrémens, qui en offrent les os non brisés et enveloppés d'une espèce de mucilage visqueux de couleur verte, formé apparemment de la peau des gre- #“ouilles réduite en colle, Ses excrémens . DES HÉRONS. 265 ont, comme ceux des oiseaux d’eau et général , une qualité brûlante pour les herbes. Dans la disette , il avale quelques petites plantes, telles que la lentille d’eau ; mais sa nourriture ordinaire est le pois- son. Il en prend assez de petits , et il faut lui supposer le coup de bec sûr et prompt pour atteindre et frapper une proie qui passe comme un trait ; mais pour les pois- sons un peu gros, Willughby dit, avec toute sorte de vraisemblance, qu'il en pique et en blesse beaucoup plus qu'il n’en tire de l’eau. En hiver, lorsque tout est glacé et qu’il est réduit aux fontaines chaudes , il va tâtant de son pied dans la vase, et palpe ainsi sa proie, grenouille ou poisson. Au moyen de ses longues jambes , le héron peut entrer dans l’eau de plus d’un pied sans semouiiler. Ses doigts sont d’une longueur excessive : celui du milieu est aussi long que le tarse ; longle qui le ter- mine est dentelé * en dedans comme un * Cette denteiure en peigne est creusée sur Ja tranche dilatée et saillante du côté intérieur de longle, sans s'étendre jusqu’à sa pointe, qui est aiguë et lisse, 29 4 \ 266 HISTOIRE NATURELLE peigne , et lui fait un appui ét dés cramaä _ ponspours’accrocher auximentües racines quitraversent la vasesur laquelle il se sou- tient au moyen de ses longs doigts épa- nouis. Son bec est armé de dentelures tour- nées en'arrière, par lesquelles’il rétient le poisson glissant. Son ‘cou se plie souvent en deux , et il sembleroit que ce mouve- ment s'exécute au moyen d'une char- nière ; car on peut encore faire jouer ainsi le cou plusieurs jours après la mort de l'oiseau. Willughby a mal-à-propos avancé à ce sujet, que la cinquième ver- tèbre du cou est renvefsée et posée en. séns contraire des autres; car, en exa- minant le squelette du héron, nous avons compté dix-huit vertèbres dans le cou, et nous avons seulement observé que les cinq ‘premières, depuis la tête , sont: comme comprimées par les côtés, et ar- ticulées l’une sur l'autre par une avance de la précédente sur la suivante, sans apophyses, et que l’on ne commence à voir des apophyses que sur la sixième ver- tèbre. Par cette singularité de conforma- tion , la partie du cou qui tient à la poi- DES HÉRONS. 267 trine se roiïdit , et celle qui tient à la tête joue en demi-cercle sur l'autré, ou S'y apphiquede facon que le cou , me tête ét le bec , sont pliés en trois l’un SEPT autre; l'oiseau redresse brusquement, etcomme par ressort ; cette moitié repliée, et lance son bec comme un javelot. En étendant Je cou de toute sa longueur, il peut at- teindre‘au moins à trois pieds à la ronde. Enfin, dans un parfait repos, ce cou si démesurément long est comme effacé et perdu dans les épaules, auxquelles la tête paroît jointe. Ses ailes pliées ne débordent point la queue , qui est très-courte. Pour voler , il roidit ses jambes en arrière , renverse le cou sur le dos, le plie en trois parties, y compris la tête'et le bec , de facon que d’en bas on ne voit point detête , mais seulement un bec qui paroît sortir de sa poitrine. 11 déploie des ailes plus grandes à proportion que celles d'aucun oiseau de proie :-ces ailes sont fort concaves, ‘et frappent l'air par un mouvement égal ét réglé. Le béron, par ce vol 7. me, s'élève et’se)por hé St haut, qu'il, FACE à la vuc dans larégion 263 HISTOIRE NATURELLE : des nuages. C'est lorsqu'il doit pleuvoir qu'il prend le plus souvent son vol, et les anciens tiroient de ses mouvemenset de ses attitudes plusieurs conjectures sur l’état de l’air et les changemens de tempé- rature : triste et immobile sur le sable des rivages, il annoncçoit des frimas ; plus remuant et plus clameux qu'à l'abliaire * il promettoit la pluie; la tête couchée sur la poitrine , il indiquoit le vent par le côté où son bec étoit tourné. Aratus et , Virgile, Théophraste et Pline , établissent ces présages, qui ne nous sont plus con- nus depuis que les moyens de l’art, comme plus sûrs, nous ont fait églises les ob np de la Nature en ce genre. Quoi qu'il en soit , il y a peu d’oiseaux qui s'élèvent aussi haut , et qui, dans le même climat, fassent d'aussi grandes tra- versées que les hérons ; et souvent , nous dit M. Lottinger, on.en prend qui portent sur eux des marques des lieux où ils ont séjourné. Il faut en effet peu de force pour porter très-loin un corps si mince et si maigre, qu’en voyant un héron à quelque hauteur dans l'air, on n’appercoit que DES HÉRONS. 269 deux grandes ailes sans fardeau. Son corps est eflanqué , applati par les côtés, et beaucoup plus couvert de plumes que de chair. Willughby attribue la maigreur du héron à la crainte et à l’anxiété conti- nuelle dans laquelle il vit, autant qu’à la disette et à son peu d'industrie. Effective- ment la plupart de ceux que l’on tue sont d’une maigreur EXCESS1VE *. Tous les oiseaux de la famille du héron n'ont qu’un seul cœcum, ainsi que les quadrupèdes , au lieu que tous les autres oiseaux en qui se trouve ce viscère, l’ont double ; l’œsophage est très-large et sus- ceptible d’une grande dilatation : la tra- chéc-artère a seize pouces de longueur , et environ quatorze anneaux par pouce ; elle est à peu près cylindrique jusqu’à sa bifurcation , où se forme un renflement considérable d’où partent les deux bran- ches, qui, du côté intérieur, né sont formées que d’une membrane. L’œil est * Aristote connoïssoit mal le héron, lorsqu il le dit actif et subtil à se procurer sa subsistance : sagaz et cœnæ gerula et operosa. Il auroit pu le dire, avec plus de vérité, inquiet et soucieux. 23 270 HISTOIRE NATURELLE placé dans une peau nue, verdâtre, qui s'étend jusqu'aux coins du bec. La langue est assez longue, molle ct pointue : le bec, fendu jusqu'aux yeux, présente une longue et large ouverture ; il est robuste , épais près de la tête , long de six pouces, et finissant en pointe aiguë. La mandi- bule inférieure est tranchante sur les côtés : la supérieure est dentelée vers le bout sur près de trois pouces de longueur ; elle est creusée d’une double rainure, dans laquelle sont placées les narines; sæ couleur est jaunâtre, rembrunie à la pointe. La mandibule infé“ieure est plus jaune , et les deux branches qui la com- posent ne se Joignent qu'à deux pouces de la pointe ; l’entre-deux est garni d’une membrane couverte de plumes blanches. La gorge est blanche aussi; et de belles mouchetures noires marquent les longues plumes pendantes du devant du cou. Tout le dessus du corps est d'un beau gris de perle : mais dans la femelie, qui est plus petite que le mâle, les couleurs sont plus pâles, moins foncées ; amoins ustrées ; 3 ele n’a point la bande transyersalenoire ! : LI PASTRERONSEIN, sur ja spi ae s mi « l'aigrette sur la tête, Dans ie à il y a deux ou trois longs brins de ou ininces, cfälées, Hexiblés, et du plus beau noir: ces plumes sont d'un grand prix, sur-tout en Orient. La queue du héron a douze pennes tant soit peu étagées. La partie nue de sa jambe a trois pouces, le tarse six, le grand doigt plus de cinq; il est joint au doigt inté- rieur paë une portion de membrane : 4 celui de derrière est aussi très-long, et, par une singularité marquée dans tous les oiseaux de cette famille, ce doigt est comme articulé avec l'extérieur, et im- planté à côté du talon. Les doigts , Îles pieds et les jambes de ce héron commun sont d’un jaune verdâtre ; il a cinq pieds d'envergure, près de quatre du bout du bec aux ongles, et un peu plus de trois jusqu'au bout de la queue; le cou a seize ou dix-sept pouces. En marchant, 1l porte plus de trois pieds de hauteur : il est donc presque aussigrand que la cigogne; mais il a beaucoup moins d'épaisseur de corps, et l’on sera peut-être étonné qu'avec d'aussi grandes dimensions , le poids / 272 HISTOIRE NATURELLE de cet oiseau n’excède pas quatre livres *. Aristote et Pline paroissent n’avoir con- nu que trois espèces dans ce genre : le hé- rou commun , ou le grand héron gris dont nous venons de parler, et qu’ils désignent par le nom de kéron cendré ou brun, zehA0c le héron blanc, Asus; et le héron étoilé ou le butor, dolepras. Cependant Oppien observe que les espèces de hérons sont nombreuses et variées. En effet, chaque climat a les siennes , comme nous le ver- rons par leur énumération ; et l'espèce commune, celle de notre héron gris, pa- xoît s’être portée dans presque tous Îles pays, et les habiter conjointement avec celles qui y sont indigènes. Nulle espèce n’est plus solitaire, moins nombreuse dans les pays habités, et plus isolée dans chaque contrée : mais en même temps aucune n’est plus répandue et ne s’est portée plus loin dans des climats opposés; un naturel austère, une vie pénible, ont * Un héron mâle, pris le 10 janvier, pesoit trois livres dix onces ; une femelle, trois livres cinq onces. (Observation faite par M. Gueneau de Moni- Beillard.) DES HÉRONS. 273 apparemment endurci le héron, et l’ont rendu capable de supporter toutes les intempéries des différens climats. Du Tertre nous assure qu’au milieu de la multitude de ces oiseaux naturels aux Antilles , on trouve souvent le héron gris d'Europe; on l’a de même trouvé à Taïti, où il a un nom propre dans la langue du pays *, et où les insulaires ont pour lui, comme pour le martin-pêcheur, un res- pect superstitieux. Au Japon, entre plu- sieurs espèces de saggis ou hérons, on distingue , dit Kæmpfer, le goi-saggi ou le héron gris ; on le rencontre en Égypte, en Perse, en Sibérie, chez les Jakutes. Nous en dirons autant du héron de l’île Saint-lago, au cap Verd; de celui de la baie de Saldana ; du héron de Guinée de Bosman ; des hérons gris de l’île de Mai ou des rabékès du voyageur Roberts ; du héron de Congo, observé par Lopez; de celui de Guzarate, dont parle Mandes- lo ; de ceux de Malabar, de Tunquin, de Java , de Timor, puisque ces différens * Otoo est le nom propre du kéron gris en langue faitienne, M OS Li Lt dote £ À 274 HISTOIRE NATURELLE voyageurs indiquent ces ‘hérons simplez ment sous le nom de Pespèce commune, et sans les en distinguer. Le héron appelé dangcanghac dans l’île de Lucon, et au- quel les Espagnols des Philrppinesgonnent en leur langue le nom propre du hérom d'Europe (zarza ) , nous paroît encore être le méme. Dampier dit expressément que le hérôn de la baie de Campéche est en tout semblable à celui d'Angleterre ; ce qui, J0int au témoignage de Du Tertre et à celui de le Page du Pratz, qui a vu à la Louisiane le même héron qu’en Eu- ‘rope, ne nous laisse pas doutef que l’es- pèce n’en soit commune aux deux Conti- nens, quoique Catesby assure qu'il ne s’en trouve dans le nouveau qué des es pèces toutes différentes. _ Dispersés et solitaires dans les contrées peuplées, les hérons se sont t'ouvés ras- semblés et nombreux dans'quelques îles désertes, comme dans celles du golfe d’Ar- guim au cap Blanc , qui recut des Portu- gais le nom d’so/a das garzas ou d’fe aux hérons, parce qu'ils y trouvèrent un si grand nombre d'œufs de ces oiseaux ; - HIDES HÉRONS: 275 qu'on en remplit deux barques. Aldro- vande parle de deux îles sur la côte d’A- frique nommées de même et, pour Ja mémie raison ‘les des hérons par les Espa- gnols. Celle du Niger où aborda M. Adan- son, eût mérité également ce surnom, par la grande quantité de ces oiseaux qui s’y étoient établis. En Europe , l'espèce du héron grisss’est portée jusqu’en Suède, en Danemarck et en Norvége : on en voit : en Pologne , en Angleterre ; en France dans la plupart de nos provinces ; et c’est _sur-tout dans les pays coupés de ruis- seaux ou de marais, comme en Suisse et. en Hollande, que ces oiseaux habitent | en plus grand nombre. Nous diviserons le genre nombreux . hérons.en quatre familles: celle du Aéro proprement dit, dont nous venons de dé- crire la prémière espèce ; celle du butor, celle du bikoreau, et celle des crabiers. Les caractères communs qui unissent et rassemblent ces quatre familles, sont la longueur du cou; la rectitude du bec, qui est droit, pointu et dentelé aux bords de sa partie supérieure vers la pointe ; la EE 276 HISTOIRE NATURELLE longueur des ailes , qui, lorsqu'elles sont pliées , recouvrent la queue ; la hauteur du tarse et de la partie nue de la jambe; la grande longueur des doigts, dont celui du milieu a l’ongle dentelé , et la Poeleite singulière de celui de derrière , Qui s’arti- éule à côté du talon , près du doigt inté- rieur; enfin la peau nue, verdâtre , qui s'étend du bec aux yeux dans tous ces ‘ oiseaux. Joignez à ces conformités phy- siques celles des habitudes naturelles, qui sont à peu près les mêmes : car iode ces oiseaux sont également habitans des marais et de la rive des eaux ; tous sont patiens par instinct, assez lourds dans leurs mouvemens , et tristes dans leur maintien. Les traits particuliers de la famille des hérons , dans laquelle nous comprenons les aigrettes, sont , le cou excessivement long, très-grêle, et garni au bas de plumes pendantes et effilées ; le corps étroit, eflanqué, et, dans la plupart des espèces, élevé sur de hautes échasses. Les butors sont plus épais de corps, moins hauts sur jambes que le héror ; | DES HÉRONS. 279 ils ont le cou plus court, et si garni de plumes , qu’il paroît très-gros en SR raison de celui du héron. Les bihoreaux ne sont pas si grands que S butors ; leur cou est plus court; les deux ou trois longs brins implantés dans la nuque du cou les distinguent des trois autres familles ; la partie supé- rieure de leur bec est légèrement arquée. Les crabiers, qu'on pourroit nommer petits hérons , forment une famille subal- terne , qui n’est, pour ainsi dire , que la répétition en diminutif de celle des hérons ; aucun des crabiers n’est aussi grand que le héron-aigrette , qui est des trois quarts plus petit que le héron com- mun ; et le blongios, quin'est pas plus gros qu'un râle , termine la nombreuse suite d'espèces de ce genre , plus variée qu’au- cune autre pour la proportion de la gran- deur et des formes. RÉ de Led 273 HISTOIRE NATURELLE Æ p : : nl LA | ni Hi ; LE HÉRON BLANC, Seconde espèce: TR. Cowwur les espèces des hérons : sont nombreuses , nous:séparerons ceiles dé l’ancien continent | qui sont au-nombre de sept, de celles du nouveau moude, dont nous en connoissons déja dix: La première de:ces espèces de notre conti ment, est le héron: commun que! nous venons de décrire; et la seconde est celle du héron blanc, qu’Aristote a indi- qué par le surnom de Aewus, qui désigne en effet sa couleur : il est aussi grand que le héron gris , et même il a les jambes * Voyez les planches enluminées, n° 886. En latin, Zeucus, ardea alba, albardeola ; en italien, garza ou garzetia bianca; en alle- mand, wezsser reger; €n anglois ; white-heron 4 white-gauldings DES HÉRONS 279 encore plus hautes; mais il manque dé panaches, et c’ést mal-à-propos que quelques nomenclateurs l’ont confondu avec l’aigrette : tout son plumage, est blanc , le bec est jaune , et les pieds sont noirs. Turner semble dire qu'on a vu le “héron blanc s’accoupler avec le héron gris ; mais Belon dit seulement , ce qui est plus vraisemblable , que les deux espèces se hantent et sont amies jusqu’à partager quelquefois la même aire pour y élever en commun leurs petits : il paroît donc qu’Aristote n’étoit pas bien informé lorsqu'il a écrit que le héron blanc met- toit plus d'art à coustruire son nid que le héron gris. M. Brisson donne une description du héron blanc à laquelle on doit ajouter que la peau nue autour des yeux n’est pas toute verte , mais mêlée de Jaune sur _ les bords; que Piris est d'un jaune citron ; que les cuisses sont verdâtres dans leur partie nue. : On voit beaucoup de hérons, blancs sur les côtes de Bretagne, et cependant Pespète en est fort rare en Angleterre , 280 HISTOIRE NATURELLE quoiqu’assez commune dans le Nord jus= qu’en Scanie; elle paroît seulement moins nombreuse que celle du héron gris, sans être moins répandue, puisqu'on l’a trou- vée à la nouvelle Zélande , au Japon, aux Philippines, à Madagascar, au Bresil où il se nomme guiratinga, et au Mexique sous le nom d'’azfatl. DES HERONS. 28e LE HÉRON NOIR. Troisième espèce. D CHWENCKFELD seroit le seul des natu- ralistes qui auroit fait mention de ce héron , si les auteurs de l’Ornithologie italienne ne parloient pas aussi d’un héron de mer qu'ils disent être noir ; celui de Schwenckfeld , qu'il a vu en Silésie, c’est-à-dire loin de la mer, pour- roit donc ne pas être le même que celui ‘des ornithologistes italiens. Au reste , il est aussi grand que notre héron gris: tout son plumage est noirâtre, avec un reflet de bleu sur les ailes. Il paroît que l'espèce en est rare en Silésie : cependant on doit présumer qu'elle est plus com- mune ailleurs , et que cet oiseau fréquente les mers ; car il paroît se trouver à Madagascar , où il a un nom propre : mais on ne doit pas rapporter à cette 21 Re cd, 4 N'AUTr fn (4 LE RE PL TD ee + ur LA : 17 ’ À » «82 HISTOIRE NATURELLE espèce, comme l'a fait M. Klein, l'erdeg . cæruleo-nigra de Sloane , qui est le cra- bier de Labat , qui est beaucoup! plus petit, et qui par conséquent doit être placé parmi les plus petits hérons que ous appellerons crabiers. | MES HENONS " 2 LE HÉRON POURPRÉ *. Quatrième espèce. | pk héron pourpré du Danube donné par Marsigli , et le Xéron pourpré huppé de nos planches enluminées , nous parois- sent devoir se rapporter à une seule et même espèce : la huppe, comme l’on sait , est l’attribut du mâle, et les petites différences qui se trouvent dans les cou- leurs entre ces deux hérons, peuvent de même se rarporter au sexe ou à l’âge. Quant à la grandeur , elle est la même; car bien que M. Brisson donne son héron pourpré huppé comme beaucoup moins gros que le héron pourpré de Marsigli, les dimensions dans le détail se trouvent être à très-peu près égales , et tous deux sont de la grandeur du héron gris. Le "- * Voyez les planches enluminées, n° 508, sous la dénomimauon de Aéron pourpré huppé: T n LÉ R 254 HISTOIRE Du. cou , l'estomac et une partie du dos ; sont d’un beau roux pourpré ; de longues : plumes effilées de cette même belle cou- leur partent des côtés du dos, et s'éten= dent jusqu’au bout des ailes en retombant sur la queue. F us: DES HERONS,. 285 LE HÉRON VIOLET *. Cinquième espèce. RE Le héron nous a été envoyé de la côte de Coromandel : il a tout le corps d’un bleuâtre très-foncé, teint de violet ; le dessus de la tête est de la même couleur, ainsi que le bas du cou, dont le reste est blanc ; il est plus petit que le héron gris , et n’a au plus que trente pouces de longueur. * Voyez les planches enluminées , n° 906. de À dents LA GARZETTÉ BLANCHE. ré Sixième espèce, | en A SorovaNDE désigne ce héron Masà plus petit que le premier : par les noms. de garzsettla et de garza bianca , en. le “aigtin guant nettement de l’aigrette, qu’il a auparavant très - bien RU : cependant M. Brisson les a confon dues , -et il rapporte , dans sa nernenclature, a garza bianca d'Aldrovande à l'igrette à U et ne. donne. à sa place , sous le ‘titre de peiit héron blanc, qu’une petite espèce à plumage blanc teint de jaunâtre sur la tête et la poitrine, qui paroît n'être qu'une variété dané l’espèce de la garzette, ou plutôt la garzette elle-même, mais jeune et avec un reste de sa livrée, coiime Aldrovande lindique par les caractères qu'il lui donne. Au reste, cet oiseau adulte est tout blanc, excepté ét, sr ÿ . DES HÉRONS: … 27 de bec et les pieds, qui sont noirs; il est bien plus petit que le grand héron blanc, n'ayant pas deux picds de longueur, Oppien paroît avoir confu cette Cspèce: Klein et Linnæus n’en font pas men tion , et probablenrent elle ne se trouve pas dans le Nord. Cependant Îe héron. blanc dont parie Rzaczynski, que l'on voit en Prusse ,.et qui a le bec et les pieds .- jaunâtres , paroît être une variété dé. cette espèce; car, dans le grand héron. blanc , le bec ét VE pieds sont DR # ment noirs 5 d'autant plus qu’ énFrancé même - cette petite espèce de garzette est sujette à d'autres variétés. M. Hébert nous assure avoir tué et ‘Brie, au mois d'avril, un de ces petits hérons blanes, _pas FA gros de corps ue ‘un pigeon de volière, qui avoit les pieds veirds, avec l’écaille lisse et fine, au lieu die les , autres hérons ont communément cette écaille des pieds d'un srain ‘grossier et farineux. D } Ée n, L'i + ARERR 2", | L 1" . #8 HISTOIRE NATURELLE mm : Je sui: FA L’AIGRETTE At . Septième espèce. | Brrox est le phpnuer qui ait donné le nom d’aigrette à cette petite espèce de _ héron blanc ,; et vraisemblablement à cause des longues plumes soyeuses qu'il porte sur lé dos, parce que ces belles plumes servent à faire des aigrettes pour embellir et relever la coiffure des femmes le casque des guerriers et le turban des sultans : ces plumes sont du plus grand prix en Orient ; elles étoient recherchées, en France ,. dès le temps de ces preux chevaliers qui en faisoient des panaches. Aujourd’hui ; par un usage plus doux , elles servent à orner la tête et rehaus- ser la taille de nos belles : la flexibilité, la mollesse, la légéreté de ces plumes: * Voyez les planches enluminées ; n° QOI: dés. 115 Last sn À | L d La wc . Zom 14 PT .Zag 288. LI nqut S tte ee ee APCE, 1 % ; M Ar: Te F4) de 1 LMRNNMAENNE " € k 7 jet M J ta 4 6 dy KE ; : À de N é NO ARR à - ra : + à Li el TEA] Ni 44 j qi di + TNA MEANS ge Ad mate DENT ja a 24 | 3 ni uen We $ | 7 ip ; jai Ju ÂK DÉS HÉRONS. 50ÿ éndoyantes, ajoutent à la grace des mou- vemens ; et la plus noble comme la plus _ piquante des coiffures ne demande qu’une simple aïgrette placée dans de beaux cheveux. Ces plumes sont composées d'une côté très - déliée, d’où partent par paires, à petits intervalles ; des filets très-fins et aussi doux que la soie; de chaque épaule de l'oiseau sort une touffe de ces belles plumes , qui s'étendent sur le dos et jusqu’au-delà de la queue ; elles sont d’un blanc de neige, ainsi que toutes les autres plumes, qui sont moins délicates et plus fermes : cependant il paroît que l'oiseau jeune, avant sa première mue, et peut-être plus tard , a du gris ou di bruu et même du noir dèlés dans son plumage. Un de ces oiseaux , tué par M. Hébert en Bourgogne , avoit tous les caractères de la Jeunesse , et parti= culièrement ces couleurs brunes de la livrée du péeimier âge. Cette espèce , à di, sit on a donné le nom d’aigrette, n’en est pas moins ua héron ; mais c’est l’un des plus petits: - Oiscaux, XIVe: 27 pm Le Dalle :: à 299 HISTOIRE NATURELLE il n’a communément pas deux pieds de longueur. Adulte, il a le bec et les-pieds noirs. Il se tient de préférence aux bords de la mer , sur les sables et les vases : cependant il perche et niche sur les arbrés comme les autres hérons. 2 11 paroît que l'espèce de notre aigrette d'Europe se retrouve en Amérique , avec une autre espèce plus grande , dont nous donnerons la description dans l’article suivant ; il paroît aussi que cette même espèce d'Europe s’est répandue dans tous es climats et jusque dans les îles loin- taines isolées, comme aux îles Malouines à l’île de Bourbon ; on la trouve ‘en Asie , dans les plaines de l’Araxes, sur les bords de la mer Caspienne, et à Siam, au Sénégal et à Madagascar , où on l’ap- pelle lang-houron : mais div les aigrettes noires , grises et pourprées, que les voya- geurs Élacten et Cauche placent dans cette même île , on peut les rapporter avec beaucoup de vraisemblance à quel- qu’une des espèces précédentes de hérons, auxquels le panäche dont leur tête est ornée , aura fait donner impropremcent le u d'aigrette. TS OO - à de ds. Béd … “hs in ele en NM D HE LU PSS D SEE S DES HÉËÉRONS. 207 HÉRONS DU NOUVEAU CONTINENT. LA GRANDE AIGRETTE *. Première espèce. T'ourss les espèces précédentes de hé- rons sont de l’ancien continent, toutes celles qui suivent appartiennent au nou- veau : elles sont très-nombreuses en indi- vidus dans ces régions où les eaux, qui ne sont point contraintes , se répandent sur de vastes espaces , et où toutes les terres basses sont noyées. La grande aigrette est sans contredit la plus belle de ces espèces , et ne se trouve pas en Eu- rope : elle ressemble à notre aigrette par * Voyez les planches enluminées, n° 925. 22 HISTOIRE NATURELLE : le beau blanc de son plumage , sans mélange d'aucune autre couleur, et elle est du double plus grande , et par consé- quent sou magnifique etc de plu- mes soyeuses est d'autant plus riche et plus volumineux ; elle a , comme lPai- grette d'Europe, le bee et les pieds noirs. A Cayenne , elle niche sur les petites îles qui sont dans les grandes savanes noyées : elle ne fréquente pas les bords de la mer mi les eaux salées , mais se tient habituel- lement sur les eaux stagnantes et sur les rivières , où elle s'abrite dans les joncs. L'espèce en est assez commune à la Guiane : maisces grands et beaux oiscaux ne vont pas en troupes comme les petites aigrettes ; ils sont aussi plus farouches 4 _ge laissent moins approcher, etse perchent yarement. On en voit à Saint- -Domingue, où , dans la saison sèche, ils fréquentent les marais et les étangs. Enfin il paroît que cette espèce n'est pas coufinée aux climats les plus chauds de l'Amérique ; gar nous en avons reçu quelques indi- vilus qui nous ont été envoyés de la Louisiane, DES HÉRONS. 203 L’AIGRETTE ROUSSE *, Seconde espèce. \ Csrrs aigrette , avec le corps d’un gris moirâtre , a les panaches du dos ei les plumes efhécs du cou d’un roux derouille. Elle se trouve à la Louisiane , et n’a pas tout-à-fait deux pieds de longueur. * Voyez les planches enluminées, n° go2. 25 __ 294 HISTOIRE NATURELLE rent pré rem, LA DEMI-AIGRETTE *. Troisième esèpce. N ous donnons ce nom au Léron bleuätre a ventre blanc de Cayenne de nos planches enluminées, pour désigner un caractère qui semble faire la nuance des aigrettes aux hérons. En effet, celui-ci n’a pas, comme les aigrettes, un panache sur le dos aussi étendu , aussi fourni, mais seu- lement un faisceau de brins effilés, qui lui dépasse la queue, et représente en petit les touffes de l’aigrette. Ces brins, que n’ont pas les autres hérons, sont de cou- leur rousse. Cet oiseau n’a pas deux pieds de longueur. Le dessus du corps, le cou et la tête, sont d’un bleuàâtre foncé , et le dessous du corps est blanc. * Voyez les planches enluminées, n° 350. areas. Dm à nl mode à ‘nn fui ec Pe dé URS E AS ASS RSS) DES HÈRONS. 295 LE SOC O0. Quatrième espèce. A co, suivant Pison, est le nom géné- rique des hérons au Bresil ; nous l’appli- quons à cette grande et belle espèce dont Marcgrave fait son second héron, et qui se trouve également à la Guiane et aux Antilles comme au Bresil. Il égale en gran- deur notre héron gris. Il est huppé; les plumes fines et pendantes qui forment sa huppe , et dont quelques unes ont six pouces de long , sont d’un joli cendré. Suivant du Tertre, les vieux mâles seuls portent ce bouquet de plumes. Celles qui pendent au bas du cou sont blanches et également délicates, douces et flexibles : l’on peut de même en faire des panaches. Celles des épaules et du manteau sont d’un gris cendré ardoisé. Pison , en remarquant que cet oiseau est ordinairement assez maigre, assure néanmoins qu'il prend de la L # LA du, NP OV + 296 HISTOIRE NATURELLE graisse dans la saison des pluies. Du Tertre, qui l'appelle crabier, suivant l'usage des îles où ce nom se donne aux hérons, dit qu'il n'est pas aussi commun que les autres hérons , mais que sa chairest aussi bonne, c'est-à-dire, pas plus mauvaise. Cie . mn Ms nuotitl ls du SF, à OT AE LE CSS Sd ee bg de ARR LE HÉRON BLANC A CALOTTE NOIRE *. Cinquième espèce. RAS AE Cr héron, qui se trouve à Cayenne, a tout le plumage blanc, à l'exception d'une calotte noire sur le sommet de la tête, qui porte un panache de cinq ou six brins blancs. 11 n’a guère que deux pieds de longueur ; il habite le haut des rivières à la Guiane, et il est assez rare. Nous Jui joindrons le héron blanc du Bresil, la différence de grandeur pouvant n'être qu’une différence individuelle, la plaque noire , ainsi que la hbuppe, pouvant n’ap- _ partenir qu’au mâle , et former son attri- but distinctif, comme nous l'avons déja remarqué pour la huppe dans la plupart des autres espèces de hérons. * Voyez les planches enluminées, n° 907; sous le nom de héron blanc huppé de Cayenne. 298 HISTOIRE NATURELLE LE HÉRON BRUN*. Sixième espèce. LL est plus grand que le précédent , et, comme lui, naturel à la Guiane. 1l a tout le dessus du corps d’un brun noirûtre , dont la teinte est plus foncée sur la tête, et paroît ombrée de bleuâtre sur les ailes ; Île devant du cou est blanc , chargé de taches en pinceaux Hrdnétiel : le dessous du corps est d’un blanc pur. 1 * Voyez les planches enluminées, n° 858. à DES HÈËRONS. 209 LE HÉRON AGAMI*. Septième espèce. N ous ignorons sur quelle analogie peut être fondée la dénomination de éron agami, sous laquelle cette espèce nous a été envoyée de Cayenne, si ce n’est sur le rapport des longues plumes qui couvrent la queue de l’agami en dépassant les “pennes, avec de longues plumes tom- bantes qui recouvrent et dépassent de ‘même la queue de ce héron , en quoi il a du rapport aux aigrettes. Ces plumes sont d'un bleu clair ; celles des ailes et du dos ‘sont d’un gros bleu foncé ; le dessous du corps est roux ; le cou est de cette même couleur en devant, mais il est bleuâtre au bas, et gros bleu en dessus; la tête est noire, avec locciput bleuâtre , d’où . pendent de longs filets noirs. L2 * Voyez les planches enluminées, n° 859. » et où 300 HISTOIRE NATURELLE L'HOCTE Huitième espèce. N IEREMBERG interprète le nom mexi- cain de cet oiseau , Loactli ou toloacili, par avis sicca, 2e sec ou maigre ; ce qui convient fort bien à un héron. Celui ciest de moitié moins grand que le héron commun. Sa tête est couverte de plumes noires qui s’alongent sur la nuque en panache; le dessus des ailes et la queue sont de couleur grise; il a sur le dos quel- ques plumes d'un noir lustré de verd: tout le reste du plumage cst blanc. Là femelle porte un nom différent de celui du mâle ( Zoacton fœmina }. Elle en diffère en effet par quelques couleurs dans le plumage ; il est brun sur le corps , mé- langé de quelques plumes blanches, et bléne au cou, mêlé de plumes brunes. Cet oistau se trouÿe sur le lac de ) fn 5 DS édit mad: Lidnifiins cd. nn à eu AS Due à ae ray al ut GO D de fon TE RS Lt à nr ADS) Se i EPS ; +4 AR ù \ ' DES HÉRONS. Got Mexique. Il niche dans les joncs, et a la voix forte et grave; ce qui semble le rap= procher du butor. Les Espagnols lui don- nent mal-à-propos le nom de z7artinete= pescador; car il est très-diférent du mar- tin-pêcheur. ne) C3 'utiobhs iii Adi ST A, à nt de à da nt de Dh nt her MG be nd, dan dd dadt ' 32 HISTOIRE NATURELLE LE HOHOU. Neuvième espèce. Crsr encore par contraction du mot xoxouquihoactli, et quise prononce 4okou- guihoactli, que nous avons formé le nom de cet oiseau , avec d’autant plus de rai- son , que 2ohou est son cri. Fernandès | qui nous donne cette indication, ajoute que c'est un héron d’assez petite espèce; sa longueur est néanmoins de deux cou- dées. Le ventre et le cou sont cendrés ; le front est blanc et noir; le sommet de la tète et l’aigrette à l’occiput sont, d’une couleur pourprée, et les ailes sont va- riées de gris et de bleuâtre. Ce héron est assez rare; on le voit de temps en temps sur le lac de Mexique, où il paroît venir des régions plus septentrionales. % DES HÉRONS. 303 _ LE GRAND HERON D'AMÉRIQUE. Dixième espèce. Daxs le genre des oiseaux de maré- cages, c’est au nouveau monde qu’ap- _partiennent les plus grandes comimne les plus nombreuses espèces. Catesby a trouvé en Virginie celle du grand héron, que cette dénomination caractérise assez, puis- qu’il est le plus grand de tous les hérons connus: ii a près de quatre pieds et demi de hauteur lorsqu'il est debout, et pres- que cinq pieds du bec aux ongles; son bec a sept ou huit pouces de longueur. Tout son plumage est brun, hors les grandes pennes de l’aile qui sont noires. Il porte une huppe de plumes brunes effi- lées. IL vit non seulement de poissons et de grenouilles , mais aussi de grands et de petits lézarüs. 304 HISTOIRE NATURELLE LE HÉRON DE LA BAIE D'HUDSON. Onzième espèce. Cr héron est aussi très-grand ; il a près de quatre pieds du bec aux ongles. Une belle huppe d’un brun noir, jetée en arrière , lui ombrage la tête ; son plumage est d’un brun clair sur le cou, plus foncé sur le dos, et plus brun encore sur Îles ailes ; les épaules et les cuisses sont d’un brun rougeûtre; l'estomac est blanc, ainsi que les grandes plumes qui pendent du devant du cou , lesquelles sont marquées de traits en pinceaux bruns. Vorza toutes les espèces de hérons qui nous sont connues ; car nous n’admet- tons pas dans ce nombre la huitième es- pèce décrite par M.Brisson d’après Aldro- yande, parce qu’elle est donnée sur un RP nl Te, TT » dris Éd e R : | A LED dé | Le VA AT NN TL "7 D & . - DES HÉRONS. 305 oiseau qui portoit encore la livrée de son premier âge , comme Aldrovande en aver- tit lui-même. Nous exclurons aussi du genre des hérons la quatrième et la vingt- deuxième espèce de M. Brisson , qui nous ._ paroissent devoir être séparées de cegenre par des caractères très-sensibles, la pre- mière ayant le bec arqué et les jambes garnies de plumes jusque sur le genou, et la seconde ayant un bec court qui la rapproche plutôt du genre des grues. En- fin nous ne comptons pas la neuvième espèce de héron du même auteur, parce que nous avons reconnu que c’est la fe- melle du bihoreau. | 26 ‘LES CR'ABTEMRS. L { | Crs oiseaux sont des hérons encore plus petits que l’aigrette d'Europe. On leur a donné le nom de crabiers, parce . qu'il y en a quelques espèces quise nour- rissent de crabes de mer, et prennent des écrévisses dans les rivières. Dampier et Wafer en ont vu au Bresil, à Timor, à la nouvelle Hollande ; ils sont donc répan- dus dans les deux hémisphères. Barrère dit que quoique les crabiers des îles de l'Amérique prennent des crabes, ils man- sent aussi du poisson, et qu’ils pêchent sur les bords des eaux douces, ainsi que les hérons. Nous en connoissons neuf espèces dans l’ancien continent, et treize dans le nouveau. HISTOIRE NATURELLE. 307 CRABIERS. DE L'ANCIEN CONTINENT. LE CRABIER CAIOT. Première espèce. Arprovaxpe dit qu’en Italie, dans le Bolonois, on appelle cet oiseau qguaiof, guaiolta, apparemment par quelque rap- port de ce mot à son cri. Il a le bec Jaune et les pieds verds ; il porte sur la tête une belle touffe de plumes effilées, blanches au milieu , noires aux deux bords ; le baut du corps est recouvert d'un chevelu de ces longues plumes minces et tom- bantes, qui forment sur le dos de la plu- part de ces oiseaux crabiers comme un second mañnteau : elles sont, dans cette espèce, d’une belle couleur rousse. LR. Ti dé aide" 24 ey "Tr 38 HISTOIRE NATURELLE LE CRABIER ROUX. Seconde espèce. SELON Schwenckfeld , ce crabier est rouge (ardea rubra ); ce qui veut dire d’un roux vif, et non pas/zarron, comme -traduit M. Brisson. Il est de la grosseur d’une corneille. Son dos est roux ( dorso rubicundo ); son ventre blanchâtre ; les ailes ont une teinte de bleuâtre, et leurs grandes pennes sont noires. Ce crabiér est connu en Silésie , et s’y nomme Zéron rouge ( rodter reger). niche sur les grands arbres. pgné side «à min M don. en T'en A de Sir ei ASE UP LS EL LS RES LES DÆS'CRABIERS.) 3od LE CRABIER MARRON. Troisième espèce. À PRÈS avoir ôté ce nom mal donné à l'espèce précédente par M. Brisson , nous l’appliquons à celle que le même na- turaliste appelle rousse, quoiqu’Aldro- vande la dise de couleur uniforme, pas- sant du jaunâtre au marron ( ex croceo ad colorem castaneæ vergens). Mais s’il n’y a pas méprise dans les expressions, ces cou- leurs sont distribuées contre l'ordinaire, étant plus foncées dessous le corps et-plus claires sur le dos et les ailes ; les plumes longues et étroites qui couvrent la tête et flottent sur le cou , sont variées de jaune et de noir ; un cercle rouge entoure l'œil , qui est jaune ; le bec, noir à la poiute , est verd bleuâtre près de la tête ; les pieds sont d’un rouge foncé. Ce crabier est fort petit ; car Aldrovande , comptant tous les crabiers pour des hérons, dit: C&æ- teris ardeis ferè omnibus minor est. Ce même dr. 310 HISTOIRE NATURELLE naturaliste paroît donner comme simple variété le crabier dont M. Brisson a fait sa trente-sixième espèce. Ce crabier a les pieds Jaunes et quelques taches de plus que l’autre sur les côtés du cou ; du reste il lui est entièrement semblable ( per omnia _similis ) : nous n’hésiterons donc pas à les rapporter à une seule et même espèce. Mais Aldrovande paroît peu fondé dans l'application particulière qu'il fait du nom de ciris à cette espèce. Scaliger, à la vé- rité, prouve assez bien que le czris de _ Virgile n’est point l’alouette (galerita ), comme on l'interprète ordinairement , mais quelque espèce d'oiseau de rivage aux pieds rouges, à la téte huppée, et qui devient la proie de l'aigle de mer ( 4a- liœætus ) : mais cela n'indique pas que le ciris soit une espèce de héron , et moins encore cette espèce particulière de crabier, qui n’est pas plus huppé que d’autres ; et Scaliger lui-même applique tout ce qu’il dit du ciris à l’aigrette, quoiqu'’à la vé- rité avec aussi peu de certitude. C’est ainsi que ces discussions érudites, faites sans étude de la Nature, loin de l’éclai- rer, n'ont servi qu'à l'obscurcir. DÉCOR À BIPRIESN 2% LB GU À C CO: Quatrième espèce. C'rsr encore ici un petit crabier connu en Italie, dans les vallées du Bolonois, sous le nom de ssyacco. Son dos est d’un jaune rembruni (ex luteo ferrugineus ) ; les plumes des jambes sont Jaunes; celles du ventre blanchissantes ; les plumes minces et tombantes de la tête et du cou sont variées de jaune, de blanc et de noir. Ce crabier est plus hardi et plus cou- rageux que les autres hérous. Il a les pieds verdâtres: l’iris de l’œil Jaune, entouré d’un cercle noir. 3:2 HISTOIRE NATURELLE LE CRABIER DE MAHON *. Cinquième espèce. Cr oiseau , “nommé dans nos planches enluminées Léron huppé de Mahon, est un crabier, même de petite taille, et qui n’a pas dix-huit pouces de longueur. Il a les ailes blanches , le dos roussâtre, le dessus du cou d’un roux jaunâtre , et le devant gris blanc. Sa tête porte une belle et longue huppe de brins gris blanc et roussâtres. * Voyez les planches enluminées , n° 348. Re à de: de dde Shot) Lutte ÉMIS SES LA US SES ns | Mes. + b Ni DES CRABIERS 35 LE CRABIER DECOROMANDEL*. Sixième espèce. C: crabier a du rapport avec le précé- dent : il a de même du roux sur le dos, du roux jaune et doré sur la tête et au bas du devant du cou, et le reste du plu- mage blanc ; mais il est sans huppe. Cette différence , qui pourroit s’attribuer au sexe, ne nous empêcheroit pas de le rap- porter à l'espèce précédente, si celle-ci n’étoit plus grande de près de trois pouces. * Voyez les planches enluminées, n° 910. 27 314 HISTOIRE NATURELLE LE CRABIER BLANC ET BRUNY*. Septième espèce. | co ane Lx dos brun ou couleur de terre d'om- bre , tout le cou et la tête marqués de longs traits de cette couleur sur un fond jaunâtre , l’aile et le dessus du corps blancs , tel est le plumage de ce crabier que nous avons recu de Malaca : il a dix-neuf pouces de longueur. * Voyez les planches enluminées, n° 917; sous le nom de crabier de Malaca. DES CRABIERS. 319 LE CRABIER NOIR *. Huitième espèce. M. Sonnerat a trouvé ce crabier à la nouvelle Guinée ; 1l est tout noir, eta dix pouces de longueur. Dambpier place à la nouvelle Guinée de petits preneurs d’écrevisses à plumage Blanc - de - lait ; ce pourroit être quelque espèce de cra- . bier, mais qui ne nous est pas Jusqu'ici parvenue, et que cette notice seule nous indique. * Voyez les planches enluminées, n° 926. PRO PNR TNA ‘ lé 516 HISTOIRE NATURELLE LE PETIT CRABIER * Neuvième espèce. Css assez caractériser cet oiseau que de lui donner le nom de pelit crabier ; il est en effet plus petit que ious les crabiers , plus même que le blongios; et n’a pas onze pouces de longueur. Il est naturel aux Philippines. Il a le dessus de la tête , du cou et du dos, d’un roux brun ; le roux se trace sur le dos par petites lignes transversales , ondulautes sur le fond brun : le dessus de l’aile est noirâtre, frangé de petits festons inégaux, blanc roussätre ; les pennes de l'aile et de la queue sont noires. | * Voyez les planches enluminées, n° 898, sous le nom de crabier des Philippines. DES CRABIERS. 317 LE BLONGIOS*. Dixième espèce. Lr blongios est, en ordre de grandeur ; la dernière de ces nombreuses espèces que la Nature a multipliées en répétant la même forme sur tous les modules , depuis la taille du grand héron , égal à la cigogne , jusqu’à celle du plus petit crabier et du blongios , qui n’est pas plus grand qu’un râle ; car le blongios ne diffère des crabiers que par les jambes us peu basses, et le cou en proportion encore plus long : aussi les Arabes de Barbarie , suivant le docteur Shaw , lui donnent-ils le nom de boo-onk , long cou, ou à la lettre , père du cou. Il lalonge et le Jette en avant comme par ressort en marchant , ou lorsqu'il cherche sa nour- * Voyez les planches enluminées, n° 323, sous le nom de blongios de Suisse. 27 PTT PE NORTON 47 te d A a : re > e 7 , : 318 HISTOIRE NATURELLE riture. Il a le dessus de la tête et du dos noir à reflets verdâtres | ainsi que les penues des ailes et de la queue ; le cou, le ventre, le dessus des ailes, d’un roux marron , meélé de blanc et de Jau- nâtre ; le bec et les pieds sont verdâtres. Il paroît que le blongiss se trouve fré- quemment en Suisse ; on le conuoît à peine dans nos provinces de France , où on ne l’a rencontré qu’égaré, et apparem- ment emporté par quelque coup de vent, ou poussé de quelque oiseau de proie. Le blongios se trouve sur les côtes du Levant aussi-bien que sur celles de Bar- barie. M. Edwards en représente un qui lui étoit venu d'Alep: il différoit de-celui que nous venons de décrire , en ce que les couleurs étoient moins foncées , que les plumes du dos étoient frangées de roussâtre , et celles du devant du cou et du corps marquées de petits traits bruns ; différences qui paroissent être celles de l’âge ou du sexe de l’oiscau : ainsi ce blongios du Levant, dont M. Brisson fait sa seconde espèce , et le blongios de Barbarie, ou ba0o-onk du docteur Shaw , DES CRABIÈRS 353 sont les mêmes , selon nous, que notre blongios de Suisse. | Toures les espèces précédentes de cra- biers appartiennent à l’ancien continent: nous allons faire suivre celles qui se trou- vent dans le nouveau, en observant pour les crabiers la méme distribution que pour les hérons. € 326 HISTOIRE NATURELLE A RS CRABILERS DU NOUVEAU CONTINENT. LE CRABIER BLEU. Première espèce. C: crabier est très-singulier en ce qu'il a le bec bleu comme tout le plumage, en sorte que, sans ses pieds verds , il seroit entièrement bleu : les plumes du cou et de la tête ont un beau reflet _ violet sur bleu ; celles du bas du cou, du derrière de la tête et du bas du dos ,- sont minces et pendantes ; ces dernières ont jusqu’à un pied de long , elles cou- vrent la queue et la dépassent de quatre doigts. L'oiseau est un peu moins gros qu'une corneille , et pèse quinze onces. UE à DES CRABIERS. 321 On en voit quelques uns à la Caroline, et seulement au printemps ; néanmoins Catesby ne paroît pas croire qu'ils y fassent leurs petits, et il dit qu’on ignore d’où ils viennent. Cette même belle es- pèce se retrouve à la Jamaïque, et paroît même s'être divisée en deux races ou variétés dans cette île. + platout %2 HISTOIRE NATURELLE Jde cat Ÿ LE CRABIER BLEU À COU BRUN* Seconde espèce. Tour le corps de ce crabier est d’un bleu sombre ; et malgré cette teinte très- foncée , nous n’en eussions fait qu’une espèce avec la précédente , si la tete et le cou de celui - ci n’étoient d’un roux brun , et le bec d’un jaune foncé, au licu que le premier a la tête et le bec bleus. Cet oiseau se trouve à Cayenne, et peut avoir dix-neuf pouces de longueur. * Voyez les planches enluminées, n° 349, sous la dénomination de héron bleuâtre de Cayenne. DES CRABIERS. 32 } LE CRABIER GRIS-DE-FER. Troisième espèce. C ET oiseau, que Catesby donne pour un butor , est certainement un petit héron ou. crabier. Tout son plumage est d’un bleu obscur et noirâtre , excepté le dessus _-de la tête, qui est relevé en huppe d’un jaune pâle , d’où partent à l’occiput trois ou quatre brins blancs ; il y a aussi une large raie blanche sur la joue jusqu'aux coius du bec; l’œil est protubérant, l'iris en est rouge et la paupière verte ; de longues plumes efflées naissent sur les côtés du dos et viennent en tombant dépasser la queue ; les jambes sont jau- nes; le bec est noir et fort , et l'oiseau pèse une livre et demie. On voit, dit Catesby , de ces crabiers à la Caroline, dans la saison des pluies : mais, dans les îles de Bahama , ils sont en biey plus LU DOUANES NU LOC MEME NE 324 HISTOIRE NATU grand nombre et font leurs p buissons qui croissent dans les fentes des rochers ; ils sont en si grande ann + dans quelques unes de ces îles , -qu’en peu d'heures deux hommes peuvent pren- dre assez de leurs petits pour charger un canot ; car ces oiseaux , quoique déja grands et en état de s’enfuir , ne s’émeu- vent que difficilement , et se laissent prendre par nonchalance. Ils se nourris- sent de crabes plus que de poisson , et . les habitans de ces îles les nomment preneurs de cancres. Leur chair , dit Ca- tesby , est de très-bon goût, et ne sent point le marécage. % LE CRABIER BLANC A BEC ROUGE. _ Quairième espèce. | Ù x bec rouge et des pieds verds , aveë l'iris de l’œil jaune, et la peau qui l'en toure rouge comme le bec, sont les seules couleurs qui tranchent sur le beau blanc du plumage de cet oiseau. Il est moins grand qu’une corneille , et se trouve à la Caroline au printemps, et jamais en hiver. Son bec est un peu courbé , et Klein remarque , à ce sujet, que dans plusieurs espèces étrangères du genre des hérons, Île bec n’est pas aussi droit que dans nos hérons et nos butors. Oiseaux, SIV: 23 LE CRABIER CENDRÉ. Cinquième espèce. — C £ crabier de la nouvelle Espagne n’est pas plus gros qu’un pigeon. Il a le dessus du corps cendré clair ; les pennes de l'aile mi-parties de noir et de blanc ; le dessous du corps blanc ; le bec et les pieds bleuâtres : à ces, couleurs, on peut juger que le P. Feuillée se trompe , en rapportant cette espèce à la famille du butor , autant qu’en lui appliquant mal- à-propos le nom de calidris, qui appar- tient aux oiseaux nommés chevaliers, et non à aucune espèce de crabier ou de béron. à DES CRABIERS 3 ; LL k rs Û LE CRABIER POURPRE, Sixième espèce. Sera dit que cet oiseau lui a été envoyé du Mexique; mais il lui applique le nom de xoxouguihoactli, que Fernandès donne à une espèce du double plus grande , et qui est notre 2okou ou neuvième espèce de héron d'Amérique. Ce crabier pourpré n’a qu’un pied de longueur. Le dessus du cou, du dos et des épaules , est d’un marron pourpré; la même teinte éclaircie couvre toutle dessous du corps ; les pennes de l’aile sont rouge bai foncé ; la tête est rouge bai clair avee le sommet noir. “ \ RL LA 0 de den EN & Qi à 38 HISTOIRE NATURELLE | , | SRE LE) C.RiA CR A Vi \ Septième espèce. \ (2 cCrRA est le cri que ce crabier jette en volant, et le nom que les Francois de la Martinique lui donnent; les naturels de l’Ainérique lappellent ravie Le P. Feuillée, qui l’a trouvé au Chili, le décrit dans A termes suivans : «Il a la « taille d'un gros poulet, et son plumage « est très-varié : 1l a le sommet de la tête « cendré bleu ; le haut du dos tanné , mélé « de couleur fouilles morte x | resté du « manteau est un mélange agréable de « bleu cendré , de verd brun et def jaune ; « les doutes es de l'aile sont , partie « d’un verd obscur bordé de Jaunatre, « et partie noires ; fes pennes sont de cette « dernière couleur et frangées de blanc ; « la gorge et la poitrine sont variées de « taches feuille-morte sur fond blanc ; les « pieds sont d’un beau Jaune.» à! LE ré ” Fay LANDE . au Ale SE 47 (DES CRABIERS 3% A LE CRABIER CHALYBÉ. Huitième espèce. / Lz dos et la tête de ce crabier sont de couleur chalybée, c’est-à-dire , cou- leur d'acier poli. Il a les longues pennes de l’aile verdâtres, marquées d’une tache blanche à la pointe ; le dessus de laile est varié de brun, de jaunâtre et de couleur d'acier ; la poitrine et le ventre sont d’un blanc varié de cendré et de jaunâtre. Ce petit crabier est à peine de la grandeur d’un pigeon ; il se trouve au Bresil : c’est-là tout ce qu’en dit Marcgrave. OR dE LE à en lan + «°C ' : è » . , ; ? 4 r nl À Li , | | 33o HISTOIRE NATURELLE LE CRABIER VERD.. Neuvième espèce. ré Cer oiseau , très-riche en couleurs , est dans son genre l’un des plus, beaux : de longues plumes d’un verd doré couvrent le dessus de la tête, et se détachent en huppe ; des plumes de même couleur, étroites et flottantes , couvrent le dos celles du cou et de la poitruie sont d’un roux ou rougeûtre foncé ; les se des pennes de l'aile sont d’un ve ès- sombre ; les couvertures d’un verd doré vif, la FE EL bordées de fauve ou de marron. Ce joli crabier a dix-sept ou dix-. huit pouces de longueur ; il se nourrit de grenouilles et de petits, poissons COMME de crabes. Il ne paroît à la Caroline et en Virginie que l'été, et vr aisemblable- ment il retourne en automne dans des climats plus cn , pour y passer l hiver. | AS DES CRABIERS. 331 LE CRABIER VERD TACHETÉ#*. Dixième espèce. } À ; Cr oiseau , un peu moins grand que le précédent , n’en diffère pas beaucoup par les couleurs ; seulement il a les plumes de la tête et de la nuque , d’un verd doré sombre et à reflet bronzé , et les longs ‘ LE BEC-OUVERT# En À pris l'énumération de tous les grands hérons et des petits sous le nom dé cra- diers ; nous devons placer un oiseau qui, sans être de leur famille , en est plus : voisin que d'aucune autre. Tous les eflor du nomenclateur tendent à contraindi et forcer les espèces d’entrer dans le plan qu'il leur trace , et de se renfermer dans les limites idéales qu'il veut placer au milieu de l’ensemble des productions de la Nature ; mais toute l'attention du naturaliste doit se porter au contraire à suivre les nuances de la dégradation des êtres et chercher leurs rapports sans préjugé méthodique. Ceux qui sont aux confins des genres , et qui échappent à ces règles fautives , qu'on peut appeler scholastiques, s'en trouvent rejetés sous le nom d'animaux , tandis qu'aux yeux du philosophe, ce sont les plus intéressans * Voyez les planches enluminées , n° 932. { “ et les plus dignes de son attention 5; is “font, en s’écartant des formes communes , © : 33% HISTOIRE NATURELLE $ les liaisons et les degrés par lesquels la Nature passe à des formes plus éloignées. Telle est l'espèce à laquelle nous donnons ici le nom de bec-ouvert : elle a des traits qui la rappellent au genre des hérons, et : en mème temps elle en a d’autres qui l’en ee a i L … «éloignent ; elle a de plus à 5 ces - singularités ou défectuosités ‘avons déja remarquées sur un petit nom- que nous bre d'êtres , reste des essais imparfaits que , dans les premiers temps ; dut pro- duire et détruire la force organiqué de la Nature. Le nom de bec-ouvert marque cette difformité : le bec de cet oiseau est en effet ouvert et béant sur les’ deux tiers de sa longueur ; la partie du dessus et celle de dessous, se déjetant égale- ment en dehors , laissent entre elles un large vide, et ne se rejoignent qu'à la pointe. On trouve cet oiseau aux grandes Indes , et nous l'avons recu de _Pondichéry. nr a les pieds et les jambes du héron ; mais iln’en porte qu’à demi le caractère sur l’ongle du doigt du mihicu, i L “ de hd, API: SRs Ste AN EM de +: L LA DU BEC- COUVERT LS qui s élart bien en dedans clame * avancée ,; mais qui n’est pue dentelée à la tranche. Les pennes de sés ailes sont noires ; tout le reste du plumage est d’un gris cendré clair ; son bec, noirâtre à la racine , est blanc ou Jaunâtre dans le reste de sa longueur , avec plus d’épais- seur et de largeur fée celui du héron. La longueur totale de l'oiseau est de treize à quatorze pouces. On ne nous a rien appris de ses habitudes naturelles. Fin du tome quatorzième. Oiseaux, XIVe | 24 TAB LE Des articles contenus dans ce volume. Les calaos, ou les oiseaux rhinocéros, page 5: Me \tocE, 4 he Le calao de Manille, 17. dd. Le calao de l'île Panay, 19; | Le calao des Moluques, 22, Le calao de Malabar, 25. Le brac, ou calao d'Afrique, 32: Le calao d’Abissime, 34 - Le calao des Philippines, 36. Le calao à casque rond, 40. Le calao rhinocéros, 42. Le martin-pêcheur, ou lPalcyon, 46. Les martin-pêcheurs étrangers, 63. Grands martin-pêcheurs de l’ancien continent , 64; Le plus grand martin-pêcheur , 1614. Le martin-pècheur bleu et roux, 66. Le martin-pêcheur crabier, 68. Le martin-pêcheur à gros bec, 74 Le martin-pêcheur pie, 71. F3: À id *_ RAR LE 339 Le martin-pêcheur huppé, 75. Le martin-pêcheur à coiffe noire, 77. Le martin-pêcheur à tête verte, 78. f Le martin-pècheur À tête et cou couleur de paille, 79. Le martin-pêcheur à collier blanc, 8r. Les martin-pécheurs de moyenne grandeur de l’ancien continent, 82. Le baboucard, 16:d. Le martin-pêcheur bleu et noir du Sénégal, 84. Le martin-pêcheur à tête grise, 85. EE Le martin-pêcheur à front jaune, 66. Le martin-pécheur à longs brins, 87. Petits martin-pêcheurs de l'ancien continent, 80. Martn-pêcheur à tête bleue, 2019. Le martin-pêchenr roux, 91. Le martin-pêcheur pourpré, 92. Le martin-pècheur à bec blanc, 03, Le martin-pêcheur de Bengale, 95. Le martin-pêcheur à trois doigts, 97. Le vinisi, 99. Les martin-pécheurs du nouveau continent. Grandes espèces, Tor. Le taparara, 114, L'alai, 103. AP 340 |. ANSE Le jaguacati, 106. Le matuitui, 100. Les martin-pêcheurs de, moyenne grandeur du nouveau Continent, III. | Le martin-pêcheur verd et roux, 214. Le martin-pêcheur verd et blanc, 113. Le 2ip-gip > TI4e \ Petits martin-pêcheurs du nouveau continent , 115. Le martin-pêcheur verd et orangé, ébid. Les jacamars, FFT M Le jacamar proprement dit, IT9. Le jacamar à longue queue, 121. Les todiers, 123. er = Le todier de Amérique septentrionale, 125, Le tic-tic, ou todier de Amérique méridio= nale, 126. Le todier bleu à ventre orangé, 190. Les oiseaux aquatiques , 132. ° [4 La cigogne, 199. La cigogne noire, 176. + Oiseaux étrangers qui ont rapport à la cigogne, 1804 Le maguari, 1h1d, Le couricaca, 102. ne. Éd. : dt * ty. “dl dia des.” S'il - 1 4 it 1, (cab CN" Qu. LEA 1 3 A É ( De À TABLE. 54 Le jabiru, 186, R Le nandapoa, 102 La grue, 194. Fa x La grue à collier, 212. Er du nouveau continent, 213. 7: # La grue blanche, zb1d. La grue brune, 216. | Oiseaux étrangers qui ont rapport à la grue, 216 La demoiselle de Numidie, ibid. L'oiseau 1oyal, 223. w Le carlama , ST. Ex ! | Le secrétaire, ou le messager, 235... F nn RME Le kamichi, 245. ne 5 Nil Le héron commun, 254. de: Le héron blanc, 276. Le héron noir , 201. Le héron pourpré, 283. Le héron violet, 265. La garzette blanche , 286. x» | (M L'aigrette, 208. x Hérons du nouveau continent, 291. E” grande aigretie, 10id. ” L'aigrette rousse, 293. La demi-aigretie, 294 342 * T A BLE. AS Le soco 5 2004 % d:: A " Le Heat blanc à calotte noire, 297: sûe Le héron brun, 208. Le hiron agami, 22 w £ L’hocti, 300. Le hohou, 302 . L 7 Le grand béni d'Amérique , 303. ie hér on de là baie d’ Hudson à Je Les ht 306. x Crabiers de ne continent, ; 307+ Le crabier caiot, ibid. Le crabier roux, 308. Le crabier marron, 309. Le guvacco, 311. “Le crabier de Mahon, 312. Le crabier de Coromandel, 313. Le crabier blanc et brun, 314. Le crabier nor, 3x5. ï \ Le petit crabier, 316, Le blongios, 317. mie du nouveau contigent, 320. | Le crabier bleu, zid. A Le crabier bleu à cou brun, 322. Ms Le crabier gris-de-fer, 323, + Le crabier blanc à bec rouge, 325. dy _ hiddéfii bé Mu du die NU 1 sé TAB LE 343 ® Le"crabier cendré, 326. Le crabier pourpri 327: Le cracra, 3284407 *. . crabier chalÿbé, 329: | Le crabier verd, 330. ee Le “crabier verd tacheté Le zilatat, 332. | " Le crabier roux à à. et No vélos 4 * Le crabier gris à tête et queue vertes, En Le bec-ouvert, 335, DE L'IMPRIMERLE DE PLASSAN. | LR ‘“ \