* F4, Lu Kaya- LA BOTANIQUE DE J. J. ROUSSEAU. CP LE DE GUILLEMI ; #4 # A Pa \ e NC “+ [es L4n re LA - ‘ pe « a = ÿ ’ ‘ ». tu. « ‘ . * ee . À “ a L + Pa = : - 4 " Ed ‘ _ ” Le 4 | à ? ” : ° 1 gen o us 4 ‘ ul - ! + : vs el { , — : dr re | "D. ï P = harars, a : F è » + Li LL) = ' , AR - àr . / . < 4 A L) à L “ LA - + _. L L f Pa — à. e, 3 « > : ! 4 . \ LA BOTANIQUE. te DB | ke “& : [3 J. ROUSSEAU, CONTENANT TOUT CE QU IL A ÉCRIF SUR CETTE SCIENCE; . L'EXPOSITION DE LA MÉTHODE BOTANIQUE DE M. DE JUSSIEU; LA MANIÈRE DE FORMER LES HERBIERS, PAR M HAÜY. ALPARNIS CHEZ F. LOUIS, LIBRAIRE, RUE BE SAVOIP, ” n° 12. AN X—16002, # + "(a « $ é$ à 4: ol AA : Ace. os AUX à : 4 à Ÿ FRA LE 0. L sc Fa Aa FORMES ‘ae tte % 1 Hit Led] RE y PATTES A eTES ; be ‘hé as à , Mat: L . LENS . + Le r + LA S ! < # | Ep VAS 2 / } #20 Mae ( 1.1 È 1. Æ: a E) e" “{ 7 Ad : : M. + À L 4 Le, + 21 € - ? D ÿ Ld LI L * [I ' » * è ‘ L - M] Ar 41 14 - lai Li 4 L , » ; L « Vi à : 0 » AVIS DE L'ÉDITEUR. Less lettres de Rousseau sur la botanique ue se trouvent que dans la volumineuse collection de ses ouvrages, dont le format est incommode pour le botanophyle qui aime à s'égarer dans la campagne. Nous avons cru devoir en offrir au . public une édition plus portative, et destinée particulièrement à ceux qui aiment à s'occuper de cette partie de l'histoire naturelle que Jean- Jacques appelait avec raison la plus aimable et la plus facile des sciences. C'est en effet la seule exempte de ces préliminaires scientifiques qui effraient ou dégoûtent la jeunesse. Elle occupe sans exiger une pénible application : c'est l'étude de la paresse voluptueuse, êt plus on fait de pas dans le pays des fleurs et des parfums, plus on éprouve de jouissances. Eu réunissant dans un seul volume tout ce que l’anteur d'Emile a écrit : sur la botanique , nous rassemblons les passages disséminés dans ses œuvres, qui ont rapport à cette science. Son vocabulaire était insuffisant ; nous l'avons complété en y ajoutant les défin- tions des meilleurs maitres, et celles qui sont le plus généralement admises. Il a paru depuis quelque temps un assez grand nombre d'ouvrages sur la botanique. Tous offrent les systèmes de Tournefort et de Linnée; ce qui pousa fait abandonner le projet d'en présenter l'es. \t AVIS DE L'ÉDITEUR. quisse : nous nous bornons à exposer la méthode de de Jussieu, moins connue ; ucique méritant autant de l'être. Evfin nous terminons par la manière de former les herbiers, dont l'auteur, aussi modeste que savant, a bien voulu nous permettre de disposer. Après s'étre-occupé pen dant long-temps de la botanique , il a émbrassé upe autre pare de J'hustoire naturelle, dontril'a agrandi les limites. Confidentindiseret de‘hanas - ture, il vient de publier un ouvrage qui-place son auteur au premier rang parmi les minéra= logistes de l'Europe. S'exprimer de cette 1ma- nière, c'est désigner le savant Hay, iqui n'a pas dédaigné de nous communiquer ‘les obser= vations qu'il a faites sur les:moyens les: plus propres à conserver aux a leur 23 bet ornement. 4 1... Le goût de la ice étant DRE so éd nous croyons plaire au public en: lui présentant ce volume, dont le succès nous paraît d'autant moins douteux, qu'il est Wouvrage de Jean- Jacques , de de Jussieu et de Haüy. Des:noms pareils justifient notre confiance, ‘et garantissent ua accueil favorable, 11509 20M4 4 708 v INTRODUCTION. Lr premier malheur de la botanique est d’avoir été regardée, dès sa naissance, comme une partie de la médecine. Cela fit qu'on ne s'attacha qu'à trouver ou supposer des vertus aux plantes ; et qu'on négligea la connais: sance des plantes mêmes; car, comment se livrer aux courses immenses et continuelles qu'exige cette recherche, et en même temps aux travaux shehtiites du laboratoire et aux traitemnens des malades, par lesquels où parvient à s'assurer de la nature des'subs- tances végétales , et de leurs effets dans le corps MER] Cette fausse mañière d'envi- sager la Botanique en a long-temps rétréci l'étude, au point de la borner presque aux plantes usuelles, et de réduire la chaîne vé- gétale à un pétit nombre de chaînons inter- rompus. Encore ces chainons mêmes ont-ils été très-mal étudiés, parce qu'on y regar- dait seulement la matière et non pas l’or- ganisation. Comment se serait-on beaucoup occupé de la structure organique d'une subs- tance , ou plutôt d'une masse ramifiée qu'on e vi INTRODUCTION, ne songeait qu'a piler dans un mortier ? On ne cherchait des plantes que pour trouver des remèdes; on ne cherchait pas des plantes, mais des simples. C'était fort bien fait, dira-t-on; soit Mais il n'en a pas moins résulté que si l'on connaissait fort bien les remèdes, on ne laissait pas de connaître fort mal les plantes, et c'est tout ce que j'avance ici. La botanique n'était rien; il n'y avait point d'étude de la botanique, et ceux qui se pi- quaient le plus de connaître les plantes n'a- vaient aucune idée, ni de leur structure, ni de l'économie végétale. Chacunconnaissait de vue cinq ou six plantes de son.canton, aux- quelles il donnait des noms au hasard, enrichis de vertus merveilleuses qu'il lui plaisait de leur supposer , et chacune de æes plantes changée en panacée universelle suffisait seule pour immortaliser tout le genre humain. Ces plantes, transformées en baume et en emplä- tres , disparaissaient promptement , et fai- saient bientôt place à d’autres auxquelles de nouveaux venus, pour se distinguer , attri- buaient les mêmes effets. T'antôt c'était une plante nouvelle qu'on décorait d'anciennes vertus, el tantôt d'anciennes plantes, propos INTRODUCTION. ix sées sous de nouveaux noms, suffisaient pour enrichir de nouveaux charlatans. Ces plantes _ avaient des noms vulgaires différens dans chaque canton, et ceux qui les indiquaient pour leurs drogues , ne leur donnaient que des noms connus tout au plus dans le lieu qu'ilshabitaient ; et, quand leurs récipés cou- roient dans d'autres pays, on ne savait plus de quelle plante il y éiait parlé; chacun en substituait une à sa fantaisie , sans autre soin que de lui donner le même nom. Voilà tout l'art que les Myrepsus, les Hildegardes, les Suardus , les Villanova et les autres docteurs de ces temps-là mettaient à l'étude des plantes doritilsont parlé dans leurs livres; et il serait difficile peut-être au peuple d'en reconnaitre une seule sur leurs noms ou sur leurs des- criptions. 1 | À la renaissance des lettres, tout disparut pour faire place aux anciens livres ; il n'y eut plus rien de bon et de vrai que ce qui était dans Aristote et dans Galien. Au lieu d'étudier les plantes sur la terre, on ne les étudiait plus que dans Pline et Dioscoride; et il n'y a rien de si fréquent dans les auteurs de ces temps-là, que d'y voir nier l'existence è INTRODUCTION. d'une plante par l'unique raison que Diosco- ride n'en a pas parlé. Mais ces doctes plan- tes, il fallait pourtant les trouver en nature pour les employer selon les préceptes du ymat- tre. Alors on s'évertua, l'on se mit à cher- cher, à observer , à conjecturer ; et chacun ne manqua pas de faire tous ses eflorts-pour trouver dans la plante qu'il avait choisie les caractères décrits dans son auteurset, comme les traducteurs , les commentateurs, les pra- ticiens s'accordaient rarement sur le choïx, on donnait vingt noms à la même plante, et à vingt plantes le même nom ; chdcun'soute- nant que la sienne était la véritable ; et que toutes les autres n'étant pas celles dont Dios- coride avait parlé, devaient être proscrites de dessus la terre. De ce conflit résultèrent enfin des recherches, à la vérité plus attentives; et quelques bonnes observations quiméritèrent d'être conservées, mais en mêmetemps un tel chaos de nomenclature, que les médecins et les herboristes avaient absolument céssé de s'entendre entr'eux : il ne pouvait plus yavoir communication de lumières ,aln'y avait plus que des disputes de mots'et de noms; retmé- me toutes les recherches et descriptions utiles INTRODUCTION. x) étaient perdues faute de pouvoir décider de quelle plante chaque auteur avait parle. Ï commenca pourtant à se former de vrais botanistes, tels que Clusius , Cordus , Ce- salpin, Gesner ,'et à se faire de bons livres et instructifs sur celle matiére, dans les- quéls même on trouve déjà quelques tracés de méthode. Et c'était certainement une perte que ces pièces devinssent inutiles et imntel- higibles par la seule discordance dés noms, Mais de cela même que les auteurs commen: caient à réunir les espèces et à séparer les gen- res, chacun selon sa manière d'observer le portet la structure apparente, ilrésulta de nou: véaux inconvéniens ét une nouvélle obscurité, parce que chaque auteur, réglant sa nomen- clature sûr sa méthode, créait de nouveaux genres, où séparait les anciens, selon que le requérait le caractère des siens. Desorte qu'es: pèces et genres , tout était tellement méle , qu'iln'y avait presque pas de plante qui n'eût autant de noms différens, qu'il y avait d’au- teurs qui l'avaient décrite ; ce qui rendait étude de la concordance aussi = 7 et sou- vent plus difficile que celle dés plantes mêmes. Enfin, parurent ces deux illustrés frères ; xij INTRODUCTION. qui ont plus fait eux seuls pour le progrès de la botanique, que tous les autres ensemble qui les ont précédés et même suivis jusqu’à T'ournefort. Hommes rares, dont le savoir immense et les solides travaux consacrés à la botanique, les rendent dignes de l'immor- talité qu'ils leur ont acquise. Car, tant que _celte science naturelle ne tombera pas dans l'oubli, les noms de Jean et de Gaspard Bauhin vivront avec elle dans la mémoire des hommes. | Ces deux hommes entreprirent , chacun de son côté, une histoire universelle des plan- tes; et, ce qui se rapporte plus immédiate- ment à cet article, ils entreprirent Fun et l'autre d'y joindre une synonymie, c’est-à- dire, une liste des noms que chacune d'elles portait dans tous les auteurs qui les avaient précédés. Ce trayail devenait absolument né- cessaire pour qu'on pôt profiter des observa- üons de chacun d'eux; car, sans cela, 1l deve- nait presque impossible de suivre et déméler chaque plante à travers tant de noms diffé- rens., à MR MRUS L'ainéa exécuté à-peu-près cette entre- prise dans les trois volumes in-folio qu'on a INTRODUCTION: xii} imprimés après sa mort; ct il y à joint une critique si juste, qu'il s'est rarement trompé dans ses synonymies. Le plan de son frère était encore plus vaste» comme il paraît par le premier volume qu'il en a donné , et qui peut faire juger de l'im- mensite de tout l'ouvrage, s'il eût eu le temps de l'exécuter ; mais, au volume près dont je viens de parler, nous n'avons que les titres du reste dans son Pinax, et ce Pinax, fruit de quarante ans de travail, est encore aujour- d'hui le guide de tous ceux qui veulent tra- vailler sur cetle matière, et consulter les an- cienis auteurs. s . Comme la nomenclature des Bauhin n'é- tait formée que des titres de leurs chapitres , et que ces titres comprenaient ordinairement plusieursmots, de là vient l'habitude de n’em- ployer pour noms de plantes que des phra- ses louches assez. longues , ce qui rendait cette nomenclature non seulement trainante et embarrassante , mais pédantesque et ridi- cule.. Il y aurait à cela, je l'avoue, quelque avantage, si ces phrases avaient été mieux faites ;: mais composées indifféremment des. noms des lieux d'où venaient ces plantes ;: xiv INTRODUCTION. des noms des gens qui les avaient envoyées ; et même des noms d'autres plantes avec les- quelles on leur trouvait quelque similitude , ces phrases étaient des sources de nouveaux embarras et de nouvéaux doutes, puisque la connaissance d'une seule plante exigeaît celle de plusieurs autres , auxquelles sa dhralé ren- voyait , ef dont les noms n'étaient pas plus déterminés que le sien. Cependant les voyages de long cours en- richissaient incessamment la botanique de | nouveaux trésors; et, tandis que les anciens noms accablaient déjà la mémoire, il en fal- lit inventer de nouveaux sans cesse pour ks plantes nouvelles qu'on découvrait. Per- dus dans ce labyrinthe immense, les bota- nistes, forcés de chercher un fil pour s'en tirer, s'attachèrent enfin sériéusement à la méthode ; Herman, Rivin, Ray, propo+ Sèrent chacun la sienne : ‘maïs immortel Tournefort l'emporta sur eux tous; il rangea le premier systématiquement tout le règne végétal, et réformant en partie la nomencla- ture , la combina par ses nouveaux génrés avec PET de Gaspard Bauhin. Maïs loïn de la débarrasser de ses longues phrases, Où il INTRODUCTION. xv en ajouta de nouvelles, ou il chargea les an« ciennes des additions que sa méthode le for- çait d'y faire. Alors s introduisit l'usage bar. bare de her les nouveaux noms aux anciens . par un qui quae quod contradictoire , qui d'une même plante faisait deux genres tout différens. :: L - Dens leonis qui pilosella false minus led : : Doria que Jacobaea orientalis limonii folio: Titanokeratophyton quod Litophyton matinim albicans. Ainsi la nomenclature se chargéait. Les noms des plantes devenaient non seulement des phrâses , mais des périodes. Je n'en ci terai qu'un seul de Plukenet , quiprouvera que je n'exagèré pas, « Gramen my loico- « phorum carolianum , seu gramen al « 2iSsèmnim panicula mazima speciosa ; «è spicis majoribus compressiusculis (2 utrinque pinnatis blattam molenda- « ram -GQuodam modo referentibus' } & composita , foliis convolutus mucro- « ratis pungentibus.» ALMAG. 137. - C'en était fait de la botanique si ces prati- ques ‘eussènit été suivies ; devenué absolü- ment insupportable, lanomenclature ne pou: y xv) INTRODUCTION. vait plus subsister dans cet état, et il fallait de toute nécessité qu'il s’y fit une réforme, ou que la plus riche, la plus aimable, la plus fa- cile des trois parties de l'Histoire Naturelle füt abandonnée. | Enfin, M.Linnæus, plein de son systéme) sexuel et dés vastes idées qu'il lui avait sug- gérées, forma de projet d'une refonte géné- rale dont tout le monde sentait le besoïn , mais dont nul n'osait tenter l'entreprise. Il fit plus, il l'exécuta ,.et, äpres avoir préparé dans son Critica Botanica les règles sur lesquelles- ce travail devait être conduit ; il détermina, dans son Genera plantarum , les genres des plantes, ensuite les espèces dans son Species ; de sorte que , gardant | tous les anciens noms qui pouvaient s'acéor- der avee ces nouvelles règles, et refôndant tous les autres, il établit enfin une nomén- clature éclairée, fonidéé-sur les principes de l'art qu'il avait lui-même exposés. ]] con- serva tous ceux des anciéns genres qui étaient vraiment naturels ; il corrigea , simplifia, réunit ou divisa les autres, selon.que le re- quéraient les vrais caractères. Æt, dans da confection des noms, il suivait quelquefois . INTRODUCTION. Xi} un peu trop sévèrement ses propres règles. A l'égard des espèces, il fallait bien, pour les Me: des descriptions et des diffé- rences ; ainsi les phrases restaient toujours indispensables ; mais, s'y bornant à un petit nombre de mots techniques bien choisis et bien adaptés, il s'attacha à faire de bonnes et brèves définitions, tirées des vrais caractères de la plante, bannissant rigoureusement tout ce qui lui était étranger. Il fallut pour cela créer , pour ainsi dire, à la botanique une nouvelle langue, qui épargnät ce long circuit de paroles qu’on voit dans les anciennes des- criptions. On s'est plaint que les mots de cette langue n'étaient pas tous dans Cicéron. Cette plainte aurait un sens raisonnable, si Cicéron eût fait un traité complet de botanique. Ces mots cc endant sont tous grecs ou latins , expressifs , » courts, sonores, et forment mê- me des constructions élévantes par leur ex- trème précision. C'est dans la pratique jour- nalière de l'art qu'on sent tout l'avantage de cette nouvelle langue, aussi commode et né- cessaire aux botanistes, qu'est celle de l'al- gebre aux géomètres. Jusque là M. Linnæus avait déterminé le xvüj INTRODUCTION. plus grand nombre des plantes connues, mais il ne les avait pas nommées : cr ce m'est pas nommer une chose que de la définir; une phrase ne sera jamais un vrai mot , et n'en saurait avoir l'usage. Il pourvut à ce défaut par l'invention des noms triviaux, qu'il joi- gnit à ceux des genres, pour diivdées les espèces. De cette manière, le nom de chaque plante n'est composé jamais que de deux mots, et ces deux mots seuls, choisis avec discernement et appliqués avec justesse, font souvent mieux connaître Ja plante que ne le faisaient les longues phrases de Michelli et de Plukenet, Pour la connaître mieux encore; et plus régulièrement, on a la phrase qu'il faut savoir sans doute, mais qu'on n'a plus besoin de répéter à tout propos Neuet il ne faut que nommer l'objet. Rien n'était plus maussade et plus ridi- cule lorsqu'une femme , ou quelqu’un de ces hommes qui i leur ressemblent, vous deman- dait le nom d'une herbe ou d'une fleur dans un jardin, que la nécessité de cracher en réponse une longue enfilade de mots la- uns qui ressemblaient-à des évocations ma giques ; inconvénient suffisant pour rebuter INTRODUCTION. xix cespersonnes frivoles d'une étude charmante offerte avec un appareil aussi pédantesque. ? Quelque nécessaire , quelque avantageuse que füt cette labo» il ne fallait pas moins queletprofond savoir de: M. Linnæus pour la faire avecisuccès, et que la célébrité de ce grand. naturaliste pour la fairé universelle- ment adopter. Elle a d'abord éprouvé de la résistance ; elle en éprouve encore. Cela ne saurait. être autrement , ses rivaux dans la même carrière regardent cette adoption com- me un aveu d'infériorité qu'ils n’ont garde de faire; sa nomenclature paraît tenir telle- ment à son système, qu'on ne-s'avise guère de l'en séparer. Et les botanistes du premier ordre, qui se croient obligés par hauteur de n'adopter le système de personne, et d'avoir chacun le sien, n'iront pas sacrifier leurs | prétentions aux progrès d'un art dont l'ai mour dans ceux qui le professent est rare: ment désintéressé, | Les jalousies nationales s ‘opposent encore à l'admission d’un système étranger. On se croit obligé de soutenir les illustres de son pays, sur-tout lorsqu'ils ont cessé de vivre; car même l'amour-propre qui faisait souffrir xx INTRODUCTION. avec peine leur supériorité durant leur vie; s'honore de leur gloire après leur mort. Malgré tout cela, la grande commodité de cette nouvelle nomenclature et son utilité que l'usage a fait connaitre, l'ont fait adop- ter presque universellement seen toute l Eu- rope , plus tôt ou plus tard, à la vérité, mais enfin à pewprès par-tout, et même’ à, Paris. M. de Jussieu vient de l'établir au jardin du muséum d'histoire naturelle, préférant ainsi l'utilité publique à la gloire d'une nouvelle re- fonte que semblait demander la méthode des familles naturelles dont son illustre oncle est l'auteur, Ce n'est pas que cette nomenclature linnéenne n'ait encore ses défauts, et ne laisse de grandes prises à la critique ; mais en atten- dant qu'on en trouve une plus parfaite à qui rien ne manque, il vaut cent fois micux adop- ter celle-là que de n’en avoir aucune, ou de - retomber dans les phrases de "Fournefort et de Gaspard Bauhin. J'ai même peine à croire qu'une meilieure nomenclature püt avoir de- sormais assez de succès pour proscrire celle- ci, à laquelle les botanistes de 1 Europe sont déjà tout accoutumés, et c’est par la double chaine de l'habitude et de la commodité qu'ils INTRODUCTION. xxj ÿ renonceraient avec plus dé peine encore qu'ils n'en eurent à l'adopter. I faudrait , pour opérer ce changement, un auteur dont de crédit effacät celui de M. Linnæus, et à - l'autorité duquel l'Europe entière voulüt se soumettre une seconde fois, ce qui me pa- raît difficile à espérer. Car si son système, quelque: excellent qu'il puisse être, n'est adopté que par une seule nation, il jettera la botanique dans un nouveau labyrinthe, et nuira plus qu'il ne servira. Le travail même de M. Linnæus , bien qu'immense , reste encore imparfait, tant qu'il ne comprend pas toutes les plantes con- nues , et tant qu'il n'est pas adopté par tous les botanistes sans exception : car les livres de ceux qui ne s'y soumettent pas exigent de la part des lecteurs le même travail pour la concordance auquel ils étaient forcés pour les livres qui ont précédé. On a obligation à M. Crantz, malgré sa passion contre M.Lin- næus , d'avoir , en rejetant son système, adopté sa nomenclature. Mais M. Haller, dans son grand et excellent traité des plan- tes alpines, rejette à la fois l'un et l'autre, et M. Adanson fait encore plus , il prend une A sx INTRODUCTION: nomenclature toute nouvelle, ét ne fournit auèun rénsergnement pour y rapporter celle de M: Linnæus. M. Haller cite toujours les genres et quelquefois les phrases des espèces de M, Linnæus ; mais M. Adanson n’en cite jamais ni genres ni phrases. M. Haller s'at- taché à une synonymmie-exacte, par laquelle, quand il n'y joint pas la phrase de M. Lin- næus, on peut du moins la trouver inidirec- tement par le rapport des synonymes. Mais M. Linnæus et ses livres sont tout-à-fait nuls pour M. Adanson et pour ses lecteurs; il ne laisse aucun renseignement par lequel on s'y puisse reconnaître. Ainsi il faut opter entre M. Linnæus et M. Adanson qui l'exglut sans miséricorde , et jeter tous les livres de l’un ou de l’autre au feu. Ou bien il faut entre- prendre un nouveau travail, qui ne sera ni court ni facile, pour faire accorder deux noménclatures qui n ollre ent aucun gai de réunion, De plus, M. Linnœus n'a point. donné une synonymié complète. Il:s'est contenté, pour les plantes anciennement connues ; de citer les Bauhin et Clusius, ét'une figure de clique plante, Pôur les plantes exotiques dé- 7 OL AENTRODUCTION: : : sxiil couvertes récemment , il a cité un ou deux aûteurs modernes, et les figures de Rheedi , de Rumphius, et quelques autres, et s'en est tenu là. Son entreprise n’éxigeait pas de lui une compilation plus étendue , et c'était assez qu'il donnât un seul renseignement sûr pour chaque plante domtul parlait. Tel ést 'étar M des choses. Or, sur cét exposé , je demande à tout lecteur sensé comment il est possible de s'attacher à l'étude des plantes, en rejetant celle de la nomen- clature. C'est comme si l'on voulait se ren- dré savant dans une langue sans vouloir en apprendre les mois. Il est vrai que les noms sont arbitraires, que la connaissance des plan- tes ne tient point nécessairement à celle de la nomenclature ; et qu'il est aisé de supposer qu'un homme intelligent pourrait être un excellent botaniste, quoiqu'il ne connût pas une seule plante par son nom. Mais qu'un homme seul, sans livres et sans aucun secours des lumières communiquées, parvienne à de- venir de lui-même un très-médiocre bota- niste, c'est une assertion ridicule à faire et “une entreprise impossible à exécuter. Il s'agit de savoir si trois cents ans d'études et d'ob- «xiv INTRODUCTION. *" servations doivent être perdus pour la bo- tanique , si trois cents volumes de figures et de descriptions doivent être jetés au feu , si les connaissances acquises par tous les saväns, qui ont consacre leur bourse, leur vie et leurs veilles à des voyages immenses, coûteux, pé- nibles et périlleux, doiventiêtre inutiles à leurs successeurs, et si pee ce toujours de zéro pour son premier point, pourra parvenir de lui-même aux mêmes connaissances qu'une Jongue suite de recherches et d'études a répan- dues dans la masse du genre humain. Si cela n'est pas, et que la troisième et plus aimable partie de l'histoire naturelle mérite l’atten- tion des curieux , qu'on me dise comment on s'y prendra pour faire usage des connaissan- ces ci - devant acquises, si l'on ne commence par apprendre la langue des auteurs, et par savoir à quels objets se rapportent les noms employés par chacun d'eux. Admettre l'étude de la botanique et rejeter celle de la nomen- clature, c'est donc tomber dans la plus ab- surde contradiction. 2] 7 | se” - FRAGMENS UN DICTIONNAIRE DES TERMES D'USAGE EN BOTANIQUE À sruP»re. On donne l'épithète d'abrupte aux feuilles pinnées, au sommet desquelles manque la foliole unpaire terminale qu'elles ont ordi- nairement. Agruvoirs ou GowrriÈres. Trous qui se forment dans le bois pourri des chicots , et qui, retenant l'eau des pluies |, pourrisseut enfiu le resie du tronc. Acauzis. Sans tige. A1GRETTE. Toufle de filamens simples ou plumeux -qui couronnent les semences dans plu- sieurs genres de composées et d’autres fleurs. L'aigrette est ou sessile, c'est-à-dire, 1miné- diatement attachée autour de l'embryon qui les porte ; ou pédiculée , c'est-à-dire, portéepar un , pied, appelé en latin stipes , qui la uent élevée au-dessus de feupr 73 on. L'aigrette sert d'abord É I "11e AIL 3 ; s de calice au fleuron , ensuite elle RP chasse à mesure qu'ilse fane , pour qu'il ne reste pas sous la semence et ne l'empêche pas de mü- rir; elle garantit cette même semence nue de l'eau de la pluie qui pourrait la pourrir , et, lors- que la semence est müre, elle lui sert d’aile pour être portée et disséminée au loin par le vent. ArLée. Une feuille composée de deux folioles opposées sur le même pétiole s'appelle feuille ailée. A1ssELLE. Angle aigu on aie formé par une branche sur une autre branche, ou sur la tige, ou par une feuille sur une branche. AmAnpe. Semence enfermée dans un noyau. ANDROGYNE. Qui porte des fleurs mäles et des fleurs femelles sur le même pied. Ces mots androgyne et monoïque signifient absolument la même chose, excepté que , dans le premier ; on fait plus d'attention au différent. sexe des fleurs, et, dans le second, à leur assemblage sur le même individu. ° ANGIOSPERME, à semences enveloppées. Ce terme d'angiosperme convient également aux fruits à capsule et aux fruits à baie. r ANTHÈRE. Capsule ou boite portée par le filet de l'étamine , et qui, s'ouvrant au moment de la fécondation, répand la poussière prolifique. ANTHOLOGIE. Discours sur les fleurs. C'est le titre d'un livre de Pontedera, dans lequel 51 combat de toutesa force le systême sexuel, qu'il %., » : 48 L'AONA PH 3 eût sans doute adopté lui-même si les écrits de Vaillant et de Linnæus avaient précédé le sien. APHRODITES. M. Adanson donne ce nom à des animaux dont chaque individu reproduit son semblable par la génération, maïs sans aucun acte extérieur de copulation ou de fécondation, . tels que quelques pucerons, les conques, la plu- part des vers sans sexe, les insectes qui se reprc- duisent sans génération , mais par la section d'une partie de leur corps. En ce sens les plan- tes qui se multiplient par boutures et par cayeux peuvent étre appelées aussi aphrodites. Cette irrégularité, si contraire à la marche ordinaire de la nature, offre bien des difficultés à la défi- nition de l'espèce : est-ce qu'à proprement par- ler il n'existerait point d'espèce dans la nature, mais seulement des individus ? Mais on peut douter , je crois , s’il est des plantes absolument aphrodites, c'est-à-dire, qui n'ont réellement point de sexe et ne peuvent se multiplier par co- pulation. Au reste, 1l y a cette différence entre ces deux mots aphrodite et asexe, que le pre- mier s'applique aux plantes qui,n’ayant point de sexe, ne laissent pas de multiplier ; au lieu que l'autre ne convient qu'à celles qui sont neutres ou stériles, et mcapables de reproduire leur sem- blable. ApHyLLe. On pourrait dire effeuillé ; mais effeuillé signifie dont on a Ôté les feuilles , et aphylle, qui n'en a point. Pt 4 ARB AnrBr£. Plante d'une grandeur PPS dl qui n'a qu'un seul et principal tronc divisé en maitresses branches. | ARBRISSEAU. Plante ligneuse, de moindre taille que l'arbre, laquelle se divise ordinaire- ment dès la racine en plusieurs tiges. Les arbres et les arbrisseaux poussent en automne des bou- tons dans les aisselles des feuilles qui se déve- loppent dans le printemps, et s'épanouissent en fleurs et en fruits ; différence qui les distingue des sous-arbrisseaux. ArrTiCuLÉ. Tige, racines , feuilles, silique ; se dit lorsque quelqu'’une de ces parties de la plante se trouve coupée par des nœuds distri- bués de distance en distance. AXILLAIRE. Qui sort d'une aisselle. Bars. Fruit charnu ou succulent à une ou plusieurs loges. Baze. Calice dans les graminées. Boucon. Groupe de fleurettes amassées en tête. Bourczox. Germe des feuilles et des bran- ches. Bourox. Germe des fleurs, Bourure. Est une jeune branche que l'on coupe à certains arbres moelleux , tels que le figuier, le saule , le coignassier, laquelle reprend en terre sans racine. La réussite des boutures dé- pend plutôt de leur facihité à produire des raci- ues , que de l'abondance de la moelle des bran- us BR A 5 ches ; car l'oranger , le buis, l'ifet la sabine, qui ont peu de moelle, reprennent facilement de bouture. Brancues. Bras plans et élastiques du corps de l'arbre; ce sont elles qui lui donnent la figure: elles sont ou alternes, où opposées, ou verticil- lées. Le bourgeon s'étend peu-à-peu en bran- ches posées collatéralement , et composées des mêmes parties de la tige ; at lon prétend que l'agitation des franches causée par le vent est aux arbres ce qu'est aux animaux l'impulsion du cœur. On distingue : 1° Les maîtresses branches, qui tiennent im- médiatement au tronc, et d'où partent toutes les autres. 2° Les branches à bois, qui, étant les plus grosses et pleines de boutons plats, donnent la forme à un arbre fruitier, et doivent le con- server en partie. 3° Les branches à fruits sont plus faibles et ont des boutons ronds. 4° Les chiffonnes sont courtes et menues. 5° Les gourmandes sont grosses , droites et longues. 6° Les Veules sont longues et ne promettent aucune fécondité. 7° La branche aoûtée est celle qui, après le mois d'août, a pris naissance , s'endurcit et de- vieut noirâtre. 8 Eafin, la branche de faux-bois est grosse , ô BUL 171028 à l'endroit où elle devrait être menue, et ne donne aucune marque de fécondité. Buzzer. Est une racine orbiculaire composée de plusieurs peaux ou tuniques emboitées les unes dans les autres. Les bulbes sont plutôt des boutons sous terre que des racines ; ils en ont eux-mêmes de véritables, généralement pres- que cylindriques et rameuses. Caz1ice. Enveloppe extérieure ou soutien des autres parties de la fleur , etc. Comme il y a des plantes qui n’ont point de calice, 1l yen a aussi dont le calice se métamorphose peu-à-peu en feuilles de la plante , et réciproquement il y en a dont les feuilles de la plante se changent en calice : c'est ce qui se voit dans la famille de quelques renoncules, comme l’anémoné, la pul- satille, etc. é CAMPANIFORME Où CAMPANULÉE. Voyez CLocne. CariLzLAIREs. Onappelle feuilles capillaires, dans la famille des mousses, celles qui sont dé- liées comme des cheveux. C'est ce qu'on trouve souvent exprimé dans le synopsis de Ray, et dans l'histoire des mousses de Dillen, par le mot grec de trichodes. On donne aussi le nom de capillaires à une branche de la famille des fougères, qui porte comme elles sa fructification sur le dos des feuilles, et ne s'en distingue, que par la stature des. plantes qui la composent, beaucoup plus & CAP 7 petite dans les capillaires que dans les fougères, CapriFicarTioN. Fécondation des fleurs fe- melles d’une sorte de figuier dioïque par la pous- sière des étamines de l'individu mâle appelé caprifiguier. Au moyen de cette opération de La nature, aidée en cela de l'industrie humaine, les figues ainsi fécondées grossissent, mürissent et donnent une récolte meilleure et plus abon- dante qu'on ne l’obtiendrait sans cela. La merveille de cette opération consiste en ce que, dans le genre du figuier, les fleurs étant encloses dans le fruit , 1l n'y a que celles qui sont hermaphrodites, ou androgynes, qui sem- blent pouvoir être fécondées; car, quand les sexes sont tout-à-fait séparés , on ne voit pas comment la poussière des fleurs mâles pourrait pénétrer sa propre enveloppe et celle du fruit femelle jusqu'aux pistils qu'elle doit fécondez: c'est un insecte qui se charge de ce transport. Une sorte de moucheron , particulière au eaprifiguier , y pond, y éclôt, s'y couvre de la poussière des étamines , la porte par l'œil de la figue à travers les écailles qui garnissent l'entrée , justque dans l'intérieur du fruit ; et là cette poussière, ne trou- vant plus d'obstacle , se dépose sur l'organe des- tiné à la recevoir. L'histoire de cette opération a été détaillée en premier lieu par Théophraste , le premier, le plus savant, ou, pour mieux dire, l’umique et vrai botaniste de l'antiquité, et, après lui , par 8 . CAP P Pline, chez les anciens ; chez les modernes, par Jean Bauhin; puis par Tournefort sur les lieux mêmes; après lui, par Pontedera , et par tous les compilateurs de botanique et d'histoire natu- relle, qui n’ont fait que transcrire la relation de Tournefort. | CarsuLaïre. Les plantes capsulaires sont celles dont le fruit est à capsules. Ray a fait de celte division sa dix-neuvième classe. Herba vasculifera. CarsuLe. Péricarpe sec d'un fruit sec ; car on ne donne point, par exemple, le nom de cap- sule à l'écorce de la grenade, quoiqu’aussi sèche et dure que beaucoup d'autres capsules, parce qu'elle enveloppe un fruit mou. Carucnon, CaryprRA. Coiffe pointue qui couvre ordinairement l’urne des mousses. Le capuchon est d’abord adhérent à l’urne, mais ensuite il se détache et tombe quand elle appro- che de Ja maturité. CarroPuyLLée. Fleur caryophyllée, ouen œillet. Cayæux. Bulbes par lesquelles plusieurs li- liacées et autres plantes se reproduisent. CHAron. Assemblage de fleurs mâles ou fe- melles spiralement attachées à un axe ou récep- tacle commun, autour duquel ces fleurs pren- nent la figure d'une queue de chat: Il y a plus d'arbres à chatons mäles, qu'il n'y en a qu aient aussi des chatons femelles. C H A 9 Craume. (Culmus) Nom particulier dont on distingue la tige des graminées de celles des autres plantes, et à qui l'on donne pour carac- tère propre d'être géniculée et fistuléuse, quoi- que beaucoup d’autres plantes aient ce même caractère, et que les lèches et divers gramens des Indes ne l’aient pas. On ajoute que le chaume n'est jamais rameux, Ce.qui néanmoins souffre encore exception dans larundo calamagrostis et dans d’autres. Crocxe. Fleurs en cloches ou campaniformes. Cororé. Les calices, les bâles, les écailles, les enveloppes, les parties extérieures des plan- tes qui sont vertes ou grises, communément sont dites colorées lorsqu'elles ont une couleur plus éclatante et plus vive que leurs semblables s tels sont les calices de la circée, de la moutarde, de la carhne; les enveloppes de l'astrantia : la corolle des ornithogales blanes et jaunes est verte en dessous et colorée en dessus; les écailles du xeranthème sont si colorées, qu'on les prendrait . pour des pétales , et le calice du polygala , d'a- bord très-coloré, perd sa couleur peu-à-peu, et prend enfin celle d’un calice ordmaire. CorDon ombilical dans les capillaires et fou gères. CorxerT. Sorte de nectaire infundibuliforine. Corymse. Disposition de fleur qui tient le milieu entre l'ombelle et la panicule; les pé- dicules sont gradués le long de la tige comme ef 10 COR | 4 dans la panicule, et arrivent tous à la même hauteur, formant à leur sommet une surface plane. Le corymbe diffère de l'ombelle, en ce que les pédicules qui le forment, au lieu de partir du même centre, partent à différentes hauteurs, de divers points sur le même axe. CornymeirÈres, Ce mot semblerait devoir désigner les plantes à fleurs en corymbe , comme celui d'ombellifires désigne les plantes à fleurs en parasol. Mais l'usage n’a pas autorisé cette analogie ; l'acception dont je vais parler n’est pas même fort usitée; mais, comme elle a été employée par Ray et par d'autres botamistes , il la faut connaître pour les entendre. Les plantes corymbifères sont donc dans la classe des composées , et dans la section des discoïdes , celles qui portent leurs semences nues, c'est-à-dire, sans aigrettes m filets qui les couronnent ; tels sont les bidens, les armoïses, la tanaisie ,etc. On observera que les demi-fleu- ronnées à semences nues, comme la lampsane, l'hyoseris, la catanance, etc. ne s'appellent pas cependant corymbifères , parce qu'elles ne sont pas du nombre des discoïdes. Cosse. Péricarpe des fruits légumineux. La cosse est composée ordinairement de deux val- vules, et quelquefois n’en a qu’une seule. Cossox. Nouveau sarment qui croît sur la vigue après qu'elle est taillée. CO’ II Coryrépox. Foliole ou partie de l'embryon dans-laquelle s'élaborent et se préparent les sucs nutritifs de la nouvelle plante. ‘Les cotylédons, autrement appelés feuilles féminales , sont les premières parties de la plante qui paraissent hors de terre lorsqu'elle com- mence à végéter. Ces premières feuilles sont très-souvent d'une autre forme que celles qui les suivent, et qui sont les véritables feuilles de la plante ; car, pour l'ordinaire, les cotylédons ne tardent pas à se flétrir et à tomber peu après que la plante est levée , et qu’elle reçoit par d'autres parties une nourriture plus abondante que celle qu'elle trait par eux de la substance même de la semence. Il ya des plantes qui n'ont qu'un cotylédon, et qui, pour cela , s'appellent monocotylédones ; tels sont les palmiers, les lihiacées , les grami- nées et d'autres plantes : le plus grand nombre en ont deux , et s'appellent dicotylédones; si d'autres en ont davantage , elles s'appelleront po- lycotylédones. Les acotylédones sont celles qui n’ont point de cotyledons, telles que les fougè- res , les mousses, les champignons et toutes les - Cryptogames. Ces différences de la germination ont fourni à Ray, à d’autres botanistes , et, en dernier heu, à messieurs de Jussieu et Haller , la première ou la plus grande division notntelé du règne végétal. 12 CRU Müis, pour classer les plantes suivant cette mé- thode, il faut les examiner sortant de terre , dans leur première germination, et jusque:daus Ja semencé méme; ce qui est souvent fort diffi- cile, sur-tout pour les plantes marines et aqua- tiques, et pour les arbres et plantes étrangères : ou alpines qui refusent de germer et de naître dans nos jardins. CRUCIFÈRE où CRUCIFORME. Disposé en forme de croix. On donne spécialement le nom de crucifère à une famille de plantes dont le ca- ractère est d’avoir des fleurs composées de quatre pétales disposées en croix, sur un calice com- posé d'autant de foholes , et autour du pistil six étamines, dont deux, égales entre elles, sont plus courtes que les quatre autres, et les divisent également. | Curuzes. Sortes de pelites calottes ou cou- pes qui naissent le plus souvent sur plusieurs lichens et algues, dans le creux desquelles on voit les semences naître et se former, sur=tout dans le genre appelé jadis hépatique des fon- taines, et aujourd'hui marchantia. CyrmEe ou Cymier. Sorte d'ombelle qui n’a rien de régulier, quoique tous les rayons par- tent du même centre ; telles sont les fleurs de Jaubier, du chèvre-feuille, etc. Demi-FLeuronN. C'est le nom donné par Tournefort , dans les fleurs composées , aux fleurons échancrés qui garnissent le disque des M À DIÉ 13 lactucées, et à ceux qui forment le contour des radiées. Quoique ces deux sortes de demi-fleu- rons soient exactement de même figure , et pour cela confondues sous le même nom par les bo- tanistes , ils diffèrent pourtant essentiellement, en ce que les premiers ont toujours des étami- nes, etque les autres n'en ont jamais. Les demi- -fleurons, de même que les fleurons , sont toujours supères, et portés par la semence, quiest portée à son tour par le disque ou réceptacle de la fleur. Le demi-fleuron est formé de deux parties ; l'in- férieure qui est un tube ou cylindre très-court, et la supérieure qui est plane, taillée en lan- guette , et à qui l'on en donne le nom. Voyez FLEURON, FLEUR. Drécre ou Drœcre. Habitation séparée. On donne le nom de diécie à une classe de plantes composées de toutes celles qui portent leurs fleurs mâles sur uu pied, et leurs fleurs femelles sur un autre pied. Drerré. Une fleur est digitée lorsque les fc- hioles partent toutes du sommet de son pétiole comme d'un centre commun. Telle est, par exemple la feuille du marronier d'Inde, Droiques. ‘Toutes les plantes de la diécie sont dioïques. Disques. Corps intermédiaire qui tient la fleur ou quelques-unes de ses parties élevées au- dessus du vrai réceptacle, .. Quelquefois on appelle disque le réceptacle E ch f . 14 DRA 1 même, comme dans les composées;alors on dis- tingue la surface du réceptable, ou le disque, du contour qui le borde ,et qu'on nomme rayon. Disque est aussi un corps charnu qui se trouve dans quelques genres de plantes, au fond du ca- lice, dessous l'embryon ; quelquefois les étami- nes, sont attachées autour de ce disque. DraAceons. Branches enracinées qui tiennent au pied d'un arbre, ou au tronc, dont on ne peut les arracher sans l’éclater. Ecarzzes ou Parzrerres. Petites languettes paléacées qui, dans plusieurs genres de fleurs composées, implantées sur le réceptable, dis- tinguent et séparent les fleurons ; quand les pail- lettes sont de simples filets, on les appelle des poils; mais, quand elles ont quelque largeur, elles prennent le nom d'écailles. Il est singulier, dans le xeranthème à fleur dou- ble, que les écailles autour du disque s'alon- gent, se colorent, et prennent l'apparence de vrais demi-fleurons, au point de tromper , à l'aspect, quiconque n'y regarderait pas de bien près. On donne très-souvent le nom d'écaiiles aux calices des chatons et des cônes : on le domne aussi aux folioles des calices imbriqués des fleurs en tête, tels que les chardons, les jacées , et à celles des calices de substance sèche et sca- rieuse du xeranthème et de la catananche. La tige des plantes, dans quelques espèces, est .— 4 b. e ÉCO | 15 aussi chargée d'écailles : ce sont des rudimens coriaces de feuilles qui quelquefois en tiennent lieu, comme dans l’orobanche et le tussilage. Enfin on appelle encore écailles les envelop- pes imbriquées de bâles de plusieurs liliacées , _et les bâles ou calices aplatis des schœnus, et d'autres graminacées. Éconcr. Vêtement ou partie enveloppante du tronc et des branches d’un arbre. L’écorce est moyenne entre l'épiderme à l'extérieur et le Ziber à l'intérieur ; ces trois enveloppes se réu- nissent souvent dans T usage vulgaire , sous le nom commun d'écorce. EvuLe, EDULIS. Bon à manger. Ce mot est du nombre de ceux qu'il est à desirer qu'on fasse passer du latin dans la langue umiverselle de la botanique. Exrrs-Nœups. Ce sont dans les chaumes des graminées les intervalles qui séparent les nœuds d'où naissent les feuilles. IL y a quelques gra- mens, mais en bien petit nombre , dont le chaume nu d'un bout à l’autre est sans nœuds, et par conséquent sans entre-nœuds, tel , par exemple , que l'arra cærulea. Ép£rox. Protubérance en forme de cône droit ou recourbé , faite dans plusieurs sortes de fleurs par le prolongement du nectaire. Tels sont les éperons des orchis, des hinaires, des ancohes, des pieds-d'alouettes, de plusieurs géranium et de beaucoup d'autres plantes. F L # 16 ÉPI à Ép1. Forme de bouquet dans laquelle les fleurs © sont attachées autour d'un axe ou réceptacle commun formé par l'extrénuté du ehaume ou de la tige unique. Quand les fleurs sont pédieu- lées, pourvu que tous les pédicules soient sim- ples et attachés immédiatement à l'axe, le bou- quet s'appelle toujours épi ; mais, dans l’'épi ri- goureusement pris, les fleurs sont sessiles.. Éproerme. (l') Est la peau fine extérieure qui enveloppe les couches corticales; c'est une membrane très-fine, transparente , ordinaire- ment sans couleur, élastique et un peu poreuse. L Esrice. Réunion de plusieurs variétés , ou mdividus, sous un caractère commun qui les distingue de toutes les autres plantes du même genre. Éramines. Agens masculins de la féconda- tion ; leur forme est ordinairement celle d’un filet qui supporte une tête appelée anthère ou sommet. Cette anthère est une espèce de cap- sule qui contient la poussière prolifique. Cette poussière s'échappe, soit par explosion, soit par d latation , et va s'introduire dans le stigmate , pour étre portée jusqu'aux ovaires qu’elle fé- conde, Les étamines varient par la forme et par le nombre. Érexparr. Pétale supérieur des fleurs légu- mineuses. Exverorrs. Espèce de calice qui contient plu- sieurs fleurs, comme dans le pied-de-veau , le Le” », FAN 17 figuier, les fleurs à fleurons. Les fleurs garnies d'une enveloppe ne sont pas pour cela dépour- vues de calice. FANE. La fane dAne plante est l'assemblage -des feuilles d'en bas. FéconpaTion. Opération naturelle par la- quelle les étamines portent, au moyen du pistil, jusqu'à l'ovaire , le principe de vie nécessaire à la maturisation des sentences et à leur germi- nation. FeuiLLes. Sont des organes nécessaires aux * plantes pour pomper l'humidité de l'air pendant la nuit, et faciliter la transpiration durant le jour ; elles suppléent encore dans les végétaux au mouvement progressif et spontané des ani- maux , eten donnant prise au vent pour agiter les plantes et les rendre plus robustes. Les plan- tes alpines, sans cesse battues du vent et des ou- -ragans, sont toutes fortes et vigoureuses ; au con- . traire, celles qu'on élève dans un jardin ont un air trop calme, y prospèrent moins , et souvent Janguissent et dégénèrent. Fizer. Pédicule qui soutient l'étamine. On donne aussi le nom de filets aux poils qu'on voit sur la surface des tiges, des feuilles, et même des fleurs de plusieurs plantes. Freur. Si je livrais mon imagination aux douces sensations que ce mot semble appeler , je pourrais faire un article agréable peut-être aux bergers, mais fort mauvais pour les bota- 18 FLE nistes. Écartons done un moment les vives cou- leurs, les odeurs suaves, les formes élégantes, pour chercher premièrement à bien connaître l'être organisé qui les rassemble. Rien ne paraît d'abord plus facile ; qui est-ce qui croit avoir besoin qu'on lui apprenne ce que c'est qu'une fleur ? Quand on ne me demande pas ce que c'est que le temps, disait S. Augustin, je le sais fort bien; je ne le sais plus quand on me le demande. On en pourrait dire autant de la fleur , et pent-être de la beauté même, qui, comme elle , est la rapide proie du temps. En effet, tous les botanistes qui ont voulu donner jusqu'ici des définitions de la fleur ont échoué dans cette entreprise, et les plus illustres, tels que messieurs Linnæus , Haller, Adanson, qui sen- aient mieux la difficulté que les autres, w'ont pas même tenté de la surmonter, et ont laissé la fleur à définir. Le premier a bien donné, dans sa Philosophie botanique, les définitions de Jun- gins, de Ray, de Tournefort, de Pontedera, de Ludwig, mais sans en adopter aucune, et sans en proposer de son chef. Avant lui Pontedera avait bien senti et bien exposé cette difficulté ; mais 1} ne put résister à la tentation de la vaincre. Le lecteur pourra bientôt juger du succès. Disons maintenant en quoi cette difliculté consiste , sans néanmoins compter , si je tente à mon tour de lutter contre elle, de réussir mieux qu'on n’a fait jusqu'ici, FLE 19 On me présente une rose, et l’on me dit: voilà une fleur. C’est me la montrer, je l'avoue, mais ce n'est pas la définir , et cette mspection ne me sufhira pas pour décider sur toute autre plante , si ce que je vois est, ou n'est pas la fleur: car 1l y a une multitude de végétaux qui n'ont dans aucune de leurs parties Ja couleur apparente que Ray, Tournefort, Jungins, font entrer dans la définition de la fleur , et qui pour- tant portent des fleurs non moins réelles que celles du rosier , quoique bien moins appa- rentes, On prend généralement pour la fleur, la partie colorée de la fleur qui est la coroile, mais on s'y trompe aisément ; 1} y a des bractées et d'au- tres organes autant et plus colorés que la fleur même , et qui n'en font point partie, comme on le voit dans l’ormin, dans le blé-de-vache, dans plusieurs amarantes et chenopodium; il y a des multitudes de fleurs qui n’ont point du tout de corolle , d'autres qui l'ont sans couleur, si petite et si peu apparente, qu'il n’y a qu'une recher- che bien soigneuse qui puisse l'y faire trouver. Lorsque les blés sont en fleurs, y voit-on des pé- tales colorés ? en voit-on dans les mousses , dans les graminées? en voit-on dans les chatons du noyer, du hêtre et du chêne, dans l’aune, dans le noisetier, dans le pin, et dans ces multitudes d'arbres et d'herbes qui n'ont que des fleurs à étamimes ? Ces fleurs néanmoins n’en portent pas 0 FLE moins le nom de fleurs : l'essence de la fleur n'est donc pas dans Ja corolle. Elle n'est pas non plus séparément dans au- cune des autres parties constituantes de la fleur, puisqu'il n'y a aucune de ces parties qui ne man- que à quelques espèces de fleurs. Le calice man- que, par exemple, à presque toute la famille des liliacées, et l'on ne dira pas qu'une tulipe ou un lis ne sont pas une fleur. S'il y a quel- ques parties plus essentielles que d'autres à une fleur, ce sont certainement le pistil et les éta- mines. Or, dans toute la famille des cucurbita- cées et même dans toute la classe des monoïques, la moitié des fleurs sont sans pistil , l’autre moi- Uué sans étamines , et cette privation n'empêche pas qu'on ne les nomme et qu'elles ne soient les unes et les autres de véritables fleurs. L’es- sence de la fleur ne consiste donc ni séparément dans quelques-unes de ses parties dites consti- tuantes , n1 même dans l'assemblage de toutes ces parties. En quoi donc consiste proprement cette essence ? Voilà la question, voilà la dif- ficulté , et voici la solution par laquelle Ponte- dera a tâché de s'en tirer. : La fleur, dit il, est une partie dans la plante différente des autres par sa nature et par sa for- me, toujours adhérente et utile à l'embryon, si Ja fleur a un pistil, et si le pistil manque, ne tenant à nul embryon. Cette définition péche, ce me semble! en ce de, FLE 21 qu’elle embrasse trop. Car lorsque le pistil man- que, la fleur n'ayant plus d'autre caractère que de différer des autres parties de la plante par sa nature ‘et par sa forme, on pourra donner ‘ce nom aux bractées , aux stipules , au nectarium , aux épines , de à tout ce qui n’est ni feuilles ni branches. Et quänd la co- rolle est tombée et que le fruit approche de sa maturité , on pourrait encore donner le nom de fleur au calice et au réceptable, quoique réelle- ment il ny ait alors plus de fleur. S1 donc cette définition convient omn1, elle ne convient pas soli , et manque par là d’une des deux princi- pales conditions requises. Elle laisse d’ailleurs un vide dans l'esprit, qui est le plus grand dé- faut qu'une définition puisse avoir. Car après avoir assigné l'usage de la fleur au profit de l'embryon quand elle y adhère, elle fait sup- poser totalement inutile celle qui n'y adhère pas. Et cela remplit mal l'idée que le botaniste doit avoir du concours des parties et de leur emploi dans le jeu de la machine organique. Je crois que le défaut général vient 1c1 d'a- voir trop considéré la fleur comme une subs- tance absolue , tandis qu'elle n’est, ce me sem- ble, qu'un 7 collectif et mlutir: et d'avoir trop raffiné sur les idées , tandis qu “il fallait se borner à celle qui se présentait naturellement. Selon cette idée , la fleur ne me parait être que l'élat passager des parties de la fructificatiou 22 FLE durant la fécondation du germe ; de là suit que quand toutes les parties de la fructification se- ront réunies, il n'y aura qu'une fleur. Quand elles seront séparées, il y en aura autant qu'il y a de parues essentielles à la fécondation; et comme ces parties essentielles ne sont qu'au nombre de deux, savoir, le pistil et les étami- nes, 1l n y aura par conséquent que deux fleurs, l'une mâle et l’autre femelle, qui soient néces- saires à la frucüfication. On en peut cependant supposer une troisième qui réunirait les sexes séparés dans les deux autres. Mais alors si toutes ces fleurs étaient également fertiles , la troi- sième rendrait les deux autres superflues, et pourrait seule suflire à l'œuvre, ou bien 1l y au- rait réellement deux fécondations ; et nous n’exa- minons 1c1 la fleur que dans une. La fleur n'est donc que le foyer et l'instru- ment de la fécondation. Une seule suffit quand elle est hermaphrodite. Quand elle n'est que mäle ou femelle, il en faut deux, savoir, une de chaque sexe ; et si l'on fait entrer d'autres parties, comme le cahce et la corolle dans la composition de la fleur , ce ne peut être comme essentielles, mais seulement comme nutritives et conservatrices de celles qui le sont. Il y a des fleurs sans calice , 1l en y en a sans corolle. Il y en a même sans l'un et sans l’au- tre; mais il n'y en a point, et äl n'y en saurait avoir. qui soient en même temps sans pistil et sans étamines. FLE 23 La fleur est une partie locale et passagère de la plante qui précède la fécondation du germe, et dans laquelle ou par laquelle elle s'opère. Je ne m'étendrai pas à justifier 1c1 tous les termes de cette définition, qui peut-être n’en vaut pas la peine; je dirai seulement que le mot précède m'y paraît essentiel, parce que le plus souvent la corolle s'ouvre et s'épanouit avant que les anthères s'ouvrent à leur tour ; et , dans ce cas, 1l est incontestable que la fleur préexiste à l'œuvre de la fécondation. J'ajoute que cette fécondation s'opère dans elle ou par elle, parce que, dans les fleurs mâles des plantes androgynes et dioiques , 1l ne s'opère aucune fructifiation , et qu'elles n’en sont pas moins des, fleurs pour cela. - Voilà, ce me semble, la notion la plus juste qu'on puisse se faire de la fleur, et la seule qui ne laisse aucune prise aux objections qui ren- versent. toutes les autres définitions qu'on a tenté d'en donner jusqu'ici. Il faut seulement ne pas prendre strictement le mot durant que j'ai employé dans la mienne ; car, même avant que la fécondation du germe soit commencée, on peut dire que la fleur existe aussitôt que les organes sexuels sont en évidence , c’est-à-dire, aussitôt que la corolle est épanowe, et d'ordi- naire les anthères ne s'ouvrent pas à la pous- sière séminale dès l'instant que la corolle s'ou- vre aux anthères : cependant la fécondation ne 24 FLE peut commencer avant que les anthères soient ouvertes. De même l’œuvre de la fécondation s'achève souvent avant que la corolle se flétrisse et tombe : or, jusqu'à cette chûte, on peut dire que la fleur existe encore. Il faut donc donner nécessairement un peu d'extension au mot du- rant pour pouvoir dire que la fleur et l'œuvre - de la fécondation commencent et finissent en- semble. Comme généralement la fleur se fait remar- quer par sa corolle, partie bien plus apparente que les autres par la vivacité de ses couleurs , c'est dans cette corolle aussi qu'on fait machinale- ment consister l'essence de la fleur ; et les bota- nistes eux-mêmes ne sont pas toujours exempts de cette petite illusion ; car souvent ils em- ploient le mot de fleur pour celui de corolle ; mais ces petites impropriétés d'inadvertance im- portent peu, quand elles ne changent rien aux idées qu'on a des choses quand on y pense. De là ces mots de fleurs monopétales, polypétales, de fleurs labiées, personnées , de fleurs régu- lières , irrégulières, etc. qu'on trouve fréquem- ment dans les livres méme d'institutions. Cette petite impropriété était non seulement pardon- uable, mais presque forcée à Tournefort et à ses contemporains, qui n'avaient pas encore le mot de corolle, et l'usage s'en est conservé de- puis eux par l'habitude sans grand inconvénient. Mais 1l ne serait pas permis à moi, qui remar- FLE 25 que cette incorrection, de l'imiter ici; ainsi je renvoié au mot corolle à parler de ses formes diverses et de ses divisions. | Mais je dois parler ic1 des fleurs composées et simples, parce que c'est la fleur même et non la corolle qui se compose, comme on le va voir après l'exposition des parties de la fleur simple. On divise cette fleur en complète et incom- plète. La fleur complète est celle qui contient toutes les parties essentielles ou concourantes à la fructification , et ces parties sont au nombre de quatre ; deux essentielles , savoir, le pistil et l'étamine, ou les étamines ; et deux accessoires ou concourantes; savoir, la corolle et le calice, à quoi l'on doit ajouter le disque ou réceptacle qui porte le tout. La fleur est complète quand elle est compo- sée de toutes ces parties; quand 1l lui en man- que quelqu’une, elle est incomplète. Or la fleur incomplète peut manquer non seulement de co- rolle et de calice, mais même de pistil ou d'é- tamines; et, dans ce dernier cas , 1l ya toujours une autre fleur, soit sur le même individu, soit sur un différent, qui porte l'autre partie essen- tielle qui manque à celle-ci; de là la division en fleurs hermaphrodites, qui peuvent être com- piètes ou ne l'être pas, et en fleurs purement mâles ou femelles, qui sont toujours incomplètes. La fleur hermaphrodite incomplète n'en est pas moins parfaite pour cela, puisqu'elle se sufht 2 26 FLE à elle-même pour opérer la fécondation; mais elle ne peut être appelée complète, puisqu'elle manque de quelqu'une des parties de celles qu'on appelle amsi. Une rose ; un œillet, sont, par exemple , des fleurs parfaites et complètes, parce qu'elles sont pourvues de toutes ces par- ties. Mais une tulipe, un lis, ne sont point des fleurs complètes, quoique parfaites, parce qu'elles n'ont point de calice ; de même la jolie petite fleur appelée paronychia est parfaite comme hermaphrodite, mas elle est incom- plète, parce que, malgré sa riante couleur, il lui manque une corolle. Je pourrais, sans sortir encore de la section des fleurs simples, parler ici des fleurs régu- lières, et des fleurs appelées irrégulières. Mais, comme ceci se rapporte principalement à la. co- rolle, il vaut nneux sur cet article renvoyer le lecteur à ce mot. Reste donc à parler des oppo- sitions que peut souffrir ce nom de fleur simple. Toute fleur d’où résulte une seule fructifica- tion est une fleur simple. Mais si d'une seule fleur résultent plusieurs fruits, cette fleur s'ap- pellera composée, et cette pluralité n’a jamais licu dans les fleurs qui n'ont qu'une corolle. Ainsi toute fleur composée a nécessairement non seulement plusieurs pétales, mais plusieurs corolles; et pour que la fleur soit réellement composée, et non pas une seule agrégation de plusieurs fleurs simples, 1l faut que quelqu'une FLE 27 des parties de la fructification soit commune à tous les fleurons composans, et manque à cha- cun deux en particulier. . Jeprends , par exemple, une fleur de laite- ron , la voyant remplie de plusieurs petites fleu- rettes, et je me demande si c'est une fleur com- posée. Pour savoir cela , j'examine toutes les parties de la fructification l'une après l'autre , et je trouve que chaque fleurette à des étamines, un pistil, une corolle, mais qu'il n'y a qu'un seul réceptacle en forme de disque qui les re- çoit toutes, et qu'il n'y a qu'un seul grand ca- lice qui les environne ; d'où je conclus que Ja fleur est composée, puisque deux parties de la fructification , savoir , le calice et le réceptacle, sont communes à toutes et manquent à chacune en particulier. Je prends ensuite une flaue de scabieuse où je distingue aussi plusieurs fleurettes ; je l'exa- mine de même; et je trouve que chacune d'elles est pourvue en son particulier de toutes les par- ties de la fructification , sans en excepter le ca- lice et même le réceptacle, puisqu'on peut re- garder comme tel le second calice qui sert de hgse à la semence. Je conclus donc que la sca- bieuse n'est point une fleur composée; quoi- qu'elle rassemble comme elle plusieurs fleu- rettes sur un même disque et dans un même calice. Comme ceci pourtant est sujet à dispute, sur« 20 FLE tout à cause du réceptacle , on tire des fleurettes même un caractère plus sûr, qui convient à toutes celles qui constituent proprement une fleur composée , et qui ne convient qu'à elles ; cest d'avoir cinq étamines réunies en tube où cylindre par leurs anthères autour du style et divisées par leurs cinq filets au bas de la co- rolle. Toute fleur dont les fleurettes ont leurs anthères amsi disposées est donc une fleur com- posée, et toute fleur où l’on ne voit aucune fleu- rette de cette espèce n’est point une fleur com- posée, et ne porte même au singulier qu'im- proprement le nom de fleur, puisqu'elle est réellement une agrégation de plusieurs fleurs. Ces fleurettes partielles qui ont ainsi leurs anthères réunies, et dont l'assemblage forme une fleur véritablement composée, sont de deux espèces ; les unes, qui sont régulières et tubulées, s'appellent proprement fleurons , les autres ; qui sont échancrées et ne présentent par le haut qu'une languette plane et le plus souvent den- telée, s'appellent demi-fleurons; et des combi- naisons de ces deux espèces dans la fleur totale, résultent trois sortes principales de fleurs com- posées , savoir, celles qui ne sont garnies que de fleurons, et celles qui ne sont garnies que demi- fleurons, et celles qui sont mélées des uns et des autres Les fleurs à fleurons ou fleurs féusoiblé se divisent encore en deux espèces , relativement E LE 2) à leur forme extérieure; celles qui présentent une figure arrondie en manière de tête, et dont le calice approche de la forme hémisphérique, s'appellent fleurs en tête, capitati. Tels sont, par exemple , les chardons, les artichauts, L chausse-trape. Celles dont le réceptacle est plus aplati , en sorte que leurs fleurons forment avec le calice une figure à-peu-près cylindrique , s'appellent fleurs en disque , discoïder. La santoline, par exemple, et l’eupatorre , offrent des fleurs en disque ou discoïdes. Les fleurs à demi-fleurons s'appellent demi- fleuronnées , et leur figure extérieure ne varie pas assez régulièrement pour offrir une division semblable à la précédente. Le salsifis, la scor- sonère, le pissenlit, la chicorée , ont des fleurs demi-fleuronnées. ù _ A l'égard rs mixtes, les demi-fleu- rons ne s'y in | parmi LA fleurons en con- fusion, sans'ordre; mais les fleurons occupent le centre du dicqhe: les denu-fleurons en gar- nissent la circonférence et forment une cou- ronne à la fleur, et ces fleurs ainsi couronnées portent le nom de fleurs radiées. Les reines- marguerites et tous les asters, le souct , les so- leils , la porre de terre portent tous des fleurs radiées. Toutes ces sections forment encore dans les fleurs composées, et relativement au sexe des 30 FLE fleurons, d'autres divisions dont a" sera parlé dans l'article FLEURON. Les fléurs simples ont une autre sorte d'oppo- sition dans celles qu'on appelle fleurs doubles ou pleines. La fleur double est celle dont quelqu'une des parties est multipliée au-delà de son nombre naturel, mais sans que cette multiplication nuise à la fécondation du germe. Les fleurs se doublerit rarement par le calice, presque jamais par les élarmines. Leur multipli- cation la plus commune se ‘fait par la corolle. Les exemples les plus fréquens en sont dans les fleurs polypétales , comme œillets’, anémones, renoncules ; les fleurs monopétales doublent moins communément. Cependant on voit assez souvent des campanules, des primevères , des auricules, et sur-tout des jacinthes à fleur double. - Ce mot de fleur doubleïfe marque pas dans le nombre des pétales une De mltipfftation, mais une multiplication quelconque. Soit que le nombre des pétales devienne double, triple, quadruple , etc. tant qu'ils ne multiplient pas au point d'étouffer la fructification , la fleur garde toujours le nom de fleur double; mais lorsque les pétales trop multipliés font dispa- raitre les étamines ét avorter le germe, alors la fleur perd le nom de fleur double, et prend celui de fleur pleine, On voit par là que la fleur double est encore LA FLE 31 dans l’ordre de la nature , mais que la fleur pleine n’y est plus, et n’est qu'un véritable monstre. Quoique la plus commune plénitude des fleurs se fasse par les pétales, il y en a néanmoins qui se remplissent par le calice, et nous en avons un exemple bien remarquable dans limmor- telle-appelée xeranthème. Cette fleur qui paraît radiée, et qui réellement est discoïde, porte ainsi que la carline un calice imbriqué , dont le rang intérieur a ses folioles longues et colorées ; et cette fleur, quoique composée, double et mul- tiplie tellement par ses brillantes folioles, qu'on les prendrait | garmissant la plus grande partie du disque, pour autant de demi-fleurons. Ces fausses apparences abusent souvent les yeux de ceux qui ne sont pas botanistes : mais quiconque est initié dans l'intime structure des fleurs ne peut s’y tromper un moment. Une fleur demi-fleuronnée ressemble extérieurement à une fleur polypétale pleine; mais il y a tou- jours cette différence essentielle que, dans la première, chaque demi-fleuron est une fleur par- faite qui a son embryon, son pistil et ses étami- nes; au lieu que, dans la fleur pleme, chaque pétale multiplié n’est toujours qu'un pétale qui ne porte aucune des parties essentielles à la fruc- tification. Prenez l'un après l'autre les pétales d'une renoncule simple , ou double, où pleine, vous ne trouverez dans aucun nulle autre chose que le pétalé même ; mais, dans le pissenlit, 32 FLE chaque demi-fleuron', garni d'un style entouré d'étamines , n'est pas un simple pétale, mais une véritable fleur. On me présente une fleur de nymphea jaune, et l'on me demande si c'est une composée ou une fleur double. Je réponds que ce n’est mi l'une ni l'autre. Ce n'est pas une composée, puis- que les folioles qui l'entourent ne sont pas des demi-fleurons ; et ce n’est pas une fleur double, parce que la duplication n’est l'état naturel d’au- cune fleur , et que l’état naturel de la fleur de nymphea jaune est d’avoir plusieurs enceintes de pétales autour de son embryon. Ainsi cette multiplicité n'empêche pas le nymphea jaune d'être une fleur simple, La constitution commune au plus grand nom- bre des fleurs est d'être hermaphrodites; et cette constitution paraît en effet la plus conve- nable au règne végétal , où les individus, dé- pourvus de tout mouvement progressif el spon- tanée , ne peuvent s'aller chercher l'un l'autre quand les sexes sont séparés. Dans les arbres et les plantes où ils le sont, la nature, qui sait varier ses moyens, à pourvu à cet Hbitecle mais il n'en est pas moins vrai généralement que des êtres immobiles doivent, pour perpétuer leur espèce, avoir en eux-mêmes tous les ins- trumens propres à cette fin. Freur murirée. Est celle qui, pour l'or- dinaire par défaut de chaleur , perd ou ne pro- FLE 33 duit point la corolle qu'elle devrait naturelle- ment avoir. Quoique cette mutilation ne doive point faire espèce , les plantes où elle a lieu se distinguent néanmoins dans la nomenclature de celles de même espèce qui sont complètes, comme on peut le voir dans plusieurs espèces de quamoclit , de cucuballes, de Tussilages, de campanules , etc. FLeurgrre. Petite fleur complète qui entre dans la structure d’une fleur agrégée. . Freurox. Petite fleur incomplète qui entre dans la structure d'une fleur composée. Voyez ._ FrEur. | Voici quelle est la structure naturelle des fleurons composans. r. Corolle monopétale tubulée à cinq dents, supère. 2. Pistil alongé, terminé par deux stigmates réfléchis. 3. Cinq étamines dont les filets sont séparés par le bas, mais formant par l'adhérence de leurs anthères un tube autour du pistil. - 4. Semence nue alongée ayant pour base le réceptacle commun , servant elle-même, par son sommet, de réceptacle à la corolle. 5. Aigrette de poils ou d'écailles couronnant la semence, et figurant un calice à la base de Ia corolle. Cette aigrette pousse de bas en haut la corolle, la détache et la fait tomber lorsqu'elle est flétrie , et que la semence accrue approche de sa maturité. 34 FRU Cette structure commune et générale des fleu- rons souffre des exceptions dans plusieurs genres - de composées , et ces différences constituent méme des sections qui forment autant de bran- ches dans cette nombreuse famille. | Celles de ces différences qui tiennent à la structure même des fleurons ont été ci-devant expliquées au mot FLEUR. J'ai maintenant à parler de celles qui ont rapport à la fécondation. L'ordre commun des fleurons dont je viens de parler est d’être hermaphrodites, et ils se fé- condent par eux-mêmes. Mais il y en a d’autres qui, a yant des étamines et n'ayant point de ger- me, portent le nom de mâles ; d’autres qui ont un germe , et n'ont point d'étamines, s'appellent fleurons femelles ; d'autres qui n’ont ni germe ni étamines , ou dont le germe imparfait avorte toujours, portent le nom de neutres. Ces diverses espèces de fleurons ne sont pas indifféremment entremélés dans les fleurs com- posées; mais leurs combinaisons méthodiques el régulières sont toujours relatives ou à la plus sûre fécondation , ou à la plus abondante fructi- fication, ou à la plus pleine maturification des graines. FrucriricarTion. Ce mot se prend toujours dans un sens collectif, et comprend non seule- ment l'œuvre de la fécondation du germe et de . la maturification du fruit, mais l'assemblage de tous les instrumens naturels destinés à cetle opérati )n. FRU 39 Frurr. Dernier produit de la végétation dans l'individu, contenant les semences qui doivent la renouveler par d'autres individus. La se- mence n'est ce dernier produit que quand elle est seule et nue. Quand elle ne l'est pas, elle n'est que partie du fruit. 4% Fruit. Ce mot à dans la botanique un sens beaucoup plus étendu que l'usage ordinaire. Dans les arbres et même dans d’autres plantes, toutes les semences ou leurs enveloppes bonnes à manger, portent en général le nom de fruit ; mais , en botanique, ce même nom s'applique plus généralement encore à tout ce qui résulte après la fleur de la fécondation du germe. Ainsi le fruit n’est proprement autre chose que l'o- vaire fécondé, et cela , soit qu'il se mange oune se mange pas, soit que la semence soit déjà mûre ou qu'elle ne le soit pas encore. * GENRE. Réumion de plusieurs espèces sous un caractère commun qui les distingue de toutes les autres plantes. GErmE. Embryon , ovaire, fruit. Ces termes sont si près d'être synonÿmes, qu'avant d'en parler séparément dans leurs articles , je crois devoir les unir ici. Le germe est le premier rudiment de la nou- velle plante ; 1l devient embryon ou ovaire au moment de la fécondation , et ce même embryon devient fruit en mürissant: voilà les différences exactes. Mais on n'y fait pas toujours attention 0 — GER dans l'usage , et l'on prend souvent ces mots l'un pour l'autre indifféremment. Il y a deux sortes de gerines bien distincts ; l'un contenu dans la semence, lequel, en se dé- veloppant, devient plante, et l autre contenu dans la fleur , lequel, par la fécondation, devient fruit. On voit par quelle alternative perpétuelle cha- cun de ces deux germes se produit, et en est produit. On peut encore donner le nom de germe aux rudimens des feuilles enfermées dans les bour- geons , et à ceux des fleurs enfermés dans les boutons. GERMINATION. Premier développement des parties de la plante, contenue en petit dans le germe. : GLAxpEs. Organes qui servent à la sécrétion des sucs de la plante. Gousse. Fruit d’une plante légumineuse. La gousse , qui s'appelle aussi légume , est ordinai- rement composée de deux panneaux nommés cosses , aplatis ou convexes, collés l'un sur l'autre par deux sutures longitudinales , et qui renferment des semences attachées alternative- ment par la suture aux deux cosses , lesquelles - se séparent par la maturité. GrAPPrE, racemus. Sorte d'épi dans lequel les fleurs ne sont ni sessiles ni toutes attachées à la grappe, mais à des pédicules partiels , dans lesquels Les pédicules principaux se divisent. La : GRE 37 grappe n'est autre chose qu'un panicule dont les rameaux sont plus serrés , plus courts, et souvent plus gros que dans le panicule propre- ment dit. Lorsque l'axe d'un panicule ou d’un épi pend en bas, au lieu de s'élever vers le ciel, on lui . donne alors le nom de grappe ; tel est l’épi du groseillier, telle est la grappe de la vigne. GREFFE. Opération par laquelle on force les sucs d'un arbre à passer par les couloirs d'un autre arbre; d'où 1l résulte que les couloirs de ces deux plantes n'étant pas de même figure et dimension, n1 placés exactement les uns vis-à- .visges autres, les sucs forcés de se subtiliser en divisant, donnent ensuite des fruits meil- leurs et plus savoureux. . Grerrer. Est engager l'œil ou le bourgeon d'une saine branche d'arbre dans l’écorce d'un autre arbre, avec les précautions nécessaires et - dans la saison favorable , en sorle que ce bour- geon reçoive le suc du second arbre, et s'en nour- risse comme il aurait fait de celui dont il a été détaché. On donne le nom de greffe à la portion qui s'unit, et de sujet à l'arbre auquel il s'unit. | IL y a diverses manières de greffer. La greffe par approche, en fente, en couronne, en flûte , en ÉCusson. __GYMNOSPERME, à semences nues. Hawupe. Tige sans feuilles destinée unique- 38 INF ment à tenir la fructification élevée au-dessus de la racine. IxFÈRE , SUrÈRE.* Quoique ces mots soient purement latins, on est obligé de les employer en français dans Je langage de la botanique, sous peine d'être diffus , lâche et louche, potr vouloir parler purement. La même nécessité doit être supposée , et la même excuse répétée dans tous les mots latins que je serai forcé de franciser. Car c'est ce que je ne ferai jamais que pour dire ce que je ne pourrais aussi bien faire entendre dans un français plus correct. Il y a dans les fleurs deux dispositions diffé- rentes du calice et de la corolle, par rappork germe dont l'expression revient si souvent, qu’ faut absolument créer un mot pour elle. Quand le calice et la corolle portent sur le germe, la Heur est dite supére. Quand le germe porte sur le calice et la corolle , la fleur est dite infére. Quand de la corolle on transporte le mot au germe, 1l faut prendre toujours l'opposé. Si la corolle est infére , le germe est supère ; si la co- rolle est supère , le germe est infère ; ainsi l'on a le choix de ces deux mamières d'exprimer la méme chose. Comme il y a beaucoup plus de plantes où la fleur est infere, que de celles où elle est supère, quand cette disposition n'est point exprimée , on doit toujours sous-entendre le premier cas, * Voyez Lettre V. LEG 39 parce qu'il est le plus ordinaire; et, si la des- cription ne parle point de la disposition relative de la corolle et du germe, il faut supposer la corolle infère : Car , si elle était supère , l'auteur de la description l'aurait expressément dit. Léçumes. Sorte de péricarpe composé de deux panneaux dont les bords sont réunis par deux sutures longitudinales. Les semences sont atta- chées alternativement à ces deux valves par la suture supérieure ; l'inférieure est nue. L'on appelle de ce nom en général le fruit des plan- tes légumineuses. LÉGUMINEUSES. Voyez FLeurs, PLANTES. Lisen. (le) Est composé de séicäles quire- présentent les feuillets d’un livre; elles touchent immédiatement au bois. Le Hbér se détache tous les ans de deux autres parties de l'écorce, €t, s'umissant avec l’aubier, 1l produit sur la cir+ conférence de l'arbre une nouvelle couche qui en augmente le diamètre. Lieneux. Qui a la consistance du bois. LiLiACÉES. Fieurs qui trs le caractère du lis. LimB£. Quand une corolle monopétale régu- lière s'évase et S'élargit par le haut, la partie qui forme cét évasement s'appelle le limbe, et se découpe ordinairement en quatre, cinq ou plusieurs segmens. Diverses campanules, pri- mevères , liserons et autres fleurs monopétales offrent des exemples de ce hmbe, qui est, à : 40 LOB l'égard de la corolle, à-peu-près ce qu'est, à l'&- gard d’une cloche, la partie qu'on nomme le pa- villon. Le différent degré de l'angle que forme le limbe avec le tube est ce qui fait donner à la corolle le nom d'infundibuliforme, de cam- paniforme , ou d'hypocrateniforme. | Loses des semences, sont deux corps réunis, aplatis d'un côté, convexes de l’autre. Ils sont distincts dans les semences légumineuses. Loges des feuilles. Loce. Cavité intérieure du fruit ; il est à plusieurs loges , quand il est partagé par des cloisons. Marczert. Branche de l'année , à laquelle on laisse pour la replanter deux chicots de vieux bois saillant des deux côtés. Cette sorte de bou-. ture se pratique seulement sur la vigne, et même assez rarement. Masque. Fleur en masque est une fleur mo- nopétale irrégulière. Moxécie où Monœcre. Habitation com- mune aux deux sexes. On donne le nom de monœæcie à une classe de plantes composée de toutes celles qui portent des fleurs mâles et des fleurs femelles sur le même pied. MoxoiQue. Toutes les plantes de la monœcie sont monoiques. On appelle plantes monoïques , celles dont les fleurs ne sont pas hermaphrodites, mais séparément mâles et femelles sur le même individu, Ce mot, formé de celui de monœcie, LE MUF er vient du grec, et signifie ici que les deux sexes oc- cupent le même logis , mais sans habiter la même chambre. Le coucombre , le melon, et toutes les cucurbitacées sont des plantes monoïques, Murze. (Fleuren) Voyez Masque. Nœups. Sont les articulations des tiges et des racines. NomEencLATURE. Art de joindre aux noms qu’on impose aux plantes l'idée de leur struc- ture et de leur classification. Noxau. Semence osseuse qui renferme une amande. Nu. Dépourvu des vêétemens ordinaires à ses semblables. On appelle graines nues celles qui n'ont point de péricarpe, ombelles nues celles qui n'ont point d'involucre , tiges nues celles qui ne sont point garnies de feuilles , etc. Nuits-pe-FEer. Noctes ferreæ. Ce sont, en Suède, celles dont la froide température , arré- tant la végétation de plusieurs plantes, produit leur dépérissement insensible , leur pourriture , et enfin leur mort. Leurs premières atteintes avertissent de rentrer dans. les serres les plantes étrangères , qui périraient par ces sortes de froids. (C'est aux premiers gels, assez communs au mois d'août dans les pays froids, qu'on donne ce nom, qui, dans des climats tempérés, ne peut pas être employé pour les mêmes jours. H. ) 42 ŒIL _ Œr. Voyez Ommirc. Petite cavité qui se trouve en certains fruits à l'extrémité opposée au pédicule ; dans les fruits infères, ce sont les di- visions du calice qui forment l'ombilic, comme le coin , la poire , la pomme ,etc. ; dans ceux qui sont supères, l'ombilic est la ciçatrice laissée par l'insertion du pistil. Œizrerons. Bourgeons qui sont à côté des racimes des arlichauts et d'autres plantes , et qu'on détache afin de multiplier ces plantes. OwBeLre. Assemblage de rayons qui; par- tant d'un même centre, divergent comme ceux d’un parasol. L’ombelle universelle porte sur la tige ou sar une branche ; l'ombelle partielle sort d'un rayon de l'ombelle universelle. Ouwsizic. C'est, dans les baies et autres fruits mous infères , le réceptable de la fleur dont, après qu'elle est tombée, la cicatrice reste sur le fruit, comme on peut le voir dans les arelles. Souvent le calice reste etcouronne l'ombilic, qui s'appelle alors vulgairement æil. Ainsi l'œil des poires et des pommes n’est autre chose que l’om- bilic, autour duquel le calice persistant s'est desséché. si OxGLe. Sorte de tache sur les pétales ou sur les feuilles, qui a souvent la figure d'u ongle et d’autres figures différentes, comme on peut le voir aux fleurs des pavots, des roses, des ané- mones, des cistes, et aux feuilles des renoncu- les, des persicaires, etc, ONG 43 “Onezgr. Espèce de pointe crochue, par la- auelle le pétale de quelques corolles est fixé sur ? Je calice ou sur le réceptacle : l'onglet des œil- | Jets est plus long que celui des roses. OrPpPosées. Les. feuilles opposées sont , jus- qu'au nombre de deux, placées l’une vis-à-vis de l’autre, des deux côtés de la tige ou des bran- ches. Les feuilles opposées peuvent être pédicu- : lées ou sessiles; s'il y avait plus de deux feuilles attachées à la même hauteur autour de la tige, alors cette pluralité dénaturerait l'opposition , et cette disposition des feuilles prendrait un nom différent. oyez V'ERTICILLÉES. Ovarre. C'est le nom qu'on donne à lem- - . bryon du fruit, ou c’est le fruit même avant la fécondation. Après la fécondation l'ovaire perd ce nom, et s'appelle simplement fruit, ow en par- ticulier péricarpe , si la plante est angiosperme; semence ou graine, si la plante est gymnosperme. Parmée. Une feuille est palmée lorsqu'au lieu d'être composée de plusieurs folioles , comme la feuille digitée, elle est seulement découpée en plusieurs lobes dirigés en rayon vers le sommet du pétiole, mais se réunissant avant d'y arriver. PAnICULE. Épi rameux et pyramidal. Cette figure lui vient de ce que les rameaux du bas, étant les plus /arges, forment entre eux un plus Jarge espace, qui se rétrécit en montant, à me- sure que ces rameaux deviennent plus courts, 44 PAR moins nombreux ; ensorte qu'un panicule par- faitement régulier se terminerait enfin par une fleur sessile. . ParasirTes. Plantes qui naissent ou croissent sur d'autr es plantes, et se nourrissent de leur subs- tance. La cuscute, le gui, plusieurs mousses et lichens, sont des plates parasites. PARENCHIME. Substance pulpeuse ou tissu cellulaire qui forme le corps de la feuille ou du pétale : il est couvert dans l'une et dans l'autre d'un épiderme. PARTIELLE. Voyez OmBELLE. PARTIES DE LA FRUCTIFICATION, Woyez ÉTAMINES, PisTiz. PAviLLon. Synonyme d'étendard. Pépicuce. Base alongée qui porte le fruit. On dit pedunculus en latin, mais je crois qu'il faut dire pédicule en français. C'est l’ancien usa- ge, et il ny a aucune bonne raison pour le changer. Pedunculus sonne mieux en latin, et il évite l'équivoque du nom pediculus. Mais le mot pédicule est net et plus doux en français, et, dans le choix des mots, il convient de con- sulter l'oreille et d'avoir égard à l'accent de la langue. L'adjectif pedicule me paraît nécessaire par opposition à l’autre adjectif sessile. La botanique est si embarrassée de termes, qu'on ne saurait trop s'attacher à rendre clairs et courts ceux qui lui sont spécialement consacrés. » PER 45 Le pédicule est le lien qui attache la fleur ou le fruit à la branche ou à la tige. Sa substance est d'ordinaire plus solide que celle du fruit qu'il porte par un de ses bouts, et moins que celle du bois auquel il est attaché par l’autre. Pour l'ordinaire, quand le fruit est mûr, il se dé- tache et tombe avec son pédicule. Mais quel- quefois, et sur-tout dans les plantes herbacées, le fruit tombe et le pédicule reste, comme on peut le voir dans le genre des rumex. On y peut remarquer encore une autre particularité. C’est que les pédicules, qui tous sont verticillés au- tour de la tige, sont aussi tous articulés vers leur milieu. Il semble qu'en ce cas le fruit devrait se détacher à l'articulation , tomber avec une moi- tié du pédicule , et laisser l'autre moitié seule- ment attachée à la plante. Voilà néanmoins ce qui n'arrive pas. Le fruit se détache et tombe seul. Le pédicule tout entier reste, et il faut une action expresse pour le diviser en deux au point de l'articulation. Perrozrées. La feuille perfolhiée est celle que la branche enfile, et qui entoure celle-ci de tous côtés. PerranTue. Sorte de calice qui touche im- médiatement la fleur ou le fruit. PERRuQUE. Nom donné par Vaillant aux racines garnies d'un chevelu touffu de fibrilles entrelacées comme des cheveux emmélés. PérTAze. Ondonne le nom de pétale à chaque 46 .PAËNT pièce entière de la corolle. Quand la corolle n'est que d'une seule, pièce, 1l n'y a aussi qu'un. pétale ; le pétale et la corolle ne font alors qu'une seule et même chose, et cette sorte de corolle se désigne par l'épithète de monopétale. Quand la corolle est de plusieurs pièces, ces pièces sont autant de pétales, et la corolle qu'elles compo- sent se désigne par leur nombre tiré du grec, parce que le mot de pétale en vient aussi , et quil convient, quand on vent composer un mot, , de tirer les deux racines de la mêmê ie Ainsi les mots de monopétale, de dipétale, de tripétale, de tétrapétale , de pentapétale, etenfin de polypétale , indiquent une corolle d’une seule pièce, ou de deux , de trois, de quatre, de cinq, etc. enfin d'une multitude indéterminée de pièces. P£éraroine. Qui a des pétales, Ainsi la fleur petatoïde est l'opposé de la fleur apétale, Quelquefois ce mot entre comme seconde ra- cine dans la composition d'un autre mot, dont la première racine est un mot de se, Alors il signifie une corolle monopétale, profondé- ment divisée en autant de sections qu'en indi- que la première racine. Ainsi la corolle tripé- tatoide est divisée en trois segmens ou demi. pétales, la pentapétatoide en cinq, etc. Périoce. Base alongée qui porte la feuille. Le mot pétiole est opposé à sessile à l'égard des feuilles, comme le mot peédicule l'est à l'égard des P LN 47 fleurs et des fruits. Voyez PÉDICULE, SEssire. Pinnée. Une feuille ailée à plusieurs rangs s'appelle. feuille pinnée. | -Pisrir. Organe femelle de la Ron qui sur monte le germe, et par lequel celui-ci recoit l'intromission fécondante de la poussière des an- thères : le pistil se prolonge ordinairement par un ou plusieurs styles, quelquefois aussi il est couronné immédiatement par un ou plusieurs stigmates , sans aucun style intermédiaire. Le stigmate reçoit la poussière prolifique du som- met des étamines, et la transmet par le pistil dans l'intérieur du germe pour féconder l'ovaire. Suivant le système sexuel, la fécondation des plantes ne peut s’opérer que par le concours des deux sexes, et l'acte de la fructification n'est plus que celui de la génération. Les filets des étamimes sont . vaisseaux spermatiques, les anthères sont [é$ testicules, la poussière qu'elles répandent est la liqueur séminale , le stigmate devient la vulve, le style est la trompe ou le vagm, et le germe fait l'office d'uterus ou de matrice. PracenTa. Réceptacle des semences. C'est le corps auquel elles sont immédiatement atta- chées. M. Linnæus n’admet point ce nom de placenta, et emploie toujours celui de récep- tacle. Ces mots rendent pourtant des idées fort différentes. Le réceptacle-est la partie par où le fruit tient à La plante. Le placenta est la partie 48 PLA par où les semences tiennent au péricargé. Il est vrai que, quand les semences sont nues, il n'y a poiut d'autre placenta que le récéptatlé ; 5 mais toutes les fois que le fruit est angiosperme, le réceptacle et le placenta sont différens. Les cloisons {disseptmenta) de toutes les capsules à plusieurs loges sont de véritables pla- centas, et dans des balle uniloges, 1l ne laisse pas d'y avoir souvent des placentas autres que le péricarpe. PLanre. Production végétale composée de deux parties principales , savoir, la racine par laquelle elle est attachée à la terre ou à un au- tre corps dont elle tire sa nourriture, et l'herbe par laquelle elle inspire et respire l'élément dans lequel elle vit. De tous les végétaux con- nus , la truffe est presque le seul qu'on puisse dire n'être pas plante. PLaxres. Végétaux disséminés sur la sur- face de la terre pour la vétir et la parer. Il n'y a point d'aspect aussi triste que celui de la terre nue; iln'y en a point d'aussi riant que celui des montagnes couronnées d'arbres , des rivières bordées de bocages , des plaines tapissées de verdure, et des vallons émaullés de fleurs. On ne peut disconvenir que les plantes ne soient des corps organisés et vivans , qui se nour= rissent et croissent par intussusception, et dont chaque partie possède en elle-même une vitalité. isolée et indépendante des autres, puisqu'elles ont la faculté de se reproduire. s POI 43 Porzs ou Sotes. Filets plus ou moins solides et fermes qui naissent sur certaines parties des plantes; ils sont carrés où cylindriques, droits ou couchés, fourchés ou simples, subulés ou en hameçons ; et ces diverses figures sont des carac- tères assez constans pour pouvoir servir à classer ces plantes. Voyez l'ouvrage de M. Guettard, intitulé : Observations sur Les Plantes. Porxeamte, pluralité d'habitation. Une classe de plantes porte le nom de polygamie; et renferme toutes celles qui ont des fleurs her- maphrodites sur un pied, et des fleurs d'un seul sexe , mâles ou femelles , sur un autre pied. Ce mot de polygamie s'applique encore à plusieurs ordres de la classe des fleurs com- posées; et alors on y attache une idée un peu différente. - Les fleurs composées peuvent toutes être res gardées comme. polygames, puisqu'elles renfer- ment toutes plusieurs fleurons qui fructifient sépa- rément, et qui par conséquent ont chacun sa pro- pre habitation, et, pour ainsi dire, sa propre lignée. Toutes ces habitations séparées se con- joignent de différentes manières, et par là for- ment plusieurs sortes de combinaisons, Quand tous les fleurons d’une fleur compo- sée sont hermaphrodites, l'ordre qu’ils forment porte le nom de polygamie égale. Quand tous ces fleurons composans ne sont pas hermaphrodites , ils forment entre eux, | 3 bo POL pour ainsi dire, une polyetinie bätarde , > et cela de plusieurs façons. * ‘ 1° Polygamse superflue. Lorsque les fleurons du disque, étant tous hermaphrodites , fructi- fient, et que les fleurons du contour, étant fe- ble) fructifient aussi. 4 2° Polygamie inutile. Quand les fleurons du- disque , étant hermaphrodites, fructifient, et que ceux du contour sont neutres et ne fruc- tifient point. ; 3° Polygamie nécessaire. Quand les fleurons du disque étant males, et ceux du contour étant femelles, 1ls ont besoin les uns des autres pour fructifer. . 4 Polygamie séparée. Lorsque les fleurons eomposans sont divisés entre eux, soit un à un, soit plusieurs ensemble, par autant de calices partiels renfermés dans celui de toute la fleur. On pourrait imaginer encore de nouvelles combinaisons, en supposant, par exemple, des fleurons mâles au contour, et des fleurons her- maphrodites ou femelles au disque ; mais cela n'arrive point, | POUSSIÈRE PROLIFIQUE. C'est une multi- tude de petits corps sphériques enfermés dans chaque anthère, et qui, lorsque celle-ci s'ouvre et les verse dans le stigmate, s'ouvrent à leur tour, imbibent ce méme stigmate d'une humeur qui, pénétrant à travers le pistil, va féconder l'embryon du fruit. 1 PRO: - br Provtn. Branche de vigne couchée et cou- _ dée-en terre. Elle pousse des chevelus par les nœuds qui se trouvent enterrés. On coupe en- suite le bois qui tient au cep, et le bout opposé qui sort de terre devient un nouveau cep. Purpe. Substance molle et charnue + plu- sieurs fruits et racines. Racine. Partie de la Hat} par laquelle elle tient à la terre ou au corps qui la nourrit. Les plantes ainsi attachées par la racine à leur ma- trice ne peuvent avoir de mouvement local ; le sentiment leur serait inutilé, puisqu'elles ne peuvent chercher ce qui leur convient, ni fuir ce qu leur nuit : or la nature ne fait rien en vain. | , _Raprcazes. Se dit des feuilles qui sont les sis près de la racine : ce mot s'étend aussi aux tiges dans le même sens. --Raprcuze Racine naissante. RapDiée. Voyez FLEUR. RécerracLe. Celle des parties de la fleur et du fruit qui sert de siége à toutes les autres, et par où leur sont transmis de la plante les sucs nutritifs qu'elles en doivent tirér. - Il se divise le plus généralement en récep- tacle propre, qui ne soutient qu’une seule fleur -et un seul fruit, et qui, par conséquent, n'ap- partient qu'aux plus simples; et en réceptacle commun qui porte et reçoit plusieurs fleurs. Quand la fleur est infère, c'est le même ré- 52 RÉG ceptacle qui porte toute la fructification. Mais quand la fleur est supère, le réceptacle propre est double, et celui qui porte la fleur n’est pas le même que celui qui porte le fruit, Ceci s'en- tend de Ja construction la plus commune; mais on peut proposer à ce sujet le problême suivant, dans la solution duquel la nature a mis une de ses plus ingénieuses inventions. | Quand la fleur est sur le fruit, comment se peut-il fre que la fleur et le fruit n'aient ce- pendant qu'un seul et même réceptacle ? Le réceptacle commun n'appartient propre- ment qu'aux fleurs composées , dont il porte et unit tous les fleurons en une fleur régulière; en sorte que le retranchement de quelques -uns causerait l'irrégularité de tous: mais, outre les fleurs agrégées dont on peut dire à peu près la même chose, il y a d'autres sortes de récepta- cles communs qui méritent encore le même nom, comme ayant le même usage. Tels sont l'ombelle, l'épi, la panicule, le thyrse, la cime, le spadix, dont on trouvera les articles chacun à sa place. RéGuLières. (Fleurs) Elles sont symmét- riques dans toutes leurs parties, comme les crucifères, les lil1acées, etc. RéxiFroRME. De la figure d'un rein. Rosacée. Polypétale régulière comme est la rose. Roserre. Fleur en rosette est une fleur mo- res SEM 53 nopétale, dont le tube est nul ou très-court et le himbe très-aplati. SemEncE. Germe ou rudiment simple d'une nouvelle plante um à une substance propre à sa conservation avant qu'elle germe, et qui la nour- rit durant la première germination, jusqu’à ce qu'elle puisse tirer son aliment immédiatement de la terre. Sxssice. Cet adjectif marque privation de réceptacle. Il indique que la feuille, la fleur ou le fruit auxquels on l’applique , tiennent immé- diatement à la plante sans l'entremise d'aucus pétiole ou pédicule. SExE. Ce mot a été étendu au règne végétal, et y est devenu familier depuis l'établissement , du système sexuel. SiziQue. Fruit composé de deux panneaux, retenus par deux sutures Jongitudinales aux- quelles les graines sont attachées des deux côtés. La silique est ordinairement biloculaire et partagée par une cloison à laquelle est attachée une partie des graines. Cependant cette cloison, ne lui étant pas essentielle, ne doit pas entrer dans sa définition, comme on peut le voir dans le cléome , dans la chélidoine , eic. SoziTAIR£E. Une fleur solitaire est seule sur son pédicule. - Sous-ARBRISSEAU. Plante ligneuse ou petit buisson moindre que l'arbrisseau, mais qui ne pousse point, en automne, de boutons à fleurs 34 SOI - ou à fruits. Tels sont le #4ym, le romarin , le groserllier , les bruyères , etc. Sores. Voyez Porzs. SrADIx Où RÉGIME. C'est le rameau floral dans la famille des palmiers; il est le vrai récep- tacle de la fructification , entouré d’ un ss qui lui sert de voile. SpATHE. Sorte de calice membraneux qui sert d'enveloppe aux fleurs avant leur épanouisse- ment, et se déchire pour leur ouvrir le rot aux éproahès de la fécondation. Le spathe est caractéristique dans la famille des palmiers et dans celle des liliacées. SpiRALE. Ligne qui fait plusieurs tours en s écartant du centre ou en s'en approchant. + STIGMATE. Sommet du pistil qui s'humecte au moment de la fécondation, pour Le la LR sière prolifique s’y attache. STIPULE. Sorte de foliole ou d'écaille qui naît à la base du pétiole, du pédicule, ou de la branche, Les stipules sont ordinairement exté- rieures à la partie qu’elles accompagnent ; et leur servent en quelque manière de consoles : mais quelquefois aussi elles naissent à côté, vis-à- vis, ou au-dedans même de Fangle d'insertion. M, Adanson dit qu'il n'y a de vraies sti- pules que celles qui sont attachées aux tiges, comme dans les airelles, les apocins, les ju- jubiers, les tithymales, les châtaigniers, les tilleuls , les mauves, les câpriers : elles tiennent ie | 1 | STY 59 > lieu de feuilles dans les plantes qui ne les ont pas verticillées. Dans les plantes légumineuses la situation des stipules varie. Les rosiers n’en ont pas de vraies, mais seulement un prolonge- ment ou appendice de feuille ou une extension du -pétiole. Il y a aussi des stipules membra- neuses comme dans l'espargoute. SryLe. Partie du pistil qui tient le stigmate élevé au-dessus du germe. Suc NouRRICIER. Partie de la sève qui est propre à nourrir la plante. SUPÈRE. Voyez INFÈRE. | Supports, Fulcra. Dix espèces, savoir la. stipule, la binétés : la vrille , l'épine, l'aiguil- lon, le pédicule, le pétiole, Le hampe, la glande et l'écaille. : SuRGEON, Surculus. Nom donné aux jeunes branches de l'œillet | etc. auxquelles on fait prendre racine en les buttant en terre, lors- qu'elles tiennent encore à la tige: cette opéra- tion est une espèce de marcotte. Syxoxyu1e. Concordance de diversnoms don- nés par différens auteurs aux mêmes plantes. La synon ymie n'est point une étude oiseuse et inutile. , Tarox. Oreflette qui se trouve à la base des feuilles d'orangers. C’est aussi l'endroit où tient l'œilleton qu'on détache d'un pied d'artichaut, et cet endroit a un peu de racine. Tenwinaz. Fleur terminale est celle qui _“ 56 TER vient au sommet de la tige ou d’une branche. TErnée. Une feuille ternée est composée de trois folioles attachées au même pétiole. Tère. Fleur en tête ou capitée, est une ileur agrégée ou composée, dont les fleurons sont disposés sphériquement ou à peu près. Tuyrse. Epi rameux et cylindrique; ce terme n'est pas extrémement usité , parce que les exemples n'en sont pas fréquens. Ti6£. Tronc de la plante d’où sortent toutes ses autres parties qui sont hors de terre : elle a du rapport avec la côte, en ce que celle-ci est quelquefois unique et se ramifie comme elle, par exemple, dans la fougère ; elle s'en distingue aussi en ce qu'uniforme dans son contour, elle n'a ni face, ni dos, ni côtés déterminés , au lieu que tout cela se trouve dans la côte. Plusieurs plantes n'ont point de tige, d'autres n'ont qu'une tige nue et sans feuilles, qui pour cela change de nom. Voyez Hamps. La branche se ramifie en branches de diffé- rentes mamières, | Toque. Figure de bonnet cylindrique avec une marge relevée en manière de chapeau. Le fruit du paliurus a la forme d'une toque. TRACER. Courir horizontalement entre deux terres, comme fait le chiendent. Ainsi le mot tracer ne convient qu'aux racines. Quand on dit donc que le fraisier trace , on dit mal, 1l rampe, et c'est autre chose, se TRA 57 TrACHÉES DES PLANTES. Sont, selon Mal- pighi, certains vaisseaux formés par les contours | Spiraux d'une lame mince, plate et assez large, qui, se roulant et contournant ainsi en tire- bourre, forme un tuyau étranglé et comme di- visé en sa longueur en plusieures cellules, etc. Traïnasse ou Trainée. Longs filets qui, dans certaines plantes , rampent sur la terre, et qui, d'espace en espace, ont des articulations par lesquelles elles jettent en terre des radicules : qui produisent de nouvelles plantes. Tuxiques. Ce sont les peaux ou enveloppes concentriques des oignons. Urxwe. Boite ou capsule remplie ‘de pous- sière que portent la plupart des mousses en fleur. La construction la plus commune de ces urnes est d'être élevée au - dessus de la plante par un pédicule plus ou moins long, de porter à leur sommet une espèce de coiffe ou de capuchon pointu qui les couvre , adhérent d’abord à l'ur- ne, mais qui s'en détache ensuite et tombe lors- qu'elle est prête à s'ouvrir; de s'ouvrir ensuite aux deux tiers de leur hauteur, comme uue boîte à savonnette, par un couvercle qui s’en détache et tombe à son tour après la chûte de la coiffe; d’être doublement ciliée autour de sa joipture, afin que l'humidité ne puisse pénétrer dans l'intérieur de l’urne tant qu'elle est ouverte; enfin de pencher et se courber en en-bas aux ap- proches de la maturité pour verserà terre la poussière qu'elle contient. \ 50 TRA L'opinion générale des botanistes, sur cetär- ticle, est que cette urne avec son pédicule est une étamine dont le pédicule est le filet, dont l'urne est l'anthère, et dont la poudre qu'elle content et qu'elle verse est la poussière fécon- dante qui va fertiliser la flear femelle; ef cou: séquence de ce systéme, on donne communé- ment le nom d’anthère à la capsule dont nous parlons. Cependant comme la fructification des mousses n'est pas jusqu'ici parfaitement connue, et qu'il n'est pas d'une certitude invincible que l'anthère dont nous parlons soit véritablement une anthère , je crois qu'en attendant une plus grande évidence, sans se presser d'adopter un nom si décisif, que de plus grandes lumières pourraient forcer ensuite d'abandonner, il vaut mieux conserver celui d'urne donné par Vaillant, etqui, quelque système qu'on ns peut nas sister sans inconvénient. Urricuzes. Sortes de petites outres ei par les deux bouts, et communiquant successi- vement de l’une à l’autre par leurs ouvertures comme les aludels d'un alambic. Ces vaisseaux sont ordinairement pleins de sève. Ils occupent les espaces ou mailles ouvertes qui se trouvent entre les fibres longitudinales et le bois. VécéraL. Corps organisé doué de vie et privé de sentiment. On ne me passera pas cette définition, je le sais. On veut que les minéraux vivent, que les vé- VEG 59 gétaux sentent, et que la matière même informe soit douée de sentiment. Quoi qu'il en soit de cette nouvelle physique, j jamais je n'ai pu, je ne pourrai jamais parler d'après les idées d'autrui, quand ces idées ne sont pas les miennes. J'ai souvent vu mort un arbre que je voyais aupa- ravant plein de vie, mais la mort d'une pierre est une idée qui ne saurait m'entrer dans l'es-. prit. Je vois un sentiment exquis dans mon chien; mais je n’en apperçois aucun dans un chou. Les paradoxes de Jean-Jacques sont fort célèbres. Jose demander s'il en avança jamais d'aussi fou que celui que j'aurais à combattre si j'entrais ici dans cette discussion, et qui pour- tant ne choque personne. Mais je m'arrête et rentre dans mon sujet. | « Puisque les végétaux naissent et vivent, ils se-détruisent et meurent ; c'est l'irrévocable loi à Jaquelle tout corps et soumis ;. par conséquent ils se reproduisent : mais comment se fait cette reproduction? En tout ce qui est soumis à nos sens dans le règne végétal, nous la voyons se faire par la voie de la fructification ; et l'on peut présumer que cette loi de la nature est égale- ment suivie dans les parties du même règne, dont l'organisation échappe à nos yeux. Je ne vois n1 fleurs ni fruits dans les byssus, dans les conferva , dans les truffes; mais je vois ces vé- gétaux se perpétuer , et l’analogie sur laquelle ze me fonde pour leur attribuer les mêmes 6o VEL moyens qu'aux autres de tendre à la même fin; cette analogie, dis-je, me paraît si sûre, que je ne puis lui refuser mon assentiment. Il est vrai que la plupart des plantes ont d'autres manières de se reproduire, comme par cayeux, par boutures, par drageons enracinés. Mais ces moyens sont bien plutôt des supplé- mens que des principes d'institution; ils ne sont point communs à toutes, 1l n'y a que la fructi- fication qui le soit, et qui, ne souffrant aucune exception dans celles qui nous sont bien con- nues, n'en laisse point supposer dans les autres substances végétales qui le sont moins. Vezu. Surface tapissée de poils. VERTICILLÉ. Attache circulaire sur le même plan, et en nombre de plus de deux autour d’un axe commun, Vivace. Qui vit plusieurs années; les arbres , les arbrisseaux , les sous-arbrisseaux sont tous vivaces. Plusieurs herbes même le sont, mais seulement par leurs racines, Ainsi le chèvre- feuille et le houblon, tous deux vivaces, le sont différemment, Le premier conserve pendant l'hiver ses tiges, en sorte qu'elles bourgeonnent et fleurissent le printemps suivant, mais le hou+ blon perd les siennes à la fin de chaque automne, et recommence toujours chaque année à en pous- ser de son pied de nouvelles. Les plantes transportées hors de leur climat sont sujettes à varier sur cet article, Plusieurs VRI Gr plantes vivaces dans les pays chauds deviennent parmi nous annuelles, et ce n’est pas la seule altération qu’elles subissent dans nos jardins. De sorte que la Botanique exotique étudiée en Europe, donne souvent de bien fausses ob- servations. LT Vaizres où Marxs. Essèce de filets qui ter- minent les branches dans certaines plantes, et Jeur fournissent les moyens de s'attacher à d’au- tres corps. Les vrilles sont simples ou rameuses ; elles prennent, étant libres, toutes sortes de directions, et lorsqu'elles s'accrochent à un corps étranger, elles l’embrassent en spirale. VuLzcaIRE. On désigne ordinairement ainsi l'espèce principale de chaque genre la plus an- ciennement connue dont il a tiré son nom, et qu'on regardait d'abord comme une espèce uni- que. Mu RER Npueu AE &yu à ‘Ît patte ’h HIT . FA RE qui "1 pet es A al, LES ?: 14 PURE Le tr 2e 24 a nié si ds ère ru saute a" va ET R ait là 7: MID AS 3 PNR Lits + UE M: ,: De V4, Cdt 28 0 à 1 Sr at : à 11 0 ù … She: Res | à nP à PT * : VI La LE F. n: Ur. pri FAT st né DUR RC HET ARCS sd L “ Po n ei 4 0 a ro Ce FA Wa: gr cs re ù +: 'VEIA ML 4 Cat : ds po Par RE He Len) 0 RE HR bal cr ER EITUE peur date. + . 5 " PPS PRIT MAS TRE LR “ FE ee Aix int d MS: à bas és jus TES + fa UN 1 sind Man.) { ( F & a 4 4 [es De HS rr0 Let? HE , L LL , pe % AD cr É Le j + à à a: 22 F3 é ” : > : ot t , Je % hE" M * * d'y + ni re V- 214 ‘1 LA % “i hs ” PA ” . "E pl = - LS " viens - 273 3; mn _… L | >» , Le d , \ - dis r are CARRE ? “ N jee de IT | ;. 24 : + er JETTA « un : ' % 3 >» L . 5 Î USER t 4 . / + : The : 2 Le A7U: Co" | à d » f ai . 0] £ 2 84 ? CAL 17; + “ ) d r < s 4 Le = û 1 : d | s10 LEE » L 4 : » , d à r Le 2 14 Li vd .… M À Lisa PL <” ' : <. e MA 1% SUPPLÉMENT AUX FRAGMENS DE JEAN-JACQUES, | : POUR UN DICTIONNAIRE DES TERMES D'USAGE EN BOTANIQUE. SUPPLÉMENT AUX FRAGMENS DE JEAN-JACQUES, POUR UN DICTIONNAIRE | DES TERMES D'USAGE EN BOTANIQUE: . Asonrir. Qui ne parvient point à sa perfection. ACOTYLÉDONE sans cotyledons. La plante ne développe point dans sa germination la feuille primordiale nommée cotylédon. AGAMIE, au lieu de Cryptogamie. Sans éta- mines ni LEA ; AGRÉGÉES. Pédicillées naissantes ; plusieurs ensemble d'un même point de la tige. ALÉNÉ. Fait en alène. ALTERNES. Feuilles qui se trouvent sur di- vers points de la tige à des distances à-peu-près égales. * On s’est servi en grande partie du dictionnaire de Richard, 66 AME AMENTACÉE. Plante dont les gt sont dis- posées en chaton, AMPLEXICAULE , dont la base embrasse la lige. AxcipiTÉ. Ayant deux bords opposés plus ou moins tranchans. AnTuÈèsE. Le temps où tous les organes d'une fleur sont dans leur parfait accroissement, APPENDICE. Toute partie qui, fixée à un or- gane quelconque, paraît additionnelle à la struc- ture ordinaire de cet organe. ARILLE. Partie charnue qu'on rencontre dans quelques fruits , et qui n'est qu'une expansion du cordon ombilical, Voyez ce mot. Augsrer. Nouveau bois qui se forme chaque année sur le corps ligneux. : k BaccrFrÈèRE, dont le fruit est une baie. Biripe. Dis longitudinalement en deux parties séparées par angle rentrant aigu. Bifide diffère de bilobé , en ce qu'au lieu d'un angle aigu , celui-ci a un RÉAECE plus ou moins arrondi. | . BIGÉMINÉES. Au nombre de quatre, deux à deux, sur un pédoncule commun. BOTANIQUE ou PÿroLogte. Partie del'his- toire naturelle qui a pour objet Ja connaissance méthodique des végétaux. Bourox. 1° A bois ou à feuilles appelé vul- garement bourgeon, est celui qui ne doit pro- duire que des feuilles et du bois. 2° Bouton à BRA 67 fleur et fruit, produit l’une et l'autre. 3° Mixte, donne des fleurs, des feuilles et du bois. Les boutons à fruit sont plus gros, plus courts, moins unis, moins pointus que les autres, et leurs écail- les sont plus velues en dedans. BrACTÉES ou FEUILLES FLORALES. Petites feuilles qui naissent avec les fleurs, et qui dif- fèrent toujours des feuilles de la plante. CazicuLe. Petites bractées environnant im- médiatement la base externe d’un calice. CARACTÈRES DES PLANTES. Parties par les- quelles les végétaux se ressemblent ou diffèrent. entre eux. [ls sont classiques, géneriques et spé- cifiques, quand ils forment les classes, les genres et les espèces. Linnée a pris dans les étamines les caractères des classes , les pistils pour les or< dres , l'examen de toutes les parties des organes reproductifs de la plante pour les genres , et toutes les parties visibles et palpables pour les espèces. | -Casque.Lèvre supérieure des corolles labiées. CauLiINAIRE. Ce quin naît NAMHORIENRNS sur la tige. Cuadcr SSURE. Assemblage de petits filamens produits par du fumier de mauvaise nature, ou par les racines de quelques plantes malades. CuevaAucHaAnTes. Feuilles phiées commeune gouttière aiguë ,et appliquées les unes sur les au- ‘tres , disposées de même que dans l’imbrication ; ° elles sont convexes au lieu d'être angulées par le dos. 68 CHE Caxvezur: Racine chargée d'un grand nom- bres de fibres déliées. Crus. (en) lies pédoncules communes par- tant d'un même point ont leurs dernières divi- sions naissantes de points différens. Les fleurs sont élevées ordinairement sur un même plan. ( Le sureau. ) Cirrue. Filament au moyen duquel certaines plantes s'attachent à d'autres corps. (La vigne.) Corrre. Enveloppe mince et membraneuse qui recouvre l'urne dans laquelle sont renfer- més les organes de la fructification des mousses. CozzererTE ou Invozucre. Enveloppe com- mune ou partielle des ombellifères , placée àune_ certaine distance du lieu où sont insérés les pé- tales des fleurs. Cozzer. Petite couronne qui termine intérieu- rement la gaine des feuilles des graminées, CompLère. (Fleur) Quand elle a calice, co- rolle , étamine et pistil. Compr1iMÉ. Quand la largeur des côtés excède l'épaisseur. CoNGÉNÈRE. Qui est du méisà genre. CoxcLoBées. Feuilles ou fleurs ramassées en boule. Con1rÈres. Fleurs ou fruits en forme de cône (le pin.) Le cône est un assemblage, arrondi ou ovoidal, d'écailles coriaces ou ligneuses , imbri- quées en tout sens d'une manière plus ou moins serrée autour d'une axe commun caché par elles. CON 69 Consucukes. Deux folioles fixées au sommet - d'un pétiole commun, ou sur deux points op- posés du même pétiole. Coxvorurée. Roulée en dedans par côté; la . feuille fait alors l'entonnoir. Corpon om8ILiCAL, La saillie que forme le réceptacle d'une graine qu'elle porte ou enve- loppe en s'y attachant par un point qu'on nomme hile. CoroLze. Partie de la fleur qui Fa immédiatement les parties sexuelles de la plante. C'est un organe en lance, ou en tube, (suivant que la corolle est monopétale ou polypétale) qui, étant placé en dedans du calice , naît im- médiatement en dehors du point ou de la ligne d'insertion des étamines, ou bien les porte atta- chées par leurs bases à sa paroi interne. L'exis- tence d’une corolle exige, suivant plusieurs bo- tanistes, celle d’un calice. La corolle n’est jamais - continue au bord même du calice. CorricAz. Qui appartient à l'écorce, Couroxxé. Fruit qui, provenant d'un ovaire infère , conserve à son sommet une partie ou la totalité du limbe ducalice. CryPToGAME , dont les organes sexuels sont cachés, douteux ou difficiles à connaitre. On ferait mieux d'appeler les plantes de ce genre agames, puisqu'elles n'ont ni étamines n1 pistils. CuLrmiFÈre. Plante dont la tige est un chau- me. ( Les graminées. ) 70 CUN :, CoxéirorMe. Rétrécide hauten ï bas en angle aigu. | - CrcinpriQue. Ce qui est d’une Fil “alon- gée, de même grosseur dans sa longueur , et sans angles. : Découranre. Feuille dont les deux bords se * prolongent avec saillie sur la tige au-dessous de son point détaché. Déxiscexce. Manière dont une partie close de toutes parts s'ouvre. Dexré. Ce dont les bords offrent de petites - et courtes saillies. DIADELPHES. Étaminesréunies en ann corps par leurs flets* : un de ceux-ci pouvant être so- litaire. DraperPie, signifie deux frères. Payez la 17° classe du systéme. | Dicyxe. Fleur ayant ou deux pistils , ou sise styles, ou deux stigmates sessiles. DyPTÈre. À jet deux ailes. DisPerMEe. Fruit renfermant deux graines, tantôt apposées l’une à côté de l’autre, ou sur- posées l'une au-dessus de l’autre. Divercens. Pédoncules qui ont un point d'in- sertion commun et s'écartent ensuite. Dopécacyne. Fleur ayant douze EP styles ou stigmates sessiles. Donéirènes: Feuilles qui portent sur leur dos les parties de la fructification. ( les fougères. ) Drourx. Fruit charnu renfermant une seule noix. ( cerise, olive.) £ ECH Ÿ1 Durée des plantes exprimée par les signes Annuelle. % Vivace. & Bisannuelle. b Ligneuse. Écmancré. Dont le sommet a un petit sinus ou angle rentrant. CONOMIE VÉGÉTALE: L'harmonie , l’orga- nisation proprement dite des difiérentes parties qui composent les végétaux. Écusson. Petits tuberelés ou pelites con cavités des lichens, dans le temps de leur fruc- tification. Eueryon. Le jeune fruit qui renferme en petit la plante. Il est ou droit ou courbé, ou roulé en spirale. L'une de ses extrémités est formée par la radicule (principe d’une racine }, l'autre est constituée par le cotylédon , dont la base interne donne naissance à la plumule. Nul embryon végétal ne peut exister sans co- tylédon. ÆExopé. Sans nœuds. ExsirorME. En forme d'épée. Epars. Disposé sans ordre. EpiGyne. Inséré sur le sommet de l'ovaire qui est alors infère. Errozée. Branche qui s'élève à une hauteur extraordinaire sans prendre de couleur ni de grosseur. L'étiolement est une maladie des plan- tes, causée par la privation de la lumière et de l'air ; elles périssent avant de donner des fruits. ExCRÉTION DES PLANTES, Dissipation de li- suivans de 72 EXE queurs superflues faite à l'aide de, certains vais- seaux que l'on nomme conduits M de ou. Vaisseaux excrétoires. Le i Exert. Saillant au dehors de la partie con- _tenante. ExoTiQue, Plante étrangère au climat qu’elle habite. ExTRAXILLAIRE. Qui ne nait pe dans l’ais- selle même des fleurs. FamiLzLe. Linnée a divisé tous les végétaux. en sept famulles ; 1° les champignons; 2° les. algues; 3° les mousses; 4° les fougères ; 5° les graminées ; 6° les palmierss 7° les plantes. Une. famille est une série de genres dont l'affliuité ré- side dans l'ensemble des rapports tirés de toutes leurs parties, notamment de celles de ieur fruc- tification. F'ASCICULÉES. Feuilles ramassées COMME en paquet par le raccourcissement du ramoncule qui les porte. Fasricrés. (Rameaux ou fleurs) Terminés à la méme hauteur. Femezze. Plante dépourvue d'étamine et n'ayant que des pistils. Fisreux. Dont la chair ou le péricarpe est rempli de filamens plus ou moins tenaces. FiLIPENDULE. Qui pend comme un fl. Fisrureux. Alongé cylindrique et creux, mais clos par les deux bouts. For10Le. Feuille partielle de la feuille com- FOL 75 posée. Chaque pièce d’un calice polyphylle est nommée foliole. Fozricuce. Fruit géminé , provenant d’uu seul pistil bipartible jusqu'à la base. Il n'appar- tient qu'aux apocynees. FRANGé. A yant à ses bords des découpures très-fines. FusrrormE. En forme de fuseau. Gaine. Expansion de la partie inférieure d'une feuille, par laquelle celle-ci enveloppe la tige. Gécarineux. De la consistance d'une gelée. Géminées. Naissans deux ensemble du même lieu, ou rapprochés deux à deux. GEmmarion. Tout ce qui concerne le bour- geonnement des plantes vivaces et ligneuses. GERMINATION. Quand on examine ce que de- vient une graine après qu'elle a élé semée , on la voit se gonfler , augmenter de volume : sa tu- vique propre se déchire, ses lobes ou cotylédons sortent de leur berceau, s'écartent, livrent pas- sage à la plantule , et l'on dit alors que la plante est dans l’état de germination. Le prernier degré s'annonce ordinairement par l'apparition d'une espèce de petit bec nommé radicule. Ce petit bec se tourne vers la terre, produit de droite et de gauche des fibrilles latérales destinées à for- «mer le chevelu ou les ramifications de la racine dont la radieule est toujours le pivot. Après le développement de la radicule on voit paraitre are à: T4 GLA la plaumule qui tient aux lobes de la semence jusqu'à ce qu'elle puisse recevoir des'sucspar le moyen de ses racines. La plumule s'élève, quitte ses cotylédons, ou ne les conserve que sous la forme de feuilles séminales; et l'on voit toutes les parties de la plantule augmenter en hauteur par l’alongement des lames qui les composent, acquérir tous les jours un diamètre plus grand par l'épaississement de ces mêmes lames, et toutes ses parties prendre successivement la for- me et la direction qui leur conviennent. Si de la graine que vous avez sous les yeux il doit naître une herbe, vous ne verrez point de boutons aux aisselles de ses feuilles : s'il doit naï- tre un arbre ou arbrisseau , la plumule devien- dra une tige dont la consistance sera ligneuse. Gzagre. lasse, sans duvet mi poils. Groums. Elle est formée par les écailles ou paillettes qui environnent les organes sexuels des graminées. Gomwes. Excrétions qui suintent naturelle- ment par des filtres destinés à cet usage. : GRAINE. Partie du fruit renfermant l'em- bryon d'une nouvelle plante. La graine est re- gardée comme l'œuf végétal. Hampe. Tige herbacée sans feuilles. HéciorroPe. Qui tourne le disque de sa fleur vers le soleil et le suit dans son cours. ” Her3es. Plantes qui perdent leurs tiges tous les hivers. HER 75 HeérmaArHRODITE. Fleur qui a étamines et pistils. HéréropxyLLe. Qui porte des feuilles dis- semblables les unes des autres. HexaGynie. Six pistils. HEXxAPTÈRE, à six ailes, Hrzs. Point par lequel une graine tenait à {a cavité du péricape. Hrrsure. Garni de poils durs. HomowaALzLes. Dirigées d'un même côté. HorizonTaALe. Tout ce qui coupe à angle droit une ligne verticale est dans une direction basant té: | Humrruse. Étalée en tout sens sur |a terre. Hygripe. Plante qui doit son origine à deux plantes différentes. À HyrocrArérironme. En forme de coupe. ImBr1IQUÉ. Chargé de parties appliquées em recouvrement les unes sur les autres comme les tuiles d'un toit. Incise. À bord découpé par des incisions aiguës. Invémiscencx. Privation de la faculté de s'ouvrir. | INDIGÈNE. Qui croît naturellement dans le pays. : INFUNDIBULIFORME. En entonnoir. Insertion. Lieu de la fleur auquel Les éta- mines ou la corolle sont fixées par leur base, Lasté, Dont le limbe a deux incisions laté- rÜÔ LAC rales principales qui le partagent en deux lames opposées, inégales, l'une supérieure et l’autre inférieure. Tacrnié. Découpé ispnèénenet en lanières alongées. LacusrRAL. Qui croit autour des Jacs. Lane. Partiesupérieure d’un pétale onguiculé. Laxcéoré. En fer de lance. Lécumineuses. Plantes qui ont pour put une gousse. Lriwse d'un calice ou d'une corolle: La par- tie laminée qui se prolonge ou s'étale au-delà des plus profondes incisions ou de l'orifice du tube. Loces. La cavité d'un fruit, LuxuLé. En forme de croissant. Mares. Fleurs qui n’ont que des étamines. Masous. Les fleurs en masque imitent un mufile à deux lèvres. Mérmone. Ordre où les plantes sont divisées d’après certains principes, Necrarre. Suivant Linnée , c'est une parti cule accessoire où comme re adnée à un des quatre principaux organes floraux ; c'est un appendice de la corolle. ns” NERVURES. Élév ations filamenteuses qu'on rencontre sur les feuilles et les pétales. Neurre. Sans étamine et sans pistl. Norx. Enveloppe ligneuse, ou osseuse, de graines revêtues de leur tégument propre, . EE RARES NUT F7 -Nurarton. Les fleurs, les feuilles, les tiges des plantes exposées à l'ardeur du jolbil se pen- chent du côté de cet astre. Oscravé. En massue renversée. OsLonc. Plus long que large a bords paral- lèles obtus aux deux bouts. OBovazz: En ovale renversé. OrriciNAL. Qui se vend dans les boutiques comme étant d'usage dans les arts. OrEercuLe. Petit couvercle qui ferme les ur nes de quelques espèces de mousses. ORDRE NATUREL DES PLANTES. Celles qui se tiennent par un très-grand nombre. de rap- ports, et qui ont entre elles une ressemblance marquée. ORGaxisarTIoN. Le jeu de toutes les parties qui concourent à faire naître, vivre, reproduire et mourir un végétal. ; Parzrerre. Écaille membraneuse, sèche ;: dressée, pressant la base d’une fleur qu'elle en- veloppe ou recouvre. ( Les graminées. ) Pazréacé. Garni de paillettes, ou de la nature de la gloume. Pazrmé. Ressemblant à une main ouverte. Papizronacée. Corolle irréguhère à cmq pétales. Le supérieur , plus grand , s'appelle étendard : les deux latéraux a’les ; les deux in- térieurs forment une petite nacelle quon ap- pele carène. Voyez la troisième lettre de J.J. où il décrit d'une manière précise les fleurs de de ce genre. 78 P'A P ParyrAcë. Mince et sec comme du papier. - PaucirAD1éE. Fleur ayant peu de rayons. PépicerLe. Petit pédoncule propre de cha- que fleur. PÉnoncuLE. Support commun de plusieurs fleurs ou d'une fleur solitaire. En terme vul- gaire , la queue d’une fleur ou d’un fruit. PéniciLré. Glandes déhiées, rapprochées à- peu-près comme les crins d'un pinceau. PENTAGONE. À cinq côtés et cinq angles re- marquables, PENTAPTÈRE. À cinq ailes. PENTASPERME. À cinq graines. PEpin. Semence couverte d’une tunique épaisse et coriacée qui se trouve au centre de certains fruits. P£éricARPE. Partie du fruit. Tout fruit par- fait est essentiellement composé de deux par- ties , le péricarpe et sa graine. Tout ce qui n’est point partie intégrante de celle-ci appartient à celle-là. PINNATIFIDE. Dont les côtés sont divisés en plusieurs lanières ou lobes par des incisions pro- fondes qui n’atteignent point le milieu longitu- dinal, ou là nervure médiaire. Prvoranre. Racine qui a un tronc principal enfoncé perpendiculairement dans la terre. PLAN. Présentant une surface plate. PozLen. Voyez POUSSIÈRE. Poryeones. Qui a plusieurs angles et plu- sieurs côtés distincts. POL 7ÿ : Poryspsrme. Renfermant plusieurs graines. Pores. Petits vaisseaux particuliers au moyen desquels les plantes reçoivent du dehors l'air et les liqueurs nécessaires pour leur existence, ou transmettent au dehors un air ou une liqueur nuisibles pour elles. Dans le premier cas les pores sont absorbans; ils sont iris dans le second. Porr. Le port d’une plante est sa façon d’être particulière, sa forme habituelle. PRrOLIFÈRE. Du disque de laquelle naissent une ou plusieurs fleurs. Si c'est un rameau he qe la fleur est dite frondipare. Pusescence. Existence de poils. Pucre. Substance médullaire ou charnue des fruits. - Rrcomrosée. Feuilles composées deux fois: elles ont, 1° un pétiole commun; 2° des pétioles immédiats; 3° des pétioles propres. RÉSINES. Excrétions épaisses , visqueuses , fiables qui suintent par des filtres desti- nés à cet usage. Les sommes ne sont pas QE tibles de s rfbinier: Réricuzé. Marqué de nervures en rézeaus SAGITTÉ. En fer de flèche. SAXATILE. Qui croit sur les pierres à nu. Sève. Liqueur limpide, sans couleur , sans saveur, sans odeur , qui ne sert qu'à l'accroisse+ ment du végétal. | | SiNUé. Qui a un sinus ou une échancrure ar- rondie. ê&o ST:A Sramineux. Dont les étamines sont très- longues. SrozonirÈRe. Dont la tige pousse du pied comme de petites tiges latérales, grêles et sté- riles. SusuLé. En alêne. trlg SYMPÉTALIQUES. Etamines qui réel les pétales de manière à donner à une corolle po- lypétale l'apparence de la HADHMRE NE (Les malvacées.) Sxsrème. Méthode artificielle fondée sur cer- lains principes diversement combinés, desquels on ne peut s'écarter. TÉTRAGONE. Qui a quatre angles et pen côlés égaux. TRÉéFLÉE. Feuille composée de trois folioles. Trurre. Genre de plantes qui naissent, vi- vent, se reproduisent et meurent sous terre, Quelques botanistes voudraient qu'on fit de ce mot le substantif de ce qu'on appelle racine tubéreuse. TusercuLe. Excroissance en forme de bosse ou de grains de chapelets qu'on trouve sur les feuilles , les tiges et les racines. Tuséreuse. Racine manifestement renflée et plus ou moins charnue. Turion. Bourgeon radical des plantes viva- ces. L'asperge que l'on mange est le turion de la plante. Uziçineux. Marécageux, spongieux. UR C 8r Unrciotré. Renflé comme une petite outre. URNE ou PrxipuLe. Petite capsule des mousses. - | Vazve. Segment d'un péricarpe déhiscent. Variété. Plante qui ne diffère de l'espèce que par certaines notes variables, Véc£éTATION. Développement successif des parties qui concourent à la perfection du végétal. Vivace. Plante qui vit plus de trois ans. Vozve. Enveloppe radicale de toutes les es- pèces de champignons. é 19 L D Ds D ee. à LOT niet ve | gi R 45 MENT PA Up m8 var | Au rot Rg: rasals PACE EE: LE SA els tte Ne n angle à PSS it : dense 4 at ele LP AXÈNE | je tal M} Hg k- #lib: ht sieste PAR LE HEURES he ee ge Æi H : CAN TRIAL TITRE { re N 4 : ! MR AR: La PC ECANPRRNT 2 + + La ter, 3 Là | | ta % 4 [10 FL a 64 PTS i CA tags: : l | Ÿ % ] $ U # PAPA +), mn 4 1 Lee (sh: / ji | SRE FAIR tu 54 IAE PTE Pa MN ù Ar LES EU RUE 7 =» 1 » L b3:* . EN VAE BAR! AUS, 2" de Ar, | Me Mi OT TE OR 1° AOC MINI de DU + L 47 LATTES Re ns F'é L | V'ETCRALRNCEIELT. 20 LL RCA AR ? #y 4. V4 52 ds obit | DC! LIN he 4 | ri 1 + M h! L » r - à te £ & 1 OT RSR: L ee =, ir à ed * * [2 LOBAETOR ES _ ÉLÉMENTAIRES SUR LA BOTANIQUE, A MADAME DE LESSERT. v 1 … v : Vo a de 2 + x ‘ Vont Les at, RC 7 * P - # À N ” ti“ Æ, "4 Pa £ «| 4 : L ” Y 4 rap Pad À à FR, l le, …— + A" . : CR Le < CE : PT , « u e met 4 à 2e » «F Sn : me PT a D s ALES . 3 a k , Wie — by De : 27 € L , 4 TE Ê - 4€ * D - + “ Re 2 Rat sie \ 9 =. A | | » Sie 8e a) RE : x * Lu in Hft 7 re i ee" É + d'a ®". 4 à P " F LA LA x , 4 - L À 12 » L - + e e . nn <' : , et =. "at : > | 4 Pen — re # LL . 2 l'w “ . - . , b A, L a iæ .= n M, "+ » - 4 SR | Her TE : : | # s | ; fan h he, an? ENST OS tien 2e 4 PR A ee CR + LES. >, NN RME. B'ET F:R E ÉLÉMENTAIRES SUR LA BOTANIQUE, A MADAME DE LESSERT. _— LETTRE PREMIÈRE. SUR LES LILIACÉES. du 22 août 177. Vorrs idée d'amuser un peu la vivacité de votre fille et de l'exercer à l'attention sur des objets agréables et variés comme les plantes, me paraît excellente ; mais je n'aurais osé vous la proposer, de peur de faire le M. Josse. Puis- qu'elle vient de vous, je l'approuve de tout mon cœur, et j y concourrai de même , persuadé qu'à tout âge l'étude de la nature émousse le goût des amusemens frivoles , prévient le tumulte des passions , et porte à l'ame une nourriture . qui lui profite en la remplissant du plus digne objet de ses contemplations. .… Vous avez commencé par apprendre à la petite les noms d'autant de plantes que vous en aviez de 86 LETTRE RREMIÈRE. communes sous les yeux : c'était précisément ce qu'il fallait faire. Ce petit nombre de plantes qu'elle connait de vue sont les pièces de com- paraison pour étendre ses connaissances ; mais elles ne suffisent pas. Vous me demandez un petit catalogue des plantes les plus connues avec des marques pour les reconnaitre, Je trouve à cela quelque embarras ; c'est delwous donner par écrit ces marques où caractères d'uné manière claire et cependant peu diffuse. Cela me paraît impossible sans employer la langue de la chose, . et les termes de cette langue forment un voca- bulaire à part que vous ne sauriez entendre, s’il ne vous est préalablement expliqué: D'ailleurs ne connaitre simplement les plan- tes que de vue et ne savoir que leurs noms, ne peut être qu'une étude trop insipide pour des esprits comme les vôtres; et 1l est à présumer que votre fille ne s'en amuserait pas long-temps: Je vous propose de prendre quelques notions préliminaires de la structure végétale ou de l'or- ganisation des plantes , afin , dussiez-vous ne faire que quelques pas dans le plus beau , dans le plus riche des trois règnes de la nature, d'y marcher du moins avec quelques lumières. Il ne s'agit donc pas encore de la nomenclature, qui n'est qu'un savoir d'herboriste. J'ai tou- jours cru qu'on pouvait être un très- grand botaniste sans connaître une seule plante par son nom ; et, sans vouloir faire de votre fille un très- SUR LES LILIACÉES 87 grand botaniste, je crois néanmoins qu'il lui sera toujours utile d'apprendre à bien voir ce qu'elle regarde. Ne vous effarouchez pas au reste de l’entreprise ; vous connaîtrez bientôt qu'elle n'est pas grande. Il n'y a rien de compliqué ni de difficile à suivre dans ce que j'ai à vous pro= poser : il ne s’agit que d'avoir la patience de com- mencer par le commencement ; après cela, on n'avance qu'autant qu'on veut. Nous touchons à l'arrière-saison, et les plantes dont la structure a le plus de simplicité sont déjà passées. D'ailleurs, je vous demande quelque temps pour mettre un peu d'ordre dans vos ob- servations. Mais, en attendant que le printemps nous mette à portée de commencer et de suivre le cours de la nature, je vais toujours vous don- ner quelques mots du vocabulaire à retenir. Une plante parfaite est composée de racine, de tige, de branches, de feuilles, de fleurs et de fruits, (car on appelle fruit en botanique, tant dans les herbes que dans les arbres, toute la fabrique de Ja semence.) Vous connaissez déjà tout cela, du moins assez pour entendre le mot ; mais il y a une partie principale qui dé- mande un plus grand examen; c'est la fructifi- cation , Cest-à-dire , la fleur et le fruit. Com- mençons par la fleur, qui vient la première. C'est dans cette partie que la nature a renfermé le sommaire de son ouvrage; c'est par elle qu’elle le perpétue, et c'est aussi de toutes les 88 LETTRE PREMIÈRE. parties du végétal la plus éclatante pour l'ordi- naire, toujours la moins sujette aux variations. Prenez un lis. Je peuse que vous en trouverez encoreaisément en pleine fleur. Avantqu'ils'ou- vre, vous voyez à l'extrémité de la tige un bou- ton oblong verdâtre, qui blanchit à mesure qu'il est prêt à s'épanouir ; et, quand 1l est tout-à-fait ouvert, vous voyez son enveloppe blanche pren- dre la forme d'un vase divisé en plusieurs seg- mens. Cette partie enveloppante et colorée, qui est blanche dans le bis, s'appelle corolle ; etnon pas la fleur, comme chez le vulgaire, parce que la fleur est un composé de plusieurs parties dont la corolle est seulement la principale. La corolle du lis n’est pas d'une seule pièce, comme il est facile à voir. Quand elle se fane et tombe , elle tombe en six pièces bien sépa- rées, qui s'appellent des pétales. Toute corolle de fleur, qui est ainsi de plusieurs pièces, s'ap- pelle corolle polypétale. Si la corolle n'était que d'une seule pièce , comme par exemple dans le liseron, appelé clochette des champs , elle s’ap- pellerait monopétale. Revenons à notre lis. mDans la corolle, vous trouverez précisément au milieu une espèce de petite colonne attachée au fond , et qui pointe directement vers le haut. Cette colonne, prise dans son entier, s'appelle le pistil : prise dans ses parties, elle se divise entrois. 1° Sa base renflée en cyhndre avec trois angles arrondis tout autour: cette base s'appelle SUR LES LILIACÉES, 89 le germe. 2° Un filet posé sur le germe: ce filet s'appelle style. 3° Le style est couronné par une espèce de chapiteau avec trois échancrures : ce Ghapiteau s'appelle -le séigmate. Voilà en quoi consiste le pistil et ses trois parties. Entre le pistil et la corolle, vous trouverez six autres corps bien-distincts, qui s'appellent les étamines. Chaque étamine est composée de deux parties ; savoir, une plus mince par laquelle l'étamine tient au fond de la corolle, et qui s'appelle le filet ; une plus grossequi tient à l'ex- trémité supérieure du filet, et qui s'appelle anthère. Chaque anthère est une boîte qui s'ou- vre quand elle est mûre, et verse une poussière jaune très-odorante , dont nous parlerons dans la suite. Cette poussière jusqu'ici n’a point de nom français ; chez les botanistes on l'appelle le pollen , mot qui signifie poussière. u Voilà l'analyse grossière des parties de la fleur, À mesure que la corolle se fine ettombe, le germe grossit et devient une capsule trian- VE alongée , dont l'intérieur contient des semences plates distribuées en trois loges. Cette capsule, considérée comme l'enveloppe des gral- nes, prend le nom de péricarpe. Mais je n'en- treprendrai pas ici l'analyse du fruit : ce sera le sujet d’une autre lettre. Les parties que je viens de vous nommer se trouvent également dans les fleurs de la plupart des autres plantes, mais à divers degrés de pro- go LETTRE PREMIÈRE. portion , de situation et: de nombre. C'est par l'analogie de ces parties et par leurs diverses combinaisons, que se déterminent les diverses familles du règne végétal; et ces analogies des parües de la fleur se lient avec d'autres analo2 gies des parties de la plante, qui semblent n’avoir aucun rapport à celles-là. Par exemple , ce nom- bre de six étamines, quelquefois seulement trois; de six pétales ou divisions de la corolle, et cette forme triangulaire à trois loges de l'ovaire, dé- terminent toute la famille des liliacées; et, dans toute cette même famille qui est très-nomi breuse, les racines sont toutes des oignons ou bulbes plus ou moins marquées, et variées quant à leur figure ou composition. L'oignon du lis est composé d'écailles en recouvrement; dans l'asphodèle, c’est une liasse de navets alongés; dans le safran, ce sont deux bulbes l'une sur l'autre; dans le colchique, à côté l’une de l'au- tre, mais toujours des bulbes. Le lis, que j'ai choisi parce qu'il est de la saison, et aussi à cause de la grandeur de sa fleur et de ses parties qui les rend plus sensibles, manque cependant d'une des parties constitu- tives d'une fleur parfaite , savoir, le calice. Le calice est cette partie verte et divisée commu nément en cinq folioles, qui soutient et em- brasse par le bas la corolle , et qui l'enveloppe toute entière avant son épanouissement, comme vous aurez pu le remarquer dans la rose, Le SUR LES LILIACÉES. gt éalice qui accompagne presque toutes les autres fleurs manque à la plupart des liliacées comme la tulipe , la jacinthe, le narcisse , la tubéreuse, etc. et même l'oignon, le poireau, l'ail, qui sont aussi de véritables liliacées, quoiqu’elles paraissent fort différentes au premier coup- d'œil. Vous verrez encore que, dans toute cette même famille, les tiges sont simples et peu ra- meuses, les feuilles entières et jamais décou- péés ; observations qui confirment dans cette famille l'analogie de la fleur et du fruit par celle des autres parties de la plante. Si vous suivez ces détails avec quelque attention, et que vous vous les rendiez familiers par des observations fréquentes , vous voilà déjà en état de déter- tiner par l'inspection attentive et suivie d'une plante si elle est ou non de la famille des lilia- cées, et cela sans savoir le nom de cette plante. Vous voyez que ce n’est plus ici un simple tra- vail de la mémoire, mais une étude d’observa- tions et de faits, vraiment digne d’un natura- liste. Vous ne commencerez pas par dire tout cela à votre fille, et encore moins dans la suite, quand vous serez initiée dans les mystères de la végétation; mais vous ne lui développerez par degrés que ce qui peut convenir à son âge et à son sexe, en la guidant pour trouver les choses par elle-même plutôt qu’en les lui apprenant. Bon jour , chère cousine; si tout ce fatras vous convient , je suis à vos ordres. | TS EE A AO ART M A A M A M de M pt tt LETTRE IL SUR. LES CRUCIFEÈRES. du 18 octobre 1771. Porsque voussaisissez si bien, chère cousine; les premiers linéamens des plantes, quoique si: légérement marqués, que votre œil clair-voyant sait déjà distinguer un air de famille dans les lhiliacéer, et que notre chère petite botaniste s'a- muse de corolles et de pétales, je vais vous pro- poser une autre famille sur laquelle elle pourra derechef exercer son petit savoir; avec un peu plus de difficulté pourtant, je l'avoue, à cause des fleurs beaucoup plus petites, du feuillage plus varié , mais avec le même plaisir de sa part et de la vôtre; du moins si vous en prenez au- tant à suivre cette route fleurie que j'en trouve à vous la tracer. | Quand les premiers rayons du printemps au- ront éclairé vos progrès , en vous montrant dans les jardins les jacinthes , les tulipes, les nar- cisses, les janquilles et les muguets, dont l'ana- lyse vous est déjà connue, d'autres fleurs arré- teront bientôt vos regards, et vous demanderont un nouvel examen. Telles seront les giroflées ou violiers ; telles les juliennes ou girardes, Tant que vous les trouverez doubles , ne vous attachez pas à leur examen; elles seront déf- 7. SUR LES CRUCIFÈRES. 93 gurées , ou, si vous voulez, parées à notre mode, la nature ne s’y trouvera plus ; elle refuse de se reproduire par des monstres ainsi mutilés ; car si la partie la plus brillante, savoir, la Létollé) s'y multiphe, c'est aux dépens des parties plus essentielles qui disparaissent sous cet éclat. Prenez donc une giroflée simple, et procédez à l'analyse de sa fleur. Vous y trouverez d'abord une partie extérieure qui manque dans les lilia- cées, savoir, le calice. Ce calice est de quatre pièces qu'il faut bien appeler feuilles ou folioles, puisque nous n'avons point de mot propre pour les exprimer, comme le mot pétales pour les pièces de la corolle. Ces quatre pièces, pour l'or- dinaire, sont inégales de deux en deux : c'est- _ à-dire, deux folioles opposées l'une à l’autre, égales entre elles , plus petites ; et les deux au- tres, aussi égales entre elles et opposées, plus grandes, et sur-tout par le bas où leur arrondis- sement fait en dehors une bosse assez sensible. Dans ce calice vous trouverez une corolle composée de quatre pétales, dont je laisse à part la couleur , parce qu'elle ne fait point caractère. Chacun de ces pétales est attaché au réceptacle ou fond du calice par une partie étroite et pâle qu'on appelle l'onglet, et déborde le calice par une partie plus large et plus colorée, qu'on ap- pelle la lame. Au centre de la corolle est un pistil Le cylindrique où à-peu-près, terminé par un style 94 LETTRE IL : très-court , lequel est terminé lui-même par ua sugmate oblong, bifide; c'est-à-dire, partagé en deux parties qui se réfléchissent de part et d'autre. Si vous examinez avec soin Ja position respec- tive du calice et de la corolle, vous verrez que chaque pétale, au lieu de correspondre exacte- ment à chaque foliole du calice , est posé au con- trare entre les deux ; de sorte qu'il répond à l'ouverture qui les sépare, et cette position al- ternative a lieu dans toutes les espèces de fleurs qui ont un nombre égal de pétales à la corolle et de folioles au calice. Il nous reste à parler des étamines. Vous les trouverez dans la giroflée au nombre de six, comme dans les liliacées, mais non pas de même égales entre elles, ou alternativement inégales; car vous en verrez seulement deux en opposi- tion l’une de l'autre, sensiblement plus courtes que les autres qui les séparent , et qui en sont aussi séparées de deux en deux. Je n'entrerai pas ici dans le détail de leur structure et de leur position : maïs je vous pré- viens que, si vous y regardez bien, vous trou- verez la raison pourquoi ces deux étamines sont plus courtes que les autres, et pourquoi deux folioles du calice sont plus bossues, ou, pour parler en termes de botanique , plus gibbeuses et les deux autres plus aplaties ? Pour achever l'histoire de notre gtroflée, 1l dé : SUR LES CRUCIFERES. 95 me faut pas l'abandonner après avoir analysé sa fleur ; mais 1l faut attendre que la corolle se flétrisse et tombe, ce qu'elle fait assez promp- tement, et remarquer alors ce que devient le pistil, composé, comme nous l'avons dit ci-de- vant, de l'ovaire ou péricarpe, du style et du stigmate. L'ovaire s'alonge beaucoup et s'élar- git un peu à mesure que le fruit muürit. Quand il est mûr, cet ovaire ou fruit devient une espèce _ de gousse plate appelée silique. Cette silique est composée de deux valvules posées l'une sur l'autre, et séparées par une cloison fort mince appelée médiastin. Quand la semence est tout-à-fait mûre , les valvules-s’ouvrent de bas en haut pour lui don- ner passage, et restent attachées au stigmate par leur partie supérieure. Alors on voit des graines plates et circulaires posées sur les deux faces du médiastin; et, si l'on regarde avec soin comment elles y tiennent, on trouve que c'est par un court pédicule qui atta- che chaque graine alternativement à droite et à gauche aux sutures du médiastin, c’est-à-dire, à ses deux bords, par lesquels il était comme cou avec les valvules avant leur séparation. Je ërains fort, chère cousine, de vous avoir un peu fatiguée par cette longue description; mais elle était nécessaire pour vous donner le caractère essentiel de la nombreuse famille des crucifères au fleurs en croix , laquelle compose 90 LETTRE Ii. une classe entière dans presque tous les systèmes des botanistes ; et cette description, difficile à en- tendre ici sans figure , vous deviendra plus claire, j'ose l'espérer, quand vous la suivrez avec quel- que attention, ayant l'objet sous les yeux. Le grand nombre d'espèces qui composent la famille des crucifères a déterminé les botanis- tes à la diviser en deux sections qui, quant à la fleur, sont parfaitement semblables , mais diffè- rent sensiblement quant au fruit. La première section comprend les crucifères à silique, eomme la giroflée dont je viens de parler , la julienne , le cresson de fontaine , les choux , les raves, les navets, la moutarde, etc. La seconde section comprend les crucifères à silicule, c'est-à-dire, dont la silique en di- minutif est extrêmement courte, presque aussi large que longue, et autrement divisée en de- dans ; comme, entre autres, le cresson alenois, dit nasitort où natou , le thlaspi appelé taraspi par les jardiniers, le cochléaria , la lunaire , qui, quoique la gousse en soit fort grande; n'est pour- tant qu'une silicule, parce que sa longueur excède peu sa largeur. Si vous ne connaissez ni le cresson alenois , ni le cochléaria, ni le thlaspi, ni la lu- naire, vous connaissez , du moins je leprésume, la bourse-à-pasteur , si commune parmi les mau- vaises herbes des jardins. Hé bien , cousine, la bourse-à-pasteur est une crucifère à silicule, dont la silicule est triangulaire. Sur celle-là SUR LES CRUCIFÈRES. 97 vous pouvez vous former une idée des autres, jusqu'à ce qu'elles vous tombent sous la main. = Ilest temps de vous laisser respirer , d'autant plus que cette lettre, avant que la saison vous permette d'en faire usage, Sera, j'espère , suivie de plusieurs autres , Où je pourrai ajouter ce qui reste à dire de nécessaire sur les crucifères, et que je n'ai pas dit dans celle-ci. Mis il est ar peut-être de vous prévenir dès-à-présent que, dans cette famille et dans beaucoup d'autres, vous trouverez souvent des fleurs beaucoup plus petites que la giroflée , et quelquefois si pe- tites, que vous ne pourrez guère examiner leurs parties qu'à la faveur d'une loupe; instrument dont un botaniste ne peut se passer, non plus que d’une pointe, d’une lancette et d'une paire de bons ciseaux fins à découper. En pensant que votre zèle maternel peut vous mener jusque là, je me fais un tableau charmant de ma belle cou- sine, empressée avec son verre à éplucher des monceaux de fleurs , cent fois moins fleuries, moins fraiches et moins agréables qu'elle. Bon jour , cousine, jusqu'au chapitre suivant. | ET he lt LETTRE NE SUR LES PAPILLONACÉES. du 16 mai 1772, Je suppose , chère cousine, que vous ayez bien reçu ma précédente réponse, quoique vous, ne m'en-parliez point dans votre seconde lettre. Répondant, maintenant à celle-ci, j'espère, sur ce que vous m'y marquez, que la maman bien rétablie est partie en hon état pour la Suisse, et je compte que vous n'oublierez pas de me donner avis de l'effet de ce voyage, et des eaux qu'elle va prendre. Comme tante Julie a dû partir avec elle, j'ai chargé M. G. qui retourne au Val-de- Travers, du petit herbigr qui lui est destiné, et je l'ai mis à votre #6 ds afin qu'en son ab- sence vous puissiez le recevoir et vous en servir; si tant est que, parmi ces échantillons informes, il se trouve quelque chose à votre usage. Au reste, je n'accorde pas que vous ayez des droits sur ce chiffon. Vous en avez sur celui qui l’a fait, les plus forts et les plus chers que je con- naisse ; mais, pour l'herbier, 1l fut promis à votre sœur , lorsqu'elle herborisait avec moi dans nos promenades à la croix de Vague, et que vous ne songiez à rien moins daus celle où mon cœur et mes pieds vous suivaient avec grand'inaman en Vaise. Je rougis de lui avoir [es SUR LES PAPIBLONACÉES. 0) tenu parole si tard et si mal; maf enfin elle avait sur vous à cet égard ma parole et l'anté- riorité. Pour vous, chère cousine , sije ne vous “promets pas un herbier de ma maïn, c’est pour vous en procurer un plus précieux de la main de votre fille, si vous continuez à suivre avec elle cette douce et charmante étude qui remplit d'intéressantes observations sur la nature ces vides du temps que les autres consacrent à l’oi- siveté où à pis. Quant à présent, reprenons le fil interrompu dé nos familles végétales. Mon intention est de vous décrire d’abord six de ces familles , pour vous familiariser avec la structure générale des parties caractéristiques des plantes. VOus en avez déjà deux ; reste à quatre qu'il faut encore avoir la patience de sui- vre, après quoi, laissant pour un temps les au- tres branches de cette nombreuse lignée, et passant à l'examen des parties différentes de la fructification | nous ferons en sorte que, sans peut-être connaître beaucoup de plantes, vous ne serez jamais en terre étrangère parmi les productions du règne végétal. "Mais je vous bréviéhs que, si vous voulez prendre des livres , et suivre la nomenclature ordinaire , avec beaucoup de noms, vous aurez peu d'idées ; celles que vous aurez se brouille- ront, et vous ne suivrez bién ni ma marche ni celle des autres , et n'aurez tout au plus qu'une connaissance de mots. Chère cousine, jé suis ja- 190 «LETTRE III. loux d'étresvotre seul guide dans cette partie. Quand il en sera temps , je vous indiquerai les livres que vous pourrez consulter, En attendant, ayez la patience de ne lire que-dans celui de la » nature, et de vous en tenir à mes lettres. Les pois sont à présent en pleine fructifica- tion. Saisissons ce moment pour observer leurs caractères. Il est un des plus curieux que puisse offrir la botanique. Toutes les fleurs se divisent généralement en régulières et irrégulières. Les premières sont celles dont toutes les parties s'é- cartent uniformément du centre de la fleur, et aboutiraient ainsi par leurs extrémités extérieures. à la circonférence d’un cercle. Cette uniformité fait qu'en présentant à l'œil le$ fleurs de cette espèce , il n'y distingue m1 dessus, n1 dessous, ni droite, ni gauche ; telles sont les deux fa- milles ci-devant examinées. Mais, au premier. coup-d'œil , vous verrez qu'une fleur de pois. est irrégulière, qu'on y distingue aisément dans, la copolle la partie plus longue qui doit être en haut, de la plus courte qui doit être en bas, et qu'on connaît fort bien , en présentant la fleur . vis-à-vis de l'œil, si on L tient dans sa situation naturelle, ou si on la renverse. Ainsi toutes les fois qu'examinant une fleur irrégulière, on parle du haut et du bas, c'est en la plaçant dans sa situation naturelle. ” Comme les fleurs de cette famille sont d'une construction fort particulière, non seulement il SUR LÉS PAPILLONACÉES. 1017 fauPavoir plusieurs fleurs de pois et les dissé- _quer successivement , pour observer toutes leurs parties lune après l'autre, 1l faut même suivre de progrès de la fructification depuis la TEA floraison jusqu'à la maturité du fruit. Vous trouverez d’abord un calice onophyNE À æ’est-à-dire , d'une seule pièce terminée en cinq ‘pointes bien distinctes, dont deux un peu plus larges sont en haut, et les trois plus étroites en bas. Ce calice est recourbé vers le bas, de même que le pédicule qui le soutient , lequel pédicule est très-délié, très-mobile, en sorte que la fleur suit. aisément le courant de l'air, et présente ordinairement son dos au vent et à la pluie. Le calice examiné, on l’ôte en le déchirant _ délicatement , de manière que le reste de la fleur ‘demeure entier , et alors vous voyez clairement que la corolle est polypétale. Sa première pièce est un grand et large pé- tale, qui couvre les autres, et occupe la partie supérieure de la corolle , à cause de quoi ce grand pétale a pris le nom de pavillon. On l'ap- pelle aussi l'étendard. Il faudrait se boucher les yeux et l'esprit pour ne pas voir que ee pétale est là comme un parapluie pour garantir ceux qu'il couvre des principales injures de l'air. En enlevant le pavillon comme vous avez fait le calice, vous remarquerez qu'il est emboité de chaque côté par une petite oreillette dans les 102 LETTRE 11} pièces latérales, de manière que sa situation ne puisse être dérangée parle vent. ; 54 un Le pavillon ôté laisse à découvert ces.deux pièces latérales auxquelles 1l était adhérent par ses oreillettes ; ces pièces s'appellent les arles. Vous trouverez, en les détachant , qu'emboïîtées encore plus fortement avec celle qui reste, elles n'en peuvent être séparées sans quelque effort. Aussi les ailes ne sont guère moins utiles pour garantir des côtes de ke fleur sé Je PRES pour la couvrir. Les ailes ôtées vous liébénit voir cn dernière pièce de la corolle ; pièce qui couvre et défend le centre de la fleur, et l'enveloppe, sur-tout par- dessous , aussi soigneusement que les trois autres pétales enveloppent le dessus et les côtés. Cette dernière pièce, qu'à cause de sa forme on appelle la nacelle, est comme le coffre-fort dans lequel la nature a mis ‘son trésor à l'abri des-at- téintes de l'air et de l'eau. Après avoir bien examiné ce pétale, tirez-le doucement par-dessous en le pinçant légérement par la quille, c'est-à-dire; par la prise mince qu'il vous présente, de peur d'enlever avec lux ce qu'il enveloppe. Je suis sûr qu'au moment où ce dernier pétale sera forcé de lächer prise et de déceler le mystère qu'il cache, vousne pourrez, en l'appercevant, vous abstenir de faire un cri de surprise et d' adoivation! | Le jeune fruit qu'enveloppait la nacelle est SUR LES PAPILLONACÉES 103 construit de cette manière. Une membrane cy- lindrique terminée par dix filets bien distincts entoure l'ovaire , C'est-à-dire, l'embryon de la gousse. Ces dix filets sont autant d'étamines qui se réunissent par le bas autour du germe, et se ter- minent par le haut en autant d'anthères jaunes dont la poussière va féconder le stigmate qui termine le pisuil, et qui, quoique jaune aussi par la poussière fécondante qui s'y attache, se distingue aisément des étamines par sa figure et par sa grosseur. Aïns1 ces dix étamines for- ment encore autour de l'ovaire une dernière cui- rasse pour le préserver des injures du dehors. Si vous y regardez de bien près, vous trou- verez que ces dix étamines ne font, par leur base, un seul corps qu'en apparence. Car dans la par- tie supérieure de ce cylindre, 1l y a une pièce où étamine qui d'abord paraît adhérente aux autres , mais qui, à mesure que la fleur se fane et que le fruit grossit, se détache et laisse une ouverture en-dessus, par laquelle ce fruit gros- sissant, peut s'étendre en entr'ouvrant et écar- tant de plus en plus le cylindre, qui, sans cela , le comprimant et l'étranglant tout autour, l'em- pêchérait de grossir et de profiter. Si la fleur n'est pas assez avancée, vous ne verrez pas celte étamine détachée du cylindre; mais passez un camion dans deux petits trous que vous trou- verez près du réceptacle, à la base de cette 104 «is LETPRE J1HL étamine, et bientôt vous verrez l'étamine avec son anthère suivre l'épingle, et se détacher des neuf autres qui continueront toujours de faire ensemble un seul corps, jusqu'à ce qu'elles se flétrissent et desséchent, quand le germe fé- condé devient gousse, et qu'il-n'a plus besoin d'elles. Cette gousse, dans laquelle lovaire se change en mürissant, se distingue de la si/ique des cru- cifères, en ce que, dans la silique, les graines sont attachées alternativement aux deux sutu- res, au leu que, dans la gousse, elles ne sont attachées que d'un côté, c'est-à-dire, à une seu+ lement des deux sutures, tenant alternativement, à la vérité, aux deux valves qui la composent, mais toujours du méme côté. Vous saisirez par faitement cette différence, si vous ouvrez en méme temps la gousse d'un pois et la sz/ique d'une giroflée, a yant attention de ne les prendre mi l'une ni l'autre en parfaite maturité, afin qu'après l'ouverture du fruit les graines restent attachées par leurs ligamens à leurs sutures et à leurs valvules. . | Si je me suis bien fait entendre , vous com- prendrez , chère cousine , quelles étonnantes précautions ont été cumulées par la nature pour amener l'embryon du pois à maturité, et le garantir sur-tout , au milieu des plus grandes pluies, de l'humidité qui lui est funeste , sans ‘| SUR LES PALPILLONACÉES. 105 cependant l'enfermer dans une coque dure qui en eût fait uue autre sorte du fruit. Le suprême ouvrier , attentif à la conservation de touûs les êtres, a mis de grands soins à garantir læ fruc- tification des plantes des atteintes qui lui peu- vent nuire; mais il paraît avoir redoublé d'at- tention pour celles qui servent à la nourriture de l'homme et des animaux, comme la plu- part des légumineuses. L'appareil de la fructi- fication du pois est, en diverses proportions, le même dans toute cette famille. Les fleurs y portent le nom de papi/lonacées , parce qu’on a cru y voir quelque chose de semblable à la fi- gure d'un papillon : elkes ont généralement un pavillon, deux ailes, une nacelle , ce qui fait communément quatre pétales irréguliers. Mais il y a des genres où la nacelle se divise dans sa longueur en deux pièces presque adhérentes par la quille, et ces fleurs-là ont réellement cinq pétales : d'autres, comme le trèfle des prés , ont toutes leurs parties attachées en une seule pièce, et , quoique papillonacées, ne laissent pas d'être monopétales. Les papillonacées ou légumineuses sont une des familles des plantes les plus nombreuses et les plus utiles. On y trouve les fèves , les ge- nêts, les luzernes, sainfoins , lentilles, vesces, gesses, les haricots, dont le caractère est d'a- voir la nacelle contournée en spirale, ce qu’on 100 LETTRE 111. prendrait d'abord pour un accident. Il y a des arbres, entre autres celui qu'on appelle vulgai- rement acacla , et qui n'est pas le véritable acacia, l'indigo, la réglisse en sont aussi : mais nous parlerons de tout cela plus en détail dans la suite. Bon jour, cousine, J'embrasse tout ce que vous aimez. _ AS et A A RE A LETTRE IV. SUR LES FLEURS EN GUEULEÉ. da 19 juin 1772. Vous m'avez tiré de peine, chère cousine, mais il me reste encore de l'inquiétude sur ces maux d'estomac appelés maux de cœur, dont votre maman sent les retours dans l'attitude d’é- crire. Si c'est seulement l'effet d’une plénitude de bile, le voyage et les eaux sufhront pour l'évacuer ; mais je crains bien qu'il n'y ait à ces accidens quelque cause locale qui ne sera pas si facile à détruire , et qui demandera toujours d'elle un grand ménagement, même après son rétablissement. J'attends de vous des nouvelles de ce voyage , aussitôt que vous en aurez; mais j'exige que la maman ne songe à m'écrire que pour m'apprendre son entière guérison. Je ne puis comprendre pourquoi vous n'avez pas reçu l'herbier. Dans la persuasion que tante Julie était déjà partie, j'avais remis le paquet à M. G:. pour vous l’expédier en passant à Dijon. Je n'apprends d'aucun côté qu'il soit parvenu mi dans vos mains ni dans celles de votre sœur; et je n'imagine plus ce qu'il peut être devenu. Parlons dé plantes, tandis que la saison de les observer nous y mvite. Votre solution de la question que je vous avais faite sur les étamines Le 108 ° LETTRE 1%. des crucifères est parfaitement juste , et me prouve bien que vous m'avez entendu, ou plutôt que vous m'avez écoulé; car vous n'avez besoin que d'écouter pour entendre. Vous m'avez bien rendu raison de Ja gibbosité de deux folioles du calice et de la briéveté relative de deux étami- nes, dans la giroflée, par la courbure de ces deux étamines. Cependant un pas de plus vous eût menée jusqu'à la cause première de cette struc- ture : car si vous recherchez encore pourquoi ces deux étamines sont ainsi recourbées et par conséquent raccourcies , vous trouverez une pe- tite glande implantée sur le réceptable entre l'é- tamine et le germe , et c'est cette glande qui, éloignant l'étamine et la forçant à prendre le contour, la raccourcit nécessairement, Il y a encore sur le même réceptacle deux autres glan- des, une au pied de chaque paire des grandes élamunes; mais, ne leur faisant point fure de contour , elles ne les raccourcissent pas , parce que ces glandes ne sont pas, comme les deux premières, en dedans; c'est-à-dire, entre la paire d'étamines et le calice. Ainsi ces quatre élamines, soutenues et dirigées verticalement en droite ligne, débordent celles qui-sont re- courbées, et semblent plus longues parce qu'elles sont plus droites. Ces quatre glandes se. trou- vent, ou du moins leurs vestiges , plus ou moins visiblement dans presque toutes les fleurs cruci- ères, ét dans quelques-unes bieu plus disunctes SUR LES FLEURS EN GUEULE, 109 que dans la giroflée. Si vous demandez encore pourquoi ces glandes? Je vous répondrai qu’elles sont un desanstrumens destinés par la nature à unir le règne végétal au règne animal, et les faire circuler l’un dans l’autre ; mais laissant ces recherches un peu anticipées, revenons, quant à présent, à nos familles. Les fleurs que je vous ai décrites jusqu’à pré- sent sont toutes polypétales. J'aurais dû com- mencer peut-être par les monopétales régulières, dont la structure est beaucoup plus simple: cette grande simplicité même est ce qui m'en a em- pêché. Les monopétales régulières constituent moins une famille qu'une grande nation, dans laquelle on compte plusieurs familles bien dis- tinctes; en sorte que, pour les comprendre toutes sous une indication commune , il faut employer des caractères si généraux et si vagues, quec'est paraître dire quelque chose, en ne disant en effet presque rien du tout. Il vaut mieux se ren- fermer dans des bornes plus étroites, mais qu'on puisse assigner avec plus de précision. Parmi les monopétales irrégulières , 1l y a une famille dont la physionomie est si marquée, qu'on en distingue aisément les membres à leur air. C'est celle à laquelle on donne le nom de fleurs en gueule, parce que ces fleurs sont fendues en deux lèvres dont l'ouverture, ’soit naturelle, soit produite par une légère compres- sion des doigts, leur. doune l'air d’une gueule [10 LETTRE I. béante. Cette famille se subdivise en deux sec- tions ou lignées. L'une des fleurs en lèvres ou labiées , l'autre des fleurs en masque ou person- nées: car le mot latin persona signifie un mas- que, nom très-convenable assurément à la plu- part des gens qui portent parmi nous celui de personnes. Le caractère commun à toute la fa- mille est non seulement d'avoir la corolle mo- nopétale, et, comme je l'ai dit, fendue en deux lèvres ou babines , l'une supérieure appelée casque , l'autre inférieure appelée barbe, mais d'avoir quatre élamines presque sur un même rang distinguées en deux paires , l'une plus lon gue et l'autre plus courte. L'inspection de l'ob- Jet vous expliquera mieux ces s caractères que ne peut faire le discours. Prenons d’abord les Zabiées. Je vous en don- nerais volontiers pour exemple la sauge, qu'on trouve dans presque tous les jardins : maïs la construction particulière et bizarre de ses éta- mines, qui l'a fait retrancher par quelques bo- tanistes du nombre des labiées , quoique la na- ture ait semblé y inscrire, me porte à chercher un autre exemple dans les orties mortes, et particulièrement dans lespèce appelée vulgai- rement ortie blanche, mais que les botanistes appellent /amier blanc, parce qu'elle n'a nul rapport à l'orue par sa fructification, quoi- qu'elle en ait beaucoup par son feuillage. L'or- te blanche , si commune par-tout, durant SUR LES FLEURS EN GUEULE. III très-long-temps en fleur, ne doit pas vous être difficile à trouver. Sans m'arrêter 161 à l'élé- gante situation des fleurs , je me borne à leur structure. L’ortie blanche porte une fleur mo- nopétale labiée, dont le casque est concave et recourbé en forme de voûte pour recouvrir le reste de la fleur , et particulièrement ses étami- nés, qui se tiennent toutes quatre assez serrées sous l'abri de son toit. Vous discérnerez aisé- ment la paire plus longue et la paire plus courte, et au qnilieu des quatre le style de la même couleur, mais qui s'en distingue en ce qu'il est simplement fourehu par son extrémité , au lieu d'y porter une anthère comme font les étamines. La barbe, c'est-à-dire, la lèvre inférieure se rephe et Sid en bas, et par cette situation laisse voir presque jusqu'au fond lé dedans de la corolle. Dans les /amiers, cette barbe est re- feridue en longueur dans son milieu, mais cela n'arrive pas de même aux autres labiées. Si vous arrachez la corolle, vous arracherez avec elle les étamines qui y tiennent par leurs filets; et non pas au réceptacle où le style res- tera seul attaché. En examinant comment les étamines tiennent à d'autres fleurs, on les trouve généralement attachées à la corolle quand elle est monopétale , et au réceptacle ou au calice, quand la corolie est polypétale : en sorte qu'on peut, en ce dernier cas , arracher les pétales; sans arracher les étamines. De cette observation 112 LETTRE IV, l'on tiré une règle belle, facile et même assez sûre , pour savoir si une cérolle est d'une seulé pièce ou de plusieurs, lorsqu'il est difficile , comme 1l l'est quelquefois, de s’en assurer im- médiatement. La corolle arrachée reste percée à son fond, parce qu'elle était attachée au réceptacle, lais- sant une ouverture circulaire par laquelle le pis- til et ce qui l'entoure, pénétrait au dedans du tube et de Ja corolle. Ce qui entoure ce pistil dans le lamier et dans toutes les Jabiégs, ce sont quatre embryons qui deviennent quatre graines nues , C'est-à dire, sans aucune enve- loppe ; en sorte que ces graines, quand elles sont mûres, se détachent et tombent à terre sépa- rément. Voilà le caractère des labiées. L'autre lignée ou section, qui est celle des personnées, se distingue des labiées, première- ment par sa corolle, dont les deux lèvres ne sont pas ordinairement ouvertes et béantes , mais fermées et jointes, comme vous le pour- rez voir dans Ja fleur de jardin appelée mu- flaude ou mufle de veau , ou bien à son dé- faut dans la linaire, cette fleur jaune à éperon, si commune en cette saison dans la campagne. Mais un caractère plus précis et plus sûr est qu'au lieu d'avoir quatre graines nues au fond du calice comme les labiées ; les personnées y ont toutes une capsule qui renferme les graines et ue s'ouvre qu'à leur maturité pour les répandre. » SUR LES FLEURS EN GUEULE. 113 J'ajoute à ces caractères qu'un nombre de la- biées sont ou des plantes odorantes et aromati- ques, telles que l'origan , la marjolaine, lethym, le serpolet , le basilic , la menthe, l’hysope, la lavande, etc. ou des plantes odorantes et puan- tes , telles que diverses espèces d'orties mortes, staquis, crapaudines, marrube ; quelques-unes seulement., telles que le bugle , la brumelle, la toque, n’ont pas d’odeur : au lieu que les person: nées sont pour la plupart des plantes sans odeur, comme la muflaude, la linaire , l'euphraise, la pédiculaire, la crête-de-coq, l'orobanche, la cimbalaure , la velvote, la digitale; je ne con- nais guère d'odorante dans cette branche que la scrophulaire qui sente et qui pue, sans être aromatique. Je ne puis guère vous citer ici que des plantes qui vraisemblablement ne vous sont pas connues, mais que peu-à-peu vous appren- drez à connaître, et dont au moins, à leur ren- contre, vous pourrez par vous-même détermi- ner la famille. Je voudrais même que vous tä- chassiez d'en déterminer la lignée ou la section, par la physionomie, et que vous vous exer- çassiez à juger au simple coup-d’œil, si la fleur en gueule que vous voyez est une labiée , ou une personnée. La figure extérieure de la co- rolle peut suffire pour vous guider dans ce choix, que vous pourrez vérifier ensuite en Ôtant la co- rolle et regardant au fond du calice ; car , si vous avez bien jugé, la fleur que vous aurez nommée 114 LETTRE 1. labiée vous montrera quatre graines nues, et celle que vous aurez nommée personnée vous montrera un péricarpe : le contraire vous prou- verait que vous vous êtes trompée ; par un second examen de la même plante, vous pré- viendrez une erreur semblable pour une autre fois. Voilà, chere cousine , de l'occupation pour quelques promenades. Je ne tarderai pas à vous en préparer pour celles qui suivront, - TS A A big PARA UE LE rep j A SUR LES OMBELLT FÈR ES. du 16 juillet 1772. Jens E vous Miernin chère cousine, des bonnes nouvelles que vous m'avez Bornes de la ma- manu. J'avais espéré le-bon effet du changement d'air, et je n’en attends pas: moins des eaux, ét sur-tout du régime austère prescrit durant leur : usage. Je suis touché du souvenir de cette bonne amie, et je vous prie de l'en remercier pour moi, Mais je ne veux pas absolument qu'elle m'écrive durant son séjour en Suisse, et si elle veut me donner directement de ses nouvelles, elle a près d'elle un bon secrétaire qui s’en ac- quittera fort bien. Je suis plus charmé que sur- pris qu'elle réussisse en Suisse ; indépendamment des graces de son âge , et de sa gaieté vive et ca- ressante, elle a dans le caractère un fonds de douceuret d'égalité , dont je l'ai vu donner quel quefois à la grand maman l'exemple charmant qu’elle a reçu de vous. Si votre sœur s'établit en Suisse; vous perdrez l'une et l'autre une grande douceur dans la vie, et elle sur-tout, des avantages difficiles à remplacer. Mais votre pauvre maman qui, porte-à-porte, sentait pour- tant si cruellement sa séparation d'avec vous, comment supportera-t-elle la sienne à une si grande distance ? C'est de vous encore qu'elle 116 LETTRE Y. tiendra ses dédommagemens et ses ressources. Vous lui en ménagez une bien précieuse en as- souplissant dans vos douces mains la bonne et forte étoffe de votre favorite, qui, je n'en doute point , deviendra par vos soins aussi pleine de grandes qualités que de charmes. Ah! cousine ; ; l'heureuse mère que la vôtre! Savez-vous que je commence à être en peine du petit herbier ? Je n'en ai d'aucune part au- cune nouvelle , quoique j'en aie eu de M. G. depuis son retour, par sa femme qui-ne me dit pas de sa part un ‘sb mot sur cet herbier. Je lui en ai demandé des nouvelles; j'attends sa réponse. J'ai grand'peur que, ne passant pas à Lyon, il n'ait confié le paquet à quelque qui- dam, qui, sachant que c'étaient des herbes sè- ches, aura pris tout cela pour du foin. Cepen- dant, si, comme je l'espère encore , il parvient enfin à votre sœur Julie ou à vous, vous trou- verez que je n’ai pas laissé d'y prendre quelque soin, C'est une perte qui, quoique petite , ne me serait pas facile à réparer promptement, surtout à cause du catalogue accompagné de divers pe- üts éclircissemens écrits sur-le-champ, et dont je n'ai gardé aucun double, Consolez-vous , bonne cousine , de n'avoir pas vu les glandes des crucifères. De grands bo- tanistes très-bien oculés ne les ont pas mieux vues. Tournefort lui-même n'en fait aucune mention. Elles sont bien claires dans peu de SUR LES OMBELLIFÈRES. 117 genres , quoiqu'on en trouve des vestiges pres— que dans tous, et c'est à force d'analyser des fleurs en croix, et d'y voir toujours des inéga- lités au réceptacle , qu'en les examinant en par- ticulier , on a trouvé que ces glandes apparte- paient au plus grand nombre des genres, et qu'on les suppose par analogie dans ceux même où on ne les distingue pas. Je comprends qu'on est fiché de prendre tant de peine sans apprendre les noms des plantes qu'on examine. Mais je vous avoue de bonne foi qu'il n'est pas entré dans mon plan de vous épargner ce petit chagrin. On prétend que la botanique n'est qu'une science de mots, qui n'exerce que la mémoire et napprend qu'à nommer des plantes. Pour moi, je ne connais point d'étude raisonnable qui ne soit qu'une seience de mots; et auquel des deux , je vous prie , accorderai-je Le nom de botaniste, de celui qui sait cracher un nom ou une phrase à l'as pect d'une plante , sans rien connaitre à sa struc- ture, ou de celui qui, connaissant très-bien cette structure, ignore néanmoins le nom très-arbi- trare qu'on donne à cette plante en tel ou en tel pays ? Si nous ne donnons à vos enfans qu'üne occupation amusante, nous manquons la meilleure moitié de notre but, qui est , en les amusant, d'exercer leur inteiligence et de les ac- coutumer à l'attention. Avant de leur apprendre à nommer ce qu'ils yoient, commençons par leur EL CHLETTRE A MU apprendre à le voir. Cette science, onbliée dans: toutes les éducations, doit faire la plus impor- tante partie de la leur. Je ne le redirai jamais assez ; apprenez-leur à ne jamais se payer. de mots, et à croire ne rien savoir de ce qui n'est entré que dans leur mémoire: Au reste, pour ne pas trop faire le aabillani: je vous nomme pourtant des: plantes sur hé quelles, en vous les faisant montrer , vous pou- vez aisément vérilier mes descriptions: Vous: n'aviez pas , je le suppose, sous vosyeux, une ortie blanche , en lisant l'analyse des labiées ; mais Vous nil qu'à envoyer chez Yherbe- riste du coin chercher de l’ortieblanche fraiche- ment cuerllie; vous appliquez à sa fleur ma description , et ensuite examunant les autres par: ües de la plante de la manière dont nous trai- terons ci-après, vous connaissez l'ortie blanche: infiniment mieux que: l'herboriste qui la four- uit ne la connaitra de ses jours; encore trouve rons-nous dans peu le moyen de nous passer d'herboriste : mais 1l faut premièrement ache- ver l'examen de nos familles ; ainsi je viens à Ja cinquième qui, dans ce moment, est en pleine fructification. Représentez-vous une longue tige assez droïte, garnie alternativement de feuilles pour l'ordi naire découpées assez menu, lesquelles embras- sent, par leur base, des branches qui sortent de: leurs aisselles, De l'extrémité supérieure de SUB LES OMBELLIFERES. 11 eelte tige partent, comme d'uncentre , plusieurs pédicules ou rayons , qui , s'écartant circulaire- ment et régulièrement comme les côtes d'un parasol , couronnent cette tige en forme d'un vase plus ou moins ouvert. Quelquefois ces rayons laissent un espace vide dans le milieu , et représentent alors plus exactement le creux du vase ; quelquefois aussi ce milieu est fourni d’au- tres rayons plus courts, qui, montant moms.obli- quement , garnissent le vase et forment ; conjoin- tement avec les premiers , la figure, à-peu-près d'un demi-globe dont la partie convexe est tournée en dessus. - Chacun de ces rayons ou. Dire c est ter— miné à son extrémité, non pas encore par une fleur , mais par un autre ordre de rayons plus petits qui couronnent chacun des premiers, préci- sément comme. ces premiers couronnent la tige. .- Ainsi voilà deux ordres pareils et successifs : l'un de grands rayons qui terminent la tige, l'autre de petits rayons semblables, qui termi- nent chacun des grands. - Les rayons des petits parasols ne se subdivisent plus , mais chacun d'eux est le pédicule d'une petite fleur dont nous parlerons tout à l'heure. . Si vous pouvez vous former l'idée de la fi- gure qne Je viens de vous décrire, vous aurez celle de Ja disposition des fleurs dans la famille des ombelliferes ou porte-parasols ; car le mot latin umbella signifie un parasol. r20 Lx LETTRE . Quoique cette disposition régulière de la fruc- tification soit frappante et assez constante dans toutes les ombellifères , ce n'est pourtant pas elle qui constitue le caractère de la famille. Ce caractère se tire de la structure même de La fleur , qu'il faut maintenant vous décrire. Mais il convient, pour plus de clarté, de vous donner 1c1 une distinction générale sur les dis- positions relatives de la fleur et du fruit dans toutes les plantes, distinction qui facilite extré- mement leur arrangement méthodique , quel- que systéme qu'on veuille choisir pour cela. Il y a des plantes, et c'est le plus grand nom- bre, par exemple l'œillet, dont l'ovaire est évi- demment enfermé dans la corolle. Nous don- nerons à celles-là le nom de fleurs infères, par- ce que les pétales, embrassant l'ovaire, prennent: leur naissance au-dessous de lui. 2 Dans d'autres plantes en assez grand nombre, l'ovaire se trouve placé , non dans les pétales mais au-dessous d'eux ; ce que vous pouvez voir dans la rose ; car le gratte-cu, qui en est le fruit, est-ce corps verd et renflé que vous voyez au- dessous du calice, par conséquent aussi au-des-: sous de la corolle qui, de cette manière , couron- né cet ovaire et ne l'enveloppe pas. J'appellerai celles-ci fleurs supéeres , parce que la corolle est au-dessus du fruit. On pourrait faire des mots. plus francisés; mais il me parait avantageux de, vous tenir toujours le plus près qu'il se pourra: SUR LES OMBELLIFÈRES. r2f des termes admis dans la botanique, afin que, sans avoir besoin d'apprendre ni latin, ni grec, vous puissiez néanmoins entendre mnt le vo- cabulaire de cette science , pédantesquement tiré de ces deux langues , comme si, pour connaitre les plantes, il fallait commencer par être un sa- vant gammairien. - Tournefort exprimait la même distinction en d'autres termes : dans le cas de la fleur infère , il disait que le pistil devenait fruit : dans le cas de la fleur supère, il disait que le calice devenait fruit. Cette manière de s'exprimer pouvait être aussi claire, mais elle n'était cértainement pas aussi juste. Quoi qu'il en soit, voici une occasion d'exercer, quand il en sera temps ; > VOS Jeunes élèves à savoir déméler les mêmes idées, ren- dues par des termes tout différens. | Je vous dirai maintenant que les plantes om- bellifères ont la fleur supère, ou posée sur le fruit. La corolle de cette fleur est à cinq pétales appelés réguliers , quoique souvent les deux pé- tales qui sont tournés en dehors dans les fleurs qui bordent l'ombelle, soient plus 8 grands qe les trois autres. La figure de ces pétales varie selon les genres, mais le plus communément elle est en cœur; l'onglet qui porte sur l'ovaire est fort mince; la lame va en sélargissant , son bord est émarginé, (légérement échancré) ou bien il se termine en une pointe qui, se repliant en dessus, donne 6 122 LETTRE Y. encore au pétale l'air d'être émarginé, quoiqu'on le vit pointu s'il était déplié. Entre chaque pétale est une étamine dont l'an- thère, débordant ordinairement la corolle, rend les cinqétamines plus visibles que les cmq pétales, Je ne fais pas ici mention du calice, parce que les ombellifères n’en ont aucun bien distinct. Du centre de la fleur partent deux styles gar- nis chacun de leur stigmate , et assez apparens aussi, lesquels, après la chüûte des pétales et des étamines, restent pour couronner le fruit. La figure la plus commune de ce fruit est un ovale un peu alongé, qui dans sa maturité s'ou- vre par Ja moitié, et se partage en deux semen- ces nues attachées au pédicule , lequel, par un art admirable, se divise en deux ainsi que le fruit, et tient les graines séparément suspendues, jus- qu’à leur chüte. Toutes ces proportions varient selon les gen- res, mais en voilà l'ordre le plus commun. Il faut, je l'avoue, avoir l'œil très-attentif pour bien distinguer sans loupe de si petits objets ; mais 1ls sont si dignes d'attention, qu'on n'a pas regret à sa peine. Voici donc le caractère propre de la famille des ombellifères. Corolle supère à cinq pétales , cinq étamines, deux styles portés sur un fruit nu disperme, c'est-à-dire, composé de deux graines actolées. | Toutes les fois que vous trouverez ces carac- , | BUR LES OMBELLIFÈRES. 123 tères réunis dans une fructification , comptez que la plante est une ombellifère, quand même elle n'aurait d'ailleurs dans son arrangement rien de l'ordre ci-devant marqué. Et quand vous trou- veriez tout cet ordre de parasols conforme à ma description, comptez qu'il vous trompe, s ilest démenti par l'examen de fleur. S'il arrivait, par exemple, qu'en sortant de lire ma lettre, vous trouvassiez en vous prome- nant un sureau encore en fleurs, je suis presque assuré qu'au premier aspect vous diriez, voilà use ombellfère. En y regardant, vous trouve- riez grande ombelle, petite ombelle, petites fleurs blanches, corail supère, Cinq étamines : c'est une ombellifère assurément ; mais voyons encore : je prends une fleur. D'abord , au lieu de cinq pétales, je trouve une corolle à cinq divisions, il est vrai, mais néan- moins d'une seule pièce. Or les fleurs des om- bellifères ne sont pas monopétales. Voilà bien cinq étamines , mais je ne vois point de styles, et je vois plus souvent trois stigmates que deux, plus souvent trois graines que deux. Or les om- bellifères n'ont jamais ni plus ni moins de deux stigmates , pi plus ni moins de deux graines pour chaque fleur. Enfin le fruit du sureau est une baie molle, et celui des ombellifères est sec et nu. Le sureau n'est donc pas une ombellifére. Si vous revenez maintenant sur vos pas, en regardant de plus près à la disposition des fleurs, 124 * LETTRE . vous verrez que cette disposition n'esi qu'en appa- rence celle des ombellifères. Les grands rayons, au lieu de partir exactement du même centre, prennent leur naissance les uns plus haut , les au- tres plus bas; les petits naissent encore moins ré- gulièrement : tout cela n’a point l'ordre inva- riable des ombellifères. L'arrangement des fleurs du sureau est en corymbe, ou bouquet, plutôt qu'en ombelle. Voilà comment , en nous trom- pant quelquefois, nous finissons par apprendre à mieux voir. | | Le chardon-roland, au contraire, n'a guère le port d’une ombellifère , et néanmoins c'en est une, puisqu'il en a tous les caractères dans sa fructification. Où trouver, me direz-vous, le chardon-roland? Par toute la campagne. Tous les grands chemins en sont tapissés à droite et à gauche : le premier paysan peut vous le mon- trer, et vous le reconnaîtrez presque vous-même à la couleur bleuâtre ou verd-de-mer deses feuil- les , à leurs durs piquans et à leur consistance lisse et coriace comme du parchemin. Mais on peut laisser une plante aussi intraitable; elle n'a pas assez de beauté pour dédommager des blessures qu'on se fait en l'examinant ; et füt-elle cent fois lus jolie, ma petite cousine, avec ses petitsdoï ce PE + bientôt rebutée de Mer ME plante de si mauvaise humeur, La famille des ombellifères est nombreuse , #t si naturelle, que ses genres sont très-difficiles à SE SUR LES OMBELLIFÈRES. 125 distinguer : ce sont des frères que la grande res- semblance fait souvent prendre l'un pour l'autre. Pour aider à s’y reconnaître , on a imaginé des distinctions principales qui sont quelquefois uti- les, mais sur lesquelles 1l ne faut pas non plus trop compter, Le foyer d'où partent les rayons, “tant de la grande que de la petite ombelle , n'est pas toujours nu ; il est quelquefois cutsaté de fohioles, him d'une manchette. On donne à ces folioles le nom d'involucre (enveloppe. )} Quand la grande ombelle a une manchette, on donne à cette manchette le nom de grand invo- lucre : on appelle petits involucres, ceux qui en- tourent quelquefois les petites ombelles. Cela - donne lieu à trois sections des ombellifères. 1° Celles qui ont grand involucre et petits in volucres. 2° Celles qui n'ont que les petits involucres - seulement. 3° Celles qui n'ont mi grands ni petits invo- -lucres. Il semblerait manquer une quatrième divi- sion de celles qui ont un grañd imvolucre et point de petits ; mais on ne connaît aucun genre qui soit constamment dans ce cas. i:: Vos étonnans progrès , chère cousine , et votre patience m'ont tellement enhardi, que, comptant pour rien votre peine, j'ai osé vous décrire la fa- mille des ombellifères sans fixer vos yeux sur aucun modèle, ce qui a rendu nécessairement 126 LETTRE v. votre attention beaucoup plus fatigante. Cepien- dant j'ose douter , lisant comme vous savez faire, qu'après une ou deux lectures de ma let- ire, une ombellifère en fleurs échappe à votre esprit en frappant vos yeux; et dans cette saison vous ne pouvez manquer d'en trouver plusieurs dans les jardins et dans la campagne. Elles ont la plupart les fleurs blanches. Telles sont la carotte, le cerfeuil , le persil, la ciguë, l'angélique, la berce, la hide: la boucage, le chervis ou girole, la perce-pierre, etc. Quelques-unes , comme le fenouil , l’anet, le panaus, sont à fleurs jaunes; 1l y en a peu à fleurs rougetres, et point d'aucune autre couleur. Voilà, me direz-vous , une belle notion gé- nérale des ombellifères ; mais comment tout ce vague savoir me garantira-t-il de confondre la ciguë avec le cerfeuil et le persil, que vous venez de nommer avec elle? La moindre cui- sinière en saura là-dessus plus que nous avec toute notre doctrine. Vous avez raison. Mais cependant si nous commençons par les observa- tions de détail$ bientôt accablés par le nombre, la mémoire nous abandonnera , et nous nous perdrons dès les premiers pas dans ce règne i im- mense ; au lieu que, si nous commençons par bien rsuimafre les grandes routes, nous nous égarerons rarement dans les sentiers, et nous nous retrouverons par-tout sans beaucoup de peine. Donnons cependant quelque exception à + + SUR LES OMBELLIFÈRES. 127 l'utilité de l'objet, et ne nous exposons pas, tout en aualysant le règne végétal , à manger par ignorance une omélette à à la ciguë. La petite ciguë des jardins est une ombelli- fère, ainsi que le persil et le cerfewil. Elle a la fleur blanche comme l'un et l'autre, elle est avec le dernier dans la section qui a la petite enveloppe et qui n’a pas la grande; elle leur res- semble assez par son feuillage , pour qu'il ne soit pas aisé de vous en marquer par écrit les différences. Mais voici des caractères suflisans pour ne vous y pas tromper. Il faut commencer par voir en fleurs ces di- verses plantes ; car c'est en cet état que la cigué a son caractère propre, C'est d'avoir sous chaque petite ombelle un petit involucre composé de trois petites folioles pointues, assez longues, et toutes trois tournées en dehors; au heu que les folioles des petites ombelles du cerfeuil l'enve- . loppent tout autour, et sont tournées également de tous les côtés. A l'égard du persil, à peine a-t-il quelques courtes folioles, fines comme des cheveux, et distribuées indifféremment , tant dans la grande ombelle que dans les petites, qui toutes sont claires et maigres. * La fleur du persil est un peu jaunâtre. Mais plusieurs fleurs d’ombellifères paraissent jaunes à cause de l’o- vaire et des anthères, et me laissent pas d’avoir les pé- tales blancs, 128 SUR LES OMBELLIFÈRES. Quand vous vous serez bien assurée de Ja ci- guë en fleurs, vous vous confirmerez dans votre jugement en ESRER légérement et flairant son feuillage ; car son odeur puante et vireusenevous la laissera pas confondre avec le persil ni avec le cerfeuil > qui tous deux ont des odeurs agréa-. bles. Bien sûre enfin de ne pas faire de quipro- quo, vous examinerez ensemble et séparément ces trois plantes dans tous leursétats, par toutes Jeurs parties , sur-tout par le feuillage qui les ac- compagne plus constamment que lat {leur ; et par cet examen , comparé et répété Jusqu'à ce que vous ayez acquis la certitude d'un coup-d'œil , vous parviendrez à distinguer et connaître im- perturbablement la ciguë, L'étude nous mène ainsi jusqu’à la porte de la pratique , après ins celle-ci fait la facilité du savoir. Prenez haleine, chère cousine, car voilà une lettre excédante ; je n'ose même vous promettre plus de discrétion dans celle qui doit la suivre ; mais après cela nous n'aurons devant nous qu’un chemin bordé de fleurs. Vous en méritez une | couronne pour la douceur et la constance avec laquelle vous daignez me suivre à travers ces - broussailles, sans vous rebuter de leurs épines. LETTRE VI SUR LES FLEURS COMPOSÉES. du 2 mai 1772. Qu OIQU'IL vous resie, chère cousine, bien des choses à desirer dans les notions de nos cinq premières familles, et que je n’aie pas toujours su mettre mes descriptions à la portée de notre petite botanophile, (amatrice de la botanique}, je crois néanmoins vous en avoir donné une idée suffisante pour pouvoir, après quelques mois d'herborisation , vous familiariser avec l'idée générale du port de chaque famille : en sorte qu'à l'aspect d’une plante, vous puissiez con- jecturer à-peu-près si elle appartient à quel- qu'une des cinq familles et à laquelle; sauf à vérifier ensuite par l'analyse de la fructification si vous vous êtes trompée ou non dans votre conjecture. Les ombellifères | par exemple, vous ont jetée dans quelque embarras, mais dont vous pouvez sorlir quand il vous plaira, au moyen des indications que j'ai jointes aux des: criptons : car enfin les carottes , les panais ; sont choses si communes , que rien n’est plus aisé, dans le milieu de l'été, que de se faire montrer June où l’autre en fleurs dans un potager. Or, au simple aspect de l'ombelle et de la plante qui la porte, on doit prendre une idée si nette 199 LETTRE Vi. des ombellifères ; qu'à Ja rencontre d'une plante de cette famille on s'y trompera rarement au premier coup-d'œil. Voilà tout ce que j'ai pré- tendu jusqu'ici : car il ne sera pas question si tôt des genres et des espèces; et encore une fois ce n’est pas une nomenclature de perroquet qu'il s'agit d'acquérir , mais une science réelle, et l'une des sciences les plus aimables qu'il soit possible de cultiver. Je passe donc à notre sixième famille avant de prendre une routeplus méthodique. Elle pourra vous embarrasser d'a bord autant et plus que les ombellifères : mais mon but n'est, quant à présent, que de vous en donner une notion générale , d'autant plus que nous avons bien du temps encore avant celui de la pleine floraison , et que ce temps bien employé pourra vous applanr des difficultés contre lesquelles il ne faut pas lutter encore. Prenez une de ces petites fleurs qui, dans cette saison , tapigsent les pâturages, et qu'on ap- pelle ici paguerettes, petites marguerites, ou marguerites tout court. Regardez-la bien ; car, à son aspect, je suis sûr de vous surprendre en vous disant que cette fleur si pelite et si mi-. gnonne est réellement composée de deux ou trois cents autres fleurs toutes parfaites , c'est-à- dire, ayant chacune sa corolle, son germe , son pisul , ses étamines , sa graine, en un mot aussi parfaite en son espèce, qu'une fleur de jacinthe ou de lis, Chacune de ces folioles blanches en ET TE VU à sd Lsinstné \ 4 Content don en Gr doi. je de Éd re 0 à tn is shine fi née È | SUR LES FLEURS COMPOSÉES. 134 dessus, rose en dessous, qui forment comme une couronne autour de la marguerite , et qui ne vous paraissent tout au plus qu'autant de petits péta- les, sont réellement autant de véritables fleurs ; et chacun de ces petits brins jaunes que vous voyez dans le centre , et que d'abord vous n'avez peut-être pris que pour des étamines, sont en- coré autant de véritables fleurs. Si vous aviez déjà les doigts exercés aux dissections botaniques, que vous vous armassiez d'une bonne loupe et de beaucoup de patience, je pourrais vous con- vaincre de cette vérité par vos propres yeux ; mas pour le présent 1l faut commencer, s'il vous plaît, par m'en croire sur ma parole, de peur de fatiguer votre attention sur des atomes, Cependant, pour vous mettre au moins sur la voie, arrachez une des folioles blanches de la e; vous croirez d'abord cette foliole plate d'un bout à l'autre; mais regardez-la bien par le bout qui était attaché à la fleur , vous ver- -rez que ce bout n’est pas plat, mais rond et creux en forme de tube , et que de ce tube sort un petit filet à deux comes; ce filet est le style fourchu de cétte fleur, qui, comme vous voyez, n'est plate que par le haut. Regardez maintenant les brins jaunes qui sont au milieu de la fleur, et que je vous ai dit êlre autant de fleurs eux-mêmes ; si la fleur est assez avancée , vous en verrez plusieurs tout au tour, lesquels sont ouverts dans le milieu et 133 LETTRE WI. même découpés en plusieurs parties. Ce sont des corolles monopétales qui-s'épanouisssent, et dans lesquelles la loupe vous ferait aisément distin- guer le pistil et même les anthères dont il est entouré, Ordinairement les fleurons jaunes qu'on voit au centre sont encore arrondis et non per- cés. Ce sont des fleurs comme les autres, mais qui ne sont pas encore épanouies ; car elles ne s'épanouissent que successivement en avançant des bords vers le centre. En voilà assez pour vous montrer à l'œil la possibilité que tous ces brins ; tant blancs que jaunes, soient réellement autant de fleurs parfaites, et c'est un fait très- constant. Vous voyez néanmoins que toutes ces petites fleurs sont pressées et renfermées dans un calice qui leur est commun , et qui est celui de la marguerite. En considérant toute la rite comme une seule fleur, ce sera donc ner un nom très-convenable , que de l'appel fleur composée. Or il y a un grand nombre d'es- pèces et de genres de fleurs formées comme la marguerite d'un assemblage d'autres fleurs plus petites, contenues dans un calice commun. Voilà ce qui constitue la sixième famille dont j'avais à vous parler, savoir , celle des fleurs composées. . Commençons par ôter ici l'équivoque du mot fleur , en restreignant ce nom dans la présente famille à la fleur composée, et donnant celui de fleurons aux petites fleurs qui la composent ; gas n'oublions pas que, dans la précision du on. Ét mt. tt a. à PAS RP LL LI vp rex ” 1 TT IT € e 1408 2 NN PT TE SUR LES FLEURS COMPOSÉES. 199 mot, ces fleurons eux-mêmes sont autant de vé- ritables fleurs. _ Vous avez vu dans la marguerite deux sortes de fleurons, savoir , ceux de couleur jaune qui remplissent le milieu de la fleur, et les petites languettes blanches qui les entourent. Les pre- miers sont dans leur petitesse assez semblables de figure aux fleurs du muguet ou de la jacinthe, et ls seconds ont quelque rapport aux fleurs de chèvre-feuille. Nous laisserons aux premiers le nom de fleurons, et, pour distinguer les autres, nous les appellerons demi-fleurons : car en effet ils ont assez l'air de fleurs monopétales qu'on aurait rognées par un CÔtÉ, en n'y laissant qu'une languette qui ferait à peine la moitié de la co- rolle: Ces deux sortes de fleurons se combinent dans les fleurs composées, de manière à diviser toute la famille en trois sections bien distinctes. La première section est formée de celles qui ne sont composées que de languettes ou demi- fleurons, tant au milieu qu'à la circonférence ; on les appelle fleurs demi-fleuronnées, et la fleur entière dans cetle section est toujours d'une seule couleur, le plus souvent jaune. Telle est la fleur appelée dent-de-lion ou pissenlit ; telles sont les fleurs de laitues , de chicorée, (celle-ci est bleue ) de scorsonère, de salsifis, etc. La seconde section comprend les fleurs fleu- ronnées, c'est-à-dire, qui ne sont composées que 194 LETTRE VI de fleurons, tous pour l'ordinaire aussi d'une seule couleur. Telles sont les fleurs d'immor- telles, de bardane, d'absynthe, d'armoise, de chardon, d'artichaut , qui est un cherdon lui même dont on mange le calice et le réceptacle encore en bouton , avant que la fleur soit éclose et même formée. Cette bourre qu'on ôte du mi- lieu de l'artichaut n’est autre chose que l’assem- blage des fleurons qui commencent à se former, et qui sont séparés les uns des autres par de longs poils implantés sur Le réceptacle, | La troisième section est celle des fleurs qui rassemblent les deux sortes de fleurons. Cela se fait toujours de manière que les fleurons entiers occupent le centre de la fleur, et les demi-fleu- rons forment le contour ou la circonférence ; comme vous avez vu dans la paquerette. Les fleurs de cette section s'appellent radiées, les botanistes ayant donné le nom de rayon au con- tour d'une fleur composée, quand 1l est formé de languettes ou demi-fleurons. A l'égard de l'aire ou du centre de la fleur occupé par les fleurons, on l'appelle le disque, et on donne aussi quelquefois ce même nom de disque à la surface du réceptacle où sont plantés tous les fleurons et demi-fleurons. Dans les fleurs ra- diées , le disque est souvent d'une couleur.et le rayon d'une autre; cependant il y a aussi des genres et des espèces où tous les deux sont de la méme couleur, " SUR LES FLEURS COMPFOSÉES. 193 --Tâchons à présent de bien déterminer dans votre esprit l'idée d’une fleur composée. Le trèfle ordinaire fleurit en cette saison; sa fleur est pour- pre : s’il vous en tombait une sous la main, vous . pourriez ; en voyant tant de petites fleurs rassem- blées , être tentée de prendre le tout pour une fleur composée. Vous vous tromperiez ; en quoi ? en ce que, pour constituer une fleur composée , il ne suffit pas d'une agrégation de plusieurs pe- tites fleurs, mais qu'il faut de plus qu'une ou deux des parties de la fructification leur soient communes , de manière que toutes aient part à la méme, et qu'aucune n'ait la sienne séparé- ment. Ces deux parties communes sont le calice et le réceptacle. Il est vrai que la fleur de trèfle, ou plutôt le groupe de fleurs qui n’en semblent - qu'une, paraît d'abord portée sur une espèce de calice ; mais écartez un peu ce prétendu calice, et vous verrez qu'il ne tient point à la fleur , mais qu'il est attaché au-dessous d'elle au pédicule qui la porte. Ainsi ce calice apparent n'en est point un; 11 appartient au feuillage, et non pas “à la fleur ; et cette prétendue fleur n’est en eflet qu'un assemblage de fleurs légumineuses fort petites, dont chacune a son calice particulier, et qui n'ont absolument rien de commun entre elles que leur attache au même pédicule. L'usage est pourtant de prendre tout cela pour une seule fleur ; mais c'est une fausse idée : ou si l'onveut absolument-regarder comme une fleur, un bou- 136 LETTRE VI quet de cette espèce , il ne faut pas du moins l'ap- peler une fleur composée, mais une fleur agrégée ou une tête, (flos aggregatus, flos capitatus , ca- pitulum.) Et ces dénominations sont en effet quelquefois SONORE en ce sens par les bo- tauistes,. Voilà, chère cousine, la notion la ples sil et la pins naturelle que je puisse vous donner de la famille, ou plutôt de la nombreuse classe des composées , et des trois sections ou familles dans lesquelles elles se subdivisent. IL faut mainte- nant vous parler de la structure des fructifica- tions particulières à cette classe, et cela nous mènera peut-être à en déterminer le caractère avec plus de précision. La partie la plus essentielle d'une fleur com- posée , est le réceptacle sur lequel sont plantés, d'abord les fleurons et demi-fleurons , et ensuite les graines qui leur succèdent. Ce réceptacle, qui forme un disque d’une certaine étendue , fait le centre du calice, comme vous pouvez voir dans le pissenlit que nous prendrons ici pour exem- ple. Le calice, dans toute cette famille, est ordi- nairement découpé jusqu’à la base en plusieurs pièces , afin qu'il puisse se fermer, se rouvrir et - se renverser, Comme 1l arrive dans le progrès de Ja fructification , sans y causer de déchirure. Le calice du pissenht est fermé de deux rangs de folioles insérés l’un dans l'autre, etles folioles du rang extérieur qui soutient l’autre se recour- SUR LES FLEURS COMPOSÉES. 197 bent et replient en bas vers le pédicule , tandis - que les folioles du rang intérieur resterit droites pour entourer et contenir les demi-fleurons qui PR la fleur. Une forme encore des plus communes aux ca lices de cette classe , est d'être embriques, c'est-à- dire, formés de plusieurs rangs de folioles en recouvrement , les unes sur les joints des autres, comme les tuiles d'un toit. E’artichaut, le bluet, Ja jacée-, la scorsonère , vous offrent des exem- ples de calices imbriqués. | Les fleurons et demi-fleurons enfermés dans le calice sont plantés fort dru sur son disque ou réceptacle en quinconce, où comme les cases d’un damier. Quelquefois 1ls s'entre-touchent-à nu sans rien d'intermédiaïre , quelquefois 1ls sont séparés par des cloisons de poils ou de petites écailles qui restent attachées au réceptacle quand les graines sont tombées. Vous voilà sur la voie d'observer les différences de calice et de récep- tacles ; parlons à présent de la structure des fleu- rons et demi-fleurons, en commençant par les premiers. Un fleuron est une fleur Susitéles régu- lière pour l'ordinaire , dont la corolle se fend dans le haut en quatre ou cinq parties. Dans cette corolle sont attachés à son tube les filets des étamines au nombre de cinq: ces cinq filets se réunissent par le haut en un petit tube rond qui entoure le pistil , et ce tube n'est autre chose 138 LETTRE V1 que les cinq anthères ou étamines réunies cireu- lairement en un seul corps. Cette réumon des étamines forme aux yeux des botanistes le. ca- ractère essentiel des fleurs composées, et n'ap- partient qu’à leurs fleurons exclusivement à tou- tes sortes de fleurs. Ainsi vous aurez beau trou ver plusieurs fleurs portées sur-un même disque, comme dans les scabieuses et le chardon-à- foulon ; si les anthères ne se réunissent pas en un tube autour du pistl , etsi la corolle ne porte pas sur une seule graine nue, ces fleurs ne sont pas des fleurons, et ne forment pas une fleur com- posée. Au contraire, quand vous trouveriez daus une fleur unique les anthères ainsi réunies en um seul corps, et la corolle supère posée sur une seule graine, cette fleur, quoique seule , serait un vrai fleuron, et appartiendrait à la fanulle des composées, dont il vaut mieux tirer ainsi le caractère d'une structure précise , que d'une ap- pareuce trompeuse. Le pistil porte un style plus long d'ordinaire que le fleuron, au-desssus duquel on le voit s'é- lever à travers le tube formé par les anthères, Il se termine le plus souvent dans le haut par un stigmale fourchu dont on voit aisément Îes deux petites cornes. Par son pied le pisül ne. porte pas immédiatement sur le réceptacle non plus que le fleuron , mais l'un et l'autre y tien- nent par le germe qui leur sert de base, lequel croit et s'alonge à mesure que le fleuxon se des- SUR LES FLEURS COMPOSÉES, 139 sèche, et devient enfin une graine longueite qui reste attachée au réceptacle, jusqu'à ce qu’elle soit müre. Alors elle tombe si elle est nue , où bien le vent l'emporte au loin si elle est cou- ronnée d'une aigrette de plumes, et le récep- tacle reste à découvert tout nu dans des genres, ou garni d'écailles ou de poils dans d’autres. La structure des demi-fleurons est semblable à celle des fleurons; les étamines, le pistil et la graine, y sont arrangés à-peu-près de même : seulement dans les fleurs radiées 1l y a plusieurs genres où les demi-fleurons du contour sont sujets à avorter, soit parce qu'ils manquent d'é- tamines, soit parce que-celles qu'ils ont sont stériles, et n'ont pas la force de féconder le germe ; alors la fleur ne graine que par les fleu- rons du milieu. | ” Dans toute la classe des composées , la graine est toujours sessile, c'est-à-dire, qu'elle porte immédiatement sur le réceptacle, sans aucun pédicule intermédiaire. Mais 1l y a des graines dont le sommet est couronné par une aigrette quelquefois sessile, et quelquelois attachée à la graine par un pédicule. Vous comprenez que l'usage de cette aigrette est d'éparpiller au loin les semences, en donnant plus de prise à l'air pour les ” et semer à distance. A ces descriptions informes et tronquées , je dois ajouter que les calices ont pour l'ordinaire dl _ 140 LETTRE VI. la propriété de s'ouvrir quand la fleur s'épa- nouit , de se refermer quand les fleurons sesè- ment et tombent, afin de contenir la jeune grai- ne , et l'empêcher de se répandre avant sa matu- rité, enfin de se rouvrir et de se renverser tout- . à-fait pour offrir dans leur centré une aire plus . large aux graines qui grossissent en müûrissant. Vous avez dû souvent voir le pissenlit dans cet élat, quand les enfans le cueillent pour soufiler dans ses aigrettes qui forment un globe autour du calice renversé. | Pour bien connaitre cette classe , il faut en sui- vre les fleurs dès avant leur épanouissement jus- _qu'à la pleine maturité du fruit, et c’est dans celte succession qu'on voit des métamorphoses etun enchainement de merveilles qui tiennent tout esprit sain qui les observe dans une con- tinuelle admiration. Une fleur commode pour ces observations est celle des soleils qu'on ren- contre fréquemment dans les vignes et dans les jardins. Le soleil , comme vous voyez, estune radiée. La reine-marguerite , qui dans l'automne. fait l'ornement des parterres, en est une aussi. Les chardons : sont des fleuronnées ; j'ai déjà dit que la scorsonère et le pissenlit sont des demi- * Il faut prendre garde de n’y pas LA le chardon- à-foulon ou des bonneliers ; qui n’est pas un vrai chardon, "2, LR. OR NTI Ê FT SUR LES FLEURS COMPOSÉES. 141 _ fleuronnées. Toutes ces fleurs sont assez grosses pour pouvoir être disséquées et étudiées à l'œil nu sans le fatiguer beaucoup. Je ne vous en dirai pas davantage aujourd hui sur la famille ou classe des composées. Je trem- ble déja d'avoir trop abusé de votre patience pat des détails que j'aurais rendus plus clairs, si j ‘a vais su les rendre plus courts; mais 1] m'est im- possible de sauver la difficulté qui naît de la petitesse des objets. Bonjour, chère cousine. GLS OS PSS PE D LETTRE VII. SUR LES ARBRES FRUITIERS. J'arrexpats de vos nouvelles, chère cousine, sans impatience , parce que M. T. que j'avais vu depuis la réception de votre précédente lettre, m'avait dit avoir laissé votre maman et toute la famille en bonne santé. Je me réjouis d’en.avoir la confirmation par vous-même, ainsi que des bonnes et fraîches nouvelles que vous me donnez de ma tante Gonceru. Son souvenir et sa béné- diction ont épanoui de joie un cœur à qui depuis long-temps on ne fait plus guère éprouver de ces sortes de mouvemens. C'est par elle que je tiens encore à quelque chose de bien précieux sur la terre; et tant que je la conserverai , je con- tinuerai, quoi qu'on fasse , à aimer la vie. Voici le temps de profiter de vos bontés ordinaires pour elle et pour moi ;1l me semble que ma pe- tite offrande prend un prix réel en passant par vos mains. Si votre cher époux vient bientôt à Paris comme vous me le faites espérer, je le prierai de vouloir bien se charger de mon tri- but annuel ; mais, s'il tarde un peu, je vous prie de me marquer à qui je dois le remettre, afin qu'il n'y ait point de retard, et que vous n'en fassiez pas l'avance comme l'année dernière, ce que je sais que vous faites avec plaisir, mais SUR LES ARBRES FRUITIERS. 148 à quoi je ne dois pas consentir sans nécessité. Voici, chère cousine, les noms des plantes que vous m'avez envoyées en dernier lieu. J'ai ajouté un point d'interrogation à ceux dont je suis en doute, parce qué vous n'avez pas eu soin d'y mettre des feuilles avec la fleur, et que le feuillage est souvent nécessaire pour détermi- ner l'espèce à un aussi mince botaniste que moi. En arrivant à Fourrière, vous trouverez la plu- part des arbres fruitiers en fleurs, et je me sou- viens que vous aviez desiré quelques directions sur cet article. Je ne puis en ce moment vous tracer là-dessus que quelques mots très à la hâte, étant fort pressé, et afin que vous ne perdiez pas encore une saison pour cet examen. Il ne faut pas, chère amie, donner à la bota- nique une importance qu'elle n’a pas; c'est une étude de pure curiosité , et qui n’a d'autre utilité réelle que celle que peut tirer un être pensant et sensible de l'observation de la nature, et des mer- veilles de l'univers. L'homme a dénaturé beau- coup de choses pour les mieux convertir à son usage; en cela il n'est point à blâmer ; mais il n'en est pas moins vrai qu'il les a souvent déf- gurées , et que, quand dans les œuvres de ses mains 11 croit étudier vraiment la nature, il se trompe. Cette erreur a lieu sur-tout dans la société civile, elle a lieu de même dans les jar- dins: Ces fleurs doubles qu'on admire dans les parterres , sont des monstres dépourvus de la 144 LETTRE VIir. faculté de produire leur semblable, dont la na: ture a doué tous les êtres organisés. Les arbres fruitiers sont à-peu-près dans le même cas par la greffe ; vous aurez beau planter des pepins de poires et de pommes des meilleures espèces, il n’en naïtra jamais que des sauvageons, Ainsi pour connaître la poire et la pomme de la na- ture , il faut les chercher non dans les pota- gers, mas dans les forêts. La chair n'en est pas si grosse et si succulente , mais les semences en mürissent mieux , en multiplient davantage, et les arbres en sont infiniment plus grands et plus vigoureux. Mais j entame ici un arucle qui me mènerait trop loin : revenons à nos polagers. Nos arbres fruitiers, quoique greflés, gardent dans leur fructification tous les caractères bota- niques qui les distinguent ; et c'est par l'étude attentive de ces caractères, aussi bien que par les transformations de la greffe , qu'on s'assure qu'il n'ya, par exemple, qu'une seule, espèce de poire sous mille noms divers, par lesquels la forme et la saveur de leurs fruits les ont fait dis- tinguer en autant de prétendues espèces, qui ne sont au fond que des variétés. Bien plus, la poire et la pomme ne sont que deux espèces du même genre, et leur unique différence bien caractéristi- que est que le pédicule de la pomme entre dans un enfoncement du fruit, et celui de la poiretientà un prolongement du fruit un peu alongé, De même toutes les sortes de cerises, guignes, griottes, Li =, SUR LES ARBRES FRUITIERS. 149 bigarreaux , ne sont que des variétés d’une même espèce ; toutes les prunes ne sont qu'une espèce de prunes; le genre de la prune contient trois es- pèces principales ; savoir , la prune proprement dite, la cerise , et l'abricot qui n'est aussi qu'une espèce de prune. Ainsi quand le sâvant Lin- næus , divisant le genre dans les espèces, a dé- nommé la prune’ prune, la prune cerise, et la prune abricot, les ignorans se sont moqués de lui : mais les observateurs ont admiré la justesse de- ses réductions, etc. Il faut courir, je me hâte. Les arbres fruitiers entrent presque tous dans une famille nombreuse, dont le caractère est fa- cile à saisir, en ce que les étaminés, en grand nombre , au lieu d’être attachées au réceptacle, sont attachées au calice , par les intervalles que laissent les pétales entre eux ; toutes leurs fleurs sont polypétales et à cinq communément. Voici les principaux caractères génériques. Le genre de la poire , qui comprend aussi la pomme et le coin. Calice monophylle à cinq pointes. Corolle à cinq pétales attachés au ca-: lice, une vingtaine d'étamines toutes attachées au calice. Germe ou ovaire infère, c'est-à-dire, au- dessous de la corolle , cinq styles. Fruits char- nus à cinq logettes, contenant des graines, etc. Le genre de la prune, qui comprend l'abri- cot , la cerise et le laurier-cerise. Calice, co- rolle et anthères à-peu-près comme la poire, Mais le germe est supère, c'est-à-dire, dans la 7 146 LETTRE VIii. corolle, et il n’y a qu'un style. Fruit plus aqueux que charnu contenant un noyau, etc. Le genre de l'amande, qui comprend aussi la pêche. Presque comme la prune , sice n'est que le germe est velu , et que le fruit, mou dans la pêche, sec dans l'amande, contient un noyau dur , raboteux , parsemé de cavités, etc. Tout ceci n'est que bien grossièrement ébau- ché ; mais c'en est assez pour vous amuser cette année, Bonjour, chère cousine. A SE TT DST PR LE VEPL SUR LES HERBIERS. du 11 avril 1773. Grace au ciel, chère cousine, vous voilà ré- tablie. Mais ce n'est pas sans que votre silence et celui de M. G. que j'avais instamment prié de m'écrire un mot à son arrivée, ne m'ait causé bien des alarmes. Dans des inquiétudes de cette espèce, rien n’est plus cruel que le si- lence , parce qu’il fait tout porter au pis. Mais tout cela est déjà oublié, et je ne sens plus que le plaisir de votre rétablissement. Le retour de la belle saison , la vie moins sédentaire de Four- rière, et le plaisir de remplir avec succès la plus douce, ainsi que la plus respectable des fonc- tions, achèveront bientôt de l’affermir, et vous en sentirez moins tristement l'absence passagère de votre mari, au milieu des chers gages de son attachement et des soins continuels qu'ils vous demandent. La terre commence à verdir , les arbres à bourgeonner , les fleurs à s'épanouir ; 1l y en a déjà de passées; un moment de retard pour la botanique nous reculerait d'une année entière : ainsi jy passe sans autre préambule. Je crains que nous ne l’ayons traitée jusqu'ici d'une manière trop abstraite, en n'appliquant 148 LETTRE VIil. point nos idées sur des objets déterminés : c'est le défaut dans lequel je suis tombé, principale- ment à l'égard des ombelliféres. Si j'avais com- mencé par vous en mettre une sous les yeux, je vous aurais épargné une application très-fati- gante sur un objet imaginaire , et à moi des des- criptions difficiles , auxquelles un simple coup- d'œil aurait suppléé. Malheureusement , à la distance où la loi de la nécessité me tient de vous, je ne suis pas à portée de vous montrer du doigt les objets; mais si chacun de notre côté nous en pouvons avoir sous-les yeux de sem- blables, nous nous entendrons très-bien l'un l'autre en parlant de ce que nous voyons. Toute la difficulté est qu'il faut que l'indication vienne de vous; car vous envoyer d'ici des plantes sèches serait ne rien faire. Pour bien reconnaitre une plante , il faut commencer par la voir sur pied. Les herbiers servent de mémoratifs pour celles qu’on a déjà connues ; mais ils font mal connai- tre celles qu'on n'a pas vues auparavant. C'est donc à vous de m'envoyer des plantes que vous voudrez connaître et que vous aurez cueillies sur pied; et c'est à moi de vous les nommer , de les classer , de les décrire; jusqu'à ce que, par des idées comparatives devenues familières à vos yeux et à votre esprit, vous parveniez à classer , ranger et nommer vous-même celles que vous verrez pour la première fois; science qui seule distingue le vrai botaniste de l'herbo- eu SUR LES HERBIERS. 149 riste ou nomenclateur. Il s'agit donc ici d'ap- prendre à préparer , dessécher et conserver les plantes ou échantillons de plantes, de manière à les rendre faciles à connaître et à déterminer. C'est, en un mot, un herbier que je vous pro- pose de commencer. Voici une grande occupa tion qui de loinse prépare pour notre petite ama- trice: car, quant à présent et pour quelque temps encore , il faudra que l'adresse de vos doigts sup- plée à la faiblesse des siens. Il y a d'abord une provision à faire ; savoir, cinq ou six mains de papier gris, et à-peu-près autant de papier blanc , de même grandeur , assez fortet bien collé, sans quoi les plantes se pour- riraient dans le papier gris , ou du moins les fleurs y perdraient leur couleur , ce qui est une des parties qui les rendent reconnaissables , et par lesquelles un herbier est agréable à voir. I] serait encore à desirer que vous eussiez une presse de la grandeur de votre papier, ou du moins deux bouts de planches bien unies, de manière qu'en plaçant vos feuilles entre deux, vous les y puissiez tenir pressées par les pierres ‘ou autres carps pesans dont vous chargerez la planche supérieure. Ces préparatifs faits, voici ce qu’il faut observer pour préparer vos plantes de manière à les conserver et les reconnaître. Le moment à choisir pour cela est celui où la plante est en pleine fleur, et où même quel- ques fleurs commencent à tomber pour faire 12) : LETTRE VIII. place au fruit qui commence à paraître. C'est dans ce point où toutes les parties de la fructifi- cation sont sensibles, qu'il faut tâcher de pren- dre la plante pour la dessécher dans cet état. Les petites plantes se prennent toutes entières avec leurs racines qu'on a soin de bien nettoyer avec une brosse , afin qu'il n’y reste point de terre. Si la terre est mouillée, on la laisse sé- cher pour la brosser, où bien on lave la racine ; mais 1l faut avoir alors la plus grande attention de la bien essuyer et dessécher , avant de la met- tre entre les papiers, sans quoi elle s'y pourrirait infailliblement, et communiquerait sa pourriture aux autres plantes voisines. 1l ne faut cepen- dant s'obstiner à conserver les racinés qu'autant qu’elles ont quelques singularités remarquables; car, dans le plus grand nombre , les racines ra- mifiées et fibreuses ont des formes si sembla- bles, que ce n’est pas la peine de les conserver. La nature, qui a tant fait pour l'élégance et l'or- nement dans la figure et la couleur des plantes, en ce qui frappe les yeux , a destiné les racines uniquement aux fonctions utiles, puisqu'étant cachées dans la terre, leur donner une struc- ture agréable, eût été cacher la lumière sous le boisseau. Les arbres et toutes les grandes plantes me se prennent que par échantillon : mais 1l faut que cet échantillon soit si bien choisi, qu'il con- Wenne toutes les parties constitutives du genre SUR LES HERBIERS. 15E et de l'espèce , afin qu’il puisse suffire pour re- connaître et déterminer la plante qui l’a fourni. Il ne suflit pas que toutes des parties de la fructification y soient sensibles , ce qui ne servirait qu'à distinguer le genre, 1l faut qu'on y voie bien le caractère de la foliation et de la ramification ; c’est-à-dire, la naissance et la forme des feuilles et des branches , et même au- tant qu’il se peut, quelue portion de la tiges car, comme vous verrez dans la suite , tout cela sert à distinguer les espèces différentes des mêmes genres, qui sont parfaitement semblables par la fleur et le fruit. Si les branches sont trop épais- ses, on les amincit avec un couteau ou canif, en diminuant adroitement par-dessous de leur épaisseur , autant que cela se peut , sans couper ét mutiler les feuilles. Il y a des botanistes qui ont la patience de fendre l'écorce de la branche et d'en tirer adroitement le bois ; de façon, que l'écorce rejointe parait vous montrer encore la branche entière, quoique le bois n'y soit plus. Au moyen de quoi l'on n'a point entre les pa- piers des épaisseurs et bosses trop considérables, qui gâtent , défigurent l'herbier, et font pren- dre une mauvaise forme aux plantes. Dans les plantes où les fleurs et les feuilles ne viennent pas en même temps, ou naissent trop loin les unes des autres, on prend une petite branche à fleurs et une petite branche à feuilles ; et, les plaçant ensemble dans le même papier, 152 LETTRE VWIlll. on offre ainsi à l'œil les diverses parties de la même plante , suffisantes pour la faire recon- naïître. Quant aux plantes où l’on ne trouveque des feuilles , et dont la fleur n’est pas encore venue , ou est déjà passée, il les faut laisser, et attendre, pour les reconnaitre, qu’elles mon- irent leur visage. Une plante n’est pas plus sûre- ment reconnaissable à son feuillage qu'un homme à son habit. Tel est le choix qu'il faut mettre dans ce qu'on cueille : 1l en faut mettre aussi dans le moment qu'on prend pour cela. Les plantes cueillies le matin à la rosée, ou le soir à l'humidité , ou le jour durant la pluie, ne se conservent point. Il faut absolument choisir un temps sec , et même dans ce temps-là, le moment le plus sec et le plus chaud de la journée, qui est en été entre onze heures du matin et cinq ou six heures du soir : encore alors, si l'on y trouve la moindre humidité, faut-il les laisser ; car infaillible ment elles ne se conserveront pas. Quand vous avez cueilli vos échantillons, vous les apportez au logis toujours bien au sec, pour les placer et arranger dans vos papiers. Pour cela, vous faites votre premier lit de deux feuilles au moins de papier gris , sur lesquelles vous placez une feuille de papier blanc , et, sur cette feuille, vous arrangez votre plante, pre- nant grand soin que toutes ses parties , sur-tout les feuilles et les fleu;s, soient bien ouvertes et SUR LES HERBIERS. 153 bien étendues dans leur situation naturelle. La plante un peu flétrie, mais sans l'être tr6p, se prête mieux pour l'ordinaire à l'arrangement qu'on lui donne sur le- papier avec le pouce et les doigts. Mais il y en a de rebelles qui se grip- pent d'un côté , pendant qu'on les arrange de l'autre. Pour prévenir cet inconvénient, Jjaides plombs, de gros sous, des liards, avec Ésdtets Jassujettis les parties Que je viens d’arranger, tandis que j'arrange les autres , de façon que, quand j'ai fini, ma plante se trouve presque toute couverte de ces pièces, qui la tiennent en état. Après cela on pose une seconde feuille blanche sur la première , et on la presse avec la main, afin de tenir la plante assujettie dans la situation qu’on lui a donnée, avançant ainsi Ja main gauche qui presse à mesure qu’on re- tire avec la droite les plombs et les gros sous qui sont entre les papiers; on met ensuite deux autres feuilles de papier gris sur la seconde feuille blanche, sans cesser un seul moment de tenir la Hosts assujettie, de peur qu'elle ne perde la situation qu'on lui a donnée; sur ce papier gris on met une autre feuille blanche ; sur cette feuille une plante qu'on arrange et re- couvre comme ci-devant , jusqu'à ce qu'on ait placé toute la moisson qu'on a apportée, et qui ne doit pas être nombreuse pour chaque fois ; tant pour éviter la longueur du travail, que de peur que, durant la dessication des plantes, le 154 LETTRE VIil. papier ne contracte quelque humidité par leur grand nombre ; ce qui gâterait infailliblement vos plantes, si vous ne vous hâtiez de les chan- ger de papier avec les mêmes attentions ; et c'est même ce qu'il faut faire de temps en temps, jusqu'à ce qu'elles aient bien pris leur pli, et qu’elles soient toutes assez sèches. Votre pile de plantes et de papiers ainsi arran- gée doit être mise en presse, sans quoi les plan- tes se gripperaient ; il y en a qui veulent être plus pressées, d’autres moins ; l'expérience vous apprendra cela , ainsi qu’à les changer de papier à propos, et aussi souvent qu'il faut , sans vous donner un travail inutile. Enfin quand vos plan- tes seront bien sèches, vous les mettrez bien proprement chacune dans une feuille de papier, les unes sur les autres, sans avoir besoin de pa- piers intermédiaires, et vous aurez ainsi un her- bier commencé , qui s’augmentera sans cesse avec vos connaissances , et contiendra enfin l'his- toire de toute la végétation du pays: au reste, : il faut toujours tenir un herbier bien serré, et un peu en presse ; sans quoi les plantes, quelque sèches qu'elles fussent, attireraient l'humidité de l'air, et se gripperaient encore. Voici maintenant l'usage de tout ce travail pour parvenir à la connaissance particulière des plantes, et à nous bien entendre lorsque nous en parlons. Il faut cueillir deux échantillons de chaque . res ER fn ie tom L « 07 DA. Ù OCT OO RE TE SUR LES HERBIERS. 155 plante ; l'un plus grand pour le garder, l’autre plus petit pour me l'envoyer. Vous les numé- roterez avec soin, de façon que le grand et le petit échantillon de chaque espèce aient tou- jours le même numéro. Quand vous aurez une douzaine ou deux d'espèces ainsi desséchées, vous me les enverrez dans un petit cahier par quelque occasion. Je vous enverrai le nom et la description des mêmes plantes; par le moyen des numéros , vous les reconnaitrez dans votre herbier, et de là sur la terre, où je suppose que vous aurez commencé de les bien examiner. Voilà un moyen sûr de faire des progrès ausst sûrs et aussi rapides qu'il est possible loin de votre guide. N.B. J'ai oublié de vous dire que les mêmes papiers peuvent servir plusieurs fois , pourvu qu'on ait soin de les bien aérer et dessécher au- paravant. Je dois ajouter aussi que lherbier doit être tenu dans le lieu le plus sec de la mai- son , et plutôt au premier qu'au rez-de-chaussée. EE —————— DEUX LETTRES. A M. DE MALESHERBES. LETTRE PREMIÈRE. SUR LE FORMAT DES HERBIERS ET SUR LA SYNONYMIE. tr S1 j'ai tardé si long-temps, Monsieur, àrépon- dre en détail à la lettre que vous avez eu la bonté de m'écrire le 3 janvier, c’a été d'abord dans l'idée du voyage dont vous m'aviez prévenu, et auquel je n’ai appris que dans la suite que vous aviez renoncé : et ensuite par mon travail jour- . nalier qui m'est venu tout d'un coup en si grande abondance, que pour ne rebuter personne, j'ai été forcé de m'y livrer tout entier, ce qui a fait à la botanique une diversion de plusieurs mois. Mais enfin voilà la saison revenue , et je me pré- pare à recommencer mes courses champêtres , devenues, par une longue habitude, nécessaires à mon humeur et à ma santé. En parcourant ce qui me restait en plantes sèches, je n'ai guère trouvé, hors de mon her- * HERBIERS ET SYNONYMIE. 127 bier , auquel je ne veux pas toucher, que quel- ques doubles de ce que vous avez déjà reçu ; et -cela ne valant pas la peine d'être rassemblé pour un premier envoi, je trouverais convenable de me faire, durant cet été, de bonnes fournitures, de les préparer, de les coller et ranger pendant l'hiver, après quoi je pourrais continuer de même d'année en année, jusqu'à ce que j'eusse épuisé tout ce que je pourrais fournir. Si cet arrangement vous convient, Monsieur, je m'y conformerai avec exachitude, et dès à présent je commen- cera mes collections. Je desirerais seulement savoir quelle forme vous préférez, Mon idée serait de faire le fond de chaque herbier sur du papier à lettre , tel que celui-ci; c'est ainsi que j en a commencé un pour mon usage, et je sens chaque jour mieux que la commodité de ce format compense amplement l'avantage qu'ont de plus les grands herbiers. Le papier sur lequel sont les plantes que je vous ai envoyées vau- drait encore mieux; mais je ne puis retrouver du même , et l'impôt sur les papiers a tellement dénaturé leur fabrication , que je n’en puis plus trouver, pour noter, qui ne perce pas. J'ai le projet aussi d'une forme de petits herbiers à mettre dans la poche pour les plantes en mi- niature, qui ne sont pas les moins curieuses, et je n'y ferais entrer néanmoins que des plan- tes qui pourraient y tenir entières, racines et tout; entre autres, la plupart des mousses, les 158 LETTRE PREMIÈRE glaux, peplis, montia, sagina, passe-pierre, etc. 11 me semble que ces herbiers mignons pour- raient devenir charmans et précieux en même temps. Enfin il y a des plantes d'une certaine grandeur qui ne peuvent conserver leur port dans un petit espace , et des échantillons si par- faits, que ce serait dommage de les mutiler. Je destine à ces belles plantes du papier grand et fort, et j'en ai déjà quelques-unes qui font un fort bel effet dans cette forme. I] y a long-temps que j'éprouve les difficultés de la nomenclature, et j'ai souvent été tenté d'abandonner tout-à-fait cette partie. Mais 1l faudrait en même temps renoncer aux livres et à profiter des observations d'autrui; et il me semble qu'un des plus grands charmes de la botanique est, après celui de voir par soi-même, celui de vérifier ce qu'ont vu les autres; donner sur le témoignage de mes propres yeux mon assentiment aux observations fines et justes d’un auteur, me parait une véritable jouissance ; au lieu que , quand je ne trouve pas ce qu'il dit, je suis toujours en inquiétude si ce n’est point moi qui vois mal. D'ailleurs, ne pouvant voir par moi-même que si peu de chose, il faut bien , sur le reste, me fier à ce que d’autres ont vu; et leurs différentes nomenclatures me for- cent pour cela de percer de mon mieux le chaos de la synonymie. Il à fallu, pour ne pas m'y perdre , tout rapporter à une nomenclature HERBIERS ET SYNONYMIE. 159 particulière ; et j'ai choisi celle de Linnæus, tant par la préférence que j'ai donnée à son sys- tême, que parce que ses noms , COMpPOsÉs sCu- lement de deux mots, me délivrent des lon- gues phrases des autres. Pour y rapporter sans peine celles de Tournefort | il me faut trèse souvent recourir à l’auteur commun que tous deux citent assez constamment, savoir , Gaspard Bauhin. C’est dans son Pinax que je cherche leur concordance ; car Linnæus me parait faire une chose convenable et juste, quand Tourne- fort n’a fait que prendre la phrase de Bauhin , de citer l'auteur original ,et non pas celui qui J'a transcrit, comme on fait très-injustement en France. De sorte que, quoique presque toute la nomenclature de Tournefort soit tirée mot à mot du Pinax, on croirait , à lire les bota- nistes français, qu'il n’a jamais existé ni Bauhin n1 Pinax au monde ; et, pour comble, ils fonten- core un crime à Tinnæus de n'avoir pas imité leur partialité. A l'égard des plantes dont Tour- uefort n’a pas tiré les noms du Pinax , on en trouve aisément la concordance dans les auteurs linnæistes , tels que Sauvage, Gouan, Gérard, Guettard, et d'Ahbard qui l'a presque toujours suivi. | J'ai fait cet hiver une seule herborisation dans le bois de Boulogne, et j'en ai rapporté quelques mousses. Mais il ne faut pas s'attendre qu'on puisse compléter tous les genres, même 160 LETTRE PREMIÈRE. par une espèce unique. IL y en a de bien diffiz ciles à mettre dans un herbier, etil y en a de si rares qu'ils n'ont jamais passé et vraisembla- blement ne passeront jamais sous mes yeux. Je crois que, dans cette famille et celle des algues, il faut se tenir aux genres dont on rencontre assez souvent des espèces, pour avoir le plaisir de s'y reconnaitre, et négliger ceux dont la vue ne nous reprochera jamais notre ignorance, ou dont la figure extraordinaire nous fera faure effort pour la vaincre. J'ai la vue fort courte, mes yeux deviennent mauvais, et je ne puis plus espérer de recueillir que ce qui se pré- sentera fortuitement dans les lieux à-peu-près où Je saurai qu'est ce que je cherche. A l'égard de la manière de chercher, j'ai suivi M. de Jussieu dans sa dernière herborisation , ét je la trouvai si tumultueuse et si peu utile pour mo, que, quand il en aurait encore fait, j'au- rais renoncé à l'y suivre. J'ai accompagné son neveu l'année dernière , moi vingtième , à Montmorenci, et j'en ai rapporté quelques jo- lies plantes, entre autres la lysimachia tenella, que je crois vous avoir envoyéé. Mais j'ai trou- vé dans cette herborisation que les indications de Tournefort et de Vaillant sont très-fautives, ou que, depuis eux , bien des plantes ont changé de sol, J'ai cherché entre autres, et j'ai engagé tout le monde à chercher avec som , le plan- tago monanthos à la queue de l'étang de Mont- + HERBIERS ET SYNONYMIE. 161 morenci , et dans tous les endroits où Tourne- fort et Vaillant l'indiquent , et nous n’en avons pu trouver un seul pied ; en revanche, j'ai trouvé plusieurs plantes de remarque , et même tout près de Paris, dans des lieux où elles ne sont point indiquées. En général, j'ai toujours été malheureux en cherchant d'après les autres. Je trouve encore mieux mon compte à chercher de mon chef. J'oubliais , Monsieur, de vous parler de vos livres. Je n'ai fait encore qu'y jeter les yeux ; et comme ils ne sont pas de taille à porter dans la poche, et que je ne lis guère l'été dans la chambre, je tarderai peut-être jusqu'à la fm de l'hiver prochain à vous rendre ceux dont vous n'aurez pas à faire avant ce temps-là. J'ai commencé de lire l’Anthologie de Pontedera ; et j y trouve, contre le système sexuel , des ob- jections qui me paraissent bien fortes, et dont je ne sais pas comment Linnæus s'est tiré. Je suis souvent tenté d'écrire dans cet auteur et dans les autres, les noms de Linnæus à côté des leurs pour me reconnaitre. J'ai déjà même cédé à cette tentation pour quelques-unes, n'1- maginant à cela rien que d'avantageux pour l'exemplaire. Je sens pourtant que c'est une liberté que je n'aurais pas dû prendre sans votre agrément , et je l'attendrai pour contmuer. . Je vous dois des remercimens, Monsieur, 162 LETTRE PREMIÈRE. pour l'emplacement que vous avez la bonté de m'offrir pour la dessication des plantes : maïs, quoique ce soit un avantage dont je sens bien la privation , la nécessité de les visiter souvent, et l'éloignement des lieux qui me ferait consu- mer beaucoup de temps en courses , m'empé- chent de me prévaloir de cette offre. La fantaisie m'a pris de faire une collection de fruits, et de graines de toute espèce, qui de- vraient , avec un herbier , faire la troisième par- tie d'un cabinet d'histoire naturelle. Quoique jaie encore acquis très-peu de chose, et que je ne puisse espérer de rien acquérir que très-len- tement et par hasard, je sens déjà pour cet ob- jet le défaut de place; mais le plaisir de par- courir et visiter incessamment ma petite collec- tion peut seu} me payer la peine de la faire , et si je la tenais loin de mes yeux, je cesserais d'en jouir. Si par hasard vos gardes et jardiniers trou- vaient quelquefois sous leurs pas des faînes de hêtres , des fruits d’aunes, d'érable, de bou- leau , et généralement de tous les fruits secs des arbres des forêts ou d’autres, qu'ils en ra- massassent en passant quelques-uns dans leurs poches, et que vous voulussiez bien m'en faire parvenir quelques échantillons par occasion, j'aurais un double plaisir d'en orner ma collec- {ion naissante, Excepté l'histoire des mousses par Dillenius, HERBIERS ET SYNONYMIF. 163 j'ai à moi les autres livres de botanique dont vous m'envoyez la note. Mais, quand je n'en aurais aucun, je me garderais assurément de . consentir à vous priver, pour mon agrément, du moindre des amusemens qui sont à votre portée. Je vous prie, Monsieur , d'agréer mon respect. TR LETTRE IL. SUR LES MOUSSES à Paris, le 19 décembre 1771. - Voïci, Monsieur, quelques échantillons de mousses que jai rassemblés à la hâte, pour vous mettre à portée au moins de distinguer les principaux genres avant que la saison de les ob- server soit passée. C'est une étude à laquelle jemployai délicieusement l'hiver que j'ai passé à Wootton, où je me trouvais environné de montagnes, de bois et de rochers tapissés de capillaires et de mousses des plus curieuses. Mais depuis lors j'ai si bien perdu cette famille de vue , que ma mémoire éteinte ne me fournit presque plus rien de ce que j'avais acquis en ce. genre; et n'ayant point l'ouvrage de Dillenius, guide indispensable dans ces recherches , je ne suis parvenu qu'avec beaucoup d'effort, et sou- vent avec doute, à déterminer les espèces que je vous envoie. Plus je m'opimätre à vaincre les difficultés par moi-même et sans le secours de personne , plus je me confirme dans l'opinion que la botanique , telle qu'on la cultive, est une science qui ne s'acquiert que par tradition ; on montre la plante, on la nomme; sa figure el son nom se gravent ensemble dans la mé- SUR LES MOUSSES. 165 moire. Il y a peu de peine à retenir ainsi la no- menclature d’un grand nombre de plantes ; mais quand on se croit pour cela -botaniste, on se trompe , on n’est qu'herborite ; et quand il s'agit de déterminer par soi-même et sans guide les plantes qu'on n'a jamais vues, c’est alors qu'on se trouve arrêté tout court, et qu’on est au bout de sa doctrine. Je suis resté plus ignorant encore en prenant la route contraire. Toujours seul et sans autre maître que la nature, Jai ms des efforts incroyables à de très-foibles progrès. Je suis parvenu à pouvoir , en bien tra- vaillant, déterminer à-peu-près les genres ; mais, pour les espèces , dont les différences sont sou- vent très-peu marquées par la nature, et plus mal énoncées par les auteurs, je n'ai pu par- venir à en distinguer avec certitude qu'un très- petit nombre , sur-tout dans la famille des mous- ses, et sur-tout dans les genres difficiles, tels que les hypnum , les jungermannia , les lichen, Je crois pourtant être sûr de celles que je vous. envoie , à une ou deux près que j'ai désignées par un point interrogant, afin que vous puissiez vérifier, dans Vaillant et dans Dillemus, sije me sûis trompé ou non. Quoi qu'il en soit, je crois qu'il faut commencer à connaitre empy- riquement un certain nombre d'espèces pour parvenir à déterminer les autres , et je crois que celles que je vous envoie peuvent suffire, en les étudiant bien , à vous familiariser avec la 166 LETTRE 11 famille, et à en distinguer au moins les genres au premier coup-d'œil par le facies propre à chacun d'eux. Mais 1l y a une autre difficulté ; c'est que les mousses ainsi disposées par brins n'ont point sur le papier le même coup-d'œil qu'elles ont sur la terre rassemblées par touffes ou gazons serrés. Ainsi l'on herborise inutile- ment dans un herbier, et sur-tout dans un mous- sier , si l'on na commencé par herboriser sur la terre. Ces sortes de recueils doivent servir seulement de mémoratifs , mais non pas d'ins- truction première. Je doute cependant, Mon- sieur, que vous trouviez aisément le temps et la patience de vous appesantir à l'examen de chaque touffe d'herbe ou de mousse que vous trouverez en votre chemin. Mais voici le moyen qu'il me semble que vous pourriez prendre pour analyser avec succès toutes les produc- tions végétales de vos environs , sans vous en- nuyer à des détails minutieux, insupportables pour les esprits accoutumés à généraliser les idées , et à regarder toujours les objets en grand. Il faudrait inspirer à quelqu'un de vos laquais, garde ou garçon jardinier, un peu de goût pour l'étude des plantes, et le mener à votre suite dans vos promenades, lui faire cueillir les plan- tes que vous ne connaitriez pas, particulière- ment les mousses et les graminées, deux familles difficiles et nombreuses. Il faudrait qu'il tächât de les prendre dans l’état de floraison où leurs SUR LES MOUSSES. 107 caractères déterminans sont les plus marqués; En prenant deux exemplaires de chacun, il en mettrait un à part pour me l'envoyer, sous le même numéro que le semblable qui vous res- terait , et sur lequel vous feriez mettre ensuite le nom de la plante, quand je vous l'aurais en- voyée. Vous vous éviteriez ainsi le travail de cette détermination , et ce travail ne serait qu'un plaisir pour moi qui en ai l'habitude , et qui m'y livre avec passion. Il me semble, Mon- sieur, que de cette manière vous auriez fait en peu de temps le relevé des productions végéta- les de vos terres et des environs , et que , vous livrant sans fatigue au plaisir d'observer , vous pourriez encore, au moyen d'une nomenclature assurée, avoir celui de comparer vos observa- tions avec celles des auteurs. Je ne me fais pour- tant pas fort de tout déterminer. Mais la longue habitude de fureter des campagnes m’a rendu familières la plupart des plantes indigènes. Il n'y a que les jardins et productions exotiques où je me trouve en pays perdu. Enfin ce que je n aurai pu déterminer sera pour vous, Monsieur, un objet de recherche et de curiosité, qui ren- dra vos amusemens plus piquans. Si cet arran- gement vous-plait, je suis à vos ordres, et vous pouvez être sûr de me procurer un amusement très-intéressant pour moi. J'attends la note que vous m'avez promise, pour travailler à la remplir autant qu'il dépen- 168 LETTRE f1. dra de moi. L'occupation de travailler à des her- biers remplira très - agréablement mes beaux ‘jours d’été. Cependant je ne prévois pas d'être jamais bien riche en plantes étrangères ; et, se- lon moï , le plus grand agrément de la botanique est de pouvoir étudier et connaître la nature au- tour de soi plutôt qu'aux Indes. J'ai été pour- tant assez heureux pour pouvoir, insérer dans le petit recueil que j'ai eu l'honneur de vous en- voyer, quelques plantes curieuses , et entre au- tres le vrai papier, qui jusqu'ici n'était point connu en France, pas même de M. de Jussieu. Ilest vrai que je n'ai pu vous envoyer qu'un brin bien misérable; mais c'en est assez pour distinguer. ce rare et précieux souchet. Voilà bien du bavardage; mais la botanique m'en- traine, et j'ai le plaisir d'en parler avec vous : accordez-moi , Monsieur, un peu d'indulgence. Je ne vous envoie que de vieilles mousses ; j'en ai vainement cherché de nouvelles dans la campagne. Il n'y en aura guère qu'au mois de février, parce que l'automne a été trop sec. En- core faudra-t-1l les chercher au loin. On n’en trouve guère autour de Paris que les mêmes répétées. LETTRES _ A MADAME LA DUCHESSE DE PORTLAND. — ee EE M LETTRE PREMIÈRE. À VYooton, le 20 octobre 1766. Vous avez raison, madame la duchesse, de commencer la correspondance que vous me faites l'honneur de me proposer, par m'envoyer des livres pour me mettre en état de la soutenir : mais je crains que ce ne soit peine perdue; je ne retiens plus rien de ce que je lis; je n'ai plus de mémoire pour les livres; 1l ne m'en reste que pour les personnes, pour les bontés qu’on a pour moi ; et j'espère, à ce titre, profiter plus avec vos lettres qu'avec tous les livres de l’uni- vers. Il en est un, Madame, où vous savez si] bien lire, et où je voudrais bien apprendre à épeler quelques mots après vous. Heureux qui sait prendre assez de goût à cette intéressante lecture pour n'avoir besoin d'aucune autre, et qui, méprisant les instructions des hommes , qui 170 A MADAME DE PORTLAND. sont menteurs, s'attache à celles de la nature, qui ne ment point! Vous l'étudiez avec autant de plaisir que de succès; vous la suivez dans tous ses règnes ; aucune de ses productions ne vous est élrangère. Vous savez assortir les fos- siles, les minéraux, les coquillages, cultiver les plantes, apprivoiser les oiseaux; et que n’appri- voiseriez - vous pas? Je connais un animal un peu sauvage qui vivrait avec grand plajsir dans votre méragerie, en attendant l'honneur d'être admis u® jour en momie dans votre cabinet. J'aurais bien les mêmes goûts si j'étais en état de les satisfaire ; mais un solitaire et un com- mençant de mon âge doit rétrécir beaucoup J'umvers s'il veut le connaitre; et moi, qui me perds comme un insecte parmi les herbes d'un pré, je n'ai garde d'aller escalader les palmiers de l'Afrique, ni les cèdres du Liban, Le temps presse; et, loin d'aspirer à savoir un jour la botanique, jose à peine espérer d'herboriser * aussi bien que les moutons qui paissent sous ma fenétre, et de savoir, comme eux, trier mon foin. J'avoue pourtant, comme les hommes ne sont guère conséquens, et que les tentations viennent par la facilité d'y succomber , que le jardin de mon excellent voisin M. Granville, m'a donné Je projet ambitieux d'en connaître les richesses ; mais voilà précisément ce qui prouve que, ne sachant rien, je suis fait pour ne rien apprendre. # æ ! F LETTRE PREMIÈRE, 1?t Je vois les plantes, il nre les nomme, je les oublie; je les revois, 11 me les renomme, je les oublie encore ; et 1l ne résulte de tout cela que l'épreuve que nous faisons sans cesse, moi de sa complaisance , et lui de mon incapacité. Ainsi, du côté de la botanique , peu d'avantage ; mais un {rès-grand pour le bonheur de la vie, dans celui de cultiver la société d'un voisin bienfaisant , obligeant, armable, et, pour dire encore plus s'il est possible , à qui je dois l’'hon- neur d'être conuu de vous. Voyez donc, madame la duchesse, quel ignare correspondant vous vous choisissez, et ce qu'il pourra mettre du sien contre vos lumières. Je suis, en conscience, obligé de vous avertir de la mesure des miennes : après cela, si vous daignez vous en contenter, à la bonne heure; je n'ai garde de refuser un accord si avantageux pour moi. Je vous rendrai de l'herbe pour vos plantes, des rêveries pour vos observations; je m'instruirai cependant par vos bontés; et puissé- . je un jour, devenu meilleur herboriste, orner de quelques fleurs la couronne que vous doit la botanique pour l'honneur que vous lui faites de la cultiver ! J'avais apporté de Suisse quelques plantes sèches qui se sont pourries en chemin; c'est un herbier à recommencer, et je n'ai plus pour cela _ les mêmes ressources. Je détacherai toutefois de ce qui me reste quelques échantillons des 172 À MADAME DE PORTLAND. moins gâtés, auxquels jen joindrai quelques-uns de ce pays en fort petit 1 nombre, selon l'étendue de mon savoir; et je prierai M. Granville de vous les faire passer quand il en aura l'occasion : mais 1] faut auparavant les trier, les démoisir, et sur-tout retrouver les noms à moitié perdus; ce qui n'est pas pour moi une petite affaire. Et, à propos des noms, comment parviendrons- nous, Madame , à nous entendre ? Je ne con- pais point les noms anglais ; ceux que je connais sont tous du Pinax de Gaspard Bauhin , ou du Species plantarum de M. Linnæus; et je ne puis en faire la synonymie avec Gérard, qui leur est antérieur à l’un et à l’autre, ni avec le Sy- nOPSIS , qui est antérieur au scobhils et qui cite rarement le premier : en sorte que mon Species me devient inutile pour vous nommer l'espèce de plante que j y connais , et pour y rapporter celle que vous pouvez me faire connaître. Si par hasard, madame la duchesse, vous aviez aussi le Spectes plantarum, ou le Pia ce point de réunion nous serait très-commode pour nous en- tendre, sans quoi je ne sais pas trop comment nous se J'avais écrit à milord Maréchal deux jours avant de recevoir la lettre,dont vous m'avez honoré. Je lu en écrirai bientôt une autre pour m ‘acquitter de votre commission, et pour lui demander ses félicitations sur l avantage que son nom m'a procuré près de vous. J'ai renoncé à | . | LETTRE PREMIÈRE. 175 tout commerce de lettres, hors avec lui seul et “un autre ami. Vous serez la troisième, madame la duchesse, et vous me ferez chérir toujours plus la botanique, à qui je dois cet honneur. Passé cela, la porte est fermée-aux correspon- dances. Je deviens de jour en jour plus pares- seux : 11 m'en coûte beaucoup d'écrire , à cause de mes incommodités ; et, content d’un si bon choix, je m'y borne, bien sûr que, si je l’éten- dais davantage , le même bonheur ne niy sui- vrait pas. Je vous supplie, madame la duchesse, d’a- gréer mon profond respect. RS RE RE OR D 7 LEVTR E:IE 00e 4 CR | VWooton, le 22 février 1767. J£ n'aurais pas, madame la duchesse, tardé un seul instant de calmer, si je l'avais pu, vos inquiétudes sur la santé de milord Maréchal ; mais je craignis de ne faire, en vous écrivant , qu'augmenter ces inquiétudes, qui devinrent pour moi des alarmes. La seule chose qui me rassurât était que j'avais de Jui une lettre du 22 novembre, et je présumais que ce qu'en disaient les papiers publics ne pouvait guère être plus récent que cela. Je raisonnai là - dessus avec M. Granville, qui devait partir dans peu de “jours, et qui se chargea de vous rendre compte de ce que nous avions pensé, en attendant que je pusse, Madame, vous marquer quelque chose de plus positif. Dans cette lettre du 22 novem- bre, milord Maréchal me marquait qu'il se sentait vielhir et affaiblir, qu'il n'écrivait plus - qu'avec peine, qu'il avait cessé d'écrire à ses parens et amis, et qu'il m'écrirait désormais fort rarement à moi -même. Cette résolution, qui peut-être était déjà l'effet de sa maladie, - ©: fait que son silence depuis ce temps-là me sur- prend moins ; mais 1l me chagrine extrêmement. J'attendais quelque réponse aux lettres que je lui ai écrites, je la demandais incessamment, A MADAME DE PORTLAND. - 195 et j'espérais vous en faire part aussitôt ; il n'est rien venu. J'ai aussi écrit à son banquier à Lon- dres, qui ne savait rieu non plus, mais qui, ayant fait des informations, m'a marqué qu'en effet milord Maréchal avait été fort malade, mais qu'il était beaucoup mieux. Voilà tout ce que j'en sais, madame la duchesse. Probable- ment vous en savez davantage à présent vous- même ; et, cela supposé , j'oserais vous supplier de vouloir bien me faire écrire un mot pour me tirer du trouble où je suis. À moins que les ‘amis charitables ne m'instruisent de ce qu'il m'importe de savoir, je ne suis pas en position de pouvoir l'apprendre par moi-même. Je n'ose presque plus vous parler dé plantes depuis que, vous ayant trop annoncé les chiffons que J'avais apportés de Suisse, je n'ai pu encore vous rien envoyer. 11 faut, Madame, vous avouer toute ma misère; ot ire que ces débris valaient peu la peine de vous être offerts, j'ai été retardé par la difficulté d'en trouver les noms qui manquaient à la plupart; et cette difficulié mal vaincue m'a fait sentir que j'avais fait une entreprise à mon âge, en voulant m'obstiner à comnaître les plantes tout seul. Il faut , en bota- nique, commencer par être guidé ; 1l faut du moins apprendre empiriquement les noms d’un certain nombre de plantes, avant de vouloir les étudier méthodiquement ; il faut premièrement être herboriste, etpuis devenir botaniste après, 17 A MADAME DE PORTLAND. si l'on peut. J'ai voulu faire le contraire, et je m'en suis mal trouvé. Les livres des botanistes modernes n'instruisent que les botanistes ; ils sont inutiles aux ignorans. Il nous manque un livre vraiment élémentaire, avec lequel un homme , qui n'aurait jamais vu de plantes, pût parveuir à les étudier seul. Voilà le livre qu'il me faudrait, au défaut d'instructions verbales ; car où les trouver ? Il n'y a point , autour de ma demeure, d'autres herboristes que les mou- tons. Une difficulté plus grande est que j'ai de très-mauvais yeux pour analyser les plantes par : les parties de la fructification. Je voudrais étu- dier les mousses et les gramens qui sont à ma portée; je m'éborgne et je ne vois rien. Il sem- ble, madame la duchesse, que vous ayiez exac- tement deviné mes besoins en m'envoyant les deux livres qui me sont le plus utiles. Le Sy- nopsis comprend des descriptions à ma portée, et que je suis en état de suivre sans m'arracher les yeux; et le Petiver m'aide beaucoup par ses figures, qui prêtent à mon imagination autant qu'un objet sans couleur peut y prêter. C'est encore un grand défaut des botanistes modernes de l'avoir négligée entièrement. Quand jai vu dans mon Linnæus la classe et l'ordre d'une plante qui m'est inconnue, je voudrais me figu- rer cette plante, savoir si elle est grande ou pe- tite, si la fleur est bleue ou rouge, me repré- senter son port. Rieu. Je lis une description sm. tons fall Ld LETTRE Il. 177 caractéristique , d'après laquelle je ne puis rien me représenter. Cela n'est-il pas désolant ? - Cependant, madame la duchesse, je suis assez fou pour m'obstiner, ou plutôt je suis assez sage. Car ce goût est pour moi une affaire de raison. J'ai quelquefois besoin d'art pour me conserver dans ce calme précieux au milieu des agitations qui troublent ma vie, pour tenir au loim ces passions haineuses que vous ne connaissez pas, que je n’ai guère connues que dans les autres, et que je ne veux pas laisser approcher de moi. Je ne veux pas, s’il est possible, que de tristes souvenirs viennent troubler la paix de ma soli- tude. Je veux oublier les hommes et leurs in- justices. Je veux m'attendrir chaque jour sur les merveilles de celui qui les fit pour être bons, et dont ils ont si indignement dégradé l'ouvrage. Les végétaux, dans nos bois et dans nos mon- tagnes, sont encore tels qu'ils sortirent originai- rement de ses mains, et c'est là que j'aime à étudier la nature; car je vous avoue que je ne sens plus Le même charme à herboriser dans un jardin. Je trouve qu'elle n’y est plus la même; elle y a plus d'éclat, mais elle n’y est pas si touchante. Les hommes disent qu'ils l'embel- lissent , et moi je trouve qu'ils la défigurent. Pardon, madame la duchesse; en parlant des “jardins, j'ai peut-être un peu médit du vôtre ; mais si j'élais à portée, je lui ferais bien répa- ration. Que n'y puis-je faire seulement cinq ou 178 A MADAME DE PORTLAND, L six herborisations à votre suite, sous M. le docteur Solander ! IL me semble que le petit fonds de connaissances, que je tâcherais de rap- porter de ses instructions et des vôtres, suffirait pour ranimer mon courage , souvent prêt à suc- comber sous le poids de mon ignorance, Je vous anponçais du bavardage et des réveries , en voilà beaucoup trop. Ce sont des herborisations d'hi- ver : quand il n'y a plus rien sur la terre j'her- bonise dans ma tête, et malheureusement je n'y irouve que de mauvaises herbes. Tout ce que j'ai de bon s’est réfugié dans mon cœur, madame la duchesse, et il est plein des sentimens qui vous sont dés: Mes chiffons de plantes sont prêts ou à peu près; mais, faute de savoir les oceasions pour les envoyer, j'attendrai le retour de M. Gran- ville, pour le prier de vous les faire parvenir. A A A AE OT OT A A A M A M \ LETTRE IL MWooton, le 28 février 1767. Manpame la duchesse, pardonnez mon im- portunité : je suis trop touché de la bonté que vous avez ele de me tirer de peine sur la santé de milord Maréchal, pour différer à vous en remercier. Je suis peu sensible à mille bons offices où ceux qui veulent me les rendre à _toute force, consultent plus leur goût que le mien. Mais les soins pareils à celui que vous avez bien voulu prendre en cette occasion, m'’af- fectent véritablement , et me trouveront tou- jours plein de reconnaissance. C’est aussi, ma- dame la duchesse, un sentiment qui sera joint désormais à tous ceux que vous m'avez ins- pirés. Pour dire à présent un petit mot de botanique, voici l'échantillon d'une plante que j'ai trouvée attachée à un rocher, et qui peut-être vous est très-connue, mails que pour moi je ne connais- sais point du tout. Par sa figure et par sa fruc- tification, elle paraît appartenir aux fougères ; mais, par sa substance et par sa stature, elle semble être de la famille des mousses. J'ai de trop mauvals yeux, un trop mauvais micros- cope, et trop peu de savoir, pour rien décider 180 À MADAME DE PORTLAND... là - dessus. IL faut, madame la duchesse, que vous acceptiez les hommages de mon ignorance et de ma bonne volonté ; c'est tout ce que je puis mettre de ma part dans notre corres- pondance, après le tribut de mon profond respect. : Li De A A M M Me A LETTRE IV. A VWooton, le 29 avril 1767. J= reçois, madame la duchesse , avec une nou- velle reconnaissance, les nouveaux témoignages de votre souvenir et de vos bontés, dans le livre que M. Granville m'a remis de votre.part, et dans l'instruction que vous avez bien voulu me donner sur la petite plante qui m'était inconnue. Vous avez trouvé un très-bon moyen de ranimer ma mémoire éteinte, et je suis très - sûr de n'oublier jamais ce que j'aurai le bonheur d’ap- prendre de vous. Ce petit adiantum n'est pas rare sur nos rochers, et j'en ai même vu plu- sieurs sur des racines d'arbres, qu'il sera facile d'en détacher pour le transplanter sur vos murs. Vous aurez occasion, Madame, de redresser bien des erreurs dans le petit misérable débris de plantes que M. Granville veut bien se char- ger de vous faire tenir. J'ai hasardé de donner des noms du Species de Linnæus à celles qui n'en avaient point; mais je n'ai eu cette con- fiance qu'avec celle que vous voudriez bien marquer chaque faute, et prendre la peine de m'en avertir. Dans cet espoir, j y ai même joint une petite plante qui me vient de vous, ma- dame la duchesse, par M. Granville, et dont, nayant pu trouver le nom par moi-même, j'ai _ 7. 182 A MADAME DE PORTLAND. D pris le parti de le laisser en blanc. Cette plante me paraît approchér de l'ornithogale (star of Bethlehem) plus que d'aucune que je connaisse ; inais sa” fleur étant close, et sa racine n'étant pas bulbeuse , je ne puis imaginer ce que c’est. Je ne vous envoie cette plante que pour vous supplier de vouloir bien me la nommer. De toutes les graces que vous m'avez faites, madant@te duchesse , celle à laquelle je suis le plus sensible, et dont je suis le plus tenté d'abuser , est d’avoir bien voulu me donner plusieurs fois des nouvelles de la santé de mi- lord Maréchal. Ne pourrais-je point encore, ” par votre obligeante entremise, parvenir à.sa- voir si mes lettres lui parviennent ? Je fis partir, le 16 de ce mois, la quatrième que je lui ai écrite depuis sa dernière. Je ne demande point qu'il y réponde, je desirerais seulement d'ap- preudre s'il les recoit. Je prends bien toutes les précautions qui sont en mon pouvoir, pour qu'elles lui parviennent ; mais les précautions qui sont en mon pouvoir, à cet égard comme à beaucoup d'autres, sont bien peu de chose dans la situation où je suis. à Je vous supplie, madame Ja duchesse, d'a- gréer avec bonté mon profond respect. Et LETTRE V. Ce 10 juillet 1767. Pzruerrez, madame la duchesse, que, quoique habitant hors de l'Angleterre, je prenne la liberté de me rappeler à votre souvenir. Ce- lui de vos bontés m'a suivi dans mes voyages , et contribue à embellir ma retraite. J” y ai ap- porté le dernier livre que vous m'avez envoyé; et je m'amuse à faire la comparaison des plantes de ce canton avec celles de votre île. Si j'osais me flatter, madame ia duchesse, que mes ob- servations pussent avoir pour vous le moindre intérêt , le desir de vous plaire me les rendrait plus importantes ; et l'ambition de vous appar- tenir me fait aspirer au titre de votre herboriste, comme si j'avais les connaissances qui me ren- draient digne de le porter. Accordez-moi, Ma- dame, je vous en supplie, la permission de joindre ce titre au nouveau nom que je substitue à celui sous lequel j'ai vécu si malheureux. Je dois cesser de l'être sous vos auspices, et l’her- boriste de madame la duchesse de Portland se consolera sans peine de la mort de J. J. Rous- seau. Au reste , je tâcherai bien que ce ne soit pas là un titre purement honoraire; je souhaite qu'il m'attire aussi l'honneur de vos ordres, et je le mériterai du moins par mon zèle à les remplir.” 184 À MADAME DE PORTLAND. Je ne signe point ici mon nouveau nom, et je ne date point du lieu de ma retraite", n'ayant pu demander encore la permission dont j'ai be- soin pour cela. S'il vous plaît, en attendant, m'honorer d'une réponse , vous pourrez, ma- dame la duchesse, l’adresser sous mon ancien nom, à mess....... qui me la feront parvenir. Je finis par remplir un devoir qui m'est bien précieux, en vous suppliant, madame la du- chesse, d'agréer ma très-humble reconnaissance et les asssurances de mon profond respect. * Le château de Trye, où M, Rousseau était sous le nom de Renou. V'ONPONNNNIO NT Se 2 PET en = 4 On “ete, D AS TO A A A A A A M M A LETTRE VI 12 septembre 1767. Jz suis d'autant plus touché, madame la du- chesse, des nouveaux témoignages de bonté dont 1! vous a plu m'honorer, que j'avais quel- que crainte que l'éloignement ne m'eût fait ou- blier de vous. Je tâcherai de mériter toujours par mes sentimens les mêmes graces, et les mêmes souvenirs par mon assiduité à vous les rappeler. Je suis comblé de la permission que vous voulez bien m'accorder, et très-fier de l'honneur de vous appartenir en quelque chose. Pour commencer , Madame, à remplir des fonc- tions que vous me rendez précieuses, je vous envoie c1-joints deux petits échantillons de plantes que j'ai trouvées à mon voisinage, parmi les bruyères qui bordent un parc, dans un ter- rain assez humide, où croissent aussi la camo- mille odorante , le sagina procumbens, l'hiera- cium umbellatum de Linnæus, et d'autres plantes que je ne puis vous nommer exactement, n'ayant point encore ici mes livres de botanique, ex- cepté le Flora britannica, qui ne m'a pas quitté un seul moment. De ces deux plantes, l'une, n° 2, me paraît être une pelite gentiane, appelée, dans le Sy- nopsis, centaurium palustre luteum minimum nostras, Flor, brit. 131. 186 À MADAME DE PORTLAND. Pour l'autre, n° 1, je ne saurais dire ce que c'est, à moins que ce ne soit peut-être üne élä- tine de Lainræus , appelée par Vaillant a/sinas- trum serpyllifolium , etc. La phrase s'y rapporte assez bien ; mais l’élatine doit avoir huit éta- mines, et je n'en ai jamais pu découvrir que quatre. La fleur est très-petite ; etmes yeux, déjà faibles naturellement, ont tant pleuré , que je les perds avant le temps : ainsi je ne me fie plus à eux. Dites-moi de grace ce qu'il en est, madame Ja duchesse : c'est moi qui devrais, en vertu de mon emploi, vous instruire ; et c'est vous qui m'iostruisez. Ne dédaignez pas de continuer, je vous en supplie ; et permettez que je vous rap- pelle la plante à fleur jaune, que vous enfoyâtes : J'année dernière à M. Granville , et dont je vous ai renvoyé un exemplaire, pour en apprendre le nom. Et à propos de M. de Granville mon bon voisin, permeltez, Madame, que je vous té- inoigne l'inquiétude que son silence me cause. Je lui ai écrit, et il ne m'a point répondu , Jui qui est si exact. Serait-1l malade ? “ en suis vé- ritablement en peine. Mais je le suis plus encore de milord Maré- chal, mon ami, mon protecteur, mon père, qui m'a totalement oublié. Non, Madame, cela ne saurait être. Quoi qu'on ait pu faire, je puis être dans sa disgrace, mais je suis sûr qu'il m'aime toujours, Ce qui m'afflige de ma position, 2 ARENA AR ve POS PP) Vi NRC nl ne dé de = LETTRE VI. ‘187 c'est qu'elle m'ôte les moyens de lui écrire. J'espère pourtant en avoir dans peu l’occasion, et je n'ai pas besoin dé vous dire avec quel empressement je la saisirai. En attendant, j'im- plore vos bontés pour avoir de ses nouvelles, et, si jose ajouter, pour lui faire dire un mot de moi. | J'ai l'honneur d'être, avec un profond respect, MADAME LA DUCHESSE, Votre très-humble et très-obéissant LA . serviteur, Herboriste. P. S. J'avais dit au jardinier de M. Daven- port, que je lui montrerais les rochers où croissait le petit adiantum, pour que vous pussiez, Ma- dame , en emporter des plantes. Je ne me par- donne point de l'avoir oublié. Ces rochers sont au midi de la maison, et regardent le nord. Il est très - aisé d'en détacher des plantes, parce quil y en a qui croissent sur des racines d'arbres. Le long retard , Madame, du départ de cette lettre, causé par des difficultés qui tiennent à ma situation , me met à portée de rectifier, avant qu'elle parte, ma balourdise sur la plante ci-jointe n° 1; car, ayant dans l'intervalle reçu mes livres de botanique, j'y ai trouvé, à l'aide des figures, que Michelins avait fait un genre 188 À MADAME DE PORTLAND. de cette plante, sous le nom de linocarpon, et que Linnæus l'avait mise parmi les espèces du lin. Elle est aussi dans le Synopsis sous le nom de radiola , et j'en aurais trouvé la figure dans le Flora britannica, que j'avais avec moï ; maïs précisément la planche 15, où est cette figure, se trouve omise dans mon exemplaire , et n'est que dans le Synopsis, que je n'avais pas. .Ce Jong verbiage a pour but, madame la duchesse, de vous expliquer comment ma bévue tient à mon ignorance, à la vérité, mais non pas à ma négligence. Je n'en mettrai jamais dans la cor- respondance que vous me permettez d'avoir avec vous, ni dans mes efforts pour mériter un titre dont je m'honore ; mais, tant que dureront les incommodités de ma position présente, l'exac-- titude de mes lettres en souffrira, et je prends le pari de fermer celle-ci sans être sûr encore du jour où je la pourrai faire partir. Te — LETTRE VIL Ce 4 janvier 1768. JE n'aurais pas tardé si long-temps, madame la duchesse , à vous faire mes très-humbles re- merciemens pour la peine que vous avez prise d'écrire en ma faveur à milord Maréchal et à M. Granville , si je n'avais été détenu près de trois mois dans la chambre d'un ami qui est tombé malade chez moi, et dont je n'ai pas quitté le chevet durant tout ce temps, sans pou- voir donner un moment à nul autre soin. Enfin la Providence a béni mon zèle; je l'ai guéri presque malgré lui. Il est parti hier bien rétabli, et le premier moment que son départ me laisse est employé, Madame, à remplir auprès de vous un devoir que je mets au nombre de mes plus grands plaisirs. Je n'ai reçu aucune nouvelle de milord Ma- réchal ; et, ne pouvant lui écrire directement d'ici, j ai profité de l’occasion de l'ami qui vient de partir, pour lui faire passer une lettre ; puisse-t-elle le trouver dans cet état de santé et de bonheur que les plus tendres vœux de mon cœur demandent au ciel pour lui tous les jours ! J'ai reçu de mon excellent voisin M. Granville une lettre qui m'a tout réjoui le cœur. Je compte Jui écrire dans peu de jours. 199 4 MADAME DE PORTLAND. Permettrez-vous, madame la duchesse, que je prenne lx hberté de disputer avec vous sur la plante sans nom que vous aviez envoyée à M. Granville, et dont je vous ai renvoyé un exemplaire avec les plantes de Suisse, pour vous supplier de vouloir bien me la nommer ? Je ne crois pas que ce soit le vio/a lutea, comme vous me le marquez; ces deux. plantes n'ayant rien de commun, ce me semble, que la couleur jaune de la fleur. Celle en question me paraît être de la famille des liliacées, à six pétales, six étamines en plumaceau. Si la racine était bulbeuse, je la prendrais pour une ornithogale ; ne l'étant pas, elle me paraît ressembler fort à un anthericum ossifragum de Linvæus, “appelé par Gaspard Bauhin pseudo-asphodelus angles ou scoticus. Je vous avoue, Madame , que je serais très- aise de m'’assurer du vrai nom de cette plante; car je ne peux être indifférent sur rien de ce qui me vient de vous. Je ne croyais pas qu'on trouvât en Angleterre plusieurs des nouvelles plantes dont vous venez d'orner vos jardins de Bulistrode; mais, pour trouver la nature riche par-tout, il ne faut que des yeux qui sachent voir ses richesses. Voilà, madame la duchesse, ce que vous avez, et ce qui me manque. Si j'avais vos connaissances , en herborisant dans mes environs , je suis sûr que j'en tiserais beaucoup de choses qui pour- raient peut - être avoir leur place à Bullstrode, LETTRE VI. 191 Au retour de la belle saison je prendrai note des plantes que j'observerai, à mesure que je pourrai les connaitre; et, s'il s'en trouvait quel- qu'une qui vous convint, je trouverais les moyens de vous les envoyer, soit en nature, soit en graines. Si, par exemple, Madame, vous vou= hez faire semer le gentiana filiformis, j'en re- cueïllerais facilement de la. graine l'automne prochain ; car j'ai découvert un canton où elle est en abondance. De grace, madame la du- chesse, puisque j'ai l'honneur de vous apparte- nir, ne laissez pas sans fonction un titre où je mets tant de gloire. Je n'en connais point, je vous proteste , qui me {latte davantage que celle d'être toute ma vie, avec un profond respect, madame la PANNE votre très-humble et très- Nas serviteur, Herboriste. _ D A M A A Te ee LETTRE: Yabbe À Lyon, le 2 juillet 1768. S'1L était en mon pouvoir , madame la du- chesse, de mettre de l'exactitude dans quelque correspondance , ce serait assurément dans celle dont vous m'honorez; mais, outre l'indolence et le découragement qui me subjuguent chaque jour davantage, les tracas secrets dont on me tourmente absorbent malgré moi le peu d’acti- vité qui me reste, et me voilà maintenant em- barqué dans un grand voyage, qui seul serait une terrible affaire pour un paresseux tel que moi. Cependant , comme la botanique en est le principal objet, je tâcherai de l'approprier à . l'honneur que j'ai de vous appartenir, en vous rendant compte de mes herborisations , au risque de vous ennuyer, Madame, de détails triviaux qui n'ont rien de nouveau pour vous. Je pour- rais vous en faire d'intéressans sur le jardin de l'école vétérinaire de cette ville, dont les direc- teurs naturalistes, botanistes, et, de plus, très- aimables, sont en même temps très-communi- catifs ; mais les richesses exotiques de ce jardin m'accablent, me troublent par leur multitude; et, à force de voir à la fois trop de choses, je ne discerne et ne retiens rien du tout. J'espère me trouver un peu plus à l'aise dans les mon- A MADAME DE PORTLAND. 103 tagnes de la grande chartreuse, où je compte aller herboriser la semaine prochaine avec deux de ces messieurs, qui veulent bien faire cette course , et dont les lumières me la rendront très- utile. Si j'eusse été à portée de consulter plus souvent les vôtres, madame la duchesse, je serais plus avancé que je ne suis. Quelque riche que soit le jardin de l'écoie vétérinaire ; je n’ai cependant pu y trouver le gentiana campestris ; ni le swertia perennis ; et, comme le gentiana filiformis n'était pas même encore sorti de terre avant mon départ de Trye, il m'a par conséquent été impossible d'en re- cueillir de la graine ; et il se trouve qu'avec le plus grand zèle pour faire les commissions dont vous avez bien voulu m'honorer, je n'ai pu eu- core en exécuter aucune, J'espère être à l'avenir moins malheureux, et pouvoir porter avec plus de succès un titre dont je me glorifie. J'ai commencé le catalogue d'un herbier dont on m'a fait présent , et que je compte augmen- ter dans mes courses. J'ai pensé, madame la duchesse, qu'en vous envoyant ce catalogue, ou du moins celui des plantes que je puis avoir à double, si vous preniez la peine d'y marquer celles qui vous manquent, je pourrais avoir l'honneur de vous les envoyer fraîches ou sèches, selon la manière que vous le voudriez, pour augmentation de votre jardin ou de votre her- bier. Donnez-moi vos ordres, Madame , pour 9 i94 À MADAME DE PORTLAND. les Alpes, dont je vais parcourir quelques-unes ; je vous demande en grace de pouvoir ajouter au plaisir que je trouve à mes herborisations, celui d'en faire quelques - unes pour votre ser- vice. Mon adresse fixe, durañt mes courses, sera celle-ci : A monsieur Renou , chez mess....., J'ose vous supplier, madame la duchesse, de vouloir bien me donner des nouvelles de milord Maréchal , toutes les fois que vous me ferez l'honneur de m'écrire. Je crains bien que tout ce qui se passe à Neuchatel n'affhige son excel- lent cœur : car je sais qu'il aime toujours ce pays-là, malgré l’ingratitude de ses habitans. Je suis affligé aussi de n'avoir plus de nouvelles de M. Granville. Je lui serai toute ma vie attaché. Je vous supplie, madame la duchesse, d'a- sréer avec bonté mon profondrespect. 7. . TS TT AT A TT TT dl LETTRE IX, A Bourgoin en Dauphiné, lé 21 août 1769. Maname la duchesse, deux voyages consé- cutifs, immédiatement après la réception de la lettre dont vous m'avez honoré le 5 juin dernier, m'ont empêché de vous témoigner plus tôt ma Joie, tant pour la conservation de votre santé que pour le rétablissement de celle du cher fils dont vous éliez en alarmes, et ma gratitude pour les marques de souvenir qu'il vous a plu m'accorder. Le second de ces voyages a été fait à votre intention ; et, voyant passer la saison de l'herborisation que j'avais en vue, j'ai pré- féré dans cette occasion le plaisir de vous servir à l'honneur de vous répondre. Je suis donc parti avec quelques amateurs pour aller sur le mont Pila, à douze ou quinze lieues d'ici, dans l'es- poir, madame la duchesse , d'y trouver quelques plantes ou quelques graines qui méritassent d'a- voir place dans votre herbier ou dans vos jar- dins. Je n'ai pas eu le bonheur de remplir à mon gré mon attente. Il était trop tard pour les fleurs et pour les graines ; la pluie et d'au- tres accidens, nous ayant sans cesse contrariés, m'ont fait faire un voyage aussi peu utile qu'a- gréable , et je n'ai presque rien rapporté. Voici pourtant, madame la duchesse, une note des débris de ma chétive collecte. C'est une courte - liste des plantes dont j'ai pu conserver quelque 199 A MADAME DE PORTLAND. chose en nature ; et j'ai ajouté une étoile à chacune de celles dont j'ai recueilli quelques graines, la plupart en bien petite quantité. Si parmi les plantes où parmi les graines il se trouve quelque chose, ou le tout, qui puisse vous agréer, daignez, Madame, m'honorer de vos ordres, et me marquer à qui je pourrais envoyer le paquet, soit à Lyon, soit à Paris, pour vous le faire parvenir. Je tiens prêt le tout pour partir immédiatement après la récep- on de votre note. Mais je craims bien qu'il ve se trouve rien là digne d'y entrer, et que je ne continue d'être à votre égard un serviteur inu- tile, malgré mon zèle. J'ai la morüfication de ne pouvoir, quant à présent, vous envoyer, madame la duchesse, de la graine de gentiana filiformis , la plante étant très-petite, très-fugitive, difficile à remar- quer pour les yeux qui ne sont pas botamistes, un curé à qui j'avais compté m'adresser pour cela étant mort dans l'intervalle, et nue con- naissant personne dans le pays à qui pouvoir donner ma commission. Une foulure que je me suis faite à la main droite par une chüte, ne me permettant d'écrire qu'avec beaucoup de peine, me force à finir cette lettre plus tôt que je n'aurais desiré. Daï- gnez, madame la duchesse, agréer avec bonté le zèle et Le profond respect de votre très-humble et très-obéissant serviteur, Herboriste, > LL TE A EE M A M A SE A A ES A A M LETTRE X. À Monquin, le 21 décembre 1769. C'esr, madame la duchesse, avec bien de la honte et du regret que je m'acquitte si tard du petit envoi que j'avais eu l'honneur de vous annoncer , et qui ne valait assurément pas la peine d'être attendu. Enfin, puisque mieux vaut tard que jamais, je fis partir jeudi dernier pour Lyon une boite à l'adresse de M. le chevalier Lambert , contenant les plantes et graines dont je joins 1c1 la note. Je desire extrêmement que le tout vous parvienne en bon élat ; mais, comme je n'ose espérer que la boîte ne soit pas ouverte en route, et même plusieurs fois, je “crains fort que ces herbes fragiles, et déjà gâ- tées par l'humidité, ne vous arrivent absolument détruites ou méconmaissables. Les graines au moins pourraient, madame la duchesse , vous dédommager des plantes, si elles étaient plus abondantes; mais vous pardonnerez leur misère aux divers accidens qui ont là-dessus contrarié mes soins. Quelques - uns de ces accidens ne laissent pas d'être risibles, quoiqu'ils m'’aient donné bien du chagrin. Par exemple, les rats - ont mangé sur ma table presque toute la graine de bistorte que j'y avais étendue pour la faire sécher ; et, ayant nus d'autres graines sur ma ” 4 198 À MADAME DE PORTLAND. fenêtre pour le même effet, un coup de vent a fait voler dans la chambre tous mes papiers, et J'ai été condamné à la pénitence de Psyché ; mais 1l a fallu la faire moi-même, et les four- mis ne sont point venues m'aider, Toutes ces contrariétés m'ont d'autant plus fâché, que j'au- rais bien voulu qu'il pût aller jusqu’à Callwich un peu de superflu de Bullstrode ; mais je tà- cherai d'être mieux fourni une autre fois; car, quoique les honnêtes gens qui disposent de moi, fâchés de me voir trouver des douceurs dans la botanique, cherchent à me rebuter de cet inno- cent amusement en y versant le poison de leurs viles ames, ils ne me forceront jamais à y re- noncer volontairement. Ainsi, madame la du- chesse, veuillez bien m'honorer de vos ordres, et me faire mériter le titre que vous m'avez permis de prendre ; je tâächerai de suppléer à mon ignorance, à force de zèle pour exéculer vos commissions. | Vous trouverez, Madame, une ombellfère à laquelle j'ai pris la liberté de donner le nom de seseti Halleri, faute de savoir la trouver dans le Species , au lieu qu’elle est bien décrite dans la dernière édition des plantes de Suisse de M. Haller , n° 762. C'est une très-belle plante, qui est plus belle encore en ce pays que dans les- contrées plus méridionales, parce que les premières atteintes du froid lavent son vert foncé d'un beau pourpre, et sur-tout la couronne des LETTRE X. 199 + graines, car elle ne fleurit que dans l'arrière- saison ; ce qui fait aussi que les graines ont peine à mürir , et qu'il est diffoile d'en recueil- lir. J'ai cependant trouvé le moyen d'en ra- masser quelques-unes que vous trouverez , ma- dame la duchesse, avec les autres. Vous aurez la bonté de les recommander à votre jardinier ; car, encore un coup, la plante est belle, et si peu commune, qu'elle n'a pas même encore un nom parmi les botanistes. Malheureusement le specimen que j ai l'honneur de vous envoyer est mesquin eten fort mauvais état; mais les graines y suppléeront. Je vous suis extrémement obligé, Madame, de la bonté que vous avez eue de me donner des nouvelles de mon excellent voisin M. Gran- ville, et des témoignages du souvenir de son ile nièce miss Dewes. J'espère qu'elle se rappelle assez les traits de son vieux berger, pour convenir qu'il ne ressemble guère à la figure de cyclope qu'il a plu à M. Hume de faire graver sous mon nom. Son graveur a peint mon visage comme sa plume a peint mon ca- ractère. Il n'a pas vu que la seule chose que tout cela peint fidellement est lui-même. Je vous supplie, madame la duchesse, d'e a- gréer avec bonté mon profond respect. Te ie de de ot fe fe — ce D M — LETTRE X1H À Paris, le 17 avril 2772, ” J'ar reçu, madame la duchesse, avec bien de la reconnaissance, et la lettre dont vous m'avez honoré le 27 mars, et le nombreux envoi de graines dont vous avez bien voulu enrichir ma petite collection. Cet envoi en fera de toutes manières la plus considérable partie, et réveille déjà mon zèle pour la compléter autant qu'il se peut. Je suis bien sensible aussi à la bonté qu'a M. le docteur Solander d’y vouloir contri- buer pour quelque chose ; mais, comme je n'ai rien trouvé dans le paquet qui m'indiquât ce qui pouvait venir de lui, je reste en doule si le petit nombre de graines ou de fruits que vous me marquez qu’il m'envoie, était joint au même paquet, ou s'il en a fait un autre à part, qui, cela supposé, ne m'est pas encore parvenu. Je vous remercie aussi, madame la duchesse , de la bonté que vous avez de m'apprendre l’heu- reux mariage de miss Dewes et de M. Sparrow ; je m'en réjouis dé tout mon cœur, et pour elle, si bien faite pour rendre un honnête homme heureux et pour l'être, et pour son digne oncle, que l’heureux succès de ce mariage com- blera de joie dans ses vieux jours. Je suis bien sensible au souvenir de mulord A MADAME DE PORTLAND, »OI Nuncham ; j'espère qu'il ne doutera jamais de mes sentimens, comme je ne doute point de ses bontés. Je me serais flatté, durant l'ambas- sade de milord Harcourt, du plaisir de le voir à Paris; mais on m'assure qu'il n'y est point venu, et ce n'est pas une mortification pour moi seul. Avez-vous pu douter un instant, madame la duchesse , que je n’eusse reçu avec autant d'em- pressement que de respect, le livre des jardins anglais que vous avez bien voulu penser à m'en- voyer? Quoique son plus grand prix fût venu pour moi de la main dont je l'aurais reçu, je n'ignore pas celui qu'il a par lui-même, puis- qu'il est estimé et traduit dans ce pays; et d’ailleurs j'en dois aimer le sujet, ayant été le premier en terre ferme à célébrer et faire con- paître ces mêmes jardins. Mais celui de Bullst- rode, où toutes les richesses de la nature sont rassemblées et assorties avec autant de savoir que de goût, mériterait bien un chantre parti- culier. = Pour faire une diversion de mon goût à mes occupalions, je me suis proposé de taire des herbiers pour les naturalistes et amateurs qui voudront en acquérir. Le règne végétal, le plus riant des trois, et peut-être le plus riche , est très-négligé, et presque oublié dans les cabinets d'histoire naturelle, où il devrait briller par préférence. J'ai pensé que de petits herbiers 202 À MADAME DE PORTLAND. bien choisis, et faits avec soin, pourraient fa- voriser le goût de la botanique ; et je vais tra- vailler cet été à des collections que je mettrai, j'espère , en état d'être ‘distribuées dans un an d'ici. Si par hasard il se trouvait parmi vos connaissances quelqu'un qui voulüt acquérir de pareils herbiers, je les servirais de mon mieux; et je continuerai de même s'ils sont contens de mes essais. Mais je souhaiterais particulièrement, madame la duchesse, que vous m'honorassiez quelquefois de vos ordres, et de mériter tou- jours, par des actes de mon zèle, l'honneur que j'ai de vous appartenir. | a. … LETTRE XII À Paris, le 19 mai 1772. à : JE dois, madame la duchesse, le principal plaisir que m'ait fait le poème sur les jardins anglais , que vous avez eu la bonté de m'’en- voyer, à la main dont il me vient; car mon ignorance dans la langue anglaise, qui m’em- pêche d'en entendre la poésie, ne me laisse pas partager le plaisir que l’on prend à le lire. Je croyais avoir eu l'honneur de vous marquer, Madame, que nous avons cet ouvrage traduit ici: vous avez supposé que je préférais l'ori- ginal; et cela serait très- vrai si j'étais en état de le lire : mais je n'en comprends tout au plus que les notes, qui ne sont pas, à ce qu'il me . semble, la partie la plus intéressante de l’ou- vrage. Si mon étourderie m'a fait oublier mon incapacité, j'en suis puni par mes vains efforts pour la surmonter ; ce qui n'empêche pas que cetenyoi ne me soit précieux, comme un nou- veau témoignage de vos bontés, et une nouvelle marque de votre souvenir. Je vous supplie, madame la duchesse , d'agréer mon remercie- ment et mon respect. Je reçois en ce moment, Madame, la lettre _que vous me fites l'honneur de m'écrire l'année | 0 PATENT 1 204 À MADAME DE PORTLAND. “ | dernière, en date du 25 mars 1771. Celui qui me l'envoie de Genève (M. Moultou) ne me dit point les raisons de ce long retard : 1l me marque seulement qu'il n'y a pas de sa faute ; voilà tout ce que j'en sais. SE A Me TE A AS TS A Te ee ee M ME LETTRE XIIL . À Paris, le 19 juillet 1772. C'£sr, madame la duchesse, par un quiproquo bien inexcusable, mais bien involontaire , que j'ai si tard l'honneur de vous remercier des fruits rares que vous avez'eu la bonté de m'envoyer de la part de M. le docteur Solander, et de Ja lettre du 24 juin, par laquelle vous avez bien voulu me donner avis de cet envoi. Je dois aussi à ce savant naturaliste des remerciemens qui seront accueillis bien plus favorablement, si vous daignez, madame la duchesse, vous en charger comme vous avez fait l'envoi, que ve- nant directement d'un homme qui n'a point l'honneur d'être connu de lui. Pour comble de grace, vous voulez bien encore me promettre les noms des nouveaux genres lorsqu'il leur eu aura donné ; ce qui suppose aussi la description du genre; car les noms dépourvus d'idées ne sont que des mots, qui servent moins à orner la mémoire qu'à la charger. A tant de bontés de votre part, je ne puis vous offrir, Madame, en signe de reconnaissance , que le plaisir que j'ai de vous être obligé. Ce n'est point sans un vrai déplaisir que j'ap- prends que ce grand voyage, sur lequel toute l'Europe savante avait les yeux, n'aura pas lieu, 206 A MADAME DE PORTLAND. C'est une grande perte pour la cosmographie, pour la navigation, et pour l'histoire naturelle en général ; et c'est, j'en suis très-sûr, un cha- grin pour cet homme illustre, que le zèle de l'instruction publique rendait insensible aux pé- nils et aux fatigues, dont l'expérience l'avait déjà si parfaitement instruit. Mais je vois, cha- que jour mieux, que les hommes sont par-tout les-mêmes, et que le progrès de l'envie et de la jalousie fait plus de mal aux ames que celui des lumières , qui en est la cause, ne peut fete de bien aux esprits. Je n'ai certainement pas oublié, madame la duchesse, que vous aviez desiré de la graine du gentiana filiformis ; mais ce souvenir n'a fait qu'augmenter mon regret d'avoir perdu cette plante sans me fournir aucun moyen de la re- couvrer. Sur le lieu même où je la trouvai, qui est à Trye, je la cherchai vainement l’an- pée suivante, et, soit que je n'eusse pas bien retenu la place ou le temps de sa florescence, soit qu'elle n’eût point grené et qu'elle ne se füt pas renouvelée , il me fut impossible d'en retrouver le moindre vestige. J'ai éprouvé souvent la même mortification au sujet d'autres plantes que j'ai trouvé disparues des lieux où auparavant on les rencontrait abondamment ; par exemple, le plantago uniflora, qui jadis bordait l'étang de Montmorenci, et dont j'ai fait en vain l’année dernière la recharche avec de LETTRE XIil. | 207 meilleurs botanistes , et qui avaient de meilleurs yeux que moi. Je vous proteste, madame Ja duchesse, que je ferais de tout mon cœur je voyage de Trye pour y cueillir cette petite gentiane et sa graine, et vous faire parvenir l'une et l’autre, si j'avais le moindre espoir de succès; mais, ne l'ayant pas trouvée l'année suivante, étant encore sur les lieux, quelle apparence qu'au bout de plusieurs années, où tous les renseignemens qui me restaient encore se sont effacés , je puisse retrouver la trace de celte petite et fugace plante ? Elle n'est point ici au jardin du roi, ni, que je sache, en aucun autre jardin, et très-peu de gens même la con- naissent. À l'égard du carthamus lanatus, j'en joindrai de la graine aux échantillons d'herbiers que j'espère vous envoyer à la fin de l'hiver. . J'apprends, madame la duchesse , avec une bien douce joie, le parfait rétablissement de mon ancien et bon voisin M. Granville. Je suis très-touché de la peine que vous avez prise de m'en instruire , et vous avez par là redoublé le prix d’une si bonne nouvelle. Je vous supplie, madame la duchesse, d'a- gréer avec mon respect, mes vifs et vrais remer- ciemens de toutes vos bontés. LETTRE XIV. À Paris, le 22 otcobre 1773. J'ar recu dans son temps la lettre dont m'a honoré madame la duchesse le 7 octobre ; quant à celle dont il y est fait mention, écrite quinze jours auparavant, je ne l'ai point reçue : la quantité de sottes lettres qui me venaient de toutes parts par la poste me force à rebuter toutes celles dont l'écriture ne m'est pas con- nue , et il se peut qu'en mon absence la lettre de madame la duchesse n'ait pas été distinguée des autres. J'irais la réclamer à la poste, si l'expérience ne m'avait appris que mes lettres disparaissaient aussitôt qu'elles sont rendues, et qu'il ne m'est plus possible de les ravoir. C'est ainsi que j'en ai perdu une de M. Linnæus, que je n'ai jamais pu ravoir, après avoir appris qu'elle était de lui, quoique j'aie employé pour cela le crédit d'une personne qui en a beaucoup dans les postes. Le témoignage du souvenir de M. Granville, que madame la duchesse a eu la bonté de me transmettre, m'a fait un plaisir auquel rien n'eût manqué, si }eusse appris en même temps que sa santé était meilleure. M. de Saint - Pay} doit avoir fait passer à madame la duchesse deux échantillons d'her- A MADAME DE PORTLAND. 209 biers portatifs, qui me paraissent plus com- . modes et ‘presque aussi utiles que les grands. Si j'avais le bonheur que l’un ou l'autre, ou tous les deux, fussent du goût de madame la du- chesse, je me ferais un vrai plaisir de les con- tinuer , et cela me conserverait pour la bota- vique un reste de goût presque éteint, et que je regrette. J'attends là - dessus les ordres de madame la duchesse, et je la supplie d'agréer mon respect, TS A, A M Te TS A A TS A A A M M M M LETTRE XV. À Päris, le 11 juillet 1776. Î,r témoignage de souvenir et de bonté dont m'honore madame la duchesse de Portland, est un cadeau bien précieux que je reçois avec au- tant de reconnaissance que de respect. Quant à l'autre cadeau qu'elle m'annonce, je la supplie de permettre que je ne l'accepte pas. Si la magnificence en est digne d'elle, elle n’est pro- portionnée ni à ma situation mi à mes besoins. - Je me suis défait de tous mes hvres de bota- nique, j'en ai quitté l'agréable amusement, de- venu trop fatigant pour mon ‘âge. Je n'ai pas un pouce de terre pour y mettre du persil ou des œillets, à plus forte raison des plantes d'A- frique ; et dans ma plus forte passion pour la botanique, content du foin que je trouvais sous mes pas, je n’eus jamais dé goût pour les plantes étrangères, qu'on ne trouve parmi nous qu'en | exil, et dénaturées dans les jardins des curieux. Celles que veut bien m'envoyer madame la duchesse seraient donc perdues entre mes mains ; il en serait de même, et par la même raison, de l'herbarium amboïnense ; et cette perte serait regrettable à proportion du prix de ce livre et de l'envoi. Voilà la raison qui m'empêche d'ac- cepter ce superbe cadeau ; si toutefois ce n'est: À MADAME DE PORTLAND. 211 pas l'accepter que d'en garder le souvenir et la reconnaissance, en desirant qu'il soit ne M plus utilement. Je supplie très-humblement madame la du- _chesse d'agréer mon profond respect. On vient de m'envoyer la caisse ; et, quoique j'eusse extrêmement desiré d'en retirer ka lettre de madame la duchesse, il m'a paru plus con- venable; puisque j'avais à la rendre, de la reu- voyer sans l'ouvrir. L d = — = —— L'E TT RYE"S A M DE LA TOURET PE, CONSEILLER EN LA COUR DES MONNAIES DE LYON. tt El ; LETTRE PREMIÉRE. À Monqnin, le 17 décembre 1769. J'ar différé, Monsieur, de quelques jours à vous accuser la réception du livre que vous avez eu la bonté le m'envoyer de la part de M. Gouan, et à vous remercier, pour me débarrasser aupa- ravant d'un envoi que j'avais à faire, el me ménager le plaisir de m'entretenir un peu plus long-temps avec vous. Je ne suis pas surpris que vous soyez revenu d'Italie plus satisfait de la nature que des hom- mes; c'est ce qui arrive généralement aux bons observateurs, même dans les climats où elle est moins belle. Je sais qu'on trouve peu de penseurs dans ce pays-là ; mais je ne couvien- A M. DE LA TOURETTE. 213 drais pas tout à fait qu'on n'y trouve à satisfaire que les yeux; j'y voudrais ajouter les oreilles. Au reste, quand j'appris votre voyage , je crai- gnis, Monsieur, que les autres parties de l'his- toire naturelle ne fissent quelque tort à la bo- tanique, et que vous ne rapportassiez de ce pays-là plus de raretés pour votre cahinet, que de plantes pour votre herbier. Je présume, au ton de votre lettre, que je ne me suis pas beau- coup trompé. Ah ! Monsieur, vous feriez grand tort à la botanique de l'abandonner, après lui avoir si bien montré, par le bien que vous lui avez déjà fait , celui que vous pouvez encore lui faire. Vous me faites bien sentir et déplorer ma misère, en me demandant compte de mon her- borisation de Pila. J'y allai dans une mauvaise _ saison , par un très-mauvais temps, comme vous savez, avec de mauvais yeux , et avec des compagnons de voyage encore plus ignorans que moi, et privé par conséquent de la ressource pour y suppléer que j'avais à la grande char- ireuse. J’ajouterai qu'il n'y a point, selon moi, de comparaison à faire entre les deux herbori- sations, et que celle de Pila me paraît aussi pauvre que celle de la chartreuse est abondante et riche. Je n’apperçus pas une astrantia, pas un pirola, pas une soldanelle, pas une ombel- hifère, excepté le meum, pas une saxifrage, pas une gentiane, pas une légumineuse, pas 214 À M. DE LA TOURETTE. 2 üne belle didyrame ,excepté la mélisse à grandes fleurs. J'avoue aussi que nous errions sans guide, et sans savoir où chercher les plaées riches ; et je ne suis pas étonné qu'avec tous les avantages qui me manñquaent, vous ayiez trouvé dans cette triste et vilaine montagne des richesses que je n'y ai pas vues. Quoi qu'il en soit, je vous envoie, Monsieur, la courte liste de ce que j'y ai vu, plutôt que de ce que j'en ai rap- porté; car la pluie et ma mal-adresse ont fait que presque tout ce que j'avais recueilli s’est trouvé gâté et pourri à mon arrivée 1. Il n’y a dans tout cela que deux ou trois plantes-qui m'aient fait un grand plaisir. Je mets à leur tête le sonchus alpinus , plante de cinq pieds de haut, dont le feuillage et le port sont admi- rables, et à qui ses grandes et belles fleurs bleues donnent un éclat qui Ja rendrait digne d'entrer dans votre jardin. J'aurais voulu, pour tout au monde, en avoir des graines; mais cela ne me fut pas possible, le seul pied que nous trou- vâmes étant tout nouvellement en fleurs; et, vu la grandeur de la plante, et qu'elle est ex- trémement aqueuse, à peine en al-je pu con- server quelque débris à demi pourri. Comme j'ai tronvé en route quelques autres plantes'assez jolies , j'en ai ajouté séparément la note, pour ne pas la confondre avec ce que j'ai trouvé sur Ja montagne. Quant à la désignation particulière des hieux ,il m'est impossible de vous la donner; LETTRE PRÉMIÈRE. 215 car, outre la difficulté de la faire intelligible- ment, je ne m'en ressouviens pas moi-même : ma mauvaise vue et mon étourderie font que je ne sais presque jamais où je suis ; Je ne puis venir à bout de m'orienter , et je me perds à chaque instant-quand je suis seul , silôt que je perds mon renseignement de vue. Vous souvenez -vous, Monsieur, d'un petit souchet que nous trouvâmes en assez grande abondance auprès de la grande chartreuse , et que je crus d'abord être le cyperus fuscus Lin. ? Ce west point lui, et 1l n'en est fait aucune mention, que je sache, n1 dans le Species, ni dans aucun auteur de botanique, hors le seul Mikelius, dont voici la phrase : Cyperus radice repente, odor&, locustis unciam longis et lineam latis. Tub. 31. f. 1. Si vous avez, Monsieur, quelque renseignement plus précis ou plus sûr dudit souchet, je vous serais très - obligé de vouloir bien m'en faire part. La botanique devient un tracas si embarras- sant et si dispendieux , quand on s'en occupe avec autant de passion , que, pour y mettre de la réforme, je suis tenté de me défaire de mes livres de plantes. La nomenclature et la syno- nymie forment une étude immense et pénible; quand on ne veut qu'observer, s’instruire et s’a- muser entre la nature et soi, l’on n’a pas bésoin de tant de livres. Il en faut peut - être pour prendre quelque idée du système végétal , et 216 À M. DE LA TOURETTÉ. apprendre à observer ; mais quand une fois on a les yeux ouverts, quelque ignorant d’ailleurs qu'on puisse être, on n’a plus besoin de livres pour voir et admirer sans cesse. Pour moi du moins, en qui l'opimätreté a mal suppléé à la mémoire, et qui n'ai fait que bien peu de-pro- grès, je sens néanmoins qu'avec les gramen d'une cour ou d'un pré j'aurais de quoi m'oc- cuper tout le reste de ma vie, sans jamais m'ennuyer un moment. Pardon, Monsieur, de tout ce long bavardage. Le sujet fera mon ex- cuse auprès de vous. Agréez, je vous supplie, mes très-humbles salutations. LETTRE IT Monquin, le 26 janvier 1770. Pauvres aveugles que nous sommes ! Ciel ! démasque les imposteurs, Et force leurs barbares cœurs A s’ouvrir aux regards des hommes ! * C'Ex est fait, Monsieur, pour moi, de la bo- tanique ; 1l n'en est plus question quant à présent, et 1l y a peu d'apparence que je sois dans le cas d'y revenir. D'ailleurs, je vieillis, je ne suis plus ingambe pour herboriser ; et des incom- modités, qui m'avaient laissé d'assez longs re- lâches, menacent de me faire payer cette trève. C'est bien assez désormais pour mes forces des courses de nécessité; je dois renoncer à celles d'agrément, ou les borner à des promenades qui ne satisfont pas l’avidité d’un botanophile. Mais, en renonçant à une étude charmante, qui, pour moi, s'était transformée en passion, je ne * M. Rousseau, accablé de ses malheurs , avait pris dans ce temps-là l’habitude de commencer toutes ses lettres par ce quatrain dont il était l’auteur; il la con- tinua pendant long-temps, comme on le verra dans la suite de ce recueil, où nous n’en citerons que le pre- mier vers. 10 218 À M. DE LA TOURETTE. renonce pas aux avantages qu'elle m'a procurés, et sur-tout, Monsieur, à cultiver votre connais- sance et vos bontés , dont j'espère aller dans peu vous remercier en personne. C'est à vous qu'il faut renvoyer toutes les exhortations que vous me faites sur l’entreprise d’un dictionnaire de botanique, dont 1l est étonnant que ceux qui cultivent cette science sentent si peu la néces- sité. Votre âge, Monsieur, vos talens, vos con- naissances, vous donnent les moyens de former, diriger, et exécuter supérieurement cette entre- prise ; et les applaudissemens avec lesquels vos premiers essais ont été reçus du public, vous sont garans de ceux avec lesquels 1l accueillerait un travail plus considérable. Pour moi, qui ne suis dans cette étude, ainsi que dans beaucoup d’autres, qu'un écolier radoteur, j'ai songé plu- tôt , en herborisant, à me distraire, et m'amuser qu'à m'instruire, et n'ai point eu dans mes ob- servations tardives la sotte idée d'enseigner au public ce que je ne savais pas moi-même. Mon- sieur , j'ai vécu quarante ans heureux sans faire des livres ; je me suis laissé entraîner dans cette carrière tard, et malgré moi : j'en suis sorti de bonne heure, Si je ne retrouve pas, après l'avoir quittée, le bonheur dont je jouissais avant d'y entrer, je retrouve au moins assez de bon sens pour sentir que je n’y étais pas propre, et pour perdre à jamais la tentation d'y rentrer. J'avoue pourtant que les difficultés que j'ai trouvées dans l'étude des plantes, m'ont donné quelques idées sur les moyens de la faciliter et de la rendre utile aux autres, en suivant le fil du système végétal par une méthode plus gra- duelle et moins abstraite que celle de Tourne- fort et de tous ses successeurs, sans en excepter Linnæus lur:même. Peut-être mon idée est-elle impraticable; nous en causerons, si vous vou- lez, quand j'aurai l'honneur de vous voir. Si vous la trouviez digne d'être adoptée, et qu’elle vous tentât d'entreprendre sur ce plan des ins- tructions botaniques , je croirais avoir beaucoup plus fait en vous excitant à ce travail, que si je l’avais entrepris moi-même. Je vous dois des remerciemens , Monsieur ; pour les plantes que vous avez eu la bonté de m'envoyer dans votre lettre, et bien plus encore pour les éclaircissemens dont vous les avez ac- compagnées. Le papyrus m'a fait grand plaisir, et je l'ai mis bien précieusement dans mon her- bier: Votre antirrhinum purpureum m'a bien - prouvé que le mien n'était pas le vrai, quoiqu'il y ressemble beaucoup; je penche à croire avec vous que c'est une variété de l'arvense, et je vous avoue que jen trouve plusieurs dans le Spectes , dont les phrases ne suffisent point pour me donner des différences spécifiques bien claires. Voilà, ce me semble, un défaut que n'aurait jamais la méthode que j imagine, parce qu'on aurait toujours un objet fixe et réel de 220 À M. DE LA TOURETTE. comparaison, sur lequel on pourrait aisément assigner les différences. ; Parmi les plantes dont je vous ai prétédem- ment envoyé la liste, j'en ai omis une dont Linnæus n'a pas marqué la patrie, et que j'ai trouvée à Pila; c'est le rubia peregrina : je ne sais si vous l'avez aussi remarquée ; elle n’est pas absolument rare dans la Savoie et dans le Dauphiné. Je suis ici dans un grand embarras pour le transport de mon bagage, consistant en grande partie dans un attirail de botanique. J'ai sur- tout dans des papiers épars un grand nombre de plantes sèches en assez mauvais ordre, et communes pour la plupart, mais dont cependant quelques-unes sont plus curieuses; mais je n'ai ni le temps ni le courage de les trier, puisque ce travail me devient désormais inutile. Avant de jeter au feu tout ce fatras de paperasses, j'ai voulu prendre la liberté de vous en parler à tout hasard ; et si vous étiez tenté de parcourir cé foin, qui véritablement n'en vaut pas la peine, j'en pourrais faire une liasse qui vous parviendrait par M. Pasquet; car, pour moi, je ne sais comment emporter tout cela, m1 qu'en faire. Je crois me rappeler, par exemple, qu'il s'y trouve quelques fougères, entre autres le polypodium fragrans, que j'ai herborisées en Angleterre, et qui ne sont pas communes par- tout. Si même la revue de mon herbier et de # LETTRE Il. 221 mes livres de botanique pouvait vous amuser quelques momens, le tout pourrait être déposé chez vous, et vous le visiteriez à votre aise. Je ne doute pas que vous n'ayiez La plupart de mes hvres. Il peut cependant s'en trouver d'anglais, comme Parkinson et le Gerard émaculé, que peut-être n’avez-vous pas. Le Valerius Cordus est assez rare : j'avais aussi Tragus ; mais je l'ai - donné à M. Clappier. Je suis surpris de n'avoir aucune nouvelle de M.-Gouan, à qui j'ai envoyé les carex: de ce pays, qu'il paraissait desirer, quelques autres petites plantes ; le tout à l'adresse de M. de Saint-Priest , qu'il m'avait donnée. Peut-être le paquet ne lui est-1l pas parvenu; c'est ce que je ne saurais vérifier, vu que jamais un seul mot de vérité ne pénètre à travers l'édifice des ténèbres qu'on a pris soin d'élever autour de moi. Heureusement les ouvrages des hommes sont périssables comme eux ; mais la vérité est éternelle : Post tenebras lux. Agréez, Monsieur, je vous supplie, mes plus sincères salutations. * Je me souviens d’avoir mis par mégarde un nom pour un autre; carer vulpina , pout carex leporina. RE ET A M M LETTRE IIL Monquin, 22 février 177e. Pauvres aveugles que nous sommes! etc. Nr faites, Monsieur, aucune attention à Ja bizarrerie de ma date ; c'est une formule géné- rale qui n'a nul trait à ceux à qui j'écris, mais seulement aux honnêtes gens qui disposent de moi avec autant d'équité que de bonté. C'est, pour ceux qui se laissent séduire par la puis- sance et tromper par l’imposture, un avis qui les rendra plus inexcusables, si, jugeant sur des choses que tout devrait ne rendre suspectes , ils s’obstinent à se refuser aux moyens que pres crit la justice pour s'assurer de la vérité. C'est avec regret que je vois reculer, par mon élat et par la mauvaise saison , le moment. de me rapprocher de vous. J'espère cependant ne pas tarder beaucoup encore. Si j'avais quelques graines qui valussent la peine de vous être pré- sentées , je prendrais le parti de vous les en- voyer d'avance, pour ne pas laisser passer le temps de les semer ; mais j'avais fort peu de chose, et je le joignis avec des plantes de Pila, dans un envoi que je fis il y a quelques mois à madame la duchesse de Portland , et qui m'a pas été plus heureux, selon toute apparence. À M. DE LA TOURETTE. 225 que celui que j'ai fait à M. Gouan, puisque Je n'ai aucune nouvelle ni de l'un n: de l'autre. Comme celui de madame de Portland était plus considérable , et que j'y avais mis plus de soins et de temps, je Le regrette davantage ; mais 1l faut bien que j'apprenne à me consoler: de tout. J'ai pourtant encore quelques graines d'un fort beau seseli de ce pays, que Liste seseli Hal- leri, parce que je ne le trouve pas dans Lan- mæus. J'en ai aussi d'une plante d'Amérique, que j'ai fait semer dans ce pays avec d'autres graines qu'on m'avait données, et qui seule a réussi. Elle s'appelle gombault, dans les îles , et j'ai trouvé que c'était l’hrbiscus esculentus. I] a bien levé, bien fleuri, et j'en ai tiré d'une capsule quelques graines bien müres que je vous porterai avec le seseli, si vous ne les avez pas. Comme l'une de ces plantes est des pays chauds, et que l'autre grène fort tard dans nos campa- gnes , je présume que rien ne presse pour les mettre en terre, sans quoi je prendrais le parti de vous les envoyer. Votre galium rotundifolium , Monsieur, est bien lui-même à mon avis, quoiqu'a-doive avoir la fleur blanche, et que le vôtre l'ait flave; mais comme il arrive à beaucoup de fleurs blan- ches de jaunir en séchant, je pense que les sien- nes sont dans le même cas. Ce n'est point du tout mon rubia peregrina, plante beaucoup plus grande, plus rigide, plus âpre, et de la consis- ÿT 224 À M. DE LA TOURETTE. tance tout au moins de la garance ‘ordinaire, outre que Je suis certain d'y avoir vu des baïes que n’a pas votre galium, et qui sont le carac- tère générique des rubia. Cependant, je suis, je vous l'avoue, hors d'état de vous en envoyer un échantillon, Voici là-dessus mon histoire. J'avais souvent vu en Savoie et en Dauphiné la garance sauvage , et j en avais pris quelques échantillons. L'année dernière à Pila j'en vis encore, mais elle me parut différente des au- tres; et1l me semble que j'en mis un specimen dans mon porte-feuille. Depuis mon retour, li- sant par hasard dans l'article rubia peregrina que sa feuille n'avait point de nervure en-des- sus, je me rappelai, ou crus mé rappeler, que mon rubia de Pila n'en avait point non plus; de là je conclus que c'était le rubia peregrina. En m'échauffant sur celte idée, je vins à con- clure la même chose des autres garances que javais trouvées dans ces pays , parce qu'elles n'avaient d'ordinaire que quatre feuilles: pour que cette conclusion füt raisonnable , 1l aurait fallu chercher les plantes et vénfer; voilà ce que ma paresse ne me permit point de faire, vu le désordre de mes paperasses, et le temps qu'il aurait fallu mettre à cette recherche. De- puis la réception, Monsieur, de votre lettre , Jai mis plus de huit jours à feuilleter tous mes livres et papiers l’un après l'autre, sans pouvoir retrouver ma plante de Pila, que j'ai peut-être : LETTRE Ill. 225 jetée avec tout ce qui est arrivé pourri. J'en ai retrouvé quelques-unes des autres; mais j'ai eu la mortification d'y trouver la nervure bien marquée qui m'a désabusé, du moins sur celles- là. Cependant ma mémoire , qui me trompe si souvent, me retrace si bien celle de Pila, que jai peine encore à en démordre, et je ne déses- père pas qu'elle ne se retrouve dans mes pa- piers ou dans mes livres. Quoi qu'il en soit » figurez-vous dans l'échantillon ci-joint les feuilles un peu plus larges et sans nervure ; voilà ma plante de Pila. Quelqu'un de ma connaissance a souhaité d'acquérir mes livres de botanique en entier, et me demande même la préférence ; ainsi je ne me prévaudrai point sur cet article de vos obli- geantes offres. Quant au fourrage épars dans des chiffons, puisque vous ne dédaïgnéz pas de le parcourir , je le ferai remettre à M. Pasquet ; mais il faut auparavant que je feuillete et vide mes livres, dans lesquels j'ai la mauvaise habi- tude de fourrer en arrivant les plantes que j'ap- porte, parce que cela est plus tôt fait. J'ai trouvé le secret de gâter de cette façon presque tous mes livres, et de perdre presque toutes mes plantes , parce qu’elles tombent et se brisent sans que j'y fasse attention, tandis que je feuillete etrparcours le livre, uniquement occupé de ce que} y cherche. ; Je vousprie, Monsieur , de faire agréer mes 220 À M. DE LA TOURETTF. remerciemens et salutations à monsieur votre frère. Persuadé de ses boutés et des vôtres, je me prévaudrai volontiers de vos offres dans l'occasion. Je finis sans façon en vous saluant, Monsieur , de tout mon cœur, LETTRE IV. . Monquin , le 16 mars 1770. Pauvres aveugles que nous sommes ! etc. Vorcr , Monsieur , mes misérables herbailles, où j'ai bien peur que vous ne trouviez rien qui mérite d'être ramassé, si ce n'est des plantes -que vous m'avez données vous-mêmes , dont j'avais quelques-unes à double, et dont, après en avoir mis plusieurs dans mon herbier , je w'ai pas eu le temps de tirer le même parti que des autres. Tout l'usage que je vous conseille d'en faire est de mettre le tout au feu. Cependant, si vous avez la patience de feuilleter ce fatras, vous y trouverez, je crois, quelques plantes qu'un officier obligeant a eu la bonté de m'ap- porter de Corse, et que je ne connais pas. Voici aussi quelques graines du seselr Halleri. Il y en a peu, et je ne l'ai recueilli qu'avec beaucoup de peine, parce qu'il grène fort tard et müûrit difficilement en ce pays: mais il y devient en revanche une très-belle plante, tant par son beau port que par la teinte de pourpre que les premières atteintes du froid donnent à ses ombelles et à ses tiges. Je hasarde aussi d'y joindre quelques graines de gombault, quoique vous ne m'en ayez rien dit, et que peut-élre 228 À M. DE LÀ TOURETTE # vous l'ayez , ou ne vous en souciez pas: ef quelques graines de l'heptaphyllon, qu'on ne s'avise guère de ramasser, et qui peut-être ne lève pas dans les jardins; car je ne me souviens pas d'y en avoir jamais vu. Pardon, Monsieur, de la hâte extrême avec laquelle je vous écris ces deux mots, et qui m'a fait presque oublier de vous remercier de l'asperula taurina qui m'a fait bien grand plaisir, Si nos chemins étaient praticables pour les voitures, je serais déjà près de vous. Je. vous porterai le catalogue de mes livres: nous y marquerons ceux qui peuvent vous convenir ; et si l'acquéreur veut s'en défaire, j'aurai soin de vous les procurer. Je ne demande pas mieux, Monsieur, je vous assure, que de cultiver vos bontés ; et si jamais j'ai Le bonheur d'être un peu mieux connu de vous que de M. ***, qui dit si bien me connaitre, j'espère que vous ne m'en trouverez pas indigne. Je vous salue de tout mon cœur. Avez-vous le dianthus superbus ? Je vous l'envoie à tout hasard. C'est réellement un bien bel œillet, et d'une odeur bien suave , quoique faible. J'ai pu recueillir de la graine bien sisé- ment ; car il croît en abondance dans un pré qui est sous mes fenêtres. Il ne devrait être permis qu'aux chevaux du soleil de se nourrir d'un pareil foin. LETTRÉ Y. Paris, le 4 juillet 1770. Pauvres aveugles que nous sommes! etc. Je voulais, Monsieur, vous rendre compte de mon voyage, en arrivant à Paris; mais il ma fallu quelques jours pour m'’arranger et me re- mettre au courant avec mes anciennes COnnais- sances. Fatigué d'un voyage de deux jours, j'en séjournai trois ou quatre à Dijon, d'où, par la même raison, jallai faire un pareil séjour à Auxerre , après avoir eu le plaisir de voir en passant M. de Buffon, qui me fit l'accueil le plus obligeant. Je vis aussi à Montbart M. d'Au- benton le subdélégué, lequel, après une heure ou deux de promenade ensemble dans le jardin, me dit que j avais déjà des commencemens, et qu'en continuant de travailler, je pourrais deve- nir un peu botamste, Mais le lendemain, l'étant allé voir avant mon départ, je parcourus avec Jui sa pépinière, malgré la pluie qui nous in- commodait fort ; et, n'y connaissant presque rien , je démentis si bien la bonne opinion qu'il avait eue de moi La veille, qu'il rétracta son éloge, et ne me dit plus rien du tout. Malgré ce mauvais succès, je n'ai pas laissé d'herbori- ‘ser un peu durant ma route, et.de me trouver 230 A M. DE LA TOURETTE. en pays de connaissance dans la campagne et dans les bois. Dans presque toute la Bourgogne j'ai vu la terre couverte , à droite et à gauche, de cette même grande gentiane jaune que je n'avais pu trouver à Pila. Les champs, entre Montbard et Chably, sont pleins de bu/bocas- tanum ; mais la bulbe en est beaucoup plus âcre qu'en Angleterre, et presque immangeable ; l'œnante fistulosa et la coquelourde( pulsatilla) y sont aussi en quantité: mais n'ayant traversé la forêt de Fontainebleau que très à la hâte, je n'y ai rien vu du tout de remarquable, que le geranium grandiflorum , que je trouvai sous mes pieds par hasard une seule fois. J'allai hier voir M. Daubenton au jardin du roi; } y rencontrai en me promenant M. Richard, jardinier de Trianon, avec lequel je m'empres- sal, comme vous jugez bien, de faire connais- sance, Il me promit de me faire voir son jardin, qui est beaucoup plus riche que celui du roi à Paris; ainsi me voilà à portée de faire dans l'un et dans l’autre quelque connaissance avec les plantes exotiques, avec lesquelles, comme vous avez pu voir , je suis parfaitement ignorant. Je prendrai , pour voir Trianon plus à mon aise, quelque moment où la couréne sera pas à Ver- sailles, et je tâcherai de me fournir à double de tout ce qu'on me permettra de prendre, afin de pouvoir vous envoyer ce que vous pourriez ne pas avoir. J'ai aussi vu le jardin de M Coclun, LETTRE w. 230 qui m'a paru fort beau; mais en l'absence du maître je n'ai osé toucher à rien. Je suis, depuis mon arrivée, tellement accablé de visites et de diners, que , si ceci duré, il est impossible que J y tienne; et malheureusement je manque de force pour me défendre. Cependant , si je ne prends bien vite un autre train de vie, mones- tomac-et ma botanique sont en grand péril. Tout ceci n'est pas le moyen de reprendre la copie de musique d'une façon bien lucrative; et j'ai peur qu'à force de diner en ville, je ne finisse par mourx de faim chez moi. Mon ame navrée avait besoin de quelque dissipation, je le sens; mais je crains de n’en pouvoir ici régler la me- sure, et jaimerais encore mieux être tout en moi que tout hors de moi. Je n’ai point trouvé, Monsieur , de société mieux tempérée, et qui me convint mieux que la vôtre ; point d'accueil plus selon mon cœur que celui que, sous vos auspices , j'ai reçu de l’adorable Mélanie. S'il m'était donné de mener une vie égale et douce, je voudrais tous les jours de la mienne passer la matinée au travail, soit à ma copie, soit sur mon herbier: diner avec vous et Mélanie; nour- rir ensuite une heure ou deux mon oreille et mon cœur des sons de sa voix et de ceux de sa harpe; puis me promener tête à tête avec vous Je reste de la journée, en herborisant et philo- sophant selon notre fantaisie. Lyon m'a laissé des regrets qui m'en rapprocheront quelque jour L LE : 232 À M. DE LA TOURETTE. Hi peut-être. Si cela m'arrive, vous ne serez pas oublié, Monsieur, dans mes projets; puissiez- vous concourir à leur exécution ! Je suis fäché de ne savoir pas ici l'adresse de monsieur votre frère. S'il y est encore, je n'aurais pas tardé si long-temps à l'aller voir, me rappeler à son souvenir, et le prier de vouloir bien me rappeler quelquefois au vôtre et à celui de M. * **. Si mon papier ne finissait Pas ; si la poste n'allait pas partir, je ne saurais pas finir moi- même. Mon bavardage n’est pas mieux ordonné sur le papier que dans la conversation. Veuillez supporter l'un comme vous avez supporté l’autre, Vale, et me ama. LETTRE VL Paris, le 28 septembre 1770. Pauvres aveugles que nous sommes ! ete. Je ne voulais, Monsieur, m'accuser de mes torts qu'après les avoir réparés ; mais le mauvais temps qu'il fait, et la saison qui se gâte, me punissent d’avoir négligé le jardin du roi tandis qu'il faisait beau, et me mettent hors d'état de vous rendre compte quant à présent du plan- tago uniflora , et des autres plantes curieuses dont j'aurais pu vous parler , si j'avais su mieux profiter des bontés de M. de Jussieu. Je ne déses- père pas pourtant de profiter encore de quelque beau jour d'automne pour faire ce pélerinage, et aller recevoir, pour cette année, les adieux de la singénésie : mais, en attendant ce moment, permettez, Monsieur, que je prenne celui-ci pour vous remercier, quoique tard, de la con- tinuation de vos bontés et de vos lettres, qui me feront toujours le plus vrai plaisir, quoique je sois peu exact à y répondre. J'ai encore à m'accuser de beaucoup d’autres omissions pour lesquelles je n'ai pas moins besoin de pardon. Je voulais aller remercier monsieur votre frere de l'honneur de son souvenir, et lui rendre sa visite; j'ai tardé d'abord, et puis j'ai oublié son 234 A M. DE LA TOURETTE. adresse. Je le revis une fois à lacomédie italienne; mais nous étions dans des loges éloignées, je ne pus l'aborder, et maintenant j'ignore même s’il est encore à Paris. Autre tort inexcusable; je me suis rappelé de ne vous avoir point remercié de la connaissance de M. Robinet , et de l'accueil obligeant que vous m'avez attiré de lui. Si vous comptez avec votre serviteur, 1l restera trop in- solvable ; mais, puisque nous sommes en usage, moi de faillir, vous de pardonner , couvrez en- core cette fois mes fautes de votre indulgence, et je tâcherai d'en avoir moins besoin dans la suite; pourvu toutefois que vous n'exigiez pas de l'exactitude dans mes réponses ; car ce devoir est absolument au-dessus de mes forces, sur- tout dans ma position actuelle. Adieu, Monsieur, souvenez - vous quelquefois, je vous supplie, d'un homme qui vous est bien sincèrement at- taché, et qui ne se rappelle jamais sans plaisir el sans regrets les promenades charmantes qu'il a eu le bonheur de faire avec vous. On a représenté Pigmalion à Montigny; je n'y étais pas, ainsi je n'en puis parler. Jamais souvenir de ma première Galathée ne me lais- sera le desir d'en voir une autre. A A A A AE M A A TS A A M LETTRE VIL À Paris, le 26 novembre 1770. Je ne sais presque plus, Monsieur, comment ser vous écrire, après avoir tardé si long-temps à vous remercier du trésor de plantes sèches que vous avez eu la bonté de m'envoyer en der- nier lieu. N'ayant pas encore eu le temps de les placer, je ne les ai pas extrêmement exami- nées ; mails je vois à vue de pays qu'elles sont belles et bonnes : je ne doute pas qu'elles ne soient bien dénommées , et que toutes les obser- vations que vous me demandez ne se réduisent à des approbations. Cet envoi me mettra, Je l'espère, un peu dans le train de la botanique, que d'autres soins m'ont fait extrémement né- gliger depuis mon arrivée ici; et le desir de vous témoigner ma bien impuisssante mais bien sincère reconnaissance, me fournira peut - être avec le temps-quelque chose à vous envoyer. Quant à présent , je me présente tout - à - fait à vide, n'ayant des semences dont vous m'envoyez la note que le seul doronicum pardulianches, que je crois vous avoir déjà donné, et dont je vous envoie mon misérable reste. Si j'eusse été prévenu, quand j'allai à Pila l'année der- nière-, j'aurais pu vous apporter aisément un litron des semences du prenanthes purpurea, 4 236 A M. DE LA TOURETTE. et il y en a quelques autres, comme le tamus et la gentiane perfohfiée , que vous devez trou- ver aisément autour de vous. Je n'ai pas oublié le plantago monanthos ; mais on n'a pu me le donner au jardin du roi, où il n'y en avait qu'un seul pied sans fleur et sans fruit : j'en ai depuis recouvré un pelit échantillon, que je vous en- verrai avec autre chose , si je ne trouve pas mieux; mais comme il croit en abondance au- tour de l'étang de Montmorenci, j y compte allér herboriser le printemps prochain, et vous envoyer s'il se peut plantes et graines. Depuis que je suis à Paris je n'ai été encore que trois ou quatre fois au jardin du roi; et quoiqu'on m'y accueille avec la plus grande honnêteté, et qu’on m'y donne volontiers des échantillons de plantes, je vous avoue que je n'ai pu m'’en- hardir encore à demander des graines. Si j'en viens là, c'est pour vous servir que jen aurai le courage; mais cela ne peut venir tout d'un coup. J'ai parlé à M. de Jussieu du papyrus que vous avez rapporté de Naples ; 1l doute que ce soit le vrai papier nz/otica. Si vous pouviez lui en envoyer , soit p'antes, soit graines, soit par moi, soit par d’autres, j'ai vu que cela lui ferait grand plaisir; et ce serait peut être un excellent moyen d'obtenir de lui beaucoup de choses, qu'alors nous aurions bonve grace à de- mander, quoique je sache bien par expérience qu'il est charmé d'obliger gratuitement; mais … LETTRE VI. 237 j'ai besoin de quelque chose pour m'enhardir, quand il faut demander. Je remets, avec cette lettre, à MM. Boy de la Tour, qui s'en retournent, une boïte conte- nant une araignée de mer , qui vient de bien loin ; car on me l'a envoyée du golfe du Mexi- que. Comme cependant ce n’est pas une pièce bien rare , et qu'elle a été fort endommagée dans le trajet, j'hésitais à vous l'envoyer; mais on me dit qu'elle peut se raccommoder et trou- ver place dans un cabinet ; cela supposé , je vous prie de lui en donner une dans le vôtre, en considération d'un homme qui vous sera toute sa vie bien sincèrement attaché. J'ai mis dans la même boîte les deux ou trois semences de dorodic et autres que j'avais sous la main. Je compte l'été prochain me remettre au courant de la botanique, pour täâcher de mettre un peu du mien dans une correspondance qui m'est précieuse , et dont j'ai eu jusqu'ici seul tout le profit. Je crains d'avoir poussé l'étourderie au point de ne vous avoir pas remercié de la com- plaisance de M. Robinet , et des honnêtetés dont il ma comblé. J'ai aussi laissé repartir d'ica M. de Fleurieu sans aller lui rendre mes de- voirs , comme je le devais et voulais faire. Ma volonté , Monsieur , n'aura jamais de tort auprès de vous ni des vôtres; mais ma négligence m'en donne souvent de bien inexcusables , que je vous prie toutefois d'excuser dans votre misé- 238 ‘A M. DE LA TOURETTE ricorde. Ma femme a été très-sensible à l'hon- neur de votre souvenir, et nous vous prions l'un et l'autre d'agréer nos très-humbles salu- tations. CE étiin…. LÉ be de A A M ES A AS A LETTRE VIIL À Paris, le 25 janvier 1772. J'ar reçu, Monsieur, avec grand plaisir, de vos nouvelles, des témoignages de votre souve- nir , et des détails de vos intéressantes occupa- tions. Mais vous me parlez d'un envoi de plantes par M. l'abbé Rosier, que je n’ai point reçu. Je me souviens bien d'en avoir reçu un de vo- tre part, et de vous en avoir remercié, quoiqu’un peu tard, avant votre voyage de Paris; mais, depuis votre retour à Lyon, votre lettre a été pour moi votre premier signe de vie, et j'en a1 été d'autant plus charmé que j'avais presque cessé de m'y attendre. En apprenant les changemens survenus à Lyon, j'avais si bien préjugé que vous vous regarderiez comme affranchi d'un dur esclavage, et que dégagé des devoirs, respectables assuré- ment , mais qu'un homme de goût mettra dif- ficilement au nombre de ses plaisirs, vous en goûteriez un très-vif à vous livrer tout entier à l'étude de la nature , que j'avais résolu de vous en féliciter. Je suis fort aise de pouvoir du moins exécuter après coup, et sur votre pro- pre témoignage, une résolution que ma paresse ne m'a pas permis d'exécuter d'avance , quoique très-sûr que cette félicitation ne viendrait pas mal à propos. 240 À M. DE LA TOURETTE. Les détails de vos herborisations et de vos découvertes m'ont fait battre le cœur d’aise. Il me semblait que j'étais à votre suite, et que je partageais vos plaisirs, ces plaisirs si purs, si doux, que si peu d'hommes savent goûter, et dont, parmi ce peu-là , moins encore sont dignes; puisque je vois, avec aulant de surprise que-de chagrin, que la botanique elle-même n’est pas exempte de ces jalousies, de ces haines couver- tes et cruelles qui empoisonnent et déshonorent tous les autres genres d'études. Ne me supçon- nez point, Monsieur, d’avoir abandonné ce goût délicieux ; 1l jette un charme toujours nouveau sur ma vie solitaire. Je m'y livre pour moiseul, sans succès, sans progrès, presque sans commu- nication ; mais chaque jour plus convaincu que les loisirs livrés à la contemplation de la na- ture sont les momens de la vie où l’on jouit le plus délicieusement de soi. J'avoue pourtant que, depuis votre départ, j'ai joint un petit objet d'amour-propre à celui d'amuser innocèm- ment et agréablement mon oisiveté. Quelques fruits étrangers , quelques graines, qui me sont par hasard tombés entre les mains, m'ont ins- piré la fantaisie de commencer une très-petite collection en ce genre. Je dis commencer, car je serais bien fâché de tenter de l'achever quand la chose me serait possible, n'ignorant pas que, tandis qu'onest pauvre, on ne sent que le plai- sir d'acquérir, et que, quand on_est riche, au LETTRE VIIL S4t contraire , on ne sent que la privation de ce qui nous manque et l'inquiétude inséparable du desir de compléter ce qu'on a. Vous devez depuis long-temps en étre à cette inquiétude, vous, Monsieur , dont la riche collection rassembla en petit presque toutes les productions de Ja nature, et prouve par son bel assortiment com- bien M. l'abbé Rosier a eu raison de dire qu’elle est l'ouvrage du choix et non du hasard. Pour moi qi ne vais que tâtonnant dans un pelit coin de cet immense labyrinthe, je rassemble fortui- tement et précieusement tout ce qui me tombe sous la main ; et non-seulement j'accepte avec ardeur et reconuaissance les plantes que vous voulez bien m'offrir, mais si vous vous trouviez avec cela quelques fruits ou graines surnumé- raires et de rebut, dont vous voulussiez bien m'enrichir, j'en ferais la gloire de ma petite collection naïssante. Je suis confus de ne pouvoir dans ma misère rien vous offrir en échange, au moins pour le moment ; car quoique j'eusse ras- semblé quelques plantes, depuis mon arrivée à Paris, ma négligence et l'humidité de la cham- bre que j'ai d'abord habitée ont tout laissé pour- rir. Peut-être serai-je plus heureux cette aunée, ayant résolu d'employer plus de soin dans la dessication de mes plantes, et sur-tout de les coller à mesure qu'elles seront sèches ; moyen qui m'a paru le meilleur pour les conserver. J'aurai mauvaise grace , ayant fait une recher- JE 242 À M. DE LA TOURETTE, che vaine, de vous faire valoir une herborisas tion que j'ai faite à Montmorenci l'été dernier avec la caterve du jardin du roi ; mais il est certain qu'elle ne fut entreprise de ma part que pour trouver le p/antago monanthos, que j'eus le chagrin d'y chercher inutilement, M. de Jussieu le jeune, qui vous a vu sans doute à Lyon, aura pu vous dire avec quelle ardeur je priai tous ces messieurs, sitôt que nous appro= châmes de la queue de l'étang, de m'aider. à la recherche de cette plante; ce qu'ils firent, et entre autres M. Thouin , avec une complaisance et un soin qui méritoient un meilleur succès, Nous ne trouvâmes rien; et après deux heures d'une recherche inutile, au fort de la chaleur, et le jour le plus chaud de l'année, nous fûmes respirer et faire halte sous des arbres qui n’é- taient pas loin, concluant unanimement que le plantago uniflora , indiqué par Tournefort et M. de Jussieu aux environs de l'étang de Mont- morenci, en avait absolument disparu. L'her- borisation , au surplus, fut assez riche en plantes communes; mais tout ce qui vaut la peine d'être mentionné se réduit à l'osmonde royale, le lythrum hyssopifolia , le lysimachia tenella, le peplis portula, le drosera rotundifolia, le cy- perus fuscus , le schænus nigricans , et l'hydro- cotyle naissante, avec quelques feuilles petites et rares, sans aucune fleur. Le papier me manque pour prolonger ma Ld . PTILETTRE VIIl. 243 lettre. Je ne vous parle point de moi, parce que je n'ai plus rien de nouveau à vous en dire, et que je ne prends plus aucun intérêt à ce que disent, publiéñt, impriment, inventent , assu- rent et prouvent, à ce qu'ils prétendent, mes contemporains , de l'être imaginaire et fantas- tique auquel 1l leur a plu de donner mon nom. Je finis donc mon bavardage avec ma feuille, vous priant d’excuser le désordre et le griffon- nage d’un homme qui a perdu toute l'habitude d'écrire, et qui ne la reprend preque que pour vous. Je vous salue, Monsieur, de tout mon cœur , et vous prie de ne pas m'oublier auprès de monsieur et madame de Fleurieu. A TS A Te TT A M de te de LETTRE I:1X: À Paris, Ed janvier 1773. Vorrne seconde lettre , Monsieur, m'a fait sentir bien vivement le tort d'avoir tardé si long-temps à répondre à la précédente, et à vous remercier des plantes qui l'accompagnaient. Ce n'est pas que je n'aie été bien sensible à votre souvenir et à votre envoi ; mais la nécessité d’une vie trop sédentaire , et l'inhabitude d'écrire des Jettres, en augmentent journellement la diff- culté; et je sens qu’il faudra renoncer bientôt à tout commerce épistolaire , même avec les per- sounes qui, comme vous, Monsieur, me l'ont. toujoërs rendu instructif et agréable. Mon occupation principale et la diminutiow de mes forces ont ralenti mon goût pour la bo- tanique, au point de craindre de le perdre tout-à- fait. Vos lettres et vos envois sont bien propres à le ranimer. Le retour de la belle saison y con- tribuera peut-être : mais je doute qu’en aucun temps ma paresse s'accommode long-temps de la fantaisie des collections. Celle de graines qu'a faite M. Thouin avait excité mon émulation, et javais tenté de rassembler en petit autant de diverses semences et de fruits, soit indigènes, soit exotiques, qu'il en pourrait tomber sous ma main : jai fait bien des courses dans cette A M. DE LA TOURETTE. 249 intention. J'en suis revenu avec des moissons assez raisonnables; et beaucoup de personnes obligeantes ayant contribué à l'augmenter, je me suis bientôt senti, dans ma pauvreté, l'em- barras des richesses ; car, quoique jen’aie pas en tout un millier d'espèces, l'effroi m'a pris en tentant de ranger tout cela ; et la place, d'ail- leurs , me manquant pour y mettre une espèce d'ordre , j'ai presque renoncé à cette entreprise, et j'ai dés paquets de graines qui m'ont été en- voyés d'Angleterre et d'ailleurs, depuis assez long-temps, sans que j'aie encore été tenté de les ouvrir. Ainsi, à moims que cette fantaisie ne se ranime , elle est quant à présent à-peu-près éteinte. Ce qui pourra contribuer , avec le goût de Ja promenade, qui ne me quittera jamais, à me conserver celui d'un peu d'herborisalion , c’est l'entreprise des petits herbiers en miniature que je me suis chargé de faire pour quelques per- sonnes, et qui, quoique uniquement composés de plantes des environs de Paris, me tiendront toujours un peu en haleine pour les ramasser et les dessécher. | Quoi qu'il arrive de ce goût attiédi, 1l me laissera toujours des souvenirs agréables des promenades champêtres dans lesquelles j'ai eu l'honneur de vous suivre , et dont la botanique a été le sujet ; et, s'il me reste de tout cela quel- que part dans votre bienveillance , je ne croirai 246 À M. DE LA TOURETTE. pas avoir cultivé sans fruit la botanique , même quand elle aura perdu pour moi ses attraits. Quant à l'admiration dont vous me parlez, mé- ritée ou non , je ne vous en remercie pas, parcé que c’est un sentiment qui n’a jamais flatté mon cœur. J'ai promis à M. de Chäteaubourg que je vous remercierais de m'avoir procuré le plaisir d'apprendre par lui de vos nouvelles, et je m'acquitte avec plaisir de ma promesse. Ma femme est très-sensible à l'honneur de votre souvenir , et nous vous prions, Monsieur, l'un et l’autre, d'agréer nos remerciemens et nos salutations, a ———_—_—_— A —— LES RÉVERHES DU PROMENEUR SOLITAIRE, Il: PROMENADE. LE SAR 24 octobre 1776 je suivis, après diner, les boulevards jusqu’à la rue du Chemin- Vert, par laquelle je gagnais les hauteurs de Ménil-Montant , et de là, prenant les sentiers à travers les vignes et les prairies, je traversai jusqu'à Charonne le riant paysage qui sépare ces deux villages; puis je fis un détour pour revenir par les mêmes prairies en prenant un autre chemin. Je m’amusais à les parcourir avec ce plaisir et cet intérêt que mont toujours donné les sites agréables ,et m'arrêtant quelque- fois à fixer les plantes dans la verdure. J'en ap- perçus deux que je voyais assez rarement autour de Paris, et que je trouvai très-abondantes dans ce canton-là. L'une est le picris hteractoïdes , de la famille des composées , et l’autre le bu- pleurum falcatum, de celle des ombellifères. Cette découverte me réjouit et m'amusa très- long-temps , et finit par celle d'une plante encore 248 SECONDE PROMENADE. plus rare, sur-tout dans un pays élevé, savoir le cerastium dquaticum , que, malgré l'acéilent qui m'arriva le même jour, j'ai retrouvé dans un livre que j'avais sur moi, et placé dans mon herbier, etc....... Ve PROMENADE. D£ toutes les habitations où j'ai demeuré (et j'en ai eu de charmantes) , aucune ne m'a rendu si véritablement heureux , et ne m'a laissé de si tendres regrets que l'ile de Saint - Pierre, au milieu du lac de Bienne. Cette petite ile, qu'on appelle à Neuchâtel l'ile de la Motte, est bien peu connue, même en Suisse. Aucun voyageur, que je sache, n'en fait mention. Cependant, elle est très-agréable , et singulièrement située pour le bonheur d'un homme qui aime à se circonscrire; Car , quoique je sois peut-être le seul au monde à qui sa destinée en a fait une loi, je ne puis croire être le seul qui ait un goût si naturel, quoique je ne l'aie trouvé jus- qu'ici chez nul autre. Les rives du lac de Bienne sont plus sauvages et romantiques que celles du lac de Genève, parce que les rochers et les bois y bordent l'eau de plus près; mais elles ne sont pas moins rian- tes. Sil y a moins de culture de champs et de vignes , moins de villes et de maisons, il y a aussi plus de verdure naturelle, plus de prairies, CINQUIÈME PROMENADE. 249 d’asiles ombragés de bocages , des contrastes plus fréquens et des accidens plus rapprochés, Comme il n’y a pas sur ces heureux bords de grandes routes commodes pour les voitures, le pays est peu fréquenté par les voyageurs; mais il est intéressant pour des contemplatifs soli- taires, qui aiment à s'enivrer à loisir des char- mes de la nature, et à se recueillir dans un silence que ne troublent aucun autre bruit que le cri des aigles , le ramage entrecoupé de quel- ques oiseaux, et le roulement des torrens qui tombent de la montagne. Ce beau bassin, d'une forme presque ronde, enferme dans son milieu deux petitesiles , l’une habitée et cultivée , d'en- viron demi-lieue de tour, l’autre, plus petite, déserte et en friche, et qui sera détruite à Ja fin par les transports de la terre qu'on en ôte sans cesse pour réparer les dégâts que les vagues et les orages font à la grande. C'est ainsi que la substance du faible est toujours employée au profit du puissant. 11 n'y a dans l'ile qu’une seule maïson , mais grande, agréable et commode, qui appartient à l'hôpital de Berne, ainsi que l'ile , et où loge un receveur avec sa famille et ses domestiques. Il y eutretient une nombreuse basse-cour, une volière et des réservoirs pour le poisson. L'ile, dans sa petitesse, est tellement variée dans ses terrains et ses aspects , qu’elle offre toutes sortes de sites , et souffre toutes sorles de cultures, On 250 CINQUIÈME PROMENADE. y trouve des champs, des vignes, des bois , des vergers , de gras pâturages ombragés de bos- quets, et bordés d'arbrisseaux de toute espèce, dont le bord des eaux entretient la fraîcheur ; une haute terrasse plantée de deux rangs d'ar- bres borde l'ile dans sa longueur ; et dans le milieu de cette terrasse on a bâti un joli salon, où les habitans des rives voisines se rassem- blent , et viennent danser les dimanches durant les vendanges. | C'est dans cette île que je me réfugiai aprés la lapidation de Motiers. J'en trouvai le séjour si charmant , j y menais une vie si convenable à mon humeur, que, résolu d'y finir mes jours ; je n'avais d'autre inquiétude , sinon qu'on ne me laissät pas exécuter ce projet , qui ne s'accor- dait pas avec celui de m'entraîner en Angleterre, dont je sentais déjà les premiers effets. Dans.les pressentimens qui m'inquiétaient, j'aurais voulu qu'on m'eût fait de cet asile une prison per- pétuelle, qu'on m'y eût confiné pour toute ma vie, et qu'en m'ôtant toute puissance et tout espoir d'en sortir, on m'eût interdit toute espèce de communication avec la terre ferme, desorte qu'ignorant tout ce qui se faisait dans le monde, j en eusse oublié l'existence, et qu'on y eût oublié la mienne aussi. * On ne m'a laissé passer guère que deux mois dans cette île; mais j'y aurais passé deux ans, deux siècles, et toute l'éternité, sans m'y en- CINQUIÈME PROMENADE, 25t nüyer un moment, quoique je n'y eusse, avec ma compagne , d'autre société que celle du re- ceveur , de sa femme et de ses domestiques, qui tous étaient à la vérité de très-bonnes gens, et rien de plus ; mais c’étoit précisément ce qu'il me fallait. Je compte ces deux mois pour le temps le plus heureux de ma vie, et tellement heureux, qu'il m'eût suffi- durant toute mon existence, sans laisser naître un seul instant dans mon ame le desir d’un autre état. Quel était donc ce bonheur, et en quoi con- sistait sa jouissance ? Je le donnerais à deviner à tous les hommes de ce siècle, sur la description de la vie que j'y menais. Le précieux far niente fut la première et la principale de ces jouis- sances que je voulus savourer dans toute sa douceur ; et tout ce que je fis durant mon sé- jour ne fut en effet que l'occupation délicieuse et nécessaire d'un homme qui s'est dévoué à l'oisiveté. L'espoir qu'on ne demanderait pas mieux que de me laisser dans ce séjour isolé , où je m'étais enlacé de moi-même, dont 1l m'était impossible de sortir sans assistance et sans être bien ap- perçu, et où je ne pouvais avoir ni commun:- cation, ni correspondance, que parle concours des gens qui m’entouraient ; cet espoir, dis-je, me donnait celui d’y finir mes jours plus tranquil- lement que je ne les avais passés, et l'idée que j'aurais le temps de m'y arranger tout à loisir, 253 CINQUIEME PROMENADE. fil que je commençai par n'y faire aucun arran- gement, Transporté là brusquement, seul et nu, jy fis venir successivement ma gouvernante, mes livres et mon petit équipage, dont j'eus le plaisir de ne rièn déballer , laissant mes caisses et mes malles comme elles étaient arrivées, et” viwant dans l'habitation où je comptais achever mes jours, comme dans une auberge dont j'au- rais dû partir le lendemain. Toutes choses telles qu'elles étaient allaient si bien , que vouloir les mieux ranger était y gâter quelque chose. Un de mes plus grands délices était sur-tout de laisser toujours mes livres bien encaissés et de n'avoir point d'écritoire. Quand de malheureu- ses lettres me forcaient de prendre la plume pour y répondre, j'empruntais en murmurant l'écritoire du receveur, et je me hâtais de la rendre dans la vaine espérance de n'avoir plus besoin de la remprunter. Au lieu de ces tristes paperasses et de toute cette bouquinerie, j'em- plissais ma chambre de fleurs et de foin; car 3 étais alors dans ma première ferveur de bota- nique, pour laquelle le docteur d’Ivernois m'a- vait inspiré un goût qui bientôt devint passion. Ne voulant plus d'œuvre de travail, 1l m'en fallait une d'amusement , qui me plût et qui ne me donnât de peine que celle qu'aime à prendre un paresseux, J'entrepris de faire la F/ora pe- trinsularis , et de décrire toutes les plantes de l'ile, sans en omettre une seule, avec un détul \ CINQUIÈME PROMENADE. 253 “suffisant pour m'occuper le reste de mes jours, On dit qu'un Allemand a fait un livre sur un zest de citron; jen aurais fait un sur chaque gramen de prés, sur chaque mousse des bois, sur chaque lichen qui tapisse les rochers; enfin, je ne voulais pas laisser un poil d'herbe, pas un atome végétal qui ne fût amplement décrit. En conséquence de ce beau projet, tous les matins, après le déjeüner, que nous faisions tous ensem- ble, j'allais, une loupe à la main, et mon Sys- tema Naturæ sous le bras, visiter un canton de l'ile que j'avais pour cet effet divisée en petits carrés, dans l'intention de les parcourir l’un après l'autre en chaque saison. Rien n'est plus singulier que les ravissemens, les extases que j'éprouvais à chaque observation que je faisais sur la structure et l'organisation végétale , et sur le jeu des parties sexuelles dans la fructuif- cation , dont le système était alors tout-à-fait nouveau pour moi, La distinction des caractères génériques, dont je n'avais pas auparavant ln moindre idée, m'enchantait en les vérifiant sur les espèces communes, en attendant qu'il s'en offrit à moi de plus rares. La fourchure des deux longues étamines de la brunelle, le ressort de celles de l’ortie et de la pariétaire , l'explo- sion du fruit de la balsamine et de la capsule du buis, mille petits jeux de la fructification, que } observais pour la première fois, me com- blaient de joie, et j'allais demandant si l'on 254 CINQUIÈMÉ PROMENADE. avait vu les cornes de la brunelle, comme La Fontaine demandait âi l'on avait lu Habacuc. Au bout de deux ou trois heures, je m'en re- venais chargé d'une ample moisson , provision d'amusement pour l'après - dinée , au logis, en cas de pluie. J'employois le reste de la mati- née à aller avec le receveur, sa femme et Thé- rèse , visiter leurs ouvriers et leur récolte, met- tant le plus souvent la main à l'œuvre avec eux ; et souvent des Bérnois, qui me venaient voir, m'ont trouvé juché sur de grands arbres, ceint d'un sac, que je remplissais de fruit, et que je dévalais ensuite à terre avec une corde. L’exer- cice que j'avais fait dans la matinée , et la bonne humeur, qui en est inséparable , me rendaient le repas dù diner très-agréable; mais quand :1l se prolongeait trop, et que le beau temps m'in- vitait, je ne pouvais si long-temps attendre, et, pendant qu'on était, encore à table, je m'es- quivais et j'allais me jeter seul dans un bateau ; que je conduisais au milieu du lac , quand l'eau était calme ; et là, m'étendant tout de mon long dans le bateau , les yeux tournés vers le ciel, je me laissais aller dériver lentement au gré de l'eau, quelquefois pendant plusieurs heures, plongé dans mulle réveries confuses , mais dé- licieuses, et qui, sans avoir aucun objet bien déterminé ni constant, ne laissaient pas d'être à mon gré cent fois préférables à tout ce que j'avais trouvé de plus doux dans ce qu'on appelle CINQUIÈME PROMENADE. 255 Les plaisirs de la vie. Souvent averti par le bais- ser du soleil de l'heure de la retraite, je me trouvais si loin de l'ile , que j'étais forcé de tra- vailler de toute ma force pour arriver avant la nuit close. D'autres fois, au lieu de m'écarter en pleine eau, je me plaisais à côtoyer les ver- doyantes rives de l'ile, dont les limpides eaux et les ombrages frais m'ont engagé à m'y bai- gner. Mais une de mes navigations les plus fré- quentes était d'aller de la grande à la petite ile, d'y débarquer et d'y passer l'après-dinée , tantôt à-des promenades tres-circonscrites, au milieu des marceaux, des bourdaines, des persicaires , des arbrisseaux de toute espèce, et tantôt m'é- tablissant au sommet d'un tertre sablonneux , couvert de gazon, de serpolet ,-de fleurs, même d'esparcette et de ‘trèfle, qu'on y avait vrai- semblablement semés autrefois, et très-propres à loger des lapins qui pouvaient là multiplier en paix sans rien craindre , et sans nuire à rieu. Je donnai cette idée au receveur, qui fit venir de Neuchâtel des lapins mâles et femelles, et nous allâmes en grande pompe , sa femme , une de ses sœurs , Thérèse et moi, les établir dans la petite île, où 1ls commencçaient à peupler avant mon départ, et où 1lsauront prospéré sans doute, s'ils ont pu soutenir la rigueur des hivers. La _ fondation de cette petite colonie fut une fête. Le pilote des Argonautes n'était pas plus fer que moi, menant en triomphe la compagnie et ; Wal 256 CINQUIÈME PROMENADE. les lapins, de la grande ile à la petite, et je nolais avec orgueil, que la receveuse , qui re- doutait l'eau à l'excès) et s'y trouvait toujours’ mal, s'embarqua sous ma conduite avec con fiance, et ne montra nulle peur durant la tra- versée. Quand le lac agité ne me permettait pas la navigalion, je passais mon après-midi à parcou- rir l'ile en herborisant à droite et à gauche, m'essa yant tantôt dans les réduits les plus riants et les plus solitaires, pour y rêver à mon aise, tantôt sur les terrasses et les tertres, pour par= courir des yeux le superbe et ravissant coup- d'œil du lac et de ses rivages, couronnés d'un côté pardes montagnes prochaines, et de l'autre, élargis en riches et fertiles plaines, dans les- quelles la vue s'étendait jusqu'aux montagnes bleuâtres plus éloignées qui la bornaient. Quand le soir approchait , je descendais des cimes de l'ile, et j'allais volontiers m'asseoir au bord du lac, sur la grève, dans quelque asile caché : là , le bruit des vagues et l'agitation de l'eau fixant mes sens, et chassant de mon ame toute autre agitation, la plongeaient dans une réverie délicieuse , où la nuit me surprenait sou- vent sans que je m'en fusse apperçu. Le flux et reflux de cette eau , son bruit continu mais renflé par intervalles, frappant sans relâche mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvemens in- terues que la réverie éteignait en moi , et sufk- 4 L CINQUIEME PROMENADE. 297 saient pour me faire sentir avec plaisir mon existence , sans prendre la peine de penser. De temps à autre naissait quelque faible et courte réflexion sur l'instabilité des choses de ce monde, dont la surface des eaux m'offrait l'image : mais bientôt ces impressions légères s’effaçaient dans l'uniformité du gmouvement continu qui me berçait , et qui, sans aucun concours aclif de mon ame , ne. laissait pas de m'attacher au point, qu'appelé par l'heure et par le signal convenu , je ne pouvais m'arracher de là sans efforts. | Après le souper, quand la soirée était belle, nous allions encore tous ensemble faire quelque tour de promenade sur la terrasse, pour y res- pirer l'air du lacet la fraîcheur, On se reposait dans le pavillon, on riait, on causait , on chan- tait quelque vieille chanson, qui valait bien le tortillage moderne, et eufin l’on s’allaitcoucher, content de sa journée, et n’en desirant qu’une semblable pour le lendemain. | Telle est, laissant à part les visites imprévues et importunes, la manière dont j'ai passé mon temps dans cette île durant le séjour que j'y ai fait. Qu'on me dise à présent ce qu'il y a là d'assez attrayant pour exciter dans mon cœur des regrets si vifs, si tendres et si durables, qu'au bout de quinze ans, 1l m'est impossible de songer à celle habitation chérie, sans m'y sentir à chaque fois transporter encore par Îles élans du desir. »58 CINQUIÈME PROMENADE. J'ai remarqué, dans les vicissitudes d'une longue vie, que les époques des plus douces jouissances et des plaisirs les plus vifs ne sont pourtant pas celles dont le souvenir m'attire ét me touche le plus. Ces courts momens de délire et de passion, quelque vifs qu'ils puissent être, ne sont cependant, et par ler vivacité même, que des points bien clair-semés dans la ligne de la vie. Ils sont trop rares et trop rapides pour constituer un état, et le bonheur que mon cœur regrelte n'est point composé d'instans fugitifs, - mais un état simple et permanent, qui n'a rien de vif en lui-même, mais dont la durée accroît le charme, au point d'y trouver enfin la suprême félicité, | Tout est dans un flux continuel sur la terre. Rien n'y garde une forme constante et arrêtée, et nos affections, qui s’attachent aux choses ex- térieures , passent et changent nécessairement comme elles. Toujours en avant ou en arrière de nous , elles rappellent le passé, qui n’est plus, ou préviennent l'avenir , qui souvent ne doit point être : 1] n’y a rien là de solide à quoi le cœur se puisse attacher. Aussi n’a-t-on guère ici-bas que du plaisir qui passe; pour le bouheur qui dure, je doute qu'il y soit connu. À peine est-il dans nos plus vives jouissances un instant où le cœur puisse véritablement nous dire: Je voudrais que cet instant durat toujours. Et comment peut-on appeler bonheur | CINQUIÈME PROMENADE. 259 un état fugitif qui nous laisse encore le cœur inquiet et vide , qui nous fait regretter quelque chose avant, ou desirer encore quelque chose après ? Mais s'il est un état où l'ame trouve une as- siette assez solide pour s'y reposer toute entière, et rassembler là tout son être , sans avoir besoin de rappeler le passé, ni d'enjamber sur l’ave- nir ; où le temps ne soit rien pour elle, où le présent dure toujours, sans néanmoins marquer sa durée , et sans aucune trace de succession , sans aucun autre sentiment de privation ni de jouissance, de plaisir ni de peine, de desir ni de crainte, que celui seul de notre existence, et que ce sentiment seul puisse la remplir toute entière; tant que cet état dure , celui qui s'y trouve peut s'appeler heureux , non d'un bon- heur imparfait, pauvre et relatif, tel que celui qu'on trouve dans les plaisirs de la vie, mais d'un bonheur suffisant, parfait et plein, qui ne Jaisse dans l'ame aucun vide qu’elle sente le besoin de remplir. Tel est l'état où je me suis trouvé souvent à l'ile de Saint-Pierre dans mes rêveries solitaires, soit couché dans mon bateau , quejelaissais dériver au gré de l'eau, soit assis sur les rives du lac agité , soit ailleurs au bord d'une belle rivière ou d’un ruisseau murmurant sur le gravier. De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d'extérieur à soi, de rien, sinon de soi 260 CINQUIÈME PROMENADE. méme et de sa propre existence; tant que cet état dure, on se sufhit à soi-même, comme Dieu. Le sentiment de l'existence , dépouillé de toute autre affection, est par lui-même un sen: timent précieux de contentement et de’ paix, qui suflirait seul pour rendre cette ‘existence chère et douce, et qui saurait écarter de soi toutes les impressions sensuelles et terrestres, qui viennent sans cesse nous en distraire et en troubler ici-bas la douceur. Mais la plupart des hommes, agités de passions continuelles, con- naissent peu cet état , et, ne l'ayant goûté qu'imparfaitement durant peë d'instans, n’en conservent qu'une idée obscure et confuse , qui ue leur en fait pas sentir le charme. Il ne serait pas même bon, dans la présente constitution des choses, qu'avides de ces douces extases, ils s'y dégoûtassent de la vie active, dont leurs besoins , toujours renaissans , leur prescrivent le devoir. Mais un infortuné qu'on a retranché de la société humaine, et qui ne peut plus rien faire ici-bas d'utile et de bon, pour autrui ni pour soi, peut trouver dans cet état, à toutes les félicités humaines, des dédommagemens, que la fortune et les hommes ne lui sauraient ôter. Il est vrai que ces dédommagemens ne peuvent être sentis par toutes les ames ni dans toutes les situations. I] faut que le cœur soit en paix , et qu'aucune passion n'en vienne trou- CINQUIÈME PROMENADE. 261 bler le calme. Il y faut des dispositions de la part de celui qui les éprouve, il en faut dans le concours des objets environnans. Il n'y faut, mi un repos absolu, ni trop d'agitation, mais un mouvement uniforme et modéré, qui n'ait mi secousses, ni intervalles. Sans mouvement, la vie n'est qu'une léthargie. Si le mouvement est inégal ou trop fort , il réveille; en nous rap- pelant aux objets environnans, il détruit le charme de la rêverie, et nous arrache d'au de- dans de nous, pour nous remettre à l'instant sous le joug de la fortune et des hommes, et nous rendre au sentiment de nos malheurs. Un silence absolu porte à la tristesse : 1l offre une image de la mort. Alors, le secours d’une ima- gination riante est nécessaire, et se présente assez naturellement à ceux que le ciel en a gratifiés. Le mouvement , qui ne vient pas du dehors, se fait alors au dedans de nous. Le repos est moin- dre , ilest vrai, mais il est aussi plus agréable, quand de légères et douces idées, sans agiter le fond de l’ame , ne font, pour ainsi dire, qu’en efleurer la surface. Il-n'en faut qu'assez pour se souvenir de soi-même en oubliant tous ses maux. Cette espèce de réverie peut se goüler par-tout où l'on peut être tranquille ; et j'ai souvent pensé qu'à fa Bastille, et même dans un cachot, où nul objet n’eût frappé ma vue, J'aurais encore pu rêver agréablement. - Mais il faut avouer que cela se faisait bien 262 CINQUIÈME PROMENADE. mieux et plus agréablement dans une île ferule et solitaire , naturellement circonscrite et sépa- rée du reste du monde, où rien ne m'offrait que des images riantes, où rien ne me rappelait des souvenirs attristans ,-où la société du petit nombre d’habitans était liante et douce , sans être intéressante au point de m'occuper inces- samment; où je pouvais enfin me livrer tout le jour , sans obstacle et sans soins, aux occupa- tions de mon goût, ou à la plus molle oisiveté. L'occasion , sans doute, était belle pour un ré- veur, qui, sachant se nourrir d'agréables chi- mères au milieu des objets les plus déplaisans, pouvait s'en rassasier à son aise, en y faisant. concourir tout ce qui frappait réellement ses sens. En sortant d'une longue et douce rêverie, me voyant entouré de verdure, de fleurs, d'oi- seaux , et laissant errer mes yeux au loin sur les romanesquesrivages qui bordaient une vaste élen- due d’eau claire et cristalline, j'assimilais à mes fictions tous ces aimables objets ; et me trouvant enfin ramené par degrés à moi-même et à ce qui m'entourait , je ne pouvais marquer le point de séparation des fictions aux réalités, tant tout concourait également à me rendre chère la vie recueillie et solitaire que je menais dans ce beau séjour. Que ne peut-elle renaître encore ! Que ne puis-je aller finir mes jours dans cette île chérie sans en ressortir jamais, ni jamais y revoir aucun habitant du continent qui me rap- CINQUIÈME PROMENADE, 263 pelät le souvenir des calamités de toute espèce qu'ils se plaisent à répandre sur moi depuis tant d'années ! Ils seraient bientôt oubliés pour jamais : sans doute 1ls ne m'oublieraient pas de même; mais que m'importerait, pourvu qu'ils n'eussent aucun accès pour y venir troubler mon repos ? Délivré de toutes les passions terrestres qu'engendre le tumulte de la vie sociale , mon ame s'élancerait fréquemmeut au-dessus de cette atmosphère, et commercerait d'avance avec les intelligences célestes ,‘dont elle espère aller augmenter le nombre dans peu de temps. Les hommes se garderont, je le sais, de me rendre un si doux asile, où ils n'ont pas voulu me laisser; mais ils ne m'empécheront pas du moins dé m'y transporter chaque jour sur les ailes de l'imagination , et d'y goûter, durant quelques heures, le même plaisir que si je l'habitais en- core. Ce que j'y ferais de plus doux, serait d'y * rêver à mon aise. En révant que jy suis, ne fais-je pas la même chose ? Je fais même plus; à l'attrait d'une réverie abstraite et monotone, ‘je joins des images charmantes qui la vivifient. Leurs objets échappaient souvent à mes sens dans mes extases; et, maintenant, plus ma ré- verie est profbnde, plus elle me les peint vive- _ment. Je suis souvent plus au milieu d'eux, et plus agréablement encore que quand j'y étais réellement. Le malheur est qu'à mesure que l'imagination s'attiédit, cela vient avec plus de 304 CINQUIÈEME PROMENADE. peine et ne dure pas si long-temps. Hélas! c'est: quand on commence à quitter sa dépouille qu'on eu est le plus offusqué ! Vile PROMENADE, LE recueil de mes longs rêves est à peine commenté, et déjà je sens qu'il touche à sa fin, Un autre amusement lui succède, m'absorbe, et m'ôte même le temps de rêver. Je m'y livre avec un engouement qui lient de l'extravagance , et qui me fait rire moi-même quand j y rétlé- chis; mais je ne m'y livre pas moins, parce que, dans la situation où me voilà, je »'ai plus d'autre règle de conduite que de suivre en tout mon peuchant sans contrainte, Je ne peux rien à mon sort, je n'ai que des inclinations inno- centes, et, tous les jugemens des hommes étant désormais nuls pour moi, la sagesse même veut, qu'en ce qui reste à ma porlée, je fasse tout ce qui me flatte, soit en public, soit à part moi, sans autre règle que ma fantaisie, et sans autre mesure que le peu de force qui m'est resté, Me voilà donc à mou foin pour toute nourriture, et à la botanique pour toute occupation. Déjà vieux, jen avais pris la première teinture en Suisse, auprès du docteur d'Ivernois, et javais herborisé assez heureusement durant mes voya- ges, pour prendre une connaissance passable du règne végétal. Mais devenu plus que sexa- SEPTIÈMÈË PROMENADE, 205 . génaire, et sédentaire à. Paris, les forces com- mençant à me manquer pour pa grandes herbo- nisations , et d'ailleurs assez livré à ma: copie de musique , pour n ‘avoir pas besoin d'autre occu- pation , j'avais abandonné cet amusement qui ne m'était plus nécessaire ; j'avais vendu mon berbier, j'avais vendu mes livres, content de revoir quelquefois les plantes communes que je trouvais autour de Paris dans mes promenades. Durant cet intervalle, le peu que je savais s’est presque entièrement effacé de ma mémoire, et bien plus rapidement qu il ne s’y était SE Tout d’un coup, âgé de soixante- - cinq ans passés, privé du peu de mémoire que j'avais et des forces qui me restaient pour courir la campagne , sans guide, sans livres, sans jardin, sans herbier, me voilà repris de cette folie, mais avec plus d'ardeur encore que je n’en eus en m'y livrant la première fois; me voilà sérieu- sement occupé du sage projet d'apprendre par cœur tout le regnum RUN de Murray , et de connaitre toutes les plantes connues sur la terre. Hors d'état de racheter des livres de bo= tanique , je me suis mis en devoir de transcrire ceux qu'on m'a prêtés , et résolu de refaire un herbier plus riche que le premier’, en attendant que J y mette toutes les plantes de la mer et des Alpes, et de tous les arbres des Indes. Je commence toujours à bon compte par le mou- rov, le cerfeuil , la bourrache et le senecon ; 12 266 SEPTIÈME PROMENADE. j'herborise savamment sur la cage de mesoïseaux, et, à chaque nouveau brin d'herbe que je ren- contre , je me dis avec satisfaction : Voilà tou- jours une plante de plus. Je ne cherche pas à justifier Je parti que je prends de suivre cette fantaisie; je la trouve très-raisonnablé, persuadé que, dans la position où je suis, me livrer aux amusemens qui me flattent, est une grande sagesse, et même une grande vertu : c'est le moyen da ne laisser ger- mér dans mon cœur aucun levain de vengeance ou de haine, et pour trouver encore dans ma destinée du goût pour quelque amusement, 1l faut assurément avoir un naturel bien épuré de foutes passions irascibles. C'est me venger de mes persécuteurs , à ma manière; je ne saurais les punir plus cruellement que d'être heureux malgré eux. 19: Oui, sans doute, la raison me pérmet, me prescrit même de me livrer à tout penchant qui m'atuire et que rien ne m'empêche de sui- vre ; mais elle ne m'apprend pas pourquoi ce penchant m'attire , et quel attrait je puis trou- ver à une vaine étude” faite sans profit, sans progrès, et qui, vieux, radoteur , déjà cäduc et pesant. sans facilité, sans mémoiré, me ra- mène aux exercices de # Jeunésse et aux leçons d'un écolier. Or , Cest une bizarrerie que je voudrais m'expliquer ; il me semble que, bien éclarcie , elle poürrait jeter quelque nouveau SEPTIÈME PROMENADE. 267 jour sur cette connaissance de moi-même , à l'acquisition de laquelle j'ai consacré mes der- niers loisirs. | J'ai pensé quelquefois assez profondément ; mais rarement avec plaisir, presque toujours contre mon gré et comme par force: la rêverie me délasse et m'amuse ; la réflexion me fa- tigue et m'attriste : penser fut toujours pour moi une occupation pénible et sans charme. Quelquefois mes rêveries finissent par la mé- ditation , mais plus souvent mes méditations finissent par la réverie ; et, durant ces égaremens, mon ame erre et plane dans l’univers sur les alles de l'imagination , dans des extases qui pas- sent toute autre jouissance. | Tant, que je goûtai celie-là dans toute sa pu- reté ,, toute autre occupation me fut toujours insipide. Mais quand une fois , jeté dans la carrière littéraire par ‘des impulsions étrangè- res , je sentis la fatigue du travail d'esprit, et l'importumité d'une célébrité malheureuse, je sentis en même temps languir et s'attiédir mes douces réveries; et bientôt, forcé de m'occuper malgré moi de ma triste situation, je. ne pus plus retrouver que bien rarement ces chères extases , qui, durant cinquante aus, m'avalent tenu lieu de fortune et de gloire, et, sans autre dé- peuse que celle du temps, m'avaient rendu dans l'oisiveté le plus heureux des inortels. J'avais méme à cramdre, dans mes réveries, 268 SEPTIÈME PROMENADE. que mon imagination effarouchée par mes mal- . heurs, ne tournät enfin de ce côté son activité, et que Je continuel sentiment de mes peines, me resserrant le cœur par degrés, ne m'acca- blât enfin de leur poids. Dans cet état, un ins- tinct, qui m'est naturel, me faisant fuir toute idée attristante, imposa silence à mon imagina- tion, et fixant mon attention sur les ébièts: qui m euairenbiient) me fit, pour la première fois, détailler le spectacle de la nature, que je n'a- vais guère contemplé jusqu'alors qu'en masse et dans son ensemble. Les arbres, les arbrisseaux, les plantes, sont la parure et le vêtement de la terre. Rien n’est si triste que l'aspect d'une campagne nue et pelée , qui n'étale aux yeux que des pierres, du limon et des sables. Mais , vivifiée par la nature, et revêtue de sa robe de noces, au milieu du cours des eaux et du chant des oi- seaux , la terre offre à l'homme, dans l'har- monie des trois règnes , un spectacle plein de vie, d'intérêt et de charmes, le seul spectacle au monde dont ses yeux et son cœur ne se las- sent jamais, en Plus un contemplateur a Fame sensible, plus il se livre aux extases qu'excite en lui cet accord. Une réverie douce et profonde s'empare alors de ses sens, et il se perd avec une délicieuse ivresse dans l'immensité de ce beau systéme, avec lequel il se sent identifié. Alors tous les SEPTIÈEME PROMENADE. 269 objets particuliers lui échappent ; il ne voit et ne sent rien que daus le tout. Il faut que quelque circonstance particulière resserre ses idées et circonscrive son imagination, pour qu'il puisse observer par partie cet umvers qu'il s’efforçait d'embrasser. C'est ce qui m'arriva naturellement , quand . mon cœur, resserré par la détresse, rapétechist et concentrait tous ses mouvemens autour de lui, pour conserver ce reste de chaleur prêt à s'évaporer et s'éteindre, dans l'abattement où je tombais par degrés. J’errais nonchalamment dans les bois et dans les montagnes, n'osant penser, de peur d'attiser mes douleurs. Mon imagination, qui se refuse aux objets de peine, laissait mes sens se livrer aux impressions lé- gères, mais douces , des objets environnans. Mes yeux se promenaient sans cesse de l’un à l'autre , et il n'était pas possible que, dans une variété si grande, il ne s’en trouvât qui les fixaient davantage , et les arrêtaient plus long-temps. Je pris goût à cette récréation des yeux, qui, dans l'infortune , repose , amuse, distrait l'esprit, et suspend le sentiment des peines. La nature des objets aide beaucoup à cette diver- sion, et la rend plus séduisante. Les odeurs sua- ves, les vives couleurs, les plus élégantes for- mes, semblent se disputer à l'envi le droit de fixer notre attention. Il ne faut qu'aimer Ja plaisir pour se livrer à des sensations si dou- 270 SEPTIÈME PROMENADE. ces; et si cet effet n'a pas lieu sur tous ceux qui eu sont frappés, c’est, dans lés uns, faute de sensibilité naturelle, et, dans la plupart, que leur esprit, trop occupé d’autres idées ,ne se livre qu'à la dérobée aux objets “us frappent leurs sens, Une autre chose contribue encoré à éloigner du règne végétal l'attention des gens de goût ; c'est l'habitude de ne chercher dans les plantes que des drogues et des remèdes. Théophraste s'y était pris autrement ; et l’on peut regarder ce philosophe comme le seul botaniste de l’an- tiquité: aussi n'est-il presque point connu parmi nous ; mais , grace à un certain Dioscoride, grand compilateur de recettes, et à ses commenta- teurs, la médecine s'est tellement emparée des plantes transformées en simples, qu'on n’y voit que ce qu'on n'y voit point ; savoir, les pré- tendues vertus qu'il plaît au tiers et au quart de leur attribuer. On ne conçoit pas que l'organi- sation végétale puisse par elle - même mériter quelque attention ; des gens qui passent leur vie à arranger savamment des coquilles, se moquent de la botanique comme d'une étude inutile, quand on n’y joint pas, comme ils di- sent, celle des propriétés, c'est-à-dire, quand on n'abandonne pas l'observation de la nature, qui ne ment point, et qui ne nous dit rien de tout cela, pour se livrer uniquement à l'autorité des hommes, qui sont menteurs , et qui nous SEPTIÈME PRAOMENADE. 271 affirment beaucoup de choses qu'il faut croire sur leur parole, foudée elle - même , le plus souvent , sur l'autorité d'autrui. Arrêtez-vous dans uné prairie émaillée, à examiner successi- vement les fleurs dont elle brille ; ceux qui vous verront faire, vous prenant pour un frater, vous demanderont des herbes pour guérir la .rogne des-enfans, la galle des hommes , ou la morve des chevaux. g, Ce dégoûtant préjugé est détruit en partie dans les autres pays , et sur-tout en Angleterre, grace à Linuæus, qui a un peu tiré-la bota- pique des écoles de pharmacie, pour la rendre à l'histoire naturelle et aux usäges économi- ques ; mais en France, où cette étude a moins pénétré chez les gens du monde, on est resté sur ce point tellement barbare , qu'un bel esprit de Paris voyant à Londres un jardin de cu- _ rieux plein d'arbres et de plantes rares, s'écria pour ‘tout éloge: Voilà un fort beau jardin d'apothicaire ! À ce compte, le premier apo- thicaire fut Adam. Car il n’est pas aisé d'ima- giner un- jardin mieux assorti de plantes que celui d'Eden. } Ces idées médicinales ne sont assurément gnère propres à rendre agréable l'étude de la botanique ; elles flétrissent l'émail des prés, l'éclat des fleurs, dessèchent la fraicheur des * bocages, rendent la verdure et les ombrages insipides et dégoûtans ; toutes ces structures char- 272 SEPTIÈME PROMENADE. mantes et gracieuses intéressent fort peu qui- conque ne veut que piler tout cela dans un morter ; et l’on n'ira pas chercher des guir- landes pour les bergères parmi des herbes pour les lavemens. | Toute cette pharmacie ne souillait point mes images champêtres, rien n’en était plus éloigné que des tisanes et des emplâtres. J'ai souvent pensé, en regardant de près les champs, les vergers, les bois et leurs nombreux habitans, que le règne végétal était un magasin d'alimens donnés par la nature à l'homme et aux animaux; mais jamais il ne m'est venu à l'esprit d'y chercher des drogues et des remèdes. Je ne vois rien dans ces diverses productions qui m'indique un pareil usage ; et elle nous aurait montré le choix, si elle nous l'avait prescrit, comme elle a fait pour les comestibles. Je sens même que le plaisir que je prends à parcourir les bocages serait empoisonné pdr le sentiment des infirmités humaines, s'1l me laissait penser à la fièvre, à la pierre, à la goutte et au mal caduc. Du reste, je ne disputerai point aux végétaux les grandes vertus qu'on leur attribue ; je dirai seulement qu'en supposant ces vertus réelles, c'est malice pure aux malades de continuer à l'être; car, de tant de maladies que les hommes se donnent, il n’y en a pas une seule dont vingt sortes d'herbes ne guérissent radicalement, Ces tournures d'esprit qui rapportent toujours SEPTIÈME PROMENADE. 273 tout à notre intérêt matériel, qui font chercher par-tout du profit ou des remèdes, et qui fe- raient regarder avec indifférence toute la nature si Jon se portait toujours bien, n'ont jamais été les miennes. Je me sens là-dessus tout à rebours des autres hommes : tout ce qui tient au senti- ment de mes besoins attriste et .gâte mes pen- sées, et jamais je n'ai trouvé Je vrais charmes aux plaisirs de l'esprit qu'en perdant tout à fait de vue l'intérêt de mon corps. Ainsi, quand même je croirais à la médecine, et quand même ses remèdes seraient agréables, je ne trouverais jamais à m'en occuper, ces délices que donne une contemplation pure et désintéressée; et mon ame ne saurait s'exalter ei planer sur la nature tant que je la sens tenir aux liens de mon corps. D'ailleurs, sans avoir eu jamais grande confiance - à la médecine, j'en ai eu.beaucoup à des mé- decins que j'estimais, que j'aimais, et à qui je laissais gouverner ma carcasse avec pleine auto- rité. Quinze ans d'expérience m'ont instruit à mes dépens ; rentré maintenant sous les seules lois de la nature, j'ai repris par elles ma pre- mière santé. Quand les médecins n'auraient point contre moi d'autres griefs, qui pourrait s'étonner de leur haine? Je suis la preuve vivante de la {vanité de leur art et de l'inutiité de leurs - SO1nS. | Non, rien de personnel , rien qui tieune à l'intérêt de mon corps, ne peut occuper vrai- . 274 SFPTIÈME PROMENADE. ment mon ame. Je ne médite, je ne réve jamais plus délicieusement que quand je m'oublie moi- même. Je sens des extases, des ravissemens inexprimables à ‘me fondre pour ainsi dire dans le système des êtres, à m'identifier avec la na- ture entière. Tant que les hommes fürent mes frères, je me faisais des projets de félicité ter- restre ; ces projets étant toujours relatifs au tout, je ne pouvais étre heureux que de la félicité publique , et jamais l'idée d'un bonheur parti- culier n'a touché mon cœur,que quand j'ai vu mes frères ne chercher le leur que dans ma misère. Alors, pour ne les pas haïr, 1l a bien fallu les fuir ; alors, me réfugiant chez la mère commune, jai cherché dans ses bras à me sous- traire aux atteintes de ses enfans ; je suis devenu solitaire, ou, comme ils disent , insociable et misanthrope, parce que la plus sauvage soli- tude me parait préférable à la société des mé- chans, qui ne se nourrit que de trahisons et de” haine. Forcé de m'abstenir de penser, de peur de penser à mes malheurs malgré moi; forcé de contenir les restes d'une imagination riante, mais languissante, que tant d'angoisses pour- raient eflaroucher à la fin; forcé de tâcher d'ou- blier les hommes, qui m'accablent d'ignominie et doutrages, de peur que l'indignation ne m'aigrit enfin contre eux , je ne puis cependant me concentrer tout entier en moi-même, parce SEPTIÈME PROMENADE. 275 ‘que mon ame expansive cherche, malgré que j'en aie, à étendre ses sentimens et son existence sur d'autres êtres ; et je ne puis plus , comme autrefois, me jeter tête baissée dans ce vaste océan de la nature, parce que mes facultés af- faiblies et relâchées ne trouvent plus d'objets assez déterminés , assez fixes, assez à ma portée, pour s'y attacher fortement, et que je ne me sens plus assez de vigueur pour nager dans le chaos de mes anciennes extases. Mes idées ne sont presque plus que des sensations, et la sphère de mon entendement ne passe pas les objets dont je suis immédiatement entouré. Fuyant les hommes, cherchant la solitude ; n'imaginant plus, pensant encore moins , et ce- pendant doué d’un tempérament vif qui m'é- loigne de l’apathie languissante et mélancolique, je commençai de m'occuper de tout ce qui m'en- tourait ; et, par un insünct fort naturel, je donnai la Rébéincs aux objets les plus agréa- bles. Le règne minéral n'a rien en soi d'aimable et d'attrayant ; ses richesses, enfermées dans le sein de la terre, semblent avoir été éloignées des regards des hommes pour ne pas tenter leur cupidité : elles sont là comme en réserve pour servir un jour de supplément aux véritables richesses qui sont plus à sa portée, et dont il perd le goût à mesure qu'il se corrompt. Alors il faur qu'il appelle l'industrie, la peine et le travail au secours de ses misères ; 1] fouille les entrailles 276 SEPTIÈME PROMENADE. de la terre; il va chercher dans son centre, aux risques de sa vie et aux dépens de sa santé, des biens imaginaires à la place des biens réels qu'elle lui offrait d'elle-même quand il savait en jouir ; 1l fuit le soleil et le jour, qu'il n'est plus digne de voir; il s’enterre tout vivant, et fait bien, ne méritant plus de vivre à la lu- mière ; là des carrières, des gouffres, des for- ges, des fourneaux, un appareil d’enclumes, de marteaux, de fumée et de feux, succèdent aux douces images des travaux champêtres ; les vi- sages hâves des malheureux qui languissent dans les infectes vapeurs des mines, de noirs forge- rons, de hideux cyclopes, sont le’ spectacle que l'appareil des mines substitue, au sein de la terre, à celui de la verdure et des fleurs, du ciel azuré, des bergers amoureux, et des laboureurs ro- bustes , sur sa surface. Il est'aisé, je l'avoue, d'aller ramassant du sable et des pierres, d'en remplir ses poches et son cabinet, et de se donner avec cela les airs d'un naturaliste : mais ceux qui s'attachent et se bornent à ces sortes de collections sont , pour l'ordinaire, de riches ignorans qui ne cherchent à cela que le plaisir de l'étalage. Pour profiter dans l'étude des minéraux, ik faut être chimiste et physicien; 1l faut faire des expériences pé- nibles et coûteuses, travailler dans des labora- toires, dépenser beaucoup d'argent et de temps parmi le charbon , les creusets, les fourneaux » SEPTIÈME PROMENADE. 277 Jes cornues, dans la fumée et les vapeurs étouf- fantes , toujours au risque de sa vie, et souvent aux dépens de sa santé. De tout ce triste et fatigant travail résulte, pour l'ordinaire, beau- coup moins de savoir que d'orgueil ; et où est le plus médiocre chimiste qui ne croie pas avoir pénétré toutes les grandes opérations de la na- ture, pour avoir trouvé, par hasard peut-être, quelques petites combinaisons de l'art ? Le règne animal est plus à notre portée, et certainement mérite encore mieux d'être étudié ; mais enfin cette étude n’a-t-elle pas aussi ses difficultés , ses embarras, ses dégouts et ses peines ; Sur-tout pour un solitaire qui va, ni dans ses jeux, n1 dans ses travaux, d'assistance à espérer de personne ? Comment observer, dis- séquer , étudier, connaître les oiseaux dans les airs, les poissons dans les eaux, les quadrupèdes plus légers que le vent, plus forts que l'homme, et qui ne sont pas plus disposés à venir s'offrir à mes recherches , que moi de courir après eux pour les y soumettre de force ? J'aurais donc pour ressource des escargots, des vers, des” mouches, et je passerais ma vie à me mettre hors d’haleine pour courir après des papillons, à empaler de pauvres insectes, à disséquer des souris quaud j'en pourrais prendre, ou les cha- rognes des bêtes que, par hasard, je trouverais mortes. L'étude des animaux n'est rien sans Janatomie; c'est par elle qu'on apprend à les 278 SEPTIÈME PROMENADE. classer, à distinguer les genres, les espèces. Pour les étudier par leurs mœurs, par leurs caractères, 1l faudrait avoir des volières, des viviers, des ménageries ; il faudrait les con- traindre, en quelque manière que ce püût être, à rester rassemblés autour de moi; je n'ai ni le goût ni les moyens de les tenir en captivité, ni l'agilité nécessaire pour les suivre dans leurs allures quand ils sont en liberté. Il faudra donc les étudier morts, les déchirer, les désosser , fouiller à loisir dans leurs entrailles palpitantes, Quel appareil affreux qu'un amphithéâtre ana- tomique , des cadavres puans, de baveuses et livides chairs, du sang, des intestins dégoûtans, des squelettes affreux , des vapeurs pestilen- tielles ! Ce n'est pas là, sur ma parole, que J. J. ira chercher ses amusemens. Brillantes fleurs, émail des prés, ombrages frais, ruisseaux , bosquets, verdure, venez pu- rifier mon imagination salie par tous ces hideux objets. Mon ame, morte à tous les grands mou- vemens, ne peut plus s’affecter que par des objets sensibles; je n'ai plus que des sensations, et ce n'est plus que par elles que la peine ou le plaisir peuvent m'atteindre ici-bas. Attiré par les rians objets qui m'entourent, je les consi- dère, je les contemple, je les compare, j'ap- prends enfin à les classer, et me voilà tout d'un coup aussi botaniste qu'a besoin de l'être celui qui ne veut étudier la nature que pour trou- SEPTIÈME PROMENADE. 279 ver sans cesse de nouvelles raisons de l'aimer. Je ne cherche point à m'instruire; il est trop tard. D'ailleurs, je n'ai jamais vu que tant de science contribuât au bonheur de la vie; mais je cherche à me donner des amusemens doux et simples que je puisse goûter sans peine , et qui me distraisent de mes malheurs. Je n'ai ni dépense à faire, ni peine à prendre, pour errer nonchalamment d'herbe en herbe, de plante en plante, pour les examiner, pour comparer leurs divers caractères, pour marquer leurs rap- ports et leurs différences , enfin pour observer l'organisation végétale de manière à suivre la marche et le jeu de ces machines vivantes, à chercher quelquefois avec succès leurs lois gé- nérales, la raison et la fin de leurs structures diverses, et à me livrer aux charmes de l'ad- miration reconnaissante pour la main KR me fait jouir de tout cela. | Les plantes semblent avoir été semées ayec profusion sur la terre, comme les étoiles dans le ciel, pour inviter l'homme, par l'attrait du plaisir et de la curiosité ; à l'étude de la nature ; mais les-astres sont placés loin de nous : il faut des connaissances préliminaires, des instrumens, des machines , de bien longues échelles pour les atteindre et les rapprocher à notre portée. Les plantes y sont naturellement : elles naissent sous nos pieds, et dans nos mains pour ainsi dire; et, si la petilesse de leurs parties essentielles 80 SEPTIÈME PROMENADE. les dérobe quelquefois à la simple vue, les instrumens qui les y rendent sont d'un beau- coup plus facile usage que ceux de l'astronomie. La botanique est l'étude d’un oisif et paresseux solitaire : une pointe et une loupe sont tout T'appareil dont 1l a besoin pour les observer. Il se promène, il erre librement d’un objet à l'autre, 1l fait la revue de chaque fleur avec intérêt et curiosité ; et, sitôt qu'il commence à saisir les lois de leur structure, il goûte à les observer un plaisir sans peine, aussi vif que s'il Jui en coûtait beaucoup. 11 y a dans cette o1- seuse occupation un charme qu'on ne sent que dans le plein calme des passions, mais qui suffit seul alors pour rendre la vie heureuse et douce : mais, sitôt qu'on y mêle un motif d'intérêt ou de vanité, soit pour remplir des places ou pour faire des livres ; sitôt qu'on ne veut apprendre que pour instruire, qu'on n'herborise que pour devenir auteur ou professeur , tout ce doux charme s'évanouit; on ne voit plus dans les plantes que des instrumens de nos passions, on ne trouve plus aucun vrai plaisir dans leur élude; on ne veut plus savoir, mais montrer qu'on sait, et, dans les bois, on n’est que sur le théâtre du monde , occupé du soin de s’y faire admirer; ou bien, se bornant à la botanique de cabinet , et de jardin tout au plus, au lieu d'ob- server les végétaux dans la nature, on ne s'oc- cupe que de systêmes et de méthodes, matière SEPTIÈME PROMENADE, Br éternelle de dispute qui ne fait pas connaitre une plante de plus, et ne jette aucune véritable lumière sur l'histoire naturelle et le règne vé- gétal : de là les haines, les jalousies, que la concurrence de célébrité excite chez les bota- nistes auteurs autant et plus que chez les autres savans. En dénaturant cette aimable étude, ils la transplantent au milieu des villes et des aca- démies, où elle ne dégénère pas moins que les plantes exotiques dans les jardins des curieux. Des dispositions bien différentes ont fait, pour moi, de cette étude une espèce de passion, qui remplit le vide de toutes celles que je n'ai plus. Je gravis les.rochers, les montagnes; je m'en- fonce dans les vallons, dans les bois, pour me dérobef, autant qu'il est possible, au sou- venir des hommes et aux atteintes des méchans; il me semble que, sous les ombrages d’une fo- , je sûis oublié, hbre et paisible comme si _je n'avais plus d'ennemis, ou que le feuillage des bois dût me garantir de leurs attemtes, comme 1l les éloigne de mon souvenir ; et je. m'imagine , dans ma bétise , qu'en ne pensant point à eux 1ls ne penseront point à moi. Je trouve une si-grande douceur dans cette illusion, que je m'y livrerais tout entier si ma situation, ma faiblesse et mes besoins me le permettaient. Plus la solitude où je vis alors est profonde, plus il faut que quelque objet en remplisse le vide ; et ceux que mon imagination me refuse 282 SEPTIÈEME PROMENADF. ou que ma mémoire repousse, sont suppléés par les productions spontanées que la terre, non for- cée par les hommes, offre à mes yeux de toutes parts. Le plaisir d'aller dans un désert chercher de nouvelles plantes couvre celui d'échapper à mes persécuteurs; et, parvenu dans des lieux où je ne vois nulles traces d'hommes, je respire plus à mon aise, comme dans un asile où leur haine ne me poursuit plus. Je me rappellerai toute ma vie une herbo- risation que je fis un jour du côté de la Robaila, montagne du justicier Clerc. J'étais seul, je m'enfonçai dans les anfractuosités de la mon- tagne, et, de bois en bois, de roche en roche, je parvins à up réduit si caché, que je n'ai vu de ma vie un aspect plus sauvage. De noirs sa- pins, entremélés de hêtres prodigieux, dont plu- sieurs tombés de vieillesse, et entrelacés les uns dans les autres, fermaient ce réduit de barrières impégélrables: quelques intervalles, que lais- sait cette sombre enceinte , n’offraient au-delà que des roches coupées à pic et d'horribles pré- cipices, que je n'osais regarder qu'en me cou- chant sur le ventre. Le duc, la chevêche et l'orfraye faisaient entendre leurs cris dans les fentes de la montagne; quelques pelits oiseaux rares, mais familiers, tempéraient cependant l'horreur de cette solitude : là je trouvai la den- taire heptaphyllos , le ciclamen, le nidus avis, Je grand /aserpitium , et quelques autres plantes SEPTIÈME PROMENADE. 283 qui me charimèrent et m'amusèrent long-temps ; maïs , insensibléement dominé par la forte im- pression des objets, j'oubliai la botamque et les plantes; je m'assis sur des oreillers de /yco- podium et de mousses, et je me mis à rêver plus à mon'aise en pensant que j'étais là dans un réfuge ignoré de tout l'univers, où les persé- Cuteurs ne me déterreraient pas. Un mouvement d'orgueil se méla bientôt à cette rêverie; je me comparais à ces grands voyageurs qui décou- vrent une ile déserte, et je me disais avec complaisance : Sans doute je suis le premier mortel qui ait pénétré jusqu'’icis je me regar- dais presque comme un autre Colomb. Tandis que je me pavanais dans cette idée, j'entendis peu loin de moi un certain cliquetis que je crus reconnaître ; j'écoute , le même bruit se répète et se multiplie : surpris et curieux, je me lève, je perce à travers un fourré de broussailles du côté d'où venait le bruit, et dans une combe, à viugt pas du lieu même où je croyais être parvenu le premier, j'apperçois une manufacture de bas. Je ne saurais exprimer l'agitation confuse et contradictoire que je sentis dans mon cœur à cette découverte. Mon premier mouvement fut un sentiment de joie de me retrouver parmi des humains , où je m'étais cru totalement seul : mais ce mouvement , plus rapide que l'éclair, fit bientôt place à un sentiment. douloureux plus durable , comme ne pouvant , dans les antres 284 SEPTIÈME PROMENADE. même des Alpes , échapper aux cruelles mains des hommes acharnés à me tourmenter. Car J'étais bien sûr qu’il n'y avait peut-être pas deux hommes dans cette fabrique qui ne fussent ini- tiés dans le complot dont le prédicant Mont- mollin s'était fait le chef , et qui tirait de plus loin ses premiers mobiles. Je me hâtai d'écarter cette triste idée, et je finis par rire en moi-même, et de ma vanité puérile, et de la manière comi- que dont j'en avais élé puni. ; Mais, en effet, qui jamais eût dû s'attendre à trouver une manufacture dans un précipice. Il n’y a que la Suisse au monde qui présente ce mélange de la nature sauvage et de l'industrie humaine, La Suisse entière n'est, pour ainsi dire, qu'une grande ville, dont les rues larges et longues, plus que celle de Saint- Antoine, sont semées de forêts, coupées de montagnes, et dont les maisons , éparses et isolées, ne com- muniquent entre elles que par des jardins an- glais. Je me rappelai à ce sujet une autre her- borisation ; que du Peyrou, Descherny , le colo- nel Pury, le justicier Clerc et mot, avions faite il y avait quelque temps sur la montagne de Chasseron , du sommet de laquelle on découvre sept lacs. On nous dit qu'il n'y avait qu’une seule maison sur cette montagne , et nous n'eus- sions sûrement pas deviné la profession de celui qui l'habitait, si l’on n’eût ajouté que c'était un libraire, et qui même faisait fort bien ses af- SEPTIÈME PROMENADE. 285 faires dans le pays. * Il me semble qu'un seul fait de cette espèce fait mieux connaître la Suisse que toutes les descriptions des voyageurs. En voici un autre de même nature, ou à- -peu-près, qui ne fait pas moins connaître un peuple fort différent. Durant mon séjour à Gre- noble, je faisais souvent de petites herborisa- tions hors la ville, avec le sieur Bovier, avocat de ce pays-là , non pas qu’il aimât ni sût la bo- tanique, mais parce que, s'étant fait mon garde de la manche , il se faisait, autant que la chose était possible, une loi de ne pas me quitter d'un pas. Un jour nous nous promenions le long de l'Isère , dans un lieu tout plein de saules épineux. Je vis sur ces arbrisseaux, des fruits mûrs; j'eus la curiosité d'en goûter , et, leur trouvant une petite acidité très - agréable , je me mis à manger de ces grains pour me ra- … fraîchir : le sieur Bovier se tenait à côté de moi sans m'imiter et sans rien dire. Un de ses amis survinf, qui, me voyant picoter ces grains, me dit : Eh ! monsieur , que faites-vous-là ? ignorez- vous que ce fruit empoisonne ? Ce fruit empoi- sonne ! m'écriai-je tout surpris. Sans doute, * C’est sans doute la ressemblance des noms qui a * entrainé M. Rousseau à*appliquer l’anecdote du libraire à Chasseron, au lieu de Chasseral!, autre montagne très - élevée sur les frontières de la principauté de Neuchâtel. 86 SEPTIÈME PROMENAD#. reprit-il, et tout le monde sait si bien cela , que personne dans le pays ne s'avise d'en goûter. Je regardai le sieur Bovier, et je lui dis : Pour- quoi donc ne m'avertissiez - vous pas ? Ah ! monsieur , me répondit-1l d'un ton respectueux , je n'osais pas prendre cette liberté. Je me mis à rire de cette humilité dauphinoise , en dis- continuant néanmoins ma petite collation. J'étais, persuadé, comme je le suis encore, que toute production naturelle agréable au goût ne peut être nuisible au corps, ou ne l'est du moins que par son excès. Cependant j'avoue que je m'écou- tai un peu tout le reste de la journée : mais jen fus quitte pour un peu d'inquiétude ; je soupai très-bien, dormis mieux, et me levai le matin en parfaite santé, après avoir .avalé, la veille , quinze ou vingt grains de ce terrible hippophæe, qui empoisonne à très-petite dose, à ce que tout le monde me dit à Grenoble le lendemain. Cette aventure me parut si. plai- sante, que je ne me rappelle jamais sans rire la singulière discrétion de monsieur l'avocat Bovier. 7 Toutes mes courses :debotanique , les diver- ses impressions du local des objets qui m'ont frappé, les idées qu'il m'a fait naître , les inci- dens qui s'y sont mélés , tout cela m'a laissé des unpressions qui se renouvellent par l'aspect des plantes herborisées dans ces mêmes lieux. Je ne reverrai plus ces beaux paysages , ces SPPTIÈME PROMENADE. 287 forêts , ces lacs, ces bosquets , ces rochers, ces montagnes, dont l'aspect a toujours touché mon cœur ; mais, maintenant que je ne peux plus courir ces heureuses contrées, je n'ai qu'à ouvrir mon herbier , et bientôt 1l m'y trausporte. Les fragmens des plantes que j'y ai cueillies suffi- sent pour me rappeler tout ce magnifique spec- tacle. Cet herbier est pour moi un jourual d'herborisations, qui me les fait recommencer avec un nouveau charme , et produit l'effet d'une optique qui les peindrait derechef à mes yeux. | C'est la chaine des idées accessoires qui m'at- tache à la botanique. Elle rassemble et rappelle à mon imagiuation toutes les idées qui la flattent davantage , les prés, les eaux, les bois , la soli- tude ; la paix sur-tout, et le repos qu'on trouve au milieu de tout cela, sont retracés par elle incessamment à ma mémoire, Elle me fait oublier les persécutions des hommes, leur haine, leur mépris , leurs outrages, et tous les maux dont ils ont payé mon tendre et sincère atta- chement pour eux. Elle me transporte dans des habitations paisibles, au milieu de gens simples et bons , tels que ceux avec qui j'ai vécu jadis. Elle me rappelle, et mon jeune âge, et mes innocens plaisirs ; elle m'en fait jouir derechef, et me reud heureux bien souvent encore, au milieu du plus triste sort qu'ait subi jamais un mortel. | soldats, 244 3h sisi 46,52 Se or ei S 4m QT 2: FN AMD e ro lan Ua re et SO 2E | 8h à fi MU FT MORE: 10 SE A lg SE fé Ligvpyrsd À ; 2 14) Prat, X LE FAMOS Vas | {TAROT FRONT | € il Rene ue, toit jù AU " LOTIR 22h M SOUNDN SIRET 1 78 6 PIC) INR IEEE 143. / 0 du : RQ LTAFIQ SE, ji ik ru ip de - À (37 PNR LE dé ge. px Mg) 4 l Sabu | DORE vi ep #; . 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L'or est naturellement porte à com- parer les objets qui frappent ses sens, à eu saisir les rapports et les différences, à réu- nir dans une même vue ceux qui ont des traits marqués d’analogie, enfin à exprimer dans le langage cette analogie par des dé- nominations communes, qui, simphfiant et généralisant les signes de nos idées, nous facilitent les moyens de nous rappeler ces idées elles-mêmes, et de les communiquer _aux autres. Si nous remontons jusqu'aux principes qui ont dirigé cette marche de l’es- prit humain relativement aux productions du règne végétal, les seules que nous ayons ici à considérer, le premier rapprochement qui se présente est celui qu'a fait naître l'idée 202 MÉTHODE BOTANIQUE. de l'espèce , idée suggérée immédiatement par la nature, et fondée sur la succession constante des individus semblables repro- duits les uns par les autres. En analysant cette ressemblance entre les individus d’une même espèce , on trouve qu'elle est sur-tout exacte quant à la forme, au nombre et à la position des parties de la fleur et de celles du fruit; qu'elle existe encore dans la figure et la disposition générale des feuilles, et qu'elle est plutôt légérement modifiée qu'al- térée par des nuances de port, de grandeur et de couleur, qui n'empéchent pas que chaque individu ne soit censé représenter l'espèce entière, On a comparé ensuite les différentes es- pèces entre elles, et on les a distribuées en un certain nombre de petits groupes nom- més genres, d'après la considération d'un ou de plusieurs rapports fondés particuliè- rement sur la ressemblance des parties de la fleur et du fruit, et qui liaïent ensemble toutes les espèces d'un même genre, En choisissant successivement de nouveaux rap- ports, qui avaient toujours une plus grande extension, on a formé des assemblages de DE M. DE JUSSIEU. 203 genres, sous les noms d'ordres et de sec2. tions , puis des classes composées chacune d'un certain nombre d'ordres, et l'on est parvenu ainsi à tracer de grands tableaux du règne végétal, où les différens êtres et les groupes qui résultaient de leurs rapprochie- mens se trouvaient disposés de manière, qu'un observateur püt descendre de l’en- semble des êtres jusqu'à chacun d'eux en particulier , et y trouver en un instant le nom et la description d'une plante nouvelle pour lui, sans avoir d'autre guide que le ta- bleau lui-même.Ces arrangemens sont connus sous le nom de systémes ou de mérhodes botaniques. , Mais ces méthodes si recommandables par l'avantage qu'elles ont de faciliter l'étude du règne végétal, en nous conduisant, par uné voie simple et abrégée , à des connoissances qui, sans ce secours, nous auraient coûté de longs et pénibles efforts pour les acquérir, sont essentiellement vicieuses dans la manière dont elles assortissent et enchaînent ces con- naissances entre elles. On se convaincra aise- ment de ce vice, & l’on fait attention à la grande variété des combinaisons que subis- 204 MÉTHODE BOTANIQUE sent les rapports des végétaux. Prenons d'abord le cas le plus favorable à la méthode, qui est celui où les rapports marchent comme de front, et en si grand nombre, que les espèces qu'ils servent à rapprocher paraissent en contracter une sorte d'alliance, et ont un air de famille, que le commun des hommes même saisit du premier coup d'œil, et qu'un examen plus approfondi fait ressortir aux yeux du botaniste, par des traits plus recher- chés et plus particuliers de ressemblance. C’est ce qui a fait distinguer de tout temps, sous les noms d'ordres naturels ou de fa- milles naturelles , ces assemblages qui portent, pour ainsi dire, l'empreinte d'un modèle commun. Mais alors mème il arrive assez souvent qu'un des rapports disparait tout-à:coup pour faire place à un rapport différent, de ma- nière cependant que le fond de la ressem- blance subsiste, malgré ce changement, et que les plantes dont la forme est modifiée par le nouveau rapport ne laissent pas d'être censées faire encore partie de la même famille. Ainsi dans ce groupe de plantes appelées liliacées ; et du nombre desquelles sont le DE M. DE JUSSIEU. 292 lis, l'ail, la jacinthe, etc., on remarque que le safran, qui est d’ailleurs ramené à cette famille par l'ensemble de ses caractères, s'en écarte par les parties de la fleur qu'on nomme étamines ; et qui sont seulement au nombre de trois dans cette même plante, tandis que les espèces citées précédemment en ont six. Il suit de là qu'un système qui porte sur la considération des étamines, comme celui de Linnæus, enlèvera le safran à une divi- sion où la force de l’analogie lui avait marqué sa place, pour le rejeter dans une autre divi- sion, où 1l sera comme étranger. Ces rappro- chemens forcés se multiplieront bien davan- tage dans les applications de la méthode aux espèces de plantes où les rapports se croisent et anticipent sans cesse les uns sur les autres; et l'on sent aisément que la méthode, ne con- sidérant jamais qu'un seul rapport, ou un très-petit nombre de rapports, mettra sou- vent ensemble, d'après cette considération isolée, des plantes qui se refuseront à ce rap- prochement , et en séparera d'autres, qui tendent à se réunir , en vertu d'une certaine somme de rapports, mais dont aucun n'entre dans le plan de la méthode. 206 MÉTHODE BOTANIQUE : Cependant la conservation des rapports est un objet si intéressant , par le jour qu'il répand sur la botanique, en la faisant parti- ciper, àux avantages des théories, qui éta- blissent entre nos connaissances une liaison et une dépendance mutuelle, que plusieurs botanistes célébres ont aussi dirigé leurs re- cherches spécialement vers ce but. Pour le remplir, ils ont profité d'abord de ces grandes divisions, généralement reconnues comme naturelles, de ces portions de chaîne: toutes formées, et qu’il suffit de saisir par un seul anneau , pour que tout le reste suive comme de lui-même. Ils ont essayé ensuite , toujours d'après la considération des ressemblances qui marquaient le plus, de lier ensemble tous Les autres genres de plantes, et ils en ont com- posé différentes séries,qu'ils ont appelées aussi familles naturelles, parce quilslesavaient assimilées, autant qu'il était possible, à celles qui étaient déja connues sous ce nom. Mais la formation de ces familles n'était que le résultat d'une suite d'observations particu- lières, et l'on n'avait point entrepris de la ramener à un petit nombre de principes si heureusement choisis et combinés entre eux , é Ze = DE M. DE JUSSIEU. 297 que la méthode qui en résulterait joignit à la simplicité des systèmes ordinaires le mérite de conserver les rapports, et de n’offrir au- cun rapprochement qui ne fût, en quelque sorte, avoué par la nature. Dans une pareille méthode , les deux plantes qui diffèrent le plus entre elles for- meraient les extrêmes de la série, et toutes les intermédiaires seraient placées de manière que chacune eût plus de ressemblance avec celle qui la précéderait, et avec celle qui la suivrait, qu'avec toutes les autres. Il faut avouer cependant que: comme assez souvent les rapports se croisent , ainsi que nous l'avons dit, la série qui forme une chaîne continue ne pourra représenter ces espèces d'enlace- mens qui font d'une même plante comme le centre commun de plusieurs lignes dirigées vers différens points de cette série. Mais du moins il sera toujours vrai de dire que les plantes voisines ont été rapprochées, d'après le plus grand nombre et la plus grande valeur des rapports, et qu'elles se regardent par le côté où elles semblent s'attirer davantage. Telle est la tâche brillante que le célèbre de Jussieu s'est proposé de remplir,et voiciies u 298 MÉTHODE BOTANIQUE principes qui l'ont dirigé dans la formatiorr de sa méthode. Il divise d'abord tout le règne végétal en trois grandes sections ; et ce pre- micr pas parait avoir été marqué par la nature elle-même, en ce que le caractère qui déter- mine cette division est tiré des lobes de l'em- bryon contenu dans la semence; c’est-à-dire, de l'organe essentiel des plantes, de celui pour lequel seul tous les autres organes semblent vivre et exercer leurs fonctions, de celui enfin qui renferme l'espérance et le gage des races futures. Ces lobes, que l'on nomme aussi coty lédons , sont, comme l'on sait, des corps charnus, entre lesquels est renfermée la plantule qu'ils servent, en quelque sorte, à allaiter, en lui fournissant les premiers sues nourriciers , jusqu'a ce qu'elle se trouve en état de pomper immédiatement ceux de la terre, à l'aide des racines. Ces lobes sont très- sensibles dans la fève, où ils se détachent aisément , après qu'on a enlevé la tunique qui les tenait réunis. Dans plusieurs espèces de plantes, comme les mousses et les champi- gnons , les lobes sont nuls ou du moins insen- sibles. D'autres plantes, comme le blé, le scigle, les jones, etc., n'ont qu'un seul lobe æ DE M. DE JUSSIEU, 209 à leur semence. Enfin dans un grand nombre d'espèces , la semence est recouverte par deux lobes. De là les trois grandes divisions dont nous avons parlé, et les noms d'acoty- lédones , monocoty lédones et dicotylé- dones que portent les plantes qui appartien- nent successivement à ces trois divisions. Le second rang dans l'ordre des caractères de la méthode est attribué, toujours d'après l'indication de la nature, aux organes que l'on a nommés sexuels , et qui concourent à la reproduction des plantes. Ces organes sont, comme l’on sait, au nombre de deux ; savoir, l'étamine et le pistil. Pour qu'il résulte de leur considération des caractères essen- tiellement liés avec les rapports naturels, il est nécessaire de les faire intervenir toujours dans l'établissement de ces caractères. Par exemple , les étamines considérées isolément ne fourniront jamais que des caractères qui auront l'inconvénient d'interrompre la con- tinuité des rapports ; et c'est ce qui a lieu, comme nous l'avons déjà remarqué, dans le système de Linnæus. La seule manière defaire servir l'association des étamines et les pistils à la détermination des caractères, est.de fonder 500 MÉTHODE BOTANIQUE ceux-ci sur les relations de position qu'ont entre eux les deux organes dont il s’agit. Or, on a observé qu'en général les étamines s’in- séraient ou sur le pistil, ou sous le pistil, ou autour du pistil; ce que l'auteur exprime en disant queles étamines sonttantôt épigynes, tantôt Aypogynes, et tantôt périgynes. Ces trois modes d'insertion seront donc employés pour subdiviser l’ensemble des plantes qui les présentent. De Jussieu puise dans des vues aussi fines qu'elles sont justes, la raison de cette préémi- nence attachée aux caractères qui se tirent de l'insertion des étamines. Car, comme dans la reproduction des plantes ces deux ‘or- ganes conspirent nécessairement ensemble , et ne peuvent séparer leurs fonctions , de même dans la formation de la méthode, ils ne peuvent se passer l'un de l'autre, et ce n'est qu'en les combinant que l'on obtient des caractères vraiment solides et des coupes vaturelles. | | Il existe cependant un quatrième mode d'insertion qui se fait sur la corolle, dans le cas où celle-ci porte les étamines; ce que l'on exprime en disant que les étamines sont | DE M. DE JUSSIEU. 3 épipétales. Cette position, qui éloigne plus ou moins l'étamne du pisul, semblerait d'abord devoir entrainer un défaut d'unifor- mité dans la marche de la méthode, et faire exception aux- principes qui l'ont dirigée jusqu'ici. ’ Mais l'auteur a trouvé, dans une étude approfondie de la corolle elle-même, des considérations qui ramènent le cas dont il s'agit à ceux dans lesquels l'insertion est immédiate. Cette enveloppe de la fleur n’est, selon lui, qu'une expansion donnée par le même suc qui-produit les étamines. De là celte espèce de luxe qu'étalent les fleurs ap- pelées doubles , et plis encore celles qu'on nomme plernes , lorsque les étamines, par l'effet d'une sève surabondante, acquièrent uné force de dilatation qui les convertit en pétales. C’est encore par une sui e de la mème analogie qu'on voit presque toujours les éta- mines se flétrir et tomber avec la corolle, Puis donc que ces deux organes sont de la même nature, et suivent le même sort, on est fondé à regarder l’insertion de la corolle portant les étamines, comme une simple modification de l'insertion des étamines elles- Bi MÉTHODE BOTANIQUE èmes, c'est-à-dire qu'alors les étamines seront censées s'insérer sur le point qui sert d'attache à la corolle. Cette enveloppe, en uri mot, n'est autre chose qu'un moyen de com- munication, par rapport à l'insertion des éta= mines. L'auteur donne le nom d’izsertion immédiate à celle qui se fait au contact des étamines et des pistils, et il appelle zzser- tion médiate celle qui a lieu par l'intermède de la corolle. En laissant les choses comme elles sont, nous avons sept grandes classes de plantes. Les acotylédones, dans lesquelles on n'ob- serve aucune apparence sensible d'étamines et de pistils, seront toutes comprises dans la première classe. Les monocotylédones se sub- diviseront en trois classes, d'après les trois manières d'être de l'insertion, qui alors est toujours immédiate , parce que les plantes de cette division sont toutes apétales. Les dico- tylédones formeront de même trois classes, d'après les mêmes modes d'insertion; et comme un grand nombre de plantes de cette série sont pourvues de corolle, chaque classe pourra présenter des insertions im- médiates, et d'autres qui seront médiates, : 3 DE M. DE JUSSIEU:. ù et se rapporteront au même point dat ta che. | À Mais, dans cette distribution, les dicoty- lédones, dont le nombre est incomparable: ment plus grand que celui des acotylédones et des monocotylédones prises ensemble , ne forment cependant que trois classes, comme ces dernières ; et il était à desirer , pour avoir une répartition plus égale des êtres renfermés dans le plan de la méthode, que l’on pût y tracer de nouvelles lignes de séparation, qui multipliassent les subdivisions, sans troubler la suite des rapports naturels. Voyons comment l'auteur a trouvé Fart d'ajouter encore à la fécondité des principes de cette méthode. La classe des dicotylédones renferme à la fois des plantes sans corolle , et . d’autres qui sont douées de cet organe. Dans les premières , l'insertion est toujours immé- diate ; elle l’est encore dans une partie des plantes qui ont une corolle ; et l'auteur lui donne , dans ce dernier cas, le nom d’znser- tion simplement immédiate ; pour la dis- tinguer de celle qu'il appelle Zzsertion né- cessairement immédiate, et qui a lieu dans les fleurs apétales. Les autres plantes 4 MÉTHODE BOTANIQUE urvues de corolles sont soumises à l'inser- tion médiate, Déjà on apperçoit le fondement d'une subdivision des dicotyledones en trois grandes séries principales, dont les caractères pour- raient être ainsi énoncés : absence de la corolle , ou zinsertion nécessairement immédiate ; corolle distinguée des éta- mines, Où insertion simplement immé- diate ; corolle portant les étamines, ou insertion médiate. Au moyen de cette nouvelle répartition , l'insertion médiate qui , sans cela, marcherait de pair avec l'inser- tion immédiate, lorsqu'elle se rapporte au même point d'attache , occupe une. place séparée sur le tableau de la méthode, qui ne cesse point cependant d'être d'accord avec la marche de la nature. " Mais 1l y a mieux , et la subdivision dont il s'agit ici peut être présentée sous un nou- veau point de vue jlus avantageux, d'après une observation relative à la forme même de la corolle. Elle consiste en ce que, quandles élamines sont portées par la corolle, celle-ci est toujours ou presque toujours monopétale, et, par une suite nécessaire, toutes les corolles DE M. DE JUSSIEU. 33 polypétales, à très-peu près, ont leurs pétal distingués des étamines, qui seulement s'in- sèrent alors sur le même point de la fleur. On peut donc substituer aux caractères, par lesquels nous avions indiqué les deux-séries de plantes pourvues de corolle, d'autres ca- ractères presque équivalens et plus heureux, tirés de la corolle considérée comme simple ou comme composée de plusieurs parties; et ainsi la subdivision des dicotylédones en trois séries principales s'énoncera par les termes d'apétales, de polypétales et de mono- pétales. Cette traduction, dans laquelle le mot d'irsertion se trouve supprimé, réuni, au mérite d'une plus grande simplicité, celui de ramener tout à la considération d'un or- gane, dont l'aspect a quelque chose de st” parlant. Mais la méthode reviendra ensuite à l'insertion, pour subdiviser chaque série en trois classes, d'après les positions des éta- mines hypogynes, périgyñes et épigynes. On aura ainsi neuf divisions au lieu des trois dont nous avions parlé d’abord. Dans l’arrangement de ces divisions, on a placé en tête celles où l'insertion est néces- saircment immédiate, ou, ce qui revient au "306 MÉTHODE BOTANIQUE lite, celles où les fleurs sont dépourvues dé corolle , Ce qui étoit d'autant plus naturel, qu'elles succèdent aux monocotylédones dont les fleurs sont de même toutes apétales. La méthode de l’auteur rentre ici, au moins à certains égards, dans celle de Tour- nefort, qui avait subdivisé primitivement le règne végétal en plantes apétales, plantes à corolle monopétale, et plantes à corolle poly- pétale. Aussi cette dernière méthode est-elle plus conforme à l'ordre naturel que celle de Linnæus; et la raison en est que le botaniste suédois a pris pour base de sa distribution un caractère très-variable, savoir, celui qui se tire de la considération isolée des étamines, au lieu que le botaniste français a choisi un argane dont les modifications, par leur liaison avec l'insertion des étamines, participent de la solidité des caractères que fournit cette insertion : mais il ignorait les fonctions des étamines, et c'était à son insu que sa mé- thode se rapprochait dela nature. De Jussieu, | en profitant des connaissances acquises de son temps, a saisi et mis habilement en œuvre ces caractères dont le fondement avait échappé à la sagacité de T'ournefort. eotylédones ne sont pas encore épuisés , et la série des monopétales, qui ont leurs ne «à épigynes , est susceptible d'admettre un nou- veau point de partage. Parmi les fleurs des plantes qui: appartiennent à cette série, les unes ont leurs étamines libres et, séparées, les autres les ont réuniespar lesanthères enun seul corps ; c'est ce qui a lieu dans la mar- guerite , le salsifis, la chicorée, et les autres plantes que l'on appelle composées. Cette nouvelle répartition porte à dix le nombre des classes fournies jusqu'à présent par les dicotylédones. D'une autre part, on observe qu'un cer- tain nombre de plantes échappent aux lois de l'insertion, parce que les étamines et les pistils s'y trouvent séparés sur des individus différens, comme dans le chanvre, ou sur différentes fleurs d'un mêmeindividu,comme dans la plante connue sous le nom de perite ortie. Ces plantes, que l'auteur appelle irré- gulières, forment une onzième classe ; ce qui fait en tout quinze classes, en ajoutant les trois qui subdivisent les monocotylédones, et la classe unique composée des acotylédones. “ ” | DE M, DE JUSSIEU, "4 Mais les moyens de subdiviser les di: / »“ 508 MÉTHODE BOTANIQUE De Jussieu partage les classes en ordres ou Amilles: au nombre de cent ; les ordres en sections, et celles-ci en genres.Ce savant avait aa la distinction des classes sur des carac- tères essentiellement constans dans toutes les familles, tels que le nombre des lobes et l'in- sertion des étamines, en faisant cependant intervenir, pour multiplier davantage les di- visions, le caractère tiré de la forme de la corolle monopétale, considérée comme sup- port des étamines, ou polypétale et ne portant pas les étamines, qui est sujet à quelques ex- ceptions. Les caractères qui ont servi à de- terminer les ordres ou familles et les divisions inférieures, tels que la présence ou l'absence du calice, le nombre des divisions de cette enveloppe, celui des germes, celui des lobes . du fruit, les diverses manières dont il est sus- ceptible de s'ouvrir, etc., ne suivent pas, à beaucoup près, aussi exactement la gradation de l'ordre naturel; ils varient quelquefois dans des plantes qui se trouvent d'ailleurs ramenées les unes auprès des autres par la somme de leurs rapports; et, en supposant même que leur marche ne contrarie aucune analogie, ils n'ont pas toujours une assez grande exteu- DE M. DE JUSSIEU. 30 sion pour qu'on puisse, en les employant b + parément, ou seulement deux à deux, liér ensemble les différentes plantes d'une même famille où d'un même genre. On est doncälors forcé de les grouper , et de les combiner en nombre sufisant, pour que leur ensemble représente la totalité de la famille ou du genre, L'auteur de la méthode a trouvé l’art de faire un heureux triage de ces caractères, et de les employer avec autant de discernement que de justesse, à-peu-près comme un peintre habile sait manier Les différentes couleurs qu’il étend sur la toile, de manière que leur assor- timent offre une imitation fidelle du sujet qu'il s'est proposé de rendre. £ f / MOYENS EMPLOYÉS PAR M. HAUY POUR EA CONSERVATION DES PLANTES DE SON HERBIER. MOYENS EMPLOYÉS PAR M. HAUY FOUR LA CONSERVATION DES PLANTES DE SON HERBIER Æ D AS NL. Hauy ne se pique point de savoir à fond la botanique ; il n'a cherché, dans les momens qu'il a donnés à cette science, qu'un simple délassement, et un moyen de diversion à des travaux qui exigent une plus grande contention d'esprit. Il s'est borné à bien étudier les plantes des environs de Paris, parce que ce sont celles qui peuvent égayer ses promenades, et lui offrir chaque année d'anciennes connaissances à: remou- veler ou de nouvelles connaissances à faire, Il a son herbier , qui est circonscrit dans les mêmes limites, et il est parvenu par. des attentions recherchées à y ‘conserver aux plantes une apparence de fraicheur, et à forcer pour ainsi dire le temps de respecter, 14 314 MANIÈRE jusque sur la fleur , ce beau coloris si Prempt à s'altérer. Le botaniste de profession, qui dis continuellement à ausmenter ses richesses, dédaignerait avec raison tous ces petits soins qui entraînent beaucoup de temps; mais ils conviennent; bien à un amateur qui veut jouir complétement du peu qu'il possède. Unher- bier n'est chez l'un qu'une collection destinée à entretenir ses connaissances, et qu'il ne possède que pour lui même owpour les autres botanistes ; chez l’autre, c’est une espèce de parterre dont l'aspect réveille en lui dessert timéns' délicieux, et où il péut inviter ses amis à venir promener leurs regards : c'est doté un service à rendre aux amateurs de botanique, que de leur indiquer les procédés employés par M. Haüÿ pour la conservation dés plantes de son herbier. er: M Häaüy colle chaque plante sur de déthfe tuillede Besä papier; à l’aide d’üne disso: lubon un peu épaisse de gomme arabique: Lorsqu'il sait d'avance que les fleuts sont susceptibles de pérdre leurs couleurs, par succession de temps, comme célles desviotet: va, dés campañulés , de certains geraninnt, a DE FORMER LES‘ HERBIERS. 916 eten général cellés qui ont des couleurs bleucs - ourouges, ou qui présentent des mélanges dé ces mêmes