JOHN M. KELLY LIBDADY

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University of St. Michael's Collège, Toronto

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. WWDsoff

, JUDITH ET ESTHER

PROPRIÉTÉ

CORRESPONDANTS-DKPOSITAIRES

EN FRANCE

ANGERS,

Bara5sé.

Le Mans,

Le Guiclieux.

Laine frères.

r.lMOGES,

ye Dilhan-Viïc?

Aisxtcv,

Biirdet,

Mauseilll.

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ARRAS,

Briiiiel.

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Montpellier,

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Dezairs.

Séguin.

Bordeaux,

Chauraas.

Mulhouse,

Perrin.

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Cuderc.

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Mazeau.

Bourges,

Dilhan.

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Brest,

Lefournier.

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Thomas.

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Chenel.

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Gadrat.

Orléans,

Blanchard.

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Perrin,

Poitiers,

Bonamv,

CLERMO>T-I"d,

Serïoingt.

Reims,

Raive.

Bellet.

Rennes,

Hauvespre.

Dijon.

Gairey.

Thébaull.

Langres,

Dailel.

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Qjarré,

Rouen,

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Toulouse,

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Girard. Josserand.

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A L'ÉT

RANGER

Amsterdam,

Langenhiiysen.

Leipzig,

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Bois-le-Ddc,

Bogaerts.

Londres,

Burn» et Oales.

Bréda,

Van Vees.

LOUVAIN,

Peleers.

Bruges,

Beyaert Defoorl.

Desbarax.

Bruxelles,

Goemaere.

Madrid,

Bailly-Baillipre.

Dublin,

Dowhng.

Tejido.

Fri bourg.

Herder.

Milan,

Beso/zi;

Genève,

Marc Mehling.

Petersbourg,

Wolfr.

Duraford.

Rome,

Merle.

GÈNES,

Kassi-Como.

Turin,

Marielti.

I.ieok,

Spce-Zelis.

Vienne,

Gérold et CI?.

CORBEIL. TYP. DE CRETE FILS.

JUDITH

E S T II E R

MOIS DE MARIE

DU XIX siècle:

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Snhn nox, perimu Saïuez-noiH, lujJBJl'risfunî. MatthJ

GAUMF, FRRRES EfTUn^RKV, I':DITEUP.S

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1870 Droits réservés.

1

HOLY REDEEMER LIBRARf WINOSOP

AVANT-PROPOS

A MON LIVRK.

I

Cher petit livre, enfant de ma vieillesse, quitte la maison de ton père et va par le monde aecomplir la commission qui t'est donnée. Devant tes yeux je vais mettre ce qui t'arrivera ; et, sur tes lèvres, ce que tu diras dans ta pérégrination.

Beaucoup te laisseront passer sans te re- garder.

Beaucoup détourneront la tète pour uc pas te voir.

Beaucoup hausseront les épaules en te voyant.

Plusieurs diront du mal de toi.

Deux choses te consoleront : la pensée que lu accomplis un devoir, et la ffenconlrc

1

Il AVA>'T-l'ROl>OS.

plus ou uioins fréquente d'âines de bonne volonté, qui consentiront à t'écouter et mémo à lier conversation avec Loi.

II

Si elles te demandent qui tu es, tu leur (liras : « Je suis un commis-voyageur de la Reine du ciel et de la terre ; je voyage sous sa protection et pour son compte. Afin de parler d'elle, je parcours les villes et les villages. Mon but est de rendre à tous ceux (|ui daigneront me croire, l'immense service de montrer le seul asile, ils puissent désormais, nous puissions tous, chères brebis du bon Dieu, échapper aux dents des loups aflamés qui, à l'heure même, rôdent par milliers autour de nous pour nous dé- vorer. »

m

si elles ajoutent : (Juel est cet asile ? Tu leur répondras : u C'est la sainte Vierge. »

Elles reprendront : « Bien d'autres avant lui n(nis l'ont dit. Tu n'as rien à nous ap-

AYANT-rROPOS. HI

preiuliv : passe ton chemin. » Avant de continuer ta course, tu diras humblement : « 11 est vrai, surtout depuis quelques an- nées, beaucoup ont parlé de Marie. Mais, vous savez le mot : De Marie jamais assez, lie Maria nnuquam satis. D'une mère chérie on ne parle jamais ni assez ni trop à des enfants bien nés. Il est vrai encore, ceux qui m'ont précédé ont exposé magni- fl(iuement les grandeurs de Marie, ses gloi- res et ses mystères. Avec une éloquence qui ne m'est pas donnée, ils ont célébré sa puissance et ses bienfaits. A tous les âges et à toutes les conditions, ils l'ont présentée comme le modèle accompli de la vertu, la consolatrice des affligés, le refuge des pé- cheurs, l'espérance même des désespérés. Ce qu'ils ont dit est bien dit ; je n'ai rien à ajouter. »

lY

Cette répon>c amènera sur leurs lèvres la question suivante : Qu'as- tu donc à dire ? « Ce que j'ai à dire, le voici : Les temps sont périlleux, Irès-périlleux. Du cùté des quatre

IV AVANT-PROPOS,

venls, de sinistres nuages montent à l'ho- rizon. Nuit et jour, on entend le bruisse- ment de la tempête. Des armées de barba- res, sans foi ni loi, s'agitent autour de nous et s'excitent au combat. Ils ont jure, ils ne s'en cachent pas, de renverser de fond en comble les sociétés actuelles, déjà minées dans leurs fondements. Aussi la peur est partout. Aujourd'hui même elle s'empare des plus intrépides, dans l'attente de ce qui, d'un jour à l'autre, peut arriver au monde entier.

(( Me comprenez-vous ?

Nous te comprenons.

((Me croyez -vous ? »

Nous te croyons ; et après, que veux-lu ?

Tu ajouteras : « Ce que je veux, le voici : Dans la prévision, malheureusement trop certaine, (hi cataclysme inconnu qui me- nace le monde, je voudrais élever la dévo- tion à Marie, à la hauteur des besoins pu- blics. Je voudrais montrer la puissante Reine

A VA NT- PROPOS. V

(lu riel et la faire invoquer, non plus seu- lement comme une bienfaitrice particulière; mais comme l'unique secours, l'unique refuge, l'unique salut des nations du dix- neuvième siècle, envahies par l'esprit du mal, et, par lui, entraînées à travers des crimes sans nom et des révolutions de plus en plus profondes, à leur ruine totale, le socialisme et la sauvagerie. »

VI

A ce langage, ceux qui daigneront t'é- couter, s'écrieront : La tâche est difficile ! Tu t'empresseras de répondre : «Je lésais. » Puis, en toute humilité, c'est-à-dire en toute vérité, tu ajouteras : « Cette tâche est mille l'ois au-dessus de mes forces ; mais, pour l'accomplir, j'ai un puissant auxiliaire. »

Quel est-il ?

(( C'est le dix-neuvième siècle lui-même. »

Voici qui est nouveau.

« Nouveau, si vous voulez, mais vrai. »

YI AVANT-PROPO?.

VU

Tu les prieras de le prêter un instant d'af- lention et tu expliqueras ainsi ta pensée : « Comme dans tout homme il y a deux hommes, le bon et le mauvais ; il y a deux dix-neuvièmes siècles, le bon et le mauvais. Le mauvais est un coupable endurci, qui boit le crime, comme nous buvons un verre d'eau ; un fou furieux qui n'entend plus raison : avec lui il n'y a rien à faire. Autre est le bon. Il craint le mal et les conséquen- ces du mal, parce qu'il a la conscience du bien et des lois de la justice éternelle. Il voit la vérité, parce qu'il a le cœur pur. A ses yeux la vérité est que le mauvais dix- neuvième siècle marche rapidement vers l'abîme; qu'il y marche, parce qu'il tourne le dos à Marie, à Jésus- Christ et h Dieu ; et que le seul moyen de n'y être pas entraîné avec lui, c'est de s'attacher, plus fortement qu'on ne le fit jamais, à Marie, fi Jésus-Christ, à Dion. ))

AYANT-PRorns. vir

vni

Poui'quoi noinnies-tu Marie en pre- mière ligne ? <( Je nomme Marie en première ligne, parce qu'elle est le premier degré de l'échelle qui conduit à Dieu ; parce que Dieu u voulu que tous les biens, particuliers et publics, nous vinssent par Marie ; parce qu'elle a pour mission spéciale et éternelle d'écraser la tète du serpent ; par conséquent la dernière victoire, la plus éclatante de toutes, lui est réservée comme la première. »

Comment sais-tu que le bon dix- neu- vième siècle comprend cela ?

<( Vous-mêmes comment ne le savez-vous pas ? 11 suffit d'ouvrir les yeux pour le voir : Regardez. »

IX

« Depuis quarante ans, un instinct mys- térieux, irrésistible, pousse le bon dix-neu- vième siècle vers Marie. Le lait est visible comme le jour. Pour honorer la puissante Reine de l'univers, ])Our obtenir sa protec-

YIII AYANT-PROPOS.

lion, et, s'il m'est permis de le dire, pour la populariser, le bon dix-neuvième siècle a fait plus, pendant la première moitié de sa vie, qut' plusieurs siècles antérieurs pendant toute la durée de leur existence : quelques faits seulement, inconnus jusqu'à lui.

« Le J/o/s (le Marie, célébré aujourd'hui dans les cinq parties du monde ; non-seule- ment dans les villes, mais dans les plus humbles villages.

(( 'La M cdni lie miraculeuse , suspendue sur des millions et des millions de poitrines, dans tous les lieux qu'éclaire le soleil.

« Le Bosaire vivant, immense concert d'in- vocations, nuit et jour, retentissant au cœur de Marie, partout il y a des catholiques, et il y en a partout.

« Les grands Pèlerinages aux sanctuaires les plus vénérés de Marie : Boulogne, Char- tres, Einsideln, Verdelais, l'Hosier, Roca- madour, repris avec un éclat jusqu'ici sans exemple.

«Des Statues sans noniùre, érigées au pied des montagnes, sur le bord des chemins, à l'entrée des villages, et devant lesquelle>

AVANT-PROPOS. l>^

Marie est invoquée des milliers de l'ois dans un jour.

(( V Archiconfrérie de Nofre-Donw rks Vif- foires pour la conversion des pécheurs : vé- ritable arbre de vie dont le fruit a ressuscité des milliers de morts, dans l'ancien et le nou- veau monde.

(( U Association de Notre - Dame du Sacré- Cœur, qui honore Marie comme la maîtresse absolue du cœur de son divin Fils et comme l'avocate des causes désespérées : manifesta- tion nouvelle de confiance illimitée, hier en- core inconnue, et aujourd'hui célèbre dans toute l'Europe.

« Une foule d'ouvrages d'histoire, d'érudi- tion et d'éloquence, auxquels il faut ajouter plus de riiujiiaufe mois de Marie, consacrés à exploiter la mine inépuisable de beauté, de bonté, de puissance, qu'on appelle Marie.

« Les apparitions célèbres de Rimini, de Lourdes et de la Salette, par lesquelles le ciel encourage si vivement le bon dix-neu- vième siècle, dans sa dévotion envers l'au- guste Vierge.

a Enfin, comme couronnement de toutes

1.

AVANT-PROPOS.

ces manifestations étonnantes, la proclama- tion solennell Conception. »

tion solennelle dn dogme de l'Immaculée

X

Ces faits sont vrais : nous les voyons de nos yeux : mais que prouvent-ils ? a Ce qu'ils prouvent, je vais vous le dire. Vous le savez comme moi : la Providence ne tâtonne jamais. Dans les conseils de son infail- lible sagesse, tout arrive à son heure. Pour- quoi les faits que je viens de rappeler, et d'autres encore, ont-ils lieu aujourd'hui, et non pas hier ou demain? Pourquoi? Evi- demment parce qu'ils ont aujourd'hui leur raison d'être, c'est-à-dire qu'ils répondent h un besoin d'aujourd'hui.

« Si, d'une part, il est vrai, comme on n'en saurait douter, que tous les grands événe- ments de l'histoire ont été pressentis et pré- dits ; s'il est vrai, d'autre part, que Dieu a donné aux nations, comme aux individus, l'instinct de leur conservation, que faut-il conclure du mouvement providentiel qui pousse aujourd'hui le bon dix-neuviéme sic-

AYANT-PROPOS. M

lie, c'est-à-dire la partie intelligente de l'hu- manité, à se réfugier sous la protection de la sainte Vierge ? Sans crainte d'erreur, il faut conclure que nous marchons vers des événements, tels que la toute puissante Reine du ciel et de la terre, honorée, aimée, invo- quée, suppliée avec une ardeur sans exem- ple, est le dernier espoir des nations au dix- neuviéme siècle. »

X!

Le raisonnement paraît juste, et nous com- prenons le but de ton voyage ; nous en sen- tons la nécessité. Mais une chose que nous ne comprenons pas, c'est ton nom de Judith et (V Est fier.

(( En effet, ce nous est un mystère. Vous dire pourquoi il m'a été donné, est une tâ- che que je remplirai volontiers. Seulement, je dois vous en prévenir : il faut que vous m'accordiez chaquejour,pendantunmois, un quart d'heure d'entretien. LWpropos de mon nom ne peuts'explifpicr en moins de temps. »

Accordé.

'( Rassurez-vous ceiiendant : l'ennui. j"ose

XII AYANT-PROPOS.

l'espérer, ne vous gagnera pas. Le quart d'heure, dont je vous demande l'aumône, sera constamment employé à raconter d'in- téressantes histoires, dans lesquelles nous trouverons, avec l'indication de nos devoirs et le motif de nos espérances, le portrait du présent et la prophétie de l'avenir (-1).

(( Ainsi, à demain. »

0 Marie ! douce mère et puissante Reine, votre divin fils récompense richement un verre d'eau froide donné en son nom. Votre cœur est semblable au sien, et votre puis- sance ne connaît pas de limites. Tous dai- gnerez donc bénir, j'en ai la confiance, ce modeste travail. Il vous est offert, au soir de ma vie, comme un témoignage de la ten- dresse filiale qu'une mère pieuse m'inspira pour vous dès l'enfance, et comme un tribut de la reconnaissance qui vous est due, pour les bienfaits sans nombre dont vous m'avez comblé pendant ma longue et difficile car- rière.

(I) Dans ce mois de Marie, qui sort du cadre ordi- naire, on a voulu :

]o Comiinltre le goût épidémique des lectures fri-

AYANT-PROPOS. XIII

voles et malsaines, en faisant relire, pendant un mois, quelques pages substantielles des saintes Écritures. Disons mieux, en racontant les deux épisodes les plus dramatiques qu'on ait écrits dans aucune langue : Merveilleuses histoires dont plusieurs, sans doute, connaissent le fond; mais dont le plus grand nombre a oublié ou n'a jamais su les saisissants détails.

Élever la dévotion envers la sainte Vierge à la hau- teur des besoins du monde actuel, en avei tissant les chrétiens d'intéresser la puissante Heine du ciel^ non plus seulement à leur sanctification personnelle, mais au salut des Nations et au triomphe de l'Église, par la conversion des peuples nombreux qui lui ont été don- nés en héritage, et qui ne font point encore partie du divin bert-ail ou qui tendent à s'en éloigner.

3" Soutenir et développer le zèle pour les œuvres si évidemment providentielles <le la Propogatio/i cJp la foi et de la finitde-Enfaiice.

40 Remplir de confiance les fidèles du dix-neuvième siècle, si jusiement alarmés, en leur montrant, dans .Judith et dans Eslher, la ligure certaine de la sainte Vierge; ef, dans leurs victoires sur les ennemis de l'ancien peuple de Dieu, l'annonce non moins certaine des victoires et surtout de la dernière victoire de la Reine du ciel, sur les ennemis du nouveau peuple de Dieu, la sainte Éiilise catholique.

Résumées dans la réflexion qui termine la lecture de chaque jour, ces pensées, jointes aux incocations et à la résolution pratir/ue, nous ont paru suffire, sans de longues prières, pour atteindre k but proposé.

F JOUR. Les figures et la réalité.

I

Quand un peintre a conçu un tableau, il commence par en tracer l'esquisse. Telle a été la conduite de Dieu dans le gouverne- ment du monde. Voulant réaliser un jour les chefs-d'œuvre de sa puissance, de sa sa- gesse et de sa bonté, Notre-Seigneur Jésus- Christ, la sainte Vierge et l'Église, il les a ébauchés dans le peuple juif. Le peuple juif est donc Ja figure du peuple chrétien. et le peuple chrétien, c'est l'Église, c'est nous. Rien n'est plus certain.

Il

L'Écriture et la tradition concourent à prouver cette grande vérité. Descendu sur la terre pour instruire les hommes, le Fils de

PREMIER JOUR.

Dieu déclare que tous les livres de l'Ancien Testament rendent témoignage de lui, an- noncent sa venue, ses travaux, ses mira- cles, l'établissement de son règne, tous les mystères de sa vie et de sa mort (1). Les apô- tres parlent comme leur divin Maître. Saint Paul, en particulier, enseigne expressément que ce qui arrivait aux Juifs était la figure de ce qui devait nous arriver à nous-mêmes (:2).

HT

Même langage dans la bouche des Pères de l'Église. Pour eux, l'Ancien Testament, c'est la rose en bouton, et le nouveau, la rose épanouie. « L'Ancien Testament, dit saint Augustin, cache le nouveau : le nouveau ma- nifeste l'ancien. Tout ce que nous lisons dans les Écritures, antérieures à l'avènement du Seigneur, n'a été écrit que pour annoncer cet avènement et figurer l'Église, c'est-à-dire le peuple de Dieu répandu dans toutes les

(ljIJoaii.,in,l 1; Luc, IV, lU; Jo;ia., v,.39 ; Luc.xxiv, 26, 44, etc. (2) ICor.,x,l,C, etc.

LES FKILRES ET LA REALITE. :<

nations. Non-seulement les paroles des saints, patriarches e1 prophètes, qui ont précédé la naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; mais encore leur vie, leurs alliances, leurs enfants, leurs actions furent la prophétie du temps actuel (I). »

Ce qu'il dit des particuliers, le grand doc- teur l'affirme du peuple lui-même. « La dé- livrance d'Egypte ligure la délivrance du peuple chrétien, parle baptême. Pharaon el les Égyptiens, engloutis dans la mer Rouge, sont les persécuteurs de l'Eglise, anéantis par Notrc-Seigneur,lc vrai Moïse. Le voyage d'Is- raël dans le désert, c'est le voyage de l'Église dans le désert de ce monde. La terre promise, c'est le ciel. Ainsi de l'Agneau pascal, de la Manne, de l'Arche d'alliance, des sacrifices et de tout l'ensemble des fêtes, des institu- tions et des rites de la loi ancienne (2). »

IV

Prise dans son ensemble et dans ses prin-

(1) De aitechizrind. Hmlib., n. ui, iv, xix; id. cnulra Faust., lib. IV, c. ii.

'2) De .Ifiio// i>f Kx/iu, n. IX, ''/ iiowim.

4 PREMIER JOrR.

cipaux détails, l'histoire du peuple juif est donc notre histoire anticipée. Sa vocation à la foi est la figure de la nôtre. La perpétuité miraculeuse de ce peuple, toujours attaqué et toujours subsistant, la figure de l'Église toujours persécutée et toujours pleine de vie. Si leurs patriarches, chefs vénérables de la nation choisie, sont la figure de Notre- Seigneur, chef auguste de la grande nation catholique, leurs femmes célèbres sont la figure de la sainte Vierge. Les victoires rem- portées par elles sur les ennemis de leur peuple, sont la figure des victoires remportées par Marie sur les ennemis de l'Église.

Entre tous les ennemis de l'ancien peuple de Dieu, Holoferne et Aman apparaissent comme les figures saisissantes et terribles des ennemis actuels du peuple chrétien. Les replacer sous nos yeux, c'est montrer au naturel les ennemis que nous avons aujour- d'hui à combattre. De même, les deux femmes de l'Ancien Testament, appelées à

LES FIGURES ET LA HEALTTE. 5

vaincre ces deux redoutables ennemis, soni la figure incontestable de la sainte Vierge (1).

Elles la réfléchissent si parfaitement, non- seulement dans la beauté de leur corps, mais encore dans les qualités de leur ;\me-, et sur- tout dans leur mission providentielle, qu'on n'en saurait douter, celui qui les forma pour sauver Israël, avait les yeux fixés sur le divin original, appelé Marie, la plus belle des créatures, la plus sainte et de toute éternité prédestinée à vaincre les plus redoutables ennemis de l'Église, le véritable Israël de Dieu. Ces deux femmes, à jamais illustres, sont Judith et Esther.

Les faire connaître en elles-mêmes et dans leur ressemblance avec la sainte Yierge, c'est faire connaître et invoquer Marie, comme elle doit être connue et invoquée au dix- neuvième siècle : je veux dire comme le sa- lut des nations actuelles. C'est montrer aux chrétiens le chemin de la victoire et prophé- tiser leur délivrance.

Réflexion. En écrivant, dans l'histoire (lu peuple juif, l'histoire de l'Église, Dieu

(I) CiOrn. a Lap. Arr/iir/)e>it. in JinlUli et Eftth")\c. n, 8.

6 PREMIER JOUR.

nous montre l'unité de ses conseils. Afin que personne ne pût méconnaître Notre-Seigneur, ni Marie ni lÉglise, il a voulu que l'histoire de tous les siècles leur rendît témoignage. Qu'il en soit à jamais béni !. Cette conduite, digne de son infinie sagesse, éclaire notre esprit, soutient notre espérance, et donne un fondement inébranlable à notre foi.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour l'Église.

Pratique. Assister exactement et pieu- semenl au mois de Marie.

11* JOUR. Nabuchodonosor.

I

Vers le centre de l'ancienne Asie, dans un riche pays appelé la Médie, était nne ville célèbre entre toutes les villes : c'était Ecba- tane, capitale de l'empire des Mèdes. Repré- sentez-vous une immense cité , toute bâtie en belles pierres de taille, resplendissante de palais magnifiques , dont le principal était couvert en tuiles d'argent; peuplée d'innom- brables habitants et entourée de sept rangs de murailles, comme on n'en voit plus.

II

Les murailles ou remparts d'Ecbatane avaient cent pieds de large, stir quarante de haut. De distance en distance ils étaient flan- qués de tours .carrées de cent quarante pieds de hauteur, el de quatre-vingts pieds de

8 DEL'XIEME JOUR.

circonférence. Les portes de la ville s'éle- vaient à la hauteur des tours. Tous les rem- parts étaient crénelés , et les créneaux peints de diverses couleurs. Ceux du premier rem- part, du côté delà campagne, étaient blancs ; ceux du second, noirs; ceux du troisième, pourpre; ceux du quatrième, azur; ceux du cinquième, orange; ceux du sixième, argent ; ceux du septième, or. Il serait difficile de se faire une idée du spectacle que devaient pré- senter ces gigantesques murailles, lorsqu'elles réfléchissaient les rayons du brillant soleil d'Asie (1).

III

Dans cette ville opulente régnait, vers l'an six cent cinquante avant Notre-Seigneur, le roi Arphaxad. Plein de confiance dans ses fortifications, dans son armée et dans ses chariots de guerre, il se regardait comme invincible. Cependant, Nabuchodonosor , roi des Assyriens, lui déclara la gueire. A la tète do leurs puissantes armées, les deux monar-

(1) Hn'od.,liv. I, § 98.

.NAUL'CliOUO.NUSUB. 9

([uef> se rencontrèrent dans une grande ])laine, voisine du Tigre et de l'Euphrate. Arphaxad fut vaincu.

IV

Enflé de sa victoire, Nabuchodonosor crut que rien ne devait lui résistei-. Ses préten- tions n'allaient à rien moins qu'à se faire re- connaître pour le souverain et le dieu de tout l'Orient. 11 envoya donc des ofiiciers de sa cour dans tous les pays circonvoisins, dans la Cilicie , à Damas, dans le Liban, dans la Galilée, dans la Samarie , au delà du Jour- dain et jusqu'à Jérusalem, avec ordre de dire à tous ces peuples qu'ils eussent à se soumettre à son empire. Mais tous, d'un commun accord, refusèrent ce qu'il deman- dait et renvoyèrent honteusement ses dépu- tés. Alors, Nabuchodonosor, irrité contre toute cette terre, jura, par son trùnc et par .son royaume, qu'il se vengerait de ces con- trées.

10 DEUXIEME JOUR.

Sans perdre un instant , il assembla tous les anciens de la nation, tous ses généraux et ses guerriers, et leur communiqua le se- cret de son dessein. «Mavolonté, leur dit-il, (c est de m'assujettir toute la terre. » Ce qui ayant été approuvé de tous, Nabuchodonosor lit venir Holoferue , général en chef de ses troupes, et lui dit : <( Allez attaquer tous les pays d'Occident, et principalement ceux qui ont méprisé mes ordres. N'épargnez aucun royaume et emparez-vous de toutes les villes fortifiées. »

VI

Holoferne appela tous les chefs de corps, et il compta, pour se mettre en campa- gne, cent vingt mille honnnes de pied, et douze mille archers à cheval , auxquels se joignirent bientôt dix mille cavaliers , venus des différentes parties d'Assyrie. Il se fit pré- céder d'une multitude de chameaux, chargés de provisions pour l'armée, et d'innombra-

NABUCHODONOSUK. 1 1

bles troupeaux de bœufs et de moutons. 11 commanda de plus que, dans toute l'Assy- rie , on tint prêt du blé sur son passage. Après avoir pris dans les trésors du roi des sommes immenses d'or et d'argent, il partit lui et toutes ses troupes, avec ses chariots de guerre, sa cavalerie et ses archers, qui couvrirent la face de la terre , comme des sauterelles.

Héflexlon. L'application de ce que je viens de lire se fait d'elle-même à notre si- tuation présente et en montre la gravité. Na- buchodonosor, enflé de ses victoires, veut se faire adorer comme le seul dieu par tous ses sujets. C'est le démon , prince de l'orgueil , qui a toujours voulu et qui, grâce à ses nombreux triomphes, veut, aujourd'hui plus que jamais, se faire adorer par toute la terre, àla place de Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin de redevenir, ce qu'il était dans l'ancien pa- ganisme, le roi et le dieu du monde. Holo^ ferne , exécuteur impitoyable des ordres de son maître, voit son armée se grossir de jour en jour. C'est la personnification des suppôts de Satan, dont la multitude, toujours crois-

2

12 DEUXIEME JOL'H,

saille, cherche par tous les moyens à détruire la religion et l'Église, pour établir sur leurs ruines le règne de toutes les passions déchaî- nées.

Irivocatmis. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple; ne soyez pas toujours ir- rité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour la France (1).

Pratique. Éviter soigneusement les fau- tes de propos délibéré.

(1) Comme ce mois de Marie est consacré aux inté- réls publics, chaque nation aura son jour de prières. Le prêtre qui présidera le mois de Marie fera connaître les besoins de cliaque peuple, ou les fidèles eux-mêmes les tiouveront dans les An/ut/ev de la Propnyutioa de la foi et de la Sai/dc-E/ifance.

111'^ JOUR. Holoferne.

I

Holoforne ôlait un soudard, voluptueux ol cruel, qui ne connaissait d'autre droit que la force, d'autre loi que les penchants de son C(Eur dépravé. Lorsqu'il eut franchi les fron- tières d'Assyrie , il s'empara de toutes les places fortes de la Gilicie, prit d'assaut la grande ville de Mélite, capitale de la Mélitine dans la Cappadoce, et livra tout le pays au pillage. Ensuite, il passa l'Euphrate, força toutes les villesdela terre de Madian, emmena avec lui tous les habitants, prit toutes leurs richesses, et fit passer au fd de l'cpée tous ceux (jui voulurent lui résister.

II

De , il descendit dans les plaines de Da- mas an temps de la moisson , brûla tous les

14 TROISIEME JOUR.

blés et fit couper tous les arbres et toutes les \ignes. La terreur de ses armes se répandit sur tous les habitants de la terre. Alors, les rois et les princes de toutes les contrées cir- convoisines lui envoyèrent des ambassades. « Que votre colère , lui dirent ces humbles députés, s'apaise à notre égard. Nous aimons mieux vivre en servant le grand roi Nabu- chodonosor, que de nous voir exposés à périr misérablement par le glaive ou par l'escla- vage. Toutes nos villes, toutes nos terres, nos collines, nos champs , nos troupeaux de bœufs, de moutons et de chèvres, tous nos chevaux, tous nos chameaux, toutes nos ri- chesses et nos familles sont à votre disposi- tion. Nous serons vos esclaves, nous et nos enfants. Venez à nous comme un maître pa- cifique , et demandez-nous tous les services qu'il vous plaira. »

III

Holoterne ne répondit rien ; mais il partit à la tête de sa cavalerie, s'empara de tout le pays et prit dans toutes les villes, pour trou- pes auxiliaires, les hommes les plus braves et

IlOLOFERNE. 15

les plus propres à la guerre. Telle était la frayeur qu'il inspirait, que les princes et le> personnes les plus honorables de toutes les villes, sortaient au-devant de lui, avec tous les habitants. On lui jetait des couronnes, on le recevait avec des flambeaux, en dansant au son des tambours et des flûtes.

Néanmoins , ils ne purent adoucir la féro- cité de son cœur. Il détruisit leurs villes et coupa leurs bois sacrés, parce que Nabucho- donosor lui avait commandé d'exterminer tous les dieux de la terre, afin qu'il fût seul appelé dieu par les nations soumises à sou empire. Traversant ensuite la Mésopotamie, Holoferne vint dans l'Idumée , dont il prit toutes les villes. Là, il séjourna trente jours, et réunit toutes ses troupes pour se porter sur la Palestine.

Y

Informés de la conduite d'Holoferne et de ses projets, les Juifs furent saisis de crainte.

Ifi TROISIEME JOUR.

Ils appréhendaient avec raison qu'il ne fit à Jérusalem et au temple du vrai Dieu, ce qu'il avait fait aux autres villes et à leurs temples. En conséquence, ils occupèrent tous les dé- filés et tous les sommets des montagnes, par l'ennemi pouvait passer. Ils environnè- rent leurs bourgs de murailles et amassèrent des blés pour se préparer à la guerre. A ces moyens de défense commandés par la pru- dence humaine, ils s'empressèrent d'en ajou- ter d'autres beaucoup plus sûrs.

Tout le peuple cria vers le Seigneur avec grande instance; et ils humilièrent leurs âmes dans les jeûnes et les prières, eux et leurs femmes. Les prêtres se revêtirent de cilices, et les enfants se prosternèrent devant le temple, et on couvrit d'un cilice l'autel du Seigneur.

\]

Alors Éliachim, le grand prêtre, parcou- rut tout le pays, disant aux enfants d'Israël : « Sachez que le Seigneur exaucera vos vœux, si vous persévérez dans le jeûne et la prière. Souvenez-vous de Moïse qui , non

DOLOFERNE. 17

par le fer, mais par de saintes prières, dédl Amalec, confiant en sa force, en son armée, en ses boucliers, en ses chariots et en ses ca- valiers. C'est ainsi qu'il en sera de tous les ennemis d'Israël , si vous persévérez dans l'œuvre que vous avez commencée. »

Réfoxion. Les ravages et les cruautés d'Holoferne sont une faible image des cala- mités de tout genre qui attendent les nations devenues, par leur faute , la proie du grand homicide. Quant à ces princes et à ces peu- ples, que la crainte fait tomber aux genoux du barbare vainqueur et qui se donnent à lui en qualité d'esclaves, ne représentent-ils pas au naturel ces foules d'hommes et de femmes de tout rang , de toute condition et de tout pays, qui sacrifient et qui sacrifieront leur conscience, leur liberté, leur dignité à la crainte de perdre ce qu'ils ont, ou au désir d'avoir ce qu'ils n'ont pas? Frère, sœur, ami, parent , compatriote de ces mal- heureux déserteurs de la foi, je suis exposé aux mêmes tentations. Mon devoir est d'imi- ter Israël et de demander miséricorde. En priant pour les nations actuelles, menacées

18 TROISIEME JOUn.

de si grands maux , c'est pour moi-même que je prie et pour ce que j'ai de plus cher.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des nations, priez pour l'Angleterre.

Pratique. Faire une bonne confession.

lY-^ JOUR. Achior.

T

Cependant Holoferne s'était remis en mar- che. Déjà il avait passé les frontières de la Palestine et se trouvait à peu de distance d'unevilleforte de la Galilée, appelée Béthulie. Apprenant que les enfants d'Israël se dispo- saient à lui résister, il en fut transporté de colère. Sur-le-champ, il appelle les princes deMoab et les chefs des Ammonites qui s'é- taientrendusàiui. ((Apprenez-moi, leur dit-il, quel est ce peuple qui occupe les montagnes ; quelles sont leurs villes et quelle en est la force et le nombre ; quelle est la puissance de ce peuple, leur multitude et le général de leur armée. Dites-moi aussi pourquoi ils sont les seuls entre tous les peuples de l'Oc- cident, qui nous méprisent et qui ne sont point venus au-devant de nous. p(»ur nous recevoir pacifiquement. »

2 0 QUATKIEME JOUR.

II

Alors Achior, roi des Ammonites, lui ré- pondit : « Seigneur, si vous daignez m'écou- ter, je vous dirai la vérité touchant ce peuple qui habite les montagnes, et nulle parole fausse ne sortira de ma bouche. Ce peuple est de la race des Chaldéens. Il habita d'a- bord la Mésopotamie, parce qu'ils ne vou- laient pas adorer les dieux de leurs pères, qui demeuraient en Chaldée. Ayant renoncé à la pluralité des dieux, ils adorèrent le seul Dieu du ciel, qui leur ordonna d'aller habiter à Gharan (1). Mais une famine ayant désolé tout le pays, ils descendirent en Egypte, ils se multiplièrent telle sorte, que leur multitude devint innombrable.

III

(( Comme le roi d'Egypte les traitait avec dureté et les accablait de travaux pour bâtir

(I) Aujourd'hui Haran, ville de Mésopotamie, célèbre p;ir le séjour d'Abraham.

ACUIOR. il

ses villes, ils crièrent vers leur Dieu, (jui frappa de dill'érentes plaies toute la terre d'Égyple. Lorsque les Égypliens leur eurent permis de se retirer, le Dieu du ciel leur ou- vrit la mer Rouge., qu'ils traversèrent à pied sec. Les Egyptiens, s'élant mis à leur pour- suite, furent tellement ensevelis dans les eaux, qu'il n'en resta pas nn seul pour ap- prendre cet événement à leurs descendants. Après être sortis de la mer, les enfants d'Is- raël traversèrent les déserts de Sina, vainqui- rent tous les rois chananéens, et s'emparè- rent de leurs villes et de leurs terres, qu'ils habitent aujourd'hui. Personne n'a pu vaincre ce peuple, si ce n'est lorsqu'il a abandonné son Dieu.

« Maintenant donc, seigneur, informez- vous si ce peuple a fait quelque chose contre son Dieu. Si cela est, allons les attaquer, parce que leur Dieu vous les livrera. Mais si ce peuple n'a point offensé son Dieu, nous ne pourrons leur résister. Leur Dieu prendra leur défense, et nous deviendrons l'opprobre de toute la terre. »

QUATRIEME JOUR.

IV

Le discours d'Achior blessa au vif l'orgueil d'Holoferne qui, s'adressaut à Achior.lui dil : « Parce que lu as fait le prophète, en nous disant que le Dieu d'Israël sera le défenseur de son peuple, je te ferai voir, moi, qu'il n'y a point d'autre dieu que Nabuchodonosor. Tu le sauras, lorsque le fer de mes soldats te déchirera les flancs et que tu tomberas percé de coups, parmi les blessés et les morts d'Is- raël. Et pour que tu connaisses le sort qui l'attend, tu vas être, dès ce moment, joint à ce peuple, afin que, lorsque nous les aurons tués comme un seul homme, tu périsses toi- même avec eux. »

Là-dessus, Holoferne commande à ses gens de prendre Achior, de le mener à Béthulie cl de le livrer aux Israélites. Un peloton de soldats se saisissent d'Achior et prennent leur chemin à travers la plaine. Mais comme ils ajjprochaient des montagnes, sur lesquelles la

ACIllOU.

ville était bâtie, les frondeurs israélites sor- tirent contre eux. A leur aspect, les gens d'Holoferne se détournèrent du côté de la montagne et lièrent Acliior à un arbre, par les pieds et par les mains. Ainsi attaché avec des cordes, ils le laissèrent là, et retournè- rent vers leur maître. Les frondeurs israélites vinrent au lieu il était. Ils le délièrent et le conduisirent dans la ville.

Réflexion. Comme Holoferne et ses offi- ciers se moquèrent des prédictions d'Achior el qu'ils voulurent le faire mourir pour avoir dit la vérité ; nos ennemis, les ennemis de l'Église et des peuples, ne manqueront pas de se moquer de nos prévisions. Ils prendront môme nos conseils en mauvaise part. Nous leur serons à charge. Notre vue même les fatiguera; et, dans leur pensée, ils se promet- tront de nous faire disparaître, avec le chris- tianisme, au jour de leur victoire. Laissons- les méditer leurs sinistres projets. Seulement ayons soin de nous tenir bien avec Dieu. Le Tout-Puissanl, toujours lidèle à ses pio- messes, montrera qu'aujourd'hui comme autrefois, il sauve ceux qui espèrent en lui

3

-2 4 ijUATIÎIEMi; JOUH.

et confond les orgueilleux qui se contient en eux-mêmes.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour l'Espagne.

Pratique. Attaquer avec courage la pas- sion dominante.

\' JOUR. Bëth uli e.

I

Achior lut conduit sur la grande place de Béthulie. Là, environné de tout le peuple, on lui demanda pourquoi les Assyriens l'avaient abandonné, lié de la sorte. Ildit ce qu'il avait l'épondu aux questions d'Holoferne, et com- ment celui-ci, transporté de colère, avait commandé qu'on le mît entre les mains dei> Israélites, afin qu'après sa victoire, il le fît périr dans les supplices avec tous les Israé- lites, parce qu'il avait dit que le Dieu du ciel serait leur défenseur.

II

(Juand Achior eut parlé, tout le peuple se prosterna le visage contre terre, et tous en- semble, mêlant leurs cris et leurs larmes.

-2 6 CINQUIÈME JOLK.

adressèrent au Seigneur cette prière : « Dieu du ciel et de la terre, regardez leur orgueil ; voyez notre abaissement et considérez l'état, sont réduits vos saints. Montrez que vous n'abandonnez pas ceux qui mettent leur con- fiance en votre bonté, et que vous humiliez ceux qui présument d'eux-mêmes et se glori- fient dans leurs propres forces. »

m

Ayant ainsi prié durant tout le jour, ils di- rent à Achior : « Le Dieu de nos pères, dont vous avez annoncé la puissance, vous en ré- compensera, et vous rendra vous-même témoin de la ruine de nos ennemis. » Le soir étant venu et le jeûne fini, Ozias, chef du peuple, reçut Achior dans sa maison et lui donna un grand souper auquel il imita tous les anciens. Puis, on passa la nuit en prières.

IV

t)ès le lendemain, Holoferne donna ordre à ses troupes de marcher contre Béthulie.

BKTHUUE. 3 7

Grâce aux recrues forcées qu'il avait faites sur la route, il se trouvait ;\ la tète de cenl soixante-dix mille hommes d'infanterie et do vingl-deux mille hommes de cavalerie. En suivant, non sans peine, le flanc des monta- gnes, toute cette armée finit par arriver au sommet le plus élevé, vis-à-vis de la grande plaine de Dothaïn et d'Esdrelon. La plaine d'Esdrelon est célèbre par les batailles dont ôlle fut plusieurs fois le théâtre. Dothaïn n'est pas moins célèbre. C'est que Joseph lut vendu par ses frères aux marchands Is- maélites.

Quant à Béthulie, c'était une ville de moyenne grandeur, située dans la Galilée et appartenant à la tribu de Zabulon. Assise au sommet escarpé d'une montagne et en- vironnée de précipices, elle était regardée comme imprenable.

A la vue de cette multitude qui couvrait toutes les hauteurs, les Israélites eurent re- cours à leurs armes ordinaires. Ils se proster- nèrent devant Dieu, la tète couverte de cen-

2 8 CINQUIEME JOUR.

(Ires, et le conjurèrent de faire éclater sa miséricorde sur son peuple. Puis, ils firent garder nuit et jour l'étroit défilé qui condui- sait à la ville. De son côté, Holoferne en per- sonne vint reconnaître la place, dont il fit le tour. Ayant remarqué que la source dont les eaux abreuvaient Béthulie, arrivait dans la ville par un aqueduc, prolongé hors des murs, il le fit couper.

Il y avait néanmoins des fontaines peu éloignées des remparts, les assiégés allaient furtivement chercher de l'eau, plutôt pour soulager leur soif que pour l'apaiser. Les Ammonites et lesMoabites, qui faisaient par- tie de l'armée d'Holoferne, s'en étant aperçus, lui dirent : « Voulez-vous vaincre les Israé- lites sans combat ? mettez des gardes près des fontaines, pour les empêcher d'y puiser de l'eau, et vous les ferez mourir de soif, ou les forcerez à se rendre. »

VI

Ce conseil plut à Holoferne. Une compa- gnie de soldats fut placée près de chaque fou-

BETnur.IE. 2 9

taine. Cette garde ayant duré vingt jours, lûutes les citernes et les réservoirs qui étaient dans la ville furent mis à sec, il ne restait pas ;\ Béthulie de quoi donner à boire un seul jour aux habitants. Déjà on distribuait l'eau par mesure. Dans cette extrémité, tous les habitants vinrent trouver Ozias, chef du peu- ple, et lui dirent : « Nous vous en conjurons devant le ciel et la terre, livrez incessamment la ville à Holoferne^ et faites-nous trouver une mort prompte par l'épée, au lieu de cette mort lente que la soif, qui nous brûle, nous fait souffrir. »

YIl

A ce discours succédèrent les gémissements et les cris de toute la multitude. Prolongés pendant plusieurs heures, ils finirent par cette ardente prière au Dieu d'Israël : <( Seigneur, nous avons péché; mais ayez pitié de nous, parce que vous êtes bon. Chàtiez-nous vous- même, et n'abandonnez pas ceux qui vous connaissent à un peuple qui ne vous connaît pas, de peur qu'on ne dise parmi les nations: ( )ii est leur Dieu . » Alors Ozias, proshM'ué lui-

-0 CINQUIÈMR JOUR.

même devant Dieu, se leva, le visage baigné de larmes, et leur dit : « Ayez courage, mes frères; attendons encore pendant cinq jours la miséricorde du Seigneur. Si. jusque-là, il ne nous vient pas de secours, nous ferons ce que vous avez proposé, n -

Réflexion. Comme Béthulie, TÉglise et les nations chrétiennes sont aujourd'hui envi- ronnées d'ennemis, qui joignent la ruse à la vio- lence. A l'exemple d'Holoferne qui fit couper les eaux de Béthulie, ils s'efforcent par leurs mauvaises doctrines d'ôter la foi au dix-neu- vième siècle, afin de lui couper toute com- munication avec Dieu. Gardons-nous de don- ner dans le piège. Fermons les yeux pour ne lire ni leurs journaux ni leurs livres. Bou- chons nous les oreilles pour ne pas entendre leurs blasphèmes. Prions, au contraire, avec plus d'instance ; et, plus patients que les habitants de Béthulie, ne fixons pas à la miséricorde divine un terme au delà du- quel nous cesserons de l'invoquer. La grâce a ses moments : attendons-les avec con- fiance.

Invornf/'o)}>^. Épargnez, Seigneur, épar-

BETnULIE. 3 1

gnëz votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

Marie, secours des chrétiens, priez pour l'Italie.

Pratique. Faire chaque semaine une fer- vente communion pour l'Église et pour le monde.

yp JOUR.

Judith.

I

La résolution de se rendre ne tarda pas à être connue de celle qui devait être l'héroïne de Bétbulie et la libératrice de son peuple : celte femme était Judith. Issue d'une des principales familles de la ville, Judith était une jeune veuve qui avait perdu son mari depuis environ trois ans. Pénétrée du néant des choses de ce monde, elle s'était préparé au haut de sa maison un appartement secret, elle vivait retirée avec ses servantes. Elle portait le cilice et jeûnait tous les jours de sa vie, excepté les jours de sabbat et des fêtes de la maison d'Israël. Elle était parfaitement belle et jouissait d'une très-grande fortune. Tout le monde l'estimait, parce qu'elle ser- vait fidèlement le Seigneur, et il n'y avait personne qui dît d'elle le moindre mal.

.UTiTTn. 3 s

11

Ayant donc appris qu'Ozias avait promis de livrer la ville dans cinq jours, elle envoya quérir quelques anciens du peuple. Ils vin- rent, el elle leur dit : c Qu'est-ce que cette résolution qu'a prise Ozias de livrer la ville aux Assyriens, s'il ne vous venait pas de se- cours dans cinq jours ? qui ôtes-vous pour tenter le Seigneur ? Ce n'est pas le moyen d'attirer sa miséricorde, mais plutôt d'exciter sa colère. Vous avez prescrit à Dieu le terme de sa miséricorde, et vous lui avez marqué un jour, selon qu'il vous a plu. Mais le Sei- gneur est bon : faisons pénitence de cette faute même, et implorons sa miséricorde avec beaucoup de larmes. Souvenons-nous que Dieu ne menace pas comme un homme. Si le repentir ne les arrête, ses menaces s'exécu- tent.

« Prions le Seigneur avec confiance de nous faire sentir, en la manière qu'il lui plaira, les effets de sa miséricorde. Il le fera d'autant mieux que nous n'avons pas connnis les pé-

34 SIXIEME JOUR.

chés de nos pères. Ils abandonnèrent le Sei- gneur pour adorer des dieux étrangers. Pour nous, nous ne connaissons d'autre Dieu que lui. Maintenant donc, mes frères, comme vous êtes les anciens du peuple, et que leur vie dépend de vous, parlez-leur de manière à relever leur courage, leur rappelant que nos pères ont été tentés pour éprouver s'ils ser- vaient Dieu véritablement. »

III

Les anciens répondirent à Judith : a Tout ce que vous avez dit est véritable, et il n'y a rien à reprendre dans vos paroles. Nous vous supplions donc de prier vous-même pour nous, parce que vous êtes une femme sainte et craignant Dieu. » ludith ajouta : « Comme vous reconnaissez que ce que j'ai pu vous dire est de Dieu, éprouvez aussi si ce que j'ai ré- solu de faire vient de lui. Priez-le de m'affer- mir dans le dessein que j'ai formé. Je ne vous en dis pas davantage. Tenez-vous seulement cette nuit à la porte de la ville. »

.IIDITII. 3 5

IV

Lorsque les anciens se furent retirés, Ju- dith entra dans son oratoire. C'était à la chute du jour, au moment s'ofFrait à Jérusalem le sacrifice du soir. Dans les calamités qui menacent tout un peuple, il convient que les prières particulières se joignent aux prières publiques. A cette union est attachée une efficacité puissante, selon la promesse de Notre-Seigneur : ou deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux. La sainte veuve se revêtit d'un cilice, se couvrit la tête de cendres, et, se prosternant devant le Seigneur, elle lui adressa la prière suivante. Nous la lirons non-seulement de bouche, mais de cœur ; non-seulement aujourd'hui, mais chaque jour de ce mois consacré à la divine Judith : nulle autre n'est mieux ap- propriée à nos besoins.

« Seigneur, Dieu de mes pères, assistez-moi dans ce moment, moi faible veuve, je vous

36 SIXIEME JOUP.

en conjure. Souvenez-vous des anciennes merveilles que vous avez accomplies en faveur de votre peuple. Regardez le camp des Assy- riens, comme vous daignâtes un jour regar- der le camp des Égyptiens, lorsqu'ils pour- suivaient vos serviteurs. Vous ne fîtes que jeter un regard sur leur armée et ils se per- dirent dans les ténèbres. L'abîme retint leurs pas, et les eaux les engloutirent. Sei- gneur, que ceux-ci périssent de même, eux qui s'appuient sur leur multitude, et qui ne savent pas que vous êtes notre Dieu, le Dieu des victoires et que votre nom est Jéhova.

(( Faites, Seigneur, que l'orgueil d'Holo- ferne soit abattu par sa propre épée. Qu'il soit pris par ses propres yeux, comme par un piège, en me regardant, et blessez-le par la grâce des paroles qui sortiront de ma bou- che. Donnez- moi assez de constance dans le cœur pour le mépriser et assez de force pour le perdre. Ce sera un monument de gloire pour votre nom, qu'il périsse par la main d'une femme. Dieu des cieux, maître de l'u- nivers, exaucez-moi, pauvre suppliante qui mets toute mi\ conlinnce on votre miséri-

JUDITH. 37

corde. Fortifiez la résolution de mon cœur, afin que toutes les nations connaissent que vous êtes Dieu, et qu'il n'y en a point d'autre que vous. »

Réflexion. Aux grands maux les grands remèdes. La conduite des Israélites menacés d'être pillés, incendiés, égorgés, de voir leurs autels renversés et leur temple profané, nous dit ce que nous devons faire, nous chrétiens du dix-neuvième siècle. Tous ensemble les habitants de Béthulio crient vers Dieu avec une grande instance. Ils s'humilient dans le jeûne et dans la prière, le jour et la nuit. C'est ainsi qu'ils font violence au ciel, et que le cri de leur détresse parvient jusqu'à Judith.

Former des associations de prières, comme celle qui nous réunit pendant le Mois de Ma- rie ; nous humilier devant Dieu ; nous ré- concilier avec lui, jeûner, prier et prier en- core : tels sont nos devoirs en présence des maux qui nous menacent. Si nous les rem- plissons, nos supplications loucheront le cœur de la véritable Judith. Elle priera son Fils tout puissant, prendra notre cause en main et deviendra notre libératrice.

3R SIXIEME JOUR.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour l'Allemagne.

Pratique. Réciter de cœur les actes de foi, d'espérance et de charité.

Yii'' jorii.

Judith sort de Béthulie.

Judith avait prié toute la nuit, le visage prosterné contre terre. Il était environ deux heures du matin, lorsqu'elle se releva, ap- pela une de ses suivantes, descendit de son oratoire et quitta ses habits de veuve. Elle se lava le corps, se l'oignit d'un parfum pré- cieux, sépara ses cheveux en différentes tresses, se mit sur la tète une coiffure ma- gnilique, ornée de pierreries, se revêtit des habits de sa joie, prit une chaussure très- riche, des bracclels, des pendants d'oreille, des bagues, se para enfm de tous ses orne- ments. A cette brillante parure le Seigneur ajouta un nouvel éclat, parce que tout cet ajustement n'avait pour principe aucun mauvais désir, mais la vertu. Ainsi ornée, Judith était d'une beauté incomparable.

4 0 SEPTIÈME .rOI'R.

II

Afin de ne point se souiller par les viandes des gentils, elle fit porter à sa suivante une outre de vin, un vase d'huile, de la farine, des figues sèches, du pain et du fromage, et partit ainsi. Arrivées à la porte de la ville, elles trouvèrent Ozias et les anciens du peu- ple, qui attendaient. En voyant Judith, ils furent tellement fascinés par l'éclat de sa beauté, qu'ils la laissèrent passer sans lui adresser aucune question. Ils se contenlèrent de lui dire : « Que le Dieu de nos pères vous donne sa grâce, et c[u'il affermisse toutes les résolutions de votre cœur, afin que Jérusa- lem soit glorifiée en vous et que votre nom soil au nombre des saints. »

III

Cependant Judith, se recommandant à Dieu, passa la porte, elle et sa suivante. C'était au point du jour. Comme elle descen- dait de la montacne, les vedeUes des Assv-

.FUDÎTU SORT DE BÉTRULIE. 41

riens l'aperçurent et l'arrêtèrent, en lui di- sant : (( D'où venez-vous, et allez- vous ( I ) ? » Elle répondit : « Je suis une fille des Hébreux; je me suis enfuie d'avec eux, parce que j'ai reconnu qu'ils vous seront livrés, pour n'a- voir pas voulu se rendre à vous volontaire- ment. C'est pourquoi je me suis dit : J'irai trouver le prince Holoferne, pour lui dé- couvrir leurs secrets et lui donner le moyen de les prendre sans qu'il perde un seul honmie. »

En l'écoutant, leurs yeux demeuraicnl fixés sur son visage, tant ils étaient ravis de sa beauté.

IV

« Vous avez sauvé votre vie, lui dirent-ils, en prenant la résolution de descendre vers notre prince. Lorsque vous paraîtrez devant

(I) Dans une guerre juste, comme celle des Juifs con- tre les Assyriens, non-seulement l'emploi de la force ouverte est légitime, mais encore celui de la force ca- chée ou de la ruse. 11 est permis d'induire en erreur ceux qu'il est permis de tuer. Ruse et stratagème sont iiidiU'érents de leur nature : tout dépend du but auquel on les fait servir. Le but de .luditli, inspirée de Dieu,

42 SEPTIEME JOLR.

kii, soyez sûre qu'il vous traitera bien et que vous lui gagnerez le cœur. » Ils la con- duisirent donc à la tente d'Holoferne et l'annoncèrent. Holoferne l'eut à peine vue, qu'il fut pris par ses yeux. Il était assis sous son pavillon, dont les draperies étaient de pourpre, brodées d'or relevé d'émerau- cles et de pierres précieuses. Judith, ayant jeté les yeux sur son visage, se prosterna devant lui. Les gens d'Holoferne s'empressè- rent de la relever par l'ordre de leur maître.

V

Alors Holoferne lui dit ; « Ayez bon cou- rage ; bannissez de votre cœur toute crainte. Mais dites-moi d'oii vient que vous avez quitté votre peuple et que vous vous êtes résolue de venir vers nous? » Judith lui répondit : Accueillez les paroles de votre ser- vante, parce que, si vous suivez les avis de votre servante, Dieu achèvera d'accomplir à votre égard ce qu'il a résolu. La puissance

étant bon, ses paroles comme sa parure n'ont rien que de louable. C'est une ruse de guerre, voilà tout. Voir ('orn. a Lap., /// Judith, c. xii.

JUDITH SUKT ME BEIUUDE. 4"'

de Nabuchodonosor, roi de la terre, est en vous, pour châtier tous ceux qui lui résis- tent. La sagesse de votre esprit est célèbre parmi toutes les nations, et on ne parle dans tout le pays que de votre habileté dans la guerre.

« On n'ignore pas non plus ce que vous a dit Achior et de quelle manière vous avez commandé qu'il fût traité. Les Israélites sa- vent qu'ils ont ofiensé leur Dieu, et la terreur de vos armes les a saisis. Ils sont de plus désolés par la famine, et on peut déjà les tenir pour morts par la soif qui les brûle. Ils ont même résolu de tuer leurs bestiaux pour boire leur sang, et de manger les cho- ses consacrées à Dieu, auxquelles il ne leur est pas permis de toucher. Puisqu'ils se con- duisent de telle sorte, il est certain qu'ils vous seront livrés. Ce que moi, votre ser- vante, connaissant, je me suis enfuie d'avec eux pour vous annoncer toutes ces choses. »

Tout ce discours plut à Holoferne et à ses officiers. Ils admiraient la sagesse de Judith et se disaient l'un à l'autre : « Il n'y a point dans toute la terre de femme sembla-

A4 SEPTIEME JOUR.

ble à celle-ci pour la beauté du visage ou pour la sagesse des paroles. »

Réflexion. Béthulie est aux abois. Les ha- bitants ont adressé directement leurs prières au Seigneur, Aucun secours ne leur est ar- rivé. AbattuS; découragés, ils ont résolu de se rendre à leurs ennemis. Ils avaient oublié de recourir à celle, par qui Dieu voulait les sauver. Mais Judith avait vu leurs angoisses. Sans être priée et n'écoutant que son amour pour son peuple, elle se dévoue afin de le sauver.

Les nations d'aujourd'hui, les provinces, les villes, les villages, les familles même, sont comme autant de villes assiégées par d'im- placables ennemis. Le mal gagne de plus en plus. Le découragement s'empare des âmes, et, dans une espèce d'indifférence et de stu- peur, on se résigne à ce qui doit arriver.

Que reste- t-il ? Prier, prier beaucoup et nous souvenir que nous avons aussi une Judith, choisie de Dieu pour sauver le monde. Tous les siècles ont admiré le dévouement de la jeune veuve de Béthuhe : c'est ici sur- tout qu'elle est la figure de la sainte Vierge.

JCLlTll SORT DK BÉTUULIli. î5

Plus admirable est le dévouement de Marie. Pour sauver le genre humain, elle a exposé plus que sa vie, elle a donné celle de son fils. Mais aussi sa médiation auprès de Dieu est devenue toute-puissante. Cette médiation est notre dernier espoir. Puisque, par la grâce de Dieu, le bon dix-neuvième siècle l'a com- pris, il lient en ses mains le gage de son salut.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour la Prusse.

Pratique. Assister ;\ la messe pendant la semaine.

VIIF JOUR. Judith dans la tente d'Holoferne.

I

Alors Holoferne commanda qu'on fit en- trer Judith dans la tente, étaient ses tré- sors et qu'elle y demeurât. « Yous serez nourrie, ajouta-t-il, des mets de ma table. » Judith lui répondit : « Je ne pourrai pas manger des choses que vous ordonnez qu'on me donne, parce que j'offenserais mon Dieu. Je mangerai de ce que j'ai apporté avec moi. » Grande leçon ! qui condamne hautement les esclaves du respect humain.

II

Holoferne repartit : « Si ce que vous avez apporté avec vous vient à manquer : que fe- rons-nous ? » Judith lui répUqua : « J'en jure par votre vie, mon seigtieur, avant que votre

JUUITU DA^!5 l.A ÏEiME u'uOLOFElt.NK. 47

servante ait consommé tout ce qu'elle a ap- porté, Dieu fera par ma main ce qu'il m'a inspiré. » Holoferne n'insista pas davantage; et ses serviteurs conduisirent Judith dans la tente qui lui était assignée. Elle demanda, en y entrant, la liberté de sortir la nuit et avant le jour, pour aller faire sa prière, et invoquer le Seigneur. C'était la coutume des Juifs de réciter certaines prières, deux fois par jour, le matin à la pointe du jour, et le soir à l'apparition des étoiles. On voit que les prières du soir et du matin sont une loi de l'humanité.

lU

En demandant cette permission, Judith avait un double but. Elle voulait, d'abord, dans les graves circonstances elle se trou- vait, observer exactement ses devoirs envers Dieu, afin de s'assurer sa protection. Elle voulait de plus se ménager la liberté de sor- tir du camp, sans exciter de soupçons, lors- qu'elle le jugerait convenable. Holoferne accueillit sa demande et commanda aux huissiers de sa chambre de la laisser entrer

4

'•8 HUITIEME JOUR.

et sortir, selon qu'elle le voudrait, pendant trois jours, pour adorer son Dieu. Elle sortit donc toutes les nuits, dans la vallée de Bé- thulie, et s'y lavait. C'était , sans doute, afin de se purifier des souillures légales qu'elle pouvait contracter au milieu des Gentils. La fontaine existe encore, et les pè- lerins de terre sainte ne manquent pas de la visiter (1).

lY

Après s'être lavée, Judith priait le Seigneur Dieu d'Israël, de la conduire dans le dessein qu'elle avait prémédité pour la délivrance de son peuple. Commun aux Juifs et aux premiers chrétiens, l'usage de se laver avant de prier est encore observé par le prêtre qui se prépare à monter à l'autel. La netteté du corps rappelle la pureté d'âme qu'il faut ap- porter dans les communications avec Dieu. Rentrée dans sa tente, Judith y restait jus- qu'à ce qu'elle prît sa nourriture, vers le soir. Ainsi, elle jeûnait tous les jours. La prière

(1) .Vdriclioni.. i/i BethuUa.

JUDITH DANS LA TENTE D'HOLOFERNE. 49

et le jeûne étaient les deux armes dont elle se munissait pour conserver sa vertu et pour délivrer son peuple.

l.e quatrième jour après l'arrivée de Ju- dith, Holofernc donna un grand festin à ses principaux officiers : Judith y fut invitée. « Bonne jeune fille, lui dit l'envoyé chargé de l'invitation, ne craignez pas d'entrer chez mon seigneur. Il veut vous honorer en vous faisant manger avec lui et boire du vin dans la joie. » Judith répondit : «Qui suis-je, moi, pour m'opposer à la volonté de mon seigneur. Je ferai ce qu'il trouvera bon el qui lui paraîtra le meilleur. »

VI

Elle se se leva ensuite, se para de ses orne- ments, et, étant entrée dans la tente d'Holo- ferne, elle parut devant lui. Holoferne, en la voyant, fut frappé au cœur. Le festin com- mença et se prolongea fort avant dans la nuit. « Buvez, disait Holoferne à Judith,

£0 HUITIEME JOUR.

mangez avec joie, parce que vous avez trouvô grâce devant moi. » Judith répondait : « Je boirai, mon seigneur, parce que je reçois aujourd'hui le plus grand honneur que j'aie reçu de ma vie. » Cependant elle ne toucha ni aux mets ni au vin qui lui étaient offerts ; mais elle prit ce que sa suivante lui avait préparé, et elle mangea et but devant lui. ïïoloferne, transporté de joie, but ce soir-là plus de vin qu'il n'en avait bu en aucun jour de sa vie.

Réflexion. Judith, dans la tente d'Holo- ferne, c'était la brebis dans l'antre du lion. L'histoire n'offre pas de position plus déli- cate et plus périlleuse. Dans ses paroles et dans ses démarches, quelle prudence il fal- lait à Judith pour ne rien laisser soupçonner de son dessein ! Afin de se défendre des atta- ques livrées à sa vertu, quel besoin elle avait d'une force toute divine ! C'est dans son union intime avec Dieu, qu'elle puisa l'une et l'autre. Ici, comme ailleurs, elle était la ligure de la sainte Vierge.

Retirée tour à tour dans le temple de Jé- rusalem ou dans sa maison de Nazareth, Ma-

.llDITn DANS LA TENTE D'hOLOFERNE. 5 1

rie prépara, par ses longues austérités et par ses prières incessantes, la victoire qu'elle devait remporter sur le démon. Non moins difficile que celle de Judith, est la position de l'Église au milieu du monde, devenu pour elle une nouvelle tente d'Holoferne. Comme ceux de Béthulie, les deux plus re- doutables ennemis de l'Église et des nations du dix-neuvième siècle, sont les démons de l'orgueil et de la volupté. Voulons-nous les vaincre? recourons aux armes de Judith et de Marie. Ce genre de démons, dit Notre - Seigneur, ne peut être chassé que par la prière et le jeûne.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple, ne soyez pas toujours ir- rité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour la Pologne.

Pratique. Jeûner le samedi, ou, du moins, faire chaque jour une mortification.

IX' JOUR. Judith coupe la tête d'Holoferne.

I

Vers le milieu de la nuit, les officiers d'Ho- loferne, dans un état complet d'ivresse, se retirèrent, comme ils purent, chacun dans sa tente. Les gens de service, qui de leur côté s'étaient permis de larges libations, se trou- vaient accablés de sommeil, en sorte qu'il ne resta personne pour veiller auprès du général. Un des huissiers, Yagao, ferma la porte de la tente dans laquelle Judith se trouvait seule avec Holoferne, et s'empressa, pour les mêmes raisons que les autres, de gagner sa demeure. Quant à Holoferne, plus ivre que personne, on l'avait transporté sur son lit, où, dans un sommeil de plomb, il digérait le vin qu'il avait bu avec excès.

JUDITH COUPE LA TETE D nOLOFERNE. 53

II

Judith, se voyant seule, entr'ouvrit la porte de la tente et dit à sa suivante de se tenir dehors devant la tente et d'y faire le guet. Pour elle, debout devant le lit, elle priait avec larmes, et, remuant les lèvres en si- lence, elle disait : « Seigneur Dieu d'Israël, fortifiez-moi, et favorisez en ce moment l'ou- vrage de mes mains, afin que, selon votre promesse, vous releviez Jérusalem, votre ville, et que j'achève ce que j'ai cru pouvoir se faire par votre assistance. » On voit qu'en tout cela Judith agissait par l'inspiration di- vine.

m

Sa prière finie, elle s'approcha doucement de la colonne qui était au chevet du lit d'Ho- loferne et délia le cimeterre qui y était atta- ché. L'ayant tiré du fourreau, elle prit Holo- ferne par la chevelure, et dit : « Seigneur Dieu, fortifiez-moi à cette heure. » En même temps, elle le frappa deux fois sur le cou et

;i NEUVIEME JOUR.

lui abattit la tète. Ensuite, elle détacha des colonnes du lit une draperie, dans laquelle elle enveloppa la tête d'Holoferne, dont elle fit rouler le corps sur le pavé. Après avoir pris le temps de respirer, elle sortit, et donna à sa suivante la tête d'Holoferne. en lui di- sant de la mettre dans son sac.

IV

Toutes deux s'éloignèrent aussitôt, selon leur coutume, comme pour aller prier. Elles traversèrent le camp, et, tournant le long de la vallée, elles arrivèrent, avant le jour, à la porte de la ville. Alors Judith dit aux senti- nelles : « Ouvrez les portes, le Seigneur est avec nous ; il a signalé sa puissance en faveur d'Israël. » Les sentinelles, ayant reconnu sa voix, appelèrent les anciens du peuple. La porte fut ouverte : toute la ville fut bientôt sur pied. Non-seulement les anciens, mais tous les habitants, depuis le plus petit jus- qu'au plus grand, accoururent auprès de Ju- dith. Ils n'espéraient plus la revoir. Son re- tour inopiné, à pareille heure, la curiosité.

jcuiTii corpn la ikte h iioloferne. 53

la crainte, l'espérance les remplissaient d'in- quiétude.

V

Ils allumèrent des ilambeaux et se pres- sèrent autour de Judith. La jeune et modeste héroïne monta sur un lieu élevé, commanda le silence, et, tous s'étant tus, elle dit : « Louez le Seigneur notre Dieu qui n'a point abandonné ceux qui espéraient en lui. 11 a, par moi, sa servante, accompli sa miséri- corde, comme il l'avait promise à la maison d'Israël : par ma main, il a tué cette nuit l'ennemi de son peuple. » Et. tirant de son sac la tête d'Holofcrne, elle la leur montra, (lisant : « Voici la télé d'Holofeme, général de l'armée des Assyriens; et voici le pavillon sous lequel il était couché dans son ivresse, et le Seigneur notre Dieu l'a frappé par la main d'une femme.

<( Vive le Seigneur, parc^e que son ange m'a gardée, lorsque je suis sortie d'ici, tant que je suis demeurée et lorsque je suis reve- nue. Le Seigneur n'a point permis que sa sen-ante fût souillée ; mais il m'a ramonée

5G NEUVIEME JOUR,

auprès de vous sans aucune tache de péché, joyeuse de sa victoire, joyeuse de mon éva- sion et joyeuse de votre délivrance. Rendez- lui tous des actions de grâces, parce qu'il est bon et que sa miséricorde s'étend à tous les siècles, »

Réflexion. Plus nous avançons, plus la res- semblance entre Judith et la sainte Vierge devient frappante. Holoferne est la figure du démon. Judith lui coupe la tête. Marie, la véritable Judith, écrase la tête, non plus du représentant du démon, mais du démon lui- même, Holoferne est la terreur de l'Orient. Au milieu de ses victoires, une sorte de duel s'établit entre lui et une simple femme ; et, comme en se jouant, cette femme lui coupe la tète avec son propre glaive. A cette pre- mière victoire, Judith en ajoute une autre. Au milieu de ce camp d'impudiques, elle conserve toute sa vertu, et revient triom- phante, chargée des dépouilles de ses enne- mis.

Un combat singulier entre Marie et le ' mon dure depuis le commencement du monde; et Marie, toute seule, a terrassé, elle

JL'DITU COUPE LA TÈTE u'uOLOFERNE. S 7

terrasse encore, elle terrassera toujours, le démon et ses légions innombrables. Dans cette lutte à outrance, Marie non-seule- ment a conservé intacte sa virginité, mais encore elle la conserve dans ces multitudes de \1erges de tous les pays et de tous les siècles, glorieux trophée de sa victoire et ornement incomparable de l'Église. Si donc aujourd'hui nous sommes environnés d'Ho- lofernes, à la tête de nombreuses armées, ne craignons pas. La vraie Judith est avec nous. Supplions-la, comme il convient, de faire en faveur des nations ce que l'ancienne Judith fit en faveur de son peuple, et nous verrons des miracles.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour la Russie.

Pratique, Réciter chaque jour le Souve- nez-vous.

X" JOUR. Judith de retour à Béthulie.

I

Aux paroles de Judith, tous se prosternè- rent le visage contre terre, adorèrent le Sei- gneur et dirent à Judith : « Le Seigneur vous a bénie dans sa force ; par vous il a anéanti nos ennemis. »

Puis, Ozias, le chef du peuple, se levant, ajouta : « Vous êtes bénie du Seigneur, le Dieu Très-Haut, plus que toutes les femmes de la terre. Béni soit le Seigneur qui a con- duit votre main, pour frapper le chef de nos ennemis. 11 a rendu aujourd'hui votre nom si célèbre, que vos louanges ne cesse- ront jamais sur les lèvres des hommes qui se souviendront de la puissance du Seigneur. Ils vous loueront éternellement, parce que vous n'avez pas craint d'exposer votre vie, en voyant l'extrême affliction de votre peuple et qu'avec l'aide de notre Dieu vous l'avez

JUDITH DE RETOUR A BÉTUULIE. 5 9

sauvé de la ruine. » Tout le peuple, ivre de joie, répondit : <( Amen, amen, n

II

Holoferne était mort ; personne n'en dou- tait. Néanmoins, comme aucun Israélite n'a- vait vu de près le général des Assyriens, Ju- dith voulut qu'on appelât Achior, afin qu'il reconnût la tète d'Holoferne. Quand il fut en sa présence, Judith lui dit : « Le Dieu d'Israël à qui vous avez rendu témoignage, en décla- rant qu'il a le pouvoir de se venger de ses ennemis, a coupé lui-même, cette nuit, par ma main, la tète du chef de tous les infidèles. et pour que vous soyez convaincu que cela est vrai, voicila tête d'Holoferne! Reconnais- sez celui qui, dans l'insolence de son orgueil, méprisait le Dieu d'Israël, et menaçait de vous faire mourir, disant : Lorsque le peuple d'Israël sera vaincu, je te ferai passer au fil de l'épée. )>

III

Achior, voyant la tête d'Holoferne. fut saisi d'effroi : il tomba la face contre terre et de-

60 DIXIEME JOUR.

meura quelque temps en proie à la plus vive agitation. L'incroyable victoire, dont il avait la preuve sous les yeux, lui causait une sorte de stupeur. A la crainte de la mort dont il était personnellement menacé, succédait la confiance; à la tristesse, la joie; à l'inquié- Uide, l'admiration, et, avec toutes ces impres- sions entrait dans son âme la foi au Dieu d'Israël, dont il allait devenir le fervent ado- rateur. Revenu à lui, il se prosterna aux pieds de Judith : « Vous êtes, lui dit-il, la bénie de votre Dieu, dans tout l'héritage de Jacob; parce que le Dieu d'Israël sera glorifié en vous, parmi tous les peuples auxquels par- viendra votre nom. »

IV

SaiTs plus larder, Judith dit à tout le peuple : « Écoutez-moi, mes frères, suspen- dez cette tète au haut de nos murailles. Et. aussitôt que le soleil sera levé, que chacun prenne ses armes, et sortez tous avec grand bruit, non pour descendre jusqu'aux enne- mis, mais comme vous disposant à les atta-

JUblTd DE RETOUK A BETULLIE. 61

qucr. Il faudra nécessairement que les postes .ivanccs prennent la fuite, et s'en aillent éveil- ler leur général pour le combat. Lorsque leurs généraux auront couru à la tente d'Ho- loferne, et qu'ils n'y auront trouvé qu'un corps sans tète, nageant dans son sang, la frayeur les saisira. Le trouble se mettra dans l'armée et vous choisirez ce moment pour marcher hardiment contre eux. parce que le Seigneur les foulera sous vos pieds, d

Rien de plus sage que le conseil de Judith. Descendre dans la plaine et vouloir se me- surer avec la puissante armée des Assyriens, avant que lamortd'Holoferne eîit été connue, c'était pour les habitants deBéthulie, relati- vement peu nombreux et affaiblis par la faim et par la soif, courir à une défaite certaine. D'un autre côté, laisser passer le premier moment de stupeur et d'effroi causé dans le camp ennemi, par la mort d'Holoferne, c'é- tait donner aux Assyriens le temps de se re- connaître, de nommer immédiatement un

62 DIXIÈME JOUR.

nouveau général et de pousser le siège de Bé- thulie, avec une ardeur surexcitée par le dé- sir de la vengeance.

\l

Achior admira la sagesse de Judith et, voyant le prodige que leDieu d'Israël avait fait en faveur de son peuple, il abandonna le culte des idoles, crut en Dieu et fut incorporé au peuple d'Israël, ainsi que toute sa race jus- (ju'à ccjour.

Héflexiun. La reconnaissance est le pre- mier sentiment des habitants deBéthulie pour leur libératrice. C'est avec juste raison. Tous, honunes, femmes, enfants, riches et pauvres qui, hier encore, s'attendaient à mourir, se voient aujourd'hui assurés de consever leurs biens, leur liberté et leur vie. Telle doit être notre conduite à l'égard de la sainte Vierge. (Jui de nous, dans le cours de sa vie, n'a pas à la céleste Judith d'être délivré de quel- ({ue Holoferne ? disons-lui donc dans l'effu- sion de notre cœur : Tous êtes bénie entre toutes les femmes : puisse notre reconnais- sance égaler vos bienfaits!

.lUDITn DE RETOUR A BÉTHULIE. 63

A un courage héroïque Judith joint une prudence consommée. Elle empêche sou peuple de compromettre sa victoire, en se jetant imprudemment au milieu des infidèles. Précieuse leçon que nous donne Marie d'éviter les occasions du péché : notre témérité nous ferait perdre le fruit de sa protection. Trai- tons plutôt Achior. Pénétré de reconnais- sance pour Judith et ravi d'admiration pour son courage et pour sa sagesse, il abandonne le culte des idoles et adore le Dieu d'Israël. Renonçons comme lui aux idoles, grandes ou petites, que nous adorons peut-être encore, et gardons désormais notre culte, nos pensées, nos affections et nos oeuvres j)our le seul Dieu vivant et véritable.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, pi'iez pour la Suède.

Pi'ntiqiif. Faire une aumône.

XP JOUR. Le camp d'Holoferne.

I

Aussitôt que le jour parut, les habitants de Béthulie, dociles aux conseils de Judith , suspendirent à leurs remparts la tête d'Ho- loferne. Chacun prit ses armes, et tous sorti- rent de la ville en faisant le plus de bruit possible et en poussant de grands cris. Les avant-postes des Assyriens se replièrent sur le camp, ils donnèrent l'alarme. Les offi- ciers coururent à la tente d'Holoferne pour prendre ses ordres; mais ils la trouvèrent fermée.

II

Il était de règle que personne ne devait ni frapper à la porte, ni entrer dans la tente du général. Ils prirent donc le parti de faire du bruit, afin de le tirer de son sommeil; mais

LE CAMP D'IIOLOFERNE. 6 5

aucun mouvement no se remarquait dans l'intérieur de la tente. Comme le temps pres- sait et que tous les officiers supérieurs arri- vaient successivement, on prit le parti de forcer la consigne. Quelques généraux dirent aux chambellans : « Entrez et éveillez-le , parce que les rats sont sortis de leurs trous et osent nous défier au combat. » C'est par ce terme de mépris qu'ils désignaient les ha- bitants de Béthulie.

III

Alors le premier chambellan , Vagao , ou- vrit la porte, mais n'osa pénétrer dans l'in- térieur de la tente. Debout entre la porte et la draperie qui la séparait de la chambre proprement dite , il frappa dans ses mains , croyant qu'Holoferne , appesanti par le vin , continuait do dormir d'un profond sommeil: silence absolu. 11 frappe de nouveau , proto l'oreille; mais, n'entendant ni mouvement ni respiration, il s'avance , détourne la dra- jjerie et voit le corps d'Holoferne , étendu par terre , sans tète et baigné dans son sang.

66 ONZIEME JOUR.

lY

A cette vue, il pousse un cri lamentable et déchire ses vêtements. Puis, il entre dans la tente de Judith, et, ne l'ayant pas trouvée, il sort et dit à tous les officiers : « Une seule femme juive a mis la confusion dans la mai- son de Nabuchodonosor : Holoferne est étendu par terre, et sa tète n'est plus avec son corps. » Les chefs de l'armée ayant en- tendu ces paroles déchirèrent leurs vête- ments. Une frayeur intolérable les saisit; leur tête se troubla et tout le camp retentit de cris effroyables.

V

La nouvelle de la mort d'Holoferne parvint bientôt jusqu'aux derniers rangs de l'armée. Officiers et soldats étaient dans la consterna- tion et ne savaient quel parti prendre. Dans cette indécision, il faut reconnaître un effet de la justice de Dieu. Autrement, qui aurait empêché les Assyriens de se choisir immé- diatement un autre chef pour continuer le

LE CAMP D nOLOFERNE. t'-T

siège? Comment expliquer qu'une armée de cent soixante -dix mille hommes se trouve tout à coup saisie d'une panique universelle et irrémédiable, en présence d'ennemis peu nombreux et jusque-là objet de leurs risées? Mais le Dieu qui résiste aux superbes voulut humilier l'orgueil des Assyriens, comme il avait humilié celui des Madianites, en met- tant en fuite leur immense multitude, aux cris de trois cents soldats de Gédéon, armés de trompettes et de flambeaux cachés dans des vases de terre.

VI

Hors d'eux-mêmes, les Assyriens, poussés par la frayeur dont ils étaient saisis, ne pen- saient qu'à fuir, il en résulta bientôt un tumulte effroyable. Nul ne parlait à son ca- marade; tous, baissant la tète, abandonnaient leurs armes et leurs bagages, et se hâtaient de courir pour échapper aux Hébreux, dont ils entendaient les cris et dont ils voyaient les guerriers descendre de la montagne, les armes à la main, pour fondre sur eux. La déroute fut complète. Du haut de leurs murs

68 ONZIÈME JOUR.

les habitants de Béthulie virent leurs ennemis cherchant leur salut dans la fuite , prendre à l'aventure les chemins de la plaine et les sen- tiers des collines, sans savoir ils allaient .

Bôflexïon. A la nouvelle de la mort d'Holoforne, à la vue de sa tête suspendue aux murs de Béthulie , les Assyriens sont frappés de stupeur. Reconnaissant que leur défaite est l'œuvre d'une femme , d'une femme seule, ils poussent des cris déchi- rants. La honte sur le front et la rage dans le cœur, mais rage impuissante, ils prennent la fuite, chacun de son côté. Le même specta- cle est donné au monde toutes les fois que la sainte Vierge remporte une victoire sur le démon. En voyant leur chef vaincu par la divine Judith, les impies poussent des cris de fureur et vomissent des blasphèmes.

Lorsqu'il y a quelques années, la procla- mation du dogme de l'Immaculée Concep- tion fit tomber, sur la tête de Satan, l'éclat de la foudre qui devait l'écraser, du sein de son armée s'élevèrent non plus des cris, mais des hurlements. Que la haine des méchants con- tre la sainte Vierge soit la mesure de notre

LE CAMP D'hOLOFERNE. 69

amour pour elle ; leur frayeur, la mesure de notre confiance et de notre fidélité. Enfants de Marie, cachons-nous dans le sein de notre divine Mère, et, quels que soient le nombre et la malice de nos ennemis, il ne tombera pas un cheveu de notre tête sans sa permission.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple; ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour les nations hérétiques.

Pratique. Faire le chemin de la croix.

XÎI" JOUR. Déroute des Assyriens.

I

Les Israélites, voyant les Assyriens prendre la fuite, descendirent de leur montagne el les poursuivirent l'épée à la main , sonnant des trompettes et poussant de grands cris après eux. Leur apparition mit le comble à la confusion dans le camp d'Holoferne. Plus de rangs gardés, plus d'ordres entendus, plus de discipline. Chacun se hâtait de fuir il pouvait. Ce n'était pas une retraite, c'était une déroute.

Il

Comme les Assyriens ne marchaient point en corps, tandis que les soldats de Béthulie s'avançaient par masses et en bon ordre , ils taillaient facilement en pièces tout ce qu'ils rencontraient. Afin que la victoire fût com-

DEROUTE PES ASSYhîENS. 7 1

plète, Ozias s'empressa de faire porter la nouvelle de ce qui se passait à Béthulie , dans toutes les villes et dans toutes les provinces d'Israël. Chaque ville, chaque province choi- sit les plus braves de ses jeunes gens, leur lit prendre les armes et les envoya à la poursuite des Assyriens. En peu de temps, il se forma une armée considérable et pleine d'ardeur, quipoursuivit les Assyriens jusqu'aux derniers confins de la Palestine, passant au til do l'é- pée tout ce qu'elle trouvait.

III

Pendant que les troupes d'Israël donnaient la chasse aux Assyriens , les habitants de Béthulie vinrent dans leur camp abandonné. Ils y trouvèrent un immense butin : des étoffes précieuses , de l'or et de l'argent, de quoi enrichir des provinces entières. Sans cesse on les voyait descendre la montagne et la remonter, chargés de ces riches dé- pouilles.

72 DOUZIEME .lOl'R.

IV

De leur côté, les soldats vainqueurs revin- rent à Béthulie, amenant avec eux tout ce qui avait été aux Assyriens , d'immenses troupeaux , leurs bagages , leurs équipages, leurs trésors, en sorte que tous s'enrichirent, depuis le plus petit jusqu'au plus grand. Trente jours suffirent à peine au peuple d'Is- raël, pour recueillir les dépouilles de l'armée d'Holoferne. Tout ce qu'on put reconnaître qui avait appartenu à Holoferne en or, en argent, en étoffes, en pierreries et en toute sorte de meubles , fut donné à Judith par le peuple.

Le grand prêtre Éliachim vint de Jérusa- lem avec tous les anciens pour voir Judith. Ces vieillards , au nombre de soixante-dix , composaient le Sanhédrin, ou sénat des Juifs. C'est tout ce qu'il y avait de plus vénérable dans la nation. Par respect pour le Dieu d'Is- raël dont il élait le représentant, Judith alla

DÉROUTE DKS ASSYRIENS. 7:1

au-devant du grand prêtre et se prosterna à ses pieds. Éliachim et les vieillards la béni- rent tout d'une voix, disant : « Vous êtes la gloire de Jérusalem, la joie d'Israël, l'hon- neur de notre peuple. Vous avez agi avec un courage incomparable, et votre cœur s'est affermi parce que vous avez aimé la chasteté. (Vest pour cela que la main du Seigneur vous a fortifiée, et vous serez bénie éternelle- ment. » Tout le peuple répondit : « Il en sera ainsi , il en sera ainsi. »

VI

Rien de plus vrai et par conséquent de plus beau que les paroles du grand prêtre à Ju- dith. Vous êtes la gloire de Jérusalem. La vic- toire quevous avez remportée fait briller, aux yeux de toutes les nations, la protection mi- raculeuse dont le Seigneur environne la ville sainte et lui procure une gloire qui éclipse toutes les autres. Vous êtes la joie d'Israël. Abîmé dans la tristesse et h. demi mort de frayeur, vous lui avez rendu la vie. Vous êtes l'honneur de votre peuple. Nul autre n'a ja-

7 4 DOUZIEME JOUR.

mais eu une pareille libératrice. Quand elles apprendront ce que vous avez fait , les na- tions les plus reculées de la terre seront dans la stupéfaction et s'écrieront : Quelles femmes il y a parmi les Juifs!

VII

La présence du grand prêtre et des anciens de la nation mit le comble à l'allégresse pu- blique. Tous ensemble, hommes, femmes, jeunes filles et jeunes gens étaient dans des transports de joie, qu'ils faisaient éclater au son des harpes et des instruments de mu- sique.

Réflexion. Judith devient la figure de plus en plus transparente de la sainte Vierge. A Judith fut réservée la gloire de sauver la nation sainte, en coupant la tête d'Holoferne. A Marie, et à Marie seule, a été donné le pouvoir de sauver l'Église en écrasant la tête du serpent. A cause de sa victoire, Judith fut proclamée par le grand prêtre la gloire de Jérusalem , la joie d'Israël , l'honneur de son peuple. A cause de ses victoires, Marie est

DEROLTK DES ASSYRIENS. 7 3

proclamée par tous les siècles, la gloire, la joie, l'honneur de l'Église et du monde.

Judith dut sa victoire à sa chasteté. Marie doit les siennes à sa pureté sans tache. Parce qu'elle a été la plus pure des vierges, Marie est devenue la mère toute puissante du Dieu tout puissant. Nous mêmes voulons-nous être puissants contre nos ennemis, soyons purs. L'empire que nous avons sur nous est la me- sure de celui que nous avons sur les autres.

Invncatiom. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours ir- rité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour la Turquie.

Pratique. Mortification de la vue.

XIIP JOUR. Cantique de Judith.

I

Au milieu de l'enthousiasme universel, Judith gardait un modeste silence. Tout ù coup l'Esprit du Seigneur tombe sur elle et lui inspire un des plus beaux chants que l'o- reille humaine ait jamais entendus. Le Dieu qui avait armé son bras voulut lui-même célébrer sa victoire.

II

Judith commence : u Chantez au Seigneur, au son des tambours et au bruit des cym- bales. Modulez de nouveaux accords : exaltez et invoquez son nom. » A peine tombée des lèvres de la jeune prophétesse, chaque pa- role de cet inimitable cantique est répétée dar tout le peuple, au bruit de mille instru- ments de musique. L'enthousiasme va crois-

CANTIQUr: DE .TUDITII. 7 7

sant et arrive, on le conçoit, jusqu'il une sorte de délire.

III

Judith continue : « Le Seigneur met les armées en poudre : Jéhova est son nom .

« Il a placé son camp au milieu de son peuple, afin de nous arracher aux mains de nos ennemis.

u Assur est venu des montagnes de l'Aqui- lon, dans la puissance de sa force. Leur mul- titude desséchait les torrents : leurs chevaux couvraient les vallées.

« Il disait qu'il hrûlerait mes campagnes et égorgerait mes jeunes gens; que mes enfants deviendraient sa proie, et mes vierges ses captives.

« Mais le Tout-Puissant l'a frappé : il l'a livré entre les mains d'une l'emme et il l'a tué.

IV

« Ce ne sont ni de jeunes guerriers, ni des hommes forts, ni des géants qui ont ter- rassé leur colosse : c'est Judith, fille de Mé-

78 TREIZIÈME JOUR.

rari, qui l'a vaincu par la beauté de son vi- sage.

« Elle a quitté ses habits de veuve ; elle s'est parée des ornements de sa joie, afin de procurer le triomphe des enfants d'Israël.

<( Elle a rehaussé avec un parfum les cou- leurs de son visage; elle s'est fait de ses che- veux une élégante coiffure, surmontée d'un diadème; elle a mis une robe brillante, afin de le séduire.

« L'éclat de sa chaussure l'a ébloui ; sa beauté a captivé son âme : elle lui a coupé la tète avec sa propre dague.

« Les Perses ont été épouvantés de ma con- stance ; et les Mèdes de mon audace.

(c L'armée des Assyriens a poussé des hur- lements, quand ont paru les miens, affaiblis et mourants de soif.

(( Les fils des jeunes femmes les ont per- cés de coups, et les ont tués comme des en- fants qui s'enfuient. Ils ont péri dans le com- bat, devant la face de Jéhova, mon Dieu.

CANTIQUE DE JUDITH. 79

n Chaulons un hymne au Seigneur; un hymne nouveau à la gloire de notre Dieu.

VI

«( Jéhova, mon Dieu, vous êtes grand : la puissance est votre gloire : nul ne peut vous résister.

a Que toute créature vous obéisse : vous avez dit, et tout a été fait. Au souffle de vo- ire bouche, toutes choses sont sorties du néant : nul ne résiste à votre voix.

«(Vous les regardez, et les montagnes sont ébranlées dans leurs fondements, et les océans jusque dans leurs profondeurs, et les pierres se fondent comme la cire.

« Mais ceux qui vous craignent, Seigneur, seront toujours grands devant vous.

(( Malheur à la nation qui s'élèvera contre mon peuple. Jéhova le Tout-Puissant se ven- gera d'elle, et la visitera lorsque l'heure sera Venue.

« Il enverra dans leur chair le feu el le> vers, afin qu'ils brûlent et qu'ils soulfrenl éternellement. »

8 0 TKEIZIEME JOUR.

Réflexion. Judith a remporté la plus brillante victoire . Son courage est sans exem- ple. Son nom béni est dans toutes les bou- ches. 11 vivra de génération en génération jusqu'à la fin du monde. Néanmoins, tou- jours humble, Judithne s'attribue rien à elle- même. Au Seigneur elle renvoie toute la gloire de son entreprise. A sa louange elle entonne un cantique d'action de grâces et veut que tout le peuple le répète avec elle.

Ici, comme partout, Judith n'est-elle pas la figure de Marie? Sa cousine Elisabeth la proclame Mère de Dieu et bénie entre toutes les femmes. Que fait la sainte Vierge? Comme Judith, elle est sourde à toutes les louanges qui lui sont données, et fait remonter au Sei- gneur toute la gloire des grandes choses qu'il a faites en elle et par elle. En réponse à la mère de Jean-Baptiste, la mère du Verbe incarné entonne son sublime cantique : Magnificat ani- ma mea Dominion. L'humilité et la re- connaissance sont le^ vertus des grandes âmes.

Invocations. Epargnez, Seigneur, épar-

CANTIQUE DE JUDITH. 8 1

gnez votre peuple : ne sojtz pas toujoiii-s irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour la Sibérie.

Pratique. Morlilication de l'ouïe.

XI V JOUR. Mort de Judith.

l

Comme la victoire de Judith était la vic- toire de toute la nation, les Israélites ne se contentèrent pas d'en remercier le Seigneur à Béthulie. De toutes les tribus, ils se rendi- rent en foule à Jérusalem, afin de lui offrir, dans son temple, Ihommage de leur recon- naissance. Fidèles aux prescriptions du Dieu trois fois saint, ils commencèrent par se pu- rifier des impuretés légales, qu'ils avaient contractées, en massacrant les Assyriens et en touchant leurs cadavres.

II

Les purifications achevées, tous olfrireul des holocaustes : victimes immolées et brû- lées pour reconnaître le souverain domaine

MO HT DE JUDITH. 83

du Seigneur, sur la vie et sur la mort de tout ce qui existe. Aux sacrifices succédèrent les acclamations du peuple et les supplications les plus ardentes. Elles furent suivies des promesses solennelles d'une inviolable lidé- lité.

III

Judith elle-même était venue à Jérusalem. Tout le peuple la dévora des yeux lorsqu'on la vit, rayonnante de beauté et de modestie, s'avancer vers le parvis du temple, appelé le Parvis d'Israël. Sur de magnifiques bran- cards étaient portés, à sa suite, toutes les armes et toutes les dépouilles d'Holoferne, dont les habitants deBéthulie lui avaient fait hommage, ainsi que le pavillon de son lit, qu'elle-même avait emporté. Par la main des |)rètres, Judith offrit tous ces objets au Sei- gneur, en anathème de l'oubli, in anathema ohlivionis. Cette expression signifie que ces trophées'devaient rester dansle temple, comme un monument éternel de la victoire de Ju- dith, et comme une malédiction ou un ana- thème contre Israël, si jamais il venait à ou-

6

8 4 QUATORZIÈME JÛL'K.

blier la protection miraculeuse dont le Seigneur l'avait favorisé.

IV

Tout le peuple était ivre de joie, non-seu- lement à cause du spectacle dont il était té- moin, mais encore parce que ce spectacle avait lieu à Jérusalem . Voir Jérusalem, la ville sainte, voir le temple du Seigneur, uni- que au monde et la merveille de l'univers, voir les majestueux appareils des cérémonies sacrées, voir les représentants des douze tri- bus d'Israël, tous enfants d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, réunis par l'unité de la foi et la fraternité des sentiments, était, on le sait, l'ardent désir de tous les membres de la na- tion choisie. Tel fut, dans cette circonstance, l'enivrement de leur joie, que, pour célébrer la victoire de Judith, cause de leur bonheur, les réjouissances durèrent trois mois.

Ces jours écoulés, chacun retourna dans su maison. Judith devint célèbre dans Bc-

MORT nR JIDITII. 85

thulie et la personne la plus considérée de tout Israël. Sa chasteté égalait son courage. Depuis la mort de Manassé, son mari, elle vécut dans une parfaite continence. Aussi, lorsque dans les jours de fête elle paraissait en public, c'était toujours au milieu des res- pects et des acclamations de tout le peuple. Avant de mourir, elle donna la liberté à la courageuse suivante qui l'avait accompa- gnée dans le camp d'Holoferne. N'ayant pas d'enfants, elle partagea sa grande fortune entre ses parents et les parents de son mari.

VI

Comblée de gloire et de mérites, elle par- vint jusqu'à l'âge de cent cinq ans, et alla re- cevoir la récompense d'une vie tout entière consacrée à l'édification et à la délivrance de la nation sainte. Elle fut enterrée à Béthulie, dans le tombeau de son mari. El le peuple la pleura pendant sept jours, terme ordinaire du grand deuil chez les Hébreux. Tant qu'elle vécut et longtemps après sa mort, il ne se trouva personne qui osât troubler Israël. Le

86 QUATORZIÈME JOUR.

jour de sa victoire sur Holoferne fut mis par les Juifs au rang des saints jours ; et depuis ce temps-là jusqu'aujourd'hui il est honoré comme un jour de fête.

VU

Les Pères de l'Église tiennent Judith pour une sainte. Seulement son nom ne se trouve pas dans le Martyrologe, parce qu'on ignore le jour de sa mort. Toutefois, l'Église d'E- thiopie célèbre la fête de Judith, le quatrième jour du sixième mois : dans l'Église latine son souvenir est immortel. Une multitude de vierges chrétiennes, d'épouses, de mères, de reines et d'impératrices ont été et sont heu- reuses de porter un nom qui est celui de la grâce, du courage et des plus hautes vertus.

Réflexion. Judith consacre à Dieu tout le fruit de sa victoire sur Holoferne. Arrivée à la fin de sa vie, elle se dépouille de ses biens, en faveur de ceux qui lui sont unis par les liens du sang. Elle donne la liberté à sa suivante, et, pleine de jours, elle s'endort doucement dans le Seignour. Pas une de

MORT DE JUDITH. 87

ces circonstances qui ne soit unirait de l'his- toire anticipée de la sainte Vierge.

Comme Judith, Marie consacre à Dieu le Iruit de sa victoire, c'est-à-dire toute l'huma- nité arrachée par ses mains à la tyrannie du démon. C'est pour Dieu, et non pour elle, qu'elle a vaincu. Devenue la dispensatrice de tous les trésors du ciel, elle les distribue à ceux qui lui sont unis par la grâce. A elle nous devons la vraie liberté, la liberté des enfants de Dieu. Consacrer nous-mêmes au Seigneur ce que nous avons reçu de lui, ce que nous sommes et tout ce que nous avons, pratiquerledétachementet l'aumône, secouer le joug de nos passions, afin de conquérir la royauté de notre âme : tels sont les devoirs que nous prêchent éloquemment Judith et Marie, nos sœurs et nos modèles.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours ir- rité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour le Thibet.

Pratique. Mortification de la bouche.

XY" JOUR. Assuérus.

I

La connaissance de la religion n'est pas moins nécessaire à l'humanité, que le soleil à la nature, que la boussole au navigateur perdu sur des mers inconnues. Sans cette connaissance, l'homme est un aveugle qui ne sait ni d'où il vient, ni ce qu'il est, ni il va, ni pourquoi il est sur terre. Aussi, le soin principal de Dieu, père de l'homme, a toujours été de lui conserver la connaissance de la religion. Avant la venue du Messie, le dépôt en élait confié au peuple juif. Yoilà pourquoi Dieu veilla sur lui avec une solli- citude, qui ne permit jamais aux nations en- nemies, si puissantes qu'elles fussent, de l'exterminer. Nous venons de le voir dans l'histoire de Judith, et nous allons le voir de nouveau dans l'histoire d'Esther.

ASSUÉRUS. 89

II

Environ quatre cent cinquante ans avant la naissance de Notre-Seigneur, le grand empire des Perses et des Mèdes était arrivé au faîte de sa puissance. Il s'étendait depuis l'Inde jusqu'à l'Ethiopie et se divisait en cent vingt-sept provinces. Sur le trône de cette monarchie, plus étendue que l'Europe, était monté, depuis trois ans, un roi, nommé Assuérus. Afin de donner à ses peuples une idée de sa magnificence, il voulut se faire couronner, dans la ville de Suse, capitale de l'empire.

III

Suse, dont le nom est aujourd'hui C/ious- ter, signifie la ville des lis. Cette fleur à la blanche couleur et au suave parfum abon- dait dans la vaste plaine au milieu de la- quelle était assise, sur les rives d'un beau fleuve, l'opulente cité. Telle était la douceur du climat, que les rois de Babylone faisaient de Suse leur résidence d'hiver, en sorte,

90

QUINZIEME JOUR.

disent les historiens, que ces monarques voluptueux avaient trouvé le moyen de jouir d'un printemps perpétuel (1).

IV

A l'occasion de son couronnement, As- suérus donna un grand festin à tous les princes de sa cour, à tous ses officiers, aux plus braves d'entre les Perses, aux premiers d'enti'c les Mèdes, aux gouverneurs des pro- vinces : et lui-même y prit part. Ce festin se renouvelapendant cent quatre- vingts jours(2). Comme il avait pour but de montrer la gloire, les richesses, la grandeur et la puis- sance de son empire, le monarque y déploya un luxe vraiment' babylonien.

Nous allons en juger par le banquet qu"il donna à tout le peuple.

(1) Xéiioph., Ci/rop., lib. VIII

(1) Xeiioph., Ci/rop., lib. Mil.

(?) Il est remarquable que, dans les temps modernes, il est encore d'usage en Perse de faire des festins an- nuels qui durent cent quatre-vingts jours. Le docteur Fyer, qui a vécu dans ce pays de 1672 à 1C8I, en a été témoin.

ASSL'KKUS. 91

Quand le festin des grands fut terminé, Assuérus en donna un ;\ tout le peuple de Suse, depuis le plus grand jusqu'au plus petit. Les tables furent dressées dans le parc du palais, à l'ombre d'arbres magnifiques, plantés par la main des rois. Toutes les al- lées étaient transformées en tentes splen- dides. De tous les côtés pendaient des ten- tures de couleur bleu céleste, blanc et hyacinthe. Elles étaient soutenues par des torsades de fm lin teintes en écarlate, pas- sées dans des anneaux d'ivoire et retenues à des colonnes de marbre. Les lits de table étaient d'or et d'argent, rangés sur un pavé vert d'émeraude et de marbre blanc, em- belli de fiaures d'une admirable variété.

VI

Pour tous les convives, les coupes à boire étaient d'or, et les viandes étaient servies dans des bassins, tous différents les uns des

92 QUINZIEME JOUR.

autres. Les vins les plus exquis étaient offerts avec une abondance, digne de la magnifi- cence royale. Suivant la coutume des Per- ses, les convives devaient boire autant que le roi du festin l'ordonnait. Pour prévenir les suites fâcheuses d'un pareil usage, Assuérus défendit de forcer à boire ceux qui ne le voulaient pas. En même temps, il ordonna que l'un des grands de la cour fût assis à chaque table, afin que chacun prît ce qu'il lui plaisait. Le festin du peuple se continua pendant sept jours.

VII

Tandis que les hommes prenaient part au banquet dans le parc royal, la reine Yasthi en donnait un aux femmes dans les apparte- ments du palais. Encore aujourd'hui en Perse, ainsi que dans tout l'Orient, les fem- mes célèbrent des festins, en même temps que les hommes, mais entièrement séparées de ces derniers. Comme celui des hommes, le banquet des femmes dura sept jours.

Réflexion. Le festin d' Assuérus nous donne une nouvelle preuve de la sollicitude

ASSUÉKUS. 93

avec laquelle Dieu veillait sur le peuple juil", dépositaire de la vraie religion. Au nombre des grands seigneurs qui présidaient aux tables, se trouvait Zorobabel, petit-fds de Jéchonias, roi de Juda. Avec d'autres jeunes Hébreux, captifs comme lui, il faisait par- tie des gardes du corps du roi et était admis dans son intimité. Par manière de récréation, après le repas, Assuérus proposa cette question : <( Qu'est-ce qu'il y a de plus fort dans le monde ? » Un des princes dit : (( C'est le vin. » Un autre dit: «C'est le roi. » Zorobabel dit : « C'est la femme, et par-des- sus c'est la vérité. »

Assuérus trouva la réponse juste et dit à Zorobabel : « Demandez ce que vous voudrez et je vous le donnerai. » Zorobabel répondit: « Souvenez-vous, Seigneur, de la promesse que vous avez faite de rebâtir Jérusalem et d'y renvoyer les richesses que les Assyriens en ont enlevées. » Assuérus l'embrassa et fit ce qu'il avait promis. Israël rentrera dans la terre de ses pères et conservera le dépôt de la vérité, jusqu'à la venue du Messie. Admi- rons et bénissons la Providence, éualemenl

91 QUINZIEME JOUR.

douce et forte, qui fait servir les plus petites choses à l'accomplissement de ses desseins.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours ir- rité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour la Perse.

Pratique. Mortification de la volonté.

XVP JUUH. Vasthi.

I

Le septième jour du dernier banquet, As- sucrus, éohaufTc par le vin, commanda aux sept grands chambellans qui servaient en sa présence, de faire venir devant lui la reine Yasthi, le diadème en tête, pour montrer sa beauté à tout le peuple et à toute la cour, parce qu'elle était extrêmement belle. Pour un motif, que l'histoire ne dit pas, Yasthi refusa d'obéir et dédaigna de venir selon le commandement du roi.

II

Assuérus lut IrÙG-irrité de ce refus. Sur- ie-champ, il réunit les sages qui étaient tou- jours près de sa personne, selon la coutume des rois de Perse, et par le conseil de qui il

7

96 SEIZIÈME JOUR.

faisait toutes choses^ parce qu'ils connaisr saient les lois et les coutumes. Or, entre ces sages étaient les sept principaux seigneurs des Mèdes et des Perses, qui tenaient la pre- mière place après le roi. Il leur demanda quelle conduite il devait tenir à Tégard de la reine Tasllii, qui avait refuse de lui obéir.

III

Le chef des sages, Mamuchan, répondit eu présence du roi et de tout le conseil : « La reine Yasthi n'a pas seulement offensé le roi, mais encore tous les peuples et tous,les grands qui sont dans toute l'étendue du royaume d'Assuérus. Cette conduite de la reine par- viendra à la connaissance de toutes les femmes, et leur apprendra à mépriser leurs maris, en disant : Le roi Assuérus a commandé à la reine Yasthi de venir se présenter de- vant lui, et elle l'a refusé. A son exemple toutes les femmes des princes des Perses et des Mèdes mépriseront les coumiandemeuts de leurs maris. Aiu^i, la (^olère du roi est juste. ))

VASTni. 97

IV

Puis, se tournant vers Assiiénis, il ajouta : « S'il plaît à A'^otrc Majesté, que par ses or- dres il soit fait et éerit, suivant la loi des Perses et des Mcdes, qu'il n'est pas permis de violer, un édit, portant que la reine Vasthi ne se présentera plus devanfle roi, mais que sa royauté sera donnée à une plus digne; que cet édit soit publié dans toutes les provinces de votre vaste empire, afin que toutes les femmes, tant des grands que des petits, ap- prennent à respecter leurs maris. » Le con- seil de Mamuchan plut au roi et aux princes, et le roi le suivit sans délai.

Des lettres furent envoyées en son nom à toutes lesprovinces du royaume. Elles étaient en diverses langues et en diiïcrenls caractè- res, afin que chaque nation pût les lire et les entendre. Par ces lettres il était statué que les maris eussent tout pouvoir et toute auto-

98

SEIZIEME JOUR.

rite chacun dans sa maison, eL que cet cdit fût publié parmi tous les peuples. Toutes ces choses eurent lieu comme il était ordonné. Cependant, la colère d'Assuérus s'étant cal- mée, il se souvint de Vasthi, de ce qu'elle avait fait et de la peine qu'elle avait subie, et il en fut centriste. Puisqu'il se repentait d'a- voir été trop sévère à l'égard de Yasthi, pour- quoi ne la rappelait-il pas ? La tradition de la Synagogue enseigne que la reine avait été condamnée à mort et exécutée.

VI

Quoi qu'il en soit, les grands officiers d'As- suérus lui dirent : « Qu'on cherche dans tout le royaume les jeunes vierges les plus accom- plies, qu'on les amène à Suse ; qu'on les mette dans le palais des femmes et qu'on leur donne tout ce qui est nécessaire tant pour leur pa- rure que pour leurs autres besoins, et celle qui plaira davantage aux yeux du roi, sera reine à la place de Vasthi. Cet avis plut au roi, et il connnauda de faire ce (|ui lui était conseillé.

YASTlir. 9 9

Bi'flcnfm. Les interprètes de nos saints li- vres nnlvu, dans le festin d'Assnérns, la ligure (In plus auguste de nos mystères, le banquet eucharistique. Soit pour l'excellence des mets, soit pourlarichesse et la variété des dé- corations, le festin d'Assuérus surpasse en magnificence tout ce qu'on peut imaginer. Si, pour nous enseigner le détachement des choses de ce monde, Notre-Seigneur voulut naître dans une étable, il voulut aussi que le festin. eucharistique fût célébré dans une salle spacieuse et richement ornée, cœnaculum f/raude, sfratam. Sa conduite est la condam- nation de ceux qui se permettent de désap- prouver la richesse de nos églises.

Quelque recherchés qu'ils fussent, les mets du festin d'Assuérus ne sont pas même une ombre de la nourriture servie à la table du Seigneur. Assuérus invite à son festin non- seulement les princes et les grands de son royaume, mais tous les habitants de sa capi- tale, sans distinction ; et le nom de sa capitale signifie la ville des Lis. Du fond de son taber- nacle, le véritable Assuérus ne dit-il pas: Venez à moi, vous tous, riches et pauvres,

lOû SEIZIEME JOUR.

hommes, femmes, enfants, qui souffrez, qui fléchissez sous le fardeau de la vie ; venez vous asseoir i\ ma table, et je vous rendrai la force et le courage. C'est dans la ville des lis que Notre-Seigneur donne son festin, c'est- à-dire dans l'Église catholique, seule terre germe la virginité.

Comme Assuérus, notre divin roi préside lui-même à son festin et y prend part ; car il dit de chacun de ses heureux invités : Je sou- perai avec lui et lui avec moi. La reine Vas- thi qui refuse d'obéir au roi son époux, c'est la Synagogue ({ui refuse de reconnaître le Messie, et qui voit sa couronne d'épouse et de reine passer sur la tète de l'Église catholi- que. Ames chrétiennes, ne l'imitez pas, en vous montrant, pendant ce mois béni, sour- des à l'appel de la grâce, de peur que votre couronne ne passe sur la tête d'une autre.

Invocations. Épargnez,- Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour la Chine .

Pratique. Réciter le Veni Creator.

XVIP JOUR. Esther.

I

11 y avait alors, dans la ville de Suse, un Juif, nommé ^lardochée, de la race royale de Saiil, qui avait été amené de Jérusalem, au temps Nabuchodonosor, roi de Babylonc, y avait transporté Jéchonias, roi de Juda. lîien qu'il fût captif comme ses compatriotes, Mardochée était un personnage fort consi- déré d'Assuérus. La noblesse de son origine et plus encore ses vertus, l'avaient fait élever à la dignité de grand chambellan. C'est ainsi ([ue Daniel avait mérité les bonnes grâces de Nabuchodonosor, et Tobie celles de Salma- nasar.

II

Or, Mardochée avait une nièce, nommée Édisse ou Esther. Orpheline de père et de mère, il l'avait adoptée pour sa iille. Elle était

103 DIX-SEPTIEME JOUR.

d'une beauté incomparable. Les officiers chargés d'exécuter l'ordonnance du roi ne l'ignoraient pas. Comme on amenait à Suse, en grand nombre, de toutes les parties de l'empire, les vierges choisies, qu'on remettait entre les mains d'Egée le chambellan, on lui amena aussi Esther, afin qu'elle fût, comme les autres, gardée dans le palais des femmes. Autant par sa modestie que par ses attraits, Esther plut extrêmement à Egée.

III

Sur-le-champ il ordonna de lui préparer tous ses ornements, riches vôtenients, pier- reries, parfums; de lui donner, pour la servir, sept jeunes lilles, parmi les plus belles de la maison du roi, et d'avoir grand soin de tout ce qui pouvait contribuer à la parer et à l'em- bellir, elle et ses suivantes. Ce premier ordre d'Egée fut exécuté avec une exactitude re- ligieuse et une magnificence vraiment royale. Le second ne le fut pas avec moins de fidé- lité. Il consistaità servir,sur la table d'Esther, dos mets de la table royale, ainsi que Nabu-

ESTHER. 103

chodonosnr en avait usé c\ l'égard do Daniel cl de ses compagnons. Non moins courageuse (]ue Daniel el Judith, Esther refusa les mets défendus par la loi de Moïse ou qui avaient été offerts aux idoles.

lY

Ce refus piqua la curiosité du chambellan, qui demanda à Esther quelle était sa patrie et à quelle nation elle appartenait. Elle ne voulut pas le dire ; car Mardochée lui avait ordonné de garder sur cela un silence absolu. Cette recommandation entrait dans les vues de la Providence, et la fidélité d'Esther à s'y conformer devait ôtre récompensée par le salut de son peuple. Cependant Mardochée, plein de sollicitude pour sa fille adoptive, voulait savoir à chaque instant ce qui lui arriverait. Il venait donc tous les jours se promener devant le vestibule du palais, étaient gardées les vierges choisies. Sa dignité de grand chambellan, qui l'appelait aux de- meures royales, expliquait sa présence et écartai^ tout soupçon.

7.

104 DTX- SEPTIEME JOUR.

Suivant l'usage, Esther el ses compagnes restèrent une année entière avant d'être pré- sentées à Assuérus. Tout ce temps était em- ployé à augmenter leurs attraits et à les for- mer aux habitudes de la cour. On faisait surtout usage des parfums les plus exquis de l'Orient et entre autres d'huile de myrrhe, rendue nécessaire par la chaleur du climat. Lorsque le jour était venu elles devaient être présentées au roi, on leur donnait tout ce qu'elles demandaient pour se parer, ainsi que les personnes dont elles désiraient être accompagnées. Conformément à l'étiquette de la cour, tout cela se faisait avec ordre et avec une grande solennité.

VI

Cependant le jour approchait, où, selon son rang, Esther devait être présentée à Assuérus. Toujours modeste et timide, elle ne demanda rien pour sa parure. Elle se contenta de ce qu'Elgée, le chambellan, voulut lui donner.

ESTIIER. 10 5

Il o>^t vr;ù ([u'olle n'avait pas bosoin d'orne- iiicnls étrangers ; car elle était si belle que ses attraits incroyables ravissaient ceux qui la voyaient. V.Uc fut donc introduite dans l'appartenient d'Assuérus, au dixième mois, appelé Tébeth, la septième année de son règne. C'est ainsi (juc la Providence condui- sait comme par la main la vierge d'Israël, jusqu'aux pieds du trône elle devait bien- tôt monter, pour devenir l'instrument du salut de son peuple.

Réflexion. Par cela môme qu'ils semblent minutieux, les détails que je viens de lire donnent clairement à entendre qu'ils ont un sens caché. Autrement serait-il de la majesté des divines écritures de nous introduire dans le palais d'un monarque païen, de nous dé- crire les usages de sa cour, de nous parler de cette multitude de vierges amenées de toutes les parties de l'empire, des soins et des moyens employés pour les embellir avant de se présenter devant le roi, qui doit se choisir une épouse parmi elles ? Quel intérêt toutes ces choses auraient-elles pour nous, si elles ne renfermaient (luelque mystère ?

106 DIX-SEPTIÈME JOUR.

Ce mystère, nous le connaissons. Assuérus réunit les jeunes vierges les plus parfaites de son empire, afin de se choisir une épouse. C'est le Saint-Esprit qui, au moment de l'In- carnation duYerbe éternel, promène ses re- gards sur toute la face du monde et cherche, pour en faire son épouse, la plus parfaite de toutes les vierges. Le choix d'Assuérus s'ar- rête, non sur une fille de la Perse, delaMédie ou de telle autre nation de la genlilité, mais sur une humble fille d'Israël. C'est le Saint- Esprit choisissant Marie de préférence à toute autre, suivant cette parole : Une multitude de filles ont réuni les richesses de leurs attraits, vous les avez toutes surpassées.

Avant d'être présentées à Assuérus, ces vierges passent longtemps à s'embellir et à se parer le mieux qu'elles peuvent, afin de captiver le cœur du grand roi. Telle a été la conduite de la sainte Vierge au temple de Jérusalem, elle passa ses jeunes années. Renfermée dans le palais de son Dieu, elle travailla sans cesse à embellir son âme de nouvelles vertus, jusqu'au jour le Saint- Esprit envoya l'archange Gabriel lui deman-

ESTflER. 107

der sa main. Ainsi devons-nous faire, âmes chrétiennes, afin d'être dignes du divin Assuérus, dont nous devenons les épouses dans la sainte Communion. Que cette leçon est importante !

Invocafious. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour le Thibet.

Pratique. Réciter les Litanm do In sainte Vierge.

XYIII-^ JOUR. Mariage d'Esther.

I

Assucms, ayant vu Estlier, l'aima plus que toutes les vierges qu'on lui avait présentées. Sa beauté, sa modestie, sa candeur, gagnè- rent tellement le cœur du roi, qu'il lui mit sur la tôte le diadème royal et la fit reine à la place de Vasthi. Pour célébrer son ma- riage et les noces d'Esther, il donna un fes- tin d'une incroyable magnificence, aux princes de sa cour et à tous ses officiers. Le grand roi ne s'en tint pas là. Afin d'associer à sa joie toutes les provinces de son vaste empire, il diminua les impôts et fit des pré- sents dignes de la munificence royale.

II

Le mariage d'Esthei', née dans la bonne religion et fidèle adoratrice du vrai Dieu,

MABIAGE D ESTDER. 109

avec un princo idolâtre, ne doil pas nous étonner, et moins encore nous scandaliser. Une pareille alliance n'avait rien d'illicite. En donnant sa loi à son peuple, Dieu n'avait défendu que les mariages entre les Chana- néens et les enfants d'Israël. « Vous ne con- tracterez point de mariage avec eux, dit-il au Deutéronome . Tous ne donnerez pas vos filles à leurs fils, et vous n'accepterez pas leurs filles pour vos lils (I). )> D'ailleurs, Es- ther et Mardochée étaient persuadés que la Providence conduisait toute cette affaire, pour rendre Assuérus favorable aux Juifs et les sauver ainsi de l'extermination méditée par Aman.

III

Devenue reine toute-puissante, Esther continuait d'obéir à Mardochée, comme elle lui obéissait quand elle était petite fdle et qu'il prenait soin de son enfance. En toutes choses elle se conduisait d'après ses avis. C'csl ainsi que, par ses ordres, elle ne découvrit à

(l)vii, 3.

110 DIX-HUITIÈME JOUR.

personne, pas même au roi, ni son pays ni son peuple. Par son obéissance filiale, Es- ther s'attirait les bénédictions de Dieu; et par la fidélité à garder son secret, elle assu- rait, d'avance, comme nous l'avons fait pres- sentir, le succès de la grande mission qui lui était réservée.

IV

Nous avons vu que Mardochée était un des grands officiers du palais. La Providence, qui atteint son but avec autant de douceur que de force, lui avait, à dessein, ménagé cette dignité. D'une part, elle le mettait en posi- tion de donner facilement à Esther les con- seils dont elle avait besoin ; d'autre part, elle était pour lui un moyen de savoir tout ce qui se passait à la cour. Un jour donc qu'il était de garde à la porte du roi, il entendit deux chambellans, préposés à la première porte du palais, qui chuchotaient entre eux. Ces deux chambellans s'appelaient Tharès et Bagathan. Mardochée prête l'oreille et dé- couvre que ces deux officiers complotent d'assassiner Assuérus.

MAniAGF, D'KSXnER. 1 1 l

Oui ;iv;iil [)U leur inspirer ce coupable pro- jet? Suivant la tradition, ces deux officiers voulaient se défaire d'Assuérus, afin de trans- porter le trône à Aman, que l'histoire d'Es- tlier nous fera bientôt connaître. La preuve qu'il était l'ami et le fauteur des deux con- jurés, c'est qu'il ne pardonna jamais à Mar- dochée de les avoir dénoncés. « Aman, dit le texte sacré, voulut perdre Mardochée et son peuple, à cause des deux chambellans qui avaient été mis à mort. »

VI

Quoi qu'il en soit, Mardochée, ayant eu connaissance de leur projet, s'empressa d'en prévenir la reine Esther. La reine en avertit le roi au nom de Mardochée, de qui elle avait reçu l'avis. On fit des recherches : le complot fut découvert. Les coupables avouè- rent eux-mômes leur crime et tous deux furent pendus. Assuérus ordonna d'écrire

1 12 ni\'-llLTnÈME JOL'I!.

tout cela dans les histoires de Perse et dans les annales de son règne, afin que le souvenir en passât, sans altération, f> la postérité.

VII

Il semble que, sous un monarque généreux comme Assuérus, de grandes faveurs de- vaient récompenser immédiatement le cou- rageux et fidèle Mardochée. La Providence ne permit pas qu'il en fût ainsi. Mais, en ins- pirant à Assuérus la pensée de faire écrire l'important service de Mardochée, comme en lui laissant ditférer la récompense si bien due à ce loyal serviteur, elle avait des vues di- gnes d'une sagesse infinie. Nous le verrons par la suite des événements.

Réflexion . La modeste Esther, fille de Juda, élevée par Assuérus ;\ la dignité de reine et assise sur le premier trône de l'O- rient, est, suivant les saints Pères, la figure transparente de l'humble Marie, cette autre fille de Juda, élevée par le Roi des rois à la dignité de Reine des anges et des hommes, et assise dans le ciel sur un trône mille fois

MARIAGR D'ESTllEU. 113

plus brillant et plus solide que tous les troncs de la terre (I).

Esthcr dutson élévation à raffeclion d'As- suérus, captive par ses chastes attraits. C'est dans sa beauté virginale, dans son humilité et ses autres vertus qu'il faut chercher la cause de la prédilection de Dieu pour Marie et de son élévation. Par l'archange Gabriel il lui fait dire : Je vous salue, pleine de grâce. Lui-même lui dit : Ma sœur, mon épouse, vous avez blessé mon cœur par un seul che- veu de votre cou : vous êtes toute belle, ma bien-aimée. Venez donc et soyez reine : Veni, coronaberis. Ne l'oublions pas : nos ver- tus seront la mesure de notre gloire.

Devenue reine, Esther continue d'écouter les conseils de Mardochée et d'obéir filiale- ment à ses ordres. Voilà bien la sainte Vierge. Reine du ciel, Marie n'a pas oublié qu'elle est notre sœur. Son oreille et son cœur sont toujours ouverts pour écouter ceux qui l'invoquent. Comme son divin Fils lui-même, elle fait la volonté de ceux qui

(l) S. rioiiavciit., hi speculo, 1. VIII.

1 14 DIX -HUITIEME JOUR.

l'aiment : ]n!iiiifnfp)n thnenthnn f^e faciet. Pour récompenser leur zèle à l'honorer, elle leur promet la vie éternelle : Qui élucidant me vitam œternam habehunt. Comme la ré- compense de Mardochée, les faveurs que nous demanderons, pourront quelquefois se faire attendre : ne perdons pas confiance, certains qu'elles ne sont différées que pour nous L'Ire accordées plus brillantes et plus douces.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour la Corée.

Pratique. Orner avec soin un auto! de la sainte Vierge.

XIX' JOUR. Aman.

I

A la cour d'Assuorus était un personnage, ambitieux, intrigant, vindicatif, avide d'hon- neurs et de richesses, comme il s'en trouve toujours dans les palais des rois. Ce per- sonnage s'appelait Aman. Il était Amalécitc de nation et de la race d'Agag. Les Amalé- cites étaient un peuple, voisin delà Judée, des- cendant d'Ésaii par Amalec, son petit-fds, et toujours acharné contre les Israélites. Dieu ordonna à Saiil de les exterminer. Ce roi leur déclara la gucrre'et les défit ; mais, con- tre la défense de Dieu, il épargna Agag leur roi. Cette désobéissance lui lit perdre sa couronne, que Dieu donna à David. Toute- fois, Agag n'échappa point à la peine de mort prononcée contre lui. Par ordre du Seigneur, il la subit des mains de Samuel, dans la plaine de Galgala.

118 DIX-NEUVIEME JOUTx.

II

Les deux chambellans conspirateufs n'a- vaient fait, avant de mourir, aucune révéla- tion de nature à compromettre Aman, leur complice. Exposé comme le sont tous les rois à être trompés, Assuérus donna sa con- fiance à un homme qui en était si peu digne. 11 fit d'Aman son premier ministre et l'éleva au-dessus de tous les princes de sa cour. A l'exemple du terrible Nabuchodonosor, les monarques babyloniens se regardaientcomme des dieux et exigeaient qu'on leur rendit des honneurs divins. Ils allaient plus loin. Dans leur orgueil, ils s'arrogeaient le droit de faire de leurs ministres des dieux de second ordre, et commandaient qu'on les adorât en fléchis- sant le genou devant eux. Le décret qui éle- vait Aman à la première dignité de l'empire, enjoignait à tout le monde de l'adorer.

III

Les trois enfants jetés dans la fournaise, pour n'avoir pas voulu adorer la statue de

AMAN. 117

Nabucliodonosor ; Daniel, précipité dans la fosse aux lions, pour avoir adoré un autre dieu que Darius, nous montrent que la peine de mort était portée contré ceux, qui refusaient de rendre à de méprisables créa- tures les honneurs qui ne sont dus qu'à Dieu. Aussi tous les grands de la cour d'As- suérus, princes, officiers, chambellans, cour- tisans de tout grade, s'empressaient d'adorer Aman, le nouveau dieu, en fléchissant le genou devant lui, soit en lui parlant, soit lorsqu'il venait à passer. Mardochée seul de- meurait debout, immobile.

IV

Sa conduite ne tarda pas à être remar- quée. Les officiers de garde à la porte du palais, lui dirent : « Pourquoi n'obéissez- vous pas comme les autres au commande- ment du roi? » Mardochée ne répondit pas. Les jours suivants ils revinrent à la charge et ne cessèrent de lui adresser la mônic ques- tion. Alors Mardochée, aussi fidèle à son Dieu qu'à son roi, leur dit franchement et

118 DIX-NEUVIEME JOUR.

ï«ans respect humain : « Je suis juif, et ma re- ligion me défend de rendre des honneurs di- vins à un autre qu'à Dieu. » Ils s'empressè- rent d'en avertir Aman, curieux de savoir si Mardochée persévérerait dans sa résolu- tion.

V

Aman, ayant reçu cet avis, et reconnu que Mardochée ne fléchissait pas les genoux dcvan t lui et ne l'adorait pas, entra dans une grande colère. Il compta pour rien de se venger seu- lement de Mardochée. Comme il venait d'ap- prendre qu'il était juif, il résolut d'extermi- ner toute la nation juive, alors répandue dans toutes les provinces du royaume d'As- suérus. Sans perdre un instant, il fait jeter, devant lui, dans l'urne destinée à cet usage, le sort appelé j)hur, pour savoir en quel mois et en quel jour devaient périr les Juifs. Cela se passait au premier mois de l'année, nom- mé Nisan, ol le sort désigna le douzième mois, appelé Adar. On était à la douzième année du règne d'Assuérus et à la cinquième de l'élévation d'Esther.

AMAN. ir.J

VI

Douze mois entre l'édit de prosciiplion et l'exécution, c'était trop. Aveuglé par sa haine, Aman ne réfléchit pas qu'un pareil intervalle laisserait à Mardochée, dont il ne pouvait nier l'influence, le moyen de con- jurer la ruine de sa nation. Fort de la réponse de l'oracle, il alla trouver Assuérus, et lui dit : « Il y a un peuple dispersé dans les provinces de votre empire, dont les mem- bres, vivant séparés les uns des autres, ne sauraient ofl'rir une résistance sérieuse à vos ordres. Ils ont des lois et des cérémonies dif- férentes de celles de tous les autres peuples. De plus, ils méprisent les commandements du roi. Or, vous savez, mieux que personne, combien il importe de ne pas soufl'rir que l'impunité les rende encore plus insolents. Qu'il vous plaise donc d'ordonner que ce peuple périsse. Pour vous dédommager des tributs qu'on tire de cette nation, je m'en- gage à verser dans Vos trésors la somme de dix mille talents (I). »

(I) l'ius de vingt, milliuiis.

8

120 DIX-NEUVIEME JOLR.

Réflexion, Comment ne pas admirer et vénérer dans Mardochée l'honneur juste et courageux, qui brave hautement le respect humain et ne craint qu'une chose, l'offense de Dieu? Comment aussi ne pas voir dans Aman l'orgueilleux, l'ambitieux, le conspi- rateur sanguinaire, le démon appelé le grand homicide? Aman s'irrite contre Mardo- chée, parce qu'il lui refuse un honneur qui n'est qu'à Dieu : c'est le démon furieux contre l'àme innocente et fidèle. Aman forme le projet de faire périr Mardochée et tout son peuple : c'est le démon qui conspire ma ruine et la ruine de tout le peuple chré- tien.

Aman prend tous les moyens de réussir, et il se croit sûr du succès. Aujourd'hui plus que jamais, le démon met en œuvre tous les moyens de perdre les âmes et de détruire l'Église. Aman avait compté sans Esther. Dans ses projets d'extermination, Satan oublie la divine Esther, Marie, que le bon dix-neuvième siècle invoque avec tant de ferveur. Au moment voulu par la Provi- dence, Esther est informée des projets d'A-

AMAN. i21

man et les déjoue. Quand l'heure sera ve- nue, la toute -puissante Reine du ciel et de la terre se lèvçra et, avec plus d'éclat que ja- mais, écrasera de son pied virginal la tête du serpent. Telle est la foi du monde chrétien ; qu'elle soit la nôtre. Ne cessons de prier et attendons avec confiance.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour le Japon.

Pratique. Réciter le Salve Jiegina.

XX'' JOUR. Ëdit de proscription.

I

Dans sa requête, Aman faisait valoir, avec autant d'habileté que d'hypocrisie, deux puis- sants moyens d'en obtenir le succès. C'était, d'une part, la nécessité de venger l'autorité du roi, méconnue par les Juifs; c'était, d'au- tre part, la promesse de remplir le trésor public. On se demande le perfide minis- tre pouvait trouver les sommes énormes qu'il annonçait. La réponse est facile. Tous les biens des Juifs devaient être confisqués. Aman se disait : Si le roi accepte cet argent, il ne perdra rien de ses revenus; s'il ne l'ac- cepte pas, j'en ferai mon profit, et cette im- mense fortune augmentera ma puissance. Tel était son calcul. Bien différent était celui de la Providence.

ÉDIT DE PROSCRIPTION. 123

IT

Lorsqu'Ainan eut cessé de parler, Assuc- iiis tira de son doigt l'anneau dont il avait coutume de se servir pour sceller ses ordon- nances, et le donnai Aman, fils d'Amadathi, de la race d'Agag, ennemi des Juifs. L'édit de proscription, scellé du sceau du roi, devenait une loi inexorable, que nul ne pouvait ni révo- quer, ni contester ni éluder : « Quant àl'argent que vous m'offrez, dit Assuérus, gardez-le pour vous ; et faites de ce peuple ce que vous voudrez. »

Joyeux de la joie du tigre qui tient sa proie, Aman fait appeler les secrétaires du roi. C'é- tait le treizième jour du mois de Nisan. Sous la dictée d'Aman, les secrétaires écrivirent à tous les satrapes du roi, aux gouverneurs (les provinces et aux principaux des diverses nations qui composaient l'empire des Perses, en autant de langues différentes qu'il était nécessaire pour que l'édit pût être lu et en- tendu de chaque peuple : et les lettres furent scellées de l'anneau du roi.

».

12 4 VINGTIEME JOUR.

III

Voici la teneur de l'édit dans toute la pompe du style oriental : « Le plus grand des rois, Assuérus, qui règne depuis les Indes jusqu'il l'Ethiopie, aux princes et aux sei- gneurs des cent vingt-sept provinces, soumi- ses à son sceptre, salut :

« Quoique commandant à une foule de nations et ayant rendu tout l'univers tribu- taire de mon empire, je n'ai pas voulu abu- ser de la grandeur de ma puissance, mais j'ai gouverné mes sujets avec clémence et avec douceur, afin que, passant leur vie tran- quillement et sans crainte, ils jouissent de la paix, désirée de tous les mortels.

IV

« Ayant demandé aux membres de mon conseil de quelle manière je pourrais assu- rer déplus en plus ces avantages aux peuples démon royaume, l'un d'eux, nommé Aman, élevé par sa sagesse et par sa fidélité au-des-

KDIT DE rnOSCRIPTION. 12 5

SUS de tous les autres, et le second après le roi, m'a donné avis qu'il y a un peuple ré- pandu dans toutes mes provinces, qui se con- duit par de nouvelles lois, et qui, s'opposant aux coutumes de toutes les nations, méprise les commandements des rois, et trouble, par la contrariété de ses maximes, la paix et l'u- nion de tous les peuples du monde.

(( Informé de cela et voyant qu'une seule nation se met en état de révolte contre toutes les autres, suit des lois injustes, combat nos ordonnances et trouble la paix des provinces qui nous sont soumises, nous avons ordonné que tous ceux qu'Aman, qui a l'intendance siu" toutes nos provinces, qui est le second après le roi, et que nous honorons comme notre père, aura désignés, soient misa mort, avec leurs femmes et leurs enfants, le qua- torzième jour d'Adar, douzième mois de cette année, sans que personne en ait aucune compassion, afin que ces scélérats, descen- dant tous en u!i inTMiie jour dans le tombeau,

1-2 G VINGTIEME JOUR.

4

rendent à notre empire la paix qu'ils ont troublée. »

VI

Aussitôt des courriers, porteurs de l'édit, furent expédiés dans toutes les provinces. Celles-ci étaient prévenues d'avance de se te- nir prêtes à exterminer tous les Juifs, sans aucune exception de vieillards, de femmes, d'enfants ou de petits enfants. Le massacre devait commencer le treizième jour d'Adar, se continuer le lendemain et être suivi du pillage de tous leurs biens. Avant l'arrivée des courriers h leur destination, l'édit fut af- fiché dans Suse. Pendant qu'on le placar- dait sur tous les murs de la capitale. Aman dînait au palais avec Assuérus. Heureux de son succès, il buvait avec délices les larmes que versaient avec abondance les Juifs pré- sents dans la ville, en attendant la volupté plus grande encore de s'abreuver de leur sang et de se gorger de leurs richesses.

Réflexion. Aman fait croire à Assuérus que les Juifs méprisent ses ordres et qu'ils sont dans un état permanent de rébellion.

EDIT DF PROSCRrPTKlN. [il

Rien n'était plus faux. Tout sp bornait à un refus de génullcxion, devant l'orgueilleux ministre, de la part de Mardochée : et ce refus était très-légitime. Sur une pareille calomnie tout un peuple est condamne à périr.

Les ennemis du peuple de Dieu, ancien et nouveau, sont toujours les mêmes, parce que leur chef, le démon, ne change ni ne vieillit. Le mensonge est leur moyen, la cruauté leur but. Pour faire exterminer les premiers chrétiens, nos pères dans la foi, il n'est sorte de calomnies que leurs ennemis n'inventèrent contre eux. Si l'année est chère, si la peste sévit, si la terre tremble, si le Ti- bre déborde, si les armées de l'empire éprou vent un échec, si une province se révolte, aussitôt l'on crie de toutes parts : les Chré- tiens an lion ! christianos ad leonem! Leur nom était celui de tous les crimes.

Rien n'a changé. Au dire des impies de nos jours, l'Église, le Saint-Père, les prêtres, les cathohques sont les ennemis des lumières, du progrès, delà liberté : sans eux le monde vivrait heureux et prospère. De pareilles ca-

128 VINGTIEME JOUR.

lomnies chaque jour répétées égarent les peuples et les arment contre la religion d'une haine fanatique, d'autant plus à craindre qu'elle est plus aveugle.

Amanafllchait soncdit de proscription sur les murs de Suse et l'envoyait dans toutes les provinces. A son exemple, ils affichent leurs projets sanguinaires sur les murailles de nos villes, et par leurs journaux les envoient aux quatre coins du monde. Mais comme Esther veillait sur l'ancien peuple de Dieu, Marie veille sur le nouveau. A cette mère toute- puissante et toute bonne, confions nos inté- rêts, ceux de la société et ceux de l'Église. Soyons vraiment ses enfants et dormons tran- quilles à l'ombre de ses ailes.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple, ne soyez pas toujours ir- rité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour la Cochinchine.

Pratique. Réciter le Sub tuum.

XXP JOUR, Mardochée.

I

Un des premiers informés delà fatale nou- velle fut Mardochée. 11 était sur la place pu- blique, où l'cdit venait d'être affiché. A la vue de cet arrêt de mort contre sa nation et contre lui, il déchira ses vêtements, se revêtit d'un sac, se couvrit la tète de cendres, et se mit à pousser des cris lamentables. Telles étaient les marques de grand deuil chez les Juifs et chez les Perses. Toujours sanglot- tant, il vint jusqu'à la porte du palais du roi. Là, il dut s'arrêter; car il n'était pas permis de passer la porte royale, vêtu d'un habit de deuil.

II

A mesure que l'édit arrivait dans les pro- vinces, la consternation devenait générale

J30 VINGT-UNIEME JOUR.

parmi les Juifs. Tous, hommes, femmes, en- fants, vieillards, faisaient, avec raison, pa- raître une affliction extrême ; car tous étaient condamnés à mort. On n'entendait que des cris, on ne voyait que des larmes. A ces marques de douleur, ils joignaient les jeû- nes. Plusieurs, revêtus de sac, couchaient sur la cendre au lieu de lit.

Cependant la nouvelle de ce qui se passait, franchit les murs du palais. Les filles d'Esther et ses chambellans vinrent la lui annoncer : la reine en fut consternée. Sur-le-champ elle en- voya un habit pour en revêtir Mardochée, au lieu du sac dont il était couvert; mais il refusa de le recevoir. La douce reine voulait à tout prix faciliter à son oncle l'entrée du palais, et apprendre de lui directement de quoi il s'agis- sait et quels seraient les moyens de prévenir la catastrophe.

111

Le refus de Mardochée la jeta dans une grande inquiétude. Elle appela donc Atach, le chambellan que le roi avait attaché spé- cialement à son service, et lui communda

MARDOCUÉli:. lai

d'allci- vers Mardochée et de savoir de lui pourquoi il agissait ainsi. Atach sortit et trouva Mardochée sur la place devant la porte du palais. « Nous sommes tous con- damnés à périr, lui dit Mardochée. Pour oh- tenirle massacre des Juifs, Aman a promis de remplir d'argent les trésors du roi. Yoici une copie de l'édit qui est aflirhé dans Suse, et qui s'afliche dans toutes les provinces. Faites-le voir à la reine, et dites-lui de ma part d'aller trouver le roi, afin d'intercéder pour son peuple. »

ÏV

Atach, étant reldurné au palais, rapporta tidèlement à Esther les paroles et les ordres de Mardochée. Pour réponse, Esther ren- voya Atach à Mardochée avec ordre de lui (lire : <( Tous les serviteurs du roi, et toutes les provinces de son empire savent que qui- conque, homnîe ou femme, qui entre, sans être appelé, dans l'appartement intérieur du roi, est mis à mort à l'instant même, à moins que le roi n'étende vers lui son sceptre d'or.

9

13« VINGT-UNIEME JOUR. *

en signe de clémence, et ne lui sauve ainsi la vie. Comment donc puis-je entrer chez le roi, puisqu'il y a déjà trente jours qu'il ne m'a fait appeler? »

Ces détails nous donnent quelque idée de la demeure des rois de Perse et d'une cou- tume encore conservée dans les cours de l'Orient. Le monarque, renfermé dans l'inté- rieur de son immense palais, se tenait sur un trône d'or, resplendissant de pierres pré- cieuses, comme un dieu sur terre. La pièce qui précédait la chambre du roi était la salle des gardes, et la loi qui frappait de mort quiconque aurait voulu voir la face du mo- narque, sans y être appelé, avait pour but d'imprimer à tous un respect religieux pour sa majesté. Les princes païens régnent par la terreur. C'est pour cela qu'ils se rendaient et qu'ils se rendent encore invisibles. Autre est la conduite des princes chrétiens.

MARDOCllÉlî. 133

VI

Mardochéc, ayant entendu la réponse d'Es- ther, lui fit dire par Atach : « Ne croyez pas, parce que vous êtes dans la maison du roi, que vous pourrez sauver votre vie, si tous les Juifs périssent. Si vous demeurez dans l'inaction, les Juifs seront sauvés sans vous ; mais vous périrez, vous et la maison de votre père, parce que vous aurez failli à votre de- voir. Qui sait si ce n'est point pour cela môme que vous avez été élevée ;\la dignité royale, afin d'être en état d'agir dans une occasion comme celle-ci? »

VII

Toujours obéissante, Eslher envoya dire de nouveau à Mardochée : « Allez, assemblez tous les Juifs qui sont dans Suse, et priez tous pour moi. Ne mangez ni ne l)uvez, ni jour ni uuil, pendant trois jours, je jeûnerai de la même manière avec mes lilles. Après cela, j'entrerai chez le roi, malgré la loi qui le défend sans y être appelée, et, s'il faut

134 VINGT-UNIEME JUUl).

que je périsse, je périrai. Mardochée s'em- pressa d'exécuter ce qu'Esther lui avait or- donné.

Répe.don. En apprenant la condamna- tion de son peuple, Mardochée déchire ses vêtements, se couvre de cendres et pousse des cris de douleur : n'est-ce pas l'Église ac- tuelle ? A la pensée des maux qui menacent le monde, celte mère des nations n'est-ellc pas dans le deuil? ne fait-elle pas entendre des gémissements et des cris d'alarme ? Dans leurs projets hautement avoués, est-ce que les impies n'ont pas décidé la ruine de toute religion, de tout ordre social, le meurtre et le pillage universel? Qui nous sauvera?

Mardochée n'a qu'une ressource, c'est Es- Iher. 11 lui fait connaître le péril de sou peuple et ne lui dissimule pas que c'est pour le sauver que Dieu l'a élevée à la dignité de reine. Quelle est notre ressource aujourd'hui, sinon la divine Esther? Catholiques du dix- neuvième siècle, condamnés à mort par les ennemis de Dieu et des hommes, exposons nos dangers à Marie et disons-lui sans hési- ter : Ce n'est pas pour vous seule, c'est pour

MARDOCDEE. 135

nous, que vous ôtcs devenuo reine du eiel et de la terre.

Esther demande î\ Mardochée de prier et de faire prier et jeûner. La sainte Vierge nous demande la même chose : priez et faites pé- nitence, autrement vous périrez. La tendre Esther dit à Mardochée : je ne vous laisserai pas seul, je prierai moi-même, je jeûnerai et lerai jeûner avec vous. Soyons- en sûrs, Ma- rie, qu'on n'invoqua jamais en vain, joindra ses prières aux nôtres, et ses prières sont toutes puissantes. Sans crainte, elle ira trou- ver le divin Assuérus, et nous serons sauvés.

Incocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour le Tonkin.

Pratique. Réciter le Miserere.

XXIP JOUR.

Prière de Mardochée et d'Esther.

I

A la recommandation de Mardochée tous les Juifs se livrèrent pendant trois jours au jeûne et à la prière. Ils comprirent que, dans la conjoncture ils se trouvaient, le Dieu de leurs pères pouvait seul les sauver. Ainsi doivent raisonner les nations coupables, si elles veulent conjurer les fléaux qui les me- nacent. Esther et Mardochée ne se contentè- rent pas d'inviter les Juifs à la prière et à la pénitence : ils leur en donnèrent l'exemple. Voici la prière que ces deux grandes et saintes âmes adressèrent au Dieu d'Israël. Nous la lirons avec respect et nous la répéterons en particulier. Nulle n'est mieux appropriée aux besoins du dix-neuvième siècle.

rniÈRE on MARDOCnÉE F.T D'ESTIITR. 137

II

Se souvenant de toutes les œuvres du Seigneur, Mardoehée le pria en ees termes : « Seigneur, Seigneur, roi tout-puissant, tout est soumis à votre pouvoir, et nul ne peut ré- sister à votre volonté, si vous avez résolu de sauver Israël. Vous avez fait le ciel et la terre et tout ce qui est sous le ciel. Vous êtes le Seigneur de toutes choses, et nul ne peut ré- sister à votre Majesté. Tout vous est connu; et vous savez que si je n'ai point adoré le superbe Aman, ce n'est ni par orgueil, ni par mépris, ni par un secret désir de gloire ; car j'aurais volontiers baisé la trace môme de ses pieds pour le salutd'lsraël. Mais j'ai craint de transférera un homme l'honneur qui n'est qu'à mon Dieu, et d'adorer un autre que le Dieu de mes pères.

III

« Maintenant donc, ô Seigneur roi, ô Dieu d'Abraham, ayez pitié de votre peuple, parce

ns VINGT-DEUXIEME JOUR.

que nos ennemis veulent nous perdre et ex- terminer votre héritage. Ne méprisez pas ce peuple que vous vous êtes donné en partage, que vous avez racheté de l'Égyplc pour être à vous. Exaucez ma prière, soyez favorable à une nation qui est spécialement vôtre. Chan- gez, Seigneur, nos larmes en joie, afin que, préservés de la mort, nous célébrions votre nom, et ne fermez pas la bouche à ceux qui vous louent. »

IV

Touî Israël s'unit à Mardochée et cria vers le Seigneur, et, d'une même bouche comme d'un même cœur, lui adressa ses prières, parce qu'une mort certaine les menaçait. Dans l'in- térieur du palais,.Esther faisait écho aux sup- plications qui s'élevaient vers le ciel de toutes les parties de la ^ille. La pieuse princesse se réfugia vers le Seigneur son Dieu, épouvan- tée du péril qui était si proche. Ayant quitté ses habits de reine, elle en prit de conformes à son affliction et à ses larmes. Au lieu de parfums, elle se couvrit la tête de cendres, jeûna rigoureusement et coupa les tresses de

PRIÈRI^ nE MARDOCIIÉE ET DESTIIEH. UO

ses cheveux, qu'on trouva répandus dans les lieux naguère témoins de ses joies.

Prosternée devant le Dieu d'Israël, elle le suppliait en ces termes : « Mon Seigneur, qui êtes seul notre roi, assislez-moi dans l'a- bandon où je suis, puisque vous êtes le seul qui puissiez me secourir. Mon péril est im- minent. J'ai su de mon père que vous. Sei- gneur, aviez pris Israël d'entre toutes les nations pour en faire votre peuple, et que vous avez tenu votre parole. Nous avons péché devant vous ; c'est pour cela que vous nous avez livrés entre les mains de nos enne- mis. Nous avons adoré leurs dieux : et vous êtes juste, Seigneur.

(( Maintenant ce n'est pas assez pour eux de nous opprimer de la manière la plus dure. Attribuant la force de leurs bras à la puissance de leurs idoles, ils veulent faire mentir vos promesses, exterminer votre héritage, fermer la bouéhe à ceux qui vous louent et éteindre la gloire de votre temple et de votre autel,

9.

l'.O VINGT-DEUXIEME JOUR.

afin de luire louer par les nations la puis- sance (le leurs idoles et mettre à votre place un roi de chair.

VI

« Seigneur, n'abandonnez pas votre peuple à ceux qui ne sont que néant, de peur qu'ils ne tressaillent à notre ruine ; mais faites re- tomber leur dessein sur eux, et perdez celui qui a commencé d'exercer sa cruauté contre nous. Souvenez vous de nous. Seigneur; montrez-vous à nous aux jours de notre af- fliction, et donnez-moi de l'assurance, Sei- gneur, roi de tous les rois. Mettez dans ma bouche des paroles convenables en la pré- sence du lion. Tournez son cœur à la haine de notre ennemi, afin qu'il périsse lui et tous ceux qui conspirent avec lui. Délivrez-nous par votre main, et assistez-moi, Seigneur, vous qui êtes mon unique secours.

VII

« Vous connaissez toutes choses et vous savez que je hais la gloire des injustes. Mes

PBIÈRF HE MARDOCnÉr: ET D'ESTUF.R. 141

chagrins ne vous sont point cachés. Vous sa- vez qu'aux jours je suis condauinée à pa- raître dans hi magnificence et dans l'échit, j'ai en horreur le signe superhe de ma gloire que je porte sur ma tête, vous savez que je le regarde comme un linge souille et que je ne le porte jamais dans les jours de ma soli- tude.

« Vous savez que je n'ai point mangé à la table d'Aman, ni pris aucun plaisir au fes- tin du roi, ni bu de vin offert aux idoles. Vous savez que, depuis le temps j'ai été amenée dansce palais jusqu'aujourd'hui, jamais votre servante ne s'est réjouie qu'en vous seul, Seigneur, Dieu d'Abraham. 0 Dieu puissant, dominateur de tous, écoutez la voix de ceux dont vous êtes le seul espoir ; sauvez-nous de la main des méchants et délivrez moi de ma propre crainte. »

Réflexion. Que l'exemple d'Esther et de Mardochée ne soit pas perdu pour nous, ne nous contentons pas de le lire : imitons-le. Notre avenir môme temporel comme l'avenir du monde est à ce prix. Les circonstances sont telles que Dieu seul, agissant dans toute

iM . VINGT-DEUXIEME JOUR.

retendue de sa puissance et de sa miséri- corde, peut rétablir l'ordre sur la terre et em- pêcher une nouvelle chute de l'humanité. Qui fera violence à son cœur ? qui lui fera retirer le décret de condamnation déjà peut- être porté contrele monde coupable, contre le mauvais dix-neuvième siècle, si rebelle aux avertissements de la Providence et si obstiné dans le mal ? Les prières des bonnes âmes, jointes à l'intercession de la divine Esther.

(( La prière du juste, dit le Seigneur, péné- trera les nuées, se présentera devant le trône de Dieu, et n'en quittera pas que le Très-Haut ne l'ait regardée d'un œil favorable. » Soyons- en bien convaincus; c'est ainsi et seulement ainsi que nous obtiendrons miséricorde.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour les Indes.

Pratique. Réciter les Litanies des Saints.

XXIIP JOUR. Esther entre chez le roi.

I

Par le jeûne et par la prière, accomplis avec la ferveur que leur inspirait la vue de la mort, les Juifs s'étaient assuré la protec- tion du Dieu de leurs pères. Esther n'hésita plus. Le troisième jour, elle se revêtit de ses habits royaux et s'environna de toute la pompe qui convenait à sa dignité. Ainsi pa- rée , elle invoqua le Dieu qui dirige et qui sauve, et prit avec elle deux de ses suivantes. Sur l'une, elle s'appuyait avec grâce; l'autre suivait sa maîtresse, portant la queue de sa robe.

II

Esther marchait lentement comme une personne délicate et alfaiblie. Elle l'était en effet, tant par sa constitution naturelle que

1A4 VINGT-TROISIEMF. JOUR.

par le jeûne et par la crainte. Néanmoins, les roses de son visage n'avaient rien perdu de leur fraîcheur, et ses yeux conservaient leur vif éclat et leur incomparable douceur. Sous ces beaux dehors, se cachaient une pro- fonde tristesse et une fraveur extrême.

III

Traversant les nombreux appartements du palais, Esther s'arrêta sur le seuil de la cham- bre du roi, dont la riche portière, relevée en double feston, permettait au monarque de voir dans la salle d'attente. Assuérus était majestueusement assis sur son trône, revêtu de ses ornements royaux, tout resplendissant d'or et de pierres précieuses , et son sceptre d'or à la main : sa vue inspirait la terreur. Aux pas des visiteuses, il leva la tête, et ses regards, brillants comme l'éclair, trahirent la colère de son Ame. La reine s'évanouit; la pâleur de la mort se répandit sur son vi- sage et sa tête sans force tomba sur l'épaule de sa suivante.

ESTHER ENTUE CUEZ LE ROI. 145

IV

Dieu changea subitement le cneur du roi, et le remplit de douceur. Craignant pour Esther , il quitte son trône, prend la reine dans ses bras, et, la soutenant jusqu'il ce qu'elle revienne à elle, il lui disait ces cares- santes paroles : (( Qu'avez-vous, Esther? je suis votre frère , ne craignez pas. Vous ne mourrez pas; ce n'est pas pour vous qu'est laite la loi, c'est pour tous les autres. Ve- nez et touchez mon sceptre. » Assuérus vou- lait lui dire par Ifi que toute sa puissance était à ses ordres.

Esther demeurait silencieuse et timide- ment immobile. Alors Assuérus lui place l'extrémité de son sceptre sur le cou et l'em- brasse , en lui disant : (( Pourquoi ne me parlez-vous pas? » Esther répondit : « Je vous ai vu, seigneur, comme l'ange de Dieu, et l'éclat de votre gloire m'a fait manquer le cœur. » A ces mots, elle s'évanouit de nou- veau.

14t: YINGT-TKOISIEME JOUR.

Le roi était dans un trouble inexprimable, et ses officiers s'empressaient autour de la reine pour la ranimer et la consoler. Quand elle fut revenue à elle, Assuérus lui dit : « Que voulez-vous, reine Esther? que demandez- vous? Quand vous me demanderiez la moitié de mon royaume, je vous la donnerais. »

Esther répondit : '< Aujourd'hui est pour moi un jour de fête, et s'il plaît au roi, je le prie de venir avec Aman au festin que j'ai préparé à mon seigneur. » Aussitôt le roi dit : u Qu'on se hâte d'avertir Aman, afin qu'il obéisse à la volonté de la reine. » Re- mise de ses émotions et inondée de joie, Es- ther fut reconduite dans ses appartements. Là, elle put librement exprimer, par de fer- ventes prières, toute sa reconnaissance pour le Dieu de ses pères. A l'heure indiquée, le roi et Aman vinrent au festin que la reine leur avait préparé.

VI

Vers la tin du repas, lorsqu' Assuérus eut bu beaucoup devin, il dit à Esther: « Que dé- sirez-vous que je vous donne, et que me de-

ESTIIER ENTRE CHEZ LE ROI. 147

mandez-vous? Je le répète, quand vous me demanderiez la moitié de mon royaume , je vous la donnerais. » Esthcr répondit modes- tement : (( Yoici ma demande et ma prière. Si j'ai trouvé i;ràce devant le roi, et ({u'il lui plaise de m'accorder ce que je demande, je le prie de venir encore avec Aman prendre part à un nouveau festin, et demain je dirai au roi ce que je désire. »

VII

La prudence divine qui conduisait Esther paraît ici à découvert. Avant de présenter à Assuérus sa demande en faveur des Juifs, elle l'invite à un second festin. C'était d'a- bord un moyen de gagner de plus en plus les bonnes grâces du roi , de manière à ce qu'il ne put rien lui refuser. La précaution n'était pas superflue; obtenir contrairement à la loi des Perses le retrait d'un édit royal porté et promulgué, était ce qu'il y avait au monde de plus difficile. Ensuite, elle ne vou- lait pas faire sa demande en présence des grands de la cour, qui n'auraient pas man-

148 VINGT-TROISIÈME JOUR.

que de la combattre. Elle prépara donc une réunion intime, seule avec le roi elle pût librement lui ouvrir son cœur et se faire con- naître pour une fdle d'Israël. Aman devait assister à la communication , pour des rai- sons qui nous seront bientôt connues.

Réflexion. Avec tous les siècles j'admire le courage d'Esther, qui s'expose à la mort pour sauver son peuple. Plus grande est mon admiration pour la sainte Vierge, qui donne la vie de son Fils pour obtenir le salut du monde. La loi de mort qui défend d'appro- cher d'Assuérus n'est pas faite pour Esthcr. Marie a toujours accès auprès de Dieu. Estber va trouver Assuérus , accompagnée de deux suivantes : c'est Marie qui se présente devant le Très-Haut, accompagnée de la nature hu- maine et de la nature angélique, toutes deux sanctifiées et glorifiées par le Fils qu'elle a donné au monde.

Les douleurs et les charmes d'Esther lui livrent le cœur d'Assuérus. Par les mêmes moyens, Marie est devenue toute-puissante sur le cœur de Dieu. Assuérus, voyant Esther évanouie, s'empresse de la rassurer et lui

ESTnER ENTRE CHEZ LE RUf. 1 A 9

promet tout ce qu'elle voudra , fût-ce la moitié de son royaume. Gomme les plaies de son Fils, les douleurs de Marie sont toujours présentes aux yeux de Dieu. Plein de ten- dresse pour elle, le divin Assuérus se montre plus généreux que le premier : il lui donne son royaume tout entier, c'est-à-dire la plé- nitude de sa puissance, en l'établissant reine des anges et des hommes.

Esther ménage si bien les choses qu'elle obtient tout ce qu'elle veut. Marie a de tels secrets pour arriver au cœur de Dieu, qu'elle l'enchaîne à sa volonté. C'est au point qu'en la voyant venir, son divin Fils prévient ses prières et lui dit comme Salomon à Bethsa- bée : « Demandez, ma mère, je n'ai rien h vous refuser. »

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours ir- rité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour la Malaisie.

Prntifjuc. Réciter l'yl^v Maris Stella.

XXIV^ JOUR. Colère d'Aman.

I

Le festin terminé, Aman se retira ivre de joie; mais, en sortant du palais, il vit Mardo- chée qui était assis à la porte. Non-seule- ment il ne se leva pas devant l'orgueilleux ministre, il ne se remua pas même de la place il était. Aman en conçut une grande indi- gnation. Et nous, nous devons avoir une grande admiration pour Mardochée.

Ce digne enfant d'Abraham est condamne à mort, et tout son peuple avec lui : il le sait. Devant lui passe l'auteur de l'édit d'extermi- nation. Cet édit est motivé parle refus de Mar- dochée d'adorer le meurtrier de sa nation. Peut-être qu'à cette heure même, Mardochée pourrait, en fléchissant le genou, foire révo- quer l'arrêt de proscription. 11 ne le fait pas : Dieu le défend. Il aime mieux s'exposer, lui et toute sa race, à une mort certaine, que de

COLEKli: It'AMAN. 151

dosobéir ù Dieu en commeltanl un acte de lùchc respect humain.

II

Aman dis^iniula sa colère, et, rentré chez hii , il assem])la ses amis avec sa femme Za- rès. Plein de lui-même , il leur représenta ({uelle était la grandeur de ses richesses , le grand nombre de ses enfants, ce qui était en Orient, et ce qui sera toujours partout un motif (le gloire; et l'immense honneur dont il jouissait d'tMre élevé au-dessus de tous les princes de l'empire.

Gomme comble de gloire,- il ajouta : « La reine Esther n'a invite que moi seul au festin qu'elle a donné au roi; et demain je dois en- core dîner chez elle avec le roi. Malgré toutes ces faveurs et tous ces avantages, je crois n'avoir rien, tant que je verrai le Juif Mar- dochée, assis devant la porte du palais et re- fusant de fléchir le genou quand je passe. »

m

Zarcs ctses amis lui répondirent : (( Faites dresser une potence fort élevée, (pii ait vingt-

lo2 VINGT-QUATRIEME JOUR.

cinq coudées de haut, alin qu'elle soit vue de toute la ville. Dites au roi, demain matin, qu'il y fasse pendre Mardochée, et vous irez ainsi plein de joie au festin avec le roi. » Ce conseil lui plut et il ordonna de préparer la potence.

Tandis que, dans la maison d'Aman, on décidait pour le lendemain le supplice de Mardochée, que se passait-il au palais d'As- suérus ?

IV

Ce prince passa la nuit sans dormir. Pour se distraire, il se fit apporter les annales de son règne. Comme on les lisait devant lui , on vint à l'endroit il était écrit de quelle manière Mardochée avait dévoilé la conspira- tion de Bagathan et de Tharès, qui voulaient assassiner le roi Assuérus. A ce récit, le roi arrête le lecteur et demande : « Quelle ré- compense Mardochée a-t-il reçue pour cet acte de lidélité? » Ses serviteurs et ses offi- ciers lui répondirent : « Il n'a reçu aucune récompense. » Le roi se tut.

COLEUE D AMAN. 153

Cependant, avant l'heure ordinaire des ré- ceptions, on entendit du bruit dans la salle d'attente. Assucrus étonné demanda : « Qui est dans l'antichambre? » Ses serviteurs lui répondirent : « C'est Aman. » Pressé par le désir de la vengeance, Aman avait prévenu l'heure des audiences, afin de se trouver seul avec le roi , et d'obtenir immédiatement la sentence de mort contre Mardochée.

VI

Ici, il faut s'arrêter un instant pour admi- rer les ressorts de la Providence. Pour arri- ver à ses fins, tout lui est bon. Une chose purement naturelle et de soi assez indifie- renlc, l'insonmie d'Assuérus va devenir l'oc- casion du dénoùment imprévu , qui sera tout à la fois la punition éclatante des mé- chants, et la délivrance non moins éclatante des justes. Il n'est pas jusqu'à l'oubli inex- plicable dans lc(iuel on a laissé le service de

154 VINGT-QUATRIEME J0UI5.

Mardochée, qui ne doive contribuer à son triomphe.

Sans l'insomnie, la lecture des annales n'aurait pas eu lieu, et si Mardochée eût été récompensé, le récit de sa fidélité n'au- rait pas eu d'objet. Enfin, l'empressement hom.icide du vindicatif Aman était ménagé pour rendre plus saisissante l'action de la justice divine. Que cette grande leçon ne soit pas perdue pour nous ! Si les créatures man- quent de reconnaissance à notre égard ; si Dieu lui-même nous fait attendre ses faveurs, ne perdons ni confiance ni courage. Avec un père infini dans sa puissance et infaillible dans ses promesses, rien n'est perdu. Dieu, dit un proverbe, ne paye pas tous les same- dis, mais il ne fait jamais banqueroute.

VII

Nous avons laissé Aman dans l'anticham- bre du roi. Bien que favori d'Assuérus et son premier ministre, il eût été sur-le-champ mis à mort s'il avait osé franchir, sans être ap- pelé, le seuil de la chambre du roi. Grâce à

COLÈRE d'aman. 135

la proteclion toute particulière de la l'rovi- dcnce , Esther seule avait pu le faire impu- nément. Les serviteurs d'Assuérus lui ayant répondu qu'Aman était dans l'antichambre , le roi dit : u Qu'il entre. » Aman ne se le fit pas répéter, tant il était pressé par le désir de la vengeance. Laissons-le en présence d'Assuérus, nous le trouverons demain.

Ii(''/k'di(i)i. Aman se vante lui-môme de posséder tous les éléments du bonheur. Ce- pendant il n'est pas heureux. Hue lui man- que-t-il? Dans l'immense empire des Perses, dont il lient les rênes, un seul homme refuse de fléchir le genou devant lui, et, tant qu'il n'aura pas obtenu cette génuflexion , il ne comptera pour rien ni les richesses, ni les honneurs, ni la puissance. Ainsi, Achab, roi d'Israël, n'est pas satisfait de régner sur de richesprovinces. Pointdebonheurpourlui, s'il ne possède la petite vigne du pauvre Naboth.

C'est sans doute une folie. Mais dans la passion arrivée à un certain point , celte folie devient cruauté. Pour n'avoir pas obtenu une génuflexion, Aman se vengera par l'ex- termination de tout un peuple. Naboth

10

156 VINGT-QUATRIÈME JUUR.

payera de sa vie le refus de livrer à Achab la vigne de ses pères. Tant que la révolution, fût-elle maîtresse du monde, n'aura pas la vigne du pauvre Naboth, qu'on appelle le patrimoine de saint Pierre, elle ne sera pas satisfaite. L'aura- t-elle? Jamais, si nous mé- ritons que la divine Esther en demeure la gardienne.

Quoi qu'il en soit, malheur, et toujours malheur aux esclaves des passions. Quand ils auront obtenu l'objet de leurs plus ardents désirs, seront-ils heureux? Nullement. Au désir satisfait succédera un autre désir; à celui-ci un autre encore, et ainsi jusqu'à la fin. C'est pourquoi un grand docteur, saint Anselme, compare justement les ambitieux qui cherchent le bonheur dans les créatures, aux enfants qui courent après les papillons. Ils se fatiguent à les poursuivre, parviennent difficilement à les prendre, et, quand ils les ont pris, ils se réjouissent comme s'ils avaient un trésor, et ils n'ont qu'un insecte.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

COLERE D AMAN. 157

0 Marie, secours des chrétiens ; priez pour l'Afrique orientale.

Pratique. S'associer fi l'œuvre de la Propagation de la Foi.

XXY^ JOUR. Confusion d^Aman.

I

Aman, se voyant seul avec Assuérus, était au comble de ses vœux. Il allait enfin pou- voir satisfaire sa vengeance. Ses lèvres n'attendaient que le moment de s'ouvrir, pour demander le supplice de Mardochée. Quant à l'obtenir, son crédit ne lui permet- tait pas d'en douter. Sa confiance était d'autant plus grande qu'il s'agissait d'une simple anticipation, Mardochée se trouvant compris dans l'extermination générale des Juifs, qui devait avoir lieu quelques moiv; plus tard.

II

Autre était, en ce moment, la pensée d'As- suérus. Tout occupé du service que Mardo- chée lui a\ail iL'udu, clde l'oubli dans lequel

CONFUSION DAMAN. 159

on avait lai.^sé ce fidèle servitour, le roi dit ;\ Aman : «. Que doit-on faire i\ un homme que le roi désire honorer ? ») Aman réfléchit un instant pour trouver tout ce qu'il y avait de plus glorieux, et, pensant que le roi ne.vou- lait honorer que lui, s'empressa de répon- dre : « Il faut que l'homme que le roi veut honorer, soit revêtu des habits du roi, et placé, le diadème en tète, sur le cheval que le roi a coutume de monter. 11 faut ensuite que le premier des seigneurs de la cour tienne le cheval par la bride et qu'il par- coure toutes les places de la ville, en criant : C'est ainsi que serahonnr(', celui ([u'il jjlaira au roi d'honorer. »

III

Paraître ainsi en public était tout ce qu'il avait de plus honorable chez les Perses. On peut ajouter tout ce qu'il y aurait de plus ho- norable chez les différents peuples du monde. Le costume des rois de Perse était un magni- fique manteau de pourpre, orné de riches broderies. Leur diadème formait une sorte de turban en écarlate, rehausse par une

10.

IGO VINGT-CINQUIEME JOUR.

torsade blanche et étincelant de pierres pré- cieuses. Un collier d'or, un cimeterre à poignée d'or, des bracelets d'or complétaient leur costume. Tous ces ornements devaient être remis à celui que le roi voulait honorer.

IV

Assuérus, ayant entendu la réponse d'A- man, lui dit : « Ne perdez pas un instant, et faites tout ce que vous venez de dire au Juif Mardochée, qui est assis à la porte du palais. Prenez garde de ne rien omettre de ce que vous avez dit. »

La foudre serait tombée sur sa tête, qu'A- man n'aurait pas été plus atterré. Avoir lui- même, sans le soupçonner, tracé avec un soin jaloux le programme détaillé du triom- phe de celui dont il était venu, avec con- fiance, demander la mort pour le jour même, la mort sur un gibet déj;\ préparé et dont la hauteur devait élever l'ignominie de Mardo- chée aux yeux de toute la ville ! Être con- damné, lui Aman, lui le premier ministre du roi, lui le plus haut personnage do l'empire,

CONFUSION D AMAN. 1 G 1

à devenir le v;ilel de pied el le héraut de ce Martlochée, ce Juif méprisé, et son niorlel ennemi : l'histoire oflre-t-clle l'exemple d'une humiliation pareille ?

Cependant, il lallul obéir. Aman prit donc le manteau royal et le cheval qu'il avait désigné. Lui-même, descendu devant le palais, de ses propres mains revêtit Mardo- chéc des habits royaux, lui mit le cimeterre au côté et le diadème sur la tète, au milieu de la grande place qui précédait le palais. Puis, toujours en présence de la cour et du peuple, il tint l'étrier pendant qucMardochée montait à cheval. Le triomphateur, dans tout l'éclat de sa gloire, donna le signal du départ. Aman marchait humblement devant lui, criant à haute voix dans tous les quartiers de la ville : « C'est ainsi que mérite d'être honoré, louthonnne qu'il plaira au roi d'ho- norer. ))

162 VINGT-CINQUIEME JOUR.

VI

Mardochce, ayant fait le tour de la ville, fut reconduit au palais. Aman se hâta de regagner sa maison, gémissant et ayant la tête couverte, afin de n'être vu de personne. Il avait honte, en effet, de marcher le visage découvert, lui qui, voulant se faire adorer comme un dieu, venait d'être vu de toute la ville, réduit au rôle de palefroi. D'ail- leurs se couvrir la tête était chez les Perses, comme chez un grand nombre de nations, un signe de grand deuil, de grande douleur et de grande confusion.

VII

Arrivé chez lui, Aman raconta à Zarès sa femme et à ses amis tout ce qui lui était arrivé. Les sages dont il prenait consed et sa femme lui dirent : « Si Mardochée, de- vant lequel vous avez commencé de tom- ber, est de la race des Juifs, vous ne pourrez lui résister,maisvous tomberez entièrement, o

Parlaient-ils delà sorte par une inspiration

CONFUSION DAMAN. 163

divine, ou leurs conjectures rcposaienl-elles sur l'histoire des Juifs, qu'on avait vus con- stanunent, soit en Egypte, soit dans la terre de (^hanaan, triompher de leurs ennemis ? 11 n'importe : leur prédiction ne tarda pas à se vérilier. Ils parlaient encore, lorsque les chambellans du roi survinrent, et obligèrent Aman à venir sans délai au festin que la reine avait préparé.

liëflexion. L'homme, dit le Saint-Esprit, sera puni par il aura péché. Aman en est une preuve éclatante. Aman, c'est la Rév(j- lulion ; Mardochéc, c'est le pape. Grâce à la complicité publique ou secrète des rois et des peuples, la Révolution est arrivée à une puis- sance aujourd'hui sans rivale. Seulle vicaire de Jésus-Christ refuse de fléchir le genou devant elle. Seul il la combat hautement et avec une constance inébranlable. De là, les fureurs et les cris de mort de la Révolution contre la papauté. C'est au moment il ne doute plus de son triomphe qu'Aman est confondu ; et qu'il voit la puissance lui échapper et ses projets s'évanouir.

Tel sera, si nous méritons que la divine

164 VINGT-CINQUIÈME JOUR.

Eslher prenne en main notre cause, le sort inévitable de la Révolution. Quant à l'Église, elle n'a rien à craindre. La barque de Pierre peut être agitée, elle ne fera jamais nau- frage. Voulons-nous être en sûreté? Demeu- rons fidèlement dans cette barque où, veil- lant ou dormant, se trouve toujours celui qui commande en maître aux flots irrités.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour l'Afrique occidentale.

Pratique. Faire souvent et bien le signe de la a'oix.

XXVP JOUll. Punition d^Aman.

I

Aller dîner avec Assuérus qui venait de lui iniliger la plus sanglante humiliation, devait être pour Aman un bien triste honneur, pour ne pas dire un pénible devoir. Mais, dans l'intérêt de leur fortune, les ambitieux savent dévorer en secret les plus cruels af- fronts. Aman se rendit donc au palais et avec Assuérus entra chez la reine, les attendait le nouveau festin. 11 pouvait être environ deux heures après midi ; car la promenade triomphale de Mardochée n'avait pris qu'une partie de la journée : et Aman, rentré chez lui en toute hâte, racontait encore ses cha- grins, lorsque les chambellans vinrent le chercher pour prendre part au banquet de la reine.

166 VINGT-SIXIÈME JOUR.

II

Le repas commença et continua même pendant quelque temps, sans que rien fît pressentir la catastrophe par laquelle il de- vait se terminer. Estlier attendait le moment iavorahle de parler au roi. Lui-même la fit naître ; car il n'avait pas oublie qu'Esther lui avait dit la veille : « Demain je ferai connaître mes désirs, » Quand donc Assuérus fut un peu cchaulfé par le vin, il fit à Esther la môme question et la môme promesse que le jour précédent. « Que demandez-vous de moi, Estlier, et que désirez -vous que je fasse ? Quand vous me demanderiez la moitié de mon royaume, je vous la donnerais. »

III

Pour la seconde fois, rEcrilure remarque qu'Assucrus se laissait échauffer par le vin. Elle ne veut pas dire qu'il buvait avec excès et au point de troubler sa raison. Nous ap- prenons seulement que les monarques per-

l'LNlTION D AMAN. lli?

sans ctaicnl puissants à boire, comme dit ailleurs le Saint-Esprit : Patentes ad hiheu- (hnn. L'histoire rapporte de l'un d'entre eux, le trait suivant. Comme il buvait largement, un de ses plus chers courti- sans se permit de l'engager à se modérer, ajoutant que l'ivrognerie était honteuse sur- tout dans un roi, sur qui tous les regards sont fixés.

(( Afin que lu saches que je ne bois jamais avec excès, répondit le monarque, je vais le prouver qu'après de copieuses libations, j'ai l'œil et la main aussi sûrs qu'avant. » Et il se mit à boire plus que de coutume et dans des coupes plus larges, (juand on le crut dans un état d'ivresse, il commanda au jeune fils du courtisan d'aller se placer hors de la salle du leslin, et de se tenir debout, la main gauche placée sur la tête. Le roi tend son arc en disant : Je vise au cœur; et il envoie sa llèche droit au cœur du jeune homme. Puis, retirant la llèche, et la montrant au père, il lui dit : (( Crois-tu que j'ai la main assez sûre?» L'j père répondit : c( Un dieu ne tire- rait pas plus juste. »

1 1

1G8 VINGT-SIXIEME JOUR.

L'acte de ce roi et la flatterie de ce père montrent ce qu'était la nature humaine dans le paganisme.

IV

Esther, voyant Assuérus bien disposé, lui répondit : « 0 roi, si j'ai trouvé grâce devant vos yeux, je vous conjure de m'accorder, s'il vous plaît, ma propre vie, et celle de mon peuple. Car nous sommes livrés, moi et mon peuple, pour être foulés aux pieds, égorgés et exterminés. Plût :i Dieu qu'on nous vendît, hommes et femmes, comme esclaves ! Ce mal serait supportable et je le souffrirais en si- lence. Mais l'extermination de tout un peu- ple par notre ennemi, cst.un acte de barbarie qui retombe sur le roi. »

V

11 est facile, non, il est impossible de com- prendre l'impression que produisirent sur Assuérus les paroles d'Esther. Néanmoins, on se figure sans peine qu'il dut se dire à lui-même : « Est-ce un rêve ? (Juoi ! Esther que voilà sous mes yeux ! la reine Esther, si

rUNlTION D AMAN. 1(5 9

tendrement aimée, est condamnée à mort ! Et je n'en sais rien ! Par dévouement pour moi, elle consent à être renvoyée de mon palais et vendue comme esclave : elle me demande seulement grâce de la vie ! Quel est cet étrange mystère ? »

Aman le comprit aussitôt, et on peut juger de sa frayeur. Il apprenait qu'Esther était juive et que, enveloppée comme telle dans l'édit d'extermination qu'il avait surpris à Assuérus, elle demandait grâce de sa vie. Il voyait que non-seulement cette grâce lui se- rait accordée ; mais que le décret de pros- cription serait rapporté et que toutes ses machinations allaient tourner contre lui. C'était le commencement des douleurs.

VI

La scène ne larda pas à devenir bien au- trement saisissante. Reprenant la parole, Assuérus dit : « Qui est celui-là? et qui est assez puissant pour oser faire ce que vous dites ? » Esther répondit : « Le cruel ennemi qui a juré notre perte, c'est cet Aman. »

170 YINGT-SIXlEMIi JOUR.

A ces mots, Aman demeura interdit, ne pouvant supporter les regards du roi et de la reine. Assucrusse leva en colère et, étant sorti de la salle du festin, il entra dans le jardin du palais. Aman se leva aussi de table et se jeta à genoux, pour supplier la reine Estlier de lui sauver la vie. Assuérus, étant rentré dans la salle du festin, trouva Aman penché sur le lit de table, oîi était Esther, et il dit : « (Juoi ! il veut même faire violence à la reine, en ma présence et dans ma maison ! »

VII .

A peine cette parole fut sortie de la bouche du roi, que les chambellans s'emparèrent d'Aman et lui couvrirent le visage, comme cela se pratiquait à l'égard des criminels condamnés à mort. Alors Harbona, un des ofliciers de service, qui avait été avertir Aman de venir au festin de la reine, dit au roi : «11 y a, dans la maison d'Aman, une potence de cinquante coudées de haut, qu'il avait fait préparer pour Mardochéc, le sauveur du roi. »

à

in'NITION r.'AMAX. 17 1

A'^siu'-rns dil : « Qu'Aman soil pcndn. d

Aman Ctil donc pendu à la potence qu'il avait fait préparer pour Mardoehée, et la co- lère du roi s'apaisa. La potence fut plantée à une des portes de la ville, afm que le supplice lut plus ignominieux et que tous ceux qui entraient et qui sortaient vissent suspendu à un gibet, celui qui hier encore voulait se faire adorer comme un dieu .

Réjlexion. Pour éprouver la confiance de ses enfants et faire éclater sa gloire, Dieu laisse quelquefois monter la puissance de ses ennemis, au point que leur triomphe paraît assuré. Mais quand l'heure est venue, Dieu se lève et tout change. C'est ainsi que, dans un seul jour, Aman voit tous ses projets renversés et lui-même, tombé du faîte des grandeurs, porte la peine de son orgueil et de sa cruauté. Tout cela se fait par l'entremise d'Esthcr.

Croyons-le plus que jamais, c'est par l'in- tercession de la sainte Vierge, que les enne- mis de l'Église, dont l'orgueil s'élève aujour- d'hui jus([u'au ciel, seront humiliés et réduits à l'impuissance. Notre devoii-, surinul jicu-

172 VINGT-SIXIEME JOUR.

dant ce mois béni, est de lui dire avec une ferveur inaccoutumée : Divine Esther, parlez au Roi poumons: Loquero Régi pronohis. En intercédant pour nous, elle intercède pour elle. Nos ennemis ne sont-ils pas les siens? S'ils venaient à triompher, n'aboliraient-ils pas son' culte? Ne sommes-nous pas son peu- ple, sa famille, ses frères et ses sœurs? Ayons donc confiance. Souvent c'est quand on croit tout perdu que tout est sauvé.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour l'Afrique orientale.

Pratique. S'associer à l'œuvre de la Sainte-Enfance.

XXVIP JOUR. Élévation de Mardochée.

1

Eslliur ne lit pas les choses à deiiii. Avoir vaincu l'orgueilleux et cruel Aman, n'était que la première partie de sa victoire : éle- ver Mardochée au faîte du pouvoir, et tirer une vengeance aussi éclatante que méritée des ennemis de son peuple, était la seconde. Le jour même de l'exécution d'Aman, le roi Assuérus donna à la reine Esthcr la mai- son d'Aman, ennemi des Juifs. Aman s'étant rendu coupable de lèse-Majesté, son opulente maison ou plutôt son splendide palais rempli d'or, d'argent et de meubles précieux, reve- nait au trésor de l'empire, et le roi en ht présent àEsther.

II

Quelques instants après la reine lit appe- ler Mardochée et le présenta au roi ; car elle

174 VINGT-SEPTIEME JOUR.

lui avait avoué qu'il était son oncle. Aussi- tôt il devint le favori d'Assuérus, son pre- mier ministre, son confident le plus intime et son conseiller le plus sûr. Comme insi- gne de cette haute dignité, le roi prit l'an- neau qu'il avait fait ôler à Aman et le donna à Mardochée. C'était ce même an- neau royal, dont le perfide ministre avait scellé l'édit d'extermination contre les Juifs. De son côté, Esther établit Mardochée in- tendant de sa maison. Toujours reconnais- sante et soumise, la bonne princesse voulut avoir, dans l'éclat de sa gloire, pour l'homme de sa confiance, celui qui avait nourri son enfance, dirigé sa jeunesse et contribué si puissamment à son élévation.

III

Il semble qu'Esther n'avait plus rien à désirer. Mais à l'àme règne la charité, les intérêts d'autrui sont aussi chers que les siens. La grande reine n'était donc pas en- core satisfaite. C'est pourquoi elle se jeta aux pieds du roi ot le conjura avec larmes

i

KLKVATION T)K MARnOCUKR. 175

(lo rendre vaine la méchanceté d'Aman, iih d'Agag, en déjouant les machinations qu'il avait formées pour perdre les Juifs. Assuérus lui tendit son sceptre d'or, pour lui donner, selon la coutume, des marques de sa bonté.

Alors la reine, se levant et se tenant en sa présence, lui dit : '( Si j'ai trouvé grâce devant le roi et que m.a demande ne lui paraisse pas importune, je le conjure de vouloir ordon- ner que les lettres d'Aman, par lesquelles cet ennemi des Juifs avait commandé qu'on les exterminât dans toutes les provinces du royaume, soient révoquées par de nouvelles lettres : car comment pourrais-je supporter la mort et la ruine de tout mon peuple ? »

IV

Après les marques de tendresse qu' As- suérus avait données à Esther et les faveurs insignes dont il venait de la combler, il peut paraître étonnant de voir cette reine bien- aimée, se prosterner devant le roi et fondre en larme>^ pour Ini demander le salut de son

1 1.

17C VINGT-SEPTIÈME JOUR.

peuple. C'est qu'ici, était le nœud de la dif- ficulté. Suivant les lois inviolables des Perses et des Mèdes, un décret scellé du sceau du roi était irrévocable. L'annuler par un autre décret, c'était faire une révolution.

Or, l'édit d'extermination porté contre les Juifs était scellé du sceau du roi. De vient qu'Esther emploie tous les moyens en son pouvoir, pour toucher Assuérus et lui faire révoquer cet édit. Ce grand prince, qui avait compris la fourberie d'Aman, n'hésita pas à braver les dangers qu'il pouvait courir, afin de sauver les innocents.

II dit donc à la reine et à Mardochée : (( J'ai donné à Esther la maison d'Aman, et j'ai commandé qu'il fût attaché à une po- tence, parce qu'il avait osé lever la main contre les Juifs. Écrivez donc aux Juifs au nom du roi, comme vous le jugerez à pro-

ELEVATION DE MARDOCDEE. 177

pos et scellez les lettres de mon anneau. » Les secrétaires et les écrivains du roi fu- rent donc appelés. Les premiers présidaient à la rédaction des lettres et décrets ; les se- conds en faisaient des copies, soit pour être envoyées dans les provinces, soit pour être gardées dans les archives de l'empire. Le roi eut soin de recommander de cacheter les lettres de son anneau, afin qu'elles fussent la révocation authentiiiue de l'édit de pros- cription.

VII

Les lettres furent dune conçues en la ma- nière que Mardochéc voulut, et adressées aux Juifs, aux grands seigneurs, aux gou- verneurs et aux juges des cent vingt-sept provinces du royaume, depuis les Indes jusqu'à l'Ethiopie. Gomme les premières, elles furent écrites en diverses langues et en différents caractères, selon la diversité des provinces et des peuples, afin qu'elles pus- sent être lues et entendues de tout le monde. Ces lettres écrites au nom du roi et cache- tées de son anneau furent portées par des

!7'8 VTNGT-SEl'TIEME JOUR.

courriers montés sur des chevaux fort viles, afin que, parcourant rapidement toutes les provinces, ils prévinssent l'exécution des an- ciennes lettres par ces nouvelles.

Réflexion. La réalité est toujours plus parfaite que la figure. Si donc Esther ne se contente pas de faire les choses à demi, à plus forte raison Marie les fait-elle com- plètement. Il ne suffit pas à Esther d'avoir sauvé sa vie, elle ne fut heureuse qu'après avoir obtenu celle de son peuple. Ainsi, il en est de la sainte Vierge. Assurée de son hon- neur, elle est pleine de sollicitude pour nous et pour l'Église. Nos ennemis, les ennemis de l'Eglise sont toujours ses ennemis. Nous protéger contre leurs attaques, les humilier et les vaincre, est son occupation constante.

De vient qu'un saint docteur appelle Marie, la grande affairée du paradis. Nos besoins même temporels ne la trouvent ja- mais insensible. Qui pourrait compter les affligés qu'elle a consolés, les pauvres qu'elle a secourus, les malades qu'elle a guéris ? Comme Notre-Seigneur sur la croix disait da'ns son amour : J'ai soif des âmes, aifin :

l':Li;YATI(iN DE MARDOCIll-F. 179

Mario a soif de faire du bien. C'est lui faire injure, dit saint Bonaventure, de ne pas s'a- dresser à elle dans le besoin : In te, Domina, peccnnt non solion qui tibi injwiam irroganf, sed etiani qui te non rogant (1).

Catholiques du dix-neuvième siècle, à qui la Révolution ne voudrait plus laisser de place au soleil, implorons avec confiance la divine Eslher, A la vue des dangers qui nous menacent nous et le monde entier, cachons- nous dans son sein maternel ; comme à l'ap- parition de l'oiseau de proie les poussins se cachent sous les ailes de leur mère : et nous n'avons rien à craindre : 0 Maria, o nomen suh qiio nemini desperandnm.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour l'Afrique centrale.

Pratique. Faire une visite au saint Sa- crement.

(\) In sprc, Virg.

XXVIIP JOUH. Édit en faveur des Juif^;.

I

Le texte de ce fameux édit est intéressant ri connaître. En avouant que sa bonne foi a été surprise, lorsqu'il a décrété l'extermina- tion des Juifs, Assuérus donne d'abord une utile leçon, non-seulement aux rois, mais encore à tous les supérieurs et même à qui- conque se laisse approcher par des flatteurs. Une fois de plus, il justifie cette sentence de l'Écriture : « Celui qui croit vite est léger de cceur et sera dupe : Qui cito crédit levisest corde, et minorahitur (I). »

Nous disons une fois de plus, car, dans tous les siècles, d'éclatants exemples prouvent la sagesse de l'oracle divin. Pour s'être montrés trop crédule, Josué est trompé par les Ga-

(1) Eccii., XIX, 4.

ÉDIT EN FAVEUR DES JUIFS. 181

haonites ; Holoferno, par Judith; Samson. parDalila;Putiphar, parsa femme ; Roboam, par ses jeunes conseillers : combien de faits analogues on lit dans Ihistoire des peuples anciens et modernes!

La loyauté avec laquelle Assuérus répare une injustice, malgré la crainte d'une révo- lution, est une nouvelle leçon donnée aux supérieurs, plus précieuse encore que la pre- mière. Enfin, l'extermination des ennemis des Juifs nous révèle la nature des lois qui régissaient les anciennes monarchies, sans laisser à personne le droit d'accuser d'injus- tice et de cruauté ni Assuérus, ni Esther, ni Mardochée.

Il

Yoici l'édit rendu le vingt-troisième jour du mois de Siban, troisième mois de l'année persane, par conséquent trois mois dix jours après l'édit d'Aman. « Le grand roi Assuérus, qui règne depuis les Indes jusqu'en Ethio- pie, aux chefs et aux gouverneurs des cent vingt-sept provinces qui sont soumises à no- tre empire, salut :

IR-2 YINGT-ITlilTIEME JOL'B.

'( Plusieurs, abusant de la bonté des prin- ces et des honnenrs qu'ils en ont reçus, de- viennent insolents : et non-seulement ils tâ- chent d'opprimer les sujets des rois, mais, ne pouvant porter avec modération la gloire dont ils ont été comblés, font des entreprises contre ceux mêmes de qui ils l'ont reçue. Non con- tents de méconnaître les grâces qu'on leur a faites et de violer dans eux-mêmes les droite de l'humanité, ils s'imaginent qu'ils pourront se soustraire à la justice de Dieu, qui voit tout.

III

« Et ils sont venus à un tel degré de folie que, s'élevant contre ceux qui s'acquittent de leur charge avec une grande fidélité^ et qui se conduisent de telle sorte qu'ils méritent d'être loués de tout le monde, ils tâchent de les perdre par leurs mensonges et leurs arti- fices, en surprenant par leurs déguisements et par leur adresse la bonté des princes qui jugent des autres^ d'après eux-mêmes. Ce qui se-voit clairement par les anciennes histoires. Et ce qui se passe encore tous les jours, ap-

KDIT EN FAVEUR DE?; ,iriF«;. 183

prend combien les bonnes inclinations dos princes sont souvent altérées par de faux rap- ports. En conséquence, nous devons aujour- d'hui pourvoir par nous-mènie à la paix de toutes les provinces.

lY

(( Si nous ordonnons des choses différen- tes, ne pensez pas que cela vienne de la lé- gèreté de notre esprit; croyez plutôt que c'est la vue du bien public qui nous oblige à régler nos décrets selon la diversité des temps et la nécessité de nos affaires. Et afin que vous compreniez plus clairement ce que nous disons : Nous avions reçu avec bonté auprès de nous, Aman, fils d'Amadathi, qui n'avait rien de commun avec le sang des Perses et qui a voulu déshonorer notre clémence par sa cruauté. Et, après que nous lui avions donné tant de marquesde notre bienveillance, jusqu'à le faire appeler notre père, et à le faire adorer de tous comme le second après le roi, il avait comploté, avec une méclian- (>olé inouïe et toute nouvelle, de perdre

184 YINCiT-nUITIKMR JOIP.

Mardochée, par la fidélité et les lions services duquel nous vivons, et Esther, notre épouse, la compagne de notre royauté, avec tout son peuple, afin qu'après les avoir massacrés et nous avoir ôté ce secours, il put nous sur- prendre nous-môme et faire passer à des étrangers l'empire des Perses;

(i Mais nous avons reconnu que les Juifs, destinés à la mort par cet homme détestable, n'étaient coupables d'aucune faute; qu'au contraire, ils se conduisent suivant des lois justes, et qu'ils sont les enfants du Dieu très-haut, par la grâce de qui le royaume a été donné à nos pères et à nous-mème et se conserve encore aujourd'hui entre nos mains. C'est pourquoi nous déclarons que les lettres qu'il vous avait envoyées contre eux, en notre nom, sont de nulle valeur; et qu'à cause de ce crime il a été pendu avec tous ses proches devant la porte de la ville de Suse : Dieu lui-même, et non pas nous, lui ayant fait souffrir la peine qu'il a méritée.

ÉDIT EN FAVFUR DES JUTFS. 185

YI

(( Que cet cdit donc que nous envoyons présentement soit affiché dans toutes les villes, afin qu'il soit permis aux Juifs de gar- der leurs lois. Vous leur prêterez secours, afm qu'ils puissent mettre à mort ceux qui se préparaient à les perdre, le treizième jour du douzième mois, appelé Adar ; car le Dieu tout-puissant leur a fait de ce jour qui de- vait être un jour de deuil et de larmes, un jour de joie.

Tous aussi, mettez ce jour au rang des jours de fêtes et célébrez-le avec toute sorte de réjouissances, afin qu'on sache à l'avenir que tous ceux qui obéissent fidèlement aux Perses, sont récompensés comme leur dé- vouement le mérite, et que ceux qui conspi- rent contre l'empire sont punis d'une mort digne de leur crime. S'il se trouve une ville qui refuse de prendre part i\ cette fête solen- nelle, qu'elle périsse par le fer et par le feu et qu'elle soit tellement détruite, qu'elle ne puisse jamaisservir do retraite ni aux lionimo'^

1S6 VINt^T-IiriTIKME .lOm.

ni aux bêles, mais qu'elle soit un monument éternel du châtiment à la désobéissance et au mépris. »

Réflexion. Dans l(jut ce qui regarde la défiance dont il faut user à l'égard des flat- teurs et des conseillers intéressés, le décret d'Assuérus est de tous les temps, mais en particulier des temps actuels. Les rois et sur- tout les peuples d'aujourd'hui sont environ- nés d'Amans, qui leur conseillent de perdre le peuple chrétien. Plus de christianisme, plus d'Église, plus de pape, plus de prêtres, plus de catholiques : ils sont en conspiration permanente contre la liberté, le progrès, la civilisation, la paix des familles et le bonheur des nations. Ainsi raisonnait, contre les Juifs, l'hypocrite Aman, à la cour d'Assuérus.

Ainsi raisonnaient, contre nos pères dans la foi, les sophistes païens, à la cour des Césars. Ainsi raisonnaient, en France, les philoso- phes incrédules, à la veille de la Révolu- tion : et leurs conseils devinrent la persécu- tion, la spoliation, la mort sous toutes les formes. Ainsi raisonnent aujourd'hui, dans joule l'Europe, leurs innombrables succès-

KDIT EN FAVEUR DES JUIFS. 187

seurs. Avis aux rois, aux peuples, à nous tous de erier vers Marie, comme les apôtres à Notre-Seigneur au milieu (U' la tempête : Sauvez-nous, nous périssons : Sàlva nus, //e-

J'illlKS.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votr(> peuple : ne soyez pas toujours irrité contre nous.

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour l'Amérique septentrionale.

Pratique. Réciter trois fois Monstra te esse mat rem, etc.

XXIX^ JOUll. Triomphe des Juifs.

I

Pendant que les courriers portaient en toute hâte les lettres du roi dans toutes les provinces, l'édit de révocation fut affiché dans Suse. Toute la population le lut avide- ment, mais avec des sentiments bien opposés. Aux uns il inspirait une juste terreur, tandis qu'il remplissait les autres d'allégresse. Les Juifs non-seulement de la capitale, mais de toutes les villes de province, étaient prévenus d'avoir à s'assembler d'abord pour défendre leur vie, ensuite pour exterminer leurs enne- mis, avec leurs femmes et leurs enfants et s'emparer de leurs dépouilles.

Tel était le sort que les ennemis des Juifs leur avaient réservé. Ainsi que nousl'avons vu, l'édit d'Aman portait en propres termes : « Qu'on tue et qu'un cxlerniinc tou> les Juifs,

TRIOMl'llE DES JUIFS. 189

depuis l'enfant jusqu'au vieillard, les petits eufants et les femmes, et qu'on pille tous leurs biens. »

II

La terreur et l'allégresse furent. portées au comble, lorsqu'on vit Mardochéc sortir du palais, il venait de s'entretenir intimement avec le roi. Le tout-puissant ministre parut dans un grand éclat. Monté sur un superbe cheval et entouré d'un brillant cortège, il portait une robe royale, couleur d'hyacinthe et de bleu céleste; sur la tète une couronne d'or et sur les épaules un manteau de soie et de pourpre. A son aspect toute la ville, c'est- à-dire tous les Juifs et tous les amis des Juifs, tressaillirent de bonheur. Une nouvelle lu- mière semblait se lever sur les Juifs, et an- noncer des jours de victoires, de réjouissan- ces et de félicités.

III

Il en fut de même dans toutes les provin- ces et dans toutes les villes, oîi l'édit du roi était porté. Partout lo^ Juifs étaient ivres de

lyO YiNGT-NEUVlÉME JOUR.

joie, se donnaient des festins et célébraient des jours de fête. C'est au point qu'un grand nombre de gentils embrassèrent leur reli- gion. Connue Nabuchodonosor, à la vue des enfants miraculeusement préservés dans la fournaise, confessa le vrai Dieu ; de môme ces idolâtres, en voyant le sort des Juifs si promptement changé, ne purent s'empêcher de reconnaître l'action du Dieu qui veillait sur ce peuple, dont le nom seul remplissait de crainte tous les esprits.

IV

C'est, en effet, une chose digne de sérieuse remarque que la domination du Juif chez tous les peuples avec lesquels il s'est trouvé en rapport. Entré esclave en Egypte dans la personne de Joseph, il finit dans la personne de ce même Joseph, par dominer tout le pays. Héritier de la terre promise, il anéantit les sept peuples chananéens qui en étaient possesseurs. Esclave de nouveau à Babyloncj il règne sur l'empire, dans la pcr>onnc de Da- niel ; cl plus tard dans celle de Mardochcc.

'IKlOMl'Ui; DES JlllS. l'Jl

Libre depuis hier, chez lesiialions chrrlien- nes, il l'ut si longtemps opprimé, il marche visiblement à la souveraineté, si déjà il ne la possède en partie. Au/oiiff/'/tui, c'est l'ur qui possède le monde, et c'est le Juif qui possède l'or. Ce fait évidemment providentiel nous montre que Dieu a toujours des tendresses particulières pour ce peuple, et qu'à raison de la loi de solidarité, il récompense dans les enfants les vertus de leurs pères, Abraham, Isaac et Jacob.

\

Daté du vingt-troisième jour du troisième mois de l'année, le second édit d'Assucrus ne devait être exécuté que le treizième et le quatorzième jour du douzième mois. Pour- ({uoi ce délai de neuf mois? plusieurs rai- sons le rendaient nécessaire. 11 fallait d'abord laisser le temps de publier l'édit, dans les lieux les plus éloignés de l'immense enqjire. Il fal- lait ensuite laisseï' aux ennemis des Juils le temps de se repentir et aux Juifs le tenqjs de bien connaître leurs ennemis obstines. Cette sage lenteur prouve la clémence de !Mardo-

1 i

192 VINGT-NEUVIEME JOUR.

chée, qui ne voulait pas que le châtiment pas- sât les bornes de légitimes représailles.

VI

Ces représailles étaient d'ailleurs comman- dées par la justice, par la sécurité des Juifs et par la tranquillité du royaume. Comment laisser impunis ces nombreux cgorgeurs, qui depuis si longtemps préparaient leurs poten- ces, aiguisaient leurs coutelas pour extermi- ner des innocents, et n'attendaient que le moment de se repaître de leur sang et de s'enrichir de leurs dépouilles ? Gomment laisser vivre les bourreaux côte à côte avec les victimes ? N'eùt-ce pas été donner lieu à de sanglantes surprises et à des collisions plus sanglantes encore ?

VU

Ainsi, le jour même le premier édit du roi devait être exécuté dans toute l'étendue de l'empire et par le massacre si désiré de tous les Juifs, ce jour-là môme tout fut

TRIOMPHE DES JUIFS. 193

changé. Ce furent les Juifs eux-mêmes qui, devenus les plus forts, commencèrent h se venger de ceux qui les haïssaient. Ils s'assem- blèrent dans toutes les villes, dans les bourgs et les autres lieux pour étendre la main contre leurs persécuteurs; et nul n'osait leur résister, parce que la crainte de leur puis- sance s'élail emparée de tout l'empire.

yiii

Les gouverneurs et les intendants des pro- vinces, tous ceux qui avaient quelque dignité ou quelque emploi étaient les premiers à re- lever la gloire des Juifs, et à favoriser le mas- sacre, par la crainte de Mardochée qu'ils savaient être grand dans la maison du roi, jouissant d'un pouvoir sans bornes et dont la réputation, croissant de jour en jour, volait de bouche en bouche, jusqu'aux extrémités du royaume. Les Juifs firent donc un grand carnage de leurs ennemis, et, en les massa- crant, ils leur rendirent le mal qu'ils s'étaient préparé à leur faire.

/{t'/lc.t ,1)11. Parce qu'il est père et père infi-

19'. \INGT-NF.UYIEME JOUR.

nimonl bon, Dieu est lent i\ punir. Mais il ces- serait d'être bon, s'il laissait toujours impu- nies les fautes du coupable obstiné, qui ne tient compte ni de sa longanimité, ni de ses promesses, ni de ses menaces. L'impunité serait un encouragement pour les méchants, un scandale pour les bons, la ruine de la vertu et le renversement de tout ordre parmi les hommes. Malgré sa douceur, Esther ne s'opposa point au décret d'As- suérus qui condamnait à mort les ennemis de son peuple.

La sainte Vierge elle-même, dont elle est la figure, finit par ne pas s'opposer à des châtiments devenus nécessaires. Toilà pour- quoi, dans son apparition aux enfants de la Salette, cette mère de miséricorde di- sait qu'elle ne pouvait plus retenir le bras de son fils et qu'il était urgent que le dix- neuvième siècle se convertît promptement, sans quoi des fléaux inconnus tomberaient sur lui. Puisse-t-il profiter de l'avertissement!

Jnvocntiom. Épargnez, Seigneur, épar- gne/, votre peuple : ne soyez pas toujours irrilé contre nous.

TBinjirnE de?; juif?:. 195

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour l'Amérique méridionale.

Pratique. Faire une aumône en l'hon- neur de la sainte Yierge.

XXX" JOUR. Exécution de l'édit.

I

Dès la pointe du treizième jour, le mas- sacre commença dans la ville de Suse, les Juifs mirent à mort cinq cents hommes, et le lendemain trois cents. Les premières victimes furent les dix fils d'Aman. Arrêtés depuis neuf mois, le jour même de l'exécu- tion de leur père, ils avaient été tenus en prison et réservés au supplice. Le lendemain de leur mort, c'est-à-dire le quatorzième jour du moisd'Adar, ils furent suspendus à des po- tences, pour augmenter l'ignominie d'Aman et jeter la terreur parmi les ennemis des Juifs. Afin de montrer que ce n'était pas la cupi- dité qui les faisait agir, mais le droit de lé- gitime défense, les Juifs ne touchèrent ;\ rien de ce qui leur avait appartenu, ni à eux, ni à aucun de ceux qui furent enveloppés

EXÉCUTION DE L'ÉDIT. 197

flans le carnage, soit à Suse, soit dans les provinces.

II

Le massacre, qui dura deux jours dans la capitale, s'accomplit en un seul jour dans les provinces, les Juifs mirent à mort soixante-quinze mille hommes. Ce nombre prodigieux nous montre que toute une armée était prête à se jeter sur les Juifs et à les ex- terminer. Mais ce peuple est immortel. A tous ceux qui ont voulu l'anéantir, il a survécu, et il survit. Pleinement victorieux de leurs ennemis et libres désormais de toute crainte, les Juifs des provinces firent du qua- torzième jour d'Adar un jour de fête solen- nelle, qu'ils ordonnèrent de célébrer à per- pétuité par des réjouissances et par des festins.

III

Ceux de la capitale, ayant fait le carnage pendant le treizième et le quatorzième jour, fixèrent le quinzième pour leur jour de fête. Min de incllre de la réu;ularilé dans ces ré-

198 TRENTIÈME JOUR.

jouissances nationales, Mardochée envoya une lettre aux Juifs des provinces les plus proches comme les plus éloignées, dans la- quelle il leur disait : « Le quatorzième et le quinzième jour du mois d'Adar seront des jours de fête. Ils se célébreront tous les ans à perpé- tuité, avec la plus grande solennité, parce que ce fut en ces jours que les Juifs se ven- gèrent de leurs ennemis et que leur deuil fut changé en joie. Ces jours seront des jours de festins et de réjouissances, les enfants d'Israël s'enverront mutuellement une partie de leurs mets et feront de petits présents aux pauvres. »

IV

Comme on le pense bien, l'établissement de la fête ne rencontra aucune opposition. La fête elle-même fut célébrée avec une allé- gresse toujours ancienne et toujours nou- velle ; et, ce qui est plus remarquable, avec une fidélité constante. Elle fut appelée la fête dos so7'ts, et non la fête de la délivrance, en souvenir des sorts qu'.\man avait con-

EXKCl'TION PK LEDIT. 199

suites et qui fixaient au treizième jour d'A- dar l'extermination des Juifs. Ttappeler ainsi à perpétuité l'anniversaire de ce jour terri- ble, le danger qu'ils avaient couru et la consternation dans laquelle les avait jetés la nouvelle du massacre, était le vrai moj'en de rendre la reconnaissance plus profonde et la joie plus vive.

Les Juifs donc, en mémoire de ce qui avait été arrêté contre eux, et du grand changement survenu en leur faveur, s'obli- gèrent eux et leurs enfants, et tous ceux qui voudraient embrasser leur religion, à faire en ces deux jours une fête solennelle, sans que personne pût s'en dispenser. (( La mé- moire de ces jours, dit le texte sacré, sera conservée, et ils seront célébrés d'âge en âge, dans toutes les familles, dans toutes les pro- vinces, dans toutes les villes. Ces jours de Phurim ne passeront point du milieu des Juifs; cl la mémoire ne s'effacera point de leur race. »

200 TRENTIEME JOUR.

VI

En effet, les Juifs célèbrent encore aujour- d'hui cette fêle des Sorts, le quatorzième jour du mois d'Adar. Ce mois commence vers l'équinoxe du printemps. A la prière du soir, après le coucher du soleil du treizième jour, on donne dans la synagogue lecture du livre d'Esther en hébreu. 11 doit être écrit à la plume sur du parchemin en forme de rouleau, comme les lettres chez les an- ciens. Chacun doit lire tout d'une haleine les noms des dix fils d'Aman. Ceci est une superstition talmudique. Néanmoins, les Juifs s'y montrent fidèles ; mais ils se félici- tent de ce qu'Aman n'ait pas eu une famille plus nombreuse ; car il y aurait eu de quoi suffoquer avant d'arriver au bout.

VII

Toutes les fois qu'on prononce le nom d'Aman, il se fait un vacarme terrible. Tous les assistants, grands et petits, frappent des

EXECUTION DE LEDIT. 201

pieds, ou avec des marteaux et autres ins- truments contondants, sur des images d'A- man, pendu à la potence ; ou, faute d'images, sur son nom, et môme sur tout ce qui se présente, mais à son intention, pour efTacer le souvenir de l'Amalécite.

Après cette expédition, on s'envoie mu- tuellement des présents de comestibles. En- suite on fait des festins auxquels on invite les parents, les connaissances et des pauvres. La veille est un jour de jeûne, appelé jeûne d'Esther. L'abstinence de toute nourriture s'observe depuis le point du jour jusqu'au soleil couché (1). Les Juifs donnent ici un exemple de reconnaissance, qui condamne bien des chrétiens.

Réflexion. La loi qui enveloppe tous les fils d'Aman dans la punition du père, paraît au premier coup d'œil trop sévère, et môme injuste. Nous raisonnons d'après nos faibles idées, qui sont loin d'être toujours la mesure du vrai. D'abord, que savons-nous si tous les

(l)Gor. a Lap., in Ediier, c. ix, v, I ; Drocli, id. \i\ V, 2(j,

202 TRENTIÈME JOUR.

fils d'Aman ne partageaient pas la haine homicide de leur père? Ensuite la loi, qui leur fut appliquée était la loi des Perses. Nous le voyons dans la vie de Daniel. Non- seulement SCS délateurs, mais leurs femmes et leurs enfants furent précipités, par ordre de Darius, dans la fosse aux lions, et péri- rent sous la dent de ces terribles ani- maux.

Enfin, cette loi est une application de la grande loi de la solidarité, promulguée et exécutée par Dieu lui-même, lorsqu'il dit : Je visiterai l'iniquité des pères jusqu'à la troisième et quatrième génération, comme je récompenserai leurs vertus jusqu'à mille générations. (Juelle haute moralité dans une pareille loi ! Quel- frein pour le père, tenté de pécher, que la crainte de vouer ses en- fants au malheur ! Ouel encouragement pour le père vertueux, que ces longues bénédic- tions dont seront favorisés, à cause de lui, ses enfants et arrière-petits-enfants.

Inoocatiom. Epargnez, Seigneur, épar- gnez votre peui)lc : ne soyez pas toujours irrité contre noub.

EXECUTION DE LEDIT. a03

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour rOcéanie.

Pratique. Prendre le scapuloire de l'Jin- maculéc-Conceptioa.

13

XXXV JOUll. Grandeur de Mardochée.

I

Assuérus fut magnitiquement récompensé d'avoir fait régner la justice dans son royaume. Il n'en pouvait être autrement, et il en sera toujours ainsi. Car c'est une loi divine quela justice élève les nations etquelepéché rend les peuples malheureux : Justitia élevât gentem, miseros autem faciet populos pecca- tum{\). Jouissant d'une paix profonde, l'em- pire des Perses put étendre ses conquêtes, en sorte qu'Assuérus rendit tributaires de vastes régions et toutes les îles de la mer. Les annales des Perses et des Mèdes racontent sa puissance et le haut point de grandeur au- quel il avait élevé Mardochée.

(1) fm'., Mv, .34.

GRANDEUR DE MAHDOCn-ÉF, 20 5 II

Elles rapportent aussi do quelle manière Mardochée, Juif de nation, devint la seconde personne dans l'empire du roi Assuérus; comme il fut grand parmi les Juifs et aimé de tous ses frères , ne cherchant qu'à faire du bien à sa nation et ne parl^uit que pour le bonheur du peuple. IluniJjle connue tous les saints, Mardochée ne s'attribuait rien ;\ lui-même. A Dieu seul il rapportait la gloire do tout ce qui s'était accompli. Au faîte de la grandeur, il aimait à rappeler le songe qu'il avait eu et dans lequel, sans aucun mé- rite de sa part, le Dieu de ses pères lui avait montré sa glorieuse destinée.

III

Aux admirations dont il était l'objet, aux félicitations qu'il recevait de toutes paris, le grand homme répondait : « C'est Dieu qui a fait toutes ces choses : A Deo facta simt isfa. En voici la preuve : La seconde année du règne

206 TRENTE-UNIÈME .TOl'R.

du très-grand roi Assuérus, une année avant son couronnement et le renvoi de la reine Vaslhi, le premier jour du mois de Psisan , moi Mardochée, fils des captifs que Nabuchodonosor , roi de Babylone , avait transférés de Jérusalem, avec Jéchonias, roi de Juda , j'eus la vision suivante, qui mar- quait tout ce qui est arrivé et dont rien n'a n^anqué de s'accomplir.

IV

« J'entendis des voix, de grands bruits et des tonnerres, et la terre tremblait, et l'é- pouvante s'étendait au loin, »

C'était le signe des troubles, des boulever- sements et des douleurs que devait causer dans l'empire l'édit d'Assuérus, qui condam- nait à l'extermination plusieurs centaines de mille Juifs avec leurs femmes, leurs enfants et leurs serviteurs.

« Et voici deux grands dragons prêts à combattre l'un contre l'autre : c'étaient Aman et moi. A leurs cris, les peuples des différentes provinces de l'empire s'émurent

GRANDEUR DE MARDOCHÉE. 207

pour combatre contre la nation des Justes. Et ce fut un jour de ténèbres, de périls, d'af- flictions, d'angoisses et d'une grande épou- vante sur toute la terre. La nation des Justes, craignant les maux qui lui étaient préparés, ne s'attendait plus cju'à mourir.

« Cependant ils crièrent vers Dieu; et voilà qu'au bruit de leurs prières une petite fon- taine sortit d'un coin de terre obscur; et cette petite fontaine devint un grand fleuve : et ce fleuve répandit une grande abondance d'eau; et ce fleuve devint lumineux comme le soleil : et ce fleuve et ce soleil, c'est Esther que le roi épousa et fit asseoir sur son trône. »

Une petite fontaine pure comme le cristal, qui sort silencieusement d'un coin de terre ombragé : quelle plus gracieuse image pour représenter l'humble, la. jeune, la candide Esther !

Cette petite fontaine devient un grand fleuve qui inonde la terre de ses eaux bien-

u.

Î08 TRENTE-UNIÈME JOUR.

faisantes. Voilà bien Esther devenue la grande impératrice des Perses, la reine bien-aimée d'Assuérus, qui, du trône elle est assise, fait sentir sa salutaire influence, non-seule- ment aux Juifs répandus dans les différentes provinces de l'empire, mais à l'empire même tout entier, par la paix et la prospérité qu'elle lui procura .

Ce fleuve devient lumineux comme l'astre du jour : c'est encore Esther qui, par l'éclat de son incomparable beauté et particulière- ment de ses vertus, illumine tout le royaume d'Assuérus, le réjouit, le vivifie, l'embellit, comme le soleil, lorsqu'il se lève sur la nature.

YI

« Et je vis que, pour délivrer son peuple, le Seigneur fit des miracles et de grands pro- diges. 11 ordonna qu'il y eût deux sorts : l'un contre les Juifs, et l'autre contre leurs en- nemis. Et ces deux sorts parurent devant Dieu etindiquèrent le même jour. Et ce jour fut heureux pour les Juifs, et mortel pour leurs ennemis , parce que le Seigneur se

GRANDEUU DE MARDOCIIKI'. -2 09

ressouvint de son peuple et eut compassion de son héritage. Et ce jour sera un jour de fête pour toutes les générations futures du peuple d'Israël. »

Ainsi parlait l'humble et reconnaissant Mardochée.

Combles des bénédictions des peuples, pleins de jours et riches de mérites, Esther et Mardochée furent ensevelis avec honneur dans la capitale de la Médie, appelée plus tard Hmnda la Grande, le voyageur Benjamin deTudèle, au douzième siècle, dit avoir trouvé une populati<^n de cinquante mille Juifs.

Réflexion. Aux catholiques du dix- neuvième siècle, si éprouvés, si menacés et si justement inquiets, montrer, par delà les noirs nuages qui obscurcissent l'horizon, les rayons de l'arc-en-ciel, signe et moyen de leur délivrance; et, au milieu des tempêtes qui agitent le monde, indiquer l'ancre du salut pour eux, pour l'Église, pour les na- tions : tel a été le but de ce mois de Marie.

Les belles figures de l'ancien peuple de Dieu devant avoir leurs réalités dans le nouveau, l'histf»ire du passé est devenue pour nous la

ilO TRENTR-UNIEMF. JOUR.

prophétie de l'avenir. Comme on admire les traits d'un beau visage h travers un voile diaphane, nous avons vu Marie resplen- dir si vivement dans Judith et dans Esthcr, que l'enfant lui-même a pu dire : C'est Elle.

Oui, c'est Elle : Beauté, bonté, vie cachée, vie publique, dévouement sublime, influence irrésistible, triomphes inattendus, délivrance miraculeuse , paix et prospérité procurées à la nation sainte : rien ne manque pour faire concorder la figure avec la réalité. Ainsi, ce que furent pour leur peuple bien-aimé, Ju- dith et Esther, Marie le sera pour nous , son peuple , sa famille , ses frères et ses sœurs. Aujourd'hui, demain et toujours, Holoferne et Aman périront par la main d'une femme. Leur sentence est portée : elle est immuable. Entre eux et la femme par ex- cellence, la guerre est éternelle. Toujours ils l'attaqueront, tantôt en elle-même et tantôt dans sa race ; mais toujours elle leur écrasera la tête : Et ipsa conteret caput tuum.

Que nous reste- t-il pour profiter de sa vic- toire? Demeurer ou devenir les enfants de Marie : enfants de Marie par notre amour

CllANDEUR DE MARDOCUEE. 211

lilial pour Marie , par la sainteté de nos nKïiu's, par l'imitation des vertns de Marie. L'infaillible moyen d'y réussir est de nous demander sérieusement chaque matin : Sila sainte Vierge était aujourd'hui à ma place, comment agirait-elle? comment prierait-elle? comment travaillerait-elle? comment comman- derait-elle? comment obéirait-elle? comment parlerait-elle? comment souffrirait-elle?

Tel est le bouquet de roses et de lis offert à chacun de nous, à la fin de ce mois béni. Souvent respiré, le suave parfum de ces fleurs de Marie embaumera notre âme, en sanctifiera toutes les puissances et les fera vivre de la vie de la grâce , commencement de la vie de la gloire. Amen, amen, amen.

Invocations. Épargnez, Seigneur, épar- gnez votre peuple : ne soyez pas toujours ir- rité contre nous,

0 Marie, secours des chrétiens, priez pour toutes les nations idolâtres.

Pratique. Répéter chaque jour les saints noms de Jésus et de Marie, soixante-douze fois, en l'honneur des soi\antc-douze,'années (\c la sainlo Vieriio.

TABLE DES MATIÈRES.

Avant-propos '

1" JoL'R. Les figures et la réalité 1

II' Jour. Nabuchodonosor 7

IIP Jour. Holoferne 13

IV' JoiR. Achior 1!)

V* Jour. Béthulie

VI« Jour. Judith 32

\\l« Jour. Judith sort de Béthulie -id

VIII' Jour. Judith dans la tente d'Holofenie., 46

IX' Jour. Judith coupe la tête d'Holofenie.. j2

Jour. Judith de retour à Béthulie 58

XI' Jour. Le camp d'Holoferne Gi

X1I« Jour. Déroute des Assyriens 70

XllI'' Jour. Cantique de Judith... . 7(i

XIV' Jour. Mort de Judith 82

XV' Jour. Assuérus 88

XVI' Jour. Vasthi

XVII' Jour. Esther 101

XVIll' Jour. Mariage d'Eslher 108

XI \' Jour. Aman 115

XX' Jour. Ëdit de proscription 122

2 14 TABLE DES MATIERES.

XXh JoLR. Mardocliee 129

XXIP Joi'R. Prière de Mardochée et d'Ksllier. . 13G.

XXIIP Jour. Esther entre chez le roi 143

XXIV* JotR. Colère d'Aman Ijo

XXV'^ Jour. Confusion d'Aman 158

XXVI" Jour. Punition d'Aman IGô

XXVIP Jour. Élévation de Mardochéc 173

XXVIIP Jour. Édit en faveur des Juifs 180

XXIX-^ Jour. Triomphe des Juifs 188

XXX'' Jour. Exécution de l'édit 196

XXXl" Jour. Grandeur de Mardochée l'Oi

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