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II BOU&IE DE SIRE

Conréivnc.f ta. t. devant l'Union catholique Montréal, le aO novembre 1S90 ^$tf te K P. JOS. C. CARRIER, C.S.C

PHYSIOLOGIQUE ET CHIMIQUE

FLAMBEAU OU BOU&IB DE SIRE

Conférence faite devant ! Union g tholique tl< Montréal,

le 30 novembre LS90

par |e II. P JOS. G CARRIER. C.S.C

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The EDITH and LORNE PIERCE COLLECTION of CANADI ANA

Siueens University at Kingston

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HISTOIRE PHYSIOLOGIQUE ET CHIMIQUE

d'un

FLAMBEAU OU BOUGIE DE CIRE

•Conférence faite devant l'Union catholique de Montréal, le 30 novembre 1890, par le R. P. Jos. C. Carrier, C. S. C.

Messieurs,

Je vous ai fait, il y a quelques mois, l'historique d'une " Bouchée de pain " jusqu'à et y compris son assimilation dans les divers tissus du corps humain ; permettez-moi de vous raconter, cet après- midi, l'Histoire physiologique et chimique d'un Flambeau ou Bou- gie de cire, jusqu'à sa complète combustion. Pour la confection de cette sorte de flambeau, il nous faut évidemment, tout d'abord, de la cire ; car nous ne parlerons que de la seule bougie formée de cette sécrétion animale, et non de ces sortes de bougies faites de stéarine, de cétine, de paraffine ou des sucs d'un arbre de l'extrême Orient, le croton sebifemim de Linné, encore moins étudierons-nous cette sorte de flambeau, peu en usage aujourd'hui, fait du suif ou graisse solide et blanche de ruminants, et qui constitue la chandelle proprement dite. C'est donc de la cire qu'il nous faut pour notre Bougie. D'où nous vient la cire ? se fait-elle elle-même, ou la trouvons- nous toute faite dans la nature? Non: c'est, comme je viens de le dire, une vraie sécrétion animale. Et quel est l'animal qui la sécrète ? C'est un petit insecte ailé, fort laborieux, qui s'appelle abeille. Et, tout d'abord, étudions ce petit insecte si utile à l'homme. L'abeille commune à laquelle, Linné, l'inventeur d e la terminologie scientifi- que moderne des êtres de la nature, a donné le nom générique et spécifique d'apis mellifica, qui veut dire abeille faiseuse . de miel»

L'abeille appartient à l'ordre des hyménoptères ou insectes à ailes membraneuses, ainsi que le mot l'indique : hymen, hyménos, mem- brane, pteron, aile, A cet ordre d'insectes proprement dits, qui compte plus de 25,000 espèces, appartiennent les plus élevés, les plus sociaux, à l'exception du ver-à-soie, les plus utiles de tous les insectes connus. Voici les principaux caractères de cette ordre: La tête large, pourvue, sur les côtés, d'yeux composés, formés d'un très grand nombre, plusieurs milliers de plaques hexagonales dont chacune est pourvue d'une cornée, d'un iris et d'un filament nerveux;, et, sur le haut, de trois yeux simples, appelés ocellis ou stemmates disposés en triangle. Le bouche, formée de deux mandibules, est organisée au moyen vie mâchoires, de palpes et d'une languette fort longue en forme de trompe, pour la préhension, la mastication et la succion ; six pattes constituées pour la locomotion et le support ; quatre ailes également transparentes qui, dans le vol, s'enlacent par de petits crochets ; enfin les larves, dépourvues de pieds et absolu- ment dépendantes, sont nourries dans des cellules ou nids. Tels sont les caractères généraux de tous les hyménoptères. Ce grand ordre se divise, selon Latreille, en deux sous-ordres : les terebrantia ou porte- tarière, qui se subdivisent en pupivores et en porte-scie : tels sont les ichneumons, les cynips, les mouches-à-scie.; et les aculeata ou porte- aiguillons, qui se divisent en quatre familles: les hétérogynes, \esfowis- seurs, les diploptères et les meUifères: tels sont les fourmis, les guêpes, les frelons et les abeilles. Les mellifères se subdivisent encore en andrhies et en apia,vre8'. à la première subdivision, tou- jours d'après Latreille, appartient Yandrène des murs, qui sécrète un miel particulier, un peu narcotique : à la seconde subdivision, appartiennent toutes les abeilles proprement dites. Linnée avait réuni sous le nom générique d'abeilles, apis, un grand nombre d'hyménoptères dont la structure organique et surtout les mœurs sont assez différentes. C'est pourquoi Latreille les a séparés et a formé la famille des anthophUes ou mellifères, qui renferme le genre apis dont le type est l'abeille mellifique, qui va nous fournir la cire dont nous avons besoin pour faire notre Bougie. Mais comment cette abeille-là sécrète-t-elle la cire ? Pour répondre à cette question, il faut préalablement connaître un peu l'organisme spécial de cet insecte : c'est ce que nous allons étudier un instant.

Les insectes appartenant au genre apis, qui ne contient en tout que sept ou huit espèces, ont tous les antennes filiformes, brisées, composées douze ou treize articulations; 13 chez les mâles, 12

chez les femelles ; le premier article des tarses postérieurs fort grand et en carré long garni intérieurement, chez les ouvrières, d'un duvet soyeux rangé par bandes transversales ; les mandibules en forme de cuiller chez les neutres, tronquées et bidentées chez les mâles et chez les femelles; la mâchoire et la lèvre inférieures flé- chies en dessous, longues et étroites ; palpes maxillaires très petites - les labia en forme de soies ; le corps plus ou moins velu ; un aiguil- lon caché à l'extrémité de l'abdomen chez les femelles et les ouvriè- res ou neutres. Tels sont les caractères génériques de toutes les abeilles, qu'elles soient solitaires ou sociables, "villageoises" ou "domestiques," c'est-à-dire, vivant hors de la dépendance del'homme, ou bien cultivées par lui, pour en avoir le miel et la cire. Quant aux caractères spécifiques de l'abeille mellifique ou commune, en voici quelques-uns: l'abdomen est composé de six anneaux dont le der- nier recouvre et cache un aiguillon piquant et barbé, selon le sexe. La bouche est munie d'une languette très extensible en forme de trompe qui, dans le repos, se cache sous la tête et le thorax et qui lui sert à sucer ou plutôt à laper le suc des fleurs. Les pattes sont velues et garnies de petites brosses. Les jambes postérieures sont creusées chez les neutres, sur leur face interne en forme de "cr- beillettes" pour y recevoir le pollen des étamines des fleurs rassem- blé en petites pelotes par les abeilles ouvrières en quête de butin. Cette espèce d'abeille originaire, croit-on, de la Grèce, est maintenant naturalisée et cultivée sur presque tous les points dn globe. Etant éminemment de mœurs sociales, on trouve ces abeilles toujours en réunion très considérable appelée essaim, soit dans des trous de vteux arbres, soit dans des espèces de petites huttes que leur contruisent les apiculteurs, et que l'on nomme ruches. Elles y vivent sous un gouverne- ment qui ressemble à une monarchie. En effet, on y voit une reine, une seule reine, qui régit toute la colonie. C'est l'unique femelle qu'il y ait dans un essaim. Il y a aussi un certaiu nombre de mâles appe- lés frelons : ce sont, les gros bourgeois ou rentiers : ils ne travaillent pas ; ils vivent dans une complète oisiveté, se nourrissent du pro- duit du travail des ouvrières, et ne servent qu'à la propagation de leur espèce ; mais dès que leur rôle est achevé et que les œufs sont pondus, ils sont impitoyablement tués jusqu'au dernier par les ou- vrières qui n'ont plus besoin d'eux ; leur indolence, à l'approche de l'arrière saison les magasins doivent être remplis, les exas- père. Il s'en fait alors un vrai massacre ; juste rétribution de l'oisi- veté : car, qui ne travaille pas, ne doit pas manger.

Mais, me demanderez -vous, peut-être, comment cette tuerie géné- rale et complète peut-elle se faire , puisque les frelons ou bourdons sont beaucoup plus gros et d'une force musculaire plus grande que les ouvrières ; au moins comment les plus forts et les plus alertes d'entre eux n'échappent-ils pas au carnage ? Ne suecombe-t-il pas plus d'une neutre dans cette lutte acharnée ? Non, pas un mâle n'échappe aux traits de ses adversaires et pas une seule ouvrière ne tombe morte dans le combat. Le secret de tout cela, c'est que les ouvrières sont armées d'un dard ou aiguillon empoisonné avec lequel elles piquent ou percent leurs ennemis. Elles sont d'ailleurs dix, quinze ou vingt contre un. Quand le jour est venu, quand l'heure a sonné, quand le signal a été donné par la reine pour la destruc- tion des mâles, une ou deux, et parfois trois ou quatre ouvrières, armées de leur redoutable et meurtier instrument, qu'elles manient habilement et vivement à rétro, se précipitent sur chacun d'eux, et, d'un seul coup de la pointe acérée de leur aiguillon porté sur le thorax ou tout autre partie du corps de leurs victimes, les foudroient mortes. Les mâles, étant dépourvus d'aiguillon et de toute autre forme d'armes défensives ou offensives, attendent et reçoivent la mort presque sans résistance ni combat, la partie étant trop inégale.

Il y a donc, comme on vient de le dire, dans chaque essaim des abeilles qui ne sont ni mâles ni femelles : ce sont les neutres , autre- ment appelées ouvrières ou abeilles travailleuses, car elles seules travaillent, et travaillent incessamment pendant toute la belle sai- son. Elles sont de beaucoup les plus nombreuses : on en compte parfois, jusqu'à cinquante mille dans un seul essaim, tandis qu'on compte à peine mille frelons avant l'époque de leur massacre. Comme dans tout gouvernement bien organisé, la division du travail se fait d'une manière parfaite par toutes ces travailleuses industri- euses : ainsi les unes sont employées à aller au loin ramasser des vivres et des matériaux de construction, c'est-à-dire, le miel et la cire : ce sont les civières ; d'autres sont occupées, dans l'intérieur, au soin du ménage ; les unes construisent, avec la cire, des cellules hexagonales très régulières appelées alvéoles destinées à recevoir le miel et à loger les œufs, ce sont les charpentier es ; les autres nourrissent Les larves issues de ces œufs, ce sont les nourrices ; enfin d'autres encore montent la garde en sentinelles vigilantes à Centrée de la ruche pour empêcher tout intrus d'y pénétrer, ou bien pour porter au dehors toute immondice, tout corps mort, etc., etc. : ce sont, pour ainsi dire, les soldats, les fac-totum, les nettoyeurs ou vidangeurs et

les croque-morts ! Tout cela se fait par la direction et sous l'œil,.- pourrait-on dire, de la reine ou mère-abeille qui ne quitte jamais la ruche.

Il revient, sans doute en ce moment, à la mémoire de tous- ceux qui d'entre vous, Messieurs, ont fait leur cours classique, ces vers par lesquels l'immortel poète mantouan ouvre le quatrième- ivre de ses Géorgiques.

' ' Protinus œrii mellis eœlcstia dona Exequar" ...

Et cet autre vers :

Sic vos, non volris, mellifîcatis apes

Vous trouverez peut-être ces détails étrangers à mon sujet. Cepen- dant je crois qu'ils ont bien leur utilité en vous faisant connaître, . entre tant d'insectes différents, plus de deux cent mille, ceux précisé- ment qui sécrètent la cire dont on se sert pour la confection des cierges qui se voient sur nos autels, et qui (soit dit en passant) sont seuls permis pour les offices de la liturgie sacrée. Les rubriques disent formellement que les " cierges doivent être faits de cire d'abeilles, debent esse ex eerd opium, de cire blanche aux offices ordinaires, de cire commune, c'est-à-dire, jaune aux offices funèbres ; comme aussi l'huile de la lampe du sanctuaire doit être de l'huile d'olive, oleum olh'omm.

Mais il est temps de voir comment cette cire est formée. Les* abeilles civière?, s'en vont, en grand nombre, de très bon matin, tous- les beaux jours du printemps, de l'été et d'une partie de l'automne, visiter presque toutes les fleurs qu'elles rencontrent sur leur chemin pour chercher et trouver, sur les étamines et les anthères, cette pous- sière fine appelée pollen qu'elles ramassent pour en former, à l'aide" de leurs brosses, des pelotes qu'elles font entrer dans les petites corbeilles qui se trouvent dans leurs jambes postérieures ; elles sucent et avalent aussi, au moyen de leur languette, certains sucs liquides ou certaines liqueurs sucrées qu'elles trouvent dans le nec- taire de certaines plantes telles que les polygonées, les caryophilli- nées, les salicariées, etc. ; liqueurs que, par un procédé à elles connu, elles convertissent en miel, qu'elle régurgitent, soit pour nourrir les. larves, soit pour remplir les alvéoles destinées à ce nectar, et qui sont autant de magasins pour les provisions de la colonie pendant la morte saison.

Cependant durant l'élaboration du miel, certaines parties des;

sucs saccharins récoltés ne sont pas changés en miel, mais elles sont sécrétées, sous forme de petites plaques jaunâtres, solides et cassan- tes, à travers les anneaux de l'abdomen. Ce sont ces petites plaques qu'on nomme cire et qui servent à bâtir les alvéoles des rayons ou gâteaux apiaires, et que, plus tard, on fera fondre pour en faire des bougies ou des cierges. Ici, il est utile que je vous fasse observer que cette sécrétion est tout à fait différente, bien qu'elle en ait un peu l'apparence, d'une autre substance appelée propolis qui sert à -clore hermétiquement toutes les issues des ruches, sauf l'entrée qui reste toujours ouverte. La propolis n'est pas une sécrétion de l'abeille, mais une sécrétion des plantes les abeilles la cueillent au moyen de leurs mandibules et qu'elles mettent dans leurs cor- beilles ; quand elles sont arrivées dans leurs ruches, elles enlèvent ces sucs et en font, avec leur salive, une espèce de mastic dont elles enduisent tout l'intérieur de la ruche et bouchent soigneusement tous les trous. La propolis est une substance séreuse, rougeâtre, odorante ou balsamique. Elle se cueille généralement sur les sau- les, les peupliers et certains congénères. La formule chimique de la propolis est : C 12 H 22 O 11. Dans 100 parties, il y a 74.5 de carbone, 12 d'hydrogène et 13.5 d'oxygène. La ^repolis? comme d'ailleurs le sont toutes les résines, est soluble dans l'alcool, mais pas du tout dans l'eau ; c'est ce qui la rend très propre à l'usage qu'en font les abeilles maronnes, d'est à-dire celles qui font et appli- quent les (induits de cette nature dans l'intérieur de leur ruche, pour protéger la communauté, soit contre l'humidité et le froid qui leur sont très préjudiciables et même souvent mortels, soit contre l'invasion des nombreux ennemis du dehors qu'attire l'appât du miel. Cette utile distinction faite, je reviens à notre cire, qui, comme nous l'avons dit, est une sécrétion de l'abeille ouvrière elle-même, faite par une organe spécial logé dans l'abdomen, et provenant d'aliments liquides ou semi-liquides portés à la bouche par l'appareil assez compliqué qui l'entoure, surtout par la languette ou trompe, puis introduits dans le canal alimentaire.

On a cru pendant bien des siècles que la cire n'était autre chose que le pollen dont les ouvrières se nourrissent quelquefois, et qu'elles mettent le plus souvent en magasin dans certaines cellules à ce destinées. On disait que ce pollen était élaboré dans leur esto- mac et ensuite régurgité, par la bouche, sous forme de bouillie blan- châtre ou véritable cire. Telle fut l'opinion de tout le inonde, même des savants sans exception, jusque vers le commencement de

ce siècle. Alors plusieurs naturalistes distingués, entre autre Réau- mur, Bonnet, Hubert, Schwammerdam, firent de très exactes obser- vations à ce sujet. Voici ce qu'ils observèrent : La cire est une véritable sécrétion et non une régurgitation: elle n'est pas produite par le pollen, mais bien par le miel : elle n'est pas sécrétée, comme le miel, par des glandes logées dans le premier estomac, mais dans le second au delà du pylore : puis, elle est expulsée du corps entre chacun des six anneaux qui composent l'abdomen des ouvrières, sous forme de petites lamelles jaunâtres, par une sorte de transsu- dation.

C'est avec ces lamelles de cire ainsi exsudées que ces mêmes abeilles ouvrières, dites charpentier es, construisent leurs gâteaux ou rayons composés de cellules ou alvéoles hexagones à base pyrami- dale, adossés l'un à l'autre avec une précision étonnante, et desti- nés à servir de nids pour les larves et les nymphes et de magasins pour la colonie.

Pour faire notre Bougie, on s'empare donc des gâteaux ainsi habi- lement construits, après avoir extrait tout le miel qui y est con- tenu et tous les petits *qui pourraient y être enfermés : puis on la prépare pour la mettre en œuvre. Pour obtenir la cire brute, dite aussi cire vierge ou cire jaune, on la fait simplement fondre dans de l'eau bouillante, puis on la coule dans des vases de bois ou de terre. Cette cire jaune a un peu d'odeur et de saveur, propriétés qui lui viennent, ainsi que sa couleur, des matières étrangères qu'elle contient d'ailleurs en assez faible quantité. Mais elle les perd par le procédé chimique dit blanchiment.

Cette opération consiste, soit à imprégner la cire de gaz oxygène pur ou de chlore, soit à l'exposer, en forme de plaques minces, au soleil et à la rosée, soit (ce qui est plus expéditif et plus économique) à verser une petite quantité d'acide sulfurique du commerce et quel- ques fragments de salpêtre dans la masse de cire en fusion, en agi- tant le tout avec une spatule de bois. Le poids spécifique de la cire jaune est de 0.970, et celui de la cire blanchie de 0.9G5. c'est-à-dire, un peu moins pesante que l'eau. La composition chimique est : C 55 S C 52 0 3 + aqua ; et, sur 100 parties, il y en a 81 de carbone, 12 d'hydrogène et 7 d'oxygène. La cire jaune fond à 142° et la cire blanchie à 155° Fahrenheit. La cire est tout à fait insoluble dans l'eau à la température ordinaire, mais elle se dissout facilement et en toutes proportions dans les huiles, les graisses, l'éther et, en partie, dans l'alcool. En effet, l'alcool dissout un certain principe

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chimique appelé cérine: c'est un acide organique qu'on nomme acide cérotique, mais il ne peut dissoudre un autre principe chimique auquel on donne le nom de myricine, substance d'un blanc grisâtre qui fond à 60° centigrades. Je n'en dirai pas davantage sur cette substance parce que nous ne nous occupons pas du miel. Nous voilà maintenant en possession de la matière première du flambeau qu'on appelle Bougie. Voj^ons comment on la met en œuvre, c'est- à-dire comment on confectionne la bougie. Ce n'est une opéra- tion ni longue ni difficile : vous allez d'ailleurs en juger. On la fabrique de deux manières, soit au moule, alors elle s'appelle bougie moulée, soit à la cuiller, elle prend, dans ce cas, le nom de bougie à la cuiller.

C'est ce dernier procédé que nos sacristains emploient et voici comment ils procèdent. Ils font d'abord fondre, dans une chaudière, une certaine quantité de cire jaune ou blanche et entretiennent la solution sur demi-feu ; près de la chaudière est une grande cuve ou baquet, ils suspendent au-dessus un plateau rond de moindre diamètre que le baquet sur le bor4 duquel ils fixent un certain nombre de clous ou brochettes d'où pendent autant de mè- ches de coton simplement tordues. Ils prennent ensuite, dans une grande cuiller, de la cire fondue qu'ils versent sur chacune des mèches alternativement. En descendant le long des mèches, la cire se solidifie en partie par l'effet du refroidissement et adhère, par conséquent, à la tige dans toute sa longueur, Le surplus du liquide, s'il y en a, tombe dans le baquet. On répète cette simple et quelque peu primitive opération autant de fois qu'il est nécessaire pour donner aux bougies la grosseur voulue ; puis elles sont détachées et, encore molles, roulées sur une table bien unie pour leur donner du poli et de la consistance. Voilà notre Bougie faite et prête à être employée, comme flambeau, à l'éclairage de nos maisons et sur- tout de nos églises pour les cérémonies du culte.

Il ne nous reste plus qu'à voir comment la combustion se fait et ce qui en résulte. C'est, là, une longue série de phénomènes pure- ment chimiques, c'est aussi la partie la plus intéressante de notre sujet, au moins sous le point de vue scientifique.

Que nous faut-il pour allumer notre Bougie ? Vous me répondrez tous : " Il faut une allumette chimique ". Bien, dit : cependant je vous ferai observer qu'une allumette chimique n'est pas absolument nécessaire pour produire une flamme : il y a une foule de substan-

ces et de procédés divers qui produisent ce phénomène d'illumina- tion. Mais, va pour l'allumette chimique.

L'allumette (qui l'ignore ?) est un petit bâtonnet ou brin de bois tendre et résineux, généralement du tremble ou du sapin, enduit, a un bout ou aux deux bouts, d'une certaine composition qui prend feu par le frottement. C'est un vrai lucifer ou porte-lumière. Elle est dite chimique parce que cet enduit est une composition essen- tiellement chimique : parlons-en un peu. Disons, d'abord, qu'il y a plusieurs sortes d'allumettes chimiques : allumettes soufrées, allu- mettes oxygénées, allumettes stéarines, allumettes phosphoriques amorphes, allumettes simplement phosphoriques. C'est de ces der- nières que nous allons nous entretenir un instant ; ce sont d'ailleurs les seules dont vous faites tous un usage journalier et, si elles ne sont pas les moins dangereuses, elles sont certainement les plus commodes et les plus économiques de toutes. .Les allumettes soufrées ne peuvent être allumées qu'à l'aide du briquet battu sur un silex pour en faire jaillir une étincelle ; les oxygénées demandent un petit flacon pourvu de filaments d'amiante imprégnés d'acide sulfurique concentré qui enflamme l'allumette dès qu'elle est retirée du flacon ; les phosphoriques amorphes veulent, pour s'enflammer, une suriace rugueuse formée de phosphore rouge, de dioxide de manganèse et de sable lin : c'est pourquoi on donne à ces dernières le nom d'allu mettes de sûreté. Il en est à peu près de même pour les allumettes dites vésnviennes ; les stéarines ont le tort d'être cher et de grais- ser les doigts. Les allumettes phosphoriques, communément appe- lées allumettes chimiques, les seules en usage général à notre épo- que, consistent, comme je l'ai déjà dit, en une petite bûchette de bois tendre et léger dont on trempe l'un des bouts dans une espèce de pâte liquide il entre toujours du phosphore, d'où leur vient le nom d'allumettes phosphoriques ; mais leur composition varie assez notablement. En général, outre le phosphore, on trouve tou- jours dans cette pâte liquide, du soufre, du mucilage et du chlorater de potassium en proportions variables au choix des fabricants.

Le phosphore en est le principe combustible, tandis que les autres substances ne servent qu'à activer et prolonger la combustion en dégageant de l'oxygène. Mais comme le chlorate de potassium pro- duit, en outre, un effet détonnant qui parfois est assez fort pour projeter des parcelles de matières enflammées, on a soin cVy joiudre généralement du nitrate de potassium qui, tout en empêchant ce- danger, fait brûler l'allumette tranquillemr '. fl est bon de ses

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rappeler que le phosphore ordinaire est un violent poison ; tandis que le phosphore rouge ou amorphe n'est pas malfaisant. C'est pourquoi les allumettes phosphoriques amorphes peuvent être pla- cées, sans aucun danger, entre les mains des enfants, car elles ne peuvent ni s'enflammer facilement ni produire d'empoissonnements souvent mortels. Il n'en est pas de même des allumettes chimiques ordinaires : la coloration rouge, rose ou bleue qui se trouve au bout de l'allumette provient de minium ou de bleu de Prusse qu'on mêle à la pâte.

En frottant ces allumettes ainsi préparées sur un corps quelcon- que sec, dur et rugueux, la matière phosphorée prend feu en for- mant avec l'air atmosphérique de l'acide phosphorique ; elle com- munique son inflammation au soufre et celui-ci enflamme le bois de l'allumette. Puisque le phosphore joue un rôle si essentiel et si considérable dans la confection des allumettes, étudions-le pendant quelques instants pour que nous en ayons au moins une idée suffi- sante et exacte. Le phosphore est un corps simple, un des 75 seuls éléments connus jusqu'à ce jour. Son poids spécifique est de 1.83, c'est-à-dire, presque deux fois plus pesant que l'eau distillée à son maximun de densité. A l'état parfaiteinet pur, il est translucide presque incolore, c'est-à-dire faiblement coloré, tirant sur le jaune tendre.

Dans le commerce, il accuse une teinte jaunâtre assez prononcée et devient rouge lorsqu'on l'expose à la lumière solaire. Le phos- phore se présente facilement sous les trois états, solide, liquide et gazeux ; il est dur et cassant à C, c'est-à-dire à la température de la glace fondante ; il se ramollit vite, tellement qu'il devient mou et flexible comme de la cire à la température ordinaire de nos étés, soit de 25 à 34° centigrades; il fond à 44 C , et passe à L'état de gaz dans des vaisseaux fermés à 29° C, ce qui n'est pas une très haute température. Le poids spécifique de sa vapeur est de 4.35 comparée à l'air atmosphérique. Il ne se cristal ise pas directement en passant d'un état à un autre, vu que ce passage se fait graduel- lement et non soudainement.

Il est bon de remarquer que le passage graduel d'un liquide à l'état solide est toujours un empêchement à la cristallisation. Cepen- dant on peut obtenir des cristaux de phosphore en dodécahédrons réguliers d'une manière indirecte, c'est-à-dire par voie de dissolu- tion en employant du bisulfure de carbone comme dissolvant. On ne trouve pas le phosphore (au contraire du soufre) à l'état naturel

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'Ou natif, comme l'on dit en minéralogie, mais toujours en composition, c'est ainsi qu'on le trouve dans les guanos, les copvo- lites, les apatites, les pyromorphites, les wagnérites, et surtout dans les os de tous les animaux. Comme cet élément se trouve en petite quantité dans tous les sols ou terres arables., il est absorbé par les plantes qui y croissent et s'emmagasine dans leurs graines. Les animaux, en se nourrissant de ces graines, s'assimilent le phosphore qu'elles contiennent : c'est ainsi qu'on le retrouve dans presque tous les solides et les liquides des êtres organisés, mais plus particuliè- rement et en bien plus grande, quantité dans les os, le cerveau et l'urine. Certaines analyses d'os de bœuf, par exemple, ont donné plus de 58% de phosphate de chaux, et de 1 à 2% de phosphate de magnésie. La com position des os de l'homme à l'état adulte n'est pas différente de celle des os du bœuf.

Le phosphore est insoluble dans l'eau, mais il est facilement dis- sous par l'éther, l'alcool, certaines huiles fixes et votatiles, comme l'huile de térébenthine, de citron, etc., etc., et surtout par le sul- phure de carbone et le chlorure de phosphore. Exposé à l'air libre, le phosphore prend vite feu à cause de sa très grande affinité avec l'oxj^gène, c est pourquoi, dans les laboratoires, on le conserve dans des flacons remplis d'eau. Il prend feu par le moindre frottement ou s'il est chauffé à la température de 60° C. même à la tempéra- ture ordinaire de l'air, il subit une combustion lente mais constante, qui se manifeste sous forme d'un léger nuage blanchâtre et ondu- lant qui se renouvelle incessamment et qui est lumineux dans l'obs- curité.

Si vous enflammez une allumette phosphorique sur un mur, par exemple, par une nuit obscure, vous verrez, sur les traces laissées par l'allumette, une lueur qui reste assez longtemps, c'est-à-dire jusqu'à ce que le phosphore adhérant au mur ait complètement dis- paru, soit par combustion, soit par é\ aporation. C'est cette pro- priété d'émettre une luminosité qui a fait donner au phosphore le nom qu'il porte (phos, lumière, phoros, qui porte). Le phosphore ordinaire, variété appelée alpha,{ A) est un poison très violent, et les brûlures qu'il occasionne sont, comme celles de l'acide fluorique, profondes et très difficiles à guérir : aussi faut-il se garder,avec grand soin, de son action délétère et ne le manier, à mains sèches, qu'avec la plus grande précaution de crainte qu'il ne s'enflamme soudaine- ment, et que ses vapeurs ne causent de graves désordres dans les voies respiratoires et surtout dans les mâchoires: c'est ce qui malheu-

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reusement arrive très fréquemment aux ouvriers employés dans les fabriques d'allumettes phosphoriques ordinaires. C'est pour éviter tous ces dangers que beaucoup de gouvernements ont fait des lois très sévères défendant la fabrication d'allumettes non-amorphes. On obtient le phosphore amorphe ou phosphore rouge, qui est la variété bêta (B),très facilement : on n'a, pour cela, qu'à faire chauffer, pendant plusieurs heures, le phosphore ordinaire à une température comprise entre 230 et 250e C dans un gaz qui n'a pas d'action chimique sur lui, comme, par exemple, dans le gaz oxide carbonique. L'action de ce degré modéré de chaleur lui fait prendre, petit à petit, une couleur rouge de chocolat et lui enlève en même temps toute propriété toxique et toute odeur. Dans cet état allotropique, il ne s'oxide pas facilement à l'air et, par conséquent, il n'est pas suscep- tible de s'enflammer spontanément, ni d'empoisonner le sang en le privant de son oxigène, aussi peut-o* le manier, l'introduire dans la bouche ou le porter dans la poche impunément. Le phosphore amorphe ne peut pas être chauffé au-dessus de 250 à 2(30° C. sans passer à l'état liquide et, chose étrange, arrivé à ce point, il revient à la condition non-amorphe, c'est-à-dire au phosphore ordi- naire et la garde à toute température plus élevée. Mais en voilà assez sur le grand et le plus important ingrédient de nos allumettes chimiques ordinaires. Si, maintenant, prenant une de ces allumettes chimiques phosphoriques, on la frotte légèrement mais rapidement sur une surface quelconque, sèche, dure, un peu rugueuse, la matière phosphorée prend feu soudainement accompagné d'un petite déto- nation, comme un feu d'artifice en miniature. Le phosphore, se combinant instantanément avec l'oxigène de l'air, forme un composé qui est, lui aussi, toxique: aussi est-il bon de ne pas se mettre sous le nez, les allumettes en première ignition. On donne à ce composé le nom d'acide phosphorique a nli ydre. La matière phosphorée en ignition activée, comme elle l'est, par le chlorate de potassium, le bi-oxide de manganèse et le minium qui abandonnent alors une par- tie notable de leur oxigène, communique, ainsi que nous l'avons déjà vu, son inflammation au soufre et le soufre au bois tendre et sec de l'allumette, ce qui nous donne un temps suffisant pour allu- mer notre bougie de cire. La voilà enflammée : mais comment cela s'est-il opéré ? Il faut d'abord se rappeler que notre bougie de cire se compose de deux parties très distinctes : une mèche en coton non tressée simplement tordue, la cire plus ou moins pure qui entoure cette mèche. Ces deux matières sont combustibles à des degrés

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-différents, mais la première est seule inflammable ce qui vient de sa nature végétale.

L'allumette en vive ignition, mise en contact avec le bout supé- rieur sec de la mèche de la bougie, l'enflamme aussitôt ; toute la mèche serait bien vite consumée, si sa combustion n'était ralentie et arrêtée par l'amas de cire qui l'entoure dans toute sa longueur, qui ne brûle pas par elle-même et qui ne se consume, à l'aide d'un subs- tance végétale, que difficilement et lentement vu sa nature animale. Ici, admirez ce qui va se produire. Aussitôt que la mèche* est allu- mée, la chaleur que la combustion dégage établit un courant d'air entre le siège de la chaleur et les strates de l'atmosphère environ- nante. Ce courant d'air, de bas en haut, tient les bords de la bougie refroidis, tandis que, vers le centre est la mèche enflammée, la cire, qui s'y trouve, se fond petit à petit et se consume lentement et uniformément, produisant, par le fait même, une concavité en forme de petit godet dont les rebords élevés empêchent l'excès de la cire en fusion de s'écouler le long de la bougie. Pour cela, il faut que l'air environnant soit tranquille ; car, s'il en était autrement, c'est-à-dire si la flamme était tourmentée, on verrait bien vite un des rebords de la bougie se fondre plus rapidement que les rebords opposés ; alors il s'établirait une issue par s'écoulerait incessamment le liquide en fusion et, tout en formant des dépôts le long de ce côté de la bougie, il produirait, de l'autre côté, des élévations en forme de crête ou d'échancrure. Ce même accident arriverait aussi si la mèche n'occupait pas le vrai centre de la bougie, c'est-à-dire s'il y avait plus de cire d'un côté de la mèche que de l'autre, et encore si la bougie n'était pas tenue dans une position verticale ; car, la flamme elle-même, dans l'air tranquille, prend et garde tou- jours cette direction. Plus la cause ou les causes de cet effet, sinon désastreux du moins disgracieux, durent, plus le mal augmente par l'accumulation constamment croissante de ciré fondue déposée, par le refroidissement, le long d'un des côtés de la bougie. Cepen- dant comme l'accumulation d'une certaine quantité de la cire fondue dans le godet ou concavité de la bougie, limite, par degrés presque insensibles, la combustion de la mèche par mode d'extinction de la flamme à sa partie inférieure, il s'ensuit que, lorsqu'il se fait un déversement du liquide qui toujours à l'état normal remplit pres- que le godet, la flamme se trouve, par même, - considérablement augmentée en s'emparant d'une plus grande étendue de la mèche qui ne se trouve plus, pour le moment, immergée dans la cire liquide

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Mais, d'un autre côté, le liquide, en s'écoulant, s'est condensé par le* refroidissement et s'est, pour ainsi dire, figé le long de la bougie. Ces dépôts formeront des colonnettes lorsque la chaleur de la flamme les atteindra, car il est évident que la chaleur fondra plus vite aux endroits il y aura une moindre épaisseur de cire et où. la distance du centre est plus grande.. C'est ce qu'il faut avoir soin d'éviter par motifs d'économie, de propreté, d'esthétique, soit en tenant la bougie dans une position verticale, soit en empêchant des courants d'air qui feraient incliner la flamme plus d un côté que de l'autre, et, pour cela, on n'aurait qu'à entourer la bougie d'un petit globe de verre soutenu par une galerie assujettie à la bougie et pou- vant s'élever ou s'abaisser à volonté. La chaleur de la mèche enflammée, non-seulement fait fondre la cire qui remplit constam- ment plus ou moins complètement le godet ou concavité, mais aussi cause l'ascension graduelle, le long de la mèche, d'une petite partie de la cire liquéfiée qui est brûlée au contact de la flamme, et qui, par même, entretient et régularise la combustion tout en produi- sant une notable augmentation de chaleur et de lumière et en empê- chant que la mèshe ne brûle ou ne se consume plus bas qu'il ne faut. Admirable exemple d'ajustement ou d'équilibre entre les parties contingentes qui se limitent et se régularisent l'une l'autre, et n'en- vahissent pas plus qu'il ne faut le domaine de l'une et de l'autre. Mais si l'ascension du liquide, le long de la mèche, se faisait trop rapidement et en trop grande quantité, la flamme diminuerait et pourrait même finir par s'éteindre tout à fait. Il faut donc que le volume de la mèche soit proportionne à celui de la cire qui l'entoure pour produire l'effet d'illumination désirable. Venons-en, mainte- nant, à la combustion : c'est là, peut-être, le plus important et le plus intéressant de notre sujet. Voyons ce que c'est que la combus- tion, comment elle se fait et ce qui en résulte. Nous allons faire un peu de chimie pratique. La combustion, dans le sens ordinaire du mot, est cette action chimique qui, dans les combinaisons, dissipe les matières combustibles avec dégagement de chaleur, de lumière et probablement d'électricité. La combustion, clans le sons. entendu par les chimistes, a un caractère plus général : elle s'entend de toute action chimique, vive ou lente avec évolution plus ou moins évi- dente et rapide de chaleur et de lumière, qui résulte dans les combi- naisons avec un constituant ou tous les constituants de l'atmosphère gazeuse ambiante, ou avec quelques autres éléments d'une nature comb arante. Dans le premier sens, la combustion est toujours

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l'union directe et énergique d'un corps combustible en présence de- l'oxigène, c'est ce qui a lieu très généralement. Dans le second sens, le support de la combustion peut être tout autre que l'oxigène ;. c'est ainsi que le phosphore., l'arsenic, l'antimoine, etc., brûlent dans le chlore à la température ordinaire ; que l'hydrogène, le fer, le cui- vre, etc., se consument dans la vapeur de soufre fortement échauffée. Pour le chimiste, que le bois brûle avec violence à l'air libre dans nos fournaises, ou qu'il se décompose lentement sans presque aucun dégagement sensible de chaleur et de lumière, dans nos bois humi- des ou même sous l'eau, phénomène appelé érémacausis ; que le fer brûle vivement dans l'oxigène pur ou qu'il se décompose lentement daus un atmosphère humide, formant ce que l'on nomme rouille en langage vulgaire, ou peroxide de fer hydraté dans le langage des chimistes, tout cela est combustion. Ajoutons que dans toute com bustion,il y a combinaison entre les différents corps présents, c'est- à-dire changement absolu et radical des diverses propriétés physi- ques de ces mêmes corps en combustion. C'est en cela principale- ment que consiste la différence que l'on distingue entre la combus- tion et l'ignition : car, dans cette dernière action, il ne s'opère pas de combinaison et il y a, en outre, un dégagement notable de cha- leur et de lumière qui est toujours ou rouge-brun, ou rouge-cerise, ou rouo-e-blanc. La combustion se distingue aussi de l'inflammation cette dernière produit toujours une lumière très apparente et considérable sans aucun changement chimique. Voilà des distinc- tions qu'il était utile de faire afin de ne pas confondre des termes qui sont loin, strictement parlant, d'être synonimes, ainsi que nous venons de le voir.

Mais tenons-nous-en à la combustion telle qu'on l'entend généra- lement et telle qu'elle a lieu, par exemple, dans notre bougie en ignition. Les corps les plus combustibles sont, parmi les liquides, toutes les huiles soit végétales, soit animales, soit minérales, comme celles.de colza, d'olive, de thérébenthine, de lard, de baleine, de pé- trole, etc., etc., et parmi les solides, tous les bois, tous les sucs rési- neux ou ciriers, le myrica cerifera des botanistes, la cire végétale, la paraffine, la stéarine, et une foule d'autres substances, tant du règne végétal que du règne animal, et même quelques-unes du règne minéral, telles que le soufre, le phosphore et jusqu'au diamant lui- même qui brûle et se consume dans un flacon plein d'oxigène purr après avoir été préalablement chauffé au moyen du chalumeau à gaz oxigène, jusqu'à l'incandescence.

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Après avoir défini la combustion, voyons maintenant comment ^elle se fait dans notre bougie, comment d'ailleurs elle s'opère dans .tous les corps comburants.

Pour produire la combustion et, partant, l'inflammation dans de bonnes conditions, il faut : que notre bougie soit déposée, soit sur un chandelier, soit sur tout autre appareil dans une position verti- cale ; que l'air environnant soit tenu à l'état de repos ou de calme. Cela fait, on approche de la mèche de coton qui dépasse en haut un peu la cire dont elle est enveloppée comme d'un enduit d'une épais- seur exacte et uniforme dans toute sa longueur, un corps quelconque en ignition, une allumette, par exemple. Le corps igné communi- que vite sa flamme à la mèche qui ensuite brûle d'elle-même, ali- mentée et régularisée, comme on a dit tout à l'heure, par la cire qui l'entoure, jusqu'à complète destruction de toute la bougie, qui alors nécessairement s'éteint faute absolue de combustible. Voyons de près cette flamme et essayons de l'analyser. On voit, d'abord, qu'elle nous présente la forme d'un cône plus ou moins allongé dont la base arrondie et un peu déprimée plonge par son extrémité inférieure dans la petite masse de cire en fusion contenue dans la dépression qu'elle-même cause par sa propre chaleur et qui, tout en l'alimen- tant d'une manière régulière, économique et continue par cette force qu'on appelle attraction capillaire, empêche la mèche enflam- mée de brûler trop rapidement jusqu'au bas en l'éteignant partielle- ment, graduellement et continuellement. C'est ainsi que la portion de la mèche en ignition se consume lentement à son bout supérieur, et est éteinte constamment à sa partie inférieure qui se trouve im- mergée dans la cire fondue. C'est une opération merveilleuse qui démontre, une fois de plus, que la nature, en mère toujours sage et prévoyante, sait , sans jamais se tromper parce qu'elle a pour auteur Celui qui joint à sa toute-puissance une infinie sagesse, adap- ter les moyens convenables pour atteindre des fins très utiles à l'éco- nomie générale et au bien-être de l'homme en vue de qui toutes les choses ds ce monde ont été créées.

Mais revenons à notre flamme ; elle se compose, ainsi que vous pouvez facilement vous en convaincre en la regardant attentivement de près, d'un petit cône noir dans son centre : cette partie noire n'est autre chose qu'un gaz inflammable composé d'hydrogène et de carbone que n'atteint pas l'oxigène de l'air et qui, par conséquent, ne brûle pas. Ce cône noir n'existe pas dans la flamme de la lampe d'Argant, parce que cet inventeur ingénieux a imaginé et fabriqué

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Une mèche de forme cylindrique qui admet un courant d'air tout autour d'elle intérieurement et extérieurement, ce qui n'a pas lieu dans nos mèches solides ordinaires. Autour de ce cône noir qui enveloppe le bout de la mèche calciné et non consumé, il y a un autre cône d'une lumière et d'une chaleur intense. C'est là, propre- ment dit, le vrai foyer de la flamme.

Voyons un peu comment cela s'opère. Je Vous ai déjà dit que la cire, le combustible en question, est d'abord fondue puis attirée et enfin vaporisée par l'action directe de la chaleur de la mèche enflam- mée. Cette vapeur hydro- carbonée s'amoncelant autour du bout de mèche calciné, est trop épaisse pour être complètement atteinte par l'oxigène de l'air qui constitue, ici du moins, le seul support de la combustion. Ce gaz ne peut atteindre que la couche extérieure de la vapeur condensée composée de carbone et d'hydrogène : mais l'oxygène n'attaque pas le composé gazeux avec le même degré de force, car il a plus d'affinité avec l'hydrogène qu'avec le carbone. Il s'ensuit naturellement que, saisissant rapidement l'hydrogène de la vapeur condensée noire, il brûle avec elle produisant une chaleur très grande mais une lumière assez faible et tirant sur le bleu. Toutefois, au même moment, les participes fortement échauffées de carbone étant libérées, s'échappent et passent à travers la flamme hydro-oxygénée et lui communiquent une intensité de lumière blan- che qu'elle n'aurait pas sans lui; mais ces particules lumineuses de carbone ne font que passer à travers la flamme oxy-hydrogène sans y être consumées et arrivent à l'extérieur elles rencontrent de l'oxygène pur, l'oxygène de l'air avec lequel elles forment un com- posé qui n'est autre que le dioxide de carbone, vulgairement appelé acide carbonique, qui est toujours et partout un des constituants de l'air atmosphérique dans la proportion moyenne et normale de 4 parties sur 10,000. Cela forme un troisième cône, appelé le " man- teau" d'une luminosité et d'une chaleur moindres que le précédent On remarque que, vers la base bombée de ce troisième cône, la flamme prend une teinte bleuâtre et perd de son éclat : cela tient, sans doute, à l'abondance, vers ce point, de l'oxygène qui brûle simulta- nément et l'hydrogène et le carbone de la vapeur concentrée inflam- mable du centre. Si, par un moyen mécanique comme, par exem- ple, en promenant ou agitant vivement la flamme d'une bougie dans l'air libre, on accumule de l'oxygène, on voit tout de suite que la flamme perd de sa puissance d'illumination et devient bleuâtre de blanche qu'elle était auparavant, tout en gagnant en force calorique.

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Voilà donc comment se fait la combustion dans notre bougie de cire et quelle est la structure de la flamme qu'elle émet.

Voyons, en dernier lieu, quels sorit les produits et le résidu de cette combustion : pour cela, deux mots suffiront. Ce serait une erreur grossière de supposer que la combustion, ou tout autre agent soi-disant destructeur, pût anéantir quoique ce soit dans la nature. L'indesfcructibilité de la matière est tout aussi impossible aux forces de la nature que sa formation du néant. L'homme n'a jamais anni- hil : et n'annihilera jamais la moindre particule de matière. Il n'ap- partient absolument qu'à Dieu seul, qui a tiré toutes choses du néant, 'àe les rendre à la condition de non-être. Vous prenez une paille légère, très sèche, vous y mettez le feu : en moins d'une seconde elle est réduite, semble-t-il, à rien. Détrompez-vous : vous n'avez rien détruit, absolument rien, et il y a exactement autant de matière après la combustion qu'auparavant. Vous n'avez fait subir au brin de paille qu'une désorganisation, ou une altération dans l'arrange- ment de ses ingrédients constitutifs : voilà tout. Il y avait dans cette festicule de chaume un nombre déterminé d'atomes d'oxygène, d'hydrogène, de carbone, de fer et d'autres matières minérales, le tout sous une forme concrète. Par l'effet de la combustion, l'oxygène et l'hydrogène ont été restitués à l'air sous la forme de vapeur blan- che, le carbone, en partie, sous forme d'acide carbonique à l'état de •'gaz et une autre partie, à l'état solide sous forme de petites parcel- les noires, s'est dissipée dans l'air en légère fumée ; il n'est resté qu'un peu de cendres se trouvent toutes les matières minérales que contenait le brin de paille : fer, silice et bien d'autre minéraux encore qui donnent à la paille' sa consistance et sa rigidité, qui même fait une coupure au doigt comme le ferait un rasoir, lorsque 'l'on essaie de la rompre, surtout la paille ou chaume triangulaire de ces plantes marécageuses appelées laiches ; le fer lui donne la con- ' sistance et le silice, sous forme de très petites spicules, cause la cou- pure. Je reviens à mon sujet.

La combustion de notre bougie, tout en la désorganisant complè- tement, n'a détruit, cependant, aucun de ses éléments constitutifs : on les retrouve très intégralement, comme dans notre brin de paille, en nombre et en poids exactement les mêmes sous une forme ou sous une autre,simples ou composés. Absolument rien n'a disparu, ' excepté la forme et les autres propriétés physiques de la bougie qui, 'naturellement, n'existent plus ou n'existent que soiis d'autres côm- 1 binaisons opérées par le fait de la combustion.

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Voyons ce que les divers éléments de la cire et de la mèche de coton (seules matières en combustion) sont devenues. Le coton n'est autre chose que de la cellulose dont la formule est : C 18 H 30 O 15 formant un poids atomique de 486 comparé au poids d'un atome d'hydrogène, c'est-à-dire qu'une molécule de cellulose pèse 486 fois plus qu'un atome de cet élément qui est pris pour terme de compa- raison pour tous les éléments. La cire contient les mêmes éléments que la mèche, mais en nombre d atomes différents : la formule de la cire étant , comme nous l'avons dit au commencement de cette con- férence, C 55 H 52 O 3. Ces deux substances combustibles, brûlant en présence et par l'action directe de l'oxygène, doivent concourir, il est évident, à produire de l'eau sous la forme de vapeur et de l'acide carbonique. On démontre la production de l'eau en tenant, au-dessus de la flamme, une cloche froide et sèche : l'on voit bien- tôt cette cloche se ternir de plus en plus par les particules de vapeur d'eau qui adhèrent à ses parois ; on démontre la présence de l'acide carbonique, qui est l'autre produit de la combustion, en jetant dans cette même cloche un peu d'eau de chaux. Si on agite cette eau de chaux qui est claire comme du cristal, on la voit bientôt se troubler et prendre une apparence laiteuse. Cependant tout le carbone n'entre pas en combinaison avec l'oxygène pour produire ce dioxyde dont nous venons de parler, attendu que la combustion ne se fait qu'imparfaitement. Une portion de carbone plus au moins notable reste à l'état naturel, c'est-à-dire non-combiné. Une partie de ce carbone, que le manque d'oxygène n'a pu oxyder ni autrement alté- rer, s'échappe sous forme de petites lamelles ou filets minces d'une odeur empyreumatique de couleur noirâtre et luisante et d'une saveur amère, et est entraînée dans le courant d'air que crée la cha- leur de la combustion, et forme la portion la plus considérable de la fumée, c'est la suie qu'il est facile de recueillir. Il ne faut pour cela que placer, un peu au-dessus de la flamme, une plaque de verre, et bientôt elle noircira et formera une couche plus ou moins épaisse de ce que l'on nomme noir de fumée, qui est presque du carbone pur. Je dois, toutefois, faire remarquer que la bougie de cire produit beaucoup moins de suie que les huiles et les autres corps gras, tels que le camphogène, la térébenthine, la poix, le goudron, etc. L'autre partie du carbone non-combinée, que seule la mèche de coton fournit, se présente à l'état de calcination au bout de la mèche en ignition : c'est tout simplement du charbon.

Il me resterait à traiter de la nature et des propriétés physiques

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et chimiques de chacun des produits de la combustion, que je viens d'énumérer ; mais cela nous entraînerait trop loin, et prolongerait cette conférence outre mesure. D'ailleurs, il me semble que l'inté- rêt qui s'attachait à notre Bougie n'a plus raison d'être, puisque la voilà maintenant toute fondue, toute consumée, toute disparue en tant du moins que corps spécifique distinct d[e tous les autres

corps.

J. C. C.

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