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HP

JOURNAL

DES SAVANTS.

J0URN4L

DES SAVANTS.

ANNEE 1838.

PARIS.

IMPRIMERIE ROYALE.

M DCCC XXXVIII.

BUREAU DU JOURNAL DES SAVANTS.

M. Bartbb, Garde des Sceaux, Président.

M. SiLvESTRB DE Sact, de L'Institut royal de France, secrétaire per- pétuel de l'Académie des luscriptions et Belle vie tires.

M. QtiATDBMÉHB DE QuiKCT, de l'iustitut, secrétaire perpétuel de l'Aca- ' demie des Beaux-arts, et membre de l'Académie des Inscriptions I et Belles-lettres. ' M. Ledrun, de l'Institul, Académie française,

M. Lacroix, de l'Institul, Académie des Sciences.

' M. Daunod , de l'Institut, Académie des Inscriptions et Belles-lellres, et Académie des Sciences morales et politiques ; éditeur du Journal et secrétaire du bureau.

M. BiOT, de l'Institut, Académie des Sciences.

M. RAOUL-RocnETTE, de l'Iustitut, Académie des Inscriptions et Belles-lettres.

M. Cousin, de l'Institut, Académie française, et .Académie des Sciences morales et politiques.

M. Letronne, de l'fiislitut, Académie des Inscriptions et Bellei- lettres,

M. CuEV'REDL, de l'Institut, Académie des Sciences.

M. Frédéric Cdvier, de l'Institut, Académie des Sciences.

M. Eugène Burnoup, de l'Institut, Académie des Inscriptions et Belles- lettres.

M. Flodubks, de l'Institut, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences.

M. Naudet, de l'Institut, Académie di-s Inscriptions et Bdles-lettres , et Académie des Sciences morales et politiques.

M. ViLLEHAiN , de l'Iustitut , secrétaire perpétuel de l'Académie française.

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fi JOJIRNAL DES SAVANTS.

Jo dois i't M. de Wiile la connaissance d'une inscription analogue, qui existe sous un vase de sa collection. Ce vase a ta même forme que ceux qui portent les inscriptions précédentes, celle du vaso a Campana, 19 , le prétendu oxybaphon de MM. Panofka et Gerhard. On v lit, selon la copie de M. de Witte :

KPATEPE2 n. OEIAEXAilfiâ lie

OETBA*a" ' illl

(fest-à-dire : 5 cratères, ho oxides

i 3 oaybdpbons

L'oxùle et Voxybaphon sont ici deux vases diflerenls. Du reste , les cir- constances sont les mêmes que dans l'inscription du vase du Musée royal, hc vaso a Campana n'y est pas davantage désigné par le mot oxy- baphon. Cette inscription est également une note de potier.

Ceci nous explique l'inscription d'un vase appartenant k M. le comte Beugnot. Ce vase a la forme et la grandeur ordinaires du 16, que MM. Panofka et Gerhard appellent stamnos. D'après la copie que M, de Witte m'a communiquée, on y lit : ù ktaba, c'«st-à-dire, 10 cyaûics. KÛad« est pour wj'ttâsi , selon l'usage ionien de donner la forme neutre à certains noms masculins, particulièrement au {Huricl, comme ><t>^a. et (iJwa, pour xûjt-oi et Kw'ïXûi ( Wesseling, odHerod. 11, 6a). Ici, il est éga- lement impossible d'admettre que le mot KÛaâa, désigne le grand vase sous le pied duquel est l'inscription , puisqu'on sait qu'il n'y a rien de commun entre un cyathe, petit vase à boire ou même espèce de grande cuiller à manche , avec le grand vase à oreilles , dit stamnos. Voilà donc encore une npte qui, n'ayant aucun rapport avec le vase sous lequel on l'a tracée , ne peut nous en indiquer la forme.

J'en dis autant d'une amphore, de la collection du prince de Canino

8 JOURNAL DES SAVANTS.

inînôc. Sous un pied qui, plus tard, devait être joint à une amphore, à un cratère, k une hydrie, on écrivait des notes relatives , soit à diverses espèces de vases . soit à une espèce tout à fait différente de celle du vase auquel il fut plus tard rajusté ; de , les noms de cyatlie, à'oxybajAon , â'arystère, de ckyire , sous une amphore ou une espèce de cratère , qui n'ont aucun rapport avec ces mêmes noms.

Une dernière inscription mérite de nous arrêter encore quelques instants.

D'après ce qui précède , il est clair que , si tout nom au pluriel a être suivi d'un chiffre, toutchifTre a être précédé d'un nom de vase, it moins que ce chiffre ne désigne le vase même sur lequel il est tracé. Ainsi, pariexcmpie, si l'on trouvait le nombre ao ou 3o suivi de l'ex- pression d'un prix , sous un de ces vases dont le pied n'a point été rajusté après coup, mais a été tourné en même temps; et si ce nombre n'était précède d'aucun nom , il ne pourrait se rapporter qu'au vase même, et indiquer que 20 ou 3o de ces vases doivent être ou ont été fabriqués oji vendus.

Tel est probablement le sens d'une inscription ainsi conçue : A&AII: TIMH . h t-llllc. Elle se trouve sous un petit pot du Musée de Beriin , de la forme 1 2 , dite Pélicé par M. Gerhard. Ce vase , d'après la des- cription qu'en donne ce savant archéologue (Neaerworbene antike Denk- mâler des K. Mas. za Berlin, i6o5 , p. 3o) , n'a que k pouces 6/8 (le haut; il est d'un fort médiocre travail; ses peintures consistent en deux figures d'hommes enveloppés d'un manteau, sujet des plus com- muns ; les contours en sont mal indiqués : c'est , en un mot , un vase tout à fait insignifiant. Cette circonstance rend très-remarquable l'in- dication du prix marqué k la manière athénienne , 2 drachmes d oboies 1/2 que contient l'inscription. M. Gerhard, rapportant le prix à ce petit vase tout seul , en conclut , avec raison , le haat prix des produits

iO JOURNAL DES SAVANTS.

p. 1 5 I ) : re sont les mots koJmos, holcion, bombylios, cofyliskos; nous y ajouterons Vanochoé, Volpé, la célèbé, lapélicé, ia lepasté, ïascos . Voxy- hc^hon, la tyalhis, le sn-phas, et d'autres dénominalions qui ont été indiquées plus haut comme peu certaines ou mai appliquées ; en sorte que la liste des seuls noms antiijues dont la signification soit indubitable se réduit, après les dernières recherches de M. Gerhard, à peu près an nombre que nous avions reconnu nous-même ci-dessus ; seulement nous croyons pouvoir en maintenir quelques autres qu'il rejette ou dont il neparlepas, telles que la pfti'nfc, lecernos, Vhémitomos , \a chytra. La question se trouve donc encore réellement renfermée dans les termes nous l'avions placée. Si l'on approuve nos principes en général, comme on en convient, on ne peut plus nous reprocher d'en avoir outré l'application, ni d'avoir abusé de l'élément philologique, puis- qu'on est de notre avis sur les principaux points , et qu'on n'a pas une raison suflisante, ou même qu'on a tort de s'en écarter, toutes les fois qu'on a cru pouvoir le faire. Les dénominations d'holmos, à'holcion, de céUbé, de lecané, de lepasté, d'ascos, de boml^'lios, etc. qu'on veut essayer de conserver encore , sont si problématiques , ou souvent d'une application tellement fausse, que celui qui les admet pourrait, sans beaucoup plus de risque, admettre les cent quatre noms de la nomen- clature de M. Panofka; ils ne sont ni plus ni moins bien autorisés.

Quant aux antiquaires qui attachent quelque prix aux notions exactes , s'ils ont désormais une suite de vases à décrire , ils feront mieux de s'en tenir aux dénominations générales ou particulières , clairement établies , que nous avons signalées; et, pour le reste, imitant M, Levezow ou les rédacteurs du catalogue Durand, de réunir sur une seule ou plusieurs planches le trait de la forme des vases, en renvoyant aux numéros de chacun d'eux. De cette manière, U n'y aura pas de malentendu, et ÎIs ne risqueront pas d'employer des noms grecs dans un sens que les an- ciens ne leur donnaient pas. Cette méthode, il faudra, nous croyons.

12 JOURNAL DES SAVANTS.

ce infinuscrît est déparé par une multitude de fautes qui proviennent de l'ignorance du copiste. L'auteur de ce commentaire est Abou'lhedjadj Yousouf, fils de Soulcïman, fils d'Isa, natif de la vQle de Sainte-Marie, que les Arabes appellent Santamaria elgarb, c'est-à-dire de l'occident, . qui vivait dans le v' siècle de l'hégire. Hadji-Khalfa paraît n'avoir point connu ce commentaire. Abou'lhedjadj est aussi auteur d'un commen- taire sur le Hamam.

C'est d'après les deux manuscrits que nous avons indiqués , que M. le baron Mac Guckin de Siane vient de publier les poésies d'Amro'tkaïs. Il a eu aussi à sa disposition un manuscrit qui appartient à M. Caussin de Perceval, et qui ne contient que les œuvres de ce poète.

C'est peut-être improprement qu'en parlant de la collection des œu- vres des six poètes anciens dont nous venons de rappeler les noms, et de ce qui appartient, dans ce recueil, à chacun d'eux, on fait usage du mot Diwan; car ce mot ne s'emploie d'ordinaire, pour désigner le recueil des œuvres d'un poêle, que lorsqu'elles sont disposées dans l'ordre al- phabétique des rimes.

Le volume que nous annonçons se compose d'abord , pour ce qui concerne le texte arabe, des poèmes d'Amro'lkaïs, précédés de la vie de ce poète , extraite de l'ouvrage d'Abou'lfaradj Isfabani, qui est inti- tulé Kitab elAghani, et, pour le surplus, d'une préface, de la traduction française de cette même vie, d'une version latine des poèmes, et enfin de notes écrites en français, et qui se rapportent au texte arabe.

Dans sa préface, l'auteur, après avoir fait connaître les manuscrits dont il a fait usage, s'attache à déterminer l'époque à laquelle vivait Amro'ikaïs. D'Herbelot, sur l'autorité de l'histoire des poètes persans de Dauletschah Samarcandi, a dit, ce que divers savants écrivains n'ont point hésité à répéter après lui, qu' Amro'ikaïs avait fait des vers contre Mahomet, et que Lébid, depuis sa conversion à l'islamisme, avait répondu aux satires d'Amro'lkaïs, et avait, à la grande satisfaction

14 JOURNAL DES SAVANTS.

H de reconnaître la maîtresse d'Amro'lkaïs dans Arabia, fille de Justin II

«et épouse de Badouavius, surintendant du palais impérial, n

M. de Slane rapporte donc aux premières années de Justin II le dé- part d'Amro'lkaïs pour retourner dans l'Arabie, et, par conséquent, sa mort, attribuée h un vêtement empoisonné qu'il avait reçu de l'empe- reur grec. Il avoue cependant qu'il ne se trouve rien dans les bistoriens byzantins qui vienne à l'appui de celte conjecture; « Mais, ajoule-t-il, «bien qu'il reste des incertitudes sur i'époquc de la mort d'Amro'lkaïs, «il n'en est pas moins avéré que tous ses poèmes, à l'exccptimi du troi- «sièmc, et peut-être du premier de ce recueil, furent com^sés avant «l'an 564. »

Il suffit maintenant de se rappeler que Mabomet est vraisembla- blement en l'an Syi, pour rester convaincu que jamais la muse de ce poète ne s'est exercée contre le législateur des Arabes.

A la préface dont nous venons de rendre compte, succède la traduc- tion de la vie d'Amro'lkaïs, dont le texte se trouve aussi dans ce vo- lume, et qui est tirée du tome II au Kitab el Atjiiani , ouvrage précieux , dont la bibiiotlièque royale possède un exemplaire complet, outre quel- ques fragments écrits dans le caractère africain. Malheureusement, ce manuscrit offre beaucoup de fautes de copistes; la rédaction des articles biograpbiques que contient cet ouvrage, n'est guère, à proprement par- ler, qu'une compilation assez indigeste de traditions diverses, souvent même contradictoires, dans lesquelles il est presque toujours impossible de démêler la vérité. Cela n'empêcbe point toutefois qu'on n'attache avec raison un grand prix à cet ouvrage, qui est véritablement un tré- sor d'érudition.

La vie d'Amro'lkaïs justifie pleinement l'idée que nous venons de donner des articles biograpbiques qui se lisent dans le Kitab el Aghani. On y trouve d'abord réunies les traditions l^s plus diverses sur les an- cêtres de Hodjr, père d'Amro'lkaïs; puis la mort tragique de Hodjr

16 JOURNAL DES SAVANTS,

arabes : les poursuites acharnées de Mondhar, roi de Hira , qui avait obtenu de Ja cavalerie du roi de Perse , Anouschîrewan , le réduisirent à fuir et it ehercber un asile-, il trouva enfin un refuge auprès d'un juif, Samuel , fils d'Adia , célèbre par sa générosité et par la protection qu'il accordait aux hommes poursuivis par l'infortune. Samuel , qui habitait le château fort nommé Ablak, accorda une généreuse hospitalité à Am- ro'lkaîs, qui, au bout de quelque temps, lui demanda une lettre de recommandation pour un prince de la famille des arabes de Gassan en Syrie , alln que celui-ci le Rt conduire près de l'empereur grec, duquel dépendait le royaume de Gassan. Amro'lkaîs labsa en dépôt, auprès de Samuel, sa (itie Hind, ses richesses et particulièrement ses cinq cuirasses, fameuses dans l'histoirehéroîque des Arabes. Amro'lkaîs obtint un accueil favorable de fempereur grec, qui lui donna un corps de troupes consi- dérable , et le renvoya à la tète de ces troupes. Mais à peine était-il parti qu'on inspira des soupçons contre lui à l'empereur, ou suivant un autre récit, qu'un homme de la tribu des Benou-Asad , nommé Tammah, le dé- nonça à l'empereur, à qui il apprit qu'Amro'Ikats avait eu une intrigue avec sa fille , et qu'il avait composé des vers il se vantait d'avoir ob- tenu ses faveurs. « L'empereur, dît le biographe, lui envoya donc un n manteau empoisonné, peint et brodé d'or, et il lui manda ce qui suit : liJe t'envoie comme une manyue d'honnear le manteaa (jue j'ai porté ; ainsi , « lorscjtte tu le recevras revets-le, et paisse-t-il te porter bonheur et prospérité, a Donne-moi de tes nouvelles à chaque station tu t'arrêteras. Amro'lkaîs Il ayant reçu le manteau le revêtit avec une grandejoie; mais le poison «pénétra rapidement dans son corps, et sa peau se détacha, c'est «pourquoi on l'a nommé Zoa'lhouroah, c'est-i-dire Fkomme couvert d'nl- e cères. » Etant parvenu près d'Ancyre , il mourut et y fut enterré.

Tout ce récit, que j'ai extrêmement abrégé, est entremêlé d'anecdotes qui font connaitrcles mœurs et les préjugés des Arabes, auxquelles tou- tefois je ne saurais m'arrêter. Le tc\te n'est pas sans quelques diflicultés.

18 JOURNAL DES SAVANTS.

reptions différentes, et dont on ne peut guère puiser rinlelUgence que dans les scholiastes.

Ce recueil contient en tout trente-trois poèmes, plus ou moins longs , d'Amro'ikaîs , dont quelques uns n'ont que quatre ou cinq vers ou plutôt distiques, et ne sont peut-être que des fragments. Parmi ces poèmes il y eu a un certain nombre que le célèbre Asmai n'admettait point comme étant' d'Amro'lkaïs, mais qui lui sont attribués par d'autres critiques. Nous croyons qu'il y aurait une grande témérité à hasarder un jugement sur des questions de cette nature qui ont partagé les plus savants philologues arabes.

Pour donner une idée de la poésie d'Amro'lkaïs , et en même temps delà version de M. de Slane, noua choisissons de préférence un mor- ceau assez court, qui pourrait bien n'être que des fragments d'une kasida plus longue.

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20 JOURNAL DES SAVANTS.

qui se suppose transporté dans ses courses sur les lieux précédemment habités par une tribu ofi il avait des amis ou uoe maîtresse, et actuelle- ment abandonnés, s'assied, et se livre à une profonde rêverie. Les sou- venirs que réveille en lui l'aspect de ces lieux, absorbent toutes ses pensées ; la nuit qui succède à ce jour lui paraît la plus longue nuit de l'année , et, suivant l'usage des poètes arabes , il adresse la parole à son compagnon de voyage et lui confie ses ennuis et le trouble dont son cœur est agité. Dans le second fragment, qui commencerait avec le sixième \ ers , et fmîrait avec le douzième , le poëte peint la rapidité de sa monture qu'il compare à un onagre, ajoutant dans une longue description toutes les circonstances qui peuvent rendre la course de cet animal sauvage plus précipitée. £nBn, le troisième et dernier fragment qui ne se composerait que des trois derniers vers , rappellerait la vie passée du poëte , ses courses à travers le désert, et son intrépidité dans les combats.

Quoique je ne sois pas éloigné d'adopter cette manière de voir, je ne crois point cependant qu'il soit absolument indispensable d'y avoir recours. On peut, je crois, rétablir l'ensemble de ce morceau de poésie, en supposant, de la part du poète, l'ellipse d'une transition ou une réticence qu'il est facile de suppléer. Il est évident que, pour se soustraire à la mélancolie dans laquelle l'ont plongé l'aspect des lieux oii autrefois il a été heureux , et les souvenirs que leur vue lui a ins- pirés, il n'a rien de mieux à faire que de s'en arracher sans délai, de monter sur son chameau , et de hâter sa course pour s'éloigner au plus vite de ces mêmes lieux. 11 ne manque donc, pour lier les cinq pre- miers vers avec les suivants, que l'expression de "cette résolution. Les trois derniers vers se rattacheront encore plus aisément à ceux qui les précèdent; îl ne Ëiudra pour cela que supposer que la pensée du poète a été : Ce n'est pas la première fois que monté sur un agile chameau je me suis exposé au milieu des déserts; déjà, etc.. Serait-il contraire au génie de la poésie arabe de supprimer de pareilles transitions, et de

22 JOURNAL DES SAVANTS.

que M. de Slane a attribué à la forme verbale ^ une signification qui n'appartient qu'à la forme ^^- D'ailleurs, l'idëe qu'il a exprimée est tout à fait étrangère à la chose dont U s'agit ici. L'autre passage est celui l'on lit : clamantis ad onagras qaœ nondam conceperanl, admis- sario mataras, ii^^j^ JW^ *,***■ Jt ^jl. M. de Slanc a cru que J^*- devait être pris dans le sens de camelœ ifnœ admissarinm passai non conceperanl ; mais si le poète avait voulu dire cela , il eût été bien inutile, il eût même été absurde d'ajouter i^^y^ admissario maturas. Je me crois donc autorisé à penser que JU»- est ici le pluriel de J~t\^ signifiaat unias anni fétus cameîinas. C'est pourquoi j'ai traduit, ^ai ne comptent encore qu'une année.

Je dois ajouter ici une explication. Le poète compare l'onagre, chassant devant lui la troupe des femelles, •■ un valet mercenaire chaîné de conduire quatre chameaux pétulants ou rétifs; il dit quatre, parce que s'il en conduisait un plus grand nombre , il aurait peine à s'en faire obéir. Ainsi, il veut faire entendre que l'onagre conduit un grand troupeau de femelles avec autant de facilité qu'un pâtre qui ne serait chaîné que de la conduite de quatre chameaux, s'en ferait obéir. ^ Le volume publié par M. de Slane aurait mérité un article pIcR étendu; mais il aurait fallu , pour le rendre utile , citer plus de textes que ne le comporte la rédaction de ce journal. C'est non-seulement un travail très-estimable , mais encore le prélude et le gage d'autres travaux non moins importants. La connaissance profonde de la langue le recommande à tous ceux qui s'intéressent au succès des études orien- tales, et notre intention n'a été que d'appeler leur attention sur l'ou- vrage et sur l'auteur, qui est destiné à prendre place parmi les orien- talistes les plus distingués. SILVESTRE DE SACY,

24 JOTIRNAL DES SAVANTS.

brasser la Grèce, l'Italie, l'Espagne, les Gaules et la lisière de la Ger- manie, en se renfermant dans les limites des derniers siècles de l'ère païenne. Descendre plus bas , ce serait risquer de n'avoir à faire que le tableau de Tr^tinction de la servitude; remonter plus haut, ce serait écrire ses origines : deux grands sujets qu'il se propose de traiter un jour, mais entre lesquels en est un troisième qu'il a choisi, et qu'il définit en ces termes : «Décrire ce que fut l'esclavage en Occident «après qu'il y fut sorti du temps de ses origines, et avant qu'il fût «arrivé à l'âge de ses décadences (pag. 9}-)>

La nouveauté est déjà dans la fixation précise des limites chrono- logiques; elle sera principalement dans le dessein de la composition. Quelle était la fonction soci^e de l'esclavage dans le monde ancien ? C'est la première question que se fait l'auteur, et les idées qui en naissent distinguent son écrit de tout ce qui a été dit avant lui sur ce même sujet. On ne considérait l'esclavage que dans la personne de l'esclave et dans les rapports individuels avec le maître; il voit dans les esclaves la partie active , et en quelque sorte vitale , de la popula- lation de tous les pajs, celle que les institutions et les préjugés met- taient hors la loi civile et humaine, et qui était cependant la plus nécessaire à l'existence de tous, en même temps que la plus nombreuse : l'histoire de l'^clavage est l'histoire^de la classe ouvrière dans l'anti- quité.

Le Discours se divise en quatre chapitres ; on examine dans le pre- mier la destination de l'esclavage, sa part d'activité chez les peuples; le second montre de' quels éléments se composait et comment se re- crutait cette multitude de travailleurs; le troisième explique les parti- cularités de leur condition ; l'objet du quatrième est de rechercher les origines de cette institution qui pesa sur une si grande partie du genre humain pendant tant de siècles, les révolutions qu'elle avait subies vers

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latîon lucrative en instruisant des esclaves à la pratique de tontes sorteti de métiers, d'arts, de sciences même; Grassus louait des foirerons et des scribes, des cuisiniers et des maîtres de grammaire et de belles-let- tres. 11 doubla presque sa fortune par ses seules entreprises de construc- tions de bâtiments, tous les constructeurs étaient sa propriété. «Il faut que le père de famille soit vendeur et non acheteur, » disait Caton,

Comme les particuliers , les cités , les corporations , les établisse- ments publics , les temples , avaient leurs esclaves. Les esclaves exécu- taient les ordres des magistrats; ils entretenaient les aqueducs, tes édifices, les chemins, les rues; ils ramaient sur les flottes, ils compo- saient des armées de serviteurs k la suite des armées; il y en avait &o,ooo dans le camp de Cépion, composé de 80,000 soldat^; ils étaient asseï nombreux auprès des légions de César, dans la Gaule , pour les mettre un jour en péril. Ainsi, dans les campagnes, dans les villes, pour le commerce et l'industrie, pour le service intérieur de la maison (et qui pourrait nombrer les divers oflices que le luxe avait imaginésp] , pour les services publics, l'homme libre est sans cesse en- touré d'esclaves; pas un acte de la vie sociale ou de la vie privée qui n'ait pour auxiliaire l'esclavage ; et le nombre des agents dans tous les travaux qui exigent de grandes forces, s'accroît en raison de rignqjrance l'on est des secours de la mécanique. Les machines sont les bras des hommes esclaves , ces choses animées qu'on prodigue et dont on abuse, avec l'insouciance qu'on a pour tout ce qui n'est ni rare ni cher. « Quand on a parié du rôle de l'esclavage antique dans l'ordre u du travail (ainsi s'exprime l'auteur en terminant ce premier chapitre), « il n'y a plus rien à dire de lui sous le rapport de sa fonction dans la «société; et c'est pour cel^que les historiens anciens et modernes, «pour qui le travail n'a été jusqu'à ce jour d'aucune considération, ont «le plus souvent gardé, sur les esdaves du monde antique, un silence «à peine interrompu par le souvenir de leurs révoltes.»

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H encore la puissance en les associant (pag> lyS];» on serait étrange- m en t surpris du paradoxe; toutefois, on s'exposerait à condamner témé- rairement l'auteur. On peut combattre quelques-unes de ses idées, sur- tout quelques-unes de ses critiques des autres écrivains ; mais il faut comprendre l'ensemble de son raisonnement, et lire le chapitre tout entier. Ce n'est pas le moins intéressant ni le moins ingénieux de ce curieux mémoire; il mérite qu'on s'en occupe dans un article k part. Je me [H-opose de consacrer le temns et l'espace qui me restent au- jourd'hui à soumettre à l'auteur quelques avis, de ceux qu'il a deman- dés dans sa préface; ils porteront sur des détails, et non pas sur la forme générale ni sur le fond de l'ouvrage , qui me paraît aussi bien conçu que préparé par de solides et consciencieuses études.

Page 33. «Auguste se vantait de ne porter d'autres vêtements que u ceux ' tissés et confectionnés par ses propres ouvriers, u Ce passage est allégué en preuve de ia fabrication des objets de première nécessité, par des esclaves domestiques chez les anciens. Le fait est vrai en soi, et l'ùiexactitude de la citation ne porte pas atteinte à l'assertion de l'au- teur, soutenue par bien d'autres démonstrations; mais elle donnerait lieu de penser qu'il a pris quelquefois de seconde main ses autorités dans des ouvrages modernes, sans remonter à la source pour s'assurer de l'authenticité. Il renvoie à Suétone, à la vie d'Auguste, sans indica- tion de chapitre. C'est sans doute du lxxiii" qu'il s'agit, et l'on n'y trouve que ces paroles, relativement au témoignage invoqué : reste ifon temere aUa quam domestica osas est, ab sorore et axore etjiiia neptihas- ^ae confecta. Ce qui prouve setilement la modestie et la simplicité d'Au- guste dans ses habitudes de famille , et non point la thèse proposée.

Page 35. iiEome, pour sa police de nuit, n'avait que des esclaves. » Tile-Live, cité en cet endroit avec désignation du livre IX, chapitre xlvi, et du livre XXXIX, chapitre xiv, ne parle que des vigilùe, sans dire de quelle espèce d'hommes ces compagnies de gardes nocturnes se compo-

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même '. » Voilà , en effet, la maxime de morale civile que I^utv voulut inculquer aux esclaves ou proclamer en présence de leurs maîtres lorsqu'il joua les Captifs ; maiime traduite en une loi qui condamnait k mort tout esclave qui ne se faisait pas tuer pour son maître dans une rencontre dangereuse^. Les observations que Je viens de faire (j'en omets d'auti'es, de peur qu'elles ne deviennent fastidieuses] sont plutôt des avertissements que des critiques, pour engager M. de Saint-l'aul à re- voir son livre avec une scrupuleuse et minutieuse diligence, et à eOacer les taches légères qui empêcheraient peut-être d'en apprécier le mérite.

NAUDET.

1. Précis élémentaires d'kisloire naturelle , efc; par J. Delafosse, a vo). in-ia. 3. Eléments d'histoire naturelle, etc.; par Sancerotte, i vol. in-S". 3. Régne animal disposé en tableaux méthodiques, etc. ; par J Achille Comte. 4- Leçons élémen- taires d'histoire naturelle, etc. ; par F. Humbert, 3 vo!. in-i a. 5. Physiologie pour les collèges , etc. ; par J. Achille Comte, cahier in-4°- 6. Eléments de zoologie, par M. Edwards, I vol. in-S" de io66 pages. 7. Traité élémentaire d'histoire naturelle, par MM. Martin S.aint-Ange et Gucrin. [ Cet ouvrage, publié par livraison, n'est pas terminé. )

On peut envisager notre enseignement secondaire , c'est-à-dire relui de nos collèges , soit comme une préparation à l'ense^nement supé- rieur des facultés, soit comme un ensemble d exercices propres ^ développer nos dispositions morales et intellectuelles, soit, enfin, comme devant conduire à ce double but. Mais , sous chacun de ces points de vue , on reconnaîtra que le syst^me général de tout ensei-

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cette occupation; et l'ouvrage de l'abbé Plucbe, intitulé le Spectacle ie la natare^, lut, dans ses premiers volumes du moins, le fruit de cette pensée nouvelle. Cet ouvrage, approprié avec sagacité à l'âge des élèves auxquels on le destinait, et qu'on aurait mieux fait depuis de perfectionner que d'abandonner à Koubli^, laisse sans doute apercevoir tout ce qui manquait à la science à l'époque oii il parut; mais il ne montre pas moins la supériorité que donnent l'expérience et la réflexion à celui qui veut travaiÛer au développement moral et intellectuel de l'enfance.

Je ne trouve pas que la pensée de Rollin ait eu d'autres eflîets d'abord, et qu'elle ait été appliquée à l'enseignement public'; mais elle ne périt point; ce fut comme une semence jetée dans une terre ingrate, et qui eut besoin, pour se développer avec quelque vigueur, que le champ de la science reçût une nouvelle culture. En effet, il est peu des ouvrages sur l'enseignement, publiés dans les deuk derniers tiers du wni* siècle*, l'on ne parle de l'histoire naturelle comme devant entrer dans les études élémentaires. Quant k ce qui devait constituer cette étude, rien n'est plus vague et plus divers que ce qu'en pensent les auteurs. On voit qu'ils parlgnt de connaissances qu'ils ne possèdent pas, dont ils ne voient bien ni le but ni les limites, mats auxqudles ils sentent qu'une éducation libérale ne doit point rester étrangère, et ce sentiment, Bs le devaient sans doute aux écrits de Reaumur, de Buflbn. Pour que les idées s'élevassent à des notions plus distinctes et plus com- plètes, il fallait se soustraire au joug de celles qui dominaient, et le premier signe, bien imparfait encore que nous en apercevions, se ma- nifeste dans les projets d'instruction publique qui furent proposés de 1791 a 1795*; c'est-à-dire, après que le bouleversement social de cette époque eut brisé tout lien entre te passé et le présent , et con-

La première édition paruten 1733.-— * Chevignar en a publié nue tmilalion

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que nous venons de signaler furent les premiers résultats de cette révolution.

Cependant, malgré ses progrès et l'appui qu'elle avait mérité de l'opinion , l'histoire naturelle n'obtint point encore la consolidation de son^nseigoement ; il cessa, à proprement parler, avec la suppression des écoles centrales oit un professeur spécial en était chargé. En effet, dans les lycées qui succédèrent à ces écoles, ce lut le professeur de physique et de ,chtmie qui dut enseigner l'histoire naturelle ; or on n'enseigne pas une science aussi étendue et d'un caractère aussi parti- culier, sans en faire fobjet spécial de ses études, sans être naturalbte. D'ailleurs, la physique, jointe à la chimie, était plus que suflisanle pour occuper toutes les facultés et absorber tout le temps du profes- seur le plus habile.

L'institution des lycées eut néanmoins un avantage pour l'enseigne- ment de l'histoire naturelle. Les livres élémentaires manquaient à cette science ; leur besoin fut d'autant plus vivement senti que les profes- seurs à qui l'on avait imposé de l'enseigner y étaient moins propres; on en provoqua la composition , et il en fut alors publié 'pour la minéralogie, pour la botanique et pour la zoologie '.

Ces ouvrages ne pouvaient toutefois exercer qu'une bien faible in- fluence sur les progrès de la science, en supposant même que les pro- fesseurs chargés de les rendre intelligibles aux élèves aient rempli cette tâche avec succès. Pour que les lumières d'une science se répandent régulièrement dans une société qui en sent le besoin , de bons livres , des livres utiles ne suffisent point ; il faut que l'enseignement de cette science soit distribué d'une manière judicieuse , et surtout que ceux qui doivent le donner ne se trouvent pas dans l'impossibihté absolue de le faire. Or l'histoire naturelle n'était pas traitée plus favorablement dans l'enseignement supérieur, dans les facultés, que dans l'ensei^e- ment secondaire : un seul professeur, à l'exception de Paris, y était

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les forces en vertu desquels ils existent. C'est sur les différences de ces &its que re)>05ent les différentes sciences entre lesquelles l'étude gé- nérale de la nat'ire se partage ; et, sans qu'il soit possible de déterminer d'une manière absolue les limites de ces sciences, on peut dire ce- pendant que la physique et la chimie, par exemple, pour arrivera la découverte de leurs lois font particulièrement usage de l'expérimen- tation, tandis que l'histoire naturelle emploie plus exclusivement l'ob- servatioD; l'observation qui, comme on l'a dit ingénieusement, épie la nature quand elle es^ rebelle et cherche à la surprendre; tandis que l'expérimentation la contraint à se dévoiler. C'est donc dans le caractère particulier de l'observation qu'il faut chercher à reconnaître l'influence que doit exercer sur le dévelop|)ement de l'intelligence l'étude de l'his. toire naturelle.

n suffirait peut-être, pour montrer cette influence, d'exposer les avantages généraux qui résultent toujours , pour l'esprit, de l'étendue des lumières et de la variété des connaissances , surtout lorsqu'elles sont positives et telles que l'observation exacte les donne. Voyons cependant quelle est l'influence de l'observation des êtres sur le déve- loppement particulier des facultés. L'observation, c'est l'attention fixée fortement et librement sur les êtres et les phénomènes qu'ils présen- tent; or il est certain qu'elle doit donner, par l'exercice , à l'attention et aux sens une force, une étendue, une sûreté qu'ils ne peuvent point recevoir d'ailleurs; elle seule imprime dans l^némoire des images réelles que l'imagination reproduit fidèlementrelle rend en quelque sorte sensible la perception des rapports qu'ont entre eux les êtres ma- tériels ; c'est sur elle principalement, que l'induction repose ; en un mot, c'est à l'observation que nous devons, quoiqu'indirectement , Texercice de dos autres facultés et la révélation de tout ce que nous avons de plus noble, de plus intelligent. La nature elle-même nous

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C'est, d'ailleurs, le seul par lequel l'enseignement secondaire puisse se i-attacher k l'enseignement des bculUs, et réciproquement, l'un devant être la conséquence de l'autre.

Mais , il faut le reconnaître , ce système n'est pas , comme le précé- dent, applicable à tous les âges; et précisément parce qu'il met en exercice toutes les facultés de l'esprit, il faut que toutes ces faculté» puissent s'exercer pour que son influence soit utile et complète. Or cela ne peut avoir lieu dans les classes inférieures de nos coUéges, l'histoire naturelle est enseignée aujourd'hui; il est donc indispensable de renoncer, du moins, k cet enseignement. Non-seulemeot les considérations précédentes en démontrent la nécessité, mais, de plus, l'expérience d'un grand nombre d'années ne peut laisser aucun doute sur l'inutilité et sur les inconvénients de cet enseignement pour des enfants qui ne peuvent ni le comprendre ni s'y intéresser véritable- ment. S'Ùs s'y attachent, c'est surtout par l'amusement que la vue ou la coUectioD des objets leur procure; et, s'ils montrent du goût pour quel- ques-unes des notions qu'ils reçoivent, c'est parce qu'elles se rapportent à ces faits et à ces généralités qui ont de l'intérêt pour tous les âges quand elles leur sont proportionnées. Maia, pour ce qui concerne l'histoire na- turelle proprement dite , ils n'en conçoivent point l'objet, et c'est k peine si leur mémoire conserve quelques traces de ce qui leur a été enseigné.

A- toutes ces raisons de penser que ce n'est pas dans les basses classes que les éléments de la science qui nous occupe doivent être donnés, nous pourrions en ajouter de nouvelles, tirées de la nature ex- clusivement chimique de la minéralogie, et de la nécessité absolue d'a- voir des notions de physique et de chimie pour conipreudre la plupart des phénomènes oi^aniques. Ce n'est pas. en effet, à une époque aucune idée de science n'a encore été mise dans la tète des élèves. qu'il convient de les occuper sérieusement de celles des sciences qui exigent, pour ainsi dire, le concours de toutes le^ autres pour être fruc-

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Les tableaui de M. AchBle Comte, disposés conformément à la mé- thode naturelle, ont pour objet de représenter, au moyen de petites fi- gures dessinées avec soin , les animaux et les végétaux dans leurs types de classes, d'ordres, de familles, de genres; ces figures sont accompa- gnées de la fonnule des caractères distinclifs de chacune de ces divi- sions. L'idée d'après laquelle ces tableaux ont été formés, et leur exécu- tion , sont dignes d'éloges. Il a été publié peu d'ouvrages plus utiles k l'enseignement de l'histoire naturelle dans les collèges, quoique leur utilité soit restreinte. Ils peuvent, jusqu'à un certain point, tenir Ueu de musée, de collection; et ils sont par d'un secours d'autant plus grand pour les collèges, que ces établissements ne posséderont de long- temps, s'ils les possèdent jamais, les objets d'histoire naturelle dont leur enseignement aurait besoin.

C'est dans les mêmes vues que M. Comte a conçu sa physiologie pour les collèges, laquelle consiste en un texte explicatif des figures qui représentent les organes dans leur position réciproque, ces figures étant découpées et superposées les unes aux autres. Par ce procédé , il a rendu claires et précises des connaissances anatomiques qu'il aurait été difficile de présenter aussi bien dans de simples descriptions.

Les éléments d'histoire naturelle par M. Humhert, sont présentés scientifiquement dans la première partie. Dans la seconde, il considère cette science dails ses rapports avec nos besoins et dans ses applications à l'industrie. Ce qui caractérise particulièrement cet ouvrage, ce sont les considérations générales qui terminent chaque leçon : c'est qu'il décrit les faits de moeurs les plus curieux, qu'il fait connaître les rap- ports les plus intéressants des animaux entre eux et avec l'espèce hu- maine, et qu'il s'élève quelquefois jusqu'à la cause première pour en faire admirer les œuvres et la puissance. Cet ouvrage, conçu dans un bon esprit, nous paraîtrait un des plus propres à être mis entre les mains des enfants de basses classes, et à être introduit dans nos écoles

M

JOURNAL DES SAVANTS.

vingt beaux épis ; j'ai coupé chacun d'eux en troÎ9 portions de longueur à. peu près ^ale, coateoant ainsi séparément les grains nés vers ta baÂe, au centre, ou ausonunet. Jai ensuite extrait wigneuseiçeat les grains de chaque divinon de la balle qui les enveloppait, sans eu perdre aucun; je les ai comptés, et, réunissant chaque sorte, je ies ai pesés avec des balances trè»précises , ce qui m'a .fait connaiti?e leur poids à nombre égal. Voici quda ont été les résultats.

Nombre iet graiiu

Lnu- poîib en gcmmmf ,

Donc poidi de 1,000 graini, cottchi. .

■uu.

iiaiBDz.

■OMiiKn.

306 SÏP.SSBO

lie,??» 60P,8630

934

ISFiMS 53f,0189

La dernière ligne du tableau montre que les grains nés vers la base et le sommet des épis sont à peu près de même poids ; mais ils sont plus l^ers que ceux du centre. Si on les compare en somme k ces derniers, le rapport des poids spécifiques est -,-{]■-, H*, ou, à fort peu de chose près, comme 1 3 à 1 5.

J'ai voidu savoir si l'on ne pourrait pas favoriser l'accroissement des grains situés au centre des épia ou à leurs bases, en retranchant les sommets aussitôt après la fécondation, afin de donner aux deux pre- mières divisions seulement, toute la nourriture que la tige peut four- nir. Xai fait cette épreuve, l'été dernier, sur un certain nombre d'épis

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déduction faite de tous les frais qui le préparent. Chez nous ce produit est de 3 3, 9 5 et même de hectolitres à l'hectare, semence déduite. Nous ne l'obtiendrions pas avec moins de semence, dans notre localité, si ce n'est par des procédés de culture plus chers , et qui nous semblent plus hasardeux dans l'état présent de la population qui nous environne. C'est pourquoi nous ne les employons point, quoiqu'en le làisant nous pussions avoir l'avantage de présenter un résultat théorique beaucoup plus beau. On comprendra, par ce simple exemple, pourquoi tant d'autres préceptes savamment exposés et recommandés dans les livres , ne sont pas pratiqués par les agriculteurs véritables, qui, au contraire, s'en défient considénJ^lement. Peut-être si cette réflexion était plus sentie de ceux qui écrivent, penseraient-ils qu'ils rendraient leurs con- seils plus persuasiis s'ils s'astreignaient d'abord à en constater eux-mêmes expérimentalement le résultat pécuniaire pour leur propre compte. Mais, qui saif si ensuite ils écriraient?

BIOT.

Cours sar la génération , fovologie et fembryotogie , fait an Maséam d^histoire naturelle, en i836, par M. Flourens, membre de r Académie royale des Sciences, recueilli et publié par M. Des- champs, aitifi-nafani/wïe an Miw^am ; in-i" de igo pages avec lo planches. Paris, i836.

Je ne sais pas s'il y a une fonction plus inexplicable que celle de ta génération ; un mystère plus caché que celui de ta reproduction des êtres. Savoir comment, et dans quelles conditions, et suivant quelles

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primé dans oette idée abstraite, ïaaité dans Im variété; c'est-fa-dire l'unité dans le but, qui est ia poasilnlîté de l'existence des êtres , avec la variété dans les moyens, qui sont les diffîrents modes «ftH^anisation des êtres; mais ce n'est pas, comme ceitaiaes doctrines l'ont entendu , l'unité dans la composition de l'être avec la v^élé dans le degré de son développement. La variété dans les êtres anknés est une ccmdîlion même de leur eustence , et il n'est pas plus possible de trouver un type unique parmi les êtres organisés, qu'un corps simple unique dans ie monde inoi^anique. Cette loi d'unité et de variété n'est nidle part plus évidente que dans l'appareil que la nature a destiné à la reproduction des êtres. M. Fiourens en donne le tableau , ea commençant par la desaiption détaillée de cet appareil dans l'homme , puis il le suit dans les divers classes d'animaux vertébrés , ea Ëùsant ressortir ce que, dans chacune de ces classes , et dans les deux sexes , les organes con- servent d'analogies ou acquièrent de différences avec ceux de l'espèce humaine. Ensuite, dans un article séparé, M. Fiourens étudie l'ap- pareil génital chez les animaux invertébrés", on le voit entrer enjeu avec des conditions si étranges , et c'est après ce rapide exposé que l'on conçoit jusqu'où peut aller, si Ion osait s'exprimer ainsi, l'imagi- nation féconde et presque capricieuse de la nature : car, pour arriver à produire l'espèce , nous la voyons tantôt séparer les sexes entre deux individus différents, et, suivant les cas, exiger ou non leur rappro- chement; tantôt réunir les sexes dans le même être, qu'elle semble ainsi isoler dans le monde ; tantôt enfin , tout en réunissant les deux sexes dans un même être, exiger en même temps l'union de deux indi- vidus, et sans qu'à toutes ces choses nous puissions trouver d'autre raison que la variété de composition dans les animaux et la volonté de celui tjm les a créés.

C'est avec pleine raison selon nous que M. Fiourens a pris pour point de départ les organes de l'hommeit car, comme c'est à l'homme.

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de la fécondation. Un anatomiste hollandais , Régnier de Graaf , donna Tun des premiers à leur étude , il y a cent soixante ans , une impor- tance réelle , et, les comparant aux vésicules de Tovaire des oiseaux, les considéra comme étant l'œuf des mammifères. Cette opinion a été tour à tour admise ou combattue depuis lors sans grand avantage pour la vérité, et ce n'est que d'hier, pour ainsi dire, que la question a fait un nouveau pas. En effet , quand on observe avec certaines précautions ces vésicules de Graaf avant la fécondation , on trouve , dans le liquide qu'elles renferment, un petit corps sphérique, peu ti'ansparent, et qui a précisément le volume des petits œufs que Ton trouve dans les trompes après la fécondation ; ce serait le véritable œuf, le corps véritablement analogue de l'ovule des ovipares. C'est à MM. Prevo&t et Ehimas qu'est due cette précieuse observation. Peu après , un anatomiste allemand , M. Baër, voulut lui donner plus de pré- cision , en recherchant dans les mammifères les parties analogues de l'ovule des oiseaux. Il annonce en effet y avoir trouvé un vitellus avec ses divers degrés de cohésion , la membrane du vitellus et une vésicule de Purkinje ; mais , par un point de vue tout* nouveau , c'est à la fois la vésicule de Graaf et l'ovule qu'il considère comme consti- tuant, l'un et l'autre , l'œuf des manunif^res. Malheureusement ces idées sont enveloppées dans un langage qui nuit singulièrement à leur clarté.

Plus récemment , «hez nous, M. Coste a anftoncé avoir trouvé «ntre l'ovule des oiseaux et celui des mammifères des analogies beaucoup plus directes encore que celles de l'auteiu* précédent , et il décrit avec précision dans l'ovule des derniers ime membrane externe, une masse globideuse ou vitellus et une vésicule de Purkinje; de swte qu'il n'y aurait entre l'ovule des oiseaux et celui des niam(^ilères d'autre différence , sinon que dans les premiers il serait enveloppé dans l'ovaire d'une simple trame celluleuse , tandis que dans les seconds il nagerait dans un liquide : ce ne serait qu'une circonstance acces- soire , une différence qui ne sort point des limites entre lesquelles la nature se plaît à varier l'exercice d'une même fonction. Il faut cepen- dant dire qu'il est fâcheux que l'auteur, pour mettre ces résultats à Tabri du doute , n'ait point multiplié les faits et les démonstrations. Une belle série d'observations sur ce point , dans un grand nombre d'espèces et de classes , aurait mieux établi la vérité et aiu*ait avanta- geusement pris la place que l'auteur a consacrée dans son livre , à ime foule d'explications hypothétiques sur la manière dont se forment et 1,'embiyon et ses enveloppes.

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:ieQt et respirent par rinterinédiaire de leur mère et d'un appareil parti- culier nommé appareil placentaire ; d'où résulte la double conclusion que la vésicule ombilicale ne sera pas nécessairement aussi volumi- neuse . et que la vésicule allantolde ne sera pas nécessairement aussi étendue que dans les ovipares ; et que ces organes , s'ils existent, potir- ront, en conservant leurs rapports essentiels, servir à quelque usage secondaire : quant aux deux membranes de protection , elles pouvaient être et on les retrouve en effet les mêmes dans les deux classes. L'ob- servation a justifié de tous .points ces résultats auxquels on pouvaitarriver par une induction rigoureuse ; mais ce n'a pas été sans de longs efforts , sans de grandes confusions dans les mots et dans les choses qu'on y est arrivé; et il faut suivre toute une série de travaux, depuis Aristote jus- qu'à des temps tout modernes, pour voir se forhier peu k peu le ta- bleau de nos connaissances positives tel qu'il existe aujourd'hui.

M. Flourens décrit, suivant cette méthode, l'œuf et chacune de ses parties constituantes ; cependant, comme son cours n'est pas un cours d'ovnlogie comparée , mais un cours d'anatomie et d'ovologie humaine éclairées par l'anatomie comparée, il commence immédiatement par l'ceuf des. vivipares. Il décrit, dans chacun des principaux ordres de mammUères, la forme et la texture du chorion , celle de l'amnios ; il montre les rapports et les changements de la vésicule ombilicale , qui tantât est.cn forme de poche arrondie, et tantôt en forme T, tantôt est tcè»-petite , comme dans l'homme , et tantôt, comme dans les ron- geurs, acquiert de telles dimensions qu'elle tapisse te chorion, le sépare de l'amnios, et prend ainsi quelques-uns des rapports de l'allantoîde dans les ovipares et dans d'autres, mammifères. L'étude de l'allantoîde vient ensuite; M. Flourens en indique les formes très-diverses dans tous les mammifères on l'a observée; il la montre se développant en général beaucoup plus que la vésicule ombilicale, excepté dans les rongeurs , et tantôt enveloppant l'amnios comme dans les carnassiers; tantôt, au con-

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centa multipte , et cfaes lesquds il n'y a aucune continuité rasculaire entre les vaisseaux utérins et les oinbilîcaux. M. flourens explique ainsi comment des observateurs éminents ont pu , les uns admettre l'existence des vaisseaux utéro-placentaires, et les autres la nier, sdoit qu'ils auront examiné des animaux appartenant à l'une ou à l'autre de ces deux dasses.

Après la description de l'œuf des mammifères, M. Flourens décrit l'œuf des ovipares et successivement celui du poulet, celui des reptiles et celui des poissons. Une derm'ère section est consacrée à l'ovolt^e des animaux invertébrés ; puis , M. Flourens termine par l'histoire des dé- veloppements des organes du fœtus, et par le tableau des fonctions qui apparaissent et s'exercent en lui dans le cours de son développement. C'est ainsi qu'il passe en revue la circulation et ses divers modes , la nutrition et aussi la respiration de l'embryon.

L'étude du développement lui donne occasion de partager la vie inlra-otérine de l'homme en trois temps : le premier dure environ quarante jours, pendant lesquels l'être , presque linéaire encore, pousse des apendïces latéraux -, c'est ce qu'il nomme le germe : le second temps se termine vers le quatrième mois-, le germe se caractérise par la for- mation progressive de tous les organes , et il prend le nom d'emhryon: dès lors et jusqu'à la fm de la gestation, l'embryon voit perfectionner ses organes et prend le nom defatas. Le développement de ces idées , que nous ne pouvons iaire ici que résumer, forme, pour M. Flourens, la troisième partie de son cours, ou l'embryobgie.

On voit que M. Flourens a embrassé son sujet dans toute son éten- due; ou voit qu'il n'a omis aucune des fpestions qui s'y rattachent, qu'il s'est arrêté à chacune d'elles selon que son importance fexîgeait, et qu'il ne s'est pas contenté d'exposer à ses auditeurs l'état de la science et le résultat des travaux d'autrui, mais qu'il a aussi tenté d'édairer, par des recherches d'anatomie délicate r plusieurs des points encore

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1 opérklioD.... Hembreda l'Acsdémie de* icinicesct^ cdle de médscine . M. Tes-

lier l'^it aussi delà Société rojale et central^ d'agriculture , de celle d'encoura- I gemeol pour l'industrie nattoDale, des conseils généraux d'agriculture, des mabu- > factures et du commerce ; il était inspecteur général des beigeries royales entrele-

nnesparle gonvemement. etl'nn des rédactenrsdu /onnuifcArjSaEanb. H.Tessier

a puÛié des mémoires sur les maladies des bestiaux , la plantatioa des lerrains

vagues, la destruction des rats des champs et des mulots; l'usage des domaines

congéablê*, l'infliieoce de la lumière sur les v^étaui; un recueil d'observations

sur les limites et le terme de la gestation chei les animaux. Indépendamment de

ses mémoires sur les maladies des grains , et du grand ouvrage qu'il a préparé

pour le perfectionnement des bêtes àlaine en France , ... il a contribué k U rédac-

tion de l'Eaeyciopèdie Méthodiqae, à l'édition du Tkéàtrt d'Agriciillare , d'(Hivier

de Serres,... et au Court complet d^Agricutlare, de l'abbé Rosier ; enfin, depuis

1778 iusqu'à ce jour, il a publié, de concert avec MH. Bosc et Hiuard, fils, le

jounial intitulé Aimaiu Je rAgrieKÏlare Françaie. H. 'TfMÎer ne se borna pas à

rédiger debons écrits sur l'agncullure: il pratiqua des améliorations notables dans

le domaine qu'il possédait en Brie, et dans lequel il a entretenu pendant long- ' temps un fort beau troupeau de mérinos. sans fortune, il a son aisance à

ses travaux. M. Tessier s'est marié en 180a avec M"' de Monsures; il avait alors

plus de 60 ans,' néanmoins il a su inspirer le plus tendre attachement a sa jeune

épouse , et cet attachement ne s'est pas afi'aibli un instant pendant les 36 années

qu'il a joui de cette douce union, qui a fait la bonheur de sa vie. Dans ses derniers

mioments, les soins assidus que madame Tessier prodiguait loujours à son mari,

Ib sont encore multipliés; ilsétaieot, joor et nuit, de tous les instants. ... Il fau-

drait, messieurs , passer les bornes qui me sont prescrites, .... pour faire con-

naStra M. Tessier tout entier. . . . Toutes les bonnes qualités semblaient élre ( renies en lui; son obligeance, sa bonté n'avaient point de bornes, Levif et cons- olant intérêt qu'il prenait au bonheur de son pays, et aux progrès delà science qui ' peut le mieux assurer ce bonheur, occupait toute sa pensée, etc. . . . Pourquoi

des hommes si bons et si utiles nous sont-ils enlevés t Mais , messieurs , ils lais-

sent après eux leur exemple à suivre : n'oublions pas que Tessier a été faenreux. t lui-même pendant sa vie, qu'il a contribué puissamment au bonheur des autres ;

et ce (onvenir excitera en nous le désir de marcher sur ses traces, et soutiendra

notre admiration pour l'excellent Tessier.

Depuis 1816, M- Tessier a fourni au /oarnal dsj Sontrib |dus de 80 artide» sur des ouvrages de physique, d'histoire naturelle , de médecine, d'agriculture, d'éco-

56 JODRNAL DES SAVANTS.

noria Puù. II. Lu con-eclaiirs. III. La cmnctîon. IV. La correction de* Unes

ïnaprimM aor mamucrils ou sur copies impriméea , d'antenn TÏranti. V. I^ catnc- ùoo doB livras imprimés ^ar ctniies imraunées , (fanteors morts. Des additions el nclificatioiu, et une table anaiytiqDe des matières remjdisftaot les 60 dernières pa^. Cet Durrage n'est, jusqu'à présent,- ni une Ustoire ni une théorie complète de l'imprimerie ; mais l'anteur ÎDstmit par une longue expérience , expose avec darté dea Dotionf nécessaires A ceux qui pratiquent cet art, et fort utile a ceux qui l'em-

nclificatioiu, et une taUe anaiytiqne des matières remjdisi

sa. Cet Durrage n'est, jusqu'à présent,- ni une Ustoire ni une théorie complète de

c darté

ploient. Le premier chapitre est instinctif par les édits , les règlements et antres actes qu'il renferme , et dont qudques-uns n'étaient p<nnt aases connus. Parmi les obaervaliont que H. Crapelet y a jointes, il en est qu'il avait déjà publiées, et dont l'exactitude ne nous a pas semUé incontestaUe. Les détails historique» , lecneîllii dans le chapitre intitulé Iti Correetmn, seront lut avec intérêt. Le troisième , [^us théorique , a peu d'étendue , parce que les idées générales qull donne de la correc- tion typographique, doivent être dévdoppées dans les doix chapitres suivants. Il s'agit surtout , dans le quatrième , des reports entre les auteurs et les imprimefies H. Crapelet demande des copies correctes et complètes : il fait sentir les inconvénjent» graves des changements et remaniements ; ils sont , dit'il , foncièrement nuisiUes aux intérêts & tous, de l'imprimeur, des compositeurs , de l'éditeur, de l'auteur et du public: c'est un point sur lequel on ne saurait trop insister. > On apprend ici

que le cartUnal Maury a exigé jusqu'A 13 preuves des feuilles de l'un die ses ou- vrages; et que tandis que le prix de la composition ne devait s' âever qu'à i.aoofr. , ssfrtûsde correction montèrent à 3,170. Le nouvel usage des ^rBntiet-/)Wardi est

apprécié en ces termes : (D'après l'expérience, c'est nue méthode qui entraîne de nouveaux embarras , de nouvelles chances d'iocorreclion , qui augmente les dé-

penses', .... et qui favorise la négb'gence des anlears dans la préparation de leur

copie. Les jugements prononcés daps le dernier chapitre, sur les éditions, sur les ouvrages , sur les écrivains, seraient susceptibles de discussions que nous nous abs- tenons d'entamer. Ce premier tome est déjà recommandaUe , et le second pourra l'être encore plus , si le sujet et le plan de 1 ouvrage y sont un peu mieux déterminé*.

Notice sur la vie el Ut oavraget de Ckarks Botta, par M. Mastrella. Paris , imprim. de H. Foumier, iSSy; 3a pag. 10.-8'. Ch. Jos. Guill.de Boita, à SainKieoi^s , boui^ de la province d'Ivrée, le 6 novembre 1766, est mort aParis, le 10 août 1887. n a publié les ouvrages intitulés : Storia naturale e medica deli'isola di Corlii ; Hi- lano, anno vu; a vd. in-is. Storia délia gnerra deU'independenia deg^i Stati- Unîti d'America. Parigi, 1809 ; h vol. în-8* : Milano, 1819 ; 4 vol. în-S* ; histoire traduite eu français par M. de Sevelinges. Paris, 181a, i8i3; 4 vol in.8*, avec pi. el

58 JOURNAL DES SAVANTS.

««idonvTi^où)'«iilMre»ayflraâepn»iTerqiie *lea tanp*ftDlédilnviem....onl. i laChine el Egipte (sit^ . une chroocdc^te.... bien àéatonttie. Sei croyances reli- flteiuM n'apfMTleroDt auean obstadc à set recfaarches ; ta BibU u étant pat , «elonlui, tmuirée pomr h c&nmob^i».— Dans le second écrit , il àsKead de l'an 4a avant l'ére nlgaîre jusqu'à l'ouvertore dt cette ère; et dadt^te l'opinion des Bénédictios.de San-Qemenl6 , etc. , qui jdacont la naiisaace de J.-C Ji b sixième année avant celle qoa lui assigne notre cnroïKria^e nsoelle.

Cowt^hutoiraïuKianjta, professé k la faculté des leUm pu" M.Ck. Le Normand: Introduction a l'histoira de l'Asie occidentale. Paiis, imprimerie de Moquel , librairie d'Ange, (637; in'3*, xi etâSâpag., avec un tableau des pronoms personnels en bé- bnu et en ^^fptien , eldeux cartes géogra^Mques. Ce volume contient , apt^ un diacears d'ouverture , sept chapitres, doalles trois premiers traitent de la conslkti- tin de l'Asie- occidentale ; des routes , raoes et langues de cette contrée ; puis , de l'Asie moderne ; et le» quatre autre» concernent qui est dit . dans le chapitre X de la Genèse, des trois races de Sem, Cham etJapbet En terminant cetta Introduc- tiss l'aotenr iruft^oe en ces termes la voie pAiloM^i^tiadanslaquelle il a voulu s'en- gager. ■Nieraujoord'hu* les résultats de la physicdogie , ce serait se refuser à t'évi-

denc« ; croire, avec quelques-uns , que le» progrès de cette science conduisent en cUstove- a meonnaltre pour toute loi une aveugie^falif^, c'est prononcer an Ua»- ' pllèniB cOBtre Keu et contre la science. Ne nous inugiaons pas non plus que la roannaisMace de la coaeili«li<m déËtiitive des lois physiques et des niceuités mo-

n^ «le la sociélé puisse 4tre obtenus sans persévérance et parla seul élan d'une

teseanlente ver» l'étemelle vérité. La- synthèie, improvisée quelquefois par les pjus ••gmide génies , ne montre jamais la vérité qu entremdée des plus graves erreurs ;

aie provoque l'examen , excite l'attention ; mais il ne lui est pas donné, de con- I vaincre :1a production des preuves est du ressort del'ajui'yfB.

Préev d'hutoire ancienne , depuisHi'oHgine des empires jusqu'à l'èublissemenl de la domination romaine , par M. Ph. Le Bas, mailre des conférences à l'École Nur- male. Paris, imprimerie et libr. deFirm. Didol, 1837; a ïol, inia. vi, 56iet ûgi pages. Après une Préface et une Introduction les récita de la Genèse sont résu- més, l'ouvrage est divisé en 1 a livres. I. La Chine , Vlude et l'IiigYpte. 11. Populations araméennes ou sémitiques (les Sérient, Jui&,.n]éniciena, Carthaginois, Assyriens), ITT, Populations iraniennes (Bactriens, Mèdes, Perses). IV. La Grèce, avant les guerres médîqucs, V. Depuis la i" guerre raédkpie, jusqu'au commençaient de la guerre d«-raoi»mièse. Vï. Histoire de cette guerre (Péridès, Aidbiade.etc.). VII-Lhégé-

eO JOURNAL DES SAVANTS.

ioim ; par M. G. Pauthier. Seres mites quidem , sed e( ipsis feris peraimiles ccplam reliquoram niortalîum fugiunt, commercia eipectant, > Plin. Paris, Firm. Didot, 1837; in-8*, 4Q6peges, à a colonnes, avec une carte géograph. et 7a gravures. Ce vtdume, qui fait partie de la collection iolilulée l'f/niWrajjittoreifiie, retrace l'histoire des 3a dynastie» chinoise*, et y joint un grand nombre d'observations exposées avec précision et méthodiquement distribuées. 4rl. 'Pauthier a publié en même temps Le TaEiooala Grande Étade, ouvrage de Khaaag-Foa-Tiea {Confiicitis} , el de ion, £icipte Tk>eng~Tiea; traduit en Eratiçais , avec une version latine et le texte chinoia eo regard, etc. Paris, Firm. Didot, 1837 ;io& pag. in-8°. On doit de plu» à M.Pan- thier la traduction des Éaais de M. H. T. ColÀnoke lur teMloti^ie dei Iniota. La deuxième partie de cette version vient de paraître avec dea notes du Iraducleor. Paris, impr. do Firm. Didot ; lib. de Hachette, 1 8^7 -, in-S*, i ga pag. La [n^miére partie, imprimée depuis 4 ans, a été annoncée dans notre cahier de mai i833 , -

i»g. 318.319.

Histoire de ï Europe et des colonies européennes , depuis la guerre de sept ans (■763), jusqu'à la révolulion de juillet iâJlo;par feu M. Ê.G. Lenglet, président à la cour royue de Douai ; précédée d'une notice sur la vie et les ouvrages de l'au- teur; par M. E. Tailliar, conseiller à la raème cour; tom. 1". Douai , impr. de V. Adam ; libr. de Betramieui, et i Paris, cher Pougin , 1837; in-8'. H y aura cinq autres tomes. La souscription, à raison de 5 fir. par volume, demeurera ouverte a Paris et à Douai , jusqa'i la publication du 6'. Lenglet, mort en i836, avait puUîé en 181a, un volume in-8*(de X A 344 pag.}, intitulé : /nfroi/ach'on à {'Aiffoire, ou Recherches sur les dernières révolutions du globe, et sur les plus anciens peufJes

CQDUUS.

Du lyttème monitain des Franet sous les deax premières races \ par M. G, Gné- rard, membre de l'InsUtut. Blois, impr. de E. Dèsairs, 1837 ; 3g pag. in-8°. L'au- teur établit ces i4 propositions. I, Les deniers mérovingiens, soit qu'Us fussent de &o au sou d'or , ou de la au son d'ai^nt , étaient de même espèce et de même va- leur. II. Le poids moyen du Trient fut de a4 grain» , et celui du sou d'or de 7a grains. III. Le denier mérovingien, qui pèse de fait 11 grains \, devaitpeser ao P"**"' TîV- ^V' Deux espèces de denier» furent en usage sous le roi Pépin : une du poids de ai grains |, 1 autre du poids de al grains environ. V. Deux espèces de de- niers furent en usage sous Charlemagne ; la première venait de Pépin , ta seconde était nouvelle. VI. Le système monétaue établi par Giariemagne , fut maintenu par sespremierssuccesseurs. VII. Sons lesroisdela 1" race, lataUlefutde absous dan»

M JOURNAL DES SAVANTS.

figucée. qadl« qu^ KÙt d'ameura la méthoda par laquelle le sujet est traité. L'au* Ûnr G0Bipmid dooc en même teinpi, dana son onviase, les théories que nous ont laissas les «Dcieas et t'application foilspttf Dossartes de l'algèbre k la nprésentation An cours des lignes qudGOBaues. M. Qiaiks disdngoe cinq ^>oques, ou jAutit il MTtage en cinq intenidle» l'histoire de la Géométrie. Lapnoùer, commençant i itu^t, comjveDd les conjectures qu'on a formées sur les découvertes de Pythàgore, ei ce que nous ont appris les précieux écrits d'Ëudide , d'Archimède , d'Apcdlo- niui : il M termine à Enlocius , commentateur des deux derniers, qui nous a con- serré des fragments tirés d'ouvrages que le temps nous a dérobés, et parmi lesquels il s-'en trouve de Platon. Ce n'est guère que par des commentateurs que l'Ecole d'A- lenmdrie s'est fait connaître i nous; mais a]Mrès un long sommeil, la science reprend ose nouvelle vie dans les écrits de Viète , qui commence le seoHid intervalle, lequel M termine aux ouvrages de Grégoire de Sunl- Vincent. Descartes ouvre le troisi^e, 4t le traité de Qairaul sor les courbes h double courbure, fruit précoce de l'ado- lescence de ce géomètre , marque la £n de l'intervalle. Pour Eormer le quatrième , l'aateur, revenant sur ses pas, remonte jusqu'à la découverte du calcul inunitésimal. Enfin , le dernier intwr^e commence À l'apparilioa de la Géométrie descriptive, de- venue une science bien déterminée et bien importante, non-seulement pour la pra- tique des arts, mais aussi comme moyen puissant de recherches dans la thénie des ligues et des surfaces, depuis que Monge l'avait réduite en corps de doctrine «t considéraUement enrichie. Bientôt, MM. Ch. Dupin, Briancbou, Poncdet, Chasles, (Hivier et d'autres dèves de l'Elcole pdytechnique, auxquels il laul associer Kf. Gergonne et M. Quelelet. ont beaucoup agrandi le champ de ces recherches, en ■e créant des points de vue nouveaux, d'où ils ont découvert des lois générales très-fécondes. Dans l'exposition des faits de cette histoire, l'auteur montre beaucoup d'érudition , et il établit entre ceux des diverses époques des rapprochements re- marquables. Viennent ensuite des notes intéressantes, parmi lesquelles je citerai celle qui concerne la Géinnétrie des Indiens, des Arabes , des Latins et des Occiden- taux au moyen âge (p. 4i6). et qui ctmtient (p. 46Â] l'examen d'un passage de la Géométrie de Soéce, relatif à un nouveau système de numération. Dans un aussi ffvià nombre de citations , il ne peut manqn»* de s'en trouver quelques-unes d'in- exactes : c'est ce qui a lien pour la note curieuse marquée a , sur la page 8g. 11 feut : 9* tivn , commgnlaire tar la k' définition, pag. 6i del'édilîou latine de i&6o. L'ouvrage est terminé par un Mémoire très-étendu sur deux principes généraux de la science : la dualili, et Vhamogmphie , déjà indiqués dans la 5' époque. Le premier que M. Poncelet avait reconnu dès ti^à, dans son Mémoire sur la méorie génénde

6& JOURNAL DES SAVANTS.

Watiâervm anJ ExcurtioM îk SomtK Walu. PromeDadei «t excunion» dans la NouT^e-Galles du aud, par Th. Roscoe. Londres, Tilt, 1887 -,m-8*, avec AS grav. Pr. t liv. sL 8 sch. 6 d.

lAfs tfnr Eiteard Coke. Vie d'Ed. Coke, chef de ta justice sous le règne de Jac- ques IV, avec des mémoires de ses contemporains; publiés par M. W. Johnson. Londres, Colbum, iSSy ; a toI. in-8*, avec un portrait.

The Philotophy of Marriagt. La Philosophie du Mariage, ses relatioDS sociales, nMmiles. physiques, mcdicaies, etc.; par M. Mîch. Reyan. Londres, Churchill 1837 ; in-8'. Pr. 6 sh.

ChemUtry at applieâ to the jine ArU. La chimie appliquée aux beaux-aris ; par H. Bachbimoer. Londres, Carpenter, 1837 ; io-8*.

Calcutta. Guldalah. Niskal; or Nosegoy of pleasure, a collection of poetry persian and hindoustani compiled by Moonhee Muago-Lal. , i837;in-4°. Poésie persane el Uiodoustane,

Pbii:iADeu>B1i. —An Enay.... Essai sur le Mais, par M. Browne, tSSy: in-8*.

Nota. On peot s'adresser i Is librairie de M. LETUCLT,i Paris, raede la Hsrpe,n° 161 ; et i Strasbourg, rae des Juifs, pourie procurer les divers ooTTages annoacés dans le Joamal 41m SaooKb. Il fiiai affranelùr les lettres et le pris pr^uiné des oDvrages.

TABLE.

Dltime ricerdiB snlle forme dei Vaû greci , da Odoardo Gerhard [ troisième arlide de M. Le- tnmne] Page 5

Le DiwaD d'Amro'lktds, avec une Iradnction et des notes , par M. Mac Guckin

de Slane (uticie de M. SilvesU'e de Sacy) 11

Discours snr la coDslituiiou de l'esdavage en Occident, par M. de Saint-Paul

(article de H. Naudet ] 31

66 JOURNAL DES SAVANTS,

de guerre qui commence avec le genre hmnain, longtemps le plus fort égorge le plus faible , soit pour en finir avec lui , soit pour assouvir sa colère quand il l'a terrassé; longtemps on massacre les captiÊ de sang-fit>îd, on se nourrit de leur chair, on se pare de leur dépouille , on les sacrifie à ses dieux. Plus tard, la réflexion enseigne un meilleur usage de k TÎctoîre; aulieu de tuer le» vaincus , on les garde pour tirer profit de leurs facultés et de leurs forces, pour se décharger sur eux du poids des travaux sans lesqueb il n'y a point de subsistance assurée. VoÛà le premier pas de l'homme barbare, anthropophage , pour s'ap- procher de la civilisation. C'est donc dans l'asservissement du prison- nier qu'on découvre la première forme d'association entre hommes qui n'étïlleot pas nés du même sang.

L'esprit de famille était d'abord le seul lien parmi les rares habitants de la terre; esprit jaloux, esdusif, qui disait voira chacun, hors de la communauté dujToyeret de l'autel , dans tout hon^me im étranger, dans l'étranger un ennemi, dans l'ennemi dompté une proie. S'il en fut ainsi, on pourrait dire que les Romains avaient bien conservé le sou- venir de cette farouche hostâitédaus leur proveri>e:&omo Wnini^noto est lapas. Lorsque des hommes de races différentes se rencontrèrent , poursuit fauteur, ce qui dut les frapper ce fut l'ensemble des carac- tères par lesquels la nature avait marqué la diversité de leur être : ne se croyant pas de la même espèce , ils étaient sans pitié les uns pour les autres; ils ne concevaient point de pacte fraternel qui pût les unir ; Ceux qui succombèrent furent traités comme les animaux qu'on pre- nait dans les bois. Quand les notions de droit qualifièrent les actions humaines et sanctionnèrent les institutions, la légitimité de fesclavage se fonda sur la division des races. Selon Aristote, selon Platon, il y eut des esclaves par nature, c'étaient les barbares ; les Grecs ne devaient point réduire des Grecs en servitude. On fit un étemel reproche aux ha-

68 JOURNAL DES SAVANTS.

à mesure que l'on descend au-dessous de la civilisation , jusqu'à l'état entièrement sauvage , elles endorent toutes les fatigues de la servi- tude et sont réduites même à l'ofBce de bètes de somme. En même temps que sa mère, l'enfant prit son rang et sa place dans la famille ; progéniture du citoyen , espoir de la maison et de la cité , et non plus créature fortuite , inutile , incommode à une troupe errante et nécessi- teuse. Enfin , d l'inégalité même de l'association , établie par l'esclavage entre les vainqueurs et les vaincus, fut à l'origine un élément actif de u pn^rès , en pliant chez les uns , à l'obéissance et au travail, des na- « tures paresseuses et rebelles, et eu imposant aux autres l'obligation de u se maintenir par la valeur, la discipline , la vigilance, l'art de gouver- u ner, en présence d'un ennemi dompté , mais toujours prêt à briser le «joug. »

Je n'ai pas reproduit textuellement les expressions de l'auteur, si ce n'est dans ces dernières lignes ; mais je crois avoir rendu assez fidèle- ment ses idées et la suite de son raisonnement. On ne s'étonnera pas qu'ayant considéré son sujet d'un tel point de vue , il soît arrivé à des conclusions très-opposées à la doctrine de Montesquieu sur l'escla- vage. Nous voudrions qu'il ne l'eût pas critiqué d'une manière si tran- chante. Peu importe qu'on dise : le magnifitjoe oavrage de Montes^uiea. si ce n'est que pour féliciter la philosophie moderne d'avoir mis àna Je grand vice du magnifique ouvrage , qu'on assimile à un tableau (fim dessein achevé, (Tan coloris merveiileax, mais sans perspective; en d'autres termes , c'est un livre très-agréable pour la forme , mais superficiel et peu solide. Quelle est donc la grande erreur de Montesquieu ? C'est d'affirmer n que l'esclavage n'est pas bon par sa nature , qu'il n'est utile ni au maître , ni à l'esclave ; à celui-ci , parce qu'il ne peut rien faii-e par vertu ; à celui-là, parce qu'il contracte avec ses esclaves toutes sortes de mauvaises habitudes ;.... qu'il devient fier, prompt, dur, colère ', » Une autre erreur encore de l'Esprit des Lois , c'est de réfutw les maximes

70 JOURNAL DES SAVANTS.

condition des esclaves en Chine ^ , lequel nous apprend qu'avant la dy- nastie àes Tcheou (xii* siècle avant notre ère ) , il n'y avait poÏDtd'es- daves dans ce vaste pays, vivaient déjà plus de 31,000,000 d'ha- bitants , régis par une police savamment organisée. Sous cette dynastie , l'esclavage commenceparlapén^té, est appliqué par jugement; ce sont des coupables qui deviennent esclaves du gouvernement, servi pana, comme disaient les jurisconsultes Romains. Neuf siècles plus tard^ , le fondateur de la dynastie des Hân décrète qu'il ser» permis aux gens du peuple de vendii-e leurs enfants, a De cette onlonnance , ajoute M. Edouard Kot, date devant la loi l'existence de deux sortes d'es- claves, ceux de l'élat et ceux des particuliers. » Que devient ici l'hypo- thèse qui rapporte à la guerre , à la guerre des hommes de races diffé- rentes, comme à son unique origine, l'institution de l'esclavage t* Et, si nous avions pour notre Europe des monuments historiques d'une aussi haute antiquité que ceux des Chinois , l'histoire ne nous montrerait-elle pas beai^coup d'exceptions à cette règle que la conjecture seule a posée ? L'autre hypothèse , d'une nécessité absolue de la priorité de l'es- clavage sur le travail et la civilisation, dans l'ordre des temps , reçoit encore un démenti notable de la part du jeune et savant orientaliste. H est donc permis de penser que l'esclavage n'était pas l'inévitable , fin- dispensable apprentissage du travail pour l'homme. Jamais il n'au- rait voulu s'y soumettre dans l'état de liberté : ainsi pouvaient rai- sonner les maîtres ; mais il fallait entendre les esclaves ; ils auraient bien eu qudque droit de réclamer contre la terrible éducation qu'on leur donnait au profit de leurs vainqueurs. Si l'on peut avancer qu'en beau- coup de pays l'esclavage , à son origine , régularisa le travail , il n'est pas moins probable d'affirmer qu'il retarda pins généralement les progrès de l'industrie ; que la facilité de multiplier les bras des esclaves rendait les hommes libres plus insouciants sur les secours qu'on pouvait em- prunter à la science; que le mépris pour l'ouvrier était cause qu'on

72 JOURNAL DES SAVANTS.

dition des esclaves avait été modifiée par l'esprit d'association qui dis- tingue éminemment les races germaniques, et qui consiste dans le senti- ment de l'utilité qu'on peut se procurer par les autres, j oint à la conscience du droit des personnes , qui le règlç et le tempère. Mais l'incident nous détournerait trop loin ; il vaut mieux suivre le discours de l'auteur. L'esclavage individuel, en midtîpliant, dans les rapports de la vie do- mestique , les occasions offertes à l'esdave de se faire valoir , de se concilier l'affection ou la faveur par des talents utiles ou agréables , par des qualités morales, quelquefois même par des vices, habitua les maîtres à des sentiments plus doux, à des idées plus humaines. Il y avait aussi, dans les dernières classes du peuple, tant de malheureux dont la misère égalait celle des esclaves, que la limite qui séparait les uns et les autres semBlaït s'effacer. C'étaient surtout les progrès de l'in- dustrie, l'importance du travail dans la vie sociale, qui devaient con- tribuer à l'émancipation. Comment , lorsque la richesse donnait aux états leur puissance , aux particuliers leur rang et leur prospérité, au- rait-on persévéré à tenir pour éuangers aux droits de la nature humaine ceux qui non-seulement exécutaient , mais souvent dirigeaient le travail, source de la richesse? De plus, l'infériorité morale du plus faible cessait d'être un argument spécieux, à mesure que les fonctions guerrières se . détachaient des prérogatives et des devoirs du citoyen; et l'on s'accou- tumait à penser que le travailleur utile pouvait jouir de quelque es- time et revendiquer quelque dignité. On tirait aussi , des grandes catastrophes, arrivées dans les fortunes publiques et particulières , des leçons qui ébranlaient dans les esprits les plus obstinés le préjugé su- perbe par lequel l'homme, en perdant sa liberté, cessaJWêtre homme. Les philosophes enseignaient k ceux qui voyaient vendre à l'encan les Platéens jadis proclamés les héros de la Grèce, les Thébains, arbitres naguère du Péloponnèse, et à leur tour les Macédoniens conquis par les Romains , qu'au milieu de cette continuelle incertitude de leurs dcsti-

74 JOURNAL DES SAVANTS.

Je n'ai pafi voulu interrompre l'analyse de cette partie de la disserta- tion , afin qu'on en saisit mieux l'ensemble. Ole attache par des obser- vations ingénieuse* , par des sentiments élevés , par ' une érudition féconde. Cependant il s'y rencoutre quelques défauts qui affaiblissent les impressions et qui troublent les idées du lecteur. M. de Saint-Paul a bien montré la lutte des deux principes, l'ancien et le nouveau , cehiî de l'esclavage et cdui de l'émancipation. Mais on pourrait lui reprocber quelquefois de ne pas donner une idée assez nette, assez précise de la situation des choses et des esprits , d'avancer trop l'amélioration , et de retourner trop en arrière tout à coup, m^ant le monde grec au monde romain, citui et Socrate et Pindare ' , après avoir allégué Cicéron ; de sorte qu'au ^uieu de ce flux et reflux de révolutions diverses, la pensée demeure flottante et incertaine en quelques endroits , sans discerner assez eiactement k quel point on en est. L'embarras pourrait de t£mps en temps s'augmenter à la vue de quelques assertions hasardées , ou de quelques déductions contestables des exemjdes cités. Il est diCBcile d'admettre cette proposition : « Catim amsi Inen ijue César , Auguste aussi bieo qu'Antoine, n'avaient pour principaïuc agents politiqaei que des es- clemes, ou des aflranchis^, etc. Caton, par caractère, Auguste, par prudence, même quand il fut empereur, pouvaient employer des es- claves dans leurs aflaires personnelles, privées; jamais ils n'auraient voulu qu'un esdave s'immisçât dans les aS'aires publiques. On nom- merait quelques affranchis jouissant dès If tempede la république d'une faveur et d'une fortune insolentes , tels que Démétrius , affi^nchi de Pompée; mais aucune intervention d'esclaves dans les intérêts poli- tique^. M. de Saint-Paul exagère beaucoup le sens d'un passage de Cicéron, en l'expliquant ainsi : uVers la fin de la république la classe «esclave a pris enfin tant d'importance dans Rome, qu'un jour, au « miJîeu du sénat, un consul , celui qu'on nommera bientôt le

I

FÉVRIER 1858. 75

échoppes» t^hemœ « avec le produit de leur labeur quotidien, ^uœstâs qaotidiani, classe nombreuse, importante ; ce qui ^prouverait que le tra- vail n*était pas aussi étranger, aussi antipathique aux hommes libres des ordres inférieurs que M. de Saint-Paul paraît le dire, lorsqu'il ex- plique les motifs de la défection qui priva les Grecques de Tappui des plébéiens. En effets la multitude s-empressait autocir d'eux, parce qu'ils voulaient lui <listribuer des terres à cultiver, et les patriciens firent manquer une assemblée devait se décider le sort de Caius, parce qu ils choisirent une époque de Tannée les prolétaires étaient obli- gés de se louer pour les travaux de la moisson dans les campagnes de Rome et dans lltalie. Cette vivacité de sentiment qui entraîne quelque- fois Tauteur un peu au delà du vrai dans l'interprétation des témoi- gnages historiques, le porte aussi à répandre parfois avec excès, sur son style, le coloris des figures, et il laisse échapper des expressions qui ne sont ni assez justes, ni assez correctes ; par exemple : « Tous les principes de l'esdâyage sont finis, les faits et les idées se pressétrt autour de loi pour FétoufiRer ; les mtsurs le foulent aux pieds, «> etc. ; ou bien : « le travail repose sur l'esclavage»; ou, enoorîe : « le crédit, le salaire, le travail à peine sortis des Imges de leur longue enfance » ; et plus loin : k tous leurs- désirs , tous leurs caprices servis et complas, »

J'ai fait ces remarques, ainsi que je lai dit dans l'article précédent, non pas pour déprécier l'ouvrage , que j'estime, mais pour engager l'auteur à ne laisser dans la forme , non plus que dans le foild, tien qui nuise aii succès que doivent avoir ses recherches. 11 sait besfucoup *, s'il lainse à désirer qu'il sache mieux , il loi reste peu d'efforts à faire pour savoir très-bien. Et son style n'a besoin aussi que d^une révision un peu sévère, qui le châtie et le contienne, pour ajouter à l'énergie dont il est animé la gravité qui sied h de telles questions , la pureifé qui fait le plus bel ornement de tout langage.

NAUDET.

Apothegms ofAlee, the son ofAhoo Talib, Son in law of the Moslim Lawgiver Mahummid . . with an early persiç Paraphrase, and an english Translation, fcy W"* Yule Major J?. /. O Serv.—^Le Apophthegmes ^ Ali, fils ^Abou-Taieb, gendre d^ Mahomet, k législateur des Masulnuins , . . . accompagnés d'une ancienne pa^ raphrase persane et d'une iraduction anglaise , par le major W^

m

lO

76 JOURNAL DES SAVANTS.

Yule , attaché aa service de la Compagnie des indes orientales. Edimboui^, i83a; Ss'pages in-4°, lithogr.

A^j M i-^S'fc-Jlt ^I f^ tic JUUl SententitB Ali ben Abi Taleb, arabicè et persicè, è codice manascripto Vimariensi primus edidit . atqae, in asum scholantm, annotationibat maximam partem gram- maticis, necnon glossariis imtraxit Joan. Gustav. Stickel, Theol. et PkHot. D. in Acad. lenenti prof, extraord. etc. len»; i83a ; XV et 80 pages in-4°.

<r^^ d' C^ (^ r^ '^ '^^ ^ ^^^^^ "*' -^^''^ h^^dert Sprûche ara- bisch and penisckparaphrasirt von ^esch.ïdeddinVJatv/aX, nebsl eineia doppetten Anhange arabiscker Sprâche , herausgegeben . àbersetzt and mil Anmerkangen begleitet von M. Heinr. Lebe- recht Fleischer, ord. prof, der Orient. Spracken an der Univers. Leipzig, etc. Cent sentences d'Ali, fils d'Aboa~Taleb, accom- pagnées de paraphrases en arabe et en persan, /larRescfald-eddin Watwat, suivies d'an double appendice de sentences arabes; le tout publié, traduit et enrichi de notes, par M. M. H. Leberecht Fleischer, prof. ord. des langues orientales, en ^Université de Leipsik, etc. Leipsik, 1837; viij et i36 pages in-4".

Il est assez remarquable que trois personnes se soient, dans le court espace de cinq années, occupées de la publication du même re- cueil de maximes et de sentences morales, attribuées dans l'Orient à Ali, fils d'Abûu-Taleb, gendre et quatrième successeur dcMabomet. Si c'était le nom vénéré d'Ali qui eût valu cette faveur singubère k ce recueil, il y aurait lieu de s'en étonner : car il y a tant de recueils différents de sentences et de proverbes, mis sous le nom d'Ali, qu'il est asseï naturel

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dans la vocalisation de ce lexte. L'ouvts^ étant imprimé, l'auteur a reçu de M. Fleischer ta copie d'un autre manuscrit, et il en a profité pour indiquer, i la suite de sa pré&oe , les côircctions principfdes que lui.foumiuaitla coUation de ce manuscrit. Mai» ee secours ne s'est pas étendu jusqu'eux voyelles, qui, sans doute, ne se trouvaient point dans le manuscrit de M. Fleischer. Or nous avons remarqué , dans la vncor Smtien du texte arabe, quelques erreurs qu'il peut être utile de ooiTiger.

Ainsi, par exemple, dans cette maxime J^ AtH^K-^j^lf M. Stidcdlne devait point hésiter k lire au nominatif, quoique son manuscrit lui offiît ce mot à l'accusatif. Les peines qu'il se donne pour justifier cet accusatif, prouvent qu'il a senti lui-même combien ce cas était dé- placé ici, et qu'H n'a hésité à Corriger cette fausse leçon que par respect pour l'auto^i du manuscrit. Rien ne peut empêcher ici que ^ ne soit le sujet du verbe paiaiî a^jCL,,^ , et comme on dirait J^-* «XwJ j^lf per bénéficia m servitntem redises ingennos, on doit dire avec le verbe passif, ^ ùs^^aX^ittj^l* , per btneficia in servitatem redigenHr ingenn.

Un« autre faute asses grave , et qui 9e répète fi^quemment, est rela- latîve à l'influence qn'exeroe sur la syntaxe désinentielle l'adverbe ilégatif y non. M. Stickel a eu raison d'apliquer eux sentéttces 1 3 et snivaMes , jnsques et compris la a 5*, la rè^e qui ex^e que, après radverbe négatif S employé comme niant l'existence de l'espèce entière, ^yJ^ ^, c'est-à-dire comme négation absolue, le nom sur lequel tombe la négation soit mis à l'accusatif sans nonwition, ou pour m'ex- primer comme les grammairiens arabes, soit jf^jJ) ^ ^^i^ Mais il a

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grammairiens, est jUt ^^ négation de l'état, ou, ce qui revient à peu près au même, nie le ({ualificatif. En effet, quand on dit, ^) ^j^ ^

non est beneficentia cnm avaritia, on nie absolument que, supposé la pré- sence de ravarice , il puisse eiuster de la bienfaisance ; mais si Ton dit ,

^yixll (ar*3^) fj^^ '^^ est nobiUtas hancratior pietate, on ne nie poiat

qu*il existe une noblesse, mais on refuse à une noblesse quelconque le mé- rite d*ètre plus digne d'estime que la piété , et il est évident qu6 la néga- tion ne tombe point sur pS', mais tombe sur le qualificatif ^^y^' ' w-^S^' .

Ce n*est donc pas sans raison que les Arabes ont distingué ces deux ou par deux caractères différents dans leur syntsoie. Dans le premier cas» le nom qui exprime l'objet sur lequel tombe la n^ation, devient indé*' eUnable, on le met à Taccusatif sans nunnatwn; dasis le second il se décline et se met à l'accusatif, en conservant sa namaation. Dans les sentences dont il s'agit ici on ne voit point la njmwtion, mais c'est uniquement parce qu'elle n'a jamais lieu dans les a<\J4M>tifs comparatifs de la forme J^. Elle se verrait, s'il ^e trouvait jun adjectif d'une

autre forme , si , par exemple , on disait (fJi\ q^ |^ju^ >j»^ ^ ^ .

Si je me suis un peu arrêté sur cet article , c'est que je crains de ne l'avoir pas assez bien développé dans ma grammaire, et que j'ai cru être agréable à M< Stickel, que je me isouviens toujours avec plaisir et avec un vif intérêt, d'avoir compté , il y a quelques années, au nombre de mes auditeurs.

Je passe maintenant à l'ouvrage de M. Fleiscber , qui contient beau- coup plus de choses, et est aussi d'une plus grande importance. On y trouve d'abord la même collection de cent maximes qu'a publiée

^ Pour faire encore mieux sentir la différence logioue de ees deux eoqprestÎQips ,- il ne sera point inutile de &îre pemarqucr que, dan» 1 une com^i^ dan^ Tikutrie^ Tat- tiiilmt graiy^matical est Iq y^rb^. itr$^ qui^ en arabe, ^st toujours sous-çntendu ; mais

que dans Unéga^n abs<dpe oa négation de Tespèce entière ^^y$jJ^ ^, le verbe

itre tàlX £[)nction de yçf^e attributif, c',est*%dîre signifie exista", et que dans la néga- tion du qualificatif ou de Vèiat J\JI ^ , le verbe efrv est simplement verbe suhstûntif,

ou coqune disent qudques grammairiens , ccptdag c'est-à-dire énonçant Tunion d*un sujet à un attribut. Dans Tnn, c'est le verbe «ff de cette phrase non est Deas; dans fautre, e* est le vedbe est de oeUchoi non êsi Dm$ iimiUê h^minii Quand Iqs A^b^

disent ^i ^^ ^ \ la négation est absolue : it ifèst point do bief^ùsano^jâveo iVt-

vairie0; vms quand ils disent «^jiUil (^^1 Ç^ ^ " '^ Q^,gatiop tombe que SUD l'étactou la qniUficatif t ûtkwe qvaiitè mbk n'mt plm hmoraffU qae la piété.

80 JOURNAL DES SAVANTS.

M. Stickel. Elles sont données ici d'après un manuscrit de la biblio- thèque royale de Dresde, qui, k un texte plus correct, joint encore plusieurs avantages. Chaque maxime est suivie d'une explication ou commentaire fort court, mais assez élégamment écrit, d'abord en arabe , puis en persan ; ensuite viennent deux distiques persans qui expriment la même pensée. Tout cela est accompagné d'une traduc- tion allemande.

A cette première collection eu succède une seconde de deux cent quatre-vingt-deux maximes, rangées alphabétiquement. Ce recueil,

intitulé JMI_^ , c'est-à-dire Pertes répandues, est, à peu de chose près, le même qui occupe la première place dans le vdume publié à Oxford en 1806, et dont l'auteur est Cornélius van Wa'enen : ce savant y avait joint une traduction latine. M. Flebcber a souvent ré- formé les fautes qui s'étaient pissées dans le travail du premier traducteur. Je possède un exemi^aire manuscrit de cette collection , chaque maxime est suivie de deux vers persans, qui expriment la même pensée ou une pensée anak^e. Si j'eusse été instruit du projet qu'avait formé M. FleiSiCher, de publier ce recueU, je me serais fait un plaisir de lui ccHjimuniquer ce manuscrit; il ne renferme que deux cent soixante-dix maximes. Le texte arabe est écrit avec beaucoup de soin, et partout.accompagné des voyeHes,

M. Fleischer a encore ajouté une petite collection de vingt-neuf maximes seulement; viennent ensuite des remarques critiques et grammaticales sur chacune de ces trois collections, puis deux ùii^x, l'un des mots arabes, l'autre des mots persans qui se trouvent dans ce volume.

Ce n'est rien dire de trop que d'affirmer que , sous tous les points de vue, cette nouvelle publication de M. Fleischer mérite d'être

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taaaUks extrêmement fins ; Tun et Tautre de la plus grande beauté. En regard de chaque page du texte , et dans des compartiments qui correspondent à ceux qui renferment le texte arabe et les vers persans , on trouve la prononciation et la traduction de chaque maxime, la première en caractères gothiques , la seconde en caractères d*écriture cursive. Le papier est alternativement rose et bleu, et les ps%es de texte sont parsemées de fleurettes et d'autres ornements dans le genre oriental. Cette charmante lithographie, exécutée àÉdimboui^, repré- sente un manuscrit à un calligraphe nommé Ahi-udiaiir , jds XAhd- ahoahhab Hoseîn. B est impossible de voir rien de plus parfait en ce genre. Ce petit volume, destiné à montrer quel parti on peut tirer de la lithographie pour multiplier et préserver de la destruction les manus- crits les plus précieux de TOrient, est dédié par l'éditeur, M. le major W. Yule , à madame la duchesse d* Angoulême.

Maintenant il faut faire connaître quelques-unes de ces maximes , qui jouissent d'une si grande réputation dans TOrient.

MJj O^ «XjU lUMJb C3^ (at*

K Quiconque se connaît soi-même , connaît son seigneur. »

Vers persans:

«Ton âme est la preuve incontestable de l'existence du Dieu digne « de louanges ; quand tu connais ton âme , tu sais qu'elle est créée , « et qu'elle a Dieu pour créateur. »

Autre :

« L'homme est caché sous sa propre langue. »

Vers persans :

«L'homme était caché sous la langue ; alors qu'il vient à parler, « on le connaît. Parle-t-il bien , on dit qu'il est sage ; parle-t-il mal , on u l'appelle sot. »

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Autre :

« Avec des bienfaits on se fait un esclave de l'homme libre. » ^ Vers persans :

« Veox-ta qoe les princes da monde baissent la tête devant toi >* u exerce des actes dliunuuiité ; car, en exerçant Hnunanîté , on fait an « esclave de l'homme libre, n

Autre:

« La peur dans l'adversité est le dernier Ae^ du malheur. » Vers persans:

» Dans l'adversité , garde-toi de l'abandonner à la crainte ; car la «crainte rendra ton cceur complètement mdbeureux. Il n'est aucune u peine plus complète que cela, puisque par tu te prives des ré- «compenses divines. n

Autre : JjJU .1», il K II n'y a point de fidélité à attendre de l'homme au caractère cha- «grin.»

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Autre:

«L'homme à qui l'on demande quelque chose, est libre jusqu'à ce «qu'il promette.

, Vers persans :

«^-■i) i>â^.^ •yjSj^ tj^jufti >^— »■■■■*■ Li^ éjjjTjtm- li*Jit*

«L'homme à qui l'on demande quelque chose, s'il ^t une pro- « messe, ae jette lui-même dans unepostioo douteuse; car il est libre , u (c'est-à-dire il se conduit en homme bien né), s'il marche dans la «route de la bonne foi; Q n'est point libre, s'U suit le sentier de (lia mauvaise foi. a

Assurément la maxime «rabe, dans son édégante concision, est plus claire que la paraphrase persane, et ce qu'il y a de surprenant c'est que l'auteur du commentaire persan prétend que cette maxime peut s'entendre deux manières. La première est ceÛe qui se présente naturellement à l'esprit, c'est que, quand on promet, on se lie par un engagement qu'on n'est plus libre de rompre. «Mais, ajoute le com- amentateur, on peut eacore donner à cette maxime un autre sens « que voici : Tact qu'un homnie de qui on sollicite une faveur , « n'a point fait une promesse et n'a point engagé sa parole, le soUicî- uteur parle de lui -cmame d'un homme libre, c'est-i-dire , comme u d'un homme distingué , et l'appdle de ce nom ; mais H n'a pas u plutôt promis et donné sa parole, que le même homnie ne sait plus « que penser de sa noblesse, et est incertain s^ doit le regarder comme « une personne bien née ; il attend donc l'érénement pour se décider. «Accomplit-il u proonesse, il eat un homme libre; dans le cas«on- « traire, il ne l'est point»

On voit que l'auteur des vers persans a adopté cette interpréta- tion, assurément bien peu naturelle. Au reste, les commentateurs de rOriest ressemblent à bien d'autres qui ne sont ni Arabes ni Persans, et qui ont pour habitude ée chercher mdum in sciqn.

Je dois &ire ici une observation sur l'orthographe vicieuse que l'éditeur a adoptée daos le mot *) , qu'il a écrit deux fois '*j , pour indi- quer le rapport J^annexion ou **Wt, se trouve ce mot avec le nom qui le suit. U est sans doute qu'il faut prononcer r^hi; mais ce n'est pas une raison pour faire écrire ici hamza; ce signe, qui sert de

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support au Iresra d'annexion, ne doit s'employer après le final que quandcettelettreneseprononcepoint,et ence qu'on appeUe(f«i») »U,

comme dans •>Jkf—KUiS'— KLmy>>, etc. Mais après le de tS"— «^

•^ JUS et autres mots semblables , lorsqu'ils sont les antécédents d'un

rapport d'annexion, on ne doit point laire usage du hamza, pas plus qu'on n'en ferait usage après «l^ «Uî «j^^, et après toute autre con- sonne.

Je ne citerai plus qu'une seule maxime, exprimée d'une manière concise et énei^que :

H Le désespoir est libre, l'espérance est esclave. Vers persans:

^:A A JA tj tf>t>T(;y; , A n «1 jj w*-»*»-û ■H^-'jS^

j^aljTJ c <M m!tj\ ^ala ^p -^-*j* <>»-*-•' ylûiA^jj

u Si tu renonces à rien espérer des hommes , ton corps sera libre et «ton cœur joyeux; mais si tu fondes ton espoir sur eux, tu laisseras « échapper de ta main l'honneur de la liberté, m

M. Fleischer a fait quelquefois usage du xoesh arabe sur r^Ii/ du verbe persan ui*-»t , sans doute pour indiquer l'élision de cette lettre. Je crois cela sans exemple.

Xai remarqué dans le commentaire de la 3 6* maxime (jï^I pour ^t : c^est sans doute une iaute d'impression.

Dans la 39* maxime, je soupçonne qu'il s'est glissé une faute dans ces mots : « Ajjla ^t. U JUj AjjlÀS'JU jt jï**. B n'est pointvraisem- blable que le mot JU ait été employé deux fois par l'auteur dans les deux membres parallèles. On pourrait substituer JW à jU dans le

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Zur Gemmenkunde ; antike geschnittene Steine vom Grabmahl der Heiligen Elisabeth in der nach ihr genannten Kirche zu Marbarg in Kar-Hessen; archàologische Abhandlung, von Fr. Creuzer, etc. Pag. 1-2 1 a, avec cinq planches gravées. Leipzig, 1 834; in-8°.

Le livre dont nous venons de transcrire le titre en tête de cet article se recommande doublement h Tintérêt du public par son sujet et par le nom de son auteur. Mais pour ceux mêmes de nos lecteurs qui sont habitués depuis longtemps à regarder M. Creuzer comme l'un des premiers phi- lologues de TEurope , comme le savant de notre âge qui a porté dans l'étude des religions anciennes le plus de vues neuves et profondes, un livre tel que celui-là , qui traite des pierres gravées employées à l'or- nement de la châsse de sainte Elisabeth de Marbuig, doit être un su- jet de surprise, qui ajoute encore au sentiment de la reconnaissance. Effectivement, c'est encore aujourd'hui en Allemagne une assez rare exception que de voir les hommes voués aux études philologiques chercher à acquérir l'intelligence et la pratique des monuments figu- rés. L'exemple de l'illustre Boettiger a trouvé bien peu d'imitateurs, et la place qu'il occupa longtemps dans l'archéologie allemande, est encore vacante. Si quelques philologues de profession, comme M. Thiersch et M. Jacobs , ont su joindre à un mérite du premier ordre en ce genre d'études les connaissances de l'antiquaire, c'est un avan- tage qu'ils ont à la circonstance , qui avait placé l'im près des musées de Munich, l'autre à la tête du cabinet de Gotha. Mais l'école de Leip- zig, mais celles de Goettingue, de Heidelberg, et même de Berlin, des- quelles il sort chaque année de nouvelles et nombreuses générations de philologues , sont restées presque tout entières en dehors du progrès des études archéologiques ; et les noms d'un Welcker, d'un Ottfried IVfùller et d'un Éd. Gerhard, résument à peu près en eux seuls tout ce que cette Allemagne, si studieuse et si féconde en fait de philologie, ren- ferme d'illustres antiquaires , en même temps que de savants philolo- gues. La principale cause d'une pareille direction des études tient sans doute à la rareté des collections archéologiques , qui se trouvent dissé- minées dans quelques capitales, conmie Vienne, Munich, Dresde et Beriin , et qui n'ofirent presque nulle part la réunion des monuments et l'ensemble des ressources qu'exige l'étude approfondie de l'antiquité figurée. Mais si cet incom^énient, qui était bien plus grave au temps et dans la patrie de Lessing, n'empêcha pas cet homme supérieur de con- naître l'antiquité , qu'il était presque réduit à deviner d'après de mau-

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vaises estampes , on s'explique difilcUement comment , avec des musées aussi riches que cetnt de Dresde, de Berlin et de Munich-, avec des col- lections de médailles , de pifsres gravées et de vaaes peants , teUes qu'il en existe k Vieune, k Munich, Â Gotha, k Berlin-, avec la ressource àea empreintes, qui sup{djéentan défaut de moauments originaux, et avec celle des livres, qui peuvent, jusqu'à un certain point, tenir lieu des uns et des autres, à une époque comme la nôtre, la description et la représentation des monuments figurés s'exécutent généralement d'une manière bien plus exacte , bien plus conforme au caractère de l'an- tique, que cela n'avait lieu dii temps de Leasing et mêmedeHeynei on s'explique, dis-je, difiOcïlemeot, commoit,, avec de pareils avantages, l'Allemagne presque tout entière s'opinîâtre dans les anciennes voies d'une philologie qui s'épube sur elle-même , sans essayer de se retrem- per aux sources, de jour en jour plus fécondes et plus abondantes, de l'archéologie.

Et néanmoins, il est bien évident que l'intelligence de l'antiquité, tdUe qu'on peut l'acquérir par l'étude des textes classiques, est toujours plus ou moins imparfaite, tant que l'on n'y joint pas ia connaissance des monu- ments figurés. U n'est sans doute pas de témoignage historique plus sûr, plus authentique, plus original, qu'une médaille grecqne; un vase peint est toute une page d'antiquité , aussi bien qa'un teste de Platon ou de Dé- mosthène; et c'est un texte, souvent d'une interprétation moins di£Bcile, et toujours bien moins suspect d'altération; un bas-relief, enfin, est un drame tout entier, qui peut nous rendre une tragédie perdue de Sophocle ou d'Euripide; et la philc^ogie, réduite à elle seule et à ses propres res- sources, ne peut prétHidre à se rendre compte du génie de l'antiquité, l'art était si intimement lié à tout le système de la civilisation, qu'il lui servait comme de seconde langue , qu'il en était l'expression gra- phique , de même que la littérature en était l'expression écrite et parlée. Je ne voudrais d'autre preuve de cette însuîlisance de la phi-

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de 868 étude»» de la coiiDais8ance des monuments figurés, qui sont aussi des textes classiques , et des textes d'une valeur et d*ùne autorité incontestables.

L*auteur du livre que nous nous proposons de faire connaître à nos ftcteurs a suivi dans ses travaui une marche toute différente. Initié de bonne heure à tous les secrets de la philologie grecque et latine, et tou» jours exercé sur ce terrain, il est devenu Tun des maîtres de la science , M. Greuzer a senti que pour acquérir Imtelligence intime et complète du génie grec , surtout dans le domaine des idées religieuses , qui formaient presque tout le fond de la vie sociale des anciens peuples, fl Êillait y joindre connaissance des monuments figurés. C'est ainsi que le savant interprète des fragments des plus anciens historiens grecs, l'éditeur d'Hérodote, de Produs et de Plotin, est devenu un antiquaire de. profession, formant ime coUection de médailles\ rassemblant des empreintes de pierres gravées et des plâtres de statues et de bas-re- lie&, recherchant jusqu'aux moindres débris de vases peints; et, k dé* Êiut des musées qui manquent dans sa petite ville de Heidelberg, fai- sant de sa maison même un sanctuaire de l'antiquité, l'art et la langue des Grecs sont représentés par un choix de leurs plus belles productions, et la science des livres et celle des monuments se prê- tent un mutuel appui. C'est de cette manière que l'illustre auteur de la Symbolique s*est rendu capable d'écrire sur les Vases peitUs^ avec autant d'expérience dans ce genre d'études qu'aurait pu le faire un interprète des vases de Tischbein, tel que Boettiger ; qu'il a pu produire, 5ar les Anti- quités romaines des bords du Rhin^, un livre l'on retrouve tout le savoir ultramontain d'un Labus et d'un Cavedont; et qu'il vient enfin de nous donner, sur les Pierres Gravées, un autre livre, qui ne laisserait rien à re- prendre ou à envier, en fait de savoir bibliographique et de connaissance

^ ladépendamment de la collection de médailles du séminaire philologique , à la formation de laquelle M. Greuzer préside depuis plus de a 5 ans , et dont M. J.-Â. Brummer vient de publier le catalogue raisonné , dans une Prolusio œntinens recen- mnem Graconan Nunu)rum qui a£erv€aitttr in^Academico Antiquario Creuzeriano, cet iHustre professeur possède un choix considérable de médailles antiques , dans le nombre desquelles il en est plus d*une d^ioédite ; c*est ce que je lis dans cette Pro^ Ituio, p. III, a). ' Ein alt-Athsnisches Gefàss mit Malerei and Inschrift, hekannige- madit und erklârt mit Anmerkungen àher dièse Vasengattang , von D' Fr. Greuzer, Leipzig, i83a. Il faut joindre à cet ouvrage, d*une érudition aussi solide que variée, une dissertation du même auteur, de vascalo Herculem Buzygen Minœmqae exhi- iente, insérée dans les Annal, de VInstit. archéoL t. VU, p. oa , suiv.; sans compter phisieurs articles sur divers vases peints, publiés dans les Annales littéraires de Vienne. ' Zur Geschichte alt-Bômischer Cultur am Ober^Bhein and Neckar, von D^ Fr. Greuzer, Ldpâg, i833.

% !

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pratique, àlliabîleté consommée d'un Koehleretd'un Toelken. Je m'as- socie donc complètement au jugement qu'a porté, sur ce nouvel ouvrage de M. Creuïer , un jeune et savant antiquaire , qui vient de faire un dé- but brillant dans la carrière de l'archéologie par un livre plein de savoir et dégoût, d'imagination et de talent; et je pense, avec M. le docteuf Feuerbach', que cet ouvrage, k la plume infatigable de l'auteur de la Symholûfoe et de l'éditeur de Plotîn, est un des livres d'antiquité, pu- bliés de nos jours, qui aura le plus contribué k avancer la connaissance des pierres gravées, en même temps qu'on y trouve, sur une foule de questions accessoires qui y sont traitées, ces aperçus d'une érudition toujours variée et toujours profonde, ces corrections de passages, ces rectifications de textes grecs et latins, que M. Creuzersèmc avec pro- fusion dans tous ses écrits. Le principal objet du livre dont nous rendons compte , étant de faire connaître un certain nombre de pierres gravées, d'un plus ou moins grand mérite, sous le rapport de l'art, mais toutes d'une authenticité indubitable, nous ne nous arrêterons pas à l'introduction de ce livre, l'auteur a exposé, sur l'usage des pierres gravées dans l'antiquité , et sur les nombreuses difBcultés qu'a suscitées dans ce genre d'études la coupable industrie des faussaires modernes, quelques notions générales qui résument, dans un petit nombre de pages, à peu près tout ce que nous possédons à cet égard de faits acquis h la science et suffisamment éprouvés par la critique. Le seul reproche que je me permettrais peut-être de Ëitre à M.Creuzer, ce serait d'avoir accordé, à l'opinion de M. de Koehler, qui condamne ou qui interprète presque toujours arbitrairement les inscriptions des pierres gravées, une confiance qu'elle ne semble pas mériter, et que tout récemment M. Toelken a réduite à sa véritable mesure. L'article qui suit, et qui est consacré à la description du monument de sainte Eli- sabeth de Marbui^, ne mérite d'être signalé à l'attention de nos lec- teurs , qu'à raison de la circonstance qui fit employer h l'ornement

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réduit, plus encore peut-être qu'aucun des autres' arts d'imitation, à une routine aveugle et ignorante, les pierres gravées qu'il était d usage d'employer à Tomement dès vases sacrés et des vêtements pontificaux, des couvertures de missels et des châsses de saints, n'étaient et ne pou- ^ vaient être que des œuvres de la glyptique antique, la plupart rappor- tées de l'Orient par le mouvement des croisades, et appliquées par l'effet d'un zèle plus pieux qu'éclairé h un usage chrétien , avec une si- gnification chrétienne : erreur très-innocente, d'ailleurs, qui ne chan- geait rien au sens ni à la valeur des monuments, et qui avait de plus l'a- vantage d'en empêcher la mutilation ou la perte. La châsse de sainte Elisabeth de Marburg, construite en bois de chêne revêtu de lames d'argent doré, se trouva donc ornée, sur ses quatre faces, de peiies et de gemmes de toute dimension et de toute espèce, saphirs, émeraudes, améthystes, hyacinthes, cristaux f onyx, chalcédoines, coiTialines, des- quelles il en restait encore en place hait cent vingt-quatre, tant intailles que camées, toutes de travail grec, romain ou oriental, lorsque ces pré- cieux monuments de l'art antique , qui n'avaient rien perdu pour avoir été consacrés parla piété des siècles du moyen âge, se trouvèrent ex- posés , dans le nôtre , aux atteintes d'un zèle qui n'avait rien de com- mun ni avec la dévotion ni avec la science.

Ce n'est pas ici le lieu de raconter comment, dans le cours des évé- lyments qui signalèrent l'année 1810, la châsse de sainte Elisabeth fut dépouillée de toutes ses pierreries, et comment, dans le transport de cette châsse â Cassel, chef-lieu du nouveau royaume de Westphalie, la plupart de ces pierres gravées se dispersèrent en des mains infidèles. Je dirai seulement que, dans ce grand désastre, ce Ait du moins une sorte de consolation pour la science, que des empreintes de quelques- unes de ces pierres aient pu être prises av^ soin sur les originaux, au- jourd'hui égarés ou perdus; car ce sont ces empreintes, au nombre de trente-cinq seulement, qui, transmises alors à M. Creuzer, et fidèlement dessinées et gravées sous ses yeux, se trouvent désormais, par la publi- cation qu'en vient de faire ce savant illustre , assurées contre toute ac- cident: faible débris, sans doute, d'un trésor, dont la perte, irrépa- rable pour la science, n'a profité à personne. C'est à peu près le même sort qu'éprouva, vers la même époque, la châsse des Trois Rois de Co- logne, qui était aussi enrichie d'un grand nombre de belles pierres gra- vées, de to^avail antique : si ce n'est qu'il ^gj^vait été publié \ en 1 78 1 ,

^ Cet ouvrage fut publié en deux éditions, Tune allemande, Fautre française, avec les mêmes planches. Les sept premières de ces planches ofirent le plan et la

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k Bonn, une description accompagnée de ptiuicfaes renfermant ia gra- vure de aa6 de ces^monuments de la glyptique grecque et romaine. Mais ce livre, dont M. Grcuzer n'a eu connaissance qu'après la composï-

. lion du sien, et qu'il ne cite tpit sur la notice qu'il en devait à notre com- mun ami, M. le docteur Sulpice Boisserée', Itf savant et ingénieux his- torien de la cathédrale de Cologne, n'a guère aujourd'hui d'autr* mérite que d'être devenu une sorte de rareté bibliographique-, et je puis ajou- ter; d'après l'exemplaire quue j^n possède, que les monuments y sont

' représentés d'une manière qqi en rend l'usage bien peu profitable k la science; en sorte que ce qui reste aujourd'hui de ces deux grands tré- sors de la glyptique, si religieusement conservés durant tant de siècles sur deux châsses de saints, à Marbur^ et à Cologne, _se trouve à peu près réduit aax trente-cinq empreintes confiées aui soins de M. Creu-

. zer, et à un petit nombre de pages savantes que nous devons k sa plume. J'avais besoin d'entrer dans ces détails pour faire sentir k nos lec teurs le genre de mérite qui distingue ce nouvel ouvrage de M. Creiuer, et qui tient en grande partie k la nature même des monuments qui en sont l'objet; car, en fait de pierres grayées, le doute est devenu si légi- time, et la science elle-même s'est tellement complue de nos jours k rendre suspectes celles qui étaient le plus généralement réputées anti- ■qués; que o'est, pour un choix de monuments de la glyptique tels que ceux-là, un bien rare avantage que de n'avoir rien k démêler avec ^ critique. Grâce à cette circonstance, je suis dispensé de m'arrêtérsur chaque pierre pour en constater l'authenticité. C'est la partie la plus difficile et la plus ingrate de la tâche de M. Creuzer et de la mienne, qui se trouve accomplie par le seul fait de l'emploi sacré qui se Ht de

, monuments profanes en des temps d'ignorance et de dévotion. La piété du moyen âge est devenue |insi une garantie pour la critique du nôtre; et c'est un service que ce qu'on appelle la superstition a rendu à ta Science, sans qu'on soit obligé de lui en tenir compte.

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toutes, que chacun des articles consacrés à ces trente-cinq petits monu- ments de i'art Clique mérite d*ètre étud^ k raôson des considérations archéologiques ou philologiques que Fauteur a su y répandi^e, et qui ajoutent du prix k ceux mêmes de ces monuments qui offrent ie moins d^importance ou noureauté.

N"" 1 . Un Bout qui séUince vert jBi arhre ^^^gi dejmits. G*est un su- jet allégorique, qui se rencontre ayec quelques variétés sur d autres pierres gravées, et même sur des médailles.

N"" 2 . Un Amour monté sar an lion. Cette pierre est remarquable sous plus d'un rapport, d'abord, k cause du travail qui tient de Técole ar- chaïque, et qui rappelle, dans la manière dont la crinière du lion est trai- tée, lie style des médaillons d*Âcanthe, de fabrique ancienne; puis, à cause de la représentation même > qui semble avoir été l'une des images allé- goriques les plus familières au génie grec. On en suit le développement successif, pour ainsi dire, à trafvers toute Tantiquité, k partir de cette gemme de Marburg, qui doit nous en avoir conservé le plus ancien type, jusqu'au câèbre camée de Protarchos^ delà gsderie de Florence, et jusquà la rare et charmante médaille du cabinet de Gotha, qui offre sur la face principale le portrait d'Alexandre, et dont il se fit sans doute plus d une répétition antique, à en juger par ceUe qui décore la cuirasse d'une statue de Domitien , de l'ancienne galerie Giustiniani. Tous ces monuments sont cités par M. Greuzer;-ct je remarque que la médaille du cabinet de Gotha, publiée, avec d'antres monuments relatiSi à Alexandre, par Schteger, dans une dissertation particulière ^ et repro- duite par Visconti, dans son Iconographie greofue, manque dans le trésor de Namismatigae de M. Lenormant, elle méritait bien cependant de trouver place.

3. Figure de Jupiter assis, appuyé d'une main sur la haste^ tenant de l'autre main un objet qui paraît indécis à M. Creuzer, mais qui doit être le fondre, avec ïaigle à ses pieds. C'est un sujet si commtm sur les médailles grecques impériales, il se reproduit le plus souvent figuré de cette inanière, que notre auteur lui-même trouve peu de chose à en dire. 4. Le sujet de cette pierre, qui représente un Cheval marin, au- dessus duquel se dresse un buffe ie Taureau ou de Vache, a]!»partient à ces caprices de fart, qui tenaient sans doute, dans le principe, aux idées du symbolisme oriental, mai»qui, dans la dernière période de l'anti- quité grecque, n'exprimaient le plus souvent, sur ces pierres gravées,

* J. C. Scklaegeri Commentatio de Numo Alexandri Magni, etc, Hamburgi, in-A' , 1736. Cette dissertation est dédiée à TAcadémie des Inscriptions et Belles-Lettres.

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que des intentioDs all^oriques , à l'usage des particuliers , et dont il se- rait par conséquent aussi difficile que supeiïu de diffrcher à rendre compte. Le dessin de cette pierre, exécuté d'après l'empreinte, laisse d'ail- leurs beaucoup k désirer, d'après l'aveu de M. Creuzer lai-même, ainsi que d'après l'examen détaillé qu'en a fait M. Feuerbach. Mais notre auteur supplée par son éruditioD.^e qui danque, dans son dessin, au monu- ment qu'il publie; et ses TOtes renferment, sur les diverses races de chevaux antiques, et sur les principaux monuments qui nous en restent, beaucoup de renseignements curieux.

N" 5. Achilie no, aisis devant une stèle sont attachées les armes du hé- ros,le cas(}tte, ïépée et la lance, avec le bouclier à ses pieds. C'est le même sujet qui nous était déjà connu par plusieurs pierres gravées, deux entre autres que j'ai publiées moi~mème dans mon AchiUéide^, et qui s'est trouvé reproduit, sur une gemme de la collection de feu M. Mûn- ter, évéque de Sceland, absolument comme sur cette pierre de Mar- burg. L'expUcation d'Achille, que M. Creuzer propose pour cette pierre et qu'il admet pour toutes les autres, ne paraît sujette ï aucune incerti- tude, de l'avis de M. Feuerbach, qui s'est surtout attaché à faire ressor- tir le mérite de la pierre de Marbui^, sous le rapport de l'exécution. Quant à la représentation même, qui m'a déjà fourni le sujet d'un tra- vail particulier, je n'aurais rien à ajouter à ce que j'en ai dit, si ce n'est au sujet de la statue Ludovisi, que j'ai expliquée d'après le même motif, et dont M. Creuzer s'est occupé sous le même point de vue, en rendant compte de mon ouvrage dans les Annales Utléraires de Vienne. Or je dois dire que tout ce cpii a été publié contradictoirement sur cette question d'archéologie n'a pu que me confirmer dans l'opinion que la statue dont il s'agit est celle d'un Héros grec; et cela posé, la dénomina- tion d'Achille devient de plus en plus probable, à mesure que des pierres gravées, telles que celles du cabinet Mùnter et de la châsse de Mar-

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le personnage représenté sur notre pierre serait un Japàier, M. Creiuer le regarderait comme un J^UerSokil, ou Zetu-Héliot, et l'objet ({u'it tient à la main droite, serait, dans cette byijotbèse, la hache, symbole du Jupiter A»CesaJiiSt ou ^TpaTzac Mais ce symbole, dont la fo^rne nous est si bien connue par les médailles des rois de Caiie et par celles de Ténédos, pourn'en pas citer d'autres exemples, n'a rien de comnouB avec l'objet figuré ici à la main du Dieu assis, et qui est tout siraplement \e foudre, mal exécuté sur le monument origùiid, ou mal rendu par le dessinateur moderne.

N" 8. Tête casifoie, qui parait être celle d'un Perunnage romain, et qui , à défaut d'une individualité bien prononcée dans les traits du vi- sage, n'ofGre aucun moyen de le reconnaître, et presque aucun intérêt sous le rapport de l'art. '

N" 9. Un Oiaeaa, au-dessus duquel est la lettre gre<^e B couchée; le tout d'ancien style. Ce type , composé d'éléments si timj^s , est un de ceux M. Greuzer a déployé le plus de cette érudition Seconde et de cette sagacité ingénieuse qui le placent au premier rang des sa- vants de notre ^e. H reconnaît dans l'otarau le vaubiar, animal sacré d'Apollon , et dans la lettre E te caractère mystique consacré aussi à Apollon , la lettre qui exprimait 1'^ long , et que les Grecs représentaient par u, avant qu'As fissent usage de 1'»; témoin ce passage de Platon * : eu jÀp » «;^iifu6< âuct tïn 9mJi,tuir; la lettre enfin qui, avec cette dernière valeur, composait à elle seule la célèbre inscription El, du temple de Delphes, sujet du traité si connu de Plutarque. On sait qu'il existait, dans le trésor de ce temple de Delphes, plusieurs grands epsilon dédiés k diverses époques, un, entre autres, en bois, qu'on croyait avoir été consacré par cin^ des sept Sages; un enWome, provenant des Athéniens, et un en or, donné par Livîe. Ce symbole qui, suivant toute appa- rence, exprimait la formule hiératique tX, ta es, en rapport avec î'es- seoce de la divinité , avait acquérir une grande popularité ches les

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Delphes même, avec l'inscription aaa, et dont il assure que l'attri- bution à Délos ou à Delphes est controversée entre les antiquaires. M. Creuser pencherait plutôt pour la première attribution à Délos, en se fondant sur ce que Délos est appelée ûÔXar par Pindare.-Mais ia controverse qu'il suppose n'existe réellement pas; personne ne doute, parmi les numismatistes , que les médailles, avec l'inscription aaa* n'appartiennent effectivement à Delphes; et je suis surpris qu'un phi- lologue tel que M. Greuzer se serve d'un allument qui n'avait pu être employé que par M. de Koehler, défenseur intéressé de l'attribution de ces médailles à Délos. Qu'importe , en effet , que Pindare ou tout autre poète, tel que Théocrite', qui se servait du dialecte dorique, ait écrit ùâtXot, le nom de Délos, s'il est avéré que Déhs, ville ionienne, n'a jamais pu imprimer son nom sur ses monuments publics , qu'en le produisant sous la forme ionienne, aîÎXb;, et s'il est constant que toutes les monnaies autonomes que nous possédons de Délos, portent l'inscription ah, et non aa, ahaian, et non aaaion? Quant à l'ins- cription AAA des médailles autonomes primitives de Delphes, elle se justifie sans la moindre peine par l'usage du dialecte dorique , d'accord avec les traditions mythologiques de Delphes. Qui ne sait que les Do- riens, et surtout ceux de Crète et de Sicile, remplaçaient fréquem- ment l'E par l'A, comme on en a des exemples dans les mots nanàftau, ifTOftt-nw , pour vrwifuuy ifiyufnw'i Qui ne connaît la célèbre inscrip- tion du casque trouvé à Olympie, le nom du roi Hiéron est écrit HiApbN*? à quoi je puis ajouter que j'ai eu moi-même occasion de citer ailleurs' le mot HIAPON, pour lEPON, gravé sur un didrachme de Crotone, de notre Cabinet. Mais, ce qui s'applique plus directement à la question actuelle , c'est que, sur les médailles à' Aptiva, de l'île de Crète, le nom des habitants est écrit tantôt AriTEPAinN, tantôt, suivant la forme plus archaïque, AHTA et AIITAPAION. qui offre un cas absolument analogue à la légende aaa pour aea ; or, on sait.

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phins. La présence des dauphins sur ces médailles s'explique aisément par le culte A* Apollon , en même temps qu'elle se lie au souvenir d une émigration venue par mer ; mais , quant à la tête de chèvre , c'est un type essentiellement propre à la numismatique crétoise, qu'il est im- possible de ne pas regarder, sur ces médailles de Delphes, comme un témoignage authentique à l'appui de la tradition de cette colonie d*Aptéra, de Crète, établie à Delphes. Je livre ces observations au ju- gement de M. Creuzer, et je reprends l'examen de son livre.

N^ 10. F]g\u*e d'Homme nu debout, vu par le dos, tenant de la main gauche une corne dabondance, et de la droite un ohjet à deux pointes, qui doit être un instrument aratoire, tel que le hoyau. Cette pierre parait d'un assez bon travail; la représentation en est neuve et curieuse à quelques égards , et l'explication qu'en donne M. Creuzer m'en semble indubitable. En rapprochant la gemme de Marburg d'une pien*e du cabinet de Wilde ^ , qui offre une figure toute semblable , à la main de laquelle l'interprète a vu deux épis, au lieu du Bident^, mais qui, du reste, est qualifiée avec toute justesse un Bonus Eventas divinité si chère aux Romains , et si sou- vent représentée sur leurs momunents, médailles et pierres gravées, M. Creuzer s'est trouvé suffisamment autorisé h proposer la même déno- mination pour le personnage de la pierre qu'il publie ; et, quanta la fig^ire même du Bonus Eventus , dont il existait à Rome , du temps de Pline , deux statues célèbres , l'une et l'autre rangées parmi les chefs-d'œuvre de l'art antique, et dues au ciseau d'Euphranor et de Praxitèle, la conjecture de M. Creuzer, qui croit que le Bonus Eventus de Praxitèle , consacré sur le Capitole, est la même statue, placée aussi au Capitole, laquelle est indiquée par Festus, comme celle d'un Ephèbe, tenant à la main l'instrument aratoire nommé par les Lajlins rutrum, correspondant à ce que les Grecs nommaient JiKî^^^ct^ ofjm, ou ffxùpn^; cette conjecture, dis-je, me parait très-ingénieuse et très-plausible. Toutefois, il n'est pas hors de propos de remarquer que le Bonus Eventus ^ ou le Bon Génie, sur lequel il existe une excellente dissertation de Moreau de Mautour , dans les Mémoires de notre Académie ^ , était une de ces divinités d'une signification vague et abstraite , dont les attributs variaient à raison des idées particulières qu'on y attachait, et dont le type n'était pas tellement déterminé dans les traditions de l'art grec qu'il n'ait pu recevbir, en

* Gemm, Select. » Mus. Jac. Wilde, n* 170, Amstel. 1703. «—'Cet instrument, figuré plutôt comme une fourche, que comme un hoyau, se voit à la main d*un per> Sonnage héroïque, que Millin a pris pour Taras, sur une des pierres gravées qu'il a publiées, pi. xlvu , pag. 1 1&, 1 15. * Voyez, à ce sujet, les notes de M. Geuzer, p. i6A,9i), 9a) et 93). ^Tomell, p. 4i8, suiv.

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passant dans les monuments de l'art romain , plus d'une modification de détail. Javouerai même que l'assimilation du Bonujf^enfas des Romains aveclc Triptoîème des Grecs, assimilation proposée par Boettiger', et admise par notre auteur, ne me paraît rien moins que prouvée. Le mythe de Triptoîème, intîmemetil lié avec le culte d'Eleusis , resta tou- jours en dehors de la religion publique des Romains, et la forme attique sous laquelle avait été produit le personnage même de Triptoième, tel que nous le connaissons par les vases peints, et tel que nousle présentent encore les monuments grecs de la dernière période de l'antiquité , no- tamment les médailles grecques impériales, ne ressemble en rien à la figure du BoROjËrenfai de nos monuments romains. Ilsudirait, d'ailleurs, pour se convaincre que le Triptoîème attique et le Bonas Eventas latin n'étaient pas un seul et même personnage, d'observer que, dans la liste des statues de Praxitèle, citées par Pline, comme existant à Rome de son temps, figurent à la fois un Triptoîème et un Bonas Eventas , Plin. xxxvi, fi. Il '• Romee, Praxitelis opéra sant Fhra, Triptolemas , Ceres, in hortîs ServUii; Boni Eventas et Borue Fartante simalacra in Capitolio. De plus, il est facile de voir que les statues du Bon Génie et de la Bonne For- tune , désignées ici par Pline sous une dénomination latine , devaient représenter pour les Grecs l'AjaSàï ^a.î/atr et l'^jaflil TiJ;ç , deux divinité allégoriques, dont le culte, lie à des idées générales, n'avait rien de commun avec la religion d'Eleusis, et dont le type était susceptible de beaucoup d'applications particulières. Quant au Bonus E'xntas des Romains, c'était, au moins, dans le principe, une divinité d'ordre rustique, ainsi que cela résulte du témoignage exprès de Varron, De R. R. I, I : Nec non etiam precor Lympham Bonam Eventam,

quoniam sine saccessa ac Bono Eventa frastratio est , non caU

(nra*; et c'était dans le même ordre d'idées qu'était puisé le type de la statue d'Euphranor, tenant hpatère d'une main, avec des épis et une fear de pavot dans l'autre main , tel que nous le décrit Pline , et

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rialej à partir de Gsdba jusqu'à Galiien. Mais, quoi qu'il en soit de cette assimilation du Bonus Eventus latin avec le Triptolème grec, que je ne crois pas exacte, l'explication du Bonas Eventus, proposée par M. Creuzer, pour la pierre quil publie, n'en est pas moins indubi- table. Le symbole du rutrum, indiqué par Festus, convient parfaite- ment au dieu rustique invoqué par Varron; et, quant à la corne d'a- bondance, attribut d'un usage si commun et d'une signification si notoire, je remarque que c'est aussi le symbole que porte une figure que je reconnais pour« celle (ïAyaBcç ^nif^av , sur un bronze autonome de Gyzique, qui a pu échapper à la connaissance de M. Creuzer, et que, f>ar cette raison, je crois devoir signaler à son attention.

RAOUL ROCHETTE.

( La suite au prochain cahier. )

Astoria, or an Enterprise beyond the rocky mountains, etçk Astoria, ou récit d^ane entreprise au delà des montagnes Rocheuses, par Washington Irving, auteur du Schetch book, de f Alhambra, etc. ; 1 836. Réimprime à Paris, par Baudry, en un vol. in-8* de 336 pages.

TROISIÈME ARTICLE.

Il y a déjà près d'une année que nous avons annoncé à nos lecteurs ce curieux ouvrage. Il nous fi)urnit alors l'occasion de leur présenter un ta- bleau générai du commerce des pelleteries dansl'Amérique septentrionale, de montrer l'influence exercée par ce commerce sur l'état des peuplades indigènes, et de raconter les chances aventureuses d'une expédition maritime dont il avait été le but spécial. Il nous restait à décrire les hasards d'une autre tentative dirigée simultanément, par la même pen- sée et pour les mêmes intérêts , à travers l'intérieur des déserts qui séparent les rives orientales et occidentales du continent américain. Le retard que nous avons mis à compléter cet ensemble ne sera peut- être pas sans avantage; car, en ce peu de temps, de graves événe- ments survenus dans ces contrées tout marche si vite, ont donné un intérêt nouveau et actuel au récit qu'il noua restait à terminer.

Nos deux premiers articles ont fait connaître l'origine et le point de départ de ces deux grandes expéditions. Ce n'est pas , comme on le croirait dans nos idées européennes , le gouvernement d'une puissante nation qui les conçoit et les ordonne. C'est un simple marchand de Ne w- York , M . Astor , qui , en 1 8 1 o , entreprend de se rendre maître du

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commerce des pelleteries , sur toute l'étendue de l'Amérique du Nord située entre les montagnes Rocheuses, prolongement des Gordillières, et l'Océan occidental. Nous avons dit comment, par ses seides ressources, sans aucun secours du gouvernement américain , aucpiel le succès de cette entreprise allait rapidement acquérir un immense territoire, M. Astor organisa deux expéditions qui devaient" se diriger, l'une par mer, l'autre par terre, vers l'embouchure de la Colombia, sur les bords de l'Océan Pacifique. Nous avons raconté la marche de l'expédi- tion maritime , la fondation du nouvel entrepôt d'Astoria , et le désastre du bâtiment le ron^atn. Maintenant nous allons passer à l'histoire de l'expédition de terre qui, traversant par son milieu le grand désert d'Amérique, le véritable pays des sauvages, nous présentera le tableau- extrêmement curieux des mœurs et du caractère des peuplades indien- nes , soit dans l'état de nature, soit déjà modifiées par la communication et l'influence des blancs.

Suivant le dessein de M. Astor , cette seconde expédition avait pour objet principal d'explorer toute la ligne du Missouri, jusqu'à l'embou- chure de la Colombia, en partant de Saint-Louis, la colonie la plus avancée vers l'ouest que les blancs eussent encore fondée. Le long de cette ligne , la caravane devait échelonner une suite de postes avec des agents chaînés d'acheter les pelleteries aux Indiens et de les expédier à Saînt-Louis , pour les Etats-Unis , à Astoria pour la Russie et la Chine. Cette distance, qui embrassait de looo à laoo lieues, avait déjà été parcourue, en 180&, parles deux officiers américains Lewis et Clarke; mais les difficultés qu'ils avaient rencontrées eCrayèrent le gouverne- ment desÉtats-Unis. li renonça à diriger de ce côté aucune entreprise, et parut agir prudemment aux, yeux du public ; M. Astor seul ne doutait nas du succès. Il se regardait comme le créateur certain d'une nouvelle civilisation qui viendrait se ralher à son iiitur établissement de la Colombia; et l'on peut penser avec M. Irvingque cette noble ambition

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vice de la compagnie anglaise du Nord-Quest , et se vantait de connaître parfaitement lem* caFactère ainsi que tous les mystères des bois. Cétait un homme d'une constitution robuste, rompu à la fatigue et au danger, renommé pour la justesse de sa carabine, et se portant fort du g^re d'expérience dont manquait M. Hunt. «

L'expédition devait partir en 1 8 1 o ; mais elle (ut retardée par les diffi- cultés singulières que son chef éprouva pour se procurer le nombre d'hommes nécessaires , tant en chasseurs qui devaient approvisionner la caravane de vivres et de foum;ires, qu'en voyflgenrs ou hommes de peine, npiu* diriger les canots et porter les bagages. M. Hunt (ut obhgé de lutter, à la fois, contre l'insouciance de ces hommes du désert, qui ne s'engagent que lorsqu'ils n'ont plus rien à dépenser , et contre la jalousie rivale de deux associations déjà existantes , la puissante com- pagnie anglaise du Nord-Ouest et la compagnie américaine , dite du Missouri , dont les agents à Montréal et à Saint-Louis représentaient la nouvelle entreprise comme irréfléchie et impossible.

La seconde de ces compagnies exploitait le commerce des pelleteries sur le Missouri même, et, dès 1 8o8, elle avait poussé ses postes jusqu'au confluent des deux bras supérieurs de cette grande rivière. Elle se trou- vait donc sur la première partie de 1# ligne que voulait établir M. Astor, et conséquemment elle mit tout en œuvre pour arrêter son expédition. A grand'peine , M. Hunt parvint-il à emmener le seul homme de Saint- Louis qui pût lui servir d'intei^rète chez les indiens Sioux et Pieds noirs, dont il allait traverser le pays ; et même, à son départ de Saint- Louis, le 2 1 octobre i8io, il fut obligé de cacher cet interprète pen- dant plusieurs jours, afin de le soustraire à un mandat d'arrêt, lancé contre lui, pour quelques dettes qu'il avait contractées. Retardé jusqu'à la mauvaise saison , M. Hunt dut remettre le passage des montagnes Rocheuses au printemps de l'année suivante (i 8 1 1); et, remontant seu- lement le Bas-Missouri avec soixante hommes et trois canots , il alla prendre ses quartiers d'hiver au confluent de ce fleuve avec la Nodowa , k ^5o mille anglais de Saint-Louis, sur la linûte extrême du pays des planteurs.

Vers la (m d'avril , lorsque le nouveau printemps eut ramené les immenses volées de pigeons sauvages qui dévorent tout sur leur passage, la troupe s'embarqua dans quatre canots et commença à remonter le fleuve, tantôt à la voile , tantôt à la rame «'^ou en se halant par des cordes quand le vent n'était pas favorable. Tout le travail de cette navigation était àla charge des Canadiens engagés Comme voyageurs, et ils s'animaient gaiement par des chants (rançais; car la langue fi^çaise est toujours la

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Uague populaire du Canada, qi^ique plu^ d'un demi-siècle se soit écoiUé depuis la conquête anglaise. Au-dessus de la Nebraska,ou EUvière Plate, reKpédition trouva un canot de sauvage lait avec une sev^e peau de buffle. Telï^ sontles légères nacelles qui servent aux guerriers indiens pour tra- verser les rivjères. En outre, pendant ta nuit, le ciel parut au loin éclairé de lueurs rouges , signal connu de l'embrasement de vastes étendues des prairies. Ordinairement, les Indiens allument ces incendies pour dércJMt leurs traces à ceux qui les poursuivent. On était donc désonoais en pays ennemi. Ce canot et <^s feux annonçaient que des bandes sauvages erraient dans le voisinage , et il tàJlait se tenir sur ses gardes. Car, dans cet état de nature, si vanté par quelques philosophes, l'homme est tou- jours pour l'homme uu danger.

Le 1 o mai i Si i , l'expédition atteignit le cantonnement ou village des Omabas qui formaient autiefois l'une des plus puissantes tribus des prairies. Cette tribu avait été peu à peu diminuée par ses guerres avec les Siouv , guerres d'embûches et de trfdiisons bien plutôt que d'attaques à force ouverte. Ë|^ 1 8oa , la petite vérole avait fait périr les deux tiers de ceux qui restaient; et, à l'époque du passage de M.Hunt, cette tribu ne comptait ptuâ que deux cents guerriers. Aujourd'hui elle est presque anéantie; et ainsi disparaissent successivement les peuplades indiennes, agents mutuels de leur destruction. Près de l'emplacement qu'occupait le village des Omahas, on voit encore ta tombe d'im de leurs chefs nommé l'Oiseau Noir (Blackbird), lequel était grand ami des blancs et de leur commerce qu'il exploitait k son profil. Arbitre, par son rang, du prix des peaux qu'apportaient ses compagnons, il fixait ce prix très-bas, et se faisait secrètement indemniser par f acheteur blanc , sans qu'aucun des Lidiens osât murmurer ; car U était pour eux unetorte de mauvais génie , grâce à l'enseignement atroce d'un blanc qui lui avait donné une provision d'arsenic et lui en avait appris les mortels effets. Si quelque Indien se plaignait du prix Qxé , la vengeance ne se disait pas attendre.

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(Iraient mutiiellement contre toute attaque , et accomplir enfin la céré- monie , jusqu'alors contiidérée comme un contrat inviolable , de fumer le calumet de paix avec la nation. A partage de pouvoir, par droit de succession et d'élection, ces assemblées délibérantes, présidées par le chef héréditaire , sont déjà mentionnées par Charlevoix, dans sa des- cription du Canada, comme aussi elles se retrouvent dans les premiers âges de la Chine et de la Gennanie. On pourrait remarquer encore d'autres traits de ressemblance entre les usages de ces peuples si éloi- gnés. Mais de u tout esprit philosophique conclura seulement que H l'analogie des situations impose à l'homme des coutumes et des mœurs <t analc^es , dans les.contrées, et aux époques les plus distantes '. n

La richesse principale'des Aricaras consistait en chevaux qui paissaient en troupe autour du village, et provenaient, en grande partie, des bandes de chevaux sauvages, errant dans les plaines environnantes. Le cheval a été introduit au Pérou et au Mexique, par les Espagnols, lors de la conquête, et pour ia conquête. De là, il a passé chez les Indiens par voie de rapine, et son acquisition a changé leurs mœurs. Acheter , et plus souvent voler des chevaux dans les autres tribus , s'en servir pour aller chasser au loin le buffle et le daim , afin de vivre de leur chair et vendre lem* peau , telles sont les occupations de l'Indien qui habite ces contrées. Rentrés au camp , les hommes se reposent, cau- sent entre eux, et jouent à des jeux de hasard, pour lesquels ils sont pas- sionnés. C'est la femme qui lait tout le travail domestique; et, quoique sa condition soit fort dure , elle est pourtant moins malheureuse de- puis que le cheval est venu la soulager. It l'a au moins déchaînée des ^rdeaux accablants qu'elle portait autrefois pendant les marches de ces tribus. Elle n'est plus bête de somme , comme chez les Indiens du nord , oùHearne, Mackensie, Franklin même, l'ont vue, succombant sous la brutale exigeance du maître dont elle partageait la couche. Le cheval, amené par l'Européen pour conquérir, sera aussi le dernier auxiliaire de

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éi , comme lui aussi , il épuisQ en peu d* années ce noble animal par brutal usage qu'il &it de ses forces et de son ardeur.

Le village des Âricaras, entouré de ses troupes de chevaux, et tout composé de huttes coniques , ressemblait aux camps des Bédouins ou des Tartanes. Ses sauvages habitants vivaient en proie à la crainte conti^- iiuelle d*être surpris par les Sioux, leurs mortels ennemis. Pendant le court séjour de M. Hunt, trois ou quatre alarmes furent données. Aussitôt, les femmes et les enfants jetaient des cris d'épouvante, et les hommes se disposaient au combat. Il n'y eut cependant point d'attaque. Les arri%fints étaient des guerriers de la même tribu , qui amenaient des chevaux volés par eux pour vendre à M. Hunt, ou revenaient d'une expédition contre les Sioux, dont ils étaient sortis victorieux. Uentrée des vainqueurs fut célébrée par une sorte de cérémonie triomphale. Un d'entre eux, des plus jeunes, mortellement blessé, la soutint jus- qu'au bout, puis expira parmi les cris de joie. Mais , après , les mères des morts allèrent les pleurer sur une colline voisine , hors de la vue des vainqueurs. Leurs tristes accents, prolongés dans le silence de la nuit , rappellent à M. Irving les lamentations de la Rachel biblique. Même situation , mêmes doule^ !

Le 18 juillet 181 1, M. Hunt quitta les Aricaras; puis, tournante l'ouest, il entra avec ses hommes et ses chevaux dans la région de ces plaines immenses et nues , au sol de sable , aux oasis rares , et sans habitants fixes, qui s'étendent jusqu'au pied des montagnes Rocheuses : on les a nommées, avec raison, le grand désert d'Amérique. Il y rencon- tra tous les obstacles que la nature et l'homme sauvage peuvent accumu- ler. A cette époque de l'année, ces plaines désertes sont presque partout sans eau. Un soleil brûlant les dévore d'une ardeur qui serait intolérable si quelques brises, descendues des mentîmes , ne venaient parfois la tempérer. On n'y trouve point d'arbres, si ce n'est dans quelques vallées rarejB et distantes , stations de repos souvent inévitables, mais toujours périlleuses par la présence de l'homme ou par ses embûches. Hors de ces oasis , le peu d'aliments que fournit la chasse des buffles sauvages , lorsqu'elle est heureuse, doivent être cuits avec les résidus séchés de la fiente de ces animaux. Malheur au voyageur qui s'écarte de la vue de ses compagnons dans ces steppes uniformes , la route qu'il faut suivre n'est rappelée à la mémoire par aucun accident du sol I Trois chasseurs de l'expédition furent aihsi perdus durant six jours ; ils errè- rent pendant tout ce temps au hasard, courant sur leurs chevaux à travers le désert, sans aucune notion de route quelconque. La fortune seule les ramena enfin sur les traces deleurs compagnons , qu'ils suivi*

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rent dèi lors et purent rejoindre , en la guidant sur les grands feux que M. Hunt faisait exprès allumer toutes les nuits pour les rappeler. Heureux encore den'avoir rencontré que le désert I ^

. La première bande dlndiens qui se trouva sv le passage de la cara- vane avait déjà eu quelques rapporta avec M. Hunt, par les députés qu'elle avait env^^és au cantonnement des Aricaras. f^le était campée dans un petit vallon , et appartenait À la tribn des Indien» Chiens, tribu devenue errante après voir eu loi^rops des habitations fixes sur la rivière Eouge. Chassés par les Sioux, cea infortunés avaient perdu leurs anciennes habitudes et même leur ancien nom. Car-^ s'appdaiçrtt autre- fois Ttdiaways ; et la dénomination de Chiens leur était venue du nom d'un a£QueDt du Missouri, de la rivière des Chiens, près de laquelle ils s'étaient retirés. La handerencontrée se OHnpOBaitde cinquante hommes, vêtus de peaux de buffle , tous à cheval , et passant les nuits sous des toites de peaux. Ils se réunirent aux chasseurs blancs pour làîre une battue, oit l'on tua grand nombre de daims et de buffles que la saison du mt r«idait plus faciles à approcher.

. Cette horde était trop faible pourêtreoffensive. Mais les plus redoutés des coureurs du désert étaient les Indi^ ComeUies, pillards féroces, qui , d'wprks les récits récents du capitame Bonoevilie , exercent encore aujourd'hui leurs brigandages dans la plaine du Missouri. Cachantleurs femmes et leurs enfants au fond de quelques vallées intérieures des mont^nes Rocheuses, leshommes de cette horde sontcontioudlement en course pour piller la plaine et reporter leur butin dans la montagne, vdtigeant ainsi que les oiseaux rapaces dont on leur a donnéle nom.Us cherchent surtout h voler des chevaux qu'ils vendent aux tribus du bas Missouri pour des iiisils , de ]a poudre, el d'autres produits apportés par les blancs. En sortant du territoire des Sioqx, la caravane de M. Hunt ratra dans les districts de cette borde dangereuse, et l'on ne

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et lai lUstiftuaient les coups de fouee avec une prodigftiité vraimeilf indienne : il ne savait pas encore parier.

La terreur que ces brigands inspirent , jointe à Taspect désolé des rocs qu'ils habitent, et aux scènes de destruction que paraissent y opérer souvent des convulsions géologiques dont on ne connaît pafs bien la cause , ont feit attacher à ces solitudes une foule d*idées superstitieuses qui en rendent le passage plus redoutable. En les quittant, M* Hunt s'engagea data les défilés d une autre chaîne plus hatlte , désignée par le nom de Bighom, Ici la marche de la caravane devenait de plus eil plus pénible par les continuels accidents d*un sd en ruines , par le froid qui commençait à les assaillir, et par Tincertitude d'une route sans guide, orientée seulement sur le soleil, Ken rarement^ au fond de quelque gorge, un cours d*eau ranimant un peu de végétation, ofirait aux chevaux ainsi qu'aux hommes un point de repos.. Un malin, au sortir d'un défilé, on aperçut une bande d'Indiens, à i'aépect fkrouehe, postés en observation sur les hauteurs. Mais la terreur les y fixait plus que l'hostilité. Cétaient des bandes détachées de deul tribus , appelées les Tétes-Plates et les Shochony s, autrefois nombreuses, maintentfntréduites et opprimées. Les Shochonys appartenaient & la grande et ancienne nation des Serpents « qui jadis étendait ses chasses dans tout le pays compris entre les deux bras du haut Missouri. Une nation voisine , les indiens Pieds-Noirs , leur disputa ce territoire giboyeux. Us soutinrent longtemps la lutte avec des succès divers. Mais les Pieds-Noirs qui com- merçaient avec la compagnie de la baie de Hudson , en reçurent des fusils, et les Serpents essayèrent en vain (f en obtenir des Espagnols du Mexique avec lesquds ils étaient en relation. Dès lors» la résistance leur devint impossible. Us durent abandonner leur pays; et , se cachant dans les gorges les plus âpres des montagnes Rocheuses, ils devinrent une race timide et abâtardie par le malheur. Ceux d'entre eux qui n'ont plus de chevaux vivent misérables et solitaires , dans des retraites inaccessibles , comme des sortes de gnomes, se nourrissant des poissons qu'ils prennent dansles torrents, et de quelques racines qu'ils arrachent à cette terre désolée; ce qui leur a fait donner, par mépris, le nom injurieux de mangeurs déracines. Ceux qui ont gardé quelques chevaux s'appellent Shochonys , et vivent encore en troupe. Pendant le prin- temps et l'été, ils passent sur le versant occidental des montagnes Rocheuses pour pécher le saumon qui remonte le Rio Colorado de la Califoniie , ou la Coiombia de fouest. A l'automne , ce poisson dispa- raissant, ils se joignent aux Têtes-Plates de ces montagnes pour tenter quelques chasses dans les prairies situées à l'est', au pied de U chaîne.

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Mais ils o'y descendent qu'avec la continudle terreur d'y rencontrer les

terribles Pieds-Noirs.

La bande qui se trouva sur le passage de M. Hunt était en marche pour une de ces expéditions dangereuses. On peut penser s'ils fu- rent heureux - de rencontrer un parti de blancs armés , qui ne leur voulait aucun mal. On se réunit pour chasser , et on se sépara après qudquesjoursde bonnes relations. M. Uupt continua sa. marche.par les sources de la rivière Bi^om , de celle des Pierres jaunes , et du Rio Colorado. Mais, au lieu de se diriger toujours droit à l'ouest, comme c'était sa route , il fiit encore souvent contraint de s'écarter au nord et au sud , en quête de gibier ; car ce n'était pas chose facile de nourrir une troupe de soixante hommes dans ces solitudes. Enfin , le i /i septembre 1811, un des guides montraà l'horizon, dans l'ouest, trois pics neiges, - d'où il annoBça quç, sortait la source de la Colombia. Ces pics , connus aujourd'hui sous le nom des Trois-Tctons , furent salués comme le phare du port, toutes les peines allaient finir; ils étaient toutefois encore à plus de trente lieues , et la marche , continuée sur ce sol grani- tique, ne cessait pas d'être horriblement pénible. Mais l'espoir, ranimant tousles courages, fit oublier les misères passées; et, douze jours après-, le 26 septembre 181 1 , la caravane campait au pied de ces pics , sur les bords d'un cours d'eau rapide ^Lie les guides reconnurent pour un afOuent de la Cotomhia. Les hardis voyageurs se trouvaient donc enfin sur le versant occidental des montagnes Rocheuses. Cette muraille de granit que l'on avait pu croire înfi^nchissable , était mafbtenant der- rière eux. M. Hunt laissa reposer sa troupe, dans celte situation , pendant cinq jours , puis commença de descendre vers l'autre océan, terme de ses efforts. Nous le suivrons une autre fois dans cette dernière partie de sa courageuse entreprise, et nous dirons quel fut le fi-uit, quel sera l'avenir de la nouvelle voie qu'il venait d'ouvrir au commerce ainsi qu'à la civilisation.

BIOT et ÉnouARn BIOT.

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nition an98Î vague, Tbéopfaraite « pu toor i tonr itt« compté pttnni ceux qui oDt r^ardé le coraiY comme an« pierre, et parmi ceux qui l'ont regardé comme une plante. EKoscorids astf^us expâlcitei «Le ooratï, «dit-il, eat mi arbrissefia marin, qai, étant tiré-de la mer, aedorcit « aussitôt à i'air. » Pline copie Dioscoride : le conùl est un arbrisseau qui se cbireit et roagit dès qu'il est retiré de l'eau ; a il suffît même de tou- « cher le corail encore TÎTant pour le pétrifitf . » Oride arait déjà dit ;

( Sic et coralitim , quo primam coatlgït aum

Tempora , diveacit : sodlii fuit herba tvb undîs.

Toutes ces opinions, ou {dutôt tontes ces erreurs des anciens ont été loi^emps partagées par les modernes, et 0 a fallu bien des obserra- tions pour les détruire. Peyssonnel trace d'une manière assez nette le progrès de ces observations.

Le chevalier Jean-Baptiste de Nieolaî, préposé k la pèche du corail sur les côtes de Tunis ,- fit plonger exprès , «i 1 585 , un pécheur à ijui i7 ordonna, dit Peyssonnel, d'arracher le corail, et d^observer s'il ébat mol on dar. Cet homme affirma que le eoraH n'était pas moins dar dans la mer que dehors. Le chevalier de Nicolaï ne s'en tint pas là; il jrfongea lui- même ayant que les filets fussent retirés de la mer, et il s'assura que le corail était aassi dar dans Teaiifa'iV Tuf après avoir été exposé à l'air ^.

En 1 6 1 3 , Ong de la Poitier, gentilhomme lyonnais, confirma fôb- servation du dievaliorde Nicolaï-, celui-ci avait dit, de plus, que lors- qu'on pêche le corail ^fcfcement (c'est l'expression de Peyssonnel), il rend ane liqueur laiiease. En iBih, Peiresc compare cette tufoear leâteose au lait dujigiiler; et il ajoute cette circonstance remarquable, savoir, que les branches du corail, tirées de la mer, ne sont roages et polies qae hrsqa'on en ôte Fécoree, laquelle est molle et souple à la main '.

Tous ces faits curieux sont exacts; et, rapprochés, ils pouvaient expli- quer déjà bien des contradicrions des divers auteurs : les uns prenant le

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qu'elle est dans Teau, et sa prompte dessiccation dès qu'elle est à Tair, ex- pliquaient asse4 et comment le corail pouvait paraître mou sous Teau , et comment il semblait se pétrifier dès qu'il en sortait.

En 1671, des recherches plus approfondies de Boccone mirent tous ces faits hors de doute : la dureté constante du corail dans l'eau comme à lair, l'existence de son humeur laiteuse, la mollesse exclusive de son écorce, la prompte dessiccation de cette écorce par l'effet de Pair, etc. «Quant à la question que Ton fait» dit Boccone, savoir si le corail (('est tendre dans l'eau... Je mis la main et le bras dans la mer pour « éprouver s'il était tendre dessous l'eau avant qu'il fôt venu k Pair ; mais «je le trouvai tout à fait dur, excepté à ses extrémités... Ces extrémités, «ajoute-t-il, sont gonflées, tendres et rendent une petite quantité u d'humeur lactée, semblable en quelque façon au laiteron ou au tithy- « maie ...» H dit encore : « La croûte ou tartre coralin , lorsqu'il sort « fraîchement de la mer est mou , glissant et presque huileux; et je m'i- i( magine que c'est en s'arrètant à cette superficie qu'on a dit que le « corail est mou sous l'eau , mais autrement de li à avoir disséqué , on « ne pouvait observer le dessous de la croûte qui est pierre ^ »

Boccone regarde eu effet le corail comme une pierre ; il ne veut pas que ce soit une plante, et il en donne de très-bonnes raisons. Le corail , dit-il, n'a ni fleurs , ni feuilles , ni graines, ni racinea, etc.; il ne croît pas pàT intassasception f mais par addition départies, pdiV juxtaposition , additione partis ad partem, etc.; il est donc lien éloigné da genre des plantes, et doit être mis soas le genre des pierres. Eln dépit de ces raisons (qui du reste ne touchaient qu'à la partie pierreuse , à la partie morte du corail et non à sa partie vivante), la plupart des naturalistes n'en persistèrent pas moins à regarder le corail comme une plante ; et cette dernière opinion devint bientôt plus générale encore , grâce à l'autorité imposante de Tournefort^. On sait que ce grand botaniste voyait des plantes qui vé- gétaient jusque dans les pierres les plus communes, et l'on se rappelle ce mot si joU de Fontenelle : a II seinble qu'autant qu'il pouvait, il trans- « formait tout en ce qu'il aimait le mieux. »

Enfin, Marsigli ayant publié, vers le commencement du xvii* siècle^, sa fameuse découverte àesjleurs da corail, l'opinion de Boccone, qui ran- geait le corail panni les pierres, perdit toute faveur, et le corail dont on connaissait déjà ïécorce^ dont on connaissait un suc laiteux semblable à

* Boccone : Recherches et observations natarelles touchant le corail, la jnerre itoilée, les pierres de figure de coquilles, etc, * Tournefort: Éléments de Botanique, 1694- -*- ' Soo Histoire physique de la mer txeei me de 1736; mais la puMicatîon de sa découverte est de 1 70& ; iénuna sa Lettre à 1 abbéJBignon , Lettre qoe je cite ici

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celui de plusieurs plantes, et dont on venait de découvrir les^ars, pa- rut une fois encore, et, cettefois-ci du nsoins, rendu sans retour au rè^e végétai.

Cette belle découverte àesjteurs da corail (belle malgré l'erreur de Marsi^i (car ces ^ars de Marst^U ce sont les animaux , les orties de Peyssonnel) , cette belle découverte lïiarque dans l'étude du corail une véritable époque. La lettre, datée du i8 octobre 1706, par laquelle Marsigti l'annonce à l'abbé Bignon, président de l'Académie des Sciences, est d'ailleurs remarquable sous tous les rapports, a Je vous envoie , dît u Marsïgli à l'abbé Bignon , l'histoire de quelques branches de corail qui « sont lûBtes coavertes dejlears btaaches..,. Cette découverte fortuite m'a u presque fait passer pour un sorcier dans le pays , n'y ayant jamais eu « personne, même parmi les pêcheurs, qui ait vu semblable effet de la unatm-e....)»

Voici à quelles circonstances il avait cette découverte. « Dans la Il pensée qu'il était important, dit-il, de conserver une branche de Il corail dans unâ humidité suffisante , pour pouvoir observer dans le u cabinet et hors de fagitation tout ce qui appartenait à l'écorce , j'avais H eu soin de porter avec moi des vaisseaux de verre que je remplis « de la même eau l'on avait péché , et oji je mis quelques-unes de «ces branches.... Le lendemain matin, je trouvai mes branches de (•corail toutes couvertes de fleurs blanches de la longueur d'une CI ligne et demie , soutenues d'un calice blanc d'où partaient huit rayons II de même couleur , également longs et ég^ement distants les uns des «autres, lesquels formaient une très-belle étoile, semblable , à la gros- iiseur, à la couleur et à la grandeur près, au girofle. (Nota, dit ici i( Peyssonnel , ce sont cesfiears (fo'm a reconna depuis être les orties , insectes Il coralins.) «

Marsî^i raconte ensuite comment, ayant retiré le corail de l'eau pour

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en fit d'abord autant. Instruit de ce qu'avait vu Marsigli et de la manière dontil s y était pris pourle voir, il fit placer, à mesure qu*on les péchait , plusieurs branches de corail dans des vases de verre remplis d*eau de la mer. Aussi vit-il les Jleurs de Marsigli, et les vit-il disparaître dès qu'on les sortait de Teau, reparaître dès quon les y replongeait; il les vit même se retirer dès qu'on les touchait; et, chose presque incroyable, il ne soupçonna pas que ces corps singuliers qui sortaient, rendaient, qui se retiraient dès qu'on les touchait, pussent ne pas être des fleurs.

Ces premières observations de Peyssonnel sont en effet de 1 72 3; et en 1 y 2 4 il envoie une dissertation à l'Académie, dans laquelle il soutient encore que le corail est une plante. Enfin , en 1728, se trouvant sur les côtes de Barbarie, chaîné des instructions de l'Académie pour l'his- toire naturelle, il reprit les observations qu'il avait commencées en Provence, et cette fois -ci la lumière se fit; la prévention fut moins forte que l'évidence. Il vit fleurir de nouveau le corail dans des vases remplis d'eau de la mer , et il reconnut que « ce qu'on croyait être la « fleur de cette prétendue plante n'était , au vrai , qu'un insecte sem- ublable à une petite ortie ou pourpre... Cet insecte, continue-t-il , sé- « panouit dans l'eau et se ferme à l'air, ou lorsqu'on verse dans le vase n il est des liqueurs acides , ou lorsqu'on le touche avec la main , ce « qui est ordinaire à tous les poissons et insectes testacés d'une nature « baveuse et vermiculaire. » Peyssonnel ajoute : a J'avais le plaisir de a voir remuer les pattes ou pieds de cette ortie ; et ayant mis le vase «plein d'eau le corail était, auprès du ^u, tous ces petits insectes u s'épanouirent. Je poussai le feu et fis bouillir l'eau, et je les conservai épanouis hors du corail ; ce qui arrive de la même façon que quand on « fait cuire tous les testacés et coquillages tant terrestres que marins. )>

Latfsons de côté ces expressions confiises de poisson, d'insecte, d'ortie, de pourpre, etc., toutes expressions mal déterminées alors, et qui, même pour les zoologistes proprement dits, n*ont reçu une signification pré- cise que beaucoup plus tard ; et venons au fait, savoir , à l'animaUté des fleurs du corail et de son écorce, et l'on conviendra que ce beau fait ne pouvait guère être démontré d'une manière plus évidente. Mais écoutons encore Peyssonnel* a L'ortie sortie étend, dit-il, ses pieds tt [c'est ce que l'on a appelé depuis les bras du polype), et forme ce que « M. Marsigli et moi avions pris pour les pétales de la fleur du corail ; « le (!alice de cette prétendue flem* est le corps même de l'animal avancé (( et sorti hors de sa cellule. » Jl dit plus loin : « Lorsque je pressais Té- «corce avec les ongles, je faisais sortir les intestins et tout le corps de (d'ortie qui, confus et mêlés ensemble, ressemblent au suc épaissi qui

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u sort des glandes sébacées delapeau.sll remarque enfin que, «l'écorce (I ou gîte des orties (c'est l'expression dont il se sert) est absolument néces- Il saire k la croissance du corail , et que , dès qu'elle manque , il cesse de H croître et d'augmenter, sans changer de nature. » ^

On savait déjà que la seule partie vivante du corail était son écorce-, et c'est même sur ce fait, depuis un assez long tefops généralement reçu , que Réaumur avait bâti son système mixte , lequel consistait à re- garder le corail en partie comme pierre et en partie comme plante. Cette écorce, la seule partie végétale du corail selon Réaumur , est pour Peyssonnel le gîte des orties oa insectes coraUns. Tout était donc trans- formé : l'écorce végétale de Réaamar en gîte des orties , et lesfears de Mar- sigli en ces orties mêmes.

De retour de Barbarie et riche de ces belles observations , Peyssonnel se hâta de les faire parvenir k l'abbé Bignon à qui il avait ordre de s'adresser pour tout ce qui concernait son voyage. L'abbé Bignon les remit à Réaumur qui répondit à Peyssonnel le 2 juin 1726.

H Je pense, comme vous, que personne ne s'est avisé jusqu'à présent « de regarder le corail et les Htbophytons comme l'ouvrage d'insectes. H On ne peut disputer à cette idée la nouveauté et la singularité ; mais Il je vous avouerai naturellement qu'il ne me paraît guère possible de Il l'établir dans la généralité que vous voulez lui donner : les litbophy tons 11 et les coraux ne me paraîtront jamais pouvoir être construits par des « orties ou pourpres, de quelque façon que vous vous y preniez pour «les faire travailler. J'ai déjà proposé verbfdement une partie des diflî- K cultes que j'y trouve à l'Académie, et peut-être les donnerai -je par écrit. u Je ne crois pas que , par rapport aux coraux , il y ait un autre système (là prendre que celui dont je vous ai paHé autrefois, savoir, que leur Il écorce seule est plante à proprement parier, et que cette plante dépose « une matière pierreuse qui forme la tige nécessaire pour la soutenir ; « alors je vois toutes les difficultés disparaître siu* l'ot^nisation qui

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Peysflonnel, nommé, dès 1726, médecintbotaniste pour la Guadeloupe, se rendit immédiatement dans cette ile, d autres études , et, en par- ticulier, Tétude de la lèpre, maladie sur laquelle il a écrit un Traité ex- près, rempêchèrent pendant longtemps de revenir à ses premiers travaux.

Quoiqu'ilen soit, ni Textrême réserve de Bernard de Jussieu, ni le ton mêlé d'ironie de Réaumur, ni les objections de ce derniei", rien n'avait pu le décourager ni ébranler sa conviction. Il avait observé longtemps et bien ; et il savait que, pour prononcer sur la véritable na- ture des corps marins ^ il avait du moins un avantage sur les deux grands naturalistes qui viennent d'être cités, c'est qu'il avait étudié ces corps dans la mer, lorsqu'ils sont encore dçns leur état naturel, dans leur état frais , et non plus ou moins défigur(\4, plus ou moins mutilés dans toutes leurs parties vivantes , comme, les offrent nos cabinets. Il reprit donc enfin ses premières observations sur les corps dont il s'agit, et, f assure, dit-il, amr tov^ours trouvé. sur tous ces corps, hs orties vivantes, suivant leurs espèces, u Qu'on me le nie, ajoute-il, je conduirai les încré- « dules sur les lieux et leur démontrerai tout ce que j'avance. »

se termine ce qu'il y a de réellement neuf dans la première partie de l'ouvrage de Peyssonnel. Le surplus se compose d'observations , ou plutôt, de dissertations sur la distillation du corail\ sur son lait; sur ses différentes espèces; siu» les vers qui le piquent et le carient; sur les lieax on le pêche et sur la manière de le pêcher; sur la manière de le polir et de le travailler; sur le commerce qu'on en fait; sur ses vertus et sur son usaqe dans la médecine, etc.

L'intérêt recommence avec la seconde partie. J'en ai déjà transcrit le titre tout entier. L'objet de l'auteur est d'y confirmer sa découverte sur le corail par ce qu'il a vu de semblable sur les tuyaux vermiculaires , les madrépores, le» lithophytes, etc.; et d'y prouver a que tous ces corps « marins sont produits par des animaux, et qu'ainsi ils doivent être ôtés c( de la classe des plantes pour être placés dans celle des coquillages. »

U commence par les tuyaux vermiculaires, déjà mis au nombre des animaux par la plupart des naturalistes ^ par Rondelet^, par le père Buonanni^, etc. Le chapitre suivant, sur les madrépores , a plus d'impor- tance; la découverte de l'animal du madrépore est presque, en effeV du même rang que celle de l'animal du corail; elle est d'ailleurs de la même date. Réaumur, dans son Mémoire de 1727, dit : u L'auteur du nou-

^ Et rangés de nos jours parmi les annélides et les moUasques des genres dentales et serpules, * Histoire entière des poissons, i558. ' Recreatio mentis et oculi in dbservatione animaliam testaceomm , 168Â.

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« veau système [car il ne nomme pas Peyssonnel, par ménagement) , a «aussi observé que ces Ûeurs qu'on avait découvertes sur le corail, se «trouvent dans les nîadrépores et dans les autres productions pier- ttreuses, et c'est une observation dont on doit lui savoir gré. Mais, «continue Réaumur, au lieu de les prendre pour des fleurs, il les re- «garde comme des insectes du genre appelé orties de mer^. n

Peyssonnel avait bien compris tout ce que la découverte de l'animal des madrépores ajoutait de force à la découverte de l'animal du corail-, u c'est ici que je place, dît-il, la preuve évidente de mon nouveau sys- K tème. n n dit encore : u Cette nouvelle découverte des orties ou pour- n près , qui forment les madrépores , résout toutes les difficultés qui se « présentent pour expliquer la nature de ces corps .... Il ne sera plus «besoin de les observer chacun en particulier pour juger, par une «juste conséquence, que tous les autres de même nature doivent être u paiement formés , . , . Par une étude particulière sur chacune de ces «productions, continue-t-il, on obsen'cra de petites différences dans u cbaque espèce, qui ne changeront en rien l'ordre ni le mécanisme gé- Huénd qui régnera toujours le même. »

Les madrépores, comme le corail, avaient tour à tour été placés parmi tes pierres et parmi les plantes. C'est en 1725, et sur les côtes de Bar- barie,que Peyssonnel reconnut pour la première fois l'animal des ma- drépores^, ou ies^nrs des madrépores, comme Réaumur voulait que l'on s'eiprimât encore en i-jij.H observa que «les extrémités ou sommets Il du madrépore étaient mollasses , tendres et remplis d'une mucosité «gluante et transparente. .. . Ces extrémités étaient d'une couleur «jaune et avaient cinq  six lignes de diamètre. ...» Il vit l'animal (I niché dedans dont le cœur ou centre s'élevait parfois au-dessus de la

« surface , s'ouvrait , se dilatait comme la prunelle de J'œil J'avais

u le plaisir , continue-t-il , de voir remuer toutes les pattes ou pieds , de « voir agirle cœur ou centre: enretirant le madrépore de l'eau, je voyais

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invinciblement, et par la seule force de Tanalogie. Marsigli avait dé- couvert les jî^ars du corail : a Cette découverte, dit Peyssonnel, me con- <( duisit à celle des orties corallines; de je passai aux orties des madré- a pores , et de celles-ci je vins à la découverte de celles des millepores. »

Observant les millepores, tantôt dans la mer et tantôt dans des vases pleins d*eau, il reconnut que , comme les madrépores, ils étaient enduits d'une viscosité gluante; en ayant ensuite exposé quelques-uns à une "chaleur douce, «il vit sortir de chaque petit trou des corps mollasses u qui allongeaient en dehors de petits pieds, blancs aux uns, jaunes aux «autres; les pieds remuaient et s'éparpillaient çà et là; ib avaient une « vie sensitive. Dès que je les touchais ou voulais retirer les millepores ude l'eau, je voyais tout disparaître; ils rentraient dans leurs trous et (( dans lem's cdlules .... Je cassai ces millepores, et je distinguai alors (( les petits poissons nichés dans ces cellules , oii ils sont adhérents aux «parois; car, en séparant doucement ces pièces rompues, je sentais de «la résistance, je détruisais ces petits poissons, tout devenait con&s; « ce qui me persuada qu'ils étaient d'ime nature semblable à celle des

«orties que j avais observées dans les madrépores Les pieds (dit-

«il encore) sont à l'entrée du trou. . . Ce sont ces pieds que je voyais «remuer et sortir, ce qu'ils font pour prendre leur noiuriture; ils dis- « paraissent après et se recoquillent dans leur gîte . Comme j'avais « conservé les madrépores, je conservai de la même façon les millepores; «ils vécurent quelques jours dans l'eau de la mer je voyais leur «mécanisme et leur jeu; je n'ai pu les conserver hors de leiu* gîte, « quelque soin que je me sois donné, n

Les Uthopkytes^ , par leur mollesse et leur flexibilité, paraissent, au premier coup d'œil, s'éloigner beaucoup du corail, des madrépores, des millepores; ils n'en sont pas moins le produit d'animaux de la même classe. Peyssonnel constata d'abord que la croûte tartarease qui enve- loppe les liihophjtes est semblable en tout à celle du corail, H reconnut ensuite que les lithophytes ont les mêmes orties que le corail, et que ces orties ont le même jeu, la même écorce, les mêmes trous ou pores à cette écorce, etc. ; et « s'il n'est pas extraordinaire , dit-iJ , de voir les orties « corallines donner une matière pierreuse,, il ne Test pas davantage de voir « les orties lithophytones en donner une d*une nature semblable à celle de la « corne, ou, pour mieux dire, à celle de llécaillede la tortue (du Caret). »

Peyssonnel termine son beau travail par l'examen des corallines et des éponges. Mais d^abord, pour les corallines, il convient lui-même que ses observations sont loin d^avoir une justesse à pouvoir entièrement syjier;

^ Les Uthophytons de Peyssonnd , ou gorgones des zoologistes modernes.

1^ JOURNAL DES SAVANTS.

il n'avait pas de microscope; et nies occasions, ajoute-t-il, ne lui ont « pas été aussi favorables que pour les madrépores et le corail. » Et , quant aux éponges, il se trompe complètement en prenant, pour l'ani- ma! propre de l'éponqe, de petits vers', qui ne s'y trouvent qu'accidentel- lement , et qui , selon lui , en construiraient les li^es ou cellules , comme les abeilles construisent les cellules de leurs gâteaux^.

Je termine ici cette analyse, dans laquelle je ne me suis attaché qu'aux seules parties originales de l'ouvrage de Peyssonnel. L'ouvrag* même gagnerait beaucoup, s'il devait jamais être imprimé, à être pui^é de toutes ces dissertations conlîises , de toutes ces compilations indigestes, sous lesquelles l'auteur semble avoir pris à tâche d'étouffer les observations les plus neuves et tes plus heareuses. Mais ce n'est qu'un défaut de forme ; je ne parle pas non plus de l'extrSme n^Ugence et de l'incorrection souvent presque barbare du style. Il y a , quant au fond , un vice beaucoup plus grave ; c'est que Peyssonnel s'est arrêté trop tdt dans l'étude des animaux singuliers qu'il a le premier fait con- naître aux naturalistes. Il ne donne rien ou presque rien sur leur anato- mie; et cet étonnant caractère, qui fait, de ces animaux, des animaux composés, lui a échappé presque entièrement. C'était pourtant, c'était dans cette étrange nature animale que ■se trouvait la solution des plus graves difficultés qu'on lui opposât.

«Les Uthophytom et les coraax, lui avait écrit Réaumur, ne me parai- « tront jamais pouvoir être construits par des orties ou pourpres , de « quelque façon que vous vous y preniez pour les faire travailler. » Jusque dans la préface du VI' volume de ses Mémoires sur les insectes, publié en 1 7 i a , Réaumur revient sur cette difficulté, a La grande diffi- (c culte , dit-il , celle sur laquelle j'ai le plus insisté , et qui me paraissait "insoluble, c'était d'expliquer comment des insectes pouvaient cons-

' Des /V^ereù, lesquels se trouvent daos tous les loopliites mous. Granl : Observations

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utruire les corps pierreux Air lesquels on les trouvait; comment de u pareils corps pouvaient résulter de plusieurs de leurs cellules ou co* <( quilles réunies ; et c*est une di£Eiculté que M. Peyssonnel a laissée dans « son entier , et par rapport à laquelle il était impossible alors d'en- «trevoir aucun dénoûment. » Dans son mémoire de 1737, il T avait reproduite encore. « Enfin , y dit-il , eûtK>n rendu plus probable ce sys* «tème singulier (cest toujours ainsi qu'il appelait alors le système de <( Peyssonnel) , on se verrait forcé à Tabandonner , dès qu'on penserait à (( l'impossibilité qu'il y a de faire bâtir, par des insectes, des corps telsque « le corail et les autres corps qui portent le nom de plantes pierreuses. « Aussi ne parait-il pas que l'auteur ait pu rien imaginer sur cela qui le «satisfasse, ou rien à quoi il croie pouvoir s'en tenir. Quelquefois, (( ajoute Réaumur , il semblevouloir que les madrépores ne soient que dif- iiférentes coquilles réunies, quelquefois qu'elles ne soientquuaseulcofluillage, »

On voit , par ces derniers mots de Réaumur, combien Peyssonnel touchait de près â l'idée qui, mieux débrouillée, devait répondre à toi^ savoir : que ces animaux sont en effet des cuiimaux composés , plusieurs animaux qui n en font qu'un, plusieurs animaux liés par un corps commun. Peyssonnel dit «que ces animaux peuvent naître tellement joints, qu'ils «semblent faire un seid et même corps; )> il dit que fécorce est le gite des orties; il remarque qu'elle est vivante : de tout cela à l'idée expresse, à l'idée nette que ces animaux sont des cmimaux composés, il n'y avait qu'un pas ; mais ce pas ne devait pas être fait encore ; et même , dans cette branche nouvelle delà science , ce n'était pas le premier qui dût être fait.

En lyAo, Trembley découvrit la faculté singulière par laquelle un polype, coupé en deux ou plusieurs morceaux, forme autant de polypes que de morceaux, et la faculté plus singulière encore par laquelle deux polypes, étant tenus rapprochés pendant quelque temps, finissent par se souder et n'en former plus qu'un seul. Il découvrit, en lyAi» que» outre cette manière de se multiplier par la section de leurs parties , les polypes en avaient une autte et non moins extraordinaire , celle de se multiplier, comme les plantes, par bourgeons ou par rejetons.

Ces faits étonnants frappèrent tous les esprits, et ramenèrent Tatten- tion sur les découvertes déjà oubliées, ou à peu près, de Peyssonnel. Les polypes de Trembley rappelèrent les animaux des coraux et des madré- pores. En 1762, Bernard de Jussieu se rendit sur les côtes de Norman- die; il examina plusieurs productions marines* prises jusque-là pour

^ Particulièrement la main de mer. Son mémoire a pour titre : De quelques pro- ductions marines qui ont été mises au nombre des plantes, et qui sont l'ouvrage d'une sorte d'insectes de mer. Mém. de TAcad. des Sciences, l'jl^^.

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des plantes, et confirma les observations tk Peyssoiinel. Guettard se rendit sur les côtes du Bas-Poitou'. Plus on étudiait de productions marines , plus on sentait le mérite des idées dePeyssonnel. On eut bien- tôt le bel ouvrage d'Ellîs surles coraZ/iFiej'. Réaumur fit, de son côté, une observation curieuse. Il vit que les pol^pej tfeoa doace à panache , pendant qu'ils sont jeunes, et encore très-jeunes, se multiplient par reje- tons comme les polypes de Trembley; mais avec cette différence <jai expli^ae clairement, dit Réaumur, la formation de ces polypiers qui res- semblent à des plantes, savoir , que le tr^aa da polype noaveaa-né reste toajoars greffé en quelque sorte sur le tayaa de celai qai lui a donné naissance. «C'est ainsi, continue-t-il , ^e nous avons vu se former des files de 0 tuyaux de polypes, greffés les mis sur les autres, que nous n'eussions « pas bésité à prendre pour des plantes, si nous ne les eussions pas sui- « vis dans le progrès de leur accroissement, et s'il ne nous eût pas été « pennis de nous assurer qu'ils n'étaient qu'un assemblage singulier de uxellules construites les unes après les autres , et habitées par de très- « petits animaux', n

Cependant ce n'était pas encore toute la vérité. Ou ne tenait pas encore ce grand fait, cette animalité composée, cette étrange nature d'a- nimaux 1 distincts, puisqu'ils peuvent être inpunément séparés les uns des autres; cine faisant ça'an, puisque ce que l'un d'eux mange profite k tous les autres et au corps commim. On ne tenait pas surtout ce sin- gulier mode de multiplication duquel résulte la composition, Fagrégation même de ces animaux. Dans les pofypes simples , chaque nouveau reje- ton, chaque nouveau polype se détache, à mesure qu'il se développe, du premier polype. Dans les polypes des coraur, de& madrépores , des miVepores, des lithophfies, etc., chaque rejeton, chaque jeune polype reste attaché à celui qui l'a produit, et celui-ci à une autre dont il est également venu, et tous entre eux, sans se séparer jamais.

Dès lors toutes les difficultés ont été . levées. L'agrégation de ces ani-

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particulière selon laquelle se fait la génération, le bourgeonnement, la gemmiparité dans chaque espèce de polype , a donné la raison de toutes les formes diverses des dépouiUes solides , des arbres , des plantes ma- rines, comme on a dit pendant si longtemps ^

Et l'on ne s'est pas arrêté \k ; des observations d'abord incomplètes de Gaertner ; puis des observations plus complètes de Gavolini , de Péron, de M. Lesueur, de M. Desmarets ; enfin, lejs observations admirables de M. Savigny ont appris que cette animalité composée se retrouvait jusque dans des animaiux beaucoup plus élevés dans l'échelle que ne le sont les polypes, et qui, comme M. Guvier l'a montré, par exemple, pour les ascidies composées de M. Savigny , pouvaient être revendiqués par la classe des mollusques.

Telle est cette suite d'observations et de découvertes qui, com- mençant à Peyssonnel et se continuant jusqu'à nos jours, a fait, de l'étude des productions mannes, une branche nouvelle de la science. Il parait, au reste, que Peyssonnel avait, pour l'étude de ces productions, le goût le plus vif. Il s'y était comme dévoué dès sa jeunesse; on sait qu'il avait voulu établir un prix, lequd aurait été distribué, chaque année, par l'Académie de Marseille, à l'auteur de la meilleure disserta* tion sur un point de TJdstoire natareUe de la mer. L'Académie refusa ce prix, se fondant sur ce que, constituée, comme elle l'était, Académie des Belles-lettres, elle manquait de juges compétents pour prononcer sur un point de science. Mais ce n'était qu'une pétition de principe ; car ce que demandait Peyssonnel, c'était précisément qu'elle devint aussi Académie des sciences, et qu'elle s'adjoignît des juges compétents.

n combattit la déeisiondel'Âcadémie dans une Gttre imprimée , adres- sée à BufFon et à Paubenton. Dans cette lettre, il parle avec grâce de ses propres travaux : « Tout honune , dit-il , les aurait pu faire comme moi ;

^ Reste la difficulté qui concerne le Uàt du corail. Peyssonnel prend ce prétendu kût pour le sang de l'animal. Donâti 8*exprime ainsi : « ai on regarde ail microscope «le polype contracté et caché, il ressemble à une goutte de lait; et tous les pécheurs du corail, même les plus exacts , croient que c'est effectivement le lait du corail, « d*autant plus qu'en comprimant Técorce, on fait sortir le polype, qui conserve tou- «jours Tapparence du lait. C'est pourquoi je pense que le lait du corail , observé pre- c miérement par Fexact André Césalpin , n*est rien que ces polypes. » Essai sur t his- toire naturelle de la mer Adriatique, Cependant, M. Milne-Ekiwards, qui a soumis Tanatomie de ces animaux à un examen plus détaillé, ne pense pas qu'il en soit ainsi. Suivant lui , l'apparence lactée des liquides qui s'écoulent , quand on presse le corail, tient uniquement aux nombreux ovules qui s'échappent alors et se mêlent à ces liquides; car, outre leur génération gemmipare, ces polypes en ont, comme on sait, une autre, laquelle se fait par des ovules, et explique leur dispersion.

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ti îl n'a fidlu qu'obserrer, r^arder avec attention, re&ire les observations, a s'assurer de ]a vérité par un travaU assidu ; d'ailleurs les pêcheurs , tes umatdots m'aidaient extrêmement; ils observaientaussi bieo que moi; « bien des petits riens qui m'échappaioit étaient remarqués par eux ; ils me disaient : voyee t^e ou telle chose, et, sur leur dire, je faisais « des attentions , je notais , je vérifiais. »

Ajotttons que, à l'époque Peysscmnel écrivait ces lignes, en 1^56, îl voyait enfin , après vingt ans de contradiction , ses découvertes adop- tées par tous les naturalistes, Réaumur n'avait pas attendu si longtemps ponrlui rendre justice, etpourla lui rendre complète. Dès 17Z13, il s'exprimait ainsi : « L'attâition qne M. Peyssonnel avait apportée à faire «ses observations aurait me convaincre plus tôt qae ces 0eurs, que n M. fe comte de Marsi^ avait accordées aux différentes productions tt dont nous venons de parier, étaient réellement de petits animaux '. » Peyssonnel a laissé ime relation de son voyage en Barbarie , laquelle est restée inédite, amsi que l'ouvrage curieux qui fait l'objet de cet article.

■0 s'appebit Jmji-Andrë, et non Jean-Antome, comme le dit ta Biogra- pfcie nnîtierjeffe, qui ne lui accorde qu'une simple note.

n avait réuni, en 1766, dans un petit vohime in-i a : l'iatraduc- tion de l'article des Transactions phUosçphvfoés sur l'ouvrage dont il vient d'être question; 3' Son prtget pour l'établissement d'un prix relatif A ^histoire natareUe de lamer: Sa lettre à BuSbn et à Dauhenton; et quelques obsereations $ar Us cearatUs de h mer, faites en différents endroits^.

FLOURENS.

' Préface lia tome Vf dt* Mémoim tur Ui iasaclei. ' Voici ie titre même de

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n'a pdnt encore été remise i llmprimerie royale. Dès que l'auteur aura fourni la copie , l'impresiion sera reprise avec activité. Nous pensons que cette notice com- plétera le v<dume ; car la féconde partie , qui eit entièrement composée et dont il ne reste que quelques feuilles à tirer , comprend 55 feniiles ou près de â5o pages , qui , jointes à 1 5o pages de la i" partie , donn«it déji un totu de 600 pages. Je dois profiler de cette occasion pour inviter les membres de l'Académie, qui se pro- poseraient de présenter à la commission (|udque> notices pour ia 1" ou le a* partie du tome XIV , à se mettre en mesure , en sorte que l'impresHon de ce tome puisse commencer aussilât que c^e du tome XIII sera terminée. La commîs.ii.'^n n'a en ce moment aucuns matériaux pour le XIV* tome : les longs d^ais qu'a éprouvés l'im- pression du tome XIH ont pu faire perdre de vue ce genre de travail; il y a lieu d'espérer que cet inconvénient ne se renouvdlera [dus , et pour cda il est à souhai- ter que la commission n'admette dorénavant aucune notice dont l'a rédaction ne soit complètement achevée. K l'on s'était conformé à cette mesure, l'impreasion dn tome Xm n'eût point été si longtemps suspendue par l'imperfection du travail de M. Rémnsat, dont il s'était contenté de soumettre le commencement à l'examen de la commission , et qui est resté longtemps incomplet par le décès prématuré de l'auteur.

Je passe à l'Histoire littéraire de France. Dans le cours des sis derniers mois de 1837, l'Impression du tome XIX de ce recueil a été portée de la p. 5/6 à la p. 793. I<a i'*partie de ce volume contient, ainsi que je l'ai dit dans le précédent rapport . des notices plus ou moins longues sur 117 auteurs qui ont écrit en latin ou enproae firançaise, et qui sont morts dans les années ia56 à ia85. La 3* partie, qui s'étend jusqu'à la page 630, fait connaître 89 troubadours qui vivaient àla même époque, et entre Icsquds on distingue Sorde] , Bertrand d'Alamanon, Boniface de Castellane. Blacasset, etc., etc.

L'histoire des Trouvères dusiii* siècle, continuée dans la 3* partie, a déjii atteint la page 793. Husieurs des articles qui la doivent étendre au delà delà page 83o, ont été lus à la commission et livrés à l'impression. Parmi tes uolices déjà imprimées, on remarque celles qui concernent Dema Pyrame, Pierre Du Hier, etc. , et divers auteurs de romans cnevaleresques versifiés.

La commission s'est occupée de la rédaction des tables qui aevront être placées au commencement et à la fin de ce tome XIX; elles seront livrées à l'impression aus- sitôt que sera terminé le corps du volume, anqud il ne manque plus qu'environ une centaine de pages.

LelomeXXcommenceraâl'année ia86 elfinira avec te 1111' sïède: A o articles destinés à ce volume , et parmi lesqnels se trouvent tous ceux qui appartiennent à

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decooMiller l'AcMlémie wr la GompMÎUoD da Ine eonune sur celle dei légaodei , arrête lui-même ce qui oenceroe )ea tnMs , d'où U risidta^'il est qatlqnefoii im- posùUe de faire concorder, comme il Mrait à déurer, w> deux parties <^ con- «onrent k t'expretiion de la peniée que cet teomimentodoitait IraïuneUn à la postérité. La médaille du musée^ de Versailles en ofire un exemple remarquable , at- tendu que dans la composition du tjpe on n'a point méuagé un espace pour l'ins- «ription principale, et qu'il ne poarra étr^ mit de légende qu'à l'etetgae.

DepuisquelacommiMÎoa des Auliipâtéi natùmtdeiBi fait aon rapport au mois de jtnllet denuer, peu d'onvra|>es lui ont été renvoyés par l'Académie ; l'^wque n'est pas loin où. sans doute, divers travaux seront adressés pour le concours de iSSS . «t la commission devra s'occuper de leur examen et de préparer les éléments du jugement du concours de la préacole année.

Nous crayons qu'il serait i souhaiter que le ri»port fût us peu plus explicite sur les ouvrages qui, sans avoir obtenu une des médnâles , ont orâenduit paru dignes de l'altention de l'Académie. Ce serait un encouragement puissant donné aux au- teurs , «t on préyieDdrsît ainsi quelques réclamatîfins qui ne Mot pas toujours sans fondement.

Je ne terminerai point ce rapport sans rendre compte à l'Académie des travaux dont je suis spécidement chargé. La a* livraison du (orne XIU des mémoiresdc l'A- cadémie, a élié suivie avec beBucoupd'activ)lé;le mémoire de M. Raoul-Rochetle lu en iSSy , et qui, par une disposition spéciale de l'Académie a trouver place dans ce vt^ume , le comfdétera entièrement '. il ne peut pas tarder beaucoup i, être terminé , et j'aurai ak»s à m'occnper de la i" partie du tome XII , consacrée à l'histoire de I Académie.

IHusieurs mémoires lus en i833 et i8S3 , qui devaient entrer dans le livraison composée des tomes XII et XIII et qui sont entre met mains, ne pourn»il trouver place que dans les livraisons suivantes.

La table des dix premiers volumes du recueil de l'Acadàniea été entièremenl achevée avant la fin de lÔSy ; je viens delà faire mettre »us presse, et j'espère que l'impression pourra eu ^tre achevée , sinon en i838, du moins dans les premiers mois de 1839.

Jerapp^erai encore à l'Académie la proposition que je lui ai faite dans mon der- nier rapport, et qui est relative a la publication de la table des six derniers volumes de l'ancien recueil de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres. L'Académie vou- dra bien se rappeler que celte table a été rédigée aux frais de MM. de Bure , éditeurs de cessixvtdumes, et qu'il s'^^aît d'en rachJeter d'eux le maouftcnt et de le dispo-

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meilleurs modèle* que ceux qu'il exhume et auxquels 3 prodigue Us qualifications de Rickesiei littirairts que noas ont laiuiet aïeux ; de Tréion dei xii' et xiii* $iiclet, tnfantés par U génie de ntu pèrei. Recueillir ces matériaux de notre histoire littéraire est un travail fort utile; et personne ne s'y livre ^us honorablement que M. Jubinal. Mois en admirant ces grossiers essais de la vvsificatioD française, on ne coDli'U>uerait pas au maintien du faon goût , ni aux progrès des nouveaux talents.

Cab^aZa, tragédie en cinq actes et en vers, avec un prolt^e, par M. Alexandre Dumas, représentée sur le théâtre français, le 36 décembre iSSy. Paris, imprime- rie de Dondey-Dupré , lihrairie de Marchant, i838; 176 pages in-8' à longues lignes, et avec une préface. Pr,&fr.; 4o pages in-g' à deux colonnes, et sans préface. Pr.afr. 5oc.

Histoire de France toai Napoléon (deuxième époque) , depuis la paii de Tilsitl , en iSo-y, jus4]u'en 1813; par M. BigDon (pair de France] , membre de l'Institut. Tome septième. Paris , imprîm. et libr. de Firmin Didol ; Leipsig , chei Brockans et Avenarius, i838; în-8*, xvi et A55 pages. Les pages préliminaires contiennent une lettre fort instructive sur la contrefaçon étrangère. Le corps du volume correspond aux deux années 1807 et 1808. n se lit, ainsi que les précédents , avec un très-vif intérêt ; mais les laits qu'il retrace sont encore trop près de nous , pour être discutés dans le Joamal de» Saoanti.

Hiitoirt des mitant Mamioais de VE^pte, écrite en arabe par Talii -Eddin- Ahmed - Makrisi, traduite en fiançais, et accompagnée de notes phQologiques, historiques géographiipies , par M. Quatremère. Tome 1'. Paris, printed for the oriental transla- tion fund of Great-Britain and Ireland : sold by A. J. Valpy; and Benj. Dupral (Paris), 1837; in-4': it, xvii et aga pages. La préface consiste en une savante no- tice sur la vie et les écrits de Makrisi, mort l'an 8A5 de l'hégire, ihlti de notre ère. Nous appellerons l'attention de nos lecteurs sur ce nouveau produit de l'érudition profonde et de la saine critique de M. Quatremère.

Nous nous proposons aussi de rendre compte de ]^Expûsè de la religion det Druzes. Paris , Imprimerie royale , librairie de Potdet et de la veuve Dondey-Du[»é : dé- cembre i838-, a yd. in-8*, vin, oivii, a3& et 709 pages. Cest la dernière grande {lublicBlion de H. Silvestre de Sacy. H se proposait de réunir, dans un troisième vo' urne, divers documents rdatifs à Incroyance actuelle des Druies ; mais les deux vdumes qu'il a puUiés renferment Ja ouvrage comfdet ; et à la fin de l'Avertisse- ment, il I remercie la providence, qui lui a permis de temainer ce travail, à un ftge Von peut à peine compter sur le lendemain.

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JOURNAL

DES SAVANTS.

MARS 1838.

Zur Gemmenkunde; antike geschnittene Steine vom Grabmahl der Heiligen Elisabeth in der nach ihr genanhten Kirche zn Marbarg in Kur-'Hessen; archàologische Abhandlung, von Fr. Creuzer, etc. Pag. 1-212, avec cinq planches gravées. Leipzig, 1 834 ; in-8**.

SECOND ARTICLE.

Je reprends , sans autre préambule, f examen du livre de M. Creuzer, au point je l*ai laissé à la fin de mon dernier article.

N"" 11. Il a fallu toute la sagacité de notre auteur, avec une bonne vue, telle que celle dont il est doué, et avec l'aide d'une excellente loupe, pom' découvrir ce qui est gravé sur cette pierre, et pour être en état d'en donner l'explication. Ce qui s'y distingue au premier coup d'oeil est un astre à six rayons, placé au-dessus d'un objet à trois pointes; puis, dans la partie supérieure de la pierre, des lettres liées entre elles d'une manière irrégulière et bizarre, dont M. Creuzer est parvenu à former le mot ETCIAOIA. Fondé sur cette inscription , qui renferme un souhait d*heur€use navigation i il a pu reconnaître, dans Yohjet à trois pointes, l'espèce d'instrument dont on armait la partie antérieure des vaisseaux, et que les Grecs nommaient tfxCoXot ou ï/ulCoXa, les Latins, rostra; manière abrégée d'indiquer le vaisseau entier, qui est conforme aux habitudes de l'art antique ; et, ces deux points établis, la présence de ïastrede Venus, de cette Vénus, surnommée EYriAOIA, telle qu'était précisément la Vénus de Gnidé, dont nous possédons , suivant toute appa-

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ce type, expression cfune nmi^ion favorable, acqtnert ainsi la ^'gni- ficaftion la plus^ sensible. Une dernière observation, que je prendrai la liberté de soumettre à M. Creuzer, concerne le grand astre qui formait, suirant le témoignage de Strabon^ le sceau public des Locriens Ozoles. M. Creuzer semble croire que la raison de ce type était dans la position géographique que cettie tribu des Locriens occupait au couchant des autres branches de la même nation. Cependant, il est de fait que fo^fre en question figure sur la monnaie des Opuntiens, aussi bien que sur celle des Ozok»; ce qui prouve que la présence de cet astre se rapportait à un autre motiF, qu'elle se liait à un ordre d'idées plus général. De plus , nous savons que le même astre formait le type de la monnaie d'autres peuples grecs, tels que les habitants de Tile de Corcyre, et ceux d'Itanos en Crète, pour lesquels il n'est pas possible non plus d'admettre l'inter- prétation proposée du type en question. Mais c'est un point que j'ai eu occasion de traiter dans un Mémoire sur quelcittes mennments en rap- port avec les idées astrologiques, mémoire qui sera publié prochainement; en sorte que je ne crois pas devoir insister davantage sur cette question.

N" 1 a. Figure d'Homme barbu, assis et tourné k droite, en s'appuyant du bras gauche sur un sceptre, et tenant de la main droite un objet figuré comme un rouleau. C'est une de ces pierres, d'un travail de déca- dence qui accuse, comme je l'ai déjà remarqué, l'époque du m* siècle, et qui doit appartenir à une école . alexandrine du dernier âge. Entre les diverses hypothèses que propose successivement M. Creuzer, pour l'explication de ce personnage , celles d'un Héros, de Mercure et de Jupi- ter, il aurait pu comprendre , peut-être avec plus de raison, celle d'un poète déifié, sujet de quelques médailles grecques, représenté absolument de la même manière qu'on le voit ici , c'est à savoir, comme un homme assis f tenant un 5c«p^rc de la main gauche , et un rouleau de la droite. Mais, sans m'arrêter à cette idée, et sans combattre les deux premières suppositions de M. Creuzer, qui ne me semblent pas heureuses , je me borne à dire que la pierre qui nous occupe offre, suivant toute appa- rence, une de ces figures de Jupiter assis, avec le sceptre etle foudre, qui se reproduisaient si fréquemment à cette dernière période de l'antiquité, toujours d'après le même modèle, et seulement avec ces variantes de travail qui tenaient au plus ou moins d'habileté l'artiste.

N** 1 3. lin Renard, armé d'un fouet, guidant un petit cfcar traîné par un Coq. C'est une de ces images allégoriques, dans le genre grotesque, assez communes sur les pierres gravées , l'on doit certainement voir, avec

' Strabon. ix , p. 638; cf. Spanheim. acf Callimach. Hymn. in Del v. 3o3.

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M. Creiuer, l'expressioD de cetle pensée : La Rase aax prises avec la Vigi- lance. De pareilles images, rendues par la présence des mêmes animaux symboliques , le renard et le coç , se sont produites de nos jours sur des vases peints , un desquels, du musée de Berlin , provenant de la collec- tion de M. Dorow , àeax Épkèbes portant, i'un un renard, l'autre un co<f, assistent à une scène ^mnastitjoe, a été cité par notre auteur, et in- génieusement expliqué d'après ce motif.

N' 1 4. Figure de Femme casquée, vétae et ailée, la main droite appuyée sur un ^osvernai/, et portant dans la gauche une corne d'ahonitû\ce. La femme représentée sur cette pierre offi^ l'apparence d'une figure de Minerve, avec les ailes qui conviennent à un être d'ordre allégorique, td que la Victoire , et avec le gomiernail et la corne d'ahonâaace , qui sont les attributs ordinaires de la Fortune et de VAbandance. C'est donc , d'après tous ces caractères, une de ces figures panAées, dont l'art des siècles de décadence fit un si fréquent usage, et dont la composition oQrait un phénomène tout contraire à celui qui avait signalé la première période de la civilisation antique, c'est k savoir l'accumulation des symboles et des attributs de plusieurs divinités sur une même figure , pour exprimer à l'aide d'un seul signe toute une série de formules hiéra- tiques; tandis qu'à cette autre époque de la société païenne, l'art, pro- cédant d'une manière toute 'différente , s'était plu à diviser et pour ainsi dire à décomposer la divinité , pour tirer de chacune de ses qualités morales ou de ses attributions particulières , le motif et le type d'une individualité distincte. Il y a, en effet, comme le remarque très-bien M ..Creuzer, dans la figure qui nous occupe , quelque chose de Pallas, de Niké, àe Pronoeaeideiyché, ou, pour me servir de dénominations latines correspondantes, quelque chose de Minerve, de la Victoire, de la Providence et de la Fortane; et, à cette occasion, notre auteur ne manque pas d'indiquer les principaux monuments de l'art antique, venus jusqu'à nous , qui appartiennent à ces différentes divinités. Mais,

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moins ainsi que M. Creuzer s*est rendu compte de la représentation de cette pierre , d'après deux empreintes qui ne lui ont pas paru satisfai- santes; mais en observant que, la pierre même étant restée attachée au tombeau de sainte Elisabeth , il est possible de rectifier, sur le mo- nument, la description, et conséquemment aussi l'explication qu'il en donne. Dans cet état de choses, il ne me conviendrait pas, à moi qui n'ai même pas la ressource de consulter les empreintes, et qui n'ai sous les yeux que la gravure publiée par M. Creuzer, d'exposer des doutes qui se trouveraient dépourvus de fondement. Toutefois, je ne puis m'empêcher de dire que cette gravure ne me représente pas lejlambeau que M. Creuzer a cru voir sur l'empreinte ^ ; sans compter que cette manière de porter le flambeau, sur Vépaale ne me parait pas conforme à l'usage des Lampadéflhories , tel du moins que nous le connaissons par les monuments figurés qui nous en restent , médailles , pierres gravées , et vases peints. Mais, du reste, le travail de notre auteur, en ce qui concerne la célébration même des Lampadéphories ^ est tel qu'on pouvait l'attendre de son érudition et de sa critique. Parmi les monuments qu'il cite à ce sujet, il rappelle avec raison la belle pâte antique, publiée par M. Brôndsted, qui la possède^, le nom aamiiaaias, mal à pro- pos rapporté au graveur et au sujet, me paraît, comme à M. Letronne, appartenir au propriétaire même de la pierre, avec cette circonstance que l'image d'uxï Homme portant un flambeau, avait été choisie à dessein pour faire allusion au nom AAMriAAiAS, lequel nom, pour en faire en passant la remarque, me paraît de forme ionienne, plutôt encore qu'attique. Â l'appui de cette idée, je citerai un exemple qui aurait pu déterminer la conviction de M. Creuzer, s'il se fiit présenté k sa mé- moire, et qui se rapporte précisément au même sujet des Lampadépho- ries : c'est la médaiUe de Tcarente, la figure d'un Homme courant à che- val avec un flambeau allumé, est accompagnée de l'inscription aaimax02^, type le nom du magistrat Daîmachos se trouve certainement en rap- port avec cette image d'une course aux flambeaux. Quant à la manière dont M. Creuzer explique le digamma F sur la pierre qui nous occupe , en y voyant, soit la lettre initiale d'un nom propre , comme on en a des

' M. Feuerbach a remarqué que ceflamheau était mal dessiné daas lagravare, et qQ*on pouvait le prendre pour une aite rendue avec maladresse; Kunstblatt, i836, II* 6&, p. a 68. Il y a donc quelque chose qui laisse encore prise à Tincertitude. Du reste, la conjecture de ce critique, qui serait disposé k voir ici Phosphoros, ne me parait pas heureuse ; car cette manière de porter le flambeau sur Vépaule ne convient ni à Lucifer, ni a Hesperus. * Voyages et Recherches dans la Grèce, II, pi. XXII , p. 289-91. ' Voyez ma Lettre à M. le duc de Laynes, p. 33, 3), j'avais cité cette médaiSe , pour en expliquer le type d*après cette donnée.

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sur un trêpiée;.ei c'est ainsi qu'on la voit, entre autres monuments que je poun'ais citer, sur les tétradracbmes de Lysimèque, qui nous en ofi&ent le tfpe le plus cél&re aùSsi bien que le plus accompli. Au con- traire, la Minerve Promachos se représentait toujours dehoat, dans une action véhémente , telle qu'on la voit, par exemple, sur les monnaies de Thessalie, et sur celles de plusieurs» rois d'Epire et de Macédoine, entre autres, Pyrrhus,- Démétrius I* et Ântigone Gonatas. Or ces deux images de IHdias difi^ent radicalement par le khôtif aussi bien que par la composition du type; et cést seulepnent avec la première que la figure de notre pierre gravée pourrait ofiFrir quelque analogie. J ajoute que la Minerve Nicéphore des médailles de Lysimaque est évidemment la figure qui a servi de modèle pour la composition des figures de la déesse Rom£ personnifiée, eemme nous la connaissons par tant de mo- numents de Tart antique, c'est à savoir, vêtue dans le costume d'Ama- zone, avec le ctunue en tête, assise sur un trophée, et tenant de la main droite une Victoire, et dans la gauche une hmce ou une épée. C'est aussi , si je ne me ii*ompe , la représentation que nous offre la pierre gravée publiée par M. Greuzer. Le eostame, qui parait amazonien, ainsi que les brodequins que je crois voir aux jambes de cette %ure, sont effective- ment deux des éléments essentiels du type en question. L'objet indécis que la figure porte k la main droite doit être im de ces petits simulacres de la Victoire , que la rouille du temps a i^ndu méconnaissable , ou qui se trouve mal exprimé dans l'en!ipreinte ou dans la gravure. En tout cas t l'hypothèse d'une déesse Rome^ me parait être celle qui s'accorde le mleut avec le travail de notre pierre et avec les principaux éléments de sa eonkposition ; et cette idée , qui m'était venue au premier abord , m'inspire d'autant plus de confiance « que c'est aussi celle qui s'est pré- sentée à l'esprit M. Feuerbach.

N* 17. Je me borne à indiquer le siget de cette pierre, qui offre deux petits ctastacés de mer, l'un desquels paraît être du genre des cre- vettes, telles qu'on les voit représentées sur des médailles antiques, no- tamment sUr celles de Tarente et de Cormthé, y compris les colonies de cette dernière ville. Notre auteur renvoie sur ce point aux savantes re- eherchés de Spanham et à l'impoiianC ouvrage qu'a publié récemment, sous le titre de TacA^Çy M/de Koehler, le célèbre antiquaire de Saint- Pétersboui^; et j'ajoute qu'il s'en feut bien que l'on ait encore épuisé

a

^ Le type de la figure de Rome, tdle que nous la connaissons par les médailles des famîUes romaines Cadcilîa, Publicia, Foslumia et Vibia, la représente a«nf9 sur un athes d'urmes, s*appuyant d*une main sur la hmte, et tenant de Tautre main le paraMmnm.

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auquel elles se rapportaient. La plus usuelle de ces applications dut être , à mon avis , celle qui se fondait sur la relation astrologique de Mars et dii scorpion, et qui rendit cet animal symbolique propre à ser- vir ^amulette ou de cachet aux gens de guerre , surtout dans la dernière période de Tantiquité romaine. C*est aussi Topinion de M. Creuzer, mais non pas sans qu il ait eu soin de rappeler que cette idée apparte- nait aussi aux temps antiques de la Grèce, puisque, sur des vases peints d'ancienne fabrique, le scorpion, symbole de Mars, figure, en guise d'emblème, sur les boucliers de héros grecs , tels qu Achille et Diomède. J'adopte donc ici, sur tous les points, les idées exposées par notre au- teuf, et je ne me trouve en dissentiment avec lui que sur un seul article, en ce qui concerne l'explication du 5corpion, qui sert d*emblème au bouclier représenté dans le plan inférieur du célèbre camée de Vienne. M. Creuzer voit ici, d'accord avec feu M. Passow, qui avait composé, siu* ce symbole, une dissertation particulière^, une allusion aujfoarnato/ de Tibère, le 16 novembre; et sa principale raison,, c'est que la présence du capricorne s'y rapporte diu jour de naissance d'Auguste. Mais je persiste à croire, comme j'ai déjà eu Toccasion de le montrer ailleurs^, que la vraie explication de ce signe doit se trouver dans un ordre d'idées plus général; c'est à savoir, que le scorpion figure ici, comme sur les enseignes des Romains^, comme sur les bas-reliefs relatifs à la fable de RhéaSyhia, il est associé à la balance, qui exprimait ïhoroscopede Rome^, qu'il figure, dis-je, en qualité de symbole de Mars,, et non pas seulement à titre de signe gêné thliaque de Tibère. J'aurais en- core plus d'une observation à faire au sujet de l'idée qu'énonce notre au- teur, dans une de ses notes', sur les scarabées, dont on sait que la caste des guerriers, dans l'antique Egypte , se servait en guise d'amulettes, et qu'on suppose avoir pu être employés aussi comme monnaies. Il semble, d'après la manière dont il s'exprime, que M. Creuzer approuve cette opi- nion , exposée en dernier lieu par feu M. Stieglitz® ; mais , sans entrer ici dans une discussion qui me mènerait beaucoup trop loin, je me borne à dire que l'hypothèse qui tend à considérer les scarabées égyptiens, comme des mjonnaies, est sujette à de nombreuses et graves difficultés,

* Fr. Passovii de Scorpio in Gemma Augustea conjecinrœ , Vratislav. i833. * Voyez mes Monuments inédits, Achilléide, p. 34t 3). ' Zoëga, Bassirilievi di Rama, 1. 1, tav. xvi. * Winckelmann , Monum, ined. n* 110. * P. 176, i5a). M. Creuzer cite deux article» du Kunsthlatt, i833, n" 18 et 19, sont expo- sées , à ce sujet , les idées de feu M. Slieglitz. Notre auteur, à fépoque il publiait son livre (i83â), n'avait pu prendre encore connaissance des Beytràge zur Geschichte der Aashildung der Baukumt (Leipzig, i83/l], le même savant a reproduit son opinion avec plus de dévdoppements , Beilage C, 1. 1, p. iGS-iyÂ.

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composition qui nous occupe, interprétée de cette manière; mais per- sonne ne sera tenté de reprocher à M. Creuzer de ne s'y être pas annoté d abord, et de ne s'y être pas renfermé exclusivement, d'après l'abon- dance des vues et la nouveauté des rapprochements archéologiques qu'il a répandus dans toute cette partie de son travail*

a 5. Hercule, na, debout, de face, la main droite appuyée sur sa massue , tenant de la main gauche la dépouille de lion. C'est ici une des nombreuses répétitions qui durent exister dans l'antiquité d'un type que nous trouvons reproduit par centaines sur des médailles grecques impériales, avec très-peu de variantes de détail; ce qui fait présumer la grande célébrité de ce type, tel que nous le connaissons d'ailleurs par ime des En^ftlaitç de Libanius^ l'H^xxtiç isjàç c9 t? Xtovri, Aussi, M. Creuzer, qui s'est arrêté à celte explication en se fondant sur ce rapprochement, aurait-il pu s'épargner le doute qu'il exprime d'abord, c'est à savoir, si cette figure ne représentait pas plutôt Esculape. Il est certain , en effet , que la manière dont Hercule s'appuie sur la massue qu'il tient de la main droite diCTère radicalement du type adopté pour les figures d'Esculape, et consacré par tant de monuments de l'art. La pre- mière de ces attitudes, donnée ici à Hercule, répond à celle que je trouve ainsi indiquée sur une belle inscription attique récemment découverte^ : Tov ttvifa, w \m riç (^euCinifia^ if^ifjc07BL; la seconde, appropriée aux figures à'Escalape, est celle qui nous est signalée en ces termes dans un passage dePausanias^ : ojLnTfJfi^ivo viy ift^tfivfJULff^?itiv ipeicAl/xcrdc, et qui se trouve décrite d'une manière équivalente par Libanius, à l'endroit cité plus haut*: 'Ttfo fjidKnç 79 poTmXor tvtJ^vfjuivov %îç ySv, L*une et l'autre de ces attitudes significatives répondaient certainement, dans les traditions imitatives de la Grèce, à un ordre d'idées différent, à un motif parfaitement dis- tinct; bien qu'il eût été fait application de la première de ces attitudes à Hercule lui-même, comme nous le voyons dans YHercule Famàse, mais sans que la réciprocité ait eu lieu pour Esculape, du moins à ma connaissance. Et il suffirait de cette observation , à défaut de toute autre raison, pour prouver que la figure représentée sur notre pierre est bien réellement celle d'Hercule, et qu'elle ne peut être celle d' Esculape,

^ Sur ces *'Sx^f>Jifftiç y qui sont au nombre de trente-trois, dans fédition de Reiske, t. rV, p. 1046-1096, et 1111-1121, voyez Pelerscn, Commentationum de Libanio , . Partie, u», HaunieB, 1827, p. 3, sqq. * Cette inscription a été publiée dans le Kunsthlatt de i836, par M. Ross; voyez le n' 39, p. 166, lignes 18-19. ' Pausan. X, 3o, I. Voyez mes Monuments inédits , Odyssèide, p. 262 , j'ai établi, par plu- sieurs exemples , l'intention et f emploi de cette altitude significative. ^ Liban. 'Ex^^. XI, t. IV, p. io67,Reisk. ex emendat. Petersen. l. l. p. 17.

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AèU un grand vase ; plus loin, une seconde stèle, réduite à Tapparénce d'une simple ligne par Teffet de la perspective. Cette description, dans laquelle je me suis attaché à suivre le texte de M. Greuzer, tout en cherchant à rendre un compte fidèle delà gravure qui raccompagne , semble propre à justifier l'interprétation qu'il en propose. Notre auteur voit ici un Héros accomplissant le devoir fanébre appelé chez les Grecs xlipiPfjLa 5 et tous les détails de cette représentation, y compris le lieu de la scène , qu'il regarde comme un champ de mort, lui paraissent se rapporter à une intention funéraire. Je suis aussi de oet avis , en ce qui concerne le motif géné- ral de la scène;*mais l'assentiment que je donne aux idées de M. Greuzer n'est pas non plus sans quelques restrictions, et je dois d'autant moins me faire scrupule de dire à ce sujet ma pensée tout entière , que la représentation qui nous occupe est devenue le sujet d'une con- troverse entre un habile critique , M. Schom , qui avait proposé une explication différente , et M. Feuerbach , qui s'est fait sur tous les points le défenseur de l'opinion de M. Greuzer. M. Schom a cru voir sur notre pierre un Potier, avec le tour en main, travaillant à former un vase, à peu près dans la situation indiquée par l'auteur de l'Iliade \ et qui s'é- tait d'abord présentée à l'esprit de M. Greuzer lui-même :

B^ofiêvoç Kî^^^uvç tVHfiadajf , tuKtiiifotv.

Mais contre cette explication , que M. Feuerbach a combattue par des raisons qui lui sont propres, il suffisait de faire valoir un argument dont il n'a pas fait usage ; c'est que le prétendu Po^îcr est entièrement nu: ce qui constitue un trait du costume héroïque , et ce qui ne peut vérita- blement convenir qu'à un Héros. L'idée que c'est ici un Héros , tenant entre ses mains une urne cinéraire et accomplissant un devoir funèbre , est donc en effet la seule qui s'accorde avec tous les éléments de cette re- présentation. Mais , d'un autre côté, M. Greuzer s'est trompé en voyant une seconde stèle, réduite à la proportion la plus exiguë par l'effet de la perspective, dans l'objet qui se dresse derrière le grand vase, et qui a la forme d'une tige. Sans m'arrêter à la notion générale de la perspective, que notre auteur discute savamment dans une de ses notes^^ mais qui n'est point ici en question, je me borne à dire qu'il me parait certain, comme à M. Schom, que cette idée de perspective, appliquée à la pré- tendue 5té/e érigée sur un plan éloigné , est tout à lait contraire aux usages de l'art antique , et tout à fait sans exemple sur les monuments ' ; et

* niad. xviii, 600. 'Pag. 187, 193). ' Voyez, dans le Kunsthlatt, i836, &* 66 , p. a7& , * ) , lobservatioD de M. Schom , à laquelle je souscris complètement

MARS 1838. 145

ces personnifications d'ilfW/i^-Pronoea, on Minerva-Providentia y si com- munes sur les monuments du dernier âge de Tantiquité, et qui ne se recommandent le plus souvent, comme dans ce cas-ci , par aucun mé- rite particulier de composition , de style ou de travail. 11 n'en est pas de même de la pierre qui suit, sous le n"* 3 1 : c'est une gemme d'un tra- vail exquis, d'une gravure excellente, représentant une tête d'Apollon hmrée, au devant de laquelle, dans le champ, est une branche d'olivier, derrière un cygne, avec cette autre particularité, qui n'a pu être décou- verte qu'avec Taide de la loupe, que dans les boucles de la chevelure qui descendent sur la nuque sont gravées les lettres nAiA(N) , qui ex- priment l'acclamation Uaiav, Au mérite de cette représentation rare et curieuse se joint encore ici, comme je l'ai déjà dit, celui du travail de la pierre; et, pour que rien ne manque à la double satisfaction qu'un pareil monument doit causer à l'antiquaire, l'explication qu'il a fournie à notre auteur est devenue entre ses mains toute une dissertation riche de faits et d'observations , et un morceau de critique archéologique du premier ordre. Le mythe d'ApoUon-Pœan, à la fois terrible et salutaire, destructeur et sauveur, est exposé par M. Creuzer avec une abondance et en même temps une netteté de vues admirables, et l'application qu'il en fait au culte d'un Apollon Cyrénéen, h cause du cygne qui se rapporte directement au mythe de Cyrène , et de la branche d'olivier, qui peut faire allusion à Arîstée , fils mythologique d'Apollon et de Cyrène , est aussi plausible qu'elle est docte et ingénieuse; déplus, elle tend à faire consi- dérer notre pierre comme un monument de l'art cyrénéen, renommé dans l'antiquité par ses travaux de glyptique : ce qui est encore un résultat neuf et important pour l'histoire de l'art.

Après cet hommage rendu au mérite du travail de M. Creuzer , il me sera permis d'y signaler quelques légères imperfections. Au sujet des lettres IIAIA gravées dans une boucle de cheveax, le savant auteur eût pu s'autoriser d'un exemple analogue que fournit une rare médaille de Marseille, ayant pour type uue tête d'Éphébe, dont la mèche de che- veux, qui descend sur la joue, est formée des lettres MA. J'avais reconnu le premier celte particularité sur la médaille en question, qui était encore inédite, et j'avais eu occasion de la citer précisément à ce sujet , dans mon Mémoire sur la Numismatique Tarentine, lu déjà depuis plu- sieurs années dans une séance de notre Académie et destiné à son recueil; mais, depuis, la même médaille, avec quelques variétés nou- velles , a été publiée par M. le marquis de la Goy * , et si j'ai perdu

' Description de quelques médailles inédites de Marseille , n** i6, 17, 18, p* i3; Aix, 1834; in-4*.

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«maintenant est grande parmi les esprits c'est le désir des richesses

«dont nous sommes tous malades par excès, c'est Tamour des plaisirs «qui, à bien parler, nous jette dans la servitude , et, pour mieux dire, «nous traîne dans le précipice tous nos talents sont comme en- « gloutis. Il n'y a pas de passion plus basse que l'avarice , il n'y a pas « de vice plus infâme que la volupté. Je ne vois donc pas comment « ceux qui font si grand cas des richesses , et qui s'en font comme une «espèce de divinité, pourraient être atteints de cette maladie, sans re- « cevoir en même temps avec elle tous les maux dont elle est naturelle-

«ment accompagnée Sitôt donc qu'un homme, oubliant le soin de

«la vertu, n'a plus d'admiration que pour les choses frivoles et pérîs-

« sables il ne saurait plus lever les yeux pour regarder au-dessus de

«soi, ni rien dire qui passe le commun; il se fait en peu de temps une «corruption générale dans toute son âme; tout ce qu'il avait de noble «et de grand se flétrit et se sèche de soi-même, et n'attire plus que le «méprisa» Cet auteur n'était pas seulement un homme de talent, c'était aussi un homme de cœur.

On rend service en répandant de pareils ouvrages. Par cette publi- cation, ainsi que par la réimpression du livre de Varron de Lingua latina, le libraii*e Maze inaugure dignement l'estimable entreprise qu'il a conçue de donner une bibliothèque choisie d'auteurs grecs et latins en petit format , aux étudiants et aux amateurs qui ne peuvent pas toujours se procurer les éditions plus coûteuses*. Je le félicite d'avoir eu pour premier collaborateur M. Egger^ jeune professeur d'un savoir qui pourrait le faire compter parmi les émérites, une des brillantes espérances de notre Université , et qui promet au monde savant un philologue distingué. Il serait facile de faire l'éloge de son édition; des avis lui seront plus utiles ; j'aime mieux lui indiquer ce qu'il m'a paru laisser encore à désirer.

A qui destine-t-il son' livre? Aux jeunes gens qui veulent s'instruire plutôt qu'aux hommes profondément instruits^. Alors le secours d*une traduction est souvent nécessaire. Pourquoi ne pas joindre au texte l'excellente version latine de Morus, en y corrigeant toutefois quelques fautes légères, que M. Weiske n'a pas remarquées dans sa révision*, et dont je noterai ici deux seulement, l'une parce qu'elle fournit un parallèle avantageux pour Boileau , la seconde parce qu'elle touche à la grande question sur l'auteur et sur la date de l'ouvrage? C'est au der-

* Trad. de Boileau. * Edith quœ multorum asui et nummis esset accommoâata. Préf. de Tédileur. ^Stadiosis tironibus. Ibid. *Pro versione Pearcii illam Mori adscivimus, et (fuidem nonnuîlis in locis, sicut ipse voluerat, correctam. Weisk. praef. p. xxviii.

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ceteros et ffuibas de caasis extollas. Tihi summum rerumjudicium dîi dedere ; mhis obseqmi gloria reUcta est ^ Qui aurait songé à ces comparaisons des états républicains et des états despotiques, dans ie siècle d'ÂuréiienP Tout le monde était si bien esclave qu*on n y pensait pas. U faut que la liberté ne soit pas abattue depuis trop longtemps pour qu'on se plaigne de Tesdavage.

Revenons au manque de traduction latine , dont nous avons fait un reproche à M. Egger. Il nous répondra qu'il n'entrait point dans le plan de sa collection de grossir ainsi les volumes. G*est un tort, à ne consi- dérer que l'objet qu'on s'est proposé en la donnant. Il faudrait du moins, pour suppléer à la traduction, un lexique plus détaillé. On a pris l'index de M. Weiske , et M. £gger Ta enrichi d'un certain nombre d'articles, mais sans le rendre complet et su£Bsant. L'éditeur allemand avait eu soin d'avertir que son index n'était point rédigé pour les éco- liers, mais pour les doctes; qu'il offrait moins un secours à l'inexpé- rience des premiers, qu'un moyen de faciliter aux seconds leurs re- cherches et leurs réminiscences ^. Aussi s'est-il dispensé fort souvent d'ajouter la traduction latine au mot grec. Il sera bon, dans la prochaine réimpression , qui aura lieu sans doute, de remplir ces lacunes, et en même temps de ne point se contenter d'inscrire dans ce vocabulaire les mots remarquables par des significations diverses, ou par une accep-* tion singulière. Une révision plus attentive en fera disparaître quelques inadvertances échappées à un premier travail. Ainsi, au mot adjectimim, les lecteurs rencontrent l'indication d'un exemple d'adjectif allié gram- maticalement au génitif du nom avec lequel il s'accorde logiquement: vlç AmcLç oXn, S A I s Mais s'ils vont èhercher la phrase au chapitre iv , n** a du texte , ils trouvent w KçioM cXiir , comme dans le texte de l'édi- tion de M. Weiske. On n'a pas remarqué, en reproduisant ici l'index de l'éditeur allemand, qu'il renvoyait ailleurs qu'à son texte, parce signe : aid. &, a. En effet, la variante riç AnafoXnr, qui lui était fournie par M. Amati, ne put être insérée que dans les addenda, avec d'autres notes qui ne lui parvinrent qu'après que son livre était imprimé. Il y a en- core, dans un autre endroit, un désaccord pareil eatre le texte et l'index. Celui-ci présente l'expression amet pai^mf avec cette interprétation aUe- mande : eine wichtigere Entscheidungsgrund , tandis que le texte, dans le passage indiqué, porte aftràf, leçon de Gab. Pétra et de LeCèvre, qu'on a préférée à la leçon aîiiat adoptée par M. Weiske.

^ Annal. vi, 8.— - * Me non mhsiXtun illud parasse tironihus {nom his omnino taîis lAernon est accommodatus): sei potius vins doctis , etc. Probt. p. xxxiv.

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cesj^oles de Tacite : Plurimi auctores cqiuentiant. . . . regem Bocchotim , iiâito Hammonis oraculo. . . idgenui hominam. . . . alias in terras avehere jassam. Sic . . céleris per lacrpnas torpentibns, Mosen, unum exsulam, mo- naisse neqaam Deoram hominamve opem expectarent, atrinqae deserti, sed sibi, ut daci cœlesti, crederent^ , etc, N est-ce pas le même vaguo^de notions superficielles, inexactes? Le ton , le langage de Taufeur grec, ne font-ib pas remonter la date de la composition vers le temps, des preixiiers Césars, contre Topinion de ceux qui l'abaissent de deux siècles ?

n est temps de rendre justice au mérite du nouvel éditeur, et de compter ce qui lui est dû, comme- nous avons compté un peu sévère- ment peut-être ce qu'on pouvait lui redemander encore. D'abord^ en adoptant le texte de M. Weiske, il a revu les épreuves sans perdre un moment de l'œil le manuscrit îo36 de la Bibliothèque royale, le meilleur de tous ceux qu'on possède à présent, et son édition offre ainsi une recensipn nouvelle et soignée de cette précieuse copie, qui lui a fourni plusieurs corrections. Shoell a très-bien dit^ que M. Weiske * avait fait plutôt une collection de très-bons matériaux pour les édi- teurs à venir, qu'une édition achevée. M. Egger, sans avoir atteint tout à fait le but, s'en est du moins rapproché en profitant des^notes de Bast , de MM. Weiske père et fils, et de la lettre de M. Finck à M. Walz, éditeur des rhéteurs grecs. Il se félicite avec raison d'avoir corrigé le texte en plusieurs endroits. Lçs lecteurs lui sauront gré d'avoir indiqué précisément, par livres et par chapitres, le lieu des citations qui se rencontrent dans le cours de l'ouvrage. La notice sur yElius Denys , ou Denys le «Jeune, auteur présumé 'du livre, selon quelques-uns, sera jugée moins nécessaire, mais non pas sans intérêt, et elle' prouvera les études approfondies du j^i.e philologue. Son savoir se fait encore mieux apprécier, parce qu'il y a ptofit plus immédiat pour le lecteur, dans les notes modestement appelées notalœ, qu'il ajoute à la fin, soit pour éclaircir le texte, soit pour indiquer les rapprochements qu'on peiit faire, tant avec les anciens qu'avec les modernes. Les huit fragments qu'on est accoutumé de joindre au Traité dti sublime, sans qu'on puisse les attribuer au même auteur, et un nouveau fragment tiré du Manus- crit de Florence, et inédit jusqu'ici, sont commentés de la même ma- nière. Quoique le nouveau fragment n'ait pas fait partie du traité , mais qu'il offre seulement une série de propositions extraites par quelque grammairien des écrits duVhéteur philosophe (ô* tSp Aoyjivov ftmftxiy) , désormais il n'y aura plus d'édition complète sans cette addition.

* HUior. V, 3. Voyez aussi Strabon, xvi, a, trad. Tran(. t. V, p. a 33. * HùL Je la Uttér. gr, à Varticie Lon^o. '

ao

Ï54 JOURNAL DES SAVANTS.

Trilea sont tes garanties de succès avec fesqueiies se produit l'édition do M. E^r -.-tel est le nouveau titre qu'il vient d'acquérir i l'estime det partisans de la littéreturt; dasaîque et aux encoaragements de ceux qui doivent protéger les jeunes savants, dans fintérèt de la science; prv- v«ntas fraciaftUx, ipefehcwr.

NAUDET.

La vie et le temps de Gailiaame Ui, roi d'Angletem, et sfatkoader de BoUande ' , par Arthur Trévor.

«Vous connaisseK, dit quelque part Labruyère. un homme pâle et livide, qui n'a pas sur soi uix onces de chair, et qu'on croirait jeter è terre du moindre soulHe. H fait néanmoins phis de 'bruit que quatre autres , et met tout en combustion. Il vient de pêcher en eau trouble

une île tout entière Ilétait si^et, et il ne l'est plus ; au contraire,

il est maître. H lui a suffi pour cela de prendre son père et sa mère par les épaules, et de les rejeter hors delà maison. »

Dans cette caricati^^ tracée par Labruyère et dans les violentes dé- clamations d'Amauld contre le nouvel Absalon , le nouvel Hérode, on est bien obligé de recohoaitre un des plus grands hommes d'état de FEurope moderne, et celui d'entre eux peut-être dont l'ambition a eu rinfluence la plus salutaire pour le ' progrès de la civilisation et de la liberté, Guillaume m. *

H y a longt^nps sans doute qu'on est désabusé sur son compte des exagérations injurieuses que la naine tiatîdnde et la flatterie de cour, tout À la Pois, dictaient aux meilleurs esprits du siècle de Louis XIV. Mais la vie, le caractère de Guillaume, l'histoire de son élévation sur-

150 JOURNAL DES SAVANTS.

C'est même un soDvenir curieas dans l'histoire de ces deux princafl que leur animosité ait dat^ de si loin ^ et que ce-soit l'orphelin dépouilla au4{uel Louis XIV rendait enfin, en i665t »a principauté démantelée , qui soit devenu, .plus tard, le rival da grand Soi et le chef d'une coali- tion contre lui.

Les états de Hollande n'avaient pas d'âbbrd paru plus favorables que Louis XIV au (ils de leur dernier stathouder et de la princesse Marie, fille aînée de Chattes I". Le parti démocratique, pour écarter d'autant plus l'idée de tout privilège de succession au stathoudérat , fit supprimer la dotation attachée à la personne de chaque stathouder pour passer à ses euPants; et le jeune GuUlaume fut ainsi privé de cette portion de l'|léritage paternel. Cependant le «oin ménre de son éducation occupa les États; et Q fût placé, par une de leurs décisions , sous la tutelle de sa mère, de sa grand' mère et de l'électeur de Brandebourg. Sa {nère mourut jeune; mais sa grand'mère du côté paternel, Ëmiliâ de SolmC, femme d'une vertu sévère, réunissant au goût de l'étude l'activité de l'esprit politique, et singulièrement versée dans la connaissance du droit public et des intérêts de l'Europe, se trouvait la personne le mieux choisie peut-être pour cultiver lés talents et exciter l'ambition d'un jeune prince déchu. A cette école, Guillaume se forma de bonne* heure; et, dès l'âge de dix-sept ans, son instruction étendue , la gravité de son caractère, la fermeté et la précision deses parolea étaient admi- rées sans flatterie; car il n'avait pas de cour:

A cette époque , l'esprit de liberté toujours inquiet la puissance du stathoudérat la limitait de nouveau. Une loi des Etats interdisait la réunion de cette dignité à celle de capitaine général; et la HoUande, par zèle de liberté, mettait la division et la faiblesse dans son gouver- nement, n est remarquable, au resté, que, malgré le soin qu'on avait

15Ô JOURNAL DES SAVANTS.

Guillaume se vit, k vingt-sû ans, le libératenr de son pays, rétaBIi par le vœu.de ses concitoyens dans ia dignité dustathoudérat, et devetiu le gendre d'un roL d'An^eterfe qui n'avait pas de fili. Un autre grand râle loi était réservé, soit qu'il le prit par conscience ou par ambition : r'était celui de protecteur du protestantisme en Eurogi;.

" Louis XIV , entraîné par ses scrupules et par les conseils despotiques de Louvois , venait d'entreprendre la conversion forcée des protestants français. Ceux du Languedoc , en particulier, fort persécutés par les ligueurs de l'intendant Basville, se réfugièrent en assez grand nombre sur le territoire libre de la petite principauté d'Orange. Louis XIV fit avancer des teoupes,*et somma les magistrats d'Orange de renvoyer les fugitif. Us obéirent ; mais Guillaume se plaignit publiquement de cette violence, comme d'une première infraction à la paix de Nim^ue. La révocation de l'édit de Nantes, la persécution des Vaudois lui four^ nirent hientôl de nouveaux grieft. Ces violences de Louis XIV n'avaient (irécédé que d'un an la mort de Chaïles II, et l'avènement de son fana- (îque successeur, dentelles semblaient exciter le zèle. Jacques II r^;na sous la protection de Louis XIV. Dans toute l'Europe on diK alors se l'aire celte question : Le puissant roi de France, qui a réuni à ses états la Frairehe-Comté et l'Alsace , qui a deux fois envahi la Hollande , qui domine en Italie, qui tient l'Espagne sous son alliance, ne veut-il pas rétablir partout l'unité religieuse pour arriver à Funité politique P Les entreprises de Jacques U, si suspectes aux Anglais, dont elles bles- saient le culte et la liberté, devenaient donc plus odieuses par leur coïn- cidence avec les actes récents de Louis XIV ; et le prince qui protestait contre ces actes, et qui, dans sa faible'puissance, avait déjà lutté contre les armes de Louis XIV , devait paraître le futur défenseur de la liberté d'une moitié de lïurope.

La situation était chAigée, en effet. Le protestantisme, après avoir été d'abord agresseur, et avoir porté de si grands coups aux puissances

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£d face des édit» et des conquêtes de Louis XIV, Guillaume parut le champion -de la liberté civile çt religieuse ; et de les efforts de sèle qa*ii trouva dans tous les dissidents» et Fappui passionné que les républicains de Hollande donnèrent à son agrandissement.

Le nouvel historien a faiblement indiqué ces causes. Il s'attache sur- tout à montrer que Guillaume n*avait formé d^avance aucun projet sur la couronne d'Angleterre ; qu'il était le plus fidèle ami de son be^u- père Jacques II, et eût voulu ne jamais le remplacer.il en donne surtout pour preuve la magnificence de l'ambassade que le stathouder et les Etats de Hollande envoyèrent à favénemept de Jacques II. Nous doutons que cette preuve paraisse concluante au lecteur. Le peu . de faveur que le prince d'Orange témoigna pom* le duc de Montmouth et secours immédiat qu'il envoya pour étouffer cette rébellion ne prouvent pas non plus, comme le suppose M. Trévor, que ce prince fiit, pour son compte, étranger à tout dessein ultérieur sur la couronne d'Angleterre^, mais plutôt qu'il la voulait pour lui, et défendait contre tout autre.

^ La profondesagacité et la longue vue de Guillaume lui montraient l'enchaînement £atal de fa«tes et de violences fut entraîné Jacques II; et , sans hâter les événements , il se tenait prêt à profiter de tout , don^ nant protection aux persécutés i cpurage aux mécontents, espérance aux ambitieux , et, dans un calme impassible, n^ontrant à l'Angleterre le successeur désigné du roi qui la troublait.

Cest ainsi qtt' après les cruautés de Jeff criées et de Kirkes, après l'empnsonnement des évéques anglicans et les dpmières et irréparables fautes de Jacques II, quand tout fut mûr enfm, Guillaume descendit avec iàtooo hommes sur les côtes de l'Angleterre, qtù.sa donnait lé- galement à lui.

Cette portion du récit est curieuse dans M. Trévor* Il indique les plus petits ressorts des grands événements; mais il manque de force , et par conséquent de véritable fidélité historique , pour peindre ces évé- nements mêmes. En racontant l'arrivée du prince d'Orange à Torbai , après une tempête qui avait battu sa flotte toute la nuit, et qui la jeta précisément SUT le lieu le plus favorable de la côte, il rappelle deux vers de CJaudien :

O Dimiàm dilecle Deo, cui mililat œlher *£t coDJurati yeniunt ad classica venti. '

.Mais le débarquement du prince, sa marche sans combats, les trans- ports du peuple* le trouble de la cour, l'incertitude des uns , la trahi-

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son empressée des autres , la solitude tombe bientôt le malbeureux roi, abandonné même par saiflle, rien de tout cela n'est* dé<yît au- trement que par l'indication du fait et de la date. Le génie même de Guillaume, cette modération si hautaine, ou plutôt cette patience ma- gnanime avec laquelle il attend la couronne qu'il est venu cbercber, et , sûr de sa force comme du besoin qu'on a de lui , laisse se con- sommer sous ses yeux toutes les lenteurs légales qui préparent son pouvoir; rien de toutcela n'est mis en relief dans le récit de l'bisto- rien. On lit avec lui des extraits de pièces officielles; mais on na pas sous les yeux l'image vive et complète des événements.

Nous porterons le même jugement de la partie de l'ouvrage qui com-, prend règne de Guillaume, LeS discours de ce prince sont textuelle- ment rapportés; les négociations, les traités, nettement exposés. Mais tout ce qui peut peindre les hommes et les mettre en action manque à ce réeit. L'histoire des sectes et des partis qui jouèrent un si grand .rôle sous Guillaume, et Rirent maîtrisés par sa main puissante, entrait dans le pian de l'auteur. Les caractères de tant d'hommes d'état célè- bres, depuis SunderlanJjusqu'à Marlborough, devaient se retrouvet dans ses récits. Il n'est pas jusqu'à la rionfroverse politique' de ces temps orageux qui n'ait pu être, à propos rappelée par l'historien. De roê, l'immortel auteur de Robinson elle x,^é défenseur de Guillaume, méritait un souveiiif ; et ses nombreux écrits polémiques auraient foiimî des traits expressifs sur l'esprit et les passions du temps. M. Arthur Trévor n'entre dans aucun de ces d^aUs, quoiqu'il ait annoncé le tableau du siècle. Il fait, avec sagesse et méthode, l'annuaire historique du règne de Guillaume : il n'est pas le peintre d'une époque mémo- rable, et d'un-grand homme. Ajoutons que dans son récit, habituelle- ment impartial, il a gardé contre Louis XIV un préjugé de haine dont l'expression est parfois déclamatoire.

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Astoria, or an Enterprise beyond the Rocky mountains, etc. Astoria, ou récit d'une entreprise au delà des montagnes Rocheuses, /)ar Washington Irving, auteur du Sketch book, de fAlhambra, etc. ; 1 836. Réimprime à Paris, par Baudry , en un vol, in-8* de 336 pages.

DERNIER ARTICLE.

Dans notre précédent article , nous avons suivi cette troupe hardie de blancs, commerçants et chasseurs, qui, partant des derniers établisse- ments de l'Union , dans le bas Missouri , avait entrepris de traverser le con- tinent d'Amérique dans toute sa largeur, pour aller rejoindre, sur les bords de l'Océan occidental, la nouvelle colonie d' Astoria. Nous les avons accompagnés au milieu des hordes sauvages, dans les périls et les fatigues du désert; nous les avons vus enfin, à force d'énergie et de courage, surmonter cette barrière de montagnes granitiques, prolongement des Andes , qui s'étend du sud au nord dans toute la longueur de l'Amérique , comme un contre-fort entre les deux océans. Le faible ruisseau sur les bords duquel ils étaient campés descendait maintenant vers l'Océan de l'ouest; il les conduisit bientôt aune grande rivière, mais tumultueuse et rapide, appelée Mad-River, qui était une des principales branches de la Golombia. La caravane salua cette vue avec enthousiasme. Il ne fallait plus que construire des canots , pour s'abandonner au courant de ces eaux favorables; toutes les fatigues semblaient finies. Mais le chef, M. Hunt, avait trop de prudence pour se livrer à une si dangereuse sécurité. En effet, cette rivière, qui s'oflFraît à eux, pouvait être plus bas coupée de rapides qui rendraient la . navigation impraticable; en s'y confiant, il fallait abandonner les chevaux , qui , dans ces solitudes désertées par les animaux comme par l'homme aux approches de l'hiver, auraient fourni une ressource, peut-être indispensable, contre la faim. De si graves motifs ne purent toutefois dominer l'entraînement de l'espé- rance, et l'on se mit à construire des canots. Mais , par bonheur, deux Indiens Serpents , étant survenus , détournèrent les blancs par leurs signes, de tenter cette entreprise impossible; et ils conduisirent la troupe vers un autre point plus favorable , un des agents de la compa- gnie du Missoiu'i avait déjà antérieurement établi un poste que l'on trouva abandonné. Les huttes faites de troncs d'arbres , qu'avaient dressées les premiers occupants , furent , pour la caravane fatiguée , des palais elle se reposa délicieusement , au bord d'un cours d'eau , large et Iran-

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de John, dé&eapéré, fit feu de sa carabine, tua un des sauvages, et tomba percé de leurs traits. Jobn vit bien qu'il allait payer le prix du sang, et subir la mort la plus cruelle. Il entendait quelque peu le lan- gage des Pieds-Noirs, et comprit quils délibéraient sur le genre de tourment qu il allait souffrir. Ênfm le cbef , plus raffiné dans sa ven<* geance, lui demanda s il était bon coureur. Le malheureux devina le but de cotte question : il comprit que sa vie allait être Tenjeu de la course; et, quoique remarquable par son agilité entre ses compagnons de chasse , il eut asse:^ de présence d*esprit pour assurer qu il savait mal courir. Ce stratagème lui obtint quelque avance : le chef le mena dans la prairie, à quatre cents pas de la troupe des sauvages, et le laissa fuir. Un hurlement terrible lui apprit aussitôt que la horde entière était sur ses traces. Golter vola plutôt quil ne courut, tirant quelque espérance de sa vélocité , qui f étonnait lui-même ; mais il avait six railles de prai- rie à courir avant de gagner le Missouri , et les plantes épineuses lui déchiraient les pieds. Pourtant, à moitié du trajet, le bruit des pour- suivants lui sembla s'affaiblir, et il se hasarda de tourner la tête. Le corps de la horde était loin derrière; mais un seul guerrier, armé d'une lance , le suivait à cent pas. Colter redoubla d efforts, au point que le sang lui sortait de la bouche, mais vainement; il sentit bientôt son ennemi à deux pas. Alors désespéré, il s'arrêta, et lui fit face. Le sau- vage étonné s*arrèta aussi, et, brandissant son arme, la lui lança. Mais le coup failUt; farme frappa la terre, se rompit, et Colter saisissant le fer en tua son ennemi, puis reprit la fuite. La horde arrivée en cet endroit, et y trouvant un des siens massacré, recommença sa poursuite avec des cris horribles. Cependant Colter avait pu joindre un bois de cotonniers qui bordait le fleuve ; il le traversa , se jeta à la nage, et gagna ainsi, sans être vu , une île voisine, un immense amas d arbres accumulés formait im radeau naturel de plusieurs pieds d'é- paisseur. Il plongea dessous, et trouva enfin un endroit il put sortir la tête de l'eau sous les branchages qui le recouvraient. Â peine respirant , il entendit les sauvages arrivés au radeau, et le cherchant partout de leiurs yeux perçants. Ils s'efforcèrent longtemps de le découvrir, et le malheureux tremblait qu ils ne missent le feu à. son asile; mais par bonheur l'idée ne leur en vint pas, et sur le soir ils l'abandonnèrent, convaincus qu'il avait pérL Toutefois le prudent chasseur ne quitta sa cache que bien avant dans la nuit , lorsqu'aucun bruit ne se fit plus entendre. Il plongea alors sous le radeau pdur sortir, nagea longtemps, et vint aborder à une grande distance sur la rive opposée. Mais il était nu , épuisé de faim et de fatigue; ce ne fut qu'avec peine qu'il jput rejoindre

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rochers à pic; et qu*au delà, pendant quarante milles, ce n'était qu'une âuite d*écueiis , de tourbillons et de cascades infranchissables. H fallait donc laisser les barques, et essayer d avancer à pied, emportant seu- lement les bagages et les vivres indispensables; car le poste ou les chevaux avaient été abandonnés était à trois cent quarante milles en arrière. Quel parti prendre , et comment sortir de ces solitudes sans guides et sans vivres! Ce fut le sujet d*une sombre délibération.

Kunique ressource parut être de se diviser en plusieurs partis, pour ne pas s'affamer mutuellement. Il ne restait plus que cinq jours de vivres, on se les partagea; les bagages quon ne pouvait porter furent enfouis dans des caches , puis chaque troupe alla tenter le sort. Ce qu'il y eut de souffrances à supporter peut à peine se croire. Quelques misérables restes de poissons secs, quelques chevaux achetés difficile- ment, ou dérobés aux peuplades sauvages dispersées de loin en loin dans ces solitudes, furent les seuls aliments quon put se procurer; on mangea jusqu'aux peaux des castors tués précédemment. Après une marche à pied de plus de sept cents milles, un des associés s'arrêta de &îblesse , et resta en arrière avec deux hommes. Enfin , le reste de la troupe , rallié avecM. Hunt, gagna un cantonnement d'Indiens Serpents qui les aver- tirent de ne plus suivre le cours trop sinueux de la rivière , et leur four- nirent des guides pour couper droit à travers les montagnes. M. Hunt prit donc cette nouvelle direction, le 2& décembre, avec trente-deux blancs, trois Indiens et cinq chevaux. Chose à peine croyable I la femme de l'interprète engagé à Saint- Louis était du voyage, et en avait sup- porté toutes les misères. Ayant déjà avec elle deiu enfants , que sou- vent elle portait, elle accoucha d'un troisième sur la route, s'arrêta quelques instants, puis, sans se plaindre, rejoignit la troupe, portant sur son dos son nouvel enfant. La marche était pourtant horriblement pénible, dans le cœur de l'hiver, à travers de hautes montagnes hérissées de roches, coupées de ravines, au milieu de la neige Ton enfonçait souvent jusqu'à la ceinture. Enfin, après treize jours d'une pareille route , ayant gravi un dernier sommet, le soleil reparut, le temps s'adoucit, et à leurs pieds, dans des vallées profondes, ils découvrirent de nombreux troupeaux de daims. Bientôt Ûs virent des traces de chevaux en grand nombre. Tout axmonçait qu'ils étaient entrés dans \m climat plus favo- rable , et cet espoir ne fut pas déçu. Le 6 janvier 1 8 1 a ils arrivèrent à un camp d'Indiens appartenant à la tribu des Sciatogas , ils trou- vèrent la fin de leurs peines. Ces Indiens vivaient sous des tentes cou- vertes de nattes, et s'habillaient de peaux comme les tribus du Mis- souri. Ils avaient des chevaux en abondance; mais la chasse, jointe à

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marchande et faire respecter leilr pavillon. Ils doivent donc regretter vivement la perte d*Âstoria , si bien placée sur la côte occidentale d'A- mérique. En outre , le mouvement continu des émigrants vers l'ouest les rapproche des montagnes Rocheuses. Le hardi pionnier voit d'un œil impatient cette barrière posée entre lui et l'Océan, qu'il considère comme sa limite naturelle. Dans cet état de choses, le traité provi- soire entre l'Angleterre et les États-Unis expire, comme nous l'avons dit, cette année même; et, si l'Angleterre eût été tranquille dans ses posses- sions américaines, on peut croire que le désir de conserver la paix eftt fait encore, reporter à quelques années la question des limites. Mais dans ce moment l'insurrection du Canada vient d'éclater; et, si les troubles ont quelque durée dans cette colonie , l'Angleterre se trouvera gênée pour soutenir par la force ses prétentions sur les districts de la Colombia. Tout porte donc à croire que les Américains se montreront plus exigeants dans la rédaction du nouveau traité. De peut naître une ^erre se disputera 1* empire des cotes naguère inconnues de l'Océan Pacifique ; et dans cette guerre le cri de ralliement des Américains sera le nom d'Astoria.

Le récit du long et pénible voyage de M. Hunt nous a fait connaître les moçurs des Indiens de l'intérieur du continent, autour de la grande chaîne des montagnes Rocheuses; il nous lésa montrés hardis et cruels quand ils sont les plus forts, timides et accueillants quand ils sont oppri- més. Le journal d'Astoria nous donne sur les Indiens de la côte occiden- tale des détails qui complètent le tableau de ces différentes races. Les In- diens de la côte sont plus petits et plus faibles que ceux de l'intérieur. Outre la singulière coutume d'aplatir la tété de leurs enfants, coutume que nous avons déjà citée, ils montrent une aversion marquée pour la barbe qu'ils s'arrachent poil à poil, tandis qu'ils laissent croître leur chevelure. Ils sont polygames comme les autres Indiens. Ib ont quelque idée vague d'un bon esprit, créateur de toutes choses, lequel réside au ciel , et lutte contre un mauvais esprit qui habite le feu dans les régions inférieures. Leurs guerres sont peu sanglantes, et se terminent d'ordi- naire par des compensations en esclaves , en chevaux ou tous autres objets de service. Ils s'amusent à danser au son d'un instrument gros- sier, et surtout ils aiment les jeux de hasard. Us s'y passionnent telle- ment qu'ils jouent tout ce qu'ils ont, jusqu'à leurs femmes et leurs en- fants. Ces traits principaux se retrouvent chez les Indiens de Noutka, qui habitent la même côte, quelques degrés plus au nord, et qui nous sont connus depuis les voyages de Cook et de Vancouver. Ceci peut faire penser qu'ils ont la même origine. M. Irving trouve même assez d'ana-

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gie » soit à TUniversité , soit au Parlement » pour faire condamner toote autre pltilo- Sophie que celle d*Ânstote.

a. Quand ceux qui sollicitent cette affaire n* auraient pas le dessein de brouiller, il serait impossible qu un arrêt sur ce sujet ne causât des brouilleries ; car il ne faut pas s imaginer que tout d'^n coup cet arrêt changeât les opinions dea hommes, et qu*il fît embrasser la philosophie d'Arislote à ceux qui n*y trouveraient pas de so* lidité. Les esprits ne sont pas sf flexibles en des choses que chacun croit avoir Ja liberté de penser, et d'en croire ce qui lui plaît, n*y ayant que les choses de foi 1 on se croit être obligé de soumettre son jugement à Tautorité. U semble au con- traire que plus on veut asservir les hommes à certaines opinions que Dieu n*a point déterminées par sa parole, et plus ils se révoltent contre cette contrainte, et se por- tent avec plus d*ardeur à ce qu on leur défend : Punitis ingénus gliscit auctoritas. De plus, cet arrêt ne pourra être que général, n*étant pas croyable que le Pariement veuille entrer dans la discussion des opinions particulières qn*il sera permis ou dé- fendu d'enseigner. Or ces défenses générales ne peuvent que faire naître des con* testations et des disputes sans iin, parce que chacun lea interprète comme il lui plait et les applique a ce qu â veut, de sorte que ceux qui veulent brouiller et qui ont plus d mtiigue et de cabale, s en servent pour vexer et pour tourmenter ceux qui n*ont pour eux que la raison.

3. Tout ce qui 8*est fait jusqu ici pour obliger les hommes à tenir ou ne pas tenir une. certaine manière de philosophie, fait voir quil n*est pas possible d*v réussir, etquon ne fait, quand on le tente, que commettre Tautorité de Téglise et des magistrats. Le livre de M. de Launoy, de Vana AristoteUs fortunn, nous en four- nit des preuves bien conyaincantes. On en marquera quelques pointa en peu de mots : 1** En 1 a 09, les livres d*Aristote furent condamnés et brûlés à Paris, par un concile de Sens, et il fut lait défense de les lire et de les garder sous peine d*excom- munication« a* Ce même jugement ftitconûrmé en la i5, par un cardinal légat du saint-siége, si ce n*est que les livres de la Dialectique de ce philosophe furent exceptés. S*" En ia3i , le pape Grégoire IX défondit encore les livres de la Physique d*Aristote, et les autres qui avaient été défendus par le concile de Sens, jusqu à ce qu'ils fussent examinés et purgés de tout soupçon d erreur, à" Nonobstant tout cela , Albert et Saint-Thomas ne laissèrent pas, quelque temps après, d'enseigner et de commenter ces mêmes livres qui avaient été condamnés par le concile de oens , tant ces décrets, touchant des doctrines philosophiques, ont peu de force pour arrêter les esprits même les plus religieux, qui croient avoir satisfait à tout ce que TEglise désire sur ce sujet, pourvu qu ils n'enseignent rien qui blesse la foi. 5** Eln laGil, un légat du siège apostolique, nommé Simon., défendit de nouveau la lecture det livres d'Aristote de la métaphysique et de la physique. 6*" Mais , deux ans après , deux cardinaux délégués par Urbain V, pour réformer TUniversité, ordonnent qu'on interrogera ceux qui voudront prendre des degrés sur tous les livres d*Anstote. dont la lecture avait été auparavant interdite. Peut-on rien s'imaginer de plus in- constant P 'j^ Du temps de François I", Ramua ayant fait des remarques sur la lo- gique d'Arisiote, il lui reprochait beaucoup de fautes, fut accusé, pour ce sujet, par Antoine de Gove.-Le roi voulut que cetle affaire fût terminée par une manière d'arbitrage, ayant permis à l'accusé ae choisir deux 'arbitres pour se défendre, et à Taccusaleur autant, s'étant réservé de choisir le surarbitre, qui fut de Solignat, docteur en théologie. Mais les arbitres de Ramus s'étant retirés, parce qu'ils préten- daient qu'on les traitait avec injustice, et les trois autres ayant été contraires à Ramus, le roi condamna par un arrêt les remarques de Ramus et sa Dialectique, et il

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distance sont d'immenses dunes d'un sable mouvant. «Je n*ai jamais upu comprendre, dit M. Hoskins, que des caravanes entières aient pu «être englouties par des sables, avant d'avoir vu ces monceaux extra- « ordinaires. Une grande tempête peut facilement les mettre en mouve- tt ment; et je crois volontiers au rapport des gens du pays, que ces dunes a disparaissent tout à coup, enlevées par les vents, et reparaissent ail- « leurs. Cest sous de tels amas , et dans ces mêmes déserts , que l'armée « de Cambyse est censée avoir été engloutie. Il est pénible de penser « que près de la demeure de Thomme se trouvent de si terribles instru- b ments de destruction. »

Les voyageurs reçurent une visite des scbeiks et principaux person- nages du lieu, qui se montrèrent fort polis et prévenants; ils apportè- rent des fruits et un mouton, quon leur paya en argent. Depuis sept ans, dirent-ils, ils n avaient pas vu d'Européens. Le principal scheik of- frit aux voyageurs de Jeur montrer la ville: proposition qui fut acceptée avec joie.

Les rues sont étroites, tortueuses et obscures, étant presque entiè- rement recouvertes par les auvents des toits de cbaque côté : il serait impossible à un étranger de se retrouver dans ce dédale. On quitte avec plaisir ces réduits obscurs pour entrer dans une petite place la lu- mière se montre : cette place est le bazar.

Du bazar, on conduisit les voyageurs à l'un des jardins situés sur le côté ouest de la ville; on leur avait fort vanté ce jardin, qui passe pour le plus beau de l'oasis. M. Hoskins le trouva fort au-dessous de sa réputation. Il contenait une grande quantité d'arbres fruitiers, mêlés sans ordre et sans art. La nature avait beaucoup fait, l'art, presque rien, que de pratiquer des conduits pour alimenter le pied des arbres. Outre les palmiers , il y avait des orangers et des citronniers , plus remarqua- bles par l'abondance que par la qualité de leurs fruits ; des abricotiers cbargés de fruits, et des oliviers dont les olives sont fort belles sur . l'arbre ; mais les habitants ne sachant pas les préparer, elles ne sont pas mangeables ; ils font cependant d'assez bonne huile : il faut dire néan- moins que, ni l'olive, ni la vigne, ne viennent bien dans ce canton; la chaleur du soleil y est si forte qu elle dessèche les fruits d'un côté de l'arbre , avant que, sur Tautre, ils aient le temps de mûrir.

Les maisons d'El-Khai^eh , comme celles des villages d'Egypte, sont bâties en terre et revêtues d'un toit plat : quelques-unes sont grandes , et un bon nombre ont un premier étage. Elles présentent en généra} le même aspect de pauvreté et d'habitudes malpropres.

Les habi^nts de cette ville et de toute Toasis n'ont p^s (sauf quel-

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ques exceptions) ces traits fortement marqués deTArabedes bords du Nil ; leur teint est plus clair que celui des paysans d^Égypte, & la même latitude ; mais ils sont principalement remarquables par un teint pâle et maladif, un air languissant , indolent et paresseux , un manque total de vivacité et d*énergie ; ce sont autant de preuves de rin^ald^rité du climat, et des fâcheux effets dune ana oatiAoa. Cette pâleur est surtout sensible dans les femmes et les enfants; les borames, plus exposés à f influence d'un soleil tropical, ontTair un peu mieux portants.

Leur maladie ordinaire, celle qui cause la mortalité la plus grande, est une fièvre intermittente qui Içs atteint à chaque retour de Tété ou de Tautomne. Elle n*est pas causée par les exhalaisons des champs de riz, puisque les parties de foasis, le riz n*est pas cultivé, y sont expo- sées comme les autres; ni par la grande quantité de datles que man- gent les habitants, comme quelques voyageurs Tont présumé. M, Hos- kins pense que cette maladie provient de la mauvaise qualité des eaux qu'ils boivent en trop grande quantité dans la saison des chaleurs. L'ophthalmie est une autre maladie qui cause de nombreux et de graves accidents.

Malgré les inconvénients du climat de foasis, fbabitant libre de cette vallée ne voudrait pas changer de condition avec celui des bords du Nil; car, quoique nominalement placé sous la domination du pacha d'Egypte, il jouit en réalité d'une assez grande liberté. Il n est jamais forcé de quitter son pays pour devenir soldat. Il est exempt des exac- tions et des mauvais traitements d'un maître hautain. Les disputes et les délits sont jugés avec impartialité par les scheiks. Un caîmacan turc réside dans Ell*-Khargeh , uniquement pour percevoir un modique tri- but annuel; mais, n ayant point de soldats pour le protéger, une bonne politique lui conseille de se montrer accommodant, et de respecter les préjugés ou les habitudes du peuple.

Dans aucune circonstance, peut-être, le pacha n'a montré autant de bon sens que dans le gouvernement des oasis du désert libyqué, qui sont à présent sous sa domination. Lorsqu'il fit invasion sur leur territoire, ses troupes trouvèrent une résistance obstinée dont ses armes triom- phèrent; le fniit de sa victoire fut un tribut considérable. S*il avait laissé des soldats dans chaque district, leur dépense atu^it absorbé une grande partie des revenus ; leur conduite ty rànnîque aurait exôlté la colère des habitants, et, sans doute, beaucoup de ses.sQldèts'dérïiieht tombés vic- tiines de l'insalubrité du climat. .*« . . i »

>' Le:pacha« préféré moiitrer de U- lnt>dératkfn disriks la j^erception do tribut, et de laisser Ta^lminfJstmfofi'lGleMe'aibtiUaâMidëslcb^^

186 JOURNAL DES SAVANTS.

pftys. Tant (fA*â usera de oett^ prudence, il n*ji pas à craiodre ^ueles oasis se révoltent contre son autorité.

Beaucoup de scbeiks et de marchands sont riches et indépendants. Us envoient leurs dattes au Nil , où, d'après la réputation dont jouissent les dattes de f oasis î elles sont vendues un très-hon prix ; on rapporte , en retour, du blé dont manque V^asis, des q;>ioeSf du café, et divers ustensiles , tels qu armes , miroirs , colliers , eic. 5ur lesquels on fait un grand bénéfice.

L'oasis produit du rie , mais intérieur à celui du Delta ; du blé , du mdlet, du dourah, et les fhiits ci-dessus mentionnés. Néanmoins, la grande source de tHX>spérité consiste dans les forêts de dattiers.

Les costumes des hommes difi^rent très-peu de ceux des paysans du Nil. Leurs habits sont généralement plus simples^ Les femmes ne sont pas obligées de se couvrir le visage, et il est rare qu'un excès de mo- destie les pousse à cacher leur beauté. Leurs vêtements sont plus riches et plus recherchés que ceux des Égyptiennes ; la pâleur de leur teint leur donne un air plus intéressant^: leurs traits sont d'ailleurs plus ré- guliers, et leur physionomie plus aimable.

Elles jouissent de beaucoup plus d'influence que dans la vallée du Nil; elles sont plus respectées des hommes : ce sont elles qui tiennent l'argent, et les transactions mercantiles leur sont confiées.

Durant son séjour dans l'oasis, M. Hoskins se donna beaucoup de peine pour obtenir des renseignements sur la population ; mais on ne peut Ëare aucun fond sur les dires des Arabes à ce sujet. En compa- rant les diverses réponses qui ont été faites à ces questions , il donne comme un résultat asez probable que la population totale de l'oasis est d'environ &,3oo habitants, dont 3,ooo danslasetde ville d'fH-Khargeh. Il se fonde sur le nombre des honunes en état de porter les armes, qu'il multiplie par 5.

Telle est en abrégé la desQi'iption de l'oasis ; elle occupe les cha- pitres trois , quatre et cinq : avec le sixième commence celle du grand temple, dont M* CaiUîaud nous a donné déjà une idée asses nette dans son voyage à M^roé ( 1 1). '

Ce temple est i six mille» de la yille. Malgré les descriptioas que notre voyageur en avait luea» il fut agréaUemmt surpris k la vue de si belles ruioea 4ans un pays si reculé*

Cet édifice est digne d'attention , non-seulement par, son architec- \m» t vms Bnoote par las jK>ulptures intéressantes et les insoriplîons hiét)Q^yphiqHe» dopt il wt orné» Il n'est pas moins remarquable par

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kl beauté de aa f^osition. Les temples des bords du Nil, quoique plue^ magnifiques , sont rarement aussi bien situés. H est ombragé par âe» palmiers élégants, des sycomores et des éMms; un couranl d'eau passe entre les ruines.

M. Hoskins est resté quinize jom's à étudier ee temple , dessinant tous les vestiges d'arcbitecture , copiant les sculptures et autres inscriptions biéroglyi^iiquea.

Ce temple consiste dans im sécos» avec un pronaos en avant, et trois propylons. La longueur totale est de 5oo pieds ^ ; mais les pro- pylons sont petits, et ils sont à une distance considérable Tun deTautre. Les piancbes II et III présentent Tédifice sous deux de ses principaux aspects. Cest sur la partie restante du côté nord du i* propyion que se trouve la grande inscription , copiée pour la première fois par M. Cail- liaud, et publiée dans ce Journal (novemb. 1 82a); copiée une seconde fois par M, Hyde, et publiée de nouveau par sir Ârchibald Edmons-» tone; elle Ta été une troisième, par M. Pacbo,. et une quatrième, par M. Hoskins, qui en donne le texte dans Tappendice. Sur le côté sud du même propyion, se lisent encore deux autres inscriptions grecques, co- piées également par M. Gailliaud : nous y reviendrons plus bas.

La largeur de ce second propyion est d'environ ^5 p. 8 p. (anglais). En avant, il y avait une avenue de sphinx, dont les piédestaux seuls existent ; entre le premier propyion et le second , espace d'environ 47 p. également rempli par une avenue de sphinx. Le second est en partie détruit; sur le côté qui subsiste, on lit encore des fragments dlnscriptions grecques, beaucoup trop mutilées pour que M. Hoskins ait essayé de les copier. Le troisième est à iSg pieds des précédents, de la même forme que les deux autres, mais heureusement mieux conservé, comme on peut le voir dans la planche III, qui donne l'aspect le plus pittoresque du temple, et du paysage qui l'entoure. La corniche est ornée du globe ailé, et la façade orientale, ainsi que Im- térieur du propyion , sont décorés de sculptures. Le roi de Perse , Da- rius, y est représenté deux fois, faisant des offrandes à Âmmon-Ra, Osiris et Isis. Le temple parait avoir été dédié à Ammon^, la grande divinité de Thèbes.

A 35 pieds de ce troisième propyion est un pronaos , qui paraît avoir eu 55 pieds de long, et 35 de large. Il est décoré de corniches, de sculptures et d'hiéroglyphes. Une des sculptures représente Ammon-

^ M. Caillîaud ne compte que igi pieds ( Voyage à Méroé, 1. 1, p. a3a ) ; mais il ne 8*agit probablement que du temple proprement dit.

ai-

/

1»8 JOURNAL T>E5 SAVANTS.

Ra, qui reçoit Aoiyrtée; ce roi, daiu ManéthoQ, forioe & lui seul la a8* dynastie, oeUe qui succède & la dynastie persane. Au reste, la leo- lure de ce dernier nom «st encore incertaine.

Le sécQs, ou le temple proprement dit, a 1 4o pieds de long. A Tei- ception de la façade, ipii n'a jamais été finie, tout l'extérieur de cette imposante construction a été couvert de sculptures, qui, du reste, sont d'un intérêt assez faible , puisipi'elles ne représentent que des of- frandes. Le style en est mauvais-, elles sont massives et grossièrement exécutées. On remarque , sur le côté sud de l'édifice , la représentation d'une girafe.

 ki pieds au S. de l'extrémité O. du temple , sont les mines d'un petit édifice, qui peut avoir servi d'habitation aux prêtres : voilÀ pour la description extérieure du temple. Quant à l'intérieur, il est non-seule- ment fort pittoresque, maisintéressant par de très-curieuses sculptures. Une grande partie de l'édifice a été envahi par les sables : dans la par- tie nord, ils atteignent presque les chapiteaux des .colonnes ; le côté sud en est un peu plus dégagé. Il paraît que les vents violents soufflent presque invariablement du nord.

Quelques anachorètes chrétiens' semblent avoir établi jadis leur pieux séjour sur le sommet du temple. On voit encore une partie d'une de leurs habitations en briques.

Le côté sud du pronaos est orné de sculptures représentant toujours le roi Darius, faisant des offrandes à Ammon-Ra. M. Hoskins les a co- piées avec beaucoup de soin, ainsi que les hiéroglyphes. Une tablette hiért^ypbique contient, quatre fois répété, le nom phonétique de Darius , avec les titres de fils de Pharaoh (Phré), fils d'Isis et d'Osiris, aimé d'Ammon.

Le nom de Darius, qui se retrouve presque seul dans les hiérogly- phes de ce temple, atteste que la construction de cet édifice fut entre-

MARS 1838. 189

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT ROYAL DE FRANCE.

Nous ayons annoncé dans notre dernier cahier, la perte immense que l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres renait de faire dans la personne de M. Silvestre de Sacy. Ses funérailles ont eu lieu le a 3 février; et M. Jomard, président de cette Aca- démie , y a prononce le discours suivant :

t Messieurs , le coup subit dont TAcadcmie est frappée lui laisse k peine la force d'exprimer sa douleur; comment trouverions-nous des termes, en cette funèbre en- ceinte, pour apprécier Thomme émiuent, le savant illustre qui vient de succomber? Quelle existence littéraire fut plus féconde, quelle érudition plus forte, quelle critique plus saine, quelle intelligence plus puissante? A l'âge Von peut à peine compter sur le lendemain, M. le baron Silvestre de Sacy publiait un de ses plus beaux ouvra- ges « un livre qui suffirait à fonder une renommée : c'est dans sa quatre-vingtième année qu il y mettait la dernière main. Un mois ne s*est pas écoulé depuis que Tauteur déposa sur le bureau de TAcadémie son Traité de la religion des Druzes ; ainsi la nouvelle de sa mort aura retenti dans toute TEurope, bien avant que les bonunes avides de lire ses écrits aient reçu , ou seulement connu cette importante

Croduction. Que dis-je ? le jour même il a été frappé à mort , il avait fait au col- ige de France sa leçon accoutumée, rempli à Tlnslitut ses fonctions académiques, jugé des manuscrits offerts à la Bibliothèque royale; et, enfin , pour que cette der- nière journée fût^ comme toutes les autres, exactement remplie, il avait siégé et pailé dans la cbambre politique ouverte à toutes les illustrations. On pourrait dire qu*il est mort debout , et comme un soldat sur le champ d^honneur. Et, vous le sa- vez, messieurs, qui jamais accomplit tous ses devoirs avec une fidélité plus reli- gieuse que notre vénérable doyen ? Cest qu*il était un de ces êtres à part, qui ap- paraissent de loin en loin, et chez qui la vertu, le talent, et toutes les forces con- courent pour former un homme privOégié... Dès 1781, il était conseiller à la cour des monnaies; bientôt après il fut nommé associé de l'Académie des Inscriptions ; pendant nos jours d*orages, il vécut dans la retraite et la mit à profit pour composer ses beaux mémoires sur les rois Sassanides ; dès^i 808, il fut membre du corps législa- tif; puis professeur au G}llége de France et à TElcole des langues orientales, membre de la commission de Tinstruction publique, et, depuis, du conseil royal; ardent promoteur de Tétude des langues sémitiques et de celle des langues de la Haute Asie; inspecteur de la typographie orientale ; Tun des plus laborieux rédacteurs du Jour- nal des savants \ membre de toutes les grandes académies; fondateur de notre Société asiatique... Tous ces titres à Tadmiration ou À Testime de ses contemporains et de la postérité, et bien d*autres semblables , rempliraient des pages entières , aussi bien que la liste de ses écrits , dont plusieurs sont devenus classiques ; sans parier de ce qui ^t encore son ouvrage, et qui ne lui fait pas moins d^honneur, je veux dire les

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Mvaats célèbret qu'il forma ou acheva d'instruire Jk ses docles lieçons ; au detiora , les KosegartCD et les Freytagi chei nous, les Rémusat, les Chézy, les Quatremère . et tous ceux que leur pràenca ne iJéilsnd de DOmmer. C'est ainsi qa'on Fa vu lour À tour, pendant on demi-sié^, grammairieD profond, savant historien, dialecticien consommé, écrivain plein de goût, (n^s«eur infatigable, citoyen courageux, pen- seur et homme dXtat, modèle delà vie privée, adoré d'une famille digne de lui, ri- gide administrateur, homme de vertu astique et de piété sincère : (Bi'a-t-il manqué à sa gloire, à sa vie si pleine? Bien, pas mSme te bonheur, an prix miqud, trop sou- vent, s'achète la renommée. Mais l'Académie, comment se cons<dera-t-dJe jamais d'une aussi grande perte; quand pourra-t-elle la r^wrer? HdasI eDe pod aujour- d'hui un mod^e, on appui et un père.

UM. Hase, Eogéne fiamouf et Amédée Jaubert wtt ensuite exprimé les regrets p«oibQdBdelaBiUiolbèqiieroyaIe,du Cc^ége roval de Franccdel'Ectde des langues orientale» vivantM, de la Société asiatique , et offert i la mémoire de U. de Sacy let hommages de ces étabUssements.

Le 34 février, l'Institut était encore rassemblé autour de la tombe d'un de ses uieml»es, M. Thévenin , de l'Académie royale des beaux-arts. Le discours prononcé par M. Gamier contient des détails biographiques que nous nous empressons de re- cueillir. ■ Charies Thévenin était k Paris le i s juillet 1 76a, d'une famille considérée et jouissant d'une heureuse aisance. Son père , entrepreneur des bâtiments du Roi, avait été chargé , sous la direction de l'arcbitecle SoulBot , de la coostriiction de nouvelle église de Sainte-Geneviève. La carri^ de l'architecture semblait dobc dès lors devoir s'ouvrir pour te fils; mais un goût prononcé pour la peinture luî lit suivre les leçons de U. Vincent, dont la nombreuse école, émule de celle de David, qui romplait alors parmi ses éJèves , Gérard, Gros et Gîrodct, pouvait aussi présenter Meynier et Thévenin. L'aisance dont ce dernier jouissait dans sa famille ne l'empê- chait pas de se lîvm avec ardeur à l'étude de l'art que lui avait indiqué sa vocatiOQ. Après plusieurs essais distingués , il obtint le grand prix en 1771, sur le si^et du Départ de Ri^ulut pour Carthage... Dès que les années françaises eurent mis le pied dans ce beau pays (l'Italie] , il s'y rendit; 3 y s^ouma plusieurs années avec mission de suivre les touilles qui se faisaient à Portlci. Par ce moyen, il avait tonte facilité d'étudier et d'explorer cette terre classique des arts dans toute l'étendue de Rome à Naples... A son retour, si M. Thévenin ne retrouva plus la fortune qu'il pouvait es- pérer, il ne s'en livra qu'avec plus d'ardeur au travail. II fut chargé, en 1800 de représenter la prise de Gaéle par le général Rey. En 1 806 , il peignit ce célèbre pas- sage du mont Saint-Bernard exécuté par l'armée française, en présence et sous les ordres de Bonaparte. En 1810, il représenta la bataille d'Ièna, fattaque et la prise

192 JOURNAL DES SAVANTS.

sur lesqueHea on ae foade pour attribuer cette profeMion de foi à rbistoricD câèbre dont elle ne porte pas le nom, il est ilit quele manuscrit du Boi aoi6, contenant la fie de saint Louis, par JoinvîUe, peut n'avoir été exécuté que par les ordres de Charles V. Cependant ce manuscrit est daté : les derniers mois du texte : qaej'm ymiement veut et oyes, y sont immédiatement suivis de ceux-ci, de la mbne maiu: Ce fa eicripl en laa de grâce mil ccc et ii ou moyt Axtoare. 11 s'en faut que les remar- ques grammalicales qu'on veut opposer à une date si positive , nous paraissent d'un trè»-grand poids. D'ailleurs on n'imprime ici qu'une tradaction, et non le pur texte du prétendu Credo de Joînville.

ttelalioM iei ambaaadean vènitieiu lar ks affairei de France, au sin* siècle, re- cueillies et traduiles par M. N. Tommaseo. Paris , Imprimerie royale , 1 838 ; 3 vol. ia-4°, XII, 565 et83i pages. Ces deux volumes font partie de la collection de docu- ments historiques, puUiée par M, le ministre de l'Instruction publique. Ds contien- nent le voyage d'André Navageroen Espagne, pendant l'année lôaS: la rdationde Marin Giusiiniano (i535);.... les commentaires de Michel Surisno (i56i)i.... le voyage de Jéràme Lippomano (1577) , etc. etc. L'éditeur avoue que parmi les aa- leurs de ces écrits, it n'y a de c^èbre que Navagero; mais il annonce CavalU et Suriano comme les plus Téconds \ Capello et Correro comme les plus remarquâmes par la finesse de leurs aperçus.

Rapport de M. Pardessus, à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, sur la pnidicalion lies Assises de Jérusalem. Paris, Firmin Didot, i83Si 1 A pages io-4V On annonce en Allemagne , comme première édition complète des Assises de Jé- rusalem, celle que M. £. H. Kausler se propose de publier ; /Rjfifnta r^ni kiero4ofy' mitani primum intégra ex genainis depromta cûdicibiu maniucriptii , ad/ecta hctioRwii varietate , et prmfatione cam gloisario indicibasque.

n vient de paraître une nouvdle édition de la Mitaphyiiqne fAristol» , par M. Cousia. Cette seconde édition renrerme, comme la première, le Rapport de M. Cousin sur le concours ouvert par l'Académie des Sciences morales et politiques , sur la métaphysique d'Aristote , ainsi que la traduction du premier livre de ce grand ouvrage. EUe comprend de plus la traduction du XIII' livre de ce même ouvrage , qui contient la 'Ibéodicée d'Aristote. Une nouvdie préface rend compte des travaux récents entrepris en France sur l'école péripatéticienne; io-S* de aSo pages; clwt Ladrange, i85S. Pr. & fr.

TABLE.

Pierres gravées de la cbâsse de Sainte-Oiubelh de MarburK. ex|Jiqnées par H. Crouier

194 JOURNAL DES SAVANTS.

auquel il a donné la plus grande part de son temps et de son travail , comme à celui dont le sujet lui semblait le plus neuf et le plus intéres- sant : on y trouvera exposé aussi complètement^ dans un aussi grand détail que possible , Tétat des provinces méridionale^ de la France, de- puis les commencements du x* siècle, jilqu^à la fm du xni*, c est-à-dire, j usqu*au temps Texistence indépendante, la civilisation originale de ces provinces, vont se confondre et se perdre dans Tunité de la mo- narchie française.

Le long espoir et les vastes pensées sont aujourd'hui choses si rares en littérature, qu*on éprouve quelque surprise, quelque satisfaction à la seule annonce d'un tel ensemble de travaux» et que Ton tient compte à fauteur, comme d'un premier mérite, du courage seid de l'entreprise. De ces ouvrages dont se composera sa trilogie historique, c'est le se- cond qu'il a d'abord rendu public. Peut-être cette préférence n'est-elle pas, pom* le moment présent, sans inconvénient. Quelque distinctes que puissent être les trois histoires de M. Fauriel, on comprend qu'elles doivent s'éclairer mutuellement, et que, par exemple, la connaissance exacte que doit donner la première de la situation de la Gaule sous les Romains^ aiderait puissamment à comprendre , dès le début de la seconde, ce quelle deyint par suite de l'établissement des conquérants germains.

Le récit de cet établissement est conduit dans un premier vo- lume» le seul dont s'occupera cet article, jusqu'à l'époque où, les pos sessions gallo-romaines étroitement resserrées entre les Bretons indé- pendants de r Armorique , les Visigotbs , les Burgondes et Icf Francs^ parait enfin ches ceux-ci, en d8i , le chef puissant qui, par les armes, par la politique» par l'ascendant de ses grandes qualités» et aussi l'audace heureuse de ses ciimes, fondera sur les débris de ce qui reste de f em- pire et ceux des-nouveaux royaumes barbares» le plus ancien des étais modernes. Le sujet excède ici de beaucoup les bornes le titre de l'ouvrage semblait devoir renfermer l'auteur. Il lui faut aller chercher bien loin du v* siède et de la Gaule» dans l'obscurité d'un passé sans limites» et dans le fond de la Germanie» ces populations appelées â renouveler le monde. B lui &ut les suivre dans leurs courses inquiètes et aventixreuses » dans leurs campements multipliés» hors de la Gaule» en Italie» en Espace» en Afrique. L'histoire particulière de nos pro^ vinces méridionales, k cette époque» devient inévitablement, par suite de Taction réciproque de tant de nations les unes sur les autres» de ce flux et reflux qui les pousse toutes ensemble» comme des flots, d'un hout de l'Europe à l'autre» une sorte d'hisloire générale de l'invasi<Hi

IM JOURNAL DES SAVANTS,

tromeots aveugles de destruction , tous , plus ou moins Jléaax de Dûa , voilà ce que reproduisent sans cesse les annaJeâ du v* siècle, sous des noms divers qu'on a peine à retenir. Le grand caractère d'un Majorien , digne des beaux temps de l'empire, l'habikté militaire et politique d'un Stilicon, d'un Aetîus, l'héroisme d'un Ecdicius,la barbarie colossale d'un Attila, les grandes vues d'un Genseric, la magnanimité sauvage d'un Alaric, les instincts de gouvernement et de civilisation de quelques princes visigotbs.d'uaAtauUe, d'un Théodoric II, d'unËuric, ne sont, dans le fi^acas monotone des révolutions de cet âge, que de trop rares , trop incomplètes , trop courtes exceptions. Prenons-nous en à la séche- resse, A l'aridité des histoires, ou plutôt des chroniques du temps, qui ont dépouillé les Ëiits de leurs traits caractéristiques. « La composition des ouvrages historiques , dit M. Fauriel , indépendamment des difficultés qui lui sont propres , en présentait alors d'autres particulières , bien plus eG&ayantes encore pour la mollesse intellectuelle et la lassitude morale du siècle. Il était plus facile de s'étourdir sur les désastres de l'empire, d'y fermer les yeux, que d'en considérer les causes d'un ceîl ferme, et de les raconter avec suite, avec ensemble et vérité. Les Barbares étaient déjà là, il aurait fîdlu parier d'eux; or il y aurait eu du péril k déplorer, à maudire leurs victoires, et de la bassesse à les célébrer. On prenait le facile milieu, on se taisait (t. 1, p. 43 3 ), o

Ce que n'ont pas dit les récits contemporains , on peut le retrouver, en quelque chose, dans les involontaires confidences des autres monu- ments littérai^s de l'époque. M. Fauriel n'a pas négligé cette ressource. Il a fait surtout de fort nombreux, de fort heureux emprunts au recueil des poésies et des lettres de Sidoine Apollinaire , ce riche répertoire de traits précieux sur4'histoire et les mœurs de la Gaule au v* siècle , comme il l'appelle qudque part. Sidoine naquit à Lyon, vers Ixio, et mourut à Glermont, en 489 iilput connaître partradition, et mieux encore comme

198 JOURNAL DES SAVANTS.

Rogations, récMmnent insdhiées par Mamert, évéqae de Vienne. Il écrit

sa saint fondateur de ces cérémonies (Uv. vii, ép. t ] :

Le bruit court que lesl^oths sont en mouvement pour enrahir le territoire romain-, et c'est toigoun notre pays, à 'nom, malfaeurem Arvemes , qui est la porte par se font ces imiptions.'Ce qui nous ins- pire la confiance de braver un tel péril , ce nie 'sont -pas nos remparts caldmés, notmacbinesde guerre vormouluet, nos eréiiemucusésaufrot- tement de nos poitrines; c'est la sainte inatilotion deH Rogations. Voitè ce qui soudent les .arvemes contre les horreurs <{Di les environnent de toutes parts, u

La vie antérieure de Sidoine, s^nalée par de ftftoles succès lîtté- téraires que le goût ne peut avouer, par des variations politiques brusques et nombreuses , dont ses trois panégyriques , réunis par lui- même dans son recueil , ont conservé la trace , ne prépare point à iénei^e et & la constance qu'il montra dans sa nouvelle position. U panit alors avec Ecdicius, avec cette population fidèlç qu'ils animaient de leur patriotisme, le dernier rejHrésentaot de l'esprit romain dans la Gaule. Rome l'ignorait »u s'en souciait peu. Au moment les Arvemes, lassant l'opiniâtreté des Visigoths, venaient une dernière fois de leur faire lever le siège, ils apprirent, pleins de douleur et d'indignation, que le nouvel empereur Julius Nepoa traitait avec Euric , et que la principale condition du traité devMt être la cession de l'Arvemie aux ennemis qn'dle avait repousses. Alors Sidoine écrivit à l'éréqne Grscus, l'un des n^ociateurs, pour prévenir, s'il était possible, cet acte honteux, ou sauver du moins de ses suites ceux qu'il allait mettre en péril , une lettre véritablement fort belle, qui mérite d'être cherchée dans son recueil (vu, 7), et n'est pas un des moindres ornements de la narration de l'historien. M. Fauriel l'a traduite en entier, sauf, dit-il , deux ou trois traits de mauvais goût , heureusement intraduisibles.

Cet éfHSode, auquel je me suis com^daisamment arrêté, est plein

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coDstitutioD , à en faire coimaîtreles membres, canaux, ou décurioiu, ou sénateurs , comme on les appelait en divers lieux; admis, par droit de naissance, originaks, ou par élection, nominatt; plus ou moins im- portants selon leur rang d'inscription sur le r^;ÎBtre de l'ordre ; les uns , en supportant seulement les chaînes , monera, les autres, jouissant de ses distinctions, honores; les premiers, bomés k la d^ibération, les se- coods, investis delà puissance executive, et magistrats de la cité, an nombre de deux ou de quatre, selon les localités, daamuiri ou ipiataor- vvri, au-dessous desquels agissaient, chacun dans leur sphère, d'autres magistrats d'ordre inférieur comme les édiles, des officiers subalternes, tels que les greffiers, notaires, tabeUîons, scribes et autres, chairs de la rédaction des actes municipaux. M. Fauriel donne de nombreux et curieux détails, la plupart empruntés au code tbéodosien, sur les attri- butions de la curie -, les imes résultant de ses obligations envers le gouvernement, et dont la principale était la répartition et la levée des impôts-, les autres purement municipales , et comprenant l'exercice de sa juridiction particulière en matière civile ou criminelle, l'administra- tion de la police, des subsistances, de tout ce qui intéressait l'ordre public , la régie des biens et des produits qui composaient son patri- moine. Il y avait bien de certaines différences, M. Fauriel prend soin de le faire remarquer, entre les curies de l'Italie et celles des provinces, comme entre celles d'une même province; mais ces différences allèrent toujours s' effaçant sous l'uniformité du régime impérial. A la fîn du IT* siècle , un changement notable s'introduisit dans l'orgaaisation de la curie gauloise. Aux^natnoraîri, aux iaamviri, succéda, dans le gou- vernement municipal, sans être soumis à l'élection des décurions , et pour une durée de plusieurs* années, d'abord de cinq, ensuite de dix , et enfin de quinze , un seul ms^trat , qui tirait sa préémi- nence de son rang d'inscription sur l'album curial, et qui prenait le

202 JOURNAL DES SAVANTS,

hooiiéurs de la cité ; hommes libres distribués en corporations indus- trielles; colonslibres aussi, i certains égards, bien qu'A peu près atta- chés i la glèbe; clients, affranchis, esclaves; il passe toutes ces classes de personnes en revue , et montre jusqu'à ^el point elles étaient devenues romaines par les mœurs, les sentiments, les idées, jusque par les noms. Sidoine Apollinaire, auquel il associe Êéquemment &ivien, lui révèle ici, dans ses mille détails, la vie toute romaine que menait la haute société gauloise, la seule de celte époque que l'on puisse bien connaître, parce qu'on ne peut consulter qu'elle, et qu'elle n'a parié que d'elle. C'était une vie pleine de vanité, de mollesse, de eorruption; mais, comme M. Fauriel le fait remarquer, après l'avoir indiqué dans son récit, cette corruption n'existait pas partout au même degré : certaines provinces retirées , montagneuses , comme celles des Arvemes, la civilisation des Romains s'était introduite avec plus de lenteur, avaient été moins dépravées par elle; elles avaient conservé beaucoup plus de la sévère rudesse de leurs anciennes mœurs, et y puisèrent aussi, quand il le fallut, pour défendre, contre les barbares, leur nouvelle nationalité romaine, plus d'énei^e et de constaniie. M. Fauriel, faisant une sorte de départ des vices et des vertus de l'é- poque entre les deux systèmes de croyances religieuses qui y régnaient ensemble, bien que déjà inégalement, reconnaît que, sauf des exceptions assez rares, la portion la plus distinguée et la plus noble de la société gallo-romaine était celle dont l'él^ance tétau épurée par les mœurs et les lumières du christianisme. En tète iff celte élite , il place à juste titre le clergé, dont les hauts rangs se recrutaient, ou de prêtres savants sortis des monastères de Lerins et de Saint-Victor de Marseille, ou d'hommes considérables, que le vœu des populations appelait, même sans qu'ils fussent clercs, comme il advint entre autres à Sidoine, aux fonctions de l'épiscopat, et qui y apportaient, avec l'éclat de leur posi- tion personnelle, t'influence d'une grande fortune dépensée en bonnes

soi JOURNAL DEâ SAVANTS.

de la Gaule du v* siècle, la littérature pro&oe, expression fid^e c,de 1'^^ ganee, delà politesse factice, de la mollesse d'une société dé^oérée qui, achevant de se décomposer, usait ses derniers efforts et ses derdiecsmo- ments & s'étourdir sur ^e-méme; » la littérature chrétienne efle^nime, que le sérieux , la grandeur de sa mission , n'afvaient pu consenrer simple et vraie. Toutes deux étaient presque également {Miennes par la fonne ; la &ble, baniùe des croyances, restait, conmie elle le fiit paiement fdus tard , & diverses époques , le langage de l'imagination , aussi luùver- sellement reçu que y>uvait l'être FUiome dont on se servait alors , le latin. M. Fauriel finit son chapitre par rechercher dans queUes propor- tions cet idiome se trouvait avec ceux qui l'avaient précédé dans la Gaide, et qui n'en avaient pas totalement disparu; le greci qui avait conservé, dans les villes d'or^ine phocéenne, un reste d'existence. populaire; le belge, le celtique, l'aquitain, dont les deux derniers se sont perpétués jusqu'à nous dans le bas-breton et le basque. 11 montre qu'en dépit de quelques résistances locales , le latin était la lai^e géné- rale et nécessaire de la Gaule, celle du gouvonement, de la religion, ' de la littérature, langue pariée par les hautes classes , langue entendue par les populations inférieures des villes et des campagnes que pré- çhaitle clergé dans un latin quelquefois fort étudié et fort précieux, que divertissaient des farces, des chansons également latines, lesquelles, à n'en croire que les censures de l'église, n'étaient que trop bien com- prises. Cette universalité du latin est un dernier trait par lequel M. Fau- riel achève de montrer à quel point la civilisation de la Gaule était devenue rgmaine. Qu'apporta à cette civilisation la barbarie, germa- nique, et que lui emprunta-t-elle? quel ordre nouveau résulta du mé- lange? C'est ce qu'il recherche, avec la même science et le même talent, dans un chapitre correspondant, digne de grande attention , et dont je dois renvoyer k im autre article l'analyse et l'examen.

20fl JOURNAL DES SAVANTS,

avancer de beaucoup l'époque de complète information philologique dont nous parb'ons tout à l'heure. Ellles peuvent aussi diriger utilement cette information , indiquer un choix dans les documents, prévenir des frais inutiles et du temps perdu. Malgré la faveur et les secours accor- dés à la publication des ouvrages inédits en vieux français , il se pas- sera bien des années avant qu'on ait publié, par exemple, une collec- tion générale des mystèret : peut-être même aurait-ùn grand tort de la publier, et n'est-elle pas nécessaire.

Sous ce double rapport, on ne peut trop estimer le lèle du critique patient et édairé, qui étudie, sur les manuscrits mêmes, cette portion de notre vieille littérature, analyse les ouvrages, en cite des fragments «t des scènes, et met le lecteur â portée de juger lui-même.

Tel est le véritable prix des Ètades de M. Onésime Leroy sur les mystères. C'est un livre de conscience, fait avec un travail sérieux et un esprit juste, sans vaines conjectures, sans affirmations systématiques. On peut y relever seulement quelques digressions inutiles , quelques OTUements trop modernes, et de trop fréquentes allusions aux théories littéraires de notre temps. L'auteur pouvait se passer de cette ressource : quand on a bien approfondi un sujet d'histoire ou de littérature , il faut y rester, et tirer de ce sujet même l'intérêt et la nouveauté. Cela vaut mieux que d'y ramener les nuns et les choses d'un autre temps, à la laveur de comparaisons toujours un peu forcées. Mais venons à l'ou- vrage même, et cherchons le résultat du travail et des vues de l'auteur.

M. Jubinal , dans les deux volumes de mystères inédits qu'il a ré- cemment pubhés , n'a compris que des pièces du xv* siècle , et des pièces toutes religieuses, comme l'indiquent les titres: le Martyre de saint Etienne, la Conversion de saint Paul, la Conversion de saint Denis et de ses compagnons , le Martyre de saint Pierre et de saint Paul , les Mi- racles de sainte Geneviève, la Vie de saint Fiacre. Ces drames, curieux

A08 -JOURNAU DES SAVANTS.

de la cour de Bourgogne , et qui dit merveilles de la sagesse et de la beauté de Qotîlde , nièce du roi Gondebaud. Clovis en délibère avec ses chevaliers, et charge le noble romain d'un message secKt pour Qotîlde :

Cm vateiMDtfl, pour tapoiuaiflei ,

Qui KDt d'or U pmoileru.

Cet annd anui h donru ,

De par moi ; ce n'est nul diflîaxie ;

Par si qn'tile sera ma femme : Avoir la reuil. "

Le Romain part aussitôt; et vous êtes à la cour de Bourgogne , aux portes du palais se tiennent des pauvres, qui font l'éloge de la cha- rité de Dotîlde , en attendant qu'elle sorte pour la messe. Le Romain , Têtu comme eux, se mêle à leur entretien; et, quand Clotilde passe et distribue ses aumônes , il lui boise la main. Glotilde ne dit rien ; mais , rentrée dans son palais, elle fait quérir le pauvre étranger. Aurdian est introduit. D vient sous son costume de meudiant, et saisit cette occa- sion de &ire son message. Glotilde ne veut pas même voir les présents du roi païen, et montre grand éloignement pour ce mariage. Toutefois elle ajoute, pn personne discrète :

gardei ^e cest chfMe

A nul IxHnme oe soit descIoK-,

Car ce qu'à monseignear [daira

Mwi oncle fidre. fait sera, A brief paHçr. Aurelian rapporte cette réponse , et revient en ambassade prés de Gondebaud, qui enfin accorde sa nièce au redoutable Clovis. La jeune princesse part sous bonne escorte et arrive à Soissons. Le cérémonial de l'entrevue est simple et précipité , comme on pouvait l'attendre de Clovis; mais quelques traits du dialogue ne sont pas sans grâce : Clovis. Bien puîuiei venir, damolsellel

De vostre venue ay grant joie, <

Puisque toos devei estre njoie (nùenue) ,

210 JOURNAL DES SAVANTS,

baptiaé. €loTis entre dans le» font» baptisimvx cOtaine aui premiers temps de ïÉ^ise; une colombe paraît, apportant l'huile sainte; l'ar- c^eréque adresse au n»i les qoesliohs ucramentdles. Le roi répond k toat , et dit : a Je requiers avoir le bafiètae de sainte É^e. » L'arcfae- vèque coDsomme la cérémonie ; «t le poète du xn* siècle met sur la soèôe toute la iitui^e da baptême , encore fixa haidiment que Schiller n'y a mis la coi^fession et' fextrème-onction.

Nous regrettons encore ici que l'ingénieux critique, travaillant sur une pièce inédite , n'en ait pas rapport de plus longs fragments. Je les aurais préférés à des vers modernes sur le sacre assez inutilement cités et qu'on peut lira partout.

Un autre mystère romanesque, du même manuscrit et du même temps, est plus longuement analysé par M. Onédime Léroj. C'est l'fais- tt)ire d'uhe jeune femme, séduite et repentante, qui meurt sous un habit de moine, comme madame Benavidès, dans le comte de Comir^. Je ne puis partager l'admiAtion du critique sur la fable et les détails de cette pièce. U y a dans l'étude du moyen Age un écueil toujours à craindre : c'est de trop admirer des choses qu'on a eu quelquefois grande peine à découvrir. Je ne puis voir, dans quelques essais curieux d'ail- leurs et dignes d'attention, les dévrioppements prodigieux donnés à notre poésie dramatique par ifoel^aes homaus sapériears et maUiearease- ment inconnas. Il n'y a guère ^hommes de génie inconnus. Quelques si- tuAtions heurenses, quelques rers nmfV ne sont pas un développement pfodigieux.

' 'A cette admiration un peii trob'Iorte, je crois, mats qui soutient patience dans de péniblçs recherches, M. Onësime Leroy a joint un autre sentiment fort louable : le zèle pour sa jtrôvirice natale et le désir d'attribuer à l'Artois et à la Flandre ime grande part dans l'origine et les progrès de l'art dramatique en France. M. Leroy est de Valen-

AVRIL 1858. 211

Si TOUS a^es pea k manger, 8i becnrez Uen à TarenaDt

à la bonne heure; mais après ce genre de preuves, on s'étonne un peu d'entendre M. Onésîme Leroy, en continuant à revendiquer pour son département le mystère *de la Passion, s'écrier : «Pourquoi notre pro- vince serait-elle déshéritée de toute poésie ? Il y a poésie partout vit quelque sentiment généreux ! » et citer k l'appui ces paroles d'un poëte iUustre de nos jours : a Le midi et le nord de la France me paraissent, pour la poésie, bien supérieurs aux provinces centrales. L'imagination languit dans les régions intermédiaires, dans les climats trop tempérés; il lui faut des excès de température. La poésie est fille du soleil ou des frimats : Homère ou Ossian; le Tasse ou Milton. » Malheureusement pour cette règle , Racine est à la Ferté-Milon, La Fontaine à Château-Thierry , Boileau et Voltaire à Paris, dans la cour de la Sainte- Chapelle.

M. Onésime Leroy n'en fait pas moins une digression très-intéres- sante sur l'esprit religieux de nos provinces du nord, leur goût pour les mystères et la grande anoienneté de leurs essais dans ce genre d'é- crire qu'elles cultivent encore aujourd'hui, au point même d'éveiller la soUicitude épiscopale. Nous voyons, en effet, que dans une instruction latine du i" juin i83Af Tévèque de Cambrai recommande aux curés de son diocèse de ne point admettre aux fêtes de Noël certains specta- cles, tels que 1 adoration des bergers devant ia crèche, et d'autres repré- sentations figuratives de la Passion , ou de quelques-unes de ces cir- constances, toutes choses qui sentent les jeux de la scène : quœ scenicos ladùs redolent. Ne peut-on pas, avec assez de vraisemblance, repprter l'origine des mystères aux lieux leur durée est si persévérante? Il parait même qu'ils s'y sont perfectionnés avec le temps. Dans le dernier siècle, un curé de village fit, en français moderne, et en grands vers, un drame de la Passion, qui se joue, les dimanches de carême, à Halluyn, à Comine, à Tourgoûi, et dans le village de Lincelles, subsiste encore aujourd'hui une confrérie dite de$ rhétonciens^ à côté d'une manufacture de tabac. M. Onésime Leroy rapporte même quel- ques beaux vers de ce mystère , le dernier qu'on eût fait sans doute avant ceux de Byron. , par exemple ( et la situation est remar- quable ) , Ijladeleine repentie , cherchant à consoler Judas désespéré , parie ainsi du Seigneur :

Hélas! dès que je fus aux pieds de ce cher maître. Je eommençai , tremblante , k ne plus me conDaître.

a/

21Î JOURNAL DES SAVANTS.

Je perdii U. parole et pariu par met pleur*; Mais QD amour secret r^oait dans mes douknn.

Seulement cette citatioD élt^gne un peu M. Ooésime Leroy du véri- table but de son ouvrage, et des études d'archéologie française nous voulons le suivre. *

Après avoir très-bien établi que, poétiquement pariant, la Passion est un admirable sujet, M. Onésime Leroy &it connaître, par d'assee longues analyses , un manuscrit de Valencîennes , qui lui paraît renfer^ mer la rédaction la plus concise et la meilleure de cette œuvre, souvent remaniée dans le xv* siècle, et connue surtout par la version lourde et allongée de Jean Michel. Les trois chapitres qu'il consacre à ce manus- crit de Valencîennes sont pleins de curieux détails. La publication en- tière du texte, sur lequel il a travaillé , serait utile à l'histoire littéraire.

Après ce grand drame de la Passion, M, Onésime Leroy descend à des mystères d'un intérêt beaucoup moins grand, et je lui reproche de vouloir toujours découvrir des points de comparaison avec nos chefs-d'œuvre classiques. Dans une de ces pièces tirées du Vieux Tes- tament, Aman , assuré de la condamnation des Juifs , s'écrie :

Je voas aura! , très-fière geat , Je vous aurai, despit commun , Jttvous aurayl Pourramourd'oDg, Vous en seret trestous pugnig.

Trestous pa^nis ne me rappelle nullement les vers de Racine :

Ud seul osa d'Aman attirer le courroux, Aussilàl de la terre ils disparurent tous.

Eln général, M. Onésime ne peut trop se défier de ce goût subtil de parallèle entre des choses sans rapport. Plus de sévérité à cet égard aurait abrégé son livre, sans y retrancher rien d'utile, et en aurait rendu ie dessin plus clair et mieux lié.

Mais reprenons la suite des recherches de M. Onésime Leroy. Ce

216

JOURNAL DES SAVANTS.

àa bourreaa, il y a quelque germe d'horreur tragique. Cette scène lapp^e Sbalcespeare, sauf le génie de l'eipression; et on doitremerder 11. Onéaime Leroy d'avoir su U déterrer sous le £atra> d'ua ftirceur du ZTi* siècle , et d'eo ptiblier le texte original. ■' EXFAHT. ( oa (onrrsaB qui le taiiit : )

Qu'esM cy, J6«ul et dont vient ceatoultrti'gfl? Nom n'avons fiiit aucun d(

Lb boouuc.

Le BonujuD.

En vostn fbmt.

D von> fanh.

Pour paaier temps, monter li-haolt. a* zxntn. Hâu I et EaulMl que je *ove

Hourir si genoux enbnt 1 Lbtau.bt((Jb boumait]. Vous en aurei tanstost autant;

Et si estes bel et mignon.

Aussi a]m sou compagnon ,

Car il m'est commandé.

Hâasi

Chi nous TCnt bien cher le aoulas

Qu'en ce boys avons voulu prendre.

lies compagnons, il ikult entendre

Que vecy la fin de nos jours.

Nul ne nou^ peult faire secours,

Mourir fault, sans nulz contredits.

Je pry Dieu qu'en' son paradis

Au jour d'uy le voyou» tous troys.

Adieu, mes amis. (/ci lejetUk 6oBrr«aa.)

MauU le boys.

En vda ong despéché.

Il n'a guère longtemps presché,

Mon maistre. LtaoctAZkfj(prtndU:t'). Auplusprèsde luy,

Serei ataché au jour d uy.

Lb bouruaC. Le vaklet.

218 JOURNAL DES SAVANTS.

cartent. Nous ne rangeons pas dans cette classe les conjectures de M. Onésime Leroy sur le véritable auteur de Tlmitation de J.-G. : elles nous semblent ingénieuses et appuyées sur un fait curieux de biblio- graphie; mais, en les lisant avec plaisir^ on est bien im peu surpris de les trouver dans le XII' chapitre d'un ouvrage sur Tart dramatique en France , et à quelques pages d'ime analyse de Tavocat Patelin. M. Oné- sime Leroy pense que Tauteur de l'Imitation de J.-G. est le fameux Ger- son, chancelier de l'Université de Paris; et la preuve nouvelle quil donne de cette opinion déjà connue, il la tire d'un manuscrit français, conservé à Valenciennes, qui jadis aurait été destiné à la duchesse de Bourgogne , et qui renferme , outre deux sermons inédits de Gerson, un traité de llnternelle consolation ^ écrit du même style que les deux sermons, et tout semfaflble, pour les idées principales et pour la forme, au livre de limitation. S'il en est ainsi , M. Onésime Leroy aura fait une cu- rieuse découverte; mais pour la démontrer avec évidence, il aurait be- soin de multiplier les citations comparées des deux textes , d'expliquer les différences, de faire ressortir une identité qui nous parait moins forte iju'à lui. Gela Sait» il rencontrera quelques contradicteurs, et cette dis* cussion n est pas près de finira Faut*il, du reste, se donner tant de peine pour découvrir et préconiser le véritable auteur de ce beau livre sur Thumilité chrétienne ? N'est-il pas plus digne de lui de rester inconnu comme il a voulu l'être i et n'est-il pas bon de laisser cette différence entre ce pieux anonyme et les philosophes, cités par Gicéron, qui ne manquaient pas d'inscrire leur nom en tête des livres qu*ils écrivaient sur le mépris de la gloire ? Jpsi iUi fhitosophi, etSun in Ulis Ubellis quos ds wwUmnenda ghria scribmt, nomen suant inscribwU* ( Pro Arc. poeta. )

VILLEMAIN.

Rak^ORT sur deux pièces inédites de la Bibliothèque tvyale de Paris, relatives à F histoire du Cartésianisme, la le 2 décembre iSSy, à F Académie des Sciences morales et politiques.

SECONn ARTICLE.

Xarrive maintenant à la seconde pièce inédite que je dois faire con* iMttCre à l'Académie.

Le judicieux mémoire que je viens de transcrire , arrêta le pariement de Paris , et lui épai^a une nouvelle faute envers la philosophie et la sakie poUtique. Mais les jésuites ne se tinrent pas pour battus.; ila étaient

220 JOURNAL DES SAVANTS.

cip«ux, et, eo mêmâ temps, assignait à la barre du paiiementTimiTer-

sité d'Angers. Grandes difficultés, grave conflit-, que le roi Lonis'XIV teimina, à sa manière, par un nouve arrêt qui cassa celui du pariemeot, déchargea l'université d'Angers de ' Tassignation , mit au néant l'^poù- tîon du père de l'Oratoire , enjoignit à ce père et à. tous autres de sous- crire k la condusion et délibération des 1 1 et i & février, ordonna au - recteur d'empêcber qu'il ne fût enseigné et soutenu aucune' opinion fondée sur les principes de Descartes: le tout à ta diligence ducon- seiHer d'Etat, commissaire royal dans la généralité de Tours. Cet arrêt est du 3 du mois d'août 1675.

Arrat^ da Conieil-eCEilat du Hay, qui confirme ta condamnatiiM de CartétianUm»,et ^ ardonn» aux Pères de rOraloire de te toabanttln aax cûnctaiiom de VUniversiti d'Angertj en conséijaente de l'ordre du Roy.

Le Roj ayant esté cj deraiit informé que dans l'Université d'Angers l'on y ensei- gnoit les opinions et les sentimens de Descartes, et considéré que dans la sutlte cela

eiuvoit causer dans ce Royaume quelque desordre qu'il esloit bon de prévenir, Sa BJesié auroit, par ta lettre de cachet du trenliesme de janvier dernier, donné ordre au Recteur de ladite Université d'empêcber et faire deOenses de la part de sadite Majesté aux Professeurs de ladite Université , de continuer à faire leurs le^ns sur lesditea opinions et sentimens de Descartes, en qudque sorte et manière que ce soit, tout ainsi qu'il avoit esté fait en l'Université de Paris. En conséquence auqud ordre ledit Recteur de celle d'Angers , et les principaux de ladite Université s'estani assemblés le xi* febvrier ensuivant, ils auroientcondud que ledit ordre seroit enre- gistré dans les registres de ladite Université, et que les principaux, supérieurs et professeurs en philosophie des collèges et maisons religieuses d'Angers seraient convoqués pour leur donner ccmnoissance de l'intention de Sa Majesté, et en outre qu'il leur serait enjoint de présenter à ladite Université louttes leurs thèses avant que de les exposer en public, afBn d'y être examinées par le doyen de la Faculté des arta, et les autres députtéide ladite Université , et d'apporter pareillement chaque année leurs escrils pour estre aussy leur doctrine examinée à fonds. Ensnitte de qnoy l'assemblée desdits dénommés ayant esté faicte le iviii' dudit mois de Éebvrier, et ledit Recteur leur ayant fait entendre tout ce que dessus, ih y auraient souscrit

^aa JOURNAL DES SAVANTS.

dans la décadence de f univenité de Paru et des -autres unÎTersités. Un petit livre imprimé k Amsterdam', par les soins de Bayle', donne l'acte de soumission de l'Oratoire, i savoir : ime lettre écrite au roi et signée par Sainte-Marthe, au nom de l'asseqtblée de l'ordre; cette lettre , est du mois de septembre 1 678. Nous nous contenterons d'en tirer les paa^ •âges suivants :

I Dans la physique l'on ne doit point s'éloigner de la physique -ni dés « principes de physique d'Aristofe, communément reças dans les coUégeê, «pour s'attacher à la doctrine nouvelle de M, Descartes, que le Roi a <( défendu qu'on enseignât , pour de bonnes raisons.

uL'on doit enseigner, 1* que l'extension actuelle et extérieure n'est «pas de l'essence delà matière; 3* qu'en chaque corps naturel il y aime «forme substantielle réellement distinguée de la matière; 3* qu'il y a des a accidents réels et absolus, inhérents à leurs sujets, réellement dîstin- R gués de toute autre substance , et qui peuvent surnaturellement être H sans aucun sujet ; 4* que l'âme est réellement présente et unie à tout « le corps et à toutes les parties du corps ; 5* que la pensée et la connais- <t sance ne sont pas de l'essence de l'âme raisonnable; 6* qu'il n'y a au- « cune répugnance que Dieu puisse produire plusieurs mondes en même c( temps ; 7* que le vide n'est pas impossible. »

EInfin, en 1 680, le père Valois^, jésuite , déféra à l'assemblée des ar- chevêques et évêques de France, la doctrine de Descartes. Voici le début et quelques morceaux de cette citation : uMesseigneurs, je cite u devant vous M. Descartes et ses plus fameux sectateurs ; je les accuse H d'être d'accord avec Calvin et les calvinistes sur des principes de phi- u losophie contraires à la doctrine de l'Eglise: c'est à vous, messeigneurs, «à en juger.»

Puis , rappelant ee qu'ont déjà fait le Roi et le saint-siége , il ajoute : «Vous ne hasardez rien à vous servir de votre autorité, le saint-siége

:i^ JOURNAL DES SAVANTS.

A i-»i>iJirt iMJMrtf Dans l'intervalle de temps qui s'est écoulé entre l'appa- viftHMk uk c«» oeux volumes, on sait quelle effroyable ^idémïe a sévi par ■rjimVr tvi Sicile ; et l'on pouvait craindre que ce fléau, dont }es ravages Mkl «té plus aCfireux iPalerme que partout ailleurs, n'interrompit pour toi^lemps. et n'arrêtât même tout à lait le cours d'une entreprise qui oiiljeait dfes dépenses considérables , et qui n'avait pas moins besoin de temps prospères que de main» habiles. C'est cependant au milieu de circonstHDces si contraires, privé de l'assistance de quelques-uns de ses collaborateurs les plus utiles et de ses amis les plus chers, que l'auteur a poursuivi sa noble et laborieuse entreprise; et un pareil exemple d'un dévouement à la science, qui ne recule devant aucun obstacle, et qui ne se refuse à aucun sacrifice, cet exemple, qui accroît encore le prix d'un bel ouvrage , méritait bien d'être signalé avant tout à l'estime et k h reconnaissance de nos lecteurs.

Si nous voulions suivre l'ordre dans lequel se sont succédé tes volumes des Ant'vfaités de h. Sicile, nous devrions commencer notre analyse par celui qui contient les Monuments de Sé^este, et qui est le premier de la collection. Mais, malgré l'importance qui s'attache aux résultats des fouilles exécutées dans le théâtre de Ségeste, nous croyons faire une chose plus agréalile à nos lecteurs , en leur offrant d'abord un aperçu du travail de l'auteur, conceruant les Antiquités d'Agrigente. C'est là, en effet, que la matière, plus abondante et plus variée, a reçu encore, par suite de fouOles toutes récentes, un accroissement considérable, et qu'indépendamment des monuments déjà connus, deux temples nou- veaux , découverts dans le cours de l'avanl-dernière année , sont venus exciter au plus haut degré l'intérêt des antiquaires. C'est donc aussi sur les monuments d'Agrigente que nous croyons devoir appeler en premier lieu l'attention de nos lecteurs.

Des deux parties dont se compose ce volume, la première, qui

226 JOURNAL DES SAVANTS,

iruction, avec :»ii et avec W7«m(!««f , comoM l'a cru notre autev, qui a fait une note exprès pour cela '. Le teite de.Diodore signifie donc que, dans la contrée qai a porté dépôts le nom ^Agri^nte, aa Um.appelé Camicas, Dédale constraisH sar an roclur escarpé, ane ville extrêmement forte^; d'où il suit que la vUle de Gocaliu, U ville construite par Dédale, en iin mot, Camicas, était située à l'endroit qui fiit depuis l'acropole d'Agrigente, et, de cette manière, le témoignage de Diodore s'accorde très-bien avec celui de Polybe , et l'un et l'autre, avec l'observation des lieux, de même qu'avec ce passage d'Hérodote, vu, 1 79 : nixsr Kâftinar, lie f0.r' ifù ÀxfetyamTot iri/um^. Contre un pareil accord de faits et de témoignages, tous les raisonnements de Gluvier, qui voulait trouver ailleurs que sur le site même d'Agrigente , l'emplacement de la ville de Cocalus , et qui se fondait principalement sur un autre passage de Diodore, xxni, 9, 06 il est question d'une place des Agrigentins, nommée Camicus : i^ Kafjnut naSi , ^(fÙ€*o* Axfeiyaitnfiàr , tous ces raison- nements, dis-je, viennent échouer d'eux-mèibes, sans qu'on prenne la peine de les combattre, comme l'a lait notre auteur. Le soin qu'il a pris, sans nécessité, à mon avis, de réfuter cette erreur de Cluvier, l'a fait tomber à son tour dans une faute légère, qu'il n'a commise que pour enlever k Cluvier son principal ai^ment, et que je prendrai encore la liberté de relever, celle de considérer cette petite place Jorte da territoire Agrigenlin, ^e^ûe'^r ÀnfujAniriir , nommée aussi Camicas, comme étant l'ancienne Camicas, c'est-à-dire l'acropole même à'Ag^geiUe. L'ensemble du récit de Diodore prouve que ce ^uvcAn ÂxfttyLrnrttf ne peut avoir été \acropoU d'Agrigente; et il était d'ailleurs tout simple que le nom de Camicus , consacré par une ancienne tradition et certainement fourni par la langue nationale, iiît porté par quelque petit fort du territoire Agrigentin , à une époque , déjà depuis bien des siècles , le nom bis- torique d'Agrigente avait remplacé le nom mythol<^;ique de la ville de

228 JOURNAL DES -SAVANTS,

des Grecs. Il subsiste eacore de cet édiBce les murs à peu près entieni de la ceUa, jusqu'à une hauteur d'environ 18 palmes; mais les anteg et les colonnes, ainsi que tout l'eutableinent, ont disparu certainement i l'époque le temple fut converti en une église chrétienne , puisque l'abside de cette église occupe )a place de façade antique, dirigée, suivant l'usage grec, à l'Orient. L'appareil ds cette muraille indique d'ailleurs une belle époque de l'art, et le monument a de l'intérêt par la simplicité même de son plan , qui le rattache , d'accord avec sa situa- tion sur l'acropole , aux origines de la cité grecque. Je relèverai en passant une légère &ute que commet ici M. le duc de Serradifalco , et je ne la relèverai, que parce qu'elle se reproduit dans un autre endroit de son livre , h l'occasion d'un autre monument d'Agrîgente : c'est la dénomination in Antes qu'il appUque à la forme du petit temple en question; le texte de Vitruve porte tn Aatis, et il est évident que toute autre leçon serait vicieuse.

En continuant de suivre le bord oriental de cette éniinence dans la direction du midi, on arrive bientôt aux ruines d'un beau temple dorique , qui s'élève à l'angle méridional de cette enceinte , sur une crête de rocher, dont l'escarpement relève encore l'eûet pittoresque de ces ruines ; ce temple est celui qui est vulgairement connu sous le nom de Janon Laciniai c'est un des monuments les plus parfaits de l'archi- tecture grecque -, et le mérite qui le dislingue, joint à la place même qu'il occupe, rend aussi vive qu'inefFaçable l'impression qu'il produit sur tous ceux qui le rencontrent le premier, en abordant, la pensée pleine de souvenirs et d'émotions, au pied des grandes ruines d'Agri- gente. C'est peut-être aussi ce sentiment que j'ai moi-même éprouvé, qui iàit qu'on regrette d'avoir ici à combattre , dans cette dénomination même de Temple de Janon Lacinia , une de ces erreurs populaires qui ajoutent k l'effet des monuments , surtout , lorsqu'à la place d'une illusion détruite , ce qui n'est qu'un assez triste profit pour la science, la sévérité

250 JOURNAL DES SAVANTS.

Laissons àoac sur le seuil du temple Agr^entin toutes les illusions que nous pouvions y apporter, et que notre auteur, par une sorte de iMe patriotique respectable jusque dans ses erreurs , s'efforce encore de retenir -, et ne voyons dans ce temple aujourd'hui sans noin , comme sans divinité , que l'art qui l'a produit , et dont , après tant de siècles , le culte a survécu à celui de la religion qui le consacra. J'ai déjà dit que c'est un des édifices les plus parfaits du dorique grec, et si je me permettais d'adresser quelque reproche à notre auteur, ce serait peut- être d'avoir trop épargné les détails dans l'erposition d'un monument,* dont ies moûidres éléments méritent d'être étudiés avec tout le soin possible. C'est, comme on le sait, un de ces temples béxastyles, péri- ptères et amphiprostyles, qui se reproduisaient pour ainsi dire à l'infini, d'après un type constant, et toujours avec des variétés nouvelles; mon- trant ainsi cette inépuisable fécondité de l'art grec, jusque dans l'exé- cution éternellement répétée d'un même programme. Il a conservé presque toutes ies colonnes de son ptéroma,' avec les murs de la cella jusqu'à une certaine hauteur; ce qui est une circonstance bien rare dans les temples grecs. Mais presque tout son entablement a disparu, au point qu'il ne reste absolument rien de la frise ni des frontons ; perte assurément bien fâcheuse , mais qui peut être en partie suppléée au moyen du temple voisin, celui de la Concorde, qui a conservé son couronnement à peu près intact sur ses deux façades. Comparé à celui de ce temple de la Concorde, l'ordre diTtentp/e de Janon présente des variétés et des différences qui sont indiquées dans le dessin de M. le duc de Serradifatco, mais qui méritaient d'être exprimées dans son teste. Je signalerai, entre autres choses , le double filet que porte le chapiteau , et qui manque au tempU de la Concorde ; c'est un signe d'une élégance appliquée à la mâle et noble austérité du dorique, qui semble annoncer une tendance à un goàt moins sévère. Jajouterai, comme une observation qui m'a frappé dans l'examen très-étudlé que j'ai fait

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justifiée par la d^eonrerte ùate 'iepmg, Jone jitee lonMaUe, eon-

i la même place, datu le gnûid temple de Sâîoonte, et smtont par celle des tmU petites eeVa pratiquées dans tiatétiear da temple fHer- etde , k A^rigenU m&me , dont l'apparition, dae aa ràoltat des dernières fouilles, a constitué un fait neuf et si curieux dans l'architecture grecque. H est bien vrai que les trois eella dont il s'agit, ayant été ajoutées lors d'une restauration du -temple grec, faite à l'époque romaine, ce qui résulte , comme nous le dirons bientôt , de tous les détails de cette construction , on pourrait arguer de que l'addition du sanctuaire érigé dans le temple de Janon , appartiendrait k une restauration semblable eiécutée à la même époque. Mais cet argument serait ici sans valeur, puisque la construction de ce sanctuaire est appareillée, comme je l'ai dit plus haut, dans le même système et avec les mêmes matériaux que leresle del'édirice, d'où il suit qu'elle date du même temps et qu'elle bit partie du plan primitif. C'est en effet ce que je persiste à croire, tout en soumettant au jugement de M. le duc de Serradi&lco, les observa- tions que je viens de faire , avec la confiance que j'ai en ses lumières , et avec le vœu que je me permets d'y joindre, de voir ces observations vérifiées par un nouvel examen du monument qui me les a suggérées. J'ai déjà reproché à notre auteur l'eitrême sobriété de détails dont il semble s'être fait une loi, dans la description des monuments antiques qu'il publie , ne permettant k sa plume que l'explication la plus rigoureu- sement nécessaire, et laissant à son crayon le soin de tout dire aux yeux et à l'esprjt. Cette méthode peut avoir quelques inconvénients, quand il s'agît de parties d'édifices, ou de dispositions architectoniques qui ne sont pas une partie intégrante des édifices , mais qui ajoutent pourtant à leur elTet, et qui enfin existent sur le terrain; j'en puis citer encore un exemple qui serap^rte à ce même temple de Janon, et qui n'est pas sans intérêt. On trouve , au devant de la façade principale du temple , une

254 JOURNAL DES SAVANTS.

tant que par la belle proporticHi et par la nobl& simplicité de son en- semble. L'appareil de la constructicHi y est d'une justesse et d'une pré- cision admirables, partout l'édifice, moins dégradé par le temps, permet de voir à nu la constructioa primitive. La forme et le galbe des colonne? réunissent l'élégance, la fermeté, la noblesse qui caractérisent l'ordre dorique des beaux temps de l'art; etc'est,àmonavis, le modèle le plus accompli de cet ordre , qui existe dans toute la Sicile et la grande Grèce; un peu moins grave que celui du grand temple de Psestum, im peu moins amé que celui du temple voisin de Janon, il oQre toutes les condi- tions de la perfection , à ce point oh les arts s'arrêtent en général aussi peu que les sociétés, à ce point précis qui se trouve entre l'acheminement aubien et la recherche du mieux. Il a conservé toutes les colonnes de son ptérôma dans leur entier, son entablement avec le fronton sur les deux façades, etjusqu'auxmursde sa cella, excepté celui qui séparait la ceUa du posticam; en sorte que, sous le rapport encore de la conservation, c'est un des mqapments les plus précieux de l'architecture grecque, puisqu'il n'y mai^ue guère que le toit. M. le duc de Serradiialco l'a re- produit dans tous ses détails , plan , coupes et élévation restaurée , avec tout le soin qu'il a pu y mettre , pi. viit-xiv ; et je n'aurais à reprendre, dans la description qu'H en donne , que l'extrême brièveté de ses expli- cations. Il y aurait peut-être aussi une légère inexactitude à relever dans la manière dont il interprète le témoignage de Diodore àë Sicile , con- cernant la destruction des temples d'^rigente , qui eut lieu lors de la prise de cette ville par les Carthaginois, en l'an Ao6 avant notre ère, M. de Serradifeloo soutient avec raison que ce désastre, si gratnd qu'il pût être, ne doit pas s'entendre d'une destruction totale des édifices, d'où il résulterait qu'aucun des monuments d'Agrigente n'ayant été sau- vé d'une ruine complète, ceux qui subsistent encore, plus ou moins dégradés , sur le sol de la ville antique , auraient été rebâtis  une époque postérieure. A cet égard, je suis tout à fait de son avis; mais il me pa-

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Le temple dont il s'agita la forme ordinaire d un parallélogramme rec- tangulaire, long de 2 5g, 2, 8 palmes, et large de 97, 10, 6. Son péristyle est formé de trente-huit colonnes doriques cannelées, disposées de ma- nière qu'il s'en trouve six sur chacune des deux façades, ou des petits côtés, dirigés à 1* orient et à l'occident, et quinze, y compris les colonnes d'an- gles , sur les faces latérales , avec un pronaos et un posticum , orné de deux colonnes entre les antes. Il appartient ainsi à celte forme de temples hexastyles, périptères et amphiprostyles, qui constitue la majeure par- tie des temples grecs de la belle époque de l'art. La longueur de la cella, par rapport à sa largeur qui se trouve dans le rapport de a 1/2 à 1 , est une particularité qui semble indiquer une haute époque de l'art, d'ac- cord avec la forme des chapiteaux et avec les détails de la corniche ; et cette particularité , qui se rencontre dans les deux plus anciens temples de Sélinonte ^ l'un desquels a ofiert, dans les sculptures de ses métopes, des monuments d'un art contemporain de l'école éginétique. ne permet presque pas de douter que le temple qui nous la présente , n'ait été l'un des plus anciens et des plus considérables d'Agrigente. Si Ton joint à ces motifs une autre considération , celle de l'étendue de ses dimensions et de la grandeur de ses masses , qui pouvaient se reconnaître sur le terrain même, jusque dans l'état de décombres il était réduit, on ne sera pas surpris que Fazello d'abord , et ensuite d'Orville aient cru y voir le temple d! Hercule , qui dut être , au témoignage de Cicéron , m Verr. iv, &3, g& : Hercalis templam est apad Agrigentinos , non longe aforo, sané sanc- tamapud illos et religiosum, un des principaux sanctuaires de la cité. Cette indication même , donnée ici par Cicéron , que le temple en question n'était pas loin du Foram , vient encore à l'appui de l'opinion de ces an- tiquaires; car, bien qu'on ne connaisse pas précisément l'emplacement de ï^ora d'Agrigente, il est du moins probable que cette place pu- blique était située dans cette partie centrale de la ville , qui avoisinait le plus la mer : c'est du moins dans cette situation que les villes maritimes avaient pour habitude de construire leur Foram, au témoignage de Vi- truve 2 ; et le temple qui nous occupe s'élève précisément à peu de dis- tance de la porte antique qui conduisait du centre de la ville à la mer. La conjecture de Fazello , admise par d'Orville, me paraît donc, comme à M. le duc de Serradifalco , digne de quelque confiance; et je n'aurais qu'une approbation sans réserve à donner à cette partie du travail de notre auteur, si, en parlant des objets d'art célèbres qu'U suppose avoir

* Ce^soDi les temples marqués E et F sur le plan générd de Sélinoote ; voyei les Jntichità ii Selinonte, t. II, tav. xvm, xix et xx. * Viiruv. i, 7, i. et 11, 8, 1 1,

AVRIL 1858. 257

été consacrés dans ce temple , il n avait commis une légère méprise. Cest au sujet de la statue même du Dieu , qu il croit avoir été le fameux si- mulacre, chef-d'œuvre de Myron, que les Agngentins défendirent en désespérés contre les satellites de Verres. Cette circonstance s applique en eifet à la statue en bronze d'Hercule , érigée dans ce temple : Gicéron , in Verr. iv, /^3, gU: Ibiex œre simulacrum ipsius Herculis, qno non facile quidquam dixerim me vidisse pulchrius. Mais le chef-d'œuvre de Myron était une statue d'Àpolbn , restituée par Scipion aux Âgi*igentins , et en- levée par Verres ; et cette statue de Myron était placée dans le temple d*Esculape : Gicéron, in Verr. Act. ii, 1. iv, 43, gS : Agrigento, signum ApolUnis pulcherrimum, cajus in femine Utterulis minutis (^rgenteis nomen Myronis erat inscriptum, ex Msculapii religiosissimofano sustulisti; en sorte que 9 par une inadvertance bien excusable sans doute, M. de Serradi- falco a confondu en un seul deux chefs-d'œuvre de Tart grec, et deux attentats de Verres.

RAOUL-ROCHETTE.

( La suite au prochain cahier. )

Visit to the great Oasis of the Libyan Deseriy etc. C'est-à-dire : Voyage à la grande oasis da désert Libyque...^ par G. A. Hoskins, Esq. . . ; avec une carte et 20 pL représentant les temples, le paysage, etc. exécutés d'après les dessins finis sur les lieux mêmes par fau- teur; m-Z^ de 338 pages. Londres, Longmann, 1837.

SECOND ARTICLE.

Tout prouve , ainsi que nous l'avons vu , que le temple d'ESkargeh fut construit pendant la domination de Darius , selon toute appa- rence, par ses ordres et d'après sa volonté. Ce fait est mis hors de doute par la présence de la figure de ce roi , dans toutes les scènes reli- gieuses sculptées sur les diverses parties du monument. W n'en parait pas moins fort surprenant de voir un roi persan favoriser à ce point la religion égyptienne , et permettre qu'on le mêl€ à toutes les représen-

238 JOURNAL DES SAVANTS.

tatioQS religiètues, qu'on l6 déifie daasnn temple, comme on aurait pu faire d'un Pharaon, d'ttn membre d'une ancienne dynastie. Ce fait extraordihdire. bim ieda d'être contraire à l'histoire connue, la con- firme de'tout point; On en jugera parle passage snîvant que noos tirons d'un mémoire inédit stir FéM de tÈjyjfy pendant les derniers temps de ta âMtànatianpiiaraamifat'et'aoai la domination persane.

uToutci la conduite^de'Dàrius k l'égard des Égyptiens prouve qu'A' sentit la nécessité de réparer le mal qu'avait causé Cambyse. Les ^yptiens ée révoltèrent contre le satrape Aryandès, que Gambyse avait nommé gouverneur de l'Egypte. Les exactions de ce satrape lurent catl«e de la révdte ^ qui se dédara peti de temps avant la gaérre des Perses eontrela'Otèc». f)Brius, »v«nt d'entreprendre cette' guerre», passa en Kgypte et vîhl àMemphis', è la fois pour soumettre les Égyp- tiens et pour punir le satrape qui, outre ses exactions, avait poussé l'insolence jusqu'à trancher du souverain , en frappant des monnaies d'ai^ent , à l'imitation des dariques d'or que Darius avait mises en circu- lation*. Ce prince , satisfait d'avoir puni l'auteur de la révolte , traita les Égyptiens avec beaucoup de douceur. « Détestant (ce sont les propres « paroles de Diodore] la fureur insensée de Cambyse contre les temples «delïlgypte, il s'attacha à manifester beaucoup de clémence envers les ti hommes et de piété envers les dieux [du pays] : il fréquenta les prêtres «égyptiens, s'instruisit de leur religion et de tous les faits [histo- (I riques ] contenus dans les livres sacrés. Il apprit quelle était la magna- a nimité des anciens rois et leur douceur envers leurs sujets ; il voulut Il imiter' leur conduite. Âtissî les Égyptiens l'honorèrent à tel point «que, 'seul' des mii. [perses], il rtçut de son vivant le titre de dieu, a et qu'après aa mort Us> lui rendirent les mêmes honneurs qu'aux meil- u leurs d'entre les rois qui jadis avaient régné sur le pays, b

a Ce récit de Diodore s'accorde avec d'autres Ëùts rapportés par

240 JOURNAL DES SAVANTS.

dire en passant, que toutes ces dates sont conformes k la chronologie fondée sur les anciens auteurs. Or, de ces quatre noms, il n'en est qu'un seul dontle^iôm phonétique soit précédé du cartouche pi'énom, comme celui des anciens rois égyptiens ; ce qui confirme la remarque de Dio- dore, que Darius reçut de son vivant le titre de dieu , de même que les rois du pays.

Après cette excursion , qu'on nous pardonnera sans doute en faveur de l'intérêt historique du fait observé , nous revenons au temple d'Am- mon-Ra, pour dire, d'après M. Hoskins, que le sanctuaire de ce temple, divisé en deux parties, ne formait jadis qu'une pièce. C'est à une époque plus récente qu'il fut divisé : la preuve en est que la sépara- tion coupe en deux la sculpture curieuse qui couvre les murs. Le toit est formé de grandes masses de pierre. Le sanctuaire, comme tout le reste du temple, est rempli de sable. Ayant présumé, diaprés un fragment non enfoui, que la sculpture devait être fort intéressante, M. Hoskins le fit déblayer en grande partie. «Comme les deux pièces étaient enlière- « ment obscures , dit le voyageur, il était égal pour nous de travailler la « nuit ou le jour : la nuit avant notre départ de Khargeh ; je restai dans (lie sanctuaire jusqu'à trois heures du matin. Il faut avoir éprouvé com- «bien il est pénible de dessiner tout le jour, sous un soleil du tro- «pique, pour apprécier tout ce qu'il dut nous en coûter pour passer « encore les nuits à travailler dans le sanctuaire. Ce n'était pas, je dois « le dire , par un désir égoïste de posséder seuls les dessins de ces sculp- «tures, que nous endurions tant de fatigues au péril de notre santé, « peut-être même de notre vie , mais pour remporter dans notre pays ce « qui nous paraissait propre à augmenter la somme des connaissances « acquises sur les mœurs et les arts chez les anciens. Nous prîmes des « empreintes en papier de toutes les sculptures ; ce sont celles que je « publie. » /

Ces sculptures , représentées sur trois planches , peuvent ôt^'e comp- tées parmi les plus singulières et les plus curieuses qu'on ait recueillies en Lgypte. Elles couvrent toutes les parois du sanctuaire. Chaque paroi est divisée en cinq zones horizontales, occupées par sujet unique, ou par plusieurs sujets séparés l'un de l'autre au moyen d'une bande verticale; chaque groupe de figures est accompagné d'une inscription hiéroglyphique. On ne peut rien imaginer de plus extraordinaire que cet assemblage de figures de divinités dans les plus grotesques atti- tudes, d'animaux, d'oiseaux, groupés d'une manière bizarre et qu'on dirait toute fantastique. Il est certain, cependant, que toutes ces scènes ont une signification précise et déterminée, et expriment des rites et

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dans la grammaire hiéroglyphique de ChampoUion» qm s^imprimç en ce moment, ou dans ses papiers inédits , et quils ne sont pas ie fruit des communications bienveillantes dont tous ceux qui Tout connu savent qu*il était si prodigue.

2^ Le reproche que Ton continue d'adresser à GhampoUion tient à une question maintenant jugée par tous les hommes impartiaux. La part que le docteur Young doit prendre dans cette belle découverte a été équitablement appréciée, quoi quon en ait dit, par GhampoUion lui-même. Cest ce qui a été démontré sans réplique, avec une com- plète impartialité, par M. Arago, dans son éloge du docteur Young, et par M. Silvestre de Sacy , dans celui de GhampoUion. Pour toute ré- ponse à ces attaques, nous nous bornerons à transcrire le passage sui- vant tiré de ce dernier éloge.

«Je ne ferais point mention ici des prétentions qui s'élevèrent, dans un pays voisin , en faveur d un homme distingué par de grands et utiles travaux dans la carrière des sciences, et auquel, par un sentiment exa- géré de rivalité nationale, on essaya de faire honneur de la découverte des hiéroglyphes phonétiques, si je ne craignais qu*un silence absolu de ma part ne parût , non un aveu tacite de la justice de ces prétentions, mais la preuve qu'elles n'étaient pas sans quelque vraisemblance. Pour tout esprit impartial , elles ont été victorieusement réfutées par Gham- poUion lui-même, dans son Précis historicfae, avec tous les égards dus à un homme du mérite de Thomas Young, ainsi que ce savant se plai- sait à le reconnaître lui-même ; et U n'y a pas longtemps que l'éloquent interprète de l'Académie des sciences , dans la notice qu'il a consacrée à l'illustre savant anglais, après un examen scrupideux des titres des deux rivaux, a prononcé , dans cette même saUe, en faveur de Gham- polUon, un jugement motivé, dont sa position même garantissait l'im- partialité, et qui, nous ne craignons point de le dire, sera celui de la postérité, comme U est déjà celui de l'Europe. »

En terminant la description du temple d'El-Kargeh, M. Hoskins reconnaît qu'il est beaucoup plus remarquable par sa situation curieuse et pittoresque , au miUeu d'un immense déseft , que comme ouvrage de l'art-, l'architecture n'en est pas bonne; la sculpture en est médiocre. Est-ce un indice que les arts égyptiens avaient à ce point dégénéré dès l'époque de Darius , ou bien doit-on attribuer en partie cette infériorité, à î'éloignement de l'oasis, l'art pouvait n'être pas cultivé avec au- tant de succès que sur les bords du Nil? G'cst ce qu'il serait peut-être trop hardi de décider. Toutefois, le torse en basalte de Nectanébo, trouvé & Sebennytus, et déposé au cabinet des Antiques, est d'un tra-

244 JOURNAL DES SAVANTS,

servi peut-étre à contenir une image. L'intérieur représenté dans la planche XH n'est pas moins remarquable. Le toit , maintenant en partie tombé, était supporté par des colonnes ou des piliers carrés. La croix, encore visible , atteste que l'édifice à servi d'église chrétienne. M. Hos* Uns observe que cette croix a la forme du taa ^ptien. Nous avons Ëiit la même ren^que à l'occasion d'un monument chrétien de l'île de Philes ', et nous avons indiqué les motifs qui avaient engagé les chré- tiens d'Egypte à employer ce signe du paganisiqe. Nos remarques ont été confirmées par M. Wilkinson , et l'observation de M. Hoskins les confirtne de nouveau. Outre la croix de cette forme, M. Hoskins a encore trouvé sur la coupole d'une des tombes la croix^ maltaise. M. Hoskins est convaincu que cette nécropole est de l'époque chré- tienne. L'élégance de l'architecture de la plupart de ces tombes nous porterait à croire qu'elles sont d'une époque plus ancienne, et qu'elles ont pu être plus tard occupées par .la population devenue chrétienne. Les Chrétiens n'ont pas mettre plus de scrupule ji s'emparer des tombes des païens, qu'à faire de leurs temples des églises. reste , celte grande vUle des tombeaux est une nouvelle preuve que l'ancienne oasis était le centre d'une population nombreuse. Au nord-est du temple d'Ël-Rhargeh , il y a deux tombeaux creusés dans le roc; l'un d'eux, qui n'a pas été terminé , paraît n'avoir jamais servi. A environ cent pas au sud sonfles restes d'un curieux édifice polygone que M. Hoskins croit avoir été le tombeau de quelque gouverneur romain. Dans le voisinage, on trouve les ruines de deui^ petits temples de l'époque romaine ; les murs de l'un d'eux ^ontvncore debout et ornés de sculptures et d'hiéroglyphes; malheureusement la pierre est si faible, que ces sculptures sont presque effacées; on y distingue pour- tant encore les empereurs Adrien et Antonin Ëibant des oG&andes à di-

246 JOURNAL DES SAVANTS.

Piamuseum ipii sont certainement de Tépoque pharaonique. On le trouve aussi dans un monument de Djebel Barkal en Ethiopie. D*après la disposition du plan de l'édifice , M. Hoskins ne doute point que ce ne soit un temple, quoiquil soit en briques, et qu'il ne porte ni sculptures ni hiéroglyphes. Cette destination parait fort douteuse. M. Hoskins aurait bien désiré de continuer sa route au sud, et de se rendre au Darfour. Diverses circonstances l'obligèrent à n'aller pas plus loin , et à revenir sur ses pas. En chemin , il rendit visite à deux localités 011 se trouvent des temples antiques, Kasr-Zayan et Kasr- Ouaty.

Le temple de Kasr-Zayan est situé sur un terrain légèrement élevé, au milieu d'une vaste plaine. L'aspect en est charmant, si l'on en juge par la planche XV , qui le représente vu de loin. L'enceinte en briques crues qui l'entoure a environ 280 pieds de long sur 84 de large. Vers l'entrée, sont des fragments de pierre, sur l'un desquels est une ins- cription grecque. Les sculptures de la porte d'entrée représentent l'empereur Antonin faisant des offrandes à des dix^pités qui portent les attributs de Cneph , Osiris , Isis et Horus. L'inscription grecque annonce que le temple est dédié à Aménéhis (que M. Hoskins croit être Amun- Neb oiii Amun-Knep) et aux divinitéis adorées dans le même temps, pour le salut de l'empereur Antonin. Nous l'avons donnée et expliquée dans nos Recherches (p. 288). La copie de M. Hoskins ne diffère de celles de M. Hyde qui nous a servi, qu'en deux points peu importants ^ Ainsi, dans cette circonstance comme en tant d'autres, le nom de l'em- pereur indiqué dans l'inscription grecque est le même qui se retrouve dans les hiéroglyphes.

A partir de Kasr-Zayan, on arrive â Kasr-Ouaty. La planche XVIII, qui en représente les approches, montre que ce village est situé sur une éminence qui domine au loin le paysage. Cette planche donne une idée avantageuse du paysage dans cette partie de l'Oasis. Les murs en bri- ques qui entourent ce temple sont mieux conservés qu'ailleurs. Cet édifice a beaucoup d'analogie dans son plan avec les temples de Douch- el Qalah et de Kasr-Z*ayan. La sculpture de la porte d'entrée représente un roi faisant des offrandes à Amun-Ra, Maut et Horus. La première est la divinité principale du temple. Le seul nom de roi que M. Hos- kins ait trouvé parmi les hiéroglyphes est celui de Ptolémée Évergète, qui est répété en divers endroits : on ne peut donc guère douter que

' A la première ligne, TXONEMTPEHS, leçon de M. Hyde, doit désigner le nom du lieu. A la ligne 5, la leçon £ni2TATOr, au lieu de EIIISTPATHrOT que donne M. Hyde, est entièrement fautive.

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ce temple n ait été construit sous son règne. Le style de la sculpture, particulièrement celle des chapiteauK du vestibule, m aurait suffi, dit notre voyageur , pour décider Tépoque de sa construction. Mais la lecture du nom de Ptolémée Évergète est une preuve bien plus déci- sive que toutes les conjectures fondées sur la comparaison des styles.

M. Hoskins s'était proposé de visiter les autres oasis, particulière- ment celle de Dakkel à Touest de la grande; et il aurait essayéd*atteindre celle d*Âmmon, par le désert, en suivant la route de l'armée de Cambyse. La fièvre qui l'atteignit ainsi que ses compagnons, le désir de se trouver à Thèbes en temps opportun pour commencer le voyage d'Ethiopie , le firent renoncer à son dessein; il reprit la route de TLgypte , et regagna les bords du Nil par le même chemin qu'il avait suivi en venant.

Ainsi, son excursion s'est bornée à la grande oasis, dont son livre contient, comme on l'a vu, une description fort détaillée: les cha- pitres XI à XVI de cet ouvrage contiennent celle des autres oasis , mais tirée des récits des dilTéreots voyageurs qui les ont visitées, Browne, M. Gailliaud, Drovelti, sir Archibald Edmonstone, le général de Mi- nutoli. Comme ces chapitres ne renferment rien qui ne soit déjà con- nu, nous croyons inutile d'en donner l'analyse; dans ces chapitres, M. Hoskins rassemble le petit nombre d'indications données par les anciens auteurs sur les oasis du désert Libyque. Quant à celle qu'il a visitée , il fait observer qu'aucun des monuments qui s'y trouvent n'est antérieur à Darius; qu'un des temples appartient au règne de Ptolémée Evergète, et que les sept autres ont été construits par les Romains. Il est donc k présumer qu'avant l'époque de la domination persane la gi*ande oasis n'était pas peuplée, ou du moins n'était point, comme elle le devint parla suite, le séjour d'une popidation nombreuse. .

La richesse et l'importance de cette oasis , à l'époque romaine , est attestée par les nombreux édifices sacrés qui datent de cette époque ; elle ne l'est pas moins clairement par les deux inscriptions grecques gravées sur le pylône du grand temple , et qui sont des circulaires des préfets d'Egypte aux gouverneurs des nomes, ou stratèges de l'Egypte. Elles montrent que l'oasis n'avait pas moins d'importance, aux yeux de l'administration centrale, que les nomes de la vallée du Nil. La lettre du stratège de l'oasis qui précède l'un de ces arrêtés, prescrit d'expo- ser l'arrêté au public, non-seulement dans la métropole, mais dans chaque ville du nome , [)Sot)Xo^M4 ouf 0%. .. €r 71 tn fjtMTfoitix^ nv vo(jm i{^ «a8' iv,açyiy faQ>iiv^^(LiTo (^ JïinvLyfjtA) vfo^îrxf . » *), Il y avait donc plu- sieurs villes outre la métropole.

L'ouvrage est terminé par un appendice, formé du texte de cinq

248 JOURNAL DES SAVANTS.

inscriptioDS que M. HoskÏDs a copiées de nouveau dans l'oasis: À savoir les deux grandes qui se lisent sur le pylône du temple d'E^-Khargeh; et un fragment mutilé d'une troisième, sur le même pylône; puis les deux inscriptions de Rasr-Zayan et de Douch-el-Qalah, dont il a été question plus haut. Ces copies sont, en général, moins exactes et moins com- plètes que celles de MM. Cailliaud et Pacfao, qui nous ont servi. H y a cependant quelques variantes, dont on pourra tirer parti dans une nouveUe révision de ces textes mutées. La peine que M. Hoskins a prise de les copier de nouveau, ne sera pas tout k fait perdue.

LETRONNE.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT ROYAL DE FRANCE, ET SOCIÉTÉS UTTÉRAIRES.

Le à avril, M. Heraent, [H^îdeat da l'Académie dei Beani-Aiis, a exprimé les rc^tsdellnstîbit, aui fanëraillei de M. Castellan, académicien lilM«. lA un goût

pur et noUe , k une rare capacité en plus d'un genre de connaissancei pratiques ,

théori<(ues et hishinques, recueillies par de sâieuses études dans de lointains

vt^ages, M. Castdlan réunissait, sous le titre d*amateur, plos d'érudition variée,

[Jus de genres de talents distingués, qu'il ne s'en rencontre le plos souvent chei

ceux qui font de leur art l'occupation exclusive de leur vie. Dessinateur ingéoieui.

compositeur instruit et fécond, littérateur, il snt réanir un grand nombre de « connaissances que la culture des procédés pratiques met si rarement l'artiste k

* portée d'approfondir et même de soupçonner.

H. Reinaud, membre de l'Institut, luccessenr de M. Sihestre de Sacy , dans )a

550 JOCRNAL DES SAVANTS.

que les événements et les opinîoas ou affections politiques eussent tant d'influence sur les délibérations Bcadëmiques, surlesdécisiot)8ULtéraires;m(tJsces assertions de M. P. P. sont du petit nombre de celles qu'il u'a pas eu le temps de vérifier. Réta- blie en i8o3, par un décret impérial, sous le nom de Qasse de la langue et de littérature fi-ançoise , celle Compagnie ne tarda point i substituer l'ai à l'oi dans ta propre dénomination et dans beaucoup d'autres mots. H suiBt, pour s'en con- vaincre, de recourir aux pn^remmes, discours, rapports, etc. publiés sous son nom jusqu'en 1816'. A cette dernière époque , une ordonnance rojale lui rendit le ncnn d'Académie ^nuipAÙe et aon fixtnçoiie ; en sorte qu'il n'est plus élonuent qu'eUe ail conservé cette orthographe dans toutes ses pu Uication s, jusqu'en i83o,' comme de i83oÀ 1887. On Y Ut de toutes parts, étût,poiiv\il,rtconnAStre,fAibles,elc:iiQ'étmt IJk une paliiwdie, elle daterait de plus de 5o ans. Cependant, M. P. P. nous apprend

Îa'au sein de l'Académie /ntufoiM, les Français, en i835, n'ont dépossédé les 'roiifoù 9>'d une imperc^iblt majorili. Nous manquons des renseignements néoM- saires pouréciaircir un tel point : seulement, c'est encore l'ai au lieu de l'oiquç nous retrouvons dans la plupart des ouvrages particuliers publiés , à toute époque de- puis i8o3, par divers membres de cette compagnie, y compris même celui qui est seul cité comme adversaire de cette prétendue innovation-, car ii imprimait en 1808', k ta vérité , avant d'être académicien , un Dictionnaire des Onomatopées françiûa, il éorivaitfsrAit, cn/uuît, prononfAïf, elc. Peut-être n' est-il pas inutile d'ajouter que les imprimeries qui ne faisaient point cet usage général de l'ai, l'admettaient du moins dans les noms de nations, fmnpAii, AnglAÎt. . , . *, afin d'en distinguer U prononciation de celle de Danoii, Saédoii, etc. Nous devons nous borner au simple exposé de ces faits, sans entreprendre la discussion du fond de la question. Repré- senter la prononciation par l' orthographe, est un problème plus compliqué, plus difficile que ne l'ont cru ceuiqui. à différentes époques, ont entrepris de le ré- soudre; et nous sommes d'ailleurs persuadé qu'il n'est plus temps de s'en occuper, quand une langue écrite est fixée, du moins dans la plupart de ses éléments, par un très-grand nombre de livres classiques imprimés. Dés lors , la meilleure ortho- graphe est la plus étymologique, celle qui retrace le mieux les origines des mots. Mais faut-il confondre avec ces origines, les prononciations vicieuses, introduites au moyen ftge, abandonnées en partie dès le xvii* siècle, et presque totalement dans le COUTS du xvui* ? Td est , à ce qu'il nous semble , le véritable état de la question par rapport a l'oi, qui , au surplus , ne correspond guère mieux à la vieille pronon- ciation o)-ff, que l'ai à l'è ouvert. S'il s'agit d'étymdogie, avait (comme aveva en italien ) se rapproche plus que anott du latin fiaboi&t. Il est plus court et moins témé-

252 JOURNAL DES SAVANTS.

Un court poème de M. Théodore Lorin , intitulé b DoeUûte, et imprimé à SoUtoDj, lAiet Gîbert ; in-8°, se termine par ces vers :

Que le doelliile farouche Fiétiiatt ms sin^anti lauriers.

Dans nos regards, sur notre honche , Et qne la U», livre sa tiie îm^e

Lise le dédain et l'horreur. Au supplice hoÀteiu des llches meurtriers. Qh'une légitime iofimie

Ch^t-d'aavre de Shatipeart [Olfadlo, Hamiet et Macbeth), traduction française en regard, par HM. Nisard , Lebas et Fouinel. avec des imitations , en vers frençaîa , par MM. A. de Vigny, Emile Deschamps , L. Halévy, J. Lacroix , de Wailly . H™ Louise Golet, et des notices critiques et historiques, par H. D. O'SuUivan, professetu- au collège royal de Saint-Louis. Paris, Belin-Mandar, iSSy; 636 pag. in-8'. Ce volume, qoi fait partie de la Bibliothèque anglo-Française, se recommaDae par la correction des textes anglais, par l'élégance et la fiddité des traductions, par le caractère instructif desuotesetnolicesdeM. O'SuUivan. 11 seraitj>ermis d'admirer un peu moins ^laks- peare. et un peu plus les chefs-d'œuvre des poètes dramatiques grecs et tançais mais le génie du poète anglais a droit à de très-grands hommages.

Encyclopédie det ^eiu da monde , \otae IX, II' partie, tuANCiPATiON-EsDRAS. Paris ùnpr. mécaniquedeDuverger, libr.de Treuttel et Wurtz, i838; pag. Âoi-yQ&.in-S* MU Audi&et, Benélius, Hanqui aine, Boulatigaier, Depping, De Gérando, de Golbéry, Jos. Naudet, Pontécoulanl fds, Reihaud, deSantarem, Schnilzler, Taillan- dier. Villenave, M™ Waldor, etc. etc. ont coopéré à ce volume. Les articles Eneych- pèi^e. Enseignement, Ère, Eradilion, Eschyle , etc. sont.remarquables par leur étendue et par leur importance. D'autres, comme Empranlt, Enfer, Entendement, Epellation, ^oque, Éqaatear, Equation, etc. pourront sembler trop succints. Mais cette partie du tome IX offre des améliorations sensibles. La biographie contemporaine y occupe moins de placi ; les doctrines romantiques et mystiques y dominent un peu moins , et Von peut espérer qu'elles auront presque disparu de l'Encyclopédie des gens du monde , lorsqu'elle atteindra les lettres M-B.

H'utoire anlédituvienne de la Chine, ou l'Histoire de la Chine dans les temps anté- rieurs à l'an 3398 avant notre ère, par M. le marquis de Fortia, de l'Académie des Inscriptions et oeil es -le tires. Paris, impr. de Foumier, i838 ; in-13, xxiv et lAo pages contenant les chapitres xi-ixix. Lorsque, dans notre cahier de janvier dernier, pag. 67 et 58, nous avons ajouté le mot (tic) après Egiple, nous faisions re- marquer cette orthographe de l'auteur, sans dire qu'il avait tort ou raison de l'em-

254 JOURNAL DES SAVANTS.

Èhge hùloriqae de Joi^h Faarier, par M. Arago, lecrétaire perpétuel de l'Acadé- mie des sciences. Paris, Finnin Didot; 70 pag. in-^*.

Phitotophied:tartt dudatin, par M. Maïuie. Paris, librairie de Parent Desbures, i838iin-8'. Pr.7rr. 5oc

De lafirtuM pabliiiiu en France et de ton adminùtratioa : par M. L. A. Macarel et M. i. Boulatignier, professeur d'admiaiAtratîon publlipie-, tome I". Pans, impri- merie de Paul Dupont, librairie de Pourcbet père, i83S; in-S', xu et 759paces, avec un tableau qui présente les division^ et subdivisions des trois parties de ) ou- vrage. Ces trois parties ont pour objets : I. Les ressources de l'état; II. Les dépenses publiques; III. La comptabilité. Les ressources sont ou ordinaires, se renouvdant chaque année; ou extraordinaires, ne s'of&ant que rarement et après des intervalles inégaux. Les premières consutent, d'une part, dans les domaines nationaux; de l'autre, dans les contributions publiques. Le volume qui vient d'ftre publié ne traite que des ressources comprises sous le nom de domaines. Après avoir distingué le domaine de la couronne de celui de l'Ëtat proprement dit, les auteurs considèrent ■acceMiveraent dans ce second domaine : Les ùnmeubles affectés à des services publics ; ou non affectés à de tels services, comme les eaux minérales, les salines, les forêts; Les droits incorporels dépêche, de bacs et bateaux, de péage, de chasse, de gruerie , et les renies nationales ; Les meubles , mobilier des administrations , établissements et services: Imprimerieroyde, bibliothèques, archives;Iescollections d'objets d'art et de sciences ; enfin les matières premières ou fabriquées , destinées à de grands services. Tous ces artides , ai méthodiquement distribués et enchaînés. M recommandent par l'exactitude des détails. MM. Macard el Boulalignier nous pa- russent avoir atteint le but qu'ils se sont proposé , de faire un ouvrage d'utilité pratique. C'est moins , disent-ils , un Traité qu ils ont composé qu'un livre d'expo- sition , dans lequel pourtant ils n'ont pas renoncé à exprimer leurs propres idées. Souvent, en effet, ils joignent à leurs exposés des observations qui complètent el rendent de plus en plus profitable la riche instruction qu'ils offrent à leurs lecteurs. L'ouvrage aura six volumes. Le second est sous presse. Prix du vol. 8 £:.

Recherche* tar iet diven modei de pahlictttion det , depuis les Romains jusqu'à not jours, par H. Berryat- Saint- Prix. Paris, imprim. deCraté, librairie de Lan^ois, i838; 3o pages in-8'. L'anteor conclut de ses recherches qu'il y a eu , dans la ma- nière de publier les lois, des progrèscontinuels et sensibles, quelemode actndestle plus parlait qui ait été pratiqué, qu'il est cependant susceptible de quelques améliora- tions indiquées dans une note, pag. 39 et 3o. M. Bcrryat-Saint-Pnx a puUié en 1837 des Recherdunnr la ligisùtion et l'Miloirt det hariien-china^iau. Paris, impr.

256 JOURNAL DES SAVANTS.

H. W.FrejUg annonce une collection complètedeBPnnwriMara&ef de Meidani et d'autres écrivains-, texte avec traduclioo latine, notes, édaircissements ; in-8°. Or souscrit à Bonn sur le Rhin. Les Proverbes de Heidani doivent entrer dans U Collection orieBlaie, dont le premier volume (Histoire dei Mongols] a été annoncé dans notre cahier de novembre dernier, p. 697,

HUSSIE. Aperça mr lu monmuu rauti, et sur les monoaies étrangères qui ont ew cours en Russie , depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos Jours ; par M. le btronS. deChaudoir. Saint-Pétersbourg (etParis], Belliiard, i836:3 vol.in-8*, VII et a6S pages; et daos le deuxième v<dume, aSpag. suivies de &3 planches. Nou» reviendrons sur cet ouvrage.

ANGLETERRE.

Ouvrages publiés par H. Charles Purton Cooper, secrétaire de la Commission royale des Archives d Angleterre. Ltttert on ihe coart of Chancery and jarUpradence f^ Enghmd. London, 18a 7; in-8*. Parlianuataiy proceediags reipecting the court a/ Ckaiteery, the houseof lords and the Tribunal ofBankruptaj, 1838; in-8'. Notes on the eitrinsic forms of'conveyauces !□ diflerentcountriesof Europe, i83i ; in-8*. On ihepahlici records of Eagland, i83a ; a vol. in-8'. Proposalfor the Erection ^ a aeneral Record o^ee in London, with plates, i83a; io-8*, dedicated to the laie Lora Dover. Proceedingt of hu Siajesty't commiaionert on tke pablic Records the Kingdom; in-8". Paper and DoeamenU apon the report of the houm ofcommons on the Records Commiuion, wîth an appendice, 1837; in-8'. Reports y cases decided bjrliord Chancellor Braagham, i835; royal in-8°. Plusieurs autres opuscules con- cernant les Archives. imprimés aussi à Londres, iD-8*, de i833 à 1837. M. Cooper a pris une grande part aux volumineuses et riches collections qui sont dues à la Commission dont il est le secrétaire.

A nevi etymological Dictionary . . . . Nouveau Dictionnaire étymcdogique des mots anglais qui tirent leiu: origine du grec, du latin, etc. par H. Howbotham. Londres, i838;>n-t8.

TABLE.

Histoire delà Gaule méridionale, par M, Fauriel [arliclede M. Patin] Page igS

Études sur les Mystères, par M. Onésiaie Leroy (ardcledeM. VUiemaia). ao5

Raroort de M. Cousin sur dcui pièces ioédites relatives i l'histoire du Cartésia-

258 JOURNAL DES SAVANTS.

teigne Vitnire', de la dispoaition des temples toscans, donf la largeur se dîrîsait en dix partiet , six desqueUes, k drnte et à gauche , se dis- tribuaient entre les deux eeUa laténdea, et les quatre restantes étaient attribuées & ta ceQa du milieu. Cette disposition est précisément celle qui se rencontre ici; d'où il résulte déjà une grave présomption que l'édiSce grec qui la présente a subi , dans cette partie de sod plan, une modiiieatioa due Mnsdoate à l'influence dsliabituleBrotaBiiies. Cette présomption se change en certitude par l'examen de la construction m£me de ces trois cella , ob la couleur des pierres et la manière dont elles sont appareillées diflïrent complètement de ce qui s'observe , non- seulement dans le reste de l'édifice, mais encore dans tous les autres temples d'Agrigente. Il me parah donc bien difficile de ne pas admettre la conséquence que notre auteur tire de ces diverses circonstances, c'est à savoir que le temple iHercale , qui, à raison de son ancienneté, avait pu avoir besoin de réparations dans les temps romains , reçut k cette époque la disposition , étrangère au plan primitif et au système grec, des trois petites cella dérivées du système toscan. Or c'est là, je le répète , un fait neuf et curieux qui méritait d'être signalé à l'attention de nos lecteun, et à l'appui duquel M. le duc de Serradifîdco n'a pas manqué de citer d'autres exemples de dispositions à peu près sem- blables, qui nous étaient déjà connues par des monuments romains, ou d'époque romaine^. Toutefois, je me pemwttraî encore de faire ici une observation ; c'est qu'entre les exemples cités par notre auteur, celui du tempk de Jupiter Ca^ito&n, sur le Gapitole, est , à proprement parier, le seul qui oflre, sous ce rapport, une analogie positive avec oMrs temple agrigentin. Les trou ckambns du tnttfle de Japiter à Pom- ptï' te n^ortent, suivant toute a|^>areiice, àtm motif différent, etls dcatmation en est encore controversée. J'en dirai avtant du tempk de JwftHer, k Ostie, oii les froù ceUaiei, isolées des nrars Utéraux, au fond de-it mUi\ a'oiSrent règlement avec les trait eetta du temple àHerade,

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sa place dans l'histoire de l'art, et dont les coBséqueaces, pour toute uue clause de faits, qui se lient k celui-là, ne sauraient manquer d'être graves et intéressantes. On remarquera qu'ici la couleur locale , servant de fond , est un jaune très-chir, qui imite la couleur naturelle que le marbre et la pierre acquièrent avec le temps. L^ï)iij« et le kka sont distribués d'une manière qui doit tenir k un système arrêté , c'est à saroir, le ronge sur le Ustel qui couronne les mattdes de la corniche et de la frise , et le blea sur les mutales mêmes. Les gouttes, qui devaient êtres coloriées en hlaac, si le système suivi sur les monuments de Sélinonle avait été appliqué , dans cette partie comme dans le reste , k ceux d'Agr^ente, ne sont point cohrièet, non plus que les trigfypket, dans le dessin de M. le duc de Serradîfalco; ce que j'ai peine k m'ex- pliquer, puisqu'il ne me paraît pas possible qu'un membre si impor- tant de la frise, ordinairement colorié en blea, comme nous le voyons à Sélinonte, soit resté ici privé de cet ornement. D'ailleurs, nous ver- rons bientôt qu'il reste des traces de bleu sur les trigfyphes du temple de Castor et Pollax récemment mis k jour. Si donc, la même couleur n'est plus sensible surles trigjyphes du temple ^^Hercale, et si, par cette raison, M. le duc de Serradîfalco s'est abstenu de tes indiquer dans son dessin, ce ne peut être que Teffet d'une circonstance tout k fait accidentelle. Avant de passer à un autre sujet, j'ai encore quelques observations à &ire sur cette question générale du coloriage des édijices qui vient de recevoir, par la découverte opérée dans les ruines du iempie d'Hercale, un élément nouveau, le plus complet et le plus au- thentique que nous ayons encore recouvré- M. de SerradiMco a con- sacré une note particidière , pag. 106 , 74, pour constater ce ^it, qu'il croit encore apparemment sujet k quelque controverse; et, ce qui powi'a sembler étrange k nos lecteurs, c'est contre les doutes de M. Semper, partisan si déclaré et si absolu de ïarchitectare pofychrâme, qu'il prend à tâche de soutenir l'existence d'une pratique , dont les mo-

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txace sans conséquràce , dont on ne pouTait rien coadnre contre un &it posi^, ni rien ai^er en fiiveur d'une pratique générale ; et j'aa- rais voulu que notre auteur n'y attachât pas en efiet plus d'importance qae cela.

M. le duc de Serradi&Ico n'a pas été plus heureux , i mon avis , dans i'en^loi de deux témoignages qu'il a cm pouroir aliter en pmire, que les anciens avaient parlé d'éd^es peints. Ces témoignages sont celui de Pline, xxxvi, a3, 55 , sur l'ertdaif d'un temple d'Élis, Cen- trait du lait et da safran, et celui de Plutarque, m TTiemistoel. $ vm, concernant des stèles d'un marbre blanc qui prenait, soas le frottement de fil maîh, Al eoalettr et todear da safran. J'ai eu occasion de m'ex^îquer, dans ce journal même', siu- la valeur qu'on pouvait attacher à ces deux témoignages , et il n'y a pas lieu pour moi de revenir sur cette discussion. Il me parait évident que c'est sans raison suffisante qu'on a cherché dans de pareils textes des preuves à l'appui du système général de la pofychrSmïe ; on eût mieux fait de s'en tenir au silence absolu de l'antiquité, qui ne prouvait pas davantage, mais qui du moins se pré- tait mieux à l'interprétation. Mais un téAioignage , d'une valeur positive et d'une grande importance, que M. le duc de Scrradifàlco a eu toute raison d'allouer en farenr de son opinion, c'est cdui d'une .belle ins- cription attique, récemment découverte et publiée par M. Ross', il est question d'un modèle en bois destiné à la peinture encaastùjae da tri- gfypite : li*^i*iyiAA ^ûXirer lï; re/^KÙ^ou lïc è*n3Mat»( , ainsi que de vases renfermant ia couleur noire et blanche qui devait servir sans doute è peindre, certains détails de la corniche , comme on le voit sur te larmier de notre temple d'Agrigente, ainsi que les triqlyplies de la frise, les caxumx étaient ordinairement coloriés en noir et tes goaitei en blanc ' :

ûmXai^n if* fiJk»ûf /tifioifa inefi Mon i/t fiJkttif. Voilà, sans

contredit, un témoignage attique de la plus haute autorité, et (fà suffi-

264 JOURNAL DES SAVANTS.

vaii de M. ie duc de Serradifalco, c'est celui qui concerne la place oc- cupée par les antéjixes sur le faîte des façades latérales , et généralement la restauration entière de la cymaise. C'est en' effet un point qui , comme toutes les questions relatives à la couverture des temples grecs, a le plus exercé la sagacité des architectes et des antiquaires , et produit le plus d'essais contradictoires ; et l'intérêt qui s'attache à celle ques- tion, dans l'archéologie grecque, me fait un devoir d'entrer ici dans quelques détails. On sait que les temples antiques étant restés tous privés de toute espèce de toiture , et la plupart mutilés à une certaine hauteur de leur ordonnance extérieure, la restauration du toit n'a été essayée, d'une manière plus ou moins probable, qu'à l'aide de fragments, qui avaient appartenu soit à la corniche, soit à la couver- ture. Dans le nombre de ces fragments les plus précieux par l'art , et les plus significatifs par l'usage, figurent en première ligne ces espèces d'ornements que nous nommons antéjixes, du mot latin antejixa, et qui se plaçaient au rebord du toit , en avant des tuiles creuses qui y abou- tissaient , et de manière à en masquer le vide. L'architecture antique fit un grand usage de cette espèce d'ornement, qui fiit habituellement décoré de pabnettes scalptées ou peintes, quelquefois même àe figures ou de mascfiies imprimés en relief et coloriés, et qui contribuaient puissam- ment à la richesse et à l'efiet du couronnement des édifices. Pline met ' au rang des plus anciennes inventions de l'art grec, celle qui consistait à imprimer des masqaes en relief sur ces sortes de tailes, qu'il appelle extrendimbrices, xxxv, 12, &3. Primas (Dibutades) persoruas tegularam extremis imhricibas imposait (ou impressit) ; et l'on sait que la Grèce , tou- jours enthousiaste des moindres progrès de ses arts, et toujours passion- née pour ceux de ses citoyens qui y avaient pris part , célébra par des vers Byzès , de Naxos ^ , le premier qui eût l'idée de tailler en marbre ces sortes de tuiles, et qui fût parvenu à constituer tout ce système de «ouverture en tuiles de marbre. A dater de cette époque, qui coïncide avec la 5o* olympiade, les principaux temples de la Grèce furent couverts en tuiles de marbre ; et, parmi ceux Pausanias avait remarqué ce genre de magnificence, bien peu de nos lecteurs ignorent sans doute qu'on en a retrouvé deax de nos jours , le temple £ Apollon, de Phigalie, et celui de Japiter, à Olympie. C'est plus récemment encore que nous avons acquis la connaissance des mots qui désignaient, dans le vocabu- laire de l'art grec , les diverses formes d^antéfixes, à raison de la place qu'elles occiqjaient dans le couronnement et de l'espèce particulière

' PauMD. y, 10, 2.

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TMnif, en Attiqne'; tous momimeots câtés par notie aut»ir, mix- queli il eût pu joindre le Temple et les fnfnfUu itÈUusù^, restaurés d'après le même système. Or U est certain que cette suppFession de ia OfntMise. sur tout le prolongement des faces latérales, constitue une io- terruption de lignes droites, peu agréable en soi, et peu d'accord«vec le génie grec ; que l'absence de cette partie, la cymaise destinée à l'é- coâement des eaux, et pourrue k cet effet des têtes de lion qu'on y rap- portait, est surtout choquante sur les faces latérales , avait précisé- ment lieu cet écoulement des eaui du toit; et qu'enfin on conçoit difficOeoient comment ces têtes de Uoa, servant de ^oattières, auraient 'été placées seulement aux ai^es ou aux extrémités de l'édifice , sur les côtés; tandis qu'elles auraient été supprimées sur toute la longueur de ces côtés. Il semblait donc plus conforme aux vrais principes de l'art de ctHitinuer sur les côtés longs du temple la cymaise, décorée de têtes de Utn , comme l'a feit M. Blouet dans sa restauration du Temple d'O- fympie^, et comme on le voit à d'autres restaurations d'édifices antiques citées par notre auteur, notamment aux Proj/yUes de Priène, aux Temples de Thésée k Athènes , de Diane Proftylée k Eleusis , el de Némésis à Rhamciunte. J'insiste particulièrement sur l'exemple du Temple de Diane, d'Eleusis, la cymaise, formant cMifeou , et continuée le long des façades latérales , avait deux têtes de lion, sculptées sur chacun des morceaux dont elle se composait, correspondent en laideur à deux des tuiles de la couverture * : attendu que c'est un des éléments les plus aûtheptiques que nous ayons recouvrés de tout ce système de toiture des teidples grecs , si difficile, si compliqué, et jusqu'alors interprété partant d'hommes habiles d'une manière si contradictoire; mais ces flifiicultés et ces contradictions provenaient en grande partie de ce que les morceaux de cymaises recueillis parmi les débris des temples an- tiques n'étaient pas assez complets , ni alsez considérables pour rendre compte de la disposition des têtes de lion, ni de celle des antéfixes ; et

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de la Sicile et de la Grèce entière. On sait que cet édifice , parvenu k un point de la construction il ne manquait plus que la toiture, fiit surpris à cet état par la guerre désastreuie qui fit tomber Agrigente au pouvoir des Carthaginois , la troisième année de la 9 3' olympiade. Td il resta toujours depuis cette époque , an témoignage de Polybe, qui en parie, deux siècles et demi api^ cet événement, comme d'un temple inachevé , mais comparable, par l'invention et la grandeur , i tout ce que la Grèce renfermait d'édifices du premier ordre. Tel le vit, un siècle encore plus tard , Diodore de SicHe, qui nous en a laissé une description détaillée; monument précieux A tous égards, et regardé avec rais(»i comme une des pages les plus curieuses de l'histoire de l'art antique. C'est avec le secours de ce texte, et & l'aide de ce qui reste encore sur place de débris du temple même , qu'à partir de 1813, époque .oà on y entreprit des fouilles r^uhères, un ^rand nombre d'architectes et d'antiquaires ont essayé d'en faire la restauration ; et M. le duc de Serradifalco n'a eu ici qu'à mettre en œuvre des éléments déjà préparés par une foule de mains habiles , et qu'à présenter, dans une discussion sage et lumineuse, le résultat des faits acquis à la science, avec un projet de restauration qui lui est' propre. 11 est seulement fâcheux que iM. HittorfF n'ait pu encore publier la partie de ses Antitfttités de la Sicile, qui est relative aux monuments d'Agrigente. Les fouilles que cet habile architecte avait pratiquées lui-même en quelques endroits de l'Ofym- pieion, l'avaient mis en possession de nouveaux éléments d'une restau- ration qui sera toujours une œuvre très-difficile , et les idées qu'il avait pu se former, d'après tme étude approfondie du monument dans tous les détails qu'on en connaît , auraient certainement été d'une grande ressource pour notre auteur. Lorsque je visitai les ruines d'Agrigente , muni des plans de M. Hiltorff, dont je devais la communication à son obligeance , je pus vérifier sur le terrain tous les irésultats de ses explo-

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vMt que auire encore au caractère grandiose du mooument. Or ii n'y a guère d'autre moyen de parer à ces Décestités lâcheuses , qu'en supposant l'entrée du temple placée sur sa façade occidentde; et, coÉUne cette &çade est uij<nw(faui rcûnée en tcrialité, en y rétaUis- sant, par ta pensée, une porte unique qui occuperait la place de la oolonae du milieu et des deux, entre-colonnemenis latéraux. La seule difibculté que rencontrerait cette ordonnance, vîend^it de la grande , portée de l'architrave , qui aurait s'étendre sur plus de quatre entre- M^onnements. Mais il est vrai que, les colonnes se trouvant ici eagfk' gées dans les murs, cette portion de l'architrave, si énorme qu'elle li^t dans ses dimensions , aurait eu dans la muraille même un point d'appui continu. EUifîn , il est probable que l'architecte , voulant donner i la làçade principale tout l'eOet qu'elle pourrait Recevoir d'une grande sidtdité apparente , jointe à une disposition majestueuse , avait cons- truit ici une porte ornée de chambranles , avec un couronnement composé d'architrave, de-frise et de corniche ; et c'est à ce parti, qui réonit, suivant moi . toutes les convenances , et qui concilie toutes les difficultés que s'est fixé M. le duc de Serradifatco , dans son projet de restauration, pi. xxvi,

Les particularités si nouvelles . si extraordinaires , que présente le grand temple d'Agrigente, et qui tiennent en partie h l'énormîté de ses proportions, me font un devoir de m'arrêter encore sur quelques dé- tails relatifs , soit au monument jnème , soit à la restauration de M. le duc de Serradifalco. Le fait fe plus étrange est sans doute celui des sept colonnes de la façade orientale , qui constitue une exception si rare dans le plan des temples grecs. Cette exception n'est cependant pas sans modèle dans l'architecture égyptienne , ni sans exemple dans l'ar- chitecture grecque; et notre auteur cite quelques monuments k l'appui de c^te double ohservatioD , sans oublier le portiqiu de Thoricus, en Attique, qui est, comme la soi-disant Basili<fae de Psestum, un édifice

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Iiypmihre, puisque le jour unique qu'il eût reçu par porte d'entrée èât été insuffisant pour éclairer cet immense vaisseau. Il suit de qù« tes deux lignes de piliers carrés qui partageaient ia ceUa en trois ga- leries, et dont il subsiste encore d'assex considérables vestiges sur le terrain, étaîentliées par des mars de peu d'élévation, qui n'étaient, k proprement parier, que des espèces de parapets. Quant' aux figiires de géants, qui furent employées dans cette ord<Hinance, et dont on sait qu'on a.recueiUi des débris appartenant à onze ^ ces figures, les unes mAles, les autres femelles, alternant probablement ensemble, toutes de 3g,g palmes de hauteur, l'arrangement de ces colosses au-dessus des pBiers de la nef principale, est encore un de ces problèmes qui ont donné lieu à beaucoup d'faypotbèses plus ou moins ingénieuses , mdis dont la solution , restée indécise , échappera peut-être toi^ours à nos recherches. On connaît depuis longtemps la restauration de M. Co- cktrell , qui établissait au-dessus des pilastres de la nef du milieu un se- cond ordre formé de ces figures d'Atlantes, destinées à supporter le toit. Mais cette idée se trouve détruite par le résultat des fouilles ré- centes qui ont prouvé que les piliers intérieurs, au lieu d'êtred' une hau- teur moindre que celle des colonnes du pieado-ptéroma, comme l'exigeait la restanration de M. Cockerdl, surpassait au «Hitraire cette hauteur de 71°, 4 ^ajmes; d'o^ il suit que le second ordre, projeté par l'archi- tecte anglais, aurait excédé de plus de quatorze palmes l'élévation du toit. Des difficultés d'un genre différent se rencontrent dans un autre projet de restauration conçu par le docteur Lo Presti , de Girgenti, que notre auteur soumet i une analyse critique très-judicieuse. Jusqu'ici donc l'avantage semblerait acquis au projet d'im habile antiquaire de Païenne, D. Niccolô Maggiore, qui n'admet qu'un ordre de piliers, dans la composition desquels entraient les figures d'Atlantes , avec leur hase

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Avant de parler du sj (time d'instructif» primaire satri en Chine , je dois nécessairement dii-e d'abord queiques mots sur la langue chinoùe elle-même, exposerxapidemeBt sa stmctuMÔigidière, et iiidîquerfe£Eet probable que cette langue doit exercer sur le travail de la pensée. Je sens que je touche une question délicate , et les recherches que j'ai Eûtes depuis quatre ans, dans l'histoire chinoise, me permettent k pçine de paraître un instant dans un débat signalé naguère par les opi- nions contraires de MM, Abei Rémusatet GuiH. de Humboldt. Aussi je me bornerai à efQeurer les principales sommités de la question , en pro- fitant des éléments précieux que j'ai pu ret^ueiilir dans les leçons de M. Stan. Jub'en, ce savant si profondément initié à la connaissance de la phraséologie chinoise. Peut-être mon opinion particulière sur les dif- ficultés opposées par la langue chinoise au travad de la pensée ne s'ac- cordera pas entièrement avec, le sentiment du savant professeiff; mais je me justifierai par une simple observation. Tout ce que je dirai dans ces considérations préliminaires ne sera que l'image adoucie de l'opinion des savants anglais qui écrivent dans le Qiinese Repoiitory.

La langue cMnolse se distingue de toutes les autres par son originahté singulière. On sait qu'elle se divise réellement en deux langues distinctes, l'une écrite et très-riche, composée d'une immensité de <;aractères, dont chacun exprime un mot, et qui se classent dans les dictionnaires, sous deux cent quatorze caractères primitifs ou cleft ; l'autre , parlée et très-pAivre, formée seulement de douze cents monosyllabes d'into- nations différentes , de sorte que chacune de cesintonations peut repré- senter souvent quatre ou cinq sens ou caractères différents dans la con- versation , et corre^ond k un bien plus grand nombre de caractères écrits dans les dictionnaires. Les caractères, ou les mots, ne sont liés dans la phrase que p^r un petit nombre de s^es grammaticaux, prin- cipalement par des prépositions de lieu. (Jn caractère spécial indique le

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seule 36o ou même Sgo mêlions d'individus humains, selon tes der- niers recensements officids, publiés dans l'almaUBch impérial du céleste empire. Ce chifiire peut paraître exagéré, ctKoiparatiTement aux 33o ' millions d'hectares que comprend la sur&ce totale de la Chine , d'après les mesures des minionnaires. Réduisons-le d'un tiers pour nous rap- procher du siède dernier: supposons a5o mHlions pour la population chinoise; à ce chi&e ajoutons les-habitants du Japon, ceux la Ca- chincbine etdu Tonquïn, des royaumes de Camboge et de Siam, 'la langue chinoise «tû bngue des dasses supérieures et moyennes, o^ elle sert pour toolss les publications; enfin les nombreux émigrés chinois qui défrichent les côtes desVes Philippines, de Sumatra, de Java, de presque tout l'archipel indien, et nous trouverons que la lajigue chinoise est la tangue naturelle de plus de 3oo millions de créatures humaines, réparties sur une portion de la terre au moins ^ale à notre Europe. Ces 3oo miUions sont plus du tiers du genre hu- main , et ainsi se trouve réalisé pour ce iiers , dans son monde particu- lier, le phénomène vraiment surprenant d'une langue universelle.

Conmient cette langue singulière s'est-elle conservée dans sa forme primitive, pendant la longue suite des siècles, et parmi uo si grand nftyhït* d'hommes; ceci tient k trois causes principales. Premièrement les Chinois, pendant Icmgtemps, n'ont connu, du reste des hommes, que les hordes barbares et illettrées qui les entouraient. Avec des termes de cpmparaison si inférieurs , ils ont conçu la plus haute idée de leur supériorité intellectudle, et 1^ langue écrite est devenue pour eux une sorte d'invention miraculeuse; ils l'ont regardée comme une œuvre cé- leste qui ne pouvai^tre perfectionnée; et sa forme semi-idéographique, qui permet à l'esprit un certain jeu entre la figure et le sens des carac- tères , leur a Eût prétendre que cette langue était le dépôt incomparable de tous les priacipes de la science , de la morale et de l'ordre universel. En second lieu , et très-probablement, par le développement de ces

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l(^e à nos universités. Les &its contrarieat étrangement cette conjec- ture si plausible . En Chine , l'enseignement primaire est tout à fait libre ; c'est un métier comàie un autre, et rien de plue. Quiconque veut ouvrir une école primaire n'a besoin , è cet effet, d'aucun diplôme , et ne subit aucun eiamen préliminaire. Son succès dépend eoti^meut de son habileté, qui lui attire des écoliers , et lui fournit le moyen de vivre ; seulement cette habSeté est conÇpôlée par un examinateur en tournée, que le mandarin de l'arrondissement envoie , deui fois par an , pour inspecter les niutres des écoles primaires. Ceux qui ne peuvent subir l'examen sont tenus de fermer leurs écoles. Cette liberté de l'enseigne- ment se lie assez bien avec l'organisation des villages chinois, qui se gouvernent comme de petites communes indépendantes. Les habitants choisissent , parmi les dix familles les plus imposées du village , un chef ou maire, qui dirige toutes les affaires delà commune, répartit l'impôt , en opère la perception, et est chargé de la poursuite des coupables, lorsqu'un délit se commet dans son canton. D'après ce même principe de liberté, il n'existe maintenant, dans les campâmes de la Chine, ni écoles publiques ni écoles de charité, défrayées par le gouvernement. Les écoles ne sont fondées qrfautant que les habitants du lieu sentent le besoin de l'instruction première; et puisque chaque village chinois a son école qui se soutient par elle-même, il s'en suit que les paysans chinois raisonnent certainement mieux , à cet égard , que les cultivateurs de beaucoup de parties de la France.

Les écoles particulières des villages sont appelées bio-kouan. D'après le docteur Morrisson , qui a résidé si longtemps à Canton , les enfants p'ayei< un droit d'entrée , la première fois qu'ils viennent à l'école. Ce droit varie de i fr. 5o cent, à 5 francs, selon le plus ou moins d'aisance des parents ou tuteurs de l'enfant; le maître compte sur cette offre, mais ne demande rien. Outre ce droit, chaque écolier paye, à deuxjours fériés de l'année, aux cinquième et huitième lunes, une pe-

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esli^cîale» et créée en faveur des familles tartares, 4ont tous les en- fiints naissent militaires. Sauf cette exception» le gouvernement ne ficend à sa charge que les frais des salles d'examen, dites écoles supé- rieures , dans lesquelles les concoixrs pour les grades littéraires ont lieu à certaines époques de Vannée; et, comme ces concours fournissent les candidats aux emplois administratifs, on voit que le gouvernement chinois ne s'occupe effectivement de Tinstruction publique que pour choisir ses employés. Mais il est vraisemblable que ce système écono- mique est assez récenf, et que renseignement primaire n a pas toujours été abandonné à la libre concurrence.

En effet, si nous remontons vers l'antiquité , nous trouvons que dans f histoire des trois premières dynasties chinoises, avant Tère chrétienne , ks écoles se confondent avec des établissements destinés à recevoir et à nourrir les hoaunes âgés, qui s'étaient distingués par leurs services; et ces établissements étaient à la charge de l'État. Très-probablement , les vieillards pensionnés s'engageaient jnoralenjient à exercer l'enseigne- ment gratuit, suivant l'usage qui parait se retrouver dans les anciennes institutions de l'Inde. Après cette premièce époque, les Han durent Eure de grands efforts pour relever l'institution détruite par les guerres civiles. Ils joignirent aux gouverneurs de chaque district des inspec- teurs dbargés de choisir et de surveiller les maîtres d'école, et sdors tous les étahlissen^nts destinés à Tinstruction paraissent avoir été dé- frayés par le gouvernement, comme les anciennes maisons des vieil- lards. Plus tard, vers le vin* siècle de nolré%re, les Thang instituèrent les concours littéraires, et donnèrent toutes les places administratives aux candidats gradués dans les concours. Cette institution s^est main- tenue, comme on le sait, depuis ce temps jusqu'à nos jours, et ia ré- compense qu'elle assure au savoir littéraire , doit avoir contribué puis- samment à répandre ce genre d'instruction , en multi[diant les candidats. Ceux d'entre eux qui obtiennent les grades inférieurs, mais qui déses- pèrent de subir les hauts examens , ouvrent des écoles pour utiliser les connaissances qu'ils ont acquises, et de «ésulte le nombre considé- rable d'écoles réparties dans tout l'empire. Mais copiaient ces écoles livrées à , la simple concurrence peuv^EiWelles trouver asçez d'écoliers pour se soutenir, et, puisque oes écoliers se trouvent, quel est le motif principal qui porte les ci^tivateurs chinois à rechercher si vivement l'instruction pour leurs enfants mâles? La réponse à cette question se trouve encore dans l^institution des concours littéraires. Devant ia loi, en remplissant les conditions des examens, tous les Chinois sont égale- ment aptes aux emplois administratifs, de quelque rang de la société

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qu'ils sortent; et, d'après lea renseignements les plus positifs, la grande ambition de tout Chinois, riche ou pauvre, est de compter un fonc- tionnaire dans sa famSle. Il prépfœe donc son fils pour le but éloigné des examens , et de provient principalement cette haute estime ac- cordée par toute la nation au savoir littéraire , comparativement à toute autre espèce de connaissances. La props^tion étonnante de l'instruc- tion primaire en Chine est donc le résultat direct et constant de l'ins- titution des concours littéraires, qui crée chaque année un nombre proportionné de maîtres et d'écoliers.

L'enseignement primaire étant aujourd'hui tout è &it libre, sauf l'inspection plus ou moins soigneuse des examinateurs en tournée , voyons- qudles sont les méthodes mises en pratique par les maîtres. L'éducation des enfants Chinois commence vers l'âge de cinq ou six ans. Ils entrent alors aux écoles, pour étudier les caractères de leur langue, et continuent, même dans les classes pauvres, jusqu'à l'âge de treize et quatorze aiis. D'après les missionnaires européens du xvni* siècle, I>ubalde rapporte que les maîtres chinois présentent d'abord aux com- mençants une sorte d'A B C ^émentaire , composé de quelques cen- taines de caractères, exprimant les choses les plus connues, les plus ordinaires, et tracés en gros traits sur des. feuilles de papier, avec la figure juxtaposée de l'objet que chacun d'eux représente. Ces figures, dit Duhalde dont j'abrège le texte , sont destinées à fixer l'attention des enjfânts ; mais malheureusement elles sont empreintes des mêmes fohes superstitieuses qui se retrouvent dans les grandes compilations en- cydopédiques des Chinois : le soleil y est représenté par un coq à trois pattes , placé dans un cercle ; la lune , par un autre cercle renfermant un lapin qui pille du riz ; le tonnerre , par une sorte de démon qui ' frappe sur cinq ou six tambours. Ou conçoit l'effet pernicieux que de semblables images doivent produire sur l'esprit des enfants; mais leur

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fias pirfoites, Iw pl»* propres à forma l'ûtstnction morale et Uttik- rajre de Vhtxantt. Les enbnts doÏTcnt les tpfmodre ptr cœur, sans se tromper d'un seulcanetire , et cette âtude est Jf .plu» firtigante tpi'oD puisse imaiiaerï car les HT eh», et surtout les fl|b>otit d'une extrême difficulté à oonprendra; très-souvent 1* sens eanmpoaflîble à détanù- ner, sans le secom des comoientaires. Or non-seidcinent les en&nti oe fisent pu les cranmentske» : le maître mime ne leur donne -.aur cune ezj^catîon, et il est d'usage que le sens des caractères ne soit expliqué aux fnCuits que lorsqu'il les savent pat&item«Bt par cœur, (Jn tfd genre de tranâ doit donc autant fat%ner leur esprit que s'ils apprenaient par onur deux on trois milliers de logaridimea, à neuf dédmdes, tds que ceni de no» tables européennes.

En même temps qu'ils forUfient ainsi leur mémoire aux dépens de leur intelligence, les enfants s^ perfectiooneot dans l'écriture et prennent les plus grands soins pûUr se former une bdle main, genre de mérite trés-estîmé dans les concours littéraires. Lorsqu'ils con- naissent un asseï grand nombre de caractères pour pouvoir composer , ils apprennent les règles du wen tchuig, ou beau style, même dans les écoles de village, fa'prèsM. Voisin, et commentent des phrases isdées de Confncius et des King que le maître leur dicte. Gomme je l'ai dît, k deux époques fixes , au printemps et en hiver, 'un examinatetu- est envoyé par te mandarin du district pouf inspecter les maîtres et feire composer les ^èves. Ceux-ci doivent suivre les écoles pendant toute l'année, sauf xm mois de vacances au nouvd an, pendant les grands firoids , et cinq ou six jours de repos an milieu de fanoée. Le payement au maître se &it au moins pour un an; et généralement, après six ou huit ans d'études , les enfants savent lire et écrire assez pour les besoins de la vie ordinaire. Ceux qui se préparent pour les concours iittéraîres continuent d'étudier pendant un temps beaucoup plus long.

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rendre l'esprit paresseux pour toute espèce d'çSort. L'expérience ne confirme que trop bien les indications fournies pal* le raisonnement. Le Chinois ne conçoit pas même ce que c'est que la grammaire. En mathématiques , il sait seulement assez pour acheter et vendre. U sait très-mal l'histoire de son pays , et en gé<^r^phie, il ne connaît généra- lement rien au. delè des limites de son canton. En astronomie, il est d'une ignorance comidéte« et, suivant les renseignements les plus cer- tains , le calendrier impérial est encore aujourd'hui préparé par le col- lée des missionnaires Lazaristes , qui est toléré à Péking. Peu de lettrés reconnaissent l'existence des langues européennes , et ils ne peuvent admettre que ces langues possèdent une littérature. . Pour airêter celte perte immense d'inteiiigences , les premiers eflforls doivent se porter naturellement vers la routine des écoles actuelles, et déjà cette réforme est commencée avec quelque succès par les Chinois convertis au christianisme , qui tiennent des écoles dans le Sse-Tchuen. D est évident que les enfants apprendraient le chinois bien plus ai- sément , s'ils passaient par une série de livres jdont les premiers ne comprendraient que des caractères très-simples, représentant, autant que possible , des idées iamilières et arrivant ainsi graduellement aux caractères plus compliqués. U iaudrait que le maître expliquât <^que mot appris, comme dans nos méthodes européennes; qu'il joignît à cette explication des anecdotes amusantes, des notions utiles, et de cette manière , afsparaîtrait une grande partie de l'ennui et de la torpeur mentale qui résultent de la méthode actuelle. Mais l'on peut dire har- diment que le mal ne serait pas entièrement détruit, à cause de la forme même de la langue chinoise qui ne se prête pas au développement de l'intelligence comme une- langue alphabétique , et c'est cette langue chinoise elle-même qu'il faudrait changer.

- Pour atteindre ce but , un correspondant du Qànese Bepotitory pro- pose l'introduction immédiate en Chine d'une écriture alphabétique

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pour la propagation des connaissances ùtâès a^est éonstituée k Macao, ef fait tradoire en chinois différents traités élémentaires des sciences et des arts de notre Europe. Mais la réforme de féducation chinoise et la transformation' de ta langue semî-idéc^raphiqae en langue alphabétitjne seraient des conquêtes bien autrement importantes pour le perfection- nement intdlectuel des 'Chinois. Cette rért^utîon ne peut s'opérer, il est vrai , que par des efforts continus. B fandra d'ad>ord former des lettrés qui répandront l'instruction parmi leurs compatriotes , et très- probablement ces lettrés ne se plieront bien à cette étude nourdle qu'autant qu'Hs auront été convertis au cbristiaDisme et dégagés de la masse de pr^ugés dont tout Chinois est imbu dès son enfence. Sous ce rapport , je crois que les missionnaires caAidiques qui ont déjà pénétré dans le Sse-Tchuen , qui ont autour d'eux trois à quatre cent mîUe néo- pbitcB et ont déjà fondé d%s écoles chrétiennes, auraient plus de facilité pour former des mcûtres de la nouvelle langue que les missionnaires protestants, dont les rites froids et austères paraissent peu convenir atix peuples asiatiques. Ceci estl' opinion même du gouvernement ang^isdes diverses présidences de llnde. H appelle aujounThuï des missionnaires catholiques. Certes , les traductions de la Bible protestante , répandues par M. Gutzlaff et d'autres missionnaires anglais sur les côtes de Chine ont été bien plutôt nuisibles qu'utiles k la |»x)pagation du christianisme, les natiurels étant loin d'être ]^parés pour une lecture qui doit sembler un peu étrange , quand la foi n'en couvre pas les nudîtéi.

Sans doute, on ne peut fixer avec certitude l'époque les vieux préjugés asiatiques céderont à l'influencé des idées européennes. H y aura encore bien des peines éprouvées, bien des sacrifices accomplis. Le gouvernement chinois pourra fermer ses ports , s'il n'a plus besoin de l'argent des Européens, et imiter l'exem^e des Japonais, ses voisins. Mais la Chine n'est pas isolée comme le Japcui : les* missionnaires pour-

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édairci, rectifié par la critique. Tadte Ta écnti une époque la Ger- manie, à peine oiverte aux Romaiiu par la guerre et le commerce , était encore, par leur curiosité mal satÎB&ite, une ré^aa {deine de mystères et mêmedeiiierTeâles: les notions nécessairement impar- iàites qu'il avait pu recueillir sur ses diverses populatlim, et l'en- .seoible de leurs mœurs et de leurs usages, il loi est arrivé ; [««sque iné- f vïtablement, de les traduire parles équivalents inexacts d'une autre civilisation, par des apressions qui, k force d'être abrégées, mon^ trent pas suffisamment tout ce que vo/oit l'historien, ou bien qui, em~ . {doyées par lui à divers usages , laissent dans le doute sur le sens pré- cis qu'il y .a attaché. Ajoutons qu'il les a' quelquefois feussées , soit en les généralisant plus qu'il n'en avflfee droit, soit en les tournant, comme ont Eût chez nous Montaigne et Rousseau de l'innocence, de la pureté prétendue d'un état de nature imaginaire, à la satire de la corruption romaine. Tacite est sans doute ici, comme partout, un fort grand peintre par la vigueur du dessin, par l'éclat du coloris ; mais on peut, on doitmême se d^eren quelques points de son exactitude. G'aat avec ce sage esprit de réserre que M. Fauriel lui a emprunté les traits par lesquels il a caractérisé l'état primitif des conquérants ger- mains de la Gaule, dans un tableau qui se fait lire avec Intérêt, même après ceux qu'en a retracés un a.atee professeur de la faculté des let- tres, M. Guizot, dans ses mémorables leçons de 18 13, de iSaSetde 1 829. Tous deux , obéissant aux convenances ou aux habitudes de l'en- seignement, ont méthodiquement exposé des détails jetés par Tacite, avec une sorte de confusion qui, en un pareil sujet, n'était pas sans art : peut-être M. Guixot a-t-il mieux conservé à sa peinture , même dans ce cadre didactique , ce que le modèle offrait de fortuit, d'incohé- rent, de rude ; peut-être , chei M. Fauriel , le grossier produit de la force des choses ressemble-t-il trop à une organisation , comme lifi- méme l'appeUe ?

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meilleure clef pour bien entrer dans Tesprit de ces lois et de ces cou- tumes. Cette méthode , fort naturelle et fort généralement suivie , n'a pas toujours été sans inconvénients ; elle a conduit à antidater , d'après des analogies trompeuses , certains faits, certaines institutions^ M. Fau- rid, qui le montre fort bien par la critique de plusieurs opinions hasar- dées, le montre encore, si je ne me trompe, par son propre exemple, lorsqu'A va toucher lui-même l'écueil qu'il avait signalé. Cherchant à mettre en reUef les caractères les plus propres à faire comprendre le rô|e iqu' ont joué dans l'histoire les Germains, «des peuples toujours en mouvement, toujours en guerre , la faisant par besoin et par goût , se la proposant comme un but; des peuples à chaque instant arrêtés dans le développement naturel de leur civilisation , par les entreprises et les menées de chefs égoïstes et turbulents , sur lesquels la société n'a point encore de prise certaine , » il s arrête avec raison à ce que dit Tacite , comme avant lui César , comme après lui Ammien Marcellin et d'autres historiens encore^, de ces chefs [principes) qu'entourait une sorte de cortège guerrier , de compagnons dévoués à leur personne et à leur fortune, associés à leurs projets [comités), les suivant dans 1* espoir du butin , et pour la satisfaction de leurs inclinations belliqueuses , dans des entreprises souvent indépendantes des affaires de la «ité. Montes- quieu^ voit l'origine du vasselage ; mais, après en avoir décrit, avec les expressions de Tacite, la forme première, il ajoute : « Il y avait chez les Germains des vassaux et non pas des fiefs; il n'y avait point de fiefs , parce que les princes n'avaient point de terres à donner ; ou plu- tôt les fie& étaient des chevaux de bataille, des armes, des repas.» M. Fauriel , contredisant Montesquieu , suppose des terres à ces prin- ces ; ces terres , il les leur fait donner par le public , et il attache, dès cette époque, à leur possession l'idée d'une distinction politique , d'une su- périorité sociale , Thonneur attribué plus tard au bénéfice territorial , à la propriété foncière (t. I, p. 497). Ce système, qui, je crois, appar- tient en propre à M- Fauriel , il le tire d'une phrase de Tacite qu'il tra- duit ainsi: «C'est un usage des tribus germaniques de distribuer de leur gré, à chacun des princes , une certaine quantité de bétail ou de pro- duits de la terre qui sert à leurs besmns , eh même temps qu'elle est un honneur, d II le tire surtout de ce qu'il ajoute que , selon toute appa- rence, il faut entendre par le mot latin f rages, non pas seulement comme il traduit, des produits de la terre , mais des terres en nature.

' Voyex, dans le Tache de la bibliothèque ktioe de M. Lemaire, t. V, p. 11&, un curieux excartns de M. Nau^el, intitulé ae Conûtihu. ' E$p, des Lois, liv. XXX eh. m. »

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Je crains bien que M. Faiirid. a'ait beaucoup, abusé du passage de Ta- cite , lequel est ainai conçu (Genn. vr) : moi esCcintatifru alfro ac vùitiM confwrt prmeqiAas mI amentorm v«tfj^am, ^aod pn> honora eceeptam «tûm DêceuitatAat «oMicnâ. Ces priacipes paraisieBt être, non pas ceux que veut M.Faurid,lesquds donnaient à leun crautn et ne recevaient pasiiinais leaniagistratoouI(».roisque Tadte désigne indiffiiremjnent

parie mème'titcie:-ce ifooi ai^nenlomin td.Jragnm, c'est unelortede

tribut en troupeaux et en crains, analogue à cer amendes fiscales dont il est dit, cb. xn : pan mahim régi veî cioiti^... txsoioibir,. payé i^od* tairement *ltro, et par tête witùa , mot qui, d'après la plaça qu'il oc- cupe dansrla phrase, doit s'entendre des contriïuiaUes et non pas de ceux auxquels était destinée la coatributi<Hi. Le sens que je me permets de substituer h -celui qu'a préféré M. Fauriel n'est pas nouveau; je le trouve dans les diverses traducti(His de Tacite qui sont sous ma main, notamment dans une que distingue une parfaite inteUigence du teite, ceUe de M. Bumauf. Si Tacite, comme le veut M. Faurid, eût donné ici des terres en propre aux chefs germains, il. n'eût pu, sans se con- tredire, aiBrmer plus loin, cii. xxvi, qu'on ne connaissait point en Germanie ces sortes de propriétés. H est vrai que M. Fauriel , pins con- séquent quede le serait son auteur, n'admet point (t. I, p. 466) ce . qu'il nous apprend du système d'agriculture nomade, en vertu dvquel de nouveaux champs étaient chaque année occupés par les peuplades germaines, et distribués. 8d.on les rangs, entre leurs membres, sans que jamais la terre manquât à ces partages multipliés. César cependant, que Tacite appelle qudque part le meilleur des garants , sommât aactortmi , lui prèl^ ici, ce qui n'est pas toujours, son autorité; il dépose., livre VI , ch. xn de sa Guerre des Gaules, du même &it, dans des termes ^ qui n'iûnt rien d'équivoque assurément, et il se d<mne pour l'expli- rpitîp; par des raisons politiques et mordes, peut-être au-dessua'ide l'intéllKence des baibares et de leur ébauche de-société, une peme

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siècle. Si l'on excepte l'usage persistant, du moins chez les Burgondes, moins avancés que les Viaigoths, des compensations pécimiaires pour toutes sortes de délita, sans en excepter le meurtre . la sévérité toute germanique de certaines dispositions pénales, soit à l'égard des attentats qui compromettaient l'honneur des femmes et l'intégrité du mariage, aoit contre les inâvctiona au devoir de rbosjntalifé , les rè^es de ce pa- tronage qui par des liens volontaires , mais fort étroits , dévouaient l'homme au service de l'homme, et préparaient de loin les relations féo- dales de vassal et de seigneur au moyen âge, d'autres traits moins sail- lantsqui m'échappent , mais que n'a point omis M. Fauriel , tout le reste est romain dans ces lois rédigées au nom des barbares par des Romaine, comme aussi dans l'ad minis tration qu'elles établissent, comme dans les formes du gouvernement, dans les oCBces de la cour des nouveaux rois. Car ce ne sont plus de simples chels de bandes « chargés de conduire et de gouverner, en guerre, des hommes qui ne les suivent qu'aussi long- temps qu'ils y trouvent leur profit, leur plaisir et leur honneur; ce sont des chefs civ88 et politiques, des législateurs dont le soin principal est de maintenir l'ordre intérieur de la société , et ne faisant la guerre qu'accidentellement, quand elle est dans l'intérêt national , de vérita- bles monarques dans le sens général attaché k ce mot chez tous les peuples policés ; » disons de plus encore, avec les paroles de l'historien, que ces héritiers de l'empire a aspirent à régner à la rolnaine et même y sont parvenus. » Leur autorité de plus en plus absolue a fini par rempla- cer , presque complètement, cette volonté publique qui se déclarait au- paravant dans les assemblées nationales des peuplades germaniques par le vote de chaque homme libre sur les aHaires de tous. Ces inqenui, cesnobUes, ces principes, autrefois représentants de ia cité, ont pris place hiérarchiquement dans les fonctions civiles , politiques , militaires , et sous des titres pompeux, empruntés au cérémonial de Rome et de

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l'existence d'écrirains lutins de-ilatton gothique qui fleurirent pfol>a- blement de la &d dvciaquième jièdle i cdle du sixième, et dont, plus probablement encore , qnelquea-uos appartiennent aux' Visi^eths de la Gaule ou de l'Ës[wgne. Tels lont, entre autres, Athanarid, Hel- debald, Marcomir, fréquemment dtéa par. le géograpbe anonyme de Raveone, qiû les qualifie du titre de philo80[Ae8. TcJ est surtout un bislorien des guerres d'Attila dans la Gaude , RoUienusfSuqael M. Fau- riel s'arrête davantage. D'autre part les Gallo-Romains, par une sorte d'émulation, travaillaient, pour le compte dflSbariiares, à assouplir les langues qu^ila avaient apportées dans la Gai^, k le» plier aux psaget de ]a politique. Sidoine ' nulle un certaîtf Syagrius , brillant âève de^Vii» gile et de Gicéron, qui. devenu l^islateur et même poète au service des Buigondes et dans leur langue, leur Soloo,- leur Amphîon, s'était rendu si expert à manier l'idiome germanique, qu'en sa présence les barbares tremblaient de faire un barbaiisme, tepr»tente,formîdatfacere Ungaœ ijub bariaras barharisamm. La mas»& elle-même de la popiilati(m conquérante apprit, ainsi que'ses cbe&, le langage dîi pays conquis , et finit par oublier, par pei'dre le sien propre. lesBurgtmdes plus tôt, les Visigotbs plus tard, et moins complètement, coibme le lait remar- quer M. Fauriel, qui suit jusqu'au vi^ siède la trace du dialecte gO' tbique. Le latin adopté par eux , ce n'était pjBs , l'historien le &it renuTr quer judicieusement, le latin grammatical enseigné dans les écoles, écrit par les lettrés , parié par les hautes classes, mais un latin rustique, anté- rieure cduiauquelon donne d'ordinaire pour première or^ine l'invasion des langues gennaniques , qui avait lésulter bien auparavant du mé- lange des idiomes cdtique, aquitain, phocéen, avec la langue in- troduîte dans la Gaule par la conquête romaine. Sdon l'c^inion fprt vraisemblable de M. Paurie), les C^mains n'apportèrent k ces'âéments déjà anciens de la langue tom^fe, seulement cjue leur contingent de nouveaux mots, d'aceptions noavelles. M. Fauriel entre à cet égard,

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entend cela au propre de forteresses rédlemeot possédées par Aper , en plusieurs endroits des montagnes d'Auvergne , et -qui lui servent de rebutes. Mais n'est-il point possible que Sidoine ait parié au figuré, que cet écrivain , si rempli d'allusions classiques , se soit souvenu de cet asite, Horace, avant BoUeau et tant d'autres , fuyait les ennuis de îa ville ;

Ergo ubi mG-ln montes ei in arcem es urbe reraori ;

{Sa(.//,vi, i6.} de ces demeures pastorales des montagnes de la Noriquc que Vii^le peint- dépeuplées par la contagioiH et qu'il désigne précisément par le mot de Castella ?

, Tum sciât aeriat alpei et norica siquîs

CastdIA in tumnlù

Nunc quoque post tanto videat desertaque régna

PastoFUtn , et longe saltus lateque vacantes.

[Gwrg.IU, 474.}

Que mes citations renversent ou non les châteaux-forts d'Aper, peu importe , puisqu'il en reste à l'opinion avancée par M. Fauriel d'autres plus inattaquables, je ne l'inquiéterai point. R est temps que je ter- mine me analyse déjà bien longue , en indiquant succinctement le su- jet des dernières pages de ce onzième chapitre, si riche en faits et en aperçys. L'auteur y expose la situation du clergé catholique aux temps et aux lieux dont il s'occupe. Il le représente prêtant au gouvernement des barbares, dans lesquds il voit avec ses chefe saint Augustin, saint Prosper, saint Ëuclier, Salvim et autres , les instruments des desseins de la Prondence, l'appui de son autorité morale et de sa puissance po- litique; mais en même temps intervenant auprès d'eux, pour les Galio- Romains, avec dévouement, avec habileté ; jouant entre les vainqueurs et les vaincus , entre les deux sociétés violeomaent rapprochées par l'invasion, un rôle d'intermédiaire utile à tous , et oii il trouve lui-même

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le consultera sans lyase , pour connaître l'état passé des systèmes stel- laires qu'elle y trouvera fixé si exactement. Mais nous, contemporains, en soldant à cette gloire si juste , et si-simplement acquise, n'aurioa»- nous pas aussi un sérieux enseignemuit i recueillir des circonstiUteQs dans lesquelles ce monument scientifique a été élevé? 11 sort d'un pays qui était, il y a moins de cent cinquante ans, étranger aux sciences de l'Europe, à ses arts, à sa civilisation. Les moyens de l'exécuter, de le publier, ont été libéralement fournis par la munificence d'un gou- vernement dont nous sommes habitués à supposer que le principe et l'essence est d'être contraire à toute extension des connaissances hu- maines -, tandis que nous, par l'inBuence d'institutions toutes différaites, nous sommes peut-être et nous deviendrons probablement de plus en plus incapables de léguer à l'avenir une œuvre pareille de science pa- tiente, laborieuse et profonde. Comparez nos excitations fébriles de po- pularité , avec )a tranquille abstraction de M. Struve , s excusant dans son introduction d'avoir été trop souvent contraint de quitter son observatoire de Dorpat , pour aller à Saint-Pétersbourg , ce foyer du pouvoir et de la faveur, la juste confiance du souverain et de ses ministres f appelait, pour aider de ses conseUs à la création d'un nouvel et plus magnifique établissement consacré aussi à l'astronomie! Lorsque les dignités, les richesses, et toutes les vanités passagères de la vie s'offi^nt comme une chance accessible à quiconque sait cap- tiver les r^ards de la foule, comment les esprits supérieurs, qui au- raient pu travailler pour l'avenir, résisteraient-ils à la tentation de se saisir du présent? et quelle abnégation, quel courage ne leur faudrait- il pas pour le dédaigner? Les grandes découvertes scientifiques f>ar les- quelles un pays voisin s'est illustré, en reculant h loin les bornes des connaissances humaines , sont peut-être dues , en très-grande partie , à l'impossibilité de fi'anchir certaines barrières de rangs et de distiiK- tions sociales, jointeà l'espérance presque assurée d'un sort fixe ettran-

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la ré6exion d'une lumière' artificielle sur des sphères de métal poli. D'après l'immensité de leur nombre, si l'on imagine un raycm visuel infiniment délié, dirigé vers un point qudconque du ciel, on doit conceroir qu'on trouvera presque toujours une étoUe, et peut-être plusieurs, situées sur son prolftngement. Or, en effet, on connaît déjà des milliers de ces directions sur lesquelles deux ou plusieurs étoiles se voient simidtanément presque au même point des fils mi- crométriques; quelquefois à des distances angulaires si excessivement petites, qu'il faut employer les télescopes tes plus puissants, et, sur quelque&-imes , des grossissements qui amplifient jusqu'à mille fois les diamètres , pour résoudre leur image commune en deux astres distincts. On les appelle alors étoiks doubles ou maUipks, selon le nombre d'élé- ments stellaires dont elles sont composées; et l'on étend d'ordinaire cette dénomination jusqu'aux groupes dont les éléments sont séparés par un an^e visuel, qui n'excède pas trente-deux secondes de degré. Les fils d'araignée employés dans l'instrument de M. Struve, et que l'on amène sur l'image des étoiles pour en fixer la position , sous-tendent à peu près la soixante-quatrième partie de cet intervalle. On limite la dé- nomination d'étoile double à cet angle de trente-deux secondes, parce qu'il suffit pour comprendre les plus larges des groupes stellaires jus- qu'ici connus , dont les éléments ont présenté les caractères d'une con- nexion physique, et que l'existence d'une telle connexion semble moins présumahle à mesure que l'écart s'agrandit.

Toutefois, de ce que deux ou plusieurs étoiles paraissent ainsi très- voisines angulairement, on ne doit pas conclure qu'elles sont effecti- vement rapprochées et encore moins dépendantes les unes des autres. Elles peuvent encore être séparées par des distances immenses sur chacune des droites nous les apercevons. Leur rapprochement sera alors purement optûfoe. Mais il se peut aussi qu'il soit réel compara- tivement à leurs distances aux autres astres; et qu'en conséquence de

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belle œuvre peut-être , au célèbre mécanicàen ct'optiolen FrauohoSier.

L'eiApereur Alexandre en a enrichi l'observatoire de Dorpat

Concevez un Img tube-île métal ayante ses dein bouts des {nrots parfaitement travaillés , que revivent et «ontiennent deV' trous oinKi'- laires de même diamètre percé* dans des plaques fixes. Puis supposez que la droite idéale menée par ces points extriknefi, est diiîgée snivaiit l'axe idéal de la rotation diurne du ciel,- et reste Brrâriablemeiit mr cette direction. Si l'on atta<die au tube un cercle divisé dont le plan soit parallèle à cette ligne, il contiendra dans son prolongement les deux pôles de rotation c^estes -, et si le cerde porte une lunette mobile, dont l'axe optique reste toujours parallèle k son plan, cet axe, dirigé ven Ofte étoile quelconque , sera exactement i la même distance an^aire du pôle visible que fétoile elle-même; car les dimensions, non-seidement de l'appareO , mais de la terre entière, sont comme nuHes comparative- ment k la distance ces astres sont de nous. Donc, une fois ces alige- ments établis, si l'on fait tourner le long tube central au moyen d'une horloge , avec une vitesse de rotation angulaire exactement égale è celle du ciel, latuiiette, se mouvant coifame l'étoile , restera toujours dirigée sur elle -, et, ai l'on a tendu à son foyer des fils micrométriques, l'image de l'étoile une fois amenée sur un point de ces fils y restera toujours , pré- cisément comme si le ciel et la Innette étaient fixés. On conçoit toute- fois que cette coïncidence ne sera parité qu'autant que l'instrum«it sera parfait lui-même, et rigoureusement r^é dans toutes lesparlies de son mécanisme, aussi bien que la meilleure montre. Mais tel est celui de FVannhoffer. On n'y voit dans la. position apparente' de f étràc que les petites variations , impossibles à éviter, mais cdculables , que la réfraction atmosphérique produit.

Les avantages d'un semblable appareil sont évidents. L'astronome n'a plus aucune peine pour suivre l'astre ou le système d'astres qu'il veut observer. Une fois qu'il l'a amené dans sa lunette, l'instrument

504 JOURNAL DES SAVANTS.

reste à raconter. Je'ies eitrais surtout de la lettre de M. Stnive k

M. D'OuvarofF. Cette lettre, par parenthèse, est écrite en françaû; et

en bon français , comme on a pu le voir par le passage qne j e viens de

citer.

En comparant ses observations propres avec celles du premier Herscbell, M. StTuve établit comme connues, en iSSy,

58 étoiles doubles dans lesquelles il s'est opéré un changement

de position relative non douteux; 39 ce changement est probable; 66 il n'est qu'indiqué ; en tout cent soixante-trois nouveaux systèmes s<^ires découverts de- puis l'année 1780.

Les étoiles doubles, qui sont angulairement les plus voisines, sont en général celles les changements relatifs sont l^s plus manifestes. C'est un nouvel indice de leur production par une force physique , la distance devant en affaiblir l'action.

Il y a quatre systèmes stellaires doubles dont le temps de révtdution est parfaitement connu, parce que, depuis les premières observations de Herschell, les corps qui les composent ont décrit , et même quelques- uns plus d'une fols , leurs orbites entières. La forme de ces orbites et les lois suivant lesquelles eUes sont parcourues , prouvent que la force qui r^e les mouvements est dirigée suivant la droite qui joint les corps de chaque système, et que son intensité est réciproque au carré de leur distance mutuelle, comme cela a lieu dans notre système solaire pour tous les corps qui en font partie. On sait aussi très-approximativement la période de révolution de trois autres couples, parce que, depuis qu'on les observe, ils ont décrit une portion de leur orbite assez con- sidérable, pour qu'on ait pu calculer le reste suivant les mêmes lois

306 JOURNAL DES SAVANTS.

ces j^iéncmièoest se reproduisent dans* les étoiles vdouUes ou multiples, et ils y soal généralement plus marqués que dans les simples. M. Struve les rapporte en détail; mais, les ayant déjà décrits pour la plupart dans les articles que j'ai rappelés^ je ne les répéterai pas ici.

Plusieurs lui ont présenté aussi des changements d*intensité progrès*' sifs qu'il considère comme indubitables. Gela est très-conforme aux phénomènes que Ton a observés dans un assez grand nombre d'étoiles simjrfes , dont quelques-unes même ont paru tout à coup dans le del , y ont brillé pendant pluûeurs années d'un' éclat changeant, mais en restant fixes à la même place, puis se sont graduellement affidblies et ont cessé d*étre visibles, s'étant probablement éteintes. Ces soleils loin- tains peuvent donc éprouver ainsi d'immenses convulsions Jntérieures, aceompagnées de dégagements proportionnés de chaleur et de lumière, qui expliquent très*bieif les changements de coloration observés dans plusieurs d'entre eux.

Si les soixante^euf millions de lieues qu'embrasse le grand axe de l'orbe terrestre ne sont pas comme xm point tout à fidt insensible com- parativement à la distance des étoiles les plus rapprochées de nous, les raycms vIsimLs menés de la terre à une même étoile pendant le cours d*une année , doivent la projeter sur des points différents de la sphère céleste , et lui faire décrire en apparence une petite ellipse dont la posi- tion ainsi que la grandeur angulaire dépendent de la situation de l'é- toile et de sa distance à notre soleil ; en sorte que cette distance serait connue par le calcul, si l'angle sous-tendu par la petite ellipse, et que l'on nomme la* parallaxe annuelle, pouvait être mesuré. Une détermi- nation aussi importante a naturellement provoqué, de la part des as- tronomes , les plus grands efforts* Mais en vain ont-ils appelé le c^oul à leur secours pour connaître le temps et les astres les plus favorable» à l'observation; en vain ont-ils employé toutes les variétés d'instruments lims ott mobiles^ et les plus précis dont ils disposent;, les erreurs de cas instruments et des observations se sont jusqu'ici trouvées du même ordre de grandeur que la quantité qu'il fallait déterminer; et l'on a. pu seulement en conclure que, parmi toutes les étoiles avxqudles ces épreuves ont été appliquées, il n'en est aucune dont la distance au soleil ne surpasse plus de quatre cent mille fois cdle de cet astre à la terre. Car pour une telle* limite de distance, la parallaxe annuelle^ qui aurait été de i", n'aurait pu échapper à la délicatesse desmesures. M. Struve a #si«yé dlappUquer ila mâme recberche la puissance et les propriétés spéeiales4e «os aéaairable instrument. Il a choisi pour cette appUcatîoo la briliantei de la^Lyveç. maia tout mécanis|ne matériel deviaot ^rost

508 JOURNAL DES SAVANTS.

plus fevorables; et il présente, à peu près comme je viens de le faire, les trois genres de conditions qui les recommandent à Texamen des as- tronomes, n est d'autant plus nécessaire de le dire , que Ton a quelque- fois attaché trop d'importance au caractère tiré de Téclat s^d ; et peut- être les expressions employées par M. Struve lui-même, dans sa lettre à M. D'Ouvaroff , prêteraient à cette interprétation , si la discussion dé- taillée qu il a Élite de ce point délicat d'astronomie , dans l'introduction de son grand ouvrage , ne prouvait que son sentiment est réellement tel que je viens de le présenter. L'esprit de critique propre au Journal des Savants sort un peu des habitudes ordinaires : il aime beaucoup plus à faire ressortir la vérité , qu'à découvrir l'erreur*

Je terminerai cet article par une réflexion que j'ai vu jaillir (}*un en- tretien sur ces grands objets, avec un des premiers géomètres de notre siècle, dont je m'honore d'être l'ami.

Tous les mouvements qui s'exécutent dans notre système solaire, et probablement aussi dans le reste du monde , sont réglés par l'intensité de l'attraction qu'exercent l'une sur l'autre deux unités de masse, placées à l'unité de distance. Si cette intensité deven^t plus grande ou moindre qu'elle ne l'est aujourd'hui , les vitesses absolues des mouvements chan- geraient, ainsi que la forme et les dimensions des orbites décrites. La mesure de cette intensité est ainsi empreinte dans les mouvements eux- mêmes , et le calcul peut la déduire de chacun d'eux, en les ramenant à des termes comparables. Or, quelque phénomène d'attraction que l'on prenne pour donnée, parmi ceux que notre système solaire pré- sente , que ce soit l'action de la terre sur les matières terrestres de na- ture quelconque, ou son action sur la lune, ou celle des planètes entre elles et sur les comètes , ou enfin celle du soleil sur tous ces corps et sur leurs parties si diverses , si différemment constituées , l'in- tensité conclue de la force attractive se trouve toujours la même identi- quement. L'induction la plus vraisemblable porte à croire que ce résul- tat général doit s'étendre aux systèmes stellaires , puisque la force qui régit leurs orbites suit encore la loi réciproque du carré des distances, précisément comme notre attraction; ce qui semble étendre celle-ci à toutes les portions de matière existantes dans l'univers. Voilà donc un élément physique, cette intensité, qui se trouve avoir une valeur défi- nie, spéciale, laquelle n'est affectée à aucune particularité des corps, ni de leurs molécules, puisqu'elle est la même pour tous et pour toutes sans exception. Quelle raison suffisante pourrait la leur attacher ainsi en commim, avec une valeur déterminée, spéciale, quoique indépen- dante de lairs diverses qualités? On n'en conçoit aucune; et, dans l'é-

■■'^.

310 JOURNAL DES SAVANTS.

Let pa[rpriia'-étaifat;arnTé8.âans un grand -déiordre, parla àéf^' geiioe de ceux i^M'ttrèient vendus, onpar-c^edescmbRUeurs. Des mOTCtaux &{qMrtgiant au naénw mmiscrit, «e tnmvBieDt souseat dis- persés dans .pluaiems^caisses; il ^Uutiréunir cesdébris épnt. < A{Kiè> cette pmnière et difiicSeiopératioa ,. bs papjnis entiers, ainsi que 'les moindres' &Bgtaealfl, 'forent copiés et restitués, mis > en ordre et'^- Tiscseo UB certain noiniiTe de oatégoiies, d'après kttaturttdu si^et. Je puis dire que le musée- ne possède ipas une ligne inédite de grec qui n'ait été transcrite de ma nttin , dans la première moitié de l'année 1838. La totalité de^oes copies/fonne une ctdlection de pièces, quelques- unes d'une étendue assez eonsidéreble , ddnt le x^Kl est plus oninnns curieux t {dufiieurs ont un trè&haut intérêt.'

Une pareille colleotieD méritait d'être publiée-, et elle l^urait^été depuis longtemps , si cette publication, -qui exige )a gravure d'un graad nombre de fac-timUe , ne devait ,pas entraîner de grandes dépenses. Les circonstances l'ont retardée jusqu'ici; j'ai pu en reprendre le projet; et, depuis six mois je m'en occupe, en y employant tout le temps que me laissent mes autres travaux.

En attendant , j'ai publié, à diverses reprises, comme échantillons de cette collection précieuse, deux papyrus de peu d'étendue, curieux par leur sujet'. 'En rendant confie ,'>danB ce journal, dès le mois de février 18a 8, du beau travail de M^Peyxon.sur les papyrus du musée de Turin, j'ai annoncé l'existence d'une pièce importante, citée dans le grand pa- pyrus dont il a donné^ l'explication -, cette pièce, qu'on croyait perdue, se trouve dans la collection de Paris; u Elle contient, ai-je dit, 69 lignes H:de7olettres environ chacune. Je l'ailue , c<^iée et Fral3tnée'(p. 1 1 0] ». Pendant Son séjour k Paris, M. Peyron^ a vu la copié decette pièce , ainsi que toutes les autres. Au reste, la coUectfcn entière de mes copies a tou- jours'été à la disposition .ceux qui en ont eu bes<rin et qui m'en ont

312 JOURNAL DES SAVANTS,

ce papyrus? Cest ee que l'on comprendra &cîlenieDt,' qiund on mut* que'le maouscrit, qui paraît appartenir & un Traité de diabcfifiu, con- titht, dans ce qui noua en reste, un recueil d'exemple», cités k l'appui des r^les exposées précédemment. Tous ces exemples, au nombre de vingl-qaatre , et tirés d'anciens poètes, sont des propositions négatives, iÇimfuem aîaofMTW, répétées littà^ment chacune deux, trois, quatre et jusqu'à huit fois, pour établir que telle ou telle de ces propositions- né- gatives est un u^imfM «XnSif, ou4*<^c on bien tiÂ7tg)t> vnù,faax, on ni l'an ni Xaatre, et qu'on peut ou qu'on ne peut pas y opposer une pro- position a£Brmative, t^itÊ/M wmf«inwr.

Ce traité avait donc été rédigé d'après les principes admis par les stoïciens, et principalement par Cbrysippe, dans ses ouvrages sur la dialectique; c'est ce qu'on peut voir dans Diogène Laerce ' , qui nous donne une idée assez complète de ces distinctions subtiles. Je dévdoppe ce point dans mon coomientaire.

L'époque de ce manuscrit est un élément qu'il importe de se pro- curer. Je puis au moins dqaner la limite inférieure de cette époque. Voici comment : le papyrus est opisthographe ou écrit aussi par derrière. Les pièces écrites de l'autre côté, que j'appellerai le verso, consistent dans le récit de songes (^tenus et racontés en grec barbare par un égyptien , un v/T»^ ou inspiré du temple de Sérapis, et dans des comptes tenus par un personnage attaché à ce temple.

Par des raisons qu'il serait trop long de déduire, j'u acquis la certi- tude que le recto , ou le côté qui contient les fragments , a été écrit avant l'autre. Les pièces écrites sur le verso, l'ont été l'an ii du règne de Philométor, en 1 60 avant J. C. Le morceau sur la dialectique est donc antérieur à cette époque ; de combien t> Je l'ignore. Mais un ma- nuscrit grec du II* et peut-être du tu* siècle avant J. G. est à coup sûi^d'ime antiquité fort respectable, et que n'atteignent, d'une manière

514 JOURNAL DES SAVANTS.

« cottibien eit yrai cet ancien adage : Un lunmnt bon ne saurait naître £aa

«mammit p^.»

V. Col. lo. Oùx iA mumc ixÊfûmtt nfcAv^w. « Ce c'est pas «jiui que « ootis donnons la sépulture anx nautoaiers qni oot péri. » Ce vers est le I a 6 1 * de l'Hélène. Dans l'un des trois exemples , le copûte a lu oXd^m/ , faute corrigée dans les deux autres.

VI. Col. lo. OvK tnv -m :)fl-\iBni îSJk»«îAr. «Nulle terre ja'est plus (( chère que ceUe qui nous a nourrie, n Fiagmoit du Piueiùa:, égale- ment conservé par Stobée ',

VII. Col lO^R. oùx tçn oiiif Jia. TiXocf ' fuJ^uft^v. L'auteur n'est pas désigné; mais ce fragment doit être tiré dcxchii de l'^i^^^ d'Euripide, dont Stobée a conservé ces trois vers -.

La phrase est tirée du dernier vers' que le dialecticien a changé pour l'approprier à son sujet. Il youlait une proposition négative ; or le vers commençant par ÏoçkXi et iitùj\iç rie pouvait' Convenir à une proposi- tion absolue ; il a donc changé la tournure et dit ; avu ï«r owfll», x. t. x. où» tsir obligeait de mettre ciJiv», qui ne pouvait entrer dans le vers, il a donc employé le neutre oùSiv et changé tCJiufuft? en tôjiufunTv que la syntaxe appelait nécessairement. Quant à la forme où6i» pour aCjiv, elle n'est ni du temps d'Euripide ni du dialecte attique'. Cette pensée qu'Euripide à reproduite dans rAnd/tinuj^ae *, et Sophocle dans l'Œdipe roi ^ ainsi qu'au commencement des Trachiniemnes, fait, comme on sait , ie fonds du discours de Solon à Crésus , dans Hérodote. Au reste , il se- rait long de rapporter tous les textes tant grecs que latins , elle a été mise en œuvre.

Vni. Col. 1 3 fin. OÙk h; (tvilp ct-voDuc , otj 9x,tuôi. Ce vers , cité comme

316 JOURNAL DES SAVANTS.

parie a été élevé è Thèbes. Cette circoDStance rend bien vraisemblable que c'est Pmdare lui-même qui s'exprime ainsi, et que nous avons un fragment de quelqu'une de ses odes perdues.

On sait qu'il se met quelquefois en scène ', et qu'il parie souvent de Thèbes, sa patrie, à laquelle il donne des épithètes honorifiques ou flatteuses : f4iîx0*ffi^, Ximpo} ^ mAiîxXMnc*, comme ici , MXtrmi eHCc/; il l'appelle sa mère, /ûmpt/M,.., jgi«anm 9SCtt'. Cette mention de Thèbes, et l'élt^e de sa patrie , qui s'y trouve exprimé , sont tout k fait dans le goût de Pindare.

Le style et le dialecte du fi^agment appuient d'ailleurs cette conjec- ture. Quant au mètre, ceux qui savent la difficulté de rétablir celui des fii-agments isolés de Pindare trouveront sans doute téméraire tout essai pour découvrir celui de cette ligne poétique. On peut remarquer cependant que les quatorze premières syllabes forment un vers construit comme celui qu'Héphestion nomme ÉoUtfae , te) que celui de Sapho :

Ôfrawu figiJtr^ n fiÀht^' ïi^Jht , ( uv —uv -vu ), justement

comme : «imi /u Çiraf, ei!j^' àJkKfiaret fuunr.

Ce mètre a été employé par Pindare lui-même"; le reste, hrniJ^mv

kAvtù eîfCt^, (u u ), composé de deux épilrites premiers, ne

serait qu'une partie de vers. On peut couper encore la phrase de cette auti'e manière :

/Munir 'fnvJiuatu kXut»* OSCtf

Le premier vers sera identique avec celui d'Alcée(---i/u -«»-««), aW, « 9i^< ^ )cn ^(tdÎM^i et le second, dans le mètre iambique, marche comme celui-ci de Pindare, cité par Strabon' : Klyu^ia M»- At«, Twp' i^«/*M»[fl<eA««Bf ] , ou cet autre, (www omtw f^înt J" oû-m-m

Au reste, je laisse ce point à ceux qui ont plus d'habileté que moi

MAI 1858. 317

lettres assyriennes , si Ton en croit les historiens d'Alexandre ^ : « Man- «gez, buvez, amusez-vous; le reste ne vaut pas une chiquenaude.» C'est cette pensée , devenue célèbre , que Chœrile avait mise en vers *, et quÂristote^ ainsi que le philosophe Chrysippe avaient condamnée, et que Tauteur de ce vers blâme à son tour.

LETRONNE, (La suite aa cahier frochain.)

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

î

LIVRES NOUVEAUX.

FRANCE.

Dictionnaire Jrançaù'allemand et attemand-français , de Henschel ; ouvrage entière- ment neuf. Paris, impr. de Paul RenoUàrd, librairie de Levrault-Pitois , i858; a forb vol. in-8*, ensemble a 600 pages, à deux colonnes. Pr. 3a fr.

Promèthée, tragédie d*Elschyle, traduite en vers français par M. Puech, professeur agrégé de TUniversité, au collège royal de Saint-Louis; avec le texte grec en regard. Paris , imprimerie de Firmin Didot, librairie de Hachette, i83.8 ; in-8*.

Les origines da théâtre moderne, Histoire du génie dramatique depuis le i* jus- u*au XVI* siècle , précédées d*une Introducticn contenant des études sur les origines u théâtre ancien ; par M. Charies Magnin (l'un des conservateurs-administrateurs de la Bibliothèque royale). Paris, impr. de Henry, libr. de Hachette, i838; in-8*. Tome premier ( l'Avertissement, llntroduction et la première partie : époque ro- maine , génie dramatique depuis le 1*' siècle jusqu'au vu*) ; viil, xxxii et 5a a pag. Des recherches méthodiques etdHngénieux aperçus recommandent cet ouvrage dont il sera rendu compte dans un de nos cahiers prochains. L'auteur trouve , dans les trois expressions Opéra, Théâtre français , Théâtres des boulevards, la distinction de trois classes de représentations scéniques qui ont coexisté au moyen âge , et même dans l'antiquité grecque et romaine : le drame liturgique ou solennel , l'aristocra- tique et le populaire.

Tesoro del teatro espanol desde su origen f ano 1 38g ) hasta nuestros dias. Ce trésor du théâtre espagnol , publié par don Eugenio de Ochoa , est divisé en quatre parties : I. depuis i356 jusqu'à la fin du xvi* siècle; II. Lope de Vega; III. Galderon; IV. I>epuis 1700 jusqu'au temps présent. La quatrième partie remplira a volumes, et les trois autres parties correspondront aux trois premiers tomes ; 5 vol. in- 8* à deux colonnes. On souscrit à la librairie européenne de Baudry , à raison de g fr. par volume.

* Ap. Strah. XIV, p. 67a. Arrian. Anah, n, 5, 5. * Cf. Nàle ad Chœrii fragm. P- '97 •<!• -^ * Ap. Cic. Tttscul v, 35, Fin. 11, 3a.

518 JOURNAL DES SAVANTS.

ÉlénuRU es PaUogrmAiâ, parti. Nat^deWuUy, chef du bonm deU sKtion ■dminiitrative des ArchÎTei do n^Bunw. Pari*. Imprimerie royale, i838i tomel", met 716 pagea. Ce volame contient le* troùpremière* parties deTourrage: T. Chro- □otogie; n. Style et fônnules; tIL Palét^raphie proprement dite, écritures. Le lomell*, doat l impression 9*adiève, renfermera la 4* partie, qui a pour objet l'ëtnde des sceaux; puis un Appendice compose d'observatkiDs inr les planches ijui le sui- vront. Nous nous proposons de faire mieux connaitre cet ouvrage, qui nous semUe recommandable par Texactilude des recherches , par la dislribnlion méthodique des matières et par l'élégante précision du s^le. Le position de l'auteur aux Archives du royaume lui ap^mb de consulter, sur chaque détail, les monuments placés dans ce vaste établissement.

ALLEMAGNE.

Notilia hulorico-dmlomatica Arckhi et Uteraliam capitali Albeiuis, Traosilvaniae , auctore Josepho C. Kemedi, membre erudit« sodetatis Hungariœ. Cibinii, apud bibliopolam W. H. Thierry, i836; 2 vol. in-S". 371 et 376 pages.

Die Aley^andrittiscken bibUolhekem , etc. ; les Bibliothèques d'Alexandrie sous les rois Ptolémées , avec les poésies homériques recueillies par Piaistrate , la Chronologie des biUùthécaires d'Alexandrie, etc.; par M. Bitscbd. Breslau, i838; in-8*.

Bibliothèifae hamorUtiqne det dames, par M. Saphir. Vienne, i838; a vol. ia-8° (en allemand).

Veber die Verwandickaji der indogermanitchen, etc. Sur l'alBnité des langues indo- germanique, sémitique et tibétaine, avec une introduction', par M. Wùliner. Muns- ter. Tbessing, i838;in-8°.

Fahlet de Lokmén, corrigées sur deux manuscrits de la BiUiolbéque royale de Paris et de la BîUiothèque de l'Université d'Oxibrd , avec une version française , des remarques et un vocabulaire arabe-français, par M. Schier. Dresde. Amcdd , j838; in-4°, a' édition.

Leibmtzii imenx pkilotophica onuiia. Recensuil et pluribus inedids auxît E. Erdmann. Berolini, Ëicbler, i838i a vd. in-4*.

ifeiie aach iJRn... Voyage à l'Altaï et iila mer Caspienne, fait par ordro de S. M. l'empereur de Russie , en i8ag, par HM. Alexandre de Humboldt, Gustave Rose et Ehrenbergi partîegéodéBique.rédigéeparM. G. Rose. Berlin, i837;in-4°. avec une carte dressée d'après les observations astronomiques de MM. Wîschenewre ,_ Humboldt et Ermann.

Die Font Iiueeten. Les insectes des forêts ou figures et descriptioD des insectes

520 JOURNAL DES SAVANTS.

The Wourukn of Geohgy. Lei merveilles de la Géologie , ou expositioo des phé- nomènes gédogiques el des principales découvertes des géologues modernes , par M. Gédéon Mantelle, auteur d'une g^ogie du sud-est de la Grande-Bretagne. Londres, iS38; 3 v(d. io^*, avec des planches.

A gênerai Treatiie on Iiuectt, bj James Wilson. London, Simpkin, i838; In-^°, with bào plates engraved. Pr. i5 sh.

An introduction to tke moJern clajnjîcahbn ofiraeeu, by Weslwood. London, Long- maa, i838i in-8'. Cet ouvrage, dont on a une {"livraison, qui sera suivie de onie autres , doit être accompagné de plusieurs milliers de gravures en bob. Prix de la livraison : i sh. 6 d.

An Eisay on ihe Antiquity ofHindoo Médecine. Essai sur l'anliquîté de la Médecine liîndoustane, parM.Forhes Royle. Londres, AUen, i838;in-8*.

The Woris of W. Hogarih. Œuvre de Will. Hogarth; recu«l de planches res- taurées par d'habiles graveurs , avec plusieurs articles qui ne se trouvaient pas dans la collection , et un essai biographique sur Hogarlb et ses productions. Londres , Baldwin el comp., i838, in-fol. Pr. i3 1,

ASIE. The second Report ofthe Society for diffusion, of lue/ttl knowledges in China. Second Rapport de la Société instituée pour la propagation des connaissances en Chine. Canton , iSSy; agpag. in-8'. Cette Société publie en chinois des Traités élémentaires de belles-lettres, de géographie, d'histoire, de sciences physiques et roatliémadques. Le gouvernement chinois a obhgé celle association de transporter ses presses a Singapour.

Galdusia iniichdt. Rhétorique pratique persane, par Mannàlàl, dédiéeàM.Prinsep, secrétaire de la Société asiatique de Calcutta : imprioiée à Calcutta, en i836 1 gr. iu-a*, Â8a pag.> contenant des extraits de poètes persans et hindoustans.

An Mssajon the primitiee aniverial Standard oj Weighis and Meatarti. Essai sur l'é- talon primitif universel des poids et mesures , par le capitaine T. Jervis , membre du corps des ingénieurs de Bombay. Calcutta, i835.

Non. On* peut s'adresser i la librairie de M. Lbvridlt, à Paris, rue de la Harpe, n* 8i; et i Stnisboorg, roe des Juirs, pour se procarer les divers ouvrages annoncés dans le Journal âa Saxaab. Il but aflranchir les lettres et le prix présumé des ouvrages.

JOURNAL

DES SAVANTS

JUIN 1838.

Fragments inédits de Thespis, (Tlbycus, de Sapho, dAnacréon^ de Pindare, d Euripide, de Timothée, et d* autres poètes grecs, cités dans un papyrus du Musée royal.

DEUXIÈME ARTICLE.

Xn. Col. a : OTKHNAPAOTe€NnHMA€A€Te€PANAAKNON^'TXH N0M0ia)CANAP026)CATIMIA.

oÔk iff cLf' oùùif Tnifjt,* \Xt\j^^ cAcxior 4u;i^tir Ofioitàç iv/^oç , ivfua»

Le copiste du manuscrit néglige bien souvent les élisions ; il écrit «^ ou^fy et Tmfjut ix. Le sens est : a Ainsi il n est aucune douleur qui Cl déchire Tâine d'un homme libre, à Tégal du déshonneur. » Ces deux trimètres, à en juger parla pensée, le style et le rhythme, pourraient bien être d*Euripide , source principale Tauteur a puisé ses exemples. Il ne désigne le poëte, à la vérité, que par l'indéterminé liç', mais c'est ce qu'il a déjà fait deux fois pour le fragment de la Sthénobée, n*iii, et celui de l'Augé, n* vn.

XIIL Col. 5 yfn. C'est encore un anonyme qui a fourni cet hexa- mètre d'une élégante facture :

Ou ftfi it' îùnMXiJhtf vfjLftàv fjUXa, ouf tv (JUlkAç. « Je ne me soucie plus ni de chants ni d'hymnes harmonieux, »

522 JOURNAL DES SAVANTS.

XIV. Col. 13. Je mets ici un autre fragment qui paraît tiré de quelque poème du cycle troyen -, la diction en est toute homérique , et décèle une époque ancfeniM. Cast Agunemnon qui parle ( li Â}a- ftif*mr ùû-mt (tinpani)'), OTK€«AMHNAXIAHlXOA6i>ceiNAAKIMONHTO- PtfûeMAAernArAWcen€IHMAAAMOI»IAOcHHN.

Oûc IpifLtir Âyg>M jg^^Mtn hnufM *i«p nAjCmA* cwrajAwï* inviii /MX* ftu f!>-os far.

" Je ne croyais pas irriter d'une manière aussi terrible le cœur vail- •i lant d'Achille, parce qu'il était mon ami. »

Ces deux vers se rapportent évidemment h une dbpute d'Agamemnon avec Achille; peut-être k celle dont il est question dans l'extrait des Cypriaques donné par Proclus : on y voit qu'après le départ de Phi- loctète . Achille , rappelé à Troie, eut une querelle avec Agamemnon ; Kct/ Ày^u^tùç vnpar x^nâtif JUtfif*Ttu ^oç Àjafûftror»^. Dans ce cas, nous aurions deux vers à ajouter aux fragments si rares des poèmes cy- priaques.

XV. Col. 7- 0TKOIiATAAHeecrAPAC»AA€C*PACAI ; cette ligne lorme un tiimètrc iambique : suk oÎJk- TccAndic ytq iofttxif pesu*t, «Je ne sais; car dire la vérité est un parti sûr.» Ceci faisait partie d'un dialogue. A une question , l'interiocuteur répond franchement qu'il ne sait pas; et il motive sa réponse.

XVI. Col. II. Ce fragment est encore plus insignifiant : OTKASiw MlK«NceMerAAAAOrK€Xùj ; ce qui paraîtrait devoir se lire : où* «^m» , MiKM», "• /ajtiXit S'' tùx'i^.

Je n'en comprendrais pas le sens , et ne me rendrais pas compte de la syntaxe. Cependant MiKOïN, répété troisfois, ne peut être changé. D'après le mot («><ix« qui suit, je lis^xÀr (ou^xiùf) pourjuix^r. Outre fuxMtt, les Doriens paraissent avoir dit fûnif par un sévi », puiaqu'on trouve /Miiûf , fHiu^ifWH > vmftfiÎKtç , et les nom» propres mmIm^m/xcAk, ui~

JUIN 1858. 525

le dialecte dorique avait été employé pour les vers iambiques , dans la pièce d'où celui-ci est tiré; et, dès lors, que nous avons un fragment de quelque comédie dorienne, peut-être d*Ëpichamie.

XVII. Col. 1 4. Celui-ci est plus court et plus nul , s'il est possible :

OTKeiAONAN€Ma)KeAKOPAN 5 oU uJiv in^Xâet xofeu. «Je nai pas

«vu une (ou de) jeune fille rapide comme le vent. » C'est le dernier passage cité dans le papyrus. Ce fragment paraît appartenir au mètre crétique. Si je ne me trompe, nous avons ici la plus grande partie d'un tétramètre; il ne manque, en effet, qu'un tribraque au commencement et un iambe ou un pyrrhique à la fin ,

pour avoir un vers tel que celui-ci d'Aristophane ^ ,

Cf)PfaL y AU wXoLTetfOV ÎU thùtÇVTtVa9(j0lV. U iJ U V 1/1/— UWw— t/

m. Fragments inédits dont les auteurs sont nommés.

XVIII. Col. 5. Euripide. (eM}%v EvejnaJ^ç.)

Dans ces deux vers, on reconnaît pariaitement ce poète : OYK€r

rYNAIHITOTCN€ANIACXP€6)NAAA€NCIAHP«IKAI€NOnAOICTIMAC €X€IN.

O^je ir yufAi^l 'nvç rtâu^itu Jgl^fî*^ y

«Ce n'est pas dans les femmes, mais dans l'emploi du fer et des « armes que les jeunes gens doivent mettre la gloire et l'hoaneùr» n

XIX. Col. 7. Du Gfclùpe de Timothée. Ce poète comique est cité par Athénée^, qui donne le titre de deux de ses pièces , savoir, le Kuveée/or ou le petit chien, dont il rapporte trois vers'; et le KvkXu-^, la même pièce d'où est tiré notre firagmcnt , et dont il cite plusieurs vers , qu'on n'a pas encore complètement restitués^.

Le firaigment ne consiste qu'en ces quarante lettres : OYTOlTOKrr- nCPAMnexoNTAOTPANONClcANABHcei. C'est le Cyclope qui parle ( f I KvxXct^ S Ti/Kio3f6(; ^oç jjru ouivç im^iivetTo )• Il me paraît que 1 exemple cité faisait partie d'un chœur de la pièce , et qu'on peut les séparer ainsi : '

* Geora.fra^. n^ 16a. Dind. HepfaKst.D. 73. " Cf. Schweîgh. ëdAthen. vui, p. 3o8, a. * VI, p. a45. d. * xi, p. àvb.

524 JOURNAL DES SAVANTS.

oùfori* tUvACint.

u Certes tu ne monteras pas dans le ciel, qui enveloppe tout au-dessus ude nos têtes, n (Le verbe û^npct/tm^^Mr n'était pas connu.)

Le premier vers est un archiîochien , semblable à celui-ci d'Es- chyle : xpMvTt^iefi Ji (jC X-Tnfj.-^'i aZfoi^. Le deuxième vers est un de ces dactyliques trimètres , si fréquents dans les lyriques et tes tra- giques, comme èJijfivin x*A«</ki'<» de Pîndare^, et éÎAior, «Ajer hÎtS de - Sophocle'. Quant à tieffà* «JmraCnVM, c'est une expression fréquente dans les poètes*. Si l'on remarque ce long mot, ce sesqaipedale verham , ùmfa/tinj^*, qui sent l'aOectation dithyrambique, surtout joint â l'autre verbe «WaCifw*, composé de cinq syllabes, on sera disposé à croire que Timotbée a mis dans la bouche du Cyclope quelque lambeau d'un poète tragique, dont il voulait railler l'emphase et la bouffissure. I^ muse tragique , que Galh'maque appelait (o/ùtm ^nicvSi» [mase ampoulée), servait jréquemment de but aux plaisanteries des poêles de la comédie ancienne et moyenne ((rajico.. .. ampaWatur in arte, dit Horace*).

XX. Col. 8. De Thespis. Voilà un nom qui éveille l'attenlion au plus haut degré. Si le vers cité est réellement de Thespis, ce sera peut-être le seul que l'on connaisse; car les trois que rapporte Plutarque' ne sont probablement pas de lui, comme l'a montré Bentiey '', encore moins les six autres qu'a cités Clément d'Alexandrie^. Tous ces vers paraissent être de fabrique récente. Je crains qu'il n'en soit de même de celui que cite notre papyrus ; ce vers est ce qu'Q y a de [dus insi- gnifiant au monde, si même il signifie quelque chose, tel qu'il est :

OTKCSAePHCACOIAAia6)NAecOIA€r6). OvK i^ctSfisKf e7/' ' iJit Ji m A*)«,

JUIN 1858. 325

«Non. Je le sais pour Tavoir bien vu; et l'ayant vu, je te le dis. » Le composé i^tt^im manque aux lexiques.

XXI. Col. 9. Ulbycus. O iCukoç i Tmniiç oviwç iTnptuvvn^ Ce qui suit paraît être un seul vers : OTK€cTlNAno^eiM6NOiczaAc€Ti<i>APMA-

KON€TP€IN\

« On ne peut trouver un moyen de rappeler les morts à la vie. » C'est im vers tétramèlre anapestique càtalectîque.

Ce mètre est rare parmi les fragments dlbycus , qui a employé sur- tout le dactylique. On trouve néanmoins , parmi ces fragments , un ana- pestique tétramètre et un dimètre , tous deux catalectiques \

Il est à remarquer, quen retranchant im devant ç^fiiroiÇy ce qui ne change rien au ^ens, on a encore un vers hexamètre :

XXII. Col. 1 3. IXAnacréon, Fragment de trente-cinq lettres , assez in- signifiant pour nous : OTA€TT€MneAOC€IMIOTAACTOlCinPOCHNHC, J\St' (soit oJJ^' et/r') ifjumJiç tlfu^ ovS"* açtlsn ^oaiivnç. Je n aperçois pas bien le sens de cette phrase isolée : «Allons^ ! je ne suis ni tenace « (ferme dans ma résolution), ni doux aux citoyens. » C'est pebt-ètre Po- lycrate , tyran de Samos, qui parle. Ce fragment n'enrichira pas beau- coup plus notre collection anacréontiquc que celui-ci, que M. Ci^amcr'^ a découvert récemment : eu Ji (uv ^finç iKxjucupienwt , M. Bergk a trouvé la fin et le commencement d'un tétramètre choriambique *. Notre fragment paraît former deux vers gly coniques de même mesure l'un et l'autre :

Oi JiHjT* %fjanJhç %ifis , ( wc; )

justement comme cet autre vers d'Anacréon: » AiuKotTsa, 9v ^' iCiç^ ^ et ces deux autres d'Euripide : UmXieiç tîç yâ^v ^Ador^s ^t ;t*'C^ tÇovifjut^at y non i^ei90fjut9v% ^.

De Sapho, Notre papyrus contient deux fragments de l'illustre Les- bienne. Le premier, d'un seul vers , le second de deux vers seulement :

' Fragm, 11, 1 et XLiii , éd. Sclineidew. el Prolegom. de Vita et carm. Ibyci, p. 7G. ' BuUmaiiD , fjexilog, t. Il, p. a3 1 . ' Anecdota grœca ,1. I , p. 288 , 3. * Dans le ZeiUcknftfir die AlUrAumswissenschaJi, 1*836, n* 68, S. 546. ' Fragm. \\ éd. Bergk. * Jp^f^. Aal v. io44 ; Bam. Unxfloç est ici un spondée , comme en cfautres {passages (MaUh. Gramm. S 8a , a. a.} ' Ead, v. 1066.

32C JOURNAL DES SAVANTS.

le dernier est le plus intéreisant de tous ceux que le papyrus nous a

conservés. '

XXin. Col. lii. Ce £«gment est aauonci ainsi : ■/ z«grfà oStwç etmfnAi».; puis viennent ces viiigt>hiiit lettres : OYKOlAOTTieefiUTO moitanohmata. Elles forment justement un de ces vers Coliques (— ^-„v_ut/— Mv^} qui, «eloD- HéphestioB, avaient été employés par Sapho, dans toutes les pièces dont était composé le deuxième livre de ses poésies'.

Oux aii"' «TTf 3tM tue fut im foniMt* ,

ce qui parût signifier : « Je ne sais en quoi m'importent ( ou me con- cernent ) les deux pensées du dieu. » ' XXIV. Col. 8. L'autre fragment se compose des lignes suivantes :

OTâIANAOKlMOIMinPOCIAOI2AN*AOCAAI(VeccCceAIc:0«IANnAP-

aeNONeicOTACNAnuxPONONTOiATTAN. Sans charter une lettre, nous avons deux excetlenU vers cboriambiques avec base , mètre qui était cdui de toutes les pièces contenues dans le troisième livre des poésies de Sapho'. Je les lis et les dispose ainsi :

OuJ^' tta Aufuïfu mfitnJlîim» p*»t »>^if

littéralement ; h Je ne pense pas que, dans aucun temps, il puisse exister « une jeune fille telle pour la science '. »

QvÎ'Im: je crois qu'3 faut ainsi lire, et prendre Te» pour jwA/,comttie Homère a dit itf ii/mv pour /uif. ifuf^^. Ouf ïd» est pour oiA/uar ea prose. Quant à Axjfu7/n , la leçon n'est pas sans importance. D'après un grammairien'^, les Éoliens donnaient la forme eniw  Au/d», ainsi qu'à iXiv^Cfti ; ûs disaient Au/ûifu , iMv^^S^ s cette assertion , jusqu'à pré- sent sans autorité, a maintenaat celle de Sapho. a^je^mw est dtmné

528 JOURNAL DES SAVANTS.

Je n'ai pas (ait plus de bniit éeê firagmails du XHI* livre de l'Iliade (v. 37 a ^7*, 107 4 1 1 1; i5i à 173), quoiqu'iUsoient fort curieux, au moioB sous les rapports prosodiqne et paléognipbique. Je les ai réservés aussi pour la publication générale. Il en a été de m£me d'autres faits , hiea plus importants que des rers isolés -, car ils mènent à la solution de baotes questions historiques, vainement débattues josqu'id. Si cette publica- tion tarde trop i mon avis, je promets de les iàûe connaître d'avance, elfieut-étre soua peu , dans un Mémoire, préparé dirais longtemps, sur rannée vagae et tannée fxe iet anciens Égyptiens *. LETRC^NE.

Essai de classificatiott ckronohgiqne des comédies de Plamte\

Le Rheitiîsche Mtseum { 1" année 1 833) contient une étude cbrono- logique sur une partie du tbéStre de Raute. L'article écrit en latin , signé de M. Windiscbmann , et intitulé Diêascaliai Phatiiut, m'a si^- géré l'idée , et fonmi les premiers éléments de celui-ci.

' Ce n'est pas une étude d'nne haute importance , mois ce n'est pu non plus une curiosité tout k fait oiseuse que de rechercher les dates approximatives dA pièces de IHaïAe; ne fî&t-ce que pour observer la marche du génie de l'auteur, ees progrès, ses chutes, ou ses caprices. On aime aussi à saisir parfois , dans quelques inspirations du poète , le reflet des événements, des opinions et des mœurs du temps.

' Lorsque je fis lecture de cet uiide, mon saTant confrère, H. Lelroane, me donna connaÏMance d'une diuertalioD de H. PeteneR inr le mèma injet, iosérfe dans le Ziittchrift fàr dit AltertÛuMmûmtackaft. i836, cd. 60&.619. Je l'ai lue avec Mtn et avec intérit, aTant d'imprimer mon écrit, Mxmd Iftulelbù je ne chan- fterairien, quoique je ne mU pu Unijoura d'accord avec H. Peteneo. ie me bor-

550 JOURNAL DES SAVANTS.

remarqué , il est vrai , que ce n*était point Tusage, dans les didascalies, non plus que dans toute autre inscription, les noms des magistrats servaient k fixer une date, de mettre ces noms au nominatif; mais il a passé par-dessus la difficulté. Il aurait réfléchir aussi que cette manière d*abréger les termes de filiation,^/, ipontjilias, n*était point du tout dans le style ordinaire. Pourra-t-on encore être satisfait du complé* ment supposé pour la lettre B œdiks phbis , et tolérer Foubli des deux lettres A M? Nous n*essayerons pas Fimpossible, c est-à-dire, de tirer de ce fi:^ment trop firuste un témoignage précis; mais ce qu*il montre nous suffit pour assurer que les noms plus ou moins inexactement écrits, ne pouvaient être que ceux des artbtes qui avaient contribué. à la représen** tation. Il se pourrait que le B eût fait partie du mot tibiis^ que TA eût été un des éléments du mot sanranis, et que TM fût le reste de totam, le tout subordonné au verbe egit ou egerant qui n*existe plus. Mais pré- tendre découvrir un indice d'année dans un nom de magistrat , c'est se flatter vainement.

L'autre didascalie, trouvée encore par M. A. Mai sur un feuillet dé- taché dans un état de conservation beaucoup meilleur, n*a pas fourni •une matière plus certaine aux conjectures de M. Windischmann. La voici :

GliaCA ADELPHOl IfENANDRU Cn. BaLBIO C. TbRBNTIO iBDILIB. PL. J. POALILIDS POLLIO

Marci por (Ojppiï)

TiBlIS SARRANIA TOTAM C. SDLPICIO C. AGRBLIO GONSGLIBOS.

Le savant Italien était induit, par les termes de ia première ligne , à rendre cette didascalie au théâtre de Térence. Mais M. Windischmann se persuade qu il y a eu erreur dans la lecfure de cette ligne, parce qu'il est impossible , selon lui, d'attribuer à une seule des représentations de Térence , toutes les circonstances consignées dans les lignes qui suivent. « D*abord PoUion était un acteur contemporain de Plante. » Cela est vrai^ (rdePoUioh ne se trouve nommé dans aucdne des didascalies que contiennent les éditions de Térence. » Cela est vrai encore; mais la con- clusion de M. Windischmann n'est plus aussi vraie. Car peut-on affirmer que ce soit chose impossible , que le contemporain de la vieillesse de Plante eût aidé la jeunesse de Térence à se produire, lorsque de la mort du premier au début du second il n'y a qu'un intervalle de dix-huit ans;' et'les didascalies que nous avons à présent sur les comédies de Térence

r

' Plaut. BacchiJ.II, II, 36.

JUIN 1838. 551

doivent-elles faire supposer qu^l n'y eut point d'autres représentations que celles qu*on avait mentionnées , et que jamais d'autres acteurs . que ceux dont elles gardent les noms ne remirent sur la scène et les Adelphes et YAndrienne? Enfin , en citant cette phrase si connue d*une lettre de Symmaque : Nonidem honor in pronantiandis fabnUs Pablio Pol- Uoni qui Ambiviofait^, comment M. Windischmann n*a*t-ii pas compris qu*il rencontrait une réfutation plutôt qu'une preuve de son assertion ? Car si Ton compare des acteurs , si l'on compare leurs succès , la com- paraiscm ne s'établit guère qu'entre des contemporains , entre des ri- vaux, et le rival d'Ambivius vivait incontestablement en naème temps qtM Térence. Mais au dire de M. W. si l'on change le itkom de Balbius en celui de Baebius , correction qui nous paraît d'ailleurs très- plausible, on rattachera invinciblement à l'amiée 55 &, cette didascalie qui s'accorde avec Tite-Live nommant les édiles de cette année , L. Té- rentius Massaliota et Gn. Baebius Tamphilus^ » et de plus les consuls P. Sulpicius Galba et G. Âurelius'; tandis que le poète Térence ne fit son début que quarante ans plus tard^. Votli de forts ai^guments , il &ut en convenir ; car nous ne voulons pas chicaner sur quelques di£féreaces de lettres prénominales dans la désignation des magistrats. Mais les festes consulaires portent acLssi les noms des consuls Ser. Sulpicius Galba et L. Âurelius Gotta sous l'année 6 1 o, sans nommer, à la vérité , les édiles. PoUion aurait été bien vieux alors; mais les Romains ne dédaignaient pas les vieux acteurs. Roscius jouait dans Un âge assez avancé pour être obligé de £iire baisser le ton et ralentir le mouvement de la modulation quiré^it son débit^.Ésopus chaussait encore le co- thurne quoiqu affaibli par l'âge ^. On vit une actrice centenaire sur un théâtre de mimes; une autre exécuta des intermèdes bouffons dans sa cent quatrième année, elle avait débuté h quatorze ans ; et un même danseur, nommé Stéphanion, parut dans les jeux séculaires d'Auguste, et dans ceux de Glaude, à soixante-trois ans d'intervalle''. En dernière analyse, nous réduirons la discussion, sans prétendre rien décider, k ces questions : Si l'on veut absolument que la didascalie se rapporte à un spectacle de l'an 554 , ne serait-il pas aussi probable de croire que les Adelphes au- raient été imités de Ménandre par un poète antérieur à Térence , que de dire, sans voir le manuscrit palimpseste, que M. A. Mai a fait une grosse faute en le lisant? etn'est-Ûpas permis de conjecturer que PoUion a joué en 5^0 et en 6io, plutôt que de déclarer falsifiée la première ligne de l'inscription afin d'accommoder l'explication des suivantes ? Gar

Lib. X, ep. a*. xxxi, 5o. * xxxi, 5. * Il fallait dira 31 ans. ^Oc. de Otut. 1 , 6o. * Id. ad Div. vu, ep. i. -* ' Plin. Hist nat vn , 49.

4a*

JOURNAL OES SAVANTS,

pour sortir tt'embams',' je neproposerai pas d'avoir recours i cette hy- podièse , qu'ici le nom Aâelpitoi seraitl'équivalent de S]rRapoÛuusa>ntes ou ComtaorierUti, titre d'une pièce de Plaute , une de celles qi^on a perdues,, etque Térence lui-même cite dans le prologue de ses Adelphes comme œuvre de son illustre devancier , mais imitée poète Diphile ^.

Rendons, il le faut, cettadid^scaUe aux éditions de Térênce, ciHnme le veut très-raisonnablement M. A. Mai; renonçons k bâtir, sur le fragment informe de la première didasctdie de» argumentations témé- rairea, et tâchons de retrouver des notes chronologiques dans les comé- dies mêmes du poète.

Il bat commencer par rendre compte du travail de M> Windisc^- Diann eb par constater ce qui lui est dû.

La première pièce dont il essaye dedéterminer la date est le Pa- nnlat *.

p Au commencement du prologue , l'Àcktlle d'Aristarque se trouve cité. Cette tragédie ne vint à la connaissance du peuple romain que par l'imitation d'Ënnius, et l'on sait que le poète de Rudies ne vit Rome pour la première fois qu'en 55o [ao6), amené par Gatoo, alors ques- teur. Or le Pcenatas doit être postérieur au moins de quelques années, n

M. Windischmann conBrine son argumentation , et obtient un résultat plus précis par ces vers de la comédie même (il s'agit d'un étranger,' d'un -voyageur qu'on présente au maître d'une maison publique poui' qu'il le loge) :

Advocat. JVobi hic latro in Sparia fait , Vt )f aident ipte wAïm iixit, apad Ttgem Altalam. Inia nanc aajagit quorâam eapilar oppidam. Coll. Nimit Upide de \atnne, de Sparta optim»'.

L'allusion est ici évidente ; l'auteur a voulu parler du siéj;e et de la

JUIN 1858. 353

du fils, lorsquU désignait le roi qui avait eu dans sa garde le soldat revenant de Sparte après la conquête, c est-à-dire après Tan SSg.

Qu'on ajoute à cela deux autres citations tirées de la même pièce :

Neu disngnalor prœter os obambulet^. Prœsertim in re popali placida, atque interfectis hostibas * Non decet tumuUuari * ;

et Ton acquerra la certitude, selon M. Windischmann, cjue la comédie a été jouée entre Tannée 56i et 1 année 563. a En effet, dit-il, ce fut Tan 56o que Scipion sépara les sénateurs de la multitude au théâtre, et le vejrs nea dissignator, etc. a trait à cette innovation , dont le peuple fut très-irrité , et dont le poète n'aurait pas osé parler quand roflense était toute récente. Re placida et interfectis hostibas montrent clairement qu'on était dans un temps la guerre contre Antiochus n'avait pas encore éclaté; elle commença l'an 563. C'est dans les jeux romains de l'an 56t2 (car l'histoire dit que la nouvelle distribution des places eut lieu dans ces jeux) que le Pœnulas fut donné pour la première fois. » .

Je ne puis tomber entièrement d'accord avec M. Windischmann sur ce premier article de sa chronologie. D'abord rien n'est moins assuré que les conséquences et les inductions tirées des deux dernières cita- tions dont il s'autorise. On n'avait point attendu que des gradins par- ticuliers eussent été réservés aux sénateurs pour créer l'office des agents qui faisaient ranger les spectateurs dans la cavea; et nul signe certain ne nous force à penser que Plante, par ces termes généraux, re placida , interfectis hostibas, ait fixé l'époque de sa représentation à la paix qui précéda la guerre d' Antiochus, plus qu'à toute autre paix.

Il y a une note chronologique plus précise et plus explicite , c'est la mention du siège de Sparte ; c'est cela qu'il faut regarder, en tâchant de découvrir des indications qui ont échappé au savant allemand , et une interprétation plus exacte des passages* qu'il a cités.

Le choix du sujet, le titre de la comédie (Pœnttîew) annoncent assez que l'objet principal des allusions du poète a être Carthage. D se- rait difficile d'en douter après avoir lu toutes ses plaisanteries sur la langue et sur le costume d*Hannon et de sa suite , dans les scènes qui se succèdent après l'entrée de ce personnage. Y avait-il longtemps que Scipion avait battu Annibal et emmené à Rome des Carthaginois en-

* Prol. Y. 19. * Act. m, se. 1, v. 21.

JOURNAL DES SAVANTS.

levés à lenr patrie, lorsque le vieillard , à qui ou nppdait la perte de ses deux filles , qui lui avaient été rflnes dès leur bas flge , s'écnaît ' : Pbarimiad haneouibui PtTiervfmeriUberiCmtkagiMl

Le militaire qui menaçait sa maîtresse de la battre, et de la rendre plus noire les gens qui portaient l'eau pour rafraJchir les chevaux dans le cirque :

Jam, poï, âgo iUam pagnit ttbimfiKÛah, ai nt nonia;

Ita repUin atritate, atriar malto mt net

Quam £gyptii «nU foi cortiiwm ftr eimmjinM..i.. ,

ne désignait-il pas les Africains esclaves qu'on employait depuis peu k cet usage ? Les chants de victoire qui avaient célébré le retour des légions d'Afrique retentissaient encore.

Je lis dans Tite-Live une phrase qui, éclairée par qudques rappro- chemenle, pourra fixer nos incertitudes. « Si la Un de la guerre contre Garthage arriva très à propos pour qu'on n'eût pas à combattre en même temps Philippe, la défaite de ce roi ne fut pas moins oppor- tune au moment oil Antiochus dlait commencer les hostilités'.» Or les vers cités plus haut : hic lotro in Spartafait, etc. donnent lieu de présumer que la guerre contre le tyran de Sparte occupait en ce temps les esprits i Rome. Un autre vers de la pièce confinne encore cette opinion : nwra&o tibi res spartiaticas^. Le nom d'Antiochus n'était pas non plus étranger aux sujets de conversation de la ville. Le poète savait sans doute qu'il amuserait le public en tançant ce trait contre le roi d'Asie :'

Cartr moBimt Quàn regi Antiocho oeuh earari toint*.

556 JOURNAL DES SAVANTS.

sans que la renommée eût appris à Rome la mort d'Attale , ce fidèle allié, ce roi si riche, qui avait naguère dédié une couronne de 2 ko livres d'or à Jupiter Capitolin^

Mais s'il est impossible de rétablir Tordre des temps dans le récit de la comédie, on y rétablirait aisément l'ordre des choses par le dé- placement d'un point et par un léger changement dans un mot, ad au lieu de apud, ce qui d'ailleurs rendrait le vers plus correct. Ainsi on remplacerait la leçon vulgaire par celle-ci :

Hic loin in Sparta fait. Ut quidem ipse nohis dixit. Ad regem Attalmn Inde nunc anifugit, etc.

Alors tout s'explique naturellement : « Il était à Sparte comme sol- dat mercenaire, latro, » ce que le poète n'empêchait pas les spectateurs d'entendre ainsi : «le brigand était à Sparte. » Puis, pour la phrase suivante : «la ville étant prise, il s'enfuit auprès du roi Attale, » appa- remment comme transfuge , et selon les principes ces soldats mer- cenaires, prêts à servir celui qui les payait.

Ce calcul avance de trois ans la première représentation du Pœ- nalas, sur celui de M. Windischmann ^,

Quant au Trinumas, qui vient ensuite dans sa dissertation , je difière encore d'opinion avec lui. M. Ritter, dans un article des Ephemêrides scholasticœ, avait dit, d'après une plaisanterie du poète sur les Syriens, que la comédie était postérieure à la soumission d'Antiochus en 56 A. Mais il avait noté aussi, dans la même pièce, un sarcasme cruel dont les Campaniens étaient l'objet; et M. Windischmann , s'attachant à cette dernière remarque , demeure convaincu que le spectacle dont le Tri- namas fi^ partie dut suivre de près la vengeance des Romains contre le peuple de Capoue , l'an 5hi^.

Pour prononcer entre les deux avis, il faut examiner le passage en question. Un esclave, s'efForçant de dégoûter un vieillard de l'acquisi- tion d'une terre, lui dit : «Les Syriens mêmes, l'espèce d'hommes la plus dure au mal, n'y vivraient pas six mois. Je t'en crois, lui répond le vieillard; mais maintenant la race campanienne est bien plus en- durante que les Syriens.»

' Tit. Liv. xxxn ,37. 'M. Peleraen ne parie du Pmnulus que pour donner son assentiment aux calculs de M. W... ' M. Windisclimann dit 54a ; il suit une autre supputation des années de Rome.

538 JOURNAL DES SAVANTS,

rait bien froide si dlç est trop tardive, d Qu'il ne se figure pat cependant que les GampanienB fussent oubliés , après que les armes romaines eurent passé dans l'Orient. Vingt-trois ans étaient révolus depuis qu'on avait exterminé le s^t de Capoue ' ; dii-huif, depuis qu'on avait exercé les dernières poursuites pour consommer la confiscation du territoire campanien", lorsqu'un sénatus^consnlte ordonna, l'an 565, qu'il n'y aurait plus qu'à Homed'archives de l'état dvfl pour les Gampaniens: on leur accoïda, l'année suivante, la permission d'épouser des femmes romaines'. N'est-ce pas en ce temps que se place le mieux l'épigramme de Plaute? Quand toutes les considérations que nous avons pesées, n'auraient pas autant de force qu'^es en ont selon nous , il faudrait encOTe les adopter pour l'honneur du poète; car il n'est pas permis, quand le sang coule encore sous la hache des bourreaux, de rire des vaincus qu'on ^oi]ge, ou qui ensevelissent les restes mutilés de leurs pères, de leurs fils, de leurs fi^ères*.

M. Windischmann en vient, après, k la comédie des Captifs; et il trouve les raisonnements de M. Ritter si plausibles , pour ranger cette comédie parmi celles qui tmt paru dans les dix dernières années de Plaute, entre 56o et 570, qu'il souscrit absolument à celte opinion,

' Tit li», XXVI , 1 5 , 1 6, ' Idem , xxviii , A6. * Idem , xzxvin , 36. Campani. qaum eot ex S. C. qMod fhctm trat pnon ohm, cnuorsi Bomm eetueri coêgùunt (nom tmUa intvtunfvtrat, afti Cttuerentar), petiaivU ul tibi einet nmamu Jactra

nxont Ueertt rat impetrata. ' M. Petecsen penw, comme nous, que cet

ouvrage est de Is vîefllMte ds Hante ; il m (bnde k le croire sur la tendance morale qu'on remarque dam la compositioa , sur le* târada contre la oorruptioD dea mœurs, sur le calme et la gravité de l'actiOD. Mab noua ne pouvons plus le suivre lorsqu'il prétend fiier précMment la date ji l'anuéei 86-568, d'après ces vers^act I,tc. 11, ».46);

si U aaripaiut m^ictr Jtvicoroaamdt ca/nU k CapiioUo, (le.

U s'est soavenu ia *«n d'Horace :

540 JOURNAL DES SAVANTS.

du parasite , compoaés tout eaqtrès pour jeter du ridicule sur pltiùeurs mets recherchés des gourmands, et défendus par les censeurs^.

Que le Jfibs jlorionu soit antérieur aux Captai, ti'est ce qu'on croira sans peine, quand même on n'aurait pas la preuve qu'en donne M. Win- - discbunann, et qui, d'ailleurs , ne serait pas décisive. Car de ce que le prologue des Captai contient ces vers : Hie nufiu peijarai hno'tt, nec mentrm nula, iVefiu ntilra gloriom,

résulte-t-il que Plaute ait désigné la sa propre comédie î* Il nomme s^^ement des personnages vul^res, des r^ea qui sC' retrouvent dans touQikIes comédies grecques, et non pas en particulier un de ses ou- vrages; de même que Térence dans son prologue de iËnnnfiie : Qui magit Ucet curheittes senvos sgribebe, BoHAS uiTKQif AS facav, uerethices iulas, Parasitcu bdaceu, hiliteh globiosdn'? /

de même qu'Ovide dans ces deux vers ;

Dam FALLAz sBKVtrs, DCiitii patbk, improba lbna. Vivent, dam MKt,miihLAna A, Mmandroteril*.

Une note plus importante pour le calcul de M. W. lui est founiie par un passage, sur lequel les commentateurs, depuis le grammairien Festus, se sont beaucoup exercés.

^OJH (M ooIiMUMiJwR.pwIa 0IM âauJni baiian,

Qwi Uni aatodn temper totit horit futenbant^.

On convient généralement que le poète latin, poetm barbaro, objet de la moqueriç peu généreuse de Plaute, est Ncevius, qui s'attira, par

542 JOURNAL DES SAVANTS.

famées du vin '. Je ne saû si k comparaison des meoceaux d'ai^eat du militaire avec le mont Etna* ne porte pas un reflet de l'éclat récent des victoires de Sicile. Hais d'un antre c6té , lotwjo'une messagère d'intrigue demande, avant d'entrer en pourparier, qu'on lui jntuitre im signe de ralliement , pour savoir si l'on est de la même confrérie des. Bacchanales,

Cwlo aynsm, n tuamm fioceWiuM a', elle nous renvoie après cette conspiration des Bacdianales, qui causa un si grand émoi dans Rome. Les personnages de cette comédie parient souvent d'âéphants terrassés, ou mt^ent À leurs discours des simili- tudes empruntées de la' nature de cet animal^; ils s'adressaient donc i des spectateurs qne les guerres d'Afrique et celles d'Asie avaient lami- liarisés avec ce genre d'images , et qui riaient sans doute alors de la sim- plicité de leurs pères,' qui avaient appelé les éléphants des bœufs de Loeanie, boves Lnea.

Nous nous ed tiendrons au terme moyen pour la solution du pro- blème, et nous verrons dans \e Sfiles ghriosas, une comédie jouée d'abord avant 55o, et reproduite , avec qndques additions de détails, dans le cours de l'année '667, ou peu apiïs ^.

Pour les Ménechmes, Haute a marqué lui-même un terme au delà duquel on ne peut pas mettre cette production.

Non «go te giuni Mmmduuut?

Qai SyracnâperhAtngnabutuemSieilM, Vbirtie Ag»^UKiet regnat»rjttit et itertun PAùttia, Tertiam tipan, <fû in morte ngiuBU Hkrmu tmdiJit.

NdHC HtERO EST.

La pièce fut donc jouée du vivant d'Hîéron III qui mourut l'an SSg ,

' Netfoe pTwnaio pa^nuntum , neque pnnorto pocahm, Neqae per mnam at^nam ex me exoritur dimiCnR in oonmio.

544 JOURNAL DES SAVANTS.

ne lïtt déjà victorieox; on en douterait moins encore , si M. Windisch-

mann n'avait point omù, dans la citation, ces quatre vers, qui com- mencent la phrase :

Ban» twbto, >t viiKife

Virtatavtra.tfwidfecittitaxtiikùe. ' .

Senate wtroi Kxù» , vêtent et ntnei :

Aagete auxilia vMtrujattit hgHas.

Quels étaient les alliés nouvellement acquis ? Les peuples d'Etoile en Grèce P Masinissa en Afrique? On sent que la bataille de Zama devait bientôt arriver, se préparait déjà peut-être. La fortune était revenue auprès des ai^es romaines'.

M. Windiscbmann arrête ici le cours de ses recherches , il n'aperçoit plus d'indices asses manifestes, il se contente de jeter en unissant quel- ques annotations fugitives. Je traduirai ses paroles : « Restent treixe H comédies ^, desquelles je pense que deux, furent jouées en temps de «paix, l'Amphitryon, si j'interprète bien le langage de Mercure : Propte- ureapaceadvenio, etpacem ad votadfero^; en second lieu le Truculentas, iià cause de ce passage : Postremo in mo^no popalo, in maltis hominibas, »He placida atqae otiosa, victis hostibus, Àmare oportet omneis fut qaad u dent habent *. C'est durant la guerre que furent écrites : l'Asinaire ( prol. <'V. lâ: Ut vos item ut aliaapariter nanc Mars a^avet.) elle Radens [pTOÏ. « V. 83 , VahU at hosteis vostri diffidatU sibi). Dans lAalahire, les Bacchis , « Canalioa, Épidiqae, k Marthcuid, ht Mostellaire et Slichas, je n'ai rien «trouvé, je l'avoue, qui puisse en taire distinguer les dates conjectu- <i paiement. Je les abandonne à de plus habiles. Nous savons seulement u qu'ÉpidwfBe a la priorité sur les Baixhis Je range Casine parmi

' M. Pelerseo (col. 6i4) fait remonter dii ans plus haat celte comédie. Le vera Augete auxiliM, etc. lui semble rappeler le souvenir de l'armement dei huit mille es- dates après la bataille de Cannes (ai 6-538). Plaute aurait mal choisi l'objet de ^se* allusions devant un public romain. Mais , heureusement pour lui, les Bomaint ue

546 JOURNAL DES SAVANTS.

(Jn'il B eiéeuté : « Dès mes premiers pastlans l'étude des sciences , attiré «par te charme des ret^erches historiques, je me suis attaché de pré- « férence à niivre à travers les siècles le développement de rÎDtelli- «gence humaine, et 4 rechercher dans les écrits des inventeurs les H idée^ premières ipii avaient présidé aux grandes découvertes. Je dois «les plus vives émotions k ces hommes courageux qui ont su trans- a former les cachots et les hùchers en trihunes de vérité; et j'ai toujours u cherché i connaitre'toutes les particutarités de leur vie. n

Pour exécuter ce dessein il s'est appliqué, depuis longues années et dans de nombreux voyages, à U recherche des manuscrits en langues orientales aussi bien fpi'en langues européennes. «Je fus bientôt, dît-il, «frappé de la multitude de faits curieux, d'observations intéressantes « que contenaient des livres presque eutièrement oubliés de nos jours ; net je ne tardai pas â découvrir une foule de documents précieux gisant « inédits dans la poussière des bibliothèques et menacés d'une destruc- i( tion prochaine, n De plus , par un examen rigoureux et un rapproche- ment détaillé des récits des historiens conmis , il vit que l'on n'avait pas toujours rendu justice à l'Italie-, U se proposa de revendiquer pour cette belle contrée, à l'époque elle renfermait des républiques si brillantes, la plus grande portion des travaux qui ont amené la renaissance des lettres.

Il déclare ensuite qu'il ne s'est pas seulement proposé un but scienti- itque : il a porté plus haut ses vues , et son intention a été de donner à la jeunesse de notre temps une leçon dont elle parait avoir grand besoin.

« J'ai voulu tracer aussi , dît-il , la vie des savants illustres , et peindre ficet élan noble et généreux qui les avait portés à poursuivre sans H relâche , et  travers mille dangers, des vérités qu'ils ne devaient «atteindre qu'à force de privations et de misères. Cette lutte persé- « vérante , ce grand drame intellectuel m'a paru renfermer de hautes

548 JOURNAL DES SAVANTS. Il la sphéricité et la rotation de la teire. C'est elle qui a dit pour la «première fois que le cours des comètes était régulier, et que leur « apparition n'avait rien de menaçant. Au reste , ces aperçus étaient u mêlés à beaucoup de rêveries »

Parmi les pythagoriciens, l'auteur cite particulièrement Archytas de Tarente, comme ayant appliqué le premier la géométrie à la mé- canique, et donné im essai sur le fameux problème de la duplication du cube, problème qui fîit, comme l'on sait, l'occasion de découvertes remarquables sur les courbes autres que le cercle , et de f emploi de l'analyse (dite des anciens), dans les recherches géométriques. Platon reçut les instructions d'Arcbytas, et s'empressa de se procurer, à prix d'aigent , les manuscrits que les disciples de Pythagore avaient laissés. Malheureusement, tous ces ouvrages ne sont pas venus jusqu'à nous : on en connaît à peine quelques fragments. C'est Eulocius , scoliaste d'Archimède, qui nous a conservé la solution du problème de la du- plication du cube par Archytas, avec celles de Platon et de plusieurs autres géomètres anciens '. '

Pour nous, le chef de l'école sicilienne est Archimède, qui nous a laissé sur les sciences mathématiques des monuments du premier ordre , d'autant mieux appréciés que l'on a poussé plus loin ces sciences. Leibnitz disait : « Ceux qui sont en état de le comprendre admirent H moins les découvertes des plus grands hommes modenies. »

.Quant à te qui regarde le perfectionnement de l'arithmétique dans l'école de Pythagore, un passage de Boëce a conduit quelques archéo- It^ues à penser qu'on y avait connu des méthodes pour abréger l'ex- pression écrite des nombres, parmllesquelles ilpouvait s'en trouver une analogue à celle dont on se sert généralement aujourd'hui, c'est-à-dire les chiffres prenaient, outre leur première VBleur, une seconde valeur due à leur position. On sait avec quelle facilité cette notation peut exprimer les plus grands nomtires. Elle 's'est liSe naturellement à la

550 JOURNAL DES SAVANTS,

les divers termes de l'énoncé du problème , ce qui., en langage ordi- naire, «'appelle rémaire téi/aatioR '.

Cependant, malgré cette teinte arabe, Talgèbre, lorsqu'elle s'in- troduisit en Europe , lut regardée comme venant de l'Inde. C'est ce qu'affîrraent plusieurs auteurs du moyen âge, que M. Libri a cités. De plus, on a trouvé dans ces derniers temps, des traités d'algèbre et de géométrie composés par des Hihdous, et qui, en effet, montrent un caractère original; mais il reste à déterminer l'époque de leur com- position, ce qui est un point difficUe*.

Le livre de Mohammed ben Musa, composé sous le califat d'Aima- mon [vers la moitié du ix* siècle) , étant le plus ancien et le plus déve- loppé des traités d'algèbre orientaux parvenus à la connaissance des Européens , est pour nous le vrai point de départ de ta science moderne. Cette considération a porté M. Libri à reproduire, dans la la' note finale du volume , la version latine de la partie de l'ouvrage de Moham- med qui est contenue dans les manuscrits de la Bibliothèque du roi. On y pourra comparer le texte publié h Londres, en i83i, par M. Kosen.

La note li contient, en 69 pages, le Liher aagmenti et diminatio- vocatas numeratio divinationis , ex eo quod sapientes Indi posnemnt, quem Abraham compilavit et secandàm Ubram, qai Indoram dictus est, composait. Au bas des pages, M. Libri a mis la traduction des opérations en carac- tères algébriques modernes.

Ce manuscrit, imprimé pour la première fois, attribue bien positi- vement, comme on le voit, aux Hindous l'invention de l'algèbre; mais on désirerait connaître l'époque de la composition de l'ouvrage , et quel

' Dans le deuxième volume . page âo6 , M. Libri fait i«mMt|uer que les mâmex terme* étaient employés pour désigner la rédaction des membres démia ou fraclurés. * Voici les titres de leurs traductions en anglais : Bija Gaitita, or iba algebnt of

352 JOURNAL DES SAVANTS.

«qu'il avait pu tirer d'Euclide, il a voulu composer un ouvrage en

<t quinze chapitres pour instruire les Latins dans cette science, n

Ce prologue, dont le texte se trouve dans b i" note finale, est suivi de la table des chapitres de l'ouvrage, dont voici le premier article : De coQiiitione lumem ^araram Yndorum (sic) et tfnaliter cunt omnU nanuris scribatur, et (ftà Romeri et tjoalUer retineri debeant in montiiu et de introdaciiomi (sic) Abbaci. Dans ce passage, surtout en le fottiHant de ce que l'auteur a dit dans le prologue, ne s9mble-t-il pas que Fibonacci s'attribue franchement l'introduction en Europe du système arithmé' tique indien P

La note 3* fait connaître le contenu de la Prac6ca ^eometrim campo- aUa a Leonarâo Piscmo de fiVis Bonacci, aaao mo. Ce livre contient, comme son titre l'indique, des règles pour mesurer les champs, les hauteurs , et de plus des méthodes pour extraire les racines cairées et les racines cubiques; mais c'est dans la note 3* que M. Lîbri a publié le quiniième chapitre de FAbbacas, qui renferme spécialement l'algèbre; voici le sommaire :

Incipit capitaban (fuintaindecimam de regnlis geametrÙB pertinentihaa et de aaœstionibas algebrœ et abnadtabUte. Partes hajas atibni capitati sant Ires , aaaram ana ent de proportionibas triant et. ifoataor tfoodrincitaram ' ad aaas mufta qaœstionam geomelrÙB pertinentiam soiationes redi^antar. Se- conda erit sohtione qaanundam quastionam geometricaliam : tertia erit saper modam ai^ebrœ et almachabilae.

Ce chapitre, imprimé pour la première fois, occupe 1^3 pages. On n'en avait encore parlé que vaguement dans les histoires des mathé- matiques, excepté dans l'ouvrage pubhé par M. Cossali, sous le titre d'Origine, trasporto in Italia. . . deU algebra, Parme, #797, 3 vol. in-4°.

Ce savant, en critiquant quelqfiefois avec trop d'amertume notre Montucla, avait fait connaître des pages du livre de Fibonacci, tra- duites avec les signes algébriques en usage , ce qui en faciUte beaucoup

,.--rrSrt.3#-

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«°°"'' I coi"»" «.tome»':"' ,!.•■'•«* \t,tal«'î'°'

556 JOURNAL DES SAVANTS.

Dis Alexamdbiihschb Mosbuh; eine von der kônigl. Akademie der Wisseiuckafien zaBerOn imJali iSSy, gekr6nte Preiischrifi, von G. F'artbey, I>", etc. Le Mcsioii d'Alexasdhie , Mémoire couronné par f Académie royale des sciences de Berlin, en jaillet i837;fHirG. Pardiey, IX. avecaaplan tt Alexandrie, het^n, à la libraiiie de NicoUi, i838i un volume iii-8*, 330 pages.

L'auteur de cet ouvrage. H'. Parthey, est déjà connu des lectieurs de ce Journal par une intéreasante monc^rapfaîe dont nous avons rendu compte ' , intitidée de Fftilis Insah. Cette nouv^'e production , cou- ronnée par l'Académie de BerGh, ne peut qu'être digne de l'honneur qu'elle a reçu de la part d'un corps qui compte dans son sein tant d'hommes éminents et d'habiles connaisseurs dans les diverses branches de l'antiquité.

' Cet ouvrage est le fruit d'une lecture étendue , élaborée par un es- prit judicieux. Elle contient la réunion de tous les &it3 qui peuvent être de quelque intérêt dans l'importante histoire du Muséum d'Alexandrie. Dsy sont présentés avec une' grande netteté et une concision que plu- sieurs trouveront excessive et taxeront peut-être de légèreté , mais qui , nous l'avouerons, ne nous déplaît pas , k cette époque l'on fait tant de gros livres qui 'renferment fort peu de 'chose. ' Le plan suivipar M. G. Parthey est très^îmfde. Après une introduc- tion sidistantielle, U donne des détails but la topographie delavillei sin* sa fondation , ses édiûces , sa bibliothèque ; il traite successivement des diverses branches des connaissances humaines dont on s'occupait dans le Muséum, à savoir : la critique , la grammaire, la métrique , la musique, mythographîe, la poésie, l'histoire, la chronologie, rhistoiw natu-

558 JOURNAL DES SAVANTS.

siège de l'école alexandnne fut détruit; mêine depui»ceU£ d^trwtKUH, dfe

beaux talents continuèrent de s'y développer; cette école biiUa eDcoi«

pendant lon^emps de L'édat empruDlé i sa. gloire première , jusqu'à

ce qu'enfin, après une durée de près de ouille ans, lora de l'Invasion

des Arabes , elle fut enveloppée dans le grand naulrage de l'antiquité

classique.

Ces réBoions préliminaires de net» auteur sont suivies de considé- rations sBr les communications de l'Egypte «t de la Grèce, avant l'é- poqne d'Aleiiandre. Nous en présenterons un extrait.

Les rapports antérieurs des deux pays n'avaient été que fort l^ers et sans effet durable. Jusqu'à la guerre des Perses , l'Egypte était restée è peu près dans son is<dement de l'étrangerj et, depuis ce temps, les Grecs Airent trop occupés de leurs propres affaires pour tourner leurs regards au dehors. Le secours que les Ioniens et les Cariens portèrent à Psammitichus , te port libre établi pour les Grecs À Naucratis, la ré- volte d'Inaros, l'expédition hardie d'Agésilas, laissèrent peu de traces profondes. Les Grecs étant alors dans tout le développement de }eur force intellectuelle, ne pouvaient exercer une influence décisive en dehors d'eax-mémes.

Jusqu'à l'époque des conquêtes d'Alexandre, la mythologie si éton- namment variée des Hellènes, leur histoire héroïque, n'étaient point sorties de la Grèce; elles étaient restées un fondfi inépuisable pour les conceptions de ses poètes et de ses artistes. Mais alors cette religion se trouva en contact avec les cultes des peuples de l'Asie occidentale et moyenne : la sagesse des brabmea et des gymnosophiftes. les dogmes des adoratetirs du feu, ceux des Gbaldéens, le culte de \^ nature cbe> les Syriens , et la science mystérieuse des prêtres de l'Egypte fiirent conque des Hellènes bien mieux qu'ils n'avaient pu l'être jusqu'alors par les rapports de qudques voyageurs iscdés. Pour la première fois, les Hel- lènes devenaient cenqu^antst ils soumettaient à leur domination un«

360 JOURNAL DES SAVANTS,

avant Alexandre , un art ilistinct : elle avait atteint le plus haut point de splendeur avec Démosthène et ses contemporains ; après eux se perdit sa valeur politique ; le rhéteur prit la place de l'orateur. Rarement des discours furent improvisés , comme auparavant , dans le premier feu de l'inspiration, encore moins pour stimuler le peuple; mais ils furent longtemps élaborés , et lus ou récités par CŒur. Sans doute il ne iaut pas . méconnaître ce qui a pu être produit d'excellent en ce genre ; maie on doit convenir que cette éloquence qui remue les masses, qui les &çonne et les entraîne à la volonté de l'orateur, n'a trouvé, dans l'époque alexan- drine, aucune occasion de s'exercer.

M. G. Parthey passe en revue de cette manière les autres branches de la science et de la littérature grecque; puis il arrive aux E^ptiens, sur lesquels il fait les réflexions suivantes :

La religion de l'Egypte était intimement liée avec la nature de ce fleuve étonnant auquel le pays doit sa formation. Mais on y chercherai! en vain les fictions ingénieuses et riantes de la mythologie hellénique , et CCS jeux d'esprit inépuisables qui confondaient, d'une manière si sé- duisante , le nom et la personne , le mot et l'idée. Les dieux de l'E^pte , autant que nous pouvons les comprendre, semblent k peine montrer quelque chose de plus que cette opposition du bon et du mauvais prin- cipe, qui, sous la forme du Nil fécondant et du désert aride, était toujours et immédiatement sous les yeux de l'habitant du pays. Quand on entre dans le détail, tout est obscur et incertain, et c'est en vain qu'on s'est elTorcèjusqu'ici de percer cette obscurité profonde.

On ne sait rien des progrès de l'Egypte dans le champ de la littérature. Le peuple auquel les Grecs, d'une voix unanime, ont attribué l'inven- tion de l'écriture , n'a laissé aucun ouvrage. Nulle part oh ne trouve la moindre indication qu'une branche de poésie ait été florissante; et quand on accorderait que les Égyptiens ont eu des rapsodes qui chantaient les

3(iâ JOURNAL DES SAVANTS.

des Grecs* un modèle de dùpoaitioo sociale. Le repos de b vie politique dbez les Égyptiens , une seule famille de rois se transmettait le trône par un héritage non interrompu, et agissait toujours- dans le même sens, formait le plus remarquable contraste avec ces états si morcdés, dont chacun parcourait, au moins une fois, comme un certde inévitable, en passant de la démocratie à l'aristocratie et à la tyrannie , pour revenir Jt ïocfalocratie.

Cette introduction, dimt nos lecteurs ont maintenant nne idée asseï exacte, prépare convenablement aux recberches contenues dans l'ou- vrage même; die dessine nettement ces traits caracténsliques des deux peuples-, elle fixe l'état et la nature des rapports qui avaient pu exister ento« eux , bu moment de la fondation d'Alexandrie. .

Le premier point dont s'occupe l'auteur, c'est la topographie de la ville, et la recherche de l'emplacement qu'occupaient ses élablisHements scientifiques , principalement le imuenin. Par malheur, tout ce qu'on peut dire à ce sujet ne s'élève pas au-dessus de la conjecture ; et M. G. Parthey n'a peut-être pas mieux réussi que ses prédécesseurs : nous nous hâtons d'ajouter que ce n'est point sa faute. Le sol actuel a été tellement remué, depuis les temps anciens, qu'il a conservé à peine quelques vestiges d'anciens édifices; et si l'bn excepte le phare , les deux obélisques placés en avant du Cesaream, et la coloone de Pompée, il ne reste plus aucune trace des magnifiques monuments qui embellis- saient ^exandrie. Le trait le plus saillant de son ancienne topographie a entièrement disparu, puisqu'on ne peut maintenant retrouver même la place de celte ancienne colline élevée^ dont parle Sirabon ' , appelée Pansam, et du sommet de laquelle on découvrait toute la ville. Il est donc & peu près impossible de découvrir dans cette plaine, qui s'étend entre la mer et le lac Maréotis, des traits auxquels od puisse apfdiquer le peu de renseignements que nous donnent les anciens.

364 JOURNAL DES SAVANTS.

Strabdn compte , pour.k lai^^eur de l'iAthme, 7 oirS stades', Josèphe' et Phflon' 10 stades. Cette' différence peut s'expliquer par levpoints diyérsauxquelsles mesures se rapportent; l'une est un mûtiimim, l'autre est un. iKosûnoiR. Toutes les deux , appliquées sur le terrain , sont beau- coup .trop courtes, prises même en stades olympiques ; mais il est bien vraisemblable que les attérissements ont agrandi l'islbme du côté du làc -Kbréotis. -

Si.Diodore * donne 4o stades d'une porte à l'autre, c'est apparemment qu'il aura , pair erreur, compris la longueur de quelque faubourg de diaque côté. Les 3^ stades d'Etienne de Bysance peuvent se rapporter à une époque diOfêrente. Il n'y a pas de preuve certaine que les dimensions d'^exaiidrie aient été données dans un autre stade que l'olympique : et nous sommes de l'avis de M. Parthey qu'on n'est pas suffisamment autorisé Â dire que Strabon n'a donné, sur Alexandrie, <fae défausses me- sures, parce qu'il n'a pas connu tai-méme la valeur des divers stades qa'it employait. ,

Nous avons déjà dit que l'emplacement même du musée ne peut être indiqué que par conjecture. M. Parthey trouve que deux des prin- cipaux renseignements sont en- contradiction l'un avec l'autre.

Au rapport de Strabon , dit M.. Parthey , le musée , avec sa bibilio- thèque, n'était pas voisin de la mer, puisqu'il nomme d'abord tous les édifices qui bordaient les ports, et cite plus tard le musée, comme faisant partie du palais des rois. D'une autre part, la bibliothèque qui fut détruite par l'incendie de la Qotte, devait être située immédiatement sur le. bord de la mer. Poxu- concilier ces deux notions, on pourrait dire que l'édifice du musée; après l'incendie, lut reconstruit à une autre place, il ^tait au temps de Strabon; mais pendant les xi ans qui se sont écoulés depuis le siège de la ville par César, jusqu'au voyage de Strabon, a-t-on pu exécuter un si grand travail?

im JOURNAL DES SAVANTS.

NOUVELLES LITTERAIRES.

..IMSirrCT ROYAL itfÉ PRASÇE.

RAvfMlir in steritaira papétael êe tAèaiélUiè -det iiaer^fimu 0t heMêg- Uttrés, sâr .les traoaax des, ùmnduiàns &cittè Académie petldétt ie premier semestre ie l'année i83ô; la âant h séance âa igjain.

A rtaeolple de mon illustre et i jamais respectable prédëcetseur' , je comprendrai Wut«s les puMications entreprises par l'Académie dans l'exposé des trava*» d* ses ConunissïoDS diverses.

lie pnmîer des recueils qu'dle publie, celui de sesproprei Mémoire» est parrenu aux tcnnes XII et XIII de la- nourdle série*, La seconde et dernière partie du trei- ùimesort aujourdiiui même de l'Impriinerie royale*; l'autre a paru en 1887 '; el la deuxième du loffleXIIe'n iS36, attendant la première i]ui; réservée à lllis- tairv io l'Acadénie depa^ le ctttnmamieuipnf ite i^i jssqu'jt ta fin de 1837, ne iMt être paUiée tpi'apri» Aoat le tom» XIII. Je crois ponvoir annoocer qa'al« le sera en'i83q'.

L'Académie a destiné le tome XI n une table alphabétique des matières traitées dUiA lek ilîx précédents. La copié de cette talâe* jusqu'à la lettre K indasfrenent est Uvtéè et rem^Kra envirbb »o pi^bsdont 11b iont unpritoées. Je Ctrai caqni Kni ea ni«a]loimnr{)Oi»iqM TOJtiSM «tUler e'«dtèv« aussi dans le cdurs l'année

568 JOURNAL CES SAVANTS.

eVeàU» lèsquds «e rencontrent cebt qui cooctrotet Motthîea de VeadAme , abb^ de IWéA^DAoU et tégent du nijaume; RoWf deLaùnicbetl a^tétite de la t^théd.r^ d'Amiens; le &anciKain Jean de ftume, i qpi l'Evangile i^mel b iké attribué; Gé- iMAi «vèqae d'Angers , elc. etc. I^na cinquante dtt arlîblw à placer éprès ceu'x-)i , cnt-à^^diVé loosles années iago'k i3oo , sont rédigés: Il figài«nt , entre atttrei pei^ Mniiages, Ëlienne de Salatibac, Hîchel Scot, PienreJean drOtive^-- Guillaume de Morbtta.Boger Bacon.... Dans la série «hroAologique dea tronbadoun , M. ^téric- David a préparé des IVoticea sur la vie et lea ouvrages de Giraud de Cabrière , AmAid de MaHAn, Anutnien des'Ësoû, mn^tlT, roi d'Aragon,..-' Jean Ectéve; etc.; et M- AmauT^ Durd s'est occiipé iei nombreux tronvères qni ont écrit sons le règne do Philîppe-le-Bel jusqu'en i îoo. Il esl donc-i prtsûm« que ce vingtième volume verra le jotir vers la fin de 1 84o '. " '

Les rtapports de M. de~Sa(^ onf indiqué tont le contenu dn tome XX de la col- lectfo» dm Hiatoriens de France'. Le corps du volume est imprûné en entier*. La r^dat^n des taMes sera bien làt ïennî née: cdiedes préliminaires est «ttreprîse^ et les sis derniers 'mois de i83S suffiront sans donte pour achever la publication. ' 'OanS la partie orientale du nouveau Recueil des Historiens des Croisades, les exlraîls de la Chronique arabe d'Abou'Iliéda remplissent environ aoo pages, en bonnes feuilles , ou en épreuves, on en copie. C'est tout ce que l'éditeur, M. Rei- naud , se propose de tirer de celte Chronique. Il prépare l'Extrait d'Ibn-Alallr qui doit la suivre et qui , sans doute , éprouvera moins, de retards typographiques après la session des Chambres.

L'impression de la porlifl grecque dn même Recueil pourra commencer avant le i" janvier, par des Extraits de Zonare. d'Anne Comnène, de Jean Cinname, de Nicélas Chonîates ; que H. Hase a rnllarioani'm sur plusieurs manuscrits , et dont il a' revu les versions latines^ il j joindra qudqnes pièces inédites.

La partie latine et frauçaise de 'cette même collection d'Historiens des Croisades est plus avancée. La copie entière d'un premier tome a été, depuis plus d'un an, livrée a l'Imprimerie royale par l'éditeur, M. Beugnot, qui a reçu 78 cahiers en bonnes feulltes, et 8 autres en' épreuves, en tout 6S8 pages, contenant les qualone premiers livres de Guillaume de Tyr, en latin et en fiwiçais , avec dix-neuf chapitres dn XV'. Tout ce qui suit, jusqu à ia fin du livre XXII. et j compris ce ou on a du XXIU* . doit remplir environ aoo pages , outre les préliminaires et les taUes ou appendices du volume. La publication ne pent manquer d'avoir lieu dans le cours de l'année iSSg.

Le tome XX de la collection des Ordonnances des Rois de France, est imprimé juoqu'À la page 530 , il atteint le mois de mai i4g6*. L'éditeur, M. dePastoret, a

570 JOURNAL DES SAVANTS.

térienn dn mèiii* g>an, H. de Sky 'MI [^int, à {diuiavs reprises, de I'um^ ipii s'iirtroduisKt de ne deouDder Al Académie qnede> légende», et d'arrêter, mq» Is coDiulter, la GonuMMÏtioa dn types: >d'où il résulte, duait-il, qu'il est quelqae-

Ibis imposriUe de raira ctmcorder, comme il serait à désirart lea dem parliez qui

concourent à l'exprassion de la pensée qoe les monuments doirent tcansnwttre k la postérité. Tai adresser les mêmes obs^Yations à II. le ministre Vinté- rienr, en lui présentant les inscriptions qu'il avait demandées, et réclamer, pow l'Académie , l'une de ses fdu anciennes albîbulioas , cdie que rOrdonnaoce rayak de 1701 exprimùt en ces tenues: FoiW la* mÀbillM, vtiUerà A»/cr fw /wb( cm- tribiuriùurptifKlioii, tant poar rinwntiai 4t Ui Dtsatnstfo» pour la intcriptioiu et les légendet.

Depnis la dernière séance publique de l'Académie, vingl-sept ouvrages, opuscules ou Hémoiree, tant imprimés que manuscrits, ont été envoyés à la Commission des Antiquités de la France. Deux de ces ouvrages concernent les possessions Cnmçnse* dans le aord de l'Afrique : ils décriveot des monuments antérieurs à la conquête dn pays par les Arabes ; ils joignent à ces di'iail* de.t observations curieiues sur l'em- placemont des anciennea «îUot ot ranrerment aussi beaucoup d'inscriptions latines recueillies, soii dons l'intérieur du territoire, soit sur divers points du littoral. D'autres Ûémoires offrent la description d'e'"^'''^< de retranchements qu'on Tait remonter aux siècles qui précédèrent la domination romaine dans les Gaules; quelques-uns expliquent des monumenb qui datent de cette domination même. Mais le plus grand nombre des écrits examinés par la Commission, retracent des éta- blissements on des tradidons du moyen âge : ce sont des précis historiques sur plu- sieurs villes, châteaux, églises, abbayes; des notices de monuments, d'archives communales ou proviociidcs ; des recberclies et des commentaires sur des poèmes en langue romane , on sur des manuscrits relatifs à l'histoire de France. Ces produc- tions diverses viennent de donner lieu, au sein de la Commission, à des Rap'ports particoliers qni vont Fournir les éléments du Rapport général qu'entendra Ùenlôt l'Académie. On désire qu'il ne se borne point à faire connaître les ouvrages auxquels les médailles sont décernées , mais qu'il distingue aussi par qndque mention les travaux qui, sans avoirélé jugés dignes de ces récompenses solennelles, mériteraient d'autres encouragements. J'ajouterai que rAcadémie a ptit deux fins la résolutiou de publier , sous le titre de Mémoftes êet iOmuiU étrangers, une collection des meilleurei dissertations historiques et archéologiques qui lui ont été ou lui seront présentées. Des considérations si graves conseiltent cette publication , qu'dle ne pourrait être différée oue par l'absence des moyens de l'cxéculer.

572 JOURNAL DES SAVANTS.

739), dans lequd 3 emploie . pour comparer M mesurer les interrtlles miuicftiu , un *T*l^e l^arithmes dont U bon est a : trente-cioq ans après , le géomètre ^ IiBiiiDert fit paraître, dans les recueils de l'Académie de Berlin, on mémoire sur le * iempérammt m mati^as les inlerralles musicaux sOnt comparés et mesurés par l'emploi d'un système de logarithmes dont la base est \fi ; ces systèmes de Ion- rithmes. désignés par le nom de Jogarithma acouitiquei . ont été adoptés par les deux géomètres sosuMumés, parce que, entre autres propriétés, 3s ont ceUe de donner l'ènondatîon immédiate des valeors des interrt^es musicaux, les umléi d*interv^les étant l'octave, pour le système d'Euler, et le 77 d'octave, ou ekronw majvn, pour celui de Lambert: les logarithmes vulgaires sont bien loin d'o&rir de pareils avantages; car, eu les considérant comme oeoiu/tfau, il fiiudrait prendre pour unité l'intervalle dont le rapport cans^tuant est ^ , et dont la valeur est de 3 oc- taves -{^^-i ce qui est inadmissible '.

« M. le baron Blein , dans la première édition de son traité , n'a Tait aucun usage des logarîtluneB, et ne les a même pas mentionnés; il a voulu suppléer cette lacune dans sa nouvelle rédaction ; mais malheuivuiNMucui, au lieu da suivre reiem[de re- marquable qu'Ëuler et Lamliert lui avaient donné , en employant les systèmes k^a- rithmiques spécialement adaptés aux calculs musicaux, il leur a substitué les 1(^- rithmes vulgaires. Une communication qu'il a faite à la commission, postérieurement à l'envoi de son manuscrit à l'Académie, semblerait annoncer l'intention de faire à son mode logarithmique des améliorations fort désirables.

> L'expOsîUon de la génération harmonique commence par la génération de l'ac- cnd parfait majeur que M. le baron Blein déduit de la triple résonnance d'une corde sonore qui fait entendre , avec le son principal , l'octave de la quinte et la douUe octave de )a tierce, ou, en teçne équivalent, la la* et la 17* aiguë du son géné- rateur.

( Rameau avait déduit l'accord parfait mineur des phénomènes observés sur trois cordes sonores, l'une montée au ton du générateur at, et les deux autres respective- ment i la la* et à la 17* graves de ce générateur; si l'on fait résonner la corde ul, les deux autres frémissent sans résonner et leurs ondulations les divisent, savoir : cellequiest montée à la 1 a' en trob parties séparées par deux points de repos, et celle qui est montée à la 17* qn cinq parties séparées par quatre points de repos. On a aussi déduit l'accord parfait mineur de l'accord parntit majeur, en rendant la tierce de ce dernier génératrice de la quinte par son abaissement d'un demi-Ion. M. le ba- ron Blein trouve les trois sons de l'accord par&it mineur dans la triple résonnance d'un cylindre de fer suspendu verticalement, etqui, frappé, donne pour jténérateur

574 JOURNAL DES SAVANTS.

montra de lrè»-bouoe beore uoe votatioD ptonoooée pourle* arti; il étudia d'abord sous la direction M. Devosgcs, fondateur de l'Académie de Dijon , école jnaie- ment renomni^. que David, notre grand peintre, et le c^bre statuaire Julien , conaidénûent cmnme la jplus imborlante de France aprèa c^e de Pari*. Avant obtenu d«ns cette école dbonorabW succ^/Qaud» JUni^, entraîné par le déair' de se perfectionner dans son art j et farâlant d'essayer M* force» dans uae arène j^s vaste , vînt à Paria en ij^ avec ses amis intimes, Prndhon et Naigeon. M. Gois père, statoaire, iqniît fut recommaiMlé, se oha^ea del« diiiger. dus ses étude* , et Claude Bamey ne' tarda paa A se plaeer en première ligne panni les élève* de l'Académie. Son séjour à Paris liit marqué par nne suite non interrompue de triomphes. En moins de deux ans il obtint successivement toutes les récompense* oSertes à l'émuletroii des âèves, et enfin le grand prix de Home, objet de ses coDslants eflbris. Pendant son séjour en Italie, il prépara par de nombreuses études les éléments qni devaient servir k fonder sa réputation , et puisa dan* cette patrie des beaux-arts de niAAtis inspirations. Do retour en France en 1787, Claude Itamej se livra d'abord à des travaux particuliers qui lui forent confiés dans sa ville natale par H. de Montignv, son fimt»rb>i>r et juste appréciateur de ses talents. Il revint ensuite à Paris, m\ H commença le modde d'une statue de soldat mourant, ouvroge qu'il destinait k sa présentation à l'Académie, mais que la marche des événements l'empêcha d'achever. Nous ne suivrons pas cet^rtisle dans toute l'étendue de sa laborieuse carrière ; nous nons bornerons k citer sommairement les principaux ou- vrages auxquels il a la réputation méritée qu'il s'est acquise. Appelé a participer aux premiers encouragements qui furent accordés aux arts par le gouvernement , après les grands événements de 1784, il exécuta dès lors, et successivement, deux pendentifs pour le Panthéon nationu , une statue en marbre représentant Sapho . plusieurs bustes des grands hommes de l'antiquité. Sous l'empire il fit pour le palais du sénat un statue de Scipion l'Afiicain, une autre du général Kléber, et la bdle statue en marbre de l'empereor Napoléon, qui fait aujourd'hui partie de la collection des galeries historiques de Versailles, l'on voit également de lui la statue du prince Eugène Beaubamais en costume de grand dignitaire. Parmi ses autres ouvrages, nous citerons encore une naïade pour la fontaine Uédicis auLuxem- bourg, la statue de la Prudence; placée au-dessus de la porta d'entrée de la Banque de France , et faisant pendant celle de la Justice , exécutée par son ami Cartelier. Il lit en outre, pour 1 arc de triomphe du Carrousd, un bas-ralief en marbre, dont ujet est l'entrevue des deux empereurs k Austaditi; la.statue colossale du cardi- de Bichelieu, [dacée aujourd'hui dans la grande cour du palais de Versailles; les bustes de la famille de Prasiîn , et enfin la statue en marbre de Pascal , dont le

le sujet naldel

576 JOURNAL DES SAVANTS.

L'Académie rappelé qu'elle décernera , s'il j a lieu , dans sa séance publique de t84o, un prix sur cbacnne des questioDS soivantes:

I. Queù *ORtlet progrèiqueUarait dugeiua^iti enEaropedepBitbipaixde We$t- plai(â?H. Diterminer ki moymtàVvàâe iesqaebon peut tmutater, mte h phu de cer- titude. In vèriti dafailt qm tant lobjet Jei débats jndiciaira , toit m matiireâviU, mt ni matiin erimiiulh. Comparer let diven modei de procéda emphyés pour obtenir ce réiat- lit, efuzUtpetifletUtplu* eivUûèt; en faire mniudtre let inaûaéiûetitt et lei avantages. Chaque pris est de la somme de çiunze cmt« francs.

Les mémoirei devrontètre parreniu an secrétariat de l'iDatitut, le 3i décembre 1839.

L'Académie devait décerner, dans sa séancede i838, im prix sur la question tni- y»ale: Lonqu'oM nationie propose d^ètabUr la liberté damitwuTce, oade modi^eriali- gislatioR sar les douanes , tjueb sont lei/aits qa'elif doit prendre en considération pour cor- cilier, de la manière la plat éqaitahte, kt intérêts des prodttcleart et ceax de la nuuie det «womnuiteanPCeLle même question avait été proposéeen i83â; aucun des mémoi- res n'ayant encore rempli les conditions exigées par le programma. l'Académie re- tire ta question et la remplace par la suivante :

Il T a peu d'années encore , un gouvernement du nord de l'Allemagne a conçu la

pensée de procurer, k tons les états qui l'entourent, les avantages mutuels d'une association commerciale , en reportant toujours eux frontières extérieures te cordon

des douanes des états ainsi coalisés, et livrant k la liberté complète le commerce

intérieur de l'association. L'Académie propose, comme sujet de prix, de déterminer

qudleest déjà l'influence produite, et quelle sera l'îa&uence future de l'association

commerciale demande: 1* Sur le prospérité des peuples associés, sur le dévelop-

pemeut de leur industrie, sur l'extension de leur commerce extérieur; a* surl'in-

dustrie et le commerce des antres nations 1 3* quelles associations analogues pour-

ront naître par l'eSet de cet exemple , et par la nécessité de ci^r ud nouvel équi-

libre dans le négoce des nations ; A" quels changements devront résulter de ces es-

péces de confédérations commerciales, dans le système des lois économiques qui

régissent aujourd'hui les nations ? Ce prix est de trois mille francs.

Les mémouïs devront être déposés à I Institut, le 3i décembre i83g.

L'Académie rappelle qu'eKe décernera, s'il y a lien, en i83g, le prix sur la ques- tion suivante : De l'abolilion de Veiclava^e ancien: 1* Par ijutllei causes et comment fes- cùtoage ancien a-t-il été aholi; 3* à quelù époqae cet esclavage, ayant entièrement cessé dansfEarope occidentale, n'eitil reité que la lervUade de la glihe? Ce prix est de la somme de qainze oenlt francs.

578 JOURNAL DES SAVANTS.

correclioo>, de n^iigencei. restaienl dans l'aBCieoDe verskm ItUiDe, œavra primi- tive de Itaphaet ViMalerraniu et d'André Divus ; «lies ont dispani dans la nouv^c et sont remplacées par une explication claire et précise. Toutes les fois que peur faciliter Tintelligeace de certains passages difficiles on a insérer dans la traîduc- tioa des mots nécessaires qui ne se trouvaient pas dans l'original , on a pris soin de mettra ces mots en caractères italiques. Partout la diction homérique eat conservée scrupuleusement, aiasi que la marche des périodes. C'est ce qui manquait proMn- palement aux anciennes traductions; et cependant c'est de U liaison plus ou moins étroite des membres de chaque phrase que résulte l'apprëciatioi^^e l'ancietuioté re- lative des différentes parties des poésies homériques. Longtemps la question du cycle épique fut agitée en Allemagne , et elle était loin d'être décidée , même lorsque parut, en 1827, le premier recueil des fragments de ces poètes, contemporains d'Homère pour la plupart. Après plusieurs tentatives, M. WâdterpnUia, en i835 l'ouvrage le plus profond et le plus complet sur le Cyci^ qui eût paru jusqu'alors. A l'aide de cet ouvrage, il devenait possible de coordonner les poèmes qui compo- saient ce Cycle, et d'accroître encore par de nouvelles recherches le nombre des fragments, déjà considiruUwi , recueillis par M. Welcker. Cest ce qui a été fait avec succès dans l'édition publiée par MM. Didot. Beaucoup de fragments inédits ont accru la collection donnée par Welcker, et ont rendu la nouvelle édition d'autant plus précieuse que le texte en a été corrigé en plusieurs endroits. La traduction de tous ces fragments n'existait point encore. L'examen du premier chant de l'Iliade (celui de tous dont l'ancienne traduction avait été le plus soignée) démontre la su- périorité de la nouvelle. Nous nous bornerons à citer quelques exemples.

V. 3. Le mot irpaia^**, traduit jusqu'alors par pnrmafarè misit, n'a jamais eu cette signiËcation. n^' n'a pas ici d autre valeur que dans proptUere. Ne pouvant tra- duire le mot grec TpaîaJfit par promittere, qui n'a point une signi&catiou semblable, on a employé l'expression dont s'est servi Virgile : âemittere. V. i5. Xpvaiwàfd raMT'^w avait été traduit par aam> cnm tceptm. Jamais eàà n'a eu la signification de cam> mais bien c^e de super, ou du moins de in. Comme les mififut-ra. étaient suspendus au sceptre d'où ils tombaient flottants, on a dd traduire ici tk iceptro (snspensas); on aurait pu mettre aussi in leeptn /lupannu. V, 39. Xapitrr' titi nif ift-\M avait été traduit par templam comnavi , contre l'autorité de tous les meilleurs grammairiens. Apollonius dit même : xjixtit i" i-nAnua -ri anfôiur*; et Platon, dans la paraphrase qu'il donne de ce passage , l'explique ainsi : i? ri ■xânen i iV tetùf «'iKaJhfioitteir m *r ltf.pt fluff/iur xixapirftitai , k. t *■ V. I^. S'm'EtKrrn' \tulairn ne doit Doinl être traduit par peclore fanhando : xeUm xîip n'ofire point ce sens,

584 JOURNAL DES SAVANTS.

Geichichfe.... Hbtoire de la littérature fran^'w ntoderae, par H. Mager. Berlin, Heymana, 18381 a vol. in-8*.

ANGLETERRE.

Aa History ^ englùh Hhyikmt. Histoire de Rhytbmes anglais, depuis le v* siècle, par M. Idwin Guest. Lpndres, Pickering, iS38 ; 3 vol. in-S°>

The hiographiad Treatary. Trésor biographique comprenant des mémoires , es- quisses ou courtes notices sur la vie de plus de ia,ooo personnages célèbres de tous les siècles et de tons les pays , depuis les temps historiques les plus reculés jusqu'à nos jours, avec environ 3,5od maximes ou. préceptes; par M. Samuel Maunder. Londres, Longmann, i838; in-8*.

Qiteen EliziAeth and her Times. La reine Éliiabeth et son temps : Recueil de letlres origindes, choisies dans la correspondance inédite de lord Burglej, comte deLeicester: psrM.Th. Wright. Londres, Colburn, i838; a ïol. in-8*.

The Hmiory oj Eattent InSia. Histoire, antiquités, topographie el statistique des Indes Orientales , d'après les documents origiuaui des. Indes; par M. Montgommery Martin. Londres , Allen, i8a8; a vol. in-8', avec des planches. D y aura un troi- sième tome.

Utapia. L'Utopie de Thomas Morus , atec la Nouvelle Atlantide de Bacon , l'analyse de la RépuMique de Platon ; des notes, etc....; par M. A. S. Jolm. Londres, Rickerby, i838;4¥ol. in-8*.

ITALIE. Lexicon epigraphicum morcetlianum , auctore Schioui. Bononis . i835-i838; i5fa3cic.in-4*. Pr. i8lire, i5*.

Elemenli di Anaiomia Jîiiologica , ï^éments d'Anatomie physiologique appliqués aux beaux-arts , par M. Bertinatti. Turin , 1837, i838 : a vol. in-8*, avec un atlas in-Ibl. contenant i5 planches. Pr. 36 lire.

\oTA. On peut s'adresser à la librairie de M. Letr&dlt, à Paris, rue de )a Harpe, n* Si; el i Strasbourg, rue des Juifs, pour se procurer les divers ouvrages annoncés daas le Joarnol du Smûnts. Il faut afinnchir les lettres et le prix présuinc des ouvrages.

TABLE.

5SB JOURHAL DES SAVANTS.

conlemporams, vers le panëgyiique ou la satire? Ajoutons que le gou- vernement d'alors, ari>kr«# sûnrèaké itt ^sevààoas même liltéraires, ne laissait ni à Téloge ,- m ni bUkié } otm Inéépfendance qui , usant les préjugés contraires, eût bientôt amené les esprits k une appréciation du passé plus désintéressée et fdus juste. Il a Ëilln le cours du temps, ravéfi^4Êl'1bcce|M' dflà gélîâniojft etrKdées '^iv%itts,^un:{Aas grai^^tatftemfsTq** PP^> ^ pljp^rain souci 4(e ra^èj|irfl p»s de franchise dahs le dâta^cobtniaictoire des opinioàs "enfin 'émancipées par l'essai et l'établissement d'un gouvernement libre, pour que le XTin* siècle prit sa place- panni. les époques désonnais accomplies, que la postérité peut jng^; non pks'mc'ihdiflérence, mab sans fa- veur et sans colère. Quand M. Viliemain, qui, dans son enseignement â la &culté des lettres, parcourait depuis quelques années les divers âges de notre littérature, est "amvé. conduit par l'ordre chronologique. k retracer l'histoire des lettres françaises au xviii' siècle , il a profité , en la hâtant) de la maturité du sujet; il l'a traité, je n'ai pas besoin de cBre àvW: beaucoup de 'savoir élde^ûl, 'd'esprit et ^^loquencè, inâis avéÉ^'i&é KébàVfoi, jjrié difidrétt(hi fort ÉÈlhSé's et fort iriéritolréfe 'dans tth mot^étrt \ël' dmU^ dVâ ^ôti^oir i -qui rfaîstoire , philoso- phie, les lettres elles-mêmes étaient devenues suspectes, le» )âéi)ccu~ pations politiques d'un immense auditoire , fort avide d'allusions , d'appli- , catidUuux''cllDSbslpknéikhtvs , aanfent Antement tchangé nos princip^es tAaniisnén'hibènMipidrfti^'i' Gomme ceux de ses coÂègueb qui furent ^tftBVWeé'idlid'tflmC «Fm eaipreiiement«iflatteurv M. Vittednia m éèlaifçer'iMt dinigélh'deBapoim)8nlté,«tVenaser-qù'aii{)k«fitdc!N>n ^itnsé^ifMinnt. GcmWlantles&itsenhiMmien.les jageaitten monKvte )e^ mk )<9ritlqtif , 'dÏMVt' iout enseoible fc- bien et ie mal , hiélent à fan- thoi«ilAsdte<4é«e» élOgei sévérité -de sescemure», ^leifc la vérité .■6ttfqx'ltoilvMiflhceM'tMg*èret''de tannidsion., faabtleili dédohcerter, bmds

588'' JODRNAË DES SA\HNTS.

'"L'*AniAtÏMt*fert l^|iUiAe>; mus trop ^nrdtuîve, d^: nos iefa«&.

d'IÉtltMiltt^rniVs, et encore ceux seaîetnôS' qui iwietvt ftit notre, ^t^dans tes dèui demjtrs sièdu, le mépri» des prodivïtiotw étran* gères, '^dubli l'antiquité, aVaieat, il y a qndqbës années, siognli^ rement restreint le point de Tue de la critique. Elle ne voulait rien comprendre- hïm de nM habitudes ariiitrairement érigées jur elle. en IttfAéipéà'de^l''art.DelàbcAiic(>upde prétenduekrègles dont, par T^tnde cctHpKréedeelHtéretupes, M;ViHealaillaébranlé^«ltorité,nonpaspcut- fttre^4e''plremier,'inais |âus efficacement que' d'aotres, parce qu'il fa &ît avec plUB HÔeneé et de memire. S'il rejetait Is joug imposé parla pratiqtiéVCie'n^étaitpBS pour subircelui des théories spéculatives cons- trttfMT^ priéri,%n dire de iebrs' anteui*s du moins, par un esprit de symènaeavénhirAUs, qui ne prét«idaît A irien Hwins qu'à tout renonre- lék-, ttiéitte ce qui peut changer, ce qui est immuable comme la na- ture de fhoniime. A part ces queli^es lois de notre esprit, qui doivent k r^gter dans tonteis ses oeuvres , quelles qu'en soient la dfite et la patrie, M^ Ville«iiiin ne crut et n'apprit à croire qu'à l'inspiration- puissante et fj>«Ottd»deS''beâuic wodèdes'^.dcs grands événement, des sujets'Iibre- nUBttt^et'banlimmi choisis, de la passion, du talent, du travail, qu'à clfjmtiart'^éerire.WfDtae B dit sans eesse, et .ce n'est point sa mtniu WtiWlKçdn, ave«> l'ijcoënt eooraiQcnd'un honlm« tpii le respecte et le iMatffftteï'etqtlî'sril bien qoedamce setd mot sont comprises toutes teàltâs Mtiilidilenwnt' obligatoires de la littérature. De là, pour faire Ik pl0H!dtt'l^oPigitadiH^|et des procédés de l'imitation, pdur distinguer le vrai du convenu et le beau du fiuïtiae, une justesse d'appréciation éga- lÀiïht ^oignSe'eVdaTekpeot sert lier des poétiques, bien passé de mbde i|iintff«it(i; etv«e^ éstphts ordinaiirë aujoui>d;hui( eettps reobervhe QTguelHeus«ineM subtile de beautés et de vices occultea, dont U' déooo- varttf vous 'vépa^ 'du peuple desijùges-et de l'auteur lui-iDéme,qH(i' ne Atiéfarit^pasiontéi".'! ' ••■■ >'■ "■'': ■-■:■ i- '■/.'■.;

900 JOURNAL DES SAVANTS.

ùi'falio, Bayle déoeuvre à attiSiieertitiide àm ûùts, b vanité des doct trioes, les petttesiei du gàue, ébranle, en se jootnt, toute ccrttliide, «t met en pièc«i la crédulité et la ^airt. »

L'esjffït dn xni^ «ède, qui n'était paa, ob irïdnt de le voir, t«tri i frit nouveau, ne k montre d'abord que discrètamant. Il prélude à aca bMdie8ae8,dansla«ntique, par lei paradoxe! de Fonttnelle, deLamotte, de Tovataon; dans la morale et la pditique, pyr les utopies de fabbé de Saînt-Pieire; tandis que les tradîtioas de l'âge précédent se perpé- tuent avec moins de génie dans les écrits des MasûUMi , des d'Aguesseau, des Vertot, des HoUin, des Lesage, des Prévost, des L. Racine, des J. B. Rousseau, par l'esprit sérieux et régnlief de leurs œuvres, par la pureté de leur goût, par l'abondance et le nerf, U simplicité et îe na- ture de leur style. Ce n'est pas que , même chez cas continuateups du siècle de Louis XIV, on ne puisse surprendre quelques signée du changement des esprits , entrevoir l'anuoace d'une ire nouve^e. a L'^oquenoe de la i^aire commence i remplacer la foi par la aaorale , ta chanté purement religieuse, par un e^irit de douceur et de justice soejade. UassiUon, dans la chapelle de Versailles, parle de l'élcetioo

des rois et des droits du peuple Le poète él^ant et timide, fils du

grand Racùip, traduk avec entbousiasine Milton , que BoUeau peut- étte n^avait jamais entendu nommer A l'initation du sublime reli- gieux se màe, dans les écrits de J. B. Rousseau, la licence eC&énée

des <maenra O snbUme n'est pour loi qu'une forme de style étran-

igtrs i l'ftme..,..» D'autre part< comme par coinpensa^n, au mflieu «ieaolffîDements de pensée et de langage, ^pe BoSeaif et Racine avaient déjà condamnée ches Fsatenelle, et qui depiûi avaient fait école, qudque chose du geàt. sain et pur, de la single élégance , d^ la ba- ^esse aîaée qui tivaient «eoçmmandé l^es éerivains d'une époque apte- neuM, se conserve chea les novatews qoi as[Mi«|at à Vouvrir d'autres mies, et p3aticuMérsmeo,tchei;le |dus hardi', ie phis puissant, celni

JUILLET 1858. 501

flnènoes réiciprdqiies qui du siècle de Louis XIV avaient &it sortir le «ècle de reine Anne , et de celui-ci tirèrent notre xvm* âècle. VoU9ire flàrtoutlui sert comme d'intermédiaire entré ]e6 deux pays, le0 deua sociétés ; avec lui, il passe et repassie le détroit t et après avoir fait poser en quelque sorte devant un si cutieiix, un si ardent c^ervateur» tant de séduisantes nouveautés, le jeii du gouvernement pariementaijrte , la Kberté illimitée de ia controverse, Tempire exercé sur lopinion et aur le pouvoir par la littérature sérieuse, un nouvel entendemeni humain, un nouveau système du monde, une autre poésie , un théâtre indoniiu et, pour un Français, bien étrai^, il le montre qui, k son retour, s'em» presse de repitNkire pour ses compatriotes tout ce qui , dans le gou- vernement et les mœurs, la philosophie, les travaux scientifiques « Ja littérature de l'Angleterre, a frappé sa vive imagination ; louant avec enthousianne ses orateurs et ses hommes d'état; expliquant rartiiice de sa constitution et le caractère de ses lois ; commentant Newton, Locke, Bolingbrocke ; dérobante Thompson et à Pope le secret de cette poé- sie qui demande aux vérités morales et aux découvertes de la science de graves inspirations ; cherchant à introduire sur notre scène quelque chose du mouvement et des grands effets de la scène anglaise ; en- seignant à la France, qui les ignorait encore, les sublimes beautés et presque le nèm de Shakspeare, de ce poète quil devait plus tard, dans un jaloux caprice, traduire en ridicule, après lavoir recommandé Tadmiration , dont il devait renverser outrageusement la statue énigée par lui^nème.

M. Vfflemain, qui fait voir à quel ^int Vcdtaire a profité d*autrui, est bien loin de le rabaisser au rôle d'imitateur; il ne Tappelle point ainsi sans dke ingénieusement que a limitation fait partie de son êti^ ori- ginal. «> Du reste, un des résultats qui sortent le plus fréquemment de se8analyses<, c'est que jamais le génie de Voltaire ne se montre avec phis davantage que loittque, dégagé du soin de répéter un modèle étrangler, ou de se plier à des formes convenues , il sabandonne à s^ki loatarel, et «'exerce sur *des idées et des sentiments qui lui sont propres. Vdtaîre, si plein de raison et de goût, si ami 'du sknpLe et du vraî^ pei*d quelquefois de ces qualités, lorsqu'il Sait efibrt ;pour atteindre «ux grands effets de l'éloquence , pour donner à ses drames cette pompe et cette dignité un peu factices qu'on reproche avec quelque raison i notre théâtre, ou bien encore , lorsque dans im sujet tout moderne il suit servilement la ti*ace de l'antique épopée. Il les retrouve tout en- tières , quand ses sentiments et sa conviction panonnelle , les paÉbiotos et tes -idées de aoù temps, se produisent se«s fsa plume, sout dans fe

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mouvement entrainant d'une scène' ^Uiétiqu», «oit dam f expression grave et touchante de ces idéeS'moraW à ladëfeose destpieUès'il vons son talent, soit duu la ' vîvb expoùdon des vérités arrachées par ht génie dei'homme'aox mjstèt^s de la nature, soitidans l'abandon facile de ses poésies fugitives, ses pampUets, de Us lettres.

M. Vîllemàin, en vingt endroits de son livre, caractérise cergéoib mol^e, qoi recevait tant d'impressions divenes^ seînontraitsous tant de formes; il excelle k saisir ce prêtée an milieu de ses métamorphoses; i le fiiire paraître sous ses traits véritables avec 'les. mérites qui le dis- tinguent particulièrement, la netteté de «a pensée et de son expression, ses grAoes simples et naturelles , sa vivacité, sa chalear, «a rapidité, sa verve emportée et moqueuse.

Mais k ces éloges/généraux, souvent ramenés par l'éxameo des di^. verses productions de Voltaire , il mêle de sévères critiques.

En louant, comme il le devait, l'artifice habite de ses tragédies, le sentiment moral qui y préside, les développements pathétiques qui les animent, il fait voir par d'intéressants parallèles que, dans l'expression des sentiments la nature , dans la peinture des caractères individuds et des passions populaires, l'auteur d'OEdipc, deBrutus, de Zaïre, de k Mort de César, enchaîné par nos habitudes dramatiques , n'a pas tou- jours atteint à la vérité naïve de Sophocle, à fénergie et à la profondeur de Shakspeare.

Rapprochant la Henriade des vraies épopées, il montre qiie son auteur, dénué des fortes passions qui les ont inspirées, écrivant au mâîeudes dissipationa du monde, pour une société frivole, ne consi- dérapt un poème épique que comme un accident passager de sa destinée littéraire, ne pouvait, ne méritait pas d'accomplir une de ces œuvres qui sont l'occu^tion d'une vie tout entière, la ^oire d'une nation, et dont.

5M . JOURNAL DES SAVANTS.

iM deroient même avoir de noms qoe beaucoup pltu tard et presque de nos jours. EMais le génie de Uontesquieu se peut loaglempi demeurer captif «u milieu de« séductions de ce monde curieux et diso^ , qu'it (aôt d'oljovd amuser pour acquérir le droit de l'initciiirc. Il l'en afirai»- chit par les rw^ages et la retraite; il visite l' Angleterre; il parcourt FEu- nroe; il ajoute aux coanaiasanceB qu'il a rasaemUéea par l'érudition , l'AtmotieB vivante de la politique active, l'étude des gonvcmements et dtfthemnies. Puisils'enferiBeàLaBrèdeety [wépswesilencieusejnent,. lentement les grands monuments qui doivent étonner ses cootempo-' rakis et âlustrer son nom dans la postérité. L'étude.de cette vie , de ces travaux, de leur origimlité, de leur valeur et de leur influence, de la' potémiqne qu'ils ont provoquée et qui dure encore, a permis à M. Ville- inaAide renouveler, sans se répéter, dans tf intéressantes et inetrue^ tîv4keçon9, un sujet qu'il avait déjÀ traité avec édal bOus une autre- forme. C'est ainsi que sa revue historique et critique de la littérature an- ^sdse fa engagé avec lui-même dans une lutte dangereuse, et c'é- tait beaucoup &ire que de laisser la victoire indécise >. La dignité fdu» soutenue de qnebjuefr-uDs de ces inorceatis, l'aBure plus libre de le- çons sorties de la parole, et qui ont gardé quelque chosé~de leur ori- gine , mettent d'ailleurs , entre les uns et les autres , des diHéreneea d^ Jr reaaarquées par un critique d'un jugement pénétrant et délicat^.

Dan« ce livre, ordonné comme un tableau , et qui en porte le nom , les êgana de Voltaire et de Montesquieu occupent , pour aijui dire , les dovaats de la compositioD ; |dus lois, sur des pians divees , se groupent lA»Dombpeux écrivains d'une époque a ^eajHÎt des lettres faisait partie «de l^e^rrt du monde, o^ l'art d'écrire était puùsant et à la mode^ n et teiM, par conséqamit , servent ii l'ei|^iquer. Je ne nommerai paa celle foula, souvent illustre, que M. Ville^uin passe- ea revue, qu'il ewantérise eCJHg» avec une brièveté pleine de féns, poètes tragiques , eomiqN«set autrae , moralistes , métaphysiciens , bisterieps , érudïls patients eb uo- . ffeote», savants mondaibs et parés^ antews de tontes, sortes , tous utile»

5M JOURNAL, DES SiVANTS.

toire, etoù s'ourreoti tout instant, sur les lUtératopes de l'antiquité et des tienipt modernes, sur la. littérature actuelle elle^nëine, de ricbes per^teMives, Fauteur ne suit absolument ni l'ordre des dates, ni l'ordre des genres; il les alterne ou les associe et les coi^nd avec une liberté qui produit la variété et l'intérêt, et qui au fond exprime mieux quIiHie tnéthode {dus sévèrement didactique, la diversité complexe de>Bon siijtt. SoD livre est d'une lecture &cde etattirante; maïs l'agritaient de la fbnne n^ dtére point la solidité du fond et ne la cacherait qui des lecteurs superficiels.

Si l'on demandait quelle ^t sur, le zvm* siècle la condusion' gé^ nérale de M. Villemain. je répondrais que, sans l'avoir expresaément énmioée A lafinde,ces volumes, ilfa çà etlà exprimée, par exemple, dans ces lignes que je transcris comme un éloge de l'impartialité, de l'élévation de ses vues :

« Cherchons comment le mal et te bien, Fégoïsme épicurien et

l'amour de l'humanité , l'esprit vague de licence^t l'esprit généreux de réfonnese sont trouvés parfois confondus. Étudions surtout comment la philosophie du xviu* siècle, instable, multiple, parlant des langues diverses, s'est combattue et corrigée elle-même, et voyons si, malgré ce qu'on lui reproche de faux principes et de lausses conséquences , ce n'«8t pas d'elle que sont sortis un meilleur ordre politique, une législa- tion plu? équitable , des mœurs plus douces , l'égalité civile et la liberté publique de la pensée, ces grandes choses, en un mot, maintenant obtenues , ou demandéat ou souhaitées partons les peuples civilisés. »

Ce qu'il ya dans le livre de M. Villemain, et d'histoire et de consi- dérations ii^nieusement vraies suries diverses manières d'écrire l'his- *' toire, iàit préji^w bien favorablement de la composition historique. qu'0 prépare depuis plusieurs années, et qui sansdoute ne se fera pas longtemps encore attendre. Elspérons toutefois que M. Villeiftain ne fait pas ,,par les deux volumes que bous venons d'analyser, ses adieux à la

5W J0URIIA4> OEB SAVANTS.

Massyles et les Masiéayles -étaient les premiers peu^es nomades qui se fuBsent offerts aux regards des Bomaios, el, quoique, depuis, Massinissa eit BÏ» ««dt.cn ouvra pourles ameiter-l gSUe de vie plus Jac- odvd avec les progtès tle ta oîvilÎMitiQn, copendiAt, sous rè^e «le KHI pettt-^, aiasi que k &it observer SaUotte', tb étaient toujoors beinooiq) phis- ocoupéa dn «oin de leurs troupeaux qu« de tout autK (^]^i «t, suîiHaat fasbertàon du mmat éc^^ain^ i l'époque de b guMre de JugoMia, tes Gétules, «titre peuple pasteur, étaient encore preHpie incoonuK aux Romains. Pdybe, voûtant désigner d'une lûa- niAve ocractéiBstiqne ces bontmes 'OOurageuK et endurcis è la £itigiie, qui aicdeiit été pour^Home des alliés si utflM ou des ennemis si dai^ereux, leur donaa l'^ithète de N«p«'Ac. Les Romains, en faisant passer ce mot dans leur langue, le reproduisirait sous une forme in- solite, ceUe de iVomiib- Ce dernier nom, adopté par les historiens latins, SaUuste , Gésar, Tite-Lûrc et autres , resta attaché aux peuples qui ha- bjtwent une partie -de l'Afrîqut eeptentrioDde. La Numidie foroM une ditision Importante du territoire i[ue les Romains occupaient daascette partie <d« monde, et ce Aom se perpétua jusqu'à 4poque la puissance romaine céda aux «nnea victorieusea des Arabes musulmans. 11 est micne extrêmement reioarquable , ^Knque le Eût n'ait été signalé par pectoane, quie jusqu'à nos jours, dans ia langue des Arabes, les peuples imbgèalH qtf habitent le nord de l'Afrique sont désignés par un nom qid retrace paHaîteroent ctivi %k Nq^ûAc. Comme cette assertion peM, au preoKelr abovd, sembler un paradoxe, je me hâte de Iburnir les .pietrves tnt lesquelles est appuyée mon opinion. La laïque que pnleittlestiidtîtBntsiDd^nesdunordilel'Afnt^ est souvent désignée ftr le DOm- de Ouamia ^ tiu Sclmviak* ; et les peuples ches qui elle est en uH^ sont également nommés iSoAaiMs, Jif^w. On lit dans l'histoire d'^|f|)te de 'M«lutli^ qu'un vixir du royaume de Fei koplora le sepouKB'des &lil«v etlenrenTOyades sommes d^arge^conaidérables.

400 JODRNAL DES SAVANTS.

traitables conservaient lea mœurs et les habitudes de letirs ancêtres, les dés^èrent par un nom qui exprimait ces habitudes pastorales ; et cda, probablement, sans se rappeler que , dans des temps fort anciens, les pères de ces mêmes hommes avaient, pour la même raison, reçu des conquérants grecs et romains une dénomination qui exprimait une idée parÈdtemenI analc^e.

Je ne m'étendrai point ici sur ne qui concerne l'histoire des NumidesT cette histoire, presque entièrement dénuée d'intérêt, n'oQre, comme on sait , qu'une suite de guerres , d'incursions , de scènes de carnage ; et je ne pourrais offrir h la curiosité de mes lecteurs aucun fait nouveau et d^e de leur attention.

Mais il est un point qui , si je ne me trompe, mérite une discussion un peu approfondie. M. Gesenius, dans plusieurs passages de son sa- vant ouvrage sur les inscriptions phéniciennes , ^ pri^tendu que la langue punique était la langue que parlaient jadis les Numides. Comme je ne saurais souscrire à celte opinion, je vais examiner les raisons sur lesquelles cet érudil si estimable et si judicieux a cru pouvoir ap- puyer son hypothèse.

Sulluste, dans le récit de la guerre des Romains contre Jugurtha, traitant de l'origine des Numides, atteste que les reose^ements dont il donne le précis se trouvaient consignés dans des ouvrages puniques qu'il s'était fait expliquer, et qui avaient, disait-on, pour auteur le roi Hiempsal.

a* Gcéron , dans un de ses discours contre Verres ', rapporte que la flotte de Massinissa, ayant enlevé du temple de Junon, situé dans rOe de Malte, des dents d'ivoire d'une grandeur extraordinaire, ce monarque les fit remettre à leur place, et ordonna de graver sur le monument une inscription en caractères puniques, attestant que ce vol sacrilège avait été commis à l'insu du prince , et que la resti^ption avait été el^tuée immédiatement. Or, -suivant le récit de Valère-

402 JOURNAL DpS SjAV^NTS.

t'On cni' cette époque les Prussiens, tes Suédgis, les Russes et les Turcs n'avaient ^as d'aufr^ langage ^e le français?' Si un voyageur, arrivant dans le Âiyauùie '<le Lahore', entendait'' commander f exercice en Ifti)|^é"^ran'çai8e, Sërait-it aut6rîs£'&~adm«tfré cdtnibe ceitain que l'idibibe dtiPebdJfJb esi identité' avec çéloi que Ton parle en'France? n est à croire que les Numides, n'ayant & leur disposition qu'une langue rude, ^rossièra, imparfejte, employaient de préférence le langage poli et'éfégaht que f on parlait' i Carthage. C'est ainsi que , depuis la conquête de l'Afrique par les Arabes, les hoinmei! instruits, parmi les peuples de cette omtréé, ont étudié avec empressement fidiome de leurs vain- queurs, ctijiie, sauf nn petit nombre fexoeptîoiM, les ouvn^efl com- posés pardeséorirainsd'origine'berbère oiit été rédigés en langue arabe. Le passage de Valère>-Maximie; rapproché de celui de Cicéron, ne prouve pas davantage. D est probable que l'inscription gravée par ordre de Massinissa dans le temple de Malte, était en caractères puniques ; car il est douteux que , sous le règne de ce prince, les Numide* eUsIsent une écriture particulière. La langue de l'inscription jpouvait être la langue numide ; mais il n'est pas même nécessaire d'admettre ce fait; et l'on peut croire que Massinbsa employa de préférence le tangage comme le caractère puznqœ. Vslère-Maxime ayant lu dans des écri- vains antérieurs qu'un monument avait été gravé par ordre de Massi- nusa, a conciu naturellement que ce prince avait faire usage de l'éa^be^ et deJà langue usitées pctrmi ses st^«ts. ' biiitseriptian numidique , dont on invoque le témoignage avec tant de CompUisande , en supposant qu'dle ait été bien lue, bien eipliquée, dit-^e-réellementce qu'on lui fait dire P Pour moi, je ne puis me per- suader' qu'un ' monument d'un style si hideusement barbare ait été élevé aux frais et par ordre d'un roi de Numîdie, d'Un 6ts de Massi- nissa. Sans doute, on est en droit de ci'olre que les Numides, entière- mentlivi^s k la vie militaire à la vie pastorale, étaient de mauvais

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dénominations phéniciennes adoptées réellement par les Numides n'avaient éprouvé aucune altération. Les noms Adherhal, iBomilcar, etc. attestent suffisamment l'opinion que je soutiens. Donc , le nom de Hîëmpsal, qui a une physionomie tout à fait étrangère, n'a rien de commun avec le motHakembaal et ne peut pas être regardé conmie ayant lihe origine punique.

D'ailleurs, Texisteiice d'inscriptions punicniçs dans le royaume des

|kT , . J . '•'''•fil' * , I 1 ' 1

INumides ne prouverait pomt quelles eussent été gravées par les ordres cTindividus natifs de cette contrée. Il existait sans doute à Cirtha, et dans les autres villes des états de Syphâx et de Massinissa , un assez grand nombre de Carthaginois , que les chances de la guerre , les af- faires commerciales bu d'autres motifs y avai,ent amenés, et qui, sur cette terre étrangère, avaient conservé l'usagé de leur alphabet et, de leur langue maternelle.

Quant au mot qui , suivant M. Gesenius , représente le nom des Mas- sésyles ou Massésyliens , son étymûlogie me p^trait fort douteuse. A-t-on jamais vu un nom de peuple commençant par un mot qui si- gnifie Opem^facta? Je dirai tout à Theure ce que je pense de l'origine de ce nom.

Tous les noms propres de personnes', tels qu'ils se trouvaient chez les Numides, ceux du moins dont les historiens grecs et latins nous ont conservé le souvenir, sont, malgré l'assertion 4e M. Gesenius, étrangers à la langue phénicienne. Les mots Massinissa ^ Gulussa, Hiempsal , Jugurtha , Massiva , Gauda , Massugrada , Narava , Nab - dalsa, etc. ne peuvent, j'ose le dire, être ramenés à des racines hé- braïques. Les efforts qu'a faits à cet égard le docte écrivain que je combats n'ont abouti, qu'à deç résultats peu satisfaisants. Si Fon veut examiner les noms des villes situées dans l'étenàue de l^eqapire des Numides, on trouvera également qu'ils offrent des formes tout k fait insolites, qui ri'pnt pas le moindre rapport avec la langue punique. Il faut toutefois excepter la capitale du royaume des Numides , la vule de Cirtha, dont le nom est i^hénlcien et signifie vilie. Mais ce fait peut s*expfiquer d*\me manière fort naturelle. A l'époque Syphax fonda cette ]^lace, les Numides, adonnés jusqu'alors à la vie pastorale, ac- coutumés à vivre exclusivement sous des tentes, n'avaient point dans leur langue' un mot qui expriipât ndée de ville. Aussi, lorsque leur souverain voulut se créét une capitale, il dut emprunter h la langue des peuplés voisins',' c'est-à-dire des' Carthaginois ,1e nom* qui allait dé* signer la nouvelle ville. C'est ainsi, et par le même motif, que les Ber- bères, ne trouvant point dans leur idiome uq mot qui indiquât une

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404 JOURNAL DES SAVANTS.

ville , ont adopté le mot arabe médinah, iUj*>w* , dont ils ont l^èrement

modifié la forme.

An rapport de Salliute ' , la ville de Leptis Magna devait sa fondation auxSidoniens; mais les habitants, ayant contracta de nombreux ma- riages avec les Numides , avaient , par suite de ces alliances , altéré leur langage. Donc, dans fopim'on de l'historien latin, la langue des Nu- mides était complètement diJIérente de l'idiome phénicien.

Enfin , le monument bifingue qui existe i Thugga vient encore à Tappui de mes assertions, fji efiët , comme ce monument se trouve dans une viUequi faisait partie de Tancien royaume des Numides, il est probable que l'inscription inconnue qui accompagne l'inscription pu- nique est véritablement numide. Or il n'est guère à présumer que les deux inscriptions soient tracées dans la même langue et seulement en caractères différents. On peut croire , avec beaucoup plus de vraisem- blance, qu'une des inscriptions est la traduction de Fautre. Ce monu- ment, autant du moins qu'on en peut ji^er paf les copies imparfaites qui en ont été publiées jusqulci , est une pierre tumulaire élevée en l'honneur d'un Numide, dont elle ofiipe la longue généalc^e. Je dis que le personnage dont le cippe nous a conservé le souvenir était un Nu- mide ; et en effet, l'inscription punique parait avoir été gravée avec une n^^gence qui tient de la barbarie, tandis que Finscription correspon- dante , quoique fiiiste et incomplète , a été tracée avec infiniment plus de soin et d'exactitude; et, pour le dire en passant, cette circonstance opposera toujours un grave obstacle au déchiffrement entier de Tîns- criptioo. En effet, les noms que nops ofi&e cette pierre, appartenant à la langue des Numides, présentent des formes étt^ngères, inconnues, qui n'ont pas le plus léger rapport avec ces dàiominations significa- tives dont les monuments phéniciens et puniques nous retracent de nombreux exemples.

n est certain que longtemps avant l'établissement des colonies phé-

406 JouRWiït 6E^ Savants.

Essu ;(!« ç/oMJjïcafîoR cibron^ dfiPk^fite..

... il .OlrâlàlB AEIICLB. , .,

Nous reprenons le travail où' M. WincUschmann l'abaodoniiÊ' is»ét avappé déji.-,^papa#^en(t^sn9Uf çstfo^oudeceux auquel» il lexède, sag{tcioribm:^l^aç; Afai8,nqu) profiterons de l'avantage qae nous donne po|re cOEficfierpp ;^f)tînie do.plu^jeifrs années- ay«p,ie poète lui-oiéDie<.

..Onjroit^^i^^^ÎH^i^^ffif'ii'iétùtfatigué-àJa^ d estfaçiic^'ep jitgçf^à l'inattention aveclaqudlesavueapaesé sur les endnïits.qv'il a notés. Le vers du, prologue d'Amphitryonoe saurait être une ^joDoncede^ paix publique', etl'esjiression^poefaram/utf^ veut dire, non pas. que Pkute.^if à lajlear êe sonâge quand il éctivît la Ctfsiviêf maÎBiqu'ililocisfiait et ^rUlait entre tous les.poètes..

CeprolegUje.£|it daosup temps Plaute avait cessé de vivre, ses ouvrages cofpptaiei)f,déjà panqi les ouvrages anciens ^ , ne nous appreod rieq.spr^répoqi^e. probable de la première représentation, sinon que l'a^^lir Jopjst^ .f^OKs de tovt l'éclat d«i sa renommée. Il avait atteint proinablement ^ue d.e5, di;( d^nù^es années de sa vie; car on était venu à ces joursdeqif^dpins,le;quebla'V!ieiUe8selatûft-|4çliaitde repousser par tot;ta ^es moyjens possible^, et surtout parie ridicule, les bouvelles modes grecque^. (Jn libi^rtin dan» cette comédie, s'écrie avec un fier dédain, m^jgiie ironie du poète satirique : « Qu'on m'apprête im festin q^pi'enivre, uçi,,n^gaifigue, service, je ne veuK plus vivce comme un La|tin.: ni/ jiutror hoFhtujxQ rUa etsa. » Et quand jg ce dùdogue d'un n>ari tout. ç^ii^iSj.tou^troufalé en présencé^de sa {«mne^quilui avait

nos JOURNAL DES SAVANTS.

<^UMf w imeapù6i na, fwufw ùutftHify; Bt *ti ionù DM tottmqne onuMÙ MRfut Uàadfùtnvebû ,.

Lnermmmtpermii»voiinitmpernlf»tiit'.,ak.

BtagoH fwfor d> vcHà tt npsUÏM*. EtaiUeun:

Fô^li Jimit (Jofilvr) m tielpnH imm*. Ce monologue d'Alcmène est encore bien remarquable :

Sotaimmilû nuac videor ipàa ille kine abit , qwmtyo aiM prmlêr omimi ;

Plm* mgri tx abiOt viri, ^wmn ex mfcMfn wluptatù oipi.

Sodioe ma htat laîltm, ^woi perdm^Uit vidt , ttdonim

LmmSt eompot maùt, id wlutw'tt; altit. ibutinwdo

LtÊÀiftrtmêomMMraàfMttf.firttm tt pttjtrtan aiqut

AUtwffi ejat aidmoforti atqut e^^nnaio , id modo h mercodit

Datiu- Mik', mt nieof melorvir belH claMt, ntù

MUù eue daetm: virtat jmiminm'tt optuman.

VirtMt ORuibu rehoi antnt profoelo.

LAtrlai,$almM, vita , ra , partHteû ,

Pmlriaetproyaati tatoHtar, MreaRtw;

VtrfluonuuainM Aoitft.-onwtaailHMtiona, fMmpmtw eitvirlv*.

C'est l'ftme du sénat romain qui a dicté ces vers. Voilà par quelle fermeté il soutint et répara le désastre de Cannes , et comment Û triom- pha d'Annibal par rinâ>ranlable constance de Fabius Cunctator , aidée de l'épée de Marcdlus , en attendant le génie de Scipion.

kie JOURNÎHi D15S' SAVANTS.

Sl^ftlir«n eni/idnttis, «D'taAp «&MrMi./Mi

Sm iMMc bgmui, eapim extreitatqae eorvm

Vi, jMgtuuido, pmjiaiû nottriâ, «uge, potiti.

ïd viriSte hujat eojûeg» mtoqua comitat*

Factmm'it^ Cela ne reuemble-t-il pu à ce coimnencemeatdu rapport d'un coostd vainqueur au sénat : P. C. (food beUe annuque in Latio agendnmfait, id jam denm. beni^nUaie ac virtaie militam. adjmem veiàt; cœsi ad Pedam As- taraitufae mat exercitas hostiiim\ etc.?

Mais qudlle expédition Ï^Utie avaitit «n tue ? C'est ce qu'9 est im- possible dé deviner; et, pour (H)itibIed*enibaiYas,fl se rencontre dabs la comédie un vers interpolé qui nous retmrraît à plus de dix ans après ta mort du poète. Une conrtisane déclare qu'3 lui faut de l'argent comp- tant ; [larce qu'on ne lui feit crédit ni cbee le boulanger ni chet le mar- chàhd de vin :

Grmoa netaùnmrfida,

QmmapiÊtorepaiumemmMt, wbaMe»anopotio; et Pline assure qu'il n'y eut point de commerce de boulangerie à Rome juM[a'à la guerre contre Persée : pistores Ronue non fœre ad Persicam as- qae beUam, annis ab urie condita saper dlxxx^; et le témoignage de Pline dâmble confirmé par- celui de Varron : nec pistoris nomen erat, aUi'éjiu qtn ruriJHrpinseBat, nominati ab eo (foodpinseret*.

U faut renoncer A toute conjecture; à moins que, saisissaot le Bl le plus mince pour se conduire, faute de mieux , on ne remarque d'abord dans le prolc^e l'expression vortit barbare qui indiquera Topposition des Romains et des Grecs, et qu'on n'insiste sur ces vers :

Qmatrid^am hoc aman modo rota opvramadtidaain dedi,

Damr^eriam.QmQVMVrgt AROBicmii il» FomBs',

4112 JOURNAL DES SAVANTS.

nSùl tnvcnwM, si ce n'est, oe que tout le monde tait. qu'É

plus ancien que les Bacchis^.

Mais en quelle année lesjeiu scéniques furent-ils égayés par Jes plai- santeries d'Ëpidique ?

C'était une année dans laquelle les plaintes' du peuple s'élevèrent avec plus de force contre les injustices commises au profit des familles privîl^ées, ou furent exprimées plus hautement par une voix puissante.

Lorsque les soldats , malheureux déhris del'armée de Cannes, relégués en Sicile , vinrent demander k Marcellus qu'il leur fi^t permis au moins mourir encombattantpourlarépublique.aulieu de languir inutiles sous le poids d'une condamnation , ils disaient :

« Nous savons que les autres qui ont échappé comme nous au car- II nage et qui furent nos tribmis militaires , briguent et obtiennent des «honneurs, exercent des commandements. Etes-vous donc indulgents net faciles pour vous-mêmes, P. C. sévères seulement envers nous, "êtres vils? Le consul, les premiers de l'Etat pourront fîdr sans igno- » minie quand il nVf aura plus de ressource , et les soldats sont envoyés n au combat pour mourir, quoiqu'il arrive ^ I m

Ces paroles ou d'autres équivalentes se répétèrent sans doute plus d'une fois dans les conversations de la multitude, lorsque Caton revint de sa questure d'Afrique , Û n'avait pas été lié avec Scipion par cette affection filiale qui , dans les idées des Romains , devait unir le questeur au prêteur ou au consul^. Lorsqu'il fut ensuite lui-même promu au con- subt, ces accusations prirent-plus de hardiesse et de consistaoce. Nous aurons lieu d'observer plus d'une fois le poète comique faisant cause commune avec le sévère antagoniste des novateurs et des privilégiés. C'est ce que nous voyons déjà dans Épidique :

Epidiccs. Quid hmlû nûilerJiUlU ? vaUl?^BUruo. Pagibct a/f ne afAbh'ce^ &ID. Vobiptabilei» miki twatiam tmo auntioailalati. Sed oii

Esta? Th. Ad^iûtimal

JOURNAL DES SAVANTS.

Mbgaookds. Nulla igitar £çKt : eqtâJ^ «ioMm ad te o^tefi Myorem nadio, tibi qnam erat ptcuiù». Enm niihi quidam mqaom'it pcipdrui atq»a AOHUH don, Anâliai, bwIm, aaUoMt, pe£t»^aai, SaUuigeraiotpwni, VBBicnu qui yehar. Edglio. Vl nufronarvin kicjaclaperymnitpn^! HiGADOftus. Nivc. fnofBovfiiùu.^rfupIspdroramÙKediiu ViJeai qnam ruri, quiado ad viBam vm^is.

StalJuUo.phiygio.aurifuc.lanarfat. Caupoiuipalagiarii' , «te.

Suivent doiue vers tout remplû de noms d'ouvriers et de marchands occupés de la toilette des dames. Mais les termes de la loi Oppia, auram , parparam, véhicula, n'auront pas été mis sans dessein et sans à-propos ; et le mot piaastroram laisse voir que le luxe alors n'avait pas encore fait assee de progrès pour qu'on distinguât bien dans l'usage les voi- tures de ville et celles qui servaient aux exploitations agricoles: le carrosse de plus d'une patricienne était encore un chariot, quoiqu'il y eût déjà quelques chars ornés d'ivoire, ebarata vehicuia^. Ce n'était pas assurément la femme de Caton qui se faisait voiturer ainsi; mais les élégants avaient ramené pour les leurs des ouvrages de charrons grecs , chars de triomphe pour la coquetterie et la vanité.

Quant aiix Bacchis , dont l'âge est consigné dans la pièce même , du moins relativement à Épidique, en quel temps les placer P non loin, sans doute, l'année qui vit paraître Épidique. Ne serait-ce pas lors- qu'on se plaignait des vices introduits dans les laimlles romaines, dans l'éducation de la jeunesse par les légions revenues de Grèce et surtout d'Asie? Le pédagogue Lydus n'aurait été que l'interprète des mécon- tents, qui s'affligeaient de l'oubli, du mépris dans lequel tombait l'ancienne discipline, l'aDcienne éducation^. Et cette saillie de Gbrysale :

JCILLET 1858. 415

d*aiUeur8 ce qu*il y avait de glorieux dans ia victaÎTe avait été conquis d'avance dans la journée des Thermopyles^ Quelque retentissement de rémeute des Bacchanales , ou des bruits précurseurs de cet événe- ment, semblent se faire entendre dans ce vers :

Bacchides ! non Bacchides, sed Bacchœ snnt acerrumm * ;

comme dans ce passage de TÂululaire peut-être, lprsqu*un cuisinier s*en(uit de chez Tavare qui le bat :

Neqne ego nnquam, nui hodiead Bacchas veni in Bacchanal coqninatum ,

Atat, perii, hercle, ego muer, Aperit BacchanaL

Les deux comédies ne furent pas séparées, je crois, par un très- long intervalle; elles ne remontent pas beaucoup en deçà, et ne vont guère au delà de l'année 55g.

Alors se consommait cette grande révolution dans la vie privée et dans les habitudes intellectuelles de Télite des Romains, révolution commencée par la conquête de Syracuse, étendue par la conquête de la Grèce, décidée par la conquête de l'Asie. Les autorités ne manquent pas à cette assertion. Écoutons d'abord Plutarque en prenant Amyot pour trucheman* :

« Au demourant , Marcellus estant r'appellé par les Romains pour la «guerre qu'ils avoyent dans leur pais et à leiu^s portes, s'en retourna « emportant quant et luy la plus grande partie des plus beaulx tableaux, «peinctures, statues et austres tels ornements qui feussent à Syracuse, «en intention d'en embellir son triumphe, et puis après en parer et « orner la ville de Rome , laquelle auparavant n'avoit ny ne connoissoit « rien d'exquis ny de singulier en ^els ouvrages : car ceste polisseure « et ceste grâce et gentillesse d'ornements de peincture et de sculpture il n*y estoit point encore entrés , ains estoit seulement pleine d'armes « barbaresques , de hamois et de dépouilles toutes souillées de sang . . .

tt et pourtant en acquit encore Marcellus de tant plus la

« bonne grâce et la faveur du commun populaire, pour avoir ainsy embelli « et esguayé la ville de Rome des ingénieuses délices et élégantes vo- « luptez des Grecs; mais à l'opposite Fabius Maximus feut plus agréable a aux vieulx pour n'avoir rien emporté de semblable hors de la ville

« de Tarente, quand il la print et au contraire

«les gents d'honneur reprenoyent Marcellus, premièrement pour ce « qu'ils disoyent qu'en ce Élisant il avoit suscité une grande haine et

* Tît. liv. XXXVn , 59.— » Act m , se. I , v. 4.— Édit. de Bastien , t. lU. p. i a 1 .

4IÔ JOURNAL DES SAVANTS.

« envie contre la ville de Rome et puis pour ce qu'il avoit

« empli le commun populaire de curiosité oisifve et de babil, atteudu « qu'il ne ^isoit plus austre cbose, ta pluspart du jour que de s'amuser A « causer et deviser de l'excellence des ouvriers et de leurs arts et ou- (c vrages , auparavant ils n'avoyent accoutumé que de labourer ou « de faire la guerre, sans sçavoir que c'estoit dedélices ny d'oisifve su- « perfluité. » '

Les vieux , comme dit IHutarque, avaient horreur de la Grèce et de l'Asie, ils les confondaient dans une même haine. Les Grecs , pour eux étaient, non pas seulement dans la Grèce proprement dite {parva Grmcia^), mais aussi dans les royaumes des successeurs d'Alexandre, dans les cités de l'Ionie et.des Ëes delà mer Égie, d'où étaient venus, d'où venaient saps cesse ft>ndre au sein de Rome les fléaux corrupteurs. Gaton devait frémir quand on lui disait que Fulvius Nobilior avait consacré aux Muses les dépouiUes de la guerre ^. Aussi lui reprochait-il d'avoir mené parmi les légions, sous sa tente, des aventuriers, des parasites. Ce parasite, c'était Ennius^. Caton ne cessait point de décla- mer, oupourgarder l'expression toute romainede Tite-Live*, d'aboyer contre Scipion, le chef du parti des Hellènes, qui s'était plu â porter le pallium et à chausser le brodequin en Sicile =*, et il rassemblait sous son étendard tous ceux qui pensaient que la vertu romaine ne pouvait se conserver qu'avec la rusticité et l'ignorance des ancêtres. Caton ne se contentait pas de signaler l'introduction des arts et du luxe comme un signe de déct^deuc^e, selon le langage que lui a prêté Tite-Live, studieux explorateur de ses écrits; /a Gneciam Asiamqne tnmsceadmas , onmibas libidinam iOecebris repletas, et Tegias etian attrectOmas gazas ; eo plas horreo ne illiE magU res nos cepejiitt, ijnam nos illas. Infesta, mihi cré- dite, signa ab Syracasis iUaia sai^t kaic arbi. Jajn nimis maltos audio Corintkiet Athenaram ornamenta laadaniet mirafltesijue , et antejixa fictilia deoram romanorum ridentes ". H éclatait en invectives bien autrement

418 JOURNAL DES SAVANTS.

entre les Romaiiu appdaient Les ^réaUes, les plaùaïUB, les citadins ,

scarrœ :

ToaRÎrii.fu WnnlilaJatim.ftniiicafntnuR ia>ia, i... . omMÛmMâmiah iolmn'.

n .fallait qu'il' y eût alors une grande animosité, que les partis fus- sent en présence et pour ainsi dire sous les armes ; la pièce serait ainsi riiiikdiée aux demien temps de la vie de I^aute. Un renseignement plus précis ne laisse plus de doute sur l'année même. Un des person- nages.an donnant les adresses de différentes espèces d'habitants de Rome, dit qu'on trouvera les libertins et les dissipateurs près de la basilique , soft wuîKca (jaœrito*; on n'en comptiiit alors qu'une seule à Rome, et nous avons d^à vu qu'elle fut bâtie par Caton pendant sa censure , l'an 5^0 , au de\k duquel Plante ne prolongea pas sa carrière.

Dans Psettdobu, figure un niais, messager d'un mijitaire; et ce mi- litaire est un Macédonien, détesté des deux amants qu'il désole^ Le dikcouTs du grand machinateur d'intrigues est semé de mots . de phrases grecques. Ce fourbe veut se faire passer pour un esclave d'une autre maison que la sienne , et le nom setd de Synis , qu'il s'avise de prendre, ina^dre k l'inteiiocuteur une déBance qui Édt rompre brusquement l'en- tretien.

> Habpax. CommeDt t'appelles-ta ?

« PsEDDOLDS, à part, Bfdlioa a un etcUve nommé Sjnu. Je dirai que c'est moi. I (Baal.) Je me nomme Syrus.

tHABP. Syrusl

^EDD. ' Oui , c'est mon nom.

Hakp. Asseï; caus^. Si ton maître est diei lui, lus'4e venir, pour que je « m'acquitte de mon message, qud que «nt lenomqoetu porte**. >

Dans une autre scène, Pseudolus entendant le fripon qu'il emploie comme auxiliaire mêler à ses impostures une maxime de philosophie , s'écrie, comme certain désormais du succès de ses complots : Le voilà

420 JOURNAL DES SAVANTS.

plus n^ligées de Haute ; et cepeDdant «lies Tiennent dans l'ordre des temps à la suite de ses chefs-d'œuvre.

En ce qui concerne ^ûhas, je ne veux pas tirer un argument dé- cisif de la chanson loute grecque chantée par un des convives.

nmir'k m', n rpU mît', 9 fii ntlttf»^.

Je n'allouerai pas comme preuve convaiBcante la mention des dan- seurs ioniens'.

Mais lorsqu'on lit dans Tite-Live que les vices des nations étrangères furent apportés à Rome parles années d'Asie, que ce lurent les sc^dats de ces armées qui introduisirent les lits d'airain, les couvertores pré- cieuses, les tapisseries au petit point et les autres tissus et les meuhles de tuie; que ce lut depuis ce temps qu'on connut dans les festins les joueuses de harpe, les joueuses de luth et tous les artistes dont la pré- sence ajoutait à l'agrément des festins : liprimam lectos araios, vestem stra- ÎaJam pretûtsam, plagalas et alia textilia advexerunt. Tanc psaHria tam- acistnaqtte, «t conoivalia ludionam oblectamenta addUa epolis* ; etlorsqu'on Ut ensuite dans les scènes du poète cette description des richesses rap- portées d'outre-mer par le maître de Stichus:

Tmni Babyhnica perùtromata. eonsuta^ne Uipetia

Advexil ntminm bonm rti

fidicinas, tibicinat.

Samiueiitat atbiexH

Ptutea angiKitla multigeneram malta*. . .

alors il devient comme évident que le luxe asiatique était entré k Rome avant que Stichas se montrât sur le théâtre des Romains , peut- être un peu après Pseadolas, qui a aussi sa nomencUrture de beaux ouvrages d'Orient :

M2 JOURNAL DES SAVANTS.

Q faut prévenir une objection. Tout sa commencement de )a pièce , un honnête campagnard dit ii on fripon de citadin : « Tout le monde ne peut pas sentir les parfums étmugers , olerv sngumta exadca. ■> Si l'auteur voulait rappeler ici l'ordonnance des censeurs, de 565, ce ne serait qu'une addition faite dans une seconde ou dans une troisième repré- sentation. Mais il est possible que les plaintes des moralistes sévères, les sarcasmes des nufici contre les luhaid, aient |vécédé de long- ' temps l'ordcmnance.

En récapitulant les articles de la discussion qui précède, on peut établir entre les pièces de Plante l'ordre chronologique suivant : trois ' de ses meiUera^s compositions dramatiques auront été des premières en date:la3fo5(cZfcirw, vers fan SSy; Amphitryon, peut-être un an ou deuS après; les Ménechmes , vers SSg ou Sâro. Puis viennent entre 5AA et 5^8 te Rudens et le Mercator; le Mile» ghriosas es\ à peu près du même temps, 5^9,550. La Cûfe/bria a paru, peut-être plus tard de deux ans, bien inférieure Ji ses aînées. Le Persan, comédie fort médiocre d'in- vention, dutétre donnée en 555 ou en 556. Mais le Ptenuku venait avec Epidique et l'Aulutaire soutenirla réputation du poète en ce temps (559) ; c'était l'année du consulat de Gaton. Dans les années suivantes , de 56o à 568, Plaute prenait sa revanche d'une manière encore plus éclatante, en produisant Pseadolas, peut-être l'Asinaire, le Tiinamas et les Baxclàs. Stichau et le TracaUntas se mêlent à ce groupe, quoique peu dignes d'y tenir leur |^ace. Gasine , a suivi aussi l'an 566, sans se feire }>eaucoup attendre. Enfin un ouvrage Ëiible, Curculion , une belle inspi- ration de morale et de poésie, les Captifs , terminent les travaux de l'au- teur, presqu'en même temps qu'il cesse lui-même de vivre, l'an 5^o.

Ainsi , sur cette liste , les œuvres du poète se succèdent; non suivant une progression constante, régulière, idéale, mais avec les intermit- tences , les inégalités , les écarts du génie de l'homme , et d'une manière

424 JOURNAL DES SAVANTS.

importé récemment à Rome germait, florissait dans ce petit cercte d'hommes d'élite. Mais Ptaute ne vivait pas dans la compagnie des gens de bon ton, des élégants. Il se moquait de l'urbanité dans tes satires comiques , il vantait les mœmv rustiques , les moeurs antiennes , l'ancienne simplicité. B garda les formes du vieux langage, parce qu'il était du parti plébéien , du parti de l'antique Latium , du parti de ceux qui se vantaient , comme Marius s'en vanta plus tard encore , de ne savoir pas les lettres grecques, et qui montraient au doigt les disciples des lettrés et des philosophes, en disant : u Celui-ci c'est un Grec, c'est un ' écolier '. u Ces gens-là ne changeaient point leur ignorance et leur grossièreté romaine contre les délicatesses des Grecs; changer, selon eux , s'était se corrompre , et on les flattait en leur disant comme le pro- logue de Casine : «vous aimes les vieilles comédies, tes vieilles expres- sions, de même que vous aimei le vin vieux, a

NAUDET.

Opinions populaires et scienti^ques des anciens sar les éclipses'.

On s'étonnera peu sans doute qu'Hérodote et ses contemporains, ayant de si étranges idées sur le soleil et ses mouvements, aient ignoré la véritable cause des éclipses. Les historiens des mathématiques et de l'astronomie, en rapportant quelques preuves de l'ignorance des Grecs sur ce sujet, même à des époques assez récentes, en ont témoigné leur surprise; ils ont presque douté de la réalité des laits; dans tous les cas , ils n'ont su comment accorder ensemble l'état des connais- sance's positives, et l'imperfection des théories. Cela vient encore, à

42(^ JOURNAL DES SAVANTS,

pas ikit meotion s'il l'eût connue. C'est dans l'optique seulement qu'il eo parie, sans toutefois en marquer la quantité, ce qui a donné lieu de présumer ^ que le phénomène ne lui a?[«t été connu, qu'après la com- position de l'Almageste.

On ne s'étonnera donc pas que Pline ne puisse comprendre que la lune s'éclipse lorsque les deux astres sont k la fois sur l'boriion, et qu'il regarde le Ëiit comme merveilleux, presque comme un prodige qui s'est produit une seule fois k sa connaissance^.

Quant à Ptolémée, il n'en dit pas un mot dans le long chapitre qu'il consacre à la théorie des édipses de lune. Certainement il ne pouvait en^orer l'existence, puisque le phénomène se reproduit, pour les édipses de lune, une fois pendant chaque période lunaire. Maïs un tel ph^omène aurait fort embarrassé sa théorie, et peut-être a-t-il jugé plus sûr de n'en pas parier du tout. C'est le parti que d'autres astro- nomes avaient adopté ; car Gléomède , qui écrivait un siècle après Pto- lémée, assure que, jusqu'à son temps, aucun mathématicien ou philo- sophe, égyptien, chaldéen et autre, n'avait jamais fait mention , dans ses catal<^es , de pareilles éclipses , quoiqu'on y eût consigné un si grand nombre d'éclipsés totales et partielles '. Cet auteur assure que, de son temps encore, il y avait des gens qui combattaient le système de l'interposition , en lui opposant le fait des édipses horizontales *. Embar- rassé lui-même de l'objection, il ne sait d'abord comment en sortir : il prend enfin le parti de douter de la réalité du fait; il n'est pas même éloif^é de croire, avec d'autres, qu'on l'a inventé tout exprès malicieuse- ment pour tourmenter les pauvres astronomes^; comme poussé à bout, il se hasarde à conjecturer, supposé la réalité du fait, qa'il pourrait bien être causé par quelque propriété de l'air, et être analogue à ce qui se voit quand on met une bague au fond d'un vase : cachée par les parois quand il est vide , die devient visible lorsqu'on le rempUt d'eau *. C'est l'explication véritable qu'on trouve exprimée plus dairement encore

428 JOURNAA- DES SAVANTS.

A «ette expUcatioD' app^ilient l'eipression qu'I^n^ère emploie â prMK», d'une éclipse de soleil : fliAisc À evoveû t$«un^«Xi.> , sol de cah peritt. Le sens que^e poète at^die'Â r,e;xpreq9ipn «ùotraû.^fçK^AMAi est expliqué par deux autres passages 'i

D'après l'idée que, pendant les éclipses, les astres monraient ou quit- taient le ciel niQnieotanément, ces phénqmèntis ^usaient une extrême teiT«ur,j.D8«B un passage trèsrreiparq^able, f^lularqiie cite, les anciens poètes Uùanenue, Çyd^ (incipnnM]. Arcbilqque:, Stésichore et Pîn- dare, qui, à l'occasion des éclipses,, 9e laro^lçnt, pendant que l'astre lumipeujL est démbé du ciel ^. Le passage dçPiudane anquelU £iit allusion a été conservé par Denys. flllalicarnas^ * ; ceux des. autrej^ poètes ùtés sont perdus. Ainsi, entre le vii* et le v* siècle avant notre ère, l'idée que le soleil et la lune étaient (î^ra^^i [K}>%-!flîfii>u), eidevé$ du ciel lors des éclipses, se présentait naturelleuient à la pensée des poètes, et iàisait partie des préjugés dominants. Cela est coafirn>é par un texte de Pline ^ qui rappelle, sans les citer, les yers de Pindare et de Stésichore.

On s'imagina que ce déplacement op cette destruction momentanée de l'astre pouvait être l'effet de la volonté particulière des dieux, ou de procédés magiques qui avaient la puissance d'éteindre l'astre ou de l'attirer sur la terre. Les femmes de Thessalie, magiciennes con- sommées, furent censées spécialement, ji,avesties de ce pouvoir mallai- sant, qu'elles exei'çaient principalement sur la lune.

Tiedemanp ^ pense que .cette superstition n'a pris un véritable crédit que. vers le temps d'Mexandre; mais une .çi^yance a^ssi absurde ne peut oaîuenise développer à l'époque les sciences se perfËCtiounenti il fiuit, Au contraire , qu'elle ait été de bonne heure earacinée dans les esi^ts duvulgaii^e pour résisterensuite.aux progrès des connaissances; elle y reste «lara comme un souv9nir^pi;aibf)dqu''eutratieim^ntles fic-i tions et les alluaions des poètes. Jf^ penpedpuc qup. c^t^ sup.erstiiiQn est primitive, et probablement aussi apclenoe, que U çroyaqçe ^ la nécro-

450 JOURNAL DES SAVANTS.

Ménandre Tavâit employée dans sa Thessalienne ^ et il en est &it men- tion souvent dans les poètes anciens ^.

C*est à cette superstition que se rattache Tusage de produire un grand bruit, au moment d*une éclipse, soit en frappant des vases de métal\ soit en faisant crier des chiens pour empêcher les paroles magiques de parvenir jusqu'à Tastre, et Taffranchir de Tinfluence quelles exerçaient sur hii, ou le délivrer de l'animal qui voulait le dévorer. Cet usage tient k ridée que Tastre est im être animé qui peutnnourir comme, tout autre. n faut qu'elle soit bien naturelle à l'homme, puisqu'on a retrouvé cet usage dans l'Inde, en Chine, chez les Arabes, les sauvages de l'Amé- rique septentrionale, les Péruviens, les Caraïbes, etc.

Cette superstition, très-répandue parmi les Grecs et les Romains^, se retrouve encore à des époques fort récentes. Plutarque la représente comme existante et habituelle de son temps ^; en efifet, sous le règne de Tibère, les soldats de Pannonie employèrent ce moyen lorsqu'une éclipse vint les firapper d'effroi au milieu de leur révolte ^; et nous voyons par les homélies de S. Maxime, évêque de Turin, que les Chrétiens eux- mêmes n'étaient pas délivrés de cette superstition au v* siècle ^.

Les opinions des anciens Grecs à l'égard des éclipses paraissent donc s'être réunies dans l'idée que l'astre abandonne momentanément le ciel : le^ uns y voyaient l'effet de la volonté des dieux ; les autres ime influence magique^

JTai montré qu'à l'égard du mouvement propre du soleil, Hérodote était placé sous l'influence des préjugés populaires. 11 devra paraître tout naturel que, relativement aux éclipses, il n'ait pas été beaucoup plus avancé.

Cet historien parle quatre fois de l'apparition d'éclipsés de soleil ; et les expressions dont il se sert attestent que le nom d'éclipsés lui était inconnu; aucune n'indique qu'il sût la cause du phénomène. Dans l'un,

' . . . Fahalam, compUxam ambages feminarum ietrahentiam lanam. Plia. XXX, 3.

Cf. Meineke, ad Menandr. et Philem. reliq. p. 76. * Sosiphan. ap. Sclioi Apoll. Rhod. m, 533. Anthol. Adetp. ii3. Virg. Ecl vm, 69. TibaQ. 1, 11, 3a.

Horat. Epod. v , 46. xvu , 73. Lucan. VI , 5oq. Martial , ix , 3o. Sii. Ital. Vni, &00. Qaudian. innuf. 1, i47- 'Plin.II, 12. ,\ .et in lana veneficia argaente mortalitate et ob id crépita dissono at^iliante. Plut. Dejacie in orbe lanœ,

Titliv. XXVI, 5. Quàlis [œns crepitus] in defectalunœ, sîlenti nocte, ficri soLET.— Cf. Juven. Vi, 443, ibique Rupert. * Tacit. Annal I, a8.— * 8. Maxim. flomil p. 703, c. P'aris, 1618.

452 JOURNAL DES SAVANTS.

que du spirituel et judicieux Thucydide, qui, de flLu&; avait suivi les leçons d*Ânaxagore ^

On doit remarquer que Thucydide parle séalement d'éclipsés de soteil, et qu'il ne dit rien de celles de lune; et cependant -elles avaient du être, bien plus nombreuses que les autres^ dan^ le >même espace de temps. Évidemment les éclipses de lune n'étaient pas pour lui des présages ou des'signes- de la colère céleste; il ne lesx^omptait pas au nombre de ces Jléaux accidentels dont il signale l'apparition. Et ici se montre le premier exempte de la différence ^ue l^S' anciens ont mise si longtemps entre les deux genres d'éclipsés. Celles de soleil n*é(aient donc pas encore dea phénomènes purement naturels; mais on oominençait î se Adre mne idée plus juité de la eause des éclipses de lune. Si Thucydide n'est pas sAr que les unes ne puissent arriver que dans la néoménie, il sait fort bien que les autres n'arrivent que dans l'opposition ^. C'est pour lui un événement naturel, dont il ne tient pas même compte. Aussi Dion, le disciple de Platon, lors de son expédition en Sicile^^, ne se laissa pas effrayer par une éclipse de lune; dont ia cause physique* lui était connue. MslÎè la t^onnaissance de cette cause n'était pas tellement répandue que ce phénomène n inspirât plus aucun effiroi aux es* prits 'superstitieux. 'C'est ainsi que celle du dy août 4i3 firappa d'é- pouvante les Athéniens^ prêts it quitter 'Syracuse ^.*La^ oraîpta gagna, le faible et superstitieux Nicias qui , écoutant plus les devins que la raison , attendit? pélftr partir le retour de la pleine lune stiîvante ^; mais il était trop tdrd,! et Tannée fut détruite.

(In sièdle plu» tard, Alexandre, le disciple d'Aristote, quoique selon toute^appdrence au-dessus des préjugés -populaires, fiit obligé de s'y soumette ''pat prudence , lors de Téclipse de lune qui eut lieu onze jours avant la bataille d'Arbèles. H fit tin sacrifice à la lune, au soleil et à la terre, divinités dont on dit, selon les termes d'Arrién •.-que l'éclipsé est ronvnAgé. Il *cotis^Lllta le devin Aristandre qui lui annonça qu'une bataille aurait lieu dans* le mois : en ceci le jongleur ne devait pas craindre de se compromettre; caries Grecs avaient déjà passé leT^re, et les deux ar-' raées étaient ieh présence. Eh leur prédii^nt la victoire, il ne s'avançait pas non plus beaucoup; d'ailleurs, il ne faisait que diriger contre les barba^efii tsur propre .superstition , qui ne devait pas être inconnue des Grees^'depois' longtemps ils avaient appris^ d'Héradotei que les Perses

^

' *^Ahtyifuâ'ip- Marcell Vit Thwyi. $ la. * VII, 5o : ... n ïïixm ix^frjnt' Mfyaîi TAP taraYçihnfoç ovffa. ^ * Mut. iVi ïfic. c." a4. . ^ ITiucyd. Plutarch. I. I. -Troll fou neuf jours. £vu€ tj» n jt\)ïr»f kcu irtàt tiMcù zut tm >», cr0f To ipyw TovTo Koyoçiifûu Kamx*'» Aman. Anab, ill, vu, 9.

ftU JOURNKtfc DBS'SATANTS.

bevédipsM vrmmUew ^itari cetfoo^^vvaalt è'sebotieher i»mm^^ mtmi. *: n est daîr ipie k'ph3(nophc potrrait, i^uwi )Men> ^'H^vodotéVt liffirigain», drer des pféwyyJ'wml'tjMaowtfig'-.' Qar, dnu «oh'by|«»- AJM oeaune ^â«in t'ei^ic«tkMii po^ulaira, k tisuse lutunâle ébËM MécMinue, il iMhùt bieii' admettre' 'qti'une volmitié- niprên«' enlemit CtutR desafdiMemilMBt^ifmveftore. - <• >

La même ofcserVfttioD s'iyf^ique aiu hypdfièsea il'aittres j^sieinn; Pwm^icle et Avtl^fkam -ewmiiatit ime- U taHe Mt>tin «orps itinmMMt p»r'lui'ni£meM>émocritt*'««ifaisntMusiuD odrpsign^, comme \és<y leil : c'est-JHlipe que lesM!» et lA autres D'vnient mtUe iilée' érita aàMe de»- léoUiiaés. Xéiit^rfwiie regarédt W«4i 1e5>>«ilRB ewnbieltlé» nMiiea vaêimmés; qui s'éteignaient' et' m raHaanent le smp et le matiA; 'tt expliquait de la même manière les éclipses * : Dîa^ne d' ApoUonie , dïs- cî^ d'Anasitnéne , «t eoBtemporairi d'Anongore oa, selon d'autres, iAhve de ce dernier*, appliquait à oe phénomène son système suf le freid et le chaude â-eroyfeiH que l'édipse de soleil avait liea Ibrsqne'le froid, Pempttftant sifflechaMA^ éteigaait oe'granlfluminatPs^ Hèrsclitv, et depuis Épicure, pensèrent' que le soleil A iadiuie ont une face con- vexe el wie autre eoaeave, Vune opaque, i'mtr» lunrineuse, et que les éclipses ont lien qoand «es aslrec ttfomeilt Vers notis leur face

L'opinioR 4e Tbm7dfd»,iYippor«ée phts haat;|donn« lieti de doâter que PérielièB. cb[B«e>pèn8bnteio*ron*tet Hutai^e* conttût la véri- table cause des^édipses^ de Weil. Selon Gic^von , il ar*«it ptfjsé «ëtte con^ naissance dans les leçons #^iai«gore. Il fm ^tituc pKis heureux que lliacydide, auquel ;^axegore' n'en' BvaK rien dit; dti moiiw.l'Mstorien n'en a rien sa. Ceci knA douter qu'Anar^ore fâraiiMi avancé que ces auteurs-fbnl'cni. '■ ' ■■i"' ' '■ ■■•■•■■■•> i ■'■■ ■■

456 JOURNAL DES SAVANTS.

d'accord sur U ré^té de l'astrologie ou gtoéAlàlogie. divination chaidéenne par ezceUeoce. On dtut expliquer par U tes données eoB,- tradjctoir^ qui nous ont été transmises parle* anciens sur les OpinioM dfsidéennes ; et, en particulier, la diffiârence entre l'opinion que Vitrùrei Géomède et le fiiux Plutarque attribuent 4 Bérose, et celle que Dîo- d^reprèteaqx Chaldéeus. Quand oa Toudrait sni^KisM-que ce fut Ui um opinitm partictdière k un Individu, <m n'en sentit pas moins foroé de re- GOnniitre que la co8m(^;raphie cluddéenne était bioi impar&i te puisqu'un astronome, et Bérosel'était, avait pus'attacherencoreàune idée siétrai^. Ce qui prouve que Bérose n'a point professé une doctrine qui lui fl^t propre, c'est que, sdon le même Diodore, les Chaldéens, qui prédisaient à point nommé les éclipses de lune , « donnaient de très-mauvaises raisons des édipses de soleil , et n'osaient ni les pré- dire , ni assigner avec précision l'époque de leur retour ^ » Il résulte de ce passage remarquable , que si les Cbaldéens connaissaient la pé- riode lunaire ^, et s'en servaient pour prédire asses exactement le re- tour des édipses de lune , ils ne croyaient pas pouvoir l'appliquer aux éclipses de soleil, parce qu'elles leur parurent, de même qu'aux Grecs, oSirir la plus grande irrégularité : cela seul {H-ouve qu'ils étaient bien loin de l'idée de les rapporter au centre de la terre : et , en effet, com- ment auraient-ils pu avoir cette idée, puisqu'ils croyaient, ainsi qu'He- raclite et Ëpicure, que la terre est concave comme la lune. Diodore nous apprend aussi que les Chaldéens donnaient de mauvaises explica- tions des édipses de soleil; c'est assez dire qu'ils n'en connaissaient pas plus que les anciens Grecs ia véritable cause, aussi les regardaient-ils comme des présages de l'avenir. H en était de même des mages, leurs voisins. Au témoignage de Diodore , les Cluddéens croyaient la terre crème et concave (luiXn ^ mt^omfiit) , et apportaient beaacoap de bonnes

4M J0URWA!LiDÏÎ*"8AVANTS.

^eriltieà»;pow 'éterer les icoi^céiesM jtnqa'ft dh\'kioaÉK*i, nftn

euk; lèpliu parftit de «nu;Witeflt^iiMgînélVsirteiiee (fane lérM; file

ftiartde ; iwifciyé fat Itf 'leii. et ntfU^ Wife aprt» liiyi^e'fli'faMafew|rit^ viter sueeeMitCittent la^laae.ic soteO.lea riiiq|dMitt^,«tle'ciiâm- làaik, «doc enxi un diii^é'eorfrt*, sjvtèttw «^.'poot' le rappeler «B pakMtit', n'arienâecooimtttsreeceftâ'de Gfl^ierme, attqàd-oo-ft'ioiM ptntvfiir lis emparer. Quant 1 fenr ftmetne ttntBcMtone, eHe n'k- |hu (f autre origine que celte que Je \m aitribue , c'est-à-dire une simple etm.^ «Méràtloni tirée de ia puissttnee des nombres. Ce ccHps, en passant eiiti<i: ktltane etle'ioleil.était'censé^prodQire la pins ^Wide partie des ^cUtMes Ibiie; mais comnie l'interposition d'un seul corps ne suffisait pas ^ paremment pour expliquer la fréquence de ces éclipses, d'autres py- ângericiens imaginèrent qu'il existait plusieurs antiehthooes invisîMea, deirt l'interposition ramenait plus fréquemment ce phénomène. 'Nevs avons vu (p. 435) qu'Anaiagore avait eu la même idée. C'est l'autenr dn- Traité du àd qui nous f apprend, u Quelques-uns pensent, dit-il^, qulil peut j avoir j^sieurs corps qui gravitent autour du milieu [occupé parie feu], ce que l'interposition delà terre nous empédie d'epe»voir; 6'est pour cela, disent-ils, que les éclipses de lune sont plui fréquentes que celles fe soleil : dans cette hypothèse , ce ne serait pas aedement la terre, ce serait ainsi chacun de ces corps qui «apêdierait la lumière du soleil d*aiTTrer à la lune.n'Delambre, qui (^e«e passage^, anribne cette opinion à Aristote, parce qu'il n'a pas rémahpiéie verbe 9»9t : a Aristote , dH-il , raisonne comme un homme qui n'a aucune idée bien nette des mouvements célestes. » Mais Aris- tote ne fait pas ici de raisonnement; il rapporte celui des autres, et il était si loin d'approuver ces rêveries, qu'O reproche aux pythagoriciens, en eet endroit même, de «cfaerdier beaucoup moins à subordonner

450 JOURNAL DES SAVANTS,

importante pourU prédsion d'une tdleannonoe, la connaissance dei distances rétives de la lune et de la terre au soleil. Aiistarque ftit le pMnier qui, un siède après IHaton, «MUfa la d^itaminer pu- me médiode trto-ingénieme en principe, maïs dont l'application est iÎMt âi£Ëcile. Aussi trouva-t-il la distance de la terre au soleil dix-oeuf fois (au lieu de quatre c«it8 fois) plus grande que celle de la lune i terre'. Cette erreor énorme était pourtuit i peu près inévitable. Il ad- mettait encore que la lune n'a point de parallaxe sensible, puisque*, se- lon lui, la terre n'est qu'un point par ra}^rt & la sphère de la lune. Hipparque démontra que ceOe paraUaze est d'environ un d^ré {Sf; ^evarie de 5 &'& 61') iij^ns forte raison Aristarque supposait-S qu'3 en était ainsi du soleil, dont la parallaxe, qui est d'un peu moins que 9" { 8" 8&), a toujours échappé aux moyens d'observation des an- ciens. Hipparque, qui ne sut jamais précisément si elle était nulle ou sensible, la fit de 3', par pure hypothèse'. On juge, d'après cda, entre qu^es limites, un siècle avant Aristarque, H^con* a cir- conscrire la prédiction qu'il fit d'une éclipse du soleil, à moins que le hasard ne soit venu en aide k sa sci«ice. Car, sans la connaissance des pandiaxes, les éclipses de soleil ne peuvent se calculer. Hipparque lui-même, un siècle après Aristarque, n'aurait pu encore aniver à qndqae précision. D ne se trompait que de quelques minutes sur la pardîaxe de la lune ; mais â faisait celle du soleil beaucoup trop forte ; etdeidas, il admettait, entre les distances relatives de la terre et de la lime au soleil, les mêmes rapports qu' Aristarque'. Elnfin, Ptolémée, qui nous présente toutes les méthodes d'Hippwque, perfectionnées par deax sièdes d'observations et de calculs, était évidemment hors d'éUt, par l'erreur de ses parallaxes, de faire des prédictions d'édipses soleil avec une certaine précision et avec quelque assurance, comme l'a démontré Deiambre * dans l'analyse du VI* livre de l'Alnugeste.

452 JOURNAL DES SAVANTS.

de* travaux do premier ordre. En eOiét.deiRecAeTtA«inrIa dccoMpontim Msiwlk

deimaltrMqiliéUbliTentleapieiiuJrMbÉietdBUctiInliqaecUnliqae. Prenae

atuaitM qD'il les eAt pnUiés . 3 décoorrit lecAlDrarv/czote. etmoslra i looi.par

tes griTCs accîdenis dont il fiit deux foi* Tidime. que deux fins il avait en lecoa-

rage d'afirooter la mort m£me, pom- cODqaërir à la ideDce le composé le plaa

dangereux qu'elle poscède. H mit fin à de longue* discnsaions âevée* parle* >avBrii

le* ^lu dislingoéi AT U$ tùmbÔÊajotu JmjÀMfkmr ateeTaxyyhtâ-.ea mèmeten^

qu'D dÀrrivit 1 acide hypopkaipkortas dont l'eiistence n'avait jamais été soupçonnée.

< Dans un travail dod moins remarqoaUe que le précédent , il rév^a aux clumisles

< les propriété* d'un corps ( VaciJ» kypomtriijMe ) qne tout le monde croyait cOnoaitre ,

et que pourtant personne n'avait étudié sous sa vëritaUe Ibrme. L aci^ tUMlifM» ' uni à l'onde de jHaaA n'ajant présenté , i Fanaljfe on'3 en fit . <p.t de Toxygéne

et du carbone ma hydrogène , il partit de ce iait et ne la composition de Toiidate

de chaux poor se livrer à des considérations aussi inattendues qu'imputâmes sur

des acides ternaires : enfin il évalua . autant qu'il est possible de le faire anjonr-

d'haï , l'influence chimiqne de Foxygéne dans la respiration.

Qui donc fnt pins dîgne d'entier dans la section de chimie que l'auteur de*

travaux que je viens de rappder? et cependant parmi eux ne se trouvent pas des

recliacbe* qui, quoique dn domaine de la physique , fournissent à la chimie les

donnée* les idtis positives qu'dle possède maintenant pour pénétrer dans la c<uis-

tilutkm la plus intime des corps. Les écrits de M. Dulong ont encore un autre ' ' el'in. - -• - ■■

mérite que rimporlaoce de la matière ; car. modèles de rédaction , ils se recomman-

dent au maître comme à l'élève par une darlé et une simplicité qui n'ont pu naître

qne du savoir le plus profond dans les sciences ma diématiques et physiques

\f. Thenard: * La perte que nous déj^oroos aujourd'hui est grande, irréparaUe

peut-être ; die devient pour nous plus douloureuse encore en nous rappdant cdle

des Malus , des Petit , des Fresnd , des Fonrier , de* Ampère qni , comme Dulong ,

cultivaient la physique avec éclat, et qui , connue lui , se sont éteints au mi&eu de

leur brillante carrière

Dulong n'était pas seulement un savant physicien ; c'était encore l'un de* cbi-

mistes les [dus distingués par la finesse et I élévation de ses vues. Cétait en même

temps un écrivain dont les mémoires doivent être diés comme des moddes de .sli^e

454 JOURNAL DES SAVANTS.

espace* de phoque* et des groupet génériquef entre lesquels ^es se partagent, t. Ai; De la sociabilité des animaux, t. XŒ. Les Annales des sciences naturelles ont publie aussi plusieurs mwceaus; et entre autres, par extrait, un Mémoire sur les genres gerb(Hse et gerbille , qui doit panltra produunenient en entier dans les lit- moires de la Société toologique de Londres. La plupart des articles Mammahqw, dans le Dictioanaire des sciences naturelles, ont été rédigés par H. F. Cuvier, ainsi queTartide Intûnct.

M. P. Gavier était, depuis i83i, un des sateun du ioumal des Savants (V.cahHn d'août i83i, noTCmbre i83a, fêvrier et décembre i833, février t834. février «t décembre i83&, mars et juillet iSSy , et janvier i838 ].

Outre ses travaux scientifiques, qui ne se bornent pas à ceux qui ontétépuidiés, car 3 existe lui, sur l'inslinct des animaux, de curieux mémoires qui devaient servir de base k ses liitures te^ns au Muséum d'histoire naturelle, M. F. Cuvîer a rédigé. un grand nombre de rapports sur les écoles primaires de l'Académiede Paris, et fniis tard sur presque toutes les Universités de France qu'il a parcourues comme inspecteur générd , rapports dans lesquds on trouve l'iDdication d'un grand nombre d'améliorations qui se sont déjà réalisées, et d'un nombre plus considérable encore qu'il serait bon d'introduire dans l'enseignement de tous les degrés , et qui témoi- gnent que leur auteur élait doué de l'esprit le plus élevé en nxkme temps qu'il était animé du plus ardent amour du bien.

L*A(»démie des sciences morales et politiques , dans sa séance du 7 juillet, a du U. Passy en remplacement de M. le prince de Talleyrand.

M. Dumont a été du , le 3 1 du même mois , par l'Académie des beaux-aris , en pemplacement de M. Ramey père.

LIYRES NOUVEAUX.

FRANCE.

Mémoint miliuUns relatifs à ia saccetlion d'Efpagna $ov Loait XIV, extraits de U correspondance de la cour et des généraux, par le lieutenant général de Vault, direc- teur général du dépôt de la guerre, mort en lygo; revus, publiés et précédés d'une iiitroducdon , par le lieutenant général Pelet , pair de France , directeur général du dépôt de la guerre. Tome III. Paris, Imprimerie royale, i838; in-i* de io5Â pages. Seveodcbei Firmin Dîdot. Pr. 13 fr. le volume. Ce volume fait partie de la première série des Documents inédits sur rhbtoîre de France, puMiés par ordre du Roi. 11

056 JOURNAi. DES SAVANTS.

France , pendant la première moitié du xu' siècle. Paris , F. Didol , 1 838 ; in-8* de ia4 pages.

Dutertalion sar qitelifues poinli curieux de VHittoire de Fraïue et de l'Hitloirt Utti- raire , par Paul L. Jacob, bibliophile. i : sur la mort tragique de la coaitCMe de Chfiteaubriaat , in-8* de 88 pages. M* 5 ; la vérité sur les deux procès crimi- nels du marquis de Sade; iA-S* de 3^ pages. Paris, imprimerie de M" Poussin; lUn-airie de Técfaener, i838.

Mémoire* d'agriculcurv , d'économie rurale et domatique, publiés par la Société l'Orale et centrale d'Agricidlure ; année iSS^. Paris, imprimerie et librairie de M" Huxard; in-8' de 534 pages.

Lettres inédites de Fénehn au marécbd et à la maréchale de NoaiUes. Paris , Adrien Ledere, i838; in-8° de 6o pages.

Histoire de Lille , capitale de la Flandre française , depuis son origine jusqu'en i83oi par M. Lucien ae Rosny. Imprimerie de Prignet, éi Valencteanes ; à Paris, chei Téchener, i838; in-S* de a84 pages. Pr. 5 fr.

Etudes archiologitiues , historiques et italistiijues sur Arles , contenant la description des monuments antiques et modernes , ainsi que des noies sur le territoire , per M. Julien Estrangin. Imprimerie d'Cttive, à Marseille; librairie d'Aubin, à Ais, i838; in-8* de Ai6 oaees.

458 JOURNAL DES SAVANTS.

Ânhh der Geteîbchqfijàr âlltr» dmli^ Gach«Auiui>df. Arehlvai de la société pour l'histoire aqcienne d'Allemagoe ; par Parti. 6 vidumet in-S*. Hanovre, Haba, i836-i838; CBb. V.etVIda6' v<diime ( dernier} ; i nd.6gr.

Gachickte der UtzUa sytlmu der f^huofAu, etc. Hiitràv dn dernien ijatànes philotopliie en Allemagne, deputi Kant jiuqu'i Hegdi par L. Hichdel. In-S*. Beiiin , Duocker, 1 838 1 tome II (et deroier) ; U ni.

ANGLETERRE.

Eari^ mytteriei and othar lalin poenu i^fhe twelJA attd thirteentk eenluria. Ait- dans mystères et aotres poèmes Istini du ui* et du xiii* siède, puUiés â'a[His les numnscrits originaux du Musée Imlanniqne et des Inbliothèquet d'Oxfbrd , de Cambridge, de Paris et de Viaine; par Thomas Wright Londres, Nichols et fih, i838; in-8*de ixniiet i35 pages.

TrateUin theweiUm Caacatia. Voy^ au Caucase occidental fait en i836, avec une excursion en Mingrélie, Turquie, Moldavie, Gallicie, Silésie et Moravie; par £dm. Spencer, auteur de Traveh in Circattia. Io-8*. Londres , Colbum , 1 838.

Hitîory oflhe arrivai <^ Edward IV ia England, Histoire de l'arrivée d'Edouard IV en An^eterre et de la restitution de ses royaumes à Henri VI en i47i;par J. Bruce, In-Jl*. Londres, )838.

Memoirt of the lifi and character aj Henri V, as prince of Wales and Idng of Ea- gland. B; tbe Rev. J. Endfll Tyler. B. B. a vol. ip^', Londres, Bentley, i838.

BUREAO DU JOURNAL DES SAVANTS.

Pkésidekt : M. Barthe, garde dçs sceaux.

AssiSTAKTS: MM. QuatremèredeQuincy, Lebmn, secrétaire du bureau et édi- teur dn Joumsl, Lacroix. Et. Quatremère, membres de J'Iostitut.

Auteurs : MM. Daunoo, Bioi, naoul-Bocbeile , Cousin, Letronoe, Cbevreul, Eug. Burnouf, Fburens, Naudet, Villemain, membres de l'Institut; Patin, profes- seur k la faculté des lettres.....

JOURNAL

DES SAVANTS

AOUT 1858.

Prométeuée ENGHAtNé, tragédie d* Eschyle, traduite en vers français, par J. J, Puech, professeur agrégé de F Université au collège royal de Saint-Louis, traducteur des Coéphores; in-8® de 1 28 p, Paris, i838.

Cette antique tragédie, si unanimement admirée aujoip*d*hui, que M. Andrieux\ M. Lemercier^ ont célébrée à Tégsd de M. Schlegel', que M. Puech s'appliquait à traduire dans le temps M. Quinet^ la renouvelait, la transformait à la façon de Shelley, par un hardi n^ lange didées empruntées au christianisme et à la philosophie mo* derne, a été longtemps l'objet d'un mépris tout aussi unanime. En vain le peuple athénien , juge compétent et éclairé de ses plaisirs litté- raires et du mérite de ses poètes, l'avait honorée d'une couronne; en vain Âristote l'avait citée comme le modèle du genre dans lequel son sublime auteur s'est exercé, il a longtemps plu à nos critiques de la faire descendre du rang l'avait placée l'antiquité , de n'y voir qu'une production bizarre , irrégulière , monstrueuse. Ce qu'il y a de singulier, c est que cette prévention contre un des chefe-d'œuvre du théâtre pri-

^ Dissertation sur leProméthée eDchainé d*Eschyle, lue par M. Andrieux, àTAca- demie française, en i8ao, et insérée, le mois de juin de la même année, dans la Revue encyclopédique , tome VI. * Cowrs analytique de littérature, tome I. ' Cours de Uttératare aramatique, tome I. * Promèthée, poème, par M. Edgar Quinet. Paris, i838.

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460 JOURNAL DES SAVANTS.

milird'AthèQes n'était pas l'erreur particxilière de quelques détracteur» auperficîelâ d&ia tragédie grecque, de quelques admirateurs exclusi& de notre tragédie. Dacier, ce disci{de superstitieux dés anciens , décou- vrait, dans le Prométhée, des choses qui n'étaient pas moins, disait-il, contre la naiare qae contre tort: U l'appelait un monstre dramatique*. Bmmoy^, plus réservé dans ses expressions, ne le jugeait pas avec beaucoup plus de iaveur. Lefranc de Pompignan^, Rochefcnt^ Barthé- lémy' m^aitet & leurs éloges des censures semblables. Faut-il s'étonner du ton dédaigneux de Fontenelle, de Voltaire , de Laharpe en parlant d'un ouvrage abandonné par les plus ardents défenseurs de l'antiquité? « On ne sait ce que c'est, disait Fontenelle', que le Prométhée d'Eschyle. D n'y a ni sujet ni dessein, mais des emportements fort poétiques et fort hardis. Je crois qu'Elscbyle était une manière de fou, qui avait l'imagi- nation très-vive et pas trop réglée. » Voltaire n'y faisait pas tant de laçons; il n'adoucissait sa critique par aucun éloge; les compositions d'Eschyle n'étaient pour lui que des pièces 6ar(are5. «Qu'est-ce, ajoutait- il^, que Vulcain enchaînant Prométhée sur un rocher par ordre de Jiqjiiter ? Qu'est-ce que la Force et la Vaillance qui servent de garçons bourreaux à Vulcain? » Remarquons en passant que, dans l'ouvrage dTlschyle, Vulcain n'a pas de garçons bourreaux; c'est lui au contraire qui sert d'exécuteur aux ordres de la Force , et de cette autre divinité fdlégorique qu'd plaît au critique ou plutôt au parodiste d'appeler la Vaillance, s^ais ipie le poète, d'après Hésiode, nomme plus raisonna- blement Kp^c, la Puissance, comme l'on traduit aujourd'hui. On ne, pouvait attendre de Laharpe beaucoup d'indulgence pour ime jgèce si maltraitée par Voltaire qu'il n'avait guère l'habitude de contre- dire, dont le plus souvent d adoptait de confiance et coomientait les jugements. Comme son maître il estimait fort peu le Prométhée, et , sans même daigner s'arrêter k lui faire son procès, il se contentait de lui prononcer son arrêt en ces termes : t Cela ne peatpas même s'offeler

462 JOURNAL DES SAVANTS.

Hâment-ils dans cette pièce l'usage du merveilleux, ou seulement la nature particulière de ce merveilleux? Dans l'un et dans l'autre cas ils auraient montré peu de connaissance de ce qu'était la tragédie chex les Grecs. Le merveilleux faisait essentieUement partie de ce genre, au milieu des cérémonies du culte, auxquelles il ne cessa de se mêler, et consacré dès l'origine à célébrer les dieux, qui y remplirent tonjours un rôle très-important. Ce ne fut point un caprice d'Eschyle qui l'introduisit dans la tragédie. Eschyle l'y trouva tout établi; il fit, avec plus de génie seulement, ce qu'on avait fait avant lui , ce que firent, dans l'enfance de notre scène, les autem^ de mystères: â trans- porta dans ses drames les aventures que lui fournissaient les landes du polytbéisme , les prenant coimne les lui donnait la religion , comme dles étaient dans la croyance commune , ne craignant pas qu'on lui demandât compte de leur invraisemblance ou de leur absurdité, qui ne le cboquaient peut-être pas beaucoup plus que son public, ne songeant qu'à tirer de ce fonds , qui n'était pas de son choix , et dont il n'était pas responsable, des tableaux pathétiques et sublimes, dignes de son génie et de ce peuple d'artistes qu'il voulait émouvoir. Y a-t-il réussi dans le Prométhée? C'est ta seule question que la critique litté- raire puisse légitimement élever. U appartient à uae autre critique d'expliquer la fable mytholc^que sur laquelle repose cette pièce. Que cette fable soit obscure pour nous, même après tant d'ingénieuses interprétations, dont le nombre s'est encore augmenté dans ces der- niers temps', qu'elle l'ait été même, comme je le croîs, pour les Athéniens, il sv{B.t, et l'on n'en peut douter, que le culte public la consacrât, pour que le poète pût s'en emparer et en faire le sujet d'une tragédie; à celte condition toutefois, qu'il en tirerait une ceuvre véritablement dramatique. Lucien, dans des dialogues satiriques oix il s'est piu à parodier quelques scènes de cette tragédie, a bien pu se mo- quer du merveilleux sur lequel elle se fonde; mais sa spirituelle cri- tique , qui fiiit si finement ressortir les absurdités reçues du paganisme,

AOUT 1838. 465

Pourquoi Jupiter punit-il si cruellement dans Prométhée le protec- teur de la race humaine,' celui qui a dérobé pour elle le feu du ciel , qui lui a enseigné les arts et les sciences? Gomment les innocents efforts de la civilisation naissante peuvent-ils être i objet de la jalousie, de la colère, de la vengeance des dieux? Je ne le comprends pas, et nul mo- derne, croyant à la providence divine, ne le peut comprendre; mais c'était un dogme de la religion des anciens, qui se perpétua dans leurs croyances , et dont on retrouve la trace jusque dans des monuments poétiques bien voisins du christianisme, les odes d'Horace, par exemple. Le dogme admis, comme il Tétait parles spectateurs athéniens, et comme nous devons l'admettre littérairement pour juger comme eux, il m'est impossible de ne pas être vivement frappé du génie avec lequel Eschyle l'a exprimé; de ce tableau énergique de la tyrannie qui écrase à plaisir sa victime, et de la liberté indomptable qui résiste à l'oppression. J'ad- mire ce caractère de Prométhée si habilement développé , et que font si heureusement ressortir les personnages secondaires dont il est en- touré ; j'admire ce plan simple et fécond , une seule et unique si- tuation se représente cependant sous des aspects toujours nouveaux, la variété des détails, même les plus épisodiques, ne sert qu'à faire plus fortement resl^ortir l'unité imprimée à l'ouvrage. A ces marques, je re* connais le grand poëte, le poète dramatique, le fondateur d'un art simple encore, mais accompli dans sa simplicité, que d'autres génies créateurs ont pu agrandir et renouveler, mais qui , dans cette première forme qu'il avait reçue d'Eschyle , avait atteint à une élévation , à une grandeur, à une gravité sévère, à une imposante régularité, qu'il n'était pas possible de surpasser.

Ce sujet même de Prométhée, si étrangement impénétrable à qui veut en percer les mystères , a dans son obscurité quelque chose qui plaît à l'imagination. Il la transporte par delà les temps historiques , par delà les temps fabuleux, à cette époque primitive dont les cosmo- gonies présentent un si confus et si attachant tableau; le monde ve- nait de se former; les forces de la nature, à peine dragées du chaos et abandonnées à leut irrégulière énergie , luttaient encore entre elles ; les divinités qui les représentaient se disputaient l'empire de l'uni- vers ; la race mortelle , qui ne faisait que de naître , proscrite en nais- sant par des puissances jalouses et ennemies , pleine d'ignorance et de (àiblesse , n'avait point encore une histoire qui pût être chantée par les poètes. Le dieu qui la protège, qui cherche à l'élever au rang qu'elle doit un jour occuper dans Tensemble des êtres, qui lui donne , avec le feu du cid qu'il a ravi pour elle , cet esprit de vie d'où doit sortir la civi-

464 JOURNAL DES SAVANTS,

lisfttioo humaine, ce dieu est te héros qu'Eschyle ose produire sur la scène. H nous le représente puni de ses bienfaits envers les houuoeB, pour lesquels il s'est déroué k d'inévitables tortures. Quelle source profonde d'intérêt dans cette conception TertuUien, Lactance et d'antres encore n'ont pas craiut de voir une sorte de pressentiment confus du plus grand myst^ de notre religion I II n'y a dans cette tn^ gédie que des dieux; mais c'est la cause de l'humanité qui s'y plaide j Prométhée en est le représentant, et excite en nous , par le tableau de son infortune, la plus vive, la plus douloureuse sympathie. En même temps quel monde poétique Eschyle découvre à notre vue par la puis- sance sumatur^e de son artl Ce ne sont point ici de ces dieux machines auxquels le spectateur ne peut croire, parce qu'il les confond involon- tairement avec les personnages mortels auprès desquels chi les lui montre, et dont rien ne les distingue. Ici, par un heureux accident, dont aucune pièce fondée sur le merveilleux n'oifrirait un autre exemple, l'illusion est complète; rien ne la trouble, rien ne l'altère; tous les per- sonnages sont du même ordre, tous nous sont donnés pour des dieux, et la manière drat le poète les fait agir et parler, la liberté avec laquelle il s'écarte pour de tels acteurs des vraisemblances ordinaires, nous po^uadent de leur nature divine. Les choses ne se passent pas , en effet, dans cette tragéilie comme entre de simples mortels; le commerce de ces êtres merveilleux qui s'y produisent k nos regards est aussi mer- veilleux qu'eux-mêmes. Ds communiquent ensemble des extrémités de l'univers aussi rapidement que par la pensée. A peine Prométhée a-t-il été attaché au Ëit^ rocher que toute la nature est troublée de son sort ; le marteau de Vulcain se fait entendre jusqu'au fond des mers; les Océa- nides et l'Océan lui-même arrivent en un instant auprès de leur infor- tuné parent, et, quand celui-ci a proféré contre Jupiter cette menace terrible qui le Ëùt ô^mbler au sein de sa puissance tyrannique , le maître des dieux en est instruit au moment même; son messager paraît tout k

466 JOURNAL DES SAVANTS,

des équivalents, et n'y apporterait point un peu de cette chaleur que donne la créationi Traduises le grand artiste, comme celui-cî a tra- duit la nature, avec amour. La fidélité, la ressemblance suivront d'elles- mémea, et sans cette gêne, cette froideur qui trahissent le calcul. Les beautés que vous devres rendre vous seront moins un obstacle qu'un secours; vous vous sentires soulevé, soutenu par elles.

Je crois donner une grande louange à M. Puech , en disant que , s'il n'a pas atteint à cet idéal de la traduction, il en a du moins appro'cbë beaucoup, presque autant peut-être que le pouvait un traducteur d'Es- chyle. Car â y a double difficulté , je dirais volontiers double impossi- bilité à traduire parfaitement Eschyle en notre langue, en notre langue poétique, en notre langue tragique surtout. Le style de notre tragédie, t^ que l'ont fait pn^;ressivement Racine et Voltaire , et le goût de la société irançaise , est dans ses hardiesses d'une réserve et dans sa vérité d'une dignité qui lui rendent presque impossible de suivre les allures, h la fois singulièrement hautes et familières, de la tragédie grecque, et surtout de la tragédie d'Eschyle. Comment, d'une part, atteindre k ces figures d'une grandeur démesurée, d'une audacieuse incohérence, à ces mouvements tumidtueux et désordonnés, à ce langage enfin extra- ordinaire et inouï, par lequel Eschyle tâche de se proportionner au gigantesque sujet de la lutte de l'homme, et quelquefois des dieux, contre la destinée? Comment, d'autre part, se rabaisser à ce ton naïf, simple, voisin des entretiens ordinaires, qui est comme le point de départ du poète, le sol d'où son vol d'aide s'élance ? Je sais bien que nous sommes en quête aujourd'hui d'un sublime et d'un naturel inconnus è nos pères; mais nous ne les avons pas encore trouvés, et, en atten- dant cette découverte qui tarde un peu, M. Puech a fait sagement de s'en tenir aux procédés de versification et de style qui sont dans le génie et les habitudes de notre langue, au risfpie de paraître quelquefois, ce qu'il m'a paru, je dois le dire, et je ne lui en fais pas un bien grave reproche, car il était difficile qu'il en fût autrement, tantôt trop timide.

t98 JOURNAL DES SAVANTS,

k pitee, est qndqtiefois bien fimôlike : <fttt peut^tre f étende le '^iDimaaniQaUe qa'«n j^oïMe citât d* oms nstUcie tTH laipi^ le> ■42«wt<«TMHit tirier.latoBd»letu^oavngN. I^pofiM.^MU lafto Wvt» «t'ia {du tniltlkM prodadioa dont fliutràw au ihÛtre cdMttiitt te ibwrattlc, m omM fai de s'af>p*eober 'du limitH de fa iHtoiSe. iOft imliiMiiii . li* ^eclumpMrit jet fair téitoJjleaamt dm tei ww ^ je vauttuMinn, M qui, convive» fe oendtttexM (v. S35^58)', •ocmpaniKm qo* ohMia pent^dn eti^Jt) nwcooteMéd'ittdSquèr, ntootmaietitt je eroù, avec éndénce, oottunent, tooM le séiiem et'k dignité d'un lainage trop conforme k celui de notre tragédie, s'dT- went et di^paraiuant et le Bienubge dea «tffireé gén&ansea fiùtos par Tégiûstfl ettunîde Océan, et la taSlerie de PrOméthéa, qui n'est pcdnt M dupe* la part» comiqua de k ingédie, ai l'on peut s'ei^triiner

De tout M que j'ai bU, eomqilîca tndadens. Tnmlu ïnipnnii ..>•■■ Gomfaîe&tii foi haimial Haù MSM de TOidoir fléchir ca dien terriUe. fb'n'en dtliaidns rien : aoncœurest inseniibla,, .. ly^poonni* Uen gémir d'âtra vena Ten moi I

L^OcÉiK. Tb canMÀIlei, and, les autresmieox qae toi,

feaai, densUm malhenr, tue preuve certaine.

Mais ne répriiM pat le lèle qui m'entraîne.

Jfif , j'en HBitAr,iei«Dmnti.imraiix,

T'a£GraiiclÙEa himitAl àm osa injaatea Bwids.

PtenÉttfc. ieloMatJ«IoaarBtMij«iiniu*ibe«aiâe. Aux deroirs d'an ami tu n'ea pai infidèle. ' Mail nefiÛBrienpoor moi; cor, malgré loD dénr.

Tes Kénéreux effiMis ne pourraient me Hrrir. Aràbri du danger defiMure «rec prudence. Je mil Uen UalheantB, olaii, tûdgié ma fOBflraeee ,

470 JOURNAL DES SAVANTS.

M. Vendd-beyl, par une coDJecture qu'il soutient d'une manière spé- deuse, a essayé de mettre tout le monde d'accord en parts^eant le mor- ceau entre l'Océan et Prométhée. A qudc[uej)ersonnage, du reste, qu'il ie donner, il marque l'extrtme lunite oix parvient quelquefoit. itàa dea famSUiarités de son dialogue, l'audacieux génie d'Elschyle ■, ii nous ser- ▼ira & montrer dans quelle mesure il a été possible i M. Puech de repro- duire cette autre &ce de son modèle.

Crois-inoî, je plainsleaortdenioafiràre.d'Allu, Qui. ddbout SOT la rire s'éteint la lutnière, flgpporte inceMMnment et le cid etU tore, GotDaM ïndaitniGtiUa et brdaMi si peunt I

Je pleiiu Misti ISmbon, oemonatmeux géant. Qui delà Q&àé hantait le» retraites. Et dont on bras paissant a conHié les cent tètes. SmA des dieux conjor^ 3 arrêta l'eQnt. De sa boodie en sfflaotaortail un bruit de mort; De ses yenx iaUliwait oa n^ard de Go^one ; Déjà de Jupiter 3 renvenait le trAnei Mais ce trait vigilant qui part do roi dea deux , Cette fondre qui tonabe en Tomiuant dea feux , ËloufEa son orgueil et sa menace altiére. Jusqu'au fond du cour menu atteint par le tonnerre . Il perdit sa vigueur et tomba badïïojé. Uaintenant . vain débris , il languit tout brajré Prfa d'un étroit passaee entrouvert par les ondes , Et sootient de l'Elna ks racines profondes. Sur le sommet Vulcain frappe le &r brAlaot , Et de ces monts nn jonr, en fleuve se roulant, La flamme doit bondir dans la [daine fertile £t de ses flots ardeuts dévorer Kdie. Par ces traits embrasés , par ces torrents de bas , Sans apaiser jamais ses* tiansporls furieux, Encor tout calciné par la cdeste fluune, TjpboD exhalera le couirouxde son Ane.

479 JOURNAL DfiS SAVANTS.

Vnt tefle cntrepiise , qui a peu de chancetaqjoonllutt d'attirer l'at- tention des gens du monde , •ara hda doute encouragée par les sof- iiages des iectenrs sérieux; elle obtiendra ^approbation de l'unirenîté qu'dle hoii(n%. E31e arait tenté, il y a quelques années, ta Htt^ membre de ce corps, aux essais trop t&t interrompus du^el on me pM^ donnoa de cottisacrer quelques lignes en finissant Fen M. Anc^vt* jeune honmie plein de saToïr, de tcUnt et de modestie, dont la courte existence s'est ren&mée tout entière dans l'enceinte des ctâl^es^oùji obtintdessuccèsbriUants.de l'École normal^ qui le compta au nombre de ses meilleurs élÀrea, de l'unÎTersilé, qui fondait sur lui des espé> rances bientôt détruites par une mortpiématuréc, dans les loisirs qoc lui laissaient les fonctions defenseignement auxquelles il se livrait avec un iile qui a osé ses forces et alirégé sa vie , s'occupait à traduire quet qnei morceaux choisis des tragiques grecs. Plusieurs de ces traductions que m'avaitconfiéessouamitié sont restées entre mes mains; une, entre autres, qui, k peu près inédite, et je crois tout à fait inconnue, peut se placer naturellement à la fîa de cet article auquel elle donnera quelque valeur. C'est la traduction de ce fragment précieux queles vers d'Attius, ou |dotôt de Gicéron lui-^ême, on peut le conclure de ses propres paroles, nous ont conservé de la tragédie par laquelle se tenni- naitla trilogie de Prométhée. Prométhée qui, après une loi^e suite d'années , & reparu k la lumière , et a été, par l'ordre de Ju{»teT, attaché au Gujcase et livré à la &im insatiable d'un aigle qui dévore ses en- traides toujours renaissantes , y décrit ainsi ses souffrances aux Titans ses frères qui sont venus le consoler :

0 ne* das Titans, par ta (àti an&nUe, Vous que le nœud du lane unit à Prométhée, VoTci-lâ sur ce roc lei oienx ]'oDt fixé , Ta qofi la frtie esquif, pu lc« vents mviaot, Qn'ftraspect d'une Doitoù s'amuse l'onjce

AOUT* 185«. 475

Il «{^raohe , 3 abaisse , fl ooiine «a ▼iotimei;

Seaoogles recourbés medéchiffeDtlssflaacs;

0 dévore à bisir mes membres palpitants :

Las enfin de creuser ma poitrine vivante ,

B pousse un vaste cri, d une aile triomphante

fie joue «n lemonlant au séjour éihéré ,

Et 8*apfdaiidit du sang dont il est enivré.

Mais quand juon cceur songé croit et se renouveUa,

Le monstre , que la iaim aiguillonne et rappelle,

\^ent chercher de nouveau son horrible festin.

Se renais pour nourrir l'implacaUe assassin

Qu*iiB tmn a durgé d'éterniser mes peines»

Râas I vous le voyei, esdave dans ces chaînas

Dont Jupiter sur moi fait peser le fardeau.

Je ne puis de mes flancs écarter mon bourreau.

Inutile à moi-même , il faut, sans résistance ,

Subir de moi» rival TinflexiUe vengeanoe.

J*implQre «nfin la mort et je ne loblieas pas ;

Jupiter à mes vœux interdit le trépas :

Rien n*assoupit mes maux; par les ans amassées

Ces antiques douleurs dans mon corps sont fixées.

Jouet d*un !âdie oi^gueil , ce cadavre animé

Se dissoat aux rayons d*uu scleil enflammé,

Et^ sous Tastre em:iami qui le perce et Tembrase ,

D*une sueur sanglante arrose k Caucase.

Dans cette énergique traduction , M. Puech reconnaîtra le système d'éiégante fidélité qui lui a si bien réussi, et dont, plus heureux que son prédAcesaeuTv il a été appelé à faire sur l'oeuvre entîk^e d'Esdiyle une application plus complète.

PATIN.

MEMOIRES pour servir à une description géologique de la France , rédigés par ordre de M. le Directeur de ^administration des ponts et chaussées et des mines , sous la direction de M. Brochant de Villiers, inspecteur ^général au corps royal des mines; par MM. Dufrénoy et Elle de Beaamont , ingénieurs des mines. Tomes II, III et IV. Paris, F. G. Levrault, libraire, rue de la Harpe, n^ 8i ; Strasbourg, rue des Juifs, n^ 33. i834, i836, i838.

L'idée de représenter la constitution minérale d'im pays au moyen de cartes géographiques et de coupes verticales donnant l'ordre de la superposition des diverses couches terrestres appartient à Guettard ,

474 JOURNAL DES SAVANTS.

memlire de l'aDcienne Acadéoue des scienoes, qni s'était fonné dans i'art d'observer la nature à l'éode dn célèbre Réaumur. Cette idée est ai simple qu'elle se présenta sans doute, avant Guettard, i l'esprit de tous ceux qui donnèrent quelque attention k la configuration du sol et i sa nature minérale; mais de la concevoir et d'apprécier l'utilité dont sa réalisation pouvait être, il y avait loin à la mettre k eiécutioa, parce qu'il fallait, pour y parvenir, non^-seùlement 6tre au conrant de toutes les connaissances minéralogiques du temps , mais encore avoir fiât une étude spéciale et approfondie du pays dont on voiUait dresser la carte minéralc^ique. Aussi n'est-ce point au début de sa carrière que Guettard eut la pensée de publier un atlas minéralogîque de la FVance ; lorsqu'il paria de l'entreprendre, î! avait inscrit ses titres de naturaliste dans plusieurs volumes de mémoires; de nombreux voyages lui avaient appris à connaître la structure minérale des contrées qu'il voulait dé- crire, et l'attention publique était Gxée par ses travaux mêmes sur l'im- portance des résultats que devait avoir la publication de l'ouvrage qu'd projetait. En eOet, l'identité de nature des terrains de la côte du sud de rAn^eterre et de ceux de la côte du nord-ouest de la France , avait déj été démontrée par Guettard, et ce fait, cinq ans après avoir été publié, était devenu pour Desmarets, qui suivait de près Guettard dans la voie qu'il avait ouverte, un des arguments sur lesquels il appuyait l'opinion qu'avant les temps bistoriques l'Angleterre tenait à la France : enfin Guettard, à la simple vue des matières employées par les Cliinois à la &brication de leur porcelaine, ayant pu indiquer plusieurs localitéi de la France l'on en trouve de semblables, et l'eipérience étant venue d'ailleurs confirmer ce qu'il avait avancé sur la possibUité de faire cette belle poterie en Europe, ïl avait donné ainsi une preuve incontestable de la grande utilité qu'il y a de connaître les minéraux d'une contrée. M. Bertin, ministre secrétaire d'Etal, qui avait dans

476 JOURNAL DES SAVANTS.

volume ont été pour M. Tessier le sujet de deux articles imprimés dans le Journal des Savants: l'un fait partie du cahier de mai i83.o ; il est consacré i lu travail de M. Elie de Beaumont, intitulé : Observatûau géohgùfaei sur Jes différentes formations qui, dans le sj'stème des Vatjei, séparent la formation houUière de céUe àa Sas; l'autre , inséré dans le cahier de février iSSa, concerne trois mémoires de M. Du&énwf :. le premier traite de l'existence du gypse et de divers minerais métalÛfèrei dans la partie supéKeure du lias du sud-ouest de la France; le second comprend des considérations générales sur le plateau central de la France, et particulièrement sur les teirains secondaires qui recouvrent les pentes méridionales des massiJËs primitifs qui le composent : enfin le troisième a pour ohjet la relation des terrains tertiaires et volcaniques de l'Auvei^e.

Dans le compte que noas allons rendre des trois derniers volumes,

' nom ne suivrons point l'ordre chronologique des publications, mais

aatantqnepossihle, l'ordre des matières; nous examinerons d'abord les

mémoires concernant les terrains non volcaniques, et ensuite ceux qui

se rapportent à l'histoire des terrains produits par les feux des volcans.

Ce premier artîde sera consacré k quatre mémoires de M. Du- frénoy qui ont les liaisons mutuelles les plus intimes, puisqu'ils ont rapport à la diaîne des Pyrénées , une des limites de la carte géologique de France.

Mémoire sot les caractères partîcaliers présente le terrain de craie dans îe sad de la France, et principalement sur la pente des Pyrénées; par M. Dufrénoy.'

Longtemps on considéra le terrain de craie comme presque unique- ment composé d'un calcaire tendre, blanc , dont la masse n'est inter- rompue que par quelques lits minces de silex. Depuis une vingtaine d'années les géologues anglais ont réuni à ce terrain im qrès vert qui,

478 JOURNAL DES SAVANTS,

qofen se soolevaot aies plièrent les couches de la craie, qui alon ^ient homontales, et leor âonnèrent U position inclinée qu'elles ont aujonnUmi sur leurs contre-forts, non-seulement du côté de la France, mais encore du côté de l'Espagne; en6n, par suite du sotdèvement, des masses calcaires isolées ont été levées au centre même de la chaîne.

C'est après que le hassin de craie da Midi fut limité au sud par les Pyrénées, qae le fond reçnt les dépôts tertiaires qui recouvrent une grande partie de la craie, en ne laissant à découvert que deux bandes, presque parallèles, courant è peu près de Test à l'ouest. Ces bandes, quoique plus étendues qu'un ne l'avait admis avant M. Dufrénoy, sont Iran d'occuper, relativement aux terrains tertiaires , une étendue propor- tionnelle aussi grande que cdle qu'occupe le terrain craïeux du hassin du Nord, relativement aux terrains tertiaires de Paris qu'O entoure presque complètement.

Si maintenant nous examinons chacune de ces bandes, nous verrons que celle duNord s'appuie immédiatement sur le terrain jurassique, dont les couches , ainsi que les siennes, sont horizontales (sauf quelques ex- ceptions] ; que l'étage inférieur de cette bande est de grès ^ceux vert, et que l'étage supérieur présente un calcaire qui, semblable àla craie des environs de Paris dans quelques endroits, est dans d'autres dur et cris- tallin. Enfin, cette bande contient trois séries de fossiles : la première série comprend les espèces qui se trouvent aussi dans la craie du hassin du Nord ; la seconde comprend les sphinUites, les hyparites, etc. qui sont par- ticuliers au bassin de craie du Midi; la troisième comprend les mlioUtes, les nammuUies, les mékmies, etc. qui, jusqu'au travail de M. Dufrénoy, avaient toujours été considérées comme appartenant exclusivement aux terrains tertiaires. Enfin cette bande renferme plusieurs masses gyp- seuses, qui paraissent devoir être associées au terrain qui la constitue.

La bande de craie du Midi repose sur l'étage mférieur du calcaire

480 JOURNAL DES SAVANTS,

trouvent; c'est-à-dire qu'ils n'appartiennent pas, selon lui, àla forma- tion du calcaire dans lequel ils sont enclavés. Tons présentent cette cir^ constance, qu'ils sont voisins de roches granitoïdes et que le calcaire qui les accomp^e est cristallin.

M. Dufrénoy pense que leur formation est postérieure à celle du terrain de craie et antérieure è celle du terrain tertiaire. Il lui semble probable qa'elle ccnneide avec le soulèvement de la chaîne des P;f r^ nées.

Quant au groupe du Ganigou, il est d'une formation plus moderne; son apparition a été simultanée avec celle de l'opliîte, qui, comme nous l'avons vu, a eulieulongtemps après les dépôts tertiaires.

Enfin , le calcaire saccharoïde blanc de Vicdessos appartient à l'étage inférieur du calcaire jurassique , et le calcaire saccharoïde de la vallée de Suc était dans l'origine un calcaire à fossiles. C'est le voisinage du gra- nit qui lui a donné sa texture cristalline. Ces calcaires sont donc plus modernes qu'on ne l'avait pensé.

MEMOIRE sur la nature et la position géohgitfoe des marbres âéti^nés som le nom de calcaires amygdalins ; par M. Dufrénoy. Tout le monde connaît le marbre griotte et le marbre campaa. Tous les deux contiennent un schiste ai^eux , mêlé au carbonate de chaux; ce schiste est rougeâlre dans le premier et verdâtre dans le second. Tous les deux présentent souvent des noyaux arrondis ou amandes calcaires , qui leur ont fait donner le nom de calcaire amygdalin. Ce calcaire fait partie des terrains de transition anciens: H se trouve non- seulement dans les Pyrénées, mais encore dans la montagne Noire située au deli de Carcassonne, àla limite du département de l'Aude. E^ bien , M. Dufrénoy a lait l'observation que ces noyaux ne sont autre chose que de la matière calcaire qui s'est moulée dans des coquilles de nautiles, d'où il tire cette curieuse conséquence: qu'à l'é-

482 JOURNAL DES SAVANTS.

publiés, par ordre da roi, par le comte Solar de la Marguerite, premier secrétaire ttÉtat pour les afaires étrangères. Turin, i836; cinq vol. in-i".

Ces qiu&e oamges, qui ODtpani succesÛTement à Turin, se ratta- chent à une grande coUectÎDn historique qui se publie par ordre du roi de Sardaigne. Dès l'année iSSa , MM. Gîbrario et Promis furent chargés par le gouvernement de visiter la Savoie, la Suisse et une partie de la France pour y chercher des médailles, des sceaux, des documents de tout genre relatiis à fhistoire de la maison de Savoie. En quatre mois ils examinèrent , un peu k la bâte peut-être, les archives et les bibliothèques de dix-huit villes principales, parmi lesquelles on compte Berne, Bâle, Strasbourg, Paris. Lyon, Besançon, Au et Gre- noble' ; et le résultat de leurs recherches fiit la publication de deux des ouvrages dont nous devons rendre compte. En 1 833 le roi Charles Albert créa ime commission chaigée de publier une collection d'écrits inédits ou rares appartenant à l'histoire du Piémont et de iormer un code diplomatique des Etats Sardes. Cette commission a fait paraître, il y a deux ans, le premier volume des Chartes (dont M. Daunou a déjà donné, en iSSy, ime savante analyse dans le bulletin de ce journal), et elle vient de publier cette année un volume de Statuts municipaux. Pendant qu'on préparait ces deux volumes le comte Solar de la Mar- guerite, ministre des affaires étrangères, a donné en cinq volumes les Traités de la maison de Savoie avec les puissances étrangères, de- puis la paix de Cateau-Cambrésis. Avant d'examiner ces quatre ou- vrages confiés & la direction de différentes personnes, mais qui tendent évidemment k un même but, il ne sera peut-être pas inutile de jeter un coup d'oeil sur les collections historiques italiennes qui ont précédé

48& JOURNAL DES SAVANTS,

digieiu accroissemeDt'. Ce pape prot^a aussi le grand ouvrage de Banmitu' dans tequd on a &it on si fréquent uaage des anciens docu- ments comme prenres de lliiatoire, et qui, malgré ses imperfectÎMis et le» mtic[ues dont il a été l'objet, est une mine féconde oii l'on trauTe mi grand nombre de ^lartes et de monuments du plus haut intéréL Avant BaroniuB, un illostre érudit, S^oniiU, avait fouillé dans toutes les bibliothèques et les archives de l'Italie pour écrire son histoire, da Regno ItaliéB^, et ses recherches sur l'histoire de Bologne; mais on fit dors peu attention à ses travaux sur le moyen âge, et le savant de Modène ne dut sa grande célébrité qu'à ses redierches sus lee an- tiquités romaines.

Malgré de tels exemples, cette méthode d'écrire l'histoire par les documents ne fut pas généralement adoptée , et , sauf un petit nombre d'ecclésiastiques, tels que Giaconio , dans ses Vies des Pontifes *, Ughdii, dans son Italia tacra^, Ghirardacci", dans son Histoire de Bologne, on continua k né^er l'étude des anciens monuments qui seids peuvent donner de l'autorité à l'histoire ^. Toutefois on doit faire une men- tion spéciale de Pellegrini ^ qui, dans son. travail sur le» princes lombards du royaume de Naples, fit connaître plusieurs documents et chroniques intéressantes, et deGuichenon, qui, lié avec les plus

' La dernière éditian du BnHariaiR (RonuB, lySg-M) est en a8 Tcd. in-fol. ; et l'on a imprimédepuis plusieurs volumes de Bupplément -^ 'Le premier volume de Baroui us parut d'abord à Rome en i588. * Bouonlee, ib-jà\in-{ol. Sigonius pu- Uia en 1576 le catalogue àea archives qu'il avait examinées et des chroniques quiil avait consultées. * La première édition de Gaconio parut à Rome en 1601 ; [dus tard Aleandro, Vitlorelli, etc. l'eDrichirent de nomlKvuses additions. La meilleure édition est celle de Rome, 1677, en & vol. in-fbl. auxquds il faut ajouter les deux vdumes publiés parGuarnaccï, en ijSi. * L'/fofùi sacra fut publiée d'abord en 16&&; die a paru de nouveau à Venue, en 1717 (10 vol. in-fol.), avec les addi-

AOUT 1838. 485

savants Bénédictins français, inséra un grand nombre d*anciennes dbartes dans son Histoire généalogique de ia maison de Savoie ^

Quant aux collections diplomatiques publiées au xvii* siècle en Italie» il n'y en guère qu'une ( le BuUarwm Casinense ^ de Margarini ) qui mérite d'être citée, et elle ne peut soutenir nullement la comparaison avec quelques grands recueils formés dans le même siècle au dehors , parmi lesquels se distinguent spécialement les Acta Sanetorum, ap- pelés communément les Bollandistes , et les immenses travaux de Ma- billon, de Baluie^ et de Leibnitz, qui ont illustré plusieurs des points les plus importants de l'histoire de lltaiie.

Au xvin* siècle, c'est encore à l'étranger que paraissent d'abord les collections les plus volumineuses sur l'histoire italienne. Les Acta de Rymer, publiés par ordre du gouvernement anglais, la collection de Dumont, celles de Martène et Durand, le Thésaurus novissimas de Petz, renferment bon nombre de pièces sur l'Italie. Enfm le Trésor des histoires de l'Italie par Grsevius et Burmann^, le Gode diplomatique de Lunig^, complètent cette belle série de travaux faits au dehors sur l'histoire de la péninsule.

Enfin le zèle des savants italiens se réveilla, et il sortit du col- lég& Ambroisien de Milan, magnifique institution créée par la libé- ralité du cardinal Borromée^, l'homme qui devait donner une nou- velle direction aux études historiques de ses concitoyens'' : cet homme fat Muratori. Déjà, vers la fin du xvn* siècle, il avait fait paraître quelques volumes d'Anecdotes^ tirées de la bibliothèque Ambroî- sienne; et ce ne fut qu'en 172 3 qu'il entreprit la publication des

' Lyon, 1660; in-fûl. La correspondance autographe de Guichenon, il est souvent question de ses travaux historiques , se conserve à Paris , à la biblio* thèque de rinstilut. * Venetiis, i65o; a vol. in-fol. ' Les Miscellanea de Baluae ont paru de nouveau à Lucques, en 1761 , en 4 vol. in«foL Mansi a enrichi cette édition d'une foule de pièces relatives à Tllalie. * Lugduni Batavorum, 1 704 ^seq.; 45 parties in-fol. ' Codex Italiœ diplomaticus. Francofurti, 1736; 4 vol. în-fi)l. -^ * Ce bel établissement est trop peu connu de nos jours; c'était une espèce d'institut avec une bibliothèque immense, un musée, une imprimerie orientale , etc. etc* Le collège ambroisien était très-largement doté, et les membres de ce collège devaient travailler à l'avancement des sciences et des lettres. C est que Giggeius a préparé son beau lexique arabe, et Ripamonti et Argelati leurs grands travaux historiques.--— ' Parmi les causes qui conduisirent à l'étude du moyen âge en Italie, il faut compter les discussions de différents États italiens avec l'empereur et le pape , sur leur indépendance. De ces contestations sont nés l'ouvrage de Spannaghei, inti- tulé : Notizia délia vera libertà Fiorentina ( 17^14; 3 part.in-fol.) ; YImperii Germanici Jus ac possessio in Genaa Ligustica (Hanovera, 1761 ; in-4'*)i et plusieurs écrits intérestants sur Naples et sur la Sicile. ^ Anecdota ex codicib. bibL Ambrosianœ.eruta,

60.

48ft JOURNAL DES SAVANTS.

SerijOotvs rtram itaUcarum, dont, grâce k son infatigable activité, 3 fit paraître en quinte ans vingt-sept volumes în-rdio ' . Malgré quelquei imperfections de détail, cet ouvrage est l'un des plus beaux monn- ments historiques qui existent; il fut suivi des Antuiaitates medii œtâ\ Mura ton discuta les points les plus importants de l'histoire de l'Italie, et il inséra des chartes inédites et quelques nouvelles chro> niques. L'exemple de Muratori anima les savants italiens, qui depuit lors se livrèrent avec ardeur à l'étude des monuments du moyen âge. A Naples et en Sicile , parurent successivement les recueils historiques de Caruso* et de Gîordano*; les recherches de Mongilore sur l'église de Païenne'; le Codex diplomaticas de Giovanni'; l'Histoire du Mont- Cassin, par Gattola^; l'Histoire ecclésiastique de Noia, par Remon- dini'; celle des Chartreux par Tromby'; les Annales diplomatiques de Meo^"; et deux recueils " fort intéressants de chroniques napoli- taines. A Rome, la nouvelle édition d'Anastase, parBîanchinî", et celle du BuUariam; la collection commencée par Asseniaitjii '^ sur l'histoire du midi de l'Italie, et les travaux de Cenni'* et de Gancellieri firent connaître beaucoup de pièces inédites. Dans les légations, Sa^ti'^Trom- bellî" et Savioli'^ travaillèrent sur difTérents points de l'histoire di< plomatique de Bologne. Frizzi réunit beaucoup de documents inédits sur l'histoire de Ferrare ", et Colucci fit paraître une belle collection de chroniques et d'antiquités du Picenum'", en dix volumes in-folio.

En 'Toscane, après les recherches de Della Rena sur les anciens ducs et marquis de cette province ( recherches dont la partie la plus

Mediol. 1697-98; a vol. ia-A*. II publia admî des AneeJota grwea. En 1717, Mura- tori commenta la publicsdon des Antiifaitatei esleiuei , se Irouvent des docn- menta fort importanta. ' Le dernier volume des Scriplom, qui contient qudquea additions et dès tables trop peu développées, fut publié par Ai^ali, en i75i,a(nii la mort de Muratori. * Medîolani, 1788 et seq.; 6 vol. in-fol. -* Bibliathtea Aû- toriea regai Sicilim. Panormi, 17:13 ; a vol. in-fol. * Deleetat leriplor. itr. NeapoUt. Neapolî, 1735; in-fbl. * MoDgitore, BMm et iiatnmmUt Paaortiùlmm eccknm.

488 JOURNAL DES SAVANTS.

ments de l'élise de Venise, collection précieuse et trop peu connae, M troarent réaniei des milliers de àâites eccléHastiqaes; et MittordU donna pooT la odlectioa de Miuatori un sapplément qui est dereon prefqoe iotnniTBble^. Ses annales des Camaldtiles*. â ridies en ancâeat dipkiânes inédits , son catalogue des manuscrits de l'abbaye de Mnran, seront loqoim consultés arec fimit

En même temps Lupi publia son beau code difdomatiqoe de Ber- game \ et Rossi * ses monuments de l'église d'Aquilée. Les marches de Trérise et de Vérone , l'histoire des Eccelins furent étudiées par Verci^ qui lit connaître tine foule de chartes inédites. A Milan, Argelati, éditeur de ^onîus et collègue de Muratorî, mit au jour ses ti^vaux sur les érairains de cette ville* et sur les monnaies'' d'Italie, qui fiireat ensoite continuées par Zanetti*. Caiii donna ses Antiquités itidiennes du moyen Age', et Giulini rassembla , en douze volumes in-W, une collection pré- cieuse d'actes publics ou privés, et de monuments figurés sur l'histoire de la Lombardie '". Enfin les moines de Cîteaus publièrent les Antiquités tombardo-milanaises ", qui furent suivies plus tard des Institutions et Code diplomatique '^.

C'est à Milan aussi que Tiraboscbi, connu principalement par son histoire littéraire do l'Italie, se présenta d'abord au public avec des travaux diplomatiques. Ce savant, qui a produit un ai grand nombre d'eiccllents ouvrages, fit paraître, en 1766, ses VeUra hamiUatoram monumenta ". Nommé plus tard bibliothécaire du duc de Modëne , il donna l'histoire de l'abbaye de Nonantola, se trouvent beaucoup de chartes des rois lombards et caHovingicns '*, et le Code '^ diploma- tique de Modènc. A la même époque ASb insérait dans son histoire

' MiUaroll!, adtcriplor. rer. ilalic. acceuionet kitt. Faventiam. Venet. 1771; in-fbl. ^ ' Mittorclli, Annalei Camaldaleiua. Venet. 1755; tf vol. in-fol. * Lnpi, Codex diphmaticat crvilalU et eccleiia Dergomatit. Berg, 1 7S4 ; a vol. în-rol. ~- * De Bubeis,

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parut en 1 8 1 3 , et bientôt la princesse quitta ses États : maïs i'tmpul- sion était donnée, et jusqu'à l'année 1837 il a été publié dix volumes in-&*qui ne sont pas asseï connus en France. Cette publication , cepea- dant, éveillera l'attention des érudits lorsqu'ils apprendront que les ar- chives de Lucques contiennent environ quatre cents chartes originales du vm* siècle et un nombre bien plus considérable encore des sièdes suivants. Ces chartes doivent paraître pour la plupart dans cette excellente collection, dont nous hâtons de tous nos vœux la continuation.

Cette énumération trop longue peut-être, et cependant fort incom- plète, d'ouvrages importants et volumineux (auxquels on pourrait ajou- ter une multitude incroyable d'histoires ecdésiastiques ou municipales, de catalogues de manuscrits , d'histoires littéraires , de biographies , de dissertations et de mémoires sur différents points de l'histoire du moyen âge) nous a semblé nécessaire pour montrer quels avaient été l'origine et les développements de l'histoire diplomatique en Italie, et afin que l'on pût mieux comprendre quels sont k présent dans cette contrée les besoins des érudits.

En suivant ce rapide exposé on a pu voir les historiens italiens né- gliger d'abord les sources et les preuves de l'histoire , puis reproduire les diplômes et les chartes qu'ils rencontraient sans en discuter l'authen- ticité. Plus tard, les progrès de la diplomatique permettent de choisir les documents, d'en déterminer l'âge, et de les soumettre à une critique sévère. Enfin , une époque arrive 06 non-seulement l'historien discute les sources, mais il veut aussi que le lecteur assiste à cette discussion : alors on donne des /ac simile des pièces les plus importantes, et on les décrit toutes avec le soin le plus minutieux. Un nombre prodigieux de documents a été publié ainsi en Italie; souvent même les éditeurs y ont joint de savants commentaires; mais ce qui manque surtout, c'est l'en- semble, ce sont des collections générales qui réunissent des pièces dis-

m JOURNAL DES SAVANTS.

seuleveot au Pié[non^ Un ouvrage de ceHe nature sera consulté par lea érodits de toutes tes nations : or 3 peut arriver qu'une pièce importante soit Irifrrépandue k Tuiio > elle aura été insérée dans un petit oa- vrage récent, et qu'elle soit absolument inconnue à PétersboiUK ^^ ^ Lisbonne, ne parviendront que les volumes de la commission; et, quant i la rareté, il nous semble qu'on n'a pas même cberché à détor- miner le sens de ce mot , .qu'il est si difficile , au reste , de bien définir. Eu efièt, on ne donne presque jamais la bibliographie du document que l'on publie, et quand on le fait, c'est d'une manière incomplète : comment donc juger si une pièce est rare ou ne l'est pas ? Pour en citer un exemple , dans le volume des Chartes ', on trouve un diplôme d'OtboD I", daté du 3o juillet g63, et l'éditeur dit, en note, que ce diplôme a été publié par Guicbenon. Nous ajouterons qu'il se trouve aussi dans le Codex ItaUœ diplomaticiu de Limig ^, et que , si l'auteur avait consulté ce recueil , il aurait pu en tirer quelques bonnes variantes. Cette charte est citée aussi par Muratori et par Terraoeo : elle passe pour apocryphe, et on ne saurait l'appeler rare. De même un diplôme de 967, publié par Lun% ' et par Moriondo . est reproduit ici sans citer le savant allemand. Puisqu'on donne des documents si souvent publiés, pourquoi né^iger des pièces plus anciennes, comme, par exemple, la charte d'Ad^gisus, de l'année 8do, qui avait été publiée par Ughelli *, et tant d'autres pièces du même genre ? En général , on indique trop rarement les auteurs ° qui ont déjà publié plusieurs des documents re- produits dans cette collectiou ; et cependant la plus stricte justice vou- drait que l'on citât toujours les éditeurs plus anciens, afin d'attribuer à qui de droit le mérite d'avoir publié le premier une pièce intéressante, et pour ne pas faire supposer à tort que les documents inédits sont très-nombreux dans la nouvelle publication. Souvent des originaiu qui existaient encore il y a on siède ont péri depuis, et l'on n'eu possède

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maintenant ^e des copies plus ou moins ineucte»; d*autrès fois l'origi- nal existe encore, mais il a été détérioré, et on ne petit phisie lire en entier. C'est swtout alors qu'il est indispensable de recourir aux éditions précédentes « et si elle avait pris ce parti, la commission piémontaise au- rait pu donner quelquefois un texte plus correct. Pour ne ther qu'un seul exemple àlappui de notre remarque, si Ton avait consulté le Codex de Lunig ^ pour une charte qui a été reproduite à Turin d'après une

copie fautive ^, au lieu de rattis peticiànibus , qu'on a imprimé et qui

ne présente pas de sens, on aurait trouvé reetis.,,., petitioniba^, qui est la véritable leçon.

. H serait facile de midtiplier ces réflexions et de i^noler beaucoup d'autres faits qui prouvent que les différents membres de la commis- sion historique piémontaise ont travaillé sans s'astreindre à suivre aucune rè^e coinmune. Il en est résulté dans l'ouvrage une grande inég^é , suite nécessaire de l'inégalité deis moyens de chaque colla- borateur. Si l'on avait formé un phn généitd de travail , les différents membres de la commission auraient fait un écbarig^e continuel de leurs lumières , et la collection , dirigée par les plus halnles et les plus exercés, n'aurait pas offert le spectacle singulier de deux confirères qui viennent, dans la même page , soutenir des opinions diamétralement opposées '.

Des recueils de chartes et de diplômes n'offrent pas une lecture bien attrayante : il faut donc que l'éditeur facilite le travail du lecteur, et qu'il signale lui-même les faits les plus remarquables. Des notes courtes, mais substantielles, des citations exactes et faites d'après un système uniforme^, des indications sur les particularités (|U6 peut pré- senter l'écriture du document original , des fac-similé pour les cas les plus singuliers ; la description des sceaux , une bonne table analytique , un dictionnaire géographique , et une introduction générale destinée à résumer et à coordonner les faits les plus saillants^ contenus dans les do- cuments que l'on publie; voilà, à notre avis, quels sont actuellement les éléments nécessaires d'une bonne publication diplomatique. Or, excepté la table (qui est beaucoup trop restreinte), rien de tout cela

* Tom* ïïl , col. 9 1 g.—-- Chartar. lomu 1, cd. aoi .— ' Voyet, à la colonne 8&îi dn vduxoe de» Chartes, la discussion qui » est élevée entre deux mtaBbitBs de la com- mission sur les origijaesdu dialecte sarde. ^ Il faudrait, outre la page et le volume, citer toujours Tédîtion dont on s*est servi. La bibliographie n*est pa» seulement un amusement dispendieux; c'est aussi un excellent instrtunent de travail. En citant toujours avec soin, non-seulement Fauteur rend service au lecteur, mais il 8*astreint Iui*méme à vérifier lès faits, à ne pas citer de mémoire, et à ne pas faine de Téru- dition de seconde main.

6i.

4«4 JOURNAL DES SAVANTS,

ne se trouve dans le premier volume des Chartes. Dansla savante in- troduction de M. Sclopîs, au volume des Statuts , on lit, il est vrai; on' - exposé très-bien fait des divers systèmes de Sigonius , de Muratori et de Léo, surl'or^ine des municipalités modernes. Ce morceau est trè»- intéressant; mais on aurait aimé beaucoup & voir le savant oi^ane de la coomiission développer les motifs qui ont fait choisir certains statuts de préférence aux antres, et l'on aurait surtout désiré de trouver dans' «ta résumé de ces statuts une esquisse de lliîstaire de la législation en Pié-- mont. On doit regretter aussi que l'on n'ait pas publié un plus grand nombre de ces lois municipales. Avec un autre vcdume on pourrait^ pro- bablement faire paraître tout ce qui reste des anciens statuts du PîémcuQt. Peut-être on aurait insérer dans cette collection les Stati^ Sabaadùt, rédigés à différentes époques par les ducs de Savoie. Ces lois pouvaient servir beaucoup à éclaircir un point fort obscur de l'histoire du moyen âge -, savoir, comment dans les états monarchiques on disait marcher de front les droits du prince et les droits municipaux de chaque vUle.

Quant i la table des mots, ou pour mieux dire au glossaire, nous fai- sons des vœux pour que, dans les volumes suivants, on lui donne beaucoup plus d'extension. Ce latin barbare du moyen âge semble bien facile parce que tous les solécîsmes y sont permis; mais la difficulté vient d'autre part, et elle n'est pas petite. Chez tous les peuples le latin se ressentait alors de la langue vulgaire, et il lui faisait de nombreux emprunts de formes et de mots. Cest ce qui rend si difficile l'intelli- gence de certains passages; c'est ce qui augmente si considérablement le volume des glossaires, car ils sont une espèce de collection de mots de toutes les langues et de tous les patois.

Nous voudrions donc que les personnes qui, pour la première fois, publient des textes latins du moyen âge, eussent le soin de former une

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Piémont ofiBriraient un grand nombre de mots que Du Gange et Car- pentîer n'ont pas connus , et qu*on aurait citer dans les tables. Les Sùdata SahaàdieB, que nous avons mentionnés , en présentent un plus grand nombre encore. Nous ne citerons à ce propos que le mot debar- latio^i qui s y trouve employé à propos de certains jeux: ad propnaram facuUatam deburhtionem, aUenaram snbstractionem. Il est évident qu*ici dehwrlatio ne vient nullement du mot burla, qui, en italien et en langue romane, veut dire farce ou niche. Ce mot vient du verbe milanais borlà , c est-à-dire tomber, miner. Debtxrlatio propriaram facuUatam signifie donc la raiM de son propre patrinwine. Les mots et les locutions de ce genre, qui tiennent souvent aussi à des usages particuliers de chaque contrée, ne sauraient être expliqués avec justesse que par les personnes du pays , et c*est poiu* cela surtout que Ton doit désirer qu'elles veuillent bien s en occuper.

Dans ce premier artide , nous nous sommes renfermé dans les géné- ralités : nous examinerons plus tard chacun de ces ouvrages en parti- cidier. Les importantes publications de la commission piémontaise doivent exciter l'attention des savants : elles mériteront tous les suf- frages, si, comme on doit Tespérer, elle parvient à mettre plus d'en- semble dans ses travaux et à faire prendre la même direction à tous les collaborateurs.

G. LIBRL

Sar la prétendue communication de la mer Morte et de la mer Roage.

Une importante question de géographie physique a été soulevée pour la première fois dans ce journal (octobre i835, p. 896-602 ), et re- commandée aux recherches ultérieures des voyageurs en Orient. Des observations récentes ont fait faire à cette question des progrès qui en avancent beaucoup, si même ils n'en décident pas tout à fait la solu- tion. Je pense que nos lecteurs me sauront gré de les tenir au courant d'une discussion qui s'est produite sous leurs yeux.

Ils peuvent se souvenir qu'elle s'est élevée à l'occasion de l'intéres-

ce nest que dans les contrées allèrent s'établir autrefois les peuples sortis des Gaules que Ton trouve les sons de ïu et de Yœa, qui manquent à tous les autres dialectes italiens. «^- ' Sêatuta Saboadim. Taurini, i53o; in-fol. f. xLViii.

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sant et beau voyage de MM. Léoa de Laborde et LiiMUit dans L'Anbie

Pétrée. C'est la carte jcSnte A oe voyage qui eo a fiEwmi les élémenU,

Cette eaite donne avec- de grands déta^ la vaUée étroke et longue qui court presque du nord au aud , de l'extrémité de la àaa Uoîrte jusqu'à la mer Rouge, angoUb de l'Akaba. Cette vallée, dont on n'avait aucun indice avant le voyage de Seetien eo 1 808 . fut d^uis rocoimiie par Burekbardt en iSia.'etsucceaaivementpar MM< Baoket, Mw^w et Irby, Léon de Laborde, Linant et C^er.

Aucun de ces voyageurs n'a parcouru cette vsilée dans tei^ ton étendue : les uns n'en ont vu que la partie septentrionale, i l'endrait elle déboudie dans la mer Morte; ics autrca seulement la. paitie méridionale, du côté de la mer Rouge. Burckhardt n'avak&itqne la traverser vers le milieu.

Néanmoins, d'après la direction de cette vallée étroite, qui semble n'être que le prolongement de la mer Morte et l'aneîeu. lit d'un fleuve, Burckhardt n'bésita point & la considérer comme ayant jadis servi d'é* coulement au Jourdain, qui, seitnt celte bypotbèse, aurait seulnaent . traversé la mer Morte pour terminer son cours dans la mer Rouge.

Cette conjecture de &uckl)ardt est si naturelle et si vraisemblable, qu'elle fut adoptéeparlesavant éditeur de ses voyages, M.W.M, L^ake, par M. Cari Ritter, M. deHoff, MM. Léon de Laborde et Linant, etc. Elle était devenue une opinion à peu près générale parmi les géographes ; au5si, sur la plupart des certes récentes , le fond delà vallée est qualifié d'Ancien cours du Jourdain. C'est qu'en effet, outre son extrême probabilité sous !e point de vue géographique , cette opinion avait encore l'avantage de paraître se lier assez uaturellement avec le récit de Moïse, sur la destruction des villes de la Pentapole , considérée comme llefTet d'énqi- tions volcaniques et de tremblements de terre siu-venus dans le bassin de la mer Morte. Rien ne pouvait être plus séduisant que de ramener ainsi dans une époque historique un de ces phénomènes géologie

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daas l'hypothèse que je soumis à nos lecteurs , ne fût-ce , comme je le disais, que pour donner à quelque voyagem', muni des moyens né- cessaires, le désir de résoudre définitivemeot cette question intéres- sante. J'indiquai que le moyen d'y parvenir était de parcourir la vallée dans toute sa langueiu" pour s'assurer si elle est, comme je le pense, partagée en deux versants (p. 6oi).

M. Callier fut chargé par la Société de géographie de rédiger quelques instructions pour M. le comte de Bertou, qui. dans une lettre écrite de Jérusalem, le 29 avril iSSy, annonçait l'intention de parcourir les hords de la mer Morte. M. C^ier, non moins désireux que moi-même de voir nos doutes s'éclaircir dans un sens ou dans l'autre, indiqua au vwfageur les recherches à faire pour la solution de lu question impoi^ tante qui nous avait occupés. Il lui eiposa nettement en quoi consistait la difficulté. Je dois ajouter que M. de Bertou était d'autant plus apte à cette exploration, qu'il partageait l'opinion commune; il devait donc se montrer plus difficile sur les preuves de l'opinion contraire. Son témoignage, s'il nous était favorable, n'en pouvait avoir que plus de poids.

Ce voyageur vient de transmettre le résultat de ses recherches; M. Callier en a fait un exposé très-intéressant dans une note insérée au Bulletin de la Société de géographie, et dont voici un extrait sommaire.

Deux faits principaux ressortcnt de ces obsei'vations ; tous deux con- courent à démontrer que le Jourdain n'a jamais pu couler dans la mer Roiige.

Le premier est l'existence bien constatée d'im point de partage dans la vallée, qui la divise en deux versants, comme je l'avais présumé, situé à environ aS"" a5' de la mer Morte, et iS'' 35' de la mer Rouge, beaucoup plus pr^s de la première que de la deuxième.

Je cite les paroles du rapporteur : u Après avoir marché durant trois heures le long des montagnes de l'Ouest, d'où s'écoident un grand nombre de torrents qui se rendent dans la nier Morte, notre voyageur

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se rendre d'un côté dans le lac Âsphaltite, de Tautre dans le golfe d'Élana. Les Arabes ont appelé ce lieu es Saté, le toit, pour désigner les deux versants.

« Après avoir ainsi reconnu Texistence d'un point de partage dans la vallée, M. de Bertou a lui-même* renoncé à fopinion tju'il adoptait comme tous les géographes. )>

Ainsi lextrémité de la mer Morte n*est point une vallée ouverte par le Jourdain aurait pu prendre librement son cours du nord au sud. C'est au contraire une vallée fermée , dont l'inclinaison est en sens in- verse du cours du Jourdain.

Ce fait positif résout, à ce qu'il semble, la question que j'ai soidevée, et confirme tout ce que M. Callier et moi avions conclu, lui, d'observa- tions recueillies sur les lieux, moi, de la carte de MM. Léon de Laborde et Linant, combinée avec les remarques de Setzen sur la direction de tous les cours d'eau qui tombent dans la mer Morte à son extrémité mé- ridionale.

Un autre trait bien remarquable, récemment observé, est une dé- pression considérable dans le bassin de la mer Morte, constatée par les observations barométriques de MM. Moore et Beke , suivies de celles M. de Bertou. M. Callier, en calculant ces observations, démontre qu'elles sont incohérentes, difficilement comparables, et certainement entachées d'erreurs, puisqu'il y a environ 200 mètres de différence entre elles. On ne peut donc compter sur l'exactitude de la mesure ; elle exige d'autres observations faites avec de meilleurs instruments. Mais le fait même de la dépression résulte de trois observations indépen- dantes l'une de l'autre, on peut donc le considérer comme prouvé; la quantité seule est incertaine. C'est un fait entièren^ent analogue à celui qui est constaté pour la mer Caspienne. Un premier nivellement avait donné 5 1 toises au-dessous de la mer Noire; le nivellement qu'on vient d'exécuter, par des moyens qui ne permettent pas d'admettre une er- reur de plus d'un mètre, réduit la dépression à i5 toises g dixièmes. La quantité seule était incertaine , mais le fait était constant.

Il en sera de même de la différence de niveau de la mer Moite; cette difiérence sera très-probablement fort inférieure aux 607 mètres qu'ont trouvés MM. Moore et Beke , d'après le degré d'ébullition de l'eau, et même aux l\o6 mètres qui résidtent de l'observation baro- métrique de M. de Bertou. M. Callier pense qu'une dépression de a 00 mètres n'est peut-être pas fort loin de la vérité. Quand elle n'aurait pas plus de 100 mètres, et elle ne peut guère être moindre, elle serait encore le triple de celle de la mer Caspienne.

6a

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D'après cette nour^e considénti<m , l'écoidement du lonrdam dana la mer Rouge eat rendu encore moûu probable; elle résout la qaestkni dana le sens que nous arons annoncé ; on voit maintenant qtw, «t fane dea deux mers a jamais coidé dans Fautre , ce sera [dutôt la mer Rcmge. Mais tout indique que les deux bassins sont séparés depuis la ooosti- tution défiutÎTe de toute cette région , et j'ai mtmtré que letextqdela Bible , bien examiné . est plutôt &Torable que contraire k ceUe aohittàa.

Je tenninerai'cet artidé en rappelant la condosion géniérde que je tirais des bits qui m'étaient alors connus; je n'ai pas un ftiot à y changer.

« Les circonalances diverses de géograpbie pbysique qt^ofik* oette r^on semblent donc se réunir pour attester que le vaste réceptade de la mer Morte est le centre d'un grand bassin se rendent toutes les eaux du a;fBtème montagneux qui s'étend-de vingt-cinq ou trente lieues plus au sud; qu'il tient, par conséquent, à la constitution même du pays; qu'il est contemporain du soulèvement des montagnes qm fen- vironnent, et qu'il ne saurait dépendre d'un mouvement volcanique lo- cal , td que cdui qu'on suppose avoir eu lieu lors de la destraction des villes de laPéotapdie (année i8S5, p. 6oa}.n

Un peu auparavant j'avais dit (p. 601} : u Le châtiment de direc- tion des vallées latérales et le double versant de la grande vallée ne peuvent être dus au simple soulèvement d'tm bourrdet montagneux; Ua doivent tenir è la conatitution même du système des montagnes dont les eaux ae déversent dans cbacune des deux parties de 1'^ Ghor. Evi- demment, aussitôt que les hauteurs qui le fcffment furent soulevées, les eaux qui descendent dans la partie nord coulèrent vers la mer Morte, et y formèrent l'amaï d'eaux dont la masse subsiste depuis une époque géologique dont il est impossible d'assigner la date absolue, mais qui se reporte nécessairement au ddà des limites de l'histoire. *

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Histoire des Mongols de la Perse , écrite en persan par Raschîd- eldin; publiée, traduite en français, accompagnée de notes et d'un mémoire sur la vie et les ouvrages de Fauteur, par M. Qua- tremère, membre de F Académie des inscriptions et belles-lettres , professeur au Collège royal de France et à FEcole spéciale des langues orientales. Tome I**. Paris, Imprimerie royale, 1 836 ; in-folio de clxxv et 45 o pages.

Un décret du a 2 mars 1 8 1 3 avait ordonné , sur les fonds de ïim- primerie nommée alors impériale , l'impression dune suite d*ouyrages inédits, écrits dans les différentes langues de l'Orient. Plus tard, en 1824, une décision royale statua que ce projet serait repris-, enfin, en i833, un rapport de M. Barthe, garde des sceaux, en en proposant au Roi l'exécution , . désigna^ les ouvrages qui devaient entrer dans la collection dite orientale, ainsi que les savants chargés de les traduire et de les annoter. Le premier qui ait été publié est l'Histoire des Mongols^ de Perse, par Rachid-eidin^ , ou simplement Rachid; et cet ouvrage méritait d'autant plus la préférence dont il avait été l'objet, que c'est un des monuments historiques de l'Orient musulman les plus importants, et que le savant auquel ont été dévolues sa publi- cation , sa traduction et son annotation , est un des érudits les plus distingués de l'Europe, un des hommes dont s'honore justement la France et que l'étranger lui envie.

Le premier volume de cette histoire et de toute la collection a paru il y à déjà quelque temps. Ceux qui l'ont vu n'ont pu qu'admirer le luxe vraiment oriental de l'impression , des titres , imités des unwân ^ty^ orientaux , et des vignettes qui l'embelUssent. C'est au zélé ad- jninistrateur de l'Imprimerie royale qu'on doit le soin et la recherche qui régnent dans cette publication, une des plus belles qui soient sorties dans ces dernières années des presses françaises. Ce sera un utile ornement aux principales bibliothèques royales ou publiques de l'Europe, et ce volume pourra contribuer à répandre le goût des

' Ou Mogol, diaprés Torthographe persane. Rachid-eddin écrit Jyt* au lieu de , qui est plus usité.—* M. Quatremère a conservé lorthographe arabe en écri- vant RaschidreldiR, au lieu de suivre la prononciation comme on le fait lorsqu'on écrit Rachid-eddin.

6a.

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études orienfalet : oa doit lealeiDcnt regretter que, par aoa fannat et son prix nAlareUement éleré, il ne aott ni Jun mage, ni d'une acquîfttioD bcfles i la pinpart des orientalistes. Qooi qa'fl en scit, 3 ne doit pas rester igaorè aux lecteurs du Jonmaldes Sarants, dont les rédacteurs rendent fidUement compte des [windpaDx ouvrées de science on d'érudition qui paraissent en Eurï^.

Le magnifique Tolume dontil ^agit commence par la vie de Badnd. C'est le morceau de biographie et de bîblit^raphîe orientale le plus étendu et le plus soigné que je connaisse. B est écrit dans on s^le élevé et les faits y *<»it souvent accompagnés de réflexions judicieuses. M, Qaatremére l'a divisé en deux parties. Dans la [vemiïre, il nous fait connaître Rachtd comme homme d'état; dans la seconde, comme historien. Je n'essayerai pas de le suivre dans ses savants aperçus, dont les matériaux lui ont été fournis par de nombreux ouvrages orientaux, la plupart manuscrits; fl me suffira d'indiquer les points les plus essentiels. D'après les calculs de M. Quatremère, RacÛd na- quit en 6^5 de l'b^ire [nàj de J. C), dans ia ville de Hamadan. n pratiquait la médecine, et ce fut son habileté dans cet art qui lui donna accès à la cour des sultans de Perse et lui attira leur Uveur. Il passa une partie de sa vie au service d'Abaka-khân , sultan tar- larc de Perse, de la dynastie des Houlacides (ou descendants de Hou- lagou), et de ses successeurs. Enfm Gazan-khân,' qui aimait la litté- rature et les sciences, et qui avait su apprécier la haute capacité de Hachid, releva A la dignité de vizir, dans l'année 697 (1397-98). Rachid fut maintenu dans ce poste par le frère et le successeur de (lazan, Oldjaitou, autrement dit Khodabendeh; et non-seulement il conserva auprès de ce souverain la même laveur dont il avait joui sous son prédécesseur, mais encore il fut de sa part l'objet d'une libéralité sans bornes, telle qu'aucun souverain n'en avait jamais dé- I)Ioyé de pareille à l'égard d'un sujet. C'est ainsi qu'il s'exprime lui-

504 JOURNAL DES SAVANTS.

parce qu'il fut coupable, mais parce que sa dépouille a tenté la cupi- dité d'un despote avide. »

M. Quatremàre a ajouté sous forme d'appendice,. & la première partie du mémoire sur Rachid, ce qu'il a pu recueOlir sur la rie des enfants de cet historien, homme d'état. Pour abr^r je ne le suivrai pas sur ce temun.

Dans la seconde partie, ai-je dît, le savant académicien a considéré Rachid comme littérateur et comme écrivain. Il nous apprend que cet homme recommaadable avait cuUiyé la médecine, l'agricidture, l'ar- chitecture, la métaphysique et la théologie; qu'il savait le persan, l'arabe, le mongol, le turc, l'hébreu et même le chinois. II pandt quil avait surtout une grande facilité à écrire ; car dans l'espace de onie mois, au toilieu des obstacles et des distractions que lui occasionoaient les devoirs de sa charge, il écrivit trois grands ouvrages, un traité sur l'ignorance de Mahomet et une foule de lettres et d'opuscules variés. M. Quatremère cite, parmi les ouvrages de Rachid , un traité d'économie rurale en vingt-quatre chapitres et plusieurs ouvrages de philosophie religieuse sont examinées les questions les plus intéressantes pour l'humanité ; celle du bien et du mal; la vie , la résurrection des corps f éternité bienheureuse et malheureuse, l'inspiration, la révélation, etc. etc. Il nous fait connaître les précautions que Rachid avait prises pour empêcher la perte de ses ouvrages et pour en multiplier les copies, et it remarque que ces précautions n'ont pas eu un plus heureux succès que celles que l'empereur Tacite imagina pour assurer la conservation des écrits de son illustre parent.

Ce fut Gazan-kh&n qui chargea Rachid de composer une histoire des Mongols en langue persane. Il lui parut, avec juste raison, que cet ou- vrage devait être d'un grand intérêt, non^seidement pour les Mongols,

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montre «inc^Teineait attaché & la religion , d'un auti-e côté il évite avec soin les déclamatioua inutiles, et déploie partout une impartialité tou- jours estimable, surtout chex un historien. Admirateur des Hongcds, il vante leurs prodigieux exploits, etraconte sans dissimulation, mais aussi sans exagération, les cruautés atroces exercées par ce peuple, le sac des villes les plus florissantes, le massacre de populations nombreuses for- gées de sang-froid ; fl peint même avec calme et réserve les pro&nationa commises par les Mongols dans les mosquées de BoLhara et d'antres cités »

M. Quatremèce expose les motifs qui l'ont déterminé h se borner, comme l'amionce le titre même de son ouvrage, à donner l'histoûe des Mongols de la Perse. 11 fait ensuite connaître tes manuscrits qui ont servi à son édition. Os fourmillent des erreurs communes A la plupart des manuscrits orientaux -, erreurs qui font le désespoir des éditeun , et dont je connais, aussi bien que tout autre, les graves inconvénients.

Nous avons h nous occuper actuellement du traV9il de Raclûd. U commence par une préface en prose, entremêlée de vers, et écrite, comme tons les morceaux orientaux de ce genre , dans un stfle pom- peux, et avec un surcroît de métaphores et d'allégories souvent peu intelligibles pour les lecteurs européens. Heureusement le savant tra- ducteur a reiidu ces figures le plus clairement possible, et il en a sou- vent expliqué le sens dans des notes se développe la plus vaste éru- dition. On sait que les auteurs musulmans commencent toujours leur avant-propos par les louanges deDieu et du prophète. Rachid s' est con- formé Â l'usage établi, si ce n'est qu'il n'a consacré que quelques lignes à cet objet, tandis qu'il a longuement célébré les princes ses protec- teurs-, et ses louanges dépassent toutes les bornes de l'exagération. En- core M. Quatremère nous a-t-il sagement fait grâce d'une autre préface Bachid a inséré spécialement un éloge fastidieux du sultan Gazan. Je ne m'occuperai pas de ces louanges ridiculement hyperboliques-, mais

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Or il eiiste deux genres de traditions : Tune continue , qui est complé- tement instructive, et ne peut laisser matière à«aucun doute; c*est amsi que nous connaissons , par une tradition directe , Texistence des pro- phètes , des rois , des hommes illustres qui ont vécu dans les siècles pas- sés , ainsi que Texistence des villes et des contrées éloignées , comme la Mecque, TÉgypte et autres pays également reculés et célèbres, et qui , sans que nous les ayons vus, nous sont connus parfaitement, et de ma- nière à ne laisser dans notre esprit aucune incertitude ; l'origine de toutes les religions et de toutes les sectes repose aussi sur cette tradition con- tinue

((Il existe une seconde tradition non continue, et que Ton nomme isolée, qui admet la vérité et Terreur, qui est susceptible de variations et de contradictions. Les faits historiques et les événements dont les hommes écrivent le récit appartiennent, pour la plupart, à ce genre de tradition non immédiate. Or nous savons de science certaine, et par une expérience indubitable, qu'un événement qui s'est passé hier, s'il est raconté aujourd'hui par la personne qu'il concerne , ne se présente pas à son esprit d'une manière exactement conforme à la réalité, et que, dans chaque réunion cet homme en fait le récit , les mots et les ex- pressions qu'il emploie offirent des changements; delà vient que dans les choses mêmes qui touchent la religion , quelque soin qu'on y apporte , il se glisse de nombreuses variations; et cependant on ne doit pas rejeter entièrement ce qui est controversé, car ce scepticisme pour- rait, dans le cœm* de celui qui le manifesterait, affaiblir le sentiment religieux.

(( On sait parfaitement que les histoires de tant de peuples différents , de tant d'époques éloignées , ne sauraient être connues avec une entière certitude; que les récits qui nous ont été et nous sont encore transmis sur cette matière n'ont ni une autorité légale , ni une vérité incontes- table ; que chacun écrit les faits suivant ce qui lui a été transmis par une tradition immédiate , ou suivant le récit qu'on lui en a fait; que souvent le narrateur, au gré de son caprice, ajoute aux faits ou en retranche, et, même quand il ne ment pas ouvertement, il met quelcjuefois dans ses expressions un peu de recherche et d'exagération qui peuvent four- nir matière à contradiction

D'après cela , si un chroniqueur voulait se faire une loi de ne racon- ter que des faits certains et à fabri de toute objection , alors il ne pour- rait écrire aucune histoire , car tout son récit doit être appuyé, ou sur le témoignage d'hommes importants et témoins oculaires des faits , ou sur des traditions, ou puisé dans la lecture de livres plus anciens; et

63

508 JOURNAL DES SAVANTS.

tous ces. cas , ainsi que je viens de le dire , peuvent ouvrir la porte k bien

des incertitudes

« Le devoir d'un historien consiste à réunir les laits et les événements - qui concernent chaque peuple et chaque classe d'hommes , suivant ce qu'eux-mêmes racontent dans leurs livres; à puiser ces renseignements dans les livres les plus célèhres qui aient cours chez ces peuples, et dais le témoignage des hommes les plus connus et les plus distingné» de chaque nation, en leur laissant la responsabilité du récit.... en sorte que le bien , le mal , le blâme et la louange lui sont complètement étrangers, puisqu'il n'a fait que transcrire tes faits et les récits tels qu'ils luiont été contés , sans avoir eu aucun moyen de vérifier les opinions et de s'as- surer de leur exactitude..... »

Après cet avant-propos vient la table détaillée des matières du Jàaù lUtawârikh, matières dont j'ai dooné plus haut un aperçu, etlapréËtce particulière du Tarikh-i gâzâni, dans laquelle l'auteur fait connaître les sources il a puisé, et la manière dont U a exploité les documents divers auxquels il a eu recours. Vient cnfm l'histoire complète de Houlagou ^, qui occupe trois cent trente-huit pages de ce beau volume. ¥31e est di- visée en trois parties. La première contient la généalogie de ce prince, le dénombrement de ses femmes , de ses enfants, ses petlts-enËuits et de ses gendres. La seconde contient ce qui a précédé ï'avénement de ce prince, les divers événements qui signalèrent son règne, les com- bats livrés k différentes époques, et les victoires remportées par ce mo* narque. La troisième partie enfin roule sur les qualités de Houlagou , les maximes et sentences qu'il a prononcées, les règlements qu'il a pro- mulgués , les faits et les événements qui ont eu lieu sous son règne, mais qui n'ont pu trouver place dans les deux parties précédentes.

Houlagou était petit-fils de Genghii-khân. RacMd expose sa généa- logie, mais il ne donne pas la date de sa naissance, Houlagou eut un

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la suite de quelques faits d*armes, Khour-schâh se soumit, il baisa la terre devant Houlagou , et ce prince le reçut avec bonté et Fencouragea par des paroles bienveillantes. Khour-schâh était accompagné de plu- sieurs personnages distingués , entre autres duKhâja-nacir-eddin-Toucî dont Rachid cite deux vers qu'il fit à cette occasion. Ce Nacir- eddin n est autre que le célèbre astronome de ce nom à qui on doit le traité de morale, intitulé t^j^^ o^^"^' Akhlâqu-i nacirî^. Ce fut pour lui que Houlagou fonda Tobsei^vatoire de Maragah , édifice célèbre qui a été l'objet d'un mémoire de feu M. Jourdain, et auquel Rachid con- sacre un chapitre entier de son histoire.

Mais revenons à l'infortuné Rokn-eddin Khour-schâh, fils d'Ala-eddin, dernier roi de Ismaéliens. Après l'avoir comblé d'honneurs et l'avoir marié aune fille mongole , Houlagou le fit partir pour la cour du Gaân.

Le souverain mongol envoya un émissaire qui fil mettre à mort ce malheureux prince sur la route même; bien plus, ses parents et toutes les personnes de sa suite, jusqu'aux femmes et aux enfants, fiirent im- pitoyablement massacrés.

Ensuite Houlagou marcha contre Bagdad , régnait le khaUfe Mos- tacem, prince sans capacité. On était alors dans le à!" mois de l'année 655 de l'hégire (laSy). Houlagou envoya des ambassadeurs au kha- life pour lui ordonner de se soumettre ou de s'attendre aux terribles effets de *sa colère. D'abord Mostacem ne se laissa pas intimider : « J'ai à ma disposition , lui fit-il répondre , des millions de cavaliers et de fantassins propres à la guerre, et qui, lorsque le moment de la vengeance sera arrivé, anéantiront les flots de ton armée.» Nouveau message de la part de Houlagou irrité, qui signifie au khalife qu'il va marcher contre Bagdad , à la tête d'une armée aussi nombreuse que les fourmis et les sauterelles. La résolution de Houlagou trouble enfin le khalife; il prend conseil de son vizir, qui l'engage à céder aux désirs du prince mongol, et à lui envoyer de riches présents en lui adressant des excuses ; à offrir de faire la khotba ^ et de frapper monnaie au nom de

^ On peut voir ce que j*ai dit sur cet ouvrage, au commencement de ma notice sur YAkklaqa-i mahcini, dans le Jourqal asiatique, année 1837. * La khotba,

*^*^^ équivaut aux prières du prône. Elle a lieu le vendredi à midi. On y prie poijr le souverain régnant de droit ou de fait ( voyez la traduction des principaux prônes dans mon Eucologe musulman ). Il est bon de faire observer ici que les chrétiens orientaux ne nomment jamais dans leurs prières publiques le sultan de Constanti- nople, qui est cependant leur souverain. Ils prient seulement pour les rois chrétiens, ^^J\JaXi\ iÛyi} , ainsi qu*on peut le voir au canon de la messe de la liturgie grecque-arabe.

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ce prince ; mais les émirs ayant eu connaissance de ces dispositions en détournèrent Mostacem, qui leur céda et réunit une armée considé- rable. Toutefois il finit par lui envoyer quelques présents, en faisant néanmoins menacer Houiagou de la colère divine, s*ii cherchait à ren- verser le trône du vicaire de Mahomet. Ces menaces accrurent au plus haut point la colère du prince mongol. Il répondit au député du khalife par trois vers, dont M. Quatremère nous donne la traduction suivante :

« Bâtis autour de lui une ville et un rempart de fer, élève une tour « et une courtine d*acier, assemble une armée composée de démons et «de génies, ensuite marche contre moi, tout enflammé du désir de la «vengeance. Quand tu serais dans le ciel, je t'en ferai descendre, et, « malgré toi, je t'amènerai dans la gueule du lion, o

Aussitôt après, Houiagou s'occupa à équiper et à organiser son armée. Il se mit ensuite en marche, et il s'empara d'abord des environs de Bagdad ; mais il ne voulut pas s'avancer contre cette ville sans consulter son astrologue, afin qu'il lui indiquât le moment favorable pour se mettre en route. Celui-ci, bon musulman et peu courtisan de son na- turel, répondît en propres termes que les rois qui avaient osé attaquer le vicaire du prophète avaient perdu le trône et la vie ; que si le prince persistait dans sa résolution, ses chevaux mourraient et ses soldats se- raient attaqués de diverses maladies ; que la pluie ne tomberait pas ; que des vents violents soufileraient ; que des tremblements de terre se feraient sentir; enfin que le grand monarque mourrait avant la fin de l'année. L'astronome Nacir-eddin fut d'un avis contraire, et rien ne put arrêter désormais Houiagou. «Le cœur du roi, dit Rachid, reprit une énergie comparable aux couleurs qui parent la tulipe dans les pre- miers jours du printemps. »

Après quelques négociations inutiles, Houiagou vint camper à l'o- rient de Bagdad le 1 1* jour de muharrem, i" mois de l'année 656 (i 2 58). Bientôt les tours et les remparts fiirent renversés, et les soldats mongols pénétrèrent dans la ville. La garnison fut égorgée sans misé- ricorde. Le khalife abandonna sa capitale, et, suivi de ses trois fils et des principaux personnages de l'état , il alla se présenter devant Hou- iagou. Ce prince , pour mieux cacher sa perfidie , bien loin de témoi- gner aucune colère, reçut le khalife avec douceur et bienveillance, et lui dit d'ordonner aux habitants de Bagdad de déposer leurs armes et de sortir de la ville. Le khalife obtempéra aux volontés de Houiagou; mais comme ses pauvres sujets désarmés sortaient de la ville, ils étaient mis à mort par les Mongols. Le mercredi, 7* jour de safar 656, la

512 JOURNAL DES SAVANTS,

ville de Bagdad fut entîèreineat livrée au meurtre et au pillage. HoU' lagou entra dans le palais du khalire , et le mallieureus Mostaccm , cpi'il fit amener devant lui, fut forcé de lui découvrir tous ses trésors. Ces lichesses, que les khalifes avaient amassées durant cinq cents années, furent amoncelées, dit l'historien, comme des montagnes, autour de la lente du prince. Il serait trop long de rapporter toutes les atrocités que commirent les Mongols ; ils mirent le sceau à leurs cruautés en faisant mourir le khalife et presque tous les membres de la (àmille d'Abbas.

Pour ne pas dépasser les bornes que je dois m'imposer, je ne dirai rien des autres laits militaires de Houla^u et de ses généraux et des actes barbares qui les accompagnèrent. Je ne parlerai pas de la prise d'Arbèle, ville célèbre par la bataille que Darius y pei'dit contre Alexandre, de celle d'Alep et des autres villes de Syrie; de l'expédition d'Egypte, les armes mongoles éprouvèrent enfin un échec. Je ne dirai rien non plus des dissensions qui éclatèrent entre Iloulagou et son frère aîné Bérikai, dissensions qui eurent pour résultat de sanglantes batailles. Les exploits de Houlagou eurent enfin un terme; et ce terme lîit son décès : « le gain de la vie , a dit un poète persan célèbre ,' n'est autre chose que la mort. » En rébi preniiei-, 3' mob de l'an de l'hé- gire 663 (i a65] , Houlagou, après avoir consacré plusieurs jours à la chasse et aux festins , tomba malade. Les médecins lui firent prendre une potion qui bientôt lui causa un évanouissement auquel succéda l'agonie et la mort. Ce prince était 3gé de liS ans. Au moment des funé- railles de Houlagou, on jeta dans sa tombe une immense quantité d'or et de pierreries, puis on y enterra plusieurs belles filles parées de magni- fiques ornements, afin, disent les historiens, que le khân n'éprouvât pas l'ennui de la solitude.

Actuellement que j'ai fait connaître les principaux faits contenus dans les pages de Rachid, que M. Quatremère a rendues dans un style

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sur la divination et sur lusage de certaines pierres pour obtenîi' de la pluie, p. 267 et 428; celles sur les différentes espèces de papier usitées dans rOrient, p. ^32 et suivantes.

Dans celle sur Zoliak, p. 62, nous y apprenons qu*il faut prononcer Zahhâk le nom de ce tyran fameux; dans celle sur le poëte Ânsaii, p. 64, que ce nom doit être prononcé Onsori.

A la p. 2 1 , M. Quatremère explique le mot urdâ ^y^L On sait que ce même mot, qui signifie camp, est employé par les musulmans de rinde, pour désigner le dialecte hindoustani du Nord qui fut effective- ment formé au milieu des camps mongols : on le nomme proprement ^^j\ fj\jj zabân-i ardu (langue de camp), et simplement aussi nrdâ.

Nous apprenons, p. 6 , les divers sens du mot jbL^ bayâz. Dans TLide , il signifie simplement aïbum*

Il y a une note très-intéressante sur le mot hhân yW , p. 84 et sui- vantes. Aux observations fort justes de M. Quatremère, je puis ajouter que dans l'Inde on donne actuellement ce titre à tous les Pathans, de

même quon donne à tous les Mongols le titre d'acd b) ou Uï, nom que les souverains mongols prenaient aussi autrefois. Tous ces titres ont, du reste, beaucoup perdu de leur valeur. Eln Turquie, on nomme tout le monde sultan. Dans Tlnde, le titre de «fA.>lio saihib qui se prend pour empereur dans l'expression Tippou sàhib ( le sultan Tippou) , par exemple, ce titre , dis-je , équivaut tout à fait à notre mot mx^nsieur. Le mot schâh ( roi ) lui-même se donne aux faquirs; à la vérité on doit alors le mettre avant le nom de l'individu ^ : enfin , il n'est pas jusqu'au titre pompeux de khalife qui ne s'y donne aux tailleurs d'habits et aux cuisiniers.

La note sur le lion est un véritable mémoire plein d'intérêt. Aux preuves que M. Quatremère a données, que le lion est presque in- connu dans la presqu'île de llnde, je puis ajouter que le nom persan du lion j^ schir { ou scher d'après la prononciation indienne ) , s'y donne au tigre. Le mot sanscrit f^fe sinqh, qui désigne réellement le

lion y est quelquefois même employé en hindoustani pour indiquer le tigre; d'ailleurs, on l'emploie surtout comme un titre honorifique signi- fiant teî/i^aeax, brave; il est alors synonyme de bahâdur j^\^, mot que M. Quatremère nous apprend être mongol d'origine.

A propos des Cosaques (Kazzak), M. Quatremère fait observer, p. 406, avec juste raison, que ce n'est pas proprement un nom de

* Voyez mon Mémoire sur la religion mufolmaiie' daoi Tlnde, p. 2 1 .

514 JOURNAL DES SAVANTS.

peuple-, mais que ce mot, guide la langue des Turcs orientaux a paué dans l'idiome des Persans, depuis les conquêtes de Tamcrian , signifie, d'après le dictionnaire original intitulé LogtU-i Turlct, « un voleur de grand chemin. » A l'appui de cette citation, je dois dire qu'en faindoustani ce mot, qui est très-usité, n'a pas d'autre sens, et que c'est même la seule expression qu'on emploie pour désigner ce que les Persans nomment rtJtrxan (jj *j (coupeur de chemin).

M. Quatremère explique, p. /ia6,le mot (jS^î^jS^par le salât tfii'on faità nn souverain. Ce mot a pris dans l'Inde un sens plus vague; il si- gnifie simplement salutation. On le prononce komisch et au pluriel konfàchât.

Je ne pousserai pas plus loin cet examen. Ce que j'ai dît me parait suffisant pour prouver l'intérêt réel de l'ouvrage dont il s'agit, je dis plus, pour convaincre le lecteur qu'il est sans contredit une des publi- cations les plus importantes parmi celles qui ont été faites concernant l'Orient.

GARCIN DE TASSY.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

mSTITUT ROYAL DE FRANCE.

516 JOURNAE;DES SAVANTS.

ne scroDt rtçot qoÊbjùtiiaêni-i'i-^amar i83g. hu ooms des auteurs demot nrtur incotmos.

n. UneanMaoaunaâe 6,ooolnaosfl8t dcstio^à réooiDpeiiHrlMDieHIatira* traductîoM d'ooTTUgei de marda qni ■eraienl puldUm d'ici aa l'janner 1839. le prix sendéoemddanalaiéaace pnUiqae du mois de mai 1839.

m. L'Acadànie arait proposé en i83i un prix de 10,000 francs pour la mail. learetngédie.onpourlameUlvure comédie, en ranq aclesateaven, compnéapar ns Praiiçais, ifi^éeenlfe, imprimfe et puUîée en France, qui serait morale et ap[ri«ufie.Ge«M)coaMestprorô^iasqu'aa 1' janvier i84o. L'Acadésiio ne s'oo- copera do jilgementd'^rèsle^udwpris sera décerné, qu'un au an [dus tdl après la ddtnre du ceocours.

Prix exItnarJàutbvfondipar M. bbanAGobârL A partir du aa mars i84o. l'Académie s'occupera dn jugement du grmipriM fondé par H. le baron Gobert, pour le moixeaa leplju iloqaent d'M^toiiv de France (expressions textuelles du testa- ment). Ce prix, conformément a l'intention du testateur, se composera des neuf dixièmes du revenu total qu'il a légué à l'Académie, etqui est évalué à 10,000 francs ; l'aum dixième étant léservé pour l'écrit , sur l'histcire de France , qui aura le plus amnoché du prix. L'Académie comprendra dans son examen du prix à décerner, s il y a lieu, dans la séance puUimie annucJla de 18Â0, les écrits historiques qui auront paru depuis le 8 aoàt i83A, époque de l'acc^tation régidiàre du legs. Les ouvrages couronnés conserveront le prix annud , d'après la velouté expresse du teslaleor, jasqn'i dédaration de meilleurs ouvrages.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.

La séance publique de l'Académie des inscriptions et bdles-lettres a eu lieu le loaoât, BOUS la présidence de H. Jomard. Apiès un rappwt de H. le comte Alex. deLabwde sor les mémoires envoyés au concours relatif aux antiquités nationales. M. Daunou, secrétaire perpétud , a lu une notice surla vie et les ouvrages de M. le baron Siiveitre de âacy, M. Emeric David, un mémoire sur la dénruninatbn et les caractères de l'architecture gothique, et M. le vicomte Le IVérost d'Irsv, un mémoire concernant l'influence de la Grèce en généni.etde Conothe en particulier, sur les arts de l'Etrurie et de Rome même, dans le cours du vu* siède avant l'ère vulgaire. L'heure trop avancée n'a pas permis d'entendre les mémoires de Kl. Pardessus sur les caravanesde commerce dont parient lespro[diilea hébreux, etdeH. Naudelsor

518 JOURNAL DES SAVANTS.

demie des tnicriptioiis et belles-lettrea, comme à l'Académie frui^se, un capital doof l'inlérit eat èralué approximativemeiit à 10,000 francs, a demandé que les neuf dixièmes decetioUi^t fussent proposés eu prix annud pour le travaille |dus savant ou le plus profond surrhistcure de France e( les études qui s'y raUacbent;» «t l'aulre dixième pour celui dont le mérite en approchera le plus.dédarant vouloir en outre aque les ouvrages gagnants continuent a rece^-oir chaque année leurs pris, •jusqu'à ce qu'un meSleur ouvrage les leur enlève, et qu'il ne puisse être présenté ce concours) que des ouvrages nouveaux.! L'Académie décernera, dans sa séance puMiqne i83q, le prix fondé par le baron Gobert, à l'ouvrage sur Hùstoirede France elles études qui s'y rattachent qu'elle jugera le plus savant ou le plus pro- « fond parmi ceux qui auront été puUiés , en français ou en latin , depuis le 1" jan- vier i838 jusqu'au 1" avril iSSg, et déposés au secrétariat de l'Institut avant ce dernier terme.

L'Académie des inscriptions el bdies-lettres a élu H. Garcin de Tassj en rem- placement de M. le prince de Talleyrand.

ACADÉMIE DES SCIENCES.

L'Académie des sciences a tenu sa séance puUique annuelle le lundi i3 août. I^ président, H. Becquerd, a lu un discours intitulé,: Rechercha lar le dég^ement lie ut chmUar; et M. Flourens , secrétaire perpétuel, l'Eloge historique de H. uiurent de Jussieu.Les résultais des concours elles sujets proposés ont été proclamés comme il suit :

Sciences matbéiutiques. L'Académie annonce que le grand prix des sciences mathémathiques sw la rétistanct du li^aidst, proposé au concours pour i838, et le prix extraordinaire lar rapplicatioit Je la vapeur à h navigation, seront décernés, s'il y a lieu , dans la prochaine séance publique.

La médaille fondée par Lalaode a étié décernée en 1S37 à H. Guiuand hls, pour les succès qu'il a obtenus dans la fabrication du flint-glass exqmpt de stries et de bulles, et cela à l'aide de procédés dont plusieurs menuires de l'Académie ont été témoins.

D'aprèa un rapport de M. Coriolif sur le concours pour le de mécanique de ta fondatiou Mon^on , l'Académie p décidé qu'il n'y avait pomt lien i décerner le prix cette année.

Le prix de statistique, fondé par Uontyon, a été partagé entre M. Vicat, pour ses Recherches statistiques sur les substances calcaires proinvs k fournir des chaux hydrauliques et des ciments dans les bassins du Rhdne et de la Garonne, et

AOUT 1858. 519

t taUes numériques existantes , on puisse calculer, d*après ces séries, le lieu d*une « jdanète à toute époque donnée. Pour les déYcloppements de cette question , voyez notre numéro de septembre 1837. Les mémoires devront être arrivés au secrétariat de TÂcadémie avant le 1*' mai i83g. Les noms des auteurs seront contenus, comme à Tordinaire , dans des billets cachetés.

La médaille de 635 francs, fondée par Lalande, sera décernée en i83g , comme les années précédentes, à la personne «qui, en France ou ailleurs, aura fait Tob- «^servation la plus intéressante, le mémoire ou le travail le plus utile aux progrès de Fastronomie.

En vertu de Tune des fondations de Montyon, TÂcadémie adjugera en 1839 une médaille d*or de la valeur de 5oo fir. en faveur de celui « qui s*en sera rendu le plus f digne en inventant ou en perfectionnant des instruments utiles aux progrès de « Tagriculture , des arts mécaniques et des sciences.

Un prix de 53o francs, fondé par M. de Montyon, sera de même adjugé en 1839 « au meilleur ouvrage concernant la statbtique de la France.

Sciences physiques. L* Académie avait proposé pour sujet du grand prix des sciences physiques, à décerner en iSSy, la question suivante : «Déterminer, par « des recherches anatomiques et physiques , quel est le mécanisme de la production « du son chez Thomme et chez les animaux vertébrés et invertébrés qui jouissent de «cette faculté. Cette question n ayant point été résolue, l'Académie la remet au concours pour Tannée 1839, en la restreignant dans les termes suivants: «Déter- « miner, par des recherches anatomiques, par des expériences d'acoustique et par « des expériences physiologiques , quel est le mécanisme de la production de la voix « chez Vhomme et chez les animaux mammifères. Le prix consistera en une médaille d'or de la valeur de 3, 000 francs. Les mémoires devront être remis au secrétariat de l'Académie avant le 1*' avril 1839.

Le prix de physiologie expérimentale , consistant en une médaille d'or de la valeur de 895 francs, a été adjugé à M. Bernard Heyne jeune , de Wurtzbourg, pour son ouvrage intitulé : Recherches expérimentales sur la régénération da système osseux.

Le prix Montyon de médecine et de chirurgie n a point été décerné cette année. Des médailles d'or de 5oo francs ont été accordées à titre d'encouragement à MM. Tuefferd, Brisset, Fiard, Perdrau et Bousquet.

Le prix Montyon relatif aux arts insalubres a été également réservé.

L'Académie rappelle qu'en vertu de la fondation laite par M. Manni, professeur k l'université de Rome, eBe a proposé pour sujet d'un prix de i5oo francs qui sera décerné, s'il y a lieu, dans sa séance publique de 1839, la question suivante : « Quels sont les caractères distinctifs des morts apparentes ? Quds sont les moyens « de prévenir les enterrements prématurés P

L Académie propose pour sujet du grand prix des sciences physiques qu'elle ' distribuera, s'il y a lieu , dans sa séance publioue de 1839 , la question suivante : « Déterminer par des expériences précises queue est la succession des changements « ohimiaues , physiques et organiques , qui ont lieu dans l'œuf pendant le développe- « ment au fœtus chez les oiseaux et les batraciens. Les concurrents devront tenir « compte des rapports de l'œuf avec le milieu ambiant naturel; ils examineront par « des expériences directes l'influence des variations artificidles delà température et « de la composition chimique de ce milieu. >

Le pri;^ consistera en une médaille d'or de la valeur de 3,ooo francs. Les mé- moires devront être remis au secrétariat de TAcadémie avant le i*' avril 1839. Ce terme est de rigueur.

520 JOURNAL DES SAVANTS.

L'Académie propose pour sujet d'tin prix de 1 0,000 francs qui tén décerné , s*3 y a lien , dans sa séance puBliôae de i849 , la question suiTante: lia vertu préaer-

vative de la vaccine est-elle absolue, ou bien ne serait-dJe qne temporaire? Dana t ce dernier cas , déterminer par des eiqpériencet précises et des faits antheodqiieB le temps pendant lequel la vaccine préserve de la variole, he cowpox e-^S une

vertu préservatlve plus certaine ou ^us peisistante que le vaccin d^ A employé éi

un nombre plus ou moins considéraÛe de vaccinatîoas soccessives ? En siiRNiâBnt «que la qualité préservative du vaccin s'afiaiUisie avec le temps, budndnl leR- < nouveler, et par quds moyens i L'intensité plus on moins grande des phéDomènes

locaux dn vaccin a-t-dle qndque rdation avec la qnalité préservative de la variole? «E^t-ii nécessaire de vacciner plusieurs fois une même personne, et, dans le cas

de l'affirmative , après combien d'années faut-îl procéder k de nonv^es vaccina-

lions?! Les mémoires' devront être remis au secrétariat de l'Académie avant le I" avril 18A3 , terme de rigueur.

LIVRES NOUVEAUX.

FRANCE.

/ Manoieritti italiani délie re^ie bibliotache di Patigi, etc. Manuscrits italiens des bibliothèques royales de Paris , décrits par le docteur Marsand , professeur émérite de Itlniveisité de Padoue. Paris, Impnmerie royale; tome II, v et 5 1 4 pages in-^*. Le premier volume , publié en i835, également aux frais de l'Etat, contenait les notices de 703 manuscrits de la Dibliotbéque du roi. Ceux dont le nonveaa voinme donne la description sont au nombre de 363, savoir : ig3 appartenant à la Biblio- thèque du roi, 99 à celle de l'Arsenal, 44 à celle de Sainte-Geneviève, et 37 à la bibliothèque Mazarine. On pourrait s'étonner qu'une bibliothèque qui a eu Maiarin pour' fondateur renfermât nn si petit nombre de manuscrits italiens, si l'on ae se rappelait qu'en 1668. Louis XlV a ordonné d'échanger contre des livres imprimés de la Bibliothèque du rot plus de 3,000 manuscrits de la bibliothèqne Maiarine, parmi lesquels il s'en trouvait nu grand nombre dans la langue italienne. Nous avons lieu de croire mainlenanl exact et complet Tinventaire rait dans nos quatre grandes bibliotlièques , par le savant et consciencieux professeur. Cest un service rendu à la fois à notre pays et au sien. Une table des matières Ibrt bien conçue ajoute H'utilltéde cette puolication.

AOUT 1853- 521

' MétMif^M comtpendances 0t manmmtr d^ giiUnd t^ayetU, publiés pM> sa fo- niiBe. Six volumes io^S*» Pam, Fournier, i838. Les IrcMs dernien volumes viepoeut de paraître.

De f Épopée a»ant Virgik et de VÉniide; leçon d'ouvertore à la Faculté des hitreik , par M. Patin ( a* semestre i838 ). In-4* , i a pages. Imprimerie de Paul Dupont

Le miracle de Théophile, mis ea vers au commeDCçment du xni* siècle, par Gau- tier de Coinsv; publié, pour la première fois, diaprés un vieux mamisor^ de la biUiothèqUe de Rennes, par P. Maillet, Rennes, imprimerie de Vatar, librairie de ilolliex; m-8 .

Nueva relacion que contiene viaget de Tomas Qage en la Nueva Espana. Paris, imprimerie d*Everat, librairie de Rosa; i838. Deux volumes in-ia, ensemble de 690 pages. Pr. 7 fr.

Histoire de Lille, capitale de la Flandre française, depuis son origine jusqu*en i83o; par M. Lucien de Rosny. Imprimerie. dqPrignet, à Valenciennes. A Paris, diei Téchener, i838. In-S*" de 384 pages. Pr. 5 fr.

Études archéologiqaes , historiques et 9tatistiqaes sur Arles, contenant la description des monuments antiques et modernes, ainsi que des nçtes sur le territoire, par M. Jean- Julien Estrangin. Impr. d*(Hive, àMarse31e;libr. d*Aubin, à Aix, ^838. In-8' de Ai 6 pages.

' Mémoires aagncuUure, d'économie rurale et domestique, poUiës par la Société royale et centrale d*agriculture. Année 1837. Paris, imprimerie et librairie de M** Huzard. In-8* de b^à pages.

Traité des droits Jt auteur, dans la littérature, les sciences et les heaux-arts, par Au-

gistîn-Charles Renouard, conseiHer à la Cour de cassation. Paris, imprimerie de Paul enouard, librairie de Jules Renoucp^; tome I*, 48o pages in-8*. L ouvrage doit former deux volumes, t Le premier comprend Thistotre du droit des auteurs , expose l'état des législations françaises et étrangères et la théorie philosophique de ce droit. Le second est consacré à Fexamen des questions pratiques de Jurisprudence, t Le nom de l'auteur, qui a d^à publié un Traité des brievets d^invention , de perfection- nement et d'importation , Tautorité que sa position ajoute à celle que Im donne la spécialité de ses études, et les circonstances au milieu desquelles pûrait oet ouvrage, tout concourt à lui donoer mi haut degré dlntérét

ANGLETERRE.

Correspondence of William Pitt, eatl qf Çïa^n^; Correspondance de William Pitt , comte de Chatbam, publiée par les exécuteurs testamentaires de son fils John, comte de Cbatham, d'après les manusciits originaux. ]U>ndres, Murray, i838- Tome I"; în-8* de A80 pages.

An expmtm of Disoofmy inlo ikp intmjptt ^ Afriput «Ip- V^^^age d*eKpktteiioM tiùs l'intérieur oe l'Afrique. en .l837 , . par b. capitaine J. £. Alexandre* Londies , Qdbum, 1838. Deos toi. ii^\

PAYS-BAS.

BMioihéoaReaeeiuîana. Descriptif atquéèâidliC.têeuutns,Ktt: doct, musei anfiq. neerkaid, coneervatcr primarius; prtffyifnf editpne fpiêtola de vita Reuvemii. Lugduni

522 JOURNAL DES SAVANTS.

B«lawnm,aimdS.9tJ.Lathtmaia,aead.typo^.etC.C.VmdefIlMk; iS38. la-A* de Lsxv et &o8 pages. La vente des lÎTres de cette bibUolhèqm, riche 9oi1oat«n oavrageB archéou^ues, aura liea à Lej^de, le 8 octobre i838. Gaspard JacqoH Christian Reurens, à la Haye en 1793, professeur d'archéologie a lllamnité de Le^de , est mort Ji Rollerdam en i835. Il a publié, entre autres écrits estiméi: CoUtctaïua Ulteraria, riv« conjectara in Attiam, Diomedem, Lacilium, lydmn, tte. Lugd.Bat i8i5;in-8^. DiipBfatw ée nniBlacrû fntianJam tympanonm PotAê- noiut, tic. (dassicd jomnd.n'LV, s^tenuber 1833.) L&ttm à M. LÊOmmptr }upaoyrathUbtgfUt»t gréa, et larifMhfMi autre* numameRti gria>-égyptitiu da Mmtèê d'imbtfaititdeiUnivtmtéàeLeyde. Lejde, l83o; va-k'-

ITALIE.

Le Fahbriche e i monamenti conkui £ Veneaa. Édifices et monuments remar- quables de Venise, illustrés par Leopoldo Cicognara, Antonio Diedo et ^annan- tonio Sdva. Seconde édition , avec des additions et des notes. Venise , Guiseppe Antonelli, i838; grand in-folio; tome I [ i" et a* livraisons]. La première édi- tion de cet important ouvrage avait paru a Venise chei AlvisopoH, de i8i5 à i8ao, en a volumes in-folio. Gct^ara, que les arts viennent de perdre, avait puUié, entre autres ouvrages estimés, une histoire de la sculpture en 8 vol. io-8* avec adas, une histoire de la cidct^aphie et des nielles, et un catalc^e des livres d'art.

PUica âei eorpi ponJerabili, oaia tratlato delta coiutitazioTie générale de' cOffi. Phy- sique des corps pondérables, ou traité de la constitution générale des corps, par M. Amédée Avogrado, profêsseor de physique k l'université de Turin. Turin, Impri- merie royale, 18371 tomel';iD-8* de utxii et gio pages, avec a planches.

Dirilto nalurale privato e pabbSco. Droit naturel privé et pubuc, par le docteur Helro Baroli, professeur de philosophie k l'onivenité de Pavie. Crémone, Guiseppe Feraboli, 1837: 6 vol. in-8* de xyi et 3A4, 356, x et 3ai, 4a6, vin et 373, 374 page».

Les tomes I et II contiennent le droit naturel privé, les tomes Illet IV le droit naturel public interne , et les tomes V et VI le droit nalurd puUic extom.

524 JODHNAL DES SAVANTS.

l'écoulement des eaux , présentait déjà du temps des Romains de grandes difficultés. Après une longue suite de tentatives, qui n'eurent pas tou- jours un résultat satisfaifaiit, I||. Foaeon^JfDDl fut chargé de la directioo de ces travaux, et il acheva le desséchétneot de cette province qui est maintenant une des plus fertiles de l'Italie. On aime à voir, k quarante ans de distance, le même M. Fossombroni, devenu premier ministre du gri)j(id-iji)p de T^scane^ portçjr sef'vueç^les Moremmes, efuser de son indtjënce -pour filire ap^iqu^r à octtç conU^e les ^iéifles prin- cipes qui Juî avaient servi ailleurs si utilement. Bien que (comme nous le verrous plus loin] , sous le rapport fiDancier et sous celui de la salu- brité , )a bonification des Mar^niney ne scfnble pas devoir ofirir les avantages qu'on s'était promis, on doit cependant reconnaître que M. Fossombroni a poursuivi la réalisation de ses desseins avec une persévérance et une vigueur d'esprit peu communes , et qu'il a montré des connaissances théoriques et pratiques très-étendues dans le mé- moire qui fait partie de l'ouvrage dont nous devons rendre compte.

AJalI^oureusetïient il n'en est pas toqt à f^t ainsi de ta relation rédi- gée par M. Tarlini, qui a parlé de ces grands travaux plutôt en ama- teur qu'en homme du métier; et l'on doit vivement regretter que le gouvernement toscan n'ait pas suivi les sages conseils de M. de Prony, qui, dans un excellent rapport lu à^TAcadémie des sciences, le 37 no- vembre 1 837, s'exprimait en ces termes :

u II serait à désirer, lorsque l'assainissement des Maremmes sera com- plètement terminé, qu'on publiât sur cette grande et bdle entreprise un ouvrage détaillé dont la rédaction ne pourntit être mieux confiée qu'à ceux qiM ont conçu les projets et dirigé l'exécution de la boni&cution. »

Certes , si l'on avait écouté les avis de M. de Prony, on aurait eu une relation historique qui eût fait connaître toutes les parties délicates, et pour ainsi dire intimes de cette difficile opération; mais le rédacteur de cet ouvrage s'est trop souvent borné à des généralités peu utiles, et.

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Sous le rapport hiatorique, la question n'est pas moins compliquée; car c'est surtout dans les provinces qui paraissent avoir été autrefois les plus peuplées, les plus florissantes, que règne à présent le mauvais air. En Toscane , c'est dans les Marenunes, l'on voit encore les restes de plusieurs des principides vSles étrusques : dans les États du pape , c'est dans i'A^ro Roman», c'est autour du Capitole que l'air se trouve, à certaines époques, si chaîné de miasmes pestilentiels. Or, bien que quelques passages' d'anciens auteurs semblent prouver que surtout dans certaines parties du littoral, qu'à Rome même l'air était mal- sain, il est impossible cependant de croire que, si ces qualités n'a- vaient pas empiré , la population eût pu être si nombreuse autrefois, elle ne saurait demeurer à présent sans s'exposer aux plus graves dangers. Maïs l'histoire ne nous apprend ni comment ni à quelle époque s'est opéré ce changement, et c'est en cela surtout que réside la plus grande difficulté. On sait, il est vrai, que, par les invasions des barbares, plusieurs des villes principales de la péninsule furent dévastées; que les routes, les canaux, que tous les grands travaux publics, en un mot, forent négligés, et l'on voit dans les lettres de Cassiodore que Théodoric faisait de vains efforts pour arrêter le mal. Plus tard , les eaux se ré- pandirent dans les plaines, les campagnes, se couvrirent de forêts, et la plus grande partie de l'Italie devint inculte. Mais on comprend diffi- cilement pourquoi , lorsqu'au sortir de la barbarie on recommença à défricher les terres et à régler de nouveau le cours des rivières, certaines provinces seulement purent reprendre leur ancienne pros- périté. Parmi les contrées malheureuses qui furent vouées à la stérilité, il faut compter surtout les Marenunes de la Toscane, dont l'état économique et physique n'a fait qu'empirer depuis le moyen âge. Cette riche province, qui s'étend sur le littoral depuis les environs de Lîvourne jusqu'aux frontières des États-Romains , a été partagée successivement entre une multitude de maîtres; elle n'a été définitivement cédée tout entière à la Toscane qu'à une époque assea

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les personnes appelées à les dir^er. AÎAsî, on ne sautait indilTéreni- ment combler d'abord une portion quelconque de teirain; et il est & craindre souvent qu'en comblant des marais inférieurs, l'eau ne remonft et n'inonde des campagnes plus élevées. D'ailleurs, on ne peut employer que des eaox assez chargées de limon pour que les atterrissements s'effectuent dans un temps assez court : autrement l'opération deviest trop dispendieuse , et l'on court risque de combler les canaux avant que la colmata soit achevée ^. Ces prises d'eaux, ces détournements de ri* vières , peuvent rarement s'effectuer sans compromettre le système d'é- coulement qui existait déjà; mais avec du soin et de la persévéraDce on surmonte ces difficultés et on évite ces inconvénients. D'ailleors, ces travaux s'exécutent bien plus facilement dans un pays comme la Toscane, depuis plusieurs siècles on ne cesse de s'y livrer et ils paraissent avoir pris naissance. En effet, im passage de Pline, plu- sieurs fois cité, semblerait indiquer que les Etrusques ont connu au- trefois ce procédé ^. Il est vrai que. chez les Romains on ne trouve aucune trace de ces espèces d'alluvions artificielles ; mais , comme elles sont déjà mentionnées en Toscane dans des statuts du xn* siède^ et que d'ailleurs on ne les voit adoptées à cette époque par aucun autre peuple, on est conduit à penser que l'invention en est due aux Toscans, et qu'au lieu d'être une découverte des siècles barbares, les premières colmates ont été exécutées par les Étrusques, si célèbres par leurs connaissances hydrauliques. Frère Ptolemée de Lucques* parie dans sa chronique , à l'année 1 1 8 » , des Urrm cobiuUa d> aqma PiscUe, et l'on peut remarquer à ce sujet que ce mot colmata, qui est tantôt adjectif, tantôt substantif, et qui désigne une des plus im- portantes applications de la science des eaux, ne se trouve pas dans les meilleurs glossaires de la basse latinité. Depuis la renaissance, les col- mates sont fréquemment citées par les historieùs de la Toscane. Laurent

550 JOURNAL DES SAVANTS.

résultat scientifique , et qu'ils seronl toujours étudiés avec fhùt par les ingénieurs. Mais après la question hydraulique reste la question éco- nomique et celle de l'assainissement; car le gouvernement toscan n'a pas eu seidement poiu- but dans les Maremmes de combler des marais ' pour montrer les eOets des atterrissements , comme on ferait des expé- riences en grand, mais il a se proposer aussi d'assainir. cette pro- vince, et de Ëiire un utile emploi des sommes très-considérables qu'A y a versées. Le mémoire de M. Fossombroni prpuve que, sans croire à un assainissement complet , on a espéré atténuer beaucoup l'infection, et que l'on a cru faire une magnifique opération finan- cière , en rendant à la culture des terres depuis longtemps devenues stériles; mais les chiffres que l'on trouve dans les tableaux statisti- ques et dans la relation rédigée par M. Tartini démontrent que , jusqu'à présent , il n'y a pas eu d'amélioration dans l'air des Marem- mes; et Ûs prouvent, de plus, d'une manière péremptoirc que, consi- dérée sous )e rapport financier, la bonification de cette province a été une opération désastreuse pour la Toscane. Les développements dans lesquels nous allons entrer montreront .clairement la vérité de ces deux assertions.

Nous avons déjà vu qu'outre les émanations des marais , il existe dans les Maremmes un autre principe d'insalubrité dont on ne connaît ni l'origine ni la nature, et qui cependant se manifeste par les effets les plus pernicieux. Dans le rapport déjà cité, M. de Prony dit que cela dépend d'une action chimique exercée par l'atmosphère sur les pre- mières coucbçs du sot : M. Fossombroni, qui a consacré un long cha- pitre de son mémoii'e à la recherche des causes de l'infection des Maremmes, après avoir parlé des émanations des marais et du mélange de l'eau douce avec l'eau de la mer, signale comme cause de l'insalu- brité des lieux non marécageux une couche qui se serait formée au fond de l'eau par la décomposition des débris oi^aniques, lorsque ces endroits

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pays malsains qui depuis les temps historiques n'ont jamais été sub^ mex^és. D'ailleurs , cette théorie repose nécessairement sur la suppo- sition que l'exhaussement du littoral des Maremmes n'est qu'aux atterriss^ements et aux alluvions ; et cependant plusieiu^ circonstances pourraient faire croire que le sol de quelques parties de l'Italie a été partiellement soulevé depuis les temps historiques par des forces souterraines, et que cela a donné lieu à des phénomènes analogues à ceux qu'on a observés dans le royaume de Naples au temple de Sérapis. Si pareille chose avait eu lieu pour les Maremmes, il en résulterait de graves objections contre l'opportunité des travaux entrepris dans cette contrée; car on ne parviendrait en tout cas qu'à combler des bas-fonds qui, au bout d'un temps plus ou moins long, se retrouveraient dans les circonstances primitives , si la lisière du littoral était de nouveau soule- vée. Mais , sans poursuivre ces idées théoriques auxquelles nous avons été conduit par l'examen de l'hypothèse de M. Fossombroni, nous fe- rons remarquer que , d'après les tableaux statistiques officiels insérés dans l'atlas de cet ouvrage , depuis le commencement de la bonification, les maladies ont augmenté en été dans le rapport de cinq à deux , tandis que dans la même saison la population a augmenté à peine d'un tiers ^ Nous ne voulons pas déduire de là. que les travaux déjà exé-

^ Dans le septième tableau statistique inséré dans Tatlas, on trouve que la popu- lation de la partie malsaine des Maremmes a augmenté en été de la manière suivante :

1825 15187

^ . ^ , i8a8 16188 .... ,

En été. ( ««^ ^,«> habitante.

i835 19548

1837 20683

On voit aussi parle huilième tableau, dont nous allons reproduire les résultats, que dans ]es trois mois deté, juillet, août et septembre, le nombre des malades admis dans Thôpital de Grosseto a été, pour les mêmes années, toujours en aug- mentant :

Années. Juillet. Août. Septembre. Total.

1825 63 111 133 397

'^^^ '5° ^^* **o ^^' \ malades.

i835 101 179 i33 4i3

1837 333 366 356 744

Ainsi, avant le commencement des travaux, il y avait en été 16187 habitants et 297 malades, et en 1837, après neufannées de dépenses et de travaux, la popu- lation était de 2o683 âmes, et le nombre des malades s'était élevé à 7M1 par une progression toujours croissante. Nous avons pris pour base de ces calculs la popu- lation de toutes les communes soumises à Tinfluence du mauvais air, parce que toutes ces communes envoient des malades àThôpital de Grosseto. Si Ton ne prenait

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JOURNAL DES SAVANTS,

eûtes doÎTent nécessairement rendre le clnnat ploi nulsaÎD-, mait, certes on est loin de pouvoir en eoadare, comme l't fait M. Tartim' dam sa relation , que ces traram aimt contribué déji à l'aisaïmssemteift des Maremmes, puisque les chiffivs t^ficiels démontrent positivement le ccmtraire. Ainsi, qoant i l'assainissement, il est fort douteux qa'on paisse y parvenir en comblant les marais et en Cusant diapandb* Im eaux alitantes; et cependant fl est reconnu que, sans ftire ceiker Finsalubrité du climat, toute autre amélioration deviendra inotBe*; car ce qui manque dans les Maremmes, ce n'est pas la terre, ce sont les hommes; et la population ne pourra jamais augmenter d'une maniiR permanente, tant que le climat ne sera pas devenu meSlear.

Toutefois , nous le répétons , le gouvernement toscan n'a pas pu voa- loir dépenser plusieurs millions pour faire seulement une expérience hydraulique; il faut donc chercher un autre but à ces travaux, et nous croyons que c'est surtout dans un but financier qu'ils ont été entrepris. Mais en examinant les résultats qu'on peut obtenir et les dépenses qui ont été déjà faites (auxquelles il faudra en ajouter beaucoup d'autres dans la suite], on voit facilement que les grandes sommesqu'on a jetées dans les Maremmes doivent être considérées à peu près comme perdues.

CD coDsiddratioD quo la population de cette localité, on parviendrait à des résultats ana- logues, puiique , d'apréï le scpticme tableau , la population de Grasseto était, en 1 8a 5 , de 756 flmcs, et quen 1837 il y en avait 1 io3. ' A plusîeun reprises, H.Tartioi dit que te climat des Maremmes est devenu moins insalubre depuis les derniers Ira- vaux ; et il parle toujours avec une grande assurance de l'assainissement total auquel OD doit arriver. Voici quelques-uns des passa^ auiquds nous faisons allusion. Sonpressi i centri délie pcmiciose esalaiioni , resa sicura la vita unjana dai pericoti

*dclla mal' aria Liberati in gran parte i terreni Haremmanî dalla invasions di

< acquc pestUenùali c cosl atlenuate le cause délia mal' aria, non poleva non destarsi

corne da letargo la popolazione Perché mi^ioratoil climai uvorantî si tratten-

gonoin Maremma senta perieolo Ma oracheqaesti eSetti salutarivinceodo ogni

1 aiSîcolià si sono ottonuti e son falli palesi , tutlo cambia d'aspetto. Qudla terra de)

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Aé}k cultÏTés: ce sont des vignes, des bois, des pâturages, etc.', tandû que les terrains comblés sont dénués de toute culture; et certes c'est se tenir au-dessous de U réalité que d'estimer dans le rapport de s à 3 la valeur des terres en friche aux terres déjà cultivées et productives*.

Ainsi . lorsque toutes les opérations seront terminées , si les terrains comblés lui appartenaient en entier, le gouvernement pourrait retirer an plus de ces travaux &0000 livres de Toscane par an; c'est-i^dïce, moins de 35ooo francs. Or, les dépenses qui ont été faites jusqu'à pré- sent s'devant, comme nous l'avons déjà dit, à environ sept miUions de francs, il en résulte que l'on aura placé l'argent à moins de cinq pour mUU, ou, ce qui revient au même , à moins d'un demi pour cent par an. £t, si l'on tient compte des- dépenses qu'on devra faire encore, de fintérêt de l'argent déjà déboursé , des terrains qui ne sont pas sus- ceptibles de devenir productifs ou qui appartiennent à des particidiers, et des indemnités qu'il faudra payer aux propriétaires, il en résultera sans aucun doute une diminution telle dans les intérêts de la somme totale dépensée, qu'on n'en retirera pas uiKfaartjioarcent par an; c'est- à-dire, que le capital sera réduit à un vingtième. L'n placement de ce genre est toujours mauvais; mais il le devient davantage dans un pays comme la Toscane, où, par diverses circonstances, l'agriculture étant en souffrance et l'industrie peu développée , le gouvernement est forcé d'appauvrir des provinces plus pittoresques que riches, pour aller ense- velir des millions dans de stériles marais. Il est à regretter qu'on n'ait pas songé à faire ces calculs avant d'entreprendre les travaux, et surtout que les évaluations préventives se soient trouvées si inexactes'; les dépenses jusqu'à présent ont plus que triplé , et le produit n'est pas le cinquième

ml bonijtcamento Jtlk Maremme Toicane, n. 388 cl 293). Il est vrai qu'A FoUooica on a aliéné 936 carrés pour i3g5 livres de renie, et qu'ailleurs on a vendu &819 carrés pour lôoooo livres. Mais celaient des bois, et, si l'on en dédutlfle prix des

556 JOURNAL DES SAVANTS.

Uqehiavd. dan» ion histoire de Floreooe dédiée au. pape Qi- meot Vn, ne s'occupe que de pditlque et de guerre-, il ne niHnny qu'une ibis le Dante, pour dire que, par les conseils de cet homme, la seigneurie dont il était meoihre arma le peuple et beaucoup d'habitants des campagnes contre la laction des Noirs. Mais aujourd'hui qnel historien de Florence s'arrêterait là, en paiiantdu Dante? Qui ne serait tenté de lui donner, dafis l'histoire de son temps, un viAe proportionaé Â sa g^(Hre dans la postérité? et. si les détails manquaient pour cda, qui ne voudrait du moins mêler i son récit quelques cooudérationa nouveUes sur h dwint comédie, sur le génie du poète . sur l'influence 6t l'ouvrage? Que sera-«e des beaux-arts, dont Machiavel ne dit pas uo mot , et qui sont juijourd'hui l'inséparable cort^e du nom de Floroice 1 D faut donc chercher l'histoire de la Toscane ailleurs que dans l'éloquent Florentin, et la demander à quelque moderne qui aura déchîiTré, dé- pouillé, comparé les monuments originaux de toute sorte, pour en tirer une histoire complète et détaillée, telle que nous la concevons aujour- d'hui. Heureux , s'il joint à ce mérite le talent d'abréger et d'éclaircir en racontant, et s'il est animé de cette chaleur qui répand l'iotérêt et la vie dans l'histoire! Pour un tel peintre nul sujet ne saurait être mieux choisi, plus attadiant, plus varié. Mais que de conditions ne doit-U point réunir, depuis la connaissance de l'oi^anisation obscure et com- pliquée du moyen âge, jusqu'à cette imagination qui en ressuscite les brillants tableaux , et depuis l'intelligence de tous les détails de com- merce, de finances et de guerre, jusqu'au goût exquis et à la vive sen- sib^ité pour les arts !

Cette réunion de talents divers, cette variété de connaissances , ces coups d'œil opposés , pour ainsi dire , nous les imaginons diCQcitement dans un même historien : nous pouvons les espérer, je le crois, de l'homme d'état célèbre qui, dans sa carrière récemment interrompue, avait montré tant de vigueur et de facilité d'esprit, et qui, o^aintenant

558 JOURNAL DES SAVANTS.

époques et des événemeoU dont il a déjàpaiié; par exemple, la fatale peste de i3à8, qui, décrite d'abord dans le récit chronolc^que, repa- raît ensuite avec de nouveaui détails et de singulières anecdotes dans le chapitre s^iécialcmcnt consacré Â la peinture des moeurs. H n'y a pas cependant répétition et double emploi : M. Delécluze sait toujoun ajouter quelque chose à bes premiers récita, cl on ne voudrait rien re- trancher des Ëiits et des détails de son ouvrage ; mais il est certain que cette méthode de couper en deux parties l'histoire a de graves incon- vénients qui sont sensibles même sous la plume incomparable de V(d- lairc. Les laits se trouvent d'un côté , les explications de l'autre ; on lit dans un volume les événements de la guerre ; on voit dans le volume suivant comme elle se dirigeait et se préparait. Les grands historiens de l'anliquité ne connaissaient pas ce défaut, ou, si vous voulez, cet abus de la méthode moderne : tout se suit et se soutient dans leur récit, de manière k expliquer les faits et h les peindre k la fois, sans faire de disserlatious isolées. Quoi qu'il en soit de cette remarque , chacune des deux parties du Lravail de M. Delécluze offre un mérite distinct et réel. Le récit, qui scmlilc bien resserré pour une histoire si longue, n'en renferme pas moins beaucoup de circonstances peu connues ou mon- trées sous un jour entièrement neuf; quelques-unes même des singula- rités de la démocratie de Florence sont mieux expliquées dans cette partie de l'ouvrage que dans le chapitre ex professa sur le gouvernement. L'auteur s'attache moins aiu guerres et aux transactions politiques de Florence avec le reste de l'Italie, qu'aux vicissitudes intérieures de l'état florentin ; et plusieurs de ses récits ont, sous ce dernier l'apport, un grand caractère d'intérêt et de vérité. Nous citerons surtout l'é- poque inscrite par M. Delécluze sous ic nom de monarchie, et succé- dant ii celle qu'il appelle oligarchie, mais déjà dominaient les pre- miers Médicis. lUcn de plus curieiuc pour les détails que le meurtre du grand-duc Alexandre, assassiné par Lorcnzino, son parent, bel es-

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profonae apathie du peuple de Florence après le meurtre du grand-duc Alexandre , prouvent que f ordre de sentiments qui animaient Loren- lino n*était nullement populaire , et appartenait tout au plus à quelques lettrés pervertis. Quand Rienzi avait également évoqué d'antiques sou- venirs, et s'était fait tribun par réminiscence, il avait, quelque temps du moins, agité et gouverné le peuple des sept collines : il retrouvait une image du forum ; mais Lorènzino des Médicis assassinant dans une ruelle son cousin le grand-duc, attiré sous prétexte d*un rendez-vous galant, puis, le crime commis, s'enfuyant de nuit, sans autre effort, sans projet, avec mi seul complice, cela n'est qu'un crime de petite cour, ou une vengeance italienne, et non le symptôme sérieux d'un fanatisme politique conservé chez un peuple.

Soixante ans auparavant, la conjuration des Pazzi avait été un attentat bien autrement caractéristique et mémorable. s'était montrée non pas la scélératesse empruntée et vaniteuse d'un sophiste, mais une haine d'aristocrates et de prêtres florentins encouragés par les conseils et fabsolution de Rome. Mais aussi qu'était-il arrivé? toute la fureur du peuple s'était tournée contre les conspirateurs : c'était le peuple qui les avait saisis au sortir de l'église, lieu de leur embuscade; et la mort de Julien de Médicis n'avait fait que consacrer la dictature de son frère Laurent. 11 était donc visible que, dans cette époque spécialement qua- lifiée d'oligarchie par M. Delécluze, déjà la révolution des esprits était faite, et le pouvoir d'un seul , et d'une seule famille, accepté de préfé- i*ence aux orages de l'ancienne république. Cette vérité frappe dans quelques pages éneipques et simples de M. Delécluze sur la mort des Pazzi, l'exécution de leurs complices et l'acharnement qui poursuivit jusqu'à leurs cadavres. Mais il faut voir tout le tableau de la conspira- tion dans un écrit latin de Politien, heureux et élégant génie, devenu l'historiographe de la nouvelle monarchie populaire fondée par les Médicis, bien avant qu'ils aient pris le titre de grand-duc. On sent, par le noble et ingénieux langage de Politien, le progrès des arts et du goût qui concourt avec l'établissement des Médicis, et va faire partie de leur puissance; les scènes sanglantes, les passions forcenées du moyen âge s'éloignent : elles ont jeté leur dernière fureur dans quelques crimes inspirés par l'ambition des familles pontificales , mais elles ne souille- ront plus Florence; la politesse des mœurs, le luxe des arts, le goût des savants loisirs , vont y régner sans partage , et de se répandront sur Rome, en portant, avec Léon X, le goût et la protection des lettres dans cette chaire pontificale que l'espagnol Borgia avait remplie de ses corruptions et de ses crimes. Cette influencé de la civilisation floren-

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4M JOURNAL DES SAVANTS.

litle s'éti^t marquée dès le temps même le moine Savonarole arah osé, presque seul, dénoncer les crimes d'Alexandre VI; mais Savona» rôle, démocrate austère, prêchant à la fois la réforme du gouvernement et celte des mœurs , avait succombé dans sa double lutte contre les vioes de Rome et contre les Médicis. Laurent le Magnifique , au eon>- traire, réussit à augmenter du même coup sa puissance et la civilisa^ tion de son pays. On sait avce quel soîn et quel succès populaire un sa* vant anglais a, de nos jours, retracé cette époque. Les griefs des patriotes florentins duxvi* siècle, énergiquement reproduits par M. deSismondi, Â*ont pas prévalu sur l'intéressant tableau que William Roscoe a fait de fadministration des Médicis. Là, comme ailleurs, les souvenirs litté- raires en ont effacé beaucoup d'autres -, et le bien que les Médiois oM feit aux arts a justifié leur mémoire.

Talia Fœsuleo quondam medilabar in antro» Rare suburbano Medicum , qua mons aacer urbem Msoniam longique vdiamina despicit Arni.

Ces vers harmonieux semblent retracer l'image qu'on se fait encore aujourd'hui de FJorencc , sous les premiers Médicis.

dette impression n'est nullement combattue par M. Delécluzc qui, dans un récit fort abrégé et dans les réflexions plus étendues qui s'y rapportent, a su cependant caractériser par des traits nouveaux Cosme et Laurent le Magnifique ; mais il n'en remarque pas moins que le génie de Florence les avait dès longtemps précédés ; et c'est au Dante qu'il aime i en reporter la gloire. Il lui attribue le principe même des grandes découvertes maritimes du xv* siècle ; et il placerait volontiers le génie qui les inspira sous cette constellation de la croix du sud, que la prescience du poète devinait à Thorizon, avant que les yeux des navi- ^teurs Teussent aperçue.

((Dante, ditM.Delécluse, a été pour Florence, pour la Toscane, pour toute ritaliemême, ce qu Orphée, Homère et Pythagore furent pour la Grèce antique : un poète religieux, national, qui féconda les germes de toutes les connaissances humaines dans sa patrie , et fixa la langue du pays » etc. »

Delécluse, s'attachant & cette idée, montre par d'ingénieux détails combien de notions élevées , combien de vues et de souvenirs préoc- cupaient la pensée du peuple auquel la lecture du Dante était univer- sdlement familière ; et il explique par d'une manière ^orieuse pour le poëte rintelligtnce supérieure de ses concitoyens, et ce mouvement d*i-

54* JOURNAL lÏES SAVAtH-S.

d'exister à Florence est surtout le sujet qu'il » voidu connaître «t peindre. Comment, au milieu de cette singulière ville, l'esprit de tmafl et d'^pu^e se tnâlait au goût de la pompe et des fêtes ; comment la merreâiense activité de Tindustrie était incessamment traversée, nom être interrompue , par la turbulence des factions publiques ou privées ; comment la place publique et le marché étaient dérangés par des émeutes tana cause, sans nom, qui semblaient tenir à une îcHe vivacité deshabitants, quoiqu'ilseussentd'ailleurs tant de constance pour amasser, tant de sérieui dans le travail, tant de génie dans les arts : voilà ce que H. Ddéduze paraît avoir finement apprécié , et ce qu'il reproduit avec force dans quelques tableaux de son histoire. Les critiques de détail, méine les plus fondées, ne détruiraient pas ce mérite. L'ouvrage laisse souvent h désirer plus de concision et de pureté dans l'expression. H serait facile d'indiquer à cet égard quelques changements nécessaires pour une autre édition; mais l'auteur qui aime son sujet, et le connaît bien, écrit avec nature et intérêt : cela répond et supplée k beaucoup de choses.

11 est un autre caractère marqué dans le livre de M. Deléclute, et qui mérite d'être relevé , à une époque le paradoxe et la vanité gâtent souvent l'bbtoire : c'est le goût du vrai , et cette probité de îesprit que l'effet ne séduit pas, qui n'exagère, ne dissimule rien, et rend les faits dans leurs justes proportions : c'est aussi , et plus encore , ce sentiment moral qui se mêle k tout, et cette rectitude d'impressions et de juge- ments qui inspire confiance au lecteur, en faisant estimer l'homme dans l'écrivain.

VILLEMAIN.

Du Stopa's ( Topes ) oder die arckitectonUchen Denkmale an der

fi&4 JOURNAL DES SAVANTS,

eette période, ie bouddhisme dominait à l'ouest de l'Iodus, eo oppoai' tktn BU brahmanisme qui régnait i f est de ce fleuve , et sur les bon}* du Gange. Le plateau de rAfghaniatan actud, au delà de Caboul jusqu'à Bamiyan. et vers le pasaage de l'Hindu-khau , se couvrit de ces fKtnatnic- ' tions colossales, inconnues jusqu'à ces derniers temps, dans lesquellet, furent découverts ces trésors de monnaies avec l^endes romaines* greeqnea>bactriennes, grecquea-iado-Bcythiquea, sanscrites et pdilvi». qui ont excité un ékmnement général^ dans le monde savant.

Vers la fin de cette période, lorsque la dynastie des Thaog (6 1 8-907 de J. C ) . déjk attachée au bouddhisme ( le culte de Foë ] , monta sur le trône, Bamiyan se montra dans les annales chinoises, mais pen- dant peu de temps. Vers l'an 637, il y est bit mention d'un prince de Bamiyan (Pan-yan-na) qui envoyait son tribut h l'empereur de Chine. On ignore combien de temps dura ce tribut; mais il pe put sub- sister beaucoup au delà de celte époque, puisque les Arabes, dès l'an 63g, sons Omar, paraissent déjà en conquérants dans cette contrée, et commencent leurs guerres avec les pays turkestan et tubétains.

Dans ces mêmes annales , comme aussi dans d'autres ouvrages chi- nois, le nom de Fan-yan-na , et les pays voisins , se présentent au jour det'hisloire. DepuisLe iv* siècle jusque vers le milieu du vu', les prêtres bouddhistes de la Chine accomplirent, à dilTércntes reprises , des pèle- rînages dans le pays de leurs patnarcbes, en suivant diverses routes à travers l'Asie moyenne. Des relations détaillées et exactes de cet >Koyages nous ont été heureusement couscrvées dans la collection des écrits religieux et des histoires bouddhiques. L'une de ces relations, objet d'un remarquable travail d'Abel Hemusat, pubhé après sa mort, conduit le pèlerin Fa Hian, vers l'année &00 de notre ère , à travers le Kholan (Yarkend) et le Kaferistaa,jusqu'àla rivière de Caboul; l'autre, trouvée plus tard par J. Klaprolb, conduit te pèlerin Hîûan Tshang, entre les années 633 et 65o, à travers la Bactriaoe, et Fan-yan-na,

5â6 JOURNAL DES SAVANTS.

duise de Balkh à Caboid. M. A. Burnes est le premier Europ^n qui loîl parvenu dans la vallée deBamiyan, le a a mai i839, en venant du sud; maUicureusetnent il ne put y rester qu'un seul jour; aussi n'en np- porta-t-îl qu'une connaissance très-superficielle. L'année suivante. M. Charles Masson y séjourna plus longtemps, il y fit des fouilles^ et découvrit plusieurs idoles. En i834, M. Honigberger, se rendaot.ft Bainiyan, se disposait à y faire des recherches et des fouilles, lorsqn'3 excita les soupçons du gouverneur, et fut enfermé dans la fortereaié d'Akrohal; il dut s'estimer heureux, après avoir recouvré la liberté, de pouvoir continuer sa route vers Bokkarah.

Ce qui attire surtout l'attention dans ce lieu , sont les sculptures de. deux figures colossales nommées But (idoles), nom par lequd le lieu est encore désigné dans tout le Klioraran : la plus grande partie de la population habite maintenant dans des grottes creusées sur le Qanc de montagnes escarpées. On prétend, dans le pays, qu'elles sont l'ouvrage d'un roi nommé Jalal. Les habitants appellent ce lieu Chulgala ou Gkal^ata. DéjÀ M. Wîlford avait donné ce renseignement. Beaucoup de ces grottes doivent, par leur grandeur, avoir été des tem- ples, mais sans colonnes , ornés seulement de niches etde seul pturcs. U y a aussi des peintures fort endommagées par la fumée; les sculptures ont été mutilées par les musulmaiis. La grandeur et l'importance de ces ruincsscntattestécs.parleplus récent des explorateurs de cette région, le général Court.

M. A. Bûmes, en désignant une montagne conique , près de Bamiyan , par répitbète honeycombed (percée comme une ruche à miel), fait sou- venir d'un passage Abulféda décrit une montagne près de Bamiyan, d'o6 l'on tirait de l'argent, et qu'il appelle Bangakir; il dit : incoîœ Ban- gakir fecerant forum saam in cribram, obmaltas (jaas ibifecerantfoveas; il parle de la grande richesse des mines d'argent de cette montagne.

M. A. Burnes ne parle nullement de cette dernière circonstance. La

5W JOURNAL DES SAVANTS.

premifere description exacte et le premier dessin qu'on en ait eus sont dus k M. A. Buroes. Ces idoles gigantesques sont taillées dans la paroi Torticde de la montagne. L'uneVeprésente un homme; l'autre, k ceqne croit H. Bûmes, une fenune. Dans f état -oà ils se trouTent.O est impossible de rien décider à, cet égard. Selon les bouddhistes, ee sont Sluthuma et son disciple Sabtda; selon les Hindous, ils représeotent ffm et sa femme, personni^es rattachés aux aocienoes traditions dm P^ulnides^ les ennemis des Brahmes; les Persans mahométans les nomment K^~Umarvdi \Ka)'omorti du Zend-Avesta). Ils sont tournés vers l'orient ; les gens du pays assurent qu'ils sourient au lever du soleil et s'attristent à son coucher. Ce qui est plus «ùr, c'est que la face de ces adosses est entièrement méconnaissable. Les musulmans ont depus longtemps l'habitude de ne jamais passer devant ces 6gures sans leur tirer des coups de fusil ; et l'on raconte qu'Aureng-Zeh , le destructeur des monuments païens , passant avec son armée dans cet endroit, mn- tila la tête de ces idoles k coups de canon.

Le grand colosse a i 30 pieds de haut et 70 pieds de large; ii est taillé en haut relief dans une espèce de niche ^ Ses membres ont été mntilés par le canon ; tous les traits de la figure, au-dessus de la bouche, ont disparu ; ses oreilles sont longues et pendantes , comme dans toutes les figures de Bouddha. La tête paraît avoir été oniée d'une tiare. Le corps était couvert d'un manteau, revêtu d'une espèce de stuc. On voit encore une infinité de chevilles de bois qui ont servir k faire tenir l'aidait. Les contours en sont grossiers. Les deux mains ont disparu.

L'autre idole , que les gens du pays appellent tantôt la femme , tan- tôt le frère de la plus grande, et qui, d'après les traditions boud- dhistes, doit représenter le disciple , quoiqu'un peu mieux conservée, est encore si mutilée que M. Bûmes avoue ne pouvoir en rien dire de positif. Sa hauteur est de 70 pieds ; les nombreux trous carrés creusés

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kyik, les ndn de qoiiixe antres destnielioiis enfonne de dône, qn'i cause de leur état de ecMistniction (m fNHiTait de Imd praadre pour des moDlicides naturels. En fouillant la ^upart de ces, topes, U recnejlit un grand nranbre de oHMmaies et d'antres objets d'antiquité , analogoes i cens qa'on avait trouTés dans le premier tope de Uanikyala , avec 4>- . venes înscriptîoiis en caractfa«s qu'on ne peut encwe décfaafiçr. I*'hB de ces topes a encore-âo ft 70 pieds de baot. Cest que M. Court dé- cooTiit le vase de bronze qui renfermait , entre autres objets pcécievx , des monnaies nnnainea appartenant aux derniers temps de la répur byqne '. Les plus récentes des monnaies trouvées dans f un et l'autre de ces topes paraissent cdles de l'époque sassanide, sur lesqudies se

* lia descriptkm de cette découverte te trouve dans l'eKtrail d'an mémoire de M. le général Court, sur l'ancienne Taxila, extrait publié dans le Journal 0^ (A« tuioHc Hxuly i^Bengal, novembre i83A, t Ui, p. 536. M. BaouI-RocheUe adonné, anr celte découverte et sur le* médailles que M. Court a iroarées dans ce tope , des détails fort intéressants [deuxième supplément à In Notice sur quelques médailles grecque* , etc. p. Oettaiv. Journal det Staanlt , i836,p. 70 et suit.). Les objets pré> cienz trouvés oans ce tape par M. le général Court, ayadt été réceîament o&rt* au roi de la psri de cet ofiicîer général , et donnés par le roi au Cabinet des antiques, ils sont maintenant exposé* , il ne sera pat inutile de rappeler ici , d'après le récit même du général Court , les circonstances curieuses qui les concernent.

En foaillant le tope de ManiLyala , H. Court rencontra, à la prorondeur de 3 pieds, une [rierrc carrée sur laquelle étaient déposées quatre monnaies de cuivre, dont une do roi Mokadphiièse (ou Kadpbiiéi}; les trois autres de Kanerkès. A 10 pieds plus bat , il trouva une cellule de u (bnne d'un parallélogramme, solidement bâtie en pierre* bien appareillées, unies par du mortier; les quatre câl^ répondaient aux ouatre point* cardinaux. Elle était couverte par une seule pierre massive dont la face inférieure porte trois iascriptions en caractères qui paraissent pebivis. [ Cette pierre a été offerte au roi, qui l'a donnée au Cabinet de» antiques, die est exposée. Les inscriptions, au nombre de trois, qui la couvrent senties plus longues que l'on connaitse; elles appdlenl toute l'attenlion des orientalistes , qui peuvent maintenant !«■ étodier 1 loisir.)

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Toit la tète de Sapor II(3ioà38ode notre ère) , quoique les légendes en pehlvi qu*elles portent n'aient pas encore été déchiffrées.

Une troisième espèce de monnaies découveiie dans ces deux grands topes comprend celles qu*on a nommées indjo-scytliiqnes , parce qu'elles oCËrent des têtes de rois qui semblent appartenir à la race des Scythes , à en juger d'après le costume et les attributs. Les légendes grecques qui les accompagnent, les noms de Kanerkès et de Mokadphisèse (ou Kadphisès), exprimées en caractères grecs , excitent l'intérêt au plus haut degré. L'art grec, quoiqu'en décadence, se montre dans le type de ces mé- dailles; elles attestent que Tinfluencede la civilisation grecque subsistait encore à la cour de ces princes indo-scythes , probablement Gètes ou Saces qui , un siècle et demi avant notre ère, mirent fin à la monarchie gréco-bactrienne , et étendirent leur domination jusqu'à l'embouchure de rindus, au nord-est, et au delà de l'Hypanis jusqu'au Gange. Us furent repoussés des environs de ce fleuve par Vicramadityas, avec le- quel commence la nouvelle ère indienne , mais ils dominèrent encore longtemps à l'ouest de l'Indus. Leur histoire ne subsiste plus pour nous que dans quelques noms isolés. Les contrées oii ces médailles se trou- vent répondent à l'Afghanistan actuel, et s'étendent au nord jus- qu'au passage de l'Hindu-khau, vers Bamiyan. Ellles comprennent aussi tout le Kaboulistan, ou le plateau de Kaboul, jusqu'à Peschawer et à Jelalabad , jusqu'à la plaine de l'Indus , près d'Attock. A l'orient de ce

une espèce de pâle ayaot la couleur de terre d'ombre, et qui commençait à se pénétrer de vert de gris. La pâte était légère , sans odeur et encore humide.

Dans cette pâte , et autour de la boîte d'argent, M. Court trouva sept médailles romaines d'argent, rangées circulairement. (Ce sont les médailles du temps de la république dont M. Raoul-Rochette a donné la description et l'époque ( deuxième supplément , p. 7-9 ) . La septième , dont l'empreinte, d'après le dessin de M. Prinsep , lui avait paru trop effacée pour pouvoir en reconnaître le type, est une médaille fort connue de ]a famille Julia. E^lc rentre ainsi dans l'époque assignée aux six autres. )

Enfin, dans la boîte d'argent s'en trouva une plus petite en or(o"' o35 de haut, o" oa5 de diamètre ) avec un couvercle, contenant quatre médailles d'or d'un poids égal de 37 grains ( 1^,96) chacune, parfaitement conservées.

Avec ces quatre médailles , se sont trouvées quatre peries , une améthyste du poids de a 8 grains ( i'',A8) , et un saphir pâle du poids de ao grains ( i'',o6).

Tous ces objets sont maintenant exposés au Cabinet des antiques , ainsi que d'au* très objets analogues trouvés par le général Ventura, dans le tope de Manikyala, et donnés au roi par le général Allard. Ds consistent en deux vases en pierre oUaire , dont Tun contenait une boite en cuivre : celle-ci une autre en argent , et une troi- sième en or, ou Ton avait renfermé des fragments d'os calcinés dans une feuille d'or battu ; l'autre, une boite en cuivre : celle-ci une autre en or, contenant de petites periet et des os calcinés dans une feuille d or battu.

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fleuve, BtMtlei groupes de topes à Manikyik, «éopt les deu prÏB^ paux, dit M. Bitter, sont connue les premiers gnods pylônes d'iae l<iQgue suite de plus de cent momuDSots pareil* pUe^ des deux éMa de û grande route royale . a

Les diverses espèces de monnaies découvertes dans ces topes oat été classées et décrites ea.détail*dans«e jounui, par ootrflsavwtf «al- loue M. Raool-Rochette; nbos devons nous contenta: de-Tcav^yferà stm travail, et nous borner k l'analyse des conaidérati<»is bùtoruf^ développées par M. C. Bitter, fur l'origine et le vrai oaractère de cet Quriëux monuments.

B en distille quatre groupes principaux à l'iHiest-de l'Indusi odui de Manili^ata est & l'est de ce fleuve.

Le premier groupe existe à Peschawer, à l'ouest d'AUock, dans le bassin de la rivière de Kaboul. Les topes de ce groupe sont moins con- nus que ceux de Maniky^a, quoique, d'après les observations de MM. Gérard , Hom'gbei^er et Bûmes , il s'y trouve un des plus gnoids tope» counus, plus grand peut-être que celui de Manikyala. On n'en possède pas encore de description. La mort de M. Gérard l'a empêché de publier les notes qu'il avait recueillies.

C'est près de Peschawer que M. Court a découvert dans une fouille un masque en bronze, grand comme nature, avec une inscription pehlvi. Ce monument, unique jusqu'à présent dans son genre, est des plus curieux par le travail , le caractère et les détails. Les cbeveiu. sont ramenés au-dessus de la tète , ils forment un nœud attaché ^ la base par un serpent qui relève trois têtes sur un seul tronc; les oreilles sont pendantes; les yeux, à demi fermés, ont les prunelles incrustées en argent. La lèvre supérieure est garnie d'une moustache, le menton cou- vert d'une barbe fort courte , dont les poils sont artistemeot peignés. Sans cette particularité , on aurait pu voir dans ce masque une figure deBouddba. II est probable quec'est un portrait de roi, dont le nom

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de maison. M. Â. Bûmes pense que ces groupes formaient autant de villages distincts. On les attribue dans le pays aux Cafres ou infidèles. M. Ritter ne doute point que ces grottes, comme celles de Bamiyan, n'aient servi d'habitation à des communautés de bouddhistes, dans le voisinage desquelles les nom^ireux topes de Jelalabad ont été élevés en rhonneur de leur culte. Jelalabad doit être dans le royaume de Tholy, que le bouddhiste Fahian a traversé en /ioo, et qu'il décrit avec des détails qui conviennent à cette ville et à ses environs.

Les topes, au nombre de So k peu près, qui entourent cette ville, ont été vus superficiellement par MM. Moorcroft et Trebeck , et plus à loisir par le docteur Gérard. Les gens du pays les appellent harjs (mot arabe qui 'signifie taar)\ ils sont voisins les uns des autres, des deux cotés du Surkh-rud qui descend du Sufaid-khau, et arrose la partie septentrionale de la vallée. Ces topes ont été entièrement noircis par le temps. Dans la plaine , on voit les ruines d'un grand nombre qui ne sont plus que des monceaux de pierre. Jusqu'à M. Honigbei|;er, la main des hommes ne les avait pas touchés. Ce voyageur en a fait fouiller plusieurs. Dans la plupart, il existe à la hauteur du sol une petite chambre carrée, dans les angles de laquelle ont été placées diverses re- liques. La grandeur de ces monuments varie depuis 3o jusqu'à 5o pieds de haut, depuis 80 jusqu'à 1 10 pieds de circonférence. Aucun ne paraît atteindre la dimension de ceux de Manikyala.

Le troisième groupe existe dans les environs de Caboul. Cest à M. Gh. Masson , au docteur Gérard et à M. Honigberger qu'on doit toutes les recherches dont ce groupe a été l'objet. Les topes sont situés le long de la chaîne qui supporte le plateau de Caboul. La plaine adjacente a été évidemment le bassin d'un lac. C'est qu'en 1 833 , le docteur Gérard trouva un bas-relief très-curieux, représentant Bouddha. (La figure en est donnée par le Journal of the asiat. society of Bengale t. m, pi. 26, p. liàQ.) Le dieu y est représenté assis, les jambes croi- sées , les mains réunies , dans cette position tranquille que lui donnent toutes les sculptures indiennes; plusieurs groupes de figures l'en- tourent, et des flammes sortent de ses épaides : particularité qu'on n'observe sur aucune des figures connues de Bouddha, et qui parait être un symbole d'inspiration ^ Ce bas-relief fut trouvé, non dans un tope, mais dans une masse de briques et de débris qui ressemblaient aux ruines ordinaires d'une ville détruite; en fouillant cette masse, on par-

' Mon savant confrère, M. Bumotif, m'a dit qoe plusieurs textes expliquent très- bien cette particularité.

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vint à nue chambre en pierre, parlaitemeat cooservée, dont les mon étaient oniés de pierres coloriées et de dorures : selon toute appareoce, elle fiusait partie d'un temple de Bouddha , ou d'un oratoire flans ime tnaÎMHi particolière qui fut abandonnée lors de la destruction de la ville. L'image elle-même a été partidlement mutUée -, les télés des fi- gures accessoires ont été frappées par le marteau. On reconnaît dans ces mutilatioiis la main des musulmans, auxquds on dut sans doute la destruction de la ville.

La découverte de ce monument a de l'importance, en ce qu'elle donne une preuve directe de l'mstence , en ce même Heu , du culte de Bouddha. Les fouilles exécutées par M. Honigbei^er dans plusieurs topes de ce groupe ont été décrits par feu Jacquet , dans le Jouma] Asiatique (3* série, tome H, p. 3 54 etsuiv.) M. Ritter en donne un ré- sumé fort exact. Nous renverrons à la narration originale que chacun de nos lecteurs peut consulter facilement.

Le quatrième groupe est celui de Bc^bram , au nord de Caboul , et tout à fàitau pied del'Hindu-khau, à l'entréedu passage qui conduit à Bamiyan. Ce groupe est jusqu'à présent le moins connu de tous. M. Ch. Masson, le seul qui ait exploré ce canton, n'en donne qu'une description insuf- fisante. C'est en juillet i853 qu'il partît de Caboul pour explorer les cantons au nord de cette ville, à la base desmontagnesdel'Hindu-khau, avec l'întenlion surtout de déterminer l'emplacement d'Al&randria ad Caucojam. 11 fut récompensé de ses peines par la découverte d'un grand nombre d'objets intéressants; 0 découvrit l'emplacement d'une ancienne ville , d'une immense étendue , dans la plaine appelée maintenant Begb- ram. H apprit bientôt qu'un grand nombre de médailles étaient conti- nuellement trouvées dans la plaine de Beghram. Il s'en procura lui-même 1 865 en cuivre, et i li tant en or qu'en argent; il estime que l'on n'en trouve pas moins de 3o,ooo par an dans, les environs de cette ville, indépendamment des sceaux, anneaux et autres ornements. Mais les

SmF.Mfc^, .. 557

Poèmes islandais [Vôhspâ, Vahhnjj^^. FEdda de Sœmand, publiés avec ut,. un glossaire, par F.-G. Bergmann, r/.,.J . tique, Paris, 1 838; Imprimerie rovaU s.

ïii

Dai]s l'ardeur qui anime les jeunes savants i,f,,^, ratures étrangères, l'islandais ne pouvait être nMttf< ' •*" depuis quelque temps faire des incursions dans vmu.^^, " occupe en outre plusieurs savants distingués d'AUeniaj;f,r '"*^*''' "" les anciennes compositions islandaises ont un intérêt sii^</^ '"" des rap|)orts qui existent entre ies traditions Scandinaves ai «i. * * * * ' entre le génie des peuples du Nord et celui des peuples du iic'*''^'* l'Europe. Pour les contrées méridionales, la littérature islanij. [* ^ peut être quun objet de curiosité, et qu'un moyen d'apprécier W- ^- ^ les mœurs, l'imagination, les idées, enfin l'état intellectuel et inorai IT anciens Scandinaves. Il y a , du reste, si loin de la littérature ancien'* des peuples du Nord à celle qui fait le charme des peuples mérldio naux; la première a quelque chose de si rude, de si étrange, que les traductions qu'on fait de ses compositions paraissent ou obscures ou bizarres, et que ce n'est qu'en les défigurant, pour ainsi dire, qu'on par- vient à les faire goûter à des lecteurs habitués à suivre les règles classi- ques. La poésie du Nord se ressentait de l'état âpre et nébuleux de son climat. A la vérité, des images hardies , des expressions énei^iques, des traits d'imagination vraiment poétiques viennent de temps en tenips étonner le lecteur ; mais ces beautés sont entourées de passages qu'on ne ptmt comprendre sans un commentaire, à cause des allusions vagues et obscures qu'ils renferment, ou de passages qui n'offrent que peu d'attrait pour des nations à qui les objets dont ils parlent sont étrangers ou indifférents.

Cette observation s'applique surtout aux poèmes de l'Ëdda, qui abon- dent en traits relatifs aux croyances des anciens Scandinaves. Dans les temps modernes on a recueilli et rassemblé ces traits pour en composer un système mythologique, à l'aide duquel on parvient, non sans peine pourtant, à expliquer les poèmes. Cependant il est évident que le sys- tème ne peut être complet-, car les poètes n'ont pas tout dit. Devant supposer la mythologie du Nord familière k leurs compatriotes, ils se sont contentés souvent de vagues allusions qui pouvaient suffire à leurs auditeurs; mais ce sont des énigmes pour nous qui les lisons six à huit

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sièdes après leur composition , et longtemps après l'extinction totale de la religion des païens septentrionaux. Des noms propres et des épithètes qui en sont formées remplissent ces poèmes; il faut des paraphrases pour reproduire ces expressions dans les langues' du Midi; encore est-il très- dilBcile de produire exactement par une circonlocution le sens d'une èplthète allégorique. D'ailleurs , le langage poétique des anciens Scandi- naves admettait beaucoup de licences-, mais d'un autre côté leurTersi' fîcation s'astreignait A des règles qui tenaient à l'idiome islandais, et qui produisaient des beautés, ou du moins ce que l'on regardait comme td. Malheureusement elles se perdent dans une traduction. Les Alle- mands ODt qudquefois essayé de les reppoduire; leur idiome s'y prête : en français, ces imitations sont impossibles , ou manquent leur but.

Il résulte de toutes ces observations que les poésies de l'Ëdda plairont difficilement en France, et que les savants qui ne se laisseront pas re- buter par les difficultés, pour les étudier, auront encore besoin d'un commentaire qui leur aplanisse la voie , et écarte une grande partie des épines dant eÛe est hérissée. Pour ceux-là, l'ouvrage de M. Beigmann, qui donne le texte avec une traduction, beaucoup de notes et un glos- saire, vient à propos : c'est même le premier ouvrage de ce genre que l'on ait tenté en France. H avait bien paru des traductions et même le texte de quelques parties de l'Ëdda, mais dépourvu de i'apparèil des explications et des gloses nécessaires pom' l'intelligence de poèmes aussi difficiles.

Cependant on sera surpris d'abord que M. Bergmann, sur environ trente-six poèmes dont se compose l'Ëdda de Ssemund, n'en donne que trois, et que ces poèmes ne forment qu'une faible portion du volume qu'il publie. Nous ne recevons donc ici que la douzième partie de l'E^da-, et si l'auteur voulait la donner tout entière, en conservant la même proportion entre te texte et les notes que dans ce volume-ci, H en fendrait encore six à huit autres. Dans sa préface, l'auteur s'excuse

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héroïques qui forment le second volume de cette édition, ni le HâDomâl, poème éminemment propre à faire connaître Tétat sodsi et la mora- lité des peuples du Nord à cette époque.

Laissant donc de côté tout ce que M. Bergmann n'a pas donné de l'Edda, voyons le travail entrepris pour les trois morceaux qu'fl en a extraits.

L'auteur s'est cru obligé, comme je l'ai d^à indiqué, h les lâire précéder d'une introduction générale sur la langue, la littérature et la mythologie islandaises, et sur le recueil de l'Edda. Déjà plusieurs savants avaient cherché h prouver que Ssmund ne peut avoir &it le recueil de poésies qu'on luialtribue. M. Bergmann produit de nouveaux argu- ments dans cette cause. Sœmund, surnommé frode (sapiens), vivait au xi' siècle , c'eat-à-dirc dans le i" siècle après l'introduclion du chris- tianisme, et il était prêtre. Or est-îl probable qu'un prêtre chrétira, quelque amour qu'on lui suppose pourl'ancienne poésîede ses ancêtres, se soit occupé à recueillir et h transcrire les monuments poétiques de la superstition païenne à peine étouffée, sans y ajouter aucun correc- tif, sans y mêler aucune expression d'un sentiment chrétien ? M. Berg- mann trouve aussi dans les remai^iues en prose, jointes k quelques poèmes de l'Edda pour les expliquer, ime preuve que Ssimund n'a pas làdt ce recueil. Ces passages intercalés sont, selon lui, delà mauvaise prose qu'un homme réputé savant n'aurait pas faite , et , comme la prose intercalée dans les vers doit avoir pouriautcur le même qui a formé le recueil, on ne peut, dit M. Bcrgmann, attribuer l'une et l'autre i Ssemund. Cet argument, susceptible d'être contesté, n'est pas aussi fort que le premier qui a paru sufiîsant aux savants du Nord.

M. Bergmann va plus loin; il soutient que l'Edda de Ssemund, quoique appelée vulgairement l'ancienne ou la vieille , l'est moins que celle de Snorro, composée par un grammairien du xiii' siècle pour établir les règles de l'art poétique et métrique d'après les anciens mo-

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d'autres ^crivainB ont «dopté. Voilà susai ce qu'a fait l'auteur. StMi orth<^nipbe diSitre de celle qu'où a suivie tant dans l'édition de Co- penhague que dans celle de Stockholm. Daoak première, par exempte, on a écrit av au lieu d'Ô, parce que lea Islaudais , avant d'adopter gioé- ralement l'ô, exprimaient cette voyelle ou diphtongue par av. M. Bog- mann se sert , comme l'éditeur de l'Ëdda de Stockholm, de l'ô, ainu qoe du H que les Islandais ont emprunté des AngjoSaxons, et & la ]dâce duquel l'Ëdda de Copenhague a toujoiuv la sim{^ lettre d, qnoiqu'^e ne représente pas tout à fait le S ou dA. H est vrai que dans la pronon- ciation le d et le S ont souvent se confondre, et que dans le* ma- nuacrits les deux lettres sont mises l'une pour l'autre. Cependant puia- qu'on a conservé le [i ou A, il convient aussi , pour l'exactitude étymo- logique, de maintenir le S. C'est ce qu'a fait l'éditeur de l'Ëdda de Stoddiolm, ot M. Bergmann a eu raison de suivre son exemple. D'un autre côté, celui-ci rejette le z, te f et le c, lettres qui manquent A l'alphabet runique, et qui dans les inscriptions sont remplacées, la première par ds, ^s, ou ts, la deuxième et la troisième par k. Par la même raison l'auteur aurait voulu supprimer 1^ comme ayant été inconnu aux anciens Islandais, mais il n'a pas vo^n, pour le moment, pousser la réforme jusque-U; il ne dissimule pas en général qu'il médite une réforme plus comjdéte, mais qu'avant d'y procéder pour la suite de son travail il désire connaître l'avis des savants. D parait même vouloir étendre cette réforme sur toutes les langues, et dans une note on le voit proposer d'écrire en français bôf, ôf, soi, pour bœuf, œuf, setd. Je ne me crois appelé à prononcer ni sur cette réforme, ni sur la proposition que fait l'auteur d'écrire les langnea orientales en carac- tères européens.

M. Bergmann n'a pas eu pour le j le même ménagement que pour 1'/, et il rejette cette lettre, quoique Bask l'ait en^d(^ée constamment dans l'Ëdda de Stockhidm, et quoiqu'dle soit maintenant en us^ tant

SEPTEMBRE 1858: 561

runique exprime par f , et qui représenté un son intermédiaire entre et ri, se rapprochant toutefois plus de Yi que de IV. Par cette der- nière raison , il vaudrait mieux « ce me semble , conserver Vi comme fait Talpfaabet runique, et indiquer par qudque signe la modification son.

Enfin, dans la transcription des poèmes islandais, M. Bergmann suit Texemple des frères Grimm, qui mettent en quatre vers les strophes que Rnh-Magnusen et Rask,' dans leurs éditions de TEdda , ont écrites en huit. M. Bergmann réfute les arguments de Rask en faveur. de la dernière méthode ; celle-ci s'accorde mieux avec la popularité de la poésie, car de petits vers sont faciles à retenir; cependant pour les manuscrits on a souvent préféré la première méthode. Le poème des Nihelangen est en strophes de quatre vers doubles , et le chant teuto- nique sur la victoire remportée par Louis le Bègue en Vîmeu sur les Normands, chant qu'on a retrouvé récemment dans la bibliothèque de Valenciennes , est écrit d'une manière semblable.

Pour faire voir la différence entre le texte islandais des deux éditions de TEdda, et la leçon adoptée par M. Beremann, je vais transcrire les deux premières strophes de Vôluspâ. Voici d'abord le texte d'après les deux éditions de l'Édda :

ÉDITION DE STOCKHOLM. ÉDITKW DS O0PBMHA60E.

Kmj6\is U]i ek aUar Blieds bid ec

Helgar kindir Allar kindir

Heiri ok minni Mein oc minnî

Mavgo Hemi)>a]lar Mavgo Heimdallar.

Vildo'atekVdrav>ur Vildo ît ec Valfavdvr

Vêi framteljak Vel fyr telia

Fornspiôll fira PornspiôH fîra

pau ek fremst of nam. |>au er fremst um man.

II. Ek mai) jôtna Ec man iotna

Ar of-boma Ar vm borna

^ er for]H>in pa er fordom mie

Mik frcadda hôf^ : Fôdda hofdo.

Nio man ek keima Nio man ec heima

Nio ivij>i Nio ividi

Rejotvi]> mœran Hiôtvid môran

Fyrir mold ne]>an. Fyri mold nedan.

M. Bergmann écrit ces deux strophes ainsi qu*il suit :

HiiôSs hiS-èk allar hdgarkin<fir Meiri ok minni môgu Heim]>anar; Vi]da*êk Val-fôSur jQ framtelia Fom-spi^ fira yau êk fremst oF-nam.

X

562 JOURNAL DES SAVANTS.

Ek maa lôtna âr of-borna ]>A-ër ibr^um mik frccdda bôiSu : Niu mao-êk heima, nlu îvidï UiôtriS nueran fyrir mold aCdan.

On peut remarquer que ses variantes portent non-seulement sur for- thographe , mais sur les mots mêmes. L'auteur cherche à justifier dans les notes les leçons qu'il a adoptées de préférence à c^es de l'une ou l'autre des deux Ëddas imprimées, et quelquefois de toutes les deux'.

Avant de clore son introduction, M. Bergmann expose tout le sys- tème de la versification islandaise. Le mécanisme de cette versification avait déjà été expliqué par plusieurs auteurs danois et suédois, ainsi que par quelques savants d'Allemagne. En France, M. Bergmann est le premier qui fasse connaître cette matière avec autant de détails et d'une manière aussi approfondie. Il ne se borne pas à répéter d'autres auteurs; on s'aperçoit qu'il a fait lui-même une t-tude de cette versification assez singulière, dont une des gènes et des beautés consistait dans l'obliga- tion de l'allitération , c'est-à-dire de la simple ou double répétition d'une même consonne en deux hémistiches consécutif. Les Anglo-Saxons et les Finnois aimaient comme les Scandinaves cette répétition de con- sonnes ou de syllabes: les poésies de ces deux peuples en fournissent la preuve^. On essaya de l'introduire même dans la langue latine^, et il y a de vieilles poésies slaves qui en contiennent aussi des traces*. Ce genre de beauté a ddhc été goûté par des peuples d' origine diver&e; mais il a fini par céder au plaisir que donnait la rime.

' Le texte de Vôluspà , tel que le donne M. Bergmann , se rapproche davantage d'une seconde veraion , que l'édileur de l'Edda de Copenhague insère au supplément sous le titre de AdiUtamenlam conlineiu apographum carminit Vôla^ hacleiuu in- editam, seJ a ntiqais ordine différent. On pourra en juger par la première strophe que

Hhàda bid «c allar Hdgar kindir Meiri oIi miori

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Il faut maintenant aborder les poèmes islandais pour lesquels M. Bergmann a fait son ouvrage. Le premier est Vôluspà, assuré- ment une des compositions poétiques les plus remarquables que le Nord nous ait conservées ; c'est aussi celle qu'on a le plus souvent tra- duite ou imitée *. Un des traducteurs et commentateurs la compare à une voix mystérieuse qui frappe notre oreille dans le silence d'une nuit obscure ^. La vision d'une vah ou prophétesse qui , en termes souvent douteux et en phrases pleines d'allusions mythologiques et dont les transitions nous échappent quelquefois, chante l'origine du monde, la création de l'espèce humaine, les travaux des dieux, l'arrivée du génie du mal , la perversité des hommes qui en est la suite, le renouvelle- ment futur de funivers et le rétablissement de la justice: voilà un sujet éminemment poétique et un document important pour l'histoire des cosmogonies et mythologîes anciennes.

Les opinions les plus diverses ont été mises en avant sur cette com- position. Tandis que les uns attribuent à Vôluspà une très-haute anti- quité et y voient l'écho des accents prophétiques d'une sibylle grecque ou les débris des doctrines théosophiques de l'Orient*, d'autres ont cru y reconnaître des traces d'idées chrétiennes, et devoir admettre que ce poème est de la fin du paganisme, ou que du moins les chrétiens y ont fait des interpolations; c'est ainsi qu'on a vu le jugement der- nier, tel qu'il est annoncé par les livres chrétiens, dans la strophe sui- vante qui est la 65' dans l'édition de Stockholm, la 58* dans celle de Copenhague, et la 59' dans le texte de M. Bergmann :

^& kêmr inn. RSki at Regin-dômi Alors il vient d'en haut présider au jugement des

grandeurs , Oflugr ofan , sâ-êr ôUu raeSr Le souverain puissant qui gouverne funivers.

Semr hann dôma ok sakar leggr, II tempère les arrêts, il calme les dissensions, Vé-skôp setr )>au-êr vêra skulo. Et donne des lois sacrées, inviolables à jamais.

Cette strophe manque en effet dans le manuscrit en parchemin que l'on possède à Copenhague^.

D'autres ont vu même ie mot de religieuses dans l'épithète donnée aux Valkyries :

Nu êro taldar nonnor Herians

Gôrvar at rîSa grund Valkyrior (vers io3 et lOÂ ) ,

^ Voyez, sur les diverses édifions et tradiiclions de Yôluspa, Lindfors, Jnledning till islànâska Litteraturen , cap. i. * Studach , Sœmnnds Edda des Weisen, ans dem Islànd. àbenetzi uni mit Ânmerkungen begleitet; part I. Nuremberg, 183g; in-4*. page 4. Voyez la prélace d*A&e]ius, Edda de Stockholm, 1818. * Voyez les notes sur Vôluspé, Edda de Copenhague, t III.

70

564 JOURNAL DES SAVANTS.

que M. Bergmann traduit ainsi ;

Voilà énumérâes lei lervanlei du Combattant, Ln Vidkjnef prauéet de voler dans campagne.

Dans l'Edda , édition de Copenhague , on avait traduit

Jam >unt receuita ATj'mpftaHtirianù (Othini).

Cependant, M. Studach dans sa traduction allemande, aussi littérale

que possible, avait mis :

GeoBnnt sind ddd n^sng Nonnen Walkûren gerùstet Zum RiUaufErdeu'.

«Les voilà énumérées, les nonnes dHérian, les Valkyries, etc.» Et M. Geier, historien suédois, regarde comme positive la mention des nonnes ou religieuses , dans le poëme de Vôluspà *. M. Studach a pour- tant averti dans ses notes qu'U ne faut pas se tromper sur le mot de nonnes (nônnnr, pluriel de nanna, femme}, mot, dit-il, plus ancien que le christianisme. H cite en effet un grand nombre de langues anciennes et modernes qui ont ce nom ou un mot approchant, mais dans des acceptions bien différentes les unes des autres^. L'Edda de Copenhague a aussi une note sur ce mot, en avertissant que nonna, singulier de mnnor, n'a rien de commun avec le mot de nanna, nonne, religieuse *.

M. Bei^mann ne fait pas d'observation sur le passage du poème qui contient le mot de nénnor. Dans ses remarques générales sur Vôluspé , il déclare n'y avoir trouvé aacan vers fja'on paisse soupçonner de n'être pas aaikenti<iB€. Il croit voir tant dans le fond que dans la forme de ce poème la preuve que Vôluspi est un des plus anciens monuments de la litté- rature Scandinave , et qu'il a été composé à une époque le paganisme Scandinave était encore en pleine vigueur, mais se manifestaient

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contre la religion 4e son siècle, et espérant, en patriote etenjAilosophe^ voir un jour la justice présider aux destinées du monde.

Cependant rien n'annonce , à mon avis , Tintention du poète de prédire sous forme de prophétie , comme dit encore M. Bergmann , la chute de Tancienne religion Scandinave. Voulant exposer la cosmo- gonie du Nord , il était amené naturellement à parler de Tintroduction du mal, et de Tespoir de voir le bien triompher un jour dans l'univers. Toutes les religions ont énoncé cet espoir ; les Scandinaves ont à cet égard partagé les idées d'autres peuples du paganisme. S'il est donc parlé dans Vôluspà des jours futurs qui verront le génie du mal dompté et la justice reprendre ses droits, je ne crois pas qu'on doive y voir d'autre intention que celle de manifester l'espoir de la régénération du monde coiTompu.

MM. Studach, Finn-Magnusen et d'autres savants ont supposé que la vala , qui est censée prédire l'avenir, prononça ses paroles mystérieuses dans une grande solennité religieuse, celle qui se célébrait au solstice d'été ; que la mention d'Heimdall, père des hommes, dans la première strophe , y fait allusion , et que la prédiction du dépérissement du monde s'unit ici à une allégorie relative au dépérissement de la chaleur et du jour, qui commence après le solstice d'été. C'est, comme on voit, une simple conjecture, fondée sur l'opinion que la religion Scandinave était allégorique, ce qui reste à prouver.

Le défaut de liaison entre quelques strophes a irappé l'attention de plusieurs traducteurs et commentateurs. Herder regardait Vôluspà comme des jfragments de très-vieilles traditions qui nous sont parvenues dans un ordre qui laisse beaucoup à désirer^.

Les manuscrits n'ont pas en effet la même suite dans les strophes dont quelques-unes ont même paru incomplètes. Aussi les éditeurs les ont rangées différemment; et M. Bergmann, s'autorisant de leur exemple, établit un nouvel ordre qui lui semble être le plus convenable ; mais , pour cet arrangement, il est obligé de mettre six à sept vers dans quelques strophes, au lieu de quatre qu'ont toutes les autres. Dans un poème aussi obscur, il est permis de chercher à mettre un peu de clarté à l'aide de la transposition des idées, pourvu que l'on ne pousse pas cet effort trop loin. Cependant, jusqu'à ce que l'on sache si le poème est complet ou s'il y manque des passages, on ne pourra décider si tel ou tel arrangement est le meilleur. On pourrait parvenir à une disposition

* Volkslieder, t. II, p. igS.

70.

568 JOURNAL DES SAVANTS.

très -raisonnable des strophes, et s'éloigner pourtant beancoap de

l'original.

Le deatiime poème que M. Bei]gaiann a reproduit est le VaJ^irid- mtmàl, ou l'entretien entre le Jote ou géant IVafthràdnir avec le dieu Odin. Gdui-cî descend chez le géant sans se faire connaître, loi demande rhospilalité et lui propose une lutte de science. Ld proposition est acceptée, avecla condition que celui qui succombera perdra sa tète. Le géant adresse à l'étranger des questions mythologiques qui sont prompfe- ment résolues par le dieu déguisé. A son tour Odin propose des énigmes que le géant devine toutes , à l'exception de la dernière dans laquelle il reconnaît le savoir d'Odîn : aussi est-il forcé d'avouer sa défaite.

Ceux qui sont pénétrés d'admiration pour toute l'Edda ont fait ressortir l'exposition dramatique du sujet, la rapidité et la vivacité du récit, )a simplicité du langage: ils y ont même vu une allégorie de la lutte entre la doctrine my stique des Jotes, Jettes ou Finnois, et du peuple goth qui finit par rester vainqueur ' . M. Beipnann , tout en choisissant ce poème de préférence à beaucoup d'autres , le regarde pourtant comme un des moins beaux de l'E^da. Il convient de quelques beautés que d'autres savants y ont reconnues : il accorde même au poète de la délicatesse dans les pensées, di- la finesse dans les expressions; mais il ajoute : « Ce n'est ni soiis le rapport de la dbposition ou du plan, ni sous celui des pensées ou du fond que notre poème laisse beaucoup à désirer; c'est dans le style que réside le principal défaut de Vafthrûdnismâl. Le style en est généralement trop prosaïque, et les mêmes phrases, qui reviennent dans presque chaque strophe , répandent sur tout le poème quelque chose d'uniforme et de monotone. T est vrai que le dialogue comporte un style moins poétique; mais toujours faut-îl que dans un poème le langage se soutienne au-dessus de la prose ordinaire. D'un autre côté, il faut convenir que les répétitions proviennent en partie de la nature même du sujet de Vafthrûdnismât. Comme les mêmes

SEPTEMBRE 1858. 567

M. Berginann pense que Vafthrûdnismâl est du x' siècle, comme il suppose que Vôluspà a été composé dans le siècle précédent. Ce sont de simples conjectures, fondées plutôt sur un sentiment vague que sur quel([ue chose de positif.

L*auteur a terminé son choix par le poëme de Lokasenna, qui, dans Tédition de Stockholm , s appelle Lohaglepsa, et dans celle de Co- penhague Aegisdrecka, Le poète y fait rassembler tous les dieux au fes- tin donné par iflgir, et arriver le génie du mal , Loke , qui se plaît à apos- tropher rudement les dieux et les déesses, à adresser à chacun d'eux une méchanceté ou une malice, jusquà ce qu enfin Thor, le dieu puis- sant, mette fin à ce scandale, en menaçant Loke de son marteau re- doutable. C'est assurément une composition très-singulière : la chro- nique scandaleuse de TOIympe Scandinave y est révélée avec une malice grossière, mais qui n'est pas entièrement dépourvue d'esprit.

Le peu de ménagement que le poète garde pour les dieux du paganisme a fait penser qu'il vivait à une époque la mythologie avait cessé d'être un objet de culte dans le Nord^ M. Bergmann est aussi de cet avis. Il présume que Lokasenna aura été composé peu de temps avant que le christianisme eût triomphé en Islande ; il voit dans le poëme le per- siflage de la mythologie, et dans le poète un incrédule et un esprit fort. Je ne sais pourtant si l'auteur a raison. Voyez les mystères qu'au moyeu âge on représentait sur le théâtre. On y met quelquefois dans la bouche du diable des discours dans le genre de ceux que le poète Scandinave fait débiter par le méchant Loke. Dira-t-oa que l'auteur dramatique tournait la religion chrétienne en dérision, ou que cette religion était arrivée au terme de sa décadence? Non, certes-, le poète, dans sa sim- plicité, croyait devoir charger le rôle de Satan de toute la méchanceté de son caractère. Ne serait-il pas possible que le poète islandais eût eu aussi l'idée de mettre en scène les mauvaises inclinations de Loke , l'en- nemi des dieux? Il faut convenir toutefois qu'il y a mêlé de la malice, et, comme cette qualité ne s'accorde guère avec la naïveté du pre- mier âge, on est toujours réduit à supposer que le poêle vivait dans les derniers temps du paganisme, sans qu'on puisse dire avec M. Bei^- mann que Lokasenna a être composé dans les dernières années du X* siècle.

 r^rd de la traduction qui accompagne le texte des trois poèmes ,

' « Cfleterum moncndum est, cannina Lokaglepsa et aHegoriam Harbarzli6cl , omnibus in rébus mytliologicis fide et auctorilate îere deslituta , ignobilioretn œvi « feturam redolere, dit un peu crûment M. ARtelius, dans la préface de TEdda, <^dit. de Stockholm.

568 JOURNAL DES SAVANTS,

l'auteur a cbercbé, comaie il en aTCrtit dans l'avant-propos, à la rendre ausfî fidile que possible ; il a pris en effet beaucoup de peine pour doa- iier l'équivalent d'eipressions quelquefois lrès-dii£ciles à rendre en français. Il n'y a que quelques passages qui pourraient donner lieu 4 de l^ère» remarques critiques ; par exemple, lorsque te poêle de Vôluspâ. <!n pariant du mouvement des étoiles, se sert de l'expression gdmJo jôngo, qui signifie littéralement vieille marcbe ou route ancienne, M. Beigmann traduit cette expression par' orbites éUmeBes. Le mot or hite suppose des idées astronomiques que les Scandinaves ne possédaient |>as. Le passage , i^ggtt uetr hxtrfjrir, est rendu par : car l'homme en colère ne craint pas le ^bte. La mention du diable est un anachronisme. L'aulcur a mieux traduit dans les notes : > Homme en colère n'hésite devant rien. » Vreyr ër bestr allra hallnSa « Freyr est le meilleur de tous les preux chevaliers. » Cette expression rappelle trop la chevalerie chré- tienne pour pouvoir convenir à la mythologie Scandinave; niais ces taches sont légères en comparaison des grandes dillicultés que l'auteur a eu k vaincre poiu* rendre les expressions islandaises en français sans l'éloigner du sens ainsi que du génie de l'idiome Scandinave.

Il me reste à parler du glossaire qui termine l'ouvrage, et qui, étant précédé aussi d'une introduction, contient une théorie complète à laquelle l'auteur paraît avoir donné beaucoup de soin. M. Beigmann remonte à l'origine du langage et explique la signification primitive des voyelles et consonnes, en se servant de la connaissance des langues anciennes de l'Qricnt; et cette explication très -détaillée a pour but d'amener la théorie des thèmes qui, comme dit l'auteur, forment la charpente oa le corps des mots, et sous lesqueb il a rangé les mots islandiiis qui selon lui en dérivent : il les compare aux mots d'autres langues, soit orientales, soit occidentales qui paraissent être de la même famille. L'aulcur pense ([u'on en viendra à ranger tous les glossaires dans cet ordre , et que si l'on trouve d'abord quelques-unes

SEPTEMBRE 1858. 569

rielle ) , percevoir (signification moitié matérielle , moitié métaphorique ) , et voir (signification entièrement idéale); et de ce thème il fait dériver en latin spicere, et en islandais spakr, spakligr, prudent, sage, spaki, prudence, sagesse, spâ [pour spaka), vision, prophétie, comme dans le mot vélspa, vision de mystère, prophétie.

La théorie de l'auteur, dont la discussion exigerait une connaissance presque universelle des langues , est au moins fort ingénieuse , et les développements que M. Bergmann donne à son système annoncent des connaissances philologiques extrêmement étendues. En général la publication de ce volume est un beau début de la part du jeune savant, et autorise à espérer des résultats plus importants encore de ses tra- vaux d'érudition.

DEPPING.

MÉMOIRES pour servir à une description géologique de la France , rédigés par ordre de M. le Directeur de F administration générale des ponts et chaussées et des mines, sous la direction de M. Bro- chant de Villiers, inspecteur général au corps royal des mines, par MM. Dufrénoy et Elle de Beaumont, ingénieurs des mines.

DEUXIÈME ARTICLE ^

Les trois mémoires dont nous allons rendre compté dans cet ar- ticle concernant les terrains tertiaires du midi de la France et plu- sieurs formations des terrains tertiaires du nord du même pays , nous avons pensé qu'il serait convenable de rappeler les idées principales que l'on a émises sur la constitution générale des terrains tertiaires Paris, afin de lier les travaux de MM. Élie de Beaumont et Dufrénoy aux recherches antérieures.

Tout le monde sait que MM. Cuvier et Al. Brongnîart on fait époque en géologie , par le parti qu'ils ont su tirer de la considération des es- pèces de fossiles que recèlent les terrains parisiens dont les matières constituantes ont été amenées par les eaux, ou bien se sont déposées de* leur sein à la place qu'elles occupent actuellement; et c*est surtout sous ce point de vue que la Description géologique des envîroAs de Paris , en devenant classique pour tous ceux qui ont voulu étudier à fond To-

' Voir le premier article , dans le cahier du mois d*août i838.

570 JOL'RNAL DES SAVANTS.

rigine des couches terrestres formées par la voie humide , a acquis dans

le inonde savant la célébrité dont elle est si justement en possession.

A partir de la craie, dernière assise des terrains secondaires, les terrains tertiaires de Paris se composent de couches horizontales * de diverses 'matières superposées dans un ordre déterminé par l'époque de leur formation respective , de sorte qu'une couche plus ancienne qu'une autre ne se trouvera jamais assise sur cclle-cn ; mais si dans on lieu quelconque on fait une coupe verticale qui mette la superposition des couches tertiaires à découvert, depuis la surface du sol jusqu'à la craie, il arrivera bien rarement de trouver réunies toutes les cou- ches qui constituent le terrain tertiaire de Paris considéré dans son en- semble. Il y a plus , les terrains de diverses formations n'y soni pas superposés de manière que les couches récentes couvrent toujours complètement les anciennes ; on voit même des couches plus nouvelles que' d'autres , qui dans l'ordre de superposition géologique devraient conséquemment être placées sur ces dernières, occuper pourtant une position moins élevée, comme le remarque M. d'Omalius. Au reste, on ne doit jamais perdre de vue que les couches d'un même terrain sont rarement continues lorsqu'elles occupent une grande étendue, qu'elles peuvent se trouver à des hauteurs très-différentes, enfin que dans un mf me bassin les couches d'un terrain inférieur à ce- lui qui te recouvre en général peuvent dans quelques endroits paraître à nu; par exemple, la craie est presque k découvert près de Meudon, de Bougival, à Beaumonl ; on voit, pour ainsi dire à la surface du sol, le calcaire grossier à Bicêtre, etc. et le gypse à Ménilmontant , à Ro- mainville, etc.

Si nous considérons maintenant l'origine des couches des terrains tertiaires relativement à la nature des eaux qui les ont déposées, nous voyons que la distinction des terrains d'eau douce et des terrains ma- rins, établie comme l'ont fait MM. Guvier et Al. Brongniart, d'après la

. SEPTEMBRE 1858. 571

par exemple, pour concevoir de la même manière mi (ait particulier aux terrains tertiaires parisiens , fait qui consiste en ce qu*ils se com- posent de plusieurs superpositions alternatives de terrains marins et de terrains d'eau douce. Ainsi MM. Cuvier et Brongniart reconnaissent , en partant de la craie ,

i"* Un premier terrain d'eau douce, comprenant Targile plastique, des lignites, un premier grès. Avec Targue plastique on fait de la faïence fine, des creusets , des poteries rouges , des poteries-grès , etc.;

a"* Un pi^emier terrain marin, comprenant le calcaire grossier et le grès qu'il contient souvent : le calcaire grossier fournit à la ville de Paris la plus grande partie de la pierre à bâtir qu'on y emploie;

S"" Un deuxième terrain d'eau douce, comprenant le calcaire siliceux, le gypse à ossements, les marnes d'eau douce;

4^ Un deuxième terrain marin, comprenant les marnes gypseuses ma- rines, le troisième grès, un sable marin supérieur, un calcaire et des marnes mannes supérieures ;

5"* Un troisième, et dernier terrain d'eau douce, comprenant les meu- lières non coquillières , les meulières coquillières , les marnes d'eau douce supérieures ;

6"* Un terrain de transport et d^^aUaciùn, comprenant des cailloux rou- lés, le poudingue ancien , un limon d'atterrissement ancien et moderne , des marnes argileuses noires , des tourbes.

Suivant MM. Cuvier et Brongniart, après que la craie se fut dé- posée du sein d'une mer qui couvrait tout le bassin de Paris et qui nourrissait des espèces d'animaux que nous représentent les fossiles de la craie, cette mer se retira, et le terrain marin qu'elle laissa fut occupé par des eaux douces qui donnèrent lieu à des dépôts d'argile plastique, de coquilles (tl'eau douce ) , de végétaux terrestres qui sont devenus des lignites : ces eaux disparurent, et une seconde mer vint couvrir le terrain d'eau douce et déposer des bancs puissants, en grande partie formés des enveloppes testacées de mollusques, tous différents de ceux de la craie. Cette mer s' étant retirée, le sol qu eUe laissa découvert fut envahi par des eaux douées qui, insuffisantes pour le couvrir complètement, inondèrent les parties basses seulement et formèrent des lacs au sein desquels se déposèrent des couches alternatives de gypse et de marne qui enveloppèrent à la fois et des débris d'animaux habitant ces eaux douces, et des ossements d'animaux terrestres qui erraient sur leurs bords. Soit que l'eau de ces lacs eût disparu, soit qu'elle s'y fût conser- vée, MM. Cuvier et Brongniart admettent l'inondation d'une troisième mer, qui déposa 'successivement quelques espèces de coquilles bivalves

7*

fi72 JOUAliAL IfflS SAVANTS.

«tide orMfiiUes turlnaéM:. dealmîtres, pak' une grande muse de êàhie «lMQluai>Cikt.dé^iiivaa deiôssilea, eitim^èa'coquiUa. Cette mer se rOifa emuM>lu4ii|rM(.et leé; caTités dtt. j«l yTellelnMin k dfcoii?ert <e wb>- [dùent d'tfonc Jowis.dxuleifaeUeiie fiumiccBt dei d^âti Janâuv, qui, fossiles aujourd'hui, occupent les soaamets des coteaux tertivraB duiMHiif dé.paris; enfin, il but admettre enoorscpiedei'eeia vinrent «SÂmNtJ ctt sol, ik d4gnidn':daiiB'{duaîew«|iiBlie^, et ydépqfér dis çi^pi^- routés»^ lavaM, du linu».

H. Constant fîrerost, feappé d'abord dea .objections qne t'-ôta peut &evotfioàttele»akBmatae>Âe rebmU et de rettmr ie lamer^ iet eoMX iaaces iaM.«i mimi Um, quand méinë B existerait vue limite abs^- nMuttrandbée entre:lea;d4pôtsdes fossUes mirina etdesfiMsflcsd'eau douce, a dû, à plus forte raison, rqeter fopinioa qui «dmetcea.alter- mativesi vft^ que. ses propres obseirvatious lui eurent appris qu'il y a de fréquent* eaentples d'une même localité ces diffîreots or^ei de fos- siles sont pour ainsi dire pêle-mêle ; dès ion , il a exfdiqué la formatk» dMtercaiiis tertiaires par i'fypoihè$e ia (Clients, ou, en d'autres termes, pwr des eoMxdoases afflaèrent à certaines époques dans le bassin de Paris, qui, suivant lui, comprenait le sud de l'Angleterre, lesbassins de la $0ioe et^lalioire, et.s'étcâdait au sud juaqu'aux hauteurs du phtteau de rAn¥fu;g;nQ. Joi:Sque la craie s'y déposait au son d'une mer pnàirade. Le uiveau de la mer s'étant abaissé., la forme des bords dn bassin changea, et des eaux des continents voisins, prenant un nouveau cours, purent y^doboucber et y déposer i'aifplie plastique qu'elles tenaient en suspen- sjoiL, Ce dépôt M proloi^gea pendant ceux de l'argile sid)leuse et dn cal- cwine- grossier inférieur. A cette ^que, des mdluaques de rivage vivaient aur. les bords du bassin en même temps ^'il se fbimait des dép<Sta littoraux et des dépôts pâagiens. La mer du bassin de Paris, continuant de s'aibaiBter, ne forma plus qu'une lagune saumàtre; c'est alon<que.le bassin de Paris, proprementdit, fut séparé du bassin de la

&74 JOURNAL DES SAVANTS.

8<mt pHcMMe-diBi une mânW'eoudift,-fl &ut avoir jgard anx obier' vadons ^e M. G. Prévost, en4ant qv'ui les &it porter, non contre k lédâé'iTiiB'.pEioe^.'maùiiirrip^icatîon qu'on peut faire de oe prin- cipe à uoeM perticulin. Quant aux exidiottions que M. C. Prvreit {«opoM de aubstkuer k celles de MM. Guvier et &î)ngniart, 3 est pla- ûmniptiats^fttXBnitaiii une discuMion. si l'espace qui noua est aoeordédanseejoomal n'était pas limité.. Nous dterions desiiMeajde M. Hendidi le ffib.qui sont aussi celles de M. ^ie de Beaumont, rdaii- veinent:i t'influence qaepeut avoir eue, confbrna^entàla théorie de Dduci l'abaistemcait du terraîn qui servait-de-fend aux eaux dans les- quelles ««.fennaient des dépôts-, enfin nous examinerions i qud point sont sàtisbisantes , pour f explication des phénomènes géologiques, les nstinu que l'on a piises en avant rdativement k la composition chi- mique des eaux qui ont pris part A ces phénomènes. Peut-être aurons^ nous J'occasion de revenir sur ce sujet.

Après les travaux suivis avec tant de persévérance par M. G. Pré- vost dans l'intenticMi de ramener l'explication de la formation des ter- rains tertiaires i des causes qui agissent encore de nos jours, nous cite- rons un opuscule extrèosement remarquable de M. J- DesDoyers, qui, au grand r^ret des amis des sciences d'observation , semble avoir alûn- donné, pour l'érudition , la carrière de l'histoire naturelle il a débuté d'une manière ai brillante. M. J. Desnoyers pense que tous les bassins tertiaires, loip d'être contemporains, (mt été formés successivement, probablement par de fréquentes osdllatîons du sol produites par les agents vcdcaniques. Ces bassins ont été èoBoite successivement remplis par des dépôts qoi présentent la [dus grande diversité , soit que Ton considèreiâ compositi<m chimique des eaux douces ou salines qui rem- plissaient ces basions , soit que l'on «>nsidère la diversité spécifique des matières qui se déposaient , soit enfin que Ton ait ^rd à la diversité des états molécnlaues une même matière pouvait se trouver suivant

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kcuatre de Paris , il a été conduit à reconnutre au mœns trois périodes géologiques, y comprise Tépoque actuelle.

La période la phs ancienne qui succéda immédiatement à la formation du terrain lacustre supérieur de Paris , et qui est antérieure au creuse- ment de la {dupart des vallées actuelles , est la plus vaste et la plus va- riée dans ses produits ; elle comprend des dépôts marins , fluviatiles et lacustres.

Les dépôts continenianx , c*est-à**dire ceux qui ont été formés sur les continents, comprennent des brèches osseuses et ferrugineuses, plu- sieurs des dépôts que M. Buckland a aj^lés mdédilaviens.

Les dépôts marins comprennent le crêg du Norfolk, du SuflTolk et d'Essex , les tufs marins du Cotentin , les fiiluns de la Loire et de Dax , le cahaire-mùeUan et les sables marins de THérault, la molasse coquiliière des bassins du Rbône et de la Suisse , etc.

Le bassin de la Loire présente la couche la plus ancienne de cette période reposant sur le terrain lacustre du bassin de la Seine.

Les terrains de cette formation, quelle que soit leur origine, sont sur- tout caractérisés par les ossements de grands mammifères qu'ils ren- ferment, et par le mélange^ variable avec les bassins, d'espèces fossiles inconnues réunies à des espèces analogues & celles qui vivent dans des contrées voisines.

La période moyenne, postérieure à la forme générale de nos continents actuels , commence immédiatement après la destruction en Europe des grands mammifères ; elle cdmprend des terrains marins et des terrains formés hors des mers.

Les premières ne renferment que des fossiles marins identiques avec les espèces actuellement vivantes.

Les secondes comprennent une grande partie du dépôt que M. Buck- land a appelé dilavinm.

M. Desnoyers pense que le changement de niveau des mers , qui a donné lieu à nos bassins actuels, a déterminé la période moyenne, la- quelle a été plus rapide , plus tourmentée , plus torrentielle , dit-il , qu'au- cune autre.

Enfin la période moderne ou contemporaine présente, suivant M. Des- noyers, des phénomènes géologiques tout à fidt analogues k ceux de la période précédente ; pour s'en convaincre il suffît d'examiner les travertins d'Italie, ceux, de 1* Auvergne , les dépôts des lacs de Hongrie, des lacs d'Ecosse, la formation des tourbes, les alluvions des grands fleuves 9 etc. etc. Les diffîrences ne portant guère que sur l'intensité des effets, on est conduit k admettre la liaison la plus grande entre

57ft JOURmVL IMBSr SAVANTS.

lesiÎMTD^tiaH wtanpamlii» eties fotinitioiis ée faipériode mofttuirJ< dès lors (Hi ne peut se refuser tie rtioonnaîtK ilne grande analojps sillte' Is» jeaoMti qui tgMoitactaaileKiaitet cidi«ff.«[iD'ODt'agi "amrafai; Hbê

la fiifiiiBtîon:'dMtafnita»par b T«ie faottiMe. '■■'-'• ' '' '^

- fMÈa M. Deihayes, qui BemUcaTtoir cotuaci^iia "vie k i^étaèti'ém aoqaâlMiia MiMndoit, par leiamen ajqtedfiïniUidB'oolJes «pii'avtHMM vont à l'étet fossile dans les couches tertiaires , à établir trois éMqgMçMÉR» le.bMÛ 4e Paiis necontiHit qoeles drax prônera; réftdttttMl i fait confetme k la manière 'd& Toir de M. Deanoyers. ' '

Les détaflsdanskscpicJsncmayeBonsidîairtiw-pariaeWBiK'dfetinMfr' wr-MipMeiiiMit lés trois mémoires atnqafAi-fM aii|î«l« eet coftswié, pnùqpd tafflt« kfA préieiiteruQe cMTid ant^fW'poiir qae'nMieii* leoniwflfiBeBtieS'Tiçports-qu'flieBtat'ecleAtnivMxeMéineârs. -'

.!.)lUifpm^^nr.-je5 ten-aiiu teitiairê* da^aJUR (2a BÙiiidt fa Fraapa^. par M. Dufrénoif. M; IfhA«étt6y, eprès avoir^appelé lu' travaux les ^as remEâMjâa- UM dent 4^ terrains de Paris ont é«é iH stijet. signke fe griiti ftu fpUf4^iBmi*ft^tthittAfè kïHnâB déa t^tilins tèrtîbft^ éa- j|itttâM' par lâ>WlVaât[de Abus' «Tons analysé; 8*4^ Tefcoudatt'^tit^lqaéticfeutc-- titudes, il en attribue la cause ji la nécessité s'est troiiVé Fautetir'tfi s'ennfp9rtc»S'p«ur assëc'grand n^(»ttbt<e'd«9ocidk^,'à^e «ftii^es

deB«i4ptfMW ér-nM à Ms propres bbservatiôiis. "

M.iDbfrénè; M!hn«t derm étages de terrains tertiairee^anB Iti basaih de Paris:

b^MrtfMrnM, eotUptifté d«'rtlr^|Fbséi^^A^^ de la

piem à pfâtre; ' -, -^ ....-.-' i

■(IèJ& AscoMï.r cbitipotf^dîf ^ da ^IMtimeètofli éflâ^fhnl&Hireigfailfi^

attociées à âucaJadre d'eaa doace. " ' ' ' ^ - -

578 JOUBNAL DBS SAVANTS.

V Le «JaOT-Mflfflw de Montpcffier;

5>|jiMoiiM«aifniUUrr deBnufsetde Bordeau, qui générdaseot cat WDee et pCD dérdoppée;

£* Lm>Iw ie$ Laaîet , ■wnMihlw i eraz de b Toanioe : ib nW oqieat guère qoe ici partie» beifw da terrain tertiaire;

S* Dea wg3u «aHiwawuff et dea mammfnm^Maxt JeH|Mia aflptf reoHiqiiafale» eneeqa'^s lôgnii«entlaplBsgraDde partie dea nÔMnôi qni aUmenteol noa foires. Bs forment dea dépota mincea aor ka co- teanx de cnôe et de calcaire jurato^oe dn. F^rigord. de la flahitnngr etdn Qnerof.

Loaaqne le tenain d'eau dooee exiate, le calcaire finne raasM inB- rieure de féti^ moyen ; 3 txmtient aouTent dea coudiea de aaUe ou d'aigfle. SU manqoe, n eat Boarent remplacé par la nudaaae qui re- pose alors comme lui aur le calcaire grossier.

La molasse coquillière eat toujours supérieure an calcaire d'eau douce-, fl en eat de même dea &lnns , qui ont avee die la pins grande andogie.

Le calcaire d'eau douce, à Agen et i ViUenenre d'Agen, présente deux Taiiétés : Tupe eat blanche, de dureté variable, f antre est colorée par du bitume en gria-bleuAtre. A BeaumiHit, le calcaire d'eau douce eat mêlé rognon» sfliceur, et même de pierres meulières.

Le calcaire d'eau douce de Outres renferme de nombreuses concré- tions calcaires cylindroîdes qui sont caractéristiques pour la fornialî<m de tous les gisements de calrâire qui en présentent de semblables.

M. Dnfrâioy, après avoir fait remarquer la nature calcaire Jes galets disséminéa au miÛeudesaigileaetdespoudingaes tertiaires dana tonte la bande 4ea terrains de celte fixmaUon qui smt déposés au pied des Py- rénées, tandis que les galets de la molasse qui s'appuie contre les mon- tagnea de la Vôufée et du Umousin tirait leur origine des terrains

SEPTEMBRE 1838. 579

dans les autres ; résultats , comme on le voit, tout à fait conformes à ceux de M. Desnoyers.

M. Dufrénoy pense que les argiles , les minerais de fer , les sables qui couvrent la plupart des plateaux des terrains secondaires de la France centrale , se relient d*une manière continue aux couches su- périeures des terrains de Paris , notamment aux argiles ocreuses de Meudon et des bois de Montmorency, qui renferment du silex, delà craie et des blocs de meulière. En -conséquence, il ne regarde point les minerais de fer du Nivernais , du Berry , de la Dordogne , comme des produits ctallavion, mais commr^ appartenant à la partie supérieure de rétage moyen des terrains tertiaires.

L'étage moyen tertiaire du bassin du Midi correspond, suivant M. Dufrénoy , au grès de Fontainebleau et aux meulières du bassin de Paris ; cette formation recouvre donc, d'une manière presque continue, tous les terrains secondaires de la France; et en Espagne et dans la partie basse de la Suisse elle a encore une étendue considérable.

Enfin M. Dufrénoy pense qu'on pourrait, jusqu'à un certain point, distinguer deux assises dans cet étage moyen :

1** Le calcaire d'eau douce associé à la molasse, au grès sUiceux et aux. ailles avec minerais de fer.

a"" La molasse coquillière et les faluns.

III. Etage supérieur.

S'il recouvre des surfaces très-étendues, il est presque toujours très- mince, et alors il a été longtemps confondu avec le terrrain d'alluvion; lorsqu'il a une certaine épaisseur, il contient des coquilles nombreuses, et dans ce cas il est identique avec le terrain tertiaire des collines sub^ apennines. Il se distingue d'ailleurs parfaitement de l'étage moyen; car, dans le ravin de i'Infernet, près d'Aix, la brèche calcaire du Tolonet, qui fait partie de cet étage des terrains tertiaires, se Ihontre en couches in- clinées par suite du soulèvement des Alpes occidentales, tandis que, chose remarquable , l'étage tertiaire supérieur est placé au-dessus eu couches horizontales.

Suivant M. Le Play, la séparation des deux étages est, en Elspagne, encore plus évidente que dans le bassin du midi de la France.

L'étage supérieur est encore distinct de l'étage moyen dans les pay» de plaines, et dans cette circonstance encore la considération des fossiles conduit à la même conséquence que les considérations pure- ment géologiques.

7a

5fiO JOOENAL DES SAVANTS.

Les temdiu de i'élage supéneor renferment des ossements des umb»- miières antédiluviens, et des coquilles d'espèces difTérentes de cdies de l'étage moyen , et qui , pour la plupart, se retrouvent dans les men ac- todles. Quoiqu'il en soit de cette identité, M. Dufrénoy recomiaâlt «recM. ÉliedeBeaumont, que cet étage supérieur des terrains tertiairet a été fiurmé avant le soalèvetnent de la traîne principale des Alpev; sontèvonent qui est la douôème o^ dernière révolution que le ^be« éprouvée, et qui a donné lieu au ^tavium.

L'étage supérieur tertiaire est principalement composé de dépôts dt galets, de coaehei de s<diles, d'toyiles gnisièns et sabbnneases; dans les Apennins, il présente en outre des marnes calcaires; enfin, dans qudqncs partiest un calaûre d'eaa douce terreux , grossier, recouvre des ssîiles ma- rins grossiers, et termine cette formation. Il est bien important de ne pas confondre ce dernier calcaire d'eau douce avec la molasse coquil- lière de l'étage moyen.

Dans le bassin tertiaire du nord de la France, on dirait que l'étage supérieur manque, si l'on ne pouvait citer quelques dépôts de galets qui recouvrent les sommités de plusieurs collines jurassiques de la Nor- mandie (Calvados et Manche).

Dans le centre delaFVance, les amas de galets de Charlieu (bassin de la Loire) appartiennent à l'étage supérieur tertiaire, car ils sont iden- tiques à ceux de la Bresse; il en est de même du tuf à ossements de Boulade et de Perriers , près d'Issoire , et probablement des matières qui remplissent les cavernes à ossements.

L'étage supérieur tertiaire, dans la partie du bassin du Midi, qui se termine au Rhône, ne constitue qu'une simple pellicule; mais aux envi- rons de Perpignan il a une certaine épaisseur. Dans la Bresse, au con- traire, les dépôts d'argile et de galets, appartenante cet étage, sont très- puissants, quoiqu'ils le soient moins encore que dans tes collines sub- apennines.

SEPTEMBRE 1838. B84

les deux premiers étages du bassiïi tertiaire du Midi , et quil consi- dère les terrains de la Loire, y compris les faluns de la Touraine, comme correspondant à la formation du grès de Fontainebleau et aux meulières coquillières de Meudon et de Montmorency. En cela, il s'éloigne de Topinion de M. Desnoyers , qui regarde le bassin de la Loire et une partie du bassin de la Gironde, y compris les faluns des Landes, comme appartenant à l'étage supérieur des terraîirfs tertiaires.

Observations sar Vétenduo du système tertiaire inférieur dans le nord de la France, et sur les dépôts de Ugnites (jui s'y trouvent, par M. Élie de BeaumonL

L'objet principal de ces observations est de démontrer que le terrain crétacé ne limite point au nord le bassin tertiaire de Paris, comme on pourrait le penser lorsqu'on se dirige des environs de Gisors et de Chaumont vers Épemay , en passant par Beaumont-sur-Oise , Clermont en Beauvoisis , Nesle, Ham , La Fère , Laon , Craone et Reims : en effet, si, à la droite de l'observateur, les plateaux du calcaire grossier semblent être la fin du terrain tertiaire aboutissant à une suite de plateaux moins élevés, composés de craie, ou de terrains carbonifère et ardoisier, ou bien d'un dépôt meuble continu avec celui qui recouvre une grande partie de l'intérieur de la France, et qui, suivant l'auteur, appartient à l'étage moyen du terrain tertiaire, cependant , en regardant avec quelque attention à gaucbe, il aperçoit des tertres d'une étendue variable, for- més de sables qui, analogues à ceux qu'il peut voir à la base des plateaux du calcaire grossier , se rapportent réellement à l'étage inférieur du terrain tertiaire.

Ces tertres, au milieu des sables qui les constituent principalement, offrent à l'observateur des grès renfermant des moules de coquilles bivalves rappelant les tellines ou les cythérées. Les sables sont blancs, jaunes, rougcâtres, on enfin verts lorsqu'ils contiennent de la chlorite.

Le terrain qui constitue ces tertres a été observé en Belgique par M. d'Omalius d'Halloy; il s'y compose de sable, d'argile plastique, de lignites et même de succin.

C'est encore à ce terrain que l'auteur rapporte les minerais de fer, appelés improprement d'albivîon, qui donnent lieu, dans les Ârdennes, à un grand nombre d'exploitations.

Les tertres dont nous venons de parler, appartenant à l'étage in- férieur tertiaire du bassin de Paris, et se retrouvant en Belgique et en

7a.

582 JOURNAL DES SAVANTS.

Angleterre on les appelle oatfyers, sont, suivant M. ciîe de Beau- mont, des témoins de l'étendue primitive de ce bassin.

M. Élie de Beaumont rapporte encore au même étage les lignites du plateau du bois de Vermand , près de Holnon , ceui qui se trouvent dans le Saissonnais k découvert, parce que probablement les couches qui les recouvraient dans l'origine ont été enlevées par les courants di- luviens auxquels un soulèvementdusola donné lieu. En conséqueai^. ces lignites sont analogues à ceux de Marly , comme l'avaient pensé déjà MM. Cuvier et Brongniart.

Enfin, M. Élie de Beaumont, en allant-dé Reims à Ëpernay et  Vertus, a observé que le calcaire grossier est peu à peu remplacé par des marnes verdâtres dans lesquelles il finit parne plus apparaître qu'en larges masses lenticulaires, au sein desquelles on aperçoit un développement progressif de calcaire siliceux et de meulières, conformément à ce que M. Dufrénoy a observé sur les confins du nord-ouest de la Brie, en ap- prochant de Paris, ainsi que nous allons le voir dans l'analyse du mé- moire suivant.

MéyoïRE sar la position géologique da terrain siliceiur de la Brie et des mea- lières des environs de la Farté, par M. Dufrénoy.

Si l'on examine au-dessus de Paris la vallée de la Seine, on voit que le calcaire grossier d'origine marine arrive presque exclusivement au jour sur la rive gauche du fleuve , tandis que les formations d'eau douce constituent les collines de la rive droite; et, à quelques lieues de cette ville, au nord-est, le calcaire grossier ou les sables marins ne s'y voient plus qu'accidentellement; car le calcaire d'eau douce devient prédominant, surtout dans le plateau de la Brie que limitent la Seine et la Marne. Mais ce calcaire d'eau douce est loin d'être pur, car presque partout il est tellement pénétré ou mélangé de silice, que M. Brongniart

SEPTEMBRE 1858. 585

vent sur les sommets de Meudon et de Montmorency; mais c'est à la ressemblance minéralogique que s'arrête Tanalogie mutuelle de ces pierres siliceuses; car les meulières da calcaire siliceux sont d'une for- mation géologique toute différente de celle des meulières coquilUères de Meu- don et de Montmorency ^ et cette différence d'origine est le point princi- pal que M. Dulrénoy s'applique particulièrement à démontrer dans le mémoire que nous analysons.

M. Dufrénoy pense que, la silice s' étant déposée en même temps que le calcaire d'eau douce, la formation résultant de ces deux matières constitue l'assise supérieure de l'étage inférieur du terrain tertiaire pa- risien , tandis que les meulières coquiliières de Meudon et de Montmo- rency appartiennent à la dernière assise de l'étage supérieur du même bassin ( étage qui n'est , bien entendu , que l'étage moyen des terrains tertiaires).

Si l'on a été longtemps incertain sur la position géologique qu'on devait assigner au calcaire siliceux, il faut en attribuer la cause à l'ab- sence du gypse dans la plus grande partie du pays que ce calcaire re- couvre, et il est remarquable que, lorsqu'on croyait, avant le travail de M. Dufrénoy , observer à Saint-Ouen que le calcaire siliceux étaîtinférieur au gypse , on assimilait au terrain le plus moderne de Paris les meu- lières de La Ferté, qui ne sont, comme nous lavons dit, qu'une dé- pendance de la formation du calcaire siliceux.

M. Dufrénoy a observé la superposition du calcaire siliceux sur le gypse à Fontenay -sous-Bois, à Nogent, à Quincy. Cependant il n'en conclut pas que toute la formation du calcaire siliceux de la Brie est plus moderne que celle de la pierre è plâtre; il est disposé, au contraire, à admettre que celle-ci est enclavée dans ce même calcaire.

Le calcaire siliceux est certainement plus ancien que le grès'maiin supérieur; car celui-ci repose sur le premier, non-seulement à Pantin , comme M, Llie deBeaumont l'a remarqué le premier, mais encore dans la forêt de Gros-Bois et à la Butte des Griffons, suivant l'observation de l'auteur.

Enfin, si tous les caractères géologiques s'accordent pour établir l'identité de formation entre le calcaire siliceux et le silex carié de La Ferté et de Montmirail, on peut voir à Flagny et à la Cour de France, dans une même coupe de terrain, les deux formation^- de meulières séparées l'une de l'autre par le grès marin supérieur.

E. CHEVREUL,

JOURNAL DES SAVANTS.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

mSTmjT EOïAL DE FRANCE.

M. Perâer, membre de l'Académie des beani-arts, est mort le 5 septembre. Un discours a été prononcé à ses funéraillei par M. Lebas. Nous en eitrairans qudqnei détails biographiques. _^ -

M. CbànesPercieruaqsitÀPaTisen i76&.Lainadestfrfiirtimedeu>npèrenelBi permit pas de recevoir les bienfaits d'une brillante éducation ; mais la nature el son génie surent y suppléer. Une vocation marquée pour l'architecture détennina sa famille k le confier ani soins de M. Peyre. Après s'être constamment distingué datis les concours del'Ecole royale d'architecLure, il obtint le grand pris de Rome en 1766. n partit alors pour l'Italie , la vue des chefs d'oeuvre des grands maîtres produisit sur soQ esprit une telle impression . que cette terre dassique des beaux-arts devint ponrinitme idole au cullc de laquelle il a consacré sa vie entière, et dont le souvenir, à ses derniers moments, était seul capaUe d'apporter quelque adoucissement k sea souffrances. Ce n'est qu'à la vue des admirables et nombreuses études qu'il y a Ules, que l'on, peut juger de toute leur imporlaucc. De retour en France k une époque bien désastreuse pour les arts et tant de monuments furent détruits, il s'appliqua BvecuneardeurcoDSlaDteàreproduire, parle dessin, les plus remarquables édifices de notre patrie. La colleclion qu'il en a faite devient d'autant plus précieuse qu'elle nous conserve le souvenir de monuments ijamais perdus. U ne servait pas seulement les arls par ses travaux; mais, par sa parole brillante et animée, il savait communi- quer aux autres l'iafatigable ïèlequil animait; de sa conversation , toujours féconde, jaillissaient des traits de Itmière. Ses connaissances profondes et variées , une mé- moire des plus âdèles, el une^oquence aussi naturelle que persuasive, lui avaient acquis , au suprême degré, l'art de faire, partager son noble enthousiasme aux per- sonnes qui l'approchaient, et particuhèrement asea nombreux élèves. Aussi de qud respect.dequeHe reconnaissance n'élait-il pas entouré l^ Combien sa vie n'a-t-elle pas été emb^ie par l'amitié des artistes les plus célèbres ? Happellerai-jeicî ce nom qui vient se placer sur toutes les boaches, le nom de cet ami que cherchent tous les jeux.

586 JOURNAL DES SAVANTS.

de VIII et a58 pages, avec 5 gravures. On se rappelle qu'en 1819. M. MaioiB, dans UD ouvrage dédié à M. Percier, que le* arta viennent de perdre , nous avait fait con- naître, soua le litre de Palais de Scaurnt, tous les détails de la maisoD de ville des Romains , l'atrium , le gynécée , la pinacothèque , l'eièdre. elc. M. Haudebourt noas initie, h son tour, à tous les secrets de la villa romaÏDe. Son livre est un ingénieux commentaire de l'épitre svii'du second livrede Pline le jeune, cet écrivain donne, en termes asseï obscure, la description de sa maison de campagne située près de Laurente. C'est en même temps un tablean piquant et fidèle des mœurs de la société antique à l'une de ses plus bnllantes périodes.

BiojTttphie uitivertelle ancienne et moderne. Supplément, toniG LXV (GAAI^ GOZ). Paris, imprimpric de Paul Dupont et compagnie, librairie de Michaud. i838; in-8* de 57a pages. MM. Artaud, Capefigue, Deppioç. DunMoir, Eckard, Eyriés, F. Piilet, Micbaud jenne , Parisot. Benan)din,de Reiffenberg, Tabarand, Viliûiave, Wnlckenaer, Weiss, etc. etc. ont coopéré à ce volume. Parmi les articles les fdus remarquables par leur importance ou par leur étendue, nous citerons ceux de Gail et de M™ de Genlis par M. Duroioir , de Gcil par M. Renauldin , de Ginguené par H. Michaud, de Goethe par M. Parisot, de Gosselii) par M. Walckenaer.

Mémmres de la Société dei aatiquairet de l'Oaeit. Tome IIl; 1837. A Poitiers, imprimerie de Saurin, librairies de Fradet et de Barbier; àParis. chez Derache; i838. In-8'de 3à8 pages, 7 planches. Ce volume contientle compte rendu delà séance publique du ao août 1837, et onze mémoires, dont les principaux sont: un essai sur les monuments celtinues de l'arrondissement de Loudun ; des notices de M. de la Massardière, sur le Vie ox-Poi tiers ; de M, de Cliergé , sur le château et la sainte chapelle de Champigny; de M. de la Fonlenelle, sur le duc d'Aqui- taine , Guillaume Fier-à-Bras , et la duchesse Eœrae , etc.

Mémoire» el analyses des travaux de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts de la ville de Mende, cbef-lieu du département de la Loière; i835, i836. lotS* de ao pages. Imprimerie d'Iguon , à Mende.

Mémoires de la Société royale des sciences, de l'agriculture et des arts, de Lille: années i836, 1837 et première partie de i838. 10-8°.

Connaisfance des temps ou des mouvements célestes, à l'usage des astronomes et des navigateurs, pour l'an 18A1; publiée par le Bureau des longitudes. Paris, Ba- chdier, i858; in-8°, 41701 178 pages. Pr. 5 fr.

Aanaairepoar l'an t838, présenté au roi par le Bureau des longitudes. Paris, Bachelier, 1837 (i838]; in-i8, 63a pages. Pr. 1 franc— Lespi^es aai-6i8 cod- tiennent des notes scientifiques par M. Ar^, sur le tonnerre.

JOURNAL

DES SAVANTS

OCTOBRE 1838.

Des journaux chez les Romains; Recherches précédées (fan mé- moire sur les Annales des pontifes, et suivies de fragments des journaux de Fancienne Rome; par J. Yict. Leclerc, membre de F Institut de France, doyen de la Faculté des lettres de^ Paris. Un volume m-8®, iii-44o pages.

Il y a dans la science de Thistoire deux sortes de doute et de cri- tique; Tune inspirée par un oi^eii ambitieux, l'autre née d'un pur désir du vrai : celle-ci prudente, sincère , sans amour-propre, sans parti pris d'avance pour ou contre aucune idée, soumet tout récit, toute assertion à un examen rigoureux, mais en ne cherchant qu'à s'instruire, et ne se laisse imposer par aucune autorité, si grande qu'elle puisse être, mais en accordant au sens commun des hommes qui nous ont précédés un juste crédit; l'autre, souverainement dédaigneuse de toute croyance générale et ancienne, sgrmée de défiance contre tout ce qui est tradition, passionnée pour le paradoxe , enthousiaste d'innovation , et se flattant d'innover en renouvelant, par l'exagération, des singularités déjà vieilles, finit par tomber, du haut de son mépris pour l'opinion d'autrui, dans la plus étrange créSulité en soi-même, et par s attacher avec une conviction opiniâtre à ses propres systèmes et prendre pour authentique^ les fan- taisies d'une érudition vaste et hasardeuse. Ambition de renomofiée, que ce doute hypercritiquel Vanité, que ces systèmes de découvertes J fl.est bien à souhaiter, quand ces conjectureurs aventuriers, d'autant pli9s,&

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matières en apparence très-diverses de nature et d'intérêt, sont cepen- dant liés ensemble par des rapports intimes, de manière à former les parties nécessaires d'un seul et même ouvrage', et non pas un simple recueil de pièces détachées ; et la double publication revient à une par- faite unité de sujet, en niuntrant, dans la succession des yoomaaj: aux Annales des pontifes , la perpétuité d'une rédaction ofiicieile, année par année, jour par jour, des éléments de la narration historique cbei les Romains, depuis les temps les plus anciens jusqu'à la décadence de l'Empire. Des deui mémoircB, le plus considérable et par son étendue et par son importance n'est pas celui dont le nom frappe les yeux d'abord au irontispice de l'ouvrage, et qui semble vouloir primer sur fautre parla différence même des caractères d'imprimerie, quoiqu'il ne vienne que le second par l'ordre chronologique des faits et daos la disposition du livre. Je n'aurais pas remarqué cette espèce d'interversion dans le titre, de. peu de conséquence au fond, et sauvée d'ailleurs par l'habile emitexture de la phrase, si je ne voyais dans le petit artifice d'impri- meur et de libraire auquel l'auteur a eu la complaisance de se prêter, uB exemple des sacrifices que les meilleurs esprits font au goût du public et & la frivolité du commun des lecteurs , même dans les plus graves

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relativement aux moeurs, aux institutions de Rome et des nations ita- liennes; mais je ne peux pas m'empêcher de réclamer contre l'extrême sévérité des expressions tout au moins. Sans nier les fautes qu'il a com- mises , on doit penser à l'immense lacune que ferait dans l'histoire ro- maine la perte de ses récits. Nous avouerons que Caligula le traitait d'écrivain verbeux et négligent; il faut aussi qu'on se souvienne qu'îV se faisait nommer le Pompéien dans le palais d'Auguste.

Revenons aux Annales des pontifes. Dans tout pays ou règne ime forte aristocratie, l'histoire écrite prend naissance. L'ignorance pourra être profonde dans la nation, les mœurs de la multitude et même des grands peuvent être encore barbares ; mais il y a des familles inté- ressées par orgueil et par politique à garder la trace des événements, la gloire des ancêtres, l'autorité des exemples utiles; il y a un corps de noblesse toujours occupé de maintenir sa domination par la force mo- rale en même temps que par la force matérielle, et qui s'entoure soi- gneusement de l'illustration des souvenirs nationaux en même temps qu'il affecte la possession exclusive et jalouse des dignités civiles et des commandements militaires. Que les castes ou les classes à qui appartient l'empire soient sacerdotales, et dès lors nécessairement assez éclairées, assez instruites pour assurer leurs prérogatives sociales par une supério- rité spirituelle, ou simplement guerrières, mais du moins assez opu- lentes pour avoir des lettrés à leurs gages, "^ou bien qu'elles cumulent» comme dans la cité romaine , les magistratures et les armes avec les of- fices religieux; toujours comprennent-elles le besoin de traditions, non pas livrées aux vagues souvenirs et aux imaginations du vulgaire , mais précises , impérissables , consignées sur le bois , ou la pierre ou l'airain , en un mot, d'archives à elles, qu'elles produisent quand il le faut, et qu'elles se réservent comme un des mystères de la souveraineté. Pour cette œuvre , quelque peu avancée que soit la civilisation , la science en propre ou d'emprunt ne manque point à l'aristocratie. Ainsi l'histoire commence par les historiographes, conservateurs officiels des actes et des mémoires de vie publique au profit de l'ordre prééminent dans l'état. . Avant d'être un art, un emploi du talent, une expression du génie, l'histoire est un instrument de la puissance, et; comme le dit naïvement Vopisque , sans se douter de la portée de ses paroles , et avec d'autant plus d'énergie, un privilège du gouvernement, pontîjices, pênes quos scn- bendœ historiœ POTESTAs/oà^. Car les pontifes étaient les élus des patriciens, étaient membres des familles patriciennes. A la religion, cegageloi^-

' In. Taeito. c. i

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. temps révéré, longtemps inviolable du pouvoir politique de U noblesse romaine, les l^slateurs attacbérent l'histoice, comme pour mettre à la fois au service des privilégiés tout ce qui pouvait consacrer dans les- esprits leur usurpation, les souvenirs et les croyances. On saitavec quelle opiniâtreté les patriciens se tinrent armés de superstitions simu- lées ou réelles pour repousser les prétentioas du peuple aux droits de la liberté et au partage de tadminislration publique ; comment ils re- fiisèrent , pendant près d'un siècle et demi après l'expulsion des rois , le consulat aux plébéiens, de peur, disaient-ils, défaire un sacrilège en lais- sant tomber les auspices dans des mains profanes. Ces fonctions sacrées exigeaient dans ceux qui les possédaient des connaissances spéciales et une certaine culture d'esprit. Sans doute les nobles romains se glori- fièrent longtemps de leurrusticité, d'une rudesse sauvage. Les lettres et les arts comme ornement de l'intelligence, comme amusement de la vie , furent en grand mépris chez les Romains. Ils dédaignèrent la science purement spéculative. Mais la science usuelle, pratique, indispensable pour les affaires, les patriciens ne manquèrent point de l'acquérir^ Dès la plus baute antiquité le sénat, on le sait, entretenait perpétuellement dans les villes d'Étrurie douze enfants de familles patriciennes pour apprendre les cérémonies et les rites des augures. Cette coutume avait rendu la langue étrusque familière k beaucoup de jeunes Romains, et quelquefois les consuls profitèrent de cet avantage pour faire des re- connaissances ou envoyer des espions, dans les guerres contre les Tos- cans*. A plus forte raison les patriciens savaient-ils presque tous écrire, puisqu'il y avait des écoles élémentaires fréquentées parles fils des plé- béiens même, bien des années sans doute avant la mort de Vii^inie, qui fut rencontrée par l'agent du décemvir en se rendant à l'école. Ainsi quelque conséquence qu'on ait voulu tirer de la déclaration de Tite-Live sur f état des études élémentaires à Rome dans le premier

5«2 JOURNAL DES SAVANTS,

à un certain Godius, peu célèbre, à ce qu'3 paraît, V^ieTtc, û dé- montre de plus, qu'ils ne disent point ce qu'on prétend qu'ils assurent; par exemple : « qu'on n'avait point d'annales faites avant l'irrupti<m des Gaulois, et que celles qui portaient le nom des prêtres ou des magistrats de' l'ancienoe Rome étaient des ouvrages supposés, n On ne trouve rien de cela dans les passées allégués, qui d'ailleon, eussent-Us toute cette portée, seraient contre-balancés par les textes assez dairs de Denys d'Halicarnasse, de Diodore, de Polybe, et par les témoignages plus eipiicites et plus positifs de CicéroQ. Mais tout ce qu'on en peut raisonnablement déduire, c'est que les tables généslor giques , les éloges fimèbres et les monuments particuliers d'histoires de famille, &briqués après l'invasion des Gaulois et l'incendie de Rome, avaient altérer le récit des faits généraux, et que beaucoup d'écrits se conservait la mémoire des temps primitifs, avaient été détruits dans ce désastre. Mais de prétendre que tout, absolument tout, archives publiques et pnvées, avait péri, c'est ce qu'on ne aurait accorder aux sceptiques modernes. U ne faut pas non plus accepter sans restriction l'assertion peu mesurée de Tite-Live lui-même: Si (fum in conutuntariis pontijicam aUisijae pahiicis privatis(fae erant monimentis, PLERAQDE, incensa urbe, interiere. Non, les mémoires des pontifes ne * s'étaient pas perdus; non, les autres monuments historiques ne res- tèrent pas, poer hi plupart , ensevelis sous les ruines.

Sans parier des antiquités d'art , soit celles que les barbares ne purent point anéantir, comme le rempart d'Ancus et la cloaca maxima de Tar- quin, soit celles qui furent aussitôt restituées après leur retraite, comme le poteau de la sœur d'Horace , restauré d'âge en âge ( hodie ifaoqne pulUce semper refectam maneO) , qu'on veuille seulement examiner les monuments écrits : combien y en avait-il qui survécurent! Énumérons ici sommaire* ment ceux dont il est resté trace; on trouvera dans le livre de M. Leclerc

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particuliiremeDt tes vases sacrés, les instruments du culte nationsL Les pontifes ne manquèrent pas sans doute k leur devoir, et. parmi les objets de leurs soins , ils ne purent oublier les tableaux sur lesqnds ils traçaient la chronique de Rome et auxquels s'attachait un donUe intérêt, politique et sacré. Us auraient été avertis d'ailleurs par l'exemtde des précautions que prenaient, dans cette alarme, de simples partioa- liers pour tes (ocra de leurs foyers domestiques, comme cet Albious qui recueHlit les vestales sur sa route en luyant. On ne demandera point comment , sauvées alors , les Annales échappèrent ensuite aux ravagea du temps. Ces pages vénérables étaient écrites sur des planches de bois coloré de blanc, aïbnm, tabalœ dealbatœ; mais la matière fragfle et périssable devenait immortelle par l'attention si diligente des Romains k garantir de tout accident, à rajeunir, à renouveler au besoin, avec une scrupuleuse exactitude , les titres de l'Empire. Une telle conserva- tion serait-elle plus difGcile h comprendre que celle de tant de manus- crits sur des parchemins, sur des papyrus? que celle des comptes de Philippe le Hardi et de Philippe le Bel sur des tablettes enduites de cire ? lesquelles ont assurément traversé plus de siècles que les Annales des pontifes n'en vécurent poiu' arriver aux temps de Fabius Pictor, de Caton, de Cicémn même.

Ce n'est point sur des analogies et des probabilités seulement que s'appuie l'opinion de la transmission authentique des 'Annales, elle se vérifie par des textes précis. Les personnages que Cicéron fait parier dan» ses dialogues philosophiques, allèguent en maint endroit les Annales comme existantes encore. Cicéron lui-même les invoque en son propre nom , dans ses traités des Orateurs célèbres et da Soaverain bien; il att^te qu'on possédait encore dans son siècle les lois de Numa , certainement

plus anciennes : qaas m momnéntis kahemas qaas scitis exstare '. Pour

nier la durée des Annales , il faut admettre que Cicéron , Terentius Var- ron, et, avant eux, Sempronïus Asellio, et Caton le Censeur, etPolybe,

S«« JOURNAL DES SAVANTS.

sîlifmPSi, en sa qualité â'étraiigier< et n'ayant pas, comme Polybe, une re<ïommandation toute puissante, il n'obtint pas la commtinicaticm des Annale», ft ne laisse pai'^norer qu'd suit les traces des écrirains fins heureux qui les avaient lues -, il les a désignées souvent en termes noti équivoques : Uç^ç Ji^reity hiwn'aie ânt^af «Te , rir Uef^earir yç^ptil , lu-t. ' A. Ce n'est que depuis Vespasien, qui rassembla comme dans un nrasée historique, dans le Gapitole, tous les monuments écrits de l'an- tiquité romaine, que les Annales , ainsi que les autres pièces des archives publiques, devinrent un objet d'érudition offert aux hommes lettrés et studieux, au lieu d'être une propriété mystérieuse du gouvernement. DéjÀ le pontificat du plébéien Coruncanius , en l'année 5o i , les avait rendues plus aboi-dables, mais sans faire tomber les barrières parles- qudles la politique les défendait de tout contact vulgaire.

Ici M. Levesque s'est flatté de triompher en mettant Tite-Live en contradiction avec Cicéron. « Le grand pontife , dit l'auteur du traité de Oratore, exposait dans sa maison cette table blanchie, ahn que le peuple eût le moyen de la consulter : pofejfiu ut essetpopalo cogiiascenJi. Et,cheE l'historien , le tribun Canuleius commence ainsi une ai^umentation : Si noas ne sommes admis à consniter ni lesfaste.s, ni les Annales des pontifes, etc. M. Lecierc observe judicieusement, en passant, que Tite-Live , qu'on veut opposer bien vainement à Cicéron , apporte ici au moins un témoignage de plus pouri'antiquité des Annales; le fait est de l'an i\o. Mais la difficulté principale se résout, selon M. Lecierc, toujours un peu sévère pour Tite- Live, en luiimputant une confusion de temps. « Les Annales qu'il suppose encemomentinaccessiblesaupeuple l'ont-elles donc toujours étéPL'tdée de publicité était tellement inséparable, k certaines époques, des actes des pontifes, que le même Tite-Live racontant, d'après une tradition vraie ou fausse, que le roi Ancus Martius fit promulguer par le grand pontife les ordonnances de Numa , s'exprime ainsi : Pontificem in aSmm relata proponere ia pablico jubet, ce qui s'accorde merveilleusement avec

5ft8 JOURNAL DES SAVANTS,

éolaircissenients donnés sur cette partie du vocabulaire bibliographique des Romains : Annahs pontijicam et pontijicales , ponttjwii Libri, Lihri sacer- doUim, etc. etc. H explique aussi, d'une manière très-naturelle et tout i £ût conraiDcante, comment l'Annuaire despontifes, qui consistait d'abord en relations écrites sur des tables de bois peintes en blanc, sans autre ohlre que la succession chronolt^que des faits, prit, depuis qae les grands pontifes en eurent discontinué la rédaction l'an 6a 3, la foiine de volumes, et se divisa en livres au nombre de quatre- vingts, selon Servius; de même que Vargunteius divisa en dix-huit livres les Annales d'Ënnius, et Octavius Lampadio celles de Nsevius en sept livres. Ces changements ne portent nulle atteinte à l'opinion qu'on doit avoir sur les Annales des pontifes. Que peut-on effective- ment en inférer? sinon que, quand ce mémorial eût été mis dans un pins grand jour et qu'il eût cessé d'être une occupation obligée d'ar- chivistes comptés parmi les chefs de l'oligarchie romaine, il devint un objet d'étude archéologique pour les lettrés et les savants, et fut en conséquence, recueilli, ti-anscrit, conservé dans plusieurs copies avec un soin tel que pouvaient l'inspirer lepatriotismeetTamour delà science. L'existence des Annales une fois démontrée, quelle peut être leur valeur historique? C'est ce cjue M. Leclerc examine dans la troisième partie de sa dissertation. De ce qu'elles ne comporteraient que de simples indications fort sommaires et fort arides des consulats et des autres magistratures, des guerres et des traités de paix ou d'alliance, des édifications de temples ou d'autres bâtiments publics, des fa- mines et des éclipses, doit-on en conclure qu'elles n'ont pas été d'un grand prix pour les historiens, et qu'elles n'ont pas beaucoup éclairé l'histoire ? Il s'y mêlait bien des fables , des fables ridicules , mais de ce mélange n'a-t-il pas été possible d'extraire des vérités essentielles, fondamentales, une série défaits, sinon universellement incontestés

«00 JOURNAL DES SAVANTS.

DocuMENTi, Monete e Sigilli appartenenti alla storia délia monar- chiadiSavoia, raccoltiinSàvoia, in Isvizzera ed in Frauda, per ordine iel Te Carlo Alberto, daLaigi Cibrario , socio dplla R. Academia délie scienze di Torino, ecc. e da Domenico Casùmn Promis, conservateredelMedagliere di S. M.; pabblicati per ordine di S. M. Torino, 1 833 ; un vol. ïd-S" de 1 3 i et 389 pages, avec une planche. 4

Sigilli de' principi diSavoia, raccolii ed illastrati d'ordine del re Carlo Alberto, dalcav. L. Cibrario e da D. C. Promis, deputati sopra gli stadj di storia patria. Torino, i834; un vol. in-i" de KV et 37Ï pages, avec 33 planches.

HlSTORLE patriœ monamenta, édita jussa régis Caroli Alberti. Chartaram tomus 1. Augustae Taurinorum , 1836; un vol. in-fol. de cxm et i 766 col.

MoNUHENTA Aw/onœ patriœ, édita jassu régis Caroli Alberti. Leges Municipales. Augustae Taurinorum, i838; un vol. in-fol. de XXIV pages et 1994 col.

TRAirés publics de la royale maison de Savoie avec les ptûssances étrangères, depuis la paix de Ckâteaa-Cambrésis jusqu'à nos joars; publiés, par ordre da roi, par le comte Solar de la Marguerite , premier secrétaire d'Etat pour les affaires étrangères. Turin, ,i836; cinq vol. in-i".

SECOND ARnCLE^

Après avoir, dans un premier article, rendu compte en général des

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et Promis n'avaient recherché que des manuscrits importants et vciur mineux concernant i'histoire du Piémont, comme ces manuscrits sont toujours en petit nomhre, ils auraient pu espérer de prendre connais- sauce des plus intéressants ; mais leur but a été principalement de ras- sembler des chartes et des pièces détachées. Or d'ordinaire il n'existe pas de catdt^e détaillé de ces pièces; elles sont réunies par milliers dans les archives et dans les bibliothèques, et quelquefois, surtout en pro- vince, elles ne sont pas même classées. 11 en résulte donc une impos- sibilité absolue de découvrir et de copier les plus importantes lors- qu'on n'a que quelques heures pour les examiner. Atissi le voyage de MM. Gibrario et Promis n'a-t-il produit qu'une centaine de chartes qu'on a pu découvrir au hasard et en courant, tandis qu'on peut affir- mer qu'il existe en France, à Paris surtout, plusieurs milliers de pièces inédites relatives h l'histoire de la Savoie et du Piémont.

Au reste , si les deux érudits Piémonlaîs ont parcouru trop k la hàle les villes dont ils voulaient connaître les richesses littéraires, il est probable que la faute en est aux personnes qui les ont chargés de cette mbsion , et qui leur ont accordé trop peu de temps pour l'accomplir. Bien que l'on n'ait pas jugé k propos de publier les instructions qui leur lurent remises avant de quitter Turin ' , cepen- dant une pbrase qui résume ces instructions a été reproduite et elle prouve que les recherches dont ces érudits fiu'ent chargés avaient moins pour objet d'érJaircir l'iiistolre du Piémont que de satisfaire à la vanité d'une famille. Nous avons déjà cité celte phrase : elle porte « que les deux voyageurs devront chercher les monuments propres à illus- trer l'histoire des premiers temps de la monaichie de Savoie. Or, nous demanderons s'il est possible de faire remonter la monarchie de Savoie jusqu'au temps les ancêtres des princes actuels du Piémont n'étaient que de petits feudataires sans aucune importance politique, et fort soumis à leurs puissants voisins^? Quoique à la rigueur, î'étymologie

60i JOURNAL DES SAVANTS,

se rappoTteat à illustres guerriers. Une collection de m genre , qui comprendrait tout ce qui a été écrit par ces mains victorieuses, forme- rrit sans aucun donte la plus belle iUuslration de cette maison. Mais, comme on a voulu  toute force célébrer d'obscures gloires, pour ne pas faire trop pâlir les comtes de Savoie, on s'est bien gardé de mettre en avant leurs célèbres successeurs, qui n'ont pas fourni un seul document M recueil dont nous parlons. De cette manière, un voyage qui deraif servir k i'élude de la diplomatique est devenu un moyen de faire des généalogies; l'histoire du pays s'est effacée devant celle d'une famille, et, par suite de cette tendance, on a rapetissé encnre le Pié- mont en séparant son histoire de celle4e l'Italie , dont on semble avoir oublié qu'il feit partie'.

L'histoire ne doit pas être entendue dans un sens si borné; il ne faut pas non plus qu'elle devienne un panégyrique , car elle perdrait alors son caractère principal , celui de servir d'ense^emeiit à la pos- térité. Elle doit raconter comment Emmanuel Philibert, placé entre deux puissants rivaux, sut recouvrer ses états, et chasser les étrangers de son pays; maïs el|e doit aussi perpétuer le souvenir des cruautés exercées par Charles Emmanuel envers les Vaudois, cruautés qui émurent jusqu'à cette âme impassible d'Olivier Cromwell^. Ces faits, répétés aux descendants de ces princes , doivent leur Inspirer l'amour

' Dans les actes des anciens comtes de Savoie, le aom de Vllalie se trouve sou- vent répété: Sabaadim cornet et marchio initaliaesl le titre que prenaient les uicèlfea des princes tictuels; mais depuis quelque temps on semble craindre, à Turin, d£^^ proDODcer ce nom. ' On ne connaît que trop les malheurs de ces montagnards inébranlables , ai atlachés à leurs privilèges. Cromwell s'intéressa vivement au sort de ces infortunés. Il écrivit en leur faveur a presque toules les puissances du conti- nent, et envoya un ambassadeur à Turin pour arrêter les massacres. IMusietu's de ses lettres . avec les réponses des souverains qu'il avait sollicités en faveur des Van-

606 JOURNAL DES SAVANTS,

ils auraient pu consulter l'original qui se conserve aux Archives, et qui aurait fourni plusieurs leçons plus correctes '. Au reste, toutes les per- sonnes qui fi^queDlent les dépôts littéraires de Paris savent combien de richesses restent encore à exploiter; et nous verrons bientôt que MM. Gibrario et Promis sont bien lom d'avoir épuisé cette mine fé- conde. *

Après la relation du voyage , on trouve dans le volume dont nous parions une section que les auteurs appellent Docaments, et que l'on pourrait à plus juste titre nommer Généaiogie. En eflet , bien que leur but fût de rendre compte des documents qu'ils ont insérés dans ce vo- lume, d'çn raîi% connaître l'origine et l'importance, de les anidyser et d'en donner le résumé, ils n'ont consacré à cette tâche qu'une ving- taine de pages , après en avoir donné presque le triple h la recherche de l'origine de cet Humbert qui est considéré comme la souche de Ja maison de Savoie. Aux différents systèmes qui avaient été proposés jusqu'ici, les auteurs se sont efforcés de substituer une autre hypo- thèse d'après laquelle Humbert serait le fruit d'un premier mariage d'Irmengarde, qui épousa depuis Rodolphe, roi de Bourgogne, avec un comte Manasse, qu'on suppose avoir été comte de Savoie et de Nyon. Nous ne nous arrêterons pas sur un point hypothétique et de fort peu d'importance; car on ne doit pas trop se prêter aux exigences des gé-

numéro du volume, ni le fonds ce registre se trouve, ne nous a pas permis de le retrouver. Quant au second document, il est tiré d'une copie insérée dans le second voltune du Trésor des Chartres [Cibrai-io e Promis, Documenti , monete e ligilli , f. i5o et ao3). .— ' 'Nous allons donner ici le commencement de celte pièce ea mettant le texte publié par MM. Cibrario et Promis en regard de celui que nous avons (îré du document original qui se trouve aux Archives du royaume { Trémr des Chaiim . J.39ii,n*8).

TUTB TOiLlÈ À TDSIN. DOCDIUNT OBIOIMAL.

Nos Thomas et Amedciu de Sthasdia filii Nos Thorou 0I Amedeni de Sabaudia filii

608 JOURNAL DES SAVANTS,

roi, dans le fonds Gairambaud', et qui passe pour un des plus com- plets, nous y avons trouvé l'indication d'un grand nombre de pièces rela- tives à la Siavoie, au Piémont et i Gènes; pièces dont GuHhenoane semble pas avoir connu l'existence , et qui ont échappé aux ret^erches de* deux érudits Piémontais. Cette facile découverte nous a conduit na- turellement aux Archives du royaume, où, grâce à l'ordre qui règne dana ce vaste établissement, nous avons pu prendre connaissance d'environ trois cents pièces^ historiques du genre de celles que cherchaient MM. Cibrario et Promis, et dont quelques-unes remontent au comi- mencement du iiii* siècle. Ces pièces sont pour la plupart originales et inédites, et elles oflrent toutes des particularités dignes d'intérêt. Les faits curieux sur les usages et les mœurs de cette époque y abondent. Sans nous arrêter k en faire ici l'analyse, ce qui nous entraînerait trop loin , nous donnerons en note le catdogue des plus anciennes^ et nous nous bornerons à en reproduire une qui est fort curieuse pour le fond

' Milanges, vol. S^S. 'Nous devons surtout à 1 extrême obligeance de M. Teulet, employé aux Archives , et l'un des secrétaires de la Société de l'Hîsloire de France , d'avoir pu consuher ces pièces , doot il avait formé ud catalogue à part , qu'il a bien voulu mettre à Dotre disposidon. * Voici l'indication des principales pièces anté- rieures a l'année i35oqui se trouvent aux Arcbivea et que nous avons examinées.

13IO. La comtesse Adélaïde de Piémont prêle hommage au dauphin de Vienne. Tre»ordej Cftarfrei, J. 609, o' 1' (copie authentique en latio).

isaS? Lettres par lesquelles le podestat et la commune d'Asti promettent de ne pas molester les sujets du roi de France. Tréior des Chartrti, Reg. xxi , f. cxvi, XI [en latin].

ia5o? Lettres par lesquelles Amédée, comte de Savoie et marquis en Italie, prie l'évéque de Toulouse et deux autres nobles de l'aidera arranger quelques affaires pécuniaires. Tréjorrfei Cftortrei, J. ïio. n* Sq (en latin).

1370. Lettres par lefquelles Hugues , duc de Dourgt^e, reconnaît avoir re^u ouïe mille livres viennoises de Philippe, comte de Savoie, et d'Alix sa femme. Tréior des Chartres, L aiy, n' 37" (eo français).

1 1 -]o. Alix , comtesse palatine de Savoie et de Bourgogne, reconnaît tenir les fiefs de Dôle et de Rochefort à foi et bommaj^e du duc Hugues de Boni^ogne.

610 JOURNAL DES SAVANTS,

année, en la possession du vicomte de Maulevrier , qui avoit esté donné à ses prédécesseurs par les roys de France, n GuîcheooD ne dit pas que les ancêtres d'Ame VIII s'élâient dessaisis de ce fief pour payer un mémoire de fourreur. Voici, au reste, ce curieux document.

Ratyicatio obligacionis facte in CasteUeto Parisim a domino Eadaardo comiu de Savoia erga GiUbertam scotam ctvem Parisiensem.

n Philippus Dei gracia Francorum rex notum facimus universis tam presentibus quam futuris nos infrascriptas vidisse litteras formam que sequitur continentes :

«A tous ceux qui ces présentes lettres verront et orront, Hugues de Crusy, garde de la prevosté de Paris, salut : Nous faisons assavoir par devant nous vint et fu personelment en propre personne très-haut , noble et puissant homme, Mons' Edouart, à présent conte de Sa-

ia83. Acte relatif au mariage du bâtard de Thomas de Saluces avec la fille d'Henri d'ÉSéna.— Trésor de* Chartrts. S. 5o8, n* a {en latin).

1386. Acte par lequel Amédée, comte de Savoie, prend tous u pro(ecti<»] apé- claie les habitants de Lyon avec leur» lamîiles. Trénr des Chartret, i. a6a, n' 6 (en latin).

lagi. Ratification de l'hommage prél^ en laio par la comleue Adélaïde au dauphio de Vienne. Trèior des Chartret , J. 609, n'i' (copie aulhentîque (en latin).

1395. Lettres par lesquelles on notifie les conventions relatives au mariage qui doit avoir lieu entre Jean, marquis de Monlferrat, et Marie, fille de Robert, comte de Qermont. Trésor des Chartres,!. 4o8, n* 8 [en latin).

i3o4- Philippe le Bel assigne dix livres tournois par jour au comte de Savoie. Trésor des Chartret, Reg. zsxvi, pièce cczvix (en français).

1 3o4. Philippe-le-Beï donne en fief a 5oo livres de rente à Amédée de Savoie.— Trésor des Chartres, Reg. xixvi, pièce ccxvni (en français).

i3o4- Trois lettres d'Amédée, comte de Savoie, concernant le château de Châteaiineuf en Maçonnais, et la ville de Sainte-Marie-au-Bois , que le roi lui avait donnés. Trésor des Chartres , J. 5oi, n* 6 (en français).

i3o4- Amédée, comte de Savoie, prèle hommage au roi pour les 35oo livres de

OCTOBRE 1858. 611

voie, aflerma en bonne vérité, confessa et recognut endroit lui de- voir et estre bonnement et loyalment tenuz et obligiez envers son bon amé Gillebeit Lescot, pelletier et boui^eois de Paris, à ses hoirs et à tous ceulx qui ont et auront cause de lui, et à cbascun par soi, pour le tout en la somme de dis mile livres de bons petis tournois , bonne et forte monnoie,^ tant de la vente, bail et délivrance de pelleterie bonne, vraie , loel et bien marchande, et d'argent sec preste dudit Giiebert pour grant besoing et paie à plusieurs. personnes marcheans pour raison de plusieurs denrées vendues, livrées et baillées pour feu mons' Âmé* jadis conte de Savoie, père du d. Édouart ou temps qu'il vivoit, duquel Diex ait Tame, comme pour, le d. M' Édouart pour ses livrées prises et eues pour lui de ses gens , depuis Tan mil ccc vint et deus darreniere- ment passées , et de certain et fin compte fait dudit Mons' le conte Edouard audit Giiebert sans nulle fraude , decevance ou erreur et sans nul villain acquest, si comme Mons' le conte Edouard le confessa et

fortifica lions de son château de Saint-Laurent, qui ont été détruites par les troupes du roi. Trésor des Chartres, J. 5oi , n* 7 ; et Trésor des Chartres, Reg. xui , pièce vi"* y (en latin).

i3i a. Elnquête faite à la demande des Àvignonais, sur certains droits imposés nouvellement parles Génois. Trésor des Chartres, J. ^96, n* 10 (en latin).

i3ig. Lettres par lesquelles Jean de Cabillot, du consentement d*Amédée de Savoie, renouvelle et amplifie les franchises Villœ Torscoderensis, Trésor des Chartres, J. a6o, n* 5 (en latin).

1 3a 3. Louis de Savoie , sire de Waud , reconnaît s'être accordé avec Eude, duc de Bourgogne. Trésor des Chartres, J. a 48, n* a4 (en français).

i328. Edouard de Savoie abandonne à Giliebert Lescot, pelletier de Pa- ris, le vicomte de Maulevrier en payement de six mille livres tournois pour pellete- ries fournies à Amédée de Savoie. Trésor des Chartres, Reg. lxvi, pièce lUi" ix (en français).

1 3a8. Edouard , comte de Savoie , confirme les libertés et les franchises octroyées à la ville d'Ayriac par Jean de Chaudiac. -p- Trésor des Chartres, Reg. vi" xvii, pièce Gin. (en latin).

i33o. Demandes du dauphin pour lui et ses adhérents contre le comte de Sa- voie.— Trésor des Chartres, J. 377, n* i4 (en français).

i33i. Aimon de Savoie confirme les franchises accordées à la ville d*Ayriac. Trésor des Chartres, Çeg. vi" xvn, pièce cni (en latin ).

i333. Lettres par lesquelles le vicaire à Gènes du roi Robert, et ÏAtbate du peuple de Gènes nomment deux ambassadeurs pour traiter avec le roi de France. -^ Trésor des Chartres, J. 497 , n* 1 1 (en latin ).

1333-1396. Un cahier de cinquante feuillets in-folio contenant vingt-sept pièces relatives aux affaires de Gènes. U y a des procurations données à différentes per- sonnes par la commune de Gènes pour traiter avec le roi de France ; Àe consentement de plusieurs particuliers génois pour la cession de Gènes à la France; Tinstrument de cette cession, etc. etc. "'-- Supplément aa Trésor des Chartres, J. 990 (en latin).

i334. Leitates de Philippe le Del au comte de Savoie, vicomte de Madevrier,

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ffla JOURNAL DES SAVANTS.

s'en tint k bien paiei «t i^reei ; et pour ce que la droite et pore volenté eitoit dudit Mon^ Edouard acquitter l'ame, les debtes et le fait de son dit cher père, lui auui et la dicte aomme dei dictes dis mile liTrei toamois paier au dit Gàebert à ses hoirs et i ceulx qui ont et auront cause de lui , si comme afferma de vérité estre y tenus de faire ; lui, sur ce lùen orisé, de son bon gré et de sa certaine science, pour son grant etérident pnnifit et par son oonsefl o grant dâibération pour ce, yceUni' monsieur Édouart, présent et establi par derant nous , recognut et cm- fessa endroit lui avoir baillé , quictîé , octroie et du tout en tout dé- itiasié au dit Gilebert Lescot, h aea hoirs et à ceus qui ont et auront amie de lui , dès ores- endroit transporté jnsqnes ou temps au jour et à l'eure que ycellui GBebert, ses hcôrs ou ceusqui ont et auront cause de lui , seront du tout entièrement et parfaitement paiec et agrées des dictes dis mile livres touniois deues pour les causes devant dictes et des cous, despens, doinages, mises, journées et interest qui fiôs et encou-

qaiacc(»t)eotledn)itÀliiieti tousleshabiUats de ce vicomte de reMortîr dn psrie- ment de Paris. TWwrtEMCAorlrM, J. 5oi,ii* g (en fraoçais).

i335. Frédéric de Salucet mvetlit Antoine de Brandi de la moitié deCarma- gmla. TVdMrdw ChrtrM. J. &o6, n* 3 (en latin).

i335.-^FVédéricdeSalnoesinveilitBerrettio Brandi de la partie qm loi reste de CarmagDidfl.— Tr^torJaCkartreM.J. 5b8, d* 3. (en latin).

1 335. Hommage fait an roi de France par le marquis de MontHarrat, pour mille florins de Florence éprendre sur le trésor royal. Tréior Jsi Cluaiiwi,i. âao.n* aa (en français).

1337. Accord fait entre le roi et les communes de Gênes etdeSaYoie, 7W- JOr^CfcarAnuiReg. Lxxi, pièce xxTi (en latin).

1337. Ordonnance dn roi de France luples marchands de Gânea et de Savoie. ~ Trùor Ja Ckartm, Reg. lxxi, pièce xxi, et K, i6fi. n* 4 (en latinj.

i338. Accord par devant le prévôt de Paris entre l'ambassadeur ae la riUe de Géoeaetlenri.— TWMrdaiCïarfru, J. ^97, n' i3 (en français).

i338. Privilèges accordés par Philippe, roi de France, aux marchands génois à Ntmes, Trétorda 0uirire$, Reg. i.xxi, pièce Vii" ix (en latin).

i338. Accord entre les f;ens du roi de France, et les ambasûdeon de la cran-

614 JOURNAL DES SAVANTS,

notre aire demander. Et voult et acwda le dît Mons/ le conte Edouart que à euls tous ses subgez et justissables obéissent, et paria teneur de ees présentes lettres leur manda et conunenda, mande , commende et enjoint , requéraDt aua autres que il y obéissent en ce faisant tout au- tant et aussi comme au dit Mons. le conte se il y estoit présent, pour la. .cause devant dicte. Et est assavoir que ledit Mons/ le conte Edovart Bccoida, promist et enconvenança au devant dit Gilebert,- 4 ses hoirs et ft ceux qui de lui auront cause, que U mectra et establîra pour sa justice et seigneurie que il a aus dix lieus garder, deflendre et exercer ses droits , ses causes et ses querelles, ou nom de lui etipour li, par tout il appartendra, regaidans Içs dictes choses et les dépen- dances d'icdles aus périls de dit Mons. le conte Edouart, haillif, pro- cureur et autres geni sans le droit du dit Gilebert, de ses hoirs et de tous ceus qui ont et auront cause de lui amenuisier et sans leur condi- cion estre pire, mais pour proufîter et amender ycelles, bonnes per- sonnes et loyaus, agréables audit Gilebert, à ses hoirs et k ceus qui ont et auront cause de lui et non autres , qui bien et souffisament garde- ront, deffendront et exerceront la jurisdiction et les drois du d. Mons.' le conte et les drois des dessus dis establis par tout le temps dessus dit aus propres cous, periii et despens du dit Mons/ le conte; li quiex baillis et autres establis de par le dit Mon»/ le conte feront sairement au dît Gilebert, à ses hoirs et à chascun par soy, à leur commandement ou à ceus qui cause auront de euls , que riens ne recevront, nene recel- leront des choses dessus dictes baillées, ne empescheront ou amenui- st^ront, aÎDçois leur esdarcîront leur droit et leurs amendes par toutoà elles seront . ne point oe les targeront, ne délaieront, ainçois les taxe- root et jugeront ou feront jugier et taxer selonc la cotfttume du pais et serviront et s'i porterait bien et loialment , appelle avecques euls le re- ceveur des dis Gilebert, de ses hoirs et de ceus qui ont et auront cause de lui, sanzlequdâ ne le peuent , pourront ne ne devront dire.

ttIO JOURNAL DES SAVANTS.

cbascune par soy ledit Mons.' le coote promist par son Bairement Ji faire loer, gréer, ratefier, aprouver et confenner A nostre S' le roy de France par ses lettres pendaux et soui son seel i greigneur coufirnur . ckm et aeurté. Ensenr que tout voult et acorda et i ce se obi%a le dit MoAs.' le conte que par Toie de execucion U et ses biens soient ood- traios par la main du Roy nostre sire, pa^ les justices d'icellui seigneur espedalment , sans aocpne exception de bit ou de droit et sa&i pœtt décliner la juridiction du Roy nostre seigneur ne des justioei d*icdhu seigneur et justices en aucune manière, à faire enterignier et acomplir les choses dessus dictes et chascune d'icelles de point en point, bien et loyaloaent, en la manière qu'il est ci-dessus devisé et escr^it, et quanti toutes les choses dessus dictes et chascune par soy tefiir , garder , ente- rigner, loi^ement et fermement acomplir, sans jamès veoir ne &ire venir encontre par aucun art, engin, cautele, lésion ou autrement, comment que ce soit, ledit Mons/le conte obliga et soumist, oblige et souxmet, sans aucune exception de fait ou de droit, k lajurisdiction du Roy notre sire tous ses biens et les biens de ses hoirs meubles et non meubles, présens et avenir , que il soient et puissent estre trouves et espécial- ment sa chastellenie visconté de Maidevrier, le ressort et les apparte- nances d'icelle , pour estre prins, saisis, arrestei, levez, vendux et exploictiei par le prevost de Paris et par quelconques autres justices du Roy nostre sire qu'il plaira au porteur de ces lettrés.' Pour ces lettres du tout enterigner et pour les couz, frès, despens, dommages, jour- nées et iniéreits il voult et acorda expressément qui soient creus , ou le porteur de ce^ lettres, pour tout, par leur simple sairement sans chaîne d'autre preuve &ire ou contraire, ne autre déclaration taire ne taxa- tion de juge avoir ne demander, auroieot, feroient ou encouiToient par défiante des acors, promeses, condicions dessus dictes non tenues, non gardées, non enterignées , non acomplies, et que iceux couz, despens et domages soient demandez, euz et exploictiez par voie de execucion.

620 JOURNAL DES SAVANTS.

principaux prirUéges iccordés en férrier 1377 P^'^ ^^ ^*^^ ^^ France aux marchandi italiani, et acceptés par Fidcoo Gaci, leur mandataire spécial, phu d'une année Kpeii. On ne voit dono ptft comment aunât pu avoir lieu la grande perséeutktQ que Villanî plac« au 1 /i, avril 1 17^.

Ces pièces mériteraient sans doute de figurer dans les volumes des Cbart8»ique publie b coaunission historique piém<Hitaise, <M U est.^ désirer qu'on les fasse copier exactement sur les origiiiHux poiirles sérer dans les volumes qui doivent suivre le premiM*. Après avcùr exploité les Archives du roifaume, on devrait compulser les chartes, et les différentes collections de la Bibliothèque rojale et des autres bi* bliothèques de Paris : les fonds Clairambaud, Colbert, Béthune, Du' puis , etc. etc. donneraient une riche moisson' de pièces relatives au Piémont et è la Savoie.

Si nous ne cramions de dépasser les limites qui nous sont pres- crites , nous montrerions par de nombreux exemples que MM . Cibrario

civea eîutdem civîtatis. Si quia autem de nniversitate predicU aul de funilJii eorundem crimen qnod penam mortis exigat commiseril, in posie dicti Honûai régis qnod tiait, coauniteoteni nllra l^em patrie in qui indicari defaebit, non permittet idem dominus rex ïd persona vel in rebus gravari, nec pro lubrico camis aliquU eomm punietur, niii fuerit de raptu vd adulterio accuMttone Intima précé- dente convictus. Sa iniuria rel rapina (acta tiierit dicio domino régi vej diquibas de regno suc, per alîqoos de commuoi civitalum predictarum aut p^ ipaum com- mune, nonfvopterhoc arrestBrifacielidemdominusrex alîquem de dicta universitale maneate apud Nemausum qui luper hoc cnlpabilis aut merito «uspectus non fueril. ve) rel ipvtos; set si commune reqniiilam in defectnm fuerit emendandi quod (nerit emendandum , poterit iUos de civitate mde&coruin huiusmodi de regno «uo expellere. ConceMO sibi unius anni et quadraginta dierum ipatio reccdendi itaht,

S[uod débita sua recoUigant et valeant ans negotia eipedire. Concessit preterea pre- ftlUR dominas rex qaod omnibtti et singulis de dicta universitate licitum ail habere tabulam ctHnpsoriam et stationem in dicta civitate Nemausi aicut habent in nundi- nis Campanie, usaria ceisanlibus omnino , débita vero ipeorum mercatorum bona et

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procédé de M . Colas, qui a été employé avec succès dans des publications

numismatiques récentes , et qui donne aux Bgures un relief si frappant.

Ce volume est aussi divisé en deux parties : la première est destinée à faire connaître l'origine des sceaux, leur em^oi au moyen Age, les diverses substances dont ils étaient formés , leurs différences suivant les personnes qui les emjdoyaient, les modifications et les altératioiis qa'ûs (Hit subies, et en g^iéral toutes les circonstances k l'aide de»- quelles la connaissance des sceaux peut servir à jeter du jour sur l'é- poque à laquelle appartiennent les chartes ou les documents que l'on veut examiner et sur la discussion de leur originalité. Ces reniarques et ces observations générales, que MM. Cibrario et Promis ont em- pruntées souvent au Nouveau traité de Diplomatiquedes bénédictins, sont suivies de recherches spéciales relatives aux sceaux des princes de la maison de Savoie. Ici les auteurs ont rapporté plusieurs faits inté- ressants sur ibistoire des arts en Piémont et surtout sur celle de la broderie, qui à cette époque appartenait aux arts du dessin par la per- fection à laquelle ^e était parvenue. On y trouve à la fin les chapitres de l'ordre du collier de Savtrye , écrits en français en i/iog, etl'onnecom* prend pas i>ftn par qudle raison on les a placés après ïlntrodaction, sans aucune transition, ni pourquoi on a reproduit un fragment des Novelle anticke, tiré d'un fabliau très connu l'on raconte gravement comment Saiadïn fut armé chevalier par Hugues de Tabarie.

La seconde partie contient la description des sceaux qui sont publiés dans l'ouvrage, au nombre de deux cent neuf Le premier, qui est pro- bablement apocryphe, est relatif à la comtesse Adélaïde de Suze, qui, au onzième siècle , apporta en dot aux comtes de Savoie une partie du Piémont. *

A ce propos tes auteurs s'expriment de la manière suivante : « Notre recueil commence heureusement par le sceau de cette femme im- mortelle dont le nom est si grand dans l'histoire du xi* siècle, n Une

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nombre d'archives et de Inblio^èquee , cette marche rapide était absolu- ment incompatible avec lelravail lent et pénible qui est nécessaire ponr préparer un recu«l diplomatique. Les livres de ce genre ne sont pas des œuvres d'ims^nation, et les connaissances paléograpbiques les plus étendues peuvent à peine abréger quelques heures de travail. La plus sévère exactitude doit présidera ces publications; car ce sont U les maté- rianz de l'histoire, et'fouvebt nn itom mal lu dans une charte, nue abréviation mal interprétée , peuvent induire en erreur sur un feit important'. Le temps est un élément indispensable de succès, et celui qui n'a pas la force de volonté nécessaire pour se livrer à un travail in- grat et opiniâtre, ne doit pas publier de Cartulairee. Les mots et les lettres qu'il &ut reproduire si scrupuleusement sont , dans la diploma- tiqueT comme les chiOres qui ont tant d'importance dans les ohserva- tion^météorologîques. Il ne &udrait pas , sans doute , que des honmies supérieurs se livrassent exclusivement k ces travaux; mais il est utile de ne pas méconnaître ce genre de recherches , car elles sont un complé- ikient indispensable au véritable savant, fpi' elles habituent à l'exactitude et à la patience. Quelques esprits dédaigneux semblent, il est vrai, prendre en pitié les hommes qui se vouent à im si rude métier. A leurs plaisanteries on peut répondre par l'exemple de Leibnitz qui , certes , ne manquait ni d'esprit ni d'intelligence, et qui ne trouva pas au^es- sou,s de sa dignité de se faire l'éditeur d'une collection de chartes et de documents historiques.

G. UEBJ.

ScRlPTUiL€ Hngaœgae Pkœniciœ monamenta quotquot sapersunt . édita et inedita . âd aatograpkoram optimoramgae 'exemplarium fidem edidit. additUtfue de scriptara et lingaa Phœnicam com-

626 JOURNAL DES SAVANTS.

chaux, ou bien, placés sur des balistes, des catapultes, ont servi en

guise de projectiles pour battre les murs de la place , ou écraser les ba- taillons des assaillants'. Aussi il est remarquable, que, sauf un petit nombre de médailles , aucun monument phénicien n'a jusqu'i pr^nt été découvert dans la Phénicie.

Quant & la ville de Garthage , dont les ruines sont aujourdliui l'objet des «t|dorations savantes de plusieurs amateurs éclairés de l'archéologie , il est' douteux, ce me semble, qu'elles puissent récompenser, par des découvertes importantes, le sèle et le courage de ceux qui fouillent avec tant de persévérance ces respectables débris. Sans doute si Gar- thage, après sa destruction, était restée ensevelie sous ses ruines, on serait presque certain de pouvoir, en faisant des fouilles plus ou moins profondes, exbumer des monuments antiques, qui retraceraient à nos yeux le souvenir des conquêtes ou des opérations commerciales des compatriotes d'Annibal. Mais une cité romaine s'était élevée sur l'em- placement de l'ancienne rivale de Rome , et était devenue la seconde ville de l'Empire. Il est bien k présumer que les ruines de l'ancienne cité avaient servir de carrière, avaient été fouillées dans toutes les directions par les nouveaux colons qui y trouvaient de magnifiques matériaux tout taillés et tout prêts à être mis en œuvre. Il est donc difficile de croire qu'aucun monument antique ait échappé à des re- cherches actives, dirigées par le besoin et la cupidité. Les Vandales et ensuite les Arabes continuèrent, k coup sûr, à exploiter ce terrain.

Aussi on peut penser que les recherches entreprises de nos jours n'auront d'autre résultat que la découverte de monuments contempo- rains des Romains. Je sais qu'à l'époque de la domination romaine, il existait k Garthage même, et sur son territoire, une population indi- gène qui parlait la langue punique. Mais cette population se compo- sait d'individ||s , et n'odrait point une communauté, guidée par un

OCTOBRE 1838. 627

tion romaine» et qui présentent des inscriptions en langage punique; mais il n'y faut pas chercher autre chose que des formules insignifiantes, des noms de personnages obscurs. Car, si je ne me trompe, les monu- ments connus jusqu'à ce jour n offrent à nos regards le nom d'aucun personnage connu , d'aucun général , d'aucun magistrat dont l'histoire ait conservé le souvenir. Du reste, il est peu probable que l'on puisse découvrir ou un décret public , ou un monument de quelque impor- tance. Si je propose ici mes doutes, je n'ai point dessein, comme on peut croire, de décourager ceux qui s'occupent avec tant d'ardeur à explorer le sol de Garthage. Je désire même qu'un événement heureux vienne donner à mes prévisions im démenti complet. D'ailleurs , si Garthage et ses environs éprouvaient à un trop haut point l'influence de la domination romaine, cette influence se faisait sans doute moins sentir dans l'intérieur des terres , , suivant toute apparence , la po- pulation punique avait conservé avec moins d'altération son caractère, ses usages et sa langue.

Après ces observations préliminaires, auxquelles je crains d'avoir donné un peu trop d'étendue, je m'empresse de revenir à l'examen que je dois faire du travail de M. Gesenius. Le premier volume, qui ren- ferme le texte de l'ouvrage , puisque le second ne contient que les planches, se divise en deux parties, composées de quatre livres, et formant un total de 48 o pages. L'auteur, dans sa préface, se plaint d'abord avec assez de raison que, depuis le milieu du dernier siècle , époque Swinton et surtout l'illustre abbé Barthellemy commen- cèrent , par des travaux sérieux , par des explications savantes , à attirer sur les monuments phéniciens l'attention des philologues et des anti- quaires , ce genre d'étude a fait peu de progrès d'une^in^ortance réelle; il atteste que, sur quelques points, la science, en ce genre , a plutôt re- culé qu'avancé; que des érudits modernes, se laissant guider par une imagination capricieuse plutôt que par les calculs d'une exploration sage et méthodique, ont hasardé, pour Texplication des monuments phéniciens, des hypothèses vagues, incohérentes, et dont le seul ex- posé sufQt pour faire sentir leur invraisemblance.

Parmi les causes qui ont, jusqu'aujourd'hui, arrêté les progrès des études phéniciennes , l'auteur signale l'extrême imperfection des copies que retracent à nos yeux la plupart des légendes gravées sur les pierres ou sur les monnaies antiques. Il atteste combien il a été frappé de ce défaut, en comparant les gravures aux originaux. Aussi M. Gesenius n'a rien négligé pour éviter un défaut aussi grave , et pour représenter les iiiscriptions de ces monuments avec une fidélité scrupuleuse. Dans

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618 JOURNAL DES SAVANTS,

cette vue, l'vuteur se transporta à Londres et à Leide, il examina à loisir ies monumeiiCs eux-mêmes , et en prit des empreintes exactes en l^ifre , en souffre ou en papier mouillé. Le temps ne lui ayant pa» per- f»i» ée visiter les antres vÔle» dont les cabiaets renferment des mona^ ments plus ou moins précieux, il a trouvé d'utiles secours dans la com- plaisance de pluHeivs savants dont il cite les noms avec honneur, et qui ont mis 4 sa disposition toutes les empreintes qu'3 pouvait désirer. Aussi M. Gesenius s'est vu en état d'oflrir aux regards des savants une collection complète et exacte de toutes les légendes phéniciennes et puniques qui ont échappé aux ravages du temps et de la baiiiarïe. Lorsque deux gravures d'un même monument présentaient des diffé- rences essentielles, l'auteur a cru devoir placer en regard ces diverses copies , et les comparer l'une à l'autre. Toutes les médailles dont l'ou- vrage ol&e les légendes ont été dessinées avec le soin le plus minutieux surles originaux eux-mêmes. Grâce à tant de recherches, l'auteur, comme il l'atteste, a pu réunir dans son recueil 77 inscriptions phéniciennes, et environ 60 légendes de médailles. Il a pris soin d'indiquer dans quels lieux, dans quels cabinets existent ou sont déposés les monuments qui ont été la matière de ses observations.

Parmi les causes qui ont produit, dans Vexplicatîoa des monuments phéniciens , d'assez nombreuses erreurs , l'auteur en signale deux que Je ne dois point passer sous silence. La première est le peu d'attention que l'on a fait aux règles de la paléographie, le peu de soin que l'on a pris Ae rapprocher et de confronter les monuments phéniciens des différents pays . des diflérents âges , pour constater les Ësrmes que chaque lettre a reçues de ia main des graveurs; les ressemblances ou les diffé- férences que i'qp peut observer dans ia figure d'un même caractère. La hardiesse arbitraire avec laquelle on a réuni pêle-mêle les mots des différents dialectes orientaux, pour en composer des légendes qui, comme on voit , pêobent par leur base , et ne peuvent soutenir l'exa-

650 JOURNAL DES SAVANTS.

d'Énée et de ses compagnons que les Carthaginois parlassent un ou plusieurs idiomes; mais biUngaes signifie (lun homme qui sait varier à son gré son langage, aûn de tromper les autres,» et, par suite, a un fourbe, im perfide. » De même, quand Silius Italiens ' s'exprime en ces termes :

Dùcicctos inter Libyu, populosque bilingues,

l'épithète de biUjigaes doit également se traduire par fourbes , per- fides. » Kus loin ^ , lorsque Scipion dit à Massinissa :

Dimitte bilingues Ex animo socios ,

il Êiut, je crois, traduire : « vos perfides alliés , » et non pas « vos alliés qui parlent simultanément deux langues, n C'est dans le même sens, si je ne me trompe, qu'il faut entendre l'épithète bisalcilingaœ , que Plaute applique aus Carthaginois. Le troisième chapitre, dont l'objet est, à coup sûr, d'une haute importance, présente un système complet de paléographie phénicienne. L'auteur prend chaque lettre en particulier , en présente la forme qui est présumée la plu^ ancienne, expose les changements , les altérations que sa figure n'a pu manquer de subir dans la suite des âges. Il indique avec soin tous les monuments , lapidaires ou numism a tiques , sur lesquels nous retrouvons chacune de ces va- riantes. Il indique les sigles , les abréviations que l'on trouve quelquefois sur ces inscriptions. Il fait observer que, dans la plupart des monuments, les mots sont tracés de suite et sans aucune séparation. Il remarque avec raison que les Phéniciens ne paraissent point avoir eu de signes particu- liers pour exprimer les voyelles, et que les lettres qui, chez les Hébreux, remplissent les fonctions de voyelles longues , de lettres de prolongation , sontsouvent omises, même dans des endroits elles sembleraient assez

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M. Gesenius lui-même, dans son Histoire de la langue hébraïque ^ Quant au caractère hébreu proprement dît , l'auteur n'en &it pas remonter l'origine au delà du m* siècle de notre ère. J'aurais de la peine i admettre ce fait. Sans doute la tradition juire qui re§|arde ce caractère comme originaire de Babylone, et en attribue t'iotroductioo parmi les Juifs à Ësdras lui-même, eet peu certaine, n'étant appu*^ée que flor des témoignages bien postérieurs à cet érénement; d'aÛIeurs aucun monument trouvé à^abylone ne nous représente une écriture semblable on tant soit peu analc^e au caractère hébraïque. On pour- rait donc soupçonner que les Juife empruntèrent leur nouvelle écriture non pas aux BaJjyloniens, mais aux Syriens. Les Hébreux, k leur retour de la captivité, se trouvèrent environnés de nations syriennes d'or^ine. Ces peuples pariaient la langue syriaque, et possédaient une écriture particulière, probablement dérivée de l'alphabet phénicien. On peut croire que cette écriture se retrouve, sinon dans sa forme primitive, du moins avec peu d'altérations, sur les monuments palmyréniens. En pénétrant chez les Juifs de la Palestine et chez ceux de l'j^pte, elle y donna naissance au caractère hébraïque et à celui que nous retrouvons sur l'inscription de Garpentras et sur quelques fragments de papyrus. Mais rien ne nous oblige à croire que ce dernier caractère ait été eh usage à Jérusalem, et soit l'origine de l'alphabet paimyrénien. Il est plus vraisemblable que tous ces alphabets étaient contemporains, et dérivaient tous d'un autre plus ancien-, et l'on conçoit très-bien com- ment les Juifs ont pu donner à leur caractère d'écriture le nom à'écri- tare astyrienne '*nt^X Dn3- Cette dénomination ne nous oblige pas k voir dans les Babyloniens les inventeurs de cet alphabet. Mais des au- teurs d'une époque qui n'est pas extrêmement ancienne ont pu facile- ment se tromper en confondant le mot assyrien avec celui de syrien; et l'on sait, en effet, combien de fois cette erreur a été commise par les hbtoriens grecs et latins. caractère hébraïque a pu s'introduire

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s'apercevoir si son style conserve une régularité parfaite , une forme entièrement analogue aui règles d'une syntaxe minutieuse. Mais, dans des inscriptions dont le langage est prosaïque au dernier point, on ne saurait,-je crois, à moins d'en avoir la certitude entière, admettre une anomalie aussi frappante. Je préférerais don» l'ancienne leçon T13V.

En second lieu, il est un point sur lequel je ne puis partager l'opi- nion du docte philologue. Lorsque je publiai l'interprétation de quatre inscriptions puniques découvertes sur l'emplacement de Carthage, je supposai que les deux mots ^"^J ^H devaient se traduire par hoc qaod lovit; que le mot WH était ime abréviation du terme *^|^i|t< qui, dans la langue hébraïque, répond au foi relatif. M. Gesenius n'a pas cru devoir se rendre aux preuves par lesquelles j'avais appuyé mon hy- pothèse, n pense qu'il faut lire 1"I3 lî'X pour TIJ tî^'t* , et traduire vir vovens (est). Il objecte que la suppression du *1 à la fin du mot présente une difficulté réelle , et qu# le fait serait sans exemple. Mais je répondrai, ainsi que je l'ai fait précédemment, que les Hébreux, dès le temps leur langue était le plus florissante, avaient re- tranché la première et k troisième lettre du mot, qui se trouvait ré- duit à la seule lettre ïf. Or la forme li'X est précisément la forme intermédiaire entre le mot primitif ^^N et l'abréviation ^. Se ne vois donc pas que cette supposition présente réellement une difficulté in- surmontable. D'ailleurs, dans une inscription punique dont je donne- rai plus bas la gravure et l'interprétation, on lit également n3 ^H, et la personne qui a fait le vœu est une femme. Peut-on réellement admettre que, devant le nom de cette femme, on eût placé les mots vir vovens est ?

La seconde inscription , qui est l'objet des savantes observations de

"^^f

JOURNAL DES SAVANTS.

proprement mère de (a conJaBum, pent se prendre par extension dans le sens de pacUca, et être regardé comme un nom propre de feaiine. Le mot 7V33J1, (jui signïBe la ^râce, la faveur de Baal, nous représente le nom du célèbre général carthagiooù. Quant au dernier mot de l'ins- cription, les interprètes ont cru unanimement devoir lire 17D12; niius j'avoue que j'aurais bien de la peine à admettre dans une ins- criptioa phénicienne la forme ^3, qui est évidemment syriaque ou chfddaîque. J'ai eu occasion de me convaincre que, sur quantité de monuments phéniciens ou puniques, l'ouvrier chargé de graver iins- oiption a omis le aïit.y. En effet, cette lettre, ne présentantque la figure d'un très-petit cercle, a pu souvent, aux regards d'un artisan peu habile, passer pour un siiàpU j>oint ou pour un accident du mo- dèle qui était sous ses yeux. Dan^ le cours de ces recherches, j'aurai plus d'une fois occasion de faire diserver l'absence du oïn; et partout on reconnaîtra d'une manière évidente que la faute doit êti*e attribuée à celui même qui a gravé l'inscription sur la pierre. D'après cela je

n'ai point hésité à restituer un oin «t à lire "yÙ *I3V , le serviteur de Moloch.

JOURNAL DES SAVANTS.

Li^ion a bonneiir.

IV. Tthiiids prix, db Gbavvsb en taille doscx. Le saJBt du concoors éltïl : 1* Unejigare demitie taprit Vantiqae; om figure demnie -^aprit naimrt tt gruoie aa burin. Le premier graad prix a été remporté par M. Victor-Florence Pollbt, à Paris, le 3a novembre iSi t , élève de M. Richomme, membre de l'Institut, che- valier delà LéKÎoD dlboaoeur, et de M. Paul D^J^rocbe, membre de l'Institut, offi- cier de Ib Légion d'honneur. Le deuxième premier grand prix a été remporté par H. Charlei-Victor NoRUAND, i Paris, le a3 mars 181 &, élève de MH. Richomme etDrôUiàg, membres de l'Inititnt, chevaliers de la Légion d'honneur. Le second

rnd prix a été remporté par M. Auguate^ThomâirMarie Blanchard, à Paris, 18 mai 1819, élève de M. Dlanchard, son père. Le deuxième second grand prix a été remporté par M. Charles -Joseph Rousseau, à Paris, le a6 seplembre 1818, élève de M. Pigeotet de M. Paul Delaroche. membre de l'Institut, officier de la Lé- gion d'honneur.

V. GnANM PRIX DE CoHKHiTioN HOsiGALi. Le sujet du coucours a été, con- formément aux règlements de l'Académie : 1* pour I admission des candidats à eoDGOurir : un sujet de (iigue à quatre parties, à un ou deux contre-sujets, et un morceau vocal en chœur avec accompagnements; une cantate, d'après laquelle les grands prix sont décernés. Le titre de la cantate est la Venubita; les pan^ MKtt de M. le comte de Paslorel. Le premier grand prix a été remporté par M. Ange- Cçctrge -Jacques Bocsqcbt, h Peipignaa, figé de ao ans, élève de M. Berton, meurtre de l'Institut, officier de la Légion d'honneur, et de M. Lebome, pour le contre-point. Le second grand prix a été remporté par M. Edme-Marie-Emst Del- DBva, de Paris, âgé de ai ans, élève de H. Berioa, membre de l'Institut, officier de la Légion d'hooneur, et de M. Hatévy, membre de l'Institut, chevalier de la Lé-

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JOURNAL DES SAVANTS.

La Société royide des science» à Goettiague propose, entre autres sujets de prix, la question suivante: «Quoiaue Jean Backinann et d'autres écrivains aient fourni des ma térian^t estimables [X)ur TnistcHre de la culture de la pomme de terre en Europe, ce sujet n'a pouiiarfFpas encore élé traite d'une manière complète. Il n'existe pas non plus de recherches satisUsantes sur les changements qu'a produits cette branche si importante de l'agriculture. La Société demande donc une histoire aussi complète que possible de l'introduction de la culture de la pomme de terre dans les divers pty» d'Enrope , avec sn exposé de l'infiuence que la propagation de ce tubercule a «œrcée sur l'agriciJkre européenne. Le prix sera de douie ducats \ les mémoires devront être envoyés avant ie i*'jnin i8io.

Paimi les questions que la Société dite de Jablonowski . à Leipzig, a mises au con- cours pour les années 1 839 et 1 84o , on remarque la suivante :

Les grandes acquisitions que la géométrie a faites dans notre temps, grfice aux eObrls surtout des malhémaliciens français et allemands , motivent la question de savoir ce ([u'il faut et ce que l'on peut en admettre dans les éléments-, si Ton peut faire entrer ce surcroît dans les doctrines élémentaires , sans nuire à leur forme systé- matique, ou si les nouvelles méthodes exigent une réforme complète du [rfan delà géométrie d'Euclide, et, en ce cas, quelle est la réforme nécessaire. > Les méaioin»

642 JOURNAL DES SAVANTS.

Mémoires th TAeadàitu mak éet tàenen l'itutitul deFnatce. Tomes XIV, XV et XVI. Paris, imprimerie de Firmin Didot trèrei, i838; 3 «J. in-4* de CXXXVI11-71&, xxxis-65i , et cciixis-555 pages, avec 5 tableaux et i4 [daiiche*. Le tome XIV contient: Éloges hiitoriques de Georges CaTÎer, par M. Fhttrmi. et de JoMpb Poo- rîer, par H. Arago. Notice de M. PaitiaiU, sur les opérations géodésiques et astro- nomiques qui servent de fondement à la nouvelle carte de France. Mémoires de U. Dulnehet. sur l'osage physiologique de ro]^gène considéré dans ses raroorts avec les excitants ; sur le mécanisme de la respiration des înseclM ; de IC LAri, sur l'intégration des équations linéaires aux différences du second ordre, et des ordres supérieurs à coemdents constants ou variables ; de H. Tuqim , sur ïor- gaaogénie et la physicdogie des végétaux, considé^ comme étant de grandes asso- ciations de végétaux plus simides, confervoïdes , et simplement agglutinés; de M. SiagettdU , sur l'origine des bruits nomiaux du cœur; de M. Lamjr, sur les effets consécutifs des plaies de la télé et des opérations pratiquées à ses différentes parties; de M. PoÛKtn, sur le mouvement d'un corps soude; de MM. Serrei el Nonat, sur la psorenlérie ou le choli^ra. Rapport de M. Biot, sur les expériences de H. Melloni , relatives à la chaleur rayonnante. Tome XV. f^oge historique de Jean- Antoine Cliapta] , par M. Floareas. Deux mémoires de M. Aagusle de Sainl-Hilaire , sur la structure et les anomalies de la fleur des rësédacés. Rapports de M. Da- troctiet, sur un mémoire de M.Coste intitulé: Recherches sur lagéuération des mam- mifères; développement de la brebis; de M. Poncelel , sur un mémoire de MH Robert et Morin, capitaines d'artillerie, concernant les expériences faites à Meli en 1 834 . sur la pénétration des projectiles dans divers milieux résistants , et sur !a rupture des corps par le choc. Mémoires de M. Biol, sur des méthodes mathé- matiques et expérimentales, pour discerner les mélanges'et les contbinaisons chi- miques définies ou non définies, qui agissent sur la lumière polarisée , suiries d'ap- plications aux combinaisons de l'acide tartrique avec l'eau, l'alcool et l'esprit de bois; de M. Dutrocket, sur l'endosmose des acides; de M. Tarpin, sur l'élude microscopique comparée de la harégine de M. Longchamp, observée dans les eaux thermales sulfureuses de Baréges. et de la barégine recueillie dans les eaux thermales sulfureuses de Néris, par M. Robiquet; de M. Chevreal sur la tein- ture: introduction et considérations générales; de M. Tumn, sur un organe nouveau placé entre les vésicules du tissu cellulaire des feuilles dans un certain nombre d'espèces végétales faisant partie de la famille des aroides, et auquel l'au- teur propose de donner le nom deBiforine: de MM. /. Damât el P.nouhyfib,

«M JOURNAL DES SAVANTS.

r^crîtureoccidenUde, aubdivbée en alphabetsgrec, latin, tiidetqueetalave. M. Paa- thier s'est surtout attacbé i exposer l'orinme et la fonnatîoii des écritures fi^ntâres ésyptieone et chinoise. En présentant la s^tbèse de la formation et du dévelop- pemeot linùlure de ces écritures, comme une étude persévérante de la tangue idiinoiie actudlemenl pariée l'autorise, dit-il, à la concevoir, l'auteur croît avoir donné une démonstration irréfragable et décisive du véritable système de récritara hiérog^jl^iique expliquée par Cbampollion.

Voyag» en ItUmàt et ae. Groenhnd, exécuté pendant les années i&35 et i836, sor la corvette In Bachenhe, commandée par H. Tréhouart, lieuleaant de vaisseau , dans le butdedécouvrirlés traces de IaZ>iIioiie;puUié, par ordre du roi, sous la direction de M. Paul Gaimard. Géologie et minéralogie, par D. Eugène Robert. Atlas, i" livraison, iSplanches. Paris, imprimerie deRîgnoux, librairie d'Arthus Bertrand. Pr. i^fr. la livraison.

Recherchai lur torigine de rànpdt ea Pnmee; par U. Polherat de Thou, Paris, Levrault, i838; in-8*.

Mémoire sar U ckoîéra-morhat asiatiijae qrïi ar^^é à Toulon pendant l'année i835i

KM. IleynBud, docteur en médecine, premier chirurgien en chefde la marine, elc. is, Imprimerie royale, aoûl i838; iSg pages in-8*.

Quatrième lettre tar Ihittoire âei Arabes, avant ViiJamisme, par Fulgence Presnel. Paris, Imprimerie royale, i838; m pages in-8°.(Exlraildu Journal asiatique,3'série.)

Mémoire mr la condition de la prvpriété territoriale en Chine, depuis les temps an- ciens, par M. Ed.Btot. Paris, Impnmerie royale, 18381 pag. in-8*. (Extrait du Journal asiatique , 3' série. )

M^oirv jor (e goilt (iM /inrN chez lei Orieataax , par M. Quairemère, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Paris, Imprimerie royde, i858; ^8 pag. in-8*. (Extrait du Journal asiatique, 3* série,)

ffote sar la comnùuion ej^lorative et KientiSqae d'Algérie, présentée à M. le minblrede la guerre, par le colond Bory de Saint- Vincent, de l'Institut. Paris, imprimerie de CossoQ ; i838. Brochure in- V.

Calalogae général det livret conqtoiant lot Ubliothèi/uei da dépariement de la marine et (JmcoIoium. Tomel. Tbédogie-, légidation et administration delà marine; législa- tion et administration en général ; sciences et arts relatifs a la marine. ( N" i à 35o&.) Paris, Imprimerie royale. i838. I11-8* de ixiv et â68 pages. Ce catalogue, conçu d'après un système ingénieux, et exécuté avec soin, fait connaître les richesses

ehS JOURNAL DES SAVANTS.

I^iiea. L'auteur s atUche à décrire les aoliquité* romuDee de la TraniirlTaiiM. leflea qga n^daâlea. iiMcriplion*. Mulptores, rMlea d'édifices. Miuieiin nKinaiiiento

Car. Caspari', lipsis. Baum^aertener , it(âH;in-4'.

Hepertonam bibUographicam , in qtio librî omnei ab arte hrpt^raphica invenla uMTue ad annum M. D. typii npreasi , ordine alphabetico rd simplîciter eaume- rantur, vel adcuratiut recenientar ; opéra Lud. Hain. Stutgardice, .i836-i833, Aval. in-8*;i Sluttgaitl, cbeiCottd; à Paris, chez J. Henooard. Pr. A8 Er.

Begeila sive rerum Bolcorum aulograplia, e regai Kriniis fiddiler in annuDacOD- tracta; éd. iePreyberg.Monad;tjp.reg. i838;yol. VIT.

BmcAf ûber.... Compte rendu de* mémoires lus à l'Académie des sciences de Bei^io, et destiDésila publication. Mai et juin i838;in-8*.

RUSSIE.

Mèmotrt* de VAcaiUmie impériale detieieiwet de Saint-Pèter^urg, vi' eitie. Sciences politMRies, histoire, philolo^e, lom. IV, 3* livraison. Pétersbourg i838; in-4*.

Ce cahier contient deux mémoires de M. Fraehn , orientidiste , l'un en allemand . ■'«utre en lalin. Le mémoire allemand traite des anciennes tombes de la Sibérie mé- ridionale , dont les foutHes ont fourni des descriptions d'une date certaine. L'auteur rappdle dans l'introduction que le long des rivières Ischim, Irtvich, Jémsey. Se- lenga jnsqn'an cours moyen de rAmtur, et même au dàk de la frontière de la Si-

650 JOURNAL DES SAVANTS.

Maariet, lu à la séance anniverMire du jeudi ik août iSSy, par H. Julien Om- jardins, secréUire et l'un des membret (bodateuTB de cette société; membre hono- raire de l'iiutîtotion littéraire et acientififiiie du cap de Boaae-Espàimce, delaSo- ciélé anatiqne de Odcutla, etc. Maurice ; imprimerie de Uamarot-et compagnie, i 837. Ce rapport présente le résumé d'obaerratîoni météorologiques faites par M. J. Dcs- jardina dan* son habitation d'Argy an quvtier de Flacq , k 30 milles de Port-Louis ; det extraits de le topographie medicde de l'ile Haurice. par M. Desnoyen; un examen de> ouvrages récenunent puUiés, on des fiuls lecueiliis dana ces derniers lempa, anr la botanique et la aodogie de celle de. L'auteur du r^tport annonce la prooi^ne poUication d'un Horm numraoùuwi par H. W. BDJer,, membre de la société.

ÉTATS-UNIS.

Tht eradit mfMn , «te. Du système de crédit en France , daos b Grande-Bretagne et aux Étatfr-Unis, par H.-C. Carey, auteur des Principes d'économie pditique. Philadelphie, librairie de Gorey, Leaei Kanchard; Paris, Galignani, i&38; in-8* de i3o pages. Après des considérations sur l'origine elles prt^rès du crédit en gé- néral, I auteur examine l'état actuel du crédit en France, en An^eterce et aux Etats-Unia. La principale conclusion qu'il tire de cet examen c'est que {dus un gou- ▼erneœent met de restrictions à la liberté des transactions commerciales . moins il y a de sécurité pour les capitaux , et par conséquent de richesse puUîque. Le sys- tème finuider des Etats-Unis parait à M. Carey oien préférable à celui de l'Angle- terce et surtout de la France, où, suivant lui, uoe défiance excessive arrête les progrés de l'industrie. Enfin, paimiles divers étals de l'Union, il n'y en aucun le crédit public soit aussi florissant que dans te Massachusetts et le nhode-Isiand , parce que tes cpéralioDs de banque et de commerce y sont affranchies de tout contrôle.

NOTL On peot l'adresser i la librairie de M. Lbtb&olt, i Paris, rue da la Hane, n* 61; «t i StiadMurg, rtie des Juifs, pour se procurer les divers ouvrages amioncés danslc Joarnal itt Smanti. Il but aŒranchir les lettres et le prix présomi dei ouvrage*.

652 JOURNAL DES SAVANTS.

M. Prichard s'est proposé deax principaux objets : le premier, de mon- trer que toutes les races humaines, quelque êifférence actuelle qui les distille, descendent les unes des eatres, et toutes d'ona^ «t le second , de chercher à fixer le nombre de ces races actneUèmJint distinctes.

Lfr ^estien de l'nitrf primànv des race»- hmnames ionme aian la prenkère putie de-ïàuvoige de M. Prichard, et ce-qu'on poorraît en appeierla partie conjecturale, du moins par rapport à l'autre , qni en est assurément la partie positive, et qui est aussi celle qui va m'occuper d'abord.

Camper est le premier qui ait cherché des caractères précis pour la distinction des races humaines dans l'étude comparée des têtes osseuses. Ses observations sur les rapports opposés du crâne et de la face, ou, k parier plus exactement , du front et de la mâchoire supérieure , dans le iràjre et dans le hlanc , lurent, pour l'histoire naturelle de l'homme un progi'ès réd. Dans le n^jre, le front recule et la mâchoire supérieure avance: c'est tout le contraire, du moins relativement, dans l'homme de race blanche; ce n'est plus la mâchoire supérieure, c'est le front qui se porte en avant et qui fait saiUie.

On'a beaucoup abusé sans doute, et dans plus d'un sens, des obser- vations ingénieuses de Camper. On a voulu tirer de sa K^ne faciale une mesure prédse et presque mathématique de la capacité du crâne , et par suite du développement du cerveau , et par suite du degré de rintd%enoe. Or, la U^nefaciak ne donne aucune de ces choses; eàle ne donne que la saillie relative du fivnt et de la -mâchoire supérieure, c'est-à-dire un simple caractère anatomùjoe, mais un caractère anatomùfue précieux, et qui, pour nous en tenir ici k ce qui regarde l'espèce hu< maihe, e^tl'un de ceux qui distinguent le plus nettement race nègre de la race bhnc^. Malheureusement, ce caractère onatonufoe ne s'ap-

654 JOURNAL DES SAVANTS.

une signification beaucoup trop rettreinte, car ni toutes les nati<Hu do race eaacatiifae n'habitent le Qatca$e, ni toutes cdles de rase mongok-mê doivent des peuples nioi^;<ds u sdmiraMement décrits par Pi^i il substitue à ces dem déncsninatioiiB, inexactes sans contredit, cet dont autres , qui n'offrent guère jdua d'exactitude penVétre , savov , odl0 de rao0 inuumne pour la race eaneonçi», et cdie de race tansmiie pour k race aumgolt^i Dm» le sens strict de l'histoùe naturelle, las rUmkàm dénominatioi» de ces dem grande* races sont cdles de ram ikauè» «t de ncejabne.

Je reprends l'examen des sept races proposées par M. Prichard. Les trois premières , ia caaeasiqae , Izmongob etla r4^, sontessmtid- lement distinctes, comme je viens de le dire: il en est de même de ïamirieaitu. M. Gurier dit, à b Térité, que aies Américains n'ont pas de caractère & la fois préds et constant qui puisse en fidre une raœ particulière^.» Mais, outre que, comme on le verra bientôt, l'appa- reil fy^nuRtal de leur peau constitue ce caractère à la fob précis et ooni - tant que demandait M. Guvier, les caractères mêmes tirés du crâne et delà &ce suCBraient seids pour marquer, dans le ^pe américain, un type spécifique et propre. Les principaux caractères de oe type sont le volume de la partie postérieure du crâne, ta saillie des os du nei, la lar- geur des orbites, etc.

M. Prichard a supprimé la race malaise. Il est vrai que le type ffuini manquait jusqu'ici, même dans M. Blumenbacb 'qui l'a établi , de ca- ractères précis. J'ai cru trouver ces caractères sur deux têtes de noire musée, l'une de Javanais, l'autre de Madarais: deux têtes singulière- ment remarquables parla largeur des bosses pariétales, et surtout par la manière dont l'occipital s'aplatit brusquement au-dessous de cet bosses.

Les Papous forment aussi une race distincte. Selon MM. Quoy et Gaimard , qui les ont étudiés avec soin , les Papoas k tiennent le milieu

65â JOURNAL DES SAVANTS.

pigmentai ou de ccdonticHi setroure dans la peau de l'homme de mce raage ou améneaint, comme mea^nomrdleB lecherebes l'ont ^gaimiBM montré. M. Guvier.^ dît.qu« «lea j}iméricam8io'«nt paa de '<»''— *^ k la fiuB précû et constant,» et qui ajoute «qaa laôr imtf'nnytMb cumt o'enest pas on ^,b eût asancémeot penaé tout le ceotrun Vil' eût su.qoa ce ttmt rao^ dt eiîpra. dépendait d'un eppaieil fartàeaàitKn ^vn appai^UjgiWatfikpii, HtjmO'Kwmitme powwifcjiaoâar.et àél$\ cher die toutealev antres partÎBa.de la peau. m

Xavoue que ces ndterchee sur la structure de la pëau^ que je cite ici, ne a'étendant eaactxe qu'aux trou race* que je viena de nommer, ne décident rien pour Jeaautret raeea. H e«t pourtant «iié de voir que le noOibre totid des races humainetividonné par la stactev de la peau, sera nécessairement beaucoiq» plu» restreint que cdni de ces mêfOM races, donné par tescaractères secondaires tù^sde ia/onu desillag osseuses. H est aisé de voir aussi que cet appareû qui manque dans la peau de certaines races , et qui existe dans la peau de eertames autres , sera une difficulté de plus pour l'opinion que soutient M. Prichard, de la transformation successive de touteslfes races humaines les unes dans les autres. Qudque influence que l'on veuille accorder à toutes ces causes externes, et les seules agissantes pour la transformation des races, le dimat, le r^me, les habitudes , etc. il est dffîcile d'admettre que cette influence puisse aller jusqu'à donner ou retrancher un appareil.

Au reste, pour bien entendre toute cette quesâon delà trmgfoma- tien , ou { ce qui revient au même , puisque ces races sont actuellement distinctes ) de Vmité primiiee des races humaines , il iànt commencer par en bien poser les teimes. Vetpèce humaine est une; car ce qui cons- titue Xespèee est la succession , et la succession , ou filiation combinée , est constante peur tous les rameaux de l'espèce humaine. Les races ha- maines sont seules molt^fef.

Ceux qui, comme M. Prichard, soutiennent l'opinloB que ces races

NOVEMBRE 1858. 657

preuves directes; mais, à défaut de ces preuves, tout ce qu'un esprit méthodique et profond , aidé du savoir le plus vaste , peut faire pour édairer une question dun intérêt aussi élevé, M. Prichard Ta fait. D réunit les témoignages de Thistoire à ceux des sciences; il s'attache sur- tout à l'étude des modifications que les causes externes, le climat, le r^ime, les habitudes; Tempire de Hiomme, etc. fonli subir aux ani- maux, et particulièrement aux animaux domestiques. C'est là, c'est dans le rapprochement de tant de modifications singulières et variées, éprouvées par les animaux domestiques, que M. Prichard triomphe. Ce qu'il a rassemblé sous ce rapport, et pour démontrer une opinion qui n'est peùl-étre pas démontrable , de faits piquants et nouveaux, forme presque, dans son livre , im livre à part, et qui mérite un examen par- ticulier. Cet examen fera le sujet d'un second article.

FLOURENS.

Theory of the inverse ratio wkich sabsists between tke respiration

and irritability y in ihe animal hingdom. ^Théorie la raison

inverie gai existe entre la respimtion et ^irritabilité dans le règne

. animal; par M. Marshall-Hall, membre des Sociétés royales de

Londres et if Edimbourg. Londres, i833.

Duvemey est le premier qui ait nettemant vu ce grand fait , savoir, que, quelque variées que soient les modifications qu'éprouve le méca- nisme respiratoire dans les différentes espèces , le but de ce mécanisme est toujours le même , de présenter le sang à l'air, et de 4e présenter par la plus grande surfac-e possible.

Ge6t en effet de l'étendue de cette surface par laquelle le sang est présenté à l'air, c'est, en d'autres termes, de la quantité de sang qui res- pire, que dépend, dans chaque animal, l'énergie de toutes ses autres facultés, de sa sensibilité , de ses mouvements, etc.

Dans les reptiles , il n'y a qu une partie du sang qui respire , parce que la circulation pulmonaire n'y est qu'une firaction de la circulation générale, toutes ces facultés, la sensibUité, le mouvement, etc. ont peu d'énergie; elles en ont beaucoup plus dans les mammifères, tout le sang respire , la circulation, la respiration sont complètes, , en

658 JOURNAL DES SAVANTS,

en mot, tout le sang de la circulati(m génénde passe dans la droulatioii pulmonaire; et elles en ont beaucoup plus encore dans les oiseaux, non-seid«nent la respiration est comjdète, mais double; noD'ienl»- ment l'air pénètre dans les poumons, mais passe des poumons dans des cellules particidières de l'abdomen, et jusque dans les cavités des oa.

n y a donof dans les différentes espèces, un rapport général^ un rappcôt constant entre la quantité de sang qui respire et l'éneigie de toutes les autres lacidtés ^ ; rapport qui a été admirablement expmé par M. Cuvier dans ses Leçons d'anatomie comparée ', et qui fonne assuré- ment l'une des {dus bdles lois de l'éctHiomie animale.

Et cette belle loi , développée surtout avec détail par M. Cuvier, pour les animaux aériens, peut être suivie aujourd'hui, et presque avec au- tant de détail , jusque dans les animaux aquatiques , dont le mécanisme respiratoire conmience , en effet , à être beaucoup mieux connu.

Je viens de dire que le but final de tout mécanisme respiratoire est de présenter le sang à l'air par la plus grande surlàce possible. Or, cda posé, il est aisé de voir que ce mécanisme, pris en totalité, se divise et se décompose en qudque sorte en deux autres , l'un par lequel s'ef- fectue le déploiement de l'organe qui reçoit l'air, et l'autre par lequel s'opère le renouvellement de cet air pins ou moins dtéré, plus ou moins vicié par l'acte de la respiration.

Dans les vertébrés aériens, ou à sacs pulmonaires , les mampiifôres, les oiseaux, les reptiles, le déploiement de l'organe respiratoire se Eut par l'air même qui pénètre dans cet organe; et le renouvellement de l'air se fait par le jeu d'un appareO extérieur, qui est le tborax, quand le thorax est mobile, comme dans les mammilères, comme dans les oiseaux , et qui est l'appareil l^oidien , quand le thorax est immobile , comme dans plusieurs rutiles, et nommément dans les tortues, dans les grenouilles, dans les crapauds, etc.

860 JOUftNAL DES SAVANTS.

il y a deux oureitares distiitctes h U cavité branchiale, l'une pour ren- trée et Tautre pour la sodTtiede l'eau.

C'est ce qa'on sarût d^à ^Hine mamire génénle pour la plupart dm cnutacés ^apodes, et ce que M. Mitne-Edwards vient de montrer avec détail pour tons ces animaux'. C'est aussi ce qui a lieu pour les moUas^aes e^Aakfoiei. Duis tous ces nwUoppus, la iêiàte, le eabnar, le poaipe, l'eau qui va respirer pénètre dans le sac des branchies par l'ou- verture même de ce sac; et, après avoir respiré, elle en sort par l'ou*' verture de l'entonnoir '.

Dans les pmsions, dans les enutacéi âécapoâes , dans les molliufiies c^ika- lopodes, c'eatA-dire dans tous les animaux les plus âevés parmi ceax qui ont des braocbies, il y a donc deux ouvertures branchiâdes distinctes, l'une poiu-rentrée, et faatre pour la sortie de l'eau. D'où il suit que, dans tous ces animaux, l'efiet définitif de larespiration se trouve comme doublé. Dans les animaux aériens , l'expiration se &isant par la même ouverture que l'inspiration, le temps de l'expiratioD est perdu pour la respiration. Dana les animaux aquatiques dont je viens de paHer, il n'y a point de temps perdu : l'eau qui a respiré sort par une ouverture distincte; l'inspiration n'est point retardée parTexpiration; l'inspiration est presque continue , ou , en d'autres termes , et comme je viens de le dire, la respiration est presque doublée.

La respiration de ces animaux , comparée à celle des autres animaux aquatiques à branchies également doses, mais à une seule ouverture brancluale donnée, s(Ht pourTentrée, soit pour la sortie de l'eau, est donc une sorte de respiration double; et ces animaux k respiration wfuatùjoe double sont aussi, de tous les animaux aquatiques ou& bran-

' Voici les deux princqwiix rindtats des recherdiet de M. MUoe-Edwards : r Des deux ouYertares bnneliiidflB des erattacéi décapodei, Yomwtan affermie, placée, comme oDsait.deobastnecAté de la bouche, a seule une positioa constante;

662 JOURNAL DES SAVANTS.

Ta voir , qa'dle n'est que li. Maïs commençcHU par exposer ,- en pe&

de mots, la théorie même de M. Marshall-Hall.

Sdon loi , oa a confondu jusqu'ici dans un seid mot , le mot àrrâiH biSié , deux propriétés distinctes : Tune, VactivUi, c'est-i-dire ïéngiyit du mouvement, et l'autre, VirritabiUié propre de la fibre. Or, de ces deax propriétés , la première seule est en raison directe de la quantité de respiration ; la seconde est en raison luTerse. Les animanx qui ont le plus d'actimté de mouvement, les obeaux comparativemmt anx mammifères, les insectes comparativement aux mollusques, etc. sont ceux qui ont la plus grande quantité de respiration. Les animaux , an contraire, qui ont le plus d'irrUabilité mascabdre , les mi^uaqaês comparativement aux insectes, les reptiles ouïes poissons comparati- vement aux mammifères ou aux oiseaux , dans tontes les dasses le fœtus comparativement k l'animal adulte, sont ceux- qui ont la plus petite quantité de respiration.

Ainsi , deux échelles inverses : l'une , de ïactwité de mouvement , qui croît des mollusques aux insectes , des reptiles aux oiseaux, etc. du fœtus à l'adulte; et l'autre , de ViirUahiUté de la fibre, qui croît au contraire de l'insecte au mollusque , de l'oiseau au reptile , etc. de l'a- dulte an fietus.

Dès lors toute contradiction disparaît. Quand M. Cuvier dit ia J3)re tire de la respiratwn téner^ie de son irritah^té, c'est de Vactivité du mouvement qu'il veut parier ; et quand M. Marshall-Hall dit que l'im- iahilH^ est amené de la respiration , c'est de Xirritahiliti propre de la fibre qn'3 parie.

Toute contradiction disparaît sans doute , si ïactisité da mouvement et VirritabiHté sont en effet, et comme le dit M. Marsfaail-Hall, deux pro- priétés distinctes. Mais si, comme je le disais tout à l'heure, il n'y a, an fond , qu'une sede propriété , si ïiTTitahiiité est l'unique source du

ou JOURNAL Ï>BS SAVANTS.

expérieam pla> enrieuses aocore de TremUay sur les pf^^pes àùea»

douce.

L'énergitet la pernrtance.de ïirrUabdité tiennent. donc à des cond»- -tiont ergnâques divoves; l'nneest donc indëpend«ate de l'autre ; l'une peut donc suÏTre la raison directe de la respiration , et l'autre la raison inverH; et oe n'est pas, conuoe le dît M. Uutsludl-Hall, 'VTi'tnHiitf toatflaliin,«'wt la ^wnûtan» seuiéde rirritabâiti qui est en amoa ÎDTene de ia quantité de respiration.

Considérée de ce point de vue, la théorie de M. Marshail-Hall pa- raîtra peut-être perdre une partie de son originalité, mais eUe n'aura certainament rien perdu de son importance. La loi qui. .ilans les difii^ rentes wpèties, règle le rapport de la respiration et de l'irritabUité, eit une des premières bases de toute la physiolc^îe comparée. Or cette toi n'était pas encore nettement posée. Il fallait beaucoup de sagacité pour arrirer , comme l'a ^t M. Marahall-HaJl , à la poser d'une ma- nière plus précbe; il eu fallait même beaucoup pour s'apercevoir qu'elle l'était mal. Au reste, cette sagacité ingénieuse est, si je puis ainsi dire, lereasort actif de tous les travaux de M. MarabaU-Hadl; elle brille dans cet écrit que je viens d'examiner , dans son ouvrage sur la CSrealation datang dans les vaiasetuix a^tilltùres des reptiles et des poissons ', dans ime foule d'expériences sur le système nerveux , et , plus encore peut-être que partout ailleurs, dans son dernier ouvrage sur les Fonc- ent réflexes de la jMelie épinière^, ouvrage de l'ordre le pkis élevé en physiol<^;ie , et dont je me propose de rendre compte dans un second artide.

FLOURENS.

Des jodbnadx chez les Romaim, etc.; par Jos. V. Leclerc, doyen

666 JOURNAL DES SAVANTS.

arides annales des pontifes à l'art de Tite-Live et de Taâte..QueU« maigre pâture pour les sabbasiSeani, les sabrosùmù, les conaficola, le* aprici itnes ', ces flâneurs des basiliques, des environs de la tribune et du forum ! Q y eut donc des incrédules , même dès la première iftpari- tion de ce trésor archéologique. Bdais beaucoup de trèsnloctes person- nages s'en servirent comme d'une valeur véritable, et allèrent jusqu'à vouloir corriger, avec le secours de ces fiiusaes lumières , et Suâone frt Tite-Live, précisément les auteurs auxquels le bbricsateur anonyme avait dérobé le plus de lambeaux pour composer son œuvre. De nos jours encore, malgré les discussions qui avaient commencé à dévoiler le mensonge , on a vu allégua le témoignage de ces Âcta popaU roouvu dans des écrits estimables. H ne sera plus permis maintenant de tomber dans une telle erreur après la critique péremptoire de M. Lederc. Cest un spectacle aussi intéressant pour les lecteurs studieux qu'bonorable pour son érudition , de le voir examiner, article par article, les prétendus journaux, noter les anachronismes, les erreurs de topographie, les in- vraisemblances , déchirer tout ce travestissement dont s'était afl'uUé l'imposteur plagiaire , le lui arracher pièce à pièce , et restituer à chacun son bien, ce morceau à Cicéron, cet autre à Pline, celui-ci è Tite-Live, celui-là au grammairien Asconius : justice tardive , mais enfin complète.

Demandons-lui compte è présent des vrais journaux, des Aeta popali, Acta arbis, Acta diarna, dénominations diverses d'une seule et même publication.

Un passage de Suétone a beaucoup embarrassé la question de la nais- sance des journaux. Ceux qui tenaient pour la découverte apocryphe donnèrent un démenti à l'historien , ou essayèrent de changer son texte; car il n'y avait pas moyen de faire concorder le nouvelliste de l'an 585 de Rome avec le récit qui attribuait, selon la version généralement reçue, la création du journal à Jules César. £mesti,au contraire, a pris avec d'autres savants la défense de Suétone, et ne veut point absolu-

OT8 JOURNAL DES SAVANTS.

fàîtimiptioii itttuietabttlarhm sacré, ettes^t&untdu pn^té'dHia Vèm^ aemUée du sénat, les pontife^ renonicèp»it ii écrire leuratinuBiK:, iftâ' n'était déaonnais que de l'histoire, qui n'dtdit jplua iuii^mlèg«^ tfli^^ poUToir, peMftfoos scriiiendie historimpoUitasfait^. Udmoeim Aotoe'lfieH démontré per le témoignage d'Asellio que le DîatàaA, dans leqiiiel 3 Ctt impontble de voir autre choseqae ïaAeta dnftwrv deraHS^ile pi^^tfti stèdcie eonsulatde JideS'Gésar. Maib que ftâi« alonrdapvnM^^eSffA- tode? ce que M. Lederceu s-&it, llnterptéter conrMltlbIemeBt:'/r^ honore, primni omniam iiutitaît, Dt TA» senatas QCiK popidi diama aéta cat^érentar^ , et pabRcaretttiir; u il introduisit f usage de rédiger rA. de piJ>Iier les actes du sénat aaasi hien ijae ceux du peuple , # et noil' pMs « leb actes du sénat et ceur du peuple. » En effet cette dernière version prête k Suétone trop gratuitement une double erreur qu'il n'a pas pu commettre ; d'abord , ceUé que nous venons de relever quant dux actes du peuple, ensuite celle qui touche le sénat-, car il faudrait supposer qu'on ne rédigeait point les actes de cet ordre avant César, ni5fifoif at

tant senatns acta conjicerentar , ce qui n'a pas besoin d'être discuté;

tandis que Suétone n'a point eu d'autre intention que d'établir unepa- rite entre tes acAi senatas et les acta popati pour la publicité, pd&Itcorenter,- et c'est en cela seulement que consistait l'innovation de César. H impor- tait au consul populaire, à l'héritier de Marins, au futur empereur par la force démocratique , d'exposer aux regards de tous la vie intérieure de l'oligarchie, et d'énerver sa puissance morale en lui ôtant le secret de ses délibérations.

Qu'étaient-cc que les journaux? Cest la question qui s'élève tout d'aboitl, une fois que l'ancienneté de leur origine est avérée.

M. Leclerc nous avertit de ne pas nous imaginer qu'il y eût , diès le temps de la république , ou même sous l'empire , « des entrepreneurs de feuille» véritablement quotidiennes, quoique le mot de jOumalisIe

670 JOURNAL DES SAVANTS.

ou un proscrit? et que même aux portes de Rome , dans leurs vitia'jiè Tusculuni ou de Tibur, les chefs de cette greode nation, gourefnte par les conùces, n'eussent pqs soin de se faire apporter'dtaqse-yiBr le bulletin des discours de Sstununu», le nombre des voix obtMuai par Valinius ou par Giton ? ff - '

(I C'est ce même besoin des esprits , ces même* solHrihidie» dé^la-TW publique, qui firent naitre k joHfttir vénitienne, dUiord maniwcrifv et qui ches nous ont &it circider les nouvelles k main , longtemps avant que l'imprimerie pût librement répandre le» &itsde chaque jour, de chaque heure , avec une prodigieuse rapidité. »

Après l'entraînement de cette ayante etspiritudie ai^vmcntatioiiv' si je tourne en arrière mes r^ards , je m'aperçois que je suis ramené , prob^lcment par ma faute , parce que je presse indiscrètement les ex- pressions de l'auteur, ou parce que je ne saisis pas asseï nettement les nuances fines de ses idées ; je suis ramené , sinon tout A lait au même point, du moins sur la voie d'où l'on m'avait détourné d'abord.

Je devais, disait-on, me garder de transporter, par ime méprise d'imagination , dans Rome antique , notre organisation moderne du ser- vice des journaux ; et cependant on me fait entrevoir l'intérêt privé spéculant sur le besoin de la communication des nouvelles entre le peuple romain et les provinces , entre les chefs de la république ab- sents et le sénat et leurs partisans ; en un mot , la publicité quotidienne de tout ce qui se passait dans la ville et au dehors parvenant r^alière- ment, exactement, aux riches dans leurs villa, aux généraux dans leurs camps , aux gouverneurs des provinces dans leurs prétoires, aux pu- blicains dans leurs biu-eaux.

C'est un tort , je le confesse, de chercher une précisitm excessive dans ces connaissances auxquelles on n'arrive que par des inductions , sui' des indices fugitiCs , épars , au défaut d'explications expresses et formelles , que les anciens n'ont pas songé à nous laisser. Mais il reste

«72 30URHAL ©BS SjWANTS.

:Ce n'est pas que despotOmiagés ^sotnrs, des pwticid«ritéaTii|§Mn ne prinent quriquefeis place àkaa les Aeta; mus née paitiimlafitéiifty introduisaieat , non comme aigets de 'OoiiTeUfii, mm k la maiHt^tAÉtt gnvea on remarquables -{lumi les autres circDnBlMicw.>l4M Actenaïae départaient point de.leur caractère de chroaïqQe offioîdle et pdilfafae.

Sans doQte ïe t:erete ide ienrs narmkaM a'étawlit frie ptoyAiii^l^ temps, et kur ferme ne ^meura ^oint inmmMitj he'Diâiam,timm lequel Sempronitts AselUo, rers l'an 63o; he'voyait qve des nom sonmiaires d'événements et de dates , et eo quelque- sorte deiimples ta- Uettes chroncdogiques ..dont il opposait la sédiioreaseBUK enaeignemcnlf développés de l'iiutatre, dbl allonger ses pages eldmneràianitylewM prolixité nouvelle pour se convertir en ces Acta ^mmakien A*- oonius puisa tant de commentaires sur la partie historique des plaid<y^tBs de Cicéron, et d'où Mncien extrayait onee livres de «Uscoora d'hoauatt d'état. La révolution du gouvernement changea aussi rM^t'desaAcAi sous les Césars , et beaucoup de «^oses qui n'étaient autrefois qu'acces- soires devinrent les principales , et ceHes qui avaient- &it d'abord la substance nécessaire ne-Airent plus que rares etacoidesteHes. Les nou- velles politiques s'effacèrent, les anecdotes de curiosité obeuse occu- pèrent la plus grande place; il ne s'agissait plus de donnerxommuni- cation aux citoyens des affaires et des destinées de la république, Mais d'eflrayerla haine oo'd'arauserle désoeuvrement des sujets, tandis que le gouvernement se renfermait dans l'intérieur et dans le secret du pa- lais de Tibère ou de Domitien. Au lieu de ces débats judiciaires du fo- rum quiavaient ému tout un peuple, au lieu de ces querelles s'était décidé , par la force de la parole et souvent par k violence des eiwes , le sort des nations avec la fortune des tribuns et des consuls , d'un Cu- ruHi et d'un Pompée , d'im Olodius et d'un Milon , les Aaia étaient rem- plis alors de détails descriptifs de constructions Uiéâtrales, de récep-

674 JOURNAL DES SAVANTS.

qui auraient tenté de spéculer sur la malignité ou ia curiosité publitpie

et de diriger l'opinion?

vCc-n'est pas à l'homme psrdu dans la foule que le jonroaliste va s'attt- quer; il &ut qu'il heurte les puissants. Dans Athènes il aurait triOm^ii, il eût été brisé à Rome. Gicéron a marqué ainsi la différence des d«ux républiques : « Péridèsiut impunément dil&mé par des poêt^ satiriqnea sur la scène, c^a n'aurait pas été toléré i l'yard de Scipion ou de Caton, »

-L'aristocratie romaine avait en effet pris ses précautions dès fan 3o9 , dans les Doiue Tables. Panni le petit nombre de crimes entraînant peine de mort, on inscrivit l'injure faite par des écrits'. Parla suite l'énormité de la peine lut tempérée, mais l'histoire nous appreid que l'effet suivît toujours la menace des lois. Névius, pour des épigrammes contre Scîpîon et contre les Métellus , faillit périr en prison , et alla finir ses jours dans l'exil. Le poète Accius, dans le vu' siède, fit condamner tm auteur de mimes qui l'avaitjoué sur la scène. U est vrai que le chevalier Lucilius ne put obtenir ta même réparation d'un même tort ^. Cette inconstance dans l'application de la loi pourrait s'expliquer aisément sans se justifier; d'abord ce n'ébit pas :1e même préteur qui prononça les deux ji^- ments; ensuite, le poète de Pezzaro était inoffensif et jouissait d'une grande considération dans la bonne compagnie de Rome; tea patriciens étaient ses amis. Lucile avait pour lui sa dignité équestre, mais contre lui ses satires '. S'il y eut un interrègne de la l^iîslatioa répressive pendant les tribunats de Gracchus , de Satuminus et de leurs successeurs jusqu'à Marins, Sylla vainqueur la rétablit pour frapper tout audacieux sans pouvoir*. Auguste lui rendît une vigueur nouvelle ', et, après lui, les Césars montrèrent bien qu'ils n'étaient pas dans linteution de la laisser tomber. Auguste avait donné le premier l'exemple de brûler un écrit par la main du bourreau, c'était l'histoire de Lahiénus; chose inoiûe, dît Sénèque le père, une exécution de livre, supplicia de stadnt sami*.

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Le métier de journaliste était trop dangereux ; et qui aurait pu l'en- treprendre? des affranchis? des Grecs? de petits plébéiens, qui auraient voulu faire ainsi ieur fortune ? car tout ce qui ressemblait de pris ou de loin à l'état de tcrihe répugnait k l'oigueil du citoyen Tomain. Mais le profit n'était pas asses brillant pour éblouir la crainte. Celte industrie aurait eu À combattre , comme toutes les autres industries, une concur- rence invincible dans l'esclavage domestique. On cite, comme un exemple de modestie rare en son temps, Caton, qui, menant avec lui son fiJs pendant la guerre civile, n'avait que doute esclaves à sa suite*. Et pour donner une idée de la pauvreté k laquelle Scaunis se trouva d'abord réduit lorsque mourut son père, on dil qu'il ne possédait pas plus de dix esclaves*. Tous les services, qui sont k présent des objets de spéculations industrielles, étaient alors des offices d'esclaves dans chaque maison. H n'y avait pas d'homme un peu dans i'aisance qui n'eût ses Ubrarii ( écrivains , copistes } , ses tahellarii ( porteurs de mes- sages). L'entrepreneur n'aurait pu otTrir que ce que chacun faisait faire par ses gens , copie de la chronique officielle ; toute autre fcuiUe eût été sans crédit, sans valeur, sans garantie, d'une exécution im^saîble d'ail- leurs, soit quant k la nature des matériaux dont elle se composerait, soit pour l'envoi périodique des exemplaires. Seulement frivde et aneo- dotique, elle n'avait pas un intérêt assez fort, assez général; politique et sérieuse, die ne pouvait se passer du secours de l'autorité pour circuler publiquement, ou d'agents innombrables pour passer clandes- tine. Et quelle fortune aurait suffi k l'entretien seulement des messa- gers pour courir dans lllalie, dans la Gaule, dans l'Espagne, dans l'A- frique, dans l'Asie? Toutes les fois qu'il est parlé des Acla dans les lettres de Cicéron , dans celles de Pline , je vois toujours une correspon- dance officieuse d'amis qui envoient ou qui demandent des copies : Credo te ex eorum literis cognoscere, qui ad te Acta debent perscri-

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vinces, c'était parl'épée qu'on gouvernait l'opinion des sujets de l'em- pire, et non parla parole. En disant un appel à leurs affections ou & leurs haines, on eût mis en question leur asservissement. Grande est la dîfTércnce des rapports de Rome ancienne avec les provinces, et de ceux de la capitale avec les autres parties du royaume dans les états mo- dernes. Mais, au défaut d'estafettes du gouvernement, y avait-il dei particuliers qui se fussent chargés de transcrire et de porter les nou- velles par spéculation d'intérêt?Pour des communications accidentelles, particulières, en petit nombre, cela s'est pu feire. Pour des comraimî- cations générales , constantes, régulières, pour un service en grand, nul récit n'autorise A penser qu'il ait rien existé de pareil; nul ne fait soupçonner la concession d'un tel privilège par le gouvernement à des particuliers, car elle eût été nécessaire, indispensable dans l'esprit de l'administration romaine, autant que dans toute espèce de gouvernement despotique. Nous avons, au contraire, des motifs de nous décider pour la négative. S'il y avait eu des entrepreneurs de nouvelles publiques, que signifieraient ces oiTrcs'et ces demandes de copies de journaux si fréquentes dans les correspondances de Cicéron et de Pline, et tout ce commerce de pure et gratuite obligeance? En vérité, ces hommes, qui ne regardaient pas à cent mille francs pour quatre colonnes, et à vingt mille pour une table de citronnier, auraient été, dans ce seul genre de dépense, d'une ladrerie bien déhontée, d'importuner leurs amis, et d'attendre de leur complaisance une satisfaction précaire, s'il leur eût été foisible de prendre un abonnement chez Chrestus. Que serait de- venu aussi l'office des crieurs, prœcones, ces voix publiques, ces gazettes parlantes, qui disparaissent devant les gazettes qui se lisent? Cependant on ne saurait douter qu'ils n'aient continué toujours d'être nombreux et très-occupés. On ne voit jamais que , quand les empereurs voulaient porter quelque chose à la connaissance du peuple, ils l'aient inséré dans le journal. On voit, au contraire, qu'ils employaient toujours à cet ef-

NOVEMBRE 1838. 679

de la publicité des Acta. Rien qui ressemble au mouvement incessant de divulgation chez les modernes, à cette publicité ardente, infatigable, qui se répand dans les rues, sur les places, dans les promenades, qui court au-devant des curieux, qui poursuit les indifférents à domicile, et qui s'étale en vente dans des boutiques de lecture; rien qui se puisse comparer à ces volcans en éruption permanente, épanchant leur lave par des milliers de canaux régulièrement ouverts chaque matin. La pu- blicité telle que l'entendit César lui-même pendant son consulat factieux, telle surtout que l'entendirent avant lui l'aristocratie romaine, après lui Auguste et les empereurs, n'avait qu'une demi-activité. Distinguons deux parties dans les Acta : celle des décrets, des ordonnances, des rè- glements, de tout acte entraînant une exécution immédiate, se notifiait à qui de droit, seulement à qui de droit; pour le reste, qui consistait en matériaux de la chronique politique, cWile, judiciaire, urbaine, dé- pôt de souvenirs authentiques plutôt qu'instrument de notification, il y avait une publicité, pour ainsi dire passive, répondant à quiconque la consultait, mais attendant qu'on vînt la chercher. De ce fonds sortaient les nouvelles, mais extraites ou copiées par les amis ou les operarii des Célius, des Gomificius, des Cicéron, des Pline, et transmises avec ad- ditions et commentaires. Voilà ce qui se recherchait dans les provinces, dans les villes, dans les camps, au dire de Tacite : Huma popali romani per provincias, per exercitas caratius leguntur^\ publicité semblable à celle qui avait eu lieu pour les Annales des pontifes , potestas ut esset populo cognoscendi^\ seulement plus Libre, plus ouverte, plus communi- cative.

Enfin, pour se former une idée assez nette du caractère de cette pu- blicité des Acta, s'il fallait une comparaison prise des choses modernes, on pourrait considérer chez nous la publication des actes de l'état civil , qui s'affichent à la porte des mairies pour être lus par tout venant, pu- blication, s'il m'est permis de me servir de ces termes, sédentaire, et non ambulante, tant quelle demeure dans son état officiel ; et qui peut entrer ensuite dans la circulation des nouvelles du jour par des copies ou des analyses, ouvrages de l'industrie ou de la curiosité privée, sans uniformité textuelle, sans conditions de garantie; bien entendu encore que la similitude n'est admise que par rapport à la forme de la publica- tion, et non pour fétendue et la variété des sujets.

Je n'oppose pas» je soumets ces idées à M. Leclerc; car je le tiens ici pour l'autorité qui prononce; il s'est acquis, par la supériorité de ses

' Ann. XVI, xz, aa. * Voyei le cahier précédeat, p. 5g6.

%

680 JOURNAL DES SAVANTS.

deux mémoires, le domaioe éminent des Annales et des Jbonuuu; chex

les RooiBias ; i lui désonnais appartient la décision souveraine eo cette

matière.

NAODET.

Manoscbitti inediti di Torqaato Tasso ed altri pregevoli doca- nenti.... Manmcritt inédits de Torqaato Tasso, et aatres docaments intéressants, relatifs à sa biographie, possédés et iUat- trés par le comte Mariât» Alberti, avec gravures et fac-similé. Lucques, i837-i838, quatre livraisons in-folio de 53 pages et xxiii planches.

Tbattato délia dignità ed altri inediti scritti di Torqaato Tasso... Traité de la dignité et aatres écrits inédits de Torqaato Tasso, avec une notice sur les manuscrits italiens qui se trouvent dans les bihliothèqaes du midi de la France, etc.; par le chevalier Costanzo Gaziera. Turin, i838; ia-8°de ao3 pages, avec un fac-simile.

L'annonce récente d'écrits inédits du Tasse , de lettres qui semblaient destinées k dévoiler enfin la cause de ses malheurs, a etcitcr l'at- tention de tous ceux qui s'intéressent encore, en Europe, aux destinées d'un grand poète. Tant de génie et de si longues souffrances, ses amours mystérieuses, son ardente dévotion, sa fin prématurée au moment on lui préparait des couronnes au Capitole, tout concoiut, dans le

682 JOURNAL DES SAVANTS.

ses poésies, et une lettre de cette Eiéonore d'Est qui semble avoir exercé une si grande influence sur la vie du poète. Ces difiérentes pièces sont reproduites en fac-similé; on y a joint plusieurs portraits, et les dessins des broderies ou des tableaux à laiguille que Ton assure être Touvrage des deux sœurs, Eiéonore .^t Lucrèce d'Est.

Tous les biographes ont parlé de l'intérêt que portaient au Tasse ces deux princesses; plusieurs écrivains ont même pensé que les relations du poëte avec Eiéonore avaient amené le duc de Ferrare à sévir si (îrucllement contre lui. Cependant, jusqu à présent, ce n étaient que des inductions, assez probables sans doute, mais sans aucune preuve di- recte. Au moment de l'apparition des Manoscritti inediti de M. Alberti/ on annonça que ce mystère allait être éclairci, et que Ton saurait enfin quelle était TÉléonore que le Tasse avait aimée ; car on en citait jusqu'à trois. Mais il faut avouer que tous les doutes sont loin d'être levés par les parties que nous connaissons de cette» publication. La lettre de la prin- cesse, qui envoie au Tasse ime broderie qu'elle avait faite, est sans doute fort aimable ; elle laisse n^pie percer un petit grain de jalousie contre sa sœur, qui, dit-elle, « est plus habile dans ce genre de travaux, et qui sait (c mieux que moi les rendre très-précieux à Votre Seigneurie ^ » ; mais cette lettre ne sort pas des limites d'une coquetterie spirituelle , et ne ressemble nullement à la correspondance de deux amants. Si, malgré les boucles de cheveux que Lucrèce Borgia envoyait dans ses lettres au cardinal Bembo , comme on peut s'en convaincre en visitant la biblio- thèque Ambroisienne de Milan, il s'est trouvé des historiens qui ont douté des amours du savant cardinal avec cette femme trop célèbre , on doit avouer que le doute est encore plus raisonnablement permis après la lecture des pièces publiées par M. Albeiti. Le madrigal, la note écrite au dos d'une lettre oii le Tasse dit qu'il gardera jusqu'à la mort le présent d'Éléonore , la lettre il parle de la blessure qu'il a reçue à une campagne cette princesse était , ne semblent pas non plus ajouter beaucoup à ce que l'on savait déjà. Il est difficile de ne pas croire que le Tasse ait fait la cour à Eiéonore, et peut-être à sa sœur aussi; mais les lettres dont nous parlons ne tranchent pas la question de ses amours.

Et ici nous demandons la permission de dire un mot sur ime question qui a été agitée dernièrement par deux érudits italiens et que, par une singularité assez étrange, on a voulu faire juger par l'Ins- titut de France. M. Rosini , dernier éditeur des œuvres du Tasse , avait cru, avec beaucoup de probabilité, que les malheurs du poète devaient

' Manoscrittiinediti di Torqaato Tasso; fascicolo III, tav. xvi.

08ft JOURNAL DES SAVANTS,

ctv'iprts Savoir In, le faiî renroyer ennclii dn tmrtil de les nains, «'cvait |daa iîm à rèfoser à iltdniiiie avec qiiî«lle en uuit ràn. Un^ MM ToùlairTappder une fode d'evnqikfl qoi ■prooTent «pi'att en' Mètdela ^mâfltR- det £enmes était moins famaobc qs'i priMBl, 0t (|u'ellBs -pouTsient alon, mi» trop se conipromettre , parier tout Édindé Infei^'imè ùmuse ne lienraitfHB même iin «o secwt su- lourd'hoi. abmemiàjKxom la qoestioa iottftm«rtre]KUt<leT«e, KpR est le plus important pow la pud^catioD doit îl »'*git.- '

Noos le disons à regret, maÎB mribeaTeaefenKnl il_ n'est tfoe trop Trai qu'une partie notaUe du publie , qne deiliovmes édakés, ont aeouoUi avec défiance la publication de M. Alberti. Sans attaquer di- rectement l'antiientidté des lettres du Tasse {que f on doit cnûre an- t^raphes' pniiqae tant de personnes bcoiorablefe i'afBnnent ) , on a jeté du doute sur les pièces accessoires, qui forment la partie la plus «uriense et k pltiB impoitaiite de cet onrrage. Ces broderies , oes lettres d'f3éo- nore ont paru suspectes . On a eu surtout de la peine i se persuader que îe LabyrinAe d'Ànumr fât le livre que la princesse avait emprunté au Tasse. A la vérité ce ne sont qne des doutes, et il nous est impossiMe de les édaircir à trois cents lieues de distance; mais ces doutes ont produit une ISchense impression sur bien des esprits , et ils otH empêché que ees manuscrits allassent prendre place dans une des fia» riches bibliothèques de l'Itdie. Peut-être oes craintes sent-dles exagérées; toutefois il est de l'intérêt de M. Alberti de les dissiper, et jusqu'à présent il ûy a répondu que par des certificats, très-hono- rables il efl vrai, mais aussi très-circonspects, et qui n'attestent que l'authenticité d'un petit nombre de pièces. M. Alberti en promet beau- coup d'autres, et c'est pour celles-là princ^MÙlement que l'on est dans l'incertitude. Le puMic a le droit d'être éclaircî sur un pmnt » dé- licat : M. Alberti a pu se tromper; on a pu le tromper. U faut donc, dans l'intérêt de sa publication, et pour dissiper ces doutes, qu'il fasse

686 JOURNAL DES SAVAWTS.

bibliothèque Albam^ fut adieté par la bibliothèque delaP^coité de médecine de Montpellier, et c est que M. Gazzeta l'atrouvé. Il vient de le publier à Turin avec d'autres pièces du Tasse égsdement inédites, ai y ajoutant une introduction desdnée principalement i fidre con- naître les manus<^it5 relatif à Tltalie qui se trouvent dans le midi de la France. Les renseign^nents qu'il donne sont' en générd fort exacts^, et doivait intéresser tous ceux qui aiment la littérature italienne. M. Gazsera, qui du resté se montre fort reconnaissant de l'accueil qu'il a reçu partout, semble surpris et méconjtentde rencontrer dans le pays qu'il a parcouru tant de manuscrits et de monuments littéraires qui ont nécessairement sortir d'Italie. Ces plaintes seraient légitimes si la conquête et le droit du plus fort avaient seuls fait sortir de la Pé- ninsule ces objets précieux; mais il n'en est pas toujours ainsi; et il ne faut pas se plaindre des étrangers lorsqu'ils se sont procuré, à des prix quelquefois excessifs, des manuscrits qu'on n'a pas su conserver en Italie. Parmi les pièces publiées pour la première fois par M. Gaszera, on trouve un plan de la Jérusalem A^livrée, telle que l'auteur l'avait ima-

«Tasso, de vulg<m eloquio sive iâiomate, ssec. xv, memb. 8.» ( Haenel, catalogi col. 166. ) n est inutile de dire qu'un manuscrit du xv* siècle ne peut pas con- tenir un ouvrage du Tasse, et tout le monde comprend qu*il s'agit ici d*un écrit fort célèbre du Dante. Nous ajouterons, pour achever la rectification , que nous connais- sons le manuscrit dont parie M. Haenel ; qu il est du xiv* siècle, et que c*est un in-4*. ^ Plusieurs de ces manuscrits, qui arrivèrent en France d*und manière presque mystérieuse, furent achetés par la bibliothèque de Montpellier; d'autres ont été vendus aux enchères, à Paris, et sont devenus la propriété de différents particuliers. Le rédacteur de cet article en possède un certain nombre, parmi lesquels il se bornera à indiquer ici le manuscrit autographe de la traduction de l'Enéide, par Annibai Caro, en deux gros volumes in'4^ On sait que cette célèbre ti*aduclion fut publiée, pour la première fois, en i58i, à Venise, après la mort de Caro. Le ma- nuscrit autographe porte, presque à chaque page, d'importantes et nombreuses corrections inédites. Gela prouve que le manuscrit sur lequel a été faite l'édition de 1 58 1. était antérieur à celui dont pous parions ici, et auquel le traducteur n'a cessé de travailler. Mous reviendrons probablement, dana une autre occarion, sur les manuscrits de la bibliothèque Albani q>ie nous avons pu rassembler. * Nous nous permettrons cependant de relever une légère inexactitude. Aux pages 2 3 -a 3 de la Noiizia placée en tète de son livre, M. Gazzera parle de lettres autographes de Galilée qui se trouveraient à la bibliothèque de Garpentras. Le rédacteur de cet ai'ticle est resté longtemps dans cette ville pour étudier les manuscrits de Peiresc, et il croit pouvoir affirmer que les lettres dont parie M. Gazzera ne sont que des copies que Peiresc avait fait faire pour les conserver dans sa collection. Tous les recueils manuscrits du xvii* siècle contiennent des copies des lettres les plus impor- tantes de Galilée et de ses contemporains. Les manuscrits de Peiresc qui sont à Garpentras ne renferment guère que des copies; sa correspondance originale a élé dispersée. H en existe des volumes à Rome, k Montpellier, à Paris, etc.

ft88 JOURNAL DES SAVANTS.

verriL qu'elle a été écrite dbû»im de ces îmtant» de bmheiir qui fiumit si r8u?es dans la vie du Tasse. Il rend compte de Taccaeil favotable que Tôd a fiât à Rome aux douze premiers chants de son poëme qu'il y avidi envoyés manuscrits. Il se dit très-occupé; il parle de la &vrar du duc et de i'envie de ses ennemis. Voici ses paroles : « Je siûs sans cesse avec le duc, que j accompagne, tantôt dans lesf lagunes de Comacc^o» tantôt dans les bois et dans les campagnes. Mes ennemis me portent envie, mes amis sont dans la joie; mais je ne la partage pas, car je voudrais pouvoir m'occuper de la correction (de mon poème), et Jai très-peu de temps. Je ne crois pas pouvoir commencer Timpression avant NoêK La

vil» e MdiafiitU, nmettendomi pet àraltmi (ttr) giodide, ch* io m qnetU moteria non ttehopimto. Blanderè ie ftanxe oome ôa venota una copia dei dodici primi canti , ch aspetto Roma , onae altri notrà fiicflmente tnscriveile , ne pu6 tardar ana settîmana k venire. Dal mio originale sarebbe imposâ- Jwe , ck* dtri db* io medeamo le cavaMe , ne vonrei qnesta fatica in tante mie occnpatiom. Che fooo la re- ▼isione dal libro e l'esser coi Daca oontinoamcnte (smitandoh ho\ il qoal seguîto hora per le lacune di Gomacchio , hor per selve e per campagne , oon invicua degli emmi , con allegreua degli amici , ma non mia , cke vorrei poter attenoere alla reriaione , e v' ho pochus** tenqw. Si cfae non spero di eeminciaM la stampa inanzi Natale. 1 favori son grandi, gli gusto, ma non me ne inebrio : vorrei qoalche cooa più di lodo. Deddero di pailar oon V. S. uianii cb efia n parta e com* habbia letto totto il libro al Duca , cbe •arà aH' amvo de dodici canti o pooo poi , ipero cbe potrà involanniii otto o dieci giomi, i quali tutti voglio spender con V. S. h6 da confemic moite cose mtomo alla somma délia mia vita, et alcune intomo d givdido che ri fit dd poema in Roma , il qmde in iomma è taie ( perdonate voi la vanità , che ne lete cagione perch*io voglio nsare que* iermini à punto ch* esri uuno) ammirano (i'ele) i ooncetti , Vdocutione e k> stile in ogni parte , sdvo ch* in dcuni pocbi luogbi notati , par loro ck* il numéro per dtro stimato heroico ri poiesie addoldre. Délia favola sporuio bene e lodano il principio , ma non affermano oon donna dd tulto si che non ne babbiano visto il tutto. M^banno dimandato Targomento in prosa, et io rbo mandato loro, Lodano fl procedere cosl ( Pho Vh ) )o cblamano poetico et heroico , sperano che non debba mancar k cnietto poema A diletto che si trova ne* romand. Non dioono qudlo à punto, ma emitva> lente. NThanno sin* d decimo (che più oltra non ho nova c* habbian visto) fàtto quatre oppositioni ( BiM a Vep ) la prima ad dcune stanae die seguono alla propositione ( b (jnai ) eshortatorîe à i prindpi -christiani , le qudi non vorrebbono in qud luogo ( î/), la seconda k un episodio corne à pooo ligato con la ihvola , la ierza d costume ch* in un luogo par che Goffitedo non sia simile à se stesso , ma a questa

Di V. S. M. M. Aff~ ser : ToRQ. Tasso.

Nous avons donné cette pièce en cansenrant autant que poMiUe l*orthograpbe et les corrections que le Tasse a faites en écrivant; les mots entre parenthèses et en italique représentent ces conections* Nous disons t anlant que possible », parce que quelquefois les irrégularités d*un manuscrit exactement copié passent pour des im- perfectioùs même à des yeux exercés.» et disparaissent an tirage. C'est à des circons- tances de cette nature qu'il faut attribuer les S capitales du mot Sabaudia, qui se trouvent dans la colonne du Documsnt original, et les D du mot Dei, qui sont dans les deux colonnes à la fois la note ( ' ) de b page 606 du cahier d'octobre de ce Journal, ces S et ces D ne devant pas être des capitales. 11 est à peine nécessaire de faire remarquer que dans le même article, à la fin de la page 6a 1 , il manque ces mots : poar les chartes françaises , et qu'à la troisième ligne de la note ( * ) de la page 6a3 , il manque le mot six»

690 JOURNAL DES SAVANTS.

Nous ne voulons point renouveler ici des regrets déjà^si souvent ex- primés et toujours superflus. Mais nous n hésitons pas à dire que la perte de cette véritable encyclopédie, rédigée sous la forme ethnogra- phique, se fait sentir journellement à tous ceux qui vivent dans Tétude de 1 antiquité. Sans doute le style actuel d*Etienne de Byzance est par- fois obscur et pèche souvent par le manque de pureté ; mais Forigine de ces dé&uts est facile à indiquer. Hermolaus et ses propres abrévia- teurs se sont permis de retrancher une grande partie des citations , et n*ont pas eu le soin de rétablir les liaisons devenues nécessaires par de nombreuses coupures. Ils voulaient d*ailleurs éviter la monotonie des formes explicatives dans les différents articles d'un dictionnaire et la ré- pétition de termes dont l'emploi multiplié serait devenu fastidieux. De cette foide de pronoms relatifs beaucoup trop éloignés de leurs sujets et même sans sujet. De aussi ces doubles emplois, tels que 2ap^9«i,

^(UJ^fjm-vu et 2i/p/4«7««; Ilapai^c» npct7(79C et Ufleua9Ç i BÙfJiCeAÇ et TiCteAC y

VûtJhLVùvaiûL et VoJkfovM\ doubles eny>lois très-concevables dans le tra- vail original de fauteur, parce que dans le principe cetle variété d'ortho- graphe était justifiée par des exemples.

Les travaux de Thomas de Pinédo, d'Holsténius et de Berkétius ont contribué, nous l'avouerons, à améliorer le texte d'Etienne de Byzance; mais ils ne suffisaient plus aujourd'hui. Depuis lors, en effet, la philologie et la critique littérale ont fait tant de progrès et poussé si loin leurs dé- couvertes, tant de passages ont été remaniés, tant de corrections pro- posées et adoptées , qu'on sentait généralement le besoin d'une édition nouvelle , refaite entièrement d'après les travaux antérieurs et qui pût tenir lieu de toutes les autres.

Cette tâche , si pénible et si difficile , vient d'être remplie en partie par un savant professeur de Leipsick, M. Westermann, déjà connu dans la science par plusieurs ouvrages remarquables sous le rapport historique et philologique. Son dernier travail est du genre de ceux qui ne peuvent être appréciés qu'après un long examen et par un usage de chaque jour. Aussi n'avons -nous pas la prétention de porter un jugement; nous vou- ions seulement attirer l'attention du monde érudit sur ime pubUcation si longtemps désirée» et examiner avec l'éditeur lui-même quelles sont les sources qu'il a consultées, s'il n'en a point oublié, s'il a bien fait toutes les coiTections nécessaires, enfin si le travail qu'il nous donne aujour- d'hui peut tenir lieu de ceux des éditeurs précédents.

Et avant tout , nous professons une sincère admiration pour le savoh^ et les profondes connaissances du nouvel éditeur; et si parfois nous ne sommes pas du même avis que lui, si nous trouvons que son attention ne

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s^eftt pas toujours soutenue et s'est lassée quelquefois au milieu de cet énorme farrago de leçons et de variantes dont ii parle dans sa préface , nos observations, faites toujours sous la forme dubitative, ne peuvent en rien diminuer le mérite de son livre. Les réserves d*tm assentiment d'ailleurs bien réel disent souvent beaucoup plus que les phrases iauda- tives d'un enthousiasme préparé à l'avance. L'intérêt seid de la science et de la vérité historique doit guider la critique , et nous nous esti- merons heureux: si nous parvenons à attirer de nouveau l'attention de M. Westermann sur certains passages peu corrects, selon nous, et si nous pouvons le ramener quelquefois à notre opinion.

Le volume dont nous allons rendre compte se compose de 3 58 pages ; savoir 3 1 9 pour le texte, 1 5 pour la table des matières et xxiv pour la préSaice. Les passages des différents auteurs cités par Etienne de Byzance sont indiqués au bas des pages , sans notes ni variantes. Nous concevons très-bien que l'éditeur ait pu réserver ses commentaires pour les volumes suivants , qui doivent aussi comprendre les variantes. Nous aurions pré- féré cependant de trouver ces dernières au bas des pages , afin que le lecteur pût au premier coup d'œil comparer les éléments fournis par les manuscrits et le texte refait par M. Westermann. Cette addition , du moins nous le pensons, n'aurait pas beaucoup augmenté les frdâs du volume, et tout le monde y aurait trouvé un avantage, que le système adopté par le libraire ne peut compenser en aucune manière. Nous regrettons aussi que la table des matières soit incomplète ; ii y manque une partie bien importante, à savoir les noms mentionnés dans les différents articles de l'ouvrage d'Etienne de Byzance, et en dehors de l'ordre alphabétique. Cette table avait déjà été donnée par les éditeurs précédents, Thomas de Pinédo, Berkélius, et même par l'édition de Bâle; nous nous expliquons donc dîfficUement l'oubli de M. Wester- mann.

Nous disions plus haut que l'éditeur avait réservé ses notes et ses commentaires pour les volumes suivants ; mais nous avons éprouvé une juste crainte en lisant page n de la préface : « Quippe noluit imprse- sentiarum quicquam redemptor honestissimus prseter nudum texium a me curari; quem ubi satis multi ftiissentqui emerent, tum demum adnotationem criticam ad instar appendicis a me scribendam se redemp- turum esse mihi recepit [sic). » Nous espérons que le libraire éditeur du travail de M. Westermann reviendra de cette décision un peu irréfléchie ; et il comprendra que même son intérêt matériel, sans parler de l'intérêt 8cientific[ue , exige la prompte publication des commentaires. C'est le seul moyen, en effet, d'assurer le débit d'un livre qui, ainsi réduit à un

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692 JOUfiN^L DES SAVANTS.

texte pur, présente beuicotj|) moiiu de ressouroea aui, «avant». Etieiin de Byiance est peut-être l'auteur dont Fouviage a suH le jdus d'idtén- tiona, et parcettenÙMa cet ouvrage est peutritre aussi celui qui.nHUDé par une mainh^iieà sa pureté primitive, s'âoigne le {dus des textes fournis par les manuscrits. Nous ne comprenons donc pas commenlfl seavit possible de se passer du commentaire, puisque chaque leqon!. dhaque correction a besoin d'Aire justifiée, soîtparun manuscrit, loit par une note ex|dicative.

Dans cet état de choses, la nouvelle édition d'Etienne de l^zance , sans notes et sans variantes, édiappant àfexameiDet&lamtique, nous serons ob^gk d'attendre la puUication du conuMptaire de M. Wester^ mann pour être & même d'examiner si l'éditeur a tiré tout le parti possible des travaux antérieurs, Aes manuscrits existants; et qad peut être le nombre des corrections qui lui sont personnelles, c'est-à-dire qui sont dues à son jugement, à sa critique éclairée, ainsi qu'à ses connaissances en fût de géographie, d'histoire et de philologie. Cepen- dant, ce qui résulte pour nous de la lecture de son volume, c'est un nouveau texte, épuré autant que possible, préférable de beauc<Hip à cdui des éditions précédentes ; mais pour qu'il ait force de loi, pour qu'il puisse être cité en toute confiance,ildoîtêtreappuyé parle savant commentaire de M. Westermann. D'après, finsistance que nous y mettons, le libraire comprendra toute l'importance de cette publication, et nous nous estimerons heureux si nous contribuons & le faire revenir d'une décision prise avec trop de précipitation.

Quelque &stidieuse que doive être la lecture suivie des difiérents articles d'un dictionnaire, nous n'avons pas craint cependant d'entre- prendre ce long et pénible travail pour avoir une idée un peu exacte du mérite de l'édition donnée par M. Westermann. Toutefois il nous est impossible de noter les rectifications heureuses qu'U a introduites dans

«M JOURNAL DES SAVANTS.

mot àv/ia et qui se trouve dans le manuscrit Goidin, n* 3i8, eti'ftotre intitulé iCieiof. et conservé par ConstantiQ Porphyrogéuète >. Un ttoi- siime fra^nent, sur la Sicîle, est donné par le même auteor*, ipn l'a extrait presque mot pour mot d'Etienne de Byiance.

Le premier de ces fragments, que M. Westermann a introduit dans le texte en im^imant dans la préface' la même partie tdle qa'ett» Aait dans les ëditions |ffécédentes, se trouve, comme nous Teoons' de le dire, dans le manuscrit Coîslin, n" 218. Ce manuscrit, lu et consulté si souvent, ne l'a pas été avec toute l'attention désirable. Ainû, dans le ièuillet coupé, donné , page 1 1 a de l'édition, sous fbnne defac-simie, on distille encore , ligne s 5 : jffiùem Sme*»r- EÏ^ auUeu de «pûm fliicw». E/$ %. 26, M* pouraw} lig.aS.piùnupouTivfWi lig. 3o, t «cpour*r; lig.Sy, poiUM, et lig. â3, ^rpour ôr. Puis, pag. 1 i3,lig. a &, on lit: iiinmc aim vAu f au Ûeu de la phrase simple immnt «%»> donnée par toutes les éditions.

Lesecohd fragment iCnfitu, imprimé aussi dans le texte, a été col- lationné -par nous sur les deux manuscrits de la Bibliothèque royale, n" 3009 et 3967, qui contiennent l'ouvrage de Constantin Porphyro- géoète,de77t«manSD5, et d'après lesquels nous proposerionsles corrections suivantes : Pag, 1 43, lig. 6, iviMna. au lieu de Zn-<tr/<( *; lig. \S, ion •»< ÎCneft ^riMi au iieu de èaù tw ÎCn^t j**"tMç, comme plus bas, Itg. 35, in-Pity*»x»({Cne^ihg.i-j, les deux manuscrits ajoutent : •Ciw- «/Atfi;^?* (1^. tv^ygt) fàf ctif ^' i(ff{ Tïùc, X, T. A. Cette rectification est d'autant jdus importante qu'Athénée^ cite effectivement l'écrivain Phylarque, sans indiquer toutefois, comme ici, le livre: c5n ^iifi.afygtP»att SiaApor.... fnn A, ic^ ibOc, k. t. X. toujours le même Phylarque.

Le troisième fragment, imttJtt , se trouve réimprimé pag. xi de la préËice ; nous rétablirons une ligne qui a été omise. Au lieu de îiifant ^d^H, ZjiiXJa iMXiSin, i(, lisez : Zn^cvo; y^a, SixtAi'a n râatt Zjjc^fn «•«Twer ùf»/M?vn , ht* Xix(X/« ôktJin , k. t. A.

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Vient ensuite la liste des articles contenus dans le livre XI ou XIV , liste conservée par le même manuscrit du fonds Coislin , commençant aumotEc^K et finissant à £^«poc. Il est échappé à Tattentionde l'éditeur quelques fautes typographiques, que nous allons rectifier. Ainsi : è&^i

pour ECo^; EXatisA fpeu^ pour EXttiêûL ^pouecor ; £XCoi77( pour EXCw^ç^ BXUiùL pour ÈXtyêtAf enfin tïxitpnm j^q Kc^ixor limç pour tottoi.

Un grand nombre de manuscrits ont été consultés par M. Wester- mann , ainsi qu*il le dit dans la préface; nous regrettons toutefois qu'il n*ait pas eu connaissance des deux qui appartiennent à la Bibliothèque royale, et qui portent les numéros idiiii et i4i3. Nous croyons donc nécessaire d'en dire quelques mots et d'attirer sur eux Tattention du sa- vant éditeur, qui certes n'aurait pas négligé ce moyen d'améliorer son édition, s'il avait pu penser que ces documents n'avaient point été con- sultés sérieusement. Et cependant c'est l'exacte vérité, comme nous espérons le démontrer.

Ces deux manuscrits , de format in-&^ et tous deux écrits à Florence, sont du XV* siède. Nous nous contenterons de donner le titre et la sous- cription de chacun d'eux. N^ i & i s, titre : :^npdfov Bu^dniou me} 7nXt«r j(^ JifiMf. Souscription : TfXo( riu mek w viXîmv l'npdfou &tou td Jhitpof j(^ nifoç Ms^iXou Afyiiov. T^^h C9 ^Xtéf%rn(f.T^ itiXnj cf itm Ç" ^ f ^f (Miv\

N^ i&i3, titre : Hit^ttfW Bu^âurnov m^ ifiXtuf ^ </^^r ie^tA ^t^of

(sic), 11791 ^gnÀ iXfelCm^v, ifx^ "^^ ^* Souscription: Tixoç ni me) TriXîoêyj^^

B%f ^eAÇ. Èr ^Xtêftrnif,. Ce dernier est moins incorrect que le précédent; toutes les citations d'auteurs y sont écrites à l'encre rouge.

Nous n'avons point entrepris la collation de ces deux manuscrits ; mais nous les avons consultés dans quelques passages douteux, et nous avons acquis la certitude que le travail complet pourrait donner un résultat satisfaisant. Voici , par exemple , plusieurs observations ou corrections qui nous ont été suggérées par un examen rapide :

Pag. 8, 1. 4o : ^y^nctîfu cf r^ ^i * * i , «• t. X. Le manuscrit n"* 1 4 1 3 remplit très-bien cette petite lacune : Su^narm c# t^ meÀ wAf çoiX'^^t comme on le verra à leur ordre alphahétitiae.

Pag. 73, 1. 27, les manuscrits donnent pnoir au lieu de paatvy leçon qui me semble préférable en rapportant ce mot à Strabon de la ligne précédente, lequel accuse effectivement Ântiphane d'avoir débité des mensonges.

Ibid. 1. 35 : xiy^nu pour Xi^rm dans les manuscrits, leçon qui pourrait

AM JOURNAL DES SAVANTS,

se BOUtenir : xiyum \ ftwrt BipiWMMAi.

1^9. 98i L 3. Je Ktniichans b ooi^onetioii »^i comine4Un>Ja* mHUKritB.Âuiiioyetrde cdte mppreasioa l'irlid» denendnit cwplql et D«-se:tenmaerait pas par une pbcaM inadievée.

Pag. 1 SA, ii »^: ftpif-i ti»UvK XjtfMK, «0 immimt^hnèdi&M^fié^ cédeubu^fortaieaimS'i'mim, et la cMrectiiWk aâoplé«.parMK\V'Ailer- mann, est de Thomas de Pioédo. Cependant, em exanniaantce piiit^gft etlacitatian dePau«anias, donnée aussi parTluKaasdePinéda, je soup- Çooaaîs que le mo} xa^NiAX pouvut bien être ii»e corraptioa de OATZANIAS, ce. dernier mot ayant été d'abord éaît en ab«^ comme tantdenomftd'auteun. Cette observation m'a &it, àtoutbasturd.ieco»- rîr aux manuscrits, et j'aî été heureux de voir ma conjecture vérifiée dans- le manuscrit i ^ i ^, ïon trouve effectivement naww/<r , et ii la marge z^dciaf- H me semble qu'il ne peut y avoir de doute sur cette, cor- rection, puîsqu'cm lit dans Pausanias' : E<v w ic Katfuiv Kd/*£timt ei ifyififaTM t(^ Oftsô&0( nmi, k. t. X.

Pag. 167,.!. II. Le même manuscrit: èr Kwpt». Taânt. û oUn-nfu Ko^/tw, au lieu de ô* Kûn'pfi. ^i tftn * * Tct/nc à BÎ)(ii''wp Ktfmémç. La première leçon me semble préférable puisqu'elle donne un sens .coaL- plet. Si cependant on voulait faire usage des éléments ^f{ •tf'rm fournis par quelques manuscrits, il ne serait pas impossible de supposer que la particule a été prise pour le chiffre y' et de lire >^ rawwf, m., t. A. On ne comprend pas d'ailleurs comment le mot tç'rn peut itré justifié puisque l'auteur dit immédiatement : X^ t(g\ Wxif , &. t. x. ; aurait dit : i[^ TTropi* n'éxif, K. T. ^.

Pag. 173, 1. 1. A la maige du manuscrit i&i3 on Ut : KuArlet, tm rvt Xom, synonymie du moyen âge dans laquelle on retrouve le nom moderne de la Canée.

eW JOURNAL DES SAVANTS.

ItnioW «n nr T^mA- M;w« )[^ j>a:e( met' Sf.fMia^{^^t!n|tbiwJL',

iM> novw, nyifM, ^fiXifantt ^(^«^'h. «ut» j(^ «c^, ci^nrv, .,.,

Passons mainteiiant à l'examen du texte et voyons s'il ei|t J)iscept3^ de quelques autres amélioratioDS, après avoir deioandé i M. W^rter- mano la perpùssion de lui soumettre encore nos scrupules et nos ob- servations sur plusieurs passages qui nous semblent peu corrçct». ,. .

L^nombre des différences introduites par l'iotacisme dam noiU et principalement dans les noms propres est infini. Mais c'est Ujwdesi privilèges de la critique littérale de pouvoir ramener, autant q^e pos-. sible, les textes à leur pureté première et indiquer certaines. oomsctHMu qui n'ont pas besoin d'être justifiées par des manuscrits. Qn sait^ par exeinple, combien les mots eïxMt et om^m ont été confiiodus p^r les co-, pistes; ne pourrions-nous pas profiter de cette observation et Ure pag. h, lig. 13 : ic^ A/Mrnrnt^JurarQeuÛMr, au lieu de i[^ ^fucn/rar fWiHBV.'Ofiuîar, passage de Gallimaque qu'Etienne de Byzance rappelle au mot jLtktrH» ,

en disant: i.vl Tfatai Mnritrwr 'aKIZMBNH, KaifJfutyft ift»rmmr

(wnr ÇHoir. Puis on poiinait écrire, pag. aS, 1. aa , ovrfîxnn au Ûeu de

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entre Tethnique et le prototype. Gomme aussi, pag. 2 &5, 1. 1 2 , SttMimroc au lieu de 2«eMtrTVFoc; pag. a3o, i. 27, Iltppcumfpof.... Aav»éAvoç au lieu de lUffOdotiviç,... Anttfnvoç, d'autant mieux que M. Westermann donne lui- même Tethniqùe Àffutùflroç au mot Xmpior ; pag. sSo, 1. 3o, Stinroi pour ZitTJivo} et pag. 3oo, 1. 16, ^ùfoCftvmiifoçy leçon fournie parle manuscrit iÀi3, au lieu de OopoCpiPTATuyoc*

Puis, à cause de la confusion fréquente de Ti et de Tu , on écrirait, pag. 1 16, 1. 16, liv l^ov AAyifîrif, au lieu de liv ^oy ActT/r/W, puisque Etienne de Byzance dit au mot Attjtvia : To tdyixèr Aayivatsoç j(^ Aa^vinç KOf tnXvxSç AâK)tytvç. Cette correction d'ailleurs se trouve déjà indiquée dans le Thésaurus de M. Didot. Et à cause de Tt et Yùu sans cesse con- fondus, je lirais, pag. 65, 1. si5, AtiXodSitu au lieu de AixiS-nu, afin de mettre en rapport Teûinique et le prototype, comme dans Suidas : aûa<i/, iiifHùf KiAjjutf^ irXnmv Tifowu * 01 oîxtSimç AÙXadSiwt. Ne pourrait>on pas aussi , pour la même raison , adopter la correction proposée par Berké- lius au mot ivy^yet qu'il lit ZvyoifAy léger changement qui rétablirait Tordre alphabétique interverti en cet endroit: lov^ç, Ivywa^ Ivyaniç. Ce nom , avec la diphthongue «/, est effectivement cité par Ptolémée :

fovçy Zuyûuvovy k. t. X. M. Westermann a eu sans doute quelque luison particulière, à nous inconnue, pour ne pas adopter cette correction.

Puisque nous en sommes sur les mots qui intervertissent l'ordre alphabétique dans l'ouvrage d'Etienne de Byzance, nous ferons observer qu'il en est plusieurs dont la modification pourrait rétablir un ordre qui ne paraît pas régulier. Ainsi ÂXa^iç, placé entre ÂXA^Aoi et /x&t, indique évidemment que l'auteur a écrire dans l'origine ÂXojufoç, comme cer- tains géographes, tels que Ptolémée et Marcien d'Héraclée ^ XfuXôf^ Âfi49Wy A(juaiç\ au lieu A'Kfuvw, je lirais Iqjufm^ d'autant plus que Teth- nique est Â/emmoc y comme aussi on pourrait corriger ArntL au lieu A'&reta placé entre &mfjufùt, et Am^vtti. On trouve encore AtxOawoi, venant après AîXptfêop et avant At^etfuyeti y d'un autre côté on lit dans Tacite ^ : « Contra Messenii veterem inter Herculis posteros divisionem Pelopon- nesi protulere, suoque régi Dentkeliatem agrum in quo id delubrum, cessisse , » etc. Thomas de Pinédo, au moyen d'Etienne de Byzance, veut corriger ce passage de Tacite , et lire DeUhaniaiem au lieu de Denthelia- tem. n me semble qu'il serait plus logique, au contraire, de corriger Etienne de Byzance par Tacite et de lire AirOoAiei au lieu de AtxOctriM ^ on y trouverait le double avantage de rendre à peu près uniforme l'or*

' Page 100 de notre édition. * Annal. IV, 43.

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700 JODJRNAL DES SAVANTS.

thographe dans les deux écrivains, et de rétablir Tordre alplmbétiqiie dans l'ouvrage du géogi*aphe byzantin. Entre Àépict et ^if-mr on voit encore à%^ot , Sfixtov tOroc il^Jbnc Atpowiot/c «ûtqiSc fwat¥. n est évident qu*il &ut lire ÀippAiei au lieu de Ai^^^of ; Hérodote lui-même indique cette correction en écrivant MfMnuç. On sait effectivement que dans certain dialecte on changeait volontiers un des deux p en r, comme dans Ava-^jgof pour At;pp«;^or. De même le mot Kaaàf/^HA^ par sa posi- tion alphabétique entre Karace et Ktf^mrrnu, doit être écrit KMwlpd^mm^ comme dans les écrivains grecs et latins ; et Tarticle entier doit être modifié d'après cette dernière orthographe. Nous pourrions sou* mettre à la même analyse critique tous les autres mots qui dans le leiique semblent occuper une place irrégulière : peut-être trouverions* nous le moyen de ramener soit ces mots , soit les mots qui les avoisinent, à leur véritable forme, et rétablir Tordre alphabétique si fréquemment interverti; mais nous craindrions d'allonger notre artide, déjà trop étendu, et ces exemples suffisent pour montrer qu'il y a encore beau- coup à faire sur le géographe byzantin.

Nous signalerons aussi quelques petites négligences qui, sans dimi- nuer le mérite de M. Westermann, dirent cependant son travail, si estimable d'ailleurs. Ainsi, nous aimerions à trouver de Tuniformité dans Torthographe du même mot répété à différents endroits ; à ne pas lire par exemple, pag. 75, 1. a i, StCtrim^ et pag. a 48, 1. ail, StClm/T»;; pag. 33, 1. Ai» UmiiJraùç, et pag. aa 1, 1. 11, lUMc&^oc; pag. 36, 1. 3i et pag. 78, 1. i3, Mmm^, ^tp%- 198,1* i3, Mt^oma; pag. 18, I. 9, BpÊra^ntiç et ailleurs hfrfjàvui. D'autres fois un mot écrit avec une ma- juscule commence ailleurs par une minuscule; ainsi, pag. 190, 1. i3; pag. 198, 1. 8 et pag. a83, 1. 3, on litoniSr, tandis que partout ce titre d'ouvrdge est écrit AlitSv. De même le mot ifvbpi. J^ttaw est tantôt écrit avec un É tantôt avec un I. Puis ce sont les accents, pag. 57, 1. 9. PvfJkuSi, et pag. Â7, 1. h^ et pag. 1/16, 1. 3, 'PvvMk»\ pag. 7^, 1. 36; 'PvpJlUw; pag. noo, 1. 33,*Pc;rc/kxoVs pag. i63, I. 35, Afi>^, et partout ailleurs i^Ce^; pag. 79, 1. 8, »uvomtkfax79ç au lieu de nwcm^ptToçj ce qui change le sens; ou bien les esprits, pag. 1 5 1 , 1. 1 9, ATfcor, et pag. a3, 1. ao, A]|iof ; ou bien encore les iota souscrits, pag. 3o6, Lu, Âx^oç, et pag. aaA, 1. a, X;|rtA«!foc. A propos des iota souscrits, nous remarquerons que Tédi- teur ne les met jamais dans les noms propres adverbiaux, comme XO9- r)M», ift«r«A.; il écrit aussi, suivant l'usage adopté en Allemagne, les deux pp sans esprits, comme dans les mots nJppct, àvffa^gof. Quant au r eu- phonique , il est partout très-bien observé. Nous n'épuiserons pas la cri- tique du manque d'uniformité sans dire que les chiffres dans l'article

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Ji<wû99smfiA ne sont pas accentués , tandis qu'ils le sont partout ailleurs. Peiit*âtre aussi aundt-on pu ramener à la seule forme, icuXtùç^ les mots iiXMÇf pag. i47f 1* 37, et ïauXk»Çy pag^ 1 13« 1. 28, puisquil est bien évidemment question du même écrivain dans ces différents passages.

Voilà sans doute bien des détails minutieux , mais on nous les par- donnera en considération du soin scrupuleux avec lequel nous av<»is kl le livre de M. Westennann. On sait que la correction typographique est bien difi&dle , pour ne pas dire impossible , à atteindre , et on nous saura gré, nous Tespérons, d'avoir cherché à contribuer avec M. Wes- tennann à Tamélioration du texte d*£tienne de By sance Nous continue- rons notre examen , et nous soumettrons encore au savant professeur plusieurs observations qui pourront peut-être modifier quelques-unes des notes destinées à entrer dans son commentaire.

Pag. 6 , 1. 11. Au lieu de Bpr/}/«e;, le manuscrit grec 909 porte ACesiidç , leçon préférée par Rochefort ^ : ÀCfnivn n ÂCfrflnrw x^ Mv-

Pag. a8 , 1. A. tJ)>ov9u. Cette ville étant appelée rJ)>oZç par Etienne de Byzance à son ordre alphabétique , peut-êti'e pourrait-on lire ici T«/^oDf au lieu de T«/)>o3fl«. Il est en effet possible de supposer que Terreur vient d'un copiste qui aura pris le A du mot suivant pouir un A , dans un ma- nuscrit en majuscules , ces deux mots étaient écrits TAPCTSAEro- MENH y et qui aura ajouté une lettre par inadvertance , comme il en avait retranché une à l'article ÂTiàu^iç , que les éditions précédentes lisaient o^ç ÂffiATlof, au lieu de OPOS2APMATIAS.

Ibid. 1. 1 1 . Le manuscrit grec n* 902 , extrait mot pour mot Etienne

de Byzance : Axfetyarroç , ^roXic 2iX«Xi«y, i'jro ^nrrtfiov TKtfetjifiomç. ^n^/ yàf àùvcAÇ oTt od '7rX%7ç€if iSv S/itiA/fr ( leg. 2#ictX£r ) iroXttèf in iSv m'ntfiSv

Axfetyarr7voç. ' '

Pag. ikf 1. 5. Dans le même manuscrit : A>^CeAS%ç (sic), cftroc Si^va- «awiof r«A«nf«of ïloXvùof Aàtw i yçif^t 'n Xv^Ce^Cfc ( sic ). Voyez aussi Theognostus, dans les Aneciota grœca de M. Cramer, t. II, pag. ào.

Pag. 37, 1. ^3. Les mots «9' «r ne sont pas bien amenés. On pour- rait peut-être rectifier ce passage au moyen de YEtymobgicum inagnum :

Pag. 38, 1. 3. Après le mot fkautftagiçle manuscrit grec 9011 ajoute :

* Notices et Extraits d$s manascrits, tom. I , pag. 1S6.

87.

702 JOURNAL DES SAVANTS.

Cmtoc, iCri« Àauu^iç; phrase qui paraît extraite d'Etienne de Byzance.

Pag. li^ , i. ko. Au lieu de KctWIii ecor on trouve KaWItuiifecor dans les scoliastes d*Homère^ qui semblent avoir copié Etienne de By tance: ÂfîfuiA j(f{ A^^/ftf£;r, 9«f^ 70 ieg^7«i>f fttdw ct^o 79S Kflt7D9r7iV7«pioui Ce dernier mot nous paraît aussi de bonne formation , et c'est également dans le même sens qu*on lit dans le scoliaste d'Euripide ^ : Sxootà^ duïir ^«01 W KATOnTETTHPIOK tvtidk, ovtw ^c^ouffitror» oxr cr nfl^retov^ Hgnvjflêtia-of ÂvéX-' x^f TDK A^Xfir n0,7niÇ%y0t9. Le TA^ioanu de Londres indique le mot K«- tKfInfscçy comme étant employé par Strabon; mais la citation est sûrement inexacte , car je n'ai pu découvrir ce passage*

Pag. A8 , 1, 1 9. Au lieu d' Â^afoç, il paraîtrait qu'on peut lire Â^a^tê^^ si l'on en croit le manuscrit 902 , qui se sert du mot A!^ç pour exemple :

i(ff 79 Â^»ç fMix4çoypA^5 y 70 Âânfç. Cette dernière orthographe se trouve vérifiée par Pbilothée , patriarche de Constantinople , manuscrit grec , n^ 4i , fol. a , verso : h^sl^'ni nof imfvfioê ,07% H^^exWc^, ô QîffwXa-

fiunçj 0 KvÇiKoVf 0 ^nXvCfiat, l AllPû) 0 Afjut^tJhç^ x. r* A* D'après

l'exemple donné ensuite par Etienne de Byzance , la leçon a<69»oç parait cependant avoir aussi quelque probabilité*

Pag. Sa, L 1 8.B serait bien possible que la synonymie \ifjtan (àt une corruption du mot Af^nt donné par Tsetzès ( în Lycophr. vs. 6o3 ) :

H Ji AfyifêTrmt , tfo^ç toS àêùfJtiJhuç , fMTfxXifd» ÂfiouXoic APIIOI. Le nom

AfTm est certainement d'usage très-ancien ; car la légende des mé- dailles, quelques-unes d'une très -haute fabrique, est APriA, APIIA- N02 (rétrograde), ouAPHANON.

Pag* 68, 1. 4i. X4«p7?cAç.-. V7F0 A-^ufTw. Peut-être doit-on lire ivi au lieu de ôvi , selon la méthode adoptée par l'auteur ; comme aussi pag. 2 25 , 1. 35 , MTTo ui^ , au lieu de û^ro niç^v.

Pag. 69, 1. 19. On trouve ici un assez grand changement* M. Wes- termann retranche inKan^iv» ( ^ttXtuonunnv dans nos manuscrits ) , et remplace ce mot par av^U oofou. A moins que Téditeur n ait trouvé cette dernière leçon dans un manuscrit , ne pourrait-on pas lire sim- plement : uvofut 'mtXùuoiwTPV BaCuXiitoç > ^nujtç, BnKou a9Çmid7W P

Pag, 1 1 1 , 1. 9. A la marge de ïexemplaire de Huet , on lit : 10»^ *

ipd^'i'nu, i Tnt^ifaA, àuJhiVûuof XùiXxâTùp* cf i^^ XiCnrof. Sen$9â est: Ex

eo /juod templamJovis Dodonœi...., ortiun est proverbiam, Ms Dodonaum. * lUad. U, 5a 1. * Phmn, v». a&o. .

NOVEMBRE 1858. 703

In aUo Menedemonis (sic) exemplari, pro eo, â>Xài tfiinJkç mn^ùç j legitar kiCwra^ i ^linJkç noMou^» Huet a fait un nom propre de fùf i An^r. Pag. iili, 1. i8. Huet proposait : '^amç* koJ ftot fiw\m jt ^têvtvç i»if

Ibid. 1. 3o. Xécrirais Tifjim au lieu de Ti/jma, comme on lit à la marge de l'exemplaire de Huet.

Pag. 1 1 5, 1. 22. ÈJiCnaiç. Ce mot ayant pour ethnique ÉJiCnv^vç et ÉJ^ffffiùÇf doit être BACnmç^ comime dans la liste donnée pag. xx de la préface.

Pag. 1 1 8 , 1. 3g. Kaf[iK]o(4*fj,ç7Tu. Puisque ce mot est en rapport avec son prototype , je proposerais de n*y rien changer, et de lire , pag. 1 58, 1. 38 : KofiKOfjiâfJifÎTwij au lieu de KofOfUfÂ^ÎTWL.

Pag. i32, ]. i3. MvxJ^poç; ne pourrait-on pas corriger MvyJhvoç, comme pag. 171, ]. 2 5.

Pag. iSg, 1. 16. Cette épigramme, qui nous a conservé le nom du père d'Hérodote, commence ainsi dans les diiférentes éditions d'Etienne de Byzance et dans les scolies d'Aristophane ^ :

D'un autre côté on lit dans Tzetzès ^ :

et sur ce mot O^ixov une scolie qui est bien certainement de fau- teur lui-même, et dans laquelle il corrige le mot Ô^vXov en SvXw, d'après la même épigramme citée plus haut. Voici la scolie entière telle qu elle a été publiée par M. Cramer' : Sixov mtç H^Jhitç y^c^" fupcf lifiCKeùv ifxfiCeL><ov OTroitfov A7 ypiipHf* Aot/xicerq» A xtûmf ôodSç ^gJ^

ifAfjup (fort. ivttfx^ivCn'mç) y^^ofjf ouk •i^rei^fMif * pnv) yàp H^Atw

SuXùv Tvr AXtitdfveLavi^v * 077 m^^et^u '^vJhy^pû* iTreiffùiiiv A H(;Aou Mi ypipetv ckTux^f tdut^ [t£] hiryfa/jLfjMV y ou Zrfr«fr cf..«. rii^fr^ iSn tvdvrâr

'HpiJ^QY STAl'CX Kpirïï%ê nim nVi AùUtortA,

Ao^/V^C <V varrpaç ^Ktu%f t' «evo * fàç [ sic ] yàf irKurrw MéSfMf umxTpo^vyctr 0ovp<or tf^ r**r.

ix Tot/TW J^Xov 077 SuXov J\j ypoipHV xaj ùVK O^JAoc;.

^ In Nubes, ys. 33i. * GhiL I, ig. ' Anecdot gr. tom. III, pag. 35o.

70a JOURNAL DES SAVANTS.

Le paMage de Lucien ^ cité ici par Txetzès porte Ao^ev dans la plu- part dêft éditions; mais bien certainement les manuscrits dont s'est servi Tsetzès donnaient SvXov^ et plusieurs critiques, tels que Gronovius et Ursinus^, préféraient cette dernière leçon quils introduisaient smssi daps répigramme, après avoir eu entre les mains un des manuscrits de Tzetzès qui contenait ces détails. Cest probablement Tun des deux ma- nuscrits qui sont aujourd'hui à la Bibliothèque royale , et qui portent les n** a6/i& et 2750. Du reste, ces deux versions différentes de la même épigramme , rapprochées Tune de Tautre , peuvent oUrir quel- que intérêt sous le rapport historique et philologique. C'est ce qui m'a engagé à m*étendre un peu sur ce passage d'Etienne de Byzance.

Pag. 1 A3, 1. 27. Sur lexemplaire de Huet on lit : Magnum aXufuiâ ilUc viietar inesse vitium, qmd ita fartasse sanaveris : To (àv iCnf J^'o

Pag. i4A«l* i4. iJ)ftit» peut être i^Umç^ comme pag. 127,1. 10 et 2 1 ; de même, pag. 2 1 A , 1. 19, M/rMoc pour M/rM, comme pag. 1 75, 1. 2. En effet, làViECïl est la leçon des monnaies de Carie frappées par le roi Idriéus ; et cette leçon numismatique est certainement de la plus incontestable authenticité.

Pag. i55, 1. 34. Je proposerais : ip^ tZ f«Xif3ir9«r Kee/A^etroi, au lieu de la répétition zTjo'fict iitTiffOnativ,

Pag. 168, 1. 3*3. Sur l'autre exemplaire, qui contient quelques notes manuscrites d'un savant anonyme , on lit : tUp uot» y oiaSr , au lieu de vZ ùnçfifiùç. II faudrait alors laisser âmà w au lieu de i>x' ai'nSp.

Pag« 1 96 , i. 5. Huet propose : i^?^oyçj au lieu de i^iixo^pç.

Pag. 2 10, 1. 3&. UêJtiov, iuifim Aîy. M. Westermanu n'a pas répété le mot xMfm f sans doute parce que le nom resté dans les écrivains arabes dérive de Nixiec; ; c'est ce qui l'a empêché de faire la correction , comme

fjàg. 9, L iS^5 ; iy^^c^ 7ri?aç, [mXiç] Asyfiwicu ; et pag. 2 33 , 1. 23, IlniUv [troAi^], ^oXiç Kofiag. Voyez aussi les articles n«vof ndfim et UoÊiç wiXêç. Je ferai observer de plus qu'Etienne de Byzance retranche quelquefois le mot wôxtçj comme à l'article X^up^ov » qu'il écrit : Xêufiçvy voTaç Aîr

Pag. 219, 1. 6. J'aimerais mieux ÀJ^anxif, au lieu d'X/^iMOK, et pour snei*

Pag. 222 , 1, 37. Ces mots ïlanmiç ifumç t$ ^«Tomr^ sembleraient

' De Domo, 20. * Voy. les DOtes de Tédition de Lucien, par M. Lehmann , tome VIU, pag. &01 et 452.

NOVEMBRE 1838. 705

indiquer qu'on doit lire Udo^efmùç au lieu de ïla^m^ à moins que Tautenr n*entende ici par prototype le nom du fondateur : ce serait alors une eiception à la règle suivie par Etienne de Byzance,

Pag. 1&6, L I. l,tiifAfiùv Bfvrléa^êa^j peut-être Bptrl/iv? . P^. a&g, 1. II. "tîXtvziCmXùç j véxsç luplat nXfi^or. Diaprés la mé- thode adoptée par Fauteur, je soupçonne une lacune après ce déniiez mot , quoique f éditeur ne l'indique point ; voyez les articles s/pir , S^fi^) ^ictyfa, TfâfjLTTva. Peut-être doit-on lire :2tAHi«oCflXec, voTat Se/* fiac 9rA«nor [ Aapimc ] > suivant la position que lui donne Ptoléméè.

Pag. a53, l. 8. (uytKt^ «oA^r» ^ jaimerais mieux Mi>«A^i pour indiquer un liom propre.

Pag. a 58, 1. i6. SoXJ^Btfuç ng>.ùvii»fQvç ^iAA«r M«u0BfXop. Je ne com- prends pas le mot ^oftktm^ donné aussi par les éditions précédentes. Saumaise proposait vofix^'ort^u Le texte d'Etienne avec 'TroftTsAm ( comme avec 'jroftK^irr^ç ) n*offire certainement aucun sens ; il y a une lacune. Quant au nom de Maussolle , la véritable leçon est MAT2> SHAAOT, d'après Torthographe des médailles.

Pag. 262 , 1. 56. KiAixic^; peut-être doit-on lire 2ix«a/^.

Pag. 278, 1. 38. X^-o ^J^Xifc ;t^p/ou i^ Tior ifiUf ^ mnptfùif B/Aaiot $i(J>e/ «ififleavoicf iCAfjmMrm. Puis au mot'i'i/Vict, pag. 3o4» !• a5 : Âvt ^vAAif c ;^«p/oi; %U tIov TroXtv ^ ne7«fcoy B/Aoïor saAct 9r'. D y a évidemment erreur dans Tune des deux citations ; j*ai déjà concilié ces deux passages d*Etienne de Byzance, dans mes notes sur Marcien d'Héraclée, p. 106.

Pag. 288, L 22. Tpc/AuA«, etc donné par nos d^ux manuscrits ,

au lieu de TptfiiAïf , est peut-être la véritable leçon.

La table , quoique incomplète , ainsi que noua en avons averti le lecteur au commencement de cet article , nous semble faite avec le plus grand soin. Toutefois nous ferons observer qu'elle ne donne point le nom d'Anacréon cité à l'article Titêç ; nous y remarquerons encore une &usse indication dans l'article de Sophocle : AetcA^mioêç, pag. 3 1 1, 1. 2 3, lisez , AtifjLflûu^ s et une légère omission dans l'article consacré à Âsinius Quadratus , son Histoire romaine n'est point mentionnée , bistoire citée cependant par Etienne de Byzance, aux mots : XVdior, Ô^JC/oi et Sût'^i7n?a(. Au nombre des améliorations introduites dans le texte par le nouvel éditeur j'indiquerai un passage du poète Catlinus, pag. 282 , 1. 33 , faussement attribué dans les éditions précédentes à Gallimaque. Cette correction me semble très-judicieuse, parce qu'Etienne de Byzance n'aurait pas écrit 71»^ Yiai^fiMxj^ mênr^ , mais simplement ^mfà KoMi- M^Xf 9 comme on peut le voir dans tous les endroits il cite ce der-

706 JOURNAL DES SAVANTS.

nier écrivain. La restitution du nom de Gallinus a de plus l'avantage d'augmenter le nombre des sources a puisé notre géographe ^

Telles sont les observations que nous a suggérées la lecture du livre de M. Westermann. Nous pensons qu'il approuvera notre franchise , et qu'il ne trouvera point notre examen critique trop minutieux. Le texte d'Etienne de Byzance est loin d'être correct, et il exercera encore longtemps la sagacité des philologues, avant qu'il soit arrivé à sa dernière perfection. En attendant le commentaire qui doit faire suite au texte d'Etienne de Byzance , et qui ne saurait manquer d'être digne du sa- voir de l'habile éditeur, nous croyons dévoir remercier, au nom de la science , M. Westermann du grand travail qu'il vient de nous donner. La première partie a été achevée d'une manière très-honorable , et nous avons tout heu d'espérer que la fin répondra au commencement^.

E. MILLER.

' Afin d'enrichir la liste des écrivains de Tantiquité , je consignerai ici les noms de deux auteurs, Tun égyptien et Tautre babylonien, inconnus, je pense, jusqu'à

V*, un autre astrologue nommé ^A APENTINOS

n; us. n; p. lOi, i. do, o^'/t ; ns. avn; p. loi, l. aparté; us. wpcûra; p. aa4, 1. 39, Il ; lis. n ; Saumaise proposait Kai\ p. a 3 8, 1. 8, ïlAvtrtipKeu; lis. UaLVffapxùu;

P. 353 , 1. 26, ùLvnn; lis. avnion Avm ; p. 278, 1. 36, xT/rlnV; lis. xt/W; p. 3ii,

NOVEMBRE 1858. 707

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT ROYAL DE FRANCE.

M. Broussais, membre de rAcàdémie des sciences morales et politiques, est mort le ao novembre. Des discours ont été pronoiicés à ses funérailles par M. Droz , pré- sident, au nom de l'Académie; et par M. le baron Larrey, au nom des membres du conseil de santé des armées. Nous en extrairons les détails biographiques suivants :

4 L'homme dont noâs déplorons la perte prématurée laisse un nom qui , depuis' trente ans , retentit en Europe, et qui ne périra jamais. avec de rares talents, que secondait un caractère capable de vaincre tous les obstacles, M. Broussais a vécu au milieu des discussions soulevées par la hardiesse de ses vues ; et le nombre de ses antagonistes, autant que celui de ses enthousiastes, constate sa renommée. . . n était dans la destinée de M. Broussais d'avoir k lutter sans cesse contre de grandes difficultés. C'est au milieu des camps , lorsqu'il avait une vie toute de fetigues, de privations et de dangers , qu*il sut trouver le temps de se livrer aux méditations qui devaient bientôt donner un si grand éclat à son notn .... M. Broussais, professeur à la Faculté, membre de l'Institut et de l'Académie de médecine, commandeur de Tordre royal de la légion d'honneur , naquit à Saint-Malo eu 177). Après avoir reçu une excellente éducation , sous les yeux de'son père, chirurgien dbtingoé de cette ville , et après avoir servi quelque mois comme volontaire dans les amiées de la république, il étudia la médecine et particulièrement l'anatomie, sous les auspices de deux hommes célèbres , Duret et Billard, officiers de santé en chef de la marine au port de Brest. Ses progrès furent rapides. Nommé successivement chirurgien de 3* classe et de a* classe , u fut embarqué, en cette dernière qualité, sur un des vais- seaux de l'État. De retour en 1 800, il se rendit à-Paris , il entendit les leçons des grands médecins et chirui^ens de cette époque , tels que Pinel , G)rvisart , Halle , oabatier, Desault et Bichat. En 180& il fut nommé médecin militaire, et ût plusieurs campagnes en Belgique , en HoUiande et en Allemagne, c Nous l'avons vu , a dit M. Làrrey , prodiguer ses soins , après la tûémdraide bataille d'Austeriilz , aux ma- lades frappés d'une épidémie meurtrière (le typhus nosoconrial) qui se déclara prin- cipalement parmi les prisonniers russes et autricidens. M. Broussaîé fiit ensuite en- voyé en Italie, et chargé de la direction médkale des hôpitaux d*Udine. C'est qu'il recueiHttles matériaux du plus célèbre' db ses ouvrages t^FHistoii^ des phleg- masies chroniques. En i6og M. Brotissals' fàt etivoyé comme médecin principfd . aux armées d'Espagne. B fut nommé en iSiil second professeur de Thàpitid dms- tructîon du Val-de-Grftce ; et, en 1830, médecin en chef du même hôpital, parla démission de M. le baron Desgenettes ; c'est dans ces doubles fonctions qtie sa di- ni<{ue acquit tant d'importance , ^t attira la foule des élèves de Fécole et des hô- pitaux de Paris. M. BfouSsaié, après avoir Slùstré renseignement pendant longues années , fut appelé, en r836 , à faire pVtie du conseH supérieur de santé. D était membre de l'Académie royale mé<lécine' depuis 182 3 , prbfesseur de palliolofi;ie générde à la. Faculté depuis 18S1 , et inembre l'Acadénâe des sciences moraes et politiques , Ofi sés' travaux sur la métaphysique l'avaient &it admettre à Tépoque du rétablissement de cette Académie , en i832. '

88

70» JOURNAL D8&«JjLV)/Vt^TS.

ACADEMIES ÉTRANGÈRES.

«lu Clic aYaib uv3ca cw i vo«j:-« ju ^^^qncx^i^ «yqMasivucyuu' i4(^9<44U«9iLriiuu«

sur les institutions municipales en Italie depuis ia chute âe Tempire

jusquà lafiA jd6 la domidation <i9 la maison d^.S0UAbe,(Hpb€»sjtAubD) ( de 676 à ia&'/l)> L'^adécnie désire spécialement,: Qu*«près avoir Ait un réftqoié /des der- rières iastiiuiiocis Aiuaiçipales 4e Home, on distingua les chongement» <)iù se «ûi«t succédé dans les àiy^9e$ ÀaIs de VJtf^i^o^is Jes jQoths^ «oias las Gi»cs. spw.b^ IiQOtbardfht soia^ las Cadovii^aik, pend^l. la:péEiQ^ pàlep ppf¥m iU^Â^M .(fran- çais etialiemands sadisputèrwl Vauiorité» eftten&o seusins'empevf^rsetlQ» roisides de<»c mmonB Fraii&oai4 et 4e âooabe, Quapt à 3a ^uesIjiQn de ia diestovc^Qn plus'ou 4|ioins<c<Nnpièkedes>i«stitiitifins. ropiaioes, on devra examiner i?fi Ofûojpns oui oftt éié émifies » dans l*un «ou Vautne aen3 . ipar les «ÇRii^ues , et notamment par $ig(MPiiA, Fumfigalii, Lupi, SÎMOndi, Muralx^dt âa^gpiy, Léo et iPagnojç^eeUi. Leis omiGurpeaU devcy^if^fi^uyer leur difpiissiop ^ Mla^it que :pqs6U)le, sur des dÀplôines io^énau)(>et autK»vohAD(es potrtaut cpnoessi^» ae droite imunidipasx., ou établissait que cerlaiuesv villes ont joui de ces .droits|;.âan9 en avoir o]>tenu;Ja.oa<tqes^c)si. lie ppûx. fiOra um m^Mh >a*pr d^ la; ;vf4e|»ryçte ^% ^nis ,livr4s. Les ménMMres « écrits en italien , ea'irançaifi ou en')titiii«'devrpnt être adfesaéa i^ TAjcadomie uvanilafin de décembre iiSÂg* Is jiigevàent aec^ prononcé dans ieprender J^imeatred^ IVik- née j&ào*

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, l,e Livre des Hoisy par Aboulkasiiia FirdousL,j|iblié, traduit .«t ^mxneniê.par M.,Jules MpU, tpo:)^ I..fanpi|iœeriero](ale,'iS38., ii\-iM« de xGii.e|t56g pagc^.. . jCe yduiDe. iai.t ^partie ,dç . 1^ .cqU&^ïx < oneaLale, qpi » ité ^ pomm^npée , en ! iâS 7 , par'laJbf8Uqr#ljiion.4jQ'VHi^»We,,des,^ de i^ tew^ipiil^liçpipar a|. Q^alra- ,<QèBe. JL.a pqp^lani^ji^am^^eifflopit Ji^^^jen Qriçnf>ïciLji?^e^fRQis a. nftept,i depuis ioqgtemps<fi^.Çm)pe,^(jl^xu]^ ^^^ ^aduQtÎPm^adiffiérfsi^tes

llaqgjues mentirent rdn;fpres»emeat ((gt^eJes^s^v^fit^Ade to^s Ips pa]^ .qot.mis a s-pfi .ojcc^per. Lejiyre.^es, fiU>Û4,ç\utr^ son piérile.,çpw>ne,.cefvre pôét^e, .est .*d*,^n ^4tnd ii>tèré;t[pQur,jLa soient sous deux «irÇppqrliPp jd'abjord.ji^axçe ^e ç'e^t un/e éfo- pée.BaMionâle.i.iqvi Goiunit d^ dpf»ées îfidiiypf^i7^»fdj^ ^.^^^oîvp 4^ .la p^ie épioue,, «ij^^vii * .ajÇ8;j^ i^nf^ gjr^e fifnjf»f;t^ce,4^ qqei w.^ iCpmPooipé.a

>éi^ierleig^pie.4^<?ei:^^/4^P9;^^ prodjuctfços pipimtiYeq^i^nsuitp [parce. ^^ il ^iiHntifi.cécifl le.){4\^j'çoii|ipl/ç^queîeafpriei^a;^\.n(^^ ^^J'ancieny^

4ii«)pi|ie,4fe Jb ?««»?'4J S; agit.dQnç:dc^ déiJèmiiiiàBI^à:^fl\^à|i^ l-WJgW f tkoajtur/9(4w irfi4Uion^^q>^' ooua FowpM Iç/I^vf^ des Bq^ ,< de IV^V^ i^^' r4f i^^IPPur Tfaistw^ 4mcimfi€i, i4v %M fi«f^ 9<f ^I^:.^&;«9 pr;é£eLçe de la pD9p^èi|e,4ç pe^ §iA?a(i(»i^ e^ donnant une esquisse de Thistoire dqs tfàditions^tf4e.lajpaési9.^pi/i|i^ ea.P^rat^

710 JOURNAL DES SAVANTS.

du xiii* siècle , avec une table chronologique des chartes et des personnes, et une table alphabétique des noms de pays et de lieux; de M. Benjamin Guèrard sur le manuscrit de la Bibliothèque du roi coté 46aé A (recueil de pièces); de feu M. Raynonard sur Fïamenàa, poème provençal, manuscrit de la bibliothèque de Carcassonne , n* 68 ; un Lexique de synonymes grecs , publié d*après un manus- crit de la Bibliothhèque royale, par M. Boissonade; une notice de M. Jules Berger de Xivrey sur la plupart des manuscrits grecs, latins, et en vieux français, contenant Thistoire fabuleuse d'Alexandre le Grand, connue sous le nom de Ptoudo- Callisthènes , suivie de plusieurs extraits de ces manuscrits; enfin, le volume doit ôtre complété par une notice de MM. Bochoii et Tasta sur un atlas en langue cata- lane de 1 an iSyA» conservé parmi les manuscrits de la Bibliothèque du roi. Cette dernière notice ne pourra être publiée qu'après le i*' janvier iSSg.

Discours philoeophiques d'Épictète recueillis par Arrien, et traduits du grec en fran- çais par A. P. Thurot. Paris; imprimé par autorisation du Roi, à l'Imprimerie royale, i838, xxni et 490 pages in-8*; se trouve chei L. Hachette, libraire de iTJni- versité. Il n'existait qu'une seule traduction française des discours d'Épictète , celle de Jean Goulu , général des Feuillants, publiée il y a plus de deux cents ans (Paris, 1 63o , in- 1 a ) , faite sur un texte inexact , et fort peu intelligible^ M. A. P. Thurot a bien mérité des amis de la science philosophique en dormant une nouvelle version de cet ouvrage d' Arrien , précieux monument de l'état de la philosophie stoïcienne dans le 11* siècle de notre ère, et l'un des restes de l'antiquité qui nous font le mieux connaître la morale du Portique. Le texte grec, que M. Thim>t n'a pas cru devoir joindre à sa traduction, a eu un grand nombre d éditions, dont les meilleures sont celles de Schweighœuser (Leipsick, 1799 ^ ^^^* îû-8') et de M. Goray (Paris, Eber- hart, 1827', in*8').

Biographie dcf M. l'amiral comte Truguet, pair et maréchal de France , par M. de Norvins. (Extrait des Annales maritimes.] Paris , Imprimerie royale , novembre i838, in-8' de 34 pages.

Tableau général du commerce de la France avec ses colonies et les puissances étrangères pendant l'année 1837. Paris, Imprimerie royale, novembre i838, in- fol. de xxxu et 58a pages.

Lettre sur l'histoire des Arabes avant l'Islamisme, de l'époque du petit Zobbà, du siège de Médîne et de Tintroduction du judaïsme dans l'Yaman ; par M. Perron , D. M. P. Paris, Imprimerie royale, i838; 67 pages in-8*, avec un tableau. [Extr, du Joum. asiat. 3* série.)

Grammaire égyptienne, ou principes généraux de l'écriture sacrée égyptienne appliquée è k représentation de la langue parlée , par GhampoUion le jeune ; publiée sur le manuscrit autographe par l'ordre de M. Guûeot, ministre de Tinstruc-* lion publique, deuxième partie. Paris, typographie de Firmia Didot frères; i838, pages a45 à 46o, petit in-folio. Cette deuxième partie contient 1a fin du chapitre ix, traitant des signes numériques: le chapitre x, des pronoms; le chapitre xi, des adjectifs; le, chapitre xii, des verbes etde la conjugaison; le. chapitre xiii, des particules. L'exécution typographique et lithographique de cet ouvrage important nous parait s'améliorer encore k mesure qu^il avance vers sa fin. L'éditeur, M. Gham- poUion Figeac ,' annonce qu'il sera terminé dans quelques mois , et suii^ du glossaire de tous les Mgnes et groupes employés comme exemples dans largrammaire, avec leur interprétation. , .

Cours Je rhiftoire d^ hphitosffhie m^mle, professé en Ï819 à la faculté des letlreK

NOVEMBRE 1858. 711

de TAcadémie de Paris , par V. Cousin ; première partie, école sensualiste, publiée par M. Vacherot, agrégé de philosophie, docteur ès-lettres. Pans, imprimme de Grapelet, librairie de Ladrange , iSSg ( i838) ; in-8* de xi et 35& pages. Cet ouvrage coniient dix leçons de M. Cousin sur Locke, Helvétius /Saint-Lambert et Hobb^. L'éditeur y a joint .une introduction il rend compte de la nature de son travail , et résume la doctrine renfermée dans les leçons du savant professeur de la Sorbonne. «Dans un cours qui comprenait les années 181 g et i8ao, M. Cousin conçut et réa- lisa un vaste plan. Toute la philosophie morale du dernier siècle se résume en trois grandes doctrines, savoir : le sensualisme d*Helvétius et de Saint-Lambert, le spi- ritualisme timide de Técole écossaise, le spiritualisme absolu de Técole allemande. Cest de ces trois doctrines que M. Cousin entreprit Thistoii'e et la critique. Le volume que nous publions ne traite que des systèmes moraux de la philosophie française; il comprend aussi Tanalyse et l'appréciation des doctrines morales et politiques de Hobbes , le plus rigoureux publiciste de Técole de la sensation. » ( Introduction, )

Études philosùphiques» par M. C. Mallet, ancien élève deTckx^ normale , docteur ès-lettres, agrégé des classes supérieures des letties et de philosophie. Imprimerie de Prudhomme, à Grenoble, et de Baudry, à Rouen. Paris, Maire-Nyon, i836- i838 ; 3i& et vi«a70 pages in-8*. Le premier volume de cet ouvrage traite des ma- tières suivantes : Du caractère actuel de la philosophie en France; de la parole dans ses rapports avec la pensée; du raisonnement; delà volonté, de ses caractères et de ses rapports avec la sensibilité et rintelligence ; école ionienne ; Epicure. Deuxième volume : De la certitude et du scepticisme ; des signes et de leur relation avec la pensée ; du fondement de la morale ; de Tobjet de la philosophie et des médiodes philosophiques; Protagoras; Pyrrhon. Les chapitres consacrés à Epicure, à Prota- goras et à Pyrrhon mentent d'être particulièrement distingués.

Coûts de littérature allemande, professé à la faculté des lettres de Paris par M. Eichhoff, docteur ès-lettres de l'Académie de Paris, 1 836-1 837, semestre d hi- ver. Paris , imprimerie de Mocquet et compagnie , librairie de G. Ange et compagnie , i838, in-8* de 3a a pages. Ce volume comprend les vingt-six premières leçons do cours de M. Eichhoff, qui ont pour objet la littérature allemande depuis le vin* siècle jusqu'à la fin du xiii*.

Commentaire historique et chronologique sur les éphémérides intitulées : Diumaîi di messer Matteo di Gîovenazxo, par H. D. de Luynes, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Paris, typographie et librairie de Firmin Didot frères, i83g ^i838), Lixeta37 pages in-d*. La chronique connue sous le nom deDiumali , et attribuée à Matteo Spinello di Giovenazzo, donne d'importants détails sur les événements qui se passèrent dans le royaume de Naples depuis les dernières années de Frédéric II jusqu'au règne de Charies d'Anjou ( iad9-ia68). Ce document, im- primé |rfusieurs fois, présente, dans tous les manuscrits, des difficultés de chro- nologie dont les savant» n'avaient pas encore' trouvé la sdution. M. de Luynes, en reproduisant le texte des Diumali d'après un manuscrit de laBiUiothèque royale, l'accompagne d'une introduction et d'un commentaire il discute avec beaucoup d'érudition différents points de chronologie et d'histoire, et fixe, d'après de savantes recherches, la date vraie ou probable de la plupart des événements racontés parle chroniqueur. Nous consacrerons bientôt un article à l'examen de cet ouvrage.

Mémoires et dissertations sur les antiquités natiom^s et étrangères, publiés par la socyiété royale des antiquaires de France, nouvelle série, tome IV. Paris, de l'impri- merie de Duverger, au secrétariat de la société, rue Taranne, la, i838, in-8* de

1 iS JOUIWAL »BS' SAVANTS.

cmii «I 9^ l^gesv «^ lO i^ttttéhé^. Ce Vôltfttfè coi(iittëbeé']Hi<i â^it t^p^îs sctr les »amUK dé'la société pendant l«ê^ atinéé>»- iS3^ éi 1CIS7, j^ttT MM. clef lÀaffoû^ et Beattiiéa , stiivîê d «oe n'oïfce néért)l6gîq4ie ëttP M. E.-H. Ldoglôfe de Kouén , pai' M. Giflierl. Vîénnérit èttsuité itiétooires, ndtîtes du dissei*talion5'pftarttoile9quds on ]{>»eut citer u<i j^upplénSem rtu téeit, fitft par Chorier; des! dé*M*és <|ui accom- ptfgnètéttt en i56» Fôtclipafton âé Orenotlé paf Ui pyotéSfantiJ , paf Hâ. BffftaU samt'Frw: une note, trop peu dévdepjiée, sur'les'dîéwjt enipèeerf ttttyîagefe ttsité^ chez leè Romains? et che» lei Francs , par M. L. èft Mdsld&ief: ufi fwfeièwtf artîdé de M. ÂUom, swles fA-méS et rfrmùres aWtfioyetf âgié, et uti t^pOrtdW ISf. Depping SÛT le tome I des charlfés feisaùt partie la coHeedon historique puWîée à Turin psbC ordve dtf de Sai»daighe. Le volurte ew terminé par U listé des^ itittnbfcs dè^hi so- ciété evi décèinbnè» 1 83S.

AÂalectes historiques, ou documents inédits pônif servir âl*lîist6iré des faits ^ des mœui^â et de littérature, recueillis et annotés par le docteur Le (îlay. De Timpri- a¥érie de Ùariel, à'Lille. Parîs, Téchener. ^838. In-ë* de 268 pa'gfe!^, avec quatre faé'SiMilê. tes pi^es ptdîHées da-as ce recueil sont extraites des richei»^ archives dii dépMeiAent du Nord, plàcéëà\ comme on le sait', sous direction- de M. Le Glay. Ces documents sont divisés eA trois catégories : Itistoire liftétairé^ Histoire ékrmœarls, Hiê^if^ ckilé. La première partie renferme tingt-cîûq documents des années i&i i à i^Qî'v pTirhû fesquels on peut citer une lettré de Jean Lemaîre, historiographe de Bolirgôgoe^ à rarchidtichessé irfarguerite , et quelques ettraits de la éorrespondanée de Gtiiilefroy, archiviste de la chÉttnbre des" éÉtaiptes de Lille, avce Secousse, Cârpen- tîéfr, Foppen» et Brfquigtty. La secondé catégorie contient neuf*titres^de 1 a 3o à i Aôj , concernant priiicipi&lément les dueié judickh-e^, les droits d'ârsrfn et d'abkttis de mai- sons usités en Flandre, et ttùe rioticë de Tédîteur sur le royaume des Estimauit , ddilg châldléniè de Lille.- Ekifitl , dans'la trobième catégorie, on IroBve as pièces de i356 à 161 fr, dont ÀoélqucB-itties ne sont pas sans intérêt pour Thiatoire âû XTi* mède« Moss^ quel 4fX9 soit le mérite ce» Analectes, nom espérons que M* Le Glay tronvera, dairt le grand dépôt qui hri eat eonfié, matêètfe à des publications plue importnates ci phis instructives ético^ë. Noas^ souhaitons surtout qu*il puisse mettre bientôt à exécution le projet qu*il a conçu de faire imprismer Texcellent in-* ventaire analytique des titres do la chambre des compiles de L^le» par Gpdefroy.

Relation deè Mongoh oa Tartaresj par le frère Jean Du I^aa de Carpîn « de Tordre des frères mineurs, légal Saint-Siége apostolique > nonce en Tartarie* pendant les années ia4l5, is^B, ta/l7> et ercbevéqne d*Antivari : première édition complète, pubKée d après les manuscrits de Leyde, de Paris et de Londres, etc^, par M. d'Ave- zac. Paris, imprimerie de Bourgogne et Martinet t tifarairies d'Arthus^rtrand et de Doàdey^Dnpvé ; i83Bt în'4* de 39a pages, avec une cairte^ Gèt oavtBge, dont nt>us noué propeèohs de rendre compte^ a été imprilné aux irais de la société de géographie de Pari^, et fall partie de seii Hecoeil de voyages et mémoires.

Essai séJi^ les Cctberhês à ossèlhents, et sur les causes qui les y ont accumulés ; par Marcel de SeH*es , eonseilléf et professeur de tninéràlogie et de géologie à h faculté des ^èiènées Mètitpelliér, ete. Troisième édition , rerue et considéraUement aug- ihenlée. De Timprimerie de O. Rossary, à Lyon. Paris, J. Baillière; i838. In 8* de XVI et Ai^ pèrges.

Ètadei^ irt^ FOri^rriè âé k LànffUètt ete Romtàdès espajnàl^, ptûp E. RôsseuAV-Saint- Hflaire. Parift, iinprirherie de Guiràudet et Jouaust ; 18S8; 33 pages in-4* (thè^é poiirle dCK^ôrat).

ifh Vnyif^yei^JSIfirnçfi. J^^n4'ouY;WlHiîBi4uçqym de poésie l<>ti«c à,}^;BliQW}té

gelorum ; opus EmanueHs Swedenborg. Ed. IV. J. F. J. Tafel. ,Vq). .loVl* Tl^Milgfe . 1^38. ,^|i-:CuUeab,eij;,4P-8!. Xje.D'. Xeifc]l,,-pi^inQleur^l^ idfl» 4ctctrwGa \d^ Swe- 4w]bQi^, ,fi,fifttrepds,ii^ I9U .ttqe éditiop ep iWp, fit |ipe^whe,?fi 4l€»B^4.»,fle» écrits du visionnaire suédois. Les six premiers volumes contiennent. ile.ç.Qpa|;nf^ taive delà Genèse, et de r&ode. A la un du 9ixièii^e içplume on trouve upe.coprte notice luojgrapbîdijyeM^r .SWèdeiiborg/écri par lui-^épiQ. li^'I^.'TàTél a pùbUéep même temps un écrit ap61ogé(iqîie sous le titre sdivant : Swedenborg uni seine ge- gner, etc. Swedenborg et ses antagonistes, ou Examen des doctrines de Swedenborg. Tubingue, i838. In-8".

Ueher die Masik der neuereîi GHechen, etc. De la musique des Grecd modernes, avec des Réflexions sur la pausique des ancieps Égyptiens et Grecs ; par R. G. Kjese- wetter. teipsiçk , Î8.S8 . iQ-A* , avec;8 jJlap^es.

' Nfifle^ Jaakmérke àtu'Màneheri.. UQuyeAUTL Qviyragés d^ pej^ntpre^^ç ^Mupich , oj* choix ,9e 48 tijiléaii^ .i\ôuveaux des prindpaiix artistes de MtiPiéli, '.U^bogrjBipbiéft par Pr. H<Jhe , «et autres ; avec une introduction traitant 'des pnS^s' de' ^a^ntufe moderne à Munich , et des notices biographiques sur les artistes. Mufiièh , i^8S8, in- -fol. ,^hier:'I.X>ecahîer«oiilient»lr6i9j[^1andh<^: )fr4ète tte KempieFelii^fVédéric éar- •bercrnsse à'Mftyence,'par J. Sèhnerr; -le retour d'une 'fomi&e ^d'Athènes «daiiBtfes foyers après la guerre , par P. Hess ; une vue de Sicyone , de^Çe^inthe et dèl-lsthme, par Rottmann.

Beschreibung der Stadt Rom. Description ^-la ville de Rome; par Hatner, Bunsen, Gerhard, Rœstell et Ulrichs. Vol. 111, contenant les Sept-Collines , le mont Pincio , le Ghamp-de-Mars , et Transtevère. a* section. Stuttgart, i838, in-8\ avec trois planches. <Eià pr^mîère^see^on «lu'lroîéièbie' volume Ue ee'^^aéd ocmiage, auquel, ont coopéré pltrflettrt sécants archéologues, coMieiit la;ré^ta]g|râtioB-(*6mplèt3e du Forum de Rome:'Bàh^ la seconde ée<dtion oh troiive décrites les 'belles construc- tions de Jules César, d'Auguste , de Domitien , de Nerva et de Trajan.

SUÈDE.

De nummis Gothlandicis disseiiaiiè,^'f^jMckf préside mag. J. H. Schroeder, p. p. auct. G. J. Bergmai^. Upsal. 1837; 16 paees in-8*, avec une planche qui repi^ selîte plusieurs' mônà(dès'4hédities du flkôyen %e, ptWénànt de file suédoise de Gùlhland, partic«(Sèi^ÀieÀt delà VUe de'Wîs9y<'ttoill'% po)^t ^tt^lin d^ phts cdttiraerçantsde la Baltique. < '>.>itT : ;.i ;i -

"Descrizione del frititti viûggio fatto a Rbma dalla rêgiha di Sdezia,' Cristina-Mu' ria, etc. Description du premier voyage l^siità Rome par la reine de Suède, Chris-

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714 JOURNAL DES SAVANTS.

tine*Marie, convertie k la religion cathoUque, etc. ; ouvrage inédit du père Sfona Pallavicino, publié d'après un manuscrit de la bîbliotibèque Albani. Rome, Sa!- viuoci, i838. In-8° de 1 18 pages. Cet ouvrage est accompagné de notes de Tabbé Tito Gcconi , éditeur.

Notizie hiografiche e htterarie él^li scrittori JêgU stati Estenti, Notices biogra- phiques et littéraires sur les écrivains des Etats de la maison d^Este. Reggio, i833- i838 ; 5 vol. in-A*. Cet ouvrage est annoncé comme étant la suite et le ccnn^ément de cdui que Tiraboschi a^ publié en 1781 , sous le titre de BAhotheca Modenete. Modène, 6 vol. in•A^

Del Petrarca e dette sue opère. De Pétrarque et de ses œuvres ; par Baldelli. Se- conde édition. Florence , i838 ; a vol. in-8*. Cette seconde édition contient des addi- tions notables.

SvUabttS mascorum, etc. Tableau des mousses connues Jusqu^ici en Italie et dans les iies voisines ; par M. J. de Notaris , médecin. Turin, io38 ; 33 1 pages in-8^

ANGLETERRE.

Carioàties rf literature» by /. étisraeli, Ulastrated, etc. Les curiosités de la lit- térature, de dlsraeli, illustrées par Bolton Corney. Seconde édition. Londres, R. Bentley, i838. In-8*, de xi et a56 pages. Ce livre est une vive critique des Curio- sités de la littérature , recueil d*anecdotes et de remarques biUiograpniques fort ré- pandu en Angleterre.

A statiitical account of ike BritUh empire. Tableau statistique de l'empire britan- nique; par J. R. Mac-Culloch. a* édition, i**, a* et 3* parties. Londres, Knight, i838. In-8' de 733 pages.

Nota. On peut s^adreaser à la librairie de M. Lbvradlt, k Paris, rue de la Harot, a* 81; et à Strasbourg, rue des Juifs, pour se procurer les divers ouvrages annoncés dans le Journal des Savants. Il faut a£Granchir les lettres et le prix présumé des ouvrages.

TABLE.

Recherches sur Thistoire naturdle du genre humain ( article de M* Floorens ) . . ' Page 65 1

Eseai sur la circulation du sang» par M. Marshall ( article de. M. Floorens )•••.. 667

Des journaux chex les Romains ( 3* article de M. Naudet )...•« b * é^ »•••.•• . 664

Traité de la dignité , et autres écrits médits de Tor^uato Tasso ( art. de M. Lîbri ) . 680

Nouvelle édition d*Étieane de Byiance (artide de M. Miller) 689

Nouvelles littéraires , ,...,., 707

PIN DE LA TAQLE.

JOURNAL

DES SAVANTS

DÉCEMBRE 1838.

Db L'INFLUENCE dcs circonstances politiques et morales sur la litté- rature, et particulièrement sur la poésie chez les Romains, depuis Auguste.

Un grand homme a dît qu'il fallait éclairer les lois par Thistoire , et l'histoire par les lois^. N'est-il pas vrai aussi de dire que la littéra- ture et l'histoire se prêtent des lumières mutuelles ? La poésie , chex tous les peuples , est une partie considérable de leur civilisation , un des traits les plus saillants de leur physionomie morale. On connaîtra mieux les Romains après avoir lu leurs poètes -, on ne pourra bien apprécier leurs poètes que si l'on connaît la condition politique et l'état social de Rome.

D y a des circonstances particulières qui déterminent la vocation de chaque auteur et qui règlent la destinée de ses ouvrages; c'est un sujet de notices biographiq[ues. Il y a des circonstances générales qui donnent le ton et la coideur à tous les écrits d'une époque ; c'est un objet d'ob- servations du genre de celles qui vont se produire ici relativement à l'âge de décadence de la poésie latine.

Sans entrer dans aucune discussion littéraire, je crois pouvoir avan- **cer, comme une vérité généralement reconnue , que la littérature la-

^ Montes^ Espr. des Lois.

89

716 JOURNAL DES SAVANTS.

line , principalement la poésie à cette époque , est marquée par tous les genres d'affectation , une recherche puérile de jeux d'esprit et d'ar- tifices de paroles, un luxe fastidieux d'ornements superflus et de faux brillants, un grandiose gigantesque la déclamation se donne pour de l'éloquence et l'enflure pour de la sublimité ; un pathétique outré , qui choisit dans les objets de terreur les détails les plus aflreux , et se complaît à les accumuler jusqu'à ce qu'on arrive au dégoût par l'excès d'horreur, ou au ridicule par l'iavraisemblance ; enfin , tous les dérègle- ments d'une imagination ambitieuse , qui , selon l'expression de Mon- taigne , s'abat par l'extravagance de sa force.

Tel est levait que tous les critiques ont constaté. Tout en reconnais- sant les causes accidentelles , individuelles , comme les inspirations propres et la tournure d'esprit de certains auteurs , ainsi que la puis- saiice de leur exemple sur la foule , il est impossible de ne pas aper- cevoir des causes externes et communes, à l'action desquelles ces hommes , qui servaient de modèles à tous les autres , étaient soumis eux-mêmes.

Sans doute ce fut un événement d'une grave conséquence , que l'ar- rivée de la famille des Sénèque à Rome ; ce n'était rien moins que l'invasion du génie espagnol avec sa vigueur native, mais avec ses défauts. De leur école sortirent et Lucain, et Florus, et Juvénal; elle imprima sa direction à Stace, l'élève des muses grecques de Naples , et à Silius, admirateur passionné de Tite-Live.

Mais fous ces écrivains , et les deux I^ine , et Tacite lui-même , cette grande exception d'une originalité puissante, reçurent plus ou moins l'empreinte du siède ils' vécurent.

Essayons de noos y traasporteri avec eux.

SI.-— lafluence du gouvétnement «t des emperetirs.

Souvent i«s princes dont le règne fut signalé par les succès les plus édaStants eurent à regretter d'avoir trop prolongé leur carrière; etf au lieu de s'ensevelir daAs la gloire et la prospérité, ils finirent en- veloppés d'alai^mes et de chagrins, après avoir vu tout ce qui faisait l'espoir de Leur maison et l'illustraticm de leur empire tomber succes- sivement autom* d'eux. Ainsi Auguste/ sous la main de Livie, et en- touré des funérailles de ses petits-fils, descendait au tombeau*

H sdrvéôut i ces brillants géiiies dont les productions lui avaient** acquis l'honneur de nommer de son nom un siècle qui devait être une des époques les plus mémorables dans l'histoire de i'esprit humain , et

J)ÉCEMBRE 1858. 717

de ces chantres hannonieux il ne resta plus après lui que la voix plaintive d'Ovide , faisant retentir du fond de Texil jusqu'à Rome les accents de sa tristesse, et près de s'éteindre en gémissant. Mais. tout ne périssait point avec la génération qui passait. Elle avait légué aux races futures des traditions et des exemples. 11 existait des établisse- ments littéraires, des institutions encourageantes. Plusieurs biblio- thèques , amassées non sans beaucoup de soin et de dépenses, offraient les modèles du goût et les trésors de L'esprit. Des récompenses et des honneurs excitaient une vive émulation. Les écrivains aspiraient à placer dans le temple du mont Palatin leurs œuvres et leur image ; c'était le panthéon de la poésie, objet d'une heureuse ambition, quoique l'intrigue y eût fait entrer quelquefois de faux dieux ^

Je sais qu'une philosophie sévère, ennemie des préjugés, ne veut point qu'on attribue aveuglément à un homme le bonheur des circons- tances, et le concours des talents qui peut-être fleurirent spontanément autour de lui, et furent ses contemporains, et non ses créatures; mais- n'est-ce point pécher par un excès contraire, que de nier absolument l'influence des gouvernements et des gouvernants sur la littérature ? Qu'on ne reconnaisse point en eux la puissance de créer, on ne contes- tera pas du moins qu'ils aient la force de gêner ou de détruire. La na- ture jette en tout temps dans le monde intellectuel, comme dans le monde physique, des germes qui ne demandent qu'à se développer et à fructifier. Si une main prudente et active s'applique à les attirer en un centre vivifiant, leur fécondité sera en quelque sorte son ouvrage. Une coupable négligence pouvait les laisser mourir dispersés ; une cruauté jalouse et ombrageuse les aurait étouffas au moment d'éclore.

Comparez les règnes d'Auguste et de Tibère; les faits parlent d'eux-mêmes. Sans doute la postérité n'a point absous l'heureux Au- guste des crimes du sanguinaire Octave; et Tonne disconviendra point qu'en tout ce qui pouvait toucher les prérogatives de l'empire et l'au- torité de Tadministration il ne possédât, il n'exerçât un pouvoir des- potique; mais il affectait la simplicité des formes républicaines > que tempérait une aimable urbanité. Si^ selon la maxime d^un philosophe , l'hypocrisie est un hommage rendu par le méchant à la vertu , les ma- nières douces et civiles d'un maître nouveau sont un tribut qu'il paye aux ressouvenirs de liberté. Auguste voulut captiver par une illusion séduisante les Romains éblouis. C'en était assez pour l'inspiration des poètes , qui ne pénétraient pas dans les ressorts secrets de la machine

* Beatut Fantifus^elc. Horat. Sot, i, A, ai.

89.

718 JOURNAL DES SAVANTS.

politique , et se contentaient de l'opulence paisible de Rome et de la facilité apparente du gouvernement.

Horace vivait dans le commerce intime et familier du prince. Le prince recherchait et courtisait Virgile. Il faisait plus que les protéger et leur prodiguer ses grâces et ses bienfaits ^ il leur laissait à leur gré l'indépendance de la retraite. Dans le palais du fils de Jules César, Tite-Live était impunément pompéien; la première des bibliothè- ques publiques venait occuper le vestibule du temple de la Liberté ^ ; et peut-être l'idée de TEnéide, véritable apothéose des antiquités de Rome , fut-elle conçue dans le même temps qu'Auguste relevait la sta- tue de Pompée , et consacrait dans le double portique de son forum les images de tous les héros qui avaient illustré la république '.

Mais quand le peuple romain eut changé de maître , une tristesse si- lencieuse, une sombre terreur remplirent, environnèrent la demeure impériale, qui ne s'ouvrit qu'aux serviteurs de Livie, aux favoris de Séjan. Pour quelques vers indiscrets, Elius Saturninus est précipité du Capitole ^, et Sextus Paconianus étranglé en prison *. M. Scaurus , accusé d'avoir voulu dénigrer l'empereur Tibère , dans sa tragédie d'A- gamemnon, faite du vivant de l'empereur Auguste, subit la peine ca- pitale * , et l'historien Crémutius Gordus se laisse mourir de faim pour échapper au supplice. Quel fut son crime ? D'avoir appelé Brutus et Cassius les derniers des Romains ''. C'était le règne des délateurs. Les Muses n'avaient plus d'autels, plus de foyers, plus d'asile. Si le tyran laissait quelquefois amuser ses loisirs par les distractions de la littéra- ture , il semblait ne s'en occuper que pour la pervertir. Des érudits futils et pointilleux étaient les seuls gens de lettres qu'il affectionnât ; et il les assemblait pour lehr proposer de ces questions : a Quelle avait été la mère d'Hécube? Quel nom de fille avait porté Achille pendant son déguisement ? Quels étaient les sujets des chansons des sirènes^?»

Ce n'était pas ce qu'Auguste demandait à l'auteur des Odes et des Épitres et au chantre d'Énée. Tel n'était pas son goût dans les arts de l'esprit.

Les particularités propres à faire connaître le caractère de ces hommes qui ont agi sur les destinées des nations ne paraissent point des détails oiseux de l'histoire ; et le curieux Suétone est , sous ce point de vue , intéressant à étudier. C'est lui qui nous apprend qu'Auguste ai-

* HoratiivitiiapadSaetoniam.ïloT9X. Ep, i, 7, 34. * Ovid. Trist m, 1, 71; Suet in Aag. ag; Plin. Hitt nat. vu, 3o. ' Suet in Aug. 3i. * Dîo, tvii, aa. Tac. Ann. yi, Sg. * Ihii. g. ' Ihid, iv, 34. * Suet. in Tih, 70.

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mail le style élégant et simple , qu'il fuyait le clinquant des pensées ex- travagantes, et rafiectation de ces vieux mots qui» selon son expression, sentaient le rance. 8on plus grand soin était d'énoncer le plus clairement possible SCS idées. ... Il blâmait également deux excès opposés, la manie du vieux langage et rafieterie d'un néologisme précieux. Il ne pouvait souflrir qu'on écrivît plutôt pour étonner que pour être en- tendu. Souvent il critiquait son cher Mécène; il le persécutait même au sujet de ce qu'il appelait sa frisure parfumée , et il contrefaisait les défauts de son style pour les tourner en ridicule. Il reprochait à Tibère son amour pour les mots insolites et surannés, espèce d'obscurité bi- zarre dans laquelle le tyran futur se plaisait déjà à s'envelopper et à se séparer du commerce des vivants. Enfin, Suétone a transcrit cette phrase d'une lettre d'Auguste à la jeune Agrippîne, sa petite-fille : «Tâchez surtout de parler et d'écrire naturellement ^ » Il cultivait lui-même la poésie, et fit une tragédie d'Ajax furieux. Mais il était poète pour aimer, pour apprécier les ouvrages des autres; et, ce qui est bien plus rare, il savait juger les siens sans complaisance et sans faiblesse. Des courtisans s'informaient avec un tendre intérêt de ce que devenait sa tragédie : «Mon Ajax, leur répondit-il, s'est percé d'un grattoir. »

Ainsi , au lieu de discuter des problèmes puérils d'antiquité mytho- logique , et de ramasser la poussière d'une latinité morte avec les géné- rations passées, comme fit Tibère après lui, il travaillait de tout son pouvoir à mettre en crédit un langage pur, franc et ouvert. Au lieu d'étouffer les talents, il s'était efforcé d'alimenter leur lumière. Ses vues s'étendaient dans l'avenir, et il voulut du moins couvrir ses at- tentats de la gloire des lettres. Son successeur ne travailla que pour jouir en paix, dans le repaire de la tyrannie , de l'effroi des hommes. Si le règne d'Auguste fut pour la littérature latine un temps de splen- deur et de fertilité ; si une morne et stérile obscurité s'appesantit sur les Romains pendant tout le règne de Tibère; ces deux effets si divers et si rapprochés proviennent-ils seulement de causes fortuites? Mécon- naître l'ascendant des puissances souveraines sur l'esprit comme sur la fortune des peuples, ce serait affaiblir pour elles les obligations des devoirs et de la responsabilité.

La folie brutale et féroce de Caligula ne fîit pas plus propice aux arts de Tesprit que la vieillesse atrabilaire et farouche de son aïeul. Mais les princes qui vinrent après eux ouvrent une ère nouvelle pour la poésie. Alors, quoiqu'elle soit déchue de la perfection elle s'était

* Suet inAug. 85-86.

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élevée , quoiqu'elle ait laissé altérer la pureté de ses formes en même temps que la noble simplicité de sa parure, elle déploie, dans ce dé- clin de son existence , une vigueur et une activité non moins fécondes qu*aux jours de sa plus brillante jeunesse.

Cependant cette époque est signalée par Tignominie de l'imbécile Claude, par les atrocités de Néron, par la domination féroce de Do- mitien. Mais Vespasien et Titus et Trajan ranimaient par intervalle les Romains aballus et flétris, et les faisaient respirer de leurs maux. Et même parmi les tyrans, quelques-uns s'étaient annoncés par d'heureuses prémices, qu'ils démentirent, il est vrai, dans la suite, mais qui avaient toujours secondé pour un temps le mouvement des esprits. Faut-fl aussi l'avouer? Il semble que la poésie n'ait pas besoin toujours, comme l'éloquence, de l'atmosphère de la liberté publique. Bercée parles rêves de son imagination, plus adonnée aux enchantements des sens qu'aux méditations de la politique , enivrée par les faveurs de la cour ou par les douceurs de la solitude champêtre, compagne recherchée des grands et des heureux du monde, elle peut s*abuser elle-même, se laisser étourdir par les concerts de l'adulation , par le tourbillon des plaisirs sans cesse renaissants dans un séjour privilégié, et croire à la félicité des sujets, parce quelle prend part aux voluptés des maîtres, ou qu'elle contemple leur faste et leur magnificence. C'est le faible du cœur humain , que chaque homme, chaque état se fasse avec réflexion, ou même in-^ volontairement, centre de tout dans ses idées et dans ses affections; la poésie n'exempte pas ses adeptes de cette préoccupation trop commune. Si on la protège., si on la récompense, si on lui prodigue des dis^ tinctions, tout se peint en beau à ses yeux; l'erreur de la reconnaissance et de l'orgueil excite en elle un véritable enthousiasme. L'horreur du despotisme disparaît sous l'or et les fleurs dont il se couvre dans ëon comn^erce avec elle; elle est sous le charme des illusions. Claude, stupidc emperem\ se piquait d'être littérateur savant. Il coniposa une pièce grecque pour les jeux de NapJes , en l'honneur de Germanicus , son frère, dont il célébrait en toute occasion la mémoire chérie des peuples. Il essaya même de réformer l'alphabet, en y ajoutant des lettres nouvelles, et il déposa dans le musée d'Alexandrie ses histoires de Carthage et des Étrusques. II assistait fréquemment aux jeux publics, et se levait avec la multitude à l'arrivée des magistrats présidents du spectacle, pour leur rendre hommage. Tant il affectait, lorsque sa raison le conduisait t la douceur obligeante d'un prince libéral! Il aurait animé la littérature par les inspirations d'un gouvernement généreux et popu- laire , s'il avait pu régner par lui-même , et non par ses épouses et par

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ses affranchis. Néron» ce persécuteur fougueux du sénat, ce* bourreau dénaturé de tous les siens , avait été d*abord les délices de Rome , et ne fut jamais fennemi des arts ni des lettres. Sa somptuosit-é et son propre exemple excitaient les Romains à les cultiver^ Tandis qu'il as* sassinait Thraséas et Gorbulon , il invitait à ses festins et à ses fêtes les écrivains et les artistes, qui le voyaient se mêler aux combats de mu- sique instrumentale, de chant, de déclamation et de poésie, et les égaler à lui par cette concurrence. Les sages Romains s'en affligeaient tout bas, mais la foule chantait ses louanges, et peut-être dans le temps que Lucain le préconisait, le poète se figurait qu il unissait sa voix à celle du peuple romain. L'amour des vers fit leur liaison, comme ii causa ensuite leur inimitié. Domitien , dont on ne peut voir, dans les livres de Tacite et de Pline, le portrait sans firémir, Domitien qui bannit de l'Italie. les philosophes, et dont les proscriptions envoyèrent en exil ou à la mort tant d'illustres et vertueux sénateurs , avait institué des concours littéraires et reproduisait à Rome tout l'appareil des anciennes solennités olympiques. Dans les jeux capitolins de sa création, qu'on célébrait tous les cinq ans, dans les quinquatries annuelles de Minerve, dont ii voulut rehausser l'édat, il décernait lui-même les prix et les cou- ronnes aux vainqueurs. Stace remporta trois fois la palme, et fiit admis au banquet impérial ^

Domitien tâcha de réparer les pertes éprouvées par les bibliothèques publiques dans les fréquents incendies. qui avaient dévoré entièrement des édifices, des quartiers de Rome, entre autres les portiques d'Octa- vie avec tous les livres qu'ils contenaient. Il fit ramasser de toutes parts des exemplaires et envoya des copistes.. au. dépôt d'Alexandrie, ne mé^ nag&dint ahicunsfirais p&or- f«*ocurer aux Romains studieux ces secours qu'ils regrettuent. Ce n'était pas qu'il attachât un grand prix à cette sorte de richesse ; il y avait dans sa munificence plus de faste que de vrai zèle poiu* la science. Suétone rapporte qu'il faisait sa lecture unique et assidue des mémoires et des journaux de Tibère; digne nsianuel d'un tel étudiant. Mais on peut croire qu'il lisait aussi du moins les panégy- riques faits en son honneur.

J'ai quelque peine à montrer les rapports de ces princes odieux avec les poètes, mais les témoignages de l'histoire ne se peuvent dissimuler; et, sans vouloir, assurément , calomnier la poésie en lui imputant aucune complicité , aucune sympathie avec les fléaux de l'humanité , sans vou- loir donner aux actes de ces tyrans , h l'égard des gens de lettres , et en

' Stat Sylv. m, 5, iia ; Suet in Domit 4.

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particulier des poètes , plus d*importance qu'ils n en méritent, on ne sau- rait s'empêcher de reconnaître que les soixante années qui s'écoulèrent depuis la mort de Galigula , et qui remplissent dans l'histoire de Rome des pages si tristes et si sanglantes , virent s'élever une génération de poètes , héritiers non tout à fait indignes de la gloire de Virgile et de ses contemporains. Quelle conséquence déduira-t-on de cette obser- vation ? Qu'il restait encore dans le sol poétique du Latium une sève assez abondante et assez forte pour résister aux orages funestes et nourrir des plantes vivaces et fertiles? Je serais tenté de me ranger de cette opinion , tant je répugne à penser qu'aucun bien puisse naître sous l'influence de la tyrannie. Mais ne peut-on pas conclure aussi qu'au milieu des fureurs qui désolaient l'empire et les familles puis- santes , les Césars, par des dispositions spéciales, résultant des calculs de leur amour-propre ou de l'instinct d'un goût particulier, contre- balancèrent, à regard de la poésie seulement, l'effet général de l'op- pression destructive ? comme ces torrents grossis par une tempête , qui, en répandant l'effroi sur leur passage , portent dans quelques endroits, avec le limon de leurs eaux, des aliments à la v^étation d'un terrain plus fortuné , dont la moisson compense , du moins en partie , les calamités des campagnes environnantes.

Cependant tous les poètes n'étaient pas fascinés ; il y en avait dont le génie se nourrissait d'amertume et de colère, et qui, confiant au papier leur douleur comprimée , n'attendaient pour la faire éclater que des temps moins contraires. Nerva et Trajan ramenèrent cette séré- nité qui devait enhardir l'essor des talents. Trajan , plus occupé de conquêtes que d'écrits , plus désireux de faire le bien que d'être encensé comme un Dieu, .n'attira pas les poètes à sa cour. Ils jouirent en com- mun avec le peuple de la protection qu'il étendait sur tous, celle qu'on doit le plus souhaiter pour accroître les ressources et pour sou- tenir la dignité de l'esprit humain , la paix avec la liberté. Mais la gloire de la poésie fut éclipsée en ce temps par celle de la prose, qui dut cet avantage aux productions d'un seul homme, philosophe et poète à la fois dans le style sévère et simple de Thistoire , et présentant aux re- gards des hommes , dans ses narrations éloquentes , un spectacle aussi sublime, aussi tragique , aussi frappant, qu'aucun de ceux qui furent jamais étalés sur les plus grands théâtres.

Le successeur de Trajan s'appliqua plus particulièrement à exciter les travaux littéraires. Il s'entoura de grammairiens, de rhéteurs, de philosophes, de savants, de poètes; il s'essayait dans tous les genres, en vers, en prose, en grec et en latin; il proposa des questions, et les résolut

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lui-même dans le musée d'Alexandrie; il fonda un athénée à Rome, dans lequel se faisaient entendre des poêles et des orateurs. Cet établisse- ment subsista longtemps après lui; dans le siècle suivant, on voit l'em- pereur Alexandre-Sévère, et plus tard encore le jeune Gordien , paraître, l'un comme auditeur bénévole, et l'autre comme auteur de déclaipa- tions oratoires, dans l'athénée. Mais Adrien encourut le reproche d'avoir trop affiché la prétention de réussir et de primer dans les différents exercices de l'esprit. Il oubliait le devoir de prince pour jouer le rôle d'homme de lettres. Il s'abaissait aux petites jalousies d'une misérable rivalité, oubliant qu'à l'empereur appartenait d'exciter l'émulation des écrivains, sans vouloir être leur émule, et de se placer au-dessus d'eux comme protecteur équitable, et non comme vainqueur privilégié. Cette manie l'empêcha d'être utile autant qu'il aurait pu l'être; il le fut toute- fois, et l'instruction publique lui dut de notables accroissements. Elle reçut encore d'autres améliorations des deux princes qui le suivirent , et avec qui la sagesse et la vertu semblèrent être assises sur le trône. Mais la bonté d'Ântonin , la gravité de Marc-Aurèle sympathisaient peu avec les grâces de la poésie. Antonin se divertissait volontiers aux scènes grotesques des mimes , amusement populaire des Romains , et (|ue n'au- rait pas approuvé la délicatesse d'un goût épuré, Mare-Aurèle. était livré tout entier, quand il se délassait des soins du gouvernement, aux spéculations de la pliilosophie stoïcienne. Les dis positions et la sçllicitude de l'un et de l'autre tendirent également à augmenter et assurer le bien- être du peuple, et non à rehausser leur renommée par les prestiges d'un règne éclatant. Leur philanthropie communiquait à toutes les pro- vinces de l'empire les dons d'une éeonomie paternelle , et ne voulait point tout rapporter au luxe de la capitale, encore moins aux jouis- sances du monarque. Ils pourvurent à l'enseignement élémentaire des lettres et de la philosophie dans tous les pays soumis à leur administra- tion ; l'histoiie ne dit point qu'ils aient offert des récompenses et des honneurs aux poètes et aux artistes.

Marc-Aurèle fit payer trop cher aux. Romains le. bonheur de ^n règne , puisqu'il leur laissa son fds. L'imaigination s'épouvante au récit des hideuses saturnales de Commode , lorsqu'on le volt convertir le palais impérial en un gouffre de prostitution, s'y abandonner à tous les débordements de la luxure la plus dégoûtante , au milieu de trois cents concubines et de trois cents malheureux enfants arrachés à leurçi &- milles, ou ramassés dans des lieux infâmes, et sortir de ces orgies abo- minables pour faire le gladiateur dans l'arène, il combattit sept cent trente-cinq fois, et il tua plusieurs millier^ de bêtes féroces, et

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plusieurs centaines d'hommes , pendant qu'un yil afiranohi, Pérennn, siégeant au Prétoire , massacrait sénateurs et citoyens , et pillait leurs maisons , et que Cléandre , qui supplanta Pérennis , surpassait encore ses méchancetés et sa licence. Gomment les Romains purent-ils souf- . fHr, durant douze années entières , un tel scandale de luhricité furieuse, une telle débauche de tyrannie, sans être tombés au dernier degré de la corruption, de la stupidité et de Tabrutissement? Que devenaient en ce temps les lettres latines? Que devenait la poésie? Et que purent- dies devenir encore après , sous des empereurs africains , asiatiques, ou goths, pour qui la langue latine était une langue étrangère? On s'étonne qu'après tous les déchirements de l'empire , dans le tumulte presque continuel des guerres civiles, Rome, qui ne se reposait des con- vulsions de l'anarchie que sous l'épée du despotisme militaire, pût con* server encore dans son sein des écoles pour la jeunesse, des gymnases pour les savants et pour les écrivains ? On s'étonne d'entendre encore proférer cette acclamation dans le sénat, à l'élection d'un empereur : M Qui est plus capable de commander qu'un prince lettré ! » Qais melias qnam litteratas imperet! Mais on peut juger du goût de la littérature latine à cette époque par une phrase de ce prince lettré au sénat : « Rappelez- vous , disait-il, ces monstres qui ont souillé la pourpre , les Néron, les Héliogabale, les Commode, ou plutôt les éternellement incommodes, sea potius semper încommodos ^ ! Que fakaient les beaux esprits , si telle était la gravité d'une harangue impériale? Les chants, les jeux, les spec- tacles , et même les déclamations et les lectures publiques n'étaient pas interrompus par les désastres ; le sang fumait encore , on venait à peine d'éteindre les incendies , qu'on courait au cirque ou à l'athénée. L'em- pereur Gàilien femporta sur cent poètes grecs ou latins « qui chan- tèrent des épithalames aux noces de ses neveux; et le sénat décréta des statues au césar Numérien , comme au meilleur orateur de son temps. Les littérateurs ne manquèrent point à Rome dans sa caducité; et ils osaient encore nommer Gicéron et Vii^e, comme les sénateurs nommaient €irmille et Sdpion ^.

Le Gode' renferme une loi, antérieure de quelques années à Gallién, qui seniblerait donner lieu de penser que la poésie avait été l'objet d\me défaveur particulière; ce serait une erreur. Gette loi porte : « Les pôët^s ne jouissent d'aucime exemption des charges civiles. » On le» sé- pare ainsi des professeurs d'arts libéraux , de médecine, et des autres qui

, * Vopisc, in Tacito. " I^aoïprid. in AUxaniro; Jul. Gapit. in Gord.; Spart, m Ge(a. * lib« X, tit ui, I. 3.

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enseignaient dans les chaires publiques. Cette loi n'a rien que de juste et de prudent. On ne pouvait accorder des privilèges qu'à des profes- sions authentiquement exercées. Mais de quel déluge de privilégiés la fortune des cités n aurait-elle pas été grevée, si à l'attrait de composer facilement de mauvais vers on eût joiiit Tappât des immunités. Une ordonnance contraire eût été préjudiciable à la poésie même , elle eût hâté son dépérissement , en la rendant plus sordide et plus vulgaire.

Dioclétien , et Constantin après lui , rétablirent l'ordre dans l'empire , en même temps qu'une certaine stabilité dans la puissance. En ce temps le christianisme commença la plus grande et la plus importante révo- lution que le monde ait jamais éprouvée. Mais ces causes générales de restauration intellectuelle ne purent prévaloir sur les causes particu- lières de dégradation et de ruine qui frappaient l'Italie et Rome : je veux dire la translation du pouvoir souverain k Constantinople , la prééminence de l'empire grec , les invasions des hordes scy thiques , le règne des Suèves et des Vandales au Capitole. Le génie romain allait s'affaîssant toigours de plus en plus ;.la langue se dénaturait; des Grau- lois et des Égyptiens soutinrent seuls les lettres et la poésie à Rome ; et Ton regarde avec surprise, comme des phénomènes singuliers, deux poètes que paraissent encore inspirer les muses latines au milieu de cette barbarie , Claudien et Rutilius.

S II. -^ Influence des moeurs publiques et privées.

Jai tâché jusqu'ici d'indiquer par quelques traits comment la con- duite des chefs du gouvernement romain contribua, soit à retarder, soit à précipiter la décadence de la littérature; mais les principes de vie ou de mortalité qui affectent les facultés du corps social ne dé- rivent pas tous de la tête ; il y en a aussi d'inhérents aux membres qui le composent , et ceux-là sont les plus actifs , les plus invincibles.

S'il est de toute nécessité que les idées acquises par les pratiques du premier âge modifient et colorent Tesprit de chacun , même celui des hommes supérieurs; si les écrivains sont forcés par le désir du succès, ou entraînés même à leur insu par l'impulsion des habitudes , à se conformer au goût du public , nous méconnaîtrions la plus puissante des influences auxquelles a été soumis le génie des poètes latins, si nous prétendions les juger en faisant abstraction de l'état des mœurs à Rome, mais à Rome seulement ; car elle dominait sur les idées comme sur l'existence politique; et elle attirait tout à elle des provinces, elle al^^

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sorbait tout , aussi bien les talents des hommes que les productions du sol et de Tindustrie.

Qu on se figure donc ce géant des cités, avec ses vastes portiques entourés de milliers de colonnes, avec ses statues colossales sur toutes les places, avec ses cirques et ses amphithéâtres que la population de plusieurs villes aurait peine à remplir, avec ses palais qui embras- sent des bois et des campagnes dans leurs enclos immenses, qu on ap- pelle des jardins. Voyez ces viviers et ces lacs, ces bains magnifiques, ces longs et riches portiques servant de promenades couvertes , ces er- gastules enfermant des centaines d'esclaves, tout cet appareil d*un faste si imposant dans des maisons de simples citoyens ; les pierres les plus rares, les bois odoriférants tirés des pays lointains, Fivoire, lor, la pourpre décorant les lambris et les meubles des appartements, et les péristyles et les vestibules ; d'autres demeures de plaisance , bâties sur les bords de la mer, que les digues ont envahie. Puis, considérez dans les quartiers obscurs et fangeux, et dans la forêt d'Aricie, et même auprès des habitations somptueuses , cette foule de masures ouvertes aux injures des vents et de la pluie , misérables asiles d'un peuple de mendiants. Dans Rome, tout est énorme , exorbitant ; tout est sans pro- portion, sans mesure , le luxe et l'indigence, l'orgueil et la bassesse. Là, des milliers d'hommes vivent, comme dit Sénèque, pour moins de deux as ( lo centimes ) par jour ^; là, des particuliers surpassent l'opu- lence des rois , et le prince est un dieu ^.

Le jour commence à luire , et déjà les rues sont inondées d'une foule empressée. Tous ces hommes, vêtus avec soin, se rendent à leur office de tous les jours , de tous les matins , le premier de tous les devoirs et le plus ponctuellement rempli , ils vont saluer le patron ; et, s'il est riche, leur roi^ ; c'est ainsi que le nomme la troupe nombreuse qui lui fait la cour. Que demandent-ils ? L'un , une tunique, une toge*; l'autre, un repas; celui-ci, un legs dans un testament; cet autre, une recom- mandation, un emploi ; tous de l'aident, s'ils peuvent en arracher. La servitude de la clientèle remonte de degrés en degrés, depuis le chétif plébéien jusqu'au candidat à la préture et au consulat. Le métier de courtisan et de parasite est une profession patente, reçue, universelle. Le patricien , le sénateur, l'ex-commandant de province ou de légion , assiègent, avec les autres, la porte de l'affranchi puissant, du publicain superbe , ou du célibataire possesseur d'une grande fortune. Ils se font

' Sen. Epia, 18. » Suet m Domit. i3. ' Columell. Prmf. Ub. I. * Mait. Epig. vin, a8.

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nommer par Tesclave nomenclaieur, s ils ne sont pas encore bien connus ; ils escortent leur ami protecteur quand il sort de chez lui pour se rendre à ses affaires ou à ses plaisirs , ou peut-être seulement pour mon- trer la troupe de serviteurs qu'il promène à sa suite. Plus tard , à Theure du repas , ils reviendront chercher leur salaire ; ils tendront la main en suppliant pour recevoir la sportule en argent ou en nature ^ Des nobles , des magistrats ne rougiront pas de gueuser sous la pourpre la desserte des Apicius pour eux ou pour une famille supposée , et de montrer une litière fermée , dans laquelle on porte , disent-ils , leur épouse malade, attendant sa part de laumône^. Quy a-t-il que des Ro- mains ne fassent pour satisfaire la gourmandise qui les presse ? Cest leur passion la plus ardente , la plus impérieuse ; le pauvre endure les humiliations et les mépris, et ne croit pas payer trop cher une place entre les convives. Le riche consume son patrimoine à diversifier et à raffiner les jouissances de ce genre de sensualité. Un cuisinier habile est sans prix, et ils envoient leurs esclaves à des écoles publiques ap- prendre la dissection des viandes qu on sert sur leur table ^? Ils useraient volontiers, à savourer ces plaisirs, toutes les facultés de leur être, si la luxure ne revendiquait sa part , et ne venait même se mêler aux fes- tins. Ici la pudeur jette un voile sur le tableau. Nous verrions dans les cirques, dans les théâtres, jusque dans les temples et dans les fêtes religieuses, jusque dans le secret de Tappartement nuptial, par- tout la prostitution flagrante , si nos regards pouvaient supporter sans effroi la peinture des dérèglements dont la réalité leur est familière. On jugera sans peine qu'une telle vie doit amollir, énerver Tâme^et que l'enveloppe matérielle, s'épaississant tous les jours, étouffe la sensibilité morale.

Chez les anciens Romains, Gaton le Censeur tonna contre les dames qui avaient osé se montrer en public , et solliciter l'abolition d'une loi gênante pour elles ^. La sévérité des coutumes les tenait dans l'ombre des foyers domestiques occupées des soins de la fa- mille. Rome, sous les empereurs , leur accorde plus de liberté. Les hommes , ne s'adonnaat plus tout entiers aux débats du forum et du sénat , et dispensés des soucis de la politique par l'autorité suprême , qui se charge de pourvoir aux affaires de l'état et de tout ordonner, n'ont désormais de devoir que l'obéissance , d'occupation que les in- térêts privés et les amusements. Il reste plus de loisir pour le com-

* Suel. inDomit. 7. *Juven. Sat, i, v. 100-1 a5. ' Senec. de Vitabeat 17, Epiit. k']. * La loi Oppia.

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merce de la société , que les femmes animent et embdlissem. Leur fréquentation devrait donner aux mœurs plus de douceur, aux ma« nières plus de politesse , au langage plus de délicatesse et de réserve. On les respectera autant qu'elles se respecteront elles-<mémes. Pins elles se mêlent aux hommes dans les relations vulgaires du monde ^ plus leur sexe doit se distinguer par une scrupuleuse décence , qui &it une partie de leurs charmes , et qui leur procure un ascendant si ho- norable pour elles et si utile pour les hommes , qui s*y soumettent sans déroger. La mesure des conversations se réglera sur ce quelles peu-* vent entendre. Elles exerceront ainsi dans le monde une police .ai- mable , une censure gracieuse , qui tournera au profit de Télégance de» formes et de Thonnêteté du discours.

Les Romaines sont-elles dignes de remplir cette noble fonction,- attribut naturel des femmes dans une société civilisée? Prenons des exemples parmi celles que leur rang et leur fortune autorisent k donner le ton et à prescrire les convenances. Ekitourées d'esclaves , perverties par les habitudes violentes d*un commandement absolu, comment en- seigneraient-elles la bonté à leurs époux , à leurs fils ? elles sont elles* mêmes sans humanité. Quune des infortunées qu'elles possèdent pour leur service brise un vase dp quelque prix, réussisse mal à disposer les plis de leurs robes ou les boucles de leurs cheveux, elles enfoncent dans son sein, dans ses bras, les longues épingles qui soutiennent l'édi- fice de leur coiffure, ou, de sang-froid, elles puniront la maladresse involontaire par une flagellation sanglante; elles ont à leurs ordres un- bourreau; c'est un des esclaves de leur maison ^ Faut-il s'étonner qu'aux jeux de l'arène quelques-unes se passionnent pour des gladia- teurs, et que d'autres, comme des furies, demandent, du geste et de la voix, la mort du vaincu? Mais dans une condition médiocre elles seront moins hautaines, moins dures. Auront-elles plus de modestie^ * conserveront-elles leurs yeux chastes et leurs oreilles pures? leur pu- dique retenue imposera-t-elle aux hommes des bienséances plus sé- vères? C'est l'heuïe des bains. Parcourons avec le poète 'Martial^ et l'historien Pline ^ les étuves publiques. Quelle affluence! comme on se presse ! à peine le pied trouve-t-il l'espace nécessaire pour se poser. Mais qu*apercevons-nous? Dans ce lieu, le sexe et l'âge, tout est con- fondu. L'impubère et le vieillard se lavent dans les mêmes eaux, se promènent dans la même enceinte que la matrone et la fille nubile , et pour s'empêcher de rougir elles n'ont d'autre voile que leur tranquille

* luv. Sat. VI, 476. Lib. III, E^ig. 3, 5i, 87. * HùL nat xxxni, la.

. £>ÉGEMBRE 1858. 12^

«fironterie , ne 8*effrayant pas plus des nudités qu'elles étalent que de eeUes qui devraient Ûesser leurs regards. Rien ne doit plus surprendre à présent. Si nous entrions dans les écoles du premier âge, nous nous ré- crierions moins d'y trouver inèlés ensemble les en&nts de lun et Tautre sexe^ Il nous serait aisé de comprendre comment les Romains n'ap- préhendent pas d'altérer la timidité native de leurs filles, par les ma- nières décidées, brusques , hardies, qu'elles contractent dans leurs jeux et dans leurs études, ni de flétrir cette fleur d'innocence virginale, et la pureté d'une heureuse ignorance , en mettant dans leurs mains les poèmes trop souvent obscènes de leurs vieui auteurs comiques^. Triste- ment aguerries contre la pudeur, presqu'au sortir du berceau, elles ne font qu'augmenter, parle progrès des années, cette funeste assurance. La licence des Lupercales ne les empêche point de se répandre dans les mes. Elles se disputent les places au spectacle de la danse lubrique des courtisanes dans les fêtés de Flore. La mère avec sa fille adolescente applaudit aux immondes bouffonneries des mimes , aux représentations hideusement fidèlesde tous les détails de la prostitution et de l'adultère'; elles se pâment de plaisir lorsqu'un pantomime efféminé , sous le masque d'Ariane, de Danaé, ou de Vénus, outrage par ses grâces lascives les mœurs et la religion à la fois, et, le dirai-je? lorsque la fable des abomi* nables amours dePasiphaé se réalise sur la scène dans toute son hor- reur ^ ! De quels propos , sur quel ton , les hommes et les femmes s'en- tretenaient*ils dans les cercles, dans les assemblées, au sortir de ces spectacles qui avaient excité leur enthousiasme ?

Il y a de singulières inconséquences dans l'esprit humain. Auguste lui-même , suprême censeur de la république, avait toléré , avait en- couragé de pareils jeux; et il allégua pour prétexte de la condamnation d'Ovide la publication de FArt d'aimer, et il adressa ime lettre de re- proches à un jeune chevalier pour avoit* blessé , disait-il , les bienséances et l'honnêteté, en rendant une visite à sa fille aux eaux de Baies! Cette austérité ne profita guère aux deux Julie , et l'on sait qu'elles fiirent moins dociles à ses avis qu'aux leçons des mimes. Maintenant, Mar- tial nous demande si, toutes les fois que la témérité de ses saïUies et la crudité de ses expressions nous révoltent , c est sur lui que retombe tout le blâme! il nous demande, au nom de son ami Juvénal, dont on est tenté si souvent de rejeter les écrits tout pleins d'affreuses vé- rités, qui, de son siècle ou de lui, nous devons accuser des souillures

' Mim. de VAcai. des inscr. t. IX, p. Ai i , a* série. - ' Gc de Orat m, la. -— ' Ovid. Tritt n , 5oi. -- * Mart de Speet. 1^. 5.

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qui déshonorent son talent. «Avant de prononcer, nous dit-il, voyes les Romains au théâtre , et vous deviendrez sinon plus faciles à l'é- gard des ouvrages , puisqu'une meilleure civilisation vous le défend , du moins plus indulgents, plus justes envers les auteurs.»

Cest au théâtre qu'il faut observer les peuples , et surtout les peuples anciens, les Romains encore plus que les Grecs peut-être, car, depuis les empereurs, les jeux et les spectacles étaient la moitié de la vie des nobles et des plébéiens , des riches comme des pauvres. Une fois que les fils dégénérés de Romulus eurent cessé de distribuer les faisceaux , et qu ils eurent abdiqué la puissance, ils vouèrent leur existence aiuL amusements de l'oisiveté; la chaleur et la véhémence avec lesquelles ils avaient traité la politique se reportèrent aussitôt sur les occu- pations frivoles, et aucune ordonnance de leur prince ne fut suivie d'une plus prompte et plus entière obéissance que celle qui leur prescrivit de se tenir étrangers à toute affaire sérieuse , recevant une nourriture gratuite, et ne songeant qu'à se réjouir sans travail, sans prévoyance. Désormais il n'y eut que la faim et les jeux qui pussent les tirer de leur indolente inertie. Les cirques , les théâtres , les arènes , de- vinrent leur forum, le centre de leur vie active, le foyer de leurs pas- sions, leur unique objet d'intérêt public. Enfin il n'y a plus de peuple romain que là. Tel est, je ne dirai pas l'amour, mais la fureur, la rage de ces divertissements, que des chevaliers, des patriciens, des femmes, et même quelques-mies d'illustre maison, se montrent sur la scène, ou dans la lice des combats, malgré la flétrissure imprimée par les lois à tous ceux qui se livrent à de pareilles professions ^ On a vu, depuis qu'un sénatus-consulte, rappelant la sévérité des anciennes cou- tumes , eut interdit sous peine de l'exil ces exercices à toute personne de condition npble , des fils de famille encourir volontairement une condamnation infamante, afin de briser les liens de leur état ori- ginaire , et de se prostituer impunément parmi les histrions et les gla- diateurs ^.

Si nous voulions nous arrêter à une contemplation oiseuse, Ovide , et Martial, et Juvénal, et Tacite, et les deux Pline, et Dion, et Sué- tone, et, plus explicitement encore, des érudits modernes, ressuscite- raient devant nous les apprêts divers des fêtes romaines. Mais nous ne perdons point de vue le but de nos recherches. C'est toujours aux destinées de la poésie latine que s'attachent nos pensées. Nous tâchons de découvrir une des causes de ses vicissitudes dans l'esprit du peuple

* Tac. Ann, xv, 3a ; Dio , un , 3a , liv, a. r * Tac. Ann, ii , 85 ; Saei. m Tih, 35.

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romain. Le spectade ne nous intéresse que par les impressions qu'il fait sur les spectateurs. Leurs froideurs et leurs transports , leurs pré- dilections et leurs dédains signaleront les dispositions de <^ette puis- sance populaire , souveraine modératrice des poètes , et en général de tous les écrivains.

Les jeux athlétiques et les jeux équestres de la Grèce ont été trans- portés à Rome, mais accompagnés d'accessoires nombreux et de dé- corations splendides qui leur donnent une forme toute nouvelle. La simplicité grecque se perd dans la somptuosité romaine. Pour com- bien auraient pu compter les pompes d'Olympie dans les fêtes seulement d'un édile ou d'un préteur? Chez les Hellènes, les idées du beau pré- sidaient aux exercices du corps; l'agQité, la souplesse, la vigueur, l'a- dresse des concurrents, faisaient tout l'ornement de la solennité; des couronnes de chêne étaient les seules récompenses. Chez les Romains, la richesse de l'appareil doit éblouir les yeux, et l'on jette de l'or aux vainqueurs ^ Il faut aux Romains des plaisirs plus tumultueux, plus terribles. Les naumachies , qui rougissent les lacs ou la mer du car- nage de plusieurs milliers d'hommes , après qu'ils ont salué l'empe- reur et l'assemblée en partant pour s'entr'égoi^er, ave, moritwri te sala- tant^; les joutes de gladiateurs les instruments et les accidents de la mort sont variés par ime cruauté ingénieuse ; les chasses , dans les- quelles , tantôt on met des condamnés aux prises avec les bêtes fé- roces , tantôt on procure aux spectateurs Tapement de tuer eux-mêmes les animaux en lançant des traits du haut des gradins ; voflà leurs récréa- tions favorites, leurs fêtes nationales, celles qui leur font pousser des huriements de joie, et dont l'excès continuel ne saurait rassasier leur soif de meurtre et de sang. Ne citons point les prodigalités extrava- gantes des Caligula, des Héliogabale, remarquons seulement les con- cessions des empereurs les plus modérés. Le sage Marc-Aurèle sa- crifie en une seule fois cent lions; dans un jour, Titus donne une naumachie, des gladiateurs, et une chasse périrent cinq mille bêtes fauves de toute espèce. & n'y a pas de réjouissances brillantes et complètes pour le peuple romain sans combat dans f amphithéâtre , et elles paraîtraient mesquines, si plusieurs centaines de gladiateurs n'en- sanglantaient pas l'arène.

Dans une ville si curieuse de spectacles , ceux de la scène n'ont point été oubliés , quoiqu'ils ne tienneitt pas le premier rang au juge- ment des Romains; mais les nations civilisées y trouvent tant de res-

' Jul. Capit in Jlfarco phiht. p. 37 ( «d. Sabn. in<foI. ) ' Snet in Claud. 3 1 .

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source» I A Rome , ils se sont accrus côm»e sa puissance. Mais cet ac^ croissement oxêcne , qui n*est pas de la grandeur, atteste la rudesse naturelle de ce peuple et la perversité de son goût. G*e9t qu*on voit tous le» efforts d une imagination malade et d*uo esprit bla$é pour tour- menter d'intarissables richesses et pour vaincre la satiété. C'est qu*oo peut se convaincre combien est faible la part qu'ils donnent à rintelligenee dans leurs plaisirs, et que pour les savourer ils n ont que des sens. Les concerts des instruments voluptueux ou bruyants, la mélodie des voix ravissent les oreilles , V opulence des habits et des dé- corations , les prestiges merveilleux des machines étonnent les yeux , et lodorat même est charmé par des rosées de parfums ^ Des théâtres se dressent pour des pièces de tout genre , et pour de$ acteurs de toutes les langues ^ ; on montre des pantomimes » des bateleurs , des chan* teurs, des musiciens, dea mimes, des acrobates» des voltigeurs à cheval, ou d'autres sur des murailles luttant avec des ours; au milieu de tout ce Ibaoas, on cherche la comédie et la tragédie ; elles se traînent langui&samment sur la scène obstruée par la foule des saltimbanques. Des mœurs de leurs ancêtres les Romains n'ont conservé que la rusti- cité , d'autant plus choquante à présent , qu'elle se couvre de richesse et se pare des raffinements du luxe. La véritable comédie, la tragédiepure, n'osant presque plus se produire en public , se sont réfugiées dans les théâtres domestiques des hommes édairés et opulents. Ils ont des co- médiens au nombre de leurs esdaves ou de leurs affranchis; et, pen- dant leur repas, ou dans la soirée, on leur joue des dran>ea grecs ou latins d'anciens poètes , et des pièces aussi de poètes contemporains , mais elles, sont rares ^. Gomment la poésie draoïatique soutiendait- elle dans lés théâtres ouverts au peuple ? elle tombe soius l'attirail du spectacle dont on l'accable. Ghes^ les particuliers, dépouillée de ses illu- sions et de sa dignité, privée de la. chaleur électrique des grande/» assem- blées* étouffée dans une enceinte trop étroite, elleperd touten perdant sa vie pqbUque. Quoique chétif encore que soit -ce secours offert à la poésie dramatique dans sa disgrâce, tous les dches ne le lui arcc<>rdeatpas. Un tel pa3se-!temps est trop sérieux à leur gré. Quand de comédien arrive , beaucoup de. ci)iKvives désertent la salle du festin^ Aussi ne parait-il que dans les maisons des hommes tempérants et. judic^qw. La mode veut qu autoyr la salle viennent folâtrer des baladij)9 , et qu'on soit égayé par les agaceries des bouffons obscènes , ou par les sottises des

«

* Horat. Art. poei. aoa ; Epist ii, i, i87;'Senec. EpisL qo; Vopisc. in Carino, Suet inAay.M. * P\in.^ EpisL i, i5; lu, i. ^Jbia.ix, 17.

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niais et des fous ^ Qu'est-ce qui peut donc plaire au théâtre? Les mimes , par leur licence et leurs grossières plaisanteries ; les atellanes par leurs langage grotesque et leurs parades de divinités champêtres et pétu- lantes; les pantomimes, seuls acteurs dun genre noble, par la réunion de la musique , du chant, de la danse et de tous les artifices pompeux de la représentation. On a vu un Hercule enlevé au ciel sur un taureau ; on a vu les rochers et les forêts s'émouvoir autour d'un Orphée, et s'ap- procher de lui avec les animaux apprivoisés et les oiseaux qui gazouil- laient doucement dans le feuillage ^.L'ancien répertoire u*est pas tout à £adt abandonné , mais les effets comiques ont besoin d*être soutenus et couronnés par les effets matériels du spectacle. On donne VIncendie , comédie togata du vieil Âfranius ; mais, à la fin, on meltra véritablement le feu aux maisons , et les comédiens auront la permission de les pilier et d*emporter pour eux les meubles qu'ils auront pris ^. Si le sang coule dans les jeux scéniques , faction devient plus piquante pour les Ro- mains, et rien ne manque à leur satisfaction. Un Icare tombe du haut des airs, et soudain un ours s'élance et le dévore. Lauréolus, dans la pièce de ce nom , finit par subir le supplice des esclaves pour toutes ses friponneries; Domitien fait réellement clouera une croix un Lau- réolus , et \me bête féroce déchire le patient aux yeux des spectateurs. Que le dévouement, de Mucius Scévola fournisse le sujet d'une panto- mime; un condamné' sera contraint, pour se racheter de la mort, d'a- chever le rôle -de Mucius, et de brûler sa main sur le foyer de Por- senna. Cet indigne peuple , et ces princes plus indignes encore , ne trouvaient dans les souvenirs de l'héroïsme antique rien qu'une occa- sion d'outrager rhumanité , et de mêler le supplice profana du crime aux fêtes de l'empire. Et c'est le poète Martial qui retrace , qui admire , qui célèbre de pareils spectacles^. Ainsi, tournant sans cesse dans un cercle vicieux de dépravation, oii le mal réagit sur ses propres causes pour les empirer encore, les Romains ont perverti , par leurs brutales férocités, tous les jeux publics, et les jeux publics irritent leur férocité et contribuent à les abrutir. i

Si l'arène et le théâtre corrompant les cœurs des hommes, au moins l'élite de la jeunesse qui fréquente les écoles pourra-t-elle s'y former l'esprit, et puisera-t-elle dans l'enseignement public des idées saines, solides, vraies? Ici, un écrivain de l'époque .même , spirituel observa- teur, nous conduit parla main dans un de ces gymnases .littéraires, et c'est lui qui prend la parole ^ :

* Win. Epist IX, 17. ' Mari, de Spect Epig. 16 , ai. " Suet. in Néron, 11. * Mark, de Spect Epig. 7 ; lib. X, a5. ' Petron. Saftr.

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Est-ce donc un autre genre de manie qui possède vos dédamateurs lorsqu'ils s*écrient : Voyez les blessures reçues en défendant la liberté; cet œil perdu pour vous : donnez-moi donc un soutien qui me ramène à mes enfieuats , puisque mon îarret coupé ne peut plus me porter? > Encore si ces lieux communs menaient à Vâoqnence ! Mais , et de cette exagération dans les faits et de ce vain bruit de sen- tences, tout ce qui résulte est que, en arrivant au forum, les élèves se trouvent dans un monde tout nouveau ; et c*est , à mon avis« ce qui dans les classes tourne la tète aux jeunes gens : ils n*y entendent , ils n'y apprennent rien de ce qui est d'un usage nabituel; mais ce sont toujours des pirates enchaînés sur la rive; des tyrans , dont les édits commandent à des enfants a apporter la tète de leur père ; des oracles , qui, pour apaiser la peste, ordonnent d immoler plus d'une vierge; enfin, des périodes doucereusement arrondies, des termes et des traits que partout le sésame et le pavot assaisonnent. J^éduit a cette nourriture , on ne peut pas plus se former le goût qu'on ne contracte une bonne odeur dans la cuisine. Professeurs, souffrez que je le dise : vous , les premiers de tous , avez perdu Téloquence. For- mant, par des sons vides et légers , je ne sais quels jeux fantastiques , vous avez fait que le corps du discours tombât énervé.

Le maître se défend :

A qui donc attribuer le blâme ? Aux parents , qui ne veulent point d'une sévérité , seule profitable à leurs fils, et qui, de ces chères espérances, conune de tout le reste , font un sacrifice à leur ambition. Dans le désir de hâter la fortune , ils envoient au barreau des fiiiits d'étude encore verts; et du manteau de l'élo- quence , cette parure, de leur aveu , si superbe, ils prétendent revêtir des enfants à peine nés. S'ils donnaient le loisir de marquer des degrés au travail , afin que par des lectures sérieuses Tardeur d'un jeune homme studieux se réglât, et qu*il formât son esprit par les conseib de la raison , qu'il travaillât ses expressions , qu'il écoutât longtemps avant de choisir un modèle , et n'admirât rien de ce qui séduit les enfants, alors reparaîtrait cette gravité majestueuse de la grande élocution. Mais aujourd'hui on passe l'enfance à badiner dans les classes , la jeunesse à se faire siffler au barreau ; et , ce qui est encore pis , nul dans sa vieillesse ne veut con- venir d'avoir été mal élevé.

Cette critique ingénieuse de la doctrine des rhéteurs n'était que trop exacte , et malheureusement l'éloquence n'avait plus d'autre école. Depuis qu'au forum la tribune n existait que comme un vieux monu- ment, ou était masquée peut-être par la boutique d'un changeur ou d'un marchand d'essences, depuis qu'au sénat on ne s^évertuait qu'à ima- giner des tournures nouvelles de flatterie, l'art de la parole s'était changé en exercice de parade, en ridicule jonglerie. Il ne s'agissait plus de persuader, mais de briller. Les sujets des exercices oratoires étaient des fictions bizarrement compliquées, et non plus des intérêts réels. On faisait étalage de sentences, de périodes, d'antithèses, d'épigrammes. On s'escrimait dans les classes, dans des auditoires bénévoles, comme

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des athlètes dam une palestre. Les orateurs avaient disparu ; en leur place on voyait pulluler les déclamateiurs.

Les sciences mathématiques n'entraient point dans le cercle de Tins* truction. Les professeurs d'arithmétique et de géométrie étaient exclus par les lois des immunités auxquelles participaient les professeurs de grammaire, de rhétorique et de philosophie ^ Les grammairiens s'at- tachaient à enseigner les subtilités de l'érudition philologique et les finesses de la mythologie , plus qu'à &ire sentir les beautés des auteurs qu'ils expliquaient. Une philosophie plus spéculative que morale , plus disputeuse qu'instructive , donnait aux esprits une .occupation sérieuse- ment frivole et sans fruit. « Nos instituteurs font de nous des discou- reurs, et non des hommes, d disait Sénèque, non vitœ, sed scholœ disci- mus. On n'étendait point par le progrès et la difiusion dés connaissances positives la sphère des idées actives et substantielles , et moins on avait à dire plus on apprenait à parier.

Que si l'on me reprochait d'avoir fait dans ce discours une satire au lieu de tracer un aperçu historique , j'invoquerais le témoignage des Romains eux-mêmes.

J'ai présenté ici la vérité dans son eCBrayante laideur ; mais il n'y a pas un seul trait du tableau qui ne soit fourni par un auteur contempo- rain. On ne peut pas révoquer en doute les fiireurs du despotisme, l'im- pudicité et la barbarie des spectacles, les dé&uts de Téducation publique , l'immoralité de la vie privée des riches , le stupide désœuvrement de la multitude. Il est vrai que ce débordement de vices odieux n'était point sans compensation. Et comment la société aurait-elle pu subsister au- trement? On croit encore à la probité, à la sagesse , en lisant la cor- respondance de Pline avec sas amis. Les noms de Barea Soranus, dllelvidius, d'Agricola et d'autres gens de bien, non moins estimables , quoique moins célèbres, qui se rencontrent dans les pages de Tacite, consolent un moment ses lecteurs; et lorsqu'il prétend que Néron avait éteint la vertu dans Rome avec Thraséas , lui-même suffirait pour prou- ver quelle survivait à ce grand homme. Mais , il faut l'avouer, dans la constitution vieillie de ce corps politique les éléments salutaires étaient rares, les causes de dépérissement avaient une e£froyable prépondé- rance.

Les Romains avilis recueillaient l'héritage des injustices , des violen- ces , des rapines de leurs ancêtres. Rome avait dévoré la substance des peuples ; Rome avait englouti leurs richesses; les dépouilles du monde

' Jtfém. de VAoad, àm imcr. t. IX, p. AaA (nouvdle série).

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entier s*étaient accumulées au sein de cette ville despotique pour lui servir de parure dans ses triomphes. Mais ces dépouilles devinrent funestes aux spoliateurs ; elles étaient comme empoisonnées ; elles por- taient en elles la mort. Avec elles aussitôt cupidité, le lute, la soif de commander, la vénalité , la perfidie , le mépris des dieux , des ser- ments , des lois , tous les vices et tous les crimes infectèrent la superbe Rome. Le peuple, oisif et voluptueux, se vendit pour des spectacles et du pain à des maîtres qui le revendirent à une soldatesque avare et sanguinaire. Ainsi se consomma Tœuvre de la destruction , et les dé- bris de l'univers retombèrent sur les dévastateurs. Les guerres civiles firent justice des guerres de conquête , et Tasservissement du peuple- roi vengea les injures de la nature humaine. Il succomba sans di- gnité, sans consolation, flétri et dégradé par lui-même; et de ses gran* deurs insolentes il ne lui resta qu'une &stueusè opulence , qui le livrait en proie aux brigandages des armées mercenaires, et la paresse avec la vanité, qui le rendirent incorrigible.

Tels furent Tétat politique, les mœurs privées de la cité romaine, tandis qu elle déclinait vers la décrépitude ; c'est ainsi que la littérature fut pervertie par l'influence des hommes qui n'écrivaient pas.

J. NAUDET.

Troisième supplébcent à la Notice sur quelques médailles grecques

inédites de rois de la Bactriane et de PInde.

Lorsque je publiais, au commencement de l'année 1 836, un second choix de médailles grecques et bilingues de rois de la Bactriane et de rinde, qui faisaient partie de la collection de M. le général Allard, en- trée à cette époque dans notre Cabinet des médailles , j'énonçais l'espé- rance que cette branche de la numismatique grecque, restée si longtemps pauvre et statipnnaii'e, mais devenue tout d'un coup d'une richesse qui était un événement et presque un embarras pour la science, ne manquerait pas de recevoir, par l'effet de ces découvertes , commencées avec tant de bonheur et poursuivies avec tant de tèle , de nouveaux et considérables accroissements. Cette espérance n'a point été trompée; et trois années s'étaient à peine écoulées, que nous nous trouvions déjà en possession de deux collections qui augmentent encore notre liste de

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rois de la, Baetriane Qt de Tlnde» et qui» par cette multiplicité de règnes et de noms de princes appartenant à des contrées voisines et à des époques contemporaines» ajoutent auxidiiBcultés du problème en même temps qu*aux ressources de la science. Ces deux collections formées , dans Y Afghanistan et le Pet^ab , par deux hommes dont le nom et les ser- vices scientifiques ne sont étrangers à aucim de nos lecteurs, M. Masson et M. le général Court, ont été apportées en Eitfope pour y recevoir toute l'illustration qu elles méritent. La première , devenue la propriété de la Compagnie des Indes Britanniques» se trouve maintenant à Londres ; elle se monte à plusieurs milliers de médailles, dontla plus grande partie, à la vérité , consiste en répétitions de pièces de bronse , de la fabrique la plus commune, et dont un choix, pris parmi les monuments les plus rares, au nombre de tx'ente-cinq, vient d'être publié par le célèbre pro- fesseur Wilson» dans un numéro du JVamûnuUtc Jour nul, january 1 838, Sxvm, p. i&À'-i8i. La seconde a été envoyée à Paris pour être pro- posée au gouvernen>ent français : elle se compose denviron quatre cent cinquante pièces , dont les deux tiers seulement appartiennent aux séries grecques bactriennes etindo-scythiques, et le reste, aux suites des rois Parlhes, Arsacides etSassanides, avec quelques pièces arabes, persanes et indiennes. C'est cette seconde collection que j ai eu la faculté d'exa- miner à loisir, et dont je vais faire connaître les pièces principales à nos lecteurs , pour compléter, autant qu il peut dépendre de moi , leur instruction sur ce point d'antiquité, l'un de ceux qui, dans le coiu*s des dernières années , ont le plus vivement excité l'intérêt de toute l'Europe savante.

Mais avant de donner la description de ces médailles, et d'y joindre, suivant notre usage, le petit nombre d'éclaircissements qu'elles com* portent, nous devons mettre nos lecteurs au courant de quelques tra- vaux dont ces monuments , envisagés sous fdusieurs aspects , ont fourni la matière aux savants de Tlnde et de l'Europe. En premier lieu, je signalerai à leur intérêt les mémoires que l'habile et zélé secrétaire de la Société Asiatique du Bengale, M. James Prinsep, a continué de publier dans le Journal de cette société, et qui se lisent aux tomes' ÏV, n" Aa et 4 7, et V, n** 57. A l'avantage d*avoir fait connaître le premier par des dessins aussi satisfaisants que possible des monuments si remar- quables à tant de titres, avantage qu'il devait à sa position, ce savant a joint le mérite, qui lui appartient en propre, dWvrir la voie au dé- chifiBrement et à l'interprétation des inscriptions en caractères indo- bactriens , qui ont été pour la science une source non encore épuisée de révélations aussi nouvelles qu'inattendues. M. Masson s'est acquis un

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titre presque égal à la reconnaifisance des antiquaires par son zèle à re- cueillir dans les localités voisines de Cahoal, particulièrement sur le site classique de Beghram , les médailles qui formaient sa belle et nombreuse collection, et à publier» dans le même Journal de la Société Asiatique du Bengale , celles de ces médailles qui o£Braient le plus d'intérêt sous le double rapport de la philologie et de l'histoire , par les noms nouveaux qu elles présentent et par les titres qui les accompagnent ^ A mesure que ces publications de llnde arrivaient en Europe, et que quelques- uns des monuments mêmes , tels que ceux de la collection Honigberger et de la collection du général AUard, publiés par nous, servaient à les compléter sur plusieurs points et à les rectifier sur quelques autres , des antiquaires de profession s'efforçaient d'établir, dans cette foule de monu- ments numismatiques sortis inopinément du sol de Tlnde et pour ainsi dire en dehors du domaine de l'histoire, une classification qui, dans le temps comme dans l'espace , sous le rapport de la chronologie comme sous celui de la géographie , devenait de plus en plus difficile et com- pliquée. Parmi ces savants qui se sont livrés à cette œuvre laborieuse avec le plus de mérite et de succès , je citerai principalement feu notre compatriote M. Jacquet, aux premiers travaux duquel je m'étais plu à rendre un hommage ^ qui s'est converti en regrets depuis que la fin pré- maturée de ce jeune {Pologne nous a privés de la suite de ses re- cherches, imprimées dans le Nouveau Journal de la Société Asiatique de Paris ^. Je citerai en second lieu deux savants allemands, M. Grotefend , le fils, et M. Arneth, qui se sont occupés l'un et l'autre, avec un soin digne de la haute expérience numismatique qu'ils possèdent , de la dassification de nos médailles bactriennes et indo-scy thiques , le premier, dans le Journal Numismatique qu'il publie à Hanovre^, le second, dans les Annales littéiwes qui s'impriment à Vienne ^. Presque dans le même temps, deux savants bien recommandables à des titres divers, M. Wilson et M. K. Ott. Mûller, se livraient à une appréciation raisonnée des monu- ments déjà connus , d'après les publications de M. J. Prinsep et d'après

^ Voyez, dans le Joam. oftheAsiat Societ i836, deux Mémoires de M. Masson , Onthe ancient Coins foani at Beghram, t. V, p. i-a8, pi. wv, et p. 537-554. pl* xxxv. •Voyez, Journal de$ Savants, février i836, p. 70, i). ' Journal Asiatique, septembre i836, p. 334-277; Dovembre 1807, p. 4oi -44o; février i838, p. 163-197. Ces trois articles, qui ne complètent pas encore le travail de M. Jac- quet, sont relatiis aux Dicouoertes archéologiques au 1/ Honigberger ; la Notice des médailles de la collection de M. le général Allard se trouve, ihid. , février i836, p. laa-igp; et cette partie même du travail de M. Jacquet est restée iocomplète. ^BlàtterzurMànzkunde, i835, n. xiv, et i836, n. xxvi. * Wien. Jakrb. d. Littéral, Bd. LXXX.

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les nôtres. Le traTaîl de M. Wilson , inséré, comme je Tai dit plus haut, dans le septième numéro du Journal Numismatique de Londres, arait été entrepris à Toccasion de Tenvoi feit en Angleterre de la collection de M. Masson , et il était accompagné d'un choix de médailles , les plus neuves et les plus importantes de cette collection , distribuées sur trois planches , sans aucun égard à un ordre chronologique quelconque. Les observations de M. K. Ott. MûUer, rédigées d'une manière infiniment plus critique , et portant sur la suite entière des monuments connus jus- qu'à cette époque, particulièrement d'après les travaux de M. J. Prinsep et d'après les miei», sont intitulées, ùalcatta and Paris ^ et elles rem- plissent plusieurs numéros du Joumsd Scientifique de Gœttingue ^ . Le sa- vant auteur s'y est principalement proposé pour objet de tirer de cette suite nombreuse de monuments numismatiques , bactriens-grecs , grecs-indo- scy thiques et indiens , les résultats qui peuvent être admis avec le plus de sûreté et qui intéressent le plus l'histoire et la succession des dynas- ties , la connaissance des faits et des systèmes religieux; et déjà quelques- uns de ces résultats ont passé dans la science, comme le prouve l'usage que vient d'en Ëdre l'âlustre M. Fr. Creuzer dans sa docte Dissertation sur le ilfîffcr^iuii réeenunent découvert à Neuenheim^. Mais, pour en revenir aux travaux de MM. Wilson et K . Ott. Mtdler , l'un et l'autre de ces savants se sont trouvés naturellement dans le cas d'exprimer sur plusieurs points des idées différentes des nôtres, en s'autorisant, soit de monuments dé- couverts postérieurement à ceux que nous avions feit connaître , soit de considérations qui leiu* étaient propres; et nous aurions nous-même plus d'une rectification et plus d'une vue nouvelle à proposer, au sujet de quelques-uns de ces monuments, qui d'abord n'étaient venus entre nos mains qu'en un ou deux exemplaires trop maltraités par le temps , et qui , depuis , ont apparu en nomHre plus ou moins considérable et en un bien meilleur état de conservation. La science avait donc gagné beaucoup au travail de M. K. Ott. Mûller, et elle se trouvait encore enrichie par celui de M. Wilson. Je ne parie pas de la publication faite par M. Mionnet, dans le huitième volume de son Supplément, des principales médailles de la suite bactrienne de notre Cabinet, et qui, ne consistant qu'en une simple description de monuments , tous déjà connus , et, du reste, sans aucune vue systématique , n'avait apporté aucun élément nouveau à la question qui concerne la distribution chronologique de ces monuments.

^ Gôitinguche gelehrte Angeigen, Februar i838, St. a 1-97, S. aoi-a5a. * Das Mithrêum von Nêuenh$im hei Éeideïkerg êrïâutert von U Fr. Creuzer. Heidelberg, i838, S. 17-38, Anmerk. 17), S. 68.

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740 JOURNAL DES SAVANTS.

Mais je signalerai enà&nmr \ién deux outrage» importants qui se rat- tachent directement à rintdyiigeneé de m^ médailles et à ihistoire des dynasties dont elles sont Touvrage : c'est celui de M, Ch^ Ritter, sur les Stupas ou Topes, dont un de nos savants coofrèrea a déjà commencé à donner, dans ce journal même ^ une analyse raisonnée, et le livre de M. Lassen wr Thistoire des rois grecs et indo-seythiquea de la Bac- triane et de Tlnde^, livre le savant auteur s est principalement attaché à fixer Talphabet des légendes haotriennes, et à tirer du déchiflrementde ces légendes des notions historiques qui pussent servir au rétablissement et à la classification des dynasties dont nos médailles sont presque les seuls monuments qui se soient conservés sur la terre* Je me home à citer ici le livre de M. LÂssen, sur lequdj aurai plus d'une fois à revenir dans le cours de mon travail.

Il s agit maintenant de faire connaître à nos lecteurs les principales médailles de la collection de M. le général Court que j*ai eues à ma disposition. Plusieurs de ces monuments ont été déjà publiés par M. J. EVinsep dans le Journal Asiatique de Cidcutta, soit d'après lexem- plaire même de cette collection, qui se trouvait alora et qui est encore unique aujourd'hui, soit d'iqvès une seconde médaille du même coin, provenant d'autres collections formées dans Tlnde ; mais la publication due aux soins de M. Prinsep, dans un journal tel que celui de la Société Asiatique du Bengale, qui s'imprime à Calcatta et ne circule en Europe que dans un trop petit nonaibre de mains, e^ nécessairement trèa-bomée; sans compter que l'habileté des dessinateurs de l'Inde est souvent en déSaut, quand ila'agit de reproduire des monuments de fart antique, d'une conservation presque toujours aases défectueuse; en sorte qu'à plusieurs égards les monuments que je publierai après M. J. Prinsep seront nouveaux pour beaucoup de nos lecteurs. Û en sera de même , à plus forte raison , de quelques autres de ces médailles de la collection de M. le général Court, qui sont encore tout à fait inédites, et qui ajoutent, soit des éléments absolument nouveaux à notre numismatique gréco^bactrienne , soit des circonstances nouvelles h des faits déjà connus ; et , sous ce double rapport , j'ose me flatter que la descripticMi que je vais donner de ces monuments si précieux et si rares sera de quelque, intérêt pour nos lecteurs et de quelque profit pour la science. Je ne regrette qu'une chose, dans ce double intérêt, c'est

' Joam. des Sav, septembre i838, p. 54a-55Â. * Ce livre est intituié: Zur Geâchichte d$r Griechisehe and Indoskythiscien Kânige in Bdctrien, Kahal and Indien, darch Entz^erttug der altkahalischen Legenden at^f ihren Mûnzen, von Cbr. Lassen. Bonn, i838, S. i-vi , i-a84 ; in-8^

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il en résulte une présomption de plus à l'appui des rapports qui lient la dynastie d'Apollodote et d'Eucratide à celle d'Euthydème , et les deux premières entre elles. Deux autres médailles, récemment découvertes, d'Euthydème, confirment encore ces rapports, en y ajoutant un élé- ment nouveau. La première est un beau tétradrachme , qui se trouve dans le cabinet du îy Swiney, et qui a été publié par M. J. Prinsep *. On y voit , d'un côté , un portrait de Roi qui paraît jeune et imberbe, la tête diadémée et toiunée à gauche , le commencement du buste vêtu de la chlamyde; au revers, une figure d'flercafe, nu, debout, de fece, portant de la main gauche la massue et la peuu de Uon, et tenant de la main droite une couronne; dans le champ, de chaque coté de la figure, se lit l'inscrip- tion grecque, BA2IA£û£ EYeYAHMOY, (monnaie) du Roi Euikydème, avec la lettre ^ , gravée près des pieds de la figure. Or, ce qui est firap- pant, au premier aspect de cette belle médaille, pour toute personne ver- sée dans la numismatique, c'est l'analogie de style, de travail et de fa- brique qu'elle offre avec notre superbe tétradrachme d'Agathocle. Cette analogie serait sans doute encore plus forte et plus sensible, si l'opération malheureuse qu'on fit subir à ce médaillon , en le mettant au feu pour s'assurer qu'il était bien d'argent , n'en avait pas altéré la surface et défi- guré un peu le profil , de l'aveu de M. Prinsep lui-même. Mais , tel qu'il est , il appartient évidemment à une fabrique si semblable à celle d'Aga- thocle qu'on pourrait, au premier aperçu , et abstraction faite de l'ins- cription , qui ne permet pas de méconnaître son attribution , le regarder comme faisant partie de la suite même d'Agathocle; et ce qui vient encore à l'appui de cette analogie si frappante , c'est que la lettre ou mono- gramme ^, qui se lit dans le champ du revers, est le même signe qui s'est déjà rencontré, précisément à la même place, sur notre tétradrachme d'Agathocle et sur notre charmant trioboie de Démétrius ^. Ce signe mo- nétaire , empreint sur la monnaie d'Euthydème et reproduit siu* celle de Démétrius , devient une preuve palpable des rapports historiques qui lient ces deux souverains de la Bactriane, dont l'un était le fils de l'autre ; et le même signe gravé sur la monnaie d'Agathocle devient aussi, avec la fabrique et le travail , un élément numismatique de plus à l'appui des re- lations qui durent exister entre Agathocle , le fondateur présumé de la première dynastie des Grecs de la Bactriane, et la fiaimille d'Euthydème,

* Journ, qf the Asiat, Soc, of Bengale, t. V, p. 72 1, pi. xlti, n* 3. * Deuje. Supplém. planche, n" a , p. 16. Le type du tétradrachme précédemment décrit d*Eu- thydème était déjà connu par la drachme d*argent de notre Cabinet, que j*ai publiée , Prem, Sappl pi. n , n" 3 , p. 6. Mais la lettre L, empreinte sm* cette pièce , diffère de celle qui se trouve sur le tétradrachme du D* Swiney, et qui est un 4.

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successeur d' Agathocle et père de Démétrius. D'après cet exemple , on peut apprécier Timportance qui s attache aux signes monétaires dont il s agit, quand il s y joint, comme dans ce cas-ci, les indices fournis par la fabrique et par le style des monuments.

L'autre médaille d*Euthydème, récemment acquise à la science, que j*ai signaler ici comme offrant une nouvelle preuve de ces rapports numismatiques , qui deviennent autant de témoignages directs de la re- lation historique des princes auxquels elles appartiennent, cest une pièce de bronze ayant pour type principal une Tête barbue , tournée à droite , qui parait laurée, et au revers , un Qieval galopant à droite , avec la légende grecque : basiaeûS EreTAHMOY. Trois exemplaires de cette rare médaUle, provenant de Beghram et de Jelahbad, se trouvaient dans la collection de M. Masson qui les a publiés ^; le même type existe aussi sur des médailles , pareillement de bronze , mais de moindre module ^, dont un exemplaire, &isant aussi partie de la collection de M. Masson , a été reproduit d'une manière plus fidèle ou d'après un meilleur dessin , par les soins de M.Prinsep. La Tête barbue, qui forme le type de ces mé- dailles et qui est décidément laurée dans le dessin cité en dernier lieu, ne permet pas de méconnaître , au lieu du portrait d'un de ces rois , tou- jours représentés imberbes sur les monnaies que nous en possédons, une tête idéale de Dieu , et conséquemment de Jupiter, à qui seul peut convenir le caractère de cette tête barbue et laurée. Cela posé, on saisit ici un nou- veau rapport entre la monnaie d'Euthydème ayant pour type cette tête de Jupiter, et celle d'Agathocle làjigvu^e de Jupiter, debout, forme le type du revers; et quant au Cheval déjà connu, mais à îétat de repos, sur d'autres monnaies de bronze de la Bactriane , frappées sous Eucratide , sous Hermaeus et sous Vononès^, il n'est pas sans intérêt de remarquer la signification symbolique de ce type, lié au culte du soleil, dont il s'est con- servé tant d'applications sur les médailles des villes grecques de tout âge, précisément sous la même forme et conçu de la même manière qu'on le voit sur notre médaille d'un roi grec de la Bactriane, c'est-à-dire , augalop,

N" a . Tête de Roi , imberbe , tournée à gauche , coiffée d'une dé- pouille d éléphant, avec les cheveux ceints d'un diadème noué ^diT derrière, et le commencement du buste vêtu; revers , Hercule debout, de face, en attitude de poser sur sa tête une couronne de peuplier qu'il devait tenir de

^ Journ, of the Asiat Societ, of Bengale, t. V, p. a i , pi. n , n^ i . * Ibid. n* a . ' Deas. SuppUm, p. 3o , i ) , et p. 60, vign. 11 , n** a 1 . La médaille citée ici en premier lieu est cdie qui est publiée dans le Joam, oj the Asiat Soc. t. IV, pi. zxi , n. 8 , mais sans attribution certaine; voy. aussi ibid. t. V, pi. xxxv, n^ 1 1 . Nous allons retrouver le même type du Cheval libre sur des médailles d^Hélioclès.

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la main droite , mais qui manque parce que cette partie de la figure est eSacée ; portant de la main gauche, autour de laquelle est rpulée la peau de lion, sa massue élevée; légende grecque, distribuée en deux lignes , BA2ÎAECX1 AHMHTPIOT, (monnaie) du Roi Démétrius: dans le champ, le monogramme KPA s tétradrachme dune belle fabrique, mais d'une conservation médiocre; pi. i, n"" a. Ce médaillon est le même qui fut publié par Tychsen et par M. de Kôhler ^ , et qui fut longtemps regardé comme unicjue ; il continuait de Tetra, même k l'époque je publiai ma Notice et mes deux Premiers Suppléments^; et les nombreuses découvertes opérées dans le cours des dernières années, sur plusieurs points de YAfghanistan et du Penjab, n*en avaient point encore, à ma connaissance, procuré un second exemplaire. Celui-ci, qui fait partie de la collection de M. le général Court, a pour nous cet avantage de reproduire une pièce du premier ordre , appartenant à la plus haute époque du royaume grec de la Bactriane ; et c'est par cette raison que j'ai cru devoir publier de nouveau cette médaille d un si grand prix et d'une si excessive rareté; elle fut acquise dans le Penjab, elle circulait encore, munie d'un bé- lière; et cette particularité, qui explique l'état dans lequel elle se trouve» la rend encore plus intéressante. Une circonstance numismatique sur laquelle je crois devoir appeler particulièrement l'attention des anti- quaires , c'est le monogramme kpa , gravé dans le champ du revers. Ce monogramme, qui se voit aussi sur l'exemplaire publié par M. de Kôhler, s'était déjà rencontré sur un beau tétradrachme d'Ëuthydème , de la collection Honigberger, que j'ai fait connaître '; et il en résulte ainsi une grave présomption, pour ne pas dire une preuve positive, à l'appai du témoignage historique qui donne Démétrius pour fils à Euthydème. Or, il eût suffi de cette seule considération pour éviter à M. Mionnet la fausse combinaison à laquelle il a eu recotœs, afm de se rendre compte des variétés apparentes de la monnaie de Démétrius , en créant un second Démétrius , différent du fds d'Ëuthydème, et complète- ment inconnu dans l'histoire, prince qui aurait r^;né dans l'Inde et non dans la Bactriane , à une époque bien postérieure à celle du premier ^. La fabrique de notre médaillon de Démétrius, d'accord avec le mono- gramme, signe monétaire emprunté des tétradrachmes d'Ëuthydème, assigne positivement cette pièce diu fils d' Euthydème ^ seul prince du nom de Démétrius qui soit connu par l'histoire des Grecs de la Bactriane ; et

* Tychsen, Comm. rec. Gotting, t. VI, p. lO-iAt Kôhler, Si^lém. aux méd. de la Bactriane, p. i-8. * Notice, p. 5, 4): Prem, Sa/^lém. p. 3. ' Prem. SuppUm. pi. I, n* 3, p. 3. * Mionnet, Sof^lém. t. VIII, p. 473 la).

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le style purement grec de ce monument, sans compter Tabsence d une inscription bactrienne , ne permet pas de l'attribuer à me époque posté- rieure, qui est celle se produisirent ces sortes de médailles bilingues , communes en argent et en bronze , à partir des temps de Ménandre et d'Âpoilodote.

N^ 3. Éléphant en marche à gauche; type entouré de trois côtés de la légende grecque , basiabox aikâIÔt HAlOKAEét;^, (monnaie) du Roi Juste Hélioclès; revers , Bœuf bossu, tourné à gauche; type entouré aussi de trois côtés d une inscription en caractères baotriens , qui se trouve aujourd'hui presque totalement eSkcée par Teffet de la vétusté; pièce de bronze, de forme carrée et de fabrique ordinaire; pi. i, n"* 3.

C'est une pièce inédite et encore unique , du plus grand intérêt, malgré le métal , qui est commun , et la fabrique , qui est médiocre ; mais elle porte le nom da Roi Juste HéUoclès, dont on ne possédait encore quune seule médaflle d'argent, du module de tétradrachme, et seule- ment en trois ou quatre exemplaires ^ ; et encore n'était-te que par con- jecture qu'on avait assigné à un prince de la Bactriane ce médaillon d'Hélioclès, resté sans attribution certaine aux temps de d'Ennery et d'EckheL Cette conjecture, qui appartient à M. Mionnet, et qui est cer- tainement une des idées les plus heureuses dont la science soit redevable à son expérience numismatique, n'avait guère éprouvé de contradictions que de la part de M. W. de Schlegel ^, dont les doutes semblaient encore en dernier lieu partagés jusqu'à un certain point par M. Wilson*; ce sa- vant reconnaissait toutefois qu'un second exemplaire du médaillon d'Hélioclès, rapporté de Bofcfcara par le docteur Honîgberger, devenait pour ce prince , d'ailleurs inconnu dans l'histoire , un titre assuré au royaume delaBactriane. Mais ce titre, quelle qu'en fiit la valeur véritable, était bien loin de la preuve directe, authentique, palpable, que nous acquérons à présent par la pièce que je décris ; car cette pièce , d'une fabrique proprement et indubitablement bactrienne, de cette forme carrée qui ne s'est encore rencontrée que sur les monnaies bilingues , frappées dans la Bactriane et dans l'Inde , avec une double empreinte , VÉUphant et le Bœuf bossu , qui ne peut appartenir qu'à ces régions de

^ Le médaôHoaf de notre Cabinet, qai venait de cdiii de d*Ennery, fut longtemps regardé comme unique. Feu sir Rien. Payne Knight en possédait un second , qui est décrit dans ses Nummi veteres, p. 19^, et qui a passé depuis dans le Musée Britan> nique. D s'en trouve un troisième dans le cwiuet de H. Dupré, à Paris; et le mé- daulon rapiporté de Bcàht^a par le ly Hoikiçberger serait le quatrième ; j*ignore s'il en existe d*antres dans les collections de l*Inde et de FEurope. —- * Voyez ma Notice^ p. 4i 5). ' Numism. Joum. n* vu, p. i54.

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la Haute-Asie , porte , au revers du titre royal et de l'épithète connue d'Héliociès, une inscription bactrienne, malheureusement eiFacée, mais qu^on peut toujours espérer de voir reproduite en meilleur état, sur un second exemplaire, mieux conservé, de la même médaille ^ Il n*est donc plus douteux qu Hélioclès ne f&t un de nos rois grecs de la Bactriane; et la pièce de bronze firappée avec le nom de ce prince , que nous venons de recouvrer, et qui est le second monument numismatique de son règne, ajoute un élément nouveau à la détermination chronologique de ce r^ne, par cette même inscription bactrienne, par sa fiibrique, par son double type indo-bactrien, qui tendent è la classer dans la série in- termédiaire entre les pièces de bronze carrées d'Agathocle et celles de même forme de Ménandre et d'ApoUodote.

Mais ce n'est pas le seul avantage que nous aura procuré la décou- verte de cette rare médaille. Nous lui devrons encore le moyen de fixer avec plus de certitude l'attribution de quelques autres pièces de bronze , dont la détermination était restée indécise , et qui sont autant de mo- numents numismatiques , nouvellement acquis à la science , du règne d'Hélioclès dans la Bactriane. Deux de ces médailles ont été publiées par M. Masson^ ,et, d'après lui, reproduites par M. Mionnet^ comme mon- naies barbares attribuées à Hélioclès; elles ont pour type, sur la face prin- cipale, une tête de Roi, imberbe, tournée à droite, les cheveux ceints d'un diadèm£ dont les cordons tombent par derrière , le commencement du baste véta de la chkmyde ; au revers , un Cheval libre , marchant à gauche , et une légende grecque, distribuée de trois côtés , mais formée de caractères h peu près illisibles : baciaby. HmiABY. haiiait; ou bien : IIAEII . lAiiA .... AIIAIYI. Ces pièces sont de bronze, de grand module , d'une fabrique qui parait purement grecque , comme l'inscrip- tion qu'elles portent, et qui doit appartenir à une assez haute époque du royaume grec de la Bactriane , malgré une certaine imperfection de travail, qui dénote déjà l'influence delà barbarie; c'est, du moins, ce qu'on pouvait induire de l'aspect de ces monuments , tels qu'ils sont représentés dans les dessins de M. Masson; et c'est ce que je puis

' C'est peut-être uo second exemplaire de cette médaille, si ce n^est le même, qui est venu à la connaissance de M. J. Prinsep, et dont il fait mention dans son Joum. Asiut, t. VI, p. 987, au nombre des médailles communiquées à la Société par le général Ventura : « Among the coins , besides a number of ApolloJotus and Me- nander, silver, were a smsol silver Lysias, a copper coin of Hélioclès, unique. » Malheureusement il n*indique pas le type de cette médaUle unique. ** * Journ. of tke Asiat. Societ. t. III, pi. x, fig. 37; et pi. xi, iig. 48. ' Sapplém. i. VUI, p. 672 , n*' 3a et 33.

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dire avec plus d*assurance , maintenant que j*ai 80us les yeux une de ces médailles apportée récemment en Europe , et acquise pour notre Cabinet , dont on trouvera le dessin joint à cette notice , pi. i , n*" 3. Le portrait du Prince office assez d'analogie avec la Tête du médaillon d*Hé- lioclès, pour qu*on puisse y reconnaître cette Tête, malgré un travail qui tient déjà un peu delà barbarie; la fabrique est certainement grecque , bien qu'elle sente aussi la décadence ; mais c est surtout Tinscription grecque du revers , toute défigurée qu elle est par les mains à demi bar- bares dont elle est Touvrage , qui prouve que ces médailles appartien- nent bien réellement à Hélioclès. Cette inscription se compose de trois lignes , distribuées précisément comme elles le sont au revers du mé> daillond'Hé]ioclè5;cestà savoir, à droite, derrière ie Cheval, .aiiaecxI; à gauche , devant ianimal, HAloKAEoTS; et à Texei^ue , au-dessous du Cheval, AlKAloY. Ce qui a rendu ces deux derniers mots méconnais- sables jusqu ici pour tout le monde , et ce qui a produit les leçons bar- bares rapportées plus haut, cest Tabsence des omicron, dans le nom HAIOKAEOTS, et dans le mot aikaiot j mais cette absence tenait à ce que, dans le principe, cette lettre ayant été représentée sous une fom>e infiniment plus petite que les autres, avait finir par dispa- raître tout à fait sous les mains des graveurs inexpérimentés qui, dans la décadence de la civilisation grecque de la Bactriane , furent chargés de copier cette inscription ; car*, d'ailleurs , tous les éléments de la lé- gende grecque , BA2lAEns hai[o]kae[o]t£, (monnaie) da Roi Héliodès le Jaste, se retrouvent ici d'une manière certaine ; et il résulte de cette inscription , d'accord avec la téte^ du Roi diadémée, avec la fabrique purement grecque, et avec l'absence d'une légende bactrienne, une preuve positive en &veur de l'attribution de ces médailles à Hélioclès. Nous acquérons une preuve nouvelle de la certitude de cette attri- bution , en même temps qu'un nouveau monument numismatique «du règne d'Hélioclès, dans une autre médaille, publiée aussi par M. J. Prinsep, qui ne l'a cependant pas reconnue pour appartenir à Hé- lioclès. Mais peut-éti^ n'avait il pas vu le monument original qu'il cite comme /aÎ5an^ partie de la collection de M. CouH, et qu'il donne d'après un dessin qui lui en a été communiqué ^. Quoi qu'il en soit , c'est

' Jofirn. of tke Aêiat, Societ. t. V, pi. zxxv, n* p. 55o : « Is taken £nom a « drawing by M. Court, who bas been forlunate in fioding a new type of this curious « copper coin , the reverse of which usually présents the figure of a naked horse. « ( oee voK IV, p. 343. ) > La médaille a laquelle renvoie ici M. Prinsep, et qui se trouve gravée, t. IV, pi. xxi , n** la , est celle qui vient d'être précédemment décrite. £31e se trouve accompagnée, même planche, n"* la et i4i de deux autres pièces de

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la médaille même que j'ai ene entre les mains , et dont je publie à mon tour un dessin exact ; en voici la description :

N"" 5. Tête de Roi, imberbe, tournée à droite, les eheveui ceints d'un diadème noué par derrière , le commencement du basie véta ; type en- touré d'un cordon, imité d'une bandelette à flocons de laine, tel qu'on le voit habituellement autour de la tète du prince , sur les tétradrachmeÈ des rois de Syrie; revers, Japiter debout ^ de face, vêtu d'une tunùjne courte , s*appuyant de la main gauche levée sur la haste pare , ou le sceptre , tenant de la droite abaissée un foudre ; inscription grecque dis* posée sur trois lignes, c'est à savoir, à droite de la figure , axiabox; Ik gauche . Ai[o]KAE[d]r2; au-<lessous, à fexergue, aikai[o]t; et dans le champ, un monogramme; pièce de bronae, du même module que la précédente , et de la même &brique grecque , sdtérée d'une manière qui accuse pareillement l'influence de la i>arbarie , ou le progrès de la dé* cadence , pi. i , fig. 5.

Il suffit de jeter les yeux sur cette médaille pour se convaincre qu'elle appartient réellement à Héliodès. he portrait da Roi s'y montre encore plus reconnaissable , et le cardon qui fenioare , et qui est imité de la monnaie des rois de Syrie , existe en effet sur le médaillon d'HWoclès, Le type du revers , consistant en la figure de Jupiter debout, appuyé d'une main sur le Sceptre , et tenant de l'autre main le Foudre, est préot* sèment le même qui se voit au revers de ce médaillon d'Hélioclès , avec une légère altération dans le costume grec^ qui se rapproche des formes scythiques, et qui tient, comme l'exécution du monument même , h l'influence du voisinage des nations scythiques qui détrui* sirent ce royaume grec de la Bactriano. Enfin , l'inscription grecque , toute défigurée qu'elle est par la suppression de ïomicron, dans les mots HAÏOKAEOT2 et AIRAIOT , n'en est pas moins visible dans tous ses éléments'; en sorte que cette pièce de bronze , d'un module qui égale celui du tétradrachme d'Hélioclès , en est la reproduction k peu

bronze, de moindre module, offiraiH le mkne type sur ia face priodpale et sur le revers , avec une imperfection de trarail encore plus forte, qtti accuse plus eensiUe- méat la barbarie, et avec les âément», pareillement allérég, mais toujours reconnais- sablés , de la légende grec(^ûe : BASIAEns HAIOKAEOrS AlKAIOr. Les deux fetits bronzes dont il s*agit ici existent aussi dans la coUeclion de M. le général Court ; ai fait dessiner le mieux conservé des deux; et on en trouvera le dessin joint à cette notice , pi. i , n* 5. * Le pàtKam dont est vêtu le Jupiter du médailloà a Hâioclès , de style purement grec , se trouve ici converti en une tumque courl», qui appartenait au costume scytbique; et c'est un de ces symptômes de barbarie , dus au voisinage des nations scytbiques, qui ne pouvaient manquer de se produire sur des médaiOes de laBactriane, d'une époque de décadence plus ou moins avancée.

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près exacte, sauf k dîffài^noe du métdi et T^tératioa du travail, qui tient, comme je Tai dit , à f ÎBfluencMt de plus esx phia croîssante de la barbarie. On ne sera cependant pas sorpris qve ni M. Masson , ni M. J. Prinsep, n'aient pu reconnaître ici une médaille d*Hdioclès; ia lé- gende B£iABa2 BÀsiAEYS , qu'ils avaient cru trouver dans les deux mots gravés à droite et à gauobe de ia figure , n était pas propre à les éclairer, mais seulement à leur inspirer des doutes sur cette inscr^tion même , qui nottrait aucun sens. Les lettres aIIAIY, lues à Veaergue, et que M. J. Prinsep, par une conjecture heureuse i croyait provenir de la corruption du mot AlKAior , It may fouibfy 6# onfy a perversion ofihe epiAet AïKAieT , auraient pu mettre ce savant sur la voie ; mais le type même qu'il interprétait par la figure du primoe, tenant ane branche d'olwier et ane lance , symboles de paix et de guerre , au lieu d'y reconnaître Japiten appuyé sur ia haste et tenant le fciidre » achevait de mettre en défaut sa sagacité habituelle ; et cdia uniquement faute de connaître le médaillon d'Hélioclès , dont le seul exemplaire qui ait apparu récemment dasis ces végions de la Haute-Asie » celui qui fiit acquis à Balàiara par le I>. Honig- bet^er, n'avait sans doute jamais passé sous ies yeux de M. Prinsep, rési- dant à CalcaUa.QvL(A qu'il en soit, j'imagine qu'iljie saurait plus subsister maintenant dans l'esprit d'aucun de noê leeleurs ie moindre doute cpie la médaille de bronze^ décrite ^i dernier lieu , &k réellem»it partie de la suite d'Hélioclès, dont elle reproduit dans tous ses éléments, mais avec une exécution défectueuse, le célèbre tétradracbme d'argent Voilà donc , avec les deux autres monnaies de bronze précédemment dé- crites , trois monuments nouveaux de ce règne d'Hélioclès dans la Bac* traane, qui était encore, il y a quelques années, tm problème dans la numismatique et dans l'histoire ; et voilà certainement une des con- quêtes les plus précieuses pour la science qui soient sorties récemment de ce sol de l'Inde , si riche, contre toute apparence, en monuments d!antiquité griecque , et qui n'a pas sans doute livré enems à nos re- cherches tout ce qu'il recèle de trésors en ce genre. Je terminerai cet article des monnaies d'Hélioclès par une deamière observation. Toutes ces monnaies de bronae , pius ou moins altérées dans le type et dans ia légende , paraissent provenir d'une &brique barbare , établie aitteurs que dans le siège même de la dynastie <f Héliociès. Or, c'est un fait complètement analogue à celui que nous avaient déjà fait connaître les tétradracfames d'Eutbydème , de fabrique barbare, qui se recueillent de nos jours assez communément sur le territoire de l'anciemie Sogdîane, et que le commerce poHe à Bohhara. On sait d'ailleurs, et j'ai eu d^à plus d'une occasion d'en faire la remarque , conabieia ii existe dans nos

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cabinets de tétradrachmes d'Mexandre et des rois de Syrie , eontr^Giits de la même manière , de ces tétradrachmes qui formaient pacidant toute ia période séieucide , et plus tard encore , la principale monnaie qui efti cours dans les régions de l'Asie moyenne. B paraîtrait donc qu'à une certaine époque du royaume des Grecs de la Bactriane y il exista, dans une des contrées limitrophes, un atelier monétaire se fabriquaient des pièces d'argent et de bronze , imitées des tétradradimes d'Eùthy- dème et des bronzes d'Hélioclès ; et c'est k cette circonstance que j'attri- buerais l'émission des monnsdes de bronze, de febrique barbare, au type d'Hélioclès, qui ont été récemment découvertes , et dont Tesûstence , de quelque manière qu'on l'explique , devient, en tout cas , la preuve positive du règne d'Hélioclès dans la Bactriane.

N^ 7. Tête de Roi, imberbe, tournée à gauche , coiffée d'un castfue, le coomiencement du buste véta de la chlamyde ; inscription grecque , dis- posée de trois côtés, A2iABns saTHPO£ menanùpot, (monnaie) da Roi Saavear Ménandre; revers, Bouclier rond macédonien , ayant pour in- signe, hrie^fMf, une tête de Méduse , de face ; légende bactrienne, distribuée aussi de trois côtés ; pièce bronze, de forme carrée et de belle fabrique; pi. I, fig. 7. Ce bronze de Ménandre est remarquable par son type, qui n'est pas absolument nouveau^, et par sa fabrique , qui se distingue entre toutes celles des monnaies de bronze, connues jusqu'ici, du règne de Ménandre. Ce type de Méduse se rapporte ici, comme la Chouette qui s'est déjà rencontrée au revers d'autres médailles de Ménandre^, au culte de Minerve, dont la figure debout, en attitude de Promoc^s, telle qu'elle était réprésentée sur la monnaie autonome de la Thessalie et sur celle des rois de Macédoine et d'Épire, forme le type habituel des drachmes de Ménandre , vingt-kait dcsqudles existent dans la seule collection de M. le général Court, toutes avec des variantes, et dont quatre, choisies sans doute dans un nombre ausâi considérable, viennent d'être publiées par M. Wilson ^. Je remarque encore, au sujet de ce masque de Méduse, servant d'emblème sur le bouclier de la PaUas macédonienne , que le travail y rappelle tout à ftât celui du même emblème qui forme le type de toute une nombreuse classe de monnaies de bronze autonomes , appartenant à des vâles de la Papblagonie et du Pont, telles quAmastris, Amisus, Chabacta, CoMana, et d'autres encore.

^ La même médaille, ou du moins, utie pièce semUable, mais le type est rendu méconnaissable par la faute du dessinateur, est publiée par M. Prinsep , Joum. of the Atiat. Soc. tom. V, pi. xlvi, n* 5, qui décrit ainsi le type en question, p. 733 : The circalar shield of minerva with Médusas head.' * Ibidem, n. 6. ' Joam. iVomiim. pi. 1 , n*' 3 , ^ , 5 et 6.

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N"* 8. Figare virile, la tète couverte dun casque , vêtue de la taniqae Cùorte et chaussée de brodeqains , debout , de fiace , se tournant à gauche , la main gauche appuyée sur un javelot posé obliquement; type entouré de trois cotés d'une légende grecque : BA2iAEnx aikaiot . .nanàpoy, (monnaie) da RoiJaste Ménandre; dans le champ, un monogramme; revers. Panthère se dressant à droite sur ses pattes de derrière; type entouré de trois côtés d'une l(%ende bactrienne ; pièce de bronze , de forme carrée et de belle fabrique, pL i, fig. 8. Tout est nouveau pour nous dans ce beau ckalkoas de Ménandre, le double type et Tépithète de Juste , qui n avait pas encore apparu sur la monnaie de ce prince , constamment quahiié Sauveur. Or> Temploi de cette épithète, qui avait été dans le principe affectée particulièrement par Héhociès, semble établir quelque relation entre ce prince et Ménandre , en même temps qu il vient à îappui du témoignage historique de Plutarque, sur fadndnistratim juste et paternelle de Ménandre , roi de la Bactriane ^ . Le ^pe de la Panthère, qui est celui des chalkous d'Âgathocle^, forme encore une présomption en faveur des relations qui purent exister entre Mé- nandre et les princes de la dynastie d'Agathode , à laquelle devait se rat- tacher Hélioclès, par la £ad>rique et par le type de ses médailles. Quant à laFi^ur^ virile armée, qui forme le type de cette médaille de Ménandre , je ne crois pas me tromper en y reconnaissant le dieu Ma^^s lui-même , au lieu de la figure du prince, sous les traits de Mars, attendu que Tu- sage constant des premiers rois grecs de la Bactriane fut de placer au revers de leurs médailles la figure en pied d*un dieu , tel que Jupiter sur les monnaies d*Agathocle et d'Hélioclès, Hercule sur celles d'Euthydème et de Démétrius, Apollon sur celles d' Apollodote , les Dioscnres sur celles des deux Eucratides ; et que T usage contraire , celui de repré- senter le prince sous les traits et avec les attributs d'un dieu, est d une autre époque que celle à laquelle appartiennent nos médailles grecques de la ^ctriane '.

* Hularch. Reipnbl ger. Pracepi. t. IX, p. aôS-g. Rcisk. Voy. mon P/vm. SappL p. x4. * Voye» mon Pfem. Supplém. pi. i, fig. i ; Joam, ofthe Asiat. Societ, t. III, pi. IX, fig. 1 7 ; t. V, pi. xxxY, fig. g ; Journ. Nunùsm. pi. m , n* 3 1 . ' L'usage grec de représenter la^iyure d'un Dieu, au revers de la tête du Prince, durait encore au temps de la dommation d*Azès ; témoin la belle médaille ce monarque indien , avec le type du Neptune debout, on pied appuyé sur la figure de V Indus, médaille que j*ai (ait connaître le premier. Deux. SuppUm, n* 17, p. 45-46, et qui a été aussi publiée dans le /oam. ofthe Asiat. Soc. t. IV, pi. xxiii, n* i4; et je fais cette obser- vation, parce que M. de Cbaudoir, qui possède la même médaille, et qui Ta publiée de son côté, dans son SuppUm. aux Correct, et Addit. pi. iv, n* 4a , y a vu le Roi lui- même en costume de Neptune : ce qui me paraît contraire à la vérilé.

752 JOURNAL DES SAVANTS.

ti" 9. Figurevirik qui paraît vêtue d'maa^^rides, chaïuféede hrodeqmns et vètiie d'une chlmnyde tombant par dernère > avec un c^msis sus it dos, debout, tournée à gauche « s appuyant de la main ganohe sur uia «lie poflé en terre, et tenant de la naain droite une flèche, type enfermé dans un canré fonné de globules aliongés , avec Tinscriptian grecque , gravée en dehors de ce carré , et distribuée de trais cotés, mais ineomn

plète , BASI ABHS BA AXio AA«Â«T«T , ( monnaie ) da Rai (des Rois}

ApùQcdote; revers. Trépied; dans le champ, un gywiole qui parait être une enseigne miUtaire ; type enfermé dans le même >camé qui se voit à la face principale ; légende bactrienne, distribuée de trois côtés, maïs eo partie effacée; pièce de broiue, de forme carrée, de moyen module,- et dune fabrique médiocre ; jd. i, n^ 9^ Ce bronze d'Apc^odote est encore inédit , et , sous ce rapport , il se recommande à f attention ées. antiquaires. La figure, qui forme le type de la face principale, ne peul être qu*i4po{(oii, type constant des monnaies ^ApoBodote, certamement par aÛusiôn au nom de ce prince ; mais ici la figure du dieu est conçue d'une manière différente , c'est à savoir vitsbe^ et non pasnoe, ce qui s*^oigne des traditions grecques» et i^Knedans «m coalume scy thique, ce qui se rapproche des habitudes locales. Le titre baziabos BAoïAavir, qui ne s'était pas encore produit, à ma connaissance, sur les monnaies d'ApoUodote, est une autre innovation qui accuse de plus en plus cette influence d'une civilisation étrangère, et qui ne peut appartenir qu'à une époque j^us récente. Tout se réunit donc pour nous £ure consulé* rer cette médaille comme un des derniers monuments numismatiqnes du règne d'ApoUodote. Une particularité sur laquelle je crois devon* appeler l'attention des numismatistes, c'est la forme du carré à gblnles allongés, qui doit être emprunté de la bande ktte à floœns de kine, usitée , coiimie il a été observé jdus haut , sur la monnaie des rois de Syrie. Cette sorte de bandekUe était essentiellement propre au culte delphique^; et de vint qu'elle dut figurer sur les médailles des Séleucides, dont le type le plus habituel, fourni par le culte national de ïApolhn de Daphné, était la figure d'ApoUoa assis sur tomfhalos. Il était donc naturd que la même bandelette fôt employée de la même manière sur la monnaie d'ApoUodote, en même temps que ce prince adoptait pour son propre compte le type de la monnaie séleucide.

N"" 10. ii^Usn, iiB, debout, de bce, la tète toucoée à droite» s'ap-

' G est une noiion qu*il m*est permis de dire que Taî contribué moi-même à étaUir, puiique les observatioiis que i*ai faites dans ma Lettre à M. le due de Lnynes, p. 20, au mijei de la hendektte ielphi^uê» figurée sur des médailles grooquet, ont d»lenufas8entimefttdeM* Fr. Gieaier, twGemmetibÊndejS. ao3, afii*

DÉCEMBRE 1858. 755

puyant de la main gauche sur un arc posé en terre, tenant de la main droite \me flèche; dans le champ, un monogramme; inscription grecque distribuée de trois côtés, baSIAEOS AlloAAoAtfToYZaTHPoX, (monnaie) du Roi Apollodote Saaveur; revers, Trépied entouré de quatre côtés d un grainetis formé de globules ; dans le champ , un monogramme ; l^ende bactrienne distribuée de trois côtés; pièce de bronze, de forme carrée, de moyen module et de belle febrique; jd. i, n"" lO. G*est une des médailles d' Apollodote , du type le plus ordmaire, mais de la plus belle fabrique que nous ayons encore recouvrées. La conservation de la légende en caractères bactriens est à peu près aussi parfaite qu'on puisse le désirer; elle ofire donc aux travaux des philologues, pour le déchiffrement de ces l^endes , une base plus sûre qu'aucune autre , et ce motif m*eût paru suffisant pour reproduire cette pièce déjà connue , bien que de coin toujours varié, et d'une fabrique excellente, qui la range parmi les meilleurs monuments numismatiques du règne d'A- pollodote, si je n'avais eu , d'aflleurs , pour publier cette médaille, une raison déterminante dans l'analc^e qu'elle offre avec une antre pièce inédite d'un roi de la Bactriane , qui sera décrite plus bas , et qui me parait d'un grand intérêt.

RAOULROCHETTE.

( La suite aa cahier prochain.)

Le Livre des Rois, par Aboulkasim Firdousi, publié, traduit et

commenté par Jules Molli. Tome V'.

PRCMIEA ARTICLE.

Considérations sur Tancienne histoire de la Perse.

L'empire des Perses a jeté sur la scène du monde le plus brillant édat. Ses conquêtes et ses revers ont été l'entretien de notre en&nce comme de notre âge mur ; les monuments gigantesques tievés par ce peuple sont encore en partie sur pied ; même dans leur état de dégra- dation , fls conservent, après tant de siècles , la physionomie la plus im- posante , et semblent défier la main du temps et les efforts de la bar- barie ; ils ont vu cent fois et voient tous les jours croider autour d'eux

754 JOURNAL DES SAVANTS.

ces édifices , plus brillants que 9(dides , élevés par des monarques d an âge beaucoup plus récent, et dont la magnificence éphémère ne trans- met qu*à un petit nombre de générations le souvenir des princes dont ils sont louvrage. Il est bien naturel que la curiosité s'attache à tout ce qui concerne une nation si justement célèbre : que Ton recherche avec un soin scrupuleux les &its qui rappellent son histoire , ou retracent ses mœurs , ses habitudes , ses opinions religieuses ; que des . savants en fassent avec prédilection le sujet de leurs doctes et patientes investi- gations ; que , dans Fespoir d'atteindre ce noble but , ils interrogent tous les monuments littéraires que le temps a épargnés. Les .secours que la critique et l'érudition peuvent mettre en œuvre sont de deux espèces : 1 *^ les historiens grecs et latins, 2 "* les historiens orientaux. Malheureu- sement ces deux classes d'écrivains sont loin de s'accorder ensemble ; bien au contraire, leurs narrations présentent les différences les plus considérables , les contradictions les plus choquantes ; en sorte que l'on serait à chaque pas tenté de croire , si l'on n'avait la certitude du con- traire , que ces récits nous présentant l'histoire de deux peuples qui n'ont eu l'un avec l'autre que peu ou point de rapports. Auxquels de ces écrivains doit-on donner la préférence ? C'est la première question qu'on doit se faire; et elle offre une très-haute importance , puisque de sa solution dépend le plus ou le moins de confiance que doit inspirer l'historien. Quelques modernes se sont déclarés pour les. écrivains grecs et latins , dont ils ont reproduit fidèlement les récits ; d'autres ont pris pour guides les écrivains orientaux; d'autres enfin ont essayé, en appelant à leur secours l'érudition et la sagacité la plus patiente , de coordonner ces matériaux disparates, d'éluder les difficultés, de con- cilier les nombreuses contradictions qui se présentent sur chaque fait , de rétablir la chronologie si méconnue , si grossièrement altérée par les écrivains orientaux ; de composer avec ces éléments hétérogènes une narration suivie , bien liée et bien authentique. Mais ces tentatives, sans doute très-méritoires, n'ont produit jusqu'ici aucun résultat bien satisfaisant. Et, malgré les efforts de tant de savants hommes , la question n'est pas aujourd'hui beaucoup plus avancée qu'elle ne l'était jadis*

11 existe pour l'histoire des monarques de l'ancienne Perse une source de renseignements beaucoup plus sûrs que tous ceux dont les écrivains grecs ou orientaux nous ont transmis la mémoire. Je veux parler des ins- criptions cunéiformes, gravées sur des rochers ou des monuments d'ar- chitecture , à l'époque même de la domination des rois dont elles rap- pellent les noms et les exploits. Lorsque ces légendes précieuses, qui sont aujourd'hui Tobjet des investigations de plusieurs savants distingués, au-

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ront été laes , déchifirées et interprétées de manière à ne plus laisser de prise au doute, elles mettront sous nos yeux une longue suite de faits con- temporains, racontés au moment même de leur existence par ordre de Tautorité publique , exposés aux yeux des hommes qui en avaient été té- moins, qui avaient pu y prendre une part active. On sent bien que de pareilles inscriptions ont un caractère d'authenticité qui les met com- plètement hors de ligne , et que sont loin de partager les histoires les plus véridiques. En attendant que le déchi£Erement de ces précieuses légendes nous révèle la suite des exploits des souverains de la Perse, les ordres qu'ils promulguaient pour la sûreté et la prospérité de leurs vastes états , nous sommes réduits à choisir entre les récits des historiens grecs et les traditions orientales. U me semble que tout homme qui examinera la chose avec une attention scrupuleuse, qui pèsera les raisons que Ton a alléguées de part et d'autre, n'hésitera pas à se prononcer en feveur des historiens grecs. Seuls, ils ont écrit aux époques qui virent naître les événements , ou peu de temps après. Hérodote avait parcouni une par- tie de l'Orient , avait conversé avec des Perses versés dans la connais- sance de leur histoire nationale; Gtésias avait vécu à la cour des rois de Perse , avait consulté les archives de cet empire : par conséquent ils avaient l'un et l'autre été à portée de recueillir ime foule de &its dont la mémoire était encore toute fraîche ; tandis que les écrivains orientaux, séparés par un grand nombre de siècles des événements dont ils ont entrepris de ressusciter la mémoire , ne prenant pour guides que des histoires incertaines, ou des traditions fabuleuses; entraînés par cette passion pour le merveilleux , contre laquelle les habitants de l'O- rient ont tant de peine à se prémunir ; ne tenant aucun compte de la vraisemblance , commettant de sang-froid les erreurs de chronologie les plus choquantes , ne peuvent nous offrir, pour ce qui concerne l'an- cienne histoire de la Perse , que des récits vagues , incohérents , qui ne sauraient soutenir l'examen d'une critique judicieuse et impartiale. C'est ce que je prouverai plus.bas, lorsque je rapporterai de quelle manière ont été écrites les premières relations des faits qui concernent la Perse. C'est donc , je crois , uniquement chez les écrivains grecs que nous de- vons chercher l'histoire de Cyrus et de ses successeurs. Je dis à dessein l'histoire de Cyrus et de ses successeurs , car ce prince fîit en effet le fondateur de l'empire médo-perse. Mais , avant cette époque , même sous la dénomination des Mèdes , il existait sans doute dans l'Asie orien- tale plusieurs royaumes, plus ou moins étendus, dont les princes re- connaissaient pour leur souverain le monarque qui siégeait à Ecbatane. Du temps même de Cyrus , nous trouvons dans l'histoire un roi de

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750 JOURNAL DES SAVANTS.

rArmétiiîe , un roi de la Baotriane , un toi de la Susiane , etc. On peut donc x^f oire que la province de Perse avait aussi ses rois ; que Caœbyse et Gy rus étaient les descendants de cette dynastie et occupaient le trône de leur patrie : car fl est peu présumable que le puissant Aslyage eût été choisir un Perse d*tine naissance obscure pour lui donner sa fille en mariage. H est probable que le récit fait à Hérodote avait été ima- giné par quelques Mèdes , qui, mécontents d*avoir un Perse pour roi, cherchaient au moins pu* des propos mensongers à rabaisser CjC prince, et à le représenter comme un parvenu , que ses intrigues et son ambi- tion avaient seules porté a%i trône. Les historiens orientaux s accor- dent à nous peindre une suite li'anciens rois qui dominèrent sur la P<erse. Les noms de plusieurs de ces rms , tels que Kaîoumors, Uou* seheng, Djernschid et autres, nous ont été non-seul^nent conservés par 4es traditions constantes , unanimes , mais ils ont été consacrés par la rdigion , et se trouveol cités k chaque page dans les livres sacrés des Perses; par conséquent leur existence me parait appuyée sur des mo- numents dont Tautorité ne saurait être révoquée en doute. On peut donc croire que ces rois-là, dont il est difficile de fixer le nombre , ont été les prédécesseurs de Gyrus. Mais on dbit admettre, ce me semble, que ces prétendus dominateurs de l'Asie étaient des monarques peu puissants , et n'avaient sous leur empire que la seule province de Perse. Dès 1 e- poque commence l'histoire , nous voyons des rois établis dans cette

contrée. Nous lisons dans ia Genèse ^ que le roi de Élam, , loh^V réuni à

T

trois autres princes ,r vint porter la guerre dans les provinces qu'arrosait le Jourdain , vainquit le roi de Sodome et ses alliés ; et que ces mêmes princes , enflés de leur victoire s furent surpris et complètement battus par Abraham. On sait que , chez les écrivains hébreux d'une date fort

ancienne « le mot Ùam IDv^V désigne la Perse proprement dite. Les

Assyriens ayant établi leur domination sur l'Orient, les petits souv>erains de la Perse se soumirent sans doute à l'empire de ces puissants monar- ques. Nous voyons , il est vrai , Ninus porter la guerre dans la Bactriane ^ et éprouver une résistance opiniâtre. Mais le midi de la Perse recon- naissait probablement la souveraineté du roi assyrien., car Sémiramîs put conduire ses armées jusque sur les bords de Tlndus , sans avoir rencontré sur sa route aucun corps ennemi , sans avoir livré \ui combat, ni entrepris le siège d'aucune place.

La puissance des As^riens fut renversée peur les forces combinées

* Gip. XIV, vs. I. * Diodor. Sicul. Bibliatheca histonca,iib. H, cap. v-vi ; t. II, p. 18, ao ot sitiv. éd. Bipont

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des Mèdee et des Babyloniens. Ces deux nouveaux empires rempla- cèrent celui de Nînive. B est probable que, durant les r^yolutMtts (jui bouleversèrent une partie de l'Orient, les rois de la Perse ne pa* rurent nullement sur la scène de Tbistoire, ou n y jouèrent qu*un rôle insignifiant. Suivant toute apparence , ili se trouvèrent plus d*une fois engagés dans des guerres avec les princes de leur voisinage* Mais ces débats , auxquels l'imagination des Orientaux a dans la suite donné^ ta^ d'importance, avaient sans doute alors bien peu de ret^tissement au milieu des grands intérêts qui s'agitaient à Ecbatane, ou s«ir les bord du Tigre et de fËuphrate. Il nest donc point étonnant que le nom de ces princes de la Perse soit resté inconnu aux |>eup}e» de TAsie occidentale , et ne sok point parvenu jusque dans la Grèce. Mais on doit , je crois , regarder comme une grave erretu* lassertiion ées écrivains orientaux qui ont prétendu que Nabucbodonosor n'était qu'un satrape soumis à la domination des monarques de la Perse.

Cyrus, par une longue suite de victoires et d'intrigues ^ vtet; à bout d'éta'blir dans l'Orient une monarchie médo^erse , doi^t l'existence eut un 3? grand éclat , dont le souverain prenait le titre de roi des rois, ou de grand roi. Darius , fils d'Hystaspe , acheva Fouvrage commencé par Cyrus, ft fut, après ce prince, le plus illustre monarque de TOrient, Mais , en constatant Thistoire , on reconnaît facilement que cet ampirt perse , ou plutôt médo^perse , parvenu au plufi haut point de sa spkn* deur, n'avait qu'une grandeur apparente , et que sa force ne répondait point à sa vaste étendue. C'était , on peut le dire , un colosse aux pieds d'argile. C'est ce que prouvent évidemment les fidts de l'histoire. Cyrus, le célèbre fondateur de la monarchie perse, ayant voulu porter la guerre i^ei une nation voisine, les Saces ou les Massagètes , périt, avec toute son armée, dans cette entreprise conçue et exécutée de la manière la plus imprudente. Le souverain de la Perse ne pouvait se rendre de Suse k Echatane sans payer un tribut annuel aux (xiena , ce peuple sauvage qui occupait les défilés par lesquels il &lla9t nécessairement passer^. Ainsi une petite tribu de montagnards! -dictait des conditions au roi des rois, dans le cœur même de ses états. Le petit tyran de Milet» Hystiée, tint longtemps en ^cfaec toutes les forces de la Perse. Les Scythes et les Athéniens bravèrent avec succès la puissance de Darius, et une belle armée perse vint trouver son tombeau daqs les plaûies de Marathon. Ce même n^onarque fut arrêté durant vingt mois sops les murs de Babylone, et ne dut qu'èr la trahison la prise de cette ville. Tout

^ Anianas, de ExpeiitioM Al/BManiri , p. 219, éd. Raphel.

94.

758 JOURNAL DES SAVANTS.

le inonde connaît Texpédition de Xerxès et ses funestes résultats. Mar- donius, qui joignait l'expérience à la bravoure, étant resté en Grèce, à la tête d'une armée d'élite, périt sous les armes des Grecs k la cé- lèbre bataille de Platée. On se rappelle les victoires brillantes que Cîmon, fils de Mildade , remporta sur les armées perses. L'Egypte ayant voulu secouer le joug du grand roi , ce ne fut qu'après des efforts inouïs, de longs combats , que l'on put forcer cette nation à subir une seconde fois le joug :,or on sait que, cuiinne les Indiens, les Égyptiens ont été de. tout temps un peuplé très-peu guerrier, qui a toujours été assujetti a ceux'qui ont voulu le soumettre. Artaxerxe-Mnémon, ayant voulu tenter de contraindre les Gaduàiens à reconnaître sa souveraineté , &illit périr avec toute- soû armée sous les traits de cette nation courageuse et in- domptable ^ La retraite des dix mille révéla de la manière la plus cer- taine la Noblesse de l'empire perse. Quand on se représente qu'une poignée d'hommes , engagée au cœur de ce royaume , dans un pays coupé . par .des rivières profondes, par de nombi'eux canaux, attaquée ei» tête par les peuplades les plus belliqueuses de l'Asie , et en queue par une armée de plu^eurs éentaines de mille hommes , put effectuer sa fariilanle retraite , traverser hardiment ces contrées inhospitalières et re- gagner la Grèce sans presque avoir éprouvé aucune perte , on se persuade facilement que le peuple qui ne sut pas arrêter ces braves guerriers , les exterminer ou les forcer à se rendre , n'avait au fond ni puissance, ni force réelle. Agésiias , à la tète d'une petite armée , fit trembler l'empire des Perses , l'ébraûla jusque dans sa base , battit successivement ses meil- leures trdupés, et aurait probablenietit renversé cette oi^gueiileuse monarchie , si l'intrigue et la corruption n'avaient arrêté les suecès de ce prince , et ne lui avaient arraché des mains une victoirei qui ne pouvait lui échappei(. Plus tard , Alexandre réalisa ce rêve brillant ; et l'empire de Dariufi croula , comme par enchantement , sous les armes du con- quérant macédonien. Il parcourut rapidement toutes les contrées qui avaient formé naguère la puissante monarchie des Perses ; et , pour me servir de l'expression de l'Écriture sainte , toute la terre se tut devant lui. Rien ne s'opposa à sa marche victorieuse , et peu d'années lui suf- firent pour organiser un des plus vastes empires dont l'histoire ait con- servé le souvenir. Sans doute la rapidité prodigieuse de la marche d'Alexandre explique , jusqu'à un certain point , ces conquêtes qui ont quelque chose de fabuleux. Les peuples , frappés de l'activité inconce- vable du héros macédonien , de son audace plus qu'humaine, de la har-

* Plaiarchi opéra» 1. 1, p. iol3*ioa4, éd. Rualdo.

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diesse avec laquelle ce priûce et son armée franchissaient les plus longs es- paces, traversaient des défilés, réputés inaccessibles, arrivaient comme la foudre au cœur des pays qu'ils voulaient soumettre, Q*avaientpas le temps de se mettre en défense ; et d'ailleurs, stupéfaits à la vue des meiTeilles de cette valeur brillante, ils croyaient ne pouvoir mieuxfaire que de se.sou- mettre volontairement au joug de celui qu ils r^ardaient plutôt comme une divinité que comme un simple mortel. Mais , lorsque la mort de ce conquérant eut dissipé -la pr^atigA rpiî g^j&taî» auarh^ ^ ses armes; lorsque les sanglants démêlés de ses généraux viarent renverser Tédifice élevé par la valeur du héros macédonien , les peuples qui avaient com- posé la monarchie perse ne profitèrent nullement des divisions leurs ennemis, etnefireni aucun effort pour chasser ces* étrangers in^ commodes, qui, tout oecupés à se déchirer mutuell^xient , qe son- geaient point qu'ils foulaient un sol mal affermi , d'où pouvait les ex- pulser le réveil des peufdes à peine soumis, et peuhabitués au joug. bien , ce réveil n'eut pas lieu. :Séleucus , Eumëne , Aritigone , purent impunément, avec de Êiibles atmées, traverser dans tous les sens 1q territoire de. l'ancien empire perse , se livrer sodr m territoire des com- bats acharnés , sous les yeux des po^ulatioM, tfpd atfmblaient rester in- différentes au succès dei'un ou de l'autre des'pai^is et ne pas se douter que la possession de. leur pays devait èttre le prix de ces luttes sanglantes.

On peut, si je ne me trompe, assigner la cauaa<la pliM:réelle de cette faiblesse qui caractérisait la monarchie des' Perses* SêXès doute ^ quand on se représente cet empjgè (gi^tesque ,. ifùt ranfamaal dao^ ^^s vastes limites TÂaîe jpirèsque tout entière, l'Egypte, la Thntee^.etc., on eat porté à croire qu'une pareiUe puissance était inatlaqiiaUé » «t pouvaiib achever la conquête du reste, du monde. Et toutefois, comme- nous l'a- vons vu, il se trouva hors d'état de ranger sous ses lois les petite^ répu- bliques de la Grèce, et. succomba' sans grande résistance jsous les efforts d'armées très-peu nombrefuses. Il fallait donc que ceiooloise, malgré sa masse et sa ioDce extérieure, port&tau dedansideluf-^même un principe de destructionl Or, si je ne metrompe,;iLn'est pas l^'ès-difficile de clé- couvrir cette, cause de ruine. L'epipire des. Perses! r^ composait d*ùne foule de nations qui.n^avaient entre elles '*aiicun^r|pport d'origine, de langage,:dei6is, d'intérêts. Réunies, soit volmitatreaient, soit involon- tairement,, fdies formaient un amalgame ;d'élém«aits Iiétérc^ènes , mal combinés entre eux, et qui pouvaient ati 'm^dre choc ise séparei! pour ne plus se rejoindre. Il y avait donc das masses* dondividus agglo-, mérés . tiemponôrement , mais il n'y aVail point poupi^W un^ paUîe

762 JOURNAL DES SAVANTS.

Lassés bientôt de combattre sans savoir pour qui, ils ne tardaient pas I accepter les offres d'un vainqueur qui leur témoignait une estime mé- ritée, et auprès duquel ils étaient sûrs de trouver journellement Tocca* sion de signaler leur valeur.

Il parait que les monarques de la Perse allaient souvent chercber parmi les nations alliées de leur em^re des hommes courageux qu'ils mettaient à la tète de leurs armées, et dont les eiploits contribuaient puissamment à la gloire du souverain sous les drapeaux duquel ils avaient combattu. Une de ces nations qui fournirent à la Perse une pépinière de héros ^t celle des Saces. Ces hommes, dont le nom dans la langue des Perses signifie chien, habitaient à loiient de la Bac- tnane, et leur nom s*est conservé jusqu'à nos jours; car le mot de Saghestan ^\XmJ^ ou pays des Saces , changé par les Arabes en celui de Se^èstan ^\jimijfs y a, par ime seconde altération, pris la forme Seîstan ^\XMêJiMi. Ce, peuple était éminemment beltiqueux, et les femmes le disputaient aux honnnes sous le rapport de la capacité militaire et de rintrépidité. Une reine de ce peuple, Zarine, l'amante de Striangée, a été célébrée par l'historien Nicolas de Damas ^ Ce fut au milieu de ces hommes indomptés que Cyrus, si l'on en croit Ctésias, vint, après tant de triomphes, trouver une mortfimeste et peu honorable. On pourrait soupçonner que ce peuple parlait un dialecte de la langue persane que nous connaissons ; car c'est dans cet idiome que s'expliquent aisément les noms propres usités chez cette nation, et dont l'histoire nous a con- servé le souvenir. Le mot Zarin (j^x) signifie d'or. Striangée parait ré- pondre au mot «^ a;^^^* la petite étoile. Enfin le nom de Roxanaqae, que portait la capitale de ce peuple, dérive du mot roschan, (j^x) brillant. Les Saces , comme on peut croire, n'avaient jamais plié sous le joug des Perses , qui, ne pouvant les assujettir, se contentaient de les avoir pour alliés et de leur demander des soldats indomptables , de vaillants capi- taines. Il paraît qu'à une époque reculée il existait chez cette nation une famille de princes qui s'était fait imc haute réputation par la valeur la plus brillante. Ces hommes avaient été plus d'une fois le fléau de la Perse, les attiraient la soif du jùUage et la certitude de ne pas rencon- trer des adversaires qui fussent dignes de se mesurer avec eux. Les mo- narques perses , qui avaient appris par une longue et fiineste expérience tout ce qu'ils avaient à craindre en conservant pour ennemis ces re- doutables voL<;ins , mirent tout en œuvre pour attirer sous leurs dra-

* Nicolai Dcunasceni Historîaram fragmenta , p. 3o, éd. Orell. Ctesiœ Cniiii cperum reUquiœ, p. ààj* Mémoires de l'Académie des belles-lettres, t. II, p. 67 et saiv.

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peaux ces nobles guerriers^ en offrant à leur «courage aventureux la perspective de nombreux dangers, d'exploits signalés qui ne pouvaient manquer d'accroître leur renommée et d'augmenter leur territoire. Ces princes obéirent à la voix de Tbonneur, accoururent à la cour des mo- narques perses, guidèrent les armées de l'Iran, qui, sous la conduite de ces vaillants héros,, marchèrent presque constamment à la victoire, repoussèrent , après des combats sanglants , les hordes des Scythes et des Turcs, et forcèrent les Hyroaniens^ les Tapir» indomptés de courber pour la' première fois, et au moins pour un temps, la tète sous le joug. Il est probable que le chef et le plus illustre de cette race de guerriers portait le nom de Rustem. C'est ce prince dont les exploits, conservés avec admiration dans les chants des peuples du Saghestan , ornés de toutes les couleurs de la poésie et de tout ce que peut {produire d'exa- gération la brillante et vagabonde imagination des Orientaux, ont été adoptés par les Perses, qui ont revendiqué comme le plus beau titre de leur ^oire nationale des hauts fiiits qui ne leur appartenaient réelle- ment pas, et qui étaient l'ouvrage non d'un compatriote, non d*un sujet, mais d'un allié.

J'ai dit plus haut que l'empire perse , composé d'éléments hétérogènes et imparfaitement amalgamés , était loin d'avoir la force réelle que sem- blaient annoncer sa vaste étendue, ses nombreuses conquêtes; qu'il portait au dedans de lui un principe de destruction, principe actif, toujours subsistant, qui pouvait èlre comprimé momentanément, mais qui, dans des circonstances critiques., ne devait pas manquer d'exercer une influence funeste^ de paralyser les efforts des bons citoyens, et d'opposer au >»lut de l'empire des obstacles insurmontaUes. Il eût fallu qu un homme de génie , un homme d'un esprit vaste et éclairé , qui ne reculât devant aueime difficulté^ qui marchât à son but avec une opiniâtreté infatigable, vint d'une main puissante pétrir et amalga- mer ensemble ces éléments divers et d'une nature oppiôsée; contraindre ces peuples rivaux et ennemis de se réunir intimement de manière à for- mer un seul empire; persuader à ces hommes grossiers et indomptables qu'ils ne devaient plus se considérer comme des êtres isolés, mais comme les mie!ndi>res d'une imnïense &mi)le; que leurs e£Ebrts de cou- rage , au lieu de se perdre dans des entreprises individuelles , devaient avoir pour but l'intérêt général; que, dès le moment Tétat se trou- verait menacé, tous les membres de la société devaient oublier leurs haines, leurs jalousies particulières, accourir à la défense du voyiLume, et lui ^crifier sans regret ieurs biens et leur existence. Changer è ee point les habitudes , les sentiments de populations sauvages et rivales

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7M JOURNAL DES SAVANTS.

était sans doute une tâche dffî<âe; mai» ette n'^aél paa^ impossible v et un homme 8' était rencontré qui allait résoudre ce problème poMtiqoe , dont la solution aurait eu , sans doute , sur la destinée de& empires de l'an- tiquité une influence dont il est impossible d'apprécier tdute la puissance . Cet homme était Alexandre le Grand ; prince doué d'un regard d'aigle, d'un génie puissant et infatigable, il se proposait, conune on sait, d'établir à Babyione le siégedeson empire. Cette ville, admiraUement placée, allait être tout k la foi^ la capitale d'un royaume immense, et l'entrepôt du plus vaste commerce, puisqu'elle aurait reçu i la fois les marchandises de rinde, de l'Afrique et celles des côtes de la Méditerranée. Alexandre, qui avait , pour ainsi dire , abjiu*é les mœurs des Grecs pour adopter les usages de l'Orient, allait ressusciter l'empire perse, mais le rétablir sur des fondements bien plus grands , bien plus solides. Toutes les na- tions beUiqueuses et indomptables de la Haute*Asie , réunies à la voîjl de leur puissant monarque, lui auraient fourni une pépinière inépui- sable de Vaillants soldats , qui , pour la première fois , se seraient fah honneur de combattre pour leur maître et pour la patrie. Mais, il faut le dire, Alexandre en devenant le monarque de l'Orient aurait porté ' un coup funeste à la Grèce, et aurait réalisé le rêve de Xerxès. En effet, la Grèce, édipsée au milieu de ce vaste empire, n'en aurait plus formé qu'une satrapie é\(Âgaée et peu importante. EUe aurait perdu la supériorité que lui assuraient ses lumières, car Alexandre n'aurait pas manqué d'attirer à Babyione, sa capitale, tous les hommes distingué» par tous les genres de talents , et de les récompenser avec une mu- rrificence roysile. U aurait eu à cœur de répandi'e et de Êdre fi*Qctifier dans ses états la culture des lettres, des sciences, et de tous les ai^s utiles. La Grèce, isolée, éloignée du centre du gouvernement, n'aurait pas même «conservé l'avantage qu'elle avik sons la domination des mo- narques perses , celui de foiu*nir des soldats beBiqueux et disciplinés , que les rois d*Asie s'empressaient de prendre à leur solde. B est impos- sible de se représenter d'une manière fidèle toute l'influence que l'éta- blissement de l'^npire d'Alexandre aurait eue sur la civilisation de l'O- rient. Ces résultats, probablement, eussent été immenses. Mais ces rèvès d'une noble ambition devaient s'évanouir en un instant. Alexandre, à peine âgé de trente-deux ans , disparut de la scène du monde il avait pani avec un éclat si imposant ; et les longues et sanglantes querellea des successeurs du héros macédonien ne purent manquer d'urrèler le progrès des lumières , et de faire i^culer l'Orient vers la barbarie , à laquette tine main bienfaisante et fenne avait entrepris de )'arracfaer.

QUATREMÈRE,

DÉCEMBRE 185«. 765

■V>w"t'. l'i ' If I. .1 .t i' I r I . ' I I I t.M . I I i . Il iijii ' I Inr I ■■ i, I I il iji»

NOtJVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT ROYAL-JiR- FRANCE.

L* Académie des scmoes a perdu, dans la nuil da 3o novembre i838, M. Ha- lard, Tun de ses membres. A ses funërsiflles, qui ont eu Heu le 3 décembre, M. ie baron de Silvestre a prononcé un discours dont voici qudques extraits : « M. Jean- Baptiste Huzard était à Paris , le 3 novembre 1755 ; appartenant à une famille peu aisée, il avait reçu les premiers éléments de Tinstruction chez les Petits-Pères, auxquels ses rares dispositions Tavaient recommandé. Il entra ensuite comme âève vétérinaire à Fécole d*AHbrt; il y remporta tous les prix et y reçut, quelques arinées après sa sortie, dans un concours général d^artisles vétérinaires, la médaille d*hon- neur qnui, à cette époque, était une décoration permanente. Le célèbre Bourgelat était alors directeur de Técole d*Alfort; il apprécia le jeune Busard, qui n oublia jamais Taffisction éclairée de cet habile maitre auqud n devait plus tard succéder dans Tealime des savants lodogbles et vétérinaires. A la sortie de Técole , Huzard fut employé par le ministre de la guerre à la suite des années pour y diriger^ le choix des chevaux de remonte de la cavalerie. La pratique de Vart vétérinaire était Tobjet principal des occupations de IL Huzard, et il ne négligeait pas de publier les résultats de ses observations sur les maladies et le traitement des animaux domes- tiques; ses travaux furent appréciés comme ils méritaient de Tètre, et il fut chargé de la direction de Técde royue d*Alfort, place dont il avait,, pendant plusieurs an- nées, rempli gratuitement le^ fonctions dans le seul but de souli^ger M. Chabert , auquel un âge irès-avancé ne permettait pas de les exercer convenablement Parmi les écrits de M. Huzard on a pu remarquer surtout ses mémoires sur les maladies

3ui affectent les vaches laitières, ses recherches sur les moyens de guérir la morve ans les chevaux et de prévenir Tinvasion de cette maladie , son instruction aur les affections inBammaioires épisootiques, soa ouvrage sur ramélioration des chevaux en France» ses comptes rendus sur rétablissement rural de Rambouillet, ses ins; tructions sur les maladies des animaux d(»nes tiques , le résultat de ses nombreuses expériences sur le traitement du claveau et son inoculation dans les bétes à laine. n a aussi contribué pour beaucoup à la rédaction des notes savantes qui ont été ajoutées ilaneuvdle édition du Théâtre d'agriculture d*(Hivierde Senres, pvkiià par la Société royale et centrale d'agriculture et d*histoire naturelle, et i^ux Diction- naires d'agriculture et d'histoire naturelle, ainsi qu au Cours complet et aux Annales d'agriculture françabe. Sous le rapport littéraire , M. Huzard peut être considéré aussi comme l'un de nos plus habiles bibliographes : 0 a publié plusieurs disserta- tions savantes à cet égard, et il était , vers la fin de sa carrière, parvenu à un but qu'il s'était proposé dès sa plus tepdre jeunesse , cdui de former une grande bjUiotbèque. Cette collection , qui se compose d'environ quarante mille volumes , est atis^i remar- quaUe par le choix des livres rares que par celui des éditions , et par les complé- ments qu'il avait su y j<Mndre , en recueillant avec soin tout ce qui avait rapport ou

95-

766 JOURNAL DES SAVANTS.

poovait faire suite aux ouvrages principaux. M. Huzard était membre de l'Académie royale des sciences dellnstitut, et de celle de médecine, de la Société royale et cen- trale d'agricuUure, Tun des fondateurs de la Société d'encouragement pour l'in- dustrie natioDcde , vice-président de la Société philanthropique, et associé d un grand nombre d'autres sociétés savantes françaises et étrangères. Il était inspecteur géné- ral honoraire des écoles vétérinaires, membre du conseil supérieur d'agriculture et de celui de salubrité ; enfin il était chevalier de l'ordre cie Saint-Michel et de celui de la Légion d'honneur. »

LIVRES NOUVEAUX.

FRANCE.

«

Compte général de t administration de la justice crinûnelle en France ftendant Vaxmàe i836, présenté au roi parle garde des sceaux, ministre secrétaire d'Etat au dépar- tement de la Justice et des cuites. Paris, Imprimerie royale, décembre i838; in-4* de XXXI et a 8a pages.

Ewamen critique de Voworage vUtinlé : Die altpersischen KeiUmchriften von Persepolis, etc. von ly Christian Lassen ; auivi de nouvelles recherches sur le système gra- phique des caractères persépolitains , par M. E. Jacquet Paris , Imprimerie royale , i838 ; 1&7 pages in-S"". (Extrait du Journal Asiatique , 5* série.)

Notice historique sur la vie et les ouvrages de M. le baron Silvestre de Sacy ; par M. Daunou , secrétaire perpétuel de TAcadémie des Inscriptions et belles-lettres. Imprimerie royale, décembre i838; a 6 pages in-4'. Cette notice a été lue à la séance publique du lO août i838.

Discours prononcé pour Touverture du cours d'histoire de la philosophie ancienne à la Faculté des lettres, par M. Vacherot , professeur suppléant , le 5 décembre 1 838. Imprimerie de Crapelet. a a pages in-8''. lîe sujet du discours de M. Vacherot, choisi cette année par M. Cousin pour le suppléer dans la chaire de l'histoire de la phi- losophie ancienne , à la Faculté des lettres^ de l'Académie de Paris , est l'utilité , la nécessité même de l'histoire de la philosophie. Parmi les divers avantages qu'il lui attribue, le savant professeur fait particulièrement ressortir ceux qui se rapportent aux besoins de notre siècle. Selon lui, les principales maladies qui travaillent notre époque sont le scepticisme avec son contraire la crédulité, une foUe tendance à l'o- riginalité, etc.» et l'histoire de la philosophie a un remède sûr pour chacune de ces infirmités.

Speusippi de primis rerum principiis placita, quaîia fuisse videantur ex Aristotele. Dis- .sertatio academica. Parisiis. Firmin Didot, i838; 4& pages in-S**. (Thèse pour le doctorat, soutenue par M. Faix Ravaisson à la Faculté des lettres de Paris.)

Dh Thahitude, par Féli.^ RaVaisson. Paris, Fournier, i838 ; iS pages in-8". (Thèse pour le doctorat.)

Annuaire historique uiûversel pour 1837 , avec un appendice contenant les actes publics, traités , notes diplomatiques , papiers d'état et tableaux statistiques , finan- ciers , administratifs et nécrologiques; une chronique ofirant les événements les plus piquants , les caques les plus célèbres, etc., et des notes pour servir à l'histoire des

DÉCEMBRE 1838. 767

sciences, des .lettres et des arts; par M. Ulysse Tencé, avocat à la cour royale de Paris. Nouvelle série. Paris, imprimerie de Terzuolo; librairie de Thoisnier-Des- places. In-8* de 1,096 pages.

jEhoî sur t analyse physique des langues, ou de la formation et de Tusfige d*un alphabet méthodique, par Paul Ackermann. Paris, imprimerie de Terzuolo; librairie de Dondey-Dupré. A Leipzig, chez Brockhaus et Avenarius ; i838. Iq-8* de xvi et 44 p^ges. L*auteur chercne dans ce mémoire « à exposer le fondement naturel des alphabets et à montrer quel parti la philologie comparée pourrait tirer d*un alpha- bet philosophique; il examine si toutes les prosodies sont identiques, dans leurs fondements, à la proaodÎA butine *, enfin , il^sMiy^cU cUtermîner diaprés quel prin- cipe naturel les lettres s*altèrent dans les mots qu*un peuple emprunte à un autre peuple, ainsi que dans les langues qui se modifient par leur propre mouvement. »

Conseils aux mères sur les moyens de diriger et d*instruire elles-mêmes leurs filles ; par M. A. Théry, proviseur du collège royal de Versailles. Paris, Hachette, 1837-1 838. Grand in-8^ à 3 celonnes, de xxiv-384-v pages, avec un tableau. Ces Conseils aux mères, inspirés par une raison supérieure et une grande expérience de Téducation , font partie d*un Cours complet d'éducation pour les filles dont la publi- cation est commencée, et qui doit comprendre trois catégories : éducation élémen- taire, éducafion moyenne, éducation supérieure. Avec les G)nseils aux mères, qui se rattachent à la seconde de ces catégories, Téditeur a publié des exercices de mémoire et de lecture, et une série de leçons de grammaire, d'arithmétique, de géographie , d'histoire , de physique , d'histoire naturelle et de musique , pour servir à râucation moyenne, celle des jeunes filles de 10 à i4 ans.

De Vinfluence du principe religieux sur l'homme et sur la société , cours professé a TAthénée royal de Paris, 1837-1 838 ; par M. J.-A. Dréolie, etc. Paris, imprimerie de Moquet; librairie d'EIbrard. i838. In-8* de viii et 4i6 pages.

Fables littéraires de don Thomas fYriarte, traduites en vers, par Charles Bru net ; Paris , imprimerie de Duverger ; librairies de Ledoyen et Brockhaus et Avenarius. i838. VIII et 160 pagèsin-13.

Extrait des Mémoires de l'Académie royale de Metz, années 1837-1 838. In-8'* de 16 pages. Imprimerie de Lamort, à Metz. Cet extrait contient des notices nécrolo- giques de M. JE. A. Bégîn , sur le bénédictin dom Grappin , à Ainville en 1 737 , mort à Besançon en i834; sur le médecin Thouvenel, et sur M. Commerier. Une autre notice fait connaître les diverses antiquités trouvées à Mandeure , et dont la découverte est due à M. Léonard de Parrot, mort à Montbéliard, en i836, à l'âge de 81 ans.

Rapport sur les monuments anciens exbtants dans le déparlement de la Moselle , et sur les archives de l'Académie royale de Metz, pour Tannée 1837-1 838 ; par M. Victor Simon. Imprimerie de Lamort, à Metz. In-8*' de 32 pages, avec une pi.

ALLEMAGNE.

Abhandlumen der Kœn. Akademie der Wissenschajften zu Berlin. Mémmres de l'Académie des sciences de Beriin , pour i836. Berlin , i838 , in-4*. Après une courte introduction et la liste des membres viennent les mémoires des trois classes de ce corps savant.

768 JOURNAL DBS SAVANTS.

La nrenûère partit contient dks mémoires de Mil. de Bach (tttr laaepiMvca) « Ehrenbei^ (sar tm cm(^omérai d^infiisoiroi , dane iee aidoiiee de Jaétraba en Hon- grie); Klug, MûUer (sur le dévdoppement des organes sexiifls dans le» animaux vertébrés] ; liak » Wtiss ( sur les oristaax de roche, tournés k droite ou à gauche) ; Rose (sur le rapport qui exista entre k ferme et la petarHé âeetrique des crîataib) ; et Lichtenstein (sur le genre iMpkUis); la section des mad)ématif|ue6 a foumi dea mémoires de MM. ÇkeWe, Dirskaen » Poseiger, Enche (sur les conièlas de itô5) et Steiner.

La troisi^ne et dernière partie, 4;elle de la elasse phâesophique et hiatorique de l'académie, est la plus considér8J>le de toutes. FJIe ronfiBorme des mémoires de MM. Sftvigny, Boeek (sur les insoriptions décourerles à Thera); -Hoffinann-, Kitter (sur la coimeissaQce géographique des preduita de la nature) ; ZumpC , Lachmann , Bekker (sur les scoUes de deux harangues d^Eschine) et Gerhard (Aichémoros et les Hespérides » et sur les miroirs métalliques des Étnisques).

SUÈDE.

Diphmatariam suecanum, collegit et edidit Job. Gust. Liljegren. Holmise, iSao^ i837, a vol. in-V. Le premier volume contient les chartes et diplômes relatib i la^ Soèae, depuis Tan 817 jusqn*en 13 85; en tout goa, avec des fac-similé des* écritures de quelques dipldmes remarquables. Le deuxième volume, divisé en deux sections, renferme des chartes de 1286 à i3io, également avec des fac» simile; le nombre total des chartes est de 177a. Elles sont toutes en latin, et précédées d*un sommaire en suédois. On a en soin d'indiquer pour chaque charte le dépôt se trouve loriginal , ou la collection imprimée ou manuscrite où. eMe est insérée. Dans le a* volume on trouve aussi comme supplément les monwnenta m- nica ou inscriptions runiques, au nombre de plus de a,ooo.

ESPAGNE.

Coleccion de Cortes de toi Reyim de Le(m y de CastiUa. «— CoDedion des oortée des royaumes de Léon et de CastiUe, pubuée piir rAcadémie reyaW d'histoire. Madrid, i836, in-4*' Ce volume n est que Je commencement d*une collection que l'Académie d*histoire, à Madrid, se propose de publier, et pour laquelle elle a fait un appel à tous le savants du royaume. Le premier volume contient lesoorlès de Léon de Tan loao; de Covanza (aujourd'hui Valencia de D. Juan) de Tan io5o; deValladolid, de Tan i3a5; deToro, 1371; de Madrid, iSag; d'Alcma de Henares, 1 S48 ; de Léon , 1 3^9 ; de Valladolid , 1 385 ; de Burgos , 1 37g ; de Soria , 1 38o ; Ségovie, i386; de Guadalajara, 1390, avec les ordonnances faites par ces certes.

GRÈCE.

2TOIXEIA $/xo^oç/W, evrra^Mrra vW N. Bamba. Eléments de philosophie, disposés par N. Bamba. Athènes , i838; in-8*, 19 et 3&7 pages. M. Bainba dénie ce volume k la mémoire de son illustre compatriote G>ray ; il le destine aux jeunes étu- diants grecs , et il avertit qu'il l'extrait presque entièrement de lexcellettl traité de

DÉCEMBHE 185S. 769

fila li. Tlmrol, iatiiolé: /«inufaclîon àVétud» de la phiiôicpkiê (ou de TEnlende- moul et deU Haisoi^\ Tontafois qnehymi «rtkdes du irrre grec qui vient d*étre pu- Uié sont tirés des Éléments de la phik»ophÎ0 de Tesprit humain de Dngald Stewart , de ridéûlogie de Mdchior Gioga, de la Logique de Fr. Jacquier. Peut-être une pure et aimple traduction de Touvrage entier deThuroteût-dle offert k la jeunesse grecque une instruction plus complète et plus homogène. Quoi qu*il en soit , ces ofémenls grecs.de philosophie sont divisés en trais parties^ La première concerne les* facultés de Tâme et les partage en deux ordres , selon qu elles semblent ou primitives ou dérivées : d*jane part, les sensations ; de Tautre, lea sentiments, Timagination, Tatten- tion , les impressions , Vb.?b'i"de f*te. I^ r^^^^ «^wâ»*!» n«» At^iAt^tênt empruntés de M. Thurot ; ils correspondent à la sectîoa de son ouvrage dans laqudle il trace This^ toiredes faits ou des actes par lesquela nons aequérons la connaissance d'objets quel- conques. Ce même philosophe a donné le titre de seienee à une deuxième section qui embruse la théorie des abstractiodia et du langage , des notions et des coneeptions , l'analyse de la proposition , les bases de la grammaire génércde et Texplication de {duaieurs termes employés par les méteahvsiciens. C'est à peu près la madère des premiers chajpitree de la seconde partie de M. Bamba, ou il s'agit des progrès et des moyens qui font acquérir la science. Chez M. Thurot, la troisième section est un traité éàikvùlontè, enrichi d'observations profondes sur les sentiments et les passions, sur la Sympathie, sur la perception monde , sur le sentiment religieux , sur son in- fluence et sur CQ&e des institutions politiques. Presque tout cet enseignement se re- treuve encore dans le noaveau livre grec ; il y forme une troisième partie, qui porte le titre de Mùraie, et qui se termine, sans assez d'à-propos peut-être, par quelques pages sur la méthode analytique et synthétique. Ce dernier chapitre est k peu près tout ce que M. Bamba extrait de la secondé partie de l'ouvrage fran^râ, savoir de celle qui traite de la raison , c'est-à-dire de l'application exacte et régulière des &- cultes de connaître, de mesoit et de voahir, qui constituent I'entenûement. D y avait d'utiles leçons à recueillir; malgré cette omission , c'est encore une bien riche ins- tmctiott que Bamba présente à ses jeunes compatriotes.

TABLE

Des Articles et des principaks Notices ou Annonces que contiennent les

dossu cahiers de 1858 dm Journal des Savants.

L LlTTBBATOaE ORIENTALE.

Le Diwan d'Amro'lkals , précédé de la vie de ce poète, accompagné d'une traduc lioii et de notes; par le baron Mac-Guddn de Slane. Paris, 1807, in-A* : article de M. Silveslre de Sacy ; janvier, 1 i-aa.

' Paris, imprimerie de Foumier, fibrairie df Aimé André, i83o-i833', s vol. io-8*. Voveii ioarnal iu 3mmf§, nui n jaillel i83e, p. 269, S76, ^99, ^7.

DÉCEMBRE 1858. 771

Mémoire sur le système grammatical des langues de quelques nations indiennes de l'Amérique du Nord; par M. P. E. du Ponceau, i838, in-8^ avril, 3 5o.

II. Littérature grecque et ancienne, littérature latine.

Fragments de Thespis, d'Ibycus, de Sapho, d'Anacréon, etc., cités dans un papyrus du musée royal : articles de M. Letronne ; mai , 809, 3 1 7 ; juin , Sa 1 , 3a8.

.... Homerî Carmina et CycH epici reliquiœ, graecè et latine ; grand in-8'; juin, 877.

Promélhée enchaîné, tragédie d'Eschyle traduite en vers français par M. Puech; i838, în-8'; mai, 317: article de M. Patin; août, 469-473.

Difi4?nnrft philoaophM|uoo d^Épîctètc « traduits eu frauf^ais par A. P. Thurot. Impri- merie royale , 1 838 , in-8' ; novembre ,710.

Longini quae supersunl.... (Scriptorum graecorum nova collectio) ; par A. E. Egger, 1837 : artiae de M. Naudet; mars, 147-1 54.

Dissertation sur le fragment de Longin contenu dans la rhétorique d'Apsine ; par M. Séguier, i838; in-8* ; octobre , 645.

Dîodore de Sicile ; par M. Miot , i838 ; tome VII ; juin , 38o.

Œuvres d'Apulée; par M. Bétolaud, tome IV et dernier, i838, in-8'; juin, 379.

De l'influence des circonstances politiques et morales sur la littérature, et parti- culièrement sur la poésie, chez les Romains depuis Auguste: article de M. Naudet ; décembre, 715-736.

Essai de classification chronologique des comédies de Piaule : articles de M. Nau- det ; juin , 3a8-345 ; juBlet, 4o6-424.

Théâtre de Plante, par M. J. Naudet; t. IX (et dernier), i838, in-8*; février, 127.

Stephani Byzantini. . . Nouvelle édition d'Etienne de Bysance, par M. Westermann. Leipsick : article de M. Miller; novembre, 689-706.

m. Littérature moderne. 1* Grammaire j Poésie, Mélanges.

Cours de littérature française; par M. Villemain, i838, in-8^ : article de M. Patin, juillet, 385-396.

La philosophie du langage exposée d'après Aristote; par M. Séguier, i838, in-8'; octobre, 645.

Éléments de Paléographie; par M. Natalis deWailly, i838, 1. 1*'; mai, 3i8; t. II; octobre, 64 1.

De Torigine et de la formation des différents systèmes d'écritures orientales et occidentales; par M. G. Pauthier. Paris, i838, in-4*; octobre, 645.

Elssai sur 1 analyse physique des langues ; par Paul Ackermann , in-8* , 1 838 ; décembre, 767.

G)ur8 de littérature allemande; par M. Eicbhoff. . . . 1 836- 1837, în-8*'; no- vembre ,711.

Lexique roman. ... par M. Raynouard, i838, in-8'; 1. 1"; avril , a5i.

Les originesduThéâtremodeme... par M. Charles Magnin, i838,in-8*'; mai,3i7.

Etudes sur les Mystères... et sur divers manuscrits de Gerson. , . . par Onésime Leroy, 1837, în-8*; article de M. Villemain; avril, 2o5-ai8.

Le miracle de Théophile, par Rutebeuf; publié par M. Achille Jubinal; jan- vier, 57.

Le même, mis en vers, au commencement du un* siède, par Gautier de Coinsy; publié pour la première fois par P. Maillet. Rennes, in-8*; août; 59 1*

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772 JOtJRNAÎ. DES SAVANTS.

Le it>i delà BttÉoche, poème l«lm inédit; tradtHtpar M. C. Bréghat du Lot; i838. in-8*; avril, a 5i.

Le Roman de Brut, par Wace.... publié par Leroux de Lincy, tome II, i83$, in-8*; juillet, àbb.

Etudes sur Torigine de la langue et des romances espagnoles; par E. Rosseow- Saînt-Hilaire , 1 838 , in-A* ; novembre ,71a..

Tesoro del teatro espanol desde su origen (ano 1389).... pardon Eugeoio de Ochoa, in-8^; mai, 317; octobre, 64A*

Manoscritti... Manuscrits inédits de Torqaato Tasso.... par le comte Mariano Âl- berti, Lucques. i837-iH38.î— TraHnto. . Troîié de la dignité/ et autres écrits iné- dits du même.... par le chevalier Costanzo Gaziera. Turin , i838: article de M. libri ; novembre, 680-089.

Poèmes islandais... tirés de TEdda de Soemund; publiés avec une traduction pAr F. G. Bergmann, Paris, i838, 1 vol in-8*: article de M. Dqpping; septembre, 555- BBo.

Chefs-d œuvre de Shakspeare.*. avec traduction françase en regard ; par MM. Ni- sard, Le Bas et Foainet, 1837, in-8'*; avril-, a5a.

>Encyclopédie des gens du monde « vol. XVII; janvier, 57; tome IX, a' partie ; avril, aôa; tome X, i** partie; juin, 383.

Biographie universelle. Supplément, tomeLXV, i838, in-8*; septembre, 586.

a* Sciences histotiqaes.

1 . Géographie et voyages.

Cours méthodique de géogrâJ|[>hie , par H. Cliaucfaard et A. Mûntx, în-8', cartes; avril, a5a.

Sur la prétendue communication de la mer Morte et de la mer Rouge : article de M. Letronne; aoât, 495-5oo.

Nouvel Atlas communal de la France.... dressé par Gharie... i838, in^-f*; octobre 644.

Relations des Mongols ou Tartares , par le frère Jean du Plan de Car|»B.... pre- mière édition complète, publiée par M. d*Avezac , i838, in-8*; novembre ,71a.

Voyages , relations et mémoires originaux pour servir à Thisloire de la découverte de r Amérique, L Vil, VIII, IX et X; octobre, 645.

Voyages eh Islande et au Groenland, sur la corvette la Recherche (i835 et i836). Atlas, 1" livraison; octobre, 646.

Voyages en Corse, à Tile d^Elbe et en Sardaigne, par M. Valéry, 1837, a vol. in-8*, septembre, 585.

Voyages historiques, littéraires et artistiques en Italie,.... par M. Valéry. Paris, i838, 3 vol. in-8*; septembre, 585.

An Expédition of cuscdvery into the interior of AIrica, etc. Londres, iâ38, a vol. in-8*; août, 5a 1.

Nueva relacioh que contiene los viages de Tomas Gage en la Nueva Espana. Paris, 1 838 , a vol. in- 1 a ; août , 5a 1 .

Reiâè in Abpsinien, etc. Voyage en Abyssinie, par A. von Katte, i838, in-8*; octobre, 647.

a. Chronologie et Histoire ancienne.

Le monde : Hisloil^ de tous- les peuples.... par MM. Sainl-Prosper et A. Vouré, iii-8*; avril, a^l.

774 JOURNAL DES SAVANTS.

shington Irving . 1 836 . in-8' : articles de MM. Biot et Edouard Biot ; février, 99, 1 08 ; mars, 161, 170.

5. Histoire littéraire. -— Bibliographie.

Histoire littéraire de la France au moyen âge; par M. Henrion, 1837, in-8'î juin , 38a .

Histoire littéraire de la France, tome XIX, suite du xiii' siècle, i838, în-A'; juillet, A55.

Geschichte Histoire de la littérature française moderne; par M. Mager, i8a8,

in-8'; juin. 38A.

Les mantiscriis françois la bibliothèque du Koi ; par M. Pcttdm IW» , knne II ,

1 83a, in^*"; avril, 2^9.

Lettre au directeur de Y Artiste touchant le manuscrit de la bibliothèque de Berne , n' 43i, perdu pendant a8ans par M. Ach. Jubinal, 1 838 , in-8' ; février, 137.

Mélanges publiés par la société des bibliophiles français : Credo de JoinviUe ; 1 837 , in-8' max. ; mars , 1 g 1 .

Catalogue général des livres composant les bibliothèques du département de la marine et des colonies ; tome I , Théologie ; 1 838 , in-8' ; octobre , 646.

Catalogue général des livres qui ont paru en Allemagne depuis la foire de Saint- Michel 1837 jii!»qu à Pâques i838 , ln-8'; juin , 383.

Encyklopoêdisches Lexikon, etc. Dictionnaire encyclopédique de la littérature moderne.... in-8', i838; juillet, 457.

Notice historique sur la vie et les ouvrages de M. le baron Sîlvestre de Sacy; par M. Daunou, i838, in-A**; décembre.

.... Notice sur la vie de G. Niebuhr (en allemand) , t. P', 1 838, in-8'; juin, 383.

Notizie biografiche.... Notices biographiques et littéraires sur les écrivains des états delà maison d'Esté. Reggio, 1 833-1 838, in-4*; novembre, 71 4.

Notice sur la vie et les ouvrages de Charies Botta; janvier, 56.

J, Manoscritti italiani.... Manuscrits italiens des bibliotlièques royales de Paris, décrits par le docteur Marsand, t. II, in-â*; août, 5a o.

6. Archéologie.

Visit to the great Oasis of the Libyan désert, etc. par G.-A. Hoskins ,1837, in-8' , articles de M. Letronne; mars, 180-188; avril, a 37 -a 48.

The Bromes of Siris.... by Ch. Bronsted , i836, in-P; mai, 319.

Vulcain. Recherches sur ce Dieu , etc. par M. T. B. Eméric-David ; janvier, 59.

Inscripdones Pompeians, 1 838, in-8'; mai, 319.

Le Laurentin, maison de campagne de Pline le Jeune.... pat L. P. Haudebourl, architecte. Paris, i838, in-8'; septembre, 585.

Troisième mémoire sur les antiquités chrétiennes des Catacombes.... par M. Raoul- Rochette , 1 838 , in-4' ; octobre , 6A6-647.

Ricerche.... Recherches de M. Edouard Gerhard sur les noms des vases antiques : troisième et dernier article de M. Letronne ; janvier, 1-10. (Voir novembre et dé- cembre 1837.)

Le Antichiti ddla Sicîlîa,... par M. le duc Serradifalco, 1 1, EgesU , i834; 1. 111 , Agragante, 1837, »«^*^ articles de M. Raoul-Rochette ; avril, aa5-a37;maî, aô?- 375.

Le Fabbriche e i Monumenti cospicui Venezia.... par Leopoldo Gcognara.... Venise, i838, gr. in-P, 1. 1; août, 5aa.

DECEMBRE 1858. 775

Chartes latines sur papyrus, du vi* siècle de Tère chrétienne, publiées par M. QiampoHion-Figeac ; janvier, 55.

Das Alexandrin ischc Muséum.... Le Muséum d* Alexandrie ; par G. Partliey, i838, in-8* : article de M. Letronne ; juin , 356-365.

Zur Gemmenkunde ; antike geschnittene Steine.... Pierres gravées de la châsse de Sainte-Elisabeth de Marburg.... par Fr. Creuzer : articles de M. Raoul-Rochetle;

février, 85*99; mars, 1 a 9-1 47-

Das Mithreum... Monument de Mitlira, trouvé àNeuenheim; par le docteur Frédéric Creuzer. Heidelberg , i838 , in-8* ; octobre, 648.

Die Stupas... Les Stupas (Topes) ou les monuments architectoniques sur la roule royale inilu-liAcuîeuuc elle» colosses de Bamiyan ; par Cari Ritter, 1 vol. In-8^: article de M. Letronne; septembre, 542-554.

Troisième supplément à la notice sur quelques médailles grecques inédites de rois de la Bactriane et de Tlnde : article de M. Raoul-Rochelte-, décembre, 736-753.

Histoire du cabinet des médailles.... par M. Dumersan , in-8*; avril, a 53.

Mémoires et dissertations... publiés par la société des Antiquaires de France, tome IV, 1 838 , in-8* ; novembre 711.

Du système monétaire des Francs; par M. G. Guérard ; janvier, 60.

3* Philosophie : Sciences morales et politiques. (Jurisprudence, théologie.)

Métaphysique d*Aristolc ; par M. Cousin (nouvelle édition): mars, 19a.

Cours de Thistoire de la philosophie morale, professée en 1819... par V. Cousin , 1 838, in-8'; novembre, 710.

Rapport sur deux pièces inédites de la Bibliothèque royale de Paris , relatives à rhistoire du Cartésianisme; articles par M. V. Cousin; mars 170-180; avril, ai8- aa3.

Leibnitzii opéra philosophica omnia, i838, in-4'' ; mai, 3 18.

Utopia. L'Utopie de Thomas Morus.... par M. A. S. John , i838, in-8*; juin, 384.

Dissertation sur Tétat de la philosophie naturelle en Occident, i838, in-8*; juiUet, 456.

Geschichte der letzten Système . . Histoire des derniers systèmes de philosophie en Allemagne, t. II, 1 838; juillet, 458.

Etudes philosophiques; par M. C. Mallet. . . 1 836- 1 838, in-8*; novembre, 711.

. . .Éléments de philosophie, par N. Bamba, en grec; Athènes, i838, in-8*; décembre, 768.

L*éducation progressive. . . . par M"** Necker de Saussure, t. III, 1 838, in-8*; juillet, 457.

Recherches sur lorigine de Timp^t en France , par M. Potherat de Thou ; i838, in-8*; octobre, 646.

De la fortune publique en France et de son administration ; par M. L. A. Macard et M. J. Boulatignier , 1. 1", 1 838, in-8*; avril, a 54.

Compte général de Tadministration de la justice crimindle en France pendant Tannée i836, in-4*; i838. . . .

Tableau décennal du commerce de la France avec ses colonies et les puissances étrangères, 1837 à i836, a* partie, gr. in-4'' ; juillet, 454.

Le même pour Tannée 1837 ; novembre ,710.

The crédit System, etc. Du système de crédit en France, dans la Grande-Bretagne et aux États-Unis ; par H. C. Carrey , Philadelphie et Paris , 1 838 , in-8* ; octobre , 65o.

776 JOURNAL DES SAVANTS.

A sUtittical account... Tableau staliitiqiieâe leiopiretrbritaiiniqtte; fêr J. R«Mac- CuUoch. ii'édiiibn, Londres, i838, in-S*"; noveinbpe,7J;4.

Rapport de M. Pardessus sur larpubiioatîoQ des Assiaea da Jérusalem, i836, îa-A*; mars, 19a.

Ménoire sur la condition de U propriété territoriale de Qune.... par M. Éd. Biot, i838, in-8'; octobre, 6A6.

Abrégé de la Bible; par M. Micbel Berr, a* édition ; >ayril , 2bà.

Vêtus testameotun^grœcum. . Prospectus d* une nQHYeHe éditkwi des Septaote, devant former deux grands volumes in-8**, eik .teile grec pufalié séparénaeni ea un volume; septembre, 585.

. . .Œuvres de saint Jeaa Cbryaostomo. tomus XI, pars altéra, in-8*, Paris, i838; août, 5ao.

4* Sewnces phyài/Ufes et mathématiqaes. (^Arts.)

Researches. . . Recherches sur Tbistoire, naturelle du genre humain; p^r James Cowles Prichard.. . . vol. I, Londres, i836 : article de M. Flourens; noveo^bre, 651-657.

Œuvres d*histoire naturelle de Goethe par M. C3ir. Fr. Maxtins; janvier, 61 .

1. Précis élémentaires d*histoire naturelle, etc. par J. Delafosse, a vol. in-ia. a. Qéments d'histoire naturelle« etc. par Sauçerotte, 1 vol..io-8^ .m- 3.< Règne animal disposé eu ttiUeaux luétbodique» , etc. par J. Achille Comte. 4. Leçons âémentaires'd'hist. nat. etc. par F. ikMDbert, a vol. în->]a.. '— 5. Hiy tîologîe pour le8ecdlégeB,.etc. par J. AohiUe Comte, eahier i»4*« -««'G.'Elémealideioeiogie; par M. Edwards, 1 vol. in-8* de 1066 pag. 7. Traité tiémentaire d*hist. nak. par MM« Martin Saint^AngO' et Guérin : articlede M. F. Cwpter; janvier, do4i

Cours sur la génération, lovolegie et Tembryologie; par Mj Flourens, in-4*, Paris, i836 : article de M. F. Cuvier; janvier, 44-53.

Theory.... Théorie de la raison kiverse qui existe eBtrela^'respiralion^trirritabi- lité dans le -règne animal, par M. Marsnall4IaU... Londres, i^a : artîde de M. Flourens; novembre, 657*664.

Elxperimentele untersuchungen.... Recherches expérimentales sur la physiologie de Torgane derouie;ipar.M.J. Muller* Bertin, ^838^10*4*; octobre, 647.

Elementi di Anatomia fisiologica , 1837-1 838, in*8*, ave& atlas in-P) juin, 384.

Anatomie microscopique; par le docteur Louis Mandl, 18B0, io^P t octobre,'647.

-Mémoires pour servir è une description géologiqtte de la 'France; par MMi Du- frénoy et Èiie de Beaumont, t. II, III et IV, Paris, i834, i836, i838 : articles de M. Chevreul ; août, 47^^481; septembre , 569-583.

The wonders of geology.... i838, in-8*; mai, 3ao.

Essai sur les cavernes aessements par M. Maroe^ de Serres rS* édition, f838,

in-8'; novembre, 71a.

fieognôstiache und phyaihalisohe,..v Observation» géegnostiqiiea et physiques sur les volcans du plateau de Quito ; par Alex, de Humboldtf i838, in4* ; octobre, 647.

Memorie md bonificamento drilelfaremme Toscane.... par M.'Ferdinand Tarttni, Florence, i838, 1 vol. in-8*, avec allas in-f : article de M. Lîbri; septembre, ôa3-535.

De Tinfluence des arbraasarla foadre;pa0M. HéricartdeThnry, i438riii*8*; avril, a 53.

(!foaîté du Corail..... (onvnge mauuserit); par le 9 de-Peyssouael : tftiele de M, Flourens; février, 108-1 a a.

DÉCEMBRE 1838.

^m ^m

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Histoire des sciences mathématiques en Italie par G. Libri, i838, iii-8" : ar- ticle de M. Lacroix; juin, 545-355.

Aperçu des méthodes en géométrie ; par M. Chasses ; janvier, 61 .

Opinions populaires et seientitîques des anciens sur les éclipses : article de M. Letronne, 4^4-450.

Observations astronomiques.... publiées parle Bureau des longitudes; avril, a53.

SteJlarum duplicium et multiplicium mensur» micrometricae, etc.... 1837, in-f* : article de M. Biot; mai , 297-309.

Connaissance des temps... pour Tan i84 i » publiée par le Bureau des longitudes,

1 838 . in-8' : septembre . .^»fi Annuaire pour Tan ]838, présenté au Roi par le Bureau des longitudes, 1837

( i838) , in-i8; septembre, 586.

Institut DE France. Académiet, sociités Uuéraires. Journaux.

Académie Française ; séance publique présidée par M. de Salvandy, prix décernés et proposés; août 5i4.

Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Mort de M. Ch. Fréd. Reinhard ; jan- vier, 55. Rapport de M. Silvestre de Sacy sur les travaux des commissions de cette académie ; février, 123-127. Mort de M. Silvestre de bacy ; février, 127. Discours prononcés sur sa tombe; mars, 189-190. Rapport de M. Daunou sur les travaux des commissions de celte académie pendant le premier semestre de i838; juin, 366. Séttuce publique : prix décernés et proposés. Notice sur la vie et les ouvrages de M. le baron Silvestre de Sacy, par M. Daunou; août, 3 1 6-5 18. Élection de M. Garcin de Tassy, 5 16.

Notices et extraits des manuscrits, tome XIII, i838, in-4*; novembre > 709.

Notice historique sur la vie et les ouvrages de M. le baron Silvestre de Sacy; par M. Daunou, i838, in-4* ; décembre.

Académie des Sciences. Mort de M. Tessier; discours prononcé à ses funérailles par M. de Silvestre; janvier, 53-54- Eloge historique de Joseph Pourier; par M. Arago, in-4'; avril, 2 54. Extrait du rapport sur un ouvrage de M. 4e baron Blein, intitulé : Principes de mélodie et d'harmonie , imn ,371. Mort de M. Dulong, discours prononcés à ses funérailles , par MM. Arago, Chevreul et Thenard; 45 1 -452. Mort de M. Frédéric Cuvier ; 453. Séance publique: prix décernés et proposés; discours de M. Becquerel , intitulé : Recherches sur le dégagement de la chaleur. Éloge de M. Lau- rent de Jussieu, par M. Flourens; 5i8-520. Mort de M. Huzard; discours prononcé à ses funérailles par M. le baron de Silvestre; décembre, 765.

Mémoires de l'Académie royale des Sciences de Tlnstitut de France , tomes XIV, XV et XVI ; octobre , 632 .

Mémoires des savants étrangers, publiés par ordre de FAcadémie des Sciences, tome V, i838, in-4*; novembre, 709.

Académie des Beaux-Arts. Mort de M. Thévenin ; discours prononcés sur m tombe; mars, 190. Mort de M. Gastellan, académicien libre; 248. Mort de M. Ramey père, discours prononcé à ses funérailles par M. Peiitot; juin, 473. Élection de M. Dumont en remplacement de M. Ramey père ; juillet, 454. Mort de M. Percier: discours pro- noncé à ses funérailles par M. Lebas ; septembre , 584. Séance publique : éloge de M. le baron Gérard par M. Quatremère cle Quincy ; distribution des prix; octobre, 637-638.

Académie des Sciences morales et politiques. Mort de M. Ch. Fréd. Reinhard ;