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INSTITUTIONS

LITURGIQUES.

INSTITUTIONS

LITURGIQUES

PAR

LE R. P. BOM PROSPER GUÉRANGER,

ABBE DE SOLESMES.

Sanas Pontiticii Juris et sacrse LitJ^iai traditiones labesceates confovdST

" r EX IjIrIS

ST. llASJ.L'^CHpLASTlCA

TOME PRl^Elj,^^ C~XO ^,,;;

AU MANS,

CHEZ FLEURIOT,

IMP. - LIBRAIRE - ÉDITEUR .

P&ÈS LA PRÉFECTURE.

A PARIS,

CHEZ DÉBÉCOURT, LIBRAIRE ,

RUE DES SAINTS-PÈRES, 69.

M. DCCCXL.

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A0IT2AJ0H3?'.8'JI2A8 .73

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WOV 1 8 1958

IMP. DE FLEURIO T , KM MANS.

SA SEIGNEURIE ÉMINENTÏSSME

LOUIS CARDÏIVAL LAMBRUSCHINï,

SECRETAIRE-D'ETAT DE SA SAINTETE.

Eminentissime Seigneur ,

Les Institutions Liturgiques dont Votre Emi- NENCE a daigné agréer la dédicace , viennent enfin réclamer son haut patronage.

Ce livre, oti sont racontées les mystérieuses beautés et les harmonies célestes que l'Esprit Saint

a répandues sur les formes du Culte divin, tel que l'exerce la Sainte Eglise Romaine , Mère et Maîtresse de toutes les autres, se recommandait , par son objet même , à Votre Seigneurie Emi- NENTissiME , clicz laquelle l'auguste qualité de Prince de cette Sainte Eglise est relevée encore , aux yeux du monde entier , par les éclatantes marques de la confiance Apostolique du Successeur de saint Pierre.

Avant d'être élevée par son mérite supérieur aux premiers honneurs de Rome Chrétienne , Votre Eminence passa de longues années dans les exer- cices de la Vie Régulière , et dans les labeurs de la science:, du sein de cette illustre famille reli- gieuse qui a donné à la Chrétienté le grand Bar- thélemi Gavanti , et à la Sacrée Congrégation des Rites , des Consulteurs si renommés par le zèle et la science du Culte divin. Puisse Votre Eminence reconnaître dans ce faible ouvrage les saines doc- trines Liturgiques dans lesquelles Elle a éténourrie, et dont Elle professe si hautement la pureté !

J'ose , Eminentissime Seigneur , chercher un heureux présage du sort réservé à ce livre, dans la bienveillante faveur dont Votre Eminence a daigné jusqu'ici environner et son obscur auteur, et cette famille naissante qui , non seulement con- sidère avec admiration dans votre Seigneurie Emi- nentissime, l'émule et le collègue des Gerdilet des

Fontann , mais y révère j en même temps » avec une gratitude sans homes , le puissant protecteur dont le nom lui sera cher à jamais.

Daigne le Dieu de miséricorde conserver long- temps Votre Eminence pour le bien de son Eglise et pour la consolation de celui qui a l'honneur de se protester, avec le plus profond respect et la plus entière reconnaissance ,

De Votre Seigneurie Eminentissime,

Le très-humble et très-obéissant serviteur,

Fb. Prosper-Louis-Paschal GUÉRANGER, Abbé de Solesmes.

PREFACE.

Notre intention , en publiant cet ouvrage , a été de satisfaire , du moins en quelque chose , à un des premiers besoins de la Science Ecclésiastique chez nous. Dans toutes les Ecoles Catholiques des différents pays de l'Europe , la Liturgie fait partie de l'enseignement ; elle a ses cours , ses pro- fesseurs spéciaux. Pourquoi , en France , partage- t-elîe l'oubli dans lequel est tombée momenta- nément la science du Droit Canonique? Il faut bien en convenir ; c'est que l'objet d'une science a besoin , avant tout , d'être fixe et déterminé , et que tandis que les diverses Eglises de l'Europe sont en possession d'une Liturgie immuable et antique , nos Eglises ne sont pas encore arrêtées sur leur Bréviaire et leur Missel. Comment bâtir sur ce sable ? quelle harmonie faire ressortir dans ces règles qui n'étaient pas hier , et seront demain modifiées , ou peut-être remplacées par des règles toutes contraires? Comment montrer la tradition , cette nécessité première de toutes les institutions Catholiques , dans des formules et des iI5.^ges tout nouveaux?

X PRÉFACE.

Soyons sincères, notre désir de perfectibilité Liturgique ne nous a-t-il pas insensiblement ré- duits à l'état que saint Pie V reprochait à nos pères , au seizième siècle ? Qu'est devenue cette unité de Culte que Pépin et Charleniagne , de concert avec les Pontifes Romains , avaient établie dans nos Eglises ; que nos Evêques et nos Conciles du sei- zième siècle promulguèrent de nouveau avec tant de zèle et de succès ? Dix Bréviaires et dix Missels se pai^tagent nos Eglises , et le plus antique de ces livres n'existait pas à l'ouverture du dix-huitième siècle ; il en est même qui ont vu le jour dans le com*s des quarante premières années du siècle nous vivons.

Si nos Eglises célébraient le Service divin , sui- vant les règles du Rite Ambrosien , ou encore du Rite Gothique ou Mozarabe ; si , au lieu de fabri- quer, de fond en coml)le, des Liturgies inconnues aux siècles précédents , on nous eût remis en pos- session de cette antique et vénérable Liturgie Gallicane , qui fut en usage chez nous jusqu'à la moitié du huitième siècle, la science des Rites sacrés eût trouvé ample matière à se nourrir dans l'étude d'aussi précieux monuments. Mais , par un étrange renversement des habitudes Catholiques , on est devenu indifférent à ces changements , à ces substitutions de Bréviaires et de Missels qui , il y a quelques siècles , eussent mis en révolu&n

I>RÉFACE. XI

le Clergé et le peu[)le. Il n'est iiièaie pas raie de rencontrer des hommes, instruits d'ailleurs, to- talement dépourvus des plus simples notions sur l'histoire des formes Liturgiques, et qui s'imaginent naïvement que toutes les prières dont retentissent nos Eglises , remontent aux âges les plus reculés. Il en est même qui , lorsqu'on leur fait remarquer l'isolement dans lequel ces usages particuliers placent nos Eglises à l'égard du Siège Aposto- lique , vous objectent les paroles de saint Au- gustin , sur l'harmonieuse variété que produi- sent au sein de l'unité les coutumes locales , et qui sont tout étonnés quand on leur fait voir que nos coutumes n'ont point pour elles l'antiquité , qui seule les rendrait sacrées au point de vue de saint Augustin , et que d'ailleurs , depuis ce Père , l'E- glise a expressément manifesté l'intention de rémiir tout l'Occident , sous la loi d'une seule et même Liturgie. Mais leur surprise est à son comble, lors- qu'on leur raconte en quel temps , sous quels auspices , par quelles mains une si importante ré- volution s'est accomplie.

On nous demandera peut-être si, venant au- jourd'hui soulever des questions délicates , notre intention est de produire un mouvement en sens inverse , et de troubler les consciences qui , jus- qu'ici , sont demeurées dans la paix ? A cela nous répondrons d'abord que nous ne pensons pas que

ÎCII PRÉFACE.

notre faible parole puisse avoir un tel retentisse- ment. Nous essayons de traiter une matière grave et épineuse de la science Ecclésiastique , en nous appuyant sur la nombreuse et imposante école Li- lurgistequi nous a frayé la route, et nous n'enten- dons rien dire que de conforme aux traditions et aux règlements du Siège Apostolique. On jugera si nous avons innové quelque chose ; peut-être même s'aperce\Ta-t-on que nous avons quelque peu étudié et médité avant de parler; mais , après tout , quand notre li\Te appelant l'attention de ceux qui ont la mission de veiller sur les Eglises , contribuerait, pour la plus légère part, à aiTeterde grands abus , h préparer , en quelque chose , un retour aux principes de tous les siècles sur les matières Liturgiques, notre crime serait-il si grand? Quant au reproche que l'on nous ferait de cher- cher à troubler les consciences , il n'a rien de sé- rieux. En effet , ou nous parviendrions à éveiller des scrupules mal fondés , et dans ce cas , les gens éclairés feraient justice de nos assertions; ou nous proposerions à l'examen des lecteurs de justes raisons de s'alarmer, et alors , loin de mériter des reproches , il nous semble que nous aurions rendu un service. Mais nous le déclarons tout d'abord , notice zèle n'a rien d'exagéré ; la question du Droit de la Liturgie est loin d'occuper la place principale dans cet ouvrage, et dans tous les cas, elle n'est pas

PRÉFACE. Xlll

si facile à trancher que l'on doive craindre si facile- ment que nous ayons envie de ladirimeràlalégère. Une décision absolue, affirmative ou négative, pour ce qui intéresse la France , n'est même pas pos- sible. Il se rencontre , pour ainsi dire , autant de questions qu'il y a de Diocèses. Dans les uns , les Usages Romains sont abolis depuis dix ans , dans d'autres depuis quatre-vingts ou cent ans : ce qui est fort différent ; d'autres enfin, et celui que nous habitons est du nombre, ont, depuis quatre ou cinq siècles, des livres sous le titre Diocésain et soumis de temps immémorial à la correction de l'Ordi- naire. La question, comme l'on voit, est donc très complexe , et , nous le répétons , le désir de la ré- soudre n'est point le motif qui nous a fait entre- prendre un ouvrage elle ne sera traitée qu'ac- cidentellement.

Nous avons voulu, dans ce livre, donner, comme l'indique son titre , un enseignement général de toutes les matières qui concernent la Science Litur- gique , et voici les objets que nous nous sommes proposé de traiter. D'abord , l'histoire étant le fondement et le cadre de tout enseignement ecclé- siastique ., nous avons pris la tache difficile , et non encore tentée avant nous , de donner l'his- toire générale de la Liturgie. Nous la conduisons dans ce premier volume jusqu'à l'ouverture du dix-septième siècle. Dans ce récit , nous avons

XIV PRÉFACE.

fait entrer un grand n(jmbre de détails qu'il nous eût été impossible de placer ailleurs, et dont la connaissance et l'appréciation étaient indispen- sables pour l'intelligence de la Liturgie considérée tant en général qu'en particulier.

En rédigeant cette importante partie de notre travail , nous n'avons pas tardé à recoimaître que ce coup-d'œil histoiique serait insuffisant , si nous n'y faisions pas entrer une notice chronologique et bibliographique des auteurs qui ont traité de la Liturgie , ou composé les formules Liturgiques. Nous avons , pour cette partie , profité de l'excel- lente Bibliotheca Ritiialis de l'illustre Zaccaria, h laquelle , du reste , nous avons ajouté plus de quatre-vingts auteurs, pour les seize premiers siècles seulement (1;. Xous avons réduit ces sortes de no- tices à la plus petite dimension possible, pour ne pas trop grossir le volume , et dans les articles qui nous sont communs avec Zaccaria , de même que nous n'avons pas toujom's inséré les livTes qu'il cite ,

(1) Parmi les Liturgisles oubliés par Zaccaria et que nous avons recueillis, nous citerons Victorin , I^rudence, saint Paulin , Sedulius , Cassien , saint Césaire , Chilperic , saint Léon II , saint Chrodegang , Charlemagno , Helisacar, Loup de Ferrières, Charles le Chauve , Foulques II d'Anjou , Cuy d'Auxerre , Hartmann , Ekkehart , Létalde , Âdclbode , Al- phane , Maibode, Cuigues, Abailard, Adam de S' .-Victor, Maurice de Sully , Genci de Sabelli , Alain de Lille , le B. Charles de Blois, Claude de Sainctes , Galesini, Erasme, Deniucliarès , Muret , Silvio Ânloniani, etc.

PRÉFACE. XV

ainsi nous en avons plus d'nne fois produits qui lui étaient échappés.

L'histoire Ulurgique del'EgHse que nous devons conduire jusqu'au dix-neuvième siècle étant ter- minée , nous commençons à traiter les matières spéciales. A la suite des notions nécessaires sur les Livres de la Liturgie , sur le Calendrier, sur lo partage du temps et ses mystères dans la Liturgie , nous passons à l'explication des traditions , et des symboles contenus tant dans la partie mobile de l'Année Ecclésiastique, que dans la partie immobile de ce Cycle merveilleux.

Le Sacrifice chrétien est ensuite traité avec tous les détails qui peuvent contribuer à bien faire connaître ce centre divin de toute la Liturgie. Nous venons, après cela, aux traditions qui concer- nent les Sacremens , ces sept sources de grâce des- quelles émane sans cesse le salut du peuple chré- tien. L'ensemble imposant des Sacramentaux attire ensuite notre attention et nous fournit l'occasion de montrer la réhabilitation universelle de l'œuvre de Dieu par la vertu de la Croix , d'où découle le divin pouvoir de l'Eglise. Une dernière partie comprend les Actes et Fonctions Liturgiques qui ne se rangent pas sous les divisions que nous venons d'indiquer.

Après avoir développé en détail toutes les par- ties de cette Somme, nous la faisons suivre de

XVI PRÉFACE.

plusieurs Traités spéciaux dans lesquels nous examinons; les règles de la s}Tnbolique en matière de Liturgie ; la langue et le style de la Liturgie ; le Droit de la Liturgie ; ¥ l'autorité de la Liturgie , comme moyen d'enseignement dans l'Eglise , et nous terminons cette dernière subdivision de noire sujet par un petit travail dans lequel , sous le titre de Tlieologia Liturgica , nous avons rangé par ordre de matières tout ce que la Liturgie , telle que Rome la promulgue aujour- d'hui , renferme de secours pour l'éclaircissement du dogme et de la morale catholiques.

Telle est la tâche que nous nous sommes im- posée : que Dieu nous donne de la remplir d'une manière suffisante 1 Cet ouvrage , fruit de douze années d'études , touche un nombre immense de questions ; sa manière est totalement neuve ; ses principes généraux , et ses règles d'application sont pris et devaient l'être dans un ensemble positif qui , de fait et de droit , est souvent en désaccord avec les idées reçues dans le pays nous écrivons. Faut-il le dire? nous sommes tout Romain. On ne nous en fera sans doute pas un crime. Depuis assez long-temps il est d'usage de dire en France que les hvres liturgiques de Rome ne sont point à la hauteur de noire civili- sation religieuse. Il y a un siècle que nous en avons fait la critique la plus sanglante en les répudiant

PRÉFACE. XVII

en masse el bâtissant a priori des OUfices nou- veaux , qui sont en désaccord complet avec ceux de la ^lère des Eglises , jusque dans les fêtes môme de Pâques et de la Pentecôte. Qu'il soit donc per- mis de relever le gant , de se faire un instant le Champion de l'Eglise Romaine et de toutes celles de l'Occident (1), qui chantent encore et sans doute chanteront jusqu'à la fin des temps les Offices que saint Grégoire le Grand recueillit , il y a douze siècles , entre ceux que les Pontifes ses prédéces- seurs avaient composés. Après tout , n'est-ce pas une chose louable que de faire l'apologie de l'unité dans les choses de la religion ? Est-il donc des points sur lesquels elle deviendrait dangereuse ? N'a-t-elle pas existé , n'existait-elle pas , cette unité liturgique , en France, encore au dix-sepùème siècle ? Depuis que nous l'avons rompue , notre Eglise a-t-elle éprouvé tant de prospérités?

Qu'on ne soit donc pas surpris si , dans cet ouvrage , nous abondons dans le sens de la Liturgie Romaine ; que si quelqu'un le trouvait mauvais , qu'il nous atlaque. Nous tâcherons de le satisfaire , et afin que le public demeure juge de la controverse , nous nous engageons à placer et les objections et les réponses en tête du volume qui

(l) Milan excepté, et deux ou trois Chapelles à Tolède, dont la Liturgie est antique el approuvée.

XVIII PRÉFACE.

suivra celui dont on aura combattu les faits, ou les principes.

Maintenant , c'est la grande mode de se porter défenseur de toute sorte d'antiquités ; une nuée in- nombrable d'archéologues s'est levée sur le pays, et nos monumens , religieux surtout , sont désor- mais à l'abri non seulement de la destruction, mais de toute mutilation , de toute réparation indiscrète. Le plus bel accord règne sur ce point entre nos autorités civiles et ecclésiastiques , et grâce à une révolution si subite et si inespérée , la France jouira, de longs siècles encore, des tro- phées de son antique gloire dans les Arts Catho- liques. Il y a la , sans doute , de quoi rendre à Dieu de vives actions de grâces. Quand, en 1832 , nous autres , pauvi'es prêtres inconnus , arra- chions aux mains des démolisseurs l'admirable monument de Solesmes , qui demandait grâce au pays depuis tant d'années , nous étions loin de penser c{ue nous étions à la veille d'une réaction universelle dont le résultat devait être la conser- vation passionnée de tous les débris de notre ancienne architecture religieuse et nationale.

Aujourd'hui donc que les pierres du sanctuaire, devenues l'objet d'une étude et d'une admiration ardentes , ne courent plus le risque d'être disper- sées par des mains vandales ou malhabiles ; que tous les effoits sont concentrés pour produire des

rnEFACE. XJX

restaurùtionsi complètes, et, au besoin , des imi- tations exactes dans les cintres , les ogives , les rosaces, les vitraux, les boiseries ; n'est-il pas temps de se souvenir que nos Eglises n'ont pas seulement souffert dans leurs murailles , leurs voûtes et leur mobilier séculaire , mais qu'elles sont veuves sur- tout de ces anciens et vénérables cantiques dont elles aimaient tant à retentir ; qu'elles sont lasses de ne plus répéter , depuis un siècle , que des ac- cens nouveaux et inconnus aux âges de foi qui les élevèrent. Après tout, les paroles de la Liturgie sont plus saintes , plus précieuses encore que les pierres qu'elle sanctifie.

La Liturgie n'est-elle pas l'âme de vos Cathé- drales? sans elle, que sont-elles, sinon d'immenses cadavres dans lesquels est éteinte la parole de vie? Or donc, songez à leur rendre ce qu'elles ont perdu. Si elles sont romanes , elles vous redemandent ce Rite Romain que Pépin et Charlemagne leur firent connaître ; si leurs arcs s'élancent en ogives , elles réclament ces chants que saint Louis se plaisait tant à entendre redire à leurs échos ; si la Renaissance les a couronnées de ses guirlandes fleuries , n'ont- elles pas vu les Evêques du seizième siècle inau- gurer sous leurs jeunes voûtes les livres nouveaux que Rome venait de donner aux Eglises? Toute notre poésie nationale , nos mœurs , nos institu- tions anciennes , religieuses ou civiles, sont mêlées

XX PRÉFACE.

aux souvenirs de l'ancienne Liturgie que nous pleurons. C'est ce que nous ferons voir dans ce livre, tout insuffisant qu'il soit : nous oserions même penser que, malgré sa destination cléricale , le poète , l'artiste, l'archéologue , l'historien, au- raient quelque chose à y puiser.

Quoiqu'il en soit, nous lui avons laissé le modeste titre & Institutions Liturgiques , comme à un ou- vrage spécialement destiné à l'enseignement. Son but principal est d'initier les plus jeunes de nos frères à l'étude de ces mystères du Culte divin et de la prière , qui doivent faire la principale nourriture de leur vie. Une entreprise de Librairie Ecclésias- tique , dont les directeurs connaissaient notre projet , nous avait demandé d'insérer cet ouvrage au rang de ses publications. Tl a donc été an- noncé comme devant paraître en 1838. Nous avons reçu à ce sujet les plus précieux encoura- gements , et nous savons , à l'avance , que l'objet de ce livre , s'il doit déplaire à quelques-uns , a déjà pour lui de nombreuses sympathies. Nos forces physiques n'ayant pas répondu à notre attente , nous nous sommes trouvé obligé de différer la publication de ce premier volume jusqu'au moment présent, nous le faisons paraître sous notre seule responsabilité.

L'ouvrage entier formera cinq volumes: le second paraîtra dans le courant de l'année présente , et

PRÉFACE. XXI

les autres suivront à des intervalles très-rappro- chés. Ayant fait de longues et sérieuses études sur la Liturgie, nous avons le projet de publier, en dehors de ces Institutions , plusieurs traités spé- ciaux. Nous indiquerons seulement ici le projet d'une Année Liturgique , travail destiné à mettre les fidèles en état de profiter des secours immenses qu'offre à la piété chrétienne la compréhension des mystères delà Liturgie, dans les différentes saisons de l'Année Ecclésiastique. Cet ouvrage n'aura rien de commun avec les diverses Années Chrétiennes qui ont été publiées jusqu'ici. Il sera destiné à aider les fidèles dans l'assistance aux Offices divins ; on pourra le porter à l'Eglise , et il y tiendra lieu de tout autre livre de prières. La première division de \ Année Liturgigue paraîtra, de format m-12, sous le titre d'Avent Liturgique , dans le courant de l'automne de l'année prochaine 1841.

Quant aux Institutions Liturgiques elles-mêmes, nous espérons les faire suivre d'un autre ouvrage de même dimension, et d'un genre analogue , qui portera le titre d' Institutions Canoniques . On com- mence pourtant à sentir, de toutes parts, la néces- sité de connaître et d'étudier le Droit ecclésiastique. L'indilTérence dans laquelle a vécu la France , de- puis quarante ans , sur la discipline générale et particulière de l'Eglise , est un fait sans exemple dans les annales du Christianisme. Les consé-

XX ri PRÉFACE.

qiïences de cette longue indifférence se sont aggra- vées par le temps , et ne peuvent se guérir qu'en recourant aux véritables sources de la législation ecclésiastique , aux graves et doctes écrits des Canonistes irréprochables. Nous n'avons plus de Parlemens aujourd'hui pour fausser les notions du Droit, pour entraver la juridiction ecclésiastique ; plus de Gallicanisme pour paralyser l'action vivi- fiante du Chef de l'Eglise sur tous ses membres.

Nos Institutions Canoniques , destinées , comme la Liturgique , à l'instruction de nos jeunes con- frères , nous avaient été demandées par les direc- teurs de la même entreprise de Librairie Ecclésias- tique, dont nous avons parlé, et ont été annoncées au public , il y a trois ans. Les raisons que nous avons exposées nous ayant forcé à différer celte publication , nous serons en mesure de l'effectuer après la publication totale de la Liturgique. Nous nous abstiendrons donc d'entretenir plus long- temps le lecteur sur un ouvrage qui s'élabore , il est vrai , dès maintenant , mais dont l'apparition doit encore attendre plusieurs années.

Nous nous sentons pressé de dire un mot , en finissant , sur nos Origines de l'Eglise Romaine. On nous demande sans cesse la continuation de cet ouvrage. Cette impatience du public a bien quelque chose d'encourageant pour nous ; mais nous y voyons un nouveau motif de réunir plus sérieuse-

l'RÉrAeE. xxui

ment encore nos el'forts dims le but de répondre d'une manière moins imparfaite à cette attente trop bienveillante. Ceux qui nous ont lus savent que le second volume doit renfermer les commen- cements de l'histoire de la Papauté ; le troisième la conduira jusqu'au Pontificat de saint Silvestre. On sent combien ce travail d'Origines exige de soins et de veilles , puisqu'il s'agit de refaire une époque sur laquelle il ne nous reste que des notions , plus nombreuses et plus précises , il est vrai , qu'on ne se l'imagine généralement , mais empruntées en grande partie à des traditions monumentales dont le secours n'avait jamais été réclamé jusqu'ici par aucun auteur français.

L'ouvrage entier formera de six à huit volumes. On s'est plaint du prix trop élevé du premier. Des mesures sont prises pour que nous puissions livrer les suivants à un prix plus modéré ; chacun d'eux contiendra néanmoins plus de matière que celui qui a déjà paru.

Ce premier volume , en compensati(m des éloges beaucoup troj) flatteurs dont il a été l'objet dans les divers écrits périodiques qui se consacrent à la défense des principes du Catholicisme , a été attaqué d'une manière violente dans le National, et poursuivi plusieurs fois , comme un ramas d'a- pocryphes , par M. ïsambert , à la tribune de la Chambre des Députés. C'est bien du bruit pour un

XXIV PRÉFACE.

livre aussi pacifique que celui-là ; quant à nous , nous ne pensons pas avoir tant démérité de la pa- trie , en travaillant à faire passer en notre langue les riches produits de l'érudition italienne sur les antiquités chrétiennes de Rome.

On nous communique en ce moment même un jugement qui vient d'être rendu sur le même ou- vrage , en face du public , non par un ennemi , sans doute , mais par un homme dont les inten- tions doivent être aussi pures que le sujet qu'il à choisi est honorable. M. Le C. d'A. dans la préface du premier volume d'un livre intitulé : Histoire des Doctrines et des Actes de la Com- pagnie de Jésus , s'exprime ainsi sur nos Ori- gines de l'Eglise Romaine : « Une colonie de «jeunes religieux qui essaie de ressusciter à So- » lem (sic) l'ordre des Bénédictins , a déjà pu- » blié un volume relatif aux origines de la Papauté. » Cet effort est bien louable , je l'applaudis chaleu- » reusement ; mais , tout laïque que je sois , j'ai » assez déjà trituré ces matières pour être con- » traint de ne pas voir dans ce volume ce que j'en » espérais ; je n'y trouve encore que la réproduc- » tion exacte du Liber Pontificalis et des divers » catalogues des Papes qui figurent dans toutes les » collections volumineuses ou abrégées des Con- » ciles et des Décrétales ; mais ce n'est qu'un pre- » mier volume , attendons la suite. Je serai obligé ,

PRÉFACE. XXV

» avec regret , par la nature même de mon sujet , » d'y relever une erreur grave concernant lesDé- » crotales d'Isidore. »

Comme l'on voit , ce n'est pas l'assurance qui manque à notre Aristarque : nous pensons, toute- fois , qu'il faudrait quelque chose de plus que de l'assurance pour porter un jugement prudent sur un livre. Il faut toujours au .^oins l'avoir lu. Si M. Le C. d'A. avait lu , ou même simplement feuil- leté le nôtre, il aurait vu tout d'abord qu'il ne ren- ferme point le Liber Pontificaiis ; si , d'autre part , il connaissait , même de vue , le Liber Pontificaiis dont il parle , il saurait que celte Chronique étant d'une dimension supérieure à notre volume , elle ne peut s'y trouver renfermée , par la raison évi- dente que le contenu ne peut jamais excéder le contenant. Si M. Le C. d'A. avait lu ou simple- ment feuilleté notre livre , il aurait vu qu'il est uniquement employé à discuter l'autorité des sources auxquelles a été puisé le Liber Pontificaiis dont nous nous proposons de donner une édition , par parties , dans les volumes suivants. Puisqu'il a donc tant trituré les matières d'antiquité ecclésias- tique , nous lui serions fort obligés de nous indi- quer quelqu'une des collections volumineuses ou abrégées des Conciles et des Décrétâtes dans les- quelles il a vu figurer un seul des Catalogues Pon- tificaux que nous avons reproduits : il lui sera ,

XXVI PRÉFACE.

certainement , très-facile de nous contenter. C'est avec une égale anxiété que nous attendons la ré- vélation de l'erreur grave qui nous est échappée touchant les Décrétales d'Isidore. Nous nous abs- tenons , pour le moment , de parler du livre de M. Le C. d'A. ; il y aurait beaucoup à dire sur ce premier volume; mais il nous tai'de de rentrer dans notre sujet , et de clore enfin cette préface. Nous la terminerons donc en soumettant d'es- prit et de cœur au jugement et à la correction du Siège Apostolique le présent ouvTage que nous n'avons entrepris que dans le but de servir l'E- glise , suivant nos faibles moyens , attendant le succès de Celui-là seul qui , Prêtre et Victime , est à la fois le moyen et le terme de toute LITURGIE.

INSTITUTIONS

^«^^-^QTniTI^C

PREMIERE PARTIE.

CHAPITRE 1.

^UTIO^'S PRLLIÎJIXAIRES.

Ïj\ Liturgie, coiisidérce en général , est ^ensemble des sym- boles, des chants et des actes au moyen desquels l'Eglise ex- prime et manifeste sa religion envers Dieu.

La LiUu'gic n'est donc pas simpIemenL la prière, mais bien la prière considérée à i'élat sociaL Une piière individuelle , faite dans un nom individuel, n'est point Liturgie. Cependant les formules et les signes de la Liturgie peuvent cire légiti- mement et convenablement employés par les particuliers , dans l'intention de donner plus de force et d'efficacité à leurs œuvres de prière; comme lorsqu'on récite des oiai- sons consacrées , des iiymnes, des répons , pour s'exciter à la religion. Ce genre de prière est même le meilleui', en fait

T. 1. 1

2 INSTITUTIONS

de prière vocale , car il associe à l'effort individuel le mé- rite et la consécration de l'Eglise entière.

Quant à la récitation privée des formules de la Liturgie dans Toffice divin par les clercs , les béuéficiers et les régu- liers, lesquels sont tenus de suppléer en particulier à ce qu'ils n'accomplissent pas au chœur , on ne saurait la con- sidérer conmic une œuvre de dévotion privée : elle est un acte de religion sociale. Celui qui prie ainsi est député offi- ciellement pour ce sujet. Sa parole , son intention même , appartiennent à l'Eglise. S'il pèche en cet emploi , c'est contre l'Eglise autant que contre lui-même qu'il pèche. Ainsi , la récitation du Bréviaire , quoique dans nos malheu- reux temps et dans notre pays , elle n'ait plus guère lieu que dans le particulier , n'en est pas moins une chose litur- gique , une œuvre liturgique.

De même que la vertu de religion renferme tous les actes du culte divin , ainsi la Liturgie , qui est la forme sociale de cette vertu, les comprend tous également. On peut même dire que la Liturgie est l'expression la plus haute , la plus sainte de la pensée , de rintelligence de l'EgUse , par cela seul qu'elle est exercée par l'Eglise en communication directe avec Dieu dans la Confession , la Prière et la Louange.

CoxFESSiox , Prière , Louange : tels sont les actes prin- cipaux de la religion ; telles sont aussi les formes principales de la Liturgie.

La Confession , par laquelle l'Eglise fait hommage à Dieu de la vérité qu'elle en a reçu , redisant mille fois en sa présence le triomphant symbole qui renferme écrites dans le langage de la terre des vérités qui sont du ciel. Ce sym- bole , elle le répète chaque jour en abrégé plusieurs fois dans les Heures canoniales ; plus développé dans l'action du sacrifice au jour du dimanche et dans les grandes solennités ;

LITinCIQUES. T)

enfin , elle le confesse en grand , dans l'enscmbh; de l'aniiéc! chrôticniio , au soin de laquelle il esl représente; , mystère par mystère , avee toute la richesse des rites , toute la pompe du langage, toute la profondeur des adorations, tout renthousiasme de la Toi.

Dr là, l'importanee si grande pour rintelligence du dogme, donnée dans tous les temps aux paroles et aux faits de la Li- turgie. On connail l'axiônie : Legem credendi statuât lex suppUcandi. C'est dans la liturgie que Tesprit qui inspira les Ecritures sacrées parle encore; la Liturgie est la tradition môme à son plus haut degré de puissance et de solennité.

La Pr.iÈRE , par laquelle l'Eglise exprime son amour , son désir de plaire à Dieu , de lui être unie, désir à la fois humbli; et fort , timide et hardi, parce qu'elle est aimée et que celui qui l'aime est Dieu. C'(;st dans la Prière qui vient à la suite de la Confession^ comme l'espérance après la foi, que l'Eglise présente ses demandes , expose ses besoins , explique ses nécessités, car elle sait ce que Dieu veut d'elle , et combien elle en est éloignée , jusqu'à ce que le noml.)re des élus sijit complet.

Delà, l'onction ravissante, l'ineffable mélancolie , la ten- dresse inconnnunieable de ces formules, les unes si simples , les autres si solennelles, dans lesquelles apparaît tantôt la douce et tendre confiance d'une royale épouse envers le monarque qui l'a choisie et couronnée , tantôt la sollicitude empressée d'un cœur de mère qui s'alarme pour des en- fans bien-aimés ; mais toujours cette science des choses d'une autre vie , si profonde et si distincte , suit qu'elle; confesse la vérité >, soit qu'elle désire en goûter les fruits , que nul sentiment ne saurait être comparé au sien, mil lan- gage rapproché de son langage.

La LouANCL , car l'Eglise ne saurait contenir dans une

4 ixstiti:tio>'3

silencieuse coutemplation les transports d'amour et d'admi- ration que lui fait naître i'aspect des mystères divins. Comme Marie , à la vue des grandes choses qu'a faites en elle celui qui est puissant , elle tressaille en lui , elle le glorifie. Elle célèbre donc les victoires du Seigneur et aussi ses propres triomphes. Le souvenir des merveilles des temps anciens la ravit et l'exalte ; elle se met à en faire le récit pompeux , comme pour raviver les sentimens qu'elles lui inspirent.

Elle célèbre , après Dieu , les élus de Dieu ; d'abord l'in- comparable Marie , pour qui elle a des accens d'amour et de prière d'une douceur céleste; les Esprits bienheureux , dont les relations et les influences l' embellissent et la protègent ; ses propres enfans qui l'ont arrosée de leur sang , illuminée de leur doctrine , sanctifiée de leur glorieuse confession , embaumée du parfum de leurs lis et de leurs roses. Chaque année, elle redit avec amour et maternité leurs vertus et leurs combats.

Or , ces ti'ois parties principales , Confession , Prière , Louange , deviennent dans la Liturgie une triple source d'intarissable poésie : poésie inspirée du même esprit qui dicta les cantiques de David , d'isaïe et de Salomon ; poésie aussi ravissante dans les images que profonde et inépuisable dans le sentiment. Dieu devait à son Église un langage digne de servir de si hautes pensées , de si ardens désirs.

Mais , comme toutes les grandes impressions de l'àmc , la foi, l'amour, le sentuuent de l'admiration , la joie du triom- phe , ne se parlent pas seidcmcnt , mais se chantent , et d'au- tant plus que tout sentiment établi dans l'ordre se résout en harmonie , il s'ensuit que l'Église doit naturellement chanter louange, prière el confession, produisant, par une gradation quelque peu affaiblie sans doute , à mesui'C qu'elle s'éloigne du principe , un cIîîuU beau comme les paroles ,

LlTURGtQUF.S. S

des paroles élevées comme le senlimenl , elle soiiiiinciu lui- même en rapport fini mais réel avec eolui qui en est roltjel et la source.

Et, comme l'Église est une société, non d'esprits, mais d'hommes, créatures composées d'âme et de corps, qui traduisent toute vérité sous des images et des signes , por- tant eux-mêmes dans leurscorps une forme ineffable de leur âme ; dans l'Église , disons-nous, ce céleste ensemble de con- fession, de prière et de louange^ parlé dans un langage sacré, modulé sur un rythme surnaturel, se produit aussi par les signes extérieurs, rites et cérémonies, qui sont le corps de la Liturgie.

Ainsi, sentiment, parole, mélodie, aciion , tels sont les élémens qui , mis en rapport avec le vrai et le bien, produi- sent l'ordre et l'harmonie parfaite; que ne doivent-ils pas enfimter quand ils prennent la proportion de l'Église même de Dieu, initiée par le Verbe aux secrets de la vie éternelle , dépositau'e de la vérité immuable et féconde , nourrie cons- tamment de l'élément surnaturel ? Ne craignons donc pas de le dire , la Liturgie renferme éminemment toute beauté de sentiment , de mélodie et de forme , non seulement à l'égal, mais infiniment au-dessus de tout ce qu'où pourrait lui com- parer, à part les livres saints. Nous verrons àloisir la preuve.

INSTITUTIONS

CHAPITRE II,

IMPORTANCE DE L'ÉTUDE DE LA LITURGIE.

On sent aisément que de tout cet ensemble de confession y de prière et de louange, qui constitue la Liturgie, doit résulter la matière d'une science véritable ; science des offices divins , c'est-à-dire de cette partie de la Liturgie qui consiste dans le sacrifce des lèvres (1) ; science du sacrifice réel avec tous SOS riles et ses mystères; science des sacremens , organes de la sanclificaiion de l'homme; science des bénédictions et des sacramentaux au moyen desquels toute créature est purifiée et réhabilitée par la venu de la croix ; science enfin des supplications et autres rites solennels que l'Église emploie dans des occasions extraordinaires.

Mais si déjà cette simple énumération des forces et des moyens de la Religion nous place en regard d'un si vaste et si radieux ensemble, que sera-ce, quand, poursuivant à travers la tradition, dans les écrits des Pères, dans les ordonnances des conciles, dans lesmonumens de l'antiquité ecclésiastique, ces diverses formes du culte divin, nous sommes conduits à iiuerroger tous les siècles et à enregistrer leurs réponses si belles d'unité et si fécondes en tout genre d'inspiration? Telle est cependant la science Liturgique telle qu'elle a été conçue, explorée, enseignée "par tant de grands docteurs dont les noms glorieux et les services immenses seront ra- contés plus loin.

Tous , sans doute , ne sont pas appelés à suivre dans la

(\) Hfob. XIII. lo.

LITinOIQlT.S. 7

s(i(Miee liiurgiquouno Cvari-iôro d'égale («loiuUif , mais on peut allirniLM", sans crainte crèlrcdémcnli, que, pour iic i>:iil('r(|ii(": (les i)tM'somios ecclésiasliqui's , elle doit faii'e pour elles Tol)- jet d'une élude non moins spéciale que la casuislicpio à la- quelle , dans l'élat préseiil, l'iisiigc esl eu France de consacrer à peu près la moitié du temps assigné à l'éducation cléri- cale. La récitation et souvent même la célébration des divins ofliccs ne forment-elles pas l'occupation journalière du Prêtre? Quel plus grand inléi'èl pour lui que de pouvoir suivre la chaîne de merveilles qui se déroule dans la succes- sion des fêtes et des temps de l'année chrétienne , de pouvoir bi'iser les sceaux de ce livre journalier que l'Église d'aujour- d'hui a reçu de l'Église des pi-emiers siècles avec une tradition de mystères cachés et de chants admirables? Le Prêtre monte chaque jour à l'aulel pour y sacrifier l'agnean inmiolé depuis le commencement du monde (1); comprcndra-t-il mieux la sainteté , la grandeur de cette action . comme on l'appelait autrefois, apprendra-t-il mieux la pureté de cœur qu'elle exige , qu'en étudiant la manière dont elle s'est exercée depuis la veille du jour le Christ souffrit, jusqu'à ces temps plus rapprochés de nous l'Église, mue par l'Esprit-Saint, a fixé d'une manière irrévocable les rites, de la religion desquels elle a voidu environner le plus au- guste des mystères? Et les sacremens, sources divines du sa- lut, et les sacramentaux par lesquels l'Église épanche sur le peuple fidèle la plénitude de sanctification qui est en elle ; si tant dedoctes écrits ont été composés par les plus pieux et les plus suvans hommes de l'Église, à l'effet d'en expliquer les rites, d'en éclaircir les formules, d'en développer toute la majesté, comment le Prêtre, ministre de toute cette dispen-

(i) Apoc. xm 8,

8 INSTITUTIONS

salion à la fois miséricordieuse et sublime , ne se livrcraît-il pas à la recherche de cette perle d'un prix infini ? S'il lui a été dit d'imiter ce qu'il a entre les mains, imilamini quod tractatis (1) , ne lui a-t-il pas été dit par même de l'étu- dier et de le connaître ?

Oh ! qui pourrait dire les grâces de salut qui se répan- draient sur le peuple chrétien , comme effet direct d'un enseignement basé sur l'explication et la compréhension (les mystères, des paroles et des rites de la Liturgie, si nos peuples savaient et goûtaient ce que savaient et goû- taient les simples cathécumènes des églises de Milan , d'Hippone ou de Jérusalem, initiés par un Âmbroise, un Augustin , un Cyi'ilîe ! Et plus tard nos nouvelles églises d'Occident, quelles lumières ne tiraient-elles pas de l'ensei- gnement liturgique d'un Rhaban Maur, d'un Ives de Char- tres , d'un Honorius d'Âutun, d'un Hildeberl du jlans et de Tours, d'un Durand de Mende, etc.! Quelle influence sui' les mœurs catholiques ! quel boulevard de la fui ! quelle disposition à sentir les choses de la vie surnaturelle dans ces populations instruites avec soin et détail des secrets que le Chi'isl et son Eglise ont caché sous le vaste et profond em- blème de la Liturgie ! On le sont tous les jours dans ces con- trées de l'Amérique du nord , dans lesquelles la vraie église ne possède pour ainsi dire pour fidèles q;ie ces âmes que , sous la conduit 0 du divin Esprit, elle va glanant et recueillant dans les sueurs elles fatigues. Les lettres des missionnaires ne cessent de parler du grand succès qu'ils obtiennent en d(''veloppant à leurs auditeurs le merveilleux symbolisme de la Liturgie catiioiique. Assez heureux pour la posséder en tnîier et pure de tout alhage national, telle en un mot que

(11 Pontilieale Rom. in ordinat, Prc^byteri..

MTrnciQuns. 9

le Siège Apostolique la promulgue , ces nouveaux npôtres n'ont aucune pt'lne à faire senlir riinrmonie et l'autoriU! dans cet ensemble véi'ilablement snihumain. S'il al^i^(^ qu'une nouvelle église viennes à cire dctlicc par l'évcquc, la simple explication des symboles qui, dans cette auguste céré- monie, font tour ;\ tour passer sous les yeux des fidèles les mystères de la Jérusalem céleste , ceux de l'Eglise mili- tante et ceux de la vie spirituelle, préparc une moisson abon- dante , et loisqu'après avoir accompli tous les riis si pro- fonds de cette-solennité , le Ponlife demande au Dieu qui se ])âfit un temple immorlel ave(; des pierres vivantes, que cette extension matérielle que vient d'obtenir son église , soit encore dépassée par ses accroissemens spirituels (1), il ne tarde pas à connaître qu'il a été exaucé.

Et, en effet, quel autre moyen de faire pénétrer la con- naissance du dogme dans les esprits, que celui-là môme que l'auteur et le réparateur de notre nature a choisi pour y faire descendre cette grâce invisible qui nous sanctifie ? Mes paroles sont esprit et vie {^), dit le Sauveur : elles donnent à la fois la lumière à l'intelligence , et au cœur la charité qui est la vie. Il en est de même des paroles de l'Eglise qui pos- sède la plénitude des mystères et la dispense sur le peuple chrétien par des rites et des formules remplis à la fois de vé- rité et d'amour.

Aussi a-t-on toujours considéré la Liturgie comme le haut enseignement du dogme, en même temps qu'elle est sa forme la plus populaire. Nous verrons bientôt que tous les saints

(1) Dcus , qui de vivis et electis lapulibus aeteruum majestuti tufe pr;up:irasliabitaculiim, auxiliare populo tuosnpplicanti,ut quod eccle- sise tuœ corporalibus proficit spaliis, spirilualibus aniplificetur augj mentis. ( Missal. Rom. in Deiiic. Ecclesiœ. Postcommunio.

(2) Joan, VII. 61,

10 ÎXSTITUTIOXS

docteurs étaient Lilurgisles ; que les écrivains ecciésiasti- (|ues qui les ont suivis cultivèrent avec ardeur la science des rites sacrés ; que les théologiens scholastiqiies du moyen âge voulurent aussi ftiire leuv somme des mystères; qu'à l'époque de la réforme, l'activité des docteurs catholiques se porta vers cette étude et donna la première naissance aux Collections Liturgiques; qu'enfin, chose surprenante pour plusieurs , de savans protestans , au risque d'exposer l'hé- ritage de la réforme aux invasions de l'antiquité ecclésias- tique, ont cru aussi, ont cru comme tous les anciens Pères et docteurs catholiques , qu'il n'y avait point d'étude com- plète du dogme chrétien, si la malière des rites et des formules sacrées n'était soigneusement explorée , s'ils n'in- terrogeaient siècle par siècle ces livres papistes qu'ailleurs ils voudraient donner comme un instrument de corruption pour la doctrine évangélique. On les a vu, on les voit publier des collections , des bibliothèques Hturgiques , et faire honte à plus d'un cathohque parle zèle et l'importance qu'ils met- tent ù de semblables travaux. Voici les propres paroles du célèbre Pfafï' de Tubingen, dans une dissertation de Litur- giis , missalibus, agendis et libris ecclesiasticis Ecclesiœ orieU' talis et occidentalis j placée à la suite de ses Institutions d'histoire ecclésiastique : a Comme les livres ecclésiastiques, les * Liturgies , et ceux que l'on nomme Agenda , sont revêtus » d'une autorité publique et de l'approbation de l'Eglise en-

> tière qui en fait usage ; comme ces Liturgies très an- i ciennes , qui ont régné et régnent encore dans l'Eglise » orientale et occidentale , ont emprunté beaucoup de choses

> des temps apostoliques ; comme enfin le culte public lui- » même ne peut dériver d'une autre source que de ces

> mêmes Liturgies, il est aisé de voir que leur étude ne » saurait manquer de jeter un grand jour sur toute l'histoire

LITlTiOIQUES. i\

» ccclésiasiiqno, principalcmenl sur la parlic (lognuili(iuo » et riliu'lle, et qu'elle est propre non seulement à re-; » paîlre la curiosilé dos érudils, mais à remplir leur esprit » (l'exeellenles obsorvalioiis (1). » Plus loin , il reeommande la lecture des livres du cardinal Bona , sur les matières litur- giques , comme présentant le plus haut intérêt scientifique , cl liiiit en disant que la théologie polémicpic elle-même ne saurait se passer de ce genre d'études accessoires ('2) .

Qu'il nous soit donc permis d'indiquer ici cette lacune fâcheuse que laisse , dans l'enseignement ecclésiastique de notre pays , l'absence des études liturgiques spéciales, et

(1) Cum libi'i ecclesiasiici , LiturgiiO , atque agenda quœ vocaiit , ccclesiaslicâ pulilicà auetoritate , alqiic approbationc lolius , ul)i quklem eorum est usas, cctlosùi' gaudoant , cum oliam aiili([uis- sinice ilko , qute in ecclosià oiienlali , atque. occidentali oliui viguère, alquc ctiam nunc vigent , litui-gi;u ex aposlolicis lenipuribus multa trahant ; cum denique non nisi ex liturgiis oullùs publiei ratio deri- vari , atque erui possit , facile est pcrspicere magnam easdcm lucem omni historia) ecclesiasticîo , maxime vero dogmaticte , et rituali af'» ferre , nec saltem curiosilatom eruditorum pascere , sed et prœclaiH.s ogregiis([ue observatiouibus animuni imbuere. Disquisit. de liturg., missalibusj etc. Tubingœ. 1721.

(2) Porrô qusenam veteris ecclesiœ de sacramentis singulis doctrina exstiterit ex liis maxime tanquam ex earum fontibus discere nos opor- tet, nec inane hoc est , quod jam dixinuis, veleres lilurgias egregiis quoque observationibus ascclicis, alque liaud tenuiendà piclate ani- imim imbuere ; quod qui iniiciari audet , légal , qua'sumns , lilurgias graecas, légat eam quse in Constitulionibus Aposlolicis exslat, légat Chrysosloniianam , légat cl Joannis lionaî libres quibus rcs liturgicas veteres is explicavil, cgrogiisque animadversionibus adspersil. Deni- que ad theologiam polemicam solidiiis iraclandam lioc sludium vel maxime pertinel. Ilà qui de cullu, et invocaliono sanclorum accurali quid dare lenlaverit, sine vclcrum , récent iorumque lilurgiarum ins- pectionc nihil egregii efliciet. Idem de cullu imaginum et reli- quiarum Bcatœ Virginis Deipartc diclum este. Ibidem. In Epimefro. png. 72,

i2 INSTITUTIONS

d'émettre le vœu de voir nos séminaires imiter le séminaire romain et la plupart des principaux séminaires d'Italie , dans lesquels la jeunesse cléricale se livre , sous la direction d'un professeur, à l'étude d'Institutions Liturgiques plus ou moins complètes. L'intelligence du dogme catholique y ga- gnera ; la science du droit canonique , qui a tant de points de contact avec la Liturgie, en tirera de grands avantages ; l'histoire ecclésiastique enfin sera mieux comprise et plus attrayante, du moment que la tradition des rites sacrés qui y occupe une si grande place , sera mieux connue et mieux appréciée. Ces études d'antiquité et d'archéologie , qu'on semble vouloir introduire en plusieurs lieux avec un zèle si louable, préparées par la science au moins générale de l'histoire ecclésiastique, obtiendraient des résultats véritables, du moment qu'elles seraient éclairées par la connaissance un peu minutieuse peut-être , mais indispensable , des formules et des symboles du culte divin , depuis l'origine du chris- tianisme jusqu'au temps présent. Enfinl'esprit de foi, si pré- cieux dans la dispensation des dons célestes , dans la garde du sanctuaire , dans la célébration des pompes sacrées , prendrait de nouveaux accroissemens et produirait des fruits d'autant plus durables , que l'étude et la science de la Li- turgie est, de toutes, celle qui, présentant pour objet direct et immédiat les choses de Dieu , permet le moins à l'homme de perdre de vue les choses surnaturelles, dont l'attrait seul peut faire entreprendre ce genre de labeur : mais nous au- rons ailleurs occasion de développer ces considérations. L'étude de la Liturgie n'est pas seulement nécessaire aux clercs ; sans elle , il est impossible aux savans qui s'occupent d'explorer et de raconter les mœurs des diverses sociétés eu- ropéennes, depuis la prédication de l'évangile, il leur est impossible de faire un pas sans tomber dans des méprises

LITURGIQUES. 13

tic plus (riiii genre, (le ne pas perdre une niullitudo d'obser- valions précieuses qui jeteraient une grande vérilé el un plus grand intérêt sur leurs récits, ou sur leurs tableaux. Malheureusement , cet inconvénient est peu senti , et si la fureur du moyen âge qui possède tous les esprits n'est pas parvenue encore à faire apprendre , d'une étude même désintéressée, le catéchisme des peuples dont on raconte les croyances, il faut convenir aussi qu'il n'était guère à espé- rer que l'on eût la i)atience de pénétrer le mystère de leurs rites et de leurs formules sacrées. C'est un zèle qu'on peut avoir, quoiqu'avec des résultats beaucoup moins faciles et beaucoup moins certains , quand il s'agit des mystères et des croyances de l'Inde , de la Perse , ou de l'Egypte. Pour roccidcnl , il est vrai, on cite faslueusement l'ouvrage de D. ]\Iartène , de antiquts ecclesiœ ritibus ; mais les applications qu'on fait des richesses que renferme ce trésor sont loin de répondre à la bonne volonté qu'on déploie. Toute science, en général, est rebelle à qui ne l'a pas étudiée, et celle des rites catholiques demande par dessus tout une application pro- fonde et non partagée, puisque tout y est à la fois ou mystique , ou positif. Entrevoir une certaine couleur géné- rale de haute et gracieuse poésie, construire sur ces éléniens un récit plus ou moins agréable, c'est chose facile, puisque c'est ciiose superficielle ; mais la science n'est pas là. Les populations dont vous dépeignez les mœurs n'auraient peut-être pas comme vous analysé toute cette poésie; mais elles savaient pourquoi elles agissaient, quelles croyances elles exprimaient dans tel ou tel symbole ; et vous , vous ne le savez pas, faute de connaître l'économie si vaste et si popu- laire du catholicisme.

Si l'éîude de la Liturgie est nécessah-e à l'historien d<' moeurs et à l'antiquaire , elle ne l'est i)us moins à l'artiste.

li ' IXSTIÏUTIùNs

Mais qui sait aujourd'hui que tous les arts , architecture , pointure , sculpture , musique , sont tributaires de la Litur- gie, et par elle du catholicisme? Quel artiste le sait, hors Cornélius et Overbeck en Allemagne , et quelques jeunes talens méconnus en France ? Cependant la Liturgie seule a le secret de la construction des temples ; elle seule sait combi(Mi de mystères devront exprimer les portes, les fenê- tres , los colomies, les chapelles, les toui's ou flèches, les distributions de l'édifice. Elle seule sait et peut dire au pein- tre sous quels emblèmes fixés parles décrets ecclésiastiques les mystères doivent être représentés, avec quels attributs les saints et les saintes seront reconnus tout aussitôt et invo- qués par la foi des fidèles. Elle seule peut lui faire éviter ces hideux anachronismes de costume sacerdotal , que Ton voit pompeusement étalés sur les grandes toiles qui encombrent les églises de la capitale , ou les salles de l'exposition an- nuelle ; anachronismes quelcpiefois d'autant plus risibles, qu'ils sont les résultats d'une <'tude mal digérée. Elle seule peut lui apprendre la tradition si riche et si importante des couleurs, l'expression que donne le contact des mystères divins (1). Elle àeule peut révéler au sculpteur ces détails dépose, cesagen- remens de draperies , le secret de ces groupes mystérieux qui se forment dans la célébration des rites sacrés , ces conve-

(Ij On peut lire sur ce sujet les cxcclleutes remarques de M. le comte de Moutalembert sur la perle absolue de l'art catholique en France, dans son admirable introduction aux Monumens de sainte Elisabeth. Seulement, nous le prierons d'ajouter à l'énumération des tableaux étranges qu'il signale dans les cglises de Paris , certaine toile à la Sorbonne sur laquelle est représenté , près de Robert Sorbou , un moine habillé de vert , la seule de toutes les couleurs que jamais aucun ordre religieux n'ait adoptée. Les traditions sont déjà si loin de nous, que nous ne nous flattons pas que tous les lecteurs oomprenuont toute retendue de celte bévue.

L!TU1\CIQIT>. 15

iinncos (lo Viow cl d'objet dont l'appréciation prcviondrail ces malonlcndus dont on n(^ s'apoiroil quchiuolois que lovsqu'ini objet de sculpture, après avoir coûté beaucoup de dépense et de (ravail , est trouvé incapable de remplir la fin à laquelle on Pavait destiné. Elle seule peut révéler au nuisicien ces ineiïables mélodies grégoriennes qui sont à la fois l'unique reste de cette musique antitjue , dont on raconte tant de merveilles, et le produit de la i)lns noble et de la ])lus su- blime inspiration catlioli(]ue ; motifs admirables dont on ne s'est écarté que pour tomber dans le barbare , en croyant pouvoir substituer des mélodies tout aussi aisément qu'on substituait des formules nouvelles aux formules de l'antiquité, ou pour se jeter dans un genre tout profane qui forme le contraste le plus révoltant avec la sainteté du lieu , la majesté des paroles , et la religion des mystères ; si ce n'est que d'autres fois on aime mieux composer patiemment et exécu- ter de même des morceaux insignifians et dépoui'vus d'un sens quelconque , à la condition que l'accord sera parfait et que la mesure ne manquera pas.

Une étude attentive de la Liturgie eût prévenu e( prévien- drait tous les jours , dans tous les genres , bien des erreurs ; et ([uellc que soit l'exiguité de notre talent et de nos connais- sances en cette matière , nous n'estimerons pas avoir perdu notre temps en composant cet ouvrage , si nous parvenons à troubler quelque peu une indifférence trop long-temps pro- longée , à réveiller quelques lionmies et à Icui- faii-e apei'ce- voir une science riche et féconde oîi jusqu'ici ils n'avaient pas soupçonné matière à une application sérieuse. Il nous reste à poser , à discuter , à établir beaucoup de principes, et quelques-uns peut-être assez sévères ; nous procéderons dans ce travail avec franchise , et , s'il plaît à Dieu , sans perdre de vue un instant les principes de l'Kglise sur une

i6 INSTITUTIONS

malièi'e aussi importante. Mais , comme nous avons déjà été à même d'éprouver ([ue, faute d'éclaii'cissemens sur les ques- tions de fait , la véiité sur les matières liturgiques pouvait être quelquefois objet de contestation , nous avons cru devoir placer en tète de la discussion une histoire générale de la Liturgie ; nous n'aurons plus alors qu'à procéder par voie de coiollaires ou d'applications. Nous nous flattons qu'on rendra justice aux CiTorls que nous avons faits pour nous mettre en état de traiter d'une manière neuve des sujets qui, pour être aujourd'hui assez généralement ignorés, n'en ont pas moins, dans tous les siècles précédens, comme on le verra, occupé une grande place dans la science ecclésiastique. Il est bien entendu que , dans ce coup d'œil historique qui va suivre , nous nous arrêterons seulement aux faits généraux, et à ceux des faits particuliers qui sont nécessaires poui' mettre le lecteur à portée de saisir un ensemljle. Les ques- tions de détail seront traitées à leur place dans les volumes suivans , d'après l'ordre que les matières présenteront suc- cessivement d'elles-mêmes.

LITURGIQUES. 17

CHAPITRE III.

ÉTAT DE LA LITURGIE AU TEMPS DES APÔTRES.

La Liturgie est une chose si excellente , que , pour en trou- ver le principe, il faut remonter jusqu'à Dieu; car Dieu, dans la contemplation de ses perfections infinies, se loue et se glo- rifie sans cesse, comme il s'aime d'un amour éternel. Toute- fois, ces divers actes accomplis dans l'essence divine n'ont eu d'expression visible et véritablement liturgique que du mo- ment où une des trois Personnes ayant pris la nature hu- maine, a pu dès-lors rendre les devoirs de la religion à la glo- rieuse Trinité.

Dieu a tant aimé le monde , qu'il lui a donné son Fils uni- que (1) pour l'instruire dans l'accomplissement de l'œuvre li- turgique. Après avoir été annoncée et préfigurée pendant quarante siècles, une prière divine a été offerte, un sacrifice divin a été accompli , et, maintenant encore et jusque dans l'éternité , l'Agneau immolé dès le commencement du monde s'offre sur l'autel sublime du ciel et rend d'une manière infi- nie à l'ineffable Trinité tous les devoirs delà religion, au nom des membres dont il est le Chef, lesquels confessent , sup- plient et glorifient avec lui, par la vertu du divin Esprit qui , les animant de son souffle i^) et les couvrant de son ombre (5), forme en eux cet inénarrable gémissement (4) qui retentit doucement dans les cœurs.

(Ij Joan. m. 10. {i) Psalin. XXXII. U. (ô) Luc. I. j-j. (4) Rom. VIII. 26.

18 LNST1TUTI0>S

Infiniment au-dessous de l'Agneau, mais incomparablement au-dessus de toute autre créature, Marie, mère de Dieu, assistant en corps et en âme , afin que rien ne manque à la plénitude de son expression liturgique, offre à Dieu la prière la plus pure et la plus complète après celle du Fils de Dieu , auprès duquel elle introduit les vœux de la créa- tion, les com.plétant de sa perfection propre, les rendant agréables de sa faveur toujours agréée.

Les chœurs des esprits angéiiques célèbrent aussi la louange de Dieu. Ils ne cessent de crier alternativement : Sainte suint, saint! lîs rendent tous les devoirs de la religion pour eux- mêmes, et aussi pour le reste de la création, particulièrement pour les hommes auxquels Dieu a , comme à eux, confié l'honneur de son service (1).

Les hommes élus et glorifiés, les saints , établis dans une harmonie parfaite de grâce et de gloire , chantent aussi la divine louange, continuant d'un Ion plus foit et plus mélo- dieux encore leurs cantiques de la terre , et , afin que rien ne manque aux conditions de leur Liturgie , ils reprendront un jour leurs corps pour lui pouvoir donner une forme visible.

L'Église militante enfin loue Dieu avec l'Agneau qui est son époux et sur lequel elle est appuyée {^} ; avec Maiie , qui est sa miséricordieuse reine ; avec les anges , qui la gouver- nent sous Tceil du Très-Haut; avec les saints, qui l'aiment toujours d'une tendresse fi.iale et la tirent d'en haut; enfin dans cette demeure mortelle oîi la retiennent les déci'ets divins et qu'elle est appelée à sanctifier, elle remplit ad- mirablement toutes les conditions de la Liturgie , ainsi que nous le ferons voir en détail dans ces Institulions.

(1) L'eus q li mivo oi'diue angelorimi miaistoria honiiiiunique dis- pensas, etc. (Missal. Rom. in dedicat. et upparU. S. Micluielk),

(2) Cant. YIîI. 5.

IJTURGIOUES. 19

Mais suivons d'nbord les principes ei les développenions de celle IJkuyie sous ses formes gëncTales. Ileconnaissoiis d'abord que le monde n a jamais été sans elle : car, connnc rËglise date du commencement du monde, suivant la doc- trine de saint Augustin (1) , la Liturgie date de ce même commencement. En eflet, l'homme n'a point été sans con- naître Dieu qui se révéla à lui tout d'abord ; or, connaissant Dieu, il n'a point été sans l'adorer, sans le supplier , sans célébrer ses grandeurs et ses bienCails, et ces sentimens n'ont point non plus été dans l'homme sans se produire par des paroles et des actes.

Dieu daigna révéler ces formes de la Liturgie , comme il donna à l'homme la pensée , comme il lui donna la parole , comme il se manifesta à lui en qualité d'auteur de la nature et d'auteur de la grâce et de la gloire. Aussi voyons-nous , dès l'origine , la Liturgie exercée par les premiers hommes dans le principal et le plus auguste de ses actes, lesacriiice. Ma'gré la différence de leurs hosties, et par la raison de cette différence même , Caïn et Abel attestent dans leurs offi'andes diverses un ordi'e préétabli, un rite commun, quoique le sacrifice du second soit sanglant et que l'oirrandc du premier ne le soit pas.

Bientôt, à ceile même époque antédiluvienne, si riche de communications divines, nous lisons d'Enos, homme juste et serviteur de Dieu , qu'il commença tl'invoquer le nom du Seigneur (2), c'est-à-dire, comme l'ont entendu les {-ères, à enrichir de dévcloppcmens plus vastes cette pi-cmièrc forme

(1) Ipsarcs qiuc luiiic clu'istiima rcligio nuncupatur ci"at cl ainid anliquos , iicc defiiil ab iiiitio generis liumaiii , quôusque ip-e Ciiris- tus veniret iu carnem , uudè vcra l'eligio qiiac jaiu eiat cœpit appellari clirisiiana. S. Jucftist. Ptetrud. lib. I. cliap. Xîlî, n. 3, tvm. I, col. Id.

(2) Geu. IV. 26.

30 INSÏITCTIOS

qui remontait au joui- incme de la création de l'horame. Du- l'ant cette période , le sacrifice persévéra toujours ; car >oé . au sortir de rArche , pendant que l'arc du Seigneur resplen- dissait à l'horizon , immola en action de grâces plusieurs des animaux pars (i) que , dans cette intention même , Dieu avait ordonné de conserver en plus grand nombre.

Ainsi le principe liturgique avait été sauvé du redoutable cataclysme qui engloutit pour jamais la plupart des souve- nirs de ce premier monde ; il survécut avec le langage, avec les traditions sacrées des patriarches. Nous en voyons de fréquentes applications dans les pages si courtes du récit antémosaïque. Abraham, Isaac , Jacob, offrc-nt des sacrifices d'animaux (2) ; ils dédient au Seigneur les lieux ils ont senti sa présence (5) ; ils élèvent des pierres en autel (A) ; ces pierres, comme aujourd'hui, ont besoin d'être inon- dées d'huile pour devenir dignes de recevoir la majesté de Dieu (5) ; et non seulement l'autel paraît , mais le sacrifice futur est montré de loin. ïout-à-coup un Roi Pontife , tenant en ses mains le pain et le vin , offre une hostie pacifique (6), et avec tant de vérité , que la mémoire de son sacrifice et de sa consécration demeure pour être invoquée mille ans après, par un autre projjhète-roi , mais non plus pontife , comme type du sacerdoce et du sacrifice du Messie à venir.

Durant toute cette époque primitive , les traditions li- tuigiques ne sont point flottantes et arbitraires , mais pré- cises et déterminées : elles se l'eproduisent toujours les mêmes. On voit clairement qu'elles ne sont point de l'inven-- tion de l'homme, mais imposées par Dieu lui-même; car

(1; Gen. VIII. 20.

(2) Gea. XV. 9. XXII. 13. (o) Geu. XII. 7. 8. XXVI. '2o. XXVIII. 16. XXXII. 30. (4) Geu. XXVIil. 18. ±2. XXXIII. 20. (i5) Gcn. XXVIII. 18. XXXI. 13. XXXV. 14. (6) Gea. XIV. 18.

LITURGIQUES, 21

lo Seigneur loiio Abraham d'avoù- gardé non seiilonienl ses lois et ses préceptes, mais encore ses cérémonies (1).

La loi mosaïque fut ensuite promulguée en son temps, à l'efti^t de donner une forme plus précise encore et plus solennelle à la Liturgie , de créer un corps de Prêtres pré- sidé par un Pontife souverain , de fixer, au moyen de régle- mens écrits, des traditions jusqu'alors conservées pures, mais dont la défection générale des peuples menaçait l'inté- grité. Toutefois , avant que Moïse montât sur le Sina il de- vait recevoir celte loi , déjà l'Agneau pascal avait été immolé an milieu des rites les pins mystérieux, et déjà le chef des Hébreux avait chanté l'hymne du passage de la Mer Rouge , pendant que Marie, à la tète du chœur des vierges d'Israël, l'accompagnait du son des instrumens sacrés.

Dieu parle donc et révèle cet ensemble de rites dans lequel on voit figurer en un ordre admirable les diverses espèces de .sacrifices , les expiations, l'offrande des prémices, le feu sacré, lesthurifications, les habits sacerdotaux, etc. La Liturgie sort de l'enfance et passe à son âge intermédiaire, durant lequel (Ile ne devait plus être exercée sous une forme simplement domestique , mais sous une forme plus sociale , au moyen d'nne tribu sacrée ; mais, d'autre part, ses symboles, si riches qu'ils fussent , ne devaient pas renfermer les réalités qu'ils signifiaient, I^e développement de ce magnifique tableau n'entre point dans notre plan; de nombreux et savans com- mentateurs s'en sont occupés dans des ouvrages spéciaux que tout le monde peut consulter.

D'ailleurs , le Lévilique ne renfermait pas tous les détails rituels du culte mosaïque, non plus que les tables de la loi.

(1) E6 quod obedierit Abraham voci nieœ , cl custodierit prceccpla et mandata laen , et cœremonîas legesque servaverit. Gen. XXFI.o.

22 i>:sTiTUTio>-s

toutes les croyances du peuple de Dieu. Beaucoup de parti- cularités liturgiques se conservaient par la tradition; tels sont le rite du cantique des degrés (1) , la prière sept fois le jour et au milieu de la nuit (2) , l'onction des rois (3) , et mille autres faits épars dans les livres historiques et prophétiques de l'Ancien Testament.

Nous ne devons pas manquer de signaler aussi ce phé- nomène si remarquable , qui frappe dès l'abord l'observateur des anciennes religions, savoir la ressemblance frappante des formes religieuses cm.pioyécs par la plupart des peuples Gen- tils avec les rites liturgiques du peuple Israélite. Ce foit est incontestable, et, ainsi qu'on l'a remarqué il y a long-temps, il a contribué piiissamnient à préparer les voies à l'établis- sement du cuite chrétien, soit qu'on l'explique, avec la plu- part des anciens Pères, par une suite de communications de ces peuples avec les Juifs , soit qu'on le considère comme un débris des traditions patriarchales dont le culte mosaïque n'était qu'un vaste développement.

Quoiqu'il en soit, la plénitude des temps étant venue, le VERBK SE riT CHAirv ET HABITA PARMI ?(ous : il sc donua à voir, à entendre , à toucher aux hommes (-4) , et, descendu du ciel pour créer des adorateurs en esprit et en vérité (5) , il vint, non détruire, mais accomplir et perfectionner les tradi- tions liturgiques (6). Après sa naissance, il fut circoncis, oGert au temple, racheté. Dès l'âge de douze ans, il accom- plit la visite du temple, et, plus tard, on l'y vit fréquemment venir olnii- sa prière. Il remplit la carrière du jeûne de quarante jours ; il sanctifia le sabbat ; il consacra par son exemple la prière nocturne. A la dernière cène , il célébra

(1) Psalra. H9. (2) Psalm. M8. (5) I. Reg. X. XVî, (i) i, Joan. I, i , (o) Joan, IV. 23. (6) 3Iatth, V. 17,

LITURGIQUES. 23

le grand Acte lilurgiquc , et pourvut à son accomplissement futur jusqu'à la fin des siècles, il préluda par le lavement des pieds que les Pères ont appelé un mystère, et termina par un hymne solennel, avant de sortir pour aller au mont des Oliviers. Peu d'heures apiès, sa vie mortelle, qui n'était elle- même qu'un grand aele liturgique, se termina dans ['elTusion du sang sur l'autel de la croix ; le voiic de l'ancien temple se déchirant, ouvrit comme un passage à de nouveaux mys- tères, proclama un nouveau labei'nacL' , une arche d'alliance étcrnclie , et désormais la Liturgie commença sa période complète en tant que culte de la terre.

Car le sacrifice ne cesse pas en ce jour, bien qu'il soit consommé. Du lever du soleil à son couchant (I) , il devient perpétuel , quotidien , universel ; et non seulement le sa- crifice , centre de la Liturgie , r^ste , mais une nouvelle naissance par l'eau est offerte au genre-humain ; la visite de l'Esprit de sanctification est annoncée , ses dons sont communiqués aux apôtres pour toute l'Église par l'insufïïa- tion et l'imposition des mains. Enfin , lorsque le Médiateur ressuscité a emp'.oyé quarante jours à instruire ses disciples de tout ce qui regarde le royaume de Dieu (2) , c'csl-à-dire l'Égiise, lorsqu'il leur a dit solennellement, invoquant la puissance qui lui a été donnée au ciel et enterre : AlUz, bap- tisez toutes les nations ; enseignez-leur à garder loiitts les citoses que je vous ai enjointes , il les quitte en montant au ciel, hiissant ouvertes sur touics les nations du monde sept sources principales de salut dans les sacremens, dont chacun

(i)Malacli.l.ll,

(2) Act. I S Lém dit à ce suj t : Koa cnim ii dies qui intcr riisurreclioiiem Doiniui asjensioiieinque fluxeruul olioso transiôre de cursii : sed inaga.iin liiscoulirmati sacr.imenta, magna suiU rcvclata mysteria. Scrm, LXXll, £ait. Bidlerin, pug, 291,

24 INSTITUTIONS

rontiont une grâce agissante, mais invisible, en même temps qu'il la signifie à l'extérieur par les symboles les plus précis et les plus énergiques.

Jésus-Christ laissa donc sur la terre ses apôtres investis de son pouvoir, envoyés comme il avait été envoyé lui- même (1) ; aussi, s'annoncent-ils non pas simplement comme propagateurs de la parole évangélique , mais comme minis- tres et dispensateurs des mystères (2). Le pouvoir liturgique était fondé et déclaré perpétuel pour veiller à la garde du tlépôt des sacremens et des autres observances rituelles que le Pontife suprême avait établies, pour régler les rites qui devaient les rendre plus vénérables encore au peuple chré- lien, pour étendre et appliquer, suivant les besoins de i'Iionnne et de la société, cotte grâce de sanctification qu'é- tait venu apporter au monde Celui qui, comme le chante l'Eglise, ôlant la malédiction , adonné la bénédiction (5).

Les apôtres durent donc établir et promulguer un ensem- ble de rites , enseniljle supérieur sur tous les points à la Li- turgie mosaïque. Tel était le génie de la nouvelle religion, comme de toute religion; car, ainsi que ledit saint Augustin : Jamais on ne parviendra à réunir les hommes sous aucune lôime ou appeliaiion religieuse, vraie ou fausse, si on ne IfS lie par une association de sacremens visibles (4). C'est pourquoi le saint concile de Trente, traitant dans sa Wli^ session des cérémonies augustes du saint sacrifice de

{[) Joan. XX. 21.

(2) Sic uos existimetliomo ut ministrosCbristi et dispeiisatores mys- teriorum Dei. I. Cor. IV. I.

(3) Qui solvens nialedictioueni , dcdil henedictioueni. In nativit. B. M- V. Jntipli. ad Maguilical //; secuudis ve.sp.

(4) lu inillum aulem nomen religiouis , seu verum , sen falsura coagulari liuminespossunt, nisialiquo signaculorumvei sacrameiitorum visibiiium consortio çolligentur. lib. contrii Fauslum. XIX. cap. XI,

LITURGIQUES. 2,>

la messe, déclare, avec loiuc l'autorité de la S(;ioncc et de l'enseignement religieux , qu'il faut rapporter à l'institution apostolique les bénédictions mystiques, les cierges allumés, les encensemens , les habits sacrés , et généralement tous les détails propres à relever la majesté de cette grande action , et à porter l'amo des fidèles à la contemplation des choses subhmes cachées dans ce profond mystère , au moyen de ces signes visibles de religion et de piété (1).

Or, ce saint concile n'était point amené à produire cette assertion par quelque conjecture incertaine, déduite de pré- misses vagues, il parlait comme parlaient les premiers siècles. Il invoquait la tradition primitive , c'est-à-dire apostolique , comme l'avait si éloquemment invoquée TertuUien, dès le troisième siècle , pour rendre raison de tant de rites qui ne paraissaient point fondés sur la lettre des saints évangiles , tels que le renoncement au démon avant le baptême , la triple immersion, la confession du baptisé dont elle était pré- cédée ; la nourriture de lait et de miel qu'on lui donnait, l'o- bligation de s'abstenir du bain durant la semaine qui suivait le baptême; la communion eucharistique fixée au matin, avant toute autre nourriture ; les oblationspour les défunts; la défense de jeûner ou de prier à genoux , le dimanche et durant le temps pascal ; le soin tout particulier des espèces consacrées; l'usage continuel du signe de la croix, etc. (2]. Saint Basile signale aussi la même tradition comme source des

(1) Cœreraouias ilcm adhibuit ecclesia , ut niyslicas benedictio- nes, lumina, thyniiamata , vestes , aliaqne iil geniis imilta , ex apostolicfi disciplina et Iraditione, quo et majestas tanli sacrifioii oommendaretur, et mentes fidelium per lisec visibilia religionis et pictatis signa ad re- rura altissimarum qu;c in lioc sacvificio latent , contcmplationcm exci- tarentur. Conc, Trid. Sess. XXII. cap. V.

(2) Voyez G<;t important passage Note A , à la fin de ce chapitre.

?C LNSTITUTIONS

mêmes observances, auxquelles il ajoute, en manière d'exem- ple, les suivantes, comme de prier vers l'orient, de consacrer l'eucharistie au milieu d'une formule d'invocation qui ne se trouve rapportée ni dans saint Paul, ni dans l'Evangile; de Jjénir l'eau baptismale et l'huile de l'onciion, etc. (l).Et non seulement saint Basile et Tertullien , mais toute l'antiquité , sans exception, confesse expressément celte grande règle de saint Augustin devenue banale à force d'être répétée : quod universa tenet ecclesia , nec conciliis institulum , sed setnper retentnm , non nisi auctoritate apostolicâ traditum rec- tifsimè creditur (;2).

C'est pourquoi les prolesians éclairés, en dépit des con- séquences que les catholiques en peuvent tirer contre eux , ne font aucune difficulté de rapporter à l'institution apos- tolique les rites qui accompagnent la célébration des sacrés mystères , toutes les fois que ces rites présentent un carac- tère d'univerealité. Grotius confesse franchement qu'il ne voit pas le plus léger sujet d'en douter (5) ; Grabe va plus loin et déclai'e qu'il ne comprend pas comment un homme de sens se pourrait persuader un instant qu'il en pût être autrement. « -\on , dit-il , que je prétende adjuger toutes les » Liturgies dites Apostoliques à ceux dont elles portent les » noms ; il suffit bien que les apôtres aient été les auteurs , > sinon les rédacteur des anciennes Liturgies (4). ^ En quoi

(1) Vid. ibidem. >'ote B.

(2) De Bajjlism. contra Donat. lil). IV. cap. 2i.

(5) Consensus lilurgiaruni per omuia loca ac tempera in precihus illis, ut Deus dona per Spiritum suum sanclificet, eaqiie facial corpus et sanguiuera CLristi, me duhiiare uou siuunt venire hoc à prima a];oslu!orum institulioae. De pace ecc'esiœ, pag. 670.

(4) i!!os qui omnibus i^tis Liturgiis expr.muutur, qnique jam o'im «bique iuter sacra mysieria usilali fuiruut, raus ex opostolicà iraJi- tioue lîuxisse ; ecclesias enim ab apostolis iusiiiulas foruiam aliquam et ritum offerendi gacritiçium, cui tara arcta sit, et prjecipua cuœ

LITURGIQUES, 27

ils se trouvent pleinement d'accord l'un et l'autre avec le grand cardinal Boua qui résume admirablement toute cette question dans les paroles suivantes :

« Il est dans toutes les Liturgies certaines choses sur » lesquelles toutes les Églises conviennent , et qui sont telles s que sans elles l'essence du sacrifice n'existerait pas, comme «sont la préparation du pain et du vin, l'oblation, la conse- il cration , la consommation , enfin la distribution du sacre- »ment à ceux qui veulent communier. Ensuite , il y î> d'au- îtres parties importantes qui, bien qu'elles n'appartiennent » pas à l'intégrité du sacrifice , se retrouvent cependant dans » toutes les Liturgies, comme le chant des psaumes, la lecture »dc l'Écriture suinte, l'assistance des ministres, l'encense- j> ment , l'exclusion des cathécumènes et des profiuies , la ï fraction de l'hostie, le souhait de paix, les prières multi- »pliées, l'action de grâces et autres choses de celte na- ïturc (1). »

Mais si les apôtres doivent être incontestablement consi- dérés comme les créateurs de toutes les formes liturgiques universelles, on n'est pas moins en droit de leur attribuer un grand nombre de celles qui, pour n'avoir qu'une extension bornée, ne se perdent pas moins, quant à leur origine, dans la nuit des temps. En effet, ils ont plus d'une fois assortir les institutions de ce genre , dans leur partie mobile , aux mœurs des pays, au génie des peuples, pour faciliter par cette condescendance ia diffusion de l'évangile : et c'est-là l'u-

religionc connexio noa accepisse, qnis saniis sil)i pcrsuadeat? IVon quod tamen liturgias omiies apostolicas ils , quorum nomina insi- giiiuûtur, adjudicare velim. Sufliciat liiurgiarum aiitiquarum si noa scriptores, sallem primos auctores fuise apostolos. (In S. Ircncum , lib. 1. cflp.3. annotât.) (1) Yid, Je texte I9 note C,

28 INSTITUTIONS

iiiquft manière d'expliquer les dissemblances profondes qui régnent entre certaines Liturgies d'orient , qui sont l'œuvre plus ou moins directe d'un ou plusieurs apôtres, elles Li- turgies d'occident, dont l'une, celle de Rome, doit recon- naître saint Pierre pour son principal auteur. Ainsi encore pourra-t-on expliquer comment les Églises d'Asie , au se- cond siècle, soutenaient , comme une tradition apostolique, leur manière de célébrer la Pàque, contraire à celle de l'É- glise romaine qui invoquait , avec raison , la tradition très- certaine et très-canonique du Prince des apôtres.

On est même en droit de conjecturer que le même apôtre a pu , dans le cours de sa carrière de prédication, se trou- ver dans le cas d'employer des rites différens, à raison de la divei-sitë des lieux qu'il ëvangélisait tour à tour. C'est la remarque du savant Père Lesleus dans l'excellente préface de son édition du Missd Mozarabe ; ce qu'il faut m-anmoins toujours entendre , sauf la réserAe des points sur lesquels ou trouve accord universel dans toutes les Liturgies (1). Ces diversités n'ont donc rien qui doive surprendre : elles en- traient dans les nécessités de l'époque apostolique, puisque, aujourd'hui même, l'unité fût-elle rétablie entre l'orient et l'occident , on n'oserait se flatter de les voir disparaître. Concluons donc que ce n'est point une raison pour refuser d'admettre l'origine apostolique des Liturgies générales et particulières, de ce que celles qui portent les noms de saint Pierre, de saint Jacques, de saint Marc, etc. , ne s'accordent ni entre elles, ni avec celles de l'occident, dans les choses d'une importance secondaire, telles que l'ordre et la teneur des formules de supplication. On ne saurait non plus leur disputer cette même origine, sous prétexte que , dans l'état

(1) Yid. infrk la note D.

LITUnCTÔUES,. 21>

elK's sont nujourdMiui , elles présentent ])liisieui-s choses qui paraissent visiblement avoir été ajoutées dans des temps postérieurs. Les apôtres tracèrent les premièi-es lignes, im- primèrent la direction ; mais l'œuvi'e liturgique dut se per- fectionner sous l'influence de l'Esprit de vérité (|ui était donné à l'Église pour résider en elle jusqu'à la fin des temps. Telle est la manière saine d'envisager les controverses agi- tées plusieurs fois par des hommes doctes , à propos de ces Liturgies ; assez généralement , on a excédé de part et d'autre , en soutenant des principes trop absolus.

Laissons donc saint Jacques auteur de la Liturgie qui porte son nom, puisque l'antiquité l'a cru ainsi. Qu'importent quel- ques changemens ou additions? ne fait-elle pas le fond de toutes celles de l'orient? Quant à saint Pierre, il y a deux questions à examiner. D'abord, comme chef et prince des apôtres, il n'a pu être étranger à l'institution ou règlement des formes générales de Liturgie que ses frères allaient porter par tout l'univers. Du moment que nous admettons son pou- voir de chef, nous devons admettre, par même, sou influence principale , en ceci comme en tout le reste , et reconnaître , avec saint Isidore , que l'on doit faire remonter à saint Pierre, comme instituteur, tout ordre litui'gique (pii s'observe universellement dans toute rÉglis(î (1). En second lieu, quanta la Liturgie particulière de l'Église de Piome^ sans s'airéter à donner ici des autorités que la suite de la discussion amènera plus loin, le seul bon sens nous ap- prend que cet îqiôtrc n'a pu habiter Piome durant de si longues années, sans s'occuper d'un obiet si important, sans

(i) Ordo ïïiissx vel oralioilum, quilms oblalu Dco .sacrificia coos»:- cl'antur, priimira U saiicto Petro est inslilutus, cujiis celebrationeiii uuo eodemque inodo universus peragit orbis. De Eccles. Officiis. Lib. \i cap. XF.

30 rs'STITUTIONS

établir, dans la langue latine , et pour le service de celle Eglise qu'il faisait par sou libre choix mère et maîtresse de toutes les autres, une fonue qui, eu égard aux variantes que nécessitait la diCférence des mœurs, du génie et des habi- tudes , valût au moins celles qu'il avait établies et pratiquées à Jérusalem , à Antioche, dans le Ponl et la Galatie.

Admettons tant qu'on voudra que cette formation de la Liturgie par les apôtres a dû, comme toutes les grandes choses, s'accomplir progi'essivement ; que l'ensemble des rites du saint sacrifice et des sacrcmens ne se sera pas com- plété dès le jour même de la Pentecôte : le Nouveau-Testa- ment lui-même n'a-t-il pas été formé successivement ? De l'apparition de l'Evangile de saint Matthieu, à la publicaîion de l'Evangile de saint Jean, cinquante années ne se sont- elles pas écoulées ? Accordons encore ceci , que les néces- sités de l'instruction chrétienne devant naturellement ab- s«)rber la plus grande partie des momens que les apôtres passaient dans les diverses Eglises, ou se trouvait obligé d'abréger le temps destiné à la Liturgie , comme il arriva à Troade, la fraction du pain, c'est-à-dire la célébration de l'Eucharistie se trouva retardée jusqu'au-delà du milieu de la nuit , par suite de la longueur des instructions que l'Apôtre reprit encore après la célébration des Mystères et continua jusqu'au lever du jour (1) : mais du moment que la foi chrétienne avait pris racine dans une ville et que les apôtres avaient pu y établir un évèque , des prêtres et des diacres , les formes extérieures acquéraient de l'extension et le culte devenait nécessairement plus solenncsl. Ainsi saint Paul, dans sa première Épiîre aux Corinthiens ('2), nous mon- tre-l-il cette nouvelle Église déjà en possession des ?>Iystères

(1) Vid. la note E. (2j I €ur. Xi. ô^i. >'-'

LITURGIQURS, 51

du corps cl (lu sang du Seigneur; mais il ne croit pas avoir accompli tous ses devoiis à son égard, s'il ne la visite encore, s'il ne dispose dans un ordre î)1us parlait, plus canonique, ce qui concerne les choses saintes. Tel est le sens que les saints docteurs ont constamment donné à ces paroles qui terminent le passage de cette épîlre il est paiié de l'Eu- charislie : Cœtera cum venero disponam. Saint Jérôme, dans son commentaire succinct sur ce passage , s'explique ainsi : Cœtera de ipsius Mysterii Sucramento. Saint Augustin déve- loppe davantage cette pensée dans sa lettre ad Januarium (1) : « Ces paroles, dit-il, donnent à entendre que, de même qu'il j avait dans cette épître fait allusion aux usages de l'Église » universelle ( sur la matière et l'essence du sacrifice ) , il éta- »blit ensuite lui-même ( à Corinlhe ) ces rites dont la diver- isité des mœurs n'a point arrêté l'universalité. »

Mais, afin de préciser davantage la vérité de fait sur cette matière et appuyer nos observations sur des données posi-^ tivcs,nous allons essayer de produire quelques traits de l'ensemble de la Liturgie primitive. Nous en puiserons les notions dans les Actes et les Epitres des apôtres, et aussi dans les témoignages de la tradition des quati-e premiois siècles, ces usages figurent comme remontant à l'origine même du Christianisme , en même temps qu'ils y offrent une idée de ces rites généraux qui , par leur généralité même , doivent être censés apostoliques, suivant la règle de saint Augustin que nous avons citée, et que ce grand docteur exprime en- corc ailleurs d'une manière non moins précise (!2). .;;,_;,

(1) Cœtera mtem cum venero ordinubo. Uiidè iiUi'lligi datui>, (juiu iiiullum crat ut in epislolà toliim illiiia ageudi ordinein iasinnaiet qneni un versa pcrorbem serval ecclesia, ab ipso ordiiialum esse qnod lu'.liâ monim divcrsitate varialur. S. .lugnstlniopp. tom. II. pag. 127.

(2) Suut nuilta qiue uuiversa tenet eccîesia cl ub Iidc ab apostoîis prwcepta b.Miè creduatur. lib. F. de Vapthmo. cap. 23,

52 INSTITUTIONS

Commençons par le sacrifice eucharistique. Nul doute que tout ce qui le concerne ne soit à la tête des prescriptions liturgiques. La Fraction du Pain paraît dès la première page dos Actes des apôtres (1) , et saint Paul , dans la première épitre aux Coiinthiens , enseigne quelle est la valeur litur- gique de cet acte (2) . Mais le culte et l'amour que les saints iipôtres portaient à celui avec lequel cette Fraction du Pain les mettait en rapport, les obligeait, suivant l'éloquente re- marque de saint Proclus de Constantinoplc , de l'environner d'un ensemble de rites et de prières sacrées qui ne pouvait s'accomplir que dans un temps assez long (3) : et ce saint évoque ne fait que suivre en cela le sentiment de son glorieux prédécesseur, saint Jean Chrysostôme (4). D'abord cette célé- bration, autant qu'il était possible, avait lieu dans quelque salle décente et ornée ; car le Sauveur l'avait pratiqué ainsi , à la dernière cène , cœnaculum grande , stratum (o). Quel- quefois des lampes nombreuses y suppléaient à la lumière du jour (G). On doit comprendre que la Fraction du Pain célébrée chez Gamaliel , à Jérusalem , ou à Rome , chez le Sénateur Pudens , devait s'y accomplir avec plus de pompe que lorsqu'elle avait lieu dans la maison de Simon le cor- royeur (7).

Le lieu de la célébration était remarquable par un autel ;

(1) Act. 2. i6. i;^) I. Cor. X. IG. (3) Vid. la noie F.

(l) Cum sacras illas cœnas accipiebant apostoli, quid tiini facie- bant? nonne in preces conveitebantur et liymnos? nonne in saactas vigilias ? nonne in longam illani doctrinara el luultaî pLilosophi^e ple- nam? Ilomil. XXVII. i)i I ad Cor.

(o) Luc. XXII. 12. (6) Art. XX. 8.

(7) On peut voir au premier volume des Origines de l'Église romaine , pag. :273, quelques détails sur la pompe du culte U l'âge des persécu- tions. Ils seront confirmés et enricLis de nouvelles particularités dans les volumes suivants.

LîTURGIOUES. 35

ce n'était d(^ù plus une table. Saint Paul le dit avec emphase : Altare habemus , « nous avons un autel, et les ministres du «tabernacle n'ont point droit d'y participer (1). » Autour de cet autel étaient rangés , dès l'origine de l'Eglise , suivant les traditions du ciel dévoilées par saint Jean, dans l'Apoca- lypse (2) , d'abord , en face, l'apôtre ou l'évèque qui tenait sa place, comme celui-là tenait celle du Père céleste; à droite et à gauche du siège , les prêtres figurant les vingt- quatre vieillards ; près de l'autel , les diacres et autres mi- nistres , en mémoire des anges qui assistent aussi dans l'atti- tude de serviteurs près de l'autel sur lequel se tient , dans les cieux, l'Agneau commz immolé (3). Tout le monde sait que cette disposition des sièges , dans l'abside de l'Eglise chré- tienne , s'observe encore en orient, et que si, en occident , elle est presque partout tombée en désuétude, Rome en a gardé la tradition dans la disposition du Chœur de plusieurs de ses anciennes Eglises , et la suit exactement aux jours le Pape célèbre , ou assiste pontificalement , dans quel- qu'une des Basiliques Patriarchales.

Les fidèles réunis ainsi dans le lieu du Sacritlce , que fai- sait le Pontife ^ à l'époque apostolique? Comme aujourd'hui, il présidait d'abord à la lecture des Epîtres des Apôtres, à la récitation de quelque passage du saint Évangile , ce qui a dès l'origine formé la Messe des Catéchumènes ; et il ne faut pas chercher d'autres instituteurs de cet usage que les Apôtres eux-mêmes. Saint Paul dit aux Colossiens : « Lorsque cette » Epître que je vous écris , aura été lue parmi vous, ayez soin » qu'elle soit lue dans l'église de Laodicée , et lisez ensuite » vous-mêmes celle qui est adressée aux Laodiciens (i). » A la fin de la première Épitre aux Thessaloniciens , ce môme

(1) Hfel). XIII. 10. - (2) Apoc. IV, (3) Apoc. V. 0. - (i) Col. IV. 16.

T. I. S

34 INSTITUTIONS

Apôtre ajoute : « Je vous adjure par le Seigneur, que cette » Épîtrc soit lue à tous les frères saints (1). » Cette injonction apostolique eut force de loi tout d'abord, car dans la preniièic moitié du second siècle , le grand Apologiste saint Justin atteste la fidélité avec laquelle on la suivait , dans la descrip- tion qu'il a donnée de la Messe de son temps (ii) . TertuUien (5) et saint Cyprien (i) confirment son témoignage. Voilà pour l'Épître.

Quant à la lecture de l'Évangile , Eusèbe (5) nous apprend que le récit des actions du Sauveur écrit par saint Marc fut approuvé par saint Pierre pour être lu dans les Églises : et saint Paul fait , peut-être , allusion à ce même usage , lorsque, désignant saint Luc, le fidèle compagnon de ses pè- lerinages apostoliques , il le nomme ce frère devenu célèbre , par l'Évangile j dans toutes les Eglises (6).

Le salut au peuple par ces paroles : Le Seigneur soit avec fow5, était en usage dès l'ancienne loi. Booz l'adresse à ses moissonneurs (7) ; et un prophète à Asa , roi de Juda (8). Ecce ego vohiscum sum , dit le Christ à son Eglise (9). Aussi l'Eglise tient- elle cette coutume des Apôtres, comme le prouve l'uniformité de celte pratique dans les anciennes Liturgies d'Orient et d'Occident , comme l'enseigne expres- sément le premier Concile de Brague ^10).

(1) I. Thess. Y. 27.

(-2) Commeniaria Apostuloruni , sciipiâ Prophetarum , quoad tempu> fert , leguntur. S. Justini ylpolog. //. (ô) Apuloget. cap. XXXIY. (i) Epist. 33 et 51. (o) Hist. Eccles. lil). 2. cap. XV.

(6) Cujus laus est in Evangelio per omnes ecclesias. 2. Cur. VIll.

(7) Ruth. 2. (8) 2. Parai. XV. (9j Math. XXVIII.

(10) Placuit ut non aliter episcopi, et aliter pre>ljyteri populum , sed uno modo salutent , dicentes : Dominns vobiscum, sicut ia libre Ruth iegitur, et ut respondealur a populo : £t cum spirilu tiio : sicut et ab ipsis apoitolis tradilum omnis retinel oriens , et non sicul Priscilliaaa praviias imniutavii. Concil. Braccaren. Can. 21.

LITURGIQUES. 3S

La Collecte , forme de prière qui résume les vœux de l'as- semblée, avant même l'oblalion du sacrifice , appartient aussi à i'instituliou primitive. Saint Augustin l'enseigne dans un passage que nous citerons plus loin : l'accord de toutes les Liturgies le démontre également. La conclusion de cette oraison et de toutes les autres par ces mots : Dans les siècles des siècles, est universelle , dès les prcmieis jours de l'Eglise. Saint Irénée, au second siècle, nous apprend que IcsYalcn- tiniens en abusaient pour accréditer leur système des Eones (l). Quant à la coutume de répondre Ainen, personne, sans doute, ne s'étonnera que nous la fassions remonter aux temps apostoliques. Saint Paul lui-môme y fait allusion , dans sa première Epître aux Corinthiens (2).

Dans la préparation de la matière du Sacrifice, a lieu le mélange de l'eau avec le vin qui doit être consacré. Cet usage d'un si profond symbolisme, saint Cyprien nous enseigne à le faire remonter jusqu'à la tradition même du Seigneur (5). Les encensements qui accompagnent l'oblation ont été re- connus pour être d'institution apostolique, par le Concile de Trente, cité plus haut.

Le môme saint Cyprien , nous apprend que , dès le berceau de l'Eglise, V Action du Sacrifice était précédée d'une Préface ; que le prêtre criait Siirsùm corda : à quoi le peuple répon- dait : //aôemn^ ad Dominuni (4). Et saint Cyrille, parlant aux Catéchumènes de l'Eglise de Jérusalem, cette Eglise de

(1) Adv. H.xres. lib. 1. cap. 1. (2) 1. Cor. XIV.

(5) Admoaitos autcm nos scias ut in calice olTerendo Dominica tra- ditio servctur,... qua in parte invenimus calicera niixtum fuisse quem bominus obtulit. Epist. G3. pag. 27G et scq.

(i) Ideo sacerdos, ante oralioaem, praefalione pnomissa, parât fra- triun mentes dicendo : Sursum corda, ni dum rcspondet i)leL>s : J/abe- mus ad Dominum, admoneatur niliil aliud se quam Dominum cogilarc debere. J?e Orat. Domin. pag. 107.

ô6 INSTITUTIONS

fondation apostolique, s'il en fut jamais, leur explique cette autre acclamation qui retentit aussi clans nos Basiliques d'Occident : Graiias agamus Domino Deo nostro! Dignum H justum est (Ij !

Vient ensuite le Trisagion : Sanctus, Sanctus, Sanctus Do- minus ! Isaïe , sous l'ancienne loi , l'entendit chanter au pied du trône de Jéliovah; sous la nouvelle, le prophète de Pathmos le répéta tel qu'il l'avait ouï résonner auprès de l'autel de l'Agneau. Ce cri d'amour et d'admiration révélé à la terre, devait trouver un écho dans l'Eglise chrétienne. Toutes les Liturgies le connaissent, et l'on peut assurer que le Sacrifice Eucharistique ne s'est jamais offert sans qu'il ait été proféré.

Le Canon s'ouvre ensuite, et qui osera ne pas reconnaître son origine apostolique? Les fondateurs des Eglises pouvaient- ils laisser flottante et arbitraire cette partie principale de la Liturgie sacrée ? S'ils ont réglé tant de choses secondaires, avec quel soin n'auront-ils pas déterminé les paroles et les rites du plus redoutable et du plus fondamental de tous les mystères chrétiens ? « C'est de la tradition apostolique , dit »le Pape Vigile, dans sa lettre à Profuturus de Brague, que » nous avons reçu le texte de la prière Canonique (2). »

C'est cette même prière Canonique que saint Paul a en vue , quand , dans sa première Epître à Timothée , parlant des prières solennelles à adresser à Dieu , il distingue les Obsècrations, les Oraisons, les Postulations , les Actions de

(1) Deinde dicit sacerdos : Gratins agamus Domino ; certè gratias agere debemus.... ad hïuc vos subjicitis : Dignum et justum est! etc. Calèches. Mystagog. V.

(-2) Quapropter et ipsius Canonicse précis textum direximus subter âdjectum , quam Deo propitio ex apostolica traditione aocepimus. Vh^xi, ad Profulurmi Braccarementi Labbc, Tom, F', pay, 51o.

MTUnOIQUES. 57

grâces {{). Voici le commentaii'O de saint Augustin sur ce passage : « Mon avis est qu'il faut entendre ces paroles de » l'usage suivi dans toute ou presque toute l'Eglise, savoir: îles supplications {precationes)^ c'est-à-dire celles que dans » la célébration des mystères nous adressons avant même de > commencer h bénir ce qui est sur la Table du Seigneur ; les » prières {orationes ) , c'est-à-dire , tout ce qui se dit lorsqu'on » bénit et sanctifie , lorsque l'on rompt pour distribuer, et » cette partie se conclut par l'Oraison Dominicale, dans près- ïque toute l'Eglise; les interpellations {interpellationes) , ou ï comme portent nos exemplaires, les postulations {postula- » tiones), qui ont lieu quand on bénit le peuple : car alors les » Pontifes, en leur qualité d'avocats , présentent leurs cliens » à la très-miséricordieuse bonté ; enfin , lorsque tout est ter- » miné et qu'on a participé à un si grand Sacrement, l'Action >de grâces ( Gratiarum actio) conclut toutes choses (2). »

Après la divine consécration , les dons sanctifiés reposant sur l'autel , cette prière prolixe dont parle saint Justin (5) , et par laquelle il désigne le Canon , touchant à sa fin , l'Orai- son Dominicale est prononcée avec une confiance solennelle ; car, dit saint Jérôme : & C'est d'après l'enseignement du » Christ lui-même, que les Apôtres ont osé dire chaque jour » avec foi , en offrant le sacrifice de son corps : Notre Père qui » êtes aux cieux (4) .

Le Sacrificateur procède ensuite à la Fraction de l'Hostie,

(1) Obsecro igitur primum omnium fieri obsecrationes, orationes, postulaiiones , gratiarum acliones pro omnibus hominibus, etc. 1. Tim. If. 1.

(2) Vid. la note G.

(3) Apolog. 1. n°63.pag. 82.

(i) Sic docuit Cliristus apostolos suos , ut quotidie in corporis illius sacrificio credentes audeant dicere : Pater noster, qui eo plis [Jdv.Peiag.lib.l.capAS).

I

38 INSTITUTIO.NS

en quoi il se montre rimitateiir,non-seulcmcnt des Apôtres (1), mais du Clirist lui-même, qui prit le pain, le bénit et le rompit avant de le distribuer (2).

Mais, avant de conmiunier à la victime de charité, tous doivent se saluer dans le saint baiser (5). < L'invitation de » l'Apôtre, dit Origène, a produit, dans les Eglises, l'usage » qu'ont les frères de se donner le baiser, loi*sque la prière > est arrivée à sa fin (4). »

Voilà donc certifiée l'origine apostolique des rites princi- paux du sacrifice, tels qu'ils se pratiquent dans toutes les Eglises. Notre plan ne nous permet pas ici de traiter plus en détail cette matière : nous ajouterons seulement quelques mots, pour achever de donner une idée de la Liturgie , au siècle des apôtres.

D'abord , pour ce qui regarde l'administration des Sacre- mens, nous y découvrons de suite la matière non seulement présumée, mais entièrement certaine, d'un grand nombre de prescriptions apostoliques. Les cérémonies principales qui précèdent, accompagnent et suivent l'application de la ma- tière et de la forme essentielles ; comme , dans le Baptême , les insufflations, les exorcismes, l'imposition des mains, la tra- dition du sel, les onctions, avec les formules qui y sont jointes, tous ces rites dont l'origine se perd dans les ombres de la première antiquité, ne peuvent avoir d'autres auteurs que les Apôtres eux-mêmes. L'Eglise l'enseigne, les anciens Pères l'attestent , la raison même le démontre; car, autre^

(1) i. Cor. X. 16.

(-2) Matth. XXVI. 26. Marc. XIV. 22. Luc. XXII, 19.

(5) Rom. XVI. 16. 1 Cor. XYI. 20. 2 Cor. XIII. 12. 1 Thess. V. 26. i Pelr. y. U.

{i) Ex hoc sermone mos ecclesiis tradiius est ut post oraliones, osculo invicem se recipiant fratres. ( Origen, in Epist, ad Rom. Cap,

xri.j

LITURGIQUES. S9

ment, comment expliquer l'univcrsalilé de ces rites? Il faut donc admettre nécessairement un Rituel apostolique, écrit DU traditionnel , peu importe , renfermant le détail de ces augustes pratiques, avec les formules de prière ou de con- fession qui les accompagnent : ainsi , pour le Baptême , les insufflations, les exorcismes et impositions de mains, les onc- tions, les habits blancs; pour la Confirmation, le Chrême, avec la manière de le consacrer, l'imposition des mains qui diffère dans l'intention et dans les formules de celle qui se fait sur les Catéchumènes , de celle qui réconcilie les pénitens , et de (die qui , dans le sacrement de l'Ordre , enfante à l'Eglise des Evêques, des Prêtres et des Diacres, etc. Il suffit d'indiquer ici ces points de vue généraux , le lecteur peut suppléer aisément.

Nous ferons seulement remarquer ici que , comme l'Eglise n'exerce pas seulement le pouvoir des Sacremens, mais aussi celui des Sacramentcmx , par la vertu de bénédiction qui est en elle , les Apôtres , de qui elle a tout reçu , n'ont pu mau!!- quer d'exercer ce droit de sanctifier toute ci'éature pour la faire servir au bien spirituel et temporel des enfans de Dieu , et ont dû, par conséquent, laisser sur cette matière desen-r seignemens et une pratique qui complètent cet ensemble rituel dont nous venons de parler. Il n'y aurait ni orthodoxie, ni logique , à contester cette évidente conséquence qui ne peut déplaire qu'à ces novateurs qui parlent sans cesse do l'antiquité, et la déclinent ensuite lorsqu'on vient à les con- fronter avec elle.

Parlerons-nous maintenant des habits sacrés? Comment les Apôtres de la loi nouvelle, de cette loi qui ne détruisait le symbolisme vide de l'ancienne que pour y substituer un sym- bolisme plein de réalité , eussent-ils emprunté aux rites mo- saïques les onctions, le mélange de parfums qui forme le

40 INSTITUTIONS

Chrême, les encensemens et tant d'autres choses , et négligé la sainteté et la majesté des vêtemens sacerdotaux; détail si important, que Dieu lui-même, sur le Sinai, l'avait minu- tieusement fixé pour les ministres du premier Tabernacle ? La tunique de lin que portait saint Jacques à Jérusalem (1) , et la lame d'or dont saint Jean ceignait son front (2), à Ephèse, attestent que ces pêcheurs savaient s'environner de quelque pompe dans la célébration de leurs mystères. Xous ne cite- rons ici que ce seul trait ; le témoignage de saint Denys l'Aréopagite , dans sa Eiérarchk ecclésiastique , éclaircirait grandement cette matière ; mais nous nous interdirons les inductions tirées de cet auteur, jusqu'à ce que nous ayons ailleurs justifié l'autorité des écrits qu'on lui attribue.

Parlerons-nous des fêtes établies par les Apùtres? Saint Augustin énumère celles de la Passion, de la Résurrection, de l'Ascension de Jésus-Christ et celle de la Pentecôte (3) . Nous démontrerons ailleurs l'origine apostolique de plusieurs autres. Nous voulons seulement , dans ce chapitre , tracer les premières lignes et fixer le point de départ de la Liturgie Chrétienne ; nous ne pousserons donc pas plus loin dans cet endroit ces observations de détail , dont l'occasion se pré- sentera de nouveau. Nous placerons seulement ici , en finis- sant , quelques remarques fondamentales.

0) Euseb. Hist. Eccles. lib. IV. cap. VIII.

(2) Ibid. lib. V. cap. XXIV.

(3) lUa autem qure non scripta sed iradita custodimus , quse quidem toto terrarum orbe servantur, dalur intelligi vel ab ipsis apobtolis, vel plenariis conciliis, quorum est in Ecclesia saluberrinia auctorilas, com- mendata atque sialuta retiaeri, sicuti quod Domini Passio et Resur- reclio et Adscensio in cœlum, et Adventus de co?Io Spirilus Saocti, aaniversaria solemnitate celebrentur, et si quid aliud taie occurrit quod servatur ab universa quacumque^se diffuadil Ecclesia. (Epist, ad /«- mtar. Opp,(om.2,pag.iiij.

LITURGIQUES. 4i

1" La Liturgie éiablie par les Apôtres a contenir né-, cessairement tout ce qui était essentiel à la célébration du Sacrifice chrétien, à l'administration des Sacremens, tant sous le rapport des formes essentielles que sous celui des rites exiges par la décence des mystères , à l'exercice du pouvoir de Sanctification et de Bénédiction que l'Eglise tient du Christ par les mêmes Apôtres, à l'établissement d'une forme de Psalmodie et Prière Publique ; enfin , ce recueil liturgique a dii comprendre tout ce que l'on rencontre d'univei'sel dans les formes du culte , durant les premiers siècles , et dont on ne peut assigner ou l'auteur, ou l'origine. L'étude de l'anti- quité chrétienne ne saurait manquer de révéler à ceux qui s'y livrent la grandeur de cet ensemble primitif des rites chrétiens, en même temps que la réflexion et la considération sérieuse des besoins de l'Eglise, dès cette époque , leur mon- trera toute la nécessité qu'elle avait , dès-lors , de compléter et ses moyens de salut et ses moyens de culte , qui forment , avec le dépôt des vérités spéculatives , la principale partie de l'héritage divin confié à sa garde.

2" Sauf un petit nombre d'allusions dans les Actes des Apô- tres et dans leurs Epîtres, la Liturgie Apostolique se trouve lout'à-foit en dehors de l'Ecriture, et est du pur domaine de la Tradition. Ces allusions, même les plus claires, par exemple celle de saint Jacques, sur l'Extrême-Onction, tout en nous apprenant qu'il existait des rites et des formules, ne nous ap- prennent rien , ni sur le genre des premiers, ni sur la teneur des secondes. On doit donc considérer, dès le principe, la Liturgie comme existant plus particulièrement dans la Tra- dition que dans l'Ecriture , et devant par conséquent être interprétée, jugée, appliquée, d'après cette source de toutes les notions ecclésiastiques. Il ne faut ni étudier, ni réfléchir long-temps , pour savoir que la Liturgie s'exerçait parles

42 INSTITUTIONS

Apôtres et par ceux qu'ils avaient consacrés Evêqiies, Prêtres ou Diacres, long-temps avant la rédaction complète du Nou- veau Testament. Plus tard , nous verrons d'importantes conséquences sortir de ce principe.

LITUnCIQUES. 43

NOTES DU CHAPITRE III.

NOTE A.

Hanc ( observationem ) si nulla Scriptura determinavit , certo con« sueludo corroboravit , quae siae dul)io de iradilione manavit ; quomodo enim usurpari quid potest, si traditum prius non est? Etiam in tradi- tionis obtentu exigenda est , inquis , auctoritas scripta ? Ergo quaera- mus , an et traditio nisi scripta non del)eat recipi ? Plané negabimus recipiendara , si nulla exempla prœjudicent aliarum observalionum , quas sine ullius Scripturae instruiuento , solius traditionis titulo , et exinde consuetudinis patrocinio vindicaraus. Denique ut a baptismate ingrediar, aquam adituri, ibidem, sed et aliquanto prius in Ecclesia sub antistitis manu contestamur , nos renunciare diabolo , et pompîe , et angelis ejus. Debinc 1er mergitamur, amplius aliquid respoudentes, quam Doniinus iu Evangelio determinavit; inde suscepti, laclis et mellis concordiam praegustamus ; exque ea die lavacro quotidiano per totam hebdomadam abstinemus. Eucharistiœ sacramentum , et in tem- pore victus, et omnibus mandatum a Domino, etiam antelucanis cae- tibus, nec dealiorura manu quam prcesidentium sumimus. Oblationes pro defunctis, pro natalitiis annua die facimus. Die Dominico , jejunium nefas ducimus, vel de geniculis adorare. Eadem immunitate a die Paschœ in Pentecosten usque gaudemus. Calicis aut panis etiam nostri aliquid decuti in terram anxie patimur. Ad omnem progressum atque promotum , ad omnem aditum et exitum, ad vestitum, ad calciatum , ad lavacrum, ad mensas, ad lumina, ad cubilia , ad sedilia, quacumque nos conversatio exercet , frontem crucis signaculo terimus. Harum et aliarum ejusmodi disciplinarum , si legem expostules Scripturarum , nullam invenies : traditio tibi pru'tendetur auctrix , consuetudo conlir- matrix , et fides observatrix. (Terlulltanus de Corona Militis. cap. IJ/.J

NOTE B.

Nam, si consuetudines , quae scripte prodita non sunt, tanquam haud multum liabentes momenti conemur rejicere , imprudentes gra- vissimum Evangelio detrimentum inferemus , imo potius ipsam fidei prœdicationem ad nudum nomen contraliemus. Quod genus est ( ut ejus quod primum est et vulgatissimum primo loco commemorem ) ut signe crucis eos , qui spem collocarunt in Gtiristum , siguemus , quis

44 INSTITUTIONS

scrlpto docuit ? Ut ad orientera versi precemur, quae nos doouit Scrip- tura? Invocationis verba, quum conficitur panis Eucharistiae , et po- culum benedictionis , quis sanctorum ia scripto nobis reliquit? ]\ec enim his contenu sumus , qus commémorât Apo^tolus aut Evangelium, verum alla quoque et ante et post dicimus , taoquam multum habeniia momenti ad mysterium , quae ex traditione citra scriptum aecepimus. Consecramus autem aqiiam baptismalis, et oleum uncliouis, praeterea ipsum , qui baptismum accipit , ex quibus scriptis ? ?»onne a tacita se- cretaque traditione ? Ipsam porro olei inuuctionem , quis sermo scripto proditus docuit? Jam ter iramergi hominem, undè ex Scriptura haus- tum? Reliqua item quae fiunt in baptismo, \eluti renunciare satanée, et angelisejus, ex qua Scriptura habemus? ISonne ex minime publi- cata, et arcaua bac traditione? (S. Basilius de Spirilu Suncto. cap. XXVII).

?ÎOTE C.

Sunt quiedam in omnibus Liturgiis , in quibus omnes Ecclesiœ con- veniunt, utpote sine quibus sacrificii ratio nullo modo s-ibsisteret , cujusmodi suut panis et viui praparatio, oblatio, consecratio, consum- matio , et ipsius sacramenti communicare volentibus distrlbutio. Alise item pnecipuie partes suât, qure licet ad saoriBcii iûl?gritatem non spectent, in omnibus tamen omnium gentium Liturgiis reperiuutur, Psalmorum scilicet modulatio , lectio Sacrse Scriptune , Ministro- rum adparatus, lliurificatio , Catechumenorum et aliorum profanorum exclusio, fraetio liostiiP, precatio pacis , preces diverste, graliarum aclio , et si quce aliie sunt ejusdem generis. (Bona. Herum liturgie, //t. 1. cap. YI.§.1.

INOTE D.

Apostolus Petrus in Palestina , Anliochise , et in Syria , ia Ponto , in Galatia , Romae, in Italia, et in aliis orientis, et occidenlis provinciis , Eucharisliam non semel celebravit. >'um eodem ultique ritu ? Si an- nuis , qu?ero num Romano , num Hierosolymilam , si Romano , cur in Oriente Lilurgia Romana nuUibi obtinuit ? Si Hierosolymitano ; cur hic ritus Roma?, et in Occidente admissus noufuit? Est igitur credi- bile S. Petrum , et alios apostolos imi eidemque Liturgicc coustauter non âdhœsisse. ( Lesleus in Missale Mozarab. Prœfat. n" 161. not.J.

!SOTE E.

7. Una autem sabbati, cum conveui-semus ad frangendum panem, Paulus disputabat cum eis profecturus in craslinum , protraxitque sermonem usque in mediam noctem.

LITUÏIGIOUES. 45

8. Erant autem lampades copiosce ia cocnaculo , ubi eramus congre- gati.

9. Sedens autem quidam adolescens , nomme Eulichus , super t'enes- tram , cum mergereiur somno gravi , disputante diu Paulo , ductus somno cecidit de tertio cienaculo deorsuin , et sul)latus est mortuus.

10. Ad quem cum descend isset Paulus, incubuit super eum; et com- plexus dixit : ÎVolile turbari, anima enim ipsius in ipso est.

Jl. Ascendens autem , frangensque paneni, et gustans , satisque allo= culus usque in lucem , sic profectus est. (Act. .XX. 7-M ),

NOTE F.

Salvatore nostro in Cœlis assumpto , Apostoli antequani per omneni terrarum orbemdispergerentur, conspirantibus animis convenientes ad integram orandum diem converteljautur ; et cum multam consolatio- nem in niystico illo Dominici corporis sacrificio positam reperissent, fusissime, longoque veiborum ambitu missam decantabant; id enim pariter , ac docendi institutum CcCteris rébus omnibus tanquam prses- tantius anteponendiim existimabant. Maxima sane cum alacritate, plurimoque gaudio huic divino sacrificio tempus insumentes instabant impensè , jugiter memores iilorum verborum Domini dicentis: Hoc est Corpus meum ; et , ffoc facile in meam commemorationem ; et , Qui manducat meam carnem , et bibit meum sanguinem, in me manet, et ego in £0. Quo circa et contrito spiritu multas preces decantabant impense divinuni implorantes numen. (S. Procli. CP. Episcopi. De Craditione divinœ Ziturgiœ. )

NOTE G.

Eligo , in his verbls hoc intelligere, quod omnis , vel pêne omnis fré- quentât Ecclesia,ut precationes accipiamus dictas, quas facimus iii celebratione Sacramentorum , antequam illud , quod est in Domini mensa, iacipiat benedici : orationes quum benedicitur, etsanclificatur, et ad dislribuendum comminuitur, quam totam petitionem fere omnis Ecclesia Dorainica oratione concludit. /nierpe//a//ones autem, sive ut nostri codices habent, postulationes fiunt, quum popuUis benedicitur. Tuuc enim antistites veluti advocali susceptos suos per manus imposi- tionem misericordissinuo oiferunt pietati. Qiiibus peractis, et parti- (ipato tanto Sacramento , gratiarum actio cuncta concludit. S. AuguS' Uni. Jspist. 149. adPaulinum. 0pp. tom. 2, pag. 509.

46 INSTITUTIONS

CHAPITRE IV.

de la liturgie, durant les trois premiers siècles de l'Église.

Ce chapitre n'est , pour ainsi parler , que la continuation du précédent ; car si, plus haut, nous avons cherché à prou- ver l'origine apostolique d'un certain nombre de rites et de cérémonies , nous retrouvons encore dans les institutions liturgiques des trois siècles primitifs , non seulement l'in- fluence des Apôtres , mais l'expression directe de leurs vo- lontés, dans l'établissement de cette partie si essentielle de l'ensemble du Christianisme. Néanmoins, nous avons cru, comme tout le monde , apercevoir un fondement suffisant à cette distinction de l'époque primitive en deux âges , dont l'un se prend depuis l'origine dclaprédicaiiondes Apôtres, jus- qu'au moment le dernier d'entre eux disparaît, c'est-à-dire vers l'an 100, époque de la mort de Saint-Jean ; et dont l'autre embrasse toute la période qui s'est écoulée depuis la pubU- cation de l'Evangile, jusqu'à la conversion des empereurs et la délivrance extérieure du Christianisme.

On peut dire que , durant les trois premiers siècles, l'élé-i ment liturgique , s'il est permis de s'exprimer ainsi , était dans toute sa vigueur et extension; car la Confession, la Louange et la Prière^ embrassaient l'existence toute entière des Chrétiens de ce temps. Arrachés aux mystères profanes du paganisme , les néophytes sentaient avec bonheur la reli- gion se développer en eux , et pendant que l'Esprit Saint créait en eux des cœurs nouveaux , leur bouche inspirée faisait entendre des chants d'enthousiasme, inconnus jus-

LITURGIQUES. 47

qu'alors. Aussi , voyons-nous que l'Apôtre , pailant aux fidè- les de sou temps, les engage , non seulement à prier, mais à chanter, comme à une fête continuelle : « Ne vous enivrez » pas avec le vin, source de luxure, leur dit-il, mais rcm- » plissez-vous de l'Esprit Saint , vous entretenant dans les ^ psaumes, les hymnes, les cantiques spirituels, chantant et » psalmodiant au Seigneur, dans vos cœurs (1). »

Et encore : « Que la paix du Christ tressaille dans vos » cœurs; que le Verbe du Christ habite en vous en toute sa-

> gesse; et vous-mêmes, instruisez-vous et exhortez-vous niu- » tucUement dans les psaumes, les hymnes et les cantiques

> spirituels, chantant à Dieu dans vos cœurs, par sa grâce (2) . »

Dans les écrits des Pères de cette époque primitive, dans les Actes des Martyrs , nous voyons, en effet, les Chrétiens occupes à la psalmodie , à la célébration des louanges divi- nes, presque sans relâche, et cela, sous des formes non point vagues et arbitraires , mais précises et déterminées ; non à des momens vagues et capricieux , mais à des heures pré- cises et mystérieuses, que l'inslitulion apostolique avait fixées : ce qui est le caractère de la Liturgie proprement dite.

Si nous ouvrons les Constitutions A])ostoliqucs , recueil li- turgique important, dont les critiques les moins prévenus ne font aucune difficulté de placer la compilation à la fin (ki deuxième , ou au plus tard durant le cours du troisième siè- cle , nous y lisons ces paroles :

(1) Nolite inebriari vino in quo est luxùria : sed impIcniinlSpirilu sancto , loquentes vobismetipsis in psaliuis, ethymnis, et canticis spi- rilualibus , cantantes et psallenles in cordibus vestris Domino. Eph. F. 18-19.

(2) Et pax Christi exultet in cordibus vestris in qua et vocaii estis in une corpore : et grati estote. Verbuni Cliristi habilet in vobis abun- danter in omni sapientia , docentes et commonentes vosnielipsos in jtsal- mis,Lymniset canticis spiriiualibus, in gratia cantantes in cordibus vesUis Deo. Col. IJI. lo-lG.

48 INSTITUTIONS

« Faites les prières, le Matin, à l'heure de Tierce, de Sexte, » deNone, au Soir et au Chant du Coq. Le Matin, pour rcn-

> dre grâces de ce que le Seigneur, ayant chassé la nuit et » amené le jour, nous a illuminés ; à l'heure de Tierce, parce » que c'est celle à laquelle le Seigneur reçut de Pilate sa » condamnation ; ù l'heure de Sexte , parce que c'est celle à » laquelle il fut crucifié ; à l'heure de >'one , parce que c'est ï celle à laquelle la nature est émue, dans l'horreur qu'elle » éprouve de l'audace des Juifs , et ne peut plus supporter » l'outrage fait par eux au Seigneur crucifié ; au Soir, pour

> rendre grâces à Dieu de ce qu'il nous donne la nuit pour

> nous reposer des travaux du jour; au Chant du Coq, parce » que c'est l'heure qui annonce l'arrivée du jour , durant ï lequel nous devons faire les œuNTCs de la lumière. Si , à

> cause des infidèles, il est impossible de se rendre à l'église , j Evéque , vous ferez la congrégation dans quelque maison

> particulière (1).»

Mais cette disciphne n'était pas seulement celle de l'Orient , à laquelle semblentappartenirprincipalementles Constitutions Apostoliques ; les Pères Latins du même âge nous attestent la même chose pour l'Occident. «Puisque, dit TertuUieu, » nous lisons dans le Commentaire de Luc {les Actes des » Apôtres)^ que l'heure de Tierce est cc(te heure de prière

> à laquelle les Apôtres , initiés par l'Esprit Saint , furent re- » gardés comme ivres par les Juifs ; que l'heure de Sexte est » celle à laquelle Pierre monta à l'étage supérieur ; que i l'heure de None est celle à laquelle il entra avec Jean dans 7> le Temple ; ne voyons-nous pas dans ceci , à part ce qui i nous est dit ailleurs de prier en tout temps et en tout lifeu ,

> que ces trois heures si remarquables dans les choses hu-

( i) Vid. la note A=

LITURGIÛUES. 49

» luuines , cl qui , sans cesse rappelées , servent à diviser » le jour , à partager les travaux , ont dii aussi occuper un » rang plus solennel dans les prières divines (1) ? »

Plus loin , il se sert du mot Ofjkiam , pour désigner les prièi'cs ecclésiastiques faites à ces heures : Sexta diei hora finir l Ojfïcio huic jwssit {'2).

Saint Cyprien rend aussi un témoignage formel à cet usage des Heures Canoniales, lorsqu'il dit dans son beau traité de V Oraison Dominicale : « Nous trouvons , au sujet de la prière 9 solennelle, que Daniel et ses trois enfants, forts dans la foi » et vainqueurs dans la captivité, ont observé la Troisième, » la Sixième et la Neuvième heure , marquant par le mys- î tère delà Trinité, qui devait être manifesté dans les der- » niers temps. En effet , la première heure arrivant à la troi- » sièmc , consomme le nombre de la Trinité ; la quatrième heure venant à la sixième , manifeste une autre fois la Tri- j> nité; et quand , par l'accession de trois autres heures, on » passe de la septième à la neuvième , ces trois ternaires s expriment aussi parfaitement la Trinité. Les adorateurs du » vrai Dieu se livrant à la prière à des temps fixes et déter- » minés , dénonçaient déjà spirituellement le mystère figuré j> par ces intervalles d'heures, mystère qui devait être plus j) tard manifesté. Ce fut en effet à l'heure de Tierce que >' descendit sur les disciples l'Esprit Saint , qui les remplit de

(1) Porro , cusn iu eodem coniiuenlario Lucie , et terlia hora oralionis demonstretur, sub qua Spiritu sancto initiati, pro ebriis habeljantur ; et sexla , qua Petrus ascendit insupjriora ; el nona, qua teiiipluiu sunt iiUi'Ogressi, car non intelligaaius salva plane indiflereatia semper el uhique el onini tenipore oraiidi, tanieti Ires istas boras , ul insigniores in l'ebus humanis (]u;p diem dislribuunt , qu;o negolia distinguunt , qwdi publii'ie resouanl , ila et in solemniores fuisse in oralionibus divi- nis. ( Tertnilian. de Jcjuniis. cap. A'.

(2) n)idem.

T. I. 4

50 IXSTITUÏIO-NS

» la grâce (juc 1(3 Seigneur avait promise. Pierre, à l'heure » de Sexle , montant sur le toit de la maison , apprit par un y> signe , et en même temps par la voix de Dieu , qu'il devait » admettre tous les hommes à la grâce du salut, au moment î même il doutait s'il purifierait les Gentils. Le Seigneur

> crucifié à celle même heure de Sexle , a lavé nos péchés » dans son sang, à l'heure de None, complétant sa victoire » par ses souffrances , afin de nous pouvoir à la fois racheter el » vivifier. Mais pour nous, mes frères chéris, au-delà des heu- » rcsobservées aux temps anciens pour la prière , de nouvelles » nous ont été assignées, en môme temps que de nouveaux » mystères. Car il nous faut prier le Matin, afin de célébrer

> la résurrection du Seigneur par une oraison matulinale :

> c'est ce que l'Esprit Saint désignait autrefois dans les psau- y> mes, disant : Rcx meus et Dexis meus , quoniam ad te orahoj » Domine; mane exaudies voccm meam : mane âssistam tibl » et contcmplabor te.. Et parle Prophète, le Seigneur dit en- y> corc : Diluculo v'ujilahunt ad me dicentes : Eamus et rever- » tamur ad Dominum Deum nostniui. Quand le soleil se re- » lire , et que le jour cesse , il nous faut encore prier; carie s Christ est le vrai soleil , le vrai jour , et lorsqu'au moment 1 le jour el le soleil de ce monde disparaissent , nous prions » et demandons que la lumière revienne de nouveau sur nous , » c'est l'avènement du Christ que nous demandons, du Christ » qui nous donnera la grâce de réternelle lumière (1). »

Pour célébrer ainsi les louanges de Dieu, les Chrétiens se réunissaient aux heures que nous venons de marquer ; mais c'était principalement à celle qui précédait le lever de la lumière. Ils veillaient dans la psalmodie, et, tournés vers rOrienl, ils se tenaient prêts à saluer de leurs chants le di-

(1) Vid. lanoleB.

LITURGIOUES. 51

\\n Si)leil de jusiioo, doiU le soleil visible a toujours clé l'i- iiiage dans les luoniiniens de la Liturgie univei'selle.

Dès Tau lui, Pline le jeune, éerivant à ïrajan pour le eon- sulter sur la conduite à tenir à l'égard des Chrétiens, atteste ({ue les l'éunions religieuses de cette nouvelle secte avaient lieu avant le lever du jour, et qu'on y chantait des hymnes au Christ comme à un Dieu (1). Tertuliien appelle fré- ([uemment les assemblées des Chrétiens : Anlelucani cœtus. Toutefois, ou les tenait aussi à d'autres heures ; car saint Cyprien atteste que Ton faisait l'offrande eucharistique dans l'après-midi aussi bien que le matin, quoiqu'il estime meil- leur de la faire le matin (!2).

Les jours de fête observés durant les trois premiers siècles , étaient , outre la Commémoration de la Passion , de la Piésur- rection et de l'Ascension de Jésus-Christ , et la Descente du Saint-Esprit, jours que nous avons mentionnés dans le cha- pitie précédent : la Nativité du Sauveur, le vingt-cinquième jour du neuvième mois, et son Epiphanie, le sixième jour du dixième mois (5) ; à quoi il faut ajouter l'anniversaire du trépas glorieux des Martyrs. On notait avec !e plus grand soin le jour auquel ils avaient souffert, et ce jour devenait annuellement un jour de fcte et de réunion religieuse , au- (juel on offrait des oblations et des sacrifices , ainsi que l'at-

(i) Aflirmabaiit autem iianc fuisse summani vel culixc suse vel erroris, (|uod essent soliti slalo die ante lucem oonvenire , carmenqiie Cliristo, quasi Deo, dicere secum invicem. ( C. Plinii Secundi Bithyniœ Proprtc- loris ad Trajan. Relutio).

(-2) S. Cyprian. Epibl. 63.

(5) Dies festos observate , fratrcs; ac primum qiiidem dieni Domint INatalem ; qui a vobis eelebretur vigesima quinta noni merisis. Post huuc diein, dies Ei)ii>ii3uia; sit Yol)is uiaxiiue liouoiaiiilis, iu quo Do- minus nobis divinitateiu suam i)atefccit ; is auteraagatur sexta decinii mensis (^otis'H. Àpost. lib. f. cap, XIIJ ).

52 1>'STITIT10>S

teste très-clairement saint Cyprien (1). Long-temps avant lui, l'Eglise de Smynie, dans sa mémorable lettre sur le martyre de son Evéque saint Polyearpe , avait pratiqué cet usage , di- sant qu'elle espère , par le secours du Seigneur , célébrer annueUeraent le jour Aatal de son martyre (2). On voit avec quel soin elle remarque non seulement le mois , mais le jour, mais l'heure de celte glorieuse confession (5). Ainsi, le calendrier de l'Eglise chrétienne allait s'eurichissanl de jour en jour, au moyen des fêles commcmoratives des mystères du salut du monde , et aussi par l'accession des nouveaux ti'iomphes remportés par ses enfans.

Les lieuK de réunion étaient, dans les momens de persé- cution , les Cimetières ou Catacombes dans lesquels repo- saient les Martyis ; mais , dans les intervalles de paix , ces sombres asiles recevaient encore la prière des Chrétiens aux jours anniversaires de la mondes soldats du Christ (4). On

(1) Denique et dies eorum quibus excedunt aanolate , ut oommcaio- rationes eoruiu iiiter memorias uiai lyruni celebrare possiiuus : quam- quaiu Terlulliis fidelissiinus et dcvotissimus frater noster, pvo cetera sollicitudine et cura sua quain tVatiihus in omai obsequio operatiuais iiiipertit , qui iiec illi ciroa curam corporum deest , scripserit et scribat, ac sigailicet mihi dies quii)us io caitere beali fratres nostri ad iminor- lalititem gIorios:r inortis esitu trauseuut. Et celebrentur Lie a nobis oblationes et saciilicia ob commemoralioaes eorum , qax cito vobis- cum , DoujÏQo prûtegeute, celebrabiuuis. ( Epist. 12. pag. 188^.

ri] Qiio eliain loci nubis ut ûeri poterit cougregatis, lu exsultatione ac gaudio , pr;ibrliit Dominus natalem martyrii ejus diem celebrare, lum la ruemoriara eorum qui cei lamina pertulerunt , lum in venturo- rum honiiunm exercilutionem etalacritatem. ( Epist. Ecdes. Smyrnens. apud Ruinart. Jeta fiincera martyruDi ).

(5) Marlyrium autem passas e^t beatus Polycarpus Xauthicl mensis iueuntis die secundo , aule septirnum Ivaleadas maias, magno saltbato , hora octava. (Ibidem).

I i) Ou trouvera daus nos Origines de t'Eg'Jse Romaine, au tome II cl les suivaus, tout ce qui a rapport aux Catacombes et aux usages reli- gieux auxquels les premiers C .retiens les firent servir. Nous sommes contraiut d'abréger cousidérablemeut cette histoire rapide de la Litur- gie et de ses formca, cl d'indiquer les uoiions plutùl que de les épuiser.

MTIRCIOI'F.S. ?{3

s'assemblait ôgalomenl dans dos maisons parti<Milièrcs, consa- crées par leurs possesseurs au nouveau eulle , comme à Rome, par exemple, la maison du sénateur Pudens. On peut voir, dans le dialogue de Lucien intitulé Phibpatris, que les salles dans lesquelles se réunissaient les fidèles étaient quel- quefois somptueusement décorées (1). Mais les Chrétiens avaient aussi des temples proprement dits pour l'accomplis- sement de leurs pratiques liturgiques. Eusèbc nous apprend que les édits de Diocîélien portaient injonction de les détruire par tout l'empire : ils existaient donc. Bien plus, nous sa- vons par Origène que l'un des effets de la persécution de Maximin , laquelle commença en 256 , fut l'incendie des églises (2) , que le même auteur dit ailleurs avoir dès-lors existé dans toute l'étendue de l'empire (3).

Il serait impossible aujourd'hui d'assigner, d'une manière précise , la forme de ces sanctuaires primitifs. Sauf cer- taines salles des Catacombes, ornées de peintures et de mosaïques, dont plusieurs remontent aux deuxième et troi- sième siècles, il n'est rien resté de ces lieux saints, témoins

(1) On peut voir le passage de Lucien au premier volume de nos Origines de l'Eglise Romaine, page 273. Rous traitons à cet endroit cette importante question d'une manière assez spéciale ; mais nous nous proposons de la suivre dans toute son étendue et dans tous ses détails dans les volumes suivants du même ouvrage.

(2) Scimus autem et apud nos terne raotum factum in locis quibus- dam et factas fuisse qua>d2m ruinas, ita ut qui erant iinpii extra fiJcm, causam terrœ motus dicerent Cliristianos , propter quod et persecu- lioncs passîe sunt Ecclesi:e et iacensce sunt. ( Oriyen. Tractât. 28. in Matthœum ) .

(5j Olim quidem in uno Hierosolymrc loco unum erant torcular ul)i coacti preces emittebant , cujus roeminit Esaias liis vcrbis : Et œdifi- cavi turrim et proturcutar fodi in illa. Turris vero templum significal, protorcular autem altare. Verum quoniam illa se destruclurum com- min;itus est, et re vora dostruxit , pro uno po: tca niuita cciistituit tor- cularia , Ecclesias nempe pcr totum orl)cm conditas. ( Origen. in psnl. pag. 81. Jlexap!. loin. 1 ),

54 INSTITUTIONS

des assemblées religieuses des Chrétiens du premier âge ; mais on peut conjecturer, avec une apparence de raison , que les premiers temples qu'on éleva à la paix de l'Eglise, et dont la description si pompeuse est parvenue jusqu'à nous, durent s'élever sur le modèle de ceux qui les avaient précédés. La conversion des empereurs au Christianisme n'avait pu ame- ner d'autres habitudes liturgiques, et la forme qui semblait la meilleure pour ces édifices, sous Dioclétien et Galerius, de^ vait certainement encore être convenable vingt ans après , sous le règne de Constantin.

Toutefois , durant les siècles qui précédèrent leur conver- sion , la munificence des empereurs enrichit et décora somp- tueusement les églises du quatrième siècle. Non seulement nous voyons qu'elles étaient dotées de revenus fixes , sou- vent enviés, tantôt par les proconsuls, tantôt parles clercs simoniaques; mais d'incontestables monumens nous appren- nent que les objets qui servaient au culte annonçaient une véritable opulence. Il suffît de se rappeler les Actes de S' Lau- rent , Archidiacre de Rome (1), et aussi l'inventaire des meu- bles sacrés de l'église de Carthage , tel qu'il est rapporté au procès-verbal d'une enquête faite par ordre des empereurs sur l'origine du schisme des Donatistes (2).

(1) Hune essevestris orgiis Moremque et artem proditum est , Hanc disciplinam fœderis Libent auro ut antistites. Argenleis scyphis feront Furaare sacrum sanguiaem Auvoque aocturnis sacris Adstare fixos cereos. (Prudent, perîsteplianon. in S. Laurent ). (2) Calices duo aurei , item calices sex argentei , urceola scx argen- lea, cucumellura argenteum, lucernas argenteas septem, cereofala

LITURGIQUES. t')ô

La pompe des cérémonies devait ôtre aussi grandement rehaussée par la présence du nombreux clergé qui se réu- nissait autour de l'Evêque dans les grandes villes. A Rome , par exemple , au temps du Pape saint Corneille , c'est-à-dire au milieu du troisième siècle, il n'y avait pas moins de qua- rante-six prêtres, sept diacres, sept sous-diacres, quarante- deux acolytes, et cinquante-deux tant exorcistes que lecteurs cl portiers (1).

Lorsque la plupart de ces ministres entouraient l'autel, il devait sans doute paraître environné de quelque majesté : aussi voyons-nous saint Cyprien employer fréquemment ce terme autel , comme nous ferions aujourd'hui : jusque-là que, parlant de la consécration de l'huile sainte, il dit clai- rement que , pour opérer ce rite sacré , il est besoin à la fois et d'un autel et d'une église (2). Et ailleurs : « Parce qu'il » plaît à Novatien, dit-il, d'ériger un autel et d'offrir des » saci'ifices illicites, nous faudra-t-il nous passer d'autel et » de sacrifices, pour ne point avoir l'air de célébrer les mêmes » mystères que lui (5) ? s Dans la même épître , qui est adres-

(luo , candelas brèves œaeas cum lucernis suis seplem , item lucernas reneas undecim cum cateiiis suis, etc. ( Bnluz. , Miscellan. , tom. 2, pay. 95;.

(1) Igaorabat ( Novatianus) unum episcopum esse oportere in Eccle- sia Calholica , in qua tamen sciebat presbyleros quidem esse quatuor et quadraginta , seplem autera diaconos, tolidemque subdiaconos, acolythos duos et quadraginta exorcistas , et leclores cum ostiarijs duobus quinquaginta. (S. C'ornel. Epist, ad Fabitim Antiocheu. w ', col. iriO. apiid Constant. )

(2) Porro autem Eucîiaristia est unde baptizali unguntur , oleum la allai'l sanelificatum. Sanctiiicare autem non potuit olei creaturani qui nec Altare habuit, nec Ecclesiam. ( Epist. 70. paij. 301 ).

(ô) Aut quia Novatianus altare collocaro, et sacrilicia offerre contra fas nititur, al) altari et sacriliciis cessare nos oportet, ne paria et simi- lia cum illo celebrare videamuv? f Zi'/j/iV. ad Jabaianum de liœretkis baptizamlis. )

56 institutions;

sée à Jiibaien, le saint Evéque de Carthagc parlo avec oni- phasede la Chaire de l'Evoque, siège inaliénable établi dans chaque église, au centre de l'abside, et sur laquelle l'élu de l'Esprit Saint pouvait seul s'asseoir. On a trouvé de ces chaires au fond même des Catacombes; on y a gardé jus- qu'à nos jours celle sur laquelle fut massacré le Pape saint Etienne , et qui portait encore les traces de son sang. La basilique de Saint-Pierre conserve encore aujourd'hui la Chaire du prince des Apôtres. Mais ce genre de détails ap- partient à nos Origines de VEglisc romaine.

Sur cet autel dont nous venons de parler , s'offrait le Sa- crifice des Chrétiens ; car la Fraction du pain est désormais désignée sous ce nom, dans les écrits des Pères qui suc- cèdent aux écrivains apostoliques. Terînîlien est formel (i) ; Saint Cyprien ne l'est pas moins (-2) ; il explique même, avec profondeur et éloquence, comment le Christ préfiguré par Melchisédech , a offert une hostie dont l'oblalion se continue dans l'Eglise (5) , et il affirme que , de son temps, les Prêtres offraient chaque jour le sacrifice à Dieu (4) . Sans doute , nous

(1) Qme oratio cum divortio sancti osciili intégra... quale sacrificium est a quo sine paoe receditur. (De oratione. cap. XIF ).

JNonne solemnior erit statio tua, si et ad aram steteris? Acceplo Cor- pore Domini, et reservalo, utrumque saUuiu est, et participatio sa- crificii , etexeculio oflScii. (Ibidem).

(2) >am si Jésus Chrislus Dominus et Deusnoster ipse est summus sacerdos Dei Palris , et sacrificium Patri seipsum primus obtulit , et hoc fierl in su! comniemorationem prseeepil ; utique ille sacerdos vice Christi vere fungitur , qui id quod Chrislus fecit, imitatur ; et sacrifi- cium verum et plénum tune offert in Ecclesia Deo Patri , si sic iacipiat offerre, secundum quod Ipsum Christum videat obtulisse. ( Epist. 63. pageiSi J.

(3) Ibidem , page 277.

(4) Ut sacerdotes qui sacrificia Dei quotidie celebramus , hostias Deo et viclimas prseparemus. (Epist, ol ,pag. ibô}.

HTURCIQUES. f»?

regarderions comme une chose précieuse un recueil liturgi- que qui reufeimerait la forme exacte du sacrifice , des sacre- mens et sacramenlaux à l'usage des trois premiers siècles : mais , comme ce recueil u'exislc pas pour nous autrement que dans l'ensemble des formules essentielles, qui n'ont pu changer, parce qu'elles sont universelles, et, partant, divines ou du moins apostoliques, nous nous contenterons de pro- duire ici certaines parlicularitcs racontées parles écrivains du second et du troisième siècles.

Commençons par la description des assemblées chrétiennes au jour du dimanche, telle qu'elle est présentée aux empe- reurs par l'Apologiste S' Justin, au second siècle du Christia- nisme. L'extrême réserve gardée dans ce récit laisse sans doute beaucoup à désirer , mais l'ensemble qu'il offre n'en sera pas moins agréable et utile au lecteur.

« Le jour du soleil, tous ceux qui habitent soit la ville, »soit la campagne, se rassemblent dans un même lieu , et , t on lit les Commentaires des Apôtres et les écrits des Pro- nphètes, autant que l'heure le permet. Ensuite, quand île lecteur s'est arrêté, celui qui préside fait à l'assistance » une admonition et exhortation à imiter de si beaux exem- » pies ; après quoi nous nous levons tous ensemble et nous ï faisons les prières. Ces prières étant finies, on apporte »le pain et le vin mêlé d'eau. Alors, celui qui préside » fait entendre avec force les prières et actions de grâces , » et le peuple avec acclamation répond : Amen. On fait la ï distribution des choses sur lesquelles il a été rendu grâces, » à chacun de ceux qui sont présents , et on les envoie aux » absens par les diacres. On fait ensuite une collecte : ceux >qui sont riches donnent librement ce qu'ils veulent, et on » dépose le tout aux mains de celui qui préside , et sa charge » est de subvenir aux orphelins et aux veuves , ù ceux qui

S8 INSTITUTIONS

» sont dans le besoin pour maladie ou loule autre raison, à > ceux qui sont dans les liens et aux voyageurs et pèlerins. >Nous nous réunissons ainsi au jour du soleil, tant parce j que c'est le premier jour, celui auquel Dieu ayant dissipé » les ténèbres et remué la matière , créa le monde , que parce y qu'en ce même jour, Jésus-Christ notre Sauveur est ressus- >cité d'entre les morts. La veille du jour de Saturne, ils le » crucifièrent , et le lendemain de ce même jour , c'est-à-dire »le jour du soleil , se manifestant à ses Apôtres et à ses Dis- î ciples, il enseigna les choses que nous venons de vous ex-

* poser (1). »

Dans un autre endroit de la même apologie , saint Justin donne d'autres détails qui complètent les précédcns : par- lant du baptême et des rits qui l'accompagnent , il en achève In description par celle du divin sacrifice auquel assiste le néophyte.

« Lorsque nous avons ainsi lavé celui qui vient de rendre » témoignage de sa foi en notre doctrine , nous le conduisons î vers ceux qui sont appelés frères , afin d'oÊfrir des prières » communes et pour nous-mêrties , et pour celui qui vient

* d'être illuminé , et pour tous les hommes, afin qu'arrivant » à la connaissance de la vérité, ils de>iennent dignes de par- »ticiper à la même grâce. Quand les prières sont finies,

* nous nous saluons par le baiser. Ensuite on apporte à celui » qui préside le pain et la coupe de vin mêlé d'eau. Celui-ci » les ayant reçues , rend gloire et louange au Père de toutes î choses par le nom du Fils et du Saint-Esprit , et accomplit

* une longue Eucharistie, ou Action de Grâces, pour ces » mêmes dons que nous avons reçus du Père. Quand il a y achevé les prières et l'Eucharistie , tout le peuple crie :

(1) Yid. la note C.

LITURGIQUES, iffi

tAmen. Or, Amen en langue hébraïque équivaut à Fiat^ «Celui qui préside ayant terminé les prières , et le peuple ï ayant répondu , ceux que nous appelons diacres distribuent » le pain , le vin et l'eau , sur lesquels on a rendu grâces , afin » que chacun de ceux qui sont présens y participent , et ils ï ont aussi le soin de les porter aux absens (1). »

Dans ce récit succinct, nous voyons clairement exposé tout l'ensemble du sacrifice eucharistique , tel qu'il est encore au- jourd'hui. Le jour du dimanche est celui de l'assemblée gé- nérale ; la messe dite des Catéchumènes a lieu comme aujour- d'hui par la lecture des livres de l'ancien et du nouveau Testament. Vient ensuite l'Homélie adressée à l'assistance par le pontife , en manière de commentaire sur les lectures que l'on vient de faire. Après l'Homélie , l'assistance se lève , et ont lieu les prières pour les besoins de l'Eglise , et du monde entier, qui sont placées dans toutes les Liturgies avant la Con- sécration. La Consécration est, comme aujourd'hui, précédée de l'Action de Grâces , qui est une formule longue , prolixa^ à laquelle appartient spécialement le nom d'Eucharistie ; c'est le Canon. Les réponses du peuple par acclamation , le baiser de paix, la communion, le ministère des diacres, tout le sacrifice en un mot , se trouve exposé comme en abrégé dans cet admirable et touchant récit , malgré l'atten- tion de l'Apologiste à ne pas révéler les mystères , au-delà d'une certaine mesure qui lui a été permise.

Les Chrétiens de cette époque prenaient part aux prières de l'Eglise , en se tournant vers l'Orient, et tenant les mains étendues en forme de croix; geste que l'Eglise latine a retenu pour le Prêtre , durant la plus grande partie du sacrifice , et qui est si expressivement rendu sur les peintures des Cala-

(t) Vid. la note D,

60 INSTITUTIONS

combes romaines. ïertuUien en explique le mystère en son livre rfe la Prière (1).

De même que nous avons emprunte à saint Justin la des- cription du Sacrifice de l'Eglise primitive, nous rapporterons ici plusieurs des cérémonies qui accompagnaient le baptême à cette époque , d'après Tertullien que nous venons de citer. Voici quelques-uns des traits qu'il rapporte en passant :

Avant d'entrer au lieu était l'eau, le Catéchumène, sous la main du pontife , protestait de sa renonciation au diable , à ses pompes et à ses anges. Ensuite , il était plongé trois fois, et proférait des paroles qui appartiennent à la Tradi- tion et non à l'Évangile. Etant levé des fonts, on lui donnait à goiiter le lait et le miel , et à partir de ce jour, il devait s'abstenir du bain ordinaire, pendant toute une semaine (5). On se disposait au baptême par de fréquentes oraisons, par des jeûnes, des génutlexions, et par la confession secrète des péchés (5). Le temps d'administrer solennellement ce grand sacrement était la fête de Pâques et celle de la Pente- côte (-4;. Enfin , on ne finirait pas , si l'on voulait rappeller ici

(1) Nos vero non attollimus tantum manns, sed eiiam expandimus e Dominica passioue modulatum et ormites confitemur Chrislo. ( De ora- lione. Cap.XIJ ).

(1) Ut a baptismale ingrediar , aquam adituri, ibidem, sed et ali- quanto prius ia Ecclesia , sub antistilis manu coalestamur nos reaun- liare diabolo, et pompée, et angeiis ejus. Debiuc ter mergitamur, am- pliiis aliquid respondentes. quam Dominus in Evangelio deterrainavit. Inde suscepti , laclis et niellis coacordiam prccguslamus, exque ea die, laTacro quolidiauo per lotam hebdomadam abslinemus. ('Z'c coroHrt militis. cap. III ).

(tj lagressurosBaptismam, orationibus crebris, jejuaiis et genicu- lationibus , et pervigiliis orare oportet, et cum confessione omnium relro delictorum.... nobis gratulandum cA, si non publiée conGienuip iniquilatesaut lurpitudines no^tras. ( De Baptismo. cap. XX ).

(i) DiemBaptismo solemciorem Pastha pneslat; cum et Passio Do- raini in quara tingimur adirnplela est..,, exinde Pentecoste ordiaau-

LITURGIQUES. 61

lont OC que cet auteur énumère dans ses divers écrite, de rites et d'observances relatives à l'administration de ce pre- mier sacrement des Chrétiens.

Nous n'entreprendrons donc point de Taire le dépouille- ment des richesses liturgiques dont sont remplis les écrits de TertuUicn , ces écrits si énergiques dans lesquels on retrouve si au naturel les mœurs de l'EgUse d'Afrique. Nous nous contenterons de dire ici un mot d'après lui sur l'important sujet des funérailles des Chrétiens. On voit par un passage très-précieux de son traité De anima, que le Chrétien de ces premiers temps allait à la sépulture , conduit par un Prêtre , et que ce Prêtre confiant cette dépouille mortelle à la terre , souhaitait, comme aujourd'hui, la paix à l'àme que la su- prême volonté avait momentanément séparée du corps (1). Et tel était le zèle des Chrétiens à témoigner leur foi dans la ré- surrection des corps, qu'ils n'avaient rien de précieux quand il s'agissait de la rehgion des tombeaux. « Si les Arabes , dit » TerluUien au sénat romain , si les Arabes se plaignent qUc » nous n'achetonspas d'encens , les Sabéens , du moins , savent î que la sépulture des Chrétiens consomme une plus grande » quantité de leurs aromates , qu'il n'en est employé à faire » fumei- devant les dieux (!2). »

dislavacris latissinium spatiura est.... cseteruni ornais dies Domini est , omnisbora , onine tenipus habile BapUsuio, si de solemnitate inlerest , dcgi'alia niiiil refert. ( Ibid. cap. -\L\ ).

(1) Scio femiaam quanidam vernaculaiu Ecclesite, forma et «tate intégra functam , post unicuin etlireve matrimoniun\ cuni la pace dor- iriissel , et morante adbuc sepullura, intérim oratione presbyleri coni- ponerelur, adprimum halitum oralionis, maniisa lateribus dimotas in habiltim snpplicem conformasse , rursumque oondita pace, sitiii suo rcddiJisse. ( De .hiimu. cap. LI ).

(2) Tbura plane non emimus. Si Aral)i;o i|ueruntur, scient Sal)a3i pinris et rarioris suas merces Cliristianis se[ielicndis profligari , quani diis funiigandis. ( /ipologct,cup, XLll).

62 INSTITUTIONS

Ce seul Irait nous montre le zèle des Chrétiens pour les pratiques de leur culte , et nous révèle la splendeur de leurs cérémonies tant publiques que domestiques. Mais combien d'autres détails , combien de formules liturgiques précieuses n'aurions-nous pas encore aujourd'hui , si le secret dont furent environnés les mystères chrétiens à cette époque , eût permis leur manifestation dans des écrits publics ! Cette con- sidération doit toujours être présente à quiconque veut écrire ou résumer quelque chose sur la Liturgie , non-seu- lement des trois premiers siècles, mais on pourrait même dire des trois ou quatre qui les ont suivis. Ce n'est pas ici le lieu de donner les preuves de l'existence de ce secret auguste qui garda si fidèlement les traditions chrétiennes pures de tout contact profane. Les témoignages en sont trop abondans dans les écrits des Pères, soit avant, soit après la paix de l'Eglise , et personne , que nous sachions , ne conteste , au- jourd'hui, un fait matériel aussi palpable. Seulement nous répéterons ce que nous disions tout à l'heure, savoir que le premier résultat de ce secret pour les siècles nous vivons, a été de rendre plus ou moins obscurs certaines formes et certains accidens de la Liturgie primitive , bien qu'un assez grand nombre de parties soit encore resté en lumière , comme pour nous aider à suppléer le reste , au moyen de conjectures probables.

Toutefois , ainsi que nous l'avons dit dans le chapitre pré- cédent, nous sommes en droit strict de faire remonter à l'é- poque que nous décrivons en ce moment, sinon à celle même des Apôtres, le texte des Liturgies dîtes Apostoliques, le Ca- non de la Messe latine, les formules accompagnant l'adminis- tration des sacreniens; en sorte que personne ne saurait nier raisonnablement que le style liturgique, tel qu'il est uni- versellement exprimé dans tous ces monumens, et tel qu'il

LITURGIQUES. 65

a ulé iiuilc dans les siècles suivans , ne suit uti produil du génie chrétien de l'époque primitive. Nous en donnerons ici une preuve qui n'a peut-être jamais été alléguée , mais qui n'en est pas moins incontestable.

Nous voyons dans les Actes des i>tartyrs , la plupart de ces généreux Confesseurs du Christ, au moment de consommer leur saci'ifice , résumer dans une pi"iî;re de style solennel leurs vœux et leurs adorations. Toutes ces formules se res- semblent , qu'elles soient proférées par des Évoques comme saint Ignace d'Anlioclie , par des laïques comme saint Théo- dote d'Ancyre, par de simples femmes, comme sainte Afra. Or , rien de plus visible que l'identité du style de ces prières avec celles de l'Eglise dans la célébration des mystères. On pourrait donc légitimement, en s'appuyanl sur l'analogie comme sur une règle de certitude, rapporter la rédaction de ces antiques formules à l'âge héroïque, à l'âge des martyrs. Mais nous nous devons de justifier notre assertion par des exemples. Nous citerons ici, dans le texte, la prière de saint Polycarpe ; le lecteur en trouvera plusieurs autres dans les notes à la suite de ce chapitre (1). Voici cette prière :

« Domine Deus omnipotens , Pater dilecti ac benedicti FiUi ^> tui Jesu Cliristi , per quem tui notitiam accepimus ; Deus B Angelorum et virtutum, ac universfe creaturaD, totiusquc î justorum generis qui vivunt in conspcctu tuo ; benedico le,- y> quoniam me hac die atque hac hora dignatus es, ut partem >' caperem in numéro martyrum tuorum, in calice Cliristi tui, » ad rcsurrectionem viiœ œterna:; , animas et corporis , in in- î corruptione Spiritus sancti : inter quos utinam suscipiar f hodie coram te , in sacrificio pingui et accepto , quemad- vmodum [)neparasli et piwmoiistrasti et adimplevisti , men-

(1) Vid. la uote E.

64 INSTITUTIONS

» dacii uescius ac vcrax Deus. Quaproptcr de omnibus laudo » te , bcnedico te , glorifico te , cum sempiterno et cœlesti wJesu Cliristo, dileclo tuo Filio ; cum quo libi et Spiritui isancto gloria , el nuiic et in futiira secula. » Amen (1).

Une autre source qu'on ne doit pas manquer de consulter pour connaître l'ëiat de la Liturgie dans les trois premiers siècles , est le recueil de la discipline générale de cette époque, rs'ous placerons en tète les Canons Apostoliques , si anciens , qu'on ne peut faire remonter leur rédaction défi- nitive au-dessous du second siècle.

On y lit , au canon troisième , la défense de placer sur l'autel du miel , du lait , ou tout autre objet que la matière même du Sacrifice du Seigneur; après quoi il est ajouté : Qu'il ne soit permis d'offrir à l'autel rien autre chose que > l'huile pour le luminaire , et l'encens au temps de la sainte îoblation (2). »

Ce canon est important, principalement pour constater l'antiquité de l'usage de brûler de l'encens à l'autel; usage, du reste, qui, ayant été pratiqué dans la loi mosaïque et dans toutes les religions , devait naturellement prendre place parmi les observances chrétiennes. Si nous avons vu plus haut TertuUien aihrmcr que les Chrétiens n'achetaient pas d'encens , il entendait dire par-là que, ne s'en servant que dans la célébration du sacrifice , par la seule main du Pon- tife , la consommation qu'ils en faisaient était de beaucoup

(l) Epist. Eocles. Smyrueas. Jpud Ruinart.

(i) Si quis Episcopus, \el Preshyter Domini de sacrificio ordinalio- nara, alla qua:dam ad al^are attuk rit, rael vel lac , vel pro vino siceraoi, vel confecla, vel aves, vtl aliqiia animalia, vel legumina praeter ordi- uationem , deponalur, praterquam nova legumina, tempore opportuno. We liceai autem aliquid aiiud ad altare olTerre , quam oleum ad lumi- aare , et iuc inum tempore sanclac oblalionis.

LITURGIQUES. 0.1

moindre que colle qu'en faisaient les payons , chez lesquels les simples particuliers brûlaient eux-mêmes, à toute heure, l'en- cens devant les mille vains objets de leur idolâtrie.

Au canon septième , le jour de la fête de Pâque, centre de la Liturgie annuelle , est fixé de manière à empêcher la communauté de pratiques avec les Juils (1).

Au canon huitième, il est enjoint à l'Évoque , au Piêlrc , au diacre , à tout clerc , de communier à l'oblation, à moins de raison suffisante , et ce , sous peine d'être séparé du reste du peuple (2); et, dans le canon suivant, on prononce la même peine contre ceux des fidèles qui , étant entrés dans l'Église, et ayant entendu la lecture des É'^ritures qui forme ce qu'on appelle la messe des cathécumènes , ne resteraient pas pour prendre part aux prières et à la communion (5).

Le canon quarante-deuxième ordonne de séparer de la com- munion un sous-diacre , un lecteur, ou un Chantre qui s'a- bandonnerait aux jeux de hasard. Ainsi , l'Eglise avait dès- lors des Chantres pour les ofiices divins. Du reste , il en est parlé dans plusieurs endroits des Constitutions Apostoliques (i) .

Le soixante-onzième et le soixante-douzième canon, sta- tuent de graves peines contre tout clerc et tout laïque qui oseraient soustraire de la sainte Église , soit de la cire ou de

(1) Si quis Episcopus, vel Presbytcr , vel Diaconus, sacri Paschw diem ante vernura aequinoclium cum Judaeis celebraverit , deponatur. (Labb.tomA.pag.'iQ).

(2) Si quis Episcopus , vel Presbyter , vel Diaconus , vel ex sacerdo- tali catalogo, fada oblatione non communicaverit , causam dicat : et si probabilis fuerit , veniam consequatur : sin vero minus segregetur, ut qui populo oflfensionis causa sit et suspicionem dederit adversus eumqui obtulit, tanquam non digne obtulerit.

(3) Quicumque fidèles ingrediuutur , et Scripturasaudiunt, in pre- catione autem et sacra communione non permanent , ut Ecclesiiv con- l'usionem afférentes , segregari oportet.

(4) Hypodiaconus, vel lector, vel cantor siniilia faciens,vel cessât, vel segregetur.

T. I. î»

66 INSTITUTIONS

riiuUe, soit un vase d'or ou d'argent , suit un vuiio consacré au culte (1). i

Tels sont les principaux traits relatifs à la Liturgie que nous trouvons dans les Canons Apostoliques. On voit qu'ils se rapportent parfaitement au genre de détails que nous avons signalés plus haut , d'après les monumens de cette époque.

Nous donnerons maintenant quelques canons du fameux Concile d'Elvire , qui fut tenu à la fin du troisième siècle , pour montrer que la Liturgie occupait , dès ce moment , une place importante dans les prescriptions ecclésiastiques , et continuer de peindre les mœurs de l'Église sous ce point de vue.

Au canon vingt-huitième , il est statué que l'Évcque ne recevra point l'offrande de celui qui ne commun-e pas (2). J

Au canon vingt-neuvième , qu'on ne récitera point à l'au- tel, dans le temps de l'oblation, le nom d'un énergumène , et qu'on ne lui permettra point de servir de sa main dans l'église (5) ; en quoi les Évéqucs d'Espagne étaient plus sé- vères que ceux d'Afrique , qui donnaient aux énergumcues le soin de balayer le pavé de l'église ( i) .

(1) Si quis clericxis , vel laïcus a sancta Ecclesia ceram vel oleum au- ferat , segregetur.

Vas aureum , vel argenteum , vel vélum sanclificatum nemo antipliiis in suum usum coavertat ; hoc lit enirn prœter jus et contra leges. Si quis autem deprehrnsus fuerit , mulctetur.

(ù) Episcopos piacuit ab co qui non communicat muncra accipere non debere. ( Labb. tom. I. pag. 973 J.

(ô) Energumenus qui ab erratico spiriiu exagitatur , liujus nomen neque ad altare , cum ob'atione, rccitandum, ncque permiitendum , ut sua manu in Ecclesia rainistret.

(i) Pavimenta domorum Dei eneigumeni veirant. (C'oncil C'artha- gin, IF, can. 91. pag. 1207. Labb. tow. II).

LIIURGIQUES. ii1

Au canon ircnlc-quatriùmc, il est délcndii d'allumcT, en plein jour, des cierges dans les cimetières, afin de ne pan inquiéter les esprits des Saints (I) , c'est-à-dire, pour ne pas troubler les fidèles qui y faisaient leurs prières.

Au canon quarante-troisième, il est dit qu'afm de réformer un abus, on célébrera la Pentecôte, suivant les Ecritures, cinquante et non quarante jours après Pâques : que ceux ({tu ne se conformeront pas à cet usage seront notés comme induisant à une nouvelle hérésie ("2).

On a beaucoup disserté sur le canon trente-sixième de ce même concile , qui porte ces paroles : « Il n'y aura point de » peintures dans les églises , de peur que ce qui est servi et B adoré , ne demeure peint sur les murailles (5) . » Certains auteurs prolestans ont voulu voir ici b condamnation des saintes images ; mais les preuves que nous avons d'ailleurs de l'usage qu'avaient les Chrétiens de représenter, au moyeu des arts de la peinture et de la sculpture , les objets de leur culte , obligent tout homme de bon sens à donner une autre interprétation au canon cité. îerlullien nous apprend, en effet, que les calices même portaient l'image du bon Pasteur; et le grand nombre d'objets conservés dans le Musée chré- tien du Vatican , ou gravés par Bosio , Âiringhi , Boldelti , Bottari , Buonarotti, ont mis les savans d'aujourd'hui à por- tée d'étudier, d'une manière même assez complète , l'art

(I) Cerf os per diem pbcuil in cœraeterio non iucencli; inquleiandi enim spiritvis sanctorum non suut ; qui licec non observaveriût, aïoean- lur ab Eccle^ise communioae.

{'2) Pravam iostitutionem emendari i)l3ouit , juxta auctoritatem Scripiurarum, ut cuncli diem Pentecoslcs po^t Pascha celebremus, non Qiiadragesimam, nlsi Quinqnagesimam. Qui non fecerit, novam Lioresim iaduxisse notetur.

(3) Placuit picturas in Ecclesia esic uou dcbeic, ne quod colilur cl adoralur in parlclibus dcpiugalur.

INSTITUTIONS

chrétien de cette époque. Peut-être le Concile d'Elvire ne défend-il ici les peintures sur les murailles, que parce qu'il y avait lieu de craindre que , ne pouvant être enlevées dans les momens de persécution , elles ne fussent profanées par les infldèles. On trouve encore une objection du même genre dans un passage de Minucius Félix , dans lequel l'auteur semble convenir que les Chrétiens n'avaient point de temples pour le culte de leur Dieu ; à quoi il est facile de répondre que l'auteur erUend par montrer la différence du christia- nisme au paganisme, l'un tellement esclave de la matière, que les objets de son culte étant détruits , il est lui-même atteint dans sa substance vitale, tandis que l'autre, émi- nemment spirituel , survit à la ruine d'édifices qui ne peu- vent contenir la majesté du Dieu qu'il adore. En effet, ces quelques phrases d'un opuscule philosophique ne sauraient détruire les innombrables témoignages de l'histoire des trois premiers siècles, qui nous entretient sans cesse des églises et lieux de réunion des fidèles.

Si les Conciles , durant la période que nous décrivons , ont s'occuper, et se sont, en effet, occupés de réglc- mens concernant la Liturgie , la sollicitude du Siège Aposto- lique, à cette même époque , ne devait pas s'étendre avec moins de zèle à régler et satisfoire ce premier besoin de tou- tes les églises. La Providence a permis que l'un des actes les plus caractéristiques de l'autorité pontificale durant les trois premiers siècles, fût en même temps un exercice souverain du pouvoir romain sur les choses de la Liturgie. Au second siècle, les Eglises d'Asie suivaient une pratique différente do celle de l'Église romaine dans la célébration de la Paque. Au lieu de la fêter au dimanche , qui est le jour de la création de la lumière , de la résurrection du Christ et de la descente de TEspril Sainl, elles suivaient l'usage judaïque de la soient-

LITURGIQUES. 69

niscr le quatorze de la lune de mars. Cette divergence , dans le mode de célébrer le principal événement du chris- tianisme , offensait gravement l'unité de culte , qui est la première conséquence de l'unité de foi. Cette persistance, au sein de la société chrétienne , des usages de la Synagogue , ensevelie à jamais sous les ruines de son temple , attaquait d'une manière dangereuse la valeur complète des rites chré- tiens ; enfin la prudence obligeait l'Eglise à prendre tous les moyens de s'isoler de la secte judaïque, devenue comme sans retour l'objet de l'exccralion du genre humain. Toutes ces graves raisons portèrent le Pape saint Victor à faire une tentative énergique pour ramener l'unité sur un point si important. Il ordonna donc de tenir des conciles par loute l'Eglise, au sujet de cette question, et ayant été à même de juger que la pratique romaine de célébrer la Pâque au dimanche, était admise presqu' universellement, il crut devoir agir sévèrement à l'égard des Eglises de la province d'Asie , qui paraissaient vouloir persister dans la coutume opposée. 11 alla jusqu'à les retrancher de la communion ecclésiastique ; peine sévère, sans doute, et si sévère, qu'elle fut plus tard révoquée ; mais les Évêques , et notamment saint Irénée, qui crurent devoir faire, à ce sujet, des re- présentations au Pape, ne lui reprochèrent point d'avoir, en ceci , outrepassé les Hmites de son autorité apostolique ; ils se contentèrent de le prier de ne pas mettre ainsi dans un état de séparation tant d'Eglises attachées d'ailleurs aux plus saines traditions (1). La longanimité du Siège Aposto- lique produisit bientôt le rétablissement de la paix , mais cet acte important resta comme une manifestation du pouvoir incontesté de l'Eglise romaine sur les matières liturgiques ,

(I) Euseb. Hist. Eccles. lib. V. cap. XXIII et seq.

70 INSTITUTIONS

et comme un préUide des eiïbris qu'elle devait faire dans la suite des temps , pour réunir toutes les Eglises dans la com- munion des mêmes rites et des mêmes prières.

Le règlement du Pape saint Victor , sur la Pâque , n'est pas le seul que les Pontifes romains aient rendu pendant les trois premiers siècles. L'importance des matières liturgi- ques, jointe à la souveraine dignité de leur siège, auquel nous voyons, par Eusèbe, saint Cyprien et saint Irénée , qu'on recourait dans toutes les circonstances graves , ont les mettre souvent à même de rendre soit des décrets , soit des réponses sur les rites sacrés. Le texte de ces réglemens s'est perdu par l'injure des temps. Il ne nous en reste plus qu'une trace demi-effacée dans les trop courtes notices du Liber Pontipcalis , clironique dont nous avons déjà établi l'auto- rité dans nos Origines de l'Église Romaine , l'on trouvera aussi une ample histoire de l'affaire du Pape saint Victor avec les Asiatiques , et la discussion sérieuse des décrets dont la teneur suit.

Saint Lin ordonna que les femmes entreraient dans l'Eglise la tète voilée (1).

Saint Anaclet construisit la Mémoire ou tombeau de saint Pierre , et fixa le lieu de la sépulture des Évoques de Rome.

Saint Evariste divisa, entre les Prêtres , les Titres ou. Égli- ses de Rome , et régla que l'Évèque , annonçant la parole de Dieu , serait assisté de sept diacres.

Saint Alexandre ordonna qu'on insérerait la mémoire de la passion du Seigneur dans les prières du Sacrifice, et qne l'on bénirait l'eau avec le sel pour en arroser la demeure des hommes.

Siint Sixte I statua que les vases sacrés ne seraient tou-

(t) Vid. liber PoQtiflcalis. M Linum , Jnacletum, etc.

LITURGIQUES. 71

elles que par les ministres, ei eonfirma l'iisag-c de chauler durant lMr//o« ecl hymne: Sanctus^ Sanclus, clc.

Saint Téicsphorc étaWitque la nuit de la Naissance du Sei- gneur, on célébrerait le Sacrifice; ce qui, aux autres jours, ne devait point avoir lieu avant l'heure de tierce ; qu'au commencement du même Sacrifice , on chanterait l'hymne ajigéliquc : Gloria in excclsis Dco.

Saint Anicet défendit aux clercs de nourrir leur chevelure.

Saint Pie, à la prière de la vierge Praxèdc, dédia en église les Thermes de Novat, in Yico Palricio ; il fit de riches offran- des à ce nouveau Sanctuaire ; il y offrit souvent le sacrifice au Si^igneur, il y fit construire une fontaine baptismale, et y baptisa de sa main , au nom de la sainte Trinité , de nombreux cathécumènes.

Saint Soîer défendit aux diaconesses de toucher les pâlies sacrées, et de mettre l'encens dans l'encensoir.

Saint Zéphyrin statua que l'ordination des prêtres, des diacres, et même des simples clercs, aurait lieu en présence du clergé et des fidèles.

Saint CaUixle fixa le jeûne du samedi, quatre fois l'an , au quatrième, au cinquième, au septième et au dixième mois. Il dédia la basilique de sainte Marie tranut Tiherim ; et cons- truisit, sous la voie Appienne, le ft^meux Cimetière qui porte son nom.

Saint Ur])ain fit faire d'argent les vases sacrés , et offrit vingt-cinq patènes du même métal.

Saint Fabien fit faire Jjoaucoup de constructions dans les Cimetières.

Saint Corneille leva les corps de saint Pierre et de saint Paul du Heu ils reposaient dans les Catacombes , et les replaça, l'un dans la plaine du Vatican , l'autre sur le che- min d'Ostie,

72 INSTITUTIONS

Saint Éiienne défendit aux Prêtres et aux diacres de se servir , dans l'usage commun , des habits dont ils usaient à l'autel.

Saint Félix I recommanda la célébration du Sacrifice sur les Mémoires des martyrs , et dédia une Basilique sur la voie Aurélia.

Saint Eutychien établit qu'on ne bénirait à l'autel que les seules prémices des fèves et des raisins. 11 ensevelit les mar- tyrs de ses propres mains , et ordonna aux fidèles de cou- vrir de riches vêtements les corps de ces courageux athlètes du Christ , lorsqu'ils les rendraient à la terre.

îS'ous arrêterons ici cette énumération , du reste fort in- complète , des lois des premiers Pontifes Piomains en matière de Liturgie , et nous nous contenterons de remarquer , ainsi que nous l'avons fidt ailleurs, que ces règlements doi- vent être considérés , les uns comme des ordonnances pour la seule Eglise de Rome , les autres comme le renouvellement de canons plus anciens, d'autres enfin comme des lois adres- sées , ainsi que le décret de saint Victor sur la Pàque , à toutes les Eglises.

Après avoir ainsi donné , dans les lois et les canons des trois premiers siècles en matière liturgique , la physiono- mie générale de l'Eglise sous cet important rapport , il nous reste encore à parcourir les divers écrivains de cette époque , sous le point de vue des ressources et des éclair- cissements qu'on en peut tirer quant à la Liturgie.

Saint Clément de Rome , s'il était réellement l'auteur ou le compilateur de l'importante collection intitulée : Consti' tutions Apostoliques , mériterait d'être placé à la tête des li- turgistes du premier âge de l'Eglise , comme il est digne de figurer le premier sur la liste des écrivains ecclésiastiques. En effet , les Constitutions Apostoliques contiennent, au Livre

LITURGIQUES, 75

huitième , uno I jiurgie du Sacrifice si complùie ei si rem- plie en même lonips de nuijcslé et d'onction , que (iranco- las n'a pu s'empêcher de la qualifier une des plus belles et une rft'.s" j^lus grandes qui se trouvent dans l'antiquité [l] : mais nous n'avons aucune preuve à fournir à fappui du sentiment qui en attribuerait la rédaction à saint Clément. Quoiqu'il on soit , elle a être composée avant la paix de l'Eglise, puisque la compilation dont elle fait partie remonte elle-même jusqu'aux temps que nous décrivons , non seule- ment d'après le sentiment des docteurs catholiques (2) , mais même d'après celui de plusieurs savansprotestans{ô). Nous l'enregistrerons donc ici comme un monument de l'époque que nous racontons, sans vouloir précisément en assigner l'auteur.

Nous avons cité la plus grande partie de ce que saint Justin rapporte dans sa première Apologie sur le Sacrifice des Chrétiens, qu'il avait à justifier des calomnies grossières à l'aide desquelles on l'avait travesti. II explique aussi le Baptême au même endroit , mais nous avons préféré citer quelques traits de Tertullien sur le même sacrement , comme exprimant les usages chrétiens avec plus de détail que ne le pouvait faire saint Justin dans un livre destiné aux payens.

Méliton , Evêque de Sardes, qui vivait en 470, écrivit un traité sur la célébration de la Pâque. Nous ne con-

(i) Anciennes Liturgies , pag. 96.

(2) Fronto (Prœnotationeo ad Kal. Rom. §. S ). Morin. De Sacris Or- dinat. part. 2. pag. 20, De Marca. Concord. lib. III. cap. 2. Bona. Re- rum Liturgicarum. lib. I. cap VIII. §. 4. Schelestrate. Antiq. illustr. part. 2. Dissert. 2. cap. 2. Pagi. Critic. Baron, ad annutn. 100. n" 10. Lebrun. Explication de la Messe. Tom. II.

(3) Henri Hammond. Cave. Tliomas Brett. CoUectio prœcipmrum Liturgiarum Ecclesiœ chriitianœ.

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naissons pins ce traité que par nn fragment d'an autre livre sur la Pàque , écrit par Clément d'Alexandrie , et égale- ment perdu , sauf un passage dans lequel est cité Méliîon : ce passage nous a été conservé par Eusèbe (1). Méliton y dit avoir écrit son livre du temps que Servilius Paulus était proconsul d'Asie ; que Sagalis , Evêquc de Laodicée , souf- frit le martyre , et qu'une grande controverse s'éîeva dans cette ville , au sujet de la solennité pascale. Cette contro- verse , antérieure à celle qui eut lieu sous saint Victor , est remarquable. Méliton avait en outre laissé stir le jour du Dimanche un traité qui est également perdu.

Le grand Clément d'Alexandrie tient rang parmi les au- teurs liturgistes des trois premiers siècles. Ainsi que nous venons de le voir, il avait aussi écrit sur Fimporiantc ques- tion de la Puque. 11 est , de plus , auteur d'un livre du Jeûne qui a pareillement péri ; mais nous possédons encore de lui une Hymne admirable au Sauveur, placée à la suite de son Pédagogue. Celte hymne est la plus ancienne qui soit parvenue jusqu'à nous : c'est un des Cantiques Spirituels dans le genre de ceux dont parle l'Apôtre ; nous essaierons d'en rendre ici la ravissante mélodie.

t Frein des jeunes coursiers indomptés, aile des oiseaux » qui point ne s'égarent , gouvernail assuré de l'enfance , » pasteur des agneaux du roi ; tes simples enfants , ras- » semble-les, pour louer saintement, chanter avec candeur, > d'une bouche innocente , le chef des enfants , le Christ.

» 0 Pioi des Saints , Verbe , triomphateur suprême , dis- » pensateur de la sapience du Père , du Ïrès-Haut ; toi , » l'appui dans les peines , heureux de toute étei'nilé , Sau- î veur de la race mortelle , Jésus !

(1) Hist. Eccles. lib. IV. cap. 26.

LiTunciQurs. 7Î>

» Pasiciir, ngririiliciir, froin, gouvornuil, ailo céhîslo du » livs-saiiil troiipoaii ; pi^clu-ur des honinies rachelés, aiuor- » rani à rélcrncllc vie l'innocent poisson , arraché à l'onde » ennemie de la mer du vice.

I Sois leur guide, ô Pasteur des brebis spirituelles! ô » Saint ! sois leur guide. Roi des enfants sans tache ! les » vestiges du Christ sont la voie du ciel.

» Parole incessante, éternilé sans bornes, lumière sans » lin, source de miséricorde , auteur de toute verlu , vie » irréprochable de ceux qui louent Dieu.

> 0 Christ ! ô Jésus ! nous qui , de nos tendres bouches , î suçons le lait céleste exprimé des douces mamelles de la » sagesse, la grâce des grâces; petits enfans, abreuvés » de la rosée de l'esprit qui découle de ta parole nourris- » santé , chantons ensemble des louanges ingénues , des s hymnes sincères à Jésus-Christ Roi.

ï Chantons les saintes récompenses de la doctrine de vie. « Chantons avec simplesse l'Enfant tout-puissant. Chœur » pacifique, enfans du Christ, troupe innocente , chan- » tons ensemble le Dieu de la paix (l). »

Tertullien offi'e les plus grandes ressources pour l'étude des usages liturgiques de l'Eglise de son temps. Les traits que nous avons cités dans ce chapitre, l'énuméralion des pratiques chrétiennes qu'on remarque dans le passage cité ci -dessus au chapitre II (2) , ne donnent qu'une faible idée de l'abondante moisson que les amateurs de la science des rites sacrés peuvent glaner dans tout l'ensemble de ses écrits. Nous leur recommandons principalement les traités de Jeju- n'as, de Yirginlbus vdandis , de CuUit feminarum, et celui ad Ujcorem.

(1) Clément, AlexaaJr. Opéra. Edlt. Potter. Oxon. tom. I. pag. 2C7. (1) Pag. 40.

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Dans ce dernier livre , parlant des graves inconvéniens de la situation d'une femme chrétienne mariée à un payen , il donne ces détails remarquables sur les mœurs de l'Eglise du troisième siècle :

« Si elle doit se rendre à l'église pour la Station , le mari

> lui donnera rendez-vous au bain plus tôt qu'à l'ordinaire ; » s'il faut jeûner, il se trouvera qu'il donne à manger le » même jour; s'il faut sortir, jamais les domestiques n'au- » ront été plus occupés. SoufFrira-t-il que sa femme aille » de rue en rue visiter les frères, et même dans les plus » pauvres réduits? qu'elle se lève d'auprès de lui pour assis- » ter aux assemblées de la nuit? souffiira-t-il tranquille- » ment qu'elle découche à la solennité de Pàque ? la lais- » sera-t-il sans soupçon aller à la table du Seigneur , si » décriée parmi les payens? trouvera-t-il bon qu'elle se » glisse dans les prisons pour baiser les chaînes dos niar-

* tyrs? Et quand même il se rencontrerait un

» mari qui souffrît toutes ces choses, c'est encore un mal de

» foire conûdence de nos pratiques aux gentils Vous

» cacherez-vous de lui , lorsque vous faites le signe de la » croix sur votre lit ou sur votre corps ; lorsque vous

> soufflez pour chasser quelque chose d'immonde, lorsque » vous vous levez la nuit pour prier? ne sera-t-il pas tenté » de voir en tout ceci des opérations magiques? ne saura- » t-il point ce que vous goûtez, en secret, avant toute nour- » riture ? et s'il sait que c'est du pain, ne croira-t-il pas qu'il » est tel qu'on le dit (1) ? t

Plus loin , parlant de la félicité du mariage chrétien , il nous apprend qu'il se consommait dès- lors en présence de l'Eglise, au pied de l'autel : « Comment suffirons-nous à

(1) Vid. lanoteG.

LITURGIQUES. 77

» raconter le bonheur de ce maiinge dont l'Eglise forme » l'alliance , que l'oblatiou confirme , que scelle la bcné- » diction , que les Anges rapportent au Père céleste qui > le ratifie (i) ? >

Saint Irénée ne nous est connu , sous le rapport de la Li- turgie, que par ses lettres dans la controverse de la Pàque. Eusèbe nous a conservé un fragment de l'une d'elles dans son histoire. Nous savons par le même auteur que Théophile de Césarée en Palestine et Polycrate d'Ephèse écrivirent aussi des lettres sur la même matière ; le premier, en faveur de l'orthodoxie ; le second , dans le sens des Quartodeci- mains (2).

Saint Hippolyte, évoque et martyr , traça un Cycle pour la supputation de la fête de Pâque, et ce Cycle se lit encore aujourd'hui gravé sur la chaire de marbre de ce docte Evcque , laquelle , avec la belle statue qui y est assise , est bien aussi un monument liturgique de l'époque que nous traitons, et un des principaux ornements de la Bibliothèque Vaticane.

Saint Denys d'Alexandrie , au milieu du troisième siècle , (îcrivit plusieurs Lettres Paschales , et une Épître Canonique adressée à l'Evêque Basilides , sur le même sujet de la célé- bration de la Paque ; une lettre sur le samedi ; une autre de officio Diaconi (5).

Saint Cyprien doit être rangé parmi les écrivains les plus importants sur la matière qui nous occupe. Il suffira de rappeler son admirable épître à Cécilius sur le Sacrifice

(I) Unde sufiîciamus ad enarrandam felicitatem ejus matrimoniî quod Ecclesia conciliât , et confirmât oblatio , et obligat benedictio ; Angelirenuntiant, Pater rato liabet? (Ad Uxorem. lib.II. cap, FUI).

(:2) Euseb. Hist. Eccles. lib. V. cap. XXIII. cl seq.

(ô) Euseb. Hist. Eccles. lib. Vil. Passim.

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chrétien, el mille endroits tant de ses traiiûs que de ses lettres , écrits qui , comme ceux de Tertullien , reflètent de la manière la plus exacte et la plus vive les mœuis de l'Eglise d'alors. Le livre de VOraison Dominicale est aussi fort important ; mais une phrase de ce livre ayant été , ainsi que nous le verrons dans la suite des temps , le texte d'un grand nombre de sophisraes dangereux et subversifs de toute Liturgie , malgré le désir que nous avons d'abréger celle revue des écrivains ecclésiastiques des trois premiers siècles , nous placerons ici ce fameux passage , en invitant le lecteur à y recourir , toutes les fois qu'il en sera besoin , dans la suite de ce récit.

« Le Christ avait dit que l'heure était venue les vrais i adorateurs adoreraient le Père en esprit et en vérité, et ce » qu'il avait promis, il l'a accompli, en faisant que nous, qui ï avons reçu pour fruit de son sacrifice l'esprit et la vérité , » puissions , instruits par ses leçons , adorer vraiment et > spirituellement. En effet, quelle prière plus spirituelle » que celle qui nous a été donnée par le même Jésus-Christ » qui nous a envoyé l'Esprit saint? quelle prière plus vraie * aux yeux du Père, que celle qui est sortie de la bouche du » Fils, qui est la vérité même? Prier autrement qu'il n'a cn- » seigné, ce n'est pas seulement ignorance , mais faute ; car » le Christ a intimé sa volonté , et a dit : Vous rejetez le » commandement de Dieu pour établir votre propre tradi- » lion. Prions donc, frères chéris, prions comme Dieu notre » maître nous a appris. C'est une frière amie et familière ^ que celle qui s'adresse à Dieu com,me venant de lui , et fait » monter à ses oreilles la frière même du Christ. Arnica et fa- » miUaris oralio est Deum de sua rogarc , ad ores ejus ascen- » dcre Chridi orationem (!}.

(1) Vid. la noie H,

LITURGIQUES. 70

Nous lerminei'oiis celle reviio par los noms d'Analoliiis de Laodic'cc et de sainl Pierre d'Alexandrie , qui oui éerit riin cl l'aulre sur le sujet de la Pàquc (1) ; question (jui, comme on le voit, occupa presque tous les auteurs litur- gisles des trois premiers siècles.

Tandis que la Liturgie était ainsi considérée comme une des principales forces du christianisme, l'hérésie qui cherche toujours à contrefaire rorthodoN.ie, et à tourner au profit de ses coupables projets les moyens que celle-ci emploie pour maintenir les saintes traditions, mettait déjà la main sur cette arme sacrée. Le précurseur d'Ârius , Paul de Samo- sale , abolissait les chants dont son Église retentissait jus- qu'alors en rhonneur du Christ , et y substituait d'autres cantiques dans lesquels ils recevait les flatteries sacrilèges de ses sectateurs (2). Les schismatiques qui , sous le nom de Donatistes , fatiguèrent l'Eglise d'Afrique , de la lin du troi- sième siècle jusque dans le cinquième , fabriquèrent aussi , comiiie le rapporte saint Augustin , des chants , sous forme de psaumes , destinés à répandre le venin de leurs erreurs dans la multitude réunie pour la prière (5). Du reste , long- temps auparavant , le fameux Valentin avait aussi, avec une grande imimdence , comme dit Tcrtullien , composé ses Psaumes (4) , et saint Epiphane nous apprend qu'un autre

(1) Euseb. Kist. Eccles. lib. VII. cap. 32.

(2) Psalmos in honorem Domini nostri Jesu-Clirisli cani solitos , quasi novellos et a recentiorihus liominibus compositos abolevit. Mu- lleres antem magno Paschœ die , in média Ecciesia psalmos quosdani canere ad sui ipsius laudem instituit. ( Euscb. l/ist. Eccles. Lib. VII. cap. 50 )

(5) DonalisUe nos repreliendunt quod sobrie psallimus in Ecciesia divina canlica Prophetarum ; cura ipsi ebrietates suas ad canticnm psalniorum humauo ingenio compositorum, quasi ad Uibas exliortationis iniîammant. (S. Augustini. Epist. XXXI F. )

(5) TcrluUlan. De Canic Chrisll. Lib, If. cap. 17.

80 INSTITUTIONS

sectaire, Hiérax, l'avait imité, dans le même but de corrompre la foi par une prière mensongère (l). Nous verrons, à diffé- rentes époques , de nouvelles applications de ce perfide sys- tème , commun à presque toutes les sociétés séparées.

En concluant ce chapitre, nous observerons que la Litur- gie conserva après la mort des Apôtres le même caractère traditionnel que nous avons reconnu en elle , lorsqu'ils vivaient encore ;

Que les plus savants docteurs s'en occupèrent comme d'une partie fondamentale du christianisme ;

Que les hérétiques tentèrent dès-lors d'empoisonner cette source de foi et de doctrine ;

Que ses formes firent l'objet des plus graves prescriptions ecclésiastiques ;

Que des tendances d'unité commencèrent dès-lors à se manifester , du moins pour les rites principaux ;

Qu'enfin l'Eglise romaine fut dès -lors le centre de la Liturgie, comme elle l'était de la foi ; en sorte que, même sous le point de vue qui nous occupe , on doit appliquer les solennelles paroles de saint Irénée , en son troisième Livre contre les Hérésies : Ad hanc quipjpe Ecclesiam, propter potentiorem principalitatetn , necesse est omnem convenire Ecclesiam, idest qui sunt undique fidèles.

(1) S. Epiphauius. Adv. Hsereses. Lib. II. Bœresi, LXXVil.

htlugiques. 81

^OïES DU CHAPITRE IV.

NOTE A.

Precalion'S Imite maiie, et lerlia Lora , ao sexta, etnona, et ves- pere, atque ia galliciuio. Mane : gralias agentes, quod Domiiius, abduota iiocte , et induolo die , illuiiiinavit nos. Tertia hora : quoiiiaiu in ca Dominus senleatiam daninatiouis excepit a Pilato. Sexta : quod iu ea crucilixus est. Nona : quia cuncta, crucifixo Domino, commola sunt, dura borreut impioruna Judxoruia temerilatem, nec ferre pos- sunt eontumeUam Domino ilialam. Vespere : gratias agentes, quod noctem nubis dederit, laborum diuraorum reqiiietem. In gallorum cantu : eo quod iila hora nunliat advenlum diei, ad facieuda opéra lucis. Si proptcr inlidcles impossibiie est ad Ecclesiam procedere , la djmo aliqua cougragationem faciès , Episcope. ( Constit. Apost. Lib. y m. cap. XXX J F.)

jNOTE B.

In orationibus vero celebrandis invenimus observasse cum Daniele très pueros in fide fortes, et in captivitate victores, horam tertiam, sextam, nonam, sacramento sciUcet Trinitatis ; quse in novissimis temporibus manifestari babebat. Nam et prima hora in tertiam ve- nieus , consummatum numerum Trinitatis oslendit. Itemque ad sextam quarta procedens, déclarât alteram Tritiitatem. Et quando a septima nona completur, per ternas horas Trinitas perfecta numeratur; quse horarura spatia jampridem spiritaliter déterminantes adoratores Dei, statutis et legitimis ad precem temporibus serviebant : et manifestata post modum res est sacramenla olim fuisse ; quod aute sic jusli preca- bautur. >am super discipulos hora tortia descendit Spiritus Sanctus , qui gratia dominicœ ropromissionis implevit. Item Pelrus horà sextà la tectum superius ascendeus, signo pariter et voce Dei monentis ins- tructus est , ut omnes ad gratiam salutis admilteret , cum de emun- dandis gentilibus ante dubitaret. Et Dominus hora sexta crucifixus , ad nonam peccata nostra sanguine suo abluit, et ut redimere et vivi- ficare nos posset , tune victoriam suam passione perfecit. Sed nobis , fralres dilectissimi , praeter horas antiquitus observatas, orandi nunc et spatia et sacramenta crèveront. Aam et mane orandum est , ut re- surrectio Domini matutina oratioae celebretur. Quod olim Spiritus Sanctus designabat in psalmis dicens : Rex meus et Deus meus , quo- T. I. 6

82 INSTITUTIONS

niam ad te orabo, Domine : maue exaudies vocem meam: mane assistam libi , et contemplabor te. Et iterum per prophetam loquitur Dominus : Diluculo vigilabunt ad me dicentes : Eamus et revertamurad Dominum Deumnostrum. Recedeute item sole ac die cessante, necessario rursus orandum est. >am quia Christus sol verus , et dies est verus, sole ac die seculi recedente , quando oramus et petimus ut super nos lux denuo veniat, Cbristi precamur adventum, lucis leternae gratiam prae- biturum. ( S. Cyprianus, de oratione Dominica, vers la fin. )

?«OTE C.

Solis, ut dicitur , die , omnium sive urbes sive agros incolentium in euradem locum lit conventus, et commentaria Apostolorum , aut scripta Propbetarum leguntur, quoad licet per lempus. Deinde ubi lector desiit , is qui praeest admonilionem verbis et adhortationem, ad res tam prseclaras imitandas suscipit. Postea omnes simul consurgimus, et preces emittimus : atque , ut jam diximus, ubi desiimus precari, panis affertur et vinum et aqua : et qui prseest, preces et gratiarum actiones totis viribus emitiit, et populus acclamât, amen, et eorum, in quibus gratice actae sunt , distribulio fit et communicatio unicuique pricsentium, et absentibus per Diaconos mittitur : qui abundant et volunt , suo arbilrio , quod quisque vult , largiuntur, et quod coUigitur apud eum, qui prœest, deponitur , ac ipse subveuit pupilliset viduis, et iis qui vel ob morbum , vel aliam ob causam egent , tum etiam lis qui in vinculis sunt et advenieutibus peregre bo^pitibus; uno verbo omnium indigentium curam suscipit. Die autem solis omnes simul con- venimus , tum quia prima bccc est dies , qua Deus , cum tenebras et materiam vertisset , mundum creavit , tum quia Jesus-Cbristus salvator noster eadem die ex morluis resurrexit. Pridie enim Saturni eum cru- cifixerunt, et postridie ejusdem diei, id est, solis die apostolis suis et discipulis visus ea docuit , quœ vobis quoque consideranda tradidimus. ( S. Justinus. Jpologia I. N" 67. )

NOTE D.

Nos autem postquam eum , qui fidem suam et assensum doctrinae nostrae testatus est, sic abluimus, ad eos, qui dicuntur fratres, dedu- cimus , ubi illi congregati sunt , communes preces et pro uobismetipsis, et pro eo qui illuminatus est , et pro aliis ubique omnibus inleuto animo facturi, ut veritatis cognitionem adepti, hac etiam gratia dignemur , ut rectam operibus vitam ageutes et prxceptorum custodes invenia- mur , quo salutem seternam assequamur. Invicem osculo salutamus , ubi desiimus precari. Deinde ei , qui fratribus prœest , panis affertur ,

LITURGIQUES. 85

et pocuUmi aquce et vini : qiiibus ille acceptis, laudem et gloriam uni- versorum Parcuti pcr nomen Filii et Spivitus Sancti emiltit , et Eucha- ristiam , sive graliarum aclioncm, pvo liis ab illo acceptis donis proli- lixe exsoquUur. Postquain procès et Eucharisliain absolvit , populus oinnis acclamât , nmen. Amen autein hebr;ea liugiia idem valet ac fiai. Postquam vero is , qui procest , preces absolvit , et populus omnis ac- clamavit , qui apud nos dicuntur diaconi panem et vinum et aquam , in quibus gratiio actie sunt, unicuique prx'senlium participanda distri- buunt, et ad absentes perferunt. {Ibidem. A"" 65.)

KOÏE E.

Sanctus vero Dei martyr ( Irenœus ) cura venisset ad pontem , qui vocatur Basentis, exspolians se vestioienta sua , et extendens manus in cœlum, oravit dicens : Domine Jesu-Christe , qui pro mundi sainte pati dignatus es, pateant cœli tui, ut suscipiant Angeli spiritum servi tui Irenœi, qui propter nomen tuum et plebem tuam productam de Ecclesiatua catholica Sirmiensium hœc patior. Tepeto, tuaraque de- precor misericordiam , ut et me suscipere , et hos in lide tua confir- mare dignerls. Sic itaque percussus gladio a ministris, projectus est in fluvium Savi. (Jet. S. Irenœi, Episc. Sirmiensis. Jpud Ridnart.)

Cumque perducti cssent (Lucianus etMarcianus) ad locum, tan- quam ex uno ore gratias Deo agentes, dixerunt : Tibi, Domine Jesu, insufficientes laudes dicimus, qui nos miseros et indignos de errore genlilitatis erutos, ad banc summam et venerabilem passionem propter nomen tuum perducere dignatus es, atque omnium sanctorum tuorum particeps efficere. Tibi laus, tibi gloria , tibi etiam animam et spiritum nostrum commendamus. Et cum complevissent orationem, statim quaes- tionarii subposuerunt ignem. (Jet. SS. Luciani et Marciani. Ibidem. )

Cumque ad locum pervenissent , or are cœpit martyr (Theodotus) in L-.ec verba : Domine Jesu-Christe, cœli terrœque conditor,qui non derelinquis sperantes in te, gi atlas tibi ago, quia fecisti me dignum cœlestis tuœ urbiscivem, tuique regni consortem. Gratias tibi ago, quia donasli mibi draconem vincere , et caput ejus conterere. Da re- quiem servis tuis, atque in me siste violentiam inimicorum. Da Eccle- sise tuae pacem , eruens eam a tyrannide diaboli. Cumque orationem liniens adjunxisset, Jmen, conversus vidit fratres flentes, etc. (Jet. S. Theodoti Jncyrani et septem Plrginum. Jpud Ruinart. )

Et iis dictis expletis, Afra circumdata sarmentis, igné supposito, vox ejus audiebatur dicens : Gratias tibi ago Domine Jesu-Christe, qui me dignatus es hostiam babere pro nomine tuo , qui pro toto mundo solus hostia oblatus es in cruce , justus pro injuslis, bonus pro raalis , bene-

84 INSTITUTIONS

dictus pro maledictis, mundus a peccato pro peccatoribus universis. Tibi olTero sacriûcium meum , qui cum Paire et Spiritu Sanclo vivis et régnas Deus ia recula saculorum , Ameu. Et hccc dicens , emisit spiri- tum. (Jeta S. Jfrœ. Jpud Ruinart. )

Posiiis (Julitta) genibus, oravit, dicens : Gratias tibi ago, Domine, qui priorem me lilium meum vocasli , et ut pnesenti hac vanaque re- licta vita, œternœ iili cum sanctis juogeretur, propter sanctum ac tremendum nomen tuum dignanter voluisli ; me quoque suscipe ia- diguam ancillam tuam, facque ut iugens illud bonum nanciscar, quo prudenlibus virgiaibus, quibus iiidultum ut in celestem ac incorrup- tum tlialamum iagrederentur, accensear : ac beuedicat spiritus meus Patrem tuum Deum omnium cuuservatorem , ac universorum opificem , Sanctumque Spiritum in s;ecula. Amen. ( Jeta SS. Cyrici et Julittœ. Jpid Buinart. )

]XOTE F.

Fraenum pullorum indocilium,

Penna volucrum non errantium,

Verus clavus infantium,

Pastor agaorum regalium,

Tuos simplices

Pueros congrega,

Ad sancte laudandum ,

Syncere caneudum

Ore innoxio

Christum puerorum ducem.

Rex sauctorum , Verbum , qui domas omnia , Patris altissimi , Sapientiœrector, Laborum sustentaculum , ^vo gaudens, Humani generis Servator Jesu , Pastor , arator , Clavus , fraenum , Penna cœlesiis Sanctissimi gregis. Piscator hominum , Qui salvi fiunt : Pelagi vitii

LlTUnCIQUES. 8S

Pisces castos

Unda ex infesta

Duloi vila inoscans.

Sis dux , uviuin

llalionaliuiii paslor.

Saucte , sis dux ,

Rex puerorum intaclonini.

Vesligia Oliristi,

Via tœlestis ,

Verbuni porenne ,

iEvuni intinitum,

Lux îeterna ,

Fons misericordiœ ,

Operatrix virtutis,

Hoaesta vita

Deum laudantiuni, Clirlste Jesu,

Luc cœlesle

Dnlcibus uberibus

INympkc gratiarum ,

Sapientiîe tua? expressum.

Infantuli

Ore tenero

Enutrili,

Mammœ rationalis

Roscido spLrilu

Impleti ,

Laudes simplices ,

Hymaos Teraces ,

Régi Christo ,

Mercedes sanctas

Vitae doctrime ,

Canamussimul,

Canamus siuipliciter

Puerum valeutem.

Chorus pacis ,

Ciirislo geoiti,

Populus raodestus ,

Psallamus simul Deura pacis.

AOTE G.

Si siatio faclenda est , maritus de die condicat ad balnea, si jejunia

86

INSTITUTIONS

observanda sunt , maritus eadem die convivia exerceat : si proceden- dum erit, nunquarn inagis familiiu occupalio obveniat. Quis autem sinat conjugcm suam visitaiulorum fralrum gralia , vicatiin aliéna et quideiu pauperiora qureque tuguria circumire ? Quis noclurnis con- vocalioiiibus, si ilaoporluerit, à ialere suo adimi libenler i'erelV Quis denique soleinnibus PasclicO obnoctantem securus susliiicbil ? Quis ad couvivium illud doininicum, quod infamant, sine sua suspicione di- mittet ? Quis in carcercm ad osculauda vincula niartyris reptare palie-

tur? Sed aii(iuis sustiuet nuslra, nec obslrepit.

Iloe est igilur deliclum quod geniiles nostra noverunt Lalebisne

tu cum lectuluni , cum corpusculuni tuum signas , cum ali(iuid iminun- duni flatu oxplodis, cum eliam per noctem exurgis oratum ? Et non aiagiai aliquid videberis operari ? Non sciet maritus quid secreto ante omnem cibum gustes? Et si sciveril panem, non illum crédit esse qui dicilur ? ( Tertullianus ad Uxorem. Lib. II. cap. 3. 4. 5. G. )

NOTE H.

Jam prfcdixerat lioram venire , quando veri adoratores adorarent Patrem in spirilu et veritate, et implevit quod ante promisit; ut qui spiritum, et verilatem de ejus sanctificatione percepimus, de traditione quoqueojus vere et spiritaliter adoremus, Qu;o enim i)0lest esse magis spirltalis oralio, quam qu;e vere a Chrislo nobis dala est, a quo nobis et Spirilus Sanclus missus est ? Qu;c vera magis apud l'alrem precatio , quam qu;i' a Fiiio qui est verilas, de ejus ore prolata est? Ut aliter orare quam docuit, non ignorantia sola sit, sed et culpa : quando ipse posuerit et dixerit : Kejicitis mandatum Pei, ut Iraditionem vestrara statuatis, Oremus itaque , fratres dileclissimi , sicut magisler Deus docuit. Arnica et l'amiliaris oralio est Deum de suo rogare; ad aures ejus ascenderc Christ! oratioueni. {S. Cyprianide Oral. Dominica, au commencement du livre. )

LITURGIQUES.

87

CHAPITRE V.

DE LA LITURGIE, DANS l'ÉGLISE EN GÉNÉRAL, AU QUATRIÈME SIÈCLE.

L'Eglise enfin sort pour jamais des cryptes qui, trop sou- vent, avaient couvert de leurs ombres la majesté de ses mys- tères. Elle étale au grand jour ces rites dont la pompe et la sainteté achèveront la victoire que déjà l'auguste vérité do ses dogmes , et la beauté de sa morale, lui ont assurée sur le paganisme. Suivant notre usage , nous recueillerons dans ce chapitre les faits généraux , qui donneront l'ensemble de l'époque liturgique que nous traitons.

Or , le caractère de cette époque est le triomphe : c'est maintenant que s'accomplit la parole du Sauveur : Ce qui se disait à l'oreille, fnchez-le sur les toits (1). Ces mystères ca- chés ou comprimés dans l'enceinte des temples éclatent au grand jour. La pompe et la richesse du culte , quelque splen- dides qu'elles fussent parles largesses des patriciens disciples du Christ, dépassent toute mesure du moment que les em- pereurs ont franchi le seuil de l'Eglise. De même que la foi , l'espérance des biens futurs , la charité fraternelle avaient Hiit jusqu'ici le lien intime des Chrétiens par tout l'empire, désormais les formes liturgiques, devenues formes sociales, proclament leur puissante nationalité. « Que si, s'écrie Eu- » sèbe , un seul temple situé dans une seule ville de Palestine » fut un objet d'admiration , combien plus est merveilleux K le nombre , la grandeur, la magnificence de tant d'Eglises

(I) Matlh. X. 27.

86 INSTITUTIONS

observanda sunt , maritus eadem die convivia exerceat : si procedeû- dum erit, nunquam magis familife occupatio obveniat. Quis autem sinat coDJugem suam visitandorum fratruni gratia , vicatim aliéna et quidem pauperiora qiueque tuguria circumire V Quis nocluruis con- vocalionibus, si itaoporlueric, à latere suo adimi libenter feret? Quis denique -solemnibus Paschœ obnoctantem securus sustinebit ? Quis ad convivium illud dominicum, quod infamant, sine sua suspicione di- mittet ? Quis in carcerem ad osculauda vincula martyris reptare palie-

tur ? Sed aliquis sustiuet nostra , nec obstrepit.

Hoc estigitur deliclum quod genliles nostra noverunt Latebisne

tu cum lectulum , cum corpusculum tuum signas , cum aliquid immun- dum flatu explodis , cum etiam per noctem exurgis oratum ? Et non aiagiœ aliquid videberis operari ? ]\on sciet maritus quid secreto ante omnem cibum gustes? Et si sciverit panem, non illum crédit esse qui dicitur ? ( Tertullianus ad Uxorem. Lib. II. cap. 3. 4. 5. 6. )

INOTE H.

Jam prœdiserat horam venire , quando veri adoratores adorarent Patrem in spiritu et veritate , et implevit quod ante promisit ; ut qui spiritum, et veritatem de ejus sauctiflcatione percepimus, de traditione quoque ejus vere et spiritaliter adoremus. Quce enim polest esse magis spiritalis oratio, quam quœ vere a Christo nobis data est, a quo nobis et Spiritus Sanctus missus est ? Quœ vera magis apud Patrem precatio , quam quse a Filio qui est veritas, de ejus ore prolata est? Ut aliter orare quam docuit, non ignoranlia sola sit, sed et culpa : quando ipse posuerit et dixerit : Rejicitis mandatum Dei, ut traditionem vestram statualis. Oremus itaque , fratres dilectissimi , sicut magister Deus docuit. Amica et familiaris oratio est Deum de suo rogare ; ad aures ejus ascendere Christi oratioaem. ( S. Cypriani de Orat. Dominica , au commencement du livre. )

LITURGIQUES. 87

CHAPITRE V.

DE LA LITURGIE, DANS l'ÉGLISE EN GÉNÉRAL, AU QUATRIÈME SIÈCLE.

L'Eglise enfin sort pour jamais des cryptes qui, trop sou- vent, avaient couvert de leurs ombres la majesté de ses mys- tères. Elle étale au grand jour ces rites dont la pompe et la sainteté achèveront la victoire que déjà l'auguste vérité de ses dogmes, et la beauté de sa morale, lui ont assurée sur le paganisme. Suivant notre usage , nous recueillerons dans ce chapitre les faits généraux , qui donneront l'ensemble de l'époque liturgique que nous traitons.

Or , le caractère de cette époque est le triomphe : c*est maintenant que s'accomplit la parole du Sauveur ; Ce qui se disait à l'oreille, prèchez-le sur les toits (1). Ces mystères ca- chés ou comprimés dans l'enceinte des temples éclatent au grand jour. La pompe et la richesse du culte , quelque splen- dides qu'elles fussent parles largesses des patriciens disciples du Christ, dépassent toute mesure du moment que les em- pereurs ont franchi le seuil de l'Eglise. De même que la foi , l'espérance des biens futurs , la charité fraternelle avaient fait jusqu'ici le lien intime des Chrétiens par tout l'empire, désormais les formes liturgiques, devenues formes sociales, proclament leur puissante nationalité. « Que si , s'écrie Eu- » sèbe , un seul temple situé dans une seule ville de Palestine » fut un objet d'admiration , combien plus est merveilleux » le nombre , la grandeur, la magnificence de tant d'Eglises

(t) Matth. X. 27.

88 INSTITUTIONS

> (le Dieu érigées dans tout l'univers (1) ? Les prophéties , » dit-il ailleurs, sont véritablemeirt acccomplies , aujour- » d'hui que nous voyons des hommes décorés en celle vie de j la dignité royale , confondus dans l'Eglise de Dieu avec les j> pauvres et le bas peuple ('2j . i

De toutes parts ; on relevait donc les Eglises démolies du- rant la persécution : on en édifiait de nouvelles par toute rétendue de l'empire. La Dédicace de ces temples s'accom- plissait avec une splendeur toujours croissante; les Evéques s'y réunissaient en grand nombre , et le père de l'Histoire Ecclésiastique nous a conservé dans des récits pleins d'en- thousiasme la mémoire de ces augustes cérémonies.

La première Dédicace d'Eglise que nous rencontrons tout d'abord après la paix de Constantin , est celle de la Basilique de Tyr, inaugurée vers l'an 313. Cette ville, qui avait pour Evêque Paulin, avait vu périr son Eglise durant la persécu- tion de Dioclétien, et les payens s'étaient efforcés d'en défi- gurer jusqu'à l'emplacement, en y amassant toutes sortes d'immondices. On eût pu aisément trouver un autre lieu pour construire une église , lors de la paix rendue au christia- nisme ; mais l'Evêque Paulin préféra faire nettoyer le premier emplacement et y jeter les fondemens de ia seconde basili- que , afin de rendre plus sensible encore la victoire de l'E- glise; et la gloire de ce second temple fut plus grande que celle du premier. Eusèbe fut chargé de prononcer l'homélie

(1). Quod si tempUim illud in vina Palestinae urbe admiraiione dig- numerat; quanto magis mirabilis illa frequenlia , magnitudo et pul- chriludo Ecclesiarum Del in omni loco excitatarum? IVam lotus orbis plenus Ecclesiis e;t. Euseb. Comment, in Isaiam. pag. S60.

(2) Quod si videas regios viros dignitateac praestantia inbacvita or- nâtes, in Ecclesia Pei cum pauperibus ex infirma plèbe congregatos, ne cuncteris dicere etiam bac ratione impletam esse Scripturam. Euseb, ibid. pag. 402.

LITURGIQUES, 80

solennelle de la Dédicace au milieu d'un peuple immense ac- couru pour prendre part à cette fête.

S'adross;uu d'abord aux Evoques présens à la cérémonie, il connnence ainsi : « 0 amis d(î Dieu et Pontifes, qui portez » la sainte tunique et la couronne céleste de gloire , qui avez > l'onclion divine et la robe sacerdotale du Saint-Esprit (1). » Fleury lui-même a reconnu ici désignés clairement le cos- tume pontifical et le diadème sacré dont les Evoques usaient déjà, au moins dans la célébration des mystères ; et comme nous ne voyons à cette époque aucun règlement ecclésias- tique pour fixer ces usages , nous devons en faire remonter l'institution à l'époque qui avait précédé, et durant laquelle nous en avons déjà rencontré plusieurs vestiges signifi- catifs.

Il célèbre ensuite le triomphe que Dieu vient de donner à son peuple sur ses ennemis , et la force victorieuse qu'il a mise en son Christ , qui seul , par la puissance de son bras , a opéré un si merveilleux changement. Après quoi , il s'étend sur l'éloge de l'Evêque Paulin qu'il compare tantôt à Bese- léel, l'architecte du tabernacle mosaïque, tantôt à Zoroba- bel , le réparateur du temple. Mais ce qui nous intéresse davantage , c'est la description que fait Eusèbe de l'ensemble et des parties de la basilique avec le détail des mystères signi- fiés dans sa construction. Ce passage est important en ce qu'il nous révèle la forme des Eglises chrétiennes primitives , sui- vant notre remarque au chapitre précédent; mais jusqu'ici nous ne voyons pas qu'il ait été cité , ou même connu de quelqu'un de ces innombrables parleurs d'architecture reli-

(1) Amici et sacerdotes Dei, qui sacra tunica talari induti, et cae- lesti gloriae corona decorati , divinaque uuctione delibuti , et sacer- dotali Sancti Spiritus veste amicti estis. JEuseb. But. Ecdes. Lib, X' cap. IF,

90 INSTITUTIONS

gieuse dont le pays regorge depuis quelques années , et qui nous étalent , avec une si grotesque suffisance , tout le luxe d'un savoir improvisé.

c Paulin, dans la réédification de son Eglise , dit l'élo- » quent panégyriste , non content d'accroître l'emplacement

> primitif, en a fortifié l'enceinte comme d'un rempart au » moyen d'un muc,de clôture. Il a élevé son vaste et sublime » portique vers les rayons du soleil levant; voulant par » donner à ceux-mêmes qui n'aperçoivent l'édifice que de » loin , une idée des beautés qu'il renferme , et inviter par cet » imposant spectacle ceux qui ne partagent pas notre foi à » visiter l'enceinte sacrée. Toutefois, lorsque vous avezfran- » clîi le seuil du portique , il ne vous est pas licite encore » d'avancer, avec des pieds impurs et souillés : entre le » temple lui-même et le vestibule qui vous reçoit , un grand » espace en carré s'étend , orné d'un péristyle que forment » quatre galeries soutenues de colonnes. Les entre-colon-

> nemens sont garnis d'un treillis en bois qui s'élève à » une hauteur modérée et convenable. Le milieu de cette î cour d'entrée est resté à découvert , afin qu'on y puisse » jouir de la vue du ciel et de l'éclatante lumière qu'y ver- ï sent les rayons du soleil. C'est que Paulin a placé les » symboles de l'expiation , savoir les fontaines qui , situées » tout en face de l'Eglise , fournissent une eau pure et abon- ï dante, pour l'ablution, aux fidèles qui se préparent à entrer

> dans le sanctuaire. Telle est la première enceinte , propre » à donner tout d'abord une idée de la beauté et de la régu-

. » larité de l'édifice , et offrant en même temps une place con-

> venable à ceux qui ont besoin de la première instruction. » Au-delà , plusieurs vestibules intérieurs préparent l'accès » au temple lui-même , sur la façade duquel trois portes » s'ouvrent tournées à l'orient. Celle du milieu , plus consi-

LITURGIQUES. 91

j (lérable que les deux autres , on hauteur et en largeur, est » munie de baHanls d'airain avec des liaisons en fer et ornée » de riches sculptures : les deux autres semblent deux nobles » compagnes données à une reine. Au-delà des portes, s'é- » tend l'Eglise elle-même, présentant deux galeries latérales » au-dessus desquelles ouvrent diverses fenêtres ornées de » sculptures en bois du travail le plus délicat, et par lesquelles » une abondante lumière tombe d'en-haut sur tout l'édifice. » Quant à la décoration de cette demeure royale, Paulin a su ï y répandre une richesse, une opulence véritablement colos- » sales. Je ne m'arrêterai donc point à décrire la longueur et D la largeur de l'édifice , son éclat splendide , son étendue pro- » digieuse, la beauté rayonnante des chefs-d'œuvre qu'il ren- » ferme, son faîte arrivant jusqu'au ciel et formé d'une pré- î cieusc charpente de ces cèdres du Liban dont les divins » oracles ont célébré la louange quand ils ont dit : Les bois du » Seigneur^ les cèdres du Liban seront dans la joie. Parlerai-je ï de l'habile et ingénieuse disposition de l'ouvrage entier , de » l'excellente harmonie de toutes les parties , lorsque déjà 5) ce que l'œil en contemple dépasse ce que l'oreille en pour- » rait ouïr. Après avoir établi l'ensemble de l'édifice , et » dressé des trônes élevés pour ceux qui président, en même » temps que des sièges de toutes parts pour les fidèles, Pau- » lin a construit le Saint des Saints , l'autel , au milieu ; et » pour rendre inaccessible ce lieu sacré , il en a défendu l'ap- » proche, en plaçant à distance un nouveau treillis en bois, » mais si merveilleux dans l'art qui a présidé à son exécution, » qu'à lui seul il offre un spectacle digne d'admiration à tous » ceux qui le considèrent. Le pavé même de l'Eglise n'a point » été négligé : le marbre y décrit de riches compartiments. » Sur les nefs latérales de la Basilique ouvrent de très-amples » salles que Paulin , nouveau Salomon vraiment Pacifique ,

92 INSTITUTIONS

» a fait construire pour l'usage de ceux qui doivent recevoir » l'expiation et la purgation par l'eau et le Saint-Esprit. »

Après ces détails de description dont nous n'offrons ici qu'une traduction libre et abrégée , l'Evêque de Césarée se livre de nouveau aux transports de l'enthousiasme que lui inspire la délivrance de l'Eglise , figurée dans la splendeur du glorieux édifice élevé par la main de Paulin ; mais bientôt il rentre dans son sujet , et expose ainsi quelques-uns des mys- tères exprimés dans les formes de la construction du temple qu'il vient de décrire.

< Sans doute cet œu^Te est merveilleux et au-dessus de

> toute admiration , si on en considère l'apparence exté- » rieure ; mais bien autrement merveilleux est-il , si l'on s'é- » lèvejusqu'à son type spirituel, savoir l'édifice divin et rai- » sonnable bâti par le Fils de Dieu dans notre âme , qu'il a j choisie pour épouse et dont il a fait un temple à lui et à » son Père. C'est ce Verbe divin qui a purgé vos âmes de » leurs souillures , et qui les a confiées ensuite au Pontife

> très-sage et aimé de Dieu qui vous régit. C'est ce Pontife » lui-même , tout entier au soin des âmes dont il a reçu la » garde, qui ne cesse d'édifier jusqu'à ce jour, plaçant en » chacun de vous l'or le plus brillant, l'argent le plus éprouvé, » les pierres les plus précieuses , en sorte qu'il accomplit » par ses œuvres sur vous , la mystérieuse prédiction qui » porte ces paroles : Voici que j'ai préparé Vescarboucle » pour tes murs . le saphir pour tes fondemens , le jaspe » pour tes remparts , le crystal pour tes portes , les pierres t les plus recherchées pour ton enceinte extérieure : tous tes

> en fans sont instruits par Dieu même , tes fils sont dans la

> paix , toi-même es bâtie dans la justice. Donc , Paulin édi-

> fiant dans la justice , a disposé dans un ordre harmonieux » les diverses portions de son peuple , enserrant le tout d'une

LITURGIQUES. 93

Il vaslo nmraillo extérieure qui est lu ferme foi. 11 a dis- » Irilmé eelle nuillilude infinie dans une proportion digne de » la plus imposante structure. Aux uns , il a confié le soin des » portes et la charge d'introduire ceux qui veulent entrer; ils B forment ainsi conmit! un vestibule animé. D'autres se lien- » nont près des colonnes qui supportent la galerie quadran- » gulaire de la cour intérieure, parce qu'ils épellent encore le V sens littéral des (jualre Evangiles. D'autres , qui sont les » catéchumènes , ont leur place sous les galeries latérales du ï royal édifice , pour signifier qu'ils sont moins éloignés de ï la connaissance de ces mystères secrets qui font la nour- » riture des fidèles. Quant à ceux-ci , dont les âmes sont » immaculées et purifiées comme l'or , dans le divin lavoir , » ils se tiennent soit auprès des colonnes de la nef principale » qui , s'élevant à une hauteur supérieure à celles du por- " tique, figurent les sens mystérieux et intimes des Ecritures ; » soit auprès des fenêtres qui répandent la lumière dans l'é- 3> difîce. Le temple lui-même est décoré d'un simple et impo- ? sant vestibule , pour marquer la majesté adorable du Dieu » unique ; les deux galeries latérales qui accompagnent l'édi- » fice , expriment le Christ et le Saint-Esprit , double émana- » tion de lumière : enfin , toute la doctrine de notre foi rayonne I dans la Basilique avec un éclat éblouissant. Les trônes , les » sièges , les bancs placés dans ce temple sont les âmes dans » lesquelles résident les dons qu'on vit un jour s'arrêter sur » les apôtres, en forme de langues de feu. D'abord le Pontife » qui préside est pour ainsi dire rempli du Christ : ceux qui » siègent après lui (les Prêtres), font éclater dans leurs per- » sonnes les dons du divin Esprit. Les bancs rappellent les » âmes des fidèles sur lesquelles se reposent les anges confiés » à la garde des élus. Enfin , l'autel lui-même unique , vaste , » auguste , qu'est-il , sinon l'âme très-pure du pasteur

94 INSTITUTIONS

» universel, del'Evêque, véritable Saint des Saints, dans » lequel réside le Pontife suprême , Jésus Fils unique de » Dieu (1) ? »

Nous avons enregistré ces paroles d'Eusèbe comme le point de départ des traditions écrites sur la construction des Basiliques , portion si importante de la science liturgique. Toutes les églises bâties au quatrième siècle , tant en Orient qu'en Occident , nous apparaissent sous la forme si éloquem- ment décrite ci-dessus : ce qui prouve jusqu'à l'évidence que le type , pour être ainsi universel , était antérieur à la paix de Constantin (2) . Les mystères cachés sous les détails de la construction, et si magnifiquement racontés par l'Evêque de Césarée, étaient connus du peuple fidèle, à qui le langage des symboles était familier dans une religion qui sanctifiait toutes les parties de la création. Nous verrons cette symbo- lique s'enrichir encore dans l'Eglise d'Occident, jusqu'à l'é- poque où l'esprit positif de la réforme , réagissant même sur les peuples catholiques , en vint à dicter des plans d'église muets et déshérités de tous les souvenirs de la tradition. Quant aux rites au moyen desquels les temples étaient con- sacrés, au quatrième siècle, dans l'Eglise d'Orient, nous sommes réduits à de pures conjectures, du moment que nous voudrions les reproduire. Il est hors de doute que le chant des psaumes et des hymnes y occupait une grande place ; que des oraisons de consécration , dans le style du reste de la Liturgie, devaient résumer la prière des Pontifes et lui donner une plus grande force de sanctification ; que , dans

(1) Vid. la note A.

(2) >"ous rapprocherons des paroles d'Eusèbe ce passage des Consti- tutions Apostoliques : Primo quidem œdes sit oblonga , ad orientem versa, ex utraque parte pastophoria versus orientem habens, et qtiœ navi sit similis. Constitut. Apostol. Lib. II. cap. 57. Cotelier. pag. 261.

LITURGIQUES. 95

ces occasions, les Evêqiies paraissaient avec de riches habits pontilicaiix; ([u'cnlin une Dédicace était comme aujourd'hui un sublime spectacle de Religion, destiné à graver, dans l'esprit et le cœur des peuples, un profond sentiment de la sainteté et de lu majesté de cette demeure que le Seigneur daigne se choisir au milieu des hommes.

Dans l'Occident , les traditions de l'Eglise Romaine nous apprennent que le Pape saint Silvestre institua et régla en détail , dès le quatrième siècle , les rites que nous pratiquons aujourd'hui dans la Dédicace des Eglises et des autels (1). Ce Pontife eut les plus magnifiques occasions de les prati- quer dans l'inauguration des Basiliques fondées à Rome par la munificence de Constantin. Cet empereur bâtit, en son palais de Latran , une église qu'il dédia sous le titre du Sau- veur, et qui maintenant, connue sous le nom de Saint-Jean- de-Latran , est devenue le siège du Pontife Romain , la Mère et la Maîtresse de toutes les églises de Rome et du monde entier, ainsi que le porte l'inscription qu'on lit sur sa façade principale. Outre cette Eglise , Constantin éleva celle de Saint-Pierre , sur le corps même de cet apôtre , au Champ- Vatican ; celle de Saint-Paul , sur le corps de l'apôtre des Gentils, sur le chemin d'Ostie ; celle de Saint-Laurent, extra muros, sur la voie Tiburtine; celle de Sainte-Croix-en-Jéru- salem, in agro Sessoriano; celle de Sainte - Agnès ^ sur la voie Nomentane; celle des Saints Marcellin et Pierre, sur la voie Lavicane; et plusieurs autres encore dans Rome et dans les environs de cette capitale.

Non content de réédifier les sanctuaires de l'ancienne Rome avec une magnificence vraiment impériale , le pieux

(1) Ritusquos in consecrandis Ecclesiis et altaribus Romana servat Ecclesia , Beatus Silvester Papa primus instiluit. Brev, Rom, XI, No- vemb.

96 INSTITUTIONS

empereur voulut, autant qu'il était en lui , sanctifier la nou- velle qu'il bâtissait sur l'ancienne Byzance. 11 y construisit de magnifiques Basiliques , entre autres celle qu'il dédia àl a Sa- gesse Eternelle, sous le nom de Sainte -Sophie; celle de Sainte Irène , qui fut sous son règne la grande Eglise ; celle des Douze Apôtres , qu'il destina pour sa sépulture , et un grand nombre d'autres dans la ville et aux environs , prin- cipalement sur les tombeaux des martyrs. Son zèle pour les solennelles manifestations de la foi , parut aussi dans le soin qu'il prit de placer la figure de la Croix dans les lieux pu- blics de la nouvelle capitale. Il aima aussi à faire représenter sur les fontaines, au milieu des places , deux sujets princi- palement chers aux Chrétiens de l'âge primitif, le bon Pas- teur et Daniel dans la fosse aux lions (1).

Mais un sujet qui émut particulièrement en ce siècle les Chrétiens, et qui fournit l'occasion aux actes les plus pompeux de la Liturgie, fut la restauration foite, par sainte Hélène, des lieux sacrés de la Palestine qui avaient été les témoins de la vie, des prodiges et des souffrances de l'Homme-Dieu. Se- condant avec zèle les pieuses intentions de sa mère , Cons- tantin mit les trésors de l'empire à la disposition de saint Macaire, évêque de Jérusalem, afin que l'Eglise qui devait être bâtie sur le Saint-Sépulchre surpassât en magnificence tous les édifices que pouvaient renfermer toutes les villes du monde (2). Eusèbe nous a pareillement conservé la descrip- tion de cette Basilique , qui fut construite en six ans : nous plaçons ce précieux morceau dans les notes , à la fin du pré- sent chapitre (5). Après avoir étalé toutes les splendeurs

(1) Eusebe. Vita Constaniiai, passim.

(2) Voyez la lettre de Constantin k saint Macaire, dans Eusèbe, Hta Constant. Lib. III, cap. JXY. XXXI. XYX//.

(3) Vid. la note B.

LITURGIQUES. 97

qui brillaioni clans la construction do l'Eglise du Saint Sé- pulchre, l'historien termine ainsi : « 11 nous serait impos- »sible do raeonlor la somptuosité, la délicatosso, la grand(;ur, » lo nombre , la variété des oi-nomcnts ot autres objets d'of- » fraude , étincelants d'or , d'ai'gent et de pierreries , que la » magnificence impériale accumula dans le temple de la Ré- » surreclion (l). »

Mais si nous avons à déplorer lo silence d'Eusèbe sur une matière aussi importante pour la Liturgie que les vases sa- crés et autres dons qui entouraient l'autol, dans la Basilique du Saint Sépulchre , la Providence a permis du moins que l'inventaire de plusieurs églises de Rome , au même siècle, parvînt jusqu'à nous, pour nous dédommager en quelque sorte de ce que la négligence des historiens nous a fait perdre. L'importante Chronique , connue sous le nom de Li- ber Pontipcalis , dont nous avons entrepris la publication dans nos Origines de l'Eglise Romaine, renferme, à l'article de saint Silvestre , la liste des objets offerts à plusieurs Eglises de Rome, tant par ce saint Pontife que par Constantin lui- même. On peut, d'après ces détails, se faire une idée du service divin , tel qu'il était exercé dans des Basiliqties si ri- chement pourvues de toutes les nécessités du culte. Nous nous contenterons de donner ici quelques traits, renvoyant aux notes qui suivent ce chapitre le texte même de la Chro- nique.

« Constantin Auguste, dit la Chronique Pontificale, édifia » la Basilique Constantinienne (de Latran), dans laquelle il » mit beaucoup de vases d'or et d'argent , de pierres pré- » cieuses et d'objets d'ornement. Il revêtit l'abside d'or pur, î et en garnit la partie supérieure d'argent battu ; il y plaça

(1) Eusebe. Yitâ Constant. Lib. III. cap. XL.

T I. 7

98 INSTITUTIONS

«l'image du Sauveur, assis sur un siège, haute de cinq

> pieds , et pesant cent vingt livres ; et aussi les douze apô-

» très, pesant chacun quatre-vingt-dix livres, avec descou-

» ronnes : le tout d'argent très pur. En face de l'abside , une

» autre image du Sauveur assis sur un trône , haute de cinq

» pieds, d'argent très pur, et pesant cent soixante livres :

» quatre anges d'argent, pesant cent cinq livres, ayant des

» escarboucles aux yeux , et tenant des lances terminées en

» croix : le phare ou lampadaire suspendu dans la tribune de

» l'abside avec cinquante dauphins d'or très pur, le tout pe-

»sant, avec la chaîne, vingt-cinq livres : quatre couronnes

» d'or très pur, avec vingt autres dauphins servant de lampes,

» le tout pesant quinze livres : cinq cents livres d'or laminé

» appliquées à la voûte de la Basilique dans sa longueur et

» dans sa largeur : sept autels d'argent très pur, pesant cha-

» cun deux cents livres ; sept patènes d'or , pesant cha-

» cune trente livres : quinze patènes d'argent, pesant cha-

» cune pareillement trente livres : sept coupes de communion

» en or, pesant chacune dix livres : une coupe particulière

> en métal , couleur de corail, garnie de foules parts d'éme- » raudes , et d'hyacinthes enchâssées dans de l'or, du poids » de vingt livres, trois onces : vingt coupes d'argent , pesant

> chacune quinze livres : deux ampoules en or très pur, pe-

> sant chacune cinquante livres, et pouvant contenir chacune I un médimne : vingt ampoules en argent , de même mesure » et pesant dix livres : quarante calices moindres , d'or très

> pur, et pesant chacun une livre: cinquante calices moindres, » destinés au ministère , en argent , et pesant chacun deux

> livres.

> Dans la Basilique même , hors de l'abside , devant l'autel , » un autre phare d'or très pur, dans lequel brûle une huile » de nard sans mélange , avec l'accompagnement de quatre-

LITURGIQUES. 99

» vingts dauphins , le tout du poids de trente livres : un phare » en argent , avec cent vingt dauphins , du poids de cin- » quante livres : quarante -cinq autres phares en argent » dans la grande net" de la Basilique ; quarante dans la nef » latérale de droite , et trente dans celle de gauche : cin- » quante candélabres en argent, pesant chacun vingt livres, > placés dans la grande nef : trois grands vases d'argent très » pur, pesant chacun trois cents livres, et contenant chacun » dix médimnes : sept candélabres d'airain , pesant chacun » trois cents livres, destinés à être placés devant les autels, » hauts de dix pieds , ornés de médaillons d'argent représen- » tant les prophètes, etc. (1). »

Ce court fragment donnera une idée de la richesse des Eglises bâties et ornées par les empereurs : le suivant nous donne la mesure de la munificence d'un Pape du quatrième siècle , envers une simple Eglise fondée par lui dans Rome. «Silvestre bâtit, dans la ville, une église sur le terrain d'un » certain prêtre nommé Equitius. Ce Titre , situé près des » Thermes de Domitien, est appelé encore aujourd'ui TUulus î Equitii (2). Le Pape y offrit les dons suivans : une patène j> d'argent , pesant vingt livres , qu'il avait reçue à cet effet » de Constantin Auguste : deux coupes de communion en ar- » gent , pesant chacune dix livres : un calice d'or du poids » de deux livres : cinq calices pour le ministère , pesant cha- » cun deux livres : deux ampoules d'argent, pesant chacune î dix livres : une patène d'argent , pour le chrême , incrustée j> d'or et pesant cinq livres : dix lampes ornées de couronnes, » pesant chacune huit livres : vingt lampes d'airain , pesant

(1) Vid. la note C.

(2) Ou nomme maintenant cette église Saint-Silvestre et Saint-Mar- tin , ai'Monti.

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» chacune dix livres : douze chandeliers d'airain , pour les j cierges, pesant chacun trente livres, etc. (i). »

Nous avons établi ailleurs l'autorité de la Chronique qui nous fournit ces détails, et fait voir qu'elle a été rédigée successivement par plusieurs Bibliothécaires du Siège Apos- tolique , sur les mémoires les plus anciens et les plus au- thentiques.

Ces Basiliques si vastes, si somptueuses, retentissaient, le jour et la nuit , des chants du clergé et du peuple ; mais la majesté des rites allait croissant, le chant devenait plus mélodieux ; les formules saintes revêtaient de jour en jour plus de grandeur et d'éloquence. Nous parlerons plus loin des diverses Liturgies tant de l'Orient que de l'Occident : leur origine première se confond avec l'origine même des Eglises qui les pratiquaient; mais elles recevaient de nouveaux déve- loppements à cette époque de paix. De grands Evêques , illus- tres soit par la splendeur de leur siège , soit par leur doctrine universelle, consacraient leurs soins au perfectionnement des rites et des prières, et fécondaient, par de nouvelles inspi- rations , les saintes traditions de l'antiquité. Mais , comme dans les plans de la Pro^^dence , tout sert à l'accomplisse- ment des desseins de Dieu sur son Eglise, il arriva que l'hé- résie Arienne, si désastreuse dans ses ravages, fut l'occa- sion de nouveaux développemens des formes liturgiques. De même que l'hérésie, dans tous les temps, cherchera à empoisonner les sources de la Liturgie , de même aussi l'E- glise cathohque a su , à chaque époque , tourner contre sa mortelle ennemie cette arme toujours victorieuse. Nous noterons donc ici deux grands faits, l'un appartenant à l'E- gUse d'Orient , et l'autre à l'EgUse d'Occident , et attestant

(1) Vid. la note D.

LITURGIQUES. lOl

l'un et l'autre le génie tout-puissant du sacerdoce chrétien , loi'squ'il faut a{j;ir sur les masses et réveiller l'énergie du peuple fidèle.

On di)it savoir que durant les six premiers siècles du chris- tianisme et au-dolà , la vie des Chrétiens de tout âge , de tout sexe, de toute condition, était profondément empreinte des habitudes religieuses. La prière, la psalmodie, l'étude des divines Ecritures en faisait pour ainsi dire le fond : l'E- glise avait remplacé, dans les mœurs du grand nombre, le théâtre et le loriim. (^ette activité religieuse explique l'in- térêt si violent que prit constamment le peuple aux que- relles théologiques qui signalèrent cette période de l'Eglise chrétienne. L'assiduité aux oQîces divins, le jour et la nuit, était donc le fait principal dans la vie des Chrétiens de ces siècles qu'on pourrait appeler théologiques : les témoignages de toute l'antiquité nous l'attestent : nous nous bornerons à rappeler ici ces paroles de saint Augustin au peuple d'Hip- pone : « Levez-vous de grand matin pour les vigiles, réunis- ï sez-vous pour tierce, sexte et noue, avant toute occupa- » tion. Que nul ne s'exempte de l'œuvre divin, à moins qu'il » n'en soit empêché par une infirmité , une raison d'utilité B publique , ou encore par quelque certaine et grave néces- ï site (I). »

La ville d'Antioche étant en proie aux Ariens par la per- fidie de Léonce , son évêque, deux illustres membres de cette grande église , Diodore qui fut, plus tard, évêque de Tarse, et Flavien , qui monta depuis sur le siège épiscopal de la même ville d'Antioche, s'opposèrent, avec une générosité et

(1) Ad vigilias maturiussurgite; ad tertiam , ad sextam, ad nonara aute omuia couveuite. iNuUus se a sancto opère subtrahat , ni^i quetn in- firmitas, aut publica utilitas, aut forte certa et graudis nécessitas te- nuerit occupatum. Sermo LV. de tempore.

Iflfi INSTITUTIONS

une vigilance infatigables, à ce torrent d'iniquités. Voulant prémunir le peuple contre la séduction des hérétiques , et raffermir dans la solidité de la foi par les pratiques les plus solennelles de la Liturgie , ils pensèrent que le moment était venu de donner une nouvelle beauté à la psalmodie. Jusqu'a- lors , les chantres seuls l'exécutaient dans l'Eglise , et le peuple écoutait leur voix dans le recueillement. Diodore et Flavien divisèrent en deux chœurs toute l'assemblée sainte, et instruisirent les jQdèles à psalmodier , sur un chant alter- natif, les cantiques de David (1). Ayant ainsi séduit sainte- ment le peuple par cette nouvelle harmonie , ils passaient les nuits, dans de saintes veilles, aux tombeaux des martyrs, et là, des milliei's de bouches orthodoxes faisaient retentir des chants en l'honneur de Dieu (2). Théodoret rapporte, à la suite de ce récit, que le chant alternatif, qui avait com- mencé de cette manière à Antioche , se répandit de cette ville jusqu'aux extrémités du monde (5).

L'Eglise de Constantinople suivit l'exemple de celle d' An- tioche, peu d'années après; elle y fut provoquée , pour ainsi dire , par l'insolence des Ariens. Ces hérétiques , suivant l'u- sage de toutes les sectes , cherchant tous les moyens d'inté- resser la multitude , imaginèrent de s'approprier le chant alternatif que les orthodoxes avaient récemment inauguré à Antioche. Comme , sous le règne '\e Théodose , ils avaient

(1) Hi primi psallentium choros duas in partes diviseruQt; et Davi- dicos hyraaosaltcirais canere docuerunt. Tlieodoreti. Hist. Ecdes. Lib. II. cap. XXI F.

(2) lidem, divioaruin rerum studiosis ad martyrum basilicas congre- gatis, uaa cum illis pevQootare coasiieveraat, Deum liymnis célébran- tes. (Ibidem.)

(3) Quoi qaidem tune primum Anliochlre fi -ri cneptain, iade ad re- liquos pervasit , et ad ultimos usque terrarum fines perlatum est . ( Ibidem. )

I

LITURGIQUES. 105

perdu les églises dont ils jouissaient à Constanlinople , ils étnienl réduils à faire leurs assemblées sous des portiques publics. , ils se divisaient en chœurs, et psalmodiaient al- ternativement , insérant dans les cantiques sacrés certaines sentences qui cKprimaient leurs dogmes impies. Ils avaient coutume de faire ces assemblées aux fêtes les plus solen- nelles, et en outre le premier et le septième jour de chaque se- maine. Ils en vinrent même à ajouter des cantiques entiers qui avaient rapport àleur querelle avec les Catholiques; un de ces chants commençait ainsi : sont maintenant ceux tjui disent que trois sont une puissance unique? ?>'Mnt Jean Chrysostôme, craignant avec raison que quelques-uns de son peuple, sé- duits par ces nouvelles formes liturgiques , ne courussent risque d'être pervertis, exhorta les fidèles à imiter ce chant alternatif. En peu de temps , ils ne tardèrent pas à surpasser les hérétiques , et par la mélodie qu'ils mettaient à exécuter ces chants, et par la pompe avec laquelle l'Eglise entière de Constantinople , marchant avec des croix d'argent , et por- tant des cierges, inaugurait ce nouveau mode de psalmo- die (1).

En Occident , le chant alternatif des psaumes avait com- mencé dans l'Eglise de Milan , vers le même temps qu'on l'é- tablissait à Antioche , et toujours dans le même but de re- pousser l'Arianisme parla manifestation d'une nouvelle forme liturgique. Saint Augustin ayant été témoin de cette heu- reuse innovation , nous en a laissé un récit que nous place- rons ici en son entier. Voici donc comme il s'exprime au neuvième livre de ses Confessions : « Que de fois , le cœur vi- » vement ému, j'ai pleuré au chant de vos hymnes et de vos » cantiques, ô mon Dieu , lorsque retentissait la voix douce-

(1) Vid. la note E.

104 ; INSTITUTIONS

» ment mélodieuse de votre Eglise ! Ces paroles s'insinuaient » dans mes oreilles ; la vérité pénétrait doucement dans mon

> cœur ; une piété affectueuse s'y formait avec chaleur, et » mes larmes coulaient et mon bonheur était en elles. C'était » depuis très peu de temps que l'Eglise de Milan avait adopté

> ce moyen de produire la consolation et l'édification , en » unissant par des chants les cœurs et les voix des fidèles. Il ï n'y avait guère plus d'un an que Justine, mère du jeune j empereur Valentinien , séduite par les Ariens dont elle avait » embrassé l'hérésie , avait poursuivi votre serviteur Am- * broise de ses persécutions. Le peuple fidèle veillait jour et » nuit dans l'Eglise, prêt à mourir avec son Evêque. Ma mère,

> votre servante , toujours la première dans le zèle et dans

> les veilles , était , vivant , pour toute nourriture , de ses î oraisons. Moi-même, froid encore, puisque je n'avais point » ressenti la chaleur de votre Esprit , j'étais ébranlé par le j spectacle de cette cité plongée dans le trouble et la cons- » ternation. Alors il fut ordonné que l'on chanterait des » hymnes et des psaumes , suivant la coutume des Eglises » d'Orient, dans la crainte que le peuple ne succombât au » chagrin et à l'ennui. Cet usage a été retenu jusqu'aujour- » d'hui , et dans toutes vos bergeries , par tout l'univers , ï l'exemple en a été suivi (1). »

Il est à remarquer ici que sain* Ambroise n'institua pas seulement le chant alternatif des psaumes dans l'Eglise de Milan , mais qu'il fit aussi chanter les hymnes qu'il avait com- posées, Hymnl et fsalmi^ ce qui est confirmé non seule- ment par le témoignage de Paulin , Diacre , dans le récit qu'il nous a laissé de la vie de son saint Evêque , mais encore par les paroles même de saint Ambroise : « On prétend que je

(i) Vid. la note F.

LITURGIQUES. 105

> séduis le peuple au moyen de certaines hymnes que j'ai » composées. Je n'en disconviens pas : j'ai en effet composé » un chant dont la puissance est au-dessus de tout : car, quoi » de plus puissant que la confession de la Trinité? A l'aide de » ce chant, ceux-là (pii à peine étaient disciples sont devenus » maîtres (I). » En effet, dans les hymnes qu'il a composées, et dont la forme a servi de modèle à tous les hymnographes des siècles suivans , saint Ambroise s'est attaché toujours à confesser énergiquemcnt la foi du mystère de la Trinité.

Telle est l'histoire de l'introduction du chant alternatif dans les diverses Eglises d'Orient et d'Occident : fait impor- tant dans les annales de la Liturgie , et qui confirme une fois de plus , par les circonstances dans lesquelles il s'accomplit, cette maxime que nous avons exposée en commençant , que la Liturgie est la prière à l'état social.

Au reste , si l'Eglise employa contre l'hérésie les forces de la Liturgie , il faut dire aussi que l'hérésie , dès le quatrième siècle, chercha à détourner le coup, en propageant des er- reurs perfides sur le sujet des rites sacrés. Nous la verrons, dans toute la suite de cette histoire, fidèle à ce plan diabo- lique : ou elle appliquera à ses propres besoins les formes populaires du culte, ou elle décriera ces mêmes formes comme dangereuses, superstitieuses, ou d'invention hu- maine. Elle répétera surtout ce sophisme, que ce qui, dans la Liturgie, n'est pas appuyé sur l'Ecriture Sainte, doit être ôté, comme contraire à la pureté du service divin, mé- connaissant ainsi à plaisir le grand principe établi ci-dessus ,

(1) Hymnorura quoque meorum carminibus deceptum populum fe- runt. Plane nec lioc abniio Grande carmen istud est, et quo nihil po- tentius; quid enim potentius quam coufessio Triniiatis ? Facti sunt igi- tur omnes magistri qui vix poterant esse discipuli, Opusc. de Spiritti santto , inEpisi, 31.

t9& INSTITUTIONS

que toute Liturgie appartient particulièrement à la tradition. Nous en avons eu déjà un exemple frappant, dans l'erreur des Quartodécimains que l'Eglise a qualifiée d'hérésie : cepen- dant en célébrant la Pàque le quatorze de la lune , ces sec- taires se conformaient à la lettre des Ecritures. Bien plus, ils soutenaient, disaient-ils, une tradition : car il y a des tradi- tions d'erreur comme de vérité , et on ne saurait les distin- guer qu'en les rapprochant de la source à jamais pure du Siège Apostolique.

Or, dans le quatrième siècle , un Gaulois, nommé Vigi- lance , fut suscité par l'enfer pour être le précurseur des hérétiques anti-liturgistes, dont nous donnerons bientôt la succession. Lui aussi trouva et soutint que le culte se sur- chargeait de plus en plus de pratiques nouvelles , propres à en altérer la pureté. La pompe du culte extérieur, l'affluence des peuples aux tombeaux des martyrs, le culte rendu aux fragmens de leurs ossemens, les flambeaux, les cierges al- lumés en plein jour, pour marquer la joie de l'Église : la mul- titude des fêtes; toutes ces choses excitèrent une fureur sans pareille dans l'ame de Vigilance. Saint Jérôme , avec son éloquence incisive, entreprit de confondre ce nouveau phari- sien , et il s'est trouvé que les argumens qu'il employa pour anéantir ses sophismes, paraissent avoir été préparés contre de modernes sectaires, de même que les erreurs de ces der- niers ne sont qu'une pâle copie des déclamations de notre hérésiarque Gaulois. La place nous manque pour insérer ici les pages pleines de chaleur et de conviction que le docte prêtre de Bethléem consacra à la réfutation de son adver- saire ; son traité contra Vigilantium serait à citer tout entier. Nous invitons le lecteur à le relire dans les œuvres du saint Docteur. Il nous reste encore à consigner ici un fait liturgique d'une

LITURGIQUES. 107

autre nature , et dont nous devons suivre la trace dans le cours de cette histoire. 11 s'agit des églises des Moines et des formes du culte qu'on y exerçait. Les monastères, en effet, ne pouvaient exister long-temps sous le régime de paix dont jouissait l'Eglise elle - même , sans réclamer les moyens de mettre à même ceux qui les habitaient de remplir les devoirs du christianisme, et dès -lors ils devaient renfermer une Eglise , un autel pour !e Sacrifice , des ministres pour les Sa- cremens. En outre, l'Office divin, faisant la principale oc- cupation des Moines , la manière de le célébrer devait être l'objet de réglemens liturgiques spéciaux qui , tout en de- meurant en rapport avec les usages généraux de l'Eglise, devaient représenter d'une manière particulière les maximes et les mœurs du cloitre. Nous traiterons de la forme des dif- féreus Offices Monastiques, dans la partie de cet ouvrage qui renfermera l'explication de l'Office divin.

La célébration des saints mystères exigeait , dans chaque monastère , la présence d'un ou plusieurs Prêtres ou Diacres, soit qu'ils fussent du nombre des Moines, soit qu'ils fussent du clergé de quelque Eglise voisine. Toutefois , les premiers Pères de l'ordre monastique , saint Pacôme , par exemple , se souciaient peu de faire ordonner des sujets qui déjà avaient fait profession de la vie monastique : ils préféraient employer au ministère de l'autel des Prêtres déjà honorés du sacer- doce , lorsqu'ils avaient embrassé la vie parfaite du désert. L'Eglise ne tarda pas à manifester ses intentions à ce sujet , et les lettres des Souverains Pontifes, comme les décrets des Conciles , statuèrent les règles à suivre pour l'ordination des Moines, dont ils regardèrent l'état comme une véritable pré- paration au Sacerdoce. Nous nous bornerons à citer ici, comme autorité du quatrième siècle , la fameuse Décrétale de saint Sirice à Himerius de Tarragone. Voici les paroles du

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Pape : c Nous désirons et voulons que les Moines , qui sont > recommandables par la gravité de leurs mœurs, et par une » vie et une foi saintes et irréprochables, soient aggrégés aux » offices des clercs (1). » La suite des ordonnances ecclésias- tiques n'a cessé de conûrmer , dans chaque siècle, cette maxime, et le décret de Clément Vlll, Cum ad regularem, qui fait aujourd'hui le droit des Réguliers , sur l'article de l'admission des sujets à la profession, défend expressément d'en admettre aucun dans l'ordre des Choraux , qui ne pré- sente l'espoir fondé de pouvoir ét/e un jour élevé au Sa- cerdoce (2). Enfin , parmi les propositions condamnées par Pie VI , dans la Bulle Auctorem fidei, on lit celle-ci : Ne corn- potes fiant ecclesiasticœ hierarchiœ qui se huic [monastico) ordini adjunxerint, nec ad sacros ordines promoveantur, prœ- terquam ad summum unus, vel duo , initiandi tanquam cu- rati, vel cappellani monasterii, reUquis in simplici laïcorum ordine remanentibus. Il est fâcheux que cette proposition soit identique à plusieurs de celles qu'on rencontre dans les Dis- cours de Fleury, et dans quelques autres ouvrages français qui sont journellement entre les mains du clergé : mais nous n'avons point à traiter ici ces questions ; nous avons voulu seulement ouvrir, pour ainsi dire, les Églises des monastères, dans lesquelles, par la suite, nous aurons occasion de péné- trer pour y étudier, soit les rites généraux de l'Eglise, soit les rites particuliers des Moines.

(1) MoQachos quoque quos tamea morum gravitas, et vitae ac fidei iastitulio sâQCti comtneadat, clericorum otliûiis aggregnri el optaoaus et voluaaus. Coustant. Epist. Rom. Pont. tom. 1. pag. 633.

(2) Quisque recipi^.ndus ia aliquo ordine regulari etiam mendican- tium, eam iitterarum scientiam calleat, aut illius addiscendae spem ia- dubiam prae se ferai, ut minores, et, suis teniporibus, majores or- ^es, juxta décréta sacri Goncilii Trideatiai , suscipere valeat.

LITURGIQUES. 109

Avant de résumer les travaux liturgiques des écrivains de l'époque qui nous occupe, nous dirons un mot des lois ec- clésiastiques sur cette matière , durant la même période. Les Souverains Pontifes du quatrième siècle héritèrent du zèle et de la sollicitude de ceux des trois premiers, dans tout ce qui concerne les rites sacrés. Saint Silvcstre fit des régle- mens sur la consécration du Saint-Chrême , et sur les céré- monies du Baptême à suppléer à ceux qui avaient reçu ce Sacrement en maladie. Il établit que les Diacres useraient de la dalmatique dans l'église , et porteraient au bras gauche un mouchoir de hn , qui est devenu depuis le manipule ; que le Sacrifice serait célébré sur l'autel, couvert, non d'un tapis de soie , ou de quelque étoffe teinte , mais d'une toile de lin , à l'imitation du linceul dans lequel fut enseveli le corps de Jé- sus-Christ (1). Saint Marc ordonna que l'Evêque d'Ostie , au- quel appartenait d^jà le droit de consacrer le Pape, aurait l'usage du Pallium (2). Saint Jules statua que les Notaires de l'Eglise tiendraient un registre exact de toutes les donations faites aux Basiliques, et un état de tous leurs titres : mesure à laquelle nous devons certainement les précieux inventaires du trésor des Eglises de Rome, au temps de saint Silvestre (3)» Saint Damase, comme on peut le voir par la lecture de ses œuvres , composa plusieurs hymnes à la louange des Saints , et orna d'inscriptions en vers le lieu avaient reposé les corps des saints Apôtres , aux Catacombes , et les tombeaux d'un grand nombre de martyrs. Il s'occupa aussi de régler l'Office divin; et saint Grégoire le Grand (-4) nous apprend qu'à la persuasion de saint Jérôme , il inséra dans les offices

(1) Liber Pontificalis , in Silvestrum.

(2) fbid. in Marcum.

(3) Ibid. in Julium. H) Lib. XII. Epist. 9.

WO INSTITUTIONS

romains plusieurs usages des Eglises d'Orient. Ce témoignage de saint Grégoire , qui atteste les relations de saint Damase et de saint Jérôme au sujet de la Liturgie, nous semble propre à concilier un plus haut degré d'autorité à une opi- nion qu'on rencontre dans tous les litiirgistes du moyen-âge : que saint Jérôme aurait eu une grande part à un remanie- ment de l'Office divin entrepris par saint Damase (1).

Samt Sirice, successeur de saint Damase, dans la décré- taie que nous avons citée plus haut , corrige la témérité de ceux qui conféraient le baptême à Noël , à l'Epiphanie , aux fêtes même des Apôtres, et confirme la tradition de toutes les Eglises de n'administrer ce sacrement qu'aux fêtes de Pâques et de la Pentecôte (2). On trouve plusieurs traits du même genre dans les lettres de ce saint Pape , qui ont été re- cueillies avec tant de soin par D. Constant; mais il faut remarquer la solennité avec laquelle il intime les volontés du Siège Apostolique , en matière de Liturgie. <t Jusqu'ici on » a assez erré sur ce point : que maintenant donc s'attachent > à la règle que nous venons d'établir, tous les Prêtres qui ne » veulent pas être séparés de la solidité de cette Pierre Apos- » toliquesur laquelle le Christ a bâti son Eglise (5). * Nul doute que les décrets des Pontifes antérieurs ne fussent rendus avec cette solennité : le pouvoir du Siège Apostolique ayant été le même depuis l'origine de l'Eglise , et la vigueur des Papes toujours inébranlable, quand il s'agissait du maintien et de la conservation des traditions.

(1) Grancolas. Comtneataire historique sur le Bréviaire romain. Tome 1. pag. 26.

(2) Coustant. Epist. Rom. Pontiflcum. Tom. 1 , page 626.

(3) Hactenus erratum in bac parte sufficiat : nunc praefatam regulam omaes teneant sacerdotes qui uoluat ab Apostolicae Petrae, super quam Christus universalem construxit ecclesiam, soliditate divelli. pag. 627.

LITURGIQUES. IH

Si nous en venons maintenant aux Conciles du quati-ième siècle, nous trouvons celui de Nicée avec son fameux canon sur la célébration de la Pâque ; celui d'Antioche , tenu en 352 , avec ses régiemens sur le même sujet; celui de Laodicée, vers 562, qui prescrit plusieurs règles sur la psalmodie et les lectures qui l'accompagnaient ; celui de Gangres , vers 370 , qui condamne ceux qui blâment les assemblées que l'on tenait aux Mémoires des martyrs ; le quatrième de Car- thage, en 398, qui détermine dans un détail si précieux les rites de l'ordination (i).

La liste des écrivains du quatrième siècle , qui ont traité des matières liturgiques est longue et imposante. En tête , nous inscrirons d'abord Eusèbe, dont l'Histoire Ecclésiastique offre tant de traits remarquables sur l'objet qui nous occupe, comme sur mille autres. Nous l'avons mise à contribution dans ce chapitre, ainsi qu'on vient de le voir : nous regret- tons vivement que la perte de deux ouvrages de cet illustre écrivain nous ait privé du puissant secours que nous en eus- sions tiré. Ces deux opuscules sont une description spéciale de l'Eglise de Jérusalem et un livre de la fête de Pâques.

Saint Eiislathe d'Antioche, docteur orthodoxe, composa une Liturgie Syriaque qu'on trouve encore, mais interpolée , au Missel des Maronites.

Saint Athanase, l'invincible vengeur de la foi de Nicée , est réputé , chez les Orientaux , l'auteur de VAnaphore, qui com- mence par ces paroles : Deus fortis Domine. Les Grecs ap- pellent Anaphore la partie des prières de la Messe qui ren- ferme l'Offrande et le Canon.

Saint Cyrille, de Jérusalem, doit être compté parmi les liturgistes du quatrième siècle , pour les précieuses Caté-

(1) Goncil. Labb. Tom. 2.

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c/ièsesdanslesquellesil expose souvent, avec autant de pro- fondeur que d'éloquence . les rites des Sacremens et du saint Sacrifice.

Saint Hilaire , de Poitiers , d'après le témoignage de saint Jérôme et de saint Isidore , est auleui' d'un là-re d'Hymnes et de Mystères Sacrés qui n'est pas venu jusqu'à nous. Une seule de ces hymnes a survécu au naufrage , celle que le saint Evêque envoya à sa fille Abra , et qui commence par ce vers : Lucis largitor splendide. George Cassander et Gré- goire Fabricius lui ont attribué aussi celle de la Pentecôte : Beata nobis gaudia , celle du Carême : Jesu , quadrage- nariœ , et enfin celle de l'Epiphanie : Jésus refulsit . om- nium. Le B. Tommasi lui donne aussi cette dernière. Zaccaria paraît incliner à lui attribuer la longue pièce qui commence : Hymnum dicat turba fratrum : Hincmar , de Rheims, est de ce sentiment. Enfin une autre hymne : Ad cœli clara non sum dignus sidéra, a été jointe , par D. Cons- tant , à celle Lucis largitor splendide , sans que le docte Bénédictin ait piétendu l'attribuer à saint Hilaire, mais seulement afin qu'elle ne pérît pas. Le faux Alcuin désigne saint Hilaire comme ayant compléié l'hymne Gloria in excelsis. En outre , il nous est tombé entre les mains une dissertation impi'imée ( sans date ) à Poitiers , sous le nom de M. l'abbé Cuusseau, dans laqueUe on veut faire saint Hilaire auteur de l'hymne Te Deum. Cet opuscule , qui n'est pas sans quelque mérite, aujourd'hui surtout si peu de personnes paraissent s'intéresser aux études liturgi- ques , nous a semblé d'ailleurs très-insufïisant pour démon- trer la thèse diflicile que l'auteur s'est posée.

Saint Pacien , de Barcelone , a laissé un livre de Baptismo, ad Catechumenos.

Saint Ephrem, Moine, Syrien de nation , diacre d'Edesse»

LITURGIQUES. 113

a t;omposé une immense quantité d'iiymnes en langue syria- que. Il s'était proposé de détruire, par des poésies ortho- doxes , les funestes effets que produisaient chez les Syriens les vers de l'hérétique Harmonius. Ces hymnes sont au nom- bre de quinze sur la Nativité de Jésus-Christ, quinze sur le Paradis , cinquante-deux de la Foi et de l'Eglise , cinquante et une de la Virginité , quatre-vingt-sept de la Foi contre les Ariens et les Eunomiens , cinquante-six contre les Hérésies , quatre-vingt-cinq hymnes Mortuaires , quinze hymnes Paré- néliques , etc. Toutes ces poésies sont étincelantes de génie , d'images orientales , de réminiscences bibliques , et sont rempUes d'une onction admirable. On a donné , assez étran- gement, à la plupart, le titre de Sermons, dans l'édition Vaticane de saint Ephrem. L'Eglise Copte emploie une grande partie de ces hymnes dans les offices divins.

Saint Basile de Césarée , outre ses livres du Baptême^ est auteur de la Liturgie grecque qui porte son nom.

Saint Grégoire deNazianze passe pour être l'auteur d'une Liturgie grecque , et de plusieurs prières du même genre , qu'on trouve dans les livres d'offices des Syriens et des Coptes, et qui auraient été traduites du grec.

Apollinaire le jeune, qui fut Evêque de Laodicée , et, de- puis, condamné comme hérétique par saint Damase, dans un concile romain, composa des hymnes et des cantiques, pour être chantés par le peuple dans les divins offices.

Saint Ambroise nous présente , dans ses écrits , particu- lièrement dans ses lettres , d'importants matériaux pour la connaissance de la Liturgie du quatrième siècle. Ses trans- lations de martyrs, par exemple, offrent, sous ce rapport, le plus précieux intérêt. Son traité des Ofjîces des Ministres^ et celui des Mystères appartiennent directement à notre su- jet. Quant aux six livres des Sacremens, on ne convient pas

T. I. 8

114 INSTITUTIONS

s'ils appartiennent ou non au docte Evêque de Milan : mais ils n'en sont pas moins importans pour leur haute antiquité et pour les richesses liturgiques qu'ils renferment. Les hym- nes qui sont attribuées à saint Ambroise , avec le plus de certitude , sont d'abord les onze que lui reconnaît Dom Cei- lier, savoir: Sterne rerum conditor. Deus creator omnium. Jam surgit hora tertia. Veni, redemptor gentium. Illuminans Altissimus. Orabo mente Dominum. JEterna Christi munera. Somno refectis artuhus. Consors faterni luminis. 0 Lux beata Trinitas. Fit porta Christi pervia. Le B. Tommasi, dans son Hymnaire^ ajoute les suivantes sur la foi des manuscrits : Intende qui régis Israël. Hijmnum dicamus Domino. Hic est dies verus Dei. Optatus votis omnium. Jesu, nostra redemptio. Jam Christus astra ascenderat. Conditor aime siderum. Agnes beatœ virginis. A solis ortus cardine. Mysterium ecclesiœ. Agathœ sacrœ virginis. Grates tïbi, Jesu, novas. Apostolorum passio. Magni palmam certaminis. Apostolorum supparem. Mediœ noctis tempus est. Rerum creator optime. Nox atra rerum contegit. Tu Trinitatis unitas. Summœ Deus clemen- tiœ. Splendor paternœ gloriœ. Mternœ lucis conditor. Ful- gentis autor œtheris. Deus œterni luminis. Christe, rex cœli^ Domine. Mterna cœli gloria. Diei luce reddita. Jam lucis orto sidère. Certum tenentes ordinem. Nunc , sancte nobis Spiritus. Bisternashoras explicans. Jam sexta s»nsim volvitur. Dica- mus laudes Domino. Rcctor potens , verax Deus. Ter hora trina volvitur. Perfecto trino numéro. Rerum Deus tenax vigor. Deus qui certis legibus. Sator, princepsque temporum. Lucis creator optime. Immense cœli conditor. Telluris ingens condi- tor. Cœli Deus sanctissime. Magnœ Deus potentiœ. Plasmator hominis Deus. Christe qui lux es et dies. Christe cœlestis medi- cina Patris. Obduxere polum nubila cœli. Squalent arva soli pulvere multo. Tristes 7iune populij Christe redemptor. Sœvus

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bella serit barbarus horrens. Presque toutes ces hymnes font partie des bréviaires Romain et Ambroisien, et les autres se trouvent dans l'oflice Mozarabe. Au reste, nous ne donnons pas cette dernière énumération comme authentique de tout point; au contraire, nous rendrons pkisieurs de ces hymnes à saint Grégoire; mais le B. Tommasi lui-même n'a pas pré- tendu faire autre chose que recueillir les traditions des an- ciens Hymnaires, sans en prendre toujours la responsabilité. On a, en outre, attribué à saint Ambroise l'hymne monas- tique Te decet laus , mais il faut convenir que c'est sans aucune espèce de fondement. On intitule d'ordinaire le Te Deum lau- damus , Hijmi^ de saint Ambroise et de saint Augustin : on ne peut avoir, pour appuyer ce titre, que des conjectures et une possession qui n'est pas très-ancienne. Ces deux hymnes en prose n'ont rien de commun avec les véritables hymnes de saint Ambroise qui sont mesurées; mais elles remontent à une antiquité voisine de ce saint docteur , puisqu'elles sont citées dans la règle de saint Benoît , qui a être écrite dans la première moitié du sixième siècle.

Théophile , d'Alexandrie , outre son Cycle paschal, écrivit des sacrés mystères , ou du mobilier sacré de l'Eglise de Dieu : ouvrage que nous n'avons plus et qui avait été traduit du latin, par saint Jérôme.

Saint Augustin , dans tous ses écrits, mais particulièrement dans ses sermons , dans ses lettres , dans une foule de traités spéciaux, comme sont ceux de catechizandis rudibus, de cura gerendapro mortuis, de symbole ad catechumenos , ses Epîtres ad Januarium , présente le tableau le plus complet et le plus vrai des mœurs de l'Eglise de son temps, et, par même, fournit à l'observateur d'innombrables particularités propres à alimenter la science liturgique ; mais nous ne voyons pas qu'il ait rien composé qui touche directement cette matière.

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Nous ferons voir ailleurs que c'est à tort qu'on lui a attribué le chant du cierge paschal: Exultetjam angelica.

Fabius Marins Yictorinus, personnage consulaire, ora- teur, rhéteur et grammairien , le même dont saint Augustin raconte la conversion au christianisme, au Livre yiii de ses Confessions, composa trois bjumes en prose sur la Trinité; plusieurs fragmeus de ces hymnes sont entrés dans la com- position de l'Office de la sainte Trinité , au Bréviaire romain.

Saint Jean Chrysostôme n'est pas l'auteur de la Liturgie grecque qui porte son nom ; nous aurons occasion de revenir sur cette question , quand nous traiterons des livres liturgi- ques de l'Orient. Ses Homélies et son Traité du Sacerdoce ren- ferment une foule de tiaits infiniment précieux sur la célé- bration des saints mystères , sur les fêtes et les assemblées chrétiennes.

Saint Jérôme , dont les travaux, appartiennent en grande partie au quatrième siècle , est infiniment riche en détails sur les formes Uturgiques de son temps , particulièrement dans ses lettres et ses opuscules contre les hérétiques. INous parlerons ailleurs du ilartyrologe et du livre appelé Cornes, qui lui ont été attribués.

Prudence, personnage consulaire, le prince des poètes chrétiens, a grandement mérité de la Liturgie, parles belles hymnes dont il a enrichi les offices divins, tant de l'Eglise Romaine que de l'Eglise Gothique d'Espagne. Son premier recueil intitulé Cathemerinon, ou collection de prières quo- tidiennes, renferme les suivantes : Ad Gallicimum. Aies dlei nuncius. Hvmnus matctinus. Nox et tenebrœ et nubila. Ante ciBUM. 0 crucifer bone, lucigator. Post ctBUii. Pastis visceri- hus, cihoque sumpto. Denovo limi.ne paschalis sabbati. in- ventor nitili , dux bone , luminis. Ame somnum. Ades, Pater

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suprême. Hymnus jejunantium. 0 Nazarene , lux Bethlcm , Verbtim Pafris. Post jejunium. Christe, servorum regimen tuoriim. Omni iioua. Da , puer, plectrum , choreis ut canam fidelibns. CincA exequlas defu.ncti. Deus, ignée fons anima- rum. VIII. K.vLEiVDAS januarias. Quid est quod arctum cir- culum. De Epipiiaxia. Quicumque Chrlstum quœritis.

Le second recueil d'hymnes est intitulé : Peristephanon (des couronnes) , parce que le poète y célèbre le triomphe d'un grand nombre de martyrs , savoir : les saints Héméle- rius et Célédonius , saint Laurent , sainte Eulalie , les dix-huit martyrs de Sarragosse, saint Vincent, les saints Fructueux, Eulogius et Augurius , saint Quirinus , saint Cassien , saint Romain , saint Hippolyte , les saints apôtres Pierre et Paul , saint Cyprien et sainte Agnès. Nous donnerons ci-dessous dans les notes de ce chapitre , l'hymne magnifique que Pru- dence consacre à chanter la fête des saints Apôtres à Rome (1) ; elle renferme la description des églises de saint Pierre et de saint Paul, telles qu'elles étaient alors. On y verra de pré- cieux détails sur les pompes de ce grand jour, et notam- ment sur lés deux Messes que le Pape célébrait en cette occasion. Les hymnes de Prudence , et la plupart de ses autres poésies , sont remplies de particularités liturgiques du plus haut intérêt : nous ne saurions trop en recomman- der l'étude aux lecteurs.

En finissant ce tableau liturgique du quatrième siècle, nous tirerons de tout ce qui précède les conclusions suivantes :

La beauté , la grandeur, la richesse des Eglises , fut un des caractères de cette époque de paix.

L'Eglise dirigea contre l'hérésie l'arme puissante de la Li- turgie, en instituant contre les Ariens le chant alternatif des

(1) Vid. la note G.

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psaumes, en opposant des hymnes orthodoxes à des canti- ques inspirés par l'erreur.

L'hérésie , redoutant l'effet prodigieux des formes litur- giques sur le peuple, attaqua dès lors les pompes et le ca- ractère tradilioimel du culte , par les argumens que répétè- rent les sectaires des âges suivans.

Les monastères , en ce siècle , commencèrent à avoir des Eglises , et une Liturgie Monastique se forma.

Le plus haut pouvoir de la chrétienté, le Siège Apostolique continua de promulguer les lois sur la Liturgie , préparant ainsi l'unité qui devait plus tard briller dans cette partie , comme dans tout le reste. Les Conciles de ce siècle mirent les questions hturgiques au rang des plus importantes , et les plus illustres docteurs s'occupèrent avec complaisance à ex- pliquer et à régler les formes du culte divin.

LITURGIQUES. 419

NOTES DU CHAPITRE V.

NOTE A.

Itaqtve multo ampliorem locum jnetatus ( Pauliims ) , exteriorera quidem ambitum mnro uiidique communivit, qui lolius operis tulissi- miim esset propugnaculum. Magnum deinde atque excelsum vestibu- lum ad ipsos solis orienlis radios exlendit; iis qui a sacro loci ambitu longius renioti sunt, conspecium quemdam eorum quse intus recon- dunlur abuude exhibens, et oculos eorum qui a uostra fide alieni sunt , ad coiispicienda limina quodam modo invitans. Cœterum ubi portas ingressus sis , non stalim impuris et illotis pedibus in sacrarium in- troire permisit. Sed inter teraplum ac vestibulum maximo intervalle relicto, hoc spatium in quadraii speciem circumseptum quatuor obli- quis porticibus circumquaque exornivit , qure columnis undique altol- luntur . Intercolumnia porro ipsa septis e ligno relicuiai is, in mediocrem et congruam alliludinem elalis circumclusit. Médium autem spatium apertum et païens reliquit, ut et cœli aspectum prseberet, et aërem splendidum soli>que radiis collustratum praestaret. Hic sacrarum expia- tionum signa posuit; fontes scilicet ex adverso Ecclesiaî structos, qui interius sacrarium ingressuris copiosos latices ad abluendum minislra- rent. Atque hoc primum intranlium diversorium est ; cunctis quidem ornatum ac nilorcra concilians; iis vero qui inslitutione adhuc opus habent, congrueulera pra^bens mansionem. Jam vero hoc spectaculum prœtervectus, pluribus aliis interioribus vesiibulis aditus ad templum patentes effecit ; rursiis ad ipsos solis orienlis radios tribus ordine ja- unis in uno eodeiuque latere constructis. Quarum mediam duabus aliis utrimque positiset alliludine et latiludine plurimum prseslaro voluit , eamdemque tereis tabulis ferro vinclis, et sculpluris variis prïecipue decoravit ; ei tanquam reginte satellites alias adjungens. Ad eumdem modum cum poriicibus ad utrumque tenipli latus fabricatis parem ves- tibulorum nunierura disposuisset, diverses aditus quibus copiosum lu- men superne in œdem infunderetur , supra ipsas porticus excogitavit , easque fenestras variis è ligno sculpluris minulissimi operis ornavit. Ipsam vero sedem regiam opulenlioribus magisqne preliosis speciebus instruxit, prolixa sumptuum magniiicentia ad hoc usus. Hic jam milii supertluum videtur eedis ipsius longiludinem ac latitudinem describere, et hune splendidissimum decorem, atque inexplicabilem magnitudi-

420 INSTITUTIONS

nem ; radiantem operum speciera ac splendorera ; fistigia ad cœlum usque tendentia ; et supra li;oc eminantes Libani preliosissimas cedros oratioue prosequi, quarum meutioaem ne divina quidem oracula prao- terniiserunt , iu quibus dicitur : Liclabuiiiur ligna Doraiui, et cedri Libani quas pi mtavit. Quid jara attiaet de so'erti et ingeuiosa totius fabricse dispositione, ac de excellenli singularum parlium pulcliritu- diae accuratius disserere, pnesertini cum oculorum testiinoaiuni om- nem qute auribus percipi potest notitiani excludat. Porro cum templum iu huac modura absolvisset , thronisque aUissimis in honorera prœsi- dentium, ac prseterea subselliis per universum templum ordine dispo- sitis exoruasset ; postremo sanctum sanctorum, allare videlicet , in medio constituit. Utque licec sacraria mullitudini iaaccessa essent , ea rursiis lignis cancelliis munivit, minutissimo opère ad sumaïuna artis fastigium elaboratis , adeo ut admirabile intuenlibus spectaculum exhibeant. Quinetiam ne ipsum quidem solum negligendum putavit. Quod cum mirum in modura marmore exoruasset , inde ad ea quîe extra tftmplum posita sunt conversus , exhedras et oëcos amplissimos utrimque summa cum peritia fabricavit , qui sibi invicera ad latera ipsius basilicse conjunguntur, portisque quibus iu médium templum intratur conaexisunt. Quas quidem aedes in gratiam eorum qui expia- tione et purgatione per aquam et Spirituna sanctum opus habent , Sa- loraou noster vere pacificus templi hujus conditor exstruxit.

Est quidem hoc opus miraeulum , et omni admi-

ratione majus, lis prsesertim qui ad solam rerum exteriorum speciem attendunt. Omnibus verô miraculis mirabiliora sunt archetypa , et pri- mitive eorum imagines, spiritalia Deoquedigna exemplaria : instau- rationes diviai illius et rationalis in aniraabus nostris sedificii. Quod quidem cedifieium cum ipse Dei Filius ad imaginera suam condidisset , atque in omnibus Dei similitudinem prreferre voluisset, incorruptibi- lem ei naturam et incorpoream atque ab omni terreua materia segre- gatam largitus , rationalem quoque substantiara et prorsus iutellectua- lem ei tribuens ; posteaquam semel ex nihilo primum eam creavit , sponsam sauctam et sacrum templum sibi ac Patri suo constituit.

Cumque mentiain vestrarum locum purum ac

nitidum reddidissct , huic sapieatissimo post hœc Deique amantissimo praesidi eum tradldit. Qui cum in aliis rébus singulari judicio et ratio- cinandi solertia prcediius, tum in animarum q larum curam sortitus est, cogilalionibus diguosceudis ac discernendls perspicacissimus , ab initio fere ad huac usque diera sedificare non desiitit : nunc aurum splendidissimum , nunc purum ac probum argentum, nunc pretiosis- simos lapides in une quoque vestrum coagmentans ; ut suis erga vos operibus sacram deuuo et arcanam prsedictioaem adimpleat , quse sic

LITURGIQUES. 121

habet: Ecce ego prfcparo libi carbunculum lapîdem tuum, cl funda- inenta tua sapphiruni, et propugniiciila tua jaspidem , et portas tuas lapides orystalli , et murum tuuiu lapides electos : et onines tilios tuos doctos h Deo , et in multa pace filios tuos : et in jusiitia œdiiicaberis. In justitia igitur rcdlficans, totius popuM vires ac facultates congrua raliouo dislinxit : hos quidem exlcriore duntaxat cingens niuro , id est lirina (idc. Cujus generis infiiiita est miiliiludo , qu;e prœstautiorem siructuram ferre non potcst. Illis veroaditus in templura permittens ; ad portas stare et intrantes deducere eas jubet : qui non absurde tera- pli vestibulis oomparantur. Alios primis coluranis qune forinsecus circa atrium in quadranguli speeiem dispositœ sunt sulîulsit , intra primos li- teralis quatuor cvangeliorum sensus obices eos inducens. Jam vero uonnullos circa regiara aedem utrinique lateribus applicat , qui adhuc quidfim catechumeni sunt : et augmentum ac progressura faciunt , non tamen procul absunt ab ipsa abdilissimorum Dei mysteriorum ins- pectione qua fidèles fruuntur. Ex horura numéro eos quorum auimse inimaculatfe sunt et divino lavacro instar auri purgatae assumens ; alios columnis quïeexterioribus illis long.î prrestantiores sunt, arcanis sci- licetet intimis sacrœ Scriptune sentent ils suffulsit. Alios vero fenestris ad lumen ;n œdes immiltendum fticlis illustrât. Ac univcrsum quidem templum uno maximo vestibule, unius scilicet Dei summi omnium rogis adorations exornavit. Cliristum vero et Spiritum Sanctum utrira- que ad latus paternœ auctoritaiis, quasi secundum lumen prscbet. Sed et in rellquis singillali;n fidei nostrce sentenliis, per totam basilicara copiosissimam ac pr;estanlissimam verilatis lucem atque evidentiam os-

tendit lusunt eliam in hoc templo throni ; et subsellia

scamnaque innumera ; in cunclis scilicet animabus in quibus Sancti Spirilus résident dona , cujusmodi olim visa sunt sacrosauclis aposto- lis ; quibus linguse instar ignis divisce , et singulis insidentes apparue- runt. Verum in ipso quidem omnium principe ac prtcside, totus, ut verisimile est, insidet Cliristus. In ils vero qui secundum dignitatis locuni obtinent , quatenusquisipie disperlita virtulis Cbristi Sanctique Spirilus dona capere potcst. Subsellia quoquc Angeloriim sunt quo- rumdam animée, quorum inslitutio et custodia illis demandata est. Augustum vero magnumque et unicum altare quodnam aliud est, quam suranii omnium sacerdotis purissima mens prorsusque sanctum sancto- rum. Cui dexter assistens maximus ille omnium Pontifex, ipse scilicet Jésus unigenitus Dei filius, Eu'^eb. J/ist. Ecoles. , Lib. /Y, cap, IV.

INOTE B.

Hoc, inquam, monumentum tanquam totius operis caput, impera- toris raagnificentia eximiis columnis et maxime cultu primura omnium

i22 mSTlTUTIONS

decoravit, et cujusquemodi ornamentis illustravit. Transgressas inde est ad vastissimum locum libero patentem cœlo. Cujus solum splendido lapide constravit, longissimisque undique porticibus ad tria latera ad- ditis. Quippe lateri illi quod e regione speluncse positum, solis ortum spectabat, conjuacla erat basilica : opus plane admirabile, ia immea- sam allitudinem elatum, et longitudiue ac latitudine maximâ expaa- sum. Cujus interiora quidem versicoloribus marmoris crustis obtecta sunt : exterior vero parietum superficies , politis lapidibus probe inter se vinctis decorata , eximiam quamdam pulcbriludinem, nibilo infe- riorem marmoris specie, praeferebat. Ad culraeu vero et caméras quod attinet , exteriora quidem tecta plumbo , tauquam firmissimo quodam munimenlo , ad bibernos imbres arcendos obvallavit. Interius autem tectum sculptis lacunaribus consertum, et instar vasti cujusdam maris compactis inter se tabulis per totam Basilicam dilatatum, lotumque auro purissimo coopertum, uoiversam Basilicam velut quibusdam ra- diis splendere faciel)at. Porro ad utrumque latus, germinse porticns tam sublerranece quam supra terram emiaentes, totius Basilica; lon- gitudinem «quabant ; quarum concamerationes auro perinde variatae sunt. Ex bis, quœ in fronte Basilicaî erant , ingentibus columnis fulcie- bantur : qu;e vero iuteriores , pessis maguo cultu extriusecus ornatis suslinebantur. Ports très ad orientem solera apte disposit.e, introeun- tium turiiam exceperunt. E regione barum portarum erat hemisphae- rium, quod totius operiscaput est : usque ad culnien ipsius Basilicse protentum. Cingebatur id duodecim columnis, pro numéro sanctorum Servatoris nostri Apostolorum. Quarum capita maximis crateribus ar- genteis erant ornata : quos imperator tanquam pulcberrimura dona- rium, Deo suo dicaverat. Hinc ad eos adilus qui ante templum sunt progredientibus , aream iuterposuit. Erant autem in eo loco primum atrium, deinde porticus ad utrumque latus, ac postremo portce atrii. Post bas totius operis vestibula in ipsa média platea, in qua forum est rerum venalium, ambitioso cultu exoruala, iter forinsecus agenli- bus, aspectum earum rerum qu;e iotus cernebautur non sine quo- dam stupore exbibebant. ( Eusebius , Fita Constantini , Lib. III. cap.

XXXI r— XXXIX. )

NOTE C.

Hujus temporibus fecit Coustantinus Augustus Basilicas istas, quas et ornavit: Basilicam Constantinianara, ubi posuit ista dona. Fastigium argenteum battutile, quod babet in fronte Salvatorem sedentem in sella in pedibus, o. Peus. libras 120. Duodecim Apostolos in quinis pe- dibus, qui pensaverunt singuli libras nonagenas, cum coronis argent! purissimi. Item à tergo respiciens in absida, Salvatorem sedentem in

LITURGIQUES. 423

ihrono in pedibus quinis ex argento purissimo , qui pens. libras 140. Angelos quatuor e\ argeato, qui suut in pedibus quiuis costas curu crueibus teneutes, qui pensaveruiit siuguli libras 105, cum gemmis alavandinis in oculos. Fastiglum ipsum ubi stant Angeli velApostoli, pensât libras duo uiillia viginli quinquo ex argento dolatico. Farura ex auro purissimo , quod peudet sub fastigio cum delphinis quinquaginta , qu3e pensant cura catena sua libras 25. Coronas quatuor cum delphinis viginti ex auro purissimo pensantes singuke libras 15. Cameram Basi» licie ex auro trimme in longura , et in latum in pedibus quingeutis. Altaria septem ex argento battutili pens. sing. libras 200. Patenas au- reas septem, qu;e pensant singul;e libras 50. Patenas argenteas 13, pensantes singulas libras 50. Scyphos aureos 7 , qui pens. singuli libras decem ; scyphum singularem ex métallo , corallo ornatum undique de gemmis prasinis , et hyacinlhinis auro interclusum , qui pensât ex omqi parte libras viginti, et uncias très. Scyphos argenteos viginti pensantes singulos libras 15. Amas ex auro purissimo duas, pensantes sing libras quinquaginta portantes sing. medemnos très. Amas argenteas viginti , qute pensant singuke libras decem, portantes singulae medemnas singu- las. Calices minores ex auro purissimo quadraginta , pensantes singulos libras singulas. Calices minores ministeriales quinquaginta pensantes singuli libras binas, Ornamenta in Basilica. Farura cantharura ex auro purissimo an te al tare , in quo ardet oleum nardinum pisticum cum del- phinis octuaginta, qui pensant libras triginta, ubi candelce ardent ex oleo nardino pistico in gremio Ecclesite. Pharum cantharum argen- teum cum delphinis centum et viginti , quod pensât libras quinqua- ginta , ubi oleum ardet nardinura pisticum. Phara canthara argentea in gremio Basilicte quadraginta pens. singula libras triginta , ubi ardet oleum quod supra. Parte dextra Basilicrc : Phara argentea quadraginta pens. singula libras viginti. Phara canthara in laeva Basilicae argentea viginti quinque pens. singula libras viginti. Canthara cyrostrata in gremio Basilicœ argentea quinquaginta pens. singula libras viginti. Singidarum librarum metrœ très ex argento purissimo , quœ pensant singulae libras 300, portantes singulae medemnas decem. Candelabra aurichalcha septem ante altaria, quœ sunt in pedibus 10, cum ornatu suo ex argento interclusa sigillis Prophetarum pens. singula libras tri- ginta , etc. ( Liber Pontificalis , in Silvestrum. )

INOTE D.

Hic fecit in urbe Roma Ecclesiam in prœdio cujusdam presbyteri sui , quicognominabatur Equitius; quera titulum Romanum constituit justa therraas Doraitianas ; qui usque ia hodiernum diem appellatur titulus

i24i INSTITUTIONS

Eqnitii, ubi et hxc dona contulit : Patenam argenteam pensantem lib, 20, ex dono Coiiîtantini Augusti. Donivit autera seyplios argenteos 2, pensantes singulos lih. 10. Calicem aureuni pensantem lib. 2. Calices miniiteriales 5. pensantes singulos lib. 2 Amas argenteas2. pensantes singulas lib. 10. Pateuam argenteam auro clusim chrismaiem, pensan- tem lib. o. Phara coronata 10 , pensatia singula lib. 8. Phara aerea 20. pensantia singula lib. X. Cantbara ceroslrala serea 12. pensautia singula lib. 50 , etc. ( Ibidem. )

KOTE E.

îVam cum Ariani , quibus, régnante Theodosio , ademptœ fuerant Ec- clesiae Constantinopoli , extra urbis mœnia conventus Ecclesiasticos agerent, noetu in publieis porticibus primum congrpgabantur. Et in cœtusdivisi, antipLonatini psallebant , clausuias quasdam juxta ipso- rum dogma compositas adjicientes. Prima autem luce, eadem publiée canentes, pergebant ad ioca iu quilnis collectas celebrabant. Atque id facere consueverant in celebrioribus quibu.sque festivitrttibus , et primo ac septitiio cujusque hebdomadis die. Tandem vero caniica quoquî ad- jecerunt, qu;e ad rixamet contention'^m spectarent : Ubinam suut qui très dicunt esse unicam potentiam? Et alla ejusmodi hyraais suis in- termiscentes. Joannes itaque, veritus ne qnis ex Ecclesia sua per haec in fraudera induteretur, plebera quse sub ipso erat, ut similiter ps^l- ieret incitavit. Qui brevi tempore illusirioresfacti, Arianos et multitu- dine et apparatus splendore longe supeiarunt. >'am et crucem argentea .signa, prcecedenlihus cereis, eos anteibant. ( Sozomeni liist. Ecoles. Lib. VIII. cap. VIII. )

>OTE F.

Quantum flevi in bymnis et canticistuis, suave sonantis Ecclesise tuae vocibus comraotus acriter ! Voces illse inflaebant auribus mais, et eli- quabatur veritas in cor meum; et exœsluebat inde affectus pietatis, et currebant lacrym», et bene milii erat cum eis. ]Non longe cœperat Mediolanensis Ecclesia geniis hoc con-.olationis et exhortationis cele- brare , magno studio fratrum concinentium vocibus et cordibus. >'imi- rum annus erat , aut non multo ampliùs , cum Justina Valentiniani régis pueri mater, hominem tuum Ambrosium persequeretur , baercsis suae causa qna fuerat seducta ab Arianis. Excnbabat pia plebs in Ecclesia, mori parata cum Episcopo suo, serve tuo. Ibi mater mea, ancilla tua , sollicitudinis et vigiliarum primas teneur , oratioaibus vivebat. >os adhuc frigidi a calore spiritus tui, excitabamur tamea civitate altonita atque turbata. Tune liymni et psalmi ut canerenlur secundum morem orientalium partium, ne populus moeroris tîedio contabesceret , insti-

LITURGIQUES. 125

tutum est ; et ex illo in hodiernum retentum , nmltis jam ac pêne om- nibus grogilnis tuis, et por ou'tera orbls imitanlibus. (S. Augustini Confessionitm lib. IX, cap. 6 ctl.)

NOTE G.

Plus solilo coeunt ad gaudia: die auiice, quid sit.

Romani per omnera cursitaut , ovantque. Festus apostolici nobis redit liic dies triumphi ,

Pauli, atque Pétri nobilis cruore. llnus utrumque dies , pleno taraen innovatus anno ,

Vidit superba morte laureatum. Scit tiberina palus , quœ fluraiae lambitur proplnquo,

Binis dicatum ca^spitem tropbseis , Et orucis, et gladii testis: quibus irrigaas easdem

Bis lluxit imber sanguinis per herbas. Prima Petrum rapuit sententia , legibus ISeronis

Pendere jussum pneminente ligne, nie tamen verilus celsoe decus semulando mortis

Ambire tanti gloriam magistri, Exigit, ut pedibus mersum caput imprimant supinis,

Quo spectet imum stipitem cerebro. Figitur ergo manus subler, sola versus in cacumen:

Hoc mente major , quod minor figura. iNoverat ex hiimili oœlum cilius solere adiri :

Dejecit ora, spiritum daturus. ,

Ut teres orbis iter flexi rota percucurrit anni ,

Diemque eumdem sol reduxit ortus , Evomit in jugulum Pauli ÎNero fervidum furorem ,

Jubet feriri gentium magistrum , Ipse prius sibimet finem cito dixerat futurum ,

Ad Christum eundum est, jam resolvor, inquit. Necmora; protrahitur, pœu« dalur, immolatur euse,

Non hora vateni , non dies fefellit. Dividit ossa duura Tibris , sacer ex utraque ripa ,

Inter sacrata dum fluit sepulclira. Dextra Petrum regio textis tenet aureis receptum,

Canens oliva, murmurans fluento. INamque supercilio saxi liquor ortus excitavit Frondem perennem chrismatis feracem , Nunc pretiosa ruit per marmora , lubricatque clivum, Donec virenti fluctuet colymbo.

126 INSTITUTIONS

Interior tumiili pars est, ubi lapsibus sonoris

Stagnum nivali volvitur profundo. Omnicolor vitreas pictura superne tingit undas,

Musci relucent, et virescit auruni. Cyaneusque latex umbram trahit imminentis ostri :

Credas, moveri fluctibus lacunar. Pastor oves alit ipse illic gelidi rigore fontis ,

Videt sitire quas fluenta Christi. Parte alia titulum Pauli via servat Ostiensis,

Qua stringit amnis caespitem siaistruna, Regia pompa loci est : princeps bonus bas sacravit arces , j Lusitque magnis ambitum talenlis. Bracteolas trabibus sublevit , ut omuis auruleata

Lux esset intus, ceu jubar sub ortu. Subdidit et parias fulvis laquearibus columaas ,

Distinguit illic quas quaternus ordo. Tum camuros byalo insigni varie cucurrit arcus :

Sic prata vernis floribus renident. Ecce duas fidei summo Pâtre conferente dotes ,

Urbi colendas quas dédit togatae. Aspice, per biûdas plebs romula fuaditur plateas,

Lux ia duobus fervel una festis. IVos ad utrumque tamen gressu properemus incitato

Et his, et illis perfruamur hymais. Ibimus ulterius, qua fert via pontis Hadriani,

Laevam deinde fluminis petemus. Transtiberina prius solvit sacra pervigil sacerdos ,

Mox hue recurrit , duplicatque vota. Haec didicisse sat est Romae tibi ; tu domum reversas,

Diem bifestum sic colas, mémento.

(Prudentius. Peristephanon. ffymn. XII , deSS. ApoitoUs).

LiTimciouES. 127

CHAPITRE VI.

DE LA LITURGIE DURANT LES CINQUIÈME ET SIXIÈME SIÈCLES. PREMIÈRES TENTATIVES POUR ÉTABLIR L'UNITÉ.

Le régime de paix sous lequel vivait désormais l'Eglise ^ son affranchi ssement de toutes attaques extérieures, lui don- naient le loisir de régler les formes accidentelles de son gou- vernement et de ses institutions : mais rien n'était pour elle plus urgent que de multiplier les applications de ce grand principe d'unité qu'elle avait reçu du Christ comme sa loi fon- ilamentale , et , par le bienfait duquel , elle avait traversé trois siècles de carnages, et les tempêtes non moins affreuses de l'A- rianisme. Les dissensions qui s'étaient élevées entre ses enfans même , guerres de famille si redoutables qu'on y avait mis en question le principe même du christianisme , la consub- slanlialité du Verbe , inspiraient aux pasteurs des Eglises le dessein de serrer de plus en plus le lien qui unissait les fidèles dans la confession des mêmes dogmes et dans l'obéissance au même pouvoir. Le perfectionnement des formes liturgi- ques par l'unité , devenait donc dès-lors indispensable.

D'abord, sous le rapport du gouvernement ecclésiastique, il était temps de pourvoir à l'unité liturgique. La Liturgie est le langage de l'Eglise , non seulement quand elle parle à Dieu , mais quand elle fait retentir sa voix solennelle dans le sanctuaire, quand ses enfiuis chantent avec elle leur foi, leurs joies, leurs craintes et leurs espérances. Or, dans un état , dans une société , le langage doit être un comme le pouvoir qui les régit : une des principales causes de disso-

428 INSTITUTIONS

lution d'un empire formé par la conquête sera toujours la divergence de l'idiome des provinces avec la langue parlée dans la métropole. La politique terrestre s'efforce en mille manières d'effacer ces dissonances : elle sent qu'il y va de la durée , de la stabilité des royaumes. L'Eglise , par le côté elle est une société humaine , a les mêmes besoins , les mêmes nécessités, accrues encore de toute l'importance de sa mission céleste. Nous n'aurons que trop d'occasions de montrer dans la suite de ce récit que les défections de pro- vinces dans l'histoire de l'Eglise ont été , en raison du plus ou moins d'unité conservée dans la Liturgie par ces mêmes provinces, ou encore n'ont été consommées sans retour qu'au moyen des changemens introduits dans cette forme si importante du christianisme.

Et remarquons bien qu'il ne s'agit pas ici de l'unité con- sidérée dans les choses essentielles du culte divin, comme la matière et la forme du Sacrifice et des Sacremens , les rites généraux qui les accompagnent, et tant d'autres détails. Nous avons prouvé que , sur ces articles , l'unité avait toujours été parfaite dès l'origine de l'Eglise. Il s'agit d'un nouveau degré d'unité dans les formules non essentielles à la validité des Sacremens , à l'intégrité du Sacrifice , dans la Confession, la Prière, la Louange, dans les cérémonies dont le culte développé s'enrichit , en un mot , dans l'ensem- ble des rites qui expriment en leur entier , soit les mystères de l'initiation chrétienne , soit le Service offert par la cité ra- chetée (1) , comme dit saint Augustin , à l'auteur et au con- sommateur de la foi (2). Les première apôtres des diverses Eglises dont l'ensemble

(1) De Civitate Dei. Lib. X. Cap. VI.

(2) Hsebr. XII. 2.

LITURGIQUES. 120

formait au Clirisl, dès Tépoque do Constantin, un si niagni- fique enipii'o , avaient porte avec eux les usages des Egiises- mères qui les envoyaient ; ils avaient complété , interprété ce qui avait besoin de l'être. Après eux, leurs successeurs avaient , toujours en gardant l'unité sur le fond inaltérable en tous lieux, ajouté avec plus ou moins de bonheur, de nouvelles parties à l'œuvre primitif, pour satisfaire à de nou- veaux besoins; mais cette divergence, moins sentie, dans le cours des persécutions et durant les violentes secousses de l'Arianisme, était un grave mconvénient, du moment que l'E- glise avait à s'occuper des institutions propres à l'âge de paix qui s'ouvrait devant elle. Tout en s'accommodant aux lieux et aux mœurs , il restait , comme il restera toujours , beau- coup à régler , à corriger , à perfectionner ; c'est ce travail , ce sont ces efforts constans et éclairés que nous allons suc- cessivement mettre sous les yeux du lecteur : mais aupara- vant, il nous reste à développer une autre considération, non moins importante, qui engagea l'Eglise des cinquième et sixième siècles à poursuivre par des mesures efficaces le projet d'unité liturgique.

Il y a d'admirables paroles du Pape saint Sirice, pronon- cées à la fin du quatrième siècle, qui révèlent toute la gra- vité des conséquences de l'unité observée ou violée dans la Liturgie. « La règle apostolique nous apprend que la con- » fession des Evêques catholiques doit être une. Si donc , il » n'y a qu'une seule foi, il ne doit y avoir non plus qu'une » seule tradition. S'il n'y a qu'une seule tradition , une seule » discipline doit être gardée dans toutes les églises (1). » Tel

(1) Catholicoruni cpiscoporaui unani eonfessioncm esse debere apos- tolica disciplina coniposuit. Si ergo una tides est, nianere débet et una traditio. Si una traditio est, una débet disciplina per omnes ecclesias custodiri, Jpud Couslant. Pag. 692.

130 INSTITUTIONS

est l'axiome fondamental delà catholicité. Une seule foi, une seule forme d'une seule foi. Cela étant, la Liturgie, si elle est une dans l'Eglise de Dieu , doit être une expression authentique de la foi de cette église , une définition perma- nente des controverses qui s'élèveraient sur les points du dogme confessés dans les formules sacrées.

Cette conclusion si naturelle d'ailleurs , c'est un Pape du cinquième siècle qui nous la fournira. Voici ce que saint Cé- lestin écrit aux évêques des Gaules qui avaient eu recours à lui, contre l'erreur des Pélagiens. « Outre les décrets inviola- » blés du Siège Apostolique qui nous ont enseigné la vraie » doctrine , cotisidérons encore les mystères renfermés dans » ces formules de prières sacerdotales qui , établies par les

> Apôtres, sont répétées dans le monde entier d'une manière ï uniforme par toute l'Eglise catholique ; en sorte que la règle » de croire découle de la règle de prier ; ut legem credendi lex

> STATUAT suppLiCANDi. t> 11 fait cnsuitc l'énumération des grâces demandées par le Prêtre dans l'action du Sacrifice (1), et cette même énuméralion se trouve presque avec les mêmes termes, employée dans un argument du même genre par saint Augustin, dans son épître 217 (2). Elle a pour but de montrer que tout secours surnaturel vient de Dieu , puis- que tout secours surnaturel est demandé à Dieu dans la Liturgie.

L'intérêt de la foi , non moins que Tordre de la discipline, demandait donc que des mesures fussent prises de bonne heure pour arrêter les innovations qui tendraient à séparer les Eglises plutôt qu'à les unir. Le premier monument de ce fait que l'on rencontre , est un canon qui se trouve parmi ceux du second Concile de Milève , auquel assistèrent , en

(1) Vid. îa note A. (2) via. tbiaem.

LITURGIQUES. i51

41(3 , soixaiiic-un Evoques de la province de Numidie , du- rant les li'oublcs du Pëlagianisnie. Voici ce qu'il contient : <i 11 a semblé aussi aux Evoques, que les prières , les omt- sons ou messes , qui ont été approuvées dans un Concile , » les préfaces, les recommandations, les impositions de mains^ devaient cire observées par tous. On ne récitera dans l'E- glise que celles qui auront été composées par des personnes » habiles, ou approuvées par un Concile, dans la crainte » qu'il ne s'y rencontre quelque chose qui soit contre la foi, » ou qui ait été rédigé avec ignorance, ou sans goût (1). » Ainsi , des bornes sont mises aux efîets d'un zèle peu éclairé, aussi bien qu'à cet amour des nouveautés qui tra- vaille si souvent les hommes, même à leur insu. Il faudra désormais le contrôle d'un Concile pour donner valeur et légitimité aux formules nouvelles qu'on voudrait inaugurer dans l'Eglise d'Afrique, et celles dont l'emploi est licite ont déjà, dans le passé, reçu cette haute sanction. Transpor- tons-nous maintenant dans les Gaules , nous allons voir , avec plus d'énergie encore, l'unité liturgique proclamée parles Evêques d'un Concile de Bretagne.

En 461 , le Concile de Vannes, présidé par saint Perpe- tuus , Evêque de Tours , rend ce décret , au canon quin- zième :

« Il nous a semblé bon que dans notre province il n'y eût » qu'une seule coutume pour les cérémonies saintes et la

(1) Placnit etiam et illud , ut prtîces vel orationes , seu missai quse probaUï fueiint in coiicilio, sive prcef.itiones, sive commendationes, seu manus imposiliones ab omnibus Cf lebrentur. Nec aliœ omnino di- cantiir in Ecclesia, nisi quie a prudenlioribus tractalœ vel comprobatsi in synodo fuerint , ne forte aliquid conlra fiJem , vel per ignorantiam , vel per minus studium sit composilum. Concil, 3JUey, Labb. Tom. II. pag. 13i0.

432 INSTITUTIONS

» psalmodie ; en sorte que, de même que nous n'avons qu'une » seule foi, par la confession de la Trinité, nous n'ayons aussi qu'une même règle pour les offices : dans la crainte que la

> variété d'observances en quelque chose ne donne lieu de

> croire que notre dévotion présente aussi des différences (1) Assurément, il ne se peut dire rien de plus précis, et les

siècles qui suivirent n'ont point professé la doctrine de l'u- nité liturgique avec plus de franchise que ne le firent dans ce Concile les Evêques Bretons. Avec une voix plus solennelle, avec leur autorité universelle et souveraine, jamais les Pon- tifes Romains ne parlèrent un langage plus précis et plus énergique. îl nous est doux , à nous que tant de liens atta- chent à cette noble Métropole de Tours , d'enregistrer ce beau témoignage, qui, du reste, ne sera pas le dernier. Si aujourd'hui cette illustre province est tristement morcelée , en sorte que sa voix ne monte plus la même dans les huit ca- thédrales qu'elle garde encore debout, du moins pour elle les jours d'unité liturgique furent longs et glorieux.

Nous trouvons, quarante ans après , un autre Concile dans les Gaules , celui d'Agde , en o06 , qui , dans son trentième canon , proclame la même doctrine :

« Comme il convient que l'ordre de l'Eglise soit gardé » également par tous, il faut, ainsi qu'on le fait en tous

> lieux , qu'après les antiennes, les collectes soient recitées

> en leur rang par les Evêques , ou par les Prêtres (2) . »

(!) Rectum quoqueduximus, ut vel intra proviaciara nostrarn sacro- rum ordo et psalleadi una sit consuetudo: et sicut umm cum Trini- talisconfessione fidem tenemus, unam et oflicioruDi regulam teneamus: nevariaia observation^î in aliquo d^votio nostra discrepare credatur. Concil. Fetitt. Labb. Tom. i.pag. 10o7.

(2) Et quia convenit ordinem ecclesiie ab omnibus sequaliter custo- diri, studendum est, ut sicut ubique fit, et post antiphonas collectiones per oi'diuem ab epi&copis vel preMiytevis dicautur , et bymni raatutini

LlTURGrQUES. 135

Mais en toute société, pour que l'unité devienne possible y il faut un centre avec lequel il soit nécessaire de s'accorder. Dans les Gaules encore, an Concile d'Epaonc , en 517 , nous ti'ouvons une règle ûxée, qui, toute imparfaite qu'elle est, peut encore produire de grands avantages, à cet âge inter- médiaire qui précède la grande unité liturgique. Au canon vingt-septième , ce qui suit est réglé solennellement :

« Dans la célébration des divins offices , les Evêques de la î province devront observer l'ordre gardé par le métropo- » litain (1). »

L'Eglise Gothique d'Espagne, dans la même année , éprou- vait le même besoin d'unité et sanctionnait la même règle , en attendant l'unité romaine dont elle ne devait jouir que long-temps après la France. Voici le premier canon du Con- cile de Gironne :

« Pour ce qui touche l'institution des Messes, dans toute » la province Tarragonaise , on observera , au nom de Dieu , 3> l'usage de l'Eglise métropolitaine , tant pour l'ordre de la » Messe , que pour ce qui est de la psalmodie , et de la fonc- » tion des ministres (2). »

Dans une autre région de la même péninsule , nous trou- vons , environ quarante ans après , des réglemens de Concile

vel vesperlini diebns omnibus decantentur , et in conclusione matuli- narum vel vesperlinarum missarum, post liymnos capitella de psalmis dicanturet, plebs, collecta oralione ad vesperam.ab episcopo cum beue- diclione dimittatur. Condl. Jcjath. Labb. Tom. 4. pag. 1588.

(1) Ad celebraada diviiia officia , ordiiiem quem metropolitani te- nent proviaciales eoruai observare debebunt. Concil. Labb. Tom IV. pag. 1379.

(2) De instituiione missarum, ut quomodo in metropolitana ecclesia fuerit, ita, Deinomine, in omni Tanacoaensi proviiicia lam ipsiusmissa^ ordo quam psallendi, vel rainistrandi consuetudo scrvetur. Concil. Germien. Labb. Tom. 4. pag. 15G8.

134 INSTITUTIONS

dictés dans le même esprit. Le Concile de Brague, en 365, décrète les canons suivans :

« Canon 1. II a plu à tous, d'un commun consentement , » que l'on gardât un seul et même ordre de psalmodie, tant » aux offices du matin qu'en ceux du soir , et qu'on ne mé-

> langeât point la règle ecclésiastique de coutumes diverses ,

> privées, ou même tirées des monastères (1). »

« Canon 2. Il a plu également d'ordonner que dans les

> vigiles et les Messes des jours solennels , les mêmes leçons » fussent lues par tous dans les églises (2). >

« Canon 3. lia plu également d'ordonner que les Evêques » et les Prêtres ne salueraient pas le peuple diversement, » mais d'une seule manière, disant: Dominus vobiscum, » ainsi qu'on lit au livre de Rntli ; et que le peuple répon- » drait : Et cum Sjnritu tuo; en la manière que l'Orient tout » entier l'observe par tradition apostolique , et non en la fa- » çon que la perfidie Priscillienne l'a innové (5). »

« Canon 4. Il a plu aussi d'ordonner qu'on célébrerait » universellement les Messes suivant l'ordre que Profuturus, > jadis Evêque de cette église métropolitaine , l'a reçu par » écrit de l'autorité du Siège Apostolique (4). »

(1) Placuit omnibus communi consensu , ut unus atque idem psiUendi ordo in malulinis vel vesperlinis ofli iis leoeatur; et non diversai, ac privaiie, neque monasteriorum consuetudines cum ecclesiastica régula sint permis ise.

(2) Item plaçait, ut per solemniiim diernm vigilias vel missas, omnes easdem et non diversas lectiones in ecclesia legaut.

(3) Item placuit , ut non aliler episcopi, Pt aliter presbyteri popu- lum, sed uno modosalutent, dieenies: Dominus sit vobiscum: sicul ia libro Ruth legiiur ; et ut r^spondeatur a po, ulo : £t cum ipirit'i tuo ; sicut et ab ipsis aposto'is tnditura ornais relinet oricas, et non sicul Priscilliana pravitas permutavit.

(4) Item placuit , ut eodem ordine missîp celebrentur ab omnibus , quem Profuturus quondam hujus meiropolitanae ecclesise episcopus ab ipsa apostoUcae sedis auctoritate suscepit scriptura.

LITURGIQUES. 155

« Canon 5. Il a plu également d'ordonner que personne ï ne s'écartât dans l'administration du Baptême de l'ordre » établi déjà dans TEgiiso métropolitaine de Brague, lequel, » pour couper court à quelques doutes, a été adressé par ï écrit au susdit Evoque Profuturus , par le Siège du très- ï heureux apôtre Pierre (1). »

Dès le siècle suivant, entraînée par la force des principes, l'Eglise Gothique Espagnole publiait un règlement pour éta- blir l'unité Ulurgique, non plus dans les limites étroites d'une province, mais dans toute l'étendue de la péninsule. Voici le second canon du quatrième concile de Tolède, en 655 :

« Après avoir poin'vu à la confession de la vraie foi , qui ï doit être prêchée dans la sainte Eglise de Dieu , nous avons î été d'avis que nous tous, Prêtres, qui sommes réunis dans » l'unité de la foi catholique, nous ne souffririons plus au- » cune variété , ni dissonance dans les mystères ecclésiasti- » ques , de peur que la moindre divergence ne semblât , aux » yeux des hommes charnels , provenir d'une sorte d'erreur » schismaiique, et ne causât à un grand nombre une sorte de » scandale. On gardera donc , par toute l'Espagne et la Gaule » ( Narbonaise ), un seul ordre dans la prière et la psalmodie , » un seul mode dans la solennité des Messes , un seul rite » dans les offices du soir et du matin ; et il n'y aura plus di- » versité de coutumes ecclésiastiques entre nous qu'une même » foi et un même royaume réunit. Déjà d'anciens canons » avaient décrété que chaque province tiendrait une coutume » uniforme dans la psalmodie et le ministère sacré (2). »

(1) Item placuit, ut nullns eum baptizandi ordinem pnetermittat , quein et antea tenuit meiropolilana Biacareosis ecclesia, et pro ampu- landa aliquoruna dubielate, prœdiclus Profuturus episoopus scriptura sibi et directurn a Sede beaiissimi apostoli Petri suscepit. ( Labb.

Tom.\.pag.8i0).

(2) Vid. la note B.

136 INSTITUTIONS

Encore un pas, et l'Espagne entrait, pour la Luurgie, dans l'unité romaine. Au-delà des limites de ce royaume, s'éten- dait le patriarchat d'occident, et les principes exprimés dans les canons cités , devaient , secondés par les circonstances , amener une fusion de tous les usages liturgiques de nos régions dans la Liturgie-mère du sein de laquelle ils étaient pour la plupart émanés en divers temps. En attendant, on a vu dans les canons du Concile de Brague , l'attention qu'a- vaient les Conciles à se conformer aux prescriptions liturgi- ques qui avaient été imposées par le Saint-Siège. D'autres fois, ces mêmes Conciles, sans y être contraints en aucune manière, adoptaient certains usages de l'Eglise romaine , té- moin le troisième Concile de Yaison qui , dans ses Canons troisième et cinquième , établit le chant du Kyrie eleison , et l'addition SicMf erat in principio au Gloria Patri. parce que tel était l'usage du Siège Apostolique et de toutes les Eglises de l'Orient (l). Sur quoi Thomassin fait la réflexion'suivante qui nous a semblé revenir à notre point de vue : « Cela fait » voir que si l'on ne se conformait pas entièrement aux offices » romains, du moins qu'on s'en approcîiait toujoure de plus » en plus; en effet, toutes les raisons qui déterminaient une î province à suivi^e certaines pratiques , excitaient toutes les

(1) Et qnia tara in Sede Aposîoli -a, qnam Ptiain pfp totas orientales atqiie Iialiaî provincias, dulcis et nimiurn salmaris cons letudo est iii- tromissa, ut Ivyrie eleison fre jueuiius cuoi grandi afTecta et cooipunc- lioui dicalur; placuiteliam nobis, ut iu o:nnib;U ecclesiis UJilris ista lam sa.icia consueludo et ad maïuiiounci , et ad uaissas , et ad vet-peram

Deo propitio intromittatur Et quia non solum in SeJeApos-

lolica, S3d etiam p t totum Orienteni, et totain Africam, vel Iialiam, proptep hoereiioorum astfitiam, qui Oei Filiiiin non semper cuni P.itre fuisse, sed a tempore csep^sse blaspatMiiant, in omsiibus clausulis, post Gloria, sicut erat in priiuipio di:itur, etiam et nos in universis ec- clesiis noslris hoc ita dicendum es?e deceruimus. Labb. Tom. IF. pag. 1680.

LITURGIQUES. 157

» Eglises de l'Occident à les embrasser, aliii qu'il n'y eût, au- » tant que cela se pouvait , qu'une manière uniforme clans » les mœurs et dans la célébration de l'office partout l'Oc- » cident (I). »

Pendant que de grandes améliorations se préparaient, que l'unité dans le culte tendait à devenir par tout l'Occident, la pure et fidèle image de l'unité de foi , les Pontifes Romains, attentifs à tous les besoins de l'héritage du Seigneur commis à leur garde , ne hâtaient point outre mesure la consomma- tion de cette heureuse révolution , mais ils la préparaient de loin , en profitant de toutes les occasions pour décider les controverses liturgiques soumises à leur tribunal , suivant les formes et les traditions en usage dans l'Eglise de Rome. Nous avons vu, au chapitre précédent, par les paroles de saint Sirice , avec quelle énergie ils exigeaient la soumission aux décisions qu'ils rendaient sur cette matière. A l'époque qui nous occupe présentement, un autre Pape, saint Innocent , va nous faire savoir pourquoi le Saint-Siège réclame si sévè- rement l'obéissance des Églises occidentales aux décrets qu'il rend en matière de discipline et de Liturgie en particulier.

« Si les Prêtres du Seigneur , dit-il à Dccentius , Evêque » d'Eugubium, dans une Décrétale de l'an .410, voulaient » garder les institutions ecclésiastiques , telles qu'elles sont ■K réglées par la tradition des s.iints Apôtres , il n'y aurait » aucune discordance dans les offices et les consécrations. » Mais quand chacun estime pouvoir observer , non ce qui » vient delà tradition, mais ce qui lui semble bon, il arrive » de qu'on voit célébrer diversement , suivant la diversité » des lieux et des Eglises. Cet inconvénient engendre un » scandale pour les peuples qui , ne sachant pas que les tra-

(1) Discipline de l'Eglise. Tom. i. pag, 991.

138 INSTITUTIONS

» ditions antiques ont été altérées par une humaine présomp- » tion , pensent , ou que les Eglises ne sont pas d'accord i entre elles, ou que des choses contradictoires ont été éta- » blies par les Apôtres, ou par les hommes apostoliques. » Car qui ne sait, qui ne comprend que ce qui a élé donné

> par tradition à l'Eglise Romiiine, par Pierre , le prince des

> Apôtres, se garde maintenant encore et doit être par tous

> observé; qu'on ne doit rien ajouter ou introduire qui soit

> sans autorité, ou qui semble imité d'ailleurs? Et d'autant » plus qu'il est manifeste que dans toute Tltalie, les Gaules,

> les Espagnes , l'Afrique , la Sicile et les îles adjacentes , nul 9 n'a institué les églises, si ce n'est ceux qui ont été consti- » tués Prêtres par le vénérable Apôtre Pierre , et ses succès- » seurs. Que ceux qui voudront lisent, qu'ils recherchent » si, dans ces provinces, un autre Apôtre a enseigné. Que » s'ils n'en trouvent pas d'autre , ils sont donc obligés de se » conformer aux usages de l'Eglise Romaine, de laquelle ils » ont tiré leur origine, de peur qu'en se hvrant à des doc- t trines étrangères, ils ne semblent se séparer de la source » de toutes les institutions (i). >

Après ce préambule , le Pape corrige les abus qui s'étaient introduits dans l'Eglise d'Eugubium , en matière de Litur- gie, statuant plusieurs réglemens, sur la Paix que les com- munians devaient se donner les uns aux autres, sur le mo- ment du Sacrifice auquel il fallait réciter les noms de ceux pour qui onl'oITrait, sur le sacrement de Confirmation , sur le jeûne du samedi, sur la défense de célébrer les Mystères dans les deux jours qui précèdent la Pàque , sur les relations de l'Eglise Matrice avec les autres Titres , sur les Exorcis- mes, sur les Pénitens, sur l'Exlrême-Onction , etc. Après

(1) Vid. la'note C.

LITURGIQUES. 459

quoi , il coiicliil eu ces termes : « C'est ainsi , très-cher frère , » que nous nous sommes mis en devoir de répondre , suivant » notre pouvoir, à ce que votre charité demandait de nous, * et votre Eglise pourra maintenant garder et observer les » coutumes de l'Eglise Romaine , de laquelle elle tire son » origine. Quant au reste, qu'il n'est pas permis d'écrire, > quand vous serez ici , nous pourrons satisfaire à vos de- » mandes (1). » Il s'agissait de questions sur les paroles mêmes du Canon, ou sur la forme des Sacremens, détails qui étaient encore alors couverts du plus grand mystère.

Il faut remarquer ici , à propos de cet important docu- ment , d'abord le zèle avec lequel le Siège Apostolique veil- lait au maintien des saines traditions liturgiques , le désir qu'il avait de ramener tout à l'unité, et en particulier les droits spéciaux qu'il prétendait sur les Eglises d'ItaUe , des Gaules, des Espagnes,de l'Afrique, delà Sicile et autres îles adjacentes , comme filles de la prédication de saint Pierre et de ses successeurs, et formant le Patriarchat d'Occident. On Voit que ces droits, développés plus tard dans des institutions plus parfaites , amèneront dans les moindres détails cette unité minutieuse que saint Innocent n'exige pas encore. Les Iles Britanniques, l'immense (iermanie, à peine illummées du flambeau de la foi , en quelques points imperceptible , ne figurent point dans cette énumération : mais bientôt le zèle apostolique de Rome , les ayant entièrement arrachées aux ombres delà mort, et incorporées, par cette pacifique conquête, à l'heureux Patriarchat d'Occident, elles subi- ront , dès leur première enfance , le joug sacré de la Litur- gie Romaine , arrivant ainsi tout d'abord à la plénitude de l'âge parfait des Eglises.

^l)Vid, lanoteC,

440 INSTITUTIONS

L'Orient , au contraire , ne sentit point les bienfaits de cette unité complète. Trop d'obstacles arrêtaient le zèle des Papes pour qu'ils pussent songer , même un instant , à éta- blir le règne absolu de la Liturgie Romaine dans les Patriar- chats d'Alexandrie , d'Ânlioclie , de Constantinopîc et de Jérusalem, Ils se contentèrent de veiller au maintien de cette unité plus générale qui consiste dans la célébration , aux mêmes jours , de la fête de Pâque et des autres so- lennités principales , dans l'intégrité des rits du Sacrifice , dans l'administration valide et convenaljle des Sacremens, dans le maintien des heures de l'office divin et de la psal- modie , et , plus tard , dans le culte des Images sacrées. C'est ainsi que, suivant les .temps et les lieux, le Siège Apos- tolique a su appliquer , en diverses mesures , la plénitude de puissance qui réside en lui , en sorte que les Pontifes romains n'ont jamais oublié celte doctrine du premier d'entre eux, de paître le troupeau avec prévoyance et dou- ceur, et non dans un esprit de domination (1). Mais c'était le repos de la force , et malheur à ceux qui résistent aux vo- lontés de celte puissance paternelle , qui attend avec longa- nimité, qui prépare, de concert avec les siècles, les grands résultats que l'Esprit Saint lui ménage ! Malheur à ceux qui ne font pas , quand elle a dit de faire , qui n'exécutent pas , quand elle a commandé ! car toutes ses volontés sont équi- tables , et le Seigneur s'en est déclaré le vengeur.

En parcourant les Epîlres des Pontifes Romains qui ont siégé aux cinquième et sixième siècles, on trouvera un grand nombre d'actes de leur autorité en matière liturgique , tou- jours dans le sens des mesures prises par saint Innocent. L'énuraération de ces faits nous prendr.iit trop de place , et

^l) I Pet. V. 2-3.

LITURGIQUES. 141

ajouterait peu do chose à la valeur des argumens contenus dans ce chapitje. Nous nous attacherons de prérërence à montrer les travaux des Papes pour le perfectionnement de la Liturgie de l'Eglise locale de Rome , et, dans cette partie de notre travail , nous ne nous écarterons pas de notre but général, puisque la Liturgie Romaine est destinée à devenir, sauf d'imperceptibles exceptions , la Liturgie de l'Occident tout entier, et qu'en la perfectionnant ainsi au-dessus de toutes les autres , les Pontifes romains assuraient indirecte- ment son triomphe, au jour marqué par la Providence.

Ce serait ici le lieu d'examiner l'intéressante question de savoir à quelle époque on a confié à l'écriture les formules mystérieuses du Sacrifice chrétien , et celles qui accom- pagnent les rites de l'initiation. Le savant P. Lebrun, dans son excellente Explication de la Messe, au tome II, a pré- tendu qu'avant le cinquième siècle, aucune des anciennes Liturgies , soit grecques , soit latines , n'avait encore été mise par écrit, mais qu'elles étaient simplement transmises par une tradition orale. Nous pensons, avec Muratori (I) , que cette assertion est exagérée, et qu'on peut donner un sens plus raisonnable aux passages de l'antiquité qu'allègue le docte Oralorien. Comment , en effet , s'imaginer qu'on eût pu conserver cette uniformité dans les formules et les rites généraux, que nous avons prouvé ci-dessus s'être maintenue dans son entier, durant les premiers siècles de l'Eglise, si un texte écrit ne se fût pas trouvé dans chaque Eglise, pour cor- riger les innovations, arrêter les effets de l'incurie ou de lu négligence ? Admettez , si vous voulez , que ce formulaire ne paraissait pointa l'autel, qu'il était gardé dans quelque lieu secret , loin des regards profanes ; mais , du moins , on

(1) Liiurgia Romana velus. Disserialio de reb. Liturg. pag, 3 et seq.

14-2 INSTITUTIONS

pouvait, au besoin , en appeler à son autorité, pour rassurer la mémoire affaiblie , pour reclifier ce qui eût pu s'introduire de moins conforme à l'antiquité. Avec ces précautions , le secret des mystères n'en était pas moins assuré. Que si l'on vient à songer aux formules spéciales que rendaient néces- saires les différens rites du Cathécuménat, par exemple , de l'ordination des Diacres , des Prêtres , des Evêqucs ; de la solennisation de la fête de Pâque et des autres grands jours ; toutes choses dont nous trouvons la preuve positive dans toute l'antiquité, on conviendra qu'il eût été, d'un côté, déraison- nable, de l'autre, matériellement impossible de surcharger la mémoire des Evêques et des Prêtres d'un aussi grand nombre de prières, ou allocutions. Les saints Docteurs dont s'appuie le P. Lebrun ont parlé de la Tradition par op- position à l'Ecriture Sainte , et non pour dire que les Li- turgies n'étaient pas écrites. Voici , entre autres , ce que dit saint Basile : « Nous ne nous contentons pas des choses » qui sont rapportées par l'Apôtre , ou dans l'Evangile ( au » sujet de l'Eucharistie ) ; il est d'autres choses que nous » récitons avant et après ( la consécration ) , comme ayant » une grande importance dans le mystère, et que nous avons » reçues d'une tradition non écrite (1). î II est évident que le saint Evêque entend ici parler d'une source distincte des Ecritures Saintes, et qu'il dit que de cette source ont émané, par tradition, les formules du Canon de la Messe. Nous l'accordons volontiers ; nous ne disons pas autre chose : mais il ne suit pas de que ces traditions ne reposassent pas sur une écriture faite de main d'homme et gardée dans

(1) Non enim, liis contenli sumus, quoe commémorât apostolus, ant Evangelium; verum alla quoque et ante et post (consecrationem) dici- mus, tanquam multum habentia momenti ad mysterium , quae ex Iradi- tione non scripta accepimus. S, Basil, de Spiriiu Sancto. Cap. XXVII.

Il

LITURGIQUES. 445

l'archive de l'Eglise. Ne savons-nous pas par le témoignage des Grecs , et nolamnient par celui de saint Grégoire de Nazianze{l), que saint Basile lui-même avait composé une Liturgie ? iNe l'avait-il donc pas écrite , et même long-temps avant la fin du quatrième siècle ? Ne troiive-t-on pas , dans les Callîéchèses do. saint Cyrille de Jérusalem , composées vers l'an 547, une très-grande partie de la Liturgie obs<^rvée dans le Baptême et dans la sacrée Synaxe ? Pourtant , ces Callîéchèses étaient destinées à servir à l'initiation des élus du christianisme. Saint Hilaire , en même temps , dans les Gaules, ne composa-t-d pas, au rapport de saint Jérôme, son contemporain, un Livre des Mystères? C'est ainsi que, dans les matières de l'érudition , aussi bien que dans celles qui sont purement abstraites , on doit se garder avec vigi- lance des envahissemens de l'esprit de système dans lequel il est toujours si facile de tomber. Sans doute , c'est un point fort important à établir dans l'étude de l'antiquité , que ce secret universel qui , durant tant de siècles, a couvert la ma- jesté de nos mystères , mais il importe aussi de faire voir que les formes principales du culte chrétien datent d'une origine antérieure à la paix extérieure de l'Eglise.

Lors donc que les Papes du cinquième siècle portèrent leur attention sur les améliorations à introduire dans la Liturgie de l'Eglise de Rome , nul doute que cette Eglise ne possédât déjà un corps de formules liturgiques approprié aux nécessités présentes du culte divin. Le premier de cette époque, que nous trouvons indiqué au Lifcer Po«i//îca?i5 comme ayant fait des réglemens sur l'office divin, est saint Célestin , qui siégea en 422. « Il établit, dit cette Chronique, que les cent cinquante » psaumes de David seraient chantés avant le Sacrifice , avec

(1) Orat. XX. In Basilii laudem.

144 INSTITUTIONS

X Antienne , el par tout le monde : ce qui n'avait pas lieu au- » paravant; car on récitait seulement l'Epîlre du bienheureux » Apôtre Paul et le saint Evangile , après quoi la Messe avait » lieu. Il établit pareillement qu'on chanterait à la Messe , » après l'office, le Graduel^ c'est-à-dire le Répons qui se dit y sur les degrés (I). » Ce psaume avec antienne, que l'on chantait avant la Messe , est ce que nous nommons Introït : le Graduel a conservé le nom sous lequel la chronique le désigne ; c'est un Répons , parce qu'il se chante en deux pal- lies. Ainsi la Messe s'enrichissait d'une introduction solen- nelle ; elle ne débutait plus déjà par les lectures des Epitres et de l'Evangile , comme au temps de saint Justin.

Dix ans après saint Célestin , saint Léon-le-Grand monta sur la Chaire de saint Pierre. Il perl'ectionna aussi la Liturgie : la Chronique nous apprend qu'il ajouta à la sixième oraison du Canon , ces mois : Sanctum sacrijicium , immaculatam hostlam (-2). Le souvenir conservé de cette légère addition montre quelle vénération religieuse environnait cette auguste prière , jusque-là que l'histoire ait enregistré comme un évé- nement l'acte d'un Pontife Romain qui ajoute quatre paroles à cette même formule qu'ailleurs nous avons vu saint Justin désigner sous le nom de Prière ■prolixe.

Au siècle dernier , en 1755, Joseph Bianchini, Prêtre de l'Oratoire , neveu de l'illustre prélat François Bianchini , tira de la Bibliothèque du Chapitre de Vérone , un maniisciit mutilé, portant ce titre : Codex Sacramentorum vêtus Romanœ

(1) CoQSlitait , ut psaloii David CL. aute sacriâcium psaliereutur antipbonîtim exonanihus: quod ante mn tiebat, nisi tantura epistola beali Pauli Apostoli rociiabaiur, et sanctam Evangelium, et sic missae fiebaoï. Et coQs.tituil, Gradale postoffi'ium ad noi^sas canlari , id est, responsorium in gradibus. Liber Pontifin C'œlestinum.

(2) Liber Poatif, In S. Leonem.

LITURGIOUES. 44S

Ecclesiœ a S. Leone Papa confectus. Le savant éditeur don- nait ce fragment comme ayant fait partie d'un Sacramentaire Léonien, et, comme il arrive d'ordinaire, les érudils se di- visèrent sur la question de l'authenlicité de l'ouvrage. Cer- tains Français tirèrent une conclusion pratique de leur sen- timent pour l'affirmative, ainsi que nous le dirons dans la suite de cette histoire. Nous déduirons ailleurs nos raisons de ne pas admettre saint Léon comme l'auteur de ce prétendu Sacramentaire. Nous citerons toutefois iciHonoriusd'Autun, qui atteste que ce grand Pontife avait composé des Pré- faces (l] , et nous accorderons volontiers, avec le B. Tom- masi (5) et le P. Quesnel (3), que le style de saint Léon se ren- contre souvent dans les Oraisons et Préfaces du Sacramentaire Gélasien. Nos difficultés ne portent que sur le manuscrit même publié par J. Bianchini.

A la fin du cinquième siècle, siégea saint Gélase, sur lequel le Liber Pontificalis rapporte qu'il composa des Préfaces j des Mystères et des Oraisons d'un style châtié (4). Cette précieuse indication fait allusion à la publication du Sacramentaire appelé Gélasien, que ce Pontife composa, partie des for- mules dressées par ses prédécesseurs , partie de celles qu'il y ajouta dans un style véritablement liturgique. Ce Sacra- mentaire demeura en usage dans l'Eglise de Rome jusqu'au temps de saint Grégoire , qui , d'après le témoignage de Jean Diacre, en lit l'objet de nombreuses améliorations. Nous donnerons une idée du Sacramentaire Gélasien, dans la partie

(1) Hic (Léo) et praefaliones composuit. Gemma am'mœ. Cap. XLIX.

(2) Praefatio ad sacramentar. Gelasian. 0pp. Tom. IV.

(3) S. Leonis. 0pp. Tom. 1. adsermonem. XCVI.

(4) Fecit etiara sacramentorutn prœfationes et orationes cauto ser- raone. Liber Pontif. ad Gelasium.

T. I. 10

146 INSTITUTIONS

de cet ouvrage qui sera consacrée à rénumération et à la critique des livres liturgiques.

Le nom de saint Gélase est encore attaché à ce Aimeux décret du concile romain , tenu en 494 , par lequel est fixé le Canon des Ecritures saintes, en même temps qu'on y donne le catalogue des Livres Apocryphes. Le concile statue qu'on ne lira point dans l'Eglise de Rome les Actes des martyrs, au moins ceux dont les auteurs seraient inconnus ou sus- pects, dans la crainte que certaines personnes n'en prennent occasion de scandale ou de mépris (1). iNous reviendrons sur ce règlement et sur ses applications, à diverses époques, dans la Liturgie des offices divins ; et nous montrerons que son esprit a toujours été fidèlement gardé dans l'Eglise Ro- maine.

iS'ous ne parlerons point ici des travaux de saint Grégoire- le-Grand sur la Liturgie Romaine, bien que ce grand Pontife appartienne plutôt au sixième siècle qu'au septième , étant monté surlei^aint-Siége, en 590, et décédé en 604. A raison de leur importance dans l'histoire générale et particulière delà Liturgie, nous leur consacrerons le chapitre suivant.

Donnons maintenant une idée des travaux entrepris , du- rant les cinquième et sixième siècles , par les saints docteurs et autres écrivalus ecclésiastiques, sous le point de vue qui nous occupe.

Vers 401, Sévérien, Evêquede Gabales, en Syrie, et ami de saint Jean-Chrysostôme , écrivit du Baptême et de la solennité de l'Epiphanie un traité qui a péri.

(407). Théodore, Evêque de Mopsueste, en Cilicie, homme d'une orthodoxie plus que suspecte , donna une nouvelle Liturgie que Léonce de Byzance dit avoir été remplie , non

(1) Vid. la note D.

LITURGIQUES. 447

de prières , mais de blasphèmes. Celle que nous trouvons sous le nom de Théodore , dans la collection des Liturgies orientales publiées par Rcnaudot, ne présente rien qui jus- tifie les reproches de Léonce de Byzance.

(408). Saint Maruthas, Evèque de Tagrite, en Mésopota- mie , a laissé en langue syriaque une Anaphore qui se trouve dans le Missel des Maronites.

(-410). Synesius, Evèque de Ptolémaïde et d'abord philo- sophe, après son retour à des croyances plus positives, composa des hymnes d'une grande beauté, qui nous restent encore au nombre de dix. Nous doutons qu'elles aient jamais été en usage dans la Liturgie.

(410). Saint Paulin, sénateur et consul Romain, ensuite Evèque de Noie , composa , au rapport de Gennadius, un Sa- cramentaire et un Hijrnnaire , que nous n'avons plus. Dans ses intéressantes lettres, et dans ses poèmes si élégans, il donne beaucoup de détails précieux pour le tableau de la Liturgie du quatrième et du cinquième siècle. Nous recommandons particulièrement aux amateurs de l'architecture chrétienne primitive la XXXIL épître, ad Semrum^ et les poèmes XXVI et XXVII, dans lesquels il fait la description de l'Eglise qu'il faisait bâtir à Noie , en l'honneur de saint Félix : mais qui , aujourd'hui , s'intéressera à l'architecture chrétienne des quatrième et cinquième siècles ?

(iI2). Saint Cyrille, d'Alexandrie, est auteur d'une Ana- phore en l'honneur de saint Marc, Evangéliste, rapportée par Assemani dans sa grande compilation liturgique.

(412). Sedulius, prêtre et poète chrétien, a composé des hymnes dont l'Eglise se sert encore aujourd'hui dans les fêtes de Noël (A solis ortus cardine], et de l'Epiphanie {Hostis Herodes impie ) , lesquelles sont toutes deux extraites d'un grand acrostiche composé de vingt-trois versets , dont cha-

148 INSTITUTIONS

cun commence par une des lettres de l'alphabet. L'Introït : Salve, Sancta Parcns^ et l'Ânlienne : Gemiit puerpera regem, sont l'un et l'autre tirés des poésl s de Sélulius.

(420). Jean Cassien , dans ses Conférences monaxtiques , donne des détails intéressans sur la forme des ofïïces divins telle qu'elle était suivie dans les monastères d'Orient ; ces usages sont un mélange des rites pratiqués dans la psalmodie des Eglises de ces contrées, avec des observances particu- lières fixées par les Pères des déserts d'Orient.

(i26). Saint Loup, Evèque de Troyes , et saint Euphrone, Evèque d'Âutun, ont laissé une lettre précieuse à Talalius, Evèque d'Angers, dans laquelle ils répondent d'une manière très-intéressante aux questions qu'il leur avait adressées touchant la célébration de l'olfice divin, dans les vigiles de Pâques, de Noël et de l'Epiphanie.

(428). L'hérésiarque Neslorius composa aussi une Litur- gie. On la trouve dans la collection de Renaudot.

(434). Saint Procbis, Patriarche de Conslaniinople, a laissé un opuscule très-court, intitulé : De trad'Uionlbus Missœ di- vines. Nous l'avons cité plus haut.

(440). Salvien, prêtre de Marseille, d'après le témoignage de Gennadius , composa, en grand nombre , des Homélies des Mystères, Homilias Sacramentorum : ce que D. Mabillon ex- plique dans le sens de Sermons sur la Liturgie, ou encore d'Oraisons même et de Préfaces destinées à être récitées dans le Sacrifice.

(445). Philoxène, autrement appelé Xenaias, Evèque d'Hié- rapolis , disciple de Pierre-le-Foulon , et l'un des plus fou- gueux apôtres du Monophysisme , est auteur d'une Liturgie Syriaque , dont le texte se trouve dans la collection de Renaudot. [AA&). Narsès, surnommé Garbana , ou le Lépreux , parti-

LITURGIQUES. 149

s:\n zélé de l'hérésie Ncstoricnne , composa à Nisibe , dit le savant P. Zuecai'ia, une Liturgie, une Expositioti des Mijs- tères, et un livre des Rites du Baptême.

[A-iO). Isaac, surnommé lo Grand, Prêtre d'Antioclie , est auteur de deux hymnes qni font partie de l'office de la se- maine sainte, dans la Lituigie Syriaque des Maronites.

(4.08). iMnsneus, Prêtre de Marseille , est un des principaux rédacteurs de la Liturgie Gallicane. Ce fut lui qui, à la prière de saint Veneriiis, son Evêque, comme le rapporte Gen- nade, fit des extraits des saintes Ecritures pour fournir aux Leçons de toute l'année ; il en liia pareillement des, Répons, et des Antiennes propres au temps, afin que les lecteurs ne fus- sent pas embarrassés à chercher les passages, et que le peuple prît plus de goût à la célébration des solennités. Plus tard , à la demande de saint Eusiase , successeur de Venerius, il composa un Sacramentaire d'une grande beauté et d'un vo- lume considérable.

(•460). Voconius, ou Buconius, Africain, Evêque de Cas- tellanum en Mauritanie, rédigea, dit le même Gennade, un excellent livre Sacramentaire.

(462). Claudien Mamert, Prêtre de Vienne , et frère de saint Mamert, Evêque de la même Eglise , mit en ordre un recueil de psaumes et de leçons à l'usage de l'Eglise de Vienne , et composa des hymnes. On lui attribue celle de la Passion : Pange, lingua , gloriosi prœlium certaminis.

(472). Théoctiste, compagnon de saint Euthymius, Archi- mandrite de Palestine, a laissé, dit Zaccaria, une série de can- tiques sacrés e?i l'honneur des saints de tout le mois d'Avril.

(472). Saint Sidoine Apollinaire, Evêque de Clermont, au rapport de saint Giégoire de Tours, est auteur û.^ plu- sieurs Messes d<? la Liturgie Gallicane.

( 4B4 ) . Saint Sabbas , cet illustre Abbé de la Grande Laure

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de Palestine, a écrit, pour l'usage de son monastère, un Typique, ou Ordre pour la récitation de l'Office ecclésiastique pendant l'année, divisé en cinquante-neuf chapitres. Ce livre, qui fut bientôt en usage dans tous les monastères soumis à l'Evêque de Jérusalem, s'étant trouvé corrompu par l'injure du temps, fut resiilué par saint Jean Dumasrène.

(501 ). Saint Césaire, Evèqtie d'Arles, se montra grande- ment zélé pour le culte divin. Il compila le premier Hotni- liaire que l'on connaisse. C'était un recueil de Sermons des saints Pères, destinés à être lus à Matines. 11 donna une règle aux Moines, dans laquelle on trouve des particularités inté- ressantes sur la forme des Heures Canoniales en ce siècle.

(olO). Siméon, Evêque de Bitharsam, hérétique Mono- physite , est auteur d'une Liturgie, que l'on a confondue quelquefois avec celle de Philoxène, comme celle de Phi- loxène avec la sienne. On peut voir sur cette question le P. Zaccaria, qui expose les avis des savans, sans tirer aucune conclusion qui lui soit propre.

(oll). Saint Ennodius, Evèque de Pavie,.a laissé deux Bénédictions du Cierge Paschal , qui sont différentes de celles en usage dans les Eglises Romaine , Ambroisienne et Galli- cane ; une prière avant la Messe pour l'usage d'un Evèque ; enfin, onze hymnes qui ne paraissent pas jusqu'ici avoir

été en usage dans aucune Eglise.

(ol4). Jean, dit Bar-Aphtomus , Abbé du monastère de

Seleucie , hérétique Monophysile , composa des hymnes

syriaques sur la Nativité de Jesus-Christ.

(518). Sévère, d'abord Evêque d'Aniioche , puis chassé

de ce siège pour sa doctrine Monophysite , rédigea un livre

liturgique qui existe encore entre les mains des sectaires

Jacobites , sous ce titre : Rites du Baptême et de la sacrée

Synaxe.

LITURGIQUES. 151

(519). Jacques, Evêqiie de Sanig, prélat dont l'orthodoxie a été victorioiisemoiil établie parAssemani, composa entre autres prières liturgiques une Anaphore qui se trouve dans les Liturgies Syriaque et Éthiopienne ; il est aussi l'auteiir d'un Ordre pour le saint Baptême, inséré dans le Uituel des Maronites.

(520). Elpis, femme de Boëce, illustre aussi par sa foi et son goût pour les lettres, est auteur de deux hymnes en l'honneur de saint Pierre et de saint Paul , desquelles l'Eglise romaine a extrait plusieurs versets qu'elle chante dans les différentes fêles de ces deux saints Apôtres; l'une commence ainsi : Aurea luce et décore roseo. et l'autre par ces paroles : Félix per omnes festiim mundi cardines. Cette dernière est aussi attribuée à saint Paulin d'Aquilée , et peut-être avec plus de certitude.

(527). Saint Siméon , stylite le jeune, composa une de ces hymnes que l'Eglise grecque appelle Troparium , en l'hon- neur de saint Démétrîus, martyr, et quelques oraisons au Christ et à la Mère de Dieu.

(527). Saint Nicetiiis, Evêque de Trêves, a laissé un traité de Vigiliis servorum Dei, et un antre de Bono psalmodiœ.

(528). Saint Benoit, Patriarche des Moines d'Occident, a donné , dans son admirable Règle , le plan de l'OlTice Mo- nastique, tel qu'il a toujours été gardé par ses nombreux disciples , depuis le sixième siècle jusqu'aujourd'hui.

(550). Thomas d'Edesse, Nestorien, et Marabas (556), son disciple , ont travaillé sur la Liturgie de l'Eglise Syrienne.

(541). Jacques, Evoque d'Edesse, qui a laissé son nom à la secte des Monophysitcs, qui sont en effet connus dans l'Orient sous le nom de Jacobites, est auteur d'une Anaphore qui se trouve dans la collection de Renaudot,

152 INSTITUTIONS

(546). Maxîmien, Archevêque de Ravenne, mit dans un meilleur ordre les livres de cette Eglise, et y fit plusieurs cor- rections.

(o47). Saint Aurélien , Evêque d'Arles , est auteur d'une Règle pour les Moines et d'une autre pour les Religieuses ; à l'exemple de son illustre prédéL-esseiir, saint Césaire, il y a inséré beaucoup de particularités intéressantes sur la forme des offices divins.

(533). Saint Germain, Evêque de Paris, semble être l'au- teur d'une exposition de la Messe gallicane , que D. Martène a insérée dans son ouvrage de antiquh Ecclesiœ ritibus.

(360). Saint V^enantius Fortunatus, Evêque de Poitiers, parmi ses nombreuses poésies, a composé plusieurs hymnes en usage encore aujourd'hui dans l'Eglise, savoir l'hymne en l'honneur de la Sainte-Croix, Vexilla Régis prodeunt ; celle à la louange dnSaiot-Chrême, 0 Redemptor, sume carmen temet concinentium; auxquelles il faut ajouter d'après VHymnaire du B. Tommasi, les suivantes : Pange, imgua, gloriosi prœ- lium certaminis , déjà attribuée à Mamert Claudien; celles en l'honneur de la sainte Vierge, Quem terra, pontus, œthera, et 0 gloriosa Domina. Une pour les fêtes de Noël , Agnoscat omne seculum; enfin le cantique solennel du jour de Pâques, Salve, festadies, toto venerabilis œvo. On ne doit pas oublier non plus l'hymne du même Fortunat en l'honneur de saint Denis , laquelle commence par ses paroles : Fortem fidelem militem, et dans laquelle il rend témoignage à la mission donnée à ce saint Apôtre par le Pape saint Clément.

(370). Ananus Adiabène, maître de l'école d'Edesse , écrivit de Causa solemnitatis Hozannarum, et de Causa feriœ sextœ Auri, c'est-à-dire, du vendredi dans l'octave de la Pen- tecôte, jour auquel on lit le passage des Actes des Apô- tres , dans lequel saint Pierre dit : Argentum et aurum non

LITURGIQUES. 155

hnbeo. De plus j un traité des Supplications publiques , et un autre de V Invention de la sainte Croix.

(57^ ). Cliilpéric, roi de Soissons , fils de Clotaire I", est, de tous les princes français, le premier qui se soit occupé de Liturgie. Il composa, dit saint Grégoire de Tours, des Hymnes et des Messes ; mais elles ne sont d'aucun usage et ne pourraient l'être. Charlemagne et Robert furent plus heu- reux. Du reste , nous n'avons plus ces opuscules de Cliil- péric.

(573 ). Saint Grégoire, Evêque de Tours , historien des Francs, et l'un des premiers agiographes de son siècle , a composé une antienne en l'honneur des saints Médard et Gildard , Evéques et frères. On lui a attribué aussi une prose de saint Martin, qui est plutôt une préface, ou Contestation , suivant le terme de la Liturgie Gallicane. Elle commence par ces paroles : Sacerdotem Christi Marlinum.

( 580 ). Jesuiab , Patriarche des Nestoriens , est auteur de vingt-deux questions de Sacramentis Ecclesiœ.

(580). Joseph, hérétique de la même secte, a écrit un grand nombre de traités , entre lesquels Zaccaria cite celui intitulé : De Causis celebriorum festivitatum.

(582). Jean le Jeûneur, Patriarche de Constantinople , est auteur d'un Livre Pénitentiel , et d'un traité de la Con- fession et de la Pénitence, publiés l'un et l'autre par le P. Morin , dans son grand ouvrage de Pœnitentia. Saint Isidore nous apprend qu'il écrivit aussi un livre du Sacrement de Baptême, adressé à saint Léandre, Evoque de Scvillc.

(584). Licinien, ou Lucinien , Evêque de Carthagène, en Espagne, écrivit une Epître, citée par saint Isidore, sur le Sacrement de Baptême.

(585). Saint Léandre, Evêque de Séville , écrivit aussi une Epître du Baptême ; mais , en outre , il eut une très-

184 mSTITUTIONS

grande part à la correction et au perfectionnement de l'Office Gothique , ou Mozarabe. Il composa, en effet, au rapport de saint Isidore , son frère , des Oraisons nombreuses , tant pour être récitées avec les psaumes , qut; pour être lues dans la célébration des saints mystères. iSous parlerons ailleurs et longuement de la Liturgie Mozarabe.

(589). BabîEus-le-Grand , d'abord Moine du mont Izla , près de Nisibe , plus tard élevé sur le siège patriarchal de sa nation, écrivit, suivant Zaccaria, de Causa Hozannarum, de Causa festi Crucis. et un autre livre dans lequel il dispose , suivant le cercle de l'année , les Triomphes de la Sainte Vierge Marie et de saint Jean , ainsi que ceux des autres solennités et commémorations. Dans la Liturgie Chaldéenne , on donne le nom de Triomphes à ce que nous appelons Hymnes dans celles d'Occident.

(590). Saint Colomban, Irlandais, célèbre Abbé de Luxeuil et de Bobbio, est auteur d'une Règle fameuse que nous avons encore, et dans laquelle il institue, pour les Moines, une forme d'office divin différente de celle établie par saint Be- noît. On sait d'ailleurs que cette règle ne tarda pas à dispa- raître , vaincue par la supériorité de celle du Patriarche des Moines d'Occident. Comme saint Colomban avait été Moine dans le célèbre monastère de Benchor, en Irlande , nous par- lerons ici d'un précieux monument de la Liturgie de ce Mo- nastère , publié par Muratori , dans le quatrième tome de ses Anecdota Bibliothecœ Ambrosianœ. C'est un Anliphonaire que le docte éditeur conjecture avoir été transcrit vers l'an 636. On y trouve, entre autres choses curieuses ,. une hymne en l'honneur de saint Patrice , Apôtre d'Irlande , dans laquelle sont rapportés la plupart des faits que racontent les Légen- daires sur cet illustre personnage : par quoi sont réfutés invinciblement certains critiques qui ont avancé que l'exis-^

LITURGIQUES. ttN»

tence de saint Patrice n'était rien moins que prouvée, et que SOS actes étaient , pour le fond comme pour la forme , un roman forgé par quelque Moine du douzième ou du trei- zième siècle.

( 595). Saint Isidore, successeur de son frère saint Léandre sur le siège de Séville , et le plus docte des Pères de l'Eglise Gothique Espagnole , ce qui a porté l'Eglise Piomaine à lui conférer la qualité de Docteur de l'Eglise, a traité des ma- dères liturgiques dans plusieurs de ses écrits , notamment dans son livre des Origines. Mais, par ses deux excellens livres , de Divinis , seu Ecclesiaslicis ofjjîciis , il s'est placé avec honneur à la tête des écrivains liturgiques dont la lecture est indispensable à ceux qui veulent faire une étude appro- fondie de cette science. Nous placerons ici les titres des cha- pitres de cet important traité, pour donner au lecteur une idée des richesses qu'il contient.

Au livre premier : \. De Ecclesia et vocabulo Christiano- rum. 2. De Templis. 3. De Choris. A. De Canticis. 5. De Psalmis. C. De Hymnis. 7. De Antiphonis. 8. De Responso- riis. 9. De Precibus. 10. De Lectionibus. 11. De Libris Tes- tamentoram. 15. De Scripforibiis sacrorum librorum. \ù. De Laudibus. 14. De O^ertoriis. 15. De Mifsa et orationibus. IG. De Symbolo Niceno. 17. De Benedictionibus in populo. 18. De Sjcrificio. i9. De Tertiœ , Sextœ , et Nonœ horœ ofjî' dis. 20. De Vespertinis. ^l. De Completis. 22. De Vigiliis. 23. De M'itutinis. 2i. De Dominica die. 25. De NataliDomini. 26. De Epiphania. 27. De Palmarum die. 28. De Cœna Do- mini. 29. De Parasceve. 30. De Sabbato Paschœ. 31. De Pascha. 32. De Ascensione Dûmini. 53. De Pentecoste. 54. De Festivilalibus Martyrwn. 35. De Encœniis. 30. De Jejunio Quadragesimœ. 57. De Jejunio Pentecoslcs. 58. De Jejunio feptimi mensis, 39, De Jejunio Kalendarum Novembrium*

IS6 INSTITUTIONS

40. De Jejunio Kalendarum Januariarum. 41. De Triduani jejunii consiietudine. 4-2. De diversorum dierum ac temporum jejuniis. 4ô. De Vario usu Ecclesiarum. 44. De Carnium esu tel piscium.

Au livre second : i. De Clericis. 2. De regulis ckricorum. 3. De generihus clericorum. 4. DeTonsum. o. De Sacerdoti- bas. 6. De Chorepiscopis . 7. De Presbyteris. 8. De Diaconibus , 9. De Custodibus saçrorum. 10. De Subdiaconibus. [\. De Lectoribus. 12. De Psaîmistis. 15. De Exorcistis. 14. De O-s- tiariis. 13. Z>e Monachis. 16. De Pœnitentibus. -17. De F/r^t- niôu?. 18. De Viduis. 19. De Conjugatis. 20. De Catechumenis, exorcismo et sale. 21. De Compétent ibus. 22. De Symbolo. 23. De Régula fidei. 24. De Baptismo. 2o. De Chrismate. 26. De Manus impositione, vel Confirmatione.

Cet ouvrage si précieux a éié placé , par Hiltorp , à la tête de sa collection liturgique, dans laquelle on peut aller le consulter ; à moins qu'on ne préfère , ce qui vaut beaucoup mieux , le lire dans les œuvres du saint Docteur, surtout dans l'excellente édition d'Arevalo (1).

Saint Isidore est auteur des deux hymnes de sainte Agathe que l'on trouve dans l'olTice de cette Sainte, au Bréviaire Mozarabe : Adesto., plebs fidissima, et Festum insigne prodiit coruscum.

{ 599 ). Eutrope , Evêque de Valence , adressa à Licinien , Evêque de Carthagène , une lettre au sujet de l'onction du Chrême faite aux enfans après le Baptême : mais cette pièce ne se trouve plus.

Ici se termine la bibliothèque des principaux auteurs li- turgistes des cinquième et sixième siècles. On a voir qu'elle se divise d'elle-même en deux classes , l'une de ceux

(1) Rome. 1803. 7 vol. in-4».

LITURGIQUES. i 57

qui ont dressé ou corrigé les formules de la Liturgie , l'autre de ceux qui ont traité, sous le point de vue didactique , des particularités et des raisons des mystères et l'office divin.

Si nous passons maintenant aux conclusions qui ressortent des faits énoncés dans le présent chapitre , nous trouvons :

Que l'unité, qui est l'élément essentiel du christianisme, a tendu de bonne heure à se réfléchir, non-seulement dans les formes essentielles de la Liturgie, desquelles elle n'a jamais été absente , mais même dans celles de ces formes qui n'ont trait qu'à la convenance et à la simple solennité du culte divin ;

Que les Pasteurs des Eglises , dans leurs Conciles, dès les cinquième et sixième siècles, ne se sont pas contentés de re- connaître cette tendance , mais qu'ils ont fait des lois pour l'ériger en droit précis ;

Que les Pasteurs des Eglises, dans leurs Conciles, ont mo- tivé leurs décrets en faveur de l'unité liturgique, sur la né- cessité de faire ressortir aux yeux des peuples l'unité de foi , et de prévenir le scandale que causait déjà la diversité des usages admis dans la célébration des offices divins ;

Que les Pontifes Romains , en rappelant les Evêques de l'Occident à l'observance des usages et traditions du Siège Apostolique, et réclamant, dans la matière des rites sacrés, un droit spécial sur les églises de l'ItaHe, des Gaules, de l'Espagne, de l'Afrique, de la Sicile et des îles adjacentes à l'Italie , posèrent dès-lors la base du droit que nous leur verrons développer plus tard ;

Qu'en outre , les mêmes Pontifes ne négligèrent aucune occasion de montrer l'union intime de la Foi et de la Liturgie, en sorte qu'ils proclamèrent dès-lors leur grande maxime : Legem credendi statuât lex sujipUcandi ; maxime dont nous ne cesserons de voir l'application dans toute la suite de cette histoire ;

IS8 INSTITUTIONS

Qu'en même temps que l'Eglise , à cette époque de paix , travaillait à établir l'unité liturgique, elle était occupée en tous lieux à perfectionner les formes du culte divin ; en sorte que la rédaction définitive des diverses Liturgies , principa- lement en Occident , date des cinquième et sixième siècles ; savoir , la Romaine , par saint Gélase et saint Grégoire-le- Grand ; la Gallicane , par Salvien , Musœus , Sidoine Apol- linaire , etc. ; l'Africaine , par Voconius ; la Gothique , par saint Léandre et saint Isidore ; la Monastique, par saint Be- noît, saint Césaire , saint Aurélien, saint Golomban ;

Que, dans ce siècle aussi , les hérétiques , principalement ceux d'Orient , se montrèrent empressés de souiller de leurs erreurs et de leurs innovations la Liturgie , et cela , par le même principe qui portait les Conciles et les Pontifes Romains à proclamer la Liturgie, la forme la plus sacrée et la plus populaire de la doctrine. A voir le grand nombre d'héré- tiques , dans l'époque que nous traitons , qui ont dressé de ces formules sacrées qui ont traversé les siècles et sont de- meurées un si solide rempart de leurs erreurs, on comprend plus que jamais quelle arme redoutable contre l'orthodoxie tombe aux mains des novateurs, toutes les fois que, dans une nation chrétienne, le pouvoir liturgique n'est pas lui- même le pouvoir souverain et infaillible dans l'Eglise ;

Que la Liturgie est donc , comme toutes les grandes choses de ce monde, l'arbre de la science du bien et du mal, puisque, dans ce chapitre qui nous a donné lieu d'enumérer les noms de plusieurs des plus vénérables docteurs de l'Eglise, nous n'avons pu nous empêcher d'y joindre une ignoble liste sur laquelle figurent Théodore de Mopsueste , Nestorius , Phi- loxène , Sévère d'Antioche , Jacques d'Edesse , etc.

LITURGIOUES. 1S9

NOTES DU CHAPITRE VI.

NOTE A.

Prieter bas autem beatissimse et apostolicce sedis iaviolabiles sanc- tioii3S, qu Ims no; piissimi patres, pcslifcirte novitatis elatione dejecta , et ')oace voliintatis exorJia , et ia^remeiita probabiliuna stiidiorum , et in eis u-;qiie iii finem p Tseverantiam ad Cliristi gratiam referre docue- runt ; obse^ratioauin quoque sn.cerdotalium sacramenta respiciamus, quœ ab Apostolis iradiia in toto miindo atque in omni Ecclesia catlio- lica uniformiler celebraatiir ; ut legetn credendi, lex statuât suppli* candi. Cum eniin san tarum plebium prscsules mandata sibimet !ega- lione funganlur, apud divinam cleraenliam humani generis agunt causam, et tota secuni Ecclesia congemiscente, postulant et precantur, ut infidelibus donetur fi les, ut idololatra3 ab impietatis suce libereatur erroribus, ut Judoeis ablato cordis velamine lux veritatis appareat, ut h;cretici calliolicse fidei perceptione resiplscant, ut schismatici spiri- tun redivlvie ca>itatis accipiant, ut lapsis pœuitentise remeiJia conferan- tur, ut denique cateohumenis ad regeneralioais sacramenta perductis codesti-; misericordiuî auh reseretur. ( S. Coelestini Epist. XXL apud D. Constant. )

Exsere contra orationes Ecclesiœ disputaliones tuas, et quando au- dis sacerdoteaa Dei ad altare exbortanteni populum Dei orare pro in- credulis, ut eos converlat ad fidem, et pro catechumenis, ut eis desi- deriuin regenerationis inspiret, et profidellbus, ut in eo quod esse cœperuat, ejus muuerc per'severent, subsanna pias voces. (S. Augus- Uni Epist. 217 ad Fita'.em. )

NOTE B.

Post reclse lidei confessionem , quae in sancta Dei Ecclesia praedica- tur, placiiit ut omiies s:JC.'rdoles, qui catliolicaî fidei unitate complec- tiinur, ndiil ult^a diversum, aut dissoniim in ecciesiasticis sacramentis ag.u.ius , \\i qiia3lil)eL uOitra diversitas apud ignolos seu oarualos schis- niaticis erroicni videatur oslendere, et multis existât iu scandalum varietas ecclesiarum. Unus igitur ordo oran^di alquepsallendi nobis per omuem Hispaniam atque Galliam conservetur, unus modus in Missa- rum solemnitatibus , unus in vespertinis matutinisque oiBciis , aec di-

460 INSTITUTION*

versa sit ultra ia nobis ecclesiastica consuetudo ; quia îq una fide con- tinemur et regao ; hoc enim et autiqui canoaes decreverunt , ut unaquaeqiie proviucia et psalleadi et miuistrjndi )parera consuetudiuem teneat. ( Conc. Toletun. IF. Can. 2. Lubb. lum. V. )

>OTE C.

Si instituta ecclesiastica, ut sunt a beatis Apostolis tradita, intégra velleat servare Domini sacerdotes; nulla diversitas, nulla varietas io ipsis ordioibus et cousecrationibus haberetur. Sed dura uausqai-.que non quod traditum est, sed quod sibi visurc fuerit, hoc aestimat es^e teneaduin , iade diversa in diversis locis vel ecclesiis aut teneri , aut celebrari videutur ; ac lit scandalum popnlis, qui dura nesclunt tradi- tiones antiquas humana prsesumpiiuue corruptas, putent sibi aut ec- clesias non coavenire, aut ab Apostolis vel apostolicis viris contrarieta- tem inductam. Quis euim nesciat aut non advertal, id quod a principe Apostolorum Peiro Romause ecclesiîe tradilum e^t, ac nunc usque cus- toditur, ab omaibus debere servari ; nec superduci aut. iulroduci ali- quid, quod auctorilaiem non habeat, aut aliuade accipere videatur exemplum? Prjesertim cum sit man.festum, iaomnem Ilaliam, Gallias, Hispanias, Africam atque Siciliam, et insiilas ialerjacentes, nullum inslituisse ecclesias, nisi eos quos venerabilis aposlolus Petrusaut ejus successores constituerint sacerdotes. Aut legaut, si in bis provinciis alius Apostolorum invenilur , aut legitur doc lisse. Qui si non legunt, quia nusquam inveuiunt, oportet eoshocsequi, quod Ecclesia Romana custodit, à qua eos principium accepi>se non dubium est; ne dum pe- regriiiis a^sertionibussludeut, caput insliutiouum videanuroraittere. Sœpe dileclioiiera tuam ad Urbem veniss'3 , ac nobiscum in ecclesia convenisse noa dubium est, et quem morera vel iu consecraadis mys- teriis, vel in ceteris agendis arcanis teaeat , cogno»is-.e. Quod sufficere ad informatioaem ecciesiée tuae, vel reformition 'm,si praecessores tui minus aliquid aut aliter tenueriint, satis cerlum haberemus, nisi de aliquibos consulendos nos esse dus isses. Quibus idcirco responderaus , non quod te aliqua ignorare crelamus, sed ut majori auciorilate vel tuos instituas, vel >i quia RomanEeecclesiae institutionibu^ errant, aut coramoneas, aut indi are non différas, ut scire val-amus qui siut, qui aut novilates inducunt , aut alterius ecclosiae, quam Romauae, exisii- mant consuetudinem esse servandam. (S. Innocenta I. ad Decenlium Eiigub. apud D. Constant. )

]\OTE D.

Item gesta sanctorum martyrum , qui multiplicibus tormentorum «ruciatibus , et mirabilibus coufessionum triumpbis illustrantur. Quis

LITURGIQUES. i61

ista esse catholicoruni dubilet , et majora eos in agonibus esse perpes- sos, nec suis viribus, sed gratia Dei et adjutorio universa tolérasse? Sed ideo secuadum antiquani consuetudinem et singularera cautelam in saneta Romana Ecclesia non leguntur, quia et eorura qui conscripsere nomina penitus ignorantur ; et ab intidelibus ant idiotis superflua, aut minus apta quam rei ordo fuerit , scripta esse putantur ; sicut cu- jusdam Cyrici et Julittte, sicut Georgii, aliorumque hujusmodi passio- nes, quse ab haireticis perliibentur compositse. Propter quod , ut dictum est, ne vel levis subsannandi oriretur occasio, in saneta Romana Eccle- sia non leguntur. Nos tamen cum prœdicta ecclesia omnes martyres, et gloriosos agones, qui Deo magis quam liominibus noti sunt, omni devotione veneramur. Gelasii Papœ décret, in Conc. Rom. apud Labb. pag. 1263.

T. I. H

1

162 INSTITUTIONS

CHAPITRE VII.

TRAVAUX DE SAINT GRÉGOIRE LE GRAND SUR LA LITURGIE ROMAINE. PROGRÈS DE CETTE LITURGIE DANS l'OCCIDENT. AUTEURS LITURGISTES DU 7' ET DU 8' SIÈCLES.

La fin du sixième siècle vit monter sur le Siège Aposto- lique un homme dont le pontificat de treize ans et six mois expira l'an 604 , mais laissa pour tous les siècles suivans la renommée d'une gloire qui a pu être égalée , mais n'a ja- mais été surpassée. Saint Grégoire le Grand , dont l'immense correspondance nous retrace si vivement la sollicitude qu'il exerçait sur toutes les Eglises , dont les écrits si remplis de gravité et d'oction justifient , par la plus pure et la plus excel- lente doctrine, le titre de quatrième Docteur que l'Eglise lui a assigné , saint Grégoire le Grand porta ses soins éclairés sur la Liturgie de l'Eglise de Rome , et par les perfectionne- mens qu'il y introduisit, prépara, d'une manière sûre, pour un temps plus ou moins éloigné , son introduction dans toutes les provinces de l'immense Palriarchat d'Occident.

Nous avons rapporté, au chapitre précédent, les travaux de saint Célestin et de saint Gélase durant ce cinquième siècle, qui fut, dans toute l'Eglise , un moment brillant pour la Li- turgie , puisqu'on vit alors les plus grands Evêques donner tous leurs soins à la perfectionner. Vers la fin du sixième siècle , il était devenu nécessaire de compléter et d'améliorer l'œuvre des siècles précédens ; car la Liturgie, comme le Sym- bole de l'Eglise , comme le recueil de sa Discipline , doit s'en- richii' par le cours des siècles, bien qu'elle ne puisse changer

LITURGIQUES. 165

d'une manière fondamentale. Ce progrès dirigé par l'autorité compétente, en même temps qu'il satisliut à de nouveaux be- soins, n'expose jamais l'intégrité des rites ecclésiastiques et n'amène point de variations choquantes dans les formules saintes que les siècles ont consacrées.

Ce fut donc , dès les premières années de son Pontificat , que saint Grégoire entreprit la réforme de la Liturgie Ro- maine. Son historien , Jean Diacre , nous a laissé sur ce sujet les détails les plus intéressans ; ils nous sont confirmés non seulement par le témoignage de tous les auteurs qui l'ont suivi, mais même par l'autorité de plusieurs person- nages qui ont vécu avant lui , tels que Walafride Strabon , saint Adrien I", et Ecbert, qui occupa le siège d' Yorck en 732. Or, voici les paroles Jean Diacre, au chapitre VI du second livre de la vie de notre saint Pontife :

< Il réduisit en un seul volume le Livre du Pape Gélase , » qui contenait la solennité des Messes , retranchant beau- » coup de choses, en retouchant quelques-unes, et en ajou- » tant plusieurs autres (1). »

^Valafrid Strabon , qui mourut en 849 , vingt-huit ans avant le Pontificat de Jean VIII , par l'ordre duquel Jean Diacre écrivit la vie de saint Grégoire , s'exprime ainsi dans son traité de R&hMs Ecclesiasticis : «Gélase, le cinquante-unième » Pape , mit en ordre les prières , tant celles qu'il avait com- » posées que celles que d'autres avaient rédigées avant lui ; » les Églises des Gaules se servirent de ses oraisons, et elles y » sont encore employées par plusieurs. Mais comme beau- » coup de ces formules semblaient appartenir à des auteurs

(1) Sed et Gelasianum codicem de missarum solemniis,multa sub- trahens, pauca convertens, noanulla vero adjiciens, pro exponendis Evaagelicis lectionibus , ia unius libri volumine coarctavit. ( Joann. Diac. in vita S. Gregorii, Lib. Il, cap. M.)

164; INSTITUTIONS

ï incertains , ou ne présentaient pas un sens clair et com- » plet , le bienheureux Grégoire prit soin de réunir tout ce > qui était conforme à la pureté originale du texte , et ayant » retranché les choses trop longues, et celles qui avaient » été rédigées sans goût , il composa le Livre qui est appelé » des Sacremens. Que si on y trouve encore plusieurs choses t> qui s'écartent du but que nous venons de marquer, elles » n'ont point été insérées par ce Pape , mais on doit croire » qu'elles ont plus tard été ajoutées par d'autres personnes ï moins soigneuses (i).

Telle est l'origine du Sacramentaire Grégorien qui , joint à l'Antiphonaire dont nous parlerons bientôt, forme encore aujourd'hui, à quelques modifications près, le Missel Ro- main dont l'Eglise d'Occident toute entière se sert, sauf les exceptions de fait ou de droit.

L'historiographe de saint Grégoire nous apprend encore , d'accord avec le Liber Pontificalis, que ce saint Pontife ajouta quelques paroles au Canon de la Messe. Remarquons ici , pour la seconde fois, que l'addition d'une seule ligne au Canon de la Messe était un événement qui intéressait tout l'Occident et que les siècles à venir ne pouvaient plus igno- rer. 'Yoici les paroles de Jean Diacre : « Il ajouta au Canon j de la Messe : « Diesque nostros in tua pace disponas, atque ah

(1) ]\atn et Gelasius Papa in ordine LI. ila tam a se quam ab aliis corapositas preces, dicitiir ordinasse. Et Galliarum Ecclesiae suis ora- tionibus utebanlur, qiiae adhiic à raultis habentur. Et quia tam incertis aucloribus raulta videbanlur iacerta, et sensus iotegriiatem oon ha- beatia, euravit beatus Gregoiius ralionabilia quseque coadunare, et seclusis his, quœ vel nimia vel inconciuna vid-^lîantur, composait li- brum qui dicitur Sacrameatorum , sicut ex titulo ejus manifestissime declaratur : in quo si aliqua iaveaiuatur ad hune sensum claudicantia , non ab illo inserta , sed ab aliis miaus diligentibus postea credenda sunt superaddita. (JValafrid, StrabQ. de Rébus Ecdesia&t. cap. XXII.)

LITURGIQUES. 165

» œterna damnatione nos erqn, et in electorum tiiorum jubeas » grcge numerari (1). » Cette addition qui exprime une de- mande de paix , paraît se rapporter à l'année 594 , durant laquelle Agilulphe , roi de Lombards , vint mettre le siège devant Rome ; ce qui plongea dans la plus vive terreur cette ville qui se trouvait en ce moment privée de garnison. In- quiet du salut de son troupeau , saint Grégoire suspendit les travaux qu'il faisait alors sur le Prophète Ezéchiel , et ses instantes prières , jointes à sa vigilance et au courage des Romains , procurèrent la délivrance de la ville , après un an de siège (2).

Saint Grégoire ne se borna pas à rectifier les formules de la Liturgie , et à les compléter ; il s'attacha aussi à donner aux cérémonies du culte une pompe extérieure qui les ren- dît plus efficaces encore pour l'instruction et l'édification du peuple. Il régla , dans un ordre qui s'est conservé jusqu'au- jourd'hui presque dans son entier , les jours et les lieux des Stations (3). « Il ordonna avec soin, continue Jean Diacre, » les Stations dans les Basiliques, ou dans les Cimetières » des saints martyrs, en la manière que garde encore au- » jourd'hui le peuple romain , comme si Grégoire vivait î toujours. Dans ces Stations , auxquelles il prenait part lui- 1) même, il prononça, en diverses époques, devant l'assemblée » des fidèles, vingt homélies sur l'Evangile ; il dicta seulement » les vingt suivantes, et les fit déclamer par d'autres, à cause »des langueurs de sa poitrine fatiguée. L'armée du Sei- » gneur , composée d'une foule innombrable de fidèles de

(1) In Canone Missse apposuit : Diesque nostros , etc. (Joan. Diac. Ibidem. )

(2) Ciacconi. ( FitœPont. Rom. Tom. I. p. 40iJ

(3) Nous donnerons ailleurs la désignation de ces Stations > ainsi que le détail de ce qu'on y observait.

466 INSTITUTIONS

» tout sexe , de tout âge et de toute condition , avide de la » parole de doctrine , accompagnait , dans ces Stations, les » pas du Pontife, qui, comme le chef d'une milice céleste , ï donnait à chacun des armes spirituelles (1). >

< Il régla les xAIesses solennelles que l'on célébrerait sur » les corps des bienheureux Apôtres Pierre et Paul. Il fit l'ac- » quisition d'un grand nombre de plants d'oliviers dont il

> grava le dénombrement sur des tables de marbre placées

> aux portes de la Basilique (3) , et les affecta au luminaire » qu'il augmenta , et à l'entretien duquel il pourvut avec i soin (3). i

On peut voir dans les divers exemplaires du Sacramentaire Grégorien, qui ont élé publiés sur des manuscrits plus ou moins purs, et dans les anciens Ordres Romains, dont les deux premiers sont très-certainement contemporains de saint Grégoire, la forme de la Messe Papale, telle qu'elle était célébrée aux jours des Stations. Fleury lui-même n'a pas cru

(1) Statioaes per Basilicas, vel saactorum Martyrum Cœmeteria se- cundum quod hactenus plebs Romana quasi eo vivente certatim dis- currit, sollicitus ordiuavit : per quas et ipse simul discurrens, dum adhuc eloqui praevaleret, vigiuti homilias Evangelii coram Ecclesia diverse tempore declamavit : reliquas vero ejusdem numeri dictavit quidam, sed lacessente stomacto laaguore .contiauo , aliii proaun- ciandas commisit. Sequebatur exercitus Domiai ultra citraque Grego- rium praeeuatem, et auditune verbumdoclriQEe iaouinerabiles uûdique diversi sexus , œtatis ac professionis voluataricc confluebant cohortes : quibus ille, utpote ductor cœlestis mililiae, cunctis duntaxat arma spiriialia suggerebat. ( Joan. Diac. Ibid. cap. XV III et XIX. )

(2) Ces tables existent encore parfaitement conservées, sous le por- tique de la Basilique actuelle de Saint Pierre.

(5) Super corpora beatorum Pétri et Pauli , apostolorum , 31issarum solemnia celebrari decrevit, acquisitis numerosissimis olivetis, quo- rum summam in tabulis marmoreis, prœ foribus ejusdem Basilicae aa- notavii, luminaria superaddidit , officia sedula deputavit. (Joan. Diac. Ibid, cap. XX.)

LITURGIQUES. 167

(l<'voir se dispenser d'en raconter plusieurs détails dans son histoire Ecclésiastique. Nous réservons ce récit, ainsi que la description de la Messe Papale telle qu'elle se célèbre aujour- d'hui, pour la partie de notre travail qui traitera à fond du Sacrifice chrétien et de ses mystères.

Les modifications que saint Grégoire avait introduites dans la Liturgie n'avaient pas manqué , ainsi qu'il arrive toujours dans les mesures générales d'administration , d'exciter les réclamations de plusieurs. Le saint Pape, en effet, en sta- tuant plusieurs réglemens sur la forme du service divin dans l'Eglise de Rome , avait astreint par même à l'observation de ces ordonnances, les Eglises de l'ItaUe et des îles adjacentes qui sont , comme on doit savoir , du domaine primatial de l'Eglise Romaine , de même que l'Occident , en son entier, forme sa circonscription patriarchale. Jean Diacre no us a conservé un important fragment d'une lettre de saint Gré- goire adressée à Jean , Evêque de Syracuse , et dans laquelle le saint Pape répond aux clameurs qui s'étaient élevées en Sicile. Nous reproduirons ici cette pièce , en y joignant nos observations.

« Un homme venant de Sicile m'a dit que quelques-uns de » ses amis , grecs ou latins , sous prétexte de zèle envers » l'Eglise Romaine , murmuraient contre mes réglemens , » disant : Comment prétend-il abaisser l'Eglise de Constan- » tinople, lui qui en suit les coutumes en toutes choses ? Comme » je lui disais : Quelles coutumes suivons-nous ? Il m'a ré- » pondu : Vous avez fait dire Alléluia , aux Messes , hors le » temps pascal ; vous faites marcher les sous - diacres sans » tuniques ; vous faites dire Kyrie, eleïson ; vous avez ordonné » de dire l'oraison dominicale aussitôt après le canon. A cela , » j'ai répondu que dans aucune de ces choses nous n'avons » suivi les usages d'une autre Eglise. Car pour ce qui est de

168 INSTITUTIONS

j V Alléluia, la tradition nous apprend qu'il a été introduit » ici par le bienheureux Jérôme, au temps du Pape Damase,

> de sainte mémoire , à l'imitation de l'Eglise de Jérusalem ; » et encore faut-il remarquer que, dans ce Siège , nous avons

> retranché plutôt quelque chose à ce que l'on avait » ainsi reçu des Grecs (1). Si je fais marcher les sous-dia- » ères sans tuniques , c'est l'ancienne coutume de l'Eglise ; » seulement, dans la suite des temps, il avait plu à quelqu'un

> de nos Pontifes, je ne sais lequel, de les revêtir ainsi. Mais 9 vos propres Eglises ( de Sicile ) , ont-elles donc reçu la tra- » dition des Grecs? Aujourd'hui encore, chez vous, d'où » vient que les sous-diacres paraissent couverts d'une simple » tunique de lin, si ce n'est parce qu'ils ont reçu cet usage » de l'Eglise Romaine leur mère ?

» D'ailleurs, nous ne disons pas Kyrie, eleison à la manière » des Grecs. Chez eux, tous le disent ensemble ; chez nous , il

> n'y a que les clercs, et le peuple répond ; et de plus , nous » disons autant de fois Christe, eleison, que les Grecs ne disent » jamais. Dans les Messes quotidiennes, nous passons sous si- » lence certaines choses que l'on a coutume de dire aux autres » jours, et nous disons seulement Kyrie, eleison et Christe, » eUïson , en les chantant avec un peu plus de lenteur. Nous

> disons l'Oraison dominicale aussitôt après le Canon , parce » que telle a été la coutume des Apôtres qui , en consacrant » l'Hostie de l'oblation , se contentaient de cette prière (2) .

(1) Ou sait que les Grecs chantent AlLehùa pendant le Carême , et même aux sépultures.

(2) On doit savoir que le mot consacrer , appliqué à l'Eucharistie , dans la langue des Pères, a un tout autre sens que dans le langage de la théologie actuelle. Il signifie certain usage qu'on fait de l'Hostie sainte in ordine ad communionem. C'est ainsi que saint Ambroîse, en son livre De Officiis ministrorum , fait dire au diacre saint Laurent, que le Pape saint Sixte lui a confié la Consécration du Sang du Seigneur , Dominici Sanguinis consecrationem.

LITURGIQUES. 169

» Il nous eût paru inconvenant de réciter sur l'oblation une » prière rédigée par un savant , et d'omettre de réciter sur » le corps et le sang du Rédempteur celle qu'il a lui-même » composée. De plus, l'Oraison dominicale chez les Grecs » est dite par tout le peuple , tandis que, chez nous, c'est le » Prêtre seul qui la récite.

» En quoi donc avons-nous suivi les coutumes des Grecs , » nous qui n'avons fait que rétabhr nos anciens usages, ou B en introduire d'utiles , quand bien même on prouverait

> qu'en cela nous avons imité les autres ? Quand donc Votre » Charité aura occasion d'aller à Catane , ou à Syracuse , » qu'elle ait soin d'instruire sur ces différens points tous » ceux qu'elle sait avoir murmuré à ce sujet ; qu'elle s'y » prenne à propos pour leur faire entendre ces raisons. Quant » à ce qu'ils disent de l'Eglise de Constantinople , qui doute » qu'elle ne soit sujette du Siège Apostolique , ainsi que le ï très-pieux Empereur, et notre frère, l'Evêque de cette ville, » le professent assiduement? Néanmoins, si cette Eglise, ou » toute autre a quelque chose de bon, de même que je ré-

> prime mes inférieurs, lorsqu'ils font des choses illicites^ de » même je suis prêt à les imiter dans ce qu'ils ont de bon.

> Ce serait folie de mettre la primauté à dédaigner d'appren-

> dre ce qui est le meilleur (i). î

On voit , dans cette curieuse lettre , l'exercice de la su- prématie romaine dans les choses de la Liturgie. Le Pontife rétablit des usages tombés en désuétude; il en institue d'autres qui lui paraissent utiles ; il choisit dans les rites des Eglises soumises à celle de Rome , ceux qu'il lui sem- ble à propos d'adopter ; il professe le droit souverain qu'il a reçu de réprimer les abus , jusque sur le Siège de

(1) Vid. la note A.

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Conslantinople : enfiii , il proclame en même temps la dispo- sition si sage et si souvent mise en pratique par le Saint- Siège , d'imiter ce qui se rencontre de meilleur dans les usages des diverses Eglises, rs'ous verrons constamment les Papes , dans tous les siècles , suivre cette ligne si sagement et si fortement tracée.

Le zèle infatigable de saint Grégoire ne se borna pas à lui faire entreprendre la réforme des prières et des cérémonies de la Liturgie; il entreprit aussi la correction du chant ecclé- siastique , dont la mélodie majestueuse devait ajouter une nouvelle splendeur au service divin. >'ous avons vu , au cha- pitre précédent, le Pape saint Célestin instituant le chant des Antiennes , connues sous le nom d'Introït et de Graduel , et l'on ne saurait douter que ces morceaux ne fussent compo- sés à l'instar des autres Antiennes que nous voyons dès lors en usage , soit dans la psalmodie des Heures , soit dans la célébration de la Messe. Il y avait aussi , comme nous l'avons vu , des préfaces et autres récits qui ne pouvaient être chantés sans un système de musique quelconque, ^'ous n'avons point à nous occuper en cet endroit du carac- tère du chant ecclésiastique; nous devons seulement rap- peler en passant au lecteur que tous les hommes doctes qui ont traité des origines de la musique ont reconnu dans le Chant Ecclésiastique ou Grégorien , les rares et précieux débris de celte antique musique des Grecs dont on raconte tant de merveilles. En effet, cette musique d'un caractère grandiose et en même temps simple et populaire , s'était naturalisée à Piome de bonne heure. L'Eglise chrétienne s'appropria sans trop d'efforts cette source intarissable de mélodies graves et rehgieuses; seulement, le respect aux formules saintes , souvent tirées des Ecritures , qu'il fallait réduire en chant, ne permettant pas de les sou-

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mettre à une mesure qui en eût souvent altéré la simplicité et quelquefois même le sens , le chant de l'Eglise , quoique puisé dans les modes antiques, n'avait pour thème que des morceaux en prose et d'un rythme vague et souvent irré- gulier. On voyait que les Pontifes avaient cherché plutôt à instruire les fidèles par la doctrine contenue dans les paroles saci'ées , qu'à ravir leurs oreilles par la richesse d'une har- monie trop complète. Toutefois les besoins du culte avaient donné naissance , dans l'Eglise de Rome , à un grand nombre de pièces de chant , toutes en prose pour les paroles ; car, à la différence de celle de Milan et de presque toutes les autres, elle n'admettait pas d'hymnes. Les motifs de la plu- part de ces chants étaient inspirés par la réminiscence de certains airs familiers et d'une exécution aisée , qu'une oreille exercée reconnaît encore dans le Répertoire Gré- gorien , et qu'il serait facile de rétabUr dans leur couleur première.

Ce recueil de chants appelait aussi une correction, et Dieu , qui avait donné à saint Grégoire cette diction noble et cadencée qui lui permit de retoucher le Sacramentaire de saint Gélase, lui avait donné pareillement le sens delà musique ecclésiastique , à laquelle il devait même attacher son nom. « Grégoire, dit son historien, semblable dans » la maison du Seigneur à un nouveau Salomon, pour la com- » ponction et la douceur de sa musique , compila un Anti- » phonaire , en manière de Centon , avec une grande utilité j pour les chantres (1). » Ces expressions compilavit , cen- tonem , font voir que saint Grégoire ne peut être considéré comme l'auteur proprement dit des morceaux qui compo-

(1) Deinde ia domum Domiai , more sapienlissimi Salomonis propler rausicae compunctionera dulcedinis, Antiphonarium ceatonem, cantorum studiosissimus nimis utilitor compilavit. {Jam. Diac. IbiU, cap. FI.)

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sent son Anriphonaire ; en sorte qu'il en est du chant ecclé- siastique comme de toutes les grandes institutions du catholi- cisme : la première fois qu'on les rencontre dans les monu- mens de la tradition, elles apparaissent comme un fait déjà existant , et leur origine se perd dans une antiquité impéné- trable. Mais il est permis de croire que saint Grégoire ne se borna pas à recueillir des mélodies : il dut non seulement corriger , mais composer lui-même plusieurs chants dans son Antiphonaire , par un travail analogue à celui qu'il avait ac- compli sur le Sacramentaire. Ce ne peut être qu'en qualité de correcteur éclairé et même de compositeur, que Jean Diacre le loue sur l'onction et la douceur de sa musique. Il nous se- rait impossible de préciser aujourd'hui avec certitude dans le détail , les morceaux de l'Antiphonaire Grégorien qui appar- tiennent proprement au grand Pontife dont nous parlons; mais telle était encore , au moyen-àge, la reconnaissance des Eglises d'Occident envers le Symphoniaste inspiré auquel elles devaient leurs chants , que le premier Dimanche de l'Avent , on chantait solennellement les vers qui suivent , avant d'en- tonner l'Introït de la Messe Ad te levavi, comme une sorte de tribut obligé à la mémoire d'un service si important.

Gregorius Praesul meritis et notniae digaus , Uade geaus ducit, summum coascendit hoaorem : Quem vitse splendore , sute meatisque sagaci Ingenio potius compsit, quam complus ab illo est. Ipse Patrum monimeata sequens, renovavit et auxit Carmina, iu Officiis retiaet qute circulus anui : Quae clerus dulci Doiuino modulamine solvat , Mystica dum vitae supplex libamiua tractât. Suaviter boec proprias servat dulcedo nitelas ; Si quod voce sonat , tido mens pectore gestet. INec clamor tautum Domini sublimis ad aures , Quantum voce humilis placido de corde propinquat. Haec juvenum sectetur amer, malurior sevo , Laudibuâ lus instans , seternas tendat ad Horas.

LITURGIQUES. 175

Ces vers si expressifs se trouvent, avec quelques variantes, en tête des divers exemplaires de l'Anliphonaire de saint Grégoire qui ont été publiés sur des manuscrits des neu- vième, dixième et onzième siècles, par Pamelius, Dom Denys de Sainte-Marthe et le B. Tommasi.

L'Anliphonaire de saint Grégoire se divisait en deux par- ties, l'une qui contenait les chants usités dans la Messe et qui est connue depuis long-temps sous le nom de Graduel; l'autre appelée, dans l'antiquité, Responsorial, et contenant les Répons et les Antiennes de l'Office , laquelle a retenu le nom (ïAntiphonairc. Le manuscrit de saint Gall, l'un des deux sur lesquels le B. Tommasi a publié le Responsorial , porte , en tête , les vers suivans à la louange de saint Grégoire : Hoc quoque Gregorius, Patres de more secutus ,

iDstauravit opus ; auxit et in melius. His vigili Clerus mentem conamine subdat Ordiaibus, pascens hoc sua corda favo. Quem pia soUicitis solertia nisibus , omni

Scripturae campo legit et explicuit. Carmina diversas sunt bsec celebranda per horas ,

Sollicitara rectis mentem adhibete sonis. Discite verborum légales pergere calles ,

Dulciaque egregiis jungite dicta Modis. Verborum ne cura sonos , ne cura sonorum ,

Verborum normas nullificare queat. Quicquid honore Dei studiis celebratur honestis , Hoc summis jungit mitia corda Choris. Pour assurer l'exécution parfaite des chants qu'il avait recueillis et renouvelés avec tant de soin , saint Grégoire établit une école de chantres qui, au temps de Jean Diacre, existait encore. Le Saint Pape l'avait richement dotée et lui avait assigné deux maisons dans Rome, l'une sous les degrés de la Basilique de Saint-Pierre, l'autre dans le voisinage du palais patriarchal de Latran. « Ou conserve encore , dans

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» cette dernière , ajoute l'historien , le lit sur lequel il se » reposait en faisant répéter les modulations du chant , le » fouet dont il menaçait les enfans et l'exemplaire authen- t tique de l'Ântiphonaire (1). » Le Collège des chantres établi par saint Grégoire a traversé les siècles , et après avoir subi diverses modifications et obtenu de grands privilèges du Siège Apostolique , il existe encore aujourd'hui à Rome ; il fait seul le service du chant à la Chapelle Papale et dans les Basiliques , quand le souverain Pontife y célèbre les saints Mystères. Conformément aux usages de l'antiquité , lorsque les chantres de la Chapelle Papale tiennent le chœur , l'orgue et les instrumens de musique sont interdits. Quant au chant Grégorien , proprement dit , nous aurons occasion de parler en divers endroits de ses destinées et des changemens et alté- rations dont il a été l'objet.

Nous avons vu , par la lettre de saint Grégoire à Jean de Syracuse , l'importance que mettait ce saint Pape à voir adopter la Liturgie Romaine , telle qu'il l'avait réformée , par les Eglises qui étaient du ressort immédiat du Siège Aposto- lique. Mais le temps n'était pas venu encore les Pontifes Romains en décréteraient l'extension aux autres Eglises de l'Occident. La volonté positive de saint Grégoire à ce sujet paraît évidemment dans un passage de sa réponse aux diffi- cultés que lui avait proposées le saint Moine Augustin, apùtre de l'Angleterre. Ce dernier l'ayant consulté au sujet des usages qu'il était à propos de suivre, dans la célébration de

(1) Scholam quoque cantorura , qute hactenus eisdem iustitutionibus in sancta Romana Ecclesia modulatur, coastituit: eique cum nonnullis prtediis duo habilacula , scilicet alterum sub gradibus Basilicae beati Pétri Apostoli, alterum vero sub Lateranensis Patriarchii domibus fa- bricavit: ubi usque hodie lectusejus, in quo recubans raodulabatur , et flagellum ipsius , quo pueris minabatur , veneratione congrua cum autheatico Antiphonario reservatur. Joan. Diac. Ibidem.

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l'Office divin , et se plaignant du peu d'accord qu'il y avait entre les rites de l'Eglise Romaine et ceux des Eglises des Gaules , saint Grégoire lui répond : « Votre fraternité connaît » la coutume de l'Eglise Romaine dans laquelle elle a été éle- t> vée ; mais je suis d'avis que si vous trouvez , soit dans la » sainte Eglise Romaine , soit dans celles des Gaules , soit » dans toute autre Eglise , quelque chose qui puisse être î plus agréable au Dieu Tout-Puissant , vous le choisissiez » avec soin , établissant ainsi , par une institution spéciale » dans l'Eglise des Anglais qui est encore nouvelle dans la » foi , les coutumes que vous aurez recueillies de plusieurs » Eglises ; car nous ne devons pas aimer les choses à cause » des lieux, mais les lieux à cause des bonnes choses (l). »

Nous engageons le lecteur ànoterce passage remarquable, comme nous lui avons recommandé pareillement de garder le souvenir d'un fameux texte de saint Cyprien , au cha- pitre III. La marche de cette histoire nous mettra à même de constater les applications pratiques qu'on a prétendu faire de l'un et de l'autre, dans un certain pays. Ici, nous n'avons qu'une chose à faire : c'est d'enregistrer le fait et de dire sa valeur à l'époque à laquelle il s'est passé.

Nous dirons donc qu'il est mis hors de doute , par ledit

(1) III. Interrogatio Augustini. Cur, cùm una fides, sunt ecclesia- rum consuetudines tam diversne , et altéra consuetudo missarum est in Roniana Ecclesia, atque altéra in Galliarum ecclesiis tenetur?

Responsio Gregorii Papœ. Novit fraternitas tua Romanae ecclesiœ consuetudiaem, in qua se memiuit enutrilam. Sed milii placet ut sive in sancta Komana , sive in Galliarum, sive in qualibet ecclesia , aliquid invenisti, quod plus omnipotenti Deo possit placere, sollicite eligas, et in Angloruni ecclesia, quae adhuc in fide nova est, institutione prae- cipua quae de multis ecclesiis colligere potuisti infundas. JNon enira pro loeis res, sed pro bonis rébus loca nobis araanda sunt. Concil. Labb. Tom. V. Pag. 1568.

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texte , que saint Grégoire ne voulut pas astreindre la nou- velle Eglise d'Angleterre à suivre les usages de l'Eglise Ro- maine, de manière à lui interdire l'imitation des pratiques usitées dans les Gaules, ou dans tout autre pays; nous ajou- terons même , si l'on veut , et à plus forte raison , que notre grand Pape n'entendit pas davantage abroger les coutumes saintes et encore existantes de l'antique Eglise des Bretons qui n'était pas absolument éteinte par toute l'Angleterre , à l'époque de la mission de saint Augustin. Mais nous di- rons que cette permission d'adopter ainsi divers usages, donnée postérieurement par saint Grégoire à ses Mission- naires , ne prouve pas qu'il ne les eût pas chargés , en partant , des Livres Liturgiques de l'Eglise Romaine , pour l'usage de leur nouvelle chrétienté. Il ne faut pas réfléchir long -temps pour comprendre que saint Augustin et ses compagnons ne durent pas attendre pour célébrer les saints Mystères et les Offices divins, d'avoir formé un prétendu corps de Liturgie, à l'aide de tant de matériaux hétéro- gènes. Quand saint Augustin adressait à saint Grégoire la question à laquelle ce Saint Pape fit la réponse que nous venons de citer, lui permettant de puiser des usages aux diverses sources approuvées , saint Augustin avait déjà or- ganisé sa nouvelle chrétienté , baptisé un grand nombre d'infidèles, ordonné des Prêtres et même des Evêques; or, suivant quel autre rite que celui de l'Eglise Romaine , le saint Apôtre avait-il accompli toutes ces choses ? La légèreté de certains hommes prévenus a pu seule leur faire ici prendre le change ; ils y ont vu ce qu'ils y voulaient voir , et non ce qui y était véritablement. En outre , une étude plus pa- tiente des monumens de l'histoire liturgique de l'Eglise leur eût appris que , soit que les usages dont parle Saint Grégoire n'eussent rapport qu'à des détails de peu d'importance , soit

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que les Evoques d'Angleterre n'aient pas juge à propos de profiter de la permission que leur donnait le saint Pape , la Liturgie Romaine, épurée à sa source, a seule régné dans la Grande-Bretagne, depuis la prédication de saint Augustin, jusqu'à la Réforme du seizième siècle, qui, il faut l'avouer, n'a montré nulle part une forte prédilection pour la Liturgie Romaine.

Bède rapporte , en effet, que, vers l'an C76, saint Benoît Biscop , illustre abbé d'Angleterre , étant allé à Rome , obtint du Pape saint Agathon la permission d'emmener avec lui dans la Grande-Bretagne, Jean , arclii-chantre de l'Eglise de Saint- Pierre , pour enseigner en son monastère « le rite annuel » {cursiifii annuum) observé dans l'Eglise de Saint-Pierre » de Rome. Jean , qui était aussi abbé du monastère de » Saint - Martin , se conforma à l'ordre du Pontife; c'est » pourquoi il apprit aux chantres de saint Benoît Biscop » l'ordre et le rit de chanter et de lire à haute voix , et tout » ce que requérait la célébration des jours de fête , durant » tout le cours de l'année ; il laissa même tous ces détails » par écrit , et on les garde encore dans le même monastère , » d'où ils ont été transcrits pour l'usage d'un grand nombre » d'autres (1). »

(i) Intererat huic synodo , pariterque catholioœ Gdei décréta lir- mabat vir venerabilis Joaanes Archicantor ecclesiae sancti Pétri , et abbas moaasterii beati Martini , qui nuper venerata Roma per jussio- nem Papae Agathonis, duce reverendissimo abbate Biscopo , cogno- mine Benedicto , cujus supra inerainimus. Cum autem idem lienedictus construxit nionasteriumBrilanni3e,ia lionorem beatissirai apostolorum principis, juxta ostium lluminis Vuyri, venit Romain cum cooperatore ac socio ejusdem operis Ceolfrido , qui post ipsum ejusdem monasterii abbas fuit ( quod et ante saepius facere consueverat ) atque honoritice a l)eataî memoriaî Papa Agatlione susceptus est; petiitque et accepit ab eo in munimentum libertatis monasterii quod fecerat , epistolam privilegiis ex auctoritate apostolica firmatam juxta quod Ecgfridum ï. 1. 12

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On doit se rappellcr que toutes les cathédrales de l'An- gleterre étaient desservies par des Moines; en sorte que los usages liturgiques de ceux-ci étaient pour ainsi dire ceux de toutes les Eglises de ce loyaume. Il faut remarquer aussi que le service demandé par saint Benoît Biscop et accordé par l'archi-chantre Jean , consistait principalement à rétablir les traditions du chant qui se perdent ordinairement les pre- mières , et que nous ne voyons rien dans Bède qui marque que , pour la lettre liturgique des Offices divins, on eût jus- qu'alors fait aucun changement. Depuis cette époque , on ne voit aucune trace de l'introduction des livres romains en Angleterre, et au contraire tous les monumens postérieurs, sans exception, s'accordent à nous les montrer en usage.

Nous nous contenterons de citer ici en preuve de ce fait , le treizième Canon du second Concile de Cloveshoe, tenu en 747. Voici ce qu'il porte : « Les saintes et sacrées solennités de » notre Rédemption , seront célébrées suivant la règle que » nous tenons par écrit de l'Eglise Romaine , dans tous les » rites qui les concernent , soit pour l'Office du Baptême , » soit pour la célébration des Messes, soit pour la manière du > chant. De même, pendant tout le cours de l'année, les » fêtes des Saints seront vénérées à jours fixes , suivant le

regem voluisse ac licentiam dédisse noverat ; quo concedente et posses- sionem lerrse largiente, ipsura monasterium fecerat; accepit et prœ- fatum JoaDQem abbatem in Britanuiam perducendura , qualenus ia monasterio suo cursum canendi annimm , sicut ad sanctum Petrum Romœ agebalur, edoceret. Egitque abbas Joannes , ut jussionem acce- perat Poutificis , et ordinem videlicet , ritumque cauendi ac legendi viva voce prsefati monasterii cantores edocendo , et ea quœ tolius anni circulus in celebralioue dierum festorum poscebat, etiam litteris man- daudo : qua hacteaus iu eodem monasterio servata , et a multis jani sunt ciituiuquaque trauaciipta. Bedœ HiU. Eccles. Lib. Jf^. cap. 18.

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» Martyrologe de la même Eglise Romaine , avec la psalmodie » et le chant convenables (1). »

Il en devait nécessairement arriver ainsi , dans toutes ces Eglises que Rome fondait en Occident , depuis celle d'Angle- terre , par saint Augustin, jusqu'à celles des diverses régions Germaniques ou Slaves, par saint Boniface, saint Adalbert et tant d'autres , et celles des royaumes du Nord , par saint Anschaire, saint Rembert, etc. Ces Apôtres, Moines Béné- dictins , envoyés par le Siège Apostolique , ne pouvaient porter avec eux d'autres livres que ceux de l'Eglise Romaine dont ils recevaient leur mission. Nous avons vu quel droit liturgique, dès l'an 400, saint Innocent I" faisait découler, pour le Siège Apostolique , du seul fait de la fondation des Eglises d'Italie , des Gaules , d'Espagne et d'Afrique , par saint Pierre et ses successeurs. Ce principe posé dès-lors , et d'ailleurs fondé sur la nature des choses (la fille devant parler la langue de sa mère), devait, un jour, développer ses conséquences , et en attendant qu'il amenât la destruction totale des Liturgies Gallicane et Gothique, déjà il obligeait les Pontifes Romains à ne plus souffrir de dissonances dans les nouvelles Eglises qui s'élevaient avec une si admirable rapi- dité, aux septième, huitième, neuvième et dixième siècles. L'unité grandissait toujours, en proportion de la charité. Notre assertion qui , du reste , n'a jamais été contestée par

(1) Tertio decimo defiuitur decreto, ut uno codemque modo domi- nicse dispensalioiiis ia carne sacrosanclsefestivitates, in omnibus adeas rite compelentibus rébus, id est in baplisrai ofticio, in missarum cole- bratione , in cantilena modo celebrentur, juxta exemplar videlicet quod scriptum de Romana habemus Ecclesia. Itemqiie ut per gyruni totius anui natalitia sanctorum uno eodemque die, juxla martyrolo- gium ejusdem Romanaî Ecclesi;c , cum sua sibi convenienti psalmodia seu caniilena venerentur. Concil. Clovesliaviœ II. Can. XIII. Labb. lom. VI. p. 1577.

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personne, se prouve d'elle-même par la simple inspection des annales ecclésiastiques des royaumes que nous venons d'énumérer; à toutes les époques, nous y trouvons l'usage de la Liturgie Romaine , et nul vestige de son introduction postérieure.

En outre , nous voyons d'une manière positive les Pontifes Romains veiller par eux-mêmes à l'exécution de leurs vo- lontés en cette matière. Vers l'an 720 , saint Grégoire II , dans un capilulaire adressé à l'Evêque Martinien , qu'il en- voyait en qualité de Légat visiter les nouvelles chrétientés de la Ravière , lui recommande , entre autres choses , de s'informer de la canonicité de l'ordination des Prêtres et des Diacres , de voir s'ils sont d'une foi pure , et dans le cas ils seront trouvés réunir ces conditions , i de leur donner » pouvoir de sacrifier , de servir à l'autel et de psalmodier » suivant la forme et tradition de la sainte Eglise Romaine et » du Siège Apostolique (1). » De plus, le Pape ordonne à Martinien de pourvoir aux besoins des Eglises et de veiller à ce que chaque Prêtre, ou ministre , « observe les cérémonies > solennelles des Messes, les heures des Offices du jour et de » la nuit , les leçons de l'Ancien et du Nouveau Testament ; » le tout suivant la tradition du Siège Apostolique (2). >

(1) Ut dalis nostris scripiis, ita ut cum duce provincise deliberetis, quateaus coaventus aggregetur sacerdotum, et judicum, atque uni- versorum gentis ejusdem primariorum , et ex qutesitis sacerdotibus , atque rainistris, quorum canonicam approbaveritis extitisse promo- tionem, ac rectae fidei tenere, aut recipere rationem, bis sacrificaadi, et miuistrandi , sive etiam psallendi ex figura , et traditione sanctae apostolicie, et Romange sedis ecclesiae ordine Iradetis potestatem. Capi- tulare Gregorii //. Concil. Labb. Tom. FI. Pag. 1 io-2.

(2) Ut loca singularum Ecclesiarum providentes , quomodo unus- quisque sacerdos, seu miuister, erga ecclesiam debeat conservare, vel qualiiei sacra misàaium iolemuia, iive cetera diiu'ûarum, atque noc-

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Le grand Apùlre de l'AUeniagne, saint Boni face , ayant consulté le Pape saint Zachaiie au sujet de certaines Béné- (liciions que donnaient les Evêques de France et qui ne se iiouvaient point dans l'ordre de la Liturgie Romaine, le Pon- lilo lui répond en ces termes : « Quant aux bénédictions en )' usage chez les Français, vous savez qu'elles sont repré- » hensibles de diverses manières ; car ce n'est point d'après » la tradition Apostolique qu'ils agissent ainsi , mais par vaine » gloire , se préparant leur propre condamnation , puisqu'il » est écrit : Si quelqu'un vous évangélise autrement qu'il n'a » été évangélise j qu'il soit anathême ! Vous avez reçu la règle de la tradition catholique , frère très-chéri ; prêchez-la à » tous ; enseignez à tout le monde ce que vous avez reçu » de la sainte Eglise Romaine dont Dieu nous a fait le ser- » viteur (1). »

Cette sévérité du Siège Apostolique à l'égard de l'Eglise de France, à une époque elle ne se trouvait souillée d'au- cune erreur , montre le grand désir des Pontifes Romains de voir régner l'unité liturgique et présage la destruction pro- chaine de la Liturgie Gallicane ; mais en même temps elle fait voir avec quelle sollicitude Rome veillait à la pureté des Usages Romains dans les églises d'Allemagne. Toutefois, cette

turnDrum horarum officia, sive etiam lectionem sacrorum novi atque veteris testamenli ordinabilia prsedicamenta studeat observare , se- cundum tradilum apostolicse sedis antiquitalis ordinera disponatis. Ibidem.

(1) Pro benedictionibus autem quas faciunt Galli, ut nosti, frater , multis vitiis variantur. Nam non ex aposlolica traditione hoc faciunt, sed per vaaam gloriam hoc operanlur, sibi ipsis damnalionem adhibentes, dum scriptum est : Si quis vobis evangelizaverit prœter id quod cvange- lizatum est , amUhema sit. Regulam catliolicae tradilionis suscepisti , fraler amanlissime sic omnibus prœdica , oinnesque doce, sicut a sancla liomana , oui Deo auctore deservimus, accepisti ecclesia. Zff' chmœ Papœ. Epist. XIl. Jpud Labb. Tom. FI. Pa^. 1526.

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sollicitude n'empêcha pas qu'il ne se glissât , comme il arrive toujours, certaines variantes de peu d'importance dans la Liturgie observée dans ces vastes contrées. Le docte Gerbert, Abbé de Saint-Biaise, en la Forêt-Noire, a donné un excellent ouvi'age sous le litre de Liturgia Alemannica , dans lequel U décrit en détail la manière dont on gardait dans les diverses Eglises de la Germanie la Liturgie Romaine. On voit que les usages particuliers de ce pays ne dérogeaient en rien à l'u- nité liturgique qui, du moins, chez les Catholiques, n'a jamais été brisée en Allemagne.

Avant de doimer la liste des auteurs liturgistes de l'époque qui nous occupe , nous dirons ici quelques mots d'un pré- cieux monument de l'antiquité ecclésiastique dont l'élude est nécessaire à quiconque veut posséder en leur entier les sources de la science liturgique. Ce livre est connu sous le nom ûe Liber diurnus Romanorum Pontificum. L'hisloire de sa publication tentée plusieurs fois et enfin accomplie en 1680, par le P. Garnier, jésuite, est longue et curieuse; mais elle nous entraînerait trop loin de notre sujet. Nous di- rons donc seulement que le Liber diurnus est un recueil des formules dont les Papes se servaient durant les sixième, septième et huitième siècles , et dans lequel on trouve les rites de leur ordination, et de celles des Evêques d'Italie qui étaient obUgés de venir recevoir à Piome la consécration épiscopale , les professions de foi, les privilèges , les mandats, les conces- sions et autres actes semblables. Le recueil est divisé en sept chapitres, subdivisés eux-mêmes en plusieurs articles. Le pre- mier chapitre contient des formules de lettres aux princes et autres personnes séculières ; aux Patriarches , Archevêques , Evêques , Prêtres , Diacres , Primiciers , Secondiciers. On trouve, dans le second, les formules de toutes les lettres et de . tous les actes qui précédaient et suivaient l'élection du Pape,

LITURGIQUES. 185

Le iroisième cliapilro comprend les formules des lettres, rites et des actes qui étaient d'usage dans l'ordination des Evêques consacrés à Rome. Entre autres promesses que faisait avec serment le nouvel Evêque , on remarque celle de célébrer toujours les divins Olfices suivant le rite ro- main (1). Dom Mabillon attribue celte injonction à S. Gré- goire-le-Grand (2). Le quatrième chapitre regarde l'usage du Pallium, et en conséquence, il a un rapport direct avec la Liturgie, ainsi que le cinquième qui contient les formules de rescrits, ou mandats pour l'ordination d'un Prêtre, la dédicace d'un oratoire, la consécration d'une Eglise , d'un baptistère, d'un autel; pour la concession des reliques des Saints, pour les lever de terre et les renfermer dans des chasses, etc. Le sixième livre renferme principalement les formules de lettres et de commissions pour ceux qui étaient chargés delà régie du patrimoine des Eglises, ou des affaires qui regardaient le Siège Apostolique. Le septième enfin con- tient le formulaire des privilèges accordés aux monastères , aux diaconieset aux hospices.

En tête des écrits et compositions des septième et hui- tième siècles sur la matière de la Liturgie , nous plaçons tout d'abord ceux des Ordres romains qui se rapportent à cette période. On sait , sans doute , que les Ordres Romains sont des écrits plus ou moins étendus, renfermant le détail des cérémonies de la IMesse Papale, de l'administration des Sacre- mens , etc. Mais comme nous devons faire ailleurs l'énuméra- tion raisonnée de tous les monumens de ce genre , nous n'en dirons rien dans cet endrï)it , et nous passerons incontinent à la liste des liturgistcs de l'époque que nous décrivons,

(1) Liber Diurnus. Cap. III. TU. VII.

(2) Musœuin Italicum. Tom. I, p. 106.

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(604). Nous avons encore un mot à dire sur les travaux Liturgiques de saint Grégoire : il nous reste à parler de ses Hymnes. D. Denys de Sainte-Marthe lui donne les suivantes qui sont presque toutes au Bréviaire Romain : Primo dierum omnium. Nocte surgentes , vigilemus omnes. Ecce jam noctis tenuatur umhra. Lucis creator optime. Clarum decus jejunii. Audi, bénigne conditor. Magno salutis gaudio. Rex , Christe, factor omnium.

(608). Cyriaque , Evéque de Nisibe, hérétique Nestorien, écrivit xine exposition des Mystères , et un traité de la Nati- vité et de l'Epiphanie.

(609) . Conantius , Evéque de Palentia , composa de nou- velles hymnes pour roiïlce Gothique , et y adapta des modu- lations musicales. Il rédigea pareillement des oraisons sur tous les psaumes.

(61 o). Jean, d'abord Moine, ensuite Evéque de Saragosse , composa aussi , pour la Liturgie gothique , plusieurs prières remarquables par le style et l'harmonie.

(617). Jean, Evéque de Bostres , en Arabie, hérétique Monophysite , est auteur d'une Anaphore, traduite en latin par Renaudot.

(6-20). Jean Mosch , ^loine de Palestine , dans son fameux livre intitulé le Pré Spirituel , présente une foule de particu- larités curieuses qui ont trait à la Liturgie de son temps , et en particulier l'histoire des enfants d'Apamée.

(620). Saint Protadius, Evéque de Besançon , n'est connu , sous le rapport de ses travaux liturgiques , que par ce que nous en apprend l'auteur anonyme de sa vie. Il dit que les clercs des Eglises de Besançon étant souvent en difficulté au sujet des cérémonies qu'ils devaient observer , saint Pro- tadius fit un Hvre en forme de Rituel , dans lequel il pres- crivit de quelle manière on devait se comporter dans l'as-

LITURGIQUES. 483

semblée des Frères; ce que l'Eglise devait pratiquer ou éviter; combien il devait y avoir de ministres à l'aulel, dans les fêtes solennelles ; quel temps on devait prendre pour les processions publiques , et les lieux elles devaient se diri- ger ; quel jour les Congrégations de la ville devaient se ren- dre à la Mère Eglise ; enfin , ce qu'il fallait pratiquer dans rEglisc , chaque jour de l'année.

(62G). Saint Donat, Evoque de Besançon, a composé une règle célèbre, pour des Religieuses, dans laquelle on trouve de nombreuses et importantes particularités sur l'Ofiice divin.

(645). Saint Maxime, Abbé de Chrysopolis , le vengeur de l'orthodoxie contre les Monothélites , mérite aussi d'être compté parmi les liturgistes , pour son excellente Mysta- gogie, ou Exposition de la Liturgie, et encore pour son précieux commentaire de la Hiérarchie Ecclésiastique de saint Denys l'Aréopagite.

(646) . Eugène II , Evêque de Tolède , suivant ce que dit saint Ildephonse , corrigea les livres de l'Eglise Gothique , sous le rapport du chant. Le B. Tommasi lui donne, d'accord avec Alcuin , l'Hymne : Rex Deus immensi quo constat ma- china mundi.

(6ol). Jacques , dit le Commentateur, de la nature de ses travaux , fut Evêque d'Edesse. Il est honoré comme saint et docteur orthodoxe par les Maronites. Entre autres composi- tions Uturgiques, il est auteur d'une Anaphore en l'honneur de saint Jacques, Apôtre , et d'une autre insérée au recueil de Renaudot. Il a donné aussi un Ordre du Saint-Baptême , qui se trouve dans plusieurs des Rituels orientaux ; une Lettre à Thomas, Prêtre, dans laquelle est décrite la Messe des Syriens ; une autre lettre à Jean le Stylite , sur la Béné- diction de l'Eau ; une autre à Adée , Prêtre , sur divers rites;

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ecclésiastiques ; dix hymnes pour la fête des Palmes ; une autre en l'honneur de la Sainte Vierge Marie , etc.

(60 1). Jesuiab d'Adiabène, Patriarche des Nestoriens, mit en ordre l'Offce pour le cercle de l'année , dit Amro , cité par Zaccaria. Il régla aussi l'ordre du Baptême , de la Pénitence , des Ordinations, et de la Dédicace de l'Eglise. Il composa en outre des hymnes nombreuses.

(6o7). Saint Ildephonse, Moine, et ensuite Evêque de To- lède , l'une des plus brillantes lumières de l'Eglise Gothique d'Espagne , a laissé un opusciUe excellent sur les cérémo- nies du Baptême. Il composa en outre deux Messes, d'un chant merveilleux , en l'honneur de saint Côme et de saint Damien.

(661). George, appelé aussi Grégoire, Evêque de Syracuse, a composé des Trojjes en l'honneur de la Nativité de Notre Seigneur et de son Epiphanie.

(668). Théodore, Moine, et plus tard Archevêque de Can- torbery, est connu par son fameux Livre Pénitent iel^ qui donne une idée de l'administration du Sacrement de Péni- tence au septième siècle , dans l'Eglise Latine.

(675). Saint Julien , successeur de saint Ildephonse sur le siège de Tolède , outre les hymnes qu'il a composées , rédi- gea un hvre des Messes pour toute l'année , corrigeant les anciennes et en ajoutant de nouvelles.

(682) . Saint Léon II, Pape, est appelé , dans le Liber Pon- tificalls ^ vir eloquentissimiis cantilena , ac i^salmodia frœci- puus ^ et in earum sensibiis subtilissima exercitatione elima- tus. Platine vante aussi l'habileté de ce Pape dans la musi- que , et dit qu'il régla la psalmodie et reforma le chant des hymnes. L'Abbé Lebeuf ne fait pas de difficulté de lui attri- buer une certaine part au Livre Responsorial ., dont le fond appartient à saint Grégoire.

!

LITURGIQUES. 487

(085). Jean Maron, premier patriarche des Maronites, qui tirent de lui leur nom, est auteur d'une Anaphore et d'un livre du Sacerdoce.

(C91). Johannicius de Ravenne, mit en ordre les Livres sa- crés, les Antiennes et tous les rites de l'Eglise de Ravenne ; c'est ce que rapporte Zaccaria, d'après de Rubeis et Ginanni, (700). Ecbert, Suédois, Moine de Lindisfarn , écrivit un livre de Ritibus Catholicorum.

(700). Saint Adelme, Abbé de Malmesbury, et ensuite Evê- que de Schirburn, se distingua , dit l'Abbé Lebeuf, par son aptitude à composer le chant ecclésiastique.

(701). Le vénérable Bède, Moine Anglais , est auteur du Martyrologe qui porte son nom , et de plusieurs hymnes. Le B. Tommasi lui attribue les suivantes : Hymnum canentes Martyrum , pour la fête des Saints Innocents ; Hymnum cawamws^ionce, pour l'Ascension ; Emitte, Christe, Spiritus^ pour la Pentecôte ; Precursor altus luminis^ pour la Nativité de Saint Jean-Baptiste ; et Prœcessor almus gratiœ , pour sa Décollation ; Apostolorxim gloriam , pour la fête des Saints Apôtres Pierre et Paul; Adesto, Christe, vocibus^ pour la Nativité de la Sainte Vierge ; Nunc Andrew solemnia , pour la fête de Saint André; Hymnum dicat turba fratrum ^ pour l'Office de la Nuit ; Primo Dcus cœli globum^ sur l'œuvre des six jours.

(705). Acca , Moine anglais, ami du vénérable Bédé , écri- vit un livre des Offices Ecclésiastiques.

(710). Saint André, Archevêque de Crète, est auteiu' d'un grand nombre d'hymnes sur diverses fêtes de l'année , sur la Sainte Vierge Marie et sur plusieurs autres Saints.

(720). Babaeus, hérétique Nesloricn, érigea des écoles de musique sacrée dans la province d'Adiabène , et composa diverses bénédiclions et des hymnes.

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(750). Cosme , d'abord Moine , puis Evéqiie de Maiuma en Palestine , fut le précepteur de saint Jean Daraascène. 11 est auteur de plusieurs hymnes qui se chantent dans les offices de l'Eglise Grecque.

(730). Saint Jean Damascène a composé aussi diverses hymnes sacrées que l'on trouve dans ses œuvres , et dont plusieurs font partie de la Liturgie grecque.

(742). Saint Chrodegang, Evêque de Metz , dans sa règle pour les Chanoines, a renfermé un grand nombre de parti- cularités précieuses pour la connaissance de la Liturgie de son temps.

(7o0). Zaccaria place vers cette année l'Anonyme auquel nous devons l'Exposition de la Messe Romaine, insérée par Dom Martène au tome premier de son grand ouvrage de An- tiquis Ecclesiœ ritibus.

(760). Théodose, Evêque de Syracuse, composa des hymnes destinées à être chantées à l'office des Vêpres , les jours de jeune.

(760) . Florus , Moine de Saint-Tron , fit des additions im- portantes au Martyrologe de Bède.

(768). Charlemagne fut zélé pour la Liturgie. Nous verrons bientôt les mesures qu'il prit à l'effet de procurer l'unité des formes du culte dans toute l'étendue de son vaste empire. Il est auteur de l'hymne Veni, Creator Spiritus (i) ; d'un livre à Alcuin , de Sacrificio Missœ et ratione Rittium Ecclesiœ ; d'une lettre circulaire, de Baptismo ejusque ritibus j adressée à Odilbert, Archevêque de Milan.

(770). Saint Sturmius , premier Abbé de Fulde , publia un opuscule sous ce litre : Ordo Officii in domo, seu Ecclesia Frisingensi , ante Pascha.

(1) ActaSS. Aprilis. tom. l. ia Vita B. >'otkeri BalbuU.

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(770). Grégoire de Systre, hérétique Nestorien, écrivit sur les raisons des fcles, et un cantique qui commence ainsi ; EstoU paratL

(775). Cyprien, Métropolitain deNisibe, composa un Ordre de Virrifosition des mains.

(77 i). Paul, Diacre d'Aquilée, Moine du Mont-Cassin, his- torien remarquable , est auteur de l'hymne de Saint Jean : Ut queant Iaxis. Il rédigea aussi un Homiliaire, ou recueil d'Homélies des Saints Pères, pour être lues dans les Offices de l'Eglise. Vers le même temps, on trouve un autre Homi- liaire composé par Alain , Moine de Farfa.

(776). Saint Paidin, Patriarche d'Aquilée, a composé sept hymnes en grands iambiques, parmi lesquels le B. ïommasi et Madrisius, éditeur de Saint Paulin , comptent celle de la fête de Saint Pierre et Saint Paul ; l'une des deux attribuées à Elpis , femme de Boëce ; Félix per omnes festum mimdi cardines.

(780) . Alcuin , Moine Anglais , a été très-célèbre parmi les Liturgistes de son temps. On lui a long-temps attribué un Sacramentaire, un Homiliaire , et surtout le livre de Divinis Officiis, qui est une exposition de V Ordre Romain, com- posée après l'an 1000; mais il est certainement auteur des ouvrages suivans : Liber Sacramcntorum ; Officia per ferias; de Ratione Septuagcsimœ , Sexagesimœ et Quinquagesimœ Epistola ad Ethelardum ; de Psalmorum usu ; à quoi il faut ajouter une autre Epître au Prêtre Oduin, de Baptismi cœ- remoniis.

(793). Cyriaque, Patriarche d'Antioche, semble avoir com- posé une Liturgie Chaldaïquc , bien que cette question ne soit pas sans difficulté entre les savans dont Zaccaria rapporte les avis.

(704). Théodulphe, Evêqiie d'Orléans, outre un livre de

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Ordine et Oratione rituum Baptismi , composa, pendant sa détention à Angers, la fameuse hymne du Dimanche des Rameaux : Gloria, laiis et honor.

(798) . Leidrade , Archevêque de Lyon , adressa à Charle- magne un hvre sur le Sacrement de Baj)tême, et une Epître au même, sur le même sujet.

(799). Jessé, Evêque d'Amiens, écrivit une lettre à son clergé et à son peuple, sur l'explication des rites observés par l'Eglise , dans le Baptême.

Enfin , vers l'an 800 , Magnus , Archevêque de Sens , com- posa , par ordre de Charlemagne , un opuscule , de Mysterio Baptismatis j inséré, par Dom Martène, dans le premier vo- lume de ses Rites Ecclésiastiques.

Nous concluerons ce chapitre par les observations sui- vantes :

Durant les septième et huitième siècles, la Liturgie suivit le même mouvement de perfectionnement qui lui avait été imprimé dès le quatrième et le cinquième ;

Tous les grands Docteurs , les grands Evêques , les grands Abbés , furent liturgistes ; les hérétiques continuèrent , en Orient , à souiller de leurs mains impures les livres des Prières sacrées ;

Le Siège Apostolique, sans déclarer encore l'intention d'unir tout le patriarcat d'Occident sous la loi d'une même Liturgie , exigea des Evêques d'Italie le serment de garder les usages de l'EgUse Romaine , et n'en permit pas d'autres aux nouvelles Eglises que ses apôtres établissaient dans une partie de l'Europe ;

Enfin, les travaux de saint Grégoire sur les divins Offices, la correction de l'Antiphonaire; en un mot, tous les perfec- tionnemens que ce grand Pape et ses successeurs introdui- sirent dans la Liturgie romaine , la rendirent de plus en plus

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digne du respect et de l'admiration des Eglises d'Occident , qui la vénèrent et la pratiquent encore , excepté celle de Milan , autorisée par une origine pure , jointe à une posses- sion non interrompue, et quelques autres qui s'en séparèrent dans des jours mauvais.

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.NOTES DU CHAPITRE VII.

KOTE A

Veniens quidam de Sicilia mibi dixit , quod aliqui amici ejus , vél Grseci vel Latiai, neseio, quasi sub ze'.o sanctai Romanae Ecclesiae de meis dispositionibus murmurarent , dicentes : Quoniam Ecclesiam Constanlinopolitanam disponit comprimere , qui ejus consuetudines per omnia sequitur. Qui cum dicerem : Quas consuetudines sequimur ? respondit : Quia alléluia dici ad niissas extra Pentecostes tempora fe- cistis; quia subdiaconos spoliatos procedere; quia Kyrie eleison dici; quia orationem Dominicam mox post canonem dici statuistis. Cui ego respoudi : Quia in nullo oorum aliam Ecclesiam secuti sumus. Nam ut allduia hic diceretur, de Hierosolymorum Ecclesia, ex beati Hieronymi traditione, tempore bealse mémorise Damasi Papae , traditur tractum : et ideo magis in liac sede illam consuetudinem amputavimus, quse hic a Grtccis fuerat tradita. Subdiaconos autem ut spoliatos procedere fa- cerem, aatiqua consuetudo Ecclesite fuit. Sed quia placuit cuidam noslro Pontiûci, neseio cui, qui eos vestitos procedere prœcepit. Nam vestrœ Ecclesise numquid tradilionem a Graecis acceperunt ? Unde habent ergo hodie , ut subdiaconi lineis in tunicis procédant , nisi quia hoc a matre sua Romana Ecclesia perceperunt ? Kyrie eleison autem nos neque diximus, neque dicimus sicut a Graecis dicitur : quia in Graecis simul omnes dicunt ; apud nos autem a clericis dicitur , et a populo respondetur, et tolidem vicibus etiam Clviste eleison dicitur, quot apud Graecos nullo modo dicitur. In quotidianis autem Missis alla quse dici soient tacemus, tantummodo Kyrie eleison et Christe eleison dicimus, ut in his deprecationis vocibus paulo diutius occu- peraur. Orationem vero Dominicam idcirco mox post precem dicimus , quia mos apostolorum fuit, ut ad ipsam solummodo orationem obla- tionis hosliam consecrareul: et valde mihi inconveniens visum est, ut precem quam Scholasticus composuerat, super oblationem diceremus, et ip;-am traditionem quam Red«mptor noster composuit, super ejus corpus et sanguiaera taceremus. Sed et Dominica oratio apud Graecos ab omni populo dicitur, apud nos vero a solo sacerdote. In quo ergo Graecorum consuetudines secuti sumus, qui aut veteres nostras repa- ravimus , aut novas et utiles constituiraus , in quibus tamen alios com- probamur imitari? Ergo vestra charitas, cum occasio dederit,ut ad

LITURGIQUES. 195

Oaïaiiensem civitatem pergat, vel ia Syracusana Ecclesia, eosquos crédit aut intelligit, quia hac de re murmurare potuerunt, facta col- lalione doceat, et quasi alia ex occasioae eos instruere non désistât. Nam de Constantinopolitana Ecclesia quod dicunt , quis eam dubitet Sedi Apostolicae esse subjectam? Quod et piissimus domnus Imperator et f rater ejusdem civitatis Episcopus assidue profiteatur. Tamen si quid boni vel ipsa vel altéra Ecclesia habet , ego et minores meos quos ab illicitis prohibée , in bono imitari paratus sum. Stultus est eaimqui iu eo se priinum existimat, ut bona quœ viderit, discere contemnat.

S. Gregorii Eptst. ad Joannem Syracus. Lib. IX. Epist. 12.

T. I. 15

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CHAPITRE VIII.

Digression» sur l'histoire des autres liturgies d'occi- de>t : a3ibr0sienne , africaine , gallicane , gothique ou mozarabe, britannique et monastique.

Les nécessités de l'Histoire que nous écrivons nous obligent à suspendre notre récit pour placer ici quelques notions sur diverses -Liturgies qui ont déjà été nommées plusieurs fois , et dont quelques-unes existent encore. Nous consacrerons le présent chapitre aux Liturgies de l'Occi- dent, et le suivant à celles de l'Orient.

La plus ancienne Liturgie de l'Occident , après celle de Rome , est la Liturgie de Milan , connue sous le nom d'Am- brosienne. S'ilfollait en croire JeanVisconti (1), saint Bar- nabe, que les Milanais, depuis plusieurs siècles, vénèrent comme leur Apôtre , auir-it disposé l'ordre de la Messe ; saint Miroclès , Evêque de la même Eglise , aurait réglé la psalmodie, et enfin saint Ambroise aurait complété et perfec- tionné cet ensemble. Mailieureusementles preuves manquent totalement à ces assertions, et il est bien plus simple de con- venir que l'origine des formes du culte divin, dans l'Eglise de Milan, se confuniJ avec l'origine même du christianisme. Si les circonstances avaient permis à d'autres Eglises d'aussi haute antiquité de garder leurs usages primitifs , on retrouverait

(1) DeriliLus Missse. Lib. II. cap. 12.

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chez elles la même inccrliliide. Toutefois, le nom d'Am- bi'osienne allribué de tout temps à la Liturgie de Milan , prouve très- certainement qu'un aussi grand docteur que saint Ambroisc a , ainsi que tous les plus illustres Evêques de l'anliquilé, travailler à la correction de la Liturgie de son Eglise. On peut donc lui attribuer un travail analogue à celui de saint Gélase et de saint Grégoire, sur le Sacramentaire Romain; mais c'est sans aucune espèce de preuve que Pa- mëlius (1) attribue, d'une manière précise, à saint Ambroise, la composition du plus grand nombre des Messes , Oraisons et Préfaces du Missel Ambrosien actuel. Lorsque le saint doc- teur monta sur le siège de Milan , ayant reçu dans l'espace de quelques jours le baptême et l'épiscopat , il trouva sans doute une Liturgie toute faite , et dut mettre son application à l'exécuter , avant de songer à y faire des changemens et des améliorations (2). Dom Mabillon, au tome second du Miisœum italicum, énumère les allusions que présentent les divers écrits de saint Ambroisc aux usages liturgiques de son temps , et s'en sert pour fixer jusqu'à un certain point la forme du service divin dans l'Eglise de Milan , au quatrième siècle (3). Il dit ailleurs que les fameux livres des Sacre- mens, semblent être le fondement de la plupart des rites Am- brosiens (4); mais ce savant homme n'a pas jugé à propos de discerner ceux de ces usages qui ont pour instituteur saint Ambroise , d'avec ceux qui lui sont antérieurs. Celte tache eûl été, en effet, bien difficile , pour ne pas dire impossible à remplir : toutefois , on peut donner avec certitude à saint Ambroise , outre l'institution du chant alternatif dans l'Occi-

(1) Liturgia. Tom. I. pag. 451.

(2) Lebrun. Explication de la Messe. Tom. II. pag. 176. (5) Musaeum Italicum. Tom. 1. pag. tOl.

(4) De Liturgia Gallicana. Lib. I. Cap. 2. 7. pag. 8.

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dent, un grand nombre d'Hymnes qui furent accueillies avec enthousiasme par beaucoup d'Eglises; jusque-là qu'au rap- port de Walafride Slrabon (1) , en certains lieux , on les chantait même à la Messe ; de plus , les Messes des Martyi's , dont le saint Evêque découvrit les corps , savoir les saints Nazaire et Celse , Gervais et Protais , Vital et Agricole ; un certain nombre de Préfaces , que Walafride Strabon nomme Tractatus, en l'endroit déjà cité ; les prières pour la Dédicace de l'Eglise , pour la consécration des Saintes Huiles , pour la bénédiction du Cierge Pascal , qui toutes portent en tète le nom de saint Ambroise, dans les plus anciens Sacramen- taires, etc. Quant aux Piières de Préparation à la Messe , Summe Sacerdos et Ad mensam dulcissimi , qui sont insérées dans les Missels et les Bréviaires , sous le nom de saint Am- broise, on ne voit rien qui puisse justifier cette assertion. Les Bénédictins , éditeurs de notre saint docteur, n'ont trouvé la première dans aucun manuscrit , et n'ont rencontré la se- conde que dans un seul qui ne datait pas au-delà de sept cents ans.

Un fait digne de remarque dans la Liturgie Ambrosienne , c'est la fréquente conformité avec la Romaine. Non seulement le Canon est presque entièrement semblable, mais un grand nombre d'Introïts , d'Oraisons , d'Epitres, d'Evangiles, sont identiquement les mêmes dans les Missels des deux Eglises. Le Bréviaire offre aussi plusieurs ressemblances du même genre. Il semble même que les livres romains aient été imités à Milan , avec une intention toute particulière ; car on trouve au Missel Ambrosien la mémoire de sainte Anastasie, dans la seconde Messe de Noël, mémoire qui ne convient qu'à la Station qu'on fait à Rome dans l'EgUse de cette sainte ,

(1) De Rébus Ecclesiasticis. Cap. XXV.

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ainsi que nous le dirons ailleurs (1). On trouve en outre au Canon , l'addition de saint Grégoire : Diesque nostros in tua pace disponas. Faut-il attriljuer cette conformité à une exi- gence du Siège Apostolique , qui aurait voulu que l'Eglise de Milan , qui était de sa Primatie , comme toutes celles d'I- talie , eût au moins dans ses usages quelque chose de commun avec l'Eglise de Rome , et principalement le Canon? ou faut-il expliquer cette communauté de rites et de prières , par des emprunts volontaires, et peut-être réciproques? car l'Eglise Romaine a , de tous temps, été dans l'usage d'adopter ce qui lui paraissait louable dans les autres, et l'on voit au Sacra- mentaire de saint Grégoire plusieurs prières qui portent en titre le nom de saint Ambroise. Il est probable que ces deux hypothèses renferment quelque chose de véritable. Comme nous devons donner en temps et lieu la description de la Messe et de l'Office du rite Ambrosien , nous nous con- tenterons ici de faire l'histoire abrégée des vicissitudes par lesquelles ce rite a passé.

L'Eglise de Milan s'est montrée , dans tous les temps, fort jalouse de l'intégrité de ses usages. Charlemagne , ainsi que nous le raconterons bientôt , ayant conçu le dessein d'éta- blir le rite Romain dans toutes les Eglises de l'Occident, vou- lut étendre jusqu'à l'Eglise même de Milan cette mesure vigoureuse. Il fut contraint de reculer dans son entreprise , tant était profonde la vénération qui s'attachait à l'œuvre ré- putée de saint Ambroise. L'opposition du clergé et du peuple fut même confirmée par un prodige , si nous en croyons Landulphe , historien de l'Eglise de Milan , qui écrivait en

(1) Ou ne trouve plus cette mémoire dans le Missel du Cardinal Gays- ruk , imprimé en 1830; mais outre les manuscrits, nous avons, en faveur de ce fait caractéristique, le Missel gothique, in-quarto, imprimé à Milan, eu i500, et plusieurs de ceux qui Tout suivi.

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4080 , et qui a été copié par Beroldus et Durand de Mende. D'après ce récit, un Evéquedes Gaules, nommé Eugène, père spirituel de Charlemagne, aurait intercédé auprès de ce prince , à Rome même , pour la conservation du rit Ambro- sien , qu'il nommait le Mystère des Mystères. Les avis étant partagés, on indique un jeûne, des prières, pour obte- nir de Dieu qu'il veuille décider sur la préférence qu'on doit donner à l'un des deux Sacramentaires , Grégorien ou Ambrosien. Les deux livres, liés et scellés , sont déposés sur l'autel de saint Pierre ; celui des deux qui s'ouvrira sans qu'on y touche , sera préféré. Les portes de l'Eglise demeurent fer- mées durant trois jours; après cet intervalle, on revient consulter le Seigneur : tout-à-coup, les portes de la Basilique s'ou^Tent d'elles-mêmes. On avance vers l'autel ; les livres y sont encore immobiles et fermés. On gémit , on prie de nouveau. Soudain , les deux Sacramentaires s'ouvrent à la fois avec un grand bruit. Alors , ce cri se fait entendre dans l'assemblée : « Que l'Eglise universelle loue , conserve, garde i dans leur intégrité , le mystère Grégorien et le mystère Am- ibrosien ! »

Cette histoire si dramatique , rapportée d'après les auteurs que nous venons de citer , par D. Mabillon et par le P. Le- brun , est considérée comme suspecte par Muratori (1), qui ne conteste pas d'ailleurs les efforts inutilement faits par Charlemagne pour abolir le rite Ambrosien. Il faut dire aussi que le docte Milanais n'apporte pas de preuves à l'appui de son sentiment.

Nicolas II qui , en 1060 , avait fait des tentatives pour abo- lir en Espagne le rite Gothique , fit aussi des eflforts pour anéantir le rite Ambrosien. Il se servit à cet effet du zèle de

{i) Antiquitates Italise. Tom. IV. pag, 834,

LITURGIQUES. 199

saint Pierre Damieii , homme énergique et capable de faire réussir cette entreprise, si le succès en eût été possible. Ce grand cardinal échoua dans sa légation , et bientôt Nicolas II fut remplacé sur la Chaire de saint Pierre par Alexandre II, Milanais , qui n'inquiéta point ses compatriotes dans la jouis- sance de leurs usages. Nous ne voyons pas que saint Grégoire VU , si zélé pour la propagation du rite Romain , ait rien en- trepris contre la Liturgie Ambrosienne.

Cette Liturgie prit même vers ce temps une sorte d'exten- sion , qu'elle devait à la beauté incontestable de ses formules et à la vénération qu'inspirait son auteur présumé. D. Ma- billon , dans le Musœum italicum , a publié plusieurs lettres de Paul et Gebehard , Prêtres de l'Eglise de Ratisbonne , par lesquelles, vers l'an d024, ils s'adressent au Prêtre Martin, trésorier de l'Eglise Saint Ambroise , à Milan , à l'effet d'ob- tenir de lui les livres de l'Office Ambrosien , pour les répan- dre en Allemagne (1). Vers le milieu du quatorzième siècle, on vit l'empereur Charles IV établir ce même Office de Milan dans l'Eglise de saint Ambroise à Prague (2); et le Sacramen- taire tripartite que l'Abbé Gerbert a publié dans sa Liturgia Alemannica (5), et qu'il avait tiré de l'Abbaye de Saint Gall, se compose de l'Ambrosien , du Gélasien et du Grégorien. Au reste, ce sont les seuls indices que nous ayons d'une expor- tation quelconque des usages Ambrosiens , hors de Milan. Reprenons l'histoire des attaques auxquelles ils ont été en butte, jusqu'à leur reconnaissance définitive par le Saint- Siège.

Muratori rapporte , dans l'ouvrage cité plus haut , que le cardinal Branda de Castiglione ayant été envoyé , en 4440 ,

(1) Musîeum Italicum. Tora. I. pag. 95-99.

(2) Gerberius. Vêtus Liturgia Alemannica. Tom. I. pag. 63. i^) .Ibidem. Tom, II,

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par Eugène IV , en Lombardie , en qualité de Légal , conçut le dessein d'abolir le rite Ambrosien , jusque-là qu'il osa s'em- parer d'un ancien Sacramentaire qu'on croyait venir de saint Ambroise lui-même , et que le jour de Noël il fit chanter la Messe au rite Romain, dans l'Eglise même du saint Docteur. Le peuple furieux courut aussitôt investir la demeure du Légat , le menaçant de mettre le feu s'il ne rendait le Sacra- mentaire qu'il avait enlevé. Le Cardinal , effrayé de cette sé- dition, jeta le livre par la fenêtre , et sortit de la ville dès le lendemain.

Vers la fin du même siècle , en 1497 , Alexandre VI re- connut solennellement , et confirma dans une Bulle rapportée par Ughelli (1) le droit des ducs et du peuple de Milan , de célébrer, suivant le rite Ambrosien, les Messes, les cérémonies , le chant ^ les Ojjices tant de jour que de nuit , sans y rien changer. Il est vrai que le Pape spécifie l'Eglise et Monastère de Saint Ambroise , mais il n'exclut pas expres- sément les autres Eglises de la ville et du diocèse. Aussi , on commença peu à près à imprimer les livres d'usage du rite Ambrosien , pour les nécessités de ces diverses Eglises , et lorsque saint Pie V , par les Bulles dont nous parlerons bien- lot , déclara exemptes de l'obligation de recevoir les livres Romains , les Eglises dont les Bréviaires remontaient au-delà de deux siècles , le rite Ambrosien fut , par même , indi- rectement, mais sérieusement reconnu pour Milan et son ter- ritoire. Fondé dès-lors sur l'évidence du droit , saint Charles Borromée , ayant appris que le gouverneur de Milan avait obtenu du Pape un bref qui l'autorisait à se faire dire la Messe suivant le rite Romain, dans toutes les Eglises il lui plairait d'aller , réclama avec force contre cette permission , dans

(1) Italia Sacra. Ecclesia >îediolanen. Tom. IV. pag. 38o.

LITURGIQUES. 801

une lettre adressée à un de ses amis , à Rome , et qui est con- servée comme une relique dans l'Eglise de Saint Alexandre des Barnabites de Milan. Le P. Lebrun a donné cette lettre : nous la plaçons à la fin du présent chapitre (1). Au reste, elle n'est pas la seule qu'ait écrite à Rome le pieux Car- dinal pour la défense de la Liturgie Ambrosienne. On en garde encore plusieurs autres dans la bibliothèque du Vati- can. Ce grand homme , pour expliquer son zèle en cette matière , avait coutume de dire que la Liturgie Ambrosienne était moins Milanaise encore que Romaine , ayant reçu tant de fois l'approbation expresse des Souverains Pontifes (2) .

Tel a été de tous temps le zèle des Milanais pour la con- servation de leur rite , dont ils ont, au reste, assez fidèlement gardé l'intégrité , sauf l'addition qu'ils ont faite d'un grand nombre de fêtes de Saints. Mais on peut dire qu'ils poussent l'intolérance à l'égard des autres Liturgies , la Romaine y comprise , au-delà de ce qu'on a jamais pu reprocher de plus exclusif au Siège Apostolique. Un exemple fera juger de la vérité de ce que nous disons. En 1837 , nous étions à Rome , et nous venions de célébrer les Saints Mystères à la Confession de Saint Pierre ; un Chanoine de la cathédrale de Milan se présenta accompagné d'un clerc Milanais. Ce dernier portait un Missel Ambrosien ; il le posa sur l'autel sous lequel l'univers entier vénère la cendre du prince des Apôtres. Le Chanoine Milanais commença tout aussitôt la Messe et l'acheva paisiblement , suivant ce rite étranger. Peu de mois après , nous étions nous-même à Milan : nous de- mandâmes à célébrer le saint sacrifice sur le corps de saint Ambroise. On nous montra un règlement solennel qui défend

(1) Vid. la note A.

(1) Sala, in Bonse Lib, I, Gap. X. pag. 183.

202 INSTITUTIONS

d'offrir les Saints Mystères sur cet autel, autrement qu'en la forme Âmbrosienne : le rite Romain n'était pas excepté. Il nous fallut donc sacrifier notre pieux désir.

Au reste, l'inconvénient ordinaire des Liturgies particu- lières s'est fait sentir à Milan, comme en d'autres lieux. La puissance séculière a du prétendre une surveillance sur des formes qui ne sont que nationales , et non com.munes à toutes les Eglises. Naples , Florence , Venise , célèbrent la fête de Saint Grégoire ^'11, malgré le déplaisir qu'en éprouvent et qu'en ont souvent manifesté leurs gouvernans ; ces Eglises jouissent de cette liberté, parce qu'elles sont astreintes au Bréviaire Romain, publié par le Saint-Siège. L'Eglise de Mi- lan n'a osé jusqu'ici rendre un culte au--grand Pontife , que l'Europe éclairée proclame aujourd'hui l'héroïque vengeur de la dignité humaine et de la civilisation. Comme nos Eglises de France , elle n'a pas suivi l'injonction du Pontife Romain , qui ordonna , il y a un siècle , à toutes les Eglises du rite latin , de solenniser la mémoire du glorieux Hilde- brand. Ces Eglises manquaient de cette force que l'unité et l'universalité des formes peuvent seules donner , et qu'elles maintiennent , au défaut même du courage.

Après l'Eglise d;: Milan, fille de VEglise Romaine [i]^ et fondée dès l'âge apostolique , vient l'Eglise d'Afrique , qui doit pareillement son origine au Siège de Rome , sous le règne d'Adrien (2). Cette Eglise, l'une des principales divi- sions du patriarcat d'Occident , comprenait la province dite Consularis , dont Carthage était la capitale , la Mauritanie et la Numidie. Son origine indique assez la conformité qui devait exister, au moins jusqu'à un certain degré , entre ses usages liturgiques et ceux de l'Eglise Romaine.

(1) S. Pétri Damiani. Opusc. V. Tom. ÏII. pag. 78.

(2) Schelestrate. Aûtiquitas Ecclesiss illustrata. Tom. If.

LITURGIQUES. fOS

Les fragmens ou les allusions que nous rencontrons dans ïerlullien , Saint Cyprien , Saint Augustin , paraissent , les unes se rapporter assez bien aux formes de la Liturgie Ro- maine, d'autres s'en écarter plus ou moins. Il est vrai de dire que la Liturgie Romaine, au temps de ces auteurs, de- vait être quelque peu différente de ce qu'elle nous apparaît dans l'œuvre de saint Gélase et de saint Grégoire. Quoi qu'il en soit , des auteurs très-graves maintiennent comme indu- bitable l'identité primordiale de la Liturgie Africaine avec la Romaine (1). On a dit, mais sans le prouver, que saint Augustin avait introduit en Afrique la Liturgie de Milan ; dans tous les cas, ce fait ne saurait démontrer qu'on ne suivait pas en Afrique la Liturgie Romaine , antérieurement à saint Augustin : et d'ailleurs , il ne dépendait pas du seul Evêque d'Hippone de changer les usages de toutes les Eglises d'Afrique , si nom- breuses et si attachées à leurs anciennes pratiques. Quoi qu'il en soit , nous pensons que la conformité de la Liturgie d'A- frique avec la Romaine, n'empêchait pas la première d'avoir et de conserver certains usages particuliers , ainsi que nous en apercevons les traces dans les auteurs que nous avons cités, auxquels on peut encore ajouter Marins Mercator, et saint Fulgence. En outre , quel était l'ordre du Sacramentaire publié par Voconius , vers 460 , trente ans après la mort de saint Augustin ? En quoi était-il conforme à celui de l'E- glise de Rome ? En quoi s'en écartait-il ? La question nous paraît insoluble. Disons toutefois qu'on ne trouve nulle part, dans l'antiquité, la trace d'une Liturgie Africaine : la tradition ne nous parle que de celles de Rome , de 3Iilan , des Gaules et de l'Espagne. Nous maintiendrons donc notre sentiment, jus-

Ci) Bona. Rerum Liturgicarum. Lib. I. Cap. VII. §, III. Lebrun. Explication de la Messe. Tom. II. pag. 137.

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qu'à ce que de nouvelles découvertes nous aient contraint à l'abandonner.

La Liturgie de l'Eglise des Gaules est trop différente de la Romaine , pour qu'on puisse croire qu'elle en soit issue ; on a au contraire tout lieu de la juger d'origine orientale. D'abord , en elle-même , elle présente beaucoup d'analogie avec les rites des Eglises d'Orient, et si l'on considère les pays d'où sont venus les premiers Apôtres des Gaules, on s'expliquera aisément cette conformité. Saint Trophime, fon- dateur de l'Eglise d'Arles, était disciple de saint Paul ; saint Crescent , pareillement disciple du même saint Apôtre , prêcha dans les Gaules ; saint Pothin et saint Irénée , Apôtres de Lyon , vinrent de l'Asie , aussi bien que saint Saturnin , Apôtre de Toulouse ; enfin , la lettre des Eglises de Vienne et de Lyon à celles d'Asie et de Phrygie, montre, avec tous ces faits , d'une manière incontestable , que les Eglises des Gaules sont filles de l'Orient ; leur Liturgie devait donc l'être aussi. Sans doute, tous ces Apôtres passèrent par P»ome, centre de toute mission légitime : car telle est la tradition de toutes nos Eglises ; mais il n'était pas naturel qu'à cette époque de conquêtes, le Siège Apostolique suscitât des en- traves indiscrètes aux courageux prédicateurs que l'Orient dirigeait sur l'Occident, et leur imposât des usages différons de ceux qu'ils aval 'Ut puisés dans les régions d'où ils étaient partis pour évangt'liser avec tant de zèle. Nous avons fait voir plus haut comment les tendances à l'unité liturgique , jusqu'alors suspendues par les circonstances, se dévelop- pèrent quand la paix eut été donnée aux Eglises.

La Liturgie Gallicane est donc, avec l'Ambrosienne, un des monumens les plus précieux du premier âge de l'Eglise : nous la ferons connaître dans ses détails, à mesure que l'occasion s'en présentera. Bientôt nous aurons à raconter sa destruction,

LITURGIQUES. 2ÔS

pni' les enbrts réunis du Siège Apostolique et des princes Carlovingiens. Nous suspendrons donc ici ce qui nous reste à dire sur. cette importante Liturgie , dont notre illustre Ma- billon , dans un ouvrage spécial (1) , a détaillé toute la splen- deur, en même temps qu'il a reproduit les débris mutilés des livres qui la contenaient. Si le tenjps et l'espace nous le per- mettaient , nous aimerions à faire le récit des pompes du rite Gallican, telles qu'elles apparaissent dans les écrits de saint Sidoine Apollinaire et de saint Grégoire de Tours : mais nous ne résisterons pas au désir d'offrir au lecteur un tableau de l'Eglise de Paris au sixième siècle , tracé par saint Venance Fortunat, dans un éloge de saint Germain et de son clergé. On y verra la gravité et la majesté de l'Office divin, l'ac- cord de la psalmodie , l'emploi des orgues , des flûtes , des trompettes, poiir l'accompagnement des chants sacrés (21. Nous avons donné dans les chapitres précédens les noms des liturgistes auxquels l'Eglise Gallicane était redevable de la beauté et de l'éloquence de ses formules sacrées.

L'Eglise d'Espagne présente maintenant à notre observa- tion ses usages Liturgiques. S'il nous fallait approfondir dans ces Institutions toutes les questions qni se rattachent aux origines du rite Mozarabe , un volume entier ne suffirait pas pour exposer et résoudre les nombreuses difficultés dont cette matière est semée. Nous serons donc forcés de nous borner à consigner seulement ici quelques notions.

On agite en premier lieu la question de savoir quelle Li- turgie fut exercée primitivement en Espagne , après l'éta- blissement du Christianisme en ce pays. Plusieurs auteurs , à la tête desquels nous inscrirons le docte Père Lebrun (3) ,

(1) De Liturgia Gallicana libri. III. 168b.

(2) Vid. la note B.

(3) Explication de la Messe. Toni. II. Dissertation V. Art. I.

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soutiennent que les usages de l'Eglise Romaine furent d'a- bord observés en Espagne , et ils s'appuient sur le fait de la fondation de cette Eglise par les sept Evêques envoyés par saint Pierre , et sur quelques Canons des anciens Conciles d'Espagne , qui montrent en vigueur plusieurs pratiques qui sont identiques à celles de Rome , telles que le jeûne du sa- medi, la coutume de ne lire qu'une seule Epître à la Messe, etc. Le savant Père Pinius , dans l'excellente dissertation qu'il a placée en tête du sixième tome des Actes des Saints du mois de Juillet , et Florez , en son Spagna Sagrada , dans une dissertation sur le même objet (1) , reconnaissent aussi l'ori- gine Romaine de la Liturgie primitivement gardée en Espa- gne (2). Ils sont énergiquement combattus par le jésuite Lesleus , dont nous avons déjà cité la curieuse préface au Missel Mozarabe (5). Ce dernier s'appuie sur les Canons de divers Conciles d'Espagne , aux cinquième et sixième siècles , dans lesquels sont signalées plusieurs particularités de l'Oflice divin , qui paraissent plutôt s'accorder avec l'Office Mozarabe qu'avec celui de l'Eglise de Rome. Cependant , il semble qu'on peut dire , non sans quelque apparence de raison , que ces divers faits ne prouvent pas que les usages de l'Eglise Ro- maine n'aient pas été primitivement ceux de l'Eglise d'Es- pagne; car on n'a jamais prétendu que la conformité des usages avec Rome , à cette époque , fût possible pour quelque Eglise que ce soit , avec la rigueur qu'on y peut mettre au- jourd'hui. En outre , il reste bien peu de monumens à l'aide

(1) Tractatus hislorico-chronologicus de Liturgia antiqua Hispanica. Cap. I.

(2) Spagna Sagrada. Tom. III. pag. 187 et suiv.

(3) Missale Mixtum secundum Regulam Beati Isidori , dictum Moza- rabes, praefatione, notis et appendice ab Alexandre Lesleo S. J. Sacer- dote ornatum. Romse. 1755.

LITURGIQUES. 207

desquels on puisse constater l'état précis de la Liturgie de Rome , tant poiu- la Messe que pour les Oflîces divins , avant saint Gélase et saint Grégoire. On peut encore ajouter à cela que l'affinité des usages liturgiques, tant de Rome que de l'Espagne , ne saurait être plus énergiquement attestée que par l'envoi que fit , en 558 , le Pape Vigile à Profutuius, Evèque de Drague , de l'Ordinaire de la Messe Romaine. Assurément , jamais un Pape n'a fait un pareil envoi au Pa- triarche de Constantinople ou d'Alexandrie. Il fallait donc que les Evoques d'Espagne eussent eu recours au Siège Apostolique , comme à la source de leurs traditions litur- , giques; et cette conjecture est d'autant plus certaine que nous voyons , ainsi que nous l'avons rapporté plus haut , un Concile d'Espagne, trente ans après, décréter que tous les Prêtres auraient à célébrer les saints Mystères dans la forme donnée par le Siège Apostolique , à l'Evêque Pro- futurus.

Maintenant, si l'on considère la Liturgie des Eglises d'Es- pagne dans l'état la fixèrent les travaux de saint Léandre , de saint Isidore et des autres liturgistes que nous avons mentionnés au chapitre précédent , on ne peut s'empê- cher d'être frappé de sa totale dissemblance avec les cou- tumes de l'Eglise Romaine. Le nom de Gothique qu'elle retient déjà atteste une origine entièrement différente. C'est ici en- core l'occasion d'une nouvelle controverse entre le P. Les- leus et les PP. Lebrun et Pinius. Le premier , fidèle à son système , soutient que les particularités qui constituent le rite appelé Gothique ont été pratiquées de toute antiquité en Espagne: les autres, au contraire, ont établi solidement le fait d'une introduction des rites orientaux en Espagne , par les Golhs , qui se rendirent maîtres de ce pays au com- mencement du cinquième siècle, et y fondèrent un établis-

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sèment si solide et si imposant. Ces barbares, comme nous l'apprenons de Philostorge (1) , de Sozomène (2) et de Théo- doret (3) , dans leurs courses à travers l'Asie mineure , avaient embrassé le christianisme. Leur fameux Evêque Ulphilas, qui traduisit les saints Evangiles dans la langue des Goths , vint à Constantinople. Il y puisa malheureusement les er- reurs de l'Arianisme qui régnait alors dans cette capitale , par la protection de Valens ; mais il dut y prendre en même temps une plus grande habitude de la Liturgie grecque , la seule que connaissaient les Goths, puisque leur conver- sion au Christianisme s'était opérée en Orient. Nous voyons ensuite , par une lettre de saint Jean Chrysostôme (4) , qu'il avait pris un soin tout particulier de l'Eglise des Goths, et qu'il lui avait même donné un Evêque , nommé Unilas ; il est naturel de croire que cet Evêque venu de Constanti- nople devait en pratiquer la Liturgie. Quand les Goths furent établis en Espagne , nous voyons des relations jusqu'alors inconnues s'établir entre l'Eglise de cette Péninsule et celle de Constantinople. Au sixième siècle, saint Martin de Brague traduisit de grec en latin , pour l'usage d'Espagne , les Ca- nons des Conciles , et par-là donna occasion à l'établissement de beaucoup de pratiques liturgiques prescrites dans ces Ca- nons dressés la plupart dans des Conciles d'Orient. Vers le même temps, Jean, qui fut depuis abbé de Biclar et Evêque de Gironne , et qui était Goth de nation , s'en alla passer dix- sept ans à Constantmople oii il se rendit fort savant. Saint Léandre avait aussi vécu plusieurs années à Constantinople : ce fut même dans cette ^^lle qu'il se lia d'une amitié étroite

(i) Lib. II. S.Edit. Vales. pag. 470.

(2) Hist. Eccles. Lib. VI. cap. 57.

(3) Lib. IV. Cap. ultimo.

(i) Ad Olympiadem. Epist. XIV. Tom. III. pag. 722. Edit. Gaume.

LITURGIQUES. 209

avec sailli Grégoire le Grand , qui résidait alors en celle ville , en qualité d'Apocrisiaire du Siège Apostolique, cl avec Jean le Jeûneur , Patriarche de Gonstantinoplo , qui fut si familier avec saint Léandre , qu'il lui dédia un opuscule litur- gique sur le Baptême.

Or, les Goths étant les vainqueurs de l'Espagne, et ayant apporté avec eux des usages liturgiques spéciaux , la Li- turgie pratiquée dans cette contrée avant la conquête ne pouvait long-temps subsister sans mélange , et tout portait même à croire qu'elle finirait par succomber. Il y eut , sans doute , des degrés dans cette transformation ; des réclama- lions durent s'élever, tant de la part des Conciles que de la part du Siège Apostolique : la lettre du Pape Vigile à Profu- turus se place naturellement à cette époque , ainsi que le Concile de Brague de 505 , que nous avons cité plus haut. Un grand événement décida du triomphe absolu de la Liturgie Gothique sur l'ancienne : ce fut la conversion totale de la nation des Goths à l'orthodoxie , dans le troisième Concile de Tolède , en 589. Saint Léandre , qui fut, pour ainsi dire, l'auteur de ce grand œuvre , est en même temps le principal rédacteur de la Liturgie Gothique qui, dès cette époque, devint l'unique Liturgie d'Espagne. Il est naturel de penser que la préférence donnée , dans son travail et dans celui des autres liturgistes qui vinrent après lui , aux formes orien- tales, jusqu'alors les seules suivies par les Goths , fut motivée sur la nécessité de les rallier plus sûrement au symbole de l'ancienne Eglise Espagnole, en écartant tout ce qui aurait pu être objet de tentation pour une foi encore chancelante. Au reste, comme nous venons de le dire , la transformation des deux rites était déjà pour ainsi dire accomplie , avant même le Concile de Tolède ; mais depuis celte grande époque, l'E- glise Espagnole , devenue Eglise purement Gothique, s'appli-

T. I. u

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qua à réunir toutes les provinces dans la pratique des mêmes usages , et c'est à celte intention que fut porté , dans le qua- trième Concile de Tolède , en C53, le Canon dont nous avons cité les dispositions formelles, ci-dessus, au chapitre Vï.

Toutefois cette Liturgie Gothique ne se composait pas uni- quement d'un fonds de Prières orientales : on y rencontre quelquefois , quoique en petit nombre , des Oraisons , des Répons , des Fêtes d'une origine évidemment romaine, qui montrent la première source des rites sacrés en Espagne. On y trouve , en outre, beaucoup d'analogies avec la Liturgie Galhcane, et ce dernier fait a donné maiière à une contro- verse entre les savans qui ont traité de la Liturgie Gothique. Les uns, comme les PP. Lesleus et Piiiius, soutiennent, dans les ouvrages déjà cités, que la Liturgie Gallicane est émanée de la Gothique; d'autres, parmi lesquels Dom Ma- billon (1) et le P. Lebrun, prouvent contre eux que la Liturgie Gallicane est antérieure à l'époque à laquelle a se former la Gothique.

Nous avons montré, en effet, comment l'origine des prin- cipales Eglises des Gaules est orientale : ce qui explique suffisamment l'existence d'une Liturgie, dans ces contrées, totalement différente de la Piomaine , et, par suite , analogue en quelque chose à la Gothique , dont la source est la même. Kous avons donné les noms des principaux auteurs de la Liturgie GalUcane , saint Hilaire , Musaeus , saint Sidoine Apollinaire, etc. , qui, certes, n'ont pas été chercher en Es- pagne les usages antiques qui furent corrigés et réformés , plutôt qu'institués par eux. De plus, on ne s'expliquerait pas cette influence si intime de TEglise d'Espagne sur celle des Gaules, influence qui ne serait justifiée par aucun .nonument

(l)De Liturgia Gallicana. Lib. I. Caj). IV.

LITURGIQUES. 211

historique, ni môme rendue possible par aucun genre de pri- mauté de l'une de ces Eglises à l'égard de l'autre. Il est vrai que, dans le Canon du IV" Concile de Tolède, il est statué qu'il n'y aura qu'un même ordre pour la prière et lapsalmodie dans toute l'Espagne et la Gaule; mais tout le monde sait qu'il ne peut être ici question que de la Gaule Narbonaise, soumise alors aux mêmes lois que l'Espagne elle-même. Or, outre que le rite Gallican était formulé long-temps avant ce Concile , et qu'il était et est resté , en somme , différent sur beaucoup de points du rite Gothique proprement dit , il serait absurde de supposer que la Gaule Narbonaise eût fait adopter tous ses usages aux autres provinces des Gaules. Tout au contraire , il faudra expliquer les incontestables rapports des deux rites , GaUican et Gothique , par l'intention fort raisonnable qu'eurent les compilateurs de ce dernier rite d'y retenir, ou d'y insérer quelque chose qui fût analogue aux usages de la Gaule Narbonaise , par le même motif qui leur avait fait garder plusieurs formules et fêtes romaines , et qui les avait portés à conserver pour fond principal les prières orientales de la Liturgie Gothique.

Nous terminerons ce que nous avions à dire de la Liturgie Gothique, appelée plus tard Mozarabe { du nom sous lequel on désignait les Chrétiens qui vivaient sous la domination des Maures ) , par les deux observations suivantes :

1" L'Eglise gothique d'Espagne parvint à établir dans son sein l'unité liturgique; elle dut cet avantage au zèle de ses Evêques et à la protection de ses Rois. Mais si elle put faire qu'une prière uniforme retentît dans tous ses temples , elle ne put garantir toujours l'entière pureté, l'ortho- doxie de ces mêmes prières. La Liturgie Romaine seule est vierge de toute erreur, comme l'Eglise qui la promulgue. Vers la fin du huitième siècle , Félix , Evêque d'Urgel , et

212 INSTITUTIONS

Elipand , Archevêque de Tolède , troublèrent un moment l'Eglise en prêchant une hérésie qui aurait fait rétrograder le christianisme jusqu'aux dogmes impies d'Arius. Non con- tents de s'appuyer sur de fausses citations des Pères , ils alléguèrent l'autorité de la Liturgie d'Espagne, produi- sant plusieurs passages dans lesquels les termes d'adoptif et d'adoption étaient appliqués à Jésus-Christ , et ajoutant que ces Oraisons avaient été récitées et par conséquent approu- vées par saint Eugène, saint lldefonse et saint Julien, Evêques de Tolède. 11 est possible aussi que Félix et Elipand eussent altéré par eux-mêmes les passages susdits. Quoi qu'il en soit , dans l'une et l'autre hypothèse, le danger des Liturgies na- tionales n'en était pas moins mis dans tout son jour. C'est ce que sentirent les Evêques du Concile tenu à Francfort , en 79 i, qui, dans les paroUs suivantes, montrèrent éloquem- ment qu'une seule Liturgie peut être citée comme vraiment et nécessairement pure et orthodoxe , savoir la Liturgie de l'Eglise Romaine. « Mieux vaut, disent-ils , aux deux Evêques

> prévaricateurs , mieux vaut en croire le témoignage de » Dieu le Père sur son propre Fils , que l'autorité de votre » lldefonse, qui vous a composé, pour la solennité des Messes,

> des prières qui sont telles que la sainte et universelle Eglise î de Dieu les ignore , et que nous-mêmes ne pensons pas ï que vous puissiez être exaucés en les prononçant. Que si » votre lldefonse , dans ses Oraisons , donne au Christ le nom ï d'adoptif. notre Grégoire , Pontife du Siège de Rome et ï docteur illustre dans tout l'univers , l'appelle toujours , » dans ses Oraisons, Fils unique (1). » Les Pères du Concile

(1) Melius est testimonio Dei Patris credere de suo Filio quam Ilde- fonsi veslri, qui taies vobis composait preces in Missaru i solemniis, quales uaiversaliset saucta Dei iv>a habet Ecclesia, ii vos la illis exaudii'i putamus. Et bi Ildefonsub vebler in oralioaibus iio Ghristum

i

LITURGIQUES. 213

allèguent ensiiilc plusieurs Oraisons du Sacramenlaire Gré- gorien.

Peu après , Alcuin composa un traité en sept livres , contre Félix , et il ne manqua pas d'y réfuter l'objection que ces sectaires tiraient des Oraisons du Missel Gothique. « Que ï vous ayez , dit-il à Félix, altéré ces témoignages, ou qu'ils » soient réellement tels que vous les proférez , il n'y a pas j lieu à s'en occuper beaucoup. C'est bien plutôtsur l'autorité s de Rome que sur l'autorité de l'Espagne que nous souhai- » tons appuyer la vérité de notre foi. Ce n'est pas néanmoins î que nous réprouvions l'autorité de l'Espagne , dans les » choses sur lesquelles elle n'est pas en désaccord avec l'E- » glise universelle. Mais l'Eglise Romaine, qui doit être suivio » par tous les catholiques et tous les vrais croyans , professe > dans la solennité des Messes, comme dans tout ce qu'elle ï écrit , que c'est le Fils véritable de Dieu qui a daigné se s faire homme pour notre salut et subir le tourment de la î Croix (1). ï Alcuin cite ensuite les Oraisons de la Messe de Noël , du mercredi de la Semaine Sainte , etc. Cet événement

adoptivum nominavit , noster vero Gregorius , Pontifex Romanae Sedis , et clarissimus loto orbe Doctor, in suis orationibus semper eum Unigeni- tumnominarenondubitavit. Concil. Franco-fordiense. Lnbb. Tom. VII. pag. lOôi.

(1) Sed sive mutata , sive ut ab eis suai dicta bœc eadem tesiimonia a te sinl posita , non magnopeie curandum est ; nos enim Romana plus auctoritate quam Hispana , veritate adsertionis et fldei noslrse fulciri drisideraoaus; licet nec illa reprobemus , in bis tamen quse catbolice dicunlur. Unusquisque in boc se ret'utandum sciât, in quo ab univer- sali dissentit Ecclesia. Komana igitur Ecclesia quae a catbolicis et recte credentibus sequenda esse probatur, se per verum Filium Dei et in Missarum solemuiis , et in caeteris quoque omnibus scriptis suis, vel in epistolis fateri solet , eum qui pro nostra sainte homo lieri dignatus est, et crucis subire lormentum. Alcuinus contra Felicem Vrgelitanum. Lib. Fil. 0pp. Tom. II. pag. 856.

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porta les Evêques d'Espagoe à veiller sévèrement sur la pureté de la Liturgie Gothique , et aujourd'hui ces livres ne gardent plus aucune trace des erreurs ou incorrections que l'on eut à leur reprocher, au huitième siècle. Toutefois, on voit que Rome s'en était émue; car en 918, Ordogno, Roi de Léon, et Sisenand, Evéque de Compostelle , ayant envoyé un Prêtre nommé Jean , vers le Siège Apostolique , il s'éleva une discussion sur le Missel Gothique, et il fallut le jugement d'un Concile romain tenu devant le Pape , et dans lequel on examina soigneusement les prières de ce Missel, pour en certifler la pleine orthodoxie (1). Aous verrons bientôt la sol- licitude du Siège Apostohque s'alarmer encore des dangers de cette Liturgie particulière d' une grande Eglise, et enfin en décréter l'abolition.

2" L'Eglise Gothique d'Espagne qui fit, comme on vient de le voir, une si fâcheuse expérience des dangers qui mena- ceront toujours l'orthodoxie d'une Liturgie particulière , vit aussi s'élever dans son sein une fausse opinion que nous retrouverons ailleurs , et dont l'appUcation serait destruc- tive du caractère traditionnel de la Liturgie. Le Concile de Brague tenu en 563, en son Canon douzième, s'exprimait ainsi : « Il est ordonné que l'on ne chantera dans l'Eglise » aucune composhion poétique : rien , hors les Psaumes et » les Ecritures de l'Ancien et du Nouveau Testament ; ainsi > que l'ordonnent les saints Canons (2). » Les Pères du Con- cile font sans doute allusion à une disposition du Concile de

(1) Baronius. Aaual. ad ann. 918. Ambros. 3Iorales. Cliron Hispaa. Lib. XV. Cap. 47.

(2) Item placuit ut extra psalmoî, vel canouicarum scripturarum novi et veteris testamenli, nihil poetice compositum in Ecclesia psal- latur; sicut et saacti praecipiuat caaones. Concil. Bracar. Canon. 12. Labb. Tom. JV.

LITURGIQUES. 215

Laodicée, en 300, qui ordonne de rejeter certains Psaumes qui avaient été fabriqués et avaient cours dans le peuple (I). Mais la mesure sage et précise du Concile de Laodicée n'avait rien de commun avec la prohibition vague et générale du Concile de Brague qui , au reste , n'arrêta point les dévelop- pemens de la Liturgie Gothi(iue et qui fut énergiquement improuvée par la protestation du quatrième Concile de To- lède , dont voici les paroles, au Canon XIII qui est intitulé De non renuendo pronuntiare Ilymnos.

d Que l'on doive chanter des Hymnes, nous avons pour cela ï l'exemple du Sauveur et des Apôtres ; car le Seigneur lui- i même dit un Hymne , comme saint Matthieu nous l'atteste : » Et Uxjmno dicto , exîerunt in montem OUveti ; TApjlro » Paul écrivant aux Ephésiens , leur dit : Implemini Splritu , j loquentes vos in psalmis et Hymnis et canticis spiritualibus, 2> Il existe, en outre, plusieurs Hymnes composées par un art » humain, pour célébrer la louange de Dieu et les triomphes » des Apôtres et des Martyrs , comme sont celles que les » bienheureux docteurs Hilaire et Ambroise ont mises au » jour. Cependant quelques-uns réprouvent ces Hymnes » parce qu'elles ne font pas partie du Canon des saintes Ecri- j> tures et ne viennent pas de tradition apostolique. Qu'ils » rejetent donc aussi cette autre Hymne composée par des ï hommes, que nous disons chaque jour, dans l'Office public » et privé , à la fin de tous les Psaumes : Gloria Patri et Filio^ » et Spiritui Sancto, in secula scculorum. Amen. Et cette autre î Hymne que les Anges chantèrent à la naissance du Christ ï dans la chair : Gloria in excelsis Deo et in terra pax homi- » nibus bonœ voluntatis , les docteurs ecclésiastiques n'y

(1) De privatis et vulgaribus psalmis rejicicndis. Conc. Laodic. Ca non LIX. Labb. Tom. 1. pag. 5008.

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» ont-ils pas ajouté une suite? Faut-il donc qu'on cesse de ï la chanter dans les églises , parce qu'on ne trouve point » cette suite dans les Ecritures saintes ? On compose donc » des Hymnes , comme on compose des Messes , des Prières » ou Oraisons , des Recommandations , des Impositions de î mains ; et si on ne devait plus réciter aucune de ces for- j mules dans l'Eglise , autant vaudrait faire cesser les Offices ? ecclésiastiques (1). »

Ce sage Canon vengea les véritables principes en matière de Liturgie , et on ne voit pas que ce zèle indiscret pour les Ecritures saintes, comme seule matière de la Liturgie, se soit permis, depuis lors, en Espagne, de nouvelles manifes- tations. Nous ne tarderons pas à le rencontrer en France.

Nous nous sommes appliqué dans les deux chapitres pré- cédens à recueillir les noms et les travaux des Liturgistes de l'Eglise Gothique d'Espagne : nous aurons occasion, dans la suite , de faire connaître en détail ses rites et ses Offices.

Si nous passons maintenant aux Iles Britanniques pour y explorer la Liturgie qu'on y observait, avant l'établissement du rite romain , nous trouvons de grandes difficultés pour donner quelque chose de certain. Cette Liturgie devait être venue primitivement de Rome, puisque la foi fut plantée chez les Bretons par des Missionnaires envoyés , au second siècle , par le Pape saint Eîeuthère , sur la demande d'un roi de cette île , nommé Lucius. Mais , à cette époque, la Liturgie Romaine devait être encore à son enfance ; et , transplantée dans une région si écartée, isolée promptement de sa source, elle avait subir plus d'une altération , ou au moins rece- voir quelques développemens analogues aux mœurs de la contrée. Il y a aussi des raisons de penser que la Liturgie

(1) Vid. la note C,

LITURGIQUES. 217

Gallicane aurait pu fournir aussi ses formes plus ou moins complètes aux Eglises de ces iles. On sait que saint Patrice , saint Germain d'Auxerre, saint Loup deTroyes, qui ont eu tant d'influence sur les Eglises des Iles Britanniques , étaient Gaulois , ou du moins avaient été élevés dans les Gaules. La question qu'adressa saint Augustin à saint Grégoire, au sujet de la diversité des Liturgies , et la réponse du Pape qui lui permet d'unir ensemble les rites Romains et Gallicans, semble montrer assez clairement que saint Augustin avait rencontré quelques vestiges de ces derniers dans l'ile qu'il évangélisait , et qui, bien que retombée en grande partie dans l'idolâtrie, par suite de l'invasion Saxonne , gardait cependant un faible débris de l'ancienne Eglise des Bretons. Quant à l'Irlande considérée à part , Mabillon pense que lorsque saint Bernard raconte, dans la vie de saint Malachie, que ce grand Evêque changea les coutumes barbares des Chrétiens de cette île pour les usages Romains, il faut entendre que jusqu'alors on avait conservé un rit particulier dans cette île (1). Nous avons parlé ailleurs de l'Antiphonaire du monastère de Bancor , publié par Muralori , seul débris qui nous reste des formes litur- giques gardées anciennement en Irlande.

Il nous reste enfin à parler de la Liturgie Monastique ou Bénédictine. De même que la Règle de saint Benoît remplaça presqu'aussitôt les Règles Monastiques qui l'avaient précédée en Occident , de même aussi la forme d'Office qui y est établie succéda bientôt aux autres Ordres de psalmodie gardés jus- que-là dans les monastères. Nous détaillerons ailleurs les particularités de cette Liturgie ; mais nous devons expliquer tout d'abord les raisons de la dissemblance qui règne entre

(1) De liturgia Gallicana. Lib. I. Cap. II. Gerbert. de Veteri Liturgia Alemannica. Disquisit. II. Gap, I.

218 INSTITUTIONS

la forme de l'Office monastique et celle des Offices de Rome. On voit par le texte même de la Règle de saint Rénoît , que ce saint Patriarche s'est écarté à dessein des Usages Romains, comme lorsqu'il dit : « Chaque jour, on chantera à Laudes, ï un cantique tiré des Prophètes, savoir le même que chante j l'Eglise Romaine , «icwf psallit Ecclesia Romana (i). » Ama- laire Fortunat dit à ce sujet : « Nous ne devons pas croire s que cet illustre Père ait ainsi disposé toutes ces choses ï sans mystère ; mais , de même que l'Office des clercs ne ï porte aucun préjudice à celui des Moines; ainsi , récipro- » quement, l'Office monastique confirme celui des clercs (2) . > Walafride Strabon nous donne la raison de cette différence dans les Offices : « C'est aussi, dit-il, un ordre d'Offices ï louable que celui qu'a donnée aux Moines le Ricnheureux » Père Benoît , lorsqu'il a voulu que ceux que leur profes- ï sion sépare du reste des hommes , s'appliquassent aussi à » payer, dans une plus forte proportion que les autres , le tri- » but accoutumé du divin service (5).» Honoriusd'Autun ren- dant compte , à son tour, du motif de cette divergence^ ajoute encore la considération suivante : « Il faut savoir, dit-il, que » c'est avec une souveraine sagesse que cet homme rempli de » l'esprit de tous les justes a voulu que de même que la vie

(1) Reg. S. Benedicti. Cap. XIII.

(2) ?»cquaquain itaque fatendum eit Lune lalem pairem absque mys- terio cuncta disposuisse : et sicut dericale officium monastico non prœjudicat ; ita reciproco actu monaslicuin cléricale corcprobat. Jma- larius. De Officiis divinis. Cap. XLVIIL D. Mabillon. Fet. Jnalecta. Tom. II. pag. 96.

(3) Est etiam ille ordo officiorum laudabilis quem beatus Pater Bene- dictus monachis constiluit observandum , scilicet ut qui proposito a cseteris discernuiitur, etiam continuse servltutis peuso, aliquid amplius caeteris persolvere studeant. TFalafrid. Strabo. de Rébus Ecclesiasticis, Cap. XXV.

LITURGIQUES. 219

» contemplative est distinguée de la vie active par l'habit ,

> elle en fût aussi distinguée par l'Office divin , rendant plus

> reconunandable , par ce privilège , la religion de la disci-

> pline monastique (1) . d Aussi , voyons-nous que le Siège Apostolique a, dans tous les temps, sanctionné la forme de l'Office Bénédictin, comme un précieux reste de l'antiquité , et un monument de la piété monastique qui doit paraître surtout dans la célébration incessante des Offices divins.

D'un autre côté , l'Ordre Bénédictin , pour montrer son attachement à l'Eglise Bomaine , s'est fait de bonne heure un devoir de compléter l'ensemble de ses Offices , en adop- tant, avec les fêtes du Calendrier Romain , toutes les pièces du Responsorial Grégorien qui se trouvaient compatibles avec la forme de l'Office monastique ; et , quant à ce qui est du saint Sacrifice de la Messe , dans tous les temps et dans tous les lieux, il s'y est toujours servi des Sacramen- taires et Antiphonaires Romains. Seulement, on voit par plu- sieurs anciens manuscrits des principaux monastères de l'Europe, que, jusqu'à une époque assez rapprochée, les Sacramentaires dont se servaient les Moines, quoique formés du Grégorien pour la plus grande partie, avaient retenu plu- sieurs choses du Gèlasien.

La Liturgie Monastique est suivie par toutes les familles de Moines qui gardent la règle de saint Benoît, et sous ce nom il

(I) Quaeritur cur sanctus Benedictus aliter monachis horas ordina- verit , quam mos Ecclesiae habuerit , vel cur praDcipuus Apostolicoruia Gregorius hoc sua auctoritate probaverit. Sed sciendum est hoc sapieu- tissima dispositioue provisuni, utpoto a viro pleno Spiritu omnium justorum , scilicet ut contemplativa vita , sicut habitu, ita etiam officie ab activa discerneretur , et monasticai disciplinae religio hoc privi- légie commeudaretur. Honorius Augu&todun. Gemma animœ. Lib. II. Cap. LXF.

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faut entendre , non seulement les Moines Xoii's proprement dits, mais encore les Camaldules, les Cisterciens, les Oli- vétains , ceux de Vallombreuse , les Céleslins et même les Chartreux , quoique ces derniers aient retenu plusieurs cou- tumes qui leur sont propres.

Nous concluerons ce chapitre en faisant ressortir, suivant notre usage , les inductions qui se présentent à la suite des faits qui y sont énoncés.

En premier lieu , on voit qu'il y a eu dans l'Occident plu- sieurs Liturgies plus ou moins différentes de la Liturgie Ro- maine, et qu'il y en a même encore quelques-unes ; mais que ces Liturgies remontent à une haute antiquité ;

En second lieu , que ces Liturgies particulières ont tou- jours tendu à se fondre plus ou moins dans la Romaine ;

En troisième lieu , que leur qualité de Liturgies particu- lières les a souvent exposées au danger de l'altération et de la corruption ;

En quatrième lieu, que c'est une idée fausse et contra- dictoire, en matière de Liturgie , que de prétendre n'em- ployer dans les Offices divins que les seules paroles des saintes Ecritures, à l'exclusion du langage de la tradition ;

En cinquième lieu , que dans toutes les églises, la Liturgie a toujours été considérée comme une chose capitale , à la- quelle le clergé et le peuple prenaient le plus ardent intérêt ; en sorte qu'on n'y pouvait toucher, sans exciter des troubles considérables.

LITURGIQUES. 221

NOTES DU CHAPITRE VIII.

NOTE A.

Extrait d'une lettre de saint Charles Borromée , à 3Ionseigneur César Speciano, Protonotaire Apostolique , à Rome. (Lebrun. Explication dela3Iesse. Tom. II.)

M. R. S. Je dois avoir et je conserve tant de respect pour notre Saint-Père, qu'il peut être assuré que je prendrai toujours en bonne part tout ce qu'il aura ordonné ; je me sens pourtant obligé de lui re- présenter combien serait opposé au service de Dieu ce que je vois qui résulterait de la résolution qu'on a extorquée avec peu de sincérité, et par des vues peu conformes à la bonne volonté de Sa Sainteté. Je dis ceci à l'occasion du bref accordé , comme vous me le marquez , au gou- verneur, pour faire dire la Messe selon le rit Romain dans toutes les églises oii il ira. Si notre Saint-Père ne remédie à cette concession , je suis persuadé qu'elle produira beaucoup d'inconvéniens que vous pouvez prévoir vous-même , à cause de l'usage qu'il pourra faire de la permission qu'il a obtenue après tant d'empressement.

Il y a dans cette ville un grand nombre d'Eglises de Réguliers oii l'on peut entendre la Messe à l'usage de Rome. Sa Sainteté lui avait déjà permis de la faire dire dans sa chapelle, et je ne lui ai jamais refusé une semblable permissio». Qu'est-ce qui l'a pu porter présentement h abuser de la bonté de Sa Sainteté pour obtenir une chose qu'il ne s'était jamais avisé de demander depuis tant d'années qu'il est gouver- neur, non plus que ses prédécesseurs , ni le Roi, ni les Souverains de cet Etat , ni môme les Lég its qui ont passé par ici , ou qui y ont de- meuré, autant que je puis le savoir? Je puis citer un exemple dont j'ai été témoin , c'est celui du cardinal Moroni qui , quoique Légat avec une pleins autorité , étant venu au Dôme , entendit une Messe basse suivant le rit Ambrosien; et le Visiteur Apostolique n'y a jamais dit la Messe , pour ne pas introduire dans cette église un usage dilférent de celui qui est si ancien.

Quand il a été nécessaire pour la commodité des Prêtres étrangers, ou des religieux qui faisaient la quête , je leur ai facilement accordé de dire la Messe suivant leur rit dans les lieux du Diocèse il n'y a ni Eglise, ni chapelle du rit Romain, et quoicjuc je l'aie fait avec reslric-

1

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tion, cela n'a pas laissé de causer quelquefois des murmures et du dé- ^ plaisir au clergé. Lorsqu'une fois je permis delà dire dans l'Eglise de M Saint-Ambroise de Milan pour favoriser la dévotion d'un religieux, qui ne devait la dire que dans une chapelle obscure et secrète , on en fit tant de bruit et il y eut tant da dépositions , que je fus d'abord obligé de la révoquer , en sorte qu'elle n'eut aucun effet.

Je laisse k juger ce que produirait cette permission accordée à ua magistrat aussi considérable qu'est le gouverneur , qui , sans aucun besoin , s'en servirait dans les principales Eglises de la ville oîi il a ac- coutumé d'aller accompagné d'un grand nombre de personnes , parti- culièrement les jours de fêtes et lorsqu'il y a musique Vous parlerez

à notre Saint-Père conformément à cette lettre, afin qu'il remédie à cette concession

De la Vallée de Gerça , le 12 novembre 1S78.

NOTE B.

Cœtus honorifici decus et gradus ordinis ampli ,

Quos colo corde , fide , religione patres : Jam dudum obliti desueto carminé plectri ,

Cogitis antiquam me renovare lyram. En stupidis digitis slimulalis tangere chordas ,

Cum milii non solito currat in arte manus. Scabrida nunc resonat mea lingua rubigine verba.

Exit et incompto raucus ab ore fragor. Vix dabit iu veieri ferrugine cotis acumen ,

Aut fumo infecto splendet in aère color. Sed quia dulcedo pulsans quasi malleus instat ,

Et velut incude cura relisa terit. Pectoris atque mei succenditis igné caminum

Unde ministratur cordis in arce vapor ; Obsequor hinc , quia me veluli fornace recoclo ,

Ariis ad officium vester adegit amor. Celsa Parisiaci cleri reverentia pollens,

Ecclesiîe genium , gloria, munus, honor. Carminé Davidico divina poemala"pangens,

Cursibus assiduis dulce revolvit opus. Inde sacerdotes, Leviticus hinc micat ordo,

lUos canities , hos stola pulchra tegit. mis pallor inest , rubor his in vultibus errât , Et candent rutilis lilia mixta rosis.

LITURGIQUES. 225

llli jam senio , sed et bi bene vestibus albent ,

Ut placeat summo picta coroaa Deo. In medio Gcrmaiius adest, autistes honore.

Qui régit hinc juvenes , subrigit inde senes. Levitac prœeunt; sequitur gravis ordo ducatum ;

Hos gradiendo movet, hosmoderando trahit. Ipse tacneu sensim incedit , velut alter Aaron ;

Non de veste nitens, sed pietate placens. Non lapides, coccus cidarim, aurum, purpura, byssus,

Exornant humeros , sed micat aima fides. Iste salis melior vetcri quam legc sacerdos,

Hic quia vera colit , quod prius umbra fuit. Magna futura putans, praîseutia cuncla refellens ,

Antea carne carens, quam caro fine ruens. Sollicilus , quemquam ne dévorât ira luporum ,

CoUigit ad caulas pastor opimus oves. Assiduis monitis ad pascua salsa vocatus ,

Grex vocem agnosceas , currit amore sequax. Miles ad arma celer, signum mox tianit in aures,

Erigit excusso membra sopore toro. Advolat ante alios , mysteria sacra requirens,

Undique quisque suo templa petenda loco. Flagranti studio populum domus irrigat omnem ,

Certatimque monent , quis prior ire valet. Pervigiles noctes ad prima crepuscula jungens ,

Construit angelicos turba verenda choros. Gressibus exertis in opus venerabile constans ,

Vim factura polo , cantibus arma movet. Slaiûina psalterii lyrico modulamiae texeus ,

Versibus orditum carmen amore trahit. Hinc puer exiguis attemperat organa cannis,

Inde senox largam ructat ab ore lubam. Cynabalicœ voces calamis miscentur acutis ,

Disparibusque tropis fistula dulce sonat. Tympana rauca senura puerilis tibia mulcet ,

Atque hominum reparant verba canora lyrara, Leniter iste trahit modulus , rapit alacer ille ,

Sexus et œtatis sic varia lur opus. Triticeas fruges fervens terit arca Chrisll,

Horrea quandoquidem construitura Dei. Voce Creatoris reminisceas esse bpa'os,

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Quos Domiaus vigiles , dum redit ipse , videt. In quorum meritis , animo, virtute, fideque,

Tegmine corporeo lumina quanta latent! Poutificis monitis clerus, plebs psallit et infans,

Unde labore brevi fruge replendus erit. Sub duce Germano felix exercitus hic est,

Moses , tende manus , et tua castra juva.

renantii Fortunati opéra. Lib. II. Caput XIII. Edit. Luclti. KOTE C.

De hymuis etiam canendis , et Salvatoris et Apostolorum babemus exeniplum : nara et ipse Dominus hymnum dixisse perhibetur, MattLœo Evangelista testante : Et liymno dicto , exierunt in montem Oliveti. (Matth. 26). Et Paulus Apostolus ad Ephesios scripsit , dicens: Im- plemini Spiritu, loquentesvos in psalmis , etinjmnis, et canticis spiri- tualibus (Eplics. 5/ Et quia nonnulli hymni humano studio in laudem Dei , alque Apostolorum et Martyrum triumphos compositi esse nos- cuntur, sicut hi quos bealissimi Doctores Hilarius alque Ambrosius edideruut, quos tamen quidam specialiter reprobant , pro eo quod de scripturis sanciorum cauoaum, Tel apostolica traditione non existunt; respuant ergo et illum bymaum ab hominibus compositum, quem quo- tidie publico privatoque Oflicio , in fine omnium psalmorum dicimus : Gloria et honor Patri, et Filio, et Spiiitui sancto , in secula seculorum. jimen. Nam et ille hymnus , quem , nato in carne Christo , Angeli ceci- nerunt: Gloria in excelsis Deo , et in terra pax hominibus bonœ volun" tatis; reliqua quae ibi sequuntur , ecclesiastici Doctores composuerunt. Ergo nec idem in Ecclesiis canendus est , quia in scripturarum sanc- tarum libris non invenitur. Componuntur ergo hymni , sicut compo- nuniur Jlissae, sive preces vel orationes, sive commendationes, seu manus impositiones: ex quibus si nuUa dicantur in Ecclesia , vacant OÛicia omnia ecclesiastica. Concil.Toletanum IF. Canon. XIII.

HTUIIGIQUES. 225

CHAPITRE IX.

AUTRE DIGRESSION : SUPx l'iiISTOIRE DES LITURGIES ORIEN- TALES : GRECQUE MELCIUTE ; COPTE , ÉTIIIOPIENKE , SYRIENNE , ARMÉNIENNE , POUR LA SECTE MONOPIIYSITE ; COPTE, SYRIENNE, ARMÉNIENNE UNIES; MARONITE; ET ClIALDÉENNE, POUR LA SECTE NESTORIENNE.

Les Liturgies des Eglises de l'Orient offrent à l'observa* leur un spectacle bien différent de celui que lui présentent les Liturgies de l'Occident. Déjà notre histoire est arrivée au neuvième siècle, et les progrès de la Liturgie dans l'Eglise Latine , loin de s'arrêter , promettent de s'étendre et de se développer dans les siècles suiyans : dans l'Eglise Orientale , au contraii'e , dès le neuvième siècle , tout s'apprête à finir pour la Liturgie , comme pour l'unité et la dignité du Chris- tianisme.

Cependant le point de départ de la Liturgie dans l'Orient fut imposant : elle commença, comme Liturgie chrétienne, à Jérusalem, non seulement par les actes et les paroles du Rédempteur des hommes , mais encore par les ordonnances des Apôtres qui fixèrent, ainsi que nous l'avons dit , la forme dans laquelle devaient être célébrés les .Mystères Chrétiens.

Devant traiter, dans une des divisions spéciales de cet ou- vrage , tout ce qui a rapport aux. Livres Liturgiques de toutes les Eglises, nous ne ferons ici qu'une brève énu- mération des diverses formes usitées dans les Eglises Orien- tales, pour les Onices divins.

D'abord , viennent les Liturgies Apostoliques. Celle attri- i. 1. lii

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buée à sainl Jacques est la principale et la plus auilienlique , au moins dans lagénéralilc de sa teneur. Elle fut long-temps suivie dans l'Eglise de Jérusalem, à l'exclusion de toute autre , et l'on voit assez clairement que c'est cette Liturgie que saint Cyrille explique dans ses Catéchèses. Il paraît dé- montré que l'Eglise de Jérusalem la gardait encore au neu- vième siècle, puisque Charles-le-Chauve, dans une lettre au clergé de Ravenne , atteste avoir fait célébrer eu sa présence les saints Mystères , suivant la Liturgie de Jérusalem , com- posée par l'Apôtre saint Jacques. Depuis lors, l'autorité du Patriarche de Constantinople a interdit , même à Jérusalem, l'usage de cette Liturgie, hors le 25 d'octobre , jour cette Eglise célèbre la fête de saint Jacques. Tous les autres jours de l'année , on doit employer les Liturgies usitées à Constan- tinople , et dont nous allons parler bientôt.

L'EgUse d'Antioche, dans l'origine, dut se servir d'une forme Liturgique instituée par saint Pierre, puisque le Prince des Apôtres fut le premier Evèque de cette ville. Cette Litur- gie de saint Pierre n'était-elle point la même que celle de saint Jacques? si elle en différait , quelle était sa forme ? Ces questions sont aujourd'hui devenues à peu près insolubles. Il est vrai que les Jacobitcs de Syrie, qui ont dans leurs livres un grand nombre de Liturgies ou Anaplwres, en ont mie qui porte le nom de saint Pierre : mais l'autorité de ces sec- taires est complètement nulle en matière de critique.

Quoi qu'il en soit, le Patriarche Melchite d'Antioche, ainsi que tout le clergé de son ressort , est contraint de suivre , comme celui de Jérusalem, la Liturgie de Constantinople, au moins depuis le douzième siècle. Nous rappellerons ici l'origine du nom de Melchite. Après la condamnation de Dioscore, patron du Monoplivsisnie, dans le Concile de Chal- cédoine, il .s'éleva enlre les Catholiques d'Aie:ùuidiie et

LITURGIQUES. 227

d'Anlioclio cl les disciples d'Eiilychès , un scliisme violent qui dure encore. Les Monopliysites donnèrent aux Catho- liques le nom de MelchUes , ibrnié de l'arabe Melek, (j[ui signifie Partisans du Prince ^ parce qu'ils se conformaient à redit de l'Empereur Marcien pour la publication et la ré- ception du Concile de Chalcédoinc. Long-temps, ce nom de Melchitcs a été le synonyme d'Orthodoxe : depuis le schisme Grec, il ne désigne plus que les Grecs qui sont unis au Pa- triarche de Constantinople. Aujourd'hui , la ville d'Antioche ayant été presque entièrement détruite, soit par les guerres, soit par les trembîemens de terre , le Palriarche Melchite a transféré son siège à Damas. Mais telle est l'ignorance et la dégradation du clergé de ce Patriarcal, que l'on est obligé, dans un grand nombre d'Eglises , de traduire la Liturgie du Grec en Arabe, non seulement pour l'usage du peuple, mais afin que les clercs puissent en lire et en comprendre les paroles.

L'Eglise d'Alexandrie, fondée par saint Marc , s'est servie, dans l'antiquité, d'une Liturgie qui porte le nom de cet Evan- géliste , et qui a été complétée par saint Cyrille. Depuis le douzième siècle , l'usage de celte Liturgie est entièrement aboli dans les Eglises qui dépendent du Patriarche Melchite d'Alexandrie. Ce Patriarche , qui réside au Grand-Caire , est astreint , ainsi que tout son clergé , à la Liturgie de Constan- tinople.

Enfin , le siège principal de l'Eglise Grecque Melchite, la nouvelle Rome, Constantinople, qui fait subir le joug de sa Liturgie aux Eglises qui lui sont restées fidèles, ne connaît que deux Liturgies , au moyen desquelles elle célèbre le ser- vice divin toute l'année. La première , appelée la Liturgie de saint Jean-Chrysostôme, sert tousles jours, sauf les exceplions ci-après ; c'est la seule qui contienne l'ordre de la Messe et les

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Rubriques. La seconde, qui est celle de saint Basile, est eh usage seulement la vigile de Noël, la vigile des Lumières ( ou de l'Epiphanie) , les Dimanches du Carême, sauf le Dimanche des Rameaux; la sainte et grande Férié { ou le Jeudi-Saint ) ; le Samedi-Saint, et enQn le jour de la Fête de saint Basile. Elle est plus longue que la pi-emière ; mais elle ne contient pas l'ordre de la Messe et les Rubriques : on les prend dans la Liturgie de saint Chrysostôme. Ce saint Docteur n'est point l'auteur de la Liturgie qui porte son nom : il paraît même qu'on l'a appelée, jusque dans le sixième siècle, la Liturgie des Apôtres. Quant à celle qui est connue sous le nom de saint Basile , il est mieux prouvé qu'elle appartient à ce saint Docteur.

Le premier monument dans lequel on trouve la manifes- tation du pouvoir du Patriarche de Conslantinople sur la Liturgie des autres Eglises Palriarchales Melchites, est un passage de Théodore Balsamon, au livre cinquième de son Droit Gréco-Romain. Ce jurisconsulte, membre distingué de l'Eglise de Constantinople , fut promu au siège d'Anlioche en 1 186. Il raconte que Marc , Patriarche d'Alexandrie, étant venu à Constantinople , prétendit célébrer les saints Mystères suivant une Liturgie particulière , et que lui, Balsamon, en présence de l'Empereur , disputa contre Marc , et soutint comme une vérité incontestable : « Que toutes les Eglises de Dieu devaient suivre la coutume de la nouvelle Rome , et » célébrer le Sacrifice suivant la tradition des grands Doc- » teurset Luminaires de la piété, saint Jcan-Chrysostômc et » saint Basile (1). »

(1) Quaproptcr omnies Eccleskc Dei sequi debent morem novae horase, nimirum Constantinopoli^, ot sacra celebrare juxta tradilioneni magiiorum doclorura, et luiniaariam pielatis saacti Joauiii^ Ohrysos- igiuicUau'.li Ba^ilii. Bulsamon, Jurii Cnvc lioin. iib. r, t'wjelijô.

LITURGIQUES. :229

Non soiilomolU la Lilnrgic proprement dite, c'est-à-dire la forme et les prières de la Messe , à l'usage de l'Eglise de Cloiislanlinople, est suivie dans toutes les Eglises Melchiles, mais encore les livres des Offices divins dont on se sert à donstantinople pour la célébration des Fêles de l'année chré- tienne, sont les seuls qui soient ert usage dans les Patriar- cats d'Alexandrie , d'Antioche et de Jérusalem. L'influence de la Liturgie do Constanlinoplc s'est môme étendue au- delà des limites trop restreintes de ces Eglises. C'est elle que suivent encore non seulement les Eglises schismatiques de la Servie, de l'Albanie, de la Géorgie et de laMingrélie, mais même toutes les Eglises du rit grec uni , ou non uni qui se rencontrent en Occident, à Rome même, à Venise, dans la Fouille, la Calabre, la Sicile, la Corse, la Hongrie, la Pologne, la Lithuanie , etc.

Mais, de toutes les Eglises du rit grec de Constantinople, la plus importante et la plus nombreuse est celle de P»ussie. Fondée au dixième siècle par des Missionnaires partis de Constanlinoplc, elle fut d'abord sous l'obéissance d'un Mé- tropolitain résidant à Kiow, et institué par le Patriarche de lu nouvelle Rome. A cette époque , le schisme avec les La- tins n'éiait pas encore entièrement consommé. L'Eglise de Russie suivit malheureusement la ligne que lui traçait sa mère ; en attendant le jour , pour complaire à un Tzar, elle trouverait à propos de renier celle mère , comme celle-ci avait renié Y ancienne Rome. On sait (|uc Pierre-le-Grand sup- prima , de sa propre autorité , le titre et la dignité de Chef ecclésiastique de l'Eglise Russe, que le Patriarche de Constan- tinople, en 1588 , avait transférés de Kiow à Moscou, avec la qualité et les honneurs de cinquième Palriarche , siégeant après celui de Jérusalem. L'Eglise Russe n'opposa aucune ré- sistance à la volonté du Tzar : elle consentit à ne plus relever

INSTITUTIONS

que d'un synode de Prélats nommés par lui : toutefois, en brisant le lien de la subordination à l'égard de l'Eglise de Constantinople, elle en a gardé la Liturgie , mais traduite en langue Slavonne. C'est aussi dans cette langue que l'emploient les Eglises Grecques unies ou schisrnaiiques de la Litiuianie , de la Pologne , de la Hongrie , etc.

Si nous en venons maintenant à rechercher les Liturgies des Eglises d'Orient qui ne reconnaissent point l'autorité des Patriarches Mdchites , nous trouvons d'abord celles dont se servent les Coptes , qui vivent sous la juridiction du Pa- triarche Jacobite d'Alexandrie. Ou sait que l'Eglise Copte est un débris encore considérable de l'hérésie des .Monophysites. Ces Liturgies sont : celle dite de saint Grégoire de Nazianze, dont ils se servent aux Fêtes de Notre-Seigneur et dans les jours les plus solennels ; celle de saint Cyrille , qui est en usage durant le Carême et l'Âvent , et pour la Commémora- lion des Défunts ; celle enfin de saint Basile , qu'ils emploient aux autres jours de l'année. Ces Liturgies sont traduites en langue Copte, et telle est l'ignorance du clergé Jacobite , que les livres qui les contiennent, pour l'usage de l'autel, ont une version arabe en regard du texte copte, qui n'est presque jamais entendu des Prêtres.

L'Eglise Ethiopienne, ou Abyssinienne, fondée au qua- trième siècle, par saint Frumence, envoyé d'Alexandrie par saint Athanase , après s'être préservée de l'Arianisme , eut , au cinquième siècle , le malheur de tomber dans le Mono- physisme , et , depuis lors , elle y est restée plongée. Elle n'a qu'un seul Evoque qui a le titre de Métropolitain , et reçoit son institution du Patriarche Jacobite d'Alexandrie, résidant au Grand-Caire. Outre les trois Liturgies des Copies dont nous venons de parler, les Ethiopiens en emploient dix autres , savoir de saint Jean l'Evangéliste , de saint Matthieu ,

MTURGIQUES. 25i

iloâ (rois ocnl ilix-lmil Pères Orlliodoxos, de Sîiint Fpipliane, (le Jacques do Sanig, de saint Jean-Ciirysoslùme, une inli- lulée de Notre-Seigneur Jésus-Christ , des saints Apôtres, de Cyriaque, enfin de l'impie Dioscore. Ces Liturgies sont en langue éthiopienne, dialecte qui diffère de l'arabe vulgaire.

Outre les Copies et leur patriarchat Jacobite d'Alexan- drie, la secte Monophysite compte encore de nombreux adliérens en Syrie , et y vit sous la juridiction d'un prétendu Patriarche d'Antioche qui réside dans un monastère nommé Saphran, à deux journées de Diarbckir. Cette branche d'Eu- lychiens se sert principalement de la Liturgie de saint Jacques : mais on trouve dans leurs livres un bien plus grand nombre d'autres Liturgies. On en compte au-delà de trente , la plupart composées par les coryphées du Mo- nophysisme, tels que Jacques d'Edesse et Philoxène. Ces Liturgies sont généralement en langue syriaque.

La troisième Eglise infectée de l'Eulychianisme , après celle des Coptes et celle des Syriens, est l'Eglise des Armé- niens. Elle est présidée par un Patriarche qui porte le titre de Cathohque et réside à Edchmiatsin , près d'Erivan. Trois autres Patriarches inférieurs viennent après lui , savoir ceux de Sys en Ciiicie , de Cachabar et d'Achtamar dans l'Asie- Mineure. L'Eglise Arménienne a une Liturgie qui lui est par- ticulière. C'est un coroposé , en langue arménienne , de diverses prières extraites des Liturgies grecques , et qui sont môme restées sous les noms de saint liasile, de saint Alha- nase et de saint Jean-Chrysoslùme. Le reste apparlicnl exclu- sivement à TEgiise Arménienne , et l'on ne peut disconvenir que cette Liturgie, qui est écrite dans la langue nationale, ne soit d'une grande beauté.

Parmi les Coptes , les Syriens et les Arméniens, on compte \\n certain nombre de Catholiques qui reconnaissent la dis-.

232 INSTITUTIONS

linclion des doux nnl lires en Jésus-Clirist ei sont soumis à l'autorité du Siège Apostolique. Ils observent la Liturgie en usage dans leur nation , sauf les changemens qui ont été or- donnés à Rome , pour assurer l'orthodoxie.

N'ous ne devons pas non plus passer sous silence la petite nation des Maronites, paisibles habitans du mont Liban , qui, après avoir suivi les erreurs du itonophysisme et du Mono- thélisme,les abjurèrent, au douzième siècle, pour embras- ser la foi de l'Egliso Romaine, à laquelle depuis lors ils sont restés inviolablement attachés. Ils sont régis par un Pa- triarche qui reçoit de Rome le Pallium. Leurs Liturgies qui sont en langue Syriaque , ont été imprimées à Rome pour leur usage et sont au nombre de quatorze , savoir, de saint Xyste, Pape de Rome , de saint Jean-Chrysostôme , de saint Jean l'Evangéliste , de saint Pierre , prince des Apôtres , des douze Apôtres, de saint Denys , disciple de saint Paul (1) , de saint Cyrille, de saint Mathieu, pasteur, de JeanBarsusan , de saint Eustache, de saint Maruthas, de saint Jacques, frère du Seigneur , de saint Marc, et une seconde de saint Pierre.

Outre les Liturgies qui sont, à proprement parler, les prières de l'autel , les diverses églises que nous venons de nommer ont d'autres livres pour les Offices divins et la célé- bration des fêtes , lesquels s'écartent en beaucoup de choses de ceux de l'Eglise Melchite, bien qu'ils conservent avec ces derniers certains rapports dans le style , et la forme des prières.

Il nous reste encore à parler des Xestoriens et de leurs Liturgies. Ces tristes débris d'une malheureuse secte non moins subversive du mystère fondamental du Christianisme

(1) C'est l'iiiiôt celle d-^ Denys l^arsalibi , rôlèbre Jacobjto,

LITURGIQUES. 235

que le Monopliysismc qui lui succéda sans la (Ukruiro , por- tent vulgaiicmenl le nom de Chaldéens ou Chrétiens orien- taux. Leur Patriarche prend le titre de Catholique , et réside à Bagdad. L'Eglise Nestoricnnc , qui s'est étendue autrefois jusqu'aux Indes, et qui est aujourd'hui considéra- blement réduite , a trois Liturgies : celle de Théodore de Mopsueste , qui sert de l'Avent jusqu'à Pâques ; celle des douze Apôtres, qui sert de Pâques jusqu'à l'Avent ; et celle de Nestorius^ qui n'est en usage que cinq jours dans l'année. Au seizième siècle , les Portugais ayant formé d'imporlans éta- blissemens dans les Indes Orientales , et fondé le siège archi-épiscopal de Goa, Menezès, Archevêque de cette ville, s'appliqua sérieusement à la conversion des Chrétiens Nés-» toriens du Malabar, et pour garantir l'orthodoxie de ceux qu'il avait ramenés à la vraie foi , il corrigea la Liturgie des douze Apôtres, comme la plus usitée : il fit même traduire le Missel Romain en syriaque , qui est la langue de la Liturgie Nestorienne : mais on ne voit pas que de grands résultats aient été produits par ces mesures , qui annonçaient peut- êli'e plus de zèle que de discernement.

Telle est la statistique générale des Liturgies de l'Orient. Nous ajouterons à ce tableau les considérations suivantes.

D'abord , on a remarquer le principe de l'unité litur- gique consacré dans l'Eglise Melchile de Constantinople , Alexandrie, Antiochc , Jérusalem , etc. Ce fait a une grande portée. En premier lieu, il explique le maintien de l'union de foi et de discipline entre les différentes familles du schisme Grec. Il y a long-temps qu'elles se fussent scindées entre elles , si ce lien ne les eût pas retenues. Mais comment s'isoler du siège de Constantinople , quand on est astreint à suivre la Liturgie de Constantinople? L'autorité du Patriarche de cette Eglise ne repose-t-elle pas sur le texte mêipe des

254 INSTITUTIONS

prières sacrées dans lesquelles on lit son nom , la grandeur et la suprématie de son Siège ? Le peuple , aussi bien que le clergé ne connaît-il pas de cette manière les droits de VEvêque Ecuménique , qui confirme les Patriarches, comme ceux-ci confirment les Métropolitains et les Evêques? Voilà pour le lien de discipline et de subordination. L'unité de foi s'est gardée aussi par la Liturgie. Sans aucun doute, si l'Eglise Mekhite a conservé jusqu'à présent la foi primitive, à l'ex- ception de quelques articles, elle le doit à l'inviolabilité des formules saintes, qui ne sont inviolables que parce qu'étant universelles , on ne pourrait les changer sans réclamation. On doit se rappeler le soulèvement qu'excita en 102^, dans l'Eglise Melchite , le Patriarche Cyrille Lucaris , qui avait embrassé, sur l'Eucharistie, la doctrine Calviniste. Les autres Patriarches , dans leur Concile de Jérusalem , l'anathémati- sèrent comme le violateur des saintes Traditions , un nova- teur qui renversait l'autorité des Pères.

En second lieu , on doit observer ce qui est arrivé à cette grande province de l'Eglise Melchite qui se nomme l'Eglise Russe. C'est que, dans son sein, l'unité de foi est constamment menacée , depuis qu'elle a été violemment soustraite par Pierre-le-Grand au lien qui l'unissait au Patriarche de Constantinople , et par même à sa Liturgie. Il est vrai que cette Liturgie existe encore de fait dans les Eglises Russes : mais quelle autorité empêchera le saint Synode , respon- sable seulement devant l'Autocrate, d'introduire dans cette Liturgie, désormais sans défense, tels dogmes, telles pra- tiques que bon lui semblera ? Et comme la Liturgie est la plus populaire et en même temps la plus haute prédication, qui retiendra les Eglises de la Russie entraînées d'erreure en erreurs, par l'ascendant toujours irrésistible des formes Liturgiques? C'est bien ici le lieu de reconnaître que l'unité

LITURGIQUES. 255

entretenue par raiitorilé du Patriarche de la Nouvelle Rome, ne pouvait durer qu'un temps. C'est la retraite d'une armée en déroute. Tant que les Grecs ont vécu sous le sceptre de rislamisme , leur Orthodoxie n'a couru aucun risque : ni le Grand-Seigneur, ni ses Pachas ne pouvaient rien prétendre sur la forme à donner aux Mystères d'une religion qu'ils avaient en horreur. Mais pour les Grecs soumis à un prince Chrétien, il en est tout autrement. Leur Eglise n'ayant qu'une autorité humaine , puisque le centre sur lequel elle repose n'a point de sanction divine, le prince en question trouvera, tôt ou tard, que son autorité humaine à lui vaut bien celle de ses Prélats, et il ordonnera dans l'Eglise ce qu'il enten- dra. C'est ce que ne manquèrent pas de faire les Empereurs de l'ancienne Byzance ; c'est ce qu'ont fait en Russie Empe- reurs et Impératrice ; c'est ce que l'on a déjà commencé de voir, dans le petit royaume de Grèce, que son roi Olhon vient de détacher de l'obéissance du Patriarche de Constan« tinople.

En troisième lieu , sans parler même de l'époque de dis- solution proprement dite , qui doit infailliblement arriver pour toute Eglise séparée , il est ejicore une considération importante à faire sur le genre d'unité conservée par l'Eglise Grecque dans sa Liturgie. Sans doute les efforts de l'auto- rité patriarcale pour maintenir cette unité et les avantages qu'elle a produits en retardant la ruine entière du Christia- nisme en Orient , sont louables , en même temps qu'ils sont un hommage rendu à la sainte politique du Siège Aposto- lique dans l'Occident ; mais d'oii vient que l'unité qui donne la vie dans l'Eglise Latine est impuissante à la ranimer en Orient ? C'est que l'unité, qui est la condition d'existence de toute société, n'est vraiment constituante qu'autant qu'elle résiille de l'adhérence des membres divers ù leur centre

236 . mSTITUTIONS

véritable et naturel. Uome est la force vitale de l'Eglise Ca- tholique , parce que Rome est inamovible dans la foi , parce qu'elle est le fondement posé , non par l'homme , mais par Jésus-Christ. Une Liturgie conforme à celle de Constanti- nople peut donc être orthodoxe de fait ; une Liturgie con- forme à celle de Rome est à la fois orthodoxe de fait et de droit. Il est vrai que jusqu'ici la Liturgie des Eglises Mel- chites ne renferme pas d'erreurs par affirmation ; mais elle en renferme par négation , le nom du Pape ne se récitant plus dans les Diptyques, comme aux premiers siècles, et les points convenus entre les deux Eglises à Lyon et à Flo- rence, n'étant l'objet d'aucune confession expresse, dans les prières de l'Office , en même temps qu'ils sont expressément niés par les Pasteurs et leurs fidèles.

Toutefois, il est un fait curieux à observer dans les mœurs liturgiques de l'Eglise Grecque , c'est que , tout en demeu- rant sépaiée violemment du Siège de Rome , tout en niant expressément sa principauté sur toutes les Eglises; dans plu- sieurs endroits de sa Liturgie , elle rend un hommage à cette principauté. Joseph de 3Iaistre , dans l'admirable livre du Pape, a recueilli ces passages, que tout le monde y a lus avec étonnement (1) , et qui retentissent à la fois en langue slavonne sous les dômes de Kiow et de Moscou , et en langue grecque dans les Eglises de Constantinople. Que prouve cette inconcevable contradiction ? Deux choses , à notre avis. D'a- bord, l'intention de la divine Providence, qui a voulu donner l'Eglise Grecque en spectacle aux nations , comme un nou- veau peuple juif, afin que, dépositaire des témoignages de l'antiquité, elle attestât, par le fait même de ses croyances et de ses usages , l'antiquité des croyances et des usages de

(1) Du Pape. Liv. I. Cbap. II,

LITURGIQUES. 237

l'Eglise Latine , à laquelle on ne peut la soupçonner d'avoir emprunté ([uoi que ce soit. Nous, nous voyons, en outre, clans ce fait, une preuve de plus du senliracnt inné dans toutes les Eglises et fondé sur la nature des choses , du sentiment , disons-nous, de la nécessité d'une Liturgie immuable, du moment que les formes du culte ont été fixées solennel- lement. Les Grecs ont préféré garder ces textes qui les condamnent, plutôt que de scandaliser les peuples par des changemens, ou de porter atteinte à l'unité de leur Eglise en attaquant , par un funeste exemple , l'intégrité de la Liturgie qui maintient seule cette unité.

En quatrième lieu , on doit remarquer dans la Liturgie Grecque un caractère particulier qui dénote admira}3lement la dégradation de l'Eglise qui l'emploie. Ce caractère, op- posé à la marche de toute véritable orthodoxie , est une immobilité brute qui la rend inaccessible à tout progrès. Dans l'Eglise Latine , en même temps que les hérésies suc- cessives ont fourni matière aux développemens du dogme , les développemens du dogme eux-mêmes ont cherché leur expression dans la Liturgie. De nouvelles fêtes sont devenues nécessaires; de nouveaux rites, de nouveaux Oflices sont venus tour à tour enrichir l'année chrétienne de leurs pompes, sanctifier le peuple fidèle par l'application des grâces dont ils sont la source. En outre , non moins féconde que dans ses anciens jours , l'Eglise a produit en chaque siècle de nou- veaux Apôtres, de nouveaux Martyrs , de nouveaux Doc- teurs : des Pontifes, des Confesseurs, des Vierges sont venus ajouter leurs noms à la liste triomphante de ces héros que nous avaient légués les premiers âges du Christianisme. La Liturgie Latine rénéchit l'éclat de ces brillantes constella- tions dont le ciel s'embellit de siècle en siècle. En vain cher- cheruil-ou leur trace dans les M' nées des Grecs : et non

258 LNSTITUTIONS

seulement on n'y rencontre pas les Saints de l'Eglise Latine , mais l'Eglise Grecque est devenue comme impuissante à en proclamer de nouveaux, dans son propre sein, du moment que le schisme et l'hérésie l'ont paralysée au cœur. Depuis huit siècles, son calendi-ier n'a pas fait un pas; depuis huit siècles, pas une fête nouvelle n'est venue attester ou l'amour, ou l'es- pérance, ou la reconnaissance de cette Eglise envers celui qui l'avait autrefois pour épouse. Elle ignore la solennité du Saint-Sacrement, les pompes de ce grand jour à la fois si magnifiques et si touchantes. Elle ignore tout ce qui s'est passé dans le monde chrétien, depuis qu'elle est morte à la grande Unité Romaine. Encore une fois, ces livres litur- giques, rédigés à l'âge de la foi et de la vie, maintenant muets, incompris , immobiles aux mains des Pontifes Grecs, ne rappellent-ils pas la Bible conservée , lue , récitée par les Juifs avec un respect aussi stérile qu'il est inviolable. Aussi , cette Liturgie qui porte les noms révérés des Basile , des Chr^'sostôme , des Jean Damascène , a été impuissante à garantir de l'abrutissement le malheureux clergé qui la célèbre : et si, dans quelques lieux , cet abrutissement n'est pas synonyme d'ignorance crasse, si la Russie, par exemple, offre un clergé de jour en jour plus éclairé, on sait à quoi s'en tenir sur la moralité de ces Prêtres et de ces Pontifes qui ont cessé de voir le Chef du Christianisme dans l'Evêque de Byzance , pour le vénérer dans un Pierre dit le Grand, dans une Catherine II , dans un Nicolas I.

Les dimensions de cet ouvrage ne nous penuettent pas de développer davantage ces considérations, en même temps qu'elles nous ont contraint de nous restreindre au plus strict laconisme dans letal)leau que nous avons tracé de la situa- lion respective des diverses Liturgies de l'Orient. \Nous fini- rons ce qui regarde celle de l'Eglise Grecque par la réflexion

LITURGrQUES. 25&

suivante. Supposons que dos la paix de l'Egliso , le Siège Apostolique eût pu librement et avec discrétion, amener tontes les églises de l'Orient à la pratique de la Liturgie Ro- maine, à l'usage de la langue latine ; que les souverains Pontifes eussent, comme dans l'Occident, réglé avec le plus minutieux détail toutes les particularités de rOflîcc divin , reçu toutes les consultations des Eglises d'Orient à ce sujet, dii'imé toutes les questions relatives aux formules sacrées , ou aux cérémonies ; qu'ils eussent prévenu ou arrêté le dan- ger des innovations dans la doctrine ou dans la discipline , par l'établissement de fêtes nouvelles, par la promulgation de formules de prières obligatoires , en un mot, par tous ces moyens qui ont fait du calendrier du Bréviaire Romain une sorte de tableau des nécessités dans lesquelles l'Eglise s'est trouvée et auxquelles le Saint-Siège a satisfait: supposons, disons-nous , qu'il en eût été ainsi ; qu'auraient pu faire Plîotius et Michel Cérulaire, contre la simple résistance pas- sive que leur eût opposée tout cet ensemble à la fois popu- laire et sacerdotal? Il est grandement probable que le schisme n'eût pas si aisément remporté une victoire qui, d'ailleurs, lui a été long-temps disputée, quoique déjà tant de causes d'isolement tirées de la langue, de la nature des institutions patriarcales , semblassent la lui avoir préparée. Oui , nous le disons avec conviction , Constantinople , Alexandrie , An- tioche, Jérusalem, seraient encore Catholiques aujourd'hui , s'il eût été possible d'astreindre ces Eglises au rite et à la langue des Latins ; et si ces Eglises fussent restées unies de fraternité à celles de l'Occident , il est probable encore que l'Islamisme n'eût point asservi les heureuses contrées qu'elles éclairèrent long-temps delà vraie lumière; la ci- vilisation n'y eût point péri , la race humaine n'eût point vu ^'éteindre sa dignité soûl* lejon^; du plus ignoble esda-

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vage; en un mot, les destinées de l'Eiirope et de l'Asie com- promises et retardées de mille ans par le schisme, se seraient accomplies , et nul ne sait ce qui serait résulté de tant de gloire et de tant de force réunies à tant de vérité et tant d'amour. Mais des obstacles invincibles s'opposaient à cette union : tant de bonheur n'était pas de la terre. Nous , du moins, Calhohques de l'Occident, apprenons de à es* timer l'unité liturgique dans toutes ses conséquences, cette unité qui sera toujours pour nous , tant que nous y serons fidèles, le premier moyen de l'orthodoxie, et, partant, le plus fort lien de la nationalité Catholique. Si elle existe, ne soyons pas assez malheureux pour la briser: si elle a existé , plaignons ceux qui ont été assez téméraires pour lever la main contre elle.

La plupart des considérations que nous venons de faire sur la Liturgie de l'Eglise Grecque Melchite , s'appliquent naturellement aux Liturgies des Eglises Copte , Ethiopienne , Syrienne, Arménienne et Chaldéenne. Ajoutons que l'isole- ment dans lequel vit , à l'égard des autres , chacune de ces fa- milles d'un Christianisme dégénéré, les a mises de bonne heure en danger de voir, chez elles , la Liturgie se corrompre et devenir l'expression de dogmes hérétiques. Sous ce rapport, ces malheureuses Eglises présentent les traces d'une dégra- dation qui les met incontestablement au-dessous de l'Eglise Melchite. Du moins, les diverses provinces de celle-ci , tant qu'elles restent à l'étal d'Eglises unies à un centre ecclésias- tique, gardent les anciennes formes du culte; les erreurs qui les paralysent n'ont pas même une expression affirmative dans la Liturgie. Les Monophysites et les Nestoriens, au contraire , portent de honteuses traces de leur défection de la vraie foi , et les noms de Dioscore , de Philoxène , de Jacques d'Edcsse , de Théodore de Mopsuesle , et enfin de

LITURGIQUES. 241

Ncstoriiis, souillent jusqu'aux livres do l'aulel. De résulte une sorte d'iuipossibilité do revenir à l'orthodoxie ; car pour cela , il faudrait changer la Liturgie , et la Liturgie est de sa nature une chose immuable, qui a sa racine dans les habi- tudes les plus sacrées. L'histoire confirme cette induction de la manière la plus lamentable. On a vu souvent des réu- nions partielles de ces diverses Eglises au Siège i^)ostolique : mais elles ont toujours échoué contre le préjugé, si louable en lui-même , qui poursuit tout changement dans la Liturgie. Cependant Rome ne pouvait recevoir ces familles séparées à une réelle et durable unité, qu'après avoir pris les moyens d'arrêter le règne de l'hérésie, en réformant le texte de la Liturgie dans les endroits il était impur. Depuis trois siècles, les Souverains Pontifes ont établi à Rome une Con- grégation spéciale pour la correction des llcrcs de l'Eglise Orientale : mais ces Liturgies, ainsi expurgées, ont été sou- vent une pierre de scandale , le texte de déclamations furieuses pour les sectaires opiniâtres , l'occasion de re- chute pour plusieurs de ceux qui avaient momentanément ouvert les yeux à la lueur de l'orthodoxie.

Concluons de l'ensemble des faits énoncés dans ce cha- pitre, que l'unité et l'immutabilité de la Liturgie sont un si grand bien, que les sectts séparées de l'Orient lui doivent absolument ce qu'elles ont conservé de Christianisme ;

Que cette unité ne peut avoir de résultats importans qu'autant qu'elle provient de la conformité des usages Htur- giques des diverses Eglises , avec ceux d'une Eglise-Mère et principale ;

Que cette conformité étant détruite , une Eglise , qui s'est ainsi isolée, court les plus grands risques , puisqu'elle de- meure sans contrôle, et ne peut plus avoir qu'une orthodoxie de fait, qui n'est même pas assurée pour le lendemain ;

T. I. 16

242 INSTITUTIONS

Que la Liturgie tombe au pouvoir du priuce , en pro- portion de ce qu'elle se sépare de l'autorité du Chef majeui' ecclésiastique ;

Que la Liturgie, môme d'une grande Eglise, se trouvant être distincte de celle que promulgue TEglisc-Mère, devient par-là même étrangère aux perfectionnemens qui s'opèrent dans celle-ci ;

Que la Liturgie qui est destinée à sceller la foi des peuples, puisqu'elle en est la plus haute et la plus sainte expression, devient quelquefois l'nistrument maudit qui déracine cette foi , et en empêche le retour ;

Qu'enfin les Eglises de l'Occident doivent, eu considérant les malheurs du Christianisme en Oi'ient, s'attacher fortement à l'unité liturgique qui, à elle seule, eût pu non seulement détourner, mais même rendre à jamais impossibles le schisme et l'hérésie qui les ont préparés.

LlTUnCIQULS. 84$

CIIAPIÏUE X.

Abolition m: la liturgie gallicane, lntroduction de la

LlTUROn: ET nu C1LV>T de l'église UOMALNE en FRANCE. PREMIÈRE ORIGINE DE LA LITURGIE ROMAINE -FRANÇAISE. MODIFICATIONS INTRODUITES DANS LE CHANT. AUTEURS H- TURGISTES DES IX' ET X"^ SIÈCLES.

L'Eglise d'Occident va désormais occuper seule notre at- tention ; nous conlinucrons néanmoins d'enreyistrcr les noms et les travaux du petit nombre des liturgisles que l'Eglise d'Orient compte encore , dans le cours des siècles qui nous restent à raconter. Sous le point de vue qui nous occupe , comme sous tous les autres, l'histoire ecclésiastique des Grecs et des autres Chrétiens Orientaux tire à sa fin , passé l'ouver- ture du neuvième siècle : toute la vie, tout l'intérêt, sont transportés en Occident. Aussi verrons-nous que la Liturgie y est appelée à prendre de grands déveioppcmcns, par l'ap- plication de ces principes d'unité que nous avons déjà vus maintes fois promulgués , soit par le Siège Apostolique , soit par les Conciles des différentes provinces de la Chrétienté occidenlale.

Nous avons laiisé noire récit au moment la Liturgie Romaine, sortant des mains de saint Grégoire le Grand, préludait à ses futures conquêtes, par son introduction paci- fique dans les nouvelles Eglises que îesenfans de saint Benoît fondaient, de jour en jour, dans la Grande-Bretagne, la Ger- manie , et les royaumes du Nord de l'Europe. Maintenant un spectacle nouveau s'offre à nos regards, Une grande Eglise ,

244 INSTITUTIONS

toujours demeurée orlhodoxc depuis son origine , l'Eglise Gal- licane , pourvue d'une Liturgie nationale , rédigée par les plus saints docteurs , et pure de toute erreur , renonce à cette Liturgie et embrasse celle de Rome, afin de resserrer da- vantage les liens qui l'unissent à la Mère et Maîtresse des Eglises, et d'assurer à jamais dans son propre sein la perpé- tuité d'une inviolable orthodoxie. La France dut ce bienfait à ses grands chefs , Pépin et Charlemagne ; mais il est juste de dire que le clergé seconda avec zèle et franchise les pieuses intentions du souverain. Pourquoi faut-il qu'à une autre époque nous ayons à raconter les efforts de ce même clergé pour anéantir cette unité liturgique , si chère à nos pères durant tant de siècles !

La race Carlovingienne, qui dut au Siège Apostolique, en la personne du Pape saint Zacharie, la consolidation -de son avènement à la puissance souveraine , avait été destinée par la Providence à rendre à la société chrétienne le plus grand de tous les services , en fondant l'indépendance temporelle des Pontifes Romains, et en prêtant l'appui de la force pu- blique à la réformatiou du clergé, par les immortels Capitu- laires que dressèrent les premiers princes de cette dynastie. Il était temps pour l'Europe haletante de se reposer dans l'u- nité d'un gouvernement fort et protecteur. Charlemagne allait bientôt paraître ; mais Pépin devait l'annoncer au monde et à l'Eglise.

Les violences des Lombards, que ne pouvaient plus réprink r les empereurs d'Orient , forçaient désormais les Papes à se jeter entre les bras des Français , qu'ils avaient toujours trou- vés fidèles au Siège ApostoHquc, et qui semblaient à la veille de recevoir et d'exécuter, de concert avec l'Eglise , la haute mission d'organiser un nouvel Empire Piomain. Les rappoils de Rome avec lu France devenaient donc plus fréquens , de

LITURGIQUES. 245

jour on jour , et la ninjoslé du Siège Apostolique ne pouvait manquer de subjuguer, comme toujours, ceux ([ui allaient conclure avec lui une si élroile alliance. Il se trouva que Pcpia- Ic-Bref était à la hauteur de sa mission : la dureté soldatesque (le Cliarlcs-MiU'tel envers l'Eglise n'avait point passé dans sou fils. Il accueillit avec une tendresse filiale la demande de se^- cours que lui fit , en 754 , le Pape Etienne II , opprimé par Astolphe , roi des Lombards , et ce Pontife ayant témoigné le désir de venir chercher en France un asile momentané , Pépin députa vers lui saint Chrodegang , Evêque de Metz.

Cet illustre Evoque préparait alors une œuvre bien impor- tante pour la régénération dos mœurs du clergé. Toutle monde sait que l'institution dos Chanoines vivant sous une règle, desservant l'Eglise Cathédrale , et uljsorvant la vie commune , la pauvreté religieuse et le vœu d'obéissance à l'Archidiacre, remonte à saint Chrodegang , et que cette institution si féconde en fruits de salut pour le peuple , et d'édification pour le clergé lui-même , fut imitée sous Charlemagne par la plupart des Evéques de France.

Saint Chrodegang étant donc allé à Rome chercher le Pape Etienne, se confirma dans ses projets, sans doute après avoir été témoin de la vie exemplaire des divers collèges ec- clésiastiques qui desservaient les Basiliques , et particulière^ ment des moines du Patriarchium de l'Eglise de Latran. Pour unir davantage le clergé do l'Eglise de Metz à l'Eglise Ro- maine , et donner aux Offices divins une forme plus auguste , il introduisit dans sa cathédrale le chant et l'ordre dos Oflices de l'Eglise Romaine (I).

Ce fait important, mais isolé, no larda pas à être suivi

(1) Ipsumque cleriun abuiulanler lego divina , romanaquc imbulum canlilena, morem aiquc ordinem Uomaaœ Ecc-Icsiae scrvare prœcepit. Paulus Hiaconus, apnd D.ucheme, IlisC, Franc, Tom. IL Page ^04.

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d'un autre , gcnéi':»] et solennel. Le Pape Etienne étant entré en France, et ayant été reçu par Pépia avec tontes sortes d'honneurs, traita avec ce prince, non seulement de la li- berté et de la défense de l'Eglise de Rome contre les Lom- bards , mais aussi des nécessités présentes de l'Eglise de France. Il demanda au roi , en signe de la foi qui unissait la France au siège Apostolique , de seconder ses efforts pour introduire dans ce royaume les Offices de l'Eglise Romaine, à l'exclusion de la Liturgie Gallicane. Le roi seconda ce pieux dessein , si conforme d'ailleurs à la franche orthodoxie de son cœur , et les clercs de la suite d'Etienne donnèrent aux chantres français des leçons sur la manière de célébrer les Offices (1). Nous citerons à ce sujet les paroles de l'auteur des livres Carolins , ouvrage qui , il est vrai , ne fut pas écrit par Charlemagne, mais dont cet empereur a déclaré depuis adop- ter le fond et la forme. L'auteur parle donc au nom de ce prince : « Plusieurs nations se sont retirées de la sainte et vé- » nérable communion de l'Eglise Romaine ; mais notre Eglise » ne s'en est jamais écartée. Instruite de cette apostolique tra- » dition , par la grâce de Celui de qui vient tout don parfait , » elle a toujours reçu les grâces d'en haut. Etant donc, dès les ï premiers temps de la foi, fixée dans cette union et cette re- » ligion sacrée, mais s'en trouvant en quelque chose séparée » (ce qui, cependant , n'est point contre la fui) , savoir dans » la célébration des Offices , elle a enfin connu l'unité dans » l'ordre de la psalmodie , tant par les soins et l'industrie » de notre très - illustre père, de vénérable mémoire, le » roi Pépin , que par la présence dans les Gaules du très- » saint homme Etienne , Pontife de la ville de Rome ; en sorte » que l'ordre de la psalmodie ne fût plus diflerenl entre ceux

fi) Walaffid Siràbo. De Bebus Ecclesiasdcls, Cap. XXY.

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» que réunissnil l'iinlonr d'iino môme foi, et que ces deux » Eglises , jointes ensemble dans la lecture sucrée d'une seule ï et même sainte loi, se trouvassent jointes aussi dans la vé- ï nérable tradition d'une seule et même mélodie ; la célé- > bralion diverse des Olïices ne séparant plus désormais ce I qu'avait réuni la pieuse dévotion d'une foi unique (1). »

Dans le Capitulaire , dressé en 789, à Aix-la-Chapelle, Cliarlemagne exprime formellement l'acte souverain par lequel Pépin supprima l'OiTice Gallican , j)o^ir pl^is grande union avec l'Eglise Romaine, et afin d'établir dans l'Eglise de Dieu une 'pacifique concorde (2).

Après avoir obtenu ce signalé triomphe en (iiveur de l'u- nité liturgique , Etienne repassa les monts , et, peu de mois après , Fulrade, Abbé du Mont Cassin , déposait , sur la Con- fession de Saint Pierre , les clefs de vingt-deux villes que Pépin avait arrachées à Astolphe. Ainsi , la puissance tem- porelle des Pontifes Romains commençait avec le règne de la Liturgie Romaine dans les Eglises du royaume très Chré- tien.

Le moine de Saint-Gall nous apprend, dans sa Chronique, que le Pape Etienne , pour satisfaire au désir de Pépin , lui envoya douze chantres qui , comme douze Apôtres, devaient établir dans la France les saines traditions du chant Grégo- rien (5).

(1) Yid. li note A.

(2) Monaclii ut canUim roinanum pleniter et ordinabiliter pcr noc- lurnale et gradale oftieium peragant , sccundum quod beal;o memoria; geuitor noster Pipiaus rex deceriavit ul lieret , quaiido Gallicaniim cauliim lulil, ob unanirnilatem AposloUcui Sedis et saaclie Dci Eeclesia; pacilicam concordiam. Bulvzii CapituL Jquisgiumcn. 789. Cap. XC.

(5) Stephanus Papa Pipiai i)jii;8 voluntali et studiis divinilus ins])i- ralis asseasiuiî piabans, secuudura numerum X!I Apostolorum , de Sade Aposlolica daodecins Cli^ricos doilissimos caïuilcna^ ad cum iq Franciam direxit. ClironicoH. San Gallense. Lib, 1. Cap. X.

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Saint Paul I'' remplaça peu après Elieuiie sur le siège' de Rome. Il eut aussi des rapports avec Pépin, au sujet de l'introduction récente des usages Romains dans l'Eglise de France. Remedius , frère de Pépin, et Arclievôque de Rouen , avait, dans le même but, envoyé à Rome quelques moines pour y être instruits dans le chant ecclésiastique ; le Pape écrit à Pépin que ces m.oines ont été placés sous la discipline de Siméon, le premier Chantre de l'Eglise Romaine, et qu'on les gardera jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement exercés dans le chant ecclésiastique (1). Dans une autre lettre , le Pontife écrit au Roi : « Nous vous envoyons tous les livres que nous » avons pu trouver , savoir YAntiphonaire , le Responsal , la î Dialectique d'Aristote , les livres de saint Denys l'Âréopa- s giie , la Géométrie, l'Ortographc, la Grammaire , et une «horloge nocturne (2). » On voit par ce passage vraiment curieux avec quel détail les Pontifes Romains remplissaient leur tâche de civilisateurs de l'Occident , et comment l'adop- tion des usages liturgiques de Piome par les Eglises de France, tenait à cet ensemble de faits , qui devait élever si haut la prépondérance de notre nation , quand le grand homme appelé à combiner tant et de si riches élémens aurait apparu.

Charlemagne vint enfin. 11 n'est point de notre sujet de décrire ici tant de grandeur , tant de génie , et le sublime et saint emploi que Charlemagne sut faire de cette grandeur et de ce génie ; nous donnerons seulement ici quelques faits de sa vie , pris dans la ligne des événemens que nous ra- contons.

On sait l'amour filial que Charlemagne porta au Pape saint Adrien, qui monta sur le Saint-Siège en 772. A peine ce

(1) Concil. Labb. Tom. VI. P. 1688.

(2) Pauli I. Epis. XXV. Apud Gretserum.

LITURGIQUES. 249

saint Pontife fut assis sur la Chaire de saint Pierre, qu'il adressa au Roi Charles les plus vives instances pour le porter à imiter les exemples de Pépin, en propageant la Liturgie Romaine ; c'est ce qui est rapporté dans les livres Carolins , à la suite du passage que nous avons cité plus haut : « Dieu , » y est-il dit , nous ayant à notre tour conféré le royaume ï d'Italie , nous avons voulu exaller la grandeur de la Sainte » Eglise Romaine , et obéir aux salutaires exhortations du i Révérendissime Pape Adrien ; c'est pourquoi nous avons » fait que plusieurs Eglises de cette contrée^ qui autrefois » refusaient de recevoir dans la psalmodie la tradition du » Siège Apostolique , l'embrassent maintenant en toute dilir » gence , et adhèrent dans la célébration des chants ecclé- j> siastiques à cette Eglise , à laquelle elles adhéraient déjà » par le bienfait de la foi. C'est ce que font maintenant , » comme chacun sait , non seulement toutes les provinces » des Gaules , la Germanie et l'Italie, mais même les Saxons, » et autres nations des plages de l'Aquilon , converties par » nous, moyennant les secours divins, aux enseignemeus de » la foi (i). »

Afin d'employer dans l'établissement de l'unité liturgique des sources d'une pureté incontestable , quoique déjà on eût envoyé de Rome à Pépin diverses copies du Sacramen- taire Grégorien , Charlemagne ne laissa pas d'en demander un nouvel exemplaire à saint Adrien (2) . Nous venons de citer le Capitulaire d'Aix-la-Chapelle , en 789 , dans lequel

(1) Vid. la note B.

(2) De Sacrameniario vero , a sancto prrpdecessore noslro deifluo Gregorio Piipa disiiosilo, jaQi[)ridem Paulus grammaiicus a nobis eum pro vobis peliit , et secuadum saQciœ nostrœ ficclesiae traditionem per .loannemal)!)atemExceîlentiae vosti'X eraisimus. Puclwsne, Hist. franc. Tom. ni. Pag. 708

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ce prince requiert l'o])servni!on du rite Romaiu , tant dans les Offices divins qu'à la Messe elle-même , pcr nocturnale et Gradale Ofjîcium. Les Capitulaires sont remplis d'allusions à celte mesure , prise dans toutes ses conséquences. C'est aussi sous l'inspiration de Charlemagne que le Concile de Mayence, en 815, décrète que l'on suivra fidèlement le Sa- cramentaire Grégorien, dans l'administration du Baptême (1). Mais il était un point sur lequel le génie français résistait, malgré lui-même , aux pieuses intentions de Charlemagne et de Pépin. Ce dernier avait pu, sans doute, introduire le chant de l'Eglise Romaine dans les Eglises de France; mais il n'était pas en son pouvoir de le faire exécuter avec la perfection des chantres romains, ni de le défendre, dans toutes les localités, des prétendues améliorations dont l'habi- leté des Clercs Français croirait devoir l'enrichir. Il arriva donc qu'en peu d'années les sources si pures des Mélodies Grégoriennes, contenues dans les Ântiphonaires envoyés par Etienne II et Puul I , s'étaient déjà corrompues. Jean Diacre, dans la vie de saint Grégoire-le-Grand , donne , avec la fran- chise d'un artiste, les raisons pour lesquelles le chant Grégo- rien ne s'était pas maintenu, sans altération, dans nos Eglises. Voici ses paroles pleines de naïveté et sentant quelque peu l'invective. Le lecteur d'aujourd'hui jugera , à son loisir, jusqu'à quel point nos chantres de Cathédrales , renfor- cés par les scrpens elles opkydéides^ méritent ou ne mé- ritent pas le reproche d'avoir continué les barbares que l'historiographe de saint Grégoire immole avec tant de sévé-- rite.

(1) Sacrameala itaqae Baptisniatis volumus , ut sicut saacia vestra fuit admonitio , iti roncorditer alque uniformiter ia singulis paro- chiis , secundiim romanum ordinera iater nos celebrentur. Conc. Mo- auntin. Can-. 4. Labb. Tora. VII.

LITURGIQUES. 251

« Entre les diverses nations de l'Europe , les Allemands et » les Français ont été les plus à même d'apprendre et de » réapprendre la douceur de la modulation du chant ; mais » ils n'ont pu la garder sans corruption, tant à cause de la » légèreté de leur naturel, qui leur a fait mêler du leur à la » pureté des mélodies grégoriennes , qu'à cause de la bar^ » barie qui leur est propre. Leurs corps d'une nature alpiinej B leurs voix retentissant en éclats de tonnerre , ne peuvent » reproduire exactement l'harmonie des chants qu'on leur j apprend; parce que la dureté de leur gosier buveur et » farouche , au moment môme elle s'applique à rendre » l'expression d'un chant mélodieux , par ses inflexions vio- » lentes et redoublées, lance avec fracas des sons brutaux î qui retentissent confusément, comme les roues d'un chariot » sur des degrés ; en sorte qu'au lieu de flatter l'oreille » des auditeurs , elle la bouleverse en l'exaspérant et en l'é- ï tourdissant (1). t

Charlemagne, qui sentait profondément les beaux-arts, ne put souffrir long-temps une dissonance qui ne tendait à rien moins qu'à détruire tout le fi'uit des nobles efforts qu'il avait entrepris pour avancer la civilisation des Français par l'har- monie des chants de l'Eglise , les plus moraux et les plus po- pulaires de tous. Etant, en 787 , à Rome , à la fête de Pâque, il fut témoin d'une dispute entre les chantres Romains et les Français. Ceux-ci prétendaient que leur chant avait l'a- vantage , et , fiers de la protection du Roi , ils critiquaient sévèrement les Romains. Ces derniers , au contraire , forts de l'autorité de saint Grégoire et des traditions dont son Ântiphonaire n'avait cessé d'être accompagné à Rome, se riaient de l'ignorance et de la barbarie des chantres Français,

(1) Vid. la note G,

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Chaiiemagne voulut mettre fin à cette dispute , et il dit à ses chantres : « Quel est le plus pur, de la source vive , ou des » ruisseaux qui , en étant sortis , coulent au loin (1) ? » Ils convinrent que c'était la source. Alors le roi reprit : « Re- » tournez donc à la source de saint Grégoire ; car il est » manifeste que vous avez corrompu le chant ecclésias- > tique (2). >

Voulant remédier aussitôt à cet inconvénient , Charle- magne demanda au Pape des chantres habiles qui pussent remettre les Français dans la ligne des saines traditions. Saint Adrien lui donna Théodore et Benoît , qui avaient été élevés dans l'école de chant fondée par saint Grégoire, et il présenta en outre au Roi les Antiphonaires du même saint Grégoire, notés par Adrien lui-même, suivant la notation romaine. Il y avait donc dès-lors une manière de noter le chant ecclésiastique. Charlemagne étant de retour en France, plaça un de ces deux chantres à Metz et l'autre à Soissons, et donna ordre à tous les maîtres de chant des autres villes de France, de leur présenter à corriger leurs Antiphonaires , et d'apprendre d'eux les véritables règles du chant. Ainsi furent rectifiés les Antiphonaires de France que chacun avait corrompus à sa guise, ajoutant , ou retranchant sans règle et sans autorité, et tous les chantres de France apprirent la note romaine qui , depuis , a été appelée note française (3) . Nous avons suivi , dans cet intéressant récit , le Moine d'Au- goulème, historiographe de Charlemagne, dont le récit est

(1) Quis purior est et quis melior, aut fons vivus, aut livuli ejus longe decurreuies ? Caroli Mugni vita per monucimm EngoUsmen. Jpui Du- cliesne. Tom. II. Pag. 7a.

(2) Reveriitniai vos ad fontem sancii Gregorii , quia manifeste cor- rupisiis cantileaam ecclesiasticam. Ibidem.

(3) Vid. la note D.

LlTUtlGIOUES. 253

confirmé par Jean Diacre dans la\ic de saint Grégoirc-lc- Grand , et par Ekkehard , dans la vie du B. Nolkei', dit le Bègue (i).

Ces trois auteurs ajoutent que ce fut à Metz que le Chant Grégorien s'éleva à un plus haut point de perfection, en sorte que l'Ecole de Metz l'emportait autant sur les autres écoles de France qu'elle le cédait elle-même à celle de Borne. Le chroniqueur d'Angouléme ajoute que les chantres Romains instruisirent aussi les Français dans l'art de toucher l'or- gue (^2).

Cette supériorité dont l'Ecole de Metz conservait encore la réputation, au douzième siècle, sur les écoles de chant des autres cathédrales de France , est due sans doute à la discipline que saint Chrodegang avait établie parmi ses Cha- noines. Les traditions de ce genre devaient se conserver plus pures dans celte Eglise dont le clergé gardait avec tant de régularité les observances de la vie canoniale. Il y a long- temps qu'on a remarqué que les traditions du chant ecclé- siastique se gardaient mieux dans les corps religieux que dans le clergé séculier. Les exemi)les ne nous manqueraient pas ; mais nous avons voulu simplement ici constater un fait qui a son genre d'importance.

Ainsi Charlemagne se montra zélé pour le chant ecclé- siastique , et ne craignit pas de donner à ce grand objet unC importance majeure, suivant en cela l'exemple si frappant de saint Grégoire, qui ne trouva point au-dessous de lui d'enseigner lui-même le chant aux enfans. C'est ainsi qu'ont agi toujours les grands législateurs du genre humain : ils ont saisi avec bonheur les choses principales et ils s'y sont

(1) Act;i SS. Aprilis. Tom. I. ad diera VI. Pag. 583.

(2) Simililcr erudierunt roinaiii cnnioros sii^radicli caatores fran- corum 'm artc orgunaadi. Ibidem.

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appliqués avec constance. Plus tard, le vulgaire n'y a rien compris, et le vulgaire est nombreux; car qui, aujourd'hui, consentirait à voir dans la Liturgie le plus grand mobile de la civilisation d'un peuple? Il est vrai que nous avons au- jourd'hui des peuples sans habitudes liturgiques : la posté- rité prononcera sur la moralité des moyens qu'on a pris pour leur ouvrir d'autres sources du beau et de l'enthousiasme.

Disons encore un mot de Charlemagne, ce grand person- nage liturgique. On a vu ailleurs qu'il est auteur de l'hymne Vcni Creator, Spiritus : ajoutons qu'il assistait fidèlement aux OHîccs, tant de jour que de nuit, dans la chapelle du Palais. Sa vie , par Eginhard , renferme les plus précieuses particularités sur le zèle de cet incomparable prince pour le service divin. On y voit que Charlemagne présidait aux Offices, dans l'altitude qui convenait à un prince chrétien, rempli, comme il l'était, du plus grand respect pour le Sa- cerdoce. Il ne se permettait pas de faire entendre sa voix , comme il appartient aux Prêtres : il ne chantait qu'à voix basse et encore dans les moments les Laïques pouvaient se joindre au chœur ; mais il s'était réservé le soin de dési- gner les leçons que ses Clercs devaient lire , afin qu'ils se tinssent toujours prêts à remplir cet office correctement. Il n'en souffrait aucun dans sa Chapelle qui ne sût lire et chanter convenablement. Il invita Paul , Diacre , célèbre Moine du montCassin, à composer un recueil d'Homéhes choisies des saints Pères, pour servir aux Offices de l'Eglise, pendant tout le cours de l'année. On ne finirait pas si on voulait rapporter tout ce que Charlemagne a fait eu faveur de la Liturgie : la matière est si abondante qu'elle demanderait , pour ainsi dire , un ouvrage spécial.

L'Eglise et le monde le perdirent en 814. A sa mort , la Liturgie Komaiiic légnait dans tout l'Occident, ù l'exccp-

IITURGIQUES. 25o

lion do l'Espognc , qui ne devait pas larder à l'embrasser aussi ; à grande peine Milan avait pu sauver son rit Am- bi'osien.

Louis le Pieux offrit dans son caractère peu de trails de la grandeur de son père ; mais il eu avait au moins hérité la piété et le zèle pour le service divin. C'était beaucoup pour cet âge de la civilisation par le Christianisme. Les Capitu- laires de Louis le cèdent à peine à ceux de Cbarlemagne , pour la sagesse des régiemens qu'ils contiennent. îl s'occupa de bonne heure du chant ecclésiastique et des moyens d'en assurer la pureté : c'est pourquoi il députa à Rome le célèbre lilurgiste Amalaire , Diacre de l'Eglise de Metz , avec charge d'en rapporter un nouvel exemplaire de l'Anliphonaire, de- venu, sans doute, nécessaire par suite de nouvelles altérations qu'on avait déjà faites au texte et à la note de saint Grégoire. Le Pape Grégoire IV se trouva hors d'état de satisfaire l'Em- pereur, ayant précédemment disposé du seul exemplaire de l'Anliphonaire qui lui restât libre, en faveur deVala, Moine de Corbie. Amalaire, à son retour en France, se rendit dans celte illustre abbaye : il y conféra l'Anliphonaire nou- vellement apporté de Rome avec ceux qui étaient en usage en France, et, après celte confrontation, il fut en état do composer son précieux livre de Ordinc Antiphonarii.

Quand nous disons que la Liturgie Gallicane demeura détruite sans retour en France, nous n'entendons pas dire qu'il n'en resta point quelques débris, qui se fondirent dans les usages Romains. Les Eglises de Lyon et de Paris furent , sans doute, celles qui gardèrent un plus grand nombre de ces antiques formes Gallicanes ; mais les autres Eglises en conservèrent toutes plus ou moins quelques parties. On en peut encore retrouver la trace dans les usages déroga- toires au rite Romain, qui se ivi' ouvcul dans la géncralilé

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des livres d'Offices suivis autrefois en France. Ainsi , nous signalerons , avec Grancolas et le P. Lebrun , comme des pratiques de la Liturgie Gallicane, dans l'Office divin, l'u- sage de répéter l'Invilatoire en entier , entre les versets du Psaume xciv, d'ajouter un Répons après la neuvième Leçon de Matines , de dire Gloria Patri à la fin de chaque Répons des IXocturnes , et de répéter les troisième , sixième et neu- vième de ces Répons , dans les principales fêtes ; de dire un verset appelé Sacerdotal , entre jlatines et Laudes ; de ne dire qu'une Antienne à Vêpres , quand il n'y en a pas de propres tirées des Psaumes ; de dire les Psaumes de la Férié aux premières Vêpres des fêtes solennelles; de chan- ter un Répons à Vêpres, etc. Pour la Messe, le principal rite Gallican qui se fût conservé , et qui ne se pratique plus guère aujourd'hui qu'à Paris , est la Rénédiction Episcopale après le Pater ; nous indiquerons encore les prières géné- rales que l'on fait au Prône ; la coutume de porter le livre des Evangiles à baiser au clergé ; de mêler Tcau et le vin dans le calice , en disant une oraison qui rappelle le sang et l'eau qui sortirent du côté ouvert de Jésus-Christ ; l'usage de sus- pendre le Saint-Sacrement au-dessus de l'autel , dans un vase, ordinairement en forme de colombe, etc. Aujourd'hui, plu- sieurs de ces usages sont tombés eu désuétude , et l'on ne se met guère en peine de savoir l'origine de ceux qu'on a conser- vés. Nous dirons comment, au dix-huitième siècle, l'Eglise de Lyon, celle de toutes qui avait conservé un plus grand nombre d'anciens usages Gallicans , les vit succomber sans retour, sous les coups du Gallicanisme. Mais reven ns à xVmalaire. Son ouvrage était une compilation, que nous avons encore, de diverses pièces des Antiphonaircs romain et français, dont il fit un tout, en les corrigeant les uns sur les autres : mais afin que l'on pût reconnaître, du premier coup d'œil, les sources

LITURGIQUES. 257

auxquelles il avait puisé, il eut soin de placer eu marge la lettre U, lorsqu'il suivait l'Antiphonaire Romain, et la lettre M, quand il s'attachait à celui de Metz. Dans quelques endroits il avait jugé à propos de s'éloigner de l'un et de l'autre, il avait mis en marge un I et un C, comme pour demander Indulgence et Charité (1). Ce recueil , qui constate la manie incorrigible des Français de retoucher sans cesse la Liturgie , devint le régulateur du chant ecclésiastique dans nos Eglises ; on ne retourna plus désormais à Rome chercher de nouveaux Antiphonaires, et telle fut l'origine première de cette Liturgie Romaine-Française dont nous aurons occasion de parler dans la suite de cette histoire. Toutefois, pour être juste, il faut convenir que, dans le plus grand nombre des Offices de l'année , la compilation d'Amalaire ne présente pas de variantes avec les livres pu- rement Romains. Le petit nombre d'Offices dans lesquels ces différences se remarquent ne s'éloignent du Romain que par la substitution, ou l'addition de quelques Répons ou Antiennes, à d'autres Répons ou Antiennes de l'Antipho- naire Grégorien. Le Siège Apostolique trouva ces nuances si légères, qu'il ne jugea pas à propos de réclamer : la Li- turgie Gallicane n'en était pas moins détruite sans retour, et les Usages Romains introduits ( mais non , hélas ! sans retour) dans le florissant empire des Francs .

Le travail d'Amalaire essuya néanmoins une vive critique dans l'Eglise de Lyon. Le fameux Agobard occupait alors ce siège , Prélat que son Eglise honore d'un culte que le Siège Apostolique n'a pas ratifié. Il se déchaîna avec vio- lence contre Amalaire , dans un opuscule qu'il intitula de la divine Psalmodie, et lui reprocha d'avoir attaqué la sainte

(1) Bibliolh. Max. Patrum. Lugd. Tom. XIV. Pag. 1052.-1061. T. I. 17

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258

Eglis<* i\o lAon , rc cominc DP &lli^ - ' de* Office». .\._ personnelle. Il avait ot iinire, en y relnndiant , »li niM-5, ou :i|iprochant du N « y htitier ijU« et f«i rMW '/ tentwn dtt Canons ( 1 1 .

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LITIT» QUES. 259

qui, au leste, Q'a jamais j i celle d'un homme impartial, que la plupart des pir< iiipute à Amalaire, aient fait

partie de tout temps u. , iionaire m.ai,' de saint Gré- goire; ainsi que le B. Tomm i l'a fait remarquer dans s«^ notes sur les livres Respon r >ix et Antiphonaires (I) : sur

^0Êift

quoi notre illustre I). Nf » gides censeurs prov.. » la juste censure d'aiiii préhensihle pour avoir inseï nairc, Agobard l'était bien craint de retrancher d. pas tiré des parult» m. attenté, du moins en qu l'autre y avait attenté graveui. lester un des principal i caractère traditionml. Au reste, IVuvre d'Amnlii

(^es paroles : « Ainsi , de ri- Iffuerois ii\-mêmes

>i donc \ ..;v était re-

"'Ique chose dans l'Antipho- iniagc , lui qui n'avait pas ité privée lont ce qui n'était i:crilure l 'im avait •, àlapui liturgie;

et, de plus, avait osé cou- res de tout»' Liturgie, le

^ta , parce qu'elle était dans ses; celle, au contraire.

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le vrai , malgré certain.

d*Agobard , ne lui survécut pas lu moins dans la partie sys-

réniaii(|ue. On trrmve, dans l'am ienne Liturgie

).}onn:«is4r , {»rmd i ,

tique; nous nous < .

Antienne: Venite . jntpuU . ad t,rum et .- my«f«.

n'wm, etc. , qui m- „i {;, Communion. Quant

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santé dans une autre pan la conirovers*' d'Am AgobanI nous amène à

(I) Veo. vlri JoMpbi Man font, /r et f, pÊtêim.

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. S. II. I' Ulli '>iM*r4

à

I

258 INSTITUTIONS

Eglise de Lyon , non seulement de vive voix , mais par écrit, comme ne suivant point l'usage légitime dans la célébration des Offices. Agobard avait à venger en ceci une querelle personnelle. Il avait corrigé aussi , à sa manière , l'Antipho- naire , eu y retranchant , disait-il , les choses vaines , super- flues , ou approchant du blasphème et du mensonge , jiour n'y laisser que ce qui était de l'Ecriture sainte , suivant l'in- tention des Canons (1).

L'Ânliphonaire de Metz , au contraire , offrait un certain nombre de pièces en style ecclésiastique, et qui n'étaient point formées des paroles de l'Ecriture.

Il est assez étrange que l'Antiphonaire Romain, que Pépin et Cliarlemagne avaient établi à Lyon, si peu d'années aupara- vant, renfermât tant de choses repréhensibles ; mais l'étonne- ment cesse quand on lit le livre du même Agobard , de correc- tione Antiphonarii. On voit que cet Evoque n'était point étranger aux théories qui furent improuvées en Espagne, dans ce quatrième Concile de Tolède , dont nous avons rapporté ci-dessus un Canon intéressant. Agobard soutenait aussi qu'on ne devait chanter dans les Offices que les seules pa- roles de la sainte Ecriture , et pour mettre la Liturgie d'ac- cord avec son système , il avait commencé par retrancher des LivTes Grégoriens tout ce qui pouvait y être contraire.

Dans ce dernier ouvrage dont nous venons de parler, il at- taque principalement le livre d'Amalaire , de Ordine Anti- inlionarii. et fait une critique amère et violente de plusieurs Antiennes et Répons qu'il prétend être de la composition du liturgiste de Metz. Il est fâcheux pour la réputation d'Agobard,

(1) Antiphonarium pro viribus noslris magaa ex parte correxitnus, aniputatis bis qu;o vel superflua ,--A !evia, vel mendacia. aiit blasphéma videbauiur. Agobard. De Cunectione Antiphonarii. Bibliuih. Max. Pa- tmiH Tum. xn . Pa''. oli.

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qui, au l'estc , n'a jamais joui de celle d'un homme impartial, que laplupai'l des pièces qu'il impute à Amalaire, aient fait partie de tout temps de l'Antiphonaire même de saint Gré- goire; ainsi (pie le B. Tommasi l'a (\ut remarquer dans ses notes sur les livres Resiionsoriaux et Antiphonaires (1) : sur quoi notre illustre D. Mabillon dit ces paroles : « Ainsi , de ri- » gides censeurs provocjuent quelquefois contre eux-mêmes » la juste censure d'autrui (2). » Si donc Amalaire était re- préliensible pour avoir inséré quelque chose dans l'Antipho- naire , Agobard l'était bien davantage , lui qui n'avait pas craint de retrancher de son autorité privée tout ce qui n'était pas tiré des paroles mêmes de l'Ecriture sainte. L'un avait attenté, du moins en quelque chose, à la pureté de la Liturgie ; l'autre y avait attenté gravement, et, de plus, avait osé con- tester un des principaux caractères de toute Liturgie, le caractère traditionnel.

Au reste, l'œuvre d' Amalaire resta , parce qu'elle était dans le vrai , malgré certaines hardiesses ; celle , au contraire , d'Agobard , ne lui survécut pas , au moins dans la partie sys- tématique. On trouve, en effet, dans l'ancienne Liturgie Lyonnaise , grand nombre de pièces en style ecclésias- tique ; nous nous contenterons de rappeler ici la magnifique Antienne : Venite , populi , ad sacrum et immortale myste- rium^ etc. , qui se chantait pendant la Communion. Quant aux OITices de l'Eglise de Lyon , tels qu'ils s'étaient conservés jusqu'au siècle dernier , nous en donnerons une idée suffi- sante dans une autre partie de cet ouvrage.

La conti'overse d' Amalaire et d'Agobard nous amène à

(t) Yen. viri Josephi 3Iarke Tommasii , S. R. E. Cardiualis opéra. Tom. IV et V, passim.

(2) Sic rigidi censorcs aliquando in se provocant juslam censurarn aliorum. Mnsœum Jtalicum. Tom, II, p. IV.

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parler d'un développement que leur époque vit naitre dans la Liturgie. Il s'agit des Tropes, qui furent comme une pre- mière éhânche des Séquences qui leur succédèrent. Les Tropes étaient une sorte de Prologue qui préparait à l'Introït. Nous avons cité , au chapitre YII, celui qu'on chantait le premier dimanche de l'Avent , en l'honneur de saint Grégoire. Plus tard , on intercalla des Tropes dans les pièces de chant , dans le corps même des Introïts , entre les mots Kyrie et eleison , à certains endroits du Gloria in excelsis, du Sanctus et de YAgnus Dei. On en plaça aussi à la suite du verset Alléluia, en prenant pour motif, daus le chant , la modulation appelée Neuma ou Jubilus, qui suit toujours ce verset. Celte der- nière espèce de Trope fut appelée Séquence, du nom qu'on donnait alors à cette suite de notes sur une même dernière syllabe (1).

Le Cardinal Bona et la plupart des auteurs s'accordent assez généralement à attribuer l'invention première des Séquences au B. Notker Balbulus , Moine de Saint -Gall, dont nous allons parler plus loin; mais une précieuse dé- couverte faite par l'abbé Lebeuf , sur un manuscrit de la Bibliothèque du Pioi , nous contraint de placer plus haut l'institution des Tropes qui , à le bien prendre , ne forment point un genre différent des Séquences même. Le docte Sous- chantre d'Auxerre indique un manuscrit du Liber Pontificalis, ( ouvTage attribué , comme on sait , à Ânastase le Bibliothé- caire), à la suite duquel se trouve la vie du Pape Adrien II (2); mais, à la différence des manuscrits édités par Bianchini, Vignoli et Muratori , la vie de ce Pape que ces derniers nous présentent tronquée, offre, sur le manuscrit cité par Lebeuf,

(1) Bona. Rerum Liturgicarum Lib. II. cap. III et FI. Edit. Sala Tom. III. pag. Si et 157. (-) Lebeul'. Traité hiiloriqiic sur k Chant Ecclésiastique , pa<j. 105

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(les particularités curieuses qui no se trouvent point sur ceux qu'ont publié ces auteurs. Nous renvoyons ce passage dans les notes du présent chapitre (1). Il y est dit qu'Adrien II , à l'exemple du premier Pape de son nom , compléta en divers endroits rAnliphonaire Romam, qu'il plaça, en tête de la Messe du premier dimanche de l'Avent, un Prologue en vers hexa- mètres , destiné à être chanté ; que ce Prologue commence de la môme manière que celui qu'Adrien l" avait composé , mais qu'il renferme un plus grand nombre de vers. On doit donc faii'c remonter au huitième siècle la première origine de cet éloge de saint Grégoire que nous avons rapporté ci- dessus , et par même des Tropcs ; car cet éloge est un véritable Trope (2).

La Chronique ajoute qu'Adrien II ordonna que, même dans les Monastères , à la Messe solennelle , aux principales fêtes, on chanterait non seulement au Gloria inexcelsis, mais encolle à l'Introït , ces hymnes intercallées que les Ro- mains appellent Festivœ laudes , et les Français Tropcs. Le même Pape voulut aussi qu'avant l'Evangile on chantât ces mélodies qu'on appelle Séquences ; et comme , ajoute la chronique, « ces chants festifs avaient été premièrement » établis par le seigneur Grégoire 1", et, plus tard, par » Adrien , aidé de l'abbé Alcuin , ami particulier du grand

(1) Vid. la noteE.

(t) Voici les vei's qu'on trouve sur la plupart des anciens manuscrits de l'Antiphonaire Grégorien. D'après la Chronique que nous suivons , ils doivent ôtre de saint Adrien I", puisqu'ils sont moins nombreux et moins complets que ceux que nous avons rapportés. Gregorhcs Prœsul mentis et nomine dignus , Unde genus duxit summum conscendit lionorem. Renovavit monumeiita patrumque priorum , Tune composuit hune libelium musicœ artis Sçlwlœ cmtorum ami circuit. Eia, die Domine, eia,

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» Empereur Charles , qui prenait un singulier plaisir à ces » chants , mais qu'ils tombaient déjà en désuétude par la » négligence des chantres , l'illustre Pontife dont nous par- !> Ions les rétablit à l'honneur et gloire de Notre-Seigneur ï Jésus-Christ, en sorte que désormais on employât, pour les » chants de la iMesse solennelle , non plus seulement le Livre » des Antiennes, mais aussi le Livre des Tropes. »

Il résulte de cet important fragment, que les Séquences existaient déjà au temps d'Adrien II , qui siégea en 867 , et que ce Pape en renouvela l'usage déjà assez ancien. Nous ne pensons pas au reste qu'on puisse soutenir ce qui est dit ici de saint Grégoire , comme ayant institué cette forme de chant ; il en serait resté quelque autre trace dans l'an- tiquhé. Peut-être pourrait-on , avec quelque probabilité , entendre ceci de saint Grégoire II , qui paraît s'être occupé du chant ecclésiastique. Quoi qu'il en soit, iNotker ne fut donc point l'auteur des Tropes et des Séquences , bien qu'il ait con- tribué à en répandre l'usage, ainsi que nous le rapporterons plus loin.

Les conséquences de l'institution de ces sortes de récits poétiques et ornés d'un certain rhythme , furent importantes pour l'avenir de la Liturgie. D'abord , sous le rapport de la composition des formules saintes , elle consacrèrent de plus en plus le principe, contesté par Agobard cl le Concile de Brague, que les chants sacrés ne sont pas exclusivement composés des paroles de l'Ecriture Sainte. Sans doute , comme nous venons de le dire , Y Antiphonaire et le Respon- sorial Romains renfermaient déjà une certaine quantité de pièces en style ecclésiastique ; mais le nombre toujours crois- sant des Tropes et des Séquences mettait de phis en plus le principe dans tout son jour. Rome, qui n'avait pas d'abord adopté les Hymnes, paraît avoir imité en cela, au plus tard

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vers le onzième siècle , les Eglises Ambrosienne , Gallicane et Gothique ; elle y était préparée naturellement par l'emploi des Tropes et des Séquences. Bien plus, l'Eglise de Lyon , en dépit d'Agobard, adopta aussi de bonne heure ces poétiques superféiations , et a gardé plus long-temps que toute autre les Tropes du Kyrie eleison et du Sanctus. On ne pouvait donner un plus éneigique démenti à ceux qui se scandali- saient d'entendre parfois retentir la grande voix de l'Eglise elle-même , dans les intermèdes de la psalmodie.

Une autre conséquence de l'institution des Tropes fut une révolution dans la marche du chant ecclésiastique. On n'en vint pas tout d'abord à y chercher une mesure proprement dite; mais la composition cadencée et presque toujours rimée de ces pièces , pour être sentie dans le chant , de- mandait une autre facture à la phrase Grégorienne. La phy- sionomie primitive du chant se trouva donc nécessairement modifiée, dans ces parties nouvelles ; le caractère des diverses nations de l'Occident , ou plutôt le génie de la Chrétienté occidentale , se fit jour par ses propres forces dans ces essais encore mal assurés. Les Français jouèrent un grand rôle dans celte puissante innovation , qui était arrivée à sa pleine maturité à l'ouverture du onzième siècle , époque qui vit la lutte du Sacerdoce et de l'empire , les croisades et la recons- truction de nos cathédrales sur un plan si mystérieusement sublime. On garda toutefois assez fidèlement, sauf les va- riantes inévitables dont nous avons signalé la cause, les pièces du répertoire Grégorien ; mais elles contrastèrent désormais avec le genre des morceaux qu'on y accola pour célébrer les fêtes nouvelles , celles des patrons et autres so- lennités locales. Un ouvrage spécial serait ici nécessaire, nous le sentons : les matériaux ne nous manqueraient pas. Pour le présent, nous dirons seulement que l'on peutran-

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ger les morceaux de chant ecclésiastiques composés, du hui- tième au onzième siècle, en deux grandes classes; l'une composée des pièces traitées en tout ou en partie dans le grand style Grégorien (1), l'autre empreinte d'un caractère nouveau, à la fois rude et pesamment mélodieux (2). Cette dernière classe se subdivise encore en pièces ornées de rime et d'une certaine mesure , et en pièces de prose, mais revê- tues d'une mélodie recherchée et totalement étrangère , pour le caractère, à celle de la phrase Grégorienne.

Cette révolution , dans une partie si capitale de la Litur- gie , agita grandement les compositeurs du chant , surtout dans les monastères qui ont été pendant de longs siècles , avec les cathédrales , les seules écoles de musique en Occi- dent. De nombreux auteurs, en ces deux siècles, cherchèrent à résumer la synthèse de la musique , ou à formuler de nou- veaux moyens de l'écrire. Mais au milieu de cette agitation, les vraies traditions étaient en souffrance , et l'on peut affir- mer que si les livres romains n'eussent été déjà introduits en France, par la puissante volonté de Pépin et de Charlemagne ; si toute l'économie des fêtes de l'année chrétienne n'eût déjà reposé sur ce répertoire admirable ; aujourd'hui , nous ne connaîtrions qu'en théorie les antiques Modes de la musique, et nous ignorerions, dans cet art, un passé de deux mille ans. C'est ainsi qu'en toutes choses , le Catholicisme a su marier aux effets de l'activité propre de chaque nation , l'immobi- lité de ses formes : d'oii résulte ce mélange de mouvement et de solidité , qui est l'ordre vivant. Il n'y a eu dégradation

(i) Le Graduel , VÀlleluia et la Communion de la Toussaint ; les Antiennes de la même fête. Il est possible aussi que ces pièces aient été composées à Rome.

(2) Les Antienne» de la fête de la Sainte-Trinité , l'Hymne Gloria laus , du dimanche des Rameaux , celle 0 Redemptor, dans la consé- cration des saintes Huiles , etc.

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qiio quand on a voulu isoler ce que Dieu et son Eglise avaient uni.

Fils et successeur de Louis-le-Pieux , Charles-le-Chauve ne se montra pas moins zélé que les chefs de sa race pour l'é- tablissement des Usages Romains dans toute la France. Il dit dans une lettre au clergé de Ravenne : « Jusqu'au temps de » notre aieul Pépin , les Eglises Gallicanes célébraient les » divins Offices autrement que l'Eglise Romaine, ou celle de » Milan. Nous avons vu des Clercs de l'Eglise de Tolède célé- » brer en notre présence les saints Olfices suivant la coutume » de cette Eglise ; pareillement, on a célébré devant nous la ï Messe solennelle selon la coutume de Jérusalem , d'après î> la Liturgie de saint Jacques , et selon la coutume de Cons- » tantinople , d'après la Liturgie de saint Basile ; pour nous, » nous jugeons que c'est l'Eglise Romaine qu'il faut suivre » dans la célébration de la Messe (1). »

Ces paroles de Charles-le-Chauve, qui montrent si bien l'in- térêt que cet Empereur portait aux choses de la Liturgie, nous engagent à mentionner ici les princes de cette époque qui té- moignèrent le plus grand respect pour les Offices divins. Ainsi, nous rappellerons la piété de Lothaire , fils aîné de Louis-le- Pieux , qui , au rapport de Léon d'Ostie , entendait chaque jour trois Messes (5). Othon I", Empereur en 962, assistait tous les jours à tout l'Office, et dans les solennités , sui- vant Ditmar, historien contemporain , il se rendait à l'Eglise avec pompe et en procession , accompagné des Evêques et de tout le clergé , avec les croix , les reliques et les encen- soirs, pour assister à Vêpres, à Matines et à la Messe , et il ne se retirait jamais avant la fin. En Angleterre , au neuvième siècle , fleurissait Alfred , prince qui fut aussi grand que le

(1) Vid. la note D.

(2) Chronic. Casslnense. lib. IF. cap, 12S.

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lui permit le théâtre trop restreint de sa gloire. Il aima aussi les Offices divins, et ce grand guerrier, ce puissant législateur , ce sage véritable , partageait les vingt-quatre heures du jour en trois parties égales, en donnant huit à la prière et à la lecture, huit aux nécessités du corps, huit aux affaires de son royaume. Sur les huit heures con- sacrées à la prière , il assistait à tous les Offices du jour et de la nuit , et Guillaume de Malmesbury nous apprend qu'il avait toujours le livre des Offices divins dans son sein , afin d'y recourir pour prier, dans tous les momensde loisir qu'il pouvait avoir. Telle était la religion profonde de ces grands chefs des peuples qui travaillèrent, de concert avec l'Eglise , à tirer l'Europe de la barbarie.

Pendant que l'unité liturgique, et, par elle, l'orthodoxie jetait de si profondes racines dans l'Occident , l'Eglise d'O- rient était ensanglantée par les fureurs de l'hérésie Icono- claste. La décision du septième Concile Général en faveur des saintes Images fut un grand fait liturgique. Par cette décision, l'Eglise sanctionna pour jamais l'emploi delà forme extérieure dans les objets du culte chrétien , et sauva l'art près d'expirer sous les coups du plus brutal fanatisme. La place nous manque ici pour raconter en détail cette victoire ; mais nous devions au moins l'enregistrer dans notre récit. Le même sentiment qui portait les fidèles à vénérer les re- liques des saints, les devait conduire naturellement à honorer leurs images. Nous verrons l'hérésie anti-liturgiste parcourir la même ligne dans ses blasphèmes et ses violences.

Il est temps de donner la liste des auteurs qui ont travaillé sur la Liturgie, à l'époque qui nous occupe, c'est-à-dire, durant les neuvième et dixième siècles.

Nous commencerons notre liste à Oldibert , ou Odelpert , qui fut fait Archevêque de Milan , vers 804. Il composa , à la

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tloniande de Charlomagne , comme plusieurs autres Evoques de son temps, un livre de Baptismo.

(808). Joseph Studite, frère de saint Théodore Studitc , et Archevêque de Thessalonique , est auteur de phasieurs hymnes dans la Liturgie Grecque.

(810). Philoxène , Evêque de Bagdad , écrivit un traité sur les Offices divins , et composa une Anaphore qui se trouve dans la collection de Renaudot.

(810). Amalaire , Fortunat , Archevêque de Trêves, est auteur d'un livre de ratione rituum sacri Baptismatis.

(812). Amalaire, Prêtre de l'Eglise de Metz, est, dans l'ordre des temps, après saint Isidore de Séville, l'auteur le plus important sur l'ensemble de la Liturgie. Ses quatre livres de Ecclesiasticis Ofjiciis, sont du plus grand prix pour l'ex- plication des Mystères de l'OlFice divin. Nous y puiserons souvent dans la suite. La place nous manque pour insérer ici la table des chapitres de cet ouvrage , ainsi que nous l'avons fait pour les Origines Ecclésiastiques de saint Isidore. On a reproché à Amalaire d'avoir poussé à l'excès la re- cherche des sens mystiques dans les choses de la Liturgie. Il peut y avoir quelque fondement à ce reproche : nous exami- nerons ailleurs les règles à suivre dans l'explication mystique des particularités du service divin , pour se tenir éloigné de tout excès dans un sens comme dans l'autre. Nous avons parlé ci-dessus du livre d'Amalaire , intitulé de ordine Antiphona- rii. Baluze, à la suite de ses Capitulaires, a publié, du même auteur, un opuscule intitulé : Eclogœ in Canonem Missœ.

(813). Saint Théodore Studite, Archimandrite, intrépide défenseur des saintes images, a composé une grande quan- tité d'Hymnes et de Prières qui sont en usage dans la Liturgie Grecque , pendant le Carême.

(813). Agobard, Achevêque de Lyon, a écrit, comme

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nous l'avons rapporté , contre Âmalaire de Metz , De •psalmodia ; De correctione antiphonarii ; ù" Liber adversus Amalarium.

(813). Maxence, Patriarche d'Aquilée, composa aussi, à la prière de Charlemagne , une lettre de ritibus Baptismi, eorumque significatu.

(818). Théodore et Théophane Graptus, moines de saint Sabas , illustres défenseurs des saintes Images , sont auteurs de plusieurs hymnes de la Liturgie Grecque.

(820). Josué , Patriarche des Nestoriens, écrivit de la Distinction des Offices; de leur interprétation , et de la Vertu des Hymnes.

(829). Icasie, princesse grecque, qui fut au moment de ceindre le diadème d'impératrice, et d'obtenir la main de l'empereur Théophile , acheva sa vie dans les loisirs de l'é- tude et de la contemplation. Elle composa plusieurs hymnes ecclésiastiques dont quelques-unes sont entrées dans la Li- turgie Grecque.

(830). Hélisacar, chancelier de Louis-le-Débonnaire, Abbé de Saint-Riquier et ensuite de Saint-Maximin de Trêves , mit en ordre i'Antiphonaire Romain, à l'usage de plusieurs Eglises.

(837). Florus, Diacre de Lyon, a laissé une Exposition du Canon de la Messe.

(840). Loup, Abbé de Ferrières, est auteur de deux hymnes en l'honneur de saint Yigbert.

(841). Grimoald, Abbé de Saint-Gall , archi-chapelain de Louis-le-Débonnaire , fit une révision du Sacramentaire de saint Grégoire.

(842). Walafrid Strabon , Abbé d'Augie la Riche , est au- teur d'un précieux opuscule intitulé : De Officiis divinis , sive de exordiis et incrementis rerum ecolesiasticarum. Ce

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livre est encore une des principales sources de la science liturgique du moyen-âge.

(845). Eldeplionsc, ou Idclplionse , Evoque Espagnol, a laissé un opuscule dans lequel il traite des hosties destinées au Sacrifice Eucharistique, et explique les mystères signifiés par leur figure, leur poids, leur nombre, leur inscrip- tion, etc.

(847). Rhaban Maur, d'abord Abbé de Fulde, puis Arche- vêque de Mayence , est aussi un des principaux liturgistes du moyen-âge. Il mérite ce litre par ses trois livres de Ins- titutione clericali, qui renferment la plus riche instruction. Il y faut joindre plusieurs hymnes, un opuscule de Sacris Or- dinibus, sacramentis divinis et vestimentis sacerdotalibus , cl enfin le Martyrologe qui porte le nom de Rhaban Maur.

(850). Wandelbert, Moine de Prum , est auteur d'un Martyrologe en vers.

(850) . Aurélien , Moine de Moutier Saint-Jean , a composé un traité sur léchant, qu'il dédia à Rernard, archi-chanlre. Nous n'avons plus cet ouvrage.

(853). Rodrade, Prêtre d'Amiens, fit, ù l'usage de cette Eglise , une révision du Sacramentaire Grégorien , qu'il di- visa en deux livres.

(833). Joseph, de Sicile, surnommé V Uymnographe , est auteur de beaucoup d'Hymnes en usage dans la Liturgie Grecque. Sa fécondité dans ce genre fut si grande, qu'il n'en a pas laissé moins de six cents, en l'honneur de la Sainte Vierge. Ces Cantiques sont d'une grande onction, et souvent d'une poésie sublime.

(856). Angelome, Moine de Luxeuil, en Bourgogne, écrivit un livre De Divinis Officiis.

(859) . Adon , Archevêque de Vienne , est auteur du fameux Martyrologe qui porte son nom.

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(860). Chaiies-le-Chauve , Empereur, passe pour avoir composé un Office en l'honneur du saint Suaire , dont l'Eglise de Compiègne fut enrichie de son temps. On lui attribue aussi un Répons de saint Martin, qui commence par ces mots : 0 quam admiraUlis.

(862) . Salvus , Abbé d'Alvelda , en Navarre , composa des Hymnes et des Oraisons ecclésiastiques.

(863). Moys3 Barcepha, nommé aussi Sévère, Evêque de Mosul, de la secte des Jacobites, est auteur d'une Anaphore au Missel Syriaque ; de deux traités, l'un sur le saint Chrême, l'autre sur le Baptême, et d'une explication des cérémonies usitées dans la tonsure des Moines.

(867). Basile le Macédonien, Empereur de Constanti- nople, fit faire une édition du Ménologe , augmentée et ornée des images des Saints. C'est celle qui porte son nom et qui a été publiée, par ordre de Benoît XIII, à Urbin, en 1727. AUatius attribue ce Ménologe à Basile le jeune, qui régna en 977.

(876). Usuard, Moine de Saint-Germain-des-Prés , com- pila , par ordre de Charles-le-Chauve , un Martyrologe formé de ceux qui avaient déjà été publiés.

(878) . Adclhelme , Evêque de Séez , composa un recueil de Bénédictions pour la Messe , suivant l'usage qui s'en était conservé en France , même après l'introduction des usages romains. Ce recueil en contient trente-six ; elles sont pour les dimanches qui suivent Noël et l'Epiphanie , jusqu'au Ca- rême exclusivement,

(880). Rémi, Moine de Saint Germain d'Auxerre , fut un chantre de premier ordre , comme le prouve son commen- taire manuscrit sur le traité De musica , de Martianus Ca- pella. L'abbé Lebeuf dit de lui qu'il tenait d'Héric la science du chant; qu'Héric la tenait de Rhaban et d'Haymon d'Haï-

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bcrstaclt, lesquels avaient conversé avec les chantres romains venus en France sous Charlemagne , ou avec leurs premiers élèves. On lui donne, dans la Bibliothèque des Pères de Lyon, une exposition de la Messe. Trithême lui attribue aussi un livre de Festivitatibus Sanctorum ; enfin , on trouve dans le grand ouvrage de D. Martène , de antiquis Ecclesiœ ritibus , un petit traité attribué au même Rémi d'Auxerre , et inti- tulé : De Dedicatione Ecclesiœ.

(880). George , Archevêque de Nicomédie, est auteur de plusieurs hymnes de la Liturgie Grecque.

(886). Léon-Ie-Philosophe , empereur de Gonstantinople , a composé aussi plusieurs pièces du même genre , qui se trouvent pareillement dans les livres d'offices des Grecs.

(892) . Reginon , Abbé de Prum , adressa à Radbod , Ar- chevêque de Trêves , un traité de harmonica institutione , et compila un Leclionnaire pour toute l'année.

(899). Hucbald, Moine de Saint Amande, au diocèse de Tournay, fut un chantre fameux. Pendant un séjour qu'il fit à Rheims , il composa le chant et les paroles d'un office en l'honneur de saint Thierry , pour les Moines de cette Abbaye. Il enrichit encore d'autres Eglises de ses mélodies , princi- palement celles de Meaux et de Nevers. Il avait composé deux traités sur la Alusique , dans l'un desquels il avait fixé des signes pour marquer les difîérens tons de l'octave.

(900.) Aurélien, clerc de l'Eglise de Rheims, écrivit de reguUs modulationum , quas tonos, sive tenores appellant , et de earum vocabulis.

(901.) Le Moine Marc a composé beaucoup d'Hymnes qui se trouvent dans la Liturgie Grecque , aux Offices de la se- maine sainte.

{905.) Etienne , Evêque de Liège , est auteur d'un Office en l'honneur de la Sainie-Trinilc , dont une grande partie se

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trouve dans celui que l'Eglise Romaine emploie en cette so- lennité. Il en composa aussi le chant , et fit en outre un Office pour la fête de l'Invention de saint Etienne.

(905.) Helperic , Moine de Saint Gall , écrivit un livre de musica , et un autre de, computo Ecciesiastico.

(904.) Notker le Bègue, Moine de Saint-Gall, a donné un Martyrologe qui porte son nom. En outre, il composa un grand nombre de Séquences et d'Hymnes , que l'on peut voir dans le tome II des Lectiones antiquœ , de Canisius , et dans le tome I des Anecdotes de D. Bernard Pez. Nous ne les in- diquons pas plus explicitement , parce que ces pièces ne sont pas employées dans les Offices de l'Eglise. Notker écrivit aussi un traité sur les notes usitées dans la musique; il fut un des plus fameux chantres dans l'Abbaye de Saint-Gall , qui était une académie de chant ecclésiastique pour les Moines , comme l'école de l'Eglise de Metz en fut une pour le clergé séculier de la France.

(910.) Etienne, Abbé de Lobbes, nota le chant d'un Of- fice en l'honneur de saint Lambert.

(917.) Saint Ratbod , Evêque d'Utrecht, composa le chant d'un Office en l'honneur de saint Martin ; il a laissé aussi deux hymnes, à l'honneur de saint Switbert et de saint Lebwin.

(926.) Saint Odon, illustre Abbé de Cluny, et le fondateur de l'Ordre de ce nom , est aulcur Je sept antiennes en l'hon- neur de saint Martin , de deux hymnes pour la fête du même saint , et d'une autre sur sainte Marie-Magdeleine.

(930.) Gobert , Evêque de Laon , écrivit une sorte de poème de tonsura, vestimentis et vita clericorum.

(9M.) Foulques II , dit le Bon , comte d'Anjou , fut un grand prince ; mais ses qualités élevées ne l'empêchèrent pas démontrer , comme Pépin , Charlemagne et Alfred-le-Grand , un zèle empressé pour les Offices divins. Il y assistait en

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habit clérical, ci chantait rOflicc avec le clcrijé ; sur quoi le Roi Louis-d'Outremei' l'ayant raillé , le comte lui fit dire qu'wn Roi sans lettres est un âne couronné. La Liturgie était regardée par ces grands chefs des peuples comme le plus noble et le plus puissant véhicule des idées de progrès. Foulques était habile dans le chant , et composa douze répons en l'honneur de saint Martin.

(945.) Georges, patriarche des Nestoriens, écrivit un livre intitulé : Déclaration de tous les Offices Ecclésiastiques , et leur objet ; avec l'explication de la divine économie, et des fêtes du Seigneur.

(945). Guy, Evêque d'Auxerre , travailla sur le chant ecclésiastique, et appliqua sur des paroles de son choix , en l'honneur de saint Julien-de-Brioude , la mélodie du chant des Képons , que lléric et Remy , Moines de l'Abbaye de Saint-Germain , avaient composés pour la fête de leur saint patron.

(949.) Constantin-Porphyrogenète , empereur d'Orient , écrivit un Cérémonial , tant à l'usage de la cour de Cons- tantinople, que pour marquer ce qui concernait les proces- sions et les autres rites de l'Eglise , dans les fêtes solennelles.

(961.) Saint Dunstan , Archevêque de Cantorbery, est auteur d'un Bénédictional Archiépiscopal.

(971.) Nolker, ou Notger , Evêque de Liège , auparavant Moine de Saint-Gall, comme son homonyme, a , comme lui, travaillé sur la musique ecclésiastique, et fait un recueil de Séquences.

(978). Hartmann et Ekkehard, Moines de Saint-Gall, for- més à l'école de Notker Balbnlus , composèrent diverses hymnes, litanies en vers, et auties morceaux rimes et me- surés qui se trouvent recueillis, an tome 11. des Lcctiom>^ antiquœ de Canisius,

T. i. 18

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(980). Elie, Evèque de Cascaie, écrivit des Bénédictions et Oraisons, un livre É?e l'usage des Psaumes, et un nuivc des Sacremens ecclésiastiques.

(982). Jean, abbé de Saint-Arnoul de Metz, composa des chants pour la fête de sainte Lucie et de sainte Glossine.

(985) . Sabarjesus , Prêtre nestorien , écrivit une Béné- diction, ou formule pour renvoyer le peuple à la fin de la Messe.

(997). Robert, roi de France, est auteur de plusieurs pièces de chant dont nous parlerons au chapitre suivant.

(997). Létalde , Moine de Micy , étant venu au Mans pour voir l'Abbaye de Saint-Pierre de la Couture , fut prié par l'Evêque Avesgaud de revoir la vie de saint Julien. Lorsqu'il feut accompli ce travail, le même Evêque lui demanda de composer un Office entier en l'honneur de ce saint Apôtre du Maine. Létalde en nota aussi le chant , et, dans ce travail, il s'attacha au style ancien du chant grégorien qu'on altérait déjà en plusieurs Heux ; « car , dit-il , je n'aime pas la nou- » veauté de certains musiciens qui introduisent un genre tel- » lement à part qu'ils dédaignent de suivre les anciens (1). » Cet Office, si précieux pour le chant et les paroles, est resté en usage dans l'Eglise du Mans, jusqu'en 1750, qu'il lui a fallu disparaître , avec toutes les antiques mélodies si chères à nos pères , devant la muette et lourde compilation de Lebeuf.

(999). Héribert, Archevêque de Cologne, qui clôt la liste des liturgistes du dixième siècle , a composé un livre de Ec- clesiasticis Offciis,

(1) Non enim mihi placet quorumJam musicorum no\ lis qui lanla dissimilitudine utuntur, ut veteres sequi omiiiuo dediguuiiLur auc- tores. Jnnal. orcl. S. Bened. Tom. IF. pa<j. 110.

LITURGIQUES. 275

Concluons ce chapitre par les observations suivantes :

Au huitième siècle , le Siège Apostolique commence à poser en principe la nécessité pour les anciennes Eglises d'Occident d'embrasser la Liturgie Romaine dans toute sa plénitude.

L'Eglise Gallicane voit tomber ses anciens usages devant ceux de Rome et abjure des traditions vénérables sans doute, mais c'est pour en embrasser de plus sacrées encore.

Le but des Papes et des Princes français , dans ce grand œuvre , est de resserrer le lien de l'unité , en détruisant une divergence liturgique jugée par eux dangereuse dans ses conséquences.

L'esprit français adopte volontiers ce nouveau régime liturgique , mais il ne tarde pas à manifester sa mobilité qu'il déguise souvent sous couleur de perfectionnement , en alté- rant en plusieurs choses le dépôt de la Liturgie Romaine.

Néanmoins, ces variantes n'affectent point le fond, et le huitième siècle voit commencer la péi'iode d'environ mille ans, durant laquelle l'Eghse de France se fera gloire d'avoir une seule et môme prière avec l'Eglise Romaine.

L'époque de l'unité Uturgique devient une époque de haute civilisation chrétienne ; Charlemagne s'aide de ce moyen puissant dans l'accomplissement de ses grands pro- jets : au chapitre suivant , nous verrons le Charlemagne de l'Eglise, saint Grégoire VII, hâter les grandes destinées de l'Espagne , en la faisant participer , au moyen de la Liturgie Romaine , aux mœurs de la Chrétienté Occidentale.

276 INSTITUTIONS

NOTES DU CHAPITRE X.

rvOTE A.

A cujus romaûœ EcclesiîE sancta et veaerauda communionc muUis recedenlibus , nosirœ tamea punis aunquam reecssit Ecclesia , scd ea apostolica traditione inslrucnte,el eo a quo est omne doaum optimum, tribuente , semper suscepit reverenda cbarismata. Quae dum a primis fidei lemporibus cum ea pcrslirct religionis sacrae unioiie , et ab ea paulo distaret, quod tameii coutra fidera non est, ia Officiorum ccle- bratione , vener. mem. gcnitoris nostri illustrissimi Pipiai régis cura et industria, sive adventu ia Gallias sanctissimi viri Stepbani romana^ urbis Anlistilis, est ei eliam in psallendi ordine copulata , ut non esset dispar ordo psallendi , quibus erat comi>ar ardor credendi , et quce uuitae erant unius sancta; iegis sacra lectione, essent etiam unitie unius modulalionis veneranda traditione , uec sejungerel Ofliciorum varia celebratio , quas conjunxerat unicse fidei pia devotio. Contra Sy- nodum Grœcorum de imagin. lib. 1.

>OTE B.

Quod quidem et nos , coUato nobis a Deo reguo Ilaliœ , fecimus , sanciae Romante Ecclesiœ fastigium sublimare cupientes, reverendis- simi Papse Adrianisalutaribus exhortationibus parère nitentes : scilicet ut plures illius partis Ecclesioe , quœ quondara ApostoHcœ Sedis tradi- tionem in psallendo suscipere recusabaut, nuuc eam cum omui dili- gentia amplectantur ; et oui adkoserant fidei munere , adliœreaat quoque psallendi ordine. Quod non solum omnium Galliarum proviu- ciae, et Germania ; sive Ilalia , sed eliam Saxones , et qmedara Aqui- lonaris plagae geates, per nos, Deo aimueate , ad fidei rudimenta conversœ , facere noscuntur. Ibidem.

NOTE C.

Hujus modulalionis dulcedineni inter alias Europe génies , Ger- mani , seu Galli , discere , crebroque rediscere insigniter potueruut : incorruptam vero tamlevilate animi, quia uonnulla de proprio Gregoria- uiscantibusmiscuerunt, quamferildte quoque naturali,ici'v:i'c minime lot'.ieiuut. Ali>ina tiquidem cori>ora , vocumiiianuu louilruisaltiioue

LITUTKÏTOUES. 277

perstrc^ltoiitia, susco|n;\^ modulutionis dalcodinem pvoprie non résultant : quia l)il)uli gullaris barbara feritas , cliim inflexionibus et repercussic- nibus mitem nitltur edere cantilenam, uatiirali quodani fragore , quasi plaustra por gradus confuse sonan Lia rigidas voces jactat, sicque aa- diontium animos , quos mulcere debuerat , exasperando magis ac obs- irependo contnrbsl, /olian. Diac. in rita S. Gnegorii. Lib. IL Cap. VIL

INOTE D,

Keversus est ( e duoatu ncmpe Benevcniano ) rex piissimus Carolus, et celebravit Rorase Pasclia cnm Domno Apostolico. Ecce orta est coU'? tentio per dies feslos Paschoe hiter cantores llomanorum et Gallorum. Dioebant se Galli raelius cantare et pulchrius quam Romani. Dicebant se Romani doctissime caniilenas ecclesiasticas proferre, sicut docti fiierant a sancto Grcgorio Papa ; Gallos corruptc cantare , et cantile- nam sanam de^truendo dilaeerare. Quœ contcntio ante Domnum Regem Carolum pervenit. Galli vero, propler securitatem régis Caroli, valde exprobrabant cantoribus romaiis. Romani vero propter auctoritatem magnae doctrinse, eos siultos, ruslicos et indoctos, velut bruta ani- malia , aCTirmabant , et doctrinam sancti Gregorii prœferebant rustici- tati eorum. Et cum altcrcatio de neutra parte liniret, ait Ponmus piis- simus Rex Carolus ad sucs cantores : Dicite palam , qnis purior est , et quis melior, aut fons vivus, aat rivuli ejus longe decurrentes? Res- pondenint omnes una voce , fontem , velut capiit et originem , purio- rem esse : rivulos autem ejus , quanto longius a fonte recesserint , tanlo turbulentes, et sordibus ac immuniitiis corruplos.Et aitDomnus Rex Carolus : Rovertimini vos ad fontem sancti Gregorii , quia mani- feste corrupistis cantilenam ecclesiasticam. Hox petiit Pomnus rex Carolus ab AdrianoPapa cantores, quiFranciam corrigèrent decantu. At ille dédit ei Theodorum et Benedictum , Romanœ Ecclesiae doctis- slraos cantores, qui a sancto Gregorio eruditi faerant, tribuitque Antiphonarios sancti Gregorii , quos ipse notaverat nota romana. Pomnus vero Rex Carolus revertens in Franciam , misit unum canto- rem in Métis civitatc, allerum in Suessionis civitatc , prsecipiens de omnibus civilatibus Franciœ magislros scliolœ Antiphonarios eis ad corrigendum tradere , et ab eis discere cantare. Correcii sunt ergo Antiphonarii Francorum , quos unusquisque pro arbilrio suo vitiave- rat addeas vel minuens , et omnes Francice cantores didicerunt notam romanam , quam nunc vocani notam franciscam , excepte quod tremu- las , sive tinnulas, sive collisibiles vol secabiles voces, in cantu non poter^nt perfecle- exprimereFranci, nalurali voce l>arbarica frangen^s

278 ' INSTITUTIONS

in gutture voces potius quam exprimentes. Majus autem magisterium cantandi in 3Ielis civitate remansit. Quantumque magisterium Roma- num snperat Metense in arte caatilense , tanto superat Metensis canti- lena cœteras scbolas Gallorum. Similiter erudierunt Romani cautores supradicti cantores Francorum in aile organandi. Et Domnus Rex Carolus iterum a Roma artis grammatices et computatorise magistros secum adduxit in Franciam, et ubiquestudiam litterarum expandere jussit. Ante ipsum enim Domnum regem Carolum , in Gallia nullum studium fuerat liberaliuni artium. Caroli Jlagni vila per monachum Engolismensem , apud Duchesne. Tom. II.

NOTE E.

Adrianus Papa CYIII. Sedit ann. V. natione Romanus , pâtre Julio. Hic Ecclesiis ornameuta multa pretiosa snperadministravit. Hic Anli- phonarium Romanura, sicul anterior Adrianus, divcrsa per loca cor- roboravit , et secuadum prologum versibus bexametris ad missani majorem in die primo Adventus Domini J.-(J. decantaiidum inslituil, qui similiter incipit sicut anterioris Adriaui prœmium , quod ille ad omnes missas in eadem Dominica prima Adventus decanlandum stric- lissimum confecerat ; sed pluribus iste constat versibus. Hic constituit per monasteria ad missam majorem in soleranitatibus praecipuis , non solum in Hymno Angelico Gloria in excelsis Deo canere Hymnos iu- terstinctos quos Laudes appellant, verum eliam in Psalmis Davidicis, quos Inlroitus dicunt , iiiter;eria cantica decantare , quae Romani Festivas Laudes, Franci Tropos appellant : quod interpretatur, Figu- rata ornamenta in laudibus Bomini. Melodias quoque ante Evange- lium concineiidas tradidit , quas dicuni Sequentias ; quia sequituç eas Evangelium. Et quia a DomiuoPapa Gregorio primo et postmodumab Adriano una cum Alcuino Abbate, delicioso magni Imperatoris Ca- roli, bse cantilence festivales conslitutae accommodais fuerant, multum in hls delectalo supradicto Caesare Garolo , sed negligentia canlorum jam intermitti videbantur ; ab ipso almifico Prassule de quo loquimur , ita corroboratae sunt ad laudem gloriam Domini noitri J.-C, ut dili- genlia studiosorum cum Antiphonario simul, deinceps et Tropiarius in solemnibus diebus ad missam majoieoi canlileuis frequentelur bo- nestis.

Hie constituit ut clerici Romani instruerent pauperes Domini nostri J.-C, fratres nostros,ut ante Dominicum sacratissimum diei Paschae tribus diebus , hoc est, Domini Cœna , Parasceve , et sancta sepultura Domini nostri Jesu Christi , non aliter pelèrent eleemosymam per ur-

LITURGIQUES. 279

bem liane Romanam (1) , nisi excelsa voce cantilenam dicendo pev pla- t oas et aille monasteria et Ecelesias hujusmodi ; Kyrie, eleison ; Cliviste, t'U ïson. Domine, miserere nobis. Cbristus Dominus factus est obediens us(iae ad mortem. Jpud Lebeuf. Traité historique et pratique sur le Chant ecclésiastique. 1741. pag. 103 et suiv.

(1) Ces paroles , Urbem hanc Romanam , montrent évidemment que ceci a été écrit à Rome.

280 INSTITUTIONS

CHAPITRE XI.

Abolition du fute gothique ou mozarabe en erpagne. travaux de saint grégoire vii sur la liturgie. trogrès du chant ecclésiastique. rite romain-français. auteurs liturgistes des onzième et douzième siècles.

Un grand événement liturgique signale l'époque que nous embrassons dans ce chapitre. La Liturgie Gothique ou Moza- rabe succombe en Espagne sous les efforts de saint Grégoire YII , comme la Liturgie Gallicane avait succombé en France sous les coups de Charlemagne. Il était temps, en effet , que l'Espagne Chrétienne , déjà , sinon affranchie , du moins agrandie par les conquêtes de ses héroïques chefs , comptât dans la grande unité européenne. Sa Liturgie particulière faisait obstacle à cette réunion intime. La prière qui , dans ces temps de foi, était le lion des nations, la prière n'était point commune entre l'Espagne et les autres provinces de la Chrétienté Européenne. Le Sacrifice, quoique le même au fond , différait essentiellement dans les formes qui frappent les yeux du peuple : les chants et les formules saintes étaient totalement dissemblables. En outre , l'hérésie avait espéré un moment s'appuyer sur les paroles d'une Liturgie dont rien ne garantissait la pureté, puisqu'elle émanait d'une autorité qui ne saurait compter sur l'infaillibilité. Il était temps que l'Eglise d'Espagne sortît de l'enfance et passât à l'âge parfait.

Ce grand changement fut préparé de longue main , comme il arrive toujours, et le Pontife qui le consomma ne fut qu'ui^

LlTUnClQUES. 281

inslrumenl conduit par la Providence , qui veut que l'Eglise montre, printipalement dans les formes du culte, l'unité qui est sa vie. L'œuvre de Pépin et de Charlemagne avait reten- tir puissamment en Espagne , seule contrée de l'Occident qui ne fût pas soumise aux lois de la Liturgie Romaine. On savait que l'Eglise Gallicane n'avait plus désormais un autre rite que celui de l'Eglise Piomaine : jusque-là que les chroniqueurs espagnols , dont on peut voir les passages dans la dissertation du P. Pinius, que nous avons citée ci-dessus (1), se servent du mot Ofjjcium GaUicanum , pour exprimer le rite Romain. On voit d'abord , en 10G3 , un Concile tenu à Jacca , en Aragon (2), sous Dom Uamire 1", ou Sanclie Ramirez, son fils , dans lequel est rendu un décret , portant qu'on ne cé- lébrera plus à la manière Golîiique , mais à la Romaine (3). L'histoire ne dit point expressément quelles furent les causes directes de cette mesure ; l'influence de Rome dût y être , sans doute , pour quelque chose. On en jugera par ce qui se passa , six ans après , à Barcelone. Cette ville , con- quise avec son territoire , en 801 , par Charlemagne , avait adopté, sans aucun doute, la Liturgie Romaine, et ceci môme nous explique la qualification de Gallicane, appli- quée en Espagne à la Liturgie Romaine , pendant le moyen- âge ; les Espagnols désignant sous cette dénomination la Liturgie en usage dans la colonie française de Catalogne. Mais celle vaste province n'était pas toute entière sou- mise aux Français, et la Liturgie Gothique y régnait en- core en plusieurs endroits. L'année 10G8 la vit abolir pour

(1) Chapitre VIII. pag. 20G.

(2) D'Aguirre. Conc. Hispan. Tom. III. pay. 2:28.

(3) Data sacerdotibus lex , ne (|iio alio more quain Rom.mo preca- rentur ; neqae Golhica , utpole [)eregrina , piacula exsolverenlur, Conc. Labb. Tom IX, pag. IIU,

282 INSTITUTIONS

jamais , par les soins du cardinal Hugues le Blanc , Légal d'Alexandre II. Dans un Concile tenu à Barcelone, cette grande mesure fut consommée. L'Eglise dut ce bienfoit au grand zèle de la princesse Adelmodis , femme de Baymond Bérenger, comte de Barcelone. Elle était Française, el toutes les chroniques du temps s'accordent à la montrer comme une princesse d'un grand caractère. Son autorité , combinée avec celle du Légat , décida du triomphe de la Li- turgie Romaine dans la Catalogne (1).

L'illustre successeur d'Alexandre II , celui qui avait été l'âme de son Pontificat , saint Grégoire YII monta bientôt sur la chaire de saint Pierre , et il résolut d'achever la vic- toire de l'Eglise Romaine sur la Liturgie Gothique. Les flo- rissants royaumes de Castille et de Léon la pratiquaient encore avec un patriotisme chevaleresque : mais le grand Hildebrand, qui poursuivait sans relâche l'œuvre de l'unité européenne , ne pouvait être arrêté paf des considérations de nationalité étroite , dans une matière aussi grave que la Liturgie. Nous trouvons dans la collection de ses lettres , celle qu'il adresse , en l'an 1074 , à Sanche Ramirez , roi d'Aragon, Il y félicite ce prince de son zèle pour les Usages Romains , en ces termes si expressifs, qui montrent bien le fond de ses dispositions sur l'important objet qui nous oc- cupe, j En nous faisant part de votre zèle et des ordres que » vous avez donnés pour établir l'Office suivant l'ordre Ro- » main , dans les lieux de votre domination , vous vous faites » connaître pour enfant de l'Eglise Romaine ; vous montrez » que vous avez avec nous la même concorde et amitié » qu'autrefois les rois d'Espagne entretenaient avec les Pon-

(1) Piaius. Tractatus historico-chronologicus. De Lituryia antiqua ffispanica. Cap. VI. pag, 43 et seq.

LITURGIQUES. 283

» tifes Romains. Soyez donc constant , et ayez ferme espé- » rance pour achever ce que vous avez commencé; parce » que nous avons l'espoir en le Seigneur Jésus-Christ , que le î bienheureux Apôtre Pierre , qu'il a établi prince sur les » royaumes du monde , et auquel vous vous montrez fidèle , » vous mènera avec honneur à l'accomplissement de vos » désirs , et vous pendra victorieux de vos adversaires (1). » La même année , le Pape écrrvit la lettre suivante à Al- phonse VI , roi de Castille et de Léon , et à Sanche IV , roi de Navarre :

« Grégoire , Evêque , serviteur des serviteurs de Dieu , » à Alphonse et Sanche , rois d'Espagne , et aux Evêques de » leurs états. Le bienheureux Apôtre Paul , déclarant qu'il î a visiter l'Espagne, et Votre Sagesse n'ignorant pas que î les Apôtres Pierre et Paul ont envoyé, plus tard, de Rome, » sept Evêques , pour instruire les peuples d'Espagne , et que » ces Evêques ayant détruit l'idolâtrie, fondèrent en votre pays » la chrétienté , plantèrent la religion, enseignèrent l'ordre » et l'Office à garder dans le culte divin, et dédièrent les Eglises > avec leur propre sang ; on voit assez clairement quelle con- » corde a eu l'Espagne avec la ville de Rome, dans la refigion » et l'ordre des divins Offices : mais quand , par suite de l'ir- » ruption des Goths , et , plus tard , de l'invasion des Sarra-

(1) In hoc autemquod sub ditione tua Romani ordinis officium fieri studio et jussioQibus tuis asseris, Romauœ ecclesiae te fllium , ac eam concordiam et eamdem amicitiam te nobiscum habere, quara olim ra- ges Hispaniae cum Romanis pontificibus babebant , cognosceris. Esto itaque constans , et tiduciam flrmam liabeas, et quod cœpisti perficias; quia in Domino Jesu Cliristo conlidimus , quia beatus Petrus Aposto- lus, quem Dorainus Jésus Cliristus , rex g1ori;e , principem super régna mundi constiluit, cui te fidelem exhibes, te ad honorem desiderii tui adducet, ipse te victorem de adversariis tuis efiiciel. Labb.Tom. X. pag. 53.

284 INSTITUTIONS

» sins, le royaume d'Espagne fut long-lemps souillé par la

> fureur des Priscillianistes , dépravé par la perfidie des

> Ariens, et séparé du rite Romain, non seulement la religion » y fut diminuée, mais les forces temporelles de cet état se trou-

> vèrent grandement affaiblies. C'est pourquoi, comme des » enfants irès-chers, je vous exhorte et avertis de reconnaître

> enfin pour votre mère, après une longue scission , l'Eglise » Romaine dans laquelle vous nous trouverez vos frères ;

> de recevoir l'ordre et rOffîce de cette sainte Eglise et non » celui de Tolède ou de tout autre ; gardant , comme les » autres royaumes de l'Occident et du Septentrion , les » Usages de celle qui , établie par Pierre et Paul , consacrée » par leur sang, a été fondée sur la pierre ferme par le » Christ , et contre laquelle les portes de l'enfer , c'est-à- » dire les langues des hérétiques , ne pourront jamais pré- » valoir. Car de la source même vous ne doutez pas avoir

> puisé le principe de la religion , il est j uste que vous en

> receviez aussi l'Oïïîce divin dans l'ordre ecclésiastique : » c'est ce que vous apprend et la lettre du Pape Innocent à » l'Evoque d'Egnbium , et les décrets d'Hormisdas envoyés » à l'Eglise de Séville, et les conciles de Tolède et de Drague ; » c'est ce que vos Evêques eux-mêmes, qui sont venus ré- t cemment vers nous , ont promis par écrit, et signé entre » nos mains, après la décision d'un concile (1). »

Une résistance vive s'étant élevée en plusieurs lieux , comme on devait s'y attendre , le Pontife n'en fut point ébranlé. Nous avons une autre lettre de lui dans laquelle écrivant à un Evêque espagnol , il montre toute l'énergie de son ame apostolique dans la défense des ordonnances du Saint-Siège. Elle est conçue en ces termes :

(1) Vid. la note A.

'llTtRCrQUES. 285

« Grégoire, Evèque, serviteur des serviteurs de Dieu, à » Siméon , Evoque en Espagne , salut et bénédiction nposto- » lique.

î Ayant lu les lettres de Votre Fraternité , nous avons été » remplis de joie , parce que nous y avons reconnu avec plé- » nitude cette foi et cette dévotion que vous portez à l'Eglise 3) Romaine, que vous ne voulez point délaisser, à la manière des » adultères ; mais bien embrasser toujours comme la source » de toute filiation légitime. C'est pourquoi , Frère très-cher, » il est nécessaire que vous marchiez droit dans la voie que î vous avez prise : car la perversité des hérétiques ne doit » point amoindrir ce qui a été sanctionné par la Tradition 5 Apostolique. En effet, le Siège Apostolique sur lequel, par ï la permission divine, nous présidons, quoique indigne, est » demeuré ferme depuis son origine, et restera sans tache jus- » qu'à la fin, le Seigneur qui le soutient ayant dit : J'ai prié ï pour toi pour que ta foi ne manque pas ; et quand tu seras T> converti, confirme tes frères. Forte d'un tel secours, l'Eglise » Romaine veut que vous sachiez qu'elle n'a point intention » d'allaiter, à diverses mamelles, ni d'un lait différent, les en- » fants qu'elle nourrit pour le Christ, afin que, selon l'Apôtre, » ils soient un , et qu'il n'y ait point de schisme parmi eux : » autrement, elle ne serait pas appelée mère, mais scission. » A ces causes , qu'il soit donc connu de vous et de tous les » fidèles sur lesquels vous avez consulté, que nous entendons î et que nous voulons que les Décrets qui ont été rendus ou » confirmes par nous, ou plutôt par l'Eglise Romaine, portant î> pour vous l'obligation de vous conformer aux Offices de » cette même Eglise , demeurent inébranlables , et que nous s ne voulons point acquiescer à ceux qui désirent vous faire » sentir leurs morsures de loups et d'empoisonneurs. Nous B ne doutons aucunement que, suivant l'Âpôlrc, il n'y ait

286 INSTITUTIONS

» parmi vous des loups dangereux, rapaces, qui n'épargnent » rien , auxquels il faut résister fortement dans la foi. C'est » pourquoi , Frère bien-aimé , combattez et travaillez avec » ardeur, jusqu'à l'effusion de votre sang, s'il était nécessaire :

> car il serait indigne , et passerait pour ridicule , que les sé- » culiers , pour des choses d'un prix vil, pour un commerce

> qui déplaît à Dieu , s'exposassent volontiers aux périls , et î que le fidèle ne sût que céder lâchement à l'effort de ses

> ennemis. En effet , ceux-là ne pouvant acquérir la vertu ,

> tombent facilement dès qu'on les attaque. Quant à ce que » disent ces enfants de mort, au sujet de lettres qu'ils auraient » reçues de nous, sachez que cela est faux de tous points.

> Ainsi , faites en sorte que par toute l'Espagne et la Gallice, t en un mot, partout vous le pourrez, l'Office Romain

> soit observé , avant toutes choses , avec plus de fidé- » lité (1). »

Pour presser avec plus d'efficacité l'accomplissement de ses désirs , saint Grégoire VII , suivant son usage , députa un Légat vers les Eglises d'Espagne, et choisit, pour cette mis- sion, Richard, Abbé de Saint-Victor de Marseille, et Cardinal de l'Eglise Romaine , qui fit jusqu'à deux fois le voyage d'Es- pagne pour un si important objet. Dans un concile tenu à Burgos , en IO80 , le Légat , appuyé de l'autorité d'Al- phonse VI , promulgua plus solennellement encore l'aboli- tion de la Liturgie Gothique , d«ui les royaumes soumis à ce grand prince. Alphonse même ne s'arrêta pas là; on le vit, en 1091 , ordonner, pour l'uniformité et la facilité du com- merce avec les nations étrangères, l'abolition des caractères Gothiques (2) , et l'adoption des caractères Latins , tels qu'ils

(1) Vid. la note B.

(2) On n'a pas besoin sans doute d'avertir que les caractères Go- thiques dont il est ici question, ne sont pas ceux vulgairement désignés

LITURGIQUES. 287

étaient alors en usage , quoique un peu altérés , en France et dans les principales provinces de l'Europe. Dans l'accom- plissenicnt de toutes ces mesures si énergiques , Alphonse fut puissamment soutenu par les conseils de Constance de Bourgogne, qu'il avait épousée en 1080, et à l'influence de laquelle l'historien Rodrigue attribue principalement l'intro- duction de la Liturgie Romaine en Espagne (1) : ce que l'on doit entendre surtout de la destruction du rite Gothique à Tolède , puisque les premières attaques qu'il a éprouvées en Espagne eurent lieu , comme nous l'avons vu , au concile de Jacca, enlGGS.

Le 25 mai 1085, jour auquel mourut le Pontife saint Grégoire VII, Alphonse VI entrait victorieux à Tolède. Il mit aussitôt tous ses soins pour rétablir, dans sa haute di- gnité, l'Eglise de cette illustre cité. Il la dota libéralement, et appela , pour la gouverner, Bernard , Abbé de Sahagun et Français de nation. Mais le prince devait rencontrer de grandes difficultés dans son projet d'abolir le rite Mozarabe à Tolède, il était tellement étabh, qu'on l'appelait d'or- dinaire, par toute l'Espagne, le rite de Tolède. Nous em- pruntons la narration de l'historien Rodrigue , pour raconter

sous ce nom , mais bien ceux que l'Evêque Ulphilas paraît avoir dounés auxGotlis,au cinquième siècle. La qualification de Gothique donnée aux caractères Latins du moyeu-âge , est aussi absurde que lorsqu'on l'applique à l'architecture chrétienne de la même période.

(l) Et quia adhuc littera Gothica, et translatio psalterii , et Ofli- cium missae institutum ab Isidoro et Leandro pontiOcibus, quodcum translatione et littera dicitur Toletanum, per totam Hispaniam serva- bantur, ad instantiam uxoris suœ reginse Constantise , quœ erat de par- tibus Galiiarum , misit Romam ad Gregorium Papam VII , ut in Hispa- uiis, omisso ïolcLano, Uoraanum seu Gallicauum Ofticium servaretur. Hodericus Tolctams. De nbus ffispanido. Lib. FI. cap, XXV,

â88 INSTITUTIONS

ce grand fait , avec les circonstances si dramatiques qui l'ac- compagnèrent.

c Le clergé et le peuple de l'Espagne entière furent trou- » blés, parce que le Légat Richard et le Roi Alphonse vou- » laient les contraindre à recevoir rOfïîce Gallican. Au jour » marqué, le Roi, le Primat, le Légat et une grande raulli-

> tude de clergé et de pouple se trouvant rassemblés, il » s'éleva une longue altercation , par suite de la résistance

> courageuse du clergé, de la milice et du peuple , qui s'op-

> posaient à ce qu'on changeât l'Office. De son côté, le Roi, » conseillé par la Reine, faisait retentir des menaces terribles. s Enfin , la résistance du soldat fut telle , qu'on en vint à pro-

> poser un combat singulier pour terminer cette dissension.

> Deux chevaliers ayant été choisis, l'un par le Roi, pour » l'Office Gallican, l'autre par la milice et le peuple, pour ï l'Office de Tolède, le chevalier du Roi fut vaincu, au grand » applaudissement du peuple , de ce que le champion de » l'Office de Tolède avait remporte la victoire. Mais le Roi, » stimulé par la Reine Constance , ne renonça pas pour cela à ï son dessein, disant que duel n'était pas droit. Le chevalier » qui combattit pour l'Office de Tolède était de la maison de » Matanza, près de Pisorica, sa famille existe encore (I). »

Quoi qu'il en soit de la vérité de celte histoire, qui n'au- i-ait de valeur pour démontrer le droit de l'Office de Tolède , qu'autant qu'on admettrait le jugement des combats singu- liers, comme le jugement irréfragable de Dieu même, le P. Lebrun s'est trompé , lorsqu'il a écrit qu'on ne trouvait ce fait que dans l'historien Rodrigue , mort en 12-47 (2). La Chronique de saint Maixeut, antérieure d'un siècle à la mort

(1) Yid. la note 0.

("2) Explication delà Messe. Tom. IL pag. 296.

LITURGIQUES. 289

tic Hodrigue, puisqu'elle finit à l'an 1154., rapporte, quoi- qii'en abrégé, la même histoire (1). Le Cardinal Bona paraît aussi avoir ignoré ce second témoignage (2) . Au reste , nous n'avons pas tout dit encore sur les oppositions que le ciel sembla mettre, si l'on en croit Rodrigue, à la destruction du rite vénérable qui rappelait à l'Eglise Espagnole les noms chéiis de saint Isidore et de saint Léandre. .

« Une grave sédition , continue l'historien , s'étant donc » élevée dans le peuple, il parut convenable d'allumer un » grand feu et d'y placer le livre de l'Office de Tolède et le » livre de l'Office Gallican { Romain ) . Après un jeûne indi- i) que par le Primat , le Légat et le clergé ; après les prières ï accomplies dévotement par tous, le livre de l'Office Gai- » lican (Romain) est consumé par le feu; tandis que le livre » de l'Office de Tolède s'élance du bïicher, intact , exempt » de toute trace de briilure, aux yeux de l'assemblée, et au » chant des louanges du Seigneur (3). i

Ce double prodige doit rappeler au lecteur celui que nous avons rapporté , au chapitre VllI , sur la Liturgie Ambro- sienne. On verra du moins, dans le récit de Rodrigue, uu nouveau témoignage du zèle que mettaient autrefois les peuples et le clergé à tout ce qui concernait la Liturgie , zèle qui contraste bien tristement avec l'indifférence profonde qui, de nos jours, a accueilli et accueille encore en France les plus graves changemens sur le même objet. Quant à l'é- preuve du feu, nous devons remarquer avec le P. Pinius (-4),

(1) ChroniconS. Maxentii, valgo Malleacense, apud Labbeum. £i- blioth. MSS. Tom. II. pag. 190.

(2) Rerum Liturgicarura. Lib. I. cap. XI.

(3) Vid. la note C.

(i) Tract. Hist. Chron. de Liturgia antiq. Hispan. Cap, VI. § F. pay. 50,

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que Pelage d'0^^édo , contemporain d'Alphonse M , et qui a rapporté les actions de ce prince dans un grand détail , n'en a pas dit un seul mot, non plus que Luc de Tude, qui \ivait au siècle de l'Archevêque Rodrigue. Il est d'ailleurs difficile de croire que si un véritable prodige eût eu lieu , le Siège Apos- tolique eût persisté dans l'intention de détruire l'Office Go- thique. Ce serait le premier miracle en opposition avec les volontés de l'Eglise. Quant au fait en question , s'il était dé- montré (ce qui n'est pas) , la théologie catholique trouverait peut-être encore à l'expliquer, sans recourir à l'intervention divine. Rodrigue conclut ainsi sa narration : « Tous pleurant et

> gémissant d'une issue si malheureuse, alors commença le

> proverbe : Quod volunt reges , vadunt leges : quand veulent » les rois, s'en vont les lois. Et depuis lors , l'Office Gallican

> (Romain) , qui n'avait jamais été reçu ni pour le Psautier, » ni pour le rite , fut observé en Espagne ; quoique , en » quelques Monastères , on ait gardé encore , un certain » temps, celui de Tolède, et que l'ancienne version du Psau- 1 lier soit encore récitée aujourd'hui dans plusieurs Eglises

> Cathédrales et Monastères (l). »

Telles furent les circonstances qui accompagnèrent l'abo- lition de la Liturgie Gothique, en Espagne. Ce fut donc un acte solennel du zèle des Pontifes Romains , de la piété des Rois, une des nécessités qu'imposait le sublime plan de l'unité sociale Catholique. Dans cette mesure, sans doute, de pré-

(1) El tune cunctis flenlibus et dolentibus iuolevit proverbium : quod volunt reges, vadunt leges. Et ex lune Gallicanum officium tam in psalterio quam ia aliis numquam aute susceplum , fuit in Hispauiis observatum. Licet in aiiquibus mouasleriis Toleianuiiifuerit aliquanto tempore custoditum : et etiamtrauslatio psalterii in plurimis ecclesiis cathedrallbus et monasteriis , a.Liuc liodie recitaiur. /»c :!cric. Toletan. De rébus Hispanicis. Ibidem,

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cieuses traditions nationales périrent , mais l'Eglise ne re- connaît point de nations : elle ne voit qu'une famille dans le genre humain , et si les Chrétientés d'Orient se sont rom- pues en tant de morceaux , et ont vu s'affadir en elles le sel du Christianisme, de si grands malheurs n'eussent point eu lieu, si Rome, ainsi que nous l'avons dit ailleurs, eût pu enchaîner ces vastes provinces à celles de la Chrétienté eu- ropéenne, parle double hen d'une langue commune et d'une Liturgie universelle. Cependant, s'il en est ainsi, quel sera le jugement de l'histoire sur ceux qui , plus tard, en Europe, en France , se sont plus à détruire l'œuvre des siècles , le résuUat des efforts des Pontifes et des princes les plus pieux, cette unité liturgique si chèrement achetée , si laborieuse- ment conquise?

Quoi qu'il en soit , la Providence ne voulut pas que l'Eglise d'Espagne perdit à tout jamais le souvenir de ses anciennes gloires Gothiques. Quand le danger fut passé , quand l'unité fut établie depuis plusieurs siècles , quand l'Espagne affran- chie tout entière du joug Sarrasin et fondue désormais dans la société européenne, eut mérité, à tant de titres, le nom de Royaume Catholique , ce qui n'était jamais arrivé pour aucune autre nation arriva pour elle. Le passé fut exhumé de la poudre, et Tolède tressaillit de revoir célébrer au grand jour les augustes Mystères des Isidore et des Léandre.

Un de ces hommes qui n'appartiennent pas tant à la na- tion qui les a produits qu'à l'humanité tout entière, le grand Cardinal Ximenès , Archevêque de Tolède , recueilHt avec amour les faibles restes des Mozarabes qui, sous la tolé- rance des Rois de Castille, avaient continué, dans quelques humbles sanctuaires de Tolède, à pratiquer les lites de leurs pères. Il fit imprimer leurs Uvres que l'injure du temps avait mutilés en quelques endroits; il leur assigna, pour

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l'exercice de la Liturgie Gothique , une chapelle de la Ca- thédrale et six Eglises dans la ville , et pourvut à l'entretien du culte et de ses ministres. Mais afin de rendre légitime cette restauration , Ximenès s'adressa au Souverain Pontilé, et Jules II rendit deux Bulles, à la prière du Cardinal, pour instituer canoniquement le rite Gothique dans les Eglises qui lui étaient affectées. Dans la première de ces Bulles , qui est du douze des Kalendes d'Octobre de l'année 1508, le Pape loue grandement le zèle de Ximenès pour le service divin , et qualifie l'Office Mozarabe de très-ancien et rempli d'une grande dévotion, antiquissimum et magnœ devotionis (1).

Les esprits superficiels , qui croiraient voir ici Jules II en contradiction avec saint Grégoire VII , n'auraient pas ap- précié les raisons de diverse nature qui dictèrent la conduite de ces deux Pontifes. L'unité , dans toutes ses conséquences, est le premier des biens pour l'Eglise ; son développement social, ses heureuses influences pour le bien de l'humanité , la conservation du dépôt de la foi , sont à ce prix ; on y doit donc sacrifier, dans certains cas, le bien même d'un ordre secondaire. Or, l'antiquité, la beauté de certaines prières sont un bien, mais non un bien qui puisse entrer en paral- lèle avec les nécessités générales de l'Eglise. Telles sont les idées sous l'influence desquelles agit saint Grégoire VII. Mais, d'un autre coté, quand l'unité est sauvée avec tous les biens qui en découlent, rien n'empêche qu'on n'accorde quelque chose , beaucoup même , à des désirs légitimes dont l'accom-

(1) Outre les Eglises de la ville de Tolède autorisées a suivre le rite Gothique, Piuius eu cite encore deux autres : la petite Eglise de Saiot- Sauveur, à Salamanque , et une chapelle de l'Eglise paroissiale de Sainte-Marie-Magdeleine , a Valladolid. Léon X coulirma la première , et Pie IV la seconde , en leur donnant le pouvoir d'y célébrer les saints Mystères , suivant le rite Golhiq'. , niais seulement a certains jours de l'année.

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plissement ne peut porter atteinte à ce qui a été si utilement et si difficilement établi. Dans les six ou sept Eglises de To- lède où il est relégué, le rite Gothique ne fait plus obstacle à la fusion du royaume d'Espagne dans les mœurs de la catholicité d'Occident. A Tolède môme, la Liturgie Ro- maine , loin d'en être obscurcie , en est plutôt rehaussée. Nos dogmes antiques célébrés dans le langage pompeux des grands et saints docteurs de Séville et de Tolède, n'en de- viennent que plus inviolables aux attaques des novateurs.

Réduit à ces proportions , le Rite Gothique ne pouvait nuire et pouvait être utile ; telle fut la raison de l'indulgence que montra Jules IL Rome n'a jamais eu peur de l'antiquité : c'est le plus ferme fondement de ses droits , comme de ceux de l'Eglise dont Rome est la pierre fondamentale. Elle aime à voir les deux rites Ambrosien et Gothique demeurés debout , comme deux monumens antiques de l'âge primitif du Chris- tianisme. Elle ne souffrirait pas que d'autres EgUses, rétro- gradant" vers leur berceau , abjurassent les formes de l'âge parfait pour revêtir celles de l'enfance ; mais elle se plaît à mettre les novateurs à même de comparer les croyances et les symboles en usage dans ces antiques Liturgies, avec les symboles et les croyances que renferme cette autre Li- turgie que l'univers catholique a vu croître avec les siècles. II est vrai que si les Liturgies Ambrosienne et Gothique remontaient, comme celles d'un certain pays, au dix-hui- tième , voire même au dix-neuvième siècle , Rome n'aurait pas lieu d'en vanter la haute antiquité, ni, tranchons le mot , la vénérable autorité. Mais reprenons le fil de notre histoire.

Saint Grégoire VII ne nous apparaît pas seulement , dans l'histoire, comme le zélé propagateur de la Liturgie Romaine; son nom vient aussi se placer à la suite de ceux des Léon ,

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des Célestîn , des Gélase , des GrégQÎre-le-Grand , chargés par l'Esprit saint de la réformer. Quatre siècles s'étaient écoulés depuis l'œuvre du dernier de ces Pontifes ; il était temps qu'une main forte et éclairée intervînt pour une amé- lioration. Ainsi qu'il arrive toujours dans les grandes choses, saint Grégoire Vil n'eut peut-être pas la conscience entière de ce qu'il accomplissait pour les âges suivans. Ses travaux qui, du reste, ne pa^^aissent pas s'être portés sur le Sacra- mentaire , aujourd'hui Missel Romain , partie la plus antique et la plus immuable de la Liturgie , eurent pour objet la ré- duction de l'Office divin. Les grandes affaires qui assiégeaient un Pape, au onzième siècle , les détails infinis d'administra- tion dans lesquels il lui fallait entrer, ne permettaient plus de concilier avec les devoirs d'une si vaste sollicitude l'as- sistance exacte aux longs Offices.cn usage dans les siècles précédens. Saint Grégoire Vil abrégeii l'ordre des prières et simplifia la Liturgie pour l'usage de la Cour Romaine. Il se- rait difficile aujourd'hui d'assigner d'une manière to*ut-à-fait précise la forme complète de l'Office , avant cette réduction ; mais depuis lors, il est resté, à peu de choses près, ce qu'il était à la fin du onzième siècle. Nous en avons pour témoin l'ancien auteur connu sous le nom de Micrologue , du titre de son livre, qui paraît avoir été écrit vers l'an 1097 (1). Cet auteur donne à entendre que c'est sur l'Office sanc- tionné par saint Grégoire VII , qu'il a établi ses observations. Or , on trouve dans ce précieux opuscule les particularités suivantes : l'auteur y compte des Offices cum pleno offîcio^ ou à trois Répons, ou à neuf leçons ; il en meniionne de dominicaux, de fériaux , de votifs. Il marque à Matines

(1) Micrologus de ecclesiasticis observatioûibiis. Biblioth. vet. Pa- îrum Lugdmen. Tom, XIF. pag. 472—490.

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trois psaumes et trois leçons, du jour de Paque jusqu'au SaiMcdi in albis, et du jour de la Pentecôte jusqu'au Samedi de la môme semaine. Aux autres jours de l'année, si c'est une fôte , neuf psaumes , neuf leçons et autant de Répons ; aux dimanches, dix-huit psaumes et neuf leçons. Ces détails montrent que le Bréviaire de saint Grégoire VII était con- forme à celui d'aujourd'hui. Mais outre les particularités fournies par le Micrologue , il existe un document impor- tant qui nous apprend dans le plus grand détail l'ordre établi parce grand Pape, d'après les traditions antérieures, pour le partage des leçons de Matines, et cet ordre est entièrement conforme à celui que nous gardons encore présentement.

Ce document est un Canon inséré au Décret de Gratien (l), à la suite du Canon de saint Gélase, sur les Livres Apocryphes. Les plus savans liturgistes , Grancolas, Merati, Azevedo, Zaccaria, s'accordent à reconnaître saint Grégoire VII pour l'auteur de ce second Canon. En voici la teneur :

« Nous avons jugé à propos, pour l'édification des fidèles, » d'indiquer les livres qui sont lus par plusieurs, dans les Of- » fices ecclésiastiques, durant le cercle de l'année. Ce rite est > celui que le Siège Apostolique observe lui-même, bien loin » de le réprouver. Il en est donc qui , à la Septuagésime , » placent le Pentateuque , jusqu'au quinzième jour avant » Paque. Ce quinzième jour, ils placent Jérémie, jusqu'à la ■» Cène du Seigneur. A la Cène du Seigneur, ils lisent trois i leçons de la Lamentation de Jérémie ( Quomodo sedet sola » civitas , etc.), et trois du traité de S. Augustin, sur le » psaume LIV [Ëxaudi, Dcus, orationem meam, et ne des- » pexeris ] , et trois de l'Apôtre , à l'endroit il dit dans ï i'Epître aux Corinthiens . Convenientibtis vobis in unum.

(1) Decrctum. Cap. Sancta Romana Ecclesia.

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» La seconde leçon commence ainsi : Similiter et calicem, » postquam cœnavit. La troisième , De splritaUbus autetn » nolunius vos ignorare , fratres. Au Vendredi-Saint , trois » leçons de la Lamentation de Jérémie , et trois du Traité » de S. Augustin , sur le psaume LXIII [Exaudi, Deus, ora- » tionem meam cum deprecor ) ; et trois de l'Apôtre, à l'endroit » il dit , dans l'Epître aux Hébreux : Festinemus ingredi ï in eam requiem , etc. La seconde leçon : Omnis namque i Pontifex. La troisième : De quo grandis nobis sermo. Au » Samedi-Saint , trois leçons de la Lamentation du Prophète » Jérémie, trois du Traité de S. Augustin, sur le même » psaume LXIII ; et trois de l'Apôtre , à l'endroit il dit , » dans l'Epître aux Hébreux : Christus assistens Pontifex fu- » turorum. La seconde leçon : Ubi enim testamentum est. La

> troisième : Umbram enim hahens lex futurorum bonorum, » En la Pâque du Seigneur , les Homélies qui appartiennent

> à ce j(tur : pendant la semaine , les Homélies convenables. » A l'Octave de Pâque , ils placent les Actes des Apôtres , les » Epîtres canoniques et l'Apocalypse jusqu'à l'Octave de la » Pentecôte. A l'Octave de la Pentecôte, ils placent les Livres » des Rois et les Paralipomènes , jusqu'aux Kalendes de

> Septembre. Au premier Dimanche de Septembre, ils placent » Job, Tobie, Esther et Esdras jusqu'aux Kalendes d'Octobre. » Au premier Dimanche du mois d'Octobre , ils placent le » livre des Machabées, jusqu'aux Kalendes de Novembre. Au » premier Dimanche du mois de Novembre , ils placent Ezé- » chiel, Daniel et les petits Prophètes, jusqu'aux Kalendes î de Décembre. Au premier Dimanche du mois de Décembre, y ils placent le Prophète Isaïe jusqu'à la Nativité du Seigneur. » En la Nativité du Seigneur , ils lisent d'abord trois leçons » d'Isaïe. Première leçon : Primo tempère alleviata est terra » Zabulon ; seconde : Consolamini , consolamini : troisième ;

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B Consurge , consurge. On lit (msuite des Sermons ou Homé- » lies appartenant à ce jour. En la fête de S. Etienne , l'Ho- » niëlie de ce jour. En la fête de S. Jean, de même. En la » fête des Innocens, de même. En la fête de S. Sylvestre, ï do même. En l'Octave delà Naissance du Seigneur, l'Ho- » mélie du jour. Au premier Dimanche après la Nativité du ï Seigneur, ils placent les Epîtres de saint Paul jusqu'à la » Septuagésime. En l'Epiphanie , trois leçons d'Isaïe , la pre- » raière commence : Omnes sit lentes ; la seconde : Surge, » illuminare Jérusalem ; la troisième : Gaudens gaudebo in » Domino. Ensuite on lit les Sermons ou Homélies appartenant » à ce jour (1). »

La réduction de l'OIfice divin , accomplie par saint Gré- goire VII , n'était destinée , dans le principe , qu'à la seule Chapelle du Pape : par le fiût, elle ne tarda pas à s'étabhr dans les diverses Eglises de Rome. La Basilique de Latran fut la seule à ne la pas admettre ; c'est ce qu'atteste déjà , au siècle suivant, Pierre Abailard, dans une Lettre Apologé- tique contre saint Bernard (2). Le livre Responsorial de la Basilique de saint Pierre, publié par le B. Tommasi, sur un manuscrit du douzième siècle, prouve matériellement que cette seconde Eglise de Rome avait aussi adopté l'ordre nouveau de l'Office. Les Eglises du reste de l'Occident de- meurèrent plus ou moins étrangères à cette innovation ; il faut remarquer que l'auteur du Micrologue , qui semble avoir été Ives de Chartres, a écrit hors de Rome, et qu'il parle néanmoins des Ordonnances de saint Grégoire VII, comme

(1) Vid. la note D.

(2) Aufuiuam Romanœ sedis coiisuetudinem nec ipsa civitas tenet, sed sola Ecclesia Lateranensis, quae mater est omnium , antiquuni tenet oificium, uulla filiarum suaruni in lioc cam sequente, nec ipsa etiam Romani PalasiiBasilica. .-^bailardi opéra. Epist. F.pag.'SSi^

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faisant droit sur la Liturgie. Toutefois, il ne paraît pas que ce grand Pape ail jamais obligé les Eglises à recevoir ses ré- glemeus sur cette matière : c'est ce que l'on peut conclure d'une remarque de Raoul, Doyen de Tongres, auteur du qua- torzième siècle , qui dit ces paroles, au sujet de la réduction de l'Office divin : « Les autres nations de l'univers ont leurs > livres et leurs Offices , tels qu'ils sont venus des Eglises de » Rome , et non de la Chapelle du Pape , ainsi qu'on le con- » dut avec évidence des livres et traités d'Amalaire , de » Walafride, du Micrologue (1), du Gemma, et autres qui » ont écrit sur l'Office (2). >

Ce mot de Raoul de Tongres nous ramène naturellement à parler de l'état de la Liturgie dans l'Occident, pendant les onzième et douzième siècles. Il arriva donc , par le fait , que beaucoup d'Egli'ses en France et dans les autres provinces de la Chrétienté se tiouvérent avoir une Liturgie plus en rapport, au moins en quelque chose , avec celle de saint Grégoire le Grand, qu'avec la nouvelle que saint Grégoire VII avait inau- gurée dans Rome. Du reste , tout ce que renfermait cette dernière se trouvait dans l'ancienne, dont elle était l'abrégé : les usages Romains régnaient donc toujours. Toutefois , le respect qu'on avait pour ces formules saintes n'empêcha pas

(1) Raoul de Tongres est fondé a citer ici le Micrologue av?c Araa- laire et les autres , parce que cet opuscule , quoiqu'il y soit parlé, en plusieurs endroits, de l'Office suivant la réforme de saint Grégoire VII, offre un grand nombre de traits q i tiennen a une forme de Liturgie antérieure.

(2) Alia autem natioiies orbis libros, et ofiisia sua habent e directo ab ipsiî Ecclesiis Romanis, et noa a Capella Papse, sicut ex libris et tractationibus Amalarii, Walalridi, Micrologi, Gemmas, et ceterorum de officio scribeutium colligitur evidenter. Radnlpli. Decani Tungren. de Canonum observantia. Propoiltio XXII, Biblioth. Patrum. Tom. XXFI. pag, 513.

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qu'en certains pays , mais principalement en France , on n'insérât, par le laps du temps, un certain nombre de pièces et d'Offices même , qui portaient le cachet du siècle et du pays qui les avait produits. Rome , comme au temps d'Ama- laire, continua de voir ces superfétations nationales sans improbation; de même qu'aujourd'hui elle approuve encore les Offices et les usages locaux, dans les diocèses règne le Bréviaire Romain. Bien plus , il arriva plus d'une fois qu'elle adopta des prières , des chants et des Offices em- pruntés aux livres de quelque Eglise particulière. Les di- verses Eglises de l'Europe échangeaient aussi les usages Liturgiques qui, dans le pays de leur origine, avaient obtenu une plus grande popularité. Mais autant, parmi ces diverses Eglises , celle de France avait l'avantage pour la fécondité de son génie liturgique et pour la beaulé de ses chants, autant , au sein de notre pali-ie, l'Eglise de Paris, à l'époque qui nous occupe, posséda et mérita une supériorité incontes- table.

Une des causes qui maintinrent la Liturgie Romaine-Pari- sienne dans cet état si florissant , fut l'influence de la cour de nos rois d'alors, dont la Chapelle était desservie avec une pompo et une dévotion merveilleuses. Charlemagne, Louis-le-Pieux , Charles-le-Chauve , trouvèrent de dignes successeurs de leur zèle pour les divins Offices , dans les rois de la troisième race. A leur tête , nous placerons Robert-le- Pieux et saint Louis. Le premier, monté sur le trône en 996, régla tellement son temps , qu'il en donnait une partie aux œuvres de piété, une autre aux affaires de l'état, et l'autre à l'étude des lettres. Chaque jour, il récitait le Psautier, et en- seignait aux Clercs à chanter les Leçons et les Hymnes de l'Office. Assidu aux Offices divins, et plus zélé encore que Charlemagne, il se mêlait aux chantres, révêtu de la chappe et

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tenant son sceptre en main. Le onzième siècle, si illustre par la réédification de tant d'Eglises Cathédrales et Abbatiales , s'ouvrit sous les auspices de ce pieux roi, qui fonda lui-même quatorze Monastères et sept Eglises. Comme il était grand amateur du chant ecclésiastique, il s'appliqua à en composer plusieurs pièces , d'une mélodie suave et mystique , que l'on chercherait vainement aujourd'hui dans les livres Parisiens , d'où elles furent brutalement expulsées au dix -huitième siècle, mais qui régnèrent dans toutes les Eglises de France , depuis le temps de Robert jusqu'à la régénération Gallicane delà Liturgie. Ce pieux prince, qui se plaisait à enrichir les Offices de Paris des plus belles pièces de chant qui étaient en usage dans les autres Eglises , envoyait aux Evêques et aux Abbés de son royaume les morceaux de sa composition , que leur noble harmonie, plus encore que son autorité, faisait aisément adopter partout. Etant allé par vœu à Rome , vers l'an 1020 , et assistant à la Messe célébrée par le Pape , lorsqu'il alla à l'offrande , il présenta , enveloppé d'une étoffe précieuse , son beau Répons , en l'honneur de saint Pierre , Cornélius Centurio. Ceux qui servaient le Pontife à l'autel , accoururent incontinent , croyant que ce prince avait offert quelque objet d'un grand prix, et trouvèrent ce Répons écrit et noté de la main de son royal auteur. Ils admi- rèrent grandement la dévotion de Robert , et à leur prière , le Pape ordonna que ce Répons serait désormais chanté en l'honneur de saint Pierre (1)-

Robertlia une étroite amitié avec le grand Fulbert, Evêque de Chartres , si célèbre à tant de titres , mais aussi par les admirables Répons qu'il composa en l'honneur de la Nativité de la Sainte Vierge. La fête de ce Mystère fut en effet éta-

(1) Trlthem. Chronic. Hir&ang. Tom. I. pag. 141.

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bile en France , sous le règne de Robert , qui rendit un édit portant obligation de la solenniser. Ces trois Répons sont lout-à-fait , pour le chant , dans le style du roi Robert. Il est probable que Fulbert les lui avait communiqués , pour les répandre par ce moyen dans tout le royaume. On les trouve dans tous les livres Liturgiques de France , antérieurs au dix-huitième siècle , même dans ceux de la Provence et du Languedoc. Tel était le mode de propagation qu'em- ployait Robert pour les chants qu'il affectionnait : il les faisait exécuter dans la chapelle de son palais , ou dans l'Abbaye de Saint-Denys , puis dans l'Eglise même de Paris , et de ils passaient aux autres Cathédrales.

La piété de Robert pour les Oftîces divins n'avait rien de singulier dans ces siècles de foi. Les plus grands guerriers se montraient tout aussi dévots que ce roi pacifique. * Si , en effet , nous passons en Angleterre , nous retrouvons les mêmes exemples dans un prince tel que Guillaume-le-Con- quérant. Guillaume de Malmesbury nous apprend que ce vainqueur des Saxons assistait chaque jour non seulement à la Messe, mais à Matines et aux autres heures de l'Office (1). 11 attribue la catastrophe qui affligea l'Angleterre à la négli- gence des seigneurs Saxons qui n'avaient pas renoncé , il est vrai , à entendre la Messe et l'Office , mais qui ne remplis- saient plus ce àeso'w journalier que d'une manière lâche et né- gligente (2) . Matthieu Paris s'exprime dans les mêmes termes. Godefroy de Bouillon , partant pour la croisade , avait em-

(1) Religionem christianam quanUim saccularis poterat ita frequeu- tabat, ut quotidie Missae assisteret, vesperliaos et matutinos hymnos audiret. Guilklm. Mulmesb. de Gcstis Regum Jnglor. Lib. III.

('2) Optimates guliu et veneri dediti, Ecclesiam more Chrisliano mane nou adibanl, sed in cubiculo et iuler uxoiios amplexus, matu- tinarum soleinnia et tuissavum a lestinautc piesbytero auribus tantum libabant. Ibidem.

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mené avec lui une troupe de religieux exemplaires , qui , durant toute la marche, récitèrent devant lui tous les divins Offices de jour et de nuit (1). Telle fut aussi la conduite du pieux et invincible Simon de Montfort, dans la Croisade contre les Albigeois (2). Nous choisissons de. préférence les exemples de ces illustres guerriers qui savaient imiter, dans les camps , la piété paisible d'un saint Gerauld , comte d'Au- rillac, d'un saint Elzéar de Sabran, dont la vie, proclamée sainte par les peuples , s'écoulait au milieu des actes de la plus expansive charité et des plus augustes pratiques de la Liturgie.

Le douzième siècle ne fut pas moins fécond que le onzième en heureuses innovations dans la Liturgie Romaine , telle que les Français, les Allemands, les Belges la pratiquaient. La dé- votion à certains saints inspira les plus beaux chants en leur honneur ; nous citerons principalement saint Nicolas et sainte Catherine , qui fournirent matière à des Antiennes et à des Répons d'une mélodie ravissante. Mais ce que ce siècle pro- duisit, peut-être , de plus remarquable, fut le complément de l'Office des Morts , au moyen de plusieurs nouveaux Ré- pons qui furent admis par toute l'Eglise d'Occident, et par l'EgUse Romaine elle-même. Ils eurent pour auteur, suivant saint Anlonin et Democharès, cités par Gavanti (3), Maurice de Sully , Evêque de Paris, qui les fit chanter dans son Eglise, en 1196. Ces Répons , morceaux du plus grand style , que l'Eglise de Paris ne connaît plus qu'à travers la parodie

(1) De claustris beue discipliuatis mouachos insignes adduxerat , qui toto iiinere, horis diuruis et nocturais, Ecclesiastico more, dirina illi Euinislrabanl officia. Guilldm. Tyr. Lib. IX. cap. 9.

(2) Cum esset in bellis streniiissimus , omni tamen die missamet horas canonicas omnes audiebat , semper sub armis. Rigord. inPhUipp. Jugust. anno 1215.

(ô) De Officio defunctorum. Cap. II.

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qui en fut ftiitc au dix-huitième siècle , sont les suivans : Domine, quandoveneris. Peccantem me. Domine, secundum actum meum. Libéra me, Domine, de viis inferni; et Libéra me. Domine, de morte œterna (1). Les autres Répons de l'Office des Morts, Credo quod Rcdemptor . Qui Lazarum, etc., se trouvent déjà dans les Anliphonaires et Responsoriaux Grégoriens , publiés par le B. Tommasi.

Telle fut l'influence de l'Eglise de France sur la Liturgie universelle. Elle servit à compléter, à perfectionner, à enri- chir le répertoire Grégorien , dont le fond resta toujours intact ; ces additions , ne consistant qu'en quelques Proses et Répons pour embellir les Offices divins , ou encore dans l'adjonction d'un certain nombre de fêtes de Saints, au ca- lendrier Romain. Le Livre des Messes , tant pour les for- mules récitées que pour les parties chantées , demeura tou- jours le même, sauf les Tropes et les Séquences, que l'ins- piration de ces siècles de foi et de mélodie produisit en grand nombre. Mais ces dernières pièces ne s'étendirent pas , pour l'ordinaire, hors du pays qui les avait produites : l'inspiration en était généralement trop nationale ; tandis que les Répons composés dans un caractère plus grave , se répandirent par toute la Chrétienté Occidentale. Il est vrai que leur propa- gation fut due en grande partie à l'influence des nouveaux Oi'dres Religieux ; c'est ce que nous raconterons au chapUre suivant.

Nous ne devons pas terminer le tableau de l'époque litur- gique des onzième et douzième siècles, sans dire, en quelques mots, quelle fut l'action de l'Ordre Bénédictin en cette partie de la discipline ecclésiastique. Il suffira, pour mettre cette influence en état d'être appréciée de rappeler au lecteur que

(1) Breviar. Rom.

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les Moines, du huitième au douzième siècle, remplirent tous les postes principaux dans l'Eglise , en même temps qu'ils furent presque les seuls dépositaires de la science et des traditions. Ils donnèrent des Papes comme saint Grégoire- le-Grand, saint Boniface IV, saint Agatbon, saint Léon III, saint Paschal I , saint Léon IV, saint Léon IX, Alexandre II, saint Grégoire VII , Urbain II , Paschal II , Grégoire IX et Innocent IV; des docteurs sur la Liturgie et sur tout genre de doctrine , comme saint Léandre, saint Ildephonse , Bède , Alcuin, Walafrid Strabon, Pdiaban Maur, Usuard, Remy d'Auxerre, Notker le Bègue, Herman Contract, saint Pierre Damien, Bruno d'Asti, Hildebert du Mans et de Tours, Guy d'Arezzo, Rupert de Tuit, saint Bernard, Pierre le Véné- rable, etc. Il advint de que plusieurs usages bénédictins se fondirent dans la Liturgie d'Occident. Ainsi, l'Office du Cha- pitre à Prime , la Leçon Brève et le Confiteor avant Compiles, l'Oraison Visitaj quœsumus, les Antiennes 5a?fe,iîe^tna,yl/ma Rcdemptoris , etc. ; le petit Office de la Sainte- Vierge ajouté à l'Office du jour; l'usage des Hymnes, des Séquences; l'Aspersion et la Procession , le Dimanche , avant la Messe ; tous ces usages et beaucoup d'autres ont une origine mo- nastique. On sait aussi que la Commémoration de tous les Défunts, au deuxième jour de Novembre, a passé de l'Abbaye de Cluny, elle fut instituée par saint Odilon , à toute l'E- glise d'Occident ; de même que la coutume de chanter l'Hymne Yeni, Creator^ à Tierce, durant l'Octave de la Pentecôte, avait été établie dans le même Monastère par saint Hugues , avant d'être adoptée à Rome et étendue à toutes les provinces de la catholicité. Nous aurons ailleurs l'occasion d'indiquer beaucoup d'autres détails du même geme : nous avons voulu seulement, dans ce coup-d'œil général, signaler une des sources principales des Usages Liturgiques de l'Occident.

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Si nous considérons maintenant l'Oflicc divin tel qu'il se célébrait dans les Monastères, à l'époque qui nous occupe ,' nous voyons que le chant ecclésiastique, en particulier, y était de plus en plus florissant. Les Offices des saints Patrons s'y célébraient par des Hymnes, des Répons, des Antiennes nouvellement composés par les Abbés, ou de savans Moines. On y tenait beaucoup plus que dans les Cathédrales , à la pureté Grégorienne ; on consultait les divers exemplaires anciens, et on cherchait avec zèle à maintenir les traditions. Nous en voyons un exemple célèbre dans la conduite des premiers Pères de Citeaux. Une lettre de saint Bernard nous apprend que la réputation de l'Antiphonaire de Metz n'étant pas encore éteinte au douzième siècle, les Moines de cette Réforme l'avaient copié pour leur usage. Mais bientôt ils re- connurent que le chant était défectueux et avait souffert, tant de l'injure du temps que de l'esprit d'innovation. Le Chapitre de l'Ordre confia à saint Bernard la commission de corriger les livres du chœur. Il s'adjoignit à cet effet ceux de ses confrères qui passaient pour les plus habiles; l'Anti- phonaire, ainsi revu, fut approuvé par le Chapitre, et in- jonction fut faite à tous les Monastères Cisterciens de s'en servir. A la suite de la lettre de saint Bernard dont nous ve- nons de pailer, on trouve parmi les œuvies du saint Docteur un traité fort curieux, de RcUione Cantus, destiné à servir de préface à l'Antiphonaire de Citeaux. Il y a des raisons de douter que cet ouvrage soit de l'Abbé de Clairvaux; mais, quoi qu'il en soit , il est d'im haut intérêt pour le détail qu'on y trouve des principes qui présidèrent à la correction du chant Cistercien. On voit que les premiers Pères de Citeaux furent d'habiles musiciens ; mais peut-être pourrait-on dire que quelquefois, de leur piopre aven , ils réformèrent l'An- tiphonaire de Metz, plutôt d'après des théories que sur la f. I. 20

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confrontation des divers exemplaires des Eglises. Il est évi- 'dent néanmoins que si l'on est quelquefois en droit de croire qu'on possède la phrase Grégorienne dans sa pureté sur un morceau en particulier, c'est lorsque les exemplaires de plu- sieurs Eglises éloignées s'accordent sur la même leçon ; mais ceci nous entraînerait trop loin et donnerait matière à des discussions totalement étrangères à l'objet de notre récit.

On voit, par les plus anciens Bréviaires de Cileaux, que cette Réforme adopta, en manière de supplément à l'Anti- phonaire Grégorien , plusieurs Usages et pièces de chant qui apparteuci^ient aux Eglises de France, et en particulier à celle de Paris. O'est une remarque qu'on peut faire également au sujet de l'Ordre de Prémontré, fondé en 1120, et dont les livres présentent matière à la même observation. Ces livres sont restés purs, et comme l'un des répertoires de l'ancienne Liturgie Romaine-Française, jusqu'à la fin du dix-huitième siècle, le dernier Abbé-Général (M. Lécuy, mort il y a peu d'années, Grand- Vicaire de Paris ) , jugea à propos de les abolir, pour leur substituer des Usages puisés dans ce que présentait de plus exquis la moderne régénération Gallicane.

Il nous reste encore à dire un mot sur le chant pendant les onzième et douzième siècles. Il se maintint , pour la couleur générale, dans le caractère que nous lui avons reconnu au chapitre précédent , et dont les Répons du roi Robert sont la plus complète expression. Une mélodie rêveuse et quelque peu champêtre , mais d'une grande douceur, en fait le ca- ractère principal. Elle est produite par de fréquens repos sur la corde finale et sur la dominante, dans l'intention le marquer une certaine mesure vague, et par une longue ti- rade de notes sur le dernier mot , qui n'est pas sans quelque charme.

Le Répons de sainte Catherine , Virgo fagcUatur , qui pa-

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rait eue d'oiiginc aUoniande , offre une marche plus vive et plus animée, jusqu'au verset qui forme un intermède d'une mélodie tendre et suave. Les Répons de Maurice de Sully ont un caractère sombre et sévère qui n'a rien de commun avec les gracieuses et monotones fantaisies de Robert et des antres compositeurs de cette époque ; mais toutes ces pièces n'ont plus la simplicité grandiose des Motifs dont l'Antipho- naire Grégorien a puisé l'idée dans la musique des Grecs.

A cette époque , la séquence se perfectionna. Elle cessa d'être un Trope à la marche lente , au rhythme irrégulier. Elle devint une sorte d'hymne à mesure égale, et offrit par l'occasion d'un précieux développement à la musique ecclé- siastique. Au douzième siècle, la Séquence d'Âbailard Jfi7fiY adVirginem, fut ornée , probablement par son auteur, de ce délicieux chant que les Parisiens modernes ont du moins con- servé sur les modernes paroles de la prose actuelle ; Humani generis. Nous touchons à l'époque du Dies irœ et du Lauda, Sion.

Le onzième siècle vit en outre s'accomplir un grand évé- nement pour le chant ecclésiastique. Guy d'Arezzo inventa un système qui simplifiait considérablement l'élude du chant, en désignant par une syllabe invariable et non plus par des lettres, les différens tons de la Gamme. On dit assez généi'a- lement qu'il fut le premier à donner une méthode d'écrire léchant : c'est une erreur; on avait des notes avant lui, comme on a pu le voir ci-dessus. Seulement , sa méthode soulageait beaucoup l'œil et la mémoire , et fit tomber toutes les autres.

Cette période fut donc véritablement féconde pour la Liturgie : on en jugera mieux, encore en parcourant l'énu- mération des travaux qui furent alors exécutés en cette partie. rSous l'ouvrirons donc , sans tarder davantage.

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A la tète des Liturgistes du onzième siècle, nous plaçons le Roi Robert , dont nous avons déjà tant parlé dans ce cha- pitre. Il composa des Séquences pour diverses fêtes. Outre celle delà Pentecôte: Sancti Spiritus adsit nobis gratia, que plusieurs ont confondue avec l'hymne Veni, Creator Spiritus, qui est de Charlcmagne , il en composa d'autres , pour Noël , Pâque , l'Ascension, la Nativité de la Sainte- Vierge , les fêtes de saint Martin, de saint Denys , de saint Agnan, Evêque d'Orléans, etc. Il célébra la Sainte-Vierge en vere latins , dans lesquels il excellait , et avait coutume de la nommer Y Etoile de son Royaume. Nous avons parlé de ses deux beaux Répons : Judœa et Jérusalem et Cornélius Cen- turio. Tout le monde sait le tour innocent qu'il joua à la Reine Constance, lui faisant croire qu'il était question d'elle dans un Répons qu'il avait composé et qui commençait par ces mois : 0 Constantia Martijrum. Nous plaçons ici les paroles de ce Répons que les voùics de nos cathédrales ont oublié , et que certainement bien peu de nos lecteurs con- naissent. Il est triste qu'un siècle ait suffi pour effacer presque tous les points de contact que la Liturgie, en France, avait avec l'histoire. On nous a donné des rites nationaux que nos pères n'avaient point connus.

^. 0 Constantia Martijrum laudabilis , d charitas inex- tinguibilis , d patientia invincibilis , quœ licet inter pressuras persequentium visa sit despicabilis , * invenietur in laudem, et gloriam., et honorem, in tempore retributionis. y. Nobis ergo petimus piis subreniant merilis , honorificati a Pâtre qui est in cœlis. * Invenietur. Gloria Patri. 0 Constantia Mar- tyrum.

Ce beau Répons dont le chant est aussi tou(;hant que les paroles en sont nobles, éiail le neuvième des jhi'iîîes, au Commun de plusieurs Marlyrs. iieuri ux ituips les Rois

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coniposai(Mil des chants pour leurs sujels , les mélodies naiionales étaient d'innocens Répons , ou des Antiennes pleines de paix et d'onction !

(1007). L'ami de Robert, Fulbert, Evêque de Chartres, composa , comme nous l'avons dit , trois Répons de la plus grande beauté , pour la Nativité de la Sainte-Vierge. Ils sont en vers , mais non riraés , comme ce fut plus tard la mode , au treizième siècle. Nous les insérons ici , parce qu'ils ont péri dans toute la France (I) : nous voudrions pouvoir en donner le chant plein d'une suave mélodie.

1". 1^. Solem justitiœ Regem paritura supremum, * Stella Maria Maris hodie processit ad ortum. y. Cerner e divinum lumen gaudete , fidèles. " Stella Maria.

2°. i^. Stirps Jesse virgam produxit , virgoque florem , * et super hxinc florem requiescit Spiritus almus. f. Virgo Dei genitrix Virga est , flos Filius ejus. * Et super hune.

5°. 1^. Ad nutum Domini nostrum ditantis Jionorem, ' sicut Spina rosam genuit Judœa Mariam. y. Utvitiumvirtus operiret^ gratia culpani. ' Sicut Spina.

Tels sont ces admirables Répons composés pour l'Eglise de Chartres , par le Pontife qui posa les fond(Uuens de la merveilleuse cathédrale qui brille d'une si sublime auréole. Un Roi les nota en chant ; la France entière les adopta ; l'Eu- rope les répéta après la France. Ânjourd'hui , ces doux chants ne retentissent plus dans les divins OITices , et Chartres même, infidèle à son FulJjcrt et à la douce Vierge qu'il chanta , les ignore l

Nous nous sommes permis d'insérer ces quelques lignes de l'antique Liturgie de nos pères : ne pouvant résister au

(I) L'Eglise du 3Ians chante encore te second, Stirps Jesse : mais en deliors de l'OlTicca la Procession du jour de l'AssoDipUon de ta Sainte Vierge , avant la Messe.

I

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désir de donner à nos lecteurs quelques traits de cette Li- turgie Romaine-Française qui git maintenant incomplète dans la poussière des Bibliothèques. C'est de que , dès longues années, nous avons entrepris de l'exhumer. Les volumes suivans nous fourniront plus d'une fois l'occasion d'en mettre en lumière les inspirations qui, nous en sommes sûrs, seront trouvées nobles et touchantes.

Fulbert a composé en outre plusieurs Séquences et plu- sieurs Hymnes. Parmi ces dernières , on remarque celle du temps paschal : Chorus novœ Jérusalem.

(1008). Bernon, Abbé de Richenau, est auteur d'un précieux traité intitulé De Institutione Missarum; d'un dia- logue , sous ce titre : De Quatuor Temporum Jejuniis , per sua Sabbata observandis , ad Aribonem , Archiepiscopum iî/o^ifnfînum; d'une Epître au même Âribon, De Quatuor Adventus Dominicis. Il écrivit aussi un livre sur le chant, intitulé Libellus Tonarius , ou Opus Symphoniartim et To~ norum , et le dédia à Piligrin , Archevêque de Cologne. Trithême parle de trois ouvrages de Bernon sur le chant savoir : De musica, seu de tonis; De instrumentis mu&icis, et De mensura monochordi.

(1010). Adelbode, Evêque d'L'trecht , composa le chant de rOfiîce de la nuit pour la fêle de saint Martin. Il écrivit de Rome une lettre curieuse sur la célébration de l'Avenl ; il ne faut pas la confondre avec un traité, en forme de dia- logue , qu'avait composé sur le même sujet Hériger, Abbé de Lobes.

(1012). ArnolcT, Prévôt de Saint-Emmeran deRalisbonne, composa des Antiennes et des Répons, pour la lête de ce saint Evêque.

(1014). Guy d'Arezzo, Abbé de Saint-Pierre-d'Avellane, fut appelé à Rome par Benoît VIH , et travailla sous ce

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Pape et son sueresseiiir Jean XIX , an perfectionnement (lo la musique ecclésiastique. Il inventa le système de no- tation qui dure encore , employant les syllabes ut , re, mi, fa, sol. la, qu'il tira do la première strophe de l'Hymne de saint Jean , à marquer les diiïérens tons de la voix. Cette méthode si simple , réduisant au pur mécanisme la pratique de la gamme, simplifia prodigieusement l'étude du Chant, en sorte qu'on put l'apprendre aux. enfans avec autant de facilité qu'on leur enseigne à épeler et à lire l'é- criture. Ce Moine, véritablement digne du nom de Grand, pour un si éminent service, écrivit un traité de la musique , en deux livres, sous le nom de Mlcrologue , qu'il dédia à Théodalde, Evoque d'Arezzo, et un opuscule De Mensura Monochordi. Enfin il arrangea un Antiphonaire, d'après sa méthode de notation , et Benoît VIII fut tellement frappé de la supériorité de ce ti'avail , qu'au rapport de Guy lui-même , il regardait cette œuvre comme une espèce de prodige.

(1020). Olbert, Abbé de Gemblours, fut habile dans la science du chant ecclésiastique. Entre autres compositions de ce genre qui lui appartiennent, la chronique de son Mo- nastère lui attribue les chants et les Hymnes de saint Véron et de sainte Vaudru.

(1025). Saint Odilon , Abbé de Cluny, instituteur de la Commémoration des défunts , au 2 novembre , nous a laissé des Hymnes en l'honneur de la Sainte-Vierge , de sainte Adé- laïde et de saint Mayeul, son illustre prédécesseur.

(1026). Arnoul, Moine de Saint-André d'Andaone, outre ses écrits sur le Comput Ecclésiastique , composa un Mar- tyrologe abrégé , ou plutôt un calendrier des saints de l'année.

(1027). Saint Léon IX, auparavant Brunon, Evêque de Toul, fut très-habile dans le chant ecclésiastique, et corn-

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posa avec un grand art les Répons de l'OlTice de saint Gré- goire-Ie-Grand, de saint Cyriaque , martyr, de sainte Odile, vierge , de saint Nicolas , de saint Hydulphe , Evêque de Trêves. On a chanté, jusqu'en 1775, cet Office de saint Hydulphe , dans l'Abbaye de Moyenmoulier. Depuis qu'il fut élevé à la Papauté , se trouvant à Metz , il y conaposa des Répons, pour l'Office de saint Gorgon , martyr.

(iOôO). Adhéraar, Moine de Saint-Martial de Limoges, est regardé par plusieurs comme l'auteur du supplément à l'ouvrage d'Amalaire De divinis Ojjiciis , donné par D. Mabillon , au tome deuxième des Analecta.

(1055). Angelran , Abbé de Saint-Riquier, mit en chant l'Office de saint Valéry et celui de saint Yulfran.

(1059). Godescalc , prévôt d'Aix-la-Chapelle, chapelain de Henri IH, composa un grand nombre de Séquences pour la Messe.

(1040). Hermau Contract , élevé d'abord à Saint-Gall, puis Moine de Richenau, fui un prodige de science pour son temps. Nous ne devons parler ici que de ses travaux li- turgiques. Il écrivit sur le chant trois traités, savoir : De Musica . De Monochordo j De ConflicHi Sonorum. Passant ensuite de la théorie à la pratique, il composa les paroles et le chant si mélodieux des Antiennes Salve, Regina; Aima Redeniptoris Mater ; les Séquences Ave , iJiœdara maris Stella; ô Florens Rosa; Rcx omnipotens, du jour de l'As- cension , et beaucoup d'autres , parmi lesquelles plusieurs mettent le Yeni , Sancte Spiritus , attribué par d'autres à Innocent III ; le Répons Simon Barjona pour saint Pierre , ceux de l'Annonciation, des saints Anges, etc.

(1040). Aaron , Abbé de Saint-Martin , puis de Saint- Pantaléon de Cologne , écrivit un livre De utilitate cantus. vocalis et de modo coMtandi et ysallendi.

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(1040). Jenn de Garland, Anglais, composa un poème , intitulé De Mysteriis Missœ, et le dédia à Foulques, Evêquc de Londres.

(1050). Michel Psellus , qui avait été le précepteur de l'Empereur Michel Ducas, embrassa plus tard la vie monas- tique. Allatius nous fait connaître de lui les ouvrages suivans qui ont l'apport à la Liturgie : Expositîo in ilhid quod in solemni Christi Ascensionis die dicitur : Hodie Sancta Con- dura et cras Ascensio. Expositio in illud : Domine, Jesu Christe, Deus noster, miserere nostrî. Amen. Paraphrasis carminé iamhico in Canonem S. Cosmœ , Maiumœ Episcopi, sancta et magna feria quinta canendum.

(1050). Jean , dit le Géomètre , souvent cité par saint Thomas-d'Aquin , dans sa Catena aurea sur les Evangiles , vécut au onzième siècle. Il est auteur de quatre grandes Hymnes en l'honneur de la Sainte Vierge , qui se trouvent dans la Bibliothèque des Pères de Lyon et ailleurs. Allatius nous apprend qu'il avait composé d'autres Hymnes pour les différentes fêtes de l'année.

(1050). Humbert , Abbé de Moyenmoutier , nota plusieurs Antiennes , en l'honneur de saint Grégoire , Pape , de saint Hydulphe et de saint Colomban.

(1050). Odon, Moine de l'Abbaye des Fossés, près Paris, est auteur des Répons que Ton chantait autrefois le jour de la fête de saint Babolein, premier Abbé de ce Monas- tère.

(1054). Jean, dit Mauropus {aux pieds noirs), d'abord Moine, puis Métropolitain d'Euchaïte, dans l' Asie-Mineure, composa beaucoup d'Hymnes, savoir vingt-quatre Canons paraclétiques au Christ Sauveur , deux autres cantiques adressés pareillement au Verbe incai'né , soixante-sept à la

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Sainte-Vierge , un au saint Ange Gardien , deux à saint Jean- Baptiste, d'autres pour les fêles des saints Basile, Grégoire de >'azianze et Jean Glirysostôme.

(lOoT. Saint Vievve Damicn, d'abord Moine et Abbé, puis Cardinal et Evèqiie d'Osiie, a laissé de nombreux monu- mens de son génie et de son savoir liturgiques. Nous cite- rons ici le traité De septem horis canonicis ; le livre sur Dominus vobiscum ; un autre Contra scdentes temjwre Divini Ofjicii ; enùtt une grande quantité d'Hymnes, Antiennes et autres pièces liturgiques que l'on peut voir en tète du qua- trième tome de ses œuvre? publiées par Constantin Gaetani. Nous citerons parmi celle-ci les belles Hymnes de la Croix , de Paque, de l'Annonciation et de l'Assomption de la Sainte- Vierge, de saint Pierre, de saint Paul, de saint André, de saint Jean l'Evangéliste, de saint Vincent , de saint Grégoire- le-Grand , de saint Benoît , etc.

(1057). Alberic , Moine du Mont-Cassin , et depuis Car- dinal, écrivit un dialogue De musica , et des Hymnes pour Pâque, l'Ascension, les fêtes de l'a Sainte-Croix, de l'As- somption de la Saint e-Vierge , de saint Paul , de saint Apol- linaire , etc.

(1057). Einliardll, d'abord Moine et Abbé , puis Evéque de Spire , composa en quatre livres un ouvrage très-impor- tant De cœremoniis ecclesiœ.

(1058). Gosselin, Moine de Saint-Bertin , suivit en Angle- terre Hermann , Evêque de Salisbury , et se rendit célèbre dans ce pays , par sa grande science du chant ecclésias- tique, n composa une Séquence en l'honneur de sainte Etheldrède.

(1060). Vitmond , Moine de Saint-Evroul , fut aussi un habile compositeur de chant ecclésiastique. Orderic Vital dit que l'on chantait encore de son temps , à Saint-Evroul , des

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Antiennes et des Répons de la façon de Vitmond, et des Hymnes qu'il avait notées sur des airs très-mélodieux.

(1060). Lambert, Abbé de Saint-Laurent de Liège , com- posa le chant et les paroles d'un Ofiîce, en l'honneur de saint Héribert , Archevêque de Cologne.

(1060). Francon, Ecolàtre de la cathédrale de Liège , écrivit, au rapport de Sigebert, un traité sur le chant ecclé- siastique.

(1060). Alphane , Moine du Mont-Cassin , Archevêque de Salerne , a laissé des Hymnes en l'honneur de sainte Christine, de sainte Sabine, de saint Matthieu, de saint Ni- colas, de saint Maur, etc.

(1061). Jean, comte de Bayeux , d'abord Evêque d'A- vranches , puis Archevêque de Rouen , a écrit un livre célèbre De divinis Officiis,

(lOO'i). Jean Bar-Susan, Patriarche Jacobite d'Antiochc, est auteur d'une Anaphore, qui se trouve au Missel Chal- daique, et d'un livre dans lequel il prétend justifier contre les Coptes, l'usage de mêler du sel et de l'huile au pain eucharistique.

(1068). Guillaume, Abbé d'Hirsauge , composa un traité De musica et tonis, et un autre De psalterio. Il recueillit aussi les coutumes de son Monastère , et ce recueil renferme beaucoup de particularités liturgiques intéressantes.

(1070). Bonizon , Evêque de Plaisance, massacré cruel- lement par les Schismatiques , fauteurs de l'Empereur Henri IV , écrivit un livre De Sacramentis , adressé à Gaul- tier, Prieur du Monastère de Léon, et publié par Muratori. (1070). Osberne, chantre et Sous-Prieur de Cantorbéry, ami de l'Archevêque Lanfranc, publia un traité De musica.

(1070). Didier, Abbé du Mont-Cassin, et depuis Pape sous le nom de Victor IH , fut fort zélé pour le chant ecclé-

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siastique et pour la splendeur des Offices divins. Il composa lui-même des chants, ou des Hymnes en l'honneur de saint Maur.

(10*1). Raynald , Evèque de Langres, rédigea lui-même l'Office de saint Mamniès , Martyr, patron de son Eglise. Il en prit le texte dans les poésies de Walafrid Strabon , et composa lui-même le chant.

(1074). Nicolas III , Patriarche de Constantinople , est auteur d'un poème De jejuniiset festis totius anni, et d'un règlement ecclésiastique De oblationibus Liturgicis.

(1075). Lanfranc , Abbé du Bec , puis Archevêque de Cantorbéiy, ayant fait confirmer les Moines dans la posses- sion où ils étaient de desservir les Cathédrales en Angle- terre, rédigea un recueil de statuts concernant la discipline que l'on devait observer dans tous les Monastères de ce royaume, et principalement la célébration des Offices divins. Ces statuts sont une des plus précieuses sources l'on doive puiser la connaissance des usages liturgiques des Moines, au moyen âge.

(1075). Thomas, Archevêque d'Yorck, composa le chant d'un grand nombre d'Hymnes. Guillaume de Malmesbury dit de ce Prélat qu'il avait la voix très-belle, et que lorsqu'il entendait un air agréable , il l'accommodait aussitôt aux Hymnes et aux chants ecclésiastiques ; mais il ne voulait pas soufTrii' dans l'Eglise une musique efféminée et sans gravité.

(1080). Durand, Abbé de Saint-Martin de Troarn, com- posa des Antiennes et des Piépons avec leur chant pour diverses fêtes de l'année, et en l'honneur de Notre-Seigneur, de la Sainte Vierge, des Anges , des Apôtres , des Martyrs, et autres Saints révérés dans l'Eglise.

(1080). Ulric, Moine de C'uny, recueillit les usages de

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cel illustre Moiiaslère, et son travail publié par Doni Luc d'A- chery, est un des plus importans monumeus do la Liturgie Bénédictine.

(1080). Irène, fenune de l'Enipcrour Alexis-Comnène , ayant fondé à Constaiilinople un Monastère de filles , leur donna des constitutions qui sont contenues dans le livre appelé Typique. Le cérémonial contenu dans ce livre est du plus haut intérêt pour la connaissance des usages claustraux des Monastères de filles , en Orient.

(1091). Aribon, personnage dont l'état et la qualité sont aujourd'hui inconnus , écrivit un traité De musica , qu'il dédia à un Evêque , nommé EUenhard. Il y parlait ^vec enthousiasme de Guillaume, Abbé d'Hirsauge, dont nous avons fait mention plus haut, et le qualifiait le premier des musiciens , l'Orphée et le Pythagore modernes.

(1094). Jean, Saïd Bar-Sabuni , Evêque Jacobite de Méli* tine , est auteur d'une Hymne acrostiche que les Jacobiles chantent durant la cérémonie de la tonsure des Moines.

(1096). Nevelon, Moine de Corbie, rédigea un Martyro- loge , abrégé de celui d'Adon.

(1097). Bruno d'Asti, Abbé du Mont-Cassin, puis Evêque de Ségni , est un des grands liturgistes du onzième siècle. On lui doit les livres suivans : De ornamentis ecdesiœ ; De Sacrificio azymi , et De Sacramentis ecdesiœ , mysteriis , Clique Ecdesiastids ritibus.

(1097). Micrologus , tel est le litre d'un ouvrage ano- nyme qui est aussi intitulé De ohservationibus Ecdesias- tids. Ce livre , qui est un des monumens principaux de la science liturgique , a été écrit peu après la mort de saint (Irégoire VU, arrivée en 1085. On y trouve l'explication de l'Office suivant la forme en laquelle ce Pape l'avait réduit. Il ne faut pus confondre cet opuscule avec le Microloguede Guy

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d'Arezzo qui ne traite que de la musique et du chant. Zac- caria croit pouvoir l'altiibuer à Ives de Cliartres.

(1097) . Ives . d'abord Abbé de Saint-Quentin , puis Evêque de Chartres, fut un des plus grands, des plus doctes et des plus saints Prélals de son temps. Il excella dans l'cxplicatiou des mystères de la Liturgie, comme on peut le voir parla 4ecture d'un grand nombre de ses Sermons, qui font auto- rité en celte matière. L'indication de ces Sermons nous en- traînerait trop loin : on peut consulter la Bibliothèque des Pères, ou la collection d'Hittorp.

(1097). Saint Anselme, Abbé du Bec, et ensuite Arche- vêque de Cantorbéry , composa , avec l'onction qui se remarque dans tous ses écrits , des Hymnes et un Psautier de la Sainte-Vierge.

(1097). Le vénérable Hildebert de Lavardin, Evêque du Mans, puis Archevêque de Tours, a laissé, entre autres compositions qui vont à notre sujet, un poème infiniment précieux , intitulé : Versus de mysteriis et ordine Missœ. Nous citerons encore les opuscules suivans : Liber ^ scu prosa de Natali Domini ; De Sacramentis ; De utraque parte alta- ris; De tribus 3Ilssis in Natali Domini.

(1105). Odon, Ecolàtre d'Orléans, puis Abbé de Saint- Martin de Tournay , enfin Evêque de Cambrai , est auteur d'une courte exposition du Canon delà Messe.

(1110). Geoffroy, Abbé de la Trinité de Vendôme , a com- posé quatre Hymnes , dont la première en l'honneur de la Sainte Vierge , et les trois autres sur la conversion de sainte Marie-Magdeleine. Plusieurs de ses opuscules renferment des traits importans pour ïa compréhension des doctrines liturgiques de cette époque.

(1110). Marbode, Evêque de Rennes, est auteur de trois Hymnes en l'honneur de sainte Marie-Magdeleine.

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(111 i). Robert, Prieur de Saint-Laurent de Liège, écrivit un traité De divinis Officiis.

(1111). Uupert, Abbé deTuit, se recommanda, comme liturgisle , par son ouvrage De divinis Officiis j>cr anni cir- culum, divise en douze livres. Il a composé en outre plu- sieurs Hymnes, savoir deux en l'honneur du Saint-Esprit, et les autres pour la fête de plusieurs saints martyrs.

(1115). Etienne, Evèquc d'Autun, et qui mourut Moine de Ciuny , a laissé m\ livre De Sacramcnto Altaris , et iis quœ ad iliud variosque Ecdesiœ ministros pertinent.

(IHo). Saint Bernard, Abbé de Glairvaux et Docteur de l'Eglise, outre les travaux qu'il accomplit sur l'Antipho- naire, a composé un Office entier en l'honneur de saint Victor, Confesseur, à la prière de Guy, Abbé de Montier- Ramey. Cet Office , d'un style élégant et plein d'onction , mais peu conforme à la couleur de l'antiquité, renferme des Hymnes totalement dépourvues de mesure et de quan- tité. C'est le reproche qu'on peut faire également à l'Hymne de saint Malachie , composée aussi par saint Bernard et publiée par Dom Martène. Ces Hymnes contrastent singu- lièrement avec le petit poème de mesure iambique et si mélo- dieux , qui commence par ces mots : Jesu^ dulcis memoria, dont l'Eglise a tii'é les trois Hymnes de l'Office du saint Nom de Jésus. Dom Mabiilon a placé pai^mi les œuvres probables de saint Bernard , l'Hymne à l'honneur des Cinq Plaies de N. S., (|ui commi'iice: Salve, mundi salutare, et une tou- chante prière au Christ et à Marie, dont le premier vers est ainsi conçu : Summe summi tu Patris unice. Quant à la gracieuse prose de Noël: Lœtabundus, on la trouve dans tous les anciens Missels , sous le nom de saint Bernard.

Les principes de saint Bernard , sur la composition litur- giiiue , sont trop imporlans pour n'être pas rappelés dans

520 INSTITUTIONS

cet ouvrage : il serait à désirer qu'on ne les eût jamais perdus de vue. Voici quelques traits du saint Docteur sur ce sujet , tirés de sa lettre à Guy , Abbé de Montier-Ramey. « Ce n'est point votre affection pour moi que vous devez ï considérer , dans une affiiire si grave que la composition ï d'un Ofiice , mais le peu d'importance que j'ai dans l'Eglise. > Un si haut sujet exige non simplement un ami, mais un » homme docte et digne d'une pareille mission, dontl'auto- »rité soit compétente , la vie pure, le style nourri, en sorte » que l'œuvre soit à la fois noble et sainte. Qui suis-je , dans » le peuple Chrétien , pour que mes paroles soient récitées

> dans les Eglises ? Quelle est donc ma pauvre éloquence

> pour qu'on vienne me demander des chants de fête et de i triomphe ! Quoi donc ? celui dont les cieux célèbrent les i louanges , il faut que , moi , je m'essaie à les redire sur >la terre? Vouloir ainsi ajoutera la gloire du ciel, c'est » la diminuer. Ce n'est pas pourtant que les hommes doivent » s'interdire de chanter les louanges de ceux que déjà les

> Anges glorifient ; mais dans une auguste solennité , il » ne convient pas de faire entendre des choses nouvelles , >ou légères d'autorité ; il f^mt des paroles authentiques , » anciennes , propres à édifier l'Eglise et remplies de la «gravité eccclésiaslique. Que si, le sujet l'exigeant , il était » nécessaire d'employer quelque chose de nouveau, il me «semble qu'il fout, dans ce cas, que la dignité de l'élocu- »tion jointe à celle de l'auteur, rende les paroles autant » agréables qu'utiles au cœur des auditeurs. Que la phrase donc resplendissante de vérité fasse retentir la justice, «persuade l'humilité, enseigne l'équité; qu'elle enfante la «lumière de vérité dans les cœurs, qu'elle réforme les «mœurs, crucifie les vices, enflamme l'amour, règle les «sens. S'il s'agit de chant, qu'il soit plein de gravité, égale-

LITURGIQUES. 321

» ment éloigné de la mollesse et de la rusticité. Qu'il soit » suave, sans être léger; doux aux oreilles, pour toucher >le cœur. Qu'il dissipe la tristesse, calme la colère; qu'au » lieu d'éteindre le sens de la lettre , il le féconde : car ce » n'est pas un léger détriment de la grâce spirituelle que » d'être détourné de goûter l'utilité du sens par la frivolité T> du chant , de s'appliquer davantage à produire des sons » habiles qu'à faire pénétrer les choses elles-mêmes (1). »

(il 18). Théotger, Evêque de Metz , écrivit un traité du chant ecclésiastique.

(1 120). Hugues, Abbé de Saint- Victor de Paris, un des plus illustres écrivains mystiques du moyen-ûge, a passé pour être l'auteur de plusieurs écrits sur la Liturgie qu'on trouve dans ses œuvres. Mais il est impossible de lui laisser les trois livres -De cœremoniis , Sacramentis et Officiis ^ecclesiasticis , qui sont de Robert Paululus ; ni l'opuscule intitulé De Canone Mystici Ubaminis, ejusque ordinibus, qui est de Jean de Cor- nouailles. Le Spéculum de Mysteriis Ecclesiœ ne paraît pas beaucoup plus assuré à Hugues de Saint- Victor.

(1120). Hugues Metellus, chanoine régulier de Toul, a laissé cinquante-cinq lettres sur différens sujets. La SS'' et la 53'^ ad Constantinum , ont pour objet l'exphcation des rites de l'Eglise pendant le Carême et les trois semaines qui le précèdent.

(1120). Le bienheureux Guigues, cinquième Prieur delà Chartreuse, rédigea les fameux Statuts qui portent son nom et qui forment aussi un des plus curieux monumens de la Liturgie Monastique.

(1120). Gilbert, Evêque de Limcrik, voulant aider à l'é- tablissement de l'unité liturgique, en Irlande, publia une

(1) Vid. la nylu i>.

T. 1. 21

322

INSTITUTIONS

lettre circulaire à tous les Evêques et Prêtres de ce pays. Cette lettre est le prologue d'un opuscule intitulé De Statu Ecclesiœ, dans lequel Gilbert expose avec un détail inté- ressant les fonctions sacrées de l'Evêque et du Prêtre.

(1125). Suger, illustre Abbé de Saint-Denys en France, a laissé un opuscule sur la Dédicace de l'Eglise de son Abbaye qu'il avait rebâtie.

(1125). Pierre Maurice, dit le Vénérable, Abbé de Cluny, a laissé plusieurs Hymnes , et en particulier celles que tout l'Ordre de Saint-Bénoit chante dans la fête de son saint Pa- triarche : Laudibus cives resonent canaris. luter œternas superum coronas , et Quidquid antiqui cecinere vates. Les Bénédictins français chantent aussi celle que le même Pierre le Vénérable a composée sur la Translation des reliques de saint Benoît en France et sur leur illation : Claris conju- bila, Gallia, laudibus.

(1128). Drogon, Abbé de Laon , puis Evêque d'Ostie , a laissé un livre De divinis Of^ciis , seu horis Canonici^.

(1150). Honorius,Ecolàtre de l'Eglise d'Autun, est auteur de la belle somme liturgique, iulilulée Gemma animœ. Dom Bernard Pez, en publiant, au deuxième tome de son Thé- saurus anecdotorum novissimus , l'important écrit intitulé Sacramentarium ou De Sacramentis , sive de causis et signi- ficatu mystico rituum divini in ecclesia Ofjicii , a presque doublé les richesses liturgiques que nous devons à Honorius d'Autun.

(1150). Berold, gardien, et Cicendelarius de l'Eglise de Milan , écrivit un livre curieux , intitidé Ordo et cœremoniœ Ecclesiœ Ambrosianœ Mediolanensis.

(1150). Hervé du Mans, Moine du Bourg - de - Dol , au Diocèse de Bourges, donna l'explication des Cantiques que l'on chante dans les Oûices divins, et écrivit uu !ivre de

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LITURGIQUES. 523

pemarquessiir les altéralionsque le texle de la Bible avait souffertes dans les Lectionnaires de certaines Eglises.

1150) GiiillaiHîie deSommerset, Moine de Malmesbury , fit un abrégé des livres d'Amalaire sur les Offices divins.

(1150). Pierre Abailard qui, après une carrière aussi brillante qu'agitée, embrassa la vie monastique à Saint-Denys, Fut Abbé de Saint-Gildas de Ruis, et mourut à Cluny, com- posa à la prière d'Héloise un petit livre d'Hymnes et de séquences pour l'usage du Monastère du Paraclet. La plus célèbre de ces Séquences est celle pour la fête de l'Annon- :iation : nous en avons parlé ci-dessus.

1150). P»odulphe, Abbé de Saint-Trou, fut très-habile ians le chant ecclésiastique et nota un Office en l'honneur ie saint Quentin.

(1136). Rinald II, Abbé du Mont Cassin et Cardinal, composa trois Hymnes en l'honneur de saint Maur , trois 3our saint Placide et une pour saint Sévère, Abbé du Mont assin.

(1140). Anselme, Archevêque de Magdebourg , et ensuite le Ravenne, écrivit un traité De ordine pronuntiandœ Li- aniœ.

(1145). Benoît, Chanoine de Saint-Pierre , écrivit le livre iilitulé Pollicitus , dans lequel il rend compte des Offices de oute l'année et principalement de ce qui a rapport aux onctions Papales. Dom Mabillon a i)lacé cet opuscule parmi is Ordres Romains, entre lesquels il occupe le onzième ang.

(1147). Isaac , Abbé de Stella au diocèse de Poitiers, crivit une Epîtrc assez longue sur le Canon de la Messe.

(1150). Aelrède, Abbé de Rhienvall au diocèse d'Yorck, laissé un livre De Ofjicus ministrorum.

(1150). Hugues, Abbé de Prémontré, rédigea le livre

322 INSTITUTIONS

lettre circulaire à tous les Evêques et Prêtres de ce pays. Celte lettre est le prologue d'un opuscule intitulé De Statu Ecclesiœ , dans lequel Gilbert expose avec un détail inté- ressant les fonctions sacrées de l'Evêque et du Prêtre.

(1125). Suger, illustre Abbé de Saint-Denys en France, a laissé un opuscule sur la Dédicace de l'Eglise de son Abbaye qu'il avait rebâtie.

(H23). Pierre Maurice, dit le Vénérable, Abbé de Cluny, a laissé plusieurs Hymnes , et en particulier celles que tout l'Ordre de Saint-Bénoit chante dans la fête de son saint Pa- triarche : Laudibus cives resonent canaris, Inter œternas superwn coronas , et Quidquid antiqui cecinere vates. Les Bénédictins français chantent aussi celle que le même Pierre le Vénérable a composée sur la Translation des reliques de saint Benoît en France et sur leur illation : Claris conju- hila, Gallia, laudibus.

(1128). Drogon, Abbé de Laon, puis Evêque d'Ostie, a laissé un livre De divinis Officiis , seu horis Canonicis.

(1130). Honorius , Ecolâtre de l'Eglise d'Autun, est auteur de la belle somme liturgique, intitulée Gemma animœ. Dom Bernard Pez, en publiant, au deuxième tome de son Thé- saurus anecdotorum novissimus , l'important écrit intitulé Sacramentarium ou De Sacramentis , site de causis et signi- ficatu mystico rituiim divini in ecclesia Ofjicii , a presque doublé les richesses liturgiques que nous devons à Honorius d'Autun.

(1130). Berold, gardien, et Cicendelarius de l'Eglise de Milan, écrivit un livre curieux, intitulé Ordo et cœremoniœ Ecclesiœ Ambrosianœ Mediolanensis.

(1150). Hervé du Mans, Moine du Bourg - de - Dol , au Diocèse de Bourges, donna l'explication des Cantiques que l'on chante dans les OÛices divins, et écrivit uu !ivre de

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LITURGIQUES. 325

reiiraïqiies sur les alléralions que le texte de la Bible avait souffertes clans les Lectionnaires de certaines Eglises.

(1150) Gnillanme de Sommersct , Moine de Malmesbury, fit un abrégé des livres d'Amakiire sur les Offices divins.

(1150). Pierre Abailard qui, après une carrière aussi brillante qu'agitée, embrassa la vie monastique à Saint-Denys, fut Abbé de Saint-Gildas de Ruis, et mourut à Cluny , com- posa à la prière d'IIéloise un petit livre d'Hymnes et de Séquences pour l'usage du Monastère du Paraclet. La plus célèbre de ces Séquences est celle pour la fête de l'Annon- ciation : nous en avons parlé ci-dessus.

(1150). Piodulplie, Abbé de Saint-Trou, fut très-habile dans le chant ecclésiastique et nota un Office en l'honneur de saint Quentin.

(1156). Rinald II, Abbé du Mont Cassin et Cardinal, composa trois Hymnes en l'honneur de saint Jlaur , trois pour saint Placide et une pour saint Sévère, Abbé du Mont Cassin.

(1140). Anselme, Archevêque de Magdebourg , et ensuite de Ravenne, écrivit un traité De ordine pronuntiandœ Li- taniœ.

(1145). Benoit, Chanoine de Saint-Pierre , écrivit le livre intitulé PolUcitus . dans lequel il rend compte des Offices de toute l'année et principalement de ce qui a rapport aux Fonctions Papales. Dom Mabillon a placé cet opuscule parmi les Ordres Romains, entre lesquels il occupe le onzième rang.

(1147). Isaac , Abbé de Stella au diocèse de Poitiers, écrivit une Epître assez longue sur le Canon de la Messe.

(1150). Aelrède, Abbé de Rhienvall au diocèse d'Yorck , a laissé unUvreZ>e Officiis ministrorum.

(1150). Hugues, Abbé de Prémontré, rédigea le livre

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des cérémonies de cet Ordre, sous ce titre : Ordinarium Prœ- monstratensis Ecclesiœ.

(1150). Richard, Chanoine régulier de Saint-Victor de Paris, et l'ami de Hugues, écrivit, au rapport de Trithême, un livre De Ofjïciis Ecclesiœ.

(lloO). Damien , Prémontré, aux Pays-Bas, passe pour avoir composé des chants admirables en l'honneur de saint Corneille et de saint Cyprien.

(lloO). Nous plaçons à cette date l'anonyme du douzième siècle, dont Zazzera a publié en 1781, d'après un manuscrit du Vatican, un intéressant ouvrage intitulé Sanctœ Ecclesiœ Rituum, divinorumque Officiorum explicatio.

(1150). Adam , Chanoine régulier de Saint-Victor de Paris, est illustre parles belles Séquences qu'il a composées, parmi lesquelles on distingue celles de saint Etienne, de la Purification de la Sainte Vierge, de la sainte Croix, de la sainte Trinité , de saint Nicolas, de saint Jean-Baptiste, de saint Pierre et de saint Paul , de saint Laurent , de saint Martin , sans oublier celle de saint Denys : Gaude proie . Grœcia j si indignement travestie par les Parisiens mo- dernes.

(1150). Lisiard , Clerc de l'Eglise de Tours , rédigea Y Ordinaire, ou livre des cérémonies pour l'usage de l'Eglise de Laon.

(1154). Denys Bar-Salibi , Evéque Jacobite d'Amida , a laissé en Syriaque beaucoup de monumens de sa science liturgique. Nous citerons les ouvrages suivans : Exposition des mystères qui sont contenus dans le saint Chrême. Expo- sition des mystères qui sont contenus dans l'imposition des mains, ou l'ordination. Exposition de la Messe, ou commen- taire de la Liturgie de saint Jacques. Trois Auaphuics, dont

LITURGIQUES. 32.^

l'une s'est glissée , jusque dans le Missel des Maronites , comme nous l'avons observé en son lieu , etc.

(HGO). Maurice de Sully, Evêque de Paris, composa plu- sieurs Répons de l'Odfice des Morts , qui se chantent encore aujourd'hui dans l'Eglise Latine tout entière, en exceptant toutefois Paris et la plupart des autres Eglises de France.

(1165). Jean Beleth, recteur de l'Université de Paris , a publié un Rationale divinorum ofjîciorum , qui est un traité liturgique très-important.

(1164). Michel, dit le Grand, Patriarche des Jacobites , mit en ordre le Pontifical et le Rituel des Syriens Jacobites , et composa une Anaphore.

(1166). Nersès, Patriarche d'Arménie, se réunit à l'E- glise Romaine , et publia un livre entier d'Hymnes de la plus grande beauté , qui sont encore en usage dans l'Eglise d'Arménie.

(1169). Thomas deBayeux, surnommé l'Anglais , com- posa des chants pour l'Eglise , et mit en ordre le livre d'Offices [Officiarium) à l'usage de la Cathédrale d'York.

(1170). Jean de Cornouailles , Anglais, est auteur du livre intitulé : Summa qualiter fiât Sacramentum Altaris per virtutem Sanctœ Crucis , et de septem Canonibus , vel or- dinibus Missœ,

(1170). Robert Paululus, Prêtre d'Amiens, a composé \e&troi&\ivres De cœremoniis ^ Sacramentis et OflictiSj qui se trouvent parmi les œuvres de Hugues de Saint- Victor.

(1170). Arnulphe , Chanoine régulier d'Arras, adressa à Frumald , Evêque de cette ville , un commentaire du Canon de la Messe.

(1195). Sicard , Evêque de Crémone , est auteur d'un précieux ouvrage resté manuscrit, et intitulé Mitrale^vel mmma de divinis Officiis.

526 INSTITUTIONS

(1189). Ordonins , Moine espagnol , Prieur de Cella- Nova , en Galice , publia une sorte de Rational des divins Offices.

(1190). Adam de Corlandon, Moine de Cileaux, doyen de Notre-Dame de Laon, écrivit un Orduiaire de l'Office divin , pour l'usage de l'Eglise de Laon.

(1190). Conrad, Moine d'Hirsauge, au rapport de Tri- thême , composa un traité De musica et tonis.

(1190). Richard , Anglais, Abbé de Prémontré , composa un livre De Canone Missœ.

(1191). Etienne, Evoque de Tournay, nota le chant d'un Office de saint Gérard de la Sauve-Majour.

(1192). Cenci de Sabelli , Cardinal -Diacre du titre de sainte Lucie , Chancelier de plusieurs Papes , rédigea un livre De censibus Sanctœ Romance Ecclesiœ , dont une partie considérable roule sur les cérémonies de la Cour Romaine ; c'est cette partie que D. Mabillon a insérée parmi les Ordres Romains, au douzième rang.

(1197). Reiner, Moine Bénédictin, qui assista au Concile de Latran, eu 1215, écrivit un commentaire sur les neuf Antiennes que l'on chante avant Noël , et composa sept Hymnes en l'honneur du Saint-Esprit.

(1198). Innocent III a laissé, parmi ses écrits, trois livres De mysteriis Missœ, qui le mettent au rang des plus profonds liturgistes du moyen-âge. Cet ouvrage , vraiment digne de son illustre auteur , n'a pas eu d'édition depuis celle d'An- vers, en 1540 : anssi est-il devenu presque impossible à trouver aujourd'hui. Il serait à désirer qu'on entreprît une édition complète des œuvres de ce grand Pape : il n'existe même pas de recueil qui contienne toutes ses lettres. Plu- sieurs lefont auteur des Séquences : Veni, Sancte, Spiritus^ et Stabat Mater dolorosa.

LITURGIQUES. S27

Si nous on venons nininlen:nU à résumer les considéra- tions qui se présenlenl à la suite des faits si iniportans ra- contés dans ce chapitre, nous trouvons que l'unité liturgique, recherchée avec tant d'efforts par les plus saints Papes et par les plus grands princes , pourrait bien être une des né- cessités de la société catholique. Saint Adrien V^ et Charle- magne , saint Grégoire VII et Alphonse VI ; c'est bien de quoi faire balance à des théories modernes, inventées et propagées par des noms obscurs ou suspects ;

Qu'il est quelquefois des sacrifices d'orgueil national à faire pour amener un grand bien dans l'ordre religieux et social;

Que les peuples catholiques du moyen-age n'auraient peut-être pas vu le bouleversement de la Liturgie avec le même sang-froid que les Français des dix-huitième et dix- neuvième siècles ;

Que la France , toute romaine d'ailleurs dans sa Liturgie , n'en fut pas moins féconde dans les embellissemens que son génie lui suggéra d'adjoindre à l'ensemble des chants an- tiques ; que l'unité liturgique n'étouffe donc pas le génie national ; que les siècles de foi produisirent des chants na- tionaux dans la Liturgie , ce que n'ont certes pas fait les siècles de l'innovation ;

Enfin , que ceux qui ont la charge de composer les pièces de la Liturgie doivent unir à l'inspiration du génie la gra- vité, l'autorité, la sainteté de la vie; et si saint Bernard n'ajoute pas à ces conditions celle de V orthodoxie dans la foi, c'est que personne n'eût pu s'imaginer, avant une certaine époque, que l'on en viendrait à charger des hérétiques de composer les hymnes de l'Offlce , et d'en régler, à leur fan- taisie, le fond, l'ordre et la distribution.

I

328 INSTITUTIONS

NOTES DU CHAPITRE XI.

?(OTE A.

Gregorius Episcopus, servus servorum Dei, Alplionso et Saacio re- gibus Hispaniae , aparibus, et Ephcopis in ditioue sua constitutis, salutem et apo;tolicani liânedictionem.

Cum beatus Apostolus Paulus Hispaniam se adiisse significet, ac poslea septem Episcopos ab urbe Roma , ad iostruendos Hispanise po- pulos, a î'etro et Paulo ApoUolis directos fuisse, qui , deslructa idolo- latria, Christiaaitatem fuodaverunt, religionem plautaverunt, ordinem et officium ia diviais culiibus ageadis ostenderunt , et sauguine suc Eoclesias dedicavere , vestra diligeatia non i^aoret , quantam concor- diam cum Romana url)a Hispania in religione et ordine divini Officii habuisse satis patet : s.d po^tquam vesania Prisciiiianistarum diu pollutum , et perfidia Arianoruia depravitua, et a Romano ritu sepa- ratuni, irruenlibas prius Gotiiis, ac demum invadentibus Sarraceais, regnum Hispaniaî fuit, i.oa soinm religio est diminuta, verum eiiam mundauae suut opes labefactatae. Quapropter ut filios carissimos vos adiiortor et moneo , ut vos sicut bonœ soboles ,' etsi post diuturaas scissuras, demum tatuen ut matrera rêvera vestram Romanam Eccle- slam recognoscntis , ia qua et no> fratres reperiatis , Romanse Ecclesiae ordinem et Officium recipiatis , non Toletanœ, vel cujusiibet alise, sed islius qu3e a Petro et Paulo supra Arninm petram per Christum fim- data est, et sanguine consecrata, oui portse inferni, id est lioguae haereticorum , nunquam praevalere potuerunt , sicut cèlera régna Oc- cidentis et Septentrionis teneaiis. llnde enini non dnbitatis vos susce- pisse religionis exordium, restât etiam ut inde recipiatis in Ecclesiaslico ordine divinum Officium ; quod Innocenlii Pjpse ad Eugubinum directa Episcopum vos docet epistoia , quod Hormisds ad Hispalensem missa décréta insinuant , quod Toletaaum et Bracarense demonstrant con- cilia ; quod etiam Episcopi vestri, ad nos nuper venientes, juxta consti- tutionem concilii, perscripta sua facere promiserunt, et in manu nostra firmaverunt. Labb. Torn. X. p. 33.

j\OTE B.

Gregorius Episcopus , servus servorum Dei , Simeoni Hispauorum ïîpiscopo, salutem et apostolicambenedictionem.

LITURGIQUES. 329

Cogniiis fratoraiiatis ture literis, gaudio sumusrepleti, quoniam eam quam erga Romanam Ecclesiam fidem et devoUonem geris, in eis plene agaovimus, et qviod non adultérine) eam more deserere, sedlegitimœ prolis successione amplecti desideras. Quapropter , carissime frater, necesse est ut beue inceptum recto itinere gradiatur : nec haeretica débet pravilate minui , quod apostolica constat traditione sancitum. Apostolica onim Sedes, cui, quanivis immeriti , Deo auctore praeside- mus, ipso gubernante firma permansit ab ipsis primordiis , eoque tuente illibata perpétue permanebit, testante eodem Domino : Ego pro te rogavi, ut non deficiat lides tua; et lu aliquando conversus confirma fratres tuos. His itaque fulta praesidiis Romana te cupit scire Ecclesia, quod filios quos Ciiristo nutrit, non diversis uberibus, nec diverso cupit alere lacté, ut secundum Apostolum sint unum, et non sint in eis schismuta : alioquin non mater , sed scissio vocaretur. Qua- propter notum sit tibi cunctisque Christ! fidelibus super quibus con- suluisti, quod décréta , quae a nobis, imo a Romana constat Kcclesia prolata sive confirmata, in peragendis a vobis ejusdem Ecclesioe Officiis inconcussa volumus permanere, nec eis acquiescere, qui luporum mor- sibus et veneficiorum molimine vos inficere desiderant. Nec dubitamus quod, secundum Apostolum, introeant in vos lupi graves, lupi rapa- ces , non parcentes , quibus resistendum fortiter est in Qde. Ideoque , dilectissime frater, certa, et usque ad sanguinis effusionem, si opportu- num fuerit, desuda. Indignum enim et pro ridiculo potest haberi, quod sseculares hooiines, pro tam vili pretio, tamque Deo odibili commercio, se ipsos periculo ultraneos exhibeant , et fidelis quisque irruentibus cedat hostibus terga. Non enim ab eis poterit acquiri virtus qui facile corruunt quo trahuntur. Quod autem filii mortis dicunt se a nobis literas accepisse , sciatis per omnia falsum esse. Procura ergo , ut Romanus ordo per totam Hispaniam et Galliciam , et ubicumque po- teris, in omnibus rectius teneatur. Data Romse, mense maii, indictione décima quarta. Labb. Tom. X. p. 144.

NOTE C.

Ante revocationem (legati Richardi) clerus et populus totius His- panise turbatur , eo quod Gallicanum Oûicium suscipere a legato et principe cogebantur ; et statuto die , rege , primate , legato , cleri et populi maxima multitudine congregatis , fuit diutius altercatum , clero, miliiia et populo firmiter resistentibus , ne Oflicium rautaretur , rege a regina suaso, contrarium minis et terroribus iulonante. Ad hoc ultime res pervenit , militari pertinacia decernente, ut haec dissensio duelli oertamine &«daretur. €umque duo milites fuissent electi , unus

330 INSTITUTIONS

a rege , qui pro Officio Gallioano ; aller a miliiia et populis , qui pro Tûletaao pariter decertarent , miles régis illico victus fuit , populis exultantibus , quod victor erat miles Oflicii Toletani. Scd rex adeo fuit a regina Coustaatia stimulatus , quod a proposito non discessit, duellum indicans jusnon esse. Miles autem qui pugnaTerai pro OflScio Toletano, fuit de domo Matantiae prope Pisoricam, cujus hodie genus exstat. Rodericus Toietanus,de Rébus Hispaniœ , Lib. VI. Cap. 26.

Gumque super hoc magna seditio in populo oriretur , demum pla- cuit , ut liber Officii Toletani , et liber OiBcii Gallicani in magna iguis congerie ponerentur. Et indicto omnibus jejunio a primate et legato , et clero , et oratione ab omnibus dévote peracta , igné consumitur liber OflBcii Gallicani ; et prosiliit super omnes flammas incendii, cunctis videntibus et Domiaum laudantibus , liber Officii Toletani illaesus omnino (ei) a corabustione incendii aliénas. Ibidem.

NOTE D.

Ceterum , qui libri in Ecclesiasticis Officiis per anni circulum a nonnullis legantur (quod ritum illum Apostolica non reprobat , sed sequitur Ecclesia), pro fidelium aedificatione adnotandum censuimus. Quidam, quod in Septuagesima ponunt Pentateuchum usque in XV diem ante Pascha, XV. die ponunt Hieremiam usque in CœnamDomiui. In Coena Domini legunt très lectiones de Lamentatione Hieremiîe (Quomodo sedet tola c'mtas, etc.) , et très de Tractatu S. Augustin! in psalmum 54. (Exaudi, Dens, orationem meam , et ne despexerisj et très de Aposiolo, ubi ait in Epistola ad Corintliios (Convenientibus vobis inunutn). Secuad» lectio sic incipit : (Similiter et cadcem, postquam cœnavit). Tertia, (De Spiritalibus autem nolumusvos ignorare, fratres). Iti Parasceve très lectiones de Lamentatione Hieremiœ, et très de Trac- tatu Sancti Augustini in psalmum 63. (Exaudi, Deus, orationem meam cum deprecor) ; et très de Apostolo , ubi ait in Epistola ad Hebraeos : (Festinenms ingredi in illam requiem, etc.) Seconda lectio (Omnis namque Pontifex) . Ten'n (Dequo grandis nobis sermo). In Sabbato Saucto très lectiones de Lameatatione Hieremire Propbetse , et très de tractatu Sancti Auguslini in eumdem psalmum 63. (Exaudi, Deus, ora- tionem meam cum deprecor), et très de Apostolo , ubi ait in Epistola ad Hebraeos (Christus adsistens Pontifex futurorum). Secunda lectio (Ubi enim Testamentum est). Tertia ( Umbram enim liubens lex futurorum bonorum). In Pasclia Domini homilias ad ipsum diem pertinentes, infra hebdomadam homilias. In Octavis Paschae ponunt Actus Aposto- loram , et Epistolas Canonicas , et Apocalypsim usque in Octavas Pen- tecostes.'ln Oçtavis Pentecostes ponunt libros Regum, etParalipo-

LITURGIQUES. IM

menon usque in kalondas septembris. la Dominica prima septembris ponuut Job , Tobiam , Hesler , Esdram usquo in kalendas octobris. la Domiaica prima mensis oolobris poniiul librum Machabaîorum usquc in ivalendas uovenvbris. In Dominica prima mensis novembi'is ponunt Ezeciiielem , et Danielem , et minores Prophetas usque in kalendas decembris. lu Dominica prima mensis decembris ponunt Esaiara Prophetam usque ad Nativitatem Domini. In Natali Domiui legunt primum de Isaia très lectiones. Prima leclio (Primo tempore alleviata est terra ZabiUon , etc.) Secunda (Consotamini, consolaminij. TerûaifConsurge, consiirge). Deinde legunlur sermones , vel bomiliae ad ipsum diem porllnenles. In natali sancti Stephani homilia de ipso die. In natali sancti /o/mnnrs similiter. In natali Innocentium simi- îiter. Id natali sancti Silvestri similiter. In Octava Natalis Domini homilia de ipso die. In Dominica prima post Nativitatem Domini po- nunt EpistolasPaiili usque in Sepluagesimam. In Epipliania lectiones tresdeEsaia. Prima lectio incipit (Omnes sitientes) . Secunda (Surge , illuminare, Bierusalem) . Tertia (Gatidens gaudebo in Domino). Deinde leguntur sermoaes , vel homilise ad ipsum diem pertinentes. Decretum. Part. 1. Distinct. XV, cap. Sancta Romana.

NOTE E.

Fenerabili Guidoni Abbati Jrremarensi, et sunctis qui cum eo sunt fratribus, Bernardus servus sanctitatis eorum , servir e Domino in sanctitate.

Petis, carissirae mihi Guido Abbas, et tecura pariter qui tecum sunt fratres, dictare me aliqua vobis legenda solemniter, vel canenda in festivitate sancti Victoris, cujus apud vos corpus sacratissimum re- quiescit. Cunctanti instas, dissimulantem urges , meam etsi justam verecundiam dissimulans ipse : adliibes mihi et alios precatores, quasi sit aliquid ad inclinandum me tuae voluntati , tua ipsa voluntate cogen- tius. Verum tu vel proprio judicio consulens, cogitare debueras non affectum erga me tuum , sed meum in Ecclesia locum. Sane altitude negotii non amicum desiderat', sed erudilum , sed dignum : cujus auctoritas potior, vita sanctior , stylus maturior et opus illustret, et consonet sanctitali.

Quantulus ego in populo christiano, cujus literae in Ecclesiis lecti- tentur V Aut quantula mihi ingenii cloqiiiive facuUas, ut a me polis- simum festiva et plausibilia requirantur ? Quid? quem cœli habent laudabilem etlaudalura, ego de novo laudare incipio super terram? Saperais velle addere laudibus, detrahere est. Non quod glorificatos

355 INSTITUTIONS

ab Angelis , horaines jam laudare non audeant ; sed quia in solemnitate celebri non novella audiri decet vel levia , sed certe authentica et anliqua , quae et Ecclesiam aedificent , et ecclesiasticara redoleant gravitatem. Quod si nova audire libet , et causa reqnirit , ea , ut dix! , recipienda censuerim, quœ cordibus audientinm quo gratiora , eo uliliora reddat et eioquii dignitas et auctoris. Porro sensa indubitala resplendeant veritate, sonent justitiam, humilitalem suadeant, do- ceant sequilalem : quse etiam lumen veritaiismeuiibus pariant, formam moribus , crucem vitiis, affectibus devotioiiera, sensibus disciplinam. Canius ipse 5i fuerit , pleaus sit gravitate, nec lasciviam resonet, nec rusticitatem. Sic suavis . ut noa sit levis ; sic mulceat aures , ut moveat corda. Tristitiam levet : iram mitiget ; st-nsum iiterae non évacuât, sed fœcundet. ^■on est levis jactura gratiae spiritualis, levitate cantus' abduci a sensuum ulilitale et plus sinuandis iatendere vocibus quam insinuandis rébus.

Eu qualia oporlet esse quT in audientiam Ecclesiae veniunt , qua- lemve Lorum auctorem. ^Numquid talis ego , aut talia quse paravi ? Et tameo de paupertale mea , te puisante, te inquiétante, eisi non quia amicus es , certe ob luam oporlunitatem surgens , juxta verbum Domini, praestiti quod petisti. Praestiti dico, non quod tibi ad votum , sed quod miiii ad manum veaire potuit, pro posse ulique meo, non pro velle tuo. Servala tamen anliquorura veritate scriptorum, quae tu mihi traasmiseras, de vita Sancti duos sermoaes diclavi qualicumque sermone meo : illud quantum potui cavens , ut nec brevitas obscuros, nec prolixitas redderet onerosos, Deinde quod ad cantum spectat , Hymaura composui, metri oegligens, ut seusui non deessem. Respou- soria XII , cum Anliphouis XXVII. suis in locis disposui , addito res- ponsorio uno quod prioribus vesperis adsigaavi , ilemque duobus aliis brevibus ipso die festo provestraregularicoasuetudine, uuo ad laudes, altero ad vesperas decanlaudis. Et pro his oaînibus mercedem flagito , sequor retributionem. Quidui sequar? Sive iilaceant, sive non , mea non refert , qui quod habui , dedl. Ergo merces mea, oralio vestra. (S. Bernardi opéra. Tom. i. Epist. CCCXII.)

LITURGIQUES. 535

CHAPITRE XII.

RÉVISION DE l'office ROMAIN PAU LES FRANCISCAINS. BRÉVIAIRE DES DOMINICAINS, DES CARMES, ETC. OFFICE DU SAINT -SACREMENT. CARACTÈRE DU CHANT ECCLÉSIAS- TIQUE , AU TREIZIÈME SIÈCLE. AUTEURS LITUUGISTES DE CETTE ÉPOQUE.

Saint Grégoire VII , en réformant les livres de l'Office Romain, avait eu principalement en vue la Chapelle Papale. La plupart des Eglises de Rome avaient pu adopter , par le laps du temps, cette forme réduite de l'Office; mais, ni ce grand Pontife, ni ses successeurs n'avaient exigé que les diverses Eglises de l'Occident, soumises à la Liturgie Ro- maine , réformassent leurs livres d'après cette dernière révision. Il en était donc résulté une sorte de confusion qui devait nécessiter plus tard une solennelle et dernière cor- rection. Cette confusion était encore accrue par les Offices des Saints que l'on ajoutait de toutes parts à l'ancien Calen- drier : ce qui, joint aux usages d'une Liturgie antérieure qui s'étaient conservés, quoiqu'en petit nombre, menaçait de plus en plus l'unité liturgique dans le patriarcat d'Occi- dent, au moins pour les Offices divins; car, nous ne nous lassons pas de rappeler que le Sacramentaire Grégorien , qui allait bientôt changer son nom en celui de Missel Romain, était demeuré généralement intact.

En attendant les mesures vigoureuses qui ne devaient ve- nir qu'au seizième siècle , il était donc grandement à désirer que le Bréviaire de la Chapelle Papale qui , dès le douzième siècle, avait déjà conquis toutes les Eglises de Rome, hors

d34 INSTITUTIONS

la Basilique de Latran , et qui devait tôt ou tard succéder partout à l'ancien Office, s'étendit de fait ou de droit dans le reste de l'Occident. La Providence , pour procurer cette fin si désirable, se servit de l'influence que prit tout à coup sur les sociétés du moyen-âge un institut dont les humbles commencemens ne montraient que mieux la sagesse admi- rable de Celui qui se sert de ce qu'il y a de plus faible , pour confondre ce qu'il y a de plus fort. Saint François d'Assise parut sur la terre. Ce grand Patriarche destinant ses nom- breux enfans à la prédication Apostolique , leur enjoignit expressément de garder inviolable fidélité à l'Eglise Piomaine, et afin de sanctionner cette loi fondamentale par un lien exté- rieur, il ordonna qu'ils garderaient en tout l'Ordre de l'Office suivi par cette Mère et Maîtresse de toutes les Eglises (I). Saint François ayant donné celte loi à ses enfans, dans l'an- née 1210, il était naturel que ceux-ci, demandant à Rome l'Office qu'ils devaient suivre , elle leur assignât celui que gardaient et la Chapelle Papale et les diverses Eglises de celte capitale du Christianisme. « C'est donc l'Office abrégé, >dit Raoul de Tongres, qu'ont suivi les Frères Mineurs. Ils » intitulent leurs Bréviaires et leurs Hvres d'Offices , selon la > coutume de la Cour Romaine^ secundutn consuetudinem Ro- » manœ Curiœ (2). » En outre, cet Office étant plus court que l'ancien, susceptible par même d'être transcrit à moins de frais , et son volume devant causer moins d'incommodité dans les voyages, les Fnmciscains ne pouvaient manquer de le préférer à l'ancien que gardait encore l'EgHse de Latran.

(1) Régula S. P. Francisci. Cap. III.

(2) Et istnd Officium breviatum secuti sunt fratres minores. Inde est , quod breviaria eorum , et libros Officii intitulant secundum consuetu- dinem Romanœ cnriœ , non autem curaverunt mores aliarum eccle- siarum urbis Romae recipere , et observare. De Canonum observantia. Propositio XXII. pag, 315.

LITURGIQUES. 535

Déjà un grand nombre d'Eglises en Italie avaient adopté POflîee abrégé. La propagation merveilleuse de l'institut des Frères Mineurs par toute l'Europe et au-deKà , fit bientôt connaître en tous lieu\ cette nouvelle forme de la Liturgie. Il serait difficile, impossible même, aujourd'hui , d'apprécier l'influence que ce fait exerça dans les diverses contrées de l'Occident. Elle fut variable suivant les lieux ; mais il est naturel de croire que les Franciscains que l'on vit en si grand nombre, dès le treizième et le quatorzième siècles, élevés à l'Episcopat , n'oublièrent pas tous , en changeant d'habit , la forme d'Office divin qu'ils avaient jusqu'alors pra- tiquée. Quoi qu'il en soit, qu'on l'attribue à l'influence des Franciscains, ou à la faveur qui devait, à la longue, s'atta- cher à l'Office le plus abrégé, pour peu qu'on ait feuilleté les livres de Liturgie dans les bibliothèques , on doit recon- naître que les Bréviaires de toutes ou presque toutes les Eglises de l'Europe , écrits ou imprimés au quatorzième et au quinzième siècles, ou même dans la première moitié du seizième, par conséquent avant la Bulle de saint Pie V, sont généralement distribués suivant la forme de l'Office abrégé, et non plus suivant celle qui était en usage antérieurement à saint Grégoire VII.

Mais les Frères Mineurs attachèrent leur nom au Bré- viaire Romain, à un autre titre encore qu'à celui de simples propagateurs. Haymon, leur quatrième Général, doit être compté en la liste des correcteurs , auxquels il est redevable de la forme qu'il a gardée depuis. Nous n'avons pas de détails précis sur les circonstances qui amenèrent ce fait; mais il n'en est pas moins incontestable. Wading pense que cette commission fut donnée à Haymon, par Grégoire IX (1).

(1) Annales Minorum. Ad anuum 1244 et Religioais 37.

336 INSTITUTIONS

Quoi qu'il en soit , la correction du Bréviaire Romain par ce Général des Franciscains, est expressément attestée par Jean de Parme, son successeur, dans une lettre qu'il écrivit aux supérieurs de son ordre (1).

Maintenant, en quoi consista la correction que fit Haymon sur le Bréviaire Romain? Cette question nous semble au- jourd'hui insoluble ; mais, si légers que fussent les change- mens ou améliorations introduits par Haymon , ils étaient néanmoins assez considérables pour que les livres en usage à cette époque dans les Eglises de Rome, quoique con- formes , suivant le témoignage d'Abailard , à ceux de la Chapelle Papale , ne se trouvassent plus d'accord avec ceux des Frères Mineurs. C'est ce que nous apprend Raoul de Tongres , qui dit , en parlant de Mcolas III : « Il fit ôter des » Eglises de la ville cinquante Antiphonaires , Graduels , » Missels (2) , et autres anciens livres d'Office , et ordonna » que ces mômes Eglises se servissent à l'avenir d'îs Uvres » et Bréviaires des Frères Mineurs , dont il avait confirmé » la Règle ; c'est pourquoi aujourd'hui à Rome , tous les

(1) Quia sicut iadubitaater cogaovi aonnulli fratres Officium divi- num, qui (sic) de régula uostra secundum ordinemS. R. E. cdebrare debemus, in liltera mutare iaterdum, sed ia cantu maxime variare praesumunt, etc. , duxi prsesentibus injuogendum, quod prseler id so- lum, quod ordiaarium Missalis, et Breviariumafratre Haymone sanctie recordatioûis prsedecessore nostro pio correctuui studio per sedem aposlolicam couQrmatum, et approbatum postea nihilominus per géné- rale capitulum uoscitur contiaere , ut nihil oraaino in cantu , vel littera sub alicujus festi, seu devotionis obtentu in liymnis, seu respon- soriis in choro mutari modo aliquo permittati>. U'ading. an- nales Minoram. Jd annum 12*9.

(2) 11 y a ici quelque exagération ; car nous ne voyons dans aucun autre historien , que les Frères Mineurs aient touché au Missel , dont rintégrilé est clairement démontrée par les manubcrits.

LITURGIQUES. 337

» livres sont nouveaux et Franciscains (1). » IMiisieurs auteurs ont révoqué en doute celte assertion de Raoul de Tongrcs, appuyés sur ce que dit Abailard, que, dès le douzième siècle, les Eglises de Rome , celle de Latran exceptée , ne suivaient plus l'ancien Olïice ; mais nous répondons qu'elles pouvaient néanmoins avoir retenu les anciens livres, en ayant soin d'omettre , dans le chant du chœur, les parties retranchées par saint Grégoire VII. La correction d'Haymon ayant en- traîné de plus grands changemens , des additions peut-être, ces livres , si on les eût conservés , pouvaient devenir un obstacle à l'uniformité.

Raoul de Tongres, qui, du reste, se montre très-peu fa- vorable aux Frères Mineurs, signale avec aigreur les défauts de la correction d'Haymon. Il accuse les Franciscains d'avoir défiguré rOfïice Romain , disant que leur Bréviaire présente de grandes différences avec î'Aniiphonaire, tel qu'on le trouve dans Amalaire , Walafrid Strabon , et les autres liturgistes des neuvième et dixième siècles ; il leur reproche amère- ment d'avoir augmenté le nombre des fêtes doubles j inséré beaucoup de Saints qui n'appartiennent qu'au Calendrier local de Rome, etc. Snr ces dernières imputations, il est fondé, sinon en raison, du moins en fait; quant à la pre- mière , elle tombe devant la réalité. Nous avons , dans la Collection Liturgique du B. Tommasi , un Anliphonaii'e en- tier à l'usage de l'Eglise de Saint-Pierre, et écrit sous le Pontificat d'Alexandre III, qui siégea en 1459 : or, cet Anti- phonaire, qui renferme l'Offlce réduit par saint Grégoire VII,

(3) Fecit (INicolaus) iii ecclesiis urbis araoveii Anliphonarios, Gra- dualia, Missilia et alios libros Officii antiques quiiiquagiala, et man- davit , ut de cetero ccclesise urbis uterentur lil)ris , et Breviariis Fralrum Minorum, quorum regulam etiam conlirmavit ; uude Iiodie ia Koma onines libri suntnovl, et Franciscani. Radulplms. Jbid. pag.ZM. T. I. 22

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est presque eniièrement semblable au Bréviaire Romain ac- tuel, lequel est tout à la fois l'abrégé de l'Antiphonaire Grégo- .. rien et le Bréviaire des Frères Mineurs. Si donc il existe des différences entre les livres Romains tels qu'on les voit dans Amalaire,etle Bréviaire des Franciscains, il faut les attribuer principalement aux réductions faites par saint Grégoire VII, et se rappeler aussi que l'Antiphonaire de Metz renfermait plusieurs pièces qui n'étaient pas d'origine Romaine. Con- cluons donc de tout ceci que ta correction Franciscaine n'a pas entraîné de grandes modifications dans la Liturgie Ro- maine-, et que l'ancien fond Grégorien est toujours demeuré le même.

Les Frères Mineurs ajoutèrent au propre du Bréviaire les Offices des Saints que leur Ordre ne tarda pas à enfanter, et particulièrement celui de saint François. Tous ces Offices , composés en prose cadencée et riraée , sont une des richesses littéraires du treizième et du quatorzième siècles. Nous re- grettons que l'espace nous manque pour en insérer ici quelques traits d'une onction naïve, comme toutes les œuvres de l'Ordre Séraphique, à cette époque de sa grande gloire. Depuis, le dix-huitième siècle a soufflé son vent glacé sur ces fleurs si fraîches et si tendres : les Franciscains des Pro- vinces de France , avant de s'éteindre sous les coups de la sécularisation , élaborèrent pour leur Ordre une série de nouveaux Offices, dans lesquels on ne trouve plus la moindre trace de ces touchants Cantiques que l'âge héroïque des Frères Mineurs avait consacrés à la gloire de saint François , de sainte Claire, de saint Bonavcnture, de saint Antoine de Padoue,etc. Clément XIV, Franciscain Conventuel, accéda aux vœux de son Ordre, en approuvant les Offices réformes qu'on lui présenta.

Les Frères Prêcheurs que Dieu donna à son Eglice par le

LITURGIQUES. 359

mlnislère de saint Doiiiiiiiquc , quelques années avant les Frères Mineurs, niëiilent une place distinguée dans les an- nales delà Liturgie. Fondés en France el bientôt établisà Paris par saint Louis, dans leur illustre Couvent de la rue Saint- Jacques , d'où ils ont pris le nom de Jacobins, leurs usages liturgiques, auxquels ils sont toujours demeurés fidèles, nous font connaître ceux des Eglises de France et particulière- ment de r.Eglise de Paris, au treizième siècle. Pour la Messe, iis ont gardé plusieurs rites et prières dont la plupart se re- trouvent dans les Misseh Français du treizième au quinzième siècles : le texte du Missel est d'ailleurs le Romain pur, sauf quelques légères différences. Quant au Bréviaire, il fut ré- digé dans le Couvent de la rue Saint-Jacques, en 1253, par Humbert de Romans , qui fut depuis Général de l'Ordre. A l'exception des fêles d'Ordre, et de quelques rites peu nom- breux , tout ce qui , dans ce Bréviaire , paraît surajouté au Romain, se retrouve dans l'ancien Parisien (1) : c'est ce qui rend ce Bréviaire infiniment curieux, surtout depuis que l'Eglise de Paris a abjuré la masse de ses traditions.

Les Oflîces des Saints de l'Ordre , au Bréviaire Domini- cain, sont formés en totalité d'une prose mesurée et rimée , comme ceux des Frères Mineurs ; mais l'accent de triomphe, la pompe du langage qui en font le principal caractère, con- trastent d'une manière caractéristique avec la simplicité naïve des O.Tices Franciscains. Il faut dire, de plus, à la louange de l'Ordre Dominicain, qu'il a su défendre son Bréviaire des tentatives de l'esprit d'innovation, et qu'il est le seul qui, dans ces derniers temps , ait (;onscrvé l'inspiration liturgique dans les compositions que les fêtes de ses nouveaux Saints

(1) Liturgia Domenicana spiegâLa in luUe le suc parti , du k. Luigi ViaceuzuCassitto. Tom. 1. pag. il.

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ont exigées. Les Offices de saint Pie V, de sainte Rose de Lima, de saint Louis Bertrand, de sainte Catherine de Ricci, sont aussi parfaitement dans la couleur du treizième siècle, que les plus anciens du Répertoire Dominicain. L'Office du Saint- Rosaire, rédigé dans ces dernières années, montre que cet Ordre illustre n'a point perdu ses traditions ; seulement , on regrette de ne plus retrouver en entier, dans la nouvelle édition du Bréviaire Dominicain, qui est de 1854, l'admi- rable Office de tous les Saints de l'Ordre, qu'on lisait dans les éditions précédentes. On a malheureusement changé plusieurs Antiennes et huit Leçons, inspirées par ce noble esprit de corps , qui doit animer tous les Ordres religieux , mais qui est si bien à sa place dans cette Fête qui leur est commune à tous et qui est destinée à célébrer toutes les fa- veurs dont Dieu les a honorés, tous les grands hommes qu'ils ont produits.

Le Bréviaire des Carmes offre aussi beaucoup de rapports avec le Bréviaire Romain-Parisien. Il est vrai que ces Reli- gieux ont prétendu que leur Office était celui de l'Eglise Latine de Jérusalem, qu'ils avaient reçu de saint Albert, leur restaurateur, et qu'ils avaient apporté avec eux , en passant en Occident. Mais cet Office , pour avoir été celui de Jérusalem , n'en était pas moins d'origine française. Guil- laume de Tvi' rapporte expressément que Godefroy de Bouillon , instituant le rite Latin dans l'Eglise du Saint- Sépulcre, établit l'Office di^in et les cérémonies, comme dans les grandes Eglises de France, et nomma Chantre de la BasiUque, Anselme, Chanoine de Paris (1).

Les Trinitaires, les Augustins, les Religieux de Sainte-

(1) Grancolas. CommeDlaire hi-4oiique sur le Bréviaire Romain. Tom. 1. pag. 93.

LITURGIQUES. 341

(Iroix et plusieurs autres corps fondés vers la mémo époque , ont pareillement l'ait l'OlfK'e, pendant plusieurs siècles, sui- vant l'usage de Paris.

On comprendra aisément, d'après tous ces faits, l'exten- sion donnée à la I.iturgie Romaine-Française , bien au-delà des limites du royaume. Les Instituts que nous venons de nommer, et qui, joints aux Ordres de Citeaux et de Pré- montré, s'élendirent avec tant de rapidité, achevèrent de faire connaître à l'Europe les beaux chants que la France avait ajoutés aux mélodies Grégoriennes ; de toutes parts on les adopta, et ils se marièrent aisément au Bréviaire réformé de saint Grégoire VII et des Frères Mineurs. Chaque Eglise puisa avec plus ou moins d'abondance à cette source féconde, et l'on vit, ce qui ne s'est jamais reproduit depuis, les nations qui avaient mis en commun les trésors de la foi et de l'unité, cimenter celte merveilleuse union par un échange de Can- tiques religieux. Mais, on ne saurait trop le dire, la France eut la principale part dans la suprématie des chants ; il lui fut donné de compléter l'œuvre de saint Grégoire, et si, depuis, elle a oublié cette gloire, elle pourra, quand elle voudra, consulter les livres liturgiques des Eglises étrangères , ou ceux encore des Ordres religieux qu'elle a expulsés de son sein ; elle y retrouvera les douces mélodies que ses Evêques, ses Moines et ses Rois, composaient pour l'Europe entière, durant les onzième et douzième siècles.

C'est ici le lieu de parler plus en détail de la propagation de la Liturgie Romaine-Française. Nous venons de la voir établie, suivant l'usage de Paris, dans l'Eglise de Jérusalem, par Godefroy de Bouillon. Elle l'avait été, auparavant, en Sicile , par les princes Normands , comme d'anciens manus- crus liturgiques en font foi. Les Ducs d'Anjou l'y maintinrent, ainsi que le prouvent des Missels et Bréviaires contemporains

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de leur dominalion sur celte île (I); et, ce qui est plus remar- quable , il existe encore plusieurs Missels imprimés à Ve- DÎse, dans la première moitié du seizième siècle , qui portent ce titre : Missale Gallicanum juxta usum Messanensis Ec- clesiœ, cl un Bréviaire de i 512, également imprimé à Venise, et intitulé : Breviarium Gallicanum ad usum Ecclesiarum Sicularum. La Bulle de saint Pie V, dont nous parlerons bientôt, put seule déraciner de cette contrée les usages liturgiques que nos armes y avaient introduits , et qui sur- vécurent, comme l'on voit , à la domination française.

Nous retrouvons encore ailleurs la Liturgie Parisienne. Des monumens positifs nous apprennent que les Grands- Maîtres français de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem l'ins- tituèrent jusque dans les Eglises de Rhodes et de Malte (2). Saint Louis, dans ses voyages d'outre-mer, la faisait célé- brer devant lui avec toute la pompe dans les cérémonies et toute l'exactitude dans les chants que comportait la com- modité plus ou moins grande de ses divers carapemens.

L'estime que nos anciens Rois faisaient de cette Liturgie les avait portés à en élendre l'usage à plusieurs lieux du royaume , en dehore même des limites du diocèse de Paris. D'abord, en quelque endroit qu'ils se trouvassent, ils ftiisaienl célébrer devant eux, suivanl l'ordre de ce rite observé minutieusement, et ne se contentaient pas des Liturgies des autres Eglises qui mêlaient leurs usages à ceux de Paris. En outre, le Bréviaire de cette Eglise était le seul que l'on pût suivre dans les Saintes Chapelles, du Palais, de Vincennes, de Dijon, de Champigny au Diocèse de Char- tres, de Chàteaudun, et généralement dans toutes celles

(Ij Johannes de Jobanne. De diviuls Sicuiorum Officiis. Cap. V. Vlil. X. XII et sp.q. (2) Paciaudi. De caltu S. Joannis Baptistse. pag. 413.

LITURGIQUES. 345

des châteaux royaux. Il faut ajouter encore à ce compte, les Eglises royales de Bourges, de Bourbon, du Gué-de- Maulny ou de Sainl-Pierre-Ia-Cour, au Mans , de Saint- Clément de Compiègne, de Saint-Firmat de Mortain, au Dio- cèse d'Avranclies. Grancolas, à qui nous empruntons cette précieuse énumération , nomme encore plusieurs Eglises de la ville et du Vicariat de Ponloise , comme la Collégiale et les paroisses de Saint-André, de Saint-Madou et de Saint- Pierre ; et enfin les paroisses d'Annery, de Nivelières , de Ge- nicourt, d'Osny et de Pizeux, qui dépendaient du Chapitre de Saint-Mellon (1). Nous verrons plus loin comment la Li- turgie de Paris fut ôtée de la Chapelle du Roi , pour y faire place aux livres contenant l'Office Romain dans toute sa pu- reté.

Ce genre de détails nous amène naturellement à parler de la piété des Rois à l'époque que nous décrivons, et à raconter les actes de leur zèle pour îa Liturgie. A la tête des souve- rains du treizième siècle qui se sont montrés les plus dévots pour les saints Offices, nous devons placer le plus dévot d'entre eux , saint Louis , d'héroïque mémoire. On peut dire que l'histoire de ce grand Prince, sous le rapport de sa piété, n'a point encore été écrite : nous emprunterons à l'un de ses biographes contemporains quelques traits propres à le montrer sous le point de vue qui nous occupe. Geoffroy de Beaulieu, qui fut le Confesseur de saint Louis, rapporte , entre autres choses, que ce pieux Roi observa, pendant quelque temps, la coutume de se lever à minuit; s'élant ainsi arraché au sommeil, il chantait Matines avec ses Cha- pelains et restait ensuite en prières autant de temps qu'il

(1) Grancolas.' Commeniaire historique sur Ip Bréviaire Romain. Toni. 1. pag. 6i.

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savait que les mêmes Matines avaient coutume de durer dans l'Eglise Cathédrale. Ces longues veilles devenant préjudi- ciables à sa santé, il prit le parti de se lever de manière à pou- voir entendre bientôt Prime, la Messe et les autres Heures, sitôt qu'on aurait achevé le chant des Matines. Il faisait as- sister les Princes ses enfans, dès leur jeunesse , à toutes les Heures Canoniales. Après Compiles, on chantait l'An- tienne à la Sainte Vierge, usage qui fut adopté depuis dans le reste de l'Eglise , et tout se terminait par l'aspersion de l'eau bénite. Il obligeait en outre ses fils à réciter en particulier le petit Office de la Sainte Vierge.

Pendant la navigation pour la Croisade , il avait obtenu la permission de faire porter l'Eucharistie sur son vaisseau. 11 y faisait chanter les Heures Canoniales, et la Messe même : on omettait seulement le Canon ; mais les Prêtres et les Mi- nistres étaient revêtus de leurs ornemens sacrés. Nous vou- drions pouvoir suivre le royal chevalier dans la visite des saints lieux, et raconter avec quelle ferveur il faisait célébrer les sacrés Alystères dans les lieux mêmes ils se sont ac- complis. Nous nous contenterons de citer un seul trait du récit de Guillaume de Beaulieu. Il raconte comment le saint Pioi célébra la fête de l'Annonciation à Nazareth , et dit ces paroles : « Combien dévotement il se comporta en ce lieu , » combien solennellement et glorieusement il y fit célébrer » Vêpres, Matines, la Messe et les autres Offices d'une si au- t guste solennité ! Ceux-là peuvent en témoigner qui y furent » présens ; et , certes, plusieurs ont pu dire en toute vérité » que , depuis le jour auquel le Fils de Dieu , dans ce même «lieu, prit chair de la glorieuse Vierge, jamais si solennel, " ni si dévot Office n'y fut accompli (1). i>

(1) Quam dévote ibidem se Iiabuerit , quam solemuiter et gloriose fecerit celebrari ve^peras, matiuinas, missani, et cetera, quae ad

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Le giorioux conloniporain de saint Louis, Roi et chevalier comme lui , saiiil Ferdinand, Uoi de Caslillc et de Léon, ne fut pas moins zélé pour les divins OlTices. Rodrigue rapporte en détail les actions de sa piété; comment il assistait à toutes les Heures du jour et de la nuit , môme dans ses campagnes ; comment il chantait avec les Clercs les divins Cantiques, et ne dédaignait pas de remplir lui-même quelquefois roffîce de Chantre (I).

Parlerons-nous de cet autre brillant chevalier, Richard Cœur-de-Lion, qui remplit l'Orient et l'Occident du bruit de sa gloire ? Les chroniques d'Angleterre nous disent comment il se levait chaque jour de grand matin pour cher- cher d'abord le royaume de Dieu et sa justice; comment il se rendait à l'Eglise et n'en sortait point qu'il n'eût entendu tout l'Office ecclésiastique (2).

Henri III, l'un de ses successeurs, entendait tous les jours trois Messes en note , c'est-à-dire en plain-chant , outre les Messes basses auxquelles il avait assisté. Saint Louis l'ayant exhorté à employer au moins une partie de ce temps à écouter des prédications , le pieux Roi d'Angleterre lui fit cette admirable réponse qui peint si bien la tendre piété du moyen-âge : « J'aime encore mieux voir plus souvent celui »que j'aime, que d'entendre seulement parler de lui (3). »

Tels étaient encore au treizième siècle les Rois de la Ca- tholicité. Comment les peuples n'auraient-ils pas eu une

solenmitatem tam ceiebrem perliiiebaat , testes esse possuni, qui affuerunt, de quibus noanulli attestari veraciter, sive edere potuerunt, quod postquam Filins Dei iu eodem loco de gloriosa Virgiiie carnem assunipsit , nunquam tara solemne , lamque dovotum Officium;Juerit ibi facUiin. (S. Lucluvici vitu per Gattfridnmdc BrUv loco. Cap. //'.)

(1) Roderic. Tolelan. De Rébus Hispan.

(2) Roger. Pag. 753.

(3) Thomas de Walsinghani. Tom. II. pag. 67.

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ineffable intelligence des choses de la vie mystique, quand un Louis IX et un Richard I", par exemple , Princes si différens d'ailleurs, se réunissaient dans Tamour passionné des chants et de la prière liturgique, et passaient chaque jour de longues heures à vivre d'une vie de foi et d'amour des choses célestes? Mais , après le treizième siècle , cette génération de Princes qu'on pourrait npipeler Liturgistes , et dont la série commence à Pépin et à Charlemagne, se brise tout à coup. Philippe- le-Bel avait bien autre chose à faire que chanter des Répons : les Pierre Flotte et les Guillaume de Nogaret lui semblaient recrues plus avantageuses que les Frères Prêcheurs et les Frères Mineurs de son aïeul.

Le treizième siècle fut le théâtre d'un événement liturgique d'une si haute portée , que , depuis , un semblable ne s'est pas encore reproduit. ÎS'ous voulons parler de l'institution de la Fête du Saint-Sacrement ; car les Fêles universelles établies dans la suite par le Siège Apostohque ne sont point d'un degré aussi élevé, n'ont point d'Octave, et n'emportent point l'obhgation de cesser les œuvres serviles. On peut donc dire que c'est à l'époque que nous racontons dans le présent cha- pitre , que l'Année Chrétienne a reçu son complément , au moins pour les grandes lignes Calendrier.

Cette solennité , si chère à toute la Catholicité , fut étabUe pour être un solennel témoignage de la foi de l'Eglise dans l'auguste mystère de l'Eucharistie. L'hérésie de Bérengcr, dès le onzième siècle , avait rendu nécessaire une nouvelle pro- testation liturgique en faveur de l'antique croyance : le rite de l'élévation de l'Hostie et du Calice , pour être adorés par le peuple, immédiatement après la consécration, avait été promptement institué et s'était répandu en tous lieux. Au treizième siècle , de nouvelles attaques se préparaient contre ce dogme capital d'une religion fondée sur le mystère du

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Verbe incarné pour s'unir à la nature humaine. Déjà les précurseurs des Sacramentaires avaient paru ; les Vaudois , les Albigeois, préparaient la voie à Wiclef , à Jean Huss, précurseurs eux-mcaies de Luther et de Calvin. Il était temps que l'Eglise lit entendre sa grande voix. : la Fêle du Saint- Sacrement fut donc décrétée par Urbain IV, en 1264 , avec des circonstances merveilleuses qui seront racontées ailleurs ; et , non seulement une solennité du premier ordre fut ajoutée aux anciennes fêtes instituées par les Apôtres , mais une Procession splendide , dans laquelle on porterait le Corps du Seigneur, ne tarda pas à être adjointe aux antiques Processions du Dijnaache des Hameaux et des Rogations.

Pour célébrer un si grand Mystère, il était nécessaire qu'un nouvel Office fût composé qui répondît à l'enthou- siasme de l'Eglise et à la grandeur du sujet. La Liturgie ne manqua point dans cette circonstance à l'attente du peuple chrétien, et l'Office du Saint-Sacrement est un monument tellement imposant , que les novateurs du dernier siècle , qui ont renversé la Liturgie antique pour en créer une autre de fond en comble à l'usage des Eglises de France, ont jugé à propos d'en conserver plusieurs parties , alors même qu'ils déchiraient sans pitié les Offices que tout le reste de la Chré- tienté latine , moins l'Eglise de Milan , emploie dans la célébration des Mystères de Noël , de Pâque , de l'Ascension et de la Pentecôte.

Mais il est arrivé , au sujet de l'Office du Saint-Sacrement, ce qui arrive à l'égard de tous les grands monumens, objets de l'amour des peuples; une sorte de mystère en a voilé l'o- rigine. On a disputé pour en connaître le véritable auteur. Personne il est vrai , n'a jamais douté que le Docteur Angé- lique , saint Thomas d'Aquin , n'y eût eu la part principale ; mais , en rédigeant cet Office, n'avait-il point sous les yeux

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celui qui était déjà en usage dans l'Eglise de Liège, la Fête du Saint-Sacrement avait commencé ? C'est ce que les monumens du treizième siècle ne nous ont point éclairci suf- fisamment : bien qu'il soit rendu indubitable, par tous les témoignages de l'histoire , que saint Thomas fut chargé, par Urbain IV, de rédiger pour l'Eglise universelle l'Office de cette nouvelle fête (1).

Ce qui frappe principalement dans cet Office , tel qu'il est sorti des mains de saint Thomas , c'est la forme majestueu- sement scholaslique qu'il présente. Chacun des Répons de Matines est composé de deux sentences, tirées l'une de l'Ancien, et l'autre du Nouveau Testament, qui rendent ainsi témoignage conforme sur le grand Mystère qui fait l'objet de la solennité. Celte idée, qui a quelque chose de grandiose, a été inconnue à saint Grégoire et aux autres auteurs de l'ancienne Liturgie ; et on doit convenir qu'autant elle est puérile et forcée dans les nouveaux Bréviaires qui en ont fait une règle générale , autant elle est belle et solide , si on ne l'applique qu'avec mesure et dans de grandes occasions.

Le même génie méthodique du treizième siècle paraît dans la Prose Lauda, Sion, œuvre étonnante qui est incontesta- blement de saint Thomas. C'est-là que la haute puissance d'une scholastique , non décharnée et tronquée , comme au- jourd'hui, mais complète comme au moyen-àge, a su plier sans effort au rythme et aux allures de la langue latine, l'ex- posé fidèle, précis, d'un dogme aussi abstrait pour le théo- logien , que doux et nourrissant au cœur du fidèle. Quelle majesté dans l'ouverture de ce poème sublime ! quelle pré- cision délicate dans l'exposé de la foi de l'Eglise ! et avec quelle grâce, quel naturel sont rappelées, dans la conclu-

(1) Benedict. XIV. De festis D. N. J. C. Lib. 1. cap. XIII.

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sion , los ligures de ranciennc Loi qui annonçaient lo Pain des Anges, rAgneaii l^aseal el la Manne! Enfin, (inellc inef- fable conclusion dans celte prière majestueuse et tendre au divin Pasteur qui nourrit ses brebis de sa propre chair, et dont nous sommes ici-bas les Commensaux , en attendant le jour éternel nous deviendrons ses Cohéritiers! Ainsi se vérifie ce que nous avons dit plus haut, que tout sentiment d'ordre se résout nécessairement en harmonie. Saint Thomas, le plus parfait des scholasliques du treizième siècle , s'en est trouve par-là même le poète le plus sublime.

Nous avons encore une production du même temps, et dont l'appréciation doit être la môme; c'est la Séquence Dies irœ. On n'est pas d'accord sur le nom du poète inspiré qui dota la Chrétienté de ce Cantique si tendre et si sombre qui, sans doute, accompagnera l'Eglise , en ce dernier jour dont les terreurs y sont si lamentablement exprimées ; mais quelle majesté , quelle onction , quel rythme digne d'un si redoutable sujet ! On se sent porté à croire qu'une assistance spéciale de l'Esprit Suint a conduire les auteurs du Dies irœ et du Lauda^ Sion, et leur découvrir les accens célestes qui seuls étaient en harmonie avec de pareils objets.

Si , maintenant , nous en venons à considérer le chant lui- même dont ces incomparables poèmes sont revêtus et encore embellis , nous sommes forcés de reconnaître qu'aucun siècle n'a surpassé le treizième dans l'art de rendre les passions de la Liturgie , avec les ressources en apparence si bornées du chant ecclésiastique. Nous ferons une seule remarque : c'est que le treizième siècle a réussi principalement dans les Séquences, plutôt que dans les P»épons et autres pièces en prose. Ceci tient aux observations que nous avons faites au chapitre XL Les compositeurs du moyen-age étaient plus à l'aise, dans ces morceaux qu'ils pouvaient traiter en suivant

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le génie national , que dans les pièces sans rythme , que les réminiscences de la Musique Grecque , appliquées par saint Grégoire'? ont revêtues d'ailleurs de tant de majesté. Déjà, un fait antérieur à l'Office du Saint-Sacrement avait attesté cette faculté musicale au douzième siècle ; le beau chant de la Prose d'Abailard , Mittit ad Virginem, n'était déjà plus de la famille des anciennes Séquences. II ne se peut rien voir de plus tendre et déplus mystiquement joyeux. Nous avons dit que ce chant appartient à la France , comme les paroles sur lesquelles il a été mis. L'Italie nous a , en revanche, donné le Lauda , Sion , et le Dies irœ ; quant aux Répons , An- tiennes, et autres pièces de l'Office du Saint-Sacrement, la France et la Belgique les ont fournies.

On ne peut rien voir, sans doute, de plus remarquable- ment mélodieux que ces Répons et ces Antiennes ; mais, pour être juste , il faut ajouter qu'elles ne sont rien moins qu'ori- ginales. Nous surprendrons même plus d'un lecteur en disant que toutes, ou presque toutes les pièces en prose de l'Office du Saint-Sacrement ne sont que les pastiches de morceaux plus anciens , et presque tous des onzième ou douzième siècles. Ainsi, le Répons Homo quidam est pris sur Virgo flagellatur de sainte Catherine ; Immolabit , sur Te S^wAum Deum des saints Anges; Comedetis , de Stirps Jesse de la Nativité de la Sainte Vierge ; Unus Partis , de Ex ejus tumba de saint Ni- colas ; Misit me, de Verbum caro du jour de Noël ; l'Antienne 0 quam suavis, est calquée sur 0 Christi pietas de saint Ni- colas , etc. La Messe , si belle et si mélodieuse , n'est pas plus originale. L'Introït Cibavit appartient, en propre, au Lundi de la Pentecôte ; le Graduel Oculi omnium , au vingtième Dimanche après cette Fête ; l'Offertoire Sacerdotes est pris sur Confirma hoc , et la Communion Quotiescumque sur Factus est repente, pièces qui appartiennent toutes deux à la Messe

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du jour de la Poniecôto. Ce n'est pas tout; plusieurs de ces pièces présentent, (lans la composition, d'énormes contre- sens avec les paroles ; par exemple , les Antiennes 0 quant suavis es. Sapicntia. 0 Sacrum convivium , etc.; ce qui donne lieu de penser qu'elles ont été traitées par des com- positeurs habiles dans ia mélodie des sons , mais ignorans de la langue latine. De cette double observation il est permis de conclure que le treizième siècle , si divinement inspiré dans les compositions rythmiques, dédaigna de s'exercer sur les morceaux en prose, et ne fit gucres d'autres frais que de trans- porter sur des paroles nouvelles des Motifs déjà connus ; travail presque matériel , et que des musiciens illétrés pou- vaient remplir.

S'il est permis de rechercher les analogies que présentent les vicissitudes du chant ecclésiastique, au moyen - âge , avec la marche de l'architecture religieuse, qui a toujours suivi les destinées de la Liturgie dont elle fait une si grande partie et comme l'encadrement, nous soumettrons à nos lec- teurs les considérations suivantes. Les dixième et onzième siècles enfantèrent des pièces de chant graves , sévères et mélancoliques , comme ces voûtes sombres et mystérieuses que jeta sur nos Cathédrales le style Roman , surtout à l'é- poque de cette réédification générale qui marqua les pre- mières années du onzième siècle. Ainsi, on retrouve encore la forme Grégorienne dans les Répons du Roi Robert, comme la Basilique est encore visible sous les arcs Byzantins du même temps. Le douzième siècle , époque de transition, que nous appellerions volontiers, dans l'architecture, le Roman lleuri et tendant à l'ogive , a ses délicieux Offices de saint ÎNicolas et de sainte Calhei'ine, la Séquence d'Abailard, etc., la phrase Grégorienne s'efface par degrés pour laisser place à une mélodie rêveuse. Vient ensuite le treizième siècle avec

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ses ligues pures, élancées avec tant de précision et d'imrmo- nie ; sous des voûtes aux ogives si correctes, il fallait surtout des chants mesurés , un rythme suave et fort. Les essais sim- plement mélodieux, mais incomplets, des siècles passés, ne suffisent plus : le Lauda, Sion, le Dies irce sont créés. Cependant, cette période est de courte durée. Une si exquise pureté dans les formes architectoniques s'altère , la re- cherche la flétrit ; l'ornementation encombre , embarrasse et bientôt brise ces Hgnes si harmonieuses ; alors aussi com- mence pour le chant ecclésiastique la période de dégradation dont nous allons parler tout à l'heure. Malheureusement, tous nos lecteurs ne seront pas à même de suivre ces rapports et d'étudier les progrès et la décadence du chaut ; les livres se trouvent les monumens que nous rappelons disparaissent chaque jour ; mais il faut pourtant que l'on sache quels tré- sors de mélodie furent sacrifiés au jour l'on inaugura dans nos Eglises des chants que n'avaient jamais entendus nos pères, et qui éclatent à grand bruit sous des voûtes long-temps accoutumées à en répéter d'autres.

Nous donnerons maintenant la bibliothèque des Litur- gistes qui ont fleuri à la grande époque du treizième siècle.

Nous trouvons d'abord Alain de Lille , Moine de Citeaux , qui fleurissait en l'Université de Paris , au commencement du treizième siècle, et qui fut appelé le Docteur universel. On trouve parmi ses œuvres deux Séquences , l'une sur l'In- carnation du Verbe , l'autre sur la fragilité de la nature hu- maine.

(1208). Jean, appelé le Scribe ou l'Acémète, Patriarche des Jacobites, parait être l'auteur d'une Anaphore insérée par Renaudot au deuxième tome de son recueil des Liturgies Orientales.

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(1215). Saint François d'Assise , Patriarclie de l'Ordre Se- f raphique, a eu une influence marquée sur la Liturgie, en obligeant ses enfans à embrasser le rite de l'Eglise Romaine. On Jrouvc dans ses œuvres un opuscule intitulé : Ordo reci- tandi offïcium dominicœ Passionis.

(1220). r.uillaumedeSeignelay, Evêque d'Auxerre, puis transféré sur le siège de Paris, avait composé un livre, de Divinis Officiis^ qui n'a point été imprimé.

(1222). Germain IF , Patriarche de Constantinople , est au- teur d'un opuscule intéressant sur la Liturgie , intitulé : Théorie des choses ecclésiastiques. Malheureusement , nous ne l'avons point tel qu'il est sorti des mains de son auteur ; il a subi de graves interpolations.

(1230). Godefroy, Archevêque de Cambrai, écrivit un livre de Divinis Officiis , que nous n'avons plus.

(1230). Jacques, Evêque de Tagrite, de la secte des Nesto- riens, est auteur d'une Exposition des Offices et des Oraisons.

(1238). Guyard de Laon, Chancelier de l'Université de Paris , et élevé plus tard à l'Archevêché de Cambrai , paraît être auteur d'un opuscule de Officiis divinis , sive ecclesias- ticis , et d'un autre de Officiis sacerdotum.

(1239). Haymon de Feversham, Ministre Général des Frères Mineurs, corrigea le Bréviaire P»omain, ainsi que nous l'avons dit, et, en outre, écrivit un livre de Missœ cœremoniis.

(1240). Simon Taylor, Dominicain, fut habile dans la théorie du chant ecclésiastique , et composa deux livres de Pentachordis , deux de Tenore Musicali, et un de CantuEc- clesiastico corrigendo.

(1251). Vincent deCovenler, Franciscain, professeur à Cambridge, est auteur d'une Exposition de (a Messe. T, I. 23

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(1255) . Jean Bar-Maadani , Patriarche des Jacobites , com- posa une Anaphore qui se trouve au recueil de Kenaudot.

(1254). Humbert de Romanis, cinquième Général des Do- minicains , compilateur du Bréviaire de son Ordre , rédigea sur les Offices qu'il contient des Commentaires qui étaient gardés, au rapport de Schulting, dans la bibliothèque des Frères Prêcheurs de Cologne.

(1255). Théodore Lascaris II, Empereur Grec, a com- posé , en l'honneur de la Sainte Vierge, un Canon ou Hymne qui se trouve dans le livre que les Grecs nomment Para- clétique.

(1260), Grégoire Bar-Hebrœus, Primai d'Orient , pour la secte des Jacobites , est auteur d'une Anaphore qui se trouve au recueil de Renaudot , et d'un Abrégé de la Liturgie de saint Jacques.

(1260). Hugues de Sainl-Cher, Dominicain , Cardinal , au- teur de la Concordance de la Bible , a aussi travaillé sur la Liturgie. Il composa un livre sous ce titre : Spéculum sacer- dotum et Ecclesiœ, de Symbolo et Officio Missoe.

(1270). Latinus Frangipani, Dominicain, Cardinal, neveu du Pape iNicolas III , passe pour être l'auteur de la Séquence des Morts, Bies irœ, et de plusieurs autres en l'honneur de la Sainte Vierge.

(1270). Saint Thomas d'Aquin, Docteur Angélique, outre l'Office du Saint-Sacrement, écrivit un Uvre intitulé : Expo- sitio Missœ.

(1270). Guibert de Tournay, Franciscain, a laissé un ou- vrage très-curieux, sous ce litre : De Officio Episcopi et Ec- clesiœ cœremoniis. Il est dédié à Guillaume, Evèque d'Orléans.

(1270). Erard de Lésignes, Cardinal, Evêque d'Anxerre, étant allé à Rome , y entendit de si beaux Répons de l'his-

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loire de INoé et d'Abraham, pour les semaines de Sexagé- sime et de Quinquagésime , qu'il les introduisit dans son Eglise.

(1270). Sanclie , Infant d'Arragon , Archevêque de Tolède, composa des Litanies et des Hymnes en l'honneur de la Sainte Vierge.

(1272). Saint Bonaventure, Docteur Séraphique , est au- teur d'une Exposition de la Messe et d'un Office de la Pas- sion de Jésus-Christ. Ou lui a attribué aussi l'Office de saint François.

(1280). Peckam, Franciscain , Archevêque de Cantorbéry, laissa deux traités liturgiques intitulés , l'un de Ratione diei Dominicœ, l'autre Spéculum Ecclesiœ de Missa.

(1290). Guillaume Durand, Dominicain, Evêque de Mende, composa le fameux Rationale divinorum Officiorum , ou- vrage dans lequel il explique tout l'ensemble de la Litur- gie , à l'aide des auteurs qui l'ont précédé , en ajoutant ses propres observations. On peut considérer ce livre comme le dernier mot du moyen-âge sur la Mystique du culte divin , et s'il est si oublié aujourd'hui , il ne le faut attribuer qu'à cette triste indifférence pour les formes religieuses qui avait glacé nos pères, jusque-là qu'au dix-huitième siècle, on a pu renverser, en France, toute l'ancienne Liturgie et en substituer une nouvelle, sans que les populations s'en soient émues. Les Offices qu'expose Durand ne sont plus ceux qu'on célèbre dans nos Eglises, et c'est ce qui embarrassera tant soit peu nos modernes archéologues qui , ayant par hasard ren- contré Durand, dans la poudre des bibliothèques, essaieront de s'en s(>rvir pour expliquer le culte exercé aujourd'hui dans nos Cathédrales. Au reste, si quelqu'un d'entre eux devait un jour parcourir ces lignes , nous prendrons la H- berlé de lui dire que Durand , qui peut être d'un si grand

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secours pour l'interprétation des mythes ( comme l'on dit ) du Catholicisme au moyen-âge, n'est que le compilateur des avis émis par les Liturgistes qui l'ont précédé, depuis l'âge des Pères de l'Eglise ; et que , dans la partie de son tra- vail qui lui appartient en propre, il n'est pas toujours sûr de prendre, pour le génie de l'Eglise, les explications qu'il donne. Son livre est une Somme . il est vrai ; mais tout ce qu'il renferme doit être jugé dans ses rapports avec les traditions de l'antiquité. En un mot , le Rational de Durand est un mo- nument dont, après tout, la science liturgique pourrait se passer ; car l'origine de cette science remonte aux premières traditions du Christianisme, d'où elle est venue jusqu'ici de bouche en bouche, toute vivante, et sans avoir besoin que la science profane la restaure. L'état de la France , quant à la Liturgie , n'est qu'un fait isolé et passager, nous l'espérons du moins; car s'il est vrai de dire que Durand, s'il revivait aujourd'hui, ne comprendrait plus rien à la Liturgie de Mende, sa propre Eglise, de Lyon, de Paris, etc., il pour- rait , du moins , en franchissant les frontières de notre pays, retrouver en tous heux de l'Occident ces formules saintes qu'il a commentées avec tant d'amour.

Nous devons dire, à la gloire de la science liturgique et à celle de Guillaume Durand , en particulier, que le Rationale divinorum Officiorum fut le premier livre imprimé avec des ca- ractères métalliques , préférence qui montre grandement le respect qu'on lui portait. Il parut en 14o9, à .Mayence , et on lit, sur la dernière page de cette édition, les paroles sui- vantes : Prœsens Rationalis divinorum Codex Officiorum , ' venustate capitalium decoratus , rnhrkationihusque distinc- 'tus , adinventione artificiosa imprimendi ac caracterizandi , * ubsque calami exaratione sic Cifigiatus, et ad Eusehiam Dei industrie est consummatm per Johannem Fust , civcm Ma-

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gunlinum, et Pelrum Gcrnzheini Clcricmn Dioeesis ejusdem , anno Domini milesimo quadringentesimo quinquagesimo nono. Sexto die octobris . On voit, par celle inscription que nous avons conservée avec toutes ses incorrections, comment les souvenirs de la science liturgique s'unissent à l'une des plus grandes et des plus glorieuses entreprises de l'humanité.

(1293). Ignace V, Patriarche des Jacobites, a composé une Anaphore qui est comprise dans la collection de Renaudot.

(1296). Ebediesu, Métropolitain de Soba, pour la secte des Nestoriens , a laissé un livre intitulé : Margaritœ de veri^ tate fideij dans lequel il traite un grand nombre de questions de Liturgie.

(4297). Engelbert, Abbé Bénédictin enStyrie, écrivit une explication des sept grandes Antiennes.

(1297). Jean , Diacre , Chanoine de la Basilique de Latran, dédia au Pape Alexandre IV, un livre curieux intitulé : De Sanctis Sanctorum, dans lequel il parle des antiquités litur- giques de cette Mère et Maîtresse des Eglises.

(1300). Pierre, Chantre et Chancelier de l'Eglise de Char- tres, a laissé un traité sous ce titre : Spéculum Ecclesiœ^ sive Manuale mysterionim Ecclesiœ.

Nous concluerons ce chapitre par les remarques suivantes :

La Liturgie, au treizième siècle comme dans tous les autres, fut l'expression de l'Eglise. Les nouveaux Ordres Religieux qu'elle enfanta montrèrent leur action sur la Li- turgie , comme sur le principal théâtre des institutions ec- clésiastiques : le Bréviaire universel fut Franciscain ; la Solennité nouvelle du Saint-Sacrement reçut de la main d'un Dominicain une partie de sa grandeur.

Cette époque de synthèse théologique produisit aussi la synthèse liturgique de Durand.

L'antique dépôt de la Liturgie demeura intact dans

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toutes ses parties, ei après la correction Franciscaine, on put dire encore que l'Eglise d'Occident ne connaissait point, quant à la substance, d'autres formes liturgiques que celles qu'avait résumées saint Grégoire le Grand , et que Charle- magne et saint Grégoire VU avaient achevé d'établir dans l'Eglise Latine.

Le chant ecclésiastique fit des progrès en rapport avec la beauté , la noblesse , l'harmonie des lignes de l'architecture de ce plus brillant des siècles de la Chrétienté occidentale.

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CHAPITRE XIII.

ALTÉRATION DE LA LITURGIE ET DU CHANT, DURANT LES QUATORZIÈME ET QUINZIÈME SIÈCLES. NÉCESSITÉ D'uNE RÉ- FORME. — LÉON X. CLÉMENT VU. PAUL III. FERRERI ET QUIGNONEZ. BURCIIARD ET PARIS DE CRASSIS. LITUR- GISTES DES QUATORZIÈME ET QUINZIÈUS SIÈCLES.

Il était difficile que la Liturgie , après la correction Fran- ciscaine , se maintînt dans une entière pureté. Le Siège Apostolique n'avait point obligé les Eglises à recevoir les livres ainsi réformés, et Facloplion qu'on en avait faite en plusieurs lieux avait été purement facultative. D'un autre côté , dans les endroits oii cette adoption avait lieu , on re- tenait beaucoup d'anciens usages qui accroissaient encore la confusion; en même temps qu'une dévotion ardente char- geait de jour en jour le Calendrier de nouveaux Saints, avec des Offices plus ou moins corrects.

Quoique l'ancien fond de la Liturgie Romaine restât tou- jours, ainsi qu'on peut s'en convaincre en feuilletant les livres qui nous restent encore , il est facile de penser quelle anarchie de détail devait exister dans les usages des différens Diocèses. L'imprimerie manquant pour multiplier des exem- plaires uniformes, on était réduit an dangereux procédé des copies manuscrites dont il fallait subir toutes les in- corrections. Ces copies n'étaient pas seulement corrompues par l'ignorance , ou l'incurie de leurs auteurs ; mais elles se chargeaient d'une foule d'additions grossières et même superstitieuses, ainsi qu'on le peut voir par les ordonnances

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des Conciles qui se plaignent souvent, durant les quinzième el seizième siècles, des alnis en ce genre.

Ces additions consistaient principalement en des histoires apocryphes, inconnues aux siècles précédens , quelquefois même rejetées par eux, et qu'on avait introduites dans les Leçons, les Hymnes, ou les Antiennes; en des formules bar- bares insérées pour complaire à un peuple grossier ; en des Messes Votives qui prenaient la place des Messes ordinaires et qui présentaient des circonstances superstitieuses dans leur nombre, ou dans le rite qu'on devait y garder; en des Bénédictions inconnues à toute l'antiquité , et placées furtivement dans les livres ecclésiastiques par de simples par- ticuliers. En un mot , au lieu d'être la règle vivante , l'ensei- gnement , la loi suprême du peuple Chrétien, la Liturgie était tombée au service des passions populaires , et certaines Ac- tions , qui étaient parfaitement à leur place dans les Mystères que représentaient les Clercs de la Bazoche, avaient trop souvent envahi les Livres de l'Autel el ceux du Chœur. Pour comprendre toute l'étendue des abus dont nous parlons, il ne faut que se rappeler le sang-froid avec lequel le clergé livrait les Cathédrales aux farces étranges de la fête de l'Ane et de la fête des Fous ; on pourra s'imaginer alors jusqu'à quel point cette famiUarité dans les choses les plus sacrées du cuUe divin compromettait la pureté de la Liturgie.

Au siècle dernier, c'était la mode de vihpender le moyen- âge , comme une époque de barbarie ; aujourd'hui, et très- heureusement, la mode semble être d'exalter les siècles qu'on appelle siècles Catholiques. Assurément , il y a un grand pro- grès dans ce mouvement ; mais quand on aura étudié davan- tage , on trouvera que le douzième et le treizième siècles , bien supérieurs sans doute à ceux qui les ont suivis jus- qu'ici , nous en convenons de grand cœur, eurent aussi leurs

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misères. Si donc nous relevons en eux les inconvéniens graves et nombreux de l'ignorance et de la superstition, nous parlons comme les Conciles et les Docteurs de ces temps héroïques; mais par la nature mcme des reproches que nous leur adres- sons , nous les meltows déjà infiniment au-dessus des siècles que dégradent le rationalisme et les doctrines matérialistes.

L'antique dépôt de la Liturgie courait donc de grands risques, au milieu de cette effervescence d'un zèle peu éclairé qui produisait de jour en jour, en tousdieux , des dévotions chevaleresques. La Liturgie, comme la foi chrétienne, appar- tient à tous les siècles. Tous l'ont professée , tous l'ont ornée de quelques fleurs; mais il n'eùl pas été juste que l'antique fond élaboré par les Léon , les Gélase , les Grégoire-le-Grand, fût totalement recouvert par les superfétations de deux ou trois siècles privilégiés qui, ravisseurs injustes de la gloire des âges précédens , enlevassent aux suivans l'honneur et la consolation d'écrire aussi leur page au livre des prières de l'EgHse, et, par elle, du genre humain. La fête et FOITice du Saint-Sacrement est la seule oeuvre liturgique que l'Eglise ait voulu garder de ce treizième siècle si fécond d'ailleurs en toutes sortes d'inspirations pieuses; et, certes, la gloire de ce siècle est grande d'avoir doté le peuple Chrétien d'une si sublime institution, que l'on serait tenlé de la regarder comme le coniplément de l'Année Liturgique , si l'on ne sa- vait d'ailleurs (lue l'Epoux ne cesse jamais de révéler à l'E- pouse de nouveaux secrets.

Un grave péril, outre celui dont nous parlons, était de l'anarchie en matière liturgique. L'œuvre d'unité accomplie par Charlema^.ne et les Pontifes Romains, en même temps qu'elle garanhîsalt la pureté de la foi, consolidait une na- tionalité uniqie en Occident. C'était ce grand bien que les Rois guerriers et législateurs de l'Espagne, d'accord avec

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saint Grégoire VU, avaient voulu assurer à leurs peuples, en etnbrassant la Liturgie Romaine. Mais si celte Liturgie, livrée aux caprices des hommes, venait à se morceler non seulement par nations , mais par Diocèses et par Eglises , était le fruit de tant d'efforts entrepris pour détacher de leurs anciens usages les peuples retombant dans un état au-dessous du premier ? Dans un temps plus ou moins long , la prière cessait d'être commune entre les diverses races européennes, l'expression de la foi s'altérait, la loi même était menacée. Nous verrons plus loin les mesures que prit Rome pour ramener l'unité, et le succès dont elles furent couronnées.

Au reste, en subissant une dégradaliou , dans les quator- zième et quinzième siècles, la Liturgie suivit, comme tou- jours, le sort de l'Eglise elle-même. L'abaissement de la Papauté, après Roniface VIII , le séjour des Papes à Avignon, le grand Schisme , les saturnales de Constance et de Baie , expliquent plus que suffisamment les desordres qui servirent de prétexte aux entreprises de la prétendue Réforme. Nous plaçons l'altération de la Liturgie au rang des malheurs que l'on eut alors à déplorer. Aussi, verrons-nous le saint Concile de Trente préoccupé du besoin d'une réforme sur cet ar- ticle , comme sur les autres. Mais nous ne devons point anti- ciper sur ce qui nous reste à dire : nous n'avons pas encore signalé tous les abus qui s'introduisirent dans les formes du culte, aux quatorzième et quinzième siècles.

L'architecture religieuse , surtout durant le quinzième siècle et une partie dn seizième, présenterait à elle seule de graves sujets de plainte. Cet art si pur, si inspiré, si divin au treizième siècle, se prostitua bientôt jusqu'à donner l'ignoble caricature des choses saintes , non seulement sur les galeries extérieures, mais jusque sur les chapiteaux et les boiseries

LITURGIQUES. 56â

du sanctuaire. Des images indécentes de Clercs et de Moines souillèrent les abords de ces niches Tâge de saint Louis avait placé l'efligie placide et pure des Bienheureux et de la Reine des Anges. Rabelais n'cîst pas plus cynique , pas plus indignement contempteur du Sacerdoce Chrétien , que cer- tains architectes et sculpteurs de l'époque que nous racon- tons. Ajoutons à cela la confusion , la bizarrerie , le caprice de l'ornementation, ouvrant la porte aux formes payennes, aux mélanges si déplacés des symboles mythologiques les plus charnels avec les emblèmes mystiques de notre culte. Nous ne faisons qu'indiquer ici les traits généraux ; mais il faut bien comprendre que si le paganisme recommença dans les arts , au seizième siècle , la place lui avait été préparée de longue-main par la frivolité et l'extrême liberté dans les- quelles s'était jeté déjà l'art du moyen -âge. Sachons-le bien , il y avait deux peuples , dans nos siècles Catho- liques , comme aujourd'hui : seulement les enfans de Dieu étaient plus forts et plus nombreux que les enfans des hommes.

Le chant ecclésiastique , non seulement se transforma à cette époque , mais failUt périr à jamais. Ce n'était plus le temps le Répertoire Grégorien demeurant intact , on ajoutait pour célébrer plus complètement certaines solen- nités locales, ou pour accroître la majesté des fêtes univer- selles, des morceaux plus ou moins nombreux, d'un caractère toujours religieux, empruntés aux Modes antiques, ou du moins rachetant , par des beautés originales et quelquefois sublimes , les dérogations qu'ils faisaient aux règles consa- crées. Les quatorzième et quinzième siècles virent le Déchant, c'est ainsi que l'on appelait le chant exécute en parties sur le Motif Grégorien , absorber et faire disparaître entièrement , sous de bizarres et capricieuses inflexions , toute la majesté ,

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toute l'onction des morceaux antiques. La phrase vénérable du chant, trop souvent, d'ailleurs, altérée par le mauvais goût, par l'infidélité des copistes , succombait sous les efforts de cent musiciens profanes qui ne cherchaient qu'à donner du nouveau , à mettre en évidence leur talent pour les ac- cords et les variations. Ce n'est pas que nous blâmions l'emploi bien entendu des accords sur le plain-chant , ni que nous réprouvions absolument tout chant orné , par cela seul qu'il n'est pas à l'unisson; nous croyons même, avec l'Abbé Le Beuf , que l'origine première du Déchant , qu'on appelle aujourd'hui Contrepoint^ ou Chant sur le livre j doit être rap- portée aux chantres Romains qui vinrent en France , au temps de Charlemague (1). Mais l'Esprii. Saint n'avait point en vain choisi saint Grégoire pour l'organe des mélodies ca- tholiques ; son œuvre , réminiscence sublime et inspirée de la musique antique, devait accompagner l'Eglise jusqu'à la fin des temps. Il devint donc nécessaire que la grande voix du Siège Apostolique se fit entendre , et qu'une réprobation solennelle fût portée contre les novateurs qui voulaient don- ner une expression humaine et terrestre aux soupirs célestes de l'Eglise du Christ. Et afin que rien ne manquât à la pro- mulgation de l'arrêt , il dut être inséré au corps du Droit Canonique , il condamne à jamais non seulement les scan- dales du quatorzième siècle , mais aussi et à plus forte raison ceux qui, de nos jours encore, profanent un si grand nombre d'EgUses , en France et ailleurs. Or , voici les paroles de Jean XXII , dans sa fameuse Bulle Docta sanctorum , donnée en 1322 , et placée en tête du troisième livre des Extra- vagantes Communes y sous le Titre de Vita et Honestate cle- ricorum,.

(1) Traité historique du Chant Ecclésiastique , pag. 75.

LITURGIQUES. 565

t La docte autorité des Saints Pères a décrété que, durant » les Offices par lesquels on rend à Dieu le tribut delà louange "Ct du service qui lui sont dus, l'âme des fidèles serait vigi- î lante, qne les paroles n'auraient rien d'offensif, que la gra- îvilé modeste de la psalmodie ferait entendre une paisible ^ modulation ; car il est écrit : Dans leur bouche résonnait un T> son plein de douceur. Ce son plein de douceur résonne dans > la bouche de ceux qui psalmodient , lorsqu'en même temps » qu'ils parlent de Dieu , ils reçoivent dans leur cœur et al- jlument, par le cliant même, leur dévotion envers lui. Si » donc , dans les Eglises de Dieu , le chant des psaumes » est ordonné , c'est afin que la piété des fidèles soit excitée. j C'est dans ce but que l'Office de la nuit et celui du jour, ■D que la solennité des Messes , sont assiduement célébrés ■» par le clergé et le peuple , sur un ton plein et avec grada- î tion distincte dans les modes , afin que cette variété attache îct que cette plénitude d'harmonie soit agréable. Mais cer- » tains disciples d'une nouvelle école, mettant toute leur at- stention à mesurer les temps, s'appliquent, par des notes » nouvelles , à exprimer des airs qui ne sont qu'à eux , au 3> préjudice des anciens chants qu'ils remplacent par d'autres » composés de notes demi-brèves et comme imperceptibles. » Ils coupent les mélodies par des hoquets, les efféminent par ï le Déchant, les fourrent quelquefois de triples et de motets » vulgaires ; en sorte qu'ils vont souvent jusqu'à dédai- » gner les principes fondamentaux de l'Antiphonaire et du » Graduel, ignorant le fond même sur lequel ils bâtissent, ne «discernant pas les tons , les confondant même, faute de les » connaître. La multitude de leurs notes obscurcit les dédue- » tions et les réductions modestes et tempérées, au moyen des- » qu(!lles ces tons se distinguent les uns des autres dans le ') plain-chant. Ils courent et ne font jamais de l'epos ; enivrent

566 INSTITUTIONS

» les oreilles et ne guérissent point ; imitent par des gestes » ce qu'ils font entendre : d'où il arrive que la dévotion que >ron cherchait est oubliée, et que la mollesse qu'on de- » vait éviter est montrée au grand jour. Ce n'est pas en vain » que Boëce a dit : Un esprit lascif se délecte dans les modes » lascifs, ou au moins, s'amollit et s'énerve à les entendre

> souvent. C'est pourquoi, Nous et nos Frères, ayant remar- » que depuis long-temps que ces choses avaient besoin de

> correction, nous nous mettons en devoir de les rejeter et re- » léguer efficacement de l'Eglise de Dieu. En conséquence, » du conseil de ces mêmes Frères , nous défendons expressé- »ment à quiconque d'oser renouveler ces inconvenances, »ou semblables dans lesdits Offices, principalement dans les » Heures Canoniales, ou encore dans la célébration des Messes «solennelles. Que si quelqu'un y contrevient, qu'il soit, par » l'autorité du présent Canon, puni de suspension de son » Office pour huit jours, par les Ordinaires des lieux la » faute aura été commise, ou par leurs délégués, s'il s'agit ïde personnes non exemptes; et, s'il s'agit d'exempts, par » leurs Prévôts ou Prélats, auxquels appartiennent d'ailleurs la î correction et punition des coulpes et excès de ce genre ou j) semblables , ou encore par les délégués d'iceux. Cependant t nous n'entendons pas empêcher par le présent Canon que , » de temps en temps, dans les jours de fêtes principalement » et autres solennités , aux Messes, et dans les divins Offices «susdits, on puisse exécuter, sur le chant ecclésiastique »simple, quelques accords , pour la mélodie, par exemple à «l'octave, à la quinte, à la quarte et semblables (mais tou- 3> jours de façon que l'intégrité du chant demeure sans at- » teinte, et qu'il ne soit rien innové contre les règles d'une «musique conforme aux bonnes mœurs); attendu que les ac- «cords de ce genre flattent l'oreille , excitent la dévotion , et

LITURGIQUES. 367

» défendent de l'ennui l'esprit de ceux qui psalmodient la «louange divine (1). »

C'est ainsi que dans tous les temps, à Avignon comme à Home , la Papauté enseignait le monde , avec cette admi- rable précision qui concilie l'inviolabilité des principes catholiques et le véritable progrès de l'art. Elle maintient fortement la dignité , la gravité du chant ; maïs elle ne proscrit pas , elle encourage même une musique sainte et mélodieuse qui élève l'âme à Oieu, sans la dissiper, qui fait valoir et n'étouffe pas l'antique et sacré rythme que toutes les générations ont répété. Nous verrons plus loin la suite des efforts que firent les Pontifes Romains pour l'amélioration de la musique, à l'époque de la grande Réforme Catho- lique.

Celte Réforme Catholique fut précédée, comme l'on sait, de plusieurs tentatives infructueuses , mais qui attestaient le malaise qu'on éprouvait de toutes parts. Les audacieuses ordonnances de Constance et de Bâle , pour la réformation de l'Eglise dans son Chef et dans ses membres^ comme on par- lait alors, rencontrèrent dans les Pontifes Romains la résis- tance qu'elles devaient rencontrer , et Eugène IV, Nicolas V et Pie II , seront à jamais bénis pour n'avoir pas tenu compte des insolentes fulminations qui furent lancées de leur temps contre la Chaire de saint Pierre. Toutefois , les successeurs de ces immortels Pontifes ayant dégénéré de leur vertu ; après Sixte IV, Innocent VIII , Alexandre VI , on vit Jules II et Léon X, qui pourtant n'étaient pas de la race des hommes par lesquels devait être sauvé Israël , entreprendre l'œuvre de la réformation. Le cinquième Concile de Latran, et les Bulles qui l'accompagnent, sont un monument de ce zèle

(I) Vid. la note A.

568 INSTITUTIONS

auquel il ne manqua que la persévérance pour opérer des fruits durables.

La Liturgie sembla dès-lors un objet fait pour attirer l'at- tention des Réformateurs Apostoliques ; mais comme le mal- heur de ces temps était qu'on n'apercevait pas toute la grandeur de la plaie à guérir, il arriva aussi que , faute de maturité dans lesjugemens, on ne se préoccupa guère que de la forme extérieure qui, en effet, était vicieuse. Mais le moment était mal choisi pour décider sur la forme la meil- leure, alors que Rome subissait les influences de cette Htté- rature profane que l'étude trop exclusive des classiques grecs et latins avait enfantée. La première pensée de corriger la Liturgie vint à Léon X, au moment la cour Romaine était peuplée de poètes et de prosateurs dont le goût ne pouvait supporter la barbarie du Latin ecclésiastique. Celui-ci dési- gnait le Dieu des Chrétiens sous le nom de Numen, la Vierge Marie sous celui d^Alma Parens; celui-là récitait ses Heures en Grec, ou en Hébreu; tel autre avait suspendu la lecture des Epîtres de saint Paul , dans la crainte de compromettre la pureté de son goût. On trouva donc que le principal dé- faut de la Liturgie était l'incorrection du style , et, sans se préoccuper des droits que l'antiquité donne aux formules sacrées, sans songer que le respect de cette vénérable anti- quité exigeait simplement qu'on élaguât les additions et in- terpolations indiscrètes, on crut, dans ce siècle de poésie, que la principale chose à réformer tout d'abord était VHym- naire. Mais veut-on savoir comment on s'y prit ? Le génie du catholicisme, dans tous les temps, a été d'améliorer, de compléter, de réformer ; la destruction violente d'usages suivis durant des siècles, et la substitution soudaine de formes toutes nouvelles aux anciennes, est sans exemple dans ses annales. C'est pourtant ce qui serait arrivé, si la Providence eût permis

LITURGIQUES. 369

«liic le projet de Léon X eût réussi. Ce Pontife donna ordre à Z;.charie Ferrcri de Vicence , Evêque de la Guarda, de com- poser un recueil d'Hymnes pour toutes les fêtes de l'année, et d'y employer un style qui fût digne de la littérature du seizième siècle. Le Prélat mit tous ses soins à cette œuvre ; mais Léon X , enlevé par la mort , ne put jouir par lui-même du fruit des travaux de Ferreri. L'ouvrage ne vit le jour que sous Clément VII , successeur de Léon X , et , comme lui , grand amateur de l'ingénieuse antiquité.

En 1525, on vit paraître à Rome le recueil tant attendu ; il portait ce titre magnifique que nous transcrivons ici en en- tier, attendu que l'ouvrage est devenu rare :

Zachariœ Ferrerii Vicentini, Pont. Gardien. Hymni novi ecclesiastici . juœta veram metri et latinitatis normam a Bea- tissimo Pâtre Clémente VIL Pont. Max. ut in divinis quis- que eis uti possit approbati, et novis Ludovict Vicentini, ac Lautitii Perusini characteribus in lucem traditi. Sanctiim ac necessarium opus.

Breviarium Ecclesiasticum ab eodem Zacharia longe bre- vius et facilius redditum et ab omni errore piirgatum prope diem exibit.

A la fin du volume , on lit ces paroles : Impressum hoc di- vinum opus Romœ , in œdibus Ludovici Vicentini et Lautitii Perusini , non sine privilcgio. Kal. Febru. MDXXV.

L'ouvrage lui-même répond parfaitement à une si fas- tueuse annonce. Les Hymnes qu'il contient sont telles qu'on avait droit de les attendre du siècle et de l'auteur. Tout y est nouveau. Les Mystères de la Naissance , de la Passion , de la Résurrection du Sauveur; ceux de la Pentecôte, du Saint- Sacrement; les fêtes de la Sainte Vierge et des Saints ; tout, en un mot, y est splendidement célébré dans des odes qui n'ont rien de commun pour la l'orme , ni pour l'expression ,

i, 1. 24

370 INSTITUTIONS

avec les antiques Hymnes de saint Ambroise, de Prudence, et des autres poètes de l'Eglise Catholique. En revanche, on y trouve, dans la plus incroyable naïveté, toutes les images et les allusions aux croyances et aux usages payens qu'on pourrait rencontrer dans Horace. INous ne citerons qu'un seul trait : Ferreri ayant à raconter l'élection de saint Grégoire à la Pa- pauté, dit naïvement que les Flamines le choisirent pour Pontife Souverain. Toutefois , pour être juste, il faut dire aussi que plusieurs de ces Hymnes sont siiijples et belles , pai' exemple celle des Apôtres, Gaudete, mundi princij)es ; celle en l'honneur de la Sainte Vierge : 0 noctis illustratio. Dans un grand nombre d'autres, les figures tirées de l'E- criture Sainte, les souvenirs empruntés aux traditions ca- tholiques sur les Saints, leurs actions et leurs attributs, jettent un certain charme sur ces compositions, en dépit de la forme trop servilement imitée des œuvres d'une littérature payenne. En un mot, telles qu'elles sont, ces Hymnes sont certainement préférables à la plupart de celles qui ornent les modernes Bréviaires de France , et parce qu'elles sont au fond l'œuvre d'une inspiration forte et pure, qui se re- connaît encore à travers le masque de la diction classique , et , surtout , parce qu'elles ont été approuvées par le Saint- Siège qui , s'il a, plus tard, révoqué cette sanction, ne l'eût du moins jamiiis donnée , si ces Hymnes n'eussent renfermé une doctrine pure.

Par un Bref du onze décembre io23 , Clément VII approuva les Hymnes de Ferreri. Voici les paroles remar- quables du Pontife : « L'Evêque Ferreri , afin d'accroître » la splendeur du culte divin, ayant récemment composé pour »sa consolation spirituelle, ot pour celle des fidèles Chré- ï tiens et principalement des Prêtres lettrés, plusieurs Hymnes » d'une vraie mesure et remarquables pour le sens et la la-

LITURGIQUES. Z*ïl

» Unité , lesquelles sont destinées aux diverses fêtes du Dieu » Tout-Puissant, de Marie toujours Vierge, de plusieurs Saints, »et aussi pour tout le cercle de l'année;^! après les avoir s l'éunics dans un seul volume, et soumises à l'approbation de » plusieurs hommes doctes et même de quelques-uns de nos » frères les Cardinaux de la sainte Eglise Romaine , les ayant » dédiées et offertes à Nous et au Siège Apostolique; Nous, » sachant qu'il est écrit, parmi les paroles saintes, que le t fruit des travaux excellens est plein de gloire, et voulant » que tant de soins n'aient pas été dépensés inutilement, mais, » au contraire, que leur produit paraisse en lumière et serve »pour l'avantage commun et l'utilité spirituelle de tous, > spécialement des Chrétiens lettrés; de notre propre mou- ïvement et de notre science certaine. Nous concédons et » mandons d'Autorité Apostolique , par la teneur des pré- » sentes, que tout fidèle, même Prêtre, puisse user de ces » Hymnes, même dans les Offices divins (1). » Ainsi , par cette mesure, unique jusqu'alors, il était per-

(1) Cum nuper pro divini cultus splendore hymnos ecclesiasticos variis omnipotenlis Dei, et Marite semper virginis, et plurium sanc- torum diebus festis, ac toliusanui circulo, et tempori congiuentes veris metris, sensibus, ac laliniiate pei-spicuos pro suo, et fidelium Christianorurn , peritorumque prascipue sacerdotum solatio spiritual! texuerit (Ferrerius), et excusserit, eosque uno volumiae congestos , et a plerisque viris doctis, etiam nonnullis ex fratribus nostris S. R. E. Cardinalibus célébrâtes, Kobis, et Apostolicae Sedi dicaverit, et ob- tulerit ; Nos animo tenentes in sacro eloquio scriptum esse bonorura laborum gloriosum esse fructum , cupientcsque tôt studio frustra non esse impensa, sed pro coramuni omnium prsecipue peritorum Chris- tiauorum fruge ac spirituali utilitate in lucem et publicam editionera prodire et in usura esse, motu proprio et ex certa nostra scientia , lit quilibet etiam sacerdos eosdem hymnos etiam in diviuis légère, et eis uti possit , tenore prtesentium , auctoritate Apostolica concedi- mus , et mandamus. (Ce Bref se trouve à (a lèle du recueil des Hymnes de Ferreri. }

372 INSTITUTIONS

mis à tout Ecclésiastique de se servir en particulier d'une forme liturgique qui n'était point universelle ; le choix des prières à réciter, au moins dans une certaine proportion, était livTé à la volonté de chacun ; à des maux publics il était apporté un remède privé. C'était donc encore un de ces palliatifs qui ne réformaient rien et qui n'appelaient que plus haut la grande et solide réformation du Concile de Trente , et des Pontifes qui en interprétèrent et en appliquèrent si énergiquement les décrets.

On a dii remarquer, sur le titre de VHymnaire de Ferreri, l'annonce d'un nouveau Bréviaire élaboré par le même, et qui est recommandé comme devant paraître sous une forme plus abrégée, phis simplifiée queVàucieYi^ei devant être exempt de toute erreur. C'est qu'en effet, il ne suffisait pas de donner im nouveau recueil d'Hymnes, si le fond de l'Office lui-même avait besoin de réforme. Toutefois, on conviendra que c'est une singulière idée de mettre en évidence , comme la pre- mière des recommandations, la brièveté du Bréviaire expurgé qu'on veut substituer à l'ancien. La longueur des prières du divin Service ne peut pas être mise au rang des abus, au même titre que les interpolations de faits apocryphes qui pouvaient s'y être glissées. Mais tel était l'esprit générai , durant la première moitié du seizième siècle. On sentait qu'il y avait quelque chose à faire, et, pour le découvrir, on t;l- tonnait, on cherchait bien loin ce qu'on avait sous la main. Saint Pie V fit autrement,

Ferreri étant mort, sans avoir pu donner son Bréviaire abrégé j Clément Vil chargea de l'exécution de ce projet le Cardinal Français Quignonez, connu sous le nom de Cardinal de Sainte-Croix, parce qu'il était titulaire de Sainte-Croix en Jérusalem. Ce Prélat, qui était Franciscain et avait été Général de son Ordre, s'occupa activement de remplir cette

LITURGIQUES. 375

mission, et enfin, en 1535, il put présenter son travail à Paul m , successeur de Clément VII. Ce Pape l'ayant ap- prouvé, le Bréviaire de Quignonez parut à Rome, sous ce titre : Breviarium Romanum ex sacra potissimum scriptura etprobatis sanctorum historiis collectum et concinnatum. Pour mettre le lecteur plus à môme déjuger cet ouvrage, nous traduirons ici une partie de l'Epître dédicatoire à Paul III , que le Cardinal a placée en tête de son Bréviaire.

Quignonez expose d'abord les raisons pour lesquelles l'E- glise a fait un devoir aux Clercs de réciter l'Office canonial. Il en reconnaît trois. La première se tire de la consécration spéciale qui les lie au service de Dieu ; la seconde, du besoin qu'ils ont d'un secours contre les tentations du démon. « La » troisième , dit-il , est qu'élant appelés à être les précepteurs ï de la Religion , il est nécessaire qu'ils s'instruisent par la > lecture journalière de la sainte Ecriture et des histoires » ecclésiastiques, et que, comme dit Paul, ils acquièrent une » diction fidèle, conforme à la doctrine , devant être puissans » pour exhorter dans une saine doctrine et pour reprendre »ceux qui contredisent. Que si quelqu'un considère avec » soin le mode de prière établi par la tradition des anciens , il » verra claiiement s'ils ont pris garde à toutes ces choses ; imais il est arrivé, je ne sais comment, par la négligence » des hommes, que l'on a décliné peu à peu de ces très-saintes ï institutions des anciens Pères. En effet, les livres de l'Ecri- » ture Sainte , qui devaient être lus à des temps marqués de î l'année, à peine sont-ils commencés dans l'Office, qu'on les î interrompt. Nous citerons en exemple le livre de la Genèse » qui commence dans la Septuagésime , et le livre d'Isaïe , » dans l'Avent ; à peine en lisons-nous quelques chapitres, et »il en est de même des autres livres de l'ancien Testament, »que nous dégustons plutôt que nous ne les lisons. Quant

374 INSTITDTIONS

I

»aiix Evangiles, ei autres Ecritures du nouveau Testament, ï on les a remplacés par d'autres choses qui n'y sont corapa- » râbles, ni pour l'utilité, ni pour la gravité, et qui, chaque »jour, sont plutôt l'objet de l'agitation de la langue que de » l'intention de l'âme. Des psaumes étaient destinés pour » chaque jour de la semaine , la plupart du temps ils ne sont » d'aucun usage ; seulement, il en est quelques-uns que l'on «répète presque toute l'année. Les histoires des. Saints, pla- ïcées dans les Leçons, sont écrites d'une manière si inculte ï et si négUgée , qu'elles semblent n'avoir ni autorité , ni gra-

> vite. De plus, l'ordre et la manière de prier sont si compli- »qués et si difficiles, que, parfois, on mettra presque autant i de temps à rechercher ce qui doit être lu qu'à le lire. Clé- »ment VII, Souverain Pontife, d'heureuse mémoire, ayant

> considéré ces choses et compris que , s'il était de sa charge »de pourvoir à l'avantage de tous les Chrétiens, il se de- » vait principalement aux Clercs, dont il se servait comme ï de ministres dans le soin du troupeau commis à sa garde , » m'exhorta et me chargea , autant que le pouvaient com- » porter mes soins et ma diligence, de disposer les Prières «des Heures, en sorte que les difficultés et défauts dont je » viens de parler étant retranchés, les Clercs fussent engagés à » la Prière par l'attrait d'une plus grande facilité. J'acceptai vo- î lontier? cette commission , tant par obéissance au souverain 7> Pasteur qui commandait une chose si convenable, que pour

> contribuer, suivant mes forces , au bien public. Ayant donc

> employé le concours de plusieurs de mes familiers, hommes iprudens, habiles dans les saintes lettres et le Droit Cano- I nique , autant que savans dans les langues Grecque et La- » tine, j'ai mis tous mes soins à remplir ma commission pour » l'avantage et l'utilité publique , ainsi qu'il suit.

îOna omis les Antiennes, Capitules, Répons, beaucoup

LITURGIQUES. 375

» d'Hymnes et beaucoup d'autres choses du même genre qui » empochaient la lecture de l'Ecriture Sainte ; en sorte que le » Bréviaire est composé des Psaumes , de l'Ecriture Sainte ïde l'ancien et du nouveau Testament, et des histoires des ï Saints que nous avons tirées d'auteurs Grecs et Latins, ap- » prouvés et graves, ayant eu soin de les orner d'un style un »peu plus châtié, mais sans recherche. On a laissé celles » des Hymnes qui ont semblé avoir plus d'autorité et de gra- »vité. Les Psaumes ont été distribués de façon qu'en rete- ïuant, autant qu'il a été possible, l'institution des anciens ï Pères , on les puisse tous lire , chaque semaine de l'année , » savoir, trois à chaque heure, la longueur des uns étant » ainsi compensée par la brièveté des autres; ce qui fait que » le travail de la récitation journalière est complètement le » même pour toute la semaine comme pour toute l'année. . .

» Par suite des

I variations du temps Pascal et des autres fêtes qu'on appelle ï mobiles , nous n'avons pu éviter entièrement de statuer ï quelques-unes de ces règles dont auparavant le Bréviaire » était tellement rempli , qu'à peine la vie d'un homme sufil- » sait pour les apprendre parfaitement ; mais nous les avons » rendues si rares et si claires , qu'il est facile à chacun de îles comprendre

» Celte manière de prier a trois grands avantages. Le pre- »mier, que ceux qui s'en servent y acquièrent la connais- ïsance des deux Testamens. Le second, que l'usage en est » très-expéditif, tant pour la grande simplicité de l'arrange- » ment que pour une certaine brièveté. Le troisième , que » les histoires des Saints n'y présentent rien qui, comme au- » paravant , offense les oreilles graves et doctes

î La différence entre ce Bréviaire et celui dont nous avons » usé précédemment est donc que , dans l'ancien , contraire-

376 INSTITUTIONS

»ment à la volonté des anciens Pères, qui voulaient qu'on ?> lût, chaque année, presque toute l'Ecriture Sainte, on lisait » à peine une petite partie des livres ; tandis que dans le nôtre,

> tous les ans, on lit la grande et principale partie de l'Ancien » Testament et tout le Nouveau , moins une portion de l'Â- » pocalypse : on répète même les Epîtres et les Actes des «Apôtres

» Quoique nous ne nous soyons pas proposé la brièveté de l'Office, mais la commodité de ceux qui récitent , nouses- jpérons cependant avoir atteint l'une et l'autre. Les Leçons » sont plus longues dans ce Bréviaire , il est vrai , mais il n'y »en a jamais plus de trois; tandis que, dans l'ancien, les > Leçons sont au nombre de douze, avec autant de Versets

> et de Répons , si l'on compte l'Office de la Sainte Vierge. » Que si quelques Psaumes, dans notre Bréviaire , sont plus » longs, dans l'autre, on en lit chaque jour un beaucoup plus » grand nombre, en comptant ceux qu'on répète

» L'ordre que nous avons établi est très-propre à ménager » le temps et à soulager la fatigue. La première et la seconde «Leçon sont disposées invariablement pour toute l'année, «qu'il tombe une fête ou non. La seule différence de l'Office «d'une fête, d'un Dimanche, ou d'un jour de férié, est dans » la variation de l'Inviiatoire , des Hymnes à Matines et à » Vêpres , de la troisième Leçon et de l'Oraison : le reste de- « meure toujours sous la même forme (1). »

Telles étaient les intentions de Quignonez, tel avait été le but de Léon X, de Clément VII , de Paul III ; savoir de ré- former l'Office en l'abrégeant , et , pour ne point fronder les usages extérieurs de la Liturgie, d'introduire une distinction entre l'Office célébré au chœur, et l'Office réciié en parti-

(t) Vid. la note B.

LITURAIQUB8. 377

culier. Au moyen d'une certaine variété dans les prières et les lectures , on évitant , autant que possible , les répétitions , en retranchant tout ce qui se rapporte à l'assemblée des fi- dèles, comme, n'ayant plus de sens dans la récitation privée , on pensait ranimer le goût de la prière chez les Clercs , et l'on ne voyait pas que c'était aux dépens de la Tradition ; que l'antique dépôt des prières liturgiques, une fois altéré, ne tarderait pas à périr ; que cette forme d'Office , inconnue à tous les siècles Chrétiens , pénétrerait bientôt dans les Eglises, au grand scandale des peuples; en un mot, que c'était une Réforme désastreuse que celle à laquelle on sa- crifiait tout le passé de la Liturgie.

Si aujourd'hui nous nous permettons de juger aussi sévè- rement une œuvre qui appartient à plusieurs Pontifes Ro- mains, puisqu'elle fut accomplie sous leur inspiration, ce n'est, certes, pas que nous ne soyons résolu toujours d'accepter comme le meilleur tout ce qui vient de la Chaire suprême sur laquelle Pierre vit et parle à jamais dans ses successeurs : mais il s'agit d'une œuvre qui ne reçut jamais , des trois Pon- tifes que nous venons de nommer, qu'une approbation do- mestique, qui ne fut jamais promulguée dans l'Eglise, et qui, plus tard, par l'acte souverain et formel d'un des plus grands et des plus saints Papes des derniers temps , fut so- lennellement improuvée et abolie sans retour.

Le caractère de l'influence que le Siège Apostolique exerça sur la publication du Bréviaire de Quignonez , contraste avec tout ce qu'on a pu voir dans tous les siècles, avant ou après. Rome semble désirer qu'on embrasse cette forme d'Office , et craindre, d'un autre côté, d'en faire une loi. On sent comme im étal de passage qui doit durer jusqu'à ce que le Pontife désigné de Dieu pour successeur des Léon, des Gé- lase , des Grégoire , dans l'œuvre liturgique , paraisse et ré-

378 INSTITUTIONS

forme ssàïitemmt le culte divin, comme parle l'Eglise (1). En attendant , Paul III exprime en ces termes ses intentions au sujet du Bréviaire de Quignonez : « Nous accordons à >tous et chacun des Clercs, ou Prêtres séculiers seule- » ment (2), qui voudront réciter cet Office, de n'être plus » tenus à la récitation de l'ancien Office qui est maintenant

> en usage dans la Cour P»omaine ou dans toute autre Eglise ;

> mais ils seront censés avoir satisfait à la récitation de l'Of-

> fîce et des Heures Canoniales , comme s'ils eussent récité » l'ancien Office, pourvu que chacun d'eux ait soin d'obtenir

> du Siège Apostolique une licence spéciale pour ce pouvoir > faire; laquelle licence nous ordonnons devoir être expé- idiée par simple signature et sans autres frais (5). >

Dans l'année même il paraissait à Rome, en 1535, le Bréviaire de Quignonez, ayant pénétré en France, y fut l'objet d'une attaque vigoureuse et rudement motivée de la part des Docteurs de l'Université de Paris. Il avait été déféré

(1) Deus qui ad contereudos Ecclesiae hostes et ad divinum cultum reparandum , Beatum Pium, Pontificem maximum, eligere dignatus es, etc. Brev. Boni, ad diem V. Mail.

(2) On voit que Rome craignait d'énerver la milice régulière, en lui permettant l'usage de cet OflBce abrégé, et aussi d'ébranler les traditions antiques qui se conservent dans les Cloîtres mieux que partout ailleurs.

(3) Et insuper omiiibus et singulis clericis , et presbyteris duntaxat secularibus, qui illud recitare voluerint , concedimus, ut ad veteris Officii secundum usum Romana; curiae, v'I alterius Ecclesiae, quod nunc in usu hab'itur, recitationem minime teneantur, sed recitationi officii et horarum canoaicarum, perinde ac si vêtus officium recitas- sent, satisfecisse censeantur, dummodo singuli specialem super hoc liceutiam a sede Apostolica obtineant , quam per soiam sigoaturam absque alia impensa espediri mandamus. (Ce Bref, joint à la pre- mière édition du Bréviaire de Quignonez, de loôo, porte cette suscrip- tion : Dilectis filiis TLiomasio et Benedicio Junclie, Antonio Blado, et Aatoaio Salamanca Romse librorum impressoribus. )

LITURGIQUES. 579

à la Faculté par le Parlement de Paris : nous extrairons quelques parties de la censure. Elle débute ainsi :

« Il faut d'abord remarquer que ledit Bréviaire est en con- » iradiction avec tous les autres Bréviaires de quelque Diocèse

> que ce soit, et particulièrement de l'Eglise Piomaine ; car tous » les autres Bréviaires renferment beaucoup de choses saintes, » salutaires et propres à entretenir la piété et la dévotion des » fidèles ; lesquelles choses ne se trouvent point dans ledit

> Bréviaire ; tels sont , par exemple , les Heures de la Sainte ï Vierge, les Antiennes, les Répons, les Capitules, les Ho- >mélies, ou Expositions des Docteurs Catholiques sur les » Evangiles et autres Ecritures, l'ordre et le nombre des ï Psaumes , le mode de les réciter dans l'Eglise , enfin l'ordre » observé jusqu'ici dans l'Eglise, dans la lecture des saintes Ecritures, aux Matines, suivant la différence des temps. Ces » institutions salutaires ayant été gardées dans les Olïïces ec- » clésiastiques depuis l'origine de l'Eglise , pour amsi dire , > jusqu'à nos temps, on a droit de s'étonner en voyant que «celui qui a fait ce nouveau Bréviaire rejette toutes ces » choses , et décide qu'elles doivent être rejetées comme ne ï conduisant , dit-ïl , ni à la piété , ni à la connaissance de la » sainte Ecriture. A l'en croire, les Antiennes, les Répons et » autres choses sus-nommées ne seraient d'aucune utilité

> dans l'Eglise, et on les devrait retrancher comme superflues >etinutiUs. Cependant, cette doctrine est erronée et nuUe- i ment conforme à cette piété qui est suivant la doctrine.

» II nous a semblé aussi ne montrer point , en sa sagesse , » une sobriété suffisante, quand on le voit préférer sans rougir

> son sentiment à lui seul aux décrets des anciens Pères , à » l'usage commun et approuvé de l'Eglise, aux histoires les î plus authentiques. Afin donc que tous connaissent combien i est dangereuse et intolérable la pubUcation de ce Bréviaire,

38© INSTITUTIONS

> nous allons montrer d'abord qu'il n'est permis à personne » de s'écarter des réglemens antiques des Pères et des statuts ï universels de l'Eglise , lesquels ont pour but de soutenir lu

> piété. En second lieu , qu'il faut garder le rite commun et «approuvé de l'Eglise. De plus, que dans les choses dont il > s'agit, l'Eglise ne s'écarte point des maximes professées

> dans les livres des Docteurs de la Foi. Enfin , nous expose- f rons les maux qui résultent de la curieuse nouveauté de ce

> Bréviaire. »

Les Docteurs s'attachent ensuite à démontrer, avec l'éru- dition de leur temps, ces trois propositions, et discutent en détail les divers reproches qu'ils font au Bréviaire de Qui- gnonez, rapportant les raisons de rinstilution de toutes les particularités de l'Office qu'il a cru pouvoir supprimer; et, venant enfin aux inconvéniens qui peuvent s'ensuivre de l'a- doption de cette nouvelle forme liturgique , ils s'expriment ainsi :

« Enfin, ce changement du Bréviaire semble une chose

> dangereuse ; car il est à craindre que si on le recevait , on » n'en vînt à changer de la même manière le Missel et l'Office » de la Messe , et qu'on n'en ôtât des choses saintes et salu-

> taires ; ce qui serait pour la destruction et non pour l'édi- ïfication.

»Avec la même facilité on pourrait retrancher aussi les » cérémonies et solennités, ainsi que les autres sacramen- ï taux , comme sont les Consécrations d'Eglises, d'Autels, de Calices, le Chant ecclésiastique, les Fêtes des Saints, l'Eau » bénite, et beaucoup d'autres choses semblables : d'où l'on » voit clairement quelle voie dangereuse est ouverte par ce » changement de Bréviaire et cette nouveauté.

> De plus, ce serait un péril imminent et considérable , si , » sous la signature d'un simple particulier, on en venait à aban-

LITURGIQUES. 5S4

» donner l'usage commun jusqu'ici observé dans l'Eglise, en sorte que les Eglises Cathédrales, Collégiales et Parois- «siales, ayant accepté ce nouveau Bréviaire, l'Eglise se » trouvât en possession d'un Office garanti uniquement par » la signature dont nous parlons ; ce qui tournerait à grand » scandale pour le p<;uple et entraînerait péril de sédition, «desquels malheurs Dieu nous veuille garder (1). >

Celte vigoureuse critique, si gravement motivée, tombait à la fois et sur Quignonez et sur l'autorité qui semblait l'avoir mis en avant. Le Cardinal fit seul semblant de s'en apercevoir. Il introduisit dans son œuvre quelques changemens presque imperceptibles; mais ce qui dut surtout désarmer les Docteurs, fut le ton significalit'dc simplicité avec lequel il s'exprima, l'an- née suivante, dans la préface de sa nouvelle édition de 1536. H s'adresse à Paul III , comme dans la première édition , et s'exprime ainsi (2) :

« Le Bréviaire Romain, composé par nous, suivant le désir »de Clément VII, ou plutôt ramené à la lecture plus abon- » dante des saintes Ecritures et à la forme primitive des saints î Pères et des anciens Conciles, enfin, publié par votre vo- «lonté, très Saint Père, a été reçu et approuvé avec une si î grande faveur de la plupart des hommes graves et doctes » ( ainsi que je l'ai remarqué ) , qu'ils n'y ont rien trouvé à » changer. En même temps , j'ai connu que d'autres , graves »et prudentes personnes, n'approuvant pas la forme de ce «Bréviaire, affirmaient qu'il y manquait plusieurs choses. » Ce n'est pas que j'aie jamais douté que sur un si grand «nombre de personnes, il ne s'en trouvât qui, ayant vieilli »dans la pratique d'une forme différente de prières, n'au-

H) Vid. la uote C.

(2) La préface de cette seconde édition est , comme la première , adressée à Paul III.

382 INSTITUTIONS

» raient pas pour agréable notre travail , pensant qu'en au- » cune façon il ne pourrait être permis aux Clercs de s'écarter » de la coutume envieillie de prier. De plus , en publiant la » première édition du Bréviaire , nous n'avions pas eu inten- » tion de faire une sorte de promulgation de loi , mais plutôt » d'ouvrir une délibération publique , à l'effet de recueillir le » jugement de plusieurs, proposant ainsi le premier notre sen-

> timent , et résolu de suivre le parti qui de tous semblerait >le plus avantageux et le plus conforme à la religion et à la » piété, suivant le jugement du plus grand nombre des » hommes prudens et graves

» C'est pourquoi , ayant pesé les avis que beaucoup nous »ont adressés, les uns de vive voix, les autres par écrit, j et voulant déférer aux avis de ceux qui ont semblé avoir * fait jtreuve d'une prudence plus remarquable , nous avons » volontiers ajouté certaines choses, changé quelques-unes, » et revu avec soin tout l'ensemble, mais en retenant toujours » la forme générale de ce Bréviaire. Toutefois , puisque c'est

> une chose fondée sur la nature , que rien de ce qui est à î l'usage des hommes , quelque légitime et raisonnable qu'il

> soit , s'il est nouveau , ne peut éviter de déplaire à quelques- îuns, ce ne sera point une témérité de notre part si, dans ï cette seconde édition, nous expliquons avec un peu plus de B soin et d'étendue le plan de tout notre travail , que nous » n'avions d'abord développé qu'en abrégé (1). »

On voit que Quignonez ne dédaigne pas de se disculper devant la Faculté, et on a lieu d'être frappé de la naïveté avec laquelle il convient que son Bréviaire est un livre comme un autre, destiné à subir la critique du pubUc, sujet à la cen- sure, œuvre toute humaine, en un mot , et qui ne pouvait

(1) Vicl. la note D.

LITURGIQUES. 583

avoir de vie dans l'Eglise éternelle. Moins de quarante ans suf- firent à sa durée ; mais , en attendant , la brièveté de cette forme d'Office séduisii gi-and nombre de personnes. La Sor- bonne elle-mcme, avec la légèreté dont son histoire offre tant de traits, souffrit que , sous ses yeux même, une édi- tion du Bréviaire contre lequel elle avait tonné si fortement s'imprimât à Paris, dès 1559. On en trouve encore trois autres publiées dans celte capitale , sans parler de dix , au moins, qui furent imprimées à Lyon, et dont la dernière est de 1557 (i). Il y en a , en outre , un grand nombre d'autres publiées à Rome , à Venise , à Anvers ; ce qui fait que l'on trouve encore assez facilement aujourd'hui des exemplaires de ce fameux Bréviaire, en différens formats.

Si le règne de cette étrange Liturgie eût été long, on l'eût vue remplacer en tous lieux l'ancienne forme des Offices Ro- mains, et briser le lien qui unissait les siècles de l'antiquité aux âges modernes. En effet, du cabinet du Bénéficier, ce Bré- viaire s'était glissé jusque dans le Chœur, et, pour ne parler que de l'Espagne, les Cathédrales de Sarragosse, de Tarragone,de Palencia, avaient renoncé à l'antique Office pour inaugurer, aux yeux des peuples, une manière de prier que nul ne con- naissait. Des troubles même s'étaient élevés dans Sarragosse à ce sujet, et le peuple , scandalisé , désertait l'Eglise Cathé- drale pour aller entendre l'Office des Moines. C'est ce que nous apprenons d'un document précieux, manuscrit de la bibUo- thèque Vaticane, indiqué par Montfaucon (2), et dont Arevalo a donné d'importans fragmens dans sa dissertation spéciale sur le Bréviaire de Quignonez (5). C'est une Consultation d'un

(1) Zaccaria. Bibliolli. Kitualis. Tom. I. pag. IIÔ. Arevafo. Hymno- (lia Hispanica. Appendix II. pag. 591.

(2) Bibliolh. Biblioihecarura il'/i'i'. Tom. I. pag. 122.

(3) HyraiiotUa Hispaa. ad Calcem. Api^ \idix II. pag. 423 et suiv.

384 INSTITUTIONS

Docteur Espagnol nommé Jean de Arze , qui fut rédigée à Trente, durant la tenue du Concile, en 15S1 , et qui porte ce titre : De novo Breviario Romano toUendo Consultatio.

Quelque facilité que l'on mît à permettre l'usage du Bréviaire de Quignonez, facilité devenue si excessive, au rapport de Jean de Arze, que Tunique clause de l'Induit qui s'accordait non plus seulement à Rome , mais dans les Lé- gations et les Nonciatures, était que ['orateur fut capable de s'en servir, ut possit tali novo Breviario uti; néanmoins, on voit sur la Consultation en question, que plusieurs personnes graves, résistaient de tous leurs efforts à ce relâchement; que des Evêques s'opposaient vigoureusement à l'introduction de cette nouvelle forme dans les Oflices publics. Mais la plus imposante de toutes ces improbations est celle que donna saint François Xavier, qui, au rapport de son biographe Tur- sellini , « fournit un grand exemple de religion au sujet de ï l'Office divin , si l'on considère la licence de ces temps. On «venait de publier un nouveau Bréviaire à trois leçons, ap- » pelé le Bréviaire de Sainte-Croix , et destiné au soulagement » des gens occupés. On en avait dès le commencement con- ï cédé l'usage à François , à cause de ses travaux: mais il ne > voulut jamais user de cette permission , malgré ses soins » immenses et ses affaires si compliquées ; il récita constam-

^ment l'ancien Bréviaire à neuf leçons, quoiqu'il fût beau-

> coup plus long (1).

(t) lûsignem vero ejus in hoc génère religionem feeit illorum licentia temporum. ISuper novum lernarum lectionum Breviarium (sanctse Cru- cis dicebatur) ad occupatorum homioum levamen editura erat ; ejusque usus Francisco propler occupationes ab initio concessus. Ille lamen quamvis ingenlibus curis negotiisque distentus, nunquam permissa uti voluit licentia ; vetusque Breviarium novenarum lectionum haud paulo longius perpétue recitavit. Tursellint. Fita S. Francisa Xaverii. Lib. VL cap. t>.

LITURGIQUES. 385

Certes, rauiorité de rinconiparable Apôtre des Indes est d'un grand poids dans la question, et nous aimons à la rapprocher de celle non moins sainte , et plus grave encore , de I*ie V et de tous ses successeurs sans exception. Au reste, l'œuvre de Quignonez, outre les tristes fruits dont nous avons parlé , en eût produit , si elle eîit duré , un plus lamentable encore. Le Bréviaire abrégé enfanta un Missel abrégé qui fut imprimé à Lyon, en 1550, et qui renfermait grand nombre de nouveautés les plus audacieuses (1). Ainsi, l'envie de simpli- fier rOftîce privé des Ecclésiastiques avait donné naissance à un Bréviaire par lequel était répudiée la forme antique des divins Offices , par lequel le Prêtre cessait d'être en commu- nion avec les prières du Chœur, et voilà qu'en suivant une pente toute naturelle , on était amené à défigurer le livre sacré qui renferme les rites du Sacrifice , et dont la forme, si elle est maintenue pure et inviolable , est d'un si grand poids pour prouver, contre les sectaires, l'antiquité véné- rable des Mystères de l'autel.

En attendant le récit que nous ferons bientôt de la régé- nération liturgique , commencée par le saint Concile de Trente et accomplie par les grands Pontifes qui en appli- quèrent les décrets , nous placerons ici un événement prin- cipal dans la Liturgie , qui marqua la fin du quinzième et le commencement du seizième siècles. C'est la publi- cation définitive du corps de rites et observances sacrées , connu sous le nom de Rubriques : ensemble admirable de lois à la fois mystérieuses et rationnelles que ceux-là seuls méprisent qui ont perdu le sentiment de la foi , ou le goût des choses sérieuses. Ces lois, dont l'origine se perd dans la nuit des temps , et dont le commentaire complet néces-

(1) Arevaïo. Md. m.

T. I. 2S

580 LVSÏITUTIONS

siteiait uue histoire généi-ale des formes du culte Catho- lique dont elles sont l'expression , se montrent de plus en plus détaillées dans la série des Ordres Romains, à l'usage de la Chapelle du Pape. Mais il manquait un recueil dans lequel elles se trouvassent traitées à l'usage de tous les Prêtres , et qui renfermât les particularités que les Vrdres Romains, dont l'objet est tout spécial, ne contenaient pas, et qui avaient été jusqu'alors confiées à la tradition orale. Cette œuvre fut entreprise et accomplie par Jean Burchard, de Strasbourg , qui exerça l'importante charge de Maître des Cérémonies Pontificales, dans la Chapelle des Papes Sixte IV, Innocent VIII et Alexandre VI. C'est le même qui a laissé un Journal si important sur les actions privées de ces trois Sou- verains Pontifes. Son travail fut imprimé en 1302, à Rome, sous ce titre : Ordo servandus per Sacerdotem in celebratione Missœ (1). Merali et Zaccaria en indiquent encore d'autres éditions postérieures à la mort de Burchard, qui mourut Evêque de Citta di Castello, en loOo; elles portent un titre différent de la première. Enfin, dès lo34, on vit des Missels auxquels cet appendice était joint; c'est ce qu'atteste le Car- dinal Bona.

Quant aux Paibriques du Bréviaire , elles ont tant d'affinité avec celles de la Messe, et les unes et les autres se supposent si constamment, que leur origine doit être jugée la même. On en trouve le principe dans les Ordres Romains , et leur ré- daction définitive , si elle n'appartient pas à Burchard, doit avoir eu lieu au temps de cet illustre Cérémoniaire , qui donna aussi celles du Pontifical , en 148o. Les Bréviaires an- térieurs à celui de saint Pie V, les présentent à peu près dans la forme sous laquelle ce saint Pontife les promulgua.

(1) aierati. Annotât, in Gavantum. Tom. I. pag. 4. Zaccaria. Bi- h\ïo\h. Ritwalis. Tom. I. pag. 58.

LITURGIQUES. 38t

Nous laisserons les esprits superficiels blasphémer ce qu'ils ignorent, et tourner en ridicule cet admirable résumé de toutes les traditions liturgiques. Nous nous contenterons de remarquer ici ce fait unique dans l'histoire des législations : c'est que , depuis bientôt trois siècles qu'un tribunal a été établi à Rome , sous le nom de Congrégation des Rites , pour dirimer toutes les diflîcullés d'application, ou d'interpréta- tion des Rubriques, tant du Missel que du Bréviaire Romains, après plus de six raille consultations et réponses qui ont été imprimées , il est inoui que les Juges aient été obligés de s'é- carter du texte de la Loi dans les arrêts qu'ils ont rendus. C'est ainsi qu'une des institutions de l'Eglise Romaine , celle qui semblerait la moins grave , la moins sérieuse , à ceux du moins qui ne savent pas la haute importance du dépôt des tra- ditions rituelles, peut défier en solidité, en immutabilité, tout ce que les sociétés les plus civilisées ont établi de plus sage dans leurs formes gouvernementales.

Après Burchard , nous mentionnerons ici son successeur dans la charge de Cérémoniaire Pontifical , Paris de Grassi , qui fut plus lard Evêque de Pesaro, et qui a laissé, à l'exemple de Burchard , un Journal fameux qui contient les événemens privés des Pontificats de Jules II et de Léon X. Il était digne de recevoir et de transmettre à d'autres les traditions litur- giques que Burchard avait lui-même reçues de ses prédé- cesseurs. Sans ces deux hommes fameux, dont l'un clôt les Fastes de la Chapelle Papale au quinzième siècle, et l'autre les rouvre au seizième, tout le passé liturgique de Rome était en danger de périr , à celte époque le besoin de nou- veautés travaillait tout le monde , Quignonez , organe de Clément VU et de Paul III , ne voyait dans la science des règles du culte divin qu'une matière à d'inutiles fatigues, et dans la récitation de l'Office, qu'une lecture privée de

388 INSTITUTIONS

la Bible et de quelques Psaumes. Burchard et Paris de Grassi étaient les hommes qu'il fallait pour dominer celte tendance , et quoique déjà morts à l'époque du fameux Bréviaire de Sainte-Croix, leur œuvre, qui d'ailleurs avait ses racines dans le passé, avait revêtu assez de solidité pour échapper à l'anarchie liturgique dont nous avons fait le récit.

La raison du succès qui s'attacha ainsi à l'œuvre de ces deux grands Cérémoniaires , et la sauva de la destruction , est dans le sérieux qu'ils surent toujours mettre dans l'ac- complissement de leurs fonctions minutieuses aux yeux des gens légers , mais si graves pour l'homme de foi , et si intéressantes pour l'antiquaire. Nous avons un monument fameux de cette fidélité inviolable et même passionnée aux traditions liturgiques, qui est du génie pour un Cérémoniaire, dans la conduite de Paris de Grassi, lors de la publication du Livre contenant les Cérémonies de V Eglise Romaine. Ce re- cueil avait été rédigé par Augustin Patrizi, Evêque de Pienza, en Toscane , d'après les ordres d'Innocent VIII : mais on n'avait pas jugé à propos de l'imprimer. En 1516, sous Léon X , Christophe Marcelli , Evêque de Corfou , à l'insti- gation d'un Cardinal , se permit de le faire imprimer à Ve- nise , il parut sous ce titre : Ritiium ecclesiasticonim, sive sacrarumCœremoniarum Sanclœ Romanœ Ecclesiœ libri très non ante impressi. Rien ne pourrait peindre l'indignation de Paris de Grassi à cette nouvelle. En effet , l'impression de ce livre ne pouvait se justifier par des raisons d'utilité publique, puisqu'il s'agissait d'un ensemble de rites exclusivement propres , pour la plupart du moins , à la personne du Pape. C'était, de plus, un attentat contre la majesté de cérémonies si augustes, que de les livrer ainsi au contrôle du public et même des hérétiques , en les dépouillant pour jamais du mystère qui les avait jusqu'alors enveloppées ; l'office de

LITURGIQUES. 589

Préfet des cérémonies Pontificales se trouvait par désho- noré, soumis à la critique du premier venu qui aurait feuil- leté le livre , et par à une véritable déconsidération ; enfin, ce qui était plus fâcheux encore , cet ouvrage , livré furtive- ment aux imprimeurs, renferniait des fautes, des méprises, des altérations de la véritable tradition liturgique.

Paris de Grassi porta devant Léon X les plaintes les plus énergiques, dans un mémoire curieux que D. Mabillon nous a conservé (l). Il ne demandait rien moins au Pape que de faire brûler Fauteur avec son livre , ou tout au moins , de le corriger et châtier convenablement. Librum cœremoniamm nuper impressum omnino comburi simul cum falso auctore ; aut saltem ipsum auctorem corrigi et castigarL Léon X était plus porté à choisir le dernier parti , comme on devait bien le croire; cette affaire, toute fâcheuse qu'elle était, s'assou- pit d'elle-même. Comment en effet arrêter les diverses édi- tions qui ne pouvaient manquer de sortir de celle de Venise, ainsi qu'il arriva en effet ? Car ce livre , tout imparfait qu'il est, toute frauduleuse que soit son origine, est et doit être recherché de tous ceux qui veulent prendre une connais- sance tant soit peu profonde de la Liturgie.

Paris de Grassi a laissé en manuscrit un Ordre Romain qui est le dernier de tous , et qui a été publié par Dom Mar- tène , au troisième tome de son grand ouvrage de Antiquis Ecclesiœ Riiibus (2) . Il a servi de base, ainsi que les précédens, au Cérémonial Romain , qui n'est autre chose que la forme des usages de la Chapelle Papale, adaptée aux diverses Eglises Cathédrales et Collégiales du monde chrétien, ainsi que nous le dirons ailleurs. Il est temps de passer à la bibliothèque des auteurs liturgistes des quatorzième et quinzième siècles.

(1) Muséum Italicum. Tom. II. Appcnclix. pag. 587 et seq.

(2) Cap. XXXIV. pag. 607 et seq.

390 INSTITUTIONS

(1301). Nous placerons à la tête de notre liste le B. Jacques de Benedictis, plus connu sous le nom de Jacopone , de l'Ordre des Frères Mineurs, mort en 1506. On lui attribue la Prose Stabat Mater j et plusieurs autres.

(1507). Hermann Grelhus, Chanoine et Ecolàtre d'une Collégiale d'Allemagne , écrivit de Notabilibxis divini Officn Dominicarum et Festorum de tempore et de sanctis.

(1510). Jacques Gaétan, Cardinal, composa un Ordina- rium sanctœ Romanœ Ecclesiœ, ouvrage du plus grand in- térêt, qui forme le quatorzième Ordre Romain dans la col- lection de Dom Mabillon.

(1512). Nicolas de Trevelh, Dominicain Anglais, a écrit, entre autres choses, huit livres de Missa et ejus partibus, et un autre livre de Ofjîcio Missœ.

(151o). Thomas de Cabham, Archevêque de Cantorbéry, écrivit une somme de Ecclesiasticis Officiis, et un livre de Baptismo.

(1520). Timoihéell, Patriarche des Nestoriens, est au- teur de l'ouvrage en sept chapitres , de Septenicausis Sacra- mentorum Ecclesiasticorum .

(1553). Nicéphore Calliste , Moine de Sainte- Sophie à Constantinople , a laissé des Hymnes et autres pièces pour les Offices ecclésiastiques.

(135o). Mathieu Blastares, Moine Grec, a écrit «n Cata- logue des Offices de la grande Eglise de Constantinople , et un traité de Appositione cocti frumenti in Ofjîcio pro mortuis.

(1340). Hermann de Schilde, Ermite Augustin, écrivit

ime Exposition de la Messe , un Manuale Sacerdotunij un

traité de Horis Canonicis, et un autre de Comparatione Missœ.

(1530). Nicolas Cabasilas, Grec schismatique , a laissé

une Exposition de la Liturgie.

(1550). Le Bienheureux Charles de Blois, Duc de Bre-

LITURGIQUES. 391

tagne, se montra l'imitateur des Princes religieux dont nous avons parlé dans les chapitres précédons. Il ne se contenta pas d'assister avec grand zèle à tous les actes de la Liturgie, mais, à l'exemple de Charlemagne, du Roi Robert et de Foulques d'Anjou, il composa plusieurs pièces de Chant ec- clésiastique. On cite, entre autres, une Prose en l'honneur de saint Ives, dont il accompagna les paroles d'un chant si mélodieux , qu'elle fut chantée en divers lieux de Bretagne , et même produite devant les Commissaires députés pour instruire le procès de sa canonisation. " (1362). Philothée, Archimandrite du Mont Athos, et de- puis Métropolitain d'Héraclée, a laissé une formule intitulée : Liturgia et Ordo instituendi Diacomim , et plusieurs Hymnes et parties d'Office à l'usage des Grecs.

(4i70}. Pierre Amélius, Augustin, Patriarche de Grade et d'Alexandrie , a laissé un livre de Ceremoniis sanctœ Ro- mance Ecclesiœ, qui fait le quinzième Ordre Romain dans la collection de Dom Mabillon.

(1370). Philippe Mucerius, ou de Maceriis , chevalier Pi- card, qui devint ChanceHer du royaume de Chypre, composa, sous le nom de Philothée Achillinus , l'OlTice de la Présen- tation de la Sainte Vierge.

(1375). Arnauld Terreni, Canoniste attaché à l'Eglise d'Elne, écrivit un traité de Mysterio Missœ et Horis Canonicis.

(1580). Raymond de Vineis , appelé vulgairement Raymond de Capoue , composa un Office pour la Visitation de la Sainte Vierge.

(1380). Raoul de Rivo , Doyen de l'Eglise de Tongres, a laissé, outre son Calendarium Ecdesiasticum , un curieux livre intitulé : De Canomim observantia in Ecclesiasticis Ojp,cns.

(1400). Jean, appelé aussi Ananie, Patriarche des Jaco-

ô92 INSTITUTIONS

bites, SOUS le nom d'Ignace IV, composa une Anaphore qui se trouve dans les livres de ces hérétiques.

(UIO). Henri de Langestein, Chartreux , écrivit un livre de Boris Canonicis.

(1410). Smiéon, Moine, puis Archevêque de Thessalo- nique, fanatique ennemi des Latins, a laissé , outre un recueil intitulé : Precationes sacrœ, un ouvrage important sous ce titre : Comme ntarius de Divino Temple , de ejus Ministris , de sacris eomm vestibiis , de sacrosancta Mystagogia , site missa , ad pios quosdam Cretenses.

(1411). Pierre d'Ailly, Cardinal , Evêque de Cambrai, cé- lèbre dans les affaires ecclésiastiques de son temps , publia un Sacramentale.

(1420). Ignace Behenam , Patriarche des Jacobites , com- posa une Anaphore remarquable par la beauté du style.

(1440), Nicolas Kempht, Chartreux, écrivit une Exposition du Canon et de la Messe entière.

(1446) . Troïle Malvetius , Docteur de Bologne , a laissé un livre de Sanctorum Canonizatione.

(14o0). Fernand de Cordoue, Sous-Diacre de l'Eglise Ro- maine, adressa au Cardinal François Piccolomini, un traité de Pontificii Pallii mysterio.

(1456). Jacques Cil, Dominicain, Maître du sacré Palais, composa l'Office de la Transfiguration de Notre-Seigneur, par ordre de Callixte III.

(1460). Jean de Torquemada, Dominicain, Maître du sacré Palais, Cardinal et Evèque de Sabine , a laissé un livre inti* tulé : De Ejfîcacia Àquœ Benedictœ.

(1460). Georges Codinus , surnommé Curopalaie, publia, depuis la prise de Constantinople par les Turcs, un livre sous ce titre : De Curiœ et Ecclesiœ ConstanîinopoUtanœ ofjiciis et officialibus.

LITUBGIQUES. 393

(1471). Ange de Brunswick, Saxon, écrivit un livre sur le Canon de la Messe.

(1474). Michel Lochmayr, Recteur de l'Académie de Vienne, rédigea le Parochiale parochorum , qui renferme beaucoup d'Instructions dans le genre de celles de nos Rituels mo- dernes.

(1475). Jean de Dursten, Augustin, écrivit : De Mono- cordo ; de Modo bene Cantandi ; et de CoUectarum conclusiO' nibus.

(1480). Gabriel Biel, Docteur de l'Université de Tubingen, a laissé une Exposition du Canon de la Messe.

(1483). Jean Trithénie, Abbé de Saint-Martin de Spanheim, puis de Saint- Jacques de VVnrtzbourg, la grande lumière de l'Ordre de Saint-Benoit en son siècle , fut aussi un liturgiste remarquable. Outre plusieurs Séquences , il composa un Office en l'honneur de sainte Anne et de saint Joachim, et plusieurs Messes pour la Compassion de la Sainte Vierge , pour l'Ange Gardien, pour saint Pierre, saint André, saint Jean l'Evangéliste, sainte Marie-Madeleine, sainte Marthe, etc.

(1490). Jérôme Savonarole , Dominicain, ajoute à ses autres titres de célébrité , celui d'avoir traité les matières li- turgiques avec élévation et onction. Il a composé un traité de Sacrificio Missœ et Mysteriis ejus, et un autre de Mysterio CruciSj avec un Office de la Sainte Croix.

(1495). Jean de Lanshem, Augustin Allemand, écrivit un Spéculum Missœ,

(1495). Nicolas deAlfenlia, Carme, composa un volume irès-étendu sur l'Ordinaire de la Messe et le Canon.

(1497). Balthazar de Leipsik, Abbé Cistercien, est auteur d'une. Exposition du Canon de la Messe, qui fut imprimée à Leipsik en 1497. En terminant ce chapitre, nous trouvons un grand nombre

39i INSTITUTIONS

de considérations à recueillir pour l'instruction du lecteur, et pour le développement de la véritable doctrine sur la Liturgie.

Ce n'est point une forme liturgique durable que celle qui a été improvisée pour satisfaire à de prétendues exigences littéraires.

2" La réforme de la Liturgie, pour durer, a besoin d'être exécutée non par des mains doctes, mais par des mains pieuses , et investies d'une autorité franchement compétente. Dans la réforme de la Liturgie, on doit se garder de l'es- prit de nouveauté, restaurer ce qui se serait glissé de défecr tueux dans les anciennes formes , et non les abolir.

4" Ce n'est point réformer la Liturgie que de l'abréger ; sa longueur n'est point un défaut aux yeux de ceux qui doivent vivre de la prière.

Lire beaucoup d'Ecriture Sainte dans l'Office, n'est pas remplir toute l'obligation de la prière sacerdotale ; car lire n'est pas prier.

6' Il n'y a pas de fondement à la distinction de l'Office public et de l'Office privé : car il n'y a pas deux prières qui soient à la fois la prière officielle de l'Eglise. Le clerc légitimement absent du chœur, de même qu'il y est réputé présent, doit se tenir uni à ses frères en récitant avec eux ce qu'ils chantent en union avec lui. Les lectures qu'il fera dans un Bréviaire savant l'isolent de cette prière commune.

T" Ce n'est pas un mal que les règles du service divin soient nombreuses et compliquées, afin que le clerc apprenne avec quelle diligence il faut accomplir l'œuvre du Seigneur. Toute satire sur les Rubriques annonce un homme prévenu , ou superficiel , et l'Eglise répond à ces nouvelles et molles théo- ries, en promulguant plus haut que jamais l'ensemble de ses lois si belles d'harmonie et d'unité.

LITURGIQUF-S. 398

8" Enfin , s'il n'y a pas à balancer pour la conscience entre ainlPieV, Souverain Pontife rétablissant solennellement l'ancien Office , et le Cardinal de Sainte-Croix , Quignonez , éditeur responsable d'un nouvel Office inconnu à tous les siècles, quel choix doit-on faire entre l'Office de l'Eglise Ca- tholique, et celui, ou ceux qu'auraient improvisé, en leur propre nom , ou, si l'on veut , sous un patronage qu'il faut bien reconnaître inférieur à celui de Clément VII et de Paul III, quelques Prêtres obscurs, suspects dans la foi, et quelques-uns même frappés des foudres de l'Eglise? N'est-il pas à craindre que le jugement de la Sorbonne, de 1335 , ne leur soit devenu applicable ?

La suite de cette histoire mettra le lecteur en état de conclure.

396 INSTITUTIONS

NOTES DU CHAPITRE XIIÏ.

NOTE A.

Docta sanctOFum Patrum decrevit auctoritas, ut in divinse laudis Officiis , quae débit» servituiis obsequio exhibentur, cunctorum meus vlgilet , sermo non cespitet , et modesta psalienlium gravitas placida modulatione decantet. Kam in ore eorum dulcis resonabat sonus. Dul- cis quippe omnino sonus in ore psallentium resonat , cum Deum corde suscipiunt , dumloquuntur verbis; in Ipsum quoque cantibus devotio- nem accenduut : Inde etenim in Ecclesiis Dei psalmodia cantanda praecipitur, ut fidelium devotio excitetur ; in hoc nocturiium diurnum- que Officium , et Missarum celebritates assidue Clero ac populo sub maturo tenore, distinctaque gradalione cantantur, ut eadem distinc- lioue coUibeant , et maturiiate délectent. Sed nonnuUi novelte scholae discipuli, dum temporibus mensurandis invigilant, novis notis inten- dunt , fingere suas , quam aniiquas cantare malunt , in semibreves et minimas Ecclesiastica cantantur, notulis percutiuntur ; nam nielodias hoquetis intersecant, discantibus lubricant, triplis et motetis vulga- ribus nonnunquam inculcant, adeo ut interduni Anliphonarii, et Gra- dualis fundamenta despiciant , ignorent super que sediGcant, tonos nes- ciant, quos non discernunt, imo confundunt ; cam ex earum multitudine notarum ascensiones pudicae, descensionesque temperatse , planican- tus, quibus toni ipsi secernuntur, ad mvicem obfuscentur; currunt enim , et non quiescunt ; aures inebriant , et non raedentur ; gestibus simulant quod depromunt, quibus devotio qucerenda contemnitur, vitanda lascivia propalalur. INon enim inquit frustra ipse Bootius, las- civus animus, vel lascivioribus delectatur modis, vel eosdem saepe audiens emoliitur, et frangitur. Hoc ideo dudum nos , et Fratres nostri correctione indigere percepimus , hoc relegare, imo prorsus abjicere , et ab eadem Ecclesia Dei profligare efficacius properamus. Quocirca de ipsorura Fratrum consilio districte pracipimus, ut nullus deinceps lalia, vel his similia in dictis Officiis, prœsertim Horis Canonicis, vel cum Missarum solemnia celebrantur, attentare praesumat. Si quis vero contra fecerit , per Ordinarios locorum ubi ista commissa fue- rint, vel depiUandos ab eis in non exemptis, in exemptis vero per Praepositos seu Praelatos suos , ad quos alias correctio , et punitio cul- parum , et çxcessuum bujusmodi , vel similium pertinere digaosciiur,

LITURGIQUES. 597

vel (leputandos ab eisdem , per suspensionem al) Oilicio pcr octo dies , auctorilate hujus Canonis, puniatur. Per hoc autem non intendimus prohibere, quin interdum diebus festis prœcipue, sive solemnibus in Missis , et prsefalis divinis Officiis aliquse consonantia: , quoe melodiam sapiuuL, puta octavœ, quinta?, quart», et hujusmodi supra cantum Ecclesiasiicum simpliceni proferantur : sic tamen , ut ipsius cantus in- tegritas illibata permaneat, et nihil ex hoc de bene morala musica imrautelur, maxime cura hujusmodi consonantiae auditum demulceanî , devotionem provocent, et psallentium Deo animos torpere non sinant. Actumet datura, etc. Extravagant. Commun. Lib. IJI. TU. I.

PiOTE B.

Ad Sanctiss. Patrem , et D. N. Paulum III. Pont. Max. Francise! Quignonii lit. S. Crucis in Jerus. Presb. Card. in Breviarium proxime confectura Prsefatio.

Cogitanti mihi, Pater Sanctiss. , atque animo repetenti initia veteris instituti, quo sancitum est, ut clerici sacris initiati, vel sacerdotiis présidentes, singulis diebus perlegant horarias preces , quas Canonicas eliam appellamus; très omnino causa; spectatae fuisse videri soient. Quarum ea prima est,quodcum ceteri homines in quaque civitatc aut suum quisquo negotium agant, aut in republica adniinistranda sint occiipati, clericis exeo vocatis, utHieronymus testatur, quod de sorte Domini sint , quique bonis ecclesiaslicis aluutur, lioc potissimum negotium divinis et huraanis legibus est injunctum , ut in commissum sibi populum, ac de se bene merentem Deum propitium habere cunc- tis rationibus enitantur. Quod non soium sacrificiis edicitur, sed etiam precibus , quse a pio corde proficiscantur, teste Jaco])o , qui nos ad pre- candum cohortans , orate(inquit) pro invicem ut salvemini, multum cnim valet deprecatio justi assidua. Altéra causa est , ut qui relique populo exemplo debent esse virtulis, et sanctimonise , assidua preca- tione Deum alloquentes, minus opportuni reddantur tentatori diabolo, si eos invenerit, ut Hieronymus ait, occupatos, et a cogitationibus caducarum rerum subinde avocali, contcmplationi divinarum assues- caut. Tertia, ut Religionis quoque futuri magistri quotidiana sacrse Scripturîc , et ecclesiasticarum historiarum lectione erudianlur, com- plectanturque, ut Paulusait, eum , (lui secundum doctrinam est, fidelem sermonem , et potentes sint exhortari in doctrina sana , et eos , qui contradiount, arguerc. Et profccto si quis modum prccandi olim a majoribus traditum diligenter consideret , liorum omnium ab ipsis ha- bitam esse raiionem manifcsto deprehendct. Sed factura est nescio

598 LNSÏITUTIONS

quo paeto bomiûUKi negligeutia, ut paulatim a sâûctissimis illis tete- rum Patrum institutis discederetur. IVam primum llbri sacrai Scrip- vn-ic , qui statis aani temporibus erant perlegendi , vix dum incœpti a precanlibus pr;etermittuntur. Ut exemple esse possuat liber Genesis , qui incipitur in Septuagesima , et liber Isaiœ , qui ia Adventu, quorum vix singula capitula perlegimus , ac eodem modo cetera Veteris Testa- menli volumina degustamus magis quam legimus : nec secus accidit in Evangelia, et reliquam Scripturam ]\'oviTestamenti, quorum in loco successerunt alla, nec utilitate cum bis , nec gravitate comparanda , qu;e quotidie agilatione linguse magis quam intenlione mentis incul- cantur. Deinde Psalmorum plerisque, qui singulis bebdomadae diebus erant dest'nali , rejectis , pauci quidam toto fere anno repetuntur. Tum bistoricC Sanctorum tam inculte, et tam negligenli judicio script» leguntur, ut nec auloritatem babere videantur nec gravitatem. Acce- dit tam perplexus ordo , tamque diflicilis precandi ratio, ut interdum paulo minor opéra in inquirendo ponalur, quam cum inveneris, ia lé- gende. Quibus rébus animadversis , felicis recordationis Clemeus YII, Pontifex maximus , cura intelligeret officii sui esse , cum aliorum Christianorum commoditalibus prospicere , tum imprimis Clericorum, quibus ministris uteretur in commisse sibi grege administrando, me liortatus est , negotiumque dédit , ut quantum cura et diligentia niti possem , preces horarias ea ratione disponerem, ut sublatis, quas dixi, diflicultatibus, et dispendiis, clerici majoribus etiam commodis ad precandum allicerentur. Quam ego provinciam libentissime suscepi, simul ut boiio publico pro mea virili parte servirem. Adhibitis igitur quibusdam meorum domesticorura prudentibus bominibus sacrarum litterarum , et Poniifîcii juris doctrina prteditis , eisdemque grœce , et latine eruditis, dedi operam quam maxime potui, ut commode ac ex utilitate publica rem conficerem in hune maxime modum.

Omissis Antipbonis, Capitulis, et Responsoriis, ac mullis Hymnis, celerisque id genus rébus Scripiurœ sacrae lectionem impedientibus, Breviariura constat ex Psalmis , et Scriptura sacra Veteris , et ?tovi Testamenti, et Sanctorum historiis, quas ex probatis, et gravibus auctoribus graîcis , et lalinis decerpsimus , easdemque stylo paulo qui- dem cultiore , nou tauien fucalo , exornare curavimus. Relicti sunt etiam ex Hymnis, qui plurimum omnium babere visi sunt auctoritalis, et gravitatis. Psalœi s mt ita distributi , retento , qoatenus licuit , ve- terum Patrum instituto, ut omnes perlegantur singulis bebdomadis anni, terni singuli boris , unius longiludine cum alterius bretitate sic eompensata, ut labor legendi diurnus par propemodnm sit totaheb- doniada , et perinde tolo anno.

LITURGIQUES. 399

Quod pertiiiet ad ceteram Scripturam sacram ex Veieri Tesiameuto peiieguntur utilissinii , et gravissinii quique libri. Ex Novo autem nihil prœterinittitur, prœter Apocalypsim , cujus principium tantum legitur : quia polius Epistolse Pauli cum Canonicis, et Actis Aposto- loruni repetuntur. Ex lectionibus enira ternis , quae siugulis diebus totius anni leguntur, prima est ex Veteri Testameato, secunda ex Novo, qua totum ipsum ( deinpta , ut diximus , parte Apocalypsis ) absolvi- tur, terlia ex bistoria Sanoti , si cujus fe&tuni celebratur ; quod si nul- lum fuerit, Apostolorum Acta , et Epistolae tertia lectione repetuntur ordine notato in Calendario.

Propter inconstantiam temporis Pascbalis, et aliorura festoruni, qus mobilia dicuntur, Geri non potuit , ut régulas omniuo vitaremus, qua- rum tam plénum erat prius Breviarium , ut vix setas hominis ad earum rationem perdiscendam sufficeret , sed nos tam raras , et perspicuas régulas disposuimus, ut eas cuivis facile sit intelligere.

Ofllcium beatae Virginis quolidianum non legitur, sed loco ejus ad Vesperam , et Maïutinuni lit commemoratio quolidie , et omnibus sabbalis totum Oiricium eidem Virgini prtestatur, nisi festum inciderit.

Habet hœc precandi ratio très maxiraas commoditates. Primam , quod precantibus simul acquiritur utriusque Testamenti peritia. Se- cundam, quod res est expeditissima, propter sumraam ordinis simpli- citatem, et nonn-ullam brevitatem. Tertiara, quod historiée Sanctorum nihil habent, ut prius, quod graves, et doctas aures offeadat. Hic au- tem est ordo , et precandi ratio.

AD JIATUTINUM.

Pater noster cum signo crucis, Conliteor Deo, etc., Domine labià mea, etc. Deus, in adjutoriura, etc. Deinde sequitur Invilatorium tempori , seu festo coiiveniens. Psalmus , Venite, exultemus, etc. lu cujus Une duntaxat Invitatorium repetitur, non auleni iu medio. Tum Hymnus destinatus. Post hsec sine Autiphona leguntur très Psalmi, deinde Lectiones très, quarum qu;eque incipitur a bene- diclione, et desinit in. Tu autem. Domine, etc. Benedictio ante pri- mam Lectionem, qua^est ex YeteriTestamento, Deus Pater omnipo- tens, etc. Ante secundam , quae ex Novo , Unigenitus Dei, etc. Tertia Lcciio est vel ex historiis Sanctorum, cum dies est festus, et lune prae- cedit benedictio , Cujus feslum colimus, etc. Vel ex Epiblolis , lel Actis Apostolorum repetendo , cl lune prœcedit benedictio , Spirilus Sancti gratia, etc. In sabbalis autem , in quibus ir.buimus Oflicium beatre Virgini, dicitur benedictio, Per Virgincm matrem, etc. Post tertiam Lectionem , Te Deum laudamus , cujus loco in Adventu , et Quadrage-

400 INSTITUTIONS

siifia dicilur Psalmus , Miserere meî, prœterquam in feslis Sauctorura, in quibus dicitur eliam tune , Te Deum laudamus.

AD LAUDES.

Deu.s,inaàjutoriuin, deinde terni Psalmi cum cantico, Benediclus, quod canticum nullo die prœtermittetur. Domine , exaudi, etc. Oralio coaveniens. Postremo, nisi totum Oflicium iribuatur beatae Virgiui, fit de ipsa commemoratio , item de Apostolis, et omnibus Sanctis. Be- nedicamus Domino , et , Fidelium animce, etc.

AD l'RIMAM.

Pater noster, cum signe crueis. Deus, in adjutorium. Hymnus con- suetus. Terni Psalmi , diebus autem Dominicis additur symbolum , Quicumque vult, aliis vero symbolum, Ccedo in Deum, Domine, exaudi, Oratio consueta, Benedicamus Domino , et, Fidelium animae.

Ad Terliam , Sextam , et ^■onam eodem modo , exceptis symbolis, et dicitur Oratio , quse dicta fuerit ad Laudes.

AD VESPERAM.

Pater noster, cum signe crueis. Deus, in adjutorium. Hymnus. Psalmi terni. Canticum, Magnifleat , quod nullo die prsetermittitur. Oratio, et commemorationes, ut ad Matutinum.

AD COMPLETORIUM.

Convertenos, Deus. Deus, in adjutorium. Hymnus, Te lucis. Psalmi terni, cum cantico, Nunc dimittis, quod etiam dicitur siugulis die- bus, Oratio, Visita, Salve Regina. Oratio, Omnipotens sempiterne Deus. Qu3e omnia supra dicta latius explicantur in prima Dominica Ad- ventus.

Discrimen igitur inter illud, quo hactenus usisumus, et hoc Bre- viariuni est, quod in illo , quanquam veteribus Patribus placuisset , totam fere sacram Scripturam legi singulis annis, tamen \ix una par- ticula legitur carptim libres degustando. In hoc autem legitur singulis annis magna , et prwcipua pars Veteris Testament! , et totum Novura prœter partem Apocalypsis, ut diximus, Epistolis et Actis Apostolo- rum etiam repetitis.

Quod pertinet ad Psallerium , in illo Breviario pauci quidam Psalmi ssepissime repelunlur, plerique ne semel quidem leguntur toto anno. In hoc omnes legunlur siugulis hebdomadis, sine taedio, nam singulis horis terni psalmi accommodanlur, nulle eadem hebdomada repetito. Deinde in illo Sanclorum Uistoriie ooû paucae leguntur lani rudi stylo,

LITURGIQUES. 401

laiu siuc rerum deleclu et gravitate, ut sint iuterdum conteniplui, atque derisui legeiitibus. In lioc nihil laie relicturaest, omnia sunt ciilliora , graviora, et ex liistoria ecclesiastica , et aucloribus probatis gravibusque deeerpta.

Postremo in illo summa erat confusio proptev regularum multilu- dineni , et perplexitatem , et Festorum iranslaiionem , et varias com- memoralionum , Versiculorum , Responsoriorura , Antiphonarum , et siiniliuin rerum laboriosas ac parum graves inculcationes, et itera- tiones, qu» nec ad pietatem , ucc ad cognitionem Scripturae sacrae magnopere conducebant. In hoc talibus omnibus inapedimentis sublatis, in saerco Scriplurii; continua lectioae polissimum, et gravibus Saaclo- rum hisloriis versamur, paucis et perspicuis regulis appositis.

Itaqutj si quis diligeut«r animadvertat, et vêtus Patrum consiliura , iustitulumque consideret, plane intelligel hoc Breviarium non tara esse novum invenlum, quani Creviarii veleris in coimnodiorem et cullio- rem formam rcstituliouem, sublatis quibusdam l'ebus, quic raedio tempore prcel^r judicidui et gravitatemobrepserant.

Porro quanquam non fuit nobis propositum brevititi, sed commo- ditali precantium consulere, utrunique tamcn, ut speraitius, consecuti sumus. Nam iicet Lecliones singuhe longiores sint in hoc Breviario, sunt taraen très duntaxat , cum in priore adjuncto Officio beata) Virgi- nia sint duodecim cum tolidem Versicalis, et Responsoriis, et Iicet qui- dam PsaUni in hoc sint longiores, in illo tamen singulis diebus leguntur multoplures, si repelitos numeres tanquam diverses.

Accedit , qnod in illo magna est perplexitas , et longiludo Officii tum Feriœ, tum etiam Dominicœ diei. In hoc nulluni, aut minimum est dierum totiiis anni discrimen; ntc euim inlerest ad longitudinem de Dominica, seu Feriaagatur, an de Festo In illo Psalmi hinc inde cum diflicultate, mora et tœdio volvendis charlis exquiruntur. In hoc per dies et horas totius hebdomadœ disposili sunt. Qui no.>ter ordo non pa- rum facit ad temporisbreviiatem , et laboris levamen. Adjuvat et idem ordo Lectionuni; nam prima et secunda simplici et immulabili ordinc dis- posiliesuut in toium anuura , sive Festum iucidat , sive non. Diversitas enim Officii Fesii , Dominictc , et ferialis diei consistit in mulalione In- vitalorii, etllymnorumad Matutinum, et Vesperam , et tertiic Lectio- «is , et Orationis , cetera sunt ejusdeni ralionis utrobique.

Si oui autem laborio>um in hov Breviario videbilur pleraque orania ex libro legi, cum multa in alio, quœ propler frequentem repetitionem ediscuntur, memoriter pronunlienlur, compenset cum hoc labore cog- nitionem Scripturaî sacrœ, quoe sic in dics augescit, et intenlionem aninii, quam Deus aule orania in piocantiijus rcquirit (liane cnini T. I. ^

402 INSTITUTIONS

msjorem legentibus , quam mamoriter proferentibus adesse nccesse est) , et hujusmodi laborera non modo fructuosum , sed etiam saluta- rem judicabit. Kabas , Pater Sanctiss. , instituli nostri ralionem, habes formulam Breviarii , superest , ut si tibi res , qtieuiadiBodum speramu5 , non improbabitur, ipse quoque faveas incœplis nostris , et labori publicic commoditatis gratia suscepto. Vale.

>OTE C.

Rationes et motiva propter quœ videtur Univenituti Purisiemi non lecipiendum Bnviarium , nuper editutn et promulgatum.

In pviniis advertendum est,quod dictuai Breviariuui discrcpat et dissonum est aliis omnibus Breviariis quarumcumque Diceccseon, eliam Romanœ Eccleïiae ; cum alia omnia Breviaria pleraqnc saucta et salu- taria ad pit^lalem tt devoliouem fidèles iuduceutia oontioeant quaî îstud Bieviarium non habet; cujus generis suut lîorai Beatio Hariœ, Antipboux, Respousoria , Capitula, Homiliae, sive Expositiones ca- tholicoruui Doctoruni super Evangeliis et aliis Scripturis, ordo et nu- merus Psalmorum, et modus legendi illos in Ecclesia , nec non et ordo legendi sacras Scripluras in 3Ialulinis , juxia varietatem lerapo- rum ab Ecclesia liacteaus observatus. Cum aulem haec usque adeo salutaria Ecclesiae instiluta in Ecclesiaslicis Olliciisa primordiis ferme Ecclesiae, ad hœc usque tempera servata fuerint, mirum quonam pacto is qui hoc novum Breviarium condidit , baec omnia rejiciat et reji- cienda décernât, tanquam , ut inquit , nec ad pietatem, nec ad cogni- tionem sacrée Scripturje maguopcre conducant. Quod si verum esset, nulla utique essel Antipbonarura , Ilespousoriorum, et reliquorum praenominatorum in Ecclesia utilitas, foif ut(iue bïc omnia ut superDua et inutilia resecanda. Quod tameu erroueum est, nec ei quae seciHi- dum doclrinam est.pietati consentaneum. Parum quoque sobrie sa- pere visas est hujusmodi scriptor , dum suam unius scntentiam anti- quis Patrum decretis, communi et approbalo usui Ecc'esiae et authen- licis historiis miuime erubuit pneferre. Proiude ut quam periculosa sit nec ferenda hujusmodi Breviarii ediiio, cognoscaut onmes, operse pretium in primia est ostendere , quod a vetoribus Palrum ordinatio- uibus et Catholicis Ecclesia; statutis ad pietatem conferentihus ne- mini liceat discedere. Deiade quod servandus sit conrmimis et probatus Ecclesia; ritus. Ad ha3c, in his de quibus agitur , nequaquam a receptae Fidei Doctoruni scriptis Ecclesia dissideat. Denique mala , quse ex haccuriosa hujusmodi Breviarii novitalc sequuntnr, explicauda sunt. ....,..,...-,. Ca.'leruui pciiculo^^a videtur

LITURGIQUES. iOô

talis Breviarii uu.iatio. >am liineiuhuu est, si lulis nuiUlio suscipia- liir , ne eadeni ratioiie immuietur Mis^alc et Ollicium Missae , et multa ex eo saucta et salutaria detralianlui' , non in œdilicationem , secl in destructiouem.

Eadem quoque facilitate auferri possent cœremoniie et soleninitates Sacramentorum, et aliasacraoïentalia, ciijusmodi suiil consecrationes Ecclesiarum, Altarium, Calicum, cantus Ecclesiœ, Fesfa Sanctorura, Aqua benedicta , et alia id genus multa. Ex quo clare apparet quali via , et quam peiiculosa sequaniur ex ista mutations Breviarii et no- vitate.

Periculum insuper imminet non médiocre , si sub signatura particu- laris liomiuis ecclesiastici, non Religiosi, communem usum Ecclesiaî hactenus observatutnrelinquant, lit accipiaut hoc novuni Breviarium Ecclesiœ Cathédrales, Collégiales et Parocbiales, consimili siguatura receplum Ofilciura relinquant Ecclesiio , id quod in magnum scanda- lum populi cederct , et periculum immineret inducendi seditionem , a quibus Deus nos averiat. (D'Jrgcntré, CoUectio Judkiorum, Totn. 1. pag. 122—126.;

fSOTE D.

Ad Sanclissimum Patrem el Dominum nostrum Paulum terlîum, Fontificem maximum, /^i-fl«mc/ Quignonii lit. Sanctce Crucisiu Jeru" salem presbyteri Cardiaalis, in Breviarium proxime confoctum ac denuo recoguitum praefatio.

Breviarium llomanuin uuper a uobis felic. recor. Cleaienlis VIÏ. Poutif. Max. hortatu confectum, ac potius in ampliorem sacrarum Scripturarum lectionem ad veterem Sanctorum Patrum , et Concilio^ rum autiquorum forniam revocaium , luaque volunlalo , Sanclissime Pater, editum, graves plerosque ac doctos yicos ita probasse et récé- pissé intellexi , ut nihil in eo mutandum cxistimarent. Alios item animadverti graves etiam et prudentes homines , qui ejus rationem magnopere probantes, nonnihil tamen in eo desiderari adtirmarent. Illud vero uunquam dubitavi, fore in tanta muUitudine nonnullos, ex lis videlicet , qui in diverse precandi ritu consenuissent , quibus labor illenosternon esset perinde gratus , existimantibus ab inveteratailla consueludine precandi nulla ralione clericis esse discedendum. Imo vero nobis primani editionem Breviarii non lanquam proumlgationem legisesse placuerat, scd quasi publicam quaradam deliberationem , ut sic, proposita uostra sententia, judicia multorum exquireremus , et quod omnium commodissimum et religioni ac pietati convenientissi- muni plerisque prudentibiis gravi))usqne viris es^et visuni , sequere-

404 INSTITUTIONS

mur Itaque multorum sententiis collaiis, qufe nobis partim vocibus,

partial scriplis innotuei uut , judicium eorum seculi qui omnium prudentissime seutire visi sunt , libenter quœdam addidimus , alia mu- ta vimn s , et omnia diligeuier recognovimus, retenta tauiea summa forma Breviarii. Sed quoniam sic fert nalur.) rerum , ul Di^)il sit tam rectum, nihil tauta raiione in vilam usuœque hominum ioductura, cujus novitas non sil aliquibus ingrata , non temere factuvi e^^e vide- lûur, si ratjoiieni tolius instituli noslri a nobis prius summatim red- ditam , nuno adciiralius recoguilo Breviario , paulo lalius esplica- bimus.

LITURGIQUES. 40S

CHAPITRE XIV.

DE l'hérésie ANTI-LITURGISTE , ET DE LA RÉFORME PROTES- TANTE DU SEIZIÈME SIÈCLE, CONSIDÉRÉE DANS SES RAPPORTS AVEC LA LITURGIE.

La Liturgie est une chose trop excellente dans l'Eglise , pour ne s'être pas trouvée en butte aux attaques de l'hérésie. Mais de même que l'autorité de l'Eglise ne fut point com- battue directement, comme notion, parles sectes de l'Orient qui déchirèrent d'ailleurs le Symbole en tant de manières , ainsi n'a-t-on point vu dans cette patrie des mystères , le rationalisme poursuivre les formes du culte par système. Scindées entre elles par de violens dissentimens , les secks orientales ont marié au Christianisme, les unes un pan- théisme déguisé, les autres le principe même du dualisme; mais , par dessus tout , elles ont besoin do croire et d'être Chrétiennes; leur Liturgie est l'expression complète de leur situation. Des blasphèmes sur l'Incarnation du Verbe désho- norent certaines formules ; mais ce désordre n'empêche pas que les notions traditionnelles de la Liturgie ne soient con- servées dans ces mêmes formules et dans les rites qui les accompagnent : bien plus, la foi, si défigurée qu'elle soit, a été féconde, presque jusqu'à nos jours, chez ces hommes qui croient mal, mais qui pourtant veulent croire, et les Jacobites, les Nestoriens , seulement depuis l'an 1000, ont produit plus de formules liturgiques , d'Anaphores , par exemple , que les Grecs Melchites , dont les livres n'ont rien gagné depuis leur séparation de l'Eglise Romaine , si l'on

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excepte certains recueils d'Hymnes composées par toute sorte de personnes, et adjointes aux livres d'Offices. Mais encore ce dernier genre de prières ne lient point au fond de la Li- turgie, comme les Anaphores, les Bénédictions , etc., com- posées par les Jacobites et les Nestoriens modernes, et dont nous trouvons le texte ou la notice dans l'ouvrage de Re- naudot sur les Liturgies d'Orient, ou dans la Bibliothèque Orientale d'Âssemani. Le lecteur se tromperait néanmoins, s'il pensait que nous entendons donner celte abondance extrême comme l'indice d'un progrès ; l'antiquité , l'immu- tabilité des formules de l'autel , est la première de leurs qualités ; mais cette fécondité est du moins un signe de vie , et l'on ne peut s'empêcher de reconnaître que le style ec- clésiastique de ces Anaphores , même des plus récentes , est parfaitement conforme à celui que les siècles ont consa- cré. Quant aux traditions sur les rites et cérémonies , les sectes d'Orient les ont toutes conservées avec une rare fidé- lité , et si des circonstances superstitieuses s'y trouvent quel- quefois mêlées , elles attestent du moins un fond primitif de foi, comme chez nous la diminution progressive des pra- tiques extérieures accuse la présence d'un rationalisme se- cret qui montre ses résultats.

L'Eglise Grecque a généralement conservé avec grand soin, sinon le génie, du moins les formes de la Liturgie. Nous avons dit ailleurs comment Dieu l'a prédestinée , pour un temps du moins , à rendre , par Timmobilité de ses usages antiques, un irrécusable témoignage à la pureté des tradi- tions latines. C'est pourquoi Cyrille Lucaris échoua si hon- teusement dans son projet d'ioiticr l'Eglise Orientale aux doctrines du rationalisme d'Occident. Toutefois , l'esprit disputeur et pointilleux de Marc d'Ephèse est demeuré au sein de l'Eglise Grecque, et produira ses fruits naturels, du.

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moment quo celle Ejçlise sera appelée à se fondre dans no^ soeiéiés européennes. L'Eglise Grecque doit infailliblement passer par le protestantisme avant de revenir à l'unité, et l'on a bien des raisons de croire que la révolution est déjà faite dans le cœur de ses Pontifes. Dans un pareil ordre de choses, la Liturgie, forme ofiicielle d'une croyance officielle, demeurera stable, ou variera suivant qu'il plaira au souverain. Ainsi , point d'hérésie liturgique possible le Symbole est déjà miné , l'on ne trouve plus qu'un cadavre de ChriSf tianisme auquel des ressorts, ou un galvanisme, impriment encore quelques mouvemens , jusqu'au moment où, tombant en lambeaux de pourriture , il deviendra tout aussi inca- pable de recevoir les impulsions externes, qu'il l'est depuis long-temps de sentir les touches de la vie.

C'est donc seulement au sein de la vraie Eglise que doit feimenler l'hérésie anti-liturgique ; c'est-à-dire celle qui se, porte l'ennemie des formes du culte. C'est-là seulement on il y a quelque chose à détruire , que le génie de la des- truction tachera d'infiltrer ce poison délétère. L'Orient n'en a éprouvé qu'une fois, mais violemment, les atteintes, et c'é- tait aux jours de l'unité. Une secte furieuse s'éleva, au hui- tième siècle, qui, sous prétexte d'affranchir l'esprit du joug de la forme , brisa , déchira , brûla les symboles de la foi et de l'amour du Chrétien ; le sang coula pour la défense de l'image du Fils de Dieu , comme il avait coulé quatre siècles plus tôt , pour le triomphe du vrai Dieu sur les idoles. Mais il était réservé à la Chrétienté occidentale de voir organiser dans son sein la guerre la plus longue, la plus opiniâtre, qui dure encore , contre l'ensemble des actes liturgiques. Deux choses contribuent à maintenir les Eglises de l'Occident dans cet état d'épreuve : d'abord , comme nous venons de le dire, la vitalité propre au Christianisme Romain , le seul digne du

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nom de Christianisme , et par conséquent celui contre lequel doivent se tourner toutes les puissances de Terreur ; en se- cond lieu , le caractère rationellement matériel des peuples de l'Occident, qui, dépourvus à la fois de la souplesse de l'esprit grec et du mysticisme oriental , ne savent que nier, en fait de croyances, que rejeter loin d'eux ce qui les gêne ou les humilie, incapables, pour cette double raison, de suivre, comme les peuples sémitiques, une même hérésie pendant de longs siècles. Telle est la raison pour laquelle , chez nous, si l'on excepte certains faits isolés, l'hérésie n'a jamais procédé que par voie de négation et de destruction. C'est, ainsi qu'on va le voir, la tendance de tous les efforts de l'immense secte Anti-liturgiste.

Son point de départ connu est Vigilance , ce Gaulois im- mortalisé par les éloquens sarcasmes de saint Jérôme. Il déclame contre la pompe des cérémonies , insulte gi-ossiè- rement à leur symbolisme, blasphème les reliques des Saints, attaque en même temps le célibat des Ministres sacrés et la continence des vierges ; le tout pour maintenir la pureté du Christianisme. Comme on voit, cela n'est pas mal avancé pour un Gaulois du quatrième siècle. L'Orient, qui n'a pro- duit en ce genre que l'hérésie Iconoclaste, épargna du moins, quoique par inconséquence , les rites et les usages de la Li- turgie qui n'avaient pas un rapport immédiat avec le culte des saintes Images.

Après Vigilance , l'Occident se reposa pendant plusieurs siècles; mais quand les races barbares , initiées par l'Eglise à la civilisation , se furent quelque peu familiarisées avec les travaux de la pensée , il s'éleva des hommes d'abord , puis des sectes ensuite, qui nièrent grossièrement ce qu'elles ne comprenaient pas , et dirent qu'il n'y avait point de réalité 1^ les sens ne palpaient pas immédiatement. L'hérésie des

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SacraiTipntairos, à jamais impossible en Orient, commença au onzième siècle, en Occident, en France, par les blas- phèmes de l'Archidiacre Bérenger. Le soulèvement fut uni- versel dans l'Eglise contre une si monstrueuse doctrine ; mais on dut prévoir que le rationalisme , une fois déchaîné contre le plus auguste des actes du culte Chrétien , n'en de- meurerait pas là. Le Mystère de la présence réelle du Verbe Divin sous les symboles eucharistiques, allait devenir le point de mire de toutes les attaques; il fallait éloigner Dieu de rhomme, et, pour attaquer plus sûrement ce dogme capital , il fallait fermer toutes les avenues de la Liturgie qui, si l'on peut parler ainsi, aboutissent au Mystère eucharistique.

Bérenger n'avait donné qu'un signal : son attaque allait être renforcée en son siècle même et dans les suivans , et il en devait résulter, pour le Catholicisme, la plus longue et la plus épouvantable attaque qu'il eût jamais essuyée. Tout commença donc après l'an mille ; « C'était peut-être , dit Bos- îsuet, le temps de ce terrible déchaînement de Satan marqué i dans V Afocalijpse , après mille ans ; ce qui peut signifier i d'extrêmes désordres : mille ans après que le fort armé, » c'est-à-dire le démon victorieux , fut lié par Jésus-Christ i venant au monde (1). »

L'Enfer remua la lie la plus infecte de son bourbier , et , pendant que le rationalisme s'éveillait , il se trouva que Satan avait jeté sur l'Occident , comme un secours dia- bolique, l'impure semence que l'Orient avait sentie, avec horreur, dans son sein, dès l'origine , cette secte que saint Paul appelle le Mystère d'iniquité, l'hérésie Manichéenne. On sait comment , sous le faux nom de Gnose, elle avait souillé les premiers siècles du Christianisme ; avec quelle perfidie

(t) Histoire des Variations. Livre XI. § 17,

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elle s'était, suivant les temps, cachée au sein de l'Eglise, permettant à ses sectateurs de prier , de comsaunier même avec les Catholiques, et pénétrant jusque dans Rome même, il fallut, pour la découvrir, l'œil pénétrant d'un saint Léon et d'un saint Gélase. Cette secte abominable, livrée sous le prétexte de spiritualisme à toutes les infamies de la chair, blasphémait en secret les plus saintes pratiques du culte extérieur, comme grossières et trop matérielles. On peut voir ce que saint Augustin nous en apprend, dans le livre contre Fauste le Manichéen , qui traitait d'idolâtrie le culte des Saints et de leurs reliques.

Les Empereurs d'Orient avaient poursuivi cette secte in- fâme parles ordonnances les plus sévères, sans pouvoir l'é- teindre. On la retrouve, au septième siècle, en Arménie, sous la direction d'un chef nommé Paul , d'où le nom de Pauliciens fut donné à ces hérétiques en Orient; et ils y de- viennent assez puissans pour soutenir des guerres contre les Empereurs de Constantmople. Pierre de Sicile , envoyé vers eux par Basile le Macédonien , pour traiter d'un échange de prisonniers , eut le loisir de les connaître , et écrivit un livre sur leurs erreurs.

« Il y désigne ces hérétiques, dit Bossuet, par leurs propres » caractères, par leurs deux principes, par le mépris qu'ils » avaient pour l'Ancien Testament, par leur adresse prodi- tgieuse d se cacher quand ils voulaient j et par les autres «marques que nous avons vues. Mais il en remarque deux » ou trois qu'il ne faut pas oublier : c'était leur aversion j^ar- tticulièrepour les images de la Croix , suite naturelle de leur > erreur, puisqu'ils rejetaient la passion et la mort du Fils de >Dieu ; leur mépris pour la Sainte Vierge , qu^ls ne tenaient » point pour Mère de Jésus-Christ, puisqu'il n'avait pas de i chair humaine; et surtout leur éloignement pour l'Eucha-

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ivistie (1). Ils disaient encore que les Catholiques honoraient tics Saints comme des Divinités j et qiie c'était pour cette I raison qu'on empêchait les laïques de lire la sainte Ecri' ilure, de peur qu'ils ne découvrissent plusieurs semblables T) erreurs (2). »

C'était bien déjà, comme l'on voit, l'hérésie Anti-liturgiste toute formée. II ne lui manquait que des populations dispo- sées à raccuoillir. Pour arriver en Europe, la secte passa par la Bulgarie elle jeta de profondes racines ; ce qui fut cause qu'on donna, dans l'Occident , le nom de Bulgares à ses adeptes. En 1017, sous le Roi Robert, on en découvrit plusieurs à Orléans , et peu après , d'autres dans le Langue- doc, puis en Italie, ils se faisaient nommer Cathares y c'est-à-dire purs ; enfin, jusqu'au fond de rAllemagne. Leur parole infâme avait miné en dessous comme le chancre (3) , et leur doctrine était toujours la même , fondée sur la croyance aux deux principes , et sur la haine de tout l'exté-^ rieur du culte, renforcée de toutes les abominations Gnos-? tiques. Du reste, fort dissimulés, confondus dans l'Eglise avec les orthodoxes , prêts à toutes sortes de parjures, plu- tôt que de se laisser deviner, quand une fois ils avaient résolu de ne pas parler. Ils étaient déjà très-puissans , au douzième siècle , dans le midi de la France , et l'on ne peut douter que Pierre de Bruis et Henri , dont les doctrines eurent pour ad- versaires saint Bernard et Pierre le Vénérable , ne fussent leurs deux chefs principaux. On les voit en 1160 passer en Angleterre, ils furent appelé?, Poplicains ou Publicains. En France, on les désigne sous les noms d'Albigeois, à cause de leur puissance dans une de nos provinces, et les plus profondé-

(1) Histoire des Variations. Liv. XI. % 14.

(2) Ibidem.

(3) 2. Tim. II. 17.

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ment initiés aux dégoûtans mystères de la secte sont appelés Patarins. On sait avec quel zèle les populations catholiques du moyen-âge se jetèrent contre ces sectaires : l'Eglise crut pouvoir publier contre eux la croisade , et une guerre d'ex- termination commença, à laquelle prirent part, directe ou indirecte, tous les grands personnages de l'Eglise et de l'Etat. On étouffa la doctrine des Albigeois , au moins quant à sa prédominance extérieure ; elle resta sourdement comme semence de toutes les erreurs qui devaient éclater au sei- zième siècle, et les doctrines de son monstrueux mysticisme se perpétuèrent jusqu'à nos jours dans l'hérésie Quiétisie, plus dangereuse ennemie peut-être de la vraie doctrine li- turgique, que le pur rationalisme lui-même.

Une nouvelle branche de la secte , moins mystique et par conséquent plus appropriée aux mœurs de l'Occident , pous- sait à Lyon, sur le même tronc du Manichéisme importé d'Orient, au moment même le premier rameau était me- nacé d'une destruction violente. En 1160, à Lyon, Pierre Valdo , marchand , formait la secte de ces fanatiques turbu- lens connus sous le nom de Pauvres de Lyon, mais surtout sous celui de Vaudois, du nom de leur fondateur. Ce fut alors qu'on put présager l'alliance de l'esprit de la secte avec celui dont Bérenger avait été chez nous le premier organe. Dégagés bientôt des opinions Manichéennes , impopulaires chez nous, ils prêchent surtout la réforme de l'Eglise, et, pour l'effectuer, ils sapent audacieusement tout l'ensemble de son culte. D'abord , pour eux , il n'y a plus de Sacerdoce , tout laïque est Prêtre ; le Prêtre , en péché mortel , ne consacre plus; par conséquent , plus d'Eucharistie certaine; les Clercs ne peuvent posséder les biens de la terre ; on doit avoir en horreur les Eglises, le saint Chrême, le culte de la Sainte Vierge et des Saints, la prière pour les morts. Il faut

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en référer sur toutes choses à rEcrilure Sainte , etc. Les Vaudois trouvent la morale de l'Eglise scandaleuse pour son relâchement , et affichent môme une rigueur de conduite qui contraste avec les débordemens des Albigeois.

Mais la France n'était pas le seul théâtre de cette réaction violente contre la forme dans le CathoHcisme. A la fin du quatorzième siècle , Wiclef se levait en Angleterre et faisait entendre presque tous les blasphèmes des Vaudois. Cepen- dant, comme tout système d'erreur en religion a besoin, pour avoir quelque consistance, de s'appuyer de près ou de loin sur le Panthéisme , le Mysticisme Gnostique ne pouvant convenir aux masses, chez nous surtout, comme nous l'avons remarqué, Wiclef imagina d'étayer ses doctrines dissolvantes sur un système de fatalisme dont la source était une vo- lonté immuable de Dieu, dans laquelle se trouvaient absorbées toutes les volontés des créatures.

Vers le même temps , Jean Hus dogmatisait en Allemagne et préparait cette immense révolte qui allait séparer, pour des siècles, des nations entières de la Communion Romaine. Lui aussi appuyait fortement sur des conséquences exagé- rées du dogme de la Prédestination, et passant à la pratique, humiHait le Sacerdoce devant le Laicisme, prêchait la Içcture de l'Ecriture Sainte aux dépens de la Tradition , et rompait en visière à l'autorité souveraine en matière liturgique , par les réclamations qu'il faisait entendre pour l'usage du Calice dans la communion laïque.

Vint enfin Luther , qui ne dit rien que ses devanciers n'eussent dit avant lui , mais prétendit affranchir, en même temps, l'homme de la servitude de la pensée à l'égard du pouvoir enseignant , et de la servitude du corps à l'égard du pouvoir liturgique. Calvin et Zwingle le suivirent, ti'aînanl après eux Socin, dont le naturalisme pur était la conséquence

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immédiate des doctrines préparées depuis tant de siècles. Mais à Socio toute erreur liturgique s'arrête ; la Liturgie , toujours de plus en plus réduite, n'arrive pas jusqu'à lui. Maintenant, pour donner une idée des ravages de la secte Anti-liturgiste , il nous a semblé nécessaire de résumer la marche des prétendus réformateurs du Christianisme, depuis trois siècles, et de présenter l'ensemble de leurs actes et de leur doctrine sur l'épuration du culte divin. Il n'est pas de spectacle plus instructif et plus propre à faire comprendre les causes de la propagation rapide du Protes- tantisme. On y verra l'œuvre d'une sagesse diabolique agis- sant à coup sûr, et devant infailliblement amener de vastes résultats.

Le premier caractère de l'hérésie Anti-liturgiste est la haine de la Tradition dans les formules du culte divin. On ne saurait contester ce caractère spécial dans tous les héré- tiques que nous avons nommés , depuis Vigilance jusqu'à Calvin, et la raison en est facile à expliquer. Tout sectaire voulant introduire une doctrine nouvelle, se trouve infail- liblement en présence de la Liturgie , qui est la tradition à sa plus haute puissance, et il ne saurait avoir de repos qu'il n'ait fait taire cette voix , qu'il n'ait déchiré ces pages qui récèlent la foi des siècles passés. En effet, comment le Lu- théranisme , le Calvinisme , l'Anglicanisme se sont-ils étabhs et maintenus dans les masses? Il n'a fallu pour cela que la substitution de livres nouveaux et de formules nouvelles , aux livres et aux formules anciennes, et tout a été con- sommé. Rien ne gênait plus les nouveaux Docteurs; ils pouvaient prêcher tout à leur aise : la foi des peuples était désormais sans défense. Luther comprit cette doctrine avec une sagacité digne de nos Jansénistes, lorsque , dans la pre- mière période de ses innovations, à l'époque il se voyait

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obligé de garder encore une partie des formes extérieures du eulle latin , il établit le règlement suivant pour la Messe reformée :

a Nous approuvons et nous conservons les Introïts des ^Dimanches et des t'êtes de Jésus-Christ, savoir de Pàque , ' de la Pentecôte et de Noël. Nous préférerions volontiers les ^psaumes entiers d'oà ces Introïts sont tirés, comme on fai- sait autrefois ; mais nous voulons bien nous conformer à » l'usage présent. Nous ne blâmons pas même ceux qui vou- » dront retenir les Introïts des Apôtres , de la Vierge et des » autres Saints , lorsque ces trois Introïts sont tirés des

» PSAUMES ET d'autres ENDROITS DE l'ECRITURE (1). » Il avait

trop en horreur les Cantiques sacrés composés par l'Eglise elle-même pour l'expression publique de sa foi. Il sentait trop en eux la vigueur de la Tradition qu'il voulait bannir. En reconnaissant à l'Eglise le droit de mêler sa voix dans les assemblées saintes aux oracles des Ecritures , il s'exposait par-là môme à entendre des milhons de bouches anathéma- tiser ses nouveaux dogmes. Donc, haine à tout ce qui, dans la Liturgie, n'est pas exclusivement extrait des Ecritures Saintes.

2" C'est en effet le second principe de la secte Anti-litur- gisle , de remplacer les formules de style ecclésiastique par lies lectures de l'Ecriture Sainte. Elle y trouve deux avan- tages ; d'abord , celui de faire taire la voix de la Tradition (ju'elle craint toujours ; ensuite un moyen de propager et d'appuyer ses dogmes, par voie de négation, ou d'affîrma- lion. Par voie de négation , en passant sous silence , au moyen d'un choix adroit, les textes qui expriment la doc- trine opposée aux erreurs qu'on veut faire prévaloir; par voie

il) Lcbiuu; li^i'llaiioude h Messe, Tom. IV. \'»'6. 15.

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d'affirmation , en meltant en lumière des passages tronqués qui, ne montrant qu'un des côtés de la vérité , cachent l'autre aux yeux du vulgaire. On sait depuis bien des siècles que la préférence donnée, par tous les hérétiques, aux Ecritures Saintes sur les Définitions Ecclésiastiques, n'a pas d'autre raison que la facilité qu'ils ont de faire dire à la Pa- role de Dieu tout ce qu'ils veulent, en la laissant paraître ou l'arrêtant à propos. Nous verrons ailleurs ce qu'ont fait en ce genre les Jansénistes, obligés, d'après leur système, à garder le lien extérieur avec l'Eglise ; quant aux Protestans, ils ont presque réduit la Liturgie toute entière à la lecture de l'Ecriture, accompagnée de discours dans lesquels on l'interprète par la raison. Quant au choix et à la déter- mination des livres canoniques, ils ont fini par tomber au caprice du réformateur, qui , en dernier ressort , décide non plus seulement du sens de la parole de Dieu, mais du fait de cette parole. Ainsi , Martin Luther trouve que , dans son système de Panthéisme , l'inutilité des œuvres et la suffisance de la foi sont dogmes à établir, et dès-lors il déclarera que l'Epître de saint Jacques est une Epître de paille ^ et non une Epître Canonique , par cela seul qu'on y enseigne la nécessité des œuvres pour le salut. Dans tous les temps, et sous toutes les formes , il en sera de même ; point de formules ecclésias- tiques; l'Ecriture seule, mais interprétée, mais choisie, mais présentée par celui ou ceux qui trouvent leur profit à l'in- novation. Le piège est dangereux pour les simples, et ce n'est que long-temps après que l'on s'aperçoit qu'on a été trompé, et que la parole de Dieu, ce glaive à deux tranchants, comme parle l'Apolre , a fait de grandes blessures , parce qu'elle était maniée par les fi!s de perdition.

5" Le troisième piincipe des hérétiques sur la réforme de la Liturgie est , après avoir expulsé les formules ecclésias-

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tiques et proclamé la nécessité absolue de n'employer que les paroles de l'Ecriture dans le service divin , voyant ensuite que l'Ecriture ne se plie pas toujours , comme ils le vou- draient, à toutes leurs volontés; leur troisième principe, disons-nous, est de fabriquer et d'introduire des formules nouvelles , pleines de perfidie , par lesquelles les peuples sont plus solidement encore enchaînés à l'erreur , et tout l'édifice de la réforme impie consolidé pour des siècles.

4." On ne doit pas s'étonner de la contradiction que l'hé- résie présente ainsi dans ses œuvres , quand on saura que le quatrième principe , ou , si l'on veut , la quatrième néces- sité imposée aux sectaires par la nature même de leur état de révolte , est une habituelle contradiction avec leurs propres principes. Il en doit être ainsi pour leur confusion dans ce grand jour, qui vient tôt ou tard , Dieu révèle leur nudité à la vue des peuples qu'ils ont séduits , et aussi parce qu'il ne tient pas à l'homme d'être conséquent ; la Vérité seule peut l'être. Ainsi , tous les sectaires , sans exception, commencent par revendiquer les droits de l'an- tiquité; ils veulent dégager le Christianisme de tout ce que l'erreur et les passions des hommes y ont mêlé de faux et d'indigne de Dieu ; ils ne veulent rien que de primitif, et prétendent reprendre au berceau l'institution Chrétienne. A cet effet, ils élaguent, ils effacent, ils retranchent; tout tombe sous leurs coups, et lorsqu'on s'attend à voir repa- raître dans sa première pureté le culte divin , il se trouve qu'on est encombré de formules nouvelles qui ne datent que de la veille, qui sont incontestablement humaines, puisque celui qui les a rédigées vit encore. Toute secte subit cette nécessité ; nous l'avons vu chez les Monophysites , chez les Nestoriens ; nous retrouvons la même chose dans toutes les branches de Protestans. Leur affectation à prêcher l'anii^ T, I. 27

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quitén'â abouti qu'à les mettre en mesure débattre en brèche tout le passé , et puis ils se sout posés en face des peuples séduits , et leur ont juré que tout était bien , que les super- fétations F'apisles avaient disparu , que le culte divin était remonté à sa sainteté primitive. Remarquons encore une chose caractéristique dans le changement de la Liturgie par les hérétiques. C'est que, dans leur rage d'innovation, ils ne se contentent pas d'élaguer les formules de style ecclésias- tique, qu'ils flétrissent du nom de p3ivo\e humaine , mais ils étendent leur réprobation aux lectures et aux prières mêmes que l'Eglise a empruntées à l'Ecriture; ils changent , ils sub- stituent , ne voulant pas prier avec l'Eglise , s'excommuniant ainsi eux-mêmes , et aussi craignant jusqu'à la moiadre par- celle de l'orthodoxie qui a présidé au choix de ces passages. S" La réforme de la Liturgie étant entreprise par les sec- taires dans le même but que la réforme du dogme dont elle est la conséquence, il s'ensuit que, de même que les Protes- tans se sont séparés de l'unité afin de croire moins , ils se sont trouvés amenés à retrancher dans le culte toutes les ce- rémonies, toutes les formules qui expriment des mystères. Ils ont taxé de superstition , d'idolâtrie, tout ce qui ne leur semblait pas purement rationel, restreignant ainsi les expres- sions de la foi , obstruant par le doute et même la négation toutes les voies qui ouvrent sur le monde surnaturel. Ainsi, plus de Sacrements , hors le Baptême , en attendant le So- ciniauisme qui en affranchira ses adeptes ; plus de Sacra- mentaux, de Bénédictions, d'Images, de Reliques des Saints, de Processions, de Pèlerinages, etc. 11 n'y a plus d'autel, mais seulement une table ; plus de sacrifice , comme dans toute religion, mais seulement une cène; plus d'église, mais beulement un temple , comme chez les Grecs et les Romains ; plu5 d'architecture religieuse , puisqu'il n'y a plus de mys-

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lères; plus de peinture et de sculpture chrétiennes, puisqu'il n'y a plus de religion sensible ; enfin , plus de poésie dans un culio , qui n'est fécondé ni par l'amour, ni par la foi.

G" La suppression des choses mystérieuses dans la Li- turgie protestante devait produire infailliblement l'extinction totale de cet esprit de prière qu'on appelle Onction dans le Ca- tholicisme. Un cœur révolté n'a point d'amour, et un cœur sans amour pourra tout au plus produire des expressions passables de respect , ou de crainte , avec la froideur su- perbe du Pharisien ; telle est la Liturgie Protestante. On sent que celui qui la récite s'applaudit de n'être pas du nombre de ces Chrétiens Papistes qui rabaissent Dieu jusqu'à eux par la familiarité de leur langage vulgaire.

Traitant noblement avec Dieu, la Liturgie Protestante n'a point besoin d'intermédiaires créés. Elle croirait manquer au respect à l'Etre Souverain, en invoquant l'intercession de la Sainte Vierge, la protection des Saints. Ell^ exclut toute cette idolâtrie papiste qui demande à la créature ce qu'on ne doit demander qu'à Dieu seul ; elle débarrasse le Calendrier de tous ces noms d'hommes que l'Eglise Romaine inscrit si témé- rairement à côté du nom de Dieu ; elle a surtout en horreur ceux des Moines et autres personnages des derniers temps qu'on y voit figurer à côté des noms révérés des Apôtres que Jésus-Christ a choisis , et par lesquels fut fondée cette Eglise Primitive qui seule fut pure dans la foi et franche de toute superstition dans le culte , et de tout relâchement dans la morale.

8" La réforme liturgique ayant pour une de ses fins prin- cipales l'abolition des actes et des formules mystiques, il s'ensuit nécessairement que ses auteurs devaient revendiquer l'usage de la langue vulgaire dans le service divin. Aussi, est-ce un des points les plus importants aux yeux des sec-

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taires. Le culte n'est pas une chose secrète , disent-ils ; il faut que le peuple entende ce qu'il chante. La haine de la langue latine est innée au cœur de tous les ennemis de Rome ; ils voient en elle le lien des Catholiques dans l'univers, l'arsenal de l'orthodoxie contre toutes les subtilités de l'esprit de secte , l'arme la plus puissante de la Papauté. L'esprit de révolte qui les pousse à confier à l'idiome de chaque peuple, de chaque province , de chaque siècle , la prière universelle, a, du reste, produit ses fruits , et les Réformés sont à même tous les jours de s'apercevoir que les peuples Catholiques, en dépit de leurs prières latines , goûtent mieux et accom- plissent avec plus de zèle les devoirs du culte que les peuples Protestants. Â chaque heure du jour, le service divin a lieu dans les Eglises Catholiques ; le fidèle qui y assiste laisse sa langue maternelle sur le seuil ; hors les heures de la prédi- cation, il n'entend que des accens mystérieux qui même cessent de retentir dans le moment le plus solennel, au Canon de la Messe ; et cependant ce mystère le charme tellement qu'il n'envie pas le sort du Protestant dont l'oreille n'entend jamais que des sons dont elle perçoit la signification. Tandis que le Temple Réformé réunit , à grande peine, une fois la se- maine, les Chrétiens puristes, l'Eglise Papiste voit sans cesse ses nombreux autels assiégés par ses reUgieux enfans , qui s'arrachent à leurs travaux pour venir entendre ces paroles mystérieuses qui doivent être de Dieu , car elles nour- rissent la foi et charment les douleurs. Avouons-le , c'est un coup de maître du Protestantisme d'avoir déclaré la guerre à la langue sainte ; s'il pouvait réussir à la détruire , son triomphe serait bien avancé. Offerte aux regards profanes, comme une vierge déshonorée, la Liturgie , dès ce moment , a perdu son caractère sacré , et le peuple trouvera bientôt que ce n'est pas trop la peine qu'il se dérange de ses travaux

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OU de ses plaisirs pour aller enlendre parler comme ou parle sur la place publique. Oiez à l'Eglise Française ses déclamations radicales et ses diatribes contre la prétendue vénalité du clergé , et allez voir si le peuple ira long-temps écouler le soi-disant Primat des Gaules crier : Le Seigneur soit avec vous ; et d'autres lui répondre : Et avec votre es- prit. Nous traiterons ailleurs, d'une manière spéciale, de la langue liturgique.

9" En ôtant de la Liturgie le mystère qui abaisse la raison, le Protestantisme n'avait garde d'oublier la conséquence pra- tique , savoir l'affranchissement de la fatigue et de la gêne qu'imposent aux corps les pratiques de la Liturgie Papiste. D'abord , plus de jeûne , plus d'abstinence ; plus de génu- flexion dans la prière ; pour le ministre du temple , plus d'oflices journaliers à accomplir , plus même de prières ca- noniales à réciter, au nom de l'Eglise. Telle est une des formes principales de la grande émancipation protestante : dimi- nuer la somme des prières publiques et particulières. L'évé- ment a montré bientôt que la foi et la charité qui s'ali^ mentent par la prière , s'étaient éteintes dans la Réforme , tandis qu'elles ne cessent, chez les Cathodiques, d'alimenter tous les actes de dévouement à Dieu et aux hommes , fécon- dées qu'elles sont par les ineffables ressources de la prière Li- turgique accomplie par le Clergé séculier et régulier, auquel s'unit la communauté des fidèles.

40'^ Comme il fallait au Protestantisme une règle pour discerner parmi les institutions papistes celles qui pou- vaient être les plus hostiles à son principe, il lui a fallu fouil- ler dans les fondemens de l'édifice (catholique , et trouver la pierre fondamentale qui porte tout. Sou instinct lui a fait dé- couvrir tout d'abord ce dogme inconciliable avec toute inno- vation : la puissance Papale. Lorsque Luther écrivit sur sa

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bannière : Haine à Rome et à ses lois , il ne faisait que pro- mulguer une fois de plus le grand principe de toutes les branches delà secte Anti-Iiturgiste. Dès lors, il a fallu abro- ger en masse le culte et les cérémonies , comme l'idolâtrie de Rome; la langue latine , l'Office divin, le Calendrier, le Bréviaire, toutes abominations de la grande Prostituée de Babylone. Le Pontife Romain pèse sur la raison par ses dogmes, sur les sens par ses pratiques rituelles; il faut donc proclamer que ses dogmes ne sont que blasphème et erreur , et ses observances liturgiques, qu'un moyen d'asseoir plus fortement une domination usurpée et tyrannique. C'est pourquoi , dans ses Litanies émancipées, l'Eglise Luthérienne continue de chanter naïvement : De l'homicide fureur, ca- lomnie^ rage et férocité du Turc et du Pape, délivrez-nous. Seigneur (1). C'est ici le lieu de rappeler les admirables considérations de Joseph de Maistre , dans son livre du Pape, il montre, avec tant de sagacité et de profon- deur , qu'en dépit des dissonances qui devraient isoler les unes des autres les diverses sectes séparées, il est une qualité dans laquelle elles se réunissent toutes, celle de non Romaines. Imaginez une innovation quelconque , soit en matière de dogme, soit en matière de discipline, et voyez s'il est possible de l'entreprendre sans encourir , bon gré malgré, la note de non Romain, ou si vous voulez de moins Romain, si on manque d'audace. Reste à savoir quel genre de repos pourrait trouver un Catholique dans la pre- mière , ou même dans la seconde de ces deux situations.

11° L'hérésie Anti-hturgisie , pour établir à jamais son règne, avait besoin de détruire en Aut et en principe tout Sacerdoce dans le Christianisme ; car elle sentait que

(1) Lntherisches Gesangbuch. Leipzig. Pag. fl67.

LITUnCIQUES. 423

il y a un Pontife , il y a un Autel , et que il y a un Autel , il y a un Sacrifice , et partant un Cérémonial mys- térieux. Après donc avoir aboli la qualité du Pontife Su- prême , il fallait anéantir le caractère de l'Evêque , duquel émane la mystique imposition des mains qui perpétue la Hiérarchie sacrée. De un vaste Presbytérianisme , qui n'est que la conséquence immédiate de la suppression du Pontificat souverain. Dès-lors , il n'y a plus de Prêtre pro- prement dit; comment la simple élection, sans consécration, ferait-elle un homme sacré? La réforme de Luther et de Calvin ne connaîtra donc plus que des Ministres de Dieu, ou des hommes, comme on voudra. Mais il est impossible d'en rester là. Choisi, installé par des laïques , portant dans le temple la robe d'une certaine magistrature bâtarde , le Ministre n'est qu'un laïque revêtu de fonctions accidentelles; il n'y a donc plus que des laïques dans le Protestantisme; et cela devait être, puisqu'il n'y a plus de Liturgie, comme il n'y a plus de Liturgie , puisqu'il n'y a plus que des laïques.

1^' Enfin, et c'est le dernier degré de l'abrut ssement, le Sacerdoce n'existant plus, puisque la hiérarchie est morte, le prince, seule autorité possible entre laïques, se procla- mera Chef de la Religion , et l'on verra les plus fiers réfor- mateurs , après avoir secoué le joug spirituel de Rome , reconnaître le Souverain temporel pour Pontife Suprême, et placer le pouvoir sur la Liturgie parmi les attributions du droit majestatique. Il n'y aura donc plus de dogme, de morale, de Sacrements, de culte, de Christianisme, qu'autant qu'il plaira au prince , puisque le pouvoir absolu lui est dévolu sur la Liturgie par laquelle toutes ces choses ont leur expression et leur application dans la communauté des fidèles. Tel est pourtant l'axiome fondamental de la Réforme, et dans la pra-

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tique et dans les écrits des docteurs protestans. Ce dernier trait achèvera le tableau, et mettra le lecteur à même déjuger de la nature de ce prétendu affranchissement, opéré avec tant de violence à l'égard de la Papauté, pour faire place ensuite, mais nécessairement, à une domination destructive de la na- ture même du Christianisme. Il est vrai que, dans lescommen- cemens, la secte Anti-hlurgiste n'avait pas coutume de flatter ainsi les puissans : Albigeois, Vaudois , "Wiclefites, Hussites , tous enseignaient qu'il fallait résister et même courir sus à tous princes et magistrats qui se trouvaient en état de pé- ché , prétendant qu'un prince était déchu de son droit , du moment qu'il n'était pas en grâce avec Dieu. La raison de ceci est que ces sectaires craignant le glaive des princes Catholiques, Evêques du dehors, avaient tout à gagner en rainant leur autorité. Mais du moment que les Souverains, associés à la révolte contre l'Eghse, voulaient faire de la Religion une chose nationale , un moyen de gouvernement, la Liturgie réduite, aussi bien que le dogme, aux limites d'un pays, ressortait naturellement de la plus haute autorité de ce pays , et les réformateurs ne pouvaient s'empêcher d'é- prouver une vive reconnaissance envers ceux qui prêtaient ainsi le secours d'un bras puissant à l'établissement et au maintien de leurs théories. Il est bien vrai qu'il y a toute une apostasie dans cette préférence donnée au temporel sur le spirituel , en matière de religion ; mais il s'agit ici du besoin même de la conservation. Il ne faut pas seulement être con- séquent , il faut vivre. C'est pour cela que Luther, qui s'est séparé avec éclat du Pontife de Piome , comme fauteur de toutes les abominations de Babylone , ne rougit pas lui-même de déclarer théologiquemenl la légitimité d'un double ma- riage pour le Landgrave de Hesse ; et c'est pour cela aussi que l'Abbé Grégoire trouve dans ses principes le moyen de

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s'assor.i(M' toiil à la fois au vole de mort contre I.oiiis XVI , à la Convention , el de se faii'e le clianipion de Louis XiV et de Joseph II contre les Pontifes Romains.

Telles sont les principales maximes de la secte Ânli-litur- giste. Nous n'avons, certes, rien exagéré; nous n'avons fait que relever la doctrine cent fois professée dans les écrits de Luther , de Calvin , des Centuriateurs de Magde- bourg , de Ilospinien , de Kemnitz , etc. Ces livres sont faciles à consulter, ou plutôt l'œuvre qui en est sortie est sous les yeux de tout le monde. Nous avons cru qu'il était utile d'en mettre en lumière les principaux traits. Il y a tou- jours du profit à connaître l'erreur; l'enseignement direct est quelquefois moins avantageux et moins facile. C'est main- tenant au logicien catholique de tirer la contradictoire.

426 INSTITUTIONS

CHAPITRE XV.

RÉFORME CATHOLIQUE DE LA LITURGIE. PAUL IV. PIE IV. CONCILE DE TRENTE. SAINT PIE V. BRÉVIAIRE ROMAIN. MISSEL ROMAIN. INTRODUCTION DE LA LITURGIE RÉFORMÉE EN ITALIE, EN ESPAGNE, EN FRANCE ET DANS LE RESTE DE

l'occident. PALtSTRINA. SIXTE-QUINT. CONGRÉGATION

DES RITES. GRÉGOIRE XIII. RÉFORME DU CALENDRIER. MARTYROLOGE ROMAIN. CLÉMENT VIII. PONTIFICAL RO- MAIN. CÉRÉMONIAL ROMAIN. AUTEURS LITURGISTES DU SEIZIÈME SIÈCLE.

Le seizième siècle, au sein duquel les véritables doctrines liturgiques avaient souffert de si rudes atteintes , et qui avait été témoin des reformes mal avisées de Ferreri et de Qui- gnonez , devait néanmoins voir s'accomplir une véritable , solide et légitime réforme ; mais c'était aux Pontifes Romains qu'il était réservé de l'entreprendre par eux-mêmes et de la consommer. Comme toujours, le Clergé Régulier dut influer sur une œuvre si importante ; mais ce n'étaient déjà plus les Franciscains. A l'action insuffisante des Ordres Mendians s'é- tait adjoint le zèle de cette nouvelle branche qui venait de pousser au grand arbre de l'Etat Religieux, et qu'on dési- gnait sous le nom de Clercs réguliers. Les plus anciens de cette milice, les Théatins, fondés par saint Gaétan de Thienne, attachèrent leur nom à la première tentative de réforme li- turgique qui puisse être prise au sérieux, et préparèrent le grand résultat obtenu plus lard par Saint Pie V. Clément VII, le même qui chargea Quignonez de travailler à un nouveau

LITURGIQUES. 427

Bréviaire, avait donné la môme commissionàSaint Gaétan et à Jean-Pierre Caraffa, l'un de ses premiers associés, qui plus tard fut Pape sous le nom de Paul IV. Le Bref qui leur con- fère celte marque de haute confiance Apostolique existe en- core dans les Annales des Tliéatins (1) , il porte la date du 21 janvier 15!29. Le Bréviaire de Quignonezfutpréféré, parce que sans doute il était moins long, et disposé dans une forme I)lus élégante : celui des Théalins , en partie à Caraffa, alors Evéque de Chieti, ne se recommandait que parle main- tien des antiques et vénérables usages , par l'épuration des histoires apocryphes , la correction des Rubriques , la sub- stitution des vraies Leçons des Saints Pères à des Homéhes tirées d'auteurs hétérodoxes, tels que Origène, Eusèbe Emis- sène , etc. (2) Caraffa était trop grand amateur de l'antiquité et trop grave pour ne pas dédaigner l'œuvre de Quignonez ; il suivit donc l'exemple de saint François Xavier, et montra, même ouvertement, son mépris pour le Bréviaire de ce Car- dinal (3). Il vint à monter, en loo5, sur la Chaire de Saint Pierre , et l'un de ses premiers soins fut de déclarer qu'on n'accorderait plus, à l'avenir, la permission d'user de celte Liturgie abrégée, bien qu'il ne jugeât pas encore à propos de retirer les facultés d'en user qui avaient été antérieurement obtenues. Il se remit ensuite à travailler avec ardeur à la rédaction de son Bréviaire réformé ; mais comme il voulait accomplir par lui-même cette œuvre si importante et si digne d'un Pape , il arriva qu'étant détourné par les nombreuses et

(t) Silos. Hist. Theatin. Lib. III. Jpud Bolland. Tom. 11. /.uqwt. die F/1, pag. 2^1.

(2) Vita e gesti di Gio : Pietro Caraffa , cioè di Paolo IV. Pontefice Massimo , raccoUi dal P. D. Aatonio Caracciolo. MSS. de i'an 1633, cité par Arevalo , Hymnodia Hispanica. pag. 592 et seq.

(3) Ibidem,

428 INSTITUTIONS

graves préoccupations de la dignité suprême , il ne put ar- river à mettre ce Bréviaire en état d'être promulgué. Il mourut en doo9, après quatre ans d'un Pontificat énergique, qu'il avait commencé ayant déjà atteint sa soixante-dix- neuvième année.

Après la mort de Paul IV, Pie IV, son successeur, mit tous ses soins à la continuation du Concile ouvert à Trente sous Paul III, en lo4o, et depuis suspendu à diverses fois. Paul IV, dans son zèle ardent pour les droits du Siège Apostolique , n'avait pas voulu consentir à la reprise des travaux de ce Con- cile , persuadé que l'autorité du Pontife Romain , employée avec fermeté et persévérance , suffisait pour accomplir la réforme de l'Eglise. Au reste, Paul IV était digne de concevoir une pareille espérance ; mais il était dans les plans de la di- vine Providence que, pour s'accommoder davantage aux idées et aux prétentions de ce siècle , un Concile , entravé d'ailleurs en mille manières par les puissances et les natio- nalités temporelles, eût lapins grande part à l'œuvre de la réforme catholique. Il est vrai aussi d'ajouter que cette assemblée eut le bonheur de se sentir dirigée par des Légats dévoués au Siège Apostolique , dont ils recevaient et trans- mettaient les instructions , et qu'une suite de grands Pon- tifes , saint Pie V, Grégoire XIII , Sixte-Quint, Clément VIII, Grégoire XV, se montra disposée à appliquer les Canons de Trente avec cette vigueur inviolable qui en a fait pénétrer l'esprit et les maximes dans toutes les institutions catholiques, depuis cette grande époque.

Paul IV avait pensé que la réforme de la Liturgie ne pou- vait se faire qu'à Rome; qu'elle devait être l'œuvre propre d'un Pontife Romain , successeur des Gélase et des Grégoire. Il ne tint pas à Pie IV, comme nous verrons, que cette ré- forme ne se fit à Trente: mais le divin auteur de l'Eglise,

LITURGIQUES. 429

qui a établi Rome mélropole du gouvernement ecclésias- lique, cl sou Eglise la Mère de tous les fidèles, sut bien amener les choses au point elles devaient être, et la pu- blication de la Liturgie réformée se fit définitivement par l'autoriié du Souverain Pontife , dans cette capitale du Ca- tholicisme. Avant de racontei' ce grand événement , il est nécessaire que nous donnions quelques détails sur les dis- positions dans lesquelles se trouvait le Concile au sujet de la réforme liturgique.

Nous avons parlé , au chapitre précédent , des nécessités qui réclamaient impérieusement l'attention des Pasteurs de l'Eglise, sur la matière si grave du culte divin. Dès l'an 1556, on avait tenu à Cologne un Concile dont les Canons, très -expressifs, sont de la plus haute importance pour caractériser les élémens qui se remuaient alors au sein de l'Eglise. Il fut assemblé par le fameux Archevêque Hermann, qui eut depuis le malheur d'embrasser le Luthéranisme. Cette circonstance explique plus que suffisamment l'extrême liberté avec laquelle la discipline de cette époque se trouve parfois qualifiée dans les Actes de ce Concile. Sur l'article de la Liturgie , au sixième et onzième Canon de la seconde partie , on articule le projet d'une réforme ; on affirme que le Bréviaire se trouve contenir des histoires dépour- vues d'autorité et de gravité , plainte qui n'aurait rien eu que de très-légitime ; mais on émet hardiment le vœu de voir supprimer même les histoires authentiques , pour les rem- placer par de simples lectures de l'Ecriture Sainte (1). Quant au Missel , les Pères réprouvent , avec raison , plusieurs

(1) Nam cum olim a sanctissimis patribus inslitulum sil, ut solse scripturse sacric in Ecclesia recitarentur, nt scimus qua incuria acci- dent , ut in eaïuin locum successerint alia cum bis neutiquam compa- randa , atque intérim bistoriie sauctorum tam inculte ac tam negligenti

456 INSTITUTlOiNS

innovations qu'on y avait introduites , et qui offensaient le respect au plus auguste des mystères (1). La prétention émise ici sur l'Ecriture Sainte , comme matière unique de la Liturgie, avait déjà été exprimée en Allemagne , dans les ar- ticles de réforme proposés par l'Empereur au Concile de Bâle(2).

Dans la première période du Concile de Trente , les Pères n'eurent pas le loisir de s'occuper de la Liturgie ; mais on a vu plus haut, que déjà des réclamations en forme avaient été déposées contre le Bréviaire de Quignonez. Le Concile ayant été momentanément suspendu, nous retrou- vons encore des réclamations concernant la Liturgie, dans un projet de réforme dressé par Charles-Quint, à Augsbourg. On y demande que la forme des prières de l'Eglise soit ra- menée aux institutions des anciens Pères ; que l'on donne à des hommes pieux et doctes le soin de purger les Bréviaires de tout ce qu'ils contiennent d'apocryphe et de moins con-

Judicio conscriptse , ut nec autoritatem habere videantur , nec gravi- latem. Deo itaque auctore, deque coosilio capituli nostri, ac iheolo- gorum , aliorumque piorutn virorum , reformationem Breviariorum medilabimur. Conc. Labb. Tom. XIF. p. 504.

(1) Peculiaria missarum argumenta, recens praeter veterum insti- tutioaem inventa, etiam patribus displicuerunt, quod tantum myste- rium pro affectu cujuslibet tractari non deceat. Prosas indoctas nupe- rius missalibus cteco quodam judicio iiivectas prsetermiuere per nos liceret. Videbimur ergo oper* prelium facturi, si missalia perinde atque Breviaria pervideri curemus, ut amputatis tanlum superfluis, et quœ superstitiosius invecta videri possiut, ea tantum, quae dig- nitati ecclesiœ et priscis instituiis conseutanea fuerint relinquan- tur. Ibidem.

(2) Breviaria et Missalia cxpurganda, resecandaque omnia quae non ex divinissintdesumpta litteris, et tœdiosam prolixitatem psalmorum et orationum, babilo deleciu, contrahendam. article Xll. ViA, Gran- colas. Commentaire hist. sur le Brév. Rom. Tom, /. pag. 20,

LITURGIQUES. 431

forme à la pureté du culte divin (1). A la reprise du Concile, sous Pie IV , on Iroiive dans un mémoire donné au Cardinal de Lorraine qui se rendait à Trente , en 1562 , l'injonction faite à ce Prélat par le Roi et les Etats généraux du royaume d'insister fortement auprès des Pères du Concile sur la né- cessité d'épurer le service divin , de retrancher les supersti- tions, et de revoiries prières et les cérémonies (2). Tous ces faits qui attestent de plus en plus l'urgence de la réforme liturgique , et le zèle que les peuples catholiques mettaient encore au seizième siècle à ce qui concernait le culte divin, montrent en même temps toute la gravité de la situation dans laquelle allait se trouver le Concile , au milieu de toutes CCS prétentions, parmi lesquelles on ne pouvait s'em- pêcher de démêler certaines inspirations plus ou moins suspectes.

Pie IV , qui montra toujours dans la direction du Concile , par ses Légats, un tact si sûr et une si juste intelligence des véritables besoins de l'Eglise , voulant mettre les Pères en mesure d'accomplir , suivant toutes les convenances cano- niques, l'œuvre tant désirée de la Réforme Liturgique , leur envoya le travail de Paul IV. C'était leur tracer la ligne la plus sûre, puisque ce grand Pape n'avait eu en vue dans sa réforme que de rapprocher le Bréviaire des sources Grégo- riennes et de le dégager des additions arbitraires, ou peu séantes, qu'on s'était permis d'y faire, dans les derniers siècles. Le Concile, préoccupé des graves objets qui remplissent ses

(1) Breviarium ia formam precum et orationum ab antiquis Eccle- ste palribus et recloribus iraditam praescriptamque redigondum; in- super apocry|iLa , paruraque ad sincerum cultum pertiiio:,lia a Bre- viariis resecanda. rid. Benedict. XIF. De Canonhalione Sanclornm. Lib. IF. part. IL Cap. 15.

(•2) Hibtoire Ecclcs. deFI'aury, Coutiuualion. Tom XXXIII. i)ag, li.

4.32 INSTITUTIONS

Sessions, de la dix-huitième à la vingt-cinquième , se trouva être arrivé à l'an 1563, avant que la commission chargée par lui de la réforme du Bréviaire eût eu assez de loisir pour ter- miner son œuvre. Deux sentimens semblaient partager l'as- semblée : les uns voulaient qu'on établît une parfaite unité liturgique dans toute l'EgUse , les autres soutenaient les rites particuliers des diocèses. Les Légats , voyant que la décision d'une si importante affaire, jointe à la lenteur qu'en- traînerait infailliblement la correction faite en détail de l'ensemble de la Liturgie, car il ne s'agissait pas seulement du Bréviaire , mais encore du Missel , proposèrent au Concile de renvoyer ce soin au Pontife Romain ; ce qui fut approuvé dans la vingt-cinquième session (1). Il y eut bien quelques Prélats qui manifestèrent de l'opposition. L'Evêque de Lérida, entre autres, prononça un long discours pour prouver qu'on avait bien plus de ressources dans le Concile pour traiter un si important objet qu'on n'en pourrait avoir à Rome , l'on n'avait point une connaissance aussi exacte des usages des différents pays. Cette prétention ne fut pas écoutée et ne devait pas l'être , pour peu que l'on voulût arrivera une conclusion quelconque. En effet, il ne s'agis^ sait pas de donner une nouvelle Liturgie , mais simplement d'épurer , de ramener à la forme antique celle de l'Eglise d'Occident. Or, cette Liturgie était celle de Rome ; ses sources étaient à Rome ; cette capitale de l'Eglise Catho- lique était donc le seul endroit la correction liturgique pût s'accomplir. Si le Concile de Trente, pour rétablir l'u- nité, eût voulu faire un ensemble de tous les usages épars dans les divers Diocèses de l'Occident , il n'eût réussi

(1) Conc. Trid. Sess. XXV. Decretum de Indice librorum,et Cate- chismo , Breviario et Missad.

LITURGIQUES, 455

qu'à produire un ensemble nioiislrueux el iiicohéient qui n'eùl ict;il)li l'uiiilé qu'en froissant à plaisir loulcs K'S pn';- leniions locales , allumanl ainsi une guerre entre les Kglises dont les usages eussent été prélérés, et celles qui auraient ci'u voir leurs coutumes tombées dans le mépris.

Le Concile, en remettant au l^oniile ilomain la réforme du Bréviaire, du Missel et du Kituel, ne fit donc autre chose que de proclamer une fois de plus la nécessité pour toute l'Eglise d'Occident , de suivre la Liturgie de l'Eglise Mère et Maîtresse. On rapporta à Home les manuscrits de Paul IV, et toutes les pièces du travail qu'avaient exécuté, dans la même ligne , les commissaires du Concile. Pie IV manda en même temps auprès de lui ces derniers, et leur adjoignit plusieurs doctes personnages de Rome ; mais ce Pape ayant été pré- venu par la mort , saint Pie V , son successeur , prit en main ce grand œuvre et ajouta aussi de nouveaux commis- saires pour en hâter la consommation (i). Nous n'avons pu découvrir jusqu'ici, malgré toutes nos recherches, les noms de tous les membres de cette importante commission. Merali se borne à nous faire connaître le Cardinal Bernardin Scotti , et Thomas Golduelli , Evéquc d'Âsaf , tous deux de l'ordre des Théatins auquel appartient la plus grande part de l'hon- neur de la correction liturgique du seizième siècle (2). Zac- caria pense , avec Lagomarsini , qu'il faut attribuer aussi une action importante sur cette œuvre au Cardinal Guillaume Sirlet et au docte Jules Poggio (3).

Nous exposerons ici , en peu de mots , les principes qui présidèrent à la correction du Bréviaire de saint Pie V.

(1) Benedicl. XtV. Ibidem.

(•2) Merati. Tom. III. Edit. Venet. pag. 15.

(3) Zaccaria, Bibliolheca Ritualis. Tom. I. pag. H6.

T. I.

434 INSTITUTIONS

D'abord, l'idée fondamentale de Paul IV, et de ses confrères les Théatins , idée adoptée par le Concile de Trente et par Pie IV, mais diamétralement opposée à celle de Quignonez , était qu'il n'y avait d'autre réforme de la Liturgie à accom- plir, que de la rapprocher des sources antiques, en rejetant la distinction d'un Oflice récité en particulier et d'un Office public. Il fallait donc consulter les plus anciens manuscrits et rétablir l'ordre et la disposition qu'ils offraient, tant dans le Psautier que dans le partage des livres de l'Ecriture, dans les Répons, les Antiennes et les Hymnes. Par ce moyeu, l'Eglise demeurait semblable à elle-même.

Quant aux fêtes des nouveaux Saints, les correcteurs jugèrent devoir se montrer très-sobres à les admettre, non par un amour systématique de l'Office férial, mais pour ne pas usurper la place des âges suivans. Ils conservèrent donc un certain nombre d'Offices en l'honneur des Saints admis au Calendrier depuis saint Crégoire ; mais on eut soin que ces Offices, ordinairement réduits aux leçons du second îVocturne , n'eussent plus ni Hymnes , ni Antiennes propres, pour prévenir un encombrement qu'un zèle mal réglé n'eût pas manqué de produire dans un temps plus ou moins long. Les Propres des diverses Eglises devaient suppléer à ce que le Bréviaire général ne renfermerait pas.

Le nombre des fêtes des Saints se trouvant réduit de beaucoup , les correcteurs se virent en mesure d'assigner à l'Office férial deux cents jours environ sur l'année , et par tomba le reproche que faisait Quignonez au Bréviaire de son temps , de priver les Clercs de la récitation hebdoma- daire du Psautier.

On remit en vigueur le Canon de S. Grégoire VII, sur le par- tage des saintes Ecritures dans les leçons de Matines.Il n'y eut que les Paialipomènes , Ebdras et Bai'uch , pour lesquels il

LITURGIQUES. 45r>

ne se trouva pas de place : mais le choix des passages fut fait avec tant de goût et de précision, que l'on peut dire que leur ensemble donne un aspect aussi complet des saintes Ecritures , que celui même que peut fournir le Bré- viaire de Quignonez, dans la préfïice duquel on promet, il est vrai, la lecture annuelle de la Bible : promesse qui n'est cependant pas remplie.

Les Homélies et autres passages des Saints Pères sont choisis , pour l'ordinaire , avec un discernement supérieur. S'il en est quelques-uns empruntés à des livres que la cri- tique moderne a reconnus apocryphes , il faut se rappeler que cette science ne faisait alors que de naître , et que les grandes et correctes éditions dont nous jouissons aujour- d'hui n'existaient pas. Un homme impartial n'oserait repro- cher à Baronius et à Bellarmin les taches de ce genre qu'on remarque dans leurs immmortels écrits.

Les Légendes des Saints se montrent purgées de tous les faits apocryphes qu'on y voyait avec peine ; et si , aujour- d'hui , de sévères censeurs ont encore des reproches à faire au Bréviaire romain , sous le rapport de la critique histo- rique , nous les renvoyons à Benoît XIV , qui a traité la ma- tière (1) , en attendant que la marche suivie dans cet ouvrage nous amène à discuter la valeur de cette censure. Quant au style de ces Légendes , on doit reconnaître que s'il offre des variations, parce qu'on jugea à propos d'en retenir quel- ques-unes d'anciennes , le plus grand nombre est d'une ré- daction à la fois élégante et conforme au style liturgique. Nous citerons surtout, dans cette dernière classe, celles des saints Docteurs qui appartiennent d'ordinaire à Sirlet et à Poggio.

(l) De Canonizatione SS. Lib. IV, Part. II. Cap. XIII.

436 INSTITUTIOiSS

Pour ce qui regarde les rubriques du Bréviaire , on put y faire quelques corrections ; mais elles restèrent en somme ce qu'elles étaient. Nous avons exposé au chapitre XIII les principes de l'Eglise sur cette matière , et fait voir combien ils durèrent des maximes de Quignouez.

Tel était le Bréviaire Réformé , conforme , du reste , pour les répons, les antiennes et autres formules dont nous n'a- vons pas parlé eu détail , aux anciens livres Grégoriens , et principalement à l'Àntiphoiiaire ou Responsorial publié par le B. Toramasi. On ne pouvait donc rien voir de plus pur, de plus conforme à l'antiquité ; c'est ce qui fait dire au DoLleur Grancolas, malgré ses préjugés : « Si, au neuvième siècle, »le Bréviaire Romain mérita tant d'applaudissements, et

> d'être préféré à tous ceux dos autres Eglises , il parut avec «plus de lustre , après que le Pape Pie V l'eût fait revoir ;i > aussi, peut-on dire que, depuis ce temps-là, toutes les «Eglises particulières l'ont tellement adopté, que celles qui

> ne l'ont pas pris sous le nom de Bréviaire Romain , l'ont j> presque tout inséré dans le leur, en l'accommodant à leur » rit (I). » Il est vrai que , sous ce dernier rapport, les choses ont quelque peu changé en France , depuis 17:27, époque à laquelle Grancolas écrivait son livre.

Quand tout fut terminé, saint Pie V donna la Bulle pour la promulgation du Bréviaire. Elle commence par ces mots : Quod a nobis. En voici la traduction :

« Pie , Evêque , serviteur des serviteurs de Dieu :

s Obligés par l'office de Notre charge pastoj'ale à mettre

s tous nos soins à procurer , autant que nous le pourrons ,

î par le secours de Dieu , l'exécution des décrets du Concile

»de Trente, nous nous y sentons d'autant pluj tenus dans

(i) Commentaueliisluiique iui le Bréviaire Roniaiu. Tciu. 1. p. 11,

LITURGIQUES. 437

» les choses qui inléressent directement la gloire de Dieu » et les obligations spéciales des personnes ecclésiastiques. «Nous plaçons au premier rang, parmi ces choses, les » prières sacrées, louanges et actions de grâces qui sont » comprises au Bréviaire Romain. Cette forme de l'OlTice ï Divin , établie autrefois avec piété et sagesse par les Sou- ï verains Pontifes Gélase I et Grégoire I , réformée ensuiio » par Grégoire VU , s'étant , par le laps du temps , écartée »de l'ancienne institution, il est devenu nécessaire de la » rendre de nouveau conforme à l'antique règle de la prière, kLcs uns, en effet, ont déformé l'ensemble si harmonieux >de l'ancien Bréviaire , le mutilant en beaucoup d'endroits, » et l'altérant par l'addition de beaucoup de choses incer- » taines et nouvelles. Les autres , en grand nombre, attirés » par la commodité plus grande , ont adopté avec empresse- »ment le Bréviaire nouveau et abrégé qui a été composé par ï François Quignonez , Cardinal-Prétre du Titre de Sainte- > Croix en Jérusalem. En outre, cette détestable coutume ï s'était glissée dans les provinces, savoir que dans les » Eglises qui , dès l'origine , avaient l'usage de dire et psal- amodier les Heures Canoniales, suivant l'ancienne coutume » Romaine , aussi bien que les autres , chaque Evêque se » faisait un Bréviaire particulier, déchirant ainsi , au moyen » de ces* nouveaux Offices dissemblables entre eux et propres, »pour ainsi dire, à chaque Evêché, cette communion qui » consiste à offrir au même Dieu des prières et des louanges »en une seule et même forme. De-là, dans un si grand » nombre de lieux , le bouleversement du Culte divin ; de-là , >dans le Clergé, l'ignorance des Cérémonies et des Rites » Ecclésiastiques , en sorte que d'innombrables ministres des » Eglises s'acquittaient de leurs fonctions avec indécence, » et au grand scandale des gens pieux.

458 INSTITUTIONS

»Paul IV, (l'heureuse mémoire, voyant avec une très- > grande peine cette variété dans les Offices divins, avait » résolu d'y remédier, et pour cela , après avoir pris des

> mesures pour qu'on ne permît plus à l'avenir l'usage du » nouveau Bréviaire , il entreprit de ramener la forme des » Heures Canoniales à l'ancienne forme et institution. Mais

> étant sorti de cette vie , sans avoir encore achevé ce qu'il I avait excellemment commencé , et le Concile de Trente , » plusieurs fois interrompu , ayant été repris par Pie IV, de

> pieuse mémoire, les Pères, réunis en assemblée pour une I salutaire réforme , pensèrent que le Bréviaire devait être t restitué d'après le plan du même Paul IV. C'est pourquoi >tout ce qui avait été recueiUi et élaboré par ce Pontife » dans cette intention , fut envoyé par le susdit Pape Pie aux » Pères du Concile réunis à Trente. Le Concile ayant donné »à plusieurs hommes doctes et pieux , la charge de la révi- » sion du Bréviaire, en sus de leurs autres occupations , et la * conclusion dudit Concile étant proche , l'assemblée , par un » décret , remit l'affaire à terminer à l'autorité et au jugement

> du Pontife Romain, qui , ayant fait venir à Rome ceux des » Pères qui avaient été désignés pour cette charge , et leur «ayant adjoint plusieurs personnes idoines de la même «ville, entreprit de consomme r définitivement celte œuvre.

« Mais ce Pape étant lui-même entré dans h voie de toute «chair, et Nous, par la disposition de la clémence divine, » ayant été élevés , quoique indignes, au sommet de TApos- «tolat, Nous avons poussé avec un très-grand zèle l'achè- «vement de cette œuvre sacrée, appelant même le secours » d'autrespersonneshabiles,et Nous avons aujourd'hui le bon- «heur, par la grande miséricorde de Dieu ( car nous le com- » prenons ainsi), de voir enfin terminer ce Bréviaire Romain. » Nous étant fait rendre compte plusieurs fois de la méthod»?

MTURfilQUCS. 459

> suivie par ceux que nous avions préposés à cette afiaire ; » ayant vu que, dans raccomplissemcnt de leur œuvre, ils ne » s'étaient point écartés des anciens Bréviaires des plus il- » lustres Eglises de Rome et de noire Bibliothèque Vaticane ; s qu'ils avaient , en outre , suivi les auteurs les plus graves ïcn celte matière; et que, tout en retranchant les choses ï étrangères et incertaines , ils n'avaient rien omis de ce qui » fait l'ensemble propre de l'ancien Office divin; Nous avons ap-

> prouvé leur œuvre, et donné ordre qu'on l'imprimât à Rome, »et qu'elle fût divulguée en tous lieux. Afin donc que celle î mesure obtienne son effet, par l'autorité des présentes, iNous ôlons tout d'abord et abolissons le nouveau Bréviaire B composé par ledit Cardinal François , en quelque Eglise , I Monastère, Couvent, Ordre, Milice et Lieu , soit d'hommes, » soit de femmes, môme exempt, qu'il ait été permis par le r> Siège Apostolique , même dès la première institution ou » autrement :

» Et aussi , nous abolissons tous autres Bréviaires , ou plus ïanciensque le susdit, ou munis de quelque privilège que ce i soit, ou promulgués par les Evêques dans leurs Diocèses , ï et en interdisons l'usage dans toutes les Eglises du monde , » Monaslères,Couvens, Milices,Ordres elLieux,tant d'hommes » que de femmes , même exempts, dans lesquels, de coutume s ou d'obligation , l'OîTice divin se célèbre suivant le rit de ;> l'Eglise Romaine ; exceptant cependant les Eglises qui , en » vertu d'une première institution, approuvée par le Siège î Apostolique, ou de la coutume , antérieure, l'une et » l'autre , à deux cents ans , sont dans l'usage évident d'un s Bréviaire certain. A celles-ci nous n'entendons pas enlever » le droit ancien de dire et psalmodier leur Office , mais nous »leur permettons, s'il leur plaît davantage, de dire et de ï psalmodier au chœur le Bréviaire que nous promulguons ,

440 INSTITUTIONS

«pourvu que l'Evéque et tout le Chapitre y consentent. » Nous révoquons entiôroment toutes et chacune perniis- » sions apostoliques et autres , coutumes , statuts , même » munis de serment, confirmation apostolique, ou toute autre; » privilèges, licences et induits de prier et psalmodier, tant

> au chœur que dehors, suivant l'usage et rites des Bréviaires ainsi supprimés, accordés aux susdites Eglises, Monastères, ï Couvents, Milices, Ordres et Lieux, ou aux Cardinaux ïde la sainte Eglise Romaine, Patriarches, Archevêques,

> Evêques , Abbés et autres Prélats des Eglises ; enfin à toutes > autres et chacunes personnes Ecclésiastiques, séculières et » régulières , de l'un et l'autre sexe , pour quelque cause

> que ce soit ; même approuvés et renouvelés, en toutes for- » mules qu'ils soient conçus, et de quelques décrets et «clauses qu'ils soient corroborés ; et voulons qu'à l'ave- >nir, toutes ces choses aient perdu leur force et effet.

» Ayant ainsi interdit à quiconque l'usage de tout autre , » nous ordonnons que notre Bréviaire et forme de prier et

psalmodier soit gardé dans toutes les Eglises du monde

entier, Monastères, Ordres et Lieux, même exempts , dans

lesquels l'Office doit, ou a coutume d'être dit , suivant l'u-

sage et rite de ladite Eglise P»omaine,sauf la susdite insti-

tution ou coutume dépassant deux cents ans : statuant que

ce Bréviaire, dans aucun temps, ne pourra être changé en

tout ou en partie, qu'on n'y pourra ajouter, ni en enlever » quoi que ce soit, et que tous ceux qui sont tenus par droit

ou par coutume à réciter ou psalmodier les Heures Cano-

niales, suivant l'usage et rite de l'Eglise Romaine ( les »loix canoniques, ayant statué des peines contre ceux qui » ne disent pas chaque jour l'Office divin), sont expressé-

ment obligés désormais, à perpétuité, de réciter et psalmo- » dier les Heures, tant du jour que de la nuit . conformément

LITURGIQUES. Ail

» à la presciipiion el forme de ce Bréviaire Romain , et » qu'aucun de ceux auxquels ce devoir esl formellement ï imposé , ne peut satisfaire que sous celle seule forme.

» Nous ordonnons donc* à tous et chacun des Patriarches y » Archevêques , Evoques, Abbés et autres Prélats des » Eglises, d'ùUroduire ce Bréviaire dans chacun leurs Eglises, » iMonastères , Couvents , Ordres , Milices , Diocèses et lieux » susdits , faisant disparaître les autres Bréviaires , même » établis de leur autorité privée , que nous venons de sup- ï primer et abolir ; et il est enjoint, tant à eux qu'aux autres Prêtres, Clercs, sécuhers et réguliers , de l'un et l'autre »sexe, fussent-ils d'Ordres Militaires ou exempts, auxquels t est imposée l'obligation de dire ou psalmodier l'OITiee , » d'avoir soin de le dire ou psalmodier , tant au chœur que i dehors , suivant la forme de ce Bréviaire (I). >

Le saint Pontife déclare ensuite éteindre l'obligation de ré- citer à certains jours l'Office de la Sainte Vierge et desMorts, les Psaumes de la Pénitence et les Psaumes Graduels, afin de donner plus de zèle au clergé pour la récitation du Bré- viaire réformé, et publie des indulgences pour ceux qui, désormais, auront la dévotion de continuer ces pratiques. Il annonce que l'obligation de se conformer au Bréviaire réformé pèsera de tout son poids, dans un mois, sur tous ceux qui sont présents à la Cour de Rome; dans trois mois, sur ceux qui , sans être à Rome , habitent en-deçà des monts ; dans six mois , pour ceux qui sont au-delà , aussitôt du moins qu'ils auront la facilité de s'en procurer un exemplaire. Enfin, pour maintenir ce Bréviaire dans toute sa pureté, il est dit qu'on ne pourra l'imprimer dans aucun lieu , sans la permission du Siège Apostolique , ou

(1) Vid. la note A.

442 i^•STITUTIONS

d'un commissaire par icelui délégué. Le reste de la Bulle est rempli par les clauses ordinaires de la Chancellerie, et se termine par ces paroles : t Donné à Rome, à saint Pierre, il'an de rincarnalion du Seigneur 1568, le sept des Ides » de Juillet , la troisième année de notre Pontificat. »

Tel fut le premier acte de la Réforme liturgique à Rome; nons aurons bientôt à raconter l'application des mesures de saint Pie V, dans les diverses Eglises de l'Occident. On a sans doute observé les clauses de la Bulle. Elle porte l'abo- lition générale du Bréviaire de Quignonez ; elle établit en tous lieux la forme d'OIfice contenue au Bréviaire Romain, sans y astreindre cependant les Eglises qui sont depuis deux cents ans en possession d'un Bréviaire particulier, leur lais- sant toutefois la faculté de passer au nouveau Bréviaire , moyennant certaines formalités. Rome ne pouvait pas appli- quer au grand mal de l'anarchie liturgique un remède à la fois plus efficace et plus discret. Nous allons montrer com-^ ment toutes les Eglises de l'Occident le comprirent et se firent un devoir d'entrer dans les vues du Pontife Romain et du Concile de Trente.

II restait encore à publier un portion non moins im- portante de la Liturgie réformée ; le Bréviaire ne pouvait être utile sans un Missel pareillement corrigé qui lui fût conforme. La Commission romaine y avait simultanément donné ses soins, et deux ans après la publication du Bréviaire, en 1570, saint Pie V fut en mesure de promulguer le nouveau Missel. Il était accompagné de la Constitution suivante qui commence par ces mots : Quo primum tempore. t Pie , Evêque , serviteur des serviteurs de Dieu : » Du moment que nous avons été élevés au sommet de > l'Apostolat , nous avons appliqué de grand cœur toutes nos » forces et dirigé toutes nos pensées aux choses qui con-

LITURGIQUES. 44i

«cernent la pureté du culte ecclésiastique, travaillant avec » toute notre application à préparer et obtenir ce but, » Comme , entre les autres décrets du saint Concile de Trente, ï il en est un qui nous donne le soin de statuer sur la publi- ï cation et correction des Saintes Ecritures , du Catéchisme , » du Missel et du Bréviaire ; ayant déjà , avec le secours de i Dieu, fait paraître le Catéchisme pour l'instruction du peuple, » et corrigé le Bréviaire , qui contient la manière de rendre ïà Dieu les louanges qui lui sont dues; comme il était in- » dispensable que le Missel répondît au Bréviaire ( puisqu'il » convenait et semblait même tout-à-fait nécessaire que, dans î l'Eglise de Dieu, il n'y eût plus qu'un seul mode de psal- ïinodie et un seul rite pour la célébration de la Messe), il î nous restait à nous occuper , au plus tôt, de la publication » du Missel qui manquait encore.

«Ayant, à cet effet, choisi plusieurs hommes doctes, nous » leur avons confié ce travail ; et ceux-ci , ayant conféré avec î grand soin tous les plus anciens manuscrits de notre Biblio- » thèque Vaticane , et d'autres encore apportés d'ailleurs , ï les plus puis et les mieux corrigés ; ayant aussi consulté » les ouvrages des auteurs anciens et approuvés, qui ont laissé » des ouvrages contenant la science des rites sacrés , ils ont » restitué le Missel lui-même , suivant l'antique régie et rite » des Saints Pères. Ce Missel , ayant donc été reconnu et » corrigé avec un grand soin , afin de mettre tout le monde ïà même de recueillir les fruits de ce travail, nous avons » donné ordre qu'on l'imprimât et qu'on le publiât au plus tôt, »à Rome, pour que les Prêtres connussent quelles prières, î quels rites et quelles cérémonies , ils doivent désormais re- » tenir dans la célébration des Messes. Afin donc que tous ï embrassent et observent en tous lieux les traditions de la » sainte Eglise Romaine , Mère et Maîtresse des autres Eglises,

444 INSTITUTIONS

î nous défendons , pour l'avenir , et à perpétuité , que l'on i chante ou récite la Messe autrement que suivant la forme » du Missel par Nous publié, dans toutes les Eglises ou Cha- » pelles du monde chrétien, Patriarchales , Cathédrales,

> Collégiales, Paroissiales, tant séculières que régulières , de ï quelque Ordre que ce soit , tant d'hommes que de femmes, » même de Milice Piégulière et sans charge d'âmes , dans les-

> quelles la Messe Conventuelle doit être, suivant le droit ou >la coutume, célébrée à voix, haute ou basse , au chœur,

> d'après le rite de l'Eglise Romaine ; quand bien même les- » dites Eglises mêmes exemptes , seraient munies d'induit

> Apostolique , coutumes , privilèges , ou toutes facultés ,

> confirmés par serment ou sanction Apostolique : à moins » qu'en vertu d'une première institution ou d'une coutume, ï antérieures , l'une et l'autre , à deux cents ans , on ait

> gardé assiduement dans les mêmes Eglises un usage parti- ï culier , dans la célébration des Messes ; en sorte que , de » même que nous n'entendons pas leur enlever le droit ou la » coutume de célébrer ainsi, de même, nous permettons que, » s'il leur plaît davantage , ils puissent , du consentement

> toutefois de l'Evêque ou Prélat, et du Chapitre entier, célé- » brer les Messes selon le Missel que nous publions par les » présentes: quant à toutes les autres Eglises susdites, nous jôtons et rejetons entièrement et absolument l'usage des » Missels dont elles se servent.

> Statuons et ordonnons , sous la peine de notre indigna- » tion, en vertu de cette Constitution qui doit valoir à perpé- » tuité , qu'on ne pourra rien ajouter, retrancher ou changer » au Missel que nous publions ; mandant et commandant en » vertu de la sainte obéissance , à tous et chacun des Pa- » triarches et administrateurs desdites Eglises , et autres » personnes honorées d'une dignité ecclésiastique quel-

LITURGIQUES. i45

I conque , même Cardinaux de la Sainte Eglise Romaine , »ou de quelque autre degré et prééminence qu'ils soient, »de chanter et lire désormais la Messe, selon les rite, mode » et règle que nous publions dans ce Missel , en ayant soin > d'omettre et rejeter entièrement, à l'avenir, toutes autres » manières et rites observés jusqu 'ici d'après d'autres Missels » même anciens , en sorte qu'ils n'aient pas la hardiesse d'a- » jouter d'autres cérémonies, ni de réciter d'autres prières » dans la célébration de la Messe que celles contenues dans >ce Missel. De plus, nous concédons et accordons d'auto- » rite Apostolique, par la teneur des présentes, que l'on puisse » se servir librement et licitement de ce Missel , pour les » Messes tant chantées que récitées , dans quelques Eglises ï que ce soit, sans aucun scrupule de conscience, et sans » poiivoir encourir aucunes peines , sentences ou censures ; déclarant aussi que nuls Prélats, administrateurs, Gha- 9noines, Chapelains et autres Prêtres de quelque nom que î ce soit, séculiers ou réguliers, ne pourront être tenus à » célébrer la Messe autrement qu'en la forme par nous statuée, >ni contraints et forcés à changer l'ordre de ce Missel (1). »

Le reste de la Bulle a rapport au mode de promulgation j qui est le môme que pour le Bréviaire, et aux précautions à garder dans l'impression. Après les formules ordinaires de Chancellerie , on lit ces paroles : t Donné à Rome, à Sainl- » Pierre, l'an de l'Incarnation du Seigneur, 1570, la veille » des Ides de Juillet, la cinquième année de notre Pontificat.»

L'apparition d'un Bréviaire et d'un Missel réformés, causa une grande joie dans toute l'Eglise. Des réclamations univer- selles sur le désordre qui avait régné dans la Liturgie, s'étaient fait entendre, et ony voyait enfin un remède efficace. Le Missel

(1) Yid. la note B.

446 INSTITUTIONS

de saint Pie V était puisé exclusivement aux sources les plus pures de l'antiquité : sou Bréviaire , dégagé de toutes super- fétaiions inutiles , n'avait plus rien , il est vrai , qui flattât l'orgueil diocésain ou national , mais aussi on retrouvait à peu près tout ce qu'il contenait dans les Bréviaires locaux. Les Diocèses qui se trouvaient dans le cas de l'exception prévue par la Bulle, avaient encore le choix entre l'adoption pure et simple du Bréviaire réformé , ou la correction si fa- cile des leurs , d'après ce modèle excellent. Saint Pie V ayant supprimé à perpétuité le Bréviaire de Quignonez, et dé- truit par-là l'iniluence qu'il pouvait avoir à raison de sa plus grande brièveté , la question se réduisait à savoir quel parti on devait prendre dans les Eglises qui étaient dans le cas de l'exception , savoir d'adopter le Bréviaire réformé purement et simplement, en faisant imprimer à part un Propre supplémentaire qui contiendrait ces précieuses tra- ditions locales dont Rome ne fut jamais l'ennemie, ou de faire imprimer de nouveau le Bréviaire sous le titre Diocésain , en unissant, dans une même rédaction, les particularités du rite local avec tout l'ensemble du Bréviaire réformé. Toute la question se réduisait donc à peu près à savoir quelle dé- pense on pouvait supporter pour les frais de l'impression. La seule raison d'une plus grande économie détermina beau- coup de Diocèses à prendre les Livres Romains purement et simplement.

Rome toute entière adopta immédiatement les nouveaux livres. La Basilique de Latrau elle-même s'empressa d'inau- gurer dans son sein un Bréviaire qui n'était plus simplement celui de la Chapelle Papale , ou encore celui des Frères Mineui^ , mais le Bréviaire de l'Eglise Catholique. La Basi- lique Vaticane , elle qui, suivant Âbailard, avait moins souci des anciens usages, au douzième siècle, que l'Eglise de

LITURGIQUES. Ul

Latraii, lïil la seule qui n'adopta le nouveau Bréviaire qu'avec motlilieation. Elle fut maintenue dans le droit de conserver l'usage de l'ancien Psautier Italique; mais, pour le reste, son Bréviaire n'est que le Romain actuel, avecrOlfice des saints Papes et autres dont les corps reposent dans la Basilique ou dans son trésor.

A propos de la ville de Rome , il est naturel de parler des Ordres religieux dont elle est la patrie commune. Les Ordres de Moines se trouvant dans le cas de l'exception, non depuis deux siècles seulement,raais depuis près de mille ans, conser- vèrent l'ancienne forme de leur Office. Les Ordres Mendians, hors les Dominicains et les Carmes, qui gardèrent leur Bré- viaire Romain -Parisien^ réformèrent leurs livres suivant l'Office de saint Pie V, qui n'était que le Bréviaire des Frères Mineurs épuré ; mais ces derniers continuèrent d'y fondre leur Propre > Les Ordres de Clercs Réguliers suivirent sans exception les nouveaux livres ; les Tliéatins avaient puis- samment influé sur cette réforme; les Jésuites devaient, suivant la volonté de leur grand Patriarche , garder tou- jours la forme d'Office observée par l'Eglise Romaine ; les autres familles religieuses du même genre étaient amenées à les imiter par la nature même de leur constitution de corps cosmopolites. Enfin , les Ordres de Chanoines Réguliers, si l'on excepte les Prémontrés dont l'Office était , comme nous avons dit, un mélange de Romain et de Pari- sien , ne tardèrent pas à embrasser, en tous lieux , la Litui*- gie réformée. Quant aux Religieuses, elles suivirent, pour l'ordinaire, les livres propres aux différents Ordres de Moines ou autres auxquels elles se rattachaient; celles dont l'institut était isolé adoptèrent, sans plus varier jamais , le Bréviaire de saint Pie V. L'Eglise de Milan cluU alors gouvernée par saint Charles

448 INSTITUTIONS

Bôrromée. Nous avons vu plus haut le grand zèle de cet il- lustre Cardinal pour le maintien de la vénérable fJturgie Âmbrosienne. Il ne se montra pas moins exact observateur des volontés du Souverain Pontife, en procurant l'introduc- tion des livres de saint Pie V, dans toutes les Eglises de sa ville , de son Diocèse et de sa Métropole , qui étaient obli- gées, par le droit ou la coutume, à suivre l'Olfice Romain. On peut voir, dans sa vie , avec quelle intégrité il sut ména- ger à la fois les prérogatives de son Eglise et les droits du Siège Apostolique. Les Evêques de sa province se montrèrent jaloux de Timiter, et dans le second Concile de Milan , tenu en 1569 , nous trouvons un décret par lequel les Prélats des seize Eglises de la province de Milan déclarent expressément que les Clercs , sous peine de ne pas satisfaire au précepte de rOffîce divin , sont tenus de réciter les Heures canoniales, suivant la forme du Bréviaire Romain publié par saint Pie V, à moins qu'ils ne soient attachés à des Eglises qu'une an- cienne coutume ait placées dans le cas de l'exception prévue par la Bulle (1). Le saint Archevêque donna lui-même une édition du Missel Âmbrosien, en 1570, et une du Bréviaire en 1588. Elles ont été fidèlement reproduites jusqu'à nos

(1) Episcopi cureat , in sua quisqiie diœcesi , ut Officia divina , quîe singulis Cauoaicis horis prieslai i df b' nt , et publiée iu ecclesia , et privatim a singulis sac. rdolilnis cli.ricibve inferioris ordinis, qui illa obire debent, celebrentur et pcragantur ad praeicriptam Breviarii Romani ntiper eJlti rationem : nisi lamea ecclesia^ hujusmodi sint in quibus, ex veteri consuetudiue,ut summi Pontificis PiiQuinti litteris, eo Domine coufectis, caulom est, alius ritus aliaque ratio adhibeatur. Si vero secus a quibusdani factum erit, cum iïli, ut eisdem summi l'ontilicis lileris nominalim sancilum est, horarum canonicarum Offi- cio, quod debeut, non satisfacient ; eos ipsos Episcopi pœnis iis mulc- tent, quae Lateranensi Coucilio a Leone X, et proviuciali Synodo su- periori coitra Clerioos constitulai sunt, qui GaDonioarum borarum Oûicium intermittimt. Labb, Tom. AT. pag.ôoi.

LITURGIQUES. 449

jours, sans autres changcmnns que la correction de quelques Hymnes et l'addition d'un certain nombre de l'êtes de Saints.

Nous ferons, au sujet de la province de Milan , une obser- vation dont l'occasion se présentera encore plus d'une fois, et dont le but est de montrer, par les (jiits matériels eux- mêmes , que la Liturgie publiée par saint Pie V n'était point une Liturgie nouvelle, mais simplement la restitution et cor- rection de l'antique Liturgie Romaine établie déjà par tout l'Occident. Un Canon du sixième Concile de Milan, parlant des livres de chœur, reco^umande aux Evêques de veiller à ce qu'on les corrige ^ conformément au Bréviaire nouvelle- ment publié (1). C'étaient donc de simples changemens, de pures modifications qu'avait faites saint Pie V, et non une Liturgie inconnue qu'il avait introduite. L'unité du culte avait donc toujours existé, malgré les incorrections qui s'étaient glissées dans les livres ecclésiastiques.

L'Eglise de Milan était la seule non seulement de l'Italie, mais de l'Occident , qui eût une Liturgie propre , si l'on excepte les quelques Eglises d'Espagne , dans lesquelles la Liturgie Mozarabe se maintenait par privilège. Toutes les Eglises qui se trouvaient dans le cas de l'exception prévue par la Bulle de saint Pie V, avaient simplement mêlé la Li- turgie Romaine avec quelques usages locaux , et donné à cet ensemble un titre d'Eglise particulière. Cette observation s'applique même au rite de l'Eglise d'Aquilée, le plus vénérable de ces rites mélangés qu'il y eût en Italie, au seizième siècle. Il était connu sous le nom de Rite Patriarchin^ et ce nom lui

(1) Libri qui cerlis Aaliplionarum modulalionibus olim iiotati , ex Breviarii nuper editi pracscriplo nonduin eniendali sunl , in sua quis- que diœcesi Episcopus curet, «t quain primuni.et accurale emenden- tur, atque accomniodentur ad Breviarii iiovi editiouera Labb, Xf\ pag. 750.

T. I. 29

450 INSTITUTIONS

était venu de la dignité de l'Eglise d'Aquilée qui s'en servait dans les Olfices divins.

Peu après la publication de la Bulle de saint Pie V , l'E- glise Patriarcale se trouvant dépourvue de Bréviaires de son rite , et hésitant quelque peu à faire la dépense d'une réimpression, demanda an Saint-Siège la permission de se servir, hors du chœur seulement , du Bréviaire Piomain , jusqu'à ce qu'on pùl commodément réimprimer le Bré- viaire Patriarchin. La Congrégation Bomaiue, qui fut con- sultée à ce sujet , accorda la dispense nécessaire , dans les termes les plus honorables : « C'est , dit-elle , dans une ilettre adressée, le 10 septembre 1589, à Paul Bisanti, isuffragant du Patriarche , c'est une chose sainte et conve- » nable que de conserver le rite si antique et approuvé de » celte Eglise , et que tous s'y conforment dans l'Office. Le » Chapitre aura donc à se pourvoir de Bréviaires de ce rite , » ce qui est facile, puisqu'il doit être bientôt imprimé à Como. » Comme il ne peut se faire autrement, c'est à Monseigneur »le Patriarche d'en procurer l'impression à ses frais, dans » l'espace de deux ans , et jusque-là , il sera permis de dire » l'Office Romain, mais seulement hors du chœur (1). » Tou- tefois, celle impression du BvésTàiva Patriarchin n'eut point lieu ; les livres de S. Pie V une fois inlroduits dans Aquilée, y prirent tellement racine que, dix ans après, il n'exis- tait plus vestige de l'ancien rite, même dans l'Eglise Patriar- cale ; enfin, en 1596, cette révolution Hturgique élant consommée, le Patriarche François Barbaro, dans un Con-

(1) E cosa saata e conveaieale, cbe si serva il Rilo ii quella cliiesa tanto antico, et approvato, e tutli si confronlino ueirolBcio stesso. Perô il Capilolo si procédera di Breviarii di quel Rilo : il che potrà fave commodameate , seado poco fa slampato iii Como. Et quando non

il po.ii fai aUiimcnU, luonsiguoi Palriaica procuri , che à sue spese

LITDRGIQUES. 4oi

cile provincial , temi à Udine , prit des mesures expresses pour consolider à perpétuité la Liturgie Romaine pure dans toutes les Eglises du Patriarcat (1).

L'Eglise de « lomo , qui était du ressort patriarcal d'Aqui- lée, quoique située dans le duché de Milan, garda le rite d'Aquilée jusqu'au Pontificat de Clément Vlll, qui l'obligea au Romain, ne jugeant pas convenable qu'une Eglise enclavée dans le Milanais suivît un OfTice étranger et aboli même aux lieux d'où il était parti (-2). Déjà dès 1579, le Synode diocésain de Como avait déclaré que les Clercs qui ne pourraient se procuicr les livres du Diocèse , pourraient user du Bréviaire et du Missel de saint Pie V. On a encore les actes d'une visite apostolique faite la même année dans ce diocèse par Jean- François Bonomo , Evêque de V^erceil , en vertu d'une com- mission de Grégoire Xliï : le Prélat y reconnaît expressé- ment le droit de l'Eglise de Como à conserver son rite particulier, bien qu'il exhorte les Chanoines à abandonner leur ancien rite pour le iîomm'/i. Il dit, au sujet des Missels du rite Patriarchin , qu'ils ne sont qu'en petit nombre , manuscrits , qu'ils ne diffèrent jjresque en rien du Missel Romain (5) , et en conclut la grande liacilité qu'on aura de passer à l'usage exclusif des livres de saint Pie V. Le Père Lebrun , à qui nous empruntons ces détails , dit que l'on conserve dans les archives de la Cathédrale de Como un manuscrit du Bréviaire d'Aquilée qui porte ce titre: Bre- viarium Patriarchinum nuncupatum secundum usum Eccle-

Ira due anni sia stampato : e intaulo sia lecito extra Ciiormn solameute dir rofficio Romauo. Madrisius , in Jppendiœ II. Ad Opéra S. Paulini Patriarch. Jquil.

(1) Zaccaria. Bibliolli. Ritualis. Tora. I. pag. liij.

(2) Ughelli. Italia sacra. Tom. V. pag. 23o.

(5) Gum autcm missalia Patriarcliino Ritu quam paucissima inventa

45â INSTITUTIONS

siœ Comensis correctum, et auctoritate Apostolica probatum. A la fin du volume , est une attestation du Cardinal Sirlet, sous la date du 21 octobre 1585 , faisant foi de l'approbation de ce Bréviaire par Grégoire XIII. Xous venons de dire pour quels motifs Clément YIII jugea à propos de l'abolir.

Cette histoire de la destruction de l'ancien rite d'Aquilée nous donne lieu de remarquer avec quelle douceur, quelle faveur même, Rome a su ménager les usages anciens , dans l'application des ordonnances pour la réforme liturgique. Ce serait en vain que , considérant la chose d'un autre point de vue, on voudrait mettre en contradiction cette indulgence des Papes du seizième siècle avec les ordonnances vigoureuses de saint Adrien I , et de saint Grégoire VII, pour l'établissement du Rite Piomain dans tous les lieux de l'Occident. Tout s'ex- plique du moment que l'on veut bien remarquer que l'œuvre accomplie par ces deux grands Papes n'avait pas cessé d'exis- ter, et que, sauf les variantes introduites par certains usages locaux , et les incorrections que le progrès de la critique devait faire tôt ou lard disparaître j l'Occident tout entier louait Dieu dans une seule et même Liturgie. Rome , sans doute, désirait vivement voir toutes les nations complètement unanimes avec elle dans la prière publique ; mais déjà les Bulles de saint Pie V avaient conquis la presque universalité des Eglises , et chaque année en voyait d'autres encore venir se fondre avec les premières dans l'unité d'un même Bré- viaire et d'un même Missel.

sint , eaque manuscripta , quae prtcterea a missali Romano nuUa ferme alla re differunt, nisi dierum aliquorum Domiuicorum crJiae , et sanc- lisiiraae Trinilatis festo die, qui ia aliud tempus translatas est ; ideo Ritu Romano missas passim celebrari, et a plerisqne etiam î^acerdo- libus pro libilo fieri animadvertimus , ex anliqui missalis instituto, in que f lurima correctione digna fuisse , novissima ostendit editio. Lebrun, explication de la .¥t45t'. Tom. IL pag. 227.

LITURGIQUES. 455

Toute l'Italie , en effet , se conforma successivement aux intentions du Saint-Siège. Les Eglises de Sicile , par exemple , qui avaient un Bréviaire particulier, se rendirent de bonne heure, et le seizième siècle, en finissant, ne vit plus dans toute la Péninsule , hors le territoire Anibrosien , que des Eglises réunies sous la plus ponctuelle observance des usages liturgiques promulgues par saint Pie V. Cependant , on avait donné la plus grande liberté à toutes celles dont les Bréviaires et les Missels avaient plus de deux cents ans, à l'époque de la Bulle ; on avait reconnu non seulement le droit des Ca- thédrales , mais celui même des Collégiales et autres Eglises qui se seraient trouvées dans une possession analogue (1). Tout cela n'empcclia pas le principe d'unité de s'étendre dans ses applications, et après tout, il était juste que l'Italie entière , pays d'obédience , y compris les Iles adjacentes , donnât la première et le plus complètement l'exemple d'une entière conformité non seulement aux lois, mais aux simples désirs du Siège Apostolique. C'est la force de l'Italie, son Unique vie : puisse-t-elle le comprendre toujours !

La Péninsule Espagnole se rangea de bonne heure aussi sous l'obéissance absolue aux Bulles de saint Pie V. Ce n'est pas que les Prélats du royaume Catholique n'eussent , à cette époque , retenu encore quelque chose de cet es- prit frondeur dont nous avons vu quelques traits dans l'historien Bodrigue de Tolède. On avait été frappé , au Concile de Trente , d'une hardiesse qui n'était , certes , pas inférieure à celle des plus osés de nos prélats. Mais l'amour

(1) ]\ous avons vu à Rome , dans la Bibliothèque de la maison Pro- fesse des Jésuites, un exemplaire du Bréviaire particulier de la Collé- giale-Abbatiale de Sainte-Barbe, à Mantoue, imprimé aux frais de cette Eglise , et approuvé par Grégoire XIII , quoique s'écartant en beaucoup d'endroits du Bréviaire de saint Pie V.

4^. i INSTITUTIONS

de l'unité , le zèle pour la foi , passaient encore à leurs yeux avant les susceptibilités nationales. La motion de l'Evèque de Lérida au Concile n'avait pas empêché les Pères de remettre absolument au Pontife Romain le soin de la correction litur- gique ; les oppositions de quelques Cathédrales d'Espagne n'arrêtèrent pas non plus l'établissement uniforme du Bré- viaire et du Missel de saint Pie V. On doit regretter peut-être que quelques Bréviaires particuliers , ceux de Tolède et de Séville, par exemple^ aient entièrement péri: il aurait été intéressant de voir comment les réminiscences de l'ancien rite Gothique se mariaient parfois encore aux formes Ro- maines imposées par saint Grégoire Vil. La grande volonté de Philippe H , prince sévèrement jugé , mais auquel , du moins , tout homme impartial ne saurait refuser un zèle ar- dent et consciencieux pour la foi catholique , pesa de tout son poids dans l'affaire de l'adoption des Usages Romains réformés : par lui , les livres nouveaux non seulement furent introduits en Espagne, mais pénétrèrent dans les vastes colonies qui se rattachaient à celte puissante métro- pole.

Conformément aux maximes du Droit Public catholique , saint Pie V n'avait pas jugé à propos de placer la prière pour le Roi dans le Canon de la Messe : c'était au Siège Aposto- lique à déterminer quels étaient les Princes, en communion avec lui, qu'il fallait considérer comme véritablement inves- tis du droit de commander à des Chrétiens. Le Roi d'Es- pagne , malgré son titre de Roi Catholique , n'avait pas été excepté. Philippe II , ce monarque si fier, ne dédaigna pas de se mettre en instances auprès de saint Pie V, pour obtenir que cette parole pro Rege nostro fût insérée à la suite de la prière pour le Pape et l'Evèque , dans les Missels destinés à l'usage des Eglises d'Espagne , et le Pontife octroya sa

LITURGIQUES. 45S

demande (1). Quand on se remet en mémoire la puissance colossale de Philippe II , on est bien obligé de convenir qu'il donna dans celle occasion l'un des plus grands exemples du respect pour la liberté religieuse qui aient jamais été offerts par un Souverain. Si nous ajoutions que , lout tyran absolu qu'il était, Philippe II laissait volontiers enseigner et prêcher à ses Théologiens la doctrine de l'amissibilité du pouvoir, le droit du Souvei-ain Poniifc et de l'Eglise de corriger et même de déposer les Princes qui abusent de leur autorité , peut- être que cette seule remarque suffirait auprès de quelques gens sensés, pour leur faire comprendre que, bien qu'il ait été en butte aux malédiclions des écrivains de la Réforme , et des historiens beaux esprits du dix-huitième siècle, le Démon du Midi n'a pas été tout-à-fait dépourvu de cette moralité et de ce désintéressement que les peuples désirent , mais n'espèrent pas toujours rencontrer dans leurs Souverains. Nous verrons, d'ici quelques pages, un uUtre gouvernement placé dans une situation analogue, et on jugera lequel, du Français ou de l'Espagnol, s'entendait le mieux, au sei- zième siècle , en fait de libeité religieuse.

Philippe obtint aussi du Saint-Siège la permission , pour tous les Prêtres de sa domination, d'ajouter aux Oraisons de la Messe , même dans les plus grandes solennités , une suite de demandes que l'on trouve dans les Missels Espagnols , et qui expriment avec énergie et simplicité tous les besoins du royaume Catholique , en même temps que cette concession , unique dans les fastes de la Liturgie, est une preuve du grand amour de Rome pour une Eglise qui lui a gardé long-temps une si forte fidélité (2) .

(1) Gavanti. Thésaurus sacrorum RUunm. Tom. I. 4" pag. 286.

(2) Voici celte prière qui s'ajoute, sub eidem conclusione , non seu- lement à la Collecte, mais mê(ne à la Secrète et k la Po-.l-Communiou :

El famulos tuos Papam nostrutn N , Antisiiiera nostrum N. , Regem

436 INSTITUTIONS

EnOn , on trouve en tête du Propre des Saints , publié en manière de supplément au Bréviaire Romain, pour l'usage des Eglises d'Espagne, un Bref de Grégoire XIII, qui accorde à ces Eglises la faculté de célébrer la fête d'un grand nombre de Saints chers à l'Espagne , par manière de compensation à l'extinction générale de tous les Bréviaires diocésains de ce pays. Ce Bref, qui est du 50 décembre 1575 , fut rendu à la demande de Philippe II. Le Recueil auquel il sert comme de préface, renferme le noble et patriotique Office de saint Jacques , patron du royaume catholique, et celui non moins intéressant du Triomphe de la Sainte- Croix , au 16 juillet , anniversaire de la fameuse victoire de las navas de Tolosa. Le Portugal inaugura avec la même fidélité que l'Espagne les livres de la Liturgie réformée , et les fit pénétrer tout aussitôt dans ses colonies des Indes Orientales et Occiden- tales. Les volontés de Philippe II retentissaient alors dans la Péninsule toute entière ; cependant nous sommes en mesure de signaler au moins une exception à l'admission du Bréviaire purement Romain. C'est dans cette Eglise de Brague dont le siège était occupé, à l'époque du Concile de Trente , par le fameux D. Barthélémy des Martyrs , que Zaccaria signale un Bréviaire sous le titre diocésain, de l'an 1654. ÎN'ous igno- rons si, depuis celte époque , les livres de saint Pie V ont été introduits dans cette Eglise ; nous avons même lieu d'en douter, connaissant de science certaine que , dans plusieurs lieux du Portugal , on garde encore, même à la Messe, cer-

nostrum ?i. , Reginam et Principem cum proie régla , populo sibi com- misso, et exercilu suo ab oinni adversitate cnstodi : pacena et salutem nostris concède temporibui; et ab Eccle>ia tua cuactam repelle nequi- tiam, et geatesPaganord^û et hcCretic .ram dexleroi tiiK p;)tentia con- teiaalur ; et captivos Cliristianos, qui ia Saiacenorum pulestate deti- nentur, tua misericordia liberare, et fructus terr;p dare et coDservare digneris

LITURGIQUES. 437

lains usages totalement distincts de ceux du IMissel llomain. Au reste, ce Bréviaire de Brague , s'il existe encore, ne sau- rait être autre que le Romain , avec quelques particularités , et un Propre l'ondu sous le même titre.

Si maintenant nous passons en France, le pays de tout l'Occident les usages liturgiques actuels s'éloignent le plus de ceux de Rome, il nous faut examiner si cette diffé- rence est ancienne et remonte au-delà de la Bulle de saint Pie Y. Malheureusement , ce que nous avons à dire de cette Eglise contraste avec ce que nous avons jusqu'ici rapporté de toutes les autres. Les Eglises de France , à l'époque de la publication de la Bulle , avaient une Liturgie formée de la Romaine introduite par Charlemagne , et de ces usages particuliers qu'elles y avaient ajoutés, ensemble qui leur faisait honneur aux yeux de toute l'Europe, et qu'elles pou- vaient conserver légitimement, aux termes de la Bulle; or, voilà qu'aujourd'hui, dans ces mêmes Eglises, on ne trouve plus rien qui rappelle cette ancienne gloire de la patrie ; d'un autre côté, on est plus éloigné enclore d'y rencontrer les livres Romains de la réforme de saint Pie V. L'Eglise de France remontant vers son berceau , aurait-elle osé , malgré la défense de Charlemagne et des Pontifes Etienne et Adrien, inaugurer de nouveau l'antique Liturgie Gallicane des Hi- laire et des Grégoire de Tours? Hélas! non. Ce que l'on chante aujourd'hui dans nos Eglises , a moins de rapport en- core avec le Rite Gallican dont nous avons parlé ailleurs ho- norablement , qu'elle n'en aurait avec la Liturgie Romaine elle-même. Tout est sorti du cerveau de certains hommes dont quelques-uns vivent encore. Mais avant de raconter cette la- mentable histoire , dans laquelle nous verrons foulés aux pieds tous les principes admis par l'Eglise, en matière Htur- gique, dans tous les siècles précédents, nous avons un tableau

AoH INSTITUTIONS

bien différent à offrir à nos lecteurs ; celui de l'Eglise de France travaillant , de concert avec le Siège Apostolique, à consolider l'unité liturgique dans son sein. Nous avons à ré- pondre par des faits imposants et incontestables à ceux qui ont osé soutenir que la Bulle de saint Pie V n'avait pas été reçue en France.

Nous rappellerons d'abord à nos lecteurs la vigoureuse orthodoxie que déploya , sur la doctrine liturgique , l'Uni- versité de Paris, dans la Censure du Bréviaire de Qui- gnonez. Elle avait déjà fait paraître un zèle semblable en flétrissant les assertions audacieuses de Lefèvre d'Eslaples sur sainte Marie- Madeleine, et d'Erasme sur saint Denys l'Aréopagite , questions qui intéressent à un si haut point les traditions de la Liluigie. Elle veillait en même temps sur les diverses éditions qu'on faisait des Bréviaires dio- césains , et dénonçait énergiquement toutes tentatives d'in- novation par lesquelles des esprits inquiets auraient cherché à altérer le dépôt de l'antique Liturgie. C'est ainsi qu'en 1529 , elle dénonça au Chapitre de la Cathédrale de Soissons les nouveautés qu'on avait glissées dans une nouvelle édi- tion du Bréviaire de celte Eglise. « On a, dit la Sorbonne, I introduit dans ce Bréviaire beaucoup de choses étrangères »et éloignées du commun usage de l'Eghse. Si l'on n'y por- »tait remède , il en pourrait facilement résulter un schisme » odieux et funeste dans l'Eglise Gallicane : il faudrait des » siècles nombreux pour l'éteindre (i). »

Les Docteurs expriment avec plus de précision leurs prin- cipes sur l'inviolabilité de la Liturgie , à propos d'une édi- tion du Bréviaire d'Orléans , dans une censure en règle qui est de i548. Entre autres reproches caractéristiques iju'ils font à ce livre , or remarque les suivants : t On a retranché

(1) Yid. la ttote C.

LlTURGIQriW. 4»(>

» dans ce Bréviaire beaucoup de leçons des Matines en tout »ou en partie, en sorte que des fêtes de neuf leçons sont j réduites à trois, et dos fêtes de trois leçons n'ont plus » qu'une simple mémoire. Quand ces changements n'ont pas ï eu lieu , les leçons ont été tronquées , les unes au commen- » cernent , les autres au milieu , d'autres à la fin. La plupart *du temps, on a retranché les miracles des Saints, leurs » mérites, leurs invocations. On a fait disparaître plusieurs » choses qui étaient propres à confirmer le dogme de l'Eu- » charistie , savoir , dans les histoires de saint Grégoire , de » saint Benoît , de saint Ambroise et de sainte Marie Egyp- > tienne. Plusieurs traits importants pour l'édification ont » été élagués , comme le récit des jeûnes , des macérations » des Saints , les fondations et dotations d'Eglises faites par »cux , par exemple, dans les fêtes de saint Antoine , saint sSiméon Stylite , saint Louis , sainte Geneviève et autres. On » a supprimé les hymnes propres des Saints , leurs antiennes » et suffrages , pour renvoyer le tout au commun ; ce qui a » eu lieu même dans les fêtes particulières à l'Eglise d'Orléans. » Il est à craindre que toutes ces choses ne produisent dans les î fidèles la diminution, peut-être même l'extinction de la piété » envers les Saints. Les choses que l'on a retranchées pou- » valent servir à édifier les fidèles dans la foi et les mœurs, et à ï combattre l'hérésie ; ce changement est donc une chose im- » prudente, téméraire et scandaleuse, et donne même quelque >lieu de soupçonner l'envie défavoriser les hérétiques (1). » Telle était l'opinion de l'Université de Paris , au seizième siècle, sur les innovations en matière de Liturgie. L'Eglise de France toute entière n'avait pas d'autres principes , lors de l'apparition du Bréviaire et du Missel réformés. Elle reconnut

(1) Vid. la note V.

460 INSTITUTIONS

tout d'abord la supériorité de ces livres sur ceux qui étaient en usage dans le royaume , et comme, à cette époque, elle avait encore le droit de se réunir en Conciles provinciaux , on entendit ces saintes Assemblées , en même temps qu'elles réclamaient avec fermeté l'exécution des décrets du saint Concile de Trente , proclamer la nécessité de se soumettre à la Bulle de saint Pie V.

Le premier de ces Conciles est celui qui fut tenu à Rouen , en 1381 , par l'Archevêque Charles de Bourbon, et auquel assistaient les Evêques de Baveux, de Séez, d'Evreux , de Lisieux , et les Procureurs des Chapitres d'Avranches et de Coutances, etc. Au chapitre deuxième, de cultu d>vinoin génère, le Concile recommande aux Evêques d'examiner avec le plus grand soin les Bréviaires, Missels, Manuels et autres livres ecclésiastiques , dans la crainte qu'ils ne contiennent quelque chose de contraire à la doctrine catholique ou aux vraies histoires des Saints, ou quelque chose encore qui tienne du sortilège ou s'écarte de la discipline ecclésiastique et de la sainteté des mœurs. Les Evêques devront procurer l'im- pression et la correction des livres liturgiques , suivant l'u- sage des Diocèses, conformément toutefois aux Constitutions de Pie Y, de sainte mémoire , sur le Bréviaire et le Missel Romains , publiés et restitués suivant le décret du saint Con- cile de Trente. Le Concile ensuite rappelle la défense faite par le Saint Siège de se servir à l'avenir du Bréviaire de Qui- gnonez, etc. (1).

(1) Quocirca horlamur nostree provinciae Episcopos, ul diligenter iûspiciaot et examineut suarurn diœcesuin preculas Horarias, Brevia- ria, Missalia , Agenda seu Maaualia Curatorum , atque alios libres ecclesiasticos ac cseremonias, ne quid conlineant contrarium doctrinae Catholicae, aut veris historiis Sanctorum, aut sortilegiis affine, aut aliquid quod ad œdificationem Ecclesiasticse disciplinae , et morum pie-

LITURGIQUES. 401

On voit ici que les Evoques, quoiqu'ils n'adoptent pas pu- rement et simplement les livres Romains, ne eonfn'ment que plus expressément l' obligation de se soumettre aux Bulles qui les ont promulgués, puisqu'ils exigent que, dans la réim- pression des Usages diocésains, on applique la forme d'Office publiée par ces Bulles. C'est ce que l'on peut voir mis à exé- cution dans les rares exemplaires des Bréviaires de Norman- die, imprimés à la fin du seizième et pendant le dix-septième siècle. Nous avons eu entre les mains ceux de Bayeux , de Lisieux , d'Evreux et d'Avi'anclies : ils portent le litre : Bre' viarium Bajocense, Lexoviense, etc. ; ad Romani formam ou ex décréta Conciiù Tridentini ; et, sauf lea Saints particuliers à chaque Diocèse , le Répons des premières Vêpres , le neu- vième Répons à Matines , le Verset sacerdotal , et autres particularités dont nous avons énuméré la plupart au cha- pitre IX , ils sont entièrement conformes au Romain actuel. On peut donc dire que l'unité liturgique fut rétablie au seizième siècle dans la province ecclésiastique de Rouen. Passons h celle de Rheims.

Le Concile de cette Métropole fut tenu en 1585, à Rheims même , par l'Archevêque Louis , Cardinal de Guise. Les Evêques de Soissons, de Laon, de Beauvais, de Chalons- sur-Marne , de Noyon , d'Amiens , et les Procureurs des

latetn non pertinoat : sed libros emeudatos quoad tieri pote^t, servato U3U diœcesum , juxta taraeii constituliones sancUe memoriœ Pii V. super Breviario Romano et Missali, ex decreto sacrosancti Concilii Tridenliai restitntoet edito, procurent iraprirai, et provideaut ut in omnibus monasteriis , parocliiis et aliis ecclesiis, atque ab omnibus ad sacros ordines promoveadis, libri ad divinum OUicium ncces- irii ha- beantur. Proaioli vero sciant se ad Breviarium obligari , ac Romanum trium quotidie lectionum a Cardinale sanctœ Crucis composilum, a sacrosancta sede Apostolica sublatum sibi omnino prohiJ;»ri Labb. Tom. XF. pag. 821.

462 INSTITUTIONS

Evêques el Chapitres de Boulogne et de Senlis , firent partie de l'assemblée. Voici ce que décrètent les Pères au chapitre de cultu divino : t Attendu que tous les rites et formules de » prières sont contenus au Bréviaire, Missel, Agenda, ou > Manuel, nous exhortons les Evêques de notre province à > examiner avec soin ces sortes de livres, au moyen d'une > commission de deux Chanoines, dont l'un sera choisi par il'Evêque et l'autre par le Chapitre, et quand ils trou- »veront les Bréviaires et les Missels mal digérés, ou moins > conformes à la piété, ils auront soin de les faire, au »phistôt, réformer et réimprimer, aux frais du Diocèse, » conformément d Vuaage de l'Eglise Romaine, suivant la t Constitution de Pie V (I). » L'obligation de garder cette Constitution est encore rappelée dans un règlement exprès, sous le titre de Cultu divino.

Les livres de la province de Rheims, antérieurs au dix- huitième siècle, font foi de la fidélité avec laquelle ce règle- ment fut observé. Nous citerons , en exemple , ceux d'Amiens et de Noyon, qui portent en tête la clause que nous avons signalée dans ceux de Normandie, et la justifient par leur accord avec les livres de saint Pie V.

En la même année 1583, nous trouvons le Concile de Bor-

(1) Porro quoniam omaes riius , formulaeque precandi Breviario , Missali, et Agendisseu Manuali contim-ntur, bortaraur Episcopos nos- tr?e proviociae , ut adhibitis sa'tetn duobus CaQonicis , quorum unns ab Episcopo, aller acapiiulo eligatur, dilgenter inspiciant et examinent hujusraodi libros, illisque sirailas, sicut preculas horarias, ne quid contineant conlrarium docirinae Calholicae, et veris historiis Sancto- rum , aut superslitioaibus affiae, aut quod aliqua ralione disciplinam ecdesiaslicam, morumque pTubitatem labefactet : atque ubi indig 'sta minu^qU'^, pietati con^ona Breviaria vel Missiria repereriot , curent quamprimum, et qnam proxime fieri poterit, ad usum Ecclesiae Ro- manse, juxta conblitutionem Pii V. reformari, et in lucem emittii impensis dioecesis. Labb. Tom. XV. pag. 888.

LITURGIQUES. i65

deaux , tenu par l'Arehevêque Antoine le Prévôt de Sansac , et auquel assisiùrent les Evoques d'Âgen , d'Aiigoulènie , de Poitiers, de Saintes, de Sailal, et celui de Bazas , quoique de la province d'Auch. On y décréta l'adoption pure et simple du Bréviaire et du Missel de saint Pie V, attendu la grande [téiiurie des livres diocésains, qu'il serait trop long et dillîcile de corriger et de réimprimer. Le Concile en ordonne l'usage exclusif, en public et en particulier, lequel devra être établi, en tous lieux, avant le premier Dimanche de l'Avent de la même année lo83 (1).

C'était aller, comme on voit, plus loin que les Conciles de Rouen et de Rlieims, qui avaient du moins sauvé le titre dio- césain des Bréviaires et des Missels ; mais dans beaucoup de lieux , la seule raison de l'embarras et de la dépense devait amener l'introduction pure et simple des livres Romains, ainsi que nous l'avons déjà vu pour l'Eglise d'Aquilée.

(1) Quoniara vero inter divlua Officia, eorumque ritus et ceremo- nias in siogulis pêne liiijus prcvinciaj diœcfsibus, magoa est notata diversitas, uec niinor eorum libroruna penuria exislit, quae Breviaiia , Missalia, Manualia , seu Baptisiualia nominamus : ut jam nécessitas efflagitet magnum ejus geueris librorum numerum excudi : ad haec, quia vetuslate vet optima qu;eque coasenescunt, val quaJam illuvie, situque obsolescuut, ut propterea non pauca ia hnjusmodi libres If- repseriQt, qii;e recogiiitioae et forsilan emendalioae opus liabeaat , quod tameii longiim nimis esset atque difficile. Idcirco liis, aliisque de causis nobis visum est uoum , idque perfacile , his tôt incomraodis remedium adhiberi posse, si, quod jam facimus, Bremrio Gardioalis a Quignonio, quod triura leclioaum vocaut , ceterisque omnibus sup- pressis, deceineremus, siculi tenore pnesentium decernimus , ut in posterum Breviaria, Missalia et Maaualia ex decreto Goncilii Triden- tiai ad usum Romaate Ecclesi;c restituta , atque instaurata , et Pii V. Pont. Max. jussu édita, ab iis onuibus, qui in hac provincii Sscra- meutorum admiuislrationi iiicumbere et diviuo cultui, ac [lecibus, Missarumque celebratioai ex OÛicio vacare debent , ad summum ante adventum proximi aaui 1585, tam privatim, quam publiée recipian- tur ; eaque 50la ubiquc, et apud omues in usa sinl. Labb. Tom. XF. pug. 9i8.

idi liNSTITUTIONS

Le Concile provincial de Tours fut tenu aussi en lo83. Il fut présidé par Simon de Maillé , Archevêque de Tours , et on y vit les Evêques d'Angers , de Nantes, de Saint-Paul de Léon, de Saint-Brieux , de Rennes, de Quimper, de Dol, de Vannes, et les Procureurs des Evêques du Mans, de Saint-Malo, et du Chapitre de Tréguier, le siège vacant. Les Pères s'occupèrent aussi de la réforme liturgique , et l'on voit qu'à leurs yeux l'unité en cette matière était aussi pré- cieuse qu'elle pouvait l'être à ceux des Evêques de ce Con- cile de Vannes, de 461, dont nous avons parlé au chapitre IV ; seulement, il ne s'agissait plus de l'unité restreinte aux li- mites d'une province ecclésiastique , mais de cette vaste et catholique unité que les Pontifes Romains , depuis lors , avaient établie, au prix de tant de soins, dans la Liturgie de l'Occident tout entier. Les Evêques du Concile de Tours ne font aucun doute de l'obligation l'on est en tous lieux d'observer la Constitution de saint Pie V, bien qu'on ne trouve nulle part, jusque là, la plus légère trace d'une promulgation , et encore moins d'une acceptation qu'on aurait faite de cette Bulle en France, soit en Concile, soit autrement. Nous verrons même bientôt les gens du Roi at- taquer en plusieurs lieux l'autorité de cette Constitution , et s'opposer aux mesures prises pour son application.

Les Evêques du Concile de Tours déclarent donc l'iobligaiion, pour les Ordinaires, de faire imprimer les Missels , les Bré- viaires, les Graduels , et autres livres nécessaires au Culte divin, et de les corriger exactement, suivant la forme prescrite par le Siège Apostolique et la Constitution de Pie V, de sainte mémoire (1).

(i) Monemus Episcopos Missalia , Breviaria , Gradualia , aliosque libros ad diviauiu cultum necessarios, quibus fere omnes Ecclesiœ sunt destituiLc, ut exacte emendentur, ad uormam a sede Apostolica et

LITURGIQUES. 4GS

Dans l'exécution de ce Décret , les divers diocèses de la province de Tours suivirent une conduite difïerente. La Bretagne , pays d'obédience , embrassa toute entière les livres romains , sans rien réserver de ses anciens usages qu'un Propre des Saints par chaque diocèse. Les Eglises de Tours , du Mans et d'Angers , réimprimèrent leurs Missels et Bréviaires sous le litre diocésain , avec l'addition ad Ro- mani formam , et l'on peut voir dans les Lettres Episcopales placées en tête des diverses éditions qui en ont été publiées jusqu'au changement de la Liturgie, que l'on se croyait, dans ces trois diocèses , obligé à suivre les Offices de Rome , tant à cause du Décret du Concile de Trente et de la Bulle de saint Pie V, que par le Canon du Concile de Tours de 1583. L'espace nous manque pour insérer ici ces importantes Lctttres pastorales , que chacun peut consulter en tête des divers exemplaires des Bréviaires de ces trois diocèses que l'on trouve encore dans les bibliothèques publiques , et même entre les mains de plusieurs particuliers.

La province de Bourges tint son Concile en 1584 , sous la présidence de l'Archevêque Renauld de Beaulne. On y vit les Evêques de Saint-Flour, deCahors, de Limoges; les Procu- reurs des Evêques de Rhodez , de Tulle, d'Albi , de Mende, de Vabres, et ceux des Chapitres de Clermont et de Castres, le siège vacant. Au Titre premier, Canon dixième, il est en- joint aux Evêques de faire réimprimer les Missels , Bréviaires et autres livres Liturgiques, et de les corriger, suivant le besoin. Les Pères ajoutent les paroles suivantes qui montrent clairement la conviction ils étaient que la réforme litur-

Constitutione sanctœ mémorise Pii quiati prœscriptam , et iatra anaum eorum qui ex consuetudine proviaciœ ad id tenentur impensis , impri- mantur, procurare. Labb. Tom, XF. pag. 1021.

T. I. 30

41^ INSTITUTIONS

gique accomplie à Rome , intéressait tout rOccident. t S'il »est des Eglises qui se soient servies jusqu'ici de l'ancien «Office romain, qu'on les oblige à recevoir celui qui vient

> d'être réformé d'après le décret du Concile de Trente (i). > Il ne se peut , certes , désirer rien de plus exprès. Dans la province de Bourges , comme dans celle de Tours , les Eglises se divisèrent dans la manière d'appliquer la réforme liturgique. L'Eglise Patriarcale, et celle de Limoges, entre autres , firent imprimer, presque aussitôt après le Concile , leurs Bréviaires sous le titre diocésain , avec la clause dont nous avons parlé. Saint-Fiour, Cahors, Rliodez, Castres, etc., adoptèrent le Romain pur, et firent imprimer séparément le Propre Diocésain .

L'année suivante i58o, l'Archevêque d'Aix, Alexandre Canigiani , tint le Concile de sa province , auquel se trou- vèrent les Evêques d'Apt , de Gap , de Riez , de Sisteron , et le Procureur de l'Evêque de Fréjus. On y fit le décret sui- vant : « Le saint Synode désirant que tous les Clercs de cette » province soient unanimes dans la louange de Dieu, tant pu- iblique que privée, et considérant que , d'après la Constitu- >tion du Pape Pie V, il est défendu , si l'on quitte un Office > particulier, d'en prendre un autre que le Romain ; comme, > d'ailleurs, les autres Eglises Cathédrales ne sont pas en » mesure de se conformer à l'Office de la Métropole ; statue , » prescrit et commande à tous ceux à qui il appartient , sous

> peine d'excommunication , et autres à la volonté de TE- * vêque, d'introduire dans toutes les Eglises de celte province » l'usage du Bréviaire et du Missel réformés d'après le décret i du saint Concile de Trente , d'ici au premier janvier de

(1) Si quse Ecclesue hactenus usîe sunt veteri Officio Romano , nuper reformatmû ex Concilii TrideDlini decrelo recipere cogantur. Labb. lom. Xy. poy. 1071.

LITURGIQUES. 467

>rannée prochaine 1586. » Les Pères ajoutent que cette me- sure leur semble préférable à la réimpression des Bréviaires particuliers , qui nécessiterait de trop grands fiais , et ils ter- minent leur décret par ces paroles qui mettent dans une nou- velle évidence ( si déjà nous n'avions pas rendu cette obser- vation banale à force de la répéter ) , la conformité presque matérielle de ces Liturgies diocésaines de France avec la Romaine , tant ancienne que réformée : « Et afin que les » livres tant do l'Eglise Métropolitaine que des autres Catlié- » drales , ne demeurent pas inutiles , au grand préjudice de » ces mêmes Eglises , on les adaptera et corrigera suivant » l'usage Romain, aux dépens du Clergé de chaque dio- »cèse (1), i

Le Concile de Toulouse , en 1590, présidé par l'Arche- vêque François , Cardinal de Joyeuse , ne fut pas moins ab-

(1) Cupieus haec sancta Syaodus, ut omnes ecclesiaslici hujus pro- vincise , unanimes , uno ore tam in ecclesiis , quam privatim honorifi- cent Deum ac Patrem Domini nostri Jesu Cliristi ; et attendens quod ex constitulione felicis recordatioais Pii Vapœ quiuti prohibilum est proprio Oflicio relicto , aliud quam Romanum assumere ; ideo cum aliaî Cathédrales Ecclesia3 Officio raelropolitanio conformari non possint : statuit liaec Syaodus, et omnibus ad quos spectat praacipit et mandat, sub pœaa excommunicationis, ac alia arbitratu Episcopi, ut usum Breviarii Romani et Missalis ex decreto sacrosancti Concilii Tridentini restituti et editi in omnibus huJus provincite ecclesiis iutra illud tem- pus , quod bine ad principium mensis januarii anni proximi 1586 , in- terjectum est, omnino introducant. Visum est enim id magis decere, quam , quod uaaquœque diœcesis proprium Oflicium retineret , prae- serlim cum jam Missalia, Breviaria, Diurnalia , Gradualia , Antipho- naria , et alii hujusmodi libri ad unius cujusque diœcesis hujus pro- vinciaB usum omnes pêne laceri, imo et omnino consumpti sint, et vix reperiantur , nec de novo imprimi possint absque magna impensa , et ne libri , quos tam Metropoiitana , quam aliie Cathédrales Ecclesite ha- bent, illis inutiles remaneant, magno earumdem ecclesiarum prseju- dicio ; placuit illos ad usum Romanum aptari et reconcinnari, impensis totius deri uniuscujusque diœcesis. labb. Tçm, KF, pag. 1154.

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solu que celui d'Aix , dans son décret sur l'Office divin. On y vit les Evêques de Saint-Papoul , de Rieux , de Lavaur, et les Procureurs des Evêques de Lombez , de Pamiers , de Mi- repoix et de Montauban. Le Canon est conçu en peu de mots : « Afin d'établir un accord plus parfait entre les Chré- » tiens , les Heures Canoniales seront récitées , tant en par- ï ticulier qu'en public , suivant la prescription du Bréviaire » Romain (1). »

Le dernier de nos Conciles de France que nous trouvons avoir adhéré à la réforme liturgique de saint Pie V, est celui de Narbonne , tenu en 4609 , par l'Archevêque Louis de Vervins , et dans lequel siégèrent les Evêques de Carcas- sonne , d'Agde , de Saint-Pons , Mmes , Uzès , Aleth , Mont- pellier, et les Procureurs des Evêques de Beziers et de Lo- dève. Le Décret, que nous ne traduisotis pas , afin de ne pas fatiguer le lecteur qui peut le voir dans la noie (2) , a cela de particulier que les Evêques y disent expressément recevoir la Bulle de saint Pie V, et la déclarer promulguée , indiquant et signifiant les peines qui y sont déclarées contre les in- fracteurs. Ce langage est fort différent , comme l'on voit ,

(1) Sed ut major Christianorum sit inter se couseusio, Hor» cano- nicîe, tum privatim, tuiu publiée, ex Breviarii Romani prœscripto re- citeutur. Labb. Tom. pug. 1588.

(2) Ideô ut ia omnibus unitas sit la Ëcclesia quae una est : a quibus- cumque ecclesiasticis , tam Metropolitanse , Cathedralium , ColUgia- larum , aliarumque ecclesiarum officium recitari in choris , et in ec- clesiis decantari prœcipimus, et mandamus , juxta ritum , ordinem , modum, et formam a felieis mémorise Pic Papa liujus norainis quinto prsescriptam , per Bullam, super reformatione Breviarii cditam : quam nos recipimus , et ia tota provincia recipi volumus , et j; atsenlis nostri decreti publicatione sufficienter promulgatam declaramus : contra eamdejsa agentes , pœnas per Ipsam latas eis iadiclmus et significamus. labb. Tom. XF. pag. 1616.

LITURGIQUES. 469

(le celui des sept Conciles du seizième siècle que nous avons cités. Au reste, la prétention des Pères du Concile ne fait que rendre plus grave pour les diverses Eglises de la pro- vince l'obligation de reconnaître l'autorité d'une Constitution reçue cl approuvée d'une manière aullienlique.

Les huit Conciles Provinciaux dont nous venons de rap- porter les ordonnances sur la Liturgie , nous ont fait passer en revue presque toute l'Eglise de France. Les autres pro- vinces , sans se réunir en Concile , adoptèrent des mesures analogues pour la réforme liturgique. Lyon maintint le fonds de son Office mêlé de Romain et de Gallican. Plusieurs des Eglises de cette Métropole renouvelèrent , en les corrigeant, leurs anciens livres ; nous ne saurions indiquer aujourd'hui leurs noms avec précision. Langres , du moins , adopta le Romain pur. Sens ne fit qu'épurer, ses anciens livres à l'aide de ceux de saint Pie V. Paris, Meaux, Chartres, suivirent son exemple. Nous ne pouvons rien affirmer sur les autres Eglises de la province de Sens. Auch adopta purement et simplement la Liturgie Romaine réformée , et le reste de la province suivit son exemple. Avignon et Embrun, avec leurs Eglises , firent la même chose. Il faut en dire autant de la plupart des diocèses de la province de Vienne. Quant à la Métropole elle-même , nous sommes porté à croire qu'elle garda l'ancien Bréviaire , en le corrigeant sur celui de saint Pie V.

Si nous passons maintenant aux diocèses qui, depuis, ont été réunis au territoire français, nous trouvons Cambrai qui adopta le Romain pur, Arras qui corrigea ses livres, Tournay, Saint-Omer, Namur, dont la Liturgie ne fut plus antre que la Romaine.

Pour dire un mot , en passant , sur la Belgique , nous mentionnerons le Concile de Malines, en 1607, dans leque^

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les Prélats établissent pour la réforme liturgique les mêmes règles que les Evéques de France dans les Conciles cités plus haut. Les Evéques qui prirent part à cette Assemblée, sous la présidence de l'Archevêque , furent ceux de Gand , Bois-le-Duc , Ruremonde , Bruges , Anvers et Ypres.

Ainsi fut rétablie en France l'unité liturgigue , et cet événement eut lieu d'une manière si éclatante, qu'il n'est pas d'exemple qu'une Constitution Pontificale y ait été reconnue obligatoire dans un aussi grand nombre de Conciles , que l'a été celle de saint Pie V, sur le Bréviaire Romain. On voit aussi que ces Conciles dépassèrent même dans leur obéis- sance au Saint-Siège les limites qu'il avait tracées. Plus d'un tiers de nos Eglises était en possession d'un Bréviaire , Ro- main sans doute pour le fond, mais depuis plus de deux cents ans corrigé , réformé par l'autorité diocésaine. Néanmoins , les Evéques jugèrent que l'unité ne pouvait être trop par- faite , et reconnaissant d'ailleurs la supériorité de rédaction du nouveau Bréviaire , ils ne firent aucune difficulté , la plu- part de l'adopter purement et simplement, les autres de le faire imprimer presque en entier sous le titre diocésain. Nous ne connaissons guère que Lyon dans toute la France qui retint son ancien Bréviaire , et encore ce ne fut pas sans emprunter quelques améliorations au nouveau Romain.

Un autre événement important pour l'unité liturgique en France , est l'introduction des livres Romains réformés dans la Chapelle du Roi , à Paris , et dans celles des autres châ- teaux royaux. Cette pieuse innovation eut lieu , par ordre de Henri III , en 1383 (1). Ce prince, à la sollicitation des Jésuites, auxquels l'Eglise Catholique fut si redevable dès le seizième siècle , avait permis , en 1580, l'impression du Bré-

(1) On ne quitta toutefois le Parisien à la Sainte Chapelle de Paris, que le Mercredi des Cendres ,1610.

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viairc Romain, qui souffrait des liitricultés de la pan du Par- lement de Paris (1).

En effet , la haine de ce corps contre tout ce qui venait de Rome , s'était déjà éveillée à l'apparition d'un ensemble de Liturgie imposé aux Eglises par le Saint-Siège. L'accord des divers Conciles à mettre en exécution la Bulle de saint Pie V, n'avait pas été sans être remarqué , et peut-être une for- melle intimation faite par l9s gens du Roi est-elle la meilleure explication de la clause par laquelle le Concile de Narbonne, tenu déjà dans le dix-septième siècle , a cru devoir déclarer qu'il recevait en forme cette Constitution. Quoiqu'il en soit, le Parlement de Paris donna , vers 1580, un insigne exemple de cette oppression religieuse que nul autre pays n'a mieux connue que le nôtre.

On se rappelle que le Missel de saint Pie V ne portait point au Canon ces paroles Pro Rege nostro. Nous avons rapporté l'action de Philippe II qui , dans son respect pour l'autorité religieuse , ne voulut pas employer son pouvoir royal pour arracher des prières au Clergé Espagnol. Voici maintenant ce qui se passa en France. Le Parlement, toujours jaloux des droits du Roi , quand il s'agissait d'opprimer l'Eglise , vit avec indignation l'absence du nom du Roi dans le Missel Romain ; mais fidèle à son plan de nationaliser l'Eglise , il se garda bien de conseiller au Souverain de se pourvoir auprès du Saint-Siège pour obtenir la même faveur que Philippe II n'avait pas dédaigné de solliciter. De son autorité laïque , matérielle , incompétente , il fit défense à tous imprimeurs du Royaume de publier le Missel Romain , sans y ajouter le Pro Rege nostro N. , et depuis lors, on n'a jamais osé en-

(1) Grancolas. Commentaire historique du Bréviaire Romain , pag. 28.

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freindre ce Règlement (1). Le temps , et plus encore , la con- descendance du Siège Apostolique, a pu légitimer l'emploi de ces paroles au Canon de la Messe ; mais l'origine de cet usage n'en remonte pas moins à une entreprise du pouvoir sécu- lier qui prouve , d'ailleurs , assez clairement que , dans cette Espagne si méprisée , ou plutôt si mal connue , la Couronne s'entendait mieux en ftnt de liberté de conscience qu'en France, cette liberté ne s'est jamais développée qu'en faveur des hérétiques.

Cette mauvaise humeur des Parlements contre les Livres Romains semble déjà présager dans l'histoire la réaction qui devait avoir lieu un jour en France contre les antiques prin- cipes de la Liturgie. Car, il faut bien l'avouer, les magistrats ne se sentaient pas seuls dans cette opposition ; un parti se formait sourdement dans le Clergé , et la haine de Rome fer- mentait déjà dans plus d'un cœur. On en vit une démons- tration bien significative de la part de la Sorboune , en 1583. L'Evêque de Paris , Pierre de Gondy, ayant songé à introduire les Livres Romains dans sa Cathédrale , comme ils venaient d'être introduits par le Roi lui-même dans sa Chapelle , le Chapitre de Notre - Dame forma opposition contre cette intention du Prélat , prétendant , avec fonde- ment , que le Bréviaire et le Missel de Paris se trouvaient dans le cas de l'exception prévue par la Bulle ; qu'on ne devait point abolir un Rite dont la renommée s'était ré- pandue non seulement par toute la France , mais dans presque toutes les autres Eglises de l'univers ; et conclut à la simple correction des Livres Parisiens par les Commis- saires déjà députés à cet effet (2). La Commission continua

(1) Grancolas. Ibid. Pag. 30.

(2) Vid. la note E.

LITURGIQUES. 475

donc son travail , mais elle s'en acquitta avec tant de zèle pour les usages Romains réformes , qu'elle y fit entrer la presque totalité du Bréviaire de saint Pie V (1). Nous venons de voir, d'ailleurs , que le Chapitre , par le fait même qu'il croyait l'Eglise de Paris dans le cas de l'exception prévue par la Bulle , reconnaissait la valeur de cette Constitution. Paris doit donc être mis au rang des Eglises qui prirent part à la Réforme Liturgique de saint Pie V. Quant au refus que firent les Chanoines de prendre le Romain pur, nous sommes loin de le blâmer. Il était trop juste que cette Liturgie Romaine-Française . enrichie par Robert-le-Pieux , Fidbert , Maurice de Sully ; que plusieurs Ordres religieux avaient adoptée, qui avait pénétré jusque dans les Eglises de Jérusalem, de Rhodes , de Sicile, demeurât debout comme une de nos gloires nationales. Abolie déjà , dans la plupart des Cathédrales françaises par l'introduction des Livres Ro- mains, Paris, du moins , ne devait pas la laisser périr ; Rome elle-même avait préparé les voies à cette conservation par les clauses de sa Bulle. Si donc aujourd'hui , cette belle et poétique forme du Culte Catholique n'est plus, demandons- en compte , non au Siège Apostolique , mais aux Parisiens modernes qui , cent ans plus tard , se plurent à renverser l'antique et noble édifice que leurs pères avaient défendu avec tant d'amour.

C'est que malheureusement , comme nous le disions tout- à-l'heure , un parti se formait qui devait, au temps marqué , poursuivre l'œuvre Romaine de la Liturgie , jusque dans les livres diocésains. La Sorbonne récelait des hommes de ce caractère , et l'histoire nous a conservé le scanda- leux avis que celte Faculté, ou plutôt quelques-uns de

(1) Grancolas. Ibidem, 65.

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ses membres , consultés par le Cliapitre de Paris , donnèrent contre l'adoption projetée des Livres Romains. Le lecteur trouvera cette étrange pièce ci-après (1) : nous en choisissons seulement ici les principaux traits.

Après quelques banalités sur le grand bien qu'il y a dans la variété , comme si l'unité n'était pas aussi une chose dési- rable , les Docteurs disent leur véritable pensée : t L'adop- » tion du Bréviaire Romain diminuerait beaucoup l'autorité ïdesEvéques et des Diocèses. Les promoteurs de cette me-

> sure sont gens qui veulent faire leur cour. Les Evêques ont » puissance de police et de règlement dans leurs diocèses , » comme l'Evêque de Rome dans le sien ; ce grand bien serait » ébranlé par le changement en question. Cette entreprise » serait contre la liberté de l'Eglise Gallicane qui , si elle se » soumettait à celle de Rome dans une chose aussi capitale , » lui demeurerait assujétie en tout le reste : car l'accessoire >suit le principal. Il n'y a pas plus de raison à ce que tous j> les Prêtres disent en tous Heux un même Bréviaire , qu'il

> n'y en a à ce que tous les Laïques adressent à Dieu la même » prière. Après tout , que résulte-t-il autre chose de ceci , si » ce n'est l'accroissement non de la religion , mais de la su- «perbe et ambition Romaines ? Que la crête du Coq Gaulois » ne le cède pas ainsi au sourcil Romain ! Il ne s'agit pas ici

> de religion , mais d'orgueilleuse fourberie. Si les Evêques » connaissent ce qu'ils sont , ils doivent savoir qu'ils ont pou- » voir de régler la forme de la prière , aussi bien que le Pape

> dans son diocèse de Rome ; autrement, ils ne seraient que » les Chapelains du Pape. »

Voilà , certes , de la franchise : toute la pièce est dans le même goût. Les Docteurs se prévalent surtout de l'inconve-

(1) Vid.lanoteF.

LITURGIQUES. 478

nance qu'il y aurait de renoncer au culte dos Saints du dio- cèse , en adoptant le Calendrier Romain. Cette difficulté n'est pas sérieuse , puisque tout le monde sait que , dans tous les diocèses l'on suit le Romain pur, on est autorisé à joindre au Rréviaire un Propre des Saints locaux qui peut être aussi complet qu'on le désire. Au reste, dans une cause qui fut plaidée en Parlement , en 1605 , et dont nous parlerons ail- leurs, l'Avocat du Roi Servin ayant inséré cet acte de la Sorbonne en son plaidoyer, la Faculté réclama contre l'inser- tion et contre l'acte lui-même qui doit donc être considéré , non comme l'avis de tous les membres de cette Compagnie , mais simplement , ainsi que nous avons dit , comme la ma- nifestation d'un espiit de révolte dans quelques particuliers. Nous verrons bientôt le terrible incendie qu'alluma cette étincelle cachée un moment sous la cendre. Achevons le tableau de la Réforme Liturgique dans l'Eglise Latine , au seizième siècle.

Les diocèses qui avoisinent la France du côté de l'Alle- magne , ceux de la Franche-Comté et de la Suisse , par exemple , réformèrent leur Liturgie , d'après la Romaine , suivant leur génie particulier. Besançon garda le titre dio- césain à la tête de ses livres qui retinrent beaucoup d'usages particuhers. Zaccaria indique un Missel de Coire , sous la date 1589. Aujourd'hui, toute la Suisse, à l'exception de Lausanne , suit les livres Romains purs.

On trouve , dans les bibliothèques , des Bréviaires de Co- logne (1) , de Trêves , de Mayence , de Constance, de Wurtz- bourg, de Worms, de Spire, etc., imprimés à la fin du

(1) Le diocèse de Liège, qui était delà province de Cologne, a gardé long-temps un Bréviaire particulier. Aujourd'hui , il est soumis au Romain , sauf certains rites qui lui sont propres.

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seizième siècle et réformés d'après celui de saint Pie Y. Au- jourd'hui , plusieurs de ces Eglises suivent le Romain pur, ainsi que toute l'Autriche, la Hongrie, la Pologne, le Ty- rol , etc. , qui embrassèrent de suite les livres réformés.

L'Angleterre était déjà séparée de la Communion Romaine, quand le Siège Apostolique s'occupa du rétablissement de l'unité de Liturgie : elle ne put donc y prendre part. Nous apprenons de Burnet et de Larrey, historiens de la Réforme Anglicane, cités par le P. Lebrun (1), qu'avant la défection de l'Angleterre , on comptait dans ce royaume cinq Liturgies principales qui étaient autant de formes de la Romaine; savoir celle de Salisbury, qui avait cours dans les provinces méridionales, sous le nom deSarum, dont on trouve une édition , ainsi que du Bréviaire , imprimée à Paris en 13o6 ; celle d'Yorck , qui était en usage dans les provinces septen- trionales ; celle d'Héréford , dont l'usage était reçu dans la partie méridionale du pays de Galles; celle de Bancor, pour la partie septentrionale du même pays; enfin, celle de Lincoln, pour le Diocèse de ce nom.

Il est temps de revenir à Rome , centre de la réforme li- turgique, et de considérer encore les grandes œuvres ac- complies dans ce but par les Pontifes Romains. L'état du chant et de la musique ecclésiastiques appelait tous leurs soins. Nous avons vu combien cette partie de la Liturgie avait souffert, aux quatorzième et quinzième siècles, de l'esprit d'innovation. Le lecteur n'a pas oublié la célèbre Bulle de Jean XXII , Docta Sanctorum. Nonobstant ces efforts si louables , le mal allait croissant en proportion du relâchement de la discipline. Dans la plupart des Eglises , le chant Grégorien avait disparu presque complètement;

fl) Explication de la Blesse. Tom. IV, pag. 50.

LITURGIQUES. 477

une musique toute profane , bruyante , entortillée , farcie de réminiscences mondaines , et sous laquelle il n'était nul- lement question du sens des paroles , avait envahi les plus augustes Basiliques. La voix humaine n'y paraissait plus que comme un instrument à produire des sons plus ou moins habiles.

Le Pape Marcel II , choqué d'un tel abus, songea à bannir entièrement la musique des Eglises : cette résolution trop sévère , qui eût privé la Liturgie d'un de ses plus grands moyens , ne fut cependant pas mise à exécution. La Provi- dence avait préparé , dans Rome même , pour désarmer le rigide Pontife , un homme d'un génie profondément litur- gique, et dotît les ressources étaient à la hauteur de sa mis- sion. Luigi Palestrina , proclamé plus tard le prince de la musique , chantre de la Chapelle Papale , obtint permission de faire entendre au Pontife une Messe de sa composition. Il se mit donc à l'œuvre avec l'ardeur la plus vive et la plus fervente. Il sentait qu'il s'agissait, pour la musique religieuse, de la vie ou de la mort. On a trouvé sur son manuscrit ces mots : Seigneur^ aidez-moi ! Son travail étant achevé , il fit exécuter sa Messe en présence de Marcel IL Le Pape fut ravi de la simplicité , de l'onction , de la richesse que Palestrina avait déployée dans cette composition. Le sens du texte était exprimé avec une précision et une clarté que rien ne pou- vait surpasser. L'anathême préparé contre la musique fut ré- voqué, et cette Messe garda le nom de Messe du Pape Marcel. Toutefois, tel était le zèle de la réforme dans les Pontifes du seizième siècle , que l'idée de proscrire la musique fut encore mise en avant, à Rome, par plusieurs personnes zélées. Pie IV nomma , à cet effet , une commission parmi les membres de laquelle se trouvait son austère neveu , saint Charles Borro- mée. Il fut encore réservé à Palestrina de désai'mer les en-

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nemis de la musique sacrée. Il montra, par les faits même , non-seulement que le génie musical pouvait créer encore des merveilles dans les régions mystiques de la Liturgie, mais que les mélodies Grégoriennes étaient susceptibles de s'en- richir en majesté , en onction , développées par de nouveaux moyens puisés dans les mêmes inspirations. Aussi a-t-on reconnu qu'il est difficile de prononcer lequel est le plus ad- mirable de Palestrina , agrandissant , par un développement analogue, les effets de la phrase de saint Grégoire, ou du môme Palestrina composant , avec une originalité simple et grandiose , ces admirables productions dont il n'a pris l'idée qu'en lui-même. Ce grand musicien du Catholicisme fut créé, par saint Pie V, Maître de la Chapelle Papale , et mourut en 1594 (1).

Le Concile de Trente avait partagé les sévères préoccu- pations des Pontifes Romains au sujet de la musique , et il songeait aussi à l'éliminer des Eglises. Les réclamations de l'Empereur Ferdinand tempérèrent les rigueurs de cette sainte et grave assemblée (2) . On se contenta de prohiber les airs lascifs et mondains, tant sur l'orgue que dans le chant proprement dit (3). En sa session XXIII, le saint Concile, voulant pourvoir à la réforme du Clergé, décréta la fonda- tion des Séminaires , et plaça , parmi les exercices auxquels on doit appliquer les jeunes Clercs , l'étude du chant ecclé- siastique. Les Conciles du seizième siècle qui suivirent le Con-

(1) Adami. Osservazioni per bea regolare il coro dei cantori délia Capella Pontificia. Prefazione islorica. Page. H.

(2) Bened. XIV. Bullarium. Tom. III. Coustitutioa de Ecdesiarum cultu. §. 5 , année 1749. 19 février.

(3) Ab Ecclesiis vero musicas eas ubi si?e organo , sive cantu , las- civum aut impunim aliquid miscetur, arceant Episcopi. Conct Trid. Session. XX.

LITURGIQUES. 479

cile de Trente ne pailèrcnt pas moins énergiqucment contre les abus qui s'étaient introduits dans la musique d'Eglise; ils réclamèrent expressément contre les mélodies mondaines qui n'étaient que trop en usage , et firent des réglemens contre ceux qui ensevelissaient le sens des paroles sous le fracas des voix. Caveaiit Episcopi ne strepitu incondito sensus sepe- liatur. Ce sont les paroles du Concile de Tolède de 1566.

Après avoir assuré la pureté du Missel et du Bréviaire , et sauvé les traditions de l'Eglise sur la musique sacrée , une grande œuvre , à la fois liturgique et sociale, appelait la sol- licitude des Pontifes Romains. Le Calendrier, fondement de la Liturgie , comme il l'est des relations des hommes entre eux , était tombé dans un désordre complet. Le soin de le réformer appartenait aux Pontifes Romains, puisque, dès l'o- rigine de l'Eglise , nous les voyons chargés de faire parvenir aux Eglises la date Pascale , centre de l'année chrétienne , et que cette date devenait de plus en plus incertaine. Le Concile de Trente s'était préoccupé de ce grave objet , mais il avait fini par en renvoyer l'examen et le jugement au Pape. C'était, du reste, un grand spectacle de voir encore au sei- zième siècle , l'Europe , ou plutôt le monde civilisé tout en- tier, redemandant à Rome la clef perdue de la science des temps. Grégoire XIII eut la gloire de rendre ce service à l'humanité. Il s'entoura de toutes les lumières, forma une commission des hommes les plus célèbres dans les études as- tronomiques, et parmi lesquels on doit distinguer les deux qui eurent le plus d'influence sur les résultats , le Cardinal Sirlet et le Jésuite Allemand Christophe Clavius. Un médecin Italien, Louis Lilio, bien qu'il fût déjà mort à l'époque même de la conclusion de cette grande affaire, y eut, peut-être , la part principale, au moyen d'un mémoire spécial qu'il laissa après lui, et dans lequel il indiquait la méthode la plus facile

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et la plus sûre pour la correction tant désirée. Grégoire XIII voulut aussi consulter plusieurs savans astronomes étran- gers, entre autres François de Foix de Candale, seigneur Français , et quand il eut recueilli toutes les notions néces- saires pour une réforme éclairée et légitime , il la déclara à l'Eglise et l'établit formellement, par une Bulle qui com- mence par ces paroles : Inter gravissimas , et qui est datée du VI des Kalendes de Mars 1582 (1). La marche de cet ouvrage nous amènera ailleurs à parler au long du Calen- drier et de la nature des réformes qui y ont été faites. Il suffit de rappeler ici que tous les Etats Catholiques adop- tèrent immédiatement le Calendrier Grégorien ; les nations Protestantes différèrent plus ou moins à accepter ce service rendu à la société, parce qu'il venait d'un Pape; néanmoins , elles finirent par se rendre ; mais l'Angleterre, seulement au siècle dernier. Il ne reste plus aujourd'hui, en Europe, que la Russie qui tienne encore pour l'ancien style , et cela afin que les hommes voient dans tout son jour cette vérité historique que le schisme est encore plus haineux et plus aveugle que l'hérésie elle-même. Mieux valurent à l'Afrique Chrétienne les Ariens eux-mêmes que les Donalistes.

Grégoire XIII eut bientôt à accomplir une oeuvre intime- ment liée à la réforme du Calendrier, savoir la publication du Martyrologe Romain. Il avait déjà été imprimé plusieurs fois en ItaUe et notamment à Rome ; mais il appelait une correc- tion. L'illustre Baronius eut charge d'y travailler , et une nouvelle édition fut publiée par l'autorité de Grégoire XIII. Le Bref de promulgation est du 14 janvier 1584, et porte obligation pour tous les Patriarches , Archevêques, Evêques, Abbés et autres supérieurs des Eglises , Monastères , Cou- Ci) BuUar. Roman. Edit. Luxemb. Tom. II. Pag. 448.

LITURGIQUES. 481

vcns , ou Ordres , tant séculiers que réguliers , de s'y con- lormer tiaiis l'Olfice du chœur. Quant aux Saints dont on a coutume de célébrer la fêle dans certaines Eglises ou lo- calités, on ne les insérera pas au corps du Martyrologe Romain , mais on écrira leurs noms sur un livre à part , pour les placer ensuite aux lieu et ordre prescrits dans les règles dudit Martyrologe (1).

La publication du Bréviaire , du Missel , du Calendrier, du Martyrologe , ne satisfaisait pas encore, il est vrai , à tous les besoins de la Liturgie : restaient à réformer le Ponti- fical, le Cérémonial et le Rituel. Toutefois, il n'importait pas moins que des mesures fussent prises pour maintenir la pureté des règles que Rome venait d'établir. L'idée d'un tribunal spécial pour dirimer toutes les difficultés , pour ré- pondre à toutes les consultations sur la matière des Rites sacrés , appartient à Sixte-Quint. Dans sa fameuse Bulle du XI des Kalendes de Février 1588, qui commence par le mot Immensa, et par laquelle il établit quinze Congrégations de Cardinaux poiu' l'expédition des affaires ecclésiastiques et le gouvernement particulier de l'Etat Romain , le Pontife en érige une spéciale sous le titre de Congrégation des sacrés Rites. Voici les paroles remarquables par lesquelles Sixte- Quint déclare cette érection :

« Attendu que les sacrés Rites et Cérémonies dont l'Eglise

(1) Mandamus igitur omnibus Patriarchis , Archiepiscopis , Episco- pis, Abbatibus, ceterisqiie Ecclesiis, Monasteriis , Conventibus , Or- dinibus, sive secularibus , sive regularibus quibuscumque Prsefectis , ut iu j)eragendo divino in Choro officio, omni ullo Marlyrologio amoto, lioc tantum nostro utantur, niilla re addita , mut?ita, adempta. Si quos alios habuerint Sanctos iu suis Ecclesiis, aut locis celebrari solilos, eos in huuc librum ne insérant , sed separatira descriptos liabeant, eum- que illis locum aique ordinem tribuant , qui regulis hic descriptis tra- ditur.

T. I. 31

482 INSTITUTIONS

> instruite par la tradition et règle Apostolique , use dans

> l'administration des Sacrements, dans les Offices divins et » dans tout ce qui tient au culte de Dieu et des Saints , ren-

> ferment une grande instruction pour le peuple Chrétien et » une protestation de la Traie foi ; qu'ils sont propres à élever

> les âmes des fidèles à la méditation des choses les plus su- îblimes , et à enflammer leurs cœurs du feu de la dévotion; » désirant augmenter de plus en plus la piété des eufans de

> l'Eglise et le culte divin , par la conservation et restauration

> de ces sacrés Rites et Cérémonies ; Nous choisissons cinq

> Cardinaux dont la charge principale sera de veiller à ce que >les anciens Rites sacrés soient observés avec soin par toutes

> sortes de personnes , en quelques lieux que ce soit , dans

> toutes les Eglises de la Ville et du Monde entier, même dans » notre Chapelle Papale, tant aux Messes et dinns Offices que » dans l'administration des Sacremens et autres choses appar- » tenantes au culte divin. Si ces cérémonies tombent en désué- » tude , il leur appartiendra de les rétablir ; si elles s'altèrent ,

> de les réformer. Ils corrigeront et restitueront , suivant le

> besoin , les livres qui traitent des Rites sacrés et des Céré-

> monies, principalement le Pontifical, le Rituel et le Cérémo-

> niai; ils examineront les Offices divins des saints Patrons, et » en concéderont l'usage, après Nous avoir consultés. Ils por- » teront aussi leurs soins, avec diligence, sur la Canonisation

> des Saints et la célébration des jours de fête , afin que toutes » choses se fassent convenablement et suivant la règle , d'a- » près la tradition des Pères. Ils pourvoiront soigneusement » à ce que les Rois et Princes , leurs Ambassadeurs et toutes autres personnes qui viennent à la Ville et Cour de Rome, » soient reçus honorablement , suivant la coutume des An- »ciens, d'une manière conforme à la dignité et mmiificence >du biége Apostolique. Ils connaîtront de toutes les contro-

LITURGIQUES. 485

1 versos sur la préséance dans les Processions et ailleurs, » ainsi que de loules les autres dillicullés qui se présenteront » sur les sacrés Rites et Cérémonies , et les termineront et » régleront d'une manière définitive (1). »

Depuis Sixte-Quinl , le nombre des Cardinaux membres de la Congrégation des Rites a été porté à vingt-quatre. Nous ferons connaître ailleurs plus en détail la nature des attribu- tions de ce Tribunal, et sa manière de procéder dans les causes des Rites sacrés.

Clément VIII, qui monta sur le Saint Siège en 1592, et dont le glorieux Pontificat se prolongea jusqu'à l'an 1605, continua avec un zèle infatigable l'œuvre de la Réforme litur- gique. Ses premiers soins se portèrent sur le Pontifical. Ce livre, si indispensable pour l'exercice des Fonctions Épisco- pales , avait été imprimé plusieurs fois , tant en Italie qu'en France , mais il renfermait plusieurs incorrections , et le soin de les Mre disparaître et de ramener l'unité dans des Rites si importans , ne pouvait appartenir qu'au Pontife Romain. Clément VIII, par un Bref du 10 février 1596, qui commence par ces mots : Ex quo in Ecclesia Bel, annonce à l'Eglise la correction qu'il a fait faire du Pontifical Romain , à l'instar de celle qu'avait entreprise , sur les Bréviaire et Missel Ro- mains , son glorieux prédécesseur saint Pie V. Il dit qu'il a réuni une commission des hommes les plus versés dans la science des Rites Pontificaux, lesquels ont procédé dans leur réforme d'après les plus anciens manuscrits , tant des Eglises de Rome que des bibliothèques Vaticane et autres. En conséquence , le Pape supprime tous les autres Ponti- ficaux qui seraient en usage en quelques lieux que ce soit , et enjoint à tous Patriarches , Archevêques , Evoques , Abbés

(i) Vid. la note G.

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et autres Prélats , de recevoir ce Pontifical réformé et d'en faire usage ; t statuant que, dans aucun temps, on ne pourra > faire à ce livre aucun changement, addition, ou retran-

> chement , et déclarant que tous ceux qui doivent exercer » les fonctions pontificales , ou faire et exécuter quelques- » unes des choses qui sont contenues audit Pontifical , seront î tenus de faire et observer toutes les choses qui y sont pres- i crites , en sorte qu'aucun d'eux ne pourra satisfiiire à la » charge qui lui a été imposée , qu'en se servant des formules î contenues dans ce même livre (1). »

Quatre ans après , en 1600 , le même Pontife publia, par un Bref du 14 juillet, qui commence par ces mots : Cum novissitne, l'édition réfoimée du Cérémonial des Evéques. «Après avoir, dit-il, corrigé et restitué, par le ministère ï d'hommes pieux et érudils, le Pontifical Romain, qui s'e- stait trouvé corrompu et altéré en plusieurs endroits, et î l'avoir publié pour l'usage et commodité des Evêques et

> autres Prélats des Eglises , il nous a semblé nécessaire de » donner nos soins à la réforme du Cérémonial des Evêques , » qui est indispensable pour toutes les Eglises, particulière- >ment pour les Métropohtaines, Cathédrales et Collégiales, » et dans lequel sont contenus les Rites et Cérémonies pour îla célébration des Messes, des Vêpres et autres divins Of- i fices , et pour les diverses Fonctions et Actes , tels que les ï doivent observer les Evêques et les autres Prélats infé-

(1) Slatuentes Pontificale prtedictum nullo unquam tempore , ia loto , vel in parte mulaudum , vel ei aliquid addeadum , aut omnino detralieudum esse , ac quoscumque , qui Pontificalia munera exercera, vel alias quae, iu dicto Pontiticali coalinealur facero , aut exeqiù de- beat, ad ea peragenda, et prcestaada, ex hujus Pontificalis prœscripto, el ratione teueri , uemiaemque ex lis, quibus ea exercendi, et facieadi munus iiupositum est , aisi formulis , ([ute hoc ipso Ponlificali conli- ueuUu, jcrvalis sîUsfaccre posse, Bullar, Rom. Toai, III. Pag. j9.

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» ricins , cU'. [\). » (llémont VIII dit ensuite que les commis- saires chargés de la réforme du Cérémonial se sont appliqués à le mettre en harmonie avec le Pontifical. En effet, dans son Bref sur le Pontifical, le Pontife avait remarqué que les cor- recteurs de ce dernier livre en avaient retranché toutes les choses qui auraient été mieux à leur place dans le Cérémo- nial : ces deux sources de la science liturgique se trouvent donc dans un rapport parfait. Après avoir sanctionné l'obli- gation , pour toutes les personnes que ce Cérémonial con- cerne, de s'y conformer en toutes choses, et déclaré abrogés tous les anciens Cérémoniaux, dans les points qui ne seraient pas conformes au nouveau, Clément VIII statue pour l'obli- gation absolue de so servir de ce livre , le terme de deux mois pour tous ceux qui sont présens à la Cour de Rome, de huit mois pour ceux qui sont en-deçà des Monts, et de douze pour ceux qui sont au-delà.

Si nous venons maintenant à rechercher la manière dont s'opéra la promulgation du Pontifical et du Cérémonial de Clément VIII, nous trouvons qu'ils furent l'un et l'autre reçus dans toutes les Eglises de l'Occident, à l'exception de quelques Eglises de France qui ont jugé à propos de se don- ner un Pontifical , et d'un beaucoup plus grand nombre qui n'ont pas cru devoir accepter le Cérémoaial. Dieu sait aussi

(i) Cum novissime Pontificale antea mendosuni et corruptum, a piis eterudilis viris emendari et resUtiii, et deraum ad Episcoporum, et aliorum Ecclesianmi Prselatorura communem usum et commoditatem divulgari, et in universali Ecclesia ab omnibus observari mandaveri- mus, operae pretium visura fuit, Cseremoniale Episcoporum omnibus Ecclesiis prœcipue autem Metropolitanis , Calhedralibus , et Colle- gialis , perutile ac necessarium , in quo ritus et creremoniœ celebrandi missas , vesperas et alia divina officia, ac in alils Ecclesia? functionibus et actibus ab eisdem Episcopis ac aliis Prselatis infcrioribus in eisdem observandaî , etc. Bullar. Rom. Jbid. Pag. 110.

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quel désordre existe dans un grand nombre de nos Cathé- drales, où les Fonctions Pontificales s'accomplissent d'après des règles que personne n'a jamais vues écrites , et qui , dans tous les cas, sont en contradiction flagrante avec les ru- briques si sages, si précises, si harmonieuses du Cérémonial promulgué par Clément VIII et ses successeurs. Quoi qu'il en soit, on peut toujours dire que le décorum de la dignité épiscopale n'a rien gagné à ce refus d'admettre le Cérémonial Romain : car il n'est aucun Cérémonial Diocésain dans lequel cette dignité si sacrée et si éminente soit traitée avec plus d'égards que dans le Romain , et il en est beaucoup dans lesquels on est en droit de se plaindre du contraire. Le lecteur en jugera dans la suite de cet ouvrage.

Clément YIII entreprit encore un grand travail dans le but de la réforme liturgique. Il fit faire la révision du Rré- viaire. Des fautes et des altérations nombreuses s'étaient ghssées dans un grand nombre d'exemplaires , par la négli- gence des imprimeurs ou l'indiscrétion de quelques particu- hers. Le Pape forma une commission pour rétablir le texte dans sa pureté, et après avoir publié un exemplaire corrigé sortant des presses Vaticanes , il statua par Lettres Aposto- liques, en date du 10 mai 1602, et commençant par ces mots : Cum in Ecclesia , des peines pécuniaires très-sévères contre les imprimeurs de l'Etat Ecclésiastique , et l'excom- munication contre ceux des autres pays, s'ils osaient im- primer le Rréviaire Romain , sans une licence expresse des Inquisiteurs, ou des Ordinaires pour les pays dans lesquels le Tribunal du Saint-Oflîce n'existe pas. La Bulle expose en- suite les formalités que doivent garder les Inquisiteurs et les Ordinaires avant d'accorder cette licence. Ils collatiouneront avec le plus grand soin, et le Bréviaire qui doit être repro- duit , et celui qui sortira de la presse , avec un exemplaire

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de celui que publie Clément VIII ; ils ne permeitront aucune addilion , ni retranchement ; mention sera faite de cette col- lation et de la parfaite concordance, sur la licence même donnée à l'imprimeur , et copie de cette licence sera impri- mée au commencement, ou à la fin de chaque exemplaire, l.es peines encourues ipso facto en cas d'infraction de quel- qu'une de ces injonctions, sont, pour les Inquisiteurs, la privation de leurs offices, et l'inhabilité perpétuelle à y ren- trer; pour les Ordinaires, la suspense à divinis et l'inter- diction de l'entrée de l'Eglise ; et, pour leurs Vicaires, outre l'excommunication, la privation perpétuelle de leurs offices et bénéfices (1).

Deux ans après , le même Pontife publiait, sous la date du 7 juillet 1604., un nouveau Bref qui commence par ces mots : Cum sanctissimum . pour la révision du Missel. Ce livre avait déjà souffert des altérations , en plus grand nombre même que le Bréviaire. Clément VIII se plaint, entre autres choses , qu'on avait indiscrètement corrigé, d'après la version de la Bible de saint Jérôme, un grand nombre d'Introïts , de Graduels et d'Offertoires qui étaient de la plus haute antiquité dans l'Eglise, puisqu'ils étaient tirés de l'ancienne Vulgate ; qu'on avait bouleversé plusieurs Epîtres et Evangiles ; en un mot , qu'on avait introduit plusieurs modifications, sans autorité comme sans discernement. Il dit ensuite qu'il a donné le soin de revoir et de corriger ledit Missel, à une commission formée des Cardinaux les plus érudits et d'autres gens habiles , lesquels ont non seule- ment rétabli, dans les endroits il en était besoin, l'an- cienne leçon sur la foi des plus graves exemplaires, mais ont fait plusieurs améliorations , particulièrement à l'article des

(1) Vid.lanoteH.

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Rubriques , qu'ils ont développées et éclaircies en plusieurs endroits. Le Pontife charge ensuite les Inquisiteurs et les Evéques de veiller à la pureté des exemplaires qui seront imprimés dans les lieux de leur jurisdiction, statuant les mêmes peines , au cas de contravention , tant pour lesdits Inquisiteurs et Evéques , que pour I-es imprimeurs eux- mêmes, qui sont dénoncées dans le Bref cité plus haut pour la nouvelle édition du Bréviaire (1). Nous examinerons, dans une partie spéciale de cet ouvrage , la manière dont on se conforme en France aux volontés de Clément VIII. Ses deux constitutions ne sauraient y être inconnues , puis- qu'on les trouve imprimées en entier, ou en abrégé, en tête de tous les Missels et Bréviaires Romains publiés depuis deux siècles , tant à Paris que dans les autres villes du royaume.

Tels furent les travaux de Clément VIII pour la réforme de la Liturgie ; ils furent dignes de ce grand Pontife et de ses prédécesseurs. La commission dont il est question dans les Lettres Apostoliques que nous venons de citer, se composait, au rapport de Merali (2) , des Cardinaux César Baronius , Sylvius Antonianus et Robert Beilarmin , auxquels furent adjoints Louis de Torrès, Archevêque de Montréal et depuis Cardinal ; Jean-Baptiste Bandini , Chanoine de Saint-Pierre ; Michel Ghisleri, Théatin, et l'illustre Barihélerai Gavanti, Milanais, des Clercs Réguliers de Saint-Paul. On ne pouvait sans doute réunir des noms plus imposans , et mettre les Rites sacrés sous la sauve-garde d'hommes plus recomman- dables par leur science et leur piété.

Nous allons maintenant donner la liste des auteurs du sei- zième siècle qui se sont occupés de la Liturgie.

(1) BuUarium Romanum. Edit. Luxemb. Tom. III. Pag. 174

(2) Thésaurus Sacrorum Rituum Tom. III. ; pag. 22,

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(1501). Jacques Wimpheling, Prèlre du Diocèse de Spire, composa , à la domando de son Evoque , un Ollicc de la Com- passion de la Sainte Vierge , et dédia à ce Prélat un poème (le Laudibus et Cœremoniis Ecclesiœ. Il a laissé aussi un traité sur les auteurs des Hymnes et des Séquences.

(151G). Josse Clichtoiie, Docteur de Paris , est auteur de l'excellent commentaire liturgique si connu sous le litre de Elucidatorium Ecclesiasticum , dans lequel il explique les Hymnes, les Cantiques, le Canon de la Messe et autres prières ecclésiastiques, et enfin les Proses. On rencontre encore assez facilement aujourd'hui ce précieux ouvrage , qui n'a pas été réimprimé depuis plus de deux siècles. Beaucoup de points de la Liturgie sont traités, dans un autre ouvrage de Clichtoiie , intitulé : Anti-Lutherus , et dans ses autres écrits contre la Réforme , qui sont tous fort remarquables pour le temps.

(1520). Albert Castellani , Vénitien , de l'Ordre des Frères Prêcheurs , prépara et dédia à Léon X le livre intitulé Sacer- dotale ; il dirigea, en outre, l'édition du Pontifical Romain qui parut à Venise en \ 520.

(1526). Erasme , de Rotterdam , si connu pour la triste influence qu'ont eu ses idées demi-protestantes sur une por- tion de l'Europe Catholique , doit cependant entrer dans la liste des Liturgistes du seizième siècle. Il a laissé des hymnes en l'honneur de la sainte Vierge , dont quelques-unes furent insérées, de son vivant, au Bréviaire de Besançon.

(1528). Pierre Ciruelo , chanoine de la Cathédrale de Salamanque , a laissé un ouvrage intitulé : Eocpositio Libri Missalis peregregia.

(1529). Gabriel d'Ancône, Augustin, Sacristain de la Cha- pelle du Pape , composa trois traités qui sont restés manus- crits, savoir ; !<> De Ritu et Cœremoniis in CapeUa Pontifi-

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cia ; 2" Acta in Adventu et coronatione Caroli V. in Civitate Bononiœ ; Acta quœdam Cœremonialia ab anno 1508, cum supplemento usque ad annum iooO.

(lo52). George Wicelius, d'abord Luthérien, puis réuni à l'Eglise Catholique, laissa deux écrits sur l'objet que nous traitons: 1" Defensio Liturgiœ ecclesiasticœ ; Liturgica exercitamenta Christianœ pietatis. Dans ce dernier ouvrage, il donne la traduction de plusieurs des Liturgies de l'Orient. (1540). François Titelman, de l'Ordre des Frères Mineurs, composa, entre autres ouvrages, les suivans : Expositio mysterionim Missœ et sacri Canonis ; 2" Expositio Ofjicii de sacrosancta Trinitate.

(1540). Jean Cochlée, illustre Docteur Cathohque, Cha- noine de Wratislaw, et infatigable défenseur de la foi Catho- lique contre les réformateurs du seizième siècle , opposa au traité de Luther contre la Messe , une édition des livres d'In- nocent m , de Mysteriis Missœ , et de ceux de saint Isidore, de Ofjîciis Ecclesiasticis. Il est aussi le compilateur de la première collection des auteurs Uturgistes que l'on connaisse. Elle parut à Mayence, en 1549, sous ce titre : Spéculum antiquœ devotionis circa Missam et omnem alium cultum Dei, ex antiquis, et antea nunquam evulgatis per typographos auctoribus , a Joanne Cochlœo laboriose coUectum. Cette col- lection comprend neuf auteurs, savoir :

Amalaire de Trêves, de Officio Missœ;

Walafrid Strabon , de Exordiis et incrementis rerum Ecclesiasticarum ;

3" Saint Basile, de Missa Grœcorum;

Expositio Missœ brevis , d'après d'anciens manuscrits ;

Saint Pierre Damien , Liber qui dicitur Dominus vo- biscum ;

Honoriiis d'Autun , Gemma animœ ;

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7" Le Micrologue ;

Pierre le Vénérable , Nncleus de Sacnficio Missœ ; Liber de Vita S. Bonifacii . Martyris. (1547). Laurent Massorilli , de l'Ordre des Frères Mineurs, publia un recueil d'Hymnes sacrées, divisé en quatre livres, qu'Arevalo juge n'être pas indignes du siècle qui les a pro- duites.

(1550). Genlien Hervet, savant littérateur Français qui assista au Concile de Trente et mourut Chanoine de Uheims, traduisit en latin, outre beaucoup d'ouvrages des saints Pères , les Liturgies de saint Jean-Chrysostôme et de saint Basile , la Mystagogie de saint Maxime , et l'Exposition de la Liturgie, par Nicolas Cabasilas.

(1537). Matthias Francowitz, plus connu sous son nom littéraire de Flaccius Illyricus , l'un des Centuriateurs de Magdebourg , fit imprimer, à Strasbourg , la fameuse Messe latine qui a retenu le nom de ce savant, et qui a tant occupé les critiques Catholiques et Protestans. Nous en trai- terons ailleurs.

(1558). Georges Càssandre , Docteur Flamand, combattit avec zèle les nouveautés de la Réforme , quoiqu'on soit en droit de lui reprocher quelques propositions trop hardies. Il publia un ouvrage savant ayant pour titre : Liturgica de Ritu et Ordine Dominicœ Cœnœ celebrandœ e variis scriptoribus. C'est un recueil de passages des auteurs ecclésiastiques sur toutes les parties de la Messe. Il est suivi de V Ordre Romain, le seul que l'on connût alors. Cassandre publia, en outre, un recueil d'Hymnes dans le genre de celui de Clichtoiie, et un autre recueil des Oraisons que l'on appelle Collectes.

(1560). Marc-Antoine Muret, célèbre humaniste , appar- tient à la classe des liturgistes par ses Hymnes, dont plusieurs

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ont été îidmises dans les Bréviaires modernes des Diocèses de France.

(Io60). Jean-Baptiste Duranti , Président du Parlement de Toulouse , et dont tout le monde connaît la fin tragique , a publié sous son propre nom un ouvrage célèbre intitulé : De Ritilms Ecclesiœ Catholicœ, dont la dernière édition est de d675,àLyon. Plusieurs auteurs contestent cet ouvrage à Duranti, et l'attribuent à Pierre d'Anes, Evéque de Vabre.

(I06O). Claude de Sainctes, Evêque d'Evreux, a traduit en latin les Liturgies de saint Jacques et de saint Basile.

(1560). Wolfgang Lazius, savant philologue Allemand, publia une collection liturgique qui doit être comptée pour la seconde et qui parut à Anvers en 1560, sous ce titre : De Veteris Ecclesiœ ritibus ac coeremoniis. Elle est moins ample que celle de Cochlée , et se compose des pièces qui suivent :

Une lettre de Charlemagne à Alcuin , de Cœremoniis Eeclesiasticis ;

La réponse d'Alcuin à cette lettre ;

Le poème d'Hildebert , de Mysterio Missœ ;

A" Un fragment anonyme , de Ritibus et Cœremoniis eccle- siœ Romanœ a Nativitate Domini per hyemem ;

50 Rliaban Maur, de Virtutibus et vitiis.

(1562). Antoine de Mouchy, Recteur de l'Université de Paris, connu sous le nom de Democharès , publia un gros traité sur le Sacrifice de la Messe , ouvrage assez indigeste , dirigé contre les Sacramenlaires.

(1568). Melchior Hittorp, Doyen de la Collégiale de Saint- Cunibert de Cologne , a publié la troisième collection litur- gique et la plus célèbre de toutes. Elle se compose de douze auteurs et porte ce titre : De Catholicœ Ecclesiœ divinis Officiis ac ministems, varii vetustiorum altqiiot Ecclesiœ Pa- trum ac scriptorum libri. Coloniœ. 1568.

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Les livres qu'elle conlieut sont les suivans : 1" L'Ordre Uoni;iin ;

2' Saint Isidore de Séville , de Ecclesiasticis Officiis ; 3" Le faux Alcuin, de Officiis divinis ; 4' Anialaire Forlunat , de Divinis Officiis , et de Ordine Antiphonarii ; 5" Rliaban Maur, de Institutione Clericorum ; (S" Walafrid Strabon , de exordiis et incrementis rerum EccUsiasticarum ;

7 ' Bernon de Richenau , de quibusdam rébus ad Missœ Officium pertinentibus ; 8" Le Micrologue , de Ecclesiasticis observationibus ; O"* Saint Yves de Chartres, vingt-et-un Sermons de Eccle^ siasticis Sacramentis , ac Officiis , et prœcipuis per annum festis ;

10" Hildebert , de Mysterio Missœ. ; 11° Raoul de Tongres, de Observantia Canonum ; 120 Un anonyme , Missœ Expositio brevis. La collection d'Hittorp a eu plusieurs éditions, et chaque fois elle a été reproduite avec des augmentations, ainsi qu'on le verra bientôt.

(1568). Jean Molanus, Docteur de Louvain, publia une édition du Martyrologe d'Usuard , avec des additions tirées du Martyrologe Romain et de ceux des Eglises de la Basse- Allemagne. Il y joignit aussi le Martyrologe de Wandelberg, et compléta le tout par une excellente Pi'éface en vingt-trois chapitres. Il est pareillement auteur d'un livre de Picturis et Imaginibus sacris^ et d'un opuscule sur les Agnus Dei.

(15G9). Jean Maldonat , illustre professeur de la Compa- gnie de Jésus, joint à ses autres litres de gloire celui de li- turgiste distingué. On en peut juger par son excellent traité deCœremoniis, tant estimé de Richard Simon, et qui a été

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enfin publié par Zaccaiia en 1781 , dans le troisième volume de la Bibliotheea Ritualis.

(1570). Jean du Tillet, Evêque de Saint-Brieux , puis de Meaux , a laissé un traité en français , de l'Antiquité et de la Solennité de la Messe.

(1571). Jacques Pamélius, Evêque de Saint-Omer, est un des hommes qui ont le mieux mérité de la science liturgique, en donnant au public son importante collection intitulée : Liturgica latinorum. Il y comprit les anciens livres des Eglises Romaine , Ambrosienne , Gothique , etc.

(1571). Jérôme Maggi, Milanais, d'abord magistrat, puis ingénieur militaire , ayant été pris par les Turcs au siège de Famagouste, composa, pendant sa captivité, un curieux traité sur les cloches.

(1572). Onuphre Panvini , Augustin, l'un des hommes du seizième siècle les plus versés dans la connaissance des antiquités ecclésiastiques , a laissé plusieurs travaux litur- giques. Nous citerons : L'intéressant opuscule de Urbis Romœ Stationibus, imprimé ordinairement à la suite des Vies des Papes de Platine; de ritu sepeliendi mortuos apud veteres Christianos , et de eorum cœmeteriis ; 5*' de Baptismate Paschali, origine et ritu consecrandi Agnos Dei ; deprœ- cipuis Urbis Romœ sanctioribusqueBasilicis, quas septemEc- clesias vulgo vocant ; de Episcopalibus Titulis et Diaconiis Cardinalium. Panvini avait, en outre, préparé une collec- tion d'anciens Rituels, qui n'a pas paru , et dont la préface a été publiée par D. Mabillon , dans le deuxième tome du Musœutn Italicum.

(1572). Nicolas Aurificus, Carme, donna en cette année, à Venise, une nouvelle édition du Spéculum de Cochlée, dont il retrancha la Messe de saint Basile et le Livre de la Vie de saint Boniface ; il les remplaça par les opuscules de Bernon

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et de Hildebert, qu'il ompiunla ù la coUcclion d'IIiltorp. Il ajouta ensuite VOnlo Missœ de Burehard , et uu opuscule qu'il avait lui-même composé sous ce titre : De antiquitate , veritate et cœremoniis Missœ.

(1577). Pierre Galosini , Protonotairc Apostolique, qui fleurit à Rome sous les Pontificats de Grégoire XIII et de Sixte-Quint , travailla à illustrer et à corriger le Martyrologe Romain, en le mettant dans un style plus châtié, et ajou- tant une notice historique à chaque nom de Saint.

(1578). Gabriel Sévère, Archevêque de Philadelphie, Prélat auquel le Sénat de Venise avait donné le soin des Grecs éta- blis sur le territoire de cette République, a composé un livre de septem Ecclesiœ sacramentis , dont le Père Morin a tiré l'opuscule intitulé : desancto Sacerdotii sacramento.

(1580). Josepti Valentin Stevano , Evêque Italien, a laissé deu\ opuscules liturgiques ; 1" DeAdoratione et Osculatione pedum Romani Pontificis . et levatione seu portatione ejus' dem ;

20 De Ritu tenendi frœnum et staphades summis Pontifi-' cibus ah imperatoribus.

(1584). Maxime Margunius , Evêque de Cythère , est connu pour avoir traduit et publié , en Grec vulgaire , les Synaxaires et le Ménologe.

(1586). Marc Antoine Marsile Colonne, Archevêque de Salerne , est auteur de l'excellent traité intitulé : Hydragio- logia , sive de aqua benedicta.

(1586). Vincent Bonardi, Dominicain, Evêque de Sainte-

Cyriaque, a écrit un volume sur les Agnus Dei, intitulé:

Discorso intorno l'antichità , e origine , modo di fare , bene-

direj hatezzare, e distribucre i sacri Agnus Dei.

(1587). François Panigarola, Evêque de Chrysopolis, a

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laissé un volume intéressant sous ce titre : De Stationum veteri instittito a Xisto V. P. M. revocato.

(1587). Rodolphe Hospinien, savant Protestant, a composé, sur les matières liturgiques , deux grands ouvrages remplis d'une érudition qui fait regretter que l'auteur ne l'ait pas consacrée à une meilleure cause. Le premier est intitulé ; De Templis, hoc est de origine, progressu , usu et abusu Templo- rum, ac omnino rerum omnium ad templa pertinentium , libri quinque. Le second a pour titre : Festa Christianorum, hoc est de origine, progressa , cœremoniis et ritibus Festorum dierum Christianorum libri très.

(1588). Marc-Antoine Mazzaroniest auteur d'un livre, rfe tribus coronis Pontifias Romani, nec non de osculo sanctis- simorum pedum ejus.

(1590). Gilbert Génébrard, Moine de Cluny, Archevêque d'Aix, un des plus savans personnages de son temps, a donné , entre autres traductions de livres et auteurs Grecs , celles de la Liturgie des Présanctifiés , du Ménologe et du Traité de Siméon de Thessalonique sur les sept Mystères de l'Eglise. Il a composé en outre un opuscule, en français, in- titulé Liturgie Apostolique.

(1392). Augustin Fivizzani , Sacristain du Palais Aposto- lique , a laissé un ouvrage spécial de ritu Sanctissimœ Crucis Romano Pontifici prœferendœ.

(ia91). George Ferrari, donna en cette année, à Rome, une édition de la collection de Hittorp. Il y ajouta les livres de saint Pierre Damien, de Pierre le Vénérable et d'Honorius d'Autun , que déjà Cochlée avait insérés dans son Spéculum, et de plus, ceux de Rupert de Tuit, de Divinis Ofjîciis , ainsi que le Spéculum de Mysteriis Ecclesiœ , et les autres opuscules attribués à Hugues de Saint- Victor.

(1595). Ange Rocca , Evêque de Tagaste , Sacristain de la

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Chapelle Papale, a traité un grand nombre de questions litur- giques par des ouvrages spéciaux qui ont été réunis dans les deux précieux tomes intitulés : Thésaurus pontifîciarum sacrarumque antiquitatum , nec non rituum , praxium et cœremoniarum. On y remarque, enlre autres, les suivants : De Sacrosancto Christi Corpore Romanis Pontifcihus iter confi- cientibus prœferendo ; De sacra summi Pontificis Commu' nione , Missam solemniter celehrantls ; Commentarius de Campants ; de Tiarœ Pontlficiœ quam Regnum mundi vulgo appellant , origine , significatu et usu; de Salutatione Sacerdotis in Missa et in Divinis Officiis , nec non de ministri vel chori responsione ; de Precatione qua lectiones in ma- tutino prevenimus , nec non de fine quo cas claudimus ; Feriaquidnam sit,el cur dies ab Ecclesiasticis viris feriarum nominibus inEcclesia nuncupentur ;--de origine etinstitutione Benedictionis candelarum , vel cereorum in festivitate Purifi- cationis B . M . V, ; Unde cineres super caput spargendi usus originem habeat et quœ sibi velint ? Aurea rosa , ensis etpileus , quœ regibus ac magnatibus a summo Pontifice bene^ dicta in donum mittuntur, quid sibi veUnt ? etc. Rocca avait en outre donné ses soins à la correction du Sacraraentaire Grégorien , qui fait partie de l'édition des OEuvres de saint Grégoire , imprimée à Rome en 1593 , et qui a été aussi pu- bliée à part, avec des notes, dans la même ville, en 1596. On lui doit aussi une édition du Sacerdotal de Samarini, qui est une sorte de Rituel dont nous parlerons ailleurs.

(1594). François Ferrario , est donné parZaccaria, comme auteur d'un livre, imprimé à Crémone, sur la Consécration des Eglises.

(1599). Corneille Schulting, Doyen de la Faculté de Co- logne , et Chanoine de Saint-André de cette ville , a laissé plusieurs ouvrages d'une érudition remarquable pour le

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temps. L'un d'eux est intitulé : Bibliotheca Ecclesiastica , seu commentaria sacra de escpositione et iUuslratione Missalis et Breviarii. Coloniœ. 1599. 4 vol. in-folio. Ce travail , malgré ses nombreuses imperfections , doit être considéré comme la première Bibliothèque Liturgique qui ait été tentée. Zaccaria y a puisé pour la sienne beaucoup de renseigne- mens qu'il n'aurait pas trouvés ailleurs.

(1602). En cette année qui est celle de l'édition du Bré- viaire Romain par Clément VIII , nous plaçons au rang des Liturgistes les deux Cardinaux Robert Bellarmin et Silvio Ântoniani , tous deux , ainsi que nous avons rapporté , membres de la Commission nommée par le Pape pour la révision du Bréviaire. Ils suppléèrent de leur fonds l'un et l'autre, à une omission qui déparait le Bréviaire de saint Pie V. Ce Pontife n'avait point assigné d'Hymne spéciale pour le Commun des Saintes Femmes. Antoniani composa celle que nous chantons aujourd'hui : Fortem virili pectore ; et comme il en manquait pareillement une pour l'Office de Sainte xMarie- Magdeleine, Bellarmin donna celle qui commence par ce vers : Pater superni luminis.

Ici s' arrête l'histoire de la Liturgie durant ce seizième siècle qui, malgré ses tempêtes et ses scandales, doit être considéré comme un de ceux que l'Eglise de Jésus-Christ a traversés avec le plus de gloire. On peut dire^ au reste , que l'histoire do ce siècle est encore à faire ; car pour ceux qui seraient tant soit peu versés dans la science religieuse , l'ouvrage si vanté de Ranke, avec ses omissions , ses préjugés et ses erreurs posi- tives , ne peut être qu'un livre de renseignemens sur quelques points, utile seulement à ceux qui dominent déjà l'ensemble des faits ecclésiastiques de cette époque, très - dangereux pour les autres. Ce qu'il importe surtout de voir, c'est la Rélorme de l'Eglise, renouvelant elle-même sa jeunesse cotMm

LITURGIQUES. 499

celle de l'aigle (1). Que d'œuvres mervcîllciises et fortes ac- complissent les Ponliles Romains de Pie IV à Clément VIII ! Quel gouvernement énergique et intelligent que celui qui créa ces institutions sur lesquelles repose aujourd'hui toute la forme extérieure du Calliolicisrae ! Pie IV publie les règles deV Index des livres prohibés , et la célèbre Profession de Foi quimainticnt l'orthodoxie au sein de l'Eglise. Saint PieV pro- mulgue le Bréviaire^ le Missel, et cette admirable synthèse du dogme Catholique, connue sous le nom de Catéchisme Romain. Grégoire XIII réforme le Calendrier, publie le Mar- tyrologe , revoit le Décret de Gratien. Sixte-Quint donne l'édition corrigée de la Vulgate, et érige les Congrégations Romaines. Clément VIII publie le Pontifical et le Cérémonial, et assure pour les siècles suivans la pureté du Bréviaire et du Missel.

Voilà quelques-uns des efforts tentés par les Papes du sei- zième siècle pour opérer la Réforme de l'Eglise. On voit que toutes ces grandes mesures reviennent à l'unité comme au seul but désiré : en effet , l'unité sauva la Catholicité, au sei- zième siècle, comme toujours ; mais cette unité avait besoin, à cette époque, d'être développée^dans ses dernières consé- quences. Une forme aussi importante que la Liturgie ne pou- vait donc rester plus long-temps sans être ramenée au grand principe de saint Grégoire VII, de Charlemagne, de saint Inno- cent I". Toute l'Eglise le sentit, et la France, en tête des autres provinces de la Catholicité , s'empressa de seconder les vues du Siège Apostolique. Comme aux premiersjours du monde, la terre se trouva n'avoir plusqu'un seul et même langage (2). Aujourd'hui, cette unité est rompue, cette harmonie est bri- sée ; si le reste du monde prie encore avec Rome , la France

(1) Psalm. en. 5.

(2) Ërat terra labii unius et sermouum eorumdem. Gen. XI. 1,

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a déchiré cette communion si touchante, si sacrée (1). Quand renaîtra-t-elle, cette unité liturgique préparée avec tant de soins par les Souverains Pontifes , pour être la sauve- garde du Dogme et de la Liberté Ecclésiastique? Quand di- rons-nous , comme les Pères du Concile de Vannes , de 461 : a Puisque nous n'avons qti'une même foi , n'ayons aussi qu'une tmême règle pour les divins Offices ! (2). » Il ne s'agit plus, comme au temps de Pépin et de Charlemagne, d'abjurer des rites établis chez nous par les fondateurs de nos Eglises. Il n'y a guère plus d'un siècle que nous n'avions qu'une prière avec l'Eglise Romaine : pourquoi n'y reviendrions - nous pas? Nous en appelons à ceux qui nous ont suivi à travers ces faibles pages : le vœu de l'Eglise n'est-il pas l'unité dans la Liturgie comme dans tout le reste? Nous est-il pos- sible d'avoir sur ce point une autre doctrine que celle du Siège Apostolique, exprimée par Clément VIII dans ces belles paroles : « Puisque dans l'Eglise Catholique , laquelle a été > établie par Notre-Seigneur Jésus-Christ sous un seul chef, » son Vicaire sur la terre, on doit toujours garder Vunion et ï la conformité dans tout ce qui a rapport à la gloire de Dieu » et à l'accomplissement 4jes fonctions ecclésiastiques ; c'est surtout dans l'unique forme des pvièves contenues au Bré- iviaire Romain, que cette communion avec Dieu qui est un, %doit être perpétuelhment conservée, afin que, dans l'Eglise > répandue pai* tout l'univers, les fidèles de Jésus-Christ in- t voquent et louent Dieu par les seuls et mêmes rites de chants » et de prières (3) . »

(1) Commuaionena discerperent. rid. ci-après laBulie : Quod anobis.

(2) Ci-dessus, pag. 131,

(3) Cum in Ecclesia Catholica , a Christo D. N. , sub uno capite, ejus iu terris Vicario , iustituta , unio et earuni reruni quœ ad Dei gloiiiiiu ek debituiu Ecclesiaslicaium ptsi'sonaruiQ olficium spectant ,

LITURGIQUES. 80l

Tel est le vœu de l'Eglise; ce qui y serait, contraire n'est donc pas le vœu de l'Eglise. Prions, afin que le Dieu de la paix et de l'unité dispose toutes choses dans sa force et sa douceur; afin que l'unité de prière se rétablisse au sein de notre patrie , et que la prière du Pasteur suprême soit la prière des Brebis , comme déjà sa foi et sa doctrine sont leur foi et leur doctrine.

coDformatio semper conservanda sit; tum praecipue illa communio uni Deo , una et eadeiu formula , preces adhibendi , quîe Romano Brevia- rio continetur , perpetuo retinenda est , ut Deus , in Ecclesia per uni- versum orbeni difl'usa , uno et eodem oraudi et psallendi ordiue , a Chrisli lidelibus semper laudetur et invocetur. Clemens VIII, BuUa non in Ecclesia, (§. 1.)

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NOTES DU CHAPITRE XV.

NOTE A.

Plus EPISCOPUS, SERVUS SERVORUM DEI , AD PERPETUAM REI MEJIORIAM.

Quod a nobis postulat ratio Pastoralis officii, in eam curam incumbi- mus, ut omnes , quantum Dec adjutore fieri poterit , sacri Tridentini Coucilii décréta exequantur, acmultoidetiani impensius faciendum in- telligimus , cum ea qu;e in mores inducenda sunt, maxime Dei gloriam , ac debitum Ecclesiasticarum personarum officium complectuntur. Que in génère existimamus in primis numerandas esse sacras preces , lau- des , et gratias Deo persolvendas, quœ Romano Breviario conlinentur. Quse divini Officii formula , pie olim , ac sapienter a summis Pontifi- cibus , praesertim Gelasio , ac Gregorio primis constituta, a Gregorio autem septimo reformata , cum diuturnitate temporis ab anliqua ins- litutione deflexisset , necessaria visa res est , quse ad pristinam orandi regulam conformata revocaretur. Alii euim praeclaram veteris Bre- viarii constitutionem , multis locis mutilatam , alii incertis et ad- venis quibusdam commutatam deformarunt. Plurimi , specie Officii commodioris allecti , ad brevitatem novi Breviarii a Francisco Quigno- nio tit. S. Crucis ia Hierusalem Presbytero Card. compositi , confu- gerunt. Quin etiam in provincias paulatim irrepserat prava illa con- suetudo , ut Episcopi lu Ecclesiis , quae ab initio communiter cum cseteris veteri Romano more Horas Canonicas dicere ac psallere con- suevissent , privatum sibi quisque Breviarium conficerent , et illam communionem uni Deo, una et eadem formula , preces et laudes adhi- bendi , dissimillimo inter se , ac pêne cujusque Episcopatus proprio OfiBcio discerperent. Hinc illa tam muUis in locis divini cultus pertur- batio ; hinc summa in Clero ignoratio csereraoniarum , ac rituum ecclesiasticorum , ut innumeralv.les Ecclesiarum ministri in suo rau- nere indecore , non sine magna piorum offensione, versarentur.

Hanc nimirum orandi varietatem gravissime ferens fel. rec. Paulus Papa IV, emendare conslituerat ; itaque proN'isione adhibita , ne ulla in posterum novi Breviarii licentia permitteretur, totam rationemdi- cendi , ac psallendi Horas Canonicas , ad piistinum morem et institu- tum redigendam suscepit.

LITURGIQUES. 503

Sod eo , posiea nonduni ii^^ quse egregle inchoaverat perfeclis, de vita tleoedonle , oum a pin- memoriœ Pio Papa IV Tridenlinum Conci- lium, antea varie interinissum, revocaium esset, Patres iii illa salutari reformalionc ab eodem Concilio consliUita , Breviarium ex ipsius Pauli Papœ ratione restiluere cogitarunt. Ilaque quidquid ab co in sacro opère coUectura , elaboralumque fuerat , Concilii Patribus Triden- tum a prœdicto Pio Papa missum est ; ubi cum doctis qnibusdam , et plis viris a Concilio datum esset nogotium , ut ad reliquam cogitatlo- nem , Breviarii quoque curam adjungerent , instante jam conclusione Concilii , tola res ad auctoritatem judiciumque Romani Pontificis ex decreto ejusdem Concilii relata est; qui illis ipsis Patribus ad id munus delectis , Romam vocatis , nonnullisque in Urbe idoneis viris ad eum numerum adjunctis, rem perficiendam voluit. Verum eo etiam in viam universae carnis ingresso , iVos, ita diviua disponente clementia , licet immerito , ad Apostolatus apicem assumpti , cum sacrum opus, adhi- bitis etiam ad illud aliis perilis viris , maxime urgeremus , magna in nos Del benignitate ( sic enim accipimus ) , Romanum hoc Breviarium vidimus absolutum. Cujus ratione dispositionisab illis ipsis, qui nego- tio prrepositi fuerant , non semel cognita, cum intelligeremus , eos in rei confectione ab antiquis Breviariis nobilium Urbis Ecclesiarum , ac nostrae Vaticanae Bibliothec^ non decessisse , gravesque prœterea ali- quot eo in geuere scrlptores secutos esse , ac denique remotis iis, quae aliéna et incerla essent , de propria sumraa veteris divini Officii nihil omisisse ; opus probavimus , et Romse imprimi , impressumque divul- gàri jussimus. Itaque, ut divini hujus operis effectus re ipsa conse- quatur, auctoritate praesentium toUimus in primis, et abolemus Brevia- rium novum a Francisco Cardinale prœdicto editum , et in quacumque Ecclesia , Monasterio , Conventu , Ordine , Militia , et loco virorum et mulierum , etiam exempte , tam a primœva institutione , quam aliter ab hac Sede permissum.

Ac etiam abolemus quaecumque alla Breviaria vel antiquiora , vel quovis privilegio muuita , vel ab Episcopis in suis Dioecesibus pervul- gata , omnemque illorum usum de omnibus orbis Ecclesiis , Monas- teriis, Conventibus, Militiis, Ordinibus, etlocis virorum ac mulierum etiam exemptis , in quibus alias OfTicium divinum Romanœ Ecclesiae ritu diciconsuevit, aut débet ; illis tamen exceptis , quae ab ipsa prima institutione a Sede Apostolica approbata , vel consueludine , quae vel ipsa institutio ducentos annos anteced^bat , aliis certis Breviariis usa fuisse constiterit : quibus , ut inveteratum illud jus dicendi , et psal- lendi suum Oflicium non adimimus , sic eisdem si forte hoc nostrum , quod modo pervulgatum est , magis placeat , dummodo Episcopus, et

S04 INSTITUTIONS

universum Capituliim in eo consentiant , ut id in Choro dicere , et psallere possint , permiltimus.

Oranes vero , et quascumque Apostolicas , et alias permissiones , ac coasuetudines et statuta , etiam jurameato , confirmatione Apostolica , vel alia firmitate muaita , nec non privilégia , licenlias et indulta pre- candi et psallendi , tam in Choro quam extra illura , more et ritu Bre- viariorum sic suppressorum , prœdictis Ecclesiis , Monasteriis , Con- ventibus , Militiis , Ordinibus et locis , necnon S. R. E. Cardinalibus, Patriarchis , Archiepiscopis , Episcopis , Abbatibus , et aliis Ecclesia- rum Praelatis, cîeterisqae omnibus et siagulis personis Ecclesiasticis , sœcularibus et regularibus utriusque sexus , quacumque causa con- cessa, approbata , et innovata, quibuscumque coacepta formulis , ac decretis et clausulis roborata , omnino revocamus ; volumu^que illa omnia vim et effectum de cœtero non habere.

Omni itaque alio usu , quibuslibet , ut dictum est , interdicto , hoc nostrum Breviarium, ac precandi, psallendique formulam, in omnibus universi orbis Ecclesiis, Mouasteriis , Ordinibus, et locis etiam exemp- tis , in quibus Officium ex more, et ritu diclie Romanae Ecclesite dici débet, aut consuevit, salva prtedicta iustitutione , vel consuetudine prsedictos ducentos annos superante, praîcipimus observari. Statuentes Breviarium ipsum nuUo unquam tempore , vel in totum , vel ex parte mutandum , vel ei aliquid addendum , vel omnino detrahendam esse ; ac quoscumque , qui Horas Canonicas ex more et ritu ipsius Romanae Ecclesiœ , jure vel consuetudine dicere, vel psallere debeut , propo- sitis pœnis per Canonicas sanctiones constitutis , in eos qui divinum Officium quotidie non dixerint, ad diceodum et psallendum posthac in perpetuum Horas ipsas diurnas et nocturnas ex hujus Romani Bre- Tiarii praescripto et ratione omnino teneri , neminemque ex iis , quibus hoc dicendi psallendique muuus necessario impositum est, nisi hac sola formula satisfacere posse.

Jubemus igitur omnes , et siagulos Patriarchas , Archiepiscopos , Episcopos , Abbates, et caeteros Ecclesiarum Prfelatos , ut omissîs quse sic suppressimus , et abolevimus, c»teris omnibus etiam privatim per eos constitutis, Breviarium hoc in suis quisque Ecclesiis, Mouaste- riis, Conveniibus, Ordinibus, Militiis, Diœcesibus, et locis praedictis introducant; et tam ipsi , quam caeteri omnes Presbyteri, et Clerici, sseculares et regulares utriusque sexus, uecuori Milites, et exempli , quibus Officium dicendi, et psallendi quomodoeumque,sicut praedicitur, injunctum est, ut ex hujus nostri Breviarii formula, tam in choro quam extra illum , dicere et psallere procurent.

LITURGIQUES. SOK

Quod voro in Uubricis iiostri liujusOflicii pra'scribitur, quibus die- bus Ollicium 1». AIakii; sonipor virgiiiis, cl DL-l'unctorum, item seplem Psalmos Pœnileuliales, el Graduâtes dici, ac psaili oporteal; INos prop- ter varia liujusviiœ negolia , niultoruin occupationibus indulgentes, poccati quideni periculuin ab ea praïsoripUone removendum duximus ; verum debito providenliic pasloralis adinoniti , omucs vebementer in Domino coliortamur, ut remissionem iioslram , quanlum lieri poterit , sua devotione ac diligentia pr;ccurrentes, illis etiam precibus , suflfra- giis et laudibus , suœ , et aliorum saluti consulcic sludeant. Atque ut fidelium voluntas , ac studium magis etiam ad salutarem banc consue- tudiaem incitetur, de oninipotenlls Dei misericordia , beatorumque Pétri et Pauli, Aiostoiorum, ejus auctoritate conflsi, omnibus, qui illis ipsis diebus in Rubrlcis pra.^flnilis, beatœ Mariae, vel Defunctorum Ofllcium dixerint , loties cealum dies ; qui vero seplem Psalmos , vel Graduâtes, quinquaginta , de injuncta ipsis pœnileulia relaxamus. Hoc autem concedimiis sine pra'judicio sanctae consueiudinis illarum Ec- clesiarum , in quibus Oflicium parvum bealce Mariae semper Virgiuis in Cboro dici consueverat, ita ut in pnedictis Ecclesiis servetur Ipsa laudabilis et sancta consuetudo celebrandi more solito prEedictum Officium.

Caeterum, ut praesentes litterce omnibus plenius inaotescanl, man- damus illas ad valvas Basilicfe Principis Apostolorum de Urbe, et Can- cellariœ Apostolicte , et iu acie Campi Florae publicari , earumque exeraplar de more aflSgi. Volumusque, et Apostolica auctoritate decer- nimus, quod post hujusmodi publicationem, qui in RomanaCuria sunt prsesentes , statim lapso mense, reliqui vero, qui intra montes, tribus, et qui ultra ubique locorum degunt , sax mensibus excursis , vel cum primum venalium hujus Breviarii voluminum facultatem habuerint, ad precandum et psallendura juxta illius ritum , tam in Choro , quam extra illum, maueant obligati. Ipsarum autem litterarum exempla manu >iotarii publici , et sigillo alicujus Praelali Ecclesiasticl, aut illius Curiae obsignata , vel etiam ipsis voluminibus absque praedicto, vel alio quopiam adminiculo Romae impressa , eamdem illam ubique locorum fidem faciant , quam ipsse praesentes , si essent exhlbitœ , vel ostensae.

Sed ut Breviarium ipsum ubique inviolatum , et incorruptum habea- tur, prohibemus ne alibi usquam , in loto orbe , sine nostra , vel spe- cialis ad id Coramissarii Apostolici , in singulis Christiani orbis regnis et provinciis deputandi , expressa licentia , imprimatur, proponatur, vel recipialur. Quoscumque vero, qui illud secus impresserint , pro- posuerint, vel receperiut, excoramunicationis senteulia eo ipso inno- damus.

^OQ INSTITUTIONS

Kulli ergo oninino hominum liceat hanc paginam nostrae ablationis , abolitionis , permissionis , revocalionis, jussionis, praecepti, statuli , indulti, mandat! , decreti , relaxationis , cohorlatioais, prohibitionis , innodationis et voluntatis infriugere, vel ei ausu temerario contraire.

Si quis , etc.

Dat. Romae , apud S. Petrura , anno Incarnationis Dominicae 1368 , septimo Id. JuUi , Pontificatus nostri anno tertio.

INOTE B.

Plus EPISCOPUS , SERVUS SERVORUM DE! » AD PERPETUAM BEI MEMORIAM.

Quo primum tempore ad Apostolatus apicem assumpti fuimus , ad ea libenter animum, viresque noslras intendimus, et cogitationes oranes direximus , quae ad Ecclesiasticum purum retineudum cultum pertinerent, eaque parare, et Deo ipso adjuvante, omni adhibilo studio , efficere contendimus.

Cumque inter alia sacri Tridentiai Concilii décréta , nobis statuen- dum esset de sacris liliris , Catechismo , Missali et Breviario , edendis atque emendandis , edito jam , Deo ipso annuente , ad populi erudi- tlonem , Catechismo , et ad débitas Deo persolvendas laudes Breviario castigato , omnino ut Breviario Missale responderet, ut congruum est, et conveniens ( cum unum in Ecciesia Dei psallendi modum , unum Missae celebrandae ritum esse maxime deceat ), necesse jam videbatur, ut quod reliquum in bac parte esset , de ipso nempe Missali edendo, quam primum cogitaremus.

Quare eruditis delectis virisonushocdemandandum duximus , qui quidem diligenter collatis omnibus cum vetustissimis nostrae Vaticanaî Bibliothecae , aliisque undique conquisilis , emendatis , atque incor- ruptis codicibus , necnon veterura consullis ac probatorum auctorum scriptis , qui de sacro eorumdem Rituum instituto monumenta nobis reliqueruut , ad prisliuam Missale ipsum Sanclorum Patrum normam ac ritum restituerunt. Quod recognitum jam , et castigatum mature adhibita consideratione , ut ex hoc instituto , cœploque labore fructus omues percipiant , Komce quam primum imprimi , atque impressum edi mandavimus , nempe ul Sacerdotes iutelligaut, quibus precibus uti, quos Ritus, quasve Cœremonias in Missarum celebratione retinere postiiac debeant. Ut autem a Sacrosancta Romana Ecciesia, caeterarum Ecclesiarum Matre et Magistra , tradita ubique amplectantur omnes , et observent, ne in posterum perpetuis futuris temporibus in omnibus Chrisliani Orbis provinciarum Patriarchalibus , Cathedralibus , Colle-

LITURGIQUES. 507

gialis, et Parocliialibus, sxfularibus et quorumvis Ordinuni et Mo- nasteriorum , tam virornm quam inulierum , etiam Militiarum regula- ribus, acsine cura Ecclesiis, vel Capellis, in quibus Missa Conventua- lis alta voce cum Cboro , aut demissa cclcbrari juxta Komanae Ecclesiîe ritum consuevit , vel débet , alias quam juxta Missalis a nobis editi formulam, decautetur aut recitetur, etiamsi esedem Ecclesiai quovis modo exemplaî Apostolicai Sedis induite , consuetudine , privilégie , etiam juramento, conlirraatione Apostolica , vel aliis quibusvis faculta- tibus munitœ sint, nisi ab ipsa prima inslituiione a Sede Apostolica , approbata , vel consuetudine quae vel ipsa institutio super ducentos annos Missarum celebrandarum in eisdem Ecclesiis assidue observata sit , a quibus , ut praifatam celebrandi constitutiouem vel cousuetu- dincm , nequaquam auferimus , sic si Missale hoc , quod nunc in lucem edi curavimus, iisdem magis placeret, de Episcopi vel Prailali, Capi- tulique universi conseusu , ut quibusvis non obstantibus, juxta illud Missas celebrare possiut permiltimus , ex aliis vero omnibus Ecclesiis prsefatis eorumdem Missaiium usura tollendo , illaque penitus et om- nino rejiciendo.

Ac huic Missali nostro nuper edito, nihil unquam addendum , de- trabendum , aut immutandum esse decernendo , sub indignationis noslrae pœna , hac nostra perpetuo valitura constitutione statuimus et ordinamus. Mandantes , ac districte omnibus et singulis Ecclesiarum praedictarum Palriarchis , Adminislratoribus , aliisque personis qua- cumque Ecclesiastica dignitate fulgentibus, etiamsi Sanctse Romaux Ecclesise Cardinales, aut cujusviî. alterius gradus et prœeininentise fue- rint , illis in virtute sanctae obedientiaî praecipientes, ut caeteris omni- bus rationibus et ritlbus ex aliis Missalibus quantumvis vetustis hac- tenus observari consuetis , in posterum penitus omissis , ac plane rejectis, Missam juxta ritum, modum , ac normam , quae per Missale boc a nobis nunc traditur, décantent ac legant , neque in Missae cele- bratione alias Caeremonias vel preces, quam quae hoc Missali continen- tur, addere vel recitare praesumant. Atque ut hoc ipsum Missale in Missa decantanda aut recilanda in quibusvis Ecclesiis absque ullo con- scientiaî scrupulo, aut aliquarum pœnarum , sententiarum et censura- rum incursu posthac omnino sequantur, eoque libère et licite uti possint et valeant , auctoritate Apostolica , tenore praesentium , etiam perpetuo concedimus et indulgemus. Neve Prœsules, Administratores , Canonici , Capellani , et alii quocumque nomine nuncupati Presbyt^ri , saeculares, aut cujusvis Ordinis regulares, ad Missam aliter quam a Nobis statutum est , celebrandam teneantur, neque ad 3Iissale hoc im- mutandum a quolibet cogi et compelli.

o08 INSTITUTIONS

Prsesentesve litterae uUo unquam tempore revocari aut moderari po>sint , sed firmœ seniper et validae iu 5uo existant robore , similiter statuimus et declaramii-.

?oii obstantibus pnemissis , ac coDStitutionibus et ordinationibus Apostolicis , ac ia provincialibas et synodalibus Conciliis editis , gene- ralibus vel specialibus , constitutionibus et ordinationibus , necnon Ecclesiarum praedictarum usu longissima et immemorabili praescrip- tione , non tamen supra ducentos annos roborato , statutis et cousue- tudinibus contrariis quibuscumque.

Tolumus autem , et eadem auctoritate decernimus , ut post hujus uostriij constilutionis , ac Jlissalis editioneni , qui in Romana adsunt Curia Presbyteri, post mensem ; qui vero intra montes, post très ; et qui ultra montes incolunt, post sex menses, aut cum primum illis Missale hoc propositum fuerit, juxta illud Missam decantare vel légère teneanlur.

Quod ut ubique terrarum incorrupium, ac mendis et erroribuspur- gatum pr?eservetur, omnibus in nojtro et S. R. E. domino', médiate vel immédiate subjecto commorantibus impressoribus, sub amissionis librorum ac centum ducatorum auri Camerae Apostolicœ ipso facto ap- plicaudorum , aliis vero in quacumque orbis parte consistentibus , sub excommunicationis laiœ senlentiae, et aliis arbitrii nostri pœnis, ne sine nostra , vel specialis ad id Apostolici Commissarii in eisdem par- libus a >'obis constituendi , ac nisi per eumdem Commissarium eidem- impressori Missalis exemplum, ex quo aliorum imprimendorum ab ipso impressore erit accipienda norma , cum Missali in Urbe secundum magnam impressionem impresso coliatum fuisse, et^oncordare, nec in nuUo penitus discrepare , prius plena fides facta fuerit , imprimere vel proponere vel recipere uUo modo audeant vel prsesumant , auctori- tate Apostolica et tenore prsesentium similibus inhibemus.

Verum quia difficile esset présentes litleras ad qu^eque Christiani Orbis loca deferri , ac primo quoque tempore in omnium notitiam per- ferri, illas ad Basilicae Principis Apostolorum , ac Cancellarise Aposto- licœ , et in acie Campi Florae , de more publicari et affigi , ac earum- dem litterarum exemplis , etiam impressis, manu alicujus publici Tabellionis subscriptis , necnon sigillo personae in dignitate Ecclesias- tica constitutae munitis , eamdem prorsus indubitatam fidem ubique gentium et locorum haberi praecipimus , qu« praesentibus haberetur, si ostenderentur vel exhibereatur.

>"ulli ergo , etc.

Datum Romae , apud Sanctum Petrum , anno Incarnationis Domi- nicae millesimo quingentesimo septuagesimo , pridie idus Julii , Pont, nostri anno quinto.

LITURGIQUES. 500

NOTE C,

Decanus el;FacuUas Theologiœ Scholœ Parisiensis, venerabilibus viris ac Domiuis Decauo et Canonieis Eoclesiœ Suessionensis , salutom :

Honorandi viri , liis diebus intelleximus Breviaria quaedam nuper cura Reginaldi Chaudière excusa Ciericis Diœcesis veslrte iradita esse in quibus pleraque exlranea et a comniuni Ecclesiaî usu aliéna conti- neri nobis ex eoruni inspectione certoconstitil. Quod profecto odiosura sctiisina et perniciosum in Ecclesiam Gallicanam ( ni celerius occur- ratur ) , facile potest inducere. Quod si contingeret vestro nomini alias glorioso nota inuteretur quae vix saeculis niultis posset aboleri ; ves- Iruni itaque erit tanto malo priusquam latius serpat , obsistere. Vene- rabilem Caelum vestrum Ecclesiae commodis insudantem Dominus conservet. Datum in noslra Cougregatione apud Collegiuai Sorbonae ad hoc specialiter convocata , die Sabbali , 24 Julii , anno Domini 1529. />' Jrgcntré. Collectio Judiciorum. Tom. IL Pag. 77.

NOTE D.

Anno Domini 1^48 , die prima mensis Martii..,. Titulus novi Brevia- rii Aurelianensis , suspectas est et erroneus, et quse fuerunt expuncta ex veteri , neque vana sunt , neque iimtilia , neque piarum aurium et doctarura oifensiva. Quod Christianus lector sequentibus facile co- guoscet. In primis ex dicte veteri Breviario subira huntur a rertis Feriis , in quibus dicitur dieta , preces in iilis post Laudes et Vesperas et alias Horas dici consuelae. In aliis Feriis , in quibus dicitur dieta , dicuntur quidera hujusmodi preces post Laudes et Vesperas, sed a reliquis locis adimuniur, fol. 52. A precibus vero per Quadragesimam dicendis auferuntur Psalmi Pœnitentiales , qui antea post Psalraum , Miserere, dicebautur. Insuper subtraliuntur a Sanctorum Festis multse Lectiones Matuiiaarum , vel omnino , vel ex parte. Ita ut e Festis novem Lectionum aliquaudo Festa trium Lectionum fiant, ete Bleslis trium Lectionum fiant Festa simplicis memoriie. Ubi autem prœdicta Festorum mutatio non fit, nihilominustolluutur plerumque Lecliones aliquot Matutinarum , vel ex ipsis Festis , vel ex Octavis eorumdem, Tolluntur, inquam , modo integrae , modo in parte coucisse , titque concisio nunc in principio Lectionis. Unde vocabulum istud , Beatus , vel Beatissimus praîciditur. Quod tamen in exordio Legend» .Sancto- torum , ad Dei laudem et ipsorum laudera propriis nominibus auteponi consueverat. Aliquando concisio fit in medio , aliquaudo in fine ; in quibus et aliis plerisque locis nonnulla auferuntur Sanctorum miracula, quandoque operum mcrila , nonnumquara Sanctorum invocationes , ut

31 0 INSTITUTIONS

videre est a secundo folio partis hyemalis usque ad secundum , et ia plerisque aliis locis. Ad kec nonaulla eipunguntur quse maxime facere videbaulur ad Sacramentum Eucharistiae, Confirmationem , ut perspi- cuum est ex historiis BB. Gregorii , Benedicti , Ambrosii , et Mariae jEgyptiacae. MuUa suut et alia subtracta , qute ad veram Christi reli- gionem plurimum conducebant , ut suut jejunia , carnis maceratio , sanctorumTemplorum fundatioues et dotationes eorum. Haec paient in Festis SS. Antonii, Simeonis, Ludovici , Genovefae , et aliorum mul- torum. Item si qui Sancii in Olïiciis suarum Festivitatum habebant pro- prios Hymnes , proprias Antiphonas, aliave Suffragia , illis plerumque resecatis , ad Commune recurrendum esse annotatur. Quod similiter nonnunquam flt la Lectionibus. Id autem fieri deprehendere licet non tantum in aliis, verum etiana in eis Festivitatibus , quae Aurelianensis Ecclesiae peculiares suut. Quarc timendum est, ne Christianorum de- votio erga Sanctos, quibus magis afficiebalur, quando peculiaria eorum mérita et virtutes seu legebat , seu recenser! audiebat , tandem immi- nuatur, vel prorsus depereat. Quapropter tôt et tantae mutationes , ac subtracliones factse sunt , et praesertim earum rerum , quae ad fidei et morum tedificationem et ad hseresium destructionem , hac nostra tem- pestate certo deplorandi vigentium , conducebant. Videtur dicti Bre- viarii nova ista mutatio imprudens , temeraria , et scandalosa , neque carens suspicione faveudi hserelicis. Quod si sint aliqua vana et inu- tilia in veteri , ut dicunt novi concinnatores Breviarii , illa ostendant et proférant, et de his censebit Facultas.

Datum in noslra Congrégations generali per juramentum celebrata apud sanctum Mathurinum , prima die mensis Martii , lo48. D'Argen- tré. Ibidem. Pag. 160.

^'OTE E.

Die Mercurii, II mensis Mali, 4S83.

Cumobraritatemexemplanum Breviarii etMissalis Parisiensis, antea saepius extitisset traclatum de u troque novae impressioni committendo, in necessitate Ecclesiarum Diœcesis Parisiensis magis urgente a bien- nio , ex parte Reverendi Domini Episcopi Parisiensis in hoc Capitule relata : nennulli viri scienlia ac pletate emineutissimi rite delecti es- sent , qui restitutioni et reformaiioni in hoc non immérité desiderata providerent : cui rei tanta fuerit per ipsos adhibita diligentia, ut prier pars Breviarii ferme absoluta sit, ulteriusque reliqua progressa fuisset, nisi opus remoralum esset , a pluribusque optatus usus Romanus ex sacrosancti Concili Tridentini décrète restitutus , cum certis aliis eau- sis accedentibus. Quibus omnibus per dictum Reverendum Dominura

LITURGIQUES. 511

Parisiensem Episcopum pro suae diligenliM pastoralis pvovida , et sa- pienti functioiie in hoc Capitulo propositis , ipsorumque Dominorum Decaui et Capituli consilio super hoc exquisito : cerla tandem die specialis convocalionisob id de niorc indictse; in primis attenta anti- quitate Breviarii et Missalis Parisiensis ex decretali novissimi usus Romani perraissa, deinde Caeremoniis ac ritu, in quibus Ecclesia Pa- risiensis prœ ca'teris Galtise , atque adeo lotius fcre orbis Clirisliani Ecclesiis hue usque claruit , et ab omnibus videnlibus et audientibus in summa admiratione , non sine gloria Dei habetur , multis denique aliis considerationibus ; ex parte Dominorum Decani et Capituli depu- tati essent ex ipsis, qui deliberationem referrent ad dictum Rcveren- dum Dominum , ipsumque rogarent veterem usum istis de causis in sua Ecclesia continuari. In cujus absentia , hujusmodi deliberalione Domino generali Vicario ipsius communicala , ac perpensis omnibus aliis quic in hac parte perpendenda et consideranda erant : ex parte Dominorum Decani et Capituli existimatum est Breviarium et Missale Parisiense convenientius retineri in ipsa Ecclesia Parisiensi , ac typis demandari, utroque prius rite purgato ac restituto per Dominos ad hoc jam députâtes , ipsosque ut id maturius et absque ullo obstaculo fiât , oum orani honesta instantia rogari a Dominis Cantore , et Le Prévost, delegatis, restitutioaem per illos uuper incœptam ab omnibus magnopere laudandam ad similem exitum etiam atque etiam deside- ratum perducere. Preuves des Libertés de l'Eglise Gallicane. Tom. II. pag. H-iO.

NOTE F.

Deus optimus maximus semper gavisus et usus est varietate, ut patet in ipsa creatione , in qua diversitate delectatus est. Hic enim ejus potens et sapiens providentia patet ex concentu et harmonia rerum diversarum atque contrariarum.

Hoc pugnat cum ratione et cum fide per charitatem opérante. Nam ratio inferior débet consentire cum ratione seterna , quae diver- sitatem in condilione universi posuit a principio , ut sit concordia discors: ut etiam magis excitemurad virtutem, cum ejus pluraexempla proponuntur : ut Deus magis laudetur In multitudine et varietate nii- rabilium ipsius. Hoc minueret]Dei optimi max. gloriam, Sanctorum cultum , et Christianorum sedificationem exemplariam.

Hoc valde minuit Episcoporum etDiœceseon auctoritatem.

Qui hoc promovent non sunt viri simplices , et devoti, seu spiri- tales , sed astuti, politici, qui ex re qualibet , quolibet modo rem suam mundanam conantur facere. Astitit Regina a dextris sponsi circum- amicta varietate.

312 INSTITUTIONS

Ut omnis novitas est suspecta , ita talis mutatio magna non potest esse sine detriraento magno.

Hoc foveret Cantorum et Ecclesise servitonim inobedientiam atque dissolutionem , quum omnium Ecclesiarum unum esset et idem Officium.

Quot sumptus necessarii essent? Rustici non possent juvare suos Curatos in Officio agendo : hoc autem maxime est necessarium la pagis.

Spiritus Sancius fecit loqui magnalia Del omnibus linguis (Act. II). Quod est argumentum diversitalis in Officio in Ecclesia, ut in universo et in membris corporis liumani cernilur.

Nobis sapientia , prudentia , virtute , et donis Sancti Spiritus excèl- lentiores fuerunt autiqui sancti Patres , qui justis de causis singulis Diœcesibus singu'a concesserunt et ordiuaverunt Brevlaria. 3Iiretur ergo Gallia suum Marcellum , dum miratur suum Sjiveslrum Roma.

Talis immutatio hsereticos juvaret atque delectaret , quasi in errore aut inscitia fuissent Patres Catholici in re tanta. Hoc esseï scandalum piis Catholicis qui hoc pacto possent dubitare de ipsa flde et reli- gione, cujus consuetam professionem ita immutatam cernèrent. Quid hoc affert utilitatis ?

Reliqui Episcopi habent poteslatem politise et ordinationis in suis Diœcesibus , ut Romanus in sua : hoc autem bona ex parte convel- leretur.

Ad quid amplexaretur Breviariura Romanum , quod a panels annis ter immutatum et derelictum vldimus ? Succedente alio Papa , novum erit forsan breviarium expectandum.

Hoc est contra libertuem Ecclesiae Gallicanae , quae si Romanae in hac professione generali et maxima se submittat, quid restât nisi quod etiam ex consequenti ssepe submittet in reliqua omni politia ? Nam accessorium sequitur principale.

Semper unaquaeque Ecclesia et Provincia gavisa est suis ritlbus ,

juxta illud :

Si fueris Romœ, Romano vivHo more. Si fueris alibi , vivito sicut ibi.

Ecclesise pagorum ssepe non sequuntur ordinalionem suse Cathedra- lis , et Cathédrales sequcrentur Breviarium Romanse Ecclesise.

Avari et semper ambitiosi Romani sic rem suam facere provident ex impressioae, sicut videmus jam facium ex privilegiis multis ad hanc rem spectantibus.

Corrigantur, et tamen valde prudenter, et non curiose aut scrupu-

LITURGIQUES. 515

lose nimis , si qucc indigent correctione in Breviariis Diœceseou, non autem deserantur.

Hinc Pnedicatores et Curati non tam facile populum docerent , ignorantes Legendas multorum Sauctorum particularium , particula- ribus locis magis celebrium et cognitorum.

Ubi Deus Opt. Max. dédit Sanctos, ibi quoque vult per illos invocari a tideiibus populis : sicut voluit rogari a filiis Israël per paires illo- rum Abraham , Isaac et Jacob. Keiineantur ergo Breviaria singularum Diœceseon.

Si abjiceretur cultus particularium Sanctorum , qui sunt in tanto et prope infiuito numéro , non ita juvaretur per illos Ecclesia. Nam rogati et laudati rogant atque juvant : ideo ordinavit Ecclesia per Spiritum Sanctum illos iu locis suis particularibus celebrari.

Quum adhuc Ecclesia nascens et spiritus doctrinae fervens in unum congregabatur , unusquisque suum particularem devotionem afferebat ( I Cor. 14 ) ; quanto magis ergo ipsis per universum orbem dispersis , unaquaeque parochia , vel saltem Diœcesis , suam et devotionem et precandi formam retinebat , semper tamen ordinate ? Hic terra diver- sorum fructuum arbores et semina nutrit.

Non major est ratio quod omaes Sacerdotes ubique dicant unum Breviarium , quam quod omnes laïci unam tantum orationem Deo Opt. Max. ofiferant.

Deus Opt, Max. qui decimis et prlmitiis vult recognosci , non magis vult talia sibi offerri ex iis quae nascuutur in singulis provinciis ( non enim omnis omnia fert tellus) , quam desiderat coli et laudari ex mi- rabilibus quae contulit et operatus est per singulos et particulares Sanctos singularum et particularium provinciarum.

Quid inde provenit, nisi Romanœ , non dico religionis, sed superbiae et ambitionis auctio ? Non cedat crista Gallica Romano supercilio , non enim hic de religione , sed de superbia astuta agitur. Ubi enim minus quam Romae Conciliorum œcumeaicorum décréta observantur? An non est hoc in Cleris dominari magis, quam Ecclesiam aedificare? Dixit Antiquitas quod major est Orbis Urbe : hic vero Urbs Orbem tentât complecti et sibi subjicere.

Hic latet anguis in herba hoc suspecto maxime , astuto et malo tempore. Vitentur ergo qui mutant tempora et leges (Daniel. 8J. Monet Christus ( Matth. 24. ) eum solum qui usque ad finemperseve- raverit salvum fore. Perseverantia autem non est obstina tio uovitatis prophanœ , sed antiquitatis religiosa continuatio. % Non propter vitandos sumptus temporales , admittatur ignominiosa et detrimentosa plaga spiritualis.

T. I. S5

Mi INSTITUTIONS

Iq Ecclesia triumphante incœlo (ad cujus exemplaretsimilitudinem in teriMCiiQCla debeiit ti ri), ul cor linru, ordinum etgraduumvarise, ita et diverise sunt laudum et corouarum formîe.

Won putimus abesse ab ioajjiet'ite, illoruoi meoaoriam \a terris sc- pelire, quorum noiniiia scrlpta sunt in libre vitae et in cœlis gloriosa. Hoc auteoa tieret, si particulariuin Diœceseon particularia Breviaria tolltrentur. !Non euini salis est eos iascriptis retineri,nisiethonorifice in Ecclesiis reciieaiur.

Hoc uoa vult Coiicilium , uec intendit Papa , sed Papse adulalores suis propriisutilitalibus, cum religionis amplitudiais detrimeato, ijiser- vientes.

Si recipiatur Romanura Breviarium , aut bona pars ejus anaittetur, aut infinits devotiomim particulariura ad celebritatem singulorum Sauctorum in illo Breviario omissorum : deserentur fundatores , et Olficia in quibus obligantur, cum summa injustitia , Ecclesiae parti- culares. Monachi suum retineant Breviarium : et suc utantur cum decoro hierachici Pastores.

Qui hoc persequuntur, alii sumptum timeQt,alii adulantur et lucrum sperant , alii vero occulte et astute cultum et splendorem Catholicae proffcSsionis imminuere , et Ecclesiam Catholicam turbare intendunt.

Hoc propositum convellit , non sine magno religionis détriment© , consuetudines et tradilioaes Ecclesiasticas , quod non potest tieri sine Catliolicorum scaadalo , atque haerelicorum elatione, qui gloriabuntur uostram talem immutationem esse argumentum praecedentis erroris atque iascitiae in religionis Catholicae professioue, idem concludendo de ejus persuasione et doctrina : talis ergo immutatio hoc maiime fieret tempore imprudenter, atque periculosissime.

Hic Episcopi in suis Diœcesibus , si iutelligunt quod sunt , habent potestatem orationis modum coaslituendi , sicut Papa in Komaua Diœcesi et Ecclesia ( hoc enim sonatet significat vocabulum Pontifex, Haebr. cap. V et IX ) ; alioqui lièrent Papœ Capellani. Preuves de» Libertés de l'Eglise Gallicane. Ibidem.

PiOTE G.

Jam vero , cum sacri Ritus et Cceremoniae , quibus Ecclesia a Spiritu Sancto edoctaex Apostolica tradilione, et disciplina utiiur, in Sacra- mentorum administratione, divinis Officiis, omnique Dei , et Sanctorum veneratione, magnam Christiani populi eruditionem, veneque fidei pro- testaiionem contineaut, revum sacrarum majestatem commendant, fidelium meutes ad rerum altissimarum meditatiouem sustollant , et devoUQUis eliam igaeiaflamment, cupiealçs ûliorum Ecclesise pieta-

LITURGIQUES. M S

tem et diviiuim cultum sacris Riiibus , et Gxremoniis conservaiidts, instaurandisqiio mij^is aiij?ere ; (iniiique itidem Cardinales delegimus, qtiibus haec pnocipue cura inoumbere debeat, ut veteres Ritus sacri ubivis locorum , in omnibus Urbis, orbisque Ecclesiis, etiam in Capella nostra Poalilicia, in Missis, divinis Ofliciis, Sacramcnlorum adminis- tralione , cœterisquo ad dlviuum cullum perlineiilibus, a qulbusvis personis diligenler observentur , Coeremoni^i; si exolevcrint , resiiluan- tup, si depravatœ fuerint, reforni'MUur , libros de tacris Uitibus, et Cffiremoniis, imprimis Vonlificale, Ritualc, Cœremoniale , prout opus fuerit , reforment, et emendeiil Oflicia divina de sanctis Patronis exa- minent et uobis prius consullis, concédant. Diligentem quoque curam adhibeant circaSanctorum canonizationem , festorunique dierum cele- britatem, ut omnia riie, et recte, etexPatrum tradiiione fiant, et ut Reges et Principes, eorumque oralores, aiixque personae, eiiam Ecclesiaslicce , ad lJrl;ein, curiamqne Romanara venientes , pro Sedis Aposloliese dignitate ac benigniiate honorifice more niajorum exci- piantur, cogitatiouem suscipiant, seduloque provideant : controversias de prœcedeniia in Processiouibus , aut alibi , caeterasque in bujus- modi sacris Ritibus et Cœremoniis incidentes difficultaies coguoscaot , summarie terminent et componaut. Bularium Romaimrn. Tom. IL Edit. Luxemb. pag. 669.

NOTE H.

Ut autem illius usus in omnibus Ghristiani orbis partibus perpetuis futuris temporibus conservetur, id ipsum Breviarium in aima Urbe nos- tra in eadem typograpbia tantum, et non alibi imprimi posse decerni- mus, extra Urbem vero juxta exemplar in dicta typograpbia nunc editur , et non aliter , bac loge imprimi posse permittimus, ut nimirum typographis quibuscumque illud iniprimere volentibus, id facere li- ceat, requisita tamen prius, et iu scriptis obtenta , dileclorum filiorum Inqiiisilorum hsereticœ pravitatis in iis locis iu quibus fuerint , ubi vero non fuerint, Ordinaiiorura locorum licentia. Alioquinsi abaque hujus- modi licenlia dictura Breviarium sub quacumque forma de caelero ipsi imprimere , aut bibliopolœ vend^-re praesumpserint, typographi etbi- bliopolse extra Slatnm nost'um Ecciesiasticum existentes excommuni- cationis lalœ senlentite, a qua nisi a Romano Pontifice, praeterquam in raoriis arliculo constituti , absolvi nequant , in aima vero Urbe ac re- liquo Statu Ecclesiastico coramorantes , quiugentorum ducatorum auri de Caméra , ac amisbionis librorum , et typorum omnium Cameraî prae- diclae , applicandorum pœnas absque alla deciaratione irremissibiliter incurraut eo ipso. Et nibilominus eorumdem Breviariorum per eos de

SIC INSTITUTIONS LITURGIQUES.

caetero absque bTJjusmodi licentia impriraendorum aut vendendorum usum , ubique locornm et gentium s-ub eisdem pœnis perpétue inter- dicimuset proliiberaus. Ipsi autem Inquisitoresseu Ordinariilocorum , antequam hujusmodi licentiam concédant, Breviaria ab ipsis typogra- phis imprimenda , et postquam impressa fuerint , cum hoc ISreviario auctoritate uostra recognilo , et nunc irapres«o , diligentissime confé- rant , nec in illisaliquid addi vel detrahi permittant, et in ipsa licentia original! de collatione facta , et quod omnino concordent, manu propria attestentur; cujus licentiae copia initio, vel in calce cujusque Breviarii semper imprimatur; quod si secus fuerint, Inquisitores videlicet pri- vationis oflBciorum, ac inbabilitatis ad illa et alla in posterum obti- nenda , Antistites vero et Ordinarii locorum suspensionis a divinis , ac inlerdicti ab ingressu Ecclesiae, eorum veroVicarii, privationis simili- ter officiorum et beneficiorum suorum , et inhabilitatis ad iila et alia in posterum obtinenda, ac praeterea excommunicationis, absque alia deelaratione, ut prsefertur, pœnas incurrant eo ipso. BuUarium Ro- manum. Tom. III. pag. 149.

FL\ DES NOTES DU QUINZIÈME CHAPITRE.

TABLE DES CHAPITRES

DU PREMIER VOLUME.

Pag. Chapitre premier. Notions préliminaires 1

Chapitre II. Importance de l'étude de la Liturgie. ... 6 Chapitre III. Etat de la Liturgie, au temps des Apôtres. 47

Notes du Chapitre III 45

Chapitre IV. De la Liturgie , durant les trois premiers

siècles de l'Eglise 46

Notes du Chapitre IV 81

Chapitre V. Delà Liturgie, dans l'Eglise en général ,

au quatrième siècle 87

Notes du Chapitre V 119

Chapitre VI. De la Liturgie durant les cinquième et sixième siècles. Premières tentatives pour établir

l'unité 127

Notes du Chapitre VI 159

Chapitre VII. Travaux de saint Grégoire le Grand sur la Liturgie Romaine. Progrès de cette Liturgie dans l'Occident. Auteurs liturgistes du septième

et du huitième siècles. . ; 162

Notes du Chapitre VII 192

Chapitre VIII. Digression sur les autres Liturgies d'Oc- cident : Ambrosienne , Africaine , Gallicane, Gothique

ou Mozarabe , Britannique et Monastique 194

Notes du Chapitre VIII 221

51 s TABLE.

Pag.

Chapitre IX. Autre digression : sur l'histoire des Li- turgies Orientales : Grecque Melchile : Copte , Ethiopienne , Syrienne , Arménienne , pour la secte Monophysite ; Copte , Syrienne, Arménienne unies ;

Maronite ; et Chaldéenne , pour la secte Nesto- rienne .. .., 225

Chapitre X. Abolition de la Liturgie Gallicane. Intro- duction de la Liturgie et du chant de l'Eglise Romaine en France. Première origine de la Liturgie Romaine- Française. Modifications introduites dans le chant. Auteurs liturgistes des neuvième et dixième siècles. . 243

Notes du Chapitre X 276

Chapitre XI. Abolition du rite Gothique ou Mozarabe en Espagne. Travaux de saint Grégoire VII sur la Liturgie. Progrès du chant ecclésiastique. Rite Ro- main-Français. — Auteurs liturgistes des onzième et

douzième siècles 280

Notes du Chapitre XI 328

Chapitre XII. Révision de l'Office Romain par les Fran- ciscains. — Bréviaire des Dominicains, des Carmes, etc. Office du Saint-Sacrement. Caractère du chant ecclésiastique , au treizième siècle. Auteurs

liturgistes de cette époque 353

Chapitre XIII. Altération de la Liturgie et du chant, durant les quatorzième et quinzième siècles. Néces- sité d'une réforme. Léon X. Clément VII. Paul IIL

Ferreri et Quignonez. Burchard et Paris de Crassis. Liturgistes des quatorzième et quinzième siècles 359

Notes du Chapitre XIII 396

TABLE. itlO

Pag. Chapitre XIV. De riiérésie anti - liturgistc , et de la

réforme prolestanle du seizième siècle, considérée

dans ses rapports avec la Liturgie 405

Chapitre XV. Réforme Catholique de la Liturgie. Paul IV. Pie IV. Concile de Trente. Saint Pie V. Bréviaire Romain. Missel Romain. Introduction de la Liturgie réformée en Italie , en Espagne, en France et dans le reste de l'Occident. Palestriua. Sixte- Quint. Congrégation des Rites. Grégoire XIII. Réforme du Calendrier. Martyrologe Romain. Clé- ment|VIII. Pontifical Romain. Cérémonial Romain.— Auteurs liturgistes du seizième siècle ^26

Notes du Chapitre XV Ma

FIN DE LA table DU PREMIER VOLUMB.

431U1E