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IJsFSTRUCTîONS
THEOLOGIQJJES
ET MO RALES,
SUR LE
PREMIER COMMANDEMENT
DU DECALOGUE.
OV IL EST TRAITE"'
De la Foy , de rEfperance , &c de la Chanté.
Par feu Monjîcur Nicole. TOME SECrOND.
Chez E L I E
E J o S S i T ^'ÇyPMf&^ Jacques à la Fieur-de-Lys <i'or.
M. D G C. I X.
BÎBLIOTHECA
. ATâ3
t3 ■ B3 £« £*s m ©s m
TABLE
DES
INSTRUCTIONS.
SECTIONS ET CHAPITRE S
Contenus dans ce IL Volume. Huitie'me Instructiok.
ÇVite de la Charité enters pj-mème , ou
*^ des devoirs de l'homme envers fon
ame. Page it
Section Première,
Du règlement de l'imagination^ ou des Paflions.
Chapjtrï I, 7^ £'s imagïnttt'tent , ^ du ^>iJftons déréglées. Reme"
TaBLÏ DE5 InSTUVCTIONS, des ^u'ofiy feut appêrter. f
Ch. II. Du reniement des pajfions en gène-
fdl. lO
Ch. III. Des remèdes généraux des faf" (ions. 14
Ch. IV. Des remèdes fdrticMliers des pxf~ /tfins. Que le principal efi de fe délivrer du
WAWVAtS dmOUY. iç
§. I. De ijuelle manière il faut combattre la première efpece de concupifcence , qui ejî /'4- mour du plajjir. iS
5. II- Remèdes contre /<» féconde efpece de concupifcence , éjui eji U curiofité, oh l'a- mour de la fcience. 41
$. III. De la troifiéme efpece de c»ncupifcen- €e , qui ejf l'orgueil de U vie , ou l*amcitr de l'élévation. ^o
Ch. V. Des autres paffiens qui na'iffent dt* mauvais amour. Des remèdes qu'il j faut apporter. 59
5. I- De la crainte des maux humains. 6£
$. II. De U crainte des j:igemeas des hom- mes , 9H de la m.iuvatfe honte. 70
$. III. De la troifiéme forte de crainte , qui eJl la ^Ujillanimiié. 78
Ch. VI. De la tri/icjfe. £9
S. I. De la trtjlejfe qui naît de l'humeur , Ô* du tempérament. ^o
5. II. De la fscenis forte de trijleffe , quùr% appelle fecherejfe , oh dsfol.tttâ/j. 97
5' III. De la trtfiejfe eau fée p.:r les afflictions, (5» les maux qui arrivent dans la lie. Com- ment on j peut remédier. io>
AnTicLE. i. De U préparation aux apic- tion:. ic^
Sections et Chapitres.
JIrT h. De Cf qu'on doir fuiYc an ten.ps ds l'afflfâion. 117
Art. III. De la trijlejje qu'en canf oit de fes pech-z. 1^%
f. IV. De U djUAtriéme forte de trijîejfe ^ qui efl cehe que Von conçoit du hien defonpro^ chat^i ; ou de Vernie. 138
Çh. VII. De la colère. Des remèdes que /* fh'lofophie Payenne a tAche d'y apporter' Avantages de la. Religion Chrétienne fur la Phtlofdphie Humaine en ce pomt. 1^0
Çh. VIII. De la haine. Comment elle fe forme dans le cœur. Ses remèdes. ié6
Ch. IX. De la tranquillité de Vefprit. Com- ment on fe la peut procurer, ^^e la Relim gîon chrétienne en fournit des mejens plus fur s que la Philofophie Payenne. 1J2,
Section Seconde,
pu règlement de Tentendêment , ôC de la volonté.
Çhap. f. JON quoy conftjle le règlement de
'*^ l'entendement i (^ de lavolen-'
té. 19^
Çh. II. Ce que c'efi que la fcience du falut,
Corrtbien cette fcience efi deftrxtble , & peu
defirée. 19 9
Ch. III. Des troyens ordinaires de s*injîruire
de' veritez du falut. ' 2.07
§. I. Premier mojen de s'injîruire du falut,
qui eji la leciure. - ^^9
i iij
Tablï des Instructions ,•
Art. I. De U necejfite de U U.ture. ic>
Art. Il- De quelle manière on dêit faire fes UcÎHres ffirttueUei. • xi^
Art. 111. Dei livres que l'on doit lire y éf* particulièrement de l' Ecrilnre fainte. xi%
Art. IV. Ce que doivent futre ceux q»i m (ça vent f4.i lire.. I3i
i. II. Du fécond mùjen de s* in fruité de I4
fcience d'x falfit , qni ef Vtnfruciïon des
Pafeurs. t37
Gh. IV. Ce qu'il faut conftderer dam lecho:ji d'un Dire (leur. 145
§. I. De U necejfité de^ D':rfcîeurs. Ibid.
^. II. De ce que doivent fuire ceux qui ne ffauroienî trouvtr de Directeurs dans le lieu ou ils vivent, 161
i. III. Des qualitex, d'un VheSîeur. i5S
§. IV. De ce que l'on doit cratndie dans la Direcîion. X74
Ch. V. D: ce qne Von doit conftderer dans U choix des opinis-is, 179
jQuESTi-ON.*I. Si une opinion probable peut exemier de péché ^ hrfqu'il s'^'^X'^ '^ '' ^'^'^ naturel, ^ que cette opinion ff f^-ffe. iS^
Art. I- Examen de quelques d.'jficHltez fur cette djc7rifie. 30O
Art. h. Ecluircijfement de quelques autres d:jfîcultez fur cette tnême mutisre. 313
Art. III. Divers inconveiiitu de cette doc* tri is f-^ujj^ ^erronée. QHj4->;à op m ^ot^ pro- bable , fi-'JJs 0* contraire au irait n-t^urel, ne Ixjfe bas d'être Une règle q^^on peut fui^ l'Ye t>-' fài'-.té Àe confi-^nce. 310
>.QUEST. II. Ss ur.e opinion probable i qui nUJtr contrAiTu qu^aa dr^it fofùf h>tmain 0»
Sections et Chapitrîs.
divin y fent être fuivit f-^ns péché. 515
<QuisT. III. Si l'on fettt choifir feur regU Àê fes Avions l'opinion la moins probable é* la moins fûre f en quittant la pUts probable ^ la plus f are. 350
(Que ST. IV. S'il eji permis defui'vre l'opinion
' fûre , lorfqut la contraire eft la plus proba- éle, 341
Ch. VI. Ce qu'il faut confîderer dans le choix d'un genre de vie. 3 4 S
5. I. Combien le ehoix d'une condition efi im- portant. 34^
$. II. Combien tl eJi difficile de choifir un genre de vie. 354.
§. III. JDe la vue de la dépendance de Dieu- , quon doit avoir dans le choix d'un état. 359
5. IV. Quelles règles en doit fuivre dam le choix d'un genre de vie. 363
ÎArt. I. "Des maximes qui doivent porter à s'éloigner abfolument de certains états. 3^4
'Art. 1 1. CênfiAerations qui doivent donner de l'inclination pour certains états , (^ de l'éloignement pour d'autres, 373
Çh. VII. Ce qu'il faut eenfiderer dans le ihoix des vertus. 351
Neuvie'me Instruction.
De l'amour du prochain , ou de la charité envers le prochain.
Çhap. I. (1*^6 l'amour de Dieu produit ne^ "^N cejf^irement l'amour du pro-. a iiij
Table des Instructions,
ehiin. 35^
Ch. II. De quelle n'itHreeJi cet amour dn pY:;'
ih-iit , on cette churite qut nous eji com-*
mandée. 402.
Ch. III- De l'étendue de la charité enxnn
le prochain. 471
Ch. IV. Du Tam^ur des ennemis.» 414
Ch V. A qiioy oblige l'amour des ennc
TTiii. *4i3
Ch. VI. Dis devoirs particuliers de U Ch.i" rité envers h' yrochain, 451
Section Première.
Du fcandale*, qui cil le principal
dommage fpii-ituei qu on peuc
apporter au prochain,
ChAP. I. T^E^ diverfes fortes de panda^
^ les. 4^5
j. I. Z>« fcandale pris , ot* du fcandale psf-
fif. ^ 43<î
5. II. Df4 fcandale dânué t oié dufcandaleae^
tif. 441
Cil. II. De U Yepdraticn dn/catidale. 417
Sections ît Chapttrî^, *
Section 5ïconde.
De ce qu'on doit au prochain à l'égard
du corps , ou des devoirs de charité
qui regardent le corps.
Çhap. 1. 7^^^ avantages que retirent ceux '^ qui pratiquent les devoirs de charité'. Quelle fin ils doivent fe profofer en les exerçant. Si on y eji obligé envers tout le monde, ^66
Ch. II. Du principal devoir de la charité cor- porelle y que Von peut rendre au prochain , qui ejl l'aumône. 47X
5. I. De f obligation de faire Vaumone. Ibid. $.11. De ce qu'on doit appelier fuperflu, 47^ §. \\l. Des conditions de l'aumône. 490
$. IV. Des excufes que l'on apporte pour s* t" xemter de fAtre l'aumône. 454
§. V. Avis pour la pratique de Vaumortê • Chrétienne, 501
Section Troisi e'm e.
Des devoirs que Ton doit au prochain, à regard de Ton ame.
Chap. I. 7^E V édification qu'on doit atê
prochain, 517
Ch. II. De^ Vinjiruciion que Von doit até
prochain : en quelles eccafions on la doit pra»
TABtE DES InSTRTJCTIOKS, A^C.
tiquer. St4
Ch. 1H. De U c9rreBi9n fraternelle f ér* de
ce/fH*on y doit êbfefver. 531
Ch. IV. Dtifttfport ou de U toïlerance ^c'efi-a-
dire y de la condefcendance ^ ^ delà con-
dhite tfue la charité oblige de tenir envers
ceux a V égard de qui on ne peut f as frati-
^uerU cerreciton. 545
fin de U Table du M. Volume
INSTRUC^
INSTRUCTIONS
THEOLOGIQJJES
ET MORALES
SUR LE PREMIER
COMMANDEMENT
DU DECALOGUE.
H U I T I E' M E
INSTRUCTION-
Suite de la charité envers fof* même*
O V
Des devoirs de r homme envers fon ame.
E que rhomme doit à fon ame 5 eft-il diffé- rend de ce qu'il doit ou à Dieu 5 ou à fon corps ? R. Nullement ; ces devoirs fe corn- Tome II, A
t De LA Charité* prennent les uns les autres , ou en tout, ou en partie. Tout ce que l'homme doit a Ion ame & à Ion corps , il le doit à Dieu , parce que Dieu eft la juftice éternelle qui l'o- blige à ces devoirs par diverfes rai- fons. Tout ce qu'il doit à Ton corps , il le doit à Ton ame , parce que c'eft Tame qui règle le corps , Se l'ame cft déréglée la première quand elle règle mal le corps : ainfi cette divi- fion de ce que i'ame doit à Dieu, à {on corps , 3c à elle-même , n'efi: pas exadte ^ & nous ne nous en fer- vons 5 que parce qu'elle contribue à donner des idées plus nettes & plus diftindes des règles de la morale chrétienne.
D, En quoy confifte donc le rè- glement de nôtre ame ?
R. Il coniifte à en régler les diver- fes parties , qui font Timagination , Tappetit fenfitif ou les pâmons , la volonté ôc l'entendement ; ainii ré- gler fon ame , c'eft mettre toutes ces diverfes parties dans l'état où Dieu les avoit mifes en créant l'homme , c'eft en retrancher autant que l'on peut, tous les effets, Ôc toutes le*
împrefÏÏons du péché.
V, Y a-t-il de la différence entre régler l'imagination & les paillons , ôc relier la volonté Se l'entende- ment à Tégard des pafîîons ?
J^. Cette diftindlion n'eft pas des plus exadtes , car on ne travaille pas diredlement fur l'imagination , ni fur les pafîîons , qui font par elles- mêmes incapables dérègle ; on tra- vaille fur l'entendement & fur la "volonté 5 par le moyen defquels on règle l'imagination & les pafîîons : ainfî quoyque pour garder quelque ordre dans la fuite de ces Inflruc- tions , il paro'iile que nous mettons de la différence entre le règlement de l'imagination & des pafîîons , &c celuy de l'entendement Se de la vo- lonté -y il n'eft pas néanmoins difïî- cile d'appercevoir que tout ce qu'on peut dire fur ce fujet , confifte à é- clairer l'entendement touchant l'ima- mnation &c des pafîîons , à Tinîtrui- re des veritez qui en contiennent la règle , à exciter la volonté à l'a- mour de ces veritez y 3c à luy faire ainfi concevoir un defîr effi- cace de régler c^s puiifances de
A ij
}(: DçlaChariti* l'ame ^ ce qui forme dans la vo» lonté les habitudes , qu on ap- pellt des vertus.
ENVERS SOT-MEME*
SECTION PREMIERE.
Du règlement de Vimagination (jr des palJlonS'
CHAPITRE PREMIER.
Des imaginations i O' des fafjions
dereglées^ Remèdes quon y
peut apportir»
X>, /'^U'efc-ce que l'imagina- Vcdoa?
^. Ce n'eft autre chofe que Tame même, eii-tanc qu'elle conçoit les choies corporelles , & qu'elle s'en forme des images,
D, L'imagination eft-elle entière- ment foumiic à la raifon &: à la vo- lonté ?
R, Elle l'étoit dans l'état d'inno- cence , car l'homme n'v concevoic rien , que ce qu'il vouloit. Mais il s'en faut bien qu'elle ioit prefen- l^ment en cet état j au contraire, Ti-,
A iii
fe DîLA Charité*
rnagination prefcnte fouvent à Ta- me quantité d'images que l'ame dé- favoiie , ôc qu'elle voudroit bien ne pas avoir 3 elle s'applique fans le congé de la volonté à quantité d'ob- jets dangereux dont elle a peine à fe retirer : il en efl aufli fouvent de même de cette partie de l'entende- ment qui conçoit les chofes fpiri- tuelles , car elle a aufïï fes pcnfées involontaires ^ c'eft pourquoy ce que nous dirons ici de l'imagination, doic être auffi appliqué aux penfées invo- lontaires de l'entendement.
-D, Quel lentiment faut- il avoir touchant les penfées que l'on a mal- gré foy , ôc les images involontai- res que l'imagination prefente à i'efprit ?
J^, L'ordre naturel de l'homme eft, que tout y obéilfe à la volonté rai- fonnable ; ainll , il faut croire que tout ce qui eft oppole à cet ordre, efl déréglé & contraire a l'inflitution de la nature ; c'efi: pourquoy il le le faut haïr, il en faut gémir , &c il faut y remédier autant que l'oa peut.
X>. Qijel reiucde peut-on appox'^
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ENVERS SOY-MEMB. 7
ter à ces imaginations 3c à ces pen- fées déréglées , puilqu'elies ne lont pas loumiles à la volonté ?
y?. On ne peut pas toujours direc- tement étpuiïer ces imaginations , ni ces penlées ; parce que fouvent en s'appliquant à les chalfer , on les rend plus vives : mais on le peut in- diredlement par plufieurs moyens, dont les uns le doivent pratiquer dans le temps même qu'on eft tra- vaillé d'imaginations involontaires, les autres le doivent pratiquer hors de ce temps,
i>. Quels font les remèdes qu'on doit pratiquer hors du temps qu'on eft travaillé de ces imaginations in- volontaires & déréglées ?
F. C'eft 1°. De ne livrer jamais Ton eiprit à aucune paiïion , de de «'accoutumer à éviter les mouve- mens trop fenfiblcs : car l'agitation des pafîions rend les irnages plus vi- ves 5 ëc par confequent plus vaga- bondes , 3c moins foumifes à la raifon.
2°. D'éviter tous les difcours c^ toutes les leâ:ures qui peuvent louil^ 1er l'imagination ^ ôc de lati sfaue
A iiij
fe D E L A C H A R 1 T E*
magination prefente fouvent à Ta- me quantité d'images que l'ame dé- favoiie , ôc qu'elle voudroit bien ne pas avoir ; elle s'applique fans le congé de la volonté à quantité d'ob- jets dangereux dont elle a peine à fe retirer : li en eft auflî fouvent de même de cette partie de l'entende- ment qui conçoit les chofes fpiri- tuelles , car elle a aufFi fes penfées involontaires j c'efl: pourquoy ce que nous dirons ici de l'imagination, doic être audi appliqué aux penfées invo- lontaires de l'entendement.
D. Quel fen timent faut- il avoir touchant les penfées que l'on a mal- gré foy , ôc les images involontai- res que l'imagination prefente à Tefprit ?
- J^. L'ordre naturel de l'homme eil:, que tout y obéiife à la volonté rai- fonnable 5 ainfi , il faut croire que tout ce qui eft oppofé à cet ordre, efl déréglé ôc contraire a l'inftitutioa de la nature ; c'eft pourquoy il le le faut haïr, il en faut gémir , &c il faut y remédier autant que l'oa peut.
Z>, Quel reiiîCde peut-on appoif-»
ENVERS SOY-MEMB. J
ter à CCS imaginations & à ces pen- fées déréglées, puiiqu'elies ne font pas loumiies à la volonté ?
R, On ne peut pas toujours direc- tement étpuiïèr ces imaginations , ni ces peniées ; parce que louventen s'appliquant à les chaifer , on les rend plus vives : mais on le peut in- diredlement par plufieurs moyens, dont les uns le doivent pratiquer dans le temps même qu'on eft tra- vaillé d'imaginations involontaires, les autres le doivent pratiquer hors de ce temps.
i>. Quels font les remèdes qu'on doit pratiquer hors du temps qu'on eft travaillé de ces imaginations in- volontaires & déréglées ?
F, C'eft i^. De ne livrer jamais fon efprit à aucune paiïion , & de «'accoutumer à éviter les mouve- mens trop fenfîblcs : car l'agitation des pafîlons rend les imagées plus vi- ves , & par confequent plus vaga- bondes , & moins foumifes à la raiion,
2°. D'éviter tous les difcours ^ toutes les ledurcs qui peuvent fouil- ler l'imagination , & de fitisfaire
A iiij
% Delà Qh a rite' promptement & fincercment à Dieu par la pcnitence , fi l'on le louvient d'être tombé dans cette faute.
3^. D'éviter les inutilitez & les ciuiofitez déréglées , parce que ce font les fources de ces vaines pen- fées.
4°. De ne s'entretenir jamais que de penfées raifonnables , en prati- quant ce que dit l'Eglife : Vt femfer rationahUia méditantes , & voluntate tlbi & aflione flaceamus : car il n'y a rien qui dérègle, plus l'efprit , que la liberté qu'on luy donne de s'oc- cuper de vaines idées j & ceux qui font fujets à ce vice , ne doivent pas s'étonner s'ils ne font pas maîtres de leurelprit.
D, Quels font les remèdes qu'il faut pratiquer dans l'agitation ac- tuelle des penfées vagabondes & vaines ?
-^.1°. S'appliquer aux chofes ferieu- fes ^ conformes à l'état où l'on eft. i". Détourner doucement fon imagination quand on fe fent prelFé de ces peniécs. 5° Regarder ces penfées avec paix , fans impatience , & fans trouble : car le trouble ^
* ENVERS SOY-MEMÏ. ^
l'impatience les rendent plus vives, 4°. Jetter un regard tranquille vers Dieu 5 pour luy témoigner qu'on rejette ces penfées , qu'on luy en demande la délivrance , Se qu'où l'attend de fa grâce avec foumillion.
X>. Quel eft l'état auquel on doit tendre pour la règle de l'imagina- tion ?
7?. C'eft celuy qui cft décrit par un Auteur moderne du Traité de la Vie folitaire , où il dit , qu'un hom- me de bien devroit être tellement inaître de les peniées , qu'il pût s'appliquer à ce qu'il voudioit , fans être troublé dans une occupation, par les penfées d'une autre.
D, Comment pourroit-on venir à bout d'acquérir cette paix & ce rè- glement de l'efprit ?
^. On le pourroit en ne regardant que Dieu en toutes chofes , & ne s'y appliquant que pour luy obéir.
I), Quand y a-t-il du péché dans l'application ou confentement de l'ame à ces phantômes involontai- res ?
J^, Quand l'ame confent volontai- rement à les avoir de à s'y appli-
îo Deia Charité'
quer j car il n'cft pas permis d^ prendre plaifir a voir de mauvais objets.
D, Que faut-il faire pour purifier fon imagmation Se fa mémoire î
R, Il la faut remplir de faints ob- jets & de veritez édifiantes , & en faire tellement la principale occu- pation , que l'elprit s'y tourne com- me naturellement , lorfqu'il trouve du loihr : car il eft naturel que les idées des chofes pour lefquelles nous avons plus dafFedion, feprefentent plus fouvent que les autres , parce que l'alfedion les excite.
CHAPITRE II.
Du règlement des Paillons en gênerai.
D, /^Uelle étendue faut-il don- V^ner ici au mot de palTion ? S^. La même qu'au mot de con- cupifcence , quoy qu'il foit ties-cer- tain que toute pafîion n'eft pas con- cupifcence ^c'eft pourquoyles Saints Percs ^ & après eux les Docleurs de
INVERS SOY-MEMS. ît
l'Eglife, ont témoigné que Jefus- Chrift a eu des paiïîons qu'il exci- toit à la vérité luy-même en foy , pour témoigner la vérité de ia na- ture humaine. Mais comme il ne s'agit ici que de paiïîons déréglées , puifqu'il s'agit de les régler ; nous prendrons le mot de pafîîon & de concupiicence pour la même chofe, êc nous y donnerons la même éten- due 5 puifque toute paiïîon déréglée efl: concupifcence. Ainfi, comme la concupifcence peut avoir des ob- jets rpirituels , nous comprendrons aufîi ces fortes de concupifcences ipirituelles , fous le nom de pafîîon. B, L'homme eft-il obligé par la charité qu'il fe doit à luy-même , de travailler à remédier au dérèglement de fes paiïîons ?
^. Si on eft obligé de travailler à la guerifon des maladies dangereufes de fon corps, quand elles peuvent être guéries ; on eft encore à plus forte raifon obligé de travailler à la guerifon des maladies de ion ame , qui font les paiïîons déréglées , par- ce qu'elles font bien plus dangereu- fes que les maladies du corps ^ êc
Il De LA Charité* qu'elles lont toutes capables denoUs perdre pour l'éternité.
jD. Quel efl; le mal des pafîîôris auquel il fa^ut remédier ?
B. Les pafîîons qui portent au péché , & qui y follicitent la volon- té , font à la vérité un mal , même lorique Ton n'y confcnt point, par- ce que ce lont toujours des tenta^ tions dangereutes , & qu'elles ébran- lent toujours l'ame, & la partagent ; Mais quand la volonté s'y foumet, la paiïîon devenant par là dominan- te, elle devient un véritable vice qui infecle l'ame, &: qui la rend coupa- ble, parce qu'alors cette attache «5^ ce confentement font libres 6c vo- lontaires.
D, En quoy confifte donc la gue* rifon des paŒons ?
R, Elle confifte à l'égard des paf- fîons dominantes, à en dégager la vo- lonté ; & à l'égard des pâmons non dominantes , elle confifte à les af- foiblir & k les éteindre fi l'on peur,
D, Peut-on ejperer de vaincre to- talement quelque padion î
R, On peut terralfer certaines pafîions 3 c'eft-à-dire , les aifujetir^
ÎNVERS SOV-MEME. t^
en force qu'elles ne nous falfenc plus de peine ni de refiftance , & ainfi nous donnent moyen de tra- vailler fur quelques autres, félon que S. Auguftin le prefcrit par ces paroles : Une de vos pallions eft calca mor- morte , & l'autre eft vivante ; laïf- ^Z'^^,:^ fez là celle qui eft morte , & com- jacentem , coa- battez celle qui réllfte : mais quel- «;s,V""Mo™a ques mortes que nos pafîîons paroif- eft enim deicc^
r -1 ' r C M tatio una . fed
fent , il ne s y faut pas fier ; il en y^^,^ ,i,,/, ^ ^ refte toujours la«racine , dont elles iii'im,c{um non
A o ' n. T confencis , mor-
peuvent renaître ; & c elt avec railon ti^cas cum cœ- qu'un Philofophe a dit que les vices ?-^^^ omnino
j ■ -r ■ j L non deledare ,
ne s appnvoiient jamais de bonne mordiîcafti. foy. jyiti^ niinqna.m bonk Jîde man- ^- ^'*S' f"- fuejcunt, ^. ^^ ^
i>. Quels font les remèdes des pafîîons ?
R, Il y en a de particuliers , dont nous traiterons en détail dans la fui- te. Mais il y en a aulîi de géné- raux , & ce font ceux dont il eft à propos de parler iqà.
-^^^t^
fjf DelaCharzte*
CHAPITRE III.
Vis remèdes généraux des p^Jjions.
D. T? N quoy confiftent les remc- J^ des généraux des paflions ?
JR. En certaines confiderations , certaines vertus de certaines prati- ques qui fortifient i^ame contre tou- tes les paiïions.
D, Rapportez-nous-en quelques- imes de ce genre ?
R. Il faut 1°. concevoir le plus fortement qu'on peut , combien il eft dangereux & honteux de vivre par paiïion. Car c'eft en quelque forte dégrader la raifon , & s'oppo- fer à Dieu même, puifqu'il veut que nous foyons conduits par la raifon -, c'eft fe mettre fous la conduite d'un guide aveugle , emporté de furieux, qui eft la concupifcence , qui eft elle- même dominée par les impreflîons du démon.
1^. La vie de paflion n'eft qu'in- ftabilîcé , que bizarrerie , & qu'illu-
Invers soy-memî. iy
fion 5 puifqu'elle nous reprefente les choies tout autres qu'elles ne font. Ainii , fe livrer à la pafTion , c'eft proprement fe livrer à rillufion ^ au menionge.
3°. La vie de pafîîon efl la caufe univerfelle de toutes les fautes & de tous les malheurs où l'on tombe dans fa vie 5 foit félon le monde , foit fé- lon Dieu -, &c Ton ne fçauroit efpe- rer de bonheur ni dans cette vie ni dans l'autre , qu'en refiftant à fes pafïïons. Il faut donc regarder la refiftance à fes pallions comme la plus importante chofe qui foit dans le monde -y il faut le refoudre à faire de cette refiftance nôtre principale occupation , nôtre principale étude , &: nôtre continuel exercice: il faut enfin, que ce foit l'un des principaux objets de nos prières. Cette difpolî- tion , quand elle eft forte & fncere, eft un très-grand remède contre les paiïions.
4°. Toutes les pafïïons mauvaifes viennent d'un mauvais amour ; car les paiïions ne font que des formes différentes de l'amour , com.me nous avons die ci-devant. Or toU'S
16 De LA Charité* les mauvais amours fe corrigent pab le bon amour, qui e(i ccluy de Dieu: Ainfî pour lurmonter toutes les pal- fions , il n'y a qu'a s'enraciner .de plus en plus dans la chanté , ou l'a- mour de Dieu.
5°. Toutes les pafTions viennent d'un £iux jugement , car l'on con- çoit toujours les choies autrement qu'elles ne font , quand on les con- çoit avec paiïion. Ainfî l'amour Im- cere de Dieu comme vérité , par lequel nous délirons de la fuivre , & de nous v conformer en tout , eft un remède 2;eneral des paiïions. Cet amour de la vérité lupréme , dompte & arrête la pafîion , en nous por- tant à chercher iincerement ce que la vérité prefcrit fur chaque fujet. Mais comme le plus louvent on fe preilè d'agir , & que la concupilcen- ce nous foUicite fortement , on eft fujet à croire , & à juger vray , ce que la concupifcence nous propo- fe. C'eft pourquov, c'eft une règle qu'on devroit preique toujours ob- ferver , que de différer fi l'on peut à parler & agit, jufqu'a ce que Té- morion des paillons ioit appaiiée.
6^
tîTVERS SOY-MEM?. I7
6°. Les pallions nagille lit d'ordi- naire fur l'ame:, .^3 Jie Tattirent à elles qu en la lurprenant , en l'ap- pliquant aux objets qu elles luy prel- crivent , & en l'empêchant de voir ceux qui l'en pouuroient détourner, Ainfi la vigilance lur foy-mêmesCon- fifte à découvrir ces furpriies , de à donner lieu a l'ame de recourir aux objets de foy -, & cette vigilan- ce eft un grand remède contre les pafîions : C'eft une garde fidelle qui empêche les feditions intérieures , êc qui les reprime aifément quand il 5'en élevé.
D. Qu.'eft-ce que dégager l'ame de la fervitude des pallions ?
J^. C'eft nonYeulement ne leur prêter point extérieurement le mi- niftere des membres du corps pour accomplir les deiirs qu'elles nous infpirent ^ mais c'eft encore n'adhé- rer pas intérieurement aux mauvais dedrs qu'elles excitent.
D, Comment eft-ce que les paf- fions s'afFoiblilîènt ?
F, Elles s'affoibliirent quand l'ob- tua advenus jet qu'elles prefentent a l'efprit , d^- coacapiûemias
^ . ^ ^ r (^ ir" tuas malas. sur-
vient moins vit <x moins agiilanc ; lexic u», uns
Tome II, B
i8 De laChari t^* tu minum cou- quand l'clprit eft prompt à en dé- rocuic fargcrc , couvrit 1 illulion ; quand les juge- fed iion invenu mens Véritables , & les mouvemens
arma. Apud ira . i • / l ^ rr • T'
tuain impccus dc charitc les dillipent ailemenr. <ft apud ce ar- Ainfi cn rcfiftant à fes pafîîons , oit
ma lunt. Sic im- i ' • ri ^ i rr
pctus inermis^ ôc ne dctruit pas kulement la paillon pjicit jam non prefentc , mais on en afFoiblit la tu lurrcxii. S- 1^ lource .* Car la concupiicence , dic •'^■»""' ^•''•'^' faint Auguftin , apprend à ne fe plus élever quand elle s'élève inuti- lement j & Tame s'accoutume à con- cevoir promptement les idées & les mouvemens qui furmontent la con- cupifcence.
R. Ce com.bat contre la concupif- cence eft-il pénible ? «aS"neft" ^- H ''eft tell eipeiu , qu'il fait la întijus lententis, plus grande partie de cette croix que ftinem'irilc à^^" nous devons porter tous les joursjmais vciuntatccarna- pour nous y animer^ il faut penfer, bcariaTyorSt" Premièrement , que nous fom- «ioiore;îî , duin nies juftement condamnez à cette
iiî raciiare par- . ■' _ j ii n -T o-
ccni onfactudo pci^^c , & qu ehe eft comprile & fieftitur Quod fiaurée dans celle qui a été impoféc qîiaû nacus etè ^ la femm.e d enfanter avec douleur. Ji!^us^ideft,ad Parce que ditfaint Auc^uftin , on ne rstus eft atFeAus lurmonte pomt lans peme les pai- poâ- confuetu- -^ons. Et î'ordre de Dieu , eft que Qae «oûfoeua^ î hommc dcchu de 1 cçat d innocen-
ÏKVÏRS 50Y-MEME, I9
ce , cîe la paix & du fouveraiii em- ^'^ "t nafccreV pire fur luy-meme , ou Dieu 1 a- r. reiuaatum voit établi , s'étant par le péché pre- ^^ * confucmàf- cipite dans la lervituae des paillons , daUen.cont, îie recouvre point cette paix , qu'en ^'*"- ^- ^- '- combattant contr'elies avec effort. Non enim
trandc ad lunî- mam pacem ubi fammum lllcntium eft j nifi cui magao ihepka luis viciis bcUigeravic. ^^g. in Pf. 9. ^
Hoc eft opu5
Secondement , que c*eft la euerre noftium mha* ou nous lommes appeliez , oc que camis rpirica cette o;uerre eft infiniment plus do- mortificare rleuie que celle ou le lignaient les te, minueic/i«- conquerans , que faint Auguftin ap- ^^^^^^ > ^"hx^'It pelle avec railon de petites âmes aa;Vnoftra,hrc iuperbes , qui font poiledées de la cfti^l^i^^^^,"'-' paillon de pouvoir beaucoup , oc ^p. fer i^. <iui ne peuvent rien pour guérir de .^^Jj'^a^^^-^ù pour retenir leurs paillons. cftectaai pimi-
mum colle , & ad fua vitia fananda , vcl eciam icfrafBanda nihil polUint '^' ^
Troifiémement , que c'eft là nô- tre martyre , &c que tout martyre doit avoir Tes peines . puifqu'il doit mériter une récompenie.
Enfin , il fliut penfer qu'il fautalv folument vaincre ou périr dans cette guerre^ & que l'unicrue moyen d'évi- .ter de tomber dans la mort éternel-
B ;, ^
lo Delà Charité' le , &: d'être à jamais fous la puif- fance du démon , c'efl: de combat- tre Ôc de vaincre en cette vie nos paiïîons , qui font les armes , dont le diable le lert pour nous furmonter.
Ainfi il faut renouveller fans cefïc
la refolution de refifter à fcs paf-
fions , &c fur tout après fes chutes,
• & au commencement de chaque
jour.
£>, Quand faut- il commencer k refifter a fes pafïîons ? ru^BablToifix? ^- ^n ne fçauroit commencer nafccnces maix trop tôt , parce ouVlles fe fortifient
oupiditates.quâ- i i- • • ^ i
^o nafcitur eu- pr la neghgcnce j joint a cela que piditas 3 antc- 1 ame s'accoûtumc aifément à leur
<iuam robiir fa- , o ,1, r • r •
ciat adverfum te ccder , OC qu eiies lont ninniment roa'a confuctu- plus difficiles à furmonter quand
co . . . cum par- -^ , , r r C -C r-' a.
vuiaeftcupidi- clies le lont rortihees. C elt pour- tas eiideiiiam, quoy il faut tâcher de les étouffer
led tiines ne eli- ,-^ A ^ ,., ^ /y-, , , /^
fanonmoriatui^ le piutot qu il elt poliibie : celt un
ad petram clide ^yjg ^q |-0US leS PcrCS , QUe faiuC I-ctra autcm erac , ^ . ^ / r
chriftus. jnFj, Augultm a rcnterme lous ces paro- ''*• les du Pfeaume cent trente -fix:
J-deureiix celuy cjuï écrafe les peths en- fans de Babylone , c'eft-à-dire , les pallions encore nailTantes , contre la -pierre , qui efl Jefus-Chrifl: , par qui feul nous les pouvons furmour ter.
ÏNVERS SOY-MEME, II
Ainfi la plus grande inflrudion qu'on devroit donner aux enfans , & le principal exercice auquel on les devroit former de bonne heure , cft celuy de refifter a leurs pafîîons ; ôc il eil honteux qu on ait foin de leur apprendre tant d'autres chofes , ôc qu'on fonge fi peu à celle-là , qui néanmoins eft la plus utile ôc la plus neceiïaire.
D. D'où vient que Ton avance il peu dans la m.ortiiîcation des pai^ iîons }
^.C'eft par diverfes raifons. i^.Par- ce qu'on ne l'entreprend gueres tout de bon j il y a toujours certaines par- iions favorites , aufquelles on ôte même le nom de pafîions , pour ne fe pas croire obligé de les combat- tre.
2°. Parce qu'on n'a pas aiTez de perfeverance , ôc qu'on fe laiïe fa- cilement dans cette guerre fpiri- tuelle. On voudroit que tout fût fviiten un jour ; mais cela ne va pas ainfi , la mortification des pallions eft l'ouvrage de toute la vie , ôc elle ne doit finir qu'avec la vie. Dieu Tune eft ff-
y f 1 nienda puejia
permet quon epi.ouveaans ce com- ^uando poft
11 De l a C h a r I t e* liinc vîtam fuc- bat diverfes folblelfes , afin de noua
cedic pugnas fc- , v , -i i •
cura Victoria, apprendre a n en pas attribuer la vic- L. de vttacon.iQ{^-Q ^ j^q5 proprcs forces. Nous
Ferimus & fc- trappons Cet ennemi, dit laint Augu- cimur, iiieau-^jj^ ^ ^.^^ ennemi nous frappe:
tem vmcu qui .' i-ivi o •
quod ferit de mais ceiui-la demeure victorieux, qui vuibus .f^iï non J^'^^JJ.j|3^ç p^g à fes proprcs forces ,
f^;</, de ce qu il le rrappe , c eit- adiré ,
de ce qu'il furmonte fes pafïïons.
5°. Parce que nous ne fçavons pas profiter de nos chûtes , pour en de- venir plus humbles & plus vigi- îans, & que nous en prenons au contraire à^s fujets de négligence èc de découragement.
4°. Parce que nous ne fommes pas affez perfuadez que ce n'eft que par le lecours de Tefprit de Dieu , & de fa grâce , qu'on peut venir à bout de iurmonter fes paiïîons j de forte que Dieu voit toujours en nous une fecrete confiance dans nos propres forces.
i). Peut-on employer des moyens & des motifs humains pour vaincre fes paiïions ?
R. Q^oy qu on ne puifîe vaincre les paflions d'une manière chrétien- ne , que par la grâce , qui n'eft auy
tre chofe que Tamour de Dieu -, néanmoins comme Dieu a accoutu- mé de joindre cette grâce aux moyens humains , on doit être foi- gneux d'y avoir recours.
D, Quels font ces moyens ?
^. Il y en a plufieurs. i^. De fouftraire à fes paflions , tout ce qui les excite , ôc qui les nourrit ; comme par exemple , les entretiens qui les aigriilent ; les ob- jets qui animent, les occafions , ôcc,
2*". D'employer à les furmonter, le fecours de quelques pallions moins mauvaiies ; comme de la honte humaine , de la crainte de Tinfamie , ôc de l'improbation des hommes. -^ •
3°. De confiderer fouvent le néant de ce qui nous agite , afin d'appren- dre à le mépiiler.
4°. De comparer fouvent les ju- gemens que l'on porte des choies hors le temps de la paffion , avec ceux que l'on porte dans le temps qu'on eft agité par la pafïion, pour en reconnoitre l'illufion.
D^ Seroit-il utile pour fe préparer à combattre les pafîions ^ de rap-
F
i^ D E L A Ch AR IT 1*
eller lorlqu'on n'en eft point agité, 'idée des mouvemens qu'on a lei- fcntis }
7^. Cela feroit dangereux à Tégard des tentations d'impureté ^maispour les autres objets moins agiilans , le Combat Spirituel , qui eft un livre fort approuvé , le* conieille j & la raifon eft , que lorfqu'un clprit eft occupé des lumières contraires aux paiïions , ces lumières lont capables par elles-mêmes , non feulement de rejetter , mais auiïi d'afFoiblir les pallions : joint à cela que les paf- fions pour l'ordinaire font tres-foi- blés , quand elles ne fe prefentent pas d'elles-mêmes jmais que c'cft la volonté qui les rappelle , & qui les force , pour ainfi dire, de compa- roître comme des criminelles , pour être condamnées & confondues par la vérité , & par la raiion.
2). A quelles paiïions faut-il s'ap- pliquer davantage ?
R. A celles qui font les plus dan- gereufeSj les plus durables, ôc dont on le lalTe moins , comme l'amour du plaifir, de l'honneur <3c du bien.
CHA-
INVERS SOY-MEME. IJ
CHAPITRE IV.
Des remèdes particulières des p^f- fions, ^ue le principal efi de fe délivrer du mauvais amour.
t>, 1^ St-il neceffaire de chercher .C <^ts remèdes particuliers aux pafïïons , puifqiie, comme il a été dit ci-devant , l'amour de Dieu en ell: le remède gênerai , & qu'il fufîit pour les vaincre toutes î
^. Quoyque l'amour de Dieu foit le remède gênerai des pafïïons, néanmoins cet amour de Dieu prend diverfes formes pour furmonter les diverfes paffions , <Sc il peut naître de diverfes confîderations. Il ne faut donc pas pour furmonter nos paf- fions 5 feulement aimer Dieu en ge^ neral, mais il le faut aimer d^ la manière oppofée à la pa(ïîon parti- culière qu'on veut furmonter. Outre que les pallions ne fe lurmontent pas toujours par l'amour de Dieu feul 5 il y a divers motifs qui con- TornclL C
i6 De LA Charité* tiibucnt a cette viéloire ; ainfî il efl bon de prcfenter à refprit ces mo- tih , qui étant joints a l'amour de Dieu, fervent a lurmonter les pat lions.
JD, Quelle eft la meilleure voye. Se la plus alfurée pour travailler à vaincre Tes paiïions ?
F, C'eft d'en conliderer la fource^ qui eft toujours le mauvais amour dont elles naillent^^ de tâcher de re- médier à cet amour ; car la triftelTè, lajoye 3 refperance , le defefpoir, la colère , la crainte , tirent toujours leur origine de quelque amour, comme il a été dit ci- devant : par exemple , on ne conçoit de la triRef- fe , que parce qu'on efl: privé de ce qu'on aime , & de ce qu'on fouhai- te ; on ne fe met en colère que con-* tre ceux qui s'oppofent à ce que nous deiirons , parce que nous ai- m.ons ce que nous délirons j on ne craint de perdre que ce qu'on defire de poileder , & que par confequenc on aime. Ainli quiconque nous ap- prend à n'aimer pas quelque choie, nous apprend en même temps a ne nous pas affliger d'en être privé ^ à
SNVÊRS SOY-MEME. I7
ne craindre pas de le perdre , à ne nous pas mettre en colère con- tre ceux qui nous empêchent d'en joUir , ôc à ne nous pas trop réjoiiir de le polfeder.
Comme il y a donc difFerens ob- jets que Ton peut aimer ; combattre en détail Tes pafîîbns , c'efl: combat- tre en détail Tamour de ces difFe- rens objets.
D, A quoy peut-on réduire ces di- vers amour , dont il faut tâcher de délivrer la volonté ?
i?. L'Apôtre iaint Tean les réduit à ^ .
trois j lçavou*,i°. la concupilcence ae dïm mundo , la chair , 2^. La concupilcence des ^o^^^^p^^^^^^^^J
, 1 t I • } carnis eft , ôc
yeux 5 5°. L'orgueil de la vie j c'eft- eoncupiicentia à-dire, à l'amour des chofes qui -;'-;- '„,^,. nous caufent quelque plaifir lenfi- joan, 1. is. ble J à l'amour de la fcience,&: à Ta^ mour de l'élévation. Mais chacun de ces amours généraux fe peut encore divifer en divers amours particuliers. Tous ceux, par exemple, qui aiment le plaifir, n'aiment pas toujours les mêmes plaifîis , & il arrive même fouvent que !a pafTion pour un cer- tain plaifir , étouffe celle qu'on avoit pour tous les autres j le cœur de
c,
iS DelaCharite' l'homme étant fi étroit ôc Ci borné , qu'il n'eft guère capable que d'une forte pafîîon.
jD. Que faut- il donc faire pour fortifier ion ame contre les paiïions ?
\R, Il faut la fortifier, contre ces trois pallions principales , aufquelles toutes les autres fe réduifent j de de plus , il eft utile de fe munir de re- mèdes contre les pallions particuliè- res pour certains objets , & princi- palement contre ceux auiquels on îe feroit attaché.
§. I.
Di qt4elle ?naniere il frut tomhfiU tu U première efpece de conm- fifcc?iU , qui cjl l^amoftrdupUi- Jir
D. Eft-ce une pafnon difficile à vaincre que l'amour du plaifir?
R. On en peu: juger par le nom- bre efFroyable de ceux qu'elle pré- cipite dans l'enfer. Se par le peu de perfonnes qui la furmont Mit. La- mour du plaifir a régné fouY<?raine-
INVERS SOY-MEWï. If
ment dans le monde juiques à Je- rus-Chrill: : nul des payens ne la. parfaitement furmonté , ôc n a lon- gé à fuir le plaifir pour le plailir. Ce même amour re^ne encore dans, tous les o;ens du monde, ôc très- peu de Chrétiens le combattent de bonne fov. Les ambitieux même,qui fem- blent fe propoler un autre objet , fe flattent d'ordinaire de la penfée de mener une vie de plaiiir , quand ils auront atteint le point de grandeur auquel ils afpirent. Enfin, on peut dire que Tamour du plaifir fe dé- guife en toutes fortes d'autres paf. Sons, & que tres-fouvent il drellc des pièges aux Saints mêmes , ôc qu'il leur fait commettre une infini- té de fautes,
D, De quelles confiderations peut- on fe fervir pour combattre l'amour du plaifir ?
^. Il y a des confiderations ôc des reflexions qui Ibnt particulières aux plaifirs criminels , &: d'autres qui s'é- tendent à ceux-même, ou qui ne nous rendent que veniellement coupables, ou qui peuvent être même légitimes,
A l'égard des plaifirs criminels , la
Cii)
30 De LA Charité'
moindre lumicre de la foy fafHt pour nous les faire regarder comme un goufFre , comme un abîme, comme une porte de la mort éternelle & de Tenfer : & il arrive rarement que l'on fe porte à les rechercher vo- lontairement , lorlqu'on s'en cftfait une idée aufîi effrayante , ôc qu'on les regarde en cette manière. En ef- fet 5 à quoy nous follicite ce plaifir ? A préférer le temps à l'éternité , le néant au tout , l'extrémité de la baf- ùiVe à la fouveraine grandeur , & TEnfer au Paradis j c'eft là néanmoins ce que le démon nous propoie par l'idée de ces plaifirs , dont il excite en nous l'amour : mais pour affoiblir cette idée pernicieufe , il n'y a qu'à fe perfuader qu'une éternité de ces miferables plailîrs , ne vaudroit pas un moment de ces maux effroyables que Dieu prépare aux méchans en l'autre vie , ni encore moins un mo- ment de ces biens ineffables dont il comblera Ces Elus. Que peut-on donc dire de la folie de ceux , qui par un choix aufîi infenfé , préfèrent quelques momens de ces plaifirs brutaux que la concupikence pro»
ENVERS SOY-MEME. ^I
pojfè, à réceniité de ces mr.ux & de ces biens. Qai ne verroit jannais les plaiiirs qu'au travers de ces idées au- tant véritables qu'elles font altreu- fes^en feroit beaucoup moins touché. Ainfî 5 comme l'un des plus grands rnaux des hommes eil de féparer or- dinairement l'idée des plaiiirs , des fuites qui en font réellement & de fait inféparab les; l'un des plus grands remèdes au mal que l'amour des plaifirs peut caufer à nôtre imagina- tion , ell: de réunir par la penfée ce qui ed joint en effet, &c de ne regar- der jamais les plaifirs qu'avec leurs iuites.
Tout homme qui fe fent preflé du deiir de quelque plaifir criminel, doit confiderer que s'il y fuccom- boit , il luy feroit bien plus difficile de s'en retirer , qu'il ne luy eft de n'y pas tomber ; éc comme il eft ne- ceifaire de s'en retirer, ou d'y périr, il vaut fans doute bien mieux n'y pas tomber : il doit coniiderer dé plus , qu'il eft impofîible qu'il arrive par le péché au repos &c au plaiiir qu'il cf- père. Car il faut necelïairement ou que ceux qui s'engagent volontaire-
C iiij
32 Delà Qh a r i t e' ment dans le péché , étoufFent en eux tous les fentimcns de Religion , ou qu'ils les confervent dans leur ef- prit 5 en les bannilTànt de leur cœur. S'ils étouffent en eux tous les fenti- mcns de Religion , l'état malheu- reux dans lequel ils tombent eft (i terrible , que Tame , quelque refo- lution qu elle prenne , n'a pas allez de force pour bj foutcnir , parce qu'il efl: impolîîble qu'elle n'apper- ^oive rhorreur que tous les hommes ont de ceux qui font dans cette déte- flable difpofition ; & que Tapperce- vant , elle n'en foit pas troublée. Que il en confentant au crime, ils n'éteignent pas tous les fentimens de Religion ; ces fentimens fubiîftant dans l'ame , troublent par neceilité fa paix -y ils la déchirent par des re- mords inutiles 5 qui ne lufEfantpas pour iuy faire abandonner le péché, fuffifent pour la rendre malheureufe. La moindre de ces raifons fufEt pour arrêter l'ame dans le penchant du crime , pourvu qu'elle en ioitun peu vivement touchée ; de afin qu'elle le foit , il faut tâcher de fe les imprimer fortement hors les
ENVERS SOY-MEMÎ. ff
temps de la tentation , afin que ces veritcz fe prefentent plus prompte- ment 3c plus facilement dans les oc- 'cafions où elles font necelîàires.
£>, Mais fi les plaiiirs que la conçu- pifcence propole ne font pas ciimi- neis , Se s'ils peuvent même paiFer pour légitimes ; de quelles railons fe peut-on fervir peur en préférer la privation à la jolliiîance^?
^. Quels que foient ces plaiïirs , il ell: toujours vray qu'ils s'évanoiiif- fent aulTî-tôt qu'on en a joiii , ôc qu'il n'en refte qu'un fouvenir dan- gereux , Se une foibleiïè efreclive qui lie l'ame aux créatures , & qui la difpofe à fuccomber encore plus facilement aux attraits du plaifir.
Quels que foient ces plaifirs, ils a- moliilfent , ils obfcurciflent & appe- fantillent l'ame -, ils l'attachent au corps 5 <Sc la retirent des objets fpi- rituels.
La privation d'un plaifir , à la- quelle on fe porte par l'amour de Dieu, eft certainement un bien du- rable , folide &. éternel : elle fou- lage l'ame , elle luy donne de la for- ce & de la vigueur pour s'élever à
34 Dé ia C« a ïi I t ê' Dieu, elle la dégage de la fervitudtf des cireatui'es. Quiconque employé les occafions du plaifir , à en joiiir , les employé a un ufage vil éc mé- prilable, & les laifle proprement périr , parce que cette jouidânce périt 5 & qu'il ne peut empêcher qu'elle ne perilTe. Mais celuy au con- traire qui par la privation de ces plaifirs , employé ces occafions à la mortifitation , en fait un uTage bien plus grand , bien plus relevé , ôc hicn plus folide , puifqu'il les met il profit pour l'éternité. Ainfi on peut dire véritablement qu'il y a autant de différence entre l'un de l'autre , qu'entre un homme qui employeroit fon bien en bagatelles periifables , de un autre qui l'em- ployeroit à l'acquifition de bons re- venus ôc de bonnes Seigneuries : l'un eft un diiïïpateur qui employé mal ce que Dieu luy a donné pour s'é- tablir dans l'éternité -, l'autre au contraire, eft un homme fage & pru- dent , qui ufe des chofes que Dieu luy donne , pour les fins que la rai- ion luy prefcrit. Quel regret aura donc l'am.c
ÏNVERS SOY-MEMÏ. )f
quand elle verra dans Tautre monde la grandeur des biens qu'elle pou- voit acquérir par ces légères priva- tions des plailirs , 6c le néant de ceux qu'elle a choifis , Ôc aufqueis elle s'eft attachée.
Ainli c'eft une penfée & une difl polition digne d'un véritable Chré- tien , de ne regarder le monde ôc les créatures que pour s'en priver , Se de croire qu elles ne font bonnes qu'à cet ufage. En effet , rien de plus bas ni plus petit que la jouif- fance des créatures ; rien n'eft plus grand ni plus relevé que la priva- tion volontaire des créatures pour l'amour de Dieu.
La privation des pîaifirs ne fert pas feulement à nous acquérir un méri- te pour l'autre vie , elle nous fert à nous en alTurer la juftice dans celuy- ci. Qui fe prive des plaifirs, afFoi- blit leur imprefîion , «Se l'ame de- vient par là plus forte à y rellfter» Ainfi il peut fore bien arriver que quelqu'un fe conferve la vie de la grâce par cette force qu'il" aura ac- quife en refiftant aux petits plailirs îîiême permis 3 & qu'un autre fuc-
^^ De I A C H A R I T E*
combe (Se perde la vie de la grâce . par ce degré de foibleire qu'il a con- trarié dans la jouiifance des mêmes plaifirs.
^ Que prétendons • nous fatisfairc par la jouifiGmce des créatures ? nos iens , &c nôtre chair , a qui nous ne | devons rien, félon l'Apôtre. Mais la privation des créatures eftun prc- fent &c un payement que nous fai- fons à Dieu, qui nous acquitte d'aUr- tant de ce qui eft dû , a ccluy a qui nous devons tout ce que nous fom-* mes.
Jefus-Chrift en venant au monde a voulu être le modèle , & nous mon- trer l'exemple de ce que nous de- vions choilir ; car le parti qu'il a choifi , eft fans doute le meilleur : Or toute la vie de Jefus-Chrift , de- puis fon incarnation , jufques à fa mort , n*a été qu'une privation vo- lontaire des plaiils de des biens du monde. La privation des plaifirs eft donc la voye pour nous rendre lem- blables à Jelus-Chrift, & au con- traire la-joliiiîance des plaifirs eil ce qui nous rend dilf^mblablcs , <5c qui nous éloigne de luy.
ENVERS SOY-MEME. 37
Pour juger lainement d^ Tavenir , (crvons-nous des juge mens que nous portons du paiîé , pu il que infailli- blement cet avenir coulera dans le palfé. Or qui efl Thomme qui ne vcudroic a Tégard de la vie paliée , avoir mis a profit pour Ton ial ut 6c pour réternité toutes les occaiiens qu'il a eues de fe pris^cr des làtis- facVions humaines , ôc avoir ainli amalTé un tréior certain pour l'autre vie , au lieu d'avoir iaiiïe perdre des occalions li precieules de b 'enrichir, ôc ce travailler à Ion bonheur éter- nel , en jaliilïant des latisfcicdons dont il ne reite qu'un fouvenir fri- vole , inutile , de même très- fou- vent dangereux ? Pourquoy ne ju- geons - nous donc pas ainli du •: re- lent Ôc du futur ; ôc pouiquoy n'en faifons-nous pas Tuiage que nous voudrons indubitablement en avoir fait quv,lque jour }
Qui écoute la fenfuaiité , écoute une imporràne & une infatiabh, qui ne iera jamais fatisfa:te ; plus ou luy accorde de choies , plus elle en demande , 6c elle les demande n ê- xi'ie plus impericuieiiienc , à mciure
^S DelaChari te
qu'on luy eft plus indulgent. Mais fi on luy refufe ce qu'elle demande , elle fe lalïè de demander , & elle lailïe l'ameenrepos, même dés cetcc vie.
Le bien que l*on cherche dans la jouiirance des plaifîrs du corps, n'effc pas feulement mépriiable , mais il eft abiolument faux ; on n'y trouve nullement ce qu'on s'y étoit promis. Le mal au contraire qu'on fe pre- fente dans la privation des plaifîrs , eft infiniment moindre , qu'on ne fe rétoit figuré ; il s'adoucit tous les purs , & le bien que renferme cette privation augmente même dés cette vie 5 par la liberté que l'ame en ref- fent.
Une ame qui fe mortifie , trouve à gagner par tout , & à s'enrichir par tout , parce qu'elle trouve par tout à pratiquer la mortification ; c'eft une moiifon toujours prête. On n'a pas toujours l'occafion ni le moyen de faire l'aumône, ni de vifîter des prifonniers , ni de confoler des affli- gez ; mais il y a par tout à foufî-rir , àrefiPcer à fes paillons, à contrain- dre la nature ^ 6c à retenir fes fens ;
ENVERS SÔY-MEMÏ. ^y
une ame feniùelle au contraire , faic des pertes par tout , Se fe blelïè par tou^3 parce que fa fenfualité trouve par tout à fe fatisfaire par mille recherches fecretes qui fe mê- lent dans fes allions.
Si ceux qui ne fe mortifient point s*exemptent de quelques maux vo- lontaires 5 ils deviennent aulîi plus 'tendres & plus fenfibles aux maux neceifaires ; 6c ainfi à l'égard même des plaifirs de cette vie , ils perdent bien autant qu'ils y gagnent ; au contraire , il les perfonnes qui fe mortifient , foufFrent plus de maux volontaires , ils deviennent aufîi moins fenfibles aux maux neceilai- res , ôc ainfi ils y gagnent bien au- tant qu'ils y perdent ; de forte qu'en ne perdant rien pour cette vie , ils ont en pur gain , pour ainfi dire , les récompenfes de l'autre. Mais une ame vrayment chrétienne , n'a pas beioin de ces confiderations , qui peuvent paroître intereifées. Il luy lufîit 5 pour prendre le parti de la mortification & de la privation du pkiifir dans les rencontres qui fe pre- ientent^ de reconnoître qu'elle eà
, J}.3 D F. t A C H A R I T r*
coupable de pliilîcu s péchez, & qu'en cette qualité elle elè indigne de la joiliirnice des créature^ : qu'é*, tant beaucoup redevable a la Jufticer de Dieu , elle doit eftimer que c'eft un très - grand bonheur pour elle qu'il veuille bien fe fatisfaire de fi peu de choie. Il luy fufîic de penfer que Dieu l'ayant appel iée a être mem- bre de l'homme de douleurs , dont toute la vie n'a été qu'une priva- tion continuelle de toute fatisfaction humaine , il eil bien jufte qu'elle le lliive dans cette voye qu'il luy a marquée , ôc dont il luy a donné l'e- xemple pour Ty engager. Enfin , il luy luffit de penfer qu'ayant tout reçu de Dieu , & avant tant de lu- jet de luy dire avec David: Qne ren-, (^kI rétribua ^ray-jc dii Seicneur pour tous les biens
lîoinino pio y f ^ à: r
o)xiaibasqu;£re- ^li'il m A faits ? elle ne peut moms uibuit miai ? £^- y \^^ témoigner la recon-
ris accipiam 3 & noillauce , que d'ajouter avec le me-
rèc^bo'' vî"' m-^ David : /. frendr^.y le c.Hce du
iij. 5^//^^ ; c'eft-à-dire , je participeray
au calice des foufïrances de Jeius-
Cbrift , par lerqu.lles j'ay été lauvé.
J.II.
§. I I.
Remèdes co77tre l^ {econàc efpcce de concuplfceîue , qui efl Ifi curio- (ité> ou l*mrwurdelajàcnce,
D. Quelle cil la féconde pente générale de la concupiicence \
JR. Ceft celle qui porte a recher- cher la connoilïance des choies ou dangereules ou inutiles, pour le feul plaiiir de les connoîcre , & fans que Dieu loit la lin de cette recherche.
D, Pourquoy eil-il vicieux de de- firer de fçavoir pour fçavoir ?
R, Parce que Dieu doit occuper toute Tame de l'homme chrétien ; c*eft-à-dire , tout Ion entendement & toute la volonté , étant feul ca- pable de les remplir. L'ame doit toujours tendre à cette plénitude, qui eft la fin de fa nature : or elle n'y tend pas , lorfqu'elle s'en écarte pour connoître quelque chofe fans rapport à Dieu.
D, D'où vient donc la curioiîté, ou l'amour de la fcience , qui femble ii naturelle à Thomme ?
Toms IL D
42 De' L A C H A R I T E*
R, Elle vient de ce que Tame étant vuide de Dieu, fent bien en gênerai qu'il luy manque quelque chofw , mais ne fent pas que c'eft Dieu qui luy manque j ainfî elle cherche fans difcernement à remplir ce vuide : & comme elle fent une extrême avidité de connoître , elle tâche à la fatisfaire par la connoif- fance des créatures , au lieu de tâcher de fe remplir de la connoilïance de de Tamour de Dieu. Mais les autres pafîîons contribuent & fervent beau- coup à augmenter cette curiofîté & cette pente à connoître les créatures pour elles-mêmes , & par rapport à elles-mêmes , parce que les paiïions trouvent leur nourriture dans cette connoilïance. On eft bien-aife , par exemple , de fçavoir les maux du prochain , par malignité & par en- vie ; ii y a mille chofes dont on ne recherche la connoiiïance que par vanité ou par intérêt , pour fe Signa- ler & pour en parler : il y a des con- noiflànces qui entretiennent nos de- flrs & nos efperançes j enfin , cha- que paiïîon ,excite une certaine ca- riofîté pour fon objet.
ÏNVERS SOY-MEME. 45
D, Quels maux peut caufer par elle-iriême la curiofîté , ou lamour de la fcience ?
E, ï°. Elle difïïpe lame & la vui- r' de de Dieu de plus en plus ; car i\ eft
certain que ceux qui s'abandonnent à la curiofité , & qui dans leurs re- cherches n'ont pour but 6c pour fin que Tamour de la fcience , ne Içau- roient trouver Dieu par cette voye , ^ ni fe tenir attachez à luy par cette étude ; en forte que ce mélange con- fus d'idées dont la curiolité les rem- plit , bien loin de fatisEiire leurame, de de la remplir pleinem.ent , luy caufe au contraire une inquiétude qui la fait lortir hors d'elle-même , pour chercher à le fatisfxire par la connoifTance des créatures , éc ainli elle entretient & elle augmente i'ou. bli de fes propres maux.
1°. Elle fait perdre , dit S. AugU- lHa namqae
ftin , dans ces recherches inutiles , 5o qutuanï^
un temps que l'on pOUrroit utile- nec faas ad h a-
ment employer à des chofes iiecef- ^fn^nfemiM"
laires, videncar pcrci-
y. hile coniume mutiiemçnt 1 a- adfeumc vola.- <îl:ivité de i'eiprit, parce cu'il s'é- ^-^^^ , cum u:- mouiie ce pera la irorce qu il devroïc cacndamsrr.
44-
De la Charité'
cimcn ncoccu coiif'Jivjr poui" des chofes vravment
peut teniTJus rc- j ^ ^-I c ' r
bus impenaen- gi'-^i^acs , viaymeiit utiJcs & ncceu dumiijdxoiibus.iaires , au lieu qu'on l'c*nployc à * ^ des recherchespctites , vaines & pu- rement curieulcs.
4°. Elle donne lieu à nos pallions d'agir : car en remplillant l'ame de divers objets fans rapport à Dieu , les pafîions ne demeurent pas oihves à l'égard de ces objrts : l'amour pro- pre s'y intereiîè toujours par quel- que endroit , &: forme quelque def- fein d'en profiter j &c de même cha- que paTlion le remué leion l'ulage qu'elle en peut faire j enfin , la vani- té les rapporte toutes a fa fin , & ne les edime que par la.
5**. Ce n'eft pas l'amour de la vé- rité qui nous fait eilimer 3c recher- cher CCS connoiiTànces -, c'cft le de- fir de l'eftime des hommes : ainfi , quand il plaît aux hommes de don- ner du prix aux plus inutiles curio- iitez 5 on s'y applique avec autant de pafïion, qu'aux fciences qui peuvent avoir une fin bonne de utile. C'efl: co qui fait rechercher , dit S. Aueuiliin, de fçavoir de vieilles fauflctez , qui ont eu cours parmi les hommes ^ ôc
ÏNVERS SOY-MEMfi. 4^
qui font maintenant abolies., Ahâ- tornm annonim de créant as pdjitates,
D, De quelle railon le peut-on fervir pour fortifier Tame contre la, curioiicé vaine & inutile ?
R. Il faut confiderer que nôtre ame le lalle, le didipe 6c s'amufe après tous ces objets de curioiité; qu'elle élo.gne par là les grâces de Dieu 5 qu'elle en devient froide & féche , & qu'elle s'engage par cette froideur & cette fécliereile en une infinité de péchez & de miferes. Que c'eil la cauie du peu d'attention que nous avons dans nos prières , & de Ja manière lionteufe dont nous nous tenons en la prefence de Dieu. Or la prière étant la lource de tous nos biens , ce qui gâte & qui corrompt nos prières , nous prive de tous ces biens , & nous attire tous nos maux fpi rituels.
Nous faifons par la curiofiré , ce que feroit ui homme qui ayant un \ù.\^2 précieux deftiné a contenir ce qui luy feroit neceflaire pour fa nour- riture, au lieu d'y mettre des viandes falutaires , ne le rempUroit que 'de fumier 6c d'ordures , ^ ne fe nour-
^6 Deia Charité'
riroit que de cela. Car notre me- rnoire eft proprement le vafe où Ta- me referve ce qui la doit nourrir , Ôc c'eft par cette nourriture qu'elle fe conierve la vie : cependant la curio- fité vaine Se frivole , au lieu de rem- plir ce vafe des veritez falutaires , ne le remplit que de connoifïances qui font par elles-mêmes balles &c viles , & Tinfedle même fbuvent d'idées mauvaifes &c dangereufes , qui dans la fuite font des fources d'une infinité de fautes.
Il eft difficile , par exemple , que nous donnions entrée dans nôtre
ame à la curiofîté de fcavoir les fe-
»
crets de les affaires des autres , ôc de pénétrer dans leurs delleins , fans nous expofer à un grand nombre de tentations Se de fautes , ou par des jugemens téméraires , ou par des paroles indilcretes aufquelles nous nous iailTons aller , ou enfin , par des mouvemens injuftes que nous con- cevons ; Se il eft très -certain que nous nous épargnerions toutes ces fautes , en fermant l'entrée à cette curioiité inutile. Mais 11 la curioiité nous tend d.\y>s
INVERS SOY-MEME. 47
la vie une infinité de pièges , en nous tentant continuellement ; il faut tâ~ cher de nous rendre ces pièges uti- les , en y refiftant auiïi continuelle- ment y car fi nous étions bien vigi- lans fur nous-même , nous trouve- • rions en elle un moyen de pratiquer la mortification en une infinité de rencontres , en ne nous enqueranc jamais , par exemple , des nouvelles qui ne nous fervent de rien , en ne contribuant point à faire tourner l'entretien fur ce fujet^en ne nous fer- vant d'aucune malice pour découvrir ce que Ton nous veut cacher ; enfin, en nous tenant heureux que Ton ne nous falïè confiance de rien , qu'on ne nous découvre rien , qu'on ne nous demande nôtre avis fur rien ; parce que tout cela lailfant l'ame dans une plus grande folitude , luy donne plus de moyen de s'appliquer à Dieu Se à fon falut.
X>. Dieu n'a-t-il point marqué par l'Ecriture fainte la necefîité de retrancher cette curiofité pernicieu- fe?
^. Il nous en donne pîufieurs avis formels dans l'Ecrit are ; comme ce
4^ P E L A C H A R 1 T e'
Alt.'ori te ne cm cft dit Jaiis rEccleiïaltique : Ml l
quilicns, &: for- ^, . > - • t , ^ I •;
iioiatenc icru- ^^-'^''^^•'«-"^ f^^ a ffavoir Lcs chofes quii cl tacus tuciis fed A;;^/- aH-defftts de vôtre înteUl(rerice ; «c "
qua: prxccpic ti--' /r • ;
bi Deusj iiia co- ^"-'oiii (jforcex. foint de pénétrer ce (jHi
gua re.npcr , ^ fuTVaffc Votre forcc , ^ppllqHe^-vQHi
in pluiibus ope- k , •' ff '
ribusejusnetur- ^^/^'^/^^^f'Vr a ce cjue Dkii voiiscom- nscunoius:nûn;;2^;^^. & réprimer^ vôtre cuyiofitè
eit enuu tibi ne- v ., , ' , / J
ceilaiiuuu ea ^- t égard ae tiHjicirrj des oenvres as qusabiconciua jjku : €ar il ne vo^s ej} Voint ne€ef^U
lune vidcreoca- j' • i * ' n
lis tuis , in lu- ^e de voir de vos yeux ce qui eft ea-
peryaca.s rébus ^/,^'. J^^ r,'^^^ ^^^^ ^^-^^^ ^^^ ^^^^
mulcipiicuer , & ^(^'^^CT^ «^ recherctjes inutiles fur les
cris curiofus. d ctre cHrleux d l'égard de ce que T)iet£
"pérftnfut" /'f^''--/'^'- il y ^ blend,s chofes rcpc honùnmw QÇtcn- fées a VOS ysiix ^ qïil furpajfent vôtre tos quoqurfup* '^^^^il'g^rice ; & les vaines idées que piincavit luipi- l'on forme ^ ont été cavifes de la chiite inVimcrtT def ^f . p^^if^^^''^^ , & ont rempli leur efprlt timuic lenius il d'Uliifion & de Vanité. IT.'^ua''' ^' C'eft auiîi dans la vue de nous apprendre à retenir nôtre curiofité , que Dieu a trouvé à propos de nous cacher une infinité' de choies • com- me pir exemple , la vie de la fainte Vierge , celle que Jelus-Chrift a menée jufqu?s à trente ans, celle des Ap6t:es , Ôcc. Aufîi voyo.is-nous t^ue les plus grands Saints, comme
la
Ta fainte Vierge , & faint Jean-Bap- tifte 5 à qui Jefus-Chrift a rendu un témoignage li autencique , en nous alîurant que de tous ceux qui font nez des femmes , il n'y en avoit point de plus grand que iuy ; nous voyons, dis-je , que ces exemples de vertu, & ces modèles de perfection , ont pratiqué une exemption admirable de curiofîté. En effet la lainte Vierge s'eft toujours nourrie de ce que Je- fiis-Chriftluy £iifoitconnoîtrede fes myfteres & de fes delfeins^fans qu'on voye qu'elle Iuy fît aucune queftion fur ce qu'il devoit faire dans fon Eglife. Saint Jean de même *, tant qu'il a vécu feparé du Sauveur , s'cft attaché uniquement à remplir les devoirs de la miflion , fans qu'on voye qu'il s'informât en aucune manière de ce que faifoit Jefus- Chrift 5 ni de ce qu'il difoit. Nous voyons même qu'après que faint Jean - Baptifte eut connu Jefus- Chrift , il ne s'att.icha pas peifpn- nellement à Iuy , mais qu'il conti- nua avec une foumilTion parfaite à accomplir fon miniftere, fans vou- loir être ipeclateur des adtions du Xome lî, E
yO D E L A Ch AR T T e'
Meiïie. Enfin il y a peu de vertuj dont Dieu nous ait donné plus d'e- xemples dans l'Ecriture , & dans la conduite de les Saints , que de cette modération dans la curiofité , &c dans la recherche des connoiflances, mêmes utiles.
D. Quelle eft donc la difpofition , OLi nous devons être à l'égard de U curiofité ?
R. C'eft 1°. de ne defirer connoître que Dieu , Se ce que Dieu veut que nous connoiffions , Se que nous re- cherchions. 2^. De renoncer fans celle , au moins de cœur , à toutes les autres connoillances , comme nous étant inutiles , Se principale- ment à celles des a6lions particu- lières des hommes , dont nous ne iommes pas chargez,
§. III.
De U troifiéme efpece de conçu- fifcence , qui e(l V orgueil de in vie , ou l'amour de i' cïevfLîi:n.
D. Eft- il necelfaire de traiter ici
ENVERS SOY-MEM?.. ff
âe la troifiéme concupilcence , qui ei\ l'orgueil de la vie , ou Tamour de l'élévation , puifqu'onen a déjà trai- té ci-devant en traitant de Thumi- lité?
^. Comme cette matière efl: d'une extrême importance , & d'une cres- grande étendue , on en peut encore parler ici.
Z). La tentation de l'orgueil eft- elle bien dan^ereufe ?
R, Elle l'eft tellement, que la prin- cipale raifon pour laquelle Dieu permet toutes les autres tentations , êc même les miferes ôc les chûtes des hornmes , c'eil: pour les prelerver de l'orgueil. Tout cela doit tenir lieu d'avertiffement à l'homme fu- perbe , & il faut s'accoutumer à entendre ce langage de Dieu. S'il permet donc que l'on Toit tenté en diveries manières, il faut compren- dre qu'il nous avertit par là de nous humilier : s'il permet qu'on loir affligé , c'eft qu'il nous dit que nous as^ons beioin d'humiliation : fi nous iommés privez de la grâce , c'eft que nous méritons par nôtre orgueil d'être humiliez.
Eij
ji De laCharite* D. A quoy nous oblige cette cou*
diiice de Dieu ? R, A prendre fujet de toutes cho-
fes de nous humilier devant luy , &
à joindre l'humilité a toutes nos Ounmobrem ^^lons. Car rhurniiité elt un carac- fit ncbis &: gia- cerc général , qui doit paroître par ^iuîl'oDmVus.ëtoiit, (5c principalement dans nôtre demirium faper- extérieur : parce que l'ame , comme nurrapi^b"" ait S. Ifidore de Damiette , après S, irceiVus , & ne Bafile^prcnd intérieurement la poltu- EUS ôc ha.iuii^ i-*e extérieure ducorp<;. Il faut donc, :athedra,&:fiu- Jjt ce laint Doclcur, quc nôtre ex- Rictus , ôcftia- teneur loit modeite ^ notre vWage ^uium nihiio plein de douceur nos regards hum- r.ecciie ht, ex cks cf l'aDailiez ; que notre marcher [uppciiexad ee-^j^'ji^j. j-j^j^ d'alçïer , oue nos hatits
r.aicacem ac vi- , . i r ^ i /v
[itacem compa- n ayeut UQXi que de nmple , que no- laia, ac doaius j-j^-g ji^cre foit bas , nôtre nourriture
Chullianis di- - O ^ i ,-
gna , irca.que trugaie , uotre lit lai.s ornemens , ;^femio & vox, j^Q5 mcubl^s vils , <^' toutc nôtre cll . ahisadmo- mailon digne d unChretienrque no- deftum potius ^^^ ^^^^ ^^^^^ paroles , nôtre abord
quâiii ad tumo- ^ '. -t. ^ ' ,,
icm &: airogan- Il ayent rieii qui reliente 1 arrogance^
tiain Ipedec. ^. ^ q^g j-^^j. ^j^ j^^qqj ^^.^ y^ ^[^ ^^^ ^^^q,
3.f/. «75. deitie & dnumUite.
Z). Ne peut-on pas être orgueil- leux avec toutes ces apparences ex- térieures d'humilité ?
IKVERS SOY-MÈME. 55
■ ^. On le peut : Mais par toutes CCS pratiques jointes à la prière , on obtient ordinairement de Dieu la grâce de Thuniilité ; car l'humilia- tion étant la voye ordinaire d'acqué- rir cette vertu , Dieu y joint ordi- nairement fa arace , mais fouvent il ne la donne pas à ceux qui vou- droïent paroître humbles lans s'hu- milier.
De plus , les peniee* de vanité font moins fréquentes dans un état rabaiiîè, que dans l'éclat de ia pom- pe j parce que l'ame ie conforme à cet extérieur humilié , &c que les paillons qui font les fuites de Tor- gueil , n'y convenant pas , elles ne s'élèvent pas li facilement , ôc fc re- priment plus aiféiiient.
-D. Comment peut-on empêcher les complaifances qui arrivent de ce qu'on prévoit que quelques-unes de nos aâions ont plu , ou pourront plaire aux hommes ?
jR. Le loin que nous devons avoir de combattre ces complaifances doit ailer^ou a les empêcher de naître,ou à les étoufïèr quand elles font nées. Il eil diiîicile d'empêcher abfolu-
E iij
14- D E L A C H A R I T e'
ment que Ton n':n relfente quelques atteintes ; parcf que le diable les excite, &: que l'imagination même les peut produire ; Mais ce qui peut le plus contribuer a empêcher qu'el- les ne s'élèvent fou vent , c'eft de le nourrir le plus que Ton peut des penfées & des vues de fa mifere,dc ia corruption , & de fes dangers ^ de fes péchez & de fes défauts : ôc l'ap- plication d^ Tame à ces reflexions , quand elle eft tentée de ces complai- fances, en détruit Teffet. Mais apr é toutjil ne faut pas s'étonner,ni s'alar- mer de ce que ces penfées s'élè- vent en nous , ni de ce qu'il peut arriver qu'elles produifent quelque complailance ; le capital eft de les rendre fans acftion , en ne faiiant ja- mais rien par le feul motif d'orgueil & d'élévation , & dans la vue de s'attirer l'eftime des hommes.
D. Faut-il abandonner les bonnes a6tions , à caufe de ces penfées d'or- gueil avec lefquelles elles peuvent être mêlées ?
/?. Il faut fort diftinguer quels ef- fets ces i^enfées produifent en nous -, car fi elles ne produifent aucun au-
ENVERS SOY-MEMÈ. ^j
tre effet , que la complaifance mê- me 5 il feiiible que le meilleur moyen d'y reiifter , eft de les né- gliger , éc de ne donner pas cet clvantage au démon , de nous avoir fait abandonner nos bonnes œu» vres.
D. Pourquoy vaut-il mieux les né- gliger , que de les combattre positi- vement ?
^. C'eft qu'en les combattant po- fitivement , on rend la tentation plus vive, ou plus fréquente ^ au lieu qu'en les négligeant , on afFoiblic davantage Timpreffion de ces idées , ôc on donne moins lieu à refprit de s'y attacher. Il eft vray qu'il eft tres-urile quelquefois de tâcher de concevoir fortement la baiîetîe Se l'injuftice de la vanité & de l'orgueil, ce qui fe peut appeller une refîftan- ce pofitive.
D, Quel orgueil eft le plus à crain- dre ? '
R. C'eft l'orgueil qui produit des actions ; comme celuy par lequel on tâche d'acquérir de la conildera- ration & de Téievation dans le mon- de i celuy qui forme des entreprifes
E iiii
\
^6 De laCharite' ambitieufcs • celuy qui fait qu'on fe croit capable de tout. Il ell trcs- difficile de dilcerner fi on confent , &c jufqu'à quel point on confent aux {impies penfées de vanité : Mais il n'y a point à douter que l'on ne confente aux adlions , lorfqu'on en fait. De plus , cet orgueil d'adions a 1 j bien d'auties fuites , car nous ayant élevez aux emplois ôc à l'état que l'KDUs avons fouhaité , il nous rend refpcnfables de routes les fautes où cet état & cet employ nous enga- gent ; outre qu'en éloignant de nous les grâces de Dieu ,il nous expofe à une infinité de péchez.
Z). Cet oro;ueil d'aélions eft-il fort commun ?
£>. Il n'y a rien de plus frequenc dans le monde ; car c'efl par cet or- gueil , par exemple , qu'on s'engage fans vocation , ik par une ambition fecrette dans l'état Ecclefiaflique, ou dans les charges feculieres ^ quo.y qu'on en foit incapable. On s'y por- <é par la feule vue d'avoir un rang, ôc de la coniideration dans le mon- de , c'efl-à-dire , par un pur motif de vaiiicG,
ENVERS' SOY-MEME. |7
D. Y a-t-il toujours de Torgucil à s'engager dans quelque employ que fe foit , & principalement dans i'état Ecclefiaii;ique,ians vocation ?
R, Quoy qu'on y puiiîe encore ctre porté par d'autres mauvais mo- tifs ; néanmoins il eft certain qu'il y a toujours de l'orgueil à entrepren- dre quoy que ce loit , •& à cmbraf- fer quelque état que ce foit, fans confulter Dieu, & fans la vocation. Car quelque capacité que l'on puilIe avoir d'ailleurs , c'eft une erande in- capacité que de n'y être pas appelle; puiiqu'il eft certain qu'on ne fçau- roit rien faire fans le fecours de Dieu , & que c'eft une témérité de fe le promettre , quand on s'y engage fans fon ordre.
D, Quels font les autres efpeces d'orgueil d'aélions ?
R, Ce font , par exemple , les pa- roles fieres & infolejites j les outra- ges faits au prochain , dont il a été parlé ci-devant , en traitant de l'hu- milité.
D, De quelles raifons fe peut-o» fervir pour nous rendre les humilia- tions aimables ?
5$ D E L A C H A R I T Ê*
R, Il faut tâcher de graver dans nôtre efprit , que nous ne Tommes dans ce monde que pour 'y ctre hu- miliez , & que non feulement nous le méritons, parce que la Juftice de Dieu nous y condamne, mais que l'humiliation fait le plus grand des biens de cette vie. Car c'cft le prin- cipal remède du plus graud de nos maux , qui e(l Torgueil ^ c'eft la plus grande des fatisfadtions que nous puiŒons offrir a Dieu pour nos pé- chez ;c'eil: le principal moïen pour ob- tenir le ciel , «Se pour y être élevé en une place éminente. Ainli , bien loin de nous foulever contre les humilia*- tions , &: de faire tous nos efForts pour les éviter,nous devons aller au* devant, & les recevoir comme un prefent de la bonté de Dieu envers nous : nous devons prendre en tou- tes occafions le parti de l'humilia- tion , & nous croire toujours les mieux partagez & les plus favorifez de Dieu, quand nous fommes les plus humiliez.
ÎNVÊRS SOy-MEMÊ\ |9
CHAPITRE V.
Bes autres fajjions qui nattent du mawitais fimour. Des remèdes quily faut apporter,
Z>. T A concupifccnce étant Ta- L'mour des chofcs temporelles, ne fe porte-t-elle vers ces chofcs temporelles , que par des mouve- niens d'amour ?
R, Elle s'y porte par quantité de mouvemens qui ont tous l'amour pour principe , Se qui ne font mê- mes que de différentes formes que l'amour prend félon les diverfes ma- nières dont il confîdere fon objet. Ce font ces différentes formes qui font les autres pafîîons , que l'on peut regarder ainfî comme difFerens amours.
D, Comment ces pallions nailîent- elles de l'amour ?
R, On le peut concevoir en cette manière : fi le bien que l'on aime cft regardé comme abfent, l'amour en produit necelfairement le defir r fi Ton
r
i(
60 Delà C h a r i t i* en conçoit la poflèfJion comme pofTible, il produit refperance : maiifc fi l'on le regarde comme prefcnt, & *'' comme aftuellement pollèdé , il produit la joye. De même , il eft impolTible d'aimer .quelque bien, qu'en même temps on ne hailfe le mal jo qui nous en piive ; ôc l'amour pro- du't necelfairement la haine de ce mal coniideré abfolument. Que fi l'on regarde ce mal , comme pou- vant arriver , il produit la crainte ; fi Ton croit qu'on ne Içauroit l'éviter, il produit le delelpoir : fi l'on le con- çoit comme prefentjil produit latri- fteiïe,& déplus la colère contre ceux que nous croyons qui en font la cauie.
D, Eft-il- neccfïaire de traiter en particulier de toutes ces paffions ?
^. Non, parce qu'il y en. a de certaines que l'on ne fçauroit com- battre, que par les raiions mêmes qu'on employé contre l'amour donc elles nainent. Il n'y a point , par exemple , d'autres raifons à alléguer contre le defir & l'efpcrance des biens du monde , que contre l'amour des biens du monde.
£>» En efl-il de même des paiïioiis
INVEHS SOY-MFME. <^î
uî rega dent les maux oppo- jzauxbijiis de Li concupifci^ncJ? "R, Q^ioy qu'on n'ait de i éloigne- tient 5 6c de ia h.iine pour ces maux, [ue parce que l'on aime les biens ont ils nous privent j néanmoins m peut dire que ce iont des objets iiierens , qui agilTsànt differem- nent fur l'erpiit ^ ixxc le corps, il y , même queiqu/s-uns de ces miux, [ui ne font pas feulement oppoiéz ux biens de la coacupiicenc e , m.iis u'îi à ceux de la nature. C'ell la kature , dit laint Augufhin , & non 'opinion qui craint la mort. Aï)'' Se''^»3ï.ét e.'/i horreî non op'mlo fe i nuîWci, Et on '^ ^" ^^'^^ :ii peut dire autant de la douleuf : ar l'homme n'eil pas né a la veiité )ouL- jolLr djs plaiiîîs ; mais au :ontraiie , il avoit été c;eé pour ne Joint louf-rrir de douleur , & pour le point mouiii:cell-a-dire, que ie- on luy-même & ia nature, il eft îé avec des ientimens qui Téloi- rnent , & qui luy font craindre les douleurs & ia mort. îl eft donc ne- :e{raire d'affermir l'ame contre ces abjets 3 d'autant plus que Timpref- fion en eft tres-violente. Car les
/^I D-E LA Ch A R I T 1:*
maux étant infinimciu plus icnh. blcs & plus grands a proportion que les plaihrs de les autres biei>^ humains; les mouvemens de crain- te &c de trifteife que produit fui Tame rimprefTion de ces maux, loni auGi plus vifs &c plus violens , que tous les mouvemens par lei quels la cupidité fe porte vers fes propres objets,
§. I.
De la cminîe des maux humains.
D, Comment doit-on confiderer la crainte des maux humains ?
B. On la doit confiderer en gê- nerai , comme un des grands prin- cipes ôc des grands reiforts de laÉ vie humaine , & en particulier com- me l'une des plus grandes lources des péchez,
C'efl: en gênerai la crainte des maux humains , qui retient les hom- mes dans certaines bornes , ôc, qui les empêche de fe porter aux excès qui troubleroient la fo.cicté. C'eft le plus fort fondement de tou-
ENVERS SOY-MZME. (j^
tes les polices , & le plus grand ap- puy de la iûreté publique.
D, Quand eft-ce donc que cette crainte eft une fource de péché ?
i?, C'eft lorfqu'on ne fçauroit évi- :er certains maux humains , qu'en zommettant quelque péché. Ainiî es Martyrs ne pouvoient éviter la 110 rt 5 qu'en renonçant à la foy ; ùnCi Ton île fçauroit fouvent évi- :er la pauvreté, la periecurion, l'in- ■aniie , qu'en blelfant la conicience; k il faut neceiîairement alors , ou ]ue la crainte furmonte la conicien- :e , ou que la conicience iurmonte ^ crainte.
D, Ces occafions font-elles ordi- laires ?
JR. Il n'y a rien de plus commun, ^^^^['J^^^''' lans la vie , & c'eft pourquoy faint cùmc in homf. \uguftin dit avec raifon , que la eu- dmo'î-!"co5ic^'e )idité & la crainte font la fource de Qj^cutite .Inrerf ous les pcchez. Il y a une infinité S-^^^^^^^,:^^^^- le rencontres , ou Ion ne içauroit 't;îi"i co: -cien- atisfaire à fon devoir , fans s'expo- 1'^^'^^' J'J^^/^^'^Jjr er à la haine 6c aux perlecutions Piccata, niiîaut les hommes. Souvent on eft obligé mfnia'^Pi-op^n" le s'oppoler à leurs injuftes deifeins. ^'^^^ pr^mium Souvent on elt oblige de leur duc quod te ddedac
6^ D E t A C H A R I T £*
facîj , propter des veritcz defagreables j & la crainte ?ouè non Indu- ^^ ^^s clioqucr , & de rellèntir les cens donis , ter- efFcts de Icur haine , eft alors une
reiis minis tacis i ^-, , , .
propcci quod ti- g^iinde tentation. Cela n arrive pas rocs. s. ^u^, m leulement dans les perfecutions oi\ l'on veut forcer les fidèles à trahir la vérité , & la juftice j mais cela arrive tous les jours dans la vie com- mune & ordinaire. La crainte de la pauvreté porte pluficurs perfonnes a des mjuftices : La crainte des mala- dies en porte d'autres à des fuperfti- tions criminelles : On difïîmule une infinité de veritez , de peur de fe nui- re & de déplaire.
-D. Par quels moyens peut-on re- fifter à la mauvaife crainte î Quod fupra R, On y peut refifter par une bon- hoiinnes eit il- crainte èc un bon amour.Craignez
ine , ot hommes , i i- i ' i ^ i
te non icrrebûc ce qui eil au- dellus des hommes , dit Mouau ien.pi- fanit Auffuftin , & VOUS ne craindrez
tciuanitiiut , oc c? '
praùuie.ii .non point Ics honimes ^ craignez la mort wum'iUm^m- étemelle, & vous ne craindrez point corrupia... & la mort temporelle. Defircz la vo- 2."rù;.fc!&l"ftéinconuptibie & le repos par- piomiutntciii fait , & vous VOUS mocquercz du poSia\^ ôc'^io' monde , & de Tes promeflcs. Crai- tuni munoum anez donc , & aimcz même les
deri:.ebis Ama P. ,^.
crgo &. urne : a- biciiS que Dieu VOUS promct : crai- gnez
iEî4VERS SOY-MEME. 6)
ûiiez les maux dont il vous menace , '"^ 'l^^J- p^^»-. & VOUS ne lerez point corrompu par nie qaod mna- les promelles des hommes . ni ---^^^^^^ •• iiec
, r , •' coirampens •'C
epouvente par leurs menaces. eoquodpro-.-.it--
Quelque zïand que loit ce que le ^^^ > ^^^^ teiKt. •--
^^ — 1 ^ -'■ -^ ns exeo auo.l
monde nous promet pour nous ren- minacur homu, dreiniuftes, dit ce même Père dans ^'X^-'" '.^""J: un autre enaroit ; peut -il nous iniquo promii-- donner autant que ce que Dieu r^mûdus nun- nous promet ^ ii nous demeurons quantum diji. juftes? De quelques maux que le j^^^^^^^^^^^ monde nous menace pour nous rai- juiio miaacus -
re abandonner la julHce , pcut-iJ^J^'^S'-pt'î nous faire fouifrir des tourmens pa- faceie quod ta- reils a ceux dont Dieu punira ceux "^^'^'^ II"^"' qui l'auront abandonnée ? Périmât aU:-
Il faut con(îd:n-er avec k même ".J.-'-'Srd.tn faint Auguftin , que le mal dont on reivec vericas a eft menacé , fi l'on a-bandonn^ la ju- aùTe^rà'vedcate ftice , eft infiniment moindre que ce- refiiieriS;,. quid
I \> r C ■ ^ r ^ ti'oi amplius f.c-
luy que 1 on le tait a loy-meme en ^^^^^^ ^^ i^^i^ j. rabandonnant. Si vous bleifez la ve- eus ^ quam n
• / j- -1 ' n. ^^ tibi ipfe facis ?'
rite , dit-il , queit-ce que votre mimicus révisas ennemi vous peut faire de pis, que ce carnemcuam
^ /• . V ■*• A , poteft occider: :
que VOUS vous laites a vous-mem.e? [aautem dic;a-
II ne peut que faire mourir vôtre ^o faifum tcdi- corps j & voas,par le taux témoigna- mara occidis.- ge que vous rendez , vous faites ^^'^^* mourir votre ame. Que riniuftice
Tomî II, F
G(^ De l a C h a r I t e' d'un autie falfc donc pcrir votre chair 5 pourvu que la vérité cou- ler ve vôtre ame.
D, La vue &: la prefence de Dieu n'eft-elle pas un objet capable d'é^ toufFer en nous la crainte des hom- mes par quelque autre railon j
R, Guy : Car on en peut tirer une tres-forte , pour ne craindre ni hom- mes 5 ni démons , ni aucune créa- ture , de ce qu'il n'y en a aucune qui nous puiife nuire , fi Dieu ne le veut, 0!C s'il ne luy en donne la puilîance. îl faut aufîi le perfuader que Dieu ne la donne jamais que pour nôtre bien , fi nous luy fommes fidèles.
L'homme , dit S.Augnftin , peut Malitia homi- j^j^j^^ avoir de luy-mème le deiir de
num cupidica- . . ., / ,
texn nocendipo. nuire , mais il n en a pas le pouvoir cefthabere pio- ç^ Dieu lie le luv donue : pailque» icvn aucem fi i!ie comme dit i Apotre , le pouvoir ne ron dar, non yj,.j-^|. ^^^ j^ X:)\q\x. Car Ic diable ,
iiahet j non eft -^ , r -i /" r \
«rjmpoceftasni- f^r execiple , ola-t-il oier une leuie fi 1 Deo. Défi- bi-^bis a lob , avant que d'en avoir
r.itiva lentcntia , ,-^, ' .*j^ ^ r^- tvt
Apoftoli cil . . demanae la permiTron a JJicu. Ne Quid ipfe diabo- craienons donc point ni les hom-
Jusaulus cft vel ^ • i t i i i- i
unam ovicuiam mes , 111 le diable , dit encore le toihre viio fan- ,^;^^^-^ç^ Dodcur : ni les uns, ni les
tto Job, nih ^ . • r • r
pnusdiceret, autres HC içauroient rien taire li
ENVERS SOY-MK%ir. ^7
Divu ne le It^ur permet , ^: il ne leur ,^^,^^ ^ h^c cft , permet rien que pour notre bien. da poceftatem.
Il faut donc , pour ne point ciain- ," ^^' ^' dre les hommes , ie former une ^î^'^'^'ll^pcc i-
.... 1 I • ■ n" ^ fte tecic aliquid
grande idée ae leur impuiiiance , Se mil quantum de la puiifance de Dieu , en fe di- pcnniccitur, pcr-
, V > tT •• •"! miccit aurem no
iant a loy-meme , avec Ilaie ; Cor/?- poteft, mil quod we^ir poH^cz - vous avoir pei-r d'nn ^^^'^^ prodeit. homme ?no'rtel ^ aiî'n homme (^ulfeche- Quidm ut ti. ra C07nme l'hsrbe? Avex^-ious ^£?;?<; meies ab homi-
, . , -ne mortah oc a
Gnblic le Seigneur ^m vous et crce , ^iti fiuo hominis , a étendu les Ciaix , & affermi /^ qui quail toenum
-■^ ifa arelcet ? Et
terre ? obUtus es Domi-
ni fado ris tui j qui retendit ccelos &: fundavit tcrram //. n. U. (j i>*
D, Les tentations de la cupidité font-elles plus à craindre qus celles qui naiffeiit de la crainte ?
E. Outre que les objets de crainte ont quelque choie de plus violent que ceux de la cupidité toute feule , il y a encore cela de plus dange- reux dans les péchez qui naillent de la crainte ; c'eft que la cupidité por- te d'oreiinaire a des crimes grofîiers , qui font horreur par eux-mêmes ; au lieu que les péchez aufquels la crainte engage ^ ne font aifez fou- vent que des omiflions j comme, par
Fij
i3 D E L^ Ch A R I TE*^
exemple , de ne pas reprendre , de ne pas rendre témoignage a la véri- té, de ne pas protéger , de ne pas défendre les innocens j & il eft cer- tain que ces pcchez , &: ces omif^ iîons font moins d'horreur , & frap- pent moins , quoy que le mal qu'ils produifent , ne foit quelcJUefois pas moins erand ni moins danj^ereux.
JD. Tous les péchez dont la cramte eft le principe , font-ils toujours mortels ?
picrtfmquc ab ^^ ^'°" î ^, ^' Auguftin rappot- «>s<iocendi$,ad. tant les caules pour lelquelles les n^rJlT^f''' ^^^' bons participent aux maux dont objuigandis & Dieu punit les mechans dés cette
raiS^^tr; ^i^ > & P'-'r confequent , ne parla,.: vei cum laboris que des pechez véniels , en marque
^JofumoTloramP^^^^e^^'s q^i Haiifent de craintes; vcrecûndamuc comme , par exemple ^ de s'abfte-
cfrenderc ;vel cû • j>n • j> • o i
mimicicias de- ^^'^^ ^ iftruu-e , d avertn* de ce rcpren- vitamus^ ne dre Ics uechcurs , de peur qu'en les
jmpe-diant Se no- i ^ r c ^^- 1
ce?.nt in iftis te- choquant cn race , oc attirant leur Toralibusrebus _, colete , ils ne nuiient dans les cho- ciadhucappedc^es tem.poîieiies , que ion dehre ricftiacLipiditas, d'acquerir , ou que l'on craint de
nve imas amie- ,^ ■ r ■ ^• -r*
terefoimidatin- perdre ; ce qui fait , dit ce Père , que fîrmitas; ira uc les bons font luftemeiit châtiez avec
cuamvis bonis 1 . ' . . ,.,
vita maiorum i^s autrcs dans k temps ^ quoy qu ils
lUVLKS SOY-MEME. <^i>'
ne foient pas éternellement punis ^^î^pîîceat , & r-
,A ,,, . , ■*• Cleo cum ciu no«^
avec eux dans 1 éternité. ineidantiniiiam
, damnacionem ,
qvix poft hanc vitam taUbus prœparatu-r j tamen quia pioptcrea pec- catis eorum damnabilibiis paicunt , dum cos in îliis licec lcvibus& vcnialibus metuimt, }ure cum eis temporaliter flagellentur , quam» vis in sternam minime puniantur. -^m^« de C\vit. De\ /» i, c» ^%
î>. Efl-ce une timidité blâmable que de s'abltenir de reprendre les pécheurs , ou parce qu on cherche hc qu'on eipere un temps plus favo- rable , ou parce qu'on craint de les rendre pires, ou parce qu'on appré- hende qu'ils empêchent d'inllruire lesfoibles, & qu'ils ne les détour- nent de la foy ?
-^. S. Au^uftin décide qu^en ces Nam fî prop-
^^^^r •« A • teia quifoiie ob-
occalions.il ne paroit point que ces jurgandir& cor- railons de ne pas reprendre , foient ripicndis maiè
dr 1 • \- > • ' \ a^ëntibus parcir.
es excuies de cupidité , mais qu el- quùa opponu-
les paroiilènt au contraire des con- "i^*. tempus in- feils de la charité & de la prudence, dcm ipfis mecuît'
ne deceriorcs ex hoc efïîciantur , vel ad bonam vitam ^ piam erudiendos impc- dianc alios infirmes y & premanc acqu-e avertant à fide ^ noa iridecur efle cupidfcads occalîo, fed conûlium caïuads. Ibid.
70 De l a C h a Pv r t e'
§. II.
De la cr^'mte des jugemetn de$ hommes , ou de la mauvdïÇt honte-
D. Ne craint-on de la part des hommes que les maux réels qu'ils nous peuvent faire ; & n'y a-t-il que cette forte de crainte qu'on doi- ve regarder comme un obftacle , & une tentation dans la voye de Dieu? R. La crainte des jugemens des hommes , d'être condamnez par eux, de leur déplaire , d'être l'objet .de leurs railleries >, eft encore une ten- tation plus ordinaire, & qui n'eft num cft^"^im*er fouvent pas moins dangereufe. Saint corum verba Auguftin en reconnoiuoit tellement &tnrcc'i:ê la force & le danger , qu'il ne craint de itinere prge- pas de dire que c'ell: un c^rand don de
ccpcoium Dei ; v>v j''- 1 • f
fsepe enim nicens Dicu , quc d être tous les jours rrap- pergereinDeum pé dcs difcours des hommes char-
coneuflas in ip- ^ , _ , r • • 11
fo icinere tiepi- nels , & de ne iortir ponit de la voye dac y èc pieium- j^ Dieu : parce qu'il arrive fouvent
que piopterca ,, ^ 1 11 v -rx- rL
non impiet bo quc 1 ame voulant aller a Dieu, elt numproporuum ébranlée dans fa courfe, & devient
TiC cttcndac eos . . , , ' p
cum quijus vi. mcertainc ôc chancelante, 6c que lou*
Masnum do-
• EKVERS SOY-MEMF. 7I
vent même elle abandonne l'execu- ^'' ^^'^ ^^^^ p^ tion des bons dciu'S qu elle avoit con- feuucia diiigcn- ciis , de peur de bleller ceux avec qui'^^^' atque Ceaan-
•» ' . A ^ -,, , , ,, ^ tes. in /-/. 6.
elle vit, qui iont poliedez de i amour des chofes perilfables (Scpaifageres.
D, Qui font ceux qui Iont le plus en butte a ces difcours , & a ces jugemens des hommes î
R, On en eft attaqué en tout état, ^' c'eft une épreuve ordinaire par où Dieu fait palfer la plupart des âmes ; c'eft cette eau de contradiction dont pai'le le Pialmille , lori qu'il dit : probavî te a- fet'ay éprouvé dans l'eau de contradï- P^-i^quam coa-
•'„. -^ •* . . n tradictionis. f/".
tî'^on j mais cette tentation eit nean- so. nioins plus ordinaire à ceux qui com- mencent a vouloir fervir Dieu. Si- tôt qu'on eft baptilé , & qu'on mar- che dans la voye de Dieu , dit Saint Rc veri Fra- Au^uftin , on eft incontinent atra- '^^^ :. re vera qui
/ j • • r \^ " exaudicus eft ia
que par des gens qui inlultent a tous abf.-onduo
tem-
ceux qui veulent bien vivre , & fe p^ftatis , débet
j 1 1 r^ r • probaii in aquâ
retirer de la voye large. Ce^ lamt contradiaioms ^ Docteur croit même aue cette énreu- '^^^ ^^^^ cre-
c^. r 1 '1 * diderit,cum
ve elc l! générale , qu il ne crain: pas bapatatus fuc- de dire , qu^ celuy qui n'a pas en- '^^^>'^"'"'^'^"*
I I \ \ j^-^i ^ ,. Dei carpeie cœ-
core ete le but de ces langues medi- périt , cum ia
fantes , n'a point encore fait de s^'^'^^^^^'"'^"^^^- , , «^ quaii intende-
progres dans la vertu ^ & que pournc^ôcabarmor.
ta pubiîcc cur- éprouvcr Jcs infulccs & les diTcour^ hc,habcbic railleurs des hommes charnels, i! "?=:": "îsi;^ "'y a ^^V, '^""e le pied dans la infuicacores,mui voyc ûu laluc , dc temoîgiier y vou-
minantes cciam les choles fragiles , terrertres &: tem- mrLt'r/'lc: ?ovdks, & ne fau-e aucun état de primcntes.^ Hxc la fclicité du fîecle j alors on verra ,
Tdiftrisrft"- «l" .^'^ la"" P"e , quelle contra- inPf.no. diction on foufJrira. On ne manque honiT duS P^^ ^^ trouver dans le iiecle des gens nuscogicarepio- qui diieut , eft-ce donc que vous rati i.nguas ad- pre^endcz que le ciel n eft fait que
vcrfannum; qui- poUr VOUS , & Ou'll ÎIV a OUe VOUS cunqucillasmû- -r r^i ' -^ t W
<iam paiîus eft ; 4^^ lovez Lhictiens : Lit-ce que vous mundum profe- prétendez que quiconque ne Teft pas
cit ; quicunque ^ a j V i '
iiiâs non pacicur ^ voU'e modc , iera aamne >
ron conatur
perfîceie... incipiat proficerc ^ incipiat velle afccnderc y. vellc ccn.- «cmnere terrena j fragilia, tempcralia j felicicatem foeculi pro ni- hilo haberc , Drum iblam cogitave, ôcc Videaraus qiiemadmo- daai patiatur linguas detrahenciuni &: muka contiadicencium , Sc quod eft gravius , qaafi confukendo à faluce aveirenlîum . . . ipd funt qui dicun: ^ ôc îu hoc taôurus es , q.uod nenio tecit ? Et ni lolus eris Ciiiift:anus. ^n ^7- * ' 9'
jamvcroquif- Q-jg f^ qucIqu'un , dit cucore le
CUIS fublimia 7^^ r- t K- '■■lj^ J^
3ia pracepta mcme S, Auguitm , tache de tendre impiere voiucrit ^ l'accompHifement des î^randes &
ut dilpergat, det r ^ ^^ • J Pr '^ 1 ^.,';l
paupenbu^/quo iublimes veritcz de 1 Evangile , qu il juftuia ejusma- Jiltribuc fon bien aux pauvres, -^
îieat in aeter- 5-1 r ,-r u 1
xiiim , oamibuf- qu il talie d autres bombes œuvres
femblabks ,
ENVERS SOY-MEMt. 75
iembiables , li devient le iaiet €e la ^'^^ fuis tebur
.,- . -, -in • ' tericm-s vendiciï
^:allle^e des nommes : il elt traite & inàigemibus comme s'il n'étoit pas lae;c , par ^^^s-^"--» ^^,'^^" ceux qui ne veulent pas le devenir ; rit , diccns m. êc fouvent , dit-il encore , de peur ^'^ mtuiimus m
,,A • / 1 1 r 1 hunemundum,
à être traite de la lorte par ces mala- vcrum ncc au- des defelperez , il craint Se il diffère ^'"^ q^id poffa
-, \. ' , r 1 ^ mus: vittum ôC
d accomplir ce que le tres-hdele & tegumencumha- tres-puiilant médecin des âmes luy ^^^^^^^jus eon.
^i ^ , ^ J tenci lur.us : la-
preiente pour la guerilon<S<: pour ion ddu in iftomm
lalut. lacdlegarn dica-
, . citacem^ôcabeis
tn erret , il n y a point de temps qui fanad no- oùles diicours des hommes loientun a^^f "'^.""Ï^J plus arand obftacle au lalut, que nehoc'vocecui.-, lorfqu'U s'agit de foire une ferieufe iSr^i^p"" pénitence j ôc il arrive alors très- dat facere , &
ibuvciit, que la cramte de déplaire ^IJ^^J^lr aux hommes fait plus d'imprefîion sc potenuiîînius fur l'efpnt , que l'amour de la Jui- y^f^^T^'
tice. Nam & ipla
C'eft cette mauvaife honte qui em- ^t^^^' pêche de confeller les péchez , & <nui ert fccundum y fait trouver tant de diiîicultez: c'eft "^^^.^^f^^, ce qui empêche de fe retirer du mon- rm-nque inHrmi . de, de fe mortifier &c de faire des quTa & padm^Jl fruits dicTiies de pénitence. Il cfl: é- m»^ «^ airpii-
^ 1 • • . ,. cendi. dum plus
trange combien certains noms nii- deiecut hoaii- cules qu'en donne dans le mondjà"^"^ exiftima-
• \ r • . tio quam iat'>i-
ceux qui veulent le convertir veri- na quâiequii- Tomell. G
74 De la Charité' que humiliât tabfemeiit , détournent de gens de thtr,c,8i. iii voyc de Dieu; oc h ion exami- noit bien ce qui a empêché la plu- part des gens du monde de fuivre les bons mouvemens qu'ils ont eu quelquefois de le convertir,on trou- veroit fouvent que ce n'ont été que certanis jugemens des hommes , &: certains difcours , dont ils le loiic fait des fpedres & des phantômes.
D, Que faut-il donc faire pour fortifier Ion ame contre cette tenta- tion ?
j°. Il fout tâcher de concevoir for- tement l'excès de la folie qu'il y a à faire dépendre ion lalut des jugemens faux &c ridicules des hommes , ôc à proférer le iuçement des aveuojts Se 'ï- des inlcniez a celuy de Dieu , de les
Anges, de Tes Saints, & des hommes raiionnables ôc véritablement é- clairez.
i". Il faut tâcher de s'imprimçr vivement dans Teiprit, cette confu. lion éternelle que les méchans fouf- friront un jour en prefence de toutes les créatures , 6c mépiiler dans cette vue les jugemens des hommes char- nels de cette çonfufion pallàgere de
ENVERS SOY-MEME. -)"
faiiiL* , qui n'a pour principe que l'erreur &c l'aveuglement des hom- mes attachez au fiecle,
5^. Il faut penfer , que fî nous ne méritons pas cette confufîon parti- culière , que les jugemens de les dil- cours des hommes nous font louf- frir, nous méritons néanmoins par nos péchez d'être couverts de confu- sion ; & qu'ainiî Dieu nous fait une grande grâce de nous donner moyen de icitisfaiïe a la Juftice , par la con- fufîon injulle que nous foufFrons de la part des hommes.
4°. Il faut le fbuvenir que quitter les bonnes œuvres 6c la pratique des règles du Chriftianifme par la crainte des difcours & des jugemens dés hommes;c'eftdéiavouer Jefus-Chrift devant les hommes , ôc mériter d'ê- tre rejette de luy dans Ion jugement, puifque c'eft la menace qu'il fait à ceux qui auront rougi fur la terre de luy & de fes paroles.
5"^. Il faut découvrir dans ces dif- cours des hommes , la malice du dé- mon , qui fe fert de ces bruits qu'il excite pour nous détourner de nôtre chemin , &: qui triomphera de nôtre
Gij
-jC De l a C h a Ti I t e'
foibleirc , il nous donnons dans le piège qu'il nous tend.
6^. 11 faut le faire honte à foy-mc- nie de n'avoir pas autant de courage & de fermeté pour nôtre falut , que les hommes en ont d'ordinaire pour leurs moindres pafTions. Car n'cft- ce pas une chofe étrange , de voir que lorfqu'un homme du monde veut fatisfaire à fon ambition ou à ion plailir , ou à fon intérêt , il mé- priie louvent tous les jugemens des hommes j <Sc au contraire , lorfqu'il s'agit de lervir Dieu, on craint les jugemens & les moindres dilcours de ceux même qu'on méprile , & qu'on veut quitter : on appréhende tout ce que les hommes peuvent di- re : on fe remplit refprit&: le cœur de vaines frayeurs , 6c on colore toute cette mauvaife honte du nom de piiidence.
n'-^. Il faut reconnoître que les jugemens des hommes ne font des impreiïions fî vives fur nous , que parce que les veritez de Dieu en font peu. Car fi nous étions touchez autant que nous le de- vrions être , de ces veritez Evan-
ENVERS SOV-MEME. 77
geliques , les jugemens des hom- mes nous toucheioient peu. Pour- quoy la PecherelFe , donc Pexem- Super convî-
1 fL C' J^- ^ Vr; vantes i»f:;ieira
pie nous eft propoie dans 1 E- ^^^^^^^ j^^Va vanille , craignit-elle (i peu les ju- venu, imei cpu-
'^ 11 ,- -,11^.. ias lacrymas ob«
gemens des nommes, que pouL ailei tuiit.Difckequo trouver Jefus-Chrifl , elle s'expofa à doioieaidec^qua:
1 c (\- 111 fleie & inttr e-
entrer dans un teiiin , auquel elle p^j^^ ^^^ ^^^^ n'étoic point appel lée ? C'eft , dit befck . . . con-
/r ■ r^ \ r^ j' vivances non c-
lamt Grégoire le Grand, que com- rubuit ; nam
me elle roucrilloit beaucoup d'elle- quia fen^eciplam
même au fond de Ton cœur , elle ne ^eb« ILùs^'n^' yoyoit plus rien au dehors qui la hii elle cicdidir^ puc raire rougir. ^ darctur fons. 6\
8^^. Enfin , la hardielle & la terne- ^reg. Mag.H»m, rite ordinaire des gens du monde ^ >'''" ev^h^. qui condamnent le plus fouvent à la légère & fans crainte ce qu'ils ne connoifïènt pas^ nous devroit don- ner de la honte de nôtre lâcheté» Car pourquoy s'ils ne rougiirent pas de la faulleté de leurs jugemens , rougirons-nous de la vérité $c de la folidité des reiolucions que nous devons prendre de nôtre laluc. Pourquoy , s'ils foutiennent leur fentiment avec tant de confian- ce 5 lori qu'ils font dans l'illu- fion , aurons-nous moins de force
G ii)
yS D E L A C n A R I T t'
qu'eux pour loutenir la juilice que Dieu nous a fait connokre. C'ell: par ces railons , &C autres femblables , C|u'il faut tâcher d'affermir fon ef- prit contre cette tentation dange- reufe.
$. III.
Z)e la trcîfiéme forte de crainte j qui efi U puJîlUnimité,
D, N'y a-t-il point d'autre forte de crainte vicieufe , qui puiife être uji fujet de tentation , outre leî ccriix que nous avons marquées ?
jR, Il y en a une troilieme , qu ned pas moins dangereuie ni moin: ordinaire, &qui fe couvre encon plus facilenîént ious une appareno d'huiBilité. C'eft ce qu'on appell -puJîlLr/î'nnlîc, C'eft une crainte qu nous empêche d'entreprendre de allions de vertu , en nous les fai fane regarder comme trop difficile & trop diiproportionnées à nôtr foiblelîe.
F, En quelle occafion eft-on attc que plus ordinairement de cette ten tation 5
ÊNVFRS SOY-MEMÏ. 79
jR, C'eft dans le choix des condi- tions , &des états de la vie : car la plupart des- gens ne le déterminent a celiiy qu ils choiûlfent , que par des mouvemens de pufillanimité. Il y a , par exemple , une infinité de RUes qui s'engagent dans le maria- ge 5 parce qu'elles le forment des idées affireuies de la vie Relieieule, Se des aulteritez qui s'y pratiquent : d'autres demeurent toujours dans une vie molle , de crainte d'in- commoder leur fanté : d'autres ne font jamais les efforts neceifaires pour éviter Iss occafions du péché , parce qu'ils regardent ces efforts avec terreur , &c qu'ils s'ijnaginent qu'en fe reduifant à la vie qu'il fan- droit mener pour cela , ils n'au- roient plus d'agrément ni de joye dins la vie. Ainli ils étouffent par cette crainte tous les defu's qu'ils fentent de fe convertir, ôc de quitter le péché.
Il y en a qui n'ofenc entreprendre aucune bonne œuvre , de peur de n'y pas réufîîr -, & qui manquent ainli de rendre à Dieu les fervices qu'ils luy doivent , félon les taleus
G iiij
8(^ De l a Ch a r I t k' qu'ils ont reçus. C'eft par cette ten- tation que ce mauvais Serviteur , Autti..^:.^. tioîit TEvangilc parle, cacha le ta- lent qu il avoit reçu , fans le faire itet pigrorum P^o^cer ■ c eft aufll ce qui fait dire quaii lepes ipi- au Sagc , Q^ie le chemin du varef- TT^iT' ^"'^' fi^^-"^ eft comme une haye d'épines : par- ce que ceux qui font poifedez de cette puiiUanimité , qui produit en - eux une pareile fpirituelle , trou- vent des difficultez par tout j ils font fenfibles à tout ce qui leur peut eau- fer de la peine , & toutes ces refle~ xions font comme autant d'épines qui les arrêtent.
D. Quelle eft la caufe ordinaire de cette tentation? -
R, îi y en a deux : Tune , que Ion juge mal des difficultez des chofes en foy ; l'autre , qu'on ne s'appuye pas aiièz fur le fccours de Dieu.
D, Comment juge-t-on mal dej difficultez des chofes en foy ?
R, La plupart du monde fuppofe fans raifon qu'ils regarderont tou- jours dans la fuite les chofès qui leur, font peine , de la même forte qu'ils les regardent dans le ientiment de cette peine. Ainii ils conilderent
ÉNVEÎLS soy-meme. 8^t
les difficultez dont ils font frappez ^ comme fixes , llables , de invaria- bles y au lieu que (auvent , elles ne font que paiîageres. On s'imagine , par exemple , que c'eft une chofe bien duie que de ne manger point de viande , d "être enfermé dans un Manaflere fans fortir , de fe lever à une certaine heure ; 5c ainii en re- gardant ces pratiques comme des pei- nes qui doivent durer autant que la vie , on s'éloigne des états qui y obligent ; parce qu'une peine conti- nuelle nous efirave, iVlais on en ju- geroit autrement, fi on ùiloit re- flexion que certainement la peine de ces pratiques n'eft que paiTagere , que l'habitude la détruit , ôc que l'on vient à y être inlenfible : ainfi cet effet de l'habitude étant certain, il ne faut donc regarder ces prati- ques comme pénibles , que pour un temps. Une perfonne ne leroit pas effrayée , par exemple. Ci l'on ne luy propoloit que de s'abftenir de vian- de cinq ou iix mois. Cependant s'en abdenir pour toujours , n'eft guère plus pénible que de s'enabilenir pour ûx mois.
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âl De LA Ch A R i T E*
Une femme du monde confideic comme une choie infupporcable de renoncer pour toujours aux diver- tiiremens du iiecle , de demeurer re- tirée dans fa mailon , ôc de mener une vie réglée : mais elle fe trom- w pe en fe reprelentanc cette vie ré- glée , comme pénible pour toute la vie j fix mois d'habitude luy en ôteront toute la peine , ôc après ce- la elle y trouvera autant de goût Se de plai(ir,que dans tous les divertilfe- mens dont elle ne concevoit pas c]u on fe pût paiFer.
Z). Par quelles confiderations faut- il remédier à ces faulfes idées que Ton k forme des difîicultez de la vie Chrétienne î
JR, 1°. Il y faut remédier par nôtre propre expérience , ôc par le fouve- nir que nous pouvons avoir qu'un peu d'habitude , adoucit preique tout ce qui paroît le plus affreux. Combien de cho fes avons-nous re- gardées comme inlupportables , ôc que nous fupportons néanmoins fans peine dans la fuite ? Combien de gens les foufFrent , non feule- ment fans impatinece , mais enco-
ÏNVERS SOY-MEMÎ. $^
'e même avec joye ? Elles ne font ionc pénibles que par rimagination. Dr l'habitude & le temps corrigent 5c détruifent abfolument l'imagina- :ion ; pourquoy nous priverons- nous donc , pour un mal de fantai-
Iiîe , & que le temps guérira necei- . fairement, d'un bien réel de éter- nel ? Et pourquoy n'aurons-nous pas le courage que nous voyons que tant d'autres ont ? Cnr no7i poterls ^ttod ifll & IfU r L'habitude adou- ^^'^r ^'•^- '' *' cit même les calamitez oc les miie- res réelles, Perfonne, dit un Philofo- Nemo durarct
adverfitez 5 ii elles fciiioient dans la vimaïuduitas fuite une imprefïïon aulTi vive qu'el- prh^î^iaulX les font au commencement. Ainfi^e^e^i;, donc à plus forte raifon , l'habitude peut-elle adoucir certains états qui ne font pénibles , que parce que nô- tre imagination nous les reprcfen- tent comme tels,
2°. Il faut y remédier par la confé- dération des maux ^c des peines de toutes les conditions de la vie , & de celles même aufquelles on s'en- gage le plus volontairement. Quel- les fatigues , par exemple , ne fouf-
^4 ^ E L A C H A R I T e'
fcnt point a la guerre les perfonnc-, inéme de qualité :- Quelles aufteritez égalent les travaux & les miferes de Ip: la vie des pauvres de des artilans, des gens qui vivent a la campagne, de de rj ceux dont la vie le paife en voyages Ir continuels ? Mais il ne nous plaîc ji pas de nous comparer avec tous ces jr états-là j mais pourquoy ne nous plaît-il pas ? C'ell: nôtre amour pro- pre qui nous flatte, c'ell: cette pu- iillammité qui nous retient , & qui nous tente. En effet nôtre être eft-il diltercnt de celuy de ces autres hom- mes , ôc iommes-ncus moins rede- vables à la jullice de Dieu ? Il faut donc convenir que c'ell une honte terrible aux Chrétiei^s , queprefque perfonne ne veuille faire pour Diea ôc pour Ton falut,ce que tout le mon- de fait avec amour, & fans fe plain- dre, pour de petits intérêts , &:pour des biens temporels <3c perilïables. . D, N'y a-t-il pas quelque chofe de plus folide dans la crainte de ceux qui s'éloignent des pratiques pénibles de la vie Chrétienne, pour ne pas ruiner leur fanté ? ^. Cette crainte pourroit être foi>
ENVERS SOY-MEME. 85
\ée fur des raifons li évidentes , :]u'elle obligeroit en effet quelques ^erfonnes de s'abftenir de ceitanies pratiques contraires à leur tempe- .ament. Il y a , par exemple, des perlonnes , qui lans fe flatter , font incapables du jeûne , ôc de certai- nes aufteritez : mais le nombre en ?ll: petit , de il ne faut pas facilement porter ce jugement de loy-mème. Pour l'ordinaire , toutes ces crain- tes viennent de foiblelfe de vertus de d'un trop grand amour du corps. Et quand elles n'ont que ce fonde- ment, de que le danger de nuire a fa fanté eil incertain , ces perfon- nés doivent confiderer qu'il n'y a prefque aucune condition feculiere qui ne foit plus dangereufe ôc plus capable de caufer la mort , que ces exercices dont on veut le dilpenier Que l'on regarde , par exemple , dans une ville les filles qui le confacrent à la pénitence , foit par la profeiTion de la vieRelieieuie, loit d'une autre manière, & celles qui entrent dans la condition du maria2e , (Se l'on verra que dans dix ans il y aura plusde fem- mes mariées mortes ^ que de celles
.S^ De la Charité*
qui ne le loue pas , & qui vivent d'une manière plus aullere. L'on en peut dire autant en comparant la vie des Religieux & des Prêtres , avec celle de ceux qui font engagez dans la vie du monde. Sera-t-ii donc dit qu'il n'y aura que Dieu, pour le- quel on croira ne devoir s'expoicr a aucun danfier?
On. met la gloire dans le monde à s'expofer aux plus grands périls, pour plaire aux Rois de la terre j & même cette pafîion eft Ci forte & li univerlelle , qu'elle remue , & me- né à 'la mort des armées entières. Mais les précautions Se les réfle- xions de prudence viennent en fou- le , quand il s'agit de faire quelque choie pour Dieu ; de il lemble qu'u- ne mort inévitable foit attachée a tous les exercices de pieté.
D, Qnelle règle doit-on donc avoii" fur ce point ?
'/(\ La règle qu'on doit fuivre ell celle-ci , qu'un danger commun ôc ordmairc ne nous doit jamais empê- cher d'entreprendre ce qiii eft certai- nement utile à nôtre filut , Se qui a été entrepris avec iuccés par une in-
ENVERS SOy-MEME. S^
Ênité de perlonnes auiïi foibles que nous ; il Faudroit pour déférer à ces craintes, que la foiblelle de nôtre tempérament fût aifez grande pour nous être une marque certaine de la volonté de Dieu. Or elle ne l'efl; ja- mais 5 quand on voit plulieurs per- fonnes , qui avec les mêmes ou de plus grandes foiblelïès de corps , n'ont pas lailfé de réiifîîr dans les choies dont cette prétendue foibleiîè nous donne de réloifrnemcnt.
D. Par quelles railons le doit-on fortifier contre la défiance du iecours de Dieu ?
jR. Il faut avoir dans l'elprit qu'il n'y a point d'état iî facile où nous puiiîions lubliiter «Se faire nôtre lalut fans le iecours de. Dieu; & de même, qu'il n'y en a point de li difficile oii fa grâce ne foit capable de nous coniei;ver : de forte que la différence du danger des conditions à l'écard de chacun , ne vient roint tant de ce qu'il y a de plus dangereux dans une condition que dans une autre , en les comparant enfemble , que d^ la vocation ou du manque de voca- tion. Car quelque fivorabie peur le
gS Delà Charité' laluc que loit un état de vie , il cfl excifêniemcnc dangereux pour ceux que Dieu n'y appelle pas : quelque difficile que (bit un autre, il celfe d'être dangereux a ceux que Dieu y appelle.
Il eft bien vray que Dieu veut qu'on ait égard dans ce choix, aux dangers des divers états coniiderez en eux-mêmes , 6s: qu'il eft de la prudence dechoifir les plus favora- bles ôc les plus iûrs : mais quand, tout condderé , &c après avoir tâché de découvrir , autant qu'il nous eft poil fible , la volonté de Dieu, nous croyons qu'il nous veut dans quel- que état ; c'eft une illufion manifefte d'être arrêté par la défiance du lé- cours de Dieu • car il eft toujours beaucoup plus probable qu'il- nous accordera ion Iccours , en fuivant ce que nous croyons être le plus con- forme à fa volonté , qu'en nous en- gageant dans une voye qui ne nous paroit pas y être fî conforme.
CHAP.
ENVERS Sôy-MEME. Sq
y
CHAPITRE VL
Bî U Trijlejfc,
JD. /^ Uel eft le mouvement de V^ lame qui fe porte vers le jnal pieient & inévitable ?
F. C'eft celuy que l'on appelle tri- ftelTè 5 qui eft le contraire de la joye.
D, Combien de iortes de triileiîès doit-on coniiderer ?
R. On en doit confîderer quatre.
La première , que Ton peut appel- ler une tnil:elîe d'humeur & de tem- pérament, & c'eil celle qu'on rel- ient 5 lorique Htns aucun luj jt parti- culier de triftelTe , lame le porte d'elle-même à s'entretenir d'objets triftes , (Se eft plus vivement tou- chée des accidens qui anivent dans la vie , que ne le lont ceux qui ont un autre tempérament,
La féconde eft celle qu'on rcffent dans l'exercice des vertus , loiTqic l'ame vient à n'y trouver plus de goût & de plaifn- , & c'eft ce qu'on appelle dans les livres Ipirituels Toms IL H
^O De L A Ch A R I T E*
féchereilL* ôc délolation.
La troificme eft celle qui eft caufée par les afïliâ;ions de les maux qui ar* rivent dans la vie , ou par les péchez que l'on a commis.
La quatrième enfin, efl: celle que l'on conçoit du bien même du pro- chain 5 ôc c'eft cette palïïon qu'oa appelle envie.
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' De la triflejfe q^^i naît de l'hu- meur c^ du umpcrament,
D, Comment le tempérament peut-il caufer la triHefTè ?
R, Il n'en faut point chercher d'au- tre rai Ton que la loy de l'union in- concevable de l'ame avec le corps , qui fait que lorfque le cerveau eft remué d'une cenaine manière , l'a- me conçoit plutôt certaines penfées que d'autres 5 or il y a des humeurs dans les corps qui produifent Cw^r- taines agitations dans les efprits , ■ ôc qui remuent le cerveau de la ma- nière propre à luy fa^re concevoir des objets triflcs : de forte que ceux en qui cette humeiu: cft abondante ,
ENVERS SOY-MEME. c) X
ont par necefïité des idées trifles , & reirentent divers mouvcmens de cet- te triftelle que nous avons appel léè de tempérament.
D, Ces mouvemens rendent-ils coupables ceux qui les reirenteiit ?
'^, Non , tant que ces perfonnes demeurent dans les termes de fim- ples mouvemens , & que la volon- té ne s'y joint poiiit : paixé qu'il eft certain que ces mouvemens dépen- dent du tempérament , & qu'ils font involontaires j mais fi la volon- té s'y joint , & qu elle les laiffe dif- pofer des allions extérieures du corps , ce font alors de véritables péchez , (i les adbions qu'ils produi- lent font déréglées. Auid une mé- lancolie qui parle, & qui agit , eft toujours volontaire.
T, Comment l'ame peut-elle être continuellement remuée &c agitée par les oKj^ts triftes dans ces tempera- mens mélancoliques ?
R. C'eft que la plupart des objets de la vie font mêlez de bien & de mal. Or ceux qui font de ce tempé- rament ne s'appliquent qu'a ce qu'il y a de mal dans ces objets , 6c n'y
H ij
5;i Dfla Charité* cnvifagcnc prcfque point le bien. Ils oiic des idées fortes des maux , de de foibles des biens j Se comme les plus fortes l'emportent , ils ne con- çoivent prefque que des mouvemens de triftelfe.
D. Eft-on obligé dercfifter à cet- te difpofition d'eiprit ?
^. L'on y efl: d'autant plus obligé, qu'elle flate l'ame d'une manière délicate & fubtile ; car tantôt cette paiïion fe traveftit en zèle contre les dercglemens du monde , tantôt elle emprunte le vifage de la gravité , air- elle femble condamner avec railoii' la légèreté ^ &c la vanité des hom- ' mes. Cependant fi elle s'empare dc[ Tame, elle la pouffe à des excès tres-^ dangereux; elle répand fur toutes -• les a£èions une teinture de chagrin ;' eile excite la colère, l'impatience-. Se la haine; eile couvre l'efprit de noi- res images ; elle combat direéte- menc la compaiTîon , le fupport du prochain, Teiperance , Se la chari- té; enfin elle détruit le corps mê- me. C'eft pourquoy l'Ecriture nous ^ _. . avertit tres-cxpreflement de refifter à
Tnltitiam non rr tvt» / ;
des aaiiuK tu« ^ cette • pallioiî. ISTat^an donne z^ pas ^
EKVERS SOr-MEME. 5)5
ik rEGcleiiaftique 5 z'ôtre urne ^ /^ &:non afïTigâs mffep,C'7 ne vous in-JJez^ pas aller vo- eoniiho tuo. Jn, lontaïremenîd laffiïtlion ; car /^/^y^ cunduas cordis d« cœnr ^ ejt ce qui cenje-rve La vie de xvwni^ , & the- r homme : c'efi nn trefar inèptnfahle de ^^ums fine dcfe-
, ' , -^ -( ', -^ . ûione fanâica-
famtete -, & pour AVoir une longue vie^ tis : & exuitado il faut être dans U ioye, yiysz^ donc vm eft lon^^vi-
r . , , /T ' } ] ^*5' Milercic a^
titie de votre ame en tachant de vous ni;nae iiue pla- rendre arreablc a Dieu. AbCtene^^vous ^^"^'-^ ^^® * ^
j ; V ' •/!- ^ I coxitine : coll-
ai mal ^ & repimjjcz. votre cœur dans gifga cor tuum
la fainteté de Dieu. Banni/fez U tri^ '^' '^J'^^']^^^. ""
/i ir I ' j 1 • a rr jus ,& niituiàoft
jtejfe loin de vous , car la trijtejje en longë lepeikà a, ffi.it mourir plufieurs , Ô' elle na ^^: ^'^^'^^^ e-^
...,'•' ' lîim occiûJt tri-
point d utilité. ftuia , & non
D. Comment faut-il refifter à cet- f "^^^^^^ '"^ '^' te paillon? éf^q-
R. En la regardant telle que TE- criture nous la reprelente , (5c en pra- tiquant ce qu'elle nous prefcrit pour l'éviter, C'ed:- à - dire, qu'il ne le faut pas laiifer tromper par les appa- rences , que cette paliion preiente au dehors ; mais qu'il en faut péné- trer le fond. Or ce fond nous fera connoître , que bien loin d'être uti- le, elle détruit les principales difpo- frtions dans lelquelies il faut tâcher de s'établir pour vivre ch: étienne- ment ^ foit qu'on foit juile > ioit
^4 D E LA Char r t e*
qu'on foie pénitent. Car en quelque j état que ioit une ame , elle doit toujours s'élever à Dieu par refpe- rance & par l'amour , ôc travailler fortement à Ton falut : Or la triftef- fe s'oppofe à tout cela , en tenant lame dans k parelfe 6c dans l'abbat- tement.
Il eft vray que cela ne convient qu'à la trifteife exceflîve. Car quand la triftelïe n'eft que modérée elle n'a pas ces mauvais effets , ôc même quelquefois elle en peut avoir de bons ; mais il faut prendre garde qu'elle ne s'empare totalement de Tame : c'eft pourquoy l'Ecriture nous avertit d'avoir pitié de notre Ame : Miferere amm^t tuét ; en ne la livrant pas entièrement à cette paf- fion. Et elle ajoute qu'on doit ufer de ce ménagement pour pUire a Dien: placens Deo. Parce que cette condefcendence d'une ame qui épar- 2;ne Ca. propre foiblefTè , étant con- forme aux règles de la fageiïe , eft agréable à Dieu qui eft la fagefte même. Il faut donc regarder ^ félon l'Ecriture, Li jo^^ da coeur comme le principe de la vie fpiricueile aufîi-
ENVERS SOY-MEME. ^^
tien que de la vie corporelle. Mais cette joye n'eft pas une joye char- nelle , une joye de légèreté , c'eft une joye inkparable de l'amour de Dieu.
D, La triftefTè étant une difpofî- tion naturelle , & cette mauvaife dirpoficion étant une peine duc a nos péchez j ne feroit-il pas meilleur de s'y livrer que d'y refiiier?
F, La tn fteire n'eft pas f.^ulement une peine , c'eft aufîî une tentation que Dieu ne fait que permettre : C'efl pourquoy fi Ton peut foufFrir par efprit de pénitence la trifteffe m-O- deiée , on doit refifter a ion accroif- fement , parce que ce feroit iccon- der ta tentation.
/). Comment peut-on expliquer ce que dit l'Ecriture , que la triftelle eft inutile , puifque fuivant ce qu'on vient de dire , on peut en faire un bon ufage , & fatisfaire par elle à la juftice de Dieu?
^. Quand l'Ecriture dit que la trifteiTe eft inutile , elle parle de la triftelfe qui nous domine , ôc non pas de celle à laquelle on refifte , à>C que l'on retient dans de juftes bor* aes.
9<j Delà Charité'
D, Quels loue les remèdes qu'il faut apporter a la cridelïe ?
R, C'ed de ne fe point conduire par les mouvemens de triftelFe , de laiiï'er la cette amertume qu'elle ré- pand dans ie cœur , &: d'agir com- me (1 on n'en avoit point. Car l'ef- prit gouverné par une volonté fer- me &c forte , fe détache ainfi peu à peu des objets de trifteiïè , & fe remplit d'autres objets , en forte qu'il conçoit d'autres mouvemens, & donne lieu par là aux humeurs qui cauient le chagrin de fe diiïiper: outre cela , l'adion eft extrême- ment propre aux perfonnes triftes, & rien ne leur nuit davantage que l'oinvcté , parce qu'elle leur permet d'entretenir leurs penfées , & que l'imagination dominée par la mélan- colie , n'étant capable de prefenter à l'efprit que des objets triftes , aug- mente cette maladie , ôc la porte fouvent aux extremitez..
D, Eft-il bon pour foulager la mé- lancolie de chercher des divertiife- mens ?
F. Il eft certain qu'il en faut per- mettre quelques-uns aux mélanco- liques.
ENVERS SOY-MEMf. 97
liques. Mais il faut bien prendre garde de ne pas prétendre gué- rir un mal , par un plus grand mal. D'ailleurs, les divertillemcns da monde font de mauvais moyens d'é- viter la triftelfe , pour ceux qui font éclairez des véritables lumiè- res du Chriftianifme. Ces plaiiirs ne fatisfont point^une ame qui aime à travailler à fon falut ; ils la îailîent au contraire dans un plus grand dégoût , &c la plongent plus avant dans la triflelfe.Dieu efl: donc le vray Médecin des âmes trifles , ôc c'eft dans Telperance de les mifericordes., dans la ndelle pratique de fes loix , ôc dans Thun^ble foumiilion à fa juftice 5 qu il en faut trouver le' vray remède à le folide foulagement.
§. II.
De la> féconde forte de trijlejje ,
au on /îf pelle fechereffe on
defolation,
D, Qu'eft-ce que cet état , dont il efl: il fouvent parlé dans les livres fpirituels fous le nom de fecherelfe Tom IL 1
5^S D E L A C H A R I T e"
c<j de deiolations ?
^.Il y en a de tant de fortes, qu'il eft difficile d'en donner une idée qui convienne à toutes.
Ce n'eft quelquefois qu'une pure mélancolie naturelle , qui domine l'imagination , & qui applique Ta- me aux objets de triftelîe &c de crain- te : Ainii , comme il y a toujours quelque lu jet de craindre dans tou- tes nos œuvres ; les âmes polfedées par cette humeur, ne s'appliquent qu'aux fujets de défiance , &c ne fe foulagent j.amais par les motifs de confiance , d'amour & de joye. Il leur femble qu'elles n'ont jamais rien fait de bon ; que tout ce qu'elles ont de vertu eft faux; qu'el- les trompent tout le monde , ôc mê- me qu'elles trompent Dieu; enfin,, elles lont fans celTè tourmentées de agitées de mille fembL^J^les penlées.
C'efl: quelquefois la fouftradtion de la privation de certains mouvemens fenfibles , qui fervoient à Tame d'un vent qui la portoit , & qui la faifoit agir avec joye ; de forte que l'ame s'y étant attachée , s'il arrive que ce vent ceife de fouffler^ elle demeure
ENVERS SOY-MEME., ^<^.
en quelque forte fans mouvemenc : elle fent de la peine & du dégoût à tout. Se le fouvenir de ces conio- lations fenfibles qu'elie avoit relïèn- ties , & qu elle n'a plus , la tient dans un état de trifteile ôc de ferre- ment de coeur.
C*eft quelquefois l'effet de l'infidé- lité de l'au^ie , qui s'étant répandue au dehors par la recherche des ob^ jets du monde , êc voulant rentrer au dedans de foy , y trouve tout en delordre. Ainfi , elle s'y déplaît , elle s'y trouve mal , elle ne fçau- roit s'y arrêter.
C'eft quelquefois auiîi utne pure . épreuve de Dieu , qui voulant puri- fier les âmes qu'il aime , de leur or- gueil ôc de leurs attaches cachées y leur fiit fentir ce qu'elles font par elles-mêmes , en retire les lumiè- res Se fes grâces fenfibles , Se les abandonne pour quelque temps à l'infirmité de la nature. Dieu per- met alors que les idées de leurs mi- feres Se de leurs ténèbres , fe pre- fentent vivement à ces âmes , Se que les idées confolantes s'en éloignent ou agiiîent foiblement fur leur el-
BÎBL10THÎCA j
roo De la C^tarite' prie ; en force néanmoins qu'il Ie$ ioucient dcins cet état , mais d'une manière qui leur fait craindre de tomber à toutTnoment dans le pré- cipice , 6c qui leur fait connoître le befoin continuel de la ^race. A la vente on ne peut nier que Dieu ne permette fouvent au démon dans ces occalions d'y mêler fes imprel- fîons , de remuer les humeurs du corps , d'agir lur l'imagination , de de rendre par la plus vives &: plus pénétrantes les idées trilles 6c défo- lantes dont les âmes font affligées.
-D. Qu.'y a-t-il de commun entre toutes ces différentes efpeces de fé- chereires ôc de défolations ?
^. i^. Elles ont toutes leur fourcc dans l'impureté du cœur de l'homme; elles font toutes juftes , ëc font tou- tes ordonnées par la fainteté de Dieu 5 qui tient les âmes dans cette fournaife d'humiliations , pour les purifier de leurs fautes : ainli l'a- ine en cet état eft obligée à s'humi- lier fous la Juflice de Dieu, à s'y foûmettre & a l'adorer.
2°. Ces déiolations oblicjent l'ame en cet érat à dilcerner autant qu'elle
ÎNVERS SOY-MEME, lOl
.peut 5 les caufes qui luy peuvent avoir attiré cette affiidticii fpirituelle, ôc cet état de léchereiTè , & à exanii- ner devaiit Dieu , il elle ne s'eft point relâchée , il elle n'ed point tombée dans la nc2;lieence ou dans Torgueil , ôc enfin , il elle ne s'efc point engagée dans l'amour du mon- Jde.
3". Cet état -de langeur dans le - -quel Tame le trouve , doit Texciter de plus en plus , & la porter à avoir dans la luite plus d'attention ôc de vigilance a fes adlions,
4°. De quelques caufes que naiil fent ces déiolations , l'ame ne doit point perdre courage , ni ceifer de bien vivre : mais au contraire , elle doit s'appliquer , & être plus exadte à tous les devoirs.
D. Puilque cet état eft deflitué de grâce -, comment y peut-on agir , & de quelle lorte pourroit-on luppléer à la ^race ?
F. Cet état n'eft pas defl:itue de toutes grâces , mais feulement d'une grâce feniible Se confolantc j ainfl, au défiiut de la charité tendre & dou- -cc , il faut agir , fclon S. Bernard ,
I UJ
ICZ Dî I A Ch AR ite'
par cette charité qu'il appelle féchc, mais forte , qui fufïit pour faire les aurions. C'ell: ce que S, François de Sales appelle agir par la partie fu- pencure de l'ame, non qu'il prétende ^^ue Ton puilîeagir par pure raifon & fans aucun mouvement de grâce, mais parce que la grâce dans cet état cft fi femblable à la raifon , qu'on ne l'en diftingue pas.
D, Que faut-il faire quand l'ima- gination prefente des terreurs va- gues j qu'elle fe figure qu'on eft m^al avec Dieu , qu'on a perdu la grâce par quelque péché fecret , & mille autres penfées de cette nature ?
J^. il faut confuîter la vérité fur ces penfées vagues , & fur ces ter- reurs ; & la vérité qui eft Dieu même , répondra , que lorfqu'on ne peut trouver aucune lumière far quelque chofejla volonté de Dieu eft qu'on ne s'y arrête pas ; qu'on ex- pofe imiplement à Dieu ces ténè- bres j qu'on prenne fujet de s'en hu- milier ôc d'en gémir devant luy , ôc qu'on ne perde pas le temps à cher- cher de la lumière où Ton n'en peut pas trouver, Ainfi après avoir exa-
DËNVÎRS SOY-MEME. 10^
ruiné fur quel fondement ces ter- reurs iont établies , on doit regar- -der toutes ces craintes values , com- me de pures tentations , aulquelies il ne fciut avoir aucun égard.
D, Mais n'eft-il pas poiïible que •ceux qui s'imaginent être mal avec Dieu par quelque péché caché , y foient efFeâivemens mai ?
R, Cela eft pofïible ; mais com- me ces âmes ne fçavent pas il leurs Terreurs font légitimes & bien fon- dées 5 & qu'elles ne le fcauroient ifcâvoir , attendu le défaut de lu- mieres que nous fuppoions en elles ; Dieu ne veut pas qu'elles donnent cet avantage à l'ennemi , de s'arrê- ter inutilement à cette recherche: -& quand même il ieroit vray que ces âmes auioient perdu la grâce par quelque péché lecret , leur crainte ne laiileroit pas d'être vaine & té- méraire 5 puifque la manière de re- couvrer la grâce , n'eft pas de fe fa- tiguer la tête a chercher ce qu'on ne connoît pas ; mais c'eft de s'hu- milier , & de gcmir de fes ténèbres ^ .d'efperer en Dieu , de l'aimer , de .'lîluy être fidèle ^ eu exécutant cou-
J iiij
104 ^^ ^^ Charitb' ragcufement ce qu'on connoîc c3c les volontez , ann de couvrir par cet amour 3c par cette fidélité , les pé- chez même que Dieu permet qui foient cachez.
Z). Doit - on confiderer l'état de fechereife , comme plus élevé , 6c plus utile , que celuy de confolation & de ferveur ?
^. Cet état peut être plus utile ; mais il n'eft utile, que parce qu'il nous humilie davantaj^e : Ainii com- me il nou5 rabaiile aéluellement , il faut que nous confentions a ce rabaif- fement , Se que nous ne le rendions pas inutile , en nous relevant inté- rieurement. La fechereiTe eft un état où Dieu nous châtie , comme il a été dit 3 pour nos fciutes, grandes ou petites 5 nous n'en fçavons pas la mefure. C'eft donc une témérité à nous de juger par là que nous Tom- mes dans un état grand de relevé. L'état de ferveur 6c d'une grâce for- , te , qui ôte les difficultez des adions, eft celuy auquel nous devons afpirer Telon les lumières ordinaires de la £oy. C'eH: l'état auquel nous fom- snQs obligez de tendre par nous-
ÎNYERS SOY'MEME. ICJ"
mcmes : mais s'il plaîc à Dieu de nous conduire par un autre chemin , il faut y marcher , & s'y foumettre en la manière qui convient à cet état; c'eft-à-dire , avec patience ôc humi- lité.
§. I I L
JDe la tr/jlejfe caufée par les af- fichons , d^ les maux qui ar^ rivent à ans la vie. Cojiiment on y peut remédier,
D, Les affligions qui caufent la triftefïe , l'impatience 6c le delcf- poir étant fi différentes , &3 agilîanc fi diverlement lur l'cipiit ; peut-on trouver des remèdes généraux capa- pables de fortifier l'ame contre tou- tes fortes d'afflidions , Se de tribu- lations telles qu'elles foient ?
^.Toutes les affli^îtions ayant quel- que chofe de commun , elles peu- vent auffi avoir des remèdes com- muns.
V. Que doit-on remarquer d'a-
i>ord à l'égard de ces remèdes ? o
I
10(3 DelaCharîte' I
/*. Il faut remarquer qu'on lc5 doit appliquer diflercmmciu , félon àeux temps difFerens. i°. Avant que les afflictions ioient arrivées, i'^. au- près qu'elles le font.
Article I.
T)e Id préparation aux affitclioni.
D. Eft-il necelfaire de fc préparer 1 aux afflidlions ?
i^. L'une des principales caufes de
Tabbatement où Ton tombe dans les
afflidtions , c'eft le peu de foin que
*ït prépara a- l'on à eu de s'y préparer. C'eft pour-
iiimam tuam ç,^Qy |.o 5^ac donne avis à ceux qui
Ecdi. i. c. i. embraiient le lervice de Dieu , de fe *"' '■ préparer aux tentations j par où il
NuUi vacat au- entend principalement les afflic- fL'L'raaendirê ^ïons. Lcs accidens nous renverfcnt, cum vobis bene parce qu'ils furprennent Tame. Ce vobis bene ^ eft pas le temps d écouter Dieu , cft :difcixfcum dit faint Auguftin , loilquc l'on eft fapîemi^ ^dSi- prcflcdu poids del'afîliâiion.Ecoutez» pimam,& ver- je loifouc VOUS en êtes exeiTjpt. Ap-
bum Dei ut ci- ^ ■> i i i • V • i-
bnm coiîigite. prenez dans le calme la diiciphne Quandoeniin Je la faocife , dont vous aurez be-
quifous in tribu- n ■ 1*^1 ^ c r ■
iauoLs eft , pro, loin dans la tempête, ^ faites pro^
ENVERS SOY-MEME. Î07
Virioi:k de la parole de Dieu : Car ^^ç^^ iu^ ^^^^^ quand la tribulacion eft venuc,c'cf}:Ie quodrecuiusau- xemps de fe fervir de ce que Tame a iaIo"^admonc-' * entendu dans la paix. C'efI: par cet- snur imitaii for-
.,- i,T- • • micam. ficut c-
te raiion que 1 tenture nous avertit ^^^^ piorperitas <l'imiter la fourmi : car comme la fecuU fignifica-
r • < y r \ n r -c tiu die , adver-
proiperite du liecle elt iignihee par ç^^^^ fcecuii fi- le jour ,& Tadverfité par la nuit , gnificaturnoac,
' A r • I Ci rr ica alio modo
cette même proiperite eit aulii mar- prorpci-itas fœ- xiuée par TEté , & ladverfité par ^"f fignificatur
,-•, , ^ ^ r • 1 r • 11 ïeftate. Adverlv-
I Hyver. Ur que tait la fourmi ? elle tas fœcuU figni- amalfe durant TEté ce oui luy eil fi^^^,"^!^'^''^!^-^'^ neceliaire pour i Hyver. Ecoutez mka ? Per afta^ donc avec foin la parole de Dieu ^="^ coiiigitquod
, Al / ei per hiemem
pendant que vous êtes dans un état profit. Ergo cû heureux & tranquille: car il n eft f^ ^^^^ ^ ^^^
^^, , ^ ' ^^ ~ bene eit vobis ,
pas pollible que vous paniez lans cum tianquiiu tempête la merde ce monde. Cela ^^'t*^'^^!'^^ .
, r ^ ... verbum Domi-
II arrive a perlonne , <5c s il arrivoit ni -. unde emm àquelqu'un,il nVauroit rien de plus ^^^.^ poreft, m
, -i . i ' , •' r in hac tempelta-
a craindre quun calme non inter- te fœcuii hujus rompu, comme celuy-là. foT^.'fï^rmr
re tranfeatis ? "Unde fieri poteft ? Cui hoc hominum contigit ? Si concigit aliciii plus metuenda efl ipfa tianquillitas. ^ug. in Ff. 41,
D, En quoy confifte cette provi- sion que l'on doit faire î
^. Elle confîfte non feulement à -jremplir Ton efprit de quantité de ve-
io8 De la Charité'
xitez , qui nous découvrent la ne ceflité &c rucilité des affligions , ^l^ la manière de les foufFrir ; maislfr^' aufîi à s'en remplir d'une manière 1^ humble , & non pas prclomptueuie; |i à ne s'imaginer pas qu'il n'y a qu'à je avoir dans l'eiprit une teinture ru-|l perficielle de ces veritez ^ mais à prier Dieu avec ardeur , qu'il les grave profondement dans nôtre cœur, & à mettre toujours fa prin- cipale confiance dans le fecours que
nous devons efperer qu'il nous don- nera dans la tentation même , ôc dans le temps del'afflidlion.
D. Quelles font ces veritez qui nous découvrent la necefîité Ôc l'uti- lité des afflictions ?
i?. Il y en a plufîeurs, & nous en marquerons ici feulement les principales.
La première , de qui fert de fonde- ment à toutes les autres , eft , que l'ordre de la juftice de Dieu pour le fiîlut des hommes , efl: qu'étant dé- chus pas le péché de l'étrit heureux d'innocence où il les avoit créez , ôc s'étant attachez aux créatures , ils ne Soisnt purifiez de ces attaches , qu^
ENVERS S O Y- ME MB. IOî^
par le feu des affligions , Se des douleurs. Dieu ne leur veut plus donner Ion Royaume , lans leur faire fentir le mal qu'ils fe font fait à eux-mêmes , en luy préférant les créatures : Ainii, l'afflidion , la dou- leur, Se la trifleiïe lont devenues depuis le péché de l'homme , des moyens neceiïaires au lalut , parce que c'eft la voye que Dieu a cholfie pour la purification de l'ame , qui ne peut être admife à la jouillance de Dieu, quelle ne loit parfaite- ment pure de toute loiiillure. ' Ainfi celte purification de lame par l'affliction ôc par la foufFrance , fe fait en dejux iortes de purgatoi- res , l'un de ce monde , Se Tautre de l'autre. La première purification, qui eft celle qui fe fait dés cette vie , comprend tous les maux. Se toutes les affligions qui font deftinées par la juitice de Dieu à purifier les âmes. Se à leur appliquer le mérite du fang de Jelus Chrift. L'autre puri- fication que Dieu referve pour l'au- tre monde , comprend tous les châ- timens que la Juilicc Divine exer- cera dans l'autre vie, iur les amcs qui
UÙ D Ë t A C H A R I T Ë*
fortironc de ce monde avec quel- ques taches. Mais il y a cette diffé- rence entre Tun ôc l'autre de ces pur- gatoires , que les peines du premici Ibnt incomparablement plus douce plus efficaces ôc plus utiles que cel- les de l'autre.
Elles font plus douces , parce que la Juftice de Dieu s'y exerce avec un plus grand mélange de mifericorde , ôc que Dieu proportionne les peines à la foiblelFe des hommes , qu'il en tempère la rigueur fuivant la force de la créature qu'il veut punir & pu- rifier. Elles font plus efficaces , parce- qu'on y latisfait a de grandes dettes , par beaucoup moins de foufftances. Elles font plus utiles , parce que les maux de cette vie , en fatisfailant à la Juftice de Dieu pour nos péchez , font en même temps des remèdes Ôc des prefervatifs qui gueriiïènt nos paffions , ôc qui nous prefervent de l'Enfer, comme nous le dirons ci- aprés ; au lieu que les fouffrances de l'autre vie n'ont point ce dernier effet , puisqu'elles nettoyent iimple- mentl'ame des loiiillures qui la ren- dent incapable de joiiir de Dieu.
IKVERS SOY-MEMF. rit
Toutes fortes de raiions nous o- bligent donc à choifir plutôt les maux de ce monde , que ceux de l'autre. Cependant la delicateiïe des hommes ell fi grande , que fi la cho- fe étoit entièrement a leur choix , ils ceferveroient tout ce qu'il y a àlouf- frir pour l'aun'e vie , & le referve- roient celle-ci pour joiiir tranquil- lement des créatures. Mais comme cette diipofition les conduiroit plu- tôt à l'Enfer qu'au Purgitoire de l'autre vie , Dieu n'a pas voulu que ce choix dépendît de leur volonté -y il a rendu le purgatoire de cette vie necelfaire & inévitable à tous les hommes , & il leur a alTîgné à tous une certaine melure de foufïrances , pour commencer au moins leur puri- fication dans ce monde , afin de l'a- chever ôc de la confommer en l'autre^ Plus cette melure de loufiTrances eft grande , Se plus Dieu traite favo- rablement ceux à qui il la defi;ine , s'ils en fçavent bien ufer , de s'ils entrent dans les vues pour lefqusUes Dieu leur envoyé ces afflictions.
Voilà la loy du falut des hommes établie par la Sagelfe 2c la Juftice àz
ïil De la Charité* Dieu. Il n'eft point queftion d'en appcllcr , ni de chercher un autre voye ; ce feroit une infolence &c une témérité fans pareille : car outre que tout ce que nous ferions pour éviter êc pour éloigner de nous les maux que la Providence nous a deflinez , feroit abfolument inutile ^ puifque ces maux ont été ainfi ordonnez par les décrets ôc par la volonté du Très- haut j tous nos efforts ne ferviroienc qu'à nous rendre infruélueux & inu- tile ce confeil de la mifericorde de Dieu , qui nous les envoyé pour nôtre falut ôc nôtre juftifîcation.
C'eft pour nous ôter la mauvaife eA perance dont nous pourrions nous flatter , de nous pouvoir fouftraire aux maux qui nous font deftinez , que Dieu nous a avertis par les hcri- TU<relUt auté tures , cjnil châtie ceux quii mme , & i^mnemfilmm qH il frappe de ver ces tous ceux au il
qnem recipit. Ne' . ^ ' ; j*^^ ^ t,'
te fine flageiio refoit dH nombre de je s cnfans, rrepa- fperes futurum, ^ez-vous doiic , dit S. Au^uftin , à
nlî force cogicas ^ t a •' r i '^ a
cxhxredari fia- ctre chatic , il VOUS voulez cttc reçu geiiatomnemfi- jg Dieu. Comment prétendez-vous
liumqucm reci- . , , | i <-•
pit. ica ne om- cttc exceptc de cette loy générale?!)! nem ; \jbi te vo- yQ^jg ^j-^g excepté du châtiment ,
lebas ablcondc- ,- ••■ / , i j r
re ? omnem : & VOUS Icrcz cxccptc du iiombrc dc les Duiius exceptas, enfaus. En
4!NVERS SOY-MEME, ïl^
'• "Lw efi-ct , l'iiiftoire de TEglife n'eft "^//^« ^'"^ ^^ - -qu'un tiilu concinusl d'afriictions & ?>/: ,1. de maux. La peiTecution a com- Ponofî ipOi-î menœ par Abel , oc iinira par le der- imc prim^ ra- nier juile. Elle a particulièrement ^'^^.*'^°'^-J''^^^-' ^clace dans le chei: des juiles , & dans gnare noiuic , la fourcc même de toute Tuftice , f ^.^= ^^^^^"= qui eic Jeius-Chiiit L orare ae quod deorfin Dieu a été, dit S. Aueuftin , que ^;-^'^* ^^.^'^p=^ leXus-Chriil n'eievàt dans le ciel le viami quUau- îorps qu-il a pris fur la terre , que par f;,",!,,'";':,'". la voye de la tnDulation : commeat luo ma^is h les membres oferoient-iis donc efpe- ^°^_^ '^nq/^c- r€r d'être plus heureux que leur chef? gofpeiemusme-. Ne cherchons pas un meilleur che- ;'^';^ ;,X V,- min que le hen : Marchons par ce- "his, quà du.dc uy qu:l a fraye, & par lequel il ^,^,.^,^g^^ nous veut conduire. Car fi nous «j^s aherraveri- nous écartons de la voye , nous pe- j^^j'^îf."''^'*^ rirons.
Jefus-Chiift tout entier , c'eft-à- dire, le chef 6c les membres , fera élevé cà la gloire par la même voye , c'eft-a-dire , parcelle des ioufrran- ces. Chaque portion de ce corps niyftique en doit foufïrir une cer- xaine partie quiluy eR- deftinée j ain-= Ti , ce feroit une extrême injuilicc <de vouloir avoir part aux avaina^ 'I ome IL li
IÏ4 E)e l'A Chari tï*
gcs de ce corps , & de ne la voulofi pas avoir aux mêmes conditions que li:s autres membres.
Z>. Ne paroît-il pas que cette di- ilribution des maux & des foufiran- ^es de cette vie , fe fait lans rede & -lans equte ?
^. Nullement ; elle fe fait au con* -traire avec une fouverame Juftice, parce que c*eft Dieu luy-meme qui en eft le diftributeur , & qu'il n'en donne jamais à chac|ue membre , que ce que fa Sagclle Ôc fa. Juftice luy en ordonnent. Que tous les hommes Sc tous les démons s'unillènt enlemble; ils ne Icauroient fure foufFiir à au- 'Cun membre de J.C. que ce qui luy elt ordonné par la Juftice de Dieu. Ce ne font pas les Juifs qui ont pre- jparé & réglé le calice que Jcfus- ■Chrift a bù ; c'eft le Père Etjrnel luy-meme: c'eftauiîî le même Père Eternel qui ordonne nôtre part à ce -'Calice, & qui nous prépare nôtre :part à fcs foufixances. Les hommes •n'y petivent rien .; ils font limples '^«xecateurs des décrets de Dieu , fans ^^ouvcir y ajouter ni en diminuer la 'ïSBoindre pai tie .; c'eil: pour quoy Je-
ENVERS SOY-MEME, tty
fus-Chrift difoicaS. Pierre : Ne faut. CaiicN-« que:»
• dedu mihi pa-
tl pas cfHe je ho<vc Le calice que mon ^^^ ^ non bibam ^ere ma donné ? *^^|^'^ • ^^"' '*'
L'auteur de nos afïlidions en doit donc êcue en même temps le remè- de , & il devroit fuffire de dire à un Chrétien pour le confoler de tout, que c'eft Dieu qui le fait loufFrir , & que c'efl la Juftice qui Tafflige : maiij il y Faut ajouter premièrement , que Dieu ne l'afllige pas feulement eu Dieu, mais en Père ,& qu'il ne i'ctf- £ige que parPamour qu'il iuy porte: Dint exerce fa mï^crïcoroie enven ceux sicut mifi'-a- qui le cra'anenty comme un Père en- tu-j,aterfiiiosJc vers [es erifans ^ ait le Plalmiiïe. Qu.ii „ù„us ù^^ente^ nous traite donc avec quelle feventé '":'"' J^-'^ ^** il luy plaira , dit b, Auguitin, c eir vuk , pater at ïiôtre père : il efl; vray qu'il nous ^^^ fi^geiiavit
.^.r ;^1 nos, afaixic UDS,
châtie quelquerois , qu il nons at- s^ contiivu no^: fli^e & qu'il nous briie : mais avec ^?^" ^H u ^^'^ tout cela il eit notre père. Si vous ue piora : ujH pleurez donc , mon fils/ousle poids '''''' '^y'^^^;^ des amidlions , pleuiiez comme étant pi^^ iupeib.-ï. -fous la main de vôtre père : Bannif !;^';?TS'^n%--* iez de vous tous les mouvemens de niedicina dt„ ■colère (5^ d'impatience. Ce que vous ft^^^lSin^; fouffiez Se qui vous fait pleurer , eft ^^ ' ^^^'-\ ^^^'' aiue médecine, & non -un fuppHce-; YJm "iiitf^-'?
K ij '
II (j De la Charité*
TPpctlî ab lijerc- ccùi un châtiment , & non pas une
<jitate :Noliat- j ^- XT •
«ndere quam condamncition. Nc uejcujz pas ce pornam hab;as châtiment , fi VOUS ne vouicz être
in hageilo , ùà l j ri • o r j
<iuam locain in exclus dc i héritage 5 & ne confide-
îdtamcato 7" ^^cz pjs tant ce Gue vous iouffrez par
••ce cnacnnent , quv la phice que vous
avez dans le t^ftamcnt de votre
pcre,
sat« anreni Secondement , il y faut ajouter
XiïS Oitenaitur ^ , -,^ ' . ^ •' ,
vcibis , propcer -qu on ne ioufrre rien en ce monde,
lur^lîcerTieîll '^^^ ^'°" ^'^'^^^ mcrité par les péchez, tusjhasheri &c qui ne ioit le remède de ces mê- ^"'^wsTac ™es péchez. Les afflidions , dit iioreicac rnar-cy- faini Auguilin , nc font cnvoyéts rùoptaennxA ^^^ fideles , que parce quils les ont pièiufeencato in méritées par leurs péchez, quoy
irlodeia.iiiasd r- ^'^^ "^^^ memes loutrrances loienc ciplin^.Hoc Ma. la iemeuce de la ^lou-e des Martyrs, ^ arorrnenca ^ ^^^ cc que les Ma-chaoees ont con- hoc tics viii in- fi^ifé dans les plus cruels tourmens , hoc Fro- ^uiii-oien que ceux qui rurent .jettez
Tl'iÂS
jihccjE lanai in ^ans la fûurnaiie de Babylone : c'eà
<apcivicace tef- r i r^ i " r •
-i/arar. jQuira- -eniin ce que les Prophètes ont eniei-
î.euiai pacci. ^né daus la captivité. Car quov
.ntrafoiuiîi.uè qu ils ayent louitert avec une en-
^ viHTi^Tiè per- iiq^q aeneiofité ce châtiment pater-
ï^ei^r, non ta- i i ^r^- l i' 1 ' •
iiicn :accm ii£c nci QC j.)ieu,iis Ont dcclarc neanmoms acncsce mcriio hautement , ou'ii ne leur ecoit rien ^y. r^, arnye^qu ils n euiient mente par leurs
ÎNVERS SOY-MEMT.. ÏI?
racliez. klus-Chiift a été le fcul . ^'^Y' f^^""'^"^ qui a loLifleit comme innocent ; au- & non exaudu'i- cun des auties ne peut s'attnbuer ce ;-; ^^^^^turf.! privilee'e.. piei-niâm . . ut
Tioiliémemem , il y faut ajouter --',''S- ho?» <]ue cette punition eft en même Deuni_, & nibu- temps un remède ialutaire àQ nos '^^^^^^l]''^^^^^^^ paiïions , & de nos playes inte- Ce ad faïutem ,
/^ pmo.- i_ 11' ^ non roenam ad
rieures. Car i aiiJiction humilie lame aamnadonem. fous la main de Dieu ; elle iuv fait submedicamen- £onnoitre iimpuiiiance de 1 nomme ^^^^ ç^^^^'^
non
par luy-même , &c la puiilance de audu medicus
V>.. 11 1 1' j 1 • ^ ad v^luncarem a
Dieu ; elle la détourne des objets f.^ audk ad fa, qui relèvent , Se l'applique a ceux nkatem. i« rf. •qui la rabaiiîent , qui iont les pe- ^i^ eu ad in- chez ôc Ion néant : Elle la détache teikaum non
1 , o \ r ■ r • exaudies; ià eir^
•du monde , ce, la tait alpirer au re- me non exaudies -pos de Taurre vie. Sans cela Tame ^'^^^"■'po'^^^^^^
^, , . , ■ n ut incelligam a
5 attacheroit a -cette vie, eiiey met- te detideranda iroitfa paix & fon bonheur , &c el- fempuema. Non
, , ' , . . ergo leLinqu-it
le ne cJi^n-cheroit point une autre pa- Deus.&cum vi- trie. Dieu Iuv ôte donc des dcfus , ^^^,^'^^^^'^^'^"^-'
yy r ^ ■ ■ r tolhc qu3d ma-
<iont eue teroit un mauvais uiage, le deiidcrafti, &: àc il luy apprend ce qu'elle doit de- docer qmd de-
/ , I i -1 ^ béas bene deli-
îirer. S il nous envoyoit toujours des derare. Sienim
profperitez, fi nous étions toûiours ff,'^'?^*^ ?^"^ ^
r r ' i -^ ilïis pro>pcncaci-.
-dans l'acondaïKe de toutes choies , bus laveiec no- ii nous n avions point d'afflicftions ^^^~^ ^^^omnï^
r ^ noois abunaa-
6 de maux dans ce temps . de no- veiit^ ivaiiâm.cis
Tï8 De lA Charité*
•In tempore ifto ^^^ mortalité ; iious crqjfions faci- niorcaiicatis no- lement , ouc c cft la ce bien fouve-
ItidE Cil lulacij- :J^. - , , ^ .
neii,niiias f-^iH quc Dieu reiervc a les lervi- prciiarasjAn^u- ceurs , ôc iious n'afpirerions pas à mui , non dicc- uiic piLis grande telicite. C eft ce qui
cQ'"ranima'^bo ^^"^^'S" ^^^^ '^ mêler l'amertume naqui prxftat des affliftions , a la douceur dange- Dca, ler/is fuis, ^.ç^fg ^g ccttc vic , Dour nous por-
o:,mjj3:a ab illo ^ ' r i
non dcà leiare. t jr a en délirer un j autre , dont la
hmcyK^maie^^^^^^^^^" nait tien que de falutaire. duici mifcec a- Outrc ccla, Ics afflicftîons font fen- tZ:^:t "-^ '^ l'ange qu'elle étoir attachée alla qu2 fakibri aux biens temporels , &c luy ap-
.to"?. "" P^^'?"^'" <^« plus, quelle étok la 4J. nijlure de Ton attachée Car lame
înfirmainhac S attache inieniibiement a une mn- vitâ qu^ric fibi nité de chofes de la terre , fans le Wrequiefca: . . içavoif, & C eit pat la privation de c . . & qaodam ccs chofcs que Tame reconnoît qu'el- quadain iccum- 1^ Y ctoit ettectivement liée. Oriat- bac, veiuûfunc fliàion fert à l'en désaxer: cVft ua _gunc&innocen. pi^elloiï q^i lepaïc d elle les delirs tes... ivd ta- ch:ii-iiels , &: qui n'y laiife rien que
nien Dcus vo- j lens nos amoié de pUI, -nonhabere ^ niCi vitï SEtenxï , Se iftis veliit innocentibus deleiTtationibus mifcct âma- litadines^ uc Se in his paciainur tiibalaciones , & univerfum ftia- -tumnoftrum vercic in inftriuicate noftrâ. Non crgo conqaeraïur quando in hisqu£ innocenter ha^ec , paticur aliquis tilDalaric- «ï\es ; docetai 2:iiare m:Iîoia per aiiaiitudinem inferi-^ruiu , ne viator teniens ad patiiâ.ii ^ ftabuiuai amct pro doaio fui. la
ENVERS SOY-Mtî.rE, tT^
La fenfibilité même que l'ame é= ;j)rouve dans les afflidfcions , eft une -maïquc évidente du beloin qu'elle -en a : car fi nous n'avions point d'at- *tache , la plûpait des maux nous le- roient entièrement inlcnfibles. La perce des biens , par exemple , ne =nous leroit rien , fi nous n'aimions point les biens du monde: on ne
-ieroit point touché du mépris & des -outrages , fi l'on ne fe plailoit point ' 'dans les honneurs &c dans l'eftime -des hommes : on ne fe plaindroit point d'être rabaiiîe , fi on n'aimoit point l'élévation. S'il s'élève donc
-dans l'ame des fentimens contraires •^ui l'ai^igent , ce lont des marques de la maladie : aiiifi une ame en cet •état eft obligée de remercier Dieu -de ce qu'il travaille à la délivrer de
«cette attache funefte. Joint à cela
-->que les moyens dont Dieu Ce [eu pour ia guerilon , ne luy paroillent durs , que parce qu'elle eft maladCc
•"^ar enhn , il n'y a rien de plus vray que cette maxrme de fiaint Auguftin ; Il n'y a point de peine Non cnîm eft
*dans la privation , s'il n'y a point de '^ carendodiffi.
^ • j- / 1 1 1^ m ' cukas, nifî cura.
>cuj>idite dans ia poiieliion. eitin h^bcndo
110 De 1 A C H A»R î T e'
f.a.ip\àkis.^u£. ivTq^5 croyons iouvcnt, dit le même
i.f.c li A cre dans un autre lieu , n'aimer
Homo qui point les biens que nous avons pcn-
prorpciis rébus '■, i ■»' i ^
profîcir, afpcris Q^nt que nous les polledons ; mais -^md piotcceiic fj j-jQ^g veHons à en être privez ,
niin mutahiim nous reconnoilions ce que nous lom- bonoiLim adeil ^-^^^ efFcclivement.Car il n'y a que ce
copia , non cis -, , ^ , ^ ^
confiait , led que nous policrdons lans attache, dont cum fubnahun. ^^qus lovons privez faus douleur.
tur , agnolcic tj n / iF- ■ n i 1
uciura cum non il elt Qoiic bien juite quc dans les ccepetinr. Q^iia affligions nous lailTions faire Dieu,'
plerumq.ie cum ^ ' "
adfunc nobis , ôv: quc nous nous regardions entre les putamusqaod mains comiiie uu malade ciitrc Ics
non ea aili?,?-- . ,j
mus^fedcum Hiains d uu medeciu qui nous veut abefie ccrpe.inr^ mjerlr. îl ne faut poiiit appréhender
invenmius quid '^ ,,, -t ^ i i
/îmus. Hoc e- qu il coupe les parties laines , au lieu
nhn fiae amoie .Jg CellcS qUl font pOUlTieS : il COll- -îioltro aueiat^ ^ i i '
-quod fine do- iioit à fouds lîos maladies & nos ul- ^ ^^^^^^u^'l'.'^.^Çrcs:, ôc comme il eft iautrur de Plane commit- notre iiature , il connoît ce qui Scin«n",ron-eft^ie fon ouvragc, & ce qui nm enimenat, ut cft pas. L homme Cil ianté n'a pas urfe'cct^rnowt ^nteiiclu le régime , ôc l'ordre que -qaod infpicir , le Mcdeciu de iios ames kiyapiei-'
tiovit vitium , • p '^ L - J 1
quiaipfefecu ^rit pour i cmpech^r ^ de tomber:^ nacuran ; quid puïfqu'il eft malade, qu'il écoute doiic
ipfe condidit , /- i o r ■
qtiid de nofirra l^s ordonîiances , OC la voix, pour au cupidicateaccef- moins le relcvcr de recouvrer la iaiité.
.llt.diiceruic. Scit .-^ ■ • / ' ru ■ r- •
Xe fano homini Q^uncmement , les anliCtiojis ne
ibiit
tKVERS SOY-MEÎvîS. îlt
font pas de fimpies remèdes pour pr^ceptum de.
. ^ Il r rr \ -^i^e, ne languo-
guerir nos maux , elles lonE aulii le r^.^ incurteiec , iiioyen pour acquérir les véritables 'f^^'^'^^^'^ '^^3,-1-
1 . •' _^A. -■• I . duca. Se hoc no-
biens. Dieu veut que nous achetions i-. Non audim le Ciel : & les afflidions qu il nous ^^'^"^ '^'^-'
r y -A praecfprun, uc
envoyé en lont le prix. Comment noa caderee ; nous pouvons-nous donc plaindre de audiac vei sgro.
A , / eus. Ut iurj-ac.
ce que Dieu nous aonne de quoy ac- /» py. 1^0. quérir cet ineftimable bien?
Avec combien de maux & de peines ie procure-t-on fur la terre les avan- tages de la vie? Que ne fait- on poiiit pour conferver une fanté foible Se peridàble , qu'un rien ébranle & dé- truit ? Que ne donneroit-on point pour retarder de quelque temps la mort , que tous les hommes fçavent •qui leur efl: certaine ? Quelles démar- ches ne fait-on pas pour avoir des honneurs, qui iontlaplûpart du temps inccpmmodes , & dont on fera bien- tôt privé ? Que ne fiiic-on point pour acquérir des richelfes , qui nous fe^ ront ravies par la mort? Et cepen- ' . ^iant les hommes ne s'en plai- gnent pas ; ils loufFrent avec des fa^ tigues laborieufes dans la voye du fîecle, des peines très-dures & tres- fteriles j & leur lâcheté leur fait ap- Tçme IL L
111 De LA Charité' pL-chendcr de fouffrir dans la voye de Dieu d'^s travaux beaiicoiip moin- dres , ôç qui lont neannionis iliivis d'une récompenfc beaucoup plus grande.
D, D'où vient l'impatience d.js hommes , a l'cgard des peines de la vie Chrétienne, & des maux que Dieu leur envoyé ?
R. Elle naît de plulieurs erreurs , dont l'efprit cft prévenu , Se que que les lumières de la foy devroieat néanmoins dijîiper.
i". De ce que l'on ne connoît point ailcz l'énormité des péchez , Se de ce que l'on neû. pas allez per- fuadé que nos moindres fautes me- ntent tous les maux de cette vie ; car il l'on lentoit un peu vivement le poids de fes péchez , on trouve^ roit que Dieu nous traite coû^urs avec une très - grande mifencorr- de , &c l'on embraiïeroit avec joye les maux que fa juflice nous en- voyé , comme n'ayant aucune pro- portion avec nos péchez , & nous donnant un moyen favorable pour y iatisfaire. . 2°, De ce que l'on ne conçoit pas
ENVERS SOY-MEMjS. îij
ifîoz combien les, prolpcritez font plus dangeueuics à. Tame que les idverlitez , combien elles i'iiveu- ^lent , combien elles l'attachent au. aïonde , combien elles la remplil-- .ent de conhance en elle-même , :ombien enhn elles l'éloicrnent de la voye de Dieu. Car ii l'on étoit bien pénétré de ces veritez, on le réjoiiiioit de ce que Djcu i^ous con- duit par la voye des adverfitez , ëc 3n les recevroit de ia main avec re- connoi [lance & avec joye.
3°. De ce que Ton n'a pas aiTcz dans l'eCprit que les proiperitez du monde iont iouvent le plus grand stlet de la colère de Dieu lur les hommes , parce qu'elles peuvent 3tre des marques que Dieu récom- peniant en cette vie ceux à qui il (es envoyé , ne leur reierve que des châtimens pour l'autre ; & qu'au contraires les affliâ:ions font les plus jrrandes marques de Ton amour , puiique Dieu les envoyé pour pu- rifier l'ame dés ce monde , ik pour n'avoir qu'à la récompenier en l'au- tre.
4^\ Cette impatience des hom-
L
t24 Delà Ch ar r t ê* mes dans les afflictions , vient auiîi des fauffes idées que Ton le forme de ce qu'on appelle afflic- tions; car on les augmente fou- vent par Timagination, beaucoup au- delà de qu'elles lont en effet.
D, Quelle ell l'idée que nous de- vons nous former des afîlidlions ? . E, 1°. Tout ce qui ne nous pri- ve que des chofes dont nous de- vrions nous priver nous-même , doit être conté pour rien : & ce- pendant au contraire , dans les af- flictions que nous caule la perte des biens temporels , on en conte la privation- pour beaucoup.
2°. Tout ce qui nous met dans un état plus heureux que celuy où nous étions 5 ne nous peut être lenfible , que parce que nous fommes dérai- Ibnnables. Or toutes les dif^races, par exemple , qui éloignent un homme de la Cour ou des emplois , ^ le reduifent à la vie privée , font de ce genre. Car l'état d'une vie privée & fans employ , eft beaucoup plus favorable que celuy des em- plois , non feulement pour le fa- iut , mais pour le bonheur même
IMVERS SOY-MEME. Ilj
de la vie,fi Ton efl: délivré d/ambicion.
3°. Tous les maux d'opinion , n'ont aufîi de fondement que dans Ter- reur de nôtre imagination 5 tel efl, par exemple, le fentiment qu'on a des calomnies , des mépris &: des outrages , or on en eft délivré fu tôt que Tame n'eft plus alTujettis aux illufions. Les ioufFrances mê- mes qui femblent plus réelles , re- çoivent de l'imagination une grande partie de ce qu'elles ont de terri- ble. On juge de Ton afïliétion , non feulement par la réalité de fon mal, mais encore par les idées affreuies que les autres en ont.
4®. On s'imagine que le mal doit toujours durer , & que Ton y az- tache en quelque forte l'idée d'uns miiere éternelle. ,Cepen4ant la plû^ part des maux tïo^it qu'un couif Çalfager , ôc quelques longs qu'ils îoient, ils ne durent qu'autant que la vie , qui n'eft jamais longue ; tout ce qu'ils peuvent faire 5 eit dp nous conduire à la mort , où l'on arrive louvei:^t auiîî promptement par la prolperité. Mais il y a cet -avantage îy:es-grand dans l'adverfité , qu'en
L iij
Il5 De LA C H A R 1 t F/
nous conduifant^ h mort , elle noui y prépare en nous dégoilranc du monde, de de 1a' vie ; & elle nous donne lieu de plus, par lé bon u'àge que nous- en pouvons faire, de moins craindre ce qui fuit la moit : au lieu que la prelrericé attache Tame à la vie, en lorte qu'elle rend la mort plus terrible, «Se qu'elle fert d'obftacle par elle-même a s'y préparer. Cepen- dant la bonne-mort eft une chofe il importante , que ce qui eft plus fa- vorable pour bien mourir , eft fàtis doute ablolument meilleur que ce qui l'eft moins. '^
5^. Enfin , on ne feroit jamais ab- batu par tes afflidions , fi on avoit une idée bien vive de la gloire éter- nelle que nous elpcrons : ce grand objet feroit difparoître aux yeux de nôtre efprit tous les maux du mon- de , ôc nous nous tiendrions heu- reux de pouvait acheter ce bon- heur immenfe 6>c éternel, au prix des foufFrances fi courtes & fi légè- res. Quand ces maux feroient infi- niment plus grands Se plus longs qu'ils ne font , que feroient-ils en comparaifon de cette éternité de gloire >
i]?îyERS soY-iviEME. 127
Article. II.
l)c ce qiion doit filtre mi tcrrifS' de VaffliLvio'/z,
D.Y a-t-il quelque chofe de parti-' eulier à faire au temps de l'afflidion? . R, Le temps de raffliârionell:, com- me nous avons dit ci-dcvarit , le temps de fe nourrir des vericez- dont on a faitproviiion par avance, afin de foutenir l'effort ^ Tropref- iion que Tafflidion fait fur Telprit, On y doit néanmoins ajouter cer- tains exercices particuliers pour ren- dre ces veritez plus utiles.
Z>. Quels fant ces exercices ?
R, i^ Il faut entrer dans un efprit ^^î;^tS/;j,;, de recueillement ^ de prière. C'efl Uas negotium
kr •\ \ r • A n- -m efl in tribulatio-
conieii de lamt Augulhn. Nous ,^j^ ^^^^ ^^^^_
ne fcaurians , dit-il , rien faire de d^re ab eo ftie-
1 ' 1-1 1 pieu qui foris cft
plus arand m de plus avantac^eux ^ -^,^;^ i^^,,io. dans la tribulation , que de 'T'ous r^ mcmis feci-c-
1 loi j tia ; ibi- Deuru
retu-erdu tumulte,. & de rentrer dans invocare, ubi le lecret de nôtre cœur , pour in- i^^-'^^ "^'^^^^ ge- voquer Dieu dans cette retraite , ou vcnientcm ; iù perfonne n'ell: témoin de nos cre- Huî cubicuii ad- îriiilemens^.ni au iecours que nous exuiniecos iiia^
L iii}
îi8 De LA Ch A Tl I T E*
ram molefliam obtcnoiis par cc movcii : il faut 5 die humiiiare ûipfû ^^ mcmc Pcrc , termcT la porte a inconfeflione l'imprclTioii dcs maux extérieurs,
pcccan . ma- ^ ^ L T
gniricare &: lau- ^ wows humili^r noiis - iiiemes , oaieDcum, ôc eii nous coiifefTant pechcurs : il faut comoiantem. glonher c>i loLier Dieu qui nous cha- irorfushoconi- tie & oui Hous piocurc du bien tout
r.imodo tencn- ,^11
dum eit. -^H^. enicmble.
%n ff. ,4. 2°. Il faut entrer dans un aneantif-
fement intérieur , & adorer la puif- fance & la fouveraineté de Dieu , en reconnoilTànt l'impuiflance , la foi- blelïe &c le n^anc de la créature. Car Li fin de Dieu dans les maux qu'il nous envoyé , eft de nous âbailfer , & de nous faire rentrer dans le neanc qui nous convient. C'eft cette difpo- iîtion qui didingue la vertu chrétien- ne de celle des anciens Philolophes, Car les Philofophes tendoient à faire voir la grandeur de leur ame dans la ruïne de leur corps, ou dans la priva- tion des chofes extérieures ; au lieu qu'un chrétien ne tend qu'a recon- noître luy-même fa pauvreté & ion . . , néant dans les châtimens de Dieu, T-s paupcrtacé meâ juis^cLix. le Prophète Jeremie,w;2 homme jn virga indi- ^^/ ^.^/^ quelle e\î ma mlfere , parce gnationis tuae. ^ . -{ ^ / j /.- /
Tireo. i. 1, ^Hf je jiiiS joiis U vcrge de i indigna^ tîon dn Seigneur*
INVERS SOY-MF.ME. 1%^
3*^. Comme les afflictions font des voix de Dieu pour nous aveitir de penler à nous ; il fliuc , quand on s'y trouve, penler à la reformation de fa vie 5 non par un efprit de icrupu- le 5 en s'imaginant que Dieu eft irrité contre nous , pour quelque grand péché. Car fi nous ne le iça- vons pas d'ailleurs , nous ne le de- vons pas juger , par la feule raifon , que Dieu nous a envoyé quelque af- flidtion : mais nous devons fuivre iîmplement l'ordre de la Providence, qui nous met dans une obligation de faire reflexion fur notre vie. C'ed donc le temps d'examiner avec plus de foin fa confcience , ôc de tâcher d'y découvrir ce que notre amour propre nous a peut-être caché, C'eft le temps de former des relolutions plus effectives de nous corrigera de faire pénitence ^ car dans le temps de tribulation , l'ame eft plus difpo- fée & plus préparée aies faire ferieu- fcment , parce qu'elle fent plus vi- vement le befoin qu'elle a de Dieu, Enfin , c'eil le temps ou de retour- ner à Dieu , {i on s'en ell; éloigné ; ou de s'avancer dans la voye de Dieu^
m
î ; o t) E LA Charité* li l'on V mai'choit ti'op lentemcfît : mais il taut prendre garde de ne fon- der point CCS refolucions fur dc5 fraveuis de mélancolie, qui le diiTi- penc facilement j mais lur des veri- rez réelles , que la lumière de Dieu nous découvre.
4°. Le temps de Tafflicftion cil: en- core le temps de s'unir particuliè- rement à Jefus-Chriil: fouff-rant; c'efl }e temps de le prier , de fan(fl:ifier nos fouiîrances par la faintcté des fien- nes , de nous foutenir par fa force , &: de nous donner part aux difpofî- tions d'amour & d'humilité avec lef- c]uelles il a offert les fiennes a Dieu ion Père -y ainfi , il faut le confide- rer comme fouffrant en nous , 6c luy demander pardon de ce que nous re- cevons il mal riiQnneur qu'il nous fait d'avoir quelque part à Ion calice*
5^. Tout mal nous prive d'un bien. La maladie , par exemple , nous pri- ve de la fanté : la pauvreté , des ri^ chciîes y la calomnie ^ de Thonneur r àinfi, le temps de l'afflidion eft le temps de facrifier à Dieu ce bien dont nous lommes privez -, c'efl: le temps de reconnoître que c'ell avec
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ENVERS SOl^-MEMÊ. î;2
juflice qu'il nous en prive ; de le re- mercier de Tufage qu'il nous en a donné : ainfi , il faut luy demander pardon de l'abus que nous en avons pu faire , «Se des attaches que nous y avons eues ; il faut accepter avec re- Connoiiîance cette privation , & luy demander la grâce d'en/aire urï meilleur ulc^cre.
6". Toute privation des biens parti-' culiers dumonde,noas approche de \d privation générale du monde,oiî nous entrerons par la mort , <^' a laquelle nous avons été coiidamnez ; il fauc doue recevoir Taffliclion qui nous ar- rive , comme faiiant partie de cette rgort totale que nous avons méritée: êc comme la bonté de Dieu nous per- met de luy faire un lacrifice de cette peine, il faut la luy ofïrir, pour obte- nir la grâce de luy facrifier le jour de nôtre mort tous les biens du monde, Ôc nôtre vie même. • 7^. Enfin , il faut regarder le temps de raffl'éLion comme un temps pré- cieux,& tâcher d'en profiter. Car il y a Nifi enim nutr^ peu d apparence, comme dit S. Chuy- ç^ n^n^, *ç^^.^_ îoftome, que ceux qui dans ce temps "^'^s, niii nunc u entrent pas dans des lentunens de ^tm, cum adà
î ; c t) E LA Charité' li l'on y mai'choit trop lentemciht ; mais il faut prendre garde de ne fon- der point CCS refoltitions fur dc5 frayeurs de mélancolie, qui fe di(Ti- pent facilement ; mais fur des veri- rez réelles , que la lumière de Dieu nous découvre.
4^. Le temps de l'affliclion eft en- core le temps de s'unir particuliè- rement a Jefus-Chrifl foaffrantj ceft le temps de le prier , de fandlifier nos fouiîrances par la fainteté des Hen- nés j de nous foutenir par fa force , 6c de nous donner part aux difpofi- tions d'amour & dliumilité avec lef- quelles il a offert les fiennes a Dieu fon Père ^ ainfi , il faut le confide- rer comme foufFranc en nous , 6c luy demander pardon de ce que nous re- cevons fi mal rhpnncur qu'il nous fait d'avoir quelque part à Ion calice^
5°. Tout mal nous prive d'un bien. La maladie , par exemple , nous pri- ve de la fanté : la pauvreté , des ri^ cheiîes ; la calomnie , de l'honneur r âinfi, le temps de l'afflidion eft le temps de facrifier à Dieu ce bien dont nous fommes privez -, c'eft le temps de reconnoitre que c'eft avec
1
fNVtRS SOY'-MEMÉ. IZÎ
juftice qu'il nous en prive ; de le re- mercier de 1 ufage qu'il nous en i dojiné : ainfi , il faut luy demander pardon de l'abus que nous en avons pu fciire , 6c des attaches que nous y avons eues j il faut accepter avec re- Connoiiîance cette privation , &" luy demander la grâce d'en/aire urr meilleur ufacre.
6". Toute privation des biens parti- culiers du monde,noas approche de la privation générale du monde,oii nous entrerons par la mort , (k à laquelle nous avons été condamnez • il fauc doue recevoir rafflidliion qui nous ar- rive 5 comme faifant partie de cette i^ort totale que nous avons méritée: & comme la bonté de Dieu nous per- met de luy faire un iacrifice de cette peine, il faut la luy offrir, pour obte- nir la grâce de luy facrifier le jour de nôtre mort tous les biens du monde^ te nôtre vie même.
7*^. Enfin , il faut regarder le temps de raffl""éLion comme un temps pré- cieux,& tâcher d'en profiter, Car il y a Nifî enim numc^ ^ apparence, comme dit S. Cnry- fi j^nc fera'.
îoftome, que ceux qui dans ce temps ^"s niU nunc n entrent pas dans des- ientimens de «jas, cum adi
iji De t a Ch a r I t £*
trîtulatio & je- compondion.y entrent jamais: c'eft
«io unquani in Un tCmpS OU DlCU noUS VllltC ; il hlUt
tompunaionem ^q^c Ic reconnoîtrc , (Se tâcher d'cn- i/^«. 4. ^//;>o/.. trcrdans les tins qu;; Ditua dans cet- '^"'' te vifîte.
-D. Faut-il augmenter les péniten- ces extérieures dans le temps des af- fligions ?
R, Il faut les proportionner à la force de Ton ame & de ion. corps : & comme lame eft particulièrement tentée dans ces occafions d'abbatte- ment &: d'impatience , c'cft un avis qui peut être laintement pratiqué , que d'en diminuer plutôt quelque chofe par une fage condelcendance , que de les augmenter dans ce temps.
Article III.
Ve U trijhfj'e qu'on conçoit de fc% f s chez,.
D, Peut-il y avoir quelque excc$ dans la triftelTe , qui a pour objet Multos audivi les péchez qu'on a commis ? adieipfosdicen- R^ Saint Chryloilomc dit fou vent, îas 'qi^^doTuV? c[ue la triftelfe efl nuiiibie à toute au- ^ccpecunias le- t^e chofc , & qu'elle n'eft bonne qu'à j i^i wii kii • fi'' ce feul ulage , d'effacer les peche« j "
IKVERS SÔY-MEMÎ. I^l
Bc cet ufage nous la doit rendre bien X"° P«cato trî- precieuie , pmlquil ny a rien de ai, &: maximam plus ^rand, que d anéantir le ne. ^i^"^'^' es vo- che. Cependant iaint Paul rait voir /y»,,;, i» adpof^ qu'il peut y avoir de l'excès dans ^Jl'.^. . , cette tnltelle même , puiiqu il avan- pcccaco nata, ça la reconciliation du Corinthien P^'^-^'^"'^"^i"iiis
? n 1 ^-1 r^ per pœnuenciam
inceltueux , de peur quil ne rutmducta. Bona accablé par un excès de triftelTe. ^^^ pœnicencia
1 vere pœnicenti-
bus : convcnif enim peccan:ibus pro peccato luftus. Idlïom. k. de tœntr.
Ne abundancioii trifticià abforbeacur j qui ejufmodi cft. i. ^#g^ 1. 7.
D, En quoy confifie cet ex- cès ?
^. La triftelle conçue pour les pé- chez eft exceffive, 1°. Quand elle éteint l'eiperance de la milericorde de Dieu, & qu'elle porte au defef- poir , comme celle de Judas.
2**. Elle eft excefîîve quand elle ré- duit l'ame al'inadion & à la parelTè; quand elle la remplit de troubles èc de frayeurs , qui n'aboutiilent à rien.
3"*. Elle eft excefïïve quand c'eft l'orgueil qui la produit , & non l'a- mour de Dieu ; de qu'au lieu de s'at- fiiger de fes péchez , parce que Dieu
f54 D.B laCharite* ^11 cft ofTenfc, on s'en afflige à cauu- fe de la honte «Se du rabaiflemcnt qui nous en revient , 6c qu'on vou- droit le cacher à toutes les créatu- res , au lieu de porter humblcuunt l'humiliation , ôc la confuhon de lun pechc.
D, Coninient faut-il dor.c modé- rer ces mouvemens }
'A'. Il les faut modérer en fe per- fuadant fortement que quels que foient nos péchez , la mrlericorde de Dieu, & les mérites de Jefus- Chrifi: lont infiniment plus grands : que Jeius-Chrift le plait a faire é- cLiter fa o-race dans la suerifon des plus profondes bîeliures , &: des ma- ladies Ils phis deielperées ; que la connoiiLmce & le regret qu'il nous en donne , eft déjaun tres-£;rand ef- fet de cette grâce ôc de cette milcri- coide 5 ôc enfin , que pourvu que nous ayons recours a luy avec une iiumble efperance , rien n'eil; plus certain dans la religion Chrétienne que la rcmiiïîon des péchez aux vrais penitens.
Plus ces péchez font grands , par- : ce qu'ils attaquent un" Dieu- plus
I
fNVERS SOY-MEME. îfj'
la rcmilîîon en elt certaine, parce que ce Dieu efl; infiniment mileri^ cordieux. Il faut donc que Tame le nourrilîe en même temps de ce^ deux objets , de la î^randeur de Tes péchez , & de la mifericorde infinie de Dieu, Euis les feparer jamais i il fciut qu'elle envilage la grandeur de Ces péchez , pour les detefter j & la grandeur de la bonté de Dieu , pour ^n efperer le pardon. L'une de ces deux vues fans Tautre , eft dange- :eufe ; parce que Tune peut porter lu defeipoir , de l'autre à la pre-- ^omption j mais étant unies, elles Dperent cette pénitence ftabie , qui Drocure le faiut.
D, Doit-on pratiquer la patience k la foumifïion à la volonté de .Oieu même à l'égard de fes péchez k de fes imperfections ?
\R. Il y a dans Dieu deux volontez i l'égard des péchez & des imper- )erfed;ions des hommes ^ l'une, par aquelle il les condamne comme :ontraires à la juftice fouveraine y }ui condamne toute iniquité ; Tau- re, par laquelle il les fouftre pour in plus grand bien. Nous devons
t)(> Delà Cvl am t ê* avoir à l'cgird de nos pcchcz, quel que conformicé avec ces deux forte; de volontez. Nous devons condam- neu nos péchez pour nous confor- mer à la volonté de Dieu confideréc comme juftice. Nous devons le; foufFrir avec patience , parce que Dieu les fouffre ; &: c'eft Là le ref- pe(5t que nous devons a la volonté, par laquelle il les permet. Nous les devons donc condamner d'une vue tranquille , en alliant enfemble la paix du cœur , ôc le regret de les avoir commis. Il en efl: de même du defir que nous devons avoir d'être délivrez de nos défauts ôc de nos imperfedions. Il faut que lame condamne fes foiblelîes , qu'elle s'excite à s'en corriger , qu'elle de- mande à Dieu qu'il l'en délivre, qu'elle pratique tout ce qui y peut contribuer ; mais il faut aufîi qu'el- le évite l'impatience dans fes chû- tes , qu'elle ne s'étonne point de fe voir tomber , & qu'elle attende en paix les retardemens de Dieu. Sonf- suftine fuften. A.^^ /f^ fkfpen fions & les retarde^
Caitioncs Dci • j 1 j
Ecdn, i, mens de Dieu , dit l'Ecriture fiinte. -D. Pourquoy fauc-il attendre en
pai%
ENVERS SOY-MIME. I57
mix ces recardemens', puifque Diea étant prêt de no\is domict .les grâ- ces 5 t't(ï toujours ,par jio^re faute qud nous ne les obtenons pas ? >
R, Quoy que ce foie toujours par notre faute que nous n'obtenons pas les grâces de Dieu , ôc que nous devions . condamnqr ces fautes j néanmoins nous le devons faire fans trouble , de fans im-patience ; parce . que la volonté de Dieu qui doit être ^''' ■. potre règle , condamne cfs troubles & ces impatiences , qui font pour l'ordinaire: des effets de notre or- ' gueil ; & par coniequent ce font des empêchemens a la corre6tion réelle de nos défauts , & à^nôtre avance- ment. Or il eft contre la raifon , ôc contre la volonté de Dieu,que le re- gret de n'avancer pas dans la pieté, nous falfe entrer dans une difpofi- tion qui y apporte un nouvel obfta- cle. Il faut donc qu'une ame vraie- ment éclairée, prenne tous ces trou- bles , & toutes ces impatiences qui luy ôtent la paix, & qui l'empêchent de travailler a Ion avancement, nour des tentations der^nnemi,&:-non pas pour de€ mouvam^ns de Dieu, Ç'eièl Tome II, M
fKO.
i^S De LA Charité' pourquoy les Pères nous oiiC cnCcu gné, que ia vraye pénitence eft mê- lée de joye, &: qu'elle donne ie caL me Se la paix au cœur. Et faint Paul Qu« enim fc- décrivant la tiiftelFe , dit aux Co-
nitcntizm m U- fêle» Dicn , ctlle qui ofcre en enx
tam in vobii o- de faîisf^EI: Oit , d'r/îdi^nat'.ûyî , dç
dcfcnfioncm^fed deur a van^er U crime, D on il s en-.
ftdr„o::;:SSd ^^^ q»= «fe qui na pas ces cff-ets, dçfidedum , ied <Sc qui met lan'e dans le tioublc ^ ?rvta^:"' dans l'abbat:c-ment,.eûimuue,c^ >. C9r. 7. V.7- n eilpaa ieion liieu^ ^ i£f
D^ //ï ^f^^ triéme forte de trife^e, âui f(i cclh que ion en coït dit ^/f/^ de ion fr.cbam j, eu de, P Envie-
T>, Pourquoy traiter en ce lieu: de l'en vie ?
S*-. Parce que c'eft une efpece de tri Ac fie que Ton conçoit du bien temporel ou fpirituel , qui arrive ayi
ifNVERS SOY-MEME. I^^
prochain , qui produit aufîi une joye jialignc du mal qui luy arrive ; parce que la même paiïion qui fait que l'on s'attriil:e du bien du prochain , Fait que l'on fe réjoliit de Ton mal, de de fon rabaifïement.
D. L'envie ne s'attache- 1- elle qu'aux qualitez extérieures & natu-' relies ?
R, Elle s'attache quelquefois aux (jpirituelles , de même à celles qui {ont de pures faveurs de Dieu , en- tant qu'elles élèvent ceux à qui Dieu les donne.
D, Quel eil; la fource de l'envie ?
R. C'eft l'orf^ueil. Car on n'a de la jaloufie du bien des autres , que parce qu'en appréhende que ce bien ne les élevé au-deiîus de nous , ou ne les égale à nous ; c'eft pourquoy l'envie ne s'attache point a ceux à qui on ne peut être comparé, Onn'eft point par exemple, jaloux de ceux qui font morts , ni de ceux qui ne font pas encore nez , parce qu'ils ne nous font aucune concur- rence. ^
D, Quand efl-cc que l'envie eft un péché î
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Hoc qaippc Argocnda ir.ucrogarît diceWi
lient , ce pechc peut que ça ctê la iource d des crimes , qui cil ;nmis par IcsPrêcres «Se . en la perl'onne de ire mine recomim ^ue j^..^^^ ^„j^ e qu'ils le luy ^voient quoa p«t mvi. . cnvic les avcu-la tel- ^^^^ cum..vuiià, clic iulbfia dans leur i/. ««. qu'ils avoicnt contre 6c la mort qu'il luy 1 voit dans la luitc de ... , qud'cnvic cfl ■ us ,;rand$ de i ordres di VI fions qui y ,. Aulli S. Paul la met ^
11 C i ,11C*
ntduRoiau-
cc uiii le doit enten-
' 11' <)uortjin qui ta*
• nui crviiiC la cnaïuc i, impuni , Re-
,, .^ confcqucmttf.
; p'.ut - clic n ctrc point o-/. i . »•.
' ; u it pcchc , quand : voiuncairc. Ccil l'our- m t^ lomrxi.» , )r.| r,n,..> lint a ceux"'*' '^? P'"**:
...: ^ c on peut
140 DelaCharite* R, Quand elle efl volontaire , c efl -dire , quand on confcnt aux mou- vemens d'envie que ronrcifenc, de que l'on agit en les fuivant.
X>. Le pcché d'envie peut- il être grand \
R, Il peut être fî grand , que les Pères nous alfûrent que c'eft le pé- ché du Diable. On ne dit point au boiicuin , quo Diable 5 dit b. Auguitin, vous avez foius Diaboius commis un adultère ou un larcin ;
reus eft,, & in-x- ^ / 1 1 ■*
piabiiitei- reus. VOUS VOUS etes empare de la mai-
furoLtltr ^«'^ '^.'^"^^"y ■■ ™''is on luy dit , qu'a.
ciamnetui,, a- prcs être tombé, il a porté envie à
iff:S':irr ^"r^^- q^^ «oit encore debout : icc-Aïx , viiiam 1 euvie eft donc le péché du Diable , tr^^r!^^ & elle a pour mère la fuperbe; étouf- ti lapfus invidi- fez Cette mcrc , & la fille ne lurvivra
ili. liividentia ï:iabolicuin vi- P^^'
*iumeii:iedha- En fccoud lleu . le Dcché de l'cn-
bet mat rem luâ. • ^ 1^ r 1 » n_
superbia voca- ^^^ P^"^ ^^^^ ^1 grand , que c clt par-
*ur
raacer invi- ticulieremcnt ce queDieuacondam-
dentîs Super- ' - — ^ . . . ^
aenns buper- ^ / j r^ ■■ o ' ' 1 r
bia iiwidosfa ^^^ daiis Cain , OC qui a ete la iource «ù. sutfoca ma- de fa réprobation. Le péché . dit S,
xrenî 3c non e- . n- 1 T-^ • •
liî iiha. ^ A g. Auguitin , dont Dieu reprit particu-
dru./c, cimji. iierement Caïn , a été la trifteife
Hocpeccatam ^^'"^^ coiiçut de ,1a vcrtu d'un autre ,
^^uiè arguit C efLà-dire . de la vertu de fon fre-
<k altîiius boni- ^^ Abel.
INVERS SOY-MEME. Î^Ï
tate , & hoc. fraciiî. Hoc .quippe argucndo inceirog-avît dicensi ^Ihiire csntrtjlalui es ^ (j^ qAu.ri! tonciatt fact^s lH.i? L> v^>dc Ctvit^- Det. c. 7.
Troifiémement , ce péché peut être 11 grand , que c'a été la fource du plus grand des crimes , qui eft le Deïcide commis par les Prêtres & les Pliarifiens en la perfonne de L C. Car Pdate me ne reconnut que ... .^ c'etott par envie cjuils le luy avaient (\\ioà pci- invi. livré : & cette envie les aveuda tel^ 5.'^"! "*ttti'
- ' o lent tu.vci,Aiaitiii,
jement ^ qu'elle juinna dans leur v 'S. «fprit la haine qu'ils avoient contre Jelus-Chriil:, oc la mort qu'il luy ■cauferent. On. voit dans la fuite de l'Hiftoire de l'Eglile , que l'envie eft la lource des plus grands defordres 6c des plus funelles divi/îons qui y foient arrivées. AulTi S, Paul la met Diffcntione», ^ntre les vices qui excluent du Roïau- JJÎ^dito' vobl"* me de Dieu ; ce qui fe doit enten- ^»cuc praedixi ,
j 1 p • • ' • 1 1 ■ ' quoniam qui ta-
dre de 1 envie qui éteint la ciiarite i\ ag^^: ^ Re^ envers le prochain. gnum Dei non
r-. T > • 11"^ • confequentar,
D, L envie peut - elle n être point q^l ^ . xi. péché ?
R, Elle n'efl: point péché , quand -elle n'eft point volontaire, C'cft pour- ec quornodo quoy S. Bernard répondant a ceux ^'^ * ^?° P^^^-.
"* . -^, , . ■'■ -ceie poilum, qui
4^111 demandoient comment on peut hacn pro.icieR.
ij^z De la Charité* tunTidco?si do- avaiiccr dans la vertu , loiTqu'onefB
tes qu-»d invi- r . j» • j
des, icntis, icd i^jetaux mouvemeiis d envie jdit que Bon confcnus. Il OH a dc Li doulcui dc ces mouve-
Pallio eit quan ^ i • ' i i i
doqac lankl.aa , '""ens , on lenc cl k vente le poids de non aciio con- Tcnv e.Uiais quc i'on n\ Gonient pas i
dc.nnaada. >ii> • n rr r
i.- ,j.,. ^^. w 1 envie elt une palJion qui le pourra ^*'"- guérir, mais que ce n'eft pas une
action qui mente d'être condamnée, D, L'envie peut-elle être un pe- tit péché ?
^, Elle peut être un petit péché, ou parce que le chagrin que Ton conçoit du bien du prochain , n'eft pas grand , Sz qu'il eft prelque in- fenfîble, ou parce que l'on y con- fent imparfaitement , ou paice que ce dépit que l'on conçoit , n'a que de petits effets , 5z lubrifie avec un fond de charité, quidifpole l'amc a ren- dre au piochain les devoirs elfentiels. Cependant elle eil: toujours dange- reufe : c'eft toujours un grand iujec de gemiir.'menc , parce que îi l'on n'eft en garde contre cette palTion , elle peut s accroître & s'emparer de lame.
/). En quoy confifte le danger de Fenvie ? jR^ ï^^ En ce qu'elle nous prive de
ENVERS SOY-MEME. ïf)
la part qu-e la charité nous donneiOiC aux biens du prochain ; car il eft cer- tain que Ton y participe loilqu'oii s'en réjou't. La vertu des autres de- vient la iiot e ; nous jeûnons aveG èax , nous ioufi-lons avec eux , nous donnons l'aumône avec eux, ii ces bonnes oeuvres qu'ils pratiquent font le fujet de nôtre joye 6c de nôtre re- connoilfance envers Dieu : & par coniequent nous n'y participons point , quand ces bonnes œuvres nous attriftent. C'eft le fondement de cette belle reele que S. Au^uftin y,^^^^^ ^«*^^ donne a de laintes remmes : Qj^c po;eritA^o>iaU chacun de vous , dit ce Père, falil t^-^ ^^^i"'^^ p^ ce. qu eUc peut ; & ce qu elle ne p .c.ii uaz , fi pourra pas faire par elle-même , elle 1°^^'"'^ '^i^igit,
le f-era par celle qui le peut , li elle non poceft ipù
aime en elle ce qu:^ la ieule inipuif- ^J^^.^^^^^'^t\
Éince Tempêche de faire, ^^ ^>»b*m. f<f,
2°. Non r^ulemenc l'envie nous " '^^
prive de la part que nous aurions
à la vertu' des autres ^rnais elle nous
empêche encore de la voir,de nous en-
édifier, & par confequent de l'imiter. 3". Elle nous ouvre les yeux pour
appercevoir les moindres défauts du-
prochain, elle les. groilit 6c les fait
144 I^E LA Charité* paioîtue grands : louvent même c!i le croit en voir , ôc s'en imagine dans les autres , qu'ils n'ont point cfFedi- vement ; & elle fe fert enfuite de ces défauts, vrais ou faux, comme d'un voile qui l'empêche d'appercevoiç leurs vertus.
4°. C'eft une fource de jugemens téméraires ; parce que la prévention qu'elle caufe dans l'elprit , luy fait tout voir du mauvais coté , de ces jugemens téméraires prcduilent en- luite quantité de médiiances.
5°.C'efl: uns fource de joye maligne dans les rabaiifemens qui arrivenc au prochain , " ôc même dans les fautes qu'il commet. Ainfi , elle prive de tous les avanraj^es de la cha- rité dans les biens & dans les maux, des autres , 5c elle répand un venin qui infecte la plupart des mouve-i mens du cœur, a l'égard de ceux dont on ell jaloux. 7
D, Y a-t-il bien des gens qui ioient: flijets à ce vice.
i?. Il n'y a perfonne qui en fort en- tièrement exempt , parce qu'il ji'y a perionne qui n'ait encore quelque; orgiicil, ôc que ce vice,ei^;eft une;
fuite
ENVERS SOY-MEME. 14^
Kiite neceilaiiC j ainli il eft impor- tant de reconnoîcre devant Dieu qu'on y eil fujet, parce qu'encore que ce vice foit extrêmement com- mun 5 on le le déguife a loy-mê- me , autant que Ton peut. Perionne preique ne voulant avoUer qu'il eft envieux , parce que ce vice tient de la balfelTe , ôc que c'eft mettre en quelque lorte au-delFus de loy, ceux dont on confeiferoit qu'on eft ja- loux. On n'avoue donc l'envie , ni aux autres , ni à loy-même , ni à Dieu même , Ôc l'on tâche de la couvrir fous l'apparence de quel- que mouvement plus honnête. C'eft pourquoy le Sage dit que l'envie e fi Futre^oofllu U pourriture des os , c'elî-a-dire , que '"^^^^^^ ^''*^- ce n'eft point un ulcère extérieur qui foit expoié aux yeux , mais qu'elle fe cache dans les replis du coeur.
Z). Doii vient dites-vous qu'il eft difficile de découvrir l'envie , puif- qu'il eft alfcz facile de leconnoître (i Ton s'attrifte du bien du pro- chain , ôc il l'on fe réjouit de fon mal?
^. C'eft que comme Taveu^le- Tone IL N
m
ï4-^ Delà Chariti* mcnt&: rignoraiice qui icgnentdans la piûpaïc du mon le , font que l'oii y loii^ une infinité de gens qui ne iont pas louables , &: que Ton les iolie même pour des choies qui ne meiitent point detie loiiées. Oi: il peut fort bien arriver , ians que le cœur foit touché d'aucun niouve- ment d'envie , que ces lolianges don- nent quelque chagrin aux pcrlonnes éclairées , parce qu'elles font faul- fes , & que bien loin d'être un bien pour ceux a qui on les donne , elles ne peuvent lervir qu'à les aveugler. Il fe peut faire aufîi que Ton foit por- té à repoulfer ôc à diminuer ces fauf- fes lolianges , parce qu'elles font faulfes , & qu'elles font un mal pour ceux qui les donnent, n'ayant point d'autre louice que leur illullon , ou leur ignorance. Qui en dcmeure- loit-la , il n'y auroit point encore d'envie , puifque l'objet de cette triftelle , & de ce chagrin qu'on ref- fentiroic , fèioit non le bien , mais ie mal du prochain , fçavoir foa aveuglement , qui paroît fouvent autant par ces louanges fans lumiè- res de Uns vericé, que par aucun
tNVERS SOY-m|kmE. I47
a^utre figue. Mais il arrive tres-fou- vent cjue ces mouvemens ionr fort équivoques j ôc en même temps qu'on s'imagine n'avoir du chagrin que de la faulîèté, ôc de rinjullicc des loiianges , on en a louvenc de ce que par là le prochain eft relevé, , ôc que l'on en eft rabaifïe ; outre , qu'il arrive quelquefois que l'on ne trouve irauiîes les loiianges qu'on donne aux autres , que parce que nôtre jalouhe nous fait voir leurs défauts plus grands qu'ils ne font , ôc nous empêche de voir leurs vertus ôc leurs bonnes qualitez. Ainii quand on apperçoit en foy ces mouvemens que j ay appeliez équi- voques ; c'eil-à-dire, ces chagrins dans les loiianges du prochain , ôc - ces fentimens de joye dans les mau- vais luccés qui luy arrivent, ce font de grands f-ijets de gémir devant Dieu, Ôc de luy demander ia lu- mière pour fonder le fond de fon cœur , ôc pour y découvrir s'il n'y a point quelque jaloufie fecrette qui produife ces fentimens.
Sur tout il faut être extrêmement retenu a s'oppofer aux louanges
N ij
14^ De la Charité' cju'on donne aux autres : car louvent, quoyquc ces lolianges ioicnt faullcs, elles peuvent être utiles à ceux qui les donnent , de elles difpolent ceux qui les écoutent , à avoir créance aux perfonnes a qui on les donne , en plufieurs choies oii il eil bon qu'elles en ayent. Outre que l'on paroît ordinairement malin & envieux en s'y oppofant , &c qu'ainli on fcandaliie le prochain.
D. De quels prefervatifs fe doit-on donc iervir- contre l'envie ?
^. Quand on connoît clairement que les mouvemens que Ton relient, font des mouvemens d'envie, il y faut refifter comme aux autres mau- vais mouvemens : C'efl-a-dire , qu'il les faut delavoUer , ôc en gémir de- vant Dieu , lorlque l'on les recon- noît. Et lorfqu'ils nous font lim- plement fufpects , il en faut fuf- pendre les effets extérieurs , ôc n'a- gir point que Ton n*ait un motif jufte & neceifaire qui nous falfe agir. Mais pour prévenir tous ces mauvais mouvemens , il faut tâ^ cher d'attirer par Tes prières l'efpric de chanté ôc d'humilité. Car corn»
EJïVERS SOY-MEME* 1^9
me rorgueil eft la fource de Tenvie, ôc quec'ellce quifaic qu'on s'atcrifte des biens , &€ qu'on le réjouit des maux des auties, Thumilité ôc la charité en font le remède ; parce .que rhumilité , fait que nous ai- mons d^être au-delfous du prochain, ôc que nous trouvons nôtre avantage en cette place , 6c que la chanté nous fait réjoiiir (încerement de ion. véritable bien. Que s'il arrive qu'on ait fujet de croire que certains biens humains , 3c certaines élévations ne foient pas des biens pour le pro- chain , on pourra alors s'en attrifter fans pécher , parce qiî'on ne s'attriftera que du mal , de du pré- judice qu'il en reçoit. Il n'y a donc prefque que le fond du cœur qui diftin^ue ces mouvemens : de com^ me ce fond du cœur nous eft incon- nu 5 l'envie, quelque ordinaire qu'elle foit ^ nous eft allez ordinaire- ment peu connue , & ne peut foo- vent être que l'objet de nôtre craia-»-
te 3c de nos gemiffemens.
N iij
i^o De la Chariti'
CHAPITRE VII.
De la- coUre. TjC^ rtmiàes que ifi PhîlojopiJie Payerrac ^ tâ- ché d'y apporter. Avantages de la Religion chrétic/jne \ur la Philofophie humaine tri' ce point*
D. /^U'eft-ce que la colère ?
V^ R, C'eft un foulevement de l'am^ contre la perfonne donc on croit avoir reçu quelque injure ou quelque déplaihr , qui porte à luy defirer du mal , & à luy en; faire fi Ton peut.
D, La Philofophie humaine n'a-t- elle pas eu grand foin de remédier à k colère ?
R, Comme cette paiïîon a de tres-niauvais effets ; qu'elle trouble la raifon , qu'elle fait fortir l'ame de (on afîiecte naturelle , qu'elle luy caufc des trani ports , des con- vull'ions , (3c une eipece de fureur ; quelle la poulij a toutes fortes
£NVERS SOY-MEMF. I^î
;:l'exccs^ qu'elle ruïnc foiivent les familles c\: les états -, la iagelïe hu- maine a toujours crû qu'il étoit très- important de porter les hommes non feulement à reprimer fès mou- vemens , mais aufîî à les étouffer » s'il étoit pollible. jO. Comment s V eii-elleprife > - vi^e Sente, ic 3?. Elle a tâché de donner de fhor-' ^•'' '• '' '' reur de cette paiîion , par l'état oii elle met le corps , & par les mar- ques extérieures de déreglemenc qu'elle y imprime. Car il n'y a point de paiïlon dont l'unage foit plus ca- pable de caufer de l'aver ilon : les autres ont quelque chofe d'atti- rant & de trompeur 5 mais la colère n'a rien qu^ d'adieux & de terri- ble. Elle nous a propofe en fuite di- vers exemples dès excès où la co- hïQ a porté les hommes , ^ prin- cipalement les Princes : elle a en- fi-iice oppolé d'autres exemples de modération ^ de douceur , capa- bles d'attirer à l'amour de ces ver- tus ; & enfin elle a donné quelques remèdes , (o\z pour reprimer la ce- • 1ère quand elle efl: née , foit pouc Te m pécher de naître.
N iiij
lyi De la Charité*
D. Quels font ces remèdes ? rlurimumprr- ^^ i"^ C'cft par exemple , den'ac-
«crit paeros fta- a -^i r ^ ' i
tim fàiubriter coucumcr pas les eiiraiis a une eau- niftitui , nihii catioH mollc , Cil leur accordant
niagr» racit ira- >-i i
cundos, quam tout cc qu ils veuleiit j parce que
cducacio mollis ^[q,-, jjj- Sen-que , ne contribue
&: blanda , non , • , r ■ i o •
xciiftic ofFenfisj pius a les tairc colères ec mipa-
<ui nihil unquâ fipi-ic
/. 1. c. zi. i'^. Dev]cer les loupçons , <x -de
Qiud, (]uod ^-jg iu^er pas aifément qu'on nous
non cruninacio- » r • • i
lîibas tantum , ait voulu faire injure ; de ne nous k!î1 Z'^^^ir^^^" mettre pas au moins en colère, avant ^ ex vuica , ri- quc d en avou' examnie le lujet j de
jSrer^rerart P^^^^^^^ ^'^^ ^'°^^ P^^^ toûjours puuir
innoccniiijus i- ceux doHt OU aura différé la puni-
cva fc caufa ab- que ccux qu'oH aura punis injafte-
Fcnfo ira rcti- ^'^^^^^^ ' lie 1 aycnt CtC. ncnda. Poteft 3°. D'éviter le luxe & la delica- ta cxigi noQ celle 5 & de S accoutumer a n être poccft ciaOarc- pas fenfibles au petites choies , afin
vocari. ibid. c, p r • V 1
a;. que 1 elprit ne lente que les coups
Nulla fcï ma- qui feront pefans.
gis iraciindiain o t\ r T • J T
aiit , quam la- 4 • ^^ ^^ louveiiir de les propres xuria inccmpc fautes , & dc fes propres déRiuts ,
ransôc iiupaciés; r ^yr. -ri • t 1
dure tradiadas ^'^^'^ d être par ce motit plus mduU aniniLis eft, ut crent au défauts èc aux fautes des
ictum non fcn- ^ a ^ r \- - r
tiacnifigravem. autres j ^ de le dire a loy-meme, '•"^- jav fait la même faute en telle &z
Koc primo ne- ■' ,-', .-
bis iuadeamus t^Ue OCCallOU.
ENVERS SOY-MEME. I53
^*. De différer autant qu'on peut "^"^^^^^-^^ ^^*
s f- I -^ ^ 1 ItiUiU elle nne
a le mettre en colère , parce que le cuipâ, poceft erand remède de la colère eil: le non ftaum iraf-
«-^ - , Cl , Il libi ad im-
retardement. De ne conaamner pas guia quibus af- les orens , & principalement les a- {^n^iiturdixeric, mis lur le champ, ce lur des rap- mifi. zi» . re- ports fans preuve , & lans leur ^^^^^^'^^^^ 5e-
■i . ,i,. 1 r ' / ^ meamm eit irae
avoir donne lieu de le c. étendre , mcra ... gra- puifqu'on ne voudroit pas jucrer ain- ^^^ ^^"^^ ^^']^^'
ri _ £.- • ' "^ tuspnmos. To.
Il de la moindre afi-aire. tavinceairdum
6^, D'exculer autant qu'on peut ^''■'"^"^ .^-"^^P^-
, ^ i I cur. c. :a
celuy qui nous ofi-enle , «Se de trou- De parvuia lu* ver en nous des lailons de ne nous fl^ J-^-ie^t^iro
tibi les fine celte
mettre pas en colère, C'eft un en- non probaiecur, fane , difent les PlHlofophes ,^ par- 5™^^;'drpr.. donnez à Ton âge , il ne connoit pas renubus, ancc- encore fes fautes. C'eil: une femme ; aniqu^amTnter- c'eft qu'elle le trompe. C'efl le Roy; roges r. :^.
'I • -r J ^ Puer cH , xcati
S il VOUS punit avec railon , cédez a ao^etur nefcù
la juftice ; s'il le fait lans railon , ^" P'ccec
cédez a la grandeur. C'eft un hom- ^tzt^.]\ / udzi me de bien , ne croyez pas qu'il ^^^ pîusiiiius
f . . . 'H ' credas Icncentii
VOUS ait raie injure : c elt un me- quam tu:r. rcs chant, ne vous en étonnez pas. Ce^^^^ ^^ nocen.
Wn^ r n 1 -r • tem punir, cedc
qui vous otrenle elt ou plus Iroi- jaùntix, li inno- ble , ou plus fort : s'il eft plus foi- "fî^em , cède
ble , epargnez-le ; s il cit plus tort , nus vu- eft qui
épareineZ-VOUS vous-même. mjuriana teck,
^ „ "^T^ r ^'r ■ 1 1' noii credeie.Ma-
■j \ De le deiairc^ae 1 amour pro- i-js, noU mûa-
ri. c jo.
ïy4 D E L A C II A R 1 T £'
«c^ru^xXai- P'^ T "'^'^^ perruade que nous de liori li imbc- vons être inviolables a tout le mon
cillior , Parc il- J-. c^ ' • r^ ^^
liif. pocenuor,'!^ ' ^^ ^ ^^^^ cnncmis mcme. Qu tibi ;ir,., ' ionimes-nous pour vouloir n'enten
JI^L^t '- 'J'-^' t"-'" 'te de&gi-eable ; Que i mius_,invioiacos nous pardonnons aux animaux qu ni?ci?Jud.cTmus "^'^'^ blelTcnt , il feroit bien injuft< cUe deijere. c de fc faire une rai Ion de ne pardon- Quis film, eu- ^'^^ ?^^ ^^^ hommes , parce qu'il:
jusauiesJacline- font hommeS.
t^s fil. l 2. c. oo T~\> ' • 1 r K
x+ ô. iJ éviter les occaiions ou nou;
Num quis Càtk pouvons rcccvoir quelques injure
conftaïc lihi vi- • r n- ■
deatur , û mn- ^^^ nous ne poumons lourtnr
i^m caicibus le- parcc qu'ïl eft plus facile de ne
nioifu ? jftayn- poi^^^ S engager dans le combat, que ^'-'is pcccaie le dc s'en retirer.
nciciunc ; l ri- r^ r u / . i • r ' o i
nium , quam i. 9* -t-nrin , d éviter la curiolite,ôr de niquus eit ^. a- ne vouloir pas tout icavoir. Voalez- «<^;" eUc, ad im- VOUS n être point luj.et a la coiere , pecrandam ve- ^fc le Philofoplie SenequcîNe foyez
nuinnocet. De- • - ^ y > n '' i-
inde.fi cïtera a- point curicux : il n ciT pas expcdiciit miîîaiia ira tus ^e voir toutes chofcs , &c d'cnteii-
luodu.vit, quod j 1 r- o 1' r '
confilio carent, drc tOUtes CnoicS , SC 1 OU HC IÇait
coioco tibi^t,' pas la plupart des injures , lorfque
quifquis confilio p * ^ , . ■' ^
caier. /t,;i c.w 1 011 vcuc ies is^uorer, ' ..i
Demus operâ, ne accipianiLis injuriam quam ferre nefcimus. L.
J. c. ?.
Facilius eft à certaminc aSftinere, quain abducerc //-'V.
Kon vis efl'e iracunduî , ne ils cuiiorus ^ non expédie omnia vu "^ers , omnia audire : inulcx nos in^iif cvanlcant ,, ex qui- buspi^rafquc non accipic q^ui neCtic. jt/ittM t^c iraltb. j, cap. u.
ENVERS SOY-MEME. Ij-y
1 Z>, Quel jugement doit-on faire de CCS remèdes , que nous donne la Phiiofophie humaine ?
^. Comme ils ionc raifonnables en foy , il ne les faut pas mépriier ; il les faut au contraire eiVimer , parce qu'ils font vrais , & que toute véri- té eil a Dieu & vient de Dieu , Se qu'elle n'appartient jamais aux hom- mes. Mais il faut aufii reconnoître que la Religion Chrétienne nous fournit bien d'autres armes pour combattre nos pallions, & princi- palement la colère.
£>. En quoy confiite l'avantage de la Religion Chrétienne lui la Phiio- fophie en ce point ?
R, 1°. La Philofopli'ie humaine ne s'arrêtant qu'aux caufes fécondes » ne pou voit perfaader les hommes,, que ce qu'on foufFioit fût jufte ; ôc ninCi elle ne pouvoit ôter de i'efpric d'un homme ofFenié , que TofFen- fcur ne luv eût fait toit , de que ce qu'elle fouflmit ne fût injufte. Mais la Religion Chrétienne va bien plus^ loin j elle nous fait voir que ce que nous prenons pour injure , ôc qui cft iniuile en effet de la partdcs-
,
1^6 De la Charitî* hommes , a une caufe première qu l'ordonne fans injuftice ; ainfî ell< nous montre qu'on ne nous fait ja- mais d'injuftice : que nous meri- ^ tons tous les traitemens que nou;
pouvons recevoir, des hommes : qu'ils n'en lont point les première? cauies , qu'ils ne font que les fim- ples infti'umens «Se les fimples mini- fti'GS des ordres de Dieu -, &c par là elle appaife nos plaintes d'une ma- nière bien plus eliicace ,• elle détour- ne nôtre efprit de cette prétendue in- jiiilice qu'il fjufî^re, ëc l'applique âlî coniiderer de à condamner Tinju- fticc de fa colère , en luy diiant Putafnebenc comme Dicu ht à Tonas : PenCeX- 4 ^, * voHi avoir raifon de vous jacher ^ (fj* cjue votre rejfentiment foit jnfle ? La Religion Chrétienne nous fait dé- couvrir dans ces traitemens que nous prétendons injurieux , non feulement la juilice de Dieu, mais encore fa bonté qui les permet par des vues de mifericordes , pour nous donner moyen d'en profiter ; pour guérir le plus grand de nos maux , qui ell: l'orgueil ; & pour nous pro- curer le plus grand des biens , qui
ENVERS SOY-MF.ME. I57
;ft rhumilité. Ainli elle charge iouces nos idées , en nous fdilant •eg^arder comme des grâces ôc des ■civeurs de Dieu, ce que les hom- îies appellent des dilguaces &z des nalheurs.
2^, La Philo tophie humaine ayant !U pour but d'élever l'homme , le netcoit en état de croire qu'on le rabaiifoit injuftement ; ôc quainfi 1 avoit lieu de s'ofFenier , lorf- qu'on luy faiioit quelque injure, )u quelque mauvais traitement. La ileligion Chrétienne nous donne au zontraire une telle idée de nos mi- sères & du rabalifement que nous ïieritons pour nos péchez , & elle lous fait defcendre (i bas par les fentimens d'humilité qu'elle nous mfpire , que toutes les humiliations que les hommes nous peuvent faire, ne fcauroient nous rabailler davan- tage.
3. La Philofophie Payenne n'avoit point d'autres moyens de reprimer la colère , que de nous reprt Tenter fa difformité Se fon injuftice , <Sf d'autres railons iemblables , qui ne font gueres d'imprefîion iur un ef-
îjS D^E L A C H A p. I T e'
plie irrité ; mais clic n'avoit aucu
châtiment à propolcr pour en dé
tourner les hommes , & principale
ment ceux qui font ?.u-dclUis de
autres. Mais il n'y a ni particulier, n
Grand , m Prince , que la Religioi
Chrétien ne ne pu: fie étonner , ei
luy propoiant les menaces de Dici
même , contre ceux qui /c metten
en colère ; &: que cette pafTîon porte
a quelque excès contre le prochain
o^nis s^^ i- Qi^icofiatie , dit pofitivemcnt l'E-
fuo , reus eii: vangïle , je mettra en colère contn
jiîdicio. mmu.Çq.^ ■n.g.^g méritera d'être condamm
par le junernent,
4°. Quoy qu'en difent les Philo- fophes , il ne confideroient pas la colère en foy , comme un grand mal pour celuy qui ètoit poiiedé de cette paillon ; ils en apprehendoient plus les effets extérieurs pour les au- tres , que i^our ceux qui les cau- foient. Mais la Religion Chrétienne nous la fait ■ conliderer comme une maladie tres-dangcreuie pour celuy qu'elle tranfporte , & ainfi la Re- ligion Chrétienne applique l'ame à remédier a {^o\\ propre mal , & à Tes propres défauts , au lieu de longer à ceux dautruv.
tNVERS SOy-MEME. 1(9
' ^^. Les remèdes qu.^ la Philoropliie humaine propole , ne peuvent avoir un grand efîet pour guérir la colère , parce qu'ils en laillent lubfiftcr la lource , qui eft l'amour des biens du monde ; or tant que le cœur ea fera poiledé , il le foulevera , & le mettra en colère contre ceux qui les luy voudront ravir. Mais c'eft con- tre l'amour même du monde, <^ de fes faux biens , que la Religion Chrétienne employé les plus forts remèdes. Ain(i elle attaque la colè- re dans la lource , «k elle prend la voye naturelle de la déraciner ; tous les railonnemens de la Philoiophie Payenne , ne tendent qu'a l'endor- mir , mais non pas à la détruire, ni à la guérir entièrement.
6°. La Philofophie humaine efl fatisfaite , pourvu qu'elle repdme les laillies & l'impetuoi^té de la colère , ôc qu'elle en calme les traniports : elle ne fe m?t guère en peine que cette paiTIon le renferme dans le coeur , 6c qu'elle s'y chan- ge en haine. Mciis c'eft cet effet intérieur que la Religion Chrétien- ne prétend empêcher encore plus
I(jO D F LA Ch A R I T E*
c]ue les cfïvts excericius , parc qu'elle le con/idere comme u giand mal. Elle ne le contente don pas d'un calme extérieur , ni d'un modération luperficielle ; elle veu encore que la douceur (5c la chariti fiacccdeni à la colère , <^c que To; délire , & que Ton faife mcim du bien a ceux contre qui on ccoi irrité.
7°. La philofophie humaine ne fait voir dans les injures que l'on re- çoit, qu'un leul ennemi, qui eft ce- iuy qui fait l'injure ; &c elle n'em- pêche point ainli que Tame ne le louleve toute entière contre luv avec toute fon impetuolité. Aîais la Re- ligion Chrétienne nous découvre toujours deux ennemis ; l'un viliblc & l'autre inviiible ; l'homme qui nous f^iit injure , Se le démon qui Tv poulie j l'homme qui prétend nous ravir quelque bien humain , cC 1. démon qui veut perdre nôtre am^ par la colère &: par la haine qu'il ex- cite en nous : elle nous fait voir que cet ennemi inviiible étant beaucoup plus dangereux que celuy qui eft vi- iîble , il doit attirer la plus grande
partie
ÉNVEPvS SOY-MEME* ïSt
de nôtre refiftance , & nous doit a, doucir envers l'homme , de peur de féconder les dclïeins du diable.
8°. La philoiophie humaine ne tîous montre dans ceux qui nous of- fenlent , que leur qualité naturelle j c'eft-à-dire , qu'elle ne nous y faic voir que des hommes, & des hom- mes vicieux , peu dignes par con- fequent d'être aimez : la Religion Chrétienne nous y découvre Tmia- ge Dieu , & les liailons qu'ils ont avec Jelus-Chrift ; & ces coniidera- tions doivent effacer tous nos reiîèn- tiiïemens, & rallumer notre charité pour eux.
9^. La philofophie humaine , vou- loir a la vérité qu'on examinât [es actions , & qu'on fît reflexion cha- que jour fur les Riutes que la colère nous auroit fliit faire; mais elle s'ap- plaudilFoit tellement de cett2 pra- que , qu'elle donnoit bien plus lieu à l'ame de s'élever de ce qu'elle re- conoilfoit ainfî Tes fautes de bonne^ foy, que de s'humilier, & de fe con- damner de les avoir faites. Ainii ceux qui s'étoient mis en colère , croyoient en être quittes pour Tom^ II, O
i6i De la Charité' avouer qu'ils avoicnt failli. Taciebat hoc Oïl peut voiu dans Seneque de fumnmodî"; cxemples de ces examens philofo. cum le ad noc- phiques. Le Philofophe Sedus JecSc^rinNi^ , a^'oit accoutumé, lorfqui tcirogaiec ani- s'étoït l'etiié le loir pour dormir
muin luum , j>- ^ r o, J 1
Quodhodieuia-^"^^^^'^^?^^ ^^^ ^^^f '. ^ '^"^ ^^')
lu.a cuiiin fana- demander fî elle s'étoit guérie de obfticiîii V^Qiia q'-^e^u'^I'i <^e Tes maux jfi elleavoii parte meiior es ? relillé a quelouc vice ', il elle s'étoiî
Definec ira . & j ■"■ il 1
erit mod.>ratior l'^'^duc meilleure par quelque eii- qu3e fciec fiol droit. Or , coutinuc ce Philoiophe^
quotidieadjadi". 11 «T* j '1
cem efic vemen- 1^ colcre ccliera de nous troubler , dam. Qi,iid ergo 3c deviendra plus modérée , lorl-
puichnus hac j 11 r ^ j-l r 1
confuetudine quelle Içaura quil faudra compa- cxcuciendi totû roître en juî^ement tous les jours. le fomnus poft V oiLi 1 cxamen , oc voici 1 efretqu il recopitionem faifoit fur Tcf-jot de CCS Philofophes.
qui tranqiillas, Qii Y a-t-ll dC oluS bcaU , dlt-li ,
aicus ac iijtrr , qug ç^q^^ coûtumc d'cxaminer ainfi
cum auc lauda- ^ p . , r^ \ r -in.
tus eft animuî, toutc la joumee ? Quei lommeu eit aucaimonitus 3 (-^jyy que Tou 2oûce aprés cette ccniorqae fecre- revuc de loy-meme ? Quileirpro- tm, copofcit foj^j I q^'ji çft tranquille! quil eft
ucor riac pocef- libre Oc dcga^e , iorlque l on a loue tare, & quoti- fon elprit , ou quon l'a averti, &
dicapudmecau- ^ i ^ ^ \. ^ ' ^
famdico, tocum qu en Qualité de cenleur & de te- «'rSî^"": "°i" /on a jagé de fes aûions t^ ûamea terne- C'eft aiiiii que j'en ule j je compa.
ENVERS sor-MEMè, r6^
Irois tous les jours devant moy-mê- tior ; nihil mi- me : je ne crains point mes dchiuts, Jjiipicaofcori-
■ r >■■[ n j 1- *io> mini tran-
puilquiielt en mon pouvoir de dire leo. Qiiareenim a mon ame , ne faites plus cela , je q^icquam ex er-
1 r- ^ -r-r - lonbus nicis d-
vous pardonne preientement. Vous meam^cumpor- avez repris cet homme plus libre- ^^ fiiceie , vide
- , ■■: . ^ ne iltad am-
ment que vous ne deviez , ainli phusfac.as,nunc vous ne l'avez pas corrii^é , mais Y^^ ignoico. n-
p n- ^-, r A ^ lum liberius ad-
vous i avez olrenie : longez donc a monuifti quam Tavenir , non feulement , Ci ce que ^^bcbas ; uaqu-
, ,. P. . ,T r ^^^ emendafti ^
vous direz eit vray ; mais auili , li icd cffendifti. celuy à qui vous le direz eil en état ^^ cœceio vide
j r rr • 1 • / non tancum an
de louftnr la vente. vcrum fn quo i
La Religion Chrétienne employé î^"^'^■'.'.^^*" ^^•
rr- '^ - ^ , le cui Gicitur ,
auJli ces examens pour réprimer la vci i paacns fu. colère & les autres vices , mais d'u- ^""<"* ^- ^ '^^ ne manière bien chfFerente.. Elle fait comparoître Tame , non devant foii propre tribunal , mais devant celuy de Dieu , qui eft fon Juge , 6c celuy de tous les hommes : elle luy fait reconnoître les fautes que la colère luy a pu faire commettre ; mais au lieu de s'élever de cet aveu , elle s'en humilie devant fon Juge , elle les regarde comme une playe profon- de qu'elle s'eft faite ; & fi l'efperan-- ce de fa mifericorde la foûtient , la crainte de fa jufte fe vérité luy fait
1^4 ^^ ^^ Charité*
prendre de foites refolutions , & c punir ces fautes , & de les éviter l'avenir. On peut juger quelles de deux voyes eft la plus propre pou réprimer la colère.
£>, La railon fait bien voir qu nous avons grand intérêt de rclifte a la colère ; mais comment s'ei peut-on fèrvir , puifque cette paf lion prévient ordinairement refprit 6c Tempcche de voir d'autres objet que ceux qui la favorifent ?
/?. Il efl vray qu'un efprit empor- té par la colère ne voit guère autre choie que ce qui eft capable de nourrir fa pafîîon , & c'eil en quoy con/ifte le danger oii elle met Ta- me ; parce que cette pafîion luy re- prefente d'une manière vive ÔC Forte , tout ce qui la peut exciter à Taverfion , Se à la haine du prochain, êc qu'elle luy cache tout le reile j cependant en méditant bien ces ve- ritez , elles peuvent devenir ii pre- fentes à Tame , qu'elles s'ofïrent aulîi - tôt que les mouvemens de colère le font élevez , & alors il n'y a qu'a donner du temps a l'efpric jour goûter la venté , èc pour dé^,
EN vins SOY-MEMt. l6f
couvrir Tillulion de ces idés qui por- tent à la colère.
V, Pour quoy donc y a-t-il tant d'emportement parmi les Cliré-- tiens , puifque la Religion Chré- tienne fournit tant de moyens pour réprimer la colère >
^. C'eil que parmi les Chrétiens il y a peu de véritables Chrétiens , êc que la véritable foy eft rare parmi ceux qui font profelîion de la foy • la plupart des gens ne font aucuns reflexion fur les veritez que la Re- ligion leur fournit , ils ne les ont point dans l'eipiit , ils ne s'en nourrilTent point , & leur efprit eft tout occupé des foins du monde^ qui font la foui ce des pafîîons.
C'eft en fécond lieu , qu'il faut autre choie que des railons pour corriger les pallions : car il fau-c que la grâce nous les applique ^ qu'elle en pénètre l'eiprit , qu'élis les faife entrer dans le caur. Or Ja grâce eil: rare, éc ne s'obtient que par les prières.
166 Ce la Charité*
CHAPITRE VIII.
De U hahîc. Comment elle fc
forme dans Le cœur^ Ses
remèdes,
D. /^U'eft-ce que la haine?
V^ R. Si on regarde la haine en gênerai , ce n'eft qu'un fîmple éloigncment d'un objet qui nous parole contraire a nôtre propre bienj mais en la regardant comme une inclination vicieule , on doit dire que c'eft le même lentiment que la: eolere ; c'eft-a-dire , un fenciment - d aigreur contre un? perfonne , dont o-n croit avor été ofF.Mifé ; avec cette «iifFv^rence, qu'il eft plus affermi dans Tame, & qu'il fubfifte lans émo- tion : c'eft pourquoy la colère per- feverante produ't la haine , l'ame faifant une dirpohtion fixe & con- fiante de ce fentiment tumultueux que l'on appelle colère j & c'eft la raifon de ce précepte de l'Ecriture, qui nous ordonne d'appailer nôtre
ENVERS S O Y- MEME. r(?7
colère avant le coucher du Soleil, de peur qu'elle ne fe change pas en haine. Que le Soleirne fe coitchi po'.nt Soi non occi- frrvkre colère, dit l'Apôtre iaint tS veftrâ. Paul dans Ion Epîcre aux Ephe- f/^^*/. 4.2-^. iîens-. Il y a donc plus d'éloignement & d'aigreur dans la haine , & plus d'impetuo/îté dans la colère.
D^ La haine efl: - elle toujours mauvaiie ?
R, Elle n'eft pas mauvaife quand elle n'a pour objet que les vices & les péchez ; mais elle eft directe- ment oppofée à la charité ; quand elle paiîe des vices aux perfon- nes.
D, En quoy coiififte Tinjuilice de cette forte de haine ?
F, C eft ,, i"\ Que nous ne haïf- foîis pas le plus iouvent ce qui eft l'objet de nôtre haine par le vérita- ble motif qui le rend digne de haine,, qui eft la contrariété qu'il a avec la. jiiftice qui eft Dieu même. Nôtre averlion n'eft ordinairem.ent fondée que lur ce que la perionne qui en eft l'objet , eft oppoiée à quelqu'un de nos intérêts , ou de nos dclîrs / Se qu'ell» incommode nôtre orgueil..
tes Db la Charité' C'cft la foLUCc ordinaire de nos avcF- ilons. , ôc ainfi elles font injuftes dans leur fond, n'ayant pour prin- cipe que l'amour propre^
La féconde injuftice de la haine, c'eft que nous ne la bornons pas dans la feule' qualité fur laquelle elle cfl; fondée , mais que nous Té- tendons a la perfonne même , de à tout ce qu'elle peut avoir de bon. Si-tôt qu'une perfonne nous eft de- venue odieufe par quelque endroit, elle nous déplaît en tout y l'a- mour propre répand [on venin fur tout le bien qu'elle peut avoir, & alors , ou nous ne croyons pas qu'el- le l'ait , ou nous en fommes fâchez, ôc nous voudrions qu'elle ne l'eût pas.
Il arrive même de là , que la haine prévaut dans notre cœur à toutes les raifons que nous pouvons avoir d'ai^ mer ceux qui en font l'objet j ce qui eft maqiféftcment injufte : car qujlqu2 tort que puiife avoir la per- fonne contre qui on lent quelque difpofition de haine , les raifons que nous avons de l'aimer, prifes de l'a- ^oui de Dieu , de l'obligation qu'il
110 lis
"Enyeks soy-memb. 1^9
nous impofe d'aimer nôtre pro chain, ôc de la qualité d'image de Dieu qu'el- le confervejdevroient prévaloir a tous les fentimens d'averlion & de cha- grin qu'on pourroit tirer d'ailleurs,
D, Comment la haine fe formc- t-elle dans notre cœur î
^. L'amour propre étant choqué par quelque endroit , applique vio- lemment l'ameà ce qui le bleiîè , ôc étouffe par cet unique fentiment ce qu'elle avoit de fenifbilité pour les bonnes qualitez de cette perfonne ; l'ame étant fi bornée & li étroite , qu'elle n'eft capable que d'une feule application un peu vive ôc un peu pénétrante.
D. Toute haine efl-elle péché mortel ?
F, Quand la haine efl une paiïioii involontaire , qu'elle n'a que de légers efFets , & que l'ame ne s'y li- vre pas -y ce n'eiL alors qu'un mou- vement de concupifcence , qui peut même être fans péché : mais fi l'ame s'y livre par un confentemen for- mel , ôc qu'elle agiife félon les-mou- vemens que la haine luy infpire, rien :i'e{l plus direâ:ement oppofé à la Tome II, P
«I7Ô Dfi tA Charité' .charité , c'eft-à-dire , a la vie de l'u- nie, Etc'cft principalement a caufe de ce mouvement d'une haine vo- Qai amcm di- lontaire , quc Jefus-Chrift déclare ::::'i^:::^^ da„s l-EvangHe . ^uecc!.y ,j_Hi.ppcU vis. Mutiiu S' lêf'a fort f/' ère fol _, méritera d être con^ *^* damné au feu de l'enfer.
D, Comment doit-on donc confia ^erer la haine î.
R, On la doit confiderer comme un poifon mortel renfermé dans l'a- fiiour propre , capable de fliire mou- rir notre ame , îi nous n'avons re- cours à Dieu, &: fi nous n'y reflé- tons. Ce feul défaut, (î nous y con- sentons , nous rend peut-être plus criminels envers Dieu , que tous ceux que nous remarquons dans les autres -, ainfî , au lieu d'avoir l'ame. appliquée à ces défauts prétendus des autres qui- attirent nôtre haine , nous la devrions tourner unique- ment contre nous-mêmes.
D, Comment peut-on remédier à la haine ?
R, 1°. Il ne faut pas fe découra- ger lors que Ton lent des aver- lions. Il y en a beaucoup qui font plus dans l'imagination que cans^ Iç
ÏNVERS SOY-MEMP. î^ï
«oeur.Mais pour en empêcher le pro- grés 5 il faut d'abord rendre ces len- timens muets & fans adion ; c'eft-à- dire , ne leur permettre jamais de paroître au-dehors , de s'étudier mê- •me à une modération plus grande j quand on parle,par exemple, de ceux pour lefquels nous nous fentons de l'averfion.
2°. Il faut tâcher de rendre à ceux •à l'égard de qui on fent cette difpofi- ticni , tous les bons offices que l'on peut ; & demander à Dieu qu'il ôte de nôtre cœur cette racnie d'amertu- me. Si avec tout cela on fent qu elle continue , il la faut porter en pa- tience comme une e^-^nde mifere , de -comme une grande preuve de notre orgueil.
3^^. Il faut tâcher de trouver dans cette averlion même de quoy y remé- dier. Car on ne conçoit d'ordinaire des averiions contre les gens , que parce qu'on s'imagine qu'ils ne nous •aim.entpas, de qu'ils ne nous conhde- rentlpas autant que nous croyons le mériter. OrCjétïe'fenfibilité étant une marque d'un amour propre tres-vif , nous doit être une preuve que nous
Ifl D E L A C H A p. I T E*
ne fommes pas fort aimables , St qu'il n'efl: pas fore étrange que l'on loit chocjué de nous. Car il n'y a rien de moins aimable qu'une perlonne qui s'aime beaucoup. Et ainfi c'eft à nous-mêmes & à nos propres défauts que nous nous devons prendre de ce qu'on ne nous aime pas. Nous avons beau nous juflifier à nous- mêmes, cette leule averfion pour le prochain que nous avons dans le cœur , nous rend dignes du mé{)ris & de la haine des hommes , puit qu'elle nous fait mériter la haine & le mépris de Dieu même.
CHAPITRE IX.
De la tra^nquillité de l'efprif. Com^ ment on je la peut procurer, ^ut Id Religion Chrétienne en four^ nit des inoyens plus jtm que l^ Fhilofophie p(iy:nne,
D, T^ St-on obligé de fe procurer JT. à fo^-même la tranquillité de l'efprit ? I^, Puifqu'il y en a une bonne Se
ENVERS SOY-MEMÎ. Ï73
Vautre mauvaife , on eft obligé de bannir la mauvaife , & de fe procu- rer la bonne.
-D. Quelle eft la mauvaife tran- quillité d'efprit ?
I^, C'eft celle qui confifte dane la joiiilîlince paifible des créatures ou de foy-même , & que Ton fe pro- cure en détournant fon efprit de tout ce qui le pourroit ou troubler ou affliger , en retranchant même dans fes paflions tout ce qui pour- roit être incommode, en adoucif- fant les maux de la vie & les crain- tes de l'avenir , fans autre fin que d'éviter de foufFrir.
D, Pourquoy cet état eft-il mau- vais ?
R. Parce qu il arrête Tame dans la créature Se dans foy-même ; qu'il exclut les peniées de l'autre vie, la crainte de l'enfer , Se la mortifica- tion , qui font necedaires pour aider à l'ame à fe détacher des créatures. Que s'il paroît que cette difpofition modère diverfes paillons, c'eft en fortifiant celle dont on eft dominé, qui eft l'amour du repos.
D, Quelle eft donc la bonne tran- c^uillicé d'efpric ? P iij
ï74 Delà Charité*
^. Ccft celle qui bannit les rroiî*» blés 5 les inquiétudes & les paffions non pour joliir de foy-mêmc , mais pour fuivre Dieu plus fidèlement, pour mieux difcerner fa volonté , & pour y être plus attaché.
D. Comment le peut-on procurer cette tranquillité d'efprit ?
R. Cette tranquillité ii'efl: pas dif- férente de la paix , qui eft un fruit du S. Efprit. C'efl: le premier pre- fent que Jcfus-CKrift reirufcité fit à fes Apôtres \ ainfi il ne la faut atten- dre que delà grâce : mais parce que, la grâce fe fert de la vérité pour nous^ affermir , &z qu'elle n'eft même autre chofe que l'amour de la vérité j il eft utile de remplir Ton efprit des ve- ritez évangeliques , qui falfent voir qu elle n'a aucun fujet defe troubler, éc quipuiflfent contribuer à l'établir dans une affiette ferme , qui ne foit pas renverfée ni ébranlée par les ac- cidens ordinaires de la vie.
i?. .Les Philofophes n'ont-ils pas aufîi beaucoup travaillé à établir l'a- me dans la tranquillité ?
R. C'a été une de leurs principales applications^ mais ils fe font trompes
ÏNVERS SOY-MF.MI. ÎTJ
^ dans la fin de dans les moyens.
Dans la fin , parce qu'ils ont pris la mauvaife tranquilitépour la bonne j le repos dans la créature & dans loy- même , pour le repos en Dieu &c dans l'exécution de Tes volontez.
Ils le font troriipez dans les moyens en diveiTes manières.
i^. Ils ne nous ont confolez de la privation de certaines créatures ék de certains biens humains, qu'en fub- fiftuant d'autres créatures & d'autres biens humains pour en jouir,
i^. Ils ont prétendu bannir abfou- ment toute triftelfe ôc toute douleur d'efprit , ce qui eft impoflible Se per- nicieux. Car la peniee qu'on peut étouffer abfolument les pallions , n'a jamais été qu'une iàés d'imagi^ nation, & un ipuhait inutile ; ôc quand on pourroit fe procurer cette forte d'infenfibilité, ce feroit plutôt un mal qu'un bien. Ce qui a fciit dire. à mud nihîî d-^. Ciceron , que cette exemption cle^^^"^^ "^^ ^^'^' douleur , que les Stoïciens promet- comigit imma. toient,coûteroit trop cher à l'homme, "'^^''y^ ^"^" puilqu il ne la pourroit acquérir lans coipore.. devenir brutal dans refprit , & in- feniibie dans le corps.
P iiij
tjS DelaCharite* I
3°. Il y a certains troubles «Se ccr^ taincs tnftefles qui lont utiles , «Se qu'il faut modérer «Se non pas ban- nir. Il efl: bon , par exemple , d'être émû par la frayeur àcs jugemcns de Dieu, «Se par la crainte de Tenferj il eft bon de fentir le poids de Tes pé- chez 5 &: d'éprouver combien il efk amer d'avoir abandonné fon Dieu: Il eft bon d'être fenfible aux fautes que Ton fait continuellement contre Dieu ; & bien loin de chercher des remèdes à ces iortes de trifleiles. quand elles ne font que modérées , il faut tâcher plutôt d'en trouver contre rinlenfibilité qui nous priveroit de ces fentimens fi juftes & fi uf'les. . X>. Ne peut-on' donc tirer aucun avantage de tout ce que les Phiiofo- phes ont dit pour nous procurer la tranquillité de l'efprit , 6<: pour nous affermir contre les fecoulies & les agitations que nous caufent les ac- cidens de la vie ?
R, On le peut , en changeant de fin,6e en corigeant l'imperfedion des moyens qu'ils nous fourniirent. C'efl: encore un des lujets , où l'on voit le plus clairement l'avantage de la morale Chrétienne , fur celle dcs
ENVERS SOY-MEM'É. 177
?ayens : Car ce qui efl: foible ^ tlefecflueux dans la bouche des Payens , eft fort Se efficace dans cel- le des Chrétiens , comme il eft aifé de le faire voir en comparant les raifons des uns & des autres fur ce point , comme nous avons déjà ^ic dans le Chapitre précèdent , à re- gard des remèdes de la colère.
jD. Propofez-nous quelques exem- ples de cette comparaifon ?
^. Un des préceptes des Phiîofo- phes Payens , eft de s'attacher dans les évenemens qui ne dépendent pas de nous , à ce qu'ils ont de favora- ble , & dont on peut faire un bon ufage ; & de détourner fon efprit de ce qu'ils ont de contraire à nos de- fîrs. Un homme difcret , par exemple, eft-il exclus d'une charge publique ? Hé bien , luy font-ils du xe 5 je m'attacheray davantage à faire valoir mon bien. Mais i\ cet homme defu-oit cette charge , Se s'il la defîroit ardemment , il n'eft pas aufïi fi facile d'en feparer l'efprit Se le cœur , comme il l'eft de fe faire honneur de ces difcours 5 car le de- fir applique la penfée , &c la penféc
T7S DeiaCitarite'
dg la perte d'un bien que ïondeCiiÇ^
amiiie Tame ncccirairement.
La morale Chrétienne s'y prend bien d'une autre manière pour nous confoler des accidens fâcheux.
Premièrement , elle nous empê- cl^de nous attacher a aucun cve- . nement, parce qu'elle nous fait voir que nous ne fçavons pas par nous- mêmes ce qui nous eft utile dans la vie, & qu'ainfi il faut nous lailîer conduire à la volonté de Dieu , qui difpofe des évenemens du monde , & qui les difpofera toujours d'une manière favorable à nôtre ^'ray bien, pourvu que nous luy foyons fournis.
Secondement , elle nous fait voir ces évenemens çonfacrez par la vo- lonté de Dieu , & revêtus par con^ fequent d'une fouveraine juflicc ; de fi l'amc prétead encore le loulever , NoTine Dco elle l'appaile en luy difant : A:fon
Tubjeaaeritani. .^ ^^^^^ foumlfe k L'icH ?
ma raca , ab ip , A , , ^ • j • j
Cq enim faluuie car c eft de Luy que je aots atteiiare
Troifiémement , elle n'embraffe pas le parti que Dieu luy laifTe^ comme un pis aller : mais elle s'y ioumet &: l'accepte comme la voye
ÏNVERS SOY-MÎMF, Î7O
^ui luy a été choifîe par la fagcffe de Dieu , & par laquelle elle eipcre d'arriver diredlement a fa fiiij oc bien plus fûrement ^ que par celle à la- quelle elle avoit plus d'inclination.
Une autre maxime des Philofo» phcs Payens , eft de ne fe rebuter ôc de ne s'inquiéter pas des vices des hommes , mais de le contenter de faire de nôtre part avec foin tout ce qui dépend de nous , puifque nous ne iommes chargez que de cela : Se ils avertiiïent avec raiion fur ce point 5 que cette indignatian que ['on conçoit facilement contre ceux qui ne font pas ce qu'ils doivent , vient fouvent, non de la haine du vi- ce 5 mais de l'amour de foy-même, d<. de la pafîion trop violente que l'on a pour le iuccés de ce qu'on fouhaite , ôc pour k reuiîîte des affaires dans lefquelles on voudroit ne pas être troublé. En effet , il eft bien difficile de ne fe pas choquer des vices des hommes , quand on croit les furpaffer en vertu , Se être exempt des défauts qu'on remarque en eux. Et il eft encore plus difficile de ne defirer pas avec ardeur les cho-
îêo De la Charité' fcs qu'on louhaite fortement, quand l on n'cft pas balancé pai un autre ob-|l jet , ôc quanti on n'a point un plus fort amour qui nous en détache ; car il n'y a que Tamour qui puiile bannir Tamour.
C'cfl: donc encore à la Religion Chrétienne à employer fcs moyens : comme elle nous convainc que nous fommes capables de tous les défauts des hommes , elle adoucit par là nô- tre fierté de nôtre impatience dans les défauts des autres. Elle laifîe Dieu difpofer des -faccés , parce qu'elle fçait qu'il en cft le maître, éc que ce qu'il fait réliiîîr , efl: le meilleur ; & ainfi les bons ôc les mauvais fuccés nous doivent être in- difïerens , pourvu que dans les uns comme dans les autres , nous foyons également fidèles à* Dieu. En efFct, cette fidélité à Dieu dans toutes les occafions & dans toutes les ren- contres, efl ce qui fait le prix ôc le mérite de la Religion Chrétienne, puilqu'il efl certain qu(? Dieu ne nous récompcnfera pas à proportion de nos fuccés , mais à proportion de nôtre foin ôc de nôtre applicacioa à luy obéir.
ÎNVERS SOY-MEME. î^l
^ îl faut , difenc les Philofophes Payens , dans les accidcns fàc*hcux qui nous privent de certaines cho- ies , faire reflexion fur les biens qui nous reftent , &c étouffer le fen- timent de nos' pertes , par le plaifir ' de la poilèffion de ces biens. Or il en refte , difent-ils , toujours plu- fieurs. Celuy, par exemple, à qui on ôte du bien , peut avoir des amis & de la réputation : en tout cas les richeifes communes , com'me les éle- mens , les Cieux & le fpedacle de la nature , ne luy manquent pas.
Tout cela eft -vray , mais tout ce- la conlole peu un cœur paiîionné ôc privé de Tobjet de la paffion. Ces biens mêmes qui reftent^nefont point tels qu'ils puiifent étouffer le fenti- ment de ceux que l'on a perdus. Ils font du même ordre, &: ceux que Ton perd ont cet avantage, qu'ils font l'objet de l'amour dont le cœur eft prévenu.
Mais fi la pieté Chrétienne veut fc fervir de cette railon , avec com- bien de force -ne la peut-elle point employer î Car que peut-on ôter ÀQ confiderable à un Chrétien , donc
l'Si DïlaCharIt:ê* Dieu eft le trefor , puifqu'ori m layTcciurolc ôcer Dieu, & que toui ce qu'on luy peut faire de la parc de fes ennemis , luy peut fervir à le polfeder encore plus parfaitement ? •Que luy peuc-on ôter en luy ôtant des biens temporels î On ne peut le priver que des chofes luperflucs ; mais on ne luy fçauroit ravir , ni fa charité , ni ion eiperance , ni la Avarî, quid foy ni enfin fon droit au Royau-
vobis fuificic , " •' 1 ^- Ti r ^ L-
Deusipfe non ^c des Oieux. Il laut être bien ava- Yobis iufficit. ]-Q ^{^ f^ini- Au^uftin, fî Dieu ne
* nous lurht pas.
Les Philolophes Payens difent que pour être content de la place que la fortune nous donne , il faut fe com* parer , non à ceux qui font au-delfus de nous , mais à ceux qui font au- deifous. Qu'il ne faut pas regarder cet homme porté fur les bras de fes va- lets -y mais qu'il faut regarder ces valets que la fortune a réduits à un fi bas miniftere.
Outre que cette reflexion ne peut conioler que ceux qui font dans un état médiocre , &c non pas ceux qui font dans rextuême rabaiflem^^nt , comme les pauvres ôc les ferviceuis;
ENVERS SOY-MEME. t^^
ife moyen eft foible , même à re- gard de tous ; parce qu'il ne guérie •ni l'envie , ni l'ambition, qui nous font toujours porter avec impatien- -ce l'élévation des autres.
Mais la Religion Chrétienne va bien plus avant ; & (i elle Te fert de ce moyen , elle l'employé avec toute une autre force : elle n'eftime pas plus heureux ceux qui polfedent ces avantages humains , ni plus mal- heureux ceux qui en font privez, parce qu'elle confidere une autre diftindtion entre les hommes , qui eft entièrement indépendante de celle que les biens temporels peu- vent caufer. Cette diftindion naît uniquement de la vertu , félon la- quelle un pauvre vertueux eft in- finiment au-delFus des riches Se des puilfans du monde. La Religion Chrétienne nous apprend donc que ce n'eft point par l'apparence ou par les richeflès temporelles qu'il faut juger , puifque tres-fouvenc celuy qui commande, eft efclave; Se que celuy qui obéît , eft maî- tre ; parce que tout eft pour les £lus , de qu'ils font en ua fens les
1^4- ^^ ï-A Charité'
Rois Se les Maîtres du monde ^ ca
quelque condition qu'ils foient.
Les Piiiiofophes Payens confeiU •lent dans les accidens fâcheux, qui privent de certains biens humains, de jetter les yeux fur les maux attachez * à la condition de ceux qui les poile- dent,aiin de ne les en croire pas plus heureux ^ ôc de ne prendre pas pour un grand malheur d'en être privé. Mais il n'y a que la Religion Chré- tienne qui puilîe fe fervir efficace- ment de ce moyen. Il eft difficile de prouver aux hommes que les biens du monde ne loient pas des biens par rapport au monde. Mais il eit facile de leur faire voir que ces biens- temporels ne font pas des avantages par rapport à Dieu ; que ce font au contraire de très -grands obftacles au faiut , Se une lource de tenta- tions daneereufes.
Un autre précepte que donnent les Philofophes Payens pour ac- quérir la tranquillité de Pefprit , eft de retrancher les deftrs qui nous rendent dépendans de la fortune , Se de fe contenter de peu -, parce que, difent-ils, ceux qui défirent
beaucoup
ÏNVîRS SOY-MEMI. l8^
beaucoup de chofes , manquent de beaucoup de chofes 5 ôc que man- quant de beaucoup de choies , ils ne peuvent être en repos. Il faut , di- lent-ils encore , ne pas afpirer à ce qui eft au-deifus de nous, parce que ce nous eft une fource de fâcheries Se de déplaifirs. Enfin , continuent-ils , il faut ne jamais prétendre à des avantages incompatibles j comme, par exemple , le crédit &c la fureté ; la gloire , & le repos ; les richef- fes 5 & l'exemption de loins.
On. ne nie pas qa il n'y ait quel- que vérité dans ces raifons philolo- phiques ; mais fi on ks compare avec ce que l'on peut apprendre de la Religion Chrétienne iur ce mê- me fujet , on les trouvera foibles ôc petites. C'eft laReligion Chrétienne feule qui peut nous bien inîlruire à retrancher les defirs des chofes fu- perflucs. Car ces chofes ne lont que fuperflucs aux Payens • mais elles font non feulement fuperflucs , mais même dangereuies & pernicieufes aux Chrétiens , qui les regardent comme des charges pelantes , dont ils auront à rendre un compe exact , Tome If. Q^
3^g^ DeiaCharitb' coiîime des chole^ qui ne font point* a eux, dont il ne leur eft pas per- mis de joiiir , &c dont ils ne* ionc que limples œconomes Se difpenfa- teurs.
La Philofophie humaine ne pou- voit fournir aux Payens aucune rai- fon iolide pour les dégager du defîr des chofes necellaires à la vie; car leur bonheur étant renfermé dans cette vie , ils dévoient croire que tout ce qui efl: necelïaire à la vie,, étoit necelïaire pour être heureux.. Mais il n*en efl: pas de même des. Chrétiens, S'il faut vivre pour être heureux en Payen , il faut mourir pour être heureux en Chrétien. Ainfi. la vie même efl: au regard des Chré- tiens au rang des choies non necei-- iàires ; & ce qui les oblige à la con- ferver , n'efl: pas la neceiîité , mais l'ordre de Dieu. La defirer contre îow ordre , c'eft une avarice , Se une avarite aulîî blâmable que cel- le de l'argent ; ce iqui fait dire à faine ?âru,T» eft ca- Auguftïn , qu'il ne fufîit pas d'être cu".rrcat/a: exempt de l'avarice de l'argent, mais vaiiuaai vitx. qu'il faut Craindre l'avarice de la vie. ^^àr^" *" ^' ïl eft aifé de voir combien un ef.
TNVÉRS SOY-MEMT. ïSj'
prk vivement pénétré de ce^ veri- tez du Chdftianifme, a d'avantage pour conferver la tranquillité de i'efprit i puifque ne defirant rien , il n'eit point contredit dans fes deiïrs , Se que ne tenant à rien , on ne luy fçauroit rien arracher avec dou- leur.
La Philofophie humaine confeille encore pour conierver la tranquillité de refprit , d'arrêter autant que Ton peut par la mémoire les choies fa- vorables & avantageuses qui iont palTées ^ en fè les rendant comme prefcntes j & de ne s'arrêter pas au contraire au fouvenir des difgraces,^ de peur de nourrir fa miélancoiie par ces objets triftes. Mais tout cela le réduit à peu des chofes. Faiions tout ce que nous voudrons , il nous at- tachons nôtre bonheur à quelque ehole de temporel , nous ne Içau- rions l'exempter de la condition de toutes les choies temporelles,qui (e précipitent, & qui tombent dans le îieant. Le fouvenir que Ton peuc conferver eft toujours fombre Ôc languilîant , & par confequent peu^ capable de nous contenter. Il ne
iSS De laChariTe* fjut p^iiit tant craindre auiïi le Totrw venir des mauxpalfez, il peut même avoir quelque chofe d'agréable. Car comme le louvenir des biens palfea nous cha^rrine & nous incommode ^ parce qu'il nous en met devant les yeux la privation; de même le fou- venir des maux palfez nous peut plaire , parce qu'il enferme avec îuy l'idée de la délivrance de ces maux.
Mais une ame vrayement touchée des veritez Chrétiennes , n'a pas hefoin de ces rufes. Son objet & les biens font toujours prelens ; elle trouve par tout le Dieu qu'elle ado- ré, -& elle trompe toujours en Iuy Jes mêmes fentimens de mifericorde Se de bonté. Les dons qu'elle a re- çus de Iuy, ne font point pailagers ; èc il on ne les perd po^int par fa fau- te , ils fubfîftent dans l'ame jufqu'à l'éternité. Une ame chrétienne ne craint pas même de fe louvenir des maux ^âiTez , parce qu'il Iuy eft uti- le de ne pas oublier de quels abîmes Dieu Ta tirée par fa grâce , pour la faire jouir, & la rendre participan* te de la liberté dç^ enfans de Dieu.
ÏN'^^ERS SOY-MEMÉ. 1S5?
La Philoiophie Paycnne divife les niaux , en maux réels qui atcaquent le corps ou rcfprit , Se en maux d'o^ •pinion , qui ne faiiant ni l'un ni l'autre par eux-mêmes , n'agilFent fur nous qu'à la faveur de certaines opinions dont nous nous lailfons pré- venir , de par l'attache que nous avons à certains biens imaginaires dont ils nous privent. Et lur cela , çlle prefcrit comme une chofe facile, de fe défaire des opinions par lef- quelles ces maux d'imagination a- "gilTênt fur nous.
. Mais la Religion Chrétienne con- noît trop l'homme , pour croire qu'il ioit ailé de détruire toutes ces fauf- /es idées dont i'eiprit eft rempli & jprévenu. Elle fournit néanmoins des» railons tout autrement efficaces pour les afFoiblir : elle luy en découvre la iource , qui eft la corruption de la nature fortifiée par le commerce des iiommes corrompus : elle luy pro- pofe avec autorisé les veritez de l'E- vangile , qui étant contraires à ces idées 5 en découvrent toute la fauf- ùté j & elle fait voir par l'exemple d'une infinité de Saints ^ que la rai-
T<)o De la Charité* fon aidée de la grâce , fe peut met- tre au-delfus de ces maux d'opiuion,.- & fe croire heureuie dans les états, que rimaginatioii des hommes a de-* clarez malheureux.
Enfin , comme tous les maux de la^ vie qui troublent la tranquillité de* l'efprit 5 fe tcrmment a la mort, 1er- Philofophes Payens ont crû qu ils établiroientl'ame dans un parfait re-* pos , s'il la pouvoient mettre en état^ de ne craindre point la mort, & ils ont fait quantité d'efforts pour cela^. Mais il n'appartient nullement k ceux qui ont mis tout le bonheur dans cette vie , de prétendre nous*^ fortifier contre Tapprehenfion de la. mort ; auiïi quand ils femblent l'a- voir méprifée , ce n'eft pas en luivanc leurs principes , c'efi: plutôt en s'en écartant. L'efprit humain n'eft pas en effet incapable de méprifer la» mort : mais c'eft qu il ne trouve pas d'une part grande fatisfadion dans cette vie , & que de l'autre fon aveu- glement ou fa ftupidité luy cachent ce qu'il y a à craindre dans l'autre vieji, ce qui le rend capable de fe précipi- ter dans la mort comme dans une
profondeur muette , dans laquelle il efpere trouver l'exemption des maux delà vie.
Il n'y a donc que la Religion Chré- tienne qui nous puille faire méprifer la mort fans aveuglement & fans er- reur , de nous conduire par là au mé- pris de tous les maux de la vie. Il eft vray que les maux de cette vie ne nous peuvent conduire qu'a la mort; que cette mort eft proche de nous ^ éc que Tefpace qui nous en fépare ne peut être long, comme les Payens Tont reconnu» Mais il n'y a que le Chriftianifme qui nous faiie voir que cette mort en finiffant nos maux , nous ouvre k porte d'une félicité éternelle , & que le bon ufage de ces maux palTagers peut contribuer plus que toutes chofes à nous y don- ner entrée. Il n'y a donc que le Chriftianifme , qui nous découvre dans la mort 8c dans les maux qui nous y conduifent, des'qualitez qui nous les puillent rendre aimables.. JJn vray Chrétien ne craint point la mort. Se il la defire même tous les fours . en defîrant le Royaume de Pieu 5 auquel il ne fçauroit arriver
m
1^1 De la Charité'
que par la mort j cSc il ne craint poin non plus les maux de la vie , parc qu'ils ne fçauroient Te terminer qu'; cette mort qu'iL fouhaite , & qu'il luy donnent moyen de s'y dilpofer ôc d'éviter ce qu'il y a a craindn après la mort.
A ces reflexions générales les Phi- lorophes payens enjoignent quelque? autres pour certains états Ôc certaines rencontres particulières. Ils preil crivent ^ par exemple , de ne s'en- gager pas dans des emplois dange- reux j de fe retirer de la Cour, quand on n'eft pas maître de fa langue 6c de fa^lere : D'éviter ce qui nous peut engager à parler trop librement quand on fe fent fier & impatient. Ils veulent qu'on nefe charge pas de fardeaux qu'on n'a pas la force de porter , Se qui nous accablent par leur peianteur : Qu'on ne s'embar- ralfe pas d'affaires dont on ne fçau- roit fe dégager quand on veut.
Mais la Philofophie Chrétienne fournit encore pour tout cela des motifs bien plus preiïans , parce qu'elle fait appréhender dans ces oc- cupations dangereufes , non la perte
du
■ENVERS SOY-MEME. I95
du temps ou du repos , mais celle delà vie de l'ame & du falut ; elle gueric les painons qui nous y enga- gent 5 qui font l'ambition &:la vani- . té ; 8c nous faifant mettre nôtre bonheur à plaire à Dieu , elle nous rend aimables ces emplois tranquil- les que la Philoiophie payenne nous peut bienconieiller, mais qu'elle ne
icauroit nous Faire aimer. .»
D. Doit-on croire qu'on n'a point de part à l'elprit du Chriftianiime , quand on ell (ujet aux agitations ôc aux troubles ?
M. Nullement, car la tranquillité chrétienne a divers degrez , <^ les premiers coniiftent à ne s'étonner pas des ébraniemens de fon ame , ni des troubles dont Dieu permet quel- quefois qu'elle loit agitée -, elle con- fifte à avouer tranquillement la mi- fere & fa foiblelfe devant Dieu , en ,^.,-
I 1 • r A ' • > I Mi(ci-cre niei,
tuy allant : yjye<.-pitt: de moy , varce qaoniiminiu- que je fuis folhle - anen(îez,-moy , parce '""^ fum -, fana
7 -^ J -' ' cN J J ^1 me. Domine 3
jHe mes os font trouble^.. La grâce quoniam coti- commune n'empêche pas ordinaire- r'f^^'^,^^^;;î-°5" ment les acritations & les ébranle- ^. z-. mens de Tame : mais elle les ioufïre patiemment , Se elle preierve ieule- Tornc IL R
15? 4- ^^^ laCharite* ment l'ame du dccouragcment Se du dclclpoir. Or il vaut beaucoup mieux être ébranlé en cette manière, avec un humble ieiitimencde iafoi- blelle , que de regarder tous les acci- dens humains avec une fierté philo- fophique , par une confiance en Tes propres forces. Il efl; vray que la grâce le fortifiant dans l'ame , elle rétablit dans une plus grande immo- bilité, & pluiieurs Saints même ont été beaucoup plus loin en ce point que tous les Philofophcs pavens : te- DtfcipUdcfAint moin ce Sanit dont Theodoret dit ^*'fi^'' dans Ton Hilloire Relig-ieufe , qu'en
The,d»rtt Ff' l'clpace de quarante-cinq années qu'il tétfi'. ^'^^ Supérieur d un Monattere ou il
avoit cent cinquante Dilciples , ja- mais ni la colère ni aucune autre pafîion ne le firent tant (oit peu for- tir de l'adiece immobile où Ion ame étoit établie.
Voila les principes, fur lefquels çn peut fonder folidement fa tranquil- lité de fon repos : on en pourroit ra- malfer encore plufieuis autres de ce qui a été die ci-devant, en parlant c es moyens de reprimer les paiïîons Car comme la tranquillité de l'ame
' ENVEH-S SOY-MEME, 19^
ncù. troublée que par les paiïîons , tout ce qui fertà eiipreferverrame, éc à l'aider à les vaincre,luy ierc âulîi pour coiifer ver fa tranquillicé^de mê- me que tout ce qui lert à conlerver le calme & le repos de lame , fert aufîi à l'exempter de l'agitation ôc du trouble des pallions.
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l^G De la CuARiTfi*
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SECTION SECONDE.
Z)t^ regUnierjt de l'entendement , (^ de la volonté.
CHAPITRE PREMIER,
En cjuoy confijle le règlement de l'en^ tendement & de U vohnté,
D, /'^^^ refte-t-il à examiner V^rouchant les devoirs de l'a-r mour réglé , ôc légitime de loy- même , ou de la charité envers foy-même ?
/?. Le véritable amour de foy- même confiflie 5 comme nous avons déjà dit , à nous procurer le fouve^ rain bien , ôc à régler toutes les par- ties de notre être par rapport à cet- te tin ; ainfl il eft cUir que de mê- me que cet amour doit relier le corps , l'imagination , les paillons ôc la volonté , il doit aufîi régler
^'efprit 5 e'eft-à-dire , l'entende- ment.
D, N'a-t-on encore rien dit qui e^ardàt ce reî^lement de Tel- nitî
R. Tout ce que nous avons dit ufques ici y a beaucoup de rapport j :ar la conduite de Tefprit conlifte à e remplir des veritez neceilaires 3our éclairer Tame dans la voye du [Ziel.
D, Puifque les veritez necefTaires i U conduite de IJentendement par rapport à Dieu, font difperfécs dans ■es Inftrudions , félon les objets :jui doivent être aimeZjConinie Dieif, le prochain , Ôc nous -même , que :efte-t-il donc qu'on puifFe rapporter ^n particulier à la conduite de l'en- tendement ?
5^. On y peut rapporter en parci- :ulier, i°. Les motifs qui nous doi* vent faire deiker la icience du falut. 2.^. Les divers moyens de s'inftruirc des veritez neceifaires au falut. 5°. Ce qu'il faut conliderer dans le choix d'un Direébeur. 4'. Ce qu'il faut conliderer dans le choix des opinions. j°. Ce qu'il faut confider
Riij
ic)S De la Charité' dans le choix d'un genre de vi 6". Ce qu'il faut conlidcrer dans choix des vertus ; & ces confiden tions comprennent les principal devoirs de la prudence Chréticnn Ainfi quoyque l'ordre que Te s'eil; prefcrit n'ait pas permis qu*c traitât de fuite les Vertus cardinale ce qu'on en doit fçavoir fera near moins renfermé dans ces Infl:ru< tions. Les règles de la temperar ce font renfermées dans ce qu*o a dit de l'amour 4u corps , ôc dan ce qu'on dira dans la fuite de la cha fteté. Ce qui regarde la juftice el compris dans ce qu'on a dit de Ta mour de Dieu comme juftice , & dans ce qu'on dira en parlant de C' qui eft du au prochain. Ce qui re garde la force , eft compris dans c qui a été dit touchant les afflidion ôc les maux. Enfin , ce qui regar de la prudence , eft renfermé dan ce que nous avons à dire fur la con duite de l'entendement.
ENVERS SOY-MEMF. 199
CHAPITRE lï. .
Ce que cejl cjue la fcicnct du falui. Com'oîcn ce ne Je tance eji d'.fira- éle » & peu defircc,
V. /^Uelle eft la icicnce du ia-
^. C'eA celle qui nous apprend le chemin du Ciel , la voye de la vie éternelle , la vove de la juftice, & la voye du royaume de Dieu. C'eH celle qui nous apprend a furmonter les puiiïances des ténèbres , de tout ce qui s'oppofe à nôtre falut , ( car il cil utile de la concevoir fous toutes ces idées.) En un mot, c'eft celle qui nous enleigne à vivre ôc à mourir comme il faut , & de la manière ne*- celfaire pour être éterncUemeac heureux.
D, Quelle eft l'étendue de cette, fcience ?
^. La voye qui mené chacun à la dernière fin , conliftant dans les ac- tions de l'entendement ôc de la vo-»
Riiij
loo De la Charitî' lontc , & dans toutes celles qui en dépendent ; il eft clair que lafciencc du .ialut s'étend a tout cela, & qu'el- le confifte dans toutes les veritez, par leiquelles on doit régler toutes ces aâ:ions.
De lorte que comme toutes les fciences , tous les arts , &: toutes les profeiîions en font partie j c'eft a la fcience du falut a les diriger à la fin^ô^ à s'en fervir pour y arriver: fans elle toutes les fciences font inutiles , ou n'ont que des utilitez petites &c bafles| mais elles déviennent grandes <Sc importantes, fî-tot que la icience du falut y eft jointe.Ce n'cft rien que d'ê- tre,par exemple,grand Jurifconfulte, grand Magiltrat , grand Capitaine ^ grand Prince j l'enfer ell plein de tou- tes c^s fortes de c^randeurs, àc c'eftoù L'on arrive par les fciences humaines, lorqu'elles font feules : Mais c'eft quelque chofe de bien plus grand que d'acquérir le Royaume du Ciel , en exerçant même le plus vil mini- ftere du monde.
Toutes les autres fciences ont des ufages bornez: il n'y a, par exem- ple ,pas toujours lieu de fe fervir de
ENVERS SOY-MEME. lÔH
la Médecine , de la Jurirprudence , des Mathématiques , de l'Art Mili- taire. Mais il n'y a point de temps & point de moment où l'on n'aie befoin de la fcience da lalut j parce qu'il n'y a point d'aôbions qu'elle ne doive rapporter à fa fin.
Les hommes peuvent fe partager en diverfes profeiïions , & il n'y en a aucune qui les puiife tous occuper j mais perfonne ne peut s'exempter de s'appliquer a la fcience de Ion ialuc^^ & de s'y appliquer fans diiconrinua- tion.
On peut fuppléer prefque à toutes^ les autres iciences ^ en s'adrefianc dans les eKcafions où l'on en a be- fajn, à ceux qui y font habiles: mais il n'en efi: pas de même de cel- le du falut. Quoy qu'il foit utile de prendre confeil , on ne peut pas fe repoier de fan falut entièrement fur autruy. Il y a mille chofes qu'il faut régler fur le champ, mille penfées &: mille defrs qu'il faut ou rejet-, ter , ou approuver j les confulta- tions continuelles font mêm.e im- poiïiblcs j de ceux qui font deftinez à conduire les autres, n'y fuffi-r
I
loi Di tA Charité' roient pas , fi on vouloïc s'adreflet à eux pour toutes choies. Chacun doit donc avoir en foy une lumière fuftifante pour fe régler dans les actions ordinaires de la vie , «Se pour difcerner quand il eft obligé de pren- dre conleil.
D, Cette fcience du falut Çi c^ran- de j fi étendue , & u importante , eft-elle fort recherchée ?
<^. Il y en a peu qui le loit moins : chacun tâche de fe rendre habile dans la profefîion particulière qu'il a embraifée : on étudie avec foin la Philo'.ophie, la Médecine, la Ju- rilprudence ; les moindres Arts ont de longs apprentiiîages : mais il n'y a prefque point de temps que Ton deftine en particulier à la fciencc du falut 5 & que l'on donne entière- ment pour apprendre à vivre & à mourir ; c'eft- à-dire , à fe condui- re dans la vie & dans la mort , par rapport à l'éternité. On veut que ' cette fcience vienne par furcroît , & Ton ne croit pas qu'elle mérite une application particulière.
On apprend avec foin le métier de faire la euerre aux hommes , ^ de
ENVERS SOY-MEME, 20|
refîflcr aux ennemis *de l'état ; mais on fuppofe que le métier de faire la guerre au diable , d'éviter Tes piè- ges 5 de découvrir fes artifices , de de repoulFer Tes traits enflammez^n'a pas beloin d'étudt ni de travail.
On s'inftruit de ce qui eft necef- ceifaire pour conlerver les biens temporels , cc les beioins de la vit preiente y rendent tout le monde in- telligent. Mais la Icience de confer- ver les biens ipidtuels, & les trc- fors de la grâce reçus dans le Bap- tême 5 eft la fcience du monde la moins recherchée.
Plus les arts & les Iciences nous conduifent à de grandes choies , plus on les cultive avec loin , &c plus on les juge dignes d'application. La fcience du fâlut ne nous promet rien moins que de nous rendre des Rois éternels, cependant c*eft la fcience la plus méprifée , de la plus négli- gée.
D, N'y a-t-il point d exagération dans tout ceci î
K, Bien au contraire. Ce que l'on dit ici , eft encore beaucoup au- deiîous de la vérité : <^ on le re =
104 t)E LA Charité' €oiinoicra facilement , Ci on fait rc flexion lur le peu de perfonnes qu pratiquent les moyens , dont nou^ parlerons dans les Chapitres fuivans . fans lelquels néanmoins on ne peut acquérir lafcience du falut.
I>. Que faut-il donc faire pour ne point tomber dans ce mal Ci or^ dinaire ?
J^, Il faut s'appliquer à bien con- noître l'importance de la fcience du falut, Se être fortement convainciî de Taveuglement des hommes qui la négligent,-
Il mut méditer fouvent ces paro- <5ûid çrodcft les de l'Evangile : One fert a l'hom-
<lum univcrfum ^^ ^^ ^^'^^^'^ ^^^^ " ynonde j S il fera, lucrctnr^znimx Tff^ ^^/jc ^ ôc fe les appliquer en fe
vcro fuï dccri--',. V , -• ^ ^A r
fiicntura paria- allant a loy-meme ; Que me 1ère
tmfMat$h, \(. de connoître toutes chofes , fi je ne
fçay pas le chemin de la vie , & que
je marche continuellement dans Ie$
voyes de la mort ?
Il faut enfin le remplir des paroles de l'Ecriture , qui nous avertirent de cette illufion , & tâcher de fe les graver dans le cœur.
D, Quels font ces pailages de la fâinte Ecriture ? /** Il n'y a point de matière fuç
ÏNVEHS SOY-MEME. 10|
laquelle Dieu nous ait donné tanc d'inftiudions & de préceptes dans les faintes Ecritures. En voici quel- ques-uns.
1°. L'Ecriture appelle tous ceux qui ne font pas inftruits de cette "^fi^cquo^par-
/ . ^ J r . ' r r • vuh,dilignis
Icience ; Fétus ^ joitx^ mfenjez. ^ tm- infantiam , qu» vmdens. O enfans , leur dit-elle , inf. ^'"^'^^^^^ no.-'^i* ijnes a quand aimerez,-voHS le/ifarjce ? ^m^cn^ts odi- jitfques a quand les infenfcz. 'de/lre.f^^l^l'^l'^^'^' ront-ils ce qui les perd ? & les impm- „ , dens a liront- us U fcience ? qui invenic la.
1^, Elle nous apprend que le bon- v^^^^^^^_ > & heur de cette vie conlure a poilcaer dencu:meiior cette fcience : Heurenx , dit-elle , ^^-"^^^^"0 ^-
Cellty qui a, trouve Ul fitgcjje ^ CT qui aigenti & auti
efl riche en prudence: Son prix pafs^''^^^''''^-
f .' , Il y-* ini riLictus cjus ;
toutes les j-'icheRis , & tout ce qiton piecioiior eil depr: le plus ne mérite pas de luy être'^''^''' .''^'^''' » compare. Ses voyes font belles , (^ defiJerantur, toHS ces fentters font pleins de paix. compTrarr^'"^^ 5°. Elle nous apprend que la re- vi^^ejuspakhr^, cherche de cette lageife , ôc à<: z^xit^^^^'^ fcience, doit faire nôtre principale j^^^r. ,.i^. ^
étude. Travaillez, a acquérir /^" ./"^-'''pnnciptumfa- ^ç/T^ , c^e-n efi le commencement. Tra- piendc^, poifide-
>..■// 'V '^^ ' t ^ J bit iapienciain .
vaille\^ a acquérir la prudence , anx ^ j^^omai pof- dépens de tout ce que vous pouvez, feifione cuà ac- fojjeaer, tum.it^ta^. 7,
io6 De la Charité* 4". Elle nous apprend que l'ctu
Bcatus horao j ,' . \ ^. ^ ^
qu» audit me, &: ^^ Cette Iciencc doit etie continu, qui »^igilac ad \ç^ Heureux celuy qui rn écoute , ci
rorcsmcas 4ao- r tT 1^ •
tiûie, £c*rcr- cette .Sagelie même, ^m. veille toi vac ad portes o- /^j joHrs à l'entrée de ma maiCon ^ c
nu mci : qui me . ., . ^ -L '
invcnent, in- (fut Je tient a ma porte, CeUy qi remet viram,&: ffiaura trouvé , trouvera la vie , & .
nauiiec lalutem .^ t r ! i / t > 1
À Domino, ibui puijera le Jalut de la honte du Sei t. 34. cr ?f. çneHy.
Mcum eft con. ^o^ £11^ ^^^^ apprend que c'efl: cet tas , mca eit tc lagelie & Cette icience qui reglen prudcncia mea aeneralement toutes choies. Cei
e'r roiticudo. î^. • 1 1 • •
p.r me icges re- de rnoy , dit-elle 3 que vient le conCei
gnanr, & kgum ^ l'équité ; ctl} de moy que zient L
dcccrnunt. ivid priidencg ô" la forse ; les Rais regneni
i4-cr'5- p^^y moy ^ & c eft par moy que Ici
Legifl.^tenrs ordonnent ce qui eft
jufie,
Uoinoncfl <5°. Elle nous enfeigne non fcule-
fcicmjaanimx, ment que cette fcience du falat ell: le
non eft boxium. , j i 1 • >\ n-
ii'id. ij». i . plus grand des biens,mais qu il elt mi- poflîble lans elle d'avoir aucun bien. Ou la fcience de l'ame ne fi point , // ny a po'nt de bien, initium iiHus 7°. Elle nous apprend par où il ciphnx conçu- ^^^^ Commencer pour arquerrr cette puicniia 6af. Icience du falut , ou cette ia^elfe. Le crnmencement de la ÇaçefTe , dit TEcriture , efi le defir de l'infiruc-
ENVIRS SOY-MEME. 107
tio'ri. Elle nous avertit au (îi , que Quimanè rî-
. , 1 .* eilanc ad me , ^jfHOy (jue tous ceux qi-i'- Lt cherchent inve nient me,
de bo^yie- heure , la trouvent \ nean- ^' ^'.'''.
, .,T^' n Sapientia eaim
moins laconnoillanceeneltti-es-rare, docicma noa eA
mulcis manifc- — ^ . . ûè. £fc/. i, 6,
CHAPITRE III. *^' _
Des nwye7?$ ordinaires de sinjlruire des vtritez, du id.ut,
Z>. f A fcience du falut eft-elle Lune Icience comme les au- tres , qui s'apprennent par l'étude , le travail 6c lapplication hun:iai- ne î ■ -^
R, L'Apôtre faint Jacques nous avertit que c'eft de Dieu qu'il la , , faut attendre : Sï cjuH^ii nn dit-il , indi^'l^'rapien- d\mr2 vous mancjiie de fk^:û} , ciu'U^^^» pjfta.et à
.1 J ^ r\ •; ^ 'Deo, qai dac
la demande a Dieu _, cjui ion-ne a tous omniDu> atiiaé- liheralement y [ans reprocher ce ^////tcr, ccnoana- donne , & elle hiy Ctm donnée, C'efl Sr^eu /«:'. u pourquoy il en: dit au commence- ^ nient de rEccledardquc: One toute U- Oivinis fapieti-
rn ' J c • r^- ' s « tia à Domino
^cjjj Vient du ôe-gneur Uuh •, ^// elle a q^o eft & cam toujours été avec lny,&qHelle efi éter. illofaicfeaiper,
neae. Ce qui marque que cette ve- eccU i. i, ritable fagelFe que les hommes doi-
£o8 De la Charité* vent dclirer , ôc qui n'cft autre cho- fe que cette Icience dulalut, q(ï une participation de la fagelfe éternelle. Se un rayon de cette fource de lu- mière , qui éclaire nos eiprits.
D. N'y a-t-ii donc rien à Elire pour l'acquérir, que de la deman- der à Dieu , luivant le précepte de i'Apôtre faint Jacques ?
R. Dieu qui veut conduire le^ hommes d'une manière qui Toit pro- portionnée à l'état de foy &: d'ob- icurité , où il les veut tenir en ce monde ; les oblige à la rechercher par certains moyens humains , lous Icfqucls il le cache, <3c par lel quels il aime mieux la leur donner , que de les éclairer d'une manière ex, traoLûinaire.
D, Quels iont les principaux de ces moyens ?
R. Ceux qui font les plus ordinai- res font , i". La lecture de l'Ecriture fainte, & des livres de pieté. i°. L'in- ftrudtion des Paftcurs & des Direc- teurs , & généralement de tous ceux dont on peut tirer quelque lumière. 3^. Les refiëélions que l'on peut fai- re fur ce qui fe palfe au dedans .<?c au dehors de nous. . §• !•
tï^VERS SOy-M£ME^ 10^
§. I.
înmler moyen de s*injlruire d$i f^lîdt , qui ejl l^ Uciure,
Article I.
De la mcejfitt de la leErnre.
i>. La lecture eft-elle neeellaire à tout le monde , pour acquérir la icience du falut ?
R, On ne peut pas avancer cela généralement , puiiqu'ily a bien des gens qui ne fçavent pas lire , & qui par confequent font peu capables de profiter de la ledure ; & à l'égard '3e ces perfonnes , on peut dire fans doute que la lecbure n'eft pas un ftîoyen propre àleurinftrudtion. Ou- tre cela, il y a eu des Nations entiè- res , félon iaint Irenée , qui ont été Chrétiens , lans avcrir TEcri- ture parmi eux. Mais à l'égard de ceux qui ont de l'intelligence , cc qui peuvent fe fervir de ce moyea pour s'infti:uire,on peut due qu'iis.ne fcauroient le négliger fans une faut§ Toms IL S
210 De la Charité' confiderable , &c que le feul dcfam de s'en fervir , les met en un dangei évident de leur falut.
D, D'où vient ce befoin fi pfi-i tif&fi preiTant de la ledure^ poa acquérir la fcience du falut ?
J^, Il vient de ce que c'eft le moyen le plus facile , & qu'il efl tres-difîi. cile de faire par une autre voye , ce que l'on peut faire par celle-là j car pour acquérir cette fcience du falut, il ne s'agit pas fimplemcnt d'avoir dans fa mémoire les artxles de la foy , &c les principales règles de nos adtions : il faut les avoir fi vi- vement imprimées dans le/prit ôc dans le cœur , qu'elles nous mettent en état de refifler à rniiprefïîon da monde.
Pour comprendre mieux la necef- fité de la leclure , il faut concevoir que les maximes qui font contrai- res à la vraye fagelfe , & à la fcience du falut, font celles qui nous donnent de grandes idées des cho- fes du monde , & des biens du fie- cle ; qui nous portent à les aimer, à nous conduire par des vues humai- nuincs , ôc des intérêts temporels ;
ÈNt'ERS SOY-MÈME. lll
^uc CCS maximes lont continuelle- ment propofées à notre efprit par l'exemple , par les paroles , & par la vue même des crens du monde , & des objets du monde ; de forte que l'on peut dire que la vie du monde n'efl; qu'une prédication continuel- le de la vie de concupifcence ; qu'el- le tend à effacer de nôtre ame tou- tes les lumières qui conduilent à Dieu , <Sc à la faire entrer dans les voyes tenebreufes de famour du monde. Il faut donc retracer con- tinuellement dans nôtre elprit ces vérité z de la fageife divine. Il faut les ranimer Ôc les réveiller fans cqÇ- fe , & en renouveller l'amour dans nôtre cœur.
On le peut faire à la vérité par divers exercices , ôc par divers moyens -, comme par les prières y tant publiques , que particulières , qui y font très-utiles ; par la médita- tion des veritez Evangeliques, qui y fervent tres-efficacement;par i'appli- tion aux inftrudions des gens de bien , des Directeurs ôc des Pafteurs, qui y peuvent auiïi contribuer beau- coup. Mais il n'y a point de moyen
S i)
11 i- De l a C h a r t t e*^ qui foie plus en nôtre clirpof^tion> ^ par lequel nous puiflions mieux pourvoir a tous nos befoins Ipiri- tuels, que celuy de la ledture*
On n'a pas toujours lieu d'enten- dre des diicours de pieté , & même ces diicours ne conviennent pas toujours à tous nos befoins 5 mais la ledlure eft un moyen toû)ours' prêt , & que Ton peut aifortir à- toutes fes différentes neceiïîtez : cXl: un moyen qui anime tous les autres ; caries prières Se les méditations font d'ordinaires bien feclies , iî elles ne font anonfée par la ledture. On a befoinde même de renouveller dans^ fon eiprit par cette voye les inftruc--: tions des Paftcurs & des Direcflreurs,: |' qui s'efFaccroient facilement , Ci l'on ne trouvoit dans le co!.irs de ces Ic(fcures ce qu'ils nous difent : Qui pourroic donc porter les hommes a- négliger, ce moyen (i utile ôz iî. facile en même temps? c'eft ians doute le' peu de foin qu'ils ont de leur ame,. éc le peu d'amour qu'ils ont pour la (agelTe Chrétienne , & pour la fcicn-^ ©mni caftodiâ ce du falut. Il nous Sit Commande frr4°'J"'"'' idans lEcriture de garder nôtre caur
tNVERS SOY-MEÎ^E. 2>rj
%vcc toute forte de loin. Or ce ccrur ne le garde pas par des gardes exté- rieures .,: & il n'y a pas d'autre moyen de le garantir de Timpref- lîon des objets & des difcours du (iecle j qui font capables de le cor- rompre ^ qu'en le mettant a la gar- de de la vérité même.- Mais afin que k vérité le garde ^ il faut qu'elle ne foit pas- comme mort€ , & comme endorm.ie dans notre elprit j il faut donc louvent réveiller en nous la connoilîance que nous en avons , au- trement elle nouS' devient inutile pour nous garder ; & le dégoût & l'engourdillement pour les- choies fpirituelles , caufez en nous par la: concupifcence ôc famour du iiecle, prévalent aifémcnt , de prennent le delfus , fi nous n'avons foin.de- ies détruire perpétuellement^ Or cela tie le peut faire par un moyen plus ailé que celuy de la lecture des li- vres de pieté , qui coiiiiennent les verfccz Evangeliques ;, & la fcience du lalut.
D. La négligence pour la lecture' des livres de pieté , eft-elie fort or- dinaire?
ii4 D î t A Cm ar ï tt'
R, L'expérience ne fait que trop voir combien elle Teft : Car, par exemple, combien trouve-t-on peu de gens du monde , & de pcrfonnes engagées dans le mariage , qui pren- nent tous les jours un certain temps réglé , pour donner a leur ame par quelque lecture 5 la nourriture donc elle a belom ? & même entre ceux qui le font , combien y en a-t-il peu qui le falfent comme il faut? La plupart du monde traitent leur ame avec bien moins de foin 6c d'affec- tion 5 qu'ils ne traitent non feule- ment leurs ferviteurs , mais leurs chevaux , leurs chiens , leurs oifeaux & leurs autres animaux domeftiques. On ne s'informe fouvcnt que trop , il on leur a donné à manger ; mais on ne fe met pas en peine (i fon ame n'eft point dans la difette , & fi on luy a donné fuffifamment de quoy fe nourrir. On fuppofe qu'elle n'a bcfoin de rien , & qu'elle peut fe foutenir par elle-même : Et il arri- Pctcuffus fam ve de la 5 qu'elle tombe dans l'état ârr'rrâ,.?.decnc par le Prophète lorfquil dit: ijuia oblicusfu n ^\iy été f/'^Ppc co^i'ne l" herbe , dr mon
coiuîicre pa- » /2 r f ' ^ •> Lv.L
nem mcai. .';. ^^<^ ^ ^ft A^^»^^ . Pf^Ce qUÇ j ay OHbUc
»<>*• J- de manger monfain, ^
ENVERS SOY-MEME. 21^
Z>. Doit-on juger que cette négli- gence eft un grand péché ?
<^. Ouy , certainement, puifqu*el- le conduit lame fort vite & fort di- rectement à la mort , en luy ôtant Ja force ôc la vigueur necefTaire pour foutcnir les tentations du mon- de.
D, Contre quel commandement ce péché eft-il ?
/*. Contre la charité que Dieti nous commande d'avoir pour nous- même ; car de même qu'un homme qui laiiïeroit mourir fon corps faute de luy donner*de la nourriture , fe- roit un très-grand péché contre la charité ; c'en eft auui un fort grand que de lailfer mourir fon ame, faute de luy donner la nourriture fpiri- :uelle , dont elle a befoin,
D, Que peuvent donc faire ceux qui ne fçachant pas lire , ne fçau- "oient fe fervir de ce moyen ?
I^. Ils y en doivent fubftituer d'au- tres , avec d'autant plus de foin , qu'ils font privez de celuy-là , corn-* lie nous l'expliquerons dans la Cm»
îio Dé la C iî arit ^* Article. II.
De quelle manière on doit fai fes leciu/es fp^irifuelles.
2). Sufïït-il de lire des livres « J)ieté pour fe procurer les avantag de la ledlure ?
F, Non ; car il ne faut pas conlL derer la ledture , dont nous parlon comme une étude humaine , & u exercice humain ; la vue que Te doit avoir , eft de donner lieu à Te prit de Dieu de nous éclairer , &c a loleil de Juftice de luire en nou- Il faut donc faire les lectures fpiri tuelles d'une manière fpirituelie , 6 capable d'attirer fur nous l'efprit d I Dieu. Il les faut faire pour y écou ter Dieu ; car comme nous parlon à Dieu par la prière, aufïï Dieu nou parle par la lecbure , fel'on les Père; de TEglife.
D. Comment doit-oii concevoii *que Dieu nous parle par la ledur^ des livres de pieté.
^. On doit concevoir, première- ment , que Dieu dans l'infinité de ù
prefciena
ENVERS SOY-MEME. I17
prcfcience n'a pas fait écrire une parole, non feulement dans TEcri- ture fainte , mais même par les Pères , & par les Dodeurs de TE- glife , qu'il ne l'ait deftinée par une vûë^iftindte à l'utilité de tous ceux qui laliroient , dans le moment pré- cis auquel ils la lifent. Ainfi , cha- cun en lilant ou l'Ecriture Sainte, ou quelque autre livre de pieté que ce foit , doit croire que c'eit Dieu luy- même qui a di6l:é les veritez qui y font contenues : que c'eft Diculuv- même qui luy preiente ces mêmes veritez , &z qui les luy preiente pour fon falut. Il doit fe perfuader que Dieu veut qu'il fe lerve de ces veri- tez , puifqu'il luy donne la volonté de s'y appliquer ; que c'eft pour luy qu'elles ont été écrites , & qu'ainfi il rendra compte à Dieu de l'ufage qu'il en fera.
Secondement, on doit concevoir que la parole extérieure ne luffit pas, éc qu'elle ne nous peut être utile , fi Dieu luy- même ne la ^rave dans nôtre cœur : mais on doit être aufîi perfuadé que Dieu eft prêt de l'y graver , fi nous ne mettons point Tem^ IL T
iiS De laCharite'
d'obftacles , à la lumière, par îa du^ reté de nôtre cœur.
D. Que s'eufuic-il delà ?
R. Qu il faut faire fes lectures avec un efprit de reconnoiirancc pour la grâce que Dieu nous fait de nous admettre à la ledure de fa parole & de Tes veritez , &: avec un defir lin- cere &: une humble prière , qu'il les imprime dans notre cœur, & qu'il nous en donne l'intelligence dans le d^gré qui nous eft utile pour nôtre fandlification.
D, Que faut-il obferver dans le cours de Tes ledlures î
R, 1°. Conferver toujours cette difpofîtion de prière & cette at- tention à Dieu , &: la renouveller fouvent 5 de peur que cet exercice ne fe change en une occupation de divertiiîement &: de curiofité.
2°. Ne palfer pas légèrement fur les veritez qu'on rencontre , & don- ner le loifîr a Telprit de les digérer , de s'en nourrir , & de fe les appli- quer,
3°. Finir fa ledure par la prière , & par Taétion de grâce , comme on la doit avoir commencée.
ÏNVÎRS SOY-MEMÏ. ' llf?
t ■ D» Que doic-on éviter dans les le- vures, pour n'en pas perdre le fruic ?
R, On y doit évicer une certaine avidité qui aime à fe remplir de quantité de veritez , en les faifant ièulement fervir de lpe6i:acle à Ton efpric 5 ce qui n'eft dans le fond qu'une curiofité iecrette. On n'aime peu la vérité , quand on s'y arrête fi peu 5 <Sc Ton fait bien voir en s'en réparant fi vite , que c'eft plutôt la nouveauté que la vérité qui nous plaît,
D, Mais que faut-il faire fi l 'efprit ne fournit aucune penfée^^: que l'on tombe dans la langueur , en voulant Jire lentement ?
R, On peur s'arrêter en deux ma- nières à fa ledlure j l'une , en faiianc des réflexions lur ce qu'on lit , en l'étendant dans fon elprit , ^n fe l'appliquant, en l'approfondiiï^int 5 l'autre , en relilant plufieurs fois la même chofe , &c tâchant ainfi de f«ç la mieux imprimer, en honorant ce- pendant la vérité par un refpeâ: in^ *terieur. Qui ne peut arrêter la rapi- dité de ion ci prit en la première ' manière y le peut toujours en la fe-
Tij
'220 D E LA Charité"* conde 5 & cette féconde manière de lire eft toujours infiniment plus utile pour la pieté , qu'une ledure qui ne Jailîe que des notions confufes , &c qui ne donne aucune vraye lumière. On modère toujours par la la curio- fîté ; on imprime plus profondement dans la mémoire les vcritcz que l'on lit , ëc on donne lieu a rclprit de Dieu de nous les rendre prefentes dans les occafions.
X). Eft-il bon de lire beaucoup h chaque fois ?
^. Tous les Maîtres de la vie fpi- rituelle ont recommandé de lire peu à chaque fois , afin d'avoir lieu de le digérer , &c pour n'éloigner pas l'ef- prit de Dieu par la ctiriofité. Mais pour ne pas abufer de ces avis , ôc ne les pas porter trop loin , il faut fçavoir i°. Qu'il y a certains livres dont on peut lire davantage , comme les Hiftoires & les Vies des Saints , ^ que l'on peut y employer un temps plus conliderable. i", Qu il y a cer- taines perfonnes qui peuvent lire, beaucoup davantage ; tels lont ceux * à qui l'étude tient lieu de travail, parce qu'ils en ont befoin, ou pour inftruire les autres ^ ou pour s'occu'-
BNVEP.S SOY-MEME. 221
per utilement. Or, quoy que ces peiTonnes doivent s'arrêter aux ve- ritez qu'ils lifent , & ne fe lailfer pas emporter a la curioiité , ils peu- vent néanmoins employer autant de temps à l'étude , que leurs autres oc- cupations leur en laiilent. . £>, Peut-on tomber dans quelque excès à trop lire?
.. i?. On le peut très facilement. S. Au^uftin , par exemple, remarque .-^^^'^^"^n comme un dérèglement conlidera- ledtiom noUe ble dans certains P.elieieux de ion ^b^smperare ,
1 ,-i ^ ^ ■ duinvulc ci va-
temps 5 de ce qu ils vouioient em- caie.
ployer à la lecture & à la prière le temps deftiné au travail, & il les ac- cule de ne vouloir pas obéir aux ve- ritez oulls iifoient en même temps qu'ils les vouloient lire. On pourroit reprocher les mêmes défauts aux perfonnes , qui étant prellées de quantité de devoirs necellaires , von- drdienc employer un grand temps à la leâ:ure.
D. Que doit-on encore éviter dans les ledlures ?
J^, On y doit éviter Tinfrabilité d'efprit, qui porte à palTer d'un li- vre à un autre ;, 6c à les effleurer
T iij
212 De la Charité* tous. Ce changement li fréquent marque une ame malade , dégoû- tée de la vérité , & poiredée d'une curiofité inquiette. Les Philofophcs Payens même ont reconnu que ce n'étoit pas le moyen de profiter des ledures j que la multitude des livres oneratdifcen. charge l'eiprït ëc nelmihuit pas ^^ temturba, non & qu'il vaut bien mieux fe donner à quefatiuseit Certains Autcurs , que d être errant pr.ucis le^ auto- ^ vae^boud parmi une foule de dif-
libus iiadcie , r . *"^ j ■ quam eiraie per fCrcnS llVreS,
rcukos. ôc.ic. Outre cela on doit éviter la vanité ^tf'.'T. '' ^ qui porte inicniiblement a tirer avan- tage de ce que Ton apprend ; à mé- prifer ceux qui ne le fçavent pas comme nous , à les regarder comme, des gens fans lumière j à rapporter par une vue fecrette de vanité , les vérité z que Ion lit , plutôt à la cor- redtion des autres , que celle de foy- nicme. îl faut tâcher au contraire, de fe coniîderer ioy-mêuie , dans les ledtures que l'on fait , comme dans 1 un miroir , & d'y voir plutôt fes
propres défauts , que ceux d'autruy^ i). Comment peut-on reprimer la vanité dans fes ledures 6c dans Tac- croiffement des connoiffances ?
ÎNVERS SOY-MEME. lîj
^. En confiderant que toutes les
veritez que nous lifons , nous feront ' repreientées au Jugement de Dieu,
four nous faire rendre compte de ufage que nous en aurons fait j <3<: que Dieu nous imputera comme un abus de fa vérité , de l'avoir lailîée flerile dans nôtre elprit, lans la faire paifer dans le cœur par l'amour ôc par le refpe^t. AinCi , comme perfonne ne peut s'aifurer d'avoir tiré de la vérité les fruits qu'il devoit , il n'y a point de vérité qui ne doive être un grand fu- jet d'humiliation.
Qui ne tire pas de la connoilTance de la vérité tout le fruit pour le- quel Dieu nous l'accorde , &^ qu'il prétend que nous en tirions , en eft injufte polfelleur. Il eft du nombre de ceux dont l'Ecriture dit , ^/^/'//^ O^iifarantu! ront voleH''s de la parole de Dieu. Ces ^^^^^ '^^^ ^'" paroles iont 1 arrêt de leur condam- nation. Or, eft-ce un ^rand fujet de vanité , de porter fur foy la convic- tion de fon vol , & l'arrêt de fon fupplice ?
D. Quels antres mauvais effets la îeârure peut-elle produire ?
R, Outre la vanité & la confiance
T liij
i24 Dî LA Charité' en roy-mcnie , elle peut produire encore une certaine dureté de cœur, ôc une indocilité. Si l'on n'y prend garde , on n'eil: plus touché de rien, parce qu'on a comme émouiré par des leclures mal faites Se mal digé- rées , la pointe des veritez. On ne trouve rien de bon dans les inftruc- tions des Pafteurs , parce qu'on ne les trouve pas fi juftes ni fi bien ar- rangées que celles qu'on trouve dans les livres : on palTe même jufques à s'imaginer qu'on n'a pas beloin des Pafteurs ni de leurs inftrudtions y que les livres dont on fe fert peu- vent fuppiéer à tout ; & on tombe en de» très-grands é^aremens , en s'a^ppuyant ainii fur la propre con- duite. Mais ces défauts ne viennent pas précifément de la lecture j on peut dire plutôt qu'ils viennent de nôtre propre fond , & de la mauvai- fe difpolltion de nôtre cœur, de du peu de loin que l'on a de profiter de les ledures , dans lesquelles on fe contente de fe divertir l'efprit , fans fonger ferieufement à pratiquer les veritez que l'on y rencontre.
IMVERS SOY-MEME. Ziy
ArticleIII.
Des livres que l' on doit lire t ^ particulièrement de la leciure de V Ecriture Sainte.^
D, Peut - on prefcrire générale- ment les mêmes livres a tout le monde î
^ . Non , parce que les ouvertu- res des efprics & les lumières que ,- ^ebrsorum Dieu leur donne, qui y font d'ordi- oiuuHebixis naire proportionnées , font extiê- \^^^1 ^^"'^^ ^^^'r
r r 5 lant , in pnmis
mement difrerentes, de ces divers de- egiegiam sc lau- grez de lumière font qu'un même li- ^l "^S^^^ vre eft plus avantageux en un temps quivis iciipcmac qu'en un autre. _ C'eft pourquoy S. ^l';: ""„\tm " Grégoire de Nazianze remarque aiii iibri jam
_ 5 ^^ • -1 1 • r pridem à prima
qu on ne permcttoit parmi les Juifs J,,,, ommbus qu'à ceux qui étoient âgez de vingt- pcuvaccebantur. Cinq ans, la lecture de certains livres ^^^^^ ,..aiiiau- de TEcriture , & principalement du ^em his duma-
Cl r^ • xat qui virefi-
antique des Cantiques , quoy que mum qmi^cum
les autres fuilent permis à tout le annum stacis
11/1 1 j A r, <- • excefliflenc. S.
monde des le plus bas âge , oc Saint ure^.Na^.orat, Jérôme a ufédelamême précaution, »• en prefcrivant à L^ta des relies pour ^'''^^ '^; ^'"' clever la mie.
ii(^ De la Charité'
li.'l?r„;ri , ^'-^j.'" ^ugaftin , a qui Saint An, tuo, virofanao broilc avoit conlcillé de lire le Pro t^:^r- Ph«'; l'aie , Ce crut oblige d'en d.ftl mcos, &pi2- rer la lecture , jufqu'a ce qu'il fû Srn°Tmo. plus exercé dans le ftylc de i'Ecritu neret qmd po- re. Il cft Certain aufîi que dans laie
tiflimum mihi n., J^„ I: J I'î- c^ ■
de hbiis CUIS le. ^^^^^ des livres de 1 Ecriture Sainte gcnduin ertec . . il y a quelque ordre a garder , de ou
ac illeiulîic U ^ ■' ^ r '1^ J f r
faïam Prophe- ^^^^ ^^^ ^^^^^ P'^s également diipolc tam. . . veium- en tout temps à profiter de la le dur
taraen ego pri- i a i .
raa.n hujus lec- ^cs memes^livres.
tionem non in- Pc cck n'a pas lieu feulement dan
tclligens , to- p^ . ^ . rr j 1 T •
lumque taiem -l hcriture , mais aulii dans les Livre arbitrant;, dif- (^q^ Percs , & dans tous les autres li
tuli repetcnduin i • / -i i- r
cxercitatior in vrcs de pietc ; il y Cil a de trop tort; dominicocio- & de trop difficiles pour les cipnt: i. ^. t««/. f. j. iimples ; de lorte qu li taut que cha- cun ait loin de chercher une iedurc qui luy loit proportionnée.
J). Doit-on confeiller à tout le monde la lecture de l'Ecriture fain- te ?
n.Sl cteSi'l'^' ^' C>^^^ i ^^^^'\ ^^ 1-emarque des inicripruiis il- Percs , a fait écrire Ion Ecriture, d.V.n'^»"^''.. dans la vue quelle pût ferv.r de ineft omnino nourriture , Se aux petits aux grands; deùdis'^fnftau" elle eft, dit faiiit Auguftin , telle- randifquc aniw ment accommodéc a k capacité de
«nis accommo- i si - r
daciUima difci- chacun , qu il n y a perionne qm
ENVERS SOY-MEME. 11J
n*en puille tirer une luftiiaiice in- p'»»^^ ^ & pîanc
f. f-^. ica modinrata,
ItrUthon. ut nemo inde
Dieu , die encore ce même Père , a ¥^"""°".P°'* abailie 1 hcnrure juiques a la capacité ^s cft s, ^«^. desenfans qui font encore à la ma- ^'^»*^'/- crf</. f. melle , félon ce -qui eft dit daîis un 'mcHnavk er- Pleaume , que Dieu a ^ha-fTi /^j go fcuFruias
. ^ »./ / r j T Deus ulque ad
CietLX _, CT ^/^ // f;2 dejce-ûa. J^a infantium & manière de parler de l'Ecriture iainte J^aennum ca-
CL r y ■ -i \ ' '^ pacitatem, hcuc
eit il admu-able, quen même temps in aiioptaimo quelle eftacceffiblecà tout le monde, cankar, & m- lin y a prelque perionne qui lapuille & defcendit. in pénétrer. Dans leschofes clairesqu'el- ' ' , le contient , elle eil comme un ami ipfe dkendiqao fidèle qui parle fans fard & fms ar- ^^"^" ^"^P^^"^?
.-il 1 r concexuar, qua
tirice au cœur des Icavans $c des omnibus acceflî- ignorans ; de quand elle cache quel- ^^rr,^"";^ que veritez par des expreflions my- netiabiiis £a fterieufes , elle ne le fx.t_ pas avec '^^^'^^^t un langage fuperbe & enflé, capable mïcus famiiia- de rebuter les efprits card.fs , & de ^o/io^ato m- leur ôter la hardielfe d'en appro- doaorum acque
^v ^ 1 • ^ do£lorum. £a
cher, comme les pauvres craignent veioquxinmy. d'approcher des riches. ftcriisoccakac^
nn ■ j-i nec ipiaeloquio
eit vray néanmoins quil y a ^^pe/bo erigk ,
certains livres de l'Ecriture plus quonon audeac
1 V ■'• accedere mens
proportionnez généralement a tout taidiuicuia & le monde , &C ce font les livres du ineiudita^quaiî
^T f^ n paupcr ad divi-
Nouveau Teftament» Uni s. ^a^.
iiS Delà Crr a r i t e*
T.f'fi. adVclif Vide S. Cire^. M.ig. Ej. ad Ltand. & in friijl ^'t*. ?c. Mor-il tn 'job.
D. N'efl-il point utile de fc fcrvi 1 de la lumière de quelque Dire(fi:eur||^^ pour choifîr les livres de l'Ecriturt qui nous iont le» plus propres ?
R, Comme on le doit conduire dans toutes chofcs par la lumière d(|^ Dieu , il eR fans doute que c'efl une fort bonne voye pour trouvei cette lumière , que d'avoir re cours pour cela à celle d'un Dire- cteur éclairé. Et c'eft un tres-bon moyen d'attirer la benedi6lion de Dieu fur nos lectures , qu? de les lanctifier par l'obéilîance. C'efl: pourquoy c'eli la pratique de tous les A'îonafteres bien réglez , de ne faire point de ledture que par l'avis & l'ordre des Supérieurs , qui cependant ne doivent pas abufer de cette pratique , & fous l'ombre de cette loy, oter aux enfans le pain de la parole , que le Seigneur veut au contraire qu'ils leur mettent à la main. A la bonne heure qu'ils le retranchent comme les Médecins re- tranchent le pain aux malades , après que par leur expérience ils oncrecou-.
' ÏNVERS SOY-MF.ME.' 22^'
fiu l'abus & la profanation que quel- ques elprics mal tournez, peuvent fai- re quelquefois des meilleures ledlu- res 'y mais que ious le même pré- texte , ils ne le retranchent pas aufïï à ceux qui ne lont nullement mala- des. Ufer d'une telle autorité,& exi- ger que les inférieurs y défèrent , c'ell vouloir dominer lur leur foy , ôc fe fervir de leur déférence , non pour leur édification , mais pour leur ru me.
Z>. N'y a-t-il pas une défenfe de lire l'Ecriture en langue vulgaire , à moins qu'on n'en ait une permif- {îon par écrit de Tlnquiiiteur , de l'Evêque , ou de ceux qui iont com- Qiis par luy ?
^, Le Père Amelotce fait fort bien entendre dans la Préface de fa traduction du Nouveau Teftament , que .s'il y a eu autrefois des défen- fes de lire la Bible en langue vulgai- re , elles ne fub/iftcnt plus. Car il fait voir que ces défenfes n'ont eu lieu , que lorfque la contagion de certaines herelies s'çchauffoit , mais que ce n'en eft plus le temps aujour- d'huy. Le Cardinal de Richelieu dit
i50 De la Charité'
de même dans les Controverfes, qi
cette déEenCc n'a. été faite que po
un temps.
Biblîa ...lice- Le Père Veron pafTe plus avani
re tum yei plu- ^^^ j^^^^ j^ Piefacc de fa tradudic
tibusvel omni-
bus iegeie,prout dti Nouveau Teltament, il mont innotttajam ^^ cette déftnle n'a jamais été
Germaniavide- J, , , , ^ o. 1 r J
nuis , ubi non i égard de la rrance : Que le rond raoào «on un- ^^^^^ j^. l'opinion populaire , que
probant Epilco- r ^/ • / ••' ,
pi,parochi. Bible cu langue vulgau'e etoit d- conteflaiii fi f^^^^^ ^Q. pj-jg nou du Concile <
Didembeigu , i rente, mais d une règle de la Coi ftafiàu"uï:: gregation de l'Index , qui n'eft poi gat : Ted probâc reçûc en France j ce qui paroît cla ^^*^"'^^.; îam* rement , en ce que ce même Ind( facukaseacom- deteiid lous les memes peines, '""^^^ ilm in^ ledure des Auteurs Catholiques qi
Sue psnani in- ^ i i
igmu uiiam ont éciit des controveries ; ce qui r
nraocerexpe-^' s'cft jamais obfervé. Le Père Verc rientia , ôc latis coiiclut de là, que chacuu du peup ufnl'urcp'u peut l.ie la Bible Françoilc , d'ur gnatoi. ^ i- verfion Catholique, ians être obli^ 7^7.'^^""^' P^^' ^iicune loy d'en demander pe] Serrartus c4p. miflion. Serrarius Içavant Jefuite lo.Pro egqu^j. j-q^^^ç^^^ç ^q même dans Tes Proie
gomenes fur l'Ecriture , que ceti défenfe ne s'obCcrve plus dans l'A. lemagne , de que les Evêques y troi vent cres-bon que l'on life les m
ÏNVERS SOY-MEME. l^î
Coudions Catholiques de la Bible , fans leur permifîion. ^
D, Mais fi quelqu'un étant Toible dans la foy , tiroit des fujets de fcandale de la ledure de l'Ecriture /àinte , ne leroit-il pas à propos de luy en défendre la le(flure ?
R, Il feroit bon de luy en défendre la le6ture , tant qu'il demeureroit dans cette infirmité , non par une loy pofitive de TEglif^ , mais par la loy naturelle , qui nous oblige de nourrir nôtre ame d'une nourriture proportionnée à fes difpofitions. Ainli on ne doit pas conclure que la Bible foit défendue en loy ; car il eft certain qu'on feroit obligé d'uier de la même reierve à l'égard de tout autre livre que ce foit , dont on prendroit quelques occafions de fcandale.
jD. Si une perfonne n'étoit pas ca- pable de juger par elle-même , fi la ledlure de l'Ecriture fainte luy eft propre , ne fcroit-elle pas obligée d'en confulter au moins fon Curé , ou fon Direâreur Tur ce fujet ?
R, On ell obligé par la loy natu- relie , d'avoir recours à la lumière
i5
de
CL
ur
Biblia . . . licc- fc tvim vcl plu- ^^ tibus vcl omni- bus lcgcrf,prouc dl in noiha |Am Ccrmanu vide- i nuis , ubi non 1 c modo non im- probant EpiCco- "' pijVaiochi, B Confcfl'ani , C <juis tKii auc V.
Dui • i '■
titatacuUaic ic gat : Icd problc te Uudit niaxi - nie quaû jam faculiaseacouv niunis lit , ne
T c
1 V I .
Sue pxnam in- iijunt ullam proui quoiidia- xia docct cxpc- ricniia , ôc »ati« fipnificat Bel laniuni I lopu- gnatoi. t— ^^
787.
II 01
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^3i De 1 A Ch AR IT E*
d'autruy , quand on manque de lu mier^dans toutes les chofes qu'i faut décider : Mais cela ne conclu point que la lecture de TEcritur» fainte foit défendue par aucune \o^ de TEglile ; au contraire elle eft pre fumée utile à tout le monde , î moins qu'il n'y ait des raifons parti- culières pour la défendre a certain; elprits.
Article IV.
Ce que doive?7t faire ceux qui «< fcavent pas lire,
D. Comment fe peut accorder k befoin de la lecture de l'Ecriture & des autres livres de pieté , avec l'im- puilfance où nous voyons un granc . nombre de Chrétiens de fe fervir de ce moyen, puiiqu'ilyen a beaucou]; qui ne fçavent pas lire ?
F. Ce befoin de la ledture n'efî
point 11 prelîant ni fi univerfel , que
Ton n'y puille fuppléer par d'autre:
vide S. irtn. cxercices de pieté. Et faint Irenée
/. j. c. 4. comme nous l'avons déjà dit, remar
que qu'il y avoit des nations Chré
tiennei
TNVERS SOY-MEME, 2)3
àennes entières , qui n'avoiejic dâs rEcriture. Mais il eft vray que :omme ce moyen eft le plus aifé & e plus facile , chacun le le doit pro- curer autant qu'il peut, 6c s'il ne le aeut pas , il y doit remédier par d'au- tres exercices qui y iuppléent. . T, Quels font ces exercices ?
JR, Le premier , eft de repaffer fou vent dans fa mémoire les veri- ::€z que Ton apprend dans les in- llrudions des Pafteursj de s'en nour- rit , ôc de les imprimer foitement. Car une feule vérité bien méditée, Se étendue à fes luîtes naturelles , fufHt pour donner de la lumière à l'ame dans la plupart de fes a6lions. Qui n'a que peu d'argentje doit bien :onferver , qui ne connoît que peu ie veritez , en doit avoir un extrê- me loin,en les regardant comme ion çréfor , ôc comme ce que Dieu luy donne pour fe foutenir dans le voya- ge de réternité.
1*^. Il n'y a point de Chrétien 11 peu inftruic, qui ne doive au moins iça- voir le Pater , VAve Maria ^ &c Je Credo j ou le Symbole 3 &: même ceux qui font cliargez du foin des âmes ? To?ne IL V
154 ^^ ^^ Charité" tels que font les Pafteurs , doivenC faire en forte qu'il n'y ait aucun de ceux qui font fous leur conduite 3^ qui ne Içache ces prières en langue- vulgaire , & qui n'entende les ve- ritez qui y font contenues. Or cesi veritez que la foy , même des plus iimples y y peut trouver , étant fou- vent repalfées dans l'elprit par ua cœur fidèle &c pénétré de l'amour de Dieu , peuvent l'inftruire de fes-- devoirs,.
3°. Celuy qui n'eft pas capable de- s'inftruire par les livres écrits de la' main des hommes , doit s'appliquer avec d'autant plus de loin â s'inflrui- re dans le grand livre du monde ,■ dans lequel on voit continuellementr la grandeur &c la puiiîance de Dieu j> la Foiblelfe des hommes , la vanité* de leurs delfeins , le néant des biens- du monde , & la folidité des biens da Cieh^^
D, D'où vient donc que les fim- pies , les Paifans & les ignorans font fi peu de reflexion fur tout cela ?
^. Cela ne vient pas fimplcment de leur ignorance , mais du peu d'a- mour qu'ils ont pour la vérité 5 6ç'
INVERS SOY-MEME. 25^
Î)our leur falut. Qui délire connoîcre a voye du falut avec toute l'ardeur dont un fi grand bien mérite d'être de(iré , ne manque point de moyens jle la connoitre. Ce defir luy ouvre lelprit , & il ne manque jamais d'en trouver. S'il ne fçait pas lire, il fe fait lire, félon lavis de faint Cefai- re. Y a-t-il quelqu'un , dit ce Père , Qjs^^do noc
, , ■*■ ^. .- , 1 tes iongiores
qui quand les nuits lont plus Ion- lunt , q liî nit eiies , n'enpuilîè prendre trois heu- q^iitantumpoL.
*^ .. ^ A r r ■ I- luaormiie, uc
res pour lire ou pour le raire tire ; ledionem div.- Te connois des Marchands qui ne ,^^'^* ^^^^ '^■^^'^;
J. . , , -i bons , non poi-
Içachant pas lire , ont a leurs ga- Çn aut ipfs le- ecs des Fadeurs habiles , & qui font P"^^ ^ ^"^ f':'"^^ de grands gains par leurs moyensj . . . No/ir.us pourquoy ne trouverons-nous pas ^^"" aiiq'^^s de même le moyen d'avoir quel- cu.niuîcrasnon qu'un qui nous, life l'Ecnture famte, "Z^^^^^, afin de pouvoir gagner le Cieh-Com- nariosikteratos: bien y a-c-il de Pa.fans & de Parla- ^^}!^'X- nés qui chantent des chanfons des- liisr.ribenuDus, honnêtes oc diaboliques ? tlies peu- gç^cia lucracô. vent bien apprendre ce que le dia- quitun: . . eu ble enteigne^pourquoy donc ne pou- \^, .,,,1,35 ^oa roieiic^elles pas s'infhuire des pre- ""^^^j r q^^i^e s-
j T r r-^ n tiam non cUrU-
ceptes de Jelus-Chrill ? P.edo & merce.
lie roj,as qui cibi debeaf fcripcuras divinas relegere y ut ex ilîis poiîîs pr^mia a:ccrna eonquiEcte ? , . Sed dicec aliquis ; E^o hoiuo rufticus fum , terre-
1^6 De la Charité"
tiU ppfiibus jugitcr occupacus fuin , Icdionem divinam nec audirt pofliim j ncc légère. Quam multi ruftici , & quani multx niuliere; julticanx" , &; tamcn cantica diabolica, amacoria & turpia orc tlccantant ? Ifta poflunt tcncic acquc paraïc , qua: L'iabolus doccc j ficnonpoiVunc tcncrc quod Clmltus oftendii. S- Cajar. Htm. lo.
Si on manc]ue d'infl:ru6tions en un lieu, que ne le tranfpoite-t-dn en un autre , ou on en puilfe trouver ? Que ne ramalFe-t-on tout ce qu'on entend pour le mettre à profit? Aind il eft vray d'une part , que la voye du falut eft peu connue ; que h. plupart des Chrétiens font plongez dans une profonde ignorance j que la plupart des âmes lont dans la ai- fette , dans la pauvreté, (Se dans les ténèbres j qu'elles ont un voile lur les yeux qui les empêche de voir leurs devoirs , leurs dangers 6c leurs mileres : mais il eft vray aufîi que c'eft par l'indifFerence qu'elles ont pour Dieu qu'elles demeurent dans cet état ; elles tentent Di^^u par leur négligence &] par leur froideur , 6c ainii elles ne le trouvent point j au lieu que les âmes iidelles qui em- ployent de bonne foy , <Sc qui met- tent à profit pour leur falut , les moyens que Dieu leur donne, ne manquent point de le trouver. C'eft
ï
SNVERS SOY-MEME. 1^7
îans cetefprit que le Prophète Roy Muirentes
i -i • / / auccm Dominu
lous allure que ceux cjiii cherchent non minuentut V Seii^neiir , ne mmcjucnt â'aucvin o^^"' ^o^^- ^^' nen ; c'eft-a-dire , que qui cherchera ^^* '°' Dieu ne manquera pas de le trouver, Ss: avec luy tous les autres biens»
§. II.
"Du Jèco7id moytn de sinfiruire de
lo' jcicnce du falut , qui eji
l' inJîruBîon des Pafieurs.
B, Peut-on fe contenter de Pinfl trudtion qu'on tire des livres , ou de celle qu'on reçoit immédiatement de Dieu i
R. Ceux qui font incapables de s'inftruire par la ledure, ont a la vé- rité une obligation plus étroite de recourir à Tinftrudian des Pafteurs & des Directeurs ; mais ceux- mêmes qui peuvent l'ire , ne iont pas dif- penfez de fe rendre difciples des hommes , éc d'écouter avec refpedt ceux que Dieu leur a donnez pour les inftruire.
Z>. Pourquoy Dieu a-t-il ainfi af- fdjetti les hommes a la conduite d'autres hommes i
25S Dé l'A Ch a r t t é'
Qaod pcr ho- ^^ S, Aucruftiii remarque que c'ert dum eft (îne fa- premieremcnt,pour leur faire éviter perbiidifcac... \^ tentation perilleufe de la prelomp-
neque teniemus ■ « 1 1 /- ^ a ■'■
cunicuicredidi. tioii & delà Gonhance cn eux-mcmes. mus , nec taii- Secondement, pour honorer la
bus iniinici ver- . , -f ,
fuciis &: peivei- Condition des nommes , par la qua- iltace decepci,ad j^-^ de miiiillres de la parole de Dieu,
«plum quoquc , ■'■'-1 -
audiendumE- cn ne Ics rendant pas leulement ion vangeiium ac- teippJe par la prefence de Ton efprit .
C[ue dilcendurrij .*■ *^ J , i , '
noiimus ire in mais Cil voulant encoie rendre des îccichas auc oracles dans ce temple pourl'inftru-
aut legcntem, clioil deS pCUpleS.
romIn'emTdi- Troifiémem'ent , pour établir entre xe . . . abjeaa les hommes un faint commerce de c!^duio7r"per charité, en faiiant les uns maîtres , homines , ho- & les autres difciples. Car comme'
minibus Deus 1 j t\ n. 1
verbum fuum ^^ remarque ce iaint Dodteur , la miniftrare noilc charité qui lie Ics hommes enicm-
vidererur. Qiio- 11 - r ■ '
modo eniin vc- ^^^ ^^ ^^^^ n^eme lociete , ne pour- ram efièc quod roït pas uiiir leurs efprits , & les ver--
ûi£tiim eft, r ;«- /- ^ I ri 1 1 .
plum n ci fane- ^^^ ^^ queique lorte les uns dans les- tumeji-, ejcod autrcs , fi Ics hommcs n'étoient in- Dcu5 de huma- ftfuits de rien par le miniftere d'au- no cempio réf. tres hommes. Il eft vray que Tini^
ponfa non red- r> • ■ r ' 1 •
deret . . . Dein- truCtion extérieure ne lert de rien , de ip;a caritas Ç^ Dieu lie répand eii même temps
eux fioi honii- j p 1> n rL- •
nés invicera no- ^^^s 1 ame 1 initruchon intérieure par ào caritatis af- 1 ondiou de fa crrace. Mais la prin-
tringit, non ha- • 1 i-r r • •
bctct adicum re- cipaic dilpolition pour^ rcccvoir cette
ENVERS S0Y-M:EME. ÎJ9
é motion & cette crrace , eftPhumilité fundendorum ^
*^ y , n Se quah mifcen-
ant intérieure qu extérieure ; c elt doium fibimcc , )Ourquoy le Sa^e nous recommande, animorum , fî
^ r ^3 1 ■ n" /> homines per ho-
i louvent dabaiiler notre ame pour mines nihii dir- icouter kSaeeire :Alo'^ fils , dit le cciem. j.^m^. texte lacre , cj^te votre oreille je rende inproto?o. îttentive a U faaelfe : abbaiffiZ.V0' Aadiat fapie'-
•^ ^ •'^ n . •'•' j ciani auris taa %
re cœur po^r cennoftre la prudence, inclina cor tuu Dr cet abbaiilemer.t & cette humi- \^ cogncfccn- .lation du cœur elt beaucoup pius ftov, i. r, réelle & plus aiîurée , quand on la pratique à l'égard à^s hommes que Dieu a mis au-deifus de nous , que £ on ne la pratiquoit que par des mou- vemens interieurs,dans leilpels on fe trompe fcicilement.
Z>, Mais fi un Payeur ne nous dit rien que ce que nous fçavons déjà,, ou qu*ii le àiiii même d'une manière peu édifiante , ne peut-on pa5 le dif- penler d'écouter les inftrudiions ?
R. Quand i\ feroit vray que les inftrudtions des Palpeurs ne nous fe- ^oient pas necelïaires en particulier , il fufHt qu'elles puillènt être necef- faires à d'autres , pour nous obliger à les écouter avec fouiniflion & avec docilité. Car û on prend prétexte de ^Qïi difpenfer , de ce que Ton pre-
14® Delà Charité'
tend n'en avoir pas befom ^ un an^ tre qui en a befoin , s'en dilpenfera de même a notre exemple j & ainfî on le fcandaiiiera , en le portant à fe priver d'une inftruétion necelfai- re. Il faut donc avoir dans l'elprit, qu'il y a un devoir réciproque en- tre les Pafteurs , & ceux qui leur font fournis : les Palleurs font obli- gez d'inftruire le peuple , de le peu- ple eft obligé d'écouter les inftruc- tions des Pafteurs • &z li quelqu'un ne les écoute pas comme neceifai- res a Ion inftrudlion particulière , il 1-es doit écouter comme necelfaires à l'Egliie , 6c honorer par reipedt ce- luy qui porte Tordre de l'Eglife. Outre qu'tine ame véritablement humble trouve toujours a s'édifier,^ & à profiter dans qu-elque inftruc-^ tion que ce foit,
D, N'eft-on obligé d'écouter que ks Pafteurs ? Noverat uie ^. H faut avoir -fîàns l'efprit c% Jx'quairnquea. P™^ipe de faiiit Auguftm , que de niiiià veiumcô- qui que ce foie que procède un con- fec , non ei, led l^^l Véritable , il ne le rautpas attri- iiii qui eft veii- buer à celuv oui le donne , mais à
tas , incoinma- t>w • a • r ■i'^ r
tibih Dco cri- i^ieu. Ainli il ne rauc jamais rejet-
ter
ter une venté , à caufe de la peiTon- hucnanm cfTe. lie qui la piopole .-, il rauc au con- cinfi. m ^reU traire la relpcder par tout où on la trouve , (Se donner accès a tout le monde pour nous la dire. Car ce x|ui fait que l'on ne prend pas la peine de nous avertir de quantité 3e choies importantes , c'eft que Ton fçait qu'ordniairement la vérité blei^ fe 5 Ôc irrite ceux à qui on la dit, AinCi en rebutant les perlonnes qui nous avertiifent , on le prive d'u- ne infinité d'indruclions qui nous auroient pu être utiles. Pour éviter .donc cet inconvénient qui eft très- grand , on efl obligé de faire pa- roître autant que l'on peut, qu'on prend en bonne parc tous les avis qu'on nous donne.
D, Doit-on conhderer cette con- duite comme importante a notre falut ?
5?. Le faint Elpric nous propofe cette docilité à recevoir les avis & les correâiioas , comme fi abfolu- ment necellaire , qu'il n'y en a noinc qu'il répète iî fouvent dans les in- ftructions qu'il nous a fait donner Aurisquiati- par le Sage. L'oreille , dit la iainte nis yi^x^^la' Tome IL X
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HAPITRE ÎV.
une j>r2ti(]ac a c UuiAu
141 Delà Charité* medio fapicn- Ecricui'e , aul écoiitc Us reprimanic
tiuni coiiiUiO' ri' j r ' J 1
labicur. Qui ab-/^*''^*^^'^'?-> "' la Vie ^ demeurera dan jicit diicipiinâ , l^affdmbléc dcs faz^s ' celiiy qui rcjett iuâ i quiauccm i^ corrcction J nïeprije jon amc ; mat acquieicu m- celnv qui fc rend aux réprimandes
crepationibiis rr ) r r-, 1 • • t
poiieflor cftcoi- pV/^«^ /^« cœur. Ceinj ejia a-rne i
dis. f roy ij 51. corrcEïion ^ aime la fcicnce j mais ce
Qui diligit li^y (^if-i haït les réprimandes , efl u
difcipimam,di- infenCe. Ceux donc qui éloignent pa
lieu icientiam : 1 -^w,. ,t 1 r • 1
qui autem odic icur delicatelic les perionnes qui le incrcpationcj , approchent , de leur dire la vérité
inlipicns cit. ri- • 11 i>
^rov.ix.i, le doivent crou'e coupables d un faute tres-confidcrable , parce qu'ij fe privent de la lumière qui leu peut être necelîaire dans des occa lions très-importantes.
Ainfi toutes les perfonnes vraye ment fages, & qui connoilîènt Icui ténèbres , doivent aller en quelqu forte au-devant de la vérité par leui recherches , en demandant confeil ceux dont ils efperent pouvoir tire quelque lumière , félon qu'il eft d dans la fiinte Ecriture , Qj4s l'ho?/.
Aftutus omnia ;^^f p^^^^Vf^^^ f.^J^ ^oyj- ^y^Q conftll. I agit cum conli- , / \^ . '' r
ho. bt9v. ij. doivent aulli donner un accès rac
i^- le , en recevant avec gratitude 1(
avis que les autres leur donnenî
fans fe rendre difficiles 6c délicà
'ÏKVEllS SOY-MEMB, l^lf
i fiir les manières , ôc fans exiger des ■] précautions étudiéjs , qui éloignent cres-iouvent d eux les perfonnes , dont les avis leur pourroienc être utiles -y c'eft par ces moyens qus i ceux qui défirent véritablement leur • falut , le mettent en état de pro- i fiter de la lumière de tout le mon- de , ik d'avancer dans le chemin de la perfection.
CHAPITRE IV,
Ce qu'il faut confiâcrer d^ns le choix d' un Directeur.
§. L
De la necelJlté des DlrcElsHrs.
X>, T^ St-ce une pratique ancienne jT- dans le Chriftianifme , & n'eft-ce point une nouveauté intro- duite par quelques perfonnes , que celle de fe foumettre à la conduite de quelqu'un , pour fuivre fes lumiè- res <Sc fes avis dans le détail de
i44 ^^ ^ ^ Charité* fes allions & de fa vie ?
^, Tout ceux qui ont prefciit c
règles de la vie Religieulc ,
preicrit celle-là comme Tune (
. ., plus importantes : Lors , dit fa
3ujam quod vaille , que Dieu vous aura inlp
uiienis rébus [q (Jef^- j^ changer de vie , Ôc
nancmm remi- ^ ^ . ' , ^
icris, honoratû VOUS conlacrcr entièrement a 1 ^^ ^^r^'^/f ^''^' Tervice ; il faut que vous employi
rum reeiitijlam- a r • i •
mâquc potius tout votre loiu , & toute la circo vigiUmiâ , a- ipedion poiïible , afin de trouv
ccitiinaque in ■» , a ' t • i
omnes partes a- un homme pour VOUS tTouduire da
nimicircumfpe- J^ vic OUe VOUS avCZ choiflC , C aioaeopcram r • i i • j " ' '
dato, uc aiiqué ne ioit capable , ni de s égarer lu tibi virum m- j^^^-^-j^^ ^^j ^^ £,ij-^ égarer les autre
veuias , qaem ' . r • 1 t •
in omnjbas de- Cc rere dccrit enluite les quaiit inceps deî^-.j j ^^ Dircc1:eur , & ajoute : Quai
tibi vira ItuQiis ' ) ^ —
cettifljmuna du- VOUS aurez rencontre un homn ceni feouare • ^- qualitez , défaitcs-vo
qui requin iier de votrc propre volonté , loumctte \L?^buT^c\ll^c, vous entièrement à luy, ouvrez^i icuz co.Timonr- yotrc CŒur , afin que vous dev ^' Ac lî taicm ^^^^ comme un vafe très- net. Enfui qucaipiaiîi nac- aprés avojr décrit Tutilité de cet v^'ero^viiinta-'" foumifTion, il conclut en ces terme tem tuam om- Si doiic Dieu VOUS fait la gra fovas pfoiicito : dc trouver un homme de cette le itque hoc ubi iq ^ ^ VOUS Ic ttouvcrez fans dou jni'^ ucVmccrif! fi ^«^'-^s le cherchez comme il faui
ÎNVERS SOY-MEME. 245"
prenez cette ferme & confiante re- ^"^"f" 7)"^^
^ , . , ■ r • r vas quoadam e-
olution,dc ne rien rairc que par Ion xifias, qui quae ivis. Car fi vous faites quelque cho- ''^ ^'^ infundan-
" -^ r • r A ^^^ virtutcs, aa
e a ion nilçu , vous commettrez laudcm Dei , m larcin & un facrileee. gioriamq.ue ab
*~> orani vitio ca-
» ftas conlerves.
Si igitur Dci munere talem quempiam virum inveneris pror- ïisautcm fi peiyeitigaie volaeris , invenies ) magiftruni bonorum )periim , hoc apud te conftanteu teneto , ut nihil omuino quic- [uara prx'tci- ipàus lencentiain facias. Quidquid. enim co infciente 3cis j id futcunî ac facniegiurxi cft. S. bajii. de abdtcat. rnum.
Saint Jérôme prefcrit à peu prés ^,ri^r,,^^^_ es mêmes choies à Ruftique. Ne ccaî , & abique .oyez pas, dit-iî ,^ votre maître a ^f^^^ ,,^, -^^j v'ous-mcme , & n'entreprenez pas nunqua ingref- ie marcher fans fluide dans un che- l^,^fl,U ,n nïï"
o que cioi in pat»
nin oii vous n'avez jamais marché, cem aicciamde-
^ ) ciinanduin fit . ,
c^royez que tout ce qu on vous or- p.^pofuumMo- donnera vous eil:i.alutaire,(Sc ne pre- nafteiii timcas
11] / j . , ^ ■ ut Dominum ,
lez pas la liberté de juger des avis ^iiigas ut pa de ceux qui font au-deiius de vous 5 lentem ; credas
A j • ' ii 1 / ■ ri' tibi falutaie
votre devoir étant d ooeir , & d e- .^uidquid iile xecuter ce qu'on vous prefcrira. Et pi^cepem, n«c
j r • ^ ni r n 1 de majorum
quand iaint Benoiit dans la Régie fentemiâ judi- Dbliïie tous les Relideux de décou-^^^, cujus ofH-
. "^1 -, „ ^, . ci i cft obcdirc ôc
vnr leurs peniees <x leurs tentations ijupicie quae à leur Abbé, c'eft la incme chofe J'^î^'^ i"''^- ^ que s'il les obligeoit de fe foumct- rI'^'/'' ^' cre à fa diredion. De forte que les „. Conciles de France ayant déclaré ^um^cJ^r
X 11)
1j^6 De la Charité' fntritUters^rar. ^^q ccttc ordonnaiicc de laReele
tuni ^bù.iti <^^' / ■ n -, , ^ ,' il'
fpnjtuaidus fe. idint IJenoilt , S cntendoic des At" ^tonkus pauf.^ bdles , auffi-bicn que des Abhez
ciMt , (jut jetant ^ 1/11
eurarefua,^a' US R'S Ollt pOI la CtablieS Dktôn] iunavulneranen ^^^ ^^ |^.^j. ReligieufeS. Oïl IlC PCI
ditt^trc & pu- & ^ t
ihcMre. donc douter que ce qu on appci4
tQux& inMo- Dire6i:ion ne loin une partie effer Bobiis, ergafui tielle de la Vie Religicule, & qu'el
M^riTe;.'!":':: ^f n'^>' «^ pratiquée de tout temp
très opoitet dans tous les Monafteres,
Monachas ob-
Tcivare Cor.e, Duz^taf. i. c^p. 8.
D, S'enfuit-il de là que la direc tion loit" utile ou neceiïaire a ceu:
s
c]ui vivent dans le n-!onde;&: ne peut on point dire qu'elle n'eft bonnt que pour les Cloîtres , d'autant pluj qu'il femble que la pratique de k direcflion , telle qu elle eft aujour- d'huy , foir allez nouvelle ?
R. La direction particulière étoit autrefois moins neceiïaire , qu'elle ne i'eil a prefent, pour bien des rai- fons,
1°. La corruption étoit fans con- tredit moins grande : ainfi l'exem- pie des gens de bien , étoit une rè- gle vivante que les particuliers xi'a- voient qu'à fuivre»
ENVERS SOY-MEME. 247
J 1®. Les peuples é:oient beaucoup vos, Patres >
s I . ^ I I « t,^, . '■ crudité hlios vc-
5lus inltruits des vencez de 1 hcritu- ftrosinDomino, :e qu'ils ne le font à prefent : on la e^lucantescosia
-r- « 13 !•• • 1 dilciplinaj oc
•.iloit , & on 1 expliquoit continuel- monicis Domi- ,ilemcnt dans rEelife ; on la medi- "^ ;• ^ocete
Cl . , ^ • 1 eos a piieruia-
jEoit & on S en entretcnoit quand on ikcciasfacras,& étoit revenu; les pères faifoient ^'^^'^^''' ^'^^^'' repeter dans leur lamilie les mitruc- divinarafciip- tions du Pafteur, de ils y fliifoient turameis tradi- 1 omce de Paiteurs & de Directeurs, / 4. cio. à réeard de leur femmes , de leurs Unufqairquc
o n ■ etiain pareira-
enfans ^ ôc de leurs domeftiques , miiias hoc no- comme les Conflitucions Apoftoli- "^^^"^'"^'X ques le prefcrivent expreiicment , & tum fus tamiiix comme S. Auguflin Ta enfeignéde- chnfto & pro puis^ Ainfi,dit laint Chryiof!:ome,les vkâ xcemâ/uos
•r • 1- '' • 1 omries admo-
maiions particulières etoient alors ^^^^^ doceat des Eglifes. Plufieurs pratiquoient la hortctur , cor- confeiîion mutuelle des fautes lege- arrbcnei^f&n" res aux Laïques même , félon Por- ^iam , exeiccac
1 1 r • T o T diiciplinam ; ita
donnance de lamt Jacques ; &jo- in domo lua nas Evêque d'Orléans , le prouve Eccicfiaflicum par le témoignage de Bede , àc par do Ep::copaie plufieurs autres Pères, Or il eft pro- mipie,)iroftici«. bable , que comme ils leur decou- ,,. .., io^„. vroient leurs fautes, ils recevoient Tuncctiam
/• , 1 r -T r> I domuserant Ec«
ians doute leurs conleils de leurs c\d\x, nunc air. réprimandes, ôc qu'ils en profi- '^^^^^^'^"'^*^*
^ * *- cleuaelt domus,
tOient, s CoryfojLH --■».
24S De la Charité'
Morjsefl Ecckfis de gravioribus peccatis , faccrdotibus , perqeoî hoiiiines Deo reconciliantur , conf (lionrm faccrc ; de quoudianis vcro &c Icvibus quibufcunque , perrari funt , qui inviceiii contcfTio- nem faciant. Quod vero de levibus ôc q^JOtidianis peccacis con- feflîo mucua fîcti debcat ," fequcncia manifeftant. Jcfus films Sirach dixit: N-'n c»>:fi*ndaTii cij fitm peccat > :in i ii Aloi -. ju/t^s tn 1. rtK. ^ipio atcufafir tfi fui y Et Dominus in Evangelio : ^'tia co'angtifts -via eff , ,^H4 liiicif ad vu«,w , hoc eft , ^ccarorum confcflîo. Ja- CObus Apoftolus ait : Cotifiremi'H alterAtr^m pecratrK ■' e r.-~ , — f att
fro tn'jtctm , Ht fal"emini. Hunc locum Bcda vencrabilis Praefbytcf ita exponitjin hae fcntentiâ illa dcbct cfle difcrecio, ut quocidiana ieviaquc peccata alterucrum coafqualibus confiteamur , eorumque ^uotidianà credamus orationc falvari. Hier, m expof, Eccief. ^ frov. EtUreg. tn Hom. (^ Maralih. l, il, c. 10. Et Ori^. m Le» •vit. 3 hom. ?.
^nat ep ^urtl. l. l. de Injî. laïc, c- 16. tom, t. Spicil.
Medicus rc On ne doit pas croire que dans ces gioncs &tcm- fiecles-là même les fidèles neuffentr & anni paues', pas auffi recours à ladiredtion des caeteraque hujus pj.^^j.g3 & prmcipalemenc des
genens explora- ^ a~> 1 a^ t-
bit, medica- Evcqucs. Cela paroïc allez par la menca ctiam x- ^iverfité des remedes dont faint Gre-
grotanci propi- . . _
nabit ... nihii goïie de Nazianze , laine Cnry- ^".raeZln ioft°™e,& flimt Grégoire le Grand. atque difficile veulent que les Evêques 3c les Prê- affeausT"^ vt; t^^^s ulcHt felon les diverfitez des tam , vicaeque maladies dcs amcs. C'eft en quoy aif:;7,'j;«Udl ces Peres font confiller une des plus res'inteftinas grandes difficultcz de la charge. Pa- l^Z 7. ftorale. Et il eft vifibie que c'elt par- crcg. N.Z.. or. ticulicremeut dans les corrections ^*Quiigitut q^e les Evêques (Se les Prêtres fai- pharmacuiTi ad- foient en particulier à ceux qui
hibfre poflit , . ,- \ , ,. n,- /i
morbo ei, cu;us CCOieiiC ioUiHiS l\ ICUI CUlCCtlOrr^qU llS
ENVERS SOT-MEMI. 24^
Revoient ufcr de cette diver/ité de genus ncquaqua-
, . intelligat ....
remèdes, en les propomonnanc aux Quocirca mui- diipoiitions particulières de ceux qui «^ q^i'-^em paa
' • r ^ 1 j • Ti n. ^°" *^P^^ ^^
etoient lous leur conduite. 11 eit prudemia , uc
tres-aiie de ruser que cette diverflté "^^ undique
/ <^ J humani animi
de remèdes propoiee par ces Pères, habirum cn-- avoit beaucoup moins de lieu dans la cumfpicere pcC- conduite des penitens , puiique leurs /. t. defr.c. c. i. remèdes , ou pour mieux dire, les pe- ^'/^ ^\ ^''^• nitences qu'on leur impoloit ^ etoienc cHraPafi. prefcrites par les Canons de l'Eglife , êc recevoienr peu de variété. On peut dire aùfïï que ces remèdes Se ces moyens n'étoient point propres à prefcrire dans des difcours pu- blics &c généraux , où Ton ne peuE pas obferver cetS€ proportion avec la difpofition particulière de chacun do ceux à qui on parle.
[ Auiïi eft-il marqué expreirémcnt Nihil fuferrav dans les Ades des Apôtres, quiis ï!,,",\^^Tn ^''^'
_ r ^1 minus annun-
n'inftruifoient pas feulement dans les riaiem vobis^se Eglifes , mais auiïi dans les maiions. âkè^ plrdr LesEveques Se lesPrêtres en failoient i^os- ^^^- io- de même ^c'eft pourquoy S. Jérôme %^a', domos, met entre les devoirs des Ecclefiafti- manonarum &
„ ^ j^ -r^ 1 r j' libetos eoium.
ques , de viiiter les temmes, d entrer {j,,r. ep. »i en connoiiïance de leurs maiions, ik '^^f «'• de leurs enfans. Dans ces vilites on leur jrendoit compte voloncairemenc de la
i^o De la Charité' conduite que Ton tenoit : ctf que S^ Jérôme marque , en ajoûcant entre les emplois Ecclefiafliques , celuy d'être dcpoiitaire des fecrctsdesper- fonnes de qualité ; ce qui fait voir qu'on prenoit ordinairement leurs conieils. Saint Grégoire le Grand marque' Talcs autem encore plus piéciiement . que de ion
fcte qui prxfût 1/ • -r» ^ r
«xmblant, qui- tcuips OH decouvtoit aux Ptctres les bus fubjeai oc- tentations fecrettes : c'eft pourquoy rua piodere non ce Père veut qu ils le conduilcnt d u- erubefcar.T : m j^o nianicre oui attire la confiance des-
cam rentatio- , -^ ,- v 1 u
num fliidus par- peuples ; en lorte , dit-il , que Ion vuii toieianc^ad j^'ait point de honte de leur découvrir
Paltoris men- r 1 r r
tc,quaCadma. les pius lecrets mouvemens , ann tris iinum rc- q^o lorfque les petits ou les foibles
curran: , & hoc J . J- \ n 1
quod fe inï^ui- iont agitcz pat les nots des tenta- nari puifanns j^qj-jj ils puilïènt recourir aux avis
culps fordibus , I Vi r • 1
przvident , ex- de leurs Pafteurs , comme au lem de hoitationis cjus j . ^ g^jjg reconnoilfenc
fo]ano,acla- , >, , ^ ..
crimis orationis qu US Ont cte louiliez par quelque
ime^fôr^^tl^nfî ^^^^^ ' ^^^ ayent moyen de s'enpu- piiadabiuendas rifier par leurs exhortations 3^ par mfrms^^aï'rL- l^urs pricrcs ï a quoy il ajoute, que nzum , id eft ,. les Ptêtres qui font ainli provifion de dedm Vorcs''''" condelcendance Ôc de patience pour- portant, s. purifier les fidèles des fautes qu'ils^ Fajî.p. y e. <. leur confeilent 5 pratiquent ce qui elt
ENVERS SOf-MÊWÉr 25Î
prcfcrit dans l'ancienne Loy : Qu'ils mettent un vale d'eau à la porte du Temple , & donnent ainli moyen à tous ceux qui dei?Lent de s'ouvrir rentrée au bonheur éternel , de dé- couvrir leurs tentations à leurPaf- teur , ôc de laver ainfi les fautes qu'ils ont commiics par leurs pen- fées , ou par leurs aélions , dans ce vafe d'eau porté par des bœufs , qui, félon les Interprètes dés Livres Sa- crez , font la figure des Paftcurs qui prêtent leur miniflere pourpuri- ~fier les fidèles , ôc qui foutiennent le poids de cette mer myfterieufe de la pénitence , lorfqu'ils fe chargent de la confcience des pécheurs , 3c qu'ils travaillent à les laver de leurs crimes.
Enfin 5 il ne faut pas croire que 4^
dans les plus purs iiecles de l'Eglife^ on n'ait pas faivi ceravis du Sage , Adutusomnb que ievyay prudent doit faire tout avec agit cam confi- ai? «;?//- Et celuy àc i'Ecclefiaftique /g.' '""' '^' qui dit , qitilfimt cholfir pour coriCeil Gonfiliarius-
; .,, -^ ^ 1, fit cibi unus de
im homme entre 7nule, Ce que 1 on naiu«. giM, 6* peut dire cil , que dans les premiers ^• £eclesde l'Eghfe , la direction ne le pratiquoit pas parmi les laïques de
Ij 1 D f LA Charîté' la même manière qu'elle le prati- c|uc maintenant , parce que la con- felîion des péchez véniels n'étoit pas encore dans un ufige fi ordinaire j on ne s'adrefloit aux Prêtres que par manière de conleil , & pour être pu- ritie de Tes fautes , comme dit fanic $.Grei.î»($ Grégoire , par leurs exhortations & H' ^"' par leurs prières,
£>. Les mêmes raifons qui ont porté les Fondateurs des Ordres à foûmettre leurs Religieux à robeiT- faiîce d'un Père fpirituel ou d'un Di- re(5leur, font-elles allez fortes pour y obliger aufïï ceux qui vivent dans le monde ?
^. Elles le font beaucoup plus , comme il efl facile de le faire voir.
1°. La volonté de Dieu eft décla- rée aux Religieux fur la plupart des chofes , par leurs Conftitutions de par leurs Règles ; en forte qu'il en refte tres-peu fur lefquelles ils ayent befoin de coniuker un Directeur : mais au contraire, les leculiers font engagez dans beaucoup d'afFaires dif- férentes de obfcures , Se ont beau- coup plus befoin de lumière ; ainfi, ils font plus obligez par conlequenc
■ENVERS SOY-MF.ME. IjJ
4'ïivoir recours au conleil d'autruy.
2**. Les Religieux s'occupent beau- coup à la ledluie ôc a la prière , ÔC peuvent trouver dans ces moyens plus facilement la lumière neceilaire pour le conduire dans la voye du fa- lut. Les leculiers s'y occupant beau- coup moins , ont plus befoin par conlequent d'emprunter d'autruy la lumière qui leur eil neceiraire.
3°. L'une des principales «5j des plus importantes railons qui nous doivent porter a nous loûmettre à la conduite d'un Direcfleur , eft que la -palîion & l'amour propre nous aveu- glent d'ordinaire dans nos propres af- faires, 6c nous juftifientdans nos dé- fauts ; ainli , il ne paroit pas qu'il y ait de moyen plus naturel de plus propre pour en éviter Les lurprifes , que de s'en rap>porter à un homme -de bien , qui n'ait point de part à nos paillons , afin que ce foitîa rai- Ion & la Loy de Dieu qui nous ccn- duifent , ôc non pas nos caprices & nos fantaines. Or cette raiion a beaucoup plus lieu à, l'égard des per- fonnes qui vivent dans le monde, qu'a l'égard de celles qui font enga- gées dans les Monafleres , parce que
1^4 D f ^ A Charité* -dans le monde les paflions font plu vives , &: les aftaires qui s'y traitent plus capables de les exciter • par con îequent , ceux qui vivent dans le monde lont encore plus obligez que les Religieux , de tacher de fe mettre à couvert des furprifes de leurs paf- iions (Se de leur amour propre , par le conleil d'un Directeur.
4^. Plus on tombe fouvent, plus on a beioin d'être louvenc relevé par les avertilîemens & par les cor- redlions des autres. Les chûtes étant donc bien plus frecuentes dans le monde que JiUis les Monaileres , oji doit tâcher de s'y procurer des per- fonnes iidelles , qui par leurs avis nous aident à nous relever , ou qui nous preiervent des chûtes ; £c c'eft proprement l'office des Directeurs.
j°.. Enfin , loit dans le Monaitere , foit dans le iiecle , ouelt également obligé de luivre la volonté de Dieu , Se non pas la fienne.Car fi Jefiis-Chrift luy-même lur la terre n\i pas cru pouvoir faire fa volonté , qui olera dire qu'il luy loit permis de luivre la fienne ? Or pour fuivre la volonté de Dieu , il la faut connoître ; «Se
ÏNVEPV.S SOY-MEME. l^j
qtiand on ne la connoît pas par foy_ niême, c'elliiiie neceffité d'avoir re- cours a la lumière d'autruy. Si donc, comme il paroît évident , les per- fonnes du monde connoiifent moins ce que Dieu veut d'eux , que les Re- ligieux , à qui prefque toutes leurs adiions lont preicrites par leurs Rè- gles Se leurs Conflitutions , ainii que nous avons déjà dit ; il eft clair qu'ils font plus étroitement obligez de tâ- cher de s'en inliruire , &c de le con- duire par les conteils d'un Directeur.
D, Faut-il que le Directeur foie unique >
^, Cela n'eft pas eirendel , car un Directeur n'étant autre choie qu'un homme de qui on prend confeil pour les chofes fpirituelles , rien n'empê- che que l'on ne prenne confeil de plufieurs perfonnes , tV que l'on ne s'adreife tantôt à un, tantôt à un au- tre , félon que l'on eipere d*y trou- ver de la lumière. Mais il eft bien clair qu'une perfonne qui fçait la fuite de nos inclinations , nôtre pen- chant, nôtre tempérament, & les fautes qu'ils nous font faire ordinai- rement , eft bien plus capable en
15^ D£ LA Charité* b.^iucoQp d'occafions de nous dov ner conlcil , qu'une perfonne qi nous connoît peu, Ainfi , il c vray qu'il faut fe réduire , autar que Ton peut , a l'unité d'un Direc teur ; d'autant plus que la diverlit des fentimens donne lieu a l'amou propre de s'aurorifer^ de choiiir le avis qui iont les plus favorables a no inclinations. Ce que l'on dit ici d( l'unité d'un Direâ:eur,n'empêche pa néanmoins que dans la decifion d< certains cas , on n'en puilfe coniul- ter d'autres, que l'on auraraiion d( croire être plus éclairez fur ce point que le Directeur ordinaire.
D. Que doit-on obierver dans le choix d'un Directeur?
R. Il faut éviter également dans la direction, la gêne , la légèreté «Se la duplicité de cœur. La gène qui fait que l'on le lie cà des hommes contre i'inrerêt de fa conlcience , <5c que l'on fe prive de la lumière qu'on pourroit trouver dans les avis de ceux qu'on jugeroit plus éclairez. La légèreté par laquelle on confulte tantôt l'un & tantôt l'aucre par un pur caprice. La duplicité du co'ur
qui
ÎNVE'RS SOY-MEME. 257
îui porte à s'adreJÎer à divers Dire- fteurs , non pour connoîcrc la vericc, nais pour fe cacher à fon Directeur ordinaire , oa pour en trouver dont es avis foient favorables à fes in- :linations.
/). Eft-ce une bonne pratique pour éviter la légèreté, de faire vœu d'o- 3éïr à un certain Diredteur ?
-/?. C'eft une pratique tres-dange- reufe 5 & qui a ordinairement de mauvaifes fuites. Aind un Dire- 6beur qui y porteroit les perfonnes qui s'adrenent à luy , ou même qui foufïriroit cet en^a^ement , devroir être extrêmement fu(pc6l. Quelques faintes âmes ont néanmoins fait ce vceu avec fimplicité,mais ces adVions font plus admirables , qu'imitables.
D, Doit- on conclure de ce qui a été dit ci-deiîus , quil eftabfolument neceilàire à tout Ciirétien defe fou- mettre à la direélion de quelqu'un?
E. Non , i^. Parce qu'il peut y avoir des lieux où l'on ne trouve per- fonne que l'on puille prudemment choiiir pour Direàjur, comme nous le dirons ci -après j or dans ces rencontres il faut trouver d'autics
ra.^nc IL Y
içS De LA Charité* voyes pour luppléer au fccour qu'on pourroit recevoir d'un Due âeur éclaire.
2°. Parce que la roumiiïion a ui Dire(fteur n'eil: pas toujours l'uniqu. moyen pour obtenir de Dieu la lu- mière qui nous eft necefifaire pou nôtre conduite : Se quiconque a une jufte confiance d'avoir cette lumière n'eft pas obligé par une loy généra- le de le foûmettre à la direction d'au- truy.
Mais ce qui eft certain , eft que tout homme eft obligé de fuivre U volonté de Dieu dans la conduite di fa vie : Que cette volonté de Dieu n'eft pas connue en toute forte d'oc- ca{îo4is à tous les Chrétiens , foit è cauie de leur ignorance qui la leui cache , foit à caufe des ténèbres que leurs pafîîons répandent dans leur efprit. Que dans ces occafions ils font obligez de rechercher la lu- mière qu'ils n'ont pas , & de pren,. dre les moyens neceilaires pour l'ac- quérir. Que fi n'en ayant point d'autres que de confulter leurs Pa- fteurs , ou de s'adrellcr à quelque perionne capable de les inftruirc^ ils
ÏNVERS SOY-UËMté 10
:r] ftegligent ce moyen ; il efl; clair qu'ils feront coupables non feule- ment des fautes qu'ils commettront par l'ignorance de la verité^mais auiïî de leur négligence à la chercher 6c a s'en iuftruire. Et comme ces occa- sions font fréquentes , il efl: clair qu'il y a un très-grand nombre de Chrétiens qui font coupables , en ce qu'ils agiiïent fans conleils. Se qu'ils fe privent de la lumière qu'ils au- roient pu recevoir en s'adreilantàun Diredeur.
D, D'où vient donc qu'il y a fî jpeu de perfonnes qui le foumettent à des Dn'edteurs , & que même la plupart des perfonnes du liecle re- gardent cette pratique comme une foiblelfe d'efprit?
R, C'efi: qu'il y a tres-peu de per- fonnes , 6c lur-tout parmi les hom- mes du monde, qui ayent le foin qu'ils devroient avoir de leur'ame éc de leur falut. Ils font fi éloignez d'avoir la lumière qui leur efl: necef- faire pour leur conduite , qu'ils ne connoiirent pas même leur aveugle- ment , &c qu'ils croyent voir clair dans les plu^ épallfes ténèbres. Car
Yij
i6o De la Charité' il n'y a perlonne d'eux , qui ne de- meure d'accord de ce principe, qu'il faut chercher la lumière quand oîi tic l'a pas. Mais le mal ordmaire de ces gens eft de croire qu'ils font éclairez , lorlqu'ils ne le font nulle- ment , (Se leur orgueil leur fait for- mer des principes de conduite qui ne lont fondez que fur leur témé- rité &leur préfomption.
i).N'efl:-ce pas avoir un Direâ:eur, que d'avoir un Confellèur, à qui Von découvre fes péchez quelques fois Tannée } Or il y a peu de Chré- tiens qui ne pratiquent cela ?
J^, Non , car on ne dit a fbn Con- feiTeur que les chofes fûtes. Or la principale utilité d'un Directeur , efi de prendre avis de luy lur les chofes qui lont à faire. On ne découvre au Confeifeur que ce qu'on connoît de fes défauts , or il faut s'adreifer à un Directeur pour apprendre à fe connoître , en luy expofant non feu- lement ce que l'on croit avoir fait de mal , mais en le rendant Juge de toute la vie ôc de toutes les adions particulières , dans lefquelles il ie glillc fouvent beaucoup de fautes
ENVERS SOY-MFMr. l.'^.T
que nous n'y découvrons que par lesr lumières que Ton re<^oit d'un Direc- teur intelligent.
^. IL
De ce que doivent faire cettic qui ne fc dur oient trouver de JDire^ cteun di^ns le lien cùih vivent^
-D. Doit-on regarder comme une choie facile de trouver un Direcleur?
F, S'il eil: vray , comme le dit le faint Prêtre Avila , qu'il faille choi- fir un Directeur entre mille ; 6c com- me dit faint François de Sales , entre lYfdfvoul dix mille ^ & s'il doit avoir les con- c 4. ditions qu'ils demandent , comme d'être àoCcQ , fpirituel , expérimen- té ; il eft elcïir que non feulement ce n'eft pas une chofe facile que d'en trouver , mais qu'il n'y a* rien même de plus difficile. L'expérience de plus ne fait que trop voir qu'il y a iouvent non iculement plulieurs vil- lages de la campagne , mais même des villes entières, dans lefquelles on ne trouve perfonne qui ait les quali- cez marquées par faint François de
i6i De la Charitë^ Sales comme necelîaires aux Dire- 6teurs , & ou au contraire on ne ren- contre que des Prêtres , de la lu- mière defquels on a un jufle iujet de fe défier : enfin , dans les lieux même où Ton trouve des Prêtres fjpirituels 6c vrayement éclairez ; ils font fou- vent tellement accablez d'occupa- tion 5 qu'ils ne peuvent donner le temps necelfaire à la direction de ceux qui s'adreiTent à eux , ni entrer dans le détail de leurs adions & de leur conduite.
-D. Que peuvent donc faire ceux qui fe trouvent dans ces conjoncftu- rcs ? Faut-il qu'ils fe contentent des Directeurs que l'on trouvCjtels qu'ils puifîênt être , ou faut-il qu'ils iè pallent de Directeur?
R. On ne peut dire précifément ni l'un ni Pautre. Car on peut avoir de il juftes défiances de la lumire d'un Directeur , qu'il vaut mieux en cer- taines occafioas ne s'adrelVer point à luy 5 que de s'y adreller. C'eft ce qui porte le Bienheureux Avila à con- feiller à quelques perlonnes , que lorfqu'elles ne rencontreront pas des Confelfeurs tels qu'il feroita fou-
ENVERS ^OY-MÈMt, 25j'
fiaiter , elles le concenceiit d'aller à confeiTe trois ou quatre fois Tan, lâns faire de liailon plus particulière avec ces Confeilèms. Cet avis eft particulièrement neceilàire aux filles,, qui ont plus befoin que d'autres , de prendre garde à qui elles s'adrellent,- Il fe peut faire auiîi que quoy qu'un Prêtre n'ait pas toutes les qualitez qu'il feroit à deiirer dans un Confei- feur , il ait pourtant des lumières , par lèfquelles il peut être utile à ceux qui s'adreifent à luy j ôz il eft cer- tain que dans cetts conjonclure , on fait mieux de s'adreflèr a luy Se de fuivre Ton avis , que de fe régler par fa propre lumière.
Tout ce que l'on peut donc dire fur ce fujet efr,que la connoiiïance géné- rale des préceptes de l'Evangile , la pureté de cœur , de les prières con- tinuelles peuvent donner aiîezde lu- mière aux Chrétiens pour régler la confiance qu'ils doivent avoir à- leur Palpeur , de pour dilcerner non feu- lement les loups des brebis , félon les termes de l'Evangile , mais aufîi les ténèbres d'avec la lumière , dans ceux qui ne font ni univerfellement
1^4 I^î l'A Charitî' bons, ni univerfellement mauvais Ce difcerncment n'eft pas facile ainfi ce doit être aufîi l'un des plu grands objets de nos prières , que d( demander à Dieu' un guide lûr 6- éclairé: & quand nous le dcmandon: à Dieu comme il faut , il ne man- que jamais de nous le donner.
Il eft vray qu il ne faut pas juge témérairement de fes Pafteurs ; mai il ne faut pas aufïï s'aveugler volon- tairement fur leurs défauts vifibles. ni efperer de trouver des lumière: dans leurs ténèbres. Il faut prendre n garde , dit fainte Therefe , de ne J3 pas loumettre fon entendement a ce- is luy qui ne Ta guère boii. Car agii M de cette lorte , c'eft a^ir fans lumie- » re & fans raifon, ôc c'eft vouloir « obliger Dieu a faire un miracle , qu-i »5 feroit'denous éclairer par un aveu- M gle 5 ce qui s'appelle tenter Dieu, i^. Que doivent donc faire ceux qui le trouvent dans des lieux où ils ne icauroient trouver de Directeurs, foit parce qu'il n'y en a point de ca- pables de cet employ , loit parce que ceux qui y font , ne fcauioient s'ap- pliquer a eux ?
tNVKRS Sôr-MBMî. l6^
r i?. Ils doivent tâcher de fuppléer a ce défaut par tous les autres moyens que Dieu met en leur pouvoir. Car c'eft une règle folide à importante de la vie Chrétienne , de faire tou- jours tout ce que Ton peut , & de fubftituer les exercices que Dieu laiiîe en nôtre pouvoir , en la place de ceux qu'il nous met dans Tim- puilïànce de pratiquer. Dr les per- sonnes destituées de Directeur , peu- vent Se doivent faire plufieurs cho- fes.
1°. Ils doivent s'appliquer davan- tage à la leâ:ure de la lainte Ecri- ture , & des autres livres de pieté Se d'édification ; ils doivent aufïï la faire avec plus de reflexion , afin de graver davantage dans leur cœur les veritez qui s'y trouvent.
1°. Ils doivent repaifer fouvent dans leur efprit les veritez qu'ils fcavent , Se ne les laiifer pas efracer. Car de même que ceux qui ont moins de bien , font obligez de le conferver avec plus de foin ; ceux qui ont aufli peu de moyens de s'in- ftruire , & de fe conduire dans la voye du falut , font obligez de s'ac- Tome IL Z
1/^^ D« LA Cmarïtï'
tacher davantage à ce qu'ils ont appris.
•,,5°. }ls doivent çtre plus fidèles à pratiquer tout le bien qu'ils con- noilL-nt , ôc être plus vigilans iur eux-mêmes, puifqu'ils font plus de- ftituez de fecours extérieurs. ^4°. Us doivent être plus appliquer à la prière. Car Dieu en leur ré- futant le fecours des hommes , les oblige de recourir a luy avec plus de. ferveur. C'eil luy leul qui infrruit les âmes , lors même qu'il le fait par les hommes ; & ainli quand les hommes manquent , il eft cer-# tain qu'il le peut faire immédiate- ment par luy-même.
5*. Ils doivent réduire leur vie, autant qu'il leur eft pollîble , a des allions qui ayent des règles claires ik: certaines j ôc ne pas former des entrepriies qui ayent befoin de beau- (coup de lumières. Car puifqne Dieu ne leur donne pas le moyen depren* dre conieil , c'eft une marque qu'il ne veut pas qu'ils s'appliquent a des, emplois ôc a des adions quien ont beaucoup befoin. ' X^\ Tous les Chréciens ne font-ils
tNVÏRS SÔY-MEM5. 2(^7
pds W)ligez de pratiquer la plupart de ces exercices ?
i^. Ils y font obligez par un de- voir gênerai. Mais ceux qui lont deflicuez de conieil , y lont obligez par un devoir particulier j parce que ces moyens leur lont plus particu- lièrement necelTaires.
D, Qui font ceux qui ont plus de befoin de dilcerner les Diredreurs , & d'éviter de s'adrdiîer à ceux qui feroient ou indilcrets , ou ignorans , ou vicieux ?
1°. Ce font les jeunes filles , qui doivent avoir pour règle , de ne fe mettre jamais fous la dirediion d'au- cun Prêtre , qu'elles ne foient al- furées , de fi probité, de fon éloigne- ment de toute légèreté, & de fa mor- tification. Ce qui fe doit entendre principalement des commwnications particulières , qui peuvent produire de la familiarité j bc non des con- fefïïons pallageres , qui n'ont point de fuite.
i*^. Plus ce qu'on a à commu- niquer a un Directeur eft difficile & embarralfé , plus on a fujet d'en chercher un qui iovi prudent bc
Zij
2éS Di LA Charité*
fçavant. Ainfi ce n'eft point ui€^gc- ment téméraire , que de ne pas" croi- re toutes fortes de Prêtres capables de rcloudre toutes fortes de difK- cultez de conlcience , & d'avoir re- cours à d'autres qu'à fon Confe^ leur ordinaire pour *les décider. Ca; il faut toujours avoir dans l'elprit que les affaires de confcience nt iont point matière de complaifance lorfqu'il s'agit du falut, on ne doi' pas le priver de la lumière dont or croit avoir befoin , ni avoir peur de choquer un Diredleur ordinaire, ei confultant un autre que luy. Si le Directeur qu'on ne confulte pas efl vrayement humble , bien loin de fe fcandalifer, il fera bien- aile qu'oi fe procure d'autres lumières que leî Tiennes ; & s'il ne l'eft pas , il mé- rite d'autant moins qu'on s'arrête à les fentimens.
$. I I L
Des qualités cCun Direef/ur*
D, PiTifqu*il efl iï utile , ^ me^nc en certaines rencontres ii neceflai-
inVirs SOY-MEMÎ. 2^9
re de fe foumettre à la conduite d'un Diredeur , quelles qualitcz y doit - on principalement recher- cher ?
R, Il n*eft pas difficile de mar- quer ces qualitez , mais il eft très- difficile de les difcerner. Saint Fran- çois de Sales dit qu'un Diredfceur doit être plein de charité , de fcien- j„,, ^ ,^ j,-^ ce & de prudence ; d'autres difent «'^vo/r.fe. 4. qu'il doit être dode, fpirituel^ & ex- périmenté.
Saint Bafile dit qu il faut qu'il foit ,„?'"f'^''^' bieninftruit dans la manière de me- cjufmodiquc, ner à Dieu les âmes : qu'il foit rem- a^'ocu^nVoiJ- pli de toutes les vertus ; qu'il pof- tibus pcvgcre , ùàt l'intelligence de l'Ecriture , ^7,\V°"^^^"^; qu'il ne fe lailTe jamais aller à des natas vircaciba? diftradions fuperHuës , qu'il n'ait i-um ^luc'erlcaîî^ aucune affedlion pour les biens du fcientiaai ha-
1 31 > 1 ,-p • beat , virum in-
monde , qu il ne s embarralie point t^amm ncc dans les affaires , qu'il cherche la uiu diftradioai
tranquiihte, qu il tuye 1 inquiétude , avaiicià abhx- qu'il aime les pauvres ,& la pauvre- lentetn, mlnU
/ '-1 ' -^ iT • 1 ni^ libemer ge-
te ; qu il n ait aucun reilentiment du j-endis fe ne bo- rnai qu'on luy fait, qu'il foit de ^ran- tiis admifcea- de edincation a ceux qui le frequen- amantem Deû , tent , qu'il n'ait aucune vanité pour egencia;n ftu- paroitre devant les nommes , qu il meùacanduiii;
Z iij
lyo De la Charité' injiîiiaium im- jie flatte pcrfonne , 6c qu'il ne fc rurâ'propcnfuni lalife poiiit flatter aux auties.
adccsdoccndos
c[iii ad ipfuni accédant , qiiem gloria inanis non inflct , fupcrbi; non c::tollac , adulacio non tiangat , ievcium atqjie conftan:era. i), liafil. de abdic. rtmw.
/^.Comment faut- il entendre qu'un Dire6l:eur ^it ces qualitez , puif- que félon cette idée on n'en trouve- roit prelque point ?
E. On ne doit pas prétendre c[\\'\. ait toutes ces qualitez dans un fou- verain degré ; mais il faut au moins qu'il n'ait pas les contraires , en forte qu'on les puiile remarque! en luy : c'efl:-à-dire , qu'il faut qu'on n'ait pas fujet de juger que ce foit un liomme vain , vindicatif , inte- rêflfé, qu'il aime les richefles, l'éclat , les aifes du corps , la vie molle , & qu'il s'intrigue dans les afFaires du iîecle.
Il ne faut pas néanmoins prendre fl à la lettre ces conditions , que l'on s'imagine ne devoir mettre fa con, fiance qu'en des Saints j mais il ne faut pas au/îi les réduire a rien. Ain/î quand on voit qu'un Ecclciiaftique n'a aucun zèle- pour la mortifica- tion 5 qu'il ne la pratique poinc^
ENVERS SOY-MEME. I7I
€\xii\ aime la propreté, les ajufte- mens , qu'il mené une vie ailée , 6c peu laboricule , on a quelque fujec de croire qu'il n'ellipas fore propre a contribuer au falut des autres par la •dire6tion. On doit écouter avec ref^ ped: les Pafteurs, tels qu'ils foient , Se tâcher de profiter de leurs in- -ftrudtions. Mais quaitd il s'agtc de fe foumettre volontairement à la direction d'un homme , & de le rendre juge du détail de fa vie ; on a grand niterét de choifir un hom- me de bien , & on ne doit pas faci- lement croire , que ceux qui n'ont pas grand foin d'eux-mêmes , de qui mènent une vie aifez relâchée, ioient propres à nous avancer dans les voyes de Dieu.
Comme la vocation eft le fon- dement de la pieté des Ecclefia- iliques , on peut avoir égard dans le choix d'un Confeffeur, à la manière dont il eft entré dans fon cmploy ; êc quoy qu'il ne faille pas faire de jugemens téméraires , en décidant fur ce que Ton 'lie fçait pas , il ne faut pas aafïï s'aveugler , ni prendre pour guides ipiripueis ceux qui au-
Z iiij
272. De laCmarite' roient fait paioître un grand defîr de le pouifer dans l'Eglife, qui auroient recherché avec emprelfemenc leurs Bénéfices , ôc qui y leroienc entrez i\ par des voycs fort humaines.
D. Doit-on avoir égard aux opi- nions , ôc aux fentimens de ceux qu'on choilit pour Directeurs ?
^. Quoy qu'il iemble que par cet égard , que l'on a pour les opinions de ceux que Ton choifit , ou qu'oii . ne veut pas prendre pour Directeurs, on s'établiiFe juges de leurs icnti- mens , & qu'en gênerai ce jugement ne Toit pas permis ; néanmoins il y a des opinions Ci vifiblement mau- vaifes , qu'il eft permis à tous les Chrétiens , mêmes Laïques, d'éviter la direction de ceux qui y font enga- gez. Car s'il n'étoit permis en au- cun cas de juger de Tes Directeurs , comment pourroit-on pratiquer ce que Tefus-Chrift nous recommande
Attendite a fal- ^ -^ , i u-r '^ r^ j
fisProphetis,qui p^^ ces paroles de 1 bvangile: Gardez." veni'jn: ad vos ^q^^ ^ss fâiHX Prophètes, éjui viennent
in veltimcnris > -^ * , ) f i '
ovium, imnn- ^'^'O'^^ > coHverts de feaiix de brebis , ^ccusautcmfant ^ am font au dedans des loHps ra^
iupi lapacet. .J r^\ r^\ ' ■ j • "
^latt, 7. i^. vijjans. Chaque Chrétien doit ctie inftruic des principes de la vie Chré«
INVERS SOY-MÏMÎ* ly^
tienne ; &C ces principes un peu cn- Itendus, doivent fournir allez de lu- ■' mieres , ou pour rejetter , ou pour éviter la conduite de ceux qui par leurs fentimens erronez , violeroient vifiblement la pureté de la morale Chrétienne. Il n'ell: pas même necef- faire de former fur ces fentimens un jugement pofitif; il luffit que l'on entre dans un doute raifonnable. Car ce doute oblige de ne s'engager pas à la direction de ces perfonnes ^ tant que le douce fubfifle.
D, Ne peut-on donc jamais pren- dre confçil de Dire<fteurs qui ne font pas profefïion d'une vie péni- tente de mortifiée ?
^. On le peut fouvent , lorfqu'il ne s*agit que de cas de confcience, qui dépendent de la fcience. Car il fe peut fort bien faire qu'un Prêtre afTez relâché dans fes mœurs , foit fçavant & habile , 5c par confequenc foit plus propre à décider certains cas , qu'un autre plus vertueux , mais moins habile. Or dans ces oc- cafîons , il faut chercher la lumière où il efc plus raifonnable de croire qu'on la trouvera.
^74 ^^ ^ ^ Chariti* §. IV.
De ce que l'on doit craindre à un. % la direciion.
p
D, N'a-t-on plus rien à craindn quand on a trouvé un bon Direc- teur, 6c n'y a-t-il qu'à fe foumct- ^ tre à la conduite avec une obéii-lci fance aveugle ?
R, Dieu ne veut pas qu'il y ail aucun état dans ce monde , qu: exempte de crainte j parce qu'il veut que nous y opérions toujours nôtre falut avec crainte & avec tremble- 1! mentj&que la crainte continuelle foit un des plus grands moyens de nôtre falut. Ainii quoyque ceux qui fc conduifent par les avis d'un Direc- teur éclairé , foient fans doute dans une voye plus fûre, que ceux qui n'en ont point , ils ont encore plu- sieurs chofes à craindre.
K. Qu'eft-ce qu'ils ont principa- lement à craindre ?
R. On peut dire en gênerai qu'ils doivent le craindre eux-mêmes , <3c le Direclcur.
ENVERS SOY-MEME. IJ^
ïîs doivent craindre de leur parc me certaine duplicité de cœur^ qui fait qu'au lieu de chercher finceie- ^, ment la volonté 4e Dieu , par le moyen de la direction , on ne cher- che en effet qu à faire autorifer Tes pallions par fon Direfteur : on s'a- ,
drelfe à luy avec un efprit préoccu- pé j on luy expoie fortememenc ce que l'on délire ; on étouffe & on obfcurcit ce qu'on ne délire pas ; on le remplit de fes préventions &: de fes imprelïîons : on le trompe le premier , ôc enluite on trompe le Diredeur ; & par le Direéleur , on fe confirme foy-même dans l'égare- ment.
Tf, Que doit-on juger de cette
conduite ? PorroquifquîS
n ^-\ 1 • . r • vel aperce vel
A. On en doit juger ce que laint occukè laca^i: , Bernard en ju^e. Celuy , dit-il, qui °^ ^".<^i^-^;^ S errorce , ou a découvert ou en ca- hoc ei fpiricualis ^hette, de foire que fon père fpiri- f^^ï-JS^^. tLiel luy ordonne ce qu'il délire , forte fibi quafi , s abufe , s'il prend la foumiffion t^:!:^L. qu'il luy rend pour une- véritable q^^enim in câ.< obéiiance : car ce n'eft pas luy qui fed mlg^re^^ ' obéit à fon Supérieur, c'eft fon Su- pi^iacus obedr. perieur qui luy obcit, Hy.rf. ». 4,
17^ D E L A C H A R I T È* .
S.Ber.ir. ]j,(!e Cette fcducftion n'a pas feuîemcn iwry.i». 4. j.^^ ^^^^^ j^^ chofes où Ton n'a pou . ,
but que <de fuivre fcs inclinations | mais aufTi dans celles où il s'agit d(f la vérité. On veut fouvent fe jufti- [, fier à l'égard de fon Directeur j oi luy reprefente la conduite des au- tres, vC la Tienne propre , comme or la conçoit , S>c on la conçoit feloi ^ le jour que l'amour propre y donne [ Ain(i il n'y a fouvent point de gen: plus trompez que les Directeurs parce qu'ils ne voyent pas les adion. en elles-mêmes, Ôc qu^ils n'en ju- gent que fur les rapports altereî qu'on leur en fait : rapports qu'ils ju- gent fîilceres , par la bonne opinior qu'ils ont des perfonnes qu'ils con- duifent.
X). Quel efl le remède de ce mal ?
J^. C'eft de demander continuelle- ment à Dieu le defir de le cherche! uniquement : c'efl de fe faire une règle inviolable , de de s'attacher s la vraye fmcerité , qui ne confifte pas feulement à ne pas tromper leî autres par des menfonees eroffiers . mais qui conliile auiîi a ne le pas
ÏNVïKS SOY-MEMÏ. 177
tromper foy même par les déguife- iiens de Ion amour propre : c'eft n^n de purifier lans celfe Ton cœur le toutes les attaches qu'on y apper- foit. Car ce n'eft que par cette pu- eté de cœur , qu'on -peut éviter ces léguifemens.
£>. N'y a-t-il que ce défaut à raindre de fa part dans la direc- ion ?
jR,On doit craindre aufïï les attaches rop humaines que l'on contracte nfenliblement pour ion Directeur. ZsLiL Cl Ton n'y prend garde , on ,'cut infenfiblement être eftimé de uy 5 6c qu'il nous donne des mar- ques de confideration Se de con- iance. On eft bien-aife qu'il s'ap- ■)lique à nous , & l'on fait paiîer les amufemens inutiles pour des entretiens necelïaires. On s'occupe ie luy , & l'on a fouvent dans les icftions ôc dans Tes bonnes œuvres
on Directeur beaucoup plus pre- fent , que Dieu. On juge de fes pro- pres fautes , plutôt par rapport à [uy , que par rapport à Dieu. Tout le monde doit craindre, ôc veiller fur ces défauts j mais particulière-
iyS De la Charité' ment les femmes , qui aiment na« turellement à plaire , & qui font plus faciles à contradler ces for- tes d'attaches.
D. Que doit-on craindre de la part de fon Confcifeur ?
R. On en doit craindre les défauts humains , &: principalement le man^ que de lumière ; & que s'égarant kiy-même , il ne nous engage dans l'égarement. Cette crainte nous oblige de recourir à Dieu avant que de s'adrefiTer au Directeur, & de luy demander la grâce ^ & la lumiè- re dont nous avons befoin pour nous conduire dans la véritable voye du falut.
D, N'eft-on pas en fureté d^ conf- cience , quand on fuit de bonne foy & fins duplicité Ta vis de fon Con- felfeur ?
R, C'eft une grande matière , d^ qui demande beaucoup de àïÇcu(- fîon. Mais pour la refoudre, il la faut propofer plus généralement , en examinant quelle fureté il peut y avoir en fuivant Tavis de ceux que l'on confulte , foit Directeurs ^ foie Dodteurs , foitCafuiftes 5 & de'
iii
lelle manière on fe doit conduire ns le choix des opinions iur lef- lelles on agit. Et comme C2 choix t une des plus grandes parties de prudence chrétienne , de que rien i peut plus fervir à conduire nô- e entendement , il eil tres-à-pro- jsd'en traiter ici.
CHAPITRE V.
)^ ce que Von doit confiderer dans le choix des cpnions,
y l^T'Y a-t-il point de difFeren- X^ ces à faire entre les opi- ions, quand il s agit d'en faire loix pour régler fa conduite ?
J^. Il y a pluiîeurs différences à dre, dont les unes dépendent de .matière de ces opinions , les au- es de leur qualité , Toit à l'égard z ce qu'elles font en foy , loit à égard de ce qu elles font par rap- ort à nous.
D, Quelles font les différences qui
épendcnt de la matière ?
k. Comme il s'agit ici de matie-
i.S« De la Cha:r.ite'
res morales , & d'epinions qui rc gardent les choies bonnes ou mau vaifes , légitimes ou illégitimes permiies ou défendues ; il faut d'à Dord faire une cres-grande difïeren ce entre les opinions qui regarden les chofes permifes ou défendue par la loy éternelle , ou par le droi; naturel ( ce qui eft la même chofe ^ de celles qui ne font bonnes ou mau vaiies , que parce qu'elles font per- mifes ou défendues par ledroitpo- iitif , foit divin , foit humain ; c'eft- à-dire , par des loix divines ou hu- maines qui défendent ce qui n'eft pas formeilemqnt mauvais par loy- même , & qui ne feroit pas jiatu- rellement défendu -, ou qui com- mandent ce qui n'eft pas par loy- même &c formellement bon , de qui ne feroit pas naturellement com- mandé, fî ces loix divines ou hu- maines ne Teullent ainfi ordonné.
Cette différence pofée , il faut ob- ferver que les chofes permifes ou défendues par le droit naturel, ôc par la loy éternelle , font ellèntiel- lement & immuablement bonnes ou m^uvaifes. Dieu même , quoy que
tOUCf
ÏNVERS SOY-?vîEMS, iSî
tout-puilîanc , ne lç:^uroic faire que ce que fa loy éternelle défend^ de- vienne permis : que ce qu'elle dé- clare injuile/ devienne juiie ; parce que la juftice qui condamne ces cho- fes eft fon eifence même. Il n'en eft pas de même de ce qui n'eft défen- du que par des loix pofîcives ou de Dietf , comme écoit celle de travail- ler le jour du fabbat j ou des hom- mes, comme tout ce qui ell: défendu par des loix purement humaines ; car ces chofes font indeffèrentes en elles-mêmes jil n'y a que la défciSc qui les peut rendre mauvaiies. Ainfi celuy qui ignorant la défenfe des chofes défendues par le droit po- fitif, les approuve, n'approuve rien de mauvais en loy , & n'a point la volonté contraire a la juftice. îi peut à la vérité être coupable de ne s'être pas inftruit des loix poiitives,qui ont défendu ou commandé ces choies, comme nous dirons dans la fuke de ce Chapitre ; mais il n'eil pas cou- pable de ne juger pas cette chofe mauvaile en foy , puifqu en effet elle ne l'eil: pas. D. Quelles fo iules autres diiTeren- Torn£ II. A a
l8i D.E LA Cl4 A R I T E*
ces qu'il faut conlideier à Tégaid de opinions ?
R, C'efl: que toutes les opinion, font vraycs ou fauiles. Car elle: font toutes , ou contraires , ou con- formes à la venté éternelle : Diei voit ce qui en eft. Or tout ce que Dieu voit efl: vray : il voit .donc que certaines opinions font vrayeaj^ que d'autres font fauifes , parce qu'il ef vray qu'elles font fauifes : de fi nouï en jugions comme il en iuge , noue ne nous tromperions jamais. Ainii il n'y a point a l'égard de Dieu d'opi- nions qui foient en foy douteufes , parce que Dieu ne doute, de rien , & qu'il voit h. vérité de tout.
Z>. Quelles font les difl-erences qu'il faut confiderer dans les opinions par .rapport à nous ?
£, C'eft qu'entre les opinions , les .unes nous paroiifent certainement vrayes , ou certainement Eiulfes ; &.les autres nous paroiifent douteu- fes , c'eft-à-dire , que nous n'en voyons pas avec certitude , ni la vé- rité, ni la faullèté.
Cette différence pofée , il eft bon ^e remarquer que ces doutes peu-
TNVEPvS SCfY-MEME. iSj
rent être de deux iortes ; il y en a qu'on peut appeiier des doutes de lufpQnlion ou d'équilibrt , ôz ce font ceux qui arrivent, ou loiTque l'efunt eft balancé par des raifons égales, ou lorfqu'il ne voit aucune raiion ni d'un côté ni d'autre , qui le détermine en- tièrement : l'autre lorte de doute eil celuy qui n'empêche pas que refpiu ne prenne parti , &z ne le porte d'un côté,quoy qu'avec défiance ëc crainte de fe tromper. Et c'eft là propre- ment ce que les Anciens appelloicnt opinion , qui lignifie , lelon eux , l'attache de Tefprit à un parti, fans une raifon évidente. Ainfi , dans leur langage prol^abilia feqiti ^ c'eft fuivre le plus probable -, & de même opinari^ comme il eft aifé de voir par les que-
1 a.
liions Académiques de Ciceron.
D. Qu'eft-ce donc qu'opinion pro- bable ?
R, Il fiut diflineuer : félon les Anciens , c'eft l'opinion qu'on croie la plus vray-ieKpblable.
Selon le langage des nouveaux Scholaftiques , c'eft une opinion qui eft fondée fir quelque raifon appa. renie . foit que l'efprit l'embraife ^
A a 1]
284 De la Charité' foie qu'il la rejette : pourvu qu'il rtt la rejette pas , ou qu'il ne l'embralL pas comni(? certainement faufe , 01 certainement vraye.
D. N'y a-t-il point d'autres diffh- rences à obferver entre les opinions
J^, Il y en a encore une, qui vieni en partie de la nature des opinion? mêmes , &c en partie du rapport qu'elles ont avec nôtre difpofition. Car il y a des opinions qu'on appelle fûres , parce qu'en les fuivant on n'eft point en danger de pécher j <3^ d'autres qui ne font pas fûres, parce que l'on pèche , ou que l'on peut pé- cher en les fuivant.
D. Ces différences fuppofées , quelles font les principales difficul- té z qu'il faut examiner fur cette matière l
J^, On les peut réduire à ces qua- tre queftions.
1°. Si dans une matière de droit naturel , on eftexcuié dépêché, en fuivant une opinion fauife , pourvu qu'elle ioit probable.
1°. Si dans une matière de droit po- lîtif ,une opinion fauife en loy, mais probable,peuc être fuivie fans péché.
J
EKVERS SOY-MEME. ^Sj
"^ 3". Si s'agllfant de faire choix dans la pratique de deux opinions , dont '^ Tune ell plus probable ^ plus fûre , l'autre moins probable ôc moins lûre, il eft permis de clioilir &c de fuivre la moins probable &:la moins fûre.
4". S'il eft permis de fuivre l'opi- nion la plus probable , lorfque la contraire eft la plus fûre.
QUESTION I.
Si une opwionfrobable peut exemp- ter de péché , lorfquH s*agk du droit naturel , d^ que cette opi- nion efi f^ti^e.
D. A quoy doit-on réduire cette i^ueftion pour la décider nettement t
R, On la doit réduire à ces termes ici. Si l'ignorance du droit naturel peut quelquefois exempter de péché ceux qui le violent. Car fî cette igno- rance n'excufe jamais , il eft très- certain qu'une opinion probable con- traire en ioy au droit naturel , ne fcauroit fervird'exeule devant Dieu, puifque celuy qui fuit une opinion
iS<j De la Charité* probable , qui eft cflccftivcment faulfc , cft dans cette ignorance de la vérité ; ôc il cft bien clair que s'il ne l'ignoroit pas , il pecheroit en- core davantage , 6c que cette opi- nion même ne leroit plus probable à l'égard de celuy qui connoîtroit clai- rement la vérité.
Comment fe peut-on afiurer de ce qu'il faut croire fur cette que- flion ?
^. On s'en peut alfurer , en con- fultant les mêmes fources dont nous devons tirer toutes nos lumières à regard des règles des mœurs , qui font l'Ecriture fainte , la Tradition, ôc l'exemple des Saints.
Z). .Que nous dit l'Ecriture fur ce fujet ?
/^, Elle nous apprend à condam- ner généralement tous les violeniens de la loy de Dieu , lans admettre ja- mais Texcufe de l'ignorance , parce jue cette ignorance n'exempte ab- folument pas de péché.
Elle nous dit par l'Apôtre S. Paul ,
rekgc pecca- f ^ ^^^'^ ^^^^^ ^"' ^^^ pecKC ja}js avotr verijnt,fine le- r<?pi /^î loy ^ -périr ont fan S avoir reçil %m.^iT^il /^ Z^*. Or, combien parmi ces gens
t
IN.VERS.SOY-MEMÉ. 1S7
kpi n'avoienc point reçu la loy , y en
avoit-il qui l'ignoroient ?
•• Elle condamne généralement les
<îéreglemens des Payens. , quoy qu'il
y en eut beaucoup oii ils tomboient
par ignorance , ôc qui étoient auto-
ïilez par la coutume , comme l'i-
doiatrie , la fornication, ôc divers
-autres péchez ; & TEcriture les con- slcut & gen--
damne en même temDS qu'eJie re- ^" ^™^"!-^^^ *^
^ , . JL 1 • vanicare lenius
connoit qu'ils etoient dans l'igno- fui tenebns ob- rance & dans les ténèbres. Car c'efl [es^mceika^am'; ainli que l'Apôtre iaint Paul décrit aiien^ti à vitâ Jes Payens, qui o„t , <iK-il ,/^rk ^^-J;'^"^ plein de ténèbres ; qui font entièrement in illis , proptec tLoignez, de ta vte de Dieu , a canje de ^.^ ip^rum. 4'ignorance oh Us font ^ & de l'aveu- £^/;. 4»8. élément de leur cœur,
^ Toute la vie Payenne eft appellée quTdem ïufus *. •par faint Paul le temps d'ignorance, gnoranriz def-
7-» J • • 1 ' A piciens Deus ,
Jûieu J dit-il 5 étant en colère contre ^unc annuntiac €€s temps d' ignorance fait mainte- hommibus^ ut
' '^ N ,1 j;, omnes ubique
nant annoncer a tous les hommes & pœniccndani a- €n tous lieux ^ i^ii ils en fajfent pénitence. ^^^'^' ^^' i?»
La même expreffion a été em- ployée par faint Pierre dans fa pre- îiiiere Epitre. Evitez^ , dit-ii , de rati prioribus devenir femhlables à ce que vous étiez, ignotandx veT- autrejots 5 Lorjque dans votre t-gno- j^^^i, i^.
îSS De la Charité'
rarice , vous vous dbaridonnieH^^ À voi
■palJlons. Qjjîprimus j^ ^^ j^j^j^ ^,j.^y q^ç f^il^j. p^ul té-
blalphcinus lui, J j . , . ■
&:pcrrccutor &: moigiic qu'il a ohtenu miséricorde, "dlnlîln'or.' '/'''>•« ?«■'' avoh ■pcrfec^tél- EgUfcfur aiam Dei con- ignorance. Mais il ne lailic pas de le frcutus fum , rcconnoîcre coupable dans ces ac-
quiaignorans i-«- v,«^iniwitj.v, i ^ .
fcci in incvcdu- tions , qu'il déclare qu'il a faites juac^. '. ji';.. ^^^ ignorance j & de s'appellcr luy- chriftus jcius même , à cauie de fes péchez , ic "uti;"c'ca. moindre de^ Afotrts . & indigr^e du tores falvos fa- ^iom d' Apotre ^ponr avoir perfecHté
ccxc, quouim „_ .. - j^ y^.
primus ego fû. ^ £gi^j^ de Dien,
ibii. V. IV
Ego enim fum minimum Apoftolorum , qui non fum dignut voca- xi Apoftolus , quoniara perfccutu5 fumEcclefiam Dei. i. ^or. i}. f.
tt« ,"cio'^ quiT' Saint Pierre rend auiïî témoigna- pcr ignoramiam ae aux Tuifs qu'ils ii'avoient defa-
feciftis ... Pœ- ^ .. > o r • ^ C n\^ ^(l
niteminiigitur vouc & lait mourir Jeius-Chrilt «cconvcnimi- çy^Q p^j ianoi'ance ; mais en même
mini.ut dclean- ^ ^ y. , , ' . ^ .
tur pcccara vc- temps qu il les exorte a en taire pe- ftia. ^:.' }. »7- nitcnce.
Dciida jiivcn- C'cft dans ce même ^fprit que cutis &:;gnorar- D^vid demande pardon à Dieu des
tias meaï ne me- i r . -r i r r
mineris. f/. H. pechez dc la jeunelle , & de les tau- 7' tes d'ignorance.
Enfin 5 Jefus-Chrifl: luy-même dé- clare que non ïeulcmcnt les guides aveugles , mais ceux même qui les
ûuvent ,
CNVËR5 SOY-MEMÏ. lî^
fiiivenc , tombent dans le précipice,
&: font engagez dans le même mal- cœcus (î ccrc»
leur : One Ci, dit formellement TE- dacacum pr.:-
., ^«^ ■' ' , . ftet , ambo in
mangue , nn aveugle conmn un autre fovcaai cadaac. aveugle , ils tombent tons deux dans la ^^'»'*''» ^i* *+• ^op. N'eft-ce pas dire que celuy qui fe laillèxonduire^ ne pourra pas s'ex- rufer lur fon ignorance ; ni fur l'a- veuglement de celuy qui le conduit? L'Evangile dit encore précile- nent dans un autre endroit ; Le fer^ illc ferrus q-iî vlteur qul^ aura fçu la volonté de fon u?elîx°DomTnr" maître^ & mil néanmoins ne fe Jera ^^^i^rion^t^- pas^ tenu fret , & n aura pas fait ce \^^^\^^^^X11 ijuil defiroit de luy ^fera battu rude- voluncatcm- ç- mfnt : mais celuy ^uinaura pas ffâfei muiùT^Q^u^, volonté j & (jul aurafaï t des chofes dignes ^^ ^i no n cogno- iechkthnent^ fera moins battu, N'eii- na'piagir^ Vf^ :e pas dire que TienoranCe nexemp-^^^^bicpaucW :e pas de pèche, & qu elle ne peut ^s. fervir d'excufe ? Puilque , félon les cermes de TEvangile , ce ferviteur ignorant les volontez de fon maître, fera puni , quoy qu'à la vérité moins feverement que celuy qui aura man- qué après en avoir été informé,
D, Ne peut-on point dire que tous ces paiîàges qui condamnent dépê- ché les adlions commifes par igno- Torne IL B b
x5)o Delà Charité*
rai!.cj,ne doivent s'entendre que dcç actions faites par une ignorance vo- lontaire jcv qu'il étoit au -pouvoir de l'homme de lurmontcr ; &: non de celles cjui !< nt faites par une i- iznorance involontaire ôc invincible?
R, L'Ecriture lainte ne donne aucun lieu a cette dillincftion, non plus que la tradition de TEglife ; ainfi , il n'eft pas permis de fouftraire par une di- ilinàion fans fondement , la plus glande partie de ce qui elt compris dans l'exprelîion générale de l'Ecri- ture : autrement il n'y- auroit rien qu'on ne juftiiiàt par ce moyen. Ec cette reo;ie abrolue ell: d'autant plus necellaire en cette occalion , que par le moven de cette exception on prétendroit exempter de péché la plupart des péchez d'ignorance , y ayant bien plus d'opinions probables, que de dogmes certains. De lorte que il 'cetZ'^ dilliiiftion d'ignorance volontaire ou involontaire étoit ad- miiC , tan: s'en faut qu'on pût géné- ralement condamner tous les péchez; d'ignorance , qu'au contraire il feroic plus viiiy de les exempter tous gé- néralement de pecbè.
£>. Les Feres de l'Eglife ont-ils iui-^
ÊNVETIS: SOV-MFMl?. 1^1
1?î ce langage de rEcritiire?
f^, Oliy , «!k ils ont de même con- damné généralement de péché tout ce qui le fait 'pau ignorance contic la ioY éternelle ; & il eil. inoLiy dans tous leurs écrits , qu'ils ayent exemDté aucune a6lion de péché , fous prétexte d'ignorance.
Ils ont ccndamn.é exp'-eilément cpmme une erreur dans les Pelagiens, de dire que Dieu n'imputoïc pas a péché ni l'ignorance ni Toubli -, & cette condamnation ne fe peut pas . entendre ieulement de Tignorance afFectée & diredement volontaire , puiique Pelageiuy-même reconnoiii. loit aue cette lorte d'ignorance afïe- d:ée n'exemptoit pas de peché,com- me S. AugLiilin le dat expreilement ^./''^;;'^,V^^ dans le Livre de la Nature & de la r^^'-* * c.i^. Grâce, ., '^'
Auiîi n'y a - 1 - il rien de plus précis & de plus gênerai que ce 'que pcr hoc incx- ce laint Docteur dit dans fa lettre à ^^'^'-^^'^^^eftom- Sixtc:Tout pécheur ePt inexcuiable , rcamo"g?n;s^J^ ou par le crime qu'il tire de la naif- ^^^ ^^mcaaicn- lance , ou par ceux qu il y ajoute par voiancans , iive fa propre vo,ionté,loit qu'il connoille s^' novit, ilve
k- ' r ■ '•] 1 ■i-r- <n*Ji ignorât. /<^.
vente, ioit quii ne la connoiiie c^. joj.
pas. Bb ij
191 n ï LA Charité' virifafudeuh" ]^q mcmc Pcie prouve la mêmS
d.m 1,1'. i. de \ r iT 1 J 1
pccc. ver. erre- cholc allcz au long dans le premier nn.e. is. Livre du mérite 6c de la remilTioii
Qui nelcicns , , ,
pcctavit, non des pcchez , OC il eu rend la railon mcongiuentet ^^j^^ f^^ Rctraélations.en ces ternies:
r.olei.s pcccafls . i r i r
c.ici joteft , Ceiuy qui pèche lans le i(^avoir , na tjiamvis&: ip:-e j^jjf^ p^g j^ vouloit faire ce qu'il
iccir, voiensta- fait, quoy qu il ne veuille pas pe- ir,en tccu ua çj^^j. puiiqu'il ne Icait pas que potuic fine vo- ce qu il tait eit pèche. Amii ce pçr iuniate pccca- ^^^ j^'^fj. p^^ entièrement fans vo-
lum . . . Quia , , • y n 1 ' • r
voiuic ergo te lonte , mais c eit une volonté qui le cit, cnamii non pQj-^^ à l'a6tion,& nou au péché qui
eiiia volau p:c- r ^ ri
cavic , netciens S y rencontre ; oc cependant cette ie;cataincue ^ç^ion ne laillc pas d'être péché,
r.ccpeccacumii- pnilque C eit Une action qui ne de-
n= voluntatc Cl- ^^-^ .^.^.^ T^-^.^
le potuic , ieo. r
voluntacc taûi ,
non voluntacc pcccati , quod tamen fatlum pcccatum fuit , hoc
cniiu taduai eft quod fier i non dcbiiit /. i. Retr.^c, ij.
Ecce dat tibi Saint Auguflin enfeigne non feule- fccuii:aceinrro- ment quc Tigiiorance n'excule point
b'^^C^"' ^^ P^^^"^^ ^^ violement de la Loy de pateifamihss Dicu j mais il dcclare expreifémenc rmcur^tm^fam, <^^^" Tautorité même des Pafteurs ne feivus fum : vis nous donne aucune fureté , il elle eft vc'q.Tomodo'''' contraire à la Loy de Dieu. Le Pro- vis, ooininuï cureur , dit-il , VOUS donne affûran-
le non perdct ? ^-^ r ^ ,-p
sccumaceai tibi cc ; Que VOUS icrc ccccc ailuiance, li
INVERS SOY-MEMP. i95
îe père de famille ne TaGcepte ? Te ne Procurator d;-
f» > , o V "i'c : mail vaiîC
uis c]u un procureur ce un lervitenr; iscuritas Procu-
que vous lerviroit quand je vous di- ratoris. udna n
■^ . ^ . -^ j Dominas tibi
rois : faites ce que vous voudrez , ^^^^. ^ ^ .g^ r.. Dieu ne vous perdra point? Ce ne rjUicitum û- eroit qu une aliurance donnée parle ^i cnimfccui
;ari
procureur , de cette aifurance ieroit t^s vaiet,etiaai.i mutile. Plut a Dieu que Dieu vous ro nihii vaicr, li la donnàt,& que ie vous la refufalFe. iiicnoiuevic. Car l'aflurance que Dieu vons donne- f^uritàs, fia- roit feroit bonne , quand bien même "es , y<:i mea
,- /- . . -^ r ■ vel vellra , ni i
elle leroit contraire a mon lentiment j ur Dommi jad'i & la mienne ne vaut rien, fi elle le intente &:diii-
1 , T^ . e;enter audia-
tuouve contraire a ceiuy de Dieu, ^as, sct^ronif- Quelle eft donc la véritable fureté , ^'^ hdeiucrexpj-
^^ . .. ^ et -mus ^. -'i^^.
continue ce Docteur , ou pour vous a tut. t». c. $, ou pour moy , linon d'écouter avec tout le foin &c toute Tattention pof- Tible ce que Dieu nous commande , ôc d'attendre avec confiance l'accom- pliffement de fes promelfes ?
Commentée faint Do(5teur auroit- il pu dire que la fureté donnée par le procureur ne fert de rien , fi une infinité d'adions condamnées par la vérité ^ devenoient bonnes Ôc fûres par les fentimens 3c les opinions des jiommes?
Ce Père pafTe même plus avant j ôc
Bb lij
194 ^^ LACHARItt'
en reconnoiflant d'une part qu'il cd comme impofîible de Ce délivrer dî certaines erreurs , il ne laillc pas de condamner abfolument ceux qui le; Quta faccrec fuivent. Comment , dit-il , un en-
puei natus in- , • i T^
1er Paganos _, ut hint nc parmi les Pavéns pourroit-L SiT.r'"" ''; s'cmpechér d'adorer des idoles, puif- iiium cuicuin quc ics parens ront palier ce culte jrai^nTcITTnde ^''^^^^ fon efprit dés Ics premières aft- prima verba au- nécs ? Lés premières paroles qu'il en- xôrcm clria: ^^"^ ^«'^ ^^^ paroles d'idolâtrie • il âc fuxit : & fucce cette erreur avec le lait ; &l
<juia illi qui lo- ^ • M ^ j 1
suebancur ma- commc ccux a qui il entend parler jores erant , & font 2;rands,& qu'il cft petit^que peut-
puer qui locui i r • J T 1 • ' o
Siicebat inf.ins ^^ ^"^'^'^ ^^^ ^^ luivrc kur autontc,& crac , unde po- croire bon pour loy ce qui eft ap-
terac parvulus / . r-^ i c ; *
niii inajoium prouvc par cux ? Cependant ^aint autontatem fe- Au^uftin reprcfcnte enluite ces en-
qui , & id lîbi ri r^\ ' • J J
bonum ducere ^ans devenus Chrétiens, demandans «juod ifti lauda- pardon à Dieu de ce qu'ils ont fait ics converfî ad ^^"1 ii-Uvant ccttc impreliion de leurs chrifium poftea parens , & luv adrellans ces paroles:
& recordanccs \ ,. ^ / . . • j r
impiecatem pa- ^^^ diJcvHrs aes impics Gût frcvalii (If/ icntumfuoinm, ;^(j;^f . Seiçrîcur^ pardonnez.-noHS nos
& diccntcs quud . . *-* •'
jam dixic Pro- imp'€tez..
pheta ipie jere- Quelle opinion faulFe peut être
iiiias, veremen- , ^-- , i i" v ij/ i j •
aacium coiue- plus probable a 1 égard de qui que ce runt racres noù {^^^ ^ - ç^^^^ l'idoLitrie i'eft à l'égard
tri J vanitatera ,, " A "-^ r
qu«cisûonpro. 4 UH entaiit^ qui commençant auler
ENVERS SOY-MEME. 29^
foiblemenc de fa raifon , voit ce culte fuit . cum crgo
. > e r • • ^ • jani hoc dicunt
JïpprOUVe Se lUlVl par tous ceux qui Jenunuant opr
renvironnent , &c qu'il reconnoîten nioaibus & fa-
1 r 1 r o 1 crilcgiis paiea- "*
toutes aurics choies plus lages oc plus ^^..^^ luorum i. éclairez qu'il n'efl: : cependant cette niquoram. sed
1 1 i-.- / , ^ quia ut jnfcicié-
proDabiliiite n exempte pas ces en- tur taiibus opi- fans de recourir à Dieu, pour obte- nionibus& fa- nir le pardon ae leur crniie. fiu-iioncs fece-
runt corum^qui quantosetAtc pr^cedebant, tanto autoritatc ptsccdcre dcbcre paca- bantaiiconfitecui" jam redire volens ad Jsrufa'lem de Babylonia^^-di- cic feiinoncs iniquorum praevaluerunc adverfus nos. Qaarc iaîoie* lates noftias tu propitiabeiis. S. Aitg. mPf.ii.
D. N'y a-t-il que S. Auguftin qui ait condamne généralement les pc- diez d'ignorance ?
^, Les autres Pères ont tiré la mê- me doftrine de rEcriture iainte , comme faint Aucuftin l'en avoit tiré. Aucun n'a enieiirné que l'ieno- rance put lervir d'excule a ceux qui âuroient violé la loy de Dieu. Au- cun n'a appris au monde ce fccret , Que pourvu que l'opinion que l'on fuit dans fcs actions foit jti^ée pro- bable par celuy qui la fuit , fon ac- tion eft exempte de péché. On voit au contraire qu'ils craignoient, ôc- qu'ils enfeignoient que l'on doit craindre dar.-s les actions même que
Bb iii]
Viri fanAi
15?^ Di lA Charité* l'on juge bonnes, ôc qui font faites par confequent félon des opinions qu'on juge probables. Les Saints , cummaTa7upe- dit faint Grégoire le Grand , crai- lant fua ctiam anent même pour leurs bonnes ac-
tcnc getra, for- *< , ^ 1 r • 1
jBiaanr,nc cum tions , de pcur que voulant taire le bona agere ap ]^[qi^ [\^ j^g s'attachent à Une fauf-
ïicnis insaginc ic UTiage , & qu il n y ait une pour- faiiantur na riture mortelle qui foit cachée fous
peftifcra tabès , ,, 1 j ■ n
putrediniîj fub unc belle apparence. Les jultes , fconi f^ecic la- jjj encore ce Père , tremblent
tcat coloris. ., '
scjunrcnim dans IcuTS meilleures actions , &" «juia corrupcio- aemilfcnt Continuellement devant
Tiis adhijc pon- o
«iercgravati,di- Dieu , daiis la craiiitc qu'ils ont
î-ubdiKcr nT q^'^^^^s ^e déplaifent à Dieu par ciunt & cum quelque erreur qui leur foit ca-
ante ocalos ex- -U '^ •
ertmi exanimis *-"^^»
xegulam dcdu-
cant ^ hïc ipfa in fc non nunquam & quJt appiobant metuunt. •?,
^"'■^i- /• ^, Moral, c. 6.
D. Cette doctrine a-t-elle pa(Te des anciens Pères , à ceux qui font plus proches de nôtre temps ?
F. On ne voit pas d'autres fenti- mens dans l'Eglife durant quatorze cens ans , comme on le peut aifé- ment juger , par ce qu'enfeignenc fur ce fujet faint Bernard , faint Thomas , ôc les anciens Scholafti-
ENVERS SOY-MEMÏ. 1^7
ques & Canoniftes.
D, Qu'eft-ce qu'enfeigne fàint Bernard ?
J^. Ce Père réfute fort au long f'ide s. s^i dans fa Lettre à Hugues de i^aint f?/^;/,f^]^^-^ Vicftor , ceux qui ne reconnoilfoient point de péchez d^ignorance -, Se il fait voir qu il y en a , par plufieurs paflages de l'Écriture lainte , fans jamais excepter cette ignorance jointe aux opinions probables. Il palïe plus loin , 3c enleigne géné- ralement qu'il y a deux conditions neceiîaires , afin que l'œil de nôtre ïgo verô iJi ame foit yrayement iimpie j içavoir ve« ilmpiex fit, la charité dans l'intention , & la ^mo iin eiie ar« vérité dans le^choix : car,dit ce faint n" cLiutem Ta Dodfceur, fi nôtre ame aime le bien, intentionc, & mais qu elle ne cnGiliiie pas le vray , .i.^.em. Nam fî elle peut bien avoir le zèle de Dieu ; bonum quidem mais un zèle qui ne fera pas règle rum non eUgac ; par la fcience : & je ne voy pas hatjetqmdem qu au jugement^de la vente , la fim- ^on fecundum pli cité puille être eftimée vraye fciemiam , &
' ■ • ^ \ r iV ' ncfcio quemad-
étant jointe a la fauilete. modiim judido
X). Ce paiîa^e fait bien voir que vericatis veia
{• . ^ o j '^ 1 1 ' efle pofîic cura
aint Bernard reconnoit quelque de- faiùtate finipU-
faut dans cette {implicite trompée; ^'^^^^- ^-^'^-^^ mais il ne prouve pas que ce Père y 14.
toS De tA Charité' reconnoiirc du péché ?
^, S\\ ne dent pour le prouver ,
qu'a montrer que ce Père le fcrt du
mot même de péché , 5c que c'cft
le défaut dont il parle , cela fera
bien aiié : car c'efl; le terme qu'il
jnaiam putes employé daus ces paroles luivantes.
bonumquoi ^^j^ donc qu'en failant le bien, or
honum maium ic croyc mal , OU qu en rauant le
c.iod opcvaiis , ^^^^ ^^^ j^ croye bien : lun ôc l'au-
-<atuincft ibid. tre clt un peche.-
D. Quel efb le fentiment; de faint Thomas lur ce lujet ? . -R, On ne le peuc pas plus claire- ment exprimer que ce faint Dodeur
«lum quodduo- 1 ^ lait par ces paroles^ On le rend ,
bus modis aii- dit-il, coupablc de péché en deux ma- quis ad pecca- . /, ■ i-r i
tum obiigacur Hieres ^ 1 uue, en agiiiant contre la unomodofa. \q^ commc Guaud OU commct
cicndo contra - ■' : . ,, -^ ..^
legem , ut cum Tomication : 1 autre, cu agiiiant con- aiiquis fcrnica- ^^^^ f^ confcience , quoyque ce que
tur, aliomodo _ . ' ^^ -' i , ,i
faciendo con- 1 OU rait ne loit pas contre la loy,= traconfcicntia,Q^ ce qui eft fait contre la loy efl:
ctli non ut con- ^1 ^,j
tra icgem .... toujours mauvais 3 quoy qu il ne q.-ûda-kuT ^^'^ P^^ contre la confcience. Rien contialegem ne p2ut êcre plus gênerai ni tu'ï.^'nLlv:"';. plus précis , que les termes de ce tûi pei- hoc Saint Dodrcur • & c'eft fur ce fon^ l^^ %uTd^^ demenc qu'il continue dans le mê-i
5NVEP.S SÔY-MSiM''. 15)9
nie endroit , &c reconnoilïïmt qu'iM'^"^-.- ."^"^^ y avoïc diveries opinions lur la cft vcra, fed queftion de la pluralité des bene^ magis conaada nces , il décide nettement , que h cur , ua quod Topinion qui permet d'en avoir ^^^^ ^'"' ^^^^®'
1 - 1 r ^ re pluies prx-
pluiieurs elt faulie , celuy qui bei.das , ix- cunc la fuit pèche , & n efl: pas excule ^^^-'-'^s^'^^-^'^um
^ i ^' , ^ €lt qaui auc tahs-
pour luivre la conlcience & cette habec conùien- opinion , parce qu'il ag;it contre la '[^'^'^^'^ conna-
r ' r 1 t> 110, led ceiciru-
ioy de Dieu. dmem , led ta.-
Le même Père ne s'explique pas T'' 1".^^^^^^^
i 1 r ducuacionem
moins clairement dans la queftion inducifar ex fuivante. Il eit , dit-il , dangereux ^^^^^ ^ de décider une queltian où il s a^it ûc manerxce ;aik de fçavoir h quelque chofe eft pe- .^ti^'T^ben. ché mortel ou non , à moins qu'on dis habec, pc-
■ iT" 1 : 1 ^ -^^ ricu'.o fe cotn-
ne connoiiie clairement la vente j ^^^^^^ ^^^^ parce que Terreur qui fait que ce procui dubio qui eft péché mortel n'eft pas efti- magh amïns* mé péché mortel , if exempte pas benehcuim ce:n- de pèche , ^ quoy qu il en diminue propnam laïu- peut-être l'énormité. tem. auc ex
*- -r^ 1 ■ 1 '^ conrrariis opi-
, ht en un autre, lieu du même ou- nioniousinnui- vraere 5 il propoie généralement le i^'" ^^i^'j^atio-
• *- • 1 1 a • T>» nc'in addacitur ~
principe de cette doctrine : Dans ^ de non com- les choies, dit-il, qui appartien- "^^'^\i^ ^'^ '^^^''="- nent à la toy ôc aux bonnes mœurs, .ar'. j t» perfonnc n'eft excule de péché , pour--^^--'''^ ^- avoir iuivi le ientiment de fou maî-^'^^ri,. Dic<;n-
rir rhriCci.
500 De la Char 4um quod om- j^e ; Car daiis ces fortes de chofcs qui de moitaii 1 ignorance n excule point.
peccato qua?n-
tur nilî cxprcfle vcritas habca.tur , pcriculofè dcterminatur , quia crror quo non credicur cflc pcccatum morcale quod eft pcccaium rnortalc , confcientiam non excufat à toco , licet forte à lanco.
^l^a'.lh. 9. '-^m-^ '.art If.
... In his vcro qaas pertinent ad fidem & boros morei nuUus cx- cufatur, fi fcquatur crroncani opinionem alicujus magifln cnim Sgnorantia non cxcuiat. ^odlib. j. ^-fi- 4- art. 10
D, Saint Thomas n'a-t-il point , tcr'fi fadJ^pec- ^uivl unc autre dodtrinedans Tes au-
cat quia hujuf- j^çg OUVragCS ?
îu non fxS*, ^. Non :^ Car il enfeigne nette- cum lit ignoran- nient lur l'hoîtrc aux Galates , que
eiaiuris. ^. T/'. ,,. j" j -^ 5 r ■ .
auLt. j. leS» I. ^ Ignorance du droit n excule point »
Article I,
^x^.men de quelques âijflcHltesi fur cette àecirmc.
D, Ne peut-on point rendre inuti- les tous les paiFagcs qui viennent d'être rapportez , en difant qu'à la vérité , l'ignorance des premiers principes du droit naturel , n*excu- le point , parce que ces principes font naturellement connus , & que le péché n'en a pas eftacé la con- ^ noilFance • mais que cette ignoran-
ENVERS SOY-MEME, JÔÎ
ce peut fervir d'excufe à l'égard des conclufions éloignées du droit natu- rel , parce qu'on peut ignorer ces conclufions fans malice ôc fans cu-« pidité î
. ^, Cette diflindion ne peut-être propofée par ceux qui auroient tant foit peu de refped pour l'antiquité. Car puiique les Pères de TEglife condamnent indéfiniment & sene- ralement de péché , tout ce qui eft fait contre le droit naturel , il feroic bien étrange qu'ils n'eulfent point vu qu'il en falloit excepter plus de la moitié , & qu'ils n'eulfent point eux- mêmes fait cette diftindlion.
Toutes les raifons qui prouveroienc que l'ignorance peut excufer ceux qui violent le droit naturel dans les conclufions prochaines , prouve- roient aufîi que l'on doit excufer ceux qui le violent dans les conclu- fions les plus éloignées. Car com- me c'eft la cupidité qui fait que l'on fe laiife feduire par les mauvaifes taifons , qui favorifent certains fen- timens contraires aux premiers prin- cipes de la morale Chrétienne 5 c'eil aulîi la même cupidité qui nous
foi De l a C h a r I t e' cache la vérité dans les conclufion$ ks plus éloignées. Que l'on bannillb de lame les nu.igcs des pallions , de la corrupciou du cœur, elle ne trou- vera rien d'obfcur dans les loix de Dieu , iSc ne cherchera point a difcin- guer ni concluiions prochaines, nié- loi'.nicc*s. Au contraire , auemcntcz cette corruption , il n y aura rien qui ne puide paroître probable a Vamc , „ aveuglée. Car, comme faintAu^u- taie iiiud effc- "^n Ic TCii^iarque rort bien dans les formidoiofurn , Lfvres contfc les Académiciens , cu.quc iniiucn- il H y a point dc Crime, tel qu il loit , duiî. quod nctas q.jj ^^q |« Dmlfc exculci &c défen-
tio piobabiHs drc pat des raiions qui pourroient it, cumpio- p^j-çj^jj-ç piobablcs a quelques per-
viramfiierueile lonnc^s. De lortc que 11 la probabi- t.iciendu!n,tan-jjj.^ fufliloit pour cxcufer quclque
vci.o2a"cntj..c'^t, pèche , elle les exculeroit tous ge- nou (oiam lu.-- neralcmenc. On doit donc recon-
fcclcris, kd t- ^ , .
tiauT hue eiio- noitrc qu entre les veritez , que i î- lis vitupciauo- rrnorance nous peut cacher , il v en .;> .^>;.. /. <. a de plus claires, Se de plus obicu-
c.nt Àcadem. ^.^ o. ^^-1 £^^j. ^ ^^ padlOU ,
Se pius ci avcugiement pour cacher les unes que les autres: Mais com- me il n'v a aucune vérité de morale, dont Tio-norance n'ait la iource dans
tNVERS SOY-MEME, 305
(es paffip.ns <Sc les tcnebres qu'elles créaient , il n'y en a .auffi aucune donc l'ignorance puiiîe excuier.
D, D'où vient donc que cane de Théologiens modernes le iont éga- rez fur une matière li peu douceule, 5c qui fe trouve prouvée par l'E- criture ^ par les Pères ?
R, C'eil eue ces Theoloeiens n'ont pas luivi le véritable ordre dans l'examen de cette queftiori ^ 6c qu'au lieu de s'attacher à cette propofition, qui a toujours été vraye', claire, & ri-cûë dans la tradition deTE^lile': Qu_e jamais le vioiement des loix naturelles n'efl exempt de péché, de quelque ignorance dont il puiile naître ; ils ont changé la thefe , de ff Iont appliquez a l'examen de cet- te autre queition pleine d'équivo- CLie (5c d'obicurité , Scavoir ii Ti- ignorance invincible peut exçu^ ilr.
/). Pourquoy dites-vous que cette dernière qiieltion eft remplie d'équi- voque & d'obicurité ?
/?. C'efl: que l'on ne convient pas bien de ce que l'on appelle igno- rance invincible ^ de lorte que ce-
J04 I^ï l'A Ch a R I TI*
luy qui dit , que l'ignorance invin* cible n'excufe point de péché dans le droit naturel , de celuy qui dit qu'el- le en excufe ; celuy qui dit il n'y a point d'ignorance invincible dans le droit naturel , & celuy qui die il y a une ignorance invincible du droit naturel , ne différent fouvent que de mots , & font d'accord dans le fens.
Z). Comment cela fe peut-il fai-i re?
R. Si par le mot d'ignorance in- vincible , on entend une ignoran- ce dont on ne puifîe fe délivrer , même en purifiant de bonne foy Ton cœur , ôc en demandant la grâce de Dieu 5* que cette ignorance n'aie point fa fource dans la corruption du cœur : il eft vray de dire que cet- te forte d'ignorance invincible excu- feroit de péché. Mais fi par le mot d'ignorance invincible, on entend une ignorance dont on ne peut fc délivrer par fo y-même, & par les feules lumières de l'efprit humain, mais dont on peut fc délivrer par le fecouis de la grâce de de la lumière de Dieu que Ton peut obtenir par la
prière y
ENVERS SOY-MF-Mt. ^O^
oriere'; il eft vray que cette igno- rance n'excufc pas de péché. De même , celuy qui dit qu'il peut y avoir une ignorance invincible â l*égard de quelques veritez du droit naturel , peut être d'accord avec celuy qui dit qu il n'y en peut avoir-, parce que l'un entendra la première lorte d'ignorance invincible , qui ne fe rencontre en effet jamais à l'é- gard du droit naturel ; &c l'autre en- tendra la féconde , qui fe rencontre fouvent. ^
X). Comment les anciens Théolo- giens ont-ils parlé iur cette ma- ^
J. *■ If^noramia qu«
tiere ? ' ftudio luperan
Â. Saint Thomas , de après luy les "^" p°',^^ ' ^'-
, . ■' i „ ^ que oo la iHvin-
anciens Théologiens , ont loutenu cibiUs aiei fo- d'une part , que l'ignorance invinci- ^" - nailum eft pie excuioit de pèche j & de l'autre cantummodo qu'elle ne fe rencontroit jamais à :™;^";'„'/'f ', l'égard du droit naturel : & ainfi il eft fcire rencmi , , aifé de voir en ralfemblant ces deux ^°^ qurs'^fdte proportions , qu'ils, font demeurez ^"^^^ lenetur. s, dans la doctrine des Pères, qui'eft ^^',^^^1." que l'ignorance du droit naturel ^'^^ P°^^^ 'f^ nexcule jamais les actions qui y eju$ coiTman;! font contraires, ' & uni/erfaiia
. omnibus noia. principia ex cofdibus hominam aboîcri. llit^. Sz^p- ^a- ^'*- ^<
Tome II, C c
^o6 De la Charité*
D. Quel cfl donc la four ce de Te- gaiement de quelques nouveau:
Théologiens ?
J^. C'ell: que prenant cette maxi- me de laint Thomas j Que l'igno- rance invincible excuie de péché qui eft véritable en la manière qut fâint Thomas l'entend : ils y oni joint une autre maxn-ne qui peui être vraye en un certain Tens mais qui eft fauife dans le fens que faint Thomas donne à ce terme qui eft y Qu'il peut,, fe rencontrer de l'ignorance invincible à l'égard dt droit naturel : & de ces deux no- tions obicures de équivoqlies , il* en ont tiré une conclu (ion di- re6lement contraire à l'Ecriture fainte , 6c aux Pères, qui eft ; Qu'u- ne aétion contraire au droit naturel , peut être exculée par une ignoran- ce probable , c'eft-a-dire , par des railons probables qui nous cachent la vérité.
D, Quel eft le lentiment le plus fur , & le langage le plus autorifé fur ce fujet ?
^. C'eft de ne reconnoitrc point abiûlumcnc d'icrnorance invincible
'"envers SOt-MEMÏ. 507
à regard du droit naturel. Car quel- que cachée que loit une vérité de la loy de Dieu , nous en obtiendrions de Dieu la connoilCuicc , Ci nous uiions T3ien des lumières de la loy naturelle , dont Dieu ne laiffe pa^ d'éclairer nôtre ame , même après le péché. Nous acquiererions Fans doute cette connoiifance , il nôtre cupidité volontaire ôc libre , ne mettoit point d'obftacle à Taccroif- fement de Tes lumières dans nôtre cœur ; ôc il dans la connoilîance 011 nous devons être de nos ténèbres Ôc de nôtre impuilïànce , nous nous adrellions a Dieu avec la pureté de cœur necelTaire pour obtenir les lumières. Car, comme dit faint Au- _. . guitm 5 il par des prières pures nous Dominum lar- nous adreiîioîisà Dieu, oui donne p^^^^^^^ ^ono.
^ . ' ^ 1 . . ïvuxi omnium
tous les D-icns , nous icrions in- cicpieceiis _, om- ftruits par ia lua.iere , fans le fe- r,L".c''drg„rf?n;; cours d'aucun homme , de toutes --^ut cenè piuà> es veritez, qui iont dignes cl être j„,p;^^P^^^^.^^^^^ fcûes , ou du moins de la plupart, hominum aii-
eit dans ce iens que iamt Augu- / 5.^,,-^,^^^ ^.^ ftin dit . qu'il n^ point été ôté à au- -"^^^i- '?■ i o- cun nomme de Içavoir chercher nti- -^^^m homi- celement les chofes . dont l'io-noran rminaiMacuai luy eit dangereule, C c ij ^^^^,,eic c::od
3o8 De la Charité* fnatîliter igno- £>. Ce fentiment obliee-t-il dé
tac. De lib, arb. ^ r ■ > n
i.i.c.i?. croire que toutes les fois quon eit prêt d'agir par l'ignorance de quel- que vérité , Dieu donne toujours quelques lumières qui nous en in- ftruiient en particulier ?
^ vUe s. ^ug. R, Nullement ; il fuffit d'admet-
^itiitwlJ' ''^^* ^^^ ^^ Dieu une préparation de don- ner aux hommes Tes lumières parti- culieres, s'ils ufoient bien des lumiè- res générales ; c'eft-à-dire , s'ils ufoient bien de celles par lefquelles Dieu leur fait connoître certains principes généraux de la loy natu- relle.
X>. Eft-il neceflàire de reconnoî- tre qu'il y a des gens qui fans aucu- ne autre grâce , peuvent faire ua bon ufage des lumières .généra- les? roy^ tiK j^^ Cq\2l n'efl: point necelîaire , & minfii ^cordis. c cit pourquoy les Dilciples de laint Thomas enfeignent , que perfonne n'ufe bi^ de la grâce purement fuf- iîfante , & qui n'eft point jointe à la grâce efficace.
jD. Doit-on re)etterabfolument cet- te proportion, que l'ignorance invinci- ble a lieu dans la loy naturelle , âc
ENVERS SOY-MEME. 505
IJu'elle n'excuie pas de pcché ?
^•. Cette proportion efl odieufe^ "parce qu'elle donneroit lieu de con- clure , félon la rigueur des termes, que robfervation des commande- mens de la loy naturelle leroit im- pofîîble. Mais Ci en expliquant cette propofition , il paroiuoit que par cette ignorance invincible , on n'en- tendît pas une igorance qui fût abfo-» ^ment impofîible de furmonter , iRais feulement une ignorance qu'on ne veut jamais furmonter avec les' grâces ordinaires & communes , cet- te propofition ainfî expliquée ne fe- xoit point condamnable. Car , par exemple , les enfans des Payens font dans une ignorance à l'égard de l'idolâtrie, qu'ils ne furmontent ja- mais fans une grâce extraordinaire, que Dieu donne très-rarement., Ce-
Î)endant l'idolâtrie ne lailîe pas de eur être imputée par la juftice de Dieu, de il en eft de même de la plupart de leurs autres ignorances : ils ne les furmontent jamais avec la grâce commune qu'ils ont , & ce- pendant ils ne lailîent pas d'être cou- pables de ce qu'ils font par cette ignorance.
^la De la Charité*
D, Eft-ce mal répondre, que dire que la rai Ton pour laquelle Dieu impuce à péché ce que Ton commet par cette ignorance que Ton pour- roit lurmonter , mais que l'on ne furmonte jamais adtuellement , eft que cette ignorance efl une fuite du péché originel ?
^. Cette réponfe n'eft pas faulfe, mais qu'elle n'eft pas entière ni fuffi- £knte. ^
Elle n'eft pas faulfe , parce qu*^ efFct cette ignorance eft une fuite du péché originel , & que Dieu ne nous impute pas injuftement le péché o- riginel , ni par conlequent les fuites de ce péché j mais auffi cette répon- fe n'eft pas entière , parce qu'il ne fuffit pas pour que Dieu impute quelque adtion à péché , qu'elle foit une fuite &; une peine d'un péché précédent ; autrement les mouve- mens de la concupilcence aufquels on ne coufent point, feroient àcs péchez. Il faut de plus que cette ac- tion que Dieu impute à péché , foit volontaire &; libre, ou direâ:emcnt ou indiredement. Or cette ignorance .a toutes les qualités pour être impu-
'invers so'y-m:emî'. ^it
tée à péché. Elle efc libre & volon- taire , parce que nous n'ignorons jamais aucun point de la loy natu- relle , que parce que nous nous dé- tournons volontairement &z libre- ment des principes que Dieu en a gravez dans nôtre cœur , qui nous * éclaireroient lans doute fuï toutes les difEcukez , ou qui nous apprendroient à luipendre 1 adion , j^lqu'à ce que nous eudions trouvé une lumière certaine pour nous con- duire.-
D, Comment la lumière de la loy naturelle que Dieu grave dans l'ef- prit de tous les hommes, les peut- elle porter à s'empêcher d'agir, lorf- que ces hoiTuiies ne font pas fuffi- famment indruits de quelque règle de morale }
5?. Elle le peut certainement, puifque la lumière naturelle fait convenir tous les hommes de cette vérité conftante , que dans quelque aéVion que ce ioit, il ne faut jamais agir que félon la vérité connue ,• & que d'agir fur un principe ou fmx, ou incertain & inconnu , c'eft agir contre la raifon , puiique c'eft s'ex-
5U D î 1 A Ch AKI T î'
pofcrau hazard de seloigner de . En , où k feule venté nous peur cor dmrc.
D. Comment les hommes pr j roient-ils faire ces reâexions , r _. qu'ordinal cernent ils ne paroi:' î: point douter des règles qu'ils imven &: que même ils les prenr^ent poi vravcs , quoy que trcs-iouvent elle
llcftTray qu'ils n'en doutent poit er4&iairement , mais c'eft que ieu aveuglement bz leurs paiîîons le empêchent d'en douter. Car il ci certain qu'en s'appii^oais àt borxU foy 6c lans aucime piévciKH>n di l'amour propre a reiamen Je ck rc gles 5 ils pourroient facilement re- connoitre s'ils en ioni on s'ils n'a iont pas affiirez. Les hommes on une idée de la clarté ; ainiî, ils r : j- vent juçer fur cette idee^ £, cts nz^t. qu'ils iuivent Iont claires ou otrca- res : & la raifon même leur dicte qm ct^ agir témérairement, (jae et {\ vre ces règles , avaiu qac-s'^ aflurez.
•h^-r
(une c:
Art. n.
iNVERS JOY-MEMï.
Article. II.
51»
Bcldirciffewens de quelques feutres
difficultez^fur cette même
m^tkre
D. Comment peut-on prétendre qu'il eft certain que l'ignorance n'ex- cufe point de pèche ^ quand l'adion commife par ignorance eft enfoy contraire au droit naturel , puifquc depuis un temps l'opinion contraire eft aflcz commune , & a été foutenuc dans quelques Ecoles de Théologie?
R, Les Ecoles ne font qu'une très- petite partie de i'Eglife , & non pas toute l'Eglife , 6c encore moins , quand ce ne font que quelques Eco- les particulières ; ainii , il fe peut fort bien faire qu'un fentiment foit commun dans quelques Ecoles, fans l'être dans toutes , & encore moins dans toute l'Eglife , principalement quand ce fentiment eft exprimé en des termes dont le fens n'eft pas clair à tout le monde. Il a bien pa- ru que les efprits du commun du monde n'étoient pas préoccupez en Tornc IL D d
3Tl D E I A Chab-i Tt'
pofcr au hazard de s'éloigner de ù nn , où la feule vérité nous peut con- duire.
D, Comment les hommes pour- roient-ils faire ces reflexions , puif qu'ordinairement ils ne paroiflèm point douter des règles qu'ils lui vent, ôc que même ils les prennent poui vrayes , quoy que tres-fouvent elles foient faulFes ?
Il eft vray qu'ils n'en doutent point ordinairement, mais c'efl que leur aveuglement & leurs paillons les empêchent d'en douter. Car il eft certain qu'en s'appliquant de bonne foy & fans aucune prévention de l'amour propre à l'examen de ces rè- gles 5 ils pourroient facilement re- connoître s'ils en font ou s'ils n'en font pas alïîirez. Les hommes ont une idée de la clarté ; ainfi, ils peu- vent juger fur cette idée, fî ces règles qu'ils fuivent lont claires ou obicu- res : ôc la raifon même leur dicle que c'eft agir témérairement, que de fui- vre ces règles , avant que s'en être afTûrez.
Art. II.
ENVERS SOY-MSME. 5r|
Article. IL
BcUirciJfemens de quelques feutres
dificulttz» fur cette même
matière
D, Comment peut-on prétendre cju'il eft certain que l'ignorance n'ex- cufe point de péché ^ quand ra6lion commife par ignorance efl en-foy contraire au droit naturel , puifquc depuis un temps l'opinion contraire cft affez commune , & a été foutenuc dans quelques Ecoles de Théologie ?
R. Les Ecoles ne font qu'une très- petite partie de l'Eglife , 6c non pas toute l'Eglife , & encore moins , quand ce ne font que quelques Eco- les particulières -, ainfî , il fe peut fort bien faire qu'un fentiment foit commun dans quelques Ecoles, fans l'être dans toutes , & encore moins dans toute l'Eglife , principalement quand ce fentiment eft exprimé en des termes dont le fens n'eft pas clair à tout le monde. Il a bien pa- ru que les efprits du commun du monde n'étoient pas préoccupez en Tom IL D d
^1^ De la Ohahiti*.
faveur de l'opinion contraire à ceHe que nous venons d'établir , puif- qu'elle a été condamnée dans l'Egli- ie par divers Evêques ôc par le Pa-. pe , prefquauiîi- tôt quelle a été at- taquée. On peut voir fur cela les ' Vcyez, tes écrits Cenimes des Êvéques de France , &c 1n^ce!n* ^ ^^^ Conftitutions du Pape Alexandre i-vêc^ues de VII. lous le Poutificat duquel cette Frar,ce centre u aifputc s'^ft élevée. Cc Pape a de-
livre intitule ^.~ , ^ , .- rr r C r ■
foiope des Ca- ciare lumiamment Ion lentiment par fuitti. 2^5 Cenlures du i^. Septembre 1665,
&:du 18. Mars 1666, dans leiquelles il condamne diveries proportions ti- rées de la doctrine de la probabilité , à la tête delqueilcs il a parlé du principe même de la probabilité en ces termes : Qu'il a appris avec Audiricnoii beaucoup de douleur, qu'il s'intro- fine magno ani- duiloit de jour Cil jourdaus le Chri-
mi fui m^jerore. n_- -r j • ■ 1 '- T '
•ocnpiuresopi- uianilme des opinions relâchées con- niones chrirtia- ti'aircs à la Véritable ditcipline de TE reiaxacivas & gl^l^ , OC Capables de cautcr la perte mimarum per des ames. Qiie queloues-unes de ces
niciem inferen- • • r~ • ■,,
tes , partim opinions n etoient que d anciennes anciquatas itc- erreuis qu'on renouvelloitique quel-
ru.Ti fufcita- ^ , . lie
ti ; partim no. ^^^^ autres ctoient nouvelies oc cx- v.:sr prodire, & traordiiiaires ; qu'entre autres choies liauciuai in"4r OU ie dounoit la liberté d'admettre
€nVe«-s soy-meme. 5iy t^ôur la decifion des cas de confcien- nîorumliccu- ce , une manière très - éloignée ma-is cxcreù-e- de la fimplicité de TEvandle , & de "^ P^"^ 4^^-^
, , ^ .^ , _, y- r in rébus ad con-
la doctrine des Pères ; en ioite que li fciemiam pera- cette mauvaife manière étoit fuivie , nennbus mod^u
, 1 A 1 I r • opinandi ic-
ôc qu on la prit pour règle , la lainte- rcpfu aliénas té de la morale chrétienne ie trouve- «"^"^^^ ,^? ^-
vangelica liiu-
roit entièrement corrompue. Pour pUcuace, fane- qu il ne foit pas dit , continue ce ^°J^;^^f ^^'^ même Pape , que la voye du ialut , quem lî pro re- quelaverité,quieftDieuluy-même,a ^^ in^pl-axn'el dit être étroite, a été élargie, ou pour queremur, m-
mieux dire, pervertie, par des f;^n- IZ ZÏStln^ timens relâchez , qui peuvent être vkx coirupceia. caufe de la perte des âmes , pour X^JtJX détourner le troupeau dont Dieu luy re viam faïucis, a confié la conduite , de cette voye JefiSs^^Deu^^ large & fpacieufe , qui conduit les cujus veiba in
V 1 • • o T „ arcernaja per-
ames a perdition , & pour les rap- ^^^,^^^ /^^^_^ peller dans la voye droite du faliit. e^e deHnivic ,
yi j O ii^ animai um
11 ordonne , ÙCC, pemiciem dila-
uri 3 feu veriu» perverti concingercc Idem fanftiffimus D. N. ut oves Cibi créditas ab ejufmodi fpaiiofâ latâque per quam itui ad perditionem via , pio pailorali Ibllicitudine , ia redam lemitam revocarct. . . . • •« Scatuit, ôcc. Êullartum magnum. To, 5. p«g. ^oj. ^~ 405.
D. Ne peut- on point dire que cette doctrine rend la conduite delà vie chrétienne trop - difficile , 6c qu'ainii elle expofe les ames à une
Dd ij
^^6 De la Charité' infinité de icrupules. Car il y a us très-grand nombre de points où la vente ne paroît pas clairement , mê- me au\ (ça vans , qui les examinent avec foin. Que pourront donc faire les fimples lorlqu'iis auront à le déter- miner & à prendre parti fur ces mê- mes points "r Piétendront-ils connoî- tre clairement ce qui paroit obfcur 3c incertain à pluheurs habiles Theo^ logiens , ou demeureront-ils lans rien faire ?
I^, La difficulté n'eftpas fi gran* de que l'on s'imagine.
Car i^. Il y a bien des opinions qui 112 paroilFent probables , que par des fubtilitez recherchées , & que le fens commun de la pieté chrétienne juge improbables &c fauifes tout d'un coup. Âinii, tant s'en faut que les limples ioient incapables de trouver la vérité dans ces lortes de queftions; qu'au contraire : Se les autres ne s'é- cartent de la venté que parce que par des détours ingénieux ils s'éloi- gnent de la ilmpllcité. Il faut des rafinemens ôc des lubtilitez étudiées pour juger ces qucil:ions |:robables, ^ il ne faut que fe lailler conduire
ENVERS SOY-MEMÉ. 317
par le fens commun ^ pour les juger improbables.
2°. Si la vérité n'eft pas claire fur tous ces points ^ il eft certain au moins qu'il y a un parti qui eft exempt de danger ; Se ainfî , ce que les (impies ont à faire , eft de pren- dre le paVti le plus lûr. Quand «un homme de bien, quelque fimple qu'il foit , voit, par exemple, que les Do- uleurs font en difpute , il quelque contrat eft licite ; à moins qu'il ne foit capable de s'en éclaircir à fond par luy-même , il doit éviter de faire ce contrat , il eft certain que ce par- ti eft fur Se fans danger.
D. Ne s'enfuivroit-il point de là que dés - lors que par un excès de fcrupule ôc de féverité, quelque Ca- fuifte auroit condamné une adïion , elle deviendroit interdite au com- mun du monde , puifque les fim- ples feroient obligez pour lors de la regarder comme incertaine , & par confequent de s'en éloigner, comme on le fuppole ici ?
/?. Cela ne s'enfuit point , parce qu'il fe pourroit faire que le nom- bre de ceux qui approuveroient cette
Ddiij
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31 S De laCharite*
opinion feroit compofé de perfbn- nes 11 confiderables en pieté & en fciencc , que l'autorité de ceux qui Tauroient condamnée , ne feroit alors d'aucune confideration ; outre |(e que dans ces fortes de queftions , la lumière du fens commun jointe à ceile de l'autorité , peut facilement aller jufques a la certitude morale.
D, Ne s'enfuit-il pas encore qu'on ne pourra pas fuivre avec fureté l'a- vis même de fon Evêque ou de fon Pafteur ; & qu'ainfî les iimples fe- ront agitez de défiances continuelles?
JR. Si les fidèles , quoy que /im- pies 5 ont le foin qu'ils doivent a- voir de leur falut , ils auront auili celuy de s'inftruire des Commande- mens de Dieu, & des Règles com- munes de la Morale ; &: cette inflru- étion fufEra pour leur oter les dou- tes fur les points capitaux de leur conduite , parce que les Comman- démens de Dieu , font ordinaire- ment clairs fur ces devoirs com- muns.
2^. Ils auront auflî foin de s'in- former cxadement des devoirs de leur état, comme Jcfus-Chrift 1q leur ordonne.
ÏNVERS SOY-MEMÎ. ^Yp
3^. Ils difcerncront parles règles communes Se évidentes de l'Evan- gile , fi leur Pafteur eft un loup, qui mérite par confequent peu de créan- ce 5 ou un vray Pafteur qui en mé- rite beaucoup ; ôc au cas qu'ils ayent droit de ne le pas croire fort éclairé , ils auront foin d'en confulter d'au- tres.
4°. Ils fe réduiront à des emplois &: k des exercices qui n'ayent pas bc- foin de tant de lumière , de qui ayent du rapport à leur foibleiïe.
j". Ils prieront beaucoup Dieu , qu'il les preferve de l'illulion ; & ils obtiendront cette grâce , s'ils^la de*- mandent avec ardeur, &: qu'ils cher^ chent de bonne foy ôc fans aucune prévention la vérité.
6°, Ils auront foin de choifir les opinions les plus fûres -, de en agif- fant de la forte , ils auront fujec d'efperer , ou qu'ils ne feront pas trompez , ou qu'ils ne le feront pas dangcreufement.
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jio Di iaChariti'
Article II I.
Divers inconveniens de cette âoc^ trine f^^Jfe ^ erronée , ^h^unt ofinion probable ,faujfe &^ con- traire au droit naturel , ne Uijft pas d'être une règle qu'on feuï fuivre en fureté de confâence,
D, Quels dommages peut appor- ter aux âmes la dodlnne de ceux qui enfeignent qu'on peut fuivre lû- rcment toute opinion probable , quoy que contraire au droit natu- rel , quand même elle feroit faulfe ? J^. Elle en peut caufer de tres-con- fîderables , & qui mettent les âmes dans un danger évident de leur falut. i*^. Cette dodtrine éteint Tamour de la venté , en periuadant , qu'une faudcté probable eft auiïî utile que la venté la plus claire &c la plus cer- taine.
2". Bien loin qu'on foit porté par cette doélrine à chercher la vérité ; on fouhaite au contraire de n'en être jamais inilruk , puifque la ve-»
rîté ne fait que rendre la voye plus étroite , Se faire que ce qui étoit permis ne le foit plus. Ainiî , bien loin que cette doàrine ait Teffet de nous rendre libres, qui efl: celuy que TEvangile attribue à la venté , elle n'a que celuy de nous rendre efcia- vcs & prévaricateurs , 6c d'être un obftacle à n^tre falut,
3^. Cette dodtrine empêche que ceux qui en font perfuadez ne iere- connoiiîènt coupables , lors même qu'ils font détrompez* de quelque erreur qu'ils auroient fuivie dans leur conduite ; parce qu'elle leur donne lieu de s'imaginer , qu'avant cette inftrudlion , leur erreur étant probable à leur égard , ils étoienx par confequent exempts de pech é. -
4*^. En empêchant ainfi que les hommes ne le reconnoifTent coupa*. blés dans leurs péchez , elle les em- pêche de s'en repentir , puifqu'on ne peut fe repentir de ce qu'on ne croit pas péché ; ainfî elle éteint l'efprit de compon6bion , de pénitence ôc d'humilité , qui nous eft fi fouvent recommandé dans les faintes Ecri- tures.
jli Db la Chaxîte*
5°. Cette doctrine détruit refprît de prière , parce qu'elle empêche de demander à Dieu finceremcnt la connoilfance de fa loy. Car aquoy bon demander à Dieu ce qui ne nous ferviroit de rien, & qui nous feroit au contraire dangereux ^ de forte que quand on la demanderoit de bouche, on ne la derrfanderoit pas néanmoins efFe(!^ivement de cœur. Car le fond de la prière eft le defir , èc quiconque ne defire pas , ne prie point ; ainfi , comme cette doctrine éteint le defir de la vérité , elle éteint par confequent la prière , par la^ quelle on pe^ut obtenir la vérité.
6°. Elle anime l'clprit humain à obfcurcir la Loy de Dieu par des fubtilitez &: des raifonnemens re- cherchez ; puilqu'elle luy fait croire que pourvu qu'il puifïe rendre pro- bable le contraire de ce que la Loy ordonne , on fera effectivement dé- chargé de l'obligation de la Loy.
7^. Cette docftrine rend la règle à^s mœurs fujette aux chanqcmens <Sc aux caprices des hommes ;en forte que les mêmes chofesferoient réellement permifes & fûres en un temps, 6<: dé-
ÎNVERS SOY-MEM?. |l|
fendues dans un autrc/ans qu'il y eût lucun changement dans les chofcs nêmcs , puilqu'en fe fervant dss principes de cette doctrine , tout le changement ne feroit que dans l'efprit de ceux qui auroient raifon- né fur cette matière : or cette con- trariété ôc ce changement font vifi- blement contraires à Tidée que Je- fus-Chrift nous donne de fes Loix, en nous aliurant dans 1 hvangile , ra cranfibunt One le ciel & la terre p a [fer ont , mais ^"^^ ^^f-' m=a
^^ - , -,^ ■'•' . non piatteribût.
ijine fes paroles ne fajjerorît point, j^^uh. x^. 3 5,
QUESTION II.
Si me opinion pYohMt , qui nejl contmire qu^au droit pojttif hu» m^dn OH dtvm , petit être fuivis Janspeché-
T>» Doit-on porter le même ju- gement des opinions probables qui ne font contraires qu'au droit pofi- tif , que de celles qui font contrai- res au droit naturel ?
R, On en doit juger d'une maniè- re toute différente. Car les opinions
^14 ^^ ^ ^ Chahîti'
probables contraires au droit nafu rel , n'cxcufent pas de pcchc , parc que l'ignorance ou Terreur a i'égar des loix naturelles , n'en excuf
F oint. Mais comme l'ignorance è erreur peuvent exciifer de pcché l'égard du droit pofitif , on doit dit ia même chofe des opinions proba blés qui enferment l'ignorance de loix pofitives.
D. Pourquoy Tignorance du droi pofitif peut-elle excufer ?
D, Parce que les chofes qui m font défendues que par le droit pofi- tif, ne font pas naturellement maù- vaires,ni contraires à la vérité & à la juftice : mais elles font indifférentes par elles-mêmes. On n'en a pas perdu la connoiiîance par fa faute ni par le péché 5 qui ne nous prive que de la connoiiïànce de la loy naturelle. Ce n'eu: point la corruption de nôtre cœur, qui nous cache ces loix pofiti- ves. Ainfi , ce qui eft fait par cette i- gnorance n'eft pas mauvais ôc injuftc de foy'même,&: il ne le peut devenir que parla négligence que nous au- lions eue à nous inftruire de cette loy,
D, Quelles preuves a-t-on que l'i-
ÏNVERS SOf-MÎMf. '' 5^jf
lorance d'une loy pofitive exempte ' péché?
R. Dieu ne peut condamner que j
î qui eft injafte : or une adtion ^ntraire aune loy poficive que Vqvi ;nore fans fa faute,n'efl: pas injuftej ieu ne la fçauroit donc condamner, eft la Juftice éternelle qui nous )lige d'obéir aux loix pofitivcs ; 3c )n n'eft coupable de n'y pas obéir, le parce que la loy naturelle le )mmande : or la toy naturelle ne )mmande pas d'obéir à des loix pofî- ves 5 que l'on ignore fans fa faute; par confequent quand on manque les obferver par cette ignorance , 1 en eft excufé devant Dieu. si non v«jiif«
D, Cette doctrine eft-elle autori- î^"l,^ locata?
^}T ■ o ' 1 r> luiflem eis ,
e par 1 Ecriture & pai; les Pères ? peccatum non J^, Elle eft clairement décidée par ^^bercm , nunt ?t endroit de 1 bvangile. Jeius- lionem non hrift dit : Que s'il nétoit point venu , ^^^*^^^ ^^ P^^: " qn il n eut point parle aux jnijs _, cpera non fc, i^il neut point fait devant eux les ciflemincis^
t ' r' '1 y n quas nemo alius
iracles cjh il avait faits , ils n eujsent fecic y peccatum ts été coHpahles , & n enflent pas ^o^i^abcicm. 5 de pèche ag ne pas croire en lny. Or 24, îtte deciiion de Jefus-Chrift n'eft )ndée que iur cette règle , que la
51^ De tA Charité* juftice n'oblige de croire les mirai des, que lorfqu'oii en eft inftruit, ôc non lorfqu'on les ignore fans fa £iute : ainfi , cette raifon prouve également à l'égard des loix potici- ves. Car on n'eft pas plus obligé d'o- béir à une loy pofitive qu'on ne connoît point , que de croire uix nvracle que l'on ignore.
D, Les Pères ont-ils expliqué cet endroit de l'Evangile en cette ma-
fem , & itcuttis R, C'eft l'explication formelle de ,u fuiprr, pec- ^^-^^ Auauftui ÔC de laiut Bernard ;
catiim non rtabt- ^ ^ . ^ '
rmt. Jadxosef- & laiut Auguftiu COUclut UOU fcU-
n":.T/iislement à l'égard des Juifs, qu'ils locutus eii n'auroient pas cfté coupables d'infi- ams1e",,bâ:?. deiké, fi Jefus-Chrift ne fût point hoc cftautem veuu j mais .que les Gentils auf-
ouia non crecii- 1 -i » • r , > r
3erant in chri - q^els il u a poHit ccc aunoncc , lonc ituuij qui prop- bien à la vérité coupables d'autres
teiea venic , ut t j ^1 j »
cicdatur in eu; pechez , mais non de celuy de n a- hoc peccatu-n voir pas crû en Telus-Chrif}. Te
fi non venillet, , 1 1 •• r» • •
non ucique ha- reponds , dit ce Père , que ceux a qui
berenc.i. ^1*^. Jeliis-Chrift ii'eft poiut veuu , & d
^,.,„ qui il n a point parle , (ont exempts
Homo homi- y^Qy^ ^ie tout pcclié , mais bien de
nis non niliipfo 1 1 > • ai r^
indicante cogi- celuy de u avoir pas cru en luy. Ce tatuni inteihgit qu'ji ^-^q f^m; p^g étcudre . dit-il , h
qiuiico lUiûus ■»• ■*■
ÎNVERS SOY-MEMÏ. J I7
eux à qui Jefus-Chrift eft venu , 6c divinum qu?> ^ qui il a parié par Ton Edile. Car il P"'^^'^'^ inyefti-
r^ ^ ^. j- r }-r gare confilium i
il venu aux nations par ion hglile , nifi cui ipfe \co- k:il leur a parlé par Ion mini ftere. ^"^''i' ^^vciarc.»
•»• A Audi aemquc
>rum. St non vtni fj'^n^ ^ zit y (^ Ircutus eit ritn fuifCnn ^ pr ifum m haberer.t . . . Oftendens linc dubio non antc cenfcri inexcufa- ilcs de contcmpcu, quam ad ipforum uique noticiam juffio peryc- irer. S Ber. op. ■ j. adHug.ii 6.Viti'e. i.
Quod adjunxic ntne auTein excnfatiorem nttt hubent de pfcaft» '0 potell moveie quarrerentes utrum hi ad quos non venii hriftus nec locucus eft eis habeant excufationem de pcccata lo. Refpondeo , habcie illos excafacionem , no^ de omni eccato fuo , fed de hoc peccato >^quo in Chnftum noa rediderunc , ad quos non vetiic , Se qmbus non eft locucus. Sed .on in eo lune numéro hi , ad quos in difcipulis renie , & quibus er difcipulos eft locucus , quod &c nunc facir ; nam per Eccleliara liam vcnic ad gentes , ôc pet Eccleilam loquicui" geniibusiiî, «/<»«^* rat}, i^ in foan.
D. Ne peut-on pas dire que les ^ayens qui n'ont pas oUy parler de
Itius-Chrill: , n'ont été privez de tte connoiilance , qu'à caufé dQS ■rimes volontaires par lefquels ils )nt violé la~loy naturelle : & que Dieu leur auroit donné cette con- loillance , s'ils avoient fuivi les lu- mières de cette loy qui brilloienc ians leur efprit ?
^. On le peut dire vetitable- lient : car il eft vray en un bon lens •
que Dieu cfl: prêt d'éclairer tous ceux qui ne mettent point d'obftacles à ia jrace. comme on l'a fait voir ail-
^i5 De tA Charité" leurs. Et ainfi on peut dire que l'î- gnorance même des myftercs de Je« lus-Chrift , eft une peine du pechc. Mais quoyque les Payens Tayenl attirée par des déreglemcns volon- tés , il y a pourtant une extrême dif- férence entre cette forte d'ignoran- ce , ôc celle des loix naturelles. Car c'eil: la cupidité des Payens qui ^ leur a fîsrmé les yeux à l'égard des loix naturelles' , qui étoient liées par des confequences neceiTaires, avec les veritez qu'ils avoient gra- vées dans leur efprit. Mais on ne peut pas dire la même chofe des myfteres de\Jefus-Chrift , ils n*o aucune liaifon necelVaire avec auc principe imprimé dans Telprit d Payens. Ce n'eft donc point la cu- pidité proprement qui les leur ca- che. Elle porte feulement Dieu à les en priver par une jufte punition. Or comme les maux temporels ou éternels , que fa juftice fait foufFrir aux Payens , quoy qu'attirez par leurs péchez, ne font pas des pé- chez , mais de fimples punitions -, de même l'ignorance des myfteres de Jefus-Chrift n'cfl pas un péché dans
les
tNVIRS SOY-MFMÏ. 519
[es Payens , quoy qu'ils Te la foient attirée par leurs dereglcmens , ôc que cette ignorance les prive de l'unique remède de leurs mifercs.
Z>. Que doit-on juger de l'igno- rance des faits & de^ circonftan- :es ?
R. On en doit juger comme de si enim co:.-
a prop-
non
'ignorance des loix poiitives , c'eft- terea ixdl
i-dire , qu'elle excufe de pcché lorf- P°^"^^ ^ 1"'^
que 1 on n elt ponit oblige de s en incipic ixdi ,
informer. quia fdvic : ve-
^, CL \ r ^ J i - - lut h tunicâ (le
C elt le londement de ces deux de- latrodnio nef- rifions de faint Aueuftin : qu'un ''^^,^ veftire:ur,
, . \ 1 ■ ■ n ' ex il lo ht 3U1-
homme qui porte un habit qui a eire quitatis vcftis volé par quelqu'un ^ n'efl: coupable 'lia, exquo co- de larcin , que iorlqu il eit averti le iniquus mh que cet habit a été volé. De même, ^i^jfcent^&qui Loriqu un homme epoule la remme duxem aliéna, i'un autre , il n'eft coupable d'à- ^^^^^^^' ^^^~
1 r 3-1 • ^^^3 ex quo i:li-
duitere , que loriqu'il eft inftruit difcent , mil que cette femme appartient d un au- ^^^"^'-*"^- '^• cre. Et c eftauiîi le principe qu'il em- crefc. c. i^. ployé contre les Donatiftcs, quipre- cendoient que l'Eglile avoit étéfoiiil- Nullfuscrîmen lée par la communion de Cecilien. ^acuiac neiao-
i . ,, tem. Idem tu.
Le crmie et autruy , dit ce Père , ne j}. ^/w ^s. peut foiiiiîer celuy qui ne le Içait pas.
7 orne IL E e
jjo Dï lA Chatlite^ QJJESTION III.
Si Von peut choîftr four règle dé (es aciions topnion la moins trobabk (^ la moins jàre j en quittant la plus probable (^ l^ plus fûrc,
D. Qu'appel le- 1- on une opinion fûre ?
F, On a déjà dit que c'efl celle qu'on peut fuivre certainement fans péché : ainii quand il s'agit d'un contrat douteux , il peut être probable , & même plus probable que ce contrat eft permis : mais il cil fur qu'il eft permis de ne le pas faire. Peut-être qu'il eft permis de tuer en ie défendant : mais il eft: fur qu il eft permis de ne pas tuer.
X). Dq quoy convient-on fur cet- te matière ?
R. On convient que dans le dou- te, il faut fuivre l'opinion la plus fûre 5 fuivant cette règle de l'équité uaturellc , & du droit Canonique ;
l
g'
ÏNVERS SOY-MEME. 53I
T;i dubils tutior pars eligenda ^ félon laquelle les Papes ont décidé un très- grand nombre de cas.
D, La queftion n'eft-elle pas plei* nern^nt refoluc par cette deci(îon ; car s'il n'eft pas permis de fuivre une opinion doutcufe , il eft encore bien moins permis de fuivre une opinion moins probable & moins fûre ; puifqu'en^la jugeant moms probable & moins fûre , on la jur ge plus que douteufe , <Sc que 1 on croit qu'elle approche plus de la fauiïeté que de la vérité ?
R, Toutes les lumières du fens commun vont à en juger ainli j ce- pendant il s'eft trouvé quelques Au- teurs nouveaux qui en demeurant d'accord qu'on ne peut en conf- cience agir dans le doute , n'ont pas laiifé d'enfeigner qu'on peut fuivre l'opinion la moins probable 6c la moins fûre , pourvu qu'elle foit pro- bable , quelque foible , difent-ils , que foit fa probabilité.
D, Sur quoy ces Auteurs peuvent- ils fonder un fi étrange lentiment ?
R, Ils le fandent fur deux diflinc- tions j la première eft celle qu'il leur
Ee ij
ç^i DelaCharité' plaît de mettre entre le cloute l'opinion probable , qui eft , d fent-ils , que celuy qui eft en doi te ne voit point de raifons ni poi ni contre , & eft purement fans li mierc ; amfi il n'a rien qui lu puilFe fervir de règle : au lieu qt celuy qui eft balancé par des op: nions probables oppolées, voit c part Se d'autre de^ raifons confide râbles qu'il peut fuivre.
La féconde eft , qu'ils font difïc rence entre un doute fpeculatif , l un doute pratic. Ils appellent dout fpeculatir ,1e partage de l'elprit ba lancé par! des railons égales : & il •appellent doute pratic , quand l'ef prit ne fçait quel parti prendre dan îa pratique. Or , difent-ils , il el pofllble d'être fpcculativement in certain de certain dans la prati que , en le fondant fur ce princip' qui rend l'adlion certaine , Qu'il ef permis de fuivre toute opinion pro- bable ; d'où il s'en fui vra que l'or pourra luivre en conlcience quel fen timent on voudra.
Z). Qu^e doit-on juger de ces deui diftindions î
ENVERS SOV-MEWtï. ^^
^, On en doit juger non feule- ment que ce font de pures illuiions. Mais qu'il eft difficile d'en inventer même de moins vray-femblables. Car depuis que les hommes par- lent & raifbnnent , on n'a jamais douté qu'un efprit balancé par des railons également fortes , ne fût en doute 'y c'eft-à-dire , dans l'incerti- tude. Une balance n'efl pas moins en équilibre , foit qu'elle ne foit chargée d'aucun poids , foit qu'elle foit chargée de poids égaux. On eft aufîi peu éclairci de ce qui eft vray en foy , lorfqu'on voit d'égales raifons de douter de part & d'autre , que il on n'en voyoit aucune ^ c'eft même la defcription la plus ordi- naire que l'on fait de l'état de doute &c d'incertitude, & de la perplexité de l'eiprit , que de de dire que l'ef- prit eft tiré tantôt d'un côté tantôt d'un autre ; qu'il eft partagé par les diverfcs raifons qui fe prelentent^ êc qu'il ne fçait à quoy fe fixer,
^tque animum num hue celere?/i, nnnc dividit IUhc
534 ^^ "^ ^ Charité' Jn f^rtef^Hc raplt varias , pcrtjne om-i tu a verfat,
T>. Si celuy qui efl balancé par àts raifons égales , eft dans l'état de dou- te , en quel état eft-il a l'égard de ropinioa qu'il juge & moins prgba- ble & moins fûre ?
R. Un efprit dans cet état , nefor- me point du tout cett^: forte d'adion qu'on appelle opinion. Car Topinion eft une approbation & un acquiefce- ment derelpritjquoyqu'avec crainte, ajfenfiis opi?7ativH^'ciipnte{iau con- traire dans un état d'improbation; il rejette cette opinion, il la com- bat j il s'cu éloigne , il la con- damne même ; car quoy qu'il juge qu'elle eft appuyée fur quelques rai- fons , il juge en même temps qu'il eft plus probable que ces raifons foient faulles , que non pas vérita- bles. Ainfi , l'écrit dans cette occa- lîon prend parti de l'autre coté , & fe détermine contre cette opinion , en la jugeant moins probable y de forte que dire qu'il eft permis de fui* vre cette opinion , que l'on juge de moins probable & moins lûre -y c'eft;
ENVERS SOY-MEME, 351
iire qu'il eft permis de iiiivre l'opi- nion qu'on rejette, & de ne fuivre oas celle fur laquelle on forme fa :onlcience.
C'eft un excès auquel les Philofo- Dhes Académiciens qui prétendoient .]u'on ne pouvoit rien içavoir avec zertitude , n'ont jamais palfé : car Is demeuroient d'accord que dans la :onduite de la vie , on devoit fuivre e plus vray-femblable , ôc c'étoit là :e qu'ils, appelloient probable. Ce- pendant depuis un fîecle ou environ, l a plu à quelques nouveauîc Au- eurs- de changer ces notions, cc ces :ermes , de d'appeller opinion pro- bable, non celle qu'on approuve ^ ôc i laquelle on confent , mais celle ]ui eft appuyée des raifons qui )ourroient la faire juger probable xar d'autres perfonnes j de iorte que a queftion s'il eft permis de fuivre me opinion m.oins probable & noins fûre , réduite aux termes qui 'expriment naturellement , coniifte ifçavoir, s'il eft permis de fuivre me opinion qu'on défapprouve , àc ]u'on ne juge pas probable.
/^. Cela n'eft-il pas fuffifatnment
53^ De t a Ch ariti'
redific par l'autre diftindlion , qui donne un moyen d'allier la certitude à l'égard de l'adion , avec l'incer- titude fpeculative de l'opinion , en fe perfuadant que quoy qu'il foit incertain fi cette opinion cft vraye ou non 5 il eft certain neamoins qu'on la peut Tu ivre ?
^. Pour que ce fécond jugement nous pût donner cette afïurance dans la pratique^ c'eft-a-dire, qu'il nous pût ailûrcr que nous pourrions faire î'adion 3 il faudroit que ce jugement fût vray. Or il eft notoirement faux. Car dire que l'on peut fuivré en confcience toute opinion probable , quoy que moins probable ôc moins fûre 5 c'eft dire qu'on peut fuivre une opinion incertaine ôc plus qu'in- certaine. Or dire qu'on peut fuivre une opinion incertaine de plus qu'in- certaine , c'eft dire qu'on peut lui- vre une opinion douteufe & plus que douteufe 5 & c'eft établir une règle contraire à celle que la lumière naturelle a imprimée dans Tefprit des hommes. Les Philofophes mê- mes Pavcns font c©us convenus au'il n eft pas permis de faire une choie,
quand
^lîâncî on doute qu'elle ioic mauvai- fc. Qïiod dubitcs yiefecerls. Aller con- tre ce fentimenc , & Soutenir qu'on oeut fuivre foute opinion moins pro- bable dans une adion , c'eft dire fu'on peut agir contre la conlcien- :e , en luivanc une opinion qu'on l'approuve pas ; car j.uj^er qu'une opinion eft moins probable & moins Lire , c'eft s'en éloigner , c'eft la léfapprouver , c'eft former fa con- science fur l'autre : èc par confe- ^uent juger avec cela que l'on la ?eut iuivre , c'eft juger qu'on peut igir contre la confcience,
D, Quel fentiment doit- on avoir le la raifon qu'on oppofe à cette lodrine, & que quelques-uns font )aiîer pour une dérnonftration ? On le peut, difent-ils, être blâmable eu Lgilïànt prudemment : or fuivre une )pinion probable , quoy que moins )robable & moins fûre , c'eft a^^ir )rudemment ; donc on n'eft pas blà^ nable en la luivant -, ôc Ci on n'eft )as blâmable , on la peut fuivre fans )eché ?
7(. Non feulement cet argument le doit point paifer pour une de-- Tome IL F f
a
*33S Dt la Chartt'e'
4iionfl:ration ; il cil: au contraire dif
iicîlc d'en trouver de plus cvidem
ment taux. Car bien loin que ce lo"
Aine adlion de prudence de luivr
une opinion moins propable c
moins lûre , c'eft la plus vifible 4
toutes les imprudences. Car y cut-
jamaisnendc plus imprudent que d
choi fit volontairement & avec con
noiiïance le mauvais parti ? N'eft-c
pas s'expofer au hazard de pécher, o
pour mieux dire , n'eft-ce pas pc o
cher certainement ? car encoi
bien que celuy qui croit une opinio
moins probable & moins iûi:c , i
trompât , de que cette opinion rée
lement fut véritable ; neanmoir
comme en la jugeant probablc,iî jag
qu'elle pourroit être fauilè , il ac?;
contre la conicience , s'il la luit. C
agir contre la conicience, c'eil pc
cher certainement.
V. Mms eft-on obligé de iuivi toujours la vérité , puilqu'elle eil fouvent cachée ?
-^. Quand elle eft cachée, il n
a qu'a iuivre l'opinion la plus lûrc
c'eft-a-dire , la plus' exempte c
- danger de pécher ; car c'efl une ver
ÏNVERS SOY-MIMS. f>f
:é qui ne nous eft pas cachée , que ians le douce il faut luivre le pius
"A
ur.
D, Mais à prendre cette dodrine lia lettre., pour luivre le plus fur 3arti , tout le monde feroit obligé lux confcils de Jeius-Chrill, & à ■aire ainli de tout ce qui eft dans 'Evangile des comandemens for- nels j car on ne pourroit pas les en- endre autrement , li on vouloir îblijer tout le monde a luivre la /oye la plus lUre. Par exemple , 1 eft certain que la virginité eft plus ûre que le mariage : que la vie de •ecraite eft plus ailùrée que la vie du nonde ?
R, Quand on parle de fureté en naticre d'opinion probable , c'eft de a fureté que la choie dont il s'acric *ft permife. Et ainli on appelle fa- e , l'opinion qui autorife ce qui eft :crtainement licite , quand même ;ile auro't àzs iuices daneereuîes; 3r il n'eft pas moins allure que le naria2;e eft permis , que la virgini- é , puifque l'un & l'autre état eft LUtorifé formellement par l'Evan- ;ile ôc par faint Paul. Ainfi tous
Ff ij
-349 De la ChAriti' les deux partis font lûrs.
D, Ne peuc-on pas dire que celu qui juge une opinion moins probe bie , la juge probable ? or s'il la jt ge probable , il n'eft pas-donc vra qu'il la dcfapprouve ?
R, Il n'eft pas vray que celuy qi juge une opinion moins probable la juge probable abiolument j ma: il ne la juge probable qu'a un certai égard , & pour ceux qui ne feroiei: pas informez des railons contraire: Juger une opinion moins probable c'eil juger qu'une opinion eft ap puyée lur Aqs railons capables d Faire impreiïîon fur l'efpric , fî elle n'étoient point combattues par d'au Eres railons plus fortes , &: qui k afFoibliilent : ainll on ne iuf^e ces rai Ions lur leiquelles on appuyé lo; fentiment j on ne les juge , dis-j:e probables , que dans une fuppoii tion que l'on détruit en même temps & certainement l'imprellion qui de meure dans l'eiprit, eft qu'on le doi éloigner de cette opinion.
D, Ne peche-t-on jamais en fui vant l'opinion la plus iûre ^ la rlu probable î
ÏNVEIIS ÎOV-MEMÏ. 54Ï
P, Oii ne pèche jamais contre la [onfcicnce , mais on peut fort bien >echer contre la vérité ; parce que ette opinion 6c plus lûre Se plus )robable, abiolument parlant , peut tre faulFe , &c que l'ignorance qui ache une vérité de la loy de Dieu , l'excule pas entièrement de péché. 1 faut néanmoins remarquer qu'on le prend pas ici le mot de plus lûr , >our une opinion exempte de tout langer de pécher ; car en ce fens , m ne pèche jamais en faivant une >pinion iûrc : mais on le prend pour e qui eft moins expofé à ce dan-
;er.
QUESTION IV.
i'Jh ejl permis de fuivre l* opinion Jure , lorjque la contraire
ejilaplus proèac?le,
D. Eft-il auiïi facile de décider :e qu'on doit faire, quand la plus grande fureté eft d'un côté , &: la 3lus grande probabilité de Tau- ;re ?
-^. Il s'en faut bien j parce que k
f f iij
34i De L A C H A n. I T e' tcime de plus probable approche quelquefois fi fort de la certitude morille , qu'il eft fouvent tres-difH- cilc de Ten diftiiif^uer. Or il eft cer- taui que Ton peut luivre ce qui eft certain d'une certitude morale , quoi- que le contraire paroilTe plus fur. S'il étoi^ queftion , par exemple , d'un contrat condam.né par quelques Théologiens , mais autorifé par les plus habiles , & par la raifon mê- me , on peut dire qu'il eft morale- ment certain que ce contrat eft le- gicinie: Cependant il pourroit pa- roicre plus fur de ne s'en fcrvir pas , à caufe de ce peu de Théologiens qui le condamnent. Or dans ce cas, je dis que s'il y a de bonnes rai- Ions qui portent a s'en fervir , on ne doit pas fe priver de cette liberté, 3<^ que Von peut faire licitement ce contrat. La raifon en eft , que quoy qu'il paroiile plus fur de fuivre l'o- pinion qui condamne ce contrat en une occafion particulière ; il n'eft pas néanmoins plus lûr de saftrain- dre à iuivre cette règle en toutes occafions , parce qu'elle reduiroic la vie Chrétienne à une gêue terri-
ENVERS SO'Y-MEME. 545
ble 5 ôc que Ton fe mcttroit hors d'état de faire aucune bonne œuvre , . parce que l'on trouveroit toujours en Ion chemin quelque railon de fcrupule , qui pourroit faire croire qu'il cil: plus fur de s'en abftenir. Or il 11 eil: pas bon de réduire les âmes à cette contrainte , & ainfî il ne faut pas leur interdire de fuivre les opinions qui font moralement cetr taincs , 3c contre lelquelles on ne peut propoler que des raiions de iciupule.
X\ Mais Cl ces raifons ont quel- que poids , & que l'on ne voye pas clairem;?nt que la choie ioit licite 5 quoique l'on panche fort à le croire , à quoy cft-on obligé ?
X. Comme cet état neft pas ^.^^^.Vtuïïi
exempt de doute , on ne voie pas lalutem animae
que 1 on le puiile exempter alors de J^i eo foio quod
fuivre l'opinion la plus llire , fui-, cerns inccna
vant la dccifion de faint Augaftin, ^.^iTj^.^/iVL^-f. qui dit 5 Que c'eil: un grand péché co^ur, oonavf.c, dans les chofes qui regardent le la- ' jjj. ,j -^^ lut , de préférer l'incertain au cer- quaudam dubî-
• cacionem indu-
riin
*■ " ^ citur contrane-
C'eil aufli la déciiion expreile de tjite opinionû , Xaïut i nomas. Car iuppoiant que biuuonc pluies
rfiiij
344 D2 LA Charitî' ^rxbcndas ha- l'opinioii qui permet d'avoir pîil-
ter , periculo le ^ * L j A. o ^
conmiictu, ôc iicurs prebcndes cft vraye , &: que iicprocuidubio <:eluy qui la. fuit en eft peiiuadé , il inagis amans be- TiQ laille pas de la Condamner de neficiuin ccra- péché , fi h Contrariété des opi-
porale , quam ^ . ' . ^ , , ^
propriamiaiu- nions mit naître en luy quelque
um.5 Th. doute. Parce que , dit ce Peie, fi cet
homme conicrve cette pluralité de
bénéfices, fon doute lubiiftant, il ic
met en danger.
Il faut pourtant remarquer que cela le doit entendre , pourvu que ce foit un véritable doute , 6c non pas une fimple timidité de fcrupule j Car il eft fouvent meil- leur & plus fur aux confciences Icru- puleules , de palier par - delfus ces vaines frayeurs qui les arrêtent en leur chemin. C'ell ce qui fait , com- me il Si été dit 5 que ces cas font difficiles à refoudre ; parce que l'on ne Içait fouvent fi la raifon que Por> a de douter de la vérité d'une opi- nion , n'eft point un vain Icrupule , ou fi elle mérite d'être traitée de confiderable. Car il ne fuffit pas pour cela que cette raifon fur la- quelle on fonde, fon doute, ait paru iûlide , 6c ait été fouc^nuc pai quek
EKVtRS SOY-MÊMï. 34|
ques-uns , puilqu'il n'y a gncres d'erreur ô<: d'égarement d'eipric , qui n'ait eu pour approbateurs des gens habiles en d'autres chofes.
D. Ne s'enfuit-il point des prirr- cipes qu'on a établis , qu'on ne de-* vroit jamais communier , puifqu'on ne Içait point fi on eft en état de grâce, & fi par confequent on ne communie point indignement ?
]^. Quoique peridnne ne puilîe avoir une entière certitude d'être en grâce , néanmoins on en peut avoir une jufte confiance , 6c en ce cas il y a plus de iûreté à communier qu'à ne communier pas. Car en ne com- muniant pas , on fe prive certaine- ment des grâces attachées à la Com- munion , & on fe met en un danger évident de tomber dans le péché par le défaut des grâces de Dieu , dont on fe prive. Or ce danger étant ^lus certain , fiirpafie celuy de cette Communion indigne que l'on peut craindre en communiant. Ainfi, ce- luy qui avec une jufte confiance prend le parti de communier, fijit l'opinion la plus probable & la plus {me, i>. Que doit- on dire de cç fenti.
-54^ ^^ L^ Charité'
timent qui a été avancé par ceux qui ont foutenu le parti de la pro- babilité , Que quatre Doéleurs , ou même un leul , peuvent rendre une opinion probable ?
^. Cette dodrine feroit fort peu importante , fi Ton reconnoilfoit en même temps qu'une opinion proba- ble faulfe , n'excufe point de péché quand il s'agit du droit naturel : mais il on la joint avec Topinion , qui donne la iûrcté a toutes les opinions probables , il n'y a rien dans toute lamiorale chrétienne de plus dange- reux , que cette doéèrine. Car c'eft ouvrir la porte à tous les excès des Caluiftes nouveaux , ôc a tous les égaremens de l'elprit humain.
Z>. Ne pourroit-on pas répondre que ces opinions ne font pas proba» blés ?
^î On le répondroit inutilement; car le mot de probable efl: un mot de rapport. Tout ce que j'approuve m'efl: probable ; fi donc l'autorité d'un Docteur me fait approuver une opinion,on ne peur nier qu'elle ne me foit probable . quoy qu'elle foit tres-r faulie en foy. Nulle opinion fauiïe"
fi!-
f
tI.V; f
k
f a:
ENVERS SOY-M"F. ME, 547
!i*ejfl probable ablolumenc. Il y a toujours des raiions évidentes qui en prouvent la faudeté, quoy qu'elles ne ficus loient pas connues j &: au con- traire 5 il n'y a prefque point d'o- pinion fliuife qui ne ioit probable à quelqu'un , parce que les ténèbres de l'elprit humain font ii diftcrentes, que prefque toutes les fauiîètez ima- ginables le trouveront conformes aux faux principes &: aux fiuifes iciées de quelques eforits ; d'où il s'eniiiit qu'elles leur doivent paroî- tre probables.
D. A quoy s'en faut-il donc te- nir fur la matière de la probabilité }
R. Il s'en faut tenir i°. A cher- cher la vérité autant que Ton peut.
2°. A demander continuellement à Dieu qu'il nous éclaire, & qu'il ne nous laitfe pas tomber dans l'a- veuglement.
5^\ A choifîr toujours les opinions \qs plus lûres & les plus probables ^, èc après cela il faut tâcher de marcher en paix , parce qu'on ne Içauroïc mieux fiire fflon la lumière que l'on trouve dans loy-même.
Il faut néanmoins toujours être
5 4 S De t. a Chariti' dans la crainte &c dans rhumilid-. rion devant Dieu , dans la vue de nos tenebi'es , qui peuvent nous ca- cher pluiieurs fautes que nous com- mettons tous les jours par ignoran- ce. Car la crainte s*accorde fore bien avec la paix &: avec la confian- ce , quand elles font dans un degré inoderé.
CHAPITRE VI.
Ce quil faut conjïdcrer dans le choix d'un genre de vie,
D, l^TE rcfte-t-il point encore JL^ quelque devoir très-impor- tant &tres-étendu , auquel la pru- dence oblige }
J^, Il en refte plufieurs ; car toutes les actions de la vie fe doivent faire a^ec prudence : il faut prefquen tout difcerner le vray du faux ; ÔC confcrver une infinité d'égards. Mais le plus elfentiel de tous ces devoirs , ^ celuy qu'il eft neêelTaire d'expli- quer ici, c'eft l'obligation que cha». cun a de çhoifir un genre de vie qui
ÏKVERS SÔY-MEMP. 54^
foit propre à le conduiie à fa fin , c'cft-à-dire , a Ion falut ; & les rè- gles qu'il faut fuivre dans ce choix,
§. L
Combien le choix d'une condition eft imfoYt^nt.
D, Quel eft le principe de To- bli^ation du choix d'un état ?
R. 1°. C'eft que quiconque eft oblic;é d'arriver a une fin , eft dans Tobligacion de prendre une voye qui y conduiie. Or le genre de vie que chacun prend , eft la voye. Toute la vie ne ieroic donc qu'un égare- ment continuel , li cette voye n'a- Yoit Dieu pour fin , & il elle n'y conduiioit.
a°. Toutes nos adtions doivent être rapportées à Dieu , & être fai- tes par 1 impreffion de Ion amour ; on eft obligé de les luy conlacrer toutes , parce qu'elles luy appar- tiennent toutes par une infinité de droits : or fi cette vérité eft con- jftantc , comme perfonne ne la ré- voque en doute j 6<: ii ce rapport
V 1
^50 Dï LA Charité* coniinuci de toutes nos acftions ? Dicueft fi neccllaire même dans le* a61:ions particulières , combien Teit- il plus dans certaines adions , qu) font le principe 6<: laiource d'une in- finité d'autres ?
5°. La plupart des tentations cju'on éprouve dans la vie , naillcnt du genre de vie que chacun choifit. Or 5 comme c'cfl: par ces tentations que les hommes iont ordinairement di (cernez ; que les uns en font ren- vericz , les autres demeurent de- bout 5 ielon que ces tentations font ou ne font pas proportionnées a leur force j il elt clair que le genre de vie eCz ce qui nous attire de plus grandes ou de moindres tentations , ôc par conicquent c'e.n; la fource de notre ialut ou de nôtre perte.
O, Expliquez-nous cela plus dif- t in clémente
^. Il n y a qu'à en propofer des exemples pour faire bien com- prendre cette vérité. Une femme s'unit par le mariage avec un homme déréglé , brutal , bizarre, emporté ; elle a des enfans mal nez & âéio- béiilânts. Elle fe trouve enciai^ée
ENVERS SOY-MF.ME, 5<I
ans la compagnie de gens peu rc- lez j elle le trouve envnonnée d'ob- ?cs qui luy infpirent l'aniour du jeu c des divemllèmens. Il eil: clair que outes ces tentations qu'elle épiouve laiilent de Ton engagement , ik pouc è fauver , il faut qu'elle les lur- nonte : elle a beloin pour cela d'u- le grâce forte • cependant cette fem- ne fe trouve foible en vertu, le renre de vie qu'elle a choiiî ne luy permet pas de pratiquer , ou luy rend tres-dilïïciles , les exercices de pieté qui pourroient la ioutenir & la fortifier : ainli , on ne peut pas nier que fon falut ne ioit tout autrement en danger que Ci elle avoit embralfé un autre engagement moins expofé aux tentations ; ik qu'ainii , a moins qu'elle n'ait été forcée à ce mariage parquelqu'autre neceiïité bien pref- iante, le choix qu'elle a fait ne foie fort imprudent.
Un homme achette une grande charge , dont il ne f çauroit s'acquit- ter ians un grand travail , fans re(i- fter à des paflions tres-fortes ôc à ^es intérêts tres-preilans , & fans fe commettre beaucoup avec des gens
f^^t D î L A C H A R I T ï*
riches & puillans. S'il fe crouv avec cela que cet homme foit foiblc incerreire , timide , parefleux & peu éclairé ; qui doute qu'étan <lans cette dilpoiition , cette charg< ne loit un ties-grand obftacle pou fon falut }
Un Ecclefiaftique qui a peu de lu mieres fe charge d'un miniftere qu en demande beaucoup : il s'expok par la qualité de [on employ à k vie diiïîpée , à la conveiTation des femmes , aux conteftations , aux procès , 6cc. Il efl vifiWeque le pé- ril où il eft de fe perdre , eft tout autrement grand , que s'il étoit de- meuré dans la retraite -, Se on peut ^ .r . . dire de luy ce que faint Au^uiBn
Demcari cnim ,., J , ^ , ,. j-io
ttrifquc in o- dit de quciqu un , qu au lieu qu li eit uo hcchit. A'.i^. ^^^ ^j^ -j émin^nt de périr dans cet
ii6, employ 5 il auroit pu devenir laint
dans la lolicude. En un mot, comme chacun a les pafïions, h rcmploy que l'on choiftt les favoriie &c les augmente , il eft viilble que cet em- ploy fera pour luy une tentation continuelle.
D. Ne fufîit-il pas de choiilr un employ & un genre de vie qui foit boji 6c légitime 2 ^»
ÎNVËRS SOV-MEME. • 355
R, Non , il fciQc de plus être ca- pable de s'en bien acquitter : c'eft pourquoy l'Ecriture laintc nous aver- rit der,ep,s rechercher l'office dejf^ge, .^^^'^^i fi on nn PAS a(fex, de force ^ & de valsas vire ic fermeté pour s'oppofer a:ix mjnjilces '^^^^'^l^i^ des hommes. Elle nous avertit aiifïï 6. 7. de n'entreprendre que ce que Ton peut faite. QhI efl ccluy d'entre vous , . quîs ex vobîs dit l'EvancTile' qui voulant hatW une voienscurnm Hiir j ne fuppiite auparavant en re- prias fcdens pos & a loljîr la dèpenfe qui y /^^^ computatiuinT)-
r -' . ^ r J j -^ n ^^^5 QUI ne::;-
faite , pourvoir s il aura dcanoy la- ianifanc^iî ha- thiver^ deùenranen ayant jet té les ber^cadperfi- fandemens , CT ne pouvant L achever , roftcaquampo- tohs ce-yix qnl verro'nt ce bâtiment im- ^^^^^'^ tunda- parfait , ne commencent a je mocquer non potuerk de Iny en dl'ant ; Cet homrne avoir ?^^^^^^'- .\ '^■^*"
■^ ' . ^ / ' . • •/ ^ nés qui vident
commence a batir ^ mats tl na /^<f/ incipiannllude-
achevé '^^^'^ y dicencC5 ;
' ; • • ./ Quia hic iiûiTi^
C elt une règle reconnue de tout cœpu sr.ufi^aie, le- monde , qu'il nefl pas pennis ^ '""° p-^'^"^ de S engager m de demeurer dansîi-Kc. i^. t>, un employ qu'on ne fçauroic exer- cer fans péché , eu qui par rapDorc à la diipoîit onoii l'on fc trouve , eft une occaiion prochaine de piché^ Enfin, le genre de vie que chacun choilk , efi Dour chacun le Diiiici-r Tome II, G g
^54- Delà C ha r i t e* pal moyen , par lequel il doit opé- rer Ton lalut ; c'eft le vaiiîcau qui lé doit mener a réternité. On ell peu en état de plaire à Dieu par d'autres, adiions , lorlqu'on luy déplaît par fon état même , & par la manière dont on s'acquitte des devoirs auf- quels il oblige. C eft cet état qui fait le gros de la vie j de forte que fi on s'en acquitte mal , on ne peut pas dire qu'on vive pour Dieu , ni que la vie fe rapporte à luy.
§. IL
Combien il ejl difficile de choiftr un genre de vie.
D. Eft-ce une chofe facile que de faire un bon choix d'un genre de vie ?
^. Il ne paroîtpas qu'il y ait d'ac^ tion plus difficile dans la vie Chré- tienne, pour plufieurs railons.
1°. Parce que ceux qui font ce choix , "font d'ordinaire de jeunes gens 5 fans lumière &c fans expérien- ce 5 qui ont peu d'amour pour le vray bien, & beaucoup de pafïiuns
• ENVERS SOy-MEME, 55^
2°. Parce qu'ils connoilfent enco- re tres-peu la nature des pioftlîîons & des états , les tentations , les pei- nes ôc les dangers qui y iont atta- chez , & ainli ils iont peu capables d'en iuf^er.
3°. Parce qu ils connoiiient peu les devoirs de la vie Chrétienne ^ les obligations eiïentielles au.Chriftia- niime , de à chaque état ^ ôc qu'aiii- fi ils font peu capables de prévoir les difïicultez , ik. les facilitez qu'il y a à les pratiquer dans ces difïe- rens états.
4°. Parce qu'ils connoilfent peu leurs forces , ôc qu'ils ne font pas capables de juger de ce qui les lur- paile 5 ou de ce qui y eit proportion- né.
5°. Parce que leur vie eil: d'ordinai- peu capable d'attirer la grâce & la lumière de Dieu , dont ils ont be- ioin dans un choix fi important.
6°. Parce qu'il eft tres-difiicile de diftinguer les défauts pallagers , auf- quels il faut avoir moins dégard ; des défauts permanens , aui quels il faut principalement s'arrêter : les défauts que l'âge emporte , de ceux
^^6 De la Cha r itï' qui augmentent par l'âge même.
D. Ceux qui ont à choifir un état ne pourroiens-ils point luppléer ; tous ces défauts , en prenant confei de perfonnes éclairées ?
^. C'eft en efFet le feul remcdc <ju'ils y pourroient apporter , maiî il y a peu de jeunes gens qui loieni en état d'en uler. Les uns n'ont au- cune lumière pour connoître l'im- portance de ec choix , & s'y laiffent déterminer par leurs parens , qui en ont louvent auffi peu qu'eux. Les autres fuivent aveuglément l'im^ prefîion de la coutume, & certaines maximes d'orgueil qui font éta- blies dant le monde , fur lefquelles même ils ne délibèrent pas , & ne croyent pas qu'il y ait à délibérer t ils le fondent fur cette maxime , que tel eft l'ufage , & qu'ils pratiquent ce qu'ils ont vu , &C qu'ils voyent faire a tous les autres.
Il y en a qui dans leur choix, ne ■conluitenc que les paiîions d'inte- Tet, ou de plaifir, ou d'ambition. Il y -en a très -peu qui puiilent même difcerncr qui lont ceux qui font ca- pables de leur donner conieil : Ainfi
ÏNVERS SOY-MIMÎ. 5'57
la plupart du temps ils agiffent ians^ railon &c fans lumière , dans une action qui eft la plus importance , éc donc dépend tout le bonheur , tant de cette vie , que de l'autre.
-D. Quelles font les mauvaifes maximes &c les mauvaiies coutumes qui font établies dans le monde iur cette matière ?
^. L'une d^ ces maximes eft , <Ie croire qu^il dl: toujours permis de s'élever dans le monde autant que Ton peut ; & cette maxime elt fi univerfellement luivie , qu'il n'y a prelquc que Timpuillance de s'é- lever plus haut, qui tienne les gens dans un certain état. Si on les laiiTbic faire , (5c que l'on leur en donnât le moyen , on verroïc ptefque tout le monde faire eitbrt pour s'élever en un plus haut rang: Or cette maxime eft tres-fauife. Car il v a quantité de gens qui le perdent , parce qu'ils s'élèvent à des places ôc des em- emplois qu'ils ne Icauroient foute- nir , &: qui deviennent par là mal- heureux & en ce monde , Se dans l'autre. ■UnQ autre ma-xime , -c'cft de chci-^
35S Delà Charité' fir uniquement les emplois par rap'^ port à la nalifance , a la qualité , &c a fes riclicircs , ôc de croire , par exemple , qu'on peut afpirei- a une certaine charge , parce que Ton pcre Ta exercée , ou parce qu'on a luffi- lamment de bien pour Tacheter.
D. Pourquoy cette maxime cft-elle fauile ?
-^. Parce que ce ii^ft ni la nailfan- ce , ni la qualité , nnes licheiTcs qui donnent les difpofitions necefïliires pour faire ion fcilut dans une charge, dans un employ 5c dans un état de vie : ce font les talcns ou naturels, ou acquis , ou reçus de Dieu. Ainli , c'efi: une fort mauvaiie coniequence de conclure 3 par .exemple, de ce que fon père, a exercé une telle charge , qu'on y peut auiîî afpirer légitimement y car peut-être que ce père en étoit indigne , Ôc qu'il n*y a pas fait fon falut. Peut-être qu'il en étoit digne par certaines qualitcz que le fils n'a pas ; ainfi , il n'y a pas de coniequence de l'un à l'autre.
D, Ne doit-on avoir aucun égard à la nailTance , à la qualité ôc aux richeifes , pour choilir un état de •vie î
tKVERS SOY-MÈME. '^59*
/', On y peut avoir quelque égaid,. )ourvû que ce ne foie pas tout ce ju'on y confidere. Il efl; permis de lemeurer dans le rans: où la Provi- lence nous met , a moins que quel- jue raifon particulière ne nous obli- ge de nous rabailTèr. Les perfonnes- le qualité ne s'clevant donc point /ar les emplois proportionnez à leur ondition , il leur eil beaucoup plus >ermis d'y penler , qu'à ceux poflr [ui ces mêmes emplois feroient une ;rande élévation , dont tout Cliré- ien doit avoir de l'éloif^nement, )uiiq,u il doit tendre à s'bumilier.
§. I I L
De la vue de la àc^înàanct de Dieu , ^Hû^ doit avoir d(ins le choix d'un état.
D. Que doit - on conclure de :ette difficulté extrême du choix d'un .'tat de vie ?
^. Qu'il n'y a point d'acbion où ron doive être plus dépendant de Dieu , & où il foit plus neceilaire d'avoir recours à Dieu^ par plufieui;^ raiions, *•
^(>Q De lA Charité'
1°. Parce que comme le genre d^ vie efl: le principe d'une infinité d'a^ (fiions , c'ert: un hommac^e qu'on doit à Dieu , que de le conlulter i'ur ccc engagement , afin de luy confacrer dans leur fource même , toutes les acftions qui en doivent naître.
2°. Parce que quel que foit ce sen- te de vie . nous ne fcaurions iatis- faire aux devoirs auiquels il oblige , fans Tadiftance de la ^race. Or le meilleur moyen de Tohtenir , eft de ne s'y engager , qu'en confultant Dieu , & avec une foumifîion en- tière à fa volonté. Rien au con- traire n'eil: plus capable d'éloigner les grâces de Dieu , que d'y entrer tos Ion ordre : car c'eft témoi- gner qu'on croit fe pouvoir pâlfer de Dieu, & qu'on fe fuffit a ioy- niême.
3°. Parce quelque examen que Ton faire , on a encore grand beloin de la conduite deDieu pour ce choix j; car les vues humaines iont h bornées 6c il incertaines , qu on ne fçauroic prévoir la plupart des difficuîtez des divers états. Il v en a où il fe ren- contre des précipices , dont Dieu ne
prelervs
J
ïNVÊRS SÔY-MEMf. }^t
prefei've ceux qu'il veut particulière- ment favorifer , qu'en empêchant qu'ils ne s'y engagent , foit en y fai- fant naître des obftacles , foit en leur en donnant du dégoût ; ou enfin, en faifant qu'on les en détourne, fans fçavoir pourquoy : «5.: il y a tres-peu de perlonnes , qui faifant reflexion fur leur vie , n'ayent fujet de recon- noitre que Dieu les a délivrez de quantité d'engagemens , qui leur auroient été funeftes.
D, Suffit-il pour obtenir les grâ- ces de Dieunecellaires pour ce choix, de faire quelques prières ?
jR,i°. Il faut proportionner les priè- res à la grandeur des chofes que Von defire obtenir de Dieu , félon faint Auguftin ; & comme il n'y a rien de quî fîcpetut plus important que cette ^race , il ^ f^nnim pe-
^ n ir • J 1 j j tunt , quomoda
elt necellau-e de la demander autant & quantum res qu'une chofe fi grande & fi necef- ^1^^^ petenda laire doit être demandée. C ell-a- dire, qu'il faut faire pour cela de longues 6c de ferventes prières j Se de- la il s'enfuit , que ceux qui ne font point encore en état de choifir , doivent par avance s'adreifer à Dieu, pour obtenir cette grâce dans fon Tome II. H h
|i)i Delà C h a r i tî' ccmps. Car encore qu'il ne foie pa^ toûjoLUs temps de choilir , il efi: tou- jours temps de prier pour obtenir la grâce de faire un bon choix.
2". Il ne faut pas le contenter de demander a Dieu cette grâce par des paroles , il la faut principa- lement demander par des defirs , & par des deilrs qui tendent a Dieu. C'eft-à-dire , qu'il flmc que Dieu voyc dans le cœur, que la principale vue que l'on a dans ce choix , n'efl pas de contenter Ton ambition , ou de fe procurer une vie commode, mais d'entrer dans une voye favorable pour aller à Dieu, Car c'eil fe moquer de Dieu, que de luy demander la lumière pour choilir un état, lorfque l'on a pour principal but dans ce choix,de iatis- faire a fes pafïïons , ôc que le falut n'y entre que comrne un açcelîbire.j cette corruption que Dieu voit dans le cœur , eft beaucoup plus capable d'éloigner ù grâce , que toutes les prières qu'on peut faire, ne font ca- pables de l'attirer.
3°. Il faut joindre à fes prières Tc- xerciçe d'une vie vrayemenc chrç*
j*
ENVERS SOY-MfiMt. ^(j^
tienne , & fe mettre en état d'en- trer chrétiennement dans un em» ploy , en devenant d'abord vérita- blement chrétien j c'eft par où on doit commencer : car comme ce fe- roit fort bien répondre , fi on étoic Sollicité de faire un choix lorfqu'on eft dangereufement malade , que de dire , qu'il faut d'abord fonger à ie gueriç 5 de qu'enfuite on verra à fe refoudre touchant un choix ;de mê- me quand on a l'ame malade par de grands péchez , on doit penfer à s'en guérir d'abord , avant que de de- mander à Dieu fa lumière pour le choix d'un genre de vie.
§. IV.
^uelle$ reglfs on doitfuivrt dans le choix d'un genre de vie.
*Z). N'y a-t-ii aucunes maximes fur lefquelles on doive fe régler dans ie choix d'un genre de vie ?
R, Il y en a plulîeurs , & il eft bon de les féparer. Nous nous ar- rêterons d'abord à celles qui doivent porter à s'éloigner abfolument de ^ " Hhij
3<$'4 De la Cmaritï* certains ctits ; & nous traiteront en laite de celles qui nous doivent donner de Tinclination au de l'éloi- gnement pour certains genres de vie.
A R T I C L I I.
T)es maximes qui doivent porter
k Cdoiy<ier ^bfolumcnt jie
certains ét^ts,
D. Quelles font les règles qui nous doivent éloigner abiolumenc de certains états )
/?. On doit mettre dans ce rang celle de ne choifir jamais un em- ploy &c un genre de vie qui loit il- licite en foy , & oppofé aux Corn- mandemens de Dieu , & de Ton EgU- le. On ne les fpecifie pas ici , mais il eft certain qu'il v en a j & S. Gré- goire Pape nous en avertit exprei- lémenc dans une Homélie qui fait partie de l'Oftice de TEglile.
1°. Celle de ne choilir jamais u'i Cjenre de vie- dont on foit incapa- ble , faute des talens neceiïàires pour s'en acquitter»
i^^^ERS SOY-ME\iE. 3^5
Ainfî , une perionne qui a peu d'ouverture d'eiprit , & qui manque de la fcience necellaire , ne peut en confcience encrer dans les emplois qui demandant beaucoup d'intelli- gence & de lumière. 'Cette règle fait voir qu'il y a une infiaité de gens qui fe perdent dans les Offices de Juges^ ôc dans les Magiftrarures , parce qn'ils manquent des qualitez necei- iâires pour s'en acquitter. Il faut . _ . . ,• dit Saint Ilîdore de Damiette , que cane ^ acazun. ceux qui font chargez de rendre la ^'° »r.ger.io eue juihce , avent 1 elpnt ouvert & pe- rum quUo- netrant, pour pouvoir dilcerner les 3^^"^'^'" '^"-^''^- r;iiions des uns ëc des autres^<Sc trou- mm <{ux di- ver au milieu des détours de la Rhe- ^^.^-"'^ ^'^^^'
. , , biJuacem ne vc-
tôrique, le véritable iens des choies tiffiimiitadirieix» qu'on leur propofe. Ceux qui man- ^"^"^j? ^^"-^.-r
1 IL 1 tes, Icnla i?;a
quent de ces qualitez , font très- inrrofpiccre/at- mal d'entrer dans les emplois qui '^^'^J'"'' '.'^'^
_ r 1 cantes veaca-
y obligent , 8c qui les mettent en tem haurire danger de ruiner des familles par ^"f\"^; M''' leur peu de lumière , & leur peu hb. j. «f. ^. d'ouverture d'eiprit.
Pcurquoy faut-il de même que tant de gens qui n'ont aucun talent pour in- ftruire les peuples , fe chargent d'em- plois qui les v obligcntr Je n'ay pas. di-
Hhiij '
^66 Dï LA Chakite'
îcnt-ils ,1e talent de prêcher , Poiir- <^uoy avez- vous donc la hardieiîe de vous charger d'un miniftere dont ' on ne fe peut bien acquitter fans ce talent ?
D. Ne doit-on confîderer que le défaut des talens extérieurs ôc des qualitez humaines , pour s'exclure abloiument de certains états ?
^. On doit aufîi avoir égard aux grâces de Dieu , lorfque ces grâces lont necefTaires pour s'acquiter fe-^ ion Dieu de cet employ. Par exemple , une perfonne qui n'a pas un grand amour pour la juftice. Se une grande force pour reiiiler aux paiïîons injuftes des hommes puif- lans , ne fe doit pas ingérer dans les- Magiftraturcs. Un homme trop ti- mide & trop complaifant , ne doit. - pas entrer dans des emplois ni Ec- clefiadiques ni feculiers , où l'oiv eft fouvent obligé de s'oppofer aux. hommes , pour foutenir la vérité 5c la juftice. Un homme vain Ôc ambi- tieux ne doit pas prendre un genre de vie qui favorile &c augmente ces . paflions : & c'eft par cette raifoa exmer^qiuTc quc faint Chi-yfoftome exclue du^
ENVERS SOY-MEME. ^éf
îîlinirtere Ecclefiaftique , les perfon ^^re i!io non- nés vaines & ambicieules.Un homme tioce.nhmc^ qui n'a pas reçu de Dieu la fagelîè ôc ^^S,^= eiFera n
i-J n- *,r- 1 j- bcriicAm leca XI
1 onction ncceiiaire pour la conduite euutriac , v;i v; des âmes , ne s'y doit pas insérer, ^.^^'^'i^^ ^-o^p-^^- tJne lemme qui a 1 elpnt intiexiblc peinidem, a:^ &: violent , doit prendre ^arde à^ ^^^'^° honore ,
, ' f • • r P'2ceps icurus
n entrer pas dans le mariage , jul- ût. s. C^rjfoiK ou'arce qu'elle ait furmonté cesmau- ^.V '^^i''/-'''^''
^ . ^ i, vide îbid, c. 10.
vailes habitudes.
£)., Ne fuffit-il pas pour entrer dans une état de vie , qu'on rccon- noiffe qu'on a befoin des vertus ne- ceiïaires pour s'en acquitter ^ 6c qu'on Toit reiolu de les demander à Dieu } ^
i?. Cela ne TufHt point , parce que peiTonne 5 fuivant ce principe, ne fèroit indigne d'aucun employ , ni d'aucun état , puifqu'on peut tou- jours demander à Dieu la grâce de s'en acquitter. Il faut donc autre choie que cette dirpofidon générale de demander à Dieu, ce qui nous manque.
D, A quoy doit-on donc réduire ces vertus neceifaires pour s'acquit^- ter d'un employ , & lans lelqui^lles en ne peut s'y engager fans teu) : - nté } H h iiij
jé8^ Dr la Charitb'
K, Encore qu-c tous les hommes- foient dans un beloin continuel de la grâce j il faut pourtant rcconoî- tre qu'il y en a de forts &c de foiblcs à l'égard de certaines paiîions , de certains vices & de certaines ac- tions de vertu. Ceux-là doivent paifer pour forts , qui font acoû- tumez à refifter à ces pafïïons &c à ces vices , Ôc à pratiquer ces vertus j & ceux-là font foibles , qui font dans l'habitude de fuccomber à ces vices , &c de ne pas pratiquer ces vertus : les uns &c les autres ont néanmoins beloin du fecours de Dieu -y mais les premiers fe le peu- vent promettre avec ccftfîance j Se les autres ont befoin, avant que d'ar- river à cette confiance , de travail- ler long- temps à dompter leurs paf- fions.
Cr ceux qui ne feroient que dans ce dernier état, ne feroient pas dif- pofez fufEfamment pour embraffer un genre de vie , qui demande qu'on foit exempt de ces vices , de qu'on poifede ces vertus. Un homme , par exemple , qui a tou- jours été incontinent jufques à un
ENVERS- SOY-:^iEME. yG^
€<ritàin temps , & à qui la conver- fatioii des femmes a toujours été dangereufe , ne peut pas embraller un genre de vie qui l'oblige à un commerce fréquent avec des fem- mes.
; Ainfi cette règle fe réduit à cette maxime commune , Qu'il n'eil pas permis de s'expoler aux occafions proclviines de péché j & une occa- lion doit être jugée prochaine , lorf- que l'on a l'experi-ence qu'on y a ordinairement iuccombé par le paf- fé.
X). Ne convient-on pas de ces règles , & y a-t-il des gens qui vou- lultènt embrallèr un état qui leur fèroit une occafion prochaine de péché ?
'^. Tout le monde «convient de ces règles en gênerai. Mais on n*en coi>vient pas en particulier , parce qu'il y a bien des péchez aulqucls certains (genres de vie font des oc- cafîons prochaines , fur lefquels néanmoins on fait peu d'attention. Engager une fille, par exemple, dans u*i Monaftere où il y a peu de ver- ju 6c beaucoup de mauvais cxem-
J70 De laCharite*' pie , où elle ne içaiiroit bien vivre lans être fingulicre , &c fans s'expo- ier à la raillerie & à la contradidVion des autres , eft une eipece d'occa- iion prochaine , parc^e qu'il y a tres- peu de filles qui y refiftent ; cepcn-^ dant combien y a-t-il peu de pères êc de mères qui fairent reflexion- fur cela ?
A Que doit-on juger des -pères & des mères qui engagent leurs en- fans par des mariages , dans des fa-- milles toutes mondaines , (k où ils- voyent quantité de mauvais exem- ples ?
-^. Comme unefamille de cette foute eft: une efpcce de Monaftere dere-'- glé, & qu'il eft auffi difficile d'y vivre chrétiennement , que dans dans une Religion tres-relâchée , .ou ne voit pas que la confïderation des avantages temporels , puillè être une raiion de s'y engager , ni d'y en- gager ceux ou celles dont on eft chargé.
-D, On demeureroit bien d'accord de cette deciiion, s'il s'agilfoit de vi- ces groiïiers. Mais la faut-il étendre âiix autres vices, donc le monde a»
•ÏNVÎRS SOY-MIMÊ. • 37I
moins d'horreur , comme à ratta- chement au monde, aux plaifîrs ^ aux divertilfemens , au luxe , aux: habits immodeftes , à la comédie j ou enfin à la vie de partlFe ôc de moi- kiVe ?
I^, Il faut juger de la même forte d<î tous les péchez qui font capa- bles de perdre les âmes , ôc d'en bannir la grâce de Dieu ^ & qui font incompatibles avec une. vie vraye- ment chrétienne. Vouloir y mettre de la différence ^ c'efl: à peu prés comme Ci on difoit , qu'à la vérité l'amour de la vie oblige d'éviter de fe* trouver dans des lieux où l'on court danger d'être poignardé , mais qu'il n'oblige pas d'éviter les lieux fimplemcnt pelliferez.
X>.La grâce de Dieu étant neceflai- repour s'acquitter de toutemploy , on ne peut donc entrer dans aucun employ fi on n'eft en grâce ?
R. Il y a de l'équivoque dans cette queftion. Il efl; vray qu'il y a cer- tains états qui demandent la grâce iuftiriante, comme tous ceux où l'on entre par un Sacrement ; de à l'é- gard de ceux-là il faut recouvrer la
372 Dle la Charité' giace , il on l'a perdue avant que de s'y engager.
Mais il y a bien des genres de vie cjui ne demandent pas l'état de grâ- ce , 6c il fufïit* pour y bien entrer qu'on foit affilié de la grâce afiuel- Ic- Il faut de même diilinguer entre les états qui demandent la vertu, acquife , & ceux qui fonrniircnS des moyens de l'acquérir. Il faut qu'un Juge , par exemple , & un Magiilrat , un Ecclefiaftique ayenc les vertus neceflaires à leur niini- flere dans un certain degré avanç que d'y entrer. Mais à l'égard des emplois laborieux , comme Ift Arts ^ ils peuvent être confiderez comme des remèdes à la parefîe j & ainfi il eft permis de s'y engager fans autre préparation , que d'une bonne volonté de renfter à ces vices^ & d'y faire fon devoir.
INVERS SOY-MEMÎ. 57f
Article II.
Confia erations qtà doivent donner de l'indinafion pour certains états , (^ del' cloiTnement pour d'autres,
D, Les règles alléguées ci-delTus vonc à bannir abfolumenc 6<: à s'é- loigner de certains états : mais n'y en a-t-il point qui nous apprennent quels genre de vie font les plus/ûrs, 6c quels font les plus dangereux.
R. Il y en a fans doute , cc il n'efl pas difficile de les découvrir par le moyen de certains principes.
1°. Un genre de vie eft abfolu- mcnt mauvais , quand il eft impof^ fible d'y bien vivre : il eft tres-dan- geieux , quand il eft fort difficile d'y vivre chrétiennement ; &: c'eft par la facilité de fatisfajre aux devoiis du Cliriftianifme , qu'on doit juger un étaî: meilleur qu'un autre.
2"^. On doit juger du choix d'un genre de vie , comme du choix d'un chemin ; parce que le genre de vie eft pour chacun, le chemin de Té- ternité. Or le meilleur chemin eft fans doute celuy qui conduit plus directement à la fin qu'on fe propo-»
174 ^^ "^^ Charité*
fe dans fon voyage -, c'eft ceîu^ ou on eft expofé à moins de dangers, 2c oii on eft moins en péril de s'éga- rer : ainli le meilleur genre de vie eft celuy qui conduit plus direde- Tncnt à la vraye fin de la vie chré- tienne 5 & où on trouve moins d'obftacles qui nous empêchent d'y arriver.
3°. Nous fommes tous malades de la maladie de la concupilcence, c'eft- à-dire de Tamour des plailirs , des honneurs , & de la paliion de fça- voir des chofes inutiles. Cette ma- ladie étoit mortelle avant le Baptê- me 5 lorfqu'elle étoit jointe avec le péché originel : elle a celfé de l'être par la remiiïîon des péchez , ôc par la grâce qui nous eft accordée dans ce Sacrement j mais cette maladie peut encore devenir mortelle en reprenant fon empire fur la volonté; 3c même fans nous faire mourir , el- le ne laiiîe pas de fouiller tous les jours nôtre ame par quantité de pé- chez. Nôtre devoir dans cette vie eft donc, non feulement d'empêcher que cette concupifcence qui eft en nous ne produife des fruits de mort , ôc qu'elle ne règne dans nôtre cœur.
ENVERS SOY-XfEME. 57^
inais auHî de la diminuer «Se de Taf- foiblir autant que nous pouvons. Ainii tout genre de vie qui eft plus capable d'irriter & d'augmenter la concupiicence, eflleplus dangereux. De mâme les états où la concupii'- ccnce trouve moins de nourriture , où elle eft plus mortifiée , où il eft plus ailé de re/îfter à fes impref^ fions, font les plus favorables. C'eft par la que faint Chryfoftome prou- ve qu'il n'y a rien de plus dange- reux que 1 état des Princes & des Grands. L'ame des Grands , dit ce Père, eil afïbiblie , & rendue lan- guilûnte par les délices , dans lef^ quels ils vivent ordinairement. Elle eft enflée (Se poullée à i'infolence par ia grandeur même. Elle eft obfedée ôc occupée par les defirs des volup» tez criminelles : Le pouvoir de les fatisfaire les fait naître , & la vie molle !?c volupteufe les nourrit. Les orages des foins n'y caufent pas moins de troubles que ces autres paflions, Ainii la compondion ne icauroit trouver d'entrée dans des coeiurs environnez de tant de bar- .peres. Car comme il ne le peut pas ^uiu difficile
i|7<j E)e la Charité* <ft, vcl potîtis f^ire que le feu brûle dans Teau , il Dcquu , uugnis cft auHi impoiïîble que la com- cuni aquâ mif- pondioii s'allumc dans les délices.
ccatur , ica ncc ^ t- j n • i r • i
opinor iinquain Et c clt cncoue ce qui luy tait de- £cr, uc in iinum cider plus eeueralement ailleurs,
richciï confluâc i o »
& compunaio. que comme un corps quinel^nour- s. chry/hj}. 1. 1. j-j^ q^e (Je viandes mal faines , ne
eord. peut pas lubliiter long-temps ; de
"^^^^,",'"? fp*^" même un ame qui ne fe remplit
BUS n lalubriDUS , . ^ . - rr^
cibisnonfrua- que dc Ce qui noumt les pallions, *ur, infaiabri- s'affoiblit & dcvient malade necelTai-
bulque nutna- , , .
tar,iongotem- rement ; oc étant rongée continuel- pore fubiiftcie jei^-ienc pat cette pefte intérieure ,
^c durare non l . . , c ,, r «
poteft; ita& cile elt precipitcc dans 1 enter ôc .anima quaee- j^^j^g la mort étemelle.
jufmodi dodu. Tl ' r ■ J r ' J • •
xiisfueritimbu- 11 S enluit de la qu on ne doit ja- ca, njhiiun- mais choifit un orenre de vie, parce
quani altunijni- ^ o ' l
hii magnum co- qu il uous met cn un plus haut fireMmocUne- ^^^^g ^ P^^^^^ qu'il nous procure une ceflteft langui- vie plus commode Se plus delicieu- vuûr^ueTd'u? fe, parce qu'il nous donne plus de pefte quadam moycu de latisfaite nôtre ambition.
iu2i:cï infecta,./^ / _^ • i -r
ita dcmum ik ^^ ^^^^^^ ^^ Contraire des raiions infernos ignes pour l'éviter. Chercher à s'élever ,
atquc immorca a-- jj t . . , /♦
les cruciacus ^J^^ ^^^ ^^cs d ambition , OU de pai-
projici. y^fcn*. Jion , c'eft chercher à rendre fa
ri/w. jl"""*' chute plus facile & plus dangereu-
fe.. Cependant qui eft-ce qui obfer-
ve cette règle dans le choix d'une
condition ?
tUVhKS SOY-MtME. J'^/
condidon ? qui eftce qui prend vo- lontairement un état plus bas , lori- qu'il peut aipirer à un plus haut :- ôc qui eil-ce qui met à Ion ambition d'autres bornes , que rimpaiifance de s'éievcr davantatre ?
D. Eft-il donc détendu d'aipirer a un état plus relevé que celuy-où on eft né ?
I^,- Non pas abfolument. i°. Oa y peut être porté par k confeii de (ren*; defintcreilez, qui nous ie cou- feiilcnt par la vue de rinteréî public. 1**, Get état plus élevé peut avoir d'autreS^ avantages réels. Il peui être plus facile de moins dangereu^PÇ plus utile au Public ; il peut donner occafion d'élever mieux fa fannlle : il iuffit donc qu'on ne s'y élevé pas par un mouvement d'ambition , cc qu'fl y ait des railons iolidcs ô: chré- tiennes qui nous y portent : mais l'humilité chrétienne ne permet pas que Ton cherche l'élévation pour l'é- îevation 5 & qu'on loit toujours prêt d'accepter tout de^ré plus éminent.
D. Dites -nous encore queloues' autres règles utiles pour le choix d'un- itit ?
Tjme IL U
jyS* De la Charité'
R, Tout genre de vie où on eft tenté d'abandonner Ton dcvair par de glands intérêts , par de grandes- craintes & de grandes récompenfcs , & où ces oGcafîons font tres-fre- quentes , eft tres-dangcreux ; èc c'eft une très-grande témérité d'y arpirer^ Car quoy que Dieu y puille Soutenir par fa grâce , on voit néan- moins par expérience, qu'il y en fou- tient tres-peu, & que la manière ordinaire dont Diea fauve les âmes y n'cft pas de les afïèrmir dans ces grandes tentations , mais de les en preferver. Ainfi on voit dans l'Hi- iloire Ecclefïaftique , que lorfque les Empereurs ont tâché d'ébranler les Evêques par la crainte de Texil & des autres maux temporels , ou qu'ils les ont attirez à faire ce qu'ils fou- haitoient par de grandes récompea- i^s ; ils n'ont prefque jamais man- qué d'en venir à bout , & qu'ils eix ont renverfé la plupart.
Tout genre de vie où l'an ne fçau- roit vivre chrétiennement fans aller contre le torrent , fans mener U4ic \iQ (în2.ulicre ^ fans fê diflincruei? beaucoup de ceux qui font dans 1er
ÎKVERS SOV-MEMÎ. 3?^
jnême ordre que nous , ôc fans atti- rer leur mépris , leurs railleries ce leurs contradiûions , eil; un écat dangereux ; parce qu'il y a peu de perfonnes qui ayent^ailez de force f>our fe foutenir contre l'impreffion de ia multitude , &: qui puiifcnc foufFrir l'improbaÊion & les raille- Ncmo nofl.a ries de ceux avec qui il faut vivre. "f.^jï'tVo'l^l Queique loin , dit Seneque , que nu^mas ingç* Ion prenne de former nôtre ei>m, p-^-fj-™^ il eft impoiïible de foutenir Teffort t.un ma^no co- des vices , loriqu ils nous viennent ^j^jj^^^^^^^^^^ iittaquer en il grande compagnie, v^f.*/. ;x,
C'ell: par cette raifoji qu'il faut éviter tous les états qui nous lient avec des gens déréglez , en quelque manière que ce foit* Car il eft fort difficile , ou qu'on ne s'aveugle en approuvant de en imitant leur vie, oit qu'oS reiifte à leurs dii cours & à leurs moqueries, fi on les condamne par fon exemple ou par fes paroles*
Tout genre de vie ou l'on prend part à des chof^s de très - grande confequence , ôc où les fautes qu'on y peut faire , peuvent porter de très-grands préjudices au prochain ,. font trcs-daftgereux ; parce que plus
î 1 u
jgo De la Charité'
les chofcs font de grande confêv qucnce , plus il y a de témérité à s'expoferà les régler ôc a les déci- der , fi on n'a toute la lumière ne- cellàire pour cela. C*eft par cette rai Ton que les fuperioiitez Ecclefia- ftiques lont tres-dangereufes, parce qu'on y décide fouvent des chofes Ettnim fi na- ^^^^j reg:ardent réternité. Si quel- ampîiiiànam, &: qu un , dit 3. Chryloltome, me vou- îlapondo^VeTal ^^^^ donner à gouverner un navire <:ujrque caicm ' cliargé de marehandii^s précieufes, 3'ÏÏiUlraW ^"a- ^^ fourni de tout l'équipage necellai- i'îaipcaoïariî.n re , je rebucerois d'abord une telle rc^o^tiiï^'^ml propofition j & ii l'on medemandoic aii.'a; gubci-na- la raifco , je répondrois lîniplcmenr,
i-ibcvec.^'cun 9^^ ^ ^^^ ^^ ?^^^ ^^ briierce navire,
Thyrrena.iwe Q'Joy donc , perlonue ne trouvera-
T.jnwu.n Wet ^^^^^'^s <î^s 1 Œi uie d unc grande-
^tadpri.îîaiîî circonfpeclion , lorfqu'il s'aeic de
5»e.nirunHnj.n choics OU 1 on lie couit pouir d autre^
yi accrciiue.n : danger , que d^ oerdre de i'arçrenc
«mo-ticl^qjii ^'^ ^'^ Vie des corps ; <x vous trouve-
*t.i?R: iia/ea rez mauvaîs qu^ je ne m 'exDole pas
«q-i- rcipjn.ie tem^raireiTrent a dc?s emplois ouïr
''-''"' ^,^-"- ^ô'- s'agit , non d? briler an navire dans
»^jecaocaa;.t:- ^-^1^ OU telle mer, mais ou 1 on elt
turar.rbeii ,nec g^-j^ danger de tomber dans l'abîme du
«.•lirorpolîs in- > / ^ 1 r. \ 1 • ,T
«citas pcricUca- iC'^ etenisl ^^ de o\x la. mort qui elt:
ENVERS SOt'-MEME.- 301
Jointe au naufrage , ne lepare pas ^^\ 'inc^a'^^e,* amplement lame du corps , mais piehecdatque,fi précipite &: le corps Se Tame dans s^" niagnâ eau-. des tourmens qui ne nniront jamais? dentiâquehic
On peut faire le même jugement "^^i"^avcm fis' des miniftcres oi\on eft obligé de de- gtmibus non m cider de la fortune & de la vie des ^7 r^^^l^l-^
1 AT pelagus , leaitt
hommes , & msme loavent de ignis aeierni a. cdledetoutun Pvoyaume. Car les ^'"fttub.1: JHconvenieiis qui nailîènt des fautes ttm eofdcm qu'on y pcm faire, ne fe bornent r.î:f^^;',,;r„ pas feulement à cette vie, mais ont qui corpus ab
dj r • 1' anima dirimif*
e très-grandes luîtes pour 1 autre ^ f,^ ^^^ ^^i^^^
ôc fonElouvent caufede la perte éter- jp^am unà cum
11 i> • c ■ ' -i' corroie in feni-
Jielic d un-e innnite d âmes. piremum exigic
Tout 2:cnre de vie 6c tout^mploi^uppiicium. s. qui nous jette hors de nous, qui nous Sactri. e. 7. oblige à une vie toute exterieure,qui v^creor ne in
1 ^^ rr • o 1 tV mediis ocsupa-
nous charge d ariaues , ce nous laiile tionibus quo- peu- de temps pour penfér a nous , & ^iâ muiix funr,
^ . -^ !• 1 J ? dum diffidisfi-
tfumous remplit beaucoup des cno- ^^^-i, fronccm fês du monde, eft tres-dan^ereuxy ^iiï^" , &: ita
:,t / 1 1 fcnfim teipluiîï
perce Cjii il nous ote les moyens de quodammodo nourrir notre ame . qu'il l'afeiblic ^/ei^^u j prives quilia dcileche , & qu il ecemt en Coloris muko die peu- à peu i'efprit de prière: cet Pf'-^'l^^"^^ f<= ctat porte lamg a l'oubli de Dieu & yei ad 'tempîs- de fov-mêrae : il iuv ôce le difcer- 'î"-^"^ P.^^'^'S nement de la plupart de les fautes 3 duci ceuc pa*-
^Sl De t A Ch A R ÎT î'
ïitïm quota jl agrandit & rehaulfe le moncfeà t°%\làl Ad cor Tes yeux , ik diminue & rabailîe le^ (H.urum . . . fo- objets fpirituels , il Texpcfe à plus
iamcft cor du- . ^ ^ . ' ^ ^ * ,.,
riun quod fc- de tentations , en même temps qu li mctipium non j^y ^^q i^g movens d'y refifter : &
exhorrct , ^uia -> ... j • ' i j / j
fïcc fencit . . -T- cntin ^ il la conduit a la dureté de ipfum cft quod ^ç^^^ comme S. Bernard en aver-
cione ûinditur, tit le Pape Eugene : C elt cet etar iicc picrate mol- malhcureux où on eft peu averti dd
luur , ncc mo- ^ f. , ^ n /
vetur precibus. les rautes ^ parce qu on elc toujours s. B,T. i i, de q]^{q(^^ ^ environné de gen? dont kr
bu: (Se 1 intérêt elt de nous t-romper &: de nous aveugler.
Tout genre de vie où on a befoiiî d'être pleinement inftruit de la ve- nté, (X où on a peu de moyens de s'en inftruire , eft effroyablement dangereux ; car c'eft cette mauvaife Mcclc 4' 'c. folitude , dont le Sa^c dit : Malheur à celny ^«/ efi fenl: Vdt, foli. Parce que dans cet état on eft en effet deflitiuc de vrais amisj & qu'au lieu de la voix de la vérité on n'y entend que les fifÏÏemens du ferpent. Il y a bien des Grands , qui étant toujours environ- 0 nez d'une foule de gens qui leur font
la cour , ne laifTent pas d'être dans cette afFreufe de miferable iolitude.
Un état de vie eft dangereux quainî
ENVERS SOY-MEME. ^?f
il y a de mauvaifes maximes établies parmi ceux qui le fuivent. Car peu degeDs ont aiïez de lumière & de Force pour s'élever au-dellus des opi- nions dont le commun du monde eil. prévenu.
Un état de vie efl: dangereux quand il favorileies inclinatiojis naturelles, comme la pente qu'on a à lamoUef- fe & à la vie de plaifir j car il cfl dif- ficile de refifter à une tentation in- rerieure & extérieure , quand elle ^ft continueHe. Ainfi la plupart des ^ens qui font engagez dans des états >iiil y a peu de travail , de beaucoup ie moyens de mener une vie com- mode y comme les Bénéfices faiîs charges , ëc certaines Religions non reformées . fe perdent par la vie fe^- fuelle &: par i'oiiiveté.
Un état de vie eft dangereux^quané il efl expolé à de grands mauîf Se à ie grands travaux , parce que les grands maux font de grandes tenta- lions, qui font par confequent peu :>roportionnées aux perfonnes foi-* îles ; c'eft ce qui doit obliger ceux ]m ont foin de leur falut , d'éviter :es états autant qu'il leur eft poilibie^»
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De la Charîtî'
dit & rehaulFe le monde a -A , & diminue & rabaillè le^ ,jzs rpirituels , il rexpofe àflus î tentations , en même temps qu'il les moyens d'y rehllcr • & \ , il la conduit a la dureté de tur, comme S, Bernard en aver- ' !•• Vt>^ tugene : C'cft cet état i\ où on eft peu averti de s fautes , parce qu'on cil toujours dé fie environne de gens dont le j: ôc l'inierct eft de nous uomper de nous aycugler. Tout genre de vie où on a beloirt cire Dleinemcnt inftruit de la vê- lé, ^ où on a peu de moyens de ' J en inftruire, elt effroyablement -^'^^ eux ; car c eft cette mauvailV '^^' ■ : le Sav
ms cet état on eft • vrais amis;& ' la venté on Hemens du ié
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ENVERS SOY-MEME,
il y a de mauvaifes maximes et parmi ceux qui le fuivent. L.. degecs ont alFez de lumière force pour s'élever au-dellus de nions dont le commun du mon prévenu.
Un état de vie eft dangeren- il favorileies inclinatiojis n.. comme la pente qu'on a à la m fe & à la vie de plaifir j car il cl ficile de refifter à une tentatic terieure vc extérieure , quaii eft continuelle. Ainlî laplu^j gens qui font engagez dans ci>. où il y a peu de travail , & beai de moyens de mener une vie mode y comme les BeneFc chai*ges , 6c certaines Rcligioi reformées , fe perdent par la^ fuelle ^ par roifiveté^
Un état de vie il eft expolé a de graiv' gra- '
les 3eu de pi. cil
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5^4 D r I A C H A R 1 r é' c'eft aufîi le fondement de cettt prière de Salomon : Aiendiciraîen frtV' ]c,2. CT divitias ne dederis mihi. Seigneur ne me donnez, ni les richejfes ni la pan- vretè ; parce que les grands biens & la grande pauvreté lont égalcmen expolccs aux grandes tentations , ^ demandent une eiande force d'amc pour n en être pas renverle.
D, Quels font donc les genres d< vie les plus favorables ?
R. Il eil: facile de les reconnoîcre par ce qui a été dit. Ce font ceux oi il y a moins d'objets qui attirent , & qui excitent la concupifcencc : ce iont ceux qui nourniîent moins nô- tre vanité , nôtre curiofité, & nô- tre pente aux plaiilrs j ce font ceux oiyious avons pins de iecours poui renfler aux impreiïions des chofes diWiecle ,- & plus de chofes qui nous portent au mépris du monde , & cjui nous en font connoitre le néant; ce lont ceux ou les intérêts qui nous pourroient détourner de nos devoirs , ne lont pas grands ni en effet ni dans l'cftime du monde : ce font ceux , où bien loin "ft'être iiHguliers en faiiknt le bien ,'nous
paioitrions
'envers S'OY-IvfEICÎEi ^Sj
[JAroîtrions finguliers eu ne lé fai- faut pas.Ce font ceux où on n'efl: pas îxpolé à de grandes contradi6Vions , m la coutume féconde la vertu , ôc e devoir j où nous agiflons peu ie nous-même , & où nous fommes Deaucoup occupez ; ce font ceux DÛ les fautes font peu confîdera- 3les 5 & ne font préjudiciables à perfonne : ce font ceux où nous fommes peu difîîpez , Se où nous ivons beaucoup de moyens de nous recueillir : ce font ceux où nous ^ommes avertis de nos fautes , ôc dÙ on trouve divers fecours pour j'en relever : ce font ceux où il n 'y i point à combattre de mauvailes Tiaximes établies , ôc enfin où le^ îiaux ne iont que médiocres , ôc xir confequent proportionnez aux 3erionnes fpibles.
■D, Comme il femble que toutes :es conditions ne fe trouvent que lans les Monafteres bien réglez , ôc p'elles ne fe trouvent point ailleurs, 1 femble par là qu'on devroit con- rlure que pour fuivre les règles de la prudence chrétienne, tout le monde Tome II, K K
^So De la Chariti' feroic obligé a embraiFer Ja vie mo«è liailiquc ?
/?. Cette confequence ne feroitpag jufte ; car , par exemple , il y a des gens a qui ou ne permet pas de choifir eux-mêmes leur employ ôc leur genre de vie , mais à qui rEglifj le choiiit pour eux ^ éc ce Font ceux qui font appel- iez félon les règles , au miniftere Eccleilaftique. Or quoy que le gen- re de vie auquel TEglile les engage, foit en foy tres-dangereux par- bien des raifons , néanmoins la vocation de Dieu , & les fecours qu'il y atta- che , font qu'il y a moins de péril pour un homme bien appelle, à lui- Yre la voix de Dieu & de l'Ec^liie qui l'appellent, qu'à demeurer dans quelque autre état que ce foit ; parce que, comme on a dit , il n'y a point d'état où on fe puille fauver fans la grâce , ôc il n'y en a point oii la grâce ne nous y puiilè foûtenir.
Or ce que Ton a dit de l'état Ec- cleilaftique , fe peut dire de même de tout autre état ^ quelque dange-
ENVERS SOY-MlMf. 3S7
jfeux qu'il foie , où l'on ne fe porce point par cupidité de par des. vues Humaines , mais où Ton eft engagé par le confeii de gens vraiment éclai- rez qui nous déclarent que Dieu nous y appelle. Car alors la con- fiance légitime que l'on doit avoir air fecours de Dieu , balance tou- tes les difficultez.
jD. Ne peut on pas condamner de témérité ôc d'imprudence tous ceux qui s'engagent volontairement , Ôc par leur propre choix dans des états dangereux ?
. Â, Non pas toujours. Car Dieu ne faifant pas la même grâce à tout le monde , on n'eft pas toujours eu ■état d'embraller certains états , quoy que plus iûrs , parce qu'on n'en a pas reçu le doii. La vie de continen- ce 5 par exemple , eft fans doute ^oins dangereufe en foy que k mariage. Cependant ceux qui n'ont pas reçu le don de continence, fe- roient mal de s'y porter. Il y a des gens de même qui ne Tçauroienc iouffrir la folitude ni la vie tranquil- le 5 ôc pour qui ces genres de vie font au^deffus de leurs forces : il y
K K ij
îfSS De la Chàïlite* â certaines choies très-faciles e.^ foy , donc certanis efprits font in- capables. Il faut donc juger de la d'fîiculté des emplois par la propor- tion qu'ils ont avec les dilpofitions particulières des perfonnes.
IX. Il lembleroit donc qu'il n'y a aucune règle à garder, &c qu'il eft permis à chacun de choifir l'employ qui luy plaît ?
C'eft encore une faulfe confequen- ce.
i^. Encore qu'on ne foit pas obli- gé de s'engager dans ces genres de •vie qui feroient d'eux-mêmes plus favorables pour le lalut , loriqu'on en a de i'éloignement -, la pruden- ce veut pourtant qu'on falTè quel- que effort pour iurmonter cet éloi- gnement , & qu'on n€ fe rende pas aux petites difficulté z que l'miagi- nation peut prelenter à t'erprit.
2°. La prudence veut au(Ti que cjuelque genre de vie que l'on choi^ liiFe , on ait vne jufte confiance d'en pouvoir, avec la grâce de Dieu , Iur- monter les tentations , «Se remplir les devoirs: & cette conhance,poui: eue jufte 5 demande que l'on con-*
ENVERS SOY-MEME. ^B^f^
îioilTe bien les devoirs de cet em- pioy ; que l'on fe connoilTe bien ioy-même , êc que Ton ait quelque expérience , qu'on a la force necef^ faire pour reiiiler aux tentations de cet état , avec les fecours ordinai- res de Dieu. Ainii quiconque n'a aucune de ces connoiffances , entre témérairement dans fonemploy.
j°. Elle deaiande auiïi que l'on ait un véritable dciir de plaire à Dieu par ce choix, & qu'en jugeant de bonne foy , & fans s'aveugler, on croye l'état que l'on choifit pro- pre pour y faire fon falut.
4°. Elle demande que G l'on n'a pas alTez de lumière pour fe con- duire dans une adion n importante, on ait recours à celles d'un autre. Carcen'efl pas un confeil, mais un com.mandement pour ceux qui man- quent de lumières , d'avoir recours à celles d'autruy.
On peut juger par là combien il y a de gens qui violent les règles de la prudence chrétienne , dans cette ac- tion capitale de la vie.
D, Quel péché eft-ce que d'agir fans aucune vue de Dieu dans le
K K iij
1^90 E)e la Charité* choix d'un 2:enre de vie ?
R, Il n'eft pas facile de le détermi- ner, quand dans cet état qu'on choi- fît , il n'y a point d'occafion pro- chaine de péché ; mais néanmoins on peut dire en gênerai , que c'effc une grande marque qiie l'on n'a point Dieu dans le cœur , que d'a- gir indépendamment de luy , &: ians le confulter dans une adion ii im- portante ) & de plus, quand par ce choix on ne fe rerîdroit coupable que d'une témérité vénielle , néan- moins rien n'attire plus les chûtes mortelles , que ces fortes de fautes , parce que Dieu ne favorife pas d'or- dinaire de fa grâce les choix que Ton fait fans le confulter, paice que c'eft agir comme fi l'on étoit non feulement indépendant de luy, mais que l'on n'en n'eût aucun befoin èâïis la fuite.
0(^rr^
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ÏNVÊRS SOY-MÎME. 5pt
CHAPITRE VU.
Ce quil f^ut confidtrer da?îS U
choix des vertus*
D^ XTA-t-U quelque choix à faire 1 entre les vertus , puifqu'el- îes font toutes neceilaires , ôc même d'obligation ?
/?. Les vertus ne font fouvent ne- ceiïaircs que dans la difpofition du coeur ; c'eft-à-dire , qu'il faut être préparé à les exercer toutes . il on y étoit obligé par quelque devoir. Mais la pratique de toutes n'eft pas necelfaire en toutes fortes d'occa- fions. Ainii on peut faire choix à l'égard de la pratique de certaines vertus plutôt que d'autres.
Z), Quelles font celles aufquelles on doit s'exercer davantage ?
/*, Ce lont 5 i". celles qui nous manquent le plus ^ Se dont le défaut nous peut expoier à de plus grands ôc de plus frequens dangers. Car il ç{ï clair qu'on doit fortifier les en-
K K iiij
Ipi De laCharite' droits foibles de Ton ame , & fe préparer ainfi aux tentations les plus dangereufes & les plus ordi- naires.
2°. Celles dont la pratique eft la plus continuelle j comme l'humili- té 5 la douceur , l'égalité d'elprit , la mortification des inclinations. Parce que les tentations qui nous détour- nent de ces vertus étant plus fré- quentes, rendent auiïi ces vertus plus necefïaires: joint à cela qu'elles lont les fources de l'édification du pro- chain , qui forme ordinairement le jugement qu'il fait de nous , fur ces actions fréquentes & ordinaires.
1**. Celles qui font les plus liées à nos devoirs , de à nôtre état ; par- ce que ces vertus nous facilitant raccompliffemcnt des devoirs auf-. quels nous fommes le plus obligez, nous facilitent le principal moyen de nôtre falut : Ainfi , par exemple , un Pafteur ne doit point pratiquer ordinairement d'aufteritez qui puif- fent le rendre moins capable de fer- vir le prochain dans les fondions de ion miniftere. De même , c'étoit une £mte h cette D^me nommée LzdiCi^^
ENVERS SOY-MEMÏ. 39^
dont parle faine Aueuftin , de vou- Hunctsmarî-
I . ,i , .,, ^ -ni- tus 11 dcponcrc
loir S habiller en veuve ou en Kcii- noinu i hai^nU ) sieufe , contre la défenie de ion "= ^^ ^.^,1"^ ^'-^
«^ . 13 I '• T ^ duam iilovive-
man ; parce que 1 obeiliance a Ion tejaaares^putoj mari , & la confervation de la paix ^^'^ "^^ ^^^ .
•, r r M I • 1 rac in hac re uU
delà ramille 5 etoient ûqs vertus que ad diaen- plus Hées à Ton état , que la p^-ati- .^"'^^^'^'^f"^*"
r ^ ■» 1 r lum perducen-
que de la pauvreté quelle vouloit dus_,m3gis ino. obierver dans Tes habits. bediemu^ ma-
10 j quam uU lius abflinentiœ bono. Quid er.ifn eftabfurdiusj quam muliercm de huniili vefte viro fuperbirc , cui te ponus expediiet obtemperare candidis mo- ribus 3 quam nigeliis veftibus repugnare. Quia &: fî te indumen- tum Monachsedclcûabat j, etiam lioc gratius poflcî , marito obfer» vâto , exortoquc Tumi , qaam iiio incofifulco- , conceiîiptoqi>« prxfumi. S. ^ug.ep, i^^.
4**. Celles dont la pratique efl k moins remarquée , & qui attirent moins par confequent les louanges êiQS hommes, parce qu'il y a plus de fureté à pratiquer ces vertus , de quelles font moins fufpedtes de vanité,
5°. Celles qui nous expofent le moins aux difcours è.Qs hom- mes , de quelque nature qu'ils foient. Car les difcours des hommes^ foit en bien ou en mal , iont tou- jours des lujets de tentations.
6°. Celles qui nous difllpenc k
j94- ^ ^ LA Charité' moins , & qui nous lailfent plus âe liberté de vivre recueillis &c fepa* rcz du monde , parce que fans dou- te CCS vertus font de purs biens j au lieu qu'il peut y avoir fouvent au- tant de mal que de bien , dans la pratique de quelques autres vertus qui nous engagent dans le mon- de.
7*". Celles qui font les plus petites aux yeux des hommes , ôc celles qui édifient le prochain, fans luy eau- fer de l'admiration , parce que ces vertus nous mettent ainfî en étac de le fervir pour fon bien fpirituel, lans nous nuire ànous-même.
S*^. L'impuilîince où on eft quel- quefois de pratiquer certains exerci- ces de pieté , nous doit déterminer à pratiquer ce que nous pouvons , parce que Dieu ne doit rien perdre ; ou plutôt, que devant arriver à une certaine fin que Dieu nous marque , & l'un des chemins pour y arriver nous étant fermé,nous fommes dans l'obligation d'en chercher & d'en embraiïer un autre. Ainiî,c'efl: une tres-faulTe règle que celle de certains Cafuiltes , quifuppofent quelorfque
ÏNVERS SOY-ME^fE. ^95
(l'on ne peut accomplir un précepte félon toute Ion étendue , on n'effc plus obligé à rien de ce précepte : Que qui ne peut jeûner , par exem- ple , en s'abftenant de chair , n'eil: point obligé de jeûner en mangeant de la chair : Que qui ne peut dire tout le Bréviaire , n*eft plus obligé d'en rien dire. On doit conclure au contraire , que l'on eft d'autant plus obligé de faire ce que l'on peut , que l'impuilîance nous empêche de pra- tiquer les préceptes dans toute leur étendue. Qui ne peut s'abftenir de la chair à caufe de fon infirmité , ne laifTe pas d'avoir befoin de mortifi- cation «Se d'abftinence ; ainfi , il ai doit pratiquer ce que fon infirmité iuy permet.
9°. Les divers états de la vie ren- dent la pratique de certaines vertus plus necelÏÏiires dans des temps que dans d'autres : les calamitez Se les affli dirions, foit publiques, foit parti- culières , nous obligent , par exem- ple , à l'humilité & à la prière. On peut dire la mcme chofe de la mena- ce des fléaux de Dieu. Il y a des De- Hoc genus dar. tnons ^àii Jefus-Chrill dans fon Evan- ^cfcur^ûifi^p^
^^6 De la Charitî'
mationem 5^ je- elle. éJiéi ne Ce chapent qnc par Pu-
17. io. ratjon GT far le jeune : quiconqm
donc ell: obligé de chalfcr ces De
mons,efl: obligé de prier & de jeûner
10". Toute tentation oblige a la pra tique de la vertu qui luy ell contrai re ; ainli , toutes les diverfes ren- contres de la vie, font des voix àt Dieu, pour nous appliquer à l'exer- cice de certaines vertus.
£>. Quels inconveniens peut eau- fer le mauvais choix des vertus ?
B, Il arrive alTez iouvent dans cer- taines perfonnes , que l'amour pro- pre , la volonté & les caprices , fe mêlent beaucoup dans la dévotion & dans le choix des vertus ; en forte qu'on fe faif une pieté d'humeur . qui eft peu édifiante à l'égard des autres , de peu de mérite devant Dieu,& qui fortifie peu l'ame dans les occafions oiî elle a beloin de force, îl arrive aufîi fouvent que l'on man- que à des chofes clfentielles , pen- dant que l'on fe charge de pratiques peu neceffaires. 0\\ entreprend quel- quefois par humeur &: par vanité -des aufleritez & d'autres œuvres qui font au>'deirus de nous , que Toç
i
pi
Ï5ÏVERS soy-mem:e. 39^ ?(l contraint d'abandonner dans la Alite , ôc qui nous rebutent de la ievotion • enfin , on fuit plutôt fa v^olonté que celle de Dieu.
D, Quelles font les vertus & les pratiques de dévotion qui ont plus befoin d'être réglées ?
i?. Ce font , 1°. Les aufleritez , ^^^^y^ ^^^ parce qu'on y peut beaucoup exce- immodicè & in- dei- par caprice Se par des zèles pçu l^^^.tlc réglez. Car , comme dit l'Auteur fumpiiirent,!*- de la Vie de Sainte Sjncleti que , at- ['Xmtlhi'Z tribuée à S. Athanaie ; ceux qui ruï- velue qmadvcr-
1 r ^ I j farmra fuftinere
lient entièrement leur lante par des ampimsnonvs- jeûnes indiicrets & exceffifs^ le met- leiem, perdide»
^ 1 • 11 1 r • c > ï\xnz le. vide
tentle poignard dans le lein , & n a- coteUriuminvi^ eiilent pas moins contr'eux-mêmes , ^^ Sjndetic*, que s ils y etoient pouliez par le De- i^i. ^ mon.
C'eft dans ce fens que le Prophète ■Ifaïe rcprochoit aux Juifs, <^iiils ne in die jejunîi fuivoiem c^ne^ lenrs propres volontez. ^^^^ncaTvcTa! dans leurs jeunes , & qu aind ils n'é- iÇak 38. i» toient point agréables à Dieu.
z^. Les entreprifes de dévotion, par lefquellcs on s'engage louvent dans des œuvres qui furpaifent ou les lumières , ou k force que Ton a re- mues de Dieu.
IS^S Delà C h ar i t e' , &rc/ 3". L'orairon extraordinaire, parc qu'on afpire quelquefois ta des de grez d'oraifon , où Dieu ne not cleve point , de que l'on ne deiir que par une fecrete vanité , ce qi donne lieu à une infinité d'iUufioni Car on doit être perfuadé qu'il y tres-peu d'ames que Dieu tire de 1 voye commune, qui efl; celle de trai ter avec luy par une diverfité de peu fées , & qu'il en élevé tres-peu à 1 pure contemplation , qui confift' dans de fimples vues fans diverfit' de penfées : il eft même tres-dange reux de vouloir prétendre de foy même à ces états extraordinaires & furnaturels.
Enfin , la règle la plus alfaréi pour le choix des vertus & des exer- cices de pieté, efl qu'il faut tâcher d( dépendre de Dieu en tout , de lui- vre Dieu en tout , & d'éviter er tout l'ambition lecrete qui nous porte aux chofes qui nous paroiileni grandes <3c relevées.
1:
399 N E UV I E'M E
INSTRUCTION,
i De V amour du Trochain ,
0 V
De la charité envers le TrochahK
CHAPITRE PREMIER.
^ue l^ amour de Dieu produis
necejj'atrement t amour du
Prochain.
L
Z?. X E commandement de Ta- mour du prochain ^ eft - il différent de celuy de l'amour de Dieu ?
R, S. Au^uftin a remarqué que ces ^^^è înr?ni deux commandemens de 1 amour de ^ue mveuicux Tome II»
400 De la Charitî*
?n Hnguli't. Nâin Dicu , & dc l'amour du prochain, 1
éi qui diligu ,, •! „ '
Dcum non cum Comprennent mutuellement : Ceu> potcft contcm- ^[x. ce Pcrc, cui conçoivent bien le
nere prjecipien- i r *r -i
tcm , ut diiigat choies. Comprennent facilement qu proximum & cîiacun de ces deux préceptes renfer
qni lande & r l
fpititaahtcr di- me 1 autre, Car celuy qui aime Dieu ;igic p oxmium j^^ p^^^^ p^^ mcprifer le commande
«quid m eo dili- ^ i * r
sù mfi Dcum. meiit qu il nous a fait d'aimer 1- T^£" '''• ^^" '" prochain ; & celuy qui aime fainte ment & fpirituellement le prochain Ji'aime rien que Dieu en luy.
JD, Comment l'amour de Diei comprend-il l'amour du prochain ?
R, C'eft premièrement, que Dicu commande d'aimer le prochain , ie- lon ce que dit S. Auguftin. Or qui ai- sne Dieu , aime ce qu'il com.mande. 2^. L'amour de Dieu nous porte naturellement à aimer les ouvra- ges de Dieu , & tout ce qui porte quelque caraâ:ere de Dieu. Or no- ire prochain , ou pour mieux dire, •l'homme eft non feulement l'oi*- vrage de Dieu , mais fon image ; •& il nous reprefente plus Dieu , 'que toutes les créatures corporelles : par confequent l'amour que l'on ai j>our Dieu, s'étend naturellement ikr ie procKain. ^
-ÎKVERS LE PROCHAIN. 40I
ri°. On ne fçauroit aimer Dieu comme il faut , ians fouhaiter qu'il foie révéré , adore , & aimé de tous ceux qui en font capables ^ de par confequent fans fouhaiter que les hommes le révèrent , l'adorent , & l'aiment. Or aimer le procham, n'eil: autre cholb que fouhaiter 6c procu- rer qu'il révère , qu'il adore , & qu'ai ^ime Dieu.
4**. Aimer Dieu,c'eft aimer la jufti- ce 5 & procurer que la juftice ibic gardée. Or il eil jufte que tous les hommes aiment Dieu. L'amour de Dieu nous oblige donc à porter tous les hommes à aimer Dieu j, & por- ter les hommes à aimer Dieu y c'ed les aimer.
j^. Quiconque aime Dieu , entre dans l'inchnacion de Dieu , & ai- me ce que Dieu aime. Or Dieu par une bonté qi\^ luy eft elfentielle , ai- me tous les hommes. Il les deftine à la fouveraine béatitude^ il les y appelle tous , èc il leur ofFre à tous le prix dû fang de fon Fils , com- me nous l'avons expliqué ailleurs. Quiconque aime donc Dieu , entre p^" necelTité dans ces mêmes fenti^ Tome IL L 1
401 De laChariTe' mens de bonté Ôc de miiericord^ envers les hommes.
CHAPITRE IL
De quelle nature eji cet amour dtt
frocht^in , on cette charité qui
nous eJi commandée.
D. /^Ue doic-on entendre par v^l'amour du prochain , oa la chanté envers le prochain ?
R, Il paroît qu'on ne devro:t point faire cette queftion , puifque tout le monde fcait ce que c'eft qu'ai- mer, & que perlonne n'ignore que Tamour eft un mouvement de la vo- lonté vers quelque chofe. Cepen- dant on eft obligé de la faire & de l'expliquer, à caufe d(i certain s Au- teurs, qui ont enleigné, Que nous n'étions obligez envers le prochain, qu'à Taflifter , & non à avoir de Taft-edion intérieure pour' luy ; & que l'on fatisfiiloit à l'oblif^atioa d'aimer le prochain^en luy'faiiant du hi^n ou cemporellement , ou Ipiri-.
ÎHVERS lE PROCHAIN. 405
tuellement , fans aucun mou-vemenc intérieur d'amour.
D, Quel jugement doit-on porter de cette opinion ?
R, On doit juger qu'elle eft très- contraire aux prnicipes de la Reli- gion chrétienne,
1°. Puifque l'amour du prochain n'eft qu'une fuite &c une exteniion de l'amour de Dieu, & que c'en eft une fuite necelfaire -, Si l'amour de Dieu efl: un mouvement , il ne-fe peut pas fciire que l'amour du pro« chain n'en loit pas aufli un.
2.°. Si l'amour du prochain , qui nous eft prefcrit , ne coniîftoit qu'en ies œuvres extérieures , il ne 'pour« roit s'exercer envers la plupart des hommes , puilque l'on ne peut pas Faire charité aclaellement à la plu- part des hommes. La pauvreté,- les maladies , & mille autres neceffi- tez , en interoinproient le cours» On ne pourroit donc pas dire que la charité e(l inépuilable , puifque les fëcours qu'on peut donner à un homme font tres-facilem.ent épui- fez. On pourroit s'excufer de la cha- rité du prochain , puiique Ton pcuc
Li 1!
4^4 DïtACwARîTl'
ïccledaCa- ibuveiic s'cxcufer juftement de ce^ ciiiiftianoium Iccouis. Cependant fes Pères eta-: vci.fii.ua , non blilîènc cout le contraire. Ils enfei*
folam iptum , i • i t . / < t
Dcum,cujusa- gncnt qu on doit la chante a tout lie cicptio vua cft jïiondc. L'Ec^ife.dit S. Aueuftin, in-
bcatiffima, pu- „ . - Jj ' , D. '
jiffimc atque Itiuit les entans qu ils ne doivent pas caftifliinc co- toutcs chofes à tous , mais qu'ils
Jcndum proedi- , i i • / j-i
cas . . . led e- doivent a cous la chante , & qu ils ne tiamproximi d-oivcnt faiic injuilice à perfon-
Ciilcaionem at- J i
que caiitatem nC,.
Xndéf qucm: ^^' cnfeignent que l'on ne manque admodum ôc jamais moyens d'exercer cette cha- IZtTuZ.. "té générale. Vous me direz , du jiibus cantas, 5c faiiit Auguftin , que vous n'avez ^^T^i. «en à donner aux pauvres ; mais tit Mo-, Ecci. pouvez-vous dire que vous ne puif-*
^potesmihidi- fi^^ P^^ ^voi'^ ^e, ^^ ^^^^^'^i^é pour cfre non habeo eux ? Or la charité eft un bien que L°4na^?'^^'° pofTede d'autant plus pleine-, nunquid potes ment , que l'on le diftribuc plus» î?uteal''tc habc- abondamment.. Il fè peut faire que xc non poflc ? VOUS n'ayez quelquefcws ni or , ni j>oflefliotamo argent 5 ni habits , ni huile à don- plus augaur, ner ; mais vous ne pouvez avoir-
«uanto a.'uplius j> r i • •
erogatur . f . . d exculc légitime qui vous exempte Auriini , argen- d'aimer tous les hommes ; de de-
tum , veftc.n , r i j
iru.ncmum, vi 1^-'^^ pour les auties ce que vous de-. ^'''"«^r'^^^^'^ /irez pour vous-même, & de par-.
■potcft neri , ut i ^ <
.âiiquotiens non dcuiner a VOS ennemis $ parce que
ENVERS tE PROCHAIN. 4^0,5'
«jgiioy que vous n'ayez pas de quoy '^^uTribur''frf. donner dans vôtre grenier , ou dans buas : uc autem vôtre cave , vous pouvez en tirer °'.p"" Commet du trelor de votre cœur. Puis ahis quod tibi donc que la bonne volont^é tou- ^^^^^^^ te feule fuffit à tous les hommes , duigeas , nun- & que l'aunwne du cœur eft plus ^T^l^T'; confiderable que l'aumône du corps, quia û in ccila. qui peut alléguer un onjbxe de pre- îl^^n hâbT texte pour s'en difpenfer l quod <iarc pof-
^ II y a même certains devoirs que cordt^iato"« l'on ne peut rendre au prochain , proFene qu«d uns une affedion véritable & inte- omnibus hJi^
iamiî Te* )ona vo- fufSciaf,
devoir elfentiel à tout Chrétien de ^ ^^^ï^ofynâ
I t • -r cordis mulco
prier pour le prochani , puiique ^ajor fie/ toutes les prières de TEelife le font q^â eieemofyna
^ t, »i n corporis , quis.
en commun , «x quil noua eit or- eft qui vei um- donné de prier pour nos ennemis, biam exsufauo- IJ, Les paroles qui contiennent^cndere. nom. le commandement d'aimer le pro- ^- '"î''^®*'^""^ chain ^ ne fuffient-elles pas pour * ^' prouver qu'il le faut aiaier par une véritable affedion > , JR, Guy , Se les mots d'amour Se de diledlion qui font employez dans ce précepte, ne Ço, peuvent entendre , Servabîtur m
13 rr n ■ ' • • /-^ locutionibus '£•
cpc dame aire Choix intérieure. Car ^maçis re^iilak
rieure. Car on ne prie point fans nibuseciî
o r ^ r /■^ ' n. la fit , bc
amour , & lans denr. Ur c clt un i^nras fu
40^ De laCharitî* /lujiîrmodî , ut 1^ icalc de faint Auauftin efl:, miff diiigcii confule. ^^ chaiitc étant la nn de la loy , les rationequodic- padàacs qui parlent de la charité fe
gitur ,doncc ad j • "-^ -^
xcgnum chaii. cioivcnt expliquer proprement , 2c tâtis intciprc- q^q j^s cxoreflions figurées fe peu-
tatio pciduca- •• , . ^ <~> -t .
tiir Si autem vcnc bien rencontrer dans ce qui hoc jam prop, ic ^cnd , M qui fe rapporte a la charité;
ionat , nulla • n
piitatui hguia- mais que celles qui marquent pro- taiociirio ^. piemcnt la charité , ne peuvent être x>o(j/. c/;r;j/. priles pour ngurecs , puiique la '^' '^' charité eft la vérité des figures.
Tn fraternira- L'Apôtre faint Pierre exclut for- lL^'!.'?"^'i"^' iiicllement ce faux fens , en nous
piici ex corde /
inviceni diiigi. Ordonnant ^6" rjoHS aimer avec
"r/rr?î'"^* '* ^^ ^^^'^ Jimpîe j ou comme porte le Grec, avec un cœur pur. Il faut donc que le cœur y ait part. Ce qui fe fait fans mouvemenfdu caur , ne fe fait pas avec un cœur pur 8c f mple ; c'efl au contraire urie efpece d'hipocrifîe , «Se un amour propre qui le déguile en amour du pro- chain. Enfin , Jcfus- Chrifl même l'exclut , puifqu'il propoie Tamour qu'il a pour nous , comme le mo- dèle de l'amour qu'il nous oblige» d'avoir pour les autres. Le Comwan^ Hoc cft pr^- dément que ie tous dor??7e , dit le Sei-
Ut dih-aas m- gî^c^i" j c ejt de ZQiiS nmicr Us uns ki
ÏNVERS Lï PROCrtAÏK. 407 Htres , comme je vous ai aime, Aui- vicemficut dî-^ eft-il fi eircntiel à la chanté dUi:'^^^^' îltrochain d'ctre intérieure, que laine J^aul la marque ordinairement par a mot d'entrailles , vlfcera , pour nontrer que la charigé confilie dans m mouvement lemblable à celuy [ue les mères ont pour leurs enfans. 7efl: l'origine de ces exprelïïons, vif- era mlferationis , entrailles de miferi^ orde , dont T Apôtre fe fert dans TE- 'itreaux Philippiens : & pour mar- vhiu^. 1, ?; juer la charité deTite envers les Co- inthiens, il dit, vïjbera eji-is ^hundan- ^' ^"^^ 1* ^J» Ihs in vobisfunt : // a plus d'entrailles tour vous cjîie vowr qui que ce fait. Il recommande aux Coloffiens de J^'Y^^'n^'' r rezfitir d''entr,^illes de ?/2f^?r/- fanai &: dilcai ■o;-h. C'eft auffi pourquoy faint ^^^ ^^^^ 3arile ne reconnoit point de vrave < 1- rharitépour k prochain , que celle ^truth''"" :jui nous fait prendre part à les biens «i'^o , dokie &
1 • o ^ r 1 anei in iis rebas
par la joye , & a les maux par la ex V'bu$ ixdi^ :nilellc. Il nV a donc rien de plus tur is , advenus certani que cette dodnne , Que la Lberur , fimi- charité pour le prochain ne rcnfer- iïteique jpfîus me pas leulement 1 aCnon exterieu- &pioeâiaboia^ le , mais aufïî le mouvement in- ^'-- ^. ^''fi^- "» teneur de chante ; ce que lamt Bo- adinur. .75,
j^oé De lA ChaiIitï*
naventure cxpiime par ces paroles ^ Qu'il faut aimer le prochain par TafFedion &c les efFcts de la charité* Caritatis ^jfcElu & tjfeBn^
Pour rendre cette propofition plus feniîble , il e{^ bon de le icrvir de cette comparaifon , lur laquelle il ne faut qu'écouter la voix de la rai^- fon. Si nous aimions parfaitement quelque grand Roy ^ que nous luy enflions des obligations infinies , éc qu'il nous eût recommandé d'aimer quelqu'un , comme étant aimé de iuy , & de procurer à cet homme tout le bien que nous pourrions i n'eft-il pas vray que Tamour que îious aurions pour ce Roy , s'éten- droit fur celuy qui nous auroit été recommandé , & que cette confide- ïation nous le rendroit cher? Or c'eft en cette manière que Dieu nous a engagez à aimer nôtre prochain : il nous a nous-mêmes comblez de biens, & il nous a liez à luy par des bienfaits qui furpaiîent nos penfées :. Enfuite il nous a déclaré qu'il vouloit que nous aimafîions nôtre prochain , comme il nous a aimez luy-même:il 31QUS a ordojmé de, témoigner par les
affiftances
k.
avo'
l'ei I
la fi vil
tKVERS LE PROCHAIN. 409
illîftances que -nous rendrions au 3rochaiii , la reconnoilîance que lous devons à luy-même ; n'eft-il donc pas vifible* que Ton ne fçauroic avoir de l'amour pour Dieu , s'il ne s'étend jufqu au prochain.
X). Par où paroîc-il que Dieu nous a recommandé d'aimer , de de ier- vir le prochain ?
i?. Cela paroîc clairement par ec manda Wr l*Ecriture fainte : // leur a recomman- ^nicuique de de achacHUy dit l Ecclelialuque, a a- £ccUf. 17. ,t. voir foin de leur prochain. Le com^ Hoceftprs- tnanaement cfue je vous donne j dit ut diiigatis in- Tefus-Chrift dans l'Evaneiie , efi de ,^^""^ lïcucdi-
•^ . , , o -^ lexi vos. joanJ
V9HS aimer Les uns les autres _, comme y^ » j. n. vous aï ai?ne7. Je vous fais un nouveau Mandatum
, ^-^ ,. ., . novum do vo-
commandement , dit-il encore , cjui bis , uc diiiga. efl que vous vous aimiez^ Us uns Us au- ^^^ ^^.^'^^""^ '^-
•^ ■' , :, • . eut dlleXl TOS ,
très y & e^ue vous vous entr aimiez. ^ ut & vos diU-. comine je vous ai aimez, , S^"^ mvicem»
- ' Z^.L amour du prochain n a-t-il pas fon fondement dans la loy naturelle? R. Oliy. Car puifque l'homme veut être aimé du prochain^il efb jufte qu'il aime luy-même le prochain. Il eft jufte de plus ^ que tous les mem- bres d'une focieté s'entr'aiment & s'entre- recourent. Or tous les hom- Tome IL M m
410 Delà Charitî* mes font unis entp'eux par divers liens 5 & foiin^ent une efpccc de l'ocieté commune , dont les règles font fondées fur la Juftice ccernelle, Aimer les hommes pau Tamour de ces règles , c'eft les aimer par i'a^ mour même de Dieu , parce que cet- te jufticè eft Dieu même.
D. Comment Tamour du procliain comprend-il celuy de Dieu ?
R. C'eft que par cet amour du prochain , nous de (irons foumettre le prochain à Dieu : nous délirons qu'il Tâime , & qu'il Tadore. Ainfi comme c'efl: l'amour que l'on porte à Ton Roy, qui fait que l'on luy vou- droit affujetir les autres peuples ', afin qu'il régnât -fuL" eux ;• c'eft de même l'amour de Dieu qui fait que nous defirons luv loumettre le pro- chain. Il y a feulement cette diiî-e- rence dans cette comparaison , que ce n'eftpas toujours le bonheur d'un peuple d'être alfujetis a un Roy par- ticulier \ au lieu que c'eft toujours le bonheur des hommes d'être alfujetis à Dieu. G'eft dans ce fens que Ton peut dire que la fainte Ecriture ren- ferme toute la Loy dans Tamour du
SNVERS LE PROCHAm. 4ÎÏ )rochain j celuy qui aime le pro^ :haln ^ dit TApôtre faint Paul , ac^ :ompilt la Loy, Car il n'eft; pas ^cran^e qu'elle renferme toute la Onidiligit Loy dans l'amour de Dieu. Or l'a- I^S^^Ïk^iû'' nour de Dieu eft compris dans la- Rom.i^.i, Tîour du prochain , puifque cet imour n'eft autre chofe qu'un defîr irdent que nous avons que le pro- chain loit parfaitement alfujeti à Dieu , ce qui eft par confequent ine fuite necelîaire de l'amour que lous avons pour Dieu.
#
CHAPITRE III.
"De l'ètcnâu'é de l^ charité envers le prochain,
D, T E précepte de la charité du L^prochain, s'étend-il genera- ement à tous les hommes ?
K, Saint Aueuftin conclut de la si vd cu'prarÇ Parabole du Samaritain de l'Evan- à^^tTob^pI^Î ^ile , que le prochain comprend tous bendum eft oiE-
' • ^1^ , cium mifericor-
ceux a qui on peut rendre, ou de di^.reaè proxi. qui on peut attendre quelque office "^^^ dicitui,ma de miiencorde ^ ce qui comprend , pr$cepco q
hoc
uo
M m ij
412. De LA Charité' juhemur aiiigc--(3it cc faiiit Dodlcur , & les hommes
te rjcxiir.um _ i a
ctum fanctos ^ l^S AngCS.
An^cios cond- £), Le précepte de l'amour du'pro-
j.tir, a quibus , . ' • t rr ' j i i»
faîîianobis mi- chaui , etoit-il aulli cteiidu daiis 1 aii- icticoidia: im- cicniie Loy , que dans la nouvelle 2 R. Pour reloudre cette difficulté .
tja. ^"i- /. I
fe uoa. (hr. c. ji faut diftinguer tes effets exté-
rieurs de*la charité que Ton doit aux ennemis , à l'égard du falut éternel ^ les afTiftances temporelles qu'or, leur peut rendre.
On ne peut nier à l'égard des bien; éternels , que ce n'ait toujours ét< une Loy indifpenfable de les fou- haiter a tous les hommes , fans ei excepter les ennemis : c'eft pour- quoy Ton voit que David exhorte ei gênerai toutes les Nations à lotie laudate Do- Y)[q^^ NatlonsAoHtX le Seianeur . s'é gences, badace crie cc Prophète ; Peuples ^ loitez^'i
eum, omnes po- ^^^^^^ Q.^g ^^^^ /^^ PeuVleS pllhUcûî VO puli. Pfii6 I. . .. ^^ - -, .' ^ .
Conficeancur loitanges , 0 mon DicH ; cjite tous le tibi popuh _ Peuples voits loïtent & vous render:
Deus , conhtca. . ^ ^ rr \ j> • T-k-
tur ubi populi fr^c^j-.hnerret,ie moyen d anner Die'
«mttês. f/. 66, ^3j^5 iouhaitcr qu'il ne foit point ou
tragé par les hommes ? Or c'ell c<
qu'on appelle aimer les homme
pour Dieu.
Mais pour les majpques extérieure
1NVER€ LE PROCHAIN. 4!^
:?e charicé , il ne paroîc pas que Dieu ait voulu que les Juifs en ren- dilFent beaucoup à ceux qui n'é- coient pas de leur Religion , parce qu'il avoit deileni de les en tenir fort ieparez , à caufe de la pente que les .Juifs avoicnt à Tidclatrie ; c'eft pourquoy il leur avoit plutôt commandé d'exterminer divers Peu- ples ; ce qui n'eft pas néanmoins con- traire à la dilpolition de charité gé- nérale. Car comme les Juges , fans bicrter la charité, peuvent condam- ner les criminels à la mort , de fai- te exécuter leur arrêts -, de même les Juifs 5 1 cachant que ces Nations écoient condamnées de Dieu , onc pu fans blefler la charité , exécuter cet arrêts de Dieu.
Ce que Jefus-Chrill a donc ajouté fur ce point à la Loy de Moïfe , neih pas feulement le principe intérieur de l'amour des ennemis , mais ce iont iiUiîi les effets extérieurs de cette charité , qu'on efl: obhgé de rendre au prochain dans la Loy de f Evan- gile, avec beaucoup plus d'étendue ; parce que bien loin que dans TE- yangile il y foi: commandé d'ex-
M m iij
\
414 De ^^ Chaé-ite' terminer aucun peuple, il y efl: atî contraire précifement commandé de faire tout ce que l'on peut pour at- tirer les hommes à la connoiflance & à l'amour de Dieu , par des bienfaits même temporels.
CHAPITRE IV. De l'amour des enner/iis.
D. /^^Uels font les fondcmens de V^ l'amour que nous devons à nos ennemis ?
F, Tout ce que Dieu aime dans tous ceux qui font nos ennemis, nous oblige à les aimer. Or Dieu les aime , parce qu'ils (ont fes créa- tures , fes images ; qu'il les a appel- iez au bonheur éternel,qu'ils en iont capables par leur nature , & qu'ils font encore dans la voye d'y arri- ver. Mais les hommes vraiment chrétiens , en ont encore une rai- Cum înîmî- fon qui leur eft particulière. C'eft
cum amas , fra- ,.,*■. * •r^'i'^
ïiem amas.Qua- qu ils Ignorent ceux qui Iont élus, propier perfefta ^ qu'on doit jueet dc tout hom^
aiUaio, cft ini- -^ • i- ° >-i 1
raid diieaio ; HIC cn particulier quil le peut etre^
ÎNVÏRS LE PROCHAIN. 415
\infi ils ne peuvent haù perfonnQ.^^^^V'^^^^^-^'- , ,■ r • A n- 5 je:tio eft in di.
le peur , dit iaint Augulhn , qu en icaione tcicer- >enrant haïr un ennemi , ils ne '^^' ^^ „^"i-
..,T r iratt.i. m tb.
iailient un rrere. jo4«.
D, Eft-il injufte de haïr fes en- .lemis ?
R. Oliy : Car toutes les raifons qui peuvent porter à les haïr , ne •ont que des raifons d'amour pro- |[3re^ au lieu que les railons de cha- rité nous portent à les aimer. Or il ?fl: in Julie que l'amour propre domi- ne en nous , &: qu'il l'emporte fur la charité.
D, Ne peut-on pas les haïr , à cau- fe de leurs défauts véritables , mê- me félon la charité ?
R, Quelques méchans que foient les hommes , la charité nous peut bien port:;r à haïr leur méchanceté; mais elle nous oblige en même temps à tâcher de les en délivrer , & à leur en fouhaiter la délivrance. De plus , la charité nous oblige de rcconnoître en nous le même fonds de corruption , qui produit dans les autres les mauvaifes actions : dt comme nonobilant cette mauvaiie difpofition , que nous fçavons qui
M m iîij
j^jG De la Charité* cft en nous , nous ozons nous flat- ter que Dieu ne laiiTe pas de noui regarder avec pitié ; il ell donc hier jufle que nous ayons pour les autre; la même dilpofition de milericorde que nous nous flatons que Dieu c pour nous.
D. De quels motifs fe peut-of fervir peur exciter les hommes a l'a- mour des ennemis ? " J^. Comme rien ne s'oppofe er liious à l'amour des ennemis , que le loulevemcnt de l'amour propre contre quelque injure reçue -, ou quelque tort que ^nous prétendons qu'on nous a fait ; il faut d'abord appaifer ce foulevement, par les rai- fons que la Religion nous four- ^^it.
-D. Quelles font ces raiions ?
^. Il faut convaincre l'efprit que ce prétendu ennemi ne nous'a point nuy : que s'il nous a ôté quelque chofe de ce que nous polfedions , il n'a été en cela que Tinftrument de la juftice de Dieu. Or comme on ne hait pas l'inftrument de la juftice des hommes , il n'éft pas jufte de haïr les inftrumens de celle de Dieu,
"ENVERS LE PROCHAIN. 417
Dieu qui a voulu que ce prétendu bien nous fut ôté, n'a pas feulement Jjugé que cette privation étoit jufle ^ mais il a jugé qu'elle nous étoit uti- le. C'eft nous qui nous rendoiis cet- te privation inutile, par le mauvais ufage que nous en#faifons : mais dans le deiïein de Dieu, elle nous pouvoit procurer des biens mille fois plus excellens que ceux qu'elle nous ôte. Quelque fut le delTèin de cet ennemi qui nous a ôté ce pré- tendu bien , ou qui nous a dcfobli- gé , il nous mettoit en effet la cou- ronne fur la tête , ôc fa malignité en faifoit une partie j car c'étoit uiî remède dont Dieu avoit jugé que nous avions befoin pour mortifier nôtre amour propre , qui voudroic que tout le monde fût occupé à nous aimer. Car enfin la haine de cet en- nemi , qui efl: fi fenfible à nôtre amour propre , n'efi: pas tout-à-fait injufte ; Ôc fi nous voulons faire re flexion fur nous-mêmes , ôc ne nous point flatter , nous trouve- rons que nous méritons cette haine par bien des endroits , en forte que par rapport à nos pèches , & à ce
4î8 fttLACHARItE*
que nous méritons par nous-même Dieu ne nous fcroic point d'injulH ce , quand il nous rendroit Tobje de la haine de toutes les créatures Ne fommes-nous donc pas bien in. juftes de nous plaindre que de C{ grand nombre «dennemis que nou méritons d'avoir , Dieu en laiifi agir feulement quelques-uns contre nous pour nous purifier ? Ceux qu nous naiirent , & que nous eftimon: être nos ennemis , ne lont pas feu- lement en cela miniftres de Dieu qui perm.et leur haine pour notre bien ; ils le Ibnt aulTî du diable , qq. prétend fe fervir d'eux pour nouî perdre. C'eft luy qui domine leui volonté. C'eft luy qui excite Icui averfion , & qui veut par cette averfion qu'il excite en eux de en nous 5 éteindre nôtre charité. Au lieu donc de nous attacher à ce pré- tendu ennemi, à cet homme foible , & dominé par le démon ; que ne nous attachons-nous plutôt a reli- fier à celuy qui nous attaque veri-r tablement ? & que ne nous occu- pons-nous uniquement du foin de refifter à cet ennemi invifible , eu
ENVERS LE PROCï^AIN. 419
éteignant par la charité , le feu Se la. haine qu'il veut allmner cfans nôtre cœur ?
Quel feroit le cœur alfez dur pour s'abandonner, au mouvement de haine contre un ennemi , dont il auroit reçu à la vérité quelque in- jure, s'il le voyoit en même temps jetre brûlé wif , ou expirer dans ie^ plus cruels fuplices ? Or il arrive tien pis que cela à ceux qui nous perfecutent injuftement , puifqu'iis s otent à eux-mêmes la vie de Ta- me , qu'ils Ce livrent au démon , qu'ils fe rendent ennemis de Dieu , 6c qu'ils fe dépoUiUent du droit qu'ils avoient au Royaume éter- nel : ainfi nous devons bien plutôt les plaindre , quoy. qu'ils nous per- fecutent même injuftement, ou qu'ils jtious falfent quelques injures ; puif- qu'iis attirent fur eux tant de maux, éc qu'ils fe reduifent dans une fi grande extrémité de mifere.
Que fi la charité avoit lieu d'en porter un jugement plus favorable. Se de fuppofer que leur prévention contre nous, ne leur auroit pas ravi la grâce de Dieu, la haine que nous
iLio De la Chakite concevrions contr eux , Icroit enco- re beaucoup pius injufte. Car cette avcrfion qu'ils auroient contre nous^ Se qui les porteroit à nous nuire ^ à nous haïr , ne feroit dans leur ef^ prit qu'une efpece de nuage , qui obrcurciroit bien leur charité , mais qui ne l'étendroit pas. Ils nous ai- rtieroient effedlivement , puiiqu'ils aimeroient ce que nous fommes en effet , & que ce ne feroit que par une erreur humaine , qu'ils nous au- roient pris pour autres que nous ne fommes. Ce ne feroit donc pas des ennemis que nous haïrions en eux, ce feroient des amis ; Ôc nous nous rendrions bien plus injuftes qu*eux en les haïifant , puifque leur erreur ne feroit que 'dans leur elprit , Se n'infecleroit point leur coeur ; au lieu que notre haine corromproit en nous fefprit Se le cœur.
Mais la principale raifon qui en- gage les hommes à l'amour des en- nemis , c'eft que c'efi: une injufticc vifible & fins excule , de ne traiter pas les hommes de la même ma- nière que nous avons été traitez de Dieu, Se qnc nous defirons de Te-
ÏNVERS LI PROCHAIN. 4ît
cre. C'eft néanmoins ce que fonc ceux qui confervent dans leur cœur de la haine contre quelqu'un , dc ceux qui ne pardonnent pas fnicere- ment. Car c'eft là proprement l'ef- pece de la Parabole de l'Evangile, j^atth.iî.in qui nous reprefente ce mauvais fer- &H' viteur , qui ayant reçu de fon Maî- tre la remife de dix mille talens , ne voulut pas en remettre cent à un au- tre fervieur qui les luy devoir. Ain- fi comme la dureté de ce mauvais • ferviteur fliit revivre toutes Tes. dettes 5 de même la haine que Ton porte à quelqu'un de l^s frères , fait revivre en quelque forte tous les péchez que Dieu avoit pardonnez : & l'énormité de l'ingratTitude qui eft jointe à cette mauvaife difpofition, rend l'ame aulîi criminelle qu'elle rétoit , par tous les péchez dont on avoit obtenu la rem'iffion.
Ce n'eft pas feulement témoigner à Dieu une ingratitude horrible , mais c'eft faire encore une injure -fignalée au fang de Jefus-Chrift même. Jefus-Chrift a fatisfait pour tous les péchez des hommes par l'ef- fufion d^ ion fang précieux , ôc
411 De la ChaPvITe* par confequcnt pour tous les crimes de ceux que nous appelions nos ennemis. Dieu eft prêt, en confide-» ration de ce lang , de les leur re-. mettre ^ pourvu qu'ils luy en de- mandent pardon , fa juftice eft fatis- faite. Que fait donc un homme qui ne pardonne pas à fes ennemis , &c qui nourrit la haine dans Ion cœur? Il n'accepte pas le prix que Jefus- Chrift a payé pour les péchez des • hommes ; il le rejette comme in- fuffilant , de renonce liîy-même au fang de Jefus-Chrift , & a la re- milîion de les propres péchez , puifl qu'elle ne luy a été accordée , qu'à condition qu'il pardonneroitaux au- tres. Ainli il' aime mieux que Dieu ne luy pardonne pas, que de pardon- ner; il aime mieux que Dieu celîe de l'aimer , que de celTer de haïr Ion ennemi j (3c il préfère cette hai- ro>'t !es inf- ne à l'amour éternel de Dieu , & à fr«f7» ri /Kr/'o- jQ^g 1^5 mérites du fan^ de lefus-
lechap. y. pa^e Chriit ; ce qui eit le comble de la ^7- folie^de ringratitude,<Sc de l'injuftice.
IWVERS LE PROCHAIK* if.Z$
CHAPITRE V.
A quoy oblige r^mour des ennemis.
D. 1"^ Oit-on à Tes ennemis tout l_^ ce qu'on doit aux autres hommes , 6rmême a Tes amis ?
R, Il faut diftinguer la chanté in- térieure 5 d'avec les offices exte^ rieurs de charité. Car à l'égard de la charité intérieure , on ne doit point douter qu'on ne la leur doive , de même qu'aux autres hommes. Ain^î nous leur devons fouhaiter fînce- rement les biens éternels , & même être prêts de les leur piocurer au- tant qu'il nous eft poiTible. On ne les doit point exclure des prières gé- nérales , ni les diitinguer en aucune forte dans l'intérieur , du refte des Chrétiens.
D. Eft-on obligé de prier pour eux en particulier ? - 'R. Non feulement on doit prier pour eux comme pour les autres ^
414 ^' ^^ Charit-e*
mais on le doit faire même avec plus de foin : Car comme on eï^ plus obligé de faire l'aumône a ceu> dont la necelllté nous eft plus con- nue , on ell aufîî plus obligé de faire Taumone fpintuelle de h
prière
fes
ennemis j parce que
%
Dieu en nous faifant connokre leu dérèglement plus qu'à d'autres nous met dans une obligation plu particulière , de tâcher de les ailî fier par nos prières. De plus , let injures que nous avons reçues d'eux iont des tentations pour nous , qu nous loiiicitent a la haine , ainl nous iommes obheez d'y relifter : 6 la manière la plus propre a le faire eil d'exciter nôtre charité en pnan pour eux. D. Que veut donc dire l'Apôtr . ^- _ faint' Jean par ces paroles de l'Evan
ad mortcin,noii glle '. IL Jf A Un pCChc A LA mOKt , J
F^^^^^°^ '^^ ne dis pAS que Con prie pour cette fin ^e. s 16 de pcché ?
J^A^iZl ^- Il F^le de certains pèche iii3joaiuic$,ni»i joints 3. 1 impemteiice , pour lej tànulq^àài- q^els on ne peut pas pner avec J cis, ô Apoftoïc, même confiance ; mais dont on do imLo gem« plutot gcmir que pner , lelon lau
Bernar
^o:
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*-— ^ ^ " '-^ '* :? : — X"^ HHMWiMiikW . Tarses j, :u:^ seil^
rgDDD>rnttiigTr5
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4^4 ^' ^^ Charit-e*
mais on le doit faire même avec plus de foin : Car comme on eft plus obligé de faire l'aumône à ceux dont la neceflité nous eft plus con- nue , on eft aufîî plus obligé de faire Taumône fpiiituelle de la prière à fes ennemis ; parce que Dieu en nous faifant connoître leui dérèglement plus qu'à d'autres . nous met dans une obligation pluî particulière , de tâcher de les aiïî- fter par nos prières. De plus , les injures que nous avons reçues d'eux, font des tentations pour nous , qu nous follicitent à la haine , ainf nous lommes obligez d'y refifter ; ô^ la manière la plus propre à le faire eft d'exciter nôtre charité en prian pour eux. D, Que veut donc dire l'Apôtn . ^- faint" Jean par ces paroles de l'Evan
ad raortcm^non giie : Il ji a Hf7 pcche o. LA mort J J
praillo dico ut ^^ ^-^ ^>^^ ^^-^ ^^^^ ^^^^^ A^^
rogec quis. i. / / f f J
"jo. % i6 de pcche ?
lus joanncs, non joints à 1 impeuiteuce , pour lei fédnunquiddi- quels on ne peut pas prier avec l cis,ô Apoftoie, même confiance ; mais dont on do
ut guisdefperet, i a -^ • • r 1 T ;
««mo gemac P^w^ot genur que prier , lelon lau
Bernar*
1
ÎMVERS I/E PP.CCHAIN. 425
'ernard , quovque ce cremiifcnjcnt l^iî 'l^^m amat.
• 1 , L Ll Non pratlumat
Oit une prière , mais plus humble, orarc , nec deû-
flat plorart
bfitautem à nobhjUt ctiampro talibu-;, etfî palam non pra^fumimus, cl.in cordibus Holhis oraie celieiriuSjCum Taulus ces quoque 1-ige- .n^quos fine ptcnitcntiâ mortaos fciiec. S. Bern» de gra.i^ bum,G. it«
D. Eft-oii obligé de pardonner lux ennemis intérieurement , avant .|uils avcnt reconnu leur faute? '
P. On efl oblîce de les aimer, de fcuh^er que Dieu leur pardonne, ^e renoncer -a tout dcilr de ven- geance , de demander a Dieu la grâce qu'ils fe rcconnoiirent ; mais on n'eil pas obligé de les resarder comme mnoccns , lorfqu'îls ne le foîit pas j m de les diipenfer de i'obliv^ation de nous demander par- don , lorlque Dieu les v oblige . 6c <^ue cela efl utile & ncceliaire pour leur f al lit.
D. Celuy qui a été ofFcnlé , eft- il obligé de ^revenir exteiietîrement fon ennemi , de de chercher à le réconcilier?
R. Les Pères paroiiTènt partagez iur ce point , mais ce partage n'eft que dans la furface des termes , 3c nullement dans le fond. Saint Au- Cumînora- guftin décide nettement qu on n cft èi> <<*if*.» n<?,f«. Tome IL N n
4i<> De la" Charité' f.€ut & n»s ^i' pas oblii^é d'aller trouver celu ti>rtb',sni(\r,-, cjui nous a tait injure, tt il n atti procui duino q]^q l'oblie-ation de pardonner extc
veroa fponno- '-*,., ^ . _
nis huju; im- rieurement,qu a la pénitence , oc picntur, (^ ho- ]^ prierc de celuy qui a fait injure
nio qui nua- > V ^ i- /-i >
dum ita prof:- c elt-a-dire , qu li ne veut pas qu o cic, utjamdu ^qj^ abfolunient obligé de pardor
ligat inimicuni \ rr
taui:n quando ntr, avaiic quc celuy qui a orten. loptur ab ho. çn demande pardon,
ir.mcqui pecca c • r-i i' n. .^^ •
vu in eam, ut Saint Chryloitome , au coiHtain Cl diaiictac , di femble palier plus avant : Il ne fui
riictu ex coide: i r
qui etiam fibi lit pâs , dit-il , dc iic faire aucu vuu dimhc^,''' déplailir , ni aucune injuftice a v( cumoiat &di- trc ennemi , &: de n'avoir aucur V.L'/,'/r,l ,^ir/ aigreur contre luy dans votre cœu; terii,Hjn.ft't:^ià mais il faut faire en lorte qu il n'e â-wcf'„''ôft'à" ait point contre vous. Car c'eft u ïogamibus no- lau^aee que je voy dans la bouch
bis , lîcuc ôc nos j^ i r *• > j>
aimictimusro- ^^ piulieurs : je n av point d ave] ^antibusdebico- fion pour Cette perfonne , mais j
nous noftris, > r ■ i • r ^ ' • • i
^ug. Eruhir. c. ^^^s 1^^^-*^ - ^^^^ de n avoir rien c. 7i' commun avec luy : ce^ n'eft pas 1
c^ï^iaifiS ^^ 4^<^ J-^s - Chriil nous a corn |)c rogavi , fup- mandé. Ce Père va encore plu
îôa^nL'co;!;" J°'n ; ■' ne fe contente pas que lo irapccrare non ait demandé qu:^lquefois à fe rc
potui ; ne prias ^^^ •\- -i ' 1 j J
abfiiias , quani concilicr , il veut qu OU Ic demaud ïcconciiieris. jufqu'à ce qu'on l'obtienne. s|
Kqq enim di-
?ùi , diaaittciioc doinuiHj & âbi"fupplica:am fratri tuo , fed \i
INVERS lE PROCHAIN. 417
le ut reconcilieris : quainobiem eifi niultam fu^plicâtionstn adhi- meris , ne piius definas quam perluaÇeris • . . Nec priu? abfcci^a - nu^, quam ad veterein aiiiicioam leverû fucri.nus. Non enfin aiîiçic qood non Isdis , quod nuUâ injuria afîî vis inimicuin, & juod non 'malignum animum adverlui eum gens ,• fed enitcnduni :jft , uc ipfe quoque adverfus nos benevoluin animtim indaar. Mai- res enim audio diccntes ; Ego nihil infenfus fum, nihil dolco,n -que iuicquam commune cum illo habeo : veiuin non idà Deo pr.'j cp- cum eft, ut nihil eum eo habeas cojimunc ^ fed uc quam piuii na. Hac enim de caufa fratcr efl tuus : hac de caufa non dixic : R-m its fratri cuo , qux adverfus eum habes : led abi , & cum eo prfus rt- jljconcilieris : ecfi lUe aliquid habet adverfum ce , ne prias inceptuni omittas , quam meuibrum iliud concordia jundura coalefcac. ^^ Chryfofi, He.n. il. Ad Pop. jint.
d :
Mais il eft aifé d'accorder ces deux ,
Pères , quoy que leurs iencimens n^.- dnmttintis , paroiiîènt il difFerens. Car la^^t ^^'^^"^^^'^'^^"
- 3 ! r- ''^^'^^ contia ift5.
Augultin demeure d'accord,qu'îl mut leguiam teciû; , pardonner dans le cceur toutes l^s V"^ '^^^ .'^''^^'^"
1 ■ , lamus qui ve-
jures qu'on peut avoir reçues *, & mam p^tunï , il le prouve par un argument fans ^^^^ ^ ^^^^ /^' replique, qui ell qu'on eft oblige bus nobis a be- de prier Dieu qu'il pardonne à nos ^^^'^'^^ ^^ ennemis. Or , dit-il , il ell ridicule lomus. sad iiio de demander a Dieu qu'il leur par- '^:^IIZ7Z donne , fî on ne leur pardonne pas rare pio inimi- foy-même.^Si donc ce Père enfei- HuiîomoVaa: gne -qu'on n'eH pas obligé de preve- tem quifauam
lîir fes ennemis exteiueurement^, ^J'^/p'?^^^^^^^ c'eft d'ime part , qu'il n'^eil; pas toû- non ignorent, jours utile de le faire -, 6c de l'autre, S:r'^;„!^^ ^* que la charité a divers devrez , & «'"»^- *• *< qu 11 y en a qui n appartiennent
Nn ij
\
42$ Delà Charité*
iliu.1 au:iio qu'aux plus parfaits Chrétiens. ..
gn.hccnciiiirax quand laiLt Chryloltomc cnleigi ^
bo..uaciscft,ut qu'il faut prclFer Tes ennemis de F
inimicum di'.i- icconcilier avcc nous , c elt en lup'^
g*^ fcciquo- pofant que cela foie vraiment utile
rani funt ifta H- oÇ quc 1 exculc quc la plupart d( ^'-''f'^^'=^.'"}^'^ perlonnes que l'on porte a fe rc
tjuiaer?! ie de- ^ ... J, * ,,
hc: omnis hde- concuier , allèguent j.que 1 on cran i.s eiienjcrc .. ^^ j^^ rendre pires en les rcche;
t;'.men qu'a hoc , ^ *■ ,
tam magnum cliant , ne ioit qu uu vani prctext ^
bpnum tança: p^^j. cOUVlUf UUC fecrCttG auimc
non eu, quaa- ilte.
cam crediams
ezaudjri , cum inoratione dicirur , dimitte mbi' , (^c Encijirii
cao fup. a:.
Muiti à nobis admoniti fupcr rcconciliaiionc , ubi obtempciar r.on placebat , hanc excurationem pizccndeianc , qua? nihil aliu l'Jit quam prïcexcus ipforum malici-r , nolle fciliccc fe réconcilia tionein , ne detcriorcin immieum taciant , ne acerbiorem pofte oc îTia;;.;r£m cju.s contempcum experiantur . . . cceieium omnia ifti yana lune. S. Chnfoji. hom. n. ad Ptp. yint .
iflapr^ccpca AivSi dans la con-duice qu'on doii
magis ad prae- j /- ■ -i
parl-jonem cor- garder eiivcrs les ennemis , il er ois, qiiaî intùs faut revenir à la re^le que iàiiit Au-
Cl , peainere, ni r ^ r '■^
qaaui ad opus gultm dcnuc lur ce lajet , quiJ quod in apcr- faut avoii pour eux la charité dans
tû nt J uc tenea- i ^ . f i • - i»
tur in fecreco «. le co£ur ; mais le conduiie a 1 exte- jumi patientiâ neur de la manière qui leur peut
«umbcnevolcn- a , , ., ■'■ ■*■
tiâm manifeftè CtrC la plUS Utile.
autem id iîat
quod eis videcur prodeflc poflc , quitus bcne ytWz debïiaus. ^,
"'^i* '{> î* **^ MaTe<l,tniim.
ENVERS LE PROCHAIN. ^Ip
S'il cil: donc unie à nos ennemis Adhocenîm
j , • c J 1 L ^ ^^^^ pr^ccptÀ
le les prévenir, & de les recher- pertinent, alce- her, on ne voit pas que l'on loit "'^^, p^cutiem»
. 1 1- ' 1 1 r • praebendam clic
noms oblige de le hure , que de. maxiiiam , vo- eur tendre l'autre joue , luivant ^'"''^"f'"^'^"
' ' nicain danaum
Evangile , de de loumir qu il nous etiam paiiium , lépouiUent, Or iaint Au^uftin en- ^,^^^ /^"^Jf "[|
.1 ^ ^ r _ ^ f ^ . auplicanda via
eigne qu'on doit être prépare a ob- hocqmppe fit, erver ces préceptes , s'il étoit ne- JJ^ nS""". ^^' elîaire de le faire pour le falut de tune cnim re£ic os ennemis. Ainfi quand on dit fj/^-^'^^J^';^" [u'on n'eft pas obligé de prévenir mm elle prop- eux qui nous ont oftenfez , cela fe op?randam' în oit entendre , ou qu'on n'y eft pas eo correûioneiii
11' ■ n 1 acQue concor-
blige par jultice , ou que cela ne ^,-^._^_. .P3,a, mr eft pas ordinairement utile j tus itaquedebec uilque leur véritable bien , cit de ^ ^^^^ ^ patien- econnoître leur faute : mais cela ter eorummaii-
r J • J 5 3 nam lufHijicre,
e le doit^ pas entendre qu on n y ^^,^, fien bonos oive pas être difpofé , fi cela étoit qua:m. i. ^«^. eceifaire pour les gagner à Dieu. .ar on ne pourroit y manquer, fans référer un relTentiment humain au dut de Ton frère , ce qui eft un snverfement vifible de l'ordre de i charité.
D, Eft-il toujours défendu abfolu- lent de punir ceux qui nous ont of- é. , & ne le peut- on faire fans veii- eance ?
4^0 De la Chariti'
Non foîat» j^^ Ce n'eft point une a(flion d
Cleo qui dat c- ^ . ^ .
fuxicna cibiim , vengcancc 5 mais une vraye actioj fitienti potuai ^fg charité qùc de les punir , quan^
, , vcrum c- ,, ^ , ^ ^
tiam qui dat ve- d unc part on ne S y porte que pa niam peccanti, [q ^[gfjj- ^q profiter à ceux ou'on pu
dac ; 5c qui c- nit , & de 1 autre que 1 on a auton inendacvcrbere té de Ic faire. C'eft ce que faint Au
m quern potef- n- J • J XT
tasdacur, vei gultin decide en ces termes : No 5'^".'^" '^^^'î^/ leulement , dit- il, on pratique Tau
ditciplina, & ^ ' 'Il
taïuenpcccacum moue par les autres œuvres de mi loTïfus^au ^of ^^î-'icorde ; mais on la pratique me fcnfuseft, di- me en châtiant ceux qui lont loi vei ora'u °c^ ^'^ ^ ^^^^te puifTauce , ou par de dimittatui-, non coups , OU par quelque autre voy<
foluai in CD 1 z*^ 5 \ ■ rC i '
quodd.miuic loiiquon ne laifle pas pour cela c atquc orat , ve- pardonner du fond du cœur la fai
rum eciaai in eo i 11-1 ^ ce C^
quodcorripic, te par laquelle il nous ont ofrenle ^ aiiquâ emen- & de prier pour celuy que l'on chi
datoria vltCtit • r\ i • ri
pcenâ , eieemo tie. On ne la pratique pas leul( fynam dac, quia ment par le pardon que l'on accoi
mifericordiam • ^ i •'^ . i> r
pr^ftat. Muica dc , OU par Ics pricrcs que 1 on ta cnitnbonapL^. pour luv ; mais auiîi par le chat
llantur inviti?, ^ •' ,, r • i i ^ i-r •
quando eorum ment que 1 On rait dans le deliein c confuiiiuruciii- Jç corriger , parce qu'on le fait p;
tati nonvo- r-i-r- i /-> -i
luntati. S. ^ug. un eiprit de milericorde. Car il y tiiihir.cyi' beaucoup de biens qu'il faut fai aux gens malgré qu'ils en ayent , c fe réglant dans ce que l'on fait poi eux 3 plutôt par leur véritable bien que par leur inchnation.
I
ÏNVERS LE PROCHAIN. 45Î
CHAPITRE VI.
Dfs devoirs parncuiiers de la charité envers le froshain.
D, /^Uelles adions , Ôc quels
V^ devoirs doivent naître de
cette dilpolition de charité où nous
devons être envers le prochain?
i?. On peut dire en gênerai , qu'il
^ faut faire envers le prochain , tout ce que Ton doit faire pour ceux que Ton aime ; & que i'ipn ne doit pas faire au prochain , ce que l'a- mour véritable empêche de faire à ceux que Ton aime.
Ainii l'amour eft la règle de ces de- voirs : il défend certaines actions ,
1) il en commande d'autres , tant inté- rieures , qu'extérieures.
Il défend , par exemple , de mé- prifcr , de contrifter , de fcandaii- fer le prochain , de le formalifer , ôc de s'impatienter de les défauts ; jd^ le rebuter par impatience ôc par dédain 3 6c en un mot, de luy nuire^
45 X. I^E LA Charitb* en quelque manière que ce roic.
Il commande de le fupporcer , d( l'honorer , de l'afîifter Ipiritucile- menc &c corporellement : ce que faine Augudin réduit à deux devoir: généraux , dont il appelle le pre- mier remède , & le fécond , difci pli ne. Aïedicina & dlfcivlïna, D, Qu'cft-ce que ce faint Dodleu ^ . entend par le mot de remède ?
coipori, p^airiai A. Il entend tout ce qui remedi< ^
Ycroanim^ho- ^,^^ befoinS du COIOS , ^ OUI COH-
minis beneracit, , l ' I
qui pio-Timum triDUc a la comervation ; Ôc ainl diiigic. Ad cor- ji coi-^-jprend fous ce mot , non feu ner, medicina iement ics rcmcdes deia mcaecme !^?'"'"^,^^ ^'\' mais auiïi la nourriture, le vête
ad. animain au- '
tcm, difcipiina. ment , ie logemeiit , la protecflion 'ïc ^o':;:;?. l^ 'léfcnfc, & enfin tous les fem quid omnino ces que la coniDaffioii nous peu :u7:a laftat foi'-e- rendre au prochain. vat laïucem. Ad J), Qu'entcnd-ii par le mot d
liane itaque pet- ^^ r ■ v tincnt, nonea^liCipline;
tancum quî ais R^ \\ entend tout ce qui efl: necei
corum exhibée , r • -i ^ T
qui proprie me- ^^^^^ o" Utile pour procurcr la lan dici nominan- fé de Tame , & il la réduit
tur , fedetiam i i r ■< i n •
cibus & potus , deux chefs ; a la cor^dtion , pa teginen ôc teaa, laquelle on tâche de le toucher pa
cletcnlio deniq; i -'^ . r^ m- n r\ ■ i
ou;nis atque 1^. Crainte ; & 1 inltruccion , par 1? naunitio , qui quelle on s'efiorce a l'attirer pa
noltiurn COI pus A *■
advcrrus etum i amOUr. IJ
ÎKVÊILS LE PÊ.OCHAIN. 455
D. En combien de manières peut- «t^fn«* \*^' Dn nuire au prochain ? ^ tur . . qjoi
R. On peut nuire à Ton corps , à aaccm accuicc al :on ame , a les biens , a la repuca- pei qua'u ipii :ion , à fes parens , à fes amis , Se -^^ ,'-';,",, autres chofes femblables. animi medicmi
Il n'eft pas necefTaire de parler ici t;^';^ iu dommage temporel qu'on peut divmis coUigi apporter au prochain , à Ton corps, à a.ftî.CjJ^^^ fes biens , à fa réputation , 6cc. par- cociduoncm^sc :e que cela fe trouve renfermé dans co^e'cki^ dmi- [es autres préceptes du Decalogue. rc,inftruûio Mais on ne peut trouver de lieu plus Hcuur^^!^!^-^! Favorable que celuy-ci , pour par- àc mor. Eeeiej. Qv des dommages Ipirituels qu'on "''^'' ' ** ^^* luy peut caufer. >
£>, Comment s'appellent dans le langage de TEglife ces dommages fpirituels que Ton cauie au pro- chain ?
R, Ils s'appellent fcandales , c'cft» à-dire , des occafions de chute ; ôc cela arrive lorfque par quelque ac- :ion, quelque parole , ou quelque Dmiiïion , on donne au prochain oc- cafion de chute , où on le difpofe à tomber , on afrbiblit en luy les vertus 3 on obfcurcit les lumières , on l'engage dans l'erreur. Et com- TQ?ac IL O o
t4 Ht
nu i» ^**^*
.udfcr.. •
45+ De l'A Charité' me ce dommage eft oppofé dû redement à la fin de la charité , qui eft d'aider en tout le prochain à s'a- vancer dans la voye du falut , il eft important d'en traiter ici.
ENVERS lE PROCHAIN. 435
SECTION PREMIERE.
Du fcartdale , ^ui ejl le principal
dommage fpirituel quon peut
apporter au procbam-
-CHAPITRE PREMIER. Des diverfes fortes de fcaniales*
jD. •^Ombien y a-t-il de fortes Vw/de fcandales ?
-^.Il y en a de deux fortes; l'un que l'on nomme fcandale pris , bc Tau- tre qu'on appelle icandale donné.
D. Queft-ce que le fcandale pris ?
R, Le fcandale pris , eft quand -quelqu'un par fa mauvaife difpo- ficion, prend occafion de faire quel- que faute des actions , ou des paro- les des autres , quoy que ces ac- tions & ces paroles foient non feu- lement innocentes en elles-mêmes, xnais qu'elles n'ayent rien qui porte au mal, ^ o ij
43<3 I^ E la'Charite-"
D. Qu'entendez- vous par le fcan- dale donné ?
R. Le fcandale donné efl: , quand on porte quelqu'un au mal , ik que l'on luy donne occaiion de pcché , par quelque adlion , ou quelque parole déréglée , ou qui en a l'ap- parence.
§. I.
Dufca^dalc pris , ou du fcanddU
T>. Il eft bien clair que le fcandale eft toujours un péché dans ceux qui font fcandalifez. Mais Teft-il toujours dans ceux qui fcandalilcnt les autres ?
R. Puifque fuivant l'Evangile , Je- fus-Chiift luy-même a Icandaliic les Juifs , toute forte de fcandale pris , n'eft. pas un péché dans ceux dont on prend fins raifon lujet de fe icandalifer. On ne doit pas croi- re néanmoins que quoy que le Ican- dale foit injufte , il n'y ait jamais de péché a en donner occafion.
JJ, Quand peut- on croire que l'on
ttiVlKS LE PROCHAIN. 4^7
rft , ou que l'on n'eft pas exempt de ■auce , quand d'autres fe fcandali- enc de quelques-unes de nos ac- ions , ou de nos paroles ?
^. On doit le régler fur cela par îivcrfes décidons que les Pères ont Dic*mrer»o> •aites de divers cas. ven.mi, mari.
Sanit Auguitin enieigne,par exem- qu^^ftio uc di- " île 5 dans le livre du don de perfe- "^^"^ impeiiit ,
V 1,/ 1 j r 11 • & capiant qui
^erance , a 1 égard du icandale qui pcflUnc _, ne laît de la publication de la vérité : ^^""^ -^^'^^ "'^s-
^ ,., r ^j. 1 . r ^ n tur propcer eoi
3uii tant dire la. vente 3 lorlque c^va capcre noi melque difpute y en^a^e , afin P'^'^^^""^ » ^^-^ ^ îu elle lo]t entendue par ceux qui haudemur, ve. •n font capables , de peur qu'en la ^'^^^^^ =-^2-^^-'^^«-
^ X - , ^ -i . tare capunuir ,
uppnmant, a caule de ceux qui ne uui rerum ca- a comprennent pas , ceux qui font P°-^^f,? cavea
. ^ , i ' ^ tur^taliius p jf-
apabîes de la comprendre , non fun: . . . se'da- eulement ne ioient privez de cette ^^"^ ^°'
^er3te , m.ais loient expolez a être Ha veram di- inpris par l'erreur. Le même faint ^*,^^-^ ^'"'^'^'^'^ ■
ri ^ Caulas vcran
Vueuft^n reconnoit néanmoins que tacendi lon^a n ■eft une raiion iufEfante pour taire tT'"Z'^"" a vérité , que d'avoir iujet de crain- ^^incn at Sc a .-. Ire qu'en la publiant , on ne rende ^.^^mus co^^ !' >ires ceux qui ne Tentendent pas ; ^oa inteiii-^ ►ourvu néanmoins, dit-il , qu en L,,,,^ eos q .1 a fupprimant, ceux qui ieroient ca- inteUigun-tfacc- )ables de 1 entendre , loient ieule- qui nobis aii
O o iij
438 E>ï l'A Chariti* ^uid taie tacen. meiit privcz d'unc connoilîancc utî- quidcnonfiùt, 1^3 niais 11 Cil deviennent pas pires. fcd nec pcjoies Mais fi par la fuppreflion de la ve-
fiunt. CLim au- . / •*• . , ^ ^
tcm resvcia ita Htc , ccux qui la pourroicnt com- je habet , ut fiac pi-çj-icli-g çj-^ deviennent pires, ce
f e>or nobis eain ^r- . t>. r^ j/ 1 ^1 > r
eliccntibus , il- laHit Dodceut déclare qu il la faut le qui capcic ^[^q abfolument.
tisautem tacen. Ur ce que laiiit Augullin décide tibus iiie qui ^e 1^ connoilTance de la vérité , fe
potcft : quid n- 1
putamusefiefa- peut appliquer aux actions bonnes ^e"ptc;:]seft ai: d'el'«-mcmes , qui peuvent édi- cendum veium, fier les uiis , ôc qui fizandalifent les
râfc^p^:*;" a""" ; & il, '^emble qu'on les doi-
lacenduin , ut ve , OU pratiquer ou omettre dans ïxnbo° nSi 'i. ies mêmes cas , ôc félon les mêmes
f iunt , verum règles.
«nT^ent7orfipfe ^^^^^^^ ChryfiDftome propofe une iitpejoi. S. règle à peu prés femblable.
u^«?. de dono ^^ 1 1 • tv C •
ferf. c. 16, Quand, dit ce Père , on peut taire
Quando ma- P^r quclquc a^iou , quelque grand
ignum aiiqiiod profit fpirituel , qui fiirpalfe le mal
îucrum obvene- ,11^ r ^ • > r
lit & damno & qu elle caule a ceux qui s en Ican- piagâmajus c5- (j^lifent faus raifou , on peut mé-
»emncndi lunt , .^ , ^ ,, -.x- !•
^ui icandaium priler kur icandale. Mais quand i. pauunturiquan- ^'^^-^ arrive autre chofe , finon que
clo autem nul- r ^ \ r r
liim fuerit am- les foiblcs eu lont tenverlcz , quo^ îiius, quam .j| s'en bleileut , & ne s'cr
<^uod inhiniiab- 1 . ' • .
jicientur.etiamfî ficandaliieut quc par ignorance , i ;ude"ïï tec faut les épargner , dit ce Père , dar.
ÏNVERS LE PROCHAIN. 459
.a crainte du châtiment, dont Dieu pacianîur illi,
parccnau.îi eis
nenace ceux qui donnent aux autres erK:qaoaia.n & des occafions de fcandale Ôc de dc^^ ^ds , qui
^ iinpellanc la
:nute. lapfjm & deji-
ciur.c , lac à fca- cntiâ fupplicii puniet .S". Chryfojt. t. j. verfut m-d.
Saint Thomas diftini^ue deux lor- i" his aate m
, /- I 1 1 ^ ,- 1 1 j Ipiricualibas bo-
tes de icandaie ; le icandaie des ^^s , qj.e non
Pharifiens, qui naît de malice. Se ce- ^'^^'^ f^f necem.
, , ^ ., / -, , . . A race lalatis vi-
iuy des toibles & des petits, qui naît detardiftingué- d'isinorance. Il prétend que le fcan- ^^v"* Q^'v^^-
,p, r-iin -r rr dai^î^ quoi ce
dale aes toibles clt une raiion lut- eis ov.ruv.quia. filante d'omettre les bonnes ac- ^o'î^^
ex ini ; -
,Y- . -ri o A tia procedic . .,.
tions non neceiiaires alaiut , & me- &hoc eà icaa- me de perdre les biens temporels. ^^^""^ ^^^"., Mais iJ ne veut pas qu on loit oblige doctnaâ D>ini- à ce même devoir , a caufe du fcan- f ' fcandaii.a- Claie qui vient de malice. ciT.-concc:nnea-
dum Doaiinii n docet Matths-i if. Quandoque vero fcandaîum procedit ex infîr m'tate j vel ignoranna. Et hujafmodi eft Tcandalum puGllorim , piopter quod u:nt fpivicualia bona vel occulranda ^ vci eciani in- tcrdaiîi dlfFsrenda ^ ubi periculum non in^minet. S. Th. 1. z, q- 43. à 7. »•) (("T.
Si enim fcanda.lam ex hoc o'iatui' prcpter isçnorantiam ^ vsî in', firmitarem alioium , quod fuprà dixinms cÀe fcandalan palîUo- rum , tune vel totaliter dimittenda funt tcmpoiaiia , vcl aliter le- dandam eft fcandalum. îbu\art, 8. m cerp,
D, Pourquoy n'eft-on pas obligé à ce même devoir pour quelque fcan- dale que ce foit , puifque la charité Veut que Ton préfère le bien fpiri-
O o iiij
440 De la Chamti* tucl du prochain à nôtre bien tem- porel ? Aiiquandovc- /*. Saint Thomas répond, que ce iâfi^rr'etl feioit nuire au bien publ.c , que Jitiâquodert d abandonner aînfi fou bien aux mé- ïifxoiuin. tt C"^^'^s i parce quils en prcndroient propter 60^3 qui occafion de troubler la focieté, &c citant, non lunt ^^^ de pIus OU nuuoit a ceux qui xemporaiia di- Tont pris injuftement , parce qu'ils
initcenda : quia j • j i L '
hoc& noccret demeureroient dans leur pèche, en bonocoinmuni: retenant des biens qui ne leur appaf-
caretur eni.n ^- j • ^ o
iiia is rapiendi t^endioiei)^ pas ; 6c pour appuyer occaiio, & no- fou lentiment , ce Père cite (ur cela iihus'fq*ured- "'^ palLige de faint Grégoire, qui ïiendo aliéna^ in porte ; Il v a Gueîques-uns de ceux
pcccacoiemanc- • iT ^ L- »l
xtnc. unde Gie- ^^^ ravilleut notrc bien , qu il en gorius dicic in faut empêcher , non par la leule vue ^inf 'tc^pora^ ^^ le coulerver , mais par la crain- lia à nobisra- te qu'ils lie fe perdent en s'envparaiit SVum coTc'. ^^ bien d'autruy. xandi : quidam Or ce quc faiiit Thomas dit des
veto zquitatc i • , i i- '• ^ ^ rn
iVrvatà piohi- biens temporels , le peut aire aulli bendi : non fo- àes bouues adlions. Car il Icmble
lâcurà ne noftia r • i • vr
fubcràhanrar , ^^^ ^^ leroit nuire au bien public , fcd ne rapicnres {[ Ton vouloit s'abfteuir de bonnes
r.on lua lemec- r^- i /- • >
if fos perJar.i actions toutes ks fois qu on prévoie
^*"^' que des gens s'en fcandaliieront par
une pure malice. Mais comme ces
faints Dodeurs ne préfèrent au fcan-
ÏNVERS lie PROCrtAIh/, 44X
dale même des Phaiificns , que les bonnes avions , ou les biens tem- porels dont on peut fiuve un ufage de charité ; il s'enfuit qu'il faut o- mettre pour éviter le fcandale, tou- tes les allions indifFerentes , ôc qui ne font pas d'un grande utilité , de qu'il faut perdre même des bienî temporels , lorfque cette perte efb moins confiderable que les péchez qui arrivent de ce que Ton les veut conferver. Car ce fcandale des Pha- rifiens eft toujours un mal,(5c il offen- fe Dieu:or il eft certain que pour évi- ter que Dieu ne foit ofFenfé^nous de- vons fans doute renoncer à toutes les chofes indifférentes, quelque incli- nation que nous y ayons , de perdre même les biens lorfqu'ils lont moins confiderables que ce péché. Que fî nous ne le devons pas toujours , c'eft que cette perte que nous fe- rions , feroit quelquefois nuifible, ou à la focieté publique , ou à ceux même qui nous la caufent.
442. Dï laCharitï' §. II.
Dfi fca^dale donne , ou du j caudale Mi if.
D. Cette de forte fcandale eft-i toujours péché ?
R. Il eft clair qu'il y a toujours di péché dans cette forte de fcandale puifqu'on entend par fcandale don né , une adlion déréglée , ou qui i apparence de dérèglement , & qu porte d'elle-même au péché les au- tres ; or cela ne peut jamais étrt permis,
D, Le fcandale eft-il toujours pé- ché mortel ?
-^.C'eft un péché ou mortel ou vé- niel , félon que les pcchez où l'on engage les autres font mortels ou véniels. Mais quand on fait mourir Tame de fes frères , on ne peut dou- ter que ce ne foit un très-grand pé- ché. Car c'efl: un homicide fpirituel, beaucoup plus criminel de loy-mê- me , que les homicides corporels. C'efl: faire mourir Jefus-Chrifl: miê- me dans les âmes , &: rcnouyeller ic
ÎNVFRS LI PROCHAIK. 44J
rrime d'Herode , qui voulut tuer Jeius-Chrifl: dans les enfans.
O, Quelles erreurs y a-t-il dans le commun du monde fur le fujec du fcandale ?
7(, Il y en plufieurs.
Premièrement , on ne prend pour fcandale & pour action fcandaleuie, que ce qui choque les hommes , de qui eftimorouvé du comm.un du mon- de , comme le font les dereglemens grofîiers , & les vices qui font hor- reur. Mais on ne dit pas que des dereglemens palTez en coutume , <5c autorifez par la pratique , foienc fcandalcux ; parce qu'on ne les dé^ fapprouve pas. Ainfi on ne dira pas d'ordinaire que l'ambition , l'amour du bien , le luxe , & les parures foienc des péchez Icandaleux j parce que ces vices font peu defapprouvez dans le monde. On ne dira pas qu'une fv^mme du monde qui va à la comé- die , qui paife fa vie dans des diver- ti Ifemens aufquels le monde n'a pas attaché de deshonneur , vive fcan- daleufement. Cependant on le trompe fort dans ces jugemens. Les vices qui font condamnez de tout le
ne:
do:.
k^
444. De la Charité' monde , (ont des péchez , mais ils en font d'autant mains fcandalcux , qu'ils font plus defapprouvez, parce qu'ils ne font tomber perfonne.Mais les Icandales les plus grands Ôc les plus dangereux , font ceux qui font les moins dei approuvez, & aufquels L on fait moins de reflection , parce l- qu'ils font plus tomber de monde, ôc qu'ils font plus occafion de chute, en y quoy confifte la nature du fcandale. Ainiî rendre les vices aimables , y attirer le monde , en diminuer l'horreur , en étouffer le fcrupule , aatorifer les gens dans le vice , c'efl la proprement ce que l'on doit ap- peller fcandale.
£>, Les vices qui font horreur à tout le monde , ne doivent-ils donc point palfer pour des fcandales >
^. Ce font aufli des fcandales, Ôc de très-grands fcandales, parce qu'ils deshonorent TEglife ; ils donnent fujet aux hérétiques & aux libertins de luy infulter, ils confirment dans le vice ceux qui y font , & donnent occafion d'orgueil à ceux qui n'y font pas engagez.Car les vicieux s'autori- fent , ôc s'appuyenc toujours iur la
ENVERS LE PROCHAIN. 445
iiultitade, ôc les gens de bien pren- nent louvenc un fujec de préfomp- :ion , parce qu'ils lont exempts de :es vices.
Mais de plus. Dieu ne mefure pas les Icandales par les leuls elîets qu'ils :aurent , de il n'imputera pas feule- nent aux hommes les luites eflec- îives de leurs a6tions , mais aufîi les effets pofîibles. Ainfi il fuffit qu'une lâiion ioit mauvaiie , pour pouvoir être appeliée Icandaleufe , parce que quoy que perfonne ne Timite e-fFedlivement , elle peut néanmoins kre imitée.
D, Y a-t-il quelques Pères qui ayent enfeigné cette dodrine ?
^. Saint Auguftm l'en feigne for- Dico catûati mellement dans le livre des Pafieurs, diœ^%cïvr ôc il l'enfeiene d'une manière doe- vuncores, etfî
'^'^-^ — "- — ^
fortes luru oves
matique, qui ne tient rien de le- .nveiboLomi- xacreration. Je déclare à vôtre chari- ru ,s^ tenemii-
^/*"j- -1 •••111 lud quod audic-
te,dir-il i ouy , je le déclare encore ranc àLonano une fois , que quoy que les brebis ^""o , qua di-
f' •„ ^ • ^ 5 11 r • curi: tacite quae
Oient Vivantes , quoy quelles loient autem taciurt
fortement attachées à la parole de ridu-e h cereita-
l'A- c » 11 ^ n^er qui in con-
Dieu, <x qu elles pratiquent ce que ,ped'u ^puii le Seigneur jkur a dit : Faites ce n^aievivit.quâ'.
>i ^ fjK^ o }■ ' tum in eo efî ,
quils vous dririit , ôc nimitez pas eumàciuoas-
44^ E)e la Cmaritê*
cendi'turoccidit. Icurs adlions ; celuy néanmoins qui Nonfibiergo ^ la vûé du Dcuplc inenc une niau-
blandiacur, quia . r. r \
iUenoncftmor- vaile vic , caulc la morc autant tuus ht lUe VI- qu'il ef^ en luy , à ceux qui le vu ; &ille ho- ^ r^ >\ C a j ^
micidaeft.Quo- voyent. Qu il ne le rlatte donc pas modo cum laf- ^^ ^^ çr^^ ccluv qui a été fpedtateur
civus homo in- ,/- ^ ..-•'.* , ^ >^
tendu ix muiie- de la mauvaile vie, n en elt pas mort, icm, ad conçu. L^ \y^^\y\s eft vivante, & le Pafteur
pifccndumeam, ' .
cccc lUa catta ne laiiie pas d être homicide : De
cft ^ftT^*^^^ fie ^^^^^"'^ ^^ quand un homme dere- omnisqui maïc glé jette fut uiie femme des regards tTu^^uf impudiques , la femme demeure buspra-pofuus chafte j mais cet homme nelailîe pas fp'k.^rôSÛ d-êcre adultère. Celuy donc qui & forces oves. imite un mauvais Pafteur , perd la ^; 'Sonc'ù^ vie de l'ame. Celuy qui ne l'imite milum,mor:tur, pas , nc la perd point j mais le mau- tTrvîviî Tw-' vais Pafteur , autant qu'il eft en luy, men quantum gft houiicide dc Tuii 6c de Tau-
^ad illuin peiti- net , ambos oc- tre. cidic« Et qiiod
çrajJU.n eft , inqiiic , inîerficitis ^ •v#i mtAi nonpafcitij. S, ^n^. dc 'Paft, c. 4.
Neque enim Saint Chrvfoftome parlant des pe-
fuorum tantum „ •' • • r • 1
peccatorum pœ- res 3c m.eres , qui inlpirenc a leurs nas dabunc , fed enfans Tamour des chofes du mon-
corum quoque , r . rr- r n
qu£ fiiii pecca- de , cnleigne auln tormellement, runt livctaiie- qu'ils ne Icrout pas DiMiis leulemenc
rc illi huos po ^ , ^ J^^ ff
ueiiût/iYs non de Icuis propres pedW , mais aulU
ENVERS LE PROCHAIN. 447
le ceux qu'ils ont infpirez à leurs potueiînt. ^. :nfans , (oit que les enfans^ les fui- ^'^■J^fy;;'^,^ /cnt ôc en loient renverlez , foie .]u'ils ne le foient pas. Non feule- ment, dit-il à ces pères , fi par vôtre ronfeil vos enfans le lailfent aller au lumulte du monde , mais encore iiême qu'il vous refiftent , &: qu'ils fe retirent dans des folitudes, vous en ferez feverement punis, & vous lerez châtiez de ce malheureux deifein , comme il vous l'aviez exécuté.
£>, Quelles iont les autres erreurs touchant les icandales ?
R, 1°. C'en eft une de ce qu'on ne d.^j^^,,^, donne le nom de icandale qu'aux Hias pactes cuia grands péchez, & tous les péchez qui "^^IZ:^ y difpoient ne font comptez pour r^m horcantur, rien. Amh, les pères & les mères b'^^t^ruli^r' ne croyent point fcandalifer leurs infuiurrarc : ii. enfans , loriqu'ils font tout ce que S. nnU^'^^haJin'. Chrvfoftome leur reproche j comme q^eioco natus,
j "' 1 .. 1 ■ quia dicendi fa-
de ne louer devant eux que ceux qui cuicacem confe-
s'avancent ôc qui éclattent dans le cucus eft, lum-
nionde j de ne leur parler jamais ^us, maxima avec eftime des perlonnes vertueu- impe^a admi- fes qui iont dans un état rabaiifé ; de i^s rurfus': iuV leur infpirer Tavarice de l'ambition, i^q^^^ > ia"ra
Cj r • /^} r CL il- linguâ erudicu<:.
ependant laint Chryioltome eitime m regia daiiiTu
44^ De la Charité'
mûjcft, cunfta- ^e fcandale Ci erand ôc fî dangereux ,
^ue intus jpic .-i j r T T J Tl i
admmiftrar, a. qu il delclpere prelque du lalut de liasuc.n aiium ç^ç^^ qu'on élcvc dc la foitc. Lors ,
in incdmiu ad- i- -i i r i -
duccns propo- dic-ii , quc Ics percs font & dilent nu ad imitan- ^^^^ ^g qu'ils pcuvcnc , Dour fortifier
flu.n , cun6ii4ac i r ' l
pcnuus inùéues ces maiheureuies plantes dans le & ciaros in lœ- ^crur de leurs enfans, qui feroit alTez
culo viroi .as- r -' r -
moians : cocL-- pcu icnic pour ne pas delelperer du ?'T'^ '""ZT ^^^liic d'un enfant élevé de cette loi te? ftiumquc bono- C'eit beaucoup que ceux que Von ^"1". Sr"^l^-^°',^." élevé d'une manière toute contraire, . . . Quis i^itar le lauvent des vices : mais quelle ef- ^Ira^men^'s'iu; perance peut-on avoir de ceux a qui ^a:nita i.noiui on ne fiit vou* autre chofe que les ^ee^' fa^aJe'n ' avantages des ncheiles , de à qui on boxu coniuien- nc propofe quc des méchans à imiter? fmaJ T^'^ 'lia 2.^ On ne croit fcandalifer le pro- contraïus rcbus chain , que quand on le porte aux
imouca lit . pet- j ' ' 1 j
nicie.n excre- vices (S: au dérèglement par des pa- niam poilu eva- roics , OU par des aétions vifiblemenc
dere : cuai veto j/ ' w • 1 r J IT
■pi^cetea undi dcreglees ; mais on ne le icandalile qae iihciant pc- p^g moîus , quaud OU expolc a Tes
cuniaru.n m£- *■ . ^ \\ r r
mia, unique yeux ce qui peut allumer les paU fceieiati no.ni- i|ons , &c luv inlpirer Tamour du
nés ad lantan- , a • '^ • r
duai pioponan- monde. Amli , ceux qui lans agir tut : qusnam ^ ^3^,15 parler , frappent les veux des
iam 1P=3 lalatis i ' rr ;
iciinqaicur. ^' auti'es par leur luxe ; ceux qui ronc c«n/./. flciv. paroîtrc leur vanité , leur ambition, /. ,, 1 attache a leur corps , 6c a leurs du
verciiren:icns j
ÏNVERS LE PROCHAIN. 449
/eitillcmens j le mépris de la pau- vreté, de l'humiliation , de la vie mftere ôc pénitente , les fcandali- enc tres-dangereufement.
3*^. On n'appelle point du nom de fcandale , les injures qu'on fait au prochain , ioit en le méprilant , loic °n l'outrageant , ioit en luy failant quelque tort dans Ion honneur , dans (es biens ôc dans la perfonne. Ce- pendant c'eft peut-être ce qui eft le plus contraire à la charité j & tous ces péchez rcandalifent étrange- ment le prochani , parce qu'ils le portent a l'impatience , à la colère 5c aureirentiment,ôc qu'ils éteignent îïi iuy-jOU du moins qu'ils afîbibilFent la charité.
4°. Enfin 5 c'eft une autre erreur couchant les fcandales, que de n'en pas allez confîderer la multiplication de rétend uë.Com bien de crimes- & de péchez fait quelquefois faire une (eule médiiance &: une feule calom- nie , dite devant ceux qui l'écoutent avec plailîr , ôc qui la répandent avec malignité &c avec légèreté ? Quelle étrange multiplication de péchez n arrive- t-il point par des chanfons , Tof/îe II, V p
4^0 De la Charité* des difcouis , ou des livres deshon- nêtes ? Combien de maux peut-il ar- river par des opinions faulïcs 6c cr- ronnécs , ôc par des livres que Ton publie pleins de faullè doctrine, que l'on avance par de mauvaifcs coutumes , ^ que Ton introduit dans une communauté ou dans TEelile î De combien de péchez les femmes fe rendent-elles coupableSjlorfqu'el- les introduifent des modes contrai- res à la modeftie , ou a refprit d'hu- milité qui doit régner dans tous les Chrétiens ? Et enfin, de combien de péchez fe chargent les auteurs Ôc les approbateurs des abus , des re- iàchemens, &:-des mauvailes maxi- mes , ou ceux qui les foufl-rent , lorf^ qu'ils y devroient remédier î
D. Quelle eft donc l'étendue du péché de fcandale ?
/?. Le fcandale eft inféparable de tous les péchez , «5c de toutes les paf- fions déréglées qui paroiiîent à l'ex- térieur. Car tout ce qui eft extérieur fe peignant dans l'imagination de ceux qui ie voyent, les rend plus portez à l'imiter qu'ils n'étoient au- paravant. Amfi , toute pafTion de.
ENVEî^S LE PROCHAIN. 4^!
:olerc , de haine, de de defir des )icns du monde ; Tamour des n- ihelles , de l'éclat , & de la reputa- :ion j le mépris des chofes qu'on ioic aimer ou cftimer , & l'eftime des chofes qu'on doit haïr j tout ce- la cft fcandaleux 5 c'eft un poilon qu'on verfe dans i'efprit du pro- chain , qui Tinfecfte & le corrompt, 5c tend a luy faire perdre la vie de l'ame : en un mot , tout péché eft contagieux ; il le peut multiplier dans Telprit de tous ceux qui le voyent ou qui le Içavent , parce qu'ils en reçoivent l'image ôc Tim- preirion. Tout le monde a la venté demeure d'accord de cette étendue de fcandale a l'égard de certains pé- chez , comme ceux que l'on commet par des paroles ou àes adlions des- honnêtes : mais fl on fait attention de plus prés , on trouvera que cette mauvaiie qualité eft générale à toute forte de péché.
JD. Selon cette idée, il faut donc dire «que les hommes fe fcandah- fent prefque continuellement les uns les autres ?
Â. Cela eft indubitable ; & Ton
Pp.,
451 Delà Charité*^ ne fçauroit mieux concevoir les converlacions du fiecle , (Ju'eii fe reprefentaiit une troupe de gêna tous occupez à s'entr'empoifonner, ou à fe faire des playes mortelles les uns aux autres j puifque dans ces converfations on ne fait autre chafe qu'exciter réciproque- ment fes palïïoiis , ôc fe rem- plir les uns les autres de tous fes faux jugemens. C'eft ce que les Payens mêmes n'ont pas ignoré. C'eft: une chofe tres-capablc de cor- Qaid tibi vi. Tompre l'ame , dit Seneqne , de tanjdan pr3c;i- convcrfei avcc la foule du monde : <ji«ris?Turbain. il H y a pcrionne qui ne nous nulle,
ru^àliiTcaîT ^^^^ ^^ "°"^ faifant aimer quelque mitteriî . . . ini- vice par fon exemple , foit en nous t'^rîi'mconv'^r-^' l'imprimant^ exprelîément par Ces fati^.N-mo non difcours , foit eu nous l'inipiranc viuu.n aut e5- d'une manière infenfiblepar fa con- men.lar/iuciiTi- verlation. Il faut donc iouftraire nefciencib.is al ^ocre ame lorlqu elle n elt pas en- imir \j-i:ji-quo core ferme dans le bien, à la con-
mai 11 eit oopu- r ■ t i i ■ j
lus, cai 'coin- verlation de la multitude ^ parce que miicetLir, hoc rien ncOi fi facile, que de le kiilFer
•cricali plus eft. n \ r • i j L
£en,c. 'ap.-r. aller Cl luivre le grand nombre. Cixiparide- C'eftaufîi ce qui a tant fait recom-
bent a vobis hi i i r i • » o i • '
qui civkates fin- mander la lolitude &c la retraitera ceux
ENVERS LE PROCHAlK. 455
Oui veulent cravailler ferieufement S^^^^ *<îco vir- a leur laluc : lur quoy les Pères inacedias fcce. derEelife vont quelquefois fi avant, '''"['/'J"'^ *** qu US lemblent en taire une eipece penkus inutiles, denecelîitc , en diiant , par exem- "tquifaivi eû«
1 r • r • /-L r a cupiunt, non
pie , comme fait laint Lnryiolto- aiuer id poflîni me , que ce qui oblige de ouitter les Ji^^.^'î"* * . ^^*;^
.,,-^ r^ ^1 1^ ri- Il fo.uudines fi*
Villes pour le retirer dans les lolitu- dcfcrta pcrfe- des, c'eft l'impofribilité de s'y fau- ^^^^^^^^-^Y f; ver, éiv, vituf,
D, Quel eft donc le devoir des Clkétiens à Téeard du Icandale ?
-R, C'eft d'éviter également , Se de nuire aux autres, ^ que les au- tres ne nous nuifcnt -y afin de fatis» faire en même temps à la charité que nous devons au prochain, & à celle que nous nous devons à nous- jnême.
D, Comment peut-©n éviter Tua êc l'autre î
2_i^. La retraite fait ce double effet. Car un homme retiré ne contradle point les \ices dans la converfa- tion^Sc n'en communique point aufïï aux autres : mais comme ce moyen ne peut pas fe pratiquer par tout ie monde , il y faut fubftituer une ex-, trcme vigilance fur loy-même.
454 ^^ ^^ Charité'
Z). Que faut-il avoir en vue , cil converiant avec le prochain ?
F, De n'imprimer dans Ton efpric aucun lentiment faux , ni aucun mouvement déréglé j & pour réuf- fir dans l'un & dans l'autre , il faut fupprimer abtolument en foy , & dans fes difcours , tous les jugemens de phantaifie , ôc tous les mouve- mens de concupifcence , 6c faire en forte qu'il n'y ait que la vérité & la charité , qui règlent nos paroles Se nos adions.
X>. Les perfonnes qui vivent bien ne font-ils point fujets à fcandalifer les autres ?
R. Comme les perfonnes qui vi- vent bien ne commettent point de crimes grofîîers , &c dont l'idée feu- le fait horreur , auiîi ils ne fcanda- lifent point les autres , en les por* tant aux crimes vilibles ; mais ils les peuvent facilement fcandalifer en plulieur-s autres manières. Car,
1°. C'eftles fcandalifer, que de les porter par fon exemple à quelque efpece de relâchement. - 2°. C'eft les fcandalifer que de diminuer de quelque manière que
ENVERS LE PROCHAIN'. 45^5
ce foit le fentiment qu'ils peuvent avoir de leurs fautes , leur ardeur pour s'avancer dans la voye du la- lut , leur iollicitude (3ileur vigilan- ce fur eux-mêmes.
3°. C'eft les fcandalifer , que d'af- foiblir en eux quelque vertu , com- me la crainte de Dieu , rhumilicé ^ la charité , l'efprit de mortifica- tion , 6v:c.
4°. C'eft les fcandalifer, que de les porter à reculer en arrière , en di- minuant fans necefîité quelque cho> fe dans leurs exercices de pieté.
5°. Enfin 5 c'eft les fcandalifer, que de détruire certains dehors , qui les mettoient à couvert du péché.
D, Doir-on confiderer ces fautes comme fort confiderables ?
jR, Rien ne nuit davantage aux âmes , que le mépris qu'on fait des péchez véniels j ôc on devroit con- Iiderer au contraire , que tout péché véniel eft un pas vers la mort de i'ame ; qu'il y tend , & qu'il y dif" 3ofe par l'afl-biblilTement de la cha- :icé : tel fuccombe à une tentation, jui n'y auroit point fuccombe, s'il 1 avoit point perdu une partie de fes
le
45(j De la Charité* forces Ipirituelles par les fautes que l'exemple des autres luy a fait com- mettre. On ne regarde pas com- me une chofe peu confiderable, d'a- voir fait au corps d*un autre une playc qui luy auroit fait perdre beau- coup de lang , quoy que cette playe ne fût pas mortelle : pourquoy donc cft-on il peu touché des blelfures ju'on fait à Tame des autres, par les [caudales qui les engagent a des pé- chez véniels ?
Il faut donc apprendre à juger de Timportance des fcandales que Ton donne aux autres, ôc concevoir for- tement combien il eft dangereux d'enfanglanter ainfi continuellement ies mains par les playes qu'on fait à Tame du prochain ; & que non feulement c'eil un péché coniidera- ble , mais que c'eft un très-grand obilâcle à nos prières ; puifque Dieu nous déclare dans l'Ecriture qu'il ne Cum exten- nous exaucera point , parce que nos
deruis manus ■ r t • i r r r
TeAras,aycrtam mams tont pleines de iang. LorjcjHe ocuiosmeosà -j/o/^j éten.4.rez^ vos matns vers moy , nvaitipHcaveri- ait le Prophetc \ï2iiç , )€ detoumeray
tis oracion::n, -rj^^ y;,^y. Aç ^.^f^^ ç^ lor/hue VOUS non exau_;u.Ti : ^. . '. -^ ■'
naaaus eûim vc- rf7H',tlpli:irez, vo- prières j je ne vous
éçQuteray
ïnVers le î>rochain. 457 hoHteray point , parce que vos mains ^fç^/f^|'J^'°f^., font pleines de ping, i. i^.
CHAPITRE II. jye la réparation du fcandale»
D^ T7 St-cc un devoir que la repa» JlI ration du fcandale ?
^. Comme il eft de droit naturel ^ de guérir il l'on peut ceux dont on a blelFé le corps , ôc de reftituer ce qu'on aôté injaiftementau prochain j c'eft auiîi un devoir de tâcher de guérir les âmes qu'on a bleirées , en quelque manière que ce ioit.
D. Comment le doit faire cette réparation ?
jR^ Il y a des pcchez dans lefquels il eft tres-difficile de la faire , parce que le mal paroît faos remède ; ôc la pénitence de ces péchez doit être d'autant plus grande, que les fuites en font plus irréparables. Ceux qui ont , par exemple , publié des livres pernicieux qui infpirent le libertina- ge & l'impureté , n'en fçauroienc Tome II, Qj
458 De la Ch a r ï t«' empêcher le cours, & ainfi ils con- tinuent de Icandaliler Je prochain malgré qu'ils en ayent , lors n:icme que Dieu leur a changé le cœur ; ce c]ui leur doit être un grand lujet de gemillement ôc de confulion. Ce que doivent donc faire ceux qui fe fentent coupables de ces péchez, c'eft de n'en parler jamais qu'avec déteftation j d'en gémir devant Dieu, & d'abolir , autant qu'ils peuvent , les exemplaires qui en relient.
Mais à l'égard des autres efpeces de Icandale qui font plus remedia- bles 5 on cft obligé par un devoir de juftice , à détruire tous les mauvais effets que Ton a pu produire dans l'eTprit du prochain. Ainfi , une pcr- fonne qui a avancé de mauvaiies maximes , ou des calomnies devant quelqu'un , eft obligé de les delà- voiler de la manière la plus propre k les cfïacer de /on eiprit. Ceux qui ont bleifé les autres par leur immo- deltie ou par leur luxe , font obli- gez de donner des exemples de mo- deftie 5c d'humilité , & de condam- ner le luxe & rimmodeilie,en le con- damnant eux-mêmes. Ceux qui on
ENVERS tS PROCHAIN, ^.0
■paru colcres,aigrcs, mépiiians, fîeis , préfomptueux , font obligez d'édifier le monde par les vertus oppofées.
D, Quelle différence y a-t-il donc entre ceux qui ont Icandalilé^ & ceux qui n'ont point fcandalii'é , puifl que les uns &c les autres , comrne Chrétiens . font obligez aux mêmes adions ; les uns pour reparer le Ican- dale qu'ils ont caufé j les autres pour n'en pas cauier ?
I^. Il y a cette difFcrence ^ que ceux qui ont déjà efKrdlivement fcandalilé le prochain, en manquant à ces actions , bleifent tout enfemble Ja charité & la juftice j au lieu que les autres oui ne lont obligez a ces mêmes adlions que par la charité , 8c que comme Chrétiens , ne com- mettent pas la même injuitice, lorf- qu'il leur arrive d'y manquer.
Secondement , ceux qui lont obli- ç^ez à ces aélions comme a une ré- paration , doivent* chercher les oc- calions de détruire dans les autres les impreiïions qu'ils y ont faites ; au lieu que les autres doivent fim- plement éviter le fcandale , fans chercher les occallons de le reparer.
En tioifiéme lieu , on eft obligé k aller plus loin par le defir de reparer le f caudale qu'on a caufé au pro« chain , que par le (împle motif de lie luy pas nuire. Une femmes par exemple , qui a fcandalifé le pro-r chain par fon luxe,, doiçagir par un motif de juftiçe , & par le defir de remédier au mal qu'elle a pu cauferj ainli , elle doit fe priver des paru- res &■ autres chofes , dont d'autres qui n'ont jamais fcandalifé le pro- chain , peuvent fe fervir innocem- ment. Mais il faut remarquer que pour être coupable de fcandale.,il n'eij pas necelïaire qu'on fe foit fignaljç par un luxe extraordinaire , & qu'il fufîit qu'on ait autorifé par fon exemple, les mauvaifes coutumes déjà établies , & qu'on ait porté les autres à les luivre.
D, Quels font les fcandales auf- quels on doit particulièrement s'ap- pliquer ?
R, Ce font ceux qui bleiïent h plus ouvertement la charité , &c qui Yont à 1^ détruire. Telles font , par exempW , les imprefîîons que l'on donne quelquefois aux autres par
ENVERS LE ï>ROCHAIN. 4(>î
des dikoais imprudens , qui leur peuvent faire croire qu'on n'anief- tjme ni affedion pour eux ; telles ionc des allions faites fans réflexion, qui peuvent faire croire aux autres qu'on a voulu les ofFenfer ; ce qui* caufe en eux des préventions de des aigreurs prefque irrémédiables.
D, Que doit- on fciire pour guérit ces mauvaifes dilpofltions ?
^. Il faut chercher toutes les oc-* cafions de donner à ces perionnes qu'on croit avoir olïenfées , d'es té* tiioignages d'eilime fdc confiance 6c ëe conlideration: iur tout il ne faut pas neghger de les iatisfaire fur les offen(es qu'ils croyent avoir reçues de nouSjCnlèur en failant des excufes^ ëc en le condamnant loy-même avec une douleur ilncere. Car on doit re- garder une ofï^nfe que Ton a faite à quelqu'un , comme un fujet conti- nuel de tentation pour le prochain, parce que cette ofFenfe met fans cciïè'la vie fpirituelle du prochain ::U danger , ôc qu elle peut iuy être une occàfion de péché , routes les fois qu'elle fe reprefente à Ion elprit. C eft un feu caché qui eft toûjourg
4^1 De la Charité' prêt à s'enflammer ; ainii^ ceux qni s'en fentcnt coupables , ôc qui croyent avoir offenlé leur prochain , par leurs difcours, ou par leurs ac- tions , fe doivent rco;arder comme des incendiaires qui ont mis le feu , non à une mailon ordinaire , mais au Temple même de Dieu. Orjien n'eft plus capable d'éteindre ce feu , & de réparer ce fcandale , qu'un aveu humble &c (încere de la faute -, parce que rien n'appaife f\ fort Ta- mour propre du prochain , que cet- te fatisfaclion qu'on luy fait, parce que c'eft l'amour propre qui entre- tient 6c qui nourrit en luy le relîen- timent qu'il pourroit avoir contre nous : mais il faut extrêmcm.ent prendre garde , après qu'on a remé- dié à ces fortes de playes, de ne les pas rouvrir par de nouvelles oifen- îes. Car il demeure toujours d'ordi- naire dans l'efprit de ceux qui ont été une fois offenfez , un certain levain , &c une difpofition àl'ais^eur, qui s'excite plus facilement à l'égard de ceux qui l'ont une fois cauiée , que contre d'autres j c'efi- une playe qui n'elt jamais parfaitement re-
E17VERS LE PROCHAIN. 4^5
fermée , & qui fe rouvre airément a la moindre occafion : c'ell ce qui nous fait voir combien on doit être fur les gardes, pour ne pas bleifer la charité du prochain par des témoi- gnages de mépris , par des moque- ries , par des reproches injurieux , ôc iur-tout pa;: certains outrages qui ne s'oublient point. C'eft de ces for- tes d'outrages qu'un Philoiophe Pajen a dit qu il hiut éviter les in- jures qu'on ne fcauroit guérir. Ca- sentca de i â 'vendafunt infa'/i^.biles coîîtnmeli£,Qàï. '"'• '• non feulement on fe met par la dans rimpuiifance de leur être ja- mais utile , & on détruit à leur égard toute l'édification qu'on leur pourroit donner par d'autres aclions, mais on verie encore dans leur- cœur un poifon capable de leur don- ner la mort , fî quelque occafioii extérieure vient à le faire agir iur eux. Car ce qui ne les aigriroit en aucune foite , s'il venoit d'une autre perfonne , les tranfporte fouvent , lorfqu'il vient de quelqu'un qui leur efi: déjà fufpedt ^ & qu'ils crovenc mal diipolé a leur égard.
JD, Doit-on avoir en vue de ie
Qiî i"j
4<^4- ^^ LA Charité* faire aimer par le prochain ?
R, Saint Paul ordonne & défend
de vouloir plaire aux hommes -, il
Tautorife &: le condamne par ioîi
Jgoperomnia exemple , mais à divers égards : Je
OmniouspIaccOj '^ , ^ ,- -i i t • ^
nô quxic's quod tache , dit- il , de .plaire a to!i< en toH^ jpihi utile eft , ^g^ chofes. Et cependant il alfure ail-
Ird quod mu lus J ,., ^« , . , , .
u:faivifianc. ieuts ^ ijiie S U tachoit déplaire anx \.Lor.\o ii. liommes ^ Une feroit pas fèrviteitr de
JirTihtlf'-Chnfi- Mais quand il dit qu'il K.'Siadhuc tâche de plaire aux hommes , il «tn? ch?!ft. ^-'-^que en même temps, que .V/? fcrvus noa€f. pûnr leur intérêt ^ ôc non pour le(ïen, * ^'^^' *• ^°' ne chercha7ît point , dit-il , ce cjui tnefl- avantageux : ôc quand il dit qu'il ne tâche point de plaire ; il veut dire ,. qu'il ne rechexche point l'amour des- hommes , par le fcul défir d'être ai» mé d'eux.
Il eft donc non feulement permis , mais même il eft commandé de tâ- cher de fe faire aimer des hommes , puifque fans cela il eil prefque im- pofîible de les fervir,ni de les édifier. Se que h on ne fçait pas s'en faire ai- mer, o!\ court rifque , quelque bien qu'on leur veuille faire ^ de les ofîen- ier : mais fi on cherhe l'amitié des hommes^ ce dx)it être pour leur avaii-
tage , & non pour le lien. Il faut dcric s:xigcr d'eux , plus par nos actions que par nos paroles , qu'ils nous ai- ment , ou pour les ferviT , Ci Dieu le veut , ou pour empêcher au moins Non potefl- que nous ne leur nuiilons.C'eft pour- ^^^ ^'"."^ ^'^'^'
■i . r ntaus impen-
quoy s. Auguftin ne craint pas de ibr , nifi tueiit dire que l'on ne fcauroit avoir une ^^'"''g"^^^ ^'^*^- véritable chante pour le procham, d^ il Ton n'en exige avec bonté une pareille de luy..
^66 De la Charîte'
^mmmmmmMmm
SECTION SECONDE.
De ce quon doit ^m prochain h l*égard du ccrp. ^
0 V
Des devoirs de charité , qui regardent le corps,
CHAPITRE PPvEMIER.
Des avantages que retirent ceux qui pratiquent les devoirs de chanté) étudie pn H s doivent fe propofer tn tes exerçant ; Jt on y ejl obUgé envers tout U monde.
t>. TjUi^u'il eft fouvent auflî uti-
1 le aux hommes de foufïiir ,
cjUe d'être délivrez de leurs foufFran-
ces , faut-il faire état de ces offices
ÎNVERS LE PROCHAIN. 4<57
de cliaritc qui regardent le corps , £,* Mor, EccUf, que faint Aucrufcin comprend fous le <^'^^^^- <^« *7. mot de médecine ?
^. Ces offices de charité ne fe ter- minent jamais purement au corps; ils doivent avoir pour fin le bien ipi- rituel du prochain , êc ils y contri- buent Touvent plus que ce qui fe rapporte dircdlement au bien de l'ame.
La raifon eft que rien ne favorife plus Timpreffion que nous délirons faire fur les autres pour leur bien fpirituel , que l'afîeâiion qu'ils onc pour nous. Or les bien-faits tem- porels lont un moyen bien plus fur pour gagner les cœurs , que les bien- faits (pirituels. Car les diverfes pré- ventions où les hommes iont à l'é- gard de ce qui regarde le bien de Fa- mé , font qu'ils ont fouvent de 1 e- îoignement des biens fpirirueîs que Ton leur veut procurer. Ils les re- gardent fouvent même comme des maux ; ils prennent la vérité pour Terreur , ils la haïiTent comme leur ennemie , parce qu'elle s'oppofe à leurs inclinations. Mais il n'en eft pas de même à l'égard des bien tem-
4^8 De la Charité^ porels. Les hommes les dcriicnt cî?î bonne fov. Ils en Tentent le befoin. Us ont le CŒur ouvert pour les re- cevoir avec joye quand on les leur procure ; & l'amour qu'ils ont pour ces biens ne manque i^ucre de pro- duire des ièntimens d-^affcction èc de reconnoillance envers ceux de qui ils les reçoivent, ce qui les difpofe à recevoir favorablement Tmipreflioii de leur exemple & de leurs paroles.
D. Ne peut- on point avoir d'au- tre fin dans les oeuvres de charité , que de gagner le coeur du prochain pour l'acquérir à Dieu ?
R, On y peut joindre diverfes au- tres fins , qui le réunilfent néan- moins toutes dans celle de porter le prochain à Dieu. Par exemple, Con^me pour fe convertir à Dieu , il faut vivre ; on peut avoir pour fia d'entrenirla vie temporelle du pro- chain 5 afin de luy- donner moyen de fe convertir à Dieu par la^ péniten- ce.
On doit regarder tout le temps de cette vie, comme l'unique moyen que Dieu a donné aux hommes pour opérer leur faluç, par les bonne*
lïîVERS Lî PROCHAIN. j^^9
«uvres 5 ou cette confideration nous doit rendue ce temps infiniment pré- cieux , tant pour nou#, que pour le prochain ; ainfi c'eft une grande .
charité que d empêcher par les loins, de par ies bons offices , que la vie fôit abrégée aux autres par la vio- lence de leurs maux.
Les maux & les afflictions qui ar- rivent dans cette vie, font de grandes tentations de de grands obftacles, qui empêchent de vivre d'une ma- nière .<:hrétienne ceux qui ont peu de vextu ; ainlî c'eft une grande charité que d'en foulager .ceux qui en font accablez , puiiqu'en détrui- fant ces obftacles , on les met en état de fervir Dieu, Ôc qu'on em- pêche les murmures que. ces affli- ctions .pourroient exciter.
-D.. Ceux qui ne font pas capables - d'édifier les autres par leurs paroles, ôc dont l'exemple n'eft pas propre à faire impreiîion lut l'elprit , font-ils moins obligez à faire des charitez corporelleSjpuifque leurs charitez ne peuvent avoir leur principal effets qui efl: d'édifier le prochain ? .; ^, Ils y font plus obligez que les
470 De la Chariti*
autres , P^irce qu'étant moins capa- bles de iervir fpiiituellcment le pro- chain, Dieu#eur lailFe les chaiitez temporelles pour leur partage. De plus , il n'cfl: pas vray qu'ils ne puii- ient édifier le prochain. Toute oeu- vre de charité eft édifiante par elle- même , & elle honore l'Eglife , en failant connoître refpuit de charité qu'elle inipire à Tes enfans. ' C'eft dans cette occafion qu'on peut dire que c'eft une tres-fainte de tres-loliable pratique aux perion- nes riches , qui n'ont pas le don de pouvoir édifier par leur paroles ceux qu'elles afiiftent , de faire diilribuer leurs aumônes par des perfonnes qui Y puilTent fuppléer : car les aumô- nes ainii diflribuées , ont d'autant plus d'eftet pour le bien fpirituel des. âmes , qu'elles attirent moins de louanges humaines a ceux qui les font en cette manière. C'étoit la rai- fon par laquelle les anciens Chré- tiens choiiiifoient d'ordinaire les Evêques , Se les Prêtres pour être les diftnbuteurs de leurs aumô- nes. D, N'y a-t-il point de certaines
rNVERS LE PROCHAIN. 47!
gens II déréglez , &c fi éloignez de Dieu , qu'ils foienc entièrement in- dignes des aiïiilances des ^ens de bien ?
/?. Puifque Dieu continue d'exer- cer la miiericorde fur les plus mé- dians , juiqu'a leur mort ; la charité, des Chrétiens ne doit pas avoir d'autres bornes. Elle doit foufïrir tout ce que Dieu ioufîre , 6c n a- breger jamais le temps que Dieu veut donner aux médians pour fe convertir. Il n'y a que ceux qui por- tent l'épée de la part de Dieu , qui ayent droit dans certains cas , d'ôter la vie aux hommes par l'autorité de Dieu j mais tous les autres ne font miniilres que de la miiericorde en- vers les hommes j ainfi il eft de leur devoir de leur prolonger autant qu'il eft en eux, la vie temporelle. Oii peut bien néanmoins en quel- ques rencontres refuier certaines alîiftauces temporelles aux mé- chans, mais c'eîl loiTqu'il y a lieu de juger avec évidence , que cette privation leur eft plus avantageuie pour le falut. Car , ielon iaint Au- meoquod gultm 5 le châtiment même eit une q^i emcndato-
47i '^^ i^A Charité* r.i pccnâplcc- aiimône.lorfque l'on ne l'exerce que
Cl C C I C C ITl O -
fynam dac.quia daus la vûc de Corriger les perfon- Tniiericordiam ^^g à oui on le fait foufFrir. Or h Àncinrii. c 71. privation des atliitanccs temporel- les 5 eft une efpece de châtiment que Dieu met au pouvoir de ceuîi qui font des charitez libres & vo- lontaires^
CHAPITRE IL
Du principal devoir de la charité corporelle , j«e l'on peut rendre au prochain , qui cfi l'aumône,
§. I.
I^e Hehll-i-ition de faire P aumône,
D. ps 'Oii naît l'obligation de 1^ faire l'aumône ? R. Il n'efl point necelfaire d'en chercher d'autre fource , que l'amour même du prochain. Car puilque nous fommes obligez à cet amour,
1 r ^-r- - •
nous le lommes auln aux luîtes na- turelles de cet amour. Or l'amour
n'eH
P
•f 1
ENVERS LE PROCHAIN. 4"
h*efl pas une paiïion oilive j il tend [iaturellemciit à agir. Ainfi il ne fe peut faire qu'on aime le prochain ,- & qu'on ne l'afliae pas.5i ^«./^«'««^ f,Sfa'nSt. dit l'Apôcre iciinc Jean , aya?jt des jus munai , ic biens du monde , voit fon frère dans ^'^ ' fù J^i'^fc^qv^' neeejfiîé _, & cjhU liiy ferme ' [es en-' cem habstc , 5c treilles xommem U charité dé'DieHeft- ji^^.^^'J, !''"*- die en lity ? C'eft donc le défaut de quomodo «ri- oharité envers le prochain, qui rend ,"'ei^^' i.''^«!'i' criminel le défaut d'aumônes. Et 7.
:-eft le défaut de- chante en vcrs<J„''tSfc'' Dieu qui rend criminel le défaut de mihi mandaca- charité envers le-prdchain. C'eft ^^''^Jv^ilLli^ 3uieft marqué pa:î les reproches que n-ihi potum r Jefus-Chrill fera aux reprouvez au '^^Jf "J^'^^TÎ^^j " our du jugement, de ne l'avoir n' n:e : nudus , &
• • ,A . r ' .non' operuiftis
lourri, m vêtu ^ m vifite , parce ^^.^i^r mas & qu'ils n'auront ni nourri , ni revê--in carcere, ôc
.., . : i • r ' \ 1' \ V non" vificaltis
:u, ni ;viiite les pauvres \ d ou ib^ie- ,_ Quan^ j'eniuic que qui manque d'alîifter ^^ïii nonfeciftu*
^ -^ ,,, , . uîii de minori-'
.es pauvres , manque ace quil doift^s^r^ ^ nsc \ Tefus-Chrifl: même, fuivant- les ""'^^^^-"^^^'^-^ ^iaroies preciles de 1 Evangile. ^i. ^-/v^.,
• Z>. L'aumône n'eft-elle comman- dée que" par cette raifon générale- ^'il faut aimer le prochain ?
R, Il y faut joindre plufieurs au-- ures raifons, qui forment en queU- Torac //i R r
474 ^ ^ L^ Charité* que forte un devoir de juftice.
La principale de ces railons eft,que la providence ayant créé des biens iuflilans pour la nourriture de tous les hommes , ne les a diftribuez iné- galement , qu'a fin de faire fubfifter les pauvres par l'afliftance des riches. Ainli en ne donnant pas aux pau- vres ce que Ton a de trop , on ren- verfe ce deifein de la providence , on donne occafion aux pauvres de murmurer contre Dieu , ôz on ufe des biens qu'on a reçus de Dieu con- tre fon intention.
D, Ce n'eft peut-être là qu'une fpecuiation morale de pieufe ? mctibJbona />, Ceft une penfée employée par
przfentia unae? i -r» ■'■ • u , ^
- .. Nar.qaid tous les Pcres 5 qui 1 ont jugée très- injuftuscft ^1-^ ^ j Qj^j c^-û qu'elle nous
Dcas , qui ca ' i . i-
^uïfuncadTi. devoit convaiucre , comme ils en ou injqr.ahtcr ^^q[^i^^ cux-même Gonvamcus. Di-
curtudiycscs, tes-moy , dit laiiit Caliie , pour- fe^'no^/obT- qtioy vous avez tant de ncheifes ? î-aio caufam^ni- eft-ce que Dicu eft injufte , d'avoir 'riracMelffaic «n partage fi inégal; Pour- adn-.riftrationis quoy donc ccluy-ci eft-il riche , Se v^^Ë^t celuy-la pauvre ? N'efl^il pas cer- j'a:iecti2 maxi- taîu ouc c'eft afin que vous ayez lieu
mis trsny.is ho- r> • t ' r j
jtcmur. Ta vc- " acqucriE la rccompenie par desL'î
Î^KVERS lE PROCHAIN. 47^
lâiions' de banté ^ ôc par une fidèle ro infatî^-bilis adminiftration des biens que Dieu o:nai"*c!?cuai! voiis--a con'fié, & que les pauvres pi^^ï-^^ , &: toc loienc couronnez par les combats pu/ans , ne-n> delà patience ; ccpendai^t vous ne ^^^^if^ ^«^nc croyez pas tan-e in)ultice a perlon- h ^,.i>. de ^r,.^ ne , pendanç que vous mettez tout ''^'"^j^^'h^m. '.i\ téfer ve dans- ie^ 'i^in in fatiable de vôtre avarice.
Ce n'eft pas aifez , dit (aint Gre- Admoncnii Toire le Grand, de ne pas ravir le ^"''' ^^'^ "^^
^. ,, ' , i aliéna apperuac,
:)ien d autruy , il hiut encore don- nec Tua larg.û- ler le lien pronre. Tous les hom- ^/^n-» "^ Sciant nés ont ete tuez de la terre, -& la ea de qua •erre eft commune à tous, cSé elle f"X' n'"''' ' -
, . , ^ ^, 1 • r candis hom.ai-
)roduit de ion lein ce qui doit ler- bus terra com
^irà les nourrir tous. En vain donc h"?.'J^^?* ^
^ _ îu. «.licoaiimen-
reux-lafecroyent-ilsinnocens 5 qui ta quoque oni-
'approprient a eux feuls les biens I^J^^^^^//^^:;^- [ue Dieu a rendus communs ; car en tcrt. incaflUm te donnant pas aux autres ce qu'ils '« pSàm°'quI iUt reçu de troD , ils deviennent commune dw aeurtriers & homicides. vatum vindi-
On peut voir la même penfée dans ^^^^ $ qui cum
\ r r\ r, 1 1 • accepta non cri-
lulieuus autres Pères : & la lumière buu.^t, inproxi- u fens commun fuffit pour en re-' ^^°'^':'^" "«ce
A 1 . , ^ grallantur : quia
onnoitre la vente. fct pœaé quoti-
.diè périmant, lojc morienciLim pauperam apua fe rubfidia aUfcOiidunc. , S, Gfei*
Rr ij
J^.y^ De LA C H A R r r B-'
p. Cela prouve-t-il qu'il y aie df* riiijuftice a ne pas faire l'aumône >.
J^. Cela le prouva clairement. Car il eft viriblemenc-injufte d'ufer des biens contre l'ordre. & la volonté de celuy de qui on les tient. Ainfi , Dieu ne nous accordant les biens qu'à condition d'en donner le fuper- £u ; il eft clair que violer cette con- dition 5 c'eft en ufer injaflement.
D. Mais quelle injuftice y a-t-il à ufer de fon bien comme on veut ?
Ji, Les hommes ont tort de fup- pofer que leurs biens foient-à eux ^ C€s biens lont à eux à l'égard des hommes , parce que les hommes jî*ont pas le droit de les leur ravir i mais ils ne font jamais à eux à l'égard de Dieu j il en eft toujours fouve- rain maître par un droit inaliénable,» CTeft donc une injuftice toute claire. ôc une efpece de vol que l'on fait k. Dieu, d'employer ce que l'on a reçu, de luy', contre Ton intention,
£>, Mais pourquoy Dieu pré- voyant l'abus que les riches pour- roient faire de leurs biens , a-t-il mis. le neceftàire du pauvre entre le& snstins^ du riche } ,
IRNVERS Le- PROCHAIN. 477
, J^^ L'inégalité des biens eftdeve* îtVi'c lîeceiraire après le péché , (Se ùms elle le monde ne pourroit pas fub- fifter. Il a été donc jafte que Diea la permît : mais il n'a pas permis que Ton abufat de cette inégalité de biens. Il le foufîre , mais il ne l'ap- prouve pas. Il eft vray que ceux qui par rinjuftice des hommes , font pri^ vez des foulagemens que Dieu avoic ordonnez qu'on leur donnât, n'eh font privez qu'avec juftice de la part de Dieu: mais ils lefontinjuilement de la part des hommes. Ainfi , quoy que les plaintes contre laProvidence de Dieu ioientinjuftesdans ceux qui ioufFrent ; ceux néanmoins qui en ne les afïïftant pas , donnent occa- fion à ces plaintes ôc a ces murmures, feront punis de toutes les fautes que la mifere de leur état leur fait faire. D, Cette première raifon fait Voir qu'en n'afliftant pas les pau- vres 5 on fait injuftice à Dieu ôc aux- pauvres : à Dieu, en uiant de les biens contre fon ordre 5 & aux pau*- vres, en les :privant des foulagemens^- &:des afîiftances que la Providcnce. dc Dku leur avoic dellinées,. MaisL
De la Charitb' ibnt-ce là les feules injuftices qui s'y rencontrent ?
JR. En n'afîiftant pas les pauvres , on fait encore une injuftice particu- lière à Jefus-Chrifl: &:àfoy-mcme.
Car J. C. non feulement comme Dieu, mais aufîî comme Homme, cft le maître & le légitime poircf- feur du monde : les richeifes font partie de fon héritage 5 il les donne à la vérité aux hommes pour leur u- fàge , mais il ne les donne que pour cela ; il veut qu'ils luy rendent tout ie refte en îa perfonne des pauvres & des miferabies , dont il s'eft revê- tu , & par lefquels il le demande^ Ainfi, en rcfuiant aux pauvres fon fuperflu, on commet la même in- juftice que fi on refufoit de payer ce qu'on doit a un créancier qui le demande. Car li nous ne le devons pas aux pauvres perfonnellement , nous le devons à Jefus-Chrift qui le demande par eux.
Enfin , cette refcrve avare de fou fuperfiu , eft une injuftice contre nous-même. Car ce fuperflu qui n'eft pas nece'Taire à nôtre corps , eft necelfaire à nôtre ame j c'eft le prix
ENVERS LE PROCHAtN. 475^
de nos péchez , ôc Dieu l'a mis en- tre nos mains pour les racheter. En faire donc un autre uiacre , & le 2;?^r- der ou le coniumer inutilement, c'eft caufer un dommage irréparable à ion ame , en la privant des biens fpirituels qu'elle pourroic acquérir par la diftribution de ce iuperfîu.
D, Ne peut-on pas racheter Ces péchez par d'autres bonnes œuvres , que par les aumônes ?
y?. On le peut , quand on n'a point le moyen de faire l'aumône : mais quand on en a le moyen , c'eft fe tromper foy-même , que de s'i- maginer que Dieu fe fatisfafle par d'autres œuvres , en ne^hc^eant celle- là. , puifqu'il eft certain qu'il n'y 3. que l'attache criminelle à ces biens, & l'avarice qui en empêchent.
§, II.
De ce quon doit aPpelUr ' Jupcrflu,
T>, Tout ce qui a été dit jufques ki, établit bien l'obligation de don- ner fon fuperflu j mais il ne fert de
é^îo Ds LA Gharitf rien d'en être perfuadé, s'il n'y a^ rien de fuperflu : or il lemble qu'il n'y en a jamais , puiique ce qui eft- fuperflu à nôtre- état prefent, peuc être neccfîàire a quelqu autre état , où il nous eft permis d'afpirer?
^. Il eft vray que perlonne n'au- roit jamais de fuperflu , s'il étoic- toujours permis de s'élever à un plus haut état : mais c'eft ce qui montre que cette maxime eft tres-fauifc. Car il y a certainement dulupcrflu, de c'eft une obligation tres-ordinaire que celle qui nous engage a le don- ner aux pauvres , puilque Jefus- Ghrift nous déclare dans fon £van- ^*f. iy. t/. gile, qu'il reproclîera à tous les re- îDurouvez romiiïion des aumônes •■< d'où il s'^niuit, que c'eft un défaut^ tres-ordinaire : or ce défaut feroitaub^ contraire très -extraordinaire , s'il étoit permis de referver tout ce qui- eft fuperflu à fon état prefent , pour s'élever à un état plus haor.
D, Cela n'eft-il jamais permis ?
^, Ce feroit poulfer à la vérité le' fcrupule à un autre excès , & don- ner dans un autre extrémité égale-- îîiçnt^dangereufe, que de s'imaginer-
qu'U-
ni. &f'^.
Envers le prochain. 4S1 qu'il ft'eft jamais permis de s'élever à un état plus haut ; mais il faut être perfuade qu'il n'eil jamais permis d'être ambitieux , ni de rechercher l'honneur pour Thonneur. Il faut donc que fi quelqu'un s'cleve , ce foit par un autre principe que celuy de l'ambition ; c'eft-a-dire , qu'il faut au moins être perfuadé de bon- ne foy , que Dieu demande cela de nous , que (1 nous le faifons , il y va de l'honneur de Di^u, Se de celuy de i'Eglife. Or il y a tres-pcu de perionnes qui fe le puiifent perfua- der avec fondement. Car il ne fe faut pas tromper , la difpolition d'humilité eft elfentielle au Chriflia- niime. Or cette difpofition oblige tout Chrétien de tendre plutôt au rabaiilement qu'à l'élévation.
£>, Mais ne peut-on pas dire qu'il y a peu de gens qui ayent du fu- perflu, même par rapport à leur état preient ?
^. On le peut dire , fi on renfer- me dans ce qu'on prétend neceiîài- re à l'état prefent, tout ce que la coutume , la délicateife & les paf- fions des gens du monde y ont len- Tome II. S i
4-Si Dé la Charité'
fermé. Mais on ne le peut pas dire, fi on retranche de ce qui palfe poui* necellaue , tout ce que Tamour de la pénitence , de l'humilité , de de la pauvreté , en doit faire retran- cher : fi on garde , par exemple , une exa6be modeftie dans fes meu- bles , dans les habits , dans fou train, & dans fa table , Ôcc, C'eil par ces retranchemens qu'on trou- ve du fuperflu , & c'eft le défaut de ces retranchemens qui fait qu'on n'en trouve point. C'efI: pourquoy Jefus-Chriil: prévoyant que les ri- ches diroient toujours qu'ils n'ont point de luperflu , a voulu figurer ce que l'on doit regarder comme fuperflu, par les cheveux ; de par les cheveux d'une femme du mon- de. C'eft dans cette vue qtie l'Evan- gile nous propofe pour exemple la femme pecherelfe , qui fe fervit àc les cheveux , & qui les employa à eifuyer les pieds de Jefus-Chrift^ pour montrer que Ton doit em- ployer au fervice du prochain tout ce qui n'eft • pas abiolument necei- faire. Or combien y a-t-il de cho- fes à donner , H l'on donne tout ce
BKYÊÏLS LE PROCHATHo 4^$
qui eft moins nccciraire que les cheveux ?•
X). Eft-on obligé de donner ce fu- perflu aux pauvres dans toutes fortes de necelTitez , ôc ne peut-on pas le referver pour les neceiîitez extrêmes ou prelFantes ?
K. On ne manque prefque jamais de pauvres qui foienc dans des ne- ceflitez prelîantes , pourvu qu on ait foin de s'en informer ; mais quand il n'y auroit pas efFedlivemenc de necefïïtez prelFantes , il fufïit qu'il y en ait d'ordinaires pour être obli- gé de donner. Car fî chacun s'e- xemptoit de donner dans les necef- fitez ordinaires, elles deviendroient toutes prelîantes. Toutes ces neceiïî- tez que l'on appelle ordinaires , doi- vent être foulagées par la charité de toute TEglife , ôc il faut au moins que chaque fidèle en poite fa part ; autrement il n'agiroit pas en mem- bre vivant de l'Eglife , ôc on ne pourroit pas dire de luy qu'il feroic animé de Tefprit de l'Eglife , puif- qu'il n'auroic point de part à fa charité.
D, Ceux qui font pauvres , font*
S f ij
484. Dp. la Charité*
ils cnticiement exempts de faire
l'amBÔne ?
R. Ils ionc exempts d'une force d'aumône , mais ils ne font pas exempts des autres , «Se ils doivent fublliituer d'autres oeuvres de charité & de mifericorde , à celle de don- ner de l'argent , s'ils n'en ont pas la commodité. Quand la charité ed bien gravée dans le cœur , elle trouve les moyens d'être utile , 6c d'ailifter le prochain. Les pauvres , comme dit laint Augudin , ne font pas univeriellement pauvres ; ils font riches quelquefois , en force , en lanté , en induftrie : & la charité .. 1 r ir r.«r conhfte à afTiiler les autres de ce don t n-:endici , qui on eit riclie , OC dont les autres lont
|::r;,fp'::cidi, V^^-^^^- Ainfi >1, ny a perfonne fi juxrurniiâ. Oc pauvre , qui n ait quelque moyen p-iSïbfm^ d'exercer la charité. La bonne vo- viccm. . . nie lonté eft le tréfor des pauvres , dit
non poccft am- r- • a n.: i
buiats : quipo- Sauit Auguiun : or cette bonne vo- \aï ambuiaie, lonté ne pcut être oillve.- Tefus-
pedes Llios ac- /^i-nj j Ji '^
côaiodac claa- v^nriic demande a tous , dit le me- ào : qui vidît , rpe pere , & tout luy fuftit , pourvu
oculos fuos ac- ij • r rT > i
coni.Tiodat ex. quc 1 on talle ce qu on peut : le co : qui )avenis Rovaume de Dieu vaut ce que vous
tft oC lanus, VI- •' ^ , , -^
iti ùas aceom- avez j il VOUS n avez qu un verre
ïnvers li prochain. 4S5 d'eau , il ne vaut qu'un verre d'eau. ^^^^^ ^=^ ^'^^'^
^ ^ vcl aegroto ....
fie fe crgo ien;c corpus Clirifli , membra focif fie coinpinguncur 3 &z adananmr ia caritace & in vinculo pacis , cum quifque id quod habcc , prxlcac Ci qui noa habcc. S. v-Jn^r. -.n Pf uj.
Seininate quantum poteftis ; fed parum habes undc facias , ha- bes voluntatem =^ Quomodo nihil efl'ec quod habes, fi non adcH-c bona voluncas. lùii
Habec Tcupcr undc dct , cui plénum peftus cft caritatis ; ipTa e(l caricas quae dicirur ôc voluntas bona . .• . vacare non poteft yolun- tas bona . . . ipfi inter le paupcies pisftanr fibi de voluntatc bona , non func inteï fe infvuctuoli . • . TJndc faclum effc hoc uc meu- bla fua commodaicc ei qui non habcc, quia incùs iacrac r j- lun?as bona , theiaurus pnuperum. Idtnl'f ^i- Ser, z.
Non habes taculcacem fiangendi pancm . . . da calicem aqua; fri- gide : micce duo minuta in gazophilacium , tan.:um em;c rid ii duobus minutis, quantum emic Tetrus relinqucns retia , quanrm émit Zachaeusdaado dimidiuin patiimonium. Tanti valet Regîurii Coelorum , quancuiu habueris. id in tf. 4p.
D, N'ell-on jamais obligé d'aflîfler les autres de Ton necelTàire ?
-^. îl y a tres-pcu d'occaiions oii l'on foie obligé de donner ce qui eil abiolument necelîaire à la nature ; mais il y en a beaucoup où Ton ci"b obligé de donner ce qui e(l même necelîaire a ion état. Car il ne fauç pas douter que l'on ne foit obligé de le priver du neceifaire , dans les necefÏÏtez cres-preirances , dans lefquelles il s'agit de choies que nous devons préférer à nôtre état. Il faut, par exemple , préférer le falut ôc la vie du prochain , à certaines bien-
Sf iij
4S6 De la Charité' icances extcneures3& on ne voit pas comment on peut en confcience re- ferver la vaiiîelle d'argent & Tes meubles précieux, lorfque les peu- ples penlFent par la difette & par la niifcre.
On peut encore être obligé à re- trancher ce qui eft même neceifaire il fon état , par un efprit de péni- tence ; cai: il ne faut pas douter que ceux qui ont a racheter de grands péchez , d< particulièrement ceux qui font ordinaires aux riches , comme font le luxe , l'orgueil , la vanité dans les meubles &c dans les habits , (5jc. ne foient obligez de le rabaillcr au deiîbus de leur état, pour témoigner à Dieu par ce retranche- ment , le regret qu'ils ont des excès où ils fe font lailfé aller. Se réparée en donnant'aux pauvres ce dont ils fe retranchent , le fcandale qu'ils ont pu caufer à leur prochain : or en le retranchant de la forte , on fe ■fait plus de fuperflu dont on doic alïïfter les pauvres.
£>, Le défaut des œuvres de mi- fericorde eft-il caufe de la perte de beaucoup d'ames ?
ENVERS TE PROCHAIN. 487
^ JR. C'eft une vciité dont il n'eft pas pennis de douter , puifque Je- fus-Chrill; nous a déclaré dans 1 E- vangile , que le jugement qu'il pro- noncera: contre les reprouvez , lera, particulièrement fondé fur ce dé- îauc ; joint à cela que TomifTion de l'anmône fera caufe de la perte des Chrétiens en plufieurs manières.
1°. Parce que cette omifïïon efl: tres-fouvent un péché mortel par elle-même , comme lorfqu'elle t\t€ fa fource de l'avarice Se de l'atta- che que l'on a pour les biens du fiecle.
2°. Elle peut être péché mortel, lorfqu'elle naît de la dureté de cceur Se de l'ingratitude envers le pro- chain , puifqu'eile eft incompatible avec la charité . oui eil: une vertu eiientielle auChriftiahiime.
5°. L'omiliion de l'aumône attire les péchez mortels , puifqu'eile dé- tourne de dclTiis nous les regards fa- vorables de Dieu , de par confe- quent la grâce par laquelle il nous .enpreferve.
4**. Selon le fentiment univerfel •Hes Pères de l'Eglife , l'aumône ei^
Sf iiij
4S8 De LA Charité' un moyen que Dieu nous laifTe p.our racheter les péchez véniels j ariiii , romifîion de ce devoir eft caufe que les péchez véniels que l'on devroic effacer par ce moyen , viennent à fe multiplier ; ce qui afFoiblit telle- ment l'ame , que la charrités'y éteint entièrement.
5°. Comme l'aumône eft un moyen pour obtenir &c la converlion & la perfeverance , en ce qu'elle donne de Tefticace à nos prières j ainfî , l 'omiUion des aumônes rend nos priè- res froides ôc foibles . & éloir^ne ainfi de nous la grâce de Dieu. Le Date panem pauvre a bcfoln de vous y dit faint teneniira , & Auguftin , & VOUS de Dieu : C\ vous uacm. Domi- mcprilez le pauvre dans le bcioîii EUS panis eft : qu'ji ^ de VOUS , nc doutez poinc
l£,o fum panis , ^ ' T J 1
iifqiiit vitse- que Dieu ne vous mepnle dans le Quomodo da- {jgfoin Gue VOUS aurez de luv.
biciibij quinon I ^
cla5 cgenti, eget
ad te aJccr , eges ad alceram- S. ^.i^.-^erni. ^o de ten-p.
D, Efl;-il facile de déterminer quand l'omiffion des aumônes eft péché mortel î
F, Non , parce qu'il eft difficile de fçavoirpréciiément quand la cha- ricé eft entièrement éteinte , puif-
ÏNVERS LE PROCHAIN. 4S9
qu'elle s'éteint iiilcnriblcment.- Mais ou peut dire néanmoins que cette omiffion eil: un figne d'un état mor- tel 5 ou qui approche bien fort de la mort. Car n'eft-ce pas un figne vi- fible que Ton met fon eiperance en ce monde , que Ton-eft citoyen du monde , ôc que Ton n'a pas pour piincipale fin d'être éternellement neureux en l'autre , que de n'avoir aucun loin d'y accumuler & d'y tranfporter fon trefor , pour en vi- vre dans l'éternité ? N'efl-ce pas fai- re voir que notre foy & notre efpe- rance lont étranecmentaffoiblies, de que de n'être point touché de toutes les promcllcs que Dieu a faites de nous rendre au centuple ce que nous donnerons ici pour l'amour de luy ? N'ell-ce pas témoigner à Dieu une horrible ingratitude^ que de ne luy vouloir pas rendre dans la perionne des pauvres une partie des biens que nous ne tenons que de luy ? N'eft-ce pas marquer vifiblcment que Ton n'aime point Ton ame , que de l'ex- pofer à paroître devant le Tribunal de Dieu , dans un vuide de dans une çudité honteufe de bonnes ceuvres l
1
49<^ ^^ ^^ Charité*" Éntîn, eft-il jufte d'abandonner ain- fi le foin de Ion ame , & de ne luy faire aucune part de Tes biens tem- porels , de de les donner tous a les pafTions ?
§. III.
'De$co7iiitions dcVéïtmone'
D. Suflit-il de fciire Taumône , de . c[uelque manière que l'on la falTe ?
R, Dieu ne nous a obligé à l'au- mône , que pour nous faire encrer dans certaines dirpofitions : ainfi, ces difpoiitions qui font la fin de l'au- mône , font encore plus.eCfentielies que l'aumône extérieure.
D. Quelles (ont ces difpofitions ? Non tx trir. ^, L^ première eftla joye . fcloa
çitia aat câ ne ^ t» . ^ r^ • i • a '^
«effitate,hikrejn ^- ^^«ï \ Car, Z;/c?« , dit CCt ApOCte,
cnim daioiem ^l^ne celnv qul do'ûne avec joye, & it Ctr. s. 7. rejette les dons qui je font avec trijrejje.
Or cette joye doit naître du ienti- m.ent que nous devons avoir de l'honneur que Dieu nous veut bien faire , de nous rendre fes ihftrumens & les cooperateurs dans Talliftancc *ie fes créatures de de fes en fans.
ENVERS LE PROCHAÏM. 49Î
Car fi l'on le trouve honoré de ren- <lre lervice aux enlans des Rois ôc des Princes de la terre ; quel hon- neur n'eft-ce pomt de rendre lervi- ce aux enfans de Dieu.
Cette joye doit naître en fécond lieu, de ce que l'aumône eft un com- merce infiniment avantacreux entre Dieu & nôus.Nous donnons peu pour avoir beaucoup; nous donnons cejqui nous eft fupcrflu , pour avoir ce qui nous eft neceilaire -, nous achetons pour peu de choies la remiiîion de;nos Tu vide quîd péchez. Confiderez , dit iamt Aug-u- l'^l'/ ^>^-"^*
r ^ D eiv.as , quand
ftin 5 ce que vous achetez , quand emas. irais e- vous Tachetez, combien peu vous ^œlorum'^'^& Tachetez. Qui ed: celuy qui s'afflige non eftemendi en icmant , pnncip^alement s'il eft LlT'vfdf &"" aiïlirc que ce qu'il iéme , ne peut q^i^ni viii cmas,
J C rL-'~ ^ ^ attende Ah-t.
manquer de truamer ? ,^ ^y; ,0^^ *
La féconde difpofîtion qu'on doit î^oliteron--
avoir en faiiant l'aumône , eft le cemnere paupe-
r CL 1 /^ res , ha'aeut quo
relped envers les pauvres. Car, int^enc , habenc
i^. On les doit regarder comme tabemacuia, des grands Seigneurs du Royaume na , habcm quo de Dieu , qui ont pouvoir de luy fiuftra recipi
a. 1 1 1 '' oprabitis, (1 non
e nous recevoir dans les taberna- eosnuncinve-
Cles éternels. ^^^ recepemk.
z°,On les doit regardercomme des txfirm.''"*'
49i De laCmarite* Rivons, donc Dieu écoute les re- commandations 5 qui lont les 'ou- haits ëc les bénédictions , dont ils comblent ceux qui les alîiflent dans leurs befoins. .
3^. On les doit regarder comme des amis de Dieu , dont il a^rée ex- trémemcnt les prières , ôc comme des miniftres' aulqiàels il a'confié les palfe-ports pour nous recevoir dans fon Royaume.
4*^. Ce qui doit encore plus exciter
nos reipccts pour les pauvres , eil
qu'on doit les regarder comm-:; la
perionne de Jefus-ChriiHuy-même,
puifqu'ils nous tiennent la place ei
ce monde , & que c'eil: Jefus-Chrift
qui nous demande en leur perfon-
.ne, &c qui nous demande ce qui luy
appartient. Or ii c'ell: Jeius-Chrili
Éfurire in pau- même qui nous demande , avec
peribus voiuic , qQ^Hg humilité ne devons - nous
qui dives in ccc- j- , • n \ i
]oeft,&cudu- point luy donner ce qui eit a luy? bkashomodaie Q^^: ^g s'humiliera devant Teliis-
homini , cum "^^ i / i -^
fcias te chrifto Chnit humilie dans les pauvres , ÔC darequod das , • étant comblé de richelfes dans
a quo accepiki / . , , • r • i i
quidquid das. le Ciel a voulu avoir raim dans leur ^^l-tn^f.j^. perfonnc.
La troificme difpofition dans la*
îMVERS LE ^ROCHAIN. 49$
quelle on doit être pour rendre fou
aumône agréable à Dieu , &: utile à
foy-mcnne , c'cll: de la faire avec un
véritable amour du prochain 5 car,
comme dit laint Auiuiilin, Taumône Uade proccdic
de la main , fans celle du cœur, n'eft '.oTdef Tcnhn
rien ; Se celle du cœur lans celle de manum poiru
1 ■ ^ '' L r^' n £<is , nec in.
la main , peut être beaucoup. C eit °^^l^ niiferca. pourquov le Prophète liaie ne veut ris, mhii tecî-
r \ ' 5 j fli : ii autem in
pas leuiement qu on donne aux pau- corde mifnea- vres les biens , mais au/li Ton cœur, ns , eciamii non Votre Lumière s élèvera, dans les tene ponigas manu, brcs , dit-il , lorfcfue vous aurez, ré- accepcat Dcus
j " ' * j 1 r • J ^ eleemorynam
vandii lotre arne dans le je i?2 du pan- ^^^^^^^ s.sAut.
■T- r \ ■ ' ^■ r r • '^ Cum cfFudc-
hnnn la quatrième diipoiition ou j-is eiuiicnci a- on doit entrer en faiiant l'aumône, m'^iair. tuam, elt une extrême reconnouiance en- bris lux tua. vers Dieu. Car la bonne volouté 'P' î^- *^» qui nous Fait donner Taumône , eft vlïi des plus grands dons , pmique c'eft un moyen que Dieu nous don- ne , pour obtenir ioii Royaume, les grâces , Se la rernidion de nos pé- chez. C'eil: pourquoy l'Apôtre dans ion Epître aux Corinthiens , par- - lant des aumônes , dit poiitivement, cranas Deo qiiil fant en rendre nraces a Dieu ^ & ^"^^ inenanabili
-i . I s ' rc 1 1 ,.,donofuo i,
le remercier ae ce aon ineffable qn U c<>r ^. ij, nous fait.
4P4 ^^ ^^ Charité' §. IV.
. De^ ex eu f es que l'on apporte pour s exempter de faire l'aumône.
-D. N'eft-ce point une excufe va- lable pour s'exempter de faire l'au- mône, que celle que l'on peut pren- dre des malheurs des temps , & des calamitez publiques , puilqu'il fem- hle que ceux qui n'ont pas de grands biens ^ font obligez par prudence à faire des referves pour fe garantir des miferes qui menacent tout le
Kuncexhor. monde?
tor, ne vos vin- ^. Plus le monde efl: accablé de facile^ omiuio cakmitez , plus il faut faire d'au- hujusmundi , m.ônes. Car il fciut fe hâter de met-
cui calia videcis ri- r^ ' - e i •
accidere,4uaiia ^^"^ ^^'^ bien cu luretc , & obtenir Redemptor no- de Dieu par fes bonnes œuvres , la
lier vecuiapiîE- , r ^
dixit. Non fo- g^^cc de ne pas iuccomber aux ten- lum ergo non cations , auix]uellcs les miferes 6c
dcbecis minus i i • î" • •
faccre opéra ini- i^S CalamiCez iont JOlUteS. lencoi "lïe , fed
etiam debctiî amplius quam foleris. Sicut eniai ad loca muniriora feftinantius migrcintj qui ruinaai domus vidant conciicis paiiecibus iramiaere:lic cvJida cnnttiana qu.anco niagis Tentiant miindi hujas ruinam cieorefcentibus tribulacionibus piopinquare , tanto niagis dcbcnc bsna qas in cerrâ rccondere difponebant , in thefauruiiî csleftcm in;!pigtâ cekiitatc transferic. ù. -^k^. ef. 158,
ÎNV£RS LE PRCCHyilîf. 4^5
X>. Ne peuc-oii s'excufer de fane raumôiie lur les enfans que ilon a il pourvoii- & à établir j & eft-ce mal taie que d'épargner de Ton re- venu par cette coniideration ?
F, On doit a la vérité quelque chofe aux enfans -, ôc ceux qui n'ont pas de bien pour les pourvoir lelon leur condition , peuvent amalTer quelque choie pour cela ; mais il ne faut pas croire ie. pouvoir dilpenler entièrement lous ce prétexte de tou- tes fortes d'aumônes. Car fi les en- fans ont beloin des biens temporels, ils ont encore plus -de beloin qu'on leur attire la protcdtion de Dieu par des aumônes , ôc qu'on fatisfaife à Dieu pour leurs péchez par des œu- vres de miiericorde ; ôc il faut té- moigner a Dieu par ces aumônes , qu'on a plus de confiance en luy qu'en des richeiles periifables ôc in- certaines : c'eft pourquoy les Pères ont refuté cette excule. Gardez- Noii fub im»-
j ■ r • A n • j S^^^ pietatis au-
vous , dit iamt Auguihn , de pren- |eic pecaniam; dre le prétexte de l'amour de vos ^ ^^"^ «i^is fer-
r ^ 1 • ^<^ > magna ex-
entans pour augmenter votre bien, cmatio , fiUis Te cT-rde mon bien pour mes en- ^-^^ ^^"^^o- vi-
i- "^ -1 111 r ■ deamus : lervat
tans : voua une belle excule , je gar- ûbi pacer tuas ,
Il
49(j Delà Charité' rcrvastufiliis ^le moii bien pour mes enfans î Vô-
tuis, ùlii tui , 1 ' j' I •
hiusiuis , & lîc tre ^cre a garde Ion bien pour peroaincs , bc vous , VOUS le cardcz'pour vos cn-
nullusfattLirus -- ri i
cftprxcepca lans , (X VOS cnhins le garderont ^^^' ^^ ^^^^^ pour les leurs , & ainfî perfonne
proptcr nlios VI- •'• , « /> i i i -r> •
dcancur ieivare H ODiervera la lov de Dieu.
hommes quod Qq f^j^^j. Dodcur fait voir en
piopc>-r avaii- ^ . 1 r - TLI
tiain fervanc. iuice,par uu exemple lenlible, que ce Nam ut nove. pretcxce dcs en fan S , n'eft ordinai-
ritisquia lie r , X
pisiumque con- remcnt qu un deguilcmenc d avari- tingit, viicuur ^ç ji arrive , dit-il , qu'un père
quaic non tacit perd UQ de ics enrans : ne bien , h eicemoiynam ? c'écoit pour cet enfant que vous
Quia leivac h- i 1
lus luis. Con- tardiez ce bien , le voila mort , "?!m'??'T donnez - luy donc fa part. Il eft
tat unam , li y r
pLopter lîiios mort dïtes-vous. Il n'a fait qu'aller "J™ p": devant ybus a Dieu : la portiaa te.n fuam. Qua- qui luy ctoit dcflinée , eft due aux
le illam tenec m ' ii n. J '^ ' 1 t
faccuio , & il- p^^i^vres ; elle eit due a celuV vers lumreimquic lequel il eft allé ; elle eft duc à
ab animo ? Red- t r /^i -n r ^ n. i ^^
dciiiiqaodraù>^us-Chrift,puilqae c eft luy avec eft, redde iiii lequel il eft réuni. Dites ce que vous
quod illi ferva- j j /
bas. Moituus voudrez , vous devez a votre en- eft,inqait, fed fant mort , ce que vous deftiniez à
priceflic ad /. r
Deam , pars ip- votre enfant vivant.
fius pàupcnbus
debccur ; illi debctur ad quem perrcxit ; Chrifto debctur , ad illuni enim pcrrexic . . .fed quid dicis ? Tervo fratribus ipfius. Si vi- veret ille , non crac cum fuis fraciibus divifurus ? O fides moriaa ? Mortuus eft enim fiWus tuus. Quidquid dicas, moicuo debcs , quod vivo fervabas. S. ^ug.ftr, de Dec. iktri. c. u, JÇ,
ÎNVIRS LE PROCHAIN. 497
D, Tout cela fe doit-il prendre à la lettre ?
5^. Saint Augulliii n'ctend fans doute ce devoir qu'a ceux qu'il fup- pole avoir allez de bien pour pour- voir leurs enftins honnêtement , fé- lon leur condition , 6c il ne foumet- toit pas à la nicine loy , ceux qui n'en auroient pas alfez pour cela. Mais en reduiiant ce cas a fon efpe- ce précile ;, il iemble que ce qui étoit deftiné à cet enfant , devenant /uperflu par fa mort, foit plutôt dû -aux pauvres , fclon le vray efprit de la charité & de l'humilité chré- tienne 5 qu'aux autres enfans. Car pourquoy augmenter la part des au- tres , que l'on fuppofe fuffifante 2
D, Suffit-il en ce point de fe ré- gler fur l'exemple des autres , & donner autant que ceux xie fa con- dition ?
F, Comme il n'eft pas toujours permis d'imiter ceux de ion état ôc de ia condition dans les meubles & les autres dépenfes jparce que la coutume jétablit tous les jours une infinité de mauvaifes loix : de même, il n'eft pas toujours permis de fe contenter de Tome JL T t
49^ De la Chautte'
les imiter dans leurs aumônes. C'cfl
de l'Evangile qui efi: la loy de Dieu,
qu'il en faut prendre la règle , &:
non de l'exemple des hommes. C'eft
cette mauvaiie excufe de l'exemple
des autres , que faint Auguftin re-
!colî atten- prend par ces paroles : Ne prenez
^"u7.'ckt'^'ed pas garde à ce qu'un autre ne fait
«îuid te jubeac pas , mais à ce que Dieu veut que
fiiemo quarein ^^^^^ talliez. Ce n elt pas amli que
iftis affeaioni- VOUS agilfez dans vos paflîons de
bus faecularibus, j rr • i i -ir
non vobisfuffi- ^^ns VOS aftaires du monde. Vous ne ciuncqaos prs- VOUS contentez pas de furpalîèr quel- «jsefle diviccs, ques-uns , m d être au-dellus d une «qaaies ditiori- infinité de pauvres : vous voulez lur-
bus vobis. Non ;T i i • t r^ > n.
attendùisquan- palier les plus riclies. Ce n elt que tes paupcriorès ^ans les aumônes que vous êtes ainfi
tranicendicis , , > n i
sincère vuhis moderez : ce n elt que dans cette 4litiores : l'ed matière qu'on s'enquiert exaélemenc
in eleemolynis , , 1,-1- >
jiabctur modus. des Domes de Ion devoir , pour n en Kic dicitur.jam f^jj-^ p^g pj^g que ce qu'on eft obligé
ufqaequo racio? j r •
& iiiic non di- de raire.
«itur quantis di-
^uibus «iitior fum. S. Aug. ibid.
D, Ceux qui ont des excufes lé- gitimes , fe doivent-ils croire en fureté de confcience , en ne dort- Jiant pas l'aumône ?
^, Ils y fcioienc fans doute , û
ÎNVtKS- lE PROCHAIN. ^99
leurs excuies croient légitimes , 6: que ce fût véritablement ce qui les retient- mais Touvent toutes ces excu- fes font frivoles 6c fans fondement , en forte que ce n'eft pas par im- puiffance qu'on ne fait pas Taumo- ne , mais par l'avarice qui empê- che de donner. Outre que fi la plu- part des Chrétiens avoient plus de charité j qu elle fut fervente de fin- cere, ils trouveroient des expediens pour afTifler leur prochain, ik. fur- aïontcroient les obflacles que leur cupidité & leur avarice leur forme : c'eil pourqucy , dit faint Cyrille, l'Evangile nous propofe formelle- ment l'excufe que les Apôtres alle- guoient pour ne point nourrir les troupes qui fuivoient Jeius-Chrift -, pour nous faire voir , dit ce Père , que nous manquons fouvent a la chanté ; ôc que quoy que nos excUr- /es paroilTent juftes , elles ne le loue, pas effedivement ; parce que linous avions plus de foy , nous ferions des chofes bcaucoirp plus gran-- des , & qui nous paroiilent impof- fibies. JD, Les Pères de PEelife ne mar-»
T t :j
yoo De la Charité' quent-iis rien de précis a l'égard des aumônes ?
i?.Ils propofeiitdiverres règles aux
perfonncs même du fiecle. Ils veu-
întçrfiljosfnos le,;,!- que pon conte lefus-Chrift aÛ
«nos habcnc in / \ r r jni-
irrrâcompucenc Hombrc de Ics entans , c eit-a-dire , unu-.nri.icrcm qu'on donnc autant a Dieu , que
oucm hibcnc ,| . , , i r r
in cceio , cui 1 OU donne a chacun de les entans. totam daic de- Que les Chrétiens , ditTainc Au^u-
bcSanc , Tel di- rS- r r • i i
■vidamcuin il- Itin le louvicnnent , dans le partage
îo. /«/-/. 48- cle leurs biens, qu'outre les enfan.3
computa quia qu'ils out fur la terre , ces enfans
tjnum plus ha- qj^j. j^ pjus un frère dans le ciel.
te.-. 1-3C iocum . . r }\ t ^
chrirto, cum fi- Ainli qu lis partagent avec celuy a lus tuis, accédât q^^ tout appartient , & à qui ils de-
lamiJiac eux Do- -l r f ' j.
ininus tuus , ac- vroient touD donner. Avez-vous cedatadproiem ^^^^ enfans , dit aillcurs ce même
Creator tuus, t r /^i -n
-accédât ad nu- Pcre , prenez Jeius-Chrilt pour un ^Z^:ir "oifi^"ie ; donnez rang a Jefus- tuus.caraenim Chrift parmi VOS cnfans y que votre L'frac'ïrXdi^ ^cigneur & vôtre maître entre dans ^atas efr. Et Votre famille. Qu'y a-t-il de plus
^■^s^'ioCha^E^o^^e^i^ 5 o^ ^ ^'^^^ ^^ devenir pe- icre cohxredes. re de Tefus-Chtifl: j ou à vos enfans,
Jd fer. 4fX.de dt. J P • C
vertus en. dei avoir pour trere.
Mediaai faU Saint Chrvfoftome veut qu'on pâtrem, aut ter- domie aux pauvres , au moins la xiam,autquar- dixme de fes biens. Salvien va «^mum ca° beaucoup plus avant. Ce Père dans
Î-KVÎRS LI PROCHAIN. ^'OI
les livres qu'il aconipole contre la- raitemdccimaîrt vance, loucienc que 1 on doit tout ^nus. s. p^nf, donner aux pauvres, &: prouve Ion '^*'"' *7. »» fentiment de la forte. Puifque c'eft vrdèsdvia- de Dieu que nous avons tout reçu . ^'^^nibro i. ad^ OC que uous luy devons tout j il elt „um u. (^ tn iufte que nous luy offrions tout , ^/^f*/' 7?""'^ . & que nous luy rendions tout dans tiâ. la pcrfonne des pauvres. Ce même Père fe fert d'une infinité de rai- ionnemens encore plus pathétiques, qu'il autorife des pailages de la iain- te Ecriture , dans lefquels ils prou- ve pleinement la jurtice , la necel- Jité & l'obligation de l'aumône : mais comme Tes fentimens pour- roient paroître trop forts & trop excelîifs , on s'aLfricnt de rapportei: [es termes , Ôc on le contentera d'y renvoyet le Ledeur , qui fouhai- tera le confulter fur cette matière»
§. V.
^vis pour U pratique de l'aumône
chréîhnne,
jO. La pratique de l'aumone n'a- c-elle point befoiii de règles ^ de
joi De la Charité'
R, Comme rien ne peut plaire a Dieu , à moins qu'il ne foit confor-. me à l'ordre êc aux règles qu'il a établies , & qu'il rejette toutes les adbions qui ont la cupidité & l'er- reur pour principes ; on doit Te con- duire dans la pratique de l'aumône, comme dans les autres allions de pieté 5 de fuivre les règles delà véri- té , qui en ont été données par les iàints Pères.
£>, Quelles font ces règles ?
^. En voici quelques-unes de$ plus importantes.
La première eft, que nous ne de-* vons donner en aumônes , que ce qui efl à nous , ôc ce dont nous pouvons difpofer avec juftice. Ainfi les femmes l'ujetes à leurs maris , les enfans foumis à leurs {feres Se à leurs mères , ne peuvent faire l'au- mône fans la permifïïon de ceux k qui l'ordre de Dieu les a aifujetis ; de plus ceux dont le bien eft mal acquis , ou qui font chargez de det- tes , doivent fonder d'abord à fatis- faire aux devoirs de juftice , avant que de s'acquitter des devoirs de charité. Ceft pourquoy, dit faint
ENVERS LE PROCHAIN. 5O5
Creçoire , l'Ecriture nous avertit . indîgcmîbus
*~^ i . n^ r^- r ■ iublrrahunt quae
que celuy qui offre à Dieu un lacn- Deoiargiuntur, fice du bien des pauvres, fait corn- ^e^ q^âcà eos ».
, . • 1 ri nimadveruone
me celuy qui tueroit le nls aux yeux remeac , per <iu père. Cependant on trouve alfez 4ii<^nf^^"^ ^=»Fé-
j ^ 1 1 A ^^ Dominas de-
de gens qui dans les même temps monftiac, du qu'ils font des aumônes aifez abon- cens 'â^; ».'"'»''- dantes, lont néanmoins tres-negli- d: fubjiantiâ sens à payer leurs dettes , parce que P^"/'"'" » T'fJ^ la vanité & l'amour propre lont imm »» c«nfpea*t ■flattez j ôc trouvent leur compte ^.^^"' ("'• ^' plus dans i un que dans 1 autre de ces Paji. p. 3. ddt^* devoirs. ^^"
1°. Les Pères de TEglife , remar- quent, qu'il y a des aumônes qu'il ïiiffit de Elire à ceux qui. nous les demandent ; mais qu'il y en a d'au- tres où il faut prévenir ceux à qui on les doit raire : C eit ce que 1 oni^di^eat^&no- peut apprendre de ce palTaee de faint li «iicere, fi p^-
% rt-^ ^r 1 1- 1 tieri: dabo. Ex-
Augultin. Vous devez , dit-il , re- peaas crgo uc <:hercher fi les ferviteurs de Dieu p^^^t ? sic paf-
, • 1 r • 1 A r cis bovem Dei -
n ont point beiom de votre lecours; qaomodo tran- & ne pas dire, je leur donneray s'ils ieuntcmmedi-
,^ , \^ , •' , cum ? llli pecen-
me demandent, vous attendez donc ti das.quiafcrip- qu'un ferviteur de Tefus-Chrift vous ^^^^ '^f^* °^J^^
( 1 r, 1 • pctenti da. De
demande; & vous vouiez traiter un ifto quidfciip- ferviteur & un officier de Tefus- tumcft?Beacus
^, j. -^. ,- quuntelligitfu-
Chnit comme un mendiant qui pal- per csenuoi &
504 'I^E I-A ChARITb'
paupercai • . . fe. Si les ferTiteurs de Terus-ChrîiT:
fi lie inter vos r ^ ■ • 1
indigent milices ioi^t ledUltS parmi VOUS a VOUS de-
chnrti^utctiam mander la charité , prenez earde
octant , videte ,., . ^ -i
nt: vos judiccnt qu US ne VOUS jugent avant qu'ils antcquampc- yous la demandent. Quelle recher-
tant.Qtiomodo. , ^ 7^ 1
inquis, qusro ? che reiav-je r me repondrez-vous, irtocuiioius. Soyez curieux , lovez prévoyant,
€fto providus? •' . r 1 1 t
profpice , atten. examinez, conliderez de quoy cha- dcunàcqmfque ^un d'cux vit. On nc VOUS blâmera
vivat, undc le . , • r ' T ^r ■
tranfigat , unde point de ccttc curioiite. L Ecritu- «fil"^^^"" a" re dit , heureux celuy qui fcait bien
prcnendctur ilta / ; i >
<uriontas rua. connoître le pauvre. Il y a donc un
fn'ei?4"o\t'.cf P^^^^^ 1V^ ^^''^ ^^^^^' ^^ connoî- cgenum scpau- tre & dilccmer de vous-même,
«'venk^^mp'^ fans attendre qu'il vous demande, tat 5 aiium tu II eft écrit des pauvres ordinaires : tat':''skit''cnLTi Donnez à tous ceux qui vous de- dciiio qui te mandent ; mais il eft dit de ceux qui ?ft^'^'^omn'i?e. ^^ demandent point : Gardez long- tenri te dâ, lie temps vôtre aumône dans vôtre
de illo nusm tu ■ r
debes qu^rere. ^^^^ J juiques a cc quc VOUS ayez Diaumeft, fa- trouvé uii hommc iufte à qui vous
-cet eleemoiyna 1 j •
inmanutua.do- ^a donnieZ.
Tiec invenias ju-
ûatn cui eam tradas. S. ^Aug. in Pf. 105.. Ser. j.
JD, Que doit-on juger de ceux qui menant une vie déréglée , ne iaif- fent pas de faire des aumônes ?
J^, On doit juger , i°. Qu'ils
n'obfervent
ÏNVERS. Lï PROCtîATK. 50^
ti^obfervenc pas Tordre de la chari- té , marqué par cette règle impor- tante de fain: Auguftni : Quicon- .^^J^^^^^^ que, dit ce Père , veut garder 1 ordre moiyuam, à ic- dans la diftnbution des aumônes /^Pj^^ ^^^^^^^^^^^^^ doit commencer par foy-même , en ui jnmum d». fe la faifant à foy-même le pre- '^%^ '^"""'- '• mier.
1°. Ces aumônes doivent être fuf- pedes de n'être pas faites pour Jelus- Chrift : car s'ils dowioient , dit .f^iiS'ipin?^ faint Aueuftin , le -pain aux pau- canquam. chu.
il 1 1 ^.\. ^ fto darcnt. pro-
vres , comme s ils le donnoient a f^^^^j i^^i pknrnt Tefus-Chrift , ils ne fe refuferoient jufticis , quoi pas a eux-mêmes le pain de la juitice, /^ ^ non ncga- qui eft Jelus-Chrift luy-même. '^'^^' ^' <^'"^^
3°. Il eft vifible que c'eft un hor- '•- • -f* *7- rible dcfordre , de donner à Dieu quelque peu de bien , ôc de donner fon ame au démon : c'eil: propre- ment le crime de Caïn , qui fit que Dieu n'eut point d'égard à fon fa- orifice.
-D. Ces aumônes font-elles donc ablolument inutiles ?
R. Il faut diftingucr. Si ceux qui Elcemoryn» donnent l'aumône en mauvais état/^'^^^'^"^'^^'^* ont deiiein par la d acheter de Dieu caverunt. Das l'impunité de leurs crimes, 6c i'e- f '"• ^^"^°<=- Tome II. Y u
^a6 De la C h a«r ï t é*
câtntutrcdimas vemption des peines, ians changer
P' a cent?.. Nam ,4 r t r
iiicicodas,utii- de Vie , non Iculemcnc ces aumônes ccjttibi icmpcr f^^^ inutiles , mais on peut dire 11011 cimiiuai qu cllcs iout Criminelles • puiiqu'eii paicis, icd ;u- ^ç^,j. j^ j^ forte , c'eft croire que
peicconaris. Dicu cft Capable dc corruption ôc
c-'crdfcmoi^^' ^'"■'i''^^^^^» comme les hommes ; &c ram , uc veitï2 c'eft à ces perioimes que s'adrellè oia:ion.s cxau- [^ reprochc du Prophète David, lorl-
diancur, êc ad- , r r , ^ s
juvet vof, Deus qu il dit : yoHS avez, cru , o homme î.t «rmS.^: ?^''" ^'i^h'^té . qn: ;> -vont fcray «iam. S. uiu^.fembLîble,
iJ^iûimafti ^ inique , quod cro fimilis tibi. Pf. 4^. tt.
• __^
Mais fi une perfonne , quoy qu'en- core engagée dans le péché ik trop foible pour en fortir , defire fînce- rement fa délivrance , & que pour obtenir la force de fortir de Ion mal- heureux état , il offre des aumônes à Dieu ; ces aumônes peuvent être utiles , 6c certainement elles tien- nent lieu d'une efpece de prières, Ainfi on ne peut pas dire qu'il vaut mieux pour les perfounes encore engagées dans le deiordre <3c dans ie pechc , ne point faire d'aumônes > que d'en faire.
D. Les aumônes fufEfcnt - elles
tNVERS Lï PKOCUAIH. 5O7
poiir racheter les grands péchez ? ^ ^* pu??tîs,
r> T-n r n'i" 1 rratres , quia
A. Elles ne lurnlenc pour racnec- facisuda i\iac ter aucun péché , feins une véritable q^ocidic aduU
^ i ' . tena , 6: ciee-
converlion ; Ôc comme une venta- mofynis quod- ble pénitence des grands péchez , ^''^?" nvandan- doit enrermer la volonté de latis- la majorais-- faire à Dieu pour ces péchez , d une i^^^^.^'':'.!-. manière qui leur foit proportionnée, nx ciecmofynjc, on ne peut pas dire que les feules "1."^"^ 1;^^''' ' aumônes contiennent tout ce qui muces vIû, &s, doit être compris dans cette propor- t,t!fJrZ,t don, ' • il'
-D. Comment s'entend cette pa- role Il en ufage ; donnez à tous ceux qui vous demandent ?
^. Saint Auguftin répond , que id profcâo lorfque vous avez raifon de refuler ^^^^"'^^ ^^.»
1 , quod nec tioi
ce qu'on vous demande, il faut au necakcdno- moins faire connoître à celuy qui ^.TJ'J^JS demande, la juftice de ce refus ; & hominc potcftj qu'en cette manière on peut donner ^v^As" quod^* à quiconque demande , ou en luy pc"t , indican- ^ accordant ce qu'il demande, ou en da,^ut'LVcui!l luy donnant avec douceur ôc afFa- inanem dirait. bilité quelque raifon de ce refus , ôc petend^cc°Sbiî, 1 avis de ne faire pas des demandes quam vis non
. . f, •*■ fcmpcr id quod
injuiteS. ^ petit dabis, ôc
aiiquando rac* lias aliquid dabis , cum petencem injufla coicexecis. ^t Sirm^
V u ij
5^S ^^ ^ ^ Charité*
, Si' potes aarc Ccccc obliL^arion de donner à qui-
ca , 1] non potes i i r
ffra^jiemtepra- cooqQC demande , le peut encore i.a . coronac entendre, qu'on cft obligé de donner
Lcus intuj vo- V , ■'^ , , ^ ,
luiuatcm ubi a touc le monde par la douceur ôc r.ouinvenic fa- p^^^- [^ charité , donc on montre Te-
"f ^/. loj. j/r. xemple. C eit la railon pourquoy '' iainc Auguftin dit. Ne niépriicz per-
fonne de ceux qui s'adrelfent à vous pour vous demander : lorique vous ne pouvez luy donner ce qu il vous demande , au moins'^ie le méprilez pas : fî vous pouvez luy donner ce qu'il vous demande , faites-le. Si vous ne le pouvez pas, au moins té- moignez-luy de la bonté j loyez luy atïable. Dieu couronne au dedans vôtie bonne volonté , rorfqu'clle ne peut au dehors accomplir ce qu'elle voudroit pouvoir faire. i^, if. 2. jry Q^j ^ 1^ pl^2 donné de la Veu- ve de l'Evangile , qui ne donna que deux petites pièces de monnoye , ou de Zachée qui donna aux pauvres la ., . moitié de Ton bien ?
àaô'wAnatlTû- ^. Saint Auguftin décide que G:, pamni ie- quelque inégalité qu'il y ait eu
minavit? Iramo t ^ ,.,*-' . ^ , L , .
catuam quantû dans ce qu US ont donne , ils etoienc zach^us. Mino- néanmoins éizaux dans le fonds de
xes cnira f-acul- , , . ^ • / • ^ r
UCC5 ttizbM , leurs chantez , qui etoit la iource
ENVERS LE rrLOCIîAIN* 50^
de leurs aumônes. On pourroit dire, f*^^ P**"*™ "»• dic ce Fere, qu en comparaiion de bar. MificdiiV Zachée , cette Veuve auroit peu ^nir^ata^cî^ncà donne. Nullement : elle avoit moins quand zachïas de bien , mais fa bonne volonté '^îi^J^ii".^ pa-^
, . '.,, s , r n J tr^uoniuai. Si
ccoit pareille a la lienne ; eue don- itcendas quid na ces deux petites pièces avec une ^^':^fi^"nt,divcr, volonté aulii pleme , quel etoitcel- actcndas unds le de Zachée . lorlqu'il donna la aedemnc , pa-
. ., ^ 1 r 1 • * lia invenics.. in
moitié même de ion bien. A con- tj H).
fiderer le dehors , on voit deux cho-
fc?y bien différentes ; mais à bien
examiner ce qui les taie agir , ce qui
les porte à donner, on y vera tout le
fciiiblable : la Veuve donne tout ce
qu elle avoit : ZacJiée donne tout ce
qu'il avoit.
D. Doit-on préférer le faîu-t d« • A*Pj';\'-'i -? prochain a ce qui ert utile , ou même dv.s cft quam necelfaire à nôtre corps ? corpus nsHmm^,
A. Cela elt indubitable. Car com- ou, m» iibd.i-- me dit faint A^uftin , le prochain ^1^''^« ^"-H.]' '^ eft capable de joiiir de Dieu avec aiins homo d-; nous, Ôc le corps n'en efl pas ca^ Ton '1,1 \^''^''''^
' r r non pocclt co--
pable, pus. ^'^i. t. I.
D. Quels font ceux que l'on doit ;; ^^;^- ^*'''^^- préférer dans Tes aumônes , & dans l'exercice de la charité ?
J?. Saint Paul décide que l'on doit
Vu iij
rum a
l.m ^.i.
510 De laCharite' picfcrcr ceux qu'il appelle les Bo^ meflicjues de la foy ^ c'cft-àdire , ceux qui nous font liez par la foy. Fal^ jimiàomntsjons du bien a tons ^ dit cet Apôtre , ^^^J^^ n^"^''" JW^/; prlnclpdement a ceux au une
ad donirlticos ^ t 1 n- 1
hdti.'jfii. €.10. même foy a rendus domejri(jHes du
Seigneur. Il décide auffi qu'il faut
Si qiiii autcm prcferer les domeftiques : Si queU
fuorum & ma- ^ , i- -i > ^ r- i r
xime domcili- ^« un , dit-ii , u 4 f^s jom des Jiens, coiumcuram ^ particulièrement de Ces domefii^
non habct , h / ^ r r ^ ?•
demncgavic. i. ijucs ^ il rcrwnce a fa foy 5 (y ejt pi- re (jHnn Infidèle.
Zvlais comme les beloins font dif- ferens , on ne peut établir des règles bien certaines. Car il eft certain d'ailleurs qu'il Riut préférer les plus grandes nccefTîtez a celles qui îont moins prenantes : De même , félon faint Jean Chryfoftome, un pauvre moins réglé dans ies mœurs , &c dans fa conduite , mais dont le be- foin eft plus preilànt , doit être pre-
ciiaritas non r r 1 i i 1 • •
orducamandi, lere a de plus gens de bien qui ont fedoidine fub- Je moindres befoins. Saint A ugu (lin
vtniendi , in- , ^ P p
firmiorcs for- veut qu OU pteterc ceux qui lont tioribas antcpo- pj^jg foibles ,à ccux qui fout plus
liit. ^Hi E..$jr. i. ' ^ *
J78. forts.
Cum omni- Q^ f^jj^^ Dodeur.danS un autre en- bus prodellenon , , r- ,,
poflis, bis pouf- droit de les ouvrages, veut que i on
Charitas non
ÏNVERS LE PROCHAIN, 51I
préfère ceux qui nous font plus fi.num conCa-
1- r^ kadum eft, q;ii
liez. Comme nous ne pouvons , p^.^ locoruni fiic-iL pourvoir au beloin de tous , tempornmvei
• 1 /- ^ ,. ^ . z' q n:\vamlibec
11 tau: s appliquer a ceux qui le trou- rem.n oppo.ta. vent comme par une efpcce de fort, î}''"^^!^"* ?, "r^^ ■ plus liez avec nous , ou par les 4uîiiquâdam lieux , ou par les temps , ou par [°^^' Jiitigûtuf . 4 autres circonftances. Car comme bi abundarec a- il vous aviez quelque choie de lu- ^'i."''^* quoda.
, A ^ . .. dan oporceret ev
periiu a donner , continue ce Père , qui non habe- Sc que vous rencontraiïiez deux [" *, "" A"^* perioimes qui rulient dans un égal fi nbi occurrc befoin, fi la choie que vous auriez ru;^tut«T." à donner ne le pouvoic partager , iium yei indu vous ne pourriez mieux faire que de fe'aHquâ^nc/:!! jetter au lort , pour voir celuy à qui tudinc fapcca- vous la donneriez ; ainfi ne pouvant tTc'em^quïtn'ut faire charité à tous , la raifon veut i'^"e icgcrc6,cui que 1 on prenne pour un choix fait .^^^ ^^.^ ^^^.^ par le fort , quand il fe trouve que que non poffcc:
1' 1 j r -r I licin hominibui
1 on a plus de liaiion avec les uns , ,^-v,^, ^mnibat qu'avec les autres. conrukrenc-
Ainfi-il faut du difcernement &: de h^bcncuîm cti' la prudence ,pour fcavoirceux qu'il p^^ ^^ quir-qu-
£• ^ r * 1- tibi ttraporali-
aut prererer, parce que ces diver- icr coiiiganus
fes coniîderations peuvent être con- acihai-«c potuc-
X-. T *■ 1 . rit. L, i. de
traires. Celuy, par exemple^qui nous ncs. cimfl.e. fera plus lié , peut être plus fort , *s- &: avoir de moindres befoins qu'un
V u iiij
yii Db la Charité* étranger qui n'aura nulle liaifon avec nous , mais qui attirera notre charité par fa foibieile de par les prclîans beloins.
Il faut encore confiderer ceux qui font plus ou moins abandonnez ; ceux qui ont plus ou moins de fup- port : car leurs beloins lont plus grands à nôtre égard. Il faut quel- quefois préférer ceux à qui nous jommcs plus engagez pour avoir dé- jà commencé de les aïlill-er ; ceux à qui il y a plus d'apparence que la ciiarité qu'on leur fera, fera utile pour leur lalut. Il eft très -difficile de décider tous ces cas en particu- lier j mais fans s'embarralFcr Ôc fe donner- la gène iur le choix de ceux a qui nous fommes plus obligez de fcùre la charité ; la plus fure de la plus folide maxime que nous de- vons nous imprimer dans Tel prit , eft que nous ne devons point luivre en cela nos inclinations «3c nos ca- prices , mais les intérêts de Dieu ^ Se qu'étant les diftnbuteurs des biens qui luy appartiennent , nous de- vons les adminiftrer lelon fa volon- té , de félon fcs ordres.
ENVERS lE PROCHAIÎ^. 5Ï5
D. Peut -on s'acquitter entière- ment des devoirs de la charité en- vers le prochain ?
^ R. On peut bien s'acquitter en- tièrement des devoirs extérieurs pour un certain temps ; mais on ne peut pas dire qu'on en loit quitta pour toujours. Car f\ le befoin ie renouvelle , nous lommes obligez de denner le même fecours : & quoy que nous ayons déjà aŒl^é les mêmes perfonnes , fî une nouvelle occahon le prefente , nous ne fe- rons pas moins obligez à les fcula- ger. De plus , la charité intérieure eft une dette perpétuelle. SoU chsr^ r'ttas fe-ûiper retinet de hit ores. Qui ai- me doit encore aimer , ^ même ai- mer davantage. Car on doit tâcher d'accroître & d'avancer dans l'a- mour du prochain , comme dans ce- luy de Dieu. C'eft même un moyen de témoigner la reconnoilîance que nous devons à Dieu , pour la grâce qu'il nous 4 faite d'aimer nôtre prochain , que de tâcher de l'aimer encore davantage. Mais comme par nous- même , nous n'avons pas dans notre fond de quoy fatisfaire à cet-
51^ D I L A C HA R. X. T E*
te dette , il faut s adrelïer , comme
fait faint Auguftin , a ccluy de qui
nous tenons tout , de luy demander
_ j de quoy s'en acquitter. Plaiie, s'c-
reddam qui do- crlc ce Perc , a ceiuy qm m a ren-
rav.c ut dcbcâ. J débiteur, de me donner de quov
?»4». latisraire.
ENVERS LI PROCHAÎN. 51^
06 6 666 6 60C 666006 666 60 'SECTION TROISIE^ME.
Des devoirs que l'on doit an • prochain , h l'égard de fon ame,
Z>. Jl, Quoy fe rediiifent les de- ./jk.voirs aufquels on eft obli- gé envers le prochain , à l'égard de ion ame ?
P, Ils Tont extrêmement étendus, puifqu'ils comprennent générale- ment tout ce qui peut délivrer le prochain de quelque vice , ou de quelque défaut , de tout ce qui luy peut Hiipirer la vertu , ou l'avancer dans le chemin du lalut. Saint Au- ^H-'fl- ^' '^- guitin , comme nous avons dit ci- <.. ^7. ^ devant, réduit ces devoirs à deux , qui font l'indrucflion & la correc- tion : Adedicina & difctplina j mais il les marque plus en particulier , en décrivant la charité de l'Egliie pour fes enfans. Ce faint Doéleur aifure qu'elle fe doit rencontrer dans tous
5î5 D I t A Ch A RITE*
ceux qui lont vcritablemciic Ces
membres. L'on doit, dit-il , la cha-»
Cum eadem rite à toiis ^ mais oii ne doit pas
•mnibus debca- ^j^^^ ^ l'éc^ard dc tous dcs mêmes rc-
tur cnaruaSjnon p^
eadcm eft om- mcdcs. Car il y en a pour qui la di'^mcdkma'''" charité fouffre , pour ainfi dire, les îpfaitcmcha- douIcurs dc rciifantemcnt , en ta- îurû ;'!;;; ^fH;cIwnt de Ics faire mure en Jefus-
infiimatur ; a- Chril-t : elle eft malade &c abbattue
lios carat zdili- i > n i
carc,aiioscon- P^^^^ ^^^ craiiitc qu clie a pour lesau- trcmircit offen- tres ; elle tâche d'en édifier quelqucs-
dcre, ad alios n ' l ^ j •
fc inclinât, ad uns;elle épargne les autres,dc cram- aiiosfecrigit , te dc les blclTcr y elle fe rabaille par
«liis blanda , a i r i -11
liis fcvcra, nul- condeicendance pour ceux-ci ; eiie li inimica . om- cleve Ceux-làavcc elleicarelfante aux
nibus marcr. ■ « r • it
yi-jrujii,,us A» uns & levere aux autres : mais elle cathech'.ftndi! j^'^f^ enncmic d'aucuns , & elle a '' pour tous la tendrelfe d'une mère. Mais comme dans le cours dc ces Inftruâ:ions on a déjà traité plufieurs de CCS devoirs , il lemble qu'il n'en refte que quatrCjaufquels on peut ré- duire ce qui refte a dire de l'amour du prochain. Ces devoirs font l'é- dification 5 l'inftruction, la correc- tion , de le fupport ou la tolérance^
tudtbut. CMp.lJ
ENVEB.J LE PÊ-OCHAIK. 517
CHAPITRE PREMIER.
De l'édification qucn doit AU prochfLin^
D, "TT^ N quoy confifle Pédificacion X^j qu'on doit au prochain ? -^. Il y a une manière d'édifier , qui confiiie à ne caufer aucun fcan- dale au prochain , qui a déjà été ex- pliquée ci-devant , en parlant du Icandale. Car il eft impoiîîble que celuy qui ne fcandaiiie perfonne , ne ioit pas édifiant ; &c c'eft fans doute porter à la vertH , que de ne porter à aucun défaut. Mais outre cette manière d'édifier , qu'on peut appeller négative ; il y en a deux au- tres plus exprefTes , qu'on peut ap- pelle%pohtives , dont l'une ell Pédi»- fication que l'on cauie aux autres par fôs bonnes adlions , &: l'autre qu'on leur donne par fes înftrudions.
D, L'édification que l'on peut donner au prochain par fes bonnes actions & par ion exemple , eft-eiie fort coniiderable l
nS Delà Ch ar t të*
R, Elle eft plus générale 5c plu» efficace que celle que l'on peut don- ner par des paroles. Celle qui con- fifte en paroles convient à peu de perfonnes ; elle a befoin de talens naturels & de quelque autorité ; elle ne fe peut pas pratiquer en toutes occaiions , ni en tout temps , parce que ceux que Ton veut inftruire ou reprendre , font quelquefois mal diipofez à écouter. Mais il n'en eft pas de même de l'édification que l'on donne par Tes bonnes allions , il n'y a perfonne a qui elle n'appar- tienne i elle ne choque perfonne ; elle s'infinuc dans les efprits fans oppofition. Ceft une manière de prêcher & d'inftruire , à laquelle tout le monde a droit & eft appelle, & qui eft fouvent beaucoup plus effi- cace que les paroles. Car le bon exemple agit plus lur le cœ^r , Se le foUicite plus doucement & plus fortement que tout autre genre d'niftrudlion ; parce qu'en même temps qu'il fait voir ce que la vertu demande , il donne courage de Ten- treprendre par la pratique qu'il nous en fait voir dans les autres.
INVERS LE PROCHAIN. JT^
Z). Comment peut-on accorder ce foin d'édifier le prochain , avec ce qui nous eft (i louvent recommandé d'éviter les loiianges des hommes, ôc de cacher les vertus &c Ces bon- nes adlions ?
7^, Il s'accorde parfaitement , en diftinf^uant les vertus de la manière de les cacher.
1°. On peut fort bien cacher , mê- me a dellcin , les auftetkez extraor- dinaires, les aumônes aufqueiles on n'eft- pas precilement obligé j de enfin , toutes les autres œuvres de furerogation.
1^. On peut laiffer ignorer aux hommes les bonnes œuvres , même commandées , loriqu'on croit qu'ils n'auront pas lieu de fe fcandaiifer de cette ignorance. Mais en ne doit point cacher à dellcin le limple ac- compliifement des Commandernens de Dieu , ni les vertus qui font des elpeces de charité qu'on doit au prochain.
5°. On peut découvrir quelquefois certaines vertus extraordinaires , pourvu que ce ne loit point par va- nité , ni dans la vue de s'attirer des ioiianges : mais le motif qu'on doit
jîO De tA CftARfTE*
avoir dans cette occafion , doit être
de porter le prochain à en rendre
grâces a Dieu ; c'efi: pourquoy faine
Ncfcio fi quid- Auguftin dit dans une lettre à faine
qaam mifeii. p^^^i^^ g^ le lolîant de fa charité :
quamfi taticuiu Qu 11 n avoit pouit fait d action plus Boiitis Ja.c"c ei'aiide- ni plus méritoire, que de
^uod cales cfhs, î:, ^ P r '^ J 11
«juantura taies permettre que 1 on Icut de quelle
:,':;^A^ H. forte ,1 v.vou ? '
D. Quelles vertus lontMes plus édifiantes.
B, Ce font celles qui paroiffent le moins intereffées , & où il y a moins de mélange d'amour propre. Car il n'y a rien de plus humain & de plus odieux que de s'aimer foy-même; de par confequent il n'y a rien qui at- tire plus Teftime des hommes , que de ne fe chercher pas foy-même , de s'oublier , & de ne fonger qu'à l'u- tilité d'autruy. Ainfi , l'humilité eft- tres-édifiante , parce qu'elle eft fort contraire à l'amour propre. L*au- ■ fterité eft édifiante , parce qu'elle en- ferme la haine de loy-même & la fuite du plaifir. La gravité eft édi- fiante y parce que c'eft la marque d'une ameoù la railon domine , ôc quin'eft pas emportée par les faillies
des
ÎNVIRS LZ PROCHAIN. 5II
des padîons. La modellie , ioit dans -les paroles , foie daîis les habits , cfi: édifiante , parce que c'cil: la marque -d'une ame en quirhumilité&la pu- reté régnent. L'égalité d'efprit cil édifiante , parce que c'eft une mar- que ou que l'ame cil exempte des paiïîons , ou qu'elle en eft fort maî- tre(Tè. Les inécralitez au contraire qui paroiilent dans îa conduite de la vie 5 ayant d'ordinaire pour iource les diverfcs agitations des paiïîons, qui emportent l'ame tantôt d'un côté &c tantôt d'un filtre. La dou- ceur cft édifiante , tant parce qu'elle marque une ame tranquille , <iue parce qu'elle fait paroître qu'on ai- me ceux envers qui on l'exerce, de qu'elle n'irrite point l'amour propre du prochain. La patience enfin eft édi- fiante , parce qu'elle marque une ame qui ne s'eilime pas indigne du châ- timent de Dieu ou des hommes , mais qui s'y foûmet humblement. , Mais il n'y a rien de Ci édifiant que la charité , la compaiïion pour la prochain , Se principalement pour fes ennemis-, parce qu'il n'y a rien ^^le .les hommes ciment mieux que Tome II, X x
511 De la Cmarite* d'être aimez ; ôc par confequent rien ne donne plus d'entrée dans leur coeur 5 que l'afFedion qu'on leur té- moigne : C'eft particulièrement par cette vertu que les premiers Chré- tiens ont furmonté & détruit le pa- ganifme. Ceux qui n'avoient poinc cédé , dit un Auteur , aux miracles des Martyrs, cedoient à leur charité, qui étoit un plus grand miracle. Ils ne pouvoient continuer de haïr, ceux qui ne pouvoient fe laiïèr de les aimer.
La fcience que les Philofophcs Payens avoient pu recueillir de Ici contemplation, ôc de la vue des créa- tures , ne leur a fervi de rien ^ au lieu que la charité des Martyrs a change la face de tout le monde. La vue de ces nouvelles créatures pro- duites par l'amour de la grâce de Dieu, a été bien plus efficace que la vue des anciennes qui avoient été produites par fa feule puillance^audi eft-ce quelque chofe de bien plus cxtraordmaire , de voir des Mar- tyrs qui n'avoient que de la tendref- fe pour leurs bourreaux , & pour leurs perfccuteurs , que de voir le
ENVERS LE PROCHAIN. 513
foleil , la lune , de tout ce qu'il y a de plus beau dans le ciel , fuï la terre , & parmi couce la nature.
D, Mais n'e(l-il pas recommandé de cacher les vertus , de peur qu'el- les n'attirent des louanges ?
R. 1°. Il y a des vertus qu'on ne fçauroit bien cacher que par des vices contraires : Or les vices nuifenc au prochain & le Icandalifent ; aind il eil: clair qu'on ne peut légitimement uicr de ce moyen.
2". La chanté nous oblige de faire l'aumône Ipirituelle au prochain : Or le bon exemple e(ï la principale & la plus générale de ces aumô- nes , lans laquelle toutes les au- tres font inutiles.
3°. Tout le monde n'eft pas capa- ble d'inftruire les autres de la vérité : il y a encore moins de gens qiai foient capables de la foufFrir. Mais le bon exemple eft une manière d'm- ftruire , dont il n'y a perlonne qui -fuit incapable , & contre laquelle perlonne n'eft prévenu ; perionne ne doit donc s^en excuier.
D. L'aumône temporelle qu'on fait aux pauvres , eil - elle pluà
Xx ij
51^ DelaCharitî'
confiderable &: plus méritoire de- vant Dieu , que l'édification du pro- -ïTli qui relie- cliaiii , Sc le boii exemple ? xâ vci diftribu- j^ 5^^jj^^ Auçiuftiii décide formel-
ta , lîvcampla , o
five quaiicun- lemeiit , quc les riches qm ayanc que opaicuti j^j^j-^^ |^.^J. ^j^j-^ ^^^ pauvres , le re-
iaculcatc , intei" , n i i
pajpsics cûrifti duiient a travailler de leurs mains piâac laïubri ({^1-15 un Monaftere , afin que ceux
huniiUtace na- , , ' . ^ i
jiicrari voiuc- qui lont de baile naiiiance ne le r^Vn'ii '"^'-''' i'candalilcnt pas , font une adiou
Il manibus op.*- i '
rcntar,utpigris d'une plus grande charité,par ce bon « r& ob^hof" exemple qu'ils donnent dans le Mo- «xcrcicaciore iiafterc , qu'ils n'en ont faits en di^ fcunTcx^afa-''' ^nbuaut tous kurs biens aux pau-
lionem, multo vrCS,
raifcricordias
a;;unc , quam
cum omnia fui '
jndigentibus di*
vxleranr. S. C H A P I T R E* I I.
De Vinjlrucilon que Von doit nU
froc h ai?}. En quelles occajiom
on doit la> fr^tHj^uer.
D, T Inftrudtion qui fe fait par Liles paroles , eft-elle refervée aux feuls Supérieurs ?
R, Il y en a une qui eft refervée au Supérieurs Eccleiiuiliques , & celt
ENVERS LE PROCHAIN. )1'^
celle qui fe fait dans les Eglifcs : une autre qui appartient à tous ceux qui font chargez des autres , corn- me aux maîtres à Tégard de leurs ferviteurs , aux pères &: mères à l'é- gard de leur famille , <3v:c. Mais il y en a une particulière , qui appar- tient a chacun a l'égard de tout le monde , qui efl: celle qui conlille à parler véritablement &: iagemenc de toutes choies. Or on ne icauroic parler en cette manière , fans in- llruire ceux à qui on parle , <Sc lou- vent cette inilruction efl plus eihca- xe qu'aucune autre. Ainfi qui au- roit toujours dans la bouche des pa- r-oies de vérité, auroit toujours des paroles d'inllrudion. C'efl la prière Neaufcras^
C r ' ^ T, I T» ! r oie meo vcibû
que raiioit le Prophète P.oy , lorl- veritatis uf^ue- qu'il diioit à Dieu ; JVe rnott^ jamais ^^^'\'^<^'fi- i-*» de la bouche la parole de la rente.
Ainii l'entretien commun & ordi- naire des Chrétiens devroit être une leçon continuelle de toutes les ver- rus , parce qu'ils ne devroient par- ler, à l'imitation deiaint Paul , que -^-" ii^'ccn'taîc delà part de Vien , devant Dieu , C7 ccram Deo , ia dans l'elprit de 'Jeûis-Chrl/I. Il n'y a chnnoloqui- lien qui n entre daj^s i entretien ^ \^,
51^ De la Charitë' dans la converfation des hommes ; on y parle fans celfe des objets qu'il faut ou aimer ou haïr ; & ainli la converfation & l'entretien des hom- mes comprend tout , puifqu'il n'y a rien qui ne Toit un fujet ou de haine, ou d'amour. Il n'y a donc pour in- rtruire les autres , qu'à parler de toutes chofes dans la vérité , & fé- lon la venté. Ce qui ie fait non feu- lement en ne propofant que des fen- timens véritables ; mais auiïi en ne faifant paroître que des incHnations telles qu'on les doit avoir.
D. Cette manière d'inftruire eft- elle fort importante ?
R, Elle elf d'une importance ex- trême.
i". Parce qu'étant conforme à la vérité , qui eft Dieu luy-même , elle eft félon fon efprit & félon la volonté; car Dieu ne peut vouloir que ce qui eft vray, comme nous avons dit ci-devant.
2°. Parce que cette manière d'in- ftruire eft la plus continuelle. Un Prédicateur ne prêche qu'à certains jours , & à certaines heures ; un vray Chtécien iiiftruit en cette ma-
ïnvers le prochain. 517 niere en tout temps , eu tous lieux , & en toutes occaiîons,
3°. Cette manière d'inftruire eft la plus efficace , parce que la plupart des maximes fur leiquelles chacun fe conduit dans la vie , fe tirent beaucoup plus du commerce ordi- naire , & de ce qui le pratique dans le monde, que des inftruclions for= nielles des Pafteurs.
Z>. D'où vient donc que l'entre- tien des Chrétiens eft li peu édi- fiant ?
^. C'eft que la plûpat des Chré- tiens , ne iont Chrétiens que de nom. Ils n'ont la vérité , ni dans le cœur ni dans i'eiprit : ainfi ils ne la peuvent faire palfer dans leurs paroles. Ils n'ont pointes bon tré- for, dont Jefus-Chrift parie , en b,„,,j,,„,^ diiant , Que l'homrne de bien tire de àt bono thc- -honnes chofes du bon trèfor de [on cœur, tJrc^ bon° '"^°' & comme ils n'ont au contraire ^Axxh, n. 35. qu'un tréior de faulfes maximes à l'égard des biens , des maux , & ^es devoirs de la vie , ils n'en peu- vent tirer que ce qui y eft. Et c'efl: ce qui a fait dire au Sac^c , Qne U , ^^^^^H°f^"3 ffoiiçhc des fous je répand en joua ^ fxov, ij. i.
5t3 Dh laCharite'
D. Comment peut- on rendre fon entretien utile a l'mftrudlion des autres "?
R, En le remplilîant le cœur de l'elprit des ventez Evangcliques ; en les méditant jour de nuit j en s'accoûtumant à ne fc plaire que dans la venté ; en bannilTànt de Ion eiprit toutes ces vanies penlées , qui lont condamnées par ces paroles da v« qui cogi- Prophète : Adalheu-r a ceux tjiti s'en^ i^/'cJ"x!"l!* tretiennent de fenfèes rûatïles : Enfin en defirant au prochain ce que nous defirons pour nous-méme. Car com- me la venté & la lumière Ipiritueî- le nous Feront découvrir une infini- té d'erreurs dans ceux avec qui oa parlera, la charité pour eux nous fera délirer de les en délivrer , & la prudence chrétienne uous en fera trouver les remèdes.
D, Ceux qui font obligez de re- connoître que bien loin d'avoir édi- •fié les autres par leurs dilcours , ils n'ont fait au contraire que leur nui- re , ne doivent-ils pas avoir uû grand fujet de fcrupule ?
R. On n'en peut pas douter , k on conlidere combien la charité
a été
ft Clé blelfée , tant par l'omiflîon du bien que l'on pouvoit procurer au prochain, que par le mal qu'on liiy a cauié ; ôc pour ne parler ici que de la feule omilîion , peut-on dou- ter que romiiïîon de cette charité fpirituelle , ne foit un très - grand mal , puifqu'ellc eft d'une bien plus grande confequence que l'omimon des charitez temporelles , & que i'omilîion des charitez corporelles cil: il fevercment condamnée dans l'Ecriture. •
D, Mais il faut donc que tous les Chrétiens deviennent Prédicateurs. ôc fe rendent onéreux les uns aux autres par des inftruclions conti- nuelles ?
£, C'cd pouiTer les chofes à une autre extrémité , & c'eft abufer de ce que l'on a dit ici , que^d'en ti- rer cette confequence. Il y a diver- fes manières d'inftruire , Se il les faut toutes proportionner à l'efprit de ceux à qui on parle, en s'abfte- nant de celles qui peuvent avoir de mauvais effets , 3c qui font oneiieu- fes ôc chagrinantes dans la convcrfa- tion. On ne parle point non-plus d'u- To?nc IL Y y ,
#
^»0 Db L A C H ÀR ITB*
ne inftrudion qui le faiîe avec auto* ricé : maison paile des difcours qui édifient. Or il cfl certain que Ains que l'on prenne Tair ôc le ton de " Prédicateur , on peut dire par diffè- rens tours une infinité de bonnes chofes. Et fi on ne le fait pas , c'efi: qu'on ne s'y applique point , c'eft qu'on ne fonge point au bien du prochain , ni au fien propre j c'eft que l'on parle au hazard comme l'on vit au hazard , au lieu qu'il faudroic toujours 641 toutes fortes de conver- fations avoir pour but de tâcher d'être utile aux autres par [qs difcours , ou de profiter des difcours-des autres. jD. Quelles règles doit-on fuivrepour s'acquitter comme il faut de ce devoir? '
R, Cette matière a été traitée af- fez au long dans les Inftru6lions pré- cédente^, où en parlant de l'amour de Dieu comme Vérité ^ on a rap- porté quels iont les motifs dont on ^ . . doit ic fervir pour s'exciter à i'a-
^xntitmti.pai, mour de la vérité, & de quelle ior- %ii*&/»fv* çç ^ f^m £^jj.g régner la vérité fur
nôtre volonté , fur nos aétions ôc fur nos paroles. On a traité des pé- chez oppofez à l'amour de la venté j
tels que font le menlonge , Thypo- crifîe, ôc la haine de la vérité : enfin, on y a parlé des effets que l'amour de la vérité doit avoir a l'égard du prochain , Se des péchez qu'on peut commettre contre ce qu'on doit à la vérité. Ce qu'il eft inutile par con- fequent de répéter ici.
CHAPITRE III.
De la corrcFlion fmtcmdle > dr de ce qu on do if y observer,
D. 1^ St-ce un devoir fore impor» X-* tant que celuy de la corre^ €lion fraternelle ? •
I^. L'autorité de l'Evangile Se la raifon nous le perfuadent également. Jefus-Chrift nous le prefcrit expref- îément dans l'Evangile par ces pa- roles : Sivotrefrsre pechc contre vohs, » sî pccctrcrît filles^ luy montrer fa faute en i7<Jïr/^/c//-intcfrater cuuf, lier entre vous 6^ Iny y & s'il v eus \l^^'^J^ IH^^ écoute , vous aure7 çacrné votre frère, ^' &-' 'P^^m fo-
L'A " ^. c T 1^'"" • fi te au-
Apotre b, Jacques en marquant dierit lucrams
comment Dieu récompenfe cette «"^ ftafrcm
chante, en raitconnoitre la necei- 43. ,j,
Yyij
3^3 1 C)^ Î-A. CflARlTH*
Si^iuls ex vo- (icé. Si i' Un d'entre vous , dit-il,'
t-is cimvciità , , , , . . >- , ,
Anitatc,&: con- ^ cg.irc de U Vente , G f«^ éjiiel^H un rcncïu ^inii cù: l'y faffe rentrer , quil fçache que ce-. r.iani qui con- ^/^^ ^'^^^ Convertira un pécheur , & le vciti fcccric retirera de fon èaafement , fauvcra une
pcccatcicm ab i r u^ • r t •
crroïc vijcfux , '^'«f ^^ ^^ ^^'^^ y ^ CQUvnraio, muitt^ fAivibiranimani j^^^g ^^ Çç^ pechez,, Puifque ce palFa-
eitis à moite ,&: t u \ ^ ci > j
opcricc muici- gc de 1 Apotrc b. Jacques s entend tudinem pecca. formellement , ôc des pechez de ce-
toium. jdc. j , • n ■ o j * T -
1^. ûTio. luy qui eit converti, oc de ceux de celuy qui contribue a la converfion, il prouve abfolument la necefîîté de la correction fraternelle ; & il ell certain qu'on ne peut négliger fans un grand péché , de fauver l'ame de fon prochain , de de couvrir la mul- titude de fes propres pechez. # D, Si c'eft un péché que de ne pas
reprendre ceux qui commettent des " fautes 5 ne s'enluit-il pas que Ton commet tous les jours bien des fau- tes par romifîion de'ce devoir? ^i^ propcc- /• Saint AuguRin témoigne que fci peccaus co- c'eft uiie des caufcs pour leiquelles X"': Dieu permet que les gens de bien dum cos in fuis font cnvcloppez dans les calamitcz
licct îcvibus ôc 1 1 • J- -n ^
vcniahbus me publiques , patcc quc , dit ce Père, tuuncjjuiceum p^r des complaiiances & des confi- flagciiintttCj derations humaines^ ils épargnent
E>JVTRS LE PROCHAIN. 5;3
'& ménaeent trop les necheurs. Qiie qaamyis in «- 11 les gens de bien pèchent par de paniamut : jure femblabics omiiTions , combien plus ift^ " vitain^ ceux qui ont peu de loin de leurcon- tui atflig^nicur fcience , commettent-ils de fiiutes '^'^■'^^'^ >. ^'"^" plus fréquentes ôc plus conlidera^ cuj r> aman lo blés en ce n-enrc-là ? t''"tXT. \i-
ariaîi tiVc n,o- lucrunc- S. -^ug. de Ctvitate Det !it^. i. (dp. y,
D, Eft-ce toujours un pcché de ne reprendre pas le prochain quand il pèche ?
k. Non , parce qu on ne le doir. reprendre que lorique l'on le peut faire utilcmer.t ; or on a trcs-iouvent lieu de juger que ce'feroic en vain qu'on le rcprendi'oit : de forte que comme on fait fouvent des fautes » en ne reprenant pas ceux qu'on doit reprendre ; on en fait fouvenc aufïi. en reprenant mal-à-propos ôc a con- tre-temps , ceux qui font des fautes qu'on nciï pas en état de corriger.
D, La corredion fraternelle eft donc une adion difficile , & qui a beloin de beaucoup de lumière ôc de . circonfpeclion ?
i?. Il n'y en a guère dans la vie chrétienne qui eu ait plus befoiu ;
Y y li)
^34 DîLA Charité' ^ il eft aiié de s'en perfuader , fi on confidere la difpofition de ceux qu'on veut reprendre : car il s'agic ordinairement dans la corredtion fraternelle , de faire voir à des gens ce qu'ils ne veulent point voir, ôc d'attaquer leur amour propre dans l'objet de leur pajfTion. Or on ne doit pas précendre qu'ils foufFrent l'un, ôc l'autre fans combat 6c fans refl- flance ; d'autant plus que d'ordinaire l'amour propre fe fortifie ôc fe rem- pare d'un amas de fauifes raifons , pour juftifier la pafïïon qui domi- Txe.
D'ailleurs il fe trouve tres-fou- vcnt que les défauts êc les péchez des autres, outre la contrariété qu'ils^ ont avec la juilice & la raifon , ce qui les rend proprement péchez , ont aufïï quelque chofe qui choque nôtre amour propre ; de forte que , i'averflon que nous en a^^ons n'étant pas bien pure , il fe mêle louvent dans la correction que nous en vou- lons faire , quelque chofe de l'amer- tume «S: de l'aigreur eue nôtre in- teret nous caule. Or fi l'amour pro- .j)re des autres s'en appcrçoic , il ne
ÏTianque pas de s'en fcrvir pour le défendue , & pour fe révolter con- tre la corre(fVion,
Enfin les pafîîons des hommes ont auiïi-bien que les maladies du corps, divers degrez d'agitation ôc d'ardeur, ainfi il fe peut faire de très-grandes fautes par des contretemps, en atta- quant les pafîions dans leur plus gran- de violence, La correction eil une ef- pece de médicament ^ qu'il faut mé-- nager par la prudence , 6c on gâte tout quand on la veut appliquer à «outes les playes de Tame en quel- tjdc état qu'elles foicnt.
-D, De quelles règles fc peut-on donc fervir dans la pratique de ce devoir ?
/?. La première règle indubitable fur ce point eil , o^ue chacun doit tâ- cher de s'acquérir une créance dans Teiprit des autres , par une vie édi- fiante, Se par des témoignages de charité. Car on n'cft pas feulement coupable de ne pas reprendre les fautes des autres , lorfque le pou- vant faire avec fruit , on néglige ce devoir. Mais on l'eil aufïi , quand C cil" par nôtre faute que nous ne nous
Y y iiij
\
j5^ DelaChariti* lommes pas mis en état d'avertir le prochain , de que nous n'avons pas acquis de créance dans Ton eiprir. Ainfi il n'y a prefque perfonne qui puiife s'alfurer de n'avoir point de part aux fautes d'autruy. Car peut-être que fi nous avions autant édifié le prochain que nous le de- vions , ou nous aurions empêché ces fautes , ou nous y aurions faci- lement remédié ; Se qu'ainli elles Qucd fi ar- ne font arrivées que par nôtre faute, gueroôc f'cero (2*^^ jç là Guc laint Bemafd con-
tiuodmcum eft, i . , ■ r ■
rliaautcmincie- ciut , que lors même qu il avoit rais patio procedens ^^^^ ^^ -| ^^qh pu pour corriî^er
minime quoct , /- ^ i ^ f, ^ ^ .
fuum eft faciat, les fautes des autres , il ne le tcnoit
^uod°mff/1ila P^ï^^^ ^^ repos quand ils ne profi- iîd rcvcrtatur* toient pas de fes corredlions. On a timeyacua, beau me flatter , dit ce Père, que iumtenens& j'ay fait à ce Religieux tout ce que ".fanTrni'cuac'^ jc de VOIS ^ que je 1% averti avec les ki>cie putaiis , témoi2;na2,es d'amour les plus obli-
fracre* ? Nonne ^ '^ . ], • ' j
angor , nonne g<^ans j que jc 1 ay comgc de toutes torqucor ? .... les manières les plus fortes , dont on
i^lacerc ne mini r j l 1 • '-r 1
in CD quod lo- p^^t perluader le bien : Tout cela cucusfum quo- i^q nie fcauroit confoler , fi mon
liia;n quod de- • i n • ' ' ' r r '
bui fcci, an pœ- nidultrie a ete lans lucces ; parce r.i:emiani agere q^q toutes ces raifons lie fcauroicnt quù <iuod Yo- appaiier ma crainte d avoir man-
ttiVtKS LI PROCHAIN. 5^7
qné à quelque chofe de ce que }^ ^"^^ ^°^"^l'f^'^l
luy devois. îran mlhi , quod
bonum meiim ad me rcvcrtatur , & quia laboravi animam mcam , &:mundu» fum à fanguinc hominis , cui annuntiavi & locutus l'um , ut a- vcrteretur à via fuà mala & viverct ; fcd oc û innumcra talia ad- das , me tamcn minime ifta confolabantur moriem filii iniucja»? tcm. S, Btr, Ser, 41. tu Cant.
D, Que faut-il donc faire quand on ne fe croie pas en état de repren- dre le prochain avec effet ?
R, Il faut 5 1°. S'humilier dans l'incertitude où nous foin mes tou- jours , fi ce ]i'eft point par nôtre faute que nous fommes dans cette impuilîance.
2°. Il faut tâcher de prendre une conduite à l'égard du prochain qui puilfc établir nôtre créance dans iosi efprir.
3°. Il faut fuppléer par nos prières aux défauts de nos avertiiîemens.
Z). Quand efl-ce donc precifé- ment qu'on eft obligé de reprendre le prochain ?
P. Quand on a fujet de croire qu'on luy pourra être utile en Taver- tiifant de les fautes.
Mais il faut remarquer qu'il ne faut pas toujours juger de l'utilité de
c^S De iaChamti*
la corre6lion par le fentiment prc- fent de celuy que l'on reprend. Car il arrive tres-fouvenc que tel qui étant repris en témoigne d'abord du chagrin ôc du dépit, ne lailFe pas cnfuite de profiter des avis qu'on îuy a donné , lorfque le dépit étant palTé 5 il vient à confiderer les cho- fes avec un efprit plus dégagé de paiïion. Ainfi on peut ôc on doit re- prendre le prochain dans fes fautes , non feulement quand on juge qu'il prendra bien à Theuie même ce qu'on Iuy dira , mais aulîi lorfqu'on a lieu d'eiperer qu'il en pourra pro- Hter à l'avenir. Auiïi efï-ce une ac- tion de charité , que de ne pas craindre de caufer cette mauvaife humeur palTagere^qui rejaillit ordinai- rement fur celuy qui la caufe , lorf- que dans les avis que l'on donne , il n'entre aucune vue humaine , ôc qu'on ne s'engage à faire la correc- tion au prochain, que pour Iuy pro- curer un avantage fpirituel.
Il faut remarquer en fécond lieu, que la corredion n'a pas feulement pour fin le bien de celuy que l'on reprend ^ mais aufli le bien de ceujs
ENVERS Li PROCHAIN. 559
a qui la faute pourroit nuire, Ainfi <]uelquefois , quoy qu'on pievoyc cju'un particulier , bien loin de pro- fiter de la corredion , & des avis , ne fera au contraire qu'en devenir
Î>ire, il ne s'enfuit pas que l'on ne e doive reprendre , Ci Ton croit par là pouvoir empêcher que fon exem- ple ne s'étende à d'autres.
Mais cette correction qui a pour but le bien des autres, plutôt que celuy de la perfonnc que l'on re- prend 3 n'appartient qu'à ceux qui ont autorité , & qui font chargez de procurer le bien commun , comme font les Princes , les Magiftrats, les Prêtres , dcc. Les particuliers n'en étant point chargez, ne doivent fonger qu'à l'utilité particulière de ceux qu'ils reprennent, ôc ne doi- vent reprendre perfonne , que dans l'efperance de les corriger.
Z>. N'eft-il jamais permis aux in- férieurs de reprendre les Supé- rieurs ?
i?. Ily a , dit faint Thomas , une ^"P^^'^ ^^ correction qui elt un adte de julti- quidcm qus eft ce , & qui a pour fin le bien public ; ^^^^ chamatis,
_ 1 1 1 > > • • • *\^^ fprcialitec
ôc celie-lan appartient pouic aux m- rendit ad emca-
54<î> ^ ^ i- A Charité*
ïationcmfra- f-'cneurs à Téf^ard des fuperieurs. îî
tris delinqucn- ^ • n n
lis pcr iimpii- Y ^H a unc autrc qui eft un adte ccmadmoni- ^Ic chanté , &c elle appartient à tous
tioiiem : ôc talis . ,,/ , , ^^ > i i
correûio pcrti- a 1 égard de tous , parce qu il n y a f" ad quemii- perfonnc qui n'ait droit d'aimer tout
bct chaïKatem [ i a • r r i u
habcntcm, ûvc le moude. Ainlî , Il on prend 1 op- ficfubditus, H- pqCjjjqj^ que faint Paul fit à faiiit
veprxlatus. £ft r. -l r J /!•
autcm alla c i- Pierre pour une elpece de correction
''f '°' ^.^^ '^ de juftice . comme il y a de Tappa- pcr quam imen- rciicc , puilqu elle le tailoit pour un aitur bonuin jj^j-çj-êt publJc , & publiquement : il
commune • • ^ n • '1 ^ ^ i ^ r j"
& tahs ccrrec- talloit qu il y cut queiquc lorte d e- ri"?/"""','. n^î ^^^ entre eux : icavoir , dans le de- .S. Th. 1. z. ^. voir de défendre la Fov. S. TIio- ^PauiusPctrum ^^^^ ajoûte néanmoins, que. li la Foy non ïcprchsn- étoit cu danger , les inférieurs nie- qlfo"modo par mes jourroieut en ce cas reprendre ciTct , quantum les fupcrieuis publiquement j^ c'eft
ad fîdei defcn- ^ ■ >-i
fioncm ...... encore en cette manière qu il ex-
fciendum tamea plique la corredion que S. Paul fie
cft , quod ubi ■ c^ t\- i -i > •
imminerec pe- ^ ->• 1 lerre : mais quand il ne s agit ricuium fidei , point de reprendre avec éclat- , on
cciam oublies ■'■ . *■ n • i i
eflent prxiaci i peut pratiquer cette action de cha- fubdicis arguen- yj^^ cuvers tous ceux quc Ton doit
di. Unde 8c . . . i r •
Pauius qui erat auiier j aiuli , comme les iupeneurs fubdus pccro , j-jç JQj-jj. p^5 exempts de défauts de de
propcer immi- , ^ i • r •
ncnspericuium pechez que Ics inférieurs peuvent Hdcicircafidé, ^-çcQj^„Q-j^^-ç 6^ Tamour qu'ils doi^
Petrum publice ^ ^ .
arguir. ibid a. YQïit avoir pout kurs iupeneui'S^j^
4. ad t.
ÎÎÎVERS LE PROCWAIM. y^t
leui devant fciire dcfirer qu'ils s'en corrigenc , les peut & les doit por- ter aies en avertir, loriqu'ils jugent que cet avertiilèment peut être utile,
D, Que doit- on obier ver en pra- tiquant le devoir de la corrcAioii fraternelle ?
R, 1°. On doit obferver de s-'alfu- rer bien de la vérité de la faute dont on veut reprendre : car on n'efl: ja« mais plus obligé d'éviter la trop grande crédulité à l'égard des fautes d'autruy , que quand il s'agit de les reprendre j parce que la correction étant douloureufe & pénible d'elle- faci;amedi*qu« même à celuy à qui on la fait , il efl 'Si^oramus quo
, ^ -^ , . • ,- animo fiant ,
certain quon ne doit point cauler quia & bono & cette peine inutilement. C'eft de ce '"^^° Ç^" po^"
r A n.- o c /^ lunt , de quibus
prmCipe que S. AugUltin & S. Gre- cemerarium cft
^oire concluent , qu'il n'ell pas per- Ji^^icarc , ma-
^ . , 11- • xivaz uc con-
mis de reprendre les intentions ca- demnemus . . . ^ chées , parce que nous ne les con. Non cigo rc- iioilions pas. Que ii elles paroiiient eaqu^nefcimu par quelque marque extérieure, il s^o animo fiâr i>enraut parler qu autant que CQSdefcr. Dom.i marques nous donnent droit de nous '"""^S^^!; cnailurer. mot.l 1. 1. i^
1^. De ne point exagérer ce que Vmi reprend. Car l'amour propre dç
mus
'^J\.l T) t tA CfîARITE* ceux que l'on reprend , cherchant S s'accrocher à quelque chofe pour fe défendre, fe prend ordinairement à certains excès que l'on mêle dans la corredion , Ôc s'en fert pour la rc-* jetter comme un effet d'averfion , de malignité ôc de jugement témé- raire.
3^. De n'y mêler aucun intérêt ÔC aucune paillon humaine , de de bien perfuader celuy qu'on reprend qu'on n'a aucune autre vue que cel- le de Ton intérêt fpirituel.
4.*. D'accompagner la correction de témoignages d'humilité j car la corredtion nous élevant en quelque lorte au-defTus de celuy qui eft re- pris , ce qui êft odieux à ion amour propre , il faut tâcher de le calmer en le rabailïant foy-même.
^^. D*y joindre aufîi des témoi- gnages extérieurs de charicéj ôc d'eflime , afin que s'il paroît par la correction, qu'on croit celuy que Ton reprend blâmable en quelque chofe, il paroiife aufTi qu'on l'aime &c qu'on l'eftime par d'auttes endroits.
6'^. D'attendre pour reprendre que les paffions foient moins fortes
ic moins émues. Ce ménagement même eft une preuve de confidera- ci on , c^ui difpofe ceux envers qui on en uie , à bien recevoir ce qu'on leur dit.
£>. Quand eft-ce que le péché qu'on commet par i'omiiîion de la correction peut être mortel ?
R, Lorfque par des vues humai- nes , on néglige de reprendre ceux dont on eft perfuadé que Ton pour- roit empêcher la chute ou la perlevc- rance dans le péché , en les repre- nant. Car il eit certain que cette o- mifîlon enferme la préférence de quelque confiderationiiumaine , au ialut du prochain.
Il lufHt auffi pour pécher mor« tellement par cette omiffion , d'être obligé par la charge Ôc Ton état, de veiller au falut des autres , de de négliger néanmoins de les repren- dre , quand on n'eft pas allure qu'on le feroit inutilement. Ceft ce que Dieu déclare formellement dans le $• ^ic^mc me Prophète Ezechiel par ces paroles .-adimpium, ùt LorjcjHe je menace L pûjpie de- la ^^^ non an. mort îii neqilqe de l'avertir de cette ^^^^'^^"^^^'^^ ^'^ » menace , (y ne t efforce pas de le de- f^èris m ayet-
J4-4 ^* ^ ^ Charitï*
fifttiii- à vil fui tourner de fa, voye impie , afin qiill ipic impiuî in rccoHVre U Vie j / impie mourra dani iniquicaïc fuâ /^;; impiété, mais ji ne Uifjeray pai
uioriccur , fan- i -> i i i r r
guincm aucem «^ ^ ^^ redemander le jang , comme Jt cjuj de manu fii i'avois répandu de tes propres
tua requiram. . * * '
/). Quelles différences y a-t-il donc fur le fujet de la correâion, en- tre un Pafteur &: un particulier?
R. Il y en a plufieurs.
x^. Les Pafteurs font obligez de s'informer des a6tions de ceux qui leur font fournis , pour les corriger : Mais c'eft au contraire une vertu à un inférieur , de n'être point curieux de fçavoir les adtions d'autruy, ôc de ne s'appliquer qu'à foy-même.
i*. Il iuffit pour obliger les Pa- fleurs de reprendre les vices , qu'il ne foit pas certain que leur repre- henfion fera plus de mal que de ^ bien. Il faut plus que cela pour obli-
ger un particulier à reprendre les autres , 6<: il eft necelTaire qu'il voye de l'apparence que fa reprehenfion fera fort utile.
5°. Les pafteurs font obligez de reprendre p^r leur miniftere même, i5c ainfî ils nç doivent point s'en re- mettre
ENVERS LE PROCHAIN. 545
illettré fur les autres. Mais un par- ticulier a droit de s'en remettre aux Pafteurs , & il n eft obligé à repren- dre par luy-même , que.lorlquli fçait que le PaReur la négligé.
CHAPITRE IV,
T)H fupporf , ou de la tolcrance f cejî-k.dtre , de U condejccnd^n- ce ^ ^de la co?iduite que la cha- rité oblïzc de tenir envers ceux h l'éo-ard de qui on ne pcuf fasfra^- tiqu:r la correciion*
p. /^Uelle eft la difpofition ou V^ on doit être envers ceux que l'on ne peut corriger par Tes avis , foit parce qu'on ne les juge pas en état de recevoir les avis qu'on leur donneroit , loit parce qu'ils les ont rcjettez avec mépris , foit parce que l'on craint de les irriter, de les laf- fer , & de les rendre encore plus coupables & moins difpofez à fç corriger de leurs défauts ? Tome II f Z z
^4^ I^E LA Charité'
R. On doic être dans une dilpa^ iition de paix^ de patience^ de lupr port , d'attente de Dieu , de civili- té , & de reiped.
X>. Pourquoy faut-il ctre dans une dirpofirion de paix ? . F, Paice qu'il faut tâcher d'entre- tenir au moins une paix extérieure avec ceux mêmes à qui on ne peuc être uni par les fentimens inté- rieurs ; cette union extérieure pou- vant être un degré pour arriver <]ueîqiie jour à runioii des cœurs.
-D. Pourquoy faut-il être dans une dilpolition de patience ôc de fup- port ) r^ «,•/>,• -^o Parce qu'on ignore les deffeins
Drus miicij- j o
cordiflimuî , & de Dieu lur les hommes. Peut-être iXeV"a\L"l'''¥^^e temps de ceux qui refiftenc eft , & pr^bct 'prel'entement à la venté , n'ei-t que
atcueco:it6>io. ^^^^^^ ; peut-eue que nous auroTjS jiis iccum. , . . nous-même befoin qu'on nousiouf- ricntiam exer- "^ > 4'"^ ^^ Hous attende , qu on ne ccat, &: infor- defefpere pas de nous; Si Dieu fouf-
aiict exemple ri- i ' i >i
i"uo , quo novc- ï^r^ bien ies mechans . quay qu il uim-.is quantu.-H prevove leur impcnitence : com- -iciabiiucr ma- bien elt-ii plus juite que nous i^s ■îos fuftinerc,, ibuffrions , nous qui ne la pouvons
cum ignoremu» . ,1 y- • / •'^r
auaicsDGfîta fa- prévenir ? Il iaut toujours taire eji
fNVERS LE PROCHAIN. y4f
tout étac tout ce qui le peut pour le f»»" f«^nf- •^• prochain. Qui ne peut corriger le r;*d. r. ih prochain par fes paroles , le peut préparer à la correction pat fa pa- tience ôc par fa douceur. .
L'impatience eft une marque que Ton croit que la correction dépend uniquement de la volonté de 1 honi^ me : & la patience au contraire eft une proteftation de nôtre foibleiî'e ^ & un aveu que fi Dieu ne touche efficacement le coeur de l'homme -, fa pente au mal , &c la dureté ne .jnanquent jamais de re lifter aux in-^ fpirations de Dieu. Ainfi l'une eft ua cfFet d'un orgueil aveugle , & Tau- ::tre d'une humilité éclairée.
Pour s'établir dans cette difpofi- -tion de patience , & diin iiumble ^fupport à l'égard de? pécheurs ; il eiî .bon de le iouvemr que nous avons tnous-même eu bcloin qu'on nous fupportât & qu'on nous attendît. Souffrez ^ dit laint Auguftin , parce ciue vous êtes nez pour cela • tolérez tc^^ ^ ^ t^ les détauts des autres, puiiqu on.a «mmjiatus -s-, bien toléré les vôtres : Que C\ ,^con- S'IokrKu/»" :tinuë ce Père , vous avez toujours si rempertor.us «té bon , foyez indulgent de rr^ileri- mlftViççîS
Zz ij
54^ De la Charité' Ti aliquando coi'dieux ciivcrs votre prochain. Quf
malus fuilti.no- r ' ' j i ' '
ji perdcrc me- il VOUS avcz cte daiis le même état niciiani. ^4ug. ^ ^^115 le defordrc que vous recon-
CfTHtr.e de e-Jt' -.-p i r i
"i«^47. M«v4 ^. noiiiez en iuy , iouvenez-vous de dit. c. KO. l'état où vous avez été , & de Tin- duigence qu'on a eue pour vous.
Non feulement on a eu befoin de tolérance avant qu'on eût fait quel- que progrés dans la pieté , mais on en a toujours besoin.. Car il n'y a per- ionne qui n'ait fes humeurs & fes fantaifies , & qui ne faife fouffrir les autres par quelque endroit. Nous fommes nous-mêmes obligez d'a- voir de la tolérance pour nous-mê- me , de nous fouffrir en paix , d'at- tendre avec patience que Dieu nous guerilfe de certains défauts , & de ne nous pas impatienter de nos pro. près imperfedi-ons ; à plus force laifon devons-nous avoir pour les autres les mêmes égards ^ la même tolérance»
D, Elf-ce une vertu bien neceflaire ^ue la tolérance , & le fupport des défauts du prochain ?
Znomnicon- n r^ n n
fregationc mui- ^- Cette vertu clt tellement ne- ihudinis , ne- cclTairc , que Dieu en a vouki faire ïenuiuw luajii uu dcs piiHcipaux .exeicices de la viQ
ÏNVERS LE PROCHAIN. 545J
tZhrétienne. Car c'eft pour cela qu'il ^«^^.^ «^"im orJ
, f , - . -^ novu excrccn-
permet que dans les plus laintes aos nos , mif- ■compaenies il fe dilîe des méchans, cet nobis & non
s P 5-1 A j r • 1 P-i'cvcraturos,.*
& qU il a voulu qu 11 y eut un dllCiple Novit cnim nc^
avare , voleur de traître , dans la ^-flarium cae
compagnie des Apôtres- le deilein de musmaios.
Dieu étant que nous ayons par tout ^"^* '" ^f- H*
des images de ce que nous iommes
par nous-même, des preuves de ce
que nous devons a Dieu , des objets
nôtre charité , & des fujets propres
à exercer nôtre patience,
. D. Quel eil: le moyen pour foufïrir
avec moins de peine les défauts des
autres ?
^. Il y en a deux principaux : Tua eft de bien connoître fa propre foi- bielfe , fa propre corruption , les projpres ténèbres , les infîdelitez , de fon peu de fermeté dans le bien ; ce qui fciit qu'on s'étonne <?<: qu'on s'impatiente mains de trouver ces mêmes défauts dans les autres. L'au- tre cft de tâcher d'élever fon ame ^ufqu'au Sanduaire , où Dieu règle ielon fes delfeins éternels , les éve- iiemens du monde , ôc fait même fervir les péchez des hommes à i execiuion de fes coiafeils. Car ce-
55^ Dî LA CuARlTî*
luy qui eft ainfi élevé aa-deiTîis iet creatureSjSc qui ii'eft plus occupé que de Dieu, s*inquietc6c s'émcucpeude ce qui fe palfe dans le monde ^ parce qu'il içaic que Dieu en fçaura tirer fa gloire. Il Te contente de faire ce que Dieu luy ordonne , en adorant fa vo- lonté dans tous les événement. Les
TnlîrânT m°cœl ^^^^ > ^^^ ^^^^'^ Auguftin ,^ COntl^
lo pcr dicm , nucnt leurs cours dans le même or- TroccLnt° peî^ ^re , fans avoir égard au crime des agunc iuncra hommes ! De même ceux qui habi»
certos habtnt : ^^^^ ^^^'^- 1^ ^1^1 ^^ Clprit , dcvien»
^ committun- nent paticns , en attachant ieur$
tur tancâ mala i r/ ^ r \ n
nec déviant de penlces aux choies ceieltcs,
fuper ftellz fi-
^x in cœlo. Sic debcnt dnàï , fed fî in cœlo iigantur corde eo- rum .... Qui func in fupernis _, *& de fupcrnis coguant .... 4$, ipfifi cogicationibus fupernis patientes iîimt. ^. -^ug. tn Pf. 95.
jD. Suffit-il de fouffrir en paix & avec patience les fautes des autres- qu'on ne peut corriger }
R. Non. Il faut de plus témoigner à ces perfonnes le refped , Teftime, & raffêdlion que Ton a pour eux , & s'exciter même à en avoir. Car ce monde n'étant pas le lieu deftiné à la punition des crimes , &: les cri- mes n'étant pas encore incorrigi- i>les j nous ne devons pas laiiter
ÎNVER5 LE TROCHAIN. <^7
de nous acquitter envers ceux que nous Iççivons qui font dans un de - fordre acluel,des devoirs de h\ locie- té civile, de l'amitié humaine, &c de la charité Chrétienne, Nous de«- -Vons par ces diipoiitions tâcher de les attirer , eliayer de leur gagner le cœur , Se de les dilpoler par là il revenir à eux-mêmes , 6c à recon- jioître la vérité.
- £>, Les devoirs que nous devons rendre a ceux que nous connoifTons :pOLir pécheurs , ne pourroient-ils point pailér pour faux , &c pour trompeurs j puifqu'ii eft certain cju'en les connoillant pécheurs, nous n avons pas pour eux au fonds du cœur toute l'eftime que nous avons pour ceux que nous ne connoillons pas pour tels ?
R, Ces devoirs ne font ni faux , ni trompeurs ; puilqu'ils lont fondez iur des qualitez réellement aimables^ cflimables & dignes de relpecl, qui Teil:ent dans les méchans.Car on peut toujours aimer en eux Tirnage de Dieu, On peut refpefter en eux la nature humaine , qse Dieu a ù fort iionorée coûte entière^ eu runiirantà
'551 Dî LA Charité*, 8:Ci la fiennc. Tant qu'il plaît à Dieil les laiifer fur terre , ils peuvent tou- jours revenir à luy, «5c devenir Tes. enfans ôc Tes élus • ce qui eft un xiroit incomparable , & qui mérite tous nos égards. Ce font des Prin- ces, à la vérité déchus de leur îjran- deur 3c de leur élévation ; mais ce-* pendant ce lont des Princes, puifqu'- ils peuvent toujours avoir part au Royaume Celefte , 6c ces qualité^ iuffilcnt pour les rendre toujours di- gnes de relpedl: ôc d'amour , a ccu^ en qui régnent véritablement la fo^£ êc la chanté.
FIN.
UnivsreTfJ^ SIBCfOTKFCA